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(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin
une consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements? le
secrétaire: oui. m. lazure (la prairie) est remplacé par
m. beaulne (bertrand).
Le Président (M. Lemieux): Merci. Est-ce que les membres
de cette commission ont pris connaissance de l'ordre du jour? L'ordre du jour
est-il adopté?
M. Léonard: J'ai une motion à
présenter...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Labelle.
M. Léonard: ...en vertu de l'article 149, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Dépôt de
documents.
Motion proposant que la commission soit,
au terme de cette séance, transformée en
séance de travail
M. Léonard: Hier, vous nous avez dit que la motion que
nous avions présentée devrait l'être plutôt en vertu
de l'article 149 qu'en vertu de l'article 175. Alors, je représente une
motion ce matin, qui ne donnera pas lieu, je pense, à un débat
très long. Je ne voudrais pas entamer le temps des intervenants qui
viennent ici.
Alors, très rapidement, je vous la lis: Que la commission du
budget et de l'administration soit, au terme de cette séance,
transformée en séance de travail, afin de discuter de
l'opportunité de prolonger ses travaux, dans le cadre de l'article 149,
notamment afin que la commission siège une séance
supplémentaire pour entendre les différents experts qui ont
étudié, spécifiquement dans le cadre de la commission
Bélanger-Campeau et des deux commissions d'étude
créées en vertu de la loi 150, l'impact du
déséquilibre des finances du gouvernement fédéral
sur celles du Québec ainsi que la question des chevauchements et des
dédoublements administratifs, et que la commission siège une
autre séance supplémentaire afin que les membres puissent
interroger les représentants du Conseil exécutif aux fins de la
commission et ainsi débattre des solutions qu'ils préconisent
à court, moyen et long terme et qu'en conséquence le
président de la commission convoque, en vertu des pouvoirs qui lui sont
conférés, ladite séance de travail.
Je la dépose. (9 h 40)
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que je pourrais avoir
une copie de cette motion? Je vais permettre aux membres de cette commission de
prendre connaissance de la motion déposée par M. le
député de Labelle. Est-ce que c'est possible que les... On me
fait part, M. le député de Saint-Louis, que vous aurez copie de
cette motion dans 30 secondes.
(Consultation)
Le Président (M. Lemieux): Oui?
M. Chagnon: Pour l'intelligence de nos travaux puis pour ne pas
retarder indûment non plus les visiteurs que nous recevons ce matin,
quelle est la différence entre la motion qui nous est
présentée ce matin puis celle qu'on nous a
présentée hier - qui, si j'ai bien compris, a été
jugée irrecevable hier - si ce n'est que l'article sur lequel on
s'appuie change? Au lieu d'être 175, c'est 149.
Le Président (M. Lemieux): Hier, il s'agissait d'un
rapport intérimaire et, aujourd'hui, il s'agit d'une motion faite...
M. Chagnon: Pour avoir une séance de travail.
M. Lemieux: ...en vertu de l'article 149. Alors, dans le cadre
d'un mandat d'initiative... Écoutez, vous me permettrez... Est-ce que
vous avez copie de la motion? Est-ce qu'il y a des membres, du
côté ministériel, qui aimeraient se faire entendre sur la
motion?
Débat sur la recevabilité M. Johnson: Oui, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: J'ai une question à votre endroit: S'agit-il
ici d'une motion qui requiert l'unanimité, dans la mesure où ce
qu'on indique ici explicitement, c'est de siéger au-delà de
l'heure prévue pour nos travaux - c'est-à-dire 22 heures ce soir
- afin que, transformés en séance de travail, nous continuions
nos travaux aux fins décrites par le député de
Labelle?
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: M. le Président, dans les horaires que
nous avons à l'heure actuelle, il n'y a pas de prévision pour
faire des séances de travail, mais une séance de travail se
convoque de par la volonté des deux parties. Puis je pense qu'il est de
coutume que l'on s'entende pour en faire. Je pense qu'il est tout à fait
normal de le faire; on veut le faire le plus tôt possible.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
Oui, M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, je crois comprendre que ce n'est pas par motion,
alors que la commission siège très officiellement, qu'on convoque
une réunion de la commission ou une séance de travail de la
commission. C'est précisément là le point que je fais
valoir, M. le Président. C'est que c'est à l'occasion des travaux
très formels de la commission qu'on veut nous amener à
siéger au-delà de 22 heures, afin que nous tenions une
séance de travail. Il m'apparaît donc que la règle de
l'unanimité devrait jouer, et je le souligne tout de suite.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: M. le Président, si j'étais du
parti gouvernemental - et je vais le demander au président - je pense
que cela se ferait automatiquement parce que, pour convoquer une séance
de travail, nécessairement, c'est en dehors de ce qui peut avoir
été prévu autrement. Mais, là, je le fais
officiellement devant la commission, en vertu de l'article 149. Et c'est le
moyen que j'ai. L'article 149 existe, donc je l'invoque pour vous demander de
convoquer une séance de travail. Je pense que c'est le moyen que le
règlement met à ma disposition pour demander une séance de
travail. Et la commission s'exprime par des motions. Je pense que c'est
ça qui...
M. Johnson: M. le Président, je ne ferais pas valoir le
point que j'ai fait valoir s'il était question de se transformer en
séance de travail plus tard, après demain, mais, là,
aujourd'hui, on veut prolonger les travaux de l'Assemblée. Enfin, nous
siégons de 9 h 30 le matin à 22 heures le soir. Ce n'est pas
rien. On va être au travail pendant 11 heures et 30 minutes, plus ou
moins. Ça ne m'apparaît pas exorbitant de prétendre que,
comme on demande ici qu'on aille plus loin que 22 heures ce soir, donc on veut
modifier l'horaire de nos travaux, donc c'est l'unanimité qui doit
prévaloir. Ce n'est pas une motion dans le sens habituel du terme que le
député a fait valoir.
M. Léonard: M. le Président, si c'est 22 heures qui
fatigue le président du Conseil du trésor, peut-être qu'on
peut la faire demain. Pour demain matin, vous pourriez convoquer une
séance de travail. Ce que nous avons indiqué, c'est que nous
pourrions la faire ce soir, en terminant nos travaux. Je pense que c'est pour
aller plus vite; c'est la raison que nous avons. Mais je pense qu'il faut
convoquer une séance de travail. Je le fais en vertu du
règlement. C'est habituel, c'est le règlement qui me permet de le
faire; 149, c'est ça.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, M. le...
Oui.
M. Johnson: M. le Président. Le Président (M.
Lemieux): Oui.
M. Johnson: D'abord, je corrige l'impression que j'ai
laissée. De 9 h 30 ce matin à 22 heures ce soir, ça ne
fait pas 11 heures 30 de disponibilité, c'est 12 heures et 30 minutes.
Alors, ce n'est pas des petites journées, nécessairement, qui
sont en cause. On n'essaie pas de se soustraire à nos devoirs, ici. Ce
que je fais remarquer, c'est qu'il m'apparaît que c'est une motion qui
arrive pour convoquer une séance de travail de la commission, sous la
coupe de la motion qui permet à la commission de faire preuve
d'initiative. Est-ce qu'une convocation d'une séance de travail est
équivalente à une motion visant à ce que la commission se
saisisse, de sa propre initiative, d'une affaire? On est vraiment dans le
fonctionnement - je ne dirais même pas la procédure, parce que
ça va laisser soupçonner qu'on est dans le code de
procédure de l'Assemblée - on est dans le fonctionnement
quotidien, réaliste, ordinaire de la commission, où les gens, de
part et d'autre, s'interpellent et vous interpellent, M. le Président,
ou votre collègue, le vice-président, afin que nous ayons des
séances de travail.
Ça, c'est une chose que M. le député de Labelle
aurait fort bien pu faire en en parlant aux gens de la majorité.
Là, il se saisit de cette occasion très formelle pour faire une
motion tout aussi formelle, qui pèche par son excès de
formalisme, je dirais. Je ne prétends pas qu'il n'a pas le droit de dire
des choses semblables, je dis qu'il ne les dit pas à la bonne place et
au bon moment et qu'en conséquence l'unanimité doit jouer.
Indépendamment de ça, subsidiaire-ment, M. le Président,
si vous trouviez que c'est parfaitement conforme à 149, bien, là,
c'est la règle de la double majorité, évidemment, qui
jouerait.
Le Président (M. Lemieux): écoutez, afin de ne pas
inutilement... non pas inutilement, mais afin de ne pas retarder ces travaux,
il est de l'autorité du président d'avoir à décider
de la
convocation d'une séance de travail. De facto, de par les
pouvoirs qui lui sont donnés par le règlement, le
président peut décider de sa propre initiative de convoquer une
séance de travail. Alors, s'il est de l'autorité de la commission
qu'on ait une séance de travail, le président fera en sorte
qu'une telle séance puisse avoir lieu, mais pas dans le cadre des
présents travaux, puisque j'ai déjà un mandat de
l'Assemblée qui, lui, est clairement défini dans des limites de
temps et défini au niveau de la substance.
Mais je suis bien conscient qu'une motion présentée en
vertu de l'article 149 pourrait - et je le dis sous toutes réserves -
être débattue et exiger, par contre, qu'elle soit adoptée
à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire. Je
pourrais, de facto, décider, si c'est le voeu des parlementaires, qu'il
y ait une convocation en séance de travail, mais ça devra se
faire hors du présent mandat et ça devra se faire hors des heures
qui nous ont été fixées par l'ordre de la Chambre.
M. Léonard: M. le Président, je présente une
motion en vertu de 149. J'ai le droit de la présenter, c'est le
règlement...
Le Président (M. Lemieux): On peut en débattre.
M. Léonard: ...alors, si le parti gouvernemental n'est pas
d'accord, qu'il la batte. c'est ça qu'ils veulent faire, alors qu'ils le
disent ouvertement.
Le Président (M. Lemieux): Non, c'est que... M.
Léonard: Elle est recevable, ma motion.
Le Président (M. Lemieux): Ce que je veux vous faire
comprendre, M. le député de Labelle, c'est que l'objet du
présent mandat, l'objet de la séance, de ce qui se passe ici
actuellement, c'est une consultation générale et des auditions
publiques sur le financement des services publics, et c'est d'entendre, selon
l'ordre du jour qui a été adopté, les groupes que nous
avons ici. Si nous décidons de revenir, le président convoquera
une séance de travail et, à cette séance de travail
là, vous pourrez, à ce moment-là, déposer la motion
que vous avez déposée devant moi.
M. Léonard: M. le Président, je pense que nous ne
changeons pas le mandat de la commission à l'heure actuelle. Je
dépose une motion. Elle est recevable. Alors, si elle est recevable, on
décidera si on ira en séance de travail ou pas. La commission va
en débattre et va décider.
Le Président (M. Lemieux): Alors, permettez-moi de vous
lire très rapidement l'article 147: «La commission qui a
reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son
président, sur avis du leader du gouvernement. L'avis, dont copie est
adressée au président de l'Assemblée, indique
l'objet».
Hier, j'ai pris la peine de me faire sortir quel était
effectivement l'ordre de l'Assemblée. On indique l'objet, la date,
l'heure et l'endroit de la réunion. Ce que je veux que vous sachiez,
c'est qu'ici l'opportunité de présenter cette motion-là...
À mon avis, le forum est mal choisi au moment où je vous
parle.
Cette motion, eu égard à l'objet ou eu égard
à l'adoption de l'ordre du jour, doit être présentée
lorsque le président décidera d'une séance de travail.
C'est dans ce sens-là que je veux bien vous faire comprendre que, moi,
je suis lié par le mandat qui est devant moi. Je ne vous dis pas que
vous ne pourrez jamais présenter une motion en vertu de 149. Je vous dis
que l'opportunité de la présenter n'est pas le forum
existant.
M. Léonard: Quand est-ce qu'on peut utiliser 149, à
ce moment-là?
Le Président (M. Lemieux): Lorsqu'il y aura...
M. Léonard: Vous nous avez dit vous-même hier. M. le
Président, que 149 on pourrait l'utiliser, on pourrait revenir...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
(9 h 50)
M. Léonard: ...et c'est ce que je fais ce matin.
Le Président (M. Lemieux): Oui. Lorsqu'il y aura une
séance de travail, lorsque l'objet de convocation de la présente
commission sera de débattre de cette motion-là. Là, il n'y
aura aucun problème. Aucun, aucun, aucun problème. Mais ce n'est
pas l'objet du présent mandat...
M. Léonard: M. le Président, si vous
permettez...
Le Président (M. Lemieux): ...de la séance.
M. Léonard: ...il faudrait, à ce moment-là,
que ce soit l'assemblée nationale qui dise qu'on pourrait
présenter une motion en vertu de 149. je regrette, là, le
règlement existe.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, le règlement permet au président, à n'importe
quel moment, d'avoir à convoquer une séance de travail. Je peux
le faire, moi, de ma propre initiative. Si vous demandez qu'il y ait une
convocation de séance de travail, vous m'écrivez, vous
écrivez au président, vous lui demandez la convocation d'une
séance de travail dont l'objet sera la motion dont vous faites
état devant moi.
M. Léonard: m. le président, je fais mieux que vous
écrire, je dépose une motion pour qu'on la convoque. c'est mieux
que vous écrire. c'est la commission elle-même qui en
décide.
Le Président (M. Lemieux): Je vous dis qu'actuellement il
n'est pas du statut de la commission, de l'autorité de la commission
d'avoir à débattre cette motion, considérant qu'elle a
déjà, cette commission, un mandat qui est clair, net et
précis.
(Consultation)
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Toujours, je dirais, sur l'opportunité.
Le champ d'application de 149 me semble, à la lecture des articles 147,
148, 149, etc., s'appliquer plus proprement, dans le cas de 149, à une
motion qui serait amenée à l'occasion d'une séance de
travail. C'est bien ça? Hier, on aurait pu croire, à lire la
transcription de nos débats, que le cadre dans lequel nous sommes
actuellement permettait d'amener une motion en vertu de 149. C'est loin
d'être évident lorsqu'on regarde le contexte dans lequel 147, 148
et 149 se succèdent.
Alors, à ce titre-là, je réitère et appuie
votre position, M. le Président. Je ne vois pas comment on peut
transformer...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Johnson: ...ou l'agenda ou le mandat que nous avons
actuellement, alors que nous siégeons en vertu du mandat de
l'Assemblée nationale. Ça ne m'apparaît pas, je le
répète, ni le moment ni l'endroit pour cette motion qui, en
d'autres lieux et d'autres moments, serait recevable et pourrait être
discutée. Ça ne m'apparaît pas du tout être le cas,
M. le Président. Ça ne m'apparaît même pas être
recevable...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Johnson: ...à cause du moment et du lieu où elle
est présentée.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: M. le Président, hier, vous avez dit
ceci: La propre initiative... La commission peut obtenir ici, dans le cadre de
l'article 149, c'est-à-dire de sa propre initiative, l'autorité
utile, si elle le juge nécessaire, d'entendre des experts...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Léonard: ...sur l'impact du déséquilibre
des finances du gouvernement fédéral sur celles du
Québec.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Léonard: M. le Président, lorsque
l'Assemblée nationale convoque la commission du budget et de
l'administration, il y a toujours un objet. Et, si je suis votre position
à l'heure actuelle, jamais, dans le cadre des mandats donnés par
l'Assemblée nationale, on ne fait intervenir l'article 149 sur les
séances de travail. Alors, au fond, ça veut dire que ça
rend caduc l'article 149, qui dit ceci... Après 147, où la
commission est convoquée sur avis du leader, ou 148, convocation
à la demande du président, 149 dit ceci: «Toute commission
peut, sur motion d'un de ses membres, se saisir elle-même d'une affaire.
Cette motion doit être adoptée à la majorité des
membres de chaque groupe parlementaire.» Si le gouvernement veut la
battre, qu'il la batte, mais je maintiens qu'en vertu de 149 elle est
recevable.
Décision du président sur la
recevabilité
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, effectivement, c'est ce que j'ai dit, et je continue à penser
la même chose, mais il faut absolument que ce soit l'objet comme tel de
la séance. Si ce n'est pas le cas, en séance de travail, nous
pourrons, là, effectivement, y adopter, en vertu de 149, une motion
permettant un mandat d'initiative. Ça, pour moi, c'est très
clair. Et hier, lorsque je vous ai donné l'indication de 149, remarquez
que je n'ai pas dit: À l'intérieur du mandat ou de l'objet de la
présente commission, mais j'ai bel et bien dit, dans le cas de 149: Une
telle éventualité pourrait exister, mais dans le cadre d'une
séance de travail.
Alors, conséquemment, je vais juger cette motion irrecevable, et
nous allons débuter nos travaux pour entendre la
Fédération des commissions scolaires du Québec.
Je ne voudrais pas revenir sur cette décision-là, M. le
député de... Écoutez!
M. Filion: J'avais demandé la parole tout à
l'heure, puis, bon!
Le Président
(m. lemieux): mais la décision
est rendue, je ne voudrais pas revenir en vertu de 41. il y a des gens qui
attendent et qui sont ici.
Auditions
Alors, nous allons maintenant entendre la Fédération des
commissions scolaires du Québec. Je demanderais à la porte-parole
de bien vouloir s'identifier - ou le porte-parole - et de nous présenter
les membres qui l'accompagnent Les
règles de la procédure sont les suivantes: vous disposez
d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire. Suivra un échange avec les deux formations politiques,
d'une durée de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel
et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à vous entendre.
Fédération des commissions scolaires du
Québec (FCSQ)
Mme Drouin (Diane): Merci beaucoup, M. le Président.
Alors, je suis Diane Drouin, je suis présidente de la
Fédération des commissions scolaires du Québec, et
j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma
gauche, M. Fernand Paradis, qui est directeur général de la
Fédération; à ma droite immédiate, Mme Lise
Lemieux, qui est première vice-présidente à la
Fédération, suivie de M. Aurèle Hudon, qui est directeur
des services pédagogiques et administratifs, et de Mme Louise Hardy, qui
est conseillère en gestion financière.
Peut-être, au départ, vous présenter notre
Fédération. Alors, la Fédération des commissions
scolaires est un organisme qui existe depuis bientôt 46 ans. Il regroupe,
sur une base volontaire, 136 des 137 commissions scolaires de notre
réseau. Notre mission est d'abord de promouvoir l'éducation,
également de regrouper et d'unir les commissions scolaires afin de faire
des représentations en leur nom et aussi, bien sûr, de se doter de
services communs.
La décision de nous présenter devant vous aujourd'hui
tient au fait qu'avec un budget, en éducation, qui dépasse les 5
000 000 000 $, nous sommes conscients que cela constitue un noyau important que
le gouvernement pourrait tenter d'épuiser quelque peu. Mais, toutefois,
notre intérêt comporte aussi un autre volet, et ce volet-là
dépasse l'ampleur de ces crédits pour s'attacher plutôt
à démontrer l'importance de l'éducation comme moteur du
développement de la société québécoise.
Lorsque l'on considère l'échiquier social et politique
québécois, on oublie trop facilement les commissions scolaires
gérées par des gouvernements scolaires élus au suffrage
universel. Les commissaires d'école ont à coeur de gérer
de façon efficace et économique les ressources financières
destinées au financement des services publics, plus
spécifiquement celles accordées au secteur de
l'éducation.
Constatant l'urgence de définir un plan d'ensemble afin
d'assainir le financement des services publics, la Fédération des
commissions scolaires du Québec s'est donné comme mandat de
proposer des solutions réalistes à cette commission parlementaire
mise sur pied par le gouvernement du Québec. Souhaitons qu'elle permette
un véritable partage d'idées, de ressources et de pouvoirs.
Parce que l'avenir de notre société en dépend, les
commissaires d'écoles désirent partager avec vous leur vision du
financement des commissions scolaires et contribuer ainsi à bâtir
une structure gouvernementale saine et fonctionnelle qui répondra
rapidement et efficacement aux besoins des Québécois et
Québécoises, jeunes et adultes. Notre fédération
est convaincue qu'une société qui investit dans
l'éducation de ses jeunes investit dans son avenir. Nous sommes de plus
en plus conscients également que, plus le niveau d'instruction et de
formation des citoyens de cette même société est
élevé, plus sa position devient concurrentielle sur les
marchés internationaux. Dans cette perspective, il est donc primordial
de donner aux citoyens et citoyennes une solide formation de base et de former
une main-d'oeuvre de très haute qualité.
Pourtant, depuis 10 ans, le Québec désin-vestit en
éducation. Ses priorités se déplacent par choix, par
obligation économique, par nécessité sociale,
peut-être les trois à la fois. Une chose est sûre,
cependant, désinvestir en éducation mènera la
société québécoise vers des réalités
coûteuses à tous les niveaux. Ce n'est sûrement pas
l'objectif du Québec. Il ne faut plus couper en éducation. Au
contraire, il faut investir et cesser de considérer les crédits
destinés à cette mission comme des dépenses mais
plutôt comme d'excellents placements qui rapporteront des dividendes plus
que substantiels. (10 heures)
J'aimerais, là-dessus, vous faire part d'un tableau qui est paru
dans le dernier numéro de L'actualité; vous en avez
sûrement pris connaissance, au moins de certains articles. J'aimerais
vous rappeler qu'à la page 11 on avait un tableau qui illustre qu'entre
1975 et 1985 on peut constater que quelqu'un qui avait peu d'instruction
parvenait quand même à trouver du travail, dans une très
forte proportion, alors que, maintenant - et les derniers chiffres sont pour
1990 - c'est de moins en moins possible. Et on conclut en disant: «Le
niveau de scolarité est donc devenu le facteur d'employabilité le
plus important.»
Il y a aussi un autre document, récent également, et qui
traite de la rentabilité du diplôme. Je pense qu'il aura une
crédibilité certaine, celui-là, parce qu'il a
été préparé au niveau du gouvernement, du
ministère de l'Éducation, par la Direction des études
économiques et démographiques. Là-dedans, non seulement on
nous montre ou on nous démontre que la personne elle-même y trouve
une certaine forme de rentabilité, mais aussi le gouvernement, au niveau
de la fiscalité. Et, si vous le permettez, j'aimerais vous faire part de
la conclusion, qui est très courte. Et je vous inviterai, bien
sûr, à feuilleter plus largement ce document.
Alors, en conclusion, on nous dit: «Même lorsque l'on ne
considère que le seul rendement
fiscal associé à l'augmentation du nombre de
diplômés, il s'avère très rentable pour les
administrations publiques d'investir dans le domaine de l'éducation.
Ainsi, le fait d'amener un décrocheur potentiel à obtenir son
diplôme d'études secondaires procure à la
société un taux de rendement réel de 8 %. Par ailleurs, le
fait d'amener un individu qui possède un diplôme d'études
secondaires jusqu'au diplôme d'études collégiales produit
un taux de rendement fiscal de 8,1 % et l'obtention d'un baccalauréat
universitaire par un diplômé du collégial produit un taux
de rendement de 11 %. «Il y a cependant beaucoup d'autres
bénéfices publics qui viennent s'ajouter aux rentrées
fiscales supplémentaires produites par l'augmentation du nombre de
diplômés. Parmi ceux-ci, on observe que les personnes plus
instruites sont relativement moins coûteuses pour la
société en ce qui a trait à l'utilisation de certains
services publics, comme l'aide sociale et l'assurance-chômage. En effet,
il existe une relation très forte entre le niveau de scolarité
d'un individu et la probabilité qu'il ait un jour besoin de l'assistance
publique. Bien que nous n'ayons pas, dans les limites de la présente
étude, évalué les sommes qui pourraient être
épargnées grâce à l'augmentation du niveau de
scolarité de la population, nous avons cependant produit des
données qui montrent que les individus moins scolarisés courent
davantage le risque d'avoir recours aux services sociaux, comme
l'assurance-chômage ou le bien-être social, et donc qu'ils
occasionnent des dépenses supplémentaires à la
société. Il est clair que, dans un tel contexte, il est
très profitable pour la société que les
élèves obtiennent au moins un diplôme d'études
secondaires. Les sommes dépensées en vue d'encourager le
décrocheur potentiel à obtenir un diplôme peuvent
très certainement être considérées comme des
investissements en capital humain qui sont profitables.» C'était
la conclusion de ce document. Ça nous rejoint en tout point.
La Fédération des commissions scolaires du Québec
est cependant consciente des difficultés financières que vivent
la plupart des sociétés en cette période de ralentissement
économique. Le Québec n'y échappe pas, bien au contraire.
Le gouvernement est aux prises avec un déficit alarmant. Il
dépassera les 4 000 000 000 $ en 1992-1993 et, si rien n'est fait pour
le contrôler, il franchira la barre des 6 000 000 000 $ l'an prochain. Il
faut faire quelque chose pour stopper son ascension.
La Fédération croit qu'une future reprise de
l'économie ne saura seule solutionner à long terme le
problème, car elle a la ferme conviction que la centralisation des
décisions prises par l'État est en bonne partie responsable de
ces problèmes financiers. L'État centralise encore trop dans bien
des domaines, dont celui de l'enseignement primaire et secondaire public.
L'État décide à peu près tout à la place des
commissions scolaires, alors que ces dernières sont les mieux
placées pour répondre adéquatement aux besoins de leur
population. Déjà, vous-mêmes, vous avez pensé
à la décentralisation. Vous en parlez à la page 126 de
votre rapport. Vous citez en exemple la Suède, l'Australie. Alors, au
Québec également, les commissions scolaires peuvent offrir un
meilleur rapport qualité-prix parce qu'elles sont en contact direct avec
leurs clients. Pour y arriver, il faut cependant leur en donner les moyens,
c'est-à-dire les pouvoirs réels de décider de leurs
dépenses, de leurs besoins et de leurs revenus, ce qui n'est pas le cas
actuellement.
Comme tous les gouvernements, les commissions scolaires ont le droit de
taxer. Cependant, le gouvernement scolaire est le seul dont le pouvoir de
taxation est limité par une loi. Il faut donc revoir la fiscalité
scolaire, et ce, dans un contexte de responsabilisation accrue des milieux
locaux au moyen d'une décentralisation des décisions de
l'État vers ces derniers. En fait, les commissions scolaires ne sont pas
différentes des autres gouvernements dont le frein au pouvoir de
taxation, pour eux, n'est pas une loi, mais plutôt le citoyen
lui-même par l'exercice de la démocratie. Les commissions
scolaires réclament donc l'abolition du plafond de taxation qui est
prévu dans la Loi sur l'instruction publique.
Revoir la fiscalité scolaire et ainsi permettre aux commissions
scolaires de décider de leurs dépenses et de leurs revenus ne
doit cependant pas avoir pour effet d'augmenter le fardeau fiscal du
particulier. Le contribuable québécois est suffisamment
taxé. À cet effet, les commissions scolaires exigent, en
contrepartie d'un pouvoir de taxation locale non limité, une
révision de la fiscalité des particuliers de manière
à ce qu'elle prévoie des modalités compensatoires à
l'augmentation des impôts locaux.
Cependant, comme toutes les régions du Québec ne disposent
pas d'assiette fiscale équivalente - certaines régions, il faut
bien se le dire, sont plus riches que d'autres - il ne saurait être
question de disparité régionale au niveau des services
éducatifs de base. L'éducation est avant tout une mission
à caractère universel, il ne faut pas l'oublier. Tous les
Québécois et les Québécoises ont droit à des
services éducatifs de base de qualité. Par conséquent, il
est essentiel que cette réforme de la fiscalité soit
accompagnée d'une nouvelle formule de péréquation, afin de
permettre à chaque Québécoise et Québécois
d'avoir accès à des services éducatifs de base
comparables, et ce, indépendamment de la richesse de leur assiette
foncière.
En conclusion, au cours des 25 dernières années, par
nécessité, les objectifs nationaux ont été
fixés afin d'éviter l'éparpillement en matière
éducative. L'erreur commise fut d'imposer l'uniformité des moyens
en vue d'atteindre ces objectifs. En conséquence, l'État fut de
plus en
plus perçu comme le grand responsable des solutions à
trouver et à mettre en place. En outre, en éloignant le centre de
décision des personnes concernées, il s'ensuivit une
déresponsabilisation des citoyennes et des citoyens.
Par ailleurs, depuis 10 ans, compte tenu du contexte économique
difficile, de façon systématique, le réseau scolaire a
été mis à contribution pour plus de 1 000 000 000 $ afin
de redresser la situation financière du gouvernement, qui devait
répondre à des besoins pressants de crédit pour d'autres
secteurs probablement. Les conséquences de telles coupures peuvent, de
prime abord, paraître négligeables. Cependant, un examen attentif
de certains indicateurs met en relief les effets désastreux qui furent
générés: 35 % de décrocheurs, violence dans
certaines écoles, sentiment d'impuissance des éducateurs face
à l'ampleur des problèmes rencontrés.
À la lumière de l'expérience des dernières
années, la Fédération des commissions scolaires du
Québec recommande au gouvernement de ne pas céder à la
tentation de procéder à de nouvelles coupures en
éducation; deuxièmement, de considérer l'éducation
comme un investissement - de nombreuses études, on vous en a
parlé de quelques-unes, ont mis en évidence les coûts
sociaux énormes engendrés par un manque de formation;
troisièmement, de responsabiliser davantage les citoyennes et les
citoyens en décentralisant vers les gouvernements locaux que sont les
commissions scolaires et, quatrièmement, de procéder à
cette décentralisation selon six principes indissociables adoptés
lors de notre assemblée générale de juin dernier par nos
commissions scolaires membres.
Premier principe, des mécanismes doivent être mis en place
pour assurer le maintien de la qualité des services éducatifs de
base sur l'ensemble du territoire québécois; deuxième
principe, une formule de péréquation adéquate doit
être établie pour permettre à chacun des milieux de se
donner des services éducatifs comparables, indépendamment de sa
richesse; troisièmement, tout transfert de pouvoirs décisionnels
vers les commissions scolaires doit s'opérer d'une façon
graduelle afin de permettre à ces instances de maintenir et de
développer une qualité de services constante; en
quatrième, l'essence même d'un gouvernement local passe par une
participation significative au financement des décisions qu'il prend et
dont il rend compte à ses commettants; cinquièmement, la
participation significative au financement des décisions doit prendre
appui sur une réforme de la fiscalité qui aurait pour effet
d'éviter une augmentation du fardeau fiscal du citoyen et, finalement,
à l'augmentation de pouvoirs décisionnels vers les commissions
scolaires doit correspondre un financement conséquent
agréé par les commissions scolaires. (10 h 10)
En conclusion, j'aimerais vous dire, comme le disait si bien Confucius,
le vrai celui-là: Si vous pensez en fonction d'une année, semez
des graines. Si vous pensez en fonction d'une décennie, plantez des
arbres. Si vous pensez en fonction d'un siècle, éduquez le
peuple. Je vous remercie.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, Mme
Drouin, pour cette présentation.
Du côté ministériel, le président du Conseil
du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président, j'aimerais remercier Mme
Drouin, lui souhaiter la bienvenue, de même que mesdames et messieurs qui
l'accompagnent. On a affaire ici, évidemment, à un de nos
partenaires absolument majeur dans la distribution de fonds publics, qu'il
s'agisse de la part du fardeau fiscal que vous percevez vous-même
à l'intérieur des pouvoirs qui vous sont dévolus - et on
reviendra là-dessus - que vous aimeriez voir accrus, ou alors,
évidemment, de l'administration des deniers publics, des impôts
généraux qui sont distribués aux commissions scolaires
pour fin d'éducation primaire, secondaire. Vous êtes dans une
position assez proche, finalement, des bénéficiaires. Vous
gérez et les enseignants, donc, je dirais, à la limite, ce qui se
passe dans les classes, ce qui se passe dans l'école et ce qui se passe
sur le territoire de toutes sortes de façons, comme on le sait,
évidemment.
Votre plaidoyer m'est apparu consister à chanter les vertus, avec
raison, de la décentralisation, en vertu du principe que plus on est
proche de l'usager, plus ce dernier en a pour son argent, plus le rapport
qualité-prix est élevé. Vous en déduisez - et c'est
là-dessus qu'on risque d'engager la discussion - qu'on devrait laisser
le champ d'impôt foncier scolaire plus largement ouvert à nos
commissions scolaires.
J'aimerais simplement que vous m'expliquiez, au niveau du principe
d'abord et de la pratique ensuite, parce qu'il peut y avoir une
différence, comment le fait que vous percevriez les impôts
plutôt que ne les géreriez... C'est-à-dire que non
seulement vous les percevriez, là, mais... C'est plutôt l'inverse.
Non seulement vous continueriez à gérer l'argent des
impôts, d'où qu'il vienne, au niveau scolaire, mais de plus vous
seriez susceptible de les percevoir davantage. Une plus grande part de fardeau
fiscal serait perçue par les commissions scolaires. Comment est-ce que
cette perception améliorerait la gestion? C'est ça, ma question.
Pourquoi y a-t-il un lien d'efficacité obligatoire entre le fait que
c'est vous qui levez les impôts et le fait que vous administrez ces
sommes-là? Que le 500 000 000 $ vienne de l'assiette fiscale locale ou
qu'il vienne de Québec, dites-vous, il est beaucoup mieux
administré donc moins gaspillé si c'est nous, les commissions
scolaires, qui le percevons, plutôt que ce soit vous, le gouvernement,
qui nous
envoyiez le chèque. C'est ça qui m'échappe un petit
peu, là.
Mme Drouin: Eh bien, vous avez dit vous-même que plus la
décision est prise près du citoyen, souvent c'est plus efficace
dans ce sens où... Je vous donnerais juste un exemple. On rencontre des
citoyens qui nous disent: Bon, Québec augmente les impôts ou
augmente une taxe. On peut toujours aller parler à notre
député. Je ne veux pas dire que les députés ne font
pas leur affaire, mais on parle à notre député, mais
ça s'arrête souvent là. Ils ont l'impression que la
décision se prend loin d'eux. Dans les commissions scolaires ou les
municipalités, si on annonce une augmentation de taxe, nos salles de
conseil se remplissent et les gens ont peut-être l'impression qu'ils ont
un mot à dire d'une façon peut-être beaucoup plus
précise. Ça nous oblige à une gestion plus serrée,
c'est vrai, mais il reste que celui qui paie, souvent, a besoin de sentir qu'il
a une mainmise sur les décisions qui vont se prendre.
Tout ça pour vous dire que ce n'est pas juste le fait de
percevoir des impôts ou des taxes, d'augmenter cette perception-là
qui nous permettrait de mieux gérer, mais aussi il faudra que ce soit
accompagné de pouvoirs. On a connu un transfert il y a quelques
années, mais de recevoir un montant d'argent, que, nous, nous le
percevions ou qu'il vienne d'ailleurs, si les règles, les normes et tout
ce qui entoure ça demeurent les mêmes, on ne peut pas vraiment
faire grand-chose.
Alors, c'est dans ce sens-là qu'on vous dit: II faut
également que nos pouvoirs soient accrus. Parce que, si vous nous dites,
comme la dernière fois: Vous aurez à gérer la gestion de
vos équipements, mais selon telle norme, telle règle, tel
règlement, selon telle balise, les concierges payés à tel
tarif, tout est négocié à Québec, alors on a tout
ça qui entre dans le tableau et, finalement, on n'a qu'à
appliquer les règles qui nous sont dictées de Québec. Si
on veut vraiment arriver à une décentralisation, je dirais
à plus long terme, il faudra que ce soit accompagné de pouvoirs
équivalents pour nous permettre, justement, à l'intérieur
de notre gestion, d'avoir une marge de manoeuvre pour nous permettre d'arriver
à des meilleurs résultats.
M. Johnson: Pourriez-vous nous donner des exemples concrets,
parce que ça persiste à m'échapper, le fait que, si on
vous confie quelques centaines de millions, ça serait mieux
administré si c'était vous qui perceviez ça? Mieux
administré, là. Je n'ai pas dit que les administrés, les
contribuables pourraient aller crier chez quelqu'un plus proche de chez eux,
qui est plus disponible probablement dans ce cas-là.
Mme Drouin: Oui.
M. Johnson: Je cherche juste à savoir en vertu de quel
principe de gestion ou quelle pratique le rapport qualité-prix
s'améliore parce que c'est vous qui percevez.
Mme Drouin: Bon écoutez...
M. Johnson: Parce que c'est toujours vous qui le dépensez,
là. Je veux qu'on se comprenne.
Mme Drouin: Oui.
M. Johnson: Je comprends qu'il y a des normes à
Québec, mais ça, ça se discute, etc. Mais, finalement,
c'est dans l'école, et c'est dans la commission scolaire qu'on
détermine... Et c'est de ça que les gens nous parlent, de
l'épaisseur des tapis et de la grandeur du bureau du président,
etc., quand les gens veulent être un petit peu précis ou
anecdotiques. Mais ça dépasse largement ça. Vous avez bien
autre chose à faire que ces histoires-là, et vous avez un champ
de décisions qui n'est pas négligeable. Avez-vous des exemples
d'amélioration de certaines activités, du rapport
qualité-prix, comme vous dites, qui serait à l'avantage des
contribuables, sous prétexte et en raison du fait que ce serait vous
l'autorité fiscale?
Mme Drouin: Bon. Je vais peut-être aller un petit peu
à côté de votre question, mais j'ai un exemple qui me vient
en tête, celui du transport étudiant. En 1981, il y a eu une
décentralisation au niveau du transport et, à ce
moment-là, dès la première année, on a
sauvé, on a économisé 25 000 000 $. C'est 50 000 000 $ sur
3 ans, dans les 3 premières années, si mes renseignements sont
bons. Parce que, avant ça, le transport étudiant était
géré ou norme de la part de Québec. Alors, tout
transporteur, où qu'il soit au Québec, recevait tant du
kilomètre. Tout était calculé et géré, alors
qu'en le gérant localement... Souvent les commissions scolaires font
affaire avec des transporteurs qui sont des gens du coin. On a plusieurs petits
transporteurs, les gens se connaissent. On peut beaucoup plus facilement
prendre des arrangements locaux avec eux et, par le fait même, on a des
économies d'échelle. Et celui-là est un exemple frappant
d'une gestion qui a rapporté vraiment des bénéfices au
niveau financier.
On a fait des pressions dernièrement pour décentraliser au
niveau du pouvoir de dérogation pour l'âge d'admission des enfants
à l'école. Bon. On avait connu ce pouvoir-là qui existait
au niveau du ministère et, au niveau du ministère, il y avait
quelques dizaines de personnes qui s'occupaient de gérer ces
dossiers-là - ça pouvait peut-être équivaloir
à sept ou huit à temps plein - et c'était le ministre
lui-même qui devait signer la dérogation. On s'est dit, dans nos
commissions scolaires, dans nos milieux, la direction d'école, les
enseignants connaissent le
milieu familial, l'entourage de l'enfant. D'ailleurs, on demandait
déjà qu'il y ait une évaluation de l'enfant et on
acheminait le dossier. Maintenant, on l'a chez nous. Je n'ai pas de chiffres
à vous donner, mais les sept ou huit fonctionnaires qui faisaient
ça à Québec doivent sûrement faire autre chose ou
être plus rentables sur d'autres sujets.
Mais il reste que, quand on est prêts des gens, et c'est
prouvé partout, on peut mieux gérer. Le fait que ce soit
nous-mêmes, pour revenir plus précisément à votre
question, qui percevions les impôts, tout ce que je peux vous dire, c'est
qu'on sait que, quand le citoyen paie, à ce moment-là, il y a un
intérêt beaucoup plus marqué. Et, au lieu de voir
peut-être la réaction qu'on a connue depuis 25 ans, lorsque les
gens viennent faire souvent des commentaires au niveau des commissions
scolaires et qu'on dit: Écoutez, on n'y peut rien, c'est Québec,
tout est décidé à Québec... C'est facile. Je ne
vous dis pas que c'est facile, ce qu'on propose à nos gens, ce sera
beaucoup plus difficile, mais qu'on prenne les responsabilités. Je
souhaite même que ça apporte un intérêt encore plus
marqué pour ce qui se passe dans le milieu de l'éducation, qu'on
attire des candidats de plus en plus intéressés au niveau des
postes de commissaire d'école, que les citoyens se sentent beaucoup plus
partie prenante à tout ce qui s'appelle l'éducation. (10 h
20)
Aujourd'hui, avec la centralisation qu'on a connue dans les 25
dernières années, on sent parfois un
désintéressement, sauf un point particulier, pour un enfant en
particulier qui ressort tout à coup. Mais les grandes orientations au
niveau de l'éducation, il y a peut-être un certain
désintéressement, parce que les gens sont convaincus que tout se
décide à Québec et qu'ils n'y peuvent rien au niveau
local. On veut changer cette image-là et on veut que les citoyens, dans
leur milieu, dans leur région respective, prennent plus à coeur
ce qui s'appelle l'éducation. Je pense que, quand on perçoit des
taxes, on touche une corde sensible qui fait que les citoyens montreront
peut-être plus d'intérêt à ce qui se passe.
M. Johnson: D'accord, oui. Le temps ne me permet pas de prolonger
davantage notre échange, parce que je sais notamment que le
député de Saint-Louis, qui est un de vos
prédécesseurs, va avoir des questions pour vous tout à
l'heure. Alors, je vous remercie beaucoup, madame, de vos explications.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous souhaiter, à mon tour, la bienvenue au nom de notre
formation politique. En fait, ce que je trouve un peu dommage de ce qui se
passe à cette commission, et que vous avez le souci de relever, je
crois, indirectement, par votre mémoire, c'est que ça devait
être une commission portant sur la fiscalité. Ça s'est
transformé, de par l'action du gouvernement, en une commission qui
concerne les dépenses. Parce que, si c'était une commission qui
concernait la fiscalité, nous aurions, entre autres, des données
nous permettant de voir, justement, le fardeau fiscal des citoyens et des
citoyennes du Québec. Et ce que vous soulevez comme une demande,
à savoir que le champ auquel vous avez accès, au plan fiscal,
soit élargi, si on voulait évaluer réellement votre
demande, encore faudrait-il avoir des données nous permettant de faire
des comparaisons, de faire des analyses concernant le poids qu'a à
assumer le citoyen ou la citoyenne qui est contributeur, soit par son
impôt sur le revenu, soit par sa taxe directe, que ce soit la TVQ ou la
TPS, ou par son fardeau fiscal municipal ou scolaire. Malheureusement, nous
n'avons pas cette évaluation-là, nous n'avons pas cette
analyse-là, ce qui fait que nous sommes ramenés à
débattre de la question qui concerne les dépenses.
Cela étant dit, je veux vous féliciter pour votre
mémoire, qui est intéressant à bien des égards.
D'abord, pour nous rappeler des données majeures, vous nous dites: Le
Québec a désinves-ti en matière d'éducation. Moi,
je pense qu'il y a un problème à cet égard-là
actuellement. Il y a, d'une part, un discours et, d'autre part, une action qui
ne suit pas le discours. On dit qu'on croit à l'éducation, qu'on
croit à la formation, qu'il est nécessaire d'y investir, que
c'est notre avenir, sauf que, dans les faits, les ratios d'investissements
comparatifs, par rapport à ce qui se passe en Ontario, par rapport
à ce qui se passe aux États-Unis, se détériorent,
et d'une façon assez grave.
D'ailleurs, sur ça, j'aimerais vous poser une question plus
technique. Retenez-la et puis j'aurai une autre question un peu plus globale
par la suite. Quand vous faites référence aux chiffres qui sont
des chiffres publiés par le gouvernement de Québec, le
gouvernement du Québec, vous parlez des dépenses par
élève en comparaison, évidemment, du PIB et vous comparez
aux États-Unis et à l'Ontario. Est-ce qu'on s'entend que c'est
l'ensemble des dépenses, qu'elles soient, entre autres, aux
États-Unis... Parce qu'on sait que l'éducation est plutôt
privée à un certain nombre de niveaux. Si vous comparez les
dépenses, l'ensemble des dépenses faites par ces pays dans le
secteur de l'éducation versus ce qu'on fait au Québec... Je veux
savoir si le niveau de comparaison, autrement dit, est parfait, si on n'a pas
échappé un certain nombre de morceaux pour qu'on sache bien de ce
dont on parle.
Maintenant, je vais revenir à vos recommandations plus de fond.
Vous dites: Nous croyons qu'il faut rapprocher la distribution des services et
surtout la décision sur la façon dont on va distribuer les
services du citoyen et de la citoyenne qui les utilisent. Moi, je reste
convaincue de cela. Je crois, pour avoir vécu un certain nombre
d'expériences dans le domaine de la régionalisation, que
ça reste vrai, parce que le citoyen a davantage prise, dans le fond, sur
les décideurs et il peut immédiatement voir une réaction
au point de vue qu'il émet. Cela étant dit, ça ne veut pas
dire que ça n'exige pas rigueur et principe et organisation
systématique.
Alors, à votre première recommandation - moi, je la prends
à la page 21 - vous dites: «Des mécanismes doivent
être mis en place pour assurer le maintien de la qualité des
services éducatifs de base sur l'ensemble du territoire
québécois.» Vous faites référence là,
bien sûr, au fait que - j'imagine, là, et je voudrais que vous
m'expliquiez comment vous envisagez cela - c'est évident que, si on
décentralise et qu'on ramène aux niveaux local et régional
un certain nombre de responsabilités, il y a une responsabilité
nationale qu'on doit conserver quant à des grands paramètres ou
des grandes normes qui concernent la qualité de ce qu'on va donner comme
formation pédagogique. Alors, je voudrais que vous m'expliquiez un petit
peu comment vous voyez ça. C'est ma première question.
Ma seconde. Vous parlez, à la troisième recommandation:
«Tout transfert de pouvoirs décisionnels vers les commissions
scolaires doit s'opérer d'une façon graduelle afin de permettre
à ces instances de maintenir et de développer une qualité
de services constante.» Comment vous imaginez cela, le graduel? Avez-vous
déjà imaginé un plan qui vous amènerait à
opérationa-liser une décision comme celle-là?
Et ma dernière question. Cette demande, évidemment, que
vous nous faites, elle est la même du côté des
municipalités, elle est la même du côté d'un certain
nombre d'organismes régionaux. Est-ce que vous ne craignez pas que l'on
multiplie sur le territoire les intervenants et surtout les gens qui ont la
capacité d'aller utiliser le champ de taxation tant par les
municipalités que par les commissions scolaires et,
éventuellement, peut-être par d'autres organisations? Est-ce que
vous ne croyez pas qu'il y aurait intérêt à ce qu'on
regarde à unifier un petit peu les institutions, mais dans une
perspective où on s'assurerait qu'il y a une réelle
décentralisation, c'est-à-dire que les pouvoirs sont entre les
mains des décideurs locaux?
Mme Drouin: Vous avez beaucoup de questions. Je vais essayer de
les retenir. La question qui est plus technique...
Mme Marois: Oui.
Mme Drouin: ...je vais la référer au
spécialiste, tout à l'heure. Je vais me permettre de vous
répondre aux trois autres. Quand on dit qu'on souhaite qu'il y ait des
mécanismes qui soient mis en place pour assurer le maintien de la
qualité du service éducatif de base sur l'ensemble du territoire
québécois, ça peut être différentes formules.
Bon. Et ce qui me vient à l'esprit comme exemple, c'est qu'on pourrait
établir que les enseignants doivent avoir partout une formation
équivalente, une rémunération comparable. Je pense que
c'est la base, d'avoir des services éducatifs comparables sur tout le
territoire. On a déjà connu ça - M. Paradis y
référait dernièrement - peut-être au départ,
dans les années soixante, où un enseignant, à
Québec, on pouvait le payer un petit peu plus cher, alors on allait
chercher les meilleurs, et, dans les régions éloignées,
c'était plus difficile d'en avoir. Il ne faut pas connaître ces
disparités-là. Je pense que tout citoyen a droit à avoir
une éducation de qualité, une éducation de base de
qualité sur l'ensemble du territoire. Alors, j'ai cet exemple-là
qui me vient à l'esprit, mais il pourrait y avoir d'autres
mécanismes mis sur pied. On pourrait en discuter un peu plus longuement
un peu plus tard.
Quand je dis que ça doit se faire d'une façon graduelle,
oui, on a pensé à des plans d'action, de quelle façon
cette décentralisation pourrait se faire. Au niveau du financement, je
vous disais que notre grand objectif, c'était d'avoir le plafond de
taxation illimité. C'est sûr que, du jour au lendemain, c'est
difficile, mais il reste qu'une première étape on pourrait
peut-être aménager la formule référendaire, parce
que, actuellement, on ne peut pas dépasser un maximum sans être
obligé d'aller en référendum. Alors, on pourrait avoir une
formule référendaire qui soit allégée, que ce
soient les citoyens qui le demandent comme on voit dans certains autres
gouvernements. Après ça, on pourrait y aller graduellement tout
en maintenant le fardeau fiscal du citoyen équitable et stable, parce
que je pense que c'est important que le citoyen ne soit pas taxé deux
fois pour les mêmes services.
Au niveau des relations du travail, actuellement, on a une
négociation locale avec les enseignants et, avec les autres personnels,
tout est centralisé à Québec, sauf quelques arrangements
locaux. Alors, pour les autres personnels, on pourrait commencer avec certaines
matières qui pourraient être négociées localement,
là aussi, pour ne pas, justement, je dirais, qu'il y ait des
différences trop grandes pour qu'on puisse maintenir une qualité
de services. (10 h 30)
Au niveau pédagogique aussi. D'ailleurs, au ministère de
l'Éducation, on a déjà commencé à travailler
là-dessus avec des comités qui étudient ce qui peut
être confié aux commissions scolai-
res. On y va d'une façon peut-être plus mince de ce
côté-là, beaucoup plus graduelle, parce que c'est le noeud
du problème, la partie pédagogique. Mais il y a des
décisions qui peuvent être prises localement, certains programmes.
Ce qu'on souhaite finalement, c'est que le gouvernement évalue sur les
résultats plutôt que sur les moyens; que les moyens soient
laissés à chacun des milieux.
Et vous aviez une troisième question où vous nous
demandiez si on ne craint pas qu'on multiplie tous les paliers de gouvernement
qui devront aller puiser dans le champ de taxation. Je vous dirai d'abord que,
quand on parle de gouvernement, c'est qu'on fait affaire à des gens qui
sont élus au suffrage universel, des gens qui ont un pouvoir de taxation
et aussi un pouvoir de décision. Alors, déjà, au niveau
des élus au suffrage universel, actuellement, comme entité
gouvernementale, bien sûr, on a notre gouvernement ici, on a les
municipalités et les commissions scolaires.
Là-dessus, je vous dirais que, pour nous, il est très
important - on a fait un ménage à trois pendant un bon bout de
temps, on est capables de continuer à s'entendre là-dessus - que
l'éducation demeure une entité vraiment centrée sur le
secteur de l'éducation. On ne veut pas que l'éducation soit
gérée par un autre gouvernement municipal ou régional qui
gérerait en même temps les écoles, les égouts,
l'asphalte, le développement agricole. Je pense que l'éducation a
suffisamment d'importance pour l'avenir d'un peuple pour que ce soit
confié à des élus qui n'ont que ça en charge. C'est
déjà beaucoup. Là-dessus, on est très fermes, on
n'accepte pas de gouvernement régional qui ferait un mélange de
tous ces services-là. Je pense que c'est une situation qui est
historique, c'est unique dans l'Amérique du Nord d'avoir des élus
au suffrage universel pour gérer l'éducation, et ça nous
apparaît important de le maintenir. C'est primordial, dans notre esprit,
de maintenir ce gouvernement scolaire local.
Pour ce qui est de la question technique, peut-être que Mme Hardy
peut vous répondre là-dessus.
Mme Hardy (Louise): Quant à savoir si les bases sont
comparables, la réponse est oui; c'est tiré, d'ailleurs, d'un
document réalisé par le ministère de l'Éducation.
Il s'agit bien de la dépense des élèves jeunes dans les
commissions scolaires du Québec, de l'Ontario, du Canada et des
États-Unis. Donc, c'est vraiment une base neutre.
Mme Marois: Les écoles primaires et secondaires? On
s'entend? C'est ça.
Mme Hardy: Oui, oui.
Mme Marois: D'accord, c'est ça, parce que, dans le fond,
on a exclu les dépenses qui concernaient les cégeps, par exemple,
versus des institutions qui n'existent pas ailleurs mais dont les niveaux de
formation existent, cependant, ou les universités.
Mme Hardy: Oui.
Mme Marois: Je vais juste revenir pour un court commentaire, M.
le Président. D'abord, moi, je ne parle pas de gouvernement, quand je
parle de commission scolaire ou de municipalité. Je pense que ce sont
des créatures du gouvernement, ce sont des institutions dont les
dirigeants, dont les responsables sont des élus au suffrage universel,
j'en conviens. On souhaiterait, là comme ailleurs, qu'il y ait une
participation un petit peu plus importante d'ailleurs, mais je suis consciente
aussi que l'un ne va pas sans l'autre, dans le sens que, si vous avez des
pouvoirs réels, les citoyens et citoyennes vont davantage
s'intéresser à la gestion de leurs institutions et à leur
présence au sein de ces institutions; je suis consciente de ça
aussi.
Mais vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a quand même des
pays - vous avez fait référence à l'histoire, d'ailleurs,
dans le cas du Québec -où la gestion et la distribution des
niveaux de primaire et secondaire, par comparaison, sont à un niveau
local sous la responsabilité de municipalités ou de
régions. Donc, il y a des modèles différents ailleurs. Je
ne dis pas que ce sont les modèles idéaux nécessairement,
mais j'avoue que j'ai une certaine crainte. Quand on regarde l'ensemble de nos
institutions et leur rôle respectif, il est évident qu'on
démultiplie quand même les administrations, a ce moment-là,
quand on donne et qu'on cloisonne les responsabilités, soit au niveau
municipal, soit au niveau des commissions scolaires ou soit au niveau
régional. Actuellement, on a évidemment les MRC, mais on a aussi
des organisations au niveau régional. Alors, je vous dis l'état
de mes questions, ce qui est sûrement intéressant pour ouvrir
éventuellement le débat.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
Vous n'avez pas de commentaires?
Mme Drouin: Écoutez, c'est sûr qu'on n'est pas
d'accord sur votre opinion là-dessus. C'est vrai qu'il y a d'autres
gouvernements, dans d'autres pays, qui existent sous cette formule-là,
mais, quand on compare les budgets qui sont gérés par
l'éducation ici, comparativement à ce qui se gère au
niveau des municipalités, la différence, elle est énorme.
Les gens sont tous surpris de voir... Moi, dans mon propre milieu, notre
commission scolaire, chez moi, regroupe 37 municipalités; on a un budget
de 87 000 000 $, alors que la ville principale a un budget d'autour de 35 000
000 $ ou 40 000 000 $. Alors, les
budgets sont tout à fait différents et les
responsabilités sont différentes. Qu'on nous qualifie
d'institution... Je pense que notre base, elle est très solide dans la
Constitution canadienne. On voit quelles difficultés on a quand on veut
en changer quelque chose. Mais c'est vraiment un gouvernement parce qu'une
notion de gouvernement, pour moi, c'est des élus au suffrage universel
avec un pouvoir de taxation et un pouvoir de décision, et ça on
l'a.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
député de Saint-Louis, désirez-vous intervenir?
M. Chagnon: Oui, sûrement, M. le Président. Je ne
reprendrai pas la dernière partie du propos de la députée
de Taillon à l'égard des gouvernements locaux. Le dictionnaire,
lorsqu'on regarde le mot «gouvernement», nous amène à
conclure qu'effectivement la commission scolaire, comme autorité
municipale, est un gouvernement local. On parle «de direction politique
et administrative d'une ville» ou d'un autre corps constitué.
Alors, c'est un gouvernement. Inévitablement, on ne peut pas passer
à côté de cette réalité-là.
Je voudrais revenir sur le caractère de la fiscalité. On
imputait au gouvernement le fait de ne pas vouloir discuter de fiscalité
dans ce débat-ci, qui dure depuis maintenant deux semaines, et je
m'inscris en faux à cet égard-là. Mais, lorsqu'on veut
discuter de fiscalité - vous avez soulevé la question de la
fiscalité dans votre document, et je vous en félicite, c'est un
des moteurs de la reprise en main de la décentralisation et de la
dévolution du gouvernement vers les commissions scolaires,
éventuellement - si on regarde d'où vient le problème des
commissions scolaires eu égard à leur fiscalité, il faut
se référer au document de 1965, le rapport de la Commission
royale d'enquête sur la fiscalité. Si on veut discuter de
fiscalité, on en discute. C'est dans ce document-là qu'on
s'aperçoit que les commissions scolaires avaient, jusqu'en 1965, 40 % de
leur financement qui leur provenaient de la taxation locale.
En fait, ce que vous réclamez, c'est de revenir à cette
formule. Pour modifier cette formule, en 1965, le gouvernement d'alors avait
fait ceci, il avait fait en sorte de commencer à diminuer, tout en
acceptant le principe de la fiscalité locale scolaire, cette partie de
la composition du budget local en exigeant que le budget d'une commission
scolaire, désormais, soit soumis à l'approbation du
ministère de l'Éducation. Voilà le début des
problèmes du merveilleux monde de l'administration locale dans le milieu
scolaire.
Vous avez mentionné qu'en 1980 on avait réduit à 4
% le budget des commissions scolaires qui venait dune ponction locale; il est
maintenant de l'ordre de 12 % et vous suggérez qu'il remonte à un
niveau comme celui qu'on retrouve en Ontario. Au départ, au moment
où on se parle, la partie du financement public en matière
d'éducation, vous l'avez mentionné, si on ajoute, par exemple,
à la partie de la ponction scolaire la partie fiscale, ce que vous
ramassez localement à partir de vos taxes, la dépense globale en
éducation par habitant et la dépense par élève
faite par les commissions scolaires, nous serions en deçà, par
exemple, de l'Ontario ou des États-Unis.
En général, lorsqu'on fait l'analyse de ces statistiques,
on les regarde non pas tellement par habitant ou par commission scolaire et
élève, mais on les regarde en fonction de la richesse collective,
du paramètre qui évalue la richesse collective qui s'appelle le
produit intérieur brut, que vous connaissez. Est-ce que vous avez des
données qui correspondraient, en ce qui concerne, je dirais,
l'investissement, parce qu'il s'agit d'un investissement quand on parie
d'éducation, fait par Québec et les commissions scolaires par
élève par rapport à l'Ontario et par rapport aux
États-Unis, mais en fonction du produit intérieur brut? Parce
que, là, je pense que le Québec se situerait dans une meilleure
moyenne que celle que vous laissez entendre dans les statistiques que nous
retrouvons ici. J'ai comme l'impression qu'on dépasserait un peu
l'Ontario et un peu les États-Unis. Est-ce que je me trompe? (10 h
40)
Mme Drouin: Là-dessus, je vais vous référer
à Mme Hardy qui va vous donner les chiffres. Je peux vous dire qu'entre
1981 et 1991 la dépense par élève jeune n'a
augmenté que de 55 % au Québec, alors qu'elle augmentait de 120 %
en Ontario et de 110 % aux États-Unis. Déjà, c'est
énorme. Mais, pour ce qui est du produit intérieur brut, je vais
vous référer à Mme Hardy qui va vous donner les
renseignements.
Mme Hardy: Ce que vous dites est tout à fait juste, sauf
que, pour faire augmenter le PIB d'un pays, nous croyons que l'éducation
est la solution, enfin une des solutions très contribu-toires à
ce but-là. Ce n'est pas en diminuant les dépenses ou les
crédits octroyés à l'éducation qu'on va faire
augmenter le PIB. C'est notre thèse.
M. Chagnon: Évidemment, l'augmentation du PIB, on peut la
présumer, on peut la voir venir, ça implique des données
comme celles de la concurrence, de la compétitivité.
N'empêche que l'investissement dans l'éducation peut avoir un
effet sur le PIB, mais il n'est pas automatique, il n'est pas pour d'ici
à demain matin. Par exemple, le Québec a énormément
investi dans l'éducation depuis les 30 dernières années:
toutefois, son PIB par habitant est toujours de-20 % si on le compare à
celui de l'Ontario.
Quant à la vision globale de votre document, vous vous
rappellerez sans doute d'autres
documents que la Fédération a déjà rendus
publics, «Pour un gouvernement local scolaire, démocratique et
responsable», où le ton et l'organisation du document, celui que
vous nous présentez aujourd'hui, va exactement dans le sens de ce qui
fut la bible, il y a une dizaine d'années, des commissions scolaires
à tout le moins. Mais il y a un élément que je ne retrouve
pas dans votre document et qui m'apparaît aller directement... Vous ne
pouvez pas passer à côté, me semble-t-il. On ne peut pas
requérir et demander d'avoir un élargissement de son assiette
fiscale locale au nom de la décentralisation quand on sait qu'on a 80 %,
85 % de ses coûts, dans une commission scolaire, qui sont basés
sur la masse salariale et faire abstraction de la réclamation d'avoir
à négocier localement pour l'ensemble de ses employés. On
ne peut pas être l'organisateur de ses finances publiques et ne pas
vouloir être responsabilisé sur ses propres personnels quant
à la négociation de leurs conditions de travail et même de
leur masse salariale.
Mme Drouin: Là-dessus, remarquez que je faisais un petit
peu allusion à l'histoire quand je vous disais que ça fait 25 ans
qu'on vit dans un système très, très centralisé.
Alors, c'est difficile de tout décentralisé du jour au lendemain,
vous le comprenez comme moi.
M. Chagnon: Oui, oui.
Mme Drouin: Au niveau des relations avec notre personnel, la
position qu'on a adoptée, c'est qu'on souhaite que tout ce qui touche le
monétaire lourd, c'est-à-dire salaires, régimes de
pension, assurances, congés parentaux, pourrait demeurer au niveau de
l'État, alors que les conditions de travail pourraient venir au niveau
local. Là encore, comme je l'expliquais tout à l'heure, ce n'est
pas pour demain matin. Il reste que les gens ont du cheminement à faire.
On a les enseignants, bien sûr, mais on a aussi les autres
personnels.
Alors, déjà, on commence à travailler au niveau des
autres personnels pour avoir au moins déjà une poignée
dans la négociation locale au lieu d'avoir seulement des arrangements,
pour en venir, à plus long terme, à ce que les conditions de
travail soient négociées localement tout en maintenant que le
monétaire lourd devrait demeurer à Québec. C'est la
position actuelle. On évoluera peut-être d'ici 10 ans, mais...
M. Chagnon: Dans le fond, vous nous dites: Décentralisez,
on va faire des gains de productivité. Mais, pour faire ces gains de
productivité, il faut absolument que vous ayez le contrôle sur
l'organisation de la convention collective localement, parce que c'est
là qu'est l'argent, c'est là qu'est 85 % du budget d'une
commission scolaire.
Mme Drouin: 70 % au moins pour ce qui est des enseignants, mais
c'est vrai que c'est une bonne proportion.
M. Chagnon: Oui, mais il n'y a pas rien que des enseignants, il y
a les enseignants, les cadres, les personnels non enseignants. Ça fait
83 %, 85 %, dépendamment des commissions, n'est-ce pas?
Mme Drouin: Remarquez que je vous donne la position qu'on a
actuellement. Je vous expliquais que, dans ce régime de très
forte centralisation, c'est sûr qu'avant d'adopter une position qui
rejoigne tout le monde et qui puisse nous permettre de gérer de la
façon que vous le mentionnez je pense que ça va prendre un petit
peu de temps...
M. Chagnon: Oui.
Mme Drouin: ...et qu'on est mieux d'y aller pas à pas pour
ne pas tout détruire non plus, pour pouvoir maintenir une qualité
de services, mais de le faire graduellement.
M. Chagnon: Mais vous envisagez que le discours devient plus
cohérent lorsqu'on y greffe la facture ou le facteur de la
négociation des conventions collectives à l'intérieur de
la décentralisation financière.
Mme Drouin: C'est sûr que le jour où on aura
à percevoir un très fort pourcentage au niveau de la taxation
locale, on devra inclure les salaires des enseignants ou, du moins, une partie
de la gestion du personnel.
M. Chagnon: Comme c'est le cas en Ontario et comme c'est le cas
dans les autres provinces et aux États-Unis.
Mme Drouin: Comme c'est le cas en Ontario. En Ontario, il y a
plus de 50 % qui viennent de la taxe locale. Et, à ce moment-là,
au niveau du personnel... Ça amène d'autres problèmes,
remarquez, au niveau de l'Ontario, mais, pour l'instant, nous, la position que
les gens ont adoptée, c'est que le monétaire lourd demeurerait
à Québec, du moins pour la période actuelle.
M. Paradis, je pense que vous souhaitez ajouter quelque chose
là-dessus?
M. Paradis (Fernand): Oui. M. le Président, je voudrais
souligner que les propositions qui sont là rejoignent la question du
financement et de la fiscalité, mais il y a actuellement des groupes de
travail, et le conseil d'administration oeuvre à mettre au point des
mécanismes de décentralisation aussi en matière de
convention collective. On traîne un lourd passé, je crois. Depuis
les années soixante, soixante-dix, les mesures de centralisation ont
été nombreuses.
Elles se sont faites graduellement. On est allés vers des choses
qui relevaient de plus en plus du milieu; pensons à des listes de rappel
qu'on a voulu mettre au point selon des mécanismes provinciaux. C'est 25
ans d'histoire de centralisation. Si on veut retourner la machine, il
m'appa-raît illusoire de vouloir, en quelques années, inverser
complètement. Il doit y avoir une reprise en main qui se fasse de telle
sorte que les mécanismes n'échappent pas au contrôle des
élus locaux.
M. Chagnon: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, moi aussi,
saluer et remercier les représentants de la Fédération des
commissions scolaires du Québec pour leur mémoire qui, à
toutes fins pratiques, est très intéressant et qui rejoint
beaucoup de groupes qui sont venus ici à la commission pour dire qu'il
faut changer la dynamique au Québec: la dynamique fiscale, la dynamique
de gestion, la dynamique où les gens vont se sentir plus
impliqués et où, à toutes fins pratiques, on va pouvoir
arriver à mieux gérer les finances publiques et à mieux
gérer les dépenses publiques au Québec.
Je pense que votre mémoire n'échappe pas à cette
philosophie de prise en charge du milieu. Les gens veulent davantage
s'identifier, avoir davantage de pouvoirs pour percevoir eux-mêmes leurs
deniers et les administrer en fonction des besoins que l'on considère
autour de nous, très prêts du terrain.
Par contre, je pense que ça doit un peu décevoir en
même temps le gouvernement, parce que eux s'attendaient à ce que
vous fassiez une liste d'épicerie, une liste d'épicerie où
couper, comment couper, qui devrait être sacrifié et quoi on
devrait sacrifier. Je pense que le mémoire, dans ce sens-là, va
décevoir beaucoup le gouvernement en place, j'ai bien l'impression,
parce que, au fond, vous ne leur donnez pas le moyen de faire des coupures
auxquelles ils croient vraiment. Pour eux, c'est de couper dans les
dépenses publiques qui est essentiel et l'investissement dans
l'éducation, bien, on verra si on peut axer dans ce sens-là.
Moi, j'aimerais vous entendre parler davantage et j'ai une couple de
questions, parce que c'est quand même une nouvelle vision que vous
apportez, une nouvelle dynamique de la gestion de l'éducation. Vous
parlez d'élargir... La troisième recommandation: «Que cet
élargissement du pouvoir fiscal des commissions scolaires soit
accompagné d'une révision de la fiscalité des particuliers
de manière à éviter une augmentation de leur fardeau
fiscal.»
Quand vous énoncez un principe comme celui-là, est-ce que
vous avez dans l'esprit de changer simplement des points d'impôt ou que
le gouvernement cesse ou réduise les points d'impôt au niveau de
l'impôt des individus et transfère les fonds à la
commission scolaire? Comment vous voyez ça, dans cet esprit-là?
J'essaie de voir le pragmatisme de votre recommandation.
Mme Drouin: Écoutez, je pense que le jour où on
sera rendus là, on pourra discuter de moyens d'une façon plus
précise. On sait que, actuellement, au niveau de l'impôt, il
existe des crédits. Au niveau des taxes foncières, les personnes
les plus démunies ont droit à ce crédit-là. Je
pense que, quand on parle de certains moyens, ça pourrait être
sous forme de crédits d'impôt ou autrement. On n'a pas vraiment
creusé la question parce qu'on se dit bien là-dessus que - dans
notre point 6 aussi - s'il devait y avoir des pouvoirs décisionnels
augmentés au niveau des commissions scolaires, ça devrait
être dans un mouvement qui serait agréé par les commissions
scolaires, et je pense qu'on veut être partie prenante à ces
décisions-là.
Mais ce qui est important de retenir, c'est que, si on nous donnait un
pouvoir de taxation plus grand, il faudrait que ça paraisse du
côté du gouvernement central pour ne pas qu'on ait, comme citoyen,
à payer deux fois d'impôt pour les mêmes services. (10 h
50)
M. Filion: Vous soulevez également une recommandation
où vous faites appel à la formule de péréquation:
Qu'elle soit établie afin de permettre à chacun des milieux de se
donner des services éducatifs comparables, indépendamment de leur
richesse. Est-ce que, par ricochet, vous parlez de la formule de
péréquation fédérale également ou bien si,
pour vous, c'est une autre dimension?
Mme Drouin: Non, pas du tout. C'est que déjà, au
niveau des commissions scolaires, on a une formule de péréquation
qui existe. Le fait qu'on ait une taxe locale à percevoir, comme les
milieux sont riches différemment, à ce moment-là il y a un
équilibre qui s'établit par une formule de
péréquation. Et, si on devait justement modifier le pouvoir de
taxation, il faudrait que la formule de péréquation soit
ajustée en conséquence parce que, pour nous, il nous
apparaît que l'éducation publique de tous les citoyens doit
demeurer d'égale qualité, ou du moins pour l'éducation de
base, sur tout le territoire du Québec. On ne voudrait pas que, dans
certains milieux moins nantis, il y ait une baisse de ce
côté-là. Alors, la formule de péréquation
permet de garder cet équilibre-là.
M. Filion: Est-ce que vous croyez qu'en essayant de
décentraliser et en essayant de ramener la perception des revenus ou
que, si vous aviez une plus grande possibilité d'assumer
la gestion de vos revenus et de vos dépenses, vous iriez, dans ce
genre d'orientation là, vraiment désengager ou moins alourdir la
gestion? On a l'impression qu'on vit dans une lourdeur administrative à
tous les niveaux des paliers, que ce soit provincial, municipal ou scolaire.
Dans cette orientation-là que vous prôner, est-ce que vous croyez
vraiment arriver à des économies d'échelle importantes de
par le système qui existe actuellement?
Mme Drouin: Oui. Le système, actuellement, il est
dispendieux à plusieurs égards. Quand on doit, pour un même
dossier, par exemple, le faire cheminer... Bon, on part d'une commission
scolaire avec un dossier, on passe par la direction régionale,
quelquefois c'est réglé au palier régional, quelquefois il
faut que ça se rende à Québec également, ça
revient par la direction régionale, ça revient à la
commission scolaire. S'il y a plus de pouvoir qui est donné directement
aux commissions scolaires et qu'on évite ce cheminement-là ou ce
dédoublement parfois dans les dossiers, ça nous apparaît
qu'il y aura des économies d'échelle au niveau de tout le
système.
Je parlais de l'exemple des dérogations tout à l'heure, je
pense que c'est un exemple frappant, même si je n'ai pas de chiffres
précis à vous donner: les formulaires qui partent de la
commission scolaire à la direction régionale, au
ministère, et en chemin inverse également, pour aboutir de
nouveau au niveau des commissions scolaires, alors que, maintenant, ça
se fait localement et sans ajout de personnel localement, parce que ce sont des
dossiers qui se règlent à travers ce qui se fait couramment.
Le Président (M. Lemieux): Malheureusement, M. le
député de Montmorency, le temps est déjà
écoulé, de même que pour les ministériels, M. le
président du Conseil du trésor.
Nous vous remercions pour votre participation à cette commission
parlementaire.
Nous allons suspendre environ deux minutes pour permettre à
l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie de bien
vouloir prendre place à la table des témoins.
Mme Drouin: Je vous remercie, M. le Président.
(Suspension de la séance à 10 h 53)
(Reprise à 10 h 56)
Le Président (M. Després): J'inviterais
l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie à
prendre place à la table de la commission.
Avant de commencer votre présentation, j'aimerais vous faire
connaître le temps dont nous disposons, c'est-à-dire une heure,
une période maximum d'une heure. Vous avez une période maximum de
présentation de 20 minutes, après quoi nous pourrons entreprendre
une discussion avec les députés ministériels et les
députés de l'Opposition pour une période conjointe de 20
minutes. Donc, si M. Trempe peut présenter l'équipe qui
l'accompagne et commencer dès maintenant la présentation de son
mémoire. M. Trempe.
Association nationale des distributeurs de tabac et de
la confiserie (NATCD)
M. Trempe (Raymond): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les
membres de cette commission, on vous remercie, la première des choses,
de nous recevoir chez vous. Mon mon est Raymond Trempe, comme vous l'avez
mentionné. Je suis accompagné de MM. Richard Guindon, Robert
Beaudry, Jean-Paul Deslières. Nous sommes tous membres de l'Association
nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie et nous faisons partie
aussi d'un comité tabac-taxation pour le Québec, pour notre
association nationale.
Le point important à mentionner, c'est que nous sommes tous des
distributeurs, gestionnaires, grossistes de commerces indépendants.
Notre clientèle aussi est une clientèle composée de
détaillants, elle est complètement indépendante,
rattachée à aucun groupement, soit des tabagies, des
dépanneurs, des épiceries. Comme représentant de notre
groupe de détaillants, nous avons M. Jean-Gilles Boisvert, qui est
gestionnaire de plusieurs tabagies dans la région de
Montréal.
Le point principal de notre groupe, c'est que nous opérons
partout sur le territoire de la province de Québec. Sans exception, nous
avons des capitaux québécois. Tous nos entrepôts, nos
bureaux, nos bureaux-chefs sont situés au Québec. Tous les
employés cadres, cadres supérieurs, propriétaires sont des
Québécois. Et puis, point principal, je crois, aucune de nos
entreprises, autant comme distributeur que comme détaillant, ne
reçoit de subvention de quelque gouvernement que ce soit, à
quelque niveau que ce soit. (11 heures)
Alain Dubuc mentionnait dans son editorial du 8 février au sujet
de cette commission: «Depuis 10 ans, les gouvernements péquistes
et libéraux ont solennellement sonné l'alarme, année
après année, sur la crise des finances publiques qui les prive de
marge de manoeuvre. Ils ont aussi déploré l'explosion
incontrôlable de leurs dépenses et ont affirmé l'urgence
d'un redressement. Et, depuis 10 ans, à chaque fois que l'on veut que
cette menace suscite un débat de société, on sollicite
invariablement les mêmes organismes, indécrottables
habitués des commissions parlementaires, véritables machines
à produire des mémoires qui, invariablement,
répéteront chacun leur credo.»
Dans notre cas, je tiens à vous signaler qu'on n'est pas des
organismes indécrottables habitués de commissions parlementaires.
On est ici pour une première fois, depuis 10 ans que cette commission
existe. C'est bien pour sauver notre peau, sauver nos commerces, sauver des PME
dans la province de Québec. D'après ce que je peux comprendre,
puisque cette commission existe depuis maintenant 10 ans, il semble bien que le
gouvernement ait compris qu'il ne fallait plus augmenter les taxes.
Mais, d'après ma compréhension, il y a deux sortes de
taxes pour un gouvernement. Il y a des taxes avec un T majuscule et des taxes
avec un t minuscule. Si le résultat a réellement
été compris depuis 10 ans et que les taxes avec un T majuscule
n'ont pas été tellement augmentées - on veut tout
probablement parler d'impôts, de taxes visibles - les taxes avec un t
minuscule n'ont certainement pas été bien comprises ou du moins
ont peut-être servi à boucher tous les autres trous qui
existaient. Les taxes sur le tabac ont augmenté, depuis ces 10
dernières années, de 778 %. Depuis les trois dernières
années, elles ont augmenté de 92 %, même si certains ont
amené un chiffre de 50 %; c'est à cause des multitudes de taxes
que comprend la taxe sur le tabac. Souvent, c'est mal compris. Il y a eu 778 %
d'augmentation des taxes sur le tabac depuis 10 ans, malgré que les
résultats des commissions parlementaires aient été de ne
plus augmenter les taxes. On peut certainement dire qu'aujourd'hui le niveau de
taxation sur les cigarettes a définitivement atteint un seuil marginal
décroissant. Plus on taxe, moins on en retire.
Dans notre commerce, aussi bien de distributeurs que de
détaillants, on peut subir une hausse graduelle ou une baisse graduelle
du volume. Une perte de volume d'un certain pourcentage par année,
chacun est capable de s'y ajuster et de trouver d'autres produits pour la
remplacer. Mais c'est impossible de subir une baisse de volume de 50 % en moins
de deux ans. C'est absolument impossible de s'ajuster à ça. Et
puis la baisse de volume se fait assez curieusement qu'un commerce a encore
plus de difficultés à s'y ajuster. C'est que, si on avait perdu
la moitié de notre clientèle, 50 % de notre clientèle,
pour une raison quelconque, un cataclysme qui est arrivé, on pourrait
s'y ajuster parce que ça prendrait 50 % moins de camionneurs, 50 % moins
de «prépareurs» ou de n'importe quels travaux que vous avez.
Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. On a perdu 50 % du volume égal.
Ça veut donc dire que nos opérations servent la même
clientèle. Nos opérations servent le même nombre de
clients, mais, chacun des clients, son volume a baissé de 50 %. Cela
veut dire que nos coûts fixes, nos coûts demeurent les mêmes,
pratiquement les mêmes, pour une perte de volume de 50 %. C'est là
que, pour le commerce de distribution aussi bien que pour le commerce de
détail, on en souffre énormément.
Au détail, eux autres, ils ont perdu 50 % ou même plus des
ventes de cigarettes. Ça a fait perdre un achalandage pour la vente des
autres produits, ce qui est très difficile à
récupérer, surtout dans la courte période de temps qu'on
a. Comme je le mentionne souvent, les grossistes et les détaillants
indépendants sont aussi intelligents, sinon plus intelligents que
n'importe quelle organisation à gros volume ou très
renommée ou qui est très respectée par la Caisse de
dépôt. On est indépendant, on n'a pas la Caisse de
dépôt, on est peut-être inconnu, mais on est capable de
«fighter» n'importe qui. Je n'ai peur d'absolument personne.
Mais, dans le cas qui nous préoccupe présentement, le
problème est plus grave. C'est que notre compétition, son
produit, les cigarettes que nous autres on paie 43,67 $ le
«carton», eux autres il leur coûte 8,15 $. Ça, c'est
très difficile à combattre. La cigarette de contrebande
coûte 8,15 $ le «carton» au contrebandier, alors que, nous
autres, avec les taxes, c'est près de 43 $, 44 $. Ça, il n'y a
personne, il n'y a absolument aucun commerçant, aucun gestionnaire qui
peut combattre une si grande différence avec sa compétition,
parce que la compétition principale aujourd'hui, c'est la contrebande.
Avec une si grosse différence de prix, on ne pourra jamais y arriver. Et
puis, graduellement, ce qui se produit depuis trois ans, la contrebande prend
un volume accroissant. Ça croît d'année en année, et
de la façon que ça procède, d'ici peu de temps, le volume
au complet sera vendu par la contrebande.
Il y a une seule solution - il semble qu'aussi bien l'Opposition que le
gouvernement aient trouvé la solution - il s'agit de baisser les taxes.
Maintenant, la question que je me pose et la question qu'on se pose, la
question qu'on doit se poser, c'est: Combien et quand? La situation est
alarmante. Il faut qu'on ait la solution très rapidement, parce que,
d'ici cinq mois, six mois, une grosse, grosse partie du commerce va
disparaître. Il y en a déjà de disparu.
Et puis j'espère que le gouvernement n'achètera pas, ni
plus ni moins, sa récompense morale en disant: Je les ai
baissées, et je les ai baissées d'une piastre. Ça,
ça ne vaut absolument rien. Lui a perdu une piastre, et tout le monde a
perdu une piastre, et la contrebande reste au même niveau. La
compétition de la contrebande... Je vous l'ai dit tout à l'heure,
elles leur coûtent 8,15 $ le «carton» et,
présentement, sur ie marché de la contrebande, il se trouve des
cigarettes à 14 $, 15 $ le «carton». Ça veut donc
dire qu'une baisse telle que je l'ai vue dernièrement, qui avait
été proposée, à 2,50 $ le paquet de cigarettes de
25 - de taxes - ramenait un «carton» de cigarettes à 30,72
$. N'y pensez pas, c'est comme si vous n'aviez rien fait Absolument rien! Il
faut que la taxe soit baissée pour arriver à contrebalancer la
contrebande
complètement, pour tuer la contrebande totalement.
Ça veut donc dire que, dans les mois suivants, le gouvernement
pourrait reprendre un peu du marché de la taxation. Moi, je n'ai rien
contre la taxe. Que le gouvernement charge 100 $ en taxes sur un
«carton» de cigarettes, ça ne m'affecte absolument pas,
pourvu que le gouvernement soit capable de me protéger, comme
distributeur légal dans la province de Québec, avec un mandat du
gouvernement pour collecter ses taxes, afin que je les vende toutes, ces
cigarettes-là, et qu'elles ne soient pas vendues par mon
compétiteur qui est le contrebandier. Si je les vends toutes, parfait!
Il n'y a aucun problème avec ça.
Mais, présentement, tous les corps policiers l'ont dit, c'est une
cause perdue. Ils ne peuvent absolument rien y faire. Il y a au-dessus de 143
routes qui traversent la province de Québec et qui se rendent aux
États-Unis, où il n'y a même pas un poste de
frontière, et la plupart des autres sont surveillées seulement 8
heures sur 24. Ne pensez pas que les contrebandiers ne les connaissent pas! On
a le fleuve Saint-Laurent à côté de nous autres, qui se
rend jusqu'à Saint-Pierre et Miquelon, qui n'a absolument rien à
voir avec notre système de taxation. C'est absolument impossible de le
bloquer.
Le point principal, vous l'avez tout probablement vu dans le
mémoire qu'on vous a présenté, c'est que, depuis les
derniers trois ou quatre ans... À la page 4, vous avez le tableau qui
vous présente l'augmentation du prix des cigarettes, qui a fait doubler
le prix des cigarettes en trois ans, qui se détaillaient à 24 $
et qui se détaillent aujourd'hui à 48 $ pour un
«carton» de cigarettes. Comme de raison, c'est directement dû
à l'augmentation des taxes fédérales et provinciales -
vous voyez le tableau en page 5 - où il y a eu une progression presque
extraordinaire des taxes dans les 3, 4 dernières années, et
extraordinaire depuis les 10 dernières années, qui
dépassait de beaucoup l'augmentation du coût de la vie.
Mais, pour arriver, comme je vous l'ai dit tout à l'heure,
à la diminution des taxes, je voudrais vous présenter les
chiffres, les vrais chiffres des pertes que le gouvernement fait. La taxe sur
le tabac est une taxe compliquée. Elle comprend la taxe réelle du
tabac, elle comprend la taxe spéciale olympique sur le tabac, elle
comprend aussi la taxe de vente du Québec, qui est chargée
après la TPS. C'est des taxes que le gouvernement collecte lorsqu'un
«carton» de cigarettes est vendu légalement. Ça fait
qu'il y a plusieurs chiffres qui sont lancés: perte de 75 000 000 $,
rajustée la semaine d'après par le ministère du Revenu
à 150 000 000 $. Je sais d'où ils viennent, les chiffres. Ils
viennent d'un estimé budgétaire, et un estimé
budgétaire comprenant un chiffre de x millions de dollars dus à
la contrebande, qui est déjà compris dans l'estimé
budgétaire qui, peut-être, oublie la taxe spéciale
olympique, qui ne parle certainement pas de la TVQ sur la vente des cigarettes.
Ça fait qu'on parie d'une taxe spécifique des cigarettes, une
petite partie à l'intérieur où, là, on va
peut-être perdre 150 000 000 $ sur la prévision
budgétaire.
Ça, ce chiffre-là, je peux vous dire que je suis
prêt à le débattre en n'importe quel temp; il est
absolument, totalement, complètement faux. La perte réelle du
gouvernement du Québec, comprenant toutes les taxes sur le tabac, va
excéder de beaucoup 500 000 000 $, tout probablement dans les alentours
de 550 000 000 $. Mais, là, je parle de perte réelle sur la taxe
spécifique sur le tabac, réelle sur la taxe olympique,
réelle sur la taxe de vente du Québec, qui est chargée
après la TPS. Ça excède de beaucoup 550 000 000 $.
Lorsqu'on parle de diminution d'une taxe, il faut prendre ce chiffre-là
en mémoire, parce que c'est réellement le vrai chiffre.
Il y a aussi une partie qu'on oublie souvent, c'est la taxe sur les
boites de tabac, de tabac coupé, coupe fine. Vous savez que le Canada
n'exportait absolument rien en tabac coupe fine vers les États-Unis il y
a quatre ans et que, maintenant, c'est rendu une exportation qui dépasse
12 000 000 de boites par année, et les Américains n'en fument pas
plus.
Pour la preuve de tout à l'heure, je reviens à mon chiffre
de 550 000 000 $. Il se prouve de trois façons différentes, et
les trois arrivent au même chiffre. Il se prouve avec le tableau que je
vous ai présenté dans le mémoire, qui est sur la
consommation de cigarettes; il est fait par des études très,
très, très scientifiques, par l'industrie du tabac, depuis les 16
dernières années, comparativement aux ventes légales qui
se calculent très, très bien à chaque mois. Ça,
c'est la première, et ils arrivent avec la différence de quelque
26 000 000, 27 000 000 de «cartons» de cigarettes par année
qui se perdent à la contrebande. (11 h 10)
On peut le faire aussi par l'étude du budget, des estimés
budgétaires du gouvernement provincial. On sait que la consommation n'a
pratiquement pas baissé. Et, pour les adeptes antifumeurs, je peux vous
dire que, l'année passée, elle n'a pas baissé, elle a
peut-être augmenté un petit peu; c'est bien certain, on peut
trouver des cigarettes à 15 $, 16 $ le «carton». Il y a
beaucoup de personnes qui avaient arrêté de fumer et qui ont
recommencé à fumer. Mais, en calculant le budget du gouvernement
provincial, on arrive aussi au même cas. C'est que, si vous regardez
voilà trois ans en arrière, le budget pour les taxes sur les
cigarettes était de près de 504 000 000 $; depuis ce
temps-là, les taxes ont doublé, puis il est encore à 504
000 000 $, puis la consommation est demeurée à peu près
stable. Donc, il manque un
autre montant de 500 000 000 $, là. C'est la preuve par le budget
provincial.
Puis la troisième preuve: les exportations de cigarettes vers les
États-Unis. Là, il y a un chiffre qui est difficile, c'est qu'on
ne connaît pas la partie qui revient dans la province de Québec.
Mais, quand même, par le niveau d'exportation et la consommation de la
province de Québec versus ce qui s'exporte dans les autres provinces, on
arrive aussi proche du même chiffre. Donc, on peut le prouver de trois
façons différentes. Le chiffre que je vous dis, il est absolu, il
est vrai, il est prouvable, il est de quelque 550 000 000 $ par
année.
Tout à l'heure, je vous ai parlé du nombre de
«cartons» de cigarettes qui passaient en contrebande; il est
à peu près de 26 000 000, 27 000 000, 28 000 000 de
«cartons» de cigarettes par année. Dans un des tableaux qui
marquent les pertes qu'il peut y avoir sur les cigarettes de contrebande, on
mentionne qu'un camion-remorque de cigarettes qui revient dans la province de
Québec rapporte aux contrebandiers 1 400 000 $. Je ne sais pas si, avec
1 400 000 $, la police sur le tabac qui a été instituée
par le gouvernement, qui sont d'ailleurs d'anciens policiers de longue date
à leur retraite, qui ne peuvent même plus être claires...
Être un contrebandier, j'aurais beau jeu pour offrir une
récompense pour que le gars se ferme les yeux pendant quatre secondes,
pendant que ma «vanne» passe.
Ce que je peux vous dire, c'est que ce qui est arrêté
présentement, c'est les petits contrebandiers de fin de semaine,
à peu près rien. Les vrais, vous n'y touchez jamais et vous ne
pourrez pas y toucher, ils ont les finances nécessaires pour être
capables de faire ouvrir la porte toute grande quand ils partent avec leurs
cigarettes. Ce qui est arrivé, à cause que le gouvernement n'a
pas réagi voilà 18 mois, la première fois qu'on l'a
rencontré - on demandait, à ce moment-là, de
réduire les cigarettes à 27 $ le «carton» - le
réseau s'est amélioré de beaucoup depuis ce
temps-là; il y a des ramifications partout dans la province de
Québec. On est obligé aujourd'hui de demander au gouvernement de
baisser les taxes afin que les cigarettes se détaillent 16 $, 17 $ le
«carton», comprenant la TPS et la TVQ. C'est le point de vue des
grossistes. J'aimerais maintenant qu'un tabagiste, un opérateur de
tabagie vous dise la réaction que ça a produit sur sa
clientèle, l'augmentation des taxes sur le tabac.
M. Boisvert (Jean-Gilles): Bonjour. Mon nom est Jean-Gilles
Boisvert. Je représente Tabatout inc. Tabatout, c'est une petite
chaîne de 13 tabagies situées principalement dans des centres
commerciaux régionaux. Elle compte 7 établissements
franchisés et 6 corporatifs. On l'a entendu plus d'une fois, la
contrebande coûte cher. Elle coûte cher aux petits entrepreneurs,
elle coûte cher aux honnêtes citoyens et elle coûte cher,
enfin, à tous les contribuables. dans notre chaîne seulement, il
s'est vendu en 1992, par rapport à 1990, 25 000 cartouches de cigarettes
de moins, soit une diminution de nos ventes de 55 %, en volume. cela
représente un chiffre d'affaires de plus de 1 000 000 $ et une perte de
profits de plus de 200 000 $ annuellement. cette contrebande du tabac a
déjà coûté trop cher à trois de nos
franchisés, dont deux ont déclaré faillite et un a tout
simplement remis les clés au franchiseur. ces franchisés avaient
investi toutes leurs économies dans leur petit commerce.
âgés entre 50 et 60 ans, ils se retrouvent aujourd'hui sans le
sou, démunis, devant rien.
Ce n'est pas la récession qui leur a fait perdre leur entreprise;
notre genre de commerce est généralement à l'abri des
récessions. Le consommateur ne se prive pas beaucoup des petits items
qu'on lui offre. Non, ce n'est pas la récession, c'est directement et
entièrement à la contrebande du tabac que l'on attribue la baisse
de nos ventes et de nos profits. Ces petits entrepreneurs et ex-entrepreneurs
sont aussi d'honnêtes citoyens qui sont révoltés de voir
toutes leurs économies prendre le chemin des criminels. C'est en effet
révoltant pour le petit entrepreneur honnête, qui travaille
à la sueur de son front, qui respecte les lois et qui paie ses
impôts, de voir les criminels empocher les profits à sa place. Ces
vendeurs illicites du tabac sont devenus une concurrence déloyale,
illégale, révoltante. À cause de notre
honnêteté, on ne peut pas compétitionner, dans la
légalité, avec ceux qui nous conduisent à notre perte.
C'est révoltant, en effet, pour le petit entrepreneur de se faire
narguer tous les jours par des gens qui nous disent qu'on vend nos cigarettes
trop cher. C'est aberrant, tout ce qu'on peut entendre dans nos magasins
quotidiennement. Les clients nous disent qu'on devrait s'approvisionner chez
les Indiens et vendre nos cigarettes au prix de la contrebande si on veut
récupérer notre clientèle. Certains se disent même
heureux de l'existence de la contrebande parce que, grâce à elle,
ils fument enfin à un prix raisonnable. Certains autres nous disent
qu'ils n'achètent plus leurs cigarettes à la cartouche, ils les
achètent maintenant à la caisse, pour 900 $, soit à peu
près l'équivalent de 18 $ la cartouche. Certains nous affirment,
dans nos magasins toujours, sans gêne, que leurs enfants se chargent
d'écouler les surplus à l'école; il faudra en acheter deux
caisses, nous disent-ils, parce que les enfants n'ont pas la quantité
suffisante pour répondre à la demande. C'est révoltant de
se faire dire, toujours dans nos magasins, que certains réalisent 1000 $
2000 $, 5000 $ de profit par semaine en revendant des cigarettes, ces
gens-là étant, à ce que je sache, il y a peu de temps, des
gens honnêtes. Ils se croient encore honnêtes parce que, en effet,
la contrebande du tabac a créé dans la
population un sentiment de légitimité à
défier ouvertement les lois.
Ces petits entrepreneurs que nous sommes ont choisi de gagner leur vie
honnêtement, en respectant les lois. Le petit commerçant est
aujourd'hui confronté à la dure réalité du
système qui favorise passivement la criminalité. Il n'y a pas que
le petit entrepreneur qui paie la note de cette contrebande; tous les
contribuables devront payer. La perte de revenus fiscaux sur la vente du tabac,
qui dépasse, on le dit, les 500 000 000 $, n'est, à notre avis,
que la pointe de l'iceberg. Cette perte fiscale sera de combien l'an prochain
si rien n'est fait? La part du marche accaparée par la contrebande
grossit à tous les jours. Elle a atteint plus de 40 % en deux ans; elle
sera de combien, l'an prochain?
À cette perte fiscale, ne devrions-nous pas ajouter les sommes
encourues pour enrayer ou contrôler cette contrebande? Combien a
coûté, par exemple, la police du tabac? Combien coûtent
à l'État, donc aux contribuables, les faillites et les pertes
d'emplois, conséquences de cette contrebande? Combien coûteront
à l'État les crimes qu'engendre et que subventionne la
contrebande du tabac? Comment seront utilisés les profits de ce
marché noir, sinon pour mieux organiser, armer et renforcer le crime
organisé? Devrait-on attendre qu'il prenne l'ampleur et la force de
celui que connaît l'Italie? Combien en coûtera-t-il...
Le Président (M. Després): En conclusion, M.
Boisvert, s'il vous plaît. Pour respecter le temps d'échange avec
les parlementaires, je vous demanderais tout simplement une courte conclusion,
parce que vous avez déjà dépassé le temps
permis.
M. Boisvert: J'en suis à ma conclusion, d'accord. Notre
société est déstabilisée par la contrebande du
tabac. Cette contrebande a des répercussions beaucoup plus importantes
qu'on ne peut l'imaginer. De plus, elle s'organise et s'amplifie à vive
allure, pendant qu'on reste là, simplement, à en parler. La
situation est urgente et, à notre avis, le moyen le plus sûr, le
plus rapide, le plus efficace et le plus économique est sans doute une
baisse substantielle des taxes. Merci.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M.
Boisvert et M. Trempe, pour cette présentation.
Nous allons commencer avec le ministre des Finances du
Québec.
M. Levesque: Alors, permettez-moi de vous souhaiter la plus
cordiale bienvenue à ce forum sur le financement des services publics.
Vous abordez un aspect particulier de la fiscalité et,
évidemment, un aspect qui vous touche de très près. Il n'y
a aucun doute que nous avons à solutionner un problème
réel. Disons tout d'abord, évidemment, que, quelle que soit
l'orientation de notre discussion, je dois d'abord vous rappeler que le tabac
n'est pas un produit qui est nécessairement relié positivement
à la santé. Je pense que vous admettrez avec moi que le tabac
cause des problèmes sérieux à la santé de notre
population et, même si nous recherchons une solution à un
problème, celui que vous soulevez, nous ne devons pas oublier,
évidemment, que le gouvernement ne peut pas, comme tel, encourager
l'utilisation du tabac. (11 h 20)
Ceci étant dit, il faut être pratique, avoir une approche
pour les quelques mois qui viennent. On ne changera pas les habitudes en si peu
de temps. Nous devons regarder cette situation, et nous l'avons vue, et nous
l'avons regardée. Je pense qu'il est important, et vous l'avez
souligné, de mettre fin à ce genre de contrebande qui a des
effets pervers sur la société. C'est un comportement qui est
dangereux pour l'avenir. Donc, il y a cet aspect-là
également.
Il y a aussi un autre aspect que je voudrais souligner, c'est que vous
attribuez à la fiscalité la raison principale de cette situation.
Je voudrais vous rappeler que la fiscalité - et vous le savez,
d'ailleurs, vous l'avez mentionné dans votre mémoire - est
devenue plus lourde beaucoup plus à cause de l'intervention du
gouvernement fédéral que de celle du gouvernement du
Québec. Vous l'admettez également. D'ailleurs, on n'a qu'à
regarder les chiffres et on s'aperçoit - vous le trouvez dans notre
document «Vivre selon nos moyens», à la page 39 - que la
taxation au Québec est l'une des plus basses de l'ensemble des provinces
canadiennes. On voit, par exemple, que_ le Nouveau-Brunswick, la
Nouvelle-Ecosse, l'île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, le
Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, toutes ces provinces ont
des taux de taxes plus élevés qu'au Québec.
Alors, il y a quelqu'un qui est venu dans le jeu avec une contribution
négative sur le plan de la fiscalité, et je crois qu'il y a
là une intervention du gouvernement fédéral qui doit
être corrigée à la base. Comme vous le disiez tout à
l'heure, même si on enlevait x % sur notre taxe provinciale, ça
n'empêcherait pas la contrebande de continuer. Je reçois de ce
message qu'il est important que les deux gouvernements s'impliquent, si c'est
du côté de la fiscalité qu'il faut procéder.
Nous avons fait des efforts. Le ministère du Revenu du
Québec a fait des efforts - peut-être que M. le ministre du Revenu
va vouloir en parler dans quelques instants - mais, apparemment, ce n'est pas
ça qui va régler la question, à moins d'avoir des
policiers dans chaque maison ou à chaque coin de rue. Donc, si on doit
revenir à la fiscalité, je comprends de votre message qu'il faut
que le gouvernement fédéral soit de la partie, autrement ce
serait simplement
nous priver de revenus sans avoir les effets escomptés. Nous
allons avoir dès demain une réunion interministérielle
ici, au Québec, sur le sujet, et ii faudra poursuivre du
côté du gouvernement fédéral, si c'est la voie qui
est retenue à notre réunion de cette semaine. C'est sûr que
votre mémoire et son contenu vont être parmi les facteurs que nous
allons examiner dans cette analyse de la situation.
Quant aux chiffres, il semble y avoir une difficulté de
s'harmoniser, mais il faut bien comprendre que, lorsque, nous, nous parlons de
150 000 000 $, nous parlons de 150 000 000 $ de moins que les prévisions
que nous avions. Parce qu'on ne semble pas toujours... Vous, vous l'aviez
compris, je vous ai entendu le dire, mais beaucoup ne comprennent pas que les
150 000 000 $... On dit: Bien, on perd plus que ça. Oui, parce que,
nous, nous avions prévu de perdre à peu près 175 000 000 $
et nous perdons 150 000 000 $ de plus. Alors, il faut faire l'addition des deux
pour avoir le chiffre, et le chiffre du gouvernement, ce n'est pas 150 000 000
$ sur la perte brute ou complète, mais c'est 150 000 000 $ par rapport
à nos prévisions. Donc, nous acceptons le chiffre de 325 000 000
$; nous n'allons pas au chiffre de 500 000 000 $. Et ça se comprend.
J'ai ici toutes sortes de chiffres et d'analyses qui indiquent la diminution
de... Parce que, vous, vous parlez de 1 500 000 $ et, nous, nous avons un autre
chiffre que celui-là, et nous nous fions également aux chiffres
des manufacturiers pour montrer qu'il y a une diminution dans l'utilisation.
Peut-être que, dans les derniers mois - on le verra plus tard... Vous
dites que, maintenant, la contrebande va peut-être amener des gens
à recommencer à fumer. J'espère que non; ce serait encore
un effet néfaste.
Alors, si on réconcilie ces chiffres, je pense que vous pouvez
vivre avec ce chiffre de 325 000 000 $, qui est une explication beaucoup plus
plausible et qui réconcilie pas mai les chiffres qui ont
été avancés, parce qu'on a avancé quelque 420 000
000 $, on a avancé quelque 300 000 000 $. Pour nous, les chiffres,
d'après nos recettes, d'après nos experts, se chiffrent à
325 000 000 $, soit 150 000 000 $ de plus que nous n'avions prévu dans
le dernier budget.
Alors, la seule question que je pourrais, à ce moment-ci, vous
poser, c'est: Est-ce que vous pourriez nous donner le chiffre magique qui va
arrêter cette contrebande, si on se tourne vers la fiscalité, et
quelle est la partie qui devrait être utilisée? Du
côté fédéral, du côté provincial,
quelle est votre estimation? Parce qu'il faut bien comprendre que les taxes
fédérales sur un «carton» de cigarettes sont
d'environ 19 $, alors qu'au provincial c'est environ 17 $, un peu plus que 17
$. Donc, on sait que c'est le gouvernement fédéral qui a le plus
de revenus provenant de cette taxe, et, si le gouvernement
fédéral n'intervient pas, vous avez raison de vous poser des
questions.
M. Trempe: Pour répondre à vos questions, je
voudrais tout simplement faire quelques petites clarifications, si nous prenons
votre chiffre de 325 000 000 $ comme acquis. Dans notre calcul, nous autres, on
rajoute la TVQ, par exemple. Il ne faut pas oublier que la TVQ aussi est
perdue.
M. Levesque: Nous l'avons, nous l'avons. Lorsque nous parlons de
325 000 000 $, nous parlons de la taxe spécifique et nous y ajoutons les
8 % de la TVQ.
M. Trempe: Plus la taxe olympique.
M. Levesque: Plus la taxe olympique, oui; tout est inclus.
M. Trempe: Permettez-moi de vous dire poliment que je ne suis pas
d'accord avec votre chiffre mais, quand même, continuons.
M. Levesque: Mais on n'est pas tellement loin!
M. Trempe: Bah! Quelques millions!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levesque: C'est-à-dire, je ne parlais pas de votre
dernier chiffre mais du chiffre qui avait été avancé
antérieurement, de 400 000 000 $. Vous savez, vous ne pouvez pas,
malgré toute votre bonne volonté, arriver
précisément. Quant à nous, nous avons la meilleure chance
de l'avoir, le chiffre, parce que nous avons les recettes qui rentrent chaque
mois, directement. Et c'est ainsi que nous arrivons à ce
chiffre-là. Et ce chiffre-là, je ne l'ai pas inventé; il
provient des sources gouvernementales qui sont près, évidemment,
de ces recettes et des revenus.
M. Trempe: Vous m'avez déjà dit vous-même,
lors d'une réunion, il y a à peu près un an, que vous
aviez les résultats six mois trop tard à votre ministère.
Peut-être qu'il se produit... En tout cas, politiquement...
M. Levesque: Ah non, non, non! Ce n'est pas à ce
sujet-là! Ha, ha, ha!
M. Trempe: Comme homme politique, j'imagine, très
renommé, vous avez commencé en parlant du tabac et de la
santé. C'est peut-être intéressant comme
déclaration, mais ça n'a absolument rien à voir avec ce
qu'on fait aujourd'hui, parce qu'il ne faut pas oublier... Prenons comme
acquis, par exemple, que toutes les cigarettes font mourir, que tout le monde
qui fume va mourir. J'imagine qu'ils vont mourir pareil, même s'ils ne
fument pas, mais ça fait
mourir. Chose certaine, lorsque les cigarettes sont vendues par la
contrebande, vous n'en collectez pas une cent. Si, réellement, les
cigarettes doivent rendre malade puis doivent faire mourir, parfait! Mais, au
moins, collectez les taxes dessus. Ça fait que, là, la cigarette
achetée en contrebande, si elle fait mourir, elle fait autant mourir que
l'autre. Elles sont pareilles toutes les deux. Ça fait que je veux qu'on
détache cette partie-là, elle n'a absolument rien à voir
avec notre débat. Il se vend, il se consomme autant de cigarettes. Puis
si, un jour, c'est toutes des cigarettes illégales qui se consomment,
j'imagine qu'il va y avoir autant de personnes malades parce qu'elles fument,
parce que ça va être des cigarettes pareil. Ça, c'est une
première clarification. Je veux bien croire que, politiquement, disons,
ça a sa raison d'être.
Quand on parle de fiscalité, de la taxe, c'est officiel que, pour
arrêter, stopper le réseau complètement, le gouvernement
provincial, de lui-même, ne peut rien y faire, parce que, même si
toutes les taxes provinciales étaient abolies sur les cigarettes demain
matin, ce ne serait même pas suffisant pour l'enrayer. (11 h 30)
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, un «carton» de
cigarettes coûte 8,15 $. Ça veut donc dire qu'il faudrait qu'il se
vende à un prix assez bas pour enrayer le réseau. Ce à
quoi on est arrivés, nous autres, comme présentation de chiffres
- M. le ministre le demandait tout à l'heure - on dit qu'un
«carton» de cigarettes devrait se vendre 16,78 $, qui se
compléteraient de cette façon-là: droit d'accise, taxe
d'accise, 2,50 $; taxe spécifique du Québec, 2,50 $ sur le tabac;
marge grossiste et détaillant, 3 $; TPS et TVQ, 1,01 $, 1,25 $, ce qui
donnerait un prix de détail de 16,78 $. Comme vous l'aurez
remarqué, là-dedans, il y a certains chiffres qui ne peuvent
absolument pas changer, comme le prix du manufacturier à 7,52 $. Il y
aurait un total de taxes fédérales de 3,51 $; on
rétablirait ce qui se produisait auparavant entre la taxe
fédérale et provinciale, où la taxe provinciale a tout le
temps été plus grande que la taxe fédérale, la taxe
provinciale étant de 3,75 $.
Je veux bien croire que c'est un grand, grand, grand coup d'arriver avec
ça. Par contre, l'avantage... On ne peut pas prendre un
demi-remède ou une demi-mesure, il faut détruire le
réseau. Si on réduit les taxes, et que le prix devient juste
semblable au réseau, on vient de rien régler, parce qu'il y a
encore beaucoup de jeu pour baisser le prix. Moi, je dis au gouvernement:
Détruisez le réseau, dans un premier temps. Je veux bien croire
que, pour les finances publiques, peut-être que ça va faire mal
pour trois mois, mais ça n'oblige pas le gouvernement à attendre
un prochain budget pour réajuster la taxe. Il s'agit que le gouvernement
surveille attentivement la contrebande des cigarettes et réajuste
graduellement sa taxe.
Je suis d'accord que le gouvernement doit collecter des taxes sur le
tabac. Je suis d'accord qu'à 16,78 $ c'est peut-être un prix qui
est peut-être un peu bas - on n'a pas été habitué
à ça. Par contre, il est peut-être un peu bas, mais il est
proche de quelque chose. Le prix de 16,78 $, c'est le prix que les cigarettes
se vendaient au mois d'avril 1985. Ce n'est pas des milliers d'années en
arrière. Le prix de 16,78 $, ça serait le prix indexé des
cigarettes qui se vendaient en 1982, il y a 10 ans. Un «carton» de
cigarettes, c'était 12,56 $. Si on l'indexe, ça arriverait
à peu près à 16,78 $, aujourd'hui.
Ce n'est pas de demander... C'est tout simplement de rétablir le
prix des produits de tabac dans leur réalité. On a
exagéré depuis 10 ans, il faut reculer. On a fait erreur depuis
10 ans, on a surtaxé, il faut reculer et là reprendre le chemin
perdu. Mais n'oubliez pas que la perte du gouvernement... le gain du
gouvernement ne serait pas tout simplement de dire: Je baisse ma taxe. Le
réseau est très bien structuré sur la vente de la boisson
forte, n'oubliez pas ça. Le réseau vend beaucoup de produits
volés. Le réseau coûte énormément au
gouvernement en police, en surveillance, en tout ce que vous voulez, et il
s'amplifie. Il faut l'arrêter. Moi, je dis: Pas de demi-mesure, 16 $,17 $
du «carton».
Le Président (M. Després): Merci, M. Trempe.
Je passerais la parole, maintenant, au député de
Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. Je vous
souhaite la bienvenue au nom de l'Opposition officielle et je vous remercie de
votre mémoire, qui est très éclairant. Vous venez
d'entendre le ministre des Finances, qui va me dire, comme à l'habitude,
que je suis partisan, mais, comme Opposition, je dois critiquer justement le
gouvernement. C'est mon rôle de le faire. Je l'ai fait à plusieurs
occasions, depuis le discours sur le budget de 1989, et, en particulier, nous
avions souligné, comme Opposition, que les gestes qu'il posait, les
décisions qu'il avait prises conduiraient nécessairement à
la contrebande. En réalité, nous faisons face aux mêmes
problèmes auxquels les gouvernements ont fait face il y a 70 ans lors de
la prohibition aux États-Unis. C'est un phénomène
exactement semblable. Lorsque les gouvernements exagèrent, lorsqu'ils
défendent urbi et orbi la consommation de biens qu'ils jugent ne pas
devoir être consommés et qu'ils exagèrent sur les taxes, on
aboutit exactement à ce qui se produit ici. Aujourd'hui, ceux... les
marchands sont victimes de l'illégalité. Hier, on en voyait
d'autres qui étaient dans l'illégalité et qui voulaient
régulariser leur situation. Alors, nous avons, justement, ce
gouvernement qui prend des décisions qui n'ont pas d'allure.
J'ai l'impression plutôt que votre chiffre de 537 000 000 $ perdus
par le gouvernement du
Québec sur le tabac, en taxes, est plus proche de la
réalité que le leur. Je voudrais tout de suite dire une chose. Le
ministre, si j'ai compris, a admis qu'il avait escompté dans ses revenus
une perte de 175 000 000 $ et que, dans sa synthèse des
opérations financières, il comptabilise en plus un autre 150 000
000 $ de pertes. Il vient d'admettre que ça fait 325 000 000 $ qu'il
perd, strictement à cause de cette décision sur les taxes. Oui,
il l'a dit, mais il aurait pu le dire lui-même parce que, en termes de
transparence, ses 175 000 000 $, lorsqu'il a fait son discours sur le budget,
il n'en a pas parlé. Il n'en a pas parlé, pas plus qu'il n'avait
parlé qu'il intégrait et qu'il harmonisait la TPS et la TVQ dans
son discours sur le budget de 1990. C'est ça, leur transparence.
Je l'entendais parier des solutions d'un air, je dirais, doucereux, en
disant: Maintenant, c'est le fédéral qui taxe plus que le
Québec. Le problème, vous l'avez très bien exposé.
Au point où nous en sommes, il n'y a pas d'autre solution que de
repartir à zéro, pas d'autre solution pour tuer dans l'oeuf les
réseaux de contrebande, mais sa décision doit être prise
avec l'autre gouvernement, fédéral. Or, quand on examine ici les
dossiers, quand on examine les dossiers et qu'on demande d'examiner, par
exemple, les déficits du fédéral, qu'on demande de le
faire, on nous refuse même une séance d'une journée. C'est
ça, on la refuse. Encore, ce matin, et on l'a refusée hier, et on
va prendre toutes sortes de subterfuges, de procédures pour le faire,
mais, effectivement, la décision doit être prise par les deux
gouvernements en même temps, de réduire les taxes à
zéro et ensuite de les remonter. C'est la seule solution.
Aujourd'hui, tout le monde, je dirais, est mort de rire en dehors du
gouvernement, parce que tout le monde en profite sauf le gouvernement. J'ai
l'impression qu'on pourrait entendre les déclarations de la mère
de Napoléon, qui disait: «Pourvou que ça doure»!
Pourvu que ça dure! Pourvu que ça dure parce que, finalement,
c'est tout le monde qui fait de l'argent sauf le gouvernement. Mais,
aujourd'hui, la seule préoccupation qu'if a, c'est de faire venir
à la barre toutes sortes de groupes de la société, de les
désolidariser et de courir après des assistés sociaux,
après un fonctionnaire par ci par là, après des recettes
pour rééquilibrer ses budgets, alors que lui-même est la
cause de son propre problème, en ce qui concerne les taxes, parce qu'il
a exagéré. Il perd 550 000 000 $.
Alors, M. le Président, je voudrais qu'on l'établisse
davantage, le chiffre que vous avez dit, établi dans votre document: 537
000 000 $. J'aimerais que vous nous l'établissiez parce que ça
c'est important. Quand vous dites qu'il quitte du Québec quelque 20 000
000 de «cartons» de cigarettes, 29 000 000... Au fond, le ministre
des Finances, lui, admet 325 000 000 $ de pertes; vous, vous dites 537 000 000
$, sans compter ce qu'on perd au fédéral parce que, là
aussi, il y a un déséquilibre qu'on voulait examiner ici pour
voir les impacts ici sur nos propres finances. alors, j'aimerais que vous
explicitiez davantage sur quoi c'est basé.
M. Trempe: La première chose, avant de répondre
à cette question-là...
M. Léonard: Vous en aviez parié un peu, mais plus
précisément encore.
M. Trempe: vous avez affirmé une chose tout à
l'heure, qui me blesse un petit peu, d'une certaine façon. vous dites
que tout le monde en profite, sauf le gouvernement.
M. Léonard: Oui, O.K.
M. Trempe: Tout le monde en profite parmi les consommateurs. Le
gouvernement, il ne perd rien. Le gouvernement perd... Il y a 550 000 000 $,
moi, je dis, de manque à gagner. Il n'a rien dépensé pour
aller les chercher. Mais notre réseau, nous autres, on a 170 000 000 $
qu'on perd...
M. Léonard: O.K.
M. Trempe: ...de revenus, dont la dépense est là,
nous autres.
M. Léonard: Je l'admets.
M. Trempe: Nous autres, on a payé des employés, on
a payé des taxes, on a payé des loyers, on a payé
l'électricité, on a payé toutes sortes de choses, mais il
y a 170 000 000 $ qui nous manquent.
M. Léonard: O.K.
M. Trempe: Lui, il est grave. Le gouvernement, les 550 000 000 $,
il va les piger ailleurs, lui. Il va les trouver quelque part. Si ça lui
manque, un trou à une place, il met une montagne à l'autre, il
fait n'importe quoi, il va finir par le trouver, ou il va faire un
déficit.
M. Léonard: II va emprunter, lui.
M. Trempe: Puis, lui, il a le droit. Il ne fait pas faillite
quand il fait un déficit.
Nous autres, quand on arrive pour la preuve des 29 000 000 de
«cartons» de cigarettes, de la façon qu'on a
procédé...
M. Léonard: O.K.
M. Trempe: ...on a pris 1988 comme année de
référence. À ce moment-là, ça nous dit
purement et simplement que c'est... En 1988, je prends que la contrebande
était une contrebande
endémique, qui a tout le temps existé. Il y a toujours eu
un certain degré de contrebande, mais ce n'était pas une
contrebande organisée. Je dis 1988; j'ai vendu, à ce
moment-là, 66 500 000 cartouches de cigarettes dans la province de
Québec. Des chiffres prouvés, Statistique Canada, statistiques de
l'industrie. Je dis que mes ventes doivent être toutes des ventes
légales. Je prends la réduction de consommation qui est
prouvée par l'industrie. Elle n'aime pas trop le dire par exemple, mais
la baisse de consommation est à peu près de 1,5 % par
année. Beaucoup nous parlent de 3 %, et les associations d'antifumeurs
parlent de 40 %. Eux autres, ils prennent Statistique Canada pur. C'est vrai
qu'il se vend 40 % de moins de cigarettes, mais ça ne veut pas dire
qu'il s'en fume 40 % de moins, par exemple. Ça fait que, si vous voyez
la première colonne, celle qui est en plus pâle, c'est la
consommation avec une diminution de 1,5 % par année. Ça veut donc
dire que, théoriquement, la consommation en 1992 aurait dû
être de 62 500 000 cartouches de cigarettes dans la province de
Québec. (11 h 40)
Les ventes réelles, maintenant, déclarées,
où la taxe a été payée, qui sont passées par
le réseau des grossistes, c'est l'autre colonne à
côté. En 1992, ça a été de 33 600 000
cartouches. On était supposé en avoir vendu 62 500 000. Il y a un
manque à gagner de 29 000 000 de cartouches de cigarettes qui ne se sont
pas vendues dans la province de Québec. Là, j'arrive avec ma
taxe. Je peux faire la même chose avec les exportations. La
quantité d'exportations nous arrive à peu près au
même tableau. C'est de même qu'on arrive avec notre perte. Les
trois façons de la calculer arrivent proche des quelque 500 000 000 $.
Je ne sais pas si ça peut répondre à votre question. Je
pourrais vous en parler pendant deux, trois heures de temps, avec beaucoup de
tableaux de Statistique Canada.
Mais les gouvernements sont bien plus dans l'erreur. Je ne sais pas si
vous avez lu... Dans le mémoire que je vous ai présenté,
je fais l'analogie à un conseil des ministres, où le ministre de
la Santé se lève...
M. Léonard: Oui, c'est très bien, d'ailleurs. C'est
très réaliste.
M. Trempe: Je ne sais pas si vous voulez que je le
répète, mais c'est à peu près ce qui se passe. Ils
ont comme acquis Statistique Canada, et ils se fient sur Statistique Canada.
Mais, lorsqu'on parle d'un commerce illégal, Statistique Canada n'est
plus dans le portrait, parce que jamais Statistique Canada n'a demandé
à un contrebandier: Combien tu en rentres de «cartons» de
cigarettes? Ça, ils ne l'ont pas, ce chiffre-là, ça fait
qu'il en sort. Savez-vous que le Canada est le plus gros exportateur de
cigarettes vers les États-Unis? Le Canada représente presque 80 %
des importations de cigarettes aux États-Unis. Le Canada, c'est
extraordinaire ce qu'on exporte vers les États-Unis, mais il y a une
curiosité: dans tous les chiffres de statistiques de consommation
américaine, même pour les marques génériques
à peu près inconnues, il n'y a aucune marque canadienne. C'est
drôle. Statistics USA: plus gros exportateur, le Canada, mais on n'en
fume pas, par exemple. Ça fait drôle. Le Canada, la même
chose, eux autres, ils regardent Statistique Canada: Tabarnouche, ça va
bien les «boys»! Il ne s'en fume plus de cigarettes. Tout à
l'heure, on va innonder le marché américain. On exporte, c'est
une vraie peur. Notre niveau de vie va être extraordinaire d'ici cinq
ans. Les compagnies américaines vont toutes fermer leurs portes.
Ça va bien les «boys»!
Mais ce qui rentre, ils ne le calculent pas, et il n'y a pas
d'Américains qui en fument. Il y a quelque chose, quelque part, qui ne
paraît pas bien. C'est ça, qui est le résultat, qui ne
paraît pas bien. Il y a 29 000 000 de «cartons» de cigarettes
qui rentrent et il n'y a aucun département de statistiques qui s'en est
occupé, à venir jusqu'à date. Quand quelqu'un va commencer
à le regarder, il va dire: C'est vrai.
M. Léonard: M. le Président...
Le Président (M. Després): Oui, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: ...je vous crois davantage que le ministre des
Finances. Merci.
Le Président (M. Després): Merci. Je passerai la
parole au ministre du Revenu.
M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Je trouve les
déclarations du député de Labelle, particulièrement
acerbes, surtout que... Finalement, la situation qui existe, je pense que
ça doit être clair, elle n'est pas le résultat seulement
d'une intervention gouvernementale mais de plusieurs interventions
gouvernementales. Ils ont soulevé, à juste titre, effectivement,
que, depuis plusieurs années, les taxes sont haussées
considérablement sur le tabac, de façon à le rendre hors
marché. On constate, effectivement, depuis trois ans, comme vous l'avez
souligné si bien, une hausse importante - vous parlez de 92 % sur trois
ans et de 145 % à Ottawa.
Il y a, évidemment, des éléments qu'on pourrait
soulever pour apporter plus de nuances, peut-être le mettre dans une
meilleure perspective, mais, dans l'ensemble, vous avez raison. Il n'y a
personne ici qui vous conteste. Je pense que, ça aussi, il faudrait
également le retenir. Ce que nous cherchons, par exemple, c'est des
solutions.
Le ministre des Finances a soulevé tout d'abord le
problème de la santé. Ce n'est pas négligeable. On ne veut
pas parler de chiffres,
parce que c'est difficile de parler de chiffres dans un contexte de
santé. Mais j'ai vu des documents du ministère de la Santé
et des Services sociaux où on disait que, par exemple, le coût du
tabagisme - maladies au niveau des poumons, système respiratoire, des
choses semblables, les grippes; on ne parle pas de journées de travail
perdues, on parle tout simplement de coût directement au niveau des soins
de la santé, ce qui est attribuable au tabagisme - se chiffre à
plus de 900 000 000 $ au Québec, par année, récurrents.
C'est considérable.
Vous nous dites: La solution, c'est de réduire les taxes. On est
d'accord. Il n'y a personne qui conteste cet élément. Mais il
faut comprendre aussi que, sur un paquet de cigarettes, le gouvernement n'a que
2,50 $ de taxes. Le fédéral en a plus. Si on se revire de bord et
qu'on réduit nos taxes, supposons, de... Québec,
unilatéralement, le ministre des Finances se lève et il annonce,
par exemple, une réduction de 1,75 $, 2 $ le paquet. C'est
énorme, c'est des pertes de plusieurs centaines de millions de dollars.
Je ne suis pas sûr que la majorité des Québécois et
des Québécoises vont dire que c'a été une
réaction à propos. Je ne suis pas sûr de ça. Je
pense qu'il y en a qui vont se poser des questions sur le fait que, quand
même, 900 000 000 $... Le gouvernement fédéral n'a pas
bougé, et le prix du paquet a baissé seulement de 2 $,
c'est-à-dire qu'il est passé de 6,50 $ à 4,60 $, une
affaire comme ça. Je ne suis pas sûr que ça va avoir
l'impact... Je pense que l'orientation que vous cherchez, c'est de dire au
gouvernement du Québec: Fartes quelque chose! C'est également un
peu la même chose à Ottawa. Je pense que l'action doit être
concertée. C'est l'orientation que tout le monde recherche.
Est-ce que vous avez des données sur ce qui se produit
actuellement en Ontario, par exemple? Est-ce que vous avez examiné
ça? Est-ce que vous avez des informations, l'Association?
M. Beaudry (Robert): Je me présente. Robert Beaudry,
épicier en gros à ville d'Anjou. On a fait nos premières
représentations au gouvernement en octobre 1991 sur ce problème.
Ce n'est pas un problème qu'on discute depuis hier, et c'est de notre
survie qu'on discute actuellement. Vous m'excuserez, je ne suis pas politicien,
je suis le dirigeant d'une PME, et, quand je vous entends dire, la
santé, je suis d'accord avec vous. Mais je ne suis pas politicien, je ne
cours pas des votes, moi. Je suis sûr que, si vous voulez des votes, vous
êtes mieux de balancer votre budget, et, si vous sanctionnez -
excusez-moi, je suis nerveux parce que là vous m'avez piqué au
vif - la contrebande comme vous le faites depuis deux ans, vous vous en allez
vers l'anarchie.
Là, il est temps qu'on mette nos culottes et qu'on prenne des
décisions. Je crois que vous avez tous été nommés
ici par le peuple pour prendre des décisions qui sont, des fois,
déplorables. Comme moi, des fois, vu la contrebande, je suis
obligé de faire venir Jean dans mon bureau, qui a deux enfants, et de
lui dire: Écoute, Jean, parce que ton gouvernement ne veut pas prendre
de décision, je suis obligé de te laisser aller. Tu vas te mettre
sur l'assurance-chômage et peut-être, après, sur le BS.
Est-ce que c'est ça qu'on recherche dans notre économie, qui est
dure actuellement? Mais on va arrêter de tourner en rond. Je m'excuse
encore, je ne suis pas politicien, mais je gagne ma vie durement. Je n'ai pas
le droit à aucune subvention et je ne veux pas en avoir, mais je suis
rendu que je ne suis plus un grossiste en alimentation, je suis un percepteur
de taxes, et, pour ce faire, la sécurité de ma famille, de
moi-même et de mes employés est mise en péril à
cause du gouvernement et du niveau de taxation du produit que je dois vendre
pour survivre. Alors, s'il vous plaît, voulez-vous cerner le
problème et le regarder en face? Depuis octobre 1991 qu'on le regarde,
qu'on vous sensibilise, qu'on cogne aux portes, qu'on présente des
mémoires, et on se fait tourner en rond.
M. Savoie: on est d'accord et c'est partagé, là.
mais ce que j'essayais de présenter comme option, c'était la
réduction unilatérale, par le gouvernement du québec, de 2
$...
M. Beaudry: Je suis d'accord avec vous que ça prend les
deux niveaux...
M. Savoie: Bon.
M. Beaudry: ...mais je suis tanné de me faire dire:
Voulez-vous aller parler aux antifumeurs? Ce n'est pas eux autres qui prennent
la décision. Je n'ai pas voté pour eux pour prendre des
décisions pour moi...
M. Savoie: Non, non. C'est correct ça.
M. Beaudry: ...j'ai nommé un député
quelconque et un premier ministre quelconque, et au fédéral et au
provincial. Et on va faire des représentations au fédéral
demain. Malheureusement, on ne peut pas le faire dans la même
bâtisse, dans la même journée. Je suis tanné de me
faire dire: Mais, si l'autre le fait, moi, je vais le faire.
M. Trempe: II y a quand même quelques solutions que vous
avez en main. Si vous prenez la page 21 du mémoire, vous allez avoir des
solutions que nous autres on propose. On le dit, il y a peu de choix, en
réalité. C'est très restreint, mais il y a une solution:
demander au fédéral de subventionner les pertes subies, par le
fédéral, si vous baissez les taxes, et le fédéral
se doit de les baisser. Vous pouvez aussi - vous avez le pouvoir de le faire -
présenter un
ultimatum au gouvernement fédéral pour lui dire la
conduite à suivre dans la fiscalité sur le tabac. Ce n'est pas
parce qu'une province... Parce que, n'oubliez pas, la province de
Québec, nous autres, on a tout le temps été les premiers
dans les bons coups et dans les mauvais coups.
C'est vrai que, dans la fiscalité sur le tabac, c'est la place
où, réellement, la contrebande a commencé plus vite. Le
fédéral en souffre moins dans les autres provinces. Il commence,
là, par exemple. Ça commence à paraître beaucoup en
Ontario. La Colombie-Britannique commence. Ça veut donc dire qu'ils vont
réagir d'ici à peu près un an et demi, mais, nous autres,
ça fait deux ans qu'on l'a sur le dos. On va en mourir, on ne sera pas
capables de toffer. Ça fait qu'on dit: Dites au fédéral,
là, qu'il y a certaines divergences, différences entre la
province de Québec et les autres provinces. On te donne un ultimatum
à matin, voilà la conduite à suivre en fait de
fiscalité sur le tabac, puis arrange ça dans le plan de
péréquation, fais n'importe quoi, mais c'est de même que
ça doit marcher dans la province de Québec. Et, si vous faisiez
ça, je peux vous dire que vous joueriez un coup de dés
extraordinaire parce que la fiscalité sur le tabac dans les provinces
limitrophes serait réellement débalancée pour un grand
bout de temps. Je pense que des commerçants de l'Ontario ou des
consommateurs de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick viendraient acheteur leurs
cigarettes dans la province de Québec. Ça serait bon pour la
fiscalité du Québec.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trempe: Vous pourriez aussi carrément dire, avec les
autres provinces, au gouvernement fédéral de se retirer du champ
de la taxation sur les tabacs. Vous pourriez le dire, même s'il y a des
grincements de dents. Il y en a, dans votre province, qui sont après
mourir, qui ne paient plus d'impôt et qui vont perdre leur emploi tout
à l'heure. Dans ce temps-là, à un moment donné,
ça peut se dire. (11 h 50)
Et je donne comme quatrième alternative - peut-être que
certains vont le comprendre - tout autre choix que le gouvernement du
Québec décidera d'appliquer. Ça comprend n'importe quoi.
S'il ne veut pas mettre ses culottes, bien, ôtez-y complètement
ses culottes. Donnez un coup. Ring! Il n'en a plus. Là, ça va se
placer dret-là. Mais il faut que quelque chose se passe. Comme un de mes
amis disait, quand tu es après te noyer, au milieu du fleuve
Saint-Laurent, tu peux te poigner après un cure-dent pour essayer de te
sauver.
On est après se noyer, nous autres, à cause de la
fiscalité, pas parce qu'on a mal agi. Nous autres, on est légaux,
on ne vend rien que des produits qui sont complètement légaux.
Nous autres, on a pignon sur rue; ça fait excessivement plaisir aux
fonctionnaires du ministère du Revenu de venir nous trouver pour essayer
de nous harceler, puis de fesser sur nous autres. On a pignon sur rue, nous
autres. Les autres sont dans la nature. Les autres, quand le gouvernement du
Canada passe une loi, qu'ils n'ont pas le droit de vendre à une personne
en bas de 18 ans, pensez-vous que les contrebandiers vont suivre cette
loi-là? Ils vont avoir de la misère à les ramasser en
étoile! Ils les vendent dans les cours d'école, ils en vendent
n'importe où, des cigarettes.
On vous en fait, des recommandations. Il s'agit purement et simplement
d'agir rapidement, puis de dire au fédéral: Ça fait,
baquet! Arrête, coupe, puis que ça règle. Autrement, il va
se passer d'autre chose. Pas dans quatre mois, il va vous manquer des joueurs.
Ça va peut-être être un avantage pour vous autres, on ne
sera pas ici pour venir vous parler. On va être disparus dans la nature.
Mais j'imagine que, pour le consommateur du Québec, c'est
peut-être préférable de nous garder, nous les
indépendants, parce qu'une fois que les indépendants vont
être disparus je vous avertis que les trois grands qui restent, qui ont
eu bien du plaisir à manger après la carcasse de Steinberg - ils
étaient tous comme des vautours alentour - ils aimeraient ça
rester tout seuls, je vous en passe le message. Ce serait excessivement
intéressant pour une maintenance de prix. On est les seuls qui pouvent
maintenir une compétition normale dans la province de Québec
parce qu'on n'est pas chapeautés par la Caisse de dépôt. On
est les seuls qui restent: De grâce, gardez-nous!
Le Président (M. Camden): On va permettre au
député de Montmorency de poser ses questions.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
les représentants pour leur excellent mémoire. D'ailleurs, pour
avoir discuté depuis plusieurs mois avec différents intervenants
du milieu, c'est criant la problématique du tabac, c'est toute notre
société qui est en cause, c'est toute l'économie qui
s'effrite. C'est une érosion incroyable, qui demande vraiment une
intervention rapide et avec énergie.
M. le Président, le 17 novembre, je sortais, moi, le
député de Québec, pour dire qu'il fallait penser à
une réduction de taxes. Mais le problème n'est pas d'il y a trois
mois, le problème remonte à janvier 1988. Le gouvernement en
place, M. le Président, ce gouvernement-là, en janvier 1988,
formait un comité ministériel pour étudier la
problématique de l'évasion fiscale du tabac. Ce n'est pas d'hier;
ça fait plus de cinq ans que ça traîne. Ça a atteint
des proportions, bien sûr, qui n'ont plus de sens, qui n'ont plus de bon
sens. Ça fait cinq ans qu'on se traîne les
pieds, et ils aiment tellement le système
fédéraliste qu'ils n'osent même pas se lever pour dire:
Aïe! ça n'a pas de bon sens ce qui se passe chez nous. C'est en
train de pirater notre économie. C'est vraiment en train de créer
ou de devenir une espèce de régime de bananes. Ils n'ont
même pas le courage politique de se lever et de crier haut et fort. C'est
ça, le gouvernement qu'on a, actuellement. Ce gouvernement-là...
Tout le monde, le milieu le dit, tout le monde le crie, tout le monde lance un
cri d'alarme pour dire: Le fédéral, vous allez arrêter de
pirater notre économie, vous allez arrêter de nous empêcher
de fonctionner efficacement sur notre territoire.
En novembre, j'ai sorti. Ils n'ont même pas levé... On
commence à dire: On serait d'accord. Ça fait trois mois qu'on le
crie qu'on doit réduire les taxes. Actuellement, c'est toute notre
économie qui est en cause.
M. le Président, on doit avoir une commission parlementaire comme
celle-là pour entendre des gens qui viennent confirmer que
l'érosion économique n'a plus de bon sens. Arrêtez de
palier de santé. La santé... C'est pire, actuellement, ce qui se
passe sur le territoire. C'est pire pour nos jeunes. On met une loi aussi
ridicule que la loi C-111 pour venir nous dire: On va arrêter d'en vendre
aux gens en bas de 18 ans. Ils n'en vendent plus aux gens en bas de 18 ans, les
gens dans le système normal, c'est la contrebande. Vous êtes en
train de dire à nos jeunes: Allez acheter dans la contrebande. C'est
là qu'il faut que vous achetiez vos cigarettes.
Vous acceptez ça, comme gouvernement, au Québec, de
laisser aller la pourriture du sytème, comme ça. Ça n'a
pas de bon sens. Je pense que vous devez réagir et crier. On n'entend
rien de la part du gouvernement en place. Depuis janvier que vous avez mis en
place... Écoutez, vous avez dépensé 2 000 000 $ en 1988
pour mettre une équipe, et en 1989 également, 3 000 000 $: 87
postes que vous avez créés pour contrôler la contrebande du
tabac. Ce n'est quand même pas d'hier. Comment se fait-il qu'on est,
encore, aujourd'hui, en train de se poser la question: Quand est-ce que vous
allez réagir, que vous allez enfin dire à votre système
fédéraliste, que vous aimez tant: Arrêtez de nous
empêcher de fonctionner chez nous? Je pense que c'est grave ce qui se
passe, c'est très grave. Je suis heureux de voir aujourd'hui ces
gens-là venir à nouveau crier haut et fort que vous devez
réagir.
Moi, je pense... Écoutez, on ne fera pas le débat des
finances publiques, à savoir à quel niveau il faut baisser les
taxes. Oui, il faut les baisser les taxes, puis ça presse, et ça
urge. Ottawa doit vous comprendre et vous entendre. Mais parlez. Vous ne parlez
pas, vous ne dites rien, vous ne faites rien. Vous laissez aller la vague comme
si rien ne se passait. Vous jouez à l'autruche. Ça n'a pas de
sens.
M. le Président, j'espère que ce mémoire et ces
représentants vont enfin sonner une autre cloche, qui est importante, et
vous devez réagir. Dépêchez-vous à réagir
avant qu'il ne soit trop tard. C'est toute la société,
l'économie du Québec qui est en cause. Je pense que
l'érosion va s'accentuer à d'autres niveaux de l'économie,
et c'est catastrophique, ce qu'on va vivre.
Moi, j'aurais une question, bien sûr, à poser à nos
représentants. Dans toute cette nouvelle dynamique fiscale qu'on doit
maintenant entreprendre pour mettre fin à cette problématique de
la contrebande du tabac, je suis d'accord avec le principe de réduire
les taxes, mais, moi, j'aimerais qu'on change la dynamique fiscale et
accompagner, effectivement, une nouvelle dynamique fiscale qui pourrait changer
la façon de donner des cadeaux de la fiscalité. Vous savez, on a,
actuellement, une espèce de système où on dit: On donne
des réductions d'impôt, on ne vérifie rien, on ne veut rien
savoir. Votre documentation, au fond, on ne veut pas la voir, ou même on
nous empêche de la voir. Vous savez, dans les réserves
autochtones, on dit: Bien, écoutez, vous ne pouvez rien vérifier,
on ne vous montre rien.
Alors, à partir du principe de dire: Bien oui, on va donner une
réduction d'impôt, mais dans une forme de taxe remboursable,
est-ce qu'on pourrait arriver à changer une dynamique ou à dire:
On perçoit vraiment la taxe, et à eux de faire la preuve que la
consommation, comme vous le disiez tout à l'heure, se passe vraiment aux
États-Unis et que la consommation se passe vraiment dans les
réserves autochtones; qu'ils fassent une demande de remboursement? En
réduisant les taxes, là, pour enlever toute la
problématique de la concurrence des prix, ça, je suis d'accord,
mais, en même temps, changer cette dynamique d'approche avec le citoyen
pour lui dire: Écoutez, vous voulez votre remboursement de taxe,
prouvez-nous que votre consommation est bien dans la réserve autochtone
ou qu'elle est bel et bien aux États-Unis ou outrefrontière.
Dans cette dynamique-là, j'aimerais avoir votre opinion. Est-ce
qu'on peut penser vraiment changer cette dynamique-là pour orienter le
débat, pour qu'on puisse, enfin, mettre fin à toute cette
problématique-là?
M. Trempe: J'ai eu le plaisir de lire ce que vous avez
présenté au point de vue de la taxation sur le tabac. Humblement,
je dois vous dire que vous ne connaissez absolument rien à l'industrie
du tabac. Le gouvernement fédéral a déjà
tenté de charger une taxe à l'exportation. Il a été
obligé de la retirer parce que c'était d'un ridicule absolu.
Le tabac n'est pas une ressource naturelle unique au Canada ou à
la province de Québec. Du tabac, ça peut venir de n'importe
où. Les plus grands pays producteurs sont en Afrique. Il y a des
producteurs de tabac partout dans le monde. Faire une cigarette, il s'agit
d'acheter une machine pour la faire, ça peut se faire
n'importe où. Vous savez que, présentement, sur le
marché de la province de Québec, dans les cigarettes
illégales qui se fument présentement, vous allez voir une grande,
grande, grande partie d'Export qui sont fabriquées à Porto Rico.
Ça change quoi? Une cigarette canadienne, ça se fait n'importe
où, ça. Donc, l'idée de la taxer à sa sortie pour
que l'acheteur américain prouve qu'il l'a vendue aux États-Unis
pour consommation américaine avant qu'elle ne revienne au Canada, moi,
je dis que c'est de la belle théorie, mais une pratique nulle. Ça
ne se fait pas.
Première chose, vous ne pouvez pas faire de législation
ici, dans la province de Québec, qui va régler les transactions
commerciales aux États-Unis, en partant. Ils vont vous dire d'aller vous
promener, purement et simplement, poliment. Deuxième des choses, disons
qu'ils l'accepteraient, ça veut donc dire que le grossiste
américain ou l'importateur américain, qui aurait acheté
1000 caisses de cigarettes, n'aurait seulement qu'à vous produire la
preuve qu'il les a vendues a son dépanneur sur le coin, à
côté de chez lui; 80 000 caisses de cigarettes qu'il lui a
vendues, et j'ai le reçu, il a droit de faire ce qu'il en veut, le
dépanneur à côté...
M. Filion: Non.
M. Trempe: ...et elles reviennent au Canada.
M. Filion: Non.
M. Trempe: L'autre des choses, c'est qu'une cigarette
manufacturée... Prenez l'industrie canadienne, quand on la regarde
présentement, ils sont craintifs - vous allez les rencontrer ce soir.
Ils sont craintifs malgré que leur production augmente. Vous pourrez
leur demander la question: Pourquoi vous êtes craintifs, vous autres?
Vous n'en avez jamais vendu autant que ça! C'est parce qu'ils ont peur
qu'un bon matin le marché s'en aille aux États-Unis.
On a trois manufacturiers de tabac au Canada: Imperial Tobacco, qui est
canadien; RJR-Macdonald inc., qui est propriété à 100 % de
R.J. Reynold aux États-Unis; puis, Rothmans, Benson & Hedges inc.,
qui est la propriété de Philip Morris aux États-Unis.
C'est quoi que ça leur change, un matin, de dire: On ferme tous nos
plants canadiens et on produit aux États-Unis? Où auriez-vous un
contrôle sur une taxe? Là, vous feriez mal à un seul
manufacturier, qui est le seul canadien. Lui, il est pris pour fermer ses
portes, il n'est plus dans le prix du tout, parce que tu ne peux pas
bâtir un plant aux États-Unis. Ça fait que cette
taxe-là à l'exportation, moi, je la trouve... Elle est non
applicable. Elle peut être moralement belle, et dans un discours devant
des personnes qui ne connaissent rien dans le tabac...
M. Filion: Oui.
M. Trempe: ...peut-être qu'elle peut attirer des
applaudissements, mais je peux vous dire que c'est nul, que ça ne vaut
rien.
M. Filion: Mais, à partir du moment où vous avez
réduit vos taxes et que vous êtes sur un prix concurrentiel...
Vous allez être sur un prix concurrentiel, vous réduisez les
taxes.
M. Trempe: Oui.
M. Filion: Vous disiez, tout à l'heure, que, de toute
façon, on vendait aux États-Unis, mais qu'il n'y a rien qui se
consomme aux États-Unis...
M. Trempe: Pas de cigarettes canadiennes.
M. Filion: Vous êtes en train de me dire qu'au fond on
fermerait l'usine au Canada simplement pour le plaisir d'aller produire aux
États-Unis, à des prix concurrentiels. C'est ça que vous
me dites?
M. Trempe: Non, non. Si vous réduisez le niveau des taxes
à un niveau équivalent au niveau américain...
M. Filion: C'est ça. (12 heures)
M. Trempe: ...vous n'avez pas besoin de faire aucune de ces
lois-là. Il n'y a aucun problème, notre cigarette canadienne va
coûter... Parce que le fumeur de cigarettes canadiennes n'aime pas la
cigarette américaine. Il y a une grosse différence entre les deux
produits. Le tabac canadien, c'est un tabac qui est soufflé. Le tabac
américain est très différent. Les mélanges de tabac
ne sont pas les mêmes. De la même façon, le fumeur
américain n'aime pas les cigarettes canadiennes. C'est une chose qui
existe dans le marché, ça. C'est normal.
Nos cigarettes, nous, du temps qu'elles sont à un prix
compétitif, il n'y a aucun problème avec ça. Nos usines
vont fonctionner, les emplois vont rester, les cultivateurs vont continuer
à fabriquer du tabac. Il n'y a rien de mal là-dedans. Mais vous
n'avez pas besoin de parler d'exportation, il n'y aura aucune demande
américaine parce que ceux qui importent, présentement, c'est
parce que ça revient au Canada. Si ça ne revient pas au Canada,
ils n'en importeront pas. N'allez pas vous imaginer que, sur le marché
américain, il y a de la consommation de cigarettes canadiennes. Ce n'est
pas vrai, il n'y en a pas. Ça fait que mettez-les à prix
égal.
Disons que le gouvernement du Québec décidait, demain
matin, avec le gouvernement fédéral, d'abaisser les taxes pour
que les cigarettes se vendent 16 $, 17 $ le «carton», je peux vous
dire une chose qui se produirait: Les contrebandiers seraient très mal
pris avec leurs inventaires. Là, eux, ils ne seraient plus capables
de les faire fumer nulle part, leurs cigarettes. Mais ce n'est pas le
fait de la taxe. Si le prix arrive au bon prix... La recommandation que vous
faites de taxer l'exportation, je ne pense pas qu'elle soit valable.
M. Filion: Je ne taxe pas l'exportation, c'est qu'on rembourse la
taxe à l'exportation. Moi, où j'en arrive, c'est sur ça.
C'est qu'il faut changer la dynamique pour identifier également les
réseaux. Si vous changez la dynamique fiscale en diminuant le prix, si
la concurrence se retrouve d'une façon, au niveau des prix, qu'il n'y a
pas d'incitatif à la contrebande, vous allez pouvoir rapidement
identifier des réseaux corrects d'écoulement des stocks et,
là, vous allez vraiment constater que votre produit s'en va aux
États-Unis à raison de 1 %, 2 %, 3 %, 5 %, 10 %, vraiment une
consommation américaine. Si vous gardez la même dynamique, vous ne
pourrez plus jamais réaugmenter les taxes parce que ce n'est pas
possible. Dès le moment où vous allez augmenter à nouveau
la taxe, vous allez vous retrouver dans une situation où la contrebande
va reprendre, et on va être piégé dans l'avenir.
M. Trempe: Si le gouvernement agit en connaissance des causes
exactes, je ne pense pas qu'il y ait de problème.
Le Président (M. Després): En conclusion, M.
Trempe.
M. Trempe: Parce que, avant 1989, au niveau des taxes, quand
même, les cigarettes canadiennes se vendaient le double du prix d'une
cigarette américaine et il n'y avait presque pas de contrebande.
Ça veut dire que le consommateur l'acceptait.
En conclusion, ce qui ne me laisse pas tellement de temps, la chose
primordiale, c'est que les gouvernements, je l'ai dit tout à l'heure,
peuvent perdre les quantités de millions qu'ils veulent bien perdre,
c'est leur problème, eux, mais, nous, notre réseau de grossistes
et de détaillants, on perd 170 000 000 $ cette année, en 1992. On
s'attend à perdre plus l'an prochain. On ne sera plus là dans pas
grand temps. Il faut qu'on trouve un moyen. J'ai vu, dernièrement, des
demandes de subventions pour des pistes de ski, pour l'élevage des
wapitis. Oh! il y en a des belles affaires là-dedans. Les gouvernements
semblent... C'est beau, ça. Le tabac, ça vous
déplaît parce que ça porte le nom de tabac, mais oubliez la
partie qui porte le nom tabac. On est quand même des humains, il y a de
l'argent qui a été investi, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup
d'emplois, peut-être plus de 10 000 à 12 000 emplois qui sont en
jeu. Ce n'est pas parce qu'on a l'odieux de vendre un produit qui s'appelle du
tabac, qui est légal, que vous devez nous oublier dans la nature et nous
tenir loin.
J'entendais quelqu'un de Radio-Canada, hier, à un poste de radio,
qui disait qu'il y a une statistique qui vient de sortir à savoir que
ça ne changerait absolument rien si les producteurs de tabac
disparaissaient du Canada. Dans l'économie, ça ne changerait
rien. Bel insignifiant! Ça ne changerait rien. Il y a 250 producteurs,
il va les mettre dans la rue, mais ça ne changera rien à
l'économie canadienne. Voyons donc! Du tabac, ça se cultive, et
s'il s'en fume autant. C'est aussi bien qu'il soit cultivé dans la
province de Québec que cultivé au Zimbabwe, bout de torvice!
Ça se cultive, ça, et nos cultivateurs qui en cultivent, ce n'est
pas parce que ça s'appelle du tabac qu'ils sont si méchants que
ça et qu'ils portent la lèpre. Et ce n'est pas parce que, nous
autres, on vend du tabac qu'on est des lépreux. Mais c'est 170 000 000 $
que notre réseau manque, en 1992, peut-être plus en 1993.
On vous demande d'agir rapidement, de trouver des moyens. Vous avez
certainement assez de génie dans toutes vos têtes ensemble pour
trouver les moyens soit de nous subventionner pendant que le mal dure, parce
que le mal dépend de vous autres, soit de trouver un moyen, avec le
gouvernement fédéral, mais agissez rapidement. Je veux que ce
soit la conclusion, la rapidité.
Le Président (M. Després): Merci, M. Trempe, de
votre exposé et soyez assuré que le dossier du tabac est une
préoccupation des membres de la commission comme elle est une
préoccupation du gouvernement du Québec. Donc, merci
beaucoup.
Je m'excuse, M. le député de Lotbinière...
M. Camden: Non, c'est pertinent, vous allez voir. C'est parce
qu'on nous a présenté un tableau, tout à l'heure, sur le
prix à 17,52 $ la cartouche. Est-ce qu'on pourrait avoir le
dépôt de ce tableau ou, à tout le moins, en avoir une copie
pour qu'on puisse s'en faire photocopier une copie?
Le Président (M. Després): Écoutez, si les
gens de l'Association n'ont pas d'objection...
M. Camden: Si vous n'avez pas d'objection.
Document déposé
Le Président (M. Després): ...à le
déposer pour en faire des photocopies... Il y a consentement pour le
dépôt avec les membres de l'Opposition? Oui. Donc, aucun
problème. Vous pourrez, M. le président, nous remettre le tableau
pour le distribuer aux membres de cette commission.
M. Trempe: Merci beaucoup d'avoir voulu nous écouter.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup
pour votre présentation.
J'inviterais maintenant l'Association du camionnage du Québec
à s'avancer à la table des témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 12 h 8)
Le Président (M. Després): Les
députés ministériels, les députés de
l'Opposition, nous allons commencer maintenant l'audition avec l'Association du
camionnage du Québec.
J'aimerais vous rappeler, d'entrée de jeu, que nous disposons
d'une heure: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, après quoi le temps pourra être partagé
entre les députés ministériels et les
députés de l'Opposition pour vous poser des questions.
J'inviterais tout d'abord le responsable de votre groupe à se
présenter et à présenter son équipe, après
quoi vous pourrez immédiatement commencer la présentation de
votre mémoire.
Association du camionnage du Québec
M. Leclerc (Serge): Merci, M. le Président. Mon nom est
Serge Leclerc. Je suis le président de l'Association du camionnage du
Québec. J'ai avec moi M. Jean Guilbault, à ma gauche, qui est
président de Transport Guilbault, et M. Raymond Bréard, à
ma droite, qui est vice-président exécutif de l'Association du
camionnage du Québec, et j'ai également avec moi M. Daniel
Béland, qui est directeur du département économique de
l'Association du camionnage du Québec.
M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission,
permettez-moi, tout d'abord, au nom de l'Association du camionnage du
Québec, de féliciter le gouvernement pour l'initiative qu'il a
eue de convoquer cette commission. Il offre ainsi aux contribuables la
possibilité de venir exprimer leur opinion sur la situation
financière du Québec et sur l'orientation budgétaire qui
devrait être adoptée, en vue d'assurer la relance de notre
économie au cours des mois à venir.
Qu'on le veuille ou non, l'État conditionne, par ses gestes
quotidiens, la vie des citoyens et des corporations. En ce moment, le
Québec traverse une conjoncture critique, rarement égalée
par le passé. Le gouvernement n'a plus les moyens d'assumer sa mission
économique et sociale, les citoyens sont, en grande partie,
réduits au chômage ou surtaxés et les entreprises, victimes
d'un fardeau fiscal excessif, voient diminuer chaque jour davantage leur
compétitivité. (12 h 10)
II est donc absolument nécessaire que soit révisé
le rôle de l'État québécois dans un contexte mondial
axé sur la concurrence des entreprises comme moteur de
développement économique. Est-il nécessaire de rappeler
à nos gestionnaires le principe de base en vertu duquel la richesse doit
être créée avant d'être distribuée?
Une analyse sommaire des comptes publics permet de constater assez
facilement que le gouvernement a largement distribué et continue de
distribuer encore trop largement une richesse dont nous ne disposons plus
depuis longtemps.
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'en dépit du
discours officiel sur le contrôle des dépenses le
déséquilibre des finances publiques atteigne aujourd'hui des
sommets sans précédent. Depuis 1976, la dette totale du
gouvernement du Québec a enregistré une augmentation moyenne de
15,5 % par année. Entre-temps, l'impôt sur le revenu des
particuliers s'est accru en moyenne de 9,9 % par année, alors que celui
sur le revenu des entreprises et les contributions des employeurs au fonds des
services de santé a augmenté de 12 % par année.
En comparaison, l'indice annuel des prix à la consommation a
été en moyenne de 6 % pendant cette période et le produit
intérieur brut s'est accru de 7,9 % de 1981 à 1990 et de 3,3 % en
1992. Quant à la croissance du produit intérieur réel,
elle n'a été que de 1,6 % en 1992. Dans ces circonstances,
l'Association du camionnage du Québec considère qu'il ne sera
plus possible désormais d'augmenter les taxes et les impôts
à un niveau supérieur au degré de croissance de la
richesse collective.
Dans ce contexte, les transporteurs routiers de marchandises n'ont pas
été oubliés. En un an, malgré la situation
concurrentielle extrêmement difficile qui caractérisait leur
industrie, la taxe sur le carburant applicable à leur véhicule a
augmenté de 68,6 %. Heureusement, à la suite de
représentations soutenues de la part de notre association auprès
du ministre des Finances, ce dernier, dans un geste exceptionnel qu'il faut
souligner, décidait, le 24 novembre de l'an dernier, de réduire
la taxe à 0,126 $ le litre, et ce, jusqu'à ce que le
régime de la taxe de vente du Québec accorde le remboursement de
la taxe sur les intrants à l'égard des achats de carburant
diesel.
Malgré cet effort, un constat s'impose. La taxe sur le carburant
du Québec est la plus élevée en Amérique du Nord.
Cela n'est absolument plus acceptable dans la perspective de la
«continentalisation» de l'économie et de la concurrence. Il
n'est plus possible, au Québec, qu'un gouvernement taxe les
contribuables sans tenir compte de la réalité fiscale dans les
autres provinces canadiennes et aux États-Unis.
Les chiffres sont éloquents. Une analyse détaillée
du prix de vente d'un litre de carburant diesel en vigueur en décembre
1992 démontre qu'au Québec les taxes constituent 40,5 % du prix
de vente. Dans ces conditions, un litre de diesel coûte 20,7 % plus cher
au Québec qu'aux États-Unis. Cela est inadmissible surtout si
l'on
considère que le carburant représente de 10 % à 20
% des dépenses d'exploitation des entreprises de transport routier de
marchandises. Le déséquilibre ainsi engendré est
énorme. Selon une étude réalisée par le
département économique de notre association, les taxes
fédérales et provinciales sur le carburant constituent
respectivement 4,85 % et 9,69 % du coût d'un mouvement de transport en
lots brisés et en charge complète.
L'administration des lois ou règlements doit toujours faire
l'objet également d'une attention particulière de la part du
gouvernement. Nous ne le dirons jamais assez. Trop souvent on oublie ou on ne
tient pas sufisamment compte de cette dimension, ce qui entraîne des
conséquences incalculables pour ceux et celles qui sont assujettis
à ces obligations. Dans plusieurs cas, le fardeau administratif
qu'implique la conformité aux décisions gouvernementales est
considérable et se reflète dans les coûts d'exploitation
des entreprises. Il est donc essentiel qu'au moment de promulguer une loi ou un
règlement le gouvernement soit toujours conscient de la
complexité de son administration et des coûts qui y sont
reliés.
Le premier septembre 1991, le ministère du Revenu du
Québec a abandonné sa politique relativement aux
sous-transporteurs dans le dossier de l'application de la Loi concernant la
taxe sur les carburants. Cette politique consistait à autoriser,
à certaines conditions, un transporteur à produire les rapports
au nom des sous-transporteurs sous sa responsabilité, à payer les
taxes dues et à obtenir les remboursements prévus par la loi.
Depuis cette date, ces obligations reviennent donc à chaque
sous-transporteur. Il s'agit d'une décision qui a créé des
problèmes considérables aux transporteurs du Québec, du
Canada et des États-Unis, puisque seul le Québec a adopté
cette politique, donnant ainsi lieu à une situation unique en
Amérique du Nord.
Qui plus est, le 1er août 1992, à la suite des pressions
exercées par le gouvernement des États-Unis, le gouvernement a
décidé de ne plus appliquer cette politique dans le cas des
transporteurs américains ayant des contrats de plus de 30 jours avec les
sous-transporteurs. Dans les faits, seuls les transporteurs
québécois et canadiens y sont soumis dans leurs rapports avec le
ministère du Revenu du Québec. Cela oblige donc maintenant les
transporteurs à produire deux types de rapport de carburant et leur
complique énormément l'administration de la loi. Or, dans le
contexte de libre-échange où nous nous trouvons actuellement,
nous croyons que le ministère du Revenu du Québec a te devoir
d'harmoniser les règles de production des rapports pour tous les
transporteurs. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'à compter du
1er janvier 1996 tous les États américains vont partager un
guichet unique sous l'égide de l'IFTA, l'International Fuel Tax
Agreement. Déjà une province canadienne, l'Alberta, a
décidé d'adhérer à cette organisation et une autre,
l'Ontario, est sur le point d'en faire autant.
L'Association du camionnage considère extrêmement important
que le Québec harmonise ses règles avec les autres
administrations de l'Amérique du Nord en vertu du principe de
l'équité fiscale et de la concurrence. Dans ces conditions,
après avoir étudié toutes les options en présence,
elle demande au gouvernement: 1° de prendre les dispositions
nécessaires afin d'adhérer à l'International Fuel Tax
Agreement au plus tard le 1er janvier 1996. Cela permettra aux transporteurs de
produire ainsi un seul et unique rapport; 2° de permettre entre-temps aux
transporteurs de produire les rapports aux noms des sous-transporteurs sous
leur responsabilité en vertu d'un contrat d'exclusivité de plus
de 30 jours. Une telle disposition aurait pour effet d'harmoniser la politique
du ministère du Revenu du Québec avec les exigences
administratives des autres provinces canadiennes et des États
américains. La politique en vigueur depuis le 1er septembre ne
s'appliquerait qu'aux sous-traitants non liés en exclusivité
à un transporteur principal; 3° de vendre la vignette que les
transporteurs et sous-traitants doivent obligatoirement apposer sur chaque
véhicule, attestant leur enregistrement en vertu de la loi. Ce document
est vendu par le gouvernement américain, ce qui réduit
considérablement la flexibilité de la flotte de véhicules
pour le transport dans d'autres juridictions et limite l'offre de transport.
Une telle disposition chez nous aurait l'avantage également de
générer des fonds pour le Trésor québécois.
Par exemple, nous savons qu'en 1992 il s'est émis 180 000 vignettes. En
fait, il s'est donné littéralement 180 000 vignettes. Or, on sait
que ces vignettes coûtent, si on les achète aux États-Unis,
entre 10 $ et 15 $, ce qui veut dire que, si les vignettes étaient
vendues à un prix de 10 $ pièce, le Trésor
québécois se serait vu enrichi de 1 800 000 $. Nous croyons que
ces mesures s'inscrivent dans un cadre de saine gestion et de la simplification
recherchée des procédures administratives. (12 h 20)
L'immatriculation. Il existe une différence fondamentale entre
les systèmes fiscaux américains et québécois. Pour
la majorité des entreprises, notamment dans le secteur manufacturier,
cela ne pose aucun problème, si ce n'est quelques difficultés
marginales à caractère très ponctuel. Quant aux
transporteurs routiers, ils parcourent chaque jour des centaines de
kilomètres à destination et en provenance des
États-Unis.
Le système de taxation en vigueur aux États-Unis, dans le
domaine du transport, est basé sur l'utilisation des infrastructures
routières plutôt que sur le domicile des entreprises. C'est
absolument l'inverse au Québec, où tout le poids des
besoins financiers du gouvernement repose sur l'imposition des droits
d'immatriculation sans aucune forme de taxation à l'utilisateur des
routes.
Dans le but de faciliter les mouvements des véhicules assujettis
aux différentes juridictions, le Québec a conclu avec ses voisins
des accords de réciprocité en matière d'immatriculation.
Toutefois, si une telle initiative est extrêmement
bénéfique dans le cas des véhicules de promenade, il n'en
est pas de même pour les véhicules commerciaux. L'effet
combiné de ces accords et la structure particulière du
système américain engendrent un déséquilibre fiscal
entre les transporteurs des États-Unis et ceux du Québec.
Voici, de façon détaillée, comment s'explique ce
phénomène. Le Québec comble ses besoins financiers en
transport au moyen de l'immatriculation. Les Américains ne tirent qu'une
partie de leurs ressources des droits d'immatriculation, mais obtiennent le
reste par le biais des frais imposés aux utilisateurs du réseau
routier. Dans ces conditions, les Québécois qui circulent aux
États-Unis doivent acquitter des taxes et des droits qui ne sont pas
inclus dans les accords de réciprocité sur l'immatriculation.
Par contre, en vertu de ces mêmes accords, et compte tenu de la
particularité de notre système de taxation, les Américains
qui viennent au Québec n'ont rien à débourser, si ce n'est
la taxe sur le carburant. Par exemple, ici même, le coût d'une
plaque d'immatriculation pour un véhicule de six essieux est de 2836 $
canadiens, alors qu'il en est en moyenne de 1145 $ aux États-Unis. Par
ailleurs, la vignette obligatoire attestant le paiement de la taxe sur le
carburant est distribuée gratuitement, alors qu'il en coûte de 5 $
à 25 $ US pour l'obtenir dans les différents États
américains.
Par conséquent, les transporteurs des États-Unis sont
doublement avantagés sur le plan concurrentiel et ils en profitent
largement. Depuis 1988, ils se sont installés à demeure dans le
marché québécois tandis que nos entreprises n'ont
cessé, durant la même période, de perdre du terrain sur le
marché américain.
Une analyse comparative des droits payables par les transporteurs
routiers américains et québécois est
révélatrice du fossé qui sépare les deux groupes de
contribuables. Elle démontre que, même en vertu des accords de
réciprocité, un transporteur québécois peut
débourser au minimum 527,50 $ US de plus par véhicule pour
effectuer des opérations dans la région du nord-est des
États-Unis. Cela, sans compter les taxes supplémentaires payables
en vertu des kilomètres ou milles parcourus.
Afin de bien illustrer la situation, nous avons préparé un
tableau qui démontre l'impact combiné des diverses taxes et
autres droits de circulation imposés par les États-Unis sur les
coûts d'opération d'un transporteur québécois
voyageant dans l'État de New York, en janvier 1993, et d'un transporteur
américain parcourant le Québec. Pour ce faire, nous avons pris
comme base, dans le premier cas, une distance parcourue de 10 000 milles pour
une consommation de 5,5 milles au gallon, soit un total de 1818,8 gallons, et
l'équivalent dans le cas de l'Américain, c'est-à-dire une
distance de 16 000 km pour une consommation de 1,95 km au litre, soit un total
8205,13 litres.
Le tableau que vous avez à notre mémoire vous indique
qu'on peut facilement constater que les transporteurs québécois
voyageant aux États-Unis se voient imposer des frais supérieurs
de 83 % à ceux de leurs concurrents américains. Cette variation
s'estompe en fonction de l'augmentation de la distance parcourue. Le même
calcul à 50 000 milles représente une différence de 33,4
%. Il s'agit quand même d'un écart négatif très
substantiel. Si l'on ajoute à cela le coût de la plaque
imposé aux Québécois, mais dont sont exempts les
Américains, le rapport négatif de deux pour un avantage
clairement les Américains. Dans l'exemple qu'on vous a montré,
les coûts totaux pour un transporteur québécois se
chiffrent à 4729 $, alors que le transporteur américain qui
parcourt le même nombre de kilomètres sur le territoire
québécois se voit payer 2178 $.
Face à cette réalité, l'Association du camionnage
du Québec demande au gouvernement de redéfinir la structure de
tarification et de modifier les droits d'immatriculation de façon
à ce que le système de taxation du Québec soit
également applicable dans le cas des Américains et garantisse
ainsi l'équité entre tous les transporteurs circulant au
Québec. Le contexte de l'Accord de libre-échange permettra
d'atteindre cet objectif avec toute la justification appropriée. La
«continentalisation» de l'économie impose aux États
signataires des ajustements structurels et fiscaux qui leur permettent de
sauvegarder l'équité concurrentielle sur leur marché
respectif.
Par conséquent, notre proposition est à l'effet que le
système des droits payables au Québec soit modifié en
fonction de celui en vigueur aux États-Unis. Ainsi, les 2836 $
d'immatriculation pourraient être restructurés de façon
à ce que la Société de l'assurance automobile du
Québec perçoive annuellement les mêmes sommes de la part
des transporteurs québécois, ce qui n'aurait évidemment
aucun effet négatif sur l'équilibre des finances publiques, mais,
par contre, le gouvernement bénéficierait ainsi, en toute
équité, de revenus supplémentaires provenant des
Américains circulant sur notre territoire, dont nous estimons que les
sommes pourraient se situer entre 30 000 000 $ et 50 000 000 $ de revenus
additionnels par année.
Le financement des infrastructures routières. S'il est un sujet
qu'il vaut la peine d'examiner attentivement, c'est bien le financement
des infrastructures routières. Jamais nous ne réfuterons
assez énergiquement les mythes dont il fait l'objet et qui entretiennent
l'équivoque dans l'esprit des gens. Disons tout d'abord que les
camionneurs qui respectent les normes fixées par le ministère des
Transports en matière de masse et dimension des véhicules de
transport n'ont aucune responsabilité quant à la
détérioration des routes. Le réseau routier est
conçu, en toute logique, pour supporter facilement les charges
prescrites par les ingénieurs de la voirie. Le problème vient du
fait de transporteurs illégaux qui surchargent leur véhicule.
À ce chapitre, nous tenons à rappeler aux membres de cette
commission le combat acharné qu'a livré l'Association du
camionnage du Québec pour obtenir la création d'un corps
spécialisé de contrôleurs routiers en vue de mettre un
terme à ces abus. C'est en effet notre association qui a
été à l'origine de l'adoption de la loi 108, en
décembre 1991, par laquelle le gouvernement a confié la
responsabilité de ce corps d'intervention à la
Société de l'assurance automobile du Québec.
En 1991, les utilisateurs du réseau routier ont
déboursé 2 308 000 000 $ en permis de conduire, droits
d'immatriculation et taxe sur le carburant, alors que le ministère des
Transports du Québec allouait 1 019 000 000 $ à la construction
et l'entretien du réseau routier.
Le Président (M. Camden): M. Leclerc, je vais vous inviter
à conclure, s'il vous plaît, brièvement.
M. Leclerc (Serge): Bon. Alors, M. le Président, je pense
que le but principal de notre intervention a été couvert. C'est
principalement au niveau de la restructuration de l'immatriculation, comme je
l'ai souligné, qu'il est nécessaire d'apporter un
équilibre et une équité au niveau de tous les utilisateurs
de routes commerciaux du Québec, ce qui, par le fait même,
pourrait générer au Trésor québécois des
sommes de 30 000 000 $à50 000 000 $.
Alors, le reste du document peut être consulté par les
membes de la commission, et nous sommes à la disposition des membres
pour répondre à toute question que vous pourriez avoir sur le
mémoire.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie de la
présentation, M. Leclerc. (12 h 30)
Je pense que le ministre du Revenu souhaite vous adresser des
commentaires et des questions.
M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord
saluer les gens de l'Association du camionnage du Québec, M. Leclerc en
particulier, qui nous a présenté ce mémoire. J'ai lu le
mémoire avec beaucoup d'intérêt. C'est rare qu'on a un
mémoire qui nous indique où on peut aller chercher des taxes
additionnelles. Je pense, je ne suis pas sûr, mais je crois que c'est le
premier de ce genre où on énumère une quinzaine de points,
17 points pour être exact, où on peut effectivement aller chercher
des taxes additionnelles, non pas dans la cour du voisin, mais dans sa propre
cour. Évidemment, ce n'est pas gratuit comme suggestion, parce qu'il
doit effectivement y avoir compensation, et je pense que ça fait quand
même partie du jeu. C'est quand même louable.
Il y a évidemment des éléments là-dedans que
nous recevons très favorablement. On a déjà eu l'occasion
d'échanger sur certains des points, et je peux vous dire que,
actuellement, on a plusieurs éléments sous étude au
ministère et sur lesquels on devrait vous répondre favorablement.
Sauf embûches et arrimages avec d'autres ministères, je pense que
la décision reste encore à venir, mais on voit ça d'un
oeil très favorable, qu'on parle d'adhérer à
l'International Fuel Tax Agreement du 1er janvier. Je pense que, ça
aussi, on devrait être en mesure de vous répondre à
brève échéance là-dessus. Il n'y a pas de
doute.
Également, de permettre entre-temps aux transporteurs de produire
les rapports au nom des sous-transporteurs, ça a fait l'objet de
plusieurs interventions de votre part et également de la deputation, je
peux vous l'assurer, et qui demande également une ouverture pour cette
mesure-là qui s'applique depuis le 1er septembre. Ensuite, de prendre la
vignette que les transporteurs et les sous-traitants doivent obligatoirement
apposer sur chaque véhicule attestant de leur enregistrement, là,
je pense qu'il y a également des éléments, là, les
25 $ pour l'achat d'une vignette de circulation au Québec.
Tout ça, c'est un ensemble de mesures, M. le Président,
justement dans le but, finalement, de mettre l'ensemble du secteur du
camionnage au Québec sur un pied d'égalité avec non
seulement les autres provinces, parce que je pense qu'il y a quand même
une relative concurrence viable, mais surtout avec les États-Unis, parce
qu'on sait qu'avec, évidemment, les tendances nord-américaines,
on doit nécessairement chercher à établir un
équilibre des plus souhaités.
Il y a des éléments, toutefois, qui font difficulté
au niveau du financement public. Je pense qu'ils en sont pleinement conscients.
Il y a des endroits où on soulève, par exemple, des
éléments avec lesquels on a certaines difficultés. On
parle, par exemple, des 325 $, la taxe que vous proposez pour les
véhicules lourds. On dit que ça présente certaines
difficultés. Le maintien, évidemment, de cette taxe pourrait
difficilement, pour des raisons d'équité, s'appliquer sans
distinction de la distance parcourue au Québec. Et, vous, au lieu d'y
aller sur une distance parcourue, vous dites: On va y aller avec une taxe
franche. Ça me ferait plaisir de vous entendre de nouveau
là-dessus, des explica
tions peut-être un petit peu plus précises pour les gens
évidemment de chez nous.
Dans un deuxième temps, de quelle façon l'Association
voit-elle une réduction au niveau du coût de l'essence? Dans le
sens qu'on sait que 0,19 $ c'est beaucoup, c'est ce qu'il y a de plus
élevé en Amérique du Nord, vous l'avez souligné
à quelques reprises. Mais cette compensation, au niveau des 0,19 $, vous
pensez que ça va être équitable et que ça va
être accepté par l'ensemble de vos membres sur une période
peut-être de cinq, sept, huit ans? Une réduction de quelques sous
au niveau du litre vis-à-vis d'une augmentation des taxes fixe,
indépendamment du taux d'utilisation, du taux de revenu, ça
représente une difficulté.
M. Leclerc (Serge): Ce que l'on dit, c'est que c'est sûr
que la restructuration de l'immatriculation ne devrait pas coûter plus
cher, et la formule devrait être trouvée de façon à
ce que ça ne coûte pas plus cher aux Québécois, mais
que le transporteur québécois, en bout de ligne, paie les
mêmes montants. Mais, la façon dont la structure serait faite, ta
formule reste à trouver. Évidemment, nous, on a proposé
une approche. Elle n'est pas parfaite, il y a des tests à être
faits. Mais ce qu'on dit, c'est qu'elle devrait être faite de
façon à ce que les gens qui viennent de l'extérieur du
Québec, qui se servent de nos routes, paient eux aussi pour
l'utilisation de ces routes-là de la même façon que, nous,
quand nous allons aux États-Unis, nous payons pour l'utilisation de
leurs routes.
Alors, est-ce qu'il faut copier intégralement ce que les
Américains font dans leurs États respectifs ou est-ce qu'il faut
peut-être l'adapter à notre réalité? Je pense qu'il
faut partir avec ce que, nous, on paie et qu'il faut restructurer de
façon à ce que tout le monde paie la même chose. En fait,
c'est ça, l'objectif. Et ce qu'on dit, c'est que, actuellement, à
cause des ententes de réciprocité, la base de l'entente de
réciprocité, c'est l'immatriculation. Pour l'Américain,
l'immatriculation, on dit que c'est 1100 $, alors que, nous, on retrouve tout
dans l'immatriculation. Aussitôt que tu as payé ta plaque, tu as
payé toutes tes taxes, alors que l'Américain, lui, a une taxe
pour l'immatriculation... En fait, il a l'immatriculation, mais il y a une
série d'autres taxes qui est basée sur l'utilisation ou, enfin,
sur certains critères qu'on vous a donnés dans le tableau,
là, que ce soit des taxes ou des autocollants, que ce soit aussi des
taxes additionnelles. Bon. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faut repenser tout
ça, parce que, lui, lorsqu'il vient ici, il utilise notre réseau
routier gratuitement. Je pense que, si on se place du point de vue du
gouvernement, ce n'est pas équitable et, si on se place du point de vue
du transporteur, ce n'est pas plus équitable, parce qu'il y a un
avantage évident, concurrentiel par rapport aux gens qui demeurent au
Québec.
M. Bréard (Raymond): Je voudrais ajouter, M. le ministre,
qu'il y a quand même un historique qu'il faut garder en mémoire.
C'est que, au fil des années, quand la Société d'assurance
automobile calculait le prix de l'immatriculation, il y avait une
décomposition du montant qui était un montant de 350 $ pour la
Commission des transports et un autre montant qui faisait 2800 $. Au fil des
années, les décompositions sont tombées, mais le chiffre
au bout de la ligne n'est jamais tombé, lui. Alors, on se ramasse
aujourd'hui avec un montant d'immatriculation, mais qui était auparavant
toutes sortes de montants perçus par le gouvernement pour d'autres
raisons.
Si on prend, par exemple, deux éléments de notre
proposition, il y a la taxe de 350 $, taxe d'utilisation des véhicules
lourds, 325 $. Les Américains nous chargent 412,50 $ à chaque
fois qu'on utilise un camion qui parcourt plus de 5000 milles aux
États-Unis. Alors, qu'est-ce qu'il y a de gênant là-dedans
au Québec de dire aux Américains: Vous nous chargez 412,50 $
quand on parcourt plus de 5000 milles chez vous. Il n'y a pas de
problème. On va vous charger 325 $ quand vous parcourrez plus de 5000
milles chez nous. Moi, je ne vois pas ce qu'il y a de gênant
là-dedans. Je ne suis pas gêné du tout d'ailleurs.
Deuxièmement, quand on parie des permis de la Commission des
transports, 500 $, ça donne un gros chiffre, mais, quand on paie des
permis entre 5 $ et 25 $ par État puis qu'on couvre 20 États, si
vous payez 15 $ de permis fois 20 États... Les Américains, ils ne
nous font pas boire le gallon d'eau d'une «shot», ils nous le font
boire au verre, mais ça équivaut à la même chose,
parce qu'on est obligé de payer, dans chaque État, 15 $, 10 $, 5
$, 15 $. 10 $, 5 $, ce qui fait que, si tu opères dans 20 États,
tu paies à peu près les mêmes montants. Alors, notre
proposition, c'est une question d'équité et de revenus
supplémentaires, parce que, nous, on les paie quand on y va. Je peux
vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de camions canadiens qui circulent aux
États-Unis s'il n'ont pas tout acquitté leurs droits avant de
traverser la frontière, ce qui n'est pas nécessairement le cas
à l'inverse.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors,
bienvenue à l'Association du camionnage et merci de votre
mémoire, qui est d'une très grande clarté. Je viens
d'entendre le ministre du Revenu qui frétille déjà
à l'idée d'imposer des taxes additionnelles ici et là. Je
le voyais tout heureux. Malheureusement, je ne suis pas sûr qu'il a
compris ce dont il s'agit, parce que, au fond, vous vivez avec quelques
années d'avance l'impact du libre-échange ici, au Québec.
Vous le vivez maintenant. Vous traversez la frontière tous les jours et
vous faites face aux deux systèmes, et on voit très bien les
problèmes et
les questions qui se posent à l'occasion de ça. (12 h
40)
Je dois faire une remarque générale, en partant, que j'ai
déjà faite, mais qui a encore plus d'acuité en ce qui vous
concerne. Le fait de l'ouverture des frontières amène à
uniformiser, en quelque sorte, les systèmes de fiscalité. Vous le
vivez, mais il faut voir que les décisions qui ont été
prises sur la réforme fiscale en 1988-1989 ont conduit plutôt
à creuser un fossé beaucoup plus grand qu'auparavant entre la
taxation et la tarification au Québec et celle qu'il y a aux
États-Unis, alors qu'en signant le libre-échange il aurait fallu
faire exactement l'inverse: ramener les deux systèmes de
tarification-taxation concurrentiels et plutôt trouver des
différences sur le plan de l'impôt sur le revenu. On a fait
exactement l'inverse. Donc, on a fait, en quelque sorte, une réforme de
la fiscalité à contretemps, au moment où on
s'enfonçait dans la récession, puis une réforme de la
fiscalité à contre-courant, alors qu'il aurait fallu
différencier les systèmes d'impôt sur le revenu, compte
tenu des services, par exemple, des services publics qu'on va se payer en terme
de santé, donc à partir de l'impôt sur le revenu, mais
uniformiser sur le plan de la taxation-tarification. On a fait exactement
l'inverse au mauvais moment; une réforme à contretemps, à
contre-courant.
Alors, ceci m'a amené à examiner très attentivement
votre tableau sur la fiscalité que vous proposiez entre les
États-Unis, la différence de concurrence qu'il y a entre les
taxes qu'il y a aux États-Unis et au Québec, et c'est à la
page 13 de votre document. La question que je me pose, c'est: Jusqu'à
quel point peut-on rendre ces systèmes-là vraiment plus
semblables, en tout cas prendre ces moyens pour les rendre concurrentiels de
sorte que nos camionneurs ne soient pas défavorisés?
Parce qu'il y a eu aussi un autre facteur qu'il faut mettre quand
même en lumière, si on examine votre situation. C'est que, par le
fait de la déréglementation dans le transport, qui a
commencé d'ailleurs avant aux États-Unis qu'au Canada et au
Québec, les Américains avaient consolidé,
intégré et ramené leurs grandes entreprises de transport
au nombre de cinq, à l'époque, et puis il était
resté des petits transporteurs, alors que le mouvement ici s'est
amorcé beaucoup plus tard, au Canada. Cela a aussi impliqué des
problèmes. Alors, en termes concurrentiels, quand vous dites qu'aux
États-Unis il y a une taxe routière, dans quelle mesure on peut,
nous, l'imposer? Il y a des autocollants de la douane. Est-ce qu'on pourrait
effectivement changer notre système de fond en comble pour s'aligner
directement sur celui des Américains?
M. Leclerc (Serge): II n'y a pas de raison pourquoi on ne
pourrait pas. La structure actuelle qu'on a, c'est une structure qui
relève d'une période réglementaire.
M. Léonard: Oui, exactement.
M. Leclerc (Serge): C'était en place avant la
réglementation, ça. Quand vous avez
déréglementé le transport, là, vous nous avez
placés dans une position où vous avez dit: II n'y en a plus de
réglementation pour les transporteurs. Là, il a fallu se battre
pour avoir du contrôle routier, parce qu'on nous avait dit, à
l'époque: On va vous mettre le contrôle routier en place, puis,
après ça, on va vous déréglementer. Ce qui est
arrivé, c'est l'inverse. C'est qu'on nous a
déréglementés, ensuite on nous a mis le contrôle
routier. On commence à en avoir un peu, là, et ça fait des
années et des années qu'on met de la pression pour en avoir. Bon.
Mais, on n'a pas touché à la fiscalité du tout. Puis, il
faut bien être conscient qu'au niveau des coûts, ça, c'est
une partie.
M. Léonard: Oui, bien, je reviendrai après sur le
coût de la masse salariale, parce qu'il y a des éléments
majeurs là-dedans aussi.
M. Leclerc (Serge): C'est ça. Ça, c'est une partie.
Mais ce qu'on dit, c'est que la déréglementation devrait
être continuée au niveau des finances, parce que, là, comme
on est déréglementé, tout le monde va partout, comme il
veut. Alors, les Américains viennent ici, nous, on va aux
États-Unis, on va dans le reste du Canada, le reste du Canada vient ici.
Ce n'est plus réglementé, là. Alors, ce qu'on a comme
système actuellement en place, c'est un vieux système. Ça
ne colle plus à la réalité et ça fait de
l'injustice. Et c'est nous qui sommes les victimes de cette
injustice-là. Ça aurait pu être l'inverse, mais on le
constate aujourd'hui, parce qu'on le vit à tous les jours; on voit des
entreprises qui avaient des centaines d'employés qui tous les jours
traversaient les frontières et, aujourd'hui, il n'y en a plus. Je peux
vous citer des exemples. C'est qu'on a perdu énormément de
terrain par rapport aux Américains sur le transport nord-sud. Ça,
c'est une réalité. D'ailleurs, on a les statistiques, que vous
pouvez consulter n'importe quand.
Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faut repenser et qu'il faut s'assurer
que les formules qui seront adoptées seront des formules
équitables. Comme les Américains sont déjà
installés et ont déjà pris une approche qui est fixe au
plus bas niveau, c'est-à-dire l'immatriculation est à 1000 $,
1100 $, et tout le reste est variable selon l'utilisation, nous, on n'a pas le
choix, si on veut enlever cette injustice-là et ramener ça sur
une base équitable, il faut qu'on repense le système en fonction
de ça. On suit, en fin de compte, le mouvement américain. Je veux
dire, ils se sont déréglementés avant nous. Ils se sont
réorganisés fiscalement parlant, et, nous, il faut qu'on continue
le processus. Et c'est ça qu'on vient dire à
votre commission. C'est qu'on vit dans des structures archaïques,
si on veut, là, d'avant-déréglementation, au niveau de la
fiscalité, sur nos routes, et tout le monde en souffre. Les
Québécois en souffrent comme transporteurs et le Trésor
québécois en souffre aussi.
M. Léonard: Ce que vous proposez, là...
L'alignement vers les Américains, ça implique toute une
série de taxes dont le total devrait faire moins que maintenant, mais
c'est toute une série de taxes. Il y en a deux types, ou trois, en gros:
une qui porte sur le carburant, une qui porte sur l'utilisation des routes,
puis là, aux États-Unis, ça revient à parler du
péage sur les autoroutes, parce que c'est ça qui se passe, et,
ensuite, des droits, permis, immatriculation, etc., perçus par le
gouvernement. Ça commence à faire beaucoup de taxes,
là.
M. Bréard: Le principe...
M. Léonard: À quel moment vous pourriez percevoir
de telles taxes sur un camion américain qui viendrait ici? C'est
ça, là.
M. Bréard: Bien...
M. Léonard: Quel endroit? Quel moment?
M. Bréard: Le principe directeur, c'est que notre
objectif, c'est de ne pas réduire notre contribution au Trésor
québécois. On paie déjà 2836 $ par véhicule.
On est prêt à payer le même montant, distribué
différemment.
M. Léonard: Oui. Alors, je vous comprends bien. Le
camionneur américain devrait payer sa part comme le camionneur
québécois. C'est ça.
M. Bréard: C'est ça. Donc, de la même
manière que le système fiscal américain perçoit ses
droits à la douane. Si vous n'avez pas vos autocollants et que vous ne
faites pas la preuve que vous êtes en règle et que vous avez
payé vos droits, vous n'entrez pas sur le territoire. C'est aussi simple
que ça. Pourquoi on ne le fait pas? C'est la même chose que quand
on va aux États-Unis et qu'on réduit notre vitesse parce qu'on
sait que, là-bas, ils sont plus sévères que notre propre
police. C'est la même chose.
M. Léonard: Vous réduisez vos charges aussi un
peu?
M. Bréard: Oui. C'est limité à 80 000 livres
par véhicule. Ça, c'est une règle à la grandeur des
États-Unis, sauf sur des permis spéciaux. Mais, nous autres, on
dit que, si on respecte les charges prescrites par les ingénieurs de la
voirie, on n'a pas de problème, et le contrôle routier devrait
faire le reste pour s'assurer que tout le monde soit équitable et
concurrentiel. Mais le système fiscal américain, il est simple:
Vous payez vos droits, vous devez vous-même vous assurer d'avoir
payé vos droits au ministère approprié et vous recevez par
là votre autocollant. Vous devez l'afficher. Si vous ne l'avez pas, vous
n'entrez pas. C'est la même chose qu'on devrait faire au Québec.
Le poste frontière devrait être hermétique. D'ailleurs, ce
n'est pas la première fois que le ministre des Transports se fait
demander un poste de contrôle routier permanent aux frontières. On
n'en a pas, et c'est un problème qu'on a déjà
soulevé, d'ailleurs.
M. Léonard: Je pense que ça, ça fait partie
des préparatifs qu'on aurait dû prendre rapidement en fonction de
l'application du libre-échange. On en a un exemple.
J'ai un autre élément, là, que vous soulignez. Vous
dites que, dans le domaine du transport par camion, plus de 50 % des
coûts d'exploitation sont des salaires. Et vous faites état que
les avantages sociaux sont sensiblement plus élevés ici qu'ils ne
le sont dans l'État de New York, en particulier. Donc, j'imagine que
ça doit être la même chose pour le reste des
États-Unis. Et vous posez d'ailleurs la question du Mexique qui va
intervenir. Il y a une question que je me pose, très précise,
celle-là. Vous parlez des coûts du régime de santé
et de sécurité du travail, des coûts de la CSST, par
rapport aux coûts de la Société d'assurance automobile du
Québec. Comment se fait-il que les coûts de la CSST soient aussi
élevés pour des conducteurs de camion, par exemple, qui sont,
eux, assurés par la Société d'assurance automobile du
Québec? Est-ce que les accidents... Il y en a, évidemment, des
accidents de travail, mais est-ce que les accidents qu'on distingue sont aussi
nombreux par rapport à ceux qui surviennent dus au hasard de la
route?
M. Bréard: Ce sont des problèmes qu'on a
soulevés depuis longtemps, sauf que, quand on a fini par lister tout ce
qu'on devait demander au gouvernement, on s'est dit qu'on pouvait en laisser
tomber au moins quelques-uns pour le moment, parce que, à en trop
demander, on finit par ne plus savoir ce qu'on a demandé. C'est
effectivement un problème majeur qu'il y a entre
l'«assurabilité» des conducteurs à la CSST et le fait
que les accidents surviennent sur la route, donc aussi assurés par le
permis de conduire que la SAAQ perçoit. Mais... (12 h 50)
M. Léonard: Vous payez, vous payez des deux
côtés, c'est ça que vous...
M. Bréard: On paie des deux côtés, mais on
s'est dit que... On a déjà soulevé la question au
gouvernement, on l'a déjà rappelée, sauf que
l'acuité des problèmes, en ce qui concernait la taxe sur le
carburant et l'immatriculation, était
devenue plus prioritaire que cette question-là. Mais on l'a
toujours gardée en réserve pour être capables de, un jour,
régler ce dossier-là. C'est un véritable problème
qu'il faut régler, effectivement. Le conducteur est assuré dans
les deux côtés.
M. Léonard: Vous êtes en...
M. Bréard: Et à quel endroit est-ce qu'il se fait
indemniser?
M. Léonard: Vous êtes en train de dire que vous avez
contribué à une bonne partie des 300 000 000 $ que le
gouvernement est allé piger à la Société de
l'assurance automobile du Québec.
M. Bréard: Ah bien, on y a contribué, y compris par
les plaques, y compris par l'assurance, effectivement. C'est un problème
à résoudre, mais on ne l'a pas inclus dans le mémoire
spécifiquement parce qu'on ne voulait pas noyer l'ensemble des demandes.
Mais on doit absolument, un jour, éventuellement, régler ce
problème-là.
M. Léonard: Juste une dernière question. Je reviens
au financement des infrastructures routières. Quand vous dites qu'il
pourrait y avoir un poste à l'entrée, au Québec, par
lequel on imposerait certains droits et tarifs aux camionneurs
américains qui entreraient au Québec, comme il se fait à
l'inverse, est-ce que cela compenserait pour l'utilisation des infrastructures
routières en même temps? Parce que vous ne savez pas, à ce
moment-là, quelle distance un camionneur américain va faire sur
le territoire du Québec. Aux États-Unis, ce sont des
péages.
M. Leclerc (Serge): Non, non. C'est qu'on...
M. Léonard: O.K.
M. Leclerc (Serge): ...est obligés de...
M. Léonard: Je veux vous entendre là-dessus.
M. Leclerc (Serge): On est obligés de déclarer,
comme transporteur... Le transporteur québécois qui va aux
États-Unis est obligé...
M. Léonard: À partir de votre manifeste de
transport?
M. Leclerc (Serge): ...de déclarer, oui, le millage ou le
kilométrage parcouru aux États-Unis, et, effectivement, il y a
des inspections en maison. Les Américains viennent inspecter nos livres
et, s'ils trouvent qu'on n'a pas payé ce qu'on devrait payer où
on devrait le payer, on est en difficulté. Alors, c'est supporté
par des inspections périodiques dans nos entreprises.
M. Bréard: C'est fait par le biais du rapport sur le
carburant, qui est obligatoire. Pour circuler aux États-Unis, vous devez
être enregistré avec la vignette sur le carburant et vous devez
faire vos rapports. Donc, eux autres évaluent aussi le nombre de
kilomètres parcourus déclarés par le transporteur. Mais,
si vous n'en faites pas assez, de déclarations, vous pouvez être
sujet à une inspection du DOT, et là ça coûte
cher.
M. Leclerc (Serge): D'ailleurs, à cet effet-là, M.
le député, on a fait une demande au ministère des
Transports, il y a quelque temps, de déterminer des postes
d'entrée des frontières au Québec, et il y en a plusieurs,
évidemment, des possibilités d'accès.
M. Léonard: On a dit ce matin qu'il y en avait 147,
là?
M. Leclerc (Serge): Bon. Alors, nous, je pense qu'on en a
demandé 7.
M. Bréard: Au Québec, il y en a un peu moins, je
pense. Il y en a...
M. Leclerc (Serge): II y en a un peu moins, mais...
M. Bréard: 34.
M. Leclerc (Serge): 34. On a demandé d'établir...
Comme aux États-Unis, d'ailleurs, on ne peut pas entrer par toutes les
routes. Les Québécois ne peuvent pas rentrer avec leurs camions
dans n'importe quelle voie d'accès aux États-Unis.
M. Léonard: O.K.
M. Leclerc (Serge): On a des routes désignées qu'il
faut prendre.
M. Léonard: O.K.
M. Leclerc (Serge): Alors, nous, ce qu'on a demandé au
ministère des Transports, c'est d'établir la réciproque,
c'est-à-dire de déterminer des voies d'accès, des portes
d'entrée des États-Unis au Québec qui pourraient faire
l'objet, justement, d'un contrôle frontalier au niveau de la mise en
règle ou de l'état en règle des transporteurs
américains venant sur le territoire canadien.
M. Léonard: M. le Président, je voudrais remercier
l'Association du camionnage de ses suggestions et de nous faire prendre
conscience de l'adaptation très rapide qu'il faut avoir par rapport au
contexte du libre-échange. Je pense que ce qu'il y a derrière
ça, c'est la création de beaucoup d'emplois, si la réforme
était faite
correctement, correctement. C'est ça, je pense, le point majeur,
parce que des postes... J'ai connu un temps où nos camionneurs allaient
beaucoup aux États-Unis, et ce que vous nous dites ce matin, c'est que
vous avez perdu beaucoup, beaucoup de terrain dans les dernières
années. Alors, merci.
Le Président (M. Camden): M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Alors, M. le Président, je veux
réitérer les mots de bienvenue à l'Association du
camionnage du Québec et féliciter tous ceux qui sont ici pour
représenter cette Association, les féliciter de la qualité
du mémoire que vous avez déposé ce matin. Vous avez
sûrement apporté une contribution à l'étude qui est
faite présentement du financement des services publics, de la
fiscalité.
Évidemment, nous recherchons toujours une façon
d'améliorer les choses quant aux questions fondamentales comme celle de
l'équilibre que nous recherchons. Aussi, comment faire face à une
situation difficile, comme celle que constitue l'endettement du Québec,
l'endettement qui n'est pas commencé d'aujourd'hui, mais qui date de
plusieurs années. Mais l'accumulation de tous ces déficits et
particulièrement les déficits attribués au fait qu'on
emprunte à long terme pour payer les dépenses courantes, tout
cela, évidemment, est un problème auquel on doit faire face
aujourd'hui, et qui est une des raisons d'être de la présente
commission.
Plusieurs viennent nous voir pour nous demander d'autres choses, et je
les comprends, mais ça ne règle pas tellement les
problèmes auxquels on doit faire face. Tous les gens nous disent: II ne
faut plus emprunter pour payer l'épicerie, comme on dit. Il ne faut plus
endetter le Québec, c'est assez. Parce que vous savez, lorsqu'on a un
déficit de 5 000 000 000 $, c'est clair que, l'année suivante, on
a 500 000 000 $ de moins à distribuer en services parce que le service
de la dette vient d'augmenter de 500 000 000 $, et ainsi de suite année
après année, de sorte que la tarte, si vous voulez, des services
diminue à chaque fois qu'on augmente le service de la dette. Et
ça, c'est une réalité à laquelle on doit faire
face.
Je vous rappelle ça parce que c'est un peu la mission de cette
commission. Et, d'autre part, ceux qui sont venus et celles qui sont venues ici
nous ont aussi dit que, oui, il faut cesser d'avoir des déficits comme
ça et d'augmenter l'endettement, mais ne vous tournez pas vers les
impôts et les taxes, nous en avons assez. Et, vous, vous dites la
même chose en d'autres mots. Lorsque vous parlez d'immatriculation,
lorsque vous parlez du prix du carburant, vous arrivez à peu près
dans les mêmes conclusions: Nous ne voulons plus avoir d'augmentation de
taxes qui augmentent les coûts de production, les coûts de
fonctionnement de nos entreprises, etc. Donc, vous arrivez à la
même conclusion que les autres.
Mais qu'est-ce qu'on fait, dans ce temps-là, pour régler
nos problèmes? Il faut diminuer les dépenses. Je n'ai pas vu,
évidemment, dans votre mémoire quelque chose ou quelque piste de
solution du côté de la diminution des dépenses.
Ceci étant dit, ça ne change pas, absolument pas la
qualité du mémoire, parce que vous avez abordé des sujets
d'actualité pour vous et de survie de votre industrie, ce qui est
extrêmement important dans l'économie du Québec.
D'ailleurs, vous l'avez mentionné au tout début de vos remarques,
même si ce n'est pas dans le mémoire, je ne sais pas, vous n'avez
pas eu le temps de l'écrire, mais vous avez eu au moins la gentillesse
de le dire, c'est que nous avons eu, dans les quelques semaines ou mois qui
précèdent aujourd'hui, l'occasion de nous rencontrer, de faire
une évaluation de la situation. C'est ce qui a amené,
évidemment, ma déclaration ministérielle dès le
premier jour de la reprise de la session, le 24 novembre dernier, de donner
suite à ce que je vous avais dit en termes généraux, mais
que je ne pouvais pas préciser. Je pense que c'a été une
amélioration importante pour vous. J'en suis fort heureux.
Il reste aussi le fait que, pour revenir à ce même sujet,
c'est vrai que vous avez... Même après la diminution que nous
avons consentie sur le prix du diesel, sur la taxe sur le diesel, nous avons
encore une situation qui n'est pas encore complètement
réglée dans le sens d'avoir une taxe qui puisse être
concurrentielle absolument avec tout ce qui vous entoure. Mais, cependant,
lorsque l'on regarde la situation de 1983 à 1993 - et ça, je le
dis simplement par respect de la vérité; on ne pensera pas que la
situation a été inventée cette année ou
l'année dernière - on s'aperçoit que, ailleurs, il y a eu
des augmentations. (13 heures)
Prenons, par exemple, New York, où l'augmentation par litre a
été de 0,091 $, entre 1983 et 1993. Durant la même
période, le Maine, augmentation de 0,061 $; au Massachusetts,
augmentation de 0,075 $; au Rhode Island, augmentation de 0,085 $; en
Californie, augmentation de 0,066 $. La moyenne des États est de 0,065
$. Alors que la moyenne des autres provinces canadiennes, entre 1983 et 1993, a
été une augmentation de 0,102 $, le Québec n'a
augmenté que de 0,085 $. Donc, la situation que vous déplorez
aujourd'hui, vous auriez pu la déplorer autant, sinon plus, en 1983.
Ça ne règle rien.
M. Leclerc (Serge): On était réglementé en
1983.
M. Levesque: Vous étiez réglementés.
Là, vous l'êtes moins. Tout de même, vous faites face
à une concurrence différente, mais ça ne change pas le
prix du diesel et la façon que ça a
été augmenté parmi tous vos voisins. Ça
n'empêche pas non plus que vous désiriez une amélioration
de ce côté-là. J'en ai pris note.
Quant à la demande de votre association touchant
l'immatriculation, la proposition de l'Association, qui s'appliquerait aux
propriétaires de camions de cinq et six essieux - c'est de ça que
vous parlez - engendrerait pour nous, évidemment, une perte annuelle -
parce qu'il y a toujours quelque chose: «Rien ne se perd, rien ne se
crée», à dit Lavoisier, à un moment donné...
Ça nous causerait une perte de revenus de 22 400 000 $ qui, nous dit-on,
ne pourrait pas être compensée par l'assujettissement des
camionneurs américains.
Peut-être que vous pourriez me renseigner là-dessus, mais
on me dit que, en vertu des ententes bilatérales de
réciprocité avec une quarantaine d'États
américains, le Québec s'est engagé à ne pas imposer
de droit d'immatriculation aux camionneurs en provenance de ces États,
en autant que les camionneurs québécois puissent
bénéficier d'un traitement similaire lorsqu'ils circulent dans
ces mêmes États. La réduction des droits d'immatriculation
des véhicules commerciaux et son remplacement par une taxe
équivalente sur les véhicules lourds, est-ce que ça
risquerait d'être interprété comme une dérogation
aux ententes de réciprocité qui pourrait amener les 38
États américains à remettre en question les mêmes
ententes?
Cette éventualité, si c'était le cas, causerait des
préjudices énormes aux camionneurs québécois
puisqu'elle pourrait les obliger à détenir un certificat
d'immatriculation de chaque état américain où ils
envisagent de circuler. Alors, c'est une question que je vous pose
là-dessus. Vous pourriez peut-être me donner quelques
commentaires.
Quant à l'introduction d'une taxe de 325 $ pour l'utilisation des
véhicules lourds... Je ne me prononce pas là-dessus. Je vous pose
des questions, mais je ne me prononce pas, parce qu'on va tout regarder votre
mémoire en dehors de ce forum lorsque nous aurons à prendre des
décisions. Cette introduction d'une taxe de 325 $, nous en avons fait
une analyse au ministère et nous serions plutôt d'avis que
l'instauration d'une telle taxe ne devrait pas être retenue pour la
raison suivante, et d'autres raisons dans lesquelles je ne rentrerai pas,
même si ce n'est pas une réponse définitive. Même si
le Québec pouvait mettre en place la taxe proposée, il pourrait
difficilement, pour des raisons d'équité, l'appliquer sans
distinction de la distance parcourue au Québec. Et, à cet
égard, le maintien d'une franchise de 8000 km en territoire
québécois, comme c'est le cas de la taxe américaine, fera
en sorte qu'une très faible quantité de camionneurs
américains sera obligée de la payer à cause du fait qu'il
y en a plusieurs, une grande partie pour qui c'est simplement la distance,
disons, de Lacolle à Montréal. Alors, c'est là un autre
point d'interrogation que nous avons.
Le Président (M. Camden): M. Lecierc,
brièvement.
M. Lecierc (Serge): M. le ministre, nous, ce qu'on dit...
D'abord, on n'a pas la même vision que vous avez, là, de notre
intervention. Sans parler de la taxe sur le carburant, mais au niveau de
l'immatriculation, on ne dit pas qu'on devrait bénéficier de
réductions. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on paie la plaque
d'immatriculation 2800 $ et quelques, alors que l'Américain, lui, paie
1100 $ en moyenne. Il y a un écart de 1700 $, là. Lui, son 1700
$, l'Américain, il le prend avec différentes taxes qui sont
basées sur l'utilisation du réseau routier. Il paie, le
transporteur américain, lorsqu'il utilise son réseau. Le vice de
forme, c'est que, à cause des accords de réciprocité, il
vient jouir au Québec d'une plaque réciproque, si on veut, il
vient jouir de la plaque québécoise qui a coûté 2800
$ aux Québécois avec la sienne qui en a coûté 1100
$. Par contre, le Québécois, lui, le transporteur
québécois, lorsqu'il a à aller sur son propre
réseau, se voit imposé ces taxes additionnelles là
à cause de la structure, mais il est obligé de la payer, la taxe,
parce que l'Américain la paie.
Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut repenser tout ce concept-là
de plaque d'immatriculation qui comprend tout et peut-être la
réduire, la plaque d'immatriculation, à 1200 $, 1400 $, mettez-la
à 1500 $, et créer quelque chose qui va tenir compte des 1400 $
additionnels en une taxe ou en plusieurs taxes différentes basées
sur l'utilisation des routes, un peu de la même façon que la
structure tarifaire américaine ou, enfin, la structure américaine
est organisée.
Et nous, ce qu'on dit, M. le ministre, et évidemment on n'a pas
fait une recherche très exhaustive, mais ce qu'on voit dans ça,
c'est qu'on dit, nous, qu'il y a 20 % de la flotte qui circule sur le
territoire québécois qui est américaine. On a à peu
près 100 000 véhicules au Québec. On dit qu'il y en a 20
000. Alors, ça peut être 30 000, ça peut être 40 000,
on n'est pas sûr des chiffres. On sait, par contre, que vous avez
donné des autocollants, des vignettes pour la taxe sur le carburant.
Vous en avez distribué 180 000. Ça veut dire qu'il y en a
probablement la moitié qui sont allées aux Américains. Il
y a 2800 compagnies américaines qui se sont inscrites pour obtenir ces
vignettes-là. Alors, si on pense qu'il y a peut-être 20 000
à 30 000 véhicules américains qui circulent au
Québec, ça veut dire que, si vous allez chercher 1000 $ par
véhicule sous une forme ou sous une autre, le gouvernement va aller
chercher 20 000 000 $.
M. Levesque: Merci.
M. Lecierc (Serge): Et, nous, ça fait notre
affaire, parce que, sur le plan compétition, ça nous
ramène au même niveau avec les Américains. La formule, M.
le ministre, on ne l'a pas trouvée encore, mais on sait que vous avez
des équipes qui peuvent se pencher sérieusement sur ce
problème-là.
Le Président (M. Camden): Mme la députée de
Taillon, s'il vous plaît.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de pouvoir échanger quelques instants avec vous, parce que notre
temps est presque terminé. Je dirais, d'entrée de jeu, qu'il n'y
a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Alors, je pense que vous
arrivez avec des propositions fort intéressantes pour, dans le fond,
vous rendre plus compétitifs et rehausser le niveau d'emploi ici, au
Québec, dans votre secteur d'activité, surtout quand vous nous
dites que c'est 33 600 emplois directs au Québec. C'est ce que votre
mémoire dit. Peut-être que le ministre des Finances devrait
être sensible à vos propositions, qui ne vont pas
nécessairement dans le sens d'une réduction, si j'ai bien compris
votre mémoire, des taxes que vous avez à encourir, mais au moins
que vous puissiez être en compétition avec ceux qui viennent vous
compétitionner sur le territoire québécois, que sont les
Américains. Je pense que rien n'empêche de le faire. Il s'agit
d'avoir l'imagination pour le faire.
Cela étant dit, j'ai une brève question sur la formation
de votre personnel. C'est intéressant, dans le fond, parce que, depuis
quelques jours, il y a plusieurs groupes qui sont venus pour signifier le fait
que le gouvernement avait un discours en matière de formation et
d'éducation en général, en matière de formation
professionnelle, mais que le geste ne suivait pas le discours. Et, d'ailleurs,
c'est votre conclusion, si je ne m'abuse, la cohérence entre les gestes
et le discours. Vous nous parlez du fait que le crédit d'impôt
à la formation ne vous permettrait pas d'assurer de la formation dans
votre milieu par un outil qui, chez vous, est différent, qui est
l'Association, qui pourrait offrir de la formation. Vous faites
référence aussi au fait que le gouvernement n'a pas
réalisé un engagement, semble-t-il, d'institut de formation
professionnelle. (13 h 10)
Dites-moi un peu, quelles sont les contraintes que vous rencontrez,
comme association, pour rendre disponible de la formation professionnelle
à votre personnel sans pouvoir bénéficier du support que
pourrait vous donner l'État par le crédit d'impôt? Juste
pour qu'on comprenne bien, là, ce à quoi vous êtes
confrontés.
M. Bréard: La chose est simple. C'est qu'il y a une
disposition dans le règlement qui dit que les associations n'ont pas
droit au crédit d'impôt et ne peuvent pas le transmettre à
celui qui vient prendre des cours. Le ministre des Finances est bien au
courant, parce qu'on insiste, avec le Conseil du patronat, pour que les
associations soient capables de dire: Voici, nous, on réunit les
employeurs, parce qu'on est des employeurs. Et les employeurs se regroupent en
associations pour, justement, évaluer les besoins de formation, donner
une expertise technique et dire: Bon, on a besoin d'un cours en vente et
marketing, mais dans le transport routier. On travaille avec des professionnels
de la formation - parce que ce n'est pas nous qui allons le faire - on donne un
sous-contrat et on engage un formateur.
Mais tout le travail de préparer le cours, de commercialiser le
cours, de vendre le cours, qui se fait dans nos locaux, c'est nous qui devons
chercher la contribution de l'employeur, c'est nous qui devons émettre
la facture, c'est nous qui devons dire... C'est l'Association qui donne le
cours. Mais, à cause de cette technical ité-là,
l'employeur qui viendrait prendre un cours à l'Association du camionnage
n'aurait pas droit au crédit d'impôt. Alors, il va sur le
marché, il a un cours de 900 $, et ça va lui revenir à peu
près à 300 $. Mais, par le fait qu'il vienne à son
association prendre un cours qui a été conçu et
destiné pour lui, il n'a pas droit.
Alors, ça neutralise tout le processus, parce que, nous, on ne
peut pas engager de professionnels, parce qu'on dit aux professionnels: Bien,
débrouillez-vous, faites des cours si vous voulez les donner, rejoignez
les transporteurs si vous voulez le faire. Oui, mais, nous, on est bons pour
donner de la pédagogie, mais on ne sait pas quoi, parce qu'on ne
connaît pas votre secteur. Oui, mais l'Association n'est pas là
nécessairement non plus... Alors, il faut que tout le monde ait son
intérêt. Le seul fait que le gouvernement ne donne pas les
crédits d'impôt aux associations et ne permette pas aux employeurs
d'en bénéficier quand l'association fait le cours, ça
neutralise tout le système.
On a un bon exemple, on donne un cours de vente et de marketing, parce
qu'on a décidé qu'on n'attendrait pas le gouvernement. Bien,
là, ça coûte le plein montant aux transporteurs routiers,
alors qu'on est en compétition avec n'importe qui qui peut donner un
cours de vente et de marketing en donnant le crédit d'impôt,
puisque lui est accrédité. On ne comprend pas cette
exclusion-là. On n'en voit aucune justification.
Mme Marois: O.K. Et vous n'auriez pas d'objection - c'est ce que
je comprends à la lecture de votre mémoire - à avoir des
ententes, par exemple, avec des institutions du réseau public qui
viendraient, à travers vos demandes, vos attentes, distribuer ces
cours-là, mais que vous puissiez être reconnus autrement que
vous
ne l'êtes actuellement.
M. Bréard: Bien, c'est que nous devons être
le...
Le Président (M. Camden): M. Bréard, s'il vous
plaît.
M. Bréard: Oui. Quand on engage un professionnel, par
exemple, il travaille pour l'Association et il donne un cours. Alors, ce n'est
pas lui qui fait tout le travail de facturation, de commercialisation. Alors,
il se dit: Faites le travail, donnez vos crédits d'impôt, il n'y a
pas de problème; moi, je vais être payé. Que le
gouvernement puisse s'assurer que la formation soit faite de qualité en
nous obligeant à travailler avec des gens reconnus, on n'a pas de
problème avec ça.
Mme Marois: D'accord.
M. Bréard: Mais on doit faire le travail. Ça ne
peut pas être le fournisseur de formation qui le fait.
Mme Marois: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous.
Merci.
Le Président (M. Camden): Alors, M. Leclerc, M.
Bréard et les représentants de l'Association du camionnage du
Québec, nous vous remercions de votre présentation.
Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures cet
après-midi, pour entendre le Groupement TVQ Outaouais.
M. Leclerc (Serge): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Camden): Alors, les travaux sont
suspendus jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour
entendre le Groupement TVQ Outaouais. Alors, comme le Groupement a
déjà pris place à la table des témoins,
j'inviterais la ou le porte-parole de ce groupe à bien vouloir, dans un
premier temps, s'identifier et nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
Dans une seconde phase, permettez-moi de vous faire état de la
procédure parlementaire. Nous disposons globalement, pour la
présentation de votre mémoire, d'une heure, dont 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les
deux formations politiques pour une durée globale de 40 minutes: 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition officielle. Alors, nous sommes prêts à entendre la
porte-parole ou le porte-parole de votre groupe.
Groupement TVQ Outaouais
Mme Leblanc (Nicole): Bonjour. Je suis Nicole Leblanc,
coordonnatrice régionale du Groupement TVQ Outaouais. Je vous
présente, à ma gauche, Marie-Nicole Bruyère,
coordonnatrice provinciale du Groupement TVQ Outaouais; M. Jean-Jacques
Vallières, conseiller en fiscalité; M. Louis-Serge
Chénier, conseiller en politique; à ma droite, Denise
Déziel, conseillère juridique, et M. Denis Tassé,
président de la région Outaouais pour l'ADA, l'Association des
détaillants en alimentation.
Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes, madame?
Mme Leblanc: Je m'excuse, Nicole Leblanc - je pense que je
l'avais dit - coordonnatrice régionale.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous sommes prêts
à entendre l'exposé de votre mémoire.
Mme Leblanc: O.K. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous
mentionner tout le marasme que vivent les détaillants, les
commerçants, les professionnels, et ceci de façon assez
importante. Nous avons noté, dans le protocole d'entente qu'il y a eu
entre le Canada et le Québec pour l'harmonisation, plusieurs buts qui
sont assez intéressants. Dans tout le document, nous allons vous
mentionner des articles se rapportant à cette entente. Ces articles - je
ne les lirai pas, je vais seulement nommer l'article - sont à l'annexe A
du document que vous avez reçu. (14 h 10)
Dans cette entente, finalement, ça rejoint beaucoup les buts,
également, du Groupement TVQ qui sont de minimiser les
dédoublements, réduire les coûts, garantir
l'intégralité, faciliter l'application, offrir un service,
surtout offrir un service pour que ce soit administrable. Vous savez, les
petites entreprises sont des gens multidisciplinaires qui ont beaucoup à
faire et le fardeau administratif est venu s'ajouter à leurs
tâches, et ce, en pensant qu'ils ont également une formation en
fiscalité. Et puis je crois qu'on a surestimé les
capacités des petites entreprises, étant donné que c'est
assez complexe et que même les fonctionnaires et les comptables ont de la
difficulté à s'y retrouver.
Vous savez que les petites entreprises sont les moins en mesure de
s'adapter aux politiques et aux règles de plus en plus complexes qui se
présentent, et de façon rapide, dans les nouvelles
lois fiscales qui changent assez rapidement.
On a pu voir qu'il y a trois sortes de complexités
relevées d'après une étude américaine. Il y a la
complexité d'observation, qui est le problème des contribuables
à tenir les registres, les formulaires, à faire les calculs de
façon adéquate, et ce, sans se tromper - vous savez comme moi
que, même si on se trompe de toute bonne foi, on en entend parler, et
sévèrement; la complexité de réaliser les
transactions, c'est-à-dire d'organiser ses affaires pour pouvoir
diminuer les impôts, mais toujours en respectant la loi, et la
complexité des règles, c'est-à-dire de bien
interpréter les règles écrites.
Par rapport à ces nombreuses complexités, nous vous
apporterons plusieurs problèmes que nous avons soulevés et des
solutions pouvant s'y rapporter. La complexité demeure le point majeur
que les commerçants vivent en ce moment; puis, quand je parle des
commerçants, je parle des mandataires, en général, des
PME, des professionnels.
Je donne un exemple de la complexité. Les gens qui font affaire
autant dans l'alimentation que le carburant, à un moment donné,
ils ont des taxes à remettre au bon endroit, à la TVQ et au
carburant. On a eu vent, à un moment donné, qu'il y a eu un
problème à ce niveau-là. Même le fonctionnaire a
fait tout changer les taxes de la TVQ sur le carburant; ensuite, ce
n'était plus ça, c'est revenu. Moi, je ne suis pas experte dans
cette matière, mais certains commerçants nous ont soulevé
que c'était un problème majeur.
Donc, tout ça pour vous dire que, quand on ne comprend pas bien
les règles, ça peut porter à une délinquance, et
une nouvelle délinquance, parce qu'il y a beaucoup de gens qui
n'étaient pas délinquants, qui n'ont jamais été
délinquants dans leur remise à faire au gouvernement et qui
maintenant le sont parce que tout est absolument «inadministrable».
Même si c'est un mot qui n'existe pas dans le dictionnaire, bien, c'est
presque ça. Aussi bien dire que ça n'existe pas non plus dans vos
règles parce que c'est quasiment comme ça quand on les lit. C'est
très difficile à exploiter.
Alors, la délinquance, vous savez, ça entraîne des
pénalités. C'est comme si le gouvernement nous traitait comme des
enfants. Quand on a un enfant qui fait quelque chose de pas correct, parce
qu'il n'a pas compris, on le punit avant de lui expliquer. Bien là,
c'est ça que vous faites dans le fond. Vous n'expliquez pas comme il
faut aux contribuables, vous les traitez comme des enfants, puis vous les
punissez plutôt que de chercher le problème. C'est ce qu'on trouve
déplorable, d'autant plus que les pénalités ne sont pas
les moindres non plus. Alors, ça fait un cercle vicieux; il n'est pas
facile à sortir de ça. Donc, si vous trouvez des solutions
à ces problèmes, vous avez une grosse chance que vos
problèmes de délinquance soient résolus et, par le fait
même, que les coûts apportés au recou- vrement de ces
dettes-là face au gouvernement soient diminués. Nous savons que
le taux de 10 % à 15 % a augmenté du fait que les coûts de
recouvrement étaient très élevés; mais, si vous
réglez la délinquance, par le fait même, les
pénalités vont diminuer. Ce serait plausible, parce que vous
allez diminuer vos coûts de recouvrement. Donc, c'est un point qu'on
plaide énormément.
Ensuite, pour la stabilité, vous savez que les lois changent
très souvent. Depuis 1991, moi qui n'avais aucune taxe à charger,
entre autres, en tant que commerçante dans le vêtement pour dames,
depuis 1991 on a une foule de choses qui s'ajoutent jour après jour. Il
va falloir, à un moment donné, qu'il y ait une certaine
stabilité pour qu'on sache où on s'en va et quelles règles
suivre.
La structure de la fiscalité serait également importante
à simplifier et à harmoniser, surtout à cause de la
compétitivité de la province, et d'autant plus pour les
régions frontalières avec le fameux service de 4 %.
Là-dessus, je n'ai pas à élaborer ce que ça veut
dire. Je sais que vous avez tous compris cette complexité.
Maintenant, on arrive avec les points de notre mémoire dont,
entre autres, le guichet unique. Ici, également, je ne veux pas perdre
de temps à vous expliquer ce que ça veut dire, le guichet unique,
parce que je pense que tous le savent par rapport à ça. Ce que je
veux souligner, c'est qu'on a une solution à vous apporter par rapport
au service à la clientèle, entre autres, pour ne pas attendre des
heures et des heures face aux demandes de service. Vous avez en annexe des
exemples de gens qui ont attendu des heures pour avoir le service à la
clientèle.
Nous vous proposons, avec l'annexe du traitement de voix, le B et le C.
Vous avez également l'article 64 du protocole qui vous mentionne qu'on
devrait donner un service de haut rendement. Dans l'annexe B, vous avez le
traitement de voix Informatrix. Vous avez l'annexe Informatrix dans l'annexe B
et vous avez l'annexe qui est proposée par le gouvernement
fédéral, le Système électronique de renseignements
par téléphone, l'annexe C, qui est très efficace et qui
peut sauver beaucoup de temps, parce que juste ça tout seul, c'est assez
pour décourager un mandataire et dire: Ah! je laisse tout tomber, et ne
pas régler le litige, s'il y a lieu. Alors, on vous suggère
fortement ces deux possibilités face au traitement de voix.
Également, toujours dans le guichet unique, on parle des
versements trimestriels. On propose également que les versements soient
faits en un versement unique pour les acomptes provisionnels, Tes retenues a la
source et les versements de la TVQ et TPS. Ça, ça pourrait vous
amener une économie d'enveloppes, une économie de temps, une
économie de frais bancaires, de temps-personne. C'est assez important.
Nous, on avait fait un petit peu un parallèle avec les
Publi-Sac, dans le sens qu'on met tout dans le même sac pour faire
une publicité, puis ça coûte beaucoup moins cher. Le
gouvernement pourrait faire la même chose, en ce sens qu'on aurait un
versement une seule fois. On sauve également beaucoup de temps. On pense
que ce serait une proposition assez intéressante.
Et puis dans le système aussi de compensation que vous avez
déjà en marche, par rapport à la TPS et à la TVQ,
c'est déjà un point en avant de votre part. Les transactions
aussi avec un seul agent. Vous savez qu'en ce moment, pour régler mon
dossier, on a fait affaire avec cinq personnes différentes, puis,
à chaque fois, il faut tout recommencer; ça coûte cher et
à vous et à nous également.
Informer le public. Ce qui est très important dans l'information
du public, autant pour les contribuables que pour nous, si vous me pardonnez
l'arrogance de vous dire que les contribuables, s'ils sont tenus dans
l'ignorance, ils vont agir comme des ignorants. Vous allez me dire: Bien oui,
mais il y en a de la publicité à la radio. Vous avez reçu
des cahiers, vous avez reçu plein de choses pour vous informer. Mais
pensez-vous que la méthodologie actuelle est adéquate pour
informer le public? Étant donné qu'il y a tellement
d'incompréhension, il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a une
explication. Il va falloir réviser votre système d'information
parce que les gens ne comprennent pas ce que vous voulez. La même chose
au niveau des contribuables dont on va vous parler tantôt. C'est assez
important qu'ils comprennent l'implication du gouvernement. Il y a des
brochures de télévision, style bande dessinée, qui sont
intéressantes. Vous allez trouver ça comique, mais ça
attire beaucoup plus l'attention.
J'ai ici, pour encourager également une bonne gestion par rapport
au gouvernement, une autre solution qui va faire faire des économies,
d'après moi, majeures, c'est un abonnement sélectif. En ce
moment, on reçoit... Tout le monde, tous les commerçants
reçoivent des documents en main pour savoir comment administrer la TPS,
comment remplir nos retenues à la source, ainsi de suite. Mais vous
savez qu'il y a beaucoup de ces mandataires qui font affaire avec un comptable
ou un gestionnaire, et ces documents-là prennent le bord de la poubelle
et ça coûte énormément cher.
Donc, moi, je suggère que vous envoyiez ces documents
obligatoires aux comptables et gestionnaires et que les mandataires
intéressés à avoir de la documentation le fassent sous
forme d'abonnement avec, par exemple, à l'annexe E, des bons de
commande. Ils font un bon de commande et ils peuvent recevoir l'information
qu'ils ont besoin dans le domaine où ils sont intéressés.
C'est ce qui est important.
Et puis on a pensé également à quelque chose au
niveau des bibliothèques. Vous faites, en ce moment, une entente avec le
fédéral pour sauver des frais, partager les frais de salaires,
partager tous ces frais-là. Vous pourriez faire la même chose avec
les municipalités et avoir de disponibles ces informations-là au
niveau des bibliothèques municipales. Moi, je pourrais aller à la
bibliothèque et dire: Bon, eh bien, je vais emprunter, au même
titre qu'un livre, un document dont j'ai besoin. Vous auriez moins besoin
d'avoir autant de documents en circulation, ça vous coûterait
moins cher.
Et la même chose quand on a proposé, à un moment
donné, à M. Savoie d'avoir une vidéocassette pour
expliquer aux gens qui ont de la difficulté à interpréter
les écritures, qu'ils aient une vidéocassette explicative.
Ça pourrait être le même principe d'emprunt. Donc, le
vidéo, s'il n'est pas remis, ils le paient, et, quand ils le remettent,
vous, ça vous évite des frais également. Et ça va
dans le sens d'aujourd'hui avec l'environnement pour le recyclage. On peut
même suggérer de rapporter à Communication-Québec ou
aux bibliothèques les documents non utilisés que vous pourrez
redistribuer. Même les enveloppes de retour que l'on reçoit et que
l'on n'utilise pas, bien souvent, parce qu'on met tout dans une, et ça
s'accumule. Moi, j'en ai accumulé, de ces enveloppes-là.
Où elles vont? Encore dans les poubelles. Pourquoi on n'aurait pas un
endroit où on peut retourner ces enveloppes-là? Vous pourriez les
réutiliser. Vous feriez, à l'échelle de la province,
sûrement une économie valable. Alors, ça, ce sont des
suggestions que nous vous apportons au niveau de l'information publique. (14 h
20)
Maintenant, l'harmonisation. Vous savez, on insiste
énormément sur l'harmonisation parce que nous sommes
assurés que, s'il y avait une harmonisation, il y aurait beaucoup de
frais de sauvés à ce niveau-là. Pour le versement
trimestriel, qui est en ce moment amendé pour qu'il soit accessible aux
gens qui ont un montant déterminant de 12 000 $ et plus par année
de taxes, nous pensons que ça pourrait être élargi
étant donné qu'on sait que 50 %, apparemment, des gens qui ont
droit à cette option-là ont fait la demande. Donc, le
gouvernement pourrait considérer que, s'il y a seulement que 50 % qui en
font la demande, même si on élargit le bassin, ça ne
devrait pas lui coûter si cher que ça et ça pourrait
être un très bon point de relance économique, dire aux
commerçants: Bien, regardez, on vous aide, on élargit le bassin,
ça va vous aider à mieux fonctionner, ça va vous
coûter un peu moins cher. Et, à ce moment-là, vous, dans
votre coin, vous savez que, s'il y a juste à peu près 50 % qui
l'utilisent, parce que ce n'est pas tout le monde qui le veut, ça ne
vous coûtera pas aussi cher que ça. Vous pourriez vous en servir
dans ce sens-là, et je pense que ça pourrait aider des deux
côtés.
Il y a également le versement trimestriel. Ce serait
intéressant qu'il soit accessible sur l'exercice complet, sur l'exercice
financier
complet parce que, en ce moment, là aussi, je vous souligne que
la loi n'est pas claire. On a été obligé de demander
à un fonctionnaire; lui, ça lui a pris deux jours à
pouvoir me répondre; 11 dit avoir été obligé
d'aller dans les réglementations fédérales pour avoir une
réponse à savoir: est-ce que c'est pour l'année,
l'exercice financier complet que je suis eligible au trimestriel ou si,
aussitôt que j'atteins mon montant de 12 000 $ par année, je perds
ce droit-là? à ce moment-là, on vous demande - excusez,
j'ai perdu mon affaire; où j'étais rendue - d'élargir le
versement trimestriel et de laisser l'exercice financier complet plutôt
que d'être obligé de surveiller les 12 000 $ tout le temps.
Maintenant, par rapport au RTI, c'est déjà
mentionné; les formulaires abrégés, c'est
déjà mentionné. On veut aussi vous souligner l'importance
des frais encourus par les gens, par les mandataires, pour administrer. Ce
n'est pas tellement gros, si vous voulez, ça pourrait être
déposé, parce que je ne l'ai pas dans le document, les
schémas démontrant les coûts administratifs produits par
les principales déclarations gouvernementales. Ça, c'est
seulement pour les formulaires qu'on a à remplir mensuellement ou
annuellement. Si vous remarquez, la remise de la TVQ demande 30 heures-semaine
minimum, et ça c'est par un professionnel, sans compter les gens qui le
font eux-mêmes et qui ne sont pas des professionnels; ça prend
plus de temps. Si le professionnel charge 60 $, ça coûte 1800 $
par année; 75 $, 2250 $, et ça c'est juste pour la TVQ et la TPS,
une moyenne de 47,75 heures par année, ce qui fait entre 3000 $ et 4000
$ de frais seulement pour remplir les formulaires que nous avons à vous
remettre. Et ça, c'est sans compter le temps et les dollars en cas de
litige.
Le Président (M. Lemieux): J'autorise le
dépôt.
Mme Leblanc: bon, alors, je vous remets ça, c'est assez
intéressant. alors, pour conclure, ici, je vais laisser la parole
à m. vallières qui va vous parler des
pénalités.
Le Président (M. Lemieux): Puis-je vous rappeler, M.
Vallières, que vous n'avez environ que quatre minutes.
Mme Leblanc: Oui, c'est ça.
M. Vallières (Jean-Jacques): Vous me permettrez, M. le
Président, de vous donner notre impression de la pénalité.
On se demande si ce n'est pas un symptôme d'un malaise. Après
étude et discussion, nous avons conclu que la santé
administrative de Revenu Québec était précaire. Notre
diagnostic: maladie, inefficacité chronique; symptômes,
coûts exhorbitants de la collection; l'effet primaire, les débours
exagérés de la petite entreprise.
Au 1er juillet 1992, le taux passait de 10 % à 15 %, ce qui,
à notre avis, représentait un affront à la PME à un
moment qui n'aurait pas pu être plus mal choisi. Nous en avons
recherché le rationnel et, maintenant, nous en sommes d'autant plus
inquiet.
La seule interprétation qu'on puisse donner est la suivante: soit
que le gouvernement a une piètre opinion de la fabrique de
l'entrepreneur québécois ou c'est un aveu de la part de Revenu
Québec d'une inefficacité grossière, ou bien les deux.
Comme toile de fond, prenez, par exemple, un cas hypothétique: une
remise de 200 $ TPS et de 200 $ TVQ avec un mois de retard. Sur la TPS vous
aurez, après calcul des 6 % qui se traduisent par 0,5 % par mois, une
pénalité de 1 $. Pour 200 $, un jour de retard, vous avez une
pénalité de 30 $ sur le côté du Québec. Cette
représentation, elle suscite plusieurs questions: Ou bien on
considère l'entrepreneur québécois totalement
démuni de sens civique, qui mérite une punition, ou bien on admet
une inefficacité chronique de l'administration du ministère.
Examinons d'abord l'aspect pénalité. La
pénalité se doit d'être proportionnelle au crime. C'est
donc dire qu'un châtiment d'une telle sévérité doit
certainement refléter un crime très odieux. De quel esprit
criminel l'entrepreneur québécois est-il possédé
pour se mériter un tel châtiment? Et comment expliquer que le
fédéral ne le considère pas ainsi puisqu'il n'impose
qu'une pénalité de 0,5 %? C'est quand même un écart
impressionnant.
Vous connaissez sans doute le principe de cause à effet. Si on
accepte le crime comme l'effet, quelle en serait la cause? Serait-ce par un
esprit rebelle ou serait-il plutôt victime des circonstances qui rendent
le respect de ces lois et règlements quasi impossibles à
administrer? Et si c'était le fonctionnement d'un esprit rebelle, on
peut se demander: A-t-il toujours été ainsi? Quels sont les
facteurs qui ont assuré la germination d'un trait aussi malsain? Mais si
c'étaient plutôt les circonstances, ne serait-ce pas là la
preuve d'une lacune dans les communications, manque de directives
adéquates peut-être? Serait-ce moral que de continuer à
imposer des contraventions si on enlevait tous les panneaux routiers?
Considérons maintenant l'aspect inefficacité. À la
poursuite de quelques sous, le ministère s'est embourbé de
règles qu'il ne parvient plus à comprendre, encore moins à
expliquer. L'équilibre entre la simplicité et
l'équité a totalement été égaré. En
conséquence, ce n'est ni simple, ni équitable. Comment expliquer
que le gouvernement du Québec ait besoin de 15 % absolus pour recouvrer
les frais de collection tandis que le fédéral y parvient avec 6 %
annuels? Quels sont les coûts concernant la correction d'erreurs banales
qui n'auraient jamais dû être, en premier lieu? Si le gouvernement
maintient le taux à
15 %, n'admet-il pas qu'il a complètement perdu le contrôle
de ses dépenses? Où sont toutes les épargnes qui devaient
se matérialiser à l'harmonisation de la TPS et de la TVQ?
À quoi ont servi les subsides fédéraux?
À la lumière de ces observations, nous vous
présentons les recommandations qui suivent dans un but bien
arrêté de rétablir les bonnes relations...
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez prendre deux
minutes de plus.
M. Vallières (Jean-Jacques): Bon.
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez prendre deux
minutes de plus, pas de problème. Allez-y.
M. Vallières (Jean-Jacques): Alors, tel que je le disais,
à la lumière...
Le Président (M. Lemieux): On voudrait vous suivre.
M. Vallières (Jean-Jacques): Pardon?
Le Président (M. Lemieux): C'est intéressant ce que
vous dites. Alors, on aimerait vous suivre. Prenez deux minutes de plus. Pas de
problème!
M. Vallières (Jean-Jacques): Alors, à la
lumière des observations et dans le but bien arrêté de
rétablir les bonnes relations entre le contribuable et le
ministère et de réduire les coûts administratifs aussi bien
pour le mandataire que pour le ministère, nous vous recommandons ce qui
suit: dans un premier temps, que le ministre du Revenu fasse preuve de
tolérance et de compassion et qu'il mette tout en oeuvre pour regagner
la confiance des contribuables et changer ainsi le climat de confrontation en
un climat de collaboration; deuxièmement, que le ministre du Revenu
évite à tout prix de s'embourber dans de fausses
économies, mais qu'il cherche plutôt, par tous les moyens,
à identifier et isoler les causes du présent marasme et qu'il
apporte des correctifs de façon urgente; que la gestion de la
qualité totale soit affichée comme cri de bataille. Il est
tellement moins coûteux de prévenir l'erreur que de la corriger
par la suite.
Alors, finalement, on demande, comme signe de bonne foi, que le
gouvernement annule toute action qui a porté le taux de 10 %à15
%.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions.
M. le président du Conseil du trésor, avez-vous quelques
questions?
M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre du
Revenu.
M. Savoie: Ce n'est pas grave. Oui, M. le Président. Il me
fait plaisir de saluer tout particulièrement les gens de l'Outaouais qui
sont venus nous présenter un mémoire sur un sujet qui fait
évidemment l'objet de beaucoup d'attention par le gouvernement et,
évidemment, suscite également beaucoup d'intérêt de
la part de plusieurs contribuables.
Je dois dire tout d'abord que nous avons eu l'occasion de nous
rencontrer il y a quelques semaines à Montréal où nous
avons eu l'occasion d'échanger sur plusieurs des recommandations qui
nous sont présentées aujourd'hui. Je peux vous dire que j'ai
trouvé la rencontre évidemment intéressante, comme les
gens qui ont pu entendre votre présentation ont pu trouver
également qu'il y avait là des éléments qui vont
certainement nous aider et nous faciliter la tâche qu'on a d'administrer
la taxe de vente au Québec.
On a soulevé des points. On a parlé, par exemple, des
trois mois. Il faut se rappeler qu'auparavant, au Québec, les rapports
au niveau de la taxe de vente se faisaient sur une base mensuelle; à
Ottawa, depuis l'introduction de la TPS, cela se fait sur une base
trimestrielle, aux trois mois. Le ministre des Finances a annoncé, lors
de son dernier budget, certaines mesures d'harmonisation et également
une possibilité, pour une bonne partie des contribuables - on parle d'un
pourcentage élevé des mandataires du gouvernement - de remettre
évidemment la taxe de vente sur une période de trois mois. Donc,
une certaine harmonisation avec le Québec. (14 h 30)
II y a, on a eu l'occasion de le souligner, une volonté
d'harmoniser davantage. Plus le temps va passer, plus on va chercher à
avoir une taxe aussi identique que possible dans ses mesures d'application que
l'orientation qui est donnée par Ottawa. Je pense que là-dessus
les échanges ont présenté évidemment une certaine
similarité quant au résultat final. On était d'accord avec
l'orientation voulue, mais, évidemment, il y a une question de temps
puisqu'au niveau des services, par exemple, l'introduction étant
à 4 %, il fallait trouver un peu d'argent d'autres sources et, en
conséquence, l'harmonisation n'a pas été aussi parfaite
que voulue.
Ils ont des bons points. Ils ont soulevé des points valables, et
je tiens à le souligner, par exemple au niveau de l'information: la
notion d'utilisation de cassettes. On sait malheureusement que les gens lisent
de moins en moins. Il y a un phénomène où la lecture est
de plus en plus absente lors de la présentation de cahiers
d'utilisation. J'ai souligné, par exemple, qu'une connaissance, qui a
acheté un ordinateur, qui fabriquait un instrument de haute
précision, au lieu d'avoir un texte écrit, a reçu les
instructions sur une cassette VHS. Ça peut se faire sur
demande. Au ministère du Revenu, on est près à
examiner ça, suite à leur recommandation; il y a là une
avenue qui peut évidemment satisfaire une partie de la population,
certains mandataires qui, évidemment, vont se sentir plus confortables
avec une cassette qu'avec un texte écrit. Donc, des mesures... Dans
l'ensemble, je pense qu'il y a plusieurs éléments.
On a convenu également de se rencontrer au mois d'avril pour
faire le suivi, suite au budget, pour voir ensemble s'il y avait des
éléments qui maintenaient l'orientation sur l'harmonisation, sur,
par exemple, l'élargissement des montants au niveau des trois mois, et
échanger d'une façon constante pour faire le suivi et que,
évidemment, le gouvernement réponde, dans la mesure du possible,
à leurs attentes; ils ont le droit de le faire et c'est ce qu'ils
font.
Il y a des choses sur lesquelles, par contre, il est très
difficile de bouger. On parle, par exemple, de l'amende de 15 %. Vous savez
qu'auparavant l'amende pour la production était de 10 %, on l'a
augmentée à 15 %. l_a raison est très simple, c'est qu'on
n'a pas les moyens de financer, comme société, la cueillette de
ces amendes-là; ça coûte 15 %, alors on charge 15 %.
Ça ne donne rien de transférer ces fonds-là à nos
enfants ou à nos arrière-petits-enfants. Quelqu'un, finalement,
qui ne produit pas, comme vous le savez, la première faute, sur une
période... Auparavant, c'était 36 mois, on l'a réduite
à 24, donc, dans une période de 24 mois, on permet une erreur; la
deuxième fois, l'amende s'applique et, à chaque 24 mois, on
commence avec un nouveau dossier. L'amende de 15 %, donc, est là pour
s'assurer que ceux qui sont négligents, on les encourage à
répondre convenablement et d'une façon qu'on pense juste. Et
là-dessus, également, il y a eu consensus. Même s'il n'y
pas eu accord, je pense qu'ils ont constaté que l'ensemble des
contribuables pouvait difficilement payer pour ceux qui, finalement, sont
délinquants, mais d'une façon régulière.
Il y a des éléments, par contre, qui sont nouveaux dans
votre présentation. Cet après-midi, vous soulevez, par exemple,
des recommandations dans le but, justement, de dire... Avec le tableau, en
arrière, les effets difficiles, vous mentionnez le mot
«pervers», justement de décourager le respect de la
fiscalité au Québec et en soulignant, par exemple, qu'à
Ottawa, c'est à 6 %. Si je comprends bien, c'est qu'Ottawa a un peu de
retard et qu'ils vont nous rattraper bientôt. Ce n'est pas nouveau dans
le domaine de la fiscalité, compte tenu également de leur
déficit!
Je pense que, d'une façon globale, ce qui a été
convenu était acceptable. Aujourd'hui, vous arrivez et vous dites: Oui,
mais, en plus de cela, on sent, finalement, une difficulté additionnelle
au niveau de la gestion de l'ensemble des taxes au Québec et des
impôts. C'est nouveau un peu pour nous, dans le sens que ça n'a
pas fait l'objet d'interventions auparavant, lors de nos rencontres, je
crois.
Je me demandais, Mme Leblanc, ou, en tout cas, une personne que vous
pouvez désigner, si vous seriez en mesure de nous dire où
ça va bien, où vous êtes confortables avec le
ministère du Revenu. Parce qu'il doit y avoir, évidemment, des
choses qui fonctionnent bien puisqu'on parte de 400 000 mandataires et de 4 500
000 contribuables avec lesquels on traite: les mandataires, sur une base
mensuelle, presque, et, évidemment, l'ensemble des contribuables sur une
base annuelle. Alors, je me dis qu'il doit y avoir des choses que vous voulez
qu'on développe davantage, qui se font actuellement.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
ministre du Revenu.
Je sais Mme Déziel, que vous aviez demandé la parole.
Est-ce que...
Mme Déziel (Denise): Oui, bien, plus ou moins. En fait, je
vous écoutais sagement. Vous pariiez d'un délai. Je me souviens,
je pense que, la dernière fois, on parlait d'un délai de 90
à 110 jours et la question que je me pose actuellement, c'est que vous
avez dit: Oui, on est prêt à faire différentes choses, mais
on n'a rien encore de concret sur la table en tant qu'engagement. Est-ce que je
dois comprendre que ce que vous mentionnez, c'est que, pour le prochain budget,
vous avez des engagements précis à nous offrir, à savoir,
premièrement, par exemple, l'harmonisation et l'uniformisation, par
exemple, si on parie de tous les problèmes de discussions avec le
gouvernement et de compréhension de toutes ces règles, que ceci
sera facilité également, ce qui est une de nos demandes, le
guichet unique, les formulaires fiscaux abrégés, courts, simples
et, finalement, une facilité de discussion avec l'administration?
Alors, je pense que je vous repose peut-être un peu la question.
J'aimerais savoir si on peut avoir un engagement que ceci sera traité et
que, d'ici - à moins que vous puissiez nous donner la réponse
immédiatement - le prochain budget, on pourra s'asseoir et avoir une
heureuse réponse de votre part.
M. Savoie: La réponse ne provient pas de nous. Il faut
constater que ça provient du ministre des Finances, lors de la
présentation de son budget, et il maintient toute sa liberté.
Toutefois, ce que nous avons indiqué lors de nos rencontres, c'est qu'il
y a une volonté d'harmoniser chez nous, il y a une volonté de
faciliter la tâche, tant au niveau, par exemple, des formulaires qu'au
niveau des règles applicables à la taxe de vente. Donc, il est
impossible de répondre d'une façon précise à votre
question puisque, évidemment, comme vous pouvez l'imaginer facilement,
ça relève du ministre des
Finances et, en conséquence, c'est à lui, au moment qu'il
juge opportun, d'apporter une réponse à votre question. Mais le
truc dans ces exercices, c'est que cette commission a pour but de voir de
quelle façon on peut davantage vivre selon nos moyens au
Québec.
Vous nous présentez un mémoire en disant: Bien, aidez-nous
à faire notre tâche en tant que mandataires, en tant que
percepteurs pour le gouvernement de la taxe de vente et, évidemment,
ça va fonctionner un peu mieux. Moi, ce que je vous demande c'est...
Là, on a su ce qui marchait moins bien. Si on avait des exemples de ce
qui marchait mieux, on pourrait peut-être faire un petit peu de chemin
ensemble.
Le Président (M. Audet): Mme Leblanc.
Mme Leblanc: Je ne veux pas m'attarder indéfiniment sur ce
qui va bien parce que je sais que vous êtes au courant, on vous l'a
déjà mentionné, puis j'ai mentionné tantôt,
en faisant mon exposé, que c'est déjà commencé le
numéro unique, que c'est déjà commencé. Par
exemple, j'en ai nommé quelques-unes tantôt, des choses, qu'on a
commencé à regarder des méthodes de facilitation.
Sauf que, moi, ce que je trouve déplorable, parce que je pense,
comme je vous dis, qu'on n'a pas de temps à perdre sur ça parce
que c'est connu, c'est: Allez-vous attendre que les commerçants, que les
PME, que les professionnels tombent sans connaissance, au bout de leur sang? On
mentionnait que c'est un peu comme quelqu'un qui est sur la table
d'opération, les outils sont tout autour, puis là les
médecins le regardent puis disent: Bien oui, il saigne beaucoup, il va
mourir,, mais ils ne font rien. C'est à peu près ça qu'on
ressent, nous autres là. Les gens sont en train de crever, vous le voyez
autour de vous autres, ça tombe comme des mouches.
On est prêt à coopérer. On vous le démontre,
parce qu'on ne serait pas ici aujourd'hui. On est vraiment prêt à
coopérer, on a travaillé fort à vous trouver des solutions
qu'on trouve intéressantes aussi, mais il va falloir que ça bouge
des deux côtés. On a l'impression qu'on est tout seul à
tirer le train. C'est ça qu'on a l'impression, et on est tanné de
tirer le train tout seul, on veut le faire avec un leader. Et on a l'impression
qu'on n'a plus de leader, à un moment donné. On ne sait plus
où on s'en va. Les gens, ils sont écoeurés de ce
côté-là, et ce n'est pas normal. Moi, je n'ai jamais connu
ça, une situation pareille à date. C'est dans ce sens-là
qu'on vous parle et c'est dans ce sens-là que ça urge de bouger
puis qu'on voie quelque chose de concret, comme le mentionnait Mme
Déziel tantôt. (14 h 40)
Entre-temps aussi, nous autres, on continue à payer nos
pénalités de 15 %. Et, je vous l'ai dit tantôt, concernant
les délinquances, si vous réglez ce problème-là, ce
ne sera plus un problème. on n'en parlera même plus de ça,
des 15 %, des 10 %. ce ne sera même plus important
Les conséquences de ça également, pourquoi il y a
des pénalités, je vous mentionnais les gens qui ont des
«recevables», qui sont obligés d'augmenter leur marge de
crédit. Ils sont obligés de mettre leurs employés au
chômage pour venir à bout de payer d'avance les taxes, parce qu'il
n'y a rien qui a été prévu pour les gens qui ont des
«recevables». On est obligés de débourser l'argent de
notre poche avant. C'est également un problème qui est
majeur.
À part ça, les pénalités, quand vous faites
des erreurs vous autres aussi, je trouve que ça irait dans les deux
sens. Vous nous chargez des 15 % de pénalité, même si, des
fois, les erreurs sont de bonne foi, même si, des fois, c'est à
cause que ce n'est pas clair, que c'est incompréhensible, que le
système n'est pas établi. Même les fonctionnaires, les
comptables ne s'y retrouvent pas. Pourquoi, nous autres, quand vous faites des
erreurs et que ça nous prend des heures au téléphone
à régler les problèmes, on n'aurait pas droit aussi
à une compensation pour le temps qu'on a passé? Quand je parle de
compensation, je ne parle pas dans le sens de recevoir un montant annuel comme
on entend à Ottawa, là. Je vous parle d'une
pénalité à vous aussi. Nous autres aussi ça nous
coûte de l'argent, des téléphones et du temps pendant qu'on
règle un chèque qu'on a eu de trop... M. Tassé a
reçu un chèque, il va vous le montrer.
M. Tassé (Denis): Un chèque de 1000 $ que j'ai
reçu, pour lequel j'ai déjà eu le crédit, et,
là, on tarde. Ça fait déjà deux, trois semaines
qu'on demande l'information. On appelle. On nous met en attente. Le monsieur
dit: Je vais vous rappeler. On ne sait pas quoi faire avec le
chèque.
Mme Leblanc: Et, pendant ce temps-là, nous autres, on n'a
pas d'argent.
M. Tassé: C'est ça. Et je suis convaincu que,
probablement, si je le déposais, vous me chargeriez de
l'intérêt sur le chèque parce que je l'ai encaissé.
Bien, là, je l'ai, le chèque. Alors, on pose des
pénalités d'un côté et, de l'autre
côté, on a de l'argent qui vous appartient. Il faudrait
peut-être commencer, avant d'imposer des pénalités,
à régler vos problèmes, et vous avez des gros
problèmes au niveau des communications. Ça, c'est un exemple, et
j'ai plusieurs exemples juste dans mon entreprise. Alors, qu'est-ce que vous
allez faire pour ça?
M. Savoie: Je pense, comme vous l'avez souligné, que
l'introduction de la taxe de vente a été un
événement important au ministère du Revenu. Ça a
été une embauche de personnel considérable, une fusion
avec le gouvernement
fédéral pour faire un guichet unique, comme vous l'avez
souligné. On a quand même procédé avec, je pense, un
succès des plus acceptables au niveau de l'application d'une mesure
complexe et, sur l'ensemble, ça s'est bien déroulé. Il va
continuer d'y avoir ici et là des accidents, des erreurs, des
mécanismes à améliorer, et ça n'arrêtera
jamais, ça, au niveau du ministère du Revenu.
Je pense que, si vous jasez avec les gens, au niveau de la
fiscalité, vous allez constater qu'effectivement le ministère du
Revenu du Québec, tout au moins, a fort bien réalisé le
mandat qui lui a été accordé par le gouvernement au mois
de juillet, l'an passé. Je vais prendre note, tout à l'heure, de
l'histoire de votre chèque et on va y faire suite. Maintenant, il se
peut...
Une voix:...
M. Savoie: Mais, en cas de doute, il faut retourner le
chèque.
M. Tassé: II serait bon de savoir à qui le
retourner.
M. Savoie: au ministre du revenu, ça ne présente
pas de difficultés. on va tâcher de donner suite. je pense
qu'effectivement ça a été quand même un travail
considérable de passer de 200 000 mandataires à 430 000
mandataires.
M. Tassé: Nous, on paie des pénalités... Le
Président (M. Audet): Un instant! M. Tassé:
Excusez!
Le Président (M. Audet): J'ai Mme Bruyère qui avait
souhaité intervenir sur cette question. Allez-y, madame!
Mme Bruyère (Marie-Nicole): M. le Président, je
crois que la raison que M. Savoie donne concernant les efforts qu'ils ont faits
pour appliquer la TVQ et la TPS, bien, c'est de bonne foi, sauf que, par chez
nous, on appelle ça une «waguine de foin». Si j'avais
amené ma waguine de l'Outaouais derrière le camion, j'aurais pu
mettre une tonne de rapports qui ont été émis en 1985,
1986, 1987, 1988, 1989 sur les effets pervers que cette taxe aurait sur les
contribuables, sur les PME et sur le budget de la province. Il n'en reste pas
moins, M. Savoie, que vous l'avez appliquée, ou M. Levesque l'a
appliquée, cette loi. On l'a, la TVQ. Vous saviez pourtant ce que
ça donnerait et on est en plein dedans. On est en plein dedans et les
consommateurs, eux, sont en plein dedans aussi parce que, eux aussi... Il y en
a qui parlent de contrebande de cigarettes, il y a le marché au noir, il
y a le travail au noir, vous en perdez de l'argent. Vous en perdez beaucoup
plus que ce que vous récoltez en essayant d'écraser et de saigner
à blanc les PME, et, ça, on trouve ça injuste et c'est
pour ça qu'on est ici aujourd'hui.
Du blabla de cuisine, moi, j'ai de la misère avec ça,
parce qu'il n'y a jamais rien de concret et de précis, et on a de la
difficulté avec ça. On veut avoir des choses concrètes.
Ça fait déjà six mois que, nous, en tant que groupement,
on se bat. Il y en a d'autres organismes qui, depuis des années, le
font, et on est toujours à la même place. Alors, M. le
Président, je pense qu'on fait les efforts de notre côté.
On aimerait savoir si le ministère des Finances et le ministère
du Revenu sont capables aussi de prendre en considération les
recommandations qu'on leur donne pour diminuer leurs dépenses.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme Déziel, vous
voulez compléter ce commentaire?
Mme Déziel: Enfin, brièvement. C'est ça, il
faut comprendre. On n'essaie pas, on n'est pas ici... Ça va?
Le Président (M. Lemieux): Ça va,
brièvement, parce que...
Mme Déziel: En fait, on n'essaie pas de trouver un
responsable actuellement. Comprenez que ces gens-ci, si vous calculez juste
nous, plus tous les gens, au taux horaire où habituellement on est
payés, et on fait ça de façon bénévole, si,
à ce moment-là, il fallait calculer tout le temps que ces
gens-là ont mis pour vous présenter quelque chose de
sérieux, je pense, à ce moment-là, les coffres de
l'État seraient renfloués avec tout ce montant-là.
On n'essaie pas de trouver un responsable, mais on dit: Vous avez des
bâtisseurs. On est prêt à collaborer avec vous. Essayez de
collaborer avec nous. On vous donne ici... On n'a pas eu le temps de tout vous
donner, mais vous avez plein de solutions pour renflouer les coffres, pour
diminuer aussi les frais. Par exemple, que l'on parle simplement de diminuer le
montant que ça vous coûte en formulaires qui ne sont pas
nécessaires; au niveau écologique, c'est tout à fart
aberrant. Alors, on vous dit: Vous avez des solutions, on vous les propose.
Tentez de les appliquer et on est prêt à collaborer avec vous.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom de
ma formation politique, bien sûr, vous remercier de votre présence
et pour l'excellent travail que vous avez fait au niveau d'un mémoire
qui se veut très constructs et très intéressant,
d'ailleurs. Et, quand on le regarde, on se rend compte rapidement que c'a
été fait
avec des énergies du désespoir un peu, parce qu'on voit
que vous allez très loin. On voit que vous vous rendez compte
effectivement qu'il y a beaucoup de problèmes au niveau de
l'harmonisation. Et je pense que c'est l'ensemble de la collectivité
québécoise qui doit vous remercier, parce que les petites
entreprises, je pense qu'on ne se soucie pas assez des problèmes
qu'elles vivent au niveau de l'harmonisation.
C'est sûr que, quand on est une entreprise importante, on a les
ressources humaines puis on a les fonds financiers, on a tout ce qu'il faut
pour s'engager des experts et faire en sorte que ça baigne dans l'huile
et qu'on exécute les lois telles qu'elles doivent être
administrées.
Ce que je trouve intéressant également de votre document,
c'est que vous citez différents éléments où le
ministre semble faire la sourde oreille, encore une fois, dans un dossier
où il ne devrait pas faire la sourde oreille, parce que ça ne
fait que créer de l'animosité. Et les gens, au fond, se disent:
Bien coudon! ce gouvernement-là, ce qu'il veut, au fond, c'est quoi?
C'est notre peau? Et les gens réagissent à ça, et vous
n'êtes pas les seuls. Je vous dirais, depuis le début de la
commission, que tout le monde a un peu cette impression-là et tout le
monde aimerait que le gouvernement, enfin, assume ses responsabilités et
perçoive son dû, mais d'une façon correcte.
Alors, moi, j'aimerais vous adresser quelques questions, parce que c'est
un peu vous qu'on veut entendre. J'aimerais que vous essayiez de nous expliquer
un peu - et vous avez dû sûrement vivre des cas particuliers - de
démontrer à cette commission un peu le ridicule du manque
d'harmonisation que l'on vit pour sensibiliser davantage l'opinion publique
à cette problématique. Alors, j'aimerais ça si vous
pouviez nous raconter le genre de difficultés auxquelles vous êtes
confrontés.
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.
Mme Bruyère: Le genre de difficultés, entre autres,
et ça, on n'en a qu'un petit morceau, style un crédit, un
chèque de 102 $, un crédit sur un rapport de TPS qui devait
normalement être produit, mais qui n'a jamais été produit.
Alors, cherchons l'erreur, genre erreur dans un point décimal. Au lieu
de 2080 $, c'est 208 000 $. Alors, pénalité, quelque 1000 $ plus
intérêts. Alors, à un moment donné, cherchez
l'erreur. Et ça prend des mois. La personne ne dort pas. Elle fait
quasiment une dépression, parce que, là, on la menace de saisie,
et c'est une erreur du ministère, et preuve à l'appui, M.
Savoie.
Autre genre de problèmes qu'il y a depuis la gestion de...
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous adresser au
président, s'il vous plaît?
Mme Bruyère: Excusez, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): De rien, madame. (14 h 50)
Mme Bruyère: Autre problème qu'il y a depuis
juillet par rapport à la gestion de la TPS par le ministère
provincial, c'est qu'on envoie des rapports aux mandataires disant: Vous n'avez
pas produit votre rapport TPS. Pourtant, ils ont payé, ils ont le sceau
de la banque, ils ont fait leur rapport. Et on en a reçu cette semaine.
Je ne sais pas ce qui s'est passé. C'était la semaine des
rapports non produits de TPS pour le mois d'août, le mois de septembre,
le mois de novembre, alors il y a eu probablement un «bug» dans
l'informatique, qu'on appelle.
Autre genre de choses aussi qu'on peut relever facilement, c'est, comme
M. Tassé, des crédits de 2000 $. On ne sait pas d'où ils
viennent, on ne sait pas où ils vont, parce que, à un moment
donné, ils sont là et tout à coup, pouf! La même
journée, on reçoit deux formulaires datés du 5 janvier: un
crédit de 2038 $ et, le 5 janvier, un autre formulaire, il n'y a plus de
crédit, le compte est à zéro. Wo! Il y a comme quelque
chose qui ne marche pas, là.
Alors, ça, ce sont des genres de litiges et, s'il y a quelqu'un
d'autre qui en a d'autres... C'est ceux qui me viennent à l'esprit pour
l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
député de Montmorency, d'autres questions?
M. Filion: J'aimerais continuer... On sait que la TPS et la TVQ
créent une espèce de syndrome dans la population. Est-ce qu'il y
a beaucoup de personnes qui s'adressent chez vous et vous disent qu'ils ne
veulent pas payer de TVQ? Est-ce qu'il y a une espèce de fléau?
Parce que, dans les coffres de l'État, on se rend compte qu'à
l'impôt des sociétés il manque 460 000 000 $. Là, on
s'aperçoit qu'on ne perçoit pas l'impôt des
sociétés prévu. Vous devez, vous autres, ressentir quelque
chose sur le terrain, face à toute cette problématique de taxe
là. Est-ce que vous pourriez m'expliquer un peu comment vous voyez
ça?
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.
Mme Leblanc: Oui. Là-dessus, je peux vous répondre,
c'est sûr, parce que, nous, on est une entreprise qui existe depuis 20
ans. On a toujours été en courbe croissante et, depuis 1991, on a
presque perdu la moitié de notre chiffre d'affaires.
Premièrement, les gens ne veulent plus payer la taxe. On a beaucoup de
gens qui marchandent et qui disent: Ah! on ne veut pas payer la taxe, si tu
nous charges la taxe, on va ailleurs. Alors, les commerçants
honnêtes sont pénalisés versus ceux qui décident
d'aller en dessous de la table. Également, nous, on a
beaucoup de «recevables». Alors, les gens n'ont pas les
moyens de payer d'avance les taxes. Ils diminuent leurs achats. Ils cherchent
les soldes. Et, également, le pouvoir de dépense, de consommation
a diminué beaucoup. J'ai plein de clientes, moi, qui arrivent et qui
disent: Eh bien, je ferme mon compte, j'ai perdu mon emploi. Du monde qui
n'avaient pas fermé leur compte depuis 10 ans, 20 ans et qui ont perdu
leur emploi.
Si je comprends bien votre question, c'est dans ce sens-là. Il y
a énormément de facteurs de pareille sorte. La même chose
quand, moi, je veux faire affaire avec des services ailleurs, que ce soit du
débosselage, que ce soit de la coiffure, n'importe quoi, surtout au
niveau de la construction, débosselage automobile: Eh bien, si tu me
paies comptant, on ne te chargera pas de taxe. Ce qui n'a jamais
été avant. Des gens avec qui je fais affaire depuis cinq, six,
sept ans et qui ne m'ont jamais offert ça. Et il y a une grosse
différence de prix, là. Et, moi, j'aime mieux payer avec
chèque parce que j'ai des déductions, et ainsi de suite. Ce n'est
pas normal, toutes ces choses-là. C'est ça que je trouve
absolument déplorable à ce niveau-là.
Alors, ne vous demandez pas où vont les pertes de cet
argent-là, de 460 000 000 $ de perte de revenus. C'est quand les
chiffres d'affaires baissent ou qu'il y a du marché au noir. C'est un ou
c'est l'autre. Et je peux vous garantir que les gens qui n'entreront pas dans
le marché au noir, si vous ne corrigez pas ça, on va crever. Et
j'ai toujours fonctionné de façon très honnête et
j'ai de la difficulté à comprendre qu'en ce moment on ait
baissé autant de chiffre d'affaires, et on va me dire: Bien oui, mais ce
n'est pas juste la taxe. Je suis peut-être bien d'accord, il y a un
malaise général en ce moment et on doit travailler ensemble.
Comme Mme Déziel disait, il n'y a pas à blâmer personne. On
doit travailler ensemble et trouver le problème.
Le Président (M. Lemieux): Monsieur, vous vouliez
compléter, tout à l'heure, vous avez demandé la
parole.
M. Vallières (Jean-Jacques): Bon, permettez que je
réponde peut-être au ministre Savoie quand il a
demandé...
Le Président (M. Lemieux): Pardon, voulez-vous vous
adresser au président? Et brièvement, parce qu'il y a deux dames
après vous qui veulent aussi...
M. Vallières (Jean-Jacques): Oui, M. le Président.
À la suite du commentaire du ministre Savoie, à savoir: Qu'est-ce
qui est bon dans l'administration? vous notez qu'on a bien dit: à la
lumière des observations et dans le but bien arrêté de
rétablir les bonnes relations. Ça veut dire que les
problèmes ont commencé tout récemment. Avant, ça
marchait très bien. Il y a évidence de gestes qui ont
été posés, mais c'est totalement insuffisant. Entre-temps,
on continue à nous pénaliser à 15 %. Eh bien,
peut-être qu'on dit: O.K., jusqu'à ce que le système soit
rodé, qu'on nous pénalise à 10 % et, après
ça, on retournera à 15 %, 20 %, 25 %, parce que, comme Mme
Leblanc le disait, ça ne sera plus nécessaire parce qu'on aura
maîtrisé le système.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Madame, voulez-vous
ajouter un commentaire? Non? Madame.
Mme Déziel: Écoutez, brièvement, je pense
qu'on parlait...
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Et vous, vous
vouliez ajouter un commentaire? Oui.
Mme Bruyère: Oui. M. le Président, j'aimerais
répondre à la question de M. Filion. Un problème dans
l'Outaouais qui est flagrant, c'est qu'on est une région
frontalière. On n'est pas la seule dans la région du
Québec. Alors les fameux 4 %, je ne touche même pas aux 8 %, les 4
% de services ont eu un impact négatif dans notre région: 31
salons de coiffure ont fermé ou ont fait faillite. Je sais qu'à
un moment donné M. Savoie avait dit: II y a moins de faillites. Oui,
mais les gens sont plus intelligents, ils ferment avant de faire faillite. Les
4 % aussi, il y a beaucoup de professionnels qui vont migrer en Ontario. Alors,
ça, c'est un autre problème qu'on a dans la région de
l'Outaouais. Alors, les gens sont tannés d'avoir des problèmes
avec ça, ils sont tannés de calculer des taxes, ce qui fait
qu'ils s'en vont dans un endroit où ils peuvent avoir un taux horaire
plus élevé.
Et il y a un autre problème aussi dans notre région, c'est
la publicité qui n'est pas trompeuse dans le sens qu'elle est
malfaisante, mais c'est une publicité qui est malsaine. Il y a des
commerçants qui vont dire: Nous, on ne charge pas la taxe, sauf que les
consommateurs se disent: Est-ce qu'il la met dans le prix ou s'il ne la met pas
vraiment dans le prix? Est-ce qu'il l'absorbe ou est-ce qu'il ne l'absorbe pas?
Ils ont de la misère à faire une comparaison des prix parce que,
là, ils ne savent plus qui la met et qui ne la met pas. Ce qui fait
qu'il y a comme une espèce de danse, là, une espèce de
cauchemar, c'est comme si Dracula se promenait avec son manteau noir et venait
nous déposer ça dans la région de l'Outaouais, et c'est
ça qu'on trouve difficile, d'autant plus dans notre région.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, est-ce que vous avez terminé?
M. Filion: l'alternance.
Le Président (M. Lemieux): L'alternance.
Alors, M. le président du Conseil du trésor. M. Audet:
M. le Président. Le Président (M. Lemieux): Oui?
M. Audet: En vertu du règlement, est-ce que l'article 213
s'applique en consultation? C'est parce que j'aurais aimé poser une
question au député de Montmorency?
Le Président (m. lemieux): oui, effectivement il
s'applique. l'article 213 s'applique très bien. oui, après une
intervention vous avez le droit...
M. Audet: Oui? C'est juste que je veux savoir si oui ou non le
député, ou un prochain gouvernement, ou un futur gouvernement de
son parti s'engage à abolir la TVQ sans augmenter l'impôt des
particuliers. Parce que c'est ça qu'il semble dire. Je veux savoir si
oui ou non il va abolir la TVQ sans augmenter les impôts.
M. Filion: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Simplement pour vous dire que
vous n'êtes pas tenu de répondre...
M. Audet: Oui ou non, juste ça.
Le Président (M. Lemieux): ...M. le député
de Montmorency, parce que la question que le député de
Beauce-Nord doit poser doit être strictement sur votre intervention.
M. Audet: C'est ça, oui ou non.
M. Filion: M. le Président, je pense que le
député de Beauce-Nord doit comprendre le but du mémoire
ici. On parle que l'harmonisation complique la vie de tout le monde et on est
en train de vouloir organiser le système en guichet unique, en guichet
unique pour que ça fonctionne mieux, et, dans cette optique-là,
c'est ce qu'on demande ici et il n'y a pas d'oreilles...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Filion: ...au gouvernement pour écouter cette
demande-là.
M. Audet: Alors, je comprends que le député n'a pas
compris ma question...
Le Président (M. Lemieux): Non, il n'y a pas de
réplique, M. le député de Beauce-Nord.
M. Audet: ...ou il ne le sait pas.
Le Président (M. Lemieux): II n'y a pas de
réplique. S'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Audet: Ah! d'accord. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Je vais passer la parole
à M. le président du Conseil du trésor, s'il vous
plaît, puisqu'il nous reste seulement deux minutes de ce
côté-ci.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui.
Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire, je
m'excuse, pas deux minutes, deux ou trois minutes.
M. Johnson: Deux ou trois minutes, oui.
Le Président (M. Lemieux): Deux ou trois minutes.
M. Johnson: Merci.
M. Lemieux: Dix minutes pour l'Opposition. Alors, je
m'excuse...
M. Johnson: Et quelques instants pour nous, oui, c'est ça.
Alors, évidemment, dans la mesure où je serai le dernier à
intervenir du côté ministériel, je veux remercier les gens
de s'être déplacés, d'être venus démontrer,
encore une fois, que le ministre du Revenu, c'est une bonne tête de Turc,
c'est une victime. Ça fait des siècles, depuis la taille et
l'impôt sur le sel que les percepteurs ont bien bien mauvaise
réputation. Mais ils sont toujours ouverts à améliorer le
système. C'est vrai dans le public comme dans le privé.
Je trouve regrettable que quelqu'un fasse une dépression parce
qu'il ne s'est pas rendu compte qu'une amende de 30 000 $, parce qu'il est 2000
$ en retard, c'est évidemment une erreur d'ordinateur, et que notre
système démocratique va faire en sorte qu'on ne l'enverra pas en
prison, qu'on ne prendra pas sa maison s'il doit 30 $ et non pas 30 000 $.
Ça, vous me permettrez de ne pas souscrire à des craintes comme
celles-là. J'ai déjà reçu un compte de
téléphone d'une compagnie de téléphone pour 72
minutes d'interurbain et j'en avait fait 12 Elle l'a corrigé, elle n'a
pas saisi ma maison, elle n'a pas fermé mon compte de banque. C'est la
même chose pour mes cartes de crédits. Lorsque ça arrive
à vos clients de voir débiter 2 fois leur carte de crédit
du même montant, c'est des choses qui arrivent, on appelle, on change
ça et on n'en fait pas une maladie.
Mais il n'y a pas beaucoup de monde qui transige avec 400 000
mandataires et 4 500 000 contribuables. Ça fait littéralement des
dizaines de millions de transactions, là, par année. Des dizaines
de millions de transactions. Qu'on vienne nous dire que les gens vont se faire
couper les cheveux dans une autre province pour sauver 0.80 $, parce que c'est
ça, 4 % sur 20 $ ou
0.40 $,4 % sur 10 $... (15 heures)
Mettons les choses en perspective, quel genre de régime
avons-nous voulu mettre sur pied? On a hérité d'une structure
fiscale. Les gouvernements héritent les uns des autres - ça on
n'a pas le choix - et on essaie un peu de mettre de l'ordre là-dedans
à mesure qu'on avance. On essaie de simplifier. On essaie de faire un
guichet unique. On essaie - et on a réussi dans votre cas - d'allonger
la période durant laquelle vous détenez les sommes avant de les
remettre au gouvernement, le dernier jour de la fin du mois suivant le mois de
la perception et non pas 15 jours plus tard. Il y a des choses qu'on essaie de
faire, évidemment, mais ça ne sera pas parfait.
S'il y a des dizaines de millions de transactions informatiques ou
à la mitaine qui se font, il est possible que monsieur reçoive un
chèque de 1000 $ auquel il n'a pas droit; et il s'en est aperçu.
Je n'ai pas perçu, par ailleurs, que ça l'avait mis dans tous ses
états, mais ça l'a amené à dire: Regardez donc
comme il faut, du point de vue de l'administration publique, comment vous
pouvez corriger le tir, comment vous pouvez être un peu plus sensible
à ce que les contribuables exigent, comment vous pouvez être plus
pratique, surtout dans votre approche. Et c'est ça. Je pense que, si
vous regardez ce qui se fait au ministère du Revenu depuis des
années, vous voyez que les décisions et les changements vont
toujours dans ce sens-là.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Ils vont toujours dans ce sens-là. Et on peut
vouloir déplorer qu'il y ait une TPS fédérale, maintenant,
qui est, évidemment, exigée. On avait le choix: ou bien de ne pas
s'harmoniser du tout, ou alors de s'engager sur la voie de l'harmonisation, y
compris la déduc-tibilité, le remboursement, devrais-je dire, de
la taxe sur les intrants, sur vos achats, quels qu'ils soient, et non pas
simplement les achats que vous faites pour fins de revente. Ça, c'est
des choses qu'on a faites.
Il me semble que c'est plus plutôt que moins qui a
été fait, et c'est toujours dans le sens d'aider le contribuable,
de l'informer davantage et de simplifier le système. Mais, des
impôts, là, je vous l'annonce tout de suite, il va toujours y en
avoir. Ça, je pense qu'on s'en doute. On essaie de les réduire le
plus possible en réduisant les dépenses...
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor...
M. Johnson: ...et on essaie, évidemment, de tenir compte
des difficultés, comme percepteur d'impôt, auxquelles vous avez
à faire face.
Le Président (M. Lemieux): ...merci.
M. Johnson: On vous remercie pour votre intérêt.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Oui, vous avez un
commentaire.
Mme Déziel: Oui, brièvement. Je comprends, M. le
Président, en fait, que, si c'était parfait, malheureusement, on
ne serait pas ici aujourd'hui. Alors, c'est tout simplement pour nous aider
ensemble. Je comprends sûrement que M. le ministre - j'espère - a
lu notre mémoire vraiment attentivement, puisque l'on ne demande pas
l'abolition, évidemment, de la TVQ ni de la TPS et qu'on a plusieurs
propositions à faire, justement pour alléger le fardeau du
gouvernement. Alors, on ne veut pas être pris non plus dans une bataille
politique sur ce qui est bon et ce qui n'est pas bon.
Ce qu'on vous dit, finalement - si seulement ce message pouvait
être là - ce qu'on vient vous dire, c'est qu'on ne vient pas vous
dire que vous êtes les méchants et que vous n'avez rien fait, on
vient vous dire simplement: II y a du travail au noir que ça
crée; on est prêts, tout simplement, à collaborer. Si vous
stimulez chez l'individu plus d'information, il comprendra et il essaiera de
collaborer avec le gouvernement, avec le guichet unique. Et j'étais
heureuse d'entendre encore que vous vous en allez vers cette voie.
Toutefois, vous comprendrez que, pour nous, bâtisseurs, il est
difficile d'attendre et de ne pas avoir vraiment de délai. On a besoin,
pour que nos entreprises soient florissantes, pour pouvoir vous payer de
l'impôt, pour ne pas que ce soit dans le travail au noir... Parce que, en
réponse à un élément qui avait été
dit par le député au niveau du travail au noir, si vous avez du
travail au noir, ça veut dire qu'il n'y aura pas d'impôt sur le
revenu. Alors, c'est une autre façon, effectivement, de passer à
côté. Alors, on ne dit pas d'enlever la taxe, mais on dit
simplement: Faites en sorte de prendre certains des éléments qui
sont dans le mémoire pour aider le contribuable à vous aider
à l'intérieur de ça, et ayez la pédale douce au
niveau des pénalités.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
Mme Déziel: Ottawa le sait, on vous demande de faire de
même.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Mme
Déziel: Merci.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Alors, je veux vous souhaiter
la bienvenue et vous remercier de votre mémoire et de sa
qualité, parce qu'il nous donne des renseignements très
précis, très concrets, très pratiques sur la perception de
la taxe. On sent très bien, à travers la rédaction de
votre mémoire, que vous avez vécu plusieurs expériences -
pour ne pas dire des milliers d'expériences - et que vous
représentez, d'ailleurs, plusieurs milliers de consommateurs et de gens
qui collectent les taxes, donc, au plan des commerçants en
particulier.
Je pense qu'il faut revenir sur un certain nombre de notions, et surtout
sur une décision du gouvernement qui est à l'effet d'introduire
cette réforme de la taxe visant à la tarification et à la
taxation, je dirais, à contretemps et à contre-courant. À
contretemps parce qu'elle a été mise en route au moment où
la récession était enclenchée: le 1er janvier 1991, et la
récession était là depuis avril 1990. Donc, ça a eu
un effet de freinage considérable dans l'économie.
Deuxièmement, c'est à contre-courant, et vous en êtes une
illustration, en particulier dans l'Outaouais.
Mais je vais élargir un peu dans le contexte du
libre-échange où cette réforme a été
introduite, alors qu'il aurait fallu faire l'inverse, qu'il aurait fallu
modifier très probablement l'impôt sur le revenu et diminuer les
taxes pour permettre une meilleure concurrence, pour que les commerçants
puissent arriver à un régime concurrentiel avec ce qui se passe
ailleurs aux États-Unis et ce qui se passe ailleurs dans les autres
provinces. À partir du moment où nos taux de taxes sont plus
élevés qu'ailleurs, il n'est pas du tout étonnant que le
consommateur, lui, aille ailleurs pour commercer. Donc, réforme à
contretemps, réforme à contre-courant. Je pense que, ça,
c'est majeur.
Plus que cela, malheureusement, ce fut une réforme
improvisée, cachée d'abord dans le budget d'avril 1990. Personne
n'avait rien vu dans le discours sur le budget; donc, c'est vrai que ça
a été caché. Ça a été
révélé à la fin du mois d'août, puis
là on avait supposément fait des ententes avec Ottawa.
C'était le lendemain, c'était urgent de convoquer
l'Assemblée nationale, d'ailleurs, à ce moment-là,
à l'occasion des problèmes qu'on avait avec les Mohawks et les
Warriors. Et on a improvisé cette réforme en faisant des grands
discours sur l'harmonisation, alors que le fond des choses n'avait pas
été réglé.
Il y a deux taxes qu'on essaie d'harmoniser, alors que la philosophie de
chacune est très différente. La TPS, qui est une taxe multistade,
qui s'ajoute au cours des processus de fabrication, est très
différente de la taxe de vente qui, elle, est perçue seulement
à la fin de tout le processus industriel et commercial. Ceux qui en font
les frais, malheureusement, aujourd'hui, ce sont les commerçants. Je
sais qu'on a essayé de donner des cours pour préparer tout le
monde.
Ça a été vrai pour les commerces, dans les chambres
de commerce; ça a été vrai aussi dans les industries. Mais
le gouvernement lui-même a modifié sa trajectoire en cours de
route.
Au début, il devait y avoir un taux de taxe pour le
fédéral, puis un taux de taxe pour le Québec. Or,
aujourd'hui, on se retrouve avec un taux de taxe pour le fédéral,
mais, je vous les liste: la TVQ à 8 %, ou à 4 % sur les services;
l'assurance, certaines parties de l'assurance à 9 %; l'assurance
automobile, 5 %; certaines parties sont détaxées
complètement; en cours de route, on a laissé tomber le livre,
évidemment; puis, après ça, quand on arrive en
alimentation, si vous achetez un petit pot de yaourt, vous êtes
taxés et, si vous en achetez, je pense que c'est six, vous n'êtes
plus taxés. Bref, tout est mêlé. Plus que ça, le
ministre du Revenu a permis à tout le monde de mettre sur le prix de
vente le prix de la TPS, de la TVQ ou seulement une des deux, ou de ne rien
mettre du tout, ou de l'inclure. C'est ça qu'il a fait. Alors, tout est
mêlé. C'est la liberté, qu'il avait dit. Je me rappelle
très bien, j'étais en commission parlementaire: Le
commerçant veut le faire...
M. Savoie: C'est le gouvernement fédéral.
M. Léonard: Alors, M. le Président, c'est le
commerçant qui en fait les frais. C'est le commerçant.
On a, après ça, toute une série de choses qui sont
intervenues, parce que, dans certains domaines, on a exagéré la
taxe. On l'a vu ce matin, sur le tabac: 537 000 000 $. Et, entre le ministre
des Finances et ceux qui sont venus à la barre, je pense que je crois
plus ceux qui sont venus à la barre, là-dessus, parce qu'ils
l'ont, le calcul, très clairement.
M. Johnson: Non.
M. Léonard: Non? Le président du Conseil du
trésor dit que... On dit, nous: Je pense que leur calcul est beaucoup
plus exact, puis, quand vous aurez l'honnêteté de dire et
d'admettre tout ce que vous perdez en taxes de vente et en taxes sur le tabac,
vous allez voir que vous allez rejoindre leurs chiffres, très
probablement. (15 h 10)
Mais, ce qu'il y a à travers tout cela, c'est que la contrebande
a miné la moralité fiscale des Québécois. Il y en a
de plus en plus, et dans de plus en plus de domaines. Ça a
commencé, évidemment, par le tabac, mais, là, ça
s'étend à d'autres domaines. Ça s'étend aussi
à l'idée. comme on l'a expliqué très bien, que les
gens ne veulent pas payer la taxe, le moins possible, et qu'ils marchandent et
qu'ils font de la pression sur le commerçant. Je sais que vous n'aimez
pas ça, entendre ça, que vous aimeriez qu'on ne parle pas de
ça, mais c'est ça, la réalité économique
présentement; c'est cela, la réalité écono-
mique.
Ça se retrouve dans une page que je trouve à lire pour
tous ceux qui ont le mémoire, à l'annexe D; ça, c'est la
vie de tous les jours, de tous les mois de chacun des commerçants.
Dès qu'il y a une erreur, d'ailleurs, et ça arrive souvent qu'il
y en a, surtout dans des périodes où on implante un
système, c'est ça qui se passe; alors, c'est terrible. Et le
coût, vous l'avez dans le tableau qui a été
distribué: 2500 $, dans le meilleur des cas, 3500 $. Et, encore
là, M. le Président, il faut circuler, il faut aller dans les
chambres de commerce et entendre les commerçants en parler. Je sais
qu'ils sont très polis envers le ministre du Revenu; ils doivent lui
dire les choses tout doucement, en essayant de lui faire comprendre, parce
qu'ils savent que, lui, il peut prendre des décisions. Mais, quand il
n'est pas la, je peux vous dire que ça crie dans le décor;
ça crie partout, parce que ça ne marche pas, le
système.
Alors, moi, je vous remercie du témoignage que vous êtes
venus faire ici, à cette commission, et du travail que vous faites parce
que, au fond, il va falloir le simplifier, le système, l'uniformiser
pour vrai et l'harmoniser dans la mesure du possible. Mais, en
réalité, on retrouve un vieux dossier dont on ne veut pas
entendre parler aussi, de l'autre côté, et qu'on qualifiera de
politique, je veux bien, moi: je pense qu'il y a un gouvernement de trop, tout
simplement. S'il n'y en avait rien qu'un, ça irait beaucoup mieux
là-dessus.
M. Johnson: Ça va coûter moins cher. M.
Léonard: Oui.
M. Johnson: 400 000 000 000 $ de dettes accumulées.
M. Léonard: Ça, vous ne voulez pas en parler, mais
vous les payez quand même.
M. Johnson: Bien, voyons donc!
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Est-ce que vous avez des commentaires?
M. Johnson: II prétend qu'on ne paiera pas....
M. Gautrin: Oui, je ferais des commentaires.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! M. le
député de Verdun. Non, non, non. S'il vous plaît!
M. Gautrin: N'importe quand, on fera le débat. N'importe
quand.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît!
M. le député de Verdun.
M. Léonard: Oui, vous avez peur des débats
là-dessus!
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
Madame, immédiatement.
Mme Bruyère: Messieurs, mesdames, comme Mme Leblanc et Mme
Déziel l'ont mentionné, M. le Président, on n'est pas ici
pour faire de la chicane...
Le Président (M. Lemieux): J'espère!
Mme Bruyère: ...on est ici pour s'entraider, pour la
collaboration. La collaboration, on ne peut pas la couper en deux mots:
«colle» sur un bord et «décolle» sur l'autre.
C'est de la collaboration; ça veut dire, ça, que, comme je l'ai
bien mentionné ici, contribuer à un pays, contribuer à des
taxes, à des impôts, c'est de la participation. C'est ça
qu'on essaie de donner comme message au gouvernement depuis six mois. On
participe. Que ce soit avec le ministère du Revenu, le ministère
des Finances ou de l'Industrie et du Commerce, on participe avec les moyens que
nous avons. Et, nous l'avons mentionné dans le mémoire, on n'est
pas des fiscalistes, sauf exceptions; on n'est pas des gens qui avons des
doctorats en quoi que ce soit, mais on vit à tous les jours, sur le tas,
les problèmes qu'impose l'application de la TVQ, entre autres.
Alors, on est ici aujourd'hui. On s'est tapé cinq heures de route
et on va s'en taper cinq autres pour retourner, et ce n'est pas pour entendre
les gens se chicaner. C'est pour que les gens... On est d'accord, autant d'un
côté que de l'autre. Nous, on est là pour dire: II y a une
union. Je ne veux pas que, ni d'un côté ni de l'autre, on s'en
serve, de ça, non plus, pour montrer du doigt. Ce qui est important,
c'est que, de chaque côté, on soit honnête en fonction des
contribuables qui paient des impôts et des taxes. Ce sont les
contribuables qui font vivre le gouvernement, et vice versa aussi. C'est pour
ça qu'il est important qu'on participe et qu'on collabore.
Alors, notre mémoire, les efforts qu'on y met depuis des mois...
Je dois vous dire qu'il y a 33 384 membres qui nous appuient de façon
officielle, avec lettres à l'appui, et nous avons à peu
près 250 000 mandataires qui nous suivent. Alors, s'il ne se passe pas
quelque chose d'intéressant d'ici quelque temps, si on n'a pas, à
peu près dans 90 ou 110 jours, des résultats concrets... Ce n'est
pas une question de menace, mais on fait notre effort, on essaie de collaborer
et de participer. J'ai l'impression que les contribuables en ont ras le bol,
qu'ils sont écoeurés, que ce soient des contribuables qui ont des
PME
ou qu'ils n'en aient pas.
Alors, ce qui est important, c'est que M. Savoie, M. le
Président, nous a conviés à une rencontre lors du
dépôt du budget. On espère sincèrement, avec les 250
000 mandataires qui sont derrière nous, que, lors du dépôt
de ce budget, il va y avoir des choses constructives, positives qui vont faire
en sorte que les contribuables vont vouloir continuer à contribuer
honnêtement, et honnêtement aussi de la part du gouvernement. C'est
tout ce qu'on est venus faire ici.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions,
madame, et je remercie l'ensemble de votre groupement pour cette participation
à cette commission parlementaire.
Nous suspendons nos travaux pour environ deux minutes, pour permettre au
Bureau d'assurance du Canada de bien vouloir prendre place à la table
des témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 16)
(Reprise à 15 h 19)
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! Alors,
je demanderais au porte-parole ou à la porte-parole de votre groupe de
bien vouloir s'identifier et de nous présenter... Oui, M. le ministre du
Revenu.
M. Savoie: Une question de privilège, je crois, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): En vertu de quel article, M. le
ministre du Revenu?
M. Savoie: Je l'ignore, M. le Président. Je pense que
c'est à vous...
Le Président (M. Lemieux): Vous l'ignorez, mais ce n'est
pas nécessairement à moi. Lorsqu'on fait un rappel au
règlement, la personne qui fait cet appel au règlement se doit de
me citer l'article du règlement.
M. Savoie: Oui, mais vous comprendrez, M. le Président,
que je n'ai pas le livre des règlements.
Le Président (M. Lemieux): Mais allez-y. Allez-y,
expliquez-moi votre question de privilège.
M. Savoie: Tout à l'heure, le député de
Labelle a insinué que, lors de rencontres avec les chambres de commerce,
les gens étaient gentils avec moi lorsque j'étais présent
aux discussions avec les chambres de commerce parce que j'avais certains
pouvoirs, comme ministre du Revenu, que je pouvais prendre des
décisions, ce qui laissait entendre, peut-être, qu'il y avait un
abus au niveau de l'utilisation que je pouvais faire de mes pouvoirs de
ministre du revenu et des fonctions du ministère. je pense que c'est
ça qui a été insinué, et je voudrais que le
député de labelle clarifie ce point-là très
rapidement. (15 h 20)
M. Léonard: M. le Président, je peux le clarifier,
parce que je ne pense pas qu'il y ait une question de privilège,
aucunement.
Le Président (M. Lemieux): Non, ce n'est pas une question
de privilège.
M. Léonard: ce que j'ai dit, ce que j'ai décrit,
c'est une situation tout à fait hypothétique. quand les gens
s'adressent au ministre dont ils pensent qu'il peut régler une
situation, ils s'adressent de façon très polie, en essayant de la
lui expliquer. je n'ai rien dit qui soit de nature à blesser le
ministre, absolument pas, et je sais qu'il intervient simplement pour ramener
la question sur le tapis. alors, m. le président, je n'ai aucune excuse
à faire. dans ce que j'ai dit - je le regarderai dans les galées
- je ne pense pas qu'il y ait une injure, de quelque nature que ce soit.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez...
M. Savoie: J'accepte ces explications, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): D'abord, ce n'est pas une
question de privilège.
M. Léonard: Je n'ai absolument aucune peur de ce que j'ai
à dire ici.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, écoutez... S'il vous plaît!
M. Savoie: J'accepte simplement les explications.
M. Léonard: Vous ne m'intimiderez jamais ici.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! M.
Savoie: J'accepte vos excuses.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je pense que nous sommes
heureux de vous avoir parmi nous. Permettez-moi de reprendre dès le
début. J'avais demandé à la ou au porte-parole de votre
organisme de bien vouloir s'identifier.
Dans un deuxième temps, la procédure est la suivante. Nous
disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire et suivra un échange avec les deux formations politiques
de 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à entendre la ou le porte-parole
de votre groupe.
Bureau d'assurance du Canada (BAC)
M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est
Jean Bouchard. Je suis le président du comité des
BAC-Québec et également président du conseil d'une
société d'assurances générales, La Laurentienne
Générale. M'accompagnent cet après-midi Mme
Hélène Lamontagne, qui est avocate-conseil du Bureau d'assurance
du Canada, ainsi que M. Raymond Medza, qui est le directeur
général du Bureau d'assurance du Canada au Québec, qui est
situé à Montréal.
Nous tenons d'abord à vous remercier de l'opportunité que
vous nous avez donnée de vous présenter un mémoire, d'une
part, et de nous recevoir ici cet après-midi pour en discuter.
Comme vous le savez, le Bureau d'assurance du Canada, communément
connu sous le nom de BAC, est l'association nationale qui représente la
presque totalité des assureurs de dommages qui opèrent au Canada.
Il regroupe environ 180 sociétés d'assurances de dommages, qui
perçoivent plus de 85 % de toutes les primes d'assurance de dommages
versées au Canada.
Au Québec, les orientations du BAC sont déterminées
par le comité BAC-Québec qui regroupe les chefs de direction de
compagnies d'assurances de dommages parmi les plus importantes. Vous avez
d'ailleurs, dans notre mémoire, la liste des membres de ce
comité.
Nous voulons vous dire d'abord que nous souscrivons aux
énoncés du président du Conseil du trésor et du
ministre des Finances à l'effet qu'il faut réviser le rôle
et la taille de l'État, minimiser la charge fiscale et, ce qui est
très important, apprendre à vivre selon nos moyens.
Évidemment, le fardeau fiscal des Québécois a
atteint un point critique - plusieurs, d'ailleurs, l'ont soulevé
à cette tribune - non seulement pour les citoyens, mais également
pour les sociétés, y compris les sociétés
d'assurances de dommages. Les impôts et les taxes prélevés
ont atteint un niveau que nous qualifions d'inacceptable et également,
de toute façon, de plus, les déficits successifs de plus en plus
élevés ont contribué à l'augmentation de
l'endettement national et, donc, aussi, à rendre l'opération de
l'État de plus en plus difficile. Nous espérons donc que la
commission ne sera pas un simple exercice de rhétorique mais vraiment le
point de départ d'une action énergique afin de diminuer la taille
de l'appareil gouvernemental, d'éliminer graduellement le déficit
et, par voie de conséquence, de réduire notre niveau
d'endettement et alléger le fardeau fiscal qui nuit à notre essor
économique. Pour cela, nous croyons que cette commission ne doit pas
être simplement une remise en cause des services dispensés par le
gouvernement mais également une analyse sérieuse de
l'efficacité de l'appareil gouver- nemental.
Compte tenu du court temps accordé pour formuler des
recommandations sur un sujet excessivement vital, il nous est impossible de
procéder à une étude globale de la fiscalité ainsi
que des autres sources de financement des dépenses publiques du
Québec. Notre mémoire traitera donc uniquement de trois points,
des trois points suivants, en nous basant sur notre expérience:
premièrement, le fardeau fiscal imposé aux assureurs de dommages;
deuxièmement, le financement de l'appareil de contrôle des
assureurs et, troisièmement, les mécanismes d'application des
lois.
Nous invitons les membres de la commission, d'abord, à prendre
connaissance des distinctions fondamentales entre le secteur des assurances de
dommages et les autres institutions financières, tel que nous le
soulignons, d'ailleurs, en page 4 du mémoire que nous avons
déposé. Elles ne sont pas des intermédiaires financiers,
et nos revenus ne comprennent pas de portion épargne, comme c'est le cas
d'autres institutions telles que les banques ou les sociétés
d'assurances sur la personne. Le but de notre industrie est de garantir, pour
une courte période, une indemnité en remboursement de dommages
à la propriété ou de la responsabilité envers des
tiers, qui surviennent durant la période de couverture.
L'assurance-dommages est une opération essentiellement à court
terme.
Regardons d'abord le fardeau fiscal imposé aux assurances de
dommages. Les assurances génèrent au Trésor
québécois plus de 525 000 000 $ annuellement et, essentiellement,
il s'agit de taxes directes et indirectes qui se reflètent dans le
coût des assurances, comme la taxe de vente sur l'achat de biens et
services reliés aux indemnités, la taxe sur les primes, la
surtaxe compensatoire sur les salaires, la surtaxe sur les primes et la taxe de
vente de 5 % ou 9 %, selon qu'il s'agit d'assurance automobile ou
d'assurance-habitation. Ces sommes excluent les cotisations et frais divers
pour le financement du bureau de l'Inspecteur général et du
Conseil des assurances de dommages, ainsi que les impôts sur les profits
des sociétés. Disons qu'une approximation du chiffre que nous
pourrions faire de l'ensemble de ces taxes-là pourrait toucher environ
750 000 000 $.
Le fardeau déjà très lourd des charges fiscales des
sociétés d'assurances de dommages a été encore
alourdi par l'introduction de la TVQ et des mesures compensatoires applicables
seulement aux institutions financières. Lors de la réforme des
taxes à la consommation, le BAC avait souligné au
ministère des Finances l'effet négatif du projet sur les
assureurs, particulièrement sur ceux dont le siège social est au
Québec. Si, comme le prétend le gouvernement, on veut favoriser
le développement des sociétés établies au
Québec et leur permettre de concurrencer les sociétés
étrangères, on ne doit pas
imposer des mesures qui les désavantagent.
Nous remettons aujourd'hui une série de tableaux additionnels
à ce qui avait été inclus au mémoire. Dans un de
ces tableaux, nous notons d'ailleurs que, d'après l'impact net de la
réforme de la TVQ, basé sur les données de 1990, elle
devait produire un effet neutre sur les assureurs de dommages. En finale,
après différentes discussions, elle produit environ 3 500 000 $
de revenus additionnels au Trésor québécois. Cependant,
lorsqu'on analyse d'un peu plus près et qu'on compare l'impact sur les
assureurs québécois par rapport aux assureurs dont le
siège social est hors Québec, les assureurs qui sont
situés hors Québec ont un avantage de 3 800 000 $, alors que les
sociétés dont le siège social est au Québec sont
désavantagées de 7 400 000 $. Ce qui fait une différence
entre les deux de quelque 11 000 000 $.
Il n'est pas surprenant, de plus, que l'on constate... D'ailleurs, dans
un rapport qui a été publié en octobre 1991 sous le
sous-titre «Taxation of financial institutions in Canada», le
Conference Board indique, de plus, que l'industrie des assurances de dommages
est présentement la plus lourdement taxée de toutes les
institutions financières. Nous soumettons d'ailleurs un tableau
additionnel qui reprend l'article et les tableaux du Conference Board.
Notons que les assureurs de dommages représentent seulement 4,1 %
des actifs des institutions financières, même s'ils supportent 41
% du fardeau fiscal des institutions financières. Inutile aussi de
rappeler que tous ces coûts sont un des facteurs de détermination
des primes d'assurance. Ces différentes taxes doivent être
repassées au consommateur dans le prix de nos produits. Donc, sous ce
premier titre, nous croyons que le gouvernement doit revoir l'ensemble du
régime fiscal afin d'en répartir le fardeau plus
équitablement entre les différents contribuables et les produits
et services qu'ils consomment.
Quand au financement de l'appareil de contrôle, l'appareil
gouvernemental qui contrôle les activités de l'assurance de
dommages est le bureau de l'Inspecteur général des institutions
financières. C'est lui qui est chargé de l'application de la Loi
sur les assurances, de la Loi sur l'assurance automobile - c'est-à-dire
les articles 156 et suivants, parce que c'est un cas où il y a partage
de responsabilités entre deux ministères - ainsi que d'autres
lois touchant les sociétés d'assurances de dommages. (15 h
30)
Une analyse des états des revenus et dépenses de cet
organisme démontre que le bureau de l'Inspecteur général
génère pour le gouvernement des revenus excédentaires aux
dépenses encourues, alors qu'il ne devrait que s'autofinancer. Le
tableau que nous avons en page 6 de notre mémoire illustre les
états financiers du bureau de l'Inspecteur général des
institutions financières pour l'année 1991. Ces coûts,
payés par les assureurs cotisés, se reflètent
également dans les primes payées par les consommateurs. On y
observe que le gouvernement génère des profits importants aux
dépens des institutions financières supervisées, alors que
l'organisme de contrôle ne devrait, en principe, que s'autofinancer.
Puisque les excédents vont au Trésor, il s'agit d'une taxe
déguisée, payée par les consommateurs des produits
d'assurances de dommages, et qui découle de l'application des lois
touchant les sociétés d'assurances.
Il faut s'interroger sur la pertinence d'effectuer les mêmes
contrôles au Québec également, alors que les compagnies
sont déjà soumises à ceux du gouvernement
fédéral. Nous avons au Québec des sociétés
à charte provinciale et à charte fédérale. Les
sociétés à charte fédérale sont
déjà soumises au contrôle de l'organisme du
ministère des Institutions financières fédéral et,
lorsqu'elles opèrent au Québec, elles sont également
soumises à une duplication de contrôle de la part de notre propre
bureau. Il nous apparaît donc primordial qu'il y ait une reconnaissance
mutuelle des juridictions, de façon à éviter la
duplication des efforts et des frais, et j'insiste sur la reconnaissance
mutuelle des juridictions qui dépasse la simple harmonisation des
législations.
Nous croyons qu'il doit y avoir une certaine harmonisation. Tout au plus
y aurait-il lieu d'harmoniser les pratiques de chacun des paliers de
gouvernement de façon à ce que les sociétés
puissent relever d'une seule autorité tout en respectant les
différentes juridictions. Cela permettrait d'éviter des
chevauchements coûteux. Nous ne désirons pas remettre en cause le
travail du bureau de l'Inspecteur général, mais les règles
contraignantes auxquelles la loi l'astreint dans l'exercice des pouvoirs qui
lui sont conférés. Nous croyons que les institutions
financières qui assument le total des coûts devraient pouvoir, de
façon systématique, être également consultées
sur les activités et les budgets du service. D'après les
mémoires présentés, il semble que le même
phénomène existe également dans d'autres secteurs. C'est
pourquoi le BAC recommande que l'on évalue la pertinence et les
coûts de tous et chacun des programmes afin de déterminer s'ils
doivent être maintenus, d'une part, ou modifiés, ou tout
simplement abolis, d'autre part.
Maintenant, dans le cadre des mécanismes d'application des lois,
l'entrée en vigueur d'une loi entraîne la mise en place de
structures administratives qui non seulement se reflètent dans les
dépenses générales du gouvernement, les taxes et les
impôts ou dans l'imposition de frais de service particuliers aux
utilisateurs, mais aussi dans les frais d'exploitation que doivent encourir les
entreprises pour répondre aux exigences imposées. Ces coûts
s'ajoutent aux frais généraux des sociétés et sont
donc finalement ajoutés aux coûts des produits distribués
aux consommateurs.
Prenons, à titre d'exemple, certaines dispositions du nouveau
Code civil du Québec, de la Loi sur les assurances, de la Loi sur les
intermédiaires de marché et de ce que nous anticipons avec le
projet de loi sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, le
Code civil du Québec. Lors de l'adoption du projet de réforme,
nous avions porté à l'attention de la commission et du
législateur que certains articles du nouveau Code augmenteraient les
frais d'exploitation et encourageraient la fraude. L'envoi, par exemple, de
deux contrats coûtera plusieurs millions de dollars et c'est ce que la
loi, jusqu'à un certain point, forcera les assureurs à faire.
Quant à la fraude - que l'on estime présentement, de façon
extrêmement conservatrice, à 10 % dans ce mémoire, mais
nous sommes en train d'en faire une évaluation plus précise,
disons, par une étude que nous faisons avec l'Université de
Montréal - elle se situera probablement, si on regarde ce qui se passe
dans des pays voisins, comme les États-Unis, par exemple, largement
au-delà de 10 %. La conséquence directe de ces mesures serait
d'augmenter le coût des assurances que doivent supporter les
consommateurs. Pourtant, le législateur a adopté le Code sans
tenir compte de nos commentaires à cet effet.
La Loi sur les assurances elle-même. Pour illustrer notre propos,
nous prendrons tout simplement, dans la Loi sur les assurances, les articles
285.13 et 298.2 qui ont été introduits lors de l'adoption du
projet de loi 112. Nous avions alors exprimé notre inquiétude sur
les coûts et les tracasseries que ces mesures entraîneraient. Elles
touchent la formation de différents comités et les
différents contrôles qui s'y rapportent. Dans le meilleur des cas,
ces articles obligent l'assureur à former des comités de
déontologie, comités de vérification, selon des
règles rigides fixées dans la loi. Nous notons que la plupart des
compagnies, d'ailleurs, avaient déjà certains comités de
cette nature à qui elles avaient confié des mandats stricts qui
leur venaient des conseils d'administration.
De façon générale, nous constatons que les conseils
d'administration des grandes sociétés devraient compter, enfin,
un nombre raisonnable, je dirais, entre 13 et 15 membres. À cause des
nouvelles dispositions, les sociétés d'assurances
québécoises ont dû augmenter le nombre d'administrateurs
à 21 et plus, 21 membres et plus, avec tous les coûts que cela
entraîne et avec, également, toutes les tracasseries que cela
entraîne.
Il est évident que les autorités ne font pas confiance aux
administrateurs des sociétés. Enfin! Sous forme de
déréglementation, on a responsabilisé beaucoup plus les
membres des conseils d'administration des sociétés d'assurances.
Nous avons demandé, par exemple, exigé la confirmation des
réserves par des rapports actuariels, des réserves et des actifs
par des rapports actuariels.
Nous avons demandé que soient formés des comités de
déontologie et des comités de vérification à qui
les conseils d'administration doivent donner des mandats très stricts
quant à leur contenu, mais, en plus, on a effectué ou on a, en
plus, installé, au niveau de nos autorités de contrôle,
tout un appareil pour contrôler que ce travail-là se fasse en plus
du fait qu'il doit être contrôlé par les conseils
d'administration avec l'ensemble des rapports qui doivent être faits,
disons, autant à deux niveaux, autant au niveau de l'Inspecteur
général qu'au niveau des conseils d'administration, ce qui impose
énormément de contraintes, des coûts additionnels et des
retards et des paralysies de fonctionnement.
Les intentions sont bonnes, et nous étions d'ailleurs d'accord
avec plusieurs des recommandations. Vous noterez que plusieurs des
sociétés qui opèrent au Québec avaient
déjà, même avant l'imposition de la loi, formé des
comités de déontologie, des comités de vérification
et s'étaient déjà imposé la règle d'avoir
des rapports actuariels sur leurs propres réserves. Donc, ce n'est pas
tant sur la question d'intention que sur la façon dont la
déréglementation s'est faite à ce niveau-là ou ce
que nous appelons plutôt une «reréglementation» encore
plus contraignante et plus paralysante.
La Loi sur les intermédiaires de marché elle-même,
qui est un dernier exemple, avait besoin de refonte. On a adopté une loi
qui confie à l'Inspecteur général des institutions
financières le contrôle des intermédiaires de marché
selon de nouvelles règles. Il y aurait un surintendant des
intermédiaires avec le personnel que cela implique, un conseil des
assurances de dommages avec son personnel, un conseil des assurances de
personnes avec son personnel et les coûts ne seraient pas
affectés. Alors, si vous regardez quand même un tableau qui vous a
été soumis, nous constatons qu'au bas mot le contrôle des
intermédiaires lui-même coûte plus de 2 000 000 $, disons,
à l'industrie de l'assurance de dommages au Québec.
Alors, c'est quand même un certain nombre d'exemples que nous
voulons vous apporter. Et nous craignons, par la lecture et l'analyse que nous
faisons du projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels,
que plusieurs des dispositions qui sont prévues à cette loi vont
venir causer encore énormément de coûts additionnels tant
à l'industrie qu'au niveau du fonctionnement gouvernemental.
Alors, le Bureau d'assurance du Canada recommande et insiste pour
qu'avant d'adopter des lois on en évalue l'impact financier non
seulement sur les dépenses de l'État, mais aussi sur les
sociétés qui doivent s'y conformer, d'autant plus que, dans l'un
et l'autre des cas, ce sont les consommateurs qui, en définitive, en
supportent les coûts.
Le sommaire de nos recommandations est donc que nous croyons que tout
exercice de
rationalisation doit se faire dans le même esprit que dans le
secteur privé, en se fixant des objectifs et des critères de
mesures rigides qui permettent d'évaluer le degré de
réussite des objectifs.
Nous soumettons que l'État devrait réduire sa taille de
quelque 20 % par l'adoption des recommandations suivantes: la création,
d'abord, d'un comité d'analyse relevant du bureau du premier ministre,
et composé de représentants tant du gouvernement que de personnes
indépendantes de l'État, et qui serait chargé de remettre
en question tous et chacun des programmes, d'en évaluer la pertinence et
les coûts pour formuler des recommandations appropriées;
deuxièmement, une révision en profondeur de l'ensemble du
régime fiscal afin de répartir équitablement le fardeau
entre les contribuables tout en tenant compte des particularités de
chacun des secteurs; un mécanisme d'évaluation de l'impact
économique de chaque projet de loi, tant au niveau des dépenses
du gouvernement que de celles des entreprises à qui il s'adresse, et
l'adoption d'une loi qui encadre l'obligation pour le gouvernement de
présenter un budget équilibré.
C'est là l'essence, M. le Président, du mémoire et
des recommandations que nous voulons vous faire. Encore une fois, nous vous
remercions d'avoir l'opportunité de les présenter ici, cet
après-midi. Nous sommes à la disposition des membres de la
commission.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des
Finances, la parole est à vous maintenant. (15 h 40)
M. Levesque: Alors, M. le Président, je tiens à
souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos visiteurs, les
féliciter du mémoire qu'ils présentent, en même
temps que les remercier pour la participation à ce forum et la
contribution qu'ils font à notre étude ou notre
réflexion.
Vous arrivez à des recommandations que vous voulez résumer
en quatre points. Le comité d'analyse, relevant du premier ministre,
composé de représentants du gouvernement et de personnes
indépendantes de l'État et chargé de remettre en question
tous et chacun des programmes, etc. Évidemment, le choix des
représentants pose un certain problème, dans le sens que, si nous
avions dans ce comité tous ceux et celles qui sont passés ici
depuis le début de cette commission, c'est sûr que ce serait
difficile d'avoir un résultat probant, d'avoir une sorte de consensus.
Il y aurait beaucoup de difficultés à arriver avec des
conclusions, tellement on voit qu'il y a beaucoup qui sépare les uns des
autres. Tout dépend, évidemment, des intérêts que
l'on défend ou des solutions que l'on propose. Je peux m'imaginer trois,
quatre ou cinq personnes qui sont passées ici et les mettre avec le
premier ministre. Vous ne pouvez pas demander au premier ministre d'être
entouré d'une seule ligne de pensée ou d'une seule philosophie.
Vous voudriez que ce comité représente un peu la
société québécoise. À ce moment-là,
je m'imagine que vous auriez une certaine difficulté à arriver
à des conclusions, si un comité était formé, par
exemple, de quatre ou cinq de ceux et celles qui sont venus à cette
commission. Vous comprenez ce que je veux dire. C'est difficile. Tout de
même, la proposition est là. «Que le gouvernement revoie
l'ensemble du régime fiscal afin de répartir équitablement
le fardeau entre les contribuables tout en tenant compte des
particularités de certains secteurs». Ça, je crois que vous
avez parfaitement raison, c'est ce qui doit nous guider. C'est de revoir
l'ensemble du régime, mais répartir également le fardeau,
ayant à l'esprit ce que nous appelons l'équité fiscale.
C'est très important. D'ailleurs, lorsque vous parlez de la propre
fiscalité, vous parlez de l'ensemble d'abord. Vous dites: L'endettement,
c'est assez; les taxes, le fardeau fiscal, c'est assez. Vous parlez
évidemment, par la suite, des programmes. Nous y reviendrons.
Mais, quant à la question du fardeau, j'aimerais attirer votre
attention, parce que vous parlez de votre propre cas, puis c'est bien normal.
Personne ne pourrait vous blâmer de bien représenter les membres
de votre association. À la page 31, à l'annexe 5 du document que
nous avons déposé, vous aurez probablement l'occasion de voir ce
qui est sur la taxe sur le capital. Vous verrez que le taux
général, de 1980 à 1992, a augmenté assez
régulièrement, tandis que ce qui tient lieu de taxe sur le
capital, pour les entreprises de votre secteur, dommages matériels, vous
voyez que, de 1980 à 1981, il y a eu une augmentation de 2 % à 3
%, mais que, depuis 1981, c'est demeuré à 3 %. C'est simplement
pour vous faire remarquer ça. Je ne sais pas si on vous a oublié
ou quoi, mais, enfin, c'est demeuré là.
Aussi, parce que vous le mentionnez, vous dites qu'il y a une taxe sur
les primes d'assurance, c'est bon de se rappeler quelle était la
situation. Je ne le ferais pas normalement, mais, comme nos amis de l'autre
côté de la table, depuis quelque temps, essaient de concentrer
tous leurs efforts pour trouver à redire sur l'administration, je suis
obligé, parce que je sais que ça va venir, de rappeler au moins
quelques faits.
En 1985, dès notre arrivée au pouvoir, nous avons aboli la
taxe que nos amis d'en face venaient d'établir sur les assurances, dans
le domaine de l'assurance-vie individuelle et, également - ça,
peut-être que ce n'est pas directement dans votre rayon d'action, mais,
des fois, ça l'est, enfin ça peut l'être - pour la question
de l'assurance pour la maladie ou les accidents. C'est dans votre domaine, je
pense. Non? Pas encore. Mais prenons quelque chose qui est sûrement dans
votre domaine, c'est l'assurance automobile. Oui, oui, oui. Ne commencez
pas...
Une voix:...
M. Levesque: ...à mettre des points d'interrogation. Vous,
vous dites oui, mais, votre voisin, il avait l'air... Alors, ça, c'est
passé de 9 % à 5 %, n'est-ce pas? Alors, c'est bon de se le
rappeler, tout en passant.
Maintenant, «que le gouvernement mesure l'impact économique
de chaque projet de loi, tant au niveau des dépenses du gouvernement que
celles des entreprises, avant d'être déposé par
l'Assemblée nationale». Évidemment, nous essayons de faire
ça chaque fois. Peut-être que nous ne le faisons pas d'une
façon qui soit aussi parfaite, idéale que celle que vous
souhaitez, mais je pense qu'il faut toujours regarder l'impact
économique des projets de loi, de toutes les mesures gouvernementales.
«Que le gouvernement encadre, par législation, l'obligation pour
le gouvernement de présenter un budget équilibré».
Déjà, il y a eu des législations de députés
à cet effet-là. Vous ne venez que confirmer ce qui était
désirable. Mais, vous savez, ça a déjà
été fait aussi aux États-Unis et ça n'a pas
toujours donné les effets espérés. Vous savez, si on
n'était pas où on est présentement, ce serait quelque
chose de désirable. Autrement dit, cette disposition-là aurait
dû venir peut-être il y a plusieurs années afin qu'on n'ait
pas à souffrir les effets de plusieurs années d'endettement.
À ce propos, je me permets simplement encore, et je le fais bien
discrètement... À la page 90 de notre document «Vivre selon
nos moyens», on s'aperçoit ce que les intérêts
à payer chaque année constituent dans l'ensemble. On voit ce qui
s'est passé en 1970-1971, la part de 1 $ de revenu budgétaire
consacré au paiement d'intérêts, c'était 0,047 $, en
1970; rendu en 1975-1976, au moment où nous avons quitté le
pouvoir d'après la volonté du peuple et la volonté d'en
haut, au lieu de 0,047 $, on était rendu à 0,048 $. Mais, si on
suit l'évolution, tout d'un coup, en 1980-1981, ce n'est plus 0,04 $,
c'était 0,134 $; cinq ans après, en 1985, on est rendu à
0,173 $, sur le 1 $, en service de dette. Heureusement, nous sommes encore
à 0,173 $ en 1992-1993. Mais vous voyez là, quand on essaie de
mettre du blâme sur tout le monde, c'est une bonne chose de se rappeler
les faits et les chiffres.
Le tableau ne mentionnait pas 1975-1976, mais je l'ai fait sortir, c'est
0,048 $. Donc, en 1970, cette part, autrement dit l'endettement, l'effet de
l'endettement, c'est clair que c'était à 0,047 $ en 1970-1971,
à 0,048 $ en 1975-1976 et, tout d'un coup, en 1980-1981, on arrive
à 0,134 $, tout d'un coup, en 1985-1986, on arrive à 0,173 $ et,
aujourd'hui, 0,173 $. Alors ça, ça parle beaucoup plus fort que
tous les vêtements déchirés de l'autre côté.
Ça, c'est clair, c'est précis, on ne peut pas le contester. (15 h
50)
Ceci étant dit, j'aimerais cependant profiter de votre expertise
qui est là, de votre expérience. Parce que nous recherchons quoi?
À donner suite à ce que vous voulez. Vous dites: Cessez
ça, l'endettement. C'est clair qu'on doit cesser. Prenez un
déficit. Disons que, cette année, on n'est pas loin des 5 000 000
000 $, le déficit appréhendé. Ça veut dire quoi,
ça? Ça veut dire qu'on augmente le service de la dette, seulement
cette année, de 500 000 000 $, un demi-milliard. Ça veut dire
qu'il y a un demi-milliard de moins qu'on peut donner à nos concitoyens
en services. Si on fait ça année après année, ce
n'est pas étonnant qu'à un moment donné un service de la
dette qui, en 1975-1976, était à peu près de un
demi-milliard, aujourd'hui c'est rendu 6 500 000 000 $. Ça veut dire que
nous devons prendre 6 500 000 000 $ de nos revenus pour payer les
intérêts à des Allemands, à des Japonais, à
des Suisses, à des Anglais, à des Américains, à des
Canadiens, à des Québécois. Mais, pendant ce
temps-là, on n'a pas cet argent-là, 6 500 000 000 $, pour
retourner des services à notre population. C'est pourquoi, et nous
sommes d'accord avec vous, l'endettement, c'est suffisant, bien suffisant. On a
dépassé ce qui est suffisant.
Du côté du fardeau fiscal, c'est suffisant, nous le savons,
nous nous en rendons compte tous les jours. Mais quels seraient, selon vous,
les choix de réduction de dépenses qui devraient être
faits, avec ou sans législation, et qui nous amèneraient un
budget équilibré? C'est peut-être une question... C'est la
question. On ne vous demande pas de répondre d'une façon
complète, mais peut-être de nous donner des pistes de solutions.
Merci d'avance, parce que je n'aurai plus le droit de vous parler.
M. Bouchard: M. le Président, pour répondre aux
commentaires du ministre des Finances, d'abord, il semble que, sur les grands
objectifs, il n'y ait pas tellement de désaccord. Les amorces de
solutions, enfin, auxquelles nous voulons faire allusion, c'est que, bien
entendu, nous ne sommes pas des administrateurs publics, nous sommes des
administrateurs privés. Donc, nous puisons un peu dans notre
expérience d'administrateurs privés l'approche que nous
prendrions lorsqu'on a à faire face à un problème de
même nature, c'est-à-dire une entreprise qui n'a plus suffisamment
de revenus pour rencontrer ses exigences.
La première chose à faire, c'est de s'établir
très clairement un objectif. Si on veut équilibrer un budget, il
faut arrêter de faire des déficits, tout simplement. C'est aussi
simple et aussi complet que ça. Que ce soit dans une entreprise
gouvernementale ou dans une entreprise privée, assez souvent, et
malheureusement peut-être, on attend qu'une situation se
détériore, peut-être des fois avec trop d'amplitude, avant
d'apporter les correctifs nécessaires. Je crois que c'est là que,
présentement, le gouvernement du Québec
n'est peut-être pas nécessairement l'unique exemple au
monde, mais, du moins, que le gouvernement du Québec est arrivé
à ce moment-ci, où on a atteint un niveau de taxation que nous
jugeons insupportable.
Nous avons en même temps, tel que vous le décrivez si bien,
un niveau de dépenses élevé et une dette à servir
qui s'est accumulée au cours des ans. Je ne fais pas le procès
des différents gouvernements qui ont passé. Je fais tout
simplement prendre état ou constater une situation que nous voyons tous,
à ce moment-ci. Je pense que la plupart des observateurs s'entendent,
sinon sur les modalités, du moins sur la constatation quant à la
situation des finances de l'État.
La raison pour laquelle nous suggérons la formation d'un groupe
tel que vous le mentionniez tout à l'heure, je comprends que les choix
ne sont pas simples, mais je pense qu'avec un... Ce sont des choix qui sont
faisables, quant à qui devrait participer à un comité
comme celui-là. La raison pour laquelle il faut procéder de cette
façon-là... Bien souvent, également, dans l'entreprise
privée, ce que nous faisons lorsque nous atteignons une situation
critique, il faut que quelqu'un à la tête, normalement le chef de
direction, s'entoure de quelques personnes qui prennent conscience d'une
situation et établissent d'abord un objectif global, d'ensemble qu'il
faut atteindre, sur lequel ils fixent également des
échéances. Dans le cas présent, il m'apparaît que
les échéances sont plus pressantes que celles qui semblent se
refléter dans votre document «Vivre selon nos moyens», qui,
je pense, prévoit d'arriver à un équilibre
budgétaire sur une période de cinq à sept ans,
probablement.
Il m'apparaît que la situation... Dans une situation
d'internationalisation comme celle dans laquelle nous sommes
présentement, une mondialisation d'échanges, je comparerais
peut-être le situation du gouvernement du Québec à la
situation d'entreprises qui sont en concurrence les unes avec les autres
à l'intérieur d'un même ensemble, d'une même
société. Nous arrivons où une société comme
celle du Québec devient en concurrence avec des sociétés
autres qui sont soit aux États-Unis, soit en Amérique du Sud,
soit dans les autres provinces du Canada, soit dans des États
européens. Nous sommes en concurrence avec d'autres États. C'est
un peu de cette façon-là que le problème, à mon
sens, devrait se percevoir, où nos sociétés ne sont plus
des sociétés fermées. Ce sont de plus en plus des
sociétés ouvertes et elles doivent se comporter comme telles.
C'est donc de se fixer des objectifs très rigoureux et très
exigeants.
Maintenant, ça comprend deux choses. Est-ce qu'on vise la
diminution des services offerts? C'est une avenue ou c'est un aspect qui a
été touché par d'autres intervenants, ici, lors des
auditions, la réduction de certains services. Bien sûr, vous
rencontrez d'autres groupes qui vous disent: Non, non, ce n'est pas en
réduisant les services, je pense que les services sont corrects comme
ils sont là. Mais il va falloir que quelqu'un, à un moment
donné, rétablisse un consensus différent de celui qui
existait dans les années soixante-dix, lors de l'établissement
des programmes sociaux tels que l'assurance-hospita-lisation,
l'assurance-maladie, le régime de retraite. On visait
l'universalité. C'étaient exactement les mêmes programmes
pour tout le monde et, également, c'étaient des programmes qui
étaient perçus comme des programmes gratuits. Alors, on se rend
compte présentement, en arrivant sur le mur de briques auquel nous
faisons face, que c'était loin d'être des programmes gratuits.
C'étaient des programmes coûteux.
L'autre chose, enfin, l'autre élément de solution,
j'imagine, qui, à mon sens, devrait être regardé, c'est
l'omniprésence de l'État et son rôle perçu comme
étant le protecteur et le grand responsable, vis-à-vis du public,
d'à peu près tout ce qui se passe. Je pense qu'on doit aller bien
plus vers une responsabilisation individuelle et la respecter. L'État,
évidemment, a un rôle à jouer, mais, à mon sens,
c'est un rôle qui est beaucoup plus supplétif que celui
très interventionniste qu'il a joué jusqu'à maintenant.
Alors, c'est au moins deux aspects. Il y a, à mon sens, la façon
dont l'État se perçoit lui-même en tant qu'intervenant dans
la société dans son ensemble, et ce qui va demander aussi que les
membres de la communauté, pas juste les gouvernements... Il faut
également un changement d'attitude de la part des consommateurs, de la
part des administrés, si vous voulez, tant individuel que des
différentes sociétés, à l'effet que l'État
n'est pas là pour tout donner quand on en a besoin et ne rien
contrôler quand on n'en a plus besoin. Je pense qu'il y a un
équilibre qu'il faut qui s'établisse dans les deux domaines.
Moi, pour ma part, ce n'est pas mon rôle, je n'ai pas le mandat,
en tant que président du BAC-Québec, de vous dire: Coupez dans
telles dépenses de façon spécifique, coupez dans tels
programmes de façon spécifique. Notre rôle n'est pas cela.
Enfin, je pense que mon mandat est de venir témoigner un peu de la
façon dont, nous, on envisage une gestion, même si ce ne sont pas
des choses qui se font exactement de la même façon. Disons que
l'environnement dans lequel l'État fonctionne est beaucoup plus
complexe, où il doit tenir compte de dimensions beaucoup plus nombreuses
ou de variables beaucoup plus nombreuses que dans l'administration d'une
société privée, mais il reste que les principes devraient
demeurer les mêmes. Je pense que ce à quoi l'on s'attend, c'est
qu'il y ait des manifestations d'une volonté excessivement ferme de
réaliser des choses précises, exigeantes et dans un contexte ou
dans un laps de temps relativement restreint, et c'est l'urgence de la
situation qu'on veut faire ressortir.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: MM. les représentants du Bureau
d'assurance du Canada, je vous félicite de votre mémoire, en vous
souhaitant la bienvenue. Je veux juste vérifier un chiffre en partant.
Vous dites que vous contribuez pour 525 000 000 $ au budget du Québec.
Comme sur les taxes c'est 356 000 000 $, je suppose que, le reste, c'est
l'impôt sur le revenu qui contribue et d'autres taxes. C'est juste pour
une vérification toute technique, là, rapidement.
M. Bouchard: Ce que nous disons, en réalité... Les
525 000 000 $, ça excluait les impôts sur le revenu. Ça
comprenait uniquement les taxes que nous percevons et que nous remettons au
Trésor fédéral.
M. Léonard: Juste les taxes. M. Bouchard: C'est
ça. M. Léonard: O.K.
M. Bouchard: L'actuel impôt sur le revenu et la
participation au fonctionnement de l'Inspecteur général.
M. Léonard: Très bien. Je voulais le mentionner
pour bien indiquer l'importance de l'industrie de l'assurance au Québec
comme ailleurs, d'ailleurs, mais je pense que, effectivement, c'est un secteur
important de la vie économique qui touche à toute la question de
la responsabilité, la responsabilité civile, d'ailleurs.
Je voudrais juste faire un commentaire sur le service de la dette. Le
ministre des Finances a prévenu les coups en disant: En face, ils vont
sûrement m'attaquer là-dessus. Effectivement, je ne peux pas
passer sous silence qu'il a vécu, depuis 1985 jusqu'à 1990, une
période où c'était la pleine croissance économique
et il n'a pas réussi à équilibrer son budget, même
au plan des dépenses courantes, alors qu'il aurait dû rembourser
une partie du déficit qui avait été encouru pour relancer
l'économie. C'est là qu'on retrouve, finalement, le cycle
économique qui a été un des plus longs qu'on n'ait jamais
connu, qui a duré sept à huit ans complets. Il aurait fallu que,
durant cette période, il rembourse des emprunts qui avaient
été faits justement pour relancer l'économie. (16
heures)
Là-dessus, je pense que, lorsque nous sortirons de la
récession, comme il l'indique lui-même, dans deux ans, lorsqu'il y
aura la première phase de la reprise qui aura été
terminée, dans à peu près deux ans ou trois, on va se
retrouver avec un taux de service de dette de 19,3 %, 20,3 % peut-être
bien. Et je sais qu'il aime bien se péter les bretelles par rapport
à ce qu'il a à son bilan, mais il a quelques problèmes
là-dessus.
Je voudrais revenir à vos recommandations. Je voudrais revenir
à vos recommandations aux termes desquelles vous dites, comme
première, qu'il faut réduire de 20 % la taille de l'État.
Vous parlez, d'ailleurs, dans votre mémoire, à un endroit, de la
réglementation qui est en double et que vous voudriez qu'il y ait au
moins une harmonisation. Je trouve ça effectivement important. Je vous
souligne que, quant à nous, la réduction de la taille de
l'État, ce n'est pas juste l'État québécois. Je
pense que, pour nous, c'est un gouvernement complet qu'on veut faire sauter. Et
c'est là qu'il y a surtout des économies à faire. Et,
quelles que soient les thèses politiques, il faut qu'on l'admette, cette
affaire-là. Et l'harmonisation, ça passe surtout par là.
Quand il y a juste une autorité qui décide, vous avez pas mal
plus de chances que la direction soit claire et non pas comme maintenant.
Mais revenons à la taille de l'État
québécois, c'est de celle-là que vous voulez parler. Et
vous dites: Qu'on réduise l'État de 20 %. Vous savez que les
dépenses du Québec sont composées, en très grande
partie, de dépenses de santé et d'éducation; 70 %, pas
loin, les deux ensemble, 65 %, 70 %. Lorsqu'on dit que l'on réduirait la
taille de l'État de 20 %, cela signifie que vous voulez aller sur ce
plan-là. Or, disons qu'on peut admettre qu'il faudrait que les
dépenses de santé soient touchées de façon
très significative, parce que c'est le gros morceau du budget de
l'État. Les dépenses en santé au Québec, par
rapport à ce qu'il y a ailleurs, se comparent bien et même
avantageusement par rapport à ce qu'il y a aux États-Unis. Et,
effectivement, la part de la santé dans le PIB est plus faible ici
qu'aux États-Unis. Et, pourtant, quand vous considérez ce que les
gens pensent du système, ils le préfèrent au
système américain. Vous voyez très bien que le
président américain en a fait son engagement, d'instaurer un
système de santé, parce qu'il coûte trop cher aux
États-Unis. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a quelques
problèmes sur ce plan-là, à dire qu'on va couper de 20 %?
Peut-être qu'en santé ce ne sera pas 20 %, mais si ce n'est pas en
santé, ça va être en éducation. Puis,
l'éducation, c'est l'investissement dans la jeunesse. Donc, c'est pour
l'avenir. En grande partie, c'est un investissement qu'il faut que ce soit.
Et, sur le plan de la santé, notamment, pour revenir, est-ce que,
finalement, on ne doit pas constater que le secteur public que nous avons
instauré au cours des années soixante-dix a bien rempli son
rôle, qu'il satisfait les Québécois? Et là je ne
voudrais pas dire que je lui donne l'absolution sur toute la ligne. Qu'il y ait
des choses à corriger, je suis d'accord, mais sur l'ensemble, est-ce
que, raisonnablement, on peut penser qu'on appliquerait cette règle de
20 % au
secteur de la santé? À moins que vous ne me disiez qu'on
envoie ça dans le privé, auquel cas on n'a rien corrigé
quant aux dépenses du citoyen par rapport à la santé.
Ça me laisse un peu perplexe. Je reviendrai avec d'autres questions,
mais je trouve que c'est une question importante.
M. Bouchard: M. le Président, lorsque nous parlons de
réduction de 20 %, pour nous, il s'agit tout simplement de voir
où est notre capacité de payer par rapport à nos revenus.
Nous n'avons indiqué nulle part quels devraient être les choix, et
nous nous en sommes bien gardés, parce que nous n'avions certainement
pas de mandat; et on n'a pas eu de débat avec notre association pour
dire quels devraient être, de façon spécifique, les choix.
Je veux simplement reprendre un peu, suite aux commentaires du
représentant de l'Opposition, qu'à l'intérieur... Je pense
qu'il faut regarder deux choses. Et puis je prends encore, je tire encore,
quand même, mes comparaisons ou mon raisonnement... Je vais appuyer mon
raisonnement un peu sur ce que nous faisons dans des entreprises de services
parce que, le gouvernement, c'est une entreprise de services.
Jusqu'à un certain point, dans le secteur privé, lorsque
nous avons à réduire nos budgets pour rencontrer des exigences de
rentabilité - pour nous, ce n'est même pas un budget, c'est des
exigences de rentabilité que nous devons fournir à nos
actionnaires - nous ne réduisons pas les services. Par exemple, si, moi,
en tant que société d'assurances, je veux m'ad-ministrer, disons,
avec un taux de dépenses de 20 % moins élevé que celui que
j'avais, je n'émettrai pas moins de polices d'assurance, je ne paierai
pas moins de réclamations, mais je vais essayer, au contraire,
d'être plus efficace dans ce que je fais au niveau de la souscription des
risques, de la distribution de mes produits et de la gestion des prestations
que je dois ou des prestations que nous avons, qui nous sont soumises.
Je pense qu'un effort devrait être fait avant de dire que nous
coupons ou que nous devons réduire, parce que je suis d'accord qu'en
réalité nous nous sommes dotés de régimes sociaux
qui sont généralement bien perçus par la
société, et probablement généralement bien
perçus et trouvés peut-être généreux aussi
par ceux qui nous regardent de l'extérieur. Mais je me dis: Le premier
choix n'est peut-être pas de couper dans ça. Si on identifie des
endroits où il y a abus, peut-être devrions-nous couper dans des
abus, si on en a identifié, mais je pense que c'est l'efficacité
avec laquelle nous gérons cet ensemble de services là sur
laquelle nous devrions nous pencher.
Il faut noter, par exemple, que, sur les quelque 70 % du budget qui vont
aux affaires sociales et à l'éducation, il y a une bonne partie
de ça qui est un budget de salaires et d'équipements de toutes
sortes. Alors, est-ce qu'il n'y a pas des façons différentes de
gérer cet ensemble-là? Et je ne parle pas de privatiser ou de
gérer de façon centrale. Évidemment, venant de
l'entreprise privée, je pourrais avoir un biais vers l'entreprise
privée. Je veux dire, le débat ne se situe peut-être pas
nécessairement à ce niveau-là au moment où on se
parle.
Est-ce qu'une gestion plus efficace doit passer par le secteur
privé? Je ne vous dis ni oui ni non à ça. Je me dis: II y
a une façon de se gérer de façon plus efficace si on ne
veut pas réduire au départ la quantité de biens et de
services que nous livrons, mais, si on n'a pas les moyens de se donner ces
services-là parce que notre économie n'est pas assez forte pour
les supporter, il va falloir également penser en termes de
réduction des services.
M. Léonard: Oui. Effectivement, on peut aborder la
question sous cet angle, mais, quand on compare les capacités de payer
même aux États-Unis, en faisant la relation du niveau de vie
américain et du nôtre, lorsqu'on compare les taux de taxation et
la part de l'État dans le PIB, vous savez, aux États-Unis,
c'était de 29,9 % en 1990. Le document que vous avez eu, d'ailleurs...
Mais cela ne comprend pas les dépenses de la santé, alors que le
taux, la part calculée pour le Québec, comme pour le Canada,
comprend les dépenses de santé. Si on veut comparer sur les
mêmes bases, il faudrait faire les réajustements
nécessaires.
Ceci étant dit, moi, je serai toujours d'accord pour que,
lorsqu'il y a des abus dans un système, on les corrige, on rectifie la
situation. Il n'y a aucun problème. Je pense que, dans toute situation,
dans tout secteur comme celui de la santé, vous allez en trouver. Et le
devoir d'un administrateur public, c'est de les rechercher puis de les
corriger. Je suis d'accord. Mais quand on s'amène pour dire: On va
couper le tout de 20 %, je me demande si c'est vraiment possible. Il y a eu des
comités là-dessus, et ils sont partis avec de grandes intentions,
et ils se sont ramassés un peu plus loin sans avoir avancé
beaucoup. Je pense qu'il ne faut pas... Ça me paraîtrait hasardeux
de prétendre qu'on peut couper les dépenses de l'État de
20 %. On a beau regarder les salaires, je crois que le décalage - s'il y
en a un - entre le public et le privé n'est pas de 20 %, loin de
là. Il l'a déjà été dans certains secteurs,
mais ce n'est plus le cas.
Quant à nous, les rationalisations les plus importantes, c'est
effectivement au niveau des deux États. Nous avons deux gouvernements
qui prennent les décisions dans les mêmes domaines, partout, et
cela est une source majeure de perte de temps, de coûts de toutes
espèces. On parie généralement des dédoublements,
des chevauchements, tout ce qu'on veut, mais, pour moi, il y a aussi autre
chose. C'est que, lorsque vous avez
une baignoire, qu'il y a deux sorties à la baignoire et qu'on en
bouche juste une, alors que, dans l'autre, à l'autre bout, les
problèmes ne sont pas réglés... et c'est exactement ce qui
se passe: le déficit fédéral est deux fois plus
élevé, toutes proportions gardées, que celui du
québec. et, quand on parle ici d'un service de dette de 17 % du budget
du québec, mais qu'il est de 33 % au fédéral, je pense
qu'avant de prendre des assurances, de prendre des décisions ici, il va
falloir aussi qu'on en prenne ailleurs. ou bien, si on n'est pas capable
d'influencer correctement ce qui se passe ailleurs, comme cela se fait depuis
15 ans, et même encore plus, bien, à ce moment-là, il faut
prendre les décisions qui s'imposent. je crois que, ça, c'est une
donnée majeure de tout cela. (16 h 10)
D'autre part, juste une dernière... On dit: Mesurer l'impact
financier de chaque projet de loi ou programme; oui, je dirais aussi que cela
doit surtout aussi toucher les revenus, parce qu'on a parlé des abris
fiscaux, et ils représentent des coûts considérables pour
le gouvernement. Ça aussi devrait être quantifié et rendu
public. Sur ce plan-là, il y a aussi des choses à faire. Et,
donc, ce n'est pas seulement au plan des programmes de dépenses, mais
aussi sur le plan des revenus qu'on doit avoir des projections, des estimations
très précises. Et puis on espère que le ministre des
Finances va être plus transparent dans l'avenir. Mais, là-dessus,
moi, je vais vous suivre, en autant qu'on le fasse des deux
côtés.
Alors, voilà, c'est les commentaires que j'avais à faire.
Et, sur ce plan, une dernière chose: quand vous parlez des programmes
autofinancés, de budget équilibré, je suis d'accord sur le
budget équilibré du public, du gouvernement, sur le cycle
économique, sur la moyenne période. Cependant, cela signifie
très clairement qu'en période de croissance économique le
gouvernement doit faire des surplus quant à ses dépenses
courantes, et pas des déficits quant à ses dépenses
courantes. Mais, en gros, si vous voulez mon commentaire, je suis pour la
transparence dans tous les programmes gouvernementaux, autant de
dépenses que de revenus.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député de Labelle.
M. Bouchard, est-ce qu'il y a des commentaires?
M. Bouchard: Oui, un commentaire, M. le Président. C'est
que, bien sûr, j'accepte bien qu'on se compare avec ce qui se passe aux
États-Unis ou dans d'autres juridictions, ailleurs. Je sais bien qu'on a
un problème également au niveau du gouvernement canadien. Je
pense qu'on y est aussi très sensible. Mais un des principes,
évidemment... Si on a à comparaître devant une commission
à d'autres niveaux au Canada, je pense que les représentations du
Bureau seront dans le même sens que celles que nous faisons ici, et
probablement avec encore plus de véhémence que ce que nous
faisons aujourd'hui. Mais il y a quand même un principe, disons, que nous
voulons également appliquer, c'est que, si nous voulons que l'ensemble
du trottoir soit propre, on va commencer par balayer également le devant
de notre perron. Alors, donc, je me dis: On a un problème à
régler à notre niveau, ici.
Et, lorsque je parle de dédoublements, il y a des
dédoublements qui viennent du fait que nous avons deux paliers de
gouvernement, mais il y a également des dédoublements qui
viennent du fait qu'il y a également conflit de juridictions ou, enfin,
duplication de juridictions entre différents ministères ici
même, à l'intérieur du gouvernement
québécois. Alors, il y a des choses à faire là.
Mais il reste un principe. En tant que payeurs de taxes et en tant que
gestionnaires d'entreprise, nous disons que nous ne pouvons pas nous payer un
standard de vie au-dessus de nos moyens; et, présentement et depuis
quelques années, nous avons vécu, disons, sur un standard de vie
au-dessus de nos moyens. Nous avons peut-être d'excellents avantages
sociaux de toutes sortes. Est-ce que nous avions les moyens de nous les payer,
ou bien donc si nous avons emprunté de façon à maintenir
notre standard de vie?
Si on reporte ça, par exemple, au niveau personnel ou au niveau
d'une entreprise, c'est certain que c'est une chose qu'on ne peut pas
tolérer, qui devient intolérable, et je pense que, pour les
gouvernements, il en va de même aussi dans les finances publiques. Je
pense qu'on peut faire quand même des parallèles
intéressants entre les deux. Mais, je reviens sur le fait que, pour
nous, il y a urgence à ce que ces choses s'équilibrent.
M. Léonard: Mais je pourrais simplement dire que, quand
vous avez une grande entreprise à succursales et que le bureau-chef
pellette des frais généraux à la tonne à sa
succursale, il est très difficile de s'administrer dans ce contexte.
C'est un peu ça qui se passe présentement. C'est simplement ce
que je voulais illustrer.
M. Bouchard: Oui, oui, oui.
Une voix: C'est un commentaire politique.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député de Labelle.
M. le député de Verdun, la parole est à vous.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement, je
voudrais d'abord essayer de répondre
par un commentaire sur le commentaire du député de
Labelle. Je trouve qu'il a signalé plusieurs fois, en voulant
prétendre que la réduction des deux gouvernements pourrait
régler le problème financier... Il sait très bien, parce
qu'il a siégé comme moi à la commission
créée par la loi 150, qu'au contraire ça créerait
un problème financier majeur pour le Québec si jamais on devait
aller dans la voie qu'il suggère, c'est-à-dire la
réduction, la séparation du Québec. On parlerait de
plusieurs milliards de dollars, et ça, vous le savez, M. le
député de Labelle.
Pour répondre, quand même, ou vous posez une question,
monsieur... Je dois dire que j'ai été très favorablement
impressionné par votre document. Je dois comprendre qu'on peut
évidemment vous chercher des petites bêtes. Les 20 %, bien
sûr, vous les voyez globalement. Vous ne demandez pas de réduire
les services, mais vous dites: Le gouvernement pourrait se gérer d'une
manière plus efficace. Et, probablement, vous voyez une économie
potentielle de 20 % et vous ne demandez pas, bien sûr, de couper des
services à telle et telle personne âgée, mais bien
plutôt d'être beaucoup plus efficace dans notre gestion.
Je dois vous dire que, de ce côté-ci, par des lois comme la
loi 198, on essaie d'atteindre cet objectif. Mais il est bien sûr que
c'est un objectif global et qu'il ne faut donc pas vouloir faire peur au monde
et couper tel ou tel service de première ligne dont les gens ont besoin.
Vous nous dites: Vous pouvez rationaliser la gestion, votre gestion et vos
dépenses. C'est dans ce sens-là que vous voulez aller.
Le Président (M. Després): Vous avez fini, M. le
député de Verdun?
M. Gautrin: J'ai terminé.
Le Président (M. Després): Est-ce qu'il y a un
commentaire de la part de M. Bouchard, étant donné que le temps
est...
M. Bouchard: J'ai été malheureusement distrait, M.
te Président. Je m'excuse auprès du député de
Verdun. Est-ce qu'il y avait une question?
M. Gautrin: J'interprétais ce que vous nous dites, et je
voulais savoir si je comprenais bien ce que vous essayez de nous dire,
c'est-à-dire que vous nous demandez d'être plus efficaces dans la
gestion, d'être en mesure de réduire notre dépense de
fonctionnement, mais de ne pas couper sur les services essentiels, comme
d'aucuns veulent essayer de faire croire pour créer des fausses
peurs.
Le Président (M. Després): Est-ce que vous avez des
commentaires. M. Bouchard?
M. Bouchard: Non. Effectivement, c'est le sens que nous donnons
à notre intervention, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci, M. Bouchard.
La parole est à la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Bonjour.
Je ferai juste un commentaire. Vous disiez: II faut nettoyer notre
perron, par rapport au fait qu'on n'a pas nécessairement à se
tourner vers le gouvernement fédéral, avec les doubles
juridictions, les dédoublements, etc. Mais je vais ajouter un autre
exemple, toujours avec la même image. Si vous avez quelqu'un au balcon en
haut, qui balaie le perron et que ça tombe sur le perron d'en bas, c'est
pas mal difficile de tenir le perron d'en bas propre, même si, nous, on a
nettoyé nos propres saletés.
Je pense que c'est important, le débat qu'on a maintenant, parce
que vous y faites référence d'abord pour les difficultés
que ça entraîne chez vous en termes de complexité
administrative. Je voyais votre annexe, là, et vous faites une bonne
démonstration de cela. C'est très clair. Parce que, quand on
regarde ce qui s'est passé dans les finances publiques du Québec
depuis la dernière décennie, comprenant un moment de
récession sérieux au début de la décennie et
comprenant une croissance économique aussi significative, on constate
que le gouvernement québécois a maintenu la croissance de ses
dépenses dans des balises tout à fait raisonnables, si on
considère que c'est 1 % au-dessus du taux d'inflation, en moyenne, sur
neuf ans, qui est le cycle économique auquel je fais
référence.
Cela étant dit, je ne veux pas dire, par mes affirmations ici,
qu'il ne faut pas intervenir davantage pour rationaliser la distribution de nos
services, l'organisation des finances publiques. Il y a sûrement
matière, là, à économies substantielles, quand ce
ne serait que de donner suite aux recommandations, par exemple, du
Vérificateur général. Je pense à la gestion des
ressources humaines, qui est catastrophique, comme il le mentionnait à
certains égards. Alors, donc, il y a un travail que nous pouvons faire
dans notre propre maison, mais l'image est toujours valable pour le reste. On
s'entend bien.
Je trouve intéressant que vous souhaitiez, vous le dites...
Évidemment, j'imagine que vous pensiez à votre secteur en
particulier quand vous disiez' revoir l'ensemble du régime fiscal afin
de répartir équitablement le fardeau entre les contribuables,
tout en tenant compte des particularités de certains secteurs. Un des
problèmes auquel on est confronté - et mon collègue de
Labelle le mentionnait - avec le document qui est devant nous, c'est qu'il y a
un certain nombre d'outils que nous n'avons pas. La démonstration que
vous nous faites, par exemple,
pour le secteur des assurances, vous la faites, mais personne ne nous
l'a faite ici, ni dans des annexes, ni dans le document que nous avons, ni dans
les documents qui concernent le budget. Et je vais aller plus loin que cela.
(16 h 20)
Dans le cadre de l'implantation de la TVQ, suite à l'implantation
de la TPS, nous avions été très insistants pour demander
des études comparatives sur l'introduction de cette taxe versus le fait
qu'on remettait, entre autres, la taxe sur les vêtements, les meubles,
bon, etc., et le gouvernement n'était pas en mesure de nous fournir un
certain nombre d'analyses. Alors, moi, je vous dirai: Je suis d'accord avec ce
que vous demandez quand vous demandez que ce soit plus évident, qu'on
ait une meilleure information et qu'on puisse faire de meilleurs choix.
Mais, à cet égard-là, je me tourne vers le
gouvernement et je lui dis: Donnez-moi l'information nécessaire pour la
faire, l'analyse, pour la prendre, la décision. Vous, quand vous dites
ça, est-ce que vous avez en tête autre chose que votre secteur en
particulier? On parlait tout à l'heure des abris fiscaux, on a
parlé depuis le début aussi des taxes sur la masse salariale,
évidemment, bon, et d'un certain nombre d'éléments comme
ceux-là, mais est-ce que vous aviez en tête des
éléments précis quand vous faisiez cette
recommandation-là, en dehors de votre secteur d'activité?
Le Président (M. Després): Une courte
réponse, M. Bouchard, étant donné que le temps est
déjà dépassé, Mme la députée de
Taillon.
M. Bouchard: Alors, M. le Président, pour répondre
de façon spécifique à l'intervention de Mme Marois. ce que
nous avons voulu demander, à l'aide des constatations que nous avons
faites pour l'analyse de notre secteur, nous avons fait la démonstration
pour notre secteur en particulier. C'est dans ce cas-ci que nous voulions la
faire. Et, d'ailleurs, c'est une des fois où nous faisons une
représentation de cette nature, parce qu'on a eu, d'ailleurs,
auparavant, d'autres représentations qui ont été faites au
niveau du ministère des Finances, dans le même ordre. Nous
voulions ramener à l'intérieur de ce débat-ci ce que nous
avions déjà fait valoir auparavant. Mais on ne veut pas que le
débat se limite uniquement à nous, sauf que, comme on
connaît moins les autres secteurs, on a voulu utiliser notre secteur en
particulier pour servir de témoin.
Mme Marois: Ça va.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M.
Bouchard, d'être venu à cette commission, au nom de tous les
membres de la commission du budget et de l'administration.
Et je veux inviter la Corporation des maîtres électriciens
du Québec à s'avancer à la table des invités, s'il
vous plaît. Merci. (Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 24)
Le Président (M. Després): Au nom des membres de
cette commission, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Corporation des
maîtres électriciens du Québec, et vous dire que nous avons
une heure à votre disposition, qui sera partagée de la
façon suivante, c'est-à-dire 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire et 20 minutes qui seront
partagées entre les députés ministériels et les
députés de l'Opposition.
Si le responsable peut présenter l'équipe qui l'accompagne
et nous faire la présentation de leur mémoire.
Corporation des maîtres électriciens du
Québec (CMEQ)
M Brown (Jean-Guy): Alors, M. le Président, M. le
vice-président, mesdames et messieurs de cette commission, à mon
extrême droite, j'ai M. Roger Gosselin, qui est ex-président de la
Corporation des maîtres électriciens du Québec, et M. Yvon
Guilbault, qui est le directeur général de notre corporation;
à ma gauche, M. Yvan Roy, comptable agréé, directeur du
service technique de la Corporation, et M. Pierre Liberatore, ingénieur,
qui est le directeur du service technique; et moi-même, Jean-Guy Brown,
président de la Corporation.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous aimerions préciser que
la Corporation des maîtres électriciens du Québec est
consciente que la présente commission parlementaire porte sur le budget
et l'administration des finances et des lois fiscales dans leur ensemble.
Cependant, la Corporation a décidé de ne traiter que d'un seul
sujet fort contraignant pour ses membres, soit l'application de la taxe de
vente provinciale. Nous préférons laisser aux intervenants qui en
ont les compétences le soin de traiter des autres facettes de cet
important dossier.
La Corporation des maîtres électriciens du Québec,
fondée en 1950, est une corporation professionnelle qui regroupe quelque
3000 entrepreneurs électriciens oeuvrant sur les chantiers de
construction à travers la province. L'éventail des membres de la
Corporation représente des petites, des moyennes et des grandes
entreprises.
Lorsque le ministre du Revenu a annoncé son projet de
réforme de la taxe de vente, les entrepreneurs électriciens et
toute l'industrie de la construction avaient constaté une volonté
du gouvernement de simplifier l'application de la loi. Malheureusement, comme,
tous, on peut le constater, la réalité fut toute autre. La
Corporation présente un tableau qu'elle croit réaliste de la
situation vécue et des problèmes que ren-
contrent quotidiennement les entrepreneurs électriciens lors de
l'application de la taxe de vente du Québec.
Les propositions de la Corporation des martres électriciens du
Québec visent à faciliter l'application de la TVQ par
l'entrepreneur électricien en préconisant une méthode
simple, adaptée au contexte du marché, et respectant les lois et
règlements actuellement en vigueur.
L'ancien régime de la taxe de vente était basé sur
un taux de taxation de 9 % qui s'appliquait sur la vente des biens meubles,
alors que les biens immeubles étaient exempts de cette taxe. Dans le
domaine de la construction, cette base de taxation causait déjà
bien des problèmes d'interprétation. Avec l'annonce de la
réforme, l'industrie de la construction pouvait au moins se consoler,
car le nouveau régime de taxation au Québec devenait plus simple
d'application. En effet, il prévoyait un taux de taxation unique qui
s'appliquait sans distinction sur la vente des biens meubles et immeubles. Les
entrepreneurs ne pouvaient plus se tromper lorsqu'ils appliquaient la taxe de
vente sur leurs contrats.
Mais il est désolant de constater que la volonté qui avait
été manifestée par le gouvernement du Québec en vue
de régler les problèmes d'application de la taxe de vente au
Québec dans le secteur de l'industrie de la construction soit
demeurée un voeu pieux. Actuellement, s'il veut appliquer correctement
la taxe de vente du Québec, l'entrepreneur en construction doit
très bien maîtriser la notion des biens meubles et immeubles, ce
qui n'est pas évident. Comme nous allons le démontrer,
l'épée de Damoclès qui pendait au-dessus de la tête
des entrepreneurs en construction sous l'ancien régime de l'impôt
sur la vente au détail devient de plus en plus menaçante sous le
régime de la TVQ.
La loi stipule en effet qu'un bien meuble est tout ce qui n'est pas un
bien immeuble, selon la loi du Québec. Vous conviendrez qu'une
définition aussi imprécise ouvre largement la porte aux
interprétations de toutes sortes. Les plus sceptiques n'ont qu'à
demander deux avis consécutifs au ministère du Revenu sur un
même sujet aussi controversé que les luminaires pour s'en
convaincre. Il y a autant de réponses qu'il y a de
répondants.
La loi stipule également que le mandataire a l'obligation de
percevoir correctement la TVQ sur le matériel qu'il fournit et les
services qu'il dispense. Il s'agit ici d'une responsabilité
énorme et il en résulte des coûts administratifs
additionnels fort importants pour les entrepreneurs. Ainsi, un entrepreneur qui
aurait mal interprété la notion des biens meubles et immeubles et
qui aurait perçu une taxe de 4 % alors qu'il aurait dû percevoir
une taxe de 8 % sera l'unique responsable envers le gouvernement de la portion
de la taxe impayée.
Voyons maintenant quelques exemples où l'entrepreneur en
construction doit interpréter la
TVQ et l'appliquer aux travaux qu'il a effectués.
Commençons par les luminaires. Un bulletin d'interprétation du
ministère du Revenu stipule que les biens qu'on trouve dans un immeuble
ne sont pas tous partie intégrante de l'immeuble. Ainsi, les lampes
suspendues au plafond ou appliquées sur les murs ne deviennent pas
partie intégrante de l'immeuble dans lequel elles sont
installées. Donc, ces luminaires doivent être
considérés comme des biens meubles. Par contre, s'ils sont
encastrés, ils doivent être considérés comme des
biens immeubles. Pourtant, la fonction première d'un luminaire, qu'il
soit encastré, en surface ou suspendu, est de fournir de
l'éclairage dans une pièce. Des locaux sans fenêtres qui
servent de lieux de travail à des personnes doivent comporter une source
d'éclairage, sinon ils perdent leur nature ou leur fonction. Ainsi, dans
cet exemple, un luminaire en surface, encastré ou suspendu devrait
être considéré comme étant un bien immeuble et
être taxé à 4 %. Admettre le contraire serait aberrant.
Un autre exemple: les génératrices. Dans un avis que le
ministère du Revenu du Québec faisait parvenir à la
Corporation, on statuait qu'une génératrice installée
à l'immeuble deviendrait un bien meuble. L'entrepreneur qui vend et
installe ce type de bien devrait donc percevoir une taxe de 8 %. Cependant,
cette interprétation résistera-t-elle à l'analyse dans le
cas d'une génératrice d'urgence installée dans un
hôpital? Imaginons, par exemple, qu'une panne de courant survienne lors
d'une intervention chirurgicale dans un hôpital temporairement
départi de sa génératrice d'urgence. Dans un cas comme
celui-ci, il nous semble que la génératrice est essentielle et
devrait être considérée comme faisant partie
intégrante de l'immeuble, donc être taxée à un taux
de 4 %. (16 h 30)
Que dire maintenant des systèmes d'alarme-incendie? Il s'agit
là d'un exemple flagrant où le régime de la taxation du
Québec ne tient pas compte de la réglementation touchant les
immeubles construits au Québec. Dans le régime de la taxe de
vente du Québec, les systèmes d'alarme-incendie peuvent
être des équipements rajoutés à des immeubles, qui
gardent leur nature meuble lorsqu'ils sont installés.
Le Code national du bâtiment oblige pourtant les
propriétaires de certains immeubles à munir leurs bâtiments
d'un réseau d'avertisseurs d'incendie. Si cette obligation n'est pas
respectée, les bâtiments ne sont pas conformes et ne peuvent pas
être utilisés. C'est donc dire que ces systèmes devraient
logiquement faire partie intégrante de la bâtisse proprement dite
et être taxés à un taux de 4 %.
Un autre exemple: l'installation électrique d'une machinerie.
Lors des travaux de ce type, l'entrepreneur électricien doit effectuer
l'ajout d'un circuit électrique alimenté à partir d'un
panneau de distribution de l'immeuble. Ce circuit
électrique, qui doit obligatoirement être
protégé par un disjoncteur, fait partie du réseau
électrique et serait considéré comme un bien immeuble. Par
contre, il peut arriver, pour des raisons de sécurité, par
exemple, qu'un deuxième dispositif de sectionnement doive être
installé sur le circuit électrique qui sert à alimenter la
machinerie. À votre avis, comment doit-on taxer cette installation?
Certains considéreront toute l'installation comme faisant partie
du réseau électrique, qui est un bien immeuble, et appliqueront
un taux de 4 % de taxation. D'autres supposeront que l'installation fait partie
de la machinerie, qui est un bien meuble, et que, par conséquent, elle
est taxable à 8 %. D'autres, enfin, estimeront que la portion de
l'installation partant du panneau électrique jusqu'au disjoncteur doit
être considérée comme un bien immeuble taxé à
4 % et que la partie partant du disjoncteur jusqu'à la machinerie doit
être considérée comme un bien meuble et être
taxée à 8 %. Plutôt compliqué, vous ne trouvez
pas?
Parlons des lampadaires. Le ministère du Revenu les
considère comme des biens immeubles. Donc, un lampadaire avec luminaire
intégré ne constitue qu'une seule entité immeuble.
L'interprétation serait-elle la même, dans le cas où un
lampadaire est constitué d'un poteau de bois sur lequel est vissé
un luminaire? Nous vous rappelons que, dans l'interprétation
donnée par le ministère du Revenu, les luminaires en surface sont
des biens meubles. Dans ce cas, est-ce la surface ou le poteau de bois sur
lequel est fixé le luminaire qui détermine la nature du bien
meuble installé?
Comme vous pouvez le constater, il existe une panoplie d'exemples
concernant les problèmes d'application de la TVQ. Nous en avons
d'ailleurs décrits plusieurs de façon très explicite dans
le mémoire déposé par la Corporation devant cette
commission. Sans les reprendre tous, mentionnons, entre autres, les cas des
thermopompes, des plinthes chauffantes et de l'éclairage temporaire sur
les chantiers, qui sont autant d'exemples qui manquent de pragmatisme du
système lorsqu'il s'agit d'appliquer concrètement et correctement
la TVQ.
L'industrie de la construction a des pratiques commerciales très
spécifiques. Ainsi, il existe une pratique commerciale que l'on appelle
le Bureau des soumissions déposées. Lorsqu'un donneur d'ouvrage
veut, par exemple, obtenir les services d'un entrepreneur électricien,
il doit lancer un appel d'offres par le biais du BSDQ. Une des règles de
ce système stipule que l'entrepreneur qui dépose la soumission la
plus basse, toutes taxes incluses, doit généralement obtenir le
contrat. Mais, s'il interprète mal la loi, et applique un taux de 8 %
à un endroit où il aurait dû appliquer 4 %, il est fort
plausible qu'il ne soit pas le plus bas soumissionnaire et que, pour cette
unique raison, il perde le contrat.
Cet exemple nous démontre clairement qu'une mauvaise
interprétation de la loi peut avoir des impacts absolument
désastreux pour un entrepreneur électricien.
Il est également de pratique courante que les donneurs d'ouvrage,
qu'il s'agisse des entrepreneurs généraux, des gouvernements ou
des municipalités, demandent aux entrepreneurs en construction de leur
fournir un prix global ou forfaitaire pour l'ensemble du contrat.
L'entrepreneur doit donc déterminer les parties du contrat sur
lesquelles il doit percevoir une taxe de 8 % et de 4 %. Gare à lui s'il
se trompe, il pourrait bien en payer la note.
Une autre pratique courante dans l'industrie veut qu'une somme
équivalente à 10 % de la totalité d'un contrat
effectué par un entrepreneur soit retenue par le donneur d'ouvrage afin
de s'assurer de la conformité des travaux selon les plans et devis
fournis. Quelle est la taxe qui s'applique à cette retenue? 4 % ou 8 %?
Le problème, c'est qu'il est de pratique courante que plusieurs retenues
soient payées en même temps. Imaginez la situation dans laquelle
se retrouve l'entrepreneur qui reçoit un chèque de paiement
applicable à plusieurs retenues, et sur lequel certains montants ont
été retranchés pour plusieurs contrats, le tout
étant taxable naturellement. Il nous semble inconcevable que des
entrepreneurs aient à vivre une telle situation.
Il est notoire que l'industrie de la construction a des pratiques
commerciales très spécifiques. Ne serait-il pas logique que la
loi sur la taxation en tienne compte, principalement au moment de son
application, afin de ne pas alourdir davantage le fardeau administratif des
entrepreneurs, surtout lorqu'on constate que le ministère du Revenu
reconnaît que ces pratiques sont usuelles dans l'industrie de la
construction? En effet, dans un bulletin de mai 1990, le ministère du
Revenu avouait que l'application de la loi causait de nombreuses
difficultés aux entrepreneurs. Voici ce qu'on peut y lire:
«Certains dossiers ont révélé les difficultés
que cause l'application de la loi actuelle à l'industrie de la
construction dans le domaine des contrats mixtes. Ces difficultés
proviennent en majeure partie du fait que les entrepreneurs doivent
déterminer la partie immeuble et la partie meuble des contrats et payer
ou percevoir, selon le cas, la taxe de vente en conséquence. «Ces
dossiers ont révélé également qu'une application
rigoureuse de la loi dans le domaine de l'industrie de la construction provoque
des résultats indésirables, compte tenu de la méthode
d'attribution des contrats dans ce secteur, particulièrement pour la
construction d'immeubles commerciaux ou institutionnels pour un prix
global.»
Pour votre information, les contrats mixtes sont des contrats à
prix forfaitaire, dont nous parlions précédemment.
Ce bulletin prévoyait que, lorsque la nature
mobilière ou immobilière d'un bien était
incertaine, une convention écrite entre les parties, incluant le
ministère du Revenu, devait être produite. L'expérience a
prouvé que cette situation n'était pas adaptée au contexte
dans lequel oeuvrent les entrepreneurs. Pour cette raison, compte tenu de la
lourdeur administrative qui s'y était rattachée, elle n'a pas
été utilisée par les parties.
Ce qu'il faut retenir de tout ce qui précède, c'est que
l'entrepreneur a l'impression bien réelle qu'il est constamment assis
entre deux chaises: celle du 4 % et celle du 8 %. Comme les règles du
jeu ne sont pas claires, il se trouve dans la position de celui qui doit poser
un jugement sans savoir si son interprétation est juste ou
erronée. Avec la TVQ, il lui est demandé d'être un
spécialiste en matière de taxation, afin de débroussailler
et d'appliquer la notion fort complexe de biens meubles et immeubles. Du
côté de sa clientèle, l'entrepreneur électricien est
inconfortable. Certains clients peuvent craindre que le taux de taxation qui
leur est chargé soit inadéquat. Malheureusement, ces craintes
sont trop souvent partagées par l'entrepreneur électricien
lui-même.
Lorsqu'il s'agit d'un client dit commercial, le mal peut sembler
moindre, car il est possible, pour la majorité de ces clients, de
récupérer la totalité de la taxe impayée en
réclamant un remboursement de la taxe sur les intrants. Par contre, si
le client a le sentiment que l'entrepreneur lui a chargé un taux de
taxation trop élevé, cela peut définitivement compromettre
leurs relations d'affaires.
Il y a les autres, les clients qui ne peuvent pas réclamer la
TVQ. Pensons, entre autres, aux propriétaires de bâtisses
résidentielles qui font effectuer des travaux d'installation
électrique. En aucun cas, ces derniers ne pourront réclamer la
TVQ qu'ils ont payée. (16 h 40)
L'entrepreneur électricien doit donc faire preuve d'une vigilance
extrême lorsqu'il appliquera la taxe sur les travaux qu'il aura
effectués. Si, par malheur, il fait une erreur - il a chargé un
taux de 8 % au lieu de 4 % - qui peut s'assurer qu'on ne mettra pas en doute sa
crédibilité et son honnêteté? Dans le cas contraire,
l'entrepreneur préférera assumer une perte plutôt que de
risquer de perdre un client en le poursuivant en justice pour
récupérer le montant de cette taxe.
Alors, les solutions préconisées par la Corporation des
maîtres électriciens du Québec. Premièrement,
considérer comme immeuble le matériel installé à un
bâtiment par un entrepreneur électricien et le taxer à 4 %.
Il y a approximativement 90 % du matériel installé par les
entrepreneurs électriciens qui est déjà
considéré comme un bien immeuble taxé à 4 %. Le
reste, soit environ 10 % du matériel installé et/ou vendu par
l'entrepreneur électricien, peut porter à interprétation
et être considéré comme des biens meubles ou immeubles,
selon l'utilisation qu'on en fait.
Nous avons démontré clairement que la notion de biens
meubles et immeubles cause de nombreux problèmes d'application pour les
entrepreneurs électriciens. Or, ce problème ne s'applique que
pour environ 10 % du matériel installé et/ou vendu par les
entrepreneurs électriciens. En imposant un taux de taxation de 4 % sur
tout le matériel de construction installé à un
bâtiment par un entrepreneur électricien, l'application de la taxe
serait considérablement simplifiée pour les deux parties, et ce,
sans modifier la loi actuelle. Avec cette solution, le matériel meuble
garde sa nature et, s'il est vendu, par opposition à installé, il
demeure taxable à un taux de 8 %. les pratiques commerciales qui
existent actuellement dans l'industrie de la construction pourraient demeurer
inchangées, puisque tout le matériel installé par un
entrepreneur serait taxable à 4 %. le gouvernement réduirait
énormément ses frais d'inspection et serait assuré que la
tvq est applicable et perçue adéquatement par ses entrepreneurs.
il faudrait être conscient que le débroussaillage des biens
taxables à 4 % et 8 % exige beaucoup de temps de la part des inspecteurs
et que, par conséquent, il représente beaucoup d'argent pour le
gouvernement. en pesant le pour et le contre, cette solution nous semble au
nombre de celles qui devraient être envisagées pour régler
les problèmes d'application de la tvq.
On devrait y arriver, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci.
M. Brown: La Corporation des maîtres électriciens
recommande également de considérer le matériel et les
biens meubles, qui sont déjà assujettis à un code, une loi
et un règlement, comme des biens immeubles et les taxer à 4 %.
Une forte majorité des biens installés par l'entrepreneur
électricien est régie par nombre de lois, de codes et de
règlements. Tous ces codes, lois et règlements régissent
déjà la construction des immeubles au Québec et
contiennent une fouie d'exigences auxquelles doivent obligatoirement se
soumettre les entrepreneurs. Afin d'éviter une surréglementation,
nous croyons pertinemment que tout le matériel et tous les biens dont
ces règlements font mention - les génératrices d'urgence,
les systèmes de ventilation, les ascenseurs de pompier, alarmes-incendie
- devraient être considérés comme faisant partie de
l'immeuble où ils sont installés et être taxables à
un taux de 4 %.
Alors, M. le Président, vu que le temps nous est plus court, je
vous remercie. Il y a juste une parole de M. Henry Ford, c'est qu'il importe
peu de connaître les coupables, ce qui importe, c'est de trouver des
solutions.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci, M. Brown, pour
cette présentation.
Je vais maintenant passer la parole au ministre du Revenu.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
certainement de saluer la Corporation des maîtres électriciens du
Québec pour la présentation d'un mémoire qui, finalement,
aborde un problème très, très pointu, c'est-à-dire
la distinction des biens meubles et des biens immeubles en matière de
taxation, et qui se situe un peu en dehors du contexte du débat, au
niveau des finances publiques, mais qui soulève quand même un
point qui mérite certainement l'attention de la commission.
Je note qu'en 1934 la ville de Montréal a introduit une taxe sur
les biens meubles de 2 %. Évidemment, s'est soulevée, à ce
moment-là, la question, pour les plombiers comme pour les
électriciens, de l'application de la taxe. Est-ce qu'on appliquait la
taxe de 2 % sur certains équipements plutôt que tels autres,
étant donné que c'était limité à des biens
meubles?
Lorsqu'on commence à jouer dans des immeubles par destination,
des choses comme ça, on commence à jouer dans des nuances qui
sont assez difficiles à saisir pour plusieurs. Ça a
été la même chose avec la commission scolaire et,
évidemment, avec les taxes qui ont été
présentées par le gouvernement Duplessis d'alors. Ce n'est pas un
nouveau débat, je pense qu'il faudrait que ce soit bien clair aussi. Il
y a eu, par exemple, lors de l'évolution de la taxe de vente au
Québec, l'introduction de la taxe de 8 %, il y a eu, tout au cours de
ces années, des difficultés d'interprétation au niveau de
l'application des 8 % sur, par exemple, tel appareil versus tel autre.
Finalement, avec la décision, pas la décision, mais le
bulletin d'interprétation auquel vous faites référence, de
1988, la règle d'interprétation, on a cherché à
apporter certains éclaircissements, en soulignant, comme vous l'avez
fait, la notion de le présenter, soit suite à l'entente qui
pouvait intervenir entre l'électricien et, évidemment, le
propriétaire ou le responsable des travaux. Tout ça fait en sorte
que, finalement, avec l'introduction de la taxe de vente à 8 %, qui,
évidemment, s'applique sur les meubles, et celle de 4 %, qui s'applique
sur les immeubles, la situation, bien que moins difficile qu'auparavant, ne
s'est pas, en tout cas, solutionnée d'une façon aussi claire et
nette que, je pense, la majorité des citoyens voudraient le voir. s'il y
avait eu, évidemment, une taxe de 8 % sur les immeubles, comme une taxe
de 8 % sur les meubles, je pense que ça aurait mis fin aux discussions,
mais, si je crois comprendre votre mémoire, c'est que ce n'est pas dans
ce sens-là que vous vous orientez. vous ne deman- dez pas que la taxe
passe de 4 % à 8 %, mais bien qu'on y apporte des distinctions
additionnelles. C'est compréhensible.
Donc, il y a eu une règle d'interprétation
présentée en 1988, qui a cherché à clarifier, en
tout cas qui a donné une piste, qui soulève encore quelques
questionnements. Je pense que, lorsqu'on parle de contrats mixtes, le
gouvernement a donné une certaine discrétion quant à
l'application qu'on pouvait donner aux contrats. Mais, certainement... en tout
cas, comme vous l'avez souligné, ce n'est pas tout à fait une
satisfaction parfaite.
Deuxièmement, sous l'ancien régime également, si
l'entrepreneur avait fait défaut de percevoir la taxe auprès d'un
client, il en était seul responsable. Aujourd'hui, on a changé
ça un peu. On a dit qu'il pouvait également revenir contre le
client, auprès duquel il pouvait également percevoir pour
corriger la situation. Troisièmement, la situation fiscale des
maîtres électriciens a été améliorée
avec la taxe de vente. Je pense que ça, ça sort assez clair,
puisque vous pouvez être remboursés pour la taxe qui a
été payée. La situation n'existait pas auparavant,
ça devrait vous aider à être un petit peu plus
concurrentiels.
Alors, si je comprends bien, c'est que le mémoire ne porte pas
sur la taxe de vente en tant que telle, mais porte encore sur des
interprétations qu'il reste à faire entre meubles et immeubles,
en ce qui concerne certains contrats.
On m'a remis une lettre typique, qui a été fournie
à un entrepreneur qui, évidemment, fait partie de la Corporation.
On me donne un modèle type, par exemple, du 9 février, où
on indique: On avait soulevé des points dans une lettre au
ministère, qui est datée du 5. Le 9 février, on
répond en lui disant que tel élément est taxé
à 8 %, que tel autre élément est taxé à 4
%.
On comprend bien les difficultés que le mémoire
soulève et le fait qu'il faudrait y apporter ou chercher à y
apporter une solution claire, comme, par exemple, l'utilisation d'un taux
unique, comme, également, peut-être, une meilleure harmonisation,
là encore, avec la TPS. Je pense que ce n'est pas mis en doute du tout
que cette orientation puisse appliquer des réponses définitives
et régler le dossier.
Dans le contexte actuel, je peux vous dire qu'on est des plus sensibles
à ce genre de revendications, au niveau de cette élimination de
la différence qui peut exister le 8 % et le 4 %, et que, dans la mesure
du possible, nous allons faire des recommandations, à brève
échéance, pour donner suite à votre mémoire. Avant
de donner suite à votre mémoire, on va vous inviter à
rencontrer les officiers du ministère, pour voir la piste que nous avons
déterminée, pour être sûr que ça vous donne
satisfaction quant à la solution du problème de taxation auquel
vous faites face sur-le-champ.
Il faut comprendre que ça ne relève pas du
ministère du Revenu. Il faut comprendre, également, que
c'est une politique fiscale et que, donc, les annonces devront se faire par le
ministre des Finances, à ce moment-là, comme c'est le ministre
des Finances qui a introduit l'ensemble du mécanisme. (16 h 50)
Donc, depuis 1934, difficultés avec biens meubles, biens
immeubles. Depuis 1934, ça a soulevé de nombreux points de
discussion. Certainement, depuis 1988, on y porte un effort pour chercher
à diminuer les différences et, certainement, avec l'introduction
de la taxe en 1992, le 1er juillet, une première taxe à 4 %,
étant donné qu'on vise l'harmonisation le plus possible avec la
TPS, je pense qu'on pourrait s'attendre à ce que votre problème -
maintenant, qui va fêter son 50e anniversaire, ou qui a
déjà fêté son 50e; il s'en va sur son 60e
anniversaire, l'année prochaine - puisse finalement se régler,
à brève échéance.
Je serais curieux, évidemment, de vous entendre - je pense qu'il
me reste quelques minutes - tout simplement de vous entendre un peu sur
l'introduction de la taxe de vente, pour votre corporation. Je comprends qu'il
y a certainement là une administration additionnelle qui n'existait pas
auparavant, mais, d'une façon générale, au niveau des
intrants et des remboursements, sentez-vous que ça a avantagé
votre position concurrentielle au Québec vis-à-vis, par exemple,
de l'Ontario?
M. Roy (Yvan): Est-ce que vous pourriez préciser votre
question?
M. Savoie: C'est que, étant donné que nous avons la
taxe de vente sur les biens meubles et immeubles, que vous pouvez jouir au
Québec des remboursements, au lieu de lancer une taxe de vente où
il n'y avait pas de remboursement, compte tenu qu'aujourd'hui vous avez un
remboursement, ne sentez-vous pas que ça vous donne un avantage
vis-à-vis, par exemple, de l'Ontario où ça n'existe
pas?
M. Gosselin (Roger): Ça a un avantage... L'avantage, pour
nous, on ne peut pas le mesurer parce que, comme entrepreneur - moi, je suis un
entrepreneur - je peux vous dire qu'on travaille moins cette année que
l'an passé. Ça fait que si ça répond à votre
question...
M. Savoie: Ha, ha, ha!
M. Gosselin: Mais il y a quelqu'un qui me disait: Donnez-nous le
mandat et donnez-nous de l'argent pour exécuter le mandat que vous nous
demandez, puis peut-être qu'on fera les recherches nécessaires.
Mais, dans le moment, je pense que le problème économique du
Québec n'est pas différent, peut-être, des autres
provinces. L'économie étant ce qu'elle est, le contexte est assez
difficile. Si vous visez, dans le cas qui nous touche, étant
donné qu'on a touché seulement la taxe de vente, c'est sûr
que si vous visez...
Vous avez souligné un point, que l'administration de la taxe de
vente, c'est compliqué dans des petites entreprises. On se le fait dire,
on le vit. C'est quelque chose qui est assez compliqué, qui est
très peu harmonisé actuellement avec la TPS. Je ne vous l'ai pas
fait dire, vous l'avez dit. Et ce qu'on souhaite, étant donné que
c'est un mal nécessaire, les taxes... On n'a pas discuté à
savoir si on devait ou non avoir des taxes. Je pense que tout le monde aimerait
ne pas avoir de taxes, mais c'est un mal avec lequel on doit vivre. Je pense
que le but, en comparant les deux taxes, TPS et TVQ, au niveau administration,
c'est beaucoup, beaucoup plus simple d'administrer la TPS que la TVQ,
actuellement. Ça, c'est évident.
M. Savoie: Oui, c'est ça.
M. Gosselin: L'harmonisation, d'après moi, a
été manquée, dans un premier temps.
M. Savoie: C'est ça. C'est-à-dire qu'au niveau de
l'harmonisation, étant donné qu'on ne l'a introduite qu'à
4 %, pour vous donner un avantage comparatif... Et c'était ça le
but de la question. Lorsque vous soumissionnez pour un contrat, par exemple,
avec les firmes de l'Ontario, vous devez normalement avoir un avantage
comparatif sur le coût, à cause, justement, de la taxe de 4 %.
M. Guilbault (Y von): Les entrepreneurs ne ressentent pas
nécessairement la situation comme vous le dites, parce que la
concurrence s'établit entre les entrepreneurs au Québec. La
partie dont vous parlez joue beaucoup plus au niveau des investissements. Quand
les investissements se font, les entrepreneurs ont du travail. Ils n'en ont pas
actuellement. Est-ce que ça pourrait répondre à une partie
de la question?
On n'a pas amené notre mémoire pour... on ne l'a pas
amené en termes macro-économiques, vous vous en êtes rendu
compte. Pour certains, ça pourrait être considéré
comme, même, du menu fretin dans la vie de tous les jours, le point qu'on
apporte. Mais, si vous vous mettez à la place d'un entrepreneur qui vit
ça régulièrement, à savoir, quand il fait sa
soumission, s'il va charger 8 % ou 4 %... Des fois, il y a des bons montants
d'impliqués. Il y a des génératrices qui se vendent 10 000
$, 15 000 $, 20 000 $. C'est un bien immeuble, c'est un bien meuble? Or, lui,
il décide que c'est un bien meuble; l'autre décide que c'est un
bien immeuble. Au niveau de la soumission, ça fait des
problèmes.
L'autre cas qui arrive souvent - mettez-vous encore au niveau de la
personne qui vit ça tous les jours, qui n'est pas un spécialiste
de la
taxation - ce qui arrive, c'est que l'entrepreneur va se faire inspecter
souvent deux, trois, quatre ans plus tard après que les travaux ont
été faits. Quand l'inspecteur du ministère du Revenu
arrive et dit: Sors tes factures qu'on t'inspecte pour voir si tu as bien
appliqué la taxe de vente, souvent, il a des surprises parce qu'il
réalise que l'interprétation que lui a faite de la taxe, ce n'est
pas tout à fait la même que celle de l'inspecteur. Et l'inspecteur
lui dit: Si tu n'es pas d'accord, bien, tu as juste à émettre un
avis d'opposition. Mais ça n'empêche pas qu'il faut qu'il paie,
et, souvent, c'est des montants de 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ qui sont,
dans beaucoup de cas, des montants énormes.
Évidemment, on a laissé l'aspect macroéconomique de
la question fiscale à d'autres porte-parole, mais, étant
donné, comme vous le dites, qu'on est à la veille de fêter
notre 60e anniversaire et qu'on n'était pas là ni l'un ni l'autre
- même si on n'a pas la même couleur de cheveux - pour
éviter que ça arrive à 60 ans, pourquoi, à un
moment donné, on n'arriverait pas avec une règle claire et avec
des solutions, où on dit: Quand c'est un produit installé par des
entrepreneurs, pourquoi, à ce moment-là, ce ne serait pas 4 %
dans tous les cas? Surtout que vous avez remarqué, dans le
mémoire, qu'on admet facilement que, dans 90 % des cas, c'est
installé. C'est clair. C'est les autres 10 % qui font mal. Il y a une
zone grise, là, qui peut impliquer beaucoup de montants d'argent,
surtout dans le cas de génératrices, de systèmes d'alarme.
Est-ce que les lampadaires sont meubles ou immeubles? Est-ce que c'est des
luminaires encastrés ou non encastrés?
Pour l'entrepreneur qui n'est pas un spécialiste, vous allez
admettre que c'est compliqué. C'est un irritant de taille assez
importante pour qu'on ait jugé bon de l'emmener devant une commission
parlementaire, parce que les gens nous appellent au bureau et nous disent:
Ça, c'est un bien meuble ou immeuble? On le «sait-u», nous
autres, si c'est un bien meuble ou immeuble! On appelle au ministère du
Revenu. Dépendamment à qui on parle, bien, on dit: Ça
devrait être ça. Est-ce que l'inspecteur, qui va inspecter trois
ans plus tard, va dire la même chose? Ça donne des
problèmes. Ce sont des irritants qui pourraient, à notre avis,
être facilement corrigés une fois qu'on l'admet, et on ne se
prononce pas nécessairement sur le principe de la taxation, sur la
façon de taxer, sur la fiscalité, sur toutes les règles
fiscales, mais on dit: Si on doit faire face à une taxation, au moins
qu'elle soit claire, précise et applicable par des gens dont ce n'est
pas le métier d'interpréter des textes. C'est ce qu'on vous dit,
et ça coûte des centaines et des milliers de dollars.
Aller faire un avis d'opposition contre le ministère du Revenu,
quand tu t'appelles Jos Bleau, que tu viens de je ne sais trop où, ce
n'est pas tellement évident. C'est bon juste pour les avocats, mais ce
n'est surtout pas bon pour l'entrepreneur. Alors, c'est ça qu'on essaie
de faire ressortir comme situation.
Il y a des gens qui pourraient dire, par rapport a d'autres
mémoires qui ont été présentés ici, parce
que c'est quand même suivi, c'est télévisé, on
pourrait fort bien dire: Quelle banalité que ce
mémoire-là! On pourrait aller jusque-là. Mais, quand vous
pensez à la personne qui doit appliquer ça, c'est loin
d'être banal, surtout quand quelqu'un se fait sauter un contrat, surtout,
quand, à un moment donné, il dit: Sur la retenue de 10 %, est-ce
qu'il y a une partie taxable ou une partie non taxable? C'est compliqué
et, à ce moment-là, on n'a pas d'autre choix - appelons ça
stratégiquement - que de s'adresser aux autorités pour dire:
Trouvez une solution pratique pour ceux dont ce n'est pas le métier
d'appliquer ça. C'est ce qu'on fait. Merci.
M. Savoie: C'est ce que nous avons retenu de votre
présentation, et c'est ce que j'ai mentionné au tout
début. C'est que, suite au dépôt de votre mémoire,
il va y avoir une recommandation faite du côté du ministère
et il va y avoir une rencontre prévue pour s'assurer qu'on donne suite
d'une façon satisfaisante à votre recommandation.
M. Guilbault: On apprécie le fait que vous ayez
été touché par ce problème.
Le Président (M. Després): Merci, M. Guilbault.
Vous voulez ajouter quelque chose? De façon très courte?
Je dois passer la parole au...
M. Brown: C'est parce que, au début, lorsque la
réforme est arrivée, elle était supposée être
harmonisée avec la TPS. À ce moment-là, au niveau des
entrepreneurs, on avait beaucoup d'attentes, et tous les entrepreneurs
étaient très satisfaits de cette position-là. Nous autres,
on pensait, par le fait même aussi, que la notion de biens meubles et
immeubles... que, si le taux de la taxe était égal dans les deux
parties, à ce moment-là, on n'aurait pas de problèmes
d'application. (17 heures)
Vous avez touché un point tantôt, que le client... Vous
avez instauré la notion que l'entrepreneur électricien va pouvoir
être capable d'aller à son client pour aller rechercher la partie
de taxe qui n'a pas été payée. On sait que, consciemment,
l'entrepreneur ne fera pas une chose semblable parce qu'il se dit, surtout avec
sa clientèle, et dans les régions autres que Montréal,
où tout le monde se connaît, que c'est d'admettre qu'on a fait une
erreur, puis qu'on n'a pas été clairvoyant, puis qu'on n'est pas
un bon administrateur. Alors, l'entrepreneur électricien va tout
simplement laisser tomber ça, puis il ne le réclamera pas.
Le Président (M. Després): Merci, M. Brown. La
parole est au député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Bienvenue. Je vous félicite pour la qualité de votre
mémoire. Ce n'est pas des banalités que vous avez écrites
là-dedans. Je pense que ce sont des témoignages, puis j'en ai eu,
quant à moi, et, n'en déplaise au ministre du Revenu, il y a des
problèmes avec la TPS, avec la TVQ et l'harmonisation entre les deux. Je
le voyais opiner du bonnet, dire: Oui, oui, il y a des problèmes, on
va... Mais on attend toujours la solution.
Je voudrais tout simplement dire qu'il y a effectivement un
problème qui a été accentué par les
hésitations et les tergiversations du gouvernement là-dessus, de
son gouvernement, il faut se rappeler qu'à l'origine ie système
devait être très simple: 7 %, TPS, 8 %, TVQ. Mais les
fonctionnaires eux-mêmes, malgré toute leur bonne volonté,
ont eu à faire face à une foule de changements de
décisions en cours de route. Parce que, entre le 30 août 1990 et,
après ça, tout ce qui est survenu par la suite, il y a eu,
d'abord, détaxation, en décembre, pour le livre, ce qui ne vous a
pas affecté, puis, après ça, au discours sur le budget
1991, déjà, encore une fois, on a modifié les taux. On en
est resté, pour certains secteurs, à 8 %, à 4 %...
à 4 % plutôt, et puis ça devait être 7 %, on en est
resté à 8 %. Alors, tout cela a fait que ça a
compliqué énormément la situation. Je pense que le
ministre du Revenu, même s'il se pense bien important, a
été victime de son collègue, du ministre des Finances, le
ministre des Finances, en l'occurrence, et ses fonctionnaires surtout, parce
qu'ils ont dû pédaler puis suivre.
Mais je suis conscient que nous sommes maintenant devant un
système extrêmement complexe qu'il faut absolument simplifier.
C'est le témoignage de tout le monde et, vous-même, ce que vous
dites le démontre. La crainte que j'ai, c'est que, oui, oui, ils vont
simplifier, mais, lui, il doit penser probablement que, son taux de 4 %, il
pourrait le remonter à 8 % ou quelque chose comme ça. C'est
ça, le danger, à l'heure actuelle. Il n'a pas été
très clair là-dessus. Mais, moi, j'aurais une question, une
question.
Il y a beaucoup de travail au noir. Vous ne l'avez pas abordé
dans votre mémoire. Je sais que le travail au noir, ce n'est pas juste
la taxe qui est en cause là-dedans. Il y a l'impôt sur le revenu.
Il y a beaucoup d'autres choses. Mais je crois que la TVQ-TPS a ajouté.
J'aimerais ça vous entendre, si vous avez une opinion sur cette
question-là, si vous avez quelque chose à dire à la
commission.
M. Brown: Disons qu'au niveau du marché au noir ça
découle un peu plus de la loi 185. On est venus en commission
parlementaire s'exprimer à ce sujet-là. La taxation, c'est
certain que, lorsque le consommateur voit les deux taxes carrément sur
une facture, la prochaine fois, il essaie de faire des pressions au niveau des
entrepreneurs pour être capable de travailler à... de ne pas payer
ces taxes. Mais une autre situation aussi... On a un décret de la
construction. Il y a des salaires horaires, il y a la situation
économique. Toutes ces parties-là, ça affecte le
consommateur pour le travail au noir.
Le consommateur veut en avoir plus pour son argent dans n'importe quel
domaine. Ce n'est pas typique à la construction. C'est dans tous les
domaines, même au niveau de la coiffure. On va parler de garagistes...
Ça s'applique partout. Mais c'est sûr que, lorsqu'un consommateur
voit les taxes claires, nettes et précises sur des factures, ça
l'incite à vouloir passer à côté du
système.
M. Léonard: Surtout dans une période de
récession économique.
M. Brown: C'est plus évident parce qu'il y a beaucoup plus
de personnes qui sont disponibles, entre parenthèses, à effectuer
du travail au noir, parce qu'elles sont sur l'assurance-chômage ou sur le
bien-être social.
M. Léonard: Mon collègue de Montmorency vous
interrogera sur un autre aspect de votre mémoire, mais je pense que tout
ça est encore explicite après d'autres mémoires, la
complexité du système présentement. Il faudrait que le
ministre se rende compte... Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est
qu'effectivement les gens le lui disent poliment, tout gentiment, mais ils
s'attendent à ce qu'H prenne des décisions, qu'il fasse des
choses. Alors, je pense que c'est un peu votre souhait, puis j'en reste
là pour l'instant. Est-ce qu'il leur reste du temps?
Le Président (M. Després): Oui. Est-ce qu'il y
a...
M. Savoie: Non, c'est beau. On a fait l'intervention en leur
disant qu'on verrait à faire une proposition et...
Le Président (M. Després): Non? O.K. En fait,
l'intervention a été faite.
M. le député de Montmorency.
M. Savoie: J'ai dit qu'après cet exercice on verrait
à faire une proposition et à les rencontrer avec la
proposition.
Le Président (M. Després): Merci, M le ministre du
Revenu.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
Également, j'aimerais souligner le bon travail et l'excellent
mémoire de la Corporation des maîtres électriciens du
Québec. J'ai un peu
constaté avec eux l'espèce de labyrinthe... Ça
devient un labyrinthe. À quel moment on qualifie de bien meuble, de bien
immeuble, où on arrête... Le fil. à quelle place on le
coupe, dans le circuit, pour dire que, effectivement, ça va être
meuble ou immeuble? Ça crée des problèmes d'application
pratique énormes. Je pense que vous avez soulevé, effectivement,
une solution qui dit, au fond: Tout le travail que fait l'électricien,
on devrait considérer ça comme meuble, un bien meuble. Alors,
c'est... excusez, bien immeuble, pour que ce soit effectivement taxé
à 4 %. Alors, vous résumez la définition d'une
façon simple.
Maintenant, vous êtes également conscients qu'en disant
ça vous avez toujours la loi fédérale qui, elle... Au
niveau de la loi fédérale, est-ce que vous seriez... Je comprends
que c'est un taux unique, mais vous venez donner une définition
différente, au Québec. Au fédéral, ça n'a
pas d'importance. Que ce soit un bien meuble, que ce soit un bien immeuble,
c'est un taux unique, alors la différence n'a plus d'importance. Sauf
que, si vous amenez un positionnement comme celui-là, vous avez la loi
de l'impôt sur le revenu où, elle, la notion demeure
entière, c'est-à-dire qu'au niveau de la capitalisation c'est
important de savoir si le travail qui est fait est rattaché à un
immeuble ou s'il est rattaché à un bien meuble. Alors, pour
solutionner votre problème, vous allez le garder entier au niveau de la
loi de l'impôt sur le revenu, parce que, au niveau de la loi de
l'impôt sur le revenu, il faut faire une distinction du travail quand
même, dépendamment comment vous voulez classer le travail: Est-ce
que c'est une dépense courante ou est-ce une dépense
capitalisable qui est reliée à l'immeuble?
J'ai l'impression que le problème va demeurer entier sur le plan
technique, ce que je perçois du problème. Je pense que, dans ce
sens-là, on va peut-être aussi créer plus de confusion
entre deux lois. Je ne sais pas si vous avez également regardé la
possibilité au niveau de l'impôt sur le revenu, parce que la
notion s'applique dans les deux lois: au niveau de la taxe de vente et au
niveau de l'impôt sur le revenu. Est-ce que vous vous êtes
penchés également sur cette réflexion
d'interprétation du mot «immeuble» et du mot
«meuble» au niveau de la loi de l'impôt sur le revenu, si on
doit garder les mêmes paramètres ou non?
M. Roy: En fait, la question que vous soulevez, c'est de savoir,
au niveau de la dépense, si ça devient une dépense
courante ou si on doit la capitaliser et l'amortir. Nous pensons que le
principe de l'amortissement, qui est de répartir le coût d'un
actif sur sa vie utile, n'a rien à voir avec les notions de meuble et
d'immeuble parce que, par exemple, vous pouvez très bien avoir, je ne
sais pas, dans une industrie, dans un moulin à scie, un très gros
banc de scie, par exemple, qui est un meuble, qui est un équipement, qui
va vous aider à gagner des revenus sur plusieurs exercices. Donc, par le
fait même, au niveau de la loi de l'impôt, vous allez le
capitaliser et l'amortir.
M. Filion: Je vous arrête parce que, dépendamment de
la capitalisation que vous allez faire, vous allez avoir un taux
d'amortissement différent. Si vous êtes un meuble, vous allez
amortir jusqu'à 20 %; si vous êtes immeuble, vous allez avoir un
taux d'amortissement de 5 %. Alors, dans cette optique-là, vous allez
vous trouver à dire: Tout ce qu'on fait comme travail, nous, c'est
meuble, au niveau de la taxe de vente. Alors, si c'est meuble au niveau de la
taxe de vente, je ne me pose même plus la question, à savoir
où je vais aller classer mon bien au niveau de l'impôt sur le
revenu. Et là vous avez une problématique d'interprétation
aussi. (17 h 10)
M. Guilbault: Vous voyez, ce n'est pas l'entrepreneur
électricien qui a le problème d'interprétation, c'est le
client. Quand le client fait installer des appareils électriques, est-ce
que, lui, à travers toute une facture qui pourrait être complexe,
va se poser la question: Est-ce que je capitalise ou si je passe aux
dépenses courantes? Je ne suis pas sûr que ça va se passer
comme ça, en réalité, s'il y a seulement une partie de la
facture entière qui passe dans une rénovation, qu'il va dire:
Ça, c'est meuble; ça, c'est immeuble.
Pour l'entrepreneur, lui, il n'a pas à décider ça.
Quand on a étudié la question, évidemment, vous aurez
remarqué qu'on ne l'a pas étudiée sous à peu
près tous les aspects. Écoutez, on a joint dans notre
mémoire principal des interprétations du ministère du
Revenu, et je pense qu'il y en a beaucoup d'autres qu'on aurait pu joindre.
C'est quelque chose de complexe, c'est clair. L'entrepreneur électricien
n'a pas à jouer au comptable pour savoir si son client va capitaliser ou
passer quelque chose aux dépenses. Vous comprenez l'idée?
M. Filion: Oui, je sais très bien.
M. Guilbault: L'idée, c'est que l'entrepreneur
électricien doit avoir quelque chose de clair et qu'il n'ait pas
à subir les irritants, sans se questionner en termes
macro-économiques, à savoir si la taxe est suffisante ou non,
dire: II y a une taxe qui s'applique; est-ce que, moi, je l'applique à 4
% ou à 8 %? C'est ce qu'il faut éviter. En termes
d'interprétation, c'est lui qui, comme mandataire du percepteur de taxe,
subit le préjudice, au bout de la ligne. Quand un entrepreneur nous
appelle et nous dit: Qu'est-ce que je fais avec ça? on ne peut pas lui
garantir avec certitude: Tu dois charger 4 %, ou: Tu dois charger 8 %. On n'est
pas capable, même si on s'adresse au ministère du Revenu. C'est
là que devient le problème. Le reste, on va laisser ça
aux spécialistes, aux comptables agréés... M.
Filion: Oui, je comprends.
M. Guilbault: ...ou... enfin, et ainsi de suite. Mettez-vous dans
la position d'un entrepreneur électricien.
M. Filion: Je me mets effectivement au niveau de l'entrepreneur
électricien qui demande, lui, au fond, la simplicité
d'application.
Une voix: La sécurité.
M. Filion: Oui, et la sécurité aussi pour ne pas
vous retrouver, après ça... On sait que vous êtes de
nouveaux percepteurs d'impôt, là, des nouveaux fonctionnaires non
rémunérés. Ça, on comprend ça, le
système veut que ce soit ainsi. Sauf que je me dis en même temps
qu'il faut faire attention aux définitions entre lois. Autrement dit, ce
serait peut-être plus simple, au fond, si on y allait avec un taux
unique. Vous auriez un résultat...
M. Gosselin: Au début, quand on a parlé de la TVQ,
en tout cas je vais parler pour moi, là, mais je pense que, dans
l'ensemble des entrepreneurs électriciens du Québec et,
peut-être, je vais aller plus loin, dans l'ensemble de l'industrie de la
construction du Québec, tous les gens pensaient qu'on aurait un seul
taux, qu'on aurait des intrants sur tout ce qu'on achèterait, autrement
dit le même principe que la TPS. Et ce n'est absolument pas ça qui
a été fait. Pourquoi pas d'intrants sur l'essence? Pourquoi pas
d'intrants sur la facture d'électricité? Pourquoi pas d'intrants
sur telle chose? Ça, on n'en a pas parlé dans le mémoire,
mais on le sait. On est conscient de ces phénomènes-là
aussi, et cette difficulté-là... Nous autres, c'est de ne pas
être assis entre deux chaises qu'on veut savoir, comme entrepreneurs. Si
on remet 10 000 $ de TVQ au gouvernement, on ne veut pas en remettre 12 000 $
deux ans après. On veut avoir une sécurité
d'opération. C'est certain que c'est harassant pour nous autres, la
gestion des taxes, que ce soit la TPS ou la TVQ. Ça, on est conscients
de ça, mais on est prêts à vivre avec en autant que c'est
simple et secure. C'est à peu près ça.
M. Filion: C'est ça. Mais je pense que vous avez
parfaitement raison. Actuellement, la loi est ainsi faite que la fausse
harmonisation qui a été faite par le gouvernement du
Québec a créé plus de problèmes et est plus
coûteuse aussi en même temps aux entreprises. Vous vivez
l'insécurité et en même temps aussi vous vivez une
déshar-monisation qui fait en sorte que c'est beaucoup plus complexe au
niveau de la gestion interne des documents et de la comptabilité. Dans
ce sens-là, je trouve que le ministre du Revenu, quand il dit que
ça remonte à Duplessis, moi, je pense que la problématique
est beaucoup plus amplifiée, et de beaucoup, qu'à l'époque
Duplessis. À l'époque Duplessis, les notions de meuble et
d'immeuble n'allaient pas jusqu'à avoir des taux différents et
à créer une dynamique parce qu'on a amplifié le
problème au niveau de plusieurs plans, au niveau de l'exécution
pratique des choses.
Moi, j'aimerais savoir aussi de votre part... Il y a la question, bien
sûr, du taux unique, mais est-ce qu'il y a autre chose que vous verriez
au niveau de l'application pratique qui serait beaucoup plus simple? Est-ce
qu'il y aurait autre chose à améliorer au niveau du
système de la TVQ, face aux électriciens? À part cette
problématique de meuble et d'immeuble, est-ce que vous avez d'autres
exemples pratiques qu'il serait bon...
M. Brown: Ce qu'on a demandé aussi dans notre
mémoire, c'est l'harmonisation avec la TPS. À ce
moment-là, on va avoir la même perception. Que ce soit une taxe
fédérale ou une taxe provinciale, on va avoir exactement les
mêmes renseignements, la même perception et l'entrepreneur
électricien va être sécuritaire à l'intérieur
de ces données-là. À l'heure actuelle, le gaz ne l'est
pas, telle chose ne l'est pas, une telle l'est. À un moment
donné, il y a une zone grise. Là, ça devient très
difficile pour l'entrepreneur d'appliquer ça. Qui est le responsable?
Qui est le mandataire de la perception de la taxe? C'est l'entrepreneur en tant
que tel. Je dois vous dire que, personnellement, je n'ai pas de formation en
tant que fiscaliste pour être capable de collecter la taxe à mon
client.
M. Filion: Évidemment. Depuis l'avènement de la TVQ
à 4 %, est-ce que c'est la première fois vraiment que vous faites
des représentations dans ce sens-là ou si vous avez
déjà...
M. Brown: Au niveau de la taxe, c'est...
M. Filion: ...d'une façon formelle, adressé au
ministre des Finances ou au ministre du Revenu...
Une voix: Oui.
M. Filion: ...ce que vous amenez? Nous, on a l'impression que
cette commission-là, si on se fie à ce qui se passe ici, il n'y a
jamais rien eu avant. On veut voir si, effectivement, il y a une sourde oreille
de la part du gouvernement ou bien s'ils sont vraiment sensibles à vos
revendications.
M. Guilbault: Si vous regardez le mémoire, il y a des
échanges de correspondance à la fin du document. Il y en a eu
régulièrement, des échanges de correspondance avec le
ministère du
Revenu pour avoir des interprétations. Mais, à chaque fois
qu'on arrive avec un cas, c'est traité comme un cas d'espèce.
Ça dépend où c'est situé, ça dépend
s'il faisait froid, s'il ne fait pas froid, ça dépend à
quoi ça sert, combien de temps ça va servir, et, finalement, la
lettre qu'on reçoit ne veut plus rien dire parce qu'on la reçoit
bien après que ça ait été installé. Donc,
des échanges de correspondance, il y en a régulièrement
et, au-delà de toutes les années, il y en a toujours eu. Mais
là, pour une fois, on s'est dit: Le problème est tellement
irritant, tellement agaçant pour ceux qui doivent l'appliquer que, dans
une commission parlementaire aussi importante que de discuter des finances du
Québec, on va apporter un point qui irrite les gens au plus haut
degré. C'est ce qu'on a fait.
Alors, on dit: Si c'est 4 %, appliquez 4 % et tout le monde va appliquer
4 %. Tout le monde va être sur un pied d'égalité, en termes
de compétition, ce qui n'est pas le cas. C'est fatigant, c'est tannant,
quelqu'un vit dans un milieu d'insécurité, à savoir si
l'inspecteur va être d'accord avec l'interprétation qui a
été donnée, des fois, deux ans avant, trois ans avant. Il
va dire: Là, ce n'est pas tout à fait pareil, c'est nouveau.
Alors, c'est quelque chose qui ne devrait pas être toléré
et c'est pour ça qu'on vient devant une commission parlementaire dire:
Même si ça peut, j'insiste, paraître simpliste, compte tenu
des objectifs de la commission, il faut que quelqu'un se penche sur un sujet
comme celui-là parce qu'il y a des gens, à tous les jours de
l'année, dans toutes les régions du Québec qui se posent
la question: Est-ce que c'est meuble ou immeuble? Bien moi, je pense que c'est
meuble, je ne prendrai pas de chances. Peut-être que l'inspecteur ne dira
pas la même chose dans deux ans, surtout quand c'est des questions qui
relèvent de génératrices et de systèmes qui
coûtent des milliers de dollars.
M. Filion: Oui.
M. Guilbault: C'est ça qu'on essaie d'apporter devant
cette commission. Le ministre nous dit qu'il est prêt à regarder
cette question-là, on en est fort heureux, on espère qu'il va se
trouver des solutions. Mais, comme on a pris la peine de le souligner à
la fin de notre mémoire, on a bien dit: On ne cherche pas des coupables,
on cherche des solutions. Des coupables, on pourrait en trouver tout au long
des années, semble-t-il, à partir de 1934, et ça, on
pourrait faire une longue histoire, mais on n'a pas fait de recherche, M. le
ministre.
M. Filion: Non, mais...
M. Brown: Juste pour vous donner une...
M. Filion: Oui.
M. Brown: ...situation très pratique au niveau de
l'entrepreneur. La semaine prochaine, j'ai une soumission à
déposer au Bureau des soumissions déposées d'une valeur de
75 000 $ et je dois déterminer quelles sont les valeurs des taxes. C'est
4 % ou 8 % pour une partie ou l'autre partie, et je n'ai pas le temps d'appeler
au ministère, premièrement, parce que je vais avoir de la
difficulté à avoir la ligne, deuxièmement, ça va
prendre trop de temps pour avoir une interprétation et je dois
déposer une soumission. Mais, si on prend juste l'exemple... Tiens, je
vais regarder ici. Je vois des luminaires qui sont suspendus. Ils sont
supposés être à 8 %. Je vois ceux-là qui sont
encastrés, ils sont à 4 %, mais la lumière qui est dedans
est à 8 %.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brown: Aïe! ça n'a pas de bon sens.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brown: À un moment donné, il faut arrêter.
C'est pour ça qu'on dit: Les notions de biens meubles et immeubles, si
elles sont très importantes au niveau fiscal, parfait, mais mettez
ça le même taux. Alors, on ne s'obstinera plus.
M. Filion: Non. Mais je pense que, même si le ministre,
tout à l'heure, a commencé son discours en disant que ce n'est
peut-être pas ici, à cette commission-ci, que vous deviez
intervenir, moi, au contraire, je pense que c'est très pertinent, ce que
vous amenez comme débat et que, au contraire, ça fait partie du
débat des finances publiques. Les finances publiques, vous savez, il y a
la partie taxes, revenus et la partie dépenses. Quand on veut parler des
finances publiques dans leur ensemble, un débat comme celui-là,
c'est super important, parce que je pense que vous venez encore dire au
gouvernement: Écoutez, cet irritant-là nous complique tellement
la vie, ça nous agace à un point tel que ça nous
décourage à être de bons fonctionnaires qui vont percevoir
vos impôts. On trouve qu'on est des... On veut participer, comme le
disait... Et tous les mémoires, depuis deux jours, entre autres, les
gens ont tous le même discours. On veut participer, on veut être
des percepteurs d'impôt pour l'État, mais donnez-nous des outils
et permettez-nous de travailler convenablement et sans nous irriter de
façon telle qu'au contraire on est désincités à
être des percepteurs d'impôt et on sait que... (17 h 20)
Je comprends votre insécurité également que de
penser que des cotiseurs vont venir, dans un an, deux ans ou trois ans, vous
dire: Aïe! tu as mal compris; parce que tu as mal compris, on te charge
des intérêts et des pénalités. C'est un peu
être le dindon de la farce d'une situation. Je pense que vous avez tout
à fait raison et que
votre mémoire est très pertinent. Dans ce sens-là,
je pense que ça ne peut qu'enrichir les connaissances qu'on doit aller
chercher dans la population pour réorienter la législation
fiscale.
Alors, merci pour votre mémoire et votre présentation.
Le Président (M. Després): Merci. Oui, vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Roy: Un des dangers, je pense, qui pourraient peut-être
arriver comme solution, parce qu'on l'a vécu dans le passé, on a
demandé au ministère du Revenu de nous donner une
interprétation. On avait fourni une liste d'items de matériel
installé par des entrepreneurs et, pour chacun des items
installés, on savait s'il était meuble ou immeuble et on savait
comment interpréter la loi. Le danger là-dedans, c'est que la
technologie évolue très rapidement et, là, tu te ramasses
dans des situations où la technologie... Prenez, par exemple, le cas des
thermopompes. Les thermopompes qu'on a présentement ne sont pas les
mêmes qu'on avait en 1981. On a présentement des thermopompes
murales que vous pouvez mettre dans un cadre de fenêtre comme un
système d'air climatisé. Le système d'air
climatisé, si tu l'enlèves de la fenêtre, ça devient
un bien meuble, alors que la thermopompe a deux fonctions: une fonction de
chauffage et une fonction de climatisation. Alors, sur quelle base tu te bases
pour déterminer quel est l'immeuble et quel est le meuble?
Donc, la raison pour laquelle... On aurait pu très bien soumettre
au ministère une liste des items. D'ailleurs, ça a
été des demandes des entrepreneurs, de fournir une liste des
items qu'ils installent et de savoir l'interprétation pour chacun des
items. Mais, encore là, ce n'est pas possible parce que,
dépendamment de comment il est installé, comme notre
président vous l'a mentionné, à quoi ça sert,
l'interprétation diffère. C'est la raison pour laquelle, et je
termine, on a amené une solution pour dire: Tout le matériel
installé - parce qu'on sait pertinemment que, par le matériel qui
est installé, il faut bien comprendre: «installé»
veut dire raccordé avec des marettes - demeure dans un bâtiment,
donc fait partie de l'immeuble et, dans ce cas-là, 4 %, et ça ne
change pas la loi. Il n'y a pas de ministre des Finances qui doit intervenir
là-dedans. La loi demeure pareille. Il s'agit juste de sortir un
bulletin d'interprétation, comme il y en a une pile, pour dire: Pour
l'industrie de la construction, tout ce qui est installé, c'est
immeuble.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M.
Roy.
M. le député de Vanier, vous avez demandé la
parole.
M. Lemieux: Merci, M. le Président.
On me dit que j'ai trois minutes environ.
Le Président (M. Després): Oui, trois minutes.
M. Lemieux:j'ai peut-être une question plus globale. vous
êtes tous des québécois et vous êtes bien conscients
aussi de l'état des finances publiques. eu égard à ce
document qui a été préparé par le ministère
des finances, «vivre selon nos moyens», lorsqu'on regarde à
la page 122 des revenus budgétaires en millions pour 1993-1994, 36 312
000 000 $, et qu'on se rend en 1997-1998, 43 646 000 000 $, il y a des
dépenses budgétaires en millions avant mesures et après
mesures. on constate que, si on veut en arriver à limiter à 1 %
par année la croissance des dépenses des programmes, ça
implique des mesures de rationalisation d'environ 7 200 000 000 $.
Vous êtes comme moi, vous payez des taxes, vous payez des
impôts comme citoyens. Jusqu'où êtes-vous prêts
à aller? Êtes-vous prêts à accepter qu'on remette en
cause la gratuité de certains services publics? Êtes-vous
prêts à accepter qu'il y ait une rationalisation, un
réalignement de l'administration publique, je dirais, très
substantiel? Êtes-vous prêts à accepter qu'il y ait
peut-être certaines phases d'étatisation du secteur public?
Êtes-vous prêts à accepter, à titre d'exemple, la
CSST, qu'il y ait peut-être une mixité avec le secteur
privé? Qu'elle soit mise en compétition avec le secteur
privé?
J'aimerais vous entendre sur ces grandes questions puisque, comme moi,
au-delà du mémoire que vous avez présenté, vous
êtes des citoyens payeurs de taxes.
M. Guilbault: Comme citoyens, on a choisi de présenter un
mémoire qui ne traitait pas de la macro-économique. C'est pour
ça qu'on a bien spécifié, au point de départ, que
les points qui ont été touchés pourraient apparaître
banals, parce qu'on est très conscients que des députés
comme vous pourraient intervenir sur cette question-là.
M. Lemieux: Non, ils ne sont pas banals.
M. Guilbault: Ils pourraient l'être, compte tenu des
questions importantes que vous venez de soulever: déficit, la CSST, et
ainsi de suite. On a choisi volontairement de ne pas commenter cette
question-là.
M. Lemieux: Mais, vous, comme citoyen?
M. Guilbault: je ne suis pas autorisé, comme citoyen,
à vous parler aujourd'hui. je suis porte-parole de la corporation des
maîtres électriciens.
M. Lemieux: Pardon?
M. Guilbault: J'ai sûrement une opinion. Je pourrais vous
la dire tout de suite après la commission parlementaire, d'homme
à homme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lemieux: Et vous refusez de me dire ça en public?
M. Guilbault: Absolument.
M. Lemieux: Pourtant, ça vous touche, ce sont vos
taxes...
M. Guilbault: Ça me touche... M. Lemieux: ...vos
impôts.
M. Guilbault: ...ça nous touche énormément,
mais je dois vous dire qu'on a fait un choix de présenter à cette
commission parlementaire un irritant de taille pour les gens qu'on
représente.
M. Lemieux: Oui, je suis conscient.
M. Guilbault: Ça nous fera plaisir, dans un autre temps,
de vous faire part de nos points de vue sur des questions comme celle que vous
avez apportée. Mais, pour aujourd'hui, on n'a pas à se prononcer
sur cette question-là et nous ne sommes pas mandatés...
M. Lemieux: Non. J'en suis conscient. M. Guilbault:
Oui.
M. Lemieux: J'ai essayé d'avoir, de vous ou d'une autre
personne, une opinion globale de ce qu'il pouvait penser comme citoyen et
citoyenne et d'être bien conscient que, comme gouvernement, on a une
responsabilité qui est collective, tout simplement.
M. Guilbault: écoutez, on est conscients aussi. ne pas
l'être, ce serait tout à fait, je dirais même, débile
dans la situation qu'on vit. on la vit à tous les jours, cette
récession-là; nos entrepreneurs la vivent à tous les
jours. la csst, le temps nous manquerait pour en parler. la csst, c'est un
problème très sérieux...
M. Gosselin: La CSST, la CCQ...
M. Guilbault: ...on pourrait en parler...
M. Gosselin: ...le travail au noir via les mesures fiscales dont
on a déjà parlé dans une commission parlementaire
précédente, qui était la 185. On en a parlé, de ces
choses-là. Ça a été présenté... Vous
avez des mémoires là-dessus qui ont été
présentés.
La CSST, c'est un irritant majeur dans l'industrie de la construction,
c'est sûr, mais ce n'est pas seulement dans l'industrie de la
construction.
M. Lemieux: En quoi?
M. Gosselin: C'est quelque chose qui coûte beaucoup de sous
et qui fait de gros déficits. Ça nous amène des
interrogations, ça aussi. On l'a déjà souligné.
Mais c'est évident que la partie qui a été choisie par
notre corporation était une partie beaucoup plus...
M. Lemieux: Technique.
M. Gosselin: ...terre à terre, peut-être, ou
opérationnelle dans le quotidien, qui a été ajoutée
aux responsabilités des entrepreneurs...
M. Lemieux: Ce n'est pas un reproche...
M. Gosselin: ...qui ont, par le fait même, une
responsabilité de collection et de bonne collection d'argent à
l'intérieur de ça.
M. Lemieux: Ce n'est pas un reproche.
Le Président (M. Després): En conclusion, M.
Guilbault.
M. Lemieux: Oui, en conclusion, ce n'est pas un reproche...
Le Président (M. Després): Non, M. le
député de Vanier.
M. Lemieux: ...je pense, vous m'avez bien compris. Ça va.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Le temps est maintenant
terminé. Au nom des membres de cette commission, j'aimerais vous
remercier pour votre présentation à la commission sur les
finances publiques et inviter dès maintenant la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec à
prendre place à la table des invités. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 31)
Le Président (M. Després): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Messieurs, Mme la députée, nous recevons la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Il me fait
plaisir, au nom des membres de cette commission, de vous souhaiter la bienvenue
et de vous dire que nous avons exactement une heure à notre disposition.
Vous avez une période maximum de 20 minutes pour présenter votre
mémoire, pour garder le reste du temps d'une façon
partagée entre les
députés ministériels et les députés
de l'Opposition.
J'inviterais le responsable à présenter l'équipe
qui l'accompagne et à débuter dès maintenant la
présentation de votre mémoire. Merci.
Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec (CMMTQ)
M. Brière (Jean): M. le Président, mon nom est Jean
Brière, je suis le président de la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec. À ma gauche, vous
avez Michel Favre, qui est le directeur général de la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, et le
responsable de l'administration du bureau de la Corporation des martres
mécaniciens en tuyauterie du Québec, à ma droite, M. Jean
Allard.
M. Michel Favre va lire la partie du mémoire qu'on vous a
présenté.
M. Favre (Michel): Bonsoir. La CMMTQ a été
créée en 1949 par une loi qui est aujourd'hui connue comme
étant la Loi sur les maîtres mécaniciens en tuyauterie. La
CMMTQ est une corporation à appartenance obligatoire; cela veut dire
qu'une personne qui désire exécuter des travaux ou faire
exécuter des travaux d'installation de tuyauterie au Québec ne
peut les exécuter ou les faire exécuter sans être
qualifiée à cette fin et sans être membre de la CMMTQ.
La Corporation regroupe actuellement quelque 2300 entrepreneurs
spécialisés en plomberie, chauffage, ventilation, climatisation,
réfrigération et protection-incendie. La CMMTQ fait passer des
examens d'admission. Elle s'occupe de perfectionner ses membres, s'occupe de
les discipliner par le biais de son comité de discipline, s'occupe des
plaintes des consommateurs et de ses membres à tous les niveaux.
Le bien-fondé de l'existence de la CMMTQ et son rôle
à l'égard du public et des entrepreneurs ont été
confirmés et reconfirmés à plusieurs reprises par les
autorités gouvernementales. La CMMTQ n'est pas une corporation ayant des
pouvoirs de nature privée, elle a un rôle d'intérêt
public confié spécifiquement par une loi, elle est un partenaire
et une aide des autorités gouvernementales qui l'ont créée
et qui lui ont confié des tâches spécifiques de la nature
de celles exercées par l'État.
Dans le cadre du mandat de la commission du budget et de
l'administration sur le financement des services publics au Québec, la
CMMTQ entend soulever, par le dépôt du présent
mémoire, certains problèmes reliés à la
fiscalité et auxquels font face ses membres. Ces problèmes non
seulement affectent les entrepreneurs, mais ont également pour
conséquence d'engendrer le travail au noir et d'éroder l'assiette
fiscale du Québec, ce qui, comme vous le savez, n'aide pas le
gouvernement dans sa lutte contre le déficit.
Ces difficultés, vous l'aurez deviné, émanent en
très grande partie de la taxe de vente du Québec, et plus
particulièrement des modifications majeures apportées en 1992. La
Corporation est en accord, en principe, avec la nouvelle TVQ, mais il n'en
demeure pas moins qu'elle souhaite des améliorations quant à son
application.
Il va de soi que plus le fardeau fiscal est augmenté, plus nous
risquons de développer une économie parallèle où
des sommes gigantesques sont perdues, et ce, à la faveur du
marché noir. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle taxe, il
est de plus en plus évident que la survie et la prospérité
des entrepreneurs sont tributaires de leur capacité de faire du travail
au noir. Ça n'a aucun sens.
Les recommandations contenues dans le présent mémoire ont
essentiellement pour but de limiter au maximum le travail au noir Elles
tiennent compte de la capacité financière de payer du
consommateur et du fait que l'instauration de certains incitatifs aurait pour
effet d'améliorer grandement la situation. De plus, le principe de cette
nouvelle taxe serait sauvegardé et serait même plus
apprécié par la population en général.
Enfin, nous demandons également au gouvernement de porter une
attention particulière à la lourdeur administrative
imposée aux entreprises et qui résulte du fait que ces
dernières sont les mandataires du gouvernement pour prélever
cette taxe.
Les recommandations de la Corporation portent donc: sur le
développement d'incitatifs à l'égard des consommateurs;
l'uniformisation des taux de la taxe dans l'industrie de la construction;
simplifier la loi et son application en enlevant les exceptions;
améliorer les communications entre les entrepreneurs et la fonction
publique et offrir une compensation adéquate aux entreprises pour la
mise en application de la TVQ.
Parlons d'abord des incitatifs pour le consommateur. À titre
d'exemple, l'ampleur de la taxation sur certains produits tels les cigarettes a
donné comme résultat un marché au noir très
important. N'est-ce pas le sort destiné au secteur de la construction si
rien n'est mis en branle pour inciter le consommateur et l'entrepreneur
à se conformer aux dispositions de la nouvelle taxe? Nous proposons,
à cet égard, de permettre aux propriétaires d'obtenir soit
un remboursement de taxes ou un allégement fiscal sous forme de
crédit d'impôt lorsqu'ils font affaire avec un maître
mécanicien en tuyauterie.
Uniformiser les taux de la taxe. Au moment de la facturation, les
entrepreneurs de notre industrie se conforment quotidiennement à
l'application de certaines dispositions de la nouvelle taxe de vente du
Québec. Ainsi, des notions telles que biens meubles, biens immeubles,
contrat d'entreprise ou contrat de vente soulèvent maintes questions
quand arrive le mo-
ment de faire un choix pour le taux approprié. La question de
l'heure est trop souvent: 4 % ou 8 %?
Gérer des opérations quotidiennes avec des notions mal
définies mine la motivation des entrepreneurs et, pour certains biens,
les définitions demeurent trop évasives par rapport à la
réalité quotidienne. L'entrepreneur qui achète un bien
meuble, par exemple un chauffe-eau, à être incorporé
à un immeuble et qui, réputé par la jurisprudence,
conserve son caractère de bien meuble a la possibilité de payer
ou non la TVQ au fournisseur, c'est-à-dire 8 %. Par la suite,
l'entrepreneur pourra demander un remboursement, lequel il est en droit
d'exiger.
Dans le cas d'une vente au détail avec installation, le client
sera facturé à 8 % sur le prix de vente. Par contre - et ici
c'est important -l'entrepreneur qui achète d'autres biens meubles du
fournisseur peut ne pas payer la taxe à condition que ces biens meubles
soient revendus au détail. Il percevra alors la taxe de 8 % à la
vente, et ce même entrepreneur devra obligatoirement débourser au
fournisseur la TVQ pour les matériaux, pour les biens meubles qui seront
incorporés à l'immeuble. Le client, quant à lui, sera
facturé pour ces biens à 4 % du prix de vente.
Quand on parle de complexité, ici, j'aimerais profiter de
l'occasion pour demander à Jean de donner quelques exemples de cette
complexité.
M. Allard (Jean): Tout d'abord, je vais donner quelques exemples
- ici, j'en ai quatre, cinq - juste des exemples quotidiens, que nos
entrepreneurs vivent tous les jours. Première chose, un exemple, c'est
la cuisinette. Vous êtes locataire dans un immeuble commercial et vous
demandez une cuisinette pour vos employés. Comme l'immeuble ne vous
appartient pas, bien, les tuyaux, le lavabo, les robinets sont taxés
à 8 %. Par exemple, si on suit la même cuisinette au même
endroit, sauf que c'est demandé par le propriétaire de
l'immeuble, bien, là, ça appartient au propriétaire, donc
c'est chargé à 4 %. Donc, il faut vérifier, quand vous
faites votre soumission, dans ce cas-là, si votre client est locataire
ou propriétaire. Ça, c'est le premier exemple.
Un deuxième, l'installation d'une balayeuse centrale. Les
«ducts», la machine elle-même, c'est un bien immeuble, donc
c'est à 4 %. Incroyable, mais vrai, les accessoires de cette
machine-là, c'est-à-dire le boyau pour passer la balayeuse comme
telle, c'est un bien meuble qui est chargé à 8 %.
Encore un autre au point de vue commercial, par exemple, le
troisième exemple: la tuyauterie au niveau d'une machinerie. Pour une
imprimerie, la tuyauterie qui apporte l'encre, la tuyauterie est chargée
alors à 8 % parce que c'est un bien meuble, elle fait partie de la
machine. Le ministère du Revenu dit: Tu peux enlever la machine, donc,
les tuyaux, ça s'en vient avec. Par contre, les mêmes tuyaux, qui
sont reliés exclusivement à l'immeuble, vous le savez sans doute,
sont taxés, eux, à 4 %. (17 h 40)
J'en ai deux autres encore plus étonnants. Dans un système
de ventilation, vous avez des filtres électroniques qui sont
considérés par le ministère du Revenu comme un bien
immeuble, qui font partie intégrante de la machine, qui vont être
chargés à 4 %, tandis qu'un filtre que vous pouvez enlever et que
vous jetez ensuite, lui, il est chargé à 8 %.
Et je vais vous donner le dernier et non le moindre: une tour d'eau sur
un immeuble commercial. On ne sait plus si elle est chargée à 4 %
ou à 8 %. Ça, c'est des exemples que nos entrepreneurs vivent
quotidiennement et, des fois, les 4 % de différence, c'est ça qui
fait qu'ils perdent la soumission ou la gagnent, la soumission.
M. Brière: Si vous me permettez, M. le Président,
au niveau d'une tour d'eau, par exemple, c'est à savoir si les
fenêtres ouvrent ou n'ouvrent pas, c'est ce qui fait que c'est un bien
meuble ou immeuble. Si les fenêtres ouvrent, vous pouvez avoir un apport
d'air sans vous servir de la tour d'eau, donc c'est meuble, et, si les
fenêtre n'ouvrent pas, c'est immeuble. C'est comme ça que
c'est.
Ensuite de ça, il y a un chauffe-eau. Vous avez des chauffe-eau.
Un chauffe-eau, ça en prend un dans chaque logement, sans ça il
est inhabitable, le logement. C'est une loi qu'il y ait de l'eau chaude dans un
logement de nos jours. Alors, qu'il soit meuble ou immeuble, on pourrait se
brancher une fois pour toutes là-dessus. Que ce soit 4 %, que ce soit 8
%, mais que ce soit un et non deux. À tous les quatre ans, cinq ans,
à un moment donné, je ne sais pas - puis je ne veux pas
être méchant non plus - si c'est parce qu'il y a des
fonctionnaires qui n'ont pas grand ouvrage à faire, on nous en envoie
chez nous passer deux ou trois jours. Il s'en vient vérifier les
chauffe-eau. Ça, ça fait 20 ans que ça existe, puis c'est
comme ça. Régulièrement, à tous les quatre ou cinq
ans, il y en a un qui vient faire un tour, il vient vérifier les
chauffe-eau. Ça coûte 100 $, 150 $. Ça dépend
évidemment... On n'est pas pour s'obstiner pour les
vérifications. On le paie puis: Bonjour, merci! Mais c'est fatiguant,
c'est achalant. Ce qu'on voudrait, c'est qu'effectivement on puisse s'entendre
une fois pour toutes.
Je pourrais vous donner un autre exemple qui est arrivé chez
nous, à mon entreprise, où ça nous a coûté
quelque 30 000 $, alors que, dans les documents de soumission - c'est
peut-être un petit peu un à-côté, c'est avec une
réserve indienne - l'article 4 du devis disait que les Indiens
étaient exempts de la taxe de vente. On avait le papier qui prouvait
cela, c'était marqué dans les documents de soumission. On a
soumis-
sionné de bonne foi sans ajouter la taxe de vente du
Québec. Un inspecteur est venu chez nous, il nous a fait une facture
pour quelque 28 000 $, plus les intérêts, comme si on était
un simple voleur quelque part qui avait triché volontairement. Et puis,
vous savez que vous avez le choix avec ça: Tu paies ou bien on te
saisit. C'est aussi simple que ça.
On est allés en opposition, c'est vrai. On nous a dit:
Écoute, collecte-les, les Indiens, toi! Vous avez connu un gouvernement
ou une association quelque part qui les a collectés dernièrement?
Je ne veux pas être méchant! Si j'avais su, au départ, par
exemple, ça n'avait pas été marqué. Si j'avais
marqué... Si j'avais quand même mis les taxes dans ma soumission,
je ne l'aurais pas eue, la job. On ne l'aurait pas eue.
Alors, c'est tout ce qu'on demande, on demande que le gouvernement se
branche, puis qu'il nous dise: C'est comme ça. À ce
moment-là, on pourra tous soumissionner sur le même pied
d'égalité. À partir de là, au moins, ce ne sera pas
la petite entreprise qui va recevoir un petit coup de masse de temps en temps,
mais réguliè-remnt.
M. Fabre, si vous voulez continuer.
M. Fabre: En fait, c'est un peu spécial quand on pense
qu'un entrepreneur en chauffage doit visiter une usine de vert plat pour
décider du taux de taxation de la tour d'eau qu'il va installer sur un
immeuble. Spécial! Pour le moins spécial!
On veut aussi parler de la politique de remboursement de la taxe sur les
intrants. On sait que ça exige une comptabilisation assez difficile. En
plus de réussir le tour de force de faire la distinction entre les
situations des taux à 4 % ou à 8 % qui doivent être
appliqués selon les cas, les feuilles de travail pour ces remboursements
augmentent largement les contrôles internes et les procédures de
l'entreprise. Quant aux critères d'admissibilité au
remboursement, il ne serait pas exagéré de les qualifier
d'extrêmement sévères. Chacune des réclamations doit
comporter une description détaillée du bien afin qu'un
remboursement soit accordé.
Quand on pense à la masse de travail quotidienne qu'exige cette
obligation, on hypothèque une fois de plus le temps des entrepreneurs,
et le temps, c'est de l'argent. On trouve que c'est énormément de
temps consacré à ça pour rien. Cette perte de temps,
ça se constate également... On dit que ça se constate
également dans vos coffres, parce que c'est de l'argent qui ne se rend
pas chez vous quand on ne travaille pas, quand on passe notre temps à
faire cet ouvrage-là. Alors, cette perte de temps fait non seulement
augmenter les coûts des vérificateurs-percepteurs du gouvernement,
l'exemple que M. Brière vous donnait tout à l'heure, mais
amplifie l'exécution de leur tâche. Puisqu'il existe
énormément d'ambiguïtés, les vérificateurs
doivent allouer un temps considérable à chaque entreprise pour
clarifier l'application de la TVQ.
À cet égard, nous préconisons l'utilisation d'un
seul taux de taxation touchant les biens meubles et les services par le contrat
d'entreprise. Le taux pourrait facilement être celui déjà
appliqué aux services, soit 4 %. Cette mesure éliminerait une
grande partie de la confusion existant actuellement.
On demande également de simplifier la loi et son application en
enlevant les exceptions. Pour les entrepreneurs, les dépenses ne donnant
pas droit au remboursement, telles que véhicules routiers, carburant,
électricité et gaz, téléphone et communications,
constituent des exceptions qui sont difficilement justifiables. La Corporation
s'interroge sur l'objectif de cette mesure qui amène assurément
de la frustration pour les entrepreneurs, surtout si on considère que
l'on s'éloigne de plus en plus de l'harmonisation avec la TPS
fédérale et que cela rend impossible les déclarations
communes de TPS et de TVQ auprès de Revenu Québec qui,
maintenant, assure seul l'administration des deux taxes.
Nous proposons une modification importante à la politique des
remboursements de taxe sur les intrants de façon à ce que soient
inclus dans les RTI les remboursements sur l'ensemble des biens et services
associés aux activités de l'entreprise, entre autres: l'achat
d'un véhicule routier commercial ainsi que la règle de 12 mois
applicable aux accessoires; l'achat de carburant servant à des fins
commerciales; les coûts relatifs à ceux
d'électricité et de gaz, toujours dans le cadre des
activités de l'entreprise; les appareils nécessaires aux
communications. On parle de téléphone cellulaire, de
téléphonie, de télécopieur, ainsi de suite. Nous
considérons que ces éléments sont essentiels aux
activités de l'entreprise et, par conséquent, ne devraient pas
figurer à titre d'exceptions aux RTI.
On demande également que la communication entre les entrepreneurs
et le gouvernement soit améliorée. L'aspect que nous voulons
aborder maintenant ne touche pas à la législation fiscale, mais
est néanmoins très important: le service à la
clientèle de Revenu Québec. Partant du constat que les
entrepreneurs ne sont pas des spécialistes ni des fiscalistes, il
devient essentiel de leur fournir toutes les informations nécessaires
qui leur serviront d'outils de base à la compréhension de cette
taxe très compliquée. Malheureusement, les entrepreneurs n'ont
pas été préparés adéquatement au fameux jour
J, le 1er juillet 1992, n'ayant reçu les informations nécessaires
que quelques jours avant la mise en application de la TVQ. De plus, des
formulaires imprécis, complexes et de compréhension difficile
leur ont été distribués.
Il n'y a pas de quoi se sentir sécurisé. Depuis 1990, le
gouvernement nous promet la simplification de l'ensemble des formulaires Eh
bien, nous croyons que c'est le temps ou jamais
de passer à l'action. Tout changement, quel qu'il soit, apporte
confusion et insécurité, d'où l'importance d'une bonne
préparation et d'un bon service à la clientèle afin que la
transition se fasse le plus possible en douceur.
Mais le support indispensable de l'appareil gouvernemental au moment
même de l'application se traduit par un énorme fiasco. Le soutien
téléphonique confirme ce raté monumental. Le rôle
inadéquat des fonctionnaires a répandu la consternation et le
ridicule parmi les membres de la CMMTQ, surtout quant au délai entre
l'annonce et l'entrée en vigueur de la TVQ. Parmi les principales
difficultés, nous rencontrons le manque de connaissance de la loi par
les fonctionnaires, ce qui engendre un manque de précision, des
directives incertaines et une frustration croissante pour l'entrepreneur. Cela
est certainement dû au fait qu'il est sûrement très
difficile pour celui qui ne connaît pas ou peu l'industrie de la
construction de fournir une opinion verbale sur certains aspects de la
facturation. Ou encore la loi fait emploi de termes qui ne veulent absolument
rien dire pour les entrepreneurs, et ceci peut laisser place aussi à
l'interprétation. Certains ont aussi obtenu trois réponses
différentes à la même question dépendamment de la
personne à qui on s'adressait.
Quant au système téléphonique, que l'on ait eu la
chance d'être mis en attente ou que l'on ait la malchance de se buter
à une ligne occupée, une chose est certaine, les attentes sont
interminables. C'a pour effet d'occasionner une perte de temps et de
productivité pour l'entreprise. Malheureusement, l'accessibilité
à l'information demeure ardue, au point que les entrepreneurs se sentent
complètement désemparés devant cette obligation
d'appliquer cette loi, et ce, sans avoir droit de se tromper.
Les entrepreneurs vivent dans une crainte constante de ne pas avoir
chargé le bon taux et de recevoir une visite d'un vérificateur de
Revenu Québec avec les conséquences qui s'y rattachent. À
supposer qu'une erreur s'est glissée, même avec toute la bonne
volonté, l'entrepreneur aura à payer des intérêts et
une amende avant même qu'on lui permette de contester. (17 h 50)
Notre proposition consiste à regrouper et à centraliser
tous les services s'adressant aux entreprises en un guichet unique. Nous
retrouvons cette alternative dans le rapport Poulin, et qui pourrait être
adaptée aux besoins du secteur de la construction. Ce moyen aiderait
sensiblement les entrepreneurs à avoir accès à toute
l'information nécessaire à leur bon fonctionnement et à
une meilleure observance de la loi et, surtout, à obtenir des
réponses adéquates dans l'immédiat.
Compte tenu de la complexité de l'application de cette taxe, nous
suggérons également d'abaisser le montant des
pénalités imposées aux entreprises fautives,
c'est-à-dire celles qui auraient mal interprété la
loi.
Enfin, en terminant, la compensation que nous demandons doit porter sur
le chapeau de percepteur... C'est-à-dire qu'on demande une compensation
adéquate aux entrepreneurs pour la mise en application de la taxe. On
demande aux entrepreneurs de porter le chapeau de percepteur et
d'administrateur, ce qui comprend l'interprétation, à ses risques
en passant, du taux applicable lors des travaux. En d'autres mots, le
gouvernement du Québec impose une responsabilité
considérablement accrue quant à l'application de la TVQ, et ce,
sans que l'entrepreneur n'ait le choix, et en plus à ses
dépens.
Pour s'acquitter de la tâche d'administrer cette taxe,
l'entrepreneur doit débourser des sommes supplémentaires, ce qui
réduit de plusieurs milliers de dollars la rentabilité de
l'entreprise. Pourtant, le contexte économique actuel dicte à
l'entreprise de bien compter chaque dollar. Au lieu de promouvoir des
alternatives économiques intéressantes, le gouvernement impose
une nouvelle taxe sans tenir compte des coûts supplémentaires
à l'implantation interne: coûts de consultations externes,
programmes informatiques, formation, etc.
Les entrepreneurs supportent indirectement le manque de
productivité relié au délai obligatoire accordé
à la modification de leur structure. L'établissement de
procédures internes de contrôle, de facturation et de
remboursement d'achats et la formation nécessaire au personnel
représentent également pour l'entrepreneur des
déboursés considérables.
La CMMTQ suggère enfin au gouvernement d'accorder aux entreprises
une compensation monétaire afin que les frais d'implantation et
d'application de la taxe de vente au Québec soient réduits. Cette
politique aiderait à alléger les coûts imposés aux
entrepreneurs pour s'acquitter de cette tâche supplémentaire.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, monsieur. M. le ministre
du Revenu.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de souhaiter la bienvenue à la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec et de les
remercier d'avoir pris le temps de préparer un mémoire et de le
présenter à cette commission. Évidemment, les
recommandations, pour certains éléments, touchent au moins la
présentation que nous avons eue tout à l'heure de la part des
maîtres électriciens, concernant l'histoire de la distinction des
biens meubles et immeubles.
Je voudrais tout simplement souligner qu'évidemment, là
encore, c'est une situation qui existait avec l'ancienne taxe de vente,
c'est-à-dire que l'évaluation qu'on devait faire sur un bien
meuble ou sur un bien immeuble, dépendant
que ce soit le locataire ou le propriétaire, se faisait
également en vertu de l'ancienne taxe de vente. On parle,
évidemment, d'un questionnement et d'un problème qui finalement
sont sempiternels au Québec, et que la TPS a réglé en
partie au niveau d'Ottawa, parce qu'il y a un taux uniforme. Alors, la question
ne se pose pas, si c'est deux taux, que ce soit un bien ou un service. Et, au
Québec, auparavant, c'était 8 % et 0 %, et maintenant c'est 8 %
et 4 %. C'est ça, là. Et ce que vous souhaitez finalement, c'est
un taux uniforme, parce que, à ce moment-là, on ne se poserait
plus la question, le dossier serait réglé, la compilation se
ferait d'une façon beaucoup plus rapide et il y aurait moins de
difficultés.
J'ai déjà entrepris une ouverture avec les maîtres
électriciens. On va revenir avec eux, et j'imagine que la réponse
qui va s'appliquer aux maîtres électriciens pourrait
également s'appliquer à la Corporation des maîtres
mécaniciens; en conséquence, on pourrait peut-être, dans la
mesure du possible, trouver une solution qui s'appliquerait à un et qui
va nécessairement s'appliquer à l'autre.
Moi aussi, je suis heureux de voir, finalement, la possibilité de
régler, malgré une difficulté des taux de 8 % et de 4 %,
de trouver une solution à un problème qui existe, comme je vous
l'ai mentionné, depuis quoi, 40 ans, au niveau de la taxe de vente. On
pourrait même remonter, je suis certain, en 1934, là aussi, avec
la ville de Montréal et la taxe de 2 %.
La notion des 8 % et des 4 %. Vous dites: On ne sait pas pourquoi on a
fait ça comme ça. La raison était très simple,
c'est parce que de mettre 8 % et 8 %, là... Le débat, en 1992,
était à l'effet qu'il y avait une récession à ce
moment-là et qu'on ne voulait pas ralentir davantage la reprise. En
conséquence, on est intervenus à 4 %. Or, le fait d'intervenir
à 4 % nécessite une compensation pour le gouvernement - parce
que, évidemment, le gaz, tout ça, ces
éléments-là, il y avait déjà des taxes
là-dessus - du fait qu'on ne pouvait pas fournir, qu'on ne pouvait pas
faire jouir le gaz, les véhicules automobiles et d'autres
éléments, la téléphonie, par exemple, le fax, comme
vous l'avez mentionné, des bénéfices de la nouvelle taxe
de vente du Québec. On espère que c'est quelque chose qui va se
corriger, là, le plus rapidement possible, soit peut-être en ayant
un taux 6-6 ou 7-7. On va laisser ça au ministre des Finances. Mais
ça explique au moins le pourquoi, pourquoi qu'il y a eu la distinction
entre 8 % et 4 %.
Vos commentaires concernant l'harmonisation, évidemment, c'est un
souhait et c'est enclenché. Je pense que ce n'est rien qu'une question
de temps avant qu'effectivement vous constatiez, j'imagine assez rapidement, au
cours des 24, 36 prochains mois, une volonté déterminée,
malgré le coût pour le gouvernement, d'harmoniser et de simplifier
toute la procédure de la taxe de vente. C'est une constante, il n'y a
pas de doute là-dessus.
Je tiendrais quand même à souligner que, malgré les
difficultés qu'on a au Québec, si on se compare à
l'Ontario, je peux vous dire qu'on a des avantages majeurs au niveau de la taxe
de vente au Québec, le fait qu'effectivement il y ait seulement un
guichet; le fait également que, malgré qu'il y ait des
difficultés - et lorsqu'on introduit un mécanisme comme
ça, il faut toujours s'attendre à une marge d'erreur et à
certaines difficultés d'introduction - d'une façon globale,
ça a bien été. Et, comme je vous l'ai mentionné, si
on doit se comparer à l'Ontario, on se compare avantageusement. De toute
façon, je ne sais pas si vous avez été mis au courant,
mais apparemment que la ville de Buffalo, dans l'État de New York, a
choisi Bob Rae comme l'homme d'affaires de l'année. Alors, ça en
dit long.
Évidemment, certains des éléments, la
recommandation que vous faites de permettre au propriétaire d'obtenir un
remboursement de taxe ou un allégement fiscal sous forme de
crédit d'impôt au niveau, par exemple, de certains travaux aux
domiciles, ça a déjà fait l'objet de quelques
interventions. On a déjà eu l'occasion de commenter
là-dessus, ça coûterait, au gouvernement du Québec,
plus de 500 000 000 $, un mécanisme comme ça, au minimum, et
ça créerait des difficultés parce que ça ne
toucherait qu'une partie de l'industrie. À date, en tout cas, il semble
que ça pose plus de difficultés, plus de problèmes que
ça n'en résout, et il y a une hésitation avec
ça.
Évidemment, certaines des mesures que vous proposez, par exemple,
au niveau de la téléphonie... On a introduit 160 lignes
additionnelles au niveau du ministère du Revenu. Ce qu'on constate,
c'est que ce n'est pas seulement pour des questions d'impôt ou de taxe
que les gens téléphonent, c'est surtout à cause des
programmes que nous gérons également pour le compte du
gouvernement du Québec. On est rendus avec 400 personnes qui
répondent au téléphone chez nous; c'est une augmentation
presque de 100 % sur ce qui existait il y a deux ou trois ans.
Oui, on va faire des efforts additionnels, oui, on est en train de
regarder des façons d'alléger le processus et, oui, votre
mémoire, évidemment, le soulevant, est un élément
additionnel pour nous inciter à peut-être même à
court terme voir à offrir un meilleur service au niveau de la
téléphonie, avec les coûts nécessairement que cela
implique.
D'une façon générale, vous avez abordé
là des problèmes spécifiques au niveau de la taxe de
vente, on aura l'occasion d'y revenir, je suis certain qu'on va avoir droit
à toutes sortes de déclarations. Mais, d'une façon
générale, on aura l'occasion d'y revenir.
La question que je me pose, c'est surtout que vous n'avez pas, dans un
sens, cherché à
évaluer le travail au noir spécifiquement. Je parlais avec
un intervenant au niveau de l'électricité justement qui, lui, me
pariait d'un travail au noir qui est assez élevé en termes de
pourcentage. Je ne sais pas si, vous, vous pouvez ou vous voulez risquer un
chiffre à ce moment-ci sur le montant qui se fait au noir, le montant
qui se fait...
M. Favre: Les chiffres qu'on entend, c'est autour de 800 000 000
$...
M. Savoie: Oui, mais...
M. Favre: ...dans l'industrie de la construction.
M. Savoie: ...pour votre groupe spécifiquement.
M. Brière: C'est assez difficile. M. Savoie: En
pourcentage.
M. Brière: En pourcentage, je serais bien mal pris
d'essayer de vous donner un chiffre sans que ça soit
complètement...
M. Savoie: Farfelu. M. Brière: ...farfelu...
M. Savoie: Oui. (18 heures)
M. Brière: ...mais je vous dis que c'est très
important. Tout s'enchaîne. Les compagnies qui respectent les
réglementations qui existent au Québec dans le domaine de la
construction et qui s'y conforment, naturellement la taxation de par les
pourcentages est encore plus élevée. Alors, le marché au
noir s'installe, que ce soit au niveau du service, par exemple. Quelqu'un qui
fait ça pour 25 $ «cash» en dessous de la table, bonjour,
merci, ça va devenir de plus en plus commun. Puis ça
paraît, parce que les entreprises... Vous n'avez qu'à regarder les
heures déclarées à l'Office de la construction du
Québec et vous allez voir que ces heures-là sont de moins en
moins.
M. Savoie: Alors, on pourrait parler de quoi? De 15 %? De 20
%?
M. Brière: C'est bien difficile. Moi, je peux vous dire
que, si je parle d'une entreprise de services chez moi, là...
M. Savoie: Oui.
M. Brière: là, je ne parle pas
nécessairement de travail au noir en disant que le travail au noir est
le seul responsable de cette baisse, on sait qu'on est dans une crise
économique, mais je pourrais vous dire que, au niveau services à
Montréal, la valeur des ventes au niveau services a baissé de
plus de 50 %. Alors, je vous laisse le soin de déterminer comment il
peut s'en faire encore. J'imagine qu'il y a encore de la tuyauterie qui fait
défaut, j'imagine qu'il y a encore des réparations. Par contre,
il faut comprendre qu'il y a des gens qui attendent peut-être un petit
peu plus longtemps, et il faut aussi sous-entendre que probablement ça
se fait - j'allais dire par les soirs - au noir.
M. Savoie: C'est ça. Et, dans votre mémoire, vous
soulignez qu'il y a plusieurs éléments. Il n'y a pas seulement
les taxes, il y a également le décret de la construction, je
pense, que...
M. Brière: Le décret de la construction comme tel,
on est habitués de vivre avec. On vit avec. Personnellement, en tout
cas, je ne suis pas prêt à garrocher la balle au décret de
la construction. Si on veut parler du taux de salaire que ces gens-là
gagnent, ça, on doit être capable de s'asseoir et de regarder
ça en face. D'ailleurs, ça va se faire très
bientôt.
M. Savoie: Oui, c'est ça.
M. Brière: Les règlements sont là. Ce qu'on
demande, on ne demande pas... On comprend que le gouvernement doit administrer
les finances publiques. Ça, on comprend ça. Ce qu'on vous dit, ce
n'est pas: On veut l'administrer à votre place. Ce n'est pas ça
qu'on dit. On dit: Écoutez - puis je ne dis pas ça
méchamment - branchez-vous. C'est à gauche ou à
droite?
Je vais vous donner un exemple, si vous permettez.
L'impossibilité d'avoir une confirmation écrite. On a un membre
qui a acheté une compagnie de construction et autres, du travail en
atelier. À l'intérieur de l'atelier, il y a une convention
collective. À l'intérieur de cette convention collective, il y
avait des montants qui étaient versés aux employés pour
des vêtements de sécurité. Ce membre-là n'a jamais
été capable d'avoir une confirmation écrite du
gouvernement, à savoir si ces biens étaient taxables ou pas. On
procède comme ça. Un bon matin, dans un an, deux ans, trois ans,
il va arriver un inspecteur: Ah! c'est taxable ça, mon
«chum»! Tiens, voilà ta facture. Bonjour, merci. Ce n'est
pas correct ça, ce n'est pas honnête. Ce n'est pas
honnête.
Tout ce qu'on demande, c'est que... Chez nous, quand on soumissionne, on
dit: Ça va vous coûter 25 000 $ pour faire tel projet. Si
ça coûte 26 500 $, on va peut-être s'obstiner un petit peu
pour essayer d'en avoir un petit peu plus, puis, si on n'en a pas, ça va
finir là. Mais le gouvernement, on n'est pas capable d'avoir l'heure
juste. C'est ça qu'on veut avoir: l'heure juste. Si vous nous dites:
C'est 5 % maintenant au lieu de 4 %, puis on fait une moyenne, disons, question
de discussion, puis on prend un jugement de
Salomon, bien, ça sera ça, mais ça sera ça
partout.
Je vous parlais tantôt du cas d'une soumission. C'est encore un
problème que j'ai eu chez moi avec des réserves indiennes. C'est
clairement indiqué dans les documents de la soumission. Nous avons un
document à cet effet-là. Pourtant, le ministère est venu,
a envoyé quelqu'un passer une semaine et demie ou deux chez nous, puis
il a relevé toutes les factures. On veut bien coopérer, mais, si
je passais une semaine dans votre bureau, je pense que je vous
dérangerais un petit peu, là. On a accepté ça quand
même, mais il fait sa facture au bout de ça, 28 000 $. On
dépose le document: Battez-vous, allez en opposition. Finalement, on
apprend que, si on avait fait un contrat, puis qu'on avait vendu les
matériaux avec un contrat et qu'on avait vendu la main-d'oeuvre avec un
autre contrat, eh bien, là, la taxe ne serait pas appliquée. Mon
cher monsieur, je ne suis pas avocat, moi, je suis entrepreneur en plomberie et
chauffage. Je fais ma job pas si pire que ça, mais tant et aussi
longtemps que ça va être écrit... S'il le faut, on va
être obligés de faire des graphiques bientôt, parce que,
avec des phrases d'avocat, vous savez comme moi, il y a trois portes de sortie:
Ils en ferment une, ils en ouvrent trois. C'est toujours comme ça, on ne
se comprendra jamais.
Il est temps qu'on arrête de se parler comme ça, puis qu'on
commence à se comprendre, puis qu'on s'en aille avec une ligne droite.
Quand on va faire ça, je pense que ça va aller mieux partout.
Parce que ce que vous pensez peut-être perdre... C'est-à-dire que
ce qu'on perd chez nous avec le temps qu'on y met, vous le perdez
indirectement, c'est sûr, mais, à la fin, on y perd tous. On est
tous de la même société, là. Si vous perdez, moi, je
perds, parce que vous allez me taxer tout à l'heure. Si je suis trop
taxé, je ne veux plus travailler, ça ne me tente plus, je n'ai
plus d'incitatif. Ça fait que je pense qu'il est grandement temps... Le
temps est rendu à la concertation, qu'on se regarde en face. Et, quand
bien même qu'on se garrocherait quelques noms, de temps en temps,
ça fait du bien. On continuera, mais on va s'enligner, par exemple, on
va y aller.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Donc, pour l'histoire du 8 % ou
4 %, au niveau de la taxe de vente, vous comprendrez que c'est quelque chose de
majeur, toute la question de meuble et immeuble. On parle de quelque chose qui
dure depuis 60 ans. C'est majeur, c'est un dossier de fond. Là, suite
à l'importance que vous y attribuez, avec ies maîtres
électriciens, et des choses comme ça, on va se pencher dessus, on
va préparer un papier, on va le soumettre aux maîtres
électriciens. J'imagine que, par la suite...
M. Brière: Je m'excuse, je ne veux pas vous
interrompre...
M. Savoie: Oui.
M. Brière: ...mais il ne faut pas juste se pencher.
M. Savoie: Pardon?
M. Brière: Faites attention, il ne faut pas juste se
pencher...
M. Savoie: Non, non, non. M. Brière: ...il faut les
régler.
M. Savoie: Mais se pencher dans le sens qu'on va se pencher
dessus en présentant un papier, là.
M. Brière: Faites attention à votre dos. Ha, ha,
ha!
M. Savoie: Oui, oui. Mon dos, moi, il n'est pas si pire
malgré tout. On va tâcher de vous présenter quelque chose,
en tout cas, qui va se vouloir une solution, en attendant, évidemment,
des taux uniformes, comme a fait le gouvernement fédéral,
finalement, qui a réglé le dossier une fois pour toutes avec un
taux identique.
M. Brière: Ça veut dire qu'on pourrait
considérer 4 % à partir de demain matin?
M. Savoie: Bien, c'est-à-dire qu'au niveau des taux
identiques, évidemment, ce n'est pas au ministère du Revenu de
fixer les taux identiques. Ça relève d'une politique fiscale, et,
là, il y a beaucoup d'autres considérations. Mais, en attendant
un taux identique, on pourrait peut-être chercher une autre solution qui
va vous donner raison, comme on l'a mentionné pour les maîtres
électriciens. Je pense qu'il me reste quelques minutes, mais je vais
garder ça pour une intervention ultérieure ou peut-être
pour un collègue.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre.
Vous voulez compléter la réponse?
M. Allard: Oui, j'aimerais apporter deux points aussi à ce
que vous avez dit jusqu'à maintenant. Les deux taux, 4 % et 8 %, c'est
de la vieille histoire de 1934, les taux, etc., sauf que je ne comprends pas
pourquoi ça ne s'est pas réglé depuis ce temps-là.
Ça fait 60 ans, vous l'avez dit vous-même. Comment ça que
ce n'est pas réglé?
Mais un aspect encore plus important, c'est que, depuis
l'avènement des 4 % et 8 %, c'est l'attitude du consommateur envers
l'entrepreneur: Comment ça se fait que tu me charges 8 %? Aïe, la
nouvelle taxe, TVQ, c'est 4 %. Moi, je ne te la paie pas. Ça, c'est
grave, parce que, là, c'est
rendu qu'il met en doute l'intégrité de l'entrepreneur.
Même s'il apporte le texte de loi, le consommateur va dire: Non,
non...
M. Savoie: 4 %.
M. Allard: ...c'est 4 %!
M. Savoie: C'est ça.
M. Allard: Ça, c'est un premier point très
important à considérer.
Le deuxième point. Vous avez parlé tout à l'heure
que vous avez amélioré le système
téléphonique. O.K., c'est une première. Comme vous l'avez
dit au mois de juillet 1992: On va prendre les mesures en conséquence.
Sauf que, qu'est-ce qui se passe entre le 1er juillet 1992 et la prochaine
vérification par les vérificateurs du ministère du Revenu
à l'entreprise? A-t-il le droit de se tromper? Combien vous allez lui
charger de pénalité sur trois ans, quatre ans? Ça, c'est
grave, ça. C'est bien beau d'améliorer le système
téléphonique, puis d'avoir des bulletins d'interprétation,
etc., mais qu'est-ce qui se passe actuellement, en dedans des neuf premiers
mois, s'il y a des pénalités importantes? Comme on le dit dans le
mémoire, tu n'as pas le droit de te tromper. Ensuite...
M. Savoie: Oui, mais là...
M. Allard: Plus que ça, c'est que le 1er juillet 1992, en
même temps que l'introduction de la TVQ, vous avez augmenté le
taux de pénalité de 10 %à15 %.
M. Savoie: Oui, Ça...
M. Allard: C'est oui.
M. Savoie: Oui, oui... Non, non, mais ça...
M. Allard: Je trouve...
M. Savoie: ...il faut bien s'entendre, là.
M. Allard: Je trouve intéressante votre réponse,
sauf que, actuellement, qu'est-ce qui va arriver?
M. Savoie: II faut bien...
M. Allard: Ça veut dire que vous allez ramasser
l'entrepreneur?
M. Savoie: Regardez, là... M. Allard: Bien...
M. Savoie: ...au niveau de la hausse de 10 % à 15 %,
ça, ça traite surtout au niveau de la taxe, donc des
déductions que, finalement, vous devez faire auprès de votre
clientèle et, en tant que mandataire, retenir et nous donner. Si vous ne
les remettez pas à temps... Autrefois, la marge était de 36 mois,
c'est-à-dire que votre première erreur, pas de problème,
il y avait pardon et, si vous commettiez une autre faute pendant la balance des
36 mois, pour une période de 35 mois plutôt, à ce
moment-là, il y avait l'amende de 10 %. On a réduit à 24
mois, la marge d'erreur, donc on a réduit... Je pense qu'il y a un
effort considérable de ce côté-là. (18 h 10)
Ce qu'on a constaté aussi, c'est que, en tant que gestionnaire,
le gouvernement du Québec, à 10 %, ne faisait pas ses frais,
c'est-à-dire que ceux qui nous payaient à temps étaient
donc automatiquement pénalisés parce que, effectivement,
ça nous coûtait 15 %, les téléphones, les
démarches, le personnel impliqué. Alors, ce qu'on a fait, c'est
que, finalement, on a pris le 36, on l'a réduit à 24, qui est une
mesure favorable à vous, n'est-ce pas, et qui se renouvelle d'une
façon constante, ce qui est majeur, et on a pris le 10 % et on l'a
monté à 15 % pour couvrir nos frais. C'est ça,
là.
M. Allard: Si je me permets de vous relancer...
M. Savoie: Pardon?
M. Allard: Si je me permets de vous relancer...
M. Savoie: Oui.
M. Allard: ...le 15 %, si je regarde le taux
préférentiel de la Banque du Canada, je trouve que c'est un petit
peu trop élevé.
M. Savoie: Ah! mais ça, c'est seulement l'amende.
Ça ne comprend pas les intérêts.
M. Allard: Voilà!
M. Savoie: Alors, en plus de cela, il y a les
intérêts, parce que, finalement, on finance un peu votre
opération. Il faut bien dire...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: Non, non, mais il faut bien dire que ça a
toujours été comme ça. Je ne sais pas pourquoi les trois
trouvent ça drôle.
M. Allard: Non, non. Je ne veux pas que vous l'enleviez pour les
entreprises, là.
M. Savoie: Ils ont aboli même le montant que vous aviez, le
droit de gérance pour la taxe de vente. Il y avait un montant qui vous
était accordé et qui a été aboli par ce
gouvernement-là.
Ce qui arrive, c'est que c'est une façon constante. Lorsque vous
retenez des montants que vous êtes censés collecter en notre nom,
finalement, les intérêts là-dessus, on ne peut pas vous les
laisser non plus. Sans ça, il n'y a pas d'amende, là. Alors,
c'est les intérêts plus l'amende.
M. Brière: Mais avez-vous déjà pensé
que peut-être que ces erreurs-là arrivent parce que les gens ne
sont pas capables d'avoir d'information, par exemple?
M. Savoie: Ah bien, dans les cas comme ça, là, je
pense que...
M. Brière: L'inverse devrait être possible aussi,
qu'on puisse vous facturer de l'amende.
M. Savoie: Au niveau du ministère du Revenu, pour
l'introduction de la taxe de vente depuis le 1er juillet 1992, je pense qu'on
démontre une certaine ouverture d'esprit et qu'on comprend des
situations spécifiques.
M. Brière: Je suis d'accord avec vous. Je peux vous dire
que, dans un mois et demi, deux mois, on a peut-être reçu trois
avis à un moment donné. On n'a pas fait le dépôt, on
n'a pas déboursé. Finalement, on nous rappelle: Bon, bien, c'est
une erreur, c'est ci, c'est ça. On vient à bout - mais le
processus est enclenché, par exemple - de parler à quelqu'un.
Identifier quelqu'un, ce n'est pas facile non plus. C'est tout ce qu'on
demande, de regarder sérieusement. Il y a un problème. Puis,
quand le problème se situe au niveau du gouvernement, ce n'est pas long,
l'enclenchement est tout de suite. Avez-vous déjà reçu une
lettre du ministère du Revenu, vous? Ça se lit à peu
près comme ça: Cher Jean...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: Je ne me suis pas écrit dernièrement,
là, mais, lorsque j'étais...
M. Brière: Bien, mettez-vous dans la peau d'un
entrepreneur, quand il a fini de lire ça, ce matin-là, puis sa
journée est sur le... Excusez.
M. Savoie: Bien non, mais... Lorsque j'étais en pratique
privée, évidemment, des lettres du ministère du Revenu, on
en recevait. Il y avait, évidemment... Ça se prenait au
sérieux, hein!
M. Brière: Ah! ils se prennent au sérieux, il n'y a
pas d'erreur.
M. Savoie: Oui. Ha, ha, ha! Et je m'en rappelle fort bien.
Lorsque les interventions étaient là, il fallait s'en occuper.
Ça, il n'y a pas de doute.
M. Brière: Mais si on avait au moins une place pour aller
s'expliquer.
M. Savoie: Oui, mais vous avez une place pour venir vous
expliquer.
M. Brière: Ah oui! Bien oui! Mais, par le temps que tu
arrives à t'expliquer, mon «chum», les
intérêts, je vais te dire quelque chose, moi, je ne gagne pas
assez cher pour vous couvrir. Est-ce que je pourrais faire des placements chez
vous, au ministère du Revenu, moi, pour les intérêts?
J'aimerais ça.
M. Savoie: Ha, ha, ha! On parle de 6000 personnes, finalement, au
ministère du Revenu...
M. Brière: Je comprends ça.
M. Savoie: ...et on parle d'un service d'accueil à
plusieurs endroits, des bureaux régionaux, un personnel à votre
disposition. On comprend que l'introduction de la taxe de vente, c'est majeur
comme changement et que ça nécessite des adaptations. On est au
courant de ça et on cherche à développer une
flexibilité là.
M. Brière: Comprenez-nous bien. Ce qu'on veut, c'est bien
vous servir.
M. Savoie: Et nous pareillement. Notre plus grande
préoccupation, c'est de s'assurer que le tout... Les informations que
nous avons, c'est qu'en introduisant le système, ce qui est majeur, il y
a eu évidemment ici et là des difficultés, mais, de
façon générale, ça s'est bien
exécuté, et on corrige pour vous donner un service exceptionnel,
certainement meilleur que ce qui se fait ailleurs.
Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez plus de temps, M.
le ministre. Vous pouvez...
M. Brière: est-ce que je dois comprendre que, si vous vous
apercevez d'erreurs majeures et qu'il y en a qui ont été
brimés dans leurs droits, vous allez compenser?
M. Savoie: Le ministère est reconnu, je pense, pour son
sens de fair-play et de justice et l'applique.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle. M. le député de Labelle, s'il vous plaît.
M. Léonard: Merci, M. le Président. MM. les
représentants, je vous remercie de votre témoignage, parce qu'il
est particulièrement instructif. Je viens d'assister à
l'échange, comme tout le monde ici, et je pense que c'est clair, mais je
voudrais rappeler un certain nombre de choses D'abord, que la loi 89 a
été adoptée avec un bâillon, c'est-à-dire
qu'on a coupé... Et 170. la
même chose. On a coupé l'étude en commission, mais,
plus que ça, on a refusé d'entendre des groupes venir nous dire
ce qu'ils pensaient de la loi. Et, là, le gouvernement est pris pour
corriger une situation qu'il aurait pu prévoir s'il avait entendu des
groupes venir dire, comme vous aujourd'hui, avant que la loi soit
adoptée, ce qu'ils en pensaient. Je pense que vous auriez eu l'occasion
d'aller pas mal plus loin, et le gouvernement n'aurait pas à faire face
aux problèmes auxquels il a à faire face maintenant. Il en aurait
peut-être encore. Je ne dis pas que ça règle tout, mais,
souvent, on apprend plein de choses, et j'ai l'impression qu'aujourd'hui le
ministre du Revenu, en particulier, apprend plein de choses. En d'autres
termes, j'assiste, depuis le début de l'après-midi, et il prend
des rendez-vous avec les groupes qui viennent. Il dit: Ah oui! je vais vous
rencontrer, je vais vous rencontrer le plus tôt possible, après,
comme s'il ne savait pas qu'ils existaient avant. Alors, ça, c'est une
première remarque que je voulais faire.
La deuxième, c'est, je pense, quant à la complexité
de la loi. Il y a différents aspects là-dessus, la
complexité de la loi. J'ai l'impression que ça fait beaucoup de
plaintes qu'on reçoit au ministère, et on sait, effectivement,
que c'était complexe. On a engagé beaucoup de
téléphonistes, qui ont l'art de vous mettre en attente, mais pas
beaucoup de professionnels pour répondre aux questions. Alors, du coup,
ils se transfèrent les uns aux autres. Les téléphonistes,
je comprends, font très bien leur travail. Ils vous
réfèrent à un autre qui vous réfère à
un autre, et, là, vous passez une demi-heure avant de pouvoir parler
à quelqu'un. Je l'ai déjà fait. J'ai été
comptable agréé et ça m'est arrivé d'avoir affaire,
et, effectivement, c'est un peu ça. Là, ça a l'air encore
pire avec la TPS et la TVQ.
Vous soulignez aussi une chose à la page 11: «Certains ont
aussi obtenu trois réponses différentes à la même
question, dépendamment de la personne à qui l'on
s'adressait.» Là, je pense qu'on touche encore à un
problème, effectivement, où, dans l'application d'une nouvelle
législation, il y a plein de flottement. On en a encore plus qu'on n'en
a jamais eu. Puis, encore une fois, au cours de l'après-midi... Je dois
dire que le tout vient beaucoup des tergiversations du gouvernement qui a
commencé par fixer ça à 7 %, qui a évité,
d'ailleurs, d'entendre les groupes quand il a procédé, en
août 1990, à son entente avec le gouvernement
fédéral. Ça a été fait... Il n'y a
même pas eu de commission parlementaire, sauf une demie journée
à peu près qu'on avait réclamée, mais je peux vous
dire que ça a été court.
Alors, la question que je me posais, l'une par rapport au ministre...
Parce qu'il y a un autre ministre dans leur gouvernement qui parle de
qualité totale. Je ne sais pas s'il donnerait des étoiles ou un
ange au ministère du Revenu ou au ministre du Revenu, à son
collègue. Je ne suis pas sûr de la couleur de l'étoile et
je ne suis pas sûr même qu'il en donnerait. Il y aurait quelques
discussions à y avoir là.
Je me pose aussi la question si... Lorsque vous travaillez, vous n'avez
pas le temps de faire vos rapports, donc vous perdez de l'argent, vous prenez
des risques et, quand vous faites vos rapports, vous n'avez pas le temps de
travailler, donc vous perdez de l'argent. Des deux côtés, vous en
perdez, si je comprends, dans la situation actuelle. Comme vous voyez, je vais
un peu dans votre sens. Et ce qui me préoccupe surtout, c'est les
problèmes que vous avez en termes de concurrence. Celui qui veut
respecter la loi intégralement se met du bon côté, donc il
ne prend pas de chances, alors que l'autre qui prend des chances, lui, il va
prendre son 4 % et il peut arriver plus bas dans ses soumissions. Donc, tout de
suite, même sur des gens qui respectent la loi, celui qui la respecte
intégralement, qui ne prend pas de chances, est
défavorisé.
Deuxièmement, l'autre aspect, et là on ouvre la boite de
Pandore, c'est le travail au noir. Alors, là, vous en avez tout un
paquet qui ne respectent plus rien. Et c'est eux autres, je pense, qui vous
rentrent dans le corps. J'ai déjà eu à dire des choses
ici. En particulier, il y a eu une municipalité qui avait deux
entrepreneurs sur son territoire qui faisaient à peu près
l'essentiel des travaux de construction, deux petits entrepreneurs, 600 000 $
de contrats par année, mais ils avaient pourtant émis pour 11 500
000 $ de permis de construction. Je me demande où tout ça est
allé, là. Je ne dis pas que c'est partout pareil, mais ça
donne une idée de ce que ça peut être dans certains cas.
(18 h 20)
Alors, moi, je prends vos suggestions comme des suggestions pour
améliorer la situation. Je pense que ce que ça traduit, c'est
qu'il devrait y avoir une consultation beaucoup plus assidue avec le
ministère - et, dans le cas, le ministère du Revenu - avec lequel
vous faites affaire le plus souvent. Est-ce que vous considérez que,
pour améliorer les choses, il devrait y avoir une espèce de, non
pas de cour d'appel, mais - j'ai retenu ça dans vos suggestions - un
endroit où vous pourriez vous expliquer comme entrepreneur, comme
personne, comme employeur? Et ça, je pense qu'il faut être
très sensible à cette dimension. Vous êtes un employeur et
il est important pour l'État de préserver le travail. Est-ce que
vous avez déjà pensé à ce que ça pourrait
représenter, cette instance?
M. Brière: C'est bien sûr que, si on avait un
endroit où on pouvait consulter... il faut comprendre. Quand on parle de
la construction, les gens ont des prix à donner pour des dates
données avec des documents. Je vous disais tantôt... Je vous
parlais d'un projet avec une réserve indienne dans lequel on a
été tenus de payer la taxe provinciale. Je pourrais ajouter
à
ça qu'à la deuxième phase de ce même projet
là on était prêts, puis preuves à l'appui, les
documents étaient presque signés, sauf qu'on avait ajouté
une clause au contrat au niveau de la taxe. Bien, c'est un autre
chrétien quelque part qui la fait présentement, puis
tantôt, il va avoir... Il n'a pas chargé la taxe, tel que dans les
documents. Nous autres, on s'est fait prendre, on l'a payée. À la
deuxième phase, on l'a rajoutée. On ne la fait pas
présentement. Nos gars sont assis chez eux, ils regardent la
télévision, puis ils attendent, parce qu'on a chargé la
taxe. Pourtant, comme je vous disais tantôt, c'était facile... Si
on l'avait su avant, on aurait fait deux contrats. Mais pourquoi toute cette
complication-là? Je ne vous dis pas que ça date d'hier, que c'est
arrivé... Ce n'est pas l'avènement, strictement de
l'avènement de la TVQ puis de la TPS. Ce n'est pas ça, ça
existait probablement avant. C'est de l'interprétation qui est
laissée à l'entrepreneur.
Je vous parlais aussi de l'interprétation au niveau d'une
convention collective. Cet entrepreneur-là, quand, tantôt, il va
recevoir la visite d'un inspecteur qui va décider: Mais, mon ami, vous
auriez dû charger la taxe là-dessus, vous auriez dû la
déduire, vous auriez dû charger de l'impôt là-dessus,
il va faire quoi? Il va se revirer contre ses employés puis il va dire:
Les «boys», vous avez retiré x dollars pendant tant de
semaines puis voici ce que vous me devez. Pensez-vous qu'il a des chances de
réussite?
Moi, je pense qu'il y en a tout le temps un autre qui va se faire
prendre. Pourtant, si c'était clair, le problème pourrait se
régler cet après-midi. Le problème pourrait se
régler, si c'était clair. Mais on avait répondu, à
ce moment-là, à la personne: Ça pourrait prendre deux ans
à avoir une lettre du ministre pour... qui va se répéter.
Puis ça, je peux aller chercher les papiers, s'il le faut.
Mais ces choses-là, c'est sûr que, si on avait un endroit
où s'adresser... C'est bien sûr, je comprends que le gouvernement
ne peut pas avoir une personne qui va écouter tous les entrepreneurs
pour le restant de l'année. C'est impossible. Mais il devrait y avoir
des... Il y a certainement des façons qu'on peut trouver de se parler,
puis de... Ce qui est bon pour moi va être bon pour les autres.
M. Favre: C'est une excellente suggestion que vous faites,
monsieur. Puis ça aurait l'avantage de bonifier, avec le temps,
l'interprétation, de la clarifier, la simplifier dans le temps. Je pense
que ce serait une mesure très bien perçue.
M. Brière: II faudrait que, à ce moment-là,
quand on a une interprétation, on puisse appeler quelque part, qu'on
nous donne une interprétation x, y, z: Oui, la taxe s'applique; non,
elle ne s'applique pas, et voici le numéro, je no sais pas. moi, c'est
la i épouse 1H?r>h, puis tu as un document à cet
effet-là. puis, là, s'il s'est trompé, il s'est
trompé, le gars. ce n'est pas plus grave que ça. mais au moins ce
ne sera pas celui qui a demandé l'information qui va être
pénalisé.
M. Léonard: Une carte de crédit avec les
numéros d'autorisation.
M. Brière: Ça pourrait... Ah oui! Ça
pourrait être à cet effet-là, un numéro. Il me donne
une réponse. Voici la réponse, il me la faxe.
M. Léonard: Les fax existent aussi, c'est rapide.
M. Brière: ah oui! ça existe, les fax. au moins tu
as quelque chose, tu t'en vas... le gouvernement s'est trompé. bon,
bien, il va perdre, mettons, 1500 $ de taxes sur ce projet-là parce
qu'il s'est trompé. la prochaine fois, il se reprendra. chez nous, si je
ne la mets pas, je vais me faire planter. c'est aussi simple que ça.
M. Léonard: On me dit qu'au fédéral on a
commencé ça au niveau de l'impôt.
M. Brière: C'est possible. M. Léonard: II
est possible...
M. Brière: Je souhaite ne jamais avoir du trouble avec les
deux dans la même semaine.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Léonard: Ha, ha, ha! L'autre élément,
c'est le remboursement sur les intrants, la taxe sur les intrants. Là,
je comprends que, en plus de tous les taux qu'on a déjà
mentionnés cet après-midi, il y a aussi eu une correction dans le
dernier discours sur le budget, c'est-à-dire qu'on ne rembourse pas les
taxes sur les carburants, la téléphonie, les communications,
l'électricité, etc. Ça, je suppose que ça vous a
occasionné des problèmes majeurs, parce que ça avait
été prévu que ça le serait à partir du 1er
janvier 1992, alors que ça a été reporté. Est-ce
que vous avez eu beaucoup de plaintes sur cette question-là?
M. Allard: Effectivement, en tant que directeur administratif,
les membres entrepreneurs appellent au bureau pour avoir des détails
là-dessus. Je vais prendre l'exemple de l'achat d'un véhicule. La
TVQ n'est pas remboursable à l'achat d'un camion. Par contre, si vous
achetez des accessoires, dans les 12 premiers mois suivant la date d'achat du
camion, elle n'est pas remboursable. Mais, 12 mois après, si vous
achetez, je ne sais pas, une boîte ou des miroirs auxiliaires, là,
elle est remboursable.
M. Léonard: C'est <_7c_iioi>7
Une voix: On cherche à comprendre, nous aussi,
là.
M. Allard: On peut demander de l'autre côté.
Une voix: On regarde dans un miroir.
M. Allard: Je ne comprends pas. En plus de véhiculer 4 %
et 8 %, il faut regarder les dates. Ce qui va arriver, c'est que les gens vont
l'oublier, 12 mois après, et ils ne demanderont pas le RTI.
M. Léonard: Ils vont l'oublier.
M. Allard: Le remboursement des RTI, vous parlez de ça.
C'est que, dans le document aussi, ils mentionnent, dans les règles du
gouvernement, ils disent: Si on achète chez un fournisseur avec un nom
clairement indiqué qui donne la nature du bien, comme, je ne sais pas,
moi, grossiste en plomberie, c'est sûr que tout ce que vous achetez
là, vous pouvez demander un RTI pour vos achats. Mais, si vous achetez
chez un fournisseur avec un nom - je ne veux pas nommer de noms de compagnies -
de grande entreprise où vous pouvez acheter des tuyaux de
«coppe» autant que des marteaux ou bien, je ne sais pas, moi...
Une voix: Des cannes à pêche.
M. Allard: Oui, c'est ça. Il faut, à ce
moment-là, dans les feuilles de travail, pour le remboursement du RTI,
connaître la nature du bien. Savez-vous ce que ça demande, dans
une opération quotidienne d'une entreprise?
M. Léonard: Là, il faut regarder toute la facture
pour voir chacun des éléments.
M. Allard: Ce n'est pas tout. Imaginez-vous les inspecteurs.
Est-ce qu'ils vont vérifier ça? Combien de temps ça va
prendre? On ne fait pas juste un achat par semaine.
M. Léonard: Est-ce que votre machine à calculer
chauffe un peu, là?
M. Allard: Les programmeurs chauffent aussi.
M. Léonard: Ha, ha, ha!
M. Allard: mais c'est complètement aberrant. c'est pour
ça que, d'ailleurs, dans le document, on demandait une aide du
gouvernement. on est percepteurs, administrateurs et décideurs à
même la taxe.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
M. Léonard: Ça va.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, avez-vous des questions?
M. Filion: Oui, M. le Président.
D'abord j'aimerais féliciter les représentants pour leur
mémoire, qui, encore une fois, va permettre à l'Assemblée
nationale et au gouvernement de réfléchir sur les
problèmes suscités par la taxe de vente du Québec et son
harmonisation. Je pense que c'est très concret. Vous avez des exemples
qui sont flagrants où je pense que, à toutes fins pratiques, on
se rend bien compte que la taxe de vente du Québec doit être revue
sur plusieurs points.
Maintenant, vous savez, ça existe, au ministère, des
endroits où vous pouvez vous adresser. Vous faites des oppositions,
ça vous coûte 20 $ et vous allez discuter. Vous allez avoir une
décision. Non mais, actuellement, effectivement, vous avez raison.
D'abord, je pense que le ministère est complètement
débordé. Je pense que les téléphonistes sont
débordées. Je ne sais pas si, au niveau de l'intérieur,
l'information se rend et ça vous revient, mais c'est très,
très, très difficile. Moi-même, à mon bureau de
comté cette semaine, je recevais un appel de quelqu'un et il me
demandait: Est-ce que tu as une façon de communiquer au ministère
ou si je peux avoir une ligne pour qu'on me donne une information? Parce que
les gens ne réussissent pas à rejoindre la personne qui va donner
l'information. Actuellement, au ministère, à mon avis, il y a un
manque de personnel flagrant, au niveau de personnes compétentes. Il
faut bien se comprendre, là. Ce n'est pas tout le monde au
ministère qui peut donner une réponse en matière de taxe
de vente. Actuellement, il y a une carence de personnel évidente.
Moi, j'aurais aimé, effectivement, que vous me parliez un peu au
niveau de la communication avec le ministère. Parce que la notion de
biens meubles et biens immeubles, je pense qu'on en a parlé tout
à l'heure. Vous revenez un peu avec cette même
interprétation là. Je pense que, comme le disait le ministre, il
va rendre une décision bientôt. Je l'espère. Jusqu'à
maintenant, est-ce que vous avez vraiment demandé des réponses au
ministre pour qu'il puisse arriver à des solutions pratiques ou est-ce
que c'est la première fois que vous vous adressez au gouvernement pour
faire valoir ces points-là qu'on voit aujourd'hui? Parce que, nous, on a
l'impression que tout le monde a profité de la commission pour venir
dire: Aïe! là, c'est le temps. On va aller les voir et on va leur
demander d'agir. (18 h 30)
M. Favre: On a parlé d'incitatifs dans d'autres
présentations, à d'autres tables; ici, notamment aux commissions
parlementaires sur les projets de loi 185, 186 et, récemment, à
un comité qu'on a rencontré sur le champ d'applica-
tion de la loi dans l'industrie de la construction, des suites de la
commission Picard-Sexton. Il y a beaucoup d'occasions où on a
exprimé, verbalisé ce qu'on vous dit dans ça, notamment en
matière d'incitatifs, surtout.
M. Filion: Oui. Puis vous n'avez jamais reçu de
réponse qui vous donnait espoir qu'on regardait et que, bientôt,
on prendrait une décision, ou bien s'il n'y a rien qui revient,
ou...
M. Favre: Bien, on ne s'est jamais adressés au
ministère directement, mais c'était à travers d'autres
ministères, d'autres tables, d'autres commissions.
M. Filion: Ah! d'accord. C'est vraiment la première fois
que vous faites un exercice de demande officielle d'éclairer ou de
solutionner des problèmes pratiques?
M. Favre: Oui, oui.
M. Filion: Là où j'aimerais ramener aussi le
débat... Tout à l'heure, le ministre soulevait que, avant,
c'était un taux de 8 % et de 0 %. Mais c'était quand même
plus simple, parce qu'un taux de 0 % c'est comme si le produit n'était
pas taxable. Alors, vous n'avez pas vraiment à vous casser la
tête, si vous allez faire une erreur dans la taxe ou pas. Quand le
produit n'a aucune taxe, à ce moment-là, la perception, vous ne
pouvez pas vous tromper, hein, si le produit, c'est à 0 %.
C'était beaucoup plus simple à administrer, dans ce
sens-là. Moi, je pense que, effectivement, on va devoir revenir sur cet
aspect-là d'un taux unique pour, enfin, empêcher les
problèmes que vous vivez.
Alors, moi, ce que j'aimerais vous demander: Est-ce que vous croyez,
effectivement, que la commission parlementaire où nous sommes va vous
aider à régler le problème, ou ce que vous
présentez comme demandes? Parce que plusieurs sont venus jusqu'à
maintenant, et c'est une espèce de voeu pieux, où ils essaient,
là, comme s'ils étaient, là, à bout de souffle. Ils
viennent témoigner de façon alarmiste. Avez-vous l'impression
qu'on va satisfaire votre demande, en vous adressant à cette
commission-ci, ou bien si vous prenez une chance? C'est quoi, l'esprit dans
lequel vous vous présentez?
M. Brière: Bon, écoutez, c'est bien difficile. Vous
savez, les entrepreneurs, à tous les jours, vivent des problèmes.
Là, on vit une récession comme il y a longtemps qu'on n'a pas
vue. En tout cas, moi, c'est une des pires que j'ai pu connaître. Et
puis, les gens ont peut-être besoin d'avoir quelques bonnes nouvelles une
fois de temps en temps. Depuis trois ans, maintenant, c'est un coup
derrière l'autre; il n'y a rien qui va bien. Alors, quand ces
gens-là ont la taxe...
Il n'y a pas juste ce niveau-là, là. M. Favre parlait
tantôt de la loi 185, de la loi 186. Bien, c'est la même chose, les
entrepreneurs sont alarmés par ça. Je veux dire, là, dans
certains cas, ils vont doubler leurs dépenses, là. Ils vont
devoir être membres chez le patronat et membres dans un syndicat aussi.
C'est bien sûr qu'il faut trouver des façons qui vont faire que
ces gens-là, on est capables de les rassurer et de trouver des
fonctionnements. Oui, j'espère que, suite à ça, on va
avoir des communications. C'est comme rien. Moi, je pense que le monde, en
général, ils sont de bonne volonté. Un moment
donné, on va trouver une ouverture quelque part et on va pouvoir se
parler.
M. Filion: Avez-vous l'impression...
M. Brière: Ça, c'est un vieux dicton, ça,
qu'il faut se parler. Il me semble que ça fait plusieurs années
que ça existe, ça, là. Il faudrait peut-être juste
commencer à le faire.
M. Filion: Avez-vous l'impression que, du fait que cette
loi-là soit difficile pour vous à appliquer, ça vous
entraîne des coûts importants d'opération, de gestion, de
comptabilité, d'experts, de consultation? Avez-vous l'impression que
c'est un peu à cause de ce genre de taxation là qu'on assiste
à une espèce de marché au noir? Peut-être pas
seulement cette raison-là, mais avez-vous l'impression que le
marché au noir est un peu, actuellement, des gens qui ont
décidé de se faire leur propre justice fiscale, au fond, et qui
se disent: Bien, on va aller récupérer ailleurs, parce que
ça n'a pas de bon sens, on ne pourra pas vivre, on ne pourra pas
fonctionner? Vous parliez vous-même que vous aviez perdu un contrat quand
même important...
M. Brière: Oui.
M. Filion: ...parce que vous avez osé vouloir...
M. Brière: C'est-à-dire que... M. Filion:
...percevoir la taxe.
M. Brière: C'est-à-dire que, quand on
s'était fait prendre la première fois, on a refusé de
faire le même jeu la deuxième fois. On a dit: C'est marqué
dans les documents, c'est vrai, mais ce n'est pas comme ça qu'ils
l'appliquent. On est allés aussi en opposition, mais, tu sais, je veux
dire, moi, je ne peux passer mon temps en cour.
M. Filion: Oui, mais...
M. Brière: Puis engager un avocat, à un moment
donné...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, c'est terminé.
M. Brière: ...je veux dire, c'est bien beau, mais les
avocats, ça coûte cher. Bonjour, merci beaucoup, combien ça
va me coûter, et puis il est trop tard, je n'ai plus d'argent. Je
reçois la facture, et puis c'est fini.
Le Président (M. Lemieux): Nous...
M. Brière: On n'a pas d'avocats qui travaillent dans nos
bureaux, là, je parle, les entrepreneurs, à plein temps,
là. Vous savez comme moi que ça coûte
énormément cher. Je ne veux pas discuter du tarif qu'ils
chargent, ça, c'est leur problème. Mais ça coûte
énormément cher. On ne peut pas demander à un entrepreneur
de s'engager constamment des avocats. Puis les gens, en général,
ce n'est pas des batailleurs dans le sens qu'ils veulent constamment se battre.
Je suis sûr qu'il y a beaucoup... Je dirais, moi, qu'il y a 60 % des gens
qui paient par dépit. Puis c'est ça qu'il ne faut pas perdre. La
population, de plus en plus... Je ne suis pas politicien, moi, là, mais
la population, de plus en plus, perd ce goût-là. C'est vrai que la
population tente de se faire justice elle-même, puis, des fois, on ne
peut pas la blâmer. On ne peut vraiment pas la blâmer.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de
votre participation à cette commission parlementaire et nous suspendons
nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 36)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses
travaux pour entendre la Coalition québécoise pour la justice en
taxation du tabac. J'inviterais ces gens à bien vouloir prendre place
à la table des témoins. Dans un premier temps, je demanderais au
représentant de l'organisme ayant à faire l'exposé de leur
mémoire de bien vouloir s'identifier et nous présenter les gens
qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Dans un deuxième temps, permettez-moi de vous rappeler les
règles de procédure. Nous disposons globalement d'une heure: 20
minutes pour l'exposé de votre mémoire, suivra un échange
entre les deux groupes parlementaires de 20 minutes pour le groupe
ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à écouter le
représentant de l'organisme afin qu'il se présente, nous
présente les membres qui l'accompagnent et qu'il puisse faire
l'exposé de son mémoire.
Coalition québécoise pour la justice en
taxation du tabac
M. Gadbois (Michel): Bonjour. Mon nom est Michel Gadbois. Je suis
le président de l'Associa- tion des détaillants en alimentation.
Oui, c'est encore moi! Je vous avais prévenu, il y a une semaine
environ, lorsque les détaillants ont fait leur présentation
à la commission parlementaire, que les recommandations qu'on faisait sur
la contrebande, on allait en résumer une partie, mais que,
essentiellement, compte tenu que l'Association des détaillants en
alimentation fait partie d'un regroupement plus large des gens qui sont
impliqués dans la commercialisation du tabac, nous reviendrions ici pour
en parler plus spécifiquement. Alors, je demanderais aux gens alentour
de la table de se présenter pour qu'ils identifient leur appartenance
à l'intérieur de la Coalition.
M. Nadeau (Michel): Bonsoir. Mon nom est Michel Nadeau. Je suis
représentant des grossistes en alimentation à l'échelle
canadienne, un organisme qui regroupe plus de 80 % des distributeurs de
produits alimentaires au Canada.
M. Dumulong (Luc): Bonsoir. Je suis Luc Dumulong. Je
représente la Société pour la liberté des
fumeurs.
M. Mercier (Jean-Louis): Bonsoir. Jean-Louis Mercier,
président du conseil, Imperial Tobacco.
M. Rondou (Daniel): Bonsoir. Daniel Rondou. Je suis
représentant du Syndicat international des travailleurs et travailleuses
de la boulangerie, confiserie et du tabac.
M. Ducharme (Germain): Germain Ducharme, président de
l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous sommes
prêts à entendre votre mémoire.
M. Gadbois: Merci. Nous ne ferons pas la lecture du
mémoire que nous avons fait parvenir. Je pense que, ce matin, il y a eu
la présentation de la NATCD qui a été assez
éloquente. Nous étions présents, donc on a pu au moins
entendre les échanges et se rendre compte que la plupart des aspects
principaux de la présentation qui a été faite par M.
Trempe, qui représentait le groupe, ont assez bien cerné le
sujet. Par contre, je crois que notre contribution aujourd'hui devrait
être beaucoup plus pratique, beaucoup plus responsable, dans le sens
qu'on s'intéresse beaucoup plus aux solutions.
La crise elle-même ou la crise grave, autant économique que
sociale, qui entoure le problème de la surtaxation de ce produit et de
la croissance effarante de la contrebande, tout le monde en convient. Et je ne
pense pas qu'on y gagnerait beaucoup, ce soir, à répéter
encore les arguments alentour de ce sujet-là.
Le gouvernement, non seulement lors de cette commission, mais aussi
à la sortie du
caucus qui a eu lieu la fin de semaine dernière, a conclu que la
solution se trouvait au niveau de la baisse de taxes. L'Opposition va dans le
même sens. Je crois que tout le monde s'entend sur cette
solution-là. Donc, il y a un consensus. Ce qui serait plus important, ce
serait d'identifier où sont les problèmes à la solution de
la lutte contre la contrebande.
Il y a aussi un consensus autour d'un problème majeur qui est
celui de l'autre participant à la taxation excessive sur les produits de
tabac. On parle ici, évidemment, du gouvernement fédéral,
et, encore là, il existe un consensus, je pense, à la commission,
d'après les commentaires de ce matin et des commentaires qu'on a eus la
semaine dernière, qu'il y a un certain blocage à Ottawa. Je pense
que ce qui est surtout important, ce soir, et ce qui serait sûrement plus
responsable de notre part, à chacun d'entre nous, c'est de vraiment
examiner qu'est-ce qu'on peut faire pour régler le problème,
qu'est-ce que le gouvernement du Québec propose pour faire bouger
Ottawa. Puisqu'il y a un consensus aussi avec l'Opposition, qu'est-ce que
l'Opposition propose pour faire bouger Ottawa?
Nous-mêmes, on a déjà mis en place un certain nombre
de mesures pour influencer la décision du gouvernement
fédéral. Vous êtes au courant de la campagne publique de la
Coalition. Vous avez vu sûrement la conférence de presse ou, du
moins, ce qui en est ressorti dans les médias. Vous avez probablement vu
chez vos détaillants... Il y en a 6000 qui possèdent la fameuse
boîte qui demande aux citoyens, aux consommateurs de participer à
cette campagne. (20 h 10)
Vous avez vu probablement aussi la publicité dans les grands
médias et dans les médias régionaux. On nous sollicite
d'ailleurs partout en région. J'arrive du Saguenay-Lac-Saint-Jean
où, chose amusante, M. Loiselle va me succéder à une
émission de ligne ouverte radiophonique. Alors, déjà, il y
a une espèce de travail de fond qui se fait parce que lui devra
répondre justement, à savoir quelles sont les solutions que
propose Ottawa là-dessus.
Demain matin, à 8 heures, on rencontre le caucus du Parti
conservateur de députés québécois
fédéraux qui vont nous recevoir. On a rencontré M.
André Harvey à Chicoutimi, qui est le député de
Chicoutimi, qui est très préoccupé par la question et nous
a organisé, chose quand même pas commune, une rencontre avec tout
le caucus. Nous avons une rencontre immédiatement après avec des
membres du cabinet de M. Mazankowski. On va lui proposer nous-mêmes les
solutions qu'on veut regarder ensemble et qu'on espère qu'on pourra
amener ensemble de votre part. Et, aussi, on a organisé, avec nos
collègues ailleurs au Canada, avec l'association canadienne des
détaillants d'alimentation qui, elle-même, a commencé une
campagne auprès des élus fédéraux et auprès
des élus provinciaux pour les sen- sibiliser, parce que eux-mêmes
ressentent le problème de la contrebande chez eux, à un
degré moindre, mais le problème est en croissance et ils sont
très préoccupés...
Je crois que la proposition qu'on veut faire ce soir, c'est même
d'aller jusqu'à la prétention de pouvoir étendre ou aider
le comité interministériel qui se penche sur la question. Chacun
des organismes ici a son expertise précise sur plusieurs aspects de
toute la réalité qui entoure la taxation. Et, en fait, je
préfère qu'on ait des échanges pour qu'on puisse sortir
d'ici avec au moins quelques avenues de solution ensemble pour que,
nous-mêmes, demain matin à Ottawa, on puisse déjà
explorer des avenues où on pourra avoir leur appui.
Alors, mon intervention est donc très brève parce qu'on
est très intéressés à avoir des propositions
concrètes ce soir. C'est très clair que c'est urgent d'agir.
L'ampleur n'est plus à démontrer. L'urgence, évidemment,
est située dans le temps au niveau du budget fédéral et,
évidemment, des budgets provinciaux. Donc, j'en profite pour nous donner
le plus de temps possible lors des audiences et du temps qui nous est
accordé pour qu'ensemble on discute des solutions qu'on peut
envisager.
On en a plusieurs qu'on peut proposer, essentiellement basées sur
une baisse importante de taxes, mais je crois que ce qui serait
intéressant, c'est qu'on sorte d'ici, ce soir, avec vous, des deux
côtés de la Chambre, des deux côtés de la table, avec
au moins l'assurance de ce consensus-là, qu'on puisse travailler
ensemble, pas de façon théorique, mais de façon
très pratique. Et même, comme les travaux de la commission se
terminent bientôt, on pourrait déjà se fixer soit la
semaine prochaine ou même jeudi ou vendredi, après notre rencontre
à Ottawa, pour voir comment déjà on peut faire
accélérer les choses.
Alors, vous voyez que nos positions sont non pas de faire un
débat, mais beaucoup plus d'essayer immédiatement d'arriver avec
des propositions de travail.
Alors, évidemment, mes collègues sont là pour
répondre à certaines questions, mais examinons plus les chances
de succès de certaines stratégies. Et c'est vraiment ça
que je veux proposer ce soir plutôt que de recommencer le débat,
à savoir quelle est la perte gouvernementale, quelle est
l'étendue du problème social, quelles sont les pertes de chacun
des intervenants dans le dossier, etc. Je pense que la preuve a
été faite et, heureusement, il y a un consensus qui se
dégage. En tout cas, je l'ai vu ce matin. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Verdun.
M. Gautrin: Brièvement, M. le Président, et je
comprends que mes collègues ministres vont intervenir après. Moi.
je suis particulièrement
préoccupé par le problème de la contrebande, et je
voudrais m'adresser à vous parce que vous avez des producteurs, dans les
gens qui vous accompagnent. On se pose souvent la question: Est-ce que les
producteurs de cigarettes, dans le fond, vous n'êtes pas un peu complices
des contrebandiers? Est-ce que vous ne pourriez pas faire un peu plus pour
aider et faire en sorte que la contrebande n'ait pas lieu, en mieux identifiant
les paquets ou en mieux identifiant vos produits? Parce que, pour nous,
évidemment, comme gouvernement qui perçoit les taxes, est-ce
qu'on a un appui concret de votre part, les producteurs de cigarettes?
Le Président (M. Lemieux): est-ce que c'est possible, dans
la mesure du possible, que les questions puissent être aussi... que les
réponses, pardon...
M. Gautrin: Je m'excuse d'être aussi direct que...
Le Président (M. Lemieux): ...puissent être aussi
brèves lorsque les questions sont faciles, pour susciter davantage le
débat? Alors, s'il vous plaît, vous pouvez répondre
à la question du député de Verdun.
M. Gautrin: Sans vouloir relancer un débat, je crois que
la question est importante.
M. Gadbois: Je vais évidemment céder la parole
à M. Mercier, mais il faut faire attention parce que les producteurs...
C'est des fabricants de cigarettes. Les producteurs, il y en a alentour de la
table, ce sont des producteurs de tabac. Vous parlez des manufacturiers.
M. Gautrin: Je veux parier réellement aux fabricants de
cigarettes. Je veux réellement m'adresser aux fabricants de
cigarettes.
M. Gadbois: D'accord.
M. Mercier: Merci, j'y vais. Les fabricants de cigarettes. La
première chose qui serait importante de dire, c'est que, dans les
années cinquante, comme on se rappelle, il y a eu
énormément de contrebande où on disait, si on se
réfère aux journaux du temps, qu'environ une cigarette sur deux
qui étaient consommées au Québec était de
provenance américaine. Dans ce temps-là, il n'y avait aucun
produit canadien qu'on retrouvait dans le réseau de contrebande.
Deuxième chose, c'est que nous avons vendu, bien entendu, des
produits aux États-Unis. Mais ce que je vais faire ici, ce soir, je vais
déposer devant la commission un rapport que nous avons eu d'un M.
Stamler, puis vous avez probablement entendu parler de lui, parce qu'il a fait
plusieurs recherches pour l'industrie, qui démontrent, en fait, quel
genre de produits on retrouve dans le réseau de distribution de
contrebande aujourd'hui.
Je fais une parenthèse pour indiquer que c'est important de
différencier entre les produits non taxes et les produits de
contrebande. On pourrait estimer qu'environ 70 % des produits qui sont
exportés reviennent peut-être de façon illégale,
mais il y a certainement environ 30 % qui reviennent non taxés mais de
façon légale à partir des magasins hors taxes, etc. Ce
rapport-là indique qu'il y a des produits de provenance de plusieurs
pays qu'on retrouve dans le réseau de produits non taxés.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Montmorency, vous voulez intervenir?
M. Gautrin: Donc, vous déposez actuellement votre rapport
à la commission?
M. Mercier: Oui.
M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous acceptez le
dépôt du rapport?
Document déposé
Le Président (M. Lemieux): Alors, j'autorise le
dépôt, effectivement. Quelqu'un va aller le chercher dans quelques
instants. J'autorise le dépôt.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. Toujours dans le but
d'échanges constructs et qu'on essaie de trouver une solution commune
pour que vous puissiez faire des représentations au partenaire fiscal
qu'est Ottawa dans le débat, j'aimerais savoir de votre part: Dans le
système fiscal actuel, il y a une foule de mesures d'exemptions
fiscales, de réductions fiscales que l'on accorde et qu'on accorde
gratuitement sans poser de questions à des contribuables. Et j'aimerais
savoir de votre part si c'est possible, dans l'industrie du tabac ou autrement,
qu'on puisse arriver à mettre en place un système où on
pourrait accorder des exemptions fiscales, mais, en même temps,
questionner les gens qui ont ces exemptions fiscales là.
Est-ce que c'est possible d'arriver à ce genre de situation
là dans le monde du tabac?
M. Mercier: En fait, si je comprends bien ce que vous demandez,
ce serait que les cigarettes canadiennes qui seraient exportées seraient
assujetties à une certaine taxe à l'exportation que le
consommateur pourrait réclamer dans le cas où c'est
justifié et non dans le cas où ce n'est pas justifié. Ce
qui veut dire que ce qui se produirait, c'est que le consommateur qui ne peut
pas faire de réclamation achèterait d'autres marques qui ne sont
pas assujetties à ces taxes-là...
M. Filion: Attention...
M. Mercier: ...et qui sont produites dans d'autres pays.
M. Filion: Non, attention. M. Mercier: Voyez-vous?
M. Filion: Avant d'arriver à débattre... Parce que
je pense que je ne veux pas qu'on s'enligne non plus en disant: la taxe
remboursable. À partir du moment où on reconnaît que les
prix sont concurrentiels... On reconnaît à la base que les taxes
sont réduites, les prix sont concurrentiels, dans un but de créer
une dynamique différente de ce qu'on a vécu par le passé,
une dynamique où on arrête de faire des cadeaux gratuits en
matière de taxation à des gens sans même les questionner.
(20 h 20)
Le but, ce n'est pas de dire: Allons-y avec une taxe remboursable et
laissons les prix à la hausse, ce n'est pas ça.
Établissons les prix pour avoir une concurrence loyale. Supposons qu'on
réduise les taxes à un niveau où on va retrouver une
concurrence loyale et on va désinciter les contrebandiers à
quitter le système. Une fois qu'on a fait ça, dans un but
vraiment de changer une dynamique... Et, en même temps, moi, je sais
qu'il y a des députés à Ottawa qui ont dit: Bien,
dorénavant, pourquoi pas que les autochtones paieraient des taxes
partout, et que, eux, fassent une demande de remboursement pour
démontrer leur consommation personnelle et que l'on rembourse uniquement
la consommation personnelle en réserve autochtone? Et là on
change une dynamique. Au lieu d'accorder gratuitement sans poser de questions,
on accorde, bien sûr, une exemption fiscale, mais dans une dynamique
inversée où c'est à eux, maintenant, de faire la demande
et de démontrer, de façon raisonnable, que la consommation a bel
et bien eu lieu sur la réserve autochtone.
Alors, ma question est une question à savoir si le monde du tabac
est prêt à un changement de dynamique fiscale comme ça,
uniquement dans un but de changer le rôle de l'État qui donne
gratuitement, sans même poser de questions.
M. Mercier: Là, c'est parce que, enfin, vous amenez deux
problèmes très différents. Vous parlez des autochtones.
Dans certaines provinces, les autochtones ont ce qu'on appelle des quotas qui
font qu'ils peuvent avoir un certain nombre de cigarettes pour la
réserve, qui sont consommées sur la réserve, sur
lesquelles ils ne paient pas les taxes provinciales, mais les autochtones
paient toujours les taxes fédérales
Pour compétitionner au niveau du détail pour les
détaillants du Québec, ce qu'il leur faut, en fait, c'est un prix
compétitif avec la contrebande. Si la contrebande se fait à 20 $,
22 $ 24 $ ou 25 $ la cartouche, ça leur prend un prix compétitif
avec la contrebande sur laquelle il n'y a aucune taxe de payée. Le
problème des autochtones sur la réserve, pour leur consommation
personnelle, c'est quelque chose de très différent de la
contrebande qui se produit aujourd'hui, parce que c'est en quantité
énorme et puis là c'est le détaillant qui est à
l'extérieur de la réserve qui est pris avec ce
problème-là et non celui qui est sur la réserve.
M. Filion: Ça, je comprends, mais, pour moi, dans un but
d'éclaircir aussi et de voir en même temps jusqu'où une
dynamique peut être changée, le but ce n'est pas de ne pas
réduire à un prix concurrentiel, mais le prix est réduit,
il n'y a plus d'incitatif à la contrebande d'être sur le
territoire. Bon. On a fait cette dynamique-là. Mais, en plus, uniquement
dans une question de retirer de l'information, par exemple, qu'on puisse avoir
plus d'information d'un réseau qui fonctionne correctement. Parce que,
vous savez, si on pose des questions, si on dit: Bien écoutez, on vend
des produits aux États-Unis et on demande aux détaillants
américains de produire une demande de remboursement, on va obtenir de
l'information. On va obtenir de l'information dans un réseau
structuré, légal, dans une concurrence loyale.
Le but, ce n'est pas d'empêcher la vente hors taxes. Non, non, la
vente va bel et bien avoir lieu hors taxes, mais dans une dynamique fiscale
où on retire des informations au niveau des autorités fiscales,
et qu'on puisse utiliser les informations à toutes sortes de fins.
Ça peut être...
M. Mercier: Oui, mais je pense que ce que vous proposez
là, ce serait un système énormément complexe qui
ferait qu'un Québécois qui va à Plattsburgh, qui
achète une cartouche de cigarettes du Maurier, serait obligé de
remplir un formulaire en trois pages pour faire une réclamation au
gouvernement du Québec. Le gars ne se bâdrera pas de tout faire
ça. Il va acheter un «carton» de Marlboro sur lequel il n'y
a aucune taxe qui a été prélevée.
M. Filion: non, non, non, non. ce n'est pas au niveau de
l'acheteur américain. c'est au niveau de l'usine, le fabricant qui vend
aux états-unis à des grossistes.
M. Mercier: Oui, oui. Mais qui va faire la
réclamation?
M. Filion: ça va être la personne ou le... pas la
personne qui achète là-bas ça va être le
détaillant américain qui, lui, va rlire bii-n moi. j'ai
écoulé le produit sur \u marché ;imén cain...
M. Mercier: II ne sait pas à qui il vend, lui. M.
Filion: Pardon?
M. Mercier: II ne sait pas à qui il vend, lui. Un
consommateur qui arrive à son comptoir, il lui vend une cartouche de
cigarettes. Il ne sait pas si le gars vient de l'Allemagne, des
États-Unis ou du Canada.
M. Filion: Non. Je comprends, mais, quand le produit
s'écoule...
M. Mercier: Comment voulez-vous qu'il fasse une
réclamation?
M. Filion: ...normalement sur le marché américain,
vous l'envoyez dans des endroits où on vend aux consommateurs
américains. Ce matin, on nous disait qu'à toutes fins pratiques
il ne s'en vendait pas de produits canadiens sur le marché
américain. Ils revenaient pratiquement tous au Canada. Alors, dans cet
esprit-là, je pense que le détaillant américain qui,
à toutes fins pratiques, a acheté des produits canadiens et a une
facture à l'effet qu'il y a une taxe qui a été
payée qui est remboursable, peut faire la demande en tout temps au
gouvernement canadien, et, suite à une vérification, si
nécessaire, on le rembourse. C'est tout. À ce moment-là,
on peut obtenir une information du marché américain qu'on n'a pas
actuellement.
M. Gadbois: Si vous me permettez, c'est évident que c'est
des éléments pour améliorer la situation...
M. Filion: Changer la dynamique.
M. Gadbois: ...après la première étape qui
est celle de régler la crise qu'on connaît. Si vous me permettez,
à ce moment-ci, je voudrais plus qu'on examine les
éléments à court terme qu'on doit mettre en place, parce
qu'on a une crise. Il y a une urgence. Les autres étapes après,
une fois qu'on aura profité de l'expérience et qu'on aura
rétabli une situation, on regardera comment s'assurer que la situation
ne revienne pas dans l'avenir, il y aura peut-être des
éléments de changement au niveau de la fiscalité ou de la
nature des relations, des déclarations qu'on pourra examiner.
Je pense qu'aujourd'hui, si on veut être constructif, comme je
l'ai demandé tout à l'heure, il faudrait qu'on s'attarde
immédiatement sur: C'est quoi la solution demain matin? Alors, je n'ai
pas de problème avec ce que vous présentez. On pourrait avoir de
longues discussions. Il y en a déjà eu. Je pense que M. Trempe
vous en a parlé aussi ce matin. Il y a des éléments
complexes là-dedans.
M. Filion: Autrement dit, moi, ma question était simple.
Vous êtes ouverts à une nouvelle dynamique fiscale, au fond. C'est
ça.
M. Gadbois: On l'est. On verra quand viendra le temps. C'est
clair qu'en ce moment notre préoccupation, et, je pense, le consensus,
ici, c'est surtout la solution de base de la baisse drastique de taxes.
M. Filion: C'est parce que je veux quand même expliquer que
cette mécanique-là d'impôt en main remboursable, ça
existe déjà. Ça ne tombe pas des nuages. Ça existe
déjà au niveau de l'impôt corporatif, au niveau de
l'impôt en main remboursable au titre de dividendes où on suit
l'argent et on s'assure que l'argent se rend jusque dans les mains de
l'actionnaire individu pour donner un remboursement à la compagnie.
Alors, cette mécanique-là, qui existe déjà dans un
système fiscal bien organisé, c'est un peu de reproduire le
modèle pour changer la dynamique au niveau du tabac. Alors, c'est dans
cet esprit-là, je pense, qu'est l'approche.
M. Gadbois: Ça peut être intéressant à
examiner, et je ne relancerai pas les préoccupations qu'on a avec le
système parce qu'on perd... excusez-moi, on ne perd pas, mais je pense
qu'on ne concentre pas notre temps sur le débat principal qui est
d'essayer de sortir un consensus, ici, sur les voies d'action à court
terme.
M. Filion: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Montmorency?
M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, vous me permettrez de
souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous ceux qui sont ici,
même ceux qui reviennent pour être sûrs qu'on a compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levesque: Vous êtes toujours aussi éloquents,
toujours aussi convaincants et convaincus. Il n'en reste pas moins que, sans
vouloir me répéter, parce que vous-même avez dit que vous
ne vouliez pas reprendre votre discours, que vous vouliez passer
immédiatement à l'action, nous voulons bien, mais il est toujours
important de rappeler l'importance de mettre la santé de la population
à notre première préoccupation. Ça, je ne pense pas
qu'on puisse passer à côté de cela.
Ceci étant dit, il y a là un problème, cependant,
à court terme, avec lequel vivent en particulier les détaillants
en alimentation, les grossistes. Aussi, il y a le problème de
l'illégalité qui se propage présentement d'une
façon dangereuse. Alors, il faut attaquer le problème de plein
front.
Nous avons - comme vous l'avez évoqué -
eu plusieurs réunions du caucus et des membres du gouvernement.
Nous en aurons encore demain et nous en aurons dans les prochains jours. Vous
avez toujours dit - vous et ceux qui sont venus, au cours de cette commission,
parler de ce problème-là - que vous êtes arrivés
à la conclusion que nous ne pouvions pas réussir simplement par
la fiscalité québécoise à régler le
problème. C'est d'autant plus vrai qu'il ne faudrait pas croire que le
Québec se distingue - comme il peut se distinguer quelquefois - dans la
fiscalité sur le tabac. Nous n'avons sûrement pas
exagéré si on se compare avec les autres provinces. Nous avons
toujours été parmi les plus bas au point de vue de la taxation du
tabac. Nous étions conscients, évidemment, de la présence
des entreprises, des fabricants de tabac au Québec. Nous avons toujours
été conscients également des producteurs que nous
rencontrons également de temps à autre, comme nous rencontrons
les différents intervenants de votre industrie.
Il n'en reste pas moins que la situation est là. Même si
nous avons un taux de taxation inférieur à la plupart des
provinces canadiennes, il n'en reste pas moins vrai qu'avec le taux
élevé, quand on ajoute les taxes fédérales, qui
sont plus élevées que les taxes provinciales, à ce
moment-là, il y a un problème. (20 h 30)
Et, si on regardait très brièvement ce qui s'est
passé entre 1988-1989 et 1992-1993, on s'apercevrait, d'abord, que le
prix moyen du paquet de 25 cigarettes est passé de 3,35 $ à 6,43
$. D'où vient cette augmentation? L'augmentation a résulté
pour 45,1 % des taxes fédérales, 34,7 % des taxes provinciales et
20,2 % des détaillants grossistes et manufacturiers. Donc, lorsque vous
dites qu'il y a deux personnages auxquels il faut s'adresser, peut-être
que c'est trois, trois ou quatre, parce que, en plus du fédéral
et du provincial, il y a également le secteur privé qui a eu des
augmentations. On comprend qu'il y a eu des augmentations de coûts, que
ce n'est pas toujours du net. Mais il y a là une augmentation dont on
doit tenir compte.
Dans les circonstances, vous dites: Bon, il va falloir parler au
fédéral. Et, vous, vous dites: Nous allons faire notre part, nous
commençons, nous avons déjà commencé par une
campagne de sensibilisation. Nous rencontrons le caucus du Parti conservateur
fédéral dès demain matin. Nous allons faire des pressions
du côté du gouvernement fédéral. Bon. Très
bien. Mais quels seront les résultats que l'on peut escompter? Car il
faut tenir compte de ce qu'on va peut-être vous dire ou ne pas vous dire.
C'est que, si la situation est sérieuse au Québec, elle n'est pas
encore rendue au même stade dans plusieurs autres provinces. Et, lorsque
le fédéral diminue sa taxo. évidemment, il la diminue
partout On aura peut-être une objection de ce
côté-là, purement sur le plan financier.
Deuxièmement, il y a, du côté du gouvernement
fédéral, comme il y a ici aussi, au Québec, des gens qui
prétendent que ce serait un mauvais signal à donner que de
diminuer la taxe sur le tabac, alors qu'on sait les dommages que cela cause
à la santé et ce que ça veut dire au point de vue des
coûts à notre société que le tabagisme. Alors, vous
allez avoir affaire au moins à ces deux objections-là
bientôt. Je peux le deviner ou vous le prédire,
peut-être.
Alors, qu'est-ce que vous allez dire et comment allez-vous faire pour,
d'abord, premièrement, contrer ces arguments-là? Et,
deuxièmement, êtes vous prêts à faire en sorte...
S'il y avait un consensus et s'il y avait une entente pour réduire le
prix, est-ce que vous seriez prêts, pour les manufacturiers, d'une part,
où l'augmentation depuis 1988-1989 était de 39 % et, quant
à la marge des grossistes et des détaillants, l'augmentation est
de 66 % durant la même période, seriez-vous prêts à
faire votre part pour que... Si le gouvernement fédéral, le
gouvernement provincial vous posaient la question, est-ce que vous aussi vous
participeriez à une sorte de coalition pour la diminution des
coûts?
M. Gadbois: D'abord, ce que j'aimerais aussi, c'est vous renvoyer
la question. Vous avez eu des contacts avec vos partenaires
fédéraux, je crois. Quels sont les résultats de ces
contacts-là, à ce niveau-ci ou à ce moment-ci? Nous, on
vous les donnera demain, quand on les aura rencontrés, d'une part.
D'autre part, je pense que chacun, sûrement, à l'intérieur
du groupe - c'est pour ça qu'on vous parle de collaboration; il y a de
l'expertise ici - voudra faire ses efforts pour régler le
problème. Et, là-dessus, on a quelques éléments de
solution. On voudrait avoir les vôtres et échanger, et vous en
donner des nôtres. Mais c'est évident qu'une des choses qu'on
demande, c'est sûrement: Immédiatement après les travaux de
la commission, est-ce qu'il va y avoir une table, est-ce qu'il va y avoir un
forum particulier où nous pourrons travailler ensemble pour au moins
envoyer le signal, non seulement aux députés
québécois qui ont quand même un poids majeur... Parce qu'il
y a quand même un contexte électoral très important qui
s'en vient, et ce poids-là n'est pas à dédaigner. Donc,
s'il y a effectivement un consensus, au Québec, des forces vives,
disons, dans le dossier, à ce moment-là, je crois que la
deputation québécoise à Ottawa aura à
répondre de certains résultats à Ottawa.
Et je ne veux pas me lancer dans un certain nombre de preuves à
l'appui, mais on sait, par des études qu'on a et qu'on pourra vous
déposer, que vous avez l'appui du public pour la baisse des taxes. Il y
a des sondages récents là-dessus. L'élément de
santé, je peux vous dire quo, depuis quoique temps, j'hérite de
plusieurs groupes et de plusieurs lettres Je n'ai aucun
problème parce que, pour moi, les deux situations sont totalement
séparées, et ça serait tomber dans un jeu facile. -Et je
crois, d'ailleurs, que les groupes ne se font pas beaucoup de
crédibilité en ce moment dans leur dossier - eux qui avaient une
bonne crédibilité - en essayant de nous faire croire que la
santé est plus protégée avec la situation de contrebande
qu'on connaît maintenant que si on était dans un système
légal où il y a des éléments de contrôle. Je
ne veux même pas me relancer dans ce dossier-là. On l'a
déjà discuté ensemble; on en a déjà
parlé. Donc, pour le moment, je ne ferai pas le débat sur la
santé.
Ce qui m'intéresse aujourd'hui, ce qui intéresse tout le
groupe, c'est de savoir: De votre côté, est-ce qu'il y a des
démarches en ce moment? Est-ce qu'il y a des résultats en ce
moment? Nous, on peut vous dire qu'il y a des options qu'on peut
présenter. C'est clair qu'on peut travailler ensemble pour
déterminer un prix assez clair, avec l'aide d'experts - ça peut
être autant la GRC que l'expertise qu'on a ici - et l'aide du
baromètre le plus parfait sur le marché, qui est le
détaillant qui va vous dire s'il en vend ou s'il n'en vend pas, pour,
effectivement, régler ce problème-là. Est-ce qu'on veut
offrir à Ottawa une situation d'«opting in» ou
d'«opting out» pour forcer les autres provinces? Ça pourrait
se faire sur le dossier de la taxe fédérale. Il baissera avec
celui qui sera prêt à baisser, puis ceux qui ne veulent pas
baisser ne baisseront pas.
On peut en sortir une série d'idées. Ce qui
m'intéresse et, je pense, ce qui intéresse tout le groupe, ce
n'est pas qu'on pointe du doigt les différents responsables. On sait
qu'on a une crise, on sait qu'on doit la régler. Qu'est-ce qu'on peut
faire ensemble pour la régler? Alors, je vous renvoie quelques-unes de
vos questions, si vous voulez y répondre.
M. Levesque: Oui, oui. Nous allons, comme je vous l'ai
mentionné, avoir des discussions très précises encore
demain, dans les jours qui viennent. Nous avons à examiner cette
approche que vous évoquez, mais il y a aussi d'autres approches qu'il
faut analyser. Il y a évidemment toute la question de la
sécurité publique, la question des mesures législatives,
réglementaires, pénales. Tout cela doit entrer en ligne de
compte. Il y a les questions fiscales, évidemment, qu'on ne peut pas
oublier. Il y a aussi les questions de moralité, parce que, si on s'en
va vers une sorte de désobéissance aux lois, là aussi il y
a un problème auquel on doit faire face. Ce sont ces solutions-là
que nous recherchons, et nous vous souhaitons bonne chance. D'ailleurs, le
ministre du Revenu pourrait peut-être compléter tout à
l'heure. (20 h 40)
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: merci, m. le président. en fait, je suis
très inquiète, parce que j'écoute le ministre des finances
puis il me dit: le feu est poigne à la maison; le fédéral
ne veut pas envoyer les pompiers puis, moi, je ne vais rien faire, je vais la
laisser brûler. c'est à peu près ça, l'image.
M. Levesque: Je me suis mal exprimé, comme ça.
Mme Marois: Oui, peut-être que le ministre des Finances
s'est mal exprimé, mais il pourra revenir, de toute façon, par la
suite, je suis persuadée de cela, M. le Président, et je
l'écou-terai tout aussi attentivement que je l'ai écouté
jusqu'à maintenant.
Moi, je pense que la situation est très sérieuse. C'est
vrai que nous avons un problème de sécurité publique, mais
nous avons un problème de moralité, de moralité fiscale
qui fait en sorte qu'on se permet de passer à côté de tous
les systèmes, à tous égards, sans aucune espèce de
contrainte, en se disant qu'on peut toutes les mettre de côté
parce qu'il y a eu des mauvaises décisions prises par les deux niveaux
de gouvernement.
Cela étant dit, le gouvernement le plus responsable sera sans
doute celui qui, le premier, prendra les bonnes décisions pour corriger
le tir et faire en sorte qu'on revienne à un niveau de taxation
raisonnable, qui fasse qu'on démantèle tous les réseaux
parallèles qui sont en train de s'établir parce que, sinon, on
les cautionne indirectement. On cautionne ces réseaux-là
indirectement et, à mon point de vue, on participe à cette
évasion fiscale qui coûte au gouvernement du Québec, en
manque à gagner, 325 000 000 $, selon l'évaluation que font les
Finances. D'autres groupes qui sont venus aujourd'hui ont parlé de 500
000 000 $. Bon. Imaginons que c'est quelque part entre les deux. Et prenons le
chiffre, de toute façon, de 325 000 000 $. Moi, je le prends. Sauf que
c'est un manque à gagner de 325 000 000 $. On parle de ça,
là, de quelques dizaines de millions qu'on veut aller chercher par
toutes espèces d'outils et de moyens, qu'ils s'appellent ticket
modérateur ou autres, et on laisse s'échapper comme ça des
sommes considérables parce qu'on a fait des mauvais choix, on a pris des
mauvaises décisions. Et il n'y a rien de honteux à penser qu'on
puisse remettre en question ces mauvaises décisions pour en prendre de
meilleures. C'est ça que les gens nous disent, dans le fond,
actuellement, ceux qui sont là, M. le Président.
J'écoutais, hier soir, une émission, et vos
collègues, ce matin, l'ont mentionné, c'est-à-dire ceux
qui sont venus, représentant les commerçants de détail,
tabagies et autres, ils nous ont dit: II y a eu des remarques à l'effet
que ça
n'avait pas nécessairement d'impact sur l'emploi Alors, moi,
c'est sur ce terrain-là que je veux vous amener, parce que non seulement
il y a un manque à gagner pour le gouvernement, c'est-à-dire des
sommes qu'il ne peut pas aller chercher, qui sont importantes, qui creusent des
trous dans les finances publiques du Québec, mais, en plus, ça a
un impact sur la baisse des niveaux d'emploi chez les producteurs, chez les
distributeurs, ce qui fait en sorte que, si on est moins nombreux à
contribuer aux finances publiques et qu'on est plus nombreux à tirer
dessus parce qu'on a des plus grands besoins, c'est évident que le
résultat net va être une hausse des dépenses publiques.
Alors, je voudrais que vous me parliez de ce volet-là aussi,
quant à l'impact des mauvaises décisions qui se sont prises
jusqu'à maintenant et qui ne sont pas irréversibles. Et, moi, je
déteste cette attitude qui fait en sorte qu'on attend que le
fédéral bouge. Si on bouge, il va aussi bouger, il n'aura pas le
choix. Que ce ne soit pas pareil dans les autres provinces... Il y a quelqu'un
qui faisait remarquer ce matin que les Ontariens viendront peut-être
acheter nos cigarettes si nos taxes sont plus basses. Alors, vous allez voir
que le gouvernement fédéral, il va peut-être bouger. Au
lieu d'être dans une situation d'attentisme, si on était dans une
situation un petit peu plus active, peut-être qu'on éviterait tous
les problèmes auxquels on est confrontés maintenant. Mais, cela
étant dit, c'est un autre ordre de débat. Je veux vous entendre
sur la question des emplois.
M. Gadbois: On a déjà quantifié les pertes
d'emplois dans le secteur du détail, emplois qui sont liés
à la fois à des faillites et à des mises à pied,
dépendant des types de commerces. On les a chiffrées à
3500 jusqu'à maintenant. On peut s'attendre qu'avec les niveaux qu'on
connaît ou qu'on va connaître avec la croissance, encore, de la
contrebande, cet été, ça va être catastrophique.
Ça va vraiment tomber comme des mouches parce que, là, vraiment,
le seuil de tolérance est à peu près à son niveau
le plus bas. Quand on est rendu, par exemple, dans les nombreux petits
commerces, si je parle uniquement des dépanneurs, par exemple,
où, à un moment donné, vous ne pouvez plus mettre des gens
à pied parce qu'il reste deux personnes pour travailler dans le
commerce, parce que, tous les autres, vous n'êtes plus capables de les
payer, on vous a déjà chiffré un peu l'impact
économique. Alors, c'est évident que ça se traduit par des
fermetures d'entreprises.
C'est important de soulever cet aspect-là. C'est un aspect qui
est très difficilement quantifiable, parce qu'on a beau parler des 350
000 000 $, 450 000 000 $ ou 500 000 000 $, tous sont démontrables, et on
n'a pas de problème, dépendant de l'incidence de la baisse de
consommation qui peut varier selon les études. D'ailleurs, nos
études sont beaucoup plus conservatrices que celles des non-fumeurs.
Celles des non-fumeurs, ou du moins appuyées par les non-fumeurs,
parlent d'une baisse de 1,2 %, quand, nous, on prend la baisse à 3 %.
Alors, déjà, si nos chiffres étaient moins conservateurs
que les leurs, on excéderait de loin 500 000 000 $. Mais,
là-dedans, ce qu'on ne quantifie pas du tout, du tout, c'est les gens
qui, effectivement, perdent leur job. Combien ça coûte à
l'État? Et. ça. ça se produit ailleurs au Canada. La
meilleure preuve que vous avez, c'est que, si les détaillants, ailleurs
au Canada, sont impliqués, c'est parce qu'ils ressentent maintenant,
à des degrés divers, pour toutes sortes de raisons qui seraient
complexes à expliquer mais qu'on espère pouvoir expliquer plus en
détail, que la croissance se fait là-bas aussi.
D'ailleurs, ce que je ferais, parce que c'est le but de notre
présence ce soir - j'espère que M. Johnson et M. Levesque
participeront aussi à ce début de recherche de solution - c'est:
Est-ce qu'on peut compter autant sur l'Opposition que sur le gouvernement, soit
pour former une table ou un comité conjoint avec nous, où on
aurait l'expertise, on aurait les chiffres, pour qu'on puisse au moins montrer
à Ottawa un minimum de solidarité sur ce
problème-là? On aimerait pouvoir quitter ce soir avec cette
conviction et pouvoir l'amener à Ottawa, parce que, après tout,
ça nous coûte une fortune de faire ces démarches-là
quand, après tout, ça devrait être au gouvernement de faire
ces démarches-là. C'est nous qui faisons les pressions depuis un
an et demi. Je rappellerai à M. Levesque et je rappellerai à M.
Savoie que ça fait depuis le mois de novembre 1991 qu'on vous a
rencontrés et qu'on vous avait prédit tout ce qui se passe en ce
moment.
Je pense qu'il y a des limites à notre patience, à notre
volonté de coopération. Je pense que la population - puis
j'espère qu'elle écoute ce soir; puis elle écoutera, de
toute façon, parce que c'est un des sujets, vous avez juste à
regarder les quotidiens, qui préoccupent tout le monde - va être
convaincue que non seulement du côté ministériel, mais du
côté de l'Opposition, il y a une volonté de travailler
ensemble, avec nous, pour trouver une solution. Il n'y a rien de pire en ce
moment... Et le désintéressement public se traduit par la
volonté de se venger, en fait, du gouvernement pour l'insatisfaction
qu'on a en ce moment, en trichant, même des gens totalement
honnêtes. M. Johnson l'a dit: Les gens en ont ras le bol. Mais ce dont
ils ont ras le bol, c'est des batailles de clocher qu'on a en ce moment.
On doit se tenir ensemble, puis on peut aller chercher nos
députés fédéraux à Québec. Tant qu'on
a le système, il faut au moins travailler dedans puis savoir comment
s'en servir. Alors, ce que j'espère, c'est que de votre
côté vous soyez capables, ce soir, d'arrêter de nous poser
dos questions, mais d'arriver au moins aver; des propositions pour qu'on arrive
ici et qu'on
dise: Oui, il va y avoir une table où on va pouvoir travailler la
semaine prochaine, puis on va pouvoir compter sur votre appui pour faire des
démarches - qui devraient être les vôtres.
Il faut que vous imaginiez qu'on fait les 75 comtés. C'est 6000
détaillants qui sont organisés un peu partout pour faire ces
pressions-là. Ils ont d'autres choses à faire, dans la vie. Leur
raison d'être, comme je vous l'ai expliqué la semaine
dernière, c'est d'amener des revenus dans leur entreprise en ce moment;
c'est ça qui rapporte l'argent au gouvernement. Mais il faut qu'ils
mettent du temps aussi pour faire des démarches politiques. Alors, c'est
ça que je vous demande, avant qu'on ne termine les discussions ici:
Est-ce qu'il y a des solutions que vous pouvez présenter? Est-ce qu'il y
a des propositions que vous pouvez nous donner ce soir, pour dire: Oui, on va
travailler avec vous, voilà les étapes qu'on prévoit, on
peut s'entendre pour se voir la semaine prochaine; oui, on va se servir de
l'expertise que vous avez alentour de la table, ici, plutôt que de la
critiquer ou de l'analyser, mais on va arriver au moins avec des solutions? Et,
nous-mêmes, on va vous rapporter ce que les députés
fédéraux du Québec ont l'intention de faire. Mais, pour
ça, il faut qu'ils sentent qu'il y a une solidarité ici pour
commencer, si vous voulez qu'ils soient convaincus, parce que leur bataille
à eux autres est beaucoup plus difficile.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon. (20 h 50)
Mme Marois: Rapidement, M. le Président. Je pense
qu'à cet égard l'Opposition a été la
première à dénoncer la situation à laquelle vous
faites référence, par l'intermédiaire de mon
collègue de Montmorency et de l'ensemble de la deputation. Alors,
à cet égard-là, je pense que nous avons marqué
très clairement notre intention que ce problème se
résolve.
Je voudrais ajouter un dernier élément, parce que je sais
que mon collègue a d'autres questions à poser. Pour ne pas
encourir les foudres du ministre des Finances et lui dire que la question de la
santé me préoccupe tout autant que lui - je suis d'ailleurs une
ex-fumeuse - à cet égard-là, je crois qu'il y a des
façons d'aborder cette question-là, qui ont été
utiles par le passé. Mais ce que l'on vit maintenant est d'un autre
ordre: c'est la santé sociologique d'une population qui est en danger
et, ça, c'est pas mal plus, je dirais, pervers à long terme.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
Il ne reste plus de temps du côté de l'Opposition
officielle; il reste du temps du côté ministériel.
M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Merci beaucoup.
M. Johnson: Combien de temps?
Le Président (M. Lemieux): Quatre minutes.
M. Savoie: La Coalition québécoise pour la justice
en taxation du tabac nous présente une option qui est certainement fort
intéressante, c'est-à-dire de faire avec eux l'examen, de
nouveau, du dossier, de voir de quelle façon on pourrait coordonner nos
efforts pour, justement, réduire la contrebande et la situation
générale qu'on connaît au niveau du tabac. Le dossier a
effectivement beaucoup progressé depuis qu'on s'est rencontrés au
mois de novembre 1991. Cette évolution, évidemment, on est en
train de la connaître de plus en plus à travers le Canada. Je
pense qu'on constate une augmentation importante au niveau de l'Ontario et de
la Colombie-Britannique. On connaît également, au niveau du
Québec, un point de saturation qui n'est pas du tout acceptable.
Je pense que la Coalition peut prendre bonne note de la
déclaration du ministre des Finances, qu'il a faite tout à
l'heure. Je pense qu'un examen un petit peu plus serré de ses dires va
être beaucoup plus intéressant que cela a semblé
l'être lorsqu'il les a prononcés. Ce que je peux vous dire, c'est
que nous sommes intéressés à participer, bien sûr,
en échangeant de l'information avec la Coalition et en participant, dans
la mesure du possible, avec la Coalition pour la réalisation d'un
objectif qui, finalement, est commun, c'est-à-dire la réduction
de la contrebande et le respect des lois au Québec, sans oublier les
autres éléments qui ont fait l'objet de discussions, soit par la
députée de Taillon ou par nos collègues, tout à
l'heure.
Il est très clair que nous voulons agir. Il est très clair
également que nous le ferons aussi rapidement que possible, avec les
discussions qui pourraient s'ensuivre de par le comité qui a
été formé au gouvernement. Et, lorsqu'il sera possible,
nous prendrons contact avec la Coalition et nous serons en mesure, à ce
moment-là, de discuter avec vous lorsque cette décision-là
sera prise.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre du
Revenu.
M. le président du Conseil du trésor. Il reste combien de
temps?
M. Johnson: Pour ajouter, simplement, en terminant...
Le Président (M. Lemieux): Une minute et demie
seulement.
M. Léonard: M. le Président... Le
Président (M. Lemieux): Oui. M. Johnson: Oui...
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Léonard: ...une question, je ne sais pas, d'ordre des
travaux. Les intervenants ont dit qu'ils intervenaient de façon rapide
pour permettre que les échanges soient prolongés. Est-ce que,
finalement, c'est tombé, ça? Est-ce qu'ils ont pris leurs 20
minutes, d'abord?
Le Président (M. Lemieux): Non. Ils n'ont pas pris leurs
20 minutes...
M. Léonard: Bon!
Le Président (M. Lemieux): ...mais l'ordre que j'ai de la
Chambre, c'est que, habituellement, c'est une heure. Mais, écoutez, moi,
je n'ai pas d'objection à faire en sorte qu'on puisse partager le
temps...
M. Johnson: Quel temps?
Le Président (M. Lemieux): ...qui n'aurait pas
été pris, c'est-à-dire que les membres de la Coalition
québécoise ont pris tout simplement 12 minutes, je crois, 10
minutes pour la présentation de leur mémoire. Ils ont
commencé... Voyez-vous, nous avons un autre groupe, selon l'ordre du
jour qui a été adopté, à 21 heures. En principe,
ils avaient de 20 heures à 21 heures pour la présentation de leur
mémoire, ce qui m'obligerait à faire en sorte qu'on
dépasse la limite de temps, tel que prévu par l'ordre de la
Chambre, soit à 22 heures pour l'ajournement. C'est le règlement,
c'est-à-dire.
M. Léonard: Oui, mais je n'ai pas connu une seule
séance où on a terminé à temps.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, c'est parce
que, parfois, on nous dit... Oui, je veux bien le croire mais, moi, comme
président, j'ai à faire en sorte que l'organisation des travaux
puisse bien se dérouler. Je n'ai pas d'objection, mais, parfois, quand
ça finit 9 minutes après ou 20 minutes après, je ne veux
pas entendre de remarques aussi, peu importe le côté, que ce soit
du côté ministériel ou du côté de
l'Opposition.
M. Léonard: On n'a pas fait de remarques
là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): J'en ai eu, je m'excuse,
là. Ça va. Alors, on va répartir le temps 5-5.
M. Johnson: En alternant.
Le Président (M. Lemieux): Alors, allez-y.
M. Léonard: Merci bien. Alors, je voudrais revenir
à la question de fond. La question qui a été posée
au ministre des Finances est: Est-ce qu'il pourrait intervenir et, dans ses
rencontres avec le gouvernement fédéral, appuyer les
revendications qui sont faites par l'industrie du tabac à l'effet de
contribuer à régulariser la situation? Et je comprends que, dans
son intervention, il a fait référence à des groupes qui
sont antifumeurs. Je peux dire que j'en suis, quant à moi; je ne suis
pas un fumeur et, là-dessus, j'aime autant ne pas vivre dans la
fumée. Très bien.
Ceci étant dit, il y a une situation de fait qu'il faut avoir je
pense, le courage de voir en face et ne pas dire «si la contrebande
grandit». La contrebande est là Elle est pour des millions, le
tiers du marché. On est en train de dire que c'est en train de glisser
vers la moitié du marché. Et les conséquences pratiques,
c'est que finalement, souvent, ce sont les jeunes qui sont les premiers
visés dans les opérations de contrebande, parce que ça
coûte moins cher, et ils sont... Et là on se retrouve, finalement,
devant un fait où la décision d'avoir monté les prix, les
taxes au-delà du raisonnable se retourne contre les objectifs qu'on
poursuivait, parce qu'elles sont devenues complètement inefficaces.
C'est ça, la question.
J'ai fait référence ce matin, dans le débat.
à ce qui s'était passé dans la prohibition. La
prohibition, dans les années vingt, ça a été le
même phénomène. On a essayé de défendre
l'usage de l'alcool, avec le résultat qu'il s'en prenait peut-être
un peu moins, mais cela a créé d'abord le fait que tous ceux qui
prenaient de l'alcool, à cette occasion, étaient dans
l'illégalité, mais aussi qu'il s'est créé des
réseaux d'illégalité autour. Et on ne peut pas nier qu'il
en existe. Donc, là, je crois que le gouvernement est dans l'obligation
d'intervenir. Il faut que ces réseaux se démantèlent. Et
la question qu'on doit se poser ou la constatation qu'on doit faire, c'est
qu'il faut repartir à zéro. Donc, techniquement, on serait
obligé de repartir sans taxes et après, de reprendre une autre
démarche qui amènerait à décourager les fumeurs le
plus possible. Mais on voit que la voie de la fiscalité est
arrivée à un cul-de-sac présentement. C'est ça.
Parce que les ministres des Finances, au fédéral comme ici, ont
exagéré.
Et le problème qu'il y a, c'est que les deux doivent bouger
ensemble, parce que, si un seul bouge alors que l'autre ne bouge pas, il n'y
aura pas d'avantage et c'est celui qui aura bougé qui va tout perdre
alors que l'autre n'aura rien perdu. Puis, sans compter que ça n'aura
pas nécessairement réglé la question. Je pense que c'est
ça. On est devant une question de moralité fiscale - ça,
c'est évident - et, si l'on commence, pour la cigarette, à
faillir sur ce plan, ça va se produire aussi sur d'autres, comme pour le
marché noir, comme pour d'autres réseaux.
Je pense que le ministre des Finances doit s'engager à travailler
dans cette direction, et s'engager très fermement. Ça me
paraît quelque
chose qu'il doit faire maintenant, parce que la situation
dégénère à vue d'oeil. C'était
déjà apparent il y a un an, mais, depuis un an, elle s'est
drôlement aggravée. Et toute l'argumentation concernant la
santé, je la partage. Je la partage. Mais, présentement, c'est
contre-productif, la situation qu'il y a. C'est rendu que les contrebandiers se
concurrencent entre eux. Alors, l'État est rendu complètement en
dehors de leurs préoccupations. C'est ça qui se produit. La
cartouche de cigarettes est en train de baisser de façon curieuse, puis
il y a des réseaux un peu partout. Je n'oserais pas dire jusqu'où
j'ai entendu parler qu'il en existait - comme je n'y participe pas, je ne peux
rien prouver - sauf que j'en ai entendu des drôles.
Alors, M. le Président, c'étaient les remarques que je
voulais faire. S'il y a des commentaires là-dessus, dans les cinq
minutes qui restent ou la partie des cinq minutes... (21 heures)
Le Président (M. Lemieux): II ne reste plus de temps dans
les cinq minutes.
Alors, M. le président du Conseil du trésor, vous avez six
minutes.
M. Johnson: M. le Président, je veux simplement faire
quelques rappels. On nous a rappelé, de toute façon, quelle
était la nature du problème. Je pense bien que tout le monde le
connaît, le problème de prix, le problème de coût, le
problème de marché, un problème d'équilibre sur le
marché, de facilité, de mobilité à travers la plus
grande, la plus longue frontière non protégée du monde
occidental. Enfin, ce sont toutes des choses, ce sont des données
objectives avec lesquelles on doit vivre depuis fort longtemps.
Il n'en reste pas moins que la solution, si elle doit aller du
côté des prix, qu'on soit en comité ou qu'on ne soit pas en
comité, qu'on se parle publiquement ou privément, on en arrive
toujours à la même chose, là. Moi, je veux bien qu'on
devienne l'objet de pressions incessantes, de travailler sur un comité
avec des gens qui vont nous redire en privé ce qu'ils nous disent
à la télévision, il n'en reste pas moins qu'il ne faut pas
perdre de vue l'objectif central, tel que vous le décrivez, retrouver un
équilibre du côté du prix du marché légal,
qui fait en sorte que la contrebande n'existe plus. Au-delà des mesures
de contrôle qu'on peut mettre sur pied - et il y en a - au-delà
des mesures de répression - il peut y en avoir - vous soutenez qu'il
faut un règlement du côté des prix.
Je réitère ce que le ministre des Finances a
indiqué, ce que mon collègue du Revenu a indiqué: Nous ne
pouvons pas agir seuls. Le ministre des Finances a, fort à propos,
rappelé révolution également des marges
bénéficiaires du côté du privé. On ne peut
pas ignorer ça non plus. Il faut tout regarder. Mais on doit
également regarder quelle a été la progression du
côté des taxes qui viennent d'autres niveaux de gouvernement. Je
rappelle, comme ça a été fait, que le Québec est
l'endroit au Canada qui taxe moins les cigarettes que sept autres provinces. Il
y en a sept où les taxes sont plus élevées qu'ici, au
niveau provincial. Il ne faut pas dire que c'est un problème proprement
québécois, que la façon dont on a monté les
impôts sur les cigarettes, sur le tabac, au Québec, est absolument
la cause première. Ce serait inexact. Ce serait absolument inexact. Il
faut, évidemment, ignorer sa géographie pour dire des
énormités comme celles qu'on vient d'entendre.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M. le
président du Conseil du trésor!
M. Johnson: La réalité, c'est qu'il y a deux
gouvernements qui font des recettes fiscales sur ces produits, et nous avons
déjà sensibilisé nos homologues fédéraux
à ce sujet. Vous entendez le faire. Et nos députés
également ont à faire des représentations, et ils les
feront. J'ai à en faire comme député, et c'est ce qui,
évidemment, va se produire, mais je veux bien qu'on mette les choses en
perspective, que, s'il y a une solution qui passe par les prix et la
fiscalité, elle ne viendra pas uniquement d'ici, d'autant plus que c'est
la minorité de la fiscalité sur le tabac qui a été
imposée par Québec, et la majorité l'a été
par le gouvernement fédéral.
Alors, si vous avez des comités de travail à mettre sur
pied, des gens à sensibiliser, peut-être sensibiliser et mettre
sur pied, aller parler publiquement ou privément, comme vous comptez le
faire, d'ailleurs, auprès de l'autre niveau de gouvernement et,
là, on va vous appuyer. Ça, il n'y a aucun problème
là-dedans, et vous allez vous trouver, vous, à nous appuyer.
Alors, on va être du même côté - ça, il n'y a
aucun doute - à l'égard de cette industrie ici, au
Québec.
En terminant, M. le Président, je suis convaincu également
qu'à travers tout ça on a eu droit à de
généreuses et grandes déclarations de l'autre
côté sur le fait que, oui, on se préoccupe de la
santé des gens. Tout le monde se préoccupe de la santé des
gens, y compris ceux qui vendent des cigarettes. Je suis profondément
convaincu de ça. Mais, ceci étant dit, il faudrait que vous nous
rassuriez, évidemment, en même temps, sur l'effet qu'a sur la
consommation la baisse des prix. Parce que je me souviens, moi, comme
député de l'Opposition, lorsque les collègues de ces
messieurs dames augmentaient l'impôt sur le tabac, que les fabricants,
les distributeurs, les travailleurs de l'industrie de la cigarette, dont de
nombreux habitent dans mon comté - ça, vous le savez - ils se
faisaient fort de démontrer qu'une augmentation - je cite textuellement
- du prix des cigarettes, supérieure d'un point de pourcentage à
l'évolution de l'indice des prix à la consommation ne
résultait pas pour autant en une augmentation des recet-
tes fiscales de la même proportion. Autrement dit, il y avait une
élasticité de la demande. Et, de mémoire, le facteur
était de 0,73 %. C'est ça. Je crois comprendre que, si, à
mesure qu'on monte les prix, la consommation baisse, à mesure qu'on
descend les prix, la consommation monte. C'est ça que ça veut
dire en termes économiques, la nécessité de la
demande.
Alors, il faut, dans ce cas-là, nous rassurer pleinement, sachant
qu'aujourd'hui, de toute façon, le prix est baissé pas mal
là, à l'égard d'à peu près la moitié
du marché, selon vous. Ça, je comprends ça. Mais je serais
curieux de savoir ce que vos études indiquent sur la persistance du
phénomène de l'élasticité des prix, si jamais
ça a existé, d'ailleurs.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Alors, malheureusement, votre temps est terminé, à moins
d'un consentement. S'il y a un commentaire de la part d'un membre de la table
des témoins... s'il y a consentement et s'il y a un commentaire...
Alors, consentement pour un commentaire d'un membre.
M. Gadbois: ...débat sur l'élasticité, parce
que je pense qu'il y a un beau cas qu'on pourrait soumettre aux HEC ici, parce
qu'on a découvert le seuil de tolérance, et le seuil vers lequel
les gens sont prêts à payer. D'ailleurs, il y a plusieurs
variables, et une, on connaît, c'est quand il y a la possibilité
d'avoir le produit à d'autres prix. Ça va être une
interrogation qui intéresse les intellectuels, mais qui nous
préoccupe très peu en ce moment.
La réalité par rapport au prix, je pense qu'on en a
parlé suffisamment. Je crois que, nous-mêmes, on a un travail
à faire dans le sens d'identifier le prix qui pourrait concurrencer,
mais il faudrait arrêter de penser que c'est un prix qui va être
permanent. On a un contexte qui est tout à fait nouveau. On n'a jamais
connu la situation qu'on connaît présentement. Je vous rappelle
que, quand ça coûtait 35 $ ou 40 $ même la cartouche, les
gens étaient prêts à payer la différence. Il y a un
seuil qui a été traversé. Pour toutes sortes de variables,
il a été traversé. Ce qu'il faut comprendre, c'est que,
là, on recommence, parce qu'il va falloir le rechercher. Mais on va
pouvoir revenir à des niveaux... Il y a un niveau de tolérance
que les gens seraient capables de prendre et, pour ça, il ne faut pas
oublier qu'il faut détruire la contrebande à sa base. C'est pour
ça qu'il ne faut pas perpétuer les deux mythes: que c'est une
baisse permanente, donc que le prix va rester bas, donc qu'il va encourager la
consommation. Ça ne se produira pas.
Mais je terminerais tout simplement en disant qu'effectivement c'est la
solution première. Mais, essentiellement, il faut qu'il y ait une prise
de conscience à la fois du gouvernement, de l'Opposition et des groupes
québécois avec la deputation québécoise, si on veut
atteindre la baisse au niveau fédéral. Et il faut détruire
un dernier mythe. C'est que la différence entre la taxe
fédérale et la taxe québécoise, elle n'est pas si
énorme que ça. Alors, oui, ils sont supérieurs, mais
à 54 %, ce n'est pas si grand que ça.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions
pour votre participation à cette commission parlementaire, et
j'inviterais immédiatement l'Union québécoise pour la
conservation de la nature et le Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie à bien vouloir prendre place à la table des
témoins.
Nous suspendons pour une minute seulement les travaux de cette
commission parlementaire.
(Suspension de la séance à 21 h 9)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Nous sommes
prêts à entendre l'Union québécoise pour la
conservation de la nature et le Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie.
J'inviterais le responsable de ce groupe à bien vouloir
s'identifier et à nous présenter la personne qui l'accompagne. Le
débat se poursuivra de la façon suivante. Nous disposons
globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire; suivra un débat entre les deux groupes parlementaires,
pour une durée maximale de 40 minutes, soit 20 minutes pour le groupe
ministériel et 20 minutes pour l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à vous écouter
immédiatement.
Union québécoise pour la conservation
de
la nature (UQCN) et le Groupe de recherche
appliquée en macro-écologie
(GRAME)
M. Simard (Christian): Merci beaucoup. Je me présente, mon
nom est Christian Simard. Je suis directeur général de l'Union
québécoise pour la conservation de la nature. Je serai
accompagné, pour la présentation, par M. Jean-François
Lefebvre, qui est vice-président du Groupe de recherche appliquée
en macro-écologie. Je voudrais d'abord remercier le président et
les membres de la commission de bien vouloir nous entendre ce soir, à
cette heure tardive et en ce soir enneigé, à propos des questions
relatives à la fiscalité.
Maintenant, j'aimerais vous dire quelques mots, mais, excusez... Tout
d'abord, vous avez eu une nouvelle version de notre mémoire, là,
cet après-midi. C'est une version avec seulement des corrections
typographiques, des questions de fichiers informatiques qui ont laissé
échapper quelques fautes typographiques. On s'en excuse,
mais l'essentiel du mémoire - pas seulement l'essentiel, mais
à 99,9 %, comme le savon Ivory -c'est identique.
J'aimerais vous présenter en quelques mots le GRAME et l'UQCN. Le
GRAME. c'est un groupe indépendant de chercheurs et d'experts-conseils.
Ses objectifs sont de développer des outils macro-écologiques
d'analyse et de gestion pour le développement durable, la
macro-écologie étant une science qui s'appuie sur l'observation
des grands équilibres biosphériques. une nouvelle science.
L'Union québécoise pour la conservation de la nature regroupe,
pour sa part, 112 organismes environnementaux à travers le
Québec, totalisant plus de 55 000 personnes. Elle compte
également 5000 membres à titre individuel.
La présentation qu'on fait ce soir, si on peut la
«contextualiser» dans le débat que vous vivez maintenant
depuis pratiquement 15 jours, nous croyons bien humblement qu'elle apporte un
point de vue original. Ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant
était relatif beaucoup à des questions de tickets
modérateurs, ou de frais de services, ou tickets orienteurs, etc.,
nécessité de vivre selon nos moyens et de diminuer les charges de
l'État et, d'un autre côté, à des questions de
crainte de diminution de services, crainte d'iniquité occasionnée
par ces tickets modérateurs ou ces tickets orienteurs. De notre
côté, on vous propose une réforme, qui nous apparaît
plus en profondeur, de la fiscalité, mais selon des principes de
développement durable pour assurer effectivement le développement
durable de la société québécoise.
Maintenant, pour vous présenter le contenu ou une synthèse
du contenu de l'imposant mémoire - je pense en termes de pages - que
vous avez reçu - et imposant, je l'espère bien, au niveau des
idées - je demande à M. Jean-François Lefebvre de vous le
résumer.
M. Lefebvre (Jean-François): Dans une première
étape, j'aimerais prendre juste une petite minute pour situer un peu la
notion quand on parle de l'ampleur du déficit et le lien entre,
justement, les finances publiques et l'environnement. Le lien peut se retrouver
à deux niveaux: un niveau qu'on va élaborer un peu plus, qui est
celui de l'impact des différentes politiques sur des coûts
environnementaux, et l'impact que ça peut avoir sur les finances
publiques. Bon, ça, ça va être la partie qu'on va
élaborer le plus, mais j'ai une petite introduction, quand même,
qui est importante à voir. C'est que, comme gestionnaires, vous devez
vous fier à ce que les économistes vous donnent comme
indicateurs. On parle du produit national brut, du produit intérieur
brut. Ces indicateurs économiques, au départ, ils sont biaises,
et c'est reconnu, dans un sens, sauf qu'on est en train seulement, en
économie, de développer des nouveaux indicateurs, qui tiennent
compte des pertes de capital environnemental. Qu'est-ce que ça veut
dire? Ça veut dire qu'on peut avoir des politiques fiscales, des
politiques économiques qui peuvent réduire le déficit
gouvernemental, mais qui peuvent accentuer le déficit réel. Donc,
c'est une petite nuance à laquelle il faut quand même faire
attention. Ça veut dire que la dette publique peut être plus
grande qu'elle ne l'apparaît présentement si on intègre les
coûts environnementaux, qui sont une dette, qui sont du même
principe que la dette: remettre des coûts à plus tard. Ça
doit être intégré. Donc, fin de la première
parenthèse.
On aborde maintenant le vif du sujet. Qu'est-ce qu'on propose donc?
Premièrement, la marge de manoeuvre du gouvernement pourrait être
plus grande que ce qui paraît. Il y a deux aspects qu'il faut regarder:
donc, voir à ce qu'il y ait cohérence entre les politiques de
dépenses entre les différents programmes, entre les
différents ministères, entre eux, et par rapport aux objectifs
environnementaux et sociaux. Une chose, donc, au niveau des dépenses.
L'autre aspect, c'est au niveau des recettes. Il n'y a pas un mot qui a
été dit, depuis le début de ce débat, sur toute la
question des taxes environnementales et de réforme de la
fiscalité, comme il commence à se faire en Europe
présentement. Mais, il y a plusieurs études économiques
qui sortent, et même une vient d'être publiée par le
gouvernement fédéral, qui concluent que des instruments
économiques permettent d'atteindre des objectifs environnementaux
à moindre coût. Comme on a déjà des objectifs
environnementaux, et je ne pense pas que c'est l'intention du gouvernement de
revenir en arrière, le fait d'avoir des instruments économiques
qui permettent d'atteindre ces objectifs, à moindre coût,
ça représente un autre gain économique.
Donc, premier aspect, les dépenses publiques. Tout le monde a
été soulagé quand on a appris que la vitesse de
deforestation en Amazonie a été réduite. Pourtant, quel a
été le principal geste qu'ils ont fait? Ça n'a pas
été de mettre plus d'argent dans la conservation, c'est qu'ils
ont aboli les crédits qui finançaient carrément les
éleveurs qui mettaient le feu à la forêt. Quand c'est loin,
ça paraît très beau, mais, si on se fait notre propre
autoportrait, on a beaucoup d'exemples au Québec où on a des
incohérences entre des politiques, ce qui engendre des coûts.
Juste un exemple pour le moment, c'est au niveau de l'effet de serre
puis de l'efficacité énergétique. Déjà, il y
a des politiques qui ont été adoptées au niveau
d'encourager le transport en commun, ça a été
adopté par le ministère de l'Énergie et des Ressources, le
ministère des Transports du Québec et par le MENVIQ, bon. bien
entendu, indirectement. Pourtant, on a le projet de déménagement
de l'Hôtel-Dieu, qui fait en sorte que c'est impossible d'imaginer que
les gens vont prendre plus le transport en commun si on accentue
l'étalement urbain, dans ce cas-là.
et la baisse de la densité résidentielle.
La même chose pour toute la question de l'autoroute 25, le nouveau
pont sur la rivière des Prairies. Donc, à ce niveau-là, il
faudrait chercher à avoir de la cohérence entre les programmes
gouvernementaux, ce que demande déjà le ministère de
l'Énergie et des Ressources dans sa stratégie d'efficacité
énergétique.
Dernier point. Au niveau des taxes aux nuisances - ce qu'on appelle les
taxes aux nuisances environnementales - il y aurait tout un autre aspect de la
fiscalité qui pourrait être développé et qui,
même, doit être développé, c'est le fait d'axer la
fiscalité pour avoir des revenus sur ce qui nuit le plus à
l'économie, ce qui entraîne des coûts externes.
Présentement, on taxe le travail, on taxe l'investissement, on taxe ce
qui est bénéfique, dans un sens, à la consommation, ce qui
est bénéfique à l'économie, mais on va
subventionner ou on ne taxera pas ce qui va entraîner des coûts
sociaux et des coûts environnementaux, mais qui finissent aussi par
être des coûts économiques.
Juste un exemple: une famille qui, à cause des subventions au
développement de nouvelles banlieues, va quitter une ville centrale pour
s'établir en banlieue. Pour le même service, comme le transport
scolaire, la même famille va réclamer de trois à cinq fois
plus de dépenses au gouvernement, pour recevoir le même service.
(21 h 20)
Ce qui est proposé maintenant, c'est de développer des
taxes environnementales qui serviraient, en partie, à financer le
déficit et, en partie, à remplacer d'autres formes de taxation
qu'on a présentement.
À ce niveau-là, il y a plusieurs exemples qui sont
possibles: avoir des frais d'immatriculation sur les automobiles, qui sont
modulés d'après l'efficacité des véhicules, ce qui
existe déjà dans plusieurs pays européens;
développer une taxe régionale sur les espaces de stationnement,
ce qui permettrait de limiter tous les problèmes entre les
municipalités, si seulement une ville adopte une mesure comme ça,
et il faudrait aller à évaluer des mesures comme l'écotaxe
européenne, qui est présentement étudiée, qui
serait une taxe sur le carbone, calculée à moitié sur la
teneur en carbone de l'énergie et, pour l'autre moitié, qui
serait calculée en fonction de la consommation énergétique
pour tout ce qui est non renouvelable, tout ce qui est dommageable pour
l'environnement. Donc, c'est une taxe qui exclut
l'hydroélectricité, l'énergie éolienne,
l'énergie solaire.
Un des plus grands obstacles à ces mesures-là... C'est le
genre de mesures où on pourrait dire que tout le monde serait plus riche
si tout le monde adoptait une fiscalité qui était basée
sur les taxes environnementales. Tout le monde serait plus riche, dans ce
cas-là, mais on n'adopte pas les mesures parce qu'on attend que les
autres les adoptent pour ne pas avoir - comme on a le problème au niveau
du tabac - des différences tellement grandes entre les pays que
ça nuit au commerce.
Mais ce qu'il faut voir, c'est que l'énergie est
déjà beaucoup plus taxée en Europe, que plusieurs pays
d'Europe du Nord ont déjà adopté des taxes sur le carbone
et que, présentement, le nouveau président américain est
en train d'étudier très sérieusement la possibilité
d'implanter des taxes sur l'énergie - ça a été
même annoncé ce matin qu'il préparait la population
à une nouvelle taxe - ce qui fait en sorte que le contexte
international, présentement, nous permettrait enfin d'aller vers de
telles mesures, tout en sachant qu'elles doivent être progressives,
s'implanter lentement sur une période de 20 ans, et qu'elles
permettraient, à ce moment-là, à long terme, de
réduire à la fois les problèmes environnementaux, mais
sans créer les distorsions qu'entraîne une bonne partie de la
fiscalité actuelle, ce qui permettrait de créer une
revitalisation de l'économie et des emplois dans les secteurs,
justement, qui sont les moins dommageables pour l'environnement et qui sont
généralement ceux qui sont les plus créateurs
d'emplois.
Évidemment, le fait de faire ces mesures-là
progressivement implique tout de même de les faire dès maintenant.
Si le Québec attend, c'est sûr que, si l'Europe nous devance et
qu'on arrive dans 20 ans à dire: On a manqué le bateau, on a
manqué le train... Bon. Adopter des mesures très rapidement
entraîne des distorsions dans l'économie, mais, si on commence
dès maintenant et progressivement, c'est une voie nouvelle qui
permettrait... Ça ne réglerait pas tous les problèmes du
gouvernement, mais ça permettrait d'aller chercher des revenus tout en
réduisant les coûts. Un dernier exemple...
M. le Président, je ne sais pas le temps exact qu'il nous reste,
là.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste 10 minutes pour
l'exposé de votre mémoire.
M. Lefebvre (Jean-François): Ah! O.K. Donc, un des
exemples serait une taxe sur le carbone, indirectement, ou une taxe sur
l'essence, qui reviendrait indirectement comme en taxer une partie. S'il y a un
accroissement de l'efficacité énergétique des
véhicules qui est promu en même temps et un accroissement
élevé, mais progressif, de la taxe sur l'essence, on peut se
retrouver dans une situation où le gouvernement peut à la fois
accroître ses revenus sans que les consommateurs ne soient vraiment
défavorisés, puisqu'ils vont être incités à
avoir des autos plus efficaces. Le gain, comment c'est permis, c'est que
ça va être une réduction de l'importation de
pétrole. Une simple réduction d'à peu près 20 %, 25
% de la consommation d'essence seulement, ça représente, au
niveau de la balance commerciale du Québec, un gain de 300 000 000 $
C'est
quand même non négligeable, et c'est donc de l'argent qu'on
ne va pas chercher dans la poche des contribuables, mais tout simplement qu'on
gagne parce qu'on cesse d'importer, à ce moment-là, une
énergie qui est très polluante et qui nous coûte
très cher en même temps, tout en permettant aux gens de se
déplacer d'une façon efficace.
Vous avez, à la fin de votre mémoire, dans l'annexe II,
entre autres, des citations de constructeurs automobiles américains qui,
devant le Sénat américain, en commission sénatoriale - ils
étaient un peu dans le même contexte que nous, présentement
- ont réclamé - et ça vient des constructeurs automobiles
- que, si le gouvernement américain voulait accroître
l'efficacité des véhicules, il fallait, à ce
moment-là, pour être cohérent, accroître les taxes
sur l'essence. Leur argumentation, c'est tout simplement que, si l'essence
coûte le même prix et que les autos sont plus efficaces, les gens
vont tout simplement rouler plus, et ça va être totalement
inefficace comme mesure. Donc, c'est des représentants de Nissan et des
autres grands de l'automobile. On aurait tendance a voir les
représentants industriels comme étant des gens qui sont farouches
à ces mesures-là, mais on voit que c'est même des gens qui
peuvent être en faveur de ces mesures-là.
Ensuite, on pourrait dire que tout ce qui a été fait comme
analyses pour élaborer la stratégie québécoise
d'efficacité énergétique, c'est toujours basé
d'après la percée des innovations technologiques qui seraient
faites, en fonction des prix actuels de l'énergie. Donc, on a fait des
études et on a fait des objectifs où on disait que le
gouvernement n'a aucun impact sur le prix et ne touche pas au prix. Par des
activités, des programmes, on développe, on incite les gens
à acquérir des nouvelles technologies qui sont plus performantes
et qui permettent, à la fois, de réduire la pollution,
d'accroître l'efficacité énergétique et de
développer l'économie du Québec. Mais, nulle part, dans
toutes ces études-là, on n'a fait l'hypothèse que le
gouvernement pouvait aussi jouer sur les prix. Pourtant, vous le savez que le
facteur prix, en économie, c'est le facteur le plus important dans le
choix autant des consommateurs que des entreprises, comme critère de
décision. Ce qui fait que tout ce qui a été fait comme
évaluation du potentiel d'efficacité énergétique,
autant par le gouvernement que par Hydro-Québec, est inférieur
à ce qui pourrait être fait si on adoptait de telles mesures. Les
implications sont multiples.
Quand on fait des études, présentement, pour savoir si on
doit implanter des trains de banlieue, encore là, on considère
que la situation actuelle ne change pas. S'il y a accroissement du prix de
l'essence, il y a un incitatif, à ce moment-là, pour les
automobilistes, à utiliser plus les trains et les autres transports en
commun. Donc, il y a une dynamique qui fait en sorte que non seulement ces
mesures-là peuvent permettre d'aller chercher des revenus pour le
gouvernement, mais peuvent réduire les coûts de ce qui est vu,
maintenant, comme des services sociaux, dans certains cas, mais qui devrait
être vu - je parle des transports en commun, des trains de banlieue ou
d'un éventuel train à grande vitesse, ce qui serait dans cette
optique-là - comme les moyens les moins coûteux pour faire
déplacer les Québécois, pour les individus et pour le
gouvernement. Dans ce sens-là, le fait de pouvoir intégrer les
coûts environnementaux, ça va faire en sorte que ce sera un
incitatif pour tout le monde pour utiliser plus efficacement l'énergie
et ça va faire en sorte que le gouvernement aura moins à
subventionner les alternatives ou les mesures de dépollution.
Donc, la position des écologistes, comme vous le voyez, n'est
plus celle qu'on voyait autrefois, je dirais, de groupes de pression qui
réclament de l'argent pour la conservation ou la dépollution, et
qui réclament de plus en plus d'argent. Notre approche est maintenant
vraiment... Bon, c'est un peu dû à la jonction
d'économistes et d'environnementalistes, qui ont permis d'accentuer le
débat. C'est vraiment de dire en quoi on peut faire une réforme
de la fiscalité qui permettrait d'accroître l'efficacité
dans l'utilisation des ressources à tous les niveaux. Donc, ça
aurait un impact au niveau énergétique, au niveau de
l'intégration des nouvelles technologies, au niveau de l'emploi et
ça aurait un impact aussi au niveau de l'efficacité structurelle.
Donc, automatiquement, le fait d'intégrer les coûts
environnementaux, ce serait une façon aussi de contrer
l'étalement urbain: un, par la réduction des subventions à
l'étalement urbain et, deux, par le fait que, pour le consommateur, il y
a beaucoup de gens qui vont s'établir en banlieue parce que c'est moins
cher, non pas parce que c'est le mode de vie qu'ils recherchent. Donc, il y
aurait, à ce moment-là, une façon de
rééquilibrer les coûts pour tenir compte de l'ensemble des
coûts sociaux et environnementaux. (21 h 30)
M. Simard: Oui, j'aurais peut-être - je pense qu'il nous
reste quelques minutes - quelques points additionnels. On a parlé de
l'incohérence de certains programmes gouvernementaux du point de vue de
leurs impacts fiscaux ou de certaines politiques et du point de vue de la
préservation des ressources. Essentiellement, tout le débat
à Rio a beaucoup porté, entre les Américains et les
Européens, sur l'utilisation des ressources via une énergie assez
peu chère du côté américain et une habitude, chez
les Européens, de développer de plus en plus un système
efficace de production, prenant comme un avantage le coût assez
élevé de l'énergie. Je pense qu'on ferait un mauvais choix
de maintenir, dans l'ensemble de nos politiques, l'idée de
«cheap» énergie, ressource très peu chère,
parce
que, à long terme, on a des coûts environnementaux, des
coûts de ressources assez importants.
Par exemple, au niveau des incohérences qu'on a pu noter par
rapport aux objectifs mêmes de cette commission, récemment, le
ministère de l'Environnement a annoncé un programme
d'élimination des pneus hors d'usage directement axé sur des
subventions, notamment des subventions aux cimenteries, un programme de 16
mois, de 7 300 000 $, pris à même les réserves d'une autre
société d'État, la société de recyclage
RECYC-QUÉBEC, de récupération RECYC-QUÉBEC. Cette
société-là, qui a d'autres missions, se voit faire une
ponction de 7 300 000 $ pour subventionner les cimenteries pour brûler
des pneus, qui sont une source énergétique. C'est comme si,
finalement, on vous subventionnait pour mettre du gaz dans votre automobile, en
partie, parce que ça a une valeur énergétique, ces
pneus-là. Donc, c'est une grave incohérence quand on parle de
responsabiliser les utilisateurs - je fais référence à
votre document «Vivre selon nos moyens» - et ça, c'est
dommage.
D'autres tendances, actuellement, d'aller vers, par exemple, la
génération par des centrales thermiques de
l'électricité...
Il reste une minute?
Le Président (M. Lemieux): Moins qu'une minute, 30
secondes.
M. Simard: Trente secondes.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît.
M. Simard: Donc, très rapidement, une autre tendance
là-dessus, c'est la génération par des centrales
thermiques de l'électricité. Si on remplaçait maintenant
la filière hydroélectrique par la filière thermique,
Hydro-Québec a estimé à 605 000 000 $, en dollars
actualisés, de 1996 à 2010, les pertes fiscales pour les
Québécois. Donc, on doit considérer ce genre d'impacts
fiscaux de politiques qui, à la fois, sont insoutenables au niveau des
ressources et font perdre des revenus. Donc, c'est un peu la base de notre
réflexion: plus de cohérence et un nouveau champ de taxation qui
peut remplacer les champs de taxation traditionnels et aider la
préservation des ressources.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président
du Conseil du trésor.
M. Johnson: Merci, M. le Président, et je veux remercier
nos invités de l'excellente tenue de leur mémoire. Il y a un
relevé là, évidemment, de certains des
éléments les plus importants pour l'avenir dont les gouvernements
doivent tenir compte, la façon, notamment, dont vous concluez qu'on doit
recentrer la fiscalité afin de tenir compte de la grande, grande
variable environ- nementale. Une variable parce que, effectivement, notre
intervention humaine, économique vient influencer le
développement sous toutes ses formes.
C'est difficile, par exemple, d'unifier, je dirais de redéfinir
l'univers fiscal en fonction des objectifs ou de l'objectif que vous
poursuivez. Ça mène à des constats qui sont un peu
difficiles à réconcilier les uns avec les autres. Sans expliciter
ou sans entrer dans trop de détails, ce n'est pas ça mon propos,
on peut relever au passage que c'est difficile de voir le lien, par exemple,
entre le développement durable, l'étalement urbain et, pour
prendre un exemple d'actualité que vous mentionnez, la construction d'un
hôpital là où les gens habitent déjà. Alors,
ce n'est pas évident qu'on facilite l'étalement urbain à
rapprocher les services des gens. Je pourrais croire que, si on attire les gens
ou qu'on les repousse en dehors du centre par des mesures précises,
évidemment, ça a des effets qu'on tente de compenser, mais, en
l'occurrence, de la même façon que lorsqu'on constate que des gens
sont sur un territoire et doivent faire des douzaines de kilomètres pour
se rendre du point A au point B, il arrive que la création de liens
routiers contribue, de façon remarquable, à une baisse de la
consommation de carburant.
Ce qui m'amène, à l'égard du carburant et de la
taxation du carbone, à faire un constat. Je ne prétendrais pas
que la taxe sur l'essence, au Québec, est particulièrement
élevée pour des considérations environnementales - il y a
une longue succession de ministres des Finances qui n'ont jamais plaidé
ça, en tout cas, à chaque fois qu'ils augmentaient le prix de
l'essence - mais on peut constater que c'est ça la situation. C'est
ça la situation.
Dans d'autres juridictions, on pense au gouvernement
fédéral, il y a fort longtemps, qui avait introduit une taxe
spéciale sur les automobiles munies d'un climatiseur. On se souvient de
ça. En Ontario, évidemment, il y a eu l'instauration, au budget
de 1991, d'un montant de taxe de vente additionnel à l'achat de
véhicules à haute consommation d'essence. Ils ont tenté
d'être des précurseurs au Canada; ils ont été
obligés de réviser le tir en coupant la surtaxe de moitié
lorsque, évidemment, les réalités économiques se
sont montré le visage.
Je fais ces liens-là justement pour dire qu'aussi
intéressant que ce soit d'essayer de recentrer toute la fiscalité
autour de cet objectif-là, ou pour en assurer la diffusion, la
promotion, on essaie de voir comment on peut, sans tout dérégler,
malgré tout faire preuve d'originalité et être un peu des
précurseurs. C'est difficile d'être un précurseur aussi
majeur que ça dans l'environnement nord-américain.
Est-ce qu'on peut compter, selon votre expérience, sur des
expériences similaires chez nos voisins? Comment la fiscalité en
matière
environnementale se compare-t-elle avec celle des autres et qu'est-ce
que ça signifierait de remplacer notre fiscalité, sur la base de
considérations comme celles que vous souhaitez, sur révolution
des autres formes de fiscalité qu'on connaît, les autres formes de
taxes sur la consommation, autres qu'énergétique?
Évidemment, la taxe sur les revenus, donc sur la production plutôt
que la consommation, ça demande évidemment, ça aussi,
d'être recentré, je présume.
Est-ce qu'on ne peut pas enrichir davantage la discussion... Et je
termine là-dessus, par une question à des gens qui se soucient de
ça, je dirais, de façon soutenue. Que pensez-vous du
système de la parafiscalité, des permis de pollueur? Je pense que
vous connaissez le concept où l'objectif social peut être de dire:
On va limiter à tant de millions de mètres cubes, tant de
centaines de milliers de tonnes les émissions dans l'atmosphère,
dans l'eau ou quoi que ce soit et on va décerner des permis pour telle
capacité de pollution à telle et telle personne, qui peuvent
réussir à faire mieux que le permis qu'elles ont acquis et qui
pourraient - c'est là l'objet de ma question - dans certains cas, vendre
à d'autres - donc établir un marché du contrôle de
la pollution - cet excédent de pollution qu'elles ont réussi
à contrôler, afin de voir comment l'objectif global serait
atteint. Ou êtes-vous plutôt des partisans de la ligne plus dure,
probablement, qui vise à imposer des rythmes de réductions
individuelles par entreprise ou par établissement même
d'entreprise?
J'ai essayé de lier fiscalité avec les différents
régimes qu'on peut retrouver en matière de contrôle, je
dirais, de pollution et je serais extrêmement intéressé de
vous entendre là-dessus.
M. Simard: Disons qu'il y a une palette d'incitatifs
économiques. D'un point de vue très pragmatique, dans le Clean
Air Act, aux États-Unis, ça fonctionne, au niveau de la
réduction des émissions atmosphériques. Par exemple, ce
marché, cette bourse de droit de polluer, entre guillemets, s'il y a des
objectifs clairs de rétrécissement d'émissions en bout de
liste, devenant un bien, parce que c'est de plus en plus rare, ces quotas
d'émissions atmosphériques, ça nous apparaît une des
facettes à envisager, et on n'est absolument pas puristes de ce point de
vue là. Je pense que c'est intéressant. Il y a plusieurs
facettes, c'est un nouvel esprit de recherche.
Un des premiers incitatifs économiques, peut-être, qu'on
oublie souvent, c'est d'arrêter de subventionner la venue d'industries
éner-givores ou de subventionner des pratiques écologiquement peu
soutenables ou qui vont entraîner des coûts sociaux, des
coûts de santé, des coûts d'assainissement. Un premier
incitatif, souvent c'est de ne pas encourager une activité qui va nous
coûter cher à long terme si on internalise les coûts
d'environnement, ce qu'on ne fait pas dans notre comptabilité, mais si
on le faisait ce serait beaucoup plus clair. Maintenant, donc, on n'est pas
fermés à ce genre de choses là et je pense qu'on peut
effectivement recentrer. On l'a dit, et je pense que M. Lefebvre va pouvoir
pousser davantage de ce côté-là, il y a un lien très
direct entre une société durable et la lutte à
l'étalement urbain, parce que cet étalement urbain, souvent, se
fait à même des terres agricoles, à même des
ressources. L'autoroute 25, un énorme hôpital plus grand que pour
les besoins, eh bien, ça nuit. (21 h 40)
Maintenant, sauver Montréal est peut-être le principal
défi écologique, et, souvent, s'il y a une fiscalité, par
exemple, ou même des programmes créateurs d'emplois encourageants,
comme des programmes d'isolation de maisons, ces programmes-là, bien, ce
sont des mesures qui sont bonnes pour les ressources et bonnes pour
l'économie. C'est ce qu'on essaie de trouver, cette quadrature du
cercle, bonne pour l'économie.
Je pense que là-dedans, il s'agit d'avoir une certaine
volonté de recherche et de pousser avec beaucoup d'innovation. Je pense
qu'il y a des mesures transitoires, il y a des négociations
éventuelles. Vous savez qu'Ai Gore, le vice-président actuel des
États-Unis, est très, très sensible à ces
questions-là. Je pense que le contexte est favorable pour le
Québec d'aller là-dedans et de ne pas être le dinosaure
écouleur de ressources à bon marché et avec tous les
problèmes environnementaux qui vont avec - et je fais
référence aux pâtes et papiers - mais de proposer des
choses, des solutions nouvelles pour son développement. Une partie de
ça, bien, c'est les palettes d'outils fiscaux qu'on vous
suggère.
M. Lefebvre (Jean-François): II y avait plusieurs
questions; je vais aller dans l'ordre peut-être plus pratique.
Premièrement, au niveau de toute la question des permis
transférables, à la page 9, justement, on dit qu'il y a deux
méthodes qui s'avèrent plus efficaces que la
réglementation: les permis et l'utilisation de taxes. Le fait qu'on ait
développé plus la question des taxes, c'est qu'il y a quand
même peu de cas au Québec où les permis sont utilisables,
mais il y en a. C'est tout simplement parce que notre mémoire
était déjà imposant qu'on a essayé de centrer sur
certains aspects. Notre but, c'était vraiment de démontrer la
pertinence d'étudier et d'aller vers des outils économiques, mais
les permis sont aussi valables que les taxes.
Dans ce sens-là, je vois que le fait de faire un lien entre une
ligne dure et une ligne molle, selon les taxes ou les permis
transférables, je dirais que c'est inapplicable dans le sens que ce sont
des outils qui sont très valables. La seule
nuance qu'il faut voir, c'est en termes purement d'implantation
possible. Pour que le système de permis transférables marche,
vous le savez, je pense, il faut qu'il y ait un nombre suffisamment grand
d'intervenants pour qu'il y ait une création de marché, donc
suffisamment d'entreprises, par exemple, pour le cas des émissions de
SO2, mais il ne faut pas que le nombre soit trop grand, comme, par exemple, les
émissions qui viennent des véhicules automobiles. C'est
impossible d'avoir une négociation rentable à ce
moment-là.
Je pense que j'éclaircis là-dedans dans le sens que, notre
position, c'est d'aller vers tous ces outils, étant donné que
certains sont plus applicables que d'autres et que certains sont plus rentables
que d'autres, selon les cas, mais ces outils économiques sont, en
général, plus rentables pour les gouvernements, et toutes les
études, y compris une récente du gouvernement canadien, d'autres
études européennes, là où c'est appliqué,
concluent que les outils économiques sont plus rentables pour atteindre
le même objectif, coûtent moins cher pour le gouvernement pour
atteindre le même objectif et, à coût égal, pour le
même investissement du gouvernement, ça permet d'atteindre un
objectif environnemental plus élevé. Ça fait que, dans ce
sens-là, comme je vous le dis, on a favorisé un outil tout
simplement pour le développer, l'analyser un peu plus dans cette
démarche-là, et aussi parce qu'il est plus applicable. Je veux
dire qu'il va y avoir sûrement trois cas sur quatre où ça
va être beaucoup plus la fiscalité directement qu'on va pouvoir
utiliser que des permis.
M. Simard: II y a aussi la notion de consigne.
M. Lefebvre (Jean-François): Oui, mais qui rentre un peu
aussi à l'intérieur. C'est un peu des mesures
intermédiaires.
Deuxième question, la question de remplacer les autres
éléments de fiscalité. C'est très important de dire
qu'on ne dit pas qu'il faut abolir la fiscalité actuelle, faire une
révolution, créer une nouvelle fiscalité basée
uniquement sur des taxes environnementales. Ce n'est pas du tout notre
intervention. C'est de créer et d'augmenter progressivement les taxes
environnementales, qui ne combleront qu'une partie du budget, mais quand
même une partie du budget, et qui ne remplaceront pas complètement
l'impôt au point de vue objectif de redistribution et au point de vue des
autres objectifs sociaux. Il faut aussi tenir compte du fait que, comme un des
buts des taxes environnementales, c'est de modifier la consommation, de
réduire la consommation de nuisances environnementales, ça
entraîne une instabilité plus grande qui fait en sorte que ce
genre de mesure ne peut pas, à elle seule, remplacer la fiscalité
actuelle.
Ce qu'il faut voir, c'est que la position n'est pas du tout
l'extrémisme, mais le réalisme de dire qu'une fiscalité
cohérente dans un gouvernement devrait faire en sorte qu'on taxe un peu
plus ce qui entraîne des coûts sociaux plus élevés ou
qu'on subventionne et qu'on ne taxe pas ce qui entraîne des
bénéfices économiques. Et c'est d'aller progressivement
vers ça, tout simplement, ce qu'on propose, au niveau de la question de
remplacer les autres fiscalités.
M y a un élément de la question qui était
extrêmement important, c'est la question de l'Hôtel-Dieu,
l'autoroute 25. Ici, je crois que ce n'est pas une question de mauvaise
volonté, mais c'est une question, je dirais, d'information scientifique
où il faut faire un point. Il y a un mythe de dire que le
déplacement des emplois vers les banlieues permet de rapprocher les
emplois de là où les gens sont maintenant qu'il y a
déjà eu un début d'étalement urbain. Sauf que
toutes les études démontrent qu'il est impossible d'avoir un
transport en commun efficace de banlieue à banlieue, que tout emploi qui
est déplacé en banlieue... Puis je parle d'études qui ont
été faites à travers... Entre autres, l'étude de
Newman et Kenworthy a été faite à travers 32 villes
à travers le monde. Toutes les fois que des emplois sont
déplacés, la proportion de déplacements faits en
automobile est tellement accentuée que, même si une partie des
gens vont se retrouver plus proches des emplois, la consommation d'essence
monte en flèche. C'a été prouvé par toutes les
études et c'est le cas, d'ailleurs, même pour les données
qui sont faites sur le transport dans la région de Montréal. On
constate que de banlieue à banlieue, c'est 82 % des gens qui prennent
l'automobile, alors que, si on a un réseau de transport en commun qui
est de façon radiale, en forme d'étoile vers un centre, on peut
aller chercher une proportion beaucoup plus grande d'utilisateurs du transport
en commun ou de covoiturage, ce qui veut dire que cet argument n'est pas
valable. Je m'en excuse, dans un sens.
Le fait de déplacer l'Hôtel-Dieu va entraîner une
accentuation de l'utilisation de l'automobile, entre autres à cause de
la croissance de l'inefficacité à tous les niveaux, parce qu'on
prend l'automobile même pour aller au dépanneur au coin ou pour
aller acheter du pain.
Dernière remarque sur cet aspect-là: la construction de
l'autoroute 25. Le fait d'avoir un développement autoroutier... Vous
avez une analyse justement qui a été faite à la page XX,
en chiffre romains, donc, dans l'annexe. Et c'est justement
démontré là aussi que, si on accentue l'étalement
urbain, on fait en sorte que la consommation d'essence est augmentée
parce qu'il y a réduction au niveau de l'énergie marginale
consommée par véhicule sur une certaine distance, mais il y a
allongement des distances faites, allongement du taux de motorisation et aussi
une part plus grande des gens qui se déplacent, à ce
moment-là, par automobile plutôt que par le transport en commun.
Et toutes les
études empiriques démontrent que la construction
d'autoroutes tend à augmenter la consommation d'énergie à
cause de l'impact structurant qui est plus important que l'impact marginal.
Quand je parle d'impact marginal, c'est le fait de dire qu'il y a au
moins quelques familles qui vont pouvoir être plus proches de leur lieu
de travail, par exemple, parce qu'il y a un nouveau pont, on a ajouté
une nouvelle voie au réseau routier, sauf que les études
empiriques démontrent que l'effet structurant, donc tous les impacts sur
le nombre d'automobiles, sur les distances parcourues, fait en sorte qu'on
augmente quand même la consommation d'énergie.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais vous féliciter pour votre mémoire, pour ce qu'il
représente en termes d'idées et de perspectives quant à
l'avenir. Je suis convaincu que ce que vous dites aujourd'hui et ce qui
sous-tend les études que vous avez faites, à mon sens, c'est
fondamental pour la génération qui vient et les
générations qui viennent. (21 h 50)
La question que je me pose, après vous avoir entendus, porte
essentiellement sur l'aspect politique de ces questions. Vous avez fait une
foule de calculs que je comprends, je pense, mais la réalité,
c'est que, si vous prenez un exemple... Vous avez l'autoroute 25; au fond,
c'est un facteur d'étalement urbain. Ou prenez n'importe quelle
autoroute, c'est un facteur d'étalement urbain, c'est évident.
Mais la question, c'est comment dire à des gens qui habitent en dehors,
qui ont choisi d'aller en dehors, après qu'ils soient installés:
II n'y aura pas d'autoroute, et donc qu'ils vont être pris, durant une
heure et deux heures, dans des embouteillages? Et, plus le temps va passer,
plus le temps de l'embouteillage va grandir.
Moi, je comprends l'objectif que vous poursuivez, parce que, si on avait
pris en considération les facteurs climatiques qu'il y a au
Québec, notamment, on aurait dû normalement concevoir un habitat
très resserré où l'économie des transports aurait
été le facteur déterminant. En réalité,
aujourd'hui, on trouve dans des pays chauds des habitats très
resserrés et puis, eux, auraient peut-être besoin de plus
d'espace, alors que, nous, nous avons fait le contraire, ce qui nous
amène une foule de problèmes présentement.
Lorsque nous faisons le bilan énergétique au
Québec, au Canada... Je pense même qu'au Québec nous
consommons encore plus d'énergie que dans le reste du Canada, et c'est
comme ça sur toute la ligne, et le Canada est un des pays, sinon le pays
qui consomme le plus d'énergie. On parle de l'énergie parce que
c'est une mesure assez significative de l'épuisement des richesses
naturelles, des sols, de l'air, de tout ce qu'on veut.
Moi, je dois dire que, il y a maintenant 14 ans. nous avions
publié, à l'époque, l'«Option d'aménagement
de la région métropolitaine de Montréal», qui
contenait une bonne partie des postulats que vous défendez aujourd'hui.
Sauf que je ne peux pas dire, après ces 14 ans, que c'a
été un best-seller. Je dois le dire. Et la question, c'est que,
finalement, il y a toute une foule de facteurs qui tirent en sens contraire
à ce que nous considérons, je pense, à juste titre, comme
étant la chose à faire. L'économie d'énergie,
ça commence déjà et surtout par un plan
d'aménagement, un plan d'urbanisme très concret, et je ne pense
pas que ce soit une marotte de le dire comme cela parce que c'est fondamental.
Cela représente en quelque sorte la conception de la
société qu'on veut avoir pour le long terme.
Comment pensez-vous qu'on peut amener à modifier cette conception
de la société? Et là je pense que c'est fondamental, parce
que, même si vous faites des calculs d'économie d'énergie
à quelqu'un qui est en banlieue ou qui rêve d'aller en banlieue
avec ses deux ou trois enfants, vous avez, disons, une côte à
remonter. Je pense qu'il faut le prendre comme cela. Au fond, il faudrait que
tous les intervenants - et c'est pour ça que je le situe à un
plan politique - dans une société soient profondément
convaincus de l'orientation qu'il faut prendre là-dessus. Et quels sont
les moyens que vous voyez au-delà des calculs? Les calculs peuvent
convaincre intellectuellement, mais je ne suis pas sûr que ça
modifie une décision.
M. Simard: Oui. Je trouve que c'est une réflexion
intéressante. C'est très pertinent. À la limite, ça
pourrait se résumer: Comment vendre ça au public?
M. Léonard: Oui, mais sans le dire... M. Simard:
C'était mieux dit, là, mais...
M. Léonard: ...de façon péjorative parce
que, au fond, on est convaincus qu'à terme c'est une bonne chose.
M. Simard: Oui. Mais je pense avoir bien compris votre point et
je pense que c'est important. C'est-à-dire que, là-dedans, je
pense qu'il faut savoir manier jusqu'à un certain point la carotte et le
bâton. Je suis pour l'«austérité joyeuse»,
selon l'expression de Pierre Dansereau. Et M. Jack Lang avait dit qu'il
était un environ-nementaliste de type sensuel; disons que je suis un peu
dans cette approche-là aussi. Mais, essentiellement, il y a moyen...
Comme on a dit, par exemple, si on fait une taxe sur les nuisances
écologiques, ça veut dire que peut-être pour un produit
recyclé fabriqué au Québec il peut y
avoir exemption de TVQ. Peut-être qu'un produit qui a
l'écologo, qui n'est pas nuisible pour l'environnement, on peut, lui, le
récompenser. C'est une façon de voir.
Actuellement, on a présenté facilement, un peu comme
mythique, la vie à la banlieue comme étant les grands espaces et
le rêve américain. Quand on est dans un bungalow sur le bord de
l'autoroute 40 à Repentigny, je ne suis pas sûr si ça
correspond à ça parfaitement, et il y en a en mautadit! Et
souvent, c'est à cause que les logements ne sont pas chers que les gens
vont là, beaucoup plus que pour le régime de vie idyllique. Et,
moi, je suis un habitant de centre-ville particulièrement heureux
d'être au centre-ville et près des spectacles et des services.
D'ailleurs, le GRAME a développé, et on pourra vous en parler, la
notion de qualité «équivalent bungalow» dans les
centres-villes. On doit donc développer des centres-villes plus viables,
accessibles, faire payer peut-être les coûts régionaux
assumés par les seules grandes villes centrales et anciennes pour
l'ensemble de la région - ça fera plaisir au maire de
Montréal que je dise ça -mais essentiellement, c'est comme
ça. Par exemple, les coûts pour Québec sont très,
très nombreux. Ses écoles ferment et on construit des
écoles à Saint-Romuald, Saint-Jean-Chrysostome et les gens
s'entretuent, presque, pour avoir ces nouvelles écoles et ces lieux
d'écoles là. Je pense que, si on arrête l'hémorragie
de l'étalement urbain, déjà...
Et est-ce qu'on doit, par exemple - la question se posait au niveau des
inondations - toujours payer pour des sinistrés qui se sont bâtis
dans des zones inondables tout en le sachant depuis le début? Et, si
vous faites un choix d'aller vivre à Baie-Saint-Paul, est-ce qu'on doit
vous amener une autoroute à quatre voies pour aller chez vous, à
votre bureau? C'est un choix individuel que vous avez fait d'aller à
Baie-Saint-Paul et vous en subissez, jusqu'à un certain point, les
bouchons. Baie-Saint-Paul, c'est parce que je viens de Québec, mais on
va dire... Saint-Jérôme a peut-être des problèmes
plus gros de trafic au retour. Essentiellement, il y a ça. Et c'est
souvent parce que le bungalow est vendu moins cher que ses coûts
réels en termes de ressources, d'énergie et de coûts
sociaux qu'on retrouve plein de monde là qui ne peuvent pas se payer la
maison à Montréal qui est très chère, taxée
et qui est plus chère à acheter.
Je pense qu'il faut faire attention entre le rêve américain
des gens qui vivent en banlieue, en termes de perception politique, et la vie
d'enfer de vivre dans un centre-ville près des grands centres de
spectacle. Je pense que c'est beaucoup conditionné par le prix
là-dedans, et il y a la façon de manier la carotte et le
bâton et d'orienter, sans nécessairement être à la
remorque d'une impression de la volonté populaire et non du bonheur
populaire.
M. Léonard: En parlant de carotte et bâton, j'ai le
goût de vous citer une phrase, dans Suétone, qui décrivait
la vie de Vespasien. C'est une phrase très laconique qui dit ceci: Rome
ayant été dévastée par les incendies sous
Néron, Vespasien permit à quiconque le désirait de
construire si le propriétaire y renonçait. Et il a rebâti
Rome comme cela.
Je veux juste dire qu'une des grandes questions, c'est finalement toute
la question de la spéculation sur les terrains vacants, et cela, dans
les centres-villes, est mortel parce que cela amène, évidemment,
la destruction de logements, mais la déstructuration ultérieure
en cascade des centres-villes. Je pense que c'est une des grandes
considérations, parce que cela affecte les budgets de tous les
gouvernements. Cela affecte nécessairement le budget du gouvernement
fédéral présentement, mais aussi du gouvernement du
Québec, toutes les politiques d'habitation, de fiscalité, et le
budget des municipalités. Donc, aux trois niveaux, les budgets publics
sont affectés. Si on parle des finances publiques dans leur entier, on y
est amené par les questions d'habitation et les questions
d'immobilisation, de construction, et là, le plan - je reviens à
toute la problématique politique dans son sens large - qu'une
société se donne, les conceptions qu'elle développe dans
l'esprit de ses jeunes pour l'avenir sont primordiales et
déterminantes.
Moi, j'écoute le discours de tout ce qu'on appelle
écologiste, environnementaliste, que je partage beaucoup, et je me
demande toujours comment faire avancer sans que ça ait l'air d'une
croisade, parce que ce n'est pas une croisade, c'est une conception. Je pense
que c'est celle de l'avenir et que c'est comme ça qu'on va s'en sortir.
Mais là, on touche à du long terme, évidemment, mais le
long terme, c'est toujours à condition de commencer maintenant.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
M. le député de Saint-Louis. (22 heures)
M. Chagnon: Je suis content, M. Simard, que vous nous ayez
ramené au niveau du plancher des vaches. C'est un peu plus facile que de
comprendre la querelle de savants que l'on retrouve en page XX du document
où «les données empiriques, dont celles obtenues par Newman
et Kenworthy, tendent à infirmer les conclusions de Pierre
Veillât, professeur à l'Université de Montréal, qui
affirmait que le prolongement de l'autoroute 25, etc.» Enfin, je partage
le diagnostic que vous avez fait. Effectivement que l'étalement urbain
amène des coûts sociaux. Les exemples que vous avez
mentionnés... Le transport des écoles; les écoles se
vident dans le centre-ville de Montréal, c'est un cas. Je
représente le centre-ville de Montréal, on n'a presque plus
d'écoles primaires, il en reste une, deux écoles secondaires. Par
contre, en
banlieue, il y a des demandes de construction partout.
Si on veut avoir une approche écologique ou environnementale,
lorsqu'on regarde la fiscalité de la consommation de produits qui
amène, par exemple, une augmentation du monoxyde de carbone, comme vous
le mentionnez, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de regarder les produits qui
sont sur le marché, par exemple l'essence sans plomb, l'essence avec
plomb et le gaz? On sait, tout le monde, que le gaz naturel serait
sûrement le produit le moins toxique. L'essence sans plomb, le second
produit le moins toxique, puis l'essence avec plomb, le pire des trois. Si la
fiscalité faisait en sorte qu'au litre l'essence avec plomb soit
nettement plus élevée que son prix, ou s'il y avait une taxe,
taxer de façon beaucoup plus importante que l'essence sans plomb qui,
elle-même, serait taxée de façon plus importante que le gaz
naturel, n'y aurait-il pas lieu de faire la promotion, par ce chemin-là,
ce biais fiscal, de transfert de technologies pour l'utilisation de la voiture,
qui est un des facteurs majeurs de la dégradation de notre environnement
particulièrement urbain? Ça, c'est la base.
Maintenant, quand on regarde l'organisation sociale, outre Vespasien,
quand le baron Hauss-mann a eu le contrat de dessiner l'organisation de la vie
à Paris, il s'y est pris sans tenter de mettre, dans le milieu de la
ville, les tours à bureaux, puis de penser que le monde va
déménager à Neuilly pour se promener soir et matin, c'est
sûr. Il a fait une ville qui est organisée, le centre-ville de
Paris est un des plus beaux au monde, avec le centre-ville de Londres, si on
veut, mais il a eu une réflexion, une pensée, une vision de la
vie dans un milieu fortement urbanisé qui fait que ça fait un
endroit plus vivable.
Mais, si je reviens au type de fiscalité qui pourrait, de
façon très terre à terre, faire en sorte de remplacer la
fiscalité qu'on retrouve actuellement, par exemple, sur l'essence...
M. Lefebvre (Jean-François): La compléter
là.
M. Chagnon: ...est-ce que vous pensez que ce serait une approche
peut-être un petit peu plus simple que de reprendre le premier bout de la
page XX que vous nous avez suggéré et qu'il y aurait aussi un
avantage à court terme important?
M. Lefebvre (Jean-François): Je pense que l'idée
d'avoir une vision d'ensemble, c'est justement un peu ce qu'on promouvoit, et
je suis très content de vous l'entendre dire. Quand on arrive avec
quelque chose de nouveau, souvent ça a l'air plus complexe que ça
ne l'est. On peut déjà préciser qu'en termes
administratifs, souvent, les taxes environnementales sont beaucoup moins
coûteuses à administrer, beaucoup plus simples que ne le sont les
taxes comme la TVQ ou la TPS. Vous avez parlé de la question d'avoir
justement une taxation différentielle qui favorise les sources
énergétiques les plus efficaces, et c'est exactement ce qui est
proposé.
Une des mesures intéressantes, c'est une taxe sur le carbone, ce
qu'on appelle «taxe d'équivalent carbone», qui taxe,
à ce moment-là, en fonction d'un impact sur l'effet de serre des
différents types d'énergie. Là-dessus, il faut juste
mentionner que le méthane, le gaz naturel, à cause des
émissions de méthane, s'en tire moins bien qu'il ne paraît
parce que chaque molécule de méthane fait 25 fois plus d'effet de
serre qu'une molécule de CO2. C'est comme si on disait: II y en a moins,
mais il est plus toxique. C'est un exemple, parce que ce n'est pas une question
de toxicité, mais l'image est là.
À la fois ça a l'air complexe, mais à la fois il y
a des exemples extrêmement simples. Vous avez dans le document une
étude sur une série de taxes vertes potentielles aux
États-Unis, et on . voit que ça peut se résumer à
sept ou huit taxes environnementales. Donc, à la page 16 du document, ce
qui peut être beaucoup plus concret que la page XX. Donc, vous voyez
qu'il y a un ensemble de taxes sur les combustibles fossiles, les
déchets dangereux, les pesticides qui sont des mesures très
concrètes, très terre à terre, auxquelles on en a
ajouté d'autres dont on a parlé tout à l'heure.
Pour revenir un peu à quelque chose qui a été dit
tout à l'heure...
Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez être bref,
parce que le temps du député de Saint-Louis est
écoulé et pour permettre à Mme la députée de
Taillon d'intervenir parce qu'il lui reste encore cinq minutes.
M. Lefebvre (Jean-François): O.K. Juste pour finir, il y a
de petites mesures très concrètes, comme des surtaxes sur les
terrains vacants dans les centres urbains, qui permettent de contrer la
spéculation, des mesures qui ont été adoptées par
certaines villes américaines, qui permettent, à ce
moment-là, d'être une façon intelligente de contrer
l'étalement urbain, d'empêcher qu'on s'établisse en
banlieue alors qu'on garde des terrains bien situés inutilisés
à cause de la spéculation. Encore là, c'est des mesures
fiscales intelligentes et très accessibles qui sont
envisagées.
M. Simard: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, brièvement.
M. Simard: ...oui, juste un petit mot pour dire que la
spéculation existe aussi en banlieue, si on regarde dans la
région de Terrebonne. Je voulais quand même préciser que ce
n'est pas un trait urbain, si on peut dire.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Je voudrais, à mon tour, vous féliciter pour votre
mémoire qui est très riche à bien des égards.
Évidemment, on n'en a vu qu'un certain nombre d'éléments
de base parce qu'il est beaucoup plus élaboré quand on le lit et
quand on passe à travers.
Je pense que toute cette discussion autour de l'étalement urbain
est une discussion absolument essentielle, à ce moment-ci, et ça
va de soi que, à mon point de vue, la carotte, c'est d'essayer
d'imaginer une telle qualité de vie dans nos villes qui va faire en
sorte que les gens vont avoir le goût d'y vivre avec armes et bagages et,
surtout, avec enfants. Je pense que c'est beaucoup un des défis auxquels
est confrontée notre société moderne, mais, en même
temps, il faut être réalistes, effectivement, sur la
reconnaissance des coûts pour les gens qui vont s'installer en banlieue,
parce qu'ils profitent des installations du centre sans avoir à en
assumer les coûts. Alors ça aussi. Donc, ça, ce serait
plutôt le bâton, mais il faut qu'il y ait une carotte quelque part.
Je pense que mon collègue positionnait bien toute cette
probiématique-là. Je pense que c'est essentiel que ce soit le
cas.
Je vais faire juste deux commentaires et, après ça, vous
entendre sur une question qui est un petit peu plus large. D'abord, sur la
question de l'Hôtel-Dieu et de son déplacement vers
l'extérieur du centre-ville; pas à l'extérieur de
Montréal, vers l'extérieur du centre-ville. Je pense que ce
serait faire une mauvaise évaluation que d'oublier le fait qu'il y a une
autre raison pour que l'Hôtel-Dieu reste au centre-ville, c'est toute la
synergie utile, nécessaire et souhaitable pour que des institutions
soient en lien les unes avec les autres et que leurs décideurs soient en
lien les uns avec les autres. Quand je disais: II y a la carotte, c'est
ça aussi, la qualité. Ça, c'est la qualité de vie
professionnelle; c'est d'un autre ordre, mais c'est tout aussi important si on
veut conserver au centre de nos villes une vie, non seulement une vie où
on peut s'y divertir, mais une vie aussi où on peut y oeuvrer au plan
professionnel en étant en contact avec tous les organismes ou toutes les
institutions utiles pour accomplir sa tâche. Et il y a une autre raison,
donc, et c'est celle-là, à mon point de vue, au fait que
l'Hôtel-Dieu reste au centre, en plus de celles que vous avez
identifiées et qui sont aussi pertinentes et justes. Mais il ne faut pas
oublier celle-là parce que, dans tout notre débat, si on ne
revient pas au fondamental, qui est le fait qu'on ménage une
qualité de vie humaine et professionnelle, on n'atteindra pas notre
objectif. On ne sera que coercitif pour nous permettre d'y parvenir et,
souvent, la coercition ne donne pas les résultats escomptés mais
crée des effets pervers. On en discute depuis quelques jours,
d'ailleurs, pour un certain nombre de taxes. (22 h 10)
D'ailleurs, c'est intéressant, parce que vous faites une remarque
à la page 8. En fait, pas une remarque, mais vous concluez d'une analyse
que vous faites, reliée au prix de l'essence plus élevé,
par exemple, en Europe, au Japon, en disant «sont ceux où les
citoyens utilisent le moins l'automobile pour leurs déplacements,
comparés aux Nord-Américains». Vous avez raison en partie,
à mon point de vue, mais il y a des réalités historiques
aussi qui ont fait que les gens se sont regroupés parce que
c'était utile, nécessaire et souhaitable qu'ils se regroupent et
que les transports en commun étaient la seule façon de se
déplacer. Donc, ça a donné le résultat que l'on
connaît maintenant. Mais, comme la vie y est réelle et y est
complète, on n'a pas le goût de passer à un autre
modèle, et les outils, comme ceux de la taxation sur l'essence sur les
moyens de transport qui sont coûteux pour l'environnement, tel
l'automobile, eh bien, viennent confirmer ce choix-là. Mais il faut
être prudent, je trouve, dans un certain nombre d'analyses.
Si, maintenant, vous aviez à nous dire: II y a des pays dans le
monde qui sont les chefs de file quant à l'application de mesures
fiscales qui n'ont pas d'effets pervers mais qui ont des effets incitatifs
quant à la protection de l'environnement, quant au respect de son futur
et des ressources qui seront utiles et qui le sont maintenant pour nous assurer
de notre progrès, est-ce que vous auriez un certain nombre d'exemples
à nous donner?
M. Simard: Peut-être un petit point, juste avant, sur la
question de la qualité et le plaisir de vivre dans un centre-ville. On a
publié, et je pense que vous en avez eu une copie dans la
première livraison du mémoire, dans le magazine Franc-Vert,
édition de l'été, on a fait un petit montage graphique
où les auteurs se sont amusés à faire des parcs en
terrasses au centre-ville. Bon. Naturellement, il y a des solutions au niveau
de jardins, etc., pour rendre davantage intéressant et pour adoucir le
climat, l'été notamment, dans les centres-villes. C'est une chose
qu'on peut imaginer.
C'est vrai peut-être, les remarques que vous avez faites, pour le
Japon, peut-être un petit peu moins pour l'Europe où il y avait
toujours possibilité, mais souvent au niveau d'un plaisir de vivre
ensemble; en Europe, ce n'est pas toujours pour des raisons de surpopulation
dans certains milieux, là, mais des choix de vivre en communauté
assez près. C'est des choix aussi culturels, d'accord, mais il n'est pas
dit que ce ne sont pas des choix qu'on aurait fait naturellement si on n'avait
pas été incité à gruger sur nos ressources.
M. Lefebvre (Jean-François): J'irais un petit peu dans
l'ordre, dans le sens où il y a plusieurs questions auxquelles on n'a
pas encore répondu. Premièrement, pour revenir à quelque
chose qu'on a dit un petit peu antérieurement, avant d'arriver à
la dernière question, on parlait de la question de dire à des
gens... Et c'est un gros débat, je pense, qui est bien important, qu'on
n'a pas fini. Tout à l'heure, on disait: Comment on fait pour dire
à des gens, après coup, il n'y aura pas de pont? Ça, je
pense que c'est un gros débat parce que, bon, on sait que,
électorale-ment, ça paraît très bien d'annoncer un
nouveau pont. Ce qu'il faut voir, ce qu'il est très important de voir,
c'est qu'à cause de l'impact structurel la construction d'un nouveau
pont - là, je ne parle pas de ne pas avoir de pont du tout - à
partir du moment où il y en a déjà plusieurs, la
construction d'un nouveau pont ne fait qu'accentuer l'utilisation de
l'automobile; ça fait en sorte qu'on se retrouve à avoir tous nos
autres ponts embouteillés et on demande encore de nouveaux ponts. C'est
une fuite en avant, et c'est ce qui est arrivé pour la construction de
l'autoroute 13 qui devait décongestionner l'autoroute 15. Bon.
Ça, c'est juste pour nous situer, je pense, dans un fait, même si
ça date de quelques années: On a maintenant nos deux autoroutes
qui sont congestionnées.
Ensuite, quelque chose qui est bien important. J'ai même
déjà vu un maire d'une ville de banlieue de la Rive-Sud de
Montréal qui personnellement me confiait que le premier choix que lui et
sa femme voulaient faire pour s'établir avec leur famille,
c'était d'aller à Montréal. C'est uniquement pour des
raisons économiques, parce que les taxes étaient moins
chères en s'établis-sant en banlieue, qu'il l'a fait. Donc, c'est
un mythe de dire qu'il y a un rêve d'aller en banlieue qui est
général. Si on arrive à intégrer progressivement
une partie au moins des coûts environnementaux, on pourrait faire en
sorte d'avoir un rééquilibrage de l'assiette fiscale où
là, présentement, les villes centrales qui ont bâti des
infrastructures il y a 20, 30 ans ou 50 ans se trouvent à avoir des
coûts énormes à assumer maintenant, et les gens ont juste
à déménager pour éviter ces coûts-là
et se retrouver à payer moins de taxes municipales sans compter, bon,
toute la question, par exemple, du délestage au niveau des subventions
de transport en commun. Mais, même si on reste juste au niveau du
transport en commun-infrastructure, ça veut dire que les familles en
ville augmentent leur fardeau fiscal alors que les familles en banlieue vont se
servir des services de la ville, mais ne paieront pas pour les coûts.
C'est tout ça qu'il faut tenir en compte à ce
moment-là.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de
votre participation à cette commission parlementaire.
Le temps étant écoulé, nous ajournons nos travaux
à demain matin, 10 heures, et non pas à 9 h 30, eu égard
au désistement d'une des parties.
Je répète, nous ajournons nos travaux à demain
matin, 10 heures. Je vous remercie de votre collaboration.
(Fin de la séance à 22 h 15)