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(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration est réunie ce matin dans le cadre d'une consultation
générale et auditions publiques sur le financement des services
publics au Québec. Nous allons maintenant entendre la
Confédération des organismes familiaux du Québec.
J'inviterais les personnes à bien vouloir prendre place à la
table des témoins.
Dans un deuxième temps, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
le secrétaire: oui. m. boisclair (gouin) est
remplacé par mme carrier-perreault (chutes-de- la-chaudière); m.
lazure (la prairie) est remplacé par m. beaulne (bertrand).
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que les membres de cette
commission ont pris connaissance de l'ordre du jour?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour est-il
adopté?
M. Léonard: Adopté, M. le Président. M.
Johnson: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): Adopté.
Bonjour. Permettez-moi de vous informer des règles de la
procédure parlementaire. Vous disposez d'une période de 20
minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange
entre les parlementaires d'une durée totale, globale de 40 minutes: 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition officielle. Je demanderais au porte-parole de votre organisme de
bien vouloir s'identifier et de nous présenter les personnes qui
l'accompagnent, s'il vous plaît.
Confédération des organismes
familiaux
du Québec (COFAQ) et Regroupement
inter-organismes pour une politique
familiale au Québec (RIOPFQ)
Mme Saint-Laurent (Carmen): Je suis Carmen Saint-Laurent, de la
Confédération des organismes familiaux du Québec
(COFAQ).
M. Perreault (Denis): Denis Perreault, je suis le
secrétaire général de la Confédération des
organismes familiaux du Québec.
Mme Gagnon (Lorraine): Lorraine Gagnon, vice-présidente de
la Confédération des organismes familiaux du Québec.
Mme Béty (mariette): mariette béty,
vice-présidente du riopfq, regroupement interorganismes pour une
politique familiale au québec.
M. Raymond (Jacques): Jacques Raymond, agent de
développement social au Regroupement inter-organismes pour une politique
familiale au Québec.
Le Président (M. Lemieux): Pouvez-vous, madame, nous dire
de nouveau votre nom, s'il vous plaît?
M. Perreault: C'est Mme Carmen Saint-Laurent, c'est la
présidente de la Confédération des organismes familiaux du
Québec. On a su hier qu'elle n'était pas dans le listing.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Nous sommes prêts
à vous écouter, à écouter la présentation de
votre mémoire.
Mme Saint-Laurent: Je tiens à remercier, au nom de la
Confédération des organismes familiaux du Québec et du
Regroupement inter-organismes pour une politique familiale au Québec,
les membres de la commission de nous donner l'opportunité de venir
présenter notre position à coloration familiale et les
orientations que nos organismes privilégient à court et à
moyen terme quant au financement des services publics au Québec.
D'entrée de jeu, rappelons que la Confédération des
organismes familiaux du Québec, la COFAQ, est un regroupement national
d'organismes familiaux ayant pour objectif fondamental la promotion de la
qualité de vie des familles québécoises. Fondée en
1972, la COFAQ est née du désir des organismes familiaux de se
doter d'une structure de représentation qui puisse se faire le
porte-parole des familles, tout en permettant à des centaines
d'associations de collaborer et de travailler ensemble à
l'élaboration d'un projet de société humain, axé
sur l'esprit communautaire, l'entraide et la prévention sociale. La
COFAQ réunit actuellement 172 associations familiales de base dans les
14 régions du Québec, représentant plus de 180 000
familles.
Pour sa part, le Regroupement inter-organismes pour une politique
familiale au Québec a été créé en 1983 et a
été associé à presque tous les grands moments du
développement de la structure gouvernementale québécoise
en matière
de politique familiale au Québec. Le Regroupement a
été ainsi présent à la consultation publique
gouvernementale des années 1984-1985 qui portait sur une
éventuelle politique de la famille. Il a inspiré la
création du Secrétariat à la famille et a participé
activement aux discussions sur les deux plans d'action en matière de
politique familiale déposés par le gouvernement du Québec
en septembre 1989 et en avril 1992.
Le Regroupement compte 72 organismes membres qui proviennent d'un
très grand nombre de milieux de vie: santé, services sociaux,
éducation, loisirs, habitation, travail, etc. Des organismes
parapublics, des corporations professionnelles, des groupes ethnoculturels et
des organismes communautaires se donnent ainsi la main pour travailler à
l'élaboration d'une politique familiale québécoise
adéquate.
En ce qui concerne le débat sur le financement des services
publics, commençons par un dur constat que les intervenants terrain nous
rappellent tous les jours. La crise économique a durement frappé
notre société. Nos villes et nos villages ont vu grossir leur
poche de pauvreté. Ils ont été tour à tour
secoués par la violence des désespérés et des
laissés-pour-compte. L'itinérance, la prostitution, la violence
interethnique, la négligence, la marginalité et les enfants de la
rue ne sont que des indicateurs de la misère individuelle, mais aussi
peut-être surtout familiale que traverse le Québec en ce
moment.
Le rapport du comité d'analyse Famille, jeunesse et
pauvreté nous a démontré que violence et pauvreté
sont intimement reliées. Le Québec n'est-il pas en train de se
diviser en deux: une société et un espace social pour les riches
et l'autre pour les pauvres et les laissés-pour-compte, ces derniers
étant de plus en plus nombreux? Les familles ne sont pas exemptes de
cette détérioration des conditions de vie. Quelle alternative
leur offre-ton? Que font nos gouvernants?
Au Québec, ce sont les familles, parents avec enfants à
charge, qui s'appauvrissent le plus rapidement. Selon les statistiques
officielles, la détérioration s'est accentuée entre 1986
et 1991. Les réponses gouvernementales à cette
précarité de conditions de vie des familles sont de plus en plus
inadéquates et insuffisantes. À titre d'exemple, comment ne pas
mentionner la décision du gouvernement fédéral de ne plus
distribuer les allocations familiales canadiennes à partir du 1er
janvier 1993? Ces allocations familiales servaient à reconnaître
l'apport des familles canadiennes à la reproduction de la
société et à faiblement compenser la perte de revenus
qu'apporte l'arrivée de l'un des enfants.
Le gouvernement canadien vient de décider, sous le couvert
d'épargner pour s'attaquer en priorité à la
pauvreté, de sabrer dans l'aide financière aux familles. L'apport
social de chaque famille par la production du capital humain n'est plus
reconnu. La Confédération des organismes familiaux du
Québec et le Regroupement interorganismes pour une politique familiale
au Québec ont toujours maintenu que mettre un enfant au monde est un
geste social. La société toute entière doit se sentir
interpellée par le développement de chaque enfant, par son
apprentissage, son éducation et ses conditions de vie Comment va
réagir le gouvernement du Québec? Va-t-il imiter son grand
frère fédéral? La porte est-elle désormais ouverte
à toute remise en question du peu de support qu'avaient les familles?
Face à la détérioration des conditions de vie des
familles, comment interpréter ces décisions?
Comme on le voit, la reconnaissance de la valeur familiale est loin
d'être un acquis politique inattaquable. Dans cette remise en question du
soutien gouvernemental et cette détérioration des conditions de
vie des familles, les enfants, les jeunes sont les premiers à en payer
le prix. Que fait-on de notre jeunesse? Dans quel environnement social
évolue-t-elle? Quelle place, quel espace laisse-t-on à nos
jeunes? La misère, l'absence d'espoir, le suicide, la
marginalité, la débrouillardise de la rue, la prostitution? La
véritable question que nous sommes en droit de poser, en paraphrasant le
rapport des travaux de consultation canadienne de suivi sur la prostitution
juvénile, c'est: Y a-t-il quelqu'un que ça dérange? (10 h
10)
Si notre jeunesse est notre avenir et l'avenir de notre
société, notre avenir est lourdement hypothéqué
Est-ce sur le dos des jeunes et de leur famille que se fera le débat des
dépenses publiques? Une question qui est en droit de se poser: Qui a le
plus largement profité de la richesse et de la largesse de
l'État? Certainement pas les familles et encore moins notre jeunesse. La
richesse collective non ou mal partagée n'est-elle pas la source
même de cette détérioration de l'environnement social?
Mme Béty: Nous aimerions souligner, pour le
bénéfice de la commission, les considérations
fondamentales sur lesquelles repose notre position commune. Tel
qu'énoncé précédemment, les citoyens du
Québec ont droit à leur juste part de la richesse collective et,
pour ce faire, rappelons que l'ensemble des citoyens délègue aux
élus leur droit de gérance et la gouverne de l'État. Ces
élus doivent s'assurer que tout sera mis en oeuvre pour garantir la
répartition juste et équitable de cette richesse. L'objectif
fondamental d'un gouvernement est de gouverner à la satisfaction de tous
les citoyens, sans exception. Une société qui aspire à
l'amélioration des conditions de vie à l'intérieur de ses
murs doit adhérer sans hésitation à cette importante
règle.
Par ailleurs, toute politique et toute orientation
élaborées et sanctionnées par l'État
doivent tenir compte d'une vérité incontournable: le
rôle fondamental des familles dans l'édification dune
société juste et responsable. Ainsi va la famille, ainsi va la
société qui l'abrite. La santé des deux entités
repose sur les mêmes bases et sur les mêmes valeurs. Comprendre
cette équation, c'est envisager de nouvelles orientations à court
et moyen terme quant au financement des services publics au Québec qui
supporteront les familles québécoises tout en étant
profitables pour l'ensemble de la population. Investir dans la famille, c'est
investir dans l'avenir de la société
québécoise.
Du mandat confié aux élus par la population, qui est de
gérer adéquatement la richesse collective, découlent les
importantes responsabilités de planifier et de prévoir, en fait
de gérer en bon parent prévoyant. Ceci implique
nécessairement que tout gouvernant doit avoir un minimum, sinon un
maximum de vision. De la prospective provient la cohérence qui le
guiderait, par exemple, vers une politique familiale efficace et profitable
à l'ensemble de la société qu'il dessert.
Autre considération. Partant du postulat déjà
cité ci-haut, que la santé d'une société et de ses
familles repose sur les mêmes bases et les mêmes valeurs, celles-ci
devraient servir de guide dans la poursuite du difficile mandat confié
à cette commission. Nos organismes croient fermement que l'adoption
d'une politique saine de financement des services publics au Québec doit
reposer sur un véritable partenariat, une véritable concertation,
une véritable coopération. Ceci implique une participation de
qualité misant sur le respect de la réalité vécue
par chacun des intervenants, la confiance et la solidarité.
Enfin, il est difficile de ne pas être particulièrement
touché par les nombreuses pertes d'emplois et les nombreux
problèmes que cette situation génère dans tous les milieux
de vie. Nos organismes sont parfaitement conscients que la
rémunération par l'emploi est encore le principal levier par
lequel passe la redistribution de la richesse collective. Mais c'est aussi un
levier qui est de moins en moins capable d'assurer sa pleine mesure de
redistribution équitable de cette richesse.
Toutes les considérations introduites par nous dans cette partie
et autour desquelles est articulé l'essentiel de nos positions
imprégneront certainement de leurs saveurs la suite de ce
mémoire. Elles nous serviront à mieux vous sensibiliser aux
nombreuses interrogations et préoccupations éprouvées au
sein de nos organismes membres.
M. Perreault: Nos préoccupations. La première,
gouverner pour tous les citoyens. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la
société québécoise a vu se développer le
phénomène de prise en charge par l'État d'un nombre
croissant de besoins collectifs afin d'assurer aux personnes dans le besoin la
sécurité et une participation à la distribution de la
richesse sociale. Au fil des années soixante, soixante-dix, ce
phénomène s'est accentué pour garantir à tous les
citoyens de réelles équités et égalités des
chances. L'intervention systématique de l'État a
été instituée en politique générale, on en
convient. Beaucoup de services, de programmes ont été
créés pour suppléer à des carences dans la
redistribution de la richesse nationale, il ne faut pas l'oublier.
Au Québec, la rémunération par l'emploi est encore,
comme on le disait tantôt, le principal levier par lequel passe la
redistribution de la richesse collective. Le marché de l'emploi se
faisant de plus en plus déficient, l'État a dû accentuer
ses interventions pour aplanir de grandes inégalités.
L'État a réagi à la crise du sous-emploi en
atténuant ses effets sans toutefois agir adéquatement sur les
causes: le chômage et l'inadéquation de la main-d'oeuvre.
Intervenir sur les causes que sont l'emploi et la formation de la
main-d'oeuvre, ne serait-ce pas là dépenser pour engendrer de
meilleurs revenus? Les interventions de l'État ont-elles manqué
du discernement qu'aurait commandé une analyse globale et
planifiée de la situation difficile des années de crise
économique?
Intervenir en situation d'urgence coûte cher en gaspillage et
impose trop souvent des actions s'éloignant des principes de
prévention. L'adage populaire «prévenir au lieu de
guérir» devrait être ici entendu. Gouverner, n'est-ce pas
prévoir? L'intervention de l'État pour garantir
l'équité sociale et une juste redistribution de la richesse
collective est un acquis indéniable pour la société
québécoise. Cet acquis ne doit pas être remis en question.
Il doit rester un acquis pour tous les citoyens.
La crise actuelle des finances publiques sera l'occasion pour ceux qui
ont le plus fortement profité des largesses de l'État de se
servir de cette conjoncture difficile pour consolider leur avance et remettre
en cause l'égalité des chances pour tous. Est-ce ce que nous
voulons? N'a-t-on pas, depuis plus d'une décennie, sous le couvert de
soutenir une classe d'entrepreneurs capables d'engendrer une nouvelle
croissance économique, englouti des fonds publics qui n'ont donné
que de piètres résultats? On ferait la parenthèse Provigo.
A-t-on fait la promotion des entreprises québécoises ou la
promotion d'individus au succès trop facile?
Faut-il le rappeler, le rôle d'un État démocratique
libéral n'est-il pas de garantir à tous et chacun
l'égalité des chances? Chaque citoyen a droit à sa juste
part de la richesse collective. Pour ce faire, le citoyen
délègue, comme nous l'avons dit tantôt, son droit de
gérance et la gouverne à des élus responsables. Ces
élus doivent s'assurer que tout sera fait pour garantir cette
égalité des chances. Et pourtant, nous le rappellent
crûment les statistiques officielles, pour un nombre de plus en plus
grand, nous assistons à une autre réalité, que
Richard Langlois, économiste à la CEQ, résume en une
phrase dans son livre, «s'appauvrir dans un pays riche».
L'objectif fondamental d'un gouvernement n'est-il pas de gouverner
à la satisfaction des citoyennes et des citoyens dont ils sont au
service? N'a-t-on pas érigé en système la gestion du cas
à cas, la gestion de crise ou d'une permanente situation d'urgence?
Où est la planification «bon père de famille» de nos
gouvernants? Les services et programmes publics ne doivent-ils pas faire
l'objet d'une planification afin de mieux répondre aux attentes des
citoyens? Ils ne doivent pas se contenter de n'être que des
réponses aux situations d'urgence. Gérer sans planification, se
contenter de ne gérer que les crises, ce n'est pas gouverner. Gouverner,
c'est prévoir, c'est assumer une vision sociale. La crise des finances
publiques n'est-elle pas l'indicateur d'un manque de vision sociale de ceux qui
gouvernent?
La crise actuelle ne prend-elle pas ses racines dans le manque de vision
et de planification sans prévention, sans entraide, sans
responsabilité et sans solidarité? Cette gouverne
déficiente, cette gestion sans envergure, trop souvent au seul profit
des gestionnaires, devrait-elle trouver son aboutissement dans la
déresponsabilisation de l'État? Il est facile maintenant de faire
payer à tous les nombreuses erreurs et errements des décideurs
déresponsabilisés. Les gouvernants qui ont en charge les affaires
de l'État voudraient maintenant se décharger de leurs
responsabilités sur leurs commettants, sur les familles, sur le
communautaire, et ce, sans fournir les ressources nécessaires à
cette responsabilisation. (10 h 20)
Ne dit-on pas qu'il faut recréer les réseaux naturels
d'entraide? Et pourtant, n'a-t-on pas, sous le couvert d'efficacité,
méprisé souvent ces mêmes réseaux au profit d'une
professionnalisa-tion de notre société? N'avons-nous pas
dénigré les compétences communautaires? Si nous voulons
recréer ces réseaux, ne doit-on pas en payer le prix et adjoindre
les ressources nécessaires?
Citons un exemple d'actualité de ce manque de
responsabilité des décideurs doublé d'une planification
déficiente dans les services. La maison Nazareth de la région de
Montréal, qui offrait, entre autres, l'hébergement aux patients
sidéens sans amis ni famille, fermait ses portes à la fin de
janvier faute de subvention adéquate. Le plus absurde de cette histoire,
nous souligne Jean Dufresne, du Journal de Montréal, c'est que,
«pour héberger un sidéen à l'hôpital, il eti
coûte 1800 $ par jour. Au pavillon de la maison Nazareth, il en
coûtait 100 $».
Un deuxième exemple, qui touche plus particulièrement le
ministère de la Santé et des Services sociaux et les organismes
familiaux. Dans sa réforme de la santé et des services sociaux et
le nettoyage, entre guillemets, du programme Soutien aux organismes
communautaires, SOC, le ministère de la Santé et des Services
sociaux a éjecté du programme les fédérations
régionales d'organismes régionaux et installait en même
temps une structure régionale de l'administration des services sociaux
et de la santé, afin d'être plus près du citoyen. Pourquoi,
au lieu de sabrer dans l'aide à la structure communautaire
régionale née du désir des citoyens de se doter d'une
structure répondant à leurs attentes, ne pas avoir
renforcé et s'être servi de cette base communautaire d'entraide et
de solidarité pour rapprocher le réseau du citoyen? N'est-ce pas
là nier la richesse du communautaire?
Pourquoi une réforme doit-elle toujours passer par des
décisions bureaucratiques tenant si peu compte de l'expertise,
l'expérience et la force du communautaire, et de la richesse de la vie
associative? À quand la rentable concertation donnant à chacun le
vrai sens du mot «responsabilité»? Quand va-t-on comprendre
que concertation ne veut pas seulement dire validation des décisions
bureaucratiques, mais plutôt donner un rôle décideur aux
différents partenaires?
Investir dans la famille par une fiscalité plus équitable,
c'est investir dans l'avenir d'une société, nous dit-on. Alors,
pourquoi les familles sont-elles les parents pauvres de la fiscalité? La
Confédération «PRO FAMILIA Suisse» a
réalisé, en 1991, une étude qui démontrait que les
parents, suite à la venue du premier enfant, subissaient une perte de
pouvoir d'achat de 18 %; au deuxième, 14 %; au troisième, 8 %. Si
on tient la comparaison avec le Québec, présentement, on peut
dire qu'aucune mesure fiscale ne compense adéquatement cette perte de
pouvoir d'achat des parents. À l'inverse, notre régime fiscal a
tendance à réduire les compensations aux parents.
Résultat, à titre d'exemple: Comment les parents peuvent-ils
accumuler un fonds de pension comparable aux conjoints sans enfant, ou au
célibataire, avec une telle baisse de leur revenu disponible? Et
pourtant, n'est-ce pas eux qui garantissent quasi gratuitement, et souvent sans
valorisation, la reproduction de notre capital humain, de notre
société? Les parents, malgré leur importante contribution
sociale. seront les plus défavorisés à l'âge de la
retraite.
Comme société qui crie haut et fort son besoin d'enfants,
comment peut-on expliquer pareille injustice? Allons plus loin. Comme la
redistribution de la richesse se fait surtout par la rémunération
en emploi et qu'aucune rémunération n'est rattachée au
statut de parent, n'est-il pas vrai de dire que les parents ont les plus
faibles revenus disponibles pour assurer une qualité de vie
adéquate à leur famille?
Nous savons aussi que la pauvreté a un âge. Les jeunes sont
une des catégories sociales les plus touchées. Le chômage
et le sous-emploi chronique et précaire sont le lot d'un nombre
croissant de jeunes familles. 27,7 % des jeunes familles vivaient sous
le seuil de la pauvreté en 1986 - cette proportion s'est accrue en 1991
-au Québec, 265 000 enfants, 18,8 %, vivent dans la pauvreté,
dont 66,1 % d'enfants issus des familles monoparentales. Les jeunes familles,
qui sont pourtant celles qui ont le plus besoin de revenus, sont sans soutien
adéquat de la part de l'État et de la société. La
déresponsabilisation de l'État est accompagnée ici d'une
déresponsabilisation de la société civile.
Le Président (m. lemieux): s'il vous plaît, est-ce
que c'est possible de conclure pour permettre davantage d'échanges avec
les parlementaires, s'il vous plaît?
M. Perreault: C'est difficile, monsieur, de conclure quand il y a
tellement de choses à dire.
Le Président (M. Lemieux): Oui, je vous comprends. Je vous
comprends. Mais je veux que vous sachiez que les parlementaires ont pris
connaissance du mémoire. Alors, si possible, simplement reprendre un
petit peu votre souffle puis...
M. Perreault: D'accord, on va y aller rapidement. Donc, la
question à se poser: À quand la réforme fiscale
bénéficiant à la famille porteuse de la
société de demain?
Il faudrait un nouveau contrat social, donc une société
québécoise qui valorise l'humain et la famille. Des choix sociaux
se sont donc posés dans la société
québécoise au cours des deux dernières décennies.
D'une relative distribution équitable de la richesse collective
associée à une politique de plein emploi et de
sécurité sociale, nous avons glissé vers un renforcement
de la concentration de la richesse, et ce, sous le couvert de créer des
secteurs économiques capables d'affronter la concurrence sur le
marché mondial, crise économique et mutation de l'économie
mondiale obligent. Résultats: l'appauvrissement d'un nombre de plus en
plus important de Québécois et de Québécoises,
l'appauvrissement de plus en plus accentué des familles, l'augmentation
du chômage et la détérioration des conditions de vie.
Est-ce là les résultats attendus? Pourquoi avoir
délaissé les bases fondamentales, que sont la coopération,
la concertation, le partenariat, la responsabilisation et la solidarité
sociale, si chèrement acquises? En temps de crise, ne devrions-nous pas
se serrer les coudes?
Pourtant, les organismes familiaux, de concert avec nombre
d'intervenants sociaux, dont le gouvernement du Québec, ont
couché sur papier les principes d'une société plus
équitable dans le «2e plan d'action en matière de politique
familiale». Désormais, il est impératif que l'ensemble de
la société québécoise reconnaisse l'humain et la
famille.
Je vais arrêter là et laisser la place à Mme la
vice-présidente pour donner les recommandations.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, à moins
que ce soit très bref, parce que nous n'avons plus de temps et si on
veut vraiment qu'il y ait une participation active ou proactive au niveau des
échanges entre les parlementaires, puisque les parlementaires ont des
questions à vous poser, qu'on a pris connaissance de l'ensemble du
mémoire et que les 20 minutes sont déjà pas mal
écoulées... Écoutez, je peux vous donner trois minutes si
vous pouvez nous résumer ça. Est-ce que vous êtes en mesure
de le faire?
Mme Saint-Laurent: Les recommandations sont brèves.
Le Président (M. Lemieux): Elles sont brèves?
Mme Saint-Laurent: Oui.
Le Président (M. Lemieux): O.K. Allons-y.
Mme Gagnon: En conséquence, la COFAQ et le RIOPFQ
recommandent: Que le gouvernement du Québec, avant d'adopter toute
orientation ou mesure portant sur le financement des services publics,
réaffirme à la population du Québec qu'il mettra tout en
oeuvre pour s'assurer de la répartition juste et équitable de la
richesse collective;
Que le gouvernement du Québec reconnaisse expressément,
lors de l'adoption de la prochaine politique de financement des services
publics et des lois et règlements qui suivront, que tout financement de
nos services publics doit tenir compte du rôle fondamental que peut jouer
l'ensemble des familles québécoises dans l'amélioration de
la santé économique de la société
québécoise;
Que le gouvernement du Québec s'engage à reposer ses
prochaines orientations en matière de financement des services publics
sur les valeurs familiales que sont l'entraide, la solidarité et la
coopération et qu'à cet effet il réaffirme son attachement
au maintien des programmes et services sociaux qui sont les principaux
répartiteurs de notre richesse collective;
Que le gouvernement du Québec s'engage à reposor les
réalisations de ses prochaines orientations en matière de
financement des services publics sur un véritable partenariat assorti
d'une véritable concertation et, à cet effet, qu'il reconnaisse
les organismes communautaires et les groupes d'entraide comme des intervenants
majeurs et indispensables à leur succès et qu'il en assure le
financement adéquat;
Que notre gouvernement du Québec, dans sa gestion quotidienne des
finances publiques, se dote d'une approche préventive, soucieux ainsi
d'améliorer la qualité de vie des familles;
Que le gouvernement du Québec reconnaisse que, dans sa gestion
quotidienne des finances publiques, les actions et mesures préventives
sont rentables, tant d'un point de vue économique que social, et
qu'à cet effet il s'assure de la réelle application des principes
de prévention, de partenariat et de concertation,
préconisés dans le «2e plan d'action en matière de
politique familiale», dans tous ses ministères;
Que le gouvernement du Québec encourage et participe aux
initiatives de ses partenaires visant à assurer le développement
de l'emploi et de la main-d'oeuvre et qu'à cette fin il favorise le
secteur des services;
Que le gouvernement du Québec s'assure que tout citoyen, individu
ou corporation paie un minimum d'impôt.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
président du Conseil du trésor, désirez-vous
intervenir?
M. Johnson: Oui, absolument, M. le Président, pour
remercier nos visiteuses et nos visiteurs de leur présence ici ce matin.
Vous venez ici soutenir, évidemment, la permanence et l'enrichissement,
dans certains cas, de programmes gouvernementaux pour lesquels nous avons
retenu des priorités réelles. Littéralement, le temps me
manquerait pour venir redresser certaines des choses que vous avez
écrites. Disons que je ne m'attends pas nécessairement à
des coups d'encensoir, au nom du gouvernement, mais, à tout le moins, il
aurait été intéressant de voir que vous aviez pris
connaissance de ce qui a été fait à l'endroit des familles
québécoises par le gouvernement du Québec depuis cinq ans
et qu'aucun autre gouvernement au Canada na fait. Ce serait trop long.
Mais je ne peux pas m'empêcher de signaler qu'à tout le
moins il y a à peu près la moitié des familles
québécoises qui ne paient pas d'impôt parce que le seuil
d'impôt minimum a été relevé à 26 000 $, il
était de 10 000 $ il y a six ans. Si on avait simplement indexé
le seuil d'imposition nul pour les familles québécoises, ce
serait à 14 000 $ ou 15 000 $ qu'elles commenceraient à payer des
impôts. On a donc littéralement, en montant ça à 26
000 $. transféré 1000 $ de revenu net disponible par mois aux
familles québécoises. 1000 $ par mois, c'est ça que
ça représente, 12 000 $. (10 h 30)
L'ampleur de l'ensembie des gestes que nous avons posés à
l'endroit des familles québécoises par les différents
programmes représente au total 1 500 000 000 $ cette année. Pour
vous donner une idée de l'ampleur, parce que je présume que, si
vous ne l'avez pas remarqué, il faudrait au moins doubler ça pour
que vous vous en rendiez compte, ça prendrait 0,15 $ du litre, de
revenu, ça prendrait une taxe de vente du Québec à 10 % au
lieu de 8 % pour financer l'équivalent de ce qu'on fait depuis cinq ans
pour les familles québécoises. Alors, vous me permettrez
d'être un petit peu étonné de voir que ça n'a pas
été remarqué, des montants de cet ordre-là. Je
ferai remarquer au ministre des Finances que 1 500 000 000 $, ce n'est pas
encore suffisant, selon certains. Mais il faut se rendre compte qu'il y a des
choses extraordinaires qui ont été faites. Je m'excuse de le
rappeler dans ce contexte-ci.
Vous complétez votre démonstration ou, enfin, vos demandes
par le fait qu'il doit y avoir un impôt sur le revenu minimum au
Québec. Il y en a un depuis six ans et demi, qui est de 16 %, pour les
individus, les particuliers. Pour les entreprises, il y en aura toujours parce
que les entreprises, au Québec, sont taxées sur la masse
salariale et le capital. C'est impossible d'être une entreprise sans
avoir de salariés et de capital. Donc, elles sont taxées. Alors,
il y a un impôt minimum au Québec. Ça fait longtemps que
ça existe. Ça fait six ans, sept ans ou à peu
près.
Alors, il y a des choses dans la fiscalité qui ont
été faites. Il y a des choses du côté du transfert
aux groupes communautaires qui ont été faites. On a
triplé, en cinq ans, les financements, simplement en matière de
santé et de services sociaux, aux groupes communautaires. C'est
passé de 20 000 000 $ à 60 000 000 $, mais on se refuse encore,
et je viens réitérer ça, au moment où on se parle,
on refuse encore, et on va continuer à refuser quant à moi, de
financer des structures, des regroupements régionaux parce que des
groupes de pression... Il faut absolument aller financer de l'aide aux
bénéficiaires. Il faut absolument donner du soutien financier aux
gens, aux familles, aux enfants, aux femmes seules, aux familles
monoparentales, pas des structures. Pas des structures! Alors, on a
décidé de faire ça. C'est un choix qu'on a fait. Je
comprends que vous n'êtes pas nécessairement d'accord avec ce
choix-là, mais, nous, on fait le choix de passer directement le
transfert, les soutiens financiers, aux bénéficiaires.
À travers tout ça, vous voyez que je déplore en
même temps que vous qu'on n'ait pas les moyens d'en faire davantage, par
ailleurs Ça. là, on est sur la même longueur d'onde quant
aux priorités qu'un gouvernement doit isoler: la famille, le soutien
à la famille. La façon dont cette unité de base de notre
société est en train de se transformer, qu'elle doit être
intégrée dans la distribution de la richesse fait l'objet de
notre attention de tous les moments. Sauf que la raison pour laquelle on est
ici, c'est qu'on fait remarquer aux gens qu'on est en train d'emprunter chaque
sou additionnel qu'on veut dépenser ou qu'on nous demande de
dépenser de plus. On ne peut pas le taxer, à moins que vous ayez
des suggestions autres que l'impôt minimum, comme je vous dis, parce
qu'il existe. Il faut .absolument trouver une façon, avec les milliards
qu'on lève en impôts, d'avoir le meilleur rendement possible.
Or, j'ai trouvé intéressant, nouveau à tout le
moins, d'entendre, par exemple, M. Bouchard, l'auteur du rapport qui porte son
nom, mais qui s'intitule «Un Québec fou de ses enfants»,
remettre en cause l'universalité des programmes afin que nous puissions
cibler là où sont les vrais besoins. Les vrais besoins!
Les vrais besoins se dégagent par région. À
l'intérieur des régions, ils se dégagent par quartier,
dans certains cas, et ce sont des décisions locales et régionales
qui viennent isoler des clientèles qui ont davantage besoin de l'aide de
l'État. Et je me demandais ce que vous aviez à contribuer
à cette discussion quant à l'universalité des programmes
d'aide, sachant, et on doit absolument poser ça en partant, c'est un
postulat, qu'on n'a pas d'argent pour tout faire ce que tout le monde veut
qu'on fasse de plus que ce qu'on fait déjà. Il n'y en a pas.
Ça, c'est une réalité. À partir de ce
moment-là, on est obligé de choisir. Et ce qu'on aimerait, dans
le domaine de vos préoccupations, c'est que vous nous indiquiez quelles
sont les formes d'aide ou quelles sont les clientèles, parmi celles que
vous représentez avec beaucoup d'intérêt puis de vigueur,
ou ces formes d'aide qu'on devrait privilégier, sachant qu'on ne veut
pas toutes les privilégier, évidemment, par
définition.
Mme Saint-Laurent: L'idéal serait que les services ne
soient pas coupés, c'est sûr. Dans nos revendications
précédentes, que nous avons faites auprès de votre
gouvernement, d'ailleurs, on a demandé d'épargner au moins les
enfants dans les coupures de services de santé, que les services de
santé restent gratuits du moins pour les enfants, parce que c'est les
familles moyennes qui sont le plus touchées par ces mesures-là.
Habituellement, ceux qui vivent d'un revenu minimum, genre aide sociale et tout
ça, ont des cartes d'accès et des moyens quelque part d'avoir du
soutien. Pour les familles avec des revenus plus élevés, le
problème est moindre. Ça touche surtout les familles moyennes,
celles qui essaient de vivre avec un budget minimum. Il ne faudrait pas que
ça vienne les toucher pour les empêcher de profiter, d'avoir des
soins quand elles en ont absolument besoin. Mais ce à quoi on tient,
c'est à ce que les enfants soient préservés dans
ça, que les enfants aient accès à des services
gratuits.
M. Johnson: Partout, dans toutes les régions, dans toutes
les circonstances? Parce que la c'est une demande qui est substantiellement
différente, je dirais, de celle qu'on peut induire ou déduire des
propos, par exemple, de Camil Bouchard ou d'autres groupes qui sont venus ici
et qui ont reconnu que c'est impossible qu'il y en ait pour tout le monde, pour
tous les besoins qu'on énonce, même si on privilégie la
jeunesse et la famille. Ce qu'on fait, on parle de 1 500 000 000 $ de plus
là. Même à l'intérieur de ça, est-ce que vous
voyez qu'on peut ranger les priorités et les clientèles?
Mme Saint-Laurent: Non.
M. Johnson: Vous ne voyez pas ça. La réponse est
claire.
Mme Béty: J'aimerais compléter, si vous permettez,
la réponse de Mme la présidente. Alors, quand on pose des
questions aussi précises, j'avoue me sentir très mal à
l'aise pour y répondre, compte tenu du peu de temps qu'on a eu pour
préparer ce type de réponses. Mais j'en reviendrais par ailleurs
à la concertation, au principe de consultation qui se dégage tout
au long de notre mémoire. Ce que je dirais, c'est que, bien sûr,
il faut reconnaître qu'on ne peut pas maintenir le système tel
qu'il est actuellement, mais, entre le maintenir tous azimuts ou le couper tous
azimuts, il y a une marge et il faudrait, je pense, s'asseoir et regarder ce
qu'il y a là-dessus. Je pense à PRALMA qu'on vient de couper sans
faire de distinction. Est-ce qu'on coupe PRALMA, par exemple, pour une personne
qui a des revenus de 60 000 $ ou une personne qui est au salaire minimum? On
n'a pas fait de distinction, on a coupé partout. Alors, je ramène
le problème au niveau de la concertation.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
président du Conseil du trésor?
M. Johnson: Oui, j'y reviendrai.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir à mon tour de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma
formation politique. D'abord, je partage votre diagnostic et j'y reviendrai.
Mais je pense que le président du Conseil du trésor, qui a
prétendu, dans ses interventions depuis le début de la commission
et précédemment, qu'il voulait que se tienne une commission sur
les finances publiques, autant la fiscalité que les dépenses, que
les finances publiques en général, fait la preuve, par les
réponses qu'il vous apporte, que, dans le fond, c'est une commission sur
les dépenses à laquelle nous avons été
conviés et que ce n'est pas vrai qu'il y a une analyse comparative des
effets des mesures fiscales que l'on a adoptées depuis un certain nombre
d'années au Québec. Vous le dites bien dans votre document, et la
meilleure preuve, il nous l'a faite en nous donnant l'exemple de la famille qui
a vu sa taxation sur son revenu baisser, mais il n'a pas fait état d'une
mesure dont vous venez tout juste de parler, entre autres, PRALMA, qui
était le remplacement du revenu pour une femme qui est enceinte et qui
doit quitter son travail, pendant les premières
semaines où elle n'a pas de revenus. (10 h 40)
II ne fait pas état du fait que s'est appliquée une
nouvelle taxe sur les produits et services qui a touché
particulièrement les biens essentiels, qu'on pense aux vêtements,
qu'on pense aux meubles, aux chaussures, et qui est venue toucher directement
les familles à revenus moyens. Il va me répondre: On a fait une
déduction de taxes, oui, et pour les très, très bas
revenus, un crédit, pardon, pour les très bas revenus.
Alors, une véritable analyse des mesures fiscales exigerait que,
d'une façon rigoureuse, il nous dise: Voici ce que, effectivement, nous
avons corrigé dans les prélèvements d'impôt sur les
revenus des familles, mais voici ce que nous avons ajouté, en
contrepartie, et qu'on puisse comparer l'impact et l'effet de l'une ou l'autre
des mesures. Alors, c'est évident que ce n'est pas sur ça que
porte le débat. Première remarque.
Deuxième remarque, je trouve votre diagnostic, effectivement,
très pertinent et intéressant et ça rejoint beaucoup ce
que sont venus dire, ici, bon nombre d'organismes qui ont
réfléchi à ce qui se passe au Québec actuellement,
particulièrement quand vous mentionnez le fait qu'on est devant un
gouvernement qui agit au cas par cas, qui manque de vision et qui manque de
perspective. Vous le dites, par exemple: «De la vision provient la
cohérence qui le guiderait vers une politique familiale efficace et
profitable.» Vous revenez, un peu plus loin, en disant: «La crise
des finances publiques n'est-elle pas l'indicateur d'un manque de vision de
ceux qui gouvernement?» Alors, ça peut sembler dur, mais il
m'apparaît que c'est le constat qu'il faut devoir faire.
On s'entend à peu près tous aussi sur la solution qui est
celle qui viendra résoudre, essentiellement et fondamentalement, les
problèmes auxquels on est quand même réellement
confrontés à l'égard des finances publiques, soit de
rehausser le niveau de l'emploi. Je vais venir sur ce que vous proposez, entre
autres, comme mécanisme dans vos propres organismes, à savoir la
concertation et la responsabilisation des partenaires. Vous nous parlez,
évidemment, de l'action communautaire puisque vous êtes un groupe
qui oeuvre dans ce champ d'activité.
Je partage votre point de vue, mais j'aimerais ça qu'on se
rappelle ici que, si l'on veut rehausser le niveau de la richesse collective en
haussant le niveau d'emploi, il faudra aussi associer les partenaires et les
décideurs économiques du Québec. Et, quand le gouvernement
actuel a pris la barre, en 1985, la première chose qu'il a faite
à l'égard des outils dont le gouvernement s'était
doté ou à l'égard des outils auxquels le gouvernement
voulait participer, c'était, entre autres, une table de l'emploi
réunissant tous les partenaires économiques, les partenaires qui
sont des décideurs dans notre univers. C'était probablement la
moins bonne idée qu'ils n'avaient jamais eue et la preuve, c'est qu'on
se retrouve avec des outils qui sont continuellement à courte vue.
Cela étant dit, je veux revenir sur cette notion de concertation.
Vous parlez, dans votre document, entre autres à la page 11 de votre
mémoire, et ça revient souvent, ça, de la
prévention: «La prévention, de l'aveu même des
décideurs, c'est payant. Alors, pourquoi ne pas orchestrer un virage
préventif en ce qui a trait au financement des services publics, un
virage qui mettrait à contribution l'ensemble des partenaires sociaux, y
compris les groupes d'entraide et les organismes communautaires?» Vous
revenez plus loin en disant que votre travail d'action communautaire, vous
n'avez pas l'impression qu'il est reconnu comme un véritable partenariat
avec l'État. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur cette
perspective-la que vous ouvrez.
M. Perreault: Je veux bien comprendre le sens de votre question,
c'est-à-dire que vous voulez qu'on vous présente quel type de
partenariat...
Mme Marois: Oui.
M. Perreault: ...nous, du côté du communautaire...
On a cité...
Mme Marois: Oui. Plus particulièrement dû au fait
qu'on vient de vivre au Québec une commission parlementaire, en fait
deux commissions parlementaires qui ont porté...
M. Perreault: Sur la réforme.
Mme Marois: ...sur l'ensemble de la réforme des services
sociaux et de santé, sur leur financement. Je sais qu'on a
bousculé un peu et un peu beaucoup les organismes communautaires...
M. Perreault: Plutôt beaucoup qu'un peu.
Mme Marois: ...oui, qu'il a fallu qu'on intervienne ici, entre
autres, pour redonner un minimum d'espace. Mais je veux que vous me parliez de
la place que vous occupez, de celle que vous voudriez occuper et de ce que vous
pourriez faire dans le sens de la prévention qui est le virage aussi
auquel, je crois, il faut adhérer si on veut avoir un impact, pas demain
matin, mais à moyen et à long terme, sur l'ensemble de notre
société et, évidemment, sur nos finances publiques.
M. Perreault: Si vous permettez, Mme la députée
Marois...
Le Président (M. Lemieux): Voulez vous
vous adresser au président, s'il vous plaît?
M. Perreault: Oui, M. le Président. Excusez-moi, c'est une
erreur.
Une voix: Ce n'est pas bien grave.
M. Perreault: Si vous le permettez, j'apprécierais deux
choses. C'est-à-dire que j'ai été passablement
déçu, et je vais répondre à votre question
directement, d'entendre, de la voix de M. le ministre, que gérer,
c'était de suppléer aux déficiences et aux carences. Pour
moi, gérer un État, c'est d'aller au-delà de ça,
c'est de donner le support, le soutien et la prévention. C'est
prévenir au lieu de guérir, c'est-à-dire de permettre que
le problème ne vienne pas sur la table. Donc, c'est d'aller plus loin
que de suppléer aux carences. Parce que vous citiez M. Bouchard
tantôt, et vous dites: M. Bouchard dit qu'il faut... Il dit aussi
qu'investir dans la prévention c'est économiser. Donc, toute
notre conception même du communautaire, c'est: verser vers la
prévention.
À titre d'exemple, c'est ça qu'on n'a pas compris. Dans la
réforme de la santé et des services sociaux, le ministre de la
Santé et des Services sociaux, M. Côté, nous dit: On va
créer des mécanismes régionaux pour être à
l'écoute des citoyens. Vous nous le disiez tantôt, il faut, selon
les régions, graduer et essayer de fournir les instruments pour
répondre le mieux aux demandes des citoyens. Pendant le même
temps, on a sabré dans toutes les structures communautaires, toutes les
fédérations régionales. Toutes les infrastructures de base
que s'étaient données les régions, on les a
complètement sous-financées et complètement laissé
tomber.
Vous dites: On ne doit pas financer les infrastructures. Pourtant, la
vie associative passe par des infrastructures. Ça prend toujours bien un
téléphone pour recevoir des appels de gens qui sont
démunis, de gens qui peuvent avoir des problèmes. Ça prend
toujours bien quelqu'un pour leur répondre. On a des services d'entraide
de référence. On a des services d'écoute. Et tous ces
gens-là qui passent par nos services ne vont pas nécessairement
à l'hôpital.
Donc, un partenariat, ce serait justement de se servir de cette vie
associative qui est très forte au Québec, qui a été
dénigrée ces dernières années mais qui reprend du
dessus, même si elle est sous-financée. Et vous savez qu'on dit
souvent, et c'est reconnu à peu près dans tous les pays,
qu'investir 1 $ dans le communautaire ça vaut plus que 10 $ dans un
réseau institutionnel. Mais pourquoi sabre-t-on dans la vie associative?
Pourquoi ne pas donner la chance justement à ces partenaires-là?
Et l'exemple de la maison Nazareth pourrait être cité à
plusieurs, les centres de dernier recours, les centres d'intervention pour
femmes, etc. Depuis quelques années on sabre dans la vie, dans le
secteur qui, à moindre coût, offre peut-être les services
les plus à l'écoute de la population.
Et c'est ça qu'on ne comprend pas. Et c'est ce qu'on dit: Le
partenariat serait beaucoup plus, à notre avis, intéressant s'il
n'était pas ce qu'il est depuis près de 10 ans maintenant, qu'une
validation des décisions gouvernementales. C'est-à-dire que les
dernières consultations qu'on nous a faites ressemblent de plus en plus
à des validations pour savoir un petit peu quel type de marketing et de
camouflage on doit faire de la décision qu'on a prise. Et ça,
c'est grave de notre côté parce qu'on a l'impression de ne servir
à rien, d'être un partenaire qu'on n'écoute pas. On est
là que pour servir de sondage, c'est-à-dire qu'on dit: Comment
vous acceptez les décisions qui ont été prises? Et, en
fonction de votre réaction, on va réajuster la forme de la
décision. Et c'est ce qu'on exige.
Je pense qu'à l'heure actuelle on en est arrivé, dans le
débat sur les finances publiques, à poser la question du
débat social, c'est-à-dire: Quel type de société on
veut? Est-ce qu'on veut une société où tous les gens, tous
les partenaires, dont nous y compris, on va se relever les manches et on va
essayer de voir en fonction de nos responsabilités ce qu'on peut faire
pour cette société d'aujourd'hui et de demain? C'est dans ce
sens-là qu'on voit le partenariat, c'est-à-dire de faire partie
de la décision.
Mme Marois: Oui, madame?
Mme Gagnon: Bon, moi, je voudrais souligner que, pour mon
organisme de base à Entraide-Parents, il y a des choses aussi
précises telles qu'on travaille en collaboration avec cinq CLSC et la
CPEJ.
Par rapport aux CLSC présentement, de plus en plus ils sont en
santé mentale et ils s'occupent des cas curatifs. Ils nous demandent,
nous, au moins de protéger la prévention. Je me bats
régulièrement pour me débattre en prévention. Je
rencontre 4000 familles par année et, à ce niveau-là,
même la CPEJ ne peut même plus maintenir les groupes d'entraide
pour, exemple, les abuseurs sexuels. Ils n'ont plus les groupes qu'ils avaient
pour les pères, les mères et les enfants. Les organismes
communautaires ne peuvent pas être des groupes thérapeutiques. Ils
ne sont que des groupes d'entraide. C'est aussi précis que je l'ai vu
dans l'Outaouais où on a dit à ce groupe communautaire là:
On va vous passer des intervenants. C'est très difficile de travailler
dans un contexte comme ça, dans un contexte où les personnes sont
bénévoles. (10 h 50)
Au CRSSS, pour être inscrit dans le bottin du CRSSS, il fallait
à tout prix qu'on accepte d'être dans la violence parentale. On ne
pouvait pas être dans celui d'accroître la confiance du parent en
ses capacités, de prévenir les besoins. On exigeait qu'on soit au
niveau de la violence
parentale, même si on y touche à 7 % chez nous. C'est juste
une chose dans laquelle, comme partenariat, on voudrait être
respecté et reconnu.
Mme Marois: Brièvement, M. le Président, je suis
très heureuse de vous entendre, parce que, d'abord, je crois
essentiellement au type d'action que vous menez. Je suis d'accord avec le fait
que chaque dollar investi chez vous a un effet absolument extraordinaire quant
à l'impact en termes d'actions auprès de gens dans le besoin, en
difficulté, et dans la perspective de la prévention. Je suis
d'accord avec vous aussi que j'ai l'impression qu'on est un petit peu
utilisé, dans le processus actuel qu'est cette commission, pour venir
valider des choix qu'a déjà faits le ministre responsable du
Conseil du trésor et son gouvernement, et je trouve ça un peu
dommage que l'on en soit rendu là.
Cela étant dit, je vous remercie de votre témoignage et
j'espère que vous trouverez tout le support nécessaire pour
continuer à mener les actions que vous menez actuellement sur le
terrain.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, je voudrais qu'on continue à
échanger sur le rôle qu'un organisme comme le vôtre ou les
vôtres peuvent jouer. J'irais même jusqu'à dire, enfin,
comme député, que je sais qu'en première ligne on compte
beaucoup sur les groupes volontaires, sur la vie associative pour identifier,
d'une part, certains besoins et s'en faire les porte-parole pour aller demander
des choses. Donc, il y a un diagnostic qui est fait dans le milieu. C'est
transféré, ce diagnostic, aux élus pour qu'on s'en occupe,
pour qu'on alloue des ressources, évidemment, à tel ou tel
problème.
Deuxièmement, les associations, les groupes communautaires sont
également en première ligne même dans la dispensation,
comme vous le faites remarquer avec raison, madame, de certains besoins.
Même, avant de continuer, je vais dire... Et vous pourrez peut-être
citer ça dans vos prochaines demandes d'appui financier, qu'en
commission parlementaire on a dit et on a reconnu le travail remarquable,
important, sinon essentiel, que vous faites dans notre société.
Ça, là... Et on pourra vous faire parvenir la transcription des
débats. Vous pourrez vous inspirez de ça, et je ie dis sans
facétie aucune, c'est quelque chose qu'on partage ici autour de la
table.
Mais, il n'en reste pas moins qu'à partir d'un constat sur les
finances publiques, on doit absolument décider à quel endroit on
fait porter nos efforts. Je ne veux pas créer de zizanie, mais
peut-être que vous croyez, dans certaines réponses, qu'il n'y a
aucune espèce de coupure possible, imaginable qui peut être faite,
alors que vous dénoncez celle" qui aurait été faite dans
PRALMA l'an dernier. C'est 2 000 000 $ sur 17 000 000 $, cette prestation,
effectivement, mais ça ne touche que les familles à plus hauts
revenus. C'est les familles qui sont tout à fait en haut, dans les 7 %
des plus hauts revenus, au Québec, et on pourrait constater, d'ailleurs,
que ce n'est pas là, de toute évidence, que se trouve la
majorité des enfants et que se déroule la majorité des
maternités. Alors, encore une fois, il faut, avec les moyens qu'on a,
faire le mieux là où ça porte davantage.
Est-ce que vous avez des suggestions sur l'ordre de priorités? Je
ne veux pas vous demander, parce que c'est injuste, de nous dire ce que vous
voulez qu'on abandonne. On peut le faire avec d'autres groupes, et on l'a fait
avec d'autres groupes. Ils nous ont dit: Coupez ça, coupez ça,
coupez ça. Je ne veux pas vous mettre dans cette position-là.
Mais, dans l'ordre de toutes les choses qu'on doit faire, à partir du
moment où il y a 1 000 000 $ de plus qui se dégagent ou qu'on
décide de consacrer à cette mission-là, avec raison,
où devrait-on les mettre? C'est simplement pour nous guider. C'est
ça que la commission parlementaire vise à faire, écouter
les gens pour voir où sont les besoins. Quand on a juste 1 000 000 $, et
qu'il y a des besoins pour 2 000 000 $, et qu'on ne règle rien avec 500
000 $ à chaque endroit, où devrait-on mettre les 1 000 000 $?
C'est des gros chiffres, là. Ce serait extraordinaire. Vous pouvez
imaginer des groupes communautaires pour qui 1 000 000 $ ça règle
leurs problèmes pour 10 ans. Mais où, dans quel ordre, de toutes
les préoccupations que vous avez, doit-on s'en occuper d'une
façon plus efficace et efficiente possible?
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.
Mme Béty: Je pense que c'est absolument impossible de vous
répondre, M. le ministre, malheureusement. On doit essentiellement vous
ramener aux principes de base. On n'a pas eu le temps de se préparer
pour répondre à ces questions-là. Ce qu'on demande, c'est
que le gouvernement se donne une volonté et des principes auxquels il va
s'accrocher pour déterminer ses politiques. Et qu'on n'arrive pas en
contradiction et en paradoxe à tout bout de champ. On ne peut pas,
malheureusement, cautionner une espèce de menu à la carte, je
suis désolée.
M. Johnson: C'est le menu au complet que vous amenez. Je veux
vous faire remarquer qu'à la carte ou autrement c'est devenu une table
d'hôte, tout le menu au complet. Mais il est entendu qu'on retient les
principes de prévention comme étant les plus rentables. D'abord,
ça permet d'attraper les problèmes avant qu'ils se produisent et,
comme tels, si on les regarde financièrement, étroitement, c'est
déjà beaucoup
plus rentable et c'est dans ce sens-là que... Ça, j'ai
saisi facilement - et on est tous d'accord - que c'est dans cette
voie-là.
Mais, même là, la famille peut être aidée de
façon préventive, dirions-nous, au niveau de l'aide du soutien
financier de la cellule familiale, pour certains besoins. Ou alors, ça
peut être de sensibiliser dans le milieu scolaire ou préscolaire,
de socialiser les enfants par un encadrement qui est plus enrichissant, etc.
C'est de la prévention dans les deux cas. Le bénéficiaire
n'est pas à la même place, mais le bénéficiaire est
le même, c'est la même personne quand même. Est-ce que vous
avez des... Ça peut être vos préjugés à vous
ou votre expérience qui vous dicte ça, que, entre les deux, il y
en a un qui est préférable, sachant qu'on ne peut pas tous les
faire. Vous le savez, c'est comme dans la vraie vie.
M. Perreault: Si vous avez des fonds de trop, M. le
Président, pour répondre à la question de M. le ministre,
si vous avez des fonds supplémentaires, je pense que l'un des
éléments fondamentaux du mémoire cible que la formation de
la main-d'oeuvre et l'emploi, c'est probablement le secteur clé, parce
que toute famille, peu importe comment on la définit, c'est un
père et une mère qui travaillent, qui apportent des ressources
à la maison pour créer un environnement de qualité.
Donc, je pense que l'une des grandes priorités sociales, si on a
des fonds à dépenser et à ajuster dans les programmes,
c'est beaucoup plus du côté de l'emploi, c'est-à-dire de
fournir aux parents la possibilité, le droit, même, de recourir
à leur droit d'avoir un emploi décent et à
rémunération décente.
Je pense que l'un des éléments fondamentaux, c'est de
retourner à ça. Je pense que chaque famille n'est pas là
pour quêter. Il doit se faire une redistribution équitable de la
richesse, à partir d'une certaine fiscalité. Mais l'un des
leviers importants, je pense, pour les ressources et la qualité de vie
des familles, ça passe par l'emploi et la formation de la
main-d'oeuvre.
M. Johnson: Ce qui est une solution...
Le Président (M. Lemieux): C'est terminé, M. le
président...
M. Johnson: ...évidemment, à long terme et beaucoup
plus structurante que le maintien de programmes de transfert pour des groupes
communautaires ou autrement. C'est presque le corollaire du discours que vous
teniez, par ailleurs.
M. Perreault: Oui, mais...
M. Johnson: C'est l'autre versant. C'est l'autre versant du
même problème, je suis conscient de ça.
M. Perreault: Mais, M. le Président, pour répondre
toujours en complément, je devrais dire que je pense que le
communautaire n'a pas à gérer les finances publiques. Il a
à donner des directives et il a à dire que, si on est,
aujourd'hui, face à ce constat, c'est qu'il y a eu des décisions
qui ont été prises. Et, nous, on n'a pas à assumer
l'entière responsabilité de ces décisions-là. Et il
y a eu des décisions qui ont été malheureuses. Du point de
vue des familiaux, il y a eu des décisions qui ont été
malheureuses.
Et je sais qu'il va falloir réajuster à long terme. Ce
n'est pas une question... Je ne pense pas qu'on puisse régler le
problème des finances publiques, peu importent les solutions que vous
apportiez, à court terme; c'est sur un très long terme. Je pense
que c'est sur un long terme qu'il faut y penser. Mais ça passe
premièrement par une meilleure distribution de la richesse collective,
en tout cas meilleure qu'elle ne l'a été dans les
dernières années.
M. Johnson: Mais on me signale que le temps pour nos
échanges est terminé.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Je veux vous remercier et vous assurer que c'a
été entendu. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, dans la
belle région de Québec. (11 heures)
Mme Carrier-Perreault: Voilà! Merci, M. le
Président. Il me fait plaisir de saluer vos deux organismes, et, moi, je
vous félicite, de toute façon, d'avoir pu, d'abord,
présenter un mémoire à cette commission, compte tenu du
temps qui a été laissé aux différents groupes pour
préparer ces mémoires-là. Et je voudrais aussi souligner
le fait que vous, comme groupes communautaires, vous avez très peu de
ressources. Or, c'est déjà difficile pour d'autres groupes qui
sont bien équipés de venir présenter des mémoires
étoffés et bien soutenus. Je comprends très bien que, dans
votre cas, c'est un effort supplémentaire et je l'apprécie
grandement.
M. le Président, un commentaire. Vous avez beaucoup parlé
de vision, de manque de vision à certains niveaux. Moi, j'ajouterais, en
quelque part, le mot «vision globale». Ici, on assiste beaucoup
à des orientations et des politiques. On nous présente
régulièrement toutes sortes de politiques. Chacun des
ministères sectoriels nous arrive avec son bout de chemin, ses grandes
orientations. Le problème, c'est que ces ministères-là
sont interdépendants à quelque part, et les autres, on dirait
qu'ils n'ont jamais compris
la politique que l'autre vient d'établir. C'est
particulièrement vrai, à mon sens, dans le cas d'une politique
familiale. On sait que la politique familiale est soumise aux aléas des
différents autres ministres sectoriels. Je pense que, pour avoir une
vraie politique familiale, il faut une volonté politique de l'ensemble
d'un groupe, de l'ensemble du gouvernement, et pas la volonté politique
d'une seule personne, soit de la ministre déléguée, qui a
bien beau nous présenter son papier, sa politique, mais on s'est rendu
compte, et ça c'est verifiable...
Vous avez parlé du PRALMA tout à l'heure. On a eu un plan
d'action en matière de politique familiale en avril dernier et, ma foi,
en décembre, il n'en restait pas grand-chose. M. Bourbeau y est
allé avec ses mesures sur PRALMA; on a vu le projet de médiation
familiale, qui n'est pas du tout celui préconisé par le plan
d'action, présenté par le ministre de la Justice et, finalement,
les heures d'affaires, les heures d'affaires qui vont à rencontre du
chapitre 2 du plan d'action où la conciliation du travail et de la
famille devient de plus en plus difficile pour les gens qui travaillent dans ce
genre d'établissement. Bref, moi, je trouve que le problème,
c'est au niveau de la vision globale.
Je voudrais, moi, par exemple, vous poser une question. On a
parlé du partenariat. Vous en avez longuement parlé et, moi, ce
qui m'intéresserait de savoir... Vous avez parlé au niveau de
l'État, par rapport à l'État et vos organismes. J'aimerais
que vous me mentionniez le genre de partenariat que vous avez avec les autres
intervenants, comment ça se vit, parce que je crois beaucoup à
ça, la coopération, le partenariat, mais je pense qu'il doit y en
avoir aussi entre les différents secteurs, au même titre qu'il
devrait y en avoir au niveau du gouvernement quand on prend des
décisions politiques. Est-ce que vous pouvez expliquer un petit peu plus
précisément comment ça se vit avec les autres partenaires
que le gouvernement?
Mme Béty: Je pense que je vais laisser répondre M.
Raymond.
M. Raymond: L'illustration d'un partenariat, pour nous autres, ou
d'une concertation, ça peut s'illustrer en parlant du Regroupement
interorganismes que je représente. Le Regroupement est un organisme qui
regroupe quelque 80 organismes qui proviennent de toutes sortes de milieux de
vie dans notre société québécoise. On aurait tort
de croire que ce Regroupement-là regroupe seulement des organismes dits
familiaux. Ce sont des organismes à intérêts familiaux. On
a tous le même intérêt, les intérêts familiaux,
de telle sorte que notre membership est composé de corporations, par
exemple, genre la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du
Québec, qui est membre du Regroupement, d'institutions parapubliques. Il
y a des CLSC qui sont membres du Regroupement. Je pense que là,
déjà, on a un aspect très rassembleur; notre organisme est
quand même assez rassembleur On a vraiment le moyen, peut-être,
d'instaurer un début de discussion, d'échanges à bien des
niveaux, dans bien des milieux de vie, dans beaucoup de milieux de vie.
Je pense qu'on peut en parler, de concertation et de partenariat,
puisque c'est depuis 1983 que le Regroupement s'est donné ces
objets-là, depuis 1983. Donc, on pense que ça, c'est
déjà une illustration assez patente du partenariat qu'on
rechercherait ou de la concertation. C'est aussi une concertation... Ce qu'on
veut, ce n'est pas seulement une concertation pour le plaisir d'avoir une
concertation, c'est aussi une concertation de qualité. Comme on l'a si
bien dit, ce n'est pas seulement de valider des décisions, comme on a le
sentiment un peu, ici, de le faire aujourd'hui. Ce n'est pas ça, c'est
de faire partie du processus de réalisation d'une décision, c'est
d'être partie prenante dans beaucoup d'étapes de ces
parties-là, dans des étapes, et non seulement à la fin,
pour valider seulement des décisions qui ont déjà
été prises. C'est de cette façon-là qu'on
perçoit le partenariat et la concertation.
Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour ajouter quelque chose. Je
rappellerais à M. le Président et à M. le ministre que
l'essence même du mémoire repose aussi sur un autre grand principe
qu'on n'a pu aborder, qui est la cohérence. C'est bien beau de nous dire
qu'on a dépensé tant d'argent dans tel secteur, avec telle
mesure, avec telle loi, mais ce qu'on demande, c'est plus de cohérence.
Dépenser de l'argent au profit des familles par une mesure et en enlever
à ces mêmes familles par le dépôt d'une autre mesure
ou d'un autre projet de loi, etc., je pense que ça ça illustre un
manque de cohérence, et ça va à rencontre du «2e
plan d'action en matière de politique familiale» où on
émet ce grand principe.
Moi, je pensais que le gouvernement, à ce niveau-là,
était vraiment intéressé à fonctionner avec un
maximum de cohérence, mais, pour avoir de la cohérence, ça
prend de la vision, et c'est pour ça qu'on en a tellement
parlé.
Le Président (M. Lemieux): Pour conclure. M. Perreault,
parce qu'il ne nous reste plus de temps. Allez-y.
M. Perreault: Seulement pour donner l'exemple. Vous savez, la
prévention, on y croit tellement qu'on peut vous donner un exemple de
partenariat de la Confédération des organismes familiaux du
Québec. Depuis trois ans, on travaille à mettre sur pied un
réseau d'entraide, de renforcement de compétences parentales
auprès de secteurs privilégiés, dans des clientèles
cibles. On se dit: Ce n'est pas seulement à l'État d'intervenir;
on se doit nous aussi en tant qu'organisme. Alors, on l'a appelé le
«réseau d'en-
traide grands-parents». Ce sont donc des gens qui sont
plutôt à la retraite qui deviennent bénévoles, qui
ont cette connaissance parentale parce qu'ils ont eu des enfants; ils sont
devenus maintenant des grands-parents, ils sont maintenant plus disponibles,
donc ils aident des jeunes familles dans des quartiers à faibles revenus
ou ciblées dans d'autres quartiers comme étant des familles
monoparentales ou des jeunes mères de famille, ils utilisent leurs
connaissances pour aller vers le renforcement des compétences et de
l'autorité parentales.
Cette transmission des connaissances, qui se faisait avant par les liens
de la famille élargie, se fait maintenant par des réseaux
d'entraide. On y travaille depuis trois ans. On a obtenu un financement
adéquat du côté du gouvernement fédéral, mais
c'a toujours été lettre morte du côté du
gouvernement du Québec. Et pourtant, on travaille avec les CLSC, on
travaillait avec lesCSS...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. Perreault,
s'il vous plaît.
M. Perreault: ...on travaillait avec les DSC. On avait un
partenariat important où on avait un poids à l'intérieur
des décisions, où c'étaient nos partenaires en fonction de
nos propres demandes et attentes des familles qui en avaient besoin. On avait
identifié ça. C'est un réseau qui est de plus en plus
important, mais l'absence de financement fait que peut-être d'ici quelque
temps on devra laisser tomber.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Perreault. Je vous
remercie de votre participation à cette commission parlementaire et
j'inviterais l'Association des propriétaires de garderies du
Québec inc. à bien vouloir prendre place à la table des
témoins.
Nous allons suspendre, mais pas plus de deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprise à 11 h 10)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration va reprendre ses travaux pour entendre l'Association des
propriétaires de garderies du Québec inc.
Je demanderais à la représentante de l'organisme qu'elle
puisse identifier les personnes qui l'accompagnent. Par la suite, elle pourra
nous faire l'exposé de son mémoire. La procédure est la
suivante. Nous disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les
deux groupes parlementaires d'une durée globale de 40 minutes, 20
minutes pour les ministériels et 20 minutes pour l'Opposition
officielle.
Nous sommes prêts, madame, pour que vous nous présentiez
les personnes qui vous accompagnent.
Association des propriétaires de garderies du
Québec inc. (APGQ)
Mme Ceppi (Rachel): M. le Président, merci pour ce droit
de parole. Je suis Rachel Ceppi, présidente de l'Association des
propriétaires de garderies, et je travaille dans le domaine depuis 18
ans.
J'aimerais, membres de la commission, vous présenter les
personnes qui m'accompagnent: à mon extrême gauche, Mme
Thérèse Tardif, 20 ans dans le domaine des garderies,
trésorière; Mme Gemma Morin, 33 ans dans le domaine des
garderies, directeur et ex-présidente; à ma droite, Mme
Françoyse Saint-Jean-Marcas, 19 ans en garderie, vice-présidente;
Mme Christiane Sirois-Paquet, 8 ans d'expérience en garderie, directeur;
et Mme France Laget-Chambefort, 23 ans d'expérience en garderie,
ex-présidente.
Des remerciements vont au gouvernement pour la mise en place de cette
tribune, de cette écoute qui permet à différents
intervenants d'exprimer librement des voies diverses, des pistes de solution
dans le contrôle des dépenses sur le financement des services
publics.
J'aimerais, M. le Président, faire remarquer aux membres de cette
commission que certains documents leur ont été distribués:
un bref historique et un résumé des activités de notre
association, un dépliant sur les subventions aux services de garde
émis par l'Office des services de garde à l'enfance et,
spécialement pour vous, M. le ministre Daniel Johnson, président
du Conseil du trésor, le document «Pour des garderies qu'on peut
s'payer», produit par notre association en avril 1983 -
déjà 10 ans - et qui me semble tout à fait
d'actualité et pertinent avec votre thème «Vivre selon nos
moyens». De même que notre cri d'alarme, ceux-ci pourraient vous
servir peut-être de lecture d'appoint.
Je ferai la lecture de notre mémoire, entrecoupée des
interventions de chacune d'entre nous pour apporter clarifications,
illustrations et précisions à notre réflexion
appuyée sur l'«Énon-cé de politique sur les services
de garde à l'enfance: pour un meilleur équilibre», le
rapport financier de l'Office des services de garde 1991-1992,
l'«Étude sur la tâche du gestionnaire de service de
garde» et la «Situation des garderies au Québec en
1991», de l'Office des services de garde à l'enfance.
Donc, M. le Président, notre mémoire se divise en deux
volets: un, à court terme, et l'autre, à moyen terme. À
court terme, nous suggérons de mieux gérer le budget actuel en
matière de services de garde et de ne plus émettre de nouveaux
permis aux garderies subventionnées; à moyen terme, créer
un fonds à l'enfant, accroître et cibler l'aide en regroupant
les formes d'aide actuelles, s'adapter aux besoins nouveaux des familles
et simplifier la bureaucratie.
Court terme. Mieux gérer le budget actuel en matière de
services de garde.
Mme Saint-Jean-Marcas (Françoyse): M. le Président,
permettez que moi, Françoyse Saint-Jean-Marcas, je précise, pour
le bénéfice de Mmes et MM. les députés, les
commissaires, que le budget actuel en matière de services de garde dont
il sera question est celui géré par l'Office des services de
garde à l'enfance et il apparaît dans le rapport annuel 1992.
L'ensemble des dépenses se chiffre à 140 725 500 $ et il se
répartit comme suit: en aide financière aux parents, 61 495 900
$; en subventions aux services de garde, 77 769 909 $; quelques subventions
diverses, telles que formation et perfectionnement, pour 1 459 691 $.
Voilà le total des dépenses pour une année, donc, 140 725
500 $. Pour administrer ce budget, M. le Président, il en coûte 6
150 294 $. Voilà donc le budget que l'on va chercher à mieux
gérer et à répartir équitablement.
Mme Ceppi: Les garderies privées non subventionnées
reçoivent une aide symbolique du gouvernement.
Mme Tardif (Thérèse): M. le Président,
permettez que moi, Thérèse Tardif, pour préciser l'aide
symbolique, je vous demande de faire référence au dépliant
que voici: «Les subventions aux services de garde à
l'enfance». Sur ce, j'aimerais souligner aux membres de cette commission
que, sur les 15 subventions, nous avons droit à 4 d'entre elles. Nous
pouvons suivre le tableau du dépliant pour l'ordre des subventions.
Nous n'avons pas droit aux subventions d'implantation qui englobent
encadrement, aménagement, démarrage et fonds de roulement. Nous
n'avons pas droit à la subvention de fonctionnement qui est assez
imposante. Enfin, M. le Président, nous avons droit à la
subvention poupons pour 653 places en garderie à but lucratif à
6,45 $ par jour, ce qui représente un total de 1 052 900 $.
Référence pour les 653 places, voir page 49 du rapport annuel
1991-1992, Office des services de garde à l'enfance.
Nous avons droit à la subvention pour handicapés, que nous
estimons du tiers du budget. Nous recevons donc 317 000 ît> sur un
budget global de 950 300 $. Référence page 50, rapport annuel
1991-1992, Office des services de garde à l'enfance.
Subvention de formation et perfectionnement: nous recevons 2145 $
maximum à 265 garderies à but lucratif, ce qui représente
un total de 568 425 $. Pour les suivantes, voir au verso du
dépliant.
Augmentation des places autorisées: nous n'y avons pas droit.
Nous n'avons pas droit non plus aux subventions suivantes: de localisation,
encadrement et aménagement, acquisition de propriété et
redressement et réaménagement. Nous avons droit à la
subvention d'achat de matériel éducatif, de 1150 $ par garderie,
265 garderies à but lucratif, ce qui fait un total de 569 750 $.
MM., Mmes les parlementaires, nous voudrions vous faire remarquer que
nous avons seulement 2 508 000 $ de subventions sur un budget de 79 000 000
$.
Mme Ceppi: À cet égard, les garderies
privées non subventionnées font l'objet de discrimination puisque
toutes les garderies sont privées.
Mme Morin (Gemma): M. le Président, permettez que moi,
Gemma Morin, je tienne à vous expliquer pourquoi les garderies sont
classées privées. Je cite l'énoncé de politique sur
les services de garde à l'enfance, page 17, cinquième principe
directeur: «2.5 Exception faite des services de garde en milieu scolaire,
qui se sont développés sous la responsabilité des
commissions scolaires et des garderies ou agences dont le titulaire de permis
est une municipalité, une commission scolaire ou un établissement
du réseau de la santé et des services sociaux, les services de
garde implantés jusqu'à ce jour au Québec sont des
organismes privés, des entités juridiques autonomes issues de
l'initiative des parents ou d'autres promoteurs de la
collectivité.»
Mme Ceppi: Une garderie offre le même service. Elles sont
tenues de respecter les mêmes normes et il n'en coûte pas plus aux
parents pour y envoyer leur enfant que dans les garderies
subventionnées.
(11 h 20)
Mme Sirois-Paquet (Christiane): M. le Président, permettez
que moi, Christiane Sirois-Paquet, qui faisais justement cet été
une enquête à Terrebonne sur les coûts demandés dans
les garderies à but lucratif et non lucratif de cette région,
vous résume en quelques mots les conclusions sur les coûts, qui
étaient à peu près similaires, soit de plus ou moins 5 $
de différence par semaine, et dont la moyenne du coût par semaine
demandé aux parents était de 100 $. Ceci s'avère semblable
dans d'autres régions, si on se fie aux dires d'autres
propriétaires.
D'ailleurs, d'après le livre «Situation des garderies au
Québec en 1991», document de l'Office des services de garde
à l'enfance, permettez-moi de vous citer un paragraphe, pris à la
page 51, qui ne fait que confirmer mes dires: «En général,
les taux fixés dans les garderies dont le permis est
délivré en vertu de l'article 4.5 sont plus élevés
que ceux des garderies dont le permis est délivré en vertu
des
articles 4.1 et 4.4. En effet, on constate un écart de 2,54 $
dans les tarifs moyens pour la garde des poupons et un écart de 1,28 $
dans le cas des enfants de 18 mois à 5 ans. Les écarts entre les
tarifs exigés par ces deux types de garderies sont cependant moins
importants en ce qui concerne les deux autres groupes d'âge, soit 0,49 $
dans le cas des enfants fréquentant la maternelle et 0,11 $ dans le cas
d'enfants fréquentant le primaire.
Ce n'est pas grâce aux subventions injectées dans les
garderies à but non lucratif que le fardeau du parent diminue
substantiellement. Donc, à qui servent ces subventions si le parent doit
quand même supporter à peu près les mêmes
coûts? Sûrement pas à lui. Pourtant, dans son
énoncé politique, aux pages 17 et 18, le gouvernement dit qu'il
veut obtenir une saine gestion de l'ensemble des services tout en tenant compte
de la capacité limitée de payer de l'État et des parents
en ce qui concerne les services de garde et qu'il demeure important de rendre
les meilleurs services possible au meilleur coût. Mais, selon moi, les
subventions servent plutôt à payer du béton et des salaires
pour de futurs fonctionnaires qui sont les éducatrices d'aujourd'hui des
garderies sans but lucratif, si on continue à injecter des subventions
dans ces garderies.
Il faudrait penser, avant que tout ceci arrive, que, nous, on y arrive
avec des budgets beaucoup moins volumineux et que, pour les parents, les
coûts restent sensiblement les mêmes. Donc, s'il reste encore de
l'argent dans les coffres du gouvernement, pensons aux enfants et utilisons ces
79 000 000 $ pour leur avenir.
Mme Ceppi: En principe, l'Association des propriétaires de
garderies du Québec inc. désire que soit respecté le droit
des parents de choisir librement le mode de garde qu'ils
préfèrent, sans égard à leur type
d'activités ou à leurs revenus. On propose de ne plus
émettre de nouveaux permis aux garderies subventionnées, ce qui
en limitera le nombre pour freiner l'augmentation galopante des coûts des
services de garde subventionnés. En effet, dans l'«Étude
sur la tâche du gestionnaire de service de garde, qui a été
faite par Mallette, Major, Martin, le personnel de direction des garderies
subventionnées admet le fait que les membres du conseil d'administration
des garderies subventionnées n'ont pas toujours les connaissances et
l'expérience pour agir à titre d'administrateurs, ce qui vient
confirmer la position de l'APGQ qui croit que Ion confie les fonds publics
à un conseil d'administration qui n'a ni les compétences, ni le
temps, ni la stabilité pour bien gérer les fonds publics qui lui
sont confiés.
J'aimerais ajouter, M. le Président, que les première
garderies sans but lucratif subventionnées sont venues de groupes
populaires et communautaires. Les parents avaient des engagements. Comme ils
demeurent un ou deux ans, ils ne peuvent assurer la pérennité et
la lourdeur administrative est augmentée. On cherche maintenant à
pouvoir pallier la situation en engageant de nouvelles sommes d'argent,
subventions additionnelles qui iraient aux gestionnaires afin d'obtenir des
personnes diplômées. Encore des sous, encore des sous pour
l'État. En continuant à ouvrir des garderies
subventionnées, on augmente les dépenses du gouvernement, et
celui-ci n'a plus les moyens de se permettre d'émettre de tels
permis.
Mme Sirois-Paquet: M. le Président, permettez-moi de vous
ramener au tout début des garderies à but non lucratif qui sont
gérées par les parents. À cette époque, on
injectait peu d'argent dans les garderies, et le but des parents qui voulaient
ouvrir ce type de service était de réussir à gérer
le tout en s'impliquant, afin d'en limiter les coûts tout en donnant du
temps, à l'intérieur de ces garderies, pour faire certaines
corvées. J'imagine que, parmi vous, certaines se souviennent de cette
époque.
Les parents, après quelques années de double emploi, se
sont aperçus que le beau principe d'origine n'était pas si
facile, et, comme les parents changent rapidement dans les garderies, petit
à petit ceux-ci se sont désengagés. Le gouvernement,
voulant privilégier ce type de service de garde, a commencé
à injecter de plus en plus de subventions car les coûts
augmentaient.
Donc, en 1993, et depuis plusieurs années, il s'agit de se
déguiser derrière le but non lucratif pour avoir des subventions.
Mais le gouvernement ne peut plus, en 1993, se permettre de telles
dépenses. Comme les garderies à but lucratif vous prouvent depuis
plusieurs années qu'on peut fonctionner avec peu de subventions,
même si depuis longtemps on cherche à nous éliminer par
plusieurs moyens, il faut que vous, gens du gouvernement, ayez les yeux bien
ouverts. Lorsque le gouvernement semblait avoir les sous, ceci était
peut-être acceptable, et encore, mais, à partir du moment
où les fonds publics sont à sec, ça suffit,
l'État-providence. C'est fini. Il faut couper où on peut. Sinon,
dans quelques années, le gouvernement aura-t-il à prendre en
charge les éducatrices des garderies qui voudront devenir
fonctionnaires? C'est un pensez-y bien et une autre dépense.
Mme Ceppi: Par contre, les garderies à but lucratif sont
une source de revenus, un apport financier pour le gouvernement via les taxes
diverses qu'elles sont les seules à payer: TPS, TVQ, taxe d'affaires,
taxe foncière, taxe scolaire, taxes municipales et autres taxes.
Mme Morin: Moi, M. le Président, Gemma Morin, je
représente une garderie type de 50 places. Les taxes de ma garderie se
chiffrent, en TPS plus TVQ, à 4254 $ et, en taxes d'affaires,
d'eau, de services et autres, à 4135 $, pour un total de 8389 $
annuellement. Si nous multiplions ce total par 265 garderies à but
lucratif, le gouvernement obtient un apport financier qui se chiffre à 2
223 000 $.
M. le Président, MM. les députés, Mmes les
députées, si on se réfère aux subventions
citées précédemment, ces 2 508 000 $ que vous nous
accordez en subventions, nous vous le retournons en taxes. (11 h 30)
Mme Ceppi: De plus, le gouvernement, en s'éparpillant dans
diverses formes de subventions, augmente ses coûts de fonctionnement,
d'administration et de bureaucratie.
Moyen terme: création d'un fonds à l'enfant. L'Association
des propriétaires de garderies du Québec propose que la
subvention de fonctionnement accordée aux garderies sans but lucratif,
l'aide financière... À ce propos, M. le Président,
permettez-moi d'informer les membres de cette commission que l'aide
financière aux parents est déjà un mécanisme
opérant qui peut servir de modèle pour la mise en application de
la création du fonds à l'enfant. Alors, il faut absolument
conserver le 61 500 000 $ au budget actuel qui devrait se fusionner.
Les allocations... Oui?
Le Président (M. Lemieux): Un instant. Puis-je savoir,
madame, de votre part, puisque le temps est déjà
écoulé,...
Mme Ceppi: II me reste deux minutes.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste deux minutes?
Alors, je vais vous en donner trois.
Mme Ceppi: Merci, M. le Président. Que les crédits,
les remboursements accordés aux parents se fusionnent pour devenir un
nouveau type de soutien orienté directement vers l'enfant.
Accroître et cibler l'aide. Toutes les formes d'aide actuelles
seront regroupées en une seule qui remplacera la mosaïque actuelle
de prestations.
Adaptation aux besoins. Le nouveau fonds pour enfant devra mieux
répondre aux besoins des familles et devra être proportionnel aux
revenus et à la taille de la famille et révisé lors de
différents changements familiaux tels que naissance, rupture de mariage,
etc.
Simplifications bureaucratiques. Les étapes
d'admissibilité seront ramenées en une seule, et celle-ci
pourrait être administrée au sein d'un seul organisme, soit
l'Office des services de garde à l'enfance ou au ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, plutôt
qu'à différents paliers d'administration, ce qui en limiterait
les coûts d'opération et en diminuerait la lourdeur
administrative.
L'Association croit que toutes les subven- tions citées
précédemment devraient être versées directement au
fonds à l'enfant afin de lui donner un meilleur départ dans la
vie et de permettre que l'aide totale en faveur des enfants soit plus
équitable. Une telle mesure serait très certainement la formule
idéale, à savoir de permettre le libre choix aux parents tout en
laissant les garderies de qualité opérer sur une base
égale et sans privilégier quelque forme de garderie que ce soit.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Vous n'abusez pas des bonnes
choses. Vous avez pris moins de trois minutes, et moins de deux minutes,
même.
Mme Ceppi: Merci.
Le Président (M. Lemieux): M le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, en vous souhaitant la bienvenue et en vous
remerciant toutes, mesdames, sachant que des centaines sinon des milliers de
familles québécoises vous confient leurs enfants à un
moment où à un autre, on recourt donc à votre expertise,
à la sensibilité que vous avez à l'endroit des
enfants.
Il y a de très bonnes suggestions dans ce que vous avez
amené, que j'interprète comme un souci de voir le gouvernement
être davantage cohérent dans ses actions, soit unifier laction
gouvernementale. Vous le faites à l'endroit, par exemple, d'un nouveau
type de soutien à l'enfant, qui verrait les différents programmes
de soutien aux familles unifiés. L'idée est bonne. Je souligne au
passage qu'évidemment on poursuit beaucoup d'objectifs différents
avec les différents programmes de soutien financier, soit au titre de
l'équité fiscale, de l'incitation au travail, du soutien comme
tel à la famille, à certains besoins que la famille peut
éprouver. Alors, ça a évolué au fil des ans, la
façon de rencontrer tous ces besoins aussi divers les uns que les
autres, mais on se penche constamment - et vous avez raison de nous le rappeler
- sur une façon plus simple de faire tout ça. Je vous remercie de
la suggestion.
Deuxièmement, vous souhaitez - et là on partage
également votre opinion - qu'on soit dans un régime de
liberté la plus complète possible, donc que les vrais choix
puissent s'opérer, que les gens aient à leur disposition
différentes façons, dans une société un peu
complexe comme la nôtre, de rencontrer leurs besoins. Il va sans dire que
vous souhaitez le choix le plus total et que ce choix se traduise par le
traitement absolument égal qu'on donnerait à toutes les formes de
garderies sans but lucratif, avec but lucratif, enfin que l'État ne
vienne pas biaiser le choix des gens. C'est essentiellement votre propos.
Je vais faire un rappel historique a cet égard-là, c'est
que, lorsqu'on a mis sur pied une
politique de garde, on a observé, on a regardé quelle
était la proportion, alors, de ce qui était à but lucratif
privé et sans but lucratif. C'est à peu près 28 % des
places qui étaient dans le milieu que vous représentez, et c'est
sur la foi de cette observation qu'on a développé une politique,
non pas pour biaiser davantage, de quelque façon que ce soit - ou
léser, je devrais dire - les gens dans les choix qu'ils font, mais pour
reconnaître cette réalité. Le financement - suite, vous le
savez, à un jugement en cour - des différentes places en milieu
de garde est fondé sur le respect d'un équilibre qu'on avait
alors constaté.
Mais, évidemment, il y a un élément important qui
fait que vous sentez... Ce n'est pas sans raison que la gamme du soutien
financier disponible au sans but lucratif n'est pas la même que chez
vous, c'est que, au point de vue financier, pour le gouvernement qui poursuit
une politique d'aide aux familles par le biais, évidemment, des services
de garde, il y a des moyens limités. Or, le Régime d'assurance
publique du Canada prévoit que c'est partageable, la dépense, la
subvention lorsque c'est dirigé vers le réseau sans but lucratif
par opposition à dirigé vers le réseau privé. Ce
n'est pas vrai au titre de la fiscalité, évidemment; les parents
comme tels ont droit à un soutien qui tient compte de leur situation et
des prix qu'ils paient. Mais, quant aux institutions elles-mêmes, vous
avez raison de dire que ce n'est pas exactement le même traitement. Mais
je vous énonce une réalité qui est le coût pour le
gouvernement du Québec et les contribuables québécois de
poursuivre, je dirais, l'élargissement de ce programme.
J'aimerais peut-être vous entendre sur le niveau de liberté
qu'il est réaliste d'atteindre dans une société où
on ne peut pas tout faire étant donné qu'on n'a pas d'argent pour
tout le monde et pour tous les services; ce n'est pas universel. Est-ce que
vous ne voyez pas, quand même, des aménagements qui viendraient
redresser quelque peu, selon vous, cet équilibre, sans rompre
l'équilibre des finances publiques et sans diminuer le soutien qu'on
donne aux familles québécoises? Ça, ça
m'apparaît important. C'est ma question.
En terminant, je vous rassure, vous n'êtes pas les seules à
payer la TVQ et la TPS. Les organismes sans but lucratif les paient
également, mais à un taux qui est la moitié du taux de 8 %
ou 4 %, selon qu'il s'agit de biens ou de services, d'une part. On m'assure,
autour de la table et derrière moi, que les taxes scolaires et
municipales sont payées par ces organismes au même titre que qui
que ce soit. Peut-être en tient-on compte dans les subventions qu'on leur
verse, ça, c'est une chose, mais la responsabilité fiscale est
là. Vous n'êtes pas des victimes de choix, il ne faudrait pas que
vous pensiez ça. C'est trop important, ce que vous faites, pour qu'on
vous traite de cette façon-là. Ce qu'on a essayé de faire,
je le répète, c'est de respecter un équilibre qui avait
été constaté et de diriger les fonds publics
limités vers les endroits où ils nous coûtent le moins cher
et où ils font le plus de bien en termes de nombre de places en milieu
de garde.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Madame, vous avez des commentaires?
Mme Ceppi: M. le Président... Le Président (M.
Lemieux): Oui.
Mme Ceppi: ...permettez-moi de faire quelques commentaires suite
à cet exposé de M. le ministre Daniel Johnson. Je n'aurai
peut-être pas la réponse complète, mais on peut...
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui.
Mme Ceppi: ...ajouter chacun notre grain de sel.
J'aimerais vous souligner, M. le ministre, qu'il est fait mention que,
pour les garderies, on a privilégié ce type-là parce qu'on
avait plus de garderies sans but lucratif. Je vous ferais remarquer que, si on
regarde le bref historique des garderies, par le passé, c'étaient
les garderies à but lucratif qui étaient majoritaires. Comme le
gouvernement a fait un choix politique en 1979 en faisant une loi, il a,
à un moment donné, privilégié les garderies sans
but lucratif subventionnées, et on s'est retrouvées très
peu nombreuses en 1979. Par contre, la loi a permis qu'on émette encore
des permis, et on a repris un peu du réseau. Alors, je vous ferai
remarquer que cette expertise-là n'a peut-être pas
été tout à fait exacte.
Maintenant, l'autre réponse, l'autre observation concernant le
RAPC, le Régime d'assistance publique, c'est que l'Association, nous
avons déjà communiqué avec M. Bouchard. Nous avons
déjà fait des recherches à ce niveau-là, parce que
nous trouvions que, finalement, la subvention va aux parents, va à
l'enfant qui, lui, n'est pas à but lucratif. Et on m'a fait part, au
ministère fédéral, qu'il y aurait peut-être des
avenues possibles. Il s'agit d'avoir une volonté politique, au
Québec, de faire certains amendements ou certains changements à
des lois déjà existantes, peut-être pour, justement,
évoluer vis-à-vis de ce système-là qui a
été établi dans les années cinquante ou soixante,
selon ce qu'on m'a mentionné. La situation évolue et il y aurait
peut-être des possibilités, en autant qu'on ait une volonté
politique et qu'on veuille reconnaître la participation que nous
apportons au réseau. (11 h 40)
Voilà les quelques commentaires qui me viennent en ce moment.
J'aimerais peut-être passer la parole à une autre si...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que d'autres personnes
aimeraient ajouter des commentaires? Oui, madame?
Mme Saint-Jean-Marcas: Oui, M. le Président. J'aimerais
aussi souligner que vous avez demandé, donc, une façon
concrète de peut-être établir un meilleur équilibre.
Actuellement, il s'émet, par l'Office des services de garde, environ 50
% de permis aux garderies à but lucratif et 50 % aux garderies à
but non lucratif. Donc, est-ce qu'on reconnaît, dans les faits, que les
demandes, effectivement, des usagers vont pour les deux types de services de
garde? Donc, on a brisé ces 28 % qui étaient dans le fameux plan
d'aménagement qui est un petit peu en retrait actuellement, mais ces 28
% étaient gardés pour les garderies à but lucratif. Alors,
je pense que c'est peut-être une étape, et peut-être
pourrez-vous vous servir de cette nouvelle répartition d'émission
de permis. On vous suggérait d'aller jusqu'à ne pas
émettre de permis, pour le moment, à d'autres garderies à
but non lucratif. On comprend pourquoi: les coûts d'implantation, et tout
ça. C'est ça, les 79 000 000 $ qui sont lourds, finalement. On
veut absolument garder, nous, l'aide financière aux parents, mais on
voudrait que ces 79 000 000 $ viennent s'ajouter à l'aide
financière déjà donnée aux parents. Est-ce qu'on se
rejoint?
Le Président (M. Lemieux): Merci. Est-ce que d'autres
personnes ont des commentaires? Ça va?
Alors, M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aime rais, au nom de
ma formation politique, souhaiter la bienvenue aux représentantes de
l'Association des propriétaires de garderies du Québec inc.
D'abord, vous amenez des éléments de réflexion qui
ne peuvent faire autrement qu'attirer la curiosité et, en même
temps, nous amener à aller plus loin dans la réflexion que vous
soulevez ce matin à cette commission. Vous semblez positionner en
même temps une espèce de traitement inéquitable qui serait
fait au niveau de la gestion, ou de l'administration, ou de l'opération
de votre entreprise qui est celle, bien sûr, et très louable, de
faire en sorte de garder les enfants du Québec. C'est extraordinaire. Je
pense qu'on doit, bien sûr, appuyer tous les mouvements pour assurer la
meilleure garde possible des enfants chez nous.
Mais j'aimerais, en même temps, essayer de comprendre la
problématique que vous soulevez ce matin. Vous semblez dire que la
tarification au niveau du parent qui va en garderie privée est similaire
à la tarification du parent qui va porter l'enfant en garderie à
but non lucratif ou publique, entre guillemets. Mais alors, est-ce que vous
réussissez, à travers l'opération... Parce qu'il doit y
avoir des différences marquantes quelque part, parce que, normalement,
lorsqu'on est à but lucratif, on opère une entreprise dans la
mesure où il reste quelque chose. Pour inciter un propriétaire
à faire une entreprise quelconque, il doit lui rester quand même
des profits. Est-ce que, au moment où on se parle, la garderie
privée serait dans une situation telle que la rentabilité,
à toutes fins pratiques, n'y serait presque plus et que, à moyen
terme, court terme ou long terme, vous seriez vouées à une
disparition du marché comme tel? Moi. j'y vais aussi directement parce
que je pense que. là, vous semblez quand même soulever un
débat qui m'apparalt majeur. Alors, jusqu'où va vraiment votre
positionnement face à une concurrence à court terme ou à
moyen terme?
Le Président (M. Lemieux): Votre réponse, face aux
préoccupations du député de Montmorency.
Mme Sirois-Paquet: Je peux répondre Premièrement,
au Québec, on est toutes privées. Il n'y a pas de garderies qui
sont privées et d'autres qui sont publiques. Ça, c'est...
M. Filion: Ou non lucratif, que je disais, entre guillemets, tout
à l'heure.
Mme Sirois-Paquet: Oui, à but lucratif, non
gérées par les parents; sans but lucratif, non
gérées par les parents et sans but lucratif, gérées
par les parents. Mais on est toutes privées.
Puis, en ce qui concerne les budgets que vous mentionnez, il est
possible que dans un avenir très rapproche, notre type de garderie, -en
n'ayant pas de subventions et en ayant toujours les mêmes règles
et lois auxquelles se conformer, on soit vouées à la faillite ou
à ne plus exister. Il se peut fort bien que ça arrive
jusque-là.
M. Filion: Moi, quand je disais, tout à l'heure,
privé, pour moi, c'était dans le sens de lucratif. Il faut bien
se comprendre. C'est que, lorsqu'on va chez vous, le profit...
Mme Sirois-Paquet: Est mon salaire. M. Filion: ...est
votre salaire, c'est ça.
Mme Sirois-Paquet: J'ai le droit d'avoir un salaire au bout de la
semaine.
M. Filion: Écoutez, je pense que c'est très louable
et je pense que c'est tout à fait défendable. Dans ce
sens-là, vous avez tout à fait raison.
Mme Laget-Chambefort (France): C'est pour ça qu'on est
vieilles et qu'on travaille encore.
M. Filion: Maintenant, le salaire que vous
avez - et c'est ce que j'essayais de comprendre - vous semblez le voir
compromis, ce salaire-là, compte tenu des contraintes additionnelles que
vous vivez parce que vous êtes à but lucratif. Et c'était
dans ce sens-là qu'était ma question. Est-ce que, effectivement,
la structure actuelle d'encouragement au but lucratif par rapport au
non-lucratif compromet ce salaire-là dans le futur? Et le salaire que
vous avez, au moment où on se parle, est-ce qu'il est décevant
à un point tel que vous auriez besoin d'aide également? C'est
dans ce sens-là qu'était ma question.
Mme Sirois-Paquet: Je dirais mon salaire et probablement celui
des éducatrices qui travaillent chez nous, parce que, à un moment
donné, quand on fonctionne avec peut-être un budget de 100 000 $
par année de moins, c'est certain que c'est les salaires qui
écopent.
M. Filion: Mais une éducatrice, ça peut gagner
combien, chez vous et dans le monde non lucratif?
Mme Sirois-Paquet: Chez nous, ça peut gagner entre 7 $ et
10 $ l'heure.
M. Filion: Entre 7 $ et 10 $ l'heure. Et, dans le monde non
lucratif, ça gagne combien?
Mme Sirois-Paquet: Entre 10 $ et 15 $.
Mme Laget-Chambefort: Entre 10 $ et 15 $ l'heure.
M. Filion: Alors, c'est comparable.
Mme Sirois-Paquet: bien, c'est comparable... je sais bien que,
moi, je préférerais aller travailler à 15 $ qu'à 7
$, si j'étais éducatrice. ce n'est pas comparable.
M. Filion: Si vous gagnez le même revenu, alors pourquoi ne
pas devenir tout simplement à but non lucratif si, à toutes fins
pratiques, vous changez quatre 0,25 $ pour 1 $?
Mme Sirois-Paquet: Êtes-vous intéressé
à nous acheter? Avez-vous l'argent pour nous acheter?
M. Filion: Acheter?
Mme Sirois-Paquet: Nos garderies, à ce
moment-là.
M. Filion: Non, je ne veux rien acheter, moi. Je veux simplement
comprendre la problématique.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais ça si vous
pouviez vous adresser à moi, s'il vous plaît.
Mme Sirois-Paquet: Ah, excusez!
M. Filion: Moi, M. le Président, je veux bien qu'on se
comprenne...
Le Président (M. Lemieux): C'est parce que c'est les
règles de procédure, tout simplement, madame.
M. Filion: ...le but, ce n'est pas d'acheter quiconque. Je veux
juste comprendre la problématique que vous soulevez.
Mme Sirois-Paquet: C'est parce que, M. le Président, si
vous me demandez de me transformer en sans but lucratif, à ce
moment-là, ma raison sociale n'existe plus. À ce
moment-là, il y aura des coûts à ce changement-là,
et je ne suis pas sûre que le gouvernement, présentement, a les
moyens de racheter 265 garderies à but lucratif. S'il en a les moyens et
qu'il nous le propose, on verra.
Le Président (M. Lemieux): Alors, si le gouvernement en a
les moyens et qu'il vous le propose, on verra.
Une voix: II a déjà proposé...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, vous pouvez continuer.
M. Filion: Je comprends très bien, mais vous savez qu'il
peut y avoir d'autres garderies, actuellement, à but non lucratif qui se
créent. Alors, si elles se créent, c'est donc dire que c'est
possible de transférer un commerce lucratif en un commerce non lucratif.
Si j'en crée un ou que je fais une transition de l'un à l'autre,
je réalise, à toutes fins pratiques, la même
création d'entreprise. Comprenez-vous?
Mme Sirois-Paquet: Je ne vous suis pas, là.
M. Filion: Quand vous parlez de commerce, que vous parlez de tous
les actifs que vous avez, ce n'est pas possible, actuellement, avec la loi, de
transférer simplement des actifs à une nouvelle entreprise non
lucrative.
Mme Sirois-Paquet: Non.
M. Filion: Ce n'est pas possible, ça.
Mme Sirois-Paquet: Selon la loi, on n'a pas le droit
présentement.
M. Filion: Par un financement normal qu'on retrouverait à
la création d'une nouvelle entreprise, tout simplement, et vous pourriez
recouvrer, à toutes fins pratiques, les actifs que vous avez
payés dans le passé. C'est ce que vous me dites?
Mme Morin: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.
Mme Morin: ...si je peux ajouter un mot.
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez.
Mme Morin: Merci. Si je peux ajouter, à savoir que, pour
se transformer... Si, demain matin, je décidais de me transformer en
garderie à but non lucratif, il en coûterait au gouvernement 122
300 $, à l'État, tout de suite demain matin.
Le Président (M- Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Fiiion: Mais, M. le Président, l'État, de toute
façon, lorsqu'il subventionne une nouvelle garderie à but non
lucratif, il a à assumer aussi de nouveaux actifs. On s'entend bien.
Alors, dans une formule de transition, au lieu d'accepter de nouvelles
entreprises à but non lucratif qui se forment à zéro,
qu'on aille chercher déjà de l'acquis et qu'on le transforme
à but non lucratif, c'est les mêmes dépenses d'actifs que
l'on crée. (11 h 50)
Mme Sirois-Paquet: Si vous en avez les moyens, comme je vous le
dis, proposez-le. De toute façon, présentement, selon la loi, on
ne peut pas le faire.
M. Fiiion: Écoutez-moi, non, non... Actuellement, ce que
je cherche, j'essaie de comprendre votre problématique et de voir, dans
une orientation éventuelle, comment on peut arriver à...
Peut-être qu'au fond, si on veut avoir une uniformité
d'application ou une réglementation claire, c'est une question de
transition de privé à public. Si vous me dites que vous
opérez dans les garderies privées et que vous faites le
même salaire que si vous étiez à but non lucratif, alors je
me dis: C'est quoi, l'intérêt de rester privé?
Mme Sirois-Paquet: Je pense qu'on ne fait pas le même... Je
pense que notre salaire est probablement moindre que dans une garderie à
but non lucratif.
M. Fiiion: Vous dites «probablement moins» ou
«moins»?
Mme Sirois-Paquet: Moindre. Le salaire est moindre que dans une
garderie à but non lucratif présentement. m- fiiion: alors, vous
opérez en pensant un jour pouvoir récupérer les actifs que
vous avez investis. est-ce que c'est ça, l'objectif
recherché?
Mme Sirois-Paquet: On l'espère!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Sirois-Paquet: Mais, au début, quand on ouvre...
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame, allez-y!
Mme Sirois-Paquet: Quand on ouvre une garderie, on ne pense
peut-être pas aux sous.
Le Président (M. Lemieux): Qu'est-ce que vous dites? Plus
fort, un petit peu.
Mme Sirois-Paquet: Au début, quand on ouvre une garderie,
ce n'est probablement pas parce qu'on pense aux sous, c'est parce qu'on...
Le Président (M. Lemieux): On veut créer un
emploi?
Mme Sirois-Paquet: On veut se créer un emploi. On veut
investir dans l'avenir de nos enfants. On veut donner du travail à des
gens. En tout cas, c'est tous les buts des jeunes propriétaires. Puis,
si vous remarquez, c'est un monde de femmes aussi dans les garderies Les
propriétaires sont presque toutes des femmes. On voulait se créer
une petite entreprise pour nous, qui nous ressemblait. Puis il y a beaucoup de
gens, dans les garderies à but lucratif, qui sont soit d'anciennes
enseignantes ou qui ont des formations en pédagogie. Ce serait des
choses à penser aussi.
M. Fiiion: Je vous remercie de ces commentaires additionnels.
Ça me permet de mieux comprendre la problématique que vous avez
soulevée. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vais passer la parole
à M. le député de Prévost.
Je veux tout simplement vous dire aussi une chose. J'apprécie
tellement que vous arriviez avec des cents puis des quarts de cent lorsque vous
nous citez des chiffres. Je ne suis tellement pas habitué à
ça, vous savez!
M. le député de Prévost.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais, mesdames,
vous féliciter. Moi, j'ai une petite question: La création d'un
fonds à l'enfant, comment il serait administré, ce
fonds-là, pour la distribution pour les enfants? C'est dans votre
mémoire.
Mme Saint-Jean-Marcas: Oui. M. le député,
effectivement... M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas bien grave.
Allez-y! Vous allez vous habituer,
vous allez voir.
Mme Saint-Jean-Marcas: II existe actuellement un système
qu'on appelle l'aide financière aux parents, et il est en place depuis
1979. Il a fait ses preuves et il gère un budget d'environ 61 500 000 $.
Si on augmentait ce budget-là en y ajoutant les subventions que l'on
donne actuellement aux services de garde, ce serait un seul organisme qui
pourrait le gérer. Puis on a suggéré que ce soit l'Office
des services de garde ou le ministère du Revenu qui le gère. Mais
c'est un mécanisme qui est très semblable à celui
déjà existant, qui s'appelle l'aide financière pour
enfants en service de garde.
Alors, il y a déjà une structure. On devrait probablement
élargir, parce que les échelles, parce que les contraintes sont
minimes. Ça ne rejoint pas la famille à revenus moyens. Donc,
effectivement, on demanderait que ce soit élargi, les portes donnant
accès à ce programme d'aide. Alors, que ça devienne fonds
à l'enfant, c'est qu'on veut cibler sur l'enfant et non pas... Bien
sûr, en tant que parent, c'est très près, mais pourquoi pas
enfant quand on sait les difficultés que certains ont à en avoir
deux, parents, et puis certains à en avoir même juste un? Alors,
pourquoi pas sur l'enfant? Donc, un fonds à l'enfant. Donc, les
versements se font au nom de l'enfant par ce programme d'aide financière
qui serait élargi, par exemple, et qui serait dans les mains d'un des
deux organismes suggérés.
M. Forget: Mais est-ce que vous avez droit présentement
à ce fonds-là?
Mme Saint-Jean-Marcas: Nos parents, M. le député...
M. le Président, nos parents ont droit, oui, à l'aide
financière selon le revenu, l'importance de leur famille; ce sont les
deux critères. Il y a d'autres programmes aussi, comme le programme
APPORT, qui n'est pas cité et qui est offert aussi aux parents, qui est
un programme fédéral.
Mme Sirois-Paquet: Je voudrais rajouter, par contre, que nos
parents, dans nos garderies à nous, ont droit à cette aide
financière. Mais, par contre, il vient d'y avoir une nouvelle loi sur,
justement, les nouvelles garderies qui sont ouvertes depuis le printemps, et il
y a une partie de nos garderies qui, je crois, n'y aura pas le droit tant et
aussi longtemps qu'elles ne seront pas rentrées comme faisant partie du
réseau. À ce moment-là, il y a une partie des parents du
Québec qui n'auront pas le droit à cette aide financière
tant et aussi longtemps qu'elles ne feront pas partie du réseau, de
l'agrandissement du réseau.
M. Forget: Je vous remercie beaucoup de cette mise au point.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M le
député de Prévost?
Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous saluer. On a eu l'occasion, soit certaines d'entre vous ou
d'autres avant vous, d'avoir des discussions et des échanges ensemble
quant au dossier que vous défendez aujourd'hui. Mon point de vue reste
toujours le fait que la garde des enfants... Nos enfants, c'est un bien
essentiel, comme collectivité et, dans ce sens-là, je pense que
l'État doit continuer à investir dans ses enfants.
Le choix qui a été privilégié, ça a
été une approche où on a voulu responsabiliser les parents
en les amenant à prendre en charge la gestion des conseils
d'administration et des garderies. Et ce qu'on a voulu faire dès le
départ, c'est justement de faire en sorte que le réseau des
garderies privées reste une proportion moins grande, si on veut, dans
l'ensemble des services de garde offerts aux parents, parce que la crainte que
l'on avait - et elle se manifeste, dans le fond, aujourd'hui, jusqu'à un
certain point, par la présentation de votre mémoire -
c'était de se dire: On peut toujours donner des permis aux services de
garde privés, c'est-à-dire à but lucratif - je suis
d'accord que c'est tout privé - très largement, mais - on se
disait - un jour ou l'autre, il y aura une pression de faite sur le
gouvernement pour qu'on intervienne davantage, comme gouvernement, pour
soutenir la garde à but lucratif. Et donc, à ce moment-là,
on pouvait se retrouver - et c'est ce qu'on constate aujourd'hui - avec une
proportion plus grande de garderies à but lucratif qui vivent les
problèmes financiers auxquels vous faites référence, et
j'en conviens avec vous. Mais, justement, maintenant, l'équilibre a
été modifié, et on n'est absolument pas capable de
répondre rapidement, comme ça, dans le fond, aux attentes que
vous pourriez avoir à cet égard-là. Bon. Alors,
c'était ça qui avait justifié le fait que l'on
préserve ce pourcentage plus réduit, si on veut, de garderies
à but lucratif.
Et on constate que, dans les faits, dans le fond, ce qui fait la
différence entre ce que ça coûte dans vos garderies versus
ce que ça coûte dans les garderies gérées par les
parents, c'est le prix chargé aux parents; et l'autre différence,
c'est les salaires versés aux éducateurs et aux
éducatrices. Et être payé à 7 $ ou 9 $ l'heure pour
garder des enfants, je comprends que ce n'est pas... Vous voudriez sans doute
les payer davantage, mais les moyens que vous avez ne le permettent pas. Je
trouve que ça n'a pas grand sens, finalement, actuellement. Alors,
voilà pour un certain nombre de commentaires.
Et un autre commentaire. Moi, je m'inscris en faux contre une
affirmation que vous faites dans votre document, quand vous dites: «...ce
qui vient confirmer la position de l'Association
qui croit que l'on confie les fonds publics à un conseil
d'administration qui n'a ni les compétences, ni le temps, ni la
stabilité pour bien gérer les fonds publics qui lui sont
confiés.» Je m'inscris en faux à propos de cette
affirmation parce que, au contraire, nos sociétés cherchent
à responsabiliser les citoyens et les citoyennes. Et, s'il y a quelqu'un
qui se sent plus responsable de ses enfants, ça devrait d'abord
être le parent Et c'est à lui que l'on confie la gestion du
service qui concerne son enfant en l'impliquant dans la gestion des services de
garderie et dans son propre conseil d'administration. Alors, moi, je ne peux
pas... Je vous le dis, je suis franche, vous me connaissez depuis un long
moment, je suis en désaccord avec ce que vous dites là.
Les propositions que vous faites peuvent peut-être être
intéressantes à regarder, un fonds pour l'enfance... Je pense
qu'il y a des choses intéressantes, mais, ça, je suis en
désaccord et je voulais vous le dire.
Mme Ceppi: Vous me permettez, M. le Président?
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame. (12 heures)
Mme Ceppi: Vous me faites remarquer qu'on vous a mentionné
ce qui confirmait notre position que les parents n'avaient ni la
compétence, ni le temps, etc. On s'est basé, finalement, sur une
étude qui a été présentée à des
directeurs et directrices de garderies. Et, dans cette étude, les
gestionnaires admettent eux-mêmes - c'est eux qui l'admettent - que les
parents n'ont pas toujours le temps et n'ont pas toujours la compétence
pour administrer les garderies. Donc, le gestionnaire se retrouve avec une
très lourde tâche sur les épaules.
Et, comme je le mentionnais tantôt, pour pallier cette
chose-là, le gestionnaire doit à la fois viser les objectifs et
les orientations, parce que les parents n'ont plus peut-être ce
côté compétent par rapport à une philosophie ou par
rapport à ce que doit, disons, proposer une garderie comme aspect
pédagogique, ils se fient beaucoup au gestionnaire de garderie. Donc,
pour lui, sa tâche est très lourde et, comme je le mentionnais
tantôt, maintenant, on est à la recherche de savoir comment on
pourrait reconnaître le gestionnaire de garderie. Évidemment, on
demande encore des coûts, de l'argent supplémentaire, quand notre
expertise... Même si vous n'êtes pas d'accord sur la base des
garderies à but lucratif, nous avons, nous, en y étant depuis 18
ans, 20 ans, 30 ans, la continuité, la pérennité. Nous
savons où nous allons, nous connaissons les fonds, nous connaissons nos
orientations pédagogiques. Les gens qui font partie de ces
conseils-là sont confrontés avec un roulement, un changement
continuel.
Les buts sont les mêmes, nous visons la qualité, nous
visons la pédagogie; c'est la philosophie qui peut être
différente. Quand vous parlez de responsabiliser les parents, bien,
nous, on parle aussi de responsabiliser les citoyens en prenant notre part
aussi, en prenant de notre argent, de nos sous pour essayer d'être
partenaires du gouvernement.
Mme Marois: Ce n'est pas incompatible de vouloir responsabiliser
citoyens et parents.
Mme Saint-Jean-Marcas: M le Président, permettez que je
fasse un bref commentaire pour Mme Marois. Est-ce que vous pouvez concevoir,
madame, qu'un conseil d'administration, si on le comparaît, par exemple,
à celui d'une autre petite entreprise privée, que ce soit
HydroQuébec - petite là! - ses membres soient presents ou ne
siègent que pour des périodes maximum de deux ans? Est-ce qu'on
pourrait envisager qu'un conseil d'administration, à qui on confie des
fonds publics, ne soit impliqué que pour des périodes aussi
courtes? Et ça, c'est une moyenne, il y a plus court encore. Alors, ce
roulement, imaginez, au sein d'un C.A. qui se renouvelle continuellement
à tous les deux ans, et peut-être sur des périodes plus
courtes encore.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
Mme Sirois-Paquet: Est-ce que je pourrais ajouter autre
chose?
Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y, madame.
Mme Sirois-Paquet: Question de tarif dans les garderies. On
faisait justement l'énoncé que ça varie peut-être de
1 $ par jour, plus ou moins, dans chacune des garderies, ce qui fait un maximum
peut-être de 5 $ dépendamment des garderies. Puis, on a quand
même un comité de parents dans nos garderies. À ce
moment-là, il est important de savoir que, nous autres aussi, on est
quand même un petit peu surveillés, et notre comité de
parents est là pour nous appuyer et collaborer avec nous. On ne
fonctionne pas sans leur opinion. Et, à partir du moment où on ne
donnera pas un bon service, les parents vont partir et vont aller ailleurs, ce
qui fait qu'on doit satisfaire notre parent nous autres aussi.
Question des salaires des éducatrices. En fin de compte, si c'est
la part subventions qui permet aux éducatrices en garderie sans but
lucratif d'avoir un plus haut salaire, d'après moi, ces
subventions-là viennent des impôts et, moi, personnellement, je
n'aime pas tellement que, quand mes éducatrices paient leur impôt,
elles paient une partie du salaire des éducatrices des garderies sans
but lucratif; elles, elles n'en reçoivent pas dans leurs poches.
Ça, ça me fait mal à chaque deux semaines
d'émission de paie. Je voulais vous dire ceci.
Mme Marois: Juste un petit commentaire quant à la place
que les parents occupent sur les conseils d'administration, que ce soit en
moyenne deux ans ou deux ans et demi. Remarquez que souvent la moyenne de
fréquentation d'un enfant en garderie correspond aussi à cela,
donc il faut quand même être capable de confirmer cela. Et, d'autre
part, ce qu'on demande à des parents, ce n'est pas de gérer les
balais, les crayons et les cahiers à colorier dans les garderies, vous
le savez aussi très bien, mais on leur demande de fixer les grandes
orientations, la philosophie qui va guider les gens qui assument la
coordination dans la garderie. On demande au gestionnaire de la garderie,
là, lui ou elle, de faire ce travail très concret d'administrer
les fonds, de rendre des comptes, de fixer des budgets, de les faire approuver,
bien sûr, par son conseil, de prendre les conseils de son conseil
d'administration, mais il y a un travail technique qui est fait par ce
personnel-là.
D'autre part, vous me confirmez, par les chiffres que vous donnez,
qu'effectivement il n'y a pas de différence dans le coût d'une
garderie à but lucratif versus une garderie sans but lucratif, dans le
sens où, s'il y a une différence de 5 $ dans le prix par jour...
Vous me dites: C'est le maximum. Mettons-le à 3,50 $, à 4 $. Il y
a une différence de quelques dollars l'heure dans le paiement aux
éducatrices; ça correspond exactement au coût par jour
assumé par le secteur public pour intervenir dans les garderies sans but
lucratif. Est-ce qu'il y a une différence de 5 %, 6 %? Peut-être
qu'elle est là, mais avec les chiffres que vous-même vous me
donnez dans les tableaux, ça correspond à peu près
à cela.
Mme Ceppi: Je m'excuse, M. le Président, mais je ne crois
pas avoir bien compris vos 5 $. Vous parlez de 5 $ par jour ou par semaine?
Mme Marois: Ce que madame disait tout à l'heure, c'est
qu'il y avait une différence dans le prix, par place, en garderie...
Mme Ceppi: Par semaine. Mme Marois: ...de l'ordre de...
Une voix: Payé par les parents.
Mme Marois: C'est 5 $ par semaine, vous dites?
Une voix: Hebdomadaire. Mme Ceppi: Par semaine.
Mme Marois: Par enfant. Bon. Alors, ça vient diminuer ce
que je faisais comme calcul, mais il reste que ça le rapproche de ce que
cela coûte dans les garderies sans but lucratif. D'ailleurs, ce sera
intéressant, de toute façon, de pouvoir questionner les garderies
sans but lucratif qui viennent par la suite.
Mme Ceppi: M. le Président, me permettez-vous un
dernier...
Le Président (M. Lemieux): Oui, un commentaire. Allez-y,
pas de problème.
Mme Ceppi: C'est-à-dire de revenir à un commentaire
de M. le ministre Daniel Johnson au sujet des taxes, tantôt. Il
mentionnait qu'on n'était pas les seuls à payer les taxes. Mais
la TPS, nous n'avons pas le droit d'avoir de retour de cette taxe-là,
tandis que les organismes sans but lucratif, eux, ont le droit d'obtenir des
retours face à ces taxes-là.
Mme Marois: M. le Président... Une voix: M. le
ministre. Mme Marois: ...c'est terminé.
Le Président (M. Lemieux): Excusez, madame. On discutait
justement des garderies.
Mme Ceppi: Parfait! Mme Marois: C'est terminé.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez
terminé.
M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): II reste sept minutes à
M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Oui. Tout simplement une constatation, et je vais
revenir sur quelques commentaires que vous avez faits, mais très
rapidement. Je suis heureux de voir que, dans votre planification, au niveau de
la création d'un fonds à l'enfant, vous avez pensé au
ministère du Revenu pour faire la cueillette, un peu comme on le fait
avec le programme APPORT. Je pense que c'est le genre de choses que le
ministère du Revenu peut facilement faire, en autant, évidemment,
bien sûr, qu'il y ait compensation monétaire pour le
ministère, parce que ça commence à être serré
chez nous aussi, au niveau de l'administration. Un petit message au
président du Conseil du trésor, tout le monde en passe. C'est un
peu comme ça.
Une voix: Vous avez déjà de nombreux
employés de trop.
M. Savoie: Non. Au niveau des garderies à but lucratif,
écoutez, il y en a 144 à Montréal, il y en a une
quarantaine dans la région de
Québec, il y en a une cinquantaine dans la région de la
Montérégie, il y en a 0 en Abitibi-Témiscamingue, il y en
a 0 sur la Côte-Nord, il y en a 1 en
Gaspésie-îles-de-la-Madeleine, 0 dans le Bas-Saint-Laurent,
aucune, et on les a vues, quelques-unes, fermer. Surtout il y a quatre, cinq
ans, j'ai assisté à la fermeture d'une garderie à but
lucratif. Je comprends mal pourquoi on est capable d'en faire, par exemple,
à Montréal, à Québec - dans la région de
l'Outaouais, il y en a seulement 1, là aussi - et qu'on n'est pas
capables d'en développer en région. (12 h 10)
Mme Sirois-Paquet: C'est parce que le nombre d'enfants est
suffisant. À ce moment-là, ça serait peut-être les
agences en milieu familial qui seraient le meilleur moyen.
M. Savoie: II y a 11 garderies à but non lucratif et il
n'y en a aucune à but lucratif en Abitibi-Témiscamingue, par
exemple. Il y en a 11.
Mme Saint-Jean-Marcas: Est-ce que la réponse ne serait pas
dans l'esprit d'«entrepre-neurship» qui peut exister dans ces
secteurs-là?
Une voix: II faudrait peut-être le développer.
M. Savoie: Je vais vous laisser le soin de leur dire ça.
Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: Pas à l'Opposition, mais à mes
commettants. Je ne pense pas qu'ils manquent d'esprit
d'«entrepreneurship» ni de connaissances. C'est rien qu'une
constatation, et je la trouve curieuse, de voir qu'effectivement il n'y en a
pas du tout, mais alors pas du tout, pas une dans huit régions au
Québec. On voit un fort développement, et je me demandais si vous
aviez une explication. J'imagine que la nature de votre intervention vise
à faire en sorte que peut-être on puisse développer en
même temps les garderies à but lucratif comme les garderies sans
but lucratif.
Au niveau du programme APPORT, c'est fédéral?
Une voix: Oui.
M. Savoie: Ce n'est pas fédéral, c'est provincial.
C'est initié par le Québec, c'est un programme
québécois qui, finalement, donne d'assez bons résultats.
Au niveau de la taxe de vente, je prends bonne note de votre intervention,
l'histoire des 50 % qui sont accordés aux organismes sans but lucratif
et que vous, finalement, avez un support par lequel vous n'avez pas droit aux
intrants ou aux remboursements. On va examiner ça et on va certainement
vous écrire à cet effet-là, au ministère du Revenu,
pour mettre la position un peu plus claire et voir, s'il y a lieu de continuer
les interventions Je pense que c'est un point valable.
On apprécie également le dynamisme et on ne veut pas
devenir propriétaires de vos garderies. Ça, je voudrais que ce
soit également bien clair. On trouve que vous faites un excellent
travail et on vous remercie également sincèrement pour la
qualité du mémoire et les recommandations que vous avez mises de
l'avant. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
ministre du Revenu.
Nous vous remercions pour cette participation à cette commission
parlementaire et nous allons suspendre nos travaux environ deux minutes pour
permettre à la Concertaction interrégionale des garderies du
Québec, au Regroupement des agences de services de garde en milieu
familial du Québec et à l'Association des services de garde en
milieu scolaire du Québec de bien vouloir prendre place à la
table des témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 16)
Le Président (M. Audet): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux.
Nous recevons maintenant le groupe Concertaction interrégionale
des garderies du Québec, le Regroupement des agences de services de
garde en milieu familial du Québec et l'Association des services de
garde en milieu scolaire du Québec. Alors, mesdames, on vous souhaite la
bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles: vous avez 20
minutes pour nous exposer votre mémoire, ensuite s'ensuivront des
échanges pendant une quarantaine de minutes. Je vous inviterais, avant
de faire votre présentation, à vous présenter, s'il vous
plaît! Allez-y.
Concertaction interrégionale des garderies
du
Québec (CIRGQ), Regroupement des agences
de
services de garde en milieu familial du
Québec
et Association des services de garde
en milieu scolaire du Québec
Mme Tougas (Jocelyne): Alors, Jocelyne Tougas, du Regroupement
des agences de services de garde du Québec. Bonjour!
Mme Pitre-Robin (Claudette): Claudette Pitre-Robin, de
Concertaction interrégionale des garderies du Québec.
Mme Guy (Brigitte): Brigitte Guy, présidente de
l'Association des services de garde en milieu scolaire du Québec
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, nous vous
écoutons.
Mme Guy: Avant de commencer, j'aimerais préciser que nous
représentons, par le biais de nos organismes respectifs, 600 services de
garde sans but lucratif, 63 000 parents, tout près de 8000
éducateurs et éducatrices et plus de 40 000 entants.
Je tiens à remercier, en commençant, cette commission
d'avoir bien accepté de nous entendre. Nous avons choisi de soumettre
à votre commission un mémoire qui expose une facette
particulière de la réalité des services de garde: les
services de garde comme étant une pierre angulaire d'une politique de
développement économique et d'une stratégie de plein
emploi. Nous voulons, par ce mémoire, fournir des pistes et des
solutions réalistes et faire en sorte que le gouvernement choisisse
d'adopter des mesures immédiates pour faire progresser le réseau
et revitaliser une économie dangereusement stagnante.
Les services de garde, un investissement rentable et une valeur
économique sûre; pierre angulaire d'une stratégie de plein
emploi. On sait que la présence des femmes sur le marché du
travail est un phénomène durable qui tend, dans tous les pays,
d'ailleurs, à augmenter de façon importante. C'est pourquoi nous
considérons que l'investissement dans une gamme complète de
services de garde à l'enfance de bonne qualité, qu'il s'agisse de
garderies de quartier ou en milieu de travail, de garde en milieu familial et
scolaire, de haltes, de jardins d'enfants, de garde de dépannage, est
une phase essentielle d'une stratégie économique du plein emploi.
C'est un mécanisme par excellence pour permettre aux parents de jeunes
enfants de participer activement et entièrement au marché du
travail ou aux différents programmes de formation et de
réinsertion, mais aussi un outil pour assurer que tous les enfants,
quels que soient leurs origines et le statut socio-économique des
parents, partent sur le bon pied et aient l'occasion de se réaliser
pleinement.
Ce n'est pas par hasard que les employeurs l'ont compris. Dans un de ses
bulletins, le Conseil du patronat dit bien que les entreprises estiment,
aujourd'hui, qu'elles ont un rôle à jouer dans l'équation
famille-travail-qualité de vie. Les entreprises qui ont implanté
des services de garde constatent qu'elles ont plus de facilité à
recruter du personnel de qualité, car elles offrent un avantage social
très recherché, de même que le taux d'absentéisme et
de roulement du personnel diminue de façon remarquable, en plus
d'améliorer leur image corporative. Et on sait que la
compétitivité dans tous les secteurs de l'économie exige
une main-d'oeuvre productive. (12 h 20)
Les services de garde de qualité permettent de garder nos enfants
en santé mentale et physique. On sait, par les nombreux rapports qui
viennent de sortir cette année... Au premier chef, le rapport Bouchard
fait état de toutes les difficultés très graves auxquelles
sont confrontés nos jeunes, au Québec, actuellement. Et, parmi
les problèmes aigus qu'il mentionne, il signale la délinquance,
le décrochage, l'usage des drogues et, ultimement, le suicide. Ce
rapport, ainsi que le «2e plan d'action en matière de politique
familiale», convient qu'il faut maintenant investir dans la
prévention. J'étais heureuse d'entendre M. Johnson tout à
l'heure réitérer que c'est un investissement actuel qu'il faut
faire.
Or, il a été démontré, et ce depuis
longtemps, que les services de garde de bonne qualité sont, eux, un lieu
privilégié pour le dépistage. Il faut maintenant
reconnaître leur rôle sur le plan de l'éducation, mais
beaucoup sur le plan de la prévention, et accorder à ce
réseau les ressources nécessaires pour que nous puissions
contribuer à enrayer ces graves difficultés auxquelles sont
confrontés nos jeunes. Et, à titre d'exemple, le
décrochage. Actuellement, au Québec, on sait que 35 % des jeunes
de moins de 20 ans abandonnent leurs études avant d'avoir obtenu leur
diplôme.
Les coûts économiques et sociaux à court et à
long terme d'une telle perte d'énergie vitale sont énormes et,
dans le «Conference Board» du Canada, on citait le chiffre de 4 000
000 000 $ qui est la valeur actuelle du total des pertes qu'assumera la
société canadienne durant toute la vie active juste des jeunes
qui n'ont pas achevé leur école secondaire durant l'année
1989, la dernière année pour laquelle on connaît le taux de
décrochage à l'échelle nationale et provinciale. Et, si on
ramène ça sur le plan du Québec, on peut estimer que
ça nous coûte à peu près 1 000 000 000 $. Alors,
nous considérons que nous n'en avons tout simplement pas les moyens et
surtout pas le désir d'assumer ces frais.
La délinquance maintenant. Les enfants qui n'ont pas accès
à des services de garde de bonne qualité risquent davantage de se
confronter à des problèmes d'apprentissage social, affectif et
intellectuel, et ces échecs répétés sur le plan
académique et social les entraînent vers une adolescence
difficile, sinon impossible à vivre. Et, selon le rapport de la
commission parlementaire sur la protection de la jeunesse, les adolescents de
12 et 13 ans comptaient déjà, il y a plus de 20 ans, pour environ
15 % des délinquants connus par la police. Et les activités des
délinquants structurés débutent en général
vers 10 ans. Alors, la délinquance, ce n'est pas rendu à 16 ans.
C'est à 12 et 13 ans que commence la délinquance la plus
caractérisée et la plus sérieuse. On a suivi un groupe
pendant toute leur adolescence jusqu'à l'âge adulte et c'est chez
ces jeunes, qui ont commencé à s'installer dans des comportements
délinquants, que l'on retrouve en grande majorité des criminels
adultes reconnus et
pour la plupart incarcérés. C'est des coûts
astronomiques.
Selon des chiffres récents que nous avons, issus du
ministère de la Justice, approximativement, un enfant placé en
centre d'accueil actuellement de réadaptation coûte environ 161 $
par jour, strictement pour ce qu'on appelle la rééducation, sans
penser à tous les frais qu'on appelle d'hôtellerie,
c'est-à-dire hébergement et tout. Donc, on peut penser à
une facture, en étant très conservateur, d'environ 200 $ par
jour, pour un enfant qui est placé en centre d'accueil. Alors, on pense
que le bon investissement, comme on l'a dit tout à l'heure, devrait se
faire beaucoup plus tôt.
Sans parler de toute la fonction d'éducation que jouent les
services de garde, c'est un investissement et non une dépense. Et, dans
le rapport qui a été déposé, on dit d'ailleurs que
c'est un des investissements les plus importants, et le rôle le plus
important que l'État devrait assumer, c'est-à-dire
l'éducation de nos jeunes.
On veut aussi vous démontrer que les services de garde ne sont
pas qu'un fardeau pour la société, ils injectent des millions de
dollars dans l'économie du Québec actuellement. C'est une
industrie, si on peut se permettre le mot, qui génère environ 16
000 emplois actuellement. Les services de garde reconnus, en plus, injectent
approximativement 313 000 000 $ dans l'économie annuellement Quand on
parle de 16 000 emplois, on ne pense pas à tous les emplois indirects
qui sont aussi générés par ce réseau.
Bien sûr, le secteur est subventionné, mais n'oubliez pas
que c'est aussi le cas de l'industrie des pâtes et papiers, du tourisme
et de l'hôtellerie, du transport et des communications. Or, le
gouvernement n'hésite pas, dans le but de créer des emplois et de
stimuler l'économie, à injecter dans ces secteurs des sommes
très importantes.
Ce que l'on demande, ce sont des services de garde de qualité,
régis, encadrés et supervisés. Je pense qu'on en a
parlé tout à l'heure, parmi les 718 000 enfants qui sont
gardés, au Québec, actuellement, environ 25 % le sont dans des
services réglementés. Pour les 75 % qui restent, ce sont des
services de garde dont on ne connaît pratiquement rien. Alors, sachant
que la réglementation est un facteur qui contribue à assurer la
qualité dans les services de garde, n'est-on pas en droit de se demander
les conséquences sociales et économiques de ce
désengagement de l'État vis-à-vis de nos tout-petits? Il
n'y a pas de justification à laisser au hasard et à la bonne
volonté le développement de nos enfants.
De plus, la garde non supervisée représente des pertes de
revenus considérables pour l'État. On sait, et on pourra en
reparler si vous voulez avoir des chiffres plus précis, que la plupart
des personnes qui offrent ces services non supervisés ne
déclarent pas toujours ces revenus au fisc.
Alors, on retrouve là aussi des sommes perdues qui sont
très importantes. Donc, les services de garde supervisés sont
trop peu nombreux et coûtent trop cher, actuellement, aux parents.
Les familles ne trouvent pas, dans la gamme actuelle de services
reconnus, toutes les solutions à leurs problèmes de garde; il
nous manque des services de garde. Que font les familles qui habitent les
régions éloignées, isolées des grands centres? Que
font les familles avec un enfant malade ou handicapé? Que font les
familles dont les parents travaillent sur des horaires brisés, les fins
de semaine ou la nuit? C'est toute une gamme de services encore non
développés.
Les services de garde reconnus coûtent très cher aux
familles québécoises qui utilisent ces services actuellement. On
sait que ce sont les familles à faibles revenus et les familles de la
classe moyenne qui doivent accorder une part de plus en plus importante de
leurs revenus aux frais de garde, et elles ont de moins en moins la
capacité de payer. Donc, si on convient que les enfants sont une
richesse pour l'ensemble de la société, en toute justice, un
partage de responsabilité plus équitable doit être
instauré.
Compte tenu de toutes ces considérations, nous proposons des
recommandations qui nous apparaissent justifiées et réalistes,
s'inscrivant parfaitement à l'intérieur d'un scénario de
redressement graduel que vous préconisez au chapitre 6 de votre document
«Les finances publiques du Québec: vivre selon nos
moyens».
La première recommandation, sur le plan des dépenses
gouvernementales, c'est que seuls les services de garde sans but lucratif
soient financés par le gouvernement. Nous recommandons également
une modification en profondeur du système de financement des services de
garde à l'enfance au Québec. Nous recommandons également,
dans une optique de décentralisation des services et dans une optique de
subsidiarité et d'imputabilité, que le gouvernement
décentralise des services pour accorder les fonds pour dispenser ces
services aux organismes sans but lucratif, aux regroupements et associations de
services de garde qui ont des assises dans les régions. (12 h 30)
Sur le plan de la fiscalité, nous recommandons d'éliminer
les déductions fiscales pour frais de garde et de les remplacer par des
crédits d'impôt, également la création d'un
régime enregistré d'épargne services de garde pour les
futurs parents auquel pourraient contribuer les grands-parents. Finalement,
dans le cas des responsables de services de garde en milieu familial reconnus
par des agences, nous recommandons que le gouvernement contribue pour la part
de l'employeur au Régime de rentes du Québec de ces travailleuses
autonomes.
C'est maintenant qu'il faut investir dans nos enfants, d'une part, et
dans les travailleurs et travailleuses, leurs parents, qui doivent se
mesurer aux défis des nouvelles technologies pour permettre au
Québec et au Canada de compé-titionner sur les marchés
mondiaux. Une gamme complète de services de garde de bonne
qualité, accessibles à toutes les familles, quelle que soit leur
origine, leur milieu, leur situation financière, et financés par
l'État est un élément essentiel de développement
social et économique. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Ça va? Alors, je
vais maintenant reconnaître M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Oui. Afin de remercier nos visiteuses pour leur
présentation, et un peu comme on le disait avec ceux et celles qui vous
ont précédés, vous êtes au coeur de l'action, vous
êtes au coeur des investissements qu'on doit faire pour assurer une
meilleure société. À partir du moment où on fait
dans la prévention - parce que ça s'apparente
énormément à des activités de prévention,
celles dont vous nous parlez - il y a un rendement réel pour la
société à faire davantage ou à faire d'une
façon plus efficace - davantage, on y reviendra - à
l'égard de l'ensemble de ces services-là.
Je voudrais tout de suite faire remarquer, juste pour indiquer,
illustrer l'ampleur que ça peut représenter pour un gouvernement,
sans se plaindre, simplement pour que les gens le sachent: cette année,
les finances publiques ont donné à peu près 250 000 000 $;
depuis quatre ans, c'est une croissance de 15 % par année. C'est
à peu près le programme gouvernemental qui, de façon
inhérente, a crû, d'une année à l'autre, le plus
rapidement. D'ailleurs, le document qui a été publié le 19
janvier donne certains tableaux qui permettent de constater cette croissance
remarquable du soutien que l'ensemble des contribuables ont
décidé, par leur gouvernement, de donner à cette
activité.
Mais la question que vous posez - et c'est peut-être de ça
qu'on devrait s'entretenir - présume qu'il y a une meilleure
façon. Évidemment, si on parle d'être efficace et
efficient, il y a une meilleure façon que d'autres de s'occuper de cette
activité-là. Et vous m'apparaissez, à la limite - si vous
vouliez peut-être vous exprimer là-dessus - je dis à la
limite, là, souhaiter une nationalisation des services de garde.
Évidemment, les choix qu'on a faits, ça a été
plutôt de tenter de marier le soutien gouvernemental à la
responsabilité première qui doit être celle des parents,
d'où le choix qu'on a déjà fait et qu'on a expliqué
à d'autres que vous, vous le savez, d'adopter des règles de
financement qui sont trois fois plus fréquentes à l'endroit des
garderies sans but lucratif où on retrouve un conseil d'administration
formé majoritairement de parents. Il faut assurer ce lien-là, il
faut absolument le resserrer, même, celui entre le parent et son enfant.
Ça m'apparaît important.
On doit trouver une façon qui incite à ce resserrement.
À la limite, dans l'autre sens, on peut parfaitement responsabiliser les
parents et dire: L'aide fiscale, notamment, sera versée aux parents, et
ils feront ce qu'ils voudront avec ça; ils feront ce qu'ils voudront
avec ça.
Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi le choix que vous soutenez,
qui est presque la prise en charge publique de cette activité-là,
est préférable? Je pense que c'est ça qui est la nature du
débat, à savoir quelle direction, à la limite, on
emprunterait. Je ne dis pas qu'on s'en va vers des extrêmes, mais on
cherche l'équilibre avec l'argent qu'on a, et vous soutenez qu'il y a
une façon plus efficace que l'autre. Si vous pouviez m'expliquer.
Mme Tougas: Je pense que le terme «nationaliser»
n'est pas exact. Je pense tout simplement que c'est de récupérer
tous les fonds publics qui, actuellement, sont investis dans les services de
garde sans but lucratif et aussi à but lucratif dans une seule
enveloppe, de financer les services de garde comme on le fait actuellement,
mais à partir d'une enveloppe. Les services de garde continuent
d'être des entreprises, des corporations sans but lucratif
gérées par les parents, sauf que le financement est
modifié. C'est une réforme du financement, non pas une
nationalisation.
Essentiellement, actuellement, le gouvernement, autant le gouvernement
du Québec que le gouvernement canadien, investit des sommes importantes,
effectivement, dans le réseau des services de garde, que ce soit dans le
cadre du RAPC, que ce soit dans les subventions directes et indirectes, les
formules de crédit d'impôt, les déductions fiscales.
Lorsqu'on réunit ces montants, on s'aperçoit que, dans le
réseau actuel, premièrement, on pourrait avoir des
économies simplement par une rationalisation de ces
dépenses-là, mais on continue le même fonctionnement
qu'actuellement en ce qui concerne les corporations indépendantes,
privées, sans but lucratif. Alors, je ne pense pas qu'on suggère
une nationalisation, à moins que la définition du terme ne
m'échappe, mais je ne pense pas que c'est ce qu'on suggère.
M. Johnson: Non, comme je disais, certaines de vos suggestions,
à la limite, nous rapprocheraient de ça dans la mesure où,
par exemple, le gouvernement devrait payer la part de l'employeur à la
Régie des rentes pour les travailleurs autonomes. À partir du
moment où on n'est même pas l'employeur - je veux que ce soit
clair, on n'est pas l'employeur, loin de là - il m'apparaît un peu
abusif qu'à l'égard de ces travailleurs autonomes là
plutôt que des autres travailleurs autonomes on mette des fonds
additionnels.
Mme Tougas: Les responsables de familles
de garde - c'est d'ailleurs mon secteur privilégié; je
suis du réseau des agences de services de garde - sont des femmes qui
travaillent, effectivement, à titre de travailleuses autonomes. C'est le
statut qu'on leur a donné, mais c'est un mode de garde actuellement qui
est très populaire et très répandu au Québec.
Celles qui font partie des agences acceptent de se soumettre bientôt
à une réglementation, acceptent de collaborer avec les parents,
avec un conseil d'administration, font partie d'une structure sans but
lucratif, rendent des services inestimables en prêtant, si on veut, leur
maison plutôt que d'investir dans d'autres infrastructures, acceptent une
formation, rendent des services, enfin, au niveau de l'éducation des
enfants, qu'on ne reconnaît pas actuellement. Ces personnes-là
sont payées entre 12 $ et 15 $ par jour pour garder des enfants, alors
qu'on exige d'elles une formation, on exige d'elles le suivi pédagogique
auprès des enfants, elles doivent adhérer à des agences de
services de garde. Je pense qu'il est temps qu'on reconnaisse leur travail et
le bienfait qu'elles font pour la société
québécoise. Bien sûr, c'est des travailleuses autonomes.
Bien sûr, il y en a d'autres, sauf qu'il doit y avoir très peu de
travailleurs autonomes actuellement au Québec qui gagnent si peu pour
rendre un service aussi important.
Alors, c'est dans ce sens-là que ça serait un premier pas
dans une reconnaissance de ce qu'elles font. Oui, je pourrais vous dire que je
souhaiterais qu'elles aient une classe à part, parce que je pense que
c'est des femmes à part qui font un métier qui n'est pas reconnu.
Alors, c'est dans ce sens-là que c'est comme une enveloppe
spécifique à ce secteur-là, mais ça ne touche pas
en ce qui concerne le reste du financement des services de garde. Je peux
peut-être passer à ma consoeur...
Mme Pitre-Robin: Moi, pour revenir plus largement...
Tantôt, vous demandiez si on voulait nationaliser. Je pense que, quand on
parle de meilleur support au niveau des familles - parce que c'est plus
l'état, finalement, de notre demande - c'est qu'on se rend compte, et
vous l'abordiez vous-même... Par une politique, par exemple, de
déduction fiscale, est-ce qu'on n'irait pas davantage aider les parents?
Mais, si on prend comme exemple toute politique de services de garde avec,
finalement, tous les crédits et allocations auxquels les familles ont
droit, on se rend compte que, actuellement, pour une garderie, avec un
coût de 4500 $ par année, qui est le coût très
général, une famille monoparentale de deux enfants d'âge
préscolaire, avec un revenu de 15 000 $, doit encore assumer 2315 $ dans
les services de garde comme partie payée par le parent. Dans le cas
d'une famille biparentale avec deux enfants d'âge préscolaire, qui
a un revenu de 40 000 $, revenu familial, donc revenu des deux conjoints, cette
famille-là doit encore payer 4515 $ de frais de garde, alors qu'une
famille biparentale avec deux enfants d'âge préscolaire, toujours,
avec 100 000 $ de revenus, paie 4700 $. Ce qui fait que, pour une famille
biparentale à 100 000 $, les frais de garde coûtent 4, 7 % de son
revenu par rapport à 11, 3 % pour une famille de 40 000 $ et par rapport
à 15, 4 % pour une famille monoparentale à 15 000 $ de revenus.
(12 h 40)
Je pense que la fiscalité n'avantage toujours que les gens qui
ont de meilleurs revenus. Et le lot des familles utilisatrices de services de
garde sont des familles jeunes, donc avec de jeunes enfants, donc dès
revenus nécessairement aux échelles les plus basses dans leur
profession, donc des revenus plus bas. Et c'est les familles qui paient le plus
cher, actuellement, la garde des enfants, alors qu'elles en ont moins la
capacité. Donc, dans le fond, le fond de notre mémoire est
vraiment de mieux supporter les parents en étant capables de,
finalement, donner des services de qualité pour l'ensemble des enfants
du Québec. Parce qu'à ce moment-là on ne parie aussi que
des services qui répondent aux besoins d'à peu près 25 %
de la population. Il y a encore grand nombre d'enfants, finalement, qui n'ont
pas de services de garde reconnus, et on ne sait pas dans quelle situation ces
enfants-là sont gardés.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Vous faisiez
référence, évidemment, quant au soutien, à un des
tableaux qui apparaît dans votre...
Mme Tougas: Mémoire, en annexe.
M. Johnson: Oui, votre mémoire, où vous avez eu,
évidemment, la prudence de souligner qu'on ne s'occupait pas de la
subvention que le programme APPORT pouvait représenter,
évidemment, pour cette famille-là, qui est de 2500 $, sur des
coûts totaux de garderie payés par les parents de 6300 $. C'est la
différence. Passer de 6300 $ à 3800 $ comme coût net... Ou
alors, on peut le regarder différemment par rapport aux revenus de
travail. Surtout la famille monoparentale avec enfants, c'est celle-là
qui est la plus visée et la plus soucieuse, évidemment, celle
dont on est le plus soucieux. Il me fera plaisir de vous distribuer le
tableau.
L'aide en pourcentage des frais de garde est véritablement
progressive. C'est vraiment extrêmement progressif, de sorte que le
soutien baisse assez rapidement à mesure que le revenu de travail peut
monter. Mais, enfin, on n'en est pas là. Des querelles de chiffres,
c'est interminable. On est encore autour du principe de savoir si vous
souhaitez une enveloppe unifiée Je pense que c'est avec raison; c'est un
souci, encore, de cohérence que vous venez manifester.
Comment tient-on compte, dans cette enveloppe, du régime
d'épargne-garderie que vous
suggérez? Ça peut facilement coûter très,
très cher, ça, évidemment. C'est une dépense
fiscale additionnelle. Et, lorsqu'un jour l'enfant naît et qu'il est en
service de garde, il faut quand même retracer que ça a
été payé, ces services de garde, à même le
produit d'un régime d'épargne-garderie, parce que, autrement, on
va en plus lui donner une déduction non seulement lorsqu'il constitue le
régime, mais lorsqu'il paie les frais de garde. Il faudrait faire
attention pour ne pas payer les gens, les récompenser deux fois ou les
alléger deux fois.
J'essayais de voir... Je trouvais que vous battiez en brèche le
principe que vous souhaitez. On a une enveloppe identifiable,
indépendamment des problèmes que ça peut poser de dire
quelle portion va aller aux poupons, quelle portion aux enfants jusqu'à
six ans, quelle portion en milieu de garde scolaire, en milieu familial, sans
but lucratif, etc. Ça...
Mme Tougas: Ce que j'ai le goût de vous
répondre...
M. Johnson: Oui, oui, répondez-moi ce que vous avez le
goût de dire.
Mme Tougas: ...si vous me permettez: C'est vous l'expert. Cette
option-là...
M. Johnson: Oui.
Mme Tougas: ...de financement, d'un mode de financement vient de
deux directions. D'abord, un souci répété par les
grands-parents de pouvoir aider les jeunes familles. Mme Pitre-Robin expliquait
tantôt qu'on demande aux jeunes familles, lorsqu'elles commencent
à travailler, de faire des bébés. Elles commencent
à travailler, elles sont au bas de l'échelle, elles
s'achètent une maison, elles s'endettent et elles n'ont pas les moyens
de payer les frais de garde, alors que les grands-parents, les fameux
baby-boomers - on en parle beaucoup de ce temps-là - eux, ils en ont les
moyens. Souvent, ils hésitent à aider directement leurs enfants.
Mais, actuellement, on est dans un régime fiscal où c'est
possible d'investir dans toutes sortes de régimes d'épargne.
Alors, effectivement, je ne peux pas vous dire de quelle façon on
pourrait l'administrer. Je ne pense pas que ce soit ça non plus, le but.
Le but, c'est un principe. Actuellement, est-ce qu'on pourrait miser sur une
forme de revenu, d'investissement de la part des grands-parents pour leurs
enfants? C'est toute une part du problème, et ça responsabilise
aussi énormément les gens qui profiteront un peu de nos enfants
lorsqu'ils seront grands; c'est eux qui vont payer nos fonds de pension, c'est
eux qui vont finalement nous faire vivre. Alors, on peut peut-être
investir, nous, des moyens qu'on a dans ce système-là. Mais,
effectivement, je ne peux pas vous expliquer comment ça pourrait
être administré.
Le Président (M. Audet): Merci. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour, au nom de notre
formation politique. Je pense que ce qui est intéressant, dans le fond,
dans ce que vous avez présenté aussi, c'est de bien identifier
comment notre réseau reste un réseau diversifié, qui
répond à certains besoins de base des familles, mais qui n'est
pas, malgré sa grande diversification, encore capable de
répondre, justement, à certains besoins un petit peu plus
précis, quand on pense aux gens qui ont des horaires brisés, qui
travaillent les fins de semaine, etc.
Cela étant dit, votre mémoire est intéressant aussi
quant aux avenues qu'il offre comme propositions. Je pense que le
président du Conseil du trésor le rappelait, les
différentes modalités pouvant s'appliquer à la
participation des parents et sous d'autres formes en termes fiscaux, je pense
que c'est intéressant.
Moi, j'aimerais revenir sur un débat qu'on a eu avec le groupe
précédent quant aux coûts qu'assume la
société québécoise à l'égard des
services de garde. Et, quand je dis «aux coûts qu'on assume»,
je dis: Est-ce que, par exemple, pour un enfant qui fréquente les
services privés, on a les mêmes contributions qui nous viennent,
en termes de partage de frais, de la part du Régime d'assistance
publique du Canada, par exemple? Le régime du Québec est un peu
particulier, dans le sens où il correspond à notre
différence aussi et à la façon dont on a voulu assumer les
services de garde auprès des enfants. Est-ce qu'on a une part
équitable de ce qui devrait nous revenir quant au partage des budgets
entre le Québec et les autres provinces, par exemple? Et le coût
dans une garderie privée versus une garderie publique? Et,
dernière question... Pas publique. Sans but lucratif versus but
lucratif, parce qu'on s'entend bien que ce sont tous des services
privés. D'autre part, à votre point de vue, quelle est
l'importance de la place des parents dans le système, en termes de
capacité aussi de...
Mme Pitre-Robin: De le gérer.
Mme Marois: ...resserrer, s'il y a lieu, les dépenses?
Parce qu'on regarde ça aussi.
Mme Pitre-Robin: Je pense que c'est une question importante.
D'une part, pour rectifier un peu les allégations que donnent souvent
les gens du secteur des garderies à but lucratif à l'effet qu'ils
sont les pauvres du système et qu'ils ne reçoivent aucune aide
gouvernementale, si on prend, par exemple, pour l'année 1991-1992,
au
niveau uniquement de l'exonération et de l'aide
financière, le coût assumé par le Québec dans les
deux groupes de services, dans les garderies sans but lucratif
subventionnées, qui représentent 72 % du système actuel,
le coût pour le Québec a été de 14 198 000 $ et,
dans les garderies à but lucratif, qui représentent 28 % du
système, le coût a été de 14 592 000 $, payés
par le Québec. Donc, déjà là, elles ont un
coût important, une part importante en termes de coûts puisque le
RAPC, le système fédéral, ne rembourse pas - et cette
règle-là est depuis le début - n'assume absolument pas
d'aide financière dans les services commerciaux. Et c'est important,
tout a été basé là-dessus.
Si on tient compte de l'ensemble des subventions, parce qu'elles l'ont
aussi mesuré là-dedans, toutes subventions confondues, en termes
de services de garde sans but lucratif versus à but lucratif, en
1991-1992, une place dans une garderie sans but lucratif coûtait au
gouvernement 1967 $, alors qu'une place dans une garderie commerciale
coûtait 1477 $. Il y a donc une mince différence, alors qu'on
s'adresse, là, à un régime de garderies commerciales
où il a été nettement identifié à quel
point, pour les gens qui sont là, c'est un commerce, une entreprise
commerciale. Le gouvernement n'a donc pas à investir ce type de
financement là dans un tel réseau.
On va nous dire que les garderies sans but lucratif coûtent plus
cher, qu'elles sont peut-être mal gérées, mais je pense
qu'un des éléments qu'il faut ramener aussi au niveau des
garderies sans but lucratif, c'est que les garderies sans but lucratif
subventionnées, habituellement, c'est elles qui assument les
clientèles lourdes, si on veut, celles qui obligent à
réduire le ratio parce que les enfants ont des difficultés. (12 h
50)
Et, à titre d'exemple, comme chiffres, le gouvernement, l'Office
des services de garde a instauré un nouveau mode de financement qui
s'appelle soutien aux familles défavorisées, où, dans le
cas d'enfants placés, si on veut, ou recommandés par la ÛPJ
ou le CLSC, mais dans le cas vraiment de placement médico-social, il y a
un budget qui paie la différence entre l'aide financière aux
familles et le coût de garde. Et, dans les garderies à but
lucratif, ils sont allés, pour la même année, chercher dans
ce coût-là 13 185 $, alors que, dans les garderies sans but
lucratif subventionnées, on a reçu 730 712 $ et, dans les
garderies sans but lucratif, mais sans conseil d'administration, 186 114 $. Et
on parle là de la clientèle lourde, d'enfants dont toutes les
recherches prouvent que c'est ceux qui bénéficient le plus des
services de garde. Je pense que c'est un bon indicateur de ce qu'est la
différence entre un secteur à but lucratif et un secteur sans but
lucratif: c'est la réponse aux besoins de l'enfant. Et cette
différence-là, elle est assumée, elle a un coût.
Quand on dit que les parents gèrent mal, ou gèrent peu, ou
ne gèrent pas. quand on dit qu'il n'y a pas de contrôle au niveau
du réseau sans but lucratif subventionné, c'est tout à
fait faux C'est même aberrant de dire une chose pareille quand la plupart
des garderies se plaignent plutôt du nombre important de contrôles.
Les garderies doivent fournir des rapports vérifiés annuellement.
Elles doivent également, pour toute tranche de subvention,
c'est-à-dire aux deux mois, donner des rapports financiers de leur
situation présente avant de recevoir l'autre part de budget. C'est un
réseau très, très contrôlé. Les parents
changent sur les conseils d'administration, mais ils ne changent pas tous d'un
coup en même temps, puis les parents n'ont pas nécessairement
à avoir une vision à long terme mais une vision de gestion
à court terme. Ils sont là pour gérer les sommes d'argent
reçues et les services qu'on donne aujourd'hui.
Je pense que le gouvernement sait fort bien qu'il est très
économique, justement, qu'on n'ait pas que des garderies publiques au
Québec mais qu'il y ait des garderies gérées par les
parents, parce que c'est ces parents-là qui ont maintenu des tarifs
aussi bas. Ils sont à la fois les payeurs de ces services-là,
donc, évidemment, ils doivent tenir compte des capacités des
parents qui sont dans la boîte. Et, moi, comme membre dun regroupement
qui regroupe des garderies sans but lucratif, je sais que tous les ans,
à cette période-ci de l'année, les gens dans chaque
garderie refont leurs prévisions budgétaires, puis là ils
se rendent compte: Ça n'a pas de bon sens, on manque d'argent pour l'an
prochain, on coupe. Tous les ans, il y a un exercice de rationalisation dans
chacune des garderies pour qu'elles ne soient pas déficitaires. C'est
parce que les parents sentent que, étant donné qu'il n'y a pas de
support, si la garderie est déficitaire, ils ferment le service demain
matin. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Et les parents gèrent vraiment d'une
façon très, très serrée les finances des
garderies.
Donc, au contraire, les parents ont maintenu des tarifs très bas,
ont maintenu une qualité de gestion où il n'y a à peu
près pas un sou de perdu sans que quelqu'un sache où il est,
à quel endroit. Tout est ouvert largement. Je pense que c'est un mode de
gestion qui est important, qu'il faut favoriser et développer davantage.
Les parents sont imputables, finalement, des sources financières qu'ils
reçoivent. Je pense que toute cette question-là est une question
essentielle qu'on défend depuis le début.
Mme Marois: D'ailleurs, juste un dernier petit commentaire, parce
que mes collègues voudraient intervenir, c'est aussi le fait que le
réseau soit géré par les parents et qu'il soit imputable
qui fait en sorte que les parents surveillent l'argent qu'ils investissent
eux-mêmes dans ces services-là. C'est un choix qu'on a fait, et je
ne pense pas que celui qui nous amènerait
à les prendre complètement en charge par les services
publics serait nécessairement un bon choix.
Mme Pitre-Robin: Là-dessus, je pense que le mémoire
est clair et se différencie. Tantôt, sur la nationalisation... Il
y a peut-être des mémoires, il y a plusieurs années,
où on parlait de réseau absolu, mais je pense qu'on n'en est plus
là. On est bien d'accord et on tient à ce que les parents aient
une part à payer, mais selon leurs capacités réelles.
Mme Marois: C'est ça. Mme Pitre-Robin:
Équitable. Mme Marois: C'est intéressant.
Mme Pitre-Robin: Je pense que, si on parle du RAPC, on pourrait
dire aussi, pour ajouter, qu'à l'intérieur du RAPC le
Québec va chercher actuellement une part infime par rapport à
l'argent qu'il pourrait aller chercher. En augmentant les programmes d'aide
financière aux familles, en augmentant le seuil de revenus, non
seulement le fédéral paie sa part - 50 % - en ce qui a trait
à l'aide financière - donc, cette dépense-là est
partagée automatiquement - mais, en plus, le fédéral
assume 50 % de la partie dont les familles sont touchées par l'aide
financière.
Actuellement, on reconnaît, au Québec, qu'à peu
près 45 % des clientèles sont des clientèles qui
reçoivent de l'aide financière. Si on allongeait cette
échelle-là, ce qui permettrait d'entrer des parents de milieux
à revenus moyens, et qu'on arrivait finalement à ce que 110 %, 80
% ou 90 % des clientèles soient des gens qui reçoivent une aide,
un support financier, ce serait d'autant plus d'argent qu'on pourrait
récupérer du fédéral, parce qu'il perd sa part,
à ce moment-là, sur la partie de la clientèle
exonérée pour tous les autres types de financement. Donc, je
pense que c'est un coût qui ne serait pas très élevé
pour récupérer de l'argent bien davantage au niveau du
fédéral. Il permettrait d'améliorer grandement le support
aux familles dans le financement des services de garde.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je dois corroborer ce
que vous venez de dire: en général, la gestion des garderies,
qu'elles soient à but lucratif ou à but non lucratif, est
très surveillée. Si jamais une garderie avait des
difficultés de gestion, l'Office des services de garde pourrait
rapidement être mis au courant, et il y a tout un mécanisme de
soutien pour essayer de corriger lorsqu'il y a, parfois, quelques divergences
sur le plan de la gestion. Là n'est pas la question que je voulais vous
poser.
On a eu, dans cette commission, il y a une journée ou deux -
parce que le temps passe très vite - M. Camil Bouchard qui est venu
témoigner. Camil Bouchard a défendu à peu près la
théorie suivante: il faudrait que les services de garde soient d'abord
et principalement orientés vers les enfants et non pas vers les parents.
Je vais essayer d'expliquer ce qu'il disait en disant: II faudrait presque - et
il extrapolait un peu sa position - que les enfants qui viennent des milieux
très défavorisés, dans lesquels les parents, soit d'une
famille monoparentale ou dans des stades accrus de pauvreté... L'enfant
n'a pas de socialisation à la maison, et ça devient
nécessaire qu'il puisse participer à un service de garde.
Une voix: Oui.
M. Gautrin: Là, il nous avait fait toute une projection
sur 15 ans ou 20 ans pour montrer à quel point ça pouvait
diminuer les troubles sociaux qu'on pourrait prévoir lorsque ces
personnes auraient grandi.
Là, la question que je vous pose... Évidemment, on n'est
pas la commission des affaires sociales, on est ici pour se pencher sur des
questions budgétaires. La masse d'argent que l'État donne aux
services de garde - évidemment, on pourrait tous dire qu'on pourrait
l'augmenter, l'augmenter et l'augmenter, mais quand même - est
limitée. Vous, vous dites: Ayons une enveloppe unique et
finançons les services de garde. L'approche de M. Bouchard a
été plutôt: Essayons de faire en sorte que ce soient les
plus défavorisés qui aient accès aux services de garde,
quitte à ce que les plus favorisés participent à un autre
mécanisme des services de garde. Comment vous réagissez à
cette question?
Mme Pitre-Robin: Bien, je suis d'accord avec M. Bouchard, il n'y
a pas de problème. D'ailleurs, c'est une grande consternation qu'on a
eue en 1991, lors du budget de 1991, où votre gouvernement, finalement,
a enlevé le droit aux enfants des familles qui n'étaient pas sur
le marché du travail... C'est ça, quand M. Bouchard dit:
Lâchez les parents et regardez les enfants, c'est que le système
actuel, de par l'énoncé de politique et de par le mode de
financement, a dit: Dorénavant, n'auront accès dans les garderies
que les enfants des parents qui travaillent, qui sont aux études ou dans
les cas ultimes de placements médico-sociaux. C'est une décision
de 1991, donc très récente, qui a, finalement, sorti des services
de garde... On a conservé les droits acquis à ceux qui
étaient là, mais ça ne permettait pas, et ça ne
permet toujours pas que les enfants des milieux les plus
défavorisés aient accès à des services de
garderie.
On est en train actuellement de corriger un petit peu, finalement, cette
grande erreur là. Je
pense, en plus, que c'étaient des sous qui étaient
à frais partagés par le fédéral; puisqu'on parle
toujours des services de garde, ceux-là sont à partager.
Là, on va remettre, dans les semaines qui vont venir, à cette
clientèle d'enfants - fi-nalement, si on parle des enfants - le droit
à 20 heures-semaine dans les services de garde. Là, le
gouvernement va accepter, via l'aide financière, de permettre que ces
enfants-là, de parents qui ne sont pas au travail, aient accès
aux services de garde. (13 heures)
Mais la question que ça pose est que les garderies, bien
sûr, vont ouvrir leurs portes, elles l'ont toujours fait, et, bien
sûr, elles vont travailler avec ces clientèles-là qui sont
les plus défavorisées, mais un système de 20
heures-semaine, ce n'est pas ce qui correspond aux besoins des enfants des
milieux les plus défavo-risés. Ils ont besoin d'être en
place dans un service encadré, avec du support, avec une alimentation
qui est, finalement, de qualité. Ils ont besoin de tout l'ensemble des
services et de tout le support donné via l'exemple, par exemple, des
interventions éducatrice-enfant que les parents apprennent quand ils
sont près de la garderie, de tout l'impact que ça a sur le milieu
familial et qui permet une meilleure compétence parentale. Alors,
ça, c'est important et c'est un des éléments fondamentaux
de retrouver que les enfants de tous les milieux - c'est là-dessus que
M. Bouchard en était - que tous les enfants... Le système de
garde au Québec devrait être accessible à tous les enfants
et non pas conditionnel-lement aux revenus des families, au fait qu'elles
travaillent ou pas ou qu'elles ont les moyens de se les payer. Et c'est
ça, quand on parle d'avoir un réseau plus équitable, plus
juste. Largement, c'est notre préoccupation.
M. Gautrin: Éventuellement, même si les parents ne
peuvent pas contribuer, parce qu'il y a des gens qui sont dans un stade accru
de pauvreté dans lequel même une contribution qui peut
paraître minime à d'aucuns devient une contribution
importante...
Mme Pitre-Robin: Elle est essentielle.
M. Gautrin: Oui.
Mme Tougas: Si je peux...
M. Gautrin: Levez la main et vous êtes reconnue par la
présidence.
Le Président (M. Audet): Brièvement, parce qu'il
vous reste peu de temps sur votre enveloppe, M. le député.
Mme Tougas: O. K. Je voudrais quand même intervenir ici
pour dire qu'on n'a pas entendu M. Bouchard, alors.. Mais je serais
étonnée que M.
Bouchard laisse entendre qu'il faudrait que fes services de garde ne
puissent accueillir que les enfants de milieux...
M. Gautrin: Non, non. «Prioriser». Mme Tougas:
Ah bon! Parce que..
M. Gautrin: Mais, nous, on a. de notre côté, la
contrainte budgétaire qui est qu'on est obligés de limiter nos
dépenses aussi.
Mme Tougas: Parce que c'est important que les services de garde
ne deviennent pas une forme de ghetto pour les enfants
défavorisés. Alors, je ne voudrais pas que... Je suis convaincue
que M. Bouchard...
M. Gautrin: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître le porte-parole de l'Opposition, M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. Bienvenue et
merci de votre mémoire. Moi, j'ai une question qui touche à une
réflexion que vous avez faite. Vous avez dit qu'il y avait 16 000
emplois dans votre réseau et puis qu'il y en a x milliers d'autres dans
les autres réseaux. Pour moi, je considère qu'il y a
effectivement des besoins évidents et immenses dans ce secteur de la
société. Appelons ça secteur, non
péjorativement.
Ma question est à l'effet de savoir comment il se fait qu'on
n'est pas capable d'y répondre plus que ça maintenant? De
façon précise, est-ce que vous avez déjà
calculé quelle était la subvention de l'État au
réseau de garderies ou aux garderies, par travailleur? Est-ce que vous
l'avez déjà calculée?
Mme Pitre-Robin: Je dois admettre que non. Pas
rétribué par travailleur. Le coût par enfant par jour.
Mais, si on reprend même ce coût-là et si on prend le
chiffre que j'avais tantôt, de 1967 $ par année...
M. Léonard: Par enfant?
Mme Pitre-Robin: Par enfant par place. Redivisez ça
en...
M. Léonard: Alors, c'est 6 $ par travailleur.
Mme Pitre-Robin: Oui, c'est ça. C'est huit enfants pour un
travailleur...
M. Léonard: Donc, c'est 12 000 $?
Mme Pitre-Robin:... puis redivisez par 260 jours de garde, on
arrivera à un chiffre, mais on ne...
M. Léonard: Donc, c'est 12 000 $. On s'entend sur 12 000
$.
Mme Pitre-Robin: Je ne pourrais pas contester ni... Il me semble
que ça me paraît beaucoup, là, mais je ne pourrais ni
confirmer ni infirmer, parce qu'on ne pense pas d'abord aux enfants comme
payant une partie du salaire des travailleurs, mais aux travailleurs pour
répondre aux besoins des enfants.
M. Léonard: J'arrête là pour repartir d'une
autre base. La formation que vous exigez de ceux qui oeuvrent en garderie,
c'est une formation de quel niveau?
Mme Pitre-Robin: C'est une formation... D'abord, c'est
réglementé déjà.
M. Léonard: Oui. Elle est difficile à
acquérir? Elle est longue et difficile à acquérir, ou
pas?
Mme Pitre-Robin: Dans le cas d'une bonne portion des
éducatrices de garderie, c'est un DEC de trois ans. C'est une technique
en services de garde. Celles qui avaient déjà de
l'expérience ou qui ont de l'expérience depuis longtemps vont
chercher une formation, souvent de soir, une attestation d'études
collégiales, où finalement ils vont chercher là les cours,
si on veut, spécifiques à la garde d'enfants et aux enfants de
niveau...
M. Léonard: Bon. Peut-être m'avez-vous vu venir, ou
pas, je ne le sais pas, mais vous savez qu'il y a 600 000 chômeurs. Et
mon idée n'est pas de dire, bien, que les chômeurs peuvent
s'occuper des garderies, mais de dire qu'avec une formation qu'on leur
donnerait on pourrait former un certain nombre de garderies, alors que ce qu'un
chômeur ou un assisté social coûte à l'État,
c'est de l'ordre de 10 000 $ ou 12 000 $ par année. Donc, au fond,
l'État ne perdrait pas à organiser... Quand j'entends
l'État, j'entends fédéral et Québec, les deux
ensemble. Au fond, à partir du moment où il y a un noeud de
décision, qu'il la prenne, la décision. On est en train de dire
que de mettre les enfants en garderie ça ne coûterait pas
tellement plus cher à l'État s'il la prenait. Parce que c'est
ça que vous me dites: 1900 $ par année par enfant, alors qu'un
travailleur ou quelqu'un qui est dans ce milieu-là en a 6 $, ça
fait 12 000 $, au moins 12 000 $.
Donc, c'est ça, mon raisonnement, en termes économiques.
Je me situe sur une base strictement économique. Je pense qu'il y a des
choses à faire là. Alors, j'ai raison ou pas?
Mme Guy: oui. moi, je vous dirais là-dessus que je ne suis
peut-être pas contre le principe, mais, cependant, ce qui est
fondamental, c'est la qualité des gens. je ne dis pas que les
chômeurs, les assistés sociaux sont des gens... Mais on l'a vu
dans certains programmes, où des gens, pour avoir droit au
chômage, se sont inscrits dans ces programmes de formation, et ce n'est
pas vrai qu'on s'investit du jour au lendemain comme des éducateurs.
Ça fait 20 ans que je travaille en éducation, et je pense que
ça ne s'improvise pas.
M. Léonard: Madame, j'ai commencé par vous
demander, avant d'arriver à ma conclusion, quel était le
cheminement de la formation là-dedans, parce que, je suis tout à
fait d'accord avec vous, on ne passe pas de l'un à l'autre
automatiquement. Là-dessus, je pense que, de toute façon, on
reconnaît que la formation professionnelle est à la clé.
Donc, on vient encore une fois de le démontrer. Mais, au bout du compte,
l'État retrouve ses billes. J'aimerais avoir vos commentaires.
Mme Tougas: Je voudrais dire quelque chose, parce qu'on n'a pas
abordé une question. On dit toujours que ça coûte
très cher, mais il y a des façons, actuellement, d'aller chercher
des sous qui sont là et qu'on ne va pas chercher. On a réuni des
chiffres juste au niveau du travail au noir qui se fait actuellement, tout le
réseau parallèle des services de garde. C'est tout un
marché. En tout cas, selon les chiffres qu'on a, c'est estimé...
Ça date de quelques années, et je ne parle pas des garderies,
parce que ce n'est pas mon expertise, je parle de la garde en milieu familial
qui n'est pas régie. D'accord? On estime à 25 000 les femmes qui
font actuellement ce métier-là. On estime qu'elles gardent en
moyenne 2,3 enfants. Bon, je vais vite. On parle de 172 000 000 $. C'est
sûr que ça ne se compare pas au travail au noir de la
construction, mais c'est quand même 172 000 000 $.
Alors, il y a des façons. Actuellement, sans mettre une
énergie phénoménale, on peut aller récupérer
des sous. Mme Guy mentionnait aussi, au début, le principe de... Parce
qu'on est des regroupements, on offre des services à nos membres. Nos
membres, actuellement, à cause des restrictions budgétaires,
souffrent énormément d'une non-présence de l'Office en
région parce que l'Office n'en a pas les moyens. Nous, on est en
région. Nos regroupements sont partout au Québec. Pour
économiser, il y a aussi la possibilité de nous financer
adéquatement - actuellement, les trois réseaux, qui
représentent 40 000 enfants, reçoivent 50 000 $ par année
pour le financement et le support qu'ils donnent à nos membres - pour
qu'on puisse offrir du support. On est près de nos membres. Il y a plein
de façons d'aller chercher de l'argent actuellement, et qui est
déjà là. Ce n'est pas du nouvel argent. C'est juste de le
récupérer, de le modifier.
On regarde au niveau de Travail-Québec. Actuellement, il y a des
subventions qui vont en allocations pour les parents qui sont en
réinser-
tion sur le marché du travail, des allocations pour les frais de
garde. Ces programmes-là sont excellents, sauf qu'on n'exige pas que le
parent place ses enfants dans des services de garde régis. Le parent
peut donner cette allocation-là, pour les services de garde, à la
voisine, au conjoint qui dort le jour. Je ne reproche pas le programme. Jamais
je ne dirai qu'il faut couper dans les programmes, sauf qu'on pourrait, en
étant cohérents, lorsqu'on donne de nos taxes pour supporter des
programmes aussi essentiels, s'assurer que les enfants qui sont les plus
démunis, justement, soient dans les services de garde où on
reconnaît le plus haut niveau de qualité. Le rendement sur ces 1Q
$ serait de beaucoup supérieur. Alors... Bon, j'arrête.
M. Léonard: Merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Mme Robin, vous vouiez ajouter
quelque chose, brièvement.
Mme Pitre-Robin: Tout simplement, quand on a eu l'air de
sursauter avec votre position... L'expérience qu'on a actuellement,
c'est que, quand les programmes se sont prévalus de ça, on a
ramassé dans des programmes, rapidement, à peu près toutes
les femmes qui avaient déjà eu des enfants, peu importe leur
façon de voir. Là, on disait: Bien, c'est des femmes, elles ont
déjà eu un enfant, elles vont être de bonnes
éduca-trices. C'est là-dessus qu'on réagit et non pas
contre quelque chose de beaucoup plus harmonisé, quelque chose de
beaucoup mieux pensé où, là, oui, il y a, finalement,
possibilité de création d'emplois.
M. Léonard: J'ai d'abord posé la question de la
formation.
Mme Pitre-Robin: Oui. Elle est importante, mais pas à
n'importe quel prix non plus.
M. Léonard: Ça va.
Mme Pitre-Robin: Avec des gens qui ont le goût de faire
cette profession-là et qui ont les capacités de le faire.
Le Président (M. Audet): Mme Guy, brièvement
aussi.
Mme Guy: Oui. Je voudrais dire deux choses concernant la
décentralisation des services. Ce que disait ma collègue,
à savoir que l'Office n'est pas en région, on met ces
principes-là beaucoup de l'avant dans le document qui est actuellement
déposé. On pense, par exemple, à la fonction de
contrôle. On vient d'instituer les régies régionales.
Alors, pour nous, ça nous apparaît peut-être un moyen de
diminuer des coûts et de confier cette fonction de contrôle et
d'inspection qui est déjà en place dans les régions. (13 h
10)
Pour terminer, je voudrais réagir à ce que M. le ministre
Johnson a dit tout à l'heure au début. Il avait l'air
d'être séduit par l'idée de subventionner directement les
parents pour qu'eux, en tant que premières personnes responsables de la
garde de leur enfant, puissent en disposer. Et on cite, d'ailleurs, dans le
rapport, comme exemple, la Suède. Et, moi, je serais tentée de
vous dire, M. Johnson, qu'avant de dire aux gens: Voilà, choisissez, il
faudrait leur donner un réseau, quand on sait qu'on ne répond
à peu près qu'à 30 %. Et les milliers et les milliers de
familles, même si elles avaient de l'argent demain matin dans leurs
poches, ça ne réglerait pas leur problème. Où
feront-ils garder leur enfant? Et seraient-ils en mesure d'aller sur le
marché du travail? La Suède répond à peu
près à 100 % des besoins de garde actuellement. Alors, si le
nouveau gouvernement essaie de voir à changer la formule,
peut-être qu'on sera rendu là dans 25 ans. Mais, pour le moment,
je pense qu'on a absolument besoin de se développer un réseau qui
soit accessible et de développer toutes les formules de garde dont les
familles et les enfants ont besoin.
Le Président (M. Audet): Merci, madame.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Montmorency II vous reste quelques petites minutes.
M. Filion: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais poser
une couple de petites questions; je vais aller rapidement au sujet, il ne reste
pas beaucoup de temps. Vous semblez demander à ce que le service de
garde soit orienté et subventionné uniquement dans le secteur non
lucratif. Mais, à ce moment-là, ça va entraîner
certainement des réajustements de systèmes et des coûts
additionnels, parce que, tout à l'heure, on nous disait: Bien
écoutez, si on ne peut pas avoir la parité au niveau des
subventions, il faudrait penser, nous, à nous donner une compensation
financière pour les entreprises que vous allez mettre, à toutes
fins pratiques, hors d'usage. Qu'est-ce que vous pensez de cette
réflexion-là?
M. Pitre-Robin: Je pense qu'en d'autres temps on a toujours
parlé de plan de conversion, etc. On admet que la période
actuelle n'est peut-être pas favorable à ça, bien qu'avec
un très bon calcul on pourrait voir que les sommes d'argent investies
dans les nouveaux secteurs sans but lucratif pourraient être
récupérées à 50 %, par le fédéral
toujours. Donc, il faudrait faire un meilleur calcul pour dire jusqu'à
quel point ce serait si cher que ça de convertir les services de garde
à but lucratif en services sans but lucratif.
Mais, à tout le moins, ce qui nous préoc
cupe actuellement, c'est de limiter largement leur développement.
Ça prolifère. Alors, pour des gens qui sont si
mécènes et qui, finalement, investissent 300 000 $ et qui pensent
qu'ils ne feront pas un sou, moi, je me questionne beaucoup. Quand on pense
qu'à l'Office, l'an dernier, il y avait 1000 projets de garderies
commerciales en attente, alors que c'est un milieu où on ne fait pas
d'argent, on a plus de mécènes qu'on ne pense au Québec,
parce que...
M. Filion: Une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Malheureusement, l'enveloppe de
temps est épuisée, je regrette. Vous pourrez échanger avec
nos invités.
M. Filion: mais on a répondu sur le temps du ministre tout
à l'heure... tout à l'heure, on a répondu au ministre sur
le temps de l'opposition, m. le président.
Le Président (M. Audet): Oui, mais c'est arrivé,
dans d'autres circonstances, que ce soit le contraire. Alors, je dois vous
remercier, mesdames, de votre présentation.
Alors, ça termine cette première partie de nos travaux
pour aujourd'hui. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise à 16 h 5)
Le Président (M. Després): Nous commençons
nos travaux cet après-midi en recevant le Regroupement des garderies
privées du Québec inc. J'inviterais les gens de ce Regroupement
à prendre place ici à l'avant. Je profite de l'occasion pour vous
souhaiter la bienvenue à cette commission sur les finances publiques et
vous expliquer, en début de cette rencontre, que nous disposons d'une
heure, cet après-midi, ensemble. Vous avez un temps maximum de 20
minutes pour exposer votre mémoire, après quoi les
députés ministériels et les députés de
l'Opposition auront chacun 20 minutes pour pouvoir faire un échange et
s'interroger sur votre mémoire.
Je souligne que nous avons la présence, cet après-midi, de
la ministre déléguée à la Condition
féminine, Mme Violette Trépanier, qui est avec nous, et que,
normalement, le président du Conseil du trésor devrait aussi
être parmi nous un petit peu plus tard dans l'après-midi.
Étant donné le Conseil des ministres qui est à 15 heures,
ça devient difficile de combler toutes les activités, mais il
viendra nous rejoindre un peu plus tard.
Donc, si le ou la responsable de votre groupe peut se présenter
et présenter les membres de son équipe. La parole est à
vous.
Regroupement des garderies privées du
Québec inc.
Mme Carrier (Mireille): M. le Président, Mmes et MM. les
députés, Mme la ministre, bonjour et merci d'avoir accepté
de nous entendre aujourd'hui. Mon nom est Mireille Carrier, je suis la
présidente du Regroupement des garderies privées du
Québec; à ma gauche, Nicole Caron, qui est secrétaire du
Regroupement, suivie de Normand Brasseur, qui est porte-parole du Regroupement,
et de Chantale Therrien, qui est membre; à ma droite, Louise Lafrance,
qui est vice-présidente du Regroupement, et Thérèse
Roberge, qui est directeur.
Je vais maintenant laisser la parole à Normand. Je tiens à
vous préciser que tous ces gens ont des garderies privées et
qu'ils sont directeurs de leur garderie.
Le Président (M. Després): Merci, madame. Monsieur,
la parole est à vous.
M. Brasseur (Normand): Merci, M. le Président. Je vais
commencer en disant une petite prémisse avec laquelle, je pense, tout le
monde va être d'accord: Les enfants constituent la principale richesse de
notre pays, et je pense qu'il faut en prendre soin. Je renchéris avec
deux citations de présidents américains. Eisenhower disait:
«Ne cherchons pas à préparer l'avenir de nos enfants, mais
cherchons à bien les préparer pour l'avenir.» Et Kennedy
disait, lui: «Ne vous demandez pas ce que l'Etat peut faire pour vous,
mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l'État.»
Nos gouvernements ont investi des milliards de dollars dans
différents régimes sociaux accessibles à toute personne
dans le besoin. La province, par ses mesures paternalistes, se substitue
à ses citoyens et plutôt que d'encourager l'initiative
personnelle, incite ces derniers à recourir à l'État pour
régler leurs difficultés. Ces régimes sociaux étant
maintenant d'une telle générosité, les
bénéficiaires n'ont plus aucun intérêt à
chercher des solutions de rechange.
Il en va ainsi des services de garde à l'enfance, qu'on a
tenté de développer, depuis plusieurs années, après
l'injection de près de 1 000 000 000 $, depuis environ 10 ans, sans
atteindre réellement les objectifs que l'on s'était fixé
et sans s'être assuré de l'efficacité de l'utilisation des
ressources investies.
Les services de garde actuellement régis par la loi ne
parviennent à répondre qu'à environ 25 % des besoins de la
population. Le reste des besoins est comblé par un réseau de -
rappelons-le - garde au noir ou de garde illégale, dont les parents se
sont eux-mêmes dotés pour pallier ce manque-là.
Le budget de fonctionnement de l'Office, pour l'exercice financier
terminé le 31 mars 1992,
s'est élevé à 147 000 000 $. En tout et par tout,
sur une période de trois ans, les trots dernières années,
seulement 22 508 places ont été créées, une
augmentation de 28 % du nombre de places en garderie. Pendant le même
temps, le budget de l'Office, lui, a augmenté de 56 %. C'est donc dire
que ça prend de plus en plus de dollars pour créer des nouvelles
places en garderie.
Nous voulons démontrer par le présent mémoire que
la loi, dans sa forme actuelle, mais surtout dans l'interprétation et
l'application que l'Office en faft, n'atteint pas du tout les objectifs
recherchés et qu'ainsi la distribution et l'utilisation des ressources
financières qui y sont affectées sont inefficaces et contribuent
à l'accroissement du déficit et de la dette du Québec en
ne bénéficiant qu'à quelques
privilégiés.
En analysant attentivement et objectivement les rapports annuels de
l'Office des dernières années, ainsi que les statistiques
tirées de l'analyse des rapports d'activité soumis par les
services de garde en garderie qui sont publiés par l'Office, on
s'interroge sérieusement sur l'utilisation qui est faite des fonds
publics. (16 h 10)
Comme l'ont précisé nos collègues de l'Association,
ce matin, la situation des dépenses gouvernementales se répartit
un peu comme suit: environ 78 000 000 $ vont aux services de garde directement,
environ 61 000 000 $ vont en aide financière aux parents et une somme
d'environ 1 500 000 $ sert à différents types de subventions,
comme l'intégration des enfants handicapés, la recherche et le
développement, et ces choses-là.
Si on considère que les subventions qui vont aux parents sont
administrées par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, c'est donc
dire que la presque totalité des frais d'administration de l'Office,
soit 6 000 000 $, sert à l'administration de l'aide financière
aux services de garde, donc à la distribution d'environ - faisons un
chiffre rond - 80 000 000 $ de subventions aux services de garde. Ça
coûte 6 000 000 $ pour faire ça.
Depuis l'exercice financier 1988-1989, l'aide financière aux
garderies a augmenté de plus de 76 %; l'aide financière aux
parents et aux enfants, ceux qui devraient en bénéficier, n'a
augmenté, elle, pendant ce temps-là, que de 29 %. Le budget de
l'Office, lui, a augmenté de 44 % dans l'ensemble. On privilégie
davantage les garderies que les enfants et les parents.
Pour bien démontrer ça, il y a deux nouvelles subventions
qui ont été créées depuis les deux dernières
années. On a donné 1 000 000 $ aux familles
défavorisées, familles vraiment dans le besoin, des enfants
vraiment dans le besoin. On a donné 1 000 000 $. Pendant ce
temps-là, on a mis 6 500 000 $ dans un régime d'assurance
collective et de congés de maternité pour les employés en
garderie. Un énorme écart!
L'Office distribue 80 000 000 $ aux gar deries, la majorité de
ces sommes-là aux gar defies sans but lucratif. Les garderies à
but lucratif ont maintenu, comme disait M. Johnson, ce matin, leur
représentativité à 28 % depuis presque toujours, depuis
l'existence de la loi, malgré que le juge Alphonse Barbeau de la Cour
supérieure ait dit, dans un jugement, que cette limitation-là
était illégale. Et ces garderies à but lucratif là,
malgré qu'elles soient limitées à 28 %, réussissent
à offrir un service compétitif, à s'autosuffire, et
ça, sans pratiquement aucune aide financière ou professionnelle
de l'Office.
Sur les 80 000 000 $, en chiffre rond, qui sont versés aux
garderies sans but lucratif, environ 60 000 000 $ servent à payer des
dépenses d'exploitation, des dépenses courantes d'exploitation:
les salaires, les loyers, l'entretien, du matériel éducatif,
etc.
Il y a aussi une forme de subvention pour l'établissement de leur
infrastructure. On peut recevoir, ces garderies-là, non pas les
garderies privées ou à but lucratif, mais les garderies sans but
lucratif peuvent recevoir jusqu'à 145 000 $ afin de couvrir les
coûts d'acquisition de terrain, bâtiment, frais
d'intérêts, publicité initiale, frais d'ouverture, etc., ce
qui réduit d'autant leurs charges hypothécaires et de financement
de leur matériel que les garderies privées, elles, doivent
assumer à 100 %. Il y a ainsi, en 1991-1992, à peu près 5
500 000 $ qui ont été versés à ces garderies sans
but lucratif là.
Il y a aussi les subventions qui sont versées aux garderies en
milieu de travail. On n'a pas de statistiques précises sur le versement
de subventions d'implantation dans les garderies en milieu de travail, mais,
selon un article paru dans La Presse du 8 octobre 1992, pour une
garderie implantée chez Merck Frosst, c'est un projet de 1 000 000 $,
pour une garderie. Cette garderie-là s'est vue octroyer 87 000 $ en
subvention d'implantation et, de plus, cette garderie va recevoir 100 000 $ par
année en subvention de fonctionnement.
Dans une situation économique où les statistiques
démontrent que le Québec est la province où le taux de
pauvreté est le plus élevé, où les taux
d'imposition sont également très élevés, c'est la
classe aisée des citoyens du West Island de Montréal qui
bénéficient des subventions ainsi qu'une compagnie qui.
elle-même, est déjà très favorisée au niveau
des subventions, alors que ces subventions-là devraient être
versées aux gens réellement dans le besoin.
Il est reconnu qu'un service de garde de 60 places comme celui qui est
implanté chez Merck Frosst nécessite environ 300 000 $
d'investissements. C'est l'Office qui dit ça. Eux ont réussi
à investir 900 000 $ et ils ont reçu en plus 87 000 $ du
gouvernement pour la mettre sur
pied. Elle va profiter, en plus, de tous les avantages fiscaux
d'amortissement et ce qu'on voudra.
L'avantage budgétaire que les garderies sans but lucratif ont,
par rapport aux garderies à but lucratif, s'établit à peu
près entre 100 000 $ et 200 000 $. Si on considère les
subventions qu'elles reçoivent - les subventions directes - et si on
considère aussi les exemptions de dépenses, comme, on le disait
ce matin, les taxes municipales - il y a plusieurs garderies sans but lucratif
qui n'ont pas de taxes municipales, peut-être avec des arrangements avec
les municipalités, mais, en tout cas - des hypothèques moins
importantes puisqu'elles ont reçu des subventions d'implantation,
différents frais, comment expliquez-vous alors que le tarif moyen,
à travers la province de Québec, entre les garderies à but
lucratif et les garderies sans but lucratif n'est que de 1,28 $? Au bout d'une
année, les parents bénéficient d'un avantage de 307,20 $.
Quand ça coûte de 3000 $ à 4000 $ pour faire garder un
enfant, ce n'est pas énorme.
Aussi, la différence de salaire entre les employés en
garderie sans but lucratif et les employés en garderie à but
lucratif, n'est que de 1,89 $ l'heure. Si vous faites la somme de tout
ça, vous allez réaliser qu'ils reçoivent au-delà de
100 000 $ de subventions, souvent un avantage budgétaire, en
considérant les dépenses dont elles sont exemptées, de
près de 200 000 $ par année. On réussit à expliquer
avec ça environ 55 000 $ d'utilisation des ressources financières
qui servent à payer mieux les employés et à donner un
petit avantage aux parents utilisateurs. Mais là, je vous pose la
question: Où va la balance de l'argent? Où ça va, cet
argent-là? C'est la question qu'on se pose et qu'on vous pose.
On se rend compte qu'il y a du personnel de soutien en plus grand nombre
dans les garderies sans but lucratif et que celui-ci est mieux
rémunéré que le personnel de soutien qui peut être
embauché dans les garderies à but lucratif. Alors, est-ce que
l'embauche du personnel de soutien, c'est-à-dire des cuisinières,
du personnel au secrétariat, la comptabilité, l'entretien
ménager, etc., assure une plus grande sécurité, une
meilleure santé et un bien-être plus important, bref une plus
grande qualité aux enfants qui fréquentent ces
garderies-là? On se pose la question.
On découvre aussi, à la lecture des rapports de l'Office,
que certaines garderies sans but lucratif se permettent de réduire le
ratio éducateur versus enfants. Est-ce bien pour améliorer la
qualité de vie des enfants ou la qualité de vie des
éducatrices, éducateurs? Je pense qu'on se permet une certaine
luxure avec les subventions qu'on reçoit. Et alors, à qui
profitent ces subventions-là?
On se rend compte également qu'à l'exception des
déclarations des gestionnaires, dans ces garderies-là, et des
experts-comptables qui vérifient leurs états financiers il ne
semble y avoir aucun moyen de contrôler l'utilisation des fonds, et les
garderies qui réalisent des surplus importants au bout d'une
année conservent leurs droits acquis, c'est-à-dire qu'elles
peuvent quand même recevoir une subvention l'année
subséquente.
Je pense que, dans le contexte économique actuel, chaque garderie
devrait plutôt faire la preuve de son besoin financier avant de recevoir
quelque somme que ce soit. C'est la logique des choses. Est-ce que le
gouvernement signe des chèques en blanc? Il faut noter également
que ces subventions-là, selon le juge Jacques Vaillan-court en Cour
supérieure, ont été versées illégalement. Il
y a près de 600 000 000 $ de subventions qui ont été
versés illégalement dans les dernières années. Je
vous cite le juge Vail-lancourt: «À notre avis, c'est dans la plus
totale illégalité que l'Office accorde ses subventions quels que
soient les motifs sans doute sérieux et même louables qui
gouvernent sa décision d'agir ainsi.»
Les garderies à but lucratif essaient tant bien que mal de
survivre et d'offrir un service de qualité dans un contexte où,
d'un côté, près de 75 % des services sont rendus par des
illégaux qui, sans réglementation, ont des coûts
très inférieurs aux leurs, et où, de l'autre
côté, des garderies sans but lucratif soumises à la
même loi, exactement la même loi, reçoivent des subventions
de fonctionnement, sont dispensées de certaines dépenses, ont
obtenu les subventions d'implantation et se sont vu souvent donner leur terrain
par la municipalité même dans des cas. Voilà pour les
subventions, 80 000 000 $ de subventions versés aux garderies sans but
lucratif en général. (16 h 20)
L'aide financière aux parents, 62 000 000 $. On constate que
cette aide financière devient de moins en moins accessible, qu'il faut
pratiquement avoir un revenu sous le seuil de la pauvreté pour y avoir
accès, mais que quand même 25 000 enfants sur 52 000 places
disponibles en garderie et en milieu familial, soit environ 50 %, 48 % pour
être précis, ont quand même pu bénéficier de
ces subventions-là. Il est donc évident, selon nous, que,
malgré la faible disponibilité de cette aide financière
là, cette ressource trouve son efficacité et favorise
l'accessibilité des enfants en garderie. Et c'est à eux qu'il
faut aller donner cet argent-là.
Les incitatifs fiscaux. Les lois fiscales permettent actuellement la
déductibilité des frais selon des critères bien
précis. Cependant, ces lois-là ne sont pas harmonisées
avec la Loi sur les services de garde à l'enfance, c'est-à-dire
que n'importe qui, une garderie illégale de 60 places par exemple, qui
n'aurait pas de permis de l'Office, pourrait quand même émettre
des reçus, en indiquant le numéro d'assurance sociale de
son propriétaire, et les frais seraient déductibles au
niveau de l'impôt. Mais, pendant ce temps-là, cette
garderie-là ne respecte pas nécessairement la loi de l'Office des
services de garde à l'enfance.
Nous sommes d'avis qu'il devrait y avoir un meilleur contrôle, que
tous ceux qui rendent des services de garde qui pourraient être
déductibles par la loi devraient obtenir un numéro de l'Office
des services de garde, du type de celui que les organismes de charité
ont ou encore avec des relevés, relevé 18 ou
«whatever», et ces garderies-là devraient
nécessairement s'inscrire et, à partir de là, on pourrait
les contrôler. Même les dames qui gardent à la maison des
enfants, six enfants et moins, je pense que, si elles avaient un numéro
de l'Office, au moins on saurait qu'elles existent et on pourrait
contrôler qu'elles respectent bien le ratio de six et moins.
La gestion des services de garde. Comme le disaient nos confrères
et consoeurs de l'Association ce matin, dans une étude qui avait
été faite et dont la revue Petit à Petit de
novembre-décembre 1992, publiée par l'Office, faisait mention, on
lisait que, suite au rapport de la firme de conseillers en administration, la
firme note aussi l'instabilité de certains conseils d'administration,
qui est due au changement fréquent de leurs membres et souligne par
ailleurs que les conseils d'administration s'occupent trop de la gestion
quotidienne, alors que celle-ci est du ressort des gestionnaires.
Il y a, en effet, un taux de roulement très élevé
au niveau des parents. Dans la réalité, la participation des
parents atteint rarement plus de 2 ou 3 ans à la vie du conseil
d'administration, si on veut. Qui pourrait en effet blâmer un jeune
couple de ne pas intervenir dans la gestion d'une garderie dont il est
satisfait des services quand on connaît ses responsabilités? Avec
des jeunes enfants, il y a le travail, la famille, le loisir. On n'a pas
toujours le temps d'aller dans des rencontres.
Lorsque, par contre, on réussit à trouver des parents qui
ont le temps et l'intérêt pour s'impliquer, c'est la
stabilité et la continuité du programme pédagogique qui
sont remises en cause. La participation des parents, en garderie, est
peut-être une chose souhaitable, mais elle est difficilement
réalisable. Chose certaine, par contre, les propriétaires de
garderies à but lucratif, les garderies privées, on n'a pas le
choix de consulter notre clientèle et de satisfaire leurs besoins parce
que c'est la survie de notre entreprise qui est en jeu. Alors, si on ne
répond pas à leurs besoins, on ne survit pas.
Saviez-vous aussi qu'en 1991-1992 l'Office a dû intervenir
auprès d'une quinzaine de services de garde dont la situation
financière paraissait en difficulté? Le comité responsable
a aussi identifié 60 services de garde ayant des difficultés
financières Ça a nécessité des subventions de
redressement de l'ordre de 191 000 $. Quand 10 % des garderies sans but
lucratif sont jugées en difficultés financières, il s'agit
là d'une démonstration évidente de la mauvaise gestion qui
est faite des fonds publics.
La preuve est cependant faite que le secteur privé, malgré
l'inefficacité du secteur public, réussit à se
développer et à offrir des services de qualité. On a
toujours maintenu notre ratio de 28 % parce qu'on y a été
contraint surtout, mais on l'a toujours maintenu. Il existe, au 31 mars, 265
garderies à but lucratif, qui accueillent 12 454 enfants - 28 % des
places disponibles en garderie. Ces personnes ne peuvent pas toutes faire
erreur en même temps, quand même!
Les orientations à privilégier. Il est évident que
la garde à l'enfance a besoin d'un soutien de l'État afin
d'assurer prioritairement des services de garde. Mais, avant d'accroître
le niveau des dépenses, il faut s'assurer, dans un premier temps, de
l'utilisation efficiente des sommes actuelles. Nous sommes d'avis que toutes
les sommes disponibles doivent bénéficier directement aux
parents. Le gouvernement devrait faire en sorte de redistribuer les subventions
actuellement versées aux services de garde pour les remettre directement
aux parents. Cette mesure, selon nous, par simple règle de trois,
même si le Régime d'assistance publique du Canada n'y contribue
pas, permettrait l'accessibilité d'environ 20 000 enfants de plus en
garderie reconnue.
Il s'agit là d'une décision importante pour notre
gouvernement et on doit s'attendre à une opposition farouche de la part
des grandes centrales syndicales et des garderies sans but lucratif, qui sont,
eux, les vrais premiers bénéficiaires des subventions,
actuellement. Il y en a qui vont craindre une flambée des prix sur le
marché des garderies. Mais je pense que les règles du
marché vont limiter ça.
Je vais profiter de la dernière minute qui reste pour parler de
la garde au noir. Je pense que l'Office a lui-même favorisé la
garde au noir dans son attitude, dans le passé, de limiter le
développement des garderies à but lucratif. Ce n'est pas facile
de développer une garderie sans but lucratif. Ça prend des
parents qui veulent s'impliquer, ça prend de nombreuses années,
ça prend de nombreux efforts, puis ça prend
énormément d'argent du gouvernement. Dans le privé,
ça prend un entrepreneur qui a le goût de se battre et de gagner
sa vie. Bien, l'Office a limité ça. En limitant ça,
l'Office est lui-même responsable de la prolifération des
garderies illégales. Le juge Barbeau l'a dit dans son jugement.
Les garderies avec permis, à l'heure actuelle, ont encouru
d'énormes coûts d'infrastructure et, encore aujourd'hui, des frais
beaucoup plus importants pour se conformer à la loi. Mais les
illégaux, eux, n'ont pas ces coûts-là à faire.
Ça constitue une concurrence très difficile pour
les garderies à but lucratif, mais également très
difficile pour les garderies sans but lucratif. On verse des subventions
énormes à des garderies sans but lucratif, mais, pendant ce
temps-là, on laisse un réseau de garde au noir important se
développer. Je pense que la garde au noir, dans les services de garde,
est quasiment aussi importante que le travail au noir dans le secteur de la
construction. Il y a un illogisme, quelque part. Je pense que, si on veut
investir dans nos services de garde, il va falloir s'assurer de l'efficience de
l'utilisation des fonds, puis s'assurer que les parents et les enfants en sont
les premiers bénéficiaires. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci, M. Brasseur, pour
votre présentation, sachant que le temps a pu vous manquer, mais je
pense que, lors des échanges avec les parlementaires, vous aurez
l'occasion de pouvoir passer les messages que vous n'avez pas eu le temps de
passer.
Nous avons la participation de la ministre déléguée
à la Condition féminine. Est-ce que j'ai le consentement pour
qu'elle participe à nos travaux, étant donné que les gens
qui sont ici, cet après-midi, sont là dans le cadre des
garderies?
M. Léonard: M. le Président, il n'y a pas de
consentement parce que, au début des travaux, par exemple, nous avons
requis la même permission qui nous a été refusée en
ce qui concerne le député de Drummondville. Alors, je pense que,
là-dessus... Est-ce que vous vous en tenez à la décision
qui a été prise de ne pas accepter le droit de parole du
député de Drummondville?
Le Président (M. Després): Non. Ce n'est pas une
question que la présidence accepte ou refuse. Le règlement veut
qu'on demande le consentement aux parlementaires. Je sais qu'il y a des
parlementaires qui m'ont même souligné, en venant aux travaux, cet
après-midi, M. le député de Labelle, que, s'il y avait
participation de la ministre déléguée à la
Condition féminine... J'étais très heureux de voir, moi,
que la ministre déléguée à la Condition
féminine pouvait participer aux travaux, cet après-midi, venant
de votre formation politique, et je me dois, selon le règlement, de
demander la participation, de consentement.
M. Léonard: Puisque vous me répondez comme cela,
sans égard à ce que je vous pose sur le droit de parole du
député de Drummondville, il n'y a pas de consentement, si vous
vous en tenez à cela.
Le Président (M. Després): M. le
député de Lotbinière.
M. Camden: Sur le sujet, M. le Président, je trouve
ça déplorable, puisque le député de Drummond est un
député indépendant. Or, il entendait se prévaloir
de privilèges que le règlement ne lui permet pas et ne l'autorise
pas. Cependant, à l'égard de la ministre, je dois vous indiquer
que la ministre, elle est la répondante sur le sujet et que le
député de Drummond, lui, n'a qu'à répondre de ses
propres actions face à ses électeurs de Drummond, au premier
chapitre, et que la ministre, elle, a à répondre de la position
du gouvernement et de l'action du gouvernement à l'égard du sujet
visé. (16 h 30)
Évidemment, je trouve qu'il y a un lien de pertinence très
étroit entre la présence des gens qui sont ici, à la
table, et la présence de la ministre, à cet égard, et je
trouverais malheureux qu'on se prive et qu'on prive également ces
gens-là de l'opportunité de formuler des questions à la
ministre, d'obtenir des réponses de la ministre et, également,
d'adresser des commentaires à la ministre, puisque, comme membre du
Conseil des ministres, tout comme ses collègues, président du
Conseil du trésor, du ministère des Finances et du
ministère du Revenu, elle aura à se positionner, à prendre
des actions, à faire des recommandations et à donner suite aux
propositions et commentaires qui auront été formulés par
les gens qui ont paru devant cette commission, pour faire en sorte de donner
suite à ces recommandations par rapport aux finances publiques du
gouvernement du Québec.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député de Lotbinière.
Je crois que le député de Montmorency m'a demandé
la parole.
M. Filion: Oui, s'il vous plaît, M. le Président,
concernant cette autorisation de permettre un droit de parole à un
député ou pas, je pense que c'est le gouvernement libéral,
au début de cette commission, et, moi, je... Quand on parle d'un
député, c'est un député. Je pense qu'un droit de
parole à un député ça vaut un droit de parole d'un
autre député. Que le député soit ministre ou pas,
je pense qu'un droit de parole, c'est un droit de parole, et, à cette
commission, on a refusé effectivement le droit de parole à un
député qui l'avait demandé. Je pense que cette ligne
directrice émane directement du gouvernement libéral en place,
qui a dit que le droit de parole d'un député ça doit
être respecté, et je pense que, dans cet esprit-là, on ne
peut faire autrement que d'acquiescer à la ligne directrice qu'ils ont
eux-mêmes formulée au début de la commission.
M. Audet: S'il vous plaît, M. le Président...
Le Président (M. Després): Oui, M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: ...je veux juste compléter là-dessus,
sans perdre de temps, parce que le temps avance et on empêche ces
gens-là de nous donner des réponses à des questions qu'on
pourrait leur poser. Ce n'est pas nous qui avons fixé la ligne, M. le
député de Montmorency - M. le Président, je réponds
au député de Montmorency - c'est le règlement qui dit
qu'un député indépendant, au même titre qu'un
député parlementaire, de quelque formation politique que ce soit,
fait un choix de commission parlementaire. Alors, le député de
Drummond a fait le choix de la commission parlementaire de l'économie et
du travail et de la commission de la culture. Le président l'a reconnu
à la commission de l'économie et du travail.
Lorsque arrivent des situations comme telles - je ne sais pas au niveau
du règlement, je n'ai pas la réglementation devant moi, je vous
invite à le vérifier - mais il arrive, dans certaines
commissions, dans certains cas, qu'un ministre est membre d'office d'une
commission. Alors, est-ce que ça s'applique dans le cas d'une
consultation particulière? Je vous demanderais de le vérifier
pour que la ministre déléguée à la Condition
féminine puisse poser des questions à ces intervenants-là
qui sont de sa clientèle.
Le Président (M. Després): Je vous ferai allusion -
un instant, ce ne sera pas long, M. le député de Labelle -
qu'effectivement... Premièrement, je pense que nous avions statué
sur le cas du député de Drummond. Donc, je pense que la situation
du député de Drummond avait été soulevée
à ce moment-là et la décision de la présidence
avait été prise. Maintenant, nous avons fa situation où la
ministre déléguée à la Condition féminine
nous demande sa participation. L'article 132, M. le député de
Beauce-Nord, se lit comme suit: «Le député qui n'est pas
membre d'une commission peut, avec la permission de cette dernière,
participer à ses délibérations, mais ne peut y voter ni y
présenter de motion. «Cette permission n'est pas requise
lorsqu'une commission étudie les crédits.» Ce n'est pas le
cas cet après-midi, alors que nous sommes en période de
consultation. Donc, effectivement, pour avoir la participation de la ministre
déléguée à la Condition féminine...
Pardon?
M. Audet: Dans le cas d'un ministre, c'est la même
chose?
Le Président (M. Després): Oui, on ne
spécifie pas, on parle du député. Donc, le
député, c'est le membre de l'Assemblée nationale du
Québec.
M. Gautrin: M. le Président...
Le Président (M. Després): Un instant.
M. Filion: L'alternance.
Le Président (M. Després): Je pense que tout le
monde a eu la chance, si vous voulez, sinon je vais faire les
différentes interventions... Le député de Labelle, aussi,
a demandé la parole.
M. Gautrin: Ah! M. le député de Labelle.
Le Président (M. Després): Deux dernières
interventions: le député de Labelle, qui a demandé la
parole avant, et le député de Verdun.
M. Léonard: M. le Président, je voudrais que les
gens qui viennent participer à cette commission ne s'inquiètent
pas, ils auront l'heure complète à laquelle ils ont droit. Mais
je voudrais vous rappeler, sur la question, les articles 124, 130 et 132. Je
vais donc les lire pour le bénéfice d'un président de
commission qui siège en face, qui s'appelle le député de
Beauce-Nord et qui devrait s'en rappeler. Je les lis à son intention
toute particulière: «124. Un ministre peut être membre d'une
commission pour la durée d'un mandat si la motion d'envoi adoptée
par l'Assemblée l'indique.» Ce n'est pas le cas. On est d'accord.
«130. Le remplacement temporaire d'un membre ne vaut que pour la
durée de l'examen d'une affaire. La commission doit en être
informée dès le début de ses travaux sur cette
affaire.» Ça n'a pas été le cas, on ne l'a pas fait
ce matin. «132. Le député qui n'est pas membre d'une
commission - ça a été lu tout à l'heure - peut,
avec la permission de cette dernière - il y a consentement de ses
membres, donc - participer à ses délibérations, mais ne
peut y voter ni y présenter de motion. «Cette permission n'est pas
requise lorsqu'une commission étudie les crédits.» Ce n'est
pas le cas des crédits.
On revient au premier paragraphe, et ce que nous disons, c'est que nous
avons demandé la même permission en ce qui concerne le
député de Drummond, du comté de Drummond; ça a
été refusé. Alors, nous disons: Nous allons accepter si le
député de Drummond, lui, peut participer à cette
commission comme député indépendant Alors, vous
choisissez, vous prenez la décision. Vous êtes le gouvernement,
décidez!
M. Audet: M. le Président...
M. Gautrin: M. le Président, j'avais demandé la
parole.
M. Audet: Puisque ça m'a été adressé,
là.
Le Président (M. Després): M. le
député de Labelle s'est exprimé et, pour finir, M. le
député de Verdun, vous aviez demandé la parole.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ma lecture de
l'article 132, tel qu'il vient d'être lu par le député de
Labelle, c'est si la commission lui donne l'autorisation. C'est bien ce que
vous avez lu. M. le Président, je ferai donc motion pour que la
commission du budget et de l'administration autorise la ministre
déléguée à la Condition féminine à
pouvoir questionner - comment ça s'appelle? - le Regroupement des
garderies privées du Québec inc.
M. Léonard: C'est un consentement que ça prend.
Mme Marois: M. le Président, j'aimerais que, si vous le
permettez, vous précisiez, parce que je crois que c'est un consentement
des membres de la commission...
M. Léonard: II n'y a pas d'ordre de la Chambre.
Mme Marois: ...et il n'y a pas d'ordre de l'Assemblée
à cette fin. Et, d'autre part, un consentement, cela veut dire que nous
soyons unanimement d'accord; pas majoritairement, una-ninement d'accord.
M. Gautrin: M. le Président, je comprends bien... Ce que
je voudrais que vous tranchiez: Est-ce que ça prend le consentement
unanime ou l'avis de la commission? Tel que j'ai cru comprendre sur l'article
132, c'était avec l'accord de la commission. Est-ce que vous pourriez
trancher cette question?
Le Président (M. Després): M. le
député de Verdun, MM. les députés, je pense que
tout le monde a eu la chance de s'exprimer, parce que nous allons, là,
aller dans des débats... Il y a deux choses dont on discute: un, sur
l'aspect de la motion, si elle est recevable ou pas, ou si ça prend
l'unanimité, et sur la participation de la ministre. Vous allez me
permettre de suspendre deux minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 44)
Le Président (M. Després): Mmes et MM. les
députés, nous poursuivons nos travaux.
Je vais rendre ma décision en ce qui concerne la participation de
la ministre déléguée à la Condition
féminine. Dans le recueil des décisions, dont une a
été rendue le 8 octobre 1985 à la commission des
institutions, où la question était: «Le ministre peut-il
participer aux travaux de la commission lorsqu'il n'en est pas membre?»
la décision est, effectivement: «Selon l'article 132, le
député qui n'est pas membre d'une commission peut, avec la
permission de cette dernière, participer à ses
délibérations, mais ne peut y voter ni y présenter de
motion. Pour obtenir la permission de la commission, il faut
nécessairement un consentement unanime des membres.»
Donc, comme il n'y a pas consentement des membres de cette commission,
malheureusement, la ministre déléguée à la
Condition féminine ne peut participer aux échanges avec le groupe
que nous avons cet après-midi.
La présentation ayant été terminée par le
Regroupement des garderies privées du Québec, nous pouvons
continuer maintenant nos travaux, avec ce léger retard, avec les gens
que nous recevons cet après-midi.
Je passe la parole au président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président, en m'excusant de mon
retard, d'une part, mais en m'étant assuré, et je suis heureux de
le voir, avec la collaboration de ma collègue, qu'un membre du Conseil
exécutif pouvait être ici pour la présentation.
Nous avons reçu ce matin certaines de vos consoeurs, mesdames,
monsieur... je m'excuse, c'est assez inusité. On nous a souligné
que c'étaient des entreprises menées, généralement
détenues, opérées par des femmes, que les garderies. Je
savais pertinemment, parce que je vois au moins une personne de mon
comté, ou à peu près, qu'il y a des partenariats
hommes-femmes qui opèrent également des entreprises de cette
nature-là.
Ce qui a attiré mon attention ce matin également, lorsque
j'ai pris connaissance de votre mémoire, c'est le lien important qu'il y
a à maintenir, dans notre société, entre les parents et
leurs enfants, la responsabilisation qu'on doit assurer au niveau de la cellule
familiale. Vous tentez, par le système dont vous êtes les acteurs
et, je dirais même, les promoteurs, de dicter, à un certain point,
des interventions de l'État qui respectent le plus possible le choix que
les gens doivent avoir. Vous le faites à telle enseigne que vous
suggérez qu'essentiellement les programmes financiers qui sont
réservés à ces activités, autant ce qui est
dirigé vers les organismes sans but lucratif que vers les
activités que vous exercez, que l'ensemble de ces programmes soit
unifié et dirigé vers les parents, de
préférence.
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer que ça pouvait
mettre, pas en péril, il ne faut pas exagérer là, mais
mettre certainement des bémols sur certains objectifs qu'on recherche en
termes d'équité fiscale ou de soutien spécifique à
certains éléments de la famille, l'aide à la naissance,
etc. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi, de toute façon, ce serait un
meilleur système, celui que vous préconisez, d'unifier l'ensemble
des prestations et du soutien, de sorte que ce soit dirigé plus
spécifiquement vers le parent utilisateur éventuel?
M. Brasseur: Bien, comme on a tenté de le démontrer
par une simple règle de trois - on parle d'argent, là, on parle
d'argent aux parents pour leur permettre une meilleure accessibilité aux
services de garde... Actuellement, il y a un réseau de services de garde
au noir très important qui n'a pas à assumer les coûts
d'infrastructure et d'opération que nous avons à assumer, les
garderies à but lucratif et les garderies sans but lucratif. Ces
coûts-là, que nous devons assumer, doivent être
refHés d'une certaine façon aux parents, indirectement, puis je
pense que nous sommes d'accord avec ce que la loi nous impose en tant
qu'exigences pour assurer une certaine qualité, que ce soit le nombre de
pieds carrés par enfant, l'éclairage, la fenestration, ces
choses-là. On est d'accord avec ça, mais ça impose des
coûts. Ce qui empêche souvent les parents de venir obtenir les
services dans les services de garde, ce sont, justement, les coûts de ces
services-là.
Si les sommes leur sont versées, à eux, directement,
indépendamment du fait que le fédéral, avec sa loi dont je
ne me souviens pas du nom, contribue, dans une certaine mesure, à l'aide
financière aux parents, indépendamment du fait qu'il ne
contribuerait pas à ça, si vous prenez 80 000 000 $ de
subventions que vous versez déjà aux garderies sans but lucratif
- O.K.? vous les versez déjà, c'est dépensé, c'est
là - si vous les prenez et que vous les versez aux parents, par une
simple règle de trois, vous allez vous rendre compte que vous pourrez
peut-être permettre l'accessibilité d'environ 20 000 enfants en
services de garde. Ça va sortir du réseau de garde au noir pour
s'en venir dans des garderies reconnues, là où il y a un
contrôle de l'État. Parce que c'est ça qu'on veut, au fond;
on veut un contrôle de l'État sur la sécurité,
l'hygiène de nos enfants.
Alors, si on donne les moyens financiers aux parents d'aller en services
de garde reconnus, bien, à ce moment-là, je pense qu'on aura
atteint notre objectif, puis les sommes seront bien dépensées. Je
pense qu'il y a moyen d'établir des contrôles assez simples pour
s'assurer que les parents dépensent bien cet argent-là dans les
garderies. D'ailleurs, le système actuel d'aide financière aux
parents fait en sorte que ces sommes-là ne peuvent être
dépensées à rien d'autre. Ce n'est pas un chèque
qu'ils reçoivent. Le chèque est envoyé directement aux
services de garde en fonction du nombre de jours de présence de l'enfant
dans le service de garde.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M.
Brasseur.
Je passerai maintenant la parole au député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais vous rassurer à nouveau, l'heure complète vous sera
accordée en ce qui nous concerne, je tiens à le dire, mais je
pense qu'on n'acceptera pas que, tout à coup, quelqu'un découvre
que les garderies, aujourd'hui, et les services de garde sont à
l'honneur de la commission et que, depuis ce matin, ils sont là. Je
pense que la ministre aurait pu se faire inscrire dès ce matin. Elle a
manqué de prévoyance, c'est ça qu'il faut constater.
Alors, ceci étant dit...
M. Johnson: Merci beaucoup.
M. Léonard: ...nous aurions été prêts
à lui donner le droit de parole à condition que d'autres
parlementaires, lorsqu'ils viennent, aient le droit de parole.
Ceci étant dit, je voudrais simplement faire une remarque,
d'abord, sur votre témoignage, que je comprends, mais dont je tire,
cependant, une certaine constatation. C'est que l'opération que nous
vivons ici, j'ai dit au début qu'elle visait à
désolidariser des groupes de la société
québécoise, et vous avez exactement été un exemple
de cela, comme hier soir à l'occasion d'un autre cas. Je pense que cela
vient de ce que le gouvernement met une pression considérable sur les
groupes pour qu'ils viennent lui donner des recettes pour couper dans les
budgets, alors que notre perception, en ce qui concerne les garderies en
particulier, c'est qu'il y a des besoins immenses et qu'il y a
différentes formules qui peuvent trouver leur place au Québec.
Pour nous, il n'est pas question de sabrer dans une formule ou dans l'autre.
Vous avez votre place, très bien, mais il y a aussi d'autres formules
qui doivent avoir leur place, et ça ne doit pas être au
détriment de l'une ou de l'autre. Je trouve ça très
important que vous le sachiez, quant à nous. (16 h 50)
D'autre part, j'ai évoqué aussi, ce matin encore,
l'idée qu'en termes de création d'emplois dans les garderies il y
en a énormément, il y a beaucoup de places comparativement
à d'autres pays qui ont des garderies pour pratiquement la
totalité de leurs enfants en âge de fréquenter les
garderies. Alors, quant à l'opérationalisation des formules, il y
en a différentes et, pour moi. qu'il y en ait plusieurs, c'est
probablement très heureux.
Ceci étant dit, je veux aussi faire une remarque sur le
financement et en particulier sur le fait que le fédéral
subventionne, par le RAPC, seulement les garderies sans but lucratif et ne
finance pas les garderies à but lucratif. Ça, c'est une
réglementation du fédéral. C'est vrai partout. Je ne sais
pas ce que le fédéral fait dans les garderies, remarquez. Quand
on veut rapprocher les décisions des citoyens et des taxes, je pense
que, là, il y a comme un exemple où l'argent fait un grand
détour par le fédéral, et ce n'est pas un exemple de bonne
administration, le fédéral. Mais ce gouvernement a
décidé de poursuivre les uns après les autres, les groupes
les uns après les autres, les citoyens les uns après les
autres - là, on en était, dans les hôpitaux,
à faire des coupures, on ne sait pas où ça
s'arrêtait - parce qu'il n'ose pas, il ne veut pas s'attaquer, par
exemple, à la question des dédoublements administratifs. Or, il a
fait faire des études il y a un an et demi, un an, un an et demi,
où il était démontré qu'il y avait 3 000 000 000 $
d'économies là-dedans. Il y a de quoi se payer quelques
garderies, voyez-vous? Ça, ça en est un, exemple. C'est une
remarque que je voulais faire à ce stade-ci, et je vais passer la parole
à mes collègues, suivant l'alternance.
Le Président (M. Després): Ça va, M.
le député de Labelle. Les députés...
Mme Marois: Je ne sais pas s'il y a des commentaires de la part
de nos amis. Ce serait intéressant, M. le Président.
Une voix:...
Le Président (M. Després): Non, c'est parce que,
effectivement, le député de Labelle avait parlé de
commentaires. Donc, on peut demander s'il y a des commentaires de la part de
votre groupe.
Mme Caron (Nicole): Oui, M. le Président. On ne demande
pas de couper dans les budgets. On demande simplement de mieux répartir
les fonds publics afin que plus d'enfants bénéficient des
services de garde de qualité. C'est tout ce qu'on demande.
Le Président (M. Després): Merci, madame. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Évidemment, sur le même sujet, vous
ne demandez pas une augmentation de financement. Vous voulez qu'il soit
à la bonne place.
Mme Caron (Nicole): C'est ça, très bien.
M. Johnson: Correct. C'est logique, ça, et je vous
remercie...
Mme Caron (Nicole): Vous avez bien compris.
M. Johnson: Un rappel salutaire. M. Brasseur, peut-être,
déjà?
M. Brasseur: M. le Président, je vais renchérir
là-dessus. Je vais vous dire que les garderies privées à
but lucratif, à l'heure actuelle, reçoivent certaines petites
subventions, et on pourrait aller dans les détails: à peu
près 2000 $ pour l'achat de matériel éducatif, 160 $ pour
la formation des employés en garderie, ces choses-là. Moi, je
suis prêt, M. le Président, à remettre au Conseil du
trésor ces sommes-là de façon à ce que ces
sommes-là aillent directement aux parents utilisateurs.
Nous ne demandons aucune subvention. Nous n'en voulons pas, des
subventions directement, nous n'en avons pas besoin. Mais ce qu'on constate,
c'est que, lorsque des garderies sans but lucratif reçoivent environ 100
000 $ de subventions, 50 000 $ sur ces 100 000 $, à peu près 50
%, peuvent se justifier par un écart très minime au niveau du
tarif et par un écart, aussi, très minime au niveau des salaires,
puis cet écart-là, vous le constaterez, diminue à tous les
ans. On fait du rattrapage, un rattrapage assez rapide au niveau des salaires
des employés dans nos garderies par rapport à celles sans but
lucratif. Moi, ce que je vous dis, c'est que les 80 000 000 $ que vous versez
dans les garderies sans but lucratif ne trouvent pas leur efficacité et
se perdent dans les rouages, puis on ne les retrouve pas, nulle part. Moi, ce
que je vous dis: Versez ce montant-là aux parents pour qu'ils puissent
utiliser les services de garde reconnus, avec permis, puis je pense que vous
allez avoir fait un grand pas. Éliminez la garde au noir de ce fait
même. C'est ça qu'on vous demande.
M. Johnson: Oui.
M. Brasseur: On ne vous demande pas de subventions. On vous
demande juste une redistribution des sommes d'argent.
M. Johnson: Oui, d'accord. Mais ça appelle deux questions.
La première, vous parlez souvent de garderies au noir. Vous parlez de
quelle sorte de phénomène, là?
M. Brasseur: Là, je parle du phénomène d'une
garderie, par exemple, de 20, 30, 40 enfants, qui s'affiche comme garderie ou,
quelquefois, comme garde d'enfants, une garderie qui devrait être
réglementée par 'a Loi sur les services de garde qui exige que,
dans tout endroit où on garde plus de 6 enfants, on ait...
M. Johnson: Oui, 7 et plus. Des voix: Un permis.
M. Brasseur: ...un permis de garde. C'est de cette
garde-là que je parle. Cette garde au noir, elle est énorme
à travers la province. On pourrait vous donner, chacun dans nos
régions, une liste de gardes au noir qui se font. Est-ce que ces
gens-là s'imposent sur le revenu, ces choses-là? On n'ira
pas...
M. Johnson: Au noir, vous voulez dire, avec ou sans permis,
là?
Des voix: Sans permis.
M. Brasseur: Sans permis.
M. Johnson: Sans permis. Bien, là...
M. Brasseur: C'est de la garde sans permis. Il y a 75 % des
enfants du Québec qui sont gardés en dehors des garderies avec
permis. Moi, je vous pose la question: Où ils sont, ces
enfants-là? Où ils sont gardés? Il y a - excusez
l'expression - Mme Tartempion qui va en garder 6 et moins dans son sous-sol,
chose qui est permise par la loi, mais il y a plusieurs Mme Tartempion qui vont
en garder 15, 20 et 25 dans leur maison, en allant chercher peut-être une
employée pour leur donner un coup de main, peut-être une,
peut-être deux filles, sans avoir de formation, telle qu'elle est
exigée par la loi, tel qu'on nous l'exige, nous, à savoir qu'une
employée sur trois doit être qualifiée, et sans se rendre
conformes quant aux locaux, quant à l'espace de jeu, quant à la
clôture, etc. Je pourrais vous en énumérer longtemps.
C'est ça, de la garde au noir, et il y en a un très grand
nombre au Québec comme ça. Pourquoi? Parce que les parents n'ont
pas d'argent pour aller dans les garderies. L'argent est dépensé
dans les garderies sans but lucratif et on n'en trouve pas l'efficacité.
Il y a 10 % des garderies sans but lucratif qui ont des difficultés
financières. Ce n'est pas normal. Quand vous recevez 200 000 $... Moi,
j'ai 200 000 $ de moins par année pour vivre et je réussis
à survivre, à payer deux salaires, ma femme et moi. Je vous pose
la question: Où est-ce qu'il va, l'argent?
M. Johnson: Oui. Pour revenir à... enfin pour ramasser -
si vous me permettrez l'expression - ce que vous dites, c'est que, quand
même, on a des services d'inspection à l'Office. Je ne
prétends pas, personne ne prétend qu'on attrape tout le monde,
etc., mais...
M. Brasseur: Dans les garderies avec permis.
M. Johnson: ...si les gens qui ont des permis, de toute
évidence, sont... S'ils ont un permis, c'est parce qu'ils sont
conformes. S'ils n'ont pas de permis, c'est comme n'importe quelle
activité non réglementée, et qu'ils tentent de s'en
sauver, à un moment donné il y a une plainte, on découvre
ça, il y a des amendes, bon. Je ne prétends pas que c'est
parfait, le système d'observance de la loi, mais il y a des efforts qui
sont faits de ce côté-là. (17 heures)
J'avais deux questions principales autour de la répartition des
sommes considérables. Ce matin, je parlais d'un quart de milliard de
dollars. Si on regarde à l'endroit du soutien aux enfants aux
activités de garde, etc., il y en a passablement, et des subventions aux
organismes sans but lucratif, d'une part, et les coûts fiscaux, les
dépenses, les frais de garde d'enfants qui sont déductibles, il y
en a pour plus de 225 000 000 $. Vous répartiriez ça comment?
Quels sont les critères? Si on faisait juste un «pote» - si
vous me permettez l'expression -avec ça, quelle portion on mettrait pour
les poupons, quelle portion pour les 0 à 6 ans, quelle portion pour
telle chose, telle chose? Ça ne peut pas vraiment être un fonds
unifié, H faut qu'il y ait des éléments là-dedans.
Enfin, si on veut soutenir... je prétends que, si on veut soutenir
certaines activités de façon précise, ça prend un
programme qui vise à le faire. La liberté parfaite ne permet pas
nécessairement de rencontrer les objectifs de gouvernement, les
objectifs sociaux, y compris - c'est ma deuxième question - la
distribution sur le territoire des services de garderies.
Quand on regarde la distribution géographique, au Québec,
des garderies, on s'aperçoit que les privées, il y en a
zéro en Abitibi, zéro au Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, une
au Saguenay-Lac-Saint-Jean, etc. Et il y a du sans but lucratif à droite
et à gauche, qui permet, en dehors des grands centres, Montréal,
Québec, d'assurer une disponibilité.
M. Brasseur: Me permettez-vous de répondre à tout
ça tout de suite...
M. Johnson: Oui, il y a deux questions, oui. oui.
M. Brasseur: ...pour ne pas s'évader. Au niveau de la
distribution des fonds, ce qu'on vous dit, c'est de distribuer les fonds aux
parents utilisateurs. O.K.? Peut-être dans le même sens que l'aide
financière, à l'heure actuelle. C'est basé sur le revenu
des parents et sur le nombre d'enfants qui fréquentent les garderies.
Alors, on vous dit: Donnez-leur à ces gens-là. Donnez surtout
à la classe moyenne les sommes d'argent qui vont lui permettre d'aller
en garderie. La classe de faibles revenus, monoparentale, un enfant, puis, bon,
la dame souvent seule à faibles revenus, elle, peut
bénéficier un peu de l'aide financière.
Les personnes aisées du West Island, elles,
bénéficient des subventions par l'entremise de Merck Frosst, ou
Lavalin, ou des grosses compagnies comme celles-là. Mais la classe
moyenne, elle, c'est elle qui est négligée dans tout ça
parce que la classe moyenne ne travaille pas nécessairement dans des
grandes entreprises, donc n'a pas la garderie en milieu de travail et n'a pas
le droit à la subvention, parce que ça s'arrête à 30
000 $ pour un couple avec deux enfants. Ce n'est pas beaucoup,
l'accessibilité. Ça fait que c'est le salarié moyen.
M. Johnson: Avant de passer au deuxième point, ce serait
la même chose, je dirais, pour l'aide financière aux parents qui
font garder
leurs enfants dans une garderie sans permis, où il y a six
enfants ou moins?
M. Brasseur: Je m'excuse. Pourriez-vous répéter la
question?
M. Johnson: Les parents qui choisissent librement de faire garder
leurs enfants dans une garderie où il y a moins de sept enfants, donc
pas de permis, etc., seraient admissibles aussi, je présume, à ce
régime-là?
M. Brasseur: Je pense que oui. Si ces gens-là
détiennent un permis, je pense que oui. Pourquoi pas? Par contre, ce
type de garde là devrait être réglementé par
l'Office et surveillé par l'Office. O.K.? Me permettez-vous aussi...
M. Johnson: Là, là, mais je vous annonce que
ça va coûter plus cher, là, nécessairement, parce
qu'il y en a passablement.
M. Brasseur: On peut commencer par distribuer ce qu'on a.
M. Johnson: Oui.
M. Brasseur: Je pense qu'il y a 40 000 000 $ qu'on ne sait pas
où ils vont. On peut commencer par distribuer ces 40 000 000 $
là, essayer de faire une entente avec le fédéral pour
partager les dépenses. Je pense qu'on peut toujours s'entendre,
même si on est en opposition. La preuve, c'est qu'on réussit
toujours à trouver des ententes honorables. Et, à partir de
là, on verra, avec les années, ce qui va suivre, les
priorités qu'il y aura à faire.
Je vais me permettre de répondre à votre deuxième
point...
M. Johnson: Oui.
M. Brasseur: ...du développement en région. Vous
avez toujours limité - je dis vous, le gouvernement, M. le
Président - le gouvernement a toujours limité le
développement des garderies à but lucratif à 28 %
illégalement. C'est un juge qui l'a dit. Donc, on a empêché
le développement de garderies privées ou à but lucratif
dans des régions, d'une certaine façon.
De l'autre façon, je vous pose la question: Comment voulez-vous
partir une garderie à but lucratif dans une région lorsque le
taux de chômage en région, on le sait, est déjà
très élevé? Donc, des Mme Tartempion qui gardent des
enfants à la maison, il y en a beaucoup, et, de l'autre
côté de la rue, vous avez une garderie sans but lucratif qui
reçoit 100 000 $ de subvention de fonctionnement, jusqu'à 145 000
$ de subvention d'implantation et, souvent, un dégrèvement de
taxes municipales, un dégrèvement de différentes
dépenses. Comment voulez-vous aller concurrencer ça?
Moi, je vous dis: Demain matin, si - excusez l'expression anglaise - la
«game» est égale pour tout le monde... Je suis en
région, je me considère en région. À
Côteau-du-Lac, je pense, dans la région de Valleyfield, on est pas
mal en région, avec le taux de chômage qu'il y a là. Mais
je pense que ma plus grosse compétition ne vient pas des garderies sans
but lucratif, parce que j'ai un meilleur taux d'occupation dans ma
région que les garderies sans but lucratif.
Par contre, ceux qui me font le plus mal sont ceux qui sont dans la
garde au noir. Pourquoi? Parce que Mme Tartempion va charger 15 $, 20 $ de
moins par semaine pour rendre son service à 15 enfants, alors qu'elle
n'y a pas le droit et qu'en plus elle va faire des reçus d'impôt,
puis je ne suis pas sûr qu'elle met les reçus d'impôt sur
son rapport d'impôt. Il est là, le problème.
M. Johnson: Et, bien évidemment, à l'inverse, les
parents n'ont pas le droit... enfin ils se privent de la déduction pour
frais de garde, je présume.
M. Brasseur: Mais c'est un choix à faire, et il y en a qui
ne sont pas informés sur les taux d'imposition et ces choses-là.
Vous savez comme moi qu'on n'est pas tous comptable agréé,
hein?
M. Johnson: On essaie pourtant de le faire savoir qu'on en a mis
pour 1 500 000 000 $ dans l'aide aux familles depuis cinq ans. O.K. Je n'ai pas
d'autres questions pour l'instant.
Mme Carrier-Perreault: Moi, j'aurais un petit commentaire.
Le Président (M. Després): Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Oui, merci, M. le Président. Il me
fait plaisir de vous saluer cet après-midi. On a pris connaissance de
votre mémoire. Comme vous savez, cet avant-midi, on a rencontré
d'autres groupes, certains qui partagent à peu près le même
genre d'énoncés que vous venez de nous faire. Moi, dans certains
cas, je peux vous dire que je partage certaines de vos inquiétudes,
certains de vos énoncés à l'effet, par exemple, quand vous
dites qu'on a besoin de places, qu'on a besoin de plus de places en services de
garde. Vous avez entièrement raison, et je partage ça. Quand vous
parlez du problème de la garde au noir, je suis tout à fait
d'accord avec vous et je pense que, là-dessus, tous les gens qui
s'occupent de services de garde s'entendent sur ces deux points-là.
Là où je ne partage pas et où j'ai beaucoup de
difficultés, c'est quand vous avancez le fait que, du côté
des garderies sans but lucratif, c'est presque de la dilapidation de fonds
publics. On s'interroge, et je pourrais reprendre certains
bouts de phrase de votre mémoire où vous dites que vous
vous interrogez sérieusement sur l'utilisation qui est faite des fonds
publics, et, plusieurs fois, vous revenez là-dessus. Là, j'ai
vraiment, mais vraiment beaucoup de difficultés à partager ce que
vous dites.
J'aimerais que vous m'expliquiez certaines choses. Quand on parle de
services de garde à but non lucratif, on parle de services de garde
où il y a un comité... un conseil d'administration composé
de parents bénévoles. Vous nous dites: Ils n'ont pas les
compétences qu'il faut. Par ailleurs, je vous dis que ces
parents-là sont quand même des bénévoles qui, s'ils
s'inscrivent, s'ils deviennent membres du conseil d'administration,
démontrent sûrement un intérêt pour ce service.
Comment des parents bénévoles, qui sont intéressés
par ce qui se passe dans le service de garde, pourraient en arriver à
dilapider volontairement les fonds publics ou à gaspiller les fonds
publics?
Quand vous dites que ces gens-là n'ont pas de cours en
administration, qu'ils n'ont pas d'habitudes de gestion, bien, c'est possible
dans certains cas, effectivement. Je pense que ce sont des parents qui ont une
bonne volonté et qui veulent s'impliquer, qui veulent suivre leurs
choses, leurs affaires. Mais il reste que, dans les services de garde à
but lucratif, je pense que la permanence est assumée aussi par la
coordon-natrice, la directrice, qui fait elle-même les différents
rapports qui sont nécessaires pour la gestion de ce service-là.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment c'est possible qu'on dilapide les
fonds publics quand on gère de cette façon-là? Parce que
ce n'est pas clair ce que vous nous dénoncez dans le rapport.
Autre chose aussi - je vais vous poser mes deux questions parce que je
sais que mon collègue de Montmorency a autre chose aussi à vous
demander - j'aimerais savoir comment vous faites pour arriver. Vous nous dites
que les services de garde sans but lucratif. Voyez-vous, il y a 10 % de ces
services-là qui ont des problèmes de déficit, qui ont
vraiment des problèmes. Ils sont dans le rouge, à toutes fins
pratiques, et ont besoin, redemandent de l'aide ou du redressement du
côté de l'Office.
De votre côté, est-ce que vous en avez, dans votre
réseau de garde à but lucratif, un pourcentage qui est en
problème financier majeur, important? Ça, je ne l'ai pas
retrouvé dans votre mémoire. Puisque vous n'êtes pas
subventionnés, puisque vous avez l'air d'offrir des salaires... C'est
vrai que vous payez un peu moins cher vos éducatrices, c'est vrai que
vous avez un prix un petit peu plus élevé, mais, quand
même, la différence n'est pas beaucoup... elle n'est pas
très significative, puis vous êtes supposés vouloir faire
des profits parce que c'est le but de toute entreprise, hein! On s'entend
là-dessus.
Alors, comment vous faites pour faire des profits, donner les
mêmes services, j'imagine, puisque vous êtes selon les normes? Moi,
j'aimerais que vous m'expliquiez ça de façon très claire
parce que, moi, je ne crois pas du tout qu'on abuse et qu'on dilapide les fonds
publics dans les garderies à but non lucratif.
M. Brasseur: M. le Président, on va répondre
de...
Le Président (M. Després): M. Brasseur.
M. Brasseur: Pardon?
Le Président (M. Després): M. Brasseur
M. Brasseur: Oui. Ha, ha, ha!
On va essayer de répondre de façon très claire
à ces deux questions très précises. Je vais
répondre à la première. Je vais laisser Mme Lafrance
répondre à la deuxième. Vous partez de compétence,
vous parlez de dilapidation volontaire des fonds, etc. Je n'ai jamais dit
ça. Par contre, l'Office des services de garde, dans son rapport annuel,
précise que 10 % des garderies sans but lucratif ont des
difficultés financières, qu'ils ont versé 191 609 $ en
subvention de redressement. Ils n'ont pas versé ça à des
garderies à but lucratif, puisque les garderies à but lucratif
n'y ont pas droit, à cette subvention de redressement là. Alors,
ce n'est pas moi qui dis qu'il y a des difficultés financières
dans les garderies sans but lucratif, c'est l'Office des services de garde. (17
h 10)
Deuxième chose, quand je dis qu'il y a des problèmes
d'administration ou quoi que ce soit, c'est ce que mes collègues de
l'Association disaient ce matin et ce qui est publié dans la revue
Petit à Petit, c'est le rapport d'une firme professionnelle de
conseillers en administration qui dit qu'elle note l'instabilité des
conseils d'administration due aux fréquents changements de leurs
membres. Elle souligne que ces rapports s'occupent trop de la gestion
quotidienne.
Mme la députée, Mme Marois, disait, ce matin, bien qu'ils
ne s'occupent toujours bien pas du choix des crayons de couleur et de ces
choses-là. Malheureusement oui, ce sont les faits. Ce n'est pas moi qui
le dis, c'est ce qui est dit dans ces rapports-là. Ce n'est pas moi qui
dis ça, là. Pourquoi...
En tout cas, je ne sais pas quoi vous dire plus que ça. Je parle
de dilapidation des fonds. Ce dont je parle, je suis capable d'expliquer qu'il
y a 18 000 $ environ... Sur une subvention de 100 000 $ qui est versée
à une garderie sans but lucratif, je suis capable de vous dire qu'il y a
environ 18 000 $ qui vont expliquer l'écart de tarif entre les garderies
sans but lucratif et les garderies à but lucratif, qu'il y a environ 37
800 $ qui vont expliquer l'écart de salaire entre les
éducatrices. Faites le calcul avec moi
on est rendus à 55 000 $. Si elle reçoit 100 000 $ et plus
de subventions, où va la différence?
C'est la question que je vous pose. Je vous la pose la question.
Indirectement, Mme Lafrance va vous répondre à la deuxième
question, à cette partie de question là, comment on fait, nous,
pour arriver. Je pense qu'elle est capable de vous répondre.
Mme Carrier-Perreault: Avant que Mme Lafrance réponde, il
y a une chose que j'aimerais quand même ajouter. Vous dites que vous me
posez une question. Il y a des choses qu'on sait par rapport à certaines
garderies, certains services de garde, vous êtes sûrement au
courant aussi. Vous ne venez pas ici sans savoir qu'il y a eu certaines
coupures au niveau de l'aide à l'exonération, entre autres, pour
le budget de fonctionnement aussi. On parle de la formule 30-30 qui est
appliquée dans les services de garde à but non lucratif,
là. O.K.? On se comprend là-dessus. Vous savez que la
différence de clientèle, compte tenu de certaines coupures, vient
faire aussi des écarts. Il y a des garderies qui sont en
difficulté aussi aujourd'hui à cause de ce genre de mesures
là, parce que leur clientèle, ces années-ci, est
différente de celle de l'année précédente.
On est en récession économique. Il y a beaucoup de gens
qui, pour toutes sortes de raisons, sont en chômage, sont devenus sur le
bien-être social, finalement ont perdu le droit à
l'exonération. En fait, des places en garderie de moins. Ça,
c'est une possibilité... En fait, c'est une chose qu'on peut
s'expliquer. Je pense qu'on aurait pu aussi le dire, parce que vous êtes
sûrement conscient de cette partie-là aussi. Alors,
j'apprécierais avoir la réponse.
Mme Lafrance (Louise): Je vais commencer par ajouter au
commentaire que vous venez de faire. C'est la même chose pour nous
autres. La récession, on la vit; la clientèle, on en a moins. Par
contre, on réussit à survivre. Je ne vois pas pourquoi... Nous
autres aussi, on se questionne beaucoup sur ce qui se passe dans les garderies
subventionnées, parce que la baisse de clientèle, on la subit.
Ça se compare. Quand on baisse notre clientèle, on baisse aussi
le nombre d'employés, là. On a des ratios à suivre. C'est
la même chose pour eux.
Comment fait-on pour arriver? Moi, je peux vous dire, en tout cas, qu'en
analysant tout ça - puis, dans mon secteur, moi, je suis la seule
garderie à but lucratif, j'ai trois garderies sans but lucratif dans mon
secteur - la grosse différence, c'est l'administration. Moi, je cumule
la fonction de directrice, secrétaire, commis-comptable, tandis que,
dans la garderie subventionnée, ce n'est pas le cas, ce sont des
employés différents. Puis je peux parler pour tous les
propriétaires de garderie, ici. On cumule les fonctions, quand on ne
cumule pas une autre fonction aussi. C'est ce qu'on a choisi de faire, c'est ce
qu'on aime faire. On est contents de le faire parce que c'est notre entreprise.
Par contre, la différence, elle est là.
Nous autres, en tout cas, on se questionne beaucoup à savoir
comment ça se fait que, souvent, les garderies sans but lucratif
arrivent avec des déficits quand, nous, avec les mêmes normes,
avec la même qualité, parce qu'on suit les mêmes
règles et les mêmes inspections... Où est-ce qu'ils vont,
les fonds? Comment ça se fait qu'on n'arrive pas? Moi, la grosse
différence, en tout cas, je suis sûre, peut-être que
d'autres pourront renchérir là-dessus, mais la grosse
différence est l'administration. On prend les bouchées
doubles.
M. Brasseur: On pourrait peut-être se poser la question
inverse: Si, nous, on réussit sans budget, pourquoi les autres ont de la
difficulté à réussir avec des gros budgets?
Mme Carrier-Perreault: C'est parce qu'il y a d'autres questions
aussi qui sous-tendent ça. On peut dire aussi: Où est-ce qu'on
coupe aussi, là? Est-ce qu'il y a la même formation? Est-ce qu'on
va... Bon. Vous me parlez de la gestion, de l'administration. On sait aussi
que, dans la majorité des garderies, dans une bonne majorité de
garderies, la gestion est effectuée par la coordonnatrice. La
façon, la manipulation des livres, tout ce qu'il y a, à la fin
d'année, c'est une étude, une vérification, si on veut,
des états financiers, parce que ça se fait.
Et ça, on a questionné justement, ce matin, les
regroupements, puis, effectivement, il y a des exigences du côté
de l'Office, on exige des bilans et des états financiers dans les
services de garde à chaque année. Alors, c'est facile de voir
s'il y a des possibilités, où est-ce que c'est qu'il y a de
l'abus. C'est un peu dans ce sens-là que j'intervenais. Mais je sais que
mon collègue a des questions aussi, alors je ne voudrais pas abuser, M.
le Président.
Le Président (M. Després): Je vous remercie, Mme la
députée.
Et, pour respecter l'alternance, M. le député de
Montmorency, parce que je sais qu'il reste du temps dans votre enveloppe, je
vais passer la parole au député de Verdun. Ensuite, nous
reviendrons au député de Montmorency.
M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je vais
être relativement bref. J'ai été... Bon, même si je
suis en accord, en grande partie, avec votre mémoire, il y a un point
qui m'a un peu gêné. Vous demandez qu'on ne puisse émettre
des reçus d'impôt qu'aux services de garde qui ont un permis de
l'Office, et ça, c'était pour lutter contre la garde au noir, si
j'ai bien compris. Or, vous savez que, parfaitement
légalement, des gens peuvent garder moins de six enfants chez eux
et émettre des reçus d'impôt.
Alors, ma première question, c'est: Est-ce que, si on limite
simplement aux garderies qui ont un permis, on ne peut pas brimer les parents
qui utilisent ce choix, qui est parfaitement légal, de pouvoir mettre
leurs enfants dans les services de garde... pas les services de garde, mais
chez des individus qui gardent moins de six enfants? Ça, c'est le
premier volet.
Le deuxième volet de cette question, sur la question des
reçus d'impôt, vous voulez les transformer en subventions aux
parents. Sur quels critères on devrait se baser pour déterminer
les parents qui sont aptes à recevoir ces dites subventions, toujours en
étant conscient que, parfaitement légalement, il y a une partie
dès parents qui utilisent des personnes qui ne sont pas des services de
garde, mais des moyens de faire garder leurs enfants, lorsqu'ils les placent
chez des gens qui gardent moins de six enfants? Donc, c'est toute cette
dimension que, sans vouloir brimer, bien sûr, le choix des parents... Et
je suis sûr que vous n'êtes pas quelqu'un qui va défendre le
principe de brimer le choix des parents, compte tenu de ce que je connais de
vous.
M. Brasseur: Pour ce qui est de la question des reçus
d'impôt, nous ne voulons absolument pas empêcher la garde en milieu
familial, six enfants ou moins. Ce qu'on dit, c'est que ces gens-là,
s'ils veulent exercer ce métier-là et permettre aux parents la
déductibilité des frais, devront s'enregistrer auprès de
l'Office des services de garde. C'est en même temps un moyen de
contrôle. S'ils sont enregistrés à l'Office des services de
garde, à ce moment-là, Hs seront en mesure d'émettre des
reçus d'impôt qui seront déductibles et, à ce
moment-là, l'Office saura qu'ils existent et pourra s'assurer qu'ils
respectent bien la loi, c'est-à-dire six enfants ou moins chez eux. Pas
10, pas 15, pas 20, parce que ça existe, à l'heure actuelle.
Ça, ça répond, je pense, à votre question au niveau
des reçus d'impôt.
Nous ne voulons pas, absolument pas éliminer les
différents types de services de garde, mais nous voulons éliminer
- je n'aime pas le mot, je le trouve fort - les discriminations qui existent
à l'heure actuelle, discriminations tant au niveau... Bon! Les garderies
sans but lucratif sont subventionnées, les à but lucratif ne sont
pas subventionnées; la garde au noir n'a pas les frais que, nous, on a,
etc. Même qu'on est rendu encore plus à la mode; dans le
développement qui se fait, maintenant, des garderies privées,
comme on n'a plus le choix d'accorder des permis à des garderies
privées, certaines, qui vont faire partie du plan de
développement, vont recevoir des subventions, vont être
admissibles à l'aide financière aux parents, puis d'autres, qui
ne sont pas sur le plan développement, n'auront même pas droit
à l'aide financière aux parents. On complique encore plus les
choses.
Pour ce qui est des critères de subventions, c'est comme je l'ai
dit tantôt, je pense que le principal critère sur lequel il va
falloir se baser - puis ça, je ne suis pas en mesure de vous donner la
réponse précise, chiffrée, mais je pense que vous
l'êtes - c'est sur une question de revenus, je pense, des parents, le
revenu, la taille de la famille, un peu comme on va regarder, au niveau des
allocations familiales, ces choses-là; les besoins d'une famille
monoparentale, ou que les deux parents soient là, en fonction des
revenus, qu'il y ait des conjoints de fait, ces choses-là. Je pense
qu'on peut établir des critères, mais principalement basés
sur les revenus et sur les besoins familiaux.
À partir de là, c'est un peu sur la base sur laquelle on
fonctionne, à l'heure actuelle, sauf que l'aide financière n'est
pas accessible. Malheureusement, le revenu moyen travaille pour pas grand-chose
quand H est obligé de faire garder ses enfants, c'est-à-dire que
le deuxième revenu, si on veut, ou le revenu le moins
élevé, il n'en reste pas beaucoup sur la paie, à la fin de
la semaine, pour pouvoir faire garder les enfants. (17 h 20)
Je pense que c'est un choix des parents, d'une certaine façon,
d'aller travailler, et il restera ce qu'il restera, sauf qu'on pourrait
peut-être leur permettre qu'il en reste un peu plus. Ça aiderait
peut-être l'économie à bouger. Je pense que, comme les gens
de l'Opposition le disaient tantôt, H y a tellement de places à
développer que, si on a le loisir de pouvoir développer ça
dans un monde de libre concurrence, d'une concurrence loyale envers tout le
monde, bien, on réussira peut-être à créer
énormément d'emplois, nous autres, de notre côté,
puis on aidera peut-être en donnant un petit coup d'épaule
à la roue pour que ça tourne.
M. Gautrin: Vous parlez en termes de revenus des parents,
indépendamment que la personne travaille, est sur le marché du
travail ou non. C'est ça, dans votre esprit?
M. Brasseur: Lorsqu'il y a des critères à
établir quant aux gens qui travaillent ou aux gens qui sont sur le
bien-être social, aux gens qui sont aux études, je pense que c'est
au gouvernement en fonction des autres priorités du gouvernement. Mais
je pense qu'au départ la base de revenus, pour ceux qui travaillent, en
tout cas, est la base primordiale. Ensuite, bien, les autres critères,
c'est plus en fonction aussi des autres politiques. Il ne faut quand même
pas interférer dans les autres politiques du gouvernement.
M. Gautrin: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député de Verdun, M. Brasseur.
La parole est au député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais saluer, bien
sûr, les représentants dans le monde de la garderie qui sont venus
expliquer les revendications au niveau de la garderie en service privé
ou à but lucratif, parce que ce sont tous des services privés. Ce
matin, on expliquait ça, là.
Mais, moi, j'aurais une question très précise. Tout
à l'heure, vous avez soulevé un élément que
j'aimerais que vous expliquiez davantage. Vous avez dit: Le gouvernement du
Québec devrait prendre une entente avec le fédéral au
niveau de la répartition des dépenses. À quoi vous pensiez
quand vous disiez ça?
M. Brasseur: Je faisais juste penser au Régime
d'assistance publique du Canada. On sait qu'à l'heure actuelle le
fédéral va contribuer à 50 % pour les enfants
gardés dans des garderies sans but lucratif. Par contre, il ne contribue
pas pour les enfants gardés par les garderies à but lucratif.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a peut-être moyen de s'entendre pour
dire: Bien, écoutez, on parle des enfants du pays, on ne parle pas d'une
question de sans but lucratif, à but lucratif ou quoi que ce soit. Il y
en a qui ont l'impression que, parce qu'on aide indirectement les garderies
à but lucratif, on finance leurs profits. Bien, écoutez, moi, je
vais vous dire, la recherche et le développement dans les compagnies
pharmaceutiques... Elles sont multimillionnaires et, peut-être
même, milliardaires...
M. Filion: Là, on reste dans le service de la garde
à l'enfance. Je ne veux pas qu'on mélange, comme on dit, les
pommes et les oranges.
M. Brasseur: Est-ce que j'ai répondu à votre
question?
M. Filion: mais si le gouvernement vous répondait: on va
aller vers une entente avec le fédéral sur la politique du
fédéral, qu'est-ce que vous diriez?
M. Brasseur: Sur la politique du fédéral, dans le
sens de ne pas subventionner? Bien, je dirais: Écoutez, on va se
débrouiller avec les moyens du bord, là. Mais je ne suis pas ici
pour débattre de la question de la souveraineté du Québec
non plus.
M. Filion: Non, non. Mais écoutez, ce n'est pas moi qui ai
soulevé l'élément, c'est vous. Vous avez dit: On devrait y
aller avec une entente avec le fédéral. Êtes-vous en train
d'ouvrir une avenue au gouvernement pour dire: Bien, allons-y selon ce qui
existe déjà, et ce serait le Québec qui suivrait
l'harmonisation du fédéral? Autre- ment dit, ce que je veux dire,
est-ce que vous trouvez ridicule le positionnement du fédéral en
services de garde à l'enfance au Québec, au fond?
Mme Caron (Nicole): M. le Président, si je peux ajouter,
on a dit tantôt dans notre mémoire que, même sans l'entente
avec le gouvernement fédéral, simplement en répartissant
les 50 000 $ dont on parlait tantôt, on pouvait créer 22 nouvelles
places. Alors, déjà, c'est un bon pas dans la bonne
direction.
M. Brasseur: Sans l'aide du fédéral, on peut
créer 20 000 places.
M. Filion: Oui. Non, c'est parce que vous avez soulevé
l'élément du fédéral, puis je veux continuer dans
la réflexion parce que c'est important, le fédéral.
Ça nuit considérablement, pas simplement aux services de garde
à l'enfance, hein, en général, à l'économie.
Mais tout le monde soulève le fédéral à chaque fois
qu'on dépose un mémoire, et vous venez de le soulever à
nouveau, et je veux aller dans ce sens-là, parce que vous recommandez
une espèce de régime, aussi, un régime d'épargne
enregistré pour les grands-parents qui pourraient contribuer à un
régime d'épargne, il y aurait une déduction fiscale. Mais
le fédéral est toujours là pour nous hanter parce que vous
savez, au fond, si vous demandez ça au Québec et qu'on vous
l'accordait, par exemple, l'incitation ne serait probablement pas assez grande
parce que, vous savez, il y a le fédéral où on paie de
l'impôt, puis il y a le Québec où on paie de
l'impôt.
Alors, si vous voulez avoir un régime enregistré
uniquement au Québec, comment vous allez faire pour inciter les
grands-parents à dire: Bien, vous allez avoir un retour d'impôt de
20 % pour les montants d'argent que vous allez placer en service de garde, si
vous ne réussissez pas à mettre le fédéral dans le
bain, qui pourrait à la fois contribuer, et là on pourrait avoir
un retour d'impôt peut-être de 45 %, de 50 % des sommes
investies?
Alors, c'est dans cette optique-là que je veux vous entendre
parler, parce que c'est un peu une espèce de voeu pieux. Quand on
traîne le fédéral avec nous et qu'il ne nous suit pas dans
nos politiques de garde, comment voulez-vous qu'on mette en place un
régime comme ça?
M. Brasseur: M. le Président, avec tout le respect que je
dois au député de...
M. Filion: De Montmorency.
M. Brasseur: ...Montmorency, je vais un peu vous répondre
ce que vous m'avez répondu tantôt: Je ne voudrais pas
mélanger les pommes avec les oranges. Je suis ici, moi, pour parler de
budget provincial. À ce que je sache, cette
commission-là doit nous entendre concernant le financement des
services publics au Québec. Alors, je ne veux pas m'embarquer sur le
terrain du fédéral. Ce que je vous dis, c'est qu'à l'heure
actuelle il y a une entente qui existe ou, je ne sais pas, là, en tout
cas, il y a une loi du Régime d'assistance publique du Canada qui fait
en sorte qu'on verse 50 % de l'aide financière aux parents. On rembourse
le Québec. Je ne sais même pas le mécanisme exact. Tout ce
que je sais, c'est que les parents qui fréquentent les sans but lucratif
ont un certain remboursement par le gouvernement et que les à but
lucratif n'ont pas ce type de remboursement.
Comme disait Mme Caron tantôt, par une simple règle de
trois, si vous prenez les 80 000 000 $ qui sont versés, actuellement,
aux garderies sans but lucratif en subventions directes, puis que vous les
versez directement aux parents, à ce moment-là, sans rien
recevoir du fédéral, parce qu'ils sont déjà
dépensés, vous allez peut-être permettre
l'accessibilité de 20 000 enfants de plus dans les services de garde.
Alors, moi, c'est ce que je vous dis, là. Je ne veux pas discuter de
fédéral ou de provincial.
M. Filion: Moi, je suis d'accord sur votre principe, mais, sur le
principe que j'évoquais, c'est beau de vouloir avoir des régimes
d'intéressement ou d'épargne à l'enfance, mais, si vous ne
donnez pas d'incitatifs fiscaux, c'est un voeu pieux que vous demandez. Parce
que, si vous n'avez pas le fédéral dans le coup, comment
voulez-vous qu'on mette ça en place?
Mme Caron (Nicole): M. le Président, l'argent est
déjà dépensé. Présentement, dans les
budgets, la province de Québec le donne, cet argent-là. Tout ce
qu'on demande, c'est de le répartir différemment.
M. Filion: Moi, ce n'est pas à ce niveau-là, c'est
au niveau du régime que vous voulez qu'on crée. Vous voulez qu'on
fasse une espèce de régime d'épargne-retraite, puis on va
appeler ça un régime d'épargne à l'enfance.
M. Brasseur: Je n'ai jamais parlé de ça,
là.
Mme Caron (Nicole): On n'a pas parlé de ça.
M, Brasseur: Mes collègues de l'Association, ce matin, ont
peut-être parlé d'un certain fonds à l'enfance ou ces
choses-là, mais je ne parle pas de ça, moi. Je parle tout
simplement des subventions qui sont versées, actuellement. On verse des
subventions d'aide financière aux parents et on verse des subventions
d'aide financière aux garderies. Moi, ce que je vous dis: Prenez tout
ça et donnez ça aux parents en aide financière, comme
ça existe actuellement, mais élargissez le cadre de l'aide
financière aux parents. C'est tout ce que je vous dis. Je fie parle
aucunement de régime d'épargne-enfant ou de ce qu'on voudra.
Je parte aussi des reçus, des exemptions fiscales dans la loi de
l'impôt du Québec. Je ne parte pas de celle du
fédéral. Il fera ce qu'il voudra, d'une certaine façon.
S'il y a moyen de taire une entente, tant mieux, mais, au niveau provincial, si
les exemptions fiscales permettaient de s'assurer que les enfants sont
gardés dans un réseau de garde reconnu et contrôlé
par l'Office des services de garde, bien, je pense qu'on aurait atteint
là deux objectifs.
M. Filion: Mais comment pouvez-vous dire que le
fédéral fera ce qu'il voudra? On sait, actuellement, qu'il y a
des études où on dit que les dédoublements nous
coûtent 3 000 000 000 $ par an. Puis, là, vous me pariez d'un
montant de 80 000 000 $; moi, je vous parie de 3 000 000 000 $. En même
temps, vous nous soumettez également une double politique, qui est
différente au niveau des services de garde à l'enfance. Le
fédéral a une politique et le Québec en a une autre.
Comment voulez-vous traiter? C'est comme quelqu'un, autrement dit, qui marche
avec une béquille. J'ai l'impression que vous voulez continuer à
marcher avec votre béquille sans vous rendre compte qu'il faudrait
peut-être penser à une façon de corriger le pied qui ne
nous suit pas. C'est pour ça qu'il faut penser à une vision
globale.
M. Brasseur: Écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Després): En conclusion, parce que
le temps est déjà dépassé depuis quelques minutes,
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Une courte, courte
réponse, sinon je devrai...
M. Brasseur: Elle va être très courte. Le
Président (M. Després): O.K.
M. Brasseur: M. le Président, lorsqu'il y aura une
commission sur le financement des services publics au Canada, soyez
assuré que nous nous y présenterons pour tenter d'harmoniser au
maximum les lois fédérales et provinciales, et ce, dans le
meilleur intérêt des enfants du Québec et du Canada. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Després): Merci monsieur. Au nom
des membres de cette commission, j'aimerais remercier le Regroupement des
garderies privées du Québec inc. d'être venu à la
commission sur les finances publiques.
M. Brasseur: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): J'inviterais dès
maintenant les Cercles de fermières du Québec à avancer
à la table de la commission.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 17 h 33)
Le Président (M. Després): J'aimerais, au nom des
membres de cette commission, souhaiter la bienvenue aux Cercles de
fermières du Québec, à cette commission sur les finances
publiques. D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que nous avons une
heure, au maximum, à notre disposition, donc une période maximum
de 20 minutes vous est allouée pour la présentation de votre
mémoire. Après quoi, un échange pourra s'effectuer avec
les membres de cette commission, le temps étant réparti
également, soit 20 minutes pour les députés
ministériels et 20 minutes pour les députés de
l'Opposition.
Je demanderais au ou à la responsable de votre groupe de bien
vouloir se présenter et de nous présenter votre
mémoire.
Cercles de fermières du Québec
Mme Déziel-Fortin (Louise): Merci, M. le
Président.
M. le ministre et Mmes et MM. les députés, avant de
débuter, j'aimerais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent: à ma gauche, Mme Suzanne Paquin,
vice-présidente...
Mme Gauthier-Paquin (Suzanne): Bonjour.
Mme Déziel-Fortin: ...et Mme Yolande Brousseau,
conseillère et responsable du comité culturel...
Mme Richard-Brousseau (Yolande): Bonjour.
Mme Déziel-Fortin: ...à ma droite, M.
Jean-François Crépeau, rédacteur et consultant, et
moi-même, Louise Déziel-Fortin, présidente provinciale.
Les Cercles de fermières du Québec travaillent depuis leur
fondation, en 1915, à l'avancement de la condition féminine et au
mieux-être des familles en milieu rural et en milieu urbain. Notre
association a proposé à ses membres, dès cette
époque, une foule de moyens pratiques leur permettant de donner le plus
de valeur possible à leurs ressources matérielles et
financières. L'apprentissage de nouvelles techniques agricoles, dont
l'apiculture et l'élevage de petits animaux, fut une des
premières contributions des Cercles de fermières du Québec
à l'essor de l'économie rurale d'alors.
Est-il nécessaire de rappeler la participation de nos membres
à la transmission et à l'amélioration de techniques
employées en art culinaire, à la préservation et au
développement de diverses techniques d'artisanat textile devenues
très souvent de véritables métiers d'art? Dans l'un et
l'autre de ces champs d'activité, nous avons non seulement
encouragé la créativité, qui signifiait souvent faire
quelque chose de presque rien, mais nous avons aussi inventé le
recyclage et la récupération bien avant que naissent les
préoccupations écologiques.
Les Cercles de fermières du Québec ont aussi
participé très étroitement à la formation de leurs
membres au principe d'une saine gestion de l'économie domestique,
influençant de cette façon tous les milieux et toutes les
régions où l'association était présente.
C'est donc en toute connaissance de cause que nous nous adressons
aujourd'hui aux membres de la commission du budget et de l'administration dans
le cadre de cette consultation générale sur le financement des
services publics au Québec qui vise à examiner les orientations
à privilégier à court et à moyen terme en ce qui a
trait au niveau et à l'évolution des dépenses
gouvernementales, de la fiscalité, du déficit, des besoins
financiers et de la dette.
Nous vous saluons, mesdames et messieurs, au nom de nos 55 000 membres.
Nous venons vous dire leurs attentes en matière d'économie
publique en général et de fiscalité en particulier. Nous
venons aussi vous dire que nos membres, qui vivent majoritairement aujourd'hui
en zones urbaines - et ici, j'insisterais sur le mot «urbaines»
parce qu'il n'existe plus que 2 % de nos membres qui sont agricultrices - ont
des perceptions et des impressions, des intuitions et des suggestions à
vous faire part pour assainir les finances de l'État et pour
établir une certaine équité socio-économique en
fonction des priorités que le gouvernement s'est données dans sa
politique familiale et dans sa politique d'égalité entre les
femmes et les hommes en ce qui concerne le travail et ses conditions
d'exercice.
Mme Gauthier-Paquin: Le travail des membres. Les épouses
ne travaillaient pas à l'extérieur du foyer conjugal lorsque
notre association a vu le jour il y a 78 ans. Comme on l'a souvent
répété: «Maman travaille pas. A pas le temps, est
trop occupée!» Avec une famille nombreuse, des revenus modestes et
à peine le temps d'accomplir toutes les tâches qu'on leur
confiait, nos mères d'antan n'avaient pas le temps de travailler...
à l'extérieur.
La Première Guerre mondiale a forcé les femmes du pays
à prendre en main l'ensemble de l'organisation familiale dont la gestion
des finances. Puis il y a eu la crise économique que l'on sait. Lorsque
la Deuxième Guerre mondiale a éclaté, la condition
féminine était déjà elle-même défendue
sur la place publique par la voix des suffragettes qui réclamaient les
droits les plus élémentaires. On entendait aussi l'appel des
industries de guerre qui proposaient aux femmes
du travail à l'extérieur du foyer, dans des conditions
leur permettant de concilier leur rôle au foyer et leur emploi en usine.
l_a cause était juste, c'était une raison d'État, la
défense du pays.
La guerre terminée, les usines ont ralenti ou cessé leur
production, mais les femmes ne sont pas rentrées dans leur foyer. Elles
avaient appris à harmoniser le travail maison-usine, elles avaient
expérimenté une certaine autonomie et, parfois,
goûté aux avantages du double salaire. Elles avaient même
été gratifiées du droit de vote. Malheureusement,
l'après-guerre a mal servi la condition féminine; l'industrie ne
réussissait pas à se passer de la main-d'oeuvre des femmes, mais
les reléguait souvent à des emplois mal
rémunérés, dans des conditions parfois
misérables.
Pendant ce temps, de plus en plus de jeunes femmes fréquentaient
les maisons d'enseignement supérieur et les universités. Un
nouveau combat s'annonçait dans des milieux professionnels,
libéraux dans leurs discours mais conservateurs dans leurs actions. Au
Québec, il faudra attendre la Révolution tranquille des
années soixante pour qu'une femme, Mme Claire Kirkland-Casgrain, soit
élue à l'Assemblée nationale et nommée ministre. Il
faudra aussi attendre le mouvement international des femmes et la
création d'un ministère de la Condition féminine pour que
d'importants dossiers soient entendus et qu'on légifère à
la pièce un certain statut de la femme comportant, il va sans dire, une
dimension économique. (17 h 40)
Pourtant, déjà en 1947, une enquête faite
auprès des membres des Cercles de fermières du Québec
estimait que le travail compétent et productif fait à la maison
augmentait de 50 % à 70 % le revenu du mari. «Le progrès de
la ferme et la stabilité du foyer en dépendent souvent»,
écrivait-on à ce moment-là. Lors du Congrès mondial
des femmes rurales tenu au Canada en 1953, une résolution
adressée à l'UNESCO affirmait qu'«éduquer une femme,
c'est éduquer une famille».
En 1965, les Cercles adressent un mémoire au Conseil
supérieur de la famille dans lequel ils constatent que le projet de loi
16 rend la femme majeure, mais n'affirme pas l'égalité des
conjoints. Ce mémoire demande donc qu'à travail égal les
femmes reçoivent un salaire égal à celui des hommes. Notre
association favorise à cette époque le travail à temps
partiel et la formation d'aides familiales. Nous recommandons aussi d'augmenter
les allocations familiales pour encourager le travail de la femme au foyer.
Dans un mémoire intitulé «La famille au
Québec», présenté au ministre des Affaires sociales
en 1976, notre association recommande déjà la mise en place d'une
politique familiale ainsi que l'établissement d'un revenu familial
suffisant pour assurer un niveau de vie décent à chacun si la
mère choisit de demeurer à la maison avec ses enfants pour un
certain temps.
Les demandes des Cercles en matière d'économie ou à
incidences fiscales sont maintes fois réitérées au cours
des ans, tel qu'en font foi les recommandations adressées au
gouvernement dans le document de 1983, «Mémoire d'une politique
familiale». On y retrouve l'accessibilité universelle aux
prêts étudiants, la mise sur pied d'une politique cohérente
de soutien à l'emploi, l'accès au Régime de rentes du
Québec pour les femmes au foyer, l'accroissement des revenus pour les
familles dans le besoin, la création d'allocations de
disponibilité.
L'année suivante, en 1984, notre association dépose un
mémoire qui traite de la situation des femmes au foyer et des
régimes de pension. On y recommande, notamment, la révision du
droit matrimonial pour y inclure des rentes de retraite comme actifs du
ménage - nous tenons à préciser que c'est un acquis - la
résidence familiale choisie par les époux reconnue comme telle
sans être enregistrée - c'est aussi un acquis - le partage
égal entre les conjoints des crédits de retraite, privés
et publics - ici, on peut dire qu'il y a des gains - le partage automatique des
crédits de retraite lors d'un divorce - il y a aussi des gains -
l'exemption pour personne au foyer transformée en crédit
d'impôt, la participation des femmes au foyer au Régime de rentes
du Québec au moyen d'un crédit d'impôt - là aussi,
il y a des gains - la réforme en profondeur des régimes de
retraite, publics et privés - déjà, une partie est
acquise.
Ce mémoire a fini par avoir des effets importants au cours des
ans, et un certain nombre de lois et de programmes gouvernementaux ont
répondu à plusieurs des demandes. Il faut dire que nous
n'étions pas le seul groupe de femmes à formuler de semblables
recommandations et que le poids politique des femmes a commencé,
à cette époque, à peser lourd dans la balance
électorale.
Au cours de toutes ces années, nous avons réclamé
une seule chose pour les femmes en général et les travailleuses
au foyer en particulier: la reconnaissance pleine et entière des droits
des femmes par des modifications en profondeur de toutes les lois et de tous
les programmes gouvernementaux où elles sont directement visées.
Nous croyons que l'autonomie des femmes passe inévitablement par leur
autonomie financière.
Mme Richard-Brousseau: Fiscalité. La fiscalité est
devenue une immense machine régie par un nombre croissant de lois, de
règles et de mesures administratives visant à percevoir d'une
main ce que l'État distribue de l'autre. Dans la perception comme dans
la distribution de ces sommes, il arrive que des principes
d'équité soient remis en cause et que, maigre des règles
strictes, comme celles qui régissent la péréqua-
tion, les pires injustices soient commises.
Les Cercles de fermières du Québec ont souvent
réclamé une plus grande justice fiscale pour tous et même
une révision complète des systèmes fiscaux canadien et
québécois. Faisons ici un bref rappel de nos interventions
publiques en matière de fiscalité, la plupart d'entre elles
étant toujours d'actualité. 1983. nous publions le
«mémoire d'une politique familiale», dans lequel nous
réclamons des revenus accrus pour les familles dans le besoin et une
allocation de disponibilité pour les femmes au foyer qui assurent la
garde des enfants. 1984. le «mémoire sur les femmes au foyer et
les régimes de pension» aborde une dimension importante de la
fiscalité, celle des gains protégés pour préparer
une pension raisonnable permettant une plus grande indépendance des
individus vis-à-vis de l'état. ici encore, notre attention se
porte sur les femmes au foyer, plus vulnérables à cause de leur
statut social précaire et qui le resteront jusqu'à ce que leur
rôle ne soit pas socialement reconnu. la même année, nous
recommandons que les organismes sans but lucratif, comme notre association,
soient exemptés de la taxe de vente et de la taxe sur les repas, des
mesures comparables à certains avantages dont jouissent les entreprises
privées. 1985. au moment où le gouvernement met en place sa
politique familiale et renouvelle la fiscalité des particuliers, nous
recommandons de maintenir le statu quo dans le régime fiscal,
jusqu'à ce qu'il puisse y avoir un véritable débat sur la
question, débat qui n'a toujours pas eu lieu. nous proposons aussi
d'abolir la nouvelle taxe sur les assurances que nous considérions comme
un besoin essentiel, tant pour protéger ses proches et ses biens que son
revenu. 1987. Lors de notre congrès annuel, notre assemblée
générale émet deux recommandations majeures ayant des
incidences directes sur la fiscalité des familles. La première,
adressée au ministre des Finances du Québec, demande d'abolir la
loi transformant les allocations familiales en crédit d'impôt,
d'abolir les exemptions pour enfants à charge, de maintenir
l'universalité des allocations familiales sans changer le rang des
enfants dans leur attribution, d'instaurer un crédit d'impôt
enfants apportant ainsi une aide réelle aux familles qui en ont besoin,
faibles revenus et familles nombreuses, et d'abolir l'assujettissement des
allocations familiales à l'impôt. La seconde recommandation porte
sur les services de garde et demande d'enlever les déductions fiscales
et les subventions relatives aux frais de garde et d'accorder une allocation
uniforme pour tous les enfants jusqu'à l'âge de 12 ans, afin de
respecter les principes d'égalité et de choix des familles.
Toujours en 1987, nous publions un document intitulé
«Fondements de la fiscalité», dans lequel nous dressons la
liste de nos priorités en matière de fiscalité. Toujours
d'actualité, ce document se résume ainsi: premièrement,
que les exemptions personnelles et les exemptions de personnes mariées
soient transformées en un crédit d'impôt remboursable sur
une base individuelle, un pas vers la reconnaissance d'un revenu minimum
garanti et, pour les travailleuses au foyer, une reconnaissance de leur
travail; deuxièmement, que les exemptions pour enfants soient
transformées en un crédit d'impôt remboursable;
troisièmement, maintenir l'universalité des allocations
familiales, soulignant ainsi la reconnaissance socio-économique de la
prise en charge d'enfants. C'est là la seule forme
d'équité horizontale et de reconnaissance du coût
d'entretien des enfants assurée par un paiement de transfert. 1988. dans
l'avis que nous émettons sur le document d'orientation «pour une
politique de sécurité du revenu», nous demandons au
gouvernement d'harmoniser cette politique avec l'ensemble des lois et des
programmes sociaux en vigueur, ce qui implique une réforme
législative en profondeur.
(17 h 50) 1989. nous recommandons de modifier la loi en faveur des
parents mariés qui ont les mêmes besoins financiers pour leurs
enfants que les parents séparés ou divorcés, lesquels
profitent d'une déduction fiscale pour la pension alimentaire. pour
nous, c'est là la plus élémentaire justice fiscale
à l'endroit des parents légalement mariés. 1990. dans le
même ordre d'idées, nous demandons au gouvernement
fédéral de ne pas appliquer la taxe sur les produits et services,
la tps, mais plutôt d'abolir certains avantages ou abris fiscaux qui
profitent d'abord aux mieux nantis de notre société. nous
recommandons aussi que l'exemption personnelle du conjoint au foyer soit
équivalente à l'exemption personnelle de base de toute personne
salariée, et ce, afin d'éliminer la disparité entre les
couples à revenu unique et ceux à double revenu. et cette
exemption-là, de conjoint au foyer, comme de la personne
salariée, en 1992, je crois, est exactement de 5780 $, soit égale
pour les deux. c'est la même chose pour 1989 où, maintenant, on
peut dire qu'il y a eu égalité pour les gens mariés et les
personnes qui vivent comme conjoints de fait. 1991. au congrès
provincial de rimouski, nous demandons au ministère du travail du
québec d'adopter le plus tôt possible une loi pour qu'à
travail équivalent le salaire soit égal, et ce, dans tous les
secteurs d'activité. nous voulons que l'état mette en place des
mesures pour que cette loi soit appliquée de façon efficace.
1992. une des recommandations de notre congrès provincial annuel veut
que le ministère des finances du québec reconnaisse dans le
produit national brut la valeur du travail des femmes au foyer et accorde le
droit à la régie
des rentes du Québec pour les travailleuses au foyer.
Nous le redisons et nous insistons, l'autonomie des femmes passe
nécessairement par l'autonomie financière. Un corollaire de cette
affirmation, c'est que t'indépendance de la famille passe aussi par une
question de gros sous. Or, depuis plusieurs années, la politique fiscale
des gouvernements n'a pas toujours été en harmonie avec divers
aspects de la politique familiale.
Mme Déziel-Fortin: Alors, en conclusion, M. le
Président. Les Cercles de fermières du Québec
n'hésitent pas à dire que l'ère de
l'État-provi-dence est révolue et qu'il faut rationaliser les
dépenses gouvernementales. Nous croyons que le principe directeur devant
guider les activités économiques gouvernementales afin d'en
accroître l'efficacité doit reposer sur la mise à jour et
l'harmonisation des politiques, des règles et des mesures
administratives en fonction des besoins minima réels de la
société québécoise et de la capacité de
payer de l'État. Ce pouvoir de dépenser dépend largement,
nous le savons, de mesures fiscales dont le poids est devenu insupportable pour
plusieurs citoyens et citoyennes, notamment au niveau des taxes sur certains
biens et services, et il faut donner un nouvel équilibre à
l'ensemble des finances publiques.
Parmi les règles entourant ce principe directeur, il ne faut pas
oublier qu'à travail égal les femmes méritent un salaire
égal à celui des hommes. Il faut aussi garder en tête
qu'une politique familiale à laquelle est reliée une perspective
nataliste exige des engagements financiers assurant un niveau de vie
décent aux femmes qui choisissent d'avoir des enfants et de demeurer
à la maison avec eux pour un certain temps. Quant à la
participation des femmes au foyer au Régime de rentes du Québec,
un dossier noir dont nous faisons état en annexe, nous persistons
à croire que c'est le seul moyen de reconnaître le travail de ces
femmes et d'encourager la maternité. Enfin, la grande famille de
l'État doit donner l'exemple et se serrer la ceinture en
réduisant sensiblement ses dépenses d'opération et en
favorisant la productivité, la créativité et le recyclage
à tous les niveaux.
Le Président (M. Després): Je vous remercie
beaucoup, Mme Fortin, pour cette présentation.
Je passerai maintenant la parole au président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Oui, en vous remerciant, madame, mesdames et
monsieur, pour votre présentation ici aujourd'hui. Je suis
extrêmement heureux de voir que vous reprenez à votre compte
certaines des expressions qu'on retrouve dans le document que nous avons
publié le 19 janvier dernier sous le titre «Vivre selon nos
moyens». Vous parlez de l'État-providence, vous parlez des
restrictions budgétaires, des efficaci- tés, de la
productivité et du recyclage, vous le mentionnez notamment en
conclusion, mais vous l'avez évoqué à d'autres endroits.
vous parlez donc de la responsabilité fiscale qu'on doit avoir comme
citoyen lorsqu'on consomme des services par rapport aux citoyens que nous
sommes également parce qu'on paie pour ces services-là,
d'établir ce lien-là de responsabilité fiscale entre nous
tous. vous en déduisez probablement, quoique ce ne soit pas l'objet de
votre mémoire, que le diagnostic que nous avons posé sur les
finances publiques, et dont on parle largement en amérique du nord, pour
ne pas dire dans le monde industrialisé, est exact, que les
gouvernements ont atteint un niveau d'endettement, de dettes donc, qu'on
supporte tous et qui est considérable, et qu'on doit faire des efforts
pour vivre, vous le dites vous-même, à l'intérieur de nos
moyens.
Cependant, j'aimerais que vous réconciliez pour moi cette
conscience-là, que vous avez, des efforts qu'on peut faire et qu'on doit
faire avec les demandes que vous nous faites. Vous avez eu un certain
succès avec vos demandes. Vous avez toujours trouvé une oreille
attentive auprès des gouvernements depuis de nombreuses années.
Vous représentez, avec beaucoup de dignité, d'enthousiasme et de
vigueur, les intérêts de tous vos membres. Vous pouvez, à
juste titre, compter, parmi les gains que vous avez faits, celui du partage du
patrimoine familial, il n'y a aucun doute, le partage du régime de
retraite et d'autres aspects de la politique de soutien à la famille que
vous avez longtemps demandée. Alors, comme vous voyez, lorsque c'est
faisable - j'y arrive - on peut donner suite à vos demandes.
Mais, là, j'essaie de réconcilier la responsabilité
fiscale, que vous nous exhortez d'exercer, avec deux demandes où, je
trouve, personnellement - si je me trompe, vous me le dites -
l'équité, soit entre les générations, soit entre
les mêmes gens qui ne sont pas dans les mêmes situations familiales
ou personnelles, requiert de les observer; l'équité, par exemple,
dans le dossier du Régime de rentes du Québec, à l'endroit
des femmes qui sont sur le marché du travail et à qui on
demanderait une hausse de cotisation, à l'endroit de celles qui
bénéficieraient du Régime de rentes du Québec, si
on suivait vos recommandations... Enfin, on évalue ça à
500 000 000 $ pour cette année, sans rétroactivité.
Ça commence à être beaucoup de sous. Vous vous rendez
compte de l'ampleur du problème et de la faisabilité, d'abord,
financière; je pense que la prédécesseure de ma
collègue l'a déjà indiqué en 1989, quant à
la faisabilité de cette admission au RRQ. Deuxièmement,
l'équité, purement et simplement, que j'évoque, entre
celles qui sont encore au travail et celles qui bénéficieraient
du Régime ayant atteint l'âge de la retraite suite à une
vie très active, mais qu'on a reconnue, je le dis tout de suite,
d'autres façons, par certaines prestations, par, notam-
ment, le partage du patrimoine familial, ce qui n'est pas
négligeable comme gain social.
Le deuxième problème d'équité, celui du
traitement fiscal à l'endroit de la déductibilité pour un
débiteur de la pension alimentaire qu'il paie en cas de
séparation ou de divorce. Je dis «équité»
parce que, de toute façon, ce que l'État recherche lorsqu'il va
chercher des impôts, c'est d'aller chercher ça dans les mains de
celui qui a les moyens de payer, celui ou celle qui a les moyens de payer
l'impôt. Que des gens soient mariés ou séparés, il
est entendu qu'ils ont, tout confondu, un revenu. La question est de savoir qui
détient le revenu et peut, donc, payer l'impôt qui s'y rapporte.
Si un jugement de cour est intervenu et qu'il y a une pension qui est payable
au conjoint, il est entendu que celui qui, dès lors, a la
capacité de payer l'impôt, c'est le conjoint qui a reçu,
évidemment, la prestation et non celui qui l'a versée, par la
force des choses. Alors, il me semble qu'il y a un problème
d'équité dans une couple de vos suggestions. Si vous aviez
l'amabilité de peut-être redresser l'impression que vous avez
laissée sur ces deux demandes-là. (18 heures)
Mme Déziel-Fortin: En fait, M. le Président, au
niveau du Régime de rentes du Québec, je voudrais peut-être
rétablir qu'on sait bien que c'est difficile dans la situation où
on est actuellement, mais je pense que c'est une reconnaissance du travail de
la femme au foyer, une reconnaissance du rôle social. Je pense qu'il y a
peut-être des moyens autres, mais je pense que vous avez quand même
des fiscalistes pour les déterminer. Il y a des moyens autres qui
pourraient... Ça pourrait être comptabilisé, en fait, cette
reconnaissance-là, que ce soit mis avec des chiffres, sur papier. Alors,
c'est dans ce sens-là.
Une autre chose. On veut aussi que nos personnes... C'est sûr
qu'on est dans une transition actuellement. On a des personnes plus
âgées, que notre association représente, des personnes de
50 ans, des femmes de 50 ans et plus, et tu as, par contre, des jeunes qui sont
sur le marché du travail et qui participent au Régime de rentes
du Québec. Nous, c'est peut-être cette partie-là qu'on
essaie... parce qu'on sait très bien que, pour les femmes en haut de 50
ans, il n'y a aucune sécurité actuellement, et on voudrait
qu'elles aient une retraite sereine, qu'elles n'aient pas à vivre dans
la pauvreté.
Le moyen qu'on pourrait utiliser pour favoriser la maternité, ce
serait peut-être, quand la jeune mère travaille, de mettre un
temps x - par exemple, disons trois ans, peut-être cinq ans, le temps
qu'elle a un bébé et, par la suite, deux ou trois ans - afin
qu'elle ne perde pas tous les droits de participation au Régime de
rentes du Québec. Alors, c'est dans ce sens-là; on l'a un peu
transformé. Bien sûr, on veut être équitables, c'est
bien évident, pour toutes les couches de la société, je
pense, pour tous les âges de la société, et je pense que
c'est dans ce sens-là qu'on voyait qu'il y aurait peut-être
quelque chose à y avoir, pour encourager la maternité du
moins.
Il y a une autre chose qu'on pourrait dire aussi au niveau d'un statut
qui a été racheté, au niveau de leurs droits; exemple, les
ex-religieux et religieuses qui ont été capables à un
moment donné de racheter. Moi, je pense qu'il y aurait à se
pencher là-dessus et sûrement à être équitable
au niveau des personnes un petit peu plus âgées.
M. Johnson: Alors...
Mme Richard-Brousseau: Je m'excuse.
M. Johnson: Je vous en prie, madame.
Mme Richard-Brousseau: Je pense qu'il y aurait aussi la
possibilité de permettre aux personnes qui le désirent et qui
sont travailleuses au foyer de contribuer au Régime de rentes du
Québec. Alors, quand elles arriveraient à leurs 60 ans, elles
auraient la possibilité de recevoir elles aussi. Elles auraient
participé, elles auraient eu le droit de contribuer tout au long de ces
années et, quand viendraient les 60 ans, à ce moment-là,
elles seraient participantes, elles recevraient une part.
Le Président (M. Després): Merci. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Merci. Je vais laisser la place à
d'autres.
Le Président (M. Després): O.K. Pour respecter la
règle de l'alternance, la parole est...
M. Johnson: À moins que Mme Fortin voulait peut-être
ajouter?
Le Président (M. Després): Ah! O.K. Excusez-moi.
Mme Fortin.
Mme Déziel-Fortin: M. le Président, je m'excuse,
parce que M. Johnson m'avait posé la question au niveau des pensions
alimentaires qu'il y avait à acquitter, la deuxième question. Je
pense que, si c'est donné, dans le sens que c'est remis à la
femme, je pense qu'on n'a pas... Il faut quand même qu'elle paie de
l'impôt. Mais, si c'est remis pour l'enfant, je pense que là c'est
différent. Parce que vous savez, au niveau des taxes... En tout cas, je
sais qu'on avait une recommandation, à un moment donné... Les
chaussures des enfants, le linge, les vêtements sont taxés,
actuellement; je pense que c'est inacceptable, là.
M. Johnson: Ce qu'on cherche, c'est de faire en sorte que les
contribuables, dans des situations comparables, soient traités de la
même
façon.
Mme Déztel-Fortin: Oui.
M. Johnson: Et, si le couple vit ensemble, qu'il y ait un revenu
ou deux revenus, peu importe, il en consacre une partie, de toute façon,
aux dépenses des enfants et ce n'est pas pour autant déductible
sur l'impôt de l'un ou l'autre. La situation que vous réclamez,
c'est que ça soit non taxé dans les mains, évidemment, du
récipiendaire, si on veut, qui utiliserait cette somme pour les enfants.
Mais il s'ensuivrait, en conséquence, que ça ne pourrait pas
être déductible non plus pour celui qui est le débiteur et
qui est le payeur. Mais quelqu'un quelque part devra payer l'impôt sur
cette somme-là, et le principe fiscal vise à faire en sorte qu'on
va chercher l'impôt chez celui qui a l'argent pour le payer.
Alors, qu'on soit séparé ou pas, si une somme est
utilisée à l'égard d'un enfant - et elle Test, de toute
façon, en partie - ça devrait être le même traitement
fiscal. C'est ce que j'indique et c'est là que je voyais un peu
dïnéquité, sinon carrément de
l'Inéquité dans votre proposition. Enfin, on pourra poursuivre,
je ne veux pas éterniser ça là-dessus.
Mme Déziel-Fortm: D'accord.
M. Johnson: je voulais vous faire part de mes commentaires et
j'ai entendu les vôtres, alors ça va aller. je vais laisser la
place à d'autres.
Le Président (M. Després): Merci, Mme Fortin et M.
le président du Conseil du trésor. La parole est à la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique,
et je veux vous féliciter pour fe travail d'animation, parce que je
pense que c'est d'abord cela que vous faites dans votre milieu, et
d'éducation aussi en profondeur avec des femmes qui se sont
impliquées dans leur collectivité. Je pense que, grâce
à des mouvements comme les vôtres et comme d'autres qui existent,
bien sûr, au Québec, on fait avancer la cause de la reconnaissance
de l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est sûrement
fondamental dans une société comme la nôtre.
En fait, c'est intéressant parce que vous abordez des
thèmes qui justifiaient la tenue de cette commission parlementaire, soit
les mesures fiscales sous forme de taxation directe sur les produits et
services - on vient d'en parler - ou sous forme de prélèvement
sur les revenus. Vous abordez le coeur du débat qui devrait animer nos
discussions. Il faut cependant se dire que, depuis le début de nos
travaux, nous parlons bien peu de fiscalité et beaucoup de
dépenses publiques. C'est un peu dommage, parce que ça donne
lieu, effectivement, je dirais, à des attitudes de la part du
gouvernement qui amènent les groupes à entrer en confrontation
plutôt qu'à se concerter pour essayer de trouver des solutions aux
problèmes réels auxquels nous sommes confrontés à
l'égard des finances publiques.
Cela étant dit, je vais rappeler une première chose, et je
suis persuadée que vous vous attendiez à ce que je le fasse
aujourd'hui. Je n'avais pas été assez téméraire en
1984, lorsque nous avons publié un document concernant la réforme
des régimes de rentes publics, je n'avais pas été
téméraire à ce point de promettre que nous allions
accéder à la participation des personnes au foyer au
Régime de rentes du Québec. Malheureusement, ceux qui nous ont
suivis l'ont fait, mais n'ont pas livré la marchandise, puisque, en
1985, ils vous avaient promis de le faire - vous le rappelez très
justement dans le mémoire - mais ils sont arrivés à la
même conclusion à laquelle j'étais arrivée et
à laquelle notre gouvernement était arrivé. Ça a
pris juste six ou sept ans pour le faire.
C'est un peu dommage parce que, dans le fond, c'a fart que le
débat a traîné sans qu'on ne cherche réellement des
solutions, et je pense qu'effectivement il peut y en avoir du
côté, probablement, de politiques de transfert et en regardant nos
mesures fiscales, mais probablement pas et sûrement pas, à mon
point de vue, par le véhicule qu'est le Régime de rentes du
Québec. Voilà pour une chose.
Deuxième élément. Dans votre document, vous faites
référence à beaucoup de projets, de recommandations
auxquels vous avez procédé. Je pense que c'est
intéressant. Vous avez fait, dans votre présentation, le bilan:
Voilà, on a obtenu ça ou une partie de ça a
été corrigée, etc. Ce qui ressort cependant, c'est une
espèce d'incohérence entre, dans le fond, les batailles...
c'est-à-dire l'incohérence des gouvernements à
l'égard des politiques fiscales, dans le sens que ça vous
mène à mener une bataille sur un front, par exemple, au niveau du
Québec, que ce soit pour l'universalité des allocations ou pour
les crédits d'impôt, peu importent les mesures, et à mener
une bataille sur un autre front, qui est celui du fédéral, qui
apporte des modifications à ses régimes fiscaux ou à ses
régimes de taxation qui sont contradictoires parfois avec certaines
mesures prises par le gouvernement du Québec.
J'ai relu votre mémoire présenté à la
commission Bélanger-Campeau; vous y allez timidement, mais ce qui
ressort, c'est que vous dites: II serait peut-être intéressant
qu'on ait une approche un petit peu plus intégrée des mesures que
l'on applique à l'égard des familles, des femmes, des hommes et
des enfants. Dans ce sens-là, j'aimerais vous entendre sur le fait que
vous avez vécu des représentations, vous avez fait des
représentations à l'un ou l'autre des
niveaux de gouvernement. Est-ce que vous avez senti cette
incohérence dans les mesures qui, à l'occasion, se sont
appliquées et qui ont été prises par les niveaux de
gouvernement que sont Ottawa et Québec? (18 h 10)
Mme Déziel-Fortin: Pour répondre, M. le
Président, je pense qu'on a des acquis, on a des droits qui sont
gagnés, mais ils sont gagnés à la pièce. Alors, ce
n'est pas harmonisé dans l'ensemble, que ce soit au Québec ou au
fédéral, et ce n'est pas tout à fait... Ils ne sont pas
adaptes, ni plus ni moins. Alors, c'est par projet individuel. On en a des
acquis, il en a quand même résulté, vous l'avez vu compris
dans le mémoire, mais c'est toujours à la pièce, ce n'est
pas harmonisé, ce n'est pas intégré. Et c'est là
que ça devient, à un moment donné, incohérent, et,
s'il y a de l'incohérence, il y a de l'injustice, à un moment
donné.
Alors, c'est là-dessus qu'on est vraiment un petit peu... On
vient fatigués aussi de dire: On est là, on est en place, on
demande. Puis je pense que nos demandes sont quand même raisonnables, et
c'est toujours à recommencer. On revient à la table et, oui, on
en a un peu, on a quelque chose, on nous donne une partie du gâteau, mais
je pense que ce n'est pas facile. On revient toujours à dire que, dans
la situation économique actuelle, je pense qu'on est prêts
à accepter, à réparer des trous, mais je pense que,
là, ça va être un petit peu... On peut donner comme exemple
les routes actuellement, qu'il y a beaucoup de trous dans les routes. Mais,
actuellement, je pense qu'il faut faire un petit peu plus que ça, il
faut donner quand même une couche un petit peu plus importante, qu'on ne
pense plus aux petits trous qui peuvent exister.
Mme Marois: Parce qu'il m'apparait, depuis le début de nos
travaux, qu'il y a une analyse qu'on se refuse un peu à faire, et c'est
un peu agaçant au plan, d'une part, intellectuel, mais aussi au plan de
chercher des résultats aux travaux qu'on mène ensemble. Il y a
une analyse qu'on se refuse à faire et qui est le fait que deux
gouvernements, avec des politiques qui sont parfois incohérentes ou qui
empiètent les unes sur les autres, sont autant d'économies qui
pourraient être faites si on regroupait un certain nombre de politiques.
Entre autres, en matière fiscale, c'est à l'évidence,
ça saute aux yeux quand un gouvernement choisit un modèle et que
l'autre s'en sert pour imposer, que ce soit les allocations familiales ou autre
chose. On dit: Ce n'est plus le cas maintenant. Mais ça l'a
été à un certain moment. On doit au moins avoir
l'honnêteté de se poser la question et de regarder ce qu'on
pourrait aller économiser là si un seul gouvernement intervenait.
Au moins, que les champs d'action soient délimités.
Vous le mentionnez d'ailleurs dans vos documents à cet
égard-là. Vous parlez des programmes qui s'adressent aux femmes
qui vivent un congé de maternité, c'est-à-dire qui vivent
une maternité et qui sont prises sous deux régimes qui ont des
incohérences absolument inacceptables. Alors, dans ce sens-là, je
pense que c'est une avenue que, actuellement, on met trop facilement de
côté et qui nous permettrait d'aller économiser des sommes
considérables. D'ailleurs, tout au long des jours qui restent à
la commission, on en fera un certain nombre de démonstrations.
J'aimerais ça vous entendre un petit peu, parce que vous avez
vécu des expériences, justement, de représentations
à cet égard-là et vous en parlez de ce congé de
maternité que vous aimeriez pouvoir retrouver entre les mains d'un seul
gouvernement. Il ne s'agirait pas nécessairement d'augmenter les
ressources pour ce congé-là, mais que la façon dont on
applique les règles fasse en sorte qu'il y ait des économies
d'énergie et de gestion.
Mme Déziel-Fortin: M. le Président, je pense que
c'est peut-être difficile pour nous de trancher la question. En fait,
vous nous demandez ni plus ni moins: Est-ce que, si on élimine le
fédéral, le provincial est capable d'endosser des programmes,
peut-être en étant tout seul, des programmes plus...
Mme Marois: Qu'on ne l'élimine pas complètement
mais qu'au moins on délimite bien les champs d'action pour qu'on ne soit
pas deux à être dans les mêmes plates-bandes. C'est
ça ma question.
Mme Déziel-Fortin: Ça, je serais bien d'accord.
C'est bien sûr, je serais bien d'accord à ce que ça soit
bien défini et qu'il n'y ait pas un dédoublement, à un
moment donné, de services qui coûte très cher.
Mme Marois: D'accord. Je trouve ça intéressant
parce que je sais que vous en avez fait des représentations, pour avoir
travaillé, sinon avec vous directement, avec celles qui vous ont
précédée à cette fonction.
Je veux juste refaire un petit commentaire et j'aurai terminé, M.
le Président, en ce qui me concerne. C'est sur cette fameuse
déduction que le mari peut prendre, que l'ex-conjoint, disons, peut
prendre lorsqu'il verse une pension alimentaire à sa conjointe. La
conjointe, elle, est imposée pour l'ensemble de cette pension qu'elle
reçoit. Je pense que la distinction que l'on fait, qu'il faudrait
essayer d'être capable de saisir et dont il faudrait tenir compte, c'est
le fait qu'on dise qu'une partie de cette pension qui est versée est
versée aux fins de reconnaître la présence d'enfants dans
la famille. Et donc, à cet égard-là, on ne devrait pas la
traiter fiscalement comme on le fait maintenant. Je comprends bien le sens de
votre recommandation
dans ce sens-là.
Mme Déziel-Fortin: Oui, c'est bien juste, M. le
Président. J'aimerais rajouter ici que, actuellement, il y a une
démarche qui est entreprise au niveau de la Cour suprême,
alors...
Mme Marois: Oui.
Mme Déziel-Fortin: ...on va suivre ça
attentivement.
J'aimerais ajouter, au niveau du Régime de rentes du
Québec, pour préciser, parce que, pour nous, c'est un dossier
noir, mais j'aimerais que vous gardiez quand même l'image du
Régime de rentes du Québec pour la femme au foyer. Maintenant, on
vise, nous... On sait qu'on l'a mis de çôt|é, c'est
peut-être impossible, mais, comme on dit, il y a sûrement des
avenues, il y a sûrement des possibilités. Nous, on défend
la famille, on défend la maternité, et je pense que p'est
important. Par contre, on sait très bien que, de plus en plus, on
recrute de jeunes membres, alors c'est pour eux autres qu'on travaille.
On a aussi un groupe de femmes qui sont de 50 ans et plus, puis elles
sont actuellement très pauvres, elles n'ont pas de revenus, elles sont
insécures, puis il me semble qu'il y aurait quelque chose à faire
pour ces femmes-là. Alors, il y aurait, je pense, à y penser dans
l'établissement des dépenses, des programmes et des partages au
niveau des finances.
Mme Marois: Je suis d'accord avec vous, madame. Mais, si on
n'avait pas fait miroiter le fait qu'on puisse participer au Régime de
rentes, on aurait pu travailler peut-être un petit peu plus activement,
immédiatement, à chercher des solutions dans le sens de ce que
vous proposez.
Le Président (M. Després): Mme Fortin, merci
beaucoup, et Mme la députée de Taillon.
Je passe maintenant la parole au député de Verdun.
M. Audet: Beauce-Nord.
M. Gautrin: Beauce-Nord, d'abord.
Le Président (M. Després): Ah! Excusez. Je viens de
m'apercevoir que le député de Verdun a laissé son droit de
parole au député de...
M. Audet: Pas du tout.
M. Gautrin: Pas du tout, du tout. C'est Beauce-Nord qui avait
demandé le premier, M. le Président.
Le Président (M. Després): Vous interviendrez pas
la suite, très bien.
Donc, la parole est au député de Beauce- Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour
de souhaiter la plus cordiale bienvenue aux Cercles de fermières. Je
dois dire qu'entendre parler du Cercle de fermières, dans mon cas, ce
n'est pas nouveau, puisque ma mère a été secrétaire
d'un cercle, chez nous, je pense que c'est pendant 16 ans. Alors, je connais
très bien les Cercles de fermières, tout ça. En prenant
connaissance de votre mémoire, ça me rappelait certains
souvenirs, lorsque vous rappelez la participation de vos membres à
l'amélioration, à la transmission de techniques employées
en art culinaire. Par exemple, bon, je sais que, si ma mère,
possiblement, n'avait pas fait partie de ce cercle-là, aujourd'hui, je
ne pourrais peut-être pas dormir dans la chaleur d'une Catalogne
tissée au métier.
Ce que je voulais dire avec ça, c'est que j'ai été
aussi surpris quand vous dites que majoritairement vos membres, aujourd'hui, se
retrouvent en zone urbaine, contrairement à dans le passé,
où on retrouvait surtout les Cercles de fermières actifs dans les
zones rurales. Et j'ai eu l'occasion de lire un article, je crois, lorsque vous
avez été élue présidente, madame, je crois, c'est
environ il y a un peu plus d'un an. peut-être, ou il y a un an à
peine. Je ne me souviens pas.
Mme Déziel-Fortin: Au mois d'août.
M. Audet: Bon. Alors, vous disiez, à ce moment-là,
que vous vouliez réorienter les Cercles de fermières dans
d'autres dossiers. Je me rappelle vaguement, mais, enfin, ce que je veux dire,
c'est que, quand je réfère à votre mémoire, dans
l'introduction, par exemple, vous parlez de votre participation auprès
de la communauté, de recyclage, entre autres. Vous parlez de
préoccupations écologiques, parce qu'on récupérait
du vieux linge, parfois, pour en faire des matériaux
intéressants, en faire de belles choses. Aujourd'hui, depuis quelques
années, on peut dire, par exemple, les 10, 15, 20 dernières
années, on a vu beaucoup de groupes communautaires émerger,
surtout en milieu urbain. En milieu rural, les Cercles des fermières ont
toujours joué des rôles importants auprès des mères
de famille, par exemple, sur des conseils - on le mentionne dans votre
mémoire - en art culinaire, les enfants, tout ça. Est-ce que vous
avez l'intention de revenir un peu à ce rôle-là?
Parce que, si on regarde, on dit: Les fermières, hormis, je
pense, l'enveloppe que le député a, où on donne, par
exemple, à tel cercle de fermières un montant qui peut varier
selon les comtés... Là, je ne dévoilerai pas le montant
que je donne au mien, ça va peut-être faire des jaloux, mais,
enfin, ce que je veux dire, c'est qu'on s'est accommodé toujours
bénévolement
d'aider les autres dans les régions rurales sans que ça
coûte des dollars considérables ou des fortunes
considérables à la société. On le faisait dans le
but de s'entraider, d'aider les autres, et tout ça. Est-ce que c'est un
rôle que vous voulez reprendre, un peu, dans la société?
(18 h 20)
Peut-être qu'en milieu urbain c'est plus difficile, mais, quand
même, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, selon moi, si
on redéveloppe, on responsabilise nos citoyens et nos citoyennes
à s'impliquer dans le milieu en faisant don de soi, par de judicieux
conseils, comme on le faisait dans le passé, je pense qu'il y aurait
peut-être là une économie à faire et je pense que ce
rôle-là, d'éducation et d'éducatri-ces, que vous
avez toujours tenu depuis votre naissance, est important à cet
égard-là. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Je veux juste poser ma deuxième question immédiatement, et
peut-être que vous pourrez enchaîner. Dans votre mémoire,
à la page 8, vous dites en haut: «Or, depuis plusieurs
années, la politique fiscale des gouvernements n'a pas toujours
été en harmonie avec divers aspects de la politique
familiale.» Si on réfère au document qui a
été publié avant cette commission-là et aux
engagements, non seulement aux engagements, mais notre gouvernement
s'était fait un objectif, par exemple, d'aider les familles. On a
réduit considérablement l'impôt, par exemple, au niveau des
familles. Si on regarde une famille en 1986, par exemple, un couple de deux
enfants commençait à payer le premier dollar d'impôt
à partir de dix mille et quelques centaines de dollars. Aujourd'hui, le
seuil a été haussé, de sorte que le même couple
commence à payer des impôts à partir de 26 000 $.
J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, parce que j'ai un peu
sursauté là-dessus. Si on regarde l'aide que notre gouvernement a
apporté à la famille, soit par des indexations ou une
bonification, par exemple, des allocations familiales pour les enfants de
deuxième et troisième rang, et tout ça, c'est une somme de
plus de 2 000 000 000 $ qui a été retournée aux familles.
Alors, ça va un peu à rencontre de ce que, nous, on pense de ce
côté-ci. J'aimerais vous entendre la-dessus, sur ces deux
points-là.
Le Président (M. Després): Mme Fortin.
Mme Déziel-Fortin: M. le Président, au niveau des
femmes, 2 % des femmes agricultrices actuellement. Ce n'est pas qu'on renie
l'agriculture; d'ailleurs, on ne l'a jamais abandonnée, mais, par la
force des choses... Il y a un organisme qui s'est établi, qui s'appelle
la Fédération des agricultrices, et ça répond
beaucoup plus à leurs demandes. Alors, c'est bien sûr qu'on a une
partie de nos membres, à un moment donné, qui sont entrées
à la Fédération des agricultrices parce qu'elle
défend des droits strictement réservés aux agriculteurs,
alors que, nous, on avait d'autres priorités. Parce qu'a un moment
donné notre champ est très large: on défend la famille, on
défend la femme, on défend... Bon, c'est un travail quand
même très large, là, comme clientèle. Mais, à
un moment donné, il faut justement, peut-être, faire des
créneaux, dans le sens qu'il faut s'ajuster.
Je pense que, moi, pas du tout je renie l'agriculture, ce sera toujours
une préoccupation, mais je pense qu'il y a une association qui s'occupe
de leurs droits, qui défend leurs droits. Alors, c'est dans ce
sens-là. Mais ce n'est pas du tout notre priorité de laisser
tomber les femmes en agriculture. Le bénévolat est important pour
nous, c'est un point de vue que l'on peut envisager. Est-ce que ça
répond à votre question, monsieur?
M. Audet: Oui. Finissez, et je reviendrai.
Mme Déziel-Fortin: Au niveau de la page 8, au sujet de la
politique fiscale des gouvernements qui n'a pas toujours été en
harmonie, c'est bien sûr, on n'est jamais content. Ça, c'est bien
sûr. À un moment donné, on en voudrait toujours un peu
plus. Par contre, c'est parce qu'on a été obligé de
raccourcir notre lecture, mais vous allez voir que, si vous continuez la
lecture à la page 8, ça s'est rajusté - d'accord? - au fil
des ans. Alors, comme je le disais tantôt, il y a des acquis, on est
très content, mais on veut les conserver, ces acquis-là. Alors,
je pense que c'est un point à considérer au niveau du budget des
finances. Qu'est-ce qui est acquis, bien je pense que c'est de laisser
ça en place actuellement.
M. Crépeau (Jean-François): D'ailleurs, à ce
niveau-là, M. le Président, si on pouvait demander aux
ministériels... Dans le budget présenté pour 1992-1993 par
le ministre des Finances, il établissait, entre autres, des points
d'importance en ce qui concerne la famille; entre autres, la reconnaissance du
fait que toutes les familles supportent les responsabilités
financières, la nécessité d'accorder une attention
spéciale aux familles à faibles revenus et l'importance de
soutenir plus particulièrement les familles plus nombreuses. On se
questionnait, et ça va dans le sens de la question de M. le
député de Beauce-Nord: Est-ce qu'on doit comprendre un ordre de
priorité ou... Je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui pourrait nous
éclairer dans ce sens-là. Est-ce qu'on parle de toutes les
familles ou si, ensuite de ça, on ajoute les familles à faibles
revenus, les familles nombreuses? Est-ce qu'il y a une sorte d'ordre
hiérarchique?
M. Audet: Excusez, j'ai mal saisi, là, au
début.
M. Crépeau: Oui, je reprends la question...
M. Audet: Allez-y.
M. Crépeau: ...plus rapidement. Donc, à
l'intérieur du budget présenté, et qui est adopté,
pour l'année 1992-1993, bon, il est beaucoup question de la famille.
D'ailleurs, ça va dans le sens de la réponse qu'on vous faisait
il y a deux minutes. Maintenant, on parte de toute la famille; après
ça, on va parler des familles qui sont à faibles revenus et on va
parler, ensuite de ça, des familles nombreuses. Alors, on part d'une
généralité et on amenuise, ou on va plutôt cibler
certains types de famille. Alors, ce qu'on voulait savoir, c'est quelle
était l'orientation, là, de façon plus...
Le Président (M. Després): M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: On a parlé beaucoup de répartition de la
richesse, et c'est sur les familles qui en ont besoin. Ça s'inscrit
d'ailleurs dans des démarches, je pense, que les gouvernements
entreprennent de plus en plus. Les besoins sont grands quand on a des enfants,
alors moins le revenu est élevé, plus ils ont besoin d'aide.
C'est dans cet esprit-là, je crois, que c'a été...
M. Crépeau: On représente les deux.
M. Audet: Alors, je vous souhaite bonne chance, mesdames,
monsieur.
Le Président (M. Després): Merci. La parole est au
député de Montmorency.
M. Audet: Excusez, madame voulait peut-être ajouter quelque
chose.
Le Président (M. Després): Ah! Excusez.
Mme Richard-Brousseau: Je m'excuse, M. le Président, c'est
parce que je voulais...
Le Président (M. Després): Excusez-moi, Mme
Brousseau.
Mme Richard-Brousseau: Ce n'est rien. Le Président (M.
Després): Allez-y.
Mme Richard-Brousseau: Je voulais reprendre la première
question de M. le député concernant les activités et les
buts des Cercles de fermières du Québec. Non, nous ne
négligeons pas ni ce qui s'appelle art culinaire et tout ce qui
s'apppelle art, mais c'est que, étant préoccupés de la
famille, de la femme et de l'enfant, c'est sûr que nous sommes
également préoccupés par les grands dossiers de l'heure,
que ce soit l'éducation, que ce soient les drogues, que ce soit la
violence et que ce soient tous les dossiers qui touchent tant à la
famille, à la femme qu'à l'enfant. Alors, c'est pour ça,
c'est dans cette optique-là qu'on peut dire que nous avons élargi
notre travail et nos recherches.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, Mme
Brousseau.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais à mon
tour saluer les représentantes et le représentant des Cercles de
fermières du Québec. Je dois effectivement reconnaître que
votre mémoire est un mémoire où on voit un suivi,
où on voit une ténacité, où on voit que vous allez
revendiquer vos droits et l'équité tant que vous n'aurez pas
atteint votre but; je trouve ça louable et je vous encourage à
continuer.
En même temps, je regarde votre mémoire, et vous soulevez
des gains. Vous soulevez des gains que vous avez eus à travers le temps,
entre autres le patrimoine familial, le partage des régimes de retraite,
la prestation compensatoire, les crédits d'impôt. Et ces
gains-là, j'aimerais immédiatement vous dire que ce sont des
gains qui découlent des législations provinciales, des
législations du Québec, comme vous pouvez vous rendre compte que
vos démarches auprès du palier gouvernemental
québécois sont des démarches qui peuvent être
entendues, des démarches où on va reconnaître rapidement le
besoin collectif que l'on a chez nous. En même temps, je regarde les
revendications que vous faites, entre autres, au niveau de la pension
alimentaire, et, là, je veux attirer votre attention. En même
temps, vous allez comprendre la complexité du système dans lequel
on vit.
La pension alimentaire que vous revendiquez en toute
équité... Je dois vous dire effectivement que je pense que
l'équité, si on dort l'atteindre, c'est bien au niveau des
pensions alimentaires. D'ailleurs, les femmes, ou les familles monoparentales,
ou les conjoints ont besoin de percevoir ces pensions-là. On sait
qu'actuellement il y a une carence incroyable au niveau de la pension
alimentaire, pour percevoir ces revenus. Mais, là, je dois vous mettre
face à une réalité, aussi, en même temps, parce
qu'on sait que la femme, à travers l'évolution de la famille
québécoise, a toujours eu un grand pragmatisme, beaucoup de
réalité, beaucoup de réalisme. Dépenser en double,
je pense qu'on est tous contre, et travailler d'une façon à ne
pas se comprendre, on est contre aussi. Sauf que cette
démarche-là s'inscrit dans une problématique, et on le
relève à chaque fois dans tous les mémoires depuis le
début de la commission, d'un fédéralisme qui fonctionne
mal.
Comment voulez-vous donner un traitement fiscal des pensions
alimentaires au Québec qui serait différent du
fédéral? Vous savez, on a une loi de l'impôt au
fédéral et on a une loi de l'impôt au Québec. Bon.
En supposant que nous voudrions atteindre une équité fiscale pour
la
pension alimentaire, à savoir où on doit taxer, ou quelles
sont les réglementations qu'on doit entreprendre, ça ne peut pas
se faire sans mettre dans le coup le fédéral. Alors, comment
voulez-vous que l'on travaille un dossier comme celui-là au niveau du
Québec sans que le fédéral ne se penche sur cette
situation d'inéquité là et que, lui, il dise: Bien oui, on
serait prêts à avancer pour donner un traitement équitable?
J'essaie de voir, dans votre grand pragmatisne historique au Québec,
comment on peut arriver à faire cette chose-là. (18 h 30)
M. Crépeau: Vous prenez un point bien précis du
dossier présenté par l'association et on essaie de le regarder
avec l'éclairage d'option politique. Effectivement, c'est évident
quand on débat... Au-delà du simple mémoire d'une
association, le document présenté par le gouvernement vous donne
sûrement, à l'Opposition, matière à fortes et
à vives discussions. Quand je lis une phrase comme «les transferts
financiers en provenance du gouvernement fédéral diminueront en
valeur absolue au cours des cinq prochaines années», c'est
sûrement pour vous un bon amusement et une bonne rondelle pour vous
lancer, et je ne porte pas un jugement là-dessus, M. le
député, je prends une considération très
générale.
Cependant, quand on parle du problème que vous soulevez, des
pensions, oui, vous avez raison, effectivement, il y a un problème
d'harmonie. On aurait pu donner des chiffres dans le document tantôt
quand on parlait des améliorations apportées aux paiements
d'impôt ou aux équités en matière d'impôt.
Effectivement, cette année quand on regarde les chiffres qui ont
été avancés, pour ce qui est du provincial, effectivement,
personne au foyer ou personne salariée, femme salariée, la
déduction est toujours la même, la déduction de base est la
même dans les deux cas; au fédéral, la situation est
différente. C'est effectivement deux systèmes qui sont là
et qu'on souhaite améliorer, qu'on souhaite débattre. Maintenant,
pour ce qui est du choix politique, chez nous, il n'y a pas eu de débats
au sein de l'association qui ont porté sur ce choix politique, sur ce
débat, et je ne pense pas que, mesdames ou moi, ne soyons en mesure de
prendre...
M. Filion: M. le Président, je voudrais quand même
ne pas être mal compris. Ma question n'est pas de vous mettre face
à un débat politique, ce n'est pas ça, c'est de vous
mettre dans une situation de réalisme. On est devant une commission
parlementaire québécoise où on dit: La pension alimentaire
actuellement, telle qu'elle est traitée dans les lois du Québec,
est inéquitable envers les conjoints et on doit penser à la
corriger. On fait subir actuellement, on le sait, un recours collectif
incroyable où des sommes d'argent phénoménales vont
être perdues. Écoutez, on parle d'économie, de finances
publiques, on parle d'économie dans la société, on parle
de gérer un budget de finances publiques un peu comme la femme a
toujours bien géré le budget familial au Québec. Et, dans
ce débat de réalisme là, je veux quand même vous
montrer la problématique dans laquelle on vit comme
société et que, nous, au fond, on est un peu impuissants face
à régulariser une situation d'inéquité comme
celle-là. Autrement dit, comment voulez-vous qu'on arrive, nous,
à dire: Bien oui, on va corriger la loi de l'impôt au
Québec pour donner l'équité au niveau des pensions
alimentaires? Ça ne changerait rien, parce que le fédéral,
tant que lui n'aura pas mûri, tant que lui n'aura pas compris
l'importance d'un tel traitement, on donnera des coups d'épée
dans l'eau, je pense.
On va avoir le résultat de la Cour suprême bientôt
et, moi, je peux vous dire, d'ores et déjà... Écoutez, je
ne veux pas me faire le prophète de ce jugement-là, mais il est
évident que le texte de loi est clair, je pense, et qu'on doit repenser
le système et qu'on doit corriger la législation. Sauf que, vous
comprendrez en même temps que, s'il faut à chaque fois faire des
débats pour se rendre jusqu'en Cour suprême pour faire comprendre
à l'État central l'importance de l'équité fiscale,
je pense qu'on va en dépenser des sommes d'argent pendant plusieurs
années pour essayer de gérer efficacement notre système
économique chez nous. Mais il y a une réalité
derrière ça: ce n'est pas des débats politiques, c'est des
débats strictement d'économie, de finances publiques. Et c'est
dans ce sens-là, je pense, que ma question était posée,
mais je sais que vous ne pouvez pas me répondre, en disant:
Écoutez, moi, je ne peux pas répondre. Je comprends, mais je veux
quand même que vous sachiez que le débat... Et quelque part on
traîne un boulet, et un boulet qui nous empêche aussi de prendre
une décision pragmatique et efficace.
Vous apportez également un autre débat intéressant
qui est celui de la garde au foyer par les parents. Mais, encore une fois,
comment on peut reconnaître uniquement au Québec ce
débat-là pour qu'on puisse répondre aux attentes que vous
recherchez comme équité dans notre système, au niveau de
reconnaître la garde au foyer par les parents, également dans un
système de garde à l'enfance ou dans un système de
rémunération, si on y va uniquement avec une réflexion
québécoise, sans mettre dans le coup le fédéral?
C'est ma question.
Mme Déziel-Fortin: Je pense bien, M. le Président,
que c'est peut-être d'essayer de s'entendre. Je comprends très
bien votre situation, mais je pense que c'est en discutant et en mettant des
moyens comme ça, qu'on apporte, et qui vont quand même valoriser
la famille, qui est quand même un projet social. C'est évident, la
femme... C'est un rôle social d'avoir de la famille
quand on sait le taux de natalité. Alors, c'est dans ce
sens-là. Moi, je verrais que... Il me semble que le
fédéral... Vous êtes capables de négocier et de vous
entendre sur certains points.
Le Président (M. Després): M. le
député de Montmorency.
M. Filion: J'aimerais bien être capable, mais,
actuellement, on est en train de vouloir nous couper nos transferts au niveau
des revenus. Il y a comme quelque chose quelque part qui ne fonctionne
plus.
Mme Déziel-Fortin: Oui.
Le Président (M. Després): Je m'excuse de vous
interrompre, mais c'est maintenant terminé depuis une couple de minutes.
Est-ce que vous avez... Je vous vois, Mme Fortin, lever la main, est-ce que
avez une courte...
Mme Déziel-Fortin: On a encore deux minutes, vous me
dites, M. le Président?
Le Président (M. Després): Non, je vous disais
qu'on avait déjà dépassé le temps. Si vous avez un
commentaire très bref, je suis prêt à vous le
permettre.
Mme Déziel-Fortin: Oui, j'aimerais peut-être finir
avec une conclusion pour vous laisser avec un petit quelque chose qui va
peut-être...
Le Président (M. Després): Une courte conclusion,
Mme Fortin.
Mme Déziel-Fortin: ...faire réfléchir.
Alors, il est évident que devant une situation économique aussi
grave que celle que nous vivons -alors, on la considère très
grave - les membres des Cercles de fermières du Québec sont
unanimes pour inciter les autorités gouvernementales à prendre
les mesures qui s'imposent pour assainir les finances publiques. Nous osons
espérer que les responsables auront le courage d'appliquer les solutions
qu'ils savent efficaces. Nous sommes d'accord pour ne pas augmenter le fardeau
fiscal des contribuables. Nous accepterions plutôt une réduction
des dépenses en diminuant les effectifs de la fonction publique. On
pourrait sûrement trouver des moyens pour rendre le travail plus digne,
ce qui pourrait inciter les bénéficiaires de l'aide sociale
à considérer cette mesure comme un moyen temporaire de
dépannage et non comme un mode de vie.
Notre organisme ne veut pas élaborer, bien sûr, des mesures
économiques originales. Par contre, après 78 années
d'existence, notre association peut s'enorgueillir d'avoir su développer
des qualités de base dont nos dirigeants auront intérêt
à s'inspirer. Nos membres béné- voles ont toujours su
vivre selon leurs moyens et elles savaient se priver lorsque l'argent
était rare. Leur sens des responsabilités les incitait à
s'autodiscipliner dans l'équilibre de leur budget. On a toujours dit que
ces femmes avaient une fierté qu'elles méritaient.
Malheureusement, aujourd'hui, devant l'héritage économique que
nous sommes en train de léguer, nous en savons plusieurs honteuses, et
c'est bien regrettable. Merci.
Le Président (M. Després): Mme Fortin, je vous
remercie pour cette présentation, au nom des membres de la
commission.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir pour
entendre la Fondation de l'entrepreneurship. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 39)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux pour entendre ce soir, à 20 heures,
la Fondation de l'entrepreneurship du Québec. Je demanderais, s'il vous
plaît, à la personne qui a comme mandat de présenter le
mémoire de la Fondation, qu'elle puisse bien vouloir, dans un premier
temps, elle-même s'identifier et identifier les personnes qui
l'accompagnent. Les règles de procédure sont les suivantes: la
durée de l'audition est d'une heure; il y a 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les
deux formations politiques, d'une durée globale de 40 minutes: 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition
officielle.
Alors, nous sommes prêts à entendre le responsable afin
qu'il se présente et nous présente les personnes qui
l'accompagnent et puisse nous faire état de l'exposé de son
mémoire.
Fondation de l'entrepreneurship du
Québec
M. Fortin (Paul-Arthur): Merci beaucoup, M. le Président.
Mon nom est Paul-Arthur Fortin, je suis le président-directeur
général de la Fondation de l'entrepreneurship. À ma
droite, Mme France Duhamel, une entrepreneuse et aussi une membre de
l'exécutif; à l'extrême gauche, Mme Monique Dubuc, qui est
agente de recherche à la Fondation de l'entrepreneurship; M. Jean-Marie
Toulouse, professeur à l'Université de Montréal, aux HEC,
et titulaire de la chaire d'entrepre-neurship, et M. Marcel Lafrance, qui est
vice-président au développement, Fondation de
l'entrepreneurship.
M. le Président, nous allons nous partager les 20
premières minutes, à quatre. D'abord, je voudrais vous dire ce
que n'est pas la Fondation
de l'entrepreneurship. La Fondation n'est pas un groupe de pression;
elle n'est pas non plus un groupe d'intérêts corporatistes. Ce
n'est pas un groupe à la solde d'autres groupes. Ce qu'on est, tout au
moins ce qu'on essaie d'être, c'est un organisme à but
philanthropique, créé en 1980, et on veut être un lieu de
réflexion et d'action en matière d'«entrepreneurship»
et de développement de l'emploi.
Pour arriver à réaliser cet objectif-là, nous avons
deux croyances majeures. La première, c'est que la création
d'emplois passe par l'essor et le dynamisme de
l'«entrepreneurship». Deuxièmement, c'est que le
Québec compte suffisamment de futurs bons entrepreneurs pour
créer les entreprises et les emplois qui lui assureront le plein
développement. Nous avons une mission qui se résume en une phrase
et deux idées, c'est: Identifier, libérer et former le potentiel
entrepreneurial des personnes et créer des conditions favorables et
propices à leur plein épanouissement. Nous allons surtout parler
de la deuxième partie, ce soir.
Je voudrais, dans les deux prochaines minutes, vous parler de trois
recommandations que nous faisons, et Jean-Marie Toulouse complétera avec
trois autres. La première recommandation que nous faisons au
gouvernement, c'est d'abord une déclaration gouvernementale optant pour
le développement endogène comme prioritaire, sans pour autant
négliger ou rejeter les investissements étrangers. Mais, enfin,
nous avons l'impression que ce choix n'a jamais été fait et, pour
les entrepreneurs du Québec, pour les hommes et les femmes qui font des
choses, il me semble que ce serait encourageant de savoir qu'ils sont le pilier
du développement du Québec.
La deuxième proposition, c'est un mandat gouvernemental, qu'on
verrait très bien confié au secrétaire adjoint aux
affaires régionales, de faire deux choses: d'abord, de veiller au
développement de conditions favorables à l'émergence et
à la croissance des entrepreneurs dans chaque région et,
deuxièmement, d'améliorer la convivialité entre le
gouvernement et ses agences et les entrepreneurs et, si nécessaire, de
faire les représentations au plus haut niveau pour changer les
règlements ou les lois.
Enfin, une troisième recommandation serait qu'un programme de
sensibilisation populaire à l'égard de quelques valeurs porteuses
d'«entre-preneurship», comme l'autonomie, la responsabilité,
la créativité, la solidarité et plusieurs autres, soit
diffusé et rediffusé auprès de nos populations, de nos
jeunes et des moins jeunes.
Alors, M. Toulouse continue avec trois autres propositions.
M. Toulouse (Jean-Marie): Bonsoir, messieurs, mesdames. Alors,
évidemment, on vous a fait un certain nombre de suggestions relativement
à l'objet de cette commission et, aux suggestions que vient de vous
faire Paul-Arthur, je voudrais en ajouter quelques autres, dont la
première serait de développer une politique
d'«intrapreneurship» et d'essaimage auprès des
employés de la fonction publique.
C'est sûr qu'on vous a beaucoup dit: II faut diminuer le
coût de la masse salariale du secteur public. On a même dit qu'il
fallait remettre en question la sécurité d'emploi. Nous, on ne
veut pas débattre ces aspects-là. Ce qu'on vous dit, c'est:
Pourquoi ne pas utiliser le potentiel entrepreneurial des employés qui
oeuvrent dans le secteur public en faisant la promotion active de
l'«intrapreneurship» et de l'essaimage? Il y a de
l'expérience qui a été faite là-dessus de la part
de très grandes entreprises dans le monde, il y a des gouvernements,
ailleurs dans le monde, qui ont déjà aussi... Est-ce qu'il y a un
problème technique? (20 h 10)
Le Président (M. Lemieux): Ça va, ça va,
monsieur, ça va. C'est que...
Une voix: Ça va. C'est correct.
Le Président (M. Lemieux): Non, c'est simplement que le
député de Verdun me signalait qu'il voulait absolument vous poser
une question. Alors, on s'excuse. Vous pouvez continuer.
M. Toulouse: Je pensais qu'il y avait un problème
technique.
Le Président (M. Lemieux): Non, non. Ça va. S'il
vous plaît! Ça va. Vous pouvez continuer.
M. Toulouse: Deuxième suggestion: Vous savez, il y a au
Québec un certain nombre d'institutions dont le potentiel de
contribution au développement de l'«entrepreneurship» est
extrêmement important et qu'on n'a peut-être pas mises à
contribution autant qu'on pourrait l'espérer, et, là-dessus, je
veux parler des universités. Je pense qu'il faudrait inciter de
façon active les universités à développer leur
rôle d'incubateur en matière d
'«entrepreneur-ship». Il y a des projets qui se sont
déjà faits là-dessus. Encore une fois, malheureusement, au
Québec, nous ne sommes pas ceux qui avons montré le chemin dans
l'utilisation du potentiel d'incubation des universités pour
créer des entreprises, mais ça nous apparaît
extrêmement important.
Quelque part dans le mémoire, on vous a dit, on vous a
cité le taux de chômage des diplômés de génie
au Québec actuellement, et vous avez peut-être été
très surpris ou surprises de voir l'importance de ce taux de
chômage. Une façon de résoudre cette question, c'est de
mettre à contribution les universités dans leur potentiel
d'incubation au niveau de l'entreprise. Cette chose-là est d'autant plus
importante que c'est peut-être une des seules clés que nous ayons
pour faire naître de l'«entrepreneurship» tech-
nologique au Québec, et un type d'«entrepreneur-ship»
tout à fait particulier, extrêmement prometteur. La Fondation,
d'ailleurs, a dans ses ouvrages une étude qu'on vient de terminer sur
l'«entrepreneurship» technologique, et c'est clair qu'en cette
matière les universités sont la carte maîtresse. Et on n'a
pas le choix, si on veut être actifs en «entrepreneurship»
technologique, il faut que les universités fassent leur rôle.
Malheureusement, les universités québécoises - et
là je vais le dire en m'impli-quant - nous avons été
extrêmement frileuses là-dessus. C'est épouvantable. Je
dois ajouter que la frilosité dépend aussi des règles de
fonctionnement et des règles budgétaires auxquelles on soumet les
universités au Québec, en particulier en cette matière. Et
il y a une expérience de l'université, par exemple à Oulu,
en Finlande, qui est absolument scandaleuse quand on se compare à cette
situation-là au niveau du potentiel des universités.
Troisième petite idée, c'est d'encourager de façon
active l'emploi autonome au Québec. Il y a un potentiel de travailleurs
autonomes extrêmement important au Québec. Il y a
déjà beaucoup de travailleurs autonomes, mais, si on utilisait
l'emploi autonome, on serait capable d'encourager la création de
plusieurs nouvelles choses. Vous savez, dans un endroit, un des membres du
gouvernement a dit: S'il y avait 50 000 travailleurs autonomes qui
décidaient d'agir comme travailleurs autonomes, on diminuerait le taux
de chômage de 1 %, parce qu'un travailleur autonome, ça en engage
au moins 2 point quelque chose. Et ça suffit.
Mais, au fond, quelle est la difficulté des travailleurs
autonomes? Ils rencontrent deux difficultés majeures, sur lesquelles on
espère que votre commission pourra faire quelque chose. La
première difficulté, c'est que les travailleurs autonomes
rencontrent une difficulté importante concernant la complexité
administrative à laquelle ils sont soumis à cause de la gestion
que leur demande l'appareil public. Et, le deuxième aspect,
évidemment, c'est la vulnérabilité de ces travailleurs
étant donné qu'on n'a pas d'avantages sociaux. Le problème
des avantages sociaux pour les travailleurs autonomes est un problème
qu'il faut résoudre. Et l'autre problème qu'il faut
résoudre, c'est qu'il faut trouver une façon de ne pas enterrer
les travailleurs autonomes sous des paperasses terribles.
Je vous donne un exemple. Dans une intervention récente, nous
avions un travailleur autonome extraordinaire de la ville de Québec qui
disait: Au fond, moi, je n'engage plus personne parce que c'est trop
compliqué de faire ce qu'il faut faire à cause du gouvernement.
C'est un jeune travailleur qui a beaucoup de succès. Il
préfère sous-contracter. Il ne veut plus avoir d'employés.
Et, ce que l'on perd, c'est que nous perdons là un apprentissage d'un
maître, parce que c'est quelqu'un qui doit montrer son métier par
compagnonnage. Donc, il ne veut plus jouer le rôle de compagnon, ce qui
fait que c'est un coût social énorme. Et pourquoi? Tout simplement
parce que le poids des papiers est trop compliqué, et «je ne veux
plus le faire», nous disent les travailleurs autonomes.
Alors, on espère que ces quelques suggestions pourront, à
notre avis, vous aider à envisager des mesures qui sont susceptibles de
créer de la richesse plutôt que, peut-être, créer
plus de chômage, car on pense que c'est finalement en créant de la
richesse qu'on va arriver à améliorer le développement
économique du Québec, et c'est peut-être comme ça
que les problèmes qu'on rencontre dans les finances publiques vont se
résoudre, si on crée plus de richesse qu'autrement.
Pour un peu vous traduire en un autre langage ce que j'essayais de vous
dire, je vais passer la parole à France Duhamel, qui est une
entrepreneuse de Sainte-Agathe, qui va vous dire comment elle, elle voit
ça, avec ses yeux d'entrepreneuse.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons,
madame.
Mme Duhamel (France): Bonsoir. Quand on s'est penchés,
à la Fondation, pour préparer le mémoire pour votre
commission, ce qui m'a le plus frappée, c'est que ce qui était
énonqé dans ce mémoire-là, pour moi, ça
m'apparaissait comme des choses évidentes et limpides. Il n'y a pas de
possibilité d'avoir d'emplois au Québec s'il n'y a pas
d'entrepreneurs, et je pense que c'est la base. Il faut qu'on puisse
développer une culture, un goût pour les gens de développer
leur potentiel d'entrepreneur. Il faut donner aux entrepreneurs qui sont des
employeurs actuels la possibilité d'employer plus de gens en
éliminant des irritants.
Un qui m'apparaît tellement évident pour une entreprise qui
serait en expansion, c'est la taxe sur le capital, par exemple. Plus on
emprunte de sous pour faire rouler l'économie, pour engager d'autres
gens, pour prendre de l'expansion dans une entreprise, plus on veut faire
quelque chose et plus ça nous coûte cher au niveau de la taxation.
Il y a même des gens - je ne sais pas à quel niveau gouvernemental
- qui ont pensé, à un moment donné, taxer sur la masse
salariale. Pour moi, ça m'apparaît une aberration; tu sais, c'est
quelque chose qu'on ne peut pas faire si on veut créer de l'emploi au
Québec.
Les entrepreneurs actuels ont un grand potentiel, et puis ils sont
prêts aussi à aider les entrepreneurs qui vont venir, ceux qui
vont faire que le Québec de demain va être un Québec
florissant. M. Lafrance, qui est ici avec nous ce soir, a été un
entrepreneur très actif Aujourd'hui, il se dévoue à la
cause de («entrepreneur-ship» en parrainant de petites
entreprises
québécoises et il va vous expliquer qu'est-ce que c'est,
sa mission, maintenant.
M. Lafrance (Marcel): Bien, M. le Président, je pense que
ce qui a été dit à date, c'est qu'à la Fondation de
l'entrepreneurship il y a une chose qui, je pense, est évidente pour
ceux qui nous connaissent un peu plus, c'est qu'on travaille terriblement
à développer la vitalité entrepreneuriale de notre
Québec. Mais il nous apparaît essentiel que tous les intervenants
qui ont ce goût de l'«entrepreneurship» au Québec
comprennent très bien que, que l'on prenne un entrepreneur potentiel, ou
un entrepreneur en démarrage, ou un entrepreneur en expansion,
même si tous les grands professeurs d'université reconnaissent aux
entrepreneurs le goût de l'enthousiasme, le goût de la
détermination, la confiance en soi, il faut travailler un peu avec les
entrepreneurs pour réaliser comment, souvent, un entrepreneur est
démuni, déconcerté par un environnement de plus en plus
difficile. On n'a qu'à parler, par exemple, du libre-échange ou
de la mondialisation des marchés pour réaliser qu'un entrepreneur
québécois, dans un lieu donné, est démuni.
Or, à la Fondation de l'entrepreneurship, on parle, depuis deux
ans, d'une façon répétée, de l'importance de
développer l'«entrepreneuriabili-té». Nous allons
vous confesser que nous sommes venus en commission parlementaire de la
main-d'oeuvre, ici, pour parler de cette notion
d'«en-trepreneuriabilite» pour la juxtaposer, si vous voulez,
à l'employabilité en essayant d'expliquer que toute entreprise ne
peut pas être plus forte que la force de ceux qui la dirigent, et puis
qu'il est excessivement important de donner à ceux qui la dirigent cette
formation continue pour les amener à ça.
Donc, à la Fondation de l'entrepreneurship, par nos propres
moyens, ce que nous avons fait, à date, c'est très simple. Nous
avons commencé à préparer peut-être le futur de dans
10, 15 ans en étant très fiers, avec le ministère de
l'Éducation du Québec, d'avoir réussi à lancer
récemment des vidéos qui ont été livrés
à travers tout le système scolaire, s'adressant aux
étudiants du secondaire et du collégial, pour
définitivement préparer de longue haleine des jeunes à
cette vision-là d'un Québec économique qui se
prépare par des intervenants qui, peut-être, ont un goût
ignoré qu'ils vont développer à ça. (20 h 20)
Évidemment, on s'est adressé immédiatement, si vous
voulez, à ceux qui sont sur le marché de
l'«entrepreneurship» en mettant à leur disposition la
série et la collection «Entreprendre», en disant: Voici
quels sont les sujets dont vous avez besoin dans votre formation
d'entrepreneur. Puis on est heureux aujourd'hui de dire que 20 des 100 sujets
demandés sont sortis.
Il a été dit d'une façon assez rapide tout à
l'heure que la Fondation de l'entrepreneurship s'associait avec l'Ordre des
ingénieurs pour définitivement convaincre les universités
qu'elles ont un rôle de préparation vis-à-vis de
l'étudiant qui a ce potentiel entrepreneurial, convaincus que nous
sommes que l'étudiant ingénieur arrive tout de même sur le
marché du travail avec un potentiel, si vous voulez, plus grand
peut-être que celui d'un autre jeune qui a eu moins de chance que lui
vis-à-vis de la vie. À la Fondation, on continue à
parcourir le Québec, avec les MRC, pour aller dire aux maires: Vous avez
le potentiel entrepreneurial chez vous, n'attendez plus rien du Québec,
n'attendez plus rien d'Ottawa. S'ils peuvent vous aider tant mieux, mais vous
avez définitivement à développer votre potentiel
entrepreneurial.
Puis, nous autres, ce qu'on aimerait puis ce qu'on attend de nos
politiciens, bien, c'est cet acte de foi essentiel, et ceux qui dirigent
justement la société québécoise, le jour où
ils le feront, le jour où ils diront: Le futur du Québec, dans
son développement économique, il passe par vous, ceux qui ont le
potentiel entrepreneurial, puis on y croit, puis on va vous aider, c'est
à ce moment-là, comme le disaient madame puis le président
Fortin tout à l'heure, c'est en redonnant confiance à des gens en
région, qui ont un potentiel d'écoute et un potentiel d'analyse,
qu'on arrivera peut-être à trouver des solutions beaucoup plus
rapides pour revitaliser notre potentiel entrepreneurial au Québec, dans
lequel nous croyons.
M. Fortin: Alors, vous avez compris, M. le Président, que
la Fondation de l'entrepreneurship fait une option du côté de la
vie, du côté de l'ouverture, du côté du
renouvellement. Le potentiel existe, et il s'agit seulement d'ouvrir la
machine, de donner le signal et de montrer la direction. D'ailleurs, vous avez,
en annexe de notre mémoire, déjà, des statistiques fort
éloquentes puisque, l'an passé, selon les statistiques de la
Commission des normes du travail, il s'est créé 106 000 nouvelles
entreprises au Québec. Alors, si ces entreprises-là, on leur dit
bienvenue, on les supporte, on les encourage à faire plus - et les
autres qui viennent - on peut changer l'image du Québec très
rapidement.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre du
Revenu.
M. Savoie: Oui, merci, M. le Président. Vous me permettrez
tout d'abord de saluer nos invités, de les féliciter pour le
mémoire qu'ils nous ont présenté, un mémoire qui
est certainement très, très positif et plein, finalement, de
suggestions sur leur idée de base qui est que, finalement, avec un
développement de l'«entrepreneurship» au Québec on va
créer plus de richesses, donc plus de revenus pour l'État et un
meilleur équilibre. Je pense que c'est fondamental, et je ne pense pas
que ça va faire l'objet de discussions, du
tout. Je pense que c'est accepté de part et d'autre. Des faits
comme 106 000 nouvelles entreprises créées en 1992
démontrent, comme vous l'avez dit, un effort considérable de la
part du secteur privé pour stimuler la création d'emplois au
Québec et qu'il y a là une source de richesses
indéniable.
Du côté du gouvernement du Québec, il y a eu, au
cours des dernières années, des efforts considérables pour
assurer ce développement. Je vais tout d'abord peut-être souligner
que, pour ce qui est du financement, au gouvernement, au niveau de la
création de nouvelles entreprises, il y a des mécanismes qui sont
mis à leur disposition. On parle de SPEQ, on parle également -
ça va sans doute vous intéresser, et je suis certain que vous
êtes bien au courant - d'une exonération totale des impôts
pour les entreprises, de même que de la taxe sur le capital, pendant les
trois premières années d'existence d'une nouvelle entreprise. Je
pense que c'est un effort qui, quand même, coûte
considérablement de sous au gouvernement. Ça a été
une volonté clairement démontrée, de stimuler.
Une fois créée, à la formation de la main-d'oeuvre
- et on sait qu'on a beaucoup de choses à faire; je pense qu'on pourra
peut-être l'aborder un petit peu plus tard - il y a des gestes qui ont
été posés, il y a des crédits d'impôt
à la formation, il y a des efforts qui se font, conjointement avec le
ministère de la Main-d'oeuvre et également le ministère de
l'Éducation, pour assurer une création de la main-d'oeuvre, mais
il y a une amélioration, sans doute, à venir sous peu - nous
l'espérons - si, effectivement, les travaux de M. Bourbeau donnent les
résultats escomptés. Mais, quand même, au niveau de la
main-d'oeuvre, donc, là aussi, c'est un effort considérable.
Et, au niveau de la recherche et du développement, bien, il n'y a
pas de doute que, au Canada, le Québec, je pense, offre finalement un
éventail de services et d'accessoires qui sont imbattables
vis-à-vis de n'importe quelle autre province et, certainement, de la
grande majorité des États aux États-Unis. On
présente certains avantages.
Pour créer, justement, et développer davantage
l'«entrepreneurship» au Québec, vous nous arrivez avec des
pistes qui sont intéressantes: participation des universités
avec, évidemment, l'Ordre des ingénieurs, M. Brunelle - je pense
que c'est excellent - le développement de l'emploi autonome, des
mécanismes pour faciliter les tâches. Mais, lorsqu'on pense plus
spécifiquement à des mesures concrètes, j'aimerais
ça vous entendre. Et j'imagine que votre réflexion,
également, a dû vous permettre d'identifier, de cibler deux, trois
secteurs clés, effectivement, pour vous, en termes d'interventions que
le gouvernement pourrait faire à court terme pour d'abord réduire
le coût de ses investissements, de ses interventions en tant que services
auprès de la population, mais également aussi, en même
temps, qui pourraient susciter une stimulation pour
l'«entrepreneurship» au Québec. Je pense qu'il y a un
mariage qui peut se faire facilement entre les deux, et je me demandais si on
ne pouvait pas avoir quelques exemples additionnels.
M. Fortin: Bien écoutez, d'abord, je pense bien que,
d'entrée de jeu, je dirai que la création d'emplois va passer par
des entrepreneurs - je pense qu'on l'a déjà signalé - et
des entrepreneurs davantage heureux. Et, pour répondre à votre
question, je poserai un parallèle avec une nouvelle qu'on lisait dans
les journaux dernièrement où, au Québec, on a un
problème qui est quand même intéressant, c'est qu'on est
obligé de bloquer des étudiants qui veulent devenir
médecins, puis d'arrêter des immigrants qui veulent devenir
médecins. Or, on se pose fa question, parce que ce n'est pas facile, la
médecine; c'est des études difficiles, longues, etc., puis on
dit: Pourquoi ça? Ah! On dit que, quand même, c'est
valorisé, la médecine, puis que c'est quand même
intéressant financièrement, la médecine.
Au fond, comment avoir les entrepreneurs qui nous manquent pour
créer les emplois qu'on veut créer? Je pense que, si on
était capable de voir comment on pourrait valoriser l'entrepreneur et
comment, si vous voulez, on pourrait rendre le geste entrepreneurial à
la fois plus accessible, plus désiré et plus soutenu, moi, j'ai
l'impression qu'on ne compterait pas beaucoup d'années avant de risquer,
là aussi, d'avoir des contingentements, parce que les gens, si vous
voulez, par nature, ils aiment ça faire des choses, ils aiment ça
créer des choses. Donc, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour que le geste
entrepreneurial soit mieux accueilli, mieux soutenu?
Nous, ce que nous suggérons... nous en suggérons
quelques-uns, d'abord, dans notre mémoire. On dit: D'abord, il faudrait
reconnaître le rôle que jouent déjà les entrepreneurs
au Québec. Le premier bonjour de l'État devrait être un
bonjour de bienvenue, puis on va essayer de vous aider, alors que, assez
souvent, on ne discute pas souvent avec des entrepreneurs pour savoir que la
première lettre qu'ils ont reçue, c'était pour dire que,
s'ils n'avaient pas envoyé tel rapport à telle date, ils
risquaient d'être poursuivis, dans certains cas au criminel, s'il
s'agissait de l'environnement, ou au civil, s'il s'agissait, si vous voulez, du
revenu, ou, enfin, de la CSST, etc.
Donc, je pense que, ce qu'on suggère, ça coûte peu
d'argent, ça coûte peu de chose. C'est vraiment au niveau des
attitudes. Les entrepreneurs, ce sont des gens tellement naïfs. Ils sont
narïs, les entrepreneurs. Je m'excuse auprès de Mme Duhamel. S'il
faut qu'on se mette à dire au Québec, qu'on les aime, les gens
vont vouloir en faire deux fois plus, puis trois fois plus. Qu'est-ce qu'on
fait quand on aime les gens, qu'on aime
leur contribution, qu'on aime leurs réalisations? C'est un paquet
de petites choses. On pourrait en ajouter, mais ce sont plus des petites choses
que des choses comme celles que vous avez mentionnées - qui sont
déjà excellentes, remarquez. Mais il n'y a pas de recette magique
sinon de commencer, si vous voulez, à être proche d'eux, à
être à l'écoute.
Et c'est pour ça que, nous, l'idée qu'on vous donnait
était de faire des secrétaires aux affaires régionales,
qui sont dans chacune des régions, un peu les gardiens de ça,
à l'écoute de ça. Et, comme ces gens-là
relèvent du Conseil exécutif, relèvent du premier
ministre, je pense qu'ils seraient bien placés pour apporter les
modifications, ou les ajustements, ou, dans certains cas, les nouveaux
comportements qui pourraient faciliter la tâche. Mais c'est sûr,
actuellement, qu'au Québec il s'agit de voir... Quand on regarde les
statistiques de la Commission des normes, tu en as 106 000; on n'aurait pas
à leur donner un signe très grand que j'ai l'impression que
ça bouillonnerait. On a de la matière grise. Des fonds, on en a
plus qu'on ne pense pour créer des entreprises. Il y a des
marchés qui sont très proches. Les gens ont le goût de
vivre, ils ont le goût de la prospérité. Au fond, on n'a
plus besoin d'un gros coup de pouce pour décoller la machine. (20 h
30)
M. Toulouse: Je voudrais juste peut-être revenir un peu sur
cette idée d'«intrapreneur-ship» et d'essaimage. Je pense
que ce moyen-là, il est à portée de main d'un
gouvernement. Vous avez, dans la fonction publique - je ne sais pas si mes
chiffres sont exacts - 60 000 employés. C'est à peu près
ça. Ce n'est rien. L'entreprise dont je vous parle, ils en ont 96 000.
Donc, ils l'ont fait. Ils en ont mis, une politique d'essaimage et ils en ont
mis, une politique d'«intra-preneurship». Ce que ça donne,
ça fait que les employés qui, dans l'entreprise - dans ce cas-ci,
ce seraient les employés du secteur public - ont de l'expertise et de la
connaissance, décident de les mettre à contribution en offrant
leur talent pour créer une entreprise qui va faire autrement ce qu'on
faisait. Et ça, ce n'est pas compliqué. Il y a des
expériences, on peut tout vous montrer ce qu'on peut savoir
là-dessus, et c'est à portée de main.
Au niveau de l'«intrapreneurship», c'est la même
chose. Vous savez, je ne veux pas faire de peine à personne, mais la
fonction publique, depuis quelques années, n'est pas reconnue comme
étant l'endroit où l'innovation pète les murs. Alors, si
on faisait un peu la promotion de l'«intrapreneurship», on aurait
peut-être des façons différentes et des idées
différentes de faire des choses. Maintenant, pour faire ça, il y
a des conditions. Mais ça, c'est à portée de main d'un
gouvernement. C'est très facile.
Les universités dans leur rôle d'incubation,
écoutez, il y a des universités américaines qui font
ça depuis des années. Les universités suédoises
font ça, les universités françaises, les
universités allemandes font ça. Mais pourquoi, nous autres, on ne
le ferait pas? Je le sais, pourquoi on ne le fait pas. Les modes de financement
et de subventions et les règles administratives des universités
rendent ça très compliqué et, entre vous et moi,
décourage ça. Ce n'est pas compliqué. Alors, pourquoi on
décourage? Je pense qu'on devrait plutôt l'encourager puisqu'on
sait que, pour certaines entreprises, c'est la seule façon de
naître.
Vous savez, dans nos études comme dans les études dans
d'autres pays, il y a des entreprises qui ne vont naître que sur la
cuisse de l'université. Si vous ne leur laissez pas la cuisse de
l'université, elles ne naîtront pas. C'est vrai ici, c'est vrai
aux États-Unis, c'est vrai dans tous les pays. C'est nécesssaire
à cause de la sorte d'entreprises dont on parle. Ce n'est pas vrai d'un
restaurant, ça, mais c'est vrai d'entreprises dans des technologies
compliquées. Et il me semble que ça, c'est à portée
de main. On peut faire ça, ce n'est pas très difficile de faire
ça. On peut très facilement y arriver. Le travailleur autonome,
je le reprendrai tout à l'heure.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Alors, je
voudrais vous souhaiter la bienvenue. Je connais un certain nombre d'entre
vous, à différents titres. Alors, il me fait plaisir de vous
revoir. Je vous félicite pour votre mémoire et, comme j'aurais
bien des questions à vous poser, on va aller tout de suite au sujet.
D'abord, peut-être une chose que je dois rectifier parce que j'ai
écouté le ministre puis... Au fond, ce que vous présentez,
c'est une vision à beaucoup plus long terme que ce qui préoccupe,
à l'heure actuelle, le gouvernement, qui a le nez écrasé
dans la vitre du 31 mars parce qu'il veut déposer des crédits qui
équilibreront son budget. Et ça, je pense que c'est dommageable
parce qu'il y a des gens qui viennent ici avec d'autres perspectives que
celle-là. Et c'est comme s'il n'y avait pas de problème. Tout a
été fait puis tout va bien. Bon, ceci étant dit,
j'arrête là.
L'idée de favoriser l'«entrepreneurship», à
mon sens, a fait son chemin. Je dois dire, pour avoir vécu
moi-même les années soixante, soixante-cinq, soixante-dix, que ce
n'était pas précisément à la mode, même en
1975-1976. Et, aujourd'hui, je reconnais qu'il y a eu beaucoup de chemin de
fait là-dedans et qu'on a avancé. Et, pour moi, la conclusion que
je tire - puis j'ai eu l'occasion à quelques reprises de le dire ici et
ailleurs - c'est que c'est la petite et la moyenne entreprise qui va faire
repartir l'économie du Québec. Il n'y a pas...
Ah! je vais en reparler, tiens. C'est un sujet de l'heure. Provigo:
problèmes financiers
par excès de fusion, de consolidation d'achat, une grosse
affaire, des rêves extraordinaires et, aujourd'hui, qui crève sous
le poids de ses dettes. Alors, la seule solution qu'on trouve, on s'en va pour
vendre ça aux Américains, alors qu'il faudrait peut-être
réexaminer le cheminement qu'a suivi Provigo et, puis, il faudrait
peut-être simplement revendre des magasins pour lesquels elle s'est
endettée à les acheter, et on sauverait le contrôle du
réseau de distribution au Québec. Moi, c'est une simple
proposition toute modeste que je fais, mais j'ai comme l'idée que
ça pourrait peut-être régler certaines affaires, même
au plan financier, quitte à faire ça en bon ordre. Et ça.
c'est des entrepreneurs qui renaîtraient parce qu'à l'origine
chacun était propriétaire de son magasin et l'avait
rentabilisé à tel point qu'ils ont déclassé
Steinberg à partir des années quatre-vingt. C'est ça, la
réalité de Provigo. Mais aujourd'hui qu'on a fait des grosses
affaires à la tête, bien là, les rêves ont fait
crouler. C'est le Napoléon de la conquête américaine.
Bon, autre chose. On a donné de grandes subventions. Avant-hier,
je donnais l'exemple de la subvention qu'on avait donnée à
Donohue Matane. Je pense qu'il faut des grandes usines. Mais il reste que les
117 000 000 $ qui étaient là, ça aurait pu faire 2340
entrepreneurs à 50 000 $, le coup de pouce qu'il faut pour
démarrer - 2340. Juste offrir ça aux Gaspésiens, le choix
entre une Donohue Matane fermée puis des entreprises qui pourraient
naître, ça pourrait peut-être changer l'ordre des
choses.
Donc, je reviens au discours de la petite et moyenne entreprise,
chômeurs que nous avons, assistés sociaux mais aptes au travail en
très grande partie, et l'autre question que je mets en regard de cela,
c'est la situation de nos jeunes. Nos jeunes commencent dans la vie, finissent
leurs études mais commencent dans la vie avec des dettes personnelles
énormes à l'heure actuelle. Et le gouvernement, pour
éviter de parler d'autres choses, s'apprête sûrement
à augmenter les frais de scolarité. Ça, c'est une
chose.
L'autre élément, c'est qu'il y a de l'argent. Dans une
période de récession, les banques ont de l'argent. Les comptes de
banque grossissent, les caisses pop., à l'heure actuelle, ont des
dépôts à millions à l'heure actuelle. D'ailleurs,
elles pourraient aider Provigo. Elles ont des dépôts à
millions et la jonction entre les besoins de capitaux des jeunes de 25 à
40 ans - et j'ai eu l'occasion de l'expliquer - qui ont une hypothèque,
qui ont des enfants, qui ont des besoins financiers énormes, et leur
rêve de se développer, ne se fait pas. La jonction ne se fait pas
entre les capitaux disponibles qu'il y a et eux. Et je pense que, si on ne
règle pas ça, on va avoir des problèmes à l'avenir,
puis je ne suis pas sûr qu'on va pouvoir relancer le Québec. C'est
pas juste des grosses affaires qui vont relancer le Québec, c'est
surtout des petites.
Alors, moi, la question que je voulais d'abord vous poser - je voudrais
revenir sur r«intrapreneurstiip» - c'est: Comment vous voyez qu'on
pourrait favoriser l'essor ou l'«entrepre-neurship» chez les jeunes
de façon concrète avec des éléments comme nos
institutions financières et nos systèmes de bourses? Parce que
vous avez parié de l'urïiversîté. Présentement,
les jeunes doivent travailler pour payer leurs cours, mais nous payons des
chômeurs qui, eux, n'ont rien à faire, qui doivent rester chez-eux
et puis tout est déclassé, puis ça, ça endette nos
jeunes. Bref, comment refaire les choses pour nos jeunes? Ça c'est le
premier volet.
M. Toulouse: Évidemment, je ne peux pas ne pas parler des
jeunes. Ce n'est pas possible. Mais, avant ça, je voudrais continuer un
peu dans votre intervention et pour ajouter à ce qu'on a dft. Vous
savez, l'«entrepreneurship», ça a une vertu extraordinaire
dans une société, c'est que ça prend toutes sortes de
formes. Même des formes auxquelles on n'a pas pensé.
M. Léonard: Oui, c'est surtout ça.
M. Toulouse: Et c'est surtout ça qui est
intéressant. Et vous avez raison de soulever
l'«entrepreneurship» des jeunes, mais il faut soulever aussi
l'«entrepreneurship» des fefn-mes - il y en a une à la
table, une entrepreneuse - des gens qui ont perdu leur emploi à 45 ans -
parce qu'il y en a, au Québec, beaucoup de gens qui ont perdu leur
emploi à 45 ans - des autochtones et des gens d'autres
sociétés qui ont décidé de venir vivre au
Québec.
Vous savez, j'espère que vous êtes tous conscients que les
immigrants sont de très bons entrepreneurs, dans bien nombre de cas. Et
les brochetteries grecques ont réussi pas parce qu'on leur a fait des
cadeaux, elles ont réussi parce que les gens étaient bons, parce
que les gens étaient bons pour opérer de la restauration bas de
gamme. Ils ont trouvé une formule. Il y en a une autre formule qui va
s'en venir dans le même créneau et, je vous le dis, ceux qui vont
l'opérer, ce sont des Indiens. Pas des Amérindiens mais des
Indiens. Et ça commence, ça ne sera pas long, vous allez voir,
les Grecs vont être fortement chauffés par des Indiens. Mais c'est
tout à fait correct et c'est tout à fait normal. Et c'est
heureux. Et c'est la même chose pour les jeunes. (20 h 40)
Maintenant, la question des jeunes, il y a là un potentiel qui se
gaspille, c'est vrai. Moi, je pense qu'elle part de la fin de la période
de formation, que ce soit à l'université ou au cégep. Je
pense que c'est à ce moment-là qu'il faut intervenir pour que le
pas ne soit pas un pas dans le néant pour le jeune qui, au fond, se
retrouve dans une situation d'emploi qui n'est
pas celle que certains d'entre nous avons connue.
Ce matin, j'étais avec un ingénieur qui a un certain
âge et qui est arrivé à un poste très
élevé dans la vie. Il disait: Moi, quand j'ai fini, j'avais cinq
emplois. Il regarde les diplômés de Polytechnique de cette
année et il dit: Plusieurs n'en ont même pas un. Alors, c'est
à ce niveau-là qu'il faut intervenir. Je vais vous donner deux
petits exemples. Au colloque de la semaine dernière, de la Fondation,
dans les facultés de science, au Québec, prendre un cours
d'«entre-preneurship», c'est impossible. Pourquoi? Parce que
ça va être un cours de science de moins. Pour être une bonne
personne de science, il faut prendre un cours de science de plus et non pas...
Dans les facultés de génie - je vais laisser ça à
Marcel, vous allez voir, il va parler de ça - ce n'est pas très
bienvenu. Et pourtant, à Seattle, aux États-Unis, il y a un
mariage extraordinaire entre une Faculté d'administration et une
Faculté de génie qui a 20 ans de ménage, et ça
marche encore et ça donne de très bonnes entreprises.
Nous, on n'arrive pas à faire ça. C'est par ce
bout-là qu'il faut l'attraper avant que ces gens-là se
découragent et qu'ils connaissent des expériences malheureuses.
Donc, il faut vraiment utiliser ce moment et intervenir à ce
moment-là. Là, je vais laisser la parole à mon voisin et
je vous donnerai d'autres exemples, d'autres moyens concrets, s'il en faut,
tout à l'heure.
M. Lafrance (Marcel): Moi, avant de revenir, si vous voulez, dans
('«entrepreneur-ship», je voudrais juste revenir sur une
idée qui m'apparaît tellement fondamentale. À la suite
peut-être de la présentation de M. Léonard, que je ne
pensais pas aussi vieux que moi et qui parlait des années soixante, je
dois dire que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lafrance (Marcel): On parlait tout à l'heure... Moi, je
dis que les grandes idées, dont l'«entrepreneurship» est,
ont toujours fait face à deux embûches majeures: la
première, l'ignorance. Puis, là, je parle d'un étudiant
qui a gradué en Polytechnique en 1960. En polytechnique, en 1960, jamais
- je me porte garant - on ne m'a parié, en 1960, de santé et
sécurité au travail, jamais on ne m'a parlé du respect de
l'environnement. Et je dis aujourd'hui à mes anciens professeurs que
c'est dans ce temps-là que les ingénieurs du jour dessinaient des
usines qui, aujourd'hui, polluent notre environnement actuel. C'est une
idée qui a pris du temps à venir, dans l'ignorance. Le
Québec de demain va passer par la création de PME majeures au
Québec. Ne passons pas à côté de cette
ignorance.
Mais, ce qui me fait peur, à la minute où on sort de
l'ignorance, on tombe, qu'est-ce que vous voulez, dans la banalisation. Et on
risque de passer dans la banalisation et on le sait, ceux qui travaillent pour
l'environnement au Québec, comment c'est dur parce que tout le monde
dit: On respecte l'environnement, mais on sait comment c'est difficile. Puis,
aujourd'hui, même dans les interventions qu'il y a eu, on le sent.
Quelqu'un a dit tout à l'heure: C'est accepté. C'est là
que c'est dangereux. C'est accepté. Donc, on doit faire, je pense... Et
la première chose, tu dis ça d'un gars du commun des mortels,
d'une association qui travaille avec le commun des mortels: L'importance des
gens du salon, de transmettre cette croyance, elle est majeure et continue. Et
c'est comme ça qu'on va aller chercher ceux qui ont des moyens d'agir
vite, les compagnies, les grandes corporations comme Hydro-Québec, Gaz
Métropolitain, je n'en nommerai pas, mais les bureaux
d'ingénieurs-conseils, à cette ouverture à
l'«intrapreneurship», et comme des sociétés
françaises ont réussi, comme il le disait.
J'avais une anecdote qui est assez comique. Je pariais justement
à une entreprise québécoise importante de cette
idée de s'ouvrir et de faire un peu comme le groupe Thompson en France
qui a dit, d'une façon formelle, dans un très grand diplôme
affiché à l'entrée: On va vous assister à
démarrer votre entreprise si vous avez le potentiel pour le faire,
assister techniquement, assister monétairement, etc. Le bonhomme me
répond: C'est facile, ça, des grosses entreprises comme
ça, mais, au gouvernement chez nous, on ne pourrait jamais rien faire.
C'est une corporation du gouvernement. C'est donc qu'automatiquement il n'y a
pas... Il y a cette croyance, mais, je le répète, cette croyance,
il faut qu'elle vienne de ceux qui influencent la société et,
ceux qui influencent la société, ils sont de ce
côté-là de la table. Ça, c'est une chose en laquelle
je crois et, si le message ne vient pas continu, on va en venir à
accepter ça mais à banaliser ça. On dira: Bien, c'est
certain, l'«entrepreneurship», c'est bien important; Hé! que
c'est important, mais de quoi on parie? Ça, je pense qu'on ne peut pas
s'arrêter parce que, de quoi on parle, c'est de créer des
entreprises, puis de créer de l'emploi, puis de créer de la
richesse. Et c'est ce dont vous avez tellement besoin et dont on a tous besoin,
comme société, de trouver la richesse. Cette richesse-là,
c'est en mettant d'autres gens à l'emploi.
M. Toulouse: Je voudrais juste, pour continuer là-dessus,
vous donner un exemple pour revenir à l'histoire des jeunes, M.
Léonard. Il y a une expérience qui se fait dans
Hochelaga-Maisonneuve, que vous connaissez sans doute, autour de la Fondation
Ressources-Jeunesse, qui a énormément de difficultés
à vivre. Mais ce sont des apôtres qui travaillent là. Ce
sont des gens qui prennent des jeunes chômeurs, pas à
moitié scolarisés, certains sortis de prison, d'autres
chômeurs chroniques depuis tout le temps, de foyers maganés par la
société et tout ce qu'on voudra, et on essaie d'en faire des
entrepreneurs. Et ça marche, ça marche. Mais c'est
incroyable de voir l'apostolat que ce monde-là doit faire.
On sait ce qu'il faut faire pour que ça marche. Il y a trois
choses de base qu'il faut faire. Il faut rendre le geste d'entrepreneur
acceptable à ces jeunes-là. Eux, ils ont grandi dans un milieu
dans lequel ce n'était pas acceptable d'être entrepreneur. Il faut
commencer par leur rendre ça acceptable. Deuxième chose qu'il
faut faire, c'est qu'il faut qu'ils bâtissent un minimum de
compétences de base. Ce n'est pas compliqué, un minimum de
compétences de base, mais ça en prend un peu. Et la
troisième chose, il faut les aider à se monter un petit
réseau, un petit réseau d'affaires, un petit réseau qui va
leur permettre d'accrocher leur entreprise quelque part. Il y a de la pratique
au Québec pour ça. Cette expérience vient d'être
transportée à Sherbrooke. Elle fonctionne très bien. Je
pourrais vous parler d'une expérience très semblable à
Paris. Je ne vois pas pourquoi on n'est pas capable de capitaliser
là-dessus. On le sait, quoi faire.
M. Léonard: Disons que vous avez évoqué la
question des finances publiques. Moi, je pense qu'à l'heure actuelle on
prend la voie du cercle vicieux descendant, et il faut couper, il faut
recouper, il faut taxer, il faut recouper et, là, on gèle, on
fige complètement l'économie, alors qu'au contraire il y a une
chose qu'il va falloir faire, c'est repartir la roue. Ça, ça me
paraît majeur.
Je pense aussi que ce que vous dites par rapport aux finances publiques
et aux 10 dernières années où il y a eu des
périodes de compression - et c'est ça qui a créé
une certaine morosité dans la fonction publique - fait que chacun
s'attache à son siège par crainte de l'inconnu. C'est un
phénomène qu'on ne retrouve pas juste au gouvernement, mais,
à partir du moment où vous avez une bonne job et un bon boss, il
se manifeste.
Quand vous parlez d'«intrapreneurship», est-ce que vous
pouvez donner un cas concret d'assistance d'une institution, d'une entreprise
gouvernementale qui a fait qu'un employé a pu créer son emploi?
Parce que, pour moi, à partir du moment où on va stimuler la
mobilité des emplois et que les chaises vont commencer à se vider
et à se remplir, et que les gens vont circuler dans l'économie
globalement, je pense qu'on va avoir gagné beaucoup de choses. Un cas
très précis.
M. Lafrance (Marcel): Je vais donner un cas précis.
M. Léonard: Pas trop long, parce que le temps file...
M. Lafrance (Marcel): Non, non, pas long, pas long.
M. Léonard: ...et il y a encore d'autres questions.
M. Lafrance (Marcel): Pas long. C'est comique mais j'aime bien
ça votre question, moi. Marine industrie, Sorel, qui n'existe plus comme
chantier maritime et où j'ai eu l'occasion d'apprendre mon métier
pendant 16 ans. Je me souviens d'un cas que je ne nommerai pas, parce qu'on est
public, d'un bonhomme qui a eu l'idée, un jour, de partir son
entreprise. Lorsqu'on l'a appris, on l'a mis dehors et vite, bonhomme, va-t-en.
Cette idée de vouloir venir concurrencer Marine! Ça
«a-tu» du bon sens? Figurez-vous donc! Le gars voulait se partir,
dans sa cave, un petit atelier, concurrencer une entreprise de 2000
employés. Mais on avait une mentalité, on était en
1962.
En 1964, deuxième cas que je connais, moi Hé que ça
a été dur, mais ça a été sympathique un peu.
On ne l'a pas mis dehors, mais on avait donc hâte qu'il parte. Je
pourrais vous nommer, je ne la nommerai pas, elle existe encore, une compagnie
dans le ferrométal, qui oeuvre du métal, qui est partie avec
l'appui, le support, la technique de Marine, qui lui a permis de créer
une entreprise, il y a peut-être 20 ans, qui, aujourd'hui, emploie encore
une trentaine d'employés. Et, après ça, il y a eu des cas,
des cas, des cas. (20 h 50)
Cette évolution-là ne s'est pas faite au niveau de
l'entreprise. Elle s'est faite au niveau de cadres à l'intérieur
de l'entreprise qui ont dit: Coudon! Tu sais! On faisait chez Marine industrie
des réparations pour Bell Canada. Figurez-vous donc ce que ça
coûtait, réparer un petit piton de Bell Canada chez Marine.
Ça n'avait pas d'allure. Mais ça, on était tout seul
à pouvoir machiner. La logique voulait qu'on donne tous ces petits
contrats-là à des gens qui créaient des formes d'emploi,
et Marine industrie, c'était pour elle des difficultés de faire
des petits cas semblables.
Donc, cet «entrepreneurship»-là, c'est une question,
encore une fois, de préparation, mais figurez-vous comment ça va
mieux quand cet acte de foi là vient d'un président qui dit: Chez
nous, c'est de même qu'on va voir les choses Mais, pour amener un
président de compagnie, que ça soit Marine industrie ou un autre,
à réfléchir comme ça, je le répète,
l'influence, elle vient d'ailleurs, et elle vient d'en haut, et elle vient du
plan de gens qui ont la responsabilité de penser loin, d'une
société à bâtir.
M. Léonard: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
Je vais intervenir dans le sens suivant. Je
vais m'adresser particulièrement à vous, M. Fortin, que je
connais bien, pour avoir été directeur général de
mon cégep à l'époque, responsable de l'OPDQ,
rattaché au Conseil exécutif, parce que je pense qu'il y a deux
dimensions à l'«entrepreneurship». Ce qui semble vous
préoccuper, c'est cette relation qui devrait exister entre
l'«entrepreneurship» et l'État, et c'est dans ce
sens-là que je voudrais qu'on soit peut-être un petit peu plus
concret.
Les objectifs, on est tous d'accord: créer de l'emploi, mais vous
êtes bien conscients qu'on a affaire, on est face à une
réalité, aussi, qui est bien concrète. Je ne vous la
définirai pas: vivre selon nos moyens, les chiffres sont là,
c'est exact. Il est évident aussi qu'on est d'accord que toute
entreprise, que la PME, c'est aussi l'avenir, et je dirais que la PME avec une
spécificité particulière, c'est d'autant plus l'avenir.
Mais, lorsqu'on parle de leadership ou d'«entrepreneur-ship»,
ça nécessite aussi des qualités individuelles: du
leadership, de l'ouverture d'esprit, de l'initiative, et davantage aussi, et
c'est là que je pense que le problème est: une transformation de
nos valeurs, des changements d'attitude et de comportement, le goût de la
réussite, que le travail, aussi, devienne une valeur. Quand on songe,
comme le disait Louis Bernard, que 1 % d'augmentation du taux de
productivité pourrait se traduire en centaines de millions de dollars
dans notre administration publique, où cet argent-là pourrait
servir, effectivement, à la formation et au développement de la
main-d'oeuvre.
Le gros problème... J'ai eu l'occasion de voir, en France, le
développement de centres de responsabilité où on permet
à nos fonctionnaires de récompenser l'excellence; les
performances sont récompensées, et on les sanctionne. Et ce que
je constate aussi, c'est qu'au niveau de l'administration publique - et vous me
direz si je me trompe, M. Fortin, votre expérience étant
supérieure à la mienne - il y a une méconnaissance du
rôle de l'entrepreneur, et eu égard, je dirais, à son
apport à la collectivité, eu égard au rôle que joue
l'État, qui est fatigant - je pense à ce que madame disait -
irritant, agaçant. Et, en ce sens-là, d'une manière
factuelle, d'une manière concrète, est-ce qu'une des solutions ne
serait pas aussi - puisque vous avez été administrateur
d'État - que nos administrateurs d'État, à tous les cinq
ans, tout en conservant leur permanence, puissent faire un stage dans
l'entreprise privée pour, effectivement, redécouvrir, je dirais,
qu'est-ce que c'est que le goût de la compétition, qu'est-ce que
c'est, des valeurs, peut-être, comme le travail, le fait aussi que, dans
un contexte de mondialisation, on est de moins en moins isolés? Et je
pense à des situations que j'ai vécues, où une entreprise
de mon comté a eu la responsabilité de faire
1'électrifi-cation rurale au Rwanda, et on a eu de la difficulté
à faire comprendre à Hydro Interna- tional qu'il était
important de leur prêter une de leurs ressources.
Alors, ma question est très claire: D'une manière
concrète et pratique, M. Fortin - vous l'avez vécu - comment
faire en sorte que l'«entrepreneurship», nos entreprises, nos PME
puissent avoir la configuration d'un atome eu égard à
l'administration publique: neutron, électron et proton, et qu'ensemble
on puisse fonctionner dans la même direction?
M. Fortin: Bien, écoutez, je ne sais pas si ma
réponse va vous satisfaire. Moi, je peux dire, par exemple, qu'en 1960 -
parce que je suis un gradué du même âge que Marcel,
même si je suis plus vieux - je suis retourné dans ma
région d'origine et j'ai démarré une entreprise. À
ce moment-là, neuf fois sur dix, je me faisais dire: Bon, bien, ce n'est
pas le bon temps, ce n'est pas la bonne région, ce n'est pas le bon
secteur. Je crois aujourd'hui qu'une mesure de la culture entrepreneuriale,
c'est le jour, au Québec, où on va être capables de dire
aux jeunes ou aux moins jeunes qui démarrent des entreprises: Bravo, ce
n'est pas nécessairement facile, mais on va essayer de vous aider. Donc,
il y a une question de mentalité, d'attitude.
C'est sûr aussi que, du côté du gouvernement, si on
regarde la façon dont la petite entreprise est examinée par la
haute fonction publique, c'est embarrassant, c'est embêtant, les petites
entrepreneurs. D'abord, c'est difficilement prévisible, c'est des gens
avec qui c'est plus ou moins sécuritaire, pour un administrateur, de
traiter. J'ai eu l'expérience du PECEC pendant un certain nombre
d'années et je pense qu'on a prouvé que, quand on se met à
l'écoute et qu'on essaie, si vous voulez, de s'adapter, on peut faire
des choses.
Au fond, on peut changer l'allure du Québec à très
court terme, rapidement. Il y a des options de gouvernement qui doivent
être prises. Il faut dire qu'on croit à ça et qu'on veut.
Puis il y a aussi, si vous voulez, des attitudes et des comportements ou des
mentalités à changer. On n'a pas besoin de centaines de millions
pour faire le virage. On a juste besoin de se parler, de se comprendre.
L'expertise, on l'a, on l'exporte. La matière grise pour créer
les entreprises dont on a besoin, on l'a. Quand on regarde les
diplômés universitaires qui n'ont pas de job, ça en est de
la matière grise. Quand on regarde la sous-utilisation... Et, moi, c'est
ce qui me scandalise le plus, c'est la sous-utilisation importante de la
matière grise, par exemple, qu'on a au gouvernement. Je ne dis pas qu'il
y a trop de fonctionnaires ou pas, remarquez, mais je connais un paquet de
personnes qui travaillent au gouvernement qui sont utilisées à 10
%, 15 % ou 20 % de leur potentialité. Notre développement, il est
là. Comment on pourrait faire en sorte que la partie non
exploitée le devienne? C'est quoi les passerelles à imaginer pour
que ces gens-là
s'épanouissent en donnant leur plein rendement, puis, en
même temps, créent des opportunités pour d'autres hommes ou
d'autres femmes qui n'ont pas les talents nécessairement de créer
ce type d'emploi?
Donc, ça tient à peu de choses, mais, en même temps,
ça tient à beaucoup de choses. Et, Marcel l'a mentionné
tout à l'heure, d'abord, il faut y croire. Deuxièmement, il faut
vouloir. Et, quand on va y croire puis qu'on va vouloir, moi, je peux vous dire
que la plomberie sur le comment, on va vous l'aligner rapidement. On va vous
l'aligner rapidement, et en matière d'«intra-preneurship»,
et en matière de développement d'«entrepreneurship»
des jeunes, et en matière d'entrepreneur autochtone, non-autochtone,
enfin nommez-les. La plomberie, on l'a. On l'exporte. C'est juste que, pour
nous autres, ça n'a pas été encore important, puis on n'y
a pas trop cru, puis on ne veut pas vraiment. Alors, le jour où vous
direz: Au Québec, on y croit puis on veut, moi, je vous garantis que
vous allez voir changer les choses rapidement.
M. Toulouse: Je voudrais juste ajouter une chose. Vous avez
mentionné l'idée de faire un stage dans les entreprises
privées. Je suis bien pour ça, moi, ces choses-là, mais,
si j'étais à votre place, je ne ferais pas ça parce que
vous n'atteindrez pas ce que vous imaginez que vous allez atteindre.
Si vous voulez avoir des résultats, faites la promotion d'une
politique d'essaimage et d'«in-trapreneurship». Ce que ça va
donner, ça va vous créer deux problèmes, mais c'est des
beaux problèmes. Vous allez perdre de très bons fonctionnaires
qui vont décider que leur futur est encore meilleur dans le jardin vert
de l'autre côté, parce que vous les aurez aidés à
aller voir puis a voir que le jardin était très vert. Donc, vous
allez être triste parce que vous allez perdre certains bons
fonctionnaires. Mais, je vous dis, moi: Parfait, je suis très content.
Parce que eux vont être plus contents, eux vont contribuer autrement et
je ne suis pas inquiet, il y en a d'autres qui vont pousser en arrière
pour les remplacer. Il n'y a pas de problème là. C'est ce qui se
passe un peu partout.
Deuxième chose que ça va faire, c'est que vous allez,
à votre grande surprise, voir des gens que vous ne pensiez pas qu'ils
avaient le talent d'entrepreneur, et ils vont vous surprendre. Puis, c'est
parfait. C'est un autre beau problème. Mais, quand ces deux
résultats vous les avez, ce que ça fait comme image à
l'intérieur du groupe, c'est que ça c'est une voie socialement
acceptable et c'est une voie reconnue. Et ça fonctionne. Je ne vois pas
pourquoi ça ne fonctionnerait pas ici.
Le Président (M. Lemieux): Merci Mme la
députée de Taillon. (21 heures)
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je dois dire que je
trouve ça absolument passionnant parce qu'on se pose la question, et on
pose la question souvent aux gens qui viennent devant nous, et le consensus se
fait sur ça, à savoir qu'il faut absolument rehausser le niveau
d'emploi, le niveau de richesse au Québec par la création
d'emplois. Et, quand on arrive sur des mesures concrètes qu'on voudrait
voir apparaître, c'est parfois difficile de proposer des choses
très précises, alors que vous le faites, je pense, sans aucune
espèce de réserve. Et je trouve ça très
intéressant.
D'abord, j'y crois assez, comme sans doute un certain nombre d'entre
vous le savez, et cette croyance-là, dans la vie politique, ça se
traduit par de la volonté politique qui, ensuite, génère
de l'action politique. Quand l'un d'entre vous parlait de l'expérience
de Boulot Vers dans Hochelaga-Maisonneuve, que je connais très bien, je
peux vous dire que Boulot Vers a inspiré des projets qui ont permis
à de jeunes entrepreneurs de naître, et c'étaient les
groupes de soutien aux initiatives jeunesse. Je suis persuadée que
chacun d'entre vous se souvient de cela. C'étaient des
expériences comme celle-là qui avaient inspiré le fait que
l'on intervienne en disant à de jeunes universitaires, à de
jeunes collégiens: On va vous donner quelques ressources, mais vous
allez aider d'autres jeunes à créer des emplois. On avait
même ouvert le front - et c'est assez passionnant de penser à
ça - au niveau de l'aide sociale en disant: On va continuer à
verser l'allocation, on va vous donner un montant si vous démarrez votre
entreprise. Mais ils disaient: II n'y en a pas, de jeunes entrepreneurs,
voyons, inscrits à l'aide sociale, ça n'a pas de bon sens. C'est
faux. Faux. Il y a des jeunes qui ont créé leur emploi autonome.
Ce n'est pas beaucoup, mais c'est énorme.
Je me souviens d'un, entre autres. H faut que je le dise parce que
ça m'avait tellement fascinée. Il était devenu colleur
d'affiches. Il avait son entreprise à Montréal et il allait
offrir ses services à des théâtres, à des groupes,
à des organisations philanthropiques, peu importe, mais il avait
créé son emploi et généré, par la suite,
d'autres emplois. Alors, moi, je pense que c'est une avenue qu'il faut
exploiter, rassurer, confirmer et appuyer.
Le Président (M. Lemieux): Votre question, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Je
vais la poser. Vous partez de l'«entrepreneuriabilité». On
en a parlé un petit peu déjà. J'aimerais que vous me
disiez ce que cela exigerait, comme action, d'avoir une vision
d'«entrepreneuriabilité» pour un appareil gouvernemental,
pour un gouvernement. L'autre chose, quand vous dites: Encourager l'emploi
autonome, j'en suis. Vous mentionnez la complexité admi-
nistrative à laquelle ces employés,
employés-employeurs, là, ces personnes qui créent leur
emploi sont confrontés. Qu'est-ce que vous proposez pour que l'on
facilite la réduction des irritants? Ils doivent avoir affaire,
actuellement, à une série d'organismes gouvernementaux ou
paragouvernementaux: Commission des normes, ministère du Revenu, peu
importe, là. Qu'est-ce que vous suggérez qui devrait être
fait pour leur faciliter la tâche?
M. Fortin: Je vais essayer de répondre à la
première question. Peut-être que Jean-Marie pourra répondre
à la deuxième.
Touchant l'«entrepreneuriabilité», en fait, ce qu'on
signifie, on voudrait qu'en même temps qu'on pense à
l'employabilité, donc aux gens qui sont habiles à occuper des
jobs, on pense aussi à développer des gens habiles à en
créer, des emplois. Il y a trois barrières à
l'«entrepreneur-ship»: le manque de connaissance, le manque de
support et le manque de financement. Ce qui est assez surprenant, c'est que
moins la barrière connaissance existe, c'est-à-dire plus la
connaissance est là, je dirais, moins c'est nécessaire d'avoir du
support et moins ça coûte cher. Donc, tout ce qui va dans le sens
d'avoir des gens qui sont habiles à identifier des opportunités
d'affaires, des occasions d'affaires, à démarrer des entreprises
et, aussi, habiles dans le processus... Parce que, tout au long de la vie de
l'entreprise, les tâches changent, les habiletés changent. Or,
toute l'idée de formation continue dont parlait Marcel devient
extrêmement importante.
Il va falloir les rejoindre, ces entrepreneurs-là, sous des
formes à peu près inédites. Ce ne sont pas des gens qu'on
retourne facilement sur les bancs d'école, ce ne sont pas des gens qui
lisent beaucoup. Il va falloir trouver des mécanismes, peut-être
avec l'audiocassette, peut-être par de courtes sessions. Enfin, ça
reste à inventer. Mais ce qui serait important, ce serait de
reconnaître que nos entreprises ne seront jamais plus fortes que ceux et
celles qui les dirigent et que plus un environnement devient complexe, plus
ça prend des gens aptes, habiles à les gérer, et
ça, je pense que c'est essentiel. À partir du moment où on
mettra ça dans nos objectifs, sur le terrain, on va trouver, si vous
voulez, des choses qui fonctionnent mieux que les autres.
M. Lafrance (Marcel): Je voudrais juste ajouter sur ça. Un
des plaisirs que j'ai dans la vie, et c'est un honneur, je pense, c'est de
côtoyer des jeunes entrepreneurs en démarrage ou en
démarrage depuis deux ou trois ans. J'en côtoie une douzaine et
quand... Le terme qu'on emploie, c'est «parrainage». Parrainer
cette entreprise-là, donc ne pas faire à sa place; la
côtoyer, l'écouter, l'entendre, la questionner, la motiver.
Un grand plaisir que j'ai eu, c'est quand le ministre MacDonald, il y a
quelques années, quand il était ministre de l'Industrie et du
Commerce, avait décidé de rendre hommage à des parrains de
la ville de Québec. À ma grande surprise, il en avait
identifié une quarantaine, 40 personnes qui étaient des
fonctionnaires, mais des gens de l'entreprise privée qui faisaient le
même travail que je faisais. Donc, s'il en a identifié 40 à
Québec, il pouvait peut-être y en avoir 100, 200, 300 à
Québec, il pouvait y en avoir... Mais ce que je veux faire remarquer,
c'est que ça reste au niveau individuel. C'est plaisant de... Parce que,
moi, dans le milieu des affaires, j'interpelle les gens qui ont réussi
et qui ont des sous, surtout: Ça ne te tenterait pas d'aider un petit
entrepreneur, à un moment donné? Je n'ai pas le temps, ou je n'ai
pas ci, ou je ne connais pas ça. Imaginez-vous donc! Ce sont des gens
qui, des fois, ont dirigé de grandes entreprises et ils disent: Je ne
connais pas ça. Ce n'est pas drôle de dire ça. En tout cas,
toujours est-il... C'est parce que, encore une fois, ce n'est pas passé
dans la compréhension.
Donc, qu'est-ce qu'on peut faire? Bien là, écoutez, moi,
je me dirige vers les gens qui ont la capacité de penser comment est-ce
que, comme organisme gouvernemental... Mais en comprenant très bien ce
que Paul a dit, la première grande pépinière de parrains,
encore une fois, elle existe dans la fonction publique, de gens qui... J'en
connais, moi, qui sont extraordinaires, qui font un travail épouvantable
de support a des jeunes entrepreneurs, qui les empêchent, justement,
d'être dans le x % - un nombre très élevé - de ceux
qui échouent avant cinq ans parce qu'ils n'ont pas vu, parce qu'ils ont
manqué d'information.
Le Président (M. Lemieux): Brièvement, comme en
«entrepreneurship», parce que je suis limité par le
temps.
M. Toulouse: Vous allez voir que ça va être court.
Sur votre question, concrètement, les travailleurs autonomes
soulèvent deux questions. Ils soulèvent la question des avantages
sociaux, en particulier des fonds de pension. Quand je travaille tout seul,
comment je pourrais bien faire pour participer, pour être moins
démuni face aux fonds de pension? Il y a des moyens de faire ça.
Je suis sûr qu'il y a moyen d'en arriver à ça. Et tous les
autres avantages sociaux qu'on retrouve habituellement dans la
société, qu'il est très difficile pour un travailleur
autonome de se donner. Faites attention, des travailleurs autonomes, il y en a
qui sont très scolarisés.
Deuxième partie, la question de la simplification administrative.
Ce qu'ils disent, eux autres, c'est qu'ils aimeraient parler à 1
interlocuteur et non pas à 27, plus ceux de la ville. Parce qu'il ne
faut pas les oublier. Puis, si c'est la ville de Montréal, il y en a
plusieurs. Alors,
ça fait 27 multiplié par 2. Eux autres, ils voudraient
parler à un.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre, il vous
reste une minute.
M. Savoie: Une minute, M. le Président, tout simplement
pour les remercier de leur présence et souligner encore le fait que
ça a été rafraîchissant de les entendre, ça a
été stimulant, comme l'a mentionné la
députée de Taillon, et remercier Mme Duhamel. Malheureusement, on
n'a pas eu l'occasion d'échanger suffisamment. On a bien
apprécié votre exposé. Peut-être qu'on aura
l'occasion de vous entendre encore une fois. Je vous remercie beaucoup de votre
présence et de votre déplacement.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous vous
remercions de votre participation à cette commission parlementaire.
Nous allons suspendre deux minutes pour permettre au Nouveau Parti
démocratique de bien vouloir prendre place à la table des
témoins, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 21 h 8)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît!
Je demanderais aux membres du Nouveau Parti démocratique de bien vouloir
prendre place à la table des témoins. Nous vous souhaitons la
bienvenue.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement les règles de la
procédure parlementaire. Le porte-parole de votre groupe aurait-il la
gentillesse de bien vouloir s'identifier et de nous présenter, dans un
premier temps, les gens qui l'accompagnent? Dans un deuxième temps, la
procédure est la suivante: nous avons une heure consacrée
globalement à l'étude de votre mémoire, dont 20 minutes
pour l'exposé de votre mémoire et 40 minutes de discussion entre
les deux formations politiques, 20 minutes pour les ministériels et 20
minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.
Alors, je demanderais maintenant à la porte-parole de bien
vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent,
s'il vous plaît.
Nouveau Parti démocratique du Québec
(NPD Québec)
Mme Jobin (Lucie): Oui. Bonjour, messieurs dames. Je suis Lucie
Jobin, présidente et chef du Nouveau Parti démocratique du
Québec. M'accompagnent Mme Jocelyne Dupuis, qui est membre du conseil
exécutif du NPD; M. Claude Ricard, qui est aussi président du
conseil régional de la région de Montréal; M. Richard
Aubert, aussi, qui est à l'exécutif du conseil régional de
Montréal, et M. Jean-Marie Fiset, qui est membre du Nouveau Parti
démocratique.
Le Président (M. Lemieux): Merci Alors, nous
écoutons l'exposé de votre mémoire.
Mme Jobin: Pardon?
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts
à vous écouter...
Mme Jobin: O.K.
Le Président (M. Lemieux): ...relativement à
l'exposé de votre mémoire.
Mme Jobin: Alors, pour commencer, ce qu'on voulait souligner
d'entrée de jeu, c'est que la façon dont la commission
parlementaire a été lancée dans le courant du mois de
janvier, c'est que, habituellement, ce qu'on avait connu par le passé,
c'est que le gouvernement, le parti au pouvoir déposait comme un livre
blanc. Là, nous avons eu le malheur de voir le document par
après. Alors, c'est pour ça que le mémoire ne
répond pas nécessairement à toutes les questions
posées par le gouvernement du Parti libéral. De plus, nous
voulons aussi souligner que c'était une demande à laquelle le
gouvernement avait acquiescé, la commission parlementaire sur la
fiscalité, dans le cadre de la prolongation des conventions collectives
du secteur public et parapublic. À ce moment-là, il y avait eu
entente au fait que ce serait une commission qui prendrait le temps d'exposer,
de débattre de toutes les questions entourant la fiscalité.
Alors, ça, c'est pour commencer.
Alors, si vous avez pris connaissance de notre mémoire, ce qu'on
tient à vous dire, c'est que la récession dans laquelle on se
débat maintenant est surtout causée par la politique
monétaire du gouvernement canadien, et puis à laquelle on est
confrontés, compte tenu qu'on fait partie du Canada. Ce ne sont pas les
Américains qui ont fixé les taux d'intérêt à
un niveau qui empêche les industriels de donner suite à leurs
projets d'investissement et qui, de plus, ralentit l'ensemble des
dépenses de consommation. Car la récession, ici, qu'on a connue,
ça ne dépend pas seulement de la conjoncture mondiale. Si on
regarde du côté des États-Unis, ça a
été beaucoup moins grand, comme récession, moins majeur.
Alors, nous, ce qui est arrivé, c'est que, vu que nos taux
d'intérêt étaient plus élevés que les taux
d'intérêt américains, ça a causé que... Si
ça avait été égal à nos recettes fiscales,
à ce moment-là... Non, si ça avait été
égal aux taux d'intérêt américains, nos recettes
fiscales auraient été inférieures à 10 000 000 000
$, c'est-à-dire supérieures à
10 000 000 000 $, mais inférieures, et les dépenses
sociales auraient été supérieures à 8 000 000 000
$, inférieures, pardon. Je suis toute mélangée,
excusez-moi.
Là, nous, ce qu'on veut souligner aussi, ce qui est important,
c'est que, par rapport à la fiscalité, on constate que c'est les
gens ordinaires qui paient la plus grande partie des impôts et des taxes
et qu'on obtient de moins en moins de services; les entreprises, elles, de leur
côté, réclament de plus en plus une réduction de
leur charge fiscale, si on regarde ce qui s'est passé avec la CSST, avec
l'assurance-chômage et avec les normes du travail. En fait, ce qui se
passe ici, au Canada, c'est que les particuliers supportent la plus large part
des impôts directs, c'est-à-dire 72,5 % contre 59,6 % pour le G 7,
c'est-à-dire les sept pays les plus industrialisés.
On retrouve à la page 4, par rapport au Québec, comment
ça se divise, les revenus du gouvernement. Déjà là,
on voit qu'au niveau des particuliers c'est 44,6 %, les taxes à la
consommation sont de 27,2 % tandis que les impôts des
sociétés sont à 6,7 %, ce qui prouve que c'est les
citoyens et les citoyennes qui paient le plus d'impôts. Puis on n'a pas
parlé non plus des abris fiscaux - ça, je suis sûre qu'on a
dû vous en parler lors des différentes auditions - qui permettent
aux entreprises d'abaisser ou de différer les impôts qu'elles
doivent payer.
Alors, nous, ce qu'on vous suggère, c'est de changer de
politique, c'est-à-dire que, pour essayer d'augmenter les revenus du
Québec, un gouvernement dispose de deux sources pour se financer: soit
taxer les revenus des particuliers et des sociétés, soit taxer
les dépenses. Nous, ce qu'on privilégie là-dedans, c'est
le premier moyen, c'est-à-dire taxer les revenus des particuliers et des
sociétés, à ce moment-là, pour financer les
activités de l'État en fonction de la capacité de payer et
non pas en taxant de la même façon le millionnaire ou le
chômeur qui s'achète une brosse à dents.
Si on parle du taux de chômage, on sait que - les chiffres qui
sont sortis dernièrement -le taux de chômage a peut-être
baissé, mais le nombre de travailleurs aussi a baissé parce qu'il
y a moins de personnes... même si elles n'ont pas de travail
actuellement, elles sont considérées comme travailleurs. Un peu
désespérées, elles ne cherchent plus d'emploi. Alors,
ça, déjà ça diminue les revenus du gouvernement
aussi.
Si on veut que les gens travaillent, que les entreprises soient
profitables pour qu'elles puissent payer des impôts, c'est la croissance
du PIB, c'est-à-dire le produit intérieur brut. Ce n'est pas les
politiques de laisser-faire, autant celles du Canada que celles du
Québec, qui vont nous mener à augmenter la croissance du PIB. Ce
qu'on dit, c'est qu'il faut axer sur la production et non plus seulement sur la
consommation. Alors, quand on tente de faire croire au peuple que c'est le
désengagement de l'État, ou la déréglementation, ou
la privatisation qui apporte la prospérité, nous, on n'est pas
d'accord avec ça. On trouve que c'est le temps de mettre les pendules
à l'heure si on veut éviter un naufrage pour l'ensemble de la
société québécoise, et ce, tant au niveau des
services que de son développement économique.
Dans notre mémoire, on souligne aussi l'importance de... Si vous
avez pris connaissance des recommandations à la fin, ça ne pourra
pas tout se réaliser dans le cadre constitutionnel qu'on connaît.
C'est pour ça qu'on met l'indépendance du Québec aussi de
l'avant, entre autres pour fixer notre taux de monnaie et aussi pour fixer les
taux d'intérêt selon nos besoins à nous. À la page
6, on voit que, si une nation ne contrôle pas tous les leviers, elle ne
peut pas, à ce moment-là, jouir complètement de sa
souveraineté et, à ce moment-là, appliquer ce qu'elle
désire comme politique fiscale et politique monétaire. Vous savez
que le Conseil du patronat du Québec, lui, disait que, quand le dollar
canadien valait 0,76 $ US, comme en décembre 1987, les industries
québécoises étaient concurrentielles dans 16 secteurs sur
17. Maintenant que le dollar est autour de 0,80 $ US, on n'est
compétitif que dans 5 secteurs sur 17. Puis les taux
d'intérêt au Canada sont deux fois plus élevés que
ceux observés chez nos voisins. Alors, c'est difficile, à ce
moment-là, de faire une relance de l'investissement dans la recherche et
le développement, dans l'innovation et la modernisation.
Ça aussi, si vous avez pris connaissance des articles dans
certains journaux qui sont parus dernièrement, quand on parle de
recherche et développement et de formation de la main-d'oeuvre, on se
rend compte que c'est au Canada mais aussi au Québec qu'on investit le
moins dans la formation de la main-d'oeuvre et dans la recherche et le
développement. On sait que, au niveau de l'amiante, il y a un centre qui
travaille sur le développement des techniques et tout ça, mais
ça pourrait être aussi intéressant de faire ça dans
le cadre de l'aluminium. Quand on parle de tout ça, c'est aussi pour
améliorer les conditions de vie de la population. Au niveau du
Québec, il y a un potentiel de développement, mais il est
étranglé dans le cadre fédéral. (21 h 20)
Si on continue... Quand on parle du taux de chômage qui est autour
de 13 % actuellement, le gouvernement réussit quand même à
percevoir des revenus de plus de 33 000 000 000 $, mais on réalise que
c'est insuffisant. Depuis le début des années soixante-dix, on
constate que le gouvernement finance une partie des opérations courantes
en procédant à des emprunts. Alors, ça, c'est ce qui est
expliqué dans le document du Parti libéral. Cette année,
on estime que le déficit va être de près de 2 700 000 000
$. Ça a été corrigé lors de l'ouverture de la
commission parlementaire. M. Johnson a dit que ce serait
même plus élevé que ça. Nous, ce qu'on vous
propose, ce qu'on suggère, c'est que, en faisant une simple règle
de trois, on se rend compte que, si le taux de chômage baissait à
6 %, les impôts et les taxes supplémentaires perçus,
ça permettrait d'avoir un budget qui serait équilibré. Si
ce taux de chômage diminuait en deçà de 6 %, le
gouvernement du Québec pourrait alors rembourser une partie de la dette
accumulée et ainsi affecter un certain montant au financement des
besoins criants dont on vient de parler, entre autres la formation de la
main-d'oeuvre puis la recherche et le développement.
Alors, ce qu'on pense, c'est que cet exercice - la règle de trois
- illustre bien le fait que le problème de fond n'est pas le
déficit ni l'universalité des programmes sociaux, mais
plutôt le niveau d'activité de notre économie. Quand on
disait qu'on devait privilégier plutôt le développement
d'une économie basé sur la production que sur la consommation,
avec tout ce qu'on connaît qui se développe au niveau du
Québec, avec les grandes compagnies qui vendent à des prix plus
réduits, comme les Club Price ou tout ça, ce n'est pas ça
qui va nous aider à nous en sortir.
On parle aussi du néo-libéralisme qui est... Tout le monde
est au courant. Ça fait déjà depuis que Reagan
était au pouvoir. Maintenant, c'est changé. On sait que M.
Clinton est arrivé comme président des États-Unis. Mais je
crois que les Américains ont jugé ce qui s'est passé
depuis ces années-là, depuis Reagan, ensuite Bush. Ils n'ont pas
livré la marchandise, ils n'ont pas fait en sorte, malgré toutes
les coupures et toutes les promesses qui avaient été faites, de
solutionner les problèmes au niveau de l'économie. Alors, nous,
ce qu'on demande au gouvernement, c'est de prendre le leadership - ça a
été soulevé par l'autre groupe qui était avant
nous, là - autant au niveau de la formation de la main-d'oeuvre que de
la recherche et développement, et aussi certains exemples plus concrets.
Puis aussi, par rapport à ce qu'on a connu ces dernières
années, on dit: Arrêtez d'avancer de l'argent à des
gérants d'épicerie, comme Gaucher et Nadeau, ou à des
aventuriers syndicalistes, comme Malenfant, puis qu'on élabore avec les
partenaires industriels, syndicaux et financiers des projets créateurs
d'emplois. Il y a déjà eu des tentatives qui ont
été faites et, dans certain cas, ça a donné de bons
résultats, mais il faudrait que ce soit une politique qui se
développe.
Alors, les exemples, vous en avez à la page 7, au niveau des
alumineries du Québec qui bénéficient de tarifs
préférentiels de la part d'Hydro-Québec. Pourquoi le
premier ministre du Québec ne réunit-il pas les P.-D.G. des
différentes alumineries afin d'élaborer des projets permettant la
transformation de l'aluminium au Québec? Pour éviter que la
rencontre ne tourne a rien, la menace de réviser certains tarifs
d'électricité susciterait probablement quelques suggestions
intéressantes. On veut faire en sorte que les profits qui sortent de ces
compagnies-là servent aussi à la population du Québec et
servent au développeemnt d'emplois pour la population du
Québec.
Au niveau des papetières, tout le monde est au courant que
celles-ci éprouvent des difficultés à exporter leurs
produits à cause de l'encrage du papier. Là encore, pourquoi le
gouvernement ne prend-il pas l'initiative de discuter, avec les partenaires, de
la construction d'une ou de plusieurs usines de désencrage? Là
aussi, le gouvernement dispose d'atouts: gestion des droits de coupe, programme
du ministère des Forêts, etc.
Finalement, Hydro-Québec a généré un
bénéfice net de 619 000 000 $ l'an dernier. Dans ce cas, on n'a
même pas à transiger avec ses actionnaires extérieurs car
c'est le gouvernement qui est le seul propriétaire d'Hydro. Pourquoi le
premier ministre, en tant que mandataire du peuple, ne demande-t-il pas
à Hydro-Québec de susciter des alliances permettant de
développer une industrie exportatrice d'équipement
électrique?
Alors, ça pourrait s'allonger comme liste d'exemples, mais ce
qu'on veut, nous, c'est que le gouvernement du Québec, dans le cadre de
sa politique ou de son budget qu'il présentera, s'enligne dans le sens
de vraiment prendre ça en main et de faire preuve de leadership. Les
bavardages sur le Québec inc. ont assez duré, la
«concertation-spectacle» et la
«concertation-concession» aussi. Nous, on dit: La population du
Québec a besoin d'un gouvernement qui prenne le leadership, qui impulse,
innove, anime, associe et réalise, et tout ça, dans le cadre d'un
Québec qui devrait être indépendant pour se permettre de
prendre exactement les décisions qu'il a besoin de prendre et de faire
appliquer, pour faire en sorte que les taux de monnaie et des
intérêts ne nous égorgent pas. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
député de Verdun
M. Savoie: Vous permettez, monsieur?
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse! M. le ministre du
Revenu.
M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais, je pense, au nom de mes collègues, vous remercier pour le
temps que vous avez pris pour rédiger le mémoire, le
présenter, vous déplacer ici ce soir pour nous entretenir sur
certains problèmes que vous constatez et, finalement, les
réponses, les orientations que vous nous proposez qui font partie des
grandes orientations, depuis fort longtemps, du Nouveau Parti
démocratique du Québec
Vous comprendre/ qu'il est assez difficile
de prendre ça item par item, d'échanger, puisque,
finalement, ce qu'on sent, c'est, avec certaines données, certaines
difficultés de constater révolution récente du
Québec. On a souligné à plusieurs reprises, par exemple,
les efforts considérables que le gouvernement du Québec a faits
pour aider, venir en aide aux gens à faibles revenus, aux gens qui,
finalement, devaient faire face à une situation économique
difficile, mais que ces allégements que nous avons accordés
à une grande partie de la population nous coûtent
extrêmement cher.
On avait parlé, par exemple, du fait qu'aujourd'hui un couple
avec deux enfants et un revenu ne payait pas d'impôt avant d'avoir
réalisé un revenu imposable de 26 000 $. C'est énorme!
C'est ce qu'il y a de plus généreux, à ma connaissance,
tout au moins, en Amérique du Nord. Une famille monoparentale à
un revenu, pas d'impôt avant 21 000 $ ou 22 000 $. Il y a des
allégements également au niveau de la taxe de vente. Ce sont
là des mesures très concrètes qui nous ont
coûté très cher. Finalement, lorsqu'on regarde l'ensemble
du panier de services, actuellement, nous constatons que ce que nous mettons
à la disposition de la population dépasse de loin la
capacité de payer de la population, de façon à ce que nous
projetons, 60 ou 75 ans...
Le but de cet exercice est d'identifier des secteurs où nous
pouvons intervenir pour permettre à nos enfants, dans 40 ou 50 ans, de
payer pour les services qu'ils vont recevoir et non pas payer pour ce que,
nous, nous avons consommé. C'est ça, parce que, actuellement,
c'est ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes en train de nous taper
des services, de nous taper un panier considérable. Et nous sommes en
train de dire: On va laisser payer ceux qui vont nous suivre, non pas pendant
une génération, mais pendant deux et trois
générations. C'est énorme! Alors, il faut être
responsable. Il faut intervenir.
On constate des éléments, finalement, une volonté
de votre part de saisir les difficultés, mais des mesures
concrètes... On constate une certaine orientation, mais on se demande
si, effectivement, vous êtes en mesure de nous présenter des
interventions précises pour, justement, faire face à cette
situation où on doit réduire le panier des services en mesure de
nos moyens de payer. Et je pense, par exemple, qu'il y en a eu plusieurs qui se
sont penchés là-dessus, qui ont cherché des solutions.
Je pense que le député a certainement des questions
à vous poser là-dessus. Je pourrais peut-être...
Une voix: Les laisser répondre.
M. Savoie: Oui, mais peut-être le laisser intervenir
à ce moment-ci, parce que c'est ce qu'il voulait.
Le Président (M. Lemieux): Malheureusement, je me dois, M.
le ministre, de... (21 h 30)
M. Savoie: Oui.
Le Président (M. Lemieux): ...faire respecter la
règle de l'alternance.
M. Savoie: C'est ça. Et peut-être avec une
réplique.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des
commentaires relativement aux propos de M. le ministre?
Mme Jobin: Brièvement. Quand on dit de créer un
ministère de l'emploi qui permettrait d'intégrer et d'articuler
l'ensemble des politiques gouvernementales... On le sait que le gouvernement a
fait certains efforts, mais ce n'est pas en décidant de restreindre ses
efforts ou de diminuer ses efforts vis-à-vis d'un certain groupe de la
population par rapport à un certain autre groupe pour l'avenir que
ça va régler le problème dans l'ensemble. Nous, ce qu'on
vous suggère plutôt, c'est d'avoir comme une gestion
intégrée des différentes politiques dans les
différents domaines où vous les appliquez, autant aux niveaux
monétaire, industriel, fiscal et éducation-nel, même
environnemental.
Je le sais que c'est vague et vaste comme projet, mais je pense que le
gouvernement, dans son projet social, s'il était finalement clairement
établi, à part de diminuer l'universalité ou de
restreindre ou de tarif ier certains services, là, on pourrait
intervenir sur des choses concrètes mais dans le sens où...
Là, vous voulez restreindre ou diminuer sans avoir d'image d'ensemble
des besoins de la population et répondre aux besoins de la population.
Ce qu'on peut se dire, c'est que, dans certains domaines - certains pourront
intervenir - il y a des changements à apporter qui pourraient
certainement diminuer les coûts des politiques ou des services que vous
offrez. Mais ça ne serait pas à la population d'embarquer
là-dedans. Je ne sais pas si M. Fiset...
M. Fiset (Jean-Marie): Juste pour prendre l'exemple de la
santé, ce serait facile. Nous autres, on est contre, d'abord,
l'imposition du ticket modérateur et puis l'impôt-services. Pour
reprendre votre slogan de la commission parlementaire «Vivre selon nos
moyens», il faut aussi que la population vive selon ses moyens et en
santé aussi.
Pour continuer dans le domaine de la santé, j'ai
déjà suggéré à un certain
député ministre qui a démissionné
dernièrement la possibilité, comment je dirais, de transformer la
carte d'assurance-maladie en une carte de crédit, si l'on veut. Un peu
comme une carte de crédit, on remet un reçu à la personne
qui va acheter un
objet. Quelqu'un qui va aller chez un médecin passe sa carte
d'assurance-maladie, passe sur la... Comment on dit ça?
Une voix: La castonguette.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Fiset: La castonguette. Ensuite, il n'y a plus rien qui lui
reste dans les mains. Il n'a aucune preuve des traitements qu'il a
reçus. Il ne sait pas comment ça lui coûte. Il ne sait pas
son diagnostic nécessairement et, en fin de compte, il ne peut pas se
monter un dossier médical lui-même, le conserver puis s'en aller
avec voir un autre professionnel, tandis que, si les coûts étaient
indiqués, je suis certain qu'il y a certains professionnels de la
santé qui seraient gênés d'indiquer les coûts des
services qu'ils rendent à certains bénéficiaires.
Peut-être qu'à ce moment-là ça jouerait un peu dans
le système de santé, dans les coûts des services de
santé. C'est une façon de contrôler.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je pense
que votre mémoire est intéressant par, d'une part, le fond,
à savoir que vous arrivez, un peu comme ceux qui vous ont
précédé et d'autres avant vous, à la même
conclusion, que, si on ne s'attaque pas à la gangrène qu'est le
problème de l'emploi, du sous-emploi et du chômage, c'est
évident que, dans 5 ans, dans 10 ans, peu importe la perspective, on se
retrouvera dans les mêmes circonstances ici, à se pencher à
nouveau sur les finances publiques en disant: On n'a plus les moyens de
s'offrir un certain nombre de services, etc. Ça va de soi que, si on ne
s'attaque pas à la cause même de la désorganisation de nos
finances publiques, on ne résoudra pas le problème. Donc, je
pense que, là-dessus, ça rejoint un bon nombre de groupes qui
sont venus devant nous.
Je suis d'accord avec vous que c'est tout à fait dommage que nous
n'ayons pas eu les documents concernant les finances publiques avant que les
groupes ne soient invités à participer à nos débats
et à présenter des mémoires. Je crois même que c'est
inadmissible dans nos institutions, telles que nous les connaissons, nos
institutions démocratiques. Et je vais vous dire, c'est pire que
ça, parce que le matin où on a commencé nos travaux, on
nous a donné une explication sur une baisse importante des revenus pour
lesquels... Nous ne savions pas quelles étaient les sources de cette
baisse aussi importante, le matin même du début de nos travaux.
Donc, dans ce sens-là, je pense que votre remarque était tout
à fait pertinente.
Revenons maintenant sur ce que vous proposez dans votre mémoire.
Moi, il y a une préoccupation que j'ai dans le cas d'une politique de
l'emploi qui est la façon dont nous allons réunir les
décideurs ou les partenaires économiques, sociaux et politiques.
Parce qu'une politique de plein emploi, essentiellement, là, c'est
quatre éléments de fond: c'est de la volonté politique
partagée, dans une société, par l'ensemble des
intervenants; c'est de la concertation; c'est de la responsabilisation ou de la
décentralisation, parce que ça va de pair, responsabiliser les
gens qui sont concernés, et c'est l'adoption de politiques actives du
marché du travail reliées à l'employa-bilité,
à la formation, à la sécurité du revenu. On
pourrait élaborer longuement là-dessus, mais ce n'est pas
ça que je veux questionner.
Quelle institution pourrait-on imaginer pour nous permettre de concerter
les partenaires? Nous avions commencé une table de l'emploi, dans les
années 1984-1985. Il y avait un ministre de l'Emploi qui avait
été nommé à l'époque, on se souvient,
c'était d'ailleurs un ex-syndicaliste, M. Dean, et on avait
commencé à réunir les partenaires. Mais qu'est-ce que vous
entrevoyez, vous qui avez réfléchi à ces
questions-là? Parce que je sais que ça fait un long moment qu'on
y réfléchit chez vous. Qu'est-ce que vous entrevoyez comme
institution, comme outil? Quelle sorte de pouvoirs lui donneriez-vous? Et
à qui cette institution-là et ses représentants ou ses
membres devraient-ils être redevables?
Mme Jobin: Je vais passer la parole à Mme Dupuis parce que
c'est surtout elle qui est...
Mme Dupuis (Jocelyne): Avant de répondre plus
spécialement à votre question, j'aurais de la difficulté
à vous dire quel genre d'institution on pourrait créer, mais
j'aimerais ça faire un lien avec la discussion que j'ai entendue
tantôt au sujet des PME et de l'«entrepreneurship». Depuis
les années quatre-vingt, au début des années quatre-vingt,
on lisait dans les livres d'économie que la création d'emplois
venait des PME. Je veux dire, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on sait ça.
La plus grande source de création d'emplois, c'était les PME.
Qu'est-ce qu'on a fait avec les PME, présentement, depuis ces
années-là? On a créé la TPS, la TVQ, le
libre-échange, ce qui a entraîné la faillite de plusieurs
PME, et je me demande combien de PME vont être encore en faillite avec
l'accord du libre-échange à trois. Je pense que
déjà là c'est des moyens socio-économiques que les
gouvernements ont choisis qui ont fait que ça n'a pas aidé aux
entrepreneurs québécois à conserver leur entreprise et
aussi à conserver les emplois qu'ils ont pu créer à ce
moment-là. Je veux dire, au départ, c'est déjà un
point, même trois grosses choses qu'on pourrait changer pour créer
de l'emploi et redonner le goût aux entrepreneurs d'entreprendre de
nouvelles entreprises, de commencer de nouvelles entreprises.
La concertation, on en parle depuis long-
temps. Je veux dire, moi, je ne suis pas entrepreneur, je suis simple
enseignante. Je veux dire, je ne sais pas c'est quoi les moyens que les
entrepreneurs peuvent avoir et les moyens que le gouvernement peut avoir pour
aider les entreprises, mais la concertation, on en parle. Au forum du plein
emploi, on en parlait. Je veux dire, ce n'est pas depuis... Même dans les
années soixante-dix, il y a eu un livre blanc sur les politiques
québécoises de la main-d'oeuvre. C'est M. Pierre Laporte qui l'a
écrit, ce livre-là, avant qu'il meure. Ce n'est pas d'aujourd'hui
qu'on se préoccupe de ça. Pourquoi que ce n'est pas plus
avancé présentement? C'est le commentaire que j'ai à faire
à votre question, parce que trouver l'institution, je ne le sais
pas.
Mme Marois: Je suis d'accord que c'est très complexe, dans
le fond, et puis on a sûrement à y aller un peu par essai et
erreur, en regardant, évidemment, ce qui s'est passé à
travers le monde, là où il y a des politiques de l'emploi qui ont
mené, à toutes fins pratiques, au plein emploi. Donc, ça
peut nous inspirer, mais je pense qu'on aura à inventer le
modèle. Il y a des expériences, actuellement, absolument
emballantes, dans le fond, même si elles sont limitées,
jusqu'à un certain point. (21 h 40)
Vous parliez du Forum pour l'emploi. Je pense que c'est quand même
une expérience de base qui est utile et nécessaire. C'est que
ça permet justement à des partenaires et à des
décideurs au moins de s'apprivoiser, parce que, quand on ne se
connaît pas ou qu'on ne se parle pas, c'est difficile de se concerter.
Quand ce ne serait, donc, que de faire cela, on aurait été dans
la bonne direction, mais il va falloir dépasser cela. Ce qu'on
recherche, dans le fond, c'est d'imaginer quels sont les modèles qu'il
faudra développer pour que ces outils-là dont on a besoin, de
concertation, soient efficaces et utiles.
Je vais revenir - et ça va être ma dernière question
et peut-être que vous pourrez revenir aussi sur ce que je viens de dire -
justement sur cette question du libre-échange. À la
recommandation 5 du document, vous dites... Bon, c'est un peu nouveau, comme
approche, ce que je vois là. Vous dites: Abroger l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis et négocier un nouveau
traité où les États-Unis ne pourraient pas imposer
unilatéralement des droits compensateurs. Pouvez-vous élaborer un
petit peu autour de ça? Parce que c'est assez nouveau, effectivement,
comme position. On s'entend, hein! Ce n'était pas...
Mme Jobin: Oui. M. Ricard va vous répondre.
M. Ricard (Claude): Le libre-échange, même si le
Parti libéral et le Parti québécois l'ont appuyé,
ce fut une catastrophe et c'est une catastrophe, et le libre-échange
à trois, ça va être aussi une catastrophe. Quand j'ai lu le
document «Vivre selon nos moyens», en filigrane de ça, ce
qu'on voit, et ça me met en colère parce que c'est
réellement forcer la note, c'est rire du monde, c'est une
idéologie de droite. C'est carrément conservateur et c'est une
orientation de conservateurs qui nous mène direct vers le XIXe
siècle et non vers le XXe siècle. Alors, tant et aussi longtemps
qu'on va prendre la direction, dans l'histoire, dans ce sens-là, bien,
je me demande si on va arriver à l'an 2000 avec tous nos morceaux, sans
cassure. «Vivre selon nos moyens», c'est fallacieux dans le sens...
Il y a des gens ici qui gagnent 200 000 $, 300 000 $. Il y a des gens qui sont
sur le bien-être social. Vivre selon ses moyens, pour eux autres,
ça ne veut pas dire du tout la même chose. Quand on parle de
même, on met tout le monde sur une piste de course et on nous dit: Ils
vont tous arriver en même temps sur la même ligne. Ce n'est pas
vrai. Il y en a qui vont arriver les premiers et d'autres qui n'arriveront
jamais à la ligne d'arrivée. Et on veut couper dans les services.
On veut couper pour économiser des sous. Mais, si on a
dépensé de l'argent, cet argent-là va dans les poches de
quelqu'un, il ne va pas dans les vidanges. Et c'est dans ce sens-là
aussi qu'il faut quand même comprendre et voir à organiser la
société. Faire un équilibre, oui, mais pas un
équilibre en coupant dans les services de ceux qui en ont le plus
besoin, en coupant dans les revenus de ceux qui n'en ont presque pas et qui
dépensent presque tout pour vivre et qui n'arrivent pas de toute
façon.
On peut dire: II y a de la fraude dans certains cas, mais on sait que la
fraude, en général, que ce soit à
l'assurance-chômage ou à l'aide social, c'est autour de 1 %, en
incluant les erreurs administratives. Quand même! On ne fait pas des lois
pour 1 % de la population, on les fait pour 99 %, et ceux qui sont dans le 1 %,
on essaie de les poigner par des enquêtes. Mais pas des enquêtes
violentes, des enquêtes, disons, qui attaquent la dignité humaine,
mais des enquêtes normales, administratives, mais sans mettre l'emphase
et dépenser des fortunes juste en enquête parce qu'il y a 1 % ou
à peu près de la population qui est possiblement fraudeur. Alors,
c'est ça.
La même chose à l'assurance-chômage, à Ottawa.
C'est l'idéologie de droite, l'idéologie des conservateurs. Et le
Parti libéral, qui s'est déjà dit social-démocrate,
bien, vous avez reculé dans l'histoire, parce que, avec une position de
même, c'est carrément une position de désengagement de
l'État, laisser tout à la libre entreprise, laisser tout à
la mondialisation des marchés. Comme si les marchés, c'est
nouveau qu'ils soient mondiaux. Ça a toujours été mondial.
Et, dans une économie comme le Québec, qui, sous le
régime français, était un régime colonial,
le régime anglais était un régime colonial, la même
chose, et... Je veux dire, il ne s'agit pas de revenir à ça, il
s'agit de ne pas...
Actuellement, on essaie de vendre sur les marchés, vendre
à l'extérieur. Tout le monde, tous les pays veulent vendre
à l'extérieur, mais personne pense à satisfaire les
besoins de sa population, à investir dans sa population. Et, à
partir de ce moment-là, lorsqu'on va penser à investir dans sa
population et pour sa population, on va peut-être découvrir et
développer des marchés. C'est ainsi qu'au Japon ils ont fait,
c'est ainsi qu'en Allemagne ils ont fait, c'est ainsi qu'en Scandinavie ils ont
fait. Ce n'est pas compliqué. Au sortir de la guerre, comme en Allemagne
et au Japon, ils ont dit: On va produire parce qu'on est
dévastés. Un, on va reconstruire et bâtir selon nos
besoins. Et, éventuellement, ce qui est arrivé arriva. Ils ont pu
bâtir, se développer, exporter et inonder le marché de
leurs produits. Mais pas l'inverse! Il ne s'agit pas d'aller vendre ailleurs
tout de suite, sans satisfaire les besoins de la population. En coupant dans
nos services, en coupant dans tout ça et en vivant selon les moyens, en
voulant dire: Celui qui gagne 20 000 $, il vit trop riche, et celui qui vit de
200 000 $, c'est correct, c'est normal, il faut qu'il dépense, c'est
ça qui va nous apporter la prospérité, bien, si c'est de
même qu'on pense, on s'en va directement vers l'an 1900 et non... Le
tournant du siècle, on va le prendre dans le siècle passé
et non pas dans le siècle à venir.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez... Mme la
députée de Taillon, ça va?
Mme Marois: Ça va, c'est terminé.
Le Président (M. Lemieux): Nous prenons... Oui, vous
voulez ajouter quelque chose, monsieur?
Mme Marois: J'ai juste un petit ajout.
Le Président (M. Lemieux): Oui, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: J'aurais aimé ça que vous
élaboriez un petit peu sur la question du libre-échange.
M. Ricard: Écoutez, le libre-échange
Canada-États-Unis...
Mme Marois: Sur ce que vous proposez par rapport à...
Parce que, moi, ce que j'avais vu de vos positions auparavant, à moins
que je ne me trompe, et ça peut arriver, c'est que vous vous opposiez
carrément à ce qu'il y ait toute espèce de forme de
libre-échange. Là, vous dites: Bon, renégocions l'entente
de libre-échange. Ça signifie quoi concrètement pour
vous?
Mme Dupuis (Jocelyne): Bien, c'est que, présentement,
quand les Etats-Unis ne sont pas satisfaits, ils changent les règles du
jeu. Je veux dire, ils sont les plus forts puis ils changent les règles
du jeu. C'est ça qu'on voudrait qui arrête. Si le gouvernement ou
les gouvernements ne prennent pas l'initiative d'annuler le
libre-échange... Parce que je me souviens d'avoir lu dans
L'actualité récemment que, même avant qu'on signe
les accords, les conseillers de M. Mulroney disaient que le Canada était
perdant et sera toujours perdant à l'intérieur du
libre-échange avec les États-Unis parce que les États-Unis
sont trop gros, ils ont toujours le gros bout du bâton. Si on conserve
l'Accord de libre-échange, il faudrait renégocier les
façons de réglementer le libre-échange, et, quand les
États-Unis ne sont pas contents, biea qu'ils arrêtent de dire
qu'ils changent les règles du jeu. C'est un peu dans ce
sens-là.
Mme Marois: D'accord. C'est dans ce sens-là que vous le...
D'accord.
Mme Dupuis (Jocelyne): Qu'on soit forts devant eux puis que les
règles du jeu soient réglées par les deux,
rédigées par les deux et non selon le bon vouloir des
Américains.
Mme Marois: Parfait. Merci. M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon, nous prenons bonne note de vos commentaires, et je cède
maintenant la parole à M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Je voudrais revenir sur ce que vous projetez sur le
XXIe siècle. Vous semblez être opposés au
libre-échange, et je comprends qu'on aura une autre commission
parlementaire pour parler de libre-échange. Pourtant, toutes les
tendances mondiales actuellement sont pour la libéralisation des
marchés. Lorsque vous criez: Les Américains, etc., à
l'intérieur de l'Accord de libre-échange, il y a justement, pour
la première fois, un tribunal ou une commission paritaire pour
régler justement ces problèmes de différends avec un
pouvoir décisionnel.
Deuxième chose sur laquelle je vais vous poser une question,
c'est sur... Vous vous prononcez contre la TVQ et la TPS en disant que
ça gêne les PME, alors que, au contraire, ce genre de taxation,
par le phénomène de remboursement des intrants, va aider les
petites et moyennes entreprises, à l'heure actuelle, à pouvoir
exporter. C'est assez facile à démontrer.
Troisième élément de ma remarque, si je compare par
rapport aux pays européens, par exemple, si vous prenez la France, qui a
un gouvernement qui est un gouvernement socialiste,
si vous regardez la part de l'impôt qui revient de la part de la
taxation indirecte par rapport à la taxation directe, vous avez une
taxation indirecte qui, en part, est à peu près à 25 % du
revenu fiscal par rapport à ici, qui est beaucoup moindre, à peu
près 12 % ou 13 %. J'ai un peu de difficultés à
comprendre... Comme vous prétendez aller vers le futur, en refusant ces
taxes, cette force de taxation, comme la taxation sur la valeur ajoutée
ou la TPS, qui est une taxation éminemment progressiste, parce qu'elle
facilite la création d'emplois, elle facilite les petites et moyennes
entreprises, et vous semblez être opposés au libre-échange,
j'ai un peu de difficultés à comprendre ça, comparé
à ce qui se passe, par exemple, dans d'autres pays.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des
commentaires relativement aux propos du député de Verdun?
M. Fiset: C'était pour répondre à Mme
Marois. Quand elle a...
Le Président (M. Lemieux): Vous vous adressez au
président. En répondant au député de Verdun, vous
me dites que vous répondez à la fois à Mme la
députée de Taillon. Il n'y a pas de problème. Non, non,
non. Mais non, évidemment. Évidemment, c'est...
Une voix: M. le député de...
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous n'avez pas de
commentaires relativement aux interrogations...
M. Fiset: Non.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez des commentaires?
Oui.
Mme Dupuis (Jocelyne): Au sujet de la TPS ou de la TVQ, le
Québec, c'est la seule province qui a emboîté le pas de la
TPS et de la TVQ. Les autres provinces n'ont pas suivi. Si ce n'est pas une
question de taxes, si ce n'est pas une question de libre-échange,
où sont les raisons des faillites au Québec? Où sont les
raisons de la perte d'emplois au Québec? Moi, c'est l'équation
que je fais, c'est la logique que je suis. Si ce n'est pas ça les
causes, dites-le-moi. (21 h 50)
M. Gautrin: Je vais vous expliquer, alors. Je peux rentrer avec
vous, par rapport... Enfin, brièvement, il y a deux situations. Vous
avez une situation d'une diminution qu'on appelle le phénomène de
cycle, où, sur le plan conjoncturel, on est dans une forme de
récession. Vous avez, à ce moment-là, une diminution de
l'activité économique. Vous avez, en plus, aussi, un
phénomène structurel qui est assez important, qui est une
mutation, actuellement, suite aux avanta- ges et aux mutations technologiques,
de la structure de l'emploi à laquelle il faut actuellement s'adapter.
Ça, on est en train de le faire et de combler, d'essayer, nous, comme
gouvernement...
Parce que vous avez parfaitement raison lorsque vous soulevez cette
question. L'emploi est probablement l'une des questions majeures. On essaie de
lutter en essayant d'accélérer les dépenses
d'investissements pour relancer l'emploi, par exemple en
accélérant les dépenses de construction ou des choses
comme ça pour combler ce qui est purement conjoncturel et pour essayer
de lutter contre le chômage structurel, d'améliorer les programmes
de formation pour qu'on arrive à accélérer la mutation de
notre main-d'oeuvre. C'est les deux lignes d'accès sur lesquelles on
essaie d'agir, mais ce n'est pas la forme de la taxation qui a un effet direct
sur la récession.
Mme Dupuis (Jocelyne): Si les gens sont plus taxés, ils
vont moins acheter. Je veux dire, quand on va acheter au Québec,
aujourd'hui, on pense à rajouter, je ne sais pas, moi... Si ça
coûte 15 $, on va dire: Bien, c'est autour de 20 $. Ce n'est plus 15 $,
c'est 20 $.
M. Gautrin: Mais la taxation était là
déjà avant.
Mme Dupuis (Jocelyne): Oui, mais je veux dire, les gens, quand
ils vont acheter, présentement, il faut qu'ils paient plus de taxes pour
les services. Il faut penser à ajouter une taxe. Moi, quand
j'achète, maintenant...
M. Gautrin: La TPS, c'était une taxe qui était
cachée qui est devenue une taxe visible. Elle était
présente déjà. Et la TVQ était la taxe de vente qui
existait, qui a été baissée en termes de pourcentage et
qui a été étendue aux services. Donc, sur les biens, elle
a peu d'effets.
Mme Dupuis (Jocelyne): peut-être, mais, moi, quand je sors
de l'argent de mon portefeuille, j'en sors plus avec les deux taxes
qu'avant.
M. Gautrin: Que vous aviez avant aussi. Vous aviez à payer
les taxes avant.
Mme Dupuis (Jocelyne): Bien oui, on payait aussi des taxes avant.
Ce n'est pas nouveau.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez un
commentaire relativement aux propos du député de Verdun? Oui,
nous vous écoutons.
M. Aubert (Richard): M. le Président, oui, je
désire m'adresser au député de Verdun.
Le Président (M. Lemieux): Non, vous vous
adressez au président pour répondre au
député de Verdun. Ce n'est pas complexe. Vous me parlez et vous
lui répondez. Ce n'est pas moi qui ai instauré ces règles,
c'est la procédure parlementaire, mais sentez-vous bien à l'aise.
Vous êtes chez vous.
M. Aubert: Je vous remercie. Monsieur, oui, nous sommes plus
pauvres maintenant. Je vais prendre mon cas. Je vis bien dans le Québec,
là. Je suis un enseignant aussi. 44 000 $ par année, c'est le
salaire moyen des enseignants au Québec. Oui, depuis l'invention de ces
deux taxes, TPS, TVQ... Je sais, bien sûr, qu'il y avait une grande
partie des taxes... Vous venez de l'expliquer. Je ne prendrai pas du temps pour
redire ce que vous venez de me dire très clairement, mais ça
coûte plus cher maintenant qu'avant, beaucoup plus cher qu'avant, bien
sûr. Ça va très, très mal. Je sais qu'on a de la
difficulté à s'entendre un petit peu, parce que c'est certain
qu'on n'a pas la même idéologie. Vous parlez de ces
taxes-là comme étant un régime moderne de taxes à
la consommation. Vous appelez ça progressiste. Chocolat! J'appelle
ça, moi, régressif. Ça ne marche pas, ça. Vous
taxez des gens qui gagnent 200 000 $ ou beaucoup plus, ou 150 000 $ le
même prix. Ce gars-là paie le même prix quand il
achète son crayon HB, sa brosse à dents ou sa gomme. Or, mot, je
ne gagne que 44 000 $ et ça me coûte la même taxe sur une
brosse à dents. Aïe! C'est épouvantable! Ce n'est pas
correct, ça, pour la population, ces taxes-là. C'est tout
à fait incorrect.
Vous dites que le gouvernement a besoin d'argent pour faire vivre et
mener, etc. Oui, très bien, alors taxez les gens à un endroit.
C'est ça qu'on vous recommande. Ça, c'est bien clair. On prend
à la source et c'est tout. À ce moment-là, on taxe tout le
monde. Là, c'est rendu qu'il y a seulement les travailleurs
salariés qui paient des taxes. Vous connaissez très bien - nous
avons pris ça, d'ailleurs, dans les documents gouvernementaux -
d'où viennent les revenus du gouvernement. Vous le savez, vous, c'est
vous qui siégez ici. Alors, ça n'a plus de bon sens. Il y a
seulement les salariés qui paient les revenus à l'État, et
ça, vous pouvez utiliser tous vos discours, ça ne fonctionnera
pas. On vous le suggère, là. Prenez-les, nos idées, et
restez élus, mais, à un moment donné, vous ne pourrez pas
rester élus comme ça, en appauvrissant le monde comme ça.
Je ne le pense pas. Mais là, c'est vous autres, en tout cas, qui
êtes assis là et, moi, je suis témoin. Merci, monsieur.
Le Président (M. Lemieux): Heureusement qu'il y a une
élection tous les quatre ans.
M. Aubert: Fort bien, et on peut encore parler.
Le Président (M. Lemieux): M. le député
de
Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. J'ai lu votre
mémoire. Par rapport aux recommandations, j'aurais quelques remarques
à faire, mais surtout, disons, par rapport au dernier échange qui
vient d'avoir lieu. J'ai bien compris que l'honorable député de
Verdun, je pense, a laissé le NPD Québec depuis un certain temps,
et je comprends pourquoi, là. Je vois qu'il vient d'y avoir une
discussion.
Ceci étant dit, je pense que, quant à la taxe, TPS, TVQ,
c'est une réforme qui a été mal faite et en temps
inopportun, en temps inopportun. En réalité, les gouvernements
ont introduit, avant les élections, des mesures d'abaissement de la
courbe ou des impôts sur le revenu. Ils ont baissé les taux, et
c'était le côté avantageux de la réforme pour
certaines personnes, mais ça donnait une baisse de taxes
générale. Ils ont retardé deux ans, et, dans le cas du
fédéral, trois ans, pour en arriver à faire l'autre aspect
de la réforme. Ils l'ont fait au moment où la récession
s'enclenchait, ce qui a clenche l'économie au maximum, alors que,
là, elle a plongé. Ça, c'est une chose.
Deuxième élément, et là je le mettrais plus
sur un plan international ou, en tout cas, au moins continental, on ne peut pas
avoir des systèmes fiscaux très différents d'un pays
à l'autre en ce qui concerne les taxes. En ce qui concerne les
impôts sur le revenu, ça peut être différencié
parce que c'est beaucoup plus fié à la personne et au lieu
où effe réside, mais les taxes sont attachées aux biens,
aux services, ce qui a entraîné, en particulier, des achats
considérables aux États-Unis, le fait qu'on mette des taux de
taxes comme ceux-là. Donc, là aussi, on a clenche
l'économie. C'est tellement vrai qu'en Europe la tendance, c'est
d'uniformiser le plus possible les taux de taxes. Il y en a une, TVA, en
Europe, mais il n'y a pas beaucoup de différence entre les pays, de
sorte que le commerce n'est pas sollicité plus dans un pays que dans
l'autre. Mais là où il y a des différences, c'est dans
l'impôt sur le revenu. Si un pays veut se donner plus de services, il le
fait à même l'impôt sur le revenu parce que c'est beaucoup
moins volatil. Les personnes doivent rester quelque part et sont soumises
à des taux de taxes.
Ça, c'est donc deux grandes erreurs. Ça a
été fait dans le mauvais temps, l'imposition de la taxe TPS, TVQ,
et la supposée harmonisation, qui n'en est pas une du tout, et ça
a été fait aussi à rencontre de ce qui venait de se faire
en termes de l'Accord de libre-échange. Alors, ça, c'est deux
facteurs majeurs, je pense, qu'il faut considérer.
Par ailleurs, par rapport à vos recommandations, que je partage
pour plusieurs, on pourrait passer sur la monnaie, une monnaie au Québec
Je pense que nous avons dit, quant à nous: La souveraineté en
prenant la monnaie canadienne;
la suite des temps, on verra ce qui arrivera. En ce qui concerne les
taux d'intérêt, il faut, à mon sens, les baisser, mais, les
baisser, ça veut dire qu'il faut baisser les déficits, parce que
c'est le déficit du gouvernement canadien qui imprime une forte pression
sur les marchés de capitaux et donc qui fait monter les taux
d'intérêt. C'est ça, le déficit canadien, c'est sa
principale conséquence. D'ailleurs, à l'intérieur
même du budget du Québec, ça le déséquilibre
de façon très significative.
Moi, la question que j'aimerais vous poser, c'est que, dans le contexte
du libre-échange, qui, à mon sens... On pourra en discuter, mais
je ne vois pas, dans un contexte où on veut faire des échanges,
à moins de vouloir redevenir une économie fermée - alors,
je me mets dans le contexte du libre-échange - comment on peut
poursuivre une politique de plein emploi. Parce que, au fond, la question des
déséquilibres des finances publiques, si on continue dans la voie
du gouvernement, on va s'enfoncer davantage, mais on peut aussi, en
créant de l'activité économique... Et vous le dites dans
votre texte, que, si on réduit le taux de chômage, ça
augmente la production nationale et, donc, ça augmente aussi les revenus
du gouvernement et des gouvernements. Mais on a une contrainte, parce que, au
fond, il faut être concurrentiel aussi dans le contexte de l'Accord de
libre-échange.
Quels sont les éléments que vous mettriez sur la table
pour favoriser le plein emploi de façon concrète dans le contexte
actuel? Parce que, moi, je pense qu'on est aussi capables de réussir que
les Américains. Il s'agit de savoir s'organiser. Vous avez quelques
idées dans votre thèse. J'aimerais ça que vous les
répétiez, que vous élaboriez là-dessus. (22
heures)
Le Président (M. Lemieux): Alors, la réponse
à la question de M. le député de Labelle, s'il vous
plaît.
M. Ricard: Je vais répondre.
Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y, M. Ricard.
M. Ricard: On n'a pas de recette miraculeuse. De toute
façon, on l'a dit un peu tout à l'heure aussi. Il faut
regarder... C'est sûr qu'il faut commercer avec l'étranger, avec
les États-Unis en premier lieu, évidemment, mais on n'est pas
obligés de s'encarcaner, de s'embarquer dans un système qui ne
marche pas parce qu'on a affaire à un géant avec un tom-pouce.
D'ailleurs, n'importe quel négociateur syndical, n'importe qui qui voit
un peu les ordres de grandeur va comprendre qu'une petite population comme le
Canada avec une population comme les Américains, faire une
négociation à deux, c'est un déséquilibre
monumental. Je veux dire, écoutez, c'est 200 livres d'un
côté et 10 livres de l'autre. De quel bord ça va pencher,
la balance, vous pensez? Tu sais, je veux dire...
M. Léonard: David a gagné contre Goliath.
M. Ricard: Oui, c'est biblique ça, mais il n'y avait
personne qui était là pour le voir.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ricard: Évidemment, pour un croyant, tout est possible,
mais là vous demandez une recette, alors j'essaie de résumer un
peu les choses plus réelles, plus tangibles quand même que le
grand combat de David et Goliath. D'ailleurs, ça fait pas mal longtemps.
Ça nous éloigne énormément du XIXe siècle
aussi, hein?
Pour revenir, sérieusement, c'est qu'il y a un
débalancement. C'est sûr que ça ne se compare pas du tout
à l'Europe, où il y a un certain équilibre. L'Allemagne,
un pays plus gros. Il y a la France, l'Angleterre, l'Italie. Il y a des
entités qui peuvent faire contrepoids relativement harmonieusement, et
il y a plusieurs parties, ce n'est pas un, deux, c'est plusieurs, c'est
multipartite, et ça grossit tout le temps. Donc, il y a un
équilibre qui se produit à l'intérieur d'un système
semblable. Mais un système de libre-échange
Canada-États-Unis, ça n'a pas d'allure. Ça n'en avait pas,
puis ça n'en a pas, puis on le voit. C'est quelqu'un qui a joué
au profit des Américains, un point c'est tout. Il n'était
sûrement pas du côté du peuple, sûrement pas.
Pour revenir à ça, il s'agit de partir des besoins de la
population, il s'agit de mettre un peu... M. Fortin, de
l'«entrepreneurship», le disait tout à l'heure, c'est de
mettre en oeuvre des gens, de faire en sorte qu'on réponde à des
besoins des gens, de mettre en oeuvre toutes nos forces et essayer d'orienter,
de développer des productions, premièrement, pour nos besoins et,
ensuite, pour l'échange et l'exportation, de faire en sorte aussi de
former continuellement et de mettre en oeuvre des programmes de formation qui
soient cohérents et consistants, des programmes de formation
professionnelle qui ne soient pas des programmes bidon, comme actuellement des
programmes de travail, SPRINT, des choses comme ça, pour les
assistés sociaux, mais de véritables programmes d'apprentissage,
puis de ne pas faire des gens tous des diplômés universitaires non
plus. Tu sais ce que je veux dire, il y a une balance. La Courbe de Gauss,
Laplace, ça existe, ça. Il y a des gens génies,
supergénies, et il y a des gens, malheureusement, qui sont l'envers du
super-génie. On ne fera pas faire un diplôme universitaire
à tout ce monde-là, ce n'est pas possible. Par contre, avec des
plans de formation professionnelle adaptée en emploi, un programme
cohérent et intégré au ministère de
l'Éducation, pas deux ministères de l'Éducation, pas la
CFP d'un côté, la nouvelle
patente de l'autre, le ministère, le CTQ de l'autre... Tout le
monde de la formation, personne ne se parle et personne ne s'écoute.
Moi, je travaille dans un organisme, puis il y a plus souvent de
chicanes entre les gens de la CFP et du CTQ, puis du ministère de
l'Éducation. On dirait qu'ils sont dans deux mondes différents,
dans deux planètes différentes, dans trois planètes,
quatre planètes différentes. Ça, c'est de mettre de
l'ordre en premier lieu ici, puis de faire en sorte qu'il y ait un programme de
formation articulé et continu et qu'on réponde aux besoins de
notre population avant de penser à l'exportation. C'est de même
que je vois ça. Je pense que c'est simple. Le reste, c'est
compliqué pour rien, puis ça n'amène absolument rien.
C'est de vendre les produits à d'autres. On va vendre ça en
Afrique, ils crèvent de faim; on va vendre ça au Mexique, ils
veulent nous vendre. Tout le monde veut vendre chez le voisin, personne ne veut
acheter chez soi. Voyons donc! C'est une philosophie qui ne mène
à rien. La philosophie doit être d'aider les gens chez nous,
c'est-à-dire d'aider notre monde à résoudre le
problème, aider notre monde à vivre comme du monde et,
après ça, on aura quand même de la matière, parce
qu'on va développer des créneaux, puis, à ce
moment-là, l'exportation va se placer, parce qu'on va acheter, nous
autres aussi, à l'extérieur.
Une économie appauvrie, c'est une économie qui
n'achète pas non plus. C'est une économie qui ne vit pas, c'est
une économie qui ne fait rien, c'est une économie qui s'en va
à rien. C'est la ruine, c'est la catastrophe. Et c'est dans ce
sens-là qu'il faut investir de nouveau dans notre monde en ramenant
toutes les activités et aussi en faisant des séances de
remue-méninges avec des gens qui viennent de partout, avec des
idées des fois saugrenues mais qui, peut-être, en termes de
créativité, peuvent apporter énormément pour
l'ensemble de la société dans laquelle on est. Je vous
remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Ricard.
M. le député de Lotbinière, il vous reste cinq
minutes, l'Opposition officielle ayant écoulé l'ensemble de son
temps.
M. Camden: Je vous remercie, M. le Président. Mes premiers
mots seront évidemment pour saluer les gens du NPD qui,
évidemment, ont accepté cette invitation et y ont surtout
répondu. Et je dois souligner que le fait que vous soyez ici, je trouve
ça manifestement courageux, d'une part. Vous vous retrouvez à la
même table que deux autres formations politiques qui se retrouvent elles
aussi sur le même bulletin de vote à solliciter l'appui des
mêmes électeurs. Et ça, je pense qu'on doit le souligner,
d'une part.
Vous venez mettre sur la table une partie de votre programme, votre
façon de penser, tout comme, nous, on le fait, mais je trouve ça
manifestement courageux d'une part. Vous avez eu le courage de venir le faire.
Et, à vous écouter tout à l'heure, j'ai trouvé
même que vous aviez certaines idées qui m'apparaissatent, en tout
cas, plus originales, plus courageuses, plus ouvertes. Entre autres, celle
à l'égard de l'indépendance du Québec et plus
particulièrement à l'égard de la monnaie, où vous
souhaitez, ce que j'en ai compris, une monnaie québécoise. Vous
croyez, et ça, c'est votre droit le plus strict, que vous seriez en
mesure de mieux la contrôler et également de mieux contrôler
les taux d'intérêt.
Il y a au moins une chose qui vous différencie avec les gens d'en
face, c'est que vous le dites ouvertement. Et les gens d'en face ont
peut-être dit, leur chef en tête: Bien, évidemment, nous, on
voudrait avoir une monnaie québécoise, peut-être, mais
peut-être que ça ne plaira pas au gens, donc on va opter
plutôt pour la monnaie canadienne. On a dit: On déplore le fait
que ce soit Ottawa qui contrôle les taux d'intérêt.
Ça ne fait rien, on va prendre une monnaie canadienne. C'est encore eux
autres et on gueulera contre eux. On déplore ça, on conteste
ça, mais on rentre derrière les rangs. En tout cas,
là-dessus, je dois vous dire que vous êtes manifestement pas mal
plus courageux, puis au moins on doit vous reconnaître aussi une chose:
Probablement qu'une de vos plus grandes qualités là-dessus, c'est
que vous faites preuve de franchise. Et ça, je pense que ça
méritait d'être souligné.
D'autre part, je dois vous dire que peut-être notre approche,
évidemment, est différente de la vôtre. Nous, comme
approche, à l'égard peut-être de l'emploi, de la
création d'emplois - au PQ, c'est le plein emploi, peut-être y
souscrivez-vous vous autres aussi - on pense que ça passe
peut-être en bonne partie - en partie, je dis bien; il y a d'autres
avenues qu'on peut emprunter - par un régime fiscal plus concurrentiel
pour le Québec. Quand nous avons été élus en 1985,
il y avait un différentiel pour les entreprises, par rapport à
l'Ontario, de plus 9,5 %. Pour les individus et particuliers, c'était
plus 10,5 %. Moi, je pense que les gens qui sont les décideurs, les
preneurs de décisions dans notre société, à
l'égard de l'expansion d'une entreprise, l'établissement d'une
entreprise, ce sont des données qui, pour eux, sont fondamentales. Et,
au moment de la prise de décision à l'égard... Ils pensent
particulièrement aux profits que leur entreprise devrait faire.
Ça va leur coûter 10,5 % de plus au Québec. Et eux qui sont
généralement parmi les hauts salariés, ça va leur
coûter 9,5 % de plus.
Nous, on a pensé qu'il fallait peut-être faire en sorte de
baisser ces niveaux et de prendre divers moyens, qui ont été
appréciés, contestés à d'autres moments, mais au
moins on a eu le mérite de le faire. On a ramené, somme toute, la
moyenne à plus 3,5 %. Il y a encore un
écart à aller à zéro, mais au moins il y a
un effort. On s'est inscrit dans le bon sens. Et c'est là un des aspects
qui, nous croyons, va permettre de maintenir et de développer
l'économie du Québec et, par voie de conséquence, va
permettre le maintien en emploi et également la création et le
développement de l'emploi pour les Québécois et les
Québécoises.
Je voudrais également souligner un autre élément,
et vous irez de vos commentaires, sur la TPS, TVQ. Je vais vous donner un
exemple. Je ne reprendrai pas les commentaires de mon collègue de
Verdun. Je vous donne un exemple d'une entreprise dans ma circonscription qui
expédiait aux États-Unis des produits manufacturés, et,
dans la composante de la taxe cachée à l'époque,
c'était 8 % du produit. Donc, pour aller vendre aux États-Unis,
exporter des biens, garder les emplois ici et ramener l'argent des
États-Unis, de New York, en l'occurrence, où ils livraient, dans
la circonscription de Lotbinière, il y avait 8 % de plus. Maintenant,
avec TPS, TVQ cette taxe de 8 % n'est plus, et on la chargeait aux
Américains. Donc, d'emblée, notre produit s'est retrouvé
de 8 % plus concurrentiel dès que c'est disparu. Joint à
ça, il y a la déduction possible sur les intrants qui, elle, pour
les entreprises, représente autour de 1 % de leur chiffre d'affaires,
jusqu'à 1 %. C'est important, ça dégage des marges de
manoeuvre. (22 h 10)
Le Président (M. Lemieux): En conclusion. Est-ce que vous
avez terminé? 30 secondes.
M. Camden: Je m'arrête là-dessus. J'aurais
peut-être d'autres commentaires, M. le Président, mais je voudrais
peut-être les entendre.
Le Président (M. Lemieux): Votre question, si vous en avez
une.
M. Camden: Alors, à cet égard-là, comment
vous conciliez tout ça, plus les avantages à l'égard des
familles, l'impôt des particuliers versus les taxes? Je pense qu'on a un
cheminement, à savoir si on se rejoint à quelque part.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des
commentaires relativement aux propos du député de
Lotbinière?
Mme Jobin: Eh bien, relativement à sa première
question par rapport aux changements que le gouvernement a faits depuis un
certain nombre d'années par rapport à l'impôt donné
aux entreprises et aux particuliers pour essayer de les attirer ici ou de les
conserver ici, je pense que ça a été dit, mais je tiens
à le répéter. C'est qu'au niveau des entreprises... On
sait qu'au niveau de la formation de la main-d'oeuvre il y a eu certains
crédits d'impôt, aussi, qui ont été accordés
pour ceux qui s'occupaient de faire former les travailleurs et travailleuses,
mais je pense qu'au niveau de... Si on se compare, on marche toujours en se
comparant avec les États-Unis et avec d'autres pays, au niveau des
entreprises, plutôt les moyennes et grandes que les petites, quand on
parte de recherche et développement et de formation de la main-d'oeuvre,
si on était compétitif aussi à ce titre-là pour que
les entreprises veuillent rester ici ou souhaitent venir ici, je pense que
ça ne serait pas juste au niveau de l'assiette fiscale. Ça aurait
un effet sur l'assiette fiscale, mais ça aurait aussi un effet sur la
création d'emplois et sur la volonté d'avoir une économie
plus de production que de consommation.
Sur la deuxième question par rapport aux taxes, TPS et TVQ, on a
compris ce que les gens du gouvernement et ceux du Parti
québécois nous ont dit. C'est que, nous, on ne dit pas qu'il ne
faut pas qu'il y ait de taxe du tout, mais c'est qu'il y a une taxe,
peut-être, qui pourrait ressembler éventuellement à ce
qu'il y avait avant, quand on parle de la taxe de 8 %. Mais, avec la taxe que
le fédéral a ajoutée, qui était cachée -
c'était les compagnies qui la payaient quand elles vendaient ou elles
l'incluaient dans leur prix au moment de la vente - c'est que, là,
ça a doublé et - tout à l'heure, des personnes en
parlaient - c'est qu'on va soit plus aux États-Unis où vous
perdez des milliers de dollars, et ça, je pense que vous en êtes
conscients, quand on parle juste des cigarettes et du tabac, et tout ça.
Mais ça, ces taxes-là s'ajoutent à ça aussi, au
prix d'un paquet de cigarettes ou de tabac. Et ces milliers de dollars
là, si les taxes étaient réévaluées,
réajustées et prises en compte, vous pourriez les
récupérer si vous étiez capables de faire en sorte que le
prix du tabac soit moins élevé.
Je ne sais pas s'il y a d'autres personnes...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que d'autres personnes
ont des commentaires relativement aux propos du député de
Lotbinière?
M. Ricard: J'en aurais un petit, c'est sur la taxe de vente
fédérale qui revient souvent. Je veux dire, ce n'est pas un
mystère. La taxe de vente fédérale - le taux était
variable, évidemment, dépendamment du produit - c'était
une taxe carrément à la production. Le côté ridicule
de cette taxe à la production, c'est que, au moment de l'exportation, la
taxe partait avec le produit. Il aurait pu être exempté. Par
contre, les produits qui entraient en importation n'étaient pas...
C'était l'anomalie. Il aurait pu y avoir une correction de cette
taxe-là sans faire toute l'affaire de la TPS, la cérémonie
de la TPS. On aurait pu rendre la taxe de vente fédérale plus
intelligente, à ce moment-là, on peut dire, pour éviter de
pénaliser nos produits à l'exportation et en même temps de
favoriser les produits à l'importation. Je n'ai pas d'autres choses
à ajouter.
M. Aubert: J'aurais...
Le Président (M. Lemieux): Un bref commentaire...
M. Aubert: Oui, tout bref, bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Je ne veux pas enfreindre les
lois de la démocratie, alors je vous laisse aller.
M. Aubert: Vous êtes gentil. Monsieur, je voudrais ajouter
ceci, en tout cas. C'est que, quand les entreprises ont à payer un peu
plus cher pour venir s'installer au Québec, vous, vous pouvez leur dire
aussi: Écoutez, nous avons des colonnes vertébrales, oui, tout le
monde, et oui, ça va vous coûter plus cher parce qu'on
désire que les citoyens qui vont travailler pour vous, dans votre usine,
continuent à vivre comme ils vivent là, aient droit à des
soins de maladie gratuitement quand ils sont malades. Vous avez le droit
d'avoir ça. Moi, en tout cas, je l'ai. Vous m'avez
félicité pour quelque chose tantôt, je vais vous
féliciter à mon tour aussi. Gardez votre colonne
vertébrale bien droite. Il faut que les citoyens du Québec
gardent leur assurance-santé. En tout cas, c'est le discours que je
tiens. Vous pouvez me le voler, encore une fois. Prenez-le! Faites-vous
élire avec ça!
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Aubert: Je serais bien content. Merci, monsieur.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions
pour votre participation à cette commission parlementaire et nous
ajournons nos travaux à lundi le 15 février, à 14 heures,
où nous entendrons la Fédération des CLSC.
(Fin de la séance à 22 h 15)