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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin
une consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. Boisclair (Gouin) est
remplacé par M. Beaulne (Bertrand), et M. Lazure (La Prairie) est
remplacé par M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue).
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
secrétaire.
Est-ce que les membres de cette commission ont pris connaissance de
l'ordre du jour? Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): Adopté, merci.
Nous allons maintenant entendre Transport 2000 Québec.
J'inviterais ses gens à bien vouloir prendre place devant moi, à
la table des témoins. Je demanderais au porte-parole de cet organisme de
bien vouloir, s'il vous plaît, identifier les membres qui
l'accompagnent.
Transport 2000 Québec
M. Parisien (Normand): Certainement, M. le Président. Tout
d'abord, à ma gauche, il y a Mme Chantale Rousseau. À ma droite,
il y a MM. David Lacoursière et Patrick Gilbert.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. Parisien: Et votre humble serviteur, Normand Parisien.
Le Président (M. Lemieux): Alors, les règles de la
procédure sont les suivantes. Nous disposons d'une heure globalement,
dont 20 minutes sont consacrées à l'exposé de votre
mémoire. Suivra un échange entre les deux groupes parlementaires,
d'une durée globale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à entendre votre exposé.
M. Parisien: Bonjour, M. le Président, mesdames, et
messieurs. Nous désirons vivement remercier les membres de la commission
de l'occasion qui nous est offerte de participer à cette discussion
publique et de l'attention qu'ils prêteront à nos
préoccupations.
D'ailleurs, bien que nous entretenions de sérieuses
réserves sur le mandat et la formule de participation du public à
la commission, nous nous réjouissons néanmoins de pouvoir enfin
nous adresser à nos élus - occasion qui ne nous est pas
donnée à tous les jours - ceux qui prennent les vraies
décisions, dans le meilleur intérêt de toute la
collectivité, et qui se trouvent dans une position
privilégiée pour y parvenir. (10 h 10)
Notre association est une fédération
québécoise de regroupements de citoyens, d'associations, de
comités d'usagers. C'est pourquoi il y a ici, ce matin, le CRUTEC, qui
est le Comité régional des usagers du transport en commun du
Québec métropolitain. Nos membres se recrutent dans toutes les
couches de la société, et il y a une douzaine d'entreprises qui
appuient nos activités, sans toutefois exercer quelque contrôle
que ce soit sur nos positions.
Ultimement, notre mandat, c'est de servir l'intérêt public
au-delà de toutes les considérations individuelles ou
corporatistes de quelque groupe dans notre société. Tout d'abord,
nous désirons parler au nom des 1 000 000 ou des 1 500 000
Québécois qui n'ont pas voix au chapitre. Ce sont ceux souvent
qu'on entend le moins, et qui ont le moins les moyens de se faire entendre
auprès de l'État afin qu'on tienne compte de leurs
préoccupations et de la contribution qu'ils peuvent apporter à
notre société.
Ceci dit, nous ne pourrons pas vider ici le débat sur les
questions fiscales. Pour nous, la fiscalité n'est pas une fin en soi,
c'est un outil pratique de développement économique et social et,
vraisemblablement, pour les prochaines années, ce sera un moyen
d'assurer la préservation et la pérennité des ressources
dans une forme de concertation qui reste à définir.
Or, le document de présentation, «Vivre selon nos
moyens», fait complètement abstraction de cela. Il y a un
scénario, et c'est à prendre ou à laisser. Les citoyens
devraient avoir l'opportunité de se prononcer sur des options
alternatives, mais, M. le Président, ce n'est malheureusement pas le cas
ici.
Nous croyons que la menace n'a jamais été aussi
sérieuse pour le service public dans son ensemble, c'est-à-dire
le service public qui sert l'ensemble des citoyens. À notre avis, il est
hasardeux d'évoquer les problèmes comme on le fait actuellement,
sous une stricte considération de déficit budgétaire de
recettes et de dépenses gouvernementales, sans exposer la
responsabilité des agents dans notre collectivité. Que ce soient
les consommateurs, les entreprises ou l'État,
chacun a une fonction propre à remplir, et si chacun exerce cette
fonction efficacement, eh bien, notre collectivité dans son ensemble ne
peut que s'en porter mieux.
Évidemment, nous sommes conscients des limites posées
à l'intérieur de l'exercice actuel par le système
fédéral que nous connaissons. En matière de
fiscalité, le gouvernement fédéral exerce un leadership
incontestable. Que celui-ci nous soit favorable ou défavorable, il y a
une partie des recettes gouvernementales qui proviennent de revenus de
transfert, et si le gouvernement réduit à la fois les services
à la population qu'il offre sur notre territoire et qu'au même
moment il réduit les paiements de transfert, le tribut s'alourdit en
conséquence pour la communauté. On souhaiterait que le ministre
fasse davantage que de déplorer du bout des lèvres, au moment du
discours sur le budget, que cette situation est dramatique pour la population,
d'autant plus qu'on est à la veille d'une renégociation des
accords fiscaux pour 1994 à 1999. Alors, il y a des enjeux importants
et, malheureusement, on en parle très peu à cette commission.
Plus que jamais, M. le Président, il faut cibler nos
priorités collectives. La situation fiscale sera toujours insoluble si
on n'arrive pas à définir des priorités au niveau de
l'État. Il est évident qu'on ne peut pas répondre à
tous les besoins dès qu'ils s'expriment. Il y a des arbitrages
nécessaires à faire et, faute d'une participation efficace de la
population dans un cadre de concertation efficace, bien, une politique fiscale
ne peut relever que du plus pur totalitarisme.
Voilà, M. le Président, la situation budgétaire
actuelle découle, à notre avis, des modifications qui ont
été apportées au régime d'imposition sur le revenu.
En décembre 1985, l'Assemblée nationale a été
convoquée pour adopter des réductions du taux d'imposition. C'est
pourquoi, les tranches supérieures de revenus à ce niveau, on a
réduit de 62 % à 50 % le taux d'imposition. Première
alerte au niveau des finances publiques. Il y a là un manque à
gagner important. Sans trop développer des exemples comme ça,
telle n'est pas notre préoccupation, ici, dans les solutions qu'on va
apporter, il y aura un train de mesures qui devront pallier cette lacune. Mais
pour combler ce manque à gagner, il a fallu, M. le Président,
introduire des taxes à la consommation, des taxes aveugles qui
s'appliquent uniformément, non seulement sur tous les contribuables,
mais qui ne prennent pas en considération les effets, excusez le terme,
les «externalités» de ces biens ou services pour l'ensemble
de la collectivité. Alors, peu importe qu'un bien soit nuisible ou pas
à l'environnement, tout est taxé de la même façon.
C'est d'ailleurs par pure harmonisation administrative avec la TPS
fédérale qu'on est allé dans cette direction.
Dans le même temps, une fois qu'on accuse une diminution des
recettes gouvernementales et qu'on introduit des taxes à la
consommation, la population doit écoper des réductions de
services et de programmes. Forcément, ça vise ceux qui... On dit
que les gens qui sont défavorisés n'ont pas le moyen de se faire
entendre; alors, il est plus facile de couper dans ces programmes. Mais il ne
faut pas se leurrer, M. le Président, les services publics, à
proprement parler, sont accessibles à l'ensemble de la population. Qu'il
s'agisse de la santé, de l'éducation primaire et secondaire, des
systèmes de transport collectifs, ça profite à l'ensemble
de la population. Ce n'est pas pris en compte dans le fardeau fiscal, dans la
mesure où on a un transfert de coûts du secteur public au secteur
privé. Les consommateurs, s'il y a une réduction des programmes,
doivent supporter des coûts privés qui, normalement, dans d'autres
organisations nationales, sont supportés par l'État.
On ne veut pas entrer dans la mécanique du système fiscal
à ce stade-ci; on veut simplement contribuer au débat public en
suggérant au gouvernement qu'il y a des orientations, désormais,
à privilégier pour résoudre cette situation qui n'est pas
dramatique, mais qui reste, somme toute, préoccupante. Alors, simplement
pour donner un exemple de ce qui s'est passé au Canada, au niveau
fiscal, le premier effort important qu'on connaît, c'est celui de John A.
Macdonald avec la politique nationale. Eh bien! On sait que le système
fiscal correspondait à des objectifs précis. Par exemple,
l'instauration d'un chemin de fer pancanadien, la mise en place d'une
infrastructure industrielle. Alors, le système qui a été
mis en place, à l'époque, de taxation des biens à
l'importation, visait justement à remplir ces objectifs. Alors, il est
très important que de tels objectifs soient définis avant de
suggérer quelque forme d'imposition que ce soit pour permettre à
l'État de rencontrer ses obligations.
Selon nous, M. le Président, il est important de
privilégier une approche graduée dans les politiques fiscales au
cours des cinq prochaines années. Le gouvernement a au moins le
mérite de définir un horizon d'intervention. Alors, il y a un
horizon de cinq ans qui est défini dans le calendrier, mais il faut voir
les orientations à privilégier là-dedans. Est-ce qu'on
décide qu'on se retire progressivement des programmes et qu'on n'assume
pas de responsabilités au niveau social, au niveau environnemental, au
niveau du développement économique, que ce ne sont plus des
fonctions auxquelles l'État participe? Il faut d'abord s'entendre sur
ces objectifs-là. Est-ce qu'ils sont opportuns et est-ce qu'il y a un
rôle à jouer pour notre gouvernement de ce
côté-là? (10 h 20)
On voudrait mettre en garde la commission, M. le Président, sur
le fait qu'il a été question, ces jours-ci, d'imposer une
tarification à l'usage. C'est sûr que, bien que tout discutable
que soit
cette forme d'imposition, M. le Président, on ne pourra pas
éviter une tarification à l'usage dans les services publics, mais
encore faut-il que cette tarification privilégie un usage efficace des
ressources. En soi, les services de santé ne sont pas plus nuisibles que
d'autres formes de biens ou de services. Alors, au plan de
l'équité, on voit mal pourquoi les citoyens devraient supporter
une tarification des services de santé, alors que le réseau
autoroutier est tout à fait gratuit et qu'il ne fait l'objet d'aucune
tarification. C'est des systèmes que le gouvernement doit faire
fonctionner, doit entretenir. On est un des seuls États, en Occident,
où il n'y a aucune tarification à l'usage de ce genre
d'équipement, M. le Président.
Bref, pour nous, l'approche graduée qui doit être mise en
place au cours des prochaines années... Évidemment, dans le
contexte d'une concertation, ça doit être de rétablir une
équité beaucoup plus large dans le système fiscal. Il y a
des gens qui sont venus, la semaine dernière, demander qu'on
réduise encore le fardeau fiscal des entreprises et des individus les
plus fortunés, alors que, dans certaines études, dont nous citons
un extrait dans notre mémoire, les investisseurs ne cherchent pas des
cadeaux fiscaux pour faire des choix de localisation. Ils cherchent la
proximité des marchés. Ils cherchent des meilleurs
systèmes de transport, un contexte de relations de travail harmonieux.
Alors, ils ne cherchent pas une fiscalité compétitive, M. le
Président Ce qu'ils cherchent, c'est une organisation dans laquelle ils
puissent fonctionner et augmenter la compétitivité des affaires,
puis la productivité du personnel et, par conséquent,
l'augmentation du revenu disponible pour pouvoir participer à
l'économie.
Alors, selon nous, dans un premier temps, il est essentiel de
rétablir une certaine équité fiscale. Par exemple,
pourquoi les successions ne sont pas considérées comme un revenu?
Ça nous étonne particulièrement. Dans un deuxième
temps, comme la fiscalité, selon nous, doit privilégier un usage
efficace des ressources, il faut étendre la taxation sur les carburants
à toutes les formes d'énergie au carbone, que ce soit l'essence,
le gaz naturel qu'on trouve chez nous, et privilégier des ressources
renouvelables qui sont à notre disposition.
L'hydroélectricité est un exemple parfait de cette forme
d'énergie qu'on pourrait développer davantage dans les modes de
transport qui consomment des énergies non renouvelables. Ensuite, le
gouvernement doit réévaluer la gratuité qui existe,
à l'heure actuelle, sur les réseaux de transport rapide. Il n'est
pas question d'aller instaurer des péages sur des routes comme la 132,
qui fait le tour de la Gaspésie, où il n'y a pas d'autre
alternative et que, dans les centres urbains, on ait une gratuité qui
s'applique sans aucune justification économique ou sociale, M. le
Président.
Mais je voudrais céder la parole au Comité régional
des usagers qui doit vivre avec les effets des politiques fiscales. Il est
important que les citoyens puissent s'exprimer sur les problèmes de
cette fiscalité et sur les solutions qui sont susceptibles
d'améliorer l'efficacité du régime fiscal dans son
ensemble. David Lacoursière.
M. Lacoursière (David): Dans un premier temps, la
première chose, il faut éviter toute coupure dans le transport en
commun. C'est difficile de couper plus qu'on a coupé
présentement. Il n'y a aucun financement qui est certain pour le
transport en commun. On pourrait qualifier le financement du transport en
commun de très précaire. On ne sait jamais, demain matin, ce qui
va nous tomber dessus, les usagers, et la plupart du temps, ces
dernières années - la preuve est là, autant à
Montréal, à Québec que dans d'autres régions -
ça s'est traduit par des hausses de tarifs substantielles pour
l'ensemble des usagers. Il faut considérer autrement les usagers du
transport en commun. Souvent, la perception qu'on en a, c'est que nous, les
automobilistes, on paye pour le transport en commun, on paye pour les usagers,
on leur fait la charité à ces gens-là. À
Québec, c'est près de 100 000 personnes qui sont usagers, qui
sont aussi contribuables, et qui paient aussi pour les dépenses de
l'automobile. Entre autres, il y a des endroits, dans l'automobile, où
on pense qu'il y a des économies importantes à faire pour
l'État. Pour ça, il faudra considérer l'utilisation de
l'automobile comme un service public. On dépense
énormément d'argent pour l'utilisation de l'automobile, dans les
infrastructures pour l'automobile, des choses qui sont souvent ou parfois
inutiles. Ce même argent-là pourrait être mis dans le
transport en commun et être beaucoup plus rentable. D'ailleurs, il semble
y avoir un consensus qui se dessine de plus en plus, du moins pour les vertus
du transport en commun, autant économique, social
qu'écologique.
Alors juste pour donner un exemple, la commission royale sur le
transport des voyageurs. Les automobilistes entrent 2 000 000 000 $ dans les
coffres de l'État par année. Cependant, les automobilistes ne
couvrent pas leurs frais. Il y a encore un déficit, à ce
niveau-là, de 1 300 000 000 $, selon cette commission-là. C'est
des frais importants: 1 300 000 000 $ qu'on paye en plus de ce que les
automobilistes amènent dans les coffres de l'État. Alors, il y a
peut-être des économies à faire à cet
endroit-là. Pour donner un exemple, au ministère des Transports
du Québec, pour les infrastructures de l'automobile, on dépense
plus de 1 000 000 000 $ par année, alors que, dans le transport en
commun, on ne met même pas la moitié de 1 000 000 000 $. Sur ces
480 000 000 $ en 1991, selon les chiffres de 1991 du ministère, il y en
avait 110 000 000 $ qui étaient consacrés à la dette du
métro, ce qui laisse peu d'argent pour
développer le transport en commun en général, pour
contribuer à développer le transport en commun et amener des
nouvelles personnes à prendre le transport en commun.
Alors, c'est important de réajuster ces budgets-là qui
sont accordés aux différents modes de transport. Le transport en
commun versus l'automobile, il y a une équité à atteindre
et, de plus en plus, tout le monde reconnaît les vertus du transport en
commun. Ces coûts-là ne tiennent pas compte d'un paquet de
problématiques qui coûtent cher à l'État, qui sont
payées par l'ensemble des contribuables, qui égorgent le budget,
et on n'en tient pas compte. Quand on parle de la congestion automobile... Il y
a des études très importantes qui ont été faites
aux États-Unis, sur la congestion automobile, par un institut du Texas
qui disait qu'il y a des milliards de dollars qui sont perdus en congestion
automobile, en temps... Les gens ne peuvent pas faire autre chose que
d'être bloqués dans la circulation.
Les désastres environnementaux: on n'a aucune idée combien
ça va nous coûter dans 10, 20 et 25 ans. Aussi, tous les services
policiers et ambulanciers qui ne sont jamais comptabilisés. Mais quand
on prend un policier pour l'envoyer sur les lieux d'un accident, il ne sert pas
à autre chose pour assurer la sécurité publique. Il faut
le payer, ce gars-là, il faut payer ces ambulanciers-là aussi.
Qu'on tienne compte des méthodes de sauvetage, comme les pinces de
survie, qui coûtent énormément cher, qui sont souvent
appelées à servir dans des cas d'accident sur autoroute. Chaque
région, naturellement, veut sa pince de survie dans son coin. Une autre
aberration, selon nous, à l'heure où on remet en question la
gratuité des soins de santé, c'est qu'on ne remet pas en question
une des causes des accidentés qui entrent à l'urgence,
c'est-à-dire les accidents sur les autoroutes et aussi les accidents en
ville. Alors, on ne remet pas en question l'automobile, mais on remet en
question, par exemple, les soins de santé. Selon nous, c'est une
aberration économique Aussi, il y a la question des indemnités
pour ceux qui sont les accidentés - ceux qu'on peut appeler, entre
parenthèses, les estropiés de la route.
Aussi, la question de l'étalement urbain. Plus la banlieue se
développe, plus il faut maintenir en vie artificiellement des
écoles, des centres communautaires dans les centres-villes. En plus, ces
gens-là, qui sont en banlieue, réclament des centres
communautaires et des écoles dans leurs banlieues. Bien, c'est
l'ensemble de l'État qui paie ça, c'est l'ensemble des
contribuables.
Alors, selon nous, il y a des sommes incalculables qui sont perdues dans
ce genre de gestion là. Alors, une solution concrète qu'on
propose, c'est un moratoire sur la construction d'infrastructures
routières ou autoroutières. L'exemple le plus aberrant qu'on peut
amener, c'est la voie réversible sur le pont de Québec. Une
très belle voie, elle va coûter plus de 7 000 000 $! On n'a pas
encore fini de la payer, ils ne sont pas sûrs des coûts...
Ça va bénéficier, ils disent, à 2500
automobilistes, peut-être, aux heures de pointe, alors que le
gouvernement n'a même pas investi 1 000 000 $ dans la relance du
transport en commun à Québec. Alors, selon nous, il y a des choix
qui n'ont pas été faits et qui auraient dû être
faits.
L'autre principe qu'il faudra tenter d'atteindre, selon nous, c'est la
vérité des prix. On l'a dit tantôt, il faudra... Juste
prendre l'exemple de la subvention au stationnement des fonctionnaires. Il
faudra de plus en plus arriver à la vérité des prix, dire
ce que coûte l'automobile et ce que coûte le transport en commun,
et ce qui est le plus économique.
Alors, des mesures qui ont déjà été
proposées tantôt, j'aimerais juste les répéter. On
parlait d'une taxe sur le carbone. On parle du rétablissement des
péages, des péages inlolli gents, pas des péages primitifs
qu'on a connus dans les années 80 et qu'on a abolis avec raison.
La question de la taxe sur l'essence. Plus le transport en commun va
être développé dans une région, plus il constituera
une alternative viable à l'automobile, plus on pourra se permettre
d'inciter les automobilistes à prendre le transport en commun. C'est
clair que, présentement, on ne dit pas aux automobilistes: Payez pour le
transport en commun. Prenez-le pas, ce n'est pas viable pour l'instant. Mais
quand il sera développé de mieux en mieux, les automobilistes
auront une alternative de choix, et économique. La preuve est faite avec
la relance à Québec. Les automobilistes sont prêts à
prendre le transport en commun. Certains sont réticents, c'est clair,
sauf que les gens sont prêts à le prendre parce que c'est
économique pour eux et que c'est économique pour
l'État.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Lacoursière: En conclusion... Selon nous, juste pour
finir aussi... Souvent, ce qu'on entend du transport en commun, quand on fait
la gestion économique de ça, on a l'impression que c'est un
problème pour la société, que c'est un problème
pour la collectivité. Selon nous, on devrait changer cette
perception-là, et de plus en plus de gens sont d'accord, de toute
façon, là-dessus. Le transport en commun peut être une
solution écologique, économique surtout, autant pour les
contribuables, autant pour l'État, et une solution aussi sociale.
Alors, on est convaincu que ça prend... qu'un leadership
gouvernemental est nécessaire pour amener cette alternative-là.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie.
M. le président du Conseil du trésor. (10 h 30)
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.
En souhaitant la bienvenue aux représentants de Transport 2000,
en déplorant gentiment que M. Chartrand n'ait pas pu être des
nôtres, M. Guy Chartrand, évidemment, qui est un interlocuteur
très connu dans ce domaine-là. Je ne dis pas qu'il n'est pas bien
remplacé, là, mais il faut savoir que c'est un résident de
mon comté, et que ça me fait toujours plaisir, évidemment,
de le voir, dans quelque circonstance que ce soit. Je vous remercie de votre
prestation qui semble se diviser entre les choix de dépenses publiques
qu'on peut faire.
Évidemment, vous mettez l'accent sur le transport en commun,
comme une des dimensions importantes qui, dans une société, doit
nous préoccuper, et sur les choix fiscaux également qui,
historiquement, ont été faits, et qui nous ont amenés
à la situation que vous décrivez maintenant. J'aimerais
simplement redresser quelques énoncés que vous avez faits et,
ensuite, vous demander quelques questions précises.
Le premier énoncé serait, selon vous, la négligence
dont le transport en commun aurait été l'objet de la part des
gouvernements au titre de leurs investissements ou du financement et des choix
de dépenses et des choix fiscaux qui ont été faits
à l'endroit du transport en commun. Je veux juste rappeler, parce qu'il
faut que le dossier soit complet, qu'on finance encore 100 % de tous les
coûts. C'est le gouvernement du Québec, c'est l'ensemble de la
population, donc, ce n'est pas l'usager, qui finance à 100 % les
coûts reliés au prolongement du métro de Montréal,
à la modernisation des lignes de trains de banlieue. Les contributions
financières vont de 60 % à 75 % en ce qui a trait aux autres
investissements pour le transport en commun comme: la rénovation de
terminus, les centres d'opération, les équipements fixes, les
wagons de métro, les parcs d'autobus urbains, les systèmes de
perception et tous les investissements, je dirais, d'infrastructure du
transport.
Deuxièmement, dans les zones urbaines, on a récemment,
afin de responsabiliser davantage les opérateurs qui nous envoyaient des
factures et qu'on payait, évidemment, tout bonnement
transféré, oui, sur les opérateurs les coûts de
fonctionnement. Mais les automobilistes, dans ces zones-là, vous le
savez, dans neuf zones urbaines au Québec, les automobilistes, par les
30 $ qu'ils versent à l'égard de l'immatriculation, paient
également, et non seulement dans le territoire desservi par l'autobus,
mais dans les zones limitrophes également, ce qui fait que dans mon
comté comme dans d'autres, où je n'ai pas d'autobus de la CUM,
là je suis obligé d'expliquer à mes commettants pourquoi
ça leur coûte 30 $. Je dois dire qu'une fois qu'on leur explique,
ils comprennent qu'ils bénéficient de l'infrastructure de
transport qui existe, en l'occurrence sur l'île de Montréal, ou
alors à Laval, ou alors sur la rive sud selon le cas, et qu'on a une
contribution à faire à ce titre-là qui est remise,
évidemment, aux opérateurs. Alors, en matière de
transport, c'est ça, le portrait un peu plus complet, je dirais.
En matière de fiscalité, j'essaie de voir si vous trouvez
que la fiscalité québécoise est régressive ou
progressive. Je vais vous dire franchement, ce n'est pas clair, d'après
les lectures de votre texte que je fais, le lien que vous établissez en
page 4, entre, je dirais, l'évitement fiscal, la propension à
épargner et la régressivité. Ça m'apparaît
aller à rencontre des notions qu'habituellement on véhicule dans
ces matières. Je veux juste rappeler qu'on a une courbe d'imposition
très progressive, plus progressive qu'elle n'y paraît par les
crédits au titre de la taxe à la consommation qui sont
versés à tous les contribuables lorsqu'ils complètent leur
rapport d'impôt, que la taxe sur l'essence... Comme vous le soulignez
vous-même, d'ailleurs, lorsqu'on commence à toucher soit une taxe
sur le CO, le CO2, soit une taxe sur l'essence comme telle, en
réalité, c'est progressif, cette taxe-là, parce que ce
sont les propriétaires de voitures plus nombreuses qui s'en servent plus
souvent, qui évitent le transport en commun parce que, entre guillemets,
ils ont les moyens, la capacité ou l'occasion de le faire. Dans le fond,
il y a une progressivité dans la taxe sur l'essence que les gens
reconnaissent.
Alors, j'essaie de voir si vous trouvez que notre fiscalité est
régressive ou progressive. Ça me préoccupe parce que,
disons que ça ne sort pas du document que je viens de lire.
Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur, vous avez la
parole.
M. Parisien: Merci, M. le Président.
J'aimerais souligner que, par tradition, au Canada et au Québec,
on vivait sous un régime progressif d'imposition. C'était le cas
depuis la Première Guerre mondiale et ça s'est maintenu
après la Seconde Guerre mondiale. Ça, cette forme d'imposition,
bien qu'elle soit imparfaite - et c'est ce que la commission Carter a
révélé au cours des années soixante - il reste que
cette forme d'imposition a permis à notre collectivité d'entrer
dans une phase de prospérité sans précédent et une
justice sociale qu'on n'a peut-être jamais connue dans l'histoire et
qu'il ne nous sera pas possible de connaître à nouveau si on
poursuit dans une certaine tendance à la remise en question de cette
progressivité de l'impôt, M. le Président.
Je ne voudrais pas que notre présentation soit perçue
comme accusant notre système fiscal d'être régressif. Il y
a des pays dans le monde qui ont des systèmes d'imposition qui sont
beaucoup moins progressifs que chez nous, mais
il faut nous comparer à l'ensemble des pays
industrialisés, des pays du G 7 en Occident, pour voir si notre
système fiscal est productif et s'il est juste.
Selon nous, depuis quelques années, il y a une tendance
très forte, et on a vu plusieurs intervenants, la semaine
dernière, aller vous dire qu'il fallait continuer de remettre en
question la progressivité de l'impôt. Eh bien, M. le
Président, nous disons que c'est probablement une erreur parce qu'il va
être très difficile pour l'État d'assumer ses
responsabilités dans l'avenir, des responsabilités qui vont en
grandissant. À la Conférence des Nations unies sur
l'environnement et le développement, les gouvernements sont
appelés à exercer des responsabilités de plus en plus
importantes au niveau de l'usage des ressources, au niveau de la lutte contre
la pauvreté, du développement économique. Alors, M. le
Président, nous croyons que ce n'est pas le moment de remettre en cause
cette fonction économique et sociale de l'État, cette fonction
à laquelle le secteur privé, que ce soient les consommateurs et
les entreprises, ne peut pas participer tout seul.
Est-ce qu'il y a eu une phase importante de prospérité au
Canada où on a vu l'absence complète de l'État? On n'en
est pas convaincus. Que ce soit avec la politique nationale sous le
gouvernement Macdonald, que ce soit après la Seconde Guerre mondiale
avec la mise en place des infrastructures dans notre communauté,
l'État a joué un rôle important. Il n'a pas tout fait
à la place des gens, M. le Président, mais nous croyons qu'il ne
serait pas opportun de remettre en question cette présence et,
incidemment, la progressivité du régime fiscal. On est d'accord
avec M. le député que notre régime fiscal n'est pas un
régime régressif, ce serait trop simplificateur de la
réalité, mais il reste que, selon nous, on est à l'heure
des choix importants et il faut faire en sorte que l'État se
préoccupe de ses équilibres budgétaires, mais qu'il trouve
le moyen, des moyens efficaces et justes de financer l'activité publique
qu'il doit orienter par ses politiques et ses programmes, M. le
Président. (10 h 40)
M. Lacoursière: Pour parler de la question, entre autres,
du financement du gouvernement dans le transport, ça, on reconnaît
ça que ce qu'on peut appeler les dépenses d'implantation, c'est
financé... Entre autres, quand on achète un autobus, c'est
payé à 100 % par le gouvernement du Québec, oui;
cependant, les coûts d'exploitation qui reviennent à chaque
année doivent être supportés maintenant par les
municipalités et par l'ensemble des usagers, par la taxe
foncière, entre autres, l'impôt foncier. À ce
moment-là, il y a beaucoup d'hésitation à aller dans le
nouveau projet, à relancer le transport en commun, à le
développer; il y a beaucoup d'hésitation là-dedans. Je
pense que quelque part c'est correct.
Avant, on disait: Ce n'est pas nous autres qui payons, ça fait
qu'on développe en masse. Cependant, maintenant, il y a beaucoup trop
d'hésitation à se lancer dans de nouvelles technologies dans le
transport en commun parce que, justement, une fois que les dépenses
d'implantation sont payées, les coûts d'exploitation sont
faramineux. Qu'on pense juste à la masse salariale des gens pour
opérer les autobus, le métro, il y a beaucoup d'hésitation
à aller là-dedans. Quand il y a des augmentations importantes
dans les coûts d'exploitation, c'est supporté par l'ensemble des
usagers qui, de plus en plus, ne sont plus capables de supporter les hausses
qui sont là, qui sont substantielles à chaque année.
La question aussi des 30 $ que l'automobiliste contribue par son
immatriculation. Le principe en arrière de ça est, selon nous,
excellent: le principe des migrations pendulaires est excellent. Cependant,
pour financer le transport de façon un petit peu certaine, ça va
prendre un ensemble de mesures, une politique de financement. Pas seulement: On
a fait la réforme Ryan; puis, bon, il y avait des lacunes, on a
décidé de mettre en place ce fonds d'aide au transport en commun
qui rapporte quelques millions chaque année. Pour l'instant, c'est la
seule source de financement. Pour l'exploitation du transport en commun, c'est
essentiel de la conserver; cependant, ça ne constitue pas un ensemble de
mesures qu'on peut qualifier d'efficaces à long terme. Et là, on
sait que c'est une mesure qui est fort contestée, en plus. Je pense
qu'il y a un flagrant manque d'explications sur le pourquoi de ces 30 $ aussi.
Alors, dans ce cas-là, on pense qu'il faut rechercher un financement
beaucoup plus stable du transport en commun.
L'autre problème aussi: il faut développer de nouvelles
technologies en transport en commun. Les seules alternatives qu'on
connaît au Québec, c'est soit l'autobus, soit le métro.
Entre ça, il n'y a rien. Pourtant, il y a une masse importante de
technologie qui existe. entre autres, qui a recours à
l'électricité comme moyen, comme énergie. Alors, il
faudrait peut-être miser aussi là-dessus.
M. Johnson: Je vais vous demander une question bien brutale:
Trouvez-vous qu'on est trop taxés, pas assez taxés, juste correct
taxés, sachant que les dépenses fiscales que vous voulez abolir
sont essentiellement ou bien en harmonisation avec l'ensemble de
l'Amérique du Nord, de ce qui se fait au titre des gains en capitaux, ce
qui n'est pas négligable si on veut vraiment être le pays de la
richesse, à mon sens, mais vous pouvez peut-être vous exprimer
là-dessus, ou alors qu'elles nous permettent, au Québec, de nous
vanter d'être un paradis en matière de recherche et
développement, ce que les entreprises qui viennent s'implanter ici, dans
ces créneaux-là, applaudissent, évidemment, et les
amènent à déménager littéralement vers
le
Québec? On a des implantations récentes vers le
Québec d'autres endroits en Amérique du Nord, au Canada, dont on
peut se vanter, mais ça ne coûte pas rien. Alors, ça
évidemment il m'appa-raît que vous devriez peut-être vous
exprimer là-dessus si vous voulez abolir ces choses-là.
Par ailleurs, je suis toujours curieux de savoir comment on va financer
les investissements additionnels que vous demandez, que ce soit pour le
transport en commun ou autre chose, et qu'on donne les chiffres là. On
ne dit pas: Développez le transport en commun avec du péage
intelligent sur les autoroutes non périphériques. Vous allez
faire plaisir au ministre des Finances en excluant la route 132 là, je
vais vous dire ça, comme route à péage, évidemment.
Quant au reste, ça prend au moins un peu une idée des chiffres
que vous avez à l'esprit, parce que la question est que chaque fois les
gens viennent nous dire: Vous devriez dépenser davantage dans ça,
dans ça, dans ça. C'est un peu court pour ce qui est du
financement.
Alors, si vous aviez une chance de vous exprimer sur les sources de
financement que vous privilégiez, leur ampleur, leur niveau, leur
nature, afin qu'on puisse faire les comptes tous ensemble, parce que comme
c'est là, je n'ai pas saisi que vous vouliez qu'on emprunte davantage.
Je pense qu'on s'entend là-dessus, le déficit est assez
élevé.
M. Parisien: M. le Président, il y a plusieurs questions
là-dedans. Tout d'abord, est-ce qu'on est trop taxés? Pas assez?
Je pense que c'est peut-être difficile à ce stade-ci, sans avoir
examiné les composantes du système fiscal, de dire:
Peut-être...
M. Johnson: Ce n'est pas ça, M. Parisien. Vous,
sentez-vous que vous êtes assez taxé ou pas assez taxé? Une
question assez simple. Vous avez une occasion de le dire devant tout le monde,
si vous payez assez d'impôt ou si vous n'en payez pas assez.
M. Parisien: M. le Président, ce qui est le plus lourd
pour nous, les usagers, contribuables ou consommateurs, peu importe, il faut
confondre tout ça, parce que, vous savez, au niveau de l'impôt sur
le revenu, je suis effectivement très taxé, mais je dois
considérer en contrepartie les services reçus par la population.
C'est peut-être un peu simplificateur de dire: Bon, l'impôt qui est
retenu sur notre rémunération ne sert absolument à rien.
Il y a là comme une espèce de fiction où les gens disent:
Les taxes qu'on paie, ça va dans une espèce de trou noir. Il y a
une certaine impression de ce type-là. Il faut considérer
l'ensemble des services reçus pour chaque dollar qui est payé, M.
le Président.
M. Johnson: Je suis d'accord avec vous. Savez-vous que...
M. Parisien: Les services collectifs font partie de ce qu'on
appelle un revenu social. C'est une forme de revenu en contrepartie de
l'impôt qui est payé et qui fait en sorte que... Est-ce que le
rapport qualité-prix de l'impôt que je paie est bon? Alors, c'est
peut-être la meilleure question...
M. Johnson: Oui.
M. Parisien: ...à se poser, M. le Président.
Dans ce sens-là, il ne faut pas imputer à l'État
une qualité de mauvais gestionnaire de façon automatique. Il y a
des choses où le secteur privé est plus efficace que
l'État pour remplir cette activité, et il y a des domaines
où le secteur privé ne pourra jamais mieux remplir son rôle
que l'État. Il y a eu, récemment, des expériences
malheureuses de privatisation de certains services de transport collectif en
Europe, et ça s'est avéré simplement désastreux.
Alors, la fiscalité, c'est un phénomène relativement
complexe et il faut poser des questions peut-être mieux ciblées
que: Est-ce qu'on paie beaucoup, pas assez?
Une autre question que nous formulait le député sur
l'efficacité du rôle de l'État,
l'«attractivité» des entreprises. Il y a déjà
eu une étude assez rigoureuse du service de développement
économique de la Communauté urbaine de Montréal, et on
montre ici que la fiscalité ou les subventions, ce n'est pas un
critère de localisation fondamental pour une entreprise. Il faut que ces
entreprises puissent trouver chez nous un bassin de main-d'oeuvre
compétent, des systèmes de communication efficaces, que ce soit
au niveau des transports ou des télécommunications, qui fassent
en sorte que ces entreprises-là aient accès à un
marché important. On ne pense pas que la fiscalité soit un
élément déterminant ici pour attirer les entreprises.
Alors, il faut prendre avec circonspection les demandes qui vous étaient
demandées la semaine dernière d'encore réduire le fardeau
fiscal de certains contribuables ou des entreprises. Il faut étudier,
pour vous, sérieusement cette question-là avant d'accorder des
cadeaux, littéralement, qui ne procurent pas d'accroissement de
bien-être correspondant pour la collectivité. C'est une
responsabilité importante pour vous de déterminer la
rentabilité fiscale de ces mesures-là, vous voyez.
Le Président (M. Audet): Merci. M. Johnson: Merci.
Une seconde?
Le Président (M. Audet): M. le président du Conseil
du trésor.
M. Johnson: Oui, juste une mise au point, pas une question.
D'abord, quand on parle de ratio, évidemment, qualité-prix, il
faut savoir
que, déjà, on reçoit en services moins que ce qu'on
paie en impôt en raison de l'accumulation de la dette; donc, le service
de la dette vient gruger notre capacité de rendre des services à
même les revenus. Deuxièmement, l'étude que vous citez
démontre, à sa face même, que les trois facteurs
interreliés d'environnement politique, subvention et fiscalité -
c'est de la même farine - sont deux fois plus importants que ce qui est
censé être le plus important, qui est la proximité des
marchés visés.
Le Président (M. Audet): D'accord. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à Transport 2000 que, je
pense, beaucoup, beaucoup de citoyens au Québec connaissent pour
l'action qu'ils mènent en faveur du transport en commun, notamment, mais
des systèmes de transport publics. J'ai eu l'occasion de les rencontrer
à certains moments, sur différents dossiers, et j'ai toujours
apprécié la vision qu'ils présentaient des investissements
publics en ce qui concerne le transport en commun.
Avant d'aller plus loin sur ce sujet, je voudrais simplement souligner
que par rapport à la question que le président du Conseil du
trésor vous a posée, le tableau, le graphique de la page 28 du
document qui a été rendu public donne une certaine réponse
au niveau de taxation aux États-Unis, au Québec et au Canada.
Alors, quand on demande si on est trop taxés ou pas assez taxés,
ça dépend ce sur quoi on est taxés. Il faut bien prendre
en compte que lorsqu'on rompnro lo taux do taxation aux États-Unis, ou
d'imposition, qui était de 29,9 % en 1990, alors qu'au Québec il
est de 37,7 % et de 37,1 % au Canada, ces taux, aux États-Unis, ne
comprennent pas les soins de santé. Il est bien dit dans le texte. Or,
les soins de santé, aux États-Unis, représentent 11,6 % du
PIB. Si ça coûte 11,6 % aux particuliers, aux États-Unis,
pour assumer les soins de santé, on peut presque les additionner aux
29,9 % et on arrive à quelque 40 % de taux d'imposition
américain.
Alors, là, je laisserai parler les experts là-dessus,
faire toutes sortes de nuances et de corrections, sauf qu'il faut comparer des
choses équivalentes. Bon! Je voulais rectifier là-dessus. Je
pense qu'avant de tirer toutes sortes de conclusions, il faut quand même
faire les bonnes comparaisons (10 h 50)
Ceci étant dit, j'ai une remarque ou certaines remarques à
faire sur le transport en commun comme dépense publique ou
investissement public. Nous avons connu, au Québec, et nous connaissons
toujours l'investissement privé, par exemple, dans le domaine des
chemins de fer. Il y a une partie qui est publique et une partie qui est
privée: le CN et le CP. Qu'arrive-t-il?
Depuis trois, quatre, cinq ans, après une certaine
décision de la Commission canadienne des transports, le CP a
abandonné ses lignes parce que, à court terme, ce n'était
pas rentable. Ceci pose un problème majeur pour le futur. Je suis
convaincu, quant à moi, que le transport par chemin de fer, en
Amérique, est un système qu'on va retrouver tôt ou tard.
Tôt ou tard. On connaît le développement des systèmes
de transport lourd en Europe et comment ils les ont modernisés, surtout
depuis la guerre; maintenant, ils sont drôlement bien
équipés à côté de nous alors que, nous, nous
avons des espaces et, particulièrement ici au Canada et au
Québec, des pays froids qui font que le transport lourd par camion
représente des coûts astronomiques pour la société
en termes de détérioration des routes; nous les payons
actuellement. Nous avons construit tout un réseau neuf depuis les
années soixante et, aujourd'hui, on est obligé de le refaire;
souvent, on est obligé de le refaire. Ça, ça implique des
choses considérables. Or, aujourd'hui, le gouvernement a de la
difficulté à préserver même les emprises existantes
à des coûts parfois très faibles. Je pense que,
là-dessus, il y a une courte vue, des visions à courte vue. Je
n'appelle même pas ça des visions, c'est le nez collé sur
la vitre, et encore moins que ça.
Je voulais évoquer cette question parce que vous êtes dans
le public pour, justement, attirer notre attention là-dessus. Si on a
une vision à long terme du développement des transports, je pense
qu'il faut tenir compte de ces facteurs. Je crois que, au Québec, il va
falloir se poser la question. Depuis quelques années, elle revient,
mais, évidemment, il y a eu des choix qui ont été faits,
à l'origine, qui nous ont amenés à privilégier
l'automobile, et j'arrive un peu au sujet de vos recommandations. Finalement,
ce que vous proposez, c'est de décourager, en quelque sorte, par la
fiscalité l'usage de l'automobile ou, au moins, de lui faire payer les
coûts publics qu'elle encourt, alors qu'actuellement tout le monde a
l'impression que c'est gratuit, le transport automobile, en termes
d'utilisation des infrastructures publiques.
Je pense que c'est une voie, évidemment, mais il y en a d'autres
aussi. Vous avez évoqué, en réponse à une question,
tout à l'heure, la flexibilité du service. Ce qui m'a toujours
étonné, et jusqu'à un certain point effaré, c'est
le coût des infrastructures de transport en commun. Alors qu'on pourrait
imaginer que ça pourrait être moins lourd à porter, il
reste que dès qu'on touche au moindre tronçon, on parle tout de
suite en termes de dizaines de millions, de centaines de millions, de sorte que
ça décourage, je pense, le législateur et le gouvernement
à investir, parce qu'ils voient la bouchée trop grosse.
Est-ce qu'on peut considérer qu'on pourrait avoir des
systèmes de transport en commun plus
flexibles, moins coûteux, d'autobus qui soient aussi moins
coûteux? Et je m'en tiens toujours à une opération par le
public, je suppose, à moins qu'il y ait des...
Je sais que dans certains pays, il y a des corporations sans but
lucratif. Dans d'autres, il y en a opérées par le privé,
mais qui ne balancent pas sans arrêt entre le coût, la
rentabilité puis le service à très, très court
terme. Nous avons connu des moments où les services par autobus, par
exemple, Montréal-Québec, et surtout ailleurs que sur cette ligne
- c'est la ligne d'or actuellement - reliaient les différentes
municipalités du Québec aux centres sans qu'on en soit rendus
où on en est, qui est un service anémique partout.
J'aimerais ça vous entendre là-desssus, parce que
au-delà de l'approche fiscale qui est, en quelque sorte, de faire payer
aux usagers de l'automobile les coûts d'infrastructure, c'en est une,
puis je l'admets, et puis j'ai bien retenu aussi que c'est un ensemble de
politiques qui vont favoriser l'utilisation du transport en commun. Il reste
que c'est la flexibilité du service qui va amener la clientèle,
beaucoup. Qu'est-ce qui nous empêche de le faire, finalement?
M. Parisien: Au cours des 20 ou 30 dernières
années, il y a eu une certaine période de
prospérité qui nous a laissé croire qu'on pouvait
construire n'importe quoi. On a développé des idées de
grandeur qui nous ont conduits à la situation actuelle où on
réalise que certains projets sont extrêmement coûteux pour
la société, et on se retrouve dans la situation où le
réseau de surface, non seulement au Québec, mais au Canada, est
dans une situation particulièrement lamentable.
Et M. Maurice Strong a bien fait état de ça, lui qui est
canadien d'origine, qui est secrétaire général de la
conférence de l'ONU à Rio. Il a déclaré que le
système de surface au Canada était le pire au monde. Le
député vient de souligner qu'on a consenti des sommes
importantes, somme toute, dans des infrastructures lourdes, mais la question
qu'on doit se poser: Est-ce qu'on doit poursuivre dans cette voie-là?
Nous croyons que non. On est à une période où on ne peut
plus étendre le réseau souterrain du métro à
Montréal. Que Québec paie 100 % ou 150 %, on ne pense pas que la
solution réside dans ce type d'infrastructure pour l'avenir.
On entre dans une période où il faut accroître la
capacité des systèmes existants. Je suis heureux, M. le
Président, que le député nous amène
là-dessus, parce qu'il faut passer du système fiscal, dans son
ensemble, aux dépenses des programmes, et il faut regarder ça un
par un. Est-ce que ce qui s'est passé dans les 20 ou 30 dernières
années, ça vaut pour les 20 ou 30 prochaines? Nous ne sommes pas
certains de ça. Et, évidemment, le gouvernement doit s'orienter
vers une politique qui privilégie les systèmes de surface. Quand
le député parle de flexibilité du système, c'est
là qu'on trouve la solution. Vous avez un kilomètre de
métro qui coûte aux contribuables 50 000 000 $ à
construire; ça coûte 10 000 000 $ à 15 000 000 $,
développer la même chose en surface, M. le Président.
Et sans vouloir applaudir la récession qu'on a connue, qui pose
des problèmes sociaux énormes, des problèmes
économiques aussi, peut-être que ça nous conduit
désormais à des choix collectifs plus responsables. Les
élus sont continuellement sollicités par des groupes
spécifiques de citoyens ou des groupes corporatifs qui viennent demander
de prolonger un bout d'autoroute, de prolonger un bout de métro. Mais
établissez le compte, faites la facture, et c'est astronomique. Notre
collectivité ne pourra se permettre de répondre à toutes
ces demandes-là. (11 heures)
J'ai assisté à une récente réunion où
le conseil métropolitain s'apprêtait à envoyer une facture
de 135 000 000 $ à Québec qui n'ajoutera rien à l'offre de
services pour la population. Et pour vous, mesdames et messieurs de la
commission, il faut être très conscients de ça. On arrive
avec des demandes qui nous font penser à l'époque des
idées de grandeur où on va vous demander 85 000 000 $ pour
déplacer une voie réservée, et non pas pour en
aménager une nouvelle. Et on va vous demander 50 000 000 $ pour
construire une station de métro. Où est la limite
là-dedans?
C'est pourquoi le député doit comprendre, M. le
Président, que nous avons des préoccupations là-dessus et
que, comme un des volets de notre mission est de favoriser un usage efficace
des ressources, il est évident qu'il faut désormais orienter les
politiques, les programmes vers la maximisation de chaque dollar investi par
les citoyens dans le trésor public, peu importe sa source, M. le
Président.
M. Lacoursière: On pense au transport en commun, oui,
qu'il faut développer une vision, qu'il faut faire des choix fiscaux
qui, dans un premier temps, pour ce qui est avantageux, un encouragement
avantageux a ces choix-là et sans surtaxer ce qu'on peut
considérer comme nuisible ou ayant moins d'avantages, de s'approcher du
principe de la vérité des coûts. C'est un peu les deux
grands principes là-dedans qu'on voit dans les investissements de
l'État.
Au niveau du coût des infrastructures, il faut être capable
de faire des choix justes et rentables aussi. Que ce soit pour les autoroutes
ou pour le transport en commun, tout le monde veut sa sortie d'autoroute proche
de chez lui sans la payer, puis tout le monde veut sa station de métro
à côté de chez lui, et naturellement sans la payer.
Cependant, il existe d'autres alternatives beaucoup moins coûteuses et
qui sont mises en place par des gens de l'industrie
québécoise.
Je fais juste penser à Bombardier, qui a des alternatives
beaucoup plus intéressantes au métro, beaucoup plus rentables,
entraînant beaucoup moins de problèmes sociaux,
économiques, d'aménagement du territoire, la question du
transport léger sur rails, ce qu'on peut appeler les tramways modernes.
C'est une solution parmi tant d'autres, mais, présentement, pour avoir
fouillé... Plusieurs personnes ont fouiflé les
bibliothèques du ministère des Transports, et on connaît
très peu de choses là-dessus. Alors, quand on ne le connaît
pas, comment faire des choix justes, à ce moment-là?
M. Parisien: Pour compléter peut-être, quand vous
parlez au niveau d'une vision à long terme, c'est vrai qu'on a une
très courte vue depuis quelques années. Sur le terrain, comment
ça se passe au niveau des usagers, ceux qu'on représente, je
voulais attirer l'attention du président du Conseil du trésor
là-dessus, quand il disait que le gouvernement finance le transport en
commun. Oui, tout à fait, mais à Québec, c'est quoi, la
situation, depuis 3 ans? Pour un étudiant comme moi, par exemple, la
carte mensuelle est passée de 18 $ à 24 $, à plus de 30 $
en 3 ans. Alors, qu'est-ce qui arrive?
C'est qu'on nous pellette des taxes, et c'est l'usager, encore une fois,
qui paye de plus en plus pour, souvent, de moins en moins de services.
Et la participation du gouvernement du Québec dans la relance du
Métrobus, entre autres, à Québec était de 900 000
$. Alors, je veux bien croire que le gouvernement du Québec finance les
transports en commun, mais comment on peut encourager les gens à prendre
un transport en commun qui coûte de plus en plus cher et qui, dans le
fond, n'a aucune vision à long terme? Je veux dire, la solution, ce ne
sera pas de nous pelleter des taxes à la figure pendant 10 ans parce
que, dans ce cas-là, les gens vont de plus en plus déserter le
transport en commun.
À partir de là, il faut considérer que le transport
en commun est une solution à beaucoup de problèmes et non pas...
Au niveau du gouvernement, on sent une espèce de harassement. On dirait
que le transport en commun, c'est un problème qui revient à
chaque année et que c'est un peu harassant, finalement. On voudrait
peut-être s'en débarasser, mais ce n'est pas en pelletant des
taxes aux usagers qu'on va le faire.
Le Président (M. Lemieux): ...qui a demandé la
parole.
M. Léonard: ...l'alternance?
Le Président (M. Lemieux): L'alternance. Ça va. M.
le député de Lotbinière avait aussi demandé la
parole, tout à l'heure.
M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Je vous remercie, M. le Président.
D'abord, peut-être quelques mots pour préciser une chose
concernant particulièrement le pont de Québec, puisque...
M. Léonard: Ils ont du stock.
M. Camden: ...je réside dans la grande région de
Québec, sur la rive sud. Je dois vous dire que la
réversibilité sur le pont de Québec, à 8 000 000 $,
là, ça m'apparaît être une alternative qui est
probablement moins coûteuse que de superposer un deuxième niveau
au pont Pierre-Laporte et probablement aussi de faire un deuxième pont.
Je pense que c'est une alternative qui était à considérer.
Elle a été retenue.
Maintenant, je diverge un peu de point de vue avec vous quant au fait
qu'on devrait peut-être cesser la construction ou la reconstruction de
certaines routes. J'ai mon point de vue, à cet égard-là.
Il m'apparaît qu'il faut continuer à moderniser notre
réseau, sauf que, dans le processus, les étapes à
franchir, il y a peut-être un réaménagement qui est
possible à cet égard.
Mais mon questionnement est davantage à l'égard de votre
proposition de créer une régie publique, qui serait
évidemment distincte de la Société de l'assurance
automobile du Québec. Mon questionnement, à cet effet-là,
c'est: Ne croyez-vous pas qu'on vient là ajouter une structure
administrative et, par le fait même aussi, des effectifs qui
entraîneront des frais, et, en même temps, évidemment, on
doit considérer également que, lorsqu'on procède à
l'établissement d'une structure semblable et, évidemment,
à son établissement sur les routes, ça prend des postes de
péage, il y a des frais d'aménagement.
Est-ce que vous avez établi certaines données sur la
rentabilité, l'efficacité d'un tel système, dans votre
approche? Et une autre question parce que, sans doute, vous me répondrez
d'emblée à l'ensemble, j'aimerais que vous me définissiez
aussi ce qu'est, dans votre esprit, un péage intelligent.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous pouvez
répéter un peu plus fort, M. le député de
Lotbinière?
M. Camden: Oui. J'aimerais qu'on me définisse
également ce qu'est, dans l'esprit, soit de M. Lacoursière ou de
M. Parisien, qu'on me dise c'est quoi un péage intelligent, dans votre
esprit, ce que vous référez, là, pour le
bénéfice également des gens qui nous écoutent
M. Parisien: M. le Président, oui, à ce stade-ci,
on participe...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous pouvez essayer
d'être assez bref dans vos réponses, si possible, là,
être un petit peu plus
concis?
M. Parisien: Oui, tout à fait.
On participe très peu au Québec, à ce stade-ci,
à des recherches dans cette direction-là, mais on est un des
rares pays à avoir délaissé cette solution-là en
Occident. Alors, c'est certain que, pour nous, ça apparaît comme
une politique fiction, là, mais il y a des systèmes qui sont
étudiés, qui sont sur le point d'être mis en place, en
Europe du Nord et en Europe de l'Ouest, pour permettre une tarification
à l'usage de cet équipement public important. C'est pourquoi,
selon nous, on ne saurait envisager une tarification dans le secteur de la
santé si on ne le fait pas pour un service aussi sélectif que le
transport autoroutier, M. le Président.
Alors... et une régie... Bon, on n'a pas pu approfondir cette
notion-là à ce stade-ci, mais on ne peut pas établir
à l'avance que ce sera inefficace parce que c'est géré par
le secteur public. Il y a quand même certaines compétences qui
sont exercées de manière efficace, pas nécessairement ici,
chez nous, mais à l'étranger, que ce soit aux États-Unis,
en France et en Ontario, où le Conseil des ministres s'apprêtait
à étudier cette question-là.
Le Président (M. Lemieux): II ne vous reste que 30
secondes, M. le député de Lotbinière, si...
M. Camden: Oui, mais peut-être que M. Lacoursière
souhaite compléter.
M. Lacoursière: Sur la question du pont de
Québec...
Le Président (M. Lemieux): Oui... d'une manière un
petit peu plus concise, s'il vous plaît...
M. Lacoursière: O.K. Ça va être très
bref.
Le Président (M. Lemieux): ...je dois respecter certaines
limites de temps, sans vouloir vous enlever le droit à l'expression. ne
croyez surtout pas ça.
M. Lacoursière: O.K. Les 7 000 000 $ et 8 000 000 $ qui
sont consacrés à une troisième voie sur le pont de
Québec qui va servir au plus à 2000 voitures, à l'heure de
pointe, et on ne sait pas encore combien ça va coûter, si on avait
pris ces 7 000 000 $ et 8 000 000 $ pour les consacrer dans le Réseau
Trans-Sud de la commission de transport de la Rive-Sud de Québec, on
aurait pu rejoindre un nombre beaucoup plus important de personnes, entre
autres de personnes âgées, et mettre une voie
réservée sur un des deux ponts comme cela était
demandé par tous les élus de la Communauté urbaine de
Québec et par une partie des maires de la Rive-Sud. Si on avait
procédé à ça, on serait allé chercher
beaucoup plus de monde que les 2000 voitures, et ça aurait
coûté peut-être moins cher. Parce que dessiner quelques
lignes sur un pont, ça coûte beaucoup moins cher qu'un autre pont,
et une solution comme ça nous aurait sûrement empêché
de construire un troisième pont ou un pont Laporte à un
deuxième niveau, ou quelque autre aberration qui est prévue
présentement. On parle d'un mur qui va... d'une septième voie sur
le pont Pierre-Laporte. Tout ça, on aurait pu éviter
ça.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que M. le
député de Lotbinière... Il vous reste 30 secondes. En 30
secondes, votre question.
M. Camden: Très rapidement, M. le Président,
là, j'aimerais... je ne ferai pas un débat là-dessus, il y
a des gens dans Lotbinière, dans la Beauce, dans l'Amiante, dans
Bellechasse, dans Montmagny... il n'y en a pas de Trans-Sud, là. C'est
le monde rural. Ils ont besoin de traverser de temps en temps le fleuve. Mais
je n'ai pas eu de réponse tout à l'heure concernant le
péage intelligent. C'est quoi, votre proportion? J'aimerais avoir un
aperçu. Vous devez avoir une idée à cet
effet-là.
M. Parisien: Oui, très brièvement, M. le
Président, il s'agit d'une forme de lecture magnétique sur le
produit et, bon, ça emprunte le modèle de ce qu'on trouve dans
les caisses des supermarchés où il y a une lecture. Il n'y a pas
de file d'attente, et c'est toujours mal perçu par le citoyen, la
création de files d'attente lorsqu'on implante un système. Mais
il s'agit d'une formule qui est... un peu comme c'est le cas pour les
télécommunications téléphoniques, il y a une
facture mensuelle qui est expédiée à l'utilisateur et
ça n'impose ni plus ni moins qu'un tarif d'utilisation de cet
équipement public. (11 h 10)
Alors, on se dit, si on l'envisage même pour la santé, eh
bien, est-ce qu'il ne serait pas logique d'abord de le considérer pour
un réseau routier rapide parce que la vitesse dans notre
société, ça se paie. Et on ne pourrait pas imaginer un
train à haute vitesse qui soit gratuit pour les utilisateurs, M. le
Président. Alors, c'est un peu le même principe, pour nous, que de
l'efficacité économique ou de la justice sociale, vous voyez.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Lacoursière: Le débat ne doit pas porter
seulement sur les péages. Les débats, c'est un moyen sur un
ensemble de mesures à mettre en place pour encourager le transport en
commun, financer le transport en commun et arriver à la
vérité des coûts.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît.
O.K.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais à mon tour saluer les représentants de
Transport 2000 Québec et, rapidement, je vais aller à mes
questions, surtout en rapport aux recommandations ou aux mesures fiscales
prioritaires, à la page 18 de votre mémoire. Vous dites: taxation
sur le carbone. Mais est-ce que vous êtes conscients, en même
temps, que le Québec est la province la plus taxée sur l'essence
sans plomb? On est les champions canadiens, nous, au Québec, et, en
prenant cette voie-là, vous allez accentuer, bien sûr, les
disparités, là, entre les provinces et, en même temps, vous
allez nuire à une concurrence au niveau des zones frontalières.
Mais, en tout cas, il y a ce problème majeur là.
Mais, moi aussi, dans votre mémoire, j'aurais peut-être
aimé retrouver une forme de taxation, par exemple, pour le transport
lourd. Est-ce que vous avez réfléchi sur les transporteurs
lourds, les exploitants de sablières, les exploitants de
carrières qui, à toutes fins pratiques, défont les routes
avec les gros camions et qui entraînent des coûts importants aux
municipalités? Est-ce que vous avez réfléchi à
cette situation-là?
Et, en même temps, une deuxième question, parce que je ne
veux pas revenir, parce que le temps est court. Tout à l'heure, vous
parliez du financement du transport en commun et vous sembliez trouver
intéressante la formule du 30 $ comme mesure d'équité,
mais j'aimerais que vous m'expliquiez en même temps comment ça que
vous trouvez ça intéressant, parce qu'il y a des gens qui paient
les 30 $. Je donne l'exemple très simple. L'île d'Orléans,
trois municipalités sur l'île paient les 30 $, trois autres ne les
paient pas. Comment voulez-vous justifier à une population qui n'a pas
de transport en commun sur l'île d'Orléans qu'il y ait trois
municipalités qui paient le 30 $ et trois autres qui ne le paient pas?
Vous sembliez trouver ça éauitable, tout à l'heure, et je
suis un petit peu sceptique face à ce positionnement-là.
Alors, mes questions, c'est à ce niveau-là.
M. Parisien: Oui. Là-dessus, M. le Président,
dès le début, on a déploré cette mesure qui
était, pour nous, marquée au sceau de l'improvisation.
C'était une façon, là, de... peut-être de sauver les
meubles en dernière heure, mais effectivement, on voit que l'application
de ça s'avère plus ou moins efficace. Alors, c'est pourquoi on
propose d'autres mesures plus globales qui vont permettre de mieux financer les
systèmes parce que, de plus en plus, on est devant la
réalité où les transports publics sont en train de
disparaître dans la plupart des régions au Québec.
Est-ce qu'on va... est-ce que les citoyens en région vont
accepter qu'on se retrouve avec un système Québec-Windsor et
qu'il n'y ait plus rien autour? Alors, ça soulève des questions
importantes qu'on ne pourra malheureusement pas débattre
véritablement ici.
Le Président (M. Lemieux): Merci...
M. Filion: Et la question de la taxe sur les transporteurs, les
exploitants, là, au niveau du transport lourd, ost en quo vous avo?
regardé cette avenue-là pour que les exploitations qui
entraînent des coûts sociaux majeurs puissent avoir une forme de
taxation au niveau de l'entretien du réseau routier qui... à
toutes fins pratiques, le défont avec leur transport qui s'avère
très, très lourd? Est-ce que vous avez regardé cette
avenue-là?
M. Parisien: Non, M. le Président, on n'a pas approfondi.
C'est un mécanisme d'application qu'on n'a pas approfondi. On voulait
plutôt suggérer des orientations fiscales à la commission,
sans entrer dans la mécanique. Mais, effectivement, une politique
efficace doit prendre en considération, et bien qu'on n'étudie
pas ça, la charge par essieu, il faut, bon, comme on a
évoqué la question de la vérité des prix et des
coûts, eh bien, plus l'usure est accentuée sur le système,
sur le réseau, et plus il doit y avoir un tarif élevé en
conséquence. C'est la même chose, là, dans les pays avec
lesquels on est en concurrence, que ce soit les États-Unis ou que ce
soit du côté de l'Ontario.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je... Ça va?
Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission
parlementaire et j'inviterais, dans les 30 secondes qui vont suivre,
l'Association canadienne des courtiers en valeurs, s'il vous plaît,
à bien vouloir prendre place à la table des témoins.
M. Parisien: Merci de votre attention. Une voix: Merci
à la commission. Le Président (M. Lemieux): Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
(Reprise à 11 h 19)
Le Président (M. Lemieux): Nous accueillons l'Association
canadienne des courtiers en valeurs. Alors, bienvenue à cette commission
parlementaire.
Je demanderais à celui qui aura comme fonction de faire
l'exposé du mémoire de l'Association de bien vouloir nous
présenter la collègue et le collègue qui l'accompagnent.
Suivra, au
niveau de la procédure, un échange d'une heure. Vous aurez
20 minutes pour exposer votre mémoire, et les parlementaires pourront
s'exprimer globalement pour une période de 40 minutes: 20 minutes pour
le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition officielle.
Alors, nous sommes prêts à vous entendre et, dans un
premier temps, nous présenter la et le collègue, s'il vous
plaît.
Association canadienne des
courtiers en valeurs mobilières
(section du Québec) (ACCOVAM)
M. Julien (Yves): Merci, M. le Président.
Je suis Yves Julien, courtier en valeurs mobilières et
président de la section du Québec de l'Association canadienne des
courtiers en valeurs mobilières, qu'on appelle habituellement l'ACCOVAM.
Avec moi, aujourd'hui, M. Luc Bachand, également un courtier en valeurs,
qui est le vice-président de la section du Québec de
l'Association, et Mme Fernande Lanoix-Samuels, qui est la directrice
générale de l'Association à Montréal. Si vous
voulez bien, je vais maintenant passer à l'exposé de notre
mémoire. (11 h 20)
La section du Québec de l'ACCOVAM, l'Association canadienne des
courtiers en valeurs mobilières, comme je l'ai dit, est heureuse de
prendre part au processus de consultation budgétaire entrepris par la
commission du budget et de l'administration et de pouvoir exprimer ses
commentaires en vue de la formation de la politique budgétaire du
Québec.
L'ACCOVAM est un organisme d'autorégle-mentation du commerce des
valeurs mobilières. Son rôle est d'assurer
l'intégrité des marchés financiers et de favoriser la
formation de l'épargne et le processus du placement au Canada. Depuis
plusieurs années, l'ACCOVAM recommande, par la voie de l'association
nationale et de ses conseils de section régionaux, que les gouvernements
fédéral et provinciaux au Canada s'engagent dans une
stratégie budgétaire axée sur la contraction du
déficit et de la dette publique afin de favoriser une croissance
économique soutenable et de créer des emplois au pays.
L'Association exhorte donc les gouvernements à prendre des mesures qui
permettront d'assainir les finances publiques, mesures qui s'articuleront
autour d'un programme énergique de compression des dépenses.
Je voudrais dire ici que notre mémoire a été
rédigé avant que nous ayons reçu les documents
«Vivre selon nos moyens» et la synthèse des
opérations financières du troisième trimestre de
l'exercice 1992-1993. Alors, certains des chiffres que je vais vous citer ne
sont pas tout à fait à jour, mais la lecture de ces documents que
nous avons faite dans les derniers jours ne nous a pas fait changer la logique
de notre raisonnement ni les conclusions de notre mémoire.
Pendant les années 1980, période
caractérisée par une longue prospérité, tous les
paliers de gouvernement au Canada se sont engagés dans des programmes de
dépenses trop élevés pour leurs moyens, se laissant sans
marge de manoeuvre adéquate pour parer à une récession
éventuelle. La récession qui a frappé le pays en 1990 les
a trouvés à peu près sans arme pour la combattre et a
considérablement empiré l'état des finances publiques.
Ensemble, les déficits fédéral et provinciaux
s'élèvent aujourd'hui à quelque 54 000 000 000 $, soit
environ 8 % du PIB. Ce chiffre place le Canada au dernier rang des pays du
Groupe des Sept.
La nette détérioration des finances publiques pendant
cette période a été ressentie surtout au niveau
provincial, en partie parce que les mesures tardives d'austérité
économique prises par Ottawa ont eu pour effet la réduction des
transferts fédéraux aux provinces. Depuis les deux derniers
exercices budgétaires, les provinces ont accumulé des
déficits collectifs de 20 000 000 000 $ par année, soit plus du
double du total des déficits inscrits en 1990-1991. L'ensemble des
déficits provinciaux représente maintenant près des deux
tiers du déficit fédéral par rapport à une
proportion de seulement 30 % au début des années 1990.
Bien que la détérioration des finances provinciales depuis
1990-1991 se retrouve en grande partie en Ontario, le Québec
connaît le même problème. De fait, pendant cette
période, le Québec a alourdi son déficit annuel de plus de
1 500 000 000 $. Ainsi, le déficit de 1991-1992 a atteint un chiffre de
4 200 000 000 $, dépassant de quelque 700 000 000 $ les
prévisions initiales. Dans le dernier discours du budget, le
déficit devait être ramené à 3 800 000 000 $ en
1992-1993, chiffre supérieur à ce qui avait été
prévu précédemment. Le déficit de 1992-1993 a,
depuis, été révisé à 4 260 000 000 $, et le
résultat final pourrait être plus élevé.
S'il est vrai que la récession n'a pas aidé les choses, il
n'est pas moins vrai que la province a tout de même accusé un
déficit chaque année, depuis les années 1960, même
pendant la période de grande prospérité des années
1980. Ces déficits ont d'ailleurs été
considérables, dépassant 2 000 000 000 $ presque chaque
année depuis 1979-1980.
C'est donc avec une certaine inquiétude que nous avons accueilli,
dans le budget de 1992-1993, la décision du gouvernement de reporter
à plus tard la mise en oeuvre de sa résolution de réduire
à zéro le déficit du compte courant dans le but de
favoriser la relance de l'économie. Le motif est louable, mais
l'utilisation de la marge de manoeuvre du gouvernement aura-t-elle l'effet
escompté sur l'économie? Dans quel état laissera-t-elle la
situation financière de la province?
Le gouvernement prévoit maintenant que les finances provinciales
seront déficitaires pendant
au moins trois années encore. Le déficit prévu pour
1994-1995 est encore de 3 000 000 000 $, soit 1,5 % du PIB. Nous craignons que
le fardeau de la dette ne se maintienne ainsi à des niveaux qui ne
laisseront finalement plus aucune marge de manoeuvre au gouvernement. Le budget
de 1992-1993 comprend des augmentations d'impôt et de certains frais et
une hausse de 1 200 000 000 $ des transferts fédéraux à la
province. Le gouvernement aurait dû profiter de ces diverses mesures
d'accroissement des recettes pour réduire son déficit en
restreignant ses dépenses. Au contraire, ses dépenses totales se
sont accrues de plus de 5 %, ce qui représente un taux supérieur
aux taux d'inflation et de croissance combinés. Cette situation fait
suite à un accroissement des dépenses de plus de 8 % en moyenne
au cours des deux derniers exercices budgéraires
précédents, par rapport à une augmentation annuelle
moyenne des recettes d'environ 5 %.
Nous accueillons, par ailleurs, avec optimisme la proposition du
gouvernement d'abaisser le taux de croissance des dépenses à
près de 3 % par année. C'est les chiffres que nous avions. Nous
avons vu que, maintenant, il est question de 1 % par année, ce qui est,
à notre point de vue, une amélioration, en 1993-1994 et en
1994-1995. Mais cela sera-t-il suffisant? Bien que les dépenses
publiques du Québec aient été mieux
contrôlées que dans beaucoup d'autres provinces, les
déficits successifs donnent à entendre que les programmes actuels
de dépenses de la province dépassent les moyens de
l'économie.
Nous croyons que le gouvernement devra intensifier ses efforts de
réduction des dépenses à mesure que la reprise se
confirmera, afin de réduire son déficit. On ne peut plus recourir
à des hausses d'impôt qui entraîneraient
nécessairement un ralentissement de l'activité économique.
Le déficit ne peut être réduit qu'au prix d'une compression
des dépenses. La dette publique nette des gouvernements
fédéral et provinciaux atteint quelque 630 000 000 000 $, soit
plus de 90 % du PIB.
Ce chiffre place le Canada au deuxième rang des pays
industrialisés les plus endettés, après l'Italie. Si nos
gouvernements ne s'emploient pas énergiquement à réduire
leur déficit, ils perdront leur dernière marge de manoeuvre
financière à cause des charges d'intérêt qu'ils
auront accumulées. Les paiements d'intérêts sur la dette
collective ont augmenté inexorablement pour atteindre aujourd'hui plus
de 50 000 000 000 $ par année, soit près du cinquième des
dépenses et des encaissements des gouvernements.
Ce poids accablant des intérêts démontre à
quel point il est urgent de s'attaquer au problème de la dette
nationale. Le Québec se doit de prendre part à ce processus. Les
déficits budgé taires chroniques dans notre province se sont
traduits par un fardeau de la dette de plus en plus difficile à
supporter. Les frais d'intérêt annuels sur la dette approchent
maintenant les 5 000 000 000 $, soit plus de 13 % des recettes
budgétaires par rapport à 11 % en 1981-1982, lorsque les taux
d'intérêt étaient montés à des niveaux sans
précédent.
La succession des déficits, tout au long des années 1980
et depuis le début des années 1990, a fait doubler la dette
totale de la province. Ainsi, la dette du Québec supportée par
les impôts représente maintenant 48 % du PIB, un pourcentage
record. Il s'agit là du ratio de la dette au PIB le plus
élevé de toutes les provinces jouissant de la cote AA de Standard
& . Poor's.
Cette société qualifie depuis l'été dernier
les perspectives financières du Québec de négatives. Bien
qu'elle ait maintenu au niveau AA la cote de crédit de la province, si
le gouvernement ne prend pas les mesures qui s'imposent avant de renverser
cette situation, la cote de crédit de la province risque d'être
abaissée, ce qui donnerait lieu à une augmentation des
coûts de financement sur les marchés financiers. (11 h 30)
Les gouvernements se doivent de créer un régime fiscal
stable et concurrentiel au Canada afin d'encourager l'épargne et le
placement au pays. Les déficits fédéraux et provinciaux
élevés entraînent des hausses de taux
d'intérêt, une réduction des investissements privés
et, par voie de conséquence, un recul de la productivité. De
telles conséquences font une brèche sérieuse dans
l'aptitude du Canada de faire concurrence aux pays étrangers sur les
marchés mondiaux. Il serait déplorable que les nombreux efforts
déployés ces dernières années pour établir
un régime fiscal permettant aux entreprises québécoises de
compétitionner efficacement sur les marchés internationaux soient
annulés par une augmentation du fardeau fiscal.
La situation budgétaire de notre province est arrivée
à un point tournant. L'objectif fondamental de la politique
budgétaire est de créer un climat économique qui
favorisera les investissements des entreprises ainsi que la croissance et la
création d'emplois dans la province. Il s'agit donc, en premier lieu, de
ramener le plus tôt possible le compte courant à une situation
d'équilibre, et de continuer ensuite de réduire le déficit
au moyen de compressions des dépenses. Une telle stratégie se
traduira par une diminution du coût des capitaux pour les entreprises,
par un allégement du fardeau fiscal des entreprises et des particuliers,
et par un regain de confiance de la part des entrepreneurs. Ces facteurs
positifs favoriseront à leur tour une reprise économique
vigoureuse et soutenue dans la province.
M. Levesque: Je vous remercie. M le Président, et je veux
immédiatement dire à nos interlocuteurs visiteurs combien nous
apprécions
leur participation.
Évidemment, l'Association canadienne des courtiers en valeurs
mobilières comprend des gens très bien préparés
pour comprendre la situation difficile que nous vivons au niveau des finances
publiques. Les courtiers en valeurs mobilières sont souvent
appelés, et assez régulièrement, à faire certains
financements pour le compte de la province de Québec et pour
HydroQuébec. Il n'y a aucun doute que vous êtes très bien
placés pour faire les constats que vous faites, par exemple, sur la cote
de crédit du Québec et les conséquences d'un endettement
trop fort et de déficits répétés. Il n'y a aucun
doute que votre mise en garde vient sûrement de personnes qui sont bien
placées pour faire cette évaluation.
Vous avez présenté un mémoire avec lequel nous
sommes, du moins, en bonne partie, en accord, avec le constat d'ailleurs et les
conclusions que vous tirez par rapport à la situation des finances
publiques: déficit élevé, endettement élevé,
croissance des dépenses qui excède les moyens de
l'économie, marge de manoeuvre restreinte. En conséquence, le
déficit ne peut être réduit qu'au prix d'une compression
des dépenses. Je pense que c'est la conclusion à laquelle vous
arrivez. Vous n'êtes pas seul, cependant, à être
arrivé à cette conclusion. Sauf de rares exceptions, ceux et
celles qui sont passés ici depuis... Nous sommes dans la deuxième
semaine, maintenant, de ces rencontres, dans ce forum, et je dois vous dire
qu'il semble se dégager un consensus assez fort sur ce constat.
Vous mentionnez cependant que nous aurions pu, peut-être, pour
1992-1993, continuer dans le sens de la diminution du déficit,
diminution que nous avions entreprise dès notre arrivée au
pouvoir et que nous avions réussie à un point tel que nous
arrivions, en 1990, presque à l'équilibre du compte courant. Nous
n'avons pas laissé tomber les objectifs, mais un gouvernement a toutes
raisons d'être responsable en toutes occasions, particulièrement
dans une période de ralentissement économique, dans une
période de récession. Il y a là un facteur qui doit nous
guider, c'est-à-dire penser à ceux qui souffrent dans une telle
récession. C'est pourquoi nous avons accepté, temporairement, de
laisser le déficit être augmenté, mais pour des raisons
bien précises. L'aide sociale, ces fonds-là ont été
nécessairement augmentés. Il y a eu le retour à
l'école. Il y a eu différents facteurs qui nous ont amenés
à faire en sorte de répondre à ces besoins sociaux. Aussi,
il y a le fait que les revenus ne sont plus là. C'est clair que les
bénéfices des sociétés ne sont plus là, du
moins avec la même ampleur. Il y a aussi, dans différents
domaines, des circonstances qui amènent une réduction des
revenus. Donc, en général, nous n'avons pas perdu de vue
l'importance de poursuivre les objectifs que nous avions, mais ceci explique un
peu ce qui arrive.
Maintenant, vous avez mentionné, évidemment - je reviens
à ça - que c'est du côté des dépenses qu'il
faut se diriger, et très rapidement. Cependant, malgré la
qualité de votre mémoire, il n'y a pas de liste
privilégiée là-dedans. Est-ce qu'à l'Association
canadienne des courtiers en valeurs mobilières, il y a des choses, par
exemple, qui vous frappent comme priorités dans cette liste, qui ferait
en sorte que l'on puisse vivre un peu ce que vous suggérez? Est-ce que,
parmi vos membres, il y a des gens qui sont prêts à faire des
suggestions qui les touchent? Parce que c'est très facile;
évidemment, de faire des suggestions qui touchent les autres. Tout le
monde est en faveur de la réduction des dépenses, à
condition que ce ne soit pas de leur côté que nos regards se
tournent. Alors, vous, qui êtes ici, ce matin, en plein pouvoir, vous
avez peut-être à nous suggérer quelque chose. Une fois que
vous aurez fait l'exercice pour vous-mêmes, vous pourrez - nous vous
invitons à le faire - le faire pour la société en
général.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
Est-ce que vous avez des commentaires relativement aux propos du
ministre des Finances?
M. Julien: Oui. Ha, ha, ha! Mon collègue, M. Bachand, me
rappelle que la tendance est à la baisse pour les commissions que le
gouvernement paie aux courtiers pour effectuer ces financements. Mais je n'irai
pas jusqu'à prétendre que c'est la seule voie que vous avez.
La question des dépenses est évidemment très
importante. C'est une chose qu'on a discutée à de nombreuses
reprises en préparant notre mémoire. Mais si, d'une part, pour
nous, à l'Association, il est assez confortable de recommander la
prudence financière au gouvernement, on est beaucoup moins bien
placés pour aller recommander des priorités de dépenses.
Ce n'est pas une chose qu'on oserait ou qu'on voudrait faire. On se sentirait
trop à l'extérieur de nos domaines de compétence, en tant
qu'association, pour le moins. Je pense que, comme individus, on peut avoir
chacun nos opinions, mais c'est essentiellement la raison pour laquelle il n'y
a pas de suggestion à cet effet-là dans notre mémoire,
monsieur.
M. Bachand (Luc): Juste pour ajouter un point.
Ce qui est important dans notre domaine, c'est le poids relatif de
l'ensemble des dépenses par rapport à l'économie. Dans le
document «Vivre selon nos moyens», je pense qu'on propose une
solution qui, au cours d'un certain nombre d'années, va amener une
réduction des dépenses par rapport au produit intérieur
brut. C'est-à-dire que si les dépenses croissent seulement de 1
%, et que l'économie croit à un
rythme plus rapide, le poids relatif des dépenses sera de moins
en moins important. Ce n'est pas nécessairement qu'il faut aller couper
dans l'éducation ou dans... Il faut bien contrôler le poids
relatif des dépenses totales de l'appareil du gouvernement par rapport
à la croissance de son économie. Je pense que c'est plus cette
nuance-là qu'on vise.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. le député de Labelle. (11 h 40)
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Alors, je remercie votre association d'avoir présenté ce
mémoire. Je pense qu'elle fait une analyse qui rejoint beaucoup d'autres
mémoires que nous avons reçus, mais à partir vraiment du
financement du public et des activités publiques des deux
gouvernements.
Ce que vous faites surtout, c'est que vous le faites Québec et
Ottawa et, en partie, les provinces. Je pense que ça, ça a le
mérite de donner une vision générale de la question et du
problème qu'il y a.
Je vois que le ministre des Finances voudrait bien avoir beaucoup de
recettes pour se donner des idées pour son prochain budget, mais vous
avez bien remarqué - vous avez eu raison de le faire - que
lui-même a fourni ses documents à la dernière minute, de
sorte que tout ce qu'on peut faire, à l'heure actuelle, c'est à
partir de son ancien discours sur le budget et de la synthèse des
opérations financières du 30 septembre seulement, alors que la
récente donnait encore une dégradation de la situation
budgétaire du Québec, sans parler de la dégradation
budgétaire qu'il y a actuellement au fédéral. Parce que
ça l'air qu'il se confirme que le déficit fédéral
va être de l'ordre de 38 000 000 000 $ à 40 000 000 000 $, cette
année; c'est ce qu'on entend dire à travers les corridors.
Malheureusement, malheureusement!
Moi, en lisant votre mémoire, effectivement, il y a des questions
qui se posent sur la gestion du Québec, sur ses orientations des
dernières années, sur le fait qu'il a introduit sa réforme
de la fiscalité au pire moment où il pouvait l'introduire, au
début d'une récession, alors que ça a mis deux fois plus
les consommateurs sur la prudence. Je dirais aussi que le
fédéral, lui-même, a continué d'accentuer ses
déficits. Ça, c'est une cause de préoccupation majeure
parce que, au fond, les déficits fédéraux sont deux fois
plus élevés, toutes proportions gardées, que celui du
Québec. Ça, c'est la première question que je voulais vous
poser: Est-ce que vous remettez en cause un certain nombre de grandes
politiques fédérales, qui sont à la base des
déficits que nous connaissons et des hauts taux d'intérêt
que nous avons depuis le début des années quatre-vingt? Sans
entrer dans les recettes pour couper un programme ou l'autre, est-ce que vous
remettez ça en cause? Est-ce que vous remettez leurs grandes
décisions... Par exemple, je vais vous donner un sujet. Est-ce que vous
trouvez que, compte tenu de la fin de la guerre froide, au
fédéral, on devrait vraiment couper radicalement dans les
dépenses de la Défense?
M. Julien: On ne s'est pas interrogé aussi
spécifiquement sur ces questions-là, monsieur.
M. Léonard: Bien, il y a une douzaine de milliards
là-dedans.
M. Julien: Oui. En général, nous sommes favorables
aux coupures de dépenses. Maintenant, comme jo vous l'ai
mentionné, on n'est pas, en préparant notre mémoire,
entrés dans un examen ou une discussion sur les dépenses de la
province. On ne l'a pas fait non plus en examinant le budget
fédéral. Il n'y a pas de position officielle, à ma
connaissance, de l'ACCOVAM là-dessus. Maintenant, si vous nous demandez
notre opinion personnelle, ce serait peut-être une bonne chose à
couper.
M. Léonard: Je pensais que ça pouvait être un
champ, mais j'imagine aussi que, par la faiblesse de la structure
fédérale, il est amené à financer toutes sortes
d'idées, comme Hibernia, comme l'agriculture dans l'Ouest à coups
de quelques milliards, des hélicoptères aussi, etc. Donc, c'en
est un secteur.
Au-delà de ça, les courtiers et votre Association, vous
êtes à un point stratégique concernant les investissements
au Québec. Lorsque des entreprises font des investissements - je parle
des entreprises publiques inscrites à la Bourse, par exemple, ou
d'autres qui font des placements privés - ils passent par vos mains, et
vous êtes sûrement au courant des réflexions qui se passent,
qui se font par rapport au coût du capital. Donc, le taux
d'intérêt, c'est important; la taxe sur le capital, c'est
sûrement important. Mais est-ce qu'il y a d'autres éléments
qui font que les investisseurs se retiennent d'investir au Québec?
Est-ce que vous pourriez nous renseigner là-dessus?
Parce que, au fond, il y a, disons, deux grands axes pour
équilibrer les finances publiques ou les budgets des gouvernements. Il y
a, évidemment, une rationalisation des dépenses - et, dans la
mesure où on peut la faire, très bien - mais il y a aussi qu'on
peut s'activer à augmenter la production économique, donc, de
s'intéresser à tout ce qui la freine, à toutes les
embûches que les entreprises peuvent rencontrer. Quelle est votre opinion
là-dessus?
M. Julien: Bien, de façon générale, les
investisseurs, quand ils décident de mettre de l'argent dans un projet
qui sera utile à l'économie, ont deux critères en
tête. D'abord, le rendement sur leur investissement, il faut qu'il
soit adéquat, sinon pourquoi mettre de l'argent au jeu s'il n'y a
pas de rendement à obtenir du placement. Deuxièmement, ce qui est
difficile à quantifier toujours, c'est le risque qui est encouru par
l'investisseur. Il y a peu ou pas de placement dont le rendement est 100 %
certain. Une décision de placement est toujours la recherche d'un
équilibre entre ces deux facteurs-là. Les gens essaient de
maximiser le rendement et de minimiser le risque. C'est comme ça que les
décisions de placement sont prises.
Maintenant, si on prend une perspective plus grande pour essayer
peut-être de répondre à la deuxième partie de votre
question, les taux d'intérêt, selon nous, constituent une variable
très importante dans les décisions d'investissement parce que
plus ils sont bas, plus c'est facile pour les entrepreneurs de se financer, et
plus il y a des incitatifs à faire des investissements qui seront
productifs pour l'économie. Alors, dans ce sens-là, toutes les
politiques qui peuvent être adoptées par les gouvernements, qui
ont pour conséquence de maintenir à des bas niveaux les taux
d'intérêt sont, à moyen et à long terme, favorables
à l'investissement et au développement de l'économie.
Le Président (M. Lemieux): L'alternance. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, j'aimerais joindre ma voix à celle de mes
collègues pour souhaiter la bienvenue, et faire appel très
directement à votre expertise dans le financement public que vos membres
ont à assurer pour vos clients, qu'ils soient des entreprises
privées, des entreprises du secteur public ou des gouvernements comme
tels.
Il y a quelque chose dont on parle quelquefois sur la place publique,
enfin dans nos discours, qui tient à la cote de crédit de
l'emprunteur. C'est une notion un petit peu ésotérique, dans le
fond, qui tient de l'évaluation qu'une agence peut faire des chances de
remboursement, de la qualité du remboursement, de la certitude du
remboursement, évidemment, et des paiements d'intérêt que
l'emprunteur peut assurer à son prêteur.
Pourriez-vous nous expliquer quels sont les effets pratiques, que ce
soit pour une entreprise ou un gouvernement, d'être décoté,
donc de voir son crédit moins bien reconnu, en expliquant très
brièvement les causes qui mènent à ça? Qu'est-ce
que les prêteurs regardent? Est-ce qu'il y a une grosse différence
entre le public et le privé? Je pense que votre expertise vous permet
d'être très concret. C'est ça que j'aimerais que vous
fassiez. Qu'est-ce que ça signifie, pour un emprunteur, de voir qu'il
est décoté?
M. Julien: C'est une chose dont on parle tous les jours dans
notre métier. C'est facile pour moi de vous expliquer les grandes lignes
de ce dont il s'agit. Les cotes de crédit sont données à
tous les emprunteurs importants qui vont dans les marchés financiers
pour lever des fonds, principalement par deux maisons américaines,
Standard & Poor's et Moody's. Il y a aussi deux maisons canadiennes qui
font ce travail-là. (11 h 50)
Les cotes varient de AAA - c'est ce qu'il y a de mieux; AAA, c'est ce
qu'il y a de mieux - en fait, ça va jusqu'à C, je crois, avec
toutes sortes de catégories entre les deux. Et comme M. Daniel Johnson
le mentionnait, les cotes reflètent l'estimé de la
capacité de remboursement qui est faite par ces agences
spécialisées. Maintenant, on a observé, depuis qu'il y a
des cotes de crédit dans les marchés financiers, que les
coûts d'intérêt pour un emprunteur varient avec la
qualité de sa cote de crédit. L'emprunteur qui a la meilleure
cote de crédit est toujours celui qui paie le moins
d'intérêt quand il lève des fonds, et celui qui a la
mauvaise cote de crédit paie plus cher. Quand un emprunteur voit sa cote
de crédit baisser, il s'ensuit toujours que, dans des mêmes
circonstances do marché, toutes choses étant égales
d'ailleurs, le coût de son financement va augmenter. Quand est-ce qu'une
telle chose se produit? Quand est-ce qu'une cote de crédit baisse? C'est
quand il se produit suffisamment de développement dans la situation
économique et financière de l'emprunteur pour inciter les agences
qui donnent ces cotes de crédit à réviser leur jugement,
et à décider qu'étant donné la conjoncture tel
emprunteur est maintenant plutôt comparable à des emprunteurs qui
ont la cote de crédit A, qu'à des emprunteurs qui ont la cote de
crédit AA, qui est une meilleure cote.
Alors, il y a certaines règles objectives, et d'autres qui sont
très subjectives, qui sont utilisées par ces agences
d'évaluation dans la détermination des cotes de crédit.
Quand il s'agit de cotes de crédit de gouvernements, les agences
examinent beaucoup toutes les statistiques financières du type de celles
qui sont présentées dans les discours du budget. Elles examinent
aussi les tendances à l'amélioration ou à la
détérioration des finances publiques.
Ainsi, la situation de ce qu'on a appelé, nous, le compte
courant, dans notre mémoire, mais qui, je crois, s'appelle techniquement
le solde des opérations courantes, est une chose qui est primordiale
pour les agences, et une chose à laquelle les agences donnent beaucoup
d'importance, parce que, évidemment, ça dénote, ça
permet de mesurer si, à long terme, il y a un équilibre dans les
finances d'un emprunteur. Les préoccupations qui ont été
mentionnées récemment par les agences portent surtout
là-dessus, sur l'équilibre du compte courant.
C'est en partie la raison pour laquelle on y a donné tant
d'importance aussi dans notre mémoire.
M. Johnson: Peut-être que je vous demanderais de
préciser davantage si une décote fondée sur les
éléments que vous avez décrits fait en sorte que,
même les institutions qui n'ont plus le droit de prêter, qui sont
régies par des règles qui les astreignent à ne
prêter qu'à des risques de telle ou telle catégorie, donc,
ça pourrait restreindre le marché. Si vous vouliez expliciter
ça.
M. Bachand: Les cotes de crédit sont en termes relatifs.
En réalité, chaque emprunteur dans le monde est comparé un
par rapport à l'autre. Plus la cote de crédit est
élevée, meilleur est l'accès à l'épargne
mondiale. Les cotes AA et plus, comme M. le député le
précise, permettent généralement un accès à
à peu près tous les marchés financiers dans le monde, que
ce soit autant au niveau d'aller chercher des nouveaux fonds pour financer les
opérations de la province ou que ce soit dans les opérations de
gestion de la dette actuelle de la province. La province a le droit de
gérer sa dette soit à taux fixe, soit à taux flottant, de
profiter des avantages du marché afin de minimiser le coût du
service de la dette pour le contribuable. Lorsque la cote de crédit se
détériore, il a accès à moins d'épargne et
à des coûts supérieurs, et il a accès à moins
d'instruments pour gérer sa dette. Si ça répond un petit
peu...
Le Président (M. Lemieux): Merci, monsieur.
M. Julien: de le quantifier, cela varie selon l'environnement des
taux d'intérêt, de le quantifier en termes de pourcentage de
coût d'emprunt.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Ça me fait plaisir de vous souhaiter, à mon tour, la
bienvenue.
Je suis toujours un peu étonnée que le président du
Conseil du trésor veuille attirer notre attention sur cette
question-là, que vous avez très bien présentée, en
ce qui concerne la cote de crédit, sans invoquer sa propre turpitude,
puisqu'il y a à peine un an, il avait l'air de... Il disait, il y a
à peine un an, qu'il avait la situation des finances publiques bien en
main, et qu'il n'y avait pas de problème. J'ai l'impression que, ce
matin, dans le fond, c'est un petit peu un épouvantail qu'il essaie de
faire ressortir...
Alors, il faudrait qu'il choisisse peut-être le jugement qu'il
porte sur sa propre gestion. Il me semble qu'à ce moment-ci, en faisant
référence, justement, à votre mémoire, ce qu'il est
intéressant de souligner, c'est que vous dites que, tout étant
relatif dans l'établissement des cotes - le processus que vous
identifiez est intéressant, là - mais que tout étant
relatif... Dans votre document, vous mentionnez que le Québec, entre
autres, sous deux gouvernements différents, a mieux maintenu,
finalement, ses finances publiques dans des balises acceptables, si je
comprends bien votre mémoire et une des affirmations que vous y
faites.
Je voudrais revenir, à partir de là, au fait que le
Québec a réussi à mieux gérer, d'une façon
générale, ses finances publiques depuis une quinzaine
d'années, une dizaine d'années, avec deux récessions.
Parce que vous faites aussi, évidemment, l'analyse du côté
fédérai, et que vous incluez la portion de la dette
fédérale, on sait qu'une des causes de la
détérioration des finances publiques du Québec, c'est la
baisse dans les transferts fédéraux, qui résultait...
Enfin, il y avait eu un contrat, finalement, passé entre les provinces
et le fédéral. Ce contrat a été modifié
unilatéralement, ce qui a donné un effet sur les finances
publiques qui est assez dramatique depuis un certain nombre d'années et
qui va, évidemment, s'amplifier dans les années à
venir.
Est-ce qu'une des avenues qu'on ne pourrait pas envisager, partant du
fait que le Québec a quand même bien resserré la gestion de
ses finances publiques, et même s'il peut le faire encore mieux, c'est
évident, est-ce qu'une avenue de solutions, ce ne serait pas de demander
à Ottawa qu'il nous transfère plutôt des points
d'impôt, et en échange de ces transferts fiscaux, justement, qui
ont été une des causes de la détérioration des
finances publiques du Québec?
M. Julien: Évidemment, demander des transferts de points
d'impôt à Ottawa, je le ferais sûrement si j'étais
à votre place, mais j'aimerais peut-être apporter une
précision à notre mémoire.
On ne s'est peut-être pas exprimé avec suffisamment de
clarté, mais ce qu'on voulait dire, c'était que, dans d'autres
provinces, en particulier en Ontario, il y a eu moins de contrôle sur les
déficits qu'il n'y en a eu au Québec. C'est ça qui est
notre observation de base, là, et on n'a pas réfléchi
à aller vraiment plus loin que ça en ce qui a trait aux questions
de transferts fédéraux, sauf de faire remarquer que,
évidemment, ils avaient baissé, et que ça affectait toutes
les provinces.
Mme Marois: Ça va, merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: oui, m. le président, simplement pour revenir
très brièvement sur ce que la députée de taillon
expliquait tout à l'heure. le problème qu'on a à
gérer est un problème dont la solution repose, à long
terme, sur un ensemble de décisions qu'il faut prendre rapide-
ment, parce que le problème vient d'une accumulation,
évidemment, de problèmes qui, aujourd'hui, se montrent la face.
Ce que les chiffres démontrent depuis quelques années, c'est
qu'effectivement nous avons réussi à diminuer ce déficit
au solde des opérations courantes, que la cote a été
maintenue - nous n'avons pas été décotés, nous,
comme le gouvernement d'alors, en 1984, bien au contraire - mais ce qu'il faut
tenter de faire, compte tenu de l'accumulation des déficits, c'est de
maintenir la cote actuelle. (12 heures)
Parce que ce que j'ai compris de l'explication qu'on nous a
donnée tout à l'heure, c'est qu'il y a un automatisme dans le
marché financier qui reflète, soit par les taux
d'intérêt, soit par la rareté du crédit, mais dans
le fond, ces deux réalités qu'on vient de décrire, c'est
la même réalité qu'on décrit de deux façons.
Je devrais dire qu'il y a un automatisme entre la disponibilité du
crédit et son coût, d'une part, et la tendance à long terme
qu'on observe chez l'emprunteur. Comment se comporte-t-il? Est-ce qu'il n'est
pas vrai - c'est l'objet de ma question - qu'il est important pour un
prêteur de sentir qu'à long terme il se fait quelque chose
plutôt que de se laisser enfermer dans le quotidien, à savoir
qu'est-ce qui arrive la semaine prochaine, qu'est-ce qui arrive dans deux mois?
Si on regarde ça sur une période raisonnable - c'est comme
ça que je décris votre expérience, une période
raisonnable, c'est ce que vous connaissez - est-ce qu'on ne peut pas en
conclure que c'est sur de longues périodes? C'est à moyen terme,
à tout le moins, que les gens évaluent un crédit par les
tendances qu'on emprunte et qu'en conséquence - je me permets de
suggérer une conclusion qui apparaît dans nos documents - ce que
nous tentons de faire, c'est de redresser graduellement le
déséquilibre des finances publiques, sachant qu'on ne peut pas le
faire instantanément, d'une part, sachant que le problème date
d'il y a longtemps, d'autre part, et que la récession,
évidemment, est un facteur qui, à court terme, est venu rendre le
phénomène beaucoup plus pressant.
Alors, ma question est de savoir: Est-ce que vos clients, qu'il s'agisse
des prêteurs ou des emprunteurs, sont des gens qui ont le nez
collé sur la vitre ou qui ont intérêt à regarder le
plus loin possible?
M. Julien: Évidemment, ils ont intérêt
à regarder le plus loin possible...
Le Président (M. Lemieux): Plus fort, s'il vous
plaît.
M. Julien: ...et il y en a... La plupart sont fort
renseignés sur la situation financière des emprunteurs dont ils
achètent les titres. Vous avez parfaitement raison que les gens, les
prêteurs regardent la situation à moyen et à long terme.
Ils veulent être rassurés que l'emprunteur a un équilibre
dans ses finances à moyen et à long terme. Ils veulent être
rassurés qu'ils ne s'acheminent pas vers un problème quand ils
achètent les titres. Des mesures comme celle de réduire le
déficit du compte courant, même si ça prend quelques
années, sont de nature à rassurer les investisseurs et, ensuite,
à leur permettre de prendre des décisions d'investir dans les
titres de l'emprunteur.
On comprend qu'il y a eu des contraintes, comme M. le ministre des
Finances l'a expliqué, à cause de la récession. Ces
contraintes-là ont quand même inquiété certains
emprunteurs. On comprend aussi qu'il y a un coup de barre qui est donné
ou, enfin, que le gouvernement envisage de donner qui est rassurant pour
l'avenir en autant qu'il soit donné, effectivement.
M. Bachand: Peut-être un autre point. Ce qui est important
aussi, c'est...
On tient à féliciter la démarche que le
gouvernement du Québec entreprend avec ce genre d'exercice là,
mais il est important que cet exercice-là soit fait dans l'ensemble du
pays. SI c'est seulement le Québec qui essaie d'avoir des politiques
vraiment objectives avec des objectifs bien précis, réduction du
déficit du compte courant en 1997-1998 et tout ça, et qu'il y a
d'autres provinces qui, elles, sont plus «laxes» dans leur gestion
et si le fédéral continue à être «laxe»
dans sa gestion, les efforts du gouvernement vont être restreints.
Nous, ce qu'on espère, c'est que tout le monde vous regarde
pendant les deux semaines qui sont en train de se passer, ou trois semaines. Je
sais que, dans notre industrie, il y a beaucoup de discussions qui se font avec
les différents ministères des Finances des différentes
provinces et à Ottawa pour leur dire: II faut que vous soyez
concertés tous ensemble de façon à redresser les finances
publiques, mais au sens global, pas juste au Québec, dans un sens
global, pour que, ultimement, l'ensemble de la société ait
accès à un développement prospère.
M. Johnson: ...fait qu'on peut peut-être espérer que
tout le monde nous regarde pendant trois semaines, moi, je me limite, à
ce moment-ci, à souhaiter qu'on ait entendu vos explications sur
l'importance qu'il y a de gérer l'endettement public si on veut
continuer à avoir les moyens de rencontrer nos dépenses
courantes, évidemment.
En vous remerciant, en terminant mon intervention.
Mme Marois: On va se faire de l'alternance.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Alors, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais, à mon tour, souhaiter la bienvenue aux
représentants de l'Association canadienne des courtiers en valeurs
mobilières.
Moi, votre mémoire me laisse un peu sur mon appétit. Je me
serais attendu, de la part du monde des valeurs mobilières, quand
même à un certain résumé des politiques fiscales
pour stimuler l'aide à la capitalisation dans les entreprises. Je me
serais attendu à une critique positive et constructive, bien entendu, de
ces politiques-là, parce que vous êtes quand même au coeur
des transactions. Vous êtes ceux qui, à toutes fins pratiques,
êtes témoins de ce qui se passe au niveau des stimulants fiscaux,
des abris fiscaux.
Dans ce sens-là, oui, effectivement, je me serais attendu
à vraiment une critique constructive en matière de politique
fiscale pour la capitalisation dans les entreprises. Pourquoi vous ne lavez pas
fait? J'aimerais...
M. Julien: À la section du Québec de l'ACCOVAM, on
a un comité de fiscalité qui, chaque année, soumet des
mémoires au ministère des Finances contenant des suggestions
concernant certains aspects de la fiscalité. Il y en a
déjà d'ailleurs un qui a été soumis il y a quelques
semaines, peut-être au mois de décembre, par le comité.
L'ACCOVAM, bien sûr, favorise des mesures fiscales comme le
régime d'épargne-actions, les mesures de traitement favorable
d'impôt pour la recherche et le développement, et l'exploration
minière, etc. Ce sont des mesures importantes pour nous, mais disons
qu'elles ont quand même une importance secondaire quand on
considère le déficit du gouvernement et ses finances dans son
ensemble. On n'a pas voulu traiter de cet autre sujet qu'on a
déjà traité séparément, je dois le dire, pas
devant la commission ici.
M. Filion: Mais c'est secondaire, oui et non, parce que l'aide
à la capitalisation dans l'entreprise, c'est générateur
d'emplois, c'est générateur de transactions commerciales
Importantes, d'une foule de conséquences économiques que, moi, je
dirais majeures.
Vous savez, on parle que des , fonds de 3 000 000 000 $ ont
été dilapidés à travers des abris fiscaux au
fédéral. C'est quand même des gaspillages de fonds
importants. Dans ce sens-là, je pense que ce qui devient des critiques
cons-tructives, ça nous aide, nous, en commission parlementaire,
à revoir dans notre réflexion comment on doit réaligner
tous ces abris fiscaux. Je pense que vous auriez pu faire un constat de
stimulant qui a diminué depuis plusieurs années. On voit
même à travers les fonds publics que ces abris-là
n'atteignent plus l'objectif social et économique qu'on s'était
donné.
Alors, dans cet esprit-là, c'est dans ce sens-là que je
reste vraiment sur mon appétit. Les gens essaient de voir maintenant,
ces abris fiscaux là, quelle tendance ça devrait prendre, et vous
êtes au coeur de ces transactions.
M. Julien: Notre document, on pourrait vous le remettre, si c'est
possible de remettre un tel document, comme ça, après avoir
passé devant la commission. La lettre du comité de
fiscalité est une chose qu'on pourrait vous faire... on pourrait
l'envoyer au secrétaire de la commission. Je ne sais pas si c'est
adéquat de faire ça. Ça contient les détails de nos
suggestions.
M. Filion: Ça demeure une réflexion quand
même importante. Au moment où on se parle, on regarde comment il
faut redémarrer l'économie, et je pense que les stimulants
fiscaux sont au coeur... Tout le monde vient à la commission depuis le
début et se dit: Moi, j'aimerais ça, avoir un stimulant fiscal.
Tout le monde en réclame, des stimulants en matière de
fiscalité. Vous en avez au niveau des valeurs mobilières, et je
pense... Est-ce que vous devez les garder? Est-ce qu'on doit les accentuer?
Est-ce qu'on doit les changer? Des questions se posent. Vous avez l'Association
des manufacturiers qui, elle, dit: Les abris fiscaux, on oublie tout ça
et on y va vers un dégrèvement fiscal sur les actions. Vous
comprendrez que c'est des discussions drôlement intéressantes.
Mais, vous qui êtes au coeur de ces débats-là, vraiment, je
pense qu'on manque de matériel dont on aurait besoin pour faire cette
réflexion-là et j'aurais aimé vraiment, pour ma part,
avoir votre opinion.
M. Julien: On vous donnera les détails de nos
recommandations. On a vraiment voulu mettre l'emphase aujourd'hui sur la
recommandation de compression des dépenses et de retour dès que
possible à une situation d'équilibre du compte courant. Mais on a
effectivement des choses qu'on... On va s'assurer de vous faire parvenir
ça. (12 h 10)
M. Filion: Merci.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste toujours du
temps. Il vous reste deux minutes, alors...
M. Filion: M. le Président, je peux y aller?
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez poser une
autre question. Il vous reste trois minutes.
M. Filion: Également au niveau de la politique
monétaire canadienne, toujours dans l'esprit des valeurs
mobilières, est-ce que vous trouvez que la gestion de la politique
monétaire canadienne, au moment où on se parle, est une gestion
efficace pour stimuler l'investissement au pays ou bien c'est une gestion qui
devient... même qui nuit aux investissements de capitaux
importants chez nous? depuis une couple d'années, on voit que
cette politique-là fluctue énormément et les gens se
sentent insécures. j'aimerais avoir votre opinion au niveau de la
politique monétaire canadienne, si elle aide à la capitalisation
ou si elle nuit.
M. Julien: Question qui est vaste, mais si on considère la
conjoncture actuelle des taux d'intérêt qui sont quand même
bas, surtout si on les compare avec ce qui s'est passé depuis quelques
décennies, si on regarde aussi le niveau d'inflation qui est de l'ordre
de, quoi, 2 %, je pense que la politique monétaire n'a pas
été si mauvaise et qu'elle a créé une conjoncture
qui devrait être favorable à une reprise économique qui se
fait attendre, par ailleurs, mais c'est... Le niveau des taux
d'intérêt et l'inflation sont peut-être les deux choses,
moi, qui me laissent espérer que la reprise économique va finir
par venir et ces deux choses-là sont... je ne dirais pas
contrôlées, mais, enfin, influencées substantiellement par
la politique monétaire.
M. Filion: Est-ce que les taux d'intérêt de la
politique monétaire devraient baisser encore de plusieurs points pour
être en concurrence avec le marché américain? Selon vous,
jusqu'où on devrait aller avec la politique monétaire?
M. Julien: Ça, c'est encore plus difficile.
M. Bachand: Le dollar aussi.
M. Julien: Oui, c'est ça. Il y a des impacts directs ou
presque de la politique monétaire sur le dollar canadien. À
mesure que les taux d'intérêt descendent, il y a une tendance,
pour le dollar canadien, à descendre en même temps, mais ça
peut avoir des effets de faire augmenter l'inflation. Il y a un
équilibre qui est difficile à trouver dans tout ça. Il y a
eu aussi un impact, surtout l'année dernière - c'est moins vrai
cette année - du taux de change, qui était alors relativement
élevé, sur les manufacturiers canadiens qui exportent vers les
États-Unis et d'autres pays. Maintenant, cette situation-là s'est
régularisée. C'est sûrement mieux que ça ne
l'était, mais on n'a quand même pas senti une reprise de
l'inflation. On est dans une situation qui, à ce point de vue là,
n'est pas si mauvaise. Ce serait mieux si, au lieu d'avoir 2 % d'inflation, il
n'y en avait pas du tout et si les taux d'intérêt baissaient
encore, mais cela sera-t-il? Enfin! Je ne sais pas si c'est...
M. Filion: Êtes-vous d'accord... Juste pour finir, une
dernière petite question, M. le Président. Êtes-vous
d'accord pour dire que la politique monétaire, depuis les deux ou trois
dernières années, a davantage profité à l'Ontario
qu'au Québec?
M. Bachand: ...peut-être. C'est beaucoup plus le fait que
l'économie du Québec et de plusieurs autres provinces avait
commencé à ralentir beaucoup plus rapidement que l'Ontario. Ce
qui est peut-être déplorable, c'est le temps qu'a pris le
gouverneur à hausser les taux d'intérêt pour ralentir
l'économie de l'Ontario, mais, aujourd'hui, c'est fait. Je pense que,
depuis quelques années, son objectif n'est pas... Il n'y a pas de doute
du tout sur son objectif. Son objectif, c'est l'inflation la plus basse
possible. Où il faut se questionner, c'est sur le niveau
élevé des taux réels d'intérêt au Canada
versus aux États-Unis, et ça, c'est relié à la
prime de risque que le pays demande versus une autre économie.
Là, on compare vraiment des économies de base sans inflation.
Donc, c'est là qu'est le problème beaucoup plus que...
Là, je pense que son objectif d'avoir de l'inflation basse est
atteint et il n'a pas l'intention de le laisser aller. D'ailleurs, on a vu
qu'à chaque fois qu'il y a des petits soubresauts, il n'hésite
pas à augmenter les taux à court terme, de façon à
restabiliser le dollar et de façon à ne pas importer l'inflation
de l'étranger. C'est vraiment au niveau des taux réels
d'intérêt qu'il faut se poser la question.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Montmorency.
Nous vous remercions de votre participation à cette commission
parlementaire.
Nous devons maintenant suspendre nos travaux à 14 heures, cet
après-midi, pour entendre l'Association des hôpitaux du
Québec. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 16)
(Reprise à 14 h 4)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux pour entendre l'Association des
hôpitaux du Québec.
Je vais vous rappeler brièvement la procédure. Nous
disposons d'une heure globalement. Dans cette heure, 20 minutes seront
consacrées à l'exposé de votre mémoire; suivra un
échange entre les deux formations politiques, 20 minutes pour le Parti
ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.
Est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait bien nous
présenter, s'il vous plaît, les gens qui l'accompagnent?
Association des hôpitaux du Québec
(AHQ)
M. Bélisle (serge): oui. merci, m. le président.
pour m'accompagner dans la présentation cet après-midi, à
ma droite, m. jacques-a.
Nadeau, vice-président exécutif de l'Association des
hôpitaux du Québec; immédiatement à sa droite, M.
Jean-Marie Lance, économiste à l'Association des hôpitaux
du Québec; et, à l'extrême droite, le Dr Paul Landry,
adjoint au vice-président exécutif aux affaires professionnelles
à l'Association des hôpitaux du Québec; à ma gauche,
M. Robert Busilacchi, membre du comité exécutif de l'Association
des hôpitaux du Québec et directeur général du
centre hospitalier Honoré-Mercier, et M. Pierre Boyle, directeur des
programmes OPTIMAH à l'Association des hôpitaux.
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous identifier,
s'il vous plaît?
M. Bétisle (Serge): Serge Bélisle, président
de l'Association des hôpitaux du Québec.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous sommes
prêts à écouter l'exposé de votre
mémoire.
M. Bélisle (Serge): Merci, M. le Président.
Dans un premier temps, permettez-moi, juste en quelques secondes, de
vous situer l'Association des hôpitaux du Québec, Association qui
regroupe quelque 200 centres et établissements offrant des soins de
courte durée, des soins de réadaptation, des services
d'hébergement et de soins de longue durée à la population
du Québec. L'Association regroupe aussi une trentaine
d'établissements et organismes reliés au domaine de la
santé et des services sociaux.
Nous sommes très heureux de nous retrouver ici aujourd'hui, mais
il faut dire aussi que nous n'en sommes pas à notre première
présentation au niveau des affaires publiques. Depuis quelque temps,
notre Association a eu l'occasion de venir témoigner, de déposer
certains mémoires ou documents de réflexion. Notamment, en
octobre 1991 - et vous vous en souviendrez, M. le président du Conseil
du trésor - nous avions déposé un document de
réflexion intitulé «Le financement des services de
santé et des services sociaux: vers un nouvel équilibre
basé sur les résultats et les coûts des programmes».
Ce document faisait état de l'impasse de l'État quant à sa
situation financière, des besoins toujours croissants des services de
santé dans un cadre d'accessibilité rationnée, de
contraintes des producteurs, de la nécessité de mettre en place
des mécanismes de financement plus incitatifs, de la rationalisation de
la couverture des soins assurés et des propositions de partage de
financement entre le privé et le public; en janvier 1992,
dépôt et présentation d'un mémoire sur le même
thème devant la commission parlementaire des affaires sociales; et,
aujourd'hui, nous sommes ici pour vous présenter notre mémoire
sur le financement des services publics.
M. le Président, vous me permettrez, dans un premier temps, de
faire état un peu de la performance du réseau des
établissements membres de l'Association des hôpitaux depuis
quelques années. Si on part en 1987-1988, où débute
à peu près la récession, et jusqu'en 1991-1992, le
réseau des établissements membres de l'Association a
traité de plus en plus de bénéficiaires. Malgré des
compressions budgétaires grandissantes, spécialement au cours des
dernières années, en moyenne, à chaque année, on a
traité 1,4 % de plus de bénéficiaires hospitalisés,
3,3 % de bénéficiaires en soins infirmiers de jour, on a
opéré 2,3 % de plus de patients, et les visites ambulatoires ont
augmenté de 1,9 %. La pression de la clientèle et
l'alourdissement de ses besoins sont tels que les gestionnaires ont dû
augmenter leur efficience, par exemple, en utilisant davantage des modes de
traitement moins coûteux comme la chirurgie de jour ou la médecine
d'un jour, les services ambulatoires, mais aussi en diminuant la durée
de séjour. La durée de séjour, à titre d'exemple,
est passée de 10,56 jours en 1987-1988 à 9,82 jours en 1991-1992,
ce qui est d'autant plus remarquable que ce transfert de patients
hospitalisés au mode ambulatoire concerne des séjours brefs.
Cette performance, M. le Président, dans le volume et la
productivité a été associée à un
contrôle des plus vigoureux de nos coûts. Pour vous donner quelques
exemples, les centres hospitaliers de courte durée, pour la
période 1988-1989 à 1992-1993, ont connu une croissance de l'IPC
+ 2,7 % par année et seulement de l'IPC + 0,7 % pour la dernière
année, c'est-à-dire 1992-1993. Par ailleurs, les centres
d'hébergement et de soins de longue durée ont connu une
croissance de l'IPC + 3 % durant la même période et de l'IPC + 1,5
% pour la dernière année. Ces taux de croissance, M. le
Président, sont inférieurs à ceux des autres secteurs de
la santé et de l'adaptation sociale et à ceux des autres
dépenses publiques. On est donc en mesure de vous dire que notre
réseau contribue donc réellement à l'assainissement des
finances publiques.
Ajouté à cela, ce contrôle rigoureux s'avère
d'autant plus remarquable que la pression globale sur les coûts est,
selon les estimés de la commission Rochon, de l'ordre de 4,7 % par
année pour les centres hospitaliers de courte durée, physique et
psychiatrique, 4,7 % qui se décomposent de la façon suivante: 0,7
% pour l'augmentation de la population, 1 % pour le vieillissement de la
population, 1 % pour l'excédent de l'inflation et 2 % pour les
progrès technologiques. Le réseau hospitalier absorbe, par des
gains de productivité, une grande partie de ces pressions sur le
système. (14 h 10)
De plus, dans un tel contexte, M. le Président, le réseau
ne peut compter sur des ajustements budgétaires en fonction des volumes,
comme c'est le cas pour le réseau de l'éducation,
par exemple. Le réseau des établissements membres de
l'Association des hôpitaux fait donc de multiples efforts de
rationalisation pour éviter le plus possible le rationnement des lits ou
l'accès aux services diagnostique et thérapeutique. Mais
l'année 1992-1993 s'avère plus difficile en raison de la faible
augmentation des budgets et de nouvelles compressions qui nous ont
été imposées. L'Association s'attend à ce que le
déficit d'opération double le montant de 21 000 000 $ que l'on a
observé en 1991-1992 et que le rationnement des services et les
fermetures de lits soient plus significatifs.
Si le gouvernement ne règle pas son problème de
déficit chronique, il met en danger tout le système de
santé tel qu'on le connaît actuellement. Si l'on ne veut pas
être obligé de s'administrer une médecine de cheval, comme
a été obligée de le faire la Suède, dont faisait
état, justement, hier, M. le ministre des Finances, il faut absolument
donner un coup de barre et agir. Nous croyons que le temps des commissions
parlementaires, des forums ou des études est terminé; il faut
absolument avoir le courage de prendre des décisions qui produiront des
résultats à long terme.
Si l'on veut arriver, dans un contexte de ressources de plus en plus
limitées, à préserver l'accessibilité des soins de
qualité, il est nécessaire de créer une nouvelle dynamique
de gestion vraiment axée sur les résultats et l'efficience et qui
met à contribution chacun des intervenants: décideurs,
producteurs, gestionnaires et consommateurs.
Nous sommes ici aujourd'hui pour vous proposer des avenues de solution
et, pour ce faire, je vais inviter M. Jacques Nadeau, vice-président
exécutif, à vous faire part de nos propositions.
M. Nadeau (Jacques-A.): M. le Président, comment ça
se traduit, cette nouvelle dynamique? Ça se traduit dans six mots:
décentralisation, décloisonnement,
déréglementation, incitatifs, im-putabilité et
implication.
La décentralisation. La réforme sur les services de
santé et les services sociaux en a parlé, on est tous inquiets et
on veut s'assurer que cette décentralisation-là va se rendre dans
les établissements; c'est particulièrement important.
Le décloisonnement. Au niveau de la réforme, on a beaucoup
protégé les missions des types d'établissements et on a
peut-être surprotégé les missions plus que les services
à la population.
La déréglementation. Ça fait plusieurs fois qu'on
nous en parle, je sais qu'il y a des mécanismes qui s'en viennent, mais
c'est extrêmement important de donner aux gens du réseau, aux
spécialistes du réseau de la gestion et des affaires
professionnelles, des marges de manoeuvre, des libertés, des choix de
moyens.
Des incitatifs. C'est important pour tous les acteurs, pour les
établissements, pour les salariés, pour les professionnels, pour
les cadres.
L'imputabiltté. Il faut que tout ce monde-là
réponde devant vous autres de ce qu'il a fait avec les fonds publics, et
la seule façon qu'on puisse arriver à travailler tous ensemble,
c'est l'implication de tout le monde: du ministère, des régies,
des salariés, des cadres, des professionnels. C'est absolument
important.
Qu'est-ce qu'il est possible de faire dans un tel contexte? Parce que
c'est ça qui vous intéresse. L'Association vous parle de cinq
voies de solution. La première, et sûrement une des plus
importantes, c'est d'agir sur les lignes de conduite médicale, ce qu'on
appelle les pratiques médicales. Ça, c'est absolument important
de le faire avec les médecins. Si on n'a pas les médecins pour
travailler ça avec nous autres, oublions ça, il n'y a rien
à faire, et ça, c'est majeur.
Il faut aussi avoir des outils de travail pour pouvoir le faire. Dans ce
contexte-là, ce qu'il faut regarder, c'est des alternatives à
l'hospitalisation. La chirurgie de jour, on sait qu'on en fait pour à
peu près 24 %, 26 %, alors qu'aux États-Unis on dépasse
les 50 %. Donc, il y a possibilité d'améliorer, mais il faut
avoir des incitatifs. Je regarde le cas de l'hôpital
Maison-neuve-Rosemont, parce que nous avons fait un projet-pilote depuis deux
ans avec eux, ils ont fait beaucoup dé chirurgie de jour.
Évidemment, ce que ça fait, c'est que ça libère des
lits et, forcément, les autres lits se remplissent et on passe plus de
patients, on est plus performant, mais ça coûte plus cher, et on
se ramasse en déficit. Donc, il n'y a comme pas d'incitatifs à
être plus efficace, et ça, c'est un problème majeur. Au
niveau de la chirurgie d'un jour, on peut facilement - et facilement, c'est
conservateur - penser qu'on peut sauver, dans la projection des lits - le
ministre avait annoncé 2000 lits - on peut facilement sauver 1000 lits
à la population, en tenant compte du vieillissement. La médecine
de jour, exactement la même chose, 500 lits.
On doit regarder avec les médecins la revue d'utilisation des
médicaments, et on le fait, on a commencé, on a un projet avec le
ministère, c'est extrêmement intéressant. On regarde
l'utilisation des médicaments et on conseille aux professionnels de
l'ensemble des établissements, par le biais des comités de
pharmacologie, une utilisation plus rationnelle des médicaments. On est
capable de le faire dans les services diagnostiques dans les laboratoires, dans
la radiologie et, là, il y a des sommes importantes à sauver.
Mais il faut que vous compreniez qu'on travaille avec les médecins, que
c'est eux qui ont les doigts sur les pitons parce que c'est eux qui font la
prescription médicale et c'est eux qui commandent dans notre
réseau. Il faut qu'on puisse travailler main dans la main avec eux et il
faut
que les incitatifs à le faire soient là.
On peut également agir, deuxièmement, sur les coûts
de production. Les ressources humaines d'abord, et parlons des ressources
matérielles ensuite. Je pense qu'il est clair qu'avec 80 %, ou à
peu près, du budget des établissements sur les ressources
humaines, je pense que c'est clair qu'il faut revoir les conditions de travail
de nos employés, et, quand je dis «de nos employés»,
je dis «de nos cadres, de nos professionnels et de notre personnel de
soutien».
Il y a des points précis qu'il faut regarder. D'abord,
l'organisation du travail. Ce n'est pas vrai qu'on peut encore, en 1993,
décider de quelle façon on va organiser notre travail au niveau
provincial puis que ça va faire pour Maria, en Gaspésie, puis que
ça va faire pour l'hôpital Maisonneuve-Rosemont ou le
Montréal General. Ce n'est pas vrai. Il faut faire en sorte que les gens
puissent se parler au niveau local, qu'ils soient habilités à
parler entre eux de l'organisation du travail et à le faire. Tenant
compte de l'environnement, il y a des choses importantes qui peuvent être
faites, et on peut, dans l'organisation du travail - et vous le savez, je n'ai
pas besoin de vous en énumérer beaucoup - on est capable de
sauver des sommes importantes.
Il faut revoir les régimes de protection de revenu, maladie,
assurance-salaire, CSST. J'ai des exemples ici, où ces
régimes-là favorisent la présence à la maison
plutôt que la présence au travail parce que c'est plus payant
d'être à la maison que ça l'est d'être au travail.
Ça n'a pas de bon sens. Il faut absolument qu'on revoie ça.
Il y a toute la question des libérations syndicales. Vous savez,
ça a coûté tout près de 12 000 000 $ dans notre
réseau. Je ne dis pas qu'il faut les abolir. Puis ça, 12 000 000
$, c'est sans le remplacement des personnes. Mais il nous paraît
évident qu'il y a des abus de ce côté-là. Il ne
s'agit pas de les empêcher, il s'agit de les encadrer de façon
réaliste.
Il y a toute la question des frais d'arbitrage. Je pense que je n'ai pas
besoin de vous en parler longtemps. Vous connaissez toute la philosophie que
ça dégage et, M. Johnson, vous en avez largement parlé
lors de la dernière ronde de négociations. On aurait
espéré que ça aille juste un petit peu plus loin. Mais
ça reviendra. Il va y en avoir d'autres, négociations.
Le Président (M. Lemieux): Veuillez vous adresser au
président, s'il vous plaît
M. Nadeau: Oui. Au niveau des ressources matérielles, je
pense que toute la question des approvisionnements en commun, on en a
largement, M. le Président, parlé à l'occasion de la
réforme. Le ministre avait fixé un objectif de 50 000 000 $
additionnels en normalisant les fournitures. On sait qu'on a à peu
près, sur un budget de 1 500 000 000 $, le tiers qui est actuellement en
achat de groupes. On pourrait, pas facilement mais en travaillant fort avec
tout le monde, faire en sorte qu'il y ait un autre tiers, et je pense qu'au
niveau de cet autre tiers-là il y a une possibilité
sûrement de 50 000 000 $. Pas dans une année, sur deux ou trois
ans, mais je pense qu'il y a possibilité de faire ça. On a
presque convenu comment ça pourrait fonctionner. Il y a un petit
problème légal, et j'ose croire que le petit problème
légal ne traînera pas et ne nous empêchera pas d'être
efficace de ce côté-là. (14 h 20)
II y a également toute la question des projets
autofinancés. Je pense qu'il faut qu'il y ait une ouverture de ce
côté-là. Vous savez, quand vous changez des choses comme
des chaînes de montage au service alimentaire, des ascenseurs, le
chauffage, la climatisation, qu'on puisse financer sur une période qui
dépasse cinq ans, ce n'est pas dramatique, et qu'on puisse avoir la
réponse avant un an, il me semble que ce n'est pas dramatique aussi. Et
ça, ça aide.
La troisième action qu'on vous propose, c'est d'agir sur le
panier des services assurés. De grâce, je vous le dis, ne faites
pas un conseil d'évaluation des services assurés à
l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Faites ça à
l'extérieur, faites ça avec des experts qui vont recommander au
gouvernement, et vous ferez vos débats après Je pense que, sans
ça, toute la politique va être impliquée dans un travail
qui est extrêmement sérieux pour la population.
C'est évident qu'on peut regarder ça, d'abord, au niveau
des services complémentaires qui sont sous la responsabilité du
gouvernement du Québec. On sait que le gouvernement du Québec,
à cet égard, est plus généreux que la moyenne des
autres provinces et, si le fédéral - j'ose croire qu'il va le
faire - assouplit la loi fédérale de la santé, bien, je
pense qu'on devra regarder les services de base, c'est-à-dire, au niveau
des services hospitaliers, l'alimentation, l'hébergement, au niveau des
services médicaux, peut-être la pertinence et déterminer ce
qui doit être assuré.
Vous savez, l'expérience de l'Oregon, elle est
intéressante. Elle n'est peut-être pas intéressante en
termes de résultats, et probablement que les résultats de
l'Oregon ne seraient pas intéressants ici. Mais ce qui est
intéressant, c'est qu'ils ont convenu, ces gens-là, d'une
méthode de rationalisation de leurs services. Et si eux autres l'ont
fait, je pense que, nous autres, on doit être capables de le faire.
Ça, c'est intéres sant dans ce sens-là.
Le quatrième élément, c'est d'agir sur les sources
de financement. Je pense que c'est clair, quant à nous: il faut
maintenir le régime public. Il faut cependant créer un fonds
général des services de santé et des services sociaux.
Ça, c'est absolument important, et là on va voir la transparence.
Il faut que ça s'administre de
façon optimum, c'est-à-dire pas des coûts
importants. Il faut qu'il y ait de la représentation du public et du
réseau au niveau de ce fonds-là.
Je pense qu'il faut regarder, au niveau de la santé, des
contributions. Nous, on n'appellera pas ça ticket modérateur. Ce
qu'on pense, c'est la contribution au coût des services de santé.
L'Association favorise plus l'impôt-services santé que le ticket
que, nous, on appellerait contribu-teur, mais qui est souvent appelé
modérateur. Pourquoi? Parce que l'impôt-services tient compte de
la capacité de payer des individus, et on n'a pas, à chaque fois
que quelqu'un se présente a l'urgence... ou on n'a pas à se dire:
Peut-être que quelqu'un qui n'a pas l'argent à ce moment-ci ne
viendra pas consommer un service à l'urgence alors qu'il en aurait
besoin, parce qu'il est gêné, il n'a pas d'argent dans ses poches
à ce moment-là. L'impôt-services, je pense, c'est clair et
c'est plus facile pour tout le monde, et c'est simple aussi.
D'abord, l'impôt-services sur tout ce qu'on appelle
complémentaire au Québec et, si jamais le fédéral
fait une ouverture, on regardera si on ne peut pas également aller au
niveau des services de base. Il faut bien comprendre que c'est toujours avec
des plafonds... Ça, c'est extrêmement important. Je veux vous
sensibiliser aussi au fait que c'est sûr qu'il y a des sommes importantes
en contributions à attendre de ça, mais il faut faire attention.
Parce que 10 % de la population aux États-Unis consomme 70 % de la
valeur des services; 10 %, 70 % de la valeur des services. C'est souvent les
personnes âgées, c'est souvent les personnes les plus
démunies, et on a un pattern de consommation qui est à peu
près le même, un pattern nord-américain; donc, on peut
penser qu'on pourrait, nous aussi, avoir à exempter des plafonds les
personnes âgées et, forcément, les personnes les plus
démunies. Donc, il y a de l'argent à aller chercher
là-dedans, il y a des contributions importantes. Mais il ne faut pas
penser qu'on peut charger à chaque fois. Ça, c'est important de
l'avoir à l'esprit.
Le cinquième élément et le dernier, M. le
Président, c'est un certain nombre de projets-pilotes. D'abord,
l'ensemble de santé intégré, regrouper ensemble
différents types d'établissements sous un même conseil
d'administration, sous une même direction d'établissements. Je
n'entrerai pas dans les détails, mais vous savez très bien qu'il
y a des sommes considérables à sauver dans des formules comme
ça.
Le financement par capitation des services de première ligne.
Donc, on met en compétition des organismes de première ligne, et
l'argent suit le patient, de sorte que les organisations qui répondent
aux besoins doivent être efficaces.
L'achat concurrentiel de services. On donne à des gens des
forfaitaires sous forme de coupons, et ces gens-là peuvent avoir des
services et choisissent l'endroit où ils vont acheter les services.
Santé et sécurité au travail - et ça, c'est
important, M. le Président. Si tous les établissements du
réseau de la santé et des services sociaux appliquaient les
processus de gestion et les guides que nous avons faits pour nos membres, les
membres de l'Association des hôpitaux du Québec, donc prenaient en
main leur gestion de santé et sécurité au travail, dans
une période de cinq ans c'est des économies de l'ordre de 100 000
000 $ qu'on peut réaliser à ce niveau-là, et l'Association
est disposée à mettre ces outils au service du ministère
et des établissements pour le faire. Et ça, je vous dis que c'est
sans tenir compte du régime rétrospectif collectif qui, lui
aussi, générerait des économies importantes.
Voilà, M. le Président, les cinq voies d'action que
propose l'Association des hôpitaux du Québec. Elles visent
essentiellement à maintenir l'accessibilité à un
système de santé et de services sociaux de qualité pour
l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
M. le Président, ou on donne un coup de barre, ou on est dans un
cul-de-sac.
Le Président (M. Lemieux): Merci de votre
exposé.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Merci, M. le Président, en souhaitant la
bienvenue au président de l'Association, à son
vice-président exécutif et à ceux qui les
accompagnent.
On arrive au coeur du problème des dépenses publiques, le
lien qu'on doit établir entre les revenus et les dépenses, les
coûts des services, la façon de les signaler et la façon,
surtout, d'administrer l'entièreté des services publics. Je pense
que, lorsqu'on regarde que vos activités représentent plus du
tiers des dépenses publiques, vous pouvez, sinon par vos suggestions, du
moins par votre exemple, contribuer substantiellement au règlement du
déséquilibre qui existe dans les finances publiques.
Alors, bien amicalement, je vous confesserais ma déception, mais
je dis «bien amicalement», dans votre présentation qui
pèche quelque peu par sa discrétion sur les contributions
spécifiques dans le domaine de la santé que vous pourriez
signaler à notre attention en matière d'administration des
services publics. Je pense, et c'est l'effort qu'on fait, par exemple, dans la
fonction publique et ailleurs, on tente de répercuter ces
objectifs-là. On pense, notamment, à la rationalisation qui peut
s'effectuer au niveau de l'encadrement. L'encadrement, c'est quand même 1
000 000 000 $ dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Je crois qu'on ne peut pas présumer que tout a été fait
à ce niveau; en tout cas, on ne l'a pas présumé au
gouvernement du Québec, et on espère atteindre une
rationalisation de 20 % de ces effectifs d'encadrement sur trois ans. 20 %,
c'est 200 000 000 $ si on reporte ça sur une masse salariale de
1 000 000 000 $.
Des exercices de privatisation, vous en parlez, ils sont aujourd'hui
possibles dans votre réseau. Il y a des exemples où certains
services auxiliaires ont été confiés à l'entreprise
privée et, si j'en crois les expériences, car elles durent, les
établissements ont dû en conclure que la qualité y est et
le coût est raisonnable.
Il y a, à l'intérieur même des
établissements, des exercices de rationalisation. On me signalait les
exemples d'instauration du système Juste à temps dans
l'approvisionnement, dans les cuisines de certains établissements, avec
les gains que ça représente, évidemment, au titre soit de
l'intérêt sur les comptes à payer, soit de l'espace
occupé par les biens, qu'on commande lorsqu'on en a besoin plutôt
qu'une semaine ou un mois à l'avance.
Alors, j'aurais aimé vous entendre, pas épiloguer, mais,
enfin, illustrer peut-être votre propos de certains gestes que vous
envisagez déjà comme étant votre contribution à
redresser le déséquilibre qu'on observe dans les finances
publiques. Je ne reviendrai pas sur le diagnostic que nous avons posé,
vous y êtes familier, mais vous introduisez une notion d'ordre
général pour contribuer au rétablissement des finances
publiques, au titre de la santé à tout le moins, par
l'instauration, souhaitez-vous, d'une caisse-santé. Oui, il y a un
aspect qui permet de rendre plus visible les coûts de la santé
avec une telle approche, il y a d'autres caractéristiques
intéressantes du point de vue de l'administration, mais le
problème fondamental demeure celui d'un déséquilibre
causé, d'une part, par l'accélération du taux de
croissance des dépenses de la santé en raison du vieillissement
de la population, de la technologie - vous êtes familier avec ces notions
- et, on ne peut pas l'ignorer, évidemment, du ralentissement, par
ailleurs, des paiements du gouvernement fédéral au titre du
financement des programmes établis. La combinaison de ces faits, quelles
qu'en soient les raisons, nous mène, évidemment, à un
écart croissant entre l'évolution des coûts de la
santé et notre capacité de pouvoir les rencontrer.
Alors, je ne voyais pas très bien - c'est peut-être ma
deuxième question - en quoi l'établissement d'une
caisse-santé vient corriger ce déséquilibre fondamental
qui existe entre l'évolution des dépenses et des revenus. (14 h
30)
J'aurais une troisième question qui se raccroche quelque peu aux
considérations que nous avons eues la semaine dernière, alors
qu'on tentait d'établir le lien entre la fiscalité et l'emploi.
Qu'il s'agisse des porte-parole patronaux ou syndicaux, ou qui que ce soit,
nous tentions, parce que c'est important, parce que c'est ultimement ce que
nous tentons de réaliser, une meilleure, plus grande
prospérité pour l'ensemble de nos concitoyens, pour nous tous,
afin de pouvoir, évidemment, assurer la pérennité, je
dirais, de certains services publics, notamment des services de santé
et, évidemment, des services sociaux... Il s'agit maintenant
d'établir le lien qu'il y a entre la fiscalité ou
l'économie et la santé publique. Autrement dit, par quel bout
devrait-on prendre le problème? Investir davantage, mais de façon
plus efficace - j'en conviens et j'y tiens - dans la santé et les
services sociaux ou faire jouer quelque marge de manoeuvre que nous pourrions
dégager, si tant est qu'on pourrait emprunter davantage ou que nous
pourrions, en faisant des réaménagements budgétaires,
consacrer des sommes au soutien de l'économie, à assurer une
meilleure, je dirais, un meilleur profil socio-économique au
Québec, qui est une des grandes déterminantes de l'état de
santé des Québécois. Les pays prospères peuvent
aspirer à la santé de leurs citoyens, davantage que les
économies moins prospères, cela va de soi.
Alors, c'est peut-être ces trois liens-là que j'aimerais
que vous fassiez pour nous, l'un ou l'autre d'entre vous. Quel lien y a-t-il
entre votre capacité de gérer le réseau et les
contributions très réelles que vous pourriez apporter en
matière de rationalisation des dépenses, de privatisation ou de
gestion des effectifs? Deuxièmement, le lien que vous voyez entre la
caisse-santé et l'équilibre qu'on pourrait ainsi atteindre, ou
contribuer à atteindre, dans les dépenses publiques? Et,
troisièmement - un choix fondamental, celui-là - où faire
porter l'action gouvernementale pour rehausser le niveau de santé et de
bien-être des Québécois?
Dans le dernier exemple que je donnais, vous me permettrez de voir
quelque chose qui s'apparente à de la prévention. On peut, comme
tel, investir dans la prévention au titre de la santé, mais, si
on prend encore un peu plus de recul, on pourrait sans doute investir dans le
développement économique pour assurer, de façon
préventive, notre capacité de hausser notre niveau de
bien-être et de santé.
Alors, c'est peut-être sur ces notions-là qu'on pourrait
s'entretenir quelques instants.
Le Président (M. Lemieux): Nous écoutons vos
réponses aux questions du président du Conseil du
trésor.
M. Nadeau: M. le Président, ça pourrait être
une commission parlementaire en soi.
M. Johnson: II y en a déjà eu une.
Le Président (M. Lemieux): II y en a déjà eu
une.
M. Nadeau: D'abord, je suis un peu déçu, moi aussi
- je vous le dis amicalement, M. Johnson - de voir que nous n'avons pas mis...
M. le Président, vous le direz à M. Johnson.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Ce sont les règles
parlementaires.
M. Nadeau: ...de voir que vous ne voyez pas, dans les mesures que
nous mettons sur la table, des choses qui vont aboutir concrètement dans
des mesures qui vont réduire les dépenses. C'est sûr, je ne
vous ai pas mis des montants...
M. Johnson: Je vous demande... Oui, bien...
M. Nadeau: ...mais il y a des mesures, cependant, qui...
M. Johnson: Vous permettez, je vous demande de l'illustrer. C'est
ça, évidemment, l'idée de...
M. Nadeau: O.K.
M. Johnson: ...l'exercice et si vous venez ici avec votre
expertise.
M. Nadeau: O.K.
M. Johnson: Oui, je souscris au principe que vous avez mis de
l'avant. Ça, il n'y a pas de difficulté, vous le voyez, mais je
viens souhaiter une illustration concrète de ce qui est derrière
les pistes de solutions que vous envisagez.
M. Nadeau: D'accord. Alors, je veux vous rappeler que le
réseau hospitalier est en contrainte budgétaire depuis 1976 et
qu'il a, le président l'a souligné tantôt,
amélioré de façon importante sa performance. Il a
même, et le président l'a dit, contribué à
l'assainissement des finances publiques, c'est-à-dire que notre taux de
croissance est moins élevé que le taux de croissance des
dépenses du gouvernement. Je veux vous rappeler ça, M. le
Président.
Maintenant, je veux regarder pour le secteur hospitalier. Regardons un
certain nombre de mesures qu'on a mises sur la table et voyons comment
ça peut se traduire. Pensons, par exemple, à la chirurgie d'un
jour. Il y a 85 établissements de 100 lits et plus, des centres
hospitaliers, qui sont en train de travailler avec leur équipe
médicale à implanter la chirurgie d'un jour. La chirurgie d'un
jour, vous savez, ça veut dire qu'au lieu de garder un patient à
l'hôpital trois jours, on va l'entrer le matin et on va le sortir le
soir. Si on implante ça juste dans un certain nombre de centres
hospitaliers, évidemment ça amène la situation, un peu, de
Maisonneuve-Rosemont qui, lui, voit plus de patients, est plus efficace, se
ramasse en déficit parce qu'il n'a pas un budget qui tient compte de son
efficacité et de son volume, mais si on l'implante dans l'ensemble des
centres hospitaliers, il va se trouver quelque part des gens qui vont devoir,
parce qu'ils n'auront pas besoin, fermer un certain nombre de lits et,
ça, ça va se traduire par des économies concrètes.
Mais pour faire ça, il faut prendre le temps de changer les habitudes
des gens, il faut prendre le temps de changer les habitudes des professionnels,
et ça ne se fait pas du jour au lendemain. À l'heure actuelle, il
y a 60 établissements sur 85 qui sont en train de travailler avec leurs
médecins à changer des choses de ce
côté-là.
Je prends la revue d'utilisation des médicaments. On a des
comités d'experts qui travaillent, qui regardent les médicaments
qui sont prescrits pour certains problèmes. On a réalisé
que, souvent, il y avait des médicaments très dispendieux qui
étaient prescrits et qu'on pouvait en prescrire des moins dispendieux
qui donnaient exactement les mêmes résultats. C'est ce qu'on a
fait. On envoie des bulletins d'information dans nos établissements. Ces
gens-là prescrivent des médicaments qui sont moins coûteux,
et ça a des impacts, forcément, sur les coûts.
On peut faire la même chose avec les laboratoires. Il y a des
méthodes qui font... Puis on a souvent des tendances, c'est que, quand
les gens vont dans les laboratoires, on leur donne 15 examens à subir
alors qu'on pourrait facilement dire: On va vous en donner deux.
Dépendamment du résultat de ces deux-là, on vous en
donnera un troisième ou un quatrième, si on en a besoin. Il faut
changer la façon de pratiquer.
Ça, c'est des méthodes dans lesquelles je peux vous dire
qu'il y en a, de l'argent, puis il y en a beaucoup. Il faut amener les
médecins à travailler avec nous sur ces
méthodes-là. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui: II y a 250 000
000 $ là-dedans ou il y a 300 000 000 $, mais je peux vous dire qu'il y
en a en maudit, des millions, dans ça, parce que c'est ce qui
coûte le plus cher. Si on était en mesure de travailler avec les
médecins là-dedans, il y a des économies substantielles
qu'on pourrait faire pour le réseau.
Je vais aller maintenant au niveau de la caisse-santé. La
caisse-santé, c'est qu'on veut vraiment isoler du système
d'impôt ce qui est consacré à la santé. Ça
permet d'équilibrer l'impôt pour l'ensemble des citoyens pour
autre chose que la santé et ça permet de rendre très
visibles les dépenses qui sont consacrées à la
santé. Et ça, je pense que ça nous apparaît
important. Est-ce qu'il faut investir dans l'économie? Améliorer
les conditions de vie des citoyens? Puis, quand on améliore les
conditions de vie des citoyens, on améliore leur état de
santé et ils consomment moins de services de santé. Est-ce qu'il
faut faire ça? Est-ce qu'il faut investir beaucoup dans la
prévention? Est-ce qu'il faut investir dans les services diagnostiques?
Moi, je vous dis: II faut faire un peu tout ça. On ne peut pas dire:
Vous allez faire juste
ça. Il faut faire l'ensemble, il faut implanter l'ensemble de ces
mesures-là, et c'est en le faisant dans l'ensemble qu'on va avoir des
impacts sur l'état de santé de la population. Ceux qui pensent
qu'en mettant juste de l'argent dans la prévention, on va régler
les problèmes, ce n'est pas vrai. Les habitudes des gens, ça ne
se change pas du jour au lendemain. Quand on investit dans la
prévention, ça prend du temps avant que ça ne donne des
résultats. Alors, en même temps, il faut soigner ceux qui ont des
problèmes pendant ce temps-là. C'est pour ça que je dis:
II faut investir un peu dans tout ça.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon. (14 h 40)
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Alors, je suis heureuse de vous souhaiter la bienvenue, à mon
tour, à notre commission.
Je dirais que, d'entrée de jeu et peut-être contrairement
à ce que disait au départ le président du Conseil du
trésor, je trouve qu'il y a à boire et à manger dans votre
mémoire, quant à des mesures intéressantes à
envisager. Je ne dis pas qu'on les retiendrait toutes, mais ce que je dis,
c'est qu'il y en a qui sont des avenues fort pertinentes à explorer.
Vous rappeliez, dans votre réponse, tout à l'heure,
qu'effectivement, dans le fond, les établissements du réseau,
particulièrement celui de la santé, vivent en situation de
restriction budgétaire avec des hauts et des bas, bien sûr, mais
depuis 1976. D'ailleurs, c'est intéressant parce que vous l'avez au
document présenté par le gouvernement, pour voir que, de 1970
à 1976, ça a été l'explosion littéralement,
évidemment. Si on a connu des choses semblables dans les années
soixante, je pense que, si on regarde les derniers 15 ans, la véritable
explosion des dépenses a eu lieu dans les finances gouvernementales de
1970 à 1976 et, par la suite, ça commence relativement à
se stabiliser et, entre autres, pendant 10 ans, on va connaître l'IPC +
1,9 %; vous le rappelez, d'ailleurs, très justement, dans votre
mémoire pour ce qui a trait aux dépenses de santé et de
services sociaux, puisque, dans l'ensemble global, c'était l'IPC + 1 %,
en moyenne, tenant compte de la situation de récession.
Alors, vous avez effectivement des mesures intéressantes, et
j'aimais bien votre présentation verbale du mémoire en disant:
Voici, il y a un certain nombre de thèmes très précis, des
mots clés, des mots qui soutiennent des contenus. Alors, je vais
revenir, entre autres, sur les ressources humaines, mais avant de revenir sur
les ressources humaines et sur le nouveau contrat social que l'on devrait
implanter dans nos institutions et comme approche, globalement, vous faites
état dans votre document d'un ensemble de tiraillements, je dirais, de
type plutôt administratif. Entre autres, vous dites, par exemple à
la page 13: Un allégement des règles administratives et
financières imposées aux établissements, de même que
l'introduction de mécanismes de reconnaissance des efforts consentis
permettraient aux établissements d'être plus performants. Un peu
plus loin, vous parlez d'un ensemble de santé intégré, qui
est aussi une vision intéressante. Mais je vais vous dire que mon
étonnement, c'est de constater qu'on vient de procéder à
une réforme majeure dans le domaine de la santé et des services
sociaux et j'ai l'impression qu'il y a des choses qui sont encore un peu
B.A.-BA, et qui n'ont pas été retenues dans les modifications qui
ont été adoptées par le gouvernement.
J'aimerais vous entendre sur ces éléments-là, en
particulier, qui sont des barrières à l'efficacité, d'une
part. Après ça, je reviendrai sur la question de la gestion du
personnel.
M. Nadeau: D'accord. C'est clair que, dans le cadre de la
réforme, quand on a défini ies missions des différents
types d'établissements, on a vraiment voulu cloisonner les missions,
faire en sorte qu'un CLSC, ça fait telle chose, un hôpital,
ça fait telle chose. Nous, on pense que ce qui est intéressant,
c'est que celui qui peut le faire le mieux possible et à meilleur
coût pour la population puisse le faire. Sous prétexte de
protéger les missions, on est en train de compromettre nos services de
santé parce qu'on n'a plus d'argent pour les financer. Est-ce qu'on ne
pourrait pas laisser la marge de manoeuvre pour faire en sorte que dans chaque
région, dans chaque coin, dans les municipalités avec leur
communauté, ils s'organisent comme ils ont le goût de l'organiser?
Est-ce qu'on ne pourrait pas faire en sorte que la réglementation le
permette?
Alors, sur le plan du cloisonnement des missions, ça nous
apparaît majeur. Il y a des choses à faire là-dedans.
D'ailleurs, c'est peut-être l'avenir, vous savez, un centre de
santé qui, au niveau d'une communauté, intègre
différentes missions, différents types d'établissements
et, comme il y a un conseil d'administration, une seule équipe de
gestion, on peut comprendre assez facilement la complémentarité
qui pourrait exister dans cet ensemble de santé là. Ce n'est pas
l'hôpital qui veut ramasser les missions des autres, ce n'est pas le
centre d'hébergement qui veut ramasser la mission de l'autre, c'est les
établissements qui s'organisent mieux ensemble pour faire mieux. Il y a
des gens qui sont prêts à le faire; pourquoi on ne les laisse pas
faire? Quand on parle d'allégement, c'est ça. Quand on parle
d'ensemble de santé, pourquoi on ne peut pas faire des
expériences comme ça qui nous le permettent? Il y a un paquet de
règlements qui nous empêchent de faire des choses qui, à
mon sens, rendraient service à la population.
Mme Marois: Je veux requestionner ça. Est-ce que vous me
dites que c'est les règlements de
la nouvelle loi qui empêchent ça ou les décisions
administratives au niveau central ou c'est la loi elle-même?
évidemment, il y a une différence de fond, là.
M. Nadeau: II y a deux choses, et vous avez raison de le
soulever. Il y a d'abord la loi dans laquelle on définit les missions
et, après ça, il y a les règlements qui s'en viennent,
ceux qui existent à l'heure actuelle et ceux qui s'en viennent - qui
vont être déposés, nous dit-on, assez rapidement parce
qu'il faut que la loi entre en vigueur le 1er avril - dans lesquels on n'aura
pas eu le temps de faire l'épuration de ce qui pourrait être
déréglementé. C'est une opération qui commencera
après le 1er avril, si je comprends bien.
Donc, c'est les deux. C'est à la fois la loi qui a campé
de façon très cloisonnée les missions, puis c'est les
règlements qui nous permettent d'implanter ça.
Mme Marois: D'accord. C'est intéressant, d'ailleurs, quand
on dit, depuis le début de cette commission, qu'il y a matière
déjà à mieux faire ce qu'on fait en rationalisant un
certain nombre de choses où on pourrait aller chercher des
économies avant, je dirais, de sortir le musée des horreurs,
d'autre part, pour dire: Bon bien, qu'est-ce qu'on enlève comme
services? Je pense qu'il y a un travail énorme à faire, que vous
identifiez bien.
Revenons maintenant à un autre volet de votre mémoire, qui
est la gestion des ressources humaines. Quand on lit votre document, on se rend
compte qu'il y a vraiment une attente très grande et une forme de
frustration à l'égard de la façon dont ça se passe
concrètement entre le pouvoir central qui négocie au nom, pour et
avec les gestionnaires des établissements de santé et de services
sociaux d'une façon très centralisée qui fait en sorte que
vous ne pouvez pas introduire par la suite, dans vos établissements,
dans la gestion responsable que vous pourriez faire de vos ressources humaines,
de façon un petit peu novatrice de faire.
Moi, j'aimerais que vous me parliez un peu de ça dans le sens
où, évidemment, le risque que cela présente, et moi je
suis d'accord avec cette avenue-là, mais je sais qu'il y a des risques
et j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu, dans le sens où,
par exemple, certaines approches normatives relativement à la
tâche qui, si elle s'implante dans un établissement, peuvent
attirer l'attention d'un autre établissement à côté
qui ne l'a pas, mais qui, en contrepartie, a autre chose, mais dire: Bon bien,
ça, maintenant que vous l'avez, là, on devrait l'étendre
chez nous. Comment vous imaginez baliser ça? Est-ce que vous avez
déjà un certain nombre de propositions concrètes à
faire en ces matières-là? Parce que je pense que la gestion des
ressources humaines, dans l'ensemble de l'appareil public et même
parapublic, souffre un petit peu de retard à bien des égards.
M. Nadeau: Vous avez raison, et c'est tellement vrai que
ça a pris un article de la loi pour obliger les établissements
à faire un plan de développement des ressources humaines. Il faut
dire cependant que le réseau est en train de le faire. Il est
drôlement en train de reprendre le temps perdu, et c'est important qu'il
le fasse aussi.
La décentralisation du régime de négociations,
c'est un défi pour les syndicats, mais c'est aussi un défi pour
les employeurs locaux. C'est un défi pour les syndicats parce qu'ils
réalisent très bien que, maintenant qu'ils n'ont plus grand-chose
à négocier au niveau central - si on comprend un peu les
enveloppes dont on parle, il ne reste pas grand marge de manoeuvre - s'il n'y a
plus grand-chose à négocier au niveau d'une table provinciale et
si on dit que tout ce qui concerne l'organisation du travail, vous allez
regarder ça au niveau local, qu'est-ce qui leur reste? Donc, je pense
qu'ils se sentent inconfortables vis-à-vis de la place qu'il leur
resterait dans une formule comme ça.
Nos gestionnaires locaux aussi nous disent: Nous autres, on a toujours
hérité de conventions collectives et, là, vous nous dites
que, maintenant, il faut les négocier. Ce n'est pas tout le monde qui
court après ça. Mais je pense que c'est important, cependant,
qu'ils courent et c'est important qu'ils le fassent parce que le grand
défi, c'est de faire en sorte qu'avec les hommes et les femmes de chacun
des milieux de travail on puisse convenir ensemble d'allégements tenant
compte de notre environnement. Il y a des places où les relations sont
telles que ce serait peut-être plus facile de regrouper certaines
tâches. Si on regroupe des tâches, vous savez, c'est plus facile,
c'est plus économique. On a des conventions collectives de 525 pages. On
a je ne me rappelle pas combien de tâches qui sont définies, mais
si on pouvait regrouper un certain nombre de tâches, il y a des
économies importantes à faire des choses comme ça. Je ne
souhaiterais pas qu'on impose ça. Je souhaiterais qu'on puisse en
arriver à une entente avec les syndicats et je pense que c'est plus
plausible que ça se fasse si on le discute, les gens au niveau local en
place, les deux parties en place au niveau local, que si on fait ça
à une table provinciale, où les enjeux sont souvent autres que
ceux-là. (14 h 50)
Maintenant, est-ce qu'on a des directives ou des choses à donner
à nos gens? Non. C'est vrai qu'il va arriver des petites erreurs
à des places, c'est vrai qu'il y en a qui vont faire des percées,
mais je pense qu'il faut vivre avec ça. Si on veut qu'ils prennent en
charge la négociation locale et l'organisation du travail, il faut
accepter qu'ils fassent certaines erreurs et qu'ils
puissent les corriger après. Si, nous autres, on va leur donner
des patterns, on va aller à rencontre du fait qu'on veuille qu'ils
prennent en charge leurs propres négociations, leur propre organisation
du travail.
Mme Marois: Mais je pense que responsabiliser, ça comporte
toujours des risques, mais les avantages...
M. Nadeau: Voilà! Mais il faut les courir. Mme Marois:
...sont peut-être plus grands. M. Nadeau: C'est ça.
Mme Marois: Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Peut-être que mon collègue voudrait
revenir à une question spécifique.
M. Savoie: Oui, tout de suite après.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Si vous le permettez. Ça va être
très vite, 30 secondes. C'est uniquement au niveau de la question de
l'impôt-services.
Vous revenez encore avec une recommandation au niveau de
l'impôt-services sur les services complémentaires. Or,
l'impôt-services n'a été retenu, n'est en application nulle
part, à ma connaissance, actuellement. C'est un mécanisme qui est
très difficile à mettre en application, et on me dit
également que c'est très coûteux de l'aborder, qu'il y a
des problèmes de disparité. Or, vous savez que 53 % des
contribuables ont des revenus imposables inférieurs à 20 000 $;
donc, ils sont susceptibles à très peu d'impôt.
Pourquoi revenir encore avec l'impôt-services? Pourquoi ne pas
regarder, par exemple, les avenues qui sont actuellement en train de se mettre
en place, qui se discutent un peu ailleurs, en Ontario, par exemple, et
également au Québec, et qui doivent se mettre en place sous
peu?
M. Nadeau: Parce que, nous, on pense que, quand on va faire
contribuer les citoyens aux coûts de santé, il faut le faire sans
menacer leur accessibilité aux services de santé. Ça,
c'est particulièrement important: sans menacer leur
accessibilité. Nous, on pense que la façon la plus facile de ne
pas menacer leur accessibilité, c'est de tenir compte de leurs revenus
et de leur capacité de payer. La meilleure place pour tenir compte de
leur capacité de payer, c'est au niveau de la formule de
l'impôt-services.
Maintenant, est-ce que c'est très compliqué? Moi, je peux
vous dire que je n'ai pas analysé ça. Cependant, en ce qui
concerne la consommation des services, ça ne devrait pas être plus
compliqué d'aller dans un établissement, d'aller chez un
médecin et de passer la carte, comme on fait de toute façon avec
des cartes de crédit, et on reçoit, à la fin du mois, ce
qu'on a acheté et ce qu'on a consommé. Il me semble que, en tout
cas, en ce qui concerne le citoyen, ça pourrait se faire assez
aisément, une fois qu'on aura déterminé la valeur des
services, parce qu'il faut déterminer la valeur des services.
Maintenant, une fois que, ça, c'est fait, est-ce que c'est
compliqué pour qu'on puisse entrer et qu'on en tienne compte dans le
revenu des gens? Là, moi, je ne le sais pas, mais ça me
paraît, en tout cas, pour les citoyens, pour tenir compte de leur
capacité de payer, la meilleure formule.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Je voudrais rosaluer, car on so voit presque à tous les ans: la
loi 120, le débat sur le financement des services de santé. Le
sous-ministre d'alors est maintenant rendu au Conseil du trésor. Alors,
il a reparti le bouton de l'enregistreuse.
Je ne suis pas tout à fait rassuré quand j'entends un
certain nombre de choses, ici, par rapport à ce que nous avons entendu
l'année dernière, surtout quant à la conclusion que le
gouvernement a apportée, l'an passé, dans le domaine de la
santé et des services sociaux en matière de financement de nos
services de santé et de nos services sociaux, parce que tout ça
s'est traduit, finalement, quand on a pris l'ouverture de la commission, par un
diagnostic qu'il allait manquer 200 000 000 $ à la caisse pour offrir
à peu près le même niveau de services. Et ça s'est
transformé dans le projet de loi 9, au mois de juin, qui a,
effectivement, ajouté des charges de 200 000 000 $, soit de coupures,
soit de tickets: des coupures au niveau des services optométriques, des
services dentaires et le fameux ticket de 2 $ pour la consommation des
médicaments chez les personnes de 65 ans et plus.
Je ne suis pas tout à fait rassuré quant à l'allure
du débat, actuellement. J'espère que le ministre de la
Santé et des Services sociaux va venir un peu à cette commission
et va parler à ses collègues et au président du Conseil du
trésor, parce qu'il y a des choses qu'il faut ramener, là. On ne
peut pas recommencer les mêmes débats chaque fois, tous les ans.
Quand on parle de ticket modérateur, il faut modérer quelque
chose. Le ministre de la Santé a établi que les
Québécois et les Québécoises n'abusent
pas de leurs services de santé. Répétons-le encore
une fois! Les médecins québécois ne sont pas
surpayés. Le contrôle, tous gouvernements confondus, des
dépenses publiques en matière de santé est un très
bon contrôle que nous avons effectué au cours des 15
dernières années. On contrôle nos dépenses de
santé au Québec de bonne façon et, qui plus est, nous
consacrons 7,8 % de notre produit intérieur brut à nos
dépenses de santé dans notre système public financé
à quelque chose comme 96 % par des sous du public.
Dans le même contexte, nos voisins, eux, dépensent 11,8 %
de leur produit intérieur brut. Ils laissent tomber 40 000 000 des plus
pauvres de leurs individus en matière de soins de santé et de
services sociaux. Et, nous, on tente de dire au départ - mais c'est
déjà fait, ce travail-là, il faut quand même en
prendre note - on tente de dire que la catastrophe, elle vient, en particulier,
des coûts du système de santé et des services sociaux.
C'est faux, ultra faux, il faut le répéter! Ce n'est pas de
là que provient la catastrophe des finances publiques du Québec.
Mon collègue l'a assez démontré aussi par d'autres
démontra-tions à cette table. M. le Président, comment
pouvez-vous m'expliquer, à ce moment là, que l'Association des
hôpitaux du Québec, qui vit au coeur du système et qui...
Je connais bien votre Association. Vous réalisez des affaires assez
extraordinaires. Par exemple, avec le problème OPTIMAH, c'est
fantastique; on pourrait y revenir si nous avons le temps. Comment pouvez-vous
réconcilier la mesure que vous préconisez au chapitre 6 de votre
mémoire sur l'efficience des contributions du secteur privé,
puisque - vous le dites vous-même - plus on augmente les dépenses
privées en matière de santé, plus on réduit le
contrôle sur nos dépenses totales de santé?
Alors, quand vous préconisez de l'impôt-services ou,
surtout, des frais contributeurs - vous aimez mieux cela que des frais
modérateurs - comment réconciliez-vous ça, puisque la
démonstration américaine est extrêmement claire? vous
savez, ce système dont le président bush, qui a été
mis dehors, disait: j'espère que les états-unis vont être
protégés du système gangreneux de santé du canada
et du québec. on a vu le résultat, ce que ça lui a
donné ce côté-là. comment réconciliez-vous
ça, la notion d'augmenter la part du financement privé par des
frais contributeurs ou modérateurs, par rapport aux dépenses
totales de santé? est-ce que ce ne serait pas là une façon
de régler une partie du problème des finances de l'état,
mais d'aggraver celui des finances des citoyens et des citoyennes du
québec?
M. Nadeau: m. le président, c'est une question
intéressante. il y a des études qui démontrent clairement
que, quand on privatise... plus le privé prend une part importante des
systèmes de santé, ça coûte
généralement plus cher, et quand le public, l'État, a le
contrôle des dépenses gouvernementales, ça coûte
généralement moins cher. Ça, c'est vrai. Sauf que c'est
vrai tant que le gouvernement a le moyen de payer. À partir du moment
où le gouvernement ne peut plus payer, là, il est obligé
de chercher ailleurs des sources de financement. Et c'est pour ça.
Nous, on comprend bien le message qu'il nous lance. C'est qu'on est au
bord de la catastrophe, puis on n'a plus d'argent à mettre dans les
services de santé. Au contraire, il faudrait en enlever. Ça fait
que, nous, on dit: Étant donné qu'on est dans cette
situation-là, nous allons aider du côté des contributions
du privé. Je pense que c'est une façon de s'en sortir. Il faut le
faire avec discernement, puis il faut l'utiliser le moins possible.
M. Trudel: Mais si nos citoyens et nos citoyennes ne sont pas des
abuseurs, si on contrôle bien nos dépenses publiques, si on
contrôle bien l'évolution, le montant que l'on consacre aux
dépenses de santé et de services sociaux au Québec,
pouvez-vous nous dire, vous, d'où il vient, le problème? Il doit
bien venir de quelque part. (15 heures)
M. Nadeau: C'est sûr, je pense, que même si on dit
qu'on contrôle bien nos dépenses de santé et tout
ça, on a quand même un système de santé qui nous
coûte cher. Quand on le compare à un bon nombre d'autres pays, on
investit plus dans notre système de santé que la grande
majorité de ces pays-là. On a un pattern de consommation de nos
services de santé qui ressemble à notre pattern de consommation
d'autres biens. On est dans le contexte nord-américain. On a des
façons de faire qui sont un peu nord-américaines. Il faut les
changer, ces façons de faire, et il faut améliorer l'efficience.
On est capable de le faire, sauf que ça prend du temps. Ça ne se
change pas, ça, la façon de faire avec nos professionnels... Ce
n'est pas demain matin que tout le monde va changer ses façons de faire.
Il faut prendre le temps de le faire. Si on prend bien le temps de le faire, on
va réussir à améliorer notre performance et à
offrir à l'ensemble des Québécois un très bon
système de santé. Et, en attendant, si on a besoin des
contributions du secteur privé, des contributions des citoyens pour nous
aider à améliorer notre performance, tant mieux! peut-être
que tantôt on n'en aura pas besoin.
M. Trudel: Mais vous n'avez pas dit d'où venait le
problème, selon vous. Merci, M. le directeur général.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président, il n'y a pas vraiment de
lien. D'après les chiffres qu'on voyait à l'occasion de la
commission parlementaire sur la loi 120, si on regarde la page 115, on voit
qu'il n'y a pas de lien entre la part des dépenses de santé
assumée par le public et la part des dépenses de santé
qu'elle représente dans le PIB. Alors, il faut faire attention à
ça. Ce qu'on voulait faire à la commission parlementaire -
ça, c'est en passant - c'était de voir avec les différents
groupes, une fois que le diagnostic est posé, quelle contribution ils
sont prêts à faire? On a eu les groupements d'affaires qui sont
venus nous dire d'abolir des subventions dont ils bénéficient.
J'ai trouvé ça intéres sant.
Vous dites, de votre côté, que vous êtes sous
pression depuis 1976, mais depuis quelques années on a consolidé
les déficits, on a indexé au coût du système, il y a
un index de plus et un développement obligatoire. Je viens d'en nommer
pour des centaines de millions de ce côté-là. Et, ce que je
vous demande, c'est: Qu'êtes-vous prêts à faire si vous avez
une masse salariale de 1 000 000 000 $ de rémunération du
côté de l'encadrement? Si vous dites que les regroupements... Il
n'y a rien qui vous empêche de faire ça aujourd'hui; il n'y a pas
de loi à changer, j'espère. J'ai été surpris de
voir qu'il fallait changer la loi pour faire en sorte qu'il y ait des plans
d'effectifs. On était à la limite de légiférer le
gros bon sens, là, à un moment donné. Alors, ce que je
veux bien voir avec vous, c'est ce que vous êtes capables de faire
aujourd'hui, dans des masses comme celle-là. Qu'est-ce qui bloque le
regroupement d'achats? Qu'est-ce que qui bloque la gestion plus sorrrio -
sachant que vous êtes très, très avancé, là;
je le reconnais et je vous en félicite - de la santé et
sécurité au travail? C'est ça que je veux savoir.
Qu'est-ce que vous êtes supposés être disposés
à faire pour contribuer, avec les pouvoirs que vous avez aujourd'hui,
tel que ça existe?
M. Nadeau: M. le Président, j'ai l'impression, quand le
président du Conseil du trésor me pose cette question-là,
que c'est comme s'il voulait avoir des solutions qui s'appliqueraient demain
matin et qu'il sauverait 200 000 000 $ ou 250 000 000 $ ou 300 000 000 $ demain
matin.
M. Johnson: Sur trois ans.
M. Nadeau: Moi, ce que je lui dis, ce que je dis à la
commission parlementaire, c'est que nous sommes prêts à travailler
dans un ensemble de solutions, et on en a mis cinq, des voies de solution. On
est prêts à travailler avec le gouvernement, on est prêts
à faire en sorte d'améliorer l'efficience, l'efficacité et
la pertinence dans notre réseau. Et c'est là qu'on va
réussir à sauver des coûts.
Tantôt vous me parliez des contrats avec l'entreprise
privée. M. le Président, je pense que c'est vrai qu'on ne doit
pas s'empêcher de regarder si l'entreprise privée, dans des
services de soutien, est plus efficace que nous. Moi, je pense qu'on ne doit
pas avoir peur de se mettre en compétition avec l'entreprise
privée. Si elle est plus efficace et qu'elle est meilleure que nous
autres, elle prendra notre place, mais, si on est plus efficace, on le fera. Et
ça va donner en même temps un «challenge» à
tout notre monde. Ça va les embarquer dans une nouvelle dyma-nique, dans
la mesure où ils auront, eux aussi, des incitatifs à gérer
mieux.
Co que je vous dis, c'ost que nous autres, depuis 1976, on fait des
efforts pour assainir les finances du secteur hospitalier. On va continuer de
le faire, on va continuer de le faire de façon importante. Cette
année, les contraintes budgétaires qui sont imposées aux
centres hospitaliers, c'est 100 000 000 $. Et on est en train de le faire dans
le champ. On ne crie pas; on essaie de travailler avec nos médecins, on
essaie de travailler avec nos salariés pour améliorer la
situation. Et si on améliore l'efficience, bien, je vais dire, c'est la
population qui va en bénéficier. Alors, moi, ce que je vous dis,
c'est qu'on va faire le maximum, en administrateurs responsables, on va
regarder l'ensemble des dépenses, on va regarder l'ensemble des voies de
solution qu'on vous a mises sur la table et on va continuer de travailler
là-dedans.
Pour vous parler des regroupements d'achats, parce que, M. le
Président, le ministre m'a soulevé ça...
Le Président (M. Lemieux):...
M. Nadeau: ...il n'y a rien qui nous on empêche, mais on a
convenu, lors de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, que cette fonction-là devait appartenir aux
établissements et non pas à des organismes régionaux. Il y
a des problèmes légaux pour faire en sorte que ce soit
transféré dans les mains des établissements. Je pense
qu'il faut faire en sorte que ces problèmes-là soient
réglés le plus rapidement possible pour que les
établissements prennent en charge leurs achats.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
D'abord j'aimerais vous féliciter de la pertinence de votre
mémoire. Vous avez touché à certaines cordes sensibles et
sur des points, des pistes de solution, à mon avis, très
adéquates pour agir sur les lignes de conduite médicales.
On a parlé un peu de l'encadrement également, mais
j'aimerais, pour le bénéfice de ceux qui suivent les
délibérations de la commission, que vous nous disiez, que vous
nous donniez une
idée de la sorte d'échéancier à
l'intérieur duquel des économies substantielles pourraient se
réaliser si un bon nombre des pistes de solution que vous proposez
étaient mises de l'avant.
M. Nadeau: Bon! Si on regarde des pistes importantes que nous
avons mises de l'avant, d'abord en santé et sécurité au
travail, on vous parle de la possibilité d'économies de 100 000
000 $ sur une période de cinq ans. Et je vous dis, 100 000 000 $, si
vous nous permettez de rentrer nos outils dans l'ensemble des
établissements du réseau, c'est très conservateur comme
possibilité d'économie et ça ne tient pas compte du
régime rétrospectif collectif que nous pouvons implanter dans
l'ensemble des centres hospitaliers et avec beaucoup d'autres
établissements. Ça, c'est des économies importantes.
Au niveau du regroupement, on parle d'une possibilité de 50 000
000 $ sur deux, trois ans. Au niveau des conventions collectives, si on est
capable d'aménager davantage notre organisation du travail - c'est cette
année que ça se fait, la négociation - si on
réussit à ramener ces discussions-là au niveau local, on
va commencer cette année à faire des choses qui pourraient nous
permettre d'économiser des sommes importantes.
Travailler avec les médecins à changer les pratiques
médicales, c'est commencé. On a des projets d'innovation qui ont
été soumis parce que, vous savez, dans le cadre de la
réforme et dans le cadre de la budgétisation, le ministre a
annoncé un fonds d'innovation de plusieurs millions de dollars. On a des
projets qui ont été soumis, pour lesquels on attend des
réponses, mais c'est des projets qui vont exactement dans le sens de
l'amélioration de l'efficience; et, ça, ça va donner des
résultats rapidement. C'est sûr que ça s'étend sur
une période. Quand on change des pratiques médicales, si on
décide, demain matin, que, par exemple, pour telle pathologie, c'est tel
examen plutôt que tel examen et, au lieu d'en faire dix, on va en faire
cinq, ça a des effets immédiats. Ça a des effets
immédiats.
Alors, nous, on veut faire le plus de mesures possible, le plus
rapidement possible, pour faire en sorte qu'on sauve et qu'on préserve
les services de santé à la population. Et vous pouvez être
assuré de la collaboration de tout le réseau pour faire
ça. Il faut qu'on ait la collaboration des médecins. Il faut que
le gouvernement nous laisse de l'initiative, de la marge de manoeuvre, et il
faut qu'il crée des incitatifs. On a souvent l'impression - et les gens
nous le disent - que, quand on parle d'économiser, tout cet
argent-là va s'en aller dans les coffres de l'État. Il faut que
les salariés puissent en bénéficier, il faut que les
établissements puissent en bénéficier, il faut que tout le
monde puisse être incité à faire mieux. Et, ça,
cette situation-là, il faut la créer. Elle n'existe pas.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Bertrand?
Peut-être une question rapide, très, très simple.
Vous parlez d'excellence, d'innovation, de meilleure gestion, des ressources
humaines. Nous aussi, on veut investir dans le développement
technologique; tout évolue tellement vite au niveau hospitalier. Ma
question est très, très simple; Est-ce que vous êtes en
mesure de diminuer votre taux d'encadrement de 20 % sur une période de
trois ans? C'est la question que le député de Verdun voulait vous
poser, c'est la question que le président du Conseil du trésor
vous a posée deux ou trois fois. C'est une question simple, qui demande
une réponse simple.
Vous nous parlez de gestion. Vous connaissez ce que vous avez à
faire. Êtes-vous en mesure de le faire, oui ou non? C'est ça qu'on
veut savoir. On ne veut pas savoir autre chose que ça. On veut savoir si
vous êtes en mesure de poser des actions concrètes, au-delà
des mots, au-delà des virgules. C'est ça qu'on aimerait
savoir.
M. Nadeau: Je pense que je vous en donne, des actions
concrètes. Et 20 % de cadres, ça vient d'où, ça, 20
%? C'est dans les airs? Je veux dire...
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas dans les airs. Il
y a une loi qui a été déposée à
l'Assemblée nationale. Alors, on vous demande...
M. Nadeau: ...20 %, oui, mais...
Le Président (M. Lemieux): Répondez donc à
ma question!
M. Nadeau: ...comme mesure, 20 %...
Le Président (m. lemieux): êtes-vous capable, ou
vous n'êtes pas capable? moi, ici, j'ai l'impression d'avoir les oreilles
par terre, et tout le monde pile dessus.
M. Nadeau: Je ne le sais pas, moi, si demain matin, dans le
champ, on peut sauver 20 % des cadres.
Le Président (M. Lemieux): Êtes-vous capable?
M. Nadeau: Laissez les établissements agir, donnez-leur la
marge de manoeuvre, et ils vont agir.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous êtes capables
de le faire?
M. Nadeau: Je ne vous dis pas ça, d'aucune
façon.
Le Président (M. Lemieux): Bon, bien, c'est
tout ce que je voulais savoir.
M. Nadeau: Je ne vous dis pas qu'on va couper 20 % des cadres. Je
vous dis qu'il faut regarder l'ensemble des ressources humaines. Je vous dis:
incluant les cadres, incluant les salariés, incluant les professionnels
et incluant le personnel de soutien.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais, à mon tour, saluer les représentants de
l'Association des hôpitaux du Québec pour l'excellent
mémoire, bien sûr, qui nous aide à amorcer la
réflexion des finances publiques au Québec. (15 h 10)
Mais, moi, il y a une petite question rapide que j'aimerais poser aux
gens du milieu. Vous parlez d'assouplir la loi canadienne sur la santé
et, moi, ça m'amène à la réflexion suivante: Avec
tout le ticket modérateur qu'on veut implanter, etc., est-ce qu'on est
en train de préparer une législation qui pourrait être
contestable devant les tribunaux et se retrouver, quelque part en Cour
suprême, dans une guérilla judiciaire parce que, bon, on est
contre l'esprit de l'universalité canadienne?
Vous savez ce qu'on a subi avec la loi 101. Hein! On a eu Brown's
Chaussure qui a poursuivi, pour se retrouver devant les tribunaux, en Cour
suprême. Est-ce que la venue d'un ticket modérateur peut, à
toutes fins pratiques, sans changement de la loi canadienne, provoquer un
débat ou une guérilla judiciaire? C'est ce que j'aimerais savoir
des gens du milieu.
M. Nadeau: Je pense que si vous parlez de services
complémentaires, du Québec, ça ne pose pas de
problème qu'il y ait un ticket «contribu-teur», disons. Si
vous parlez de services couverts, de services hospitaliers et médicaux
couverts par la loi canadienne, je pense que ça pose des
problèmes légaux.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Montmorency...
M. Filion: Merci.
Le Président (M. Lemieux):... le temps étant
terminé.
Nous vous remercions de votre participation à cette commission
parlementaire.
Nous allons suspendre environ deux minutes pour permettre à
l'Association des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse de bien
vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 12)
(Reprise à 15 h 15)
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Beauce-Nord, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux afin
d'entendre l'Association des centres de protection de l'enfance et de la
jeunesse.
Bienvenue à cette commission parlementaire, et permettez-moi,
brièvement, de vous faire part des règles de procédure. Je
demanderais à la personne qui a la responsabilité de nous
présenter le mémoire de bien vouloir s'identifier et de nous
présenter les personnes qui l'accompagnent. Nous disposons d'une
période d'une heure, globalement, pour échanger, soit 20 minutes
pour l'exposé de votre mémoire, 40 minutes entre les deux
formations politiques: 20 minutes pour le parti ministériel et 20
minutes pour le groupe de l'Opposition.
Je suis prêt à entendre la personne qui a la
responsabilité de nous exposer le mémoire.
Association des centres de protection de l'enfance et
de la jeunesse
M. Plamondon (Denis): M. le Président, je vais d'abord me
présenter et ensuite vous présenter les gens qui m'accompagnent
Je suis Denis Plamondon. Je suis le président de l'Asso ciation des
centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, autrefois centres de
services sociaux. J'ai à mes côtés, à ma droite
immédiate, Mme Lise Denis, qui est notre directrice
générale à l'Association des centres de protection de
l'enfance et de la jeunesse; à mon extrême droite, M. Guy Paquin,
qui est président du conseil d'administration du regroupement jeunesse
de la région de Québec; et, enfin, à ma gauche, M. Gaston
Robert, qui est directeur général du regroupement jeunesse de la
région de Lanaudiè-re.
M. le Président, nous nous présentons devant les membres
de cette commission parlementaire pour discuter d'une réforme des
finances publiques au Québec. Or, nos organisations du réseau de
la santé et des services sociaux vivent aujourd'hui au coeur d'une autre
réforme, celle du réseau sociosanitaire. D'ailleurs, la
délégation devant vous cet après-midi témoigne
déjà des changements que nous sommes en train de vivre et de l'un
des résultats de cette réforme. Les centres de services sociaux
qui offraient des services, tant aux jeunes qu'aux adultes et aux personnes
âgées, ont vu depuis octobre dernier leur mission recentrée
exclusivement sur les jeunes en devenant les centres de protection de l'enfance
et de la jeunesse. Les centres d'accueil pour jeunes mésadaptés
socio-affectifs et les centres d'accueil pour mères en difficulté
sont devenus des centres de réadaptation pour jeunes en
difficulté d'adaptation et pour mères en difficulté
d'adaptation. Ces quelque 60 établissements sont maintenant re-
groupés dans chaque région sous un même et seul
conseil d'administration et chargés d'offrir aux jeunes et à leur
famille l'ensemble des services sociaux spécialisés en protection
et en réadaptation. M. Paquin, ici présent, agit à titre
de président d'un des 16 nouveaux conseils d'administration
unifiés qui remplacent les quelque 60 conseils précédents,
et M. Robert, à ma gauche, est un des 16 directeurs
généraux d'un regroupement jeunesse qui rassemble maintenant dans
chacune des régions un centre de protection de l'enfance et de la
jeunesse et des centres de réadaptation pour jeunes.
Nous avons, comme organisation, largement participé à la
mise en place de cette réforme parce qu'elle répondait à
nos propres impératifs, soit de remettre le citoyen, comme consommateur
autant que décideur, au centre du fonctionnement du réseau. Et je
peux témoigner, à la fin d'une tournée des nouveaux
conseils d'administration unifiés, que l'esprit de cette réforme
est en train de s'installer partout dans notre réseau de services
sociaux spécialisés pour les jeunes. Ce sont aussi ces jeunes, ou
plutôt leur situation qui nous conduit devant vous aujourd'hui. En effet,
dans l'ensemble des réflexions collectives sur le financement des
services publics, nous sommes grandement préoccupés par la
situation socio-économique de la jeunesse, et nous souhaitons qu'elle
soit mise au coeur du débat. (15 h 20)
La gravité des difficultés vécues par plus de 50
000 jeunes au Québec, auprès de qui nous intervenons, bien
souvent en bout de piste, nous apparaît le symptôme d'un malaise
social et économique atteignant une tranche beaucoup plus large de la
jeunesse. Et ce malaise ne se discute pas en seuls termes comptables ou
actuariels. C'est en tenant compte du capital humain et d'un ensemble de
considérations sociales qu'il faut aussi calculer les questions de
déficit et de dette. C'est en tenant compte de la
génération des moins de 30 ans qu'il nous faut
réfléchir, parce que c'est elle qui pourrait le plus y gagner ou
y perdre. C'est leur avenir qui peut être en jeu et, par le fait
même, notre avenir à tous.
Cela dit, même si notre mémoire vous a été
soumis avant, nous partageons l'analyse que fait le gouvernement dans son
document d'orientation «Vivre selon nos moyens». La dette publique
et le niveau de la fiscalité ont atteint leur point culminant. Il nous
faut aussi, comme nous l'indiquions lors du débat sur le financement du
réseau sociosanitaire, regarder du côté de la
réduction et du contrôle des dépenses. Mais surtout, nous
croyons qu'il y a là, au plan des finances publiques, une nouvelle
approche, une nouvelle stratégie à développer qui
nécessite une réelle volonté politique de concertation
dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental.
Pour terminer, je dirais que s'il y a un secteur, un enjeu qui peut
mobiliser tous les partenaires socio-économiques pour amorcer un nouveau
contrat social, c'est bien celui de la jeunesse.
Je laisserai maintenant Mme Lise Denis vous fournir plus de
détails sur l'approche que nous vous soumettons. Mme Denis.
Mme Denis (Lise): M. le Président, je ferai ici une
présentation synthèse du mémoire que nous vous avons fait
parvenir. Cependant, je dois dire que ce mémoire a été
préparé avant la parution du document «Vivre selon nos
moyens»; aussi, j'intégrerai à ma présentation
certains des éléments de réflexion qu'a suscités
«Vivre selon nos moyens» pour faciliter l'échange et le
débat après.
Il y a quatre thèmes que j'aimerais aborder avec vous: d'abord,
un problème d'équité; deuxièmement, une virage
jeunesse; troisièmement, un ensemble de solutions; et,
quatrièmement, les services publics et les services sociaux publics.
D'abord, le problème d'équité. Comme un ensemble
d'acteurs socio-économiques, nous ne pouvons que constater la situation
dramatique des finances québécoises et partager avec vous la
nécessité d'y remédier dans les plus brefs délais.
Nous sommes conscients que le déficit budgétaire chronique, la
dette galopante, le niveau des dépenses supérieur aux revenus ne
sont pas que conjoncturels et que les solutions doivent être
structurantes pour permettre un rétablissement de la situation
financière du Québec. Cependant, ce n'est pas en tant qu'experts
en comptabilité publique ou en tant qu'économistes que nous
entendons intervenir dans cette réflexion sur le financement des
services publics. Nous voulons plutôt vous parler d'un problème
d'équité, équité entre les
générations qui fait en sorte qu'une génération
accorde autant d'importance au sort de celle qui lui succédera
qu'à son propre bien-être. Ce qui nous préoccupe dans la
situation actuelle des finances publiques du Québec, c'est que cette
équité entre les générations est remise en
question, une partie de notre train de vie, aussi modeste soit-il, étant
au-dessus de nos moyens et se finançant aux dépens de la
génération qui prendra la relève dans quelques
années, celle des moins de 30 ans.
Le déficit des finances publiques auquel nous sommes
confrontés, aussi inquiétant soit-il, n'a toutefois aucune
commune mesure avec le déficit social que nous laissons se creuser, avec
la détérioration de la situation d'une partie significative d'une
génération, celle des moins de 30 ans. Quant à nous, c'est
une alarme générale qui doit être déclenchée
devant l'évolution récente des conditions de vie des jeunes.
La détérioration de la situation socio-économique
des moins de 30 ans a, évidemment, des conséquences directes sur
les finances publiques, que ce soit par le manque à gagner qu'elle
représente sur le plan des impôts et des taxes ou par le
coût élevé des prestations d'aide qu'elle oblige à
verser à ceux qui sont victimes
de cette situation. Mais, aussi élevés soient-ils, ces
coûts financiers ne sont rien à côté des coûts
humains et sociaux engendrés eux aussi par cette
détérioration des conditions de vie. Plus difficile à
chiffrer que le solde des comptes publics, ils n'en constituent pas moins pour
notre société un fardeau autrement plus grave, dans
l'immédiat comme à plus long terme.
Les éducateurs et les intervenants sociaux, qui travaillent
quotidiennement auprès des enfants et des jeunes aux prises avec de
sérieuses difficultés psychosociales, savent d'expérience
que ces problèmes ne peuvent être compris en dehors de leur
contexte socio-économique. La violence et la négligence dont les
enfants sont victimes, les problèmes de comportement ou la
délinquance des jeunes sont en rapport étroit, direct et
démontré avec les conditions de vie de leur famille, le
chômage de leurs parents ou l'isolement et la pauvreté chronique
de leur mère.
Il no lait plus maintenant aucun doute qu'on ne peut intervenir
efficacement contre ces problèmes psychosociaux sans intervenir sur les
conditions de vie et les facteurs socio-économiques qui les engendrent,
les favorisent ou les alimentent. Ce n'est pas l'effet du hasard si une
proportion importante des jeunes qui reçoivent des services sociaux sont
également ceux qui figurent dans les statistiques de l'abandon scolaire
ou sur la liste des prestataires d'aide sociale. Les problèmes se
développent par grappes, et les difficultés que connaissent
beaucoup de jeunes se développent en spirale. Il faut inverser cette
spirale en introduisant des éléments positifs, structurants eux
aussi. Le gouvernement, mais aussi les personnes et les groupes qui se soucient
de la précarité des finances publiques, doivent également
se préoccuper des conditions de vie précaires qui sont
désormais le lot d'un nombre grandissant de jeunes.
Deuxièmement, un virage jeunesse. Après plus d'une
décennie de sensibilisation et d'action, on peut maintenant affirmer que
la société québécoise s'est engagée dans le
virage environnemental. On est maintenant conscient que la
société ne peut prospérer en gaspillant ses ressources,
que la nature est un patrimoine qui doit être protégé, que
le véritable progrès se mesure à longue
échéance et se définit en termes de développement
durable. Il est temps que la collectivité québécoise
s'engage résolument dans un autre virage, celui de la jeunesse,
essentiellement pour les mêmes motifs qui l'ont amenée à
prendre le virage environnemental: parce qu'elle ne peut prospérer en
laissant se détériorer l'une de ses principales ressources, parce
que le patrimoine social et économique ne peut être
confisqué par une génération mais qu'il doit être
entretenu, enrichi et transmis, parce que le véritable progrès,
immédiat comme à long terme, passe par un développement
durable.
Le capital le plus important dont nous disposions, c'est la
génération des moins de 30 ans. Les décisions que nous
choisirons de prendre pour le financement des services publics ne peuvent
l'ignorer ou se prendre à son détriment, mais doivent, au
contraire, faire appel à son concours et miser sur elle. Les jeunes sont
un capital que nous pouvons décider de gaspiller ou dans lequel nous
pouvons choisir d'investir.
La société québécoise doit adopter et
proposer à tous les acteurs un projet collectif qui visera, dans
l'immédiat comme à long terme, à assurer aux jeunes des
emplois qualifiés et bien rémunérés, une formation
de base et une formation professionnelle solide axée sur la
capacité d'adaptation, la réduction prioritaire de certains
problèmes d'adaptation sociale tels les abus sexuels, la violence, la
négligence, les troubles de comportement, la délinquance et la
toxicomanie, une participation significative et reconnue à la
société, et enfin un espoir dans son avenir.
Ce virage jeunesse, par certains aspects de son action, l'État
québécois l'a déjà amorcé. Dans le domaine
de la santé et des services sociaux, par exemple, la réforme en
cours et l'adoption d'objectifs prioritaires axés sur la
prévention des problèmes et le soutien aux familles en
fournissent la preuve. Il s'agit maintenant, pour l'État comme pour la
société, de confirmer ce virage jeunesse en poursuivant et en
accentuant l'effort entrepris.
Des solutions. D'abord, vivre selon nos moyens. Nous sommes d'accord
avec le gouvernement pour dire qu'on ne doit pas accroître la dette
publique, mais l'aplanir. Tout autre comportement apparaît contre
productif dans l'immédiat et suicidaire à long terme. Nous sommes
d'accord aussi pour dire que l'on ne peut pas accroître globalement le
fardeau fiscal. Nous sommes donc d'accord pour dire que la seule voie de
solution est celle de la réduction des dépenses publiques. Faire
plus en faisant mieux.
Dans le domaine de la santé et des services sociaux, l'ensemble
des dépenses reliées aux soins de santé et aux services
sociaux a fait l'objet d'un examen scrupuleux l'an dernier à l'occasion
d'une commission parlementaire portant sur le financement. Un ensemble de
moyens ont déjà été pris pour rationaliser les
dépenses. La réforme a amené les services sociaux à
la jeunesse à procéder à une réorganisation majeure
qui est en cours et qui permettra d'augmenter l'efficacité des
interventions. En d'autres mots, il nous semble que, pour faire encore pius, il
ne s'agit pas de le faire avec moins, mais d'adopter une manière
différente de faire. (15 h 30)
Ensuite, autre solution: regrouper le tir dans une approche
intersectorielle. Il s'agit, au fond, que l'appareil gouvernemental et les
acteurs socio-économiques s'engagent plus avant dans le virage jeunesse
en groupant davantage leur tir et en le concentrant sur des cibles
communes, prioritaires et bien délimitées. Ces cibles
communes peuvent être des clientèles, des problématiques,
des territoires. La combinaison de l'argent déjà consenti et des
interventions des différents ministères, organismes publics et
entreprises auprès, par exemple, des mères monoparentales, a plus
de chances de succès que les actions dispersées et disparates.
L'argent se dépense de toute façon, mais ne produit pas les
résultats souhaités
Autre élément de solution, décentraliser.
L'appareil gouvernemental pourrait contribuer de manière significative
au virage jeunesse en donnant une impulsion nouvelle à sa
décentralisation, octroyant aux régions, aux collectivités
locales et aux établissements les moyens d'action et la marge de
manoeuvre nécessaires pour répondre adéquatement aux
besoins de la population. La décentralisation permet de mieux cibler les
problèmes prioritaires et de développer une réponse
adaptée. Elle favorise aussi un meilleur contrôle des coûts
et, surtout, une gestion moins lourde et moins normative. Ce virage est
déjà entrepris. Il doit se poursuivre et s'intensifier. Il doit
aussi trouver son application dans les relations entre les employés du
secteur de la santé et des services sociaux et les employeurs. Les
négociations concernant l'organisation du travail doivent se rapprocher
des lieux où se donnent les services.
Les services publics. La situation actuelle présentée dans
«Vivre selon nos moyens» ne laisse pas le choix quant à un
requestionnement des services publics. L'épineuse hypothèse de la
remise en question de la gratuité universelle de certains services
publics doit faire l'objet d'un nouveau contrat social. Pour réviser le
système, il nous faut revoir l'application pratique qu'il convient de
donner à des notions comme l'universalité et
l'accessibilité. C'est là le contrat social des années
soixante-dix qu'il nous faut revoir.
L'accessibilité et la gratuité des services ne vont pas
nécessairement de pair. Dans le système actuel, il arrive
même que la gratuité constitue un frein à
l'accessibilité. En voulant absolument faire coïncider les deux
principes, on arrive parfois au résultat absurde de ne pas fournir le
service parce qu'on n'a pas les ressources pour l'offrir gratuitement à
tous. Au cours des dernières années, dans notre secteur, c'est
précisément ce qui s'est produit pour le service des
retrouvailles qui était devenu, à toutes fins utiles,
inaccessible parce que nous n'avions pas les ressources financières pour
l'offrir sans frais aux usagers. Il serait également pertinent de
réexaminer la notion d'universalité ou, plus
précisément, la nature et la liste des programmes et des services
qui devraient être couverts par l'assurance collective que nous nous
sommes donnée.
Dans un contexte de ressources limitées, il serait normal et sain
que les services et les programmes fassent l'objet d'un examen qui les
évaluerait en fonction de l'ensemble des besoins actuels. Si,
collectivement, nous ne pouvons plus nous offrir gratuitement tous les
services, quels sont ceux qui doivent l'être prioritairement? En termes
concrets, il faudrait donc réussir à faire la distinction, pour
nous, entre deux types de programmes et de services: les programmes et services
jugés essentiels, qui deviendraient des programmes et services de base,
universels et gratuits, et les programmes et services moins prioritaires, qui
deviendraient des programmes et services complémentaires pouvant, selon
la conjoncture économique, faire l'objet d'une tarification
graduée selon la capacité de payer de chacun. En aucun cas,
cependant, cette contribution financière ne devra bloquer l'accès
à un service.
Le déséquilibre budgétaire et la conjoncture
économique nous incitent à réexaminer les services de base
et les services complémentaires. Cette réévaluation, en
plus des critères d'ordre budgétaire ou financier, doit inclure
une analyse de l'évolution des besoins sociaux, reposer sur des
priorités sociales clairement définies et tenir compte de
l'efficacité des services à atteindre les objectifs que nous
visons.
Une de ces priorités, quant à nous, ce sont les jeunes, et
si on applique cette approche aux services sociaux aux jeunes, il nous faut,
à ce niveau, continuer à focaliser les diverses interventions sur
des cibles précises et prioritaires - les enfants
négligés, abusés, les problèmes de drogue - et
faire en sorte que l'organisation des programmes et la fourniture des services
se rapprochent des milieux de vie et de développement naturel des
jeunes, que ce soit la famille, l'école, le quartier, le village.
L'évaluation des services destinés aux jeunes en
difficulté, et plus précisément l'établissement de
critères servant à distinguer les services de base et les
services complémentaires, devrait tenir compte d'un ensemble de
variables, notamment le degré de risques présenté par la
situation dans laquelle se trouvent les jeunes ou leur famille, leur
vulnérabilité, la gravité ou l'acuité de leurs
problèmes.
En appliquant de tels critères, certains services moins
prioritaires faisant présentement l'objet d'une accessibilité
universelle et gratuite pourraient être considérés comme
complémentaires et donner lieu à une contribution
financière. Tel est le cas, par exemple, des retrouvailles. Par
ailleurs, dans ce contexte, les services aux jeunes et à leurs familles
en difficulté en CLSC, de même que les services de protection et
de réadaption constituent, à nos yeux, des services de base.
Un tel exercice, cependant, doit être fait partout et pas
uniquement dans les services sociaux. C'est souvent tentant, parce que moins
visible, de procéder dans ces services à des modifications de
règles. Or, il ne faut pas oublier
qu'il y a déjà dans ce secteur des contributions des
usagers. Les parents d'un enfant placé contribuent financièrement
à son placement en versant, au minimum, les allocations familiales pour
l'hébergement de l'enfant.
Je dirais que la génération qui est aujourd'hui aux
commandes a hérité d'un généreux patrimoine
à partir duquel elle s'est taillée une place de choix. Elle doit
maintenant apprendre non seulement à mieux partager les richesses
collectives, mais à redistribuer le savoir, les compétences, les
responsabilités. Elle doit apprendre à investir, elle qui a su si
bien consommer.
Ce virage jeunesse nous semble s'imposer, et ce, malgré les
difficiles décisions à prendre sur les finances publiques. Nous
voulons, en dernier lieu, vous inviter à donner suite à cette
commission parlementaire et à prendre les décisions qui
s'imposent si nous ne voulons pas nous retrouver ici dans un an ou dans deux
ans avec le même problème. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.
Je souhaite évidemment la bienvenue à nos invités
et j'en profite pour féliciter Mme Denis pour sa nomination comme
directrice régionale de la Régie régionale de la
santé et services sociaux de Laval.
Vous nous avez parlé d'équité,
d'équité entre les générations afin que nous
puissions commencer par le commencement et s'occuper de nos jeunes. Camil
Bouchard nous a évidemment étalé sa vision de cette
problématique hier avec autant d'intérêt et d'enthousiasme
que ce que vous manifestez. On est à la limite, ici, des dépenses
qui sont des investissements. De toute évidence, on ne doit pas les
considérer, si on regarde la mission de l'État, comme des
dépenses ordinaires. Il s'agit d'investir dans la préparation de
générations montantes à gérer cet espace que nous
occupons et en retirer de la prospérité.
Vous avez suggéré des pistes très précises,
par ailleurs. Vous vous êtes inscrite, je trouve, à
l'intérieur de la problématique des documents que nous avons
publiés. Vous parlez de rationalisation. C'est en cours, et il y a sans
doute certains gains tangibles. Si vous pouviez nous en parler quelque peu. La
même chose est vraie de la régionalisation qui est en voie
d'implantation, presque réalisée dans beaucoup de cas. Quels sont
les gains que vous y voyez là aussi? Je comprends que la concertation
est un des gains palpables, mais si vous pouviez peut-être en
remettre...
Vous souhaitez évidemment que, du point de vue de
l'activité intersectorielle, il se fasse quelque chose de mieux, parce
que, vraiment, on assiste à... ce n'est pas du dédoublement comme
l'étanchéité, comme on le dit, du cloisonnement. Mais
ça nous amène, ça, si on parle de mobiliser les
différents secteurs autour d'un projet, à faire des
priorités évidemment, à ranger nos priorités. Et
ça m'amène à ma question principale sur
l'universalité. Vous l'évoquez. Et à partir du moment
où on doit faire des choix, je crois comprendre qu'à
l'intérieur même de cette mission qui est la vôtre, que vous
vous êtes donnée, il y a des choix à faire. Et donc,
l'universalité, ça appelle des contraintes et des limites aussi.
Ça ne peut pas être seulement universel, l'ensemble de nos
programmes ni la clientèle qu'on dessert. (15 h 40)
Alors, si vous pouviez nous faire le lien entre l'efficacité de
gestion, rationalisation, régionalisation et la dispensation de services
qui ne sont plus universels. Qui doit faire ce choix, autrement dit? Au niveau
de la région, d'une sous-région, des grandes régions
administratives? Au central, doit-on normer, baliser ce rangement et ces
priorités ou est-ce qu'on devrait même abandonner au central
l'idée d'universalité quant à la façon dont on
gère sur le territoire différentes activités, laissant un
territoire choisir ses priorités à l'intérieur d'une
activité précise comme la vôtre et un autre territoire
choisissant donc d'autres priorités, évacuant ainsi la
responsabilité, je dirais, du central de faire ces choix-là.
Alors, peut-être que vous avez des commentaires sur ces contradictions
apparentes dans les missions gouvernementales.
Mme Denis: Merci, M. le Président. Je vais quand
même garder mon chapeau de directrice d'une association
provinciale...
M. Johnson: Oui, oui.
Mme Denis: ..pour répondre à vos questions.
Le premier élément, au niveau des gains, en termes de
rationalisation avec ce qu'on est en train de vivre, dans le fond, il faut bien
voir que, du côté des services jeunesse, on est en pleine
réforme. Au 1er avril, il y a 2000 employés qui partent de notre
réseau CPEJ. On se rapproche, et les conseils d'administration sont
entrés en force, ont engagé leurs directeurs
généraux et ça démarre, de sorte que ce qu'on peut
déjà cependant anticiper, difficile à chiffrer, mais ce
qu'on peut déjà anticiper, c'est que le fait de regrouper les
centres de réadaptation et les CPEJ, ça permet, ça
facilite ce qu'on pourrait appeler une plus grande circulation des personnes,
des idées et des services. Et ça, je pense qu'il y a là un
gain. Est-ce que ça veut dire que c'est x dollars au bout de la ligne?
Je ne serais pas en mesure de vous le dire immédiatement aujourd'hui. Ce
que je suis en mesure de vous dire cependant c'est que, pour donner des
services, pour, par exemple, faire mieux face
à ce qui a été pendant longtemps un problème
et qui l'est encore un peu, là, un problème récurrent du
côté de la protection de la jeunesse, les listes d'attentes, pour
faire face à un tel problème, un certain nombre
d'économies permettent, en mettant les gens ensemble, de pouvoir faire
face à des problèmes comme ça et non pas d'avoir une liste
d'attente qui s'allonge indûment à l'intérieur du
réseau.
Un certain nombre de gains, dans le fond, qui peuvent être faits,
doivent venir répondre à des problèmes, je dis de liste
d'attente, d'engorgement de places qu'on a vécus pendant plusieurs
années à répétition. Et ces
économies-là doivent être réinjectées en
services directs pour faire face à des problèmes qui sont
criants. À terme, combien ça générera exactement
d'économie? Moi, je dis qu'il faut quand même laisser
peut-être un an ou un an et demi pour commencer à voir les
effets.
Cependant, je rajouterais, et je fais un lien aussi avec le
deuxième élément, pour faciliter cette libre circulation,
cette meilleure circulation, je dirais cet apprivoisement des gens autour d'un
service à donner à un client, il est certain qu'il y a des
règles du jeu à assouplir. Et il est certain aussi, et ça
fait le lien pour moi avec la régionalisation, que ce qui doit
être des données, ce sont des objectifs de résultats. Et on
doit faciliter le fait que les règles puissent être assouplies
pour qu'on puisse s'ajuster à la réalité de l'une et
l'autre des régions et que les situations qu'il nous faut régler
dans certaines régions sont différentes d'ailleurs, et qu'un
certain nombre de règles, de contraintes devraient être
levées. Et ce qui devrait venir comme élément du central,
c'est vraiment un objectif en termes de résultats. Et donc, une marge de
manoeuvre pas juste financière que j'imagine, mais une capacité
des conseils d'administration de prendre des décisions quant à
des priorités à mettre. Et, dans le même esprit, on
révoquais tantôt, la question des négociations entourant
l'organisation du travail, à ramener le plus proche possible de
là où se donnent les services. Autrement, on va faire face
à des difficultés de faire travailler ensemble des intervenants
qui, originellement, étaient de milieux différents pour un
même client.
Donc, au niveau des gains, au total, l'ensemble des regroupements,
ça représente 500 000 000 $ sur les 12 000 000 000 $.
L'autre élément, l'intersectoriel, on a essayé, en
se préparant pour la commission parlementaire, un peu de voir dans
l'ensemble des missions gouvernementales combien d'argent était
consacré à la jeunesse, qu'on la prenne 0-18 ou 0-25, et on n'a
pas été capable. C'est sûr qu'on n'a pas beaucoup
d'économistes à notre service, nous, mais..
M. Johnson: C'est un gros chiffre, de toute façon.
Mme Denis: ...on a posé la question à
différentes instances, un peu pour voir... Est-ce qu'au gouvernement on
avait cette information-la, est-ce qu'à l'intérieur des
ministères c'était disponible? Pour permettre un peu
d'apprécier la masse totale consentie au secteur jeunesse.
Il n'y a personne à l'heure actuelle, je ne dis pas que ça
ne se fait pas, mais je dis qu'il n'y a personne qui travaille avec ce genre
d'information là, semble-t-il. Alors, quand on parle de regrouper le
tir, je pense qu'il y a sûrement à identifier, à un moment
donné, les sommes qui sont déjà investies par
différents ministères, à cibler peut-être certains
territoires, certaines priorités et à s'assurer, dans le fond,
que, que ce soit main-d'oeuvre et sécurité du revenu,
éducation, santé et services sociaux, autant au niveau central
qu'au niveau des régions, ces gens-là travaillent ensemble autour
d'un même objectif, ce qui n'apparaît pas évident au moment
où on se parle.
Quand on parlait de l'universalité, nous, on dit d'abord qu'il
faut revoir le panier de services de base et, là-dedans, il y a des
services qui devront être considérés comme gratuits. Et les
services qu'on identifiera comme complémentaires, eux, devraient
être l'objet d'une contribution des usagers, pourraient être
l'objet d'une contribution des usagers.
Je pense, moi, que le gouvernement central a et doit garder une
responsabilité par rapport au panier de base et à sa
révision. Je pense que là-dessus, actuellement, en tout cas, pour
le moment, je vois difficilement comment ça pourrait être
autrement. Je pense aussi que, pour arriver à définir ce panier
de base là, les démarches ne sont pas faciles. J'écoutais
mes collègues de tantôt qui disaient: Faites faire ça par
d'autres, parce que c'est trop délicat pour être fait par les
ministères. Moi, je pense qu'il y a des formules à trouver qui
assurent que les gens qui sont à la fois des experts, à la fois
des citoyens, mais aussi à la fois des décideurs, parce que c'est
les décideurs qui vont porter ces décisions-là dans un
deuxième temps, ces gens-là soient tous autour d'une même
table pour faire une telle évaluation. Ça prend des avis
d'experts, mais il n'y a pas la uniquement des avis d'experts.
Essentiellement, sur... Je ne sais pas si...
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires? Ça va? Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Alors, ça me fait plaisir, à mon tour, de vous souhaiter
la bienvenue et de vous féliciter aussi, Mme Denis, pour vos nouvelles
fonctions. Je pense que c'est intéressant.
Avant de vous questionner directement, j'aimerais peut-être faire
référence à certains éléments de votre
mémoire qui sont très intéres-
sants. Vous dites: Avant de faire le ménage, faire l'objet d'un
solide débat de société des thèmes comme ceux de
l'universalité ou de l'accessibilité. Et je vais redire mon
désappointement dû au fait que cette commission n'a eu les outils
de travail, entre autres, que quelques jours avant que la commission
elle-même ne commence à siéger. Donc, vous êtes des
victimes aussi parco que vous n'aviez pas les mômes données. Vous
n'aviez pas les données et nous non plus et, à l'instar d'un
certain nombre de gens qui sont venus, jusqu'à maintenant, de groupes et
d'organisations, je crois que cela aurait mérité et
mériterait sûrement encore quelques mois de débats. Il ne
s'agit pas de s'étirer pendant deux ans, trois ans, quatre ans, mais
prendre quelques mois pour que certaines discussions aient lieu sur le terrain
et qui auraient pu ensuite revenir à la commission parlementaire, mais
après que les débats se soient faits. Peut-être n'est-il
pas trop tard pour bien faire, parce que je pense que c'est un peu mal
engagé à ce moment-ci.
Cela étant dit, ce qui est intéressant, entre autres, dans
votre analogie, c'est que vous dites: Si votre préoccupation est grande
pour les générations à venir si nous continuons à
nous endetter, nous, notre préoccupation est grande - et là, je
me mets à votre place - si on continue à ne pas s'occuper de la
jeunesse qui est notre avenir aussi. Bon! Et je pense que dans ce
sens-là, l'analogie est intéressante, et les petites
démonstrations que vous faites au début du mémoire pour
dire... Bon! quelle est-elle, cette situation de pauvreté? Quelle
est-elle, cette situation de désintégration sociale qui
amène des problèmes majeurs au plan des jeunes, de la
délinquance et tout le reste? Je pense que ça ouvre
sûrement les yeux à un bon nombre de gens qui sont
préoccupés justement par l'avenir. Cela étant dit, cette
démonstration est intéressante, et vous ouvrez quelques
pistes.
Moi, je voudrais revenir sur celle que vous ouvrez, qui concerne
l'approche intersectorielle. Vous en avez parlé un petit peu. Bon! Pour
avoir déjà été dans les services sociaux, pour
avoir été préoccupée et continuer de l'être
des questions d'emploi, de main-d'oeuvre, vous faites une assez bonne
démonstration aussi sur le fait que tant qu'on ne relèvera pas le
niveau de l'emploi, on va toujours se retrouver devant le même
cul-de-sac. Vous abordez le fait qu'on doive regrouper les ressources et les
intervenants pour cibler des priorités.
On va donner un exemple - vous le prenez, d'ailleurs - ce sont les chefs
de famille monoparentale, 85 % des femmes. Si on se mettait à faire le
portrait de tous les gens qui interviennent à leur endroit, on serait
absolument catastrophé, parce que, effectivement, il y a le
ministèro de la Santé et des Services sociaux, directement par le
ministère ou indirectement par vous-même. Il y a le
ministère de la Main- d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu, par ses programmes de réinsertion en emploi qui, souvent,
mobilisent les organismes communautaires pour aider ces gens-là à
retourner en emploi. Il y a aussi le bureau de Travail-Québec qui est
impliqué par la sécurité du revenu. Il y a le
ministère de l'Éducation, si on souhaite que cette personne
puisse retourner aux études. It peut y avoir la cour, évidemment,
parce qu'il peut y avoir des situations de difficultés avec un jeune qui
est concerné. (15 h 50)
Expliquez-moi comment ça pourrait concrètement
s'opérationaliser sur le terrain, le fait qu'on regroupe un peu les
énergies pour dire: les actions qu'on va mener vont avoir un impact et
une efficacité réelle?
Mme Denis: Je pense que le premier... Parce que c'est
effectivement difficile, je pense, d'arriver à faire ce genre
d'opérations là, mais je pense que, de plus en plus, il y a une
voie qui est celle-là et, à mon point de vue, si on veut avoir
des résultats, elle va devenir de plus en plus incontournable.
Moi, je pense que le premier élément, c'est sûrement
qu'il y ait des objectifs fixés, qui puissent être les
mêmes. Les instruments, qu'ils soient via l'éducation, via
santé et services sociaux, sont des moyens, mais il doit y avoir un
objectif fixé et partagé entre les grandes missions, je dirais,
gouvernementales, au plan des ministères, et une appropriation au niveau
régional. Moi, je pense que c'est au plan régional qu'il doit de
plus en plus se passer des choses. C'est sûr qu'il faut que ça se
fasse au plan central, mais concrètement, la vie entre les secteurs,
d'après moi, elle va plus prendre forme dans chacune des
régions.
Je peux peut-être donner un exemple. Dans le secteur des jeunes en
difficulté, on est en interface, nous, de façon assez continuelle
avec le milieu de l'éducation et le milieu de la justice, et je pense
qu'il y a là peut-être un exemple de concertation qui peut se
faire dans les régions. Ça se fait depuis quelques années
et ça s'accentue. D'ailleurs, on a eu plusieurs rapports sur la jeunesse
qui nous ont invités aussi à aller dans ce sens-là,
à augmenter ces efforts-là, mais ces interfaces-là
trouvent leur application très facilement en région parce qu'ils
sont en mesure de s'asseoir autour d'une même table, avec un même
objectif et une connaissance partagée des problèmes et de faire
en sorte que, chacun avec ses moyens, on contribue à atteindre cet
objectif-là.
Cependant, pour que ça réussisse en région, il
m'apparaît qu'il doit y avoir certains objectifs ou paramètres qui
doivent être partagés par l'ensemble des ministères pour
que, au plan de l'ensemble des programmes gouvernementaux, on puisse, là
aussi, être congruents et s'aligner sur les mêmes objectifs.
Mme Marois: Oui.
Mme Denis: C'est un peu l'expérience qui s'est
vécue. Ça se vit aussi au niveau des tables jeunesse qui s'en
viennent, certaines tables jeunesse, au niveau des services sociaux. C'est des
invitations qui nous sont faites aussi à travers les rapports qui ont
été préparés sur la jeunesse. Je pense qu'on aurait
avantage à ne pas juste être services sociaux, justice,
éducation. Je pense qu'il y a un élargissement à
l'ensemble des missions qui peuvent avoir des contributions.
J'ajouterais aussi que, quand on parle d'un virage jeunesse ici et qu'on
parle d'un effort à faire, au-delà des missions gouvernementales,
je pense qu'il y a d'autres acteurs qu'il faut interpeller. Moi, je pense que,
dans un projet dans une région, on pourrait très bien interpeller
les entreprises, on pourrait très bien interpeller les réseaux
socio-économiques de la région. Je pense que l'interpellation
qu'il faut faire n'est pas uniquement celle du gouvernement, mais celle aussi
des différents acteurs de notre société qui peuvent aider
à atteindre un objectif.
Mme Marois: Je pense que monsieur voulait ajouter quelque chose.
Non?
Le Président (M. Lemieux): Oui. Mme Denis: Oui,
Gaston.
M. Robert (Gaston): Peut-être quelques mots.
On est en train de redéfinir la fonction d'un Directeur de la
protection de la jeunesse et on questionne actuellement: Est-ce que ça
va rester un gestionnaire réseau qui va gérer l'ensemble des
ressources de prise en charge ou si on va plutôt en faire un être
un peu plus démocratique, un peu plus présent, plus significatif
dans le milieu? Et on se laisse tenter à l'idée d'avoir un DPJ,
un Directeur de la protection de la jeunesse qui va arrimer ses interventions
avec les municipalités régionales de comté.
On a des systèmes statistiques maintenant qui parlent beaucoup.
On connaît des signalements, la nature des signalements. C'est des
indicateurs de difficultés. Des clubs Optimiste, des clubs Richelieu,
des clubs Kiwanis qui ne demandent pas mieux que de mieux cibler leurs
interventions, des municipalités qui ont des budgets de loisirs, etc.;
ils aimeraient ça, parler un peu plus souvent peut-être avec les
intervenants sociaux qui ont aussi une lecture de la situation de la jeunesse.
Ça, c'en est, des choses.
Maintenant qu'on est regroupés, mieux organisés dans
chacune des régions, je pense que c'est des choses qu'on va tenter de
faire maintenant, et on va avoir une belle écoute. Je suis convaincu
qu'on va avoir une belle écoute de ce côté-là.
Mme Marois: Moi, enfin, je suis persuadée qu'il y a des
avenues, là, d'économie collective, mais aussi et surtout, je
dirais, peut-être que chaque sou dépensé aide
réellement le jeune ou sa famille qui en a besoin, et c'est ça un
petit peu aussi... pas un petit peu, mais beaucoup et essentiellement ce que
l'on recherche, de faire en sorte que l'investissement aide à les
résoudre, les problèmes.
Est-ce que ça n'amène pas une certaine forme de-
décloisonnement aussi des services publics à l'égard des
ressources de type communautaire? Parce qu'il y avait un arrimage qui
n'était pas toujours facile.
M. Robert: II y a beaucoup de ressources communautaires qui
vivraient plus longtemps - on connaît
l'éphémérité de ces ressources-là - si elles
avaient un petit peu plus d'appui de la part du réseau, mais c'est des
avenues maintenant qu'on examine favorablement, je pense.
Mme Marois: Merci
Mme Denis: Sur la dimension des ressources communautaires - pour
finir là-dessus - je pense que l'invitation qui a été
faite par la réforme aussi en santé et services sociaux de plans
régionaux, d'organisation de services, dans le fond, il faut que ce
soient les organismes communautaires ou les établissements qui sont
appelés à intervenir autour d'un même objectif. Je pense
que là aussi il y a des meilleurs garanties d'ouverture et de
complémentarité.
Mme Marois: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Merci, M. le Président.
D'abord, il me fait plaisir évidemment de saluer les gens de
l'Association des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse.
Le Président (M. Lemieux): Plus fort, s'il vous
plaît, M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Certainement. Je voudrais peut-être vous
féliciter pour la qualité de ce mémoire qui, je dois le
reconnaître, est empreint de réalisme, et aussi de votre
préoccupation qui a été manifestée à
quelques reprises à l'égard des clientèles et du lien avec
le milieu.
Je conviens fort bien, vous savez, qu'on ne peut nier le fait que la
jeunesse constitue l'avenir de notre société. Il est donc
important et fondamental d'investir dans cet avenir que sont les jeunes.
À quel niveau croyez-vous qu'on doive se rendre au niveau des services
à l'égard de cette clientèle et comment aussi peut-on
susciter la participation de ces mêmes jeunes à la
création et à la mise en place de leur avenir, sans créer
de liens de dépendance entre, d'une part, le service, et ces jeunes
à l'égard de l'avenir?
M. Plamondon: Moi, c'est simplement quelques mots par rapport
à la question qui a été soulevée.
On parlait de services, peut-être que Mme Denis pourra en parler
tantôt, mais je trouve que ce n'est pas juste la question des services,
c'est toute la place des jeunes, y compris leur place au niveau du travail,
etc. Dans ce sens-là, on a été imaginatifs socialement au
Québec, mais pas beaucoup pour les jeunes. Par exemple, le travail
partagé qu'on a trouvé au niveau des centrales syndicales et
parfois aussi en accord avec le patron, pour permettre à un certain
nombre de travailleurs de passer à travers une crise, mais ça se
limitait à la gang de ceux qui étaient là. Le travail
partagé, pourquoi ne pourrait-on pas imaginer et peut-être
même là-dessus les mouvements syndicaux pourraient être
ouverts à ça, par exemple, que, dans les entreprises,
l'idée d'un travail partagé soit plus conçue en fonction
de faire place aux jeunes, par exemple, au niveau du travail? C'est pour
ça qu'il faut parler de services, mais plus que ça, c'est que la
place même des jeunes et leur autonomie vont venir, évidemment,
par le fait qu'ils vont avoir un travail rémunéré,
etc.
Mme Denis: Et je pense que la façon dont on souhaite
l'aborder, ce n'est pas uniquement en disant: Voici une quantité de
services à commander. C'est: Voici un projet à développer.
Et ça ne suppose pas juste une réflexion sur les services, mais
aussi sur l'emploi, le travail, la possibilité de stage en milieu de
travail.
Je pense qu'il y a effectivement de l'imagination à y avoir. Si
on regarde par rapport aux services sociaux du côté des jeunes,
des services sociaux pour les jeunes en difficulté, j'ai tendance
à vous dire à ce moment-ci, toutes choses étant
égales par ailleurs, que le niveau de services qui est là
répond à peine à la demande, puisqu'il y a encore des
listes d'attente pour des enfants qui sont en protection de la jeunesse. Je
suis portée à vous le dire comme ça.
En même temps, je suis portée à vous dire aussi que
si on regarde l'expérience... J'évoquais tantôt
l'expérience au niveau des retrouvailles, le service des retrouvailles
qui est le service, dans le fond, qui devait être offert aux personnes
qui recherchent leurs origines. Alors, pendant plusieurs années, ce
service-là n'a pas été accessible; il n'y avait pas
d'effectifs, à toutes fins utiles. Il y a quelque 16 personnes dans
l'ensemble du Québec pour offrir ce service-là. Il y a deux
expériences-pilotes qui sont en cours où il y ;i contribution dos
usagers avec l'accord de ceux-ci, et le résultat jusqu'à date est
très positif. C'est-à-dire qu'il faut savoir aussi que le profil
des gens qui recherchent leurs origines, on a évalué, à
titre expérimental avec le ministère, qu'il pouvait s'agir
là d'un service complémentaire, et il est en train de subir le
test de vérité. Et on réalise, sur
l'expérience-pilote qui a duré quelques mois, que, sur environ
200 personnes à qui le service a été offert, il y en a
environ 40, je crois, qui ne pouvaient pas se le payer, et auxquelles on l'a
offert gratuitement. (16 heures)
Donc, pour les gens, je pense que le service a été obtenu.
Il y a 11 000 personnes en attente en matière de retrouvailles. On dit
que c'est peut-être ça, des voies à explorer, parce que,
sans ça, on ne sera jamais capable... Il y a des gens qui appellent pour
des retrouvailles, on leur dit: Dans huit ans, on s'occupera de vous, s'il n'y
a rien qui se fait, et on n'a pas d'argent à mettre là-dessus; ce
n'est pas là-dessus qu'est la priorité. De sorte qu'on dit que
c'est un service complémentaire, et ces voies-là sont à
examiner. On dit aussi: Regardons-le, le panier de services, regardons s'il n'y
en a pas d'autres comme ceux-là.
M. Camden: M. le Président, une autre question, oui?
Le Président (M. Lemieux): Oui, oui, vous pouvez
continuer, M. le député de Lotbinière.
M. Camden: Alors, madame, outre le service de retrouvailles, dont
vous venez de faire mention, est-ce que vous pouvez identifier d'autres
programmes ou services, dans le secteur que vous occupez actuellement, qui sont
touchés ou susceptibles de l'être par la problématique de
la gratuité-accessibilité?
Mme Denis: Moi, ce que je veux dire, dans notre secteur, si on
prend l'ensemble du secteur réadaptation-protection, ça va
apparaître à la marge, mais c'est les retrouvailles. Je pense
qu'il faudrait questionner aussi au niveau de la médiation familiale; je
ne suis pas absolument convaincue... Je suis convaincue qu'il y a là un
service qui est important, mais est-ce que tout le monde doit le recevoir
gratuitement? Je n'en suis pas convaincue. Il y a sûrement, dans la
mesure où il en reste, certains services reliés à
l'adoption internationale pour lesquels l'évaluation des
requérants pourrait être payante - ça se fait dans
certaines régions, mais pas partout - parce que les requérants en
adoption internationale sont aussi, habituellement, des gens qui investissent
beaucoup pour aller chercher un jeune et, dans le fond, on leur offre une
partie de services gratuitement. Ils pourraient être tarifiés,
ceux-là aussi.
Cependant, en contrepartie, je vous dirais qu il est impensable, quant
à moi, qu'un paronl
dont l'enfant est sous la Loi sur la protection de la jeunesse, qui a
été vraisemblablement retiré de son milieu, qu'on le fasse
payer en plus. Là-dessus, je pense qu'il y a un incontournable dans les
services dits de base en matière de protection et de réadaption
qui sont des services offerts en contexte d'autorité, bien souvent dans
des contextes non volontaires. Alors, on pourrait trouver tentant de faire
payer un parent qui abuse, mais je pense que ce n'est pas là l'esprit
des choses.
Dans ce contexte-là, les services que je vous nomme sont à
la marge, mais je dirais que ce qui s'appelle le noyau dur de la mission de ces
regroupements-là en matière de protection et de
réadaptation se situe dans un contexte législatif
d'autorité envers ces jeunes-là. Dans ce contexte, je ne vois pas
comment on pourrait, pour ces jeunes-là ou leur famille, leur faire une
tarification. J'ajouterais qu'ils paient déjà, certains parents;
c'est-à-dire que tous les parents dont les enfants sont placés
paient déjà. Ils contribuent financièrement au placement
de leur enfant; ça représente, annuellement, 10 400 000 $.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. le député de Montmorency. Un instant!
M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Trudel: Merci et bienvenue.
Je suis un peu étonné de ces recommandations, de revoir le
panier de services assurés, c'est-à-dire la décision qu'on
a prise au tournant des années soixante-dix. À mon avis,
humblement, la situation à l'époque n'était guère
différente, c'est-à-dire au sens que la richesse collective
n'était pas beaucoup plus élevée. On a choisi de se
financer solidairement et proportionnellement, il faut le dire. Les gens nous
reviennent avec des idées d'impôt-services; on en a entendu
parler, les impôts sont encore progressifs au Québec. Quand tu
gagnes plus cher, tu paies plus cher aussi pour tes services de santé et
tes services sociaux; il y a de la progressivité. On peut s'interroger
sur la notion, l'intensité de la progressivité, mais elles sont
encore progressives, les tables d'impôt.
Dans co sons là, ost quo vous nous suggérez,
en tant qu'association, de prendre la méthode de l'Oregon et de dire: On
va hiérarchiser le type de services de santé et de services
sociaux qu'on veut s'assurer collectivement - je prends votre expression - pour
l'assurance collective, et l'État ou un certain groupe d'experts,
avez-vous dit tantôt en termes de conseil, pourraient nous aider à
fixer la barre? Alors, est-ce que c'est la méthode de l'Oregon que vous
préconisez? En définitive, est-ce que vous êtes en train de
nous dire: De toute façon, nous vous proposons d'abaisser le seuil,
d'abaisser la barre du niveau de services que nous nous finançons
collectivement?
Mme Denis: Quand on parle des services de base et de la
révision du panier des services de base, je ne sais pas quelle
méthode, je ne suis pas sûre que ce soit une hiérarchie,
mais, pour moi, il me semble qu'il est important... Vous avez raison, c'est
dans les années soixante-dix qu'on s'est donné cette assurance
collective et, à ma connaissance - si je remonte là,
j'étais probablement dans la génération des moins de 30
ans - on n'a fait qu'ajouter, bien souvent; au fur et à mesure de
l'évolution des besoins, on a ajouté à ce qu'on se payait
collectivement comme services. Et moi, il m'apparaîtrait normal qu'il y
ait processus continu, d'ailleurs, de révision de ce panier de services
de base. Les besoins sociaux, ils évoluent, on le sait. Que ce soit au
niveau démographique, on peut constater aussi qu'il y a une
évolution de la population et des besoins sociaux et de santé.
Ça m'apparait normal qu'au lieu de continuellement ajouter on puisse
aussi continuellement, régulièrement se poser la question sur ce
qui doit être considéré comme un service de base et ce qui
peut être considéré comme un service
complémentaire?
Est-ce qu'on propose d'abaisser la barre? Moi, je dis que ce qu'on
propose de faire, c'est: Regardons ce qui doit entrer dans le panier
assuré et combinons ça avec... On a un problème financier;
c'est ce que je comprends, on a eu aussi une commission parlementaire l'an
dernier. Si on regarde dans l'ensemble des secteurs, effectivement, je ne dis
pas qu'automatiquement il faut baisser la barre, mais je dis: Soyons
très sûrs de ce qu'on met dans les services de base et posons-nous
la question, compte tenu du problème qu'on a, de ce qu'on veut laisser
derrière nous. S'il faut, par exemple, s'endetter pour continuer
à financer certains services, je pense que ce n'est pas là la
solution. Et peut-être qu'il faut refaire des choix, rendus en 1993.
M. Trudel: Dans un autre domaine, on ne peut pas s'empêcher
de reposer la question par rapport à ce que nous avons entendu
tantôt de l'Association des hôpitaux du Québec. Je sais, de
votre côté, tous les efforts que vous avez réalisés.
On peut être en désaccord profond avec certaines orientations de
la réforme de la santé ot dos sorvioos sociaux, mais il faut
rooonnaîtro qu'il y a eu des efforts réalisés dans un bon
nombre de secteurs, et nous l'avons dit, n'est-ce pas, M. l'ex-sous-ministre?
Nous l'avons dit largement à l'Assemblée nationale
également.
Le directeur général de l'Association des hôpitaux
du Québec nous disait qu'un des éléments majeurs où
nous aurions raté, en quelque sorte, comme Parlement, la réforme
de la santé et des services sociaux, c'est la définition des
missions. Il souhaitait davantage, en termes d'économie, pour
répondre au député de Vanier un peu, que nous
réinstallions en quelque sorte la concurrence en libéralisant les
missions, en déréglementant. Ça n'a pas été
qu'une petite
histoire, voyez-vous. Est-ce que vous souhaitez, vous aussi,
expérience en train de se réaliser, que nous ne resserrions pas
davantage les missions de chacun des établissements, mais plutôt
laisser un peu la compétition jouer, les forces du marché public
de la santé jouer et faire un peu comme l'Angleterre, en quelque sorte?
C'était la suggestion du directeur général et de
l'Association des hôpitaux du Québec.
Mme Denis: Je vous dirais d'ailleurs - j'étais
présente, j'ai entendu ces propos-là aussi - j'ai
été étonnée, mais je comprends qu'il n'y a pas eu
de regroupement avec d'autres établissements du côté des
hôpitaux.
Ce que, moi, je peux vous dire, ma compréhension et mon
interprétation, c'est aussi de dire: Avant qu'on clarifie les missions,
on avait un problème. On avait un problème parce que tout le
monde intervenait dans le champ de tout le monde. Et sans mauvaise
volonté, là. C'était l'esprit d'entrepreneurship, et les
besoins qui étaient là, présents dans la
communauté, mais on s'en allait vers un système où on ne
reconnaîtrait plus tantôt la mission fondamentale d'un
hôpital versus celle d'un centre d'accueil d'hébergement, versus
celle d'un autre centre de réadaptation d'un autre type et celle d'un
CLSC.
Dans le fond, l'objectif de la réforme - et ça a
été chaudement discuté et c'était un des gros
enjeux - ça a été vraiment de bien recamper les missions
des établissements en s'assurant que ces missions-là aient ce
qu'on appelle un noyau dur et que chacun, si on est dans la business des
hôpitaux, ait un noyau dur qui est la mission qui est là.
Nous, on travaille auprès des jeunes en difficulté. On ne
s'occupe pas de la première ligne, on est auprès des jeunes en
difficulté. Et je pense que l'objectif, dans ce sens-là,
c'était non seulement de clarifier mais de permettre aussi au citoyen de
se reconnaître, où il a besoin d'un service aussi, et, dans ce
sens-là, pour moi, c'est un succès. Toute modification à
cette approche-là, c'est un recul, un retour en arrière, et je
trouve ça très différent de la
déréglementation.
Ce n'est pas en faisant le melting-pot qu'on déréglemente.
On a des missions claires. Quand il s'agit de voir comment on fait les choses,
là, on peut se poser des questions, oui; c'est la
déréglementation, mais ça me paraît deux choses
différentes.
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous avez un
commentaire?
M. Plamondon: Je dirais que la libération des missions, on
est peut-être ouverts à en parler quand c'est payant, mais quand
ce n'est pas payant, on ne parle pas de libéralisation des missions.
Alors, entre autres, la protection de la jeunesse, on le sait, c'est
«sauve qui peut» et on dit: Bien, c'est votre mission et on ne veut
pas toucher à ça. Et quand on parle de libéralisation des
missions, c'est parce que c'est payant. Si ce n'était pas payant, est-ce
qu'on parlerait de la même façon?
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Limoilou.
M. Trudel: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Ah! Vous n'avez pas
terminé, M. le député de... Ah! Je m'excuse.
M. Trudel: Eh bien, la tentation est trop forte avec la...
Le Président (M. Lemieux): Allez-y! Allez-y!
M. Trudel: ...avec la dernière phrase de M. le
président sur le «payant, pas payant». (16 h 10)
Quand vous recommandez la révision du panier de services et
d'établir la barre à un niveau autre que celui où on l'a
placé actuellement, disons, à l'ensemble des services, vous
n'avez pas peur que les services sociaux finissent par passer dans la
moulinette? Entre les opérations à coeur ouvert et la
prévention chez les jeunes, dites-moi qu'est-ce qui va être
décidé en matière de priorité de services
assurés? Et puisque vous dites dans votre mémoire que la
majorité de nos problèmes dans ce secteur-là vient
finalement de nos carences sur le plan de notre organisation sociale de
l'emploi, de la pauvreté, etc., vous n'avez pas peur qu'en remettant
ça en question vous soyez les premières victimes, les services
sociaux, d'une telle révision du panier de services?
M. Robert: Là-dessus, il n'y a personne qui va essayer de
compétitionner; le besoin de survivre, je pense qu'il est essentiel.
Quand on parle de la notion de panier de services, il faut l'examiner
peut-être sous un autre angle: de placer le service au bon moment,
d'offrir le bon service au bon moment. Ça aussi, à
l'intérieur du panier de services, quand on a ce qu'on appelle des
placements croisés, parce qu'il y a une urgence... Un jeune qui a besoin
d'une famille d'accueil, un placement en famille d'accueil temporaire, faute de
place, on le place en unité interne, qui coûte très cher,
et quelques jours après le croisement se fait, O.K., un autre qui est
placé... Ça questionne le panier de services, de
réorganiser le réseau comme on est en train de le faire. On a
maintenant la capacité d'infléchir cette pratique-là et de
mieux gérer ça, de donner le bon service au bon moment à
la bonne personne. Ça, je pense que c'est une façon de remettre
la notion de panier de services à la bonne place. Ce n'est pas
nécessairement de décréter qu'un service n'est plus
essentiel, mais
au moins qu'on offre le bon service à la bonne personne au bon
moment.
Maintenant, en tout cas, qu'on a réorganisé notre
réseau jeunesse, c'est plus facile de gérer l'ensemble des
mesures de prise en charge et de les offrir au bon moment à la bonne
personne.
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez
compléter.
M. Paquin (Guy): M. le Président, la raison de notre
présence ici, en commission parlementaire, ce n'est pas de se
débattre contre les hôpitaux, ce n'est pas ça du tout. La
raison de notre présence ici, c'est de vous apporter une solution
à long terme en misant sur la jeunesse, parce que cette
jeunesse-là, c'est elle, demain, qui va payer nos rentes, qui va payer
toutes ces affaires-là, et puis c'est elle...
Le Président (M. Lemieux): Si elle le peut; si elle le
peut.
M. Paquin: Si elle le peut, effectivement, et puis si elle est en
mauvaise posture, on va avoir des coûts en plus à défrayer
pour cette jeunesse-là. C'est de vous apporter une solution à
long terme.
C'est sûr que notre réseau ne peut pas vous apporter des
économies importantes. On vous a parlé des retrouvailles
tantôt. Vous apportez l'exemple des retrouvailles. En fait, c'est juste
pour démontrer que les acquis sociaux durement gagnés, tel qu'il
a déjà été mentionné ici en commission
parlementaire, et que la remise en cause de l'universalité, ça ne
peut pas être fait; c'est pour vous démontrer que c'est possible
de remettre en cause l'universalité en améliorant
l'accessibilité. C'est là notre raison. Il n'y a pas des
économies importantes. Ça, c'est des économies à
court terme, mais il faudrait que la commission soit capable d'avoir une vision
à plus long terme, et c'est ça, notre solution; notre virage
jeunesse, c'est à long terme. Je pense que
i le problème des déficits, là, il faut le
voir à
I moyen, à court et à long terme.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Limoilou.
M. Després: Rapidement, M. le Président, j'ai
l'impression qu'il ne doit plus rester énormément de temps
à ma formation politique.
On a parlé de panier de services avec le député
d'Abitibi-Ouest, de priorités. Vous avez parlé, tout à
l'heure, Mme Denis, des services de base, des services complémentaires.
J'aimerais vous demander, à vous, quels sont les services de base et les
services complémentaires? Est-ce que vous avez une liste de ces
services-là?
Mme Denis: L'an dernier, pour la commission parlementaire sur le
financement en matière de santé et de services sociaux, je pense
qu'on avait aussi commencé à explorer cette approche-là de
services de base et de services complémentaires. Et là, je le
prends juste par rapport aux services sociaux, aux jeunes et à leurs
familles. Par rapport à ces services de base, spontanément,
première analyse, ce qu'on mettait dans les services vraiment de base,
c'est vraiment les services de soutien aux jeunes et à leurs familles
qui sont donnés dans les CLSC et les services de réadaptation et
de protection qui sont donnés par les regroupements, maintenant centres
de protection de la jeunesse et centres de réadaptation. Ce qui entoure
le placement... On sait que les parents contribuent au placement, mais tous les
gestes entourant le placement, c'est-à-dire l'évaluation pour
fins de placement, le choix de la ressource, ça, je pense que ça
doit être considéré comme de base, et ce qu'on appelle
l'expertise en Cour supérieure, la, qui est habituellement une demande
d'un juge, et non pas une demande d'un bénéficiaire.
Je dis: les autres éléments m'apparaissent plus
périphériques comme médiation, retrouvailles. C'est un peu
pour ça que M. Paquin a dit: II n'y a pas des économies
énormes à faire là. Mais il y a quand même un
principe à introduire autour des services sociaux. Donc, je dis: On l'a
regardé pour les jeunes de cette façon-là. Ce qu'on dit,
cependant, c'est: Ne le regardez pas juste pour les jeunes. Si on veut
s'inscrire dans une logique de services de base et de services
complémentaires, il faut que ça soit vrai pour l'ensemble du
système, donc, autant la santé que les services sociaux, et les
services sociaux, pas juste aux jeunes, les services sociaux à
l'ensemble des clientèles. Et faisons ça en se donnant des
critères, pour reprendre un peu l'autre élément qui m'a
été apporté tantôt, il ne s'agit pas uniquement
d'avoir des experts qui viennent hiérarchiser une opération
à coeur ouvert, mais il s'agit, je pense, d'une société,
d'un gouvernement qui dit: Voici, il y a un certain nombre de priorités
et de paramètres, et donc de services qu'on inclut dans nos services de
base.
Moi, je pense que, dans ce contexte-là, les services sociaux, ils
font partie des priorités. Mais pour répondre à votre
question, c'est les services que je vous ai indiqués.
M. Després: O.K. Quand vous dites qu'ils doivent
être uniformes, est-ce qu'ils doivent être uniformes dans toutes
les régions? Vous m'avez parlé, là, de façon
très générale, O.K., du niveau des services de base.
Ça, ça va; je comprends que, effectivement, ces services de base
doivent exister probablement dans toutes les régions. Mais si on fouille
un peu plus loin, dans tous les types de services qui peuvent être
offerts, est-ce qu'il y en a d'autres qui pourraient dépendre d'une
problématique régionale? Non?
Mme Denis: C'est-à-dire qu'à
l'intérieur...
M. Després: Est-ce que ça peut aller
jusque-là?
Mme Denis:... de ça, il y a des variations qui peuvent
intervenir dans une région ou dans une autre, compte tenu du nombre de
jeunes, compte tenu des ressources disponibles, institutionnelles ou familles
d'accueil, où il y a des façons différentes, O. K.,
d'exercer un certain nombre de services. Par contre, il y a des choses qui sont
équivalentes partout: un enfant qui est signalé en protection de
la jeunesse, je veux dire, il rentre de la même façon partout au
Québec, et ça, je pense que c'est un plus.
M. Paquin: Je voudrais ajouter peut-être un petit...
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez.
M. Paquin:... élément complémentaire.
Le service de base pour un jeune qui est en difficulté
d'adaptation, c'est d'avoir un plan d'intervention individualisé pour
l'aider à passer à travers cette difficulté-là. Ce
qui n'est peut-être pas toujours de base, c'est qu'il soit
hébergé. S'il est maintenu dans son milieu naturel et aidé
sur place, dans son milieu, en habilitant ses parents et l'école, etc.,
ça, c'est de base. Est-ce que c'est essentiel, est-ce que c'est
complémentaire, est-ce que c'est toujours requis, combien de temps c'est
requis? Qu'il soit retiré, hébergé, à la limite,
vêtu même - on parle de vêtements, on parle de services,
d'autres types de services aussi - ça, on commence à gérer
ça un petit peu plus serré aussi, réviser plus
régulièrement la situation d'un jeune. Ça, ça
apporte une autre version, là, des services de base et services
complémentaires.
M. Després: Donc, il y a un exercice encore à
faire.
Mme Denis: Oui. Oh! oui. On n'a pas du tout la prétention
d'avoir complété l'exercice d'aucune façon. Ça se
veut plus, je pense, des pistes.
M. Després: Est ce qu'il y a des délais de
fixés dans le temps? Est ce qu'on peut dire que, dans la prochaine
année, dans les deux prochaines années, ces
évaluations-là vont être faites?
Mme Denis: C'est-à-dire que dans le fond, ce qu'on
propose, c'est que l'évaluation du panier des services de base,
ça se fasse avec...
M. Després: Oui.
Mme Denis:... le ministère et les acteurs, dans le fond,
à l'intérieur du système.
M. Després: Mais ça pourrait se faire dans un
délai...
Mme Denis: Je pense que... M. Després:...
raisonnable.
Mme Denis:... c'est une opération qui prend un certain
temps, mais qui pourrait se faire à l'intérieur, quand
même, d'un délai raisonnable.
Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez plus de
temps...
M. Després: O. K.
Le Président (M. Lemieux):... M. le député
de Limoilou.
M. Després: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Alors, nous vous
remercions de la présentation de votre mémoire en cette
commission parlementaire. Nous suspendons nos travaux environ deux minutes pour
permettre à l'Association des consommateurs de bien vouloir prendre
place à la table des témoins, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 24)
Le Président (M. Després): MM. les
députés ministériels et députés de
l'Opposition, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association des
consommateurs du Québec, qui est représentée ici, cet
après-midi, par son président, M. Alain Paquet, et vous dire en
début que nous avons une heure à notre disposition,
c'est-à-dire une période maximum de 20 minutes pour
présenter votre mémoire, après quoi les
députés ministériels auront 20 minutes et les
députés de l'Opposition, 20 minutes.
M. Paquet, la parole est à vous.
Association des consommateurs du Québec inc.
(ACQ)
M. Paquet (Alain) D'accord je vous remercie beaucoup, M.
le Président.
Comme M. le Président vient de l'indiquer, mon nom est Alain
Paquet, je suis président de l'Association des consommateurs du
Québec. Par ailleurs, je suis aussi professeur de sciences
économiques à l'Université du Québec à
Montréal, mais je vais plutôt parler en tant que président
de l'Association des consommateurs aujourd'hui. Je voudrais présenter
aussi M. Alain Desjardins, qui est responsable du comité de taxation de
l'ACQ, et qui est aussi président d'un des regroupements de citoyens qui
est chapeauté
par l'ACQ, qui est le regroupement, ici, de ville Mercier.
M. le Président, l'Association des consommateurs du Québec
voudrait, en premier lieu, exprimer ses remerciements à cette commission
pour l'occasion qui lui est offerte d'exprimer ses vues et recommandations sur
un sujet aussi capital que celui du financement des services publics. Cette
initiative du gouvernement répond d'ailleurs aux souhaits
formulés par l'Association des consommateurs du Québec, lors de
notre assemblée générale annuelle du 25 mai 1991,
où la résolution 7 prévoyait demander au gouvernement
d'enclencher, dans les plus brefs délais, un débat public sur
l'évaluation des services gouvernementaux afin de répartir
équitablement et efficacement les fonds publics. Qu'il nous soit donc
toutefois permis de déplorer le trop court laps de temps entre l'annonce
publique de cette consultation et la date du dépôt du
présent document, qui remontait au 19 janvier dernier.
L'ACQ se penche sur les intérêts des consommateurs depuis
45 ans. Elle s'intéresse aux divers aspects des finances publiques en
représentant le consommateur et payeur de taxes, et payeur de services
publics. Elle présente donc une position de consommateur pour les
consommateurs. À titre d'exemples récents, nous mentionnons nos
interventions et mémoires sur la concurrence en interurbain devant le
CRTC, nos positions sur la TPS et la TVQ, nos interventions sur les derniers
budgets, sur la réforme de la santé et, plus récemment,
sur l'ouverture des commerces le dimanche.
Comment une association de consommateurs en arrive-t-elle à
prendre une position sur un sujet donné? Essentiellement, nous avons
trouvé réponse aux trois questions suivantes:
premièrement, est-ce que, avec ce que nous payons présentement,
nous en avons pour notre argent? Deuxièmement, comme consommateurs, que
voulons-nous nous payer? Et, troisièmement, comme consommateurs
contribuables, que pouvons-nous nous payer? Ces questions sont celles que les
consommateurs et consommatrices se posent tous les jours au moment de prendre
leurs décisions d'achat. Nous considérons donc qu'il ne faut pas
en exiger moins de ceux qui gèrent ou dépensent notre argent.
Et, là-dessus, j'aimerais souligner le fait que la question,
à savoir «est-ce que nous en avons pour notre argent?», il
faudrait réaliser que c'est une question importante, à l'heure
actuelle, lorsqu'on parle de crise des finances publiques, mais il est un peu
déplorable que cette question-là .n'ait pas toujours
été là ou suffisamment présente dans les
débats au cours des 30, 35, 40 dernières années. Souvent,
on a pris des décisions et, dans le cas de la santé, par exemple,
si on dépensait plus que 9 % du PIB québécois en
santé, il faudrait se poser la question si, avec ces 9 %, on en a pour
notre argent. Donc, c'est une question fondamentale pour l'ensemble des
services du gouvernement.
Alors, d'une façon plus spécifique, l'ACQ s'est
impliquée directement dans le champ des finances publiques par la mise
sur pied, en octobre 1991, d'un comité de taxation municipale ayant pour
but premier d'habiliter le citoyen à participer activement à la
gestion de sa municipalité et à apporter des solutions
concrètes aux débats sur la taxation municipale. Pour ce faire,
l'ACQ a suscité et collaboré à la création,
à ce jour, de 14 regroupements de citoyens et citoyennes
disséminés "un peu partout au Québec. En assurant
l'information et la formation technique de ses membres, le comité de
taxation de l'ACQ vise à conscientiser les contribuables et les
administrations municipales à l'importance d'une gestion saine,
responsable et efficace des ressources mises à leur disposition. Elle
apporte également un point de vue non partisan sur la fiscalité
municipale en posant, on espère, les bonnes questions et en utilisant
des moyens concrets pour faire avancer les débats et, ainsi, obtenir
davantage de pouvoirs pour les citoyens.
Considérant vous avoir correctement situé le contexte dans
lequel l'ACQ désire intervenir, nous allons aborder notre exposé
en regroupant nos obsevations sous les deux aspects suivants:
premièrement, quelles considérations générales et
fondamentales d'une gestion responsable des finances publiques les
consommateurs contribuables sont-ils en droit de s'attendre de la part des
gestionnaires de ces fonds?; deuxièmement, comment appliquer plus
spécifiquement ces considérations au niveau municipal pour ne pas
dilapider inutilement les ressources?
Nous avons donc, d'abord, la nécessité d'établir
une ligne directrice et des critères. De prime abord, il nous
apparaît utile de préciser que l'ACQ représente le point de
vue du consommateur et, à ce titre, qu'elle ne saurait faire preuve
d'esprit partisan. Aussi, les lacunes et reproches notés dans les
observations qui vont suivre doivent être considérés comme
généraux et ne s'adressent pas uniquement au gouvernement actuel.
Il faut bien comprendre que les déficiences du système actuel ne
datent pas d'hier et nécessitent un coup de barre exempt de
considérations partisanes.
De façon générale, l'ACQ considère que nos
administrations publiques souffrent d'un manque de vision globale à
proposer à leurs commettants. Cette insuffisance s'observe
aisément par l'incertitude et l'absence de volonté à
régler certains problèmes et les attaquer de front lorsque la
chose s'avère nécessaire. Aussi en résulte-t-il ce que
nous appelons une gestion à la pièce du dossier au fur et
à mesure que l'urgence émerge dans l'opinion publique. Pour
clarifier sa vision d'un projet plus global et débroussailler la machine
étatique, l'ACQ préconise une action à court et moyen
terme dans les domaines suivants: d'abord, dédoublement ou
chevauchement.
Depuis plusieurs années, les observateurs
dénoncent vigoureusement le dédoublement des services
gouvernementaux, en particulier entre les instances fédérales et
provinciales. Le dossier constitutionnel, mis en veilleuse depuis quelque
temps, pourrait être remplacé par une concentration accrue sur le
volet économique. Ne serait-il pas approprié d'engager
sérieusement l'examen de tels chevauchements ou dédoublements des
services à l'intérieur de la juridiction
québécoise? Une fois ses devoirs accomplis au niveau provincial,
le gouvernement s'en trouvera même mieux préparé pour
reprendre l'exercice avec ses homologues du fédéral.
Nous croyons qu'une analyse rigoureuse des services dispensés par
les ministères, les sociétés paragouvernementales, les
organismes régionaux et les municipalités devrait s'effectuer en
recherchant systématiquement les dédoublements de services et
leur impact sur les coûts administratifs. Les décisions
afférentes à cette analyse froisseront certains détenteurs
de pouvoirs et exigeront un courage politique des élus au profit de
leurs administrés. Ainsi, l'ACQ se réjouissait d'apprendre par le
biais des médias le projet d'entente intervenue dernièrement
entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et la
Société de l'assurance automobile du Québec quant à
la photo du détenteur sur l'émission des documents. La
transmission des données d'un ministère à l'autre par voie
informatique permettra une réduction des coûts pour le
consommateur ou le contribuable, s'assurant toutefois de préserver sa
vie privée en ne mettant en commun que les données utiles et
nécessaires. (16 h 30)
Les années qui viennent seront particulièrement
mouvementées en ce qui a trait à la main-d'oeuvre: mises à
pied massives, relocalisation, formation et recyclage. Autant par souci
d'efficacité que par souci de réduction des coûts, nous
croyons qu'il est impératif que le gouvernement règle rapidement
son bras de fer avec le ministère fédéral responsable de
l'emploi, d'une part, et qu'il instaure un guichet unique pour éviter
les dédoublements dans les programmes touchant la main-d'oeuvre.
Imputabilité et responsabilisation. Dans une résolution de
l'assemblée annuelle de 1991, l'ACQ formulait oo qui suit: II est
résolu dn demander aux deux paliers de gouvernement,
fédéral et provincial, que certaines taxes payées dans un
secteur donné soient imputables à un fonds sporifiqiK! pormottanf
l'amélioration de ce secteur. Par exemple, la taxe sur l'essence devrait
servir à l'amélioration du réseau routier ainsi que du
transport en commun. Pour vous donner un exemple, les frais payés pour
les plaques d'immatriculation, les permis de conduire, etc.
En autant que faire se peut, les ponctions fiscales identifiables
à des besoins précis ne devraient pas être virées
automatiquement au fonds consolidé, mais plutôt faire l'objet
d'une enveloppe spécifique. Un tel recours permettrait d'évaluer
plus adéquatement l'usage des sommes prélevées et de
responsabiliser les auteurs de ces prélèvements spéciaux.
Considérant la multitude des sources de taxation des gouvernements,
cette recommandation nous semble particulièrement avisée.
Toutefois, la création de tels fonds spécifiques doit être
assortie de mesures strictes et concrètes pour contrôler les
dépenses, à défaut de quoi il y a risque sérieux
d'inciter les gestionnaires de ces budgets à compter sur le fonds
consolidé pour combler le manque d'entrées. Bref,
équilibrer ces sources de revenus avec les dépenses qu'elles
doivent combler.
Nous aimerions également aborder le principe de la
responsabilité ministérielle. À l'instar du
Vérificateur général du Québec, l'ACQ
déplore l'absence dans la législation de mécanismes
permettant d'apprécier la performance des grands gestionnaires non
élus de l'État. Il est inconcevable que les sous-ministres et
hauts fonctionnaires n'aient point de comptes à rendre, à
l'externe, de leurs actes et décisions de nature administrative. En se
réfugiant derrière le principe de la responsabilité
ministérielle, les grands mandarins de l'État ne sont contraints
qu'à respecter les règles édictées par
l'Assemblée nationale sans avoir à répondre des
résultats ou de la façon dont ils ont été
atteints.
Transparence. Il nous apparaît utile de reformuler Ici l'absence
d'esprit partisan dans nos commentaires. Le manque de transparence des
exposés budgétaires nous semble héréditaire d'un
gouvernement à l'autre, et ce, à tous les paliers. Devant la
complexité du financement public pour le consommateur contribuable, les
responsables ne se privent guère d'utiliser divers stratagèmes
pour détourner l'attention de l'opinion publique sur la performance
réelle de leur gestion des ressources. Nous pensons aussi,
particulièrement récemment, à certaines hausses de taxes
déguisées qui ne sont pas identifiées comme telles lors du
dépôt du budget.
Par exemple, au printemps dernier, lors du dernier budget du
gouvernement du Québec, on nous avait annoncé une bonne nouvelle,
qu'il n'y aurait pas de hausse de taxes. Une semaine après, la CSST est
venue annoncer aux entreprises qu'il y avait des hausses très
substantielles de leurs cotisations. C'est un exemple ou on comprend que c'est
plus populaire de le faire annoncer par quelqu'un d'autre que par le ministre
des Finances, mais ça devient aussi une façon, parfois, de
brouiller un peu les cartes qui manque un peu de transparence vis-à-vis
du consommateur contribuable. Que ce soit aussi via des hausses consenties aux
sociétés paragouvernementales, par les subventions, parfois, aux
industries, grosses consommatrices d'énergie qui sont plus ou moins
secrètes ou le retour au fonds consolidé des surplus de la SAAQ,
cet argent provient quand même du gousset des
consommateurs et devrait figurer comme un accroissement de leur charge,
question de transparence.
Nous avons également noté la tendance des gouvernements
à refiler aux échelons supérieurs la responsabilité
de certaines dépenses sans pour autant compenser cet allégement
de leur charge par une diminution fiscale ou par une réduction de la
dette. Nous y voyons clairement une augmentation de taxes
déguisée puisque, encore une fois, c'est le portefeuille du
consommateur qui est sollicité.
On peut aussi parler des rapports du Vérificateur
général où, d'année en année, on nous arrive
avec des listes de problèmes qu'il pourrait y avoir, mais on n'a jamais
de compte rendu, par après, de ce qui a été fait pour
faire suite aux recommandations du rapport du Vérificateur
général.
Lorsqu'on parle d'harmonisation et de simplification, c'est bien connu
que la réglementation pose souvent des problèmes. C'est un
appareil bureaucratique, un appareil qui peut être lourd, .i l'occasion,
malgré le fait quo, parfois, c'est pour de bonnes raisons. Alors, il
serait important qu'il y ait une révision globale de la
réglementation. On ne parle pas de réglementation bête et
aveugle, mais on ne doit pas mesurer, si les activités
réglementaires se font d'une façon intelligence et mieux
adaptée, à l'épaisseur ou au nombre ou au volume de
réglementation. . on doit assurer toutes les conditions \ essentielles
pour la protection des consomma- k teurs, tout en encourageant la
compétitivité et v les échanges internationaux. la
compétitivité doit i permettre de refléter les besoins des
consom-/ mateurs en s'ajustant à la demande, en augmen-\ tant les parts
de marché, en créant une valeur ' économique
additionnelle, tout en conservant une \ saine préoccupation de
l'environnement. ce n'est pas des facteurs qui sont contradictoires lorsqu'on
parle de compétitivité. à titre d'exemple, je pourrais
peut-être parler, au moment des échanges, d'une expérience
qu'il y a eu avec le ministère de l'agriculture du canada où ils
ont nommé un panel d'experts externes, bénévoles de
différents milieux, des producteurs agricoles, des gens de l'entreprise
qui ont eu à superviser une révision de la réglementation
et des activités réglementaires d'agriculture canada, en tenant
compte de critères bien précis. c'est-à-dire qu'il ne faut
pas laisser une révision de la réglementation aux fins
strictement des propriétaires de la réglementation, qui sont les
employés du gouvernement.
Lorsqu'on parle d'harmonisation, on peut parler de la TPS avec la TVQ.
On a déploré à plusieurs reprises, comme association, le
manque de clarté lorsque le taux effectif de taxation est de 8,56 % sur
les biens et de 4,28 % sur les services. On taxe la taxe
fédérale; on pense que c'est un manque de transparence. On parie
aussi de la question de mieux adapter l'harmonisation avec le gouvernement
fédéral. Il y a des choses qui ont pris beaucoup de temps et qui
prennent encore du temps à se faire à ce niveau-là. C'est
coûteux pour l'industrie, et une bonne partie de ces
coûts-là sont refilés aux consommateurs.
On parle aussi de réduction des subventions qui crée des
incitations perverses. Dans ces heures de création d'emplois, il est de
bon ton pour les ministres d'effectuer les premières levées de
terre, de couper des rubans d'inauguration, tout en proclamant bien haut
l'apport gouvernemental et l'effet magique sur le niveau d'emploi. Dans
certains cas, il faut certainement reconnaître les bienfaits de ces
injections de fonds publics sous forme de subventions à l'industrie.
Mais, très souvent, on prend ces initiatives comme une panacée,
et la pertinence de certaines de ces subventions n'est pas remise en cause. Par
exemple, on peut penser: Est-ce que les subventions massives aux alumineries
sont vraiment justifiées, compte tenu de la fragilité de l'emploi
de ce secteur face au prix mondial de l'aluminium? Que penser du prix
déboursé par l'ensemble des consommateurs pour supportur los
producteurs soumis au carcan des quotas de lait, où même des
producteurs agricoles commencent à remettre ça en cause? Alors,
le jeu en vaut-il vraiment la chandelle?
En termes de tarification, il faut dire que, trop souvent, la
première tentation des élus est d'essayer de trouver de nouvelles
sources de financement sans même s'assurer, au préalable, que nous
en ayons pour notre argent. Dans certains cas particuliers et
spécifiques, la tarification peut certainement présenter des
avantages certains pour rationner la demande, mais il faut mettre en place des
moyens de refléter les besoins véritables des consommateurs
contribuables. Le document du gouvernement, «Vivre selon nos
moyens», suggérait, d'ailleurs, que c'était un des
avantages de la tarification, que les gens pourraient vraiment se plaindre s'il
y avait un problème. Quels sont les mécanismes qu'on mettra en
place pour s'assurer qu'il y ait une rétroaction entre les prix
payés par les consommateurs contribuables et les services du
gouvernement? Alors, idéalement, une hausse de la tarification devrait
aussi amener une baisse des taxes autrement, de manière à
être neutre pour le revenu.
On comprend toutefois qu'il faut quand même payer la dette qui est
là. Nous proposons donc qu'il faudrait conscientiser la population en
termes de transparence et de responsabilisation, en remarquant que, s'il faut
repayer la dette accumulée et s'il faut contribuer un peu plus avec une
tarification, peut-être qu'il faudrait mettre une clause d'expiration sur
l'équivalent en revenus provenant des autres formes de taxation pour
qu'après un certain temps, bien, à ce moment-là,
l'équivalent en revenus baisse en termes d'autres taxations.
Je voudrais maintenant passer la parole et laisser M. Desjardins parler
un peu de la question des municipalités, qui est une des
créatures du gouvernement du Québec, et de certains domaines
importants en termes de fiscalité.
M. Desjardins (Alain): Tel que mentionné dans
l'introduction, l'Association des consommateurs a mis sur pied, en octobre
1991, un comité de taxation municipale qui, à ce jour, comprend
plus de 14 regroupements de citoyens et citoyennes répartis un peu
partout à travers la province. On peut parler de La Tuque à aller
jusqu'à Terrasse-Vaudreuil. Par le biais de ces regroupements-là,
le comité de taxation s'est donné comme objectif
spécifique d'habiliter les citoyens à influencer les
décisions de leurs élus municipaux, d'exiger des comptes des
élus dans la gestion de leur argent et d'impliquer les citoyens dans la
recherche de solutions. Ce n'est pas des groupes de pression uniquement pour
lever des pancartes et dire qu'on paie cher de taxes, mais c'est bien de
trouver des solutions.
Le consommateur a une perception beaucoup plus floue de l'impact des
finances municipales sur son portefeuille. À moins d'être
propriétaire foncier - et ce n'est le cas que de 55 % des ménages
au Québec et de 26 % dans la ville de Montréal, selon le dernier
recensement de Statistique Canada - le consommateur n'a que rarement l'occasion
d'évaluer sa contribution aux services que lui rend sa
municipalité. Pourtant, il lui consacre une partie importante de son
budget, partie camouflée dans le prix des consommations, que ce soit son
loyer, que ce soit sa taxe d'affaires, sa taxe d'eau ou de n'importe quel
service de tarification dont il fait l'objet. (16 h 40)
L'Association des consommateurs désire donc attirer votre
attention sur les points que son action a fait ressortir depuis son implication
dans le monde municipal. Même si on n'en parle pas beaucoup ici, les
municipalités, ça représente plus de 8 000 000 000 $ de
dépenses par année pour les contribuables québécois
et québécoises.
Concernant les regroupements de municipalités, nous croyons que
le gouvernement devrait encourager davantage les regroupements des
municipalités là où les économies le justifient. La
mise en commun des ressources s'impose pour de nombreuses petites
municipalités. 60 % des municipalités au Québec comptent
moins de 1500 habitants, et le gouvernement devrait en assurer le leadership.
Ce dernier terme exclut cependant toute forme de dictature. Nous sommes
persuadés-qu'à moyen terme une action en ce sens ne serait que
bénéfique pour les contribuables. Une mise en garde s'impose
toutefois en ce qui concerne l'appétit du pouvoir de certains
élus municipaux aux dépens de leur homologue d'une ville moins
grosse. Le gouvernement devrait également s'assurer de ne pas faire
d'excès en ce qui concerne le niveau de population et la grandeur du
territoire des nouvelles municipalités qui seraient ainsi
créées.
Deuxièmement, le dédoublement des MRC. Les intentions du
gouvernement ne semblent pas présentement arrêtées sur les
pouvoirs dévolus aux MRC. Nous demeurons sceptiques sur la
compétence des pouvoirs locaux à assurer des charges
additionnelles sur leur gestion. Le gouvernement devrait freiner le mouvement
de décentralisation qui est présentement en réflexion
à travers les régions. Les MRC réclament la gestion
financière de leur territoire dans tous les domaines, formant ainsi des
mini-gouvernements devant être redevables aux instances provinciales. On
y voit clairement un dédoublement inutile. L'analyse d'une
expérience française démontre d'ailleurs qu'après
dix ans de décentralisation, il en est résulté un
accroissement important du fardeau fiscal pour les contribuables. Le
gouvernement se doit, à tout l« moins, d'éviter la
création d'un cinquième pouvoir de gouvernement en donnant des
pouvoirs aux MRC. De récentes analyses présentées dans la
revue Municipalités du ministère des Affaires municipales
démontrent un certain malaise au niveau de la démocratie
municipale. On pense que même pas 55 % des gens vont voter lors des
élections municipales. Tant qu'il n'y aura pas d'amélioration au
niveau du processus de consultation et de réels mécanismes
d'intervention pour les contribuables, nous sommes d'avis qu'il s'avère
dangereux d'accroître les pouvoirs des élus municipaux et
régionaux.
La gestion des surplus budgétaires à travers les
municipalités. Les surplus budgétaires que peuvent dégager
les municipalités ne sont actuellement soumis à aucune
réglementation spécifique. Les élus jouissent donc d'une
liberté totale dans la gestion de ces sommes. Dans
l'éventualité d'un surplus budgétaire qui
s'avérerait important, nous y voyons un danger d'entrave à la
démocratie. Ces surplus importants ne devraient-ils pas plutôt
donner lieu à une diminution de taxes pour les contribuables? Rien
n'oblige présentement l'équipe au pouvoir à agir en ce
sens, et les citoyens contribuables ne disposent d'aucun moyen pour exprimer
leur volonté légitime. Ainsi, les surplus peuvent servir à
l'achat d'équipement indésirable, évitant ainsi le recours
au règlement d'emprunt qui, lui, permet aux citoyens d'intervenir. Le
gouvernement devrait, à mon avis, voir à corriger cette anomalie
et légiférer en conséquence.
L'application des fonds de roulement. Depuis sa formation, le
comité de taxation a constaté que l'utilisation des fonds de
roulement pour les achats d'équipement, bien que la
réglementation enjoigne les municipalités à rembourser ces
fonds de roulement dans les années qui suivent, avec un maximum de cinq
ans, nous y voyons tout de même une entrave à la démocratie
puisque, concernant la sortie, les élus réussissent à
contourner le règlement d'emprunt qui permet
aux citoyens d'intervenir. L'ACQ verrait d'un bon oeil un resserrement
concernant la réglementation sur ce point.
Amendement des chartes des villes de Montréal et Québec.
En raison de leur taille, les deux principales villes de la province sont
régies par des chartes qui leur sont propres. Nous comprenons la
nécessité d'éviter l'embourbement administratif que
pourrait entraîner l'application de certains articles de la Loi sur les
cités et villes dans ces deux centres...
Le Président (M. Després): Je m'excuse de vous
interrompre, M. Desjardins, mais je devrai vous demander de conclure.
M. Desjardins: Oui
Le Président (M. Després): Sinon, étant
donné le retard et le temps qui vous était alloué, vous
avez déjà pris le temps qui était permis.
M. Desjardins: On est prêt...
Le Président (M. Després): ...pour laisser le temps
d'avoir un échange.
M. Desjardins: O.K. Ce qui est important dans les chartes de
Montréal et de Québec, c'est que, présentement, les
citoyens n'ont aucun pouvoir concernant ces deux villes. À part
élire les élus, ils ne peuvent rien faire.
Je pense qu'il est important de revoir ça parce que ces deux
grandes villes empruntent beaucoup, mais beaucoup d'argent sur le dos des
contribuables. Il faut bien l'avouer, même Québec a très
peu de pouvoir, présentement, pour arrêter ces
dépenses-là. Nous voyons aussi des sociétés
paramunicipales; c'est vraiment un fléau, présentement, pour les
grandes villes. Les petites villes pourraient aussi être tentées
d'utiliser ce pouvoir-là de créer des paramunicipales. Nous
croyons que c'est important de légiférer et d'encadrer beaucoup
mieux la gestion des para-municipales.
Concernant les subventions municipales, le constat est fort simple. On
devrait éliminer ces subventions-là, à tout le moins
là-dessus. J'aimerais surtout vous donner cette conclusion.
Dans le résumé que vous nous avez fait parvenir,
«Vivre selon nos moyens», vous posez une très bonne
question: Quelles sont les avenues possibles pour améliorer la
performance des administrations publiques et la rendre compétitive?
Bien, je vous les donne: responsabiliser les élus vis-à-vis des
citoyens et donner le pouvoir aux citoyens de prouver à leurs
élus qu'ils n'ont peut-être pas été à la
hauteur de la situation. Merci.
Le Président (M. Després): Vous nous laissez sur un
point de discussion, M. Desjardins.
Je passerai la parole au président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. En vous remerciant, messieurs, de votre
présence ici, M. Paquet, vous avez l'air familier, M. Desjardins. Vous
êtes bien impliqué, chacun à sa façon. C'est comme
ça que des députés ont rencontré des gens
auprès de l'Association des consommateurs du Québec. Je vous
remercie de la clarté de vos propos.
Vous nous dites de faire le ménage. Ça, je suis pour. Je
vous avoue que - mais ne le dites à personne - quelquefois, on se sent
seul, au Conseil du trésor, pour faire le ménage, mais je suis
heureux de pouvoir compter, malgré tout, sur l'ensemble de mes
collègues qui se penchent avec le même sérieux que vous sur
les problèmes que vous soulevez.
Imputabilité et responsabilisation, là aussi, on fait des
progrès. Il y a un projet de loi, au nom du député de
Verdun qui est ici, qui est à l'Assemblée nationale justement,
qui fait en sorte qu'on responsabilise davantage les fonctionnaires, nos
collaborateurs, afin de reconnaître, d'une part, leur rôle et que,
d'autre part, ils puissent avoir l'occasion, évidemment, de justifier
leurs gestes. Ça me paraît important pour se rapprocher des
mesures d'efficacité.
Les fonds spécifiques, la transparence... Vous parliez de la
CSST, tout à l'heure. Une fois pour toutes, je vais le dire: la CSST est
un organisme paritaire. Il y a le Conseil du patronat et ses collaborateurs qui
sont installés là et la FTQ majoritairement, j'ai l'impression,
depuis quelques années, avec leurs collaborateurs, le président
ou la présidente de la CSST qui est assis entre les deux. C'est
largement le fait des gens qui sont là que les hausses de cotisations,
l'étendue des bénéfices tels qu'ils sont
administrés, tels que les comités d'appel sont constitués,
tels qu'ils fonctionnent... Il y a un tas de choses là aussi, on va se
le dire franchement, qui pourraient être redressées sans que le
gouvernement comme tel, le Conseil du trésor ou quelque ministère
que ce soit, intervienne. Il y a des gens qui ont, là aussi, leur
travail à faire. Ils le font, mais peut-être pas assez rapidement
à votre goût, et ça, c'est... Aucun problème avec
ça.
Ce que vous avez isolé, et c'est ce dont j'aimerais m'entretenir
avec vous, c'est toute la capacité que nos institutions ont d'être
sensibles aux véritables besoins des citoyens et de répondre aux
complaintes du citoyen déjà trop taxé. Vous passez
quelques instants, avec raison... Vous avez insisté, je devrais
plutôt dire, sur le rapport qui doit exister, au niveau municipal, entre
le citoyen et l'élu. On peut concevoir qu'à ce niveau-là,
la nature des activités, la nature de la fiscalité et le nombre
d'élus compte tenu du nombre de citoyens très souvent font en
sorte qu'il y a une prise plus facile du citoyen sur l'appareil municipal
qu'inversement l'élu local est très attentif, parce qu'il a
l'oreille pas mal
collée sur ses commettants. Je pourrais en déduire que la
décentralisation est une réponse à la question que vous
posez: Comment le citoyen pourra-t-il sentir qu'il a une prise sur ses
élus? La décentralisation, on en a emprunté quelques
voies, vous en avez vu des exemples, mais il y a des fonctions qu'on ne peut
pas décentraliser de cette façon-là. Ça, c'est
évident. On peut parler de régionalisation dans le domaine de la
santé, on l'a fait ici depuis quelques jours et on l'a certainement fait
aujourd'hui et hier soir. (16 h 50)
Qu'osl-oo quo vous envisagez comme suggestion pour sensibiliser
davantage l'élu, dites-vous, aux problèmes réels des
contribuables au niveau que nous occupons ici, qui relie les élus
à l'Assemblée nationale, à part le fait - je le dis tout
de suite à notre défense sans être défensif - qu'on
est présents dans nos comtés aussi et qu'on essaie de se
rapprocher, évidemment, de nos instances locales pour être au
même rythme... Mais oublions ça et voyons, de votre point de vue,
les suggestions qui mènent à un meilleur accord entre les besoins
du contribuable comme citoyen qui veut des services, ses exigences comme
citoyen qui paie pour ces services-là et, évidemment, l'appareil
bureaucratique et politique qui doit livrer ces services et utiliser à
bon escient l'argent des contribuables. Avez-vous une suggestion?
M. Desjardins: Vous savez, M. le Président, le
problème actuel dans les municipalités, c'est que les citoyens
s'impliquent peu parce qu'ils ont peu de pouvoirs. Lorsqu'ils vont à
l'hôtel de ville, ils s'assoient au conseil. Dans des
municipalités, la réunion du conseil dure 20 minutes, où
on nomme uniquement des numéros do règle ments, et c'est
terminé. La réunion est complètement terminée; le
maire se lève et il s'en va tout simplement. Alors, les citoyens,
à ce moment-là, voient vraiment qu'il est impossible d'avoir de
dialogue une fois que l'élu est nommé. La plupart des
élus, où vont-ils aller chercher l'oreille attentive? C'est dans
les comités de loisirs. Ils vont se retrouver là. On parle bien
de petites municipalités; on ne parlera pas de Montréal et de
Québec, c'est complètement différent. On va parler des
petites municipalités qu'on retrouve un peu partout.
Le jour où le gouvernement va donner un peu plus de pouvoirs au
citoyen, le citoyen va s'impliquer davantage. Quand j'ai parti le regroupement
des citoyens de la ville de Mercier, dans ma municipalité, qui est un
organisme à but non lucratif, qui a sa charte, qui n'est pas un parti
politique ou de l'Opposition, chez nous, ça a été
très mal vu par les élus, dans un premier temps. Les citoyens
disaient: Vous savez, M. Desjardins, ça ne donne pas grand-chose; dans
quelques mois, on n'en parlera plus. Il en naît tous les jours, des
regroupements de citoyens. L'an passé, il y en a eu 60 qui sont
nés; aujourd'hui, de ces 60, il n'en reste même pas une dizaine
qui existent encore. pourtant, la première solution, c'était de
trouver des solutions parce qu'on venait d'avoir une augmentation de taxes de
15 %. on ne parle pas de petits montants dans notre municipalité. plus
j'avance dans les dossiers municipaux que je regarde, toujours
bénévolement, plus je découvre qu'il y a des lacunes dans
la loi. il est anormal que 20 % de la population d'une municipalité
aillent signer un registre contre un règlement d'emprunt et que le maire
nous dise: o.k. j'élimine ce règlement d'omprunt. trois jours
plus tard, il en présente un deuxième identique avec simplement
un changement de numéro. lorsqu'on communique au ministère des
affaires municipales, on nous dit: on ne peut rien faire, c'est légal.
c'est des trous, ça, qu'on retrouve dans la loi sur les cités et
villes. il doit y avoir des amendements pour changer ça.
La journée où on va pouvoir dire au citoyen qu'il peut
avoir un contrôle sur ses élus, à ce moment-là, il y
a de fortes chances que le citoyen s'implique davantage. Il est vraiment
préoccupé, ce citoyen-là. Il le voit. Toutes les
années, il voit son compte de taxes. Ce n'est pas comme un compte
d'impôt provincial ou fédéral où, une fois que vous
avez fait tous les calculs, vous ne savez plus combien d'impôt provincial
vous avez payé. Sur votre compte de taxes foncières, vous le
voyez très bien: 250 $ pour la taxe d'eau, 160 $ pour la taxe de
vidanges, etc. Le citoyen le voit et il en est conscient. Mais pour qu'il
puisse faire quelque chose, il va falloir qu'on légifère de
façon à donner aux citoyens plus de pouvoirs versus les
élus.
Le Président (M. Després): M Paquet, vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Paquet: S'il vous plaît. Oui, en complément de
réponse à M. Desjardins. M. Desjardins vient d'illustrer comment,
d'abord à un niveau précis, au niveau municipal, on peut
impliquer les citoyens et les rendre plus responsabilisés et conscients
de ce qui se passe dans leur gestion. C'est un point de départ.
M. le président du Conseil du trésor demandait tout
à l'heure comment aussi, au niveau plus provincial, on peut avoir une
implication. C'est un peu plus difficile. On a dit: Nous, on va procéder
d'abord en regardant, au niveau provincial, comment on peut regrouper des gens
et, de là, avoir un peu plus d'impact au niveau provincial à un
plus moyen et long terme. Mais quand on parie de moyens concrets à ce
moment-ci, je pense que... Par exemple, quand on parle de faire le
ménage et de réviser un peu, de faire un débat qui devrait
aller... Et ce serait dommage...
M. Dubuc, de La Presse, déplorait hier le fait que, trop
souvent, ce sont les mêmes discours qui ressortent des mêmes
intervenants.
Dans un sens, jusqu'à un certain point, il faudra en venir
à aller un peu au-delà des groupes de pression traditionnels. Je
ne veux pas dire qu'on ne doit pas écouter ce qu'ils en pensent, parce
qu'ils peuvent avoir des idées intéressantes, mais il faut aller
un peu au-delà et rejoindre directement la population. À ce
niveau-là, c'est l'exemple que je donnais tout à l'heure, suite
au budget du ministre des Finances fédéral, M. Mazankowski, qui a
demandé une révision globale de la réglementation. Il y
avait différents ministères qui avaient été
ciblés, entre autres Agriculture Canada, sur lequel des gens de
l'industrie, des gens du milieu, des producteurs agricoles, des
consommateurs... J'étais là comme représentant des
consommateurs. Lorsqu'on arrivait dans ce panel-là, on devait laisser
notre chapeau à la porte et on arrivait avec nos expertises pour essayer
d'amener... d'abord, se donner des critères d'évaluation de
l'activité réglementaire dans ce cas-ci, mais on peut penser que
ça peut se faire à d'autres niveaux, pour identifier vraiment ce
qu'on veut se payer.
On parle des soins de santé aussi, par exemple. Tout à
l'heure, les intervenants qui nous précédaient parlaient qu'il
faudrait peut-être revoir le panier de santé, le panier de biens.
Eh oui! Effectivement, il faudra peut-être le revoir. Le revoir, ce n'est
pas le revoir de façon bête, mais se donner des critères.
Il existe des critères, par exemple. Il y a un économiste
d'Angleterre, Alan Maynard, qui parlait, par exemple, de comparer quels
étaient les impacts véritables, en termes d'augmentation de la
qualité de vie des patients, de certains traitements par rapport
à d'autres. Dans certains cas, même avec des mesures imparfaites,
on pouvait identifier que certaines mesures étaient certainement bien
meilleures en termes de rendement pour les patients. Ça ne veut pas dire
qu'il fallait éliminer les autres, mais ça veut dire qu'il faut
commencer à conscientiser la population à aller dans des
directions qui donnent de meilleurs services, qui en donnent plus pour leur
argent aux concitoyens.
Trop souvent, un peu, ce qu'on déplore aussi, c'est une attitude
où on dit: Bien, on a le meilleur système au monde. On a le
meilleur système au monde en termes de santé. L'Association des
hôpitaux du Québec, devant laquelle nous avons
témoigné en novembre dernier, devant un de ses comités sur
la gestion des ressources humaines pour les années 2000, concluait,
après notre intervention: Bien oui! On a quand même le meilleur
système au monde. Mais on disait: Où sont les critères
d'évaluation que vous avez entre les mains, que vous avez
appliqués pour vérifier vraiment qu'on en a pour notre argent? Si
vous le permettez, je vais donner un exemple.
Dans la région de Québec, un hôpital de quelque 200
lits, où il y a un directeur des services professionnels et son adjoint,
une directrice du nursing, un directeur général, un directeur des
finances, un directeur des services auxiliaires et son adjointe, un directeur
des ressources humaines et son adjointe, un directeur des services aux
bâtiments mobiliers et immeubles, BMI, et son adjointe; il y a,
évidemment, les secrétaires et les cadres qui entourent ces
personnes-là. Mais, en plus, on vient d'afficher un poste dans cet
hôpital pour pouvoir parler et pouvoir s'occuper du dossier de la
qualité totale; le salaire de cette personne-là va varier entre
37 000 $ et 55 000 $. C'est les consommateurs contribuables qui paient
ça.
Vous savez, au cours des dernières années, il y a eu des
coupures qui ont été faites, effectivement. Il y a des gens qui
ont eu des coupures de salaires, des gens avec des revenus, des salaires pas
nécessairement très élevés dans les milieux, dans
le secteur public, par exemple, mais on ne s'est pas souvent posé la
question: À des couches un peu plus élevées, est-ce qu'il
n'y a pas trop d'étages à ce niveau-là? Est-ce que ces
gens là, on ne peut pas les amener à donner des services plus
particuliers ou est-ce que leur rôle est vraiment essentiel?
En santé aussi, pour donner un dernier exemple, le 1er janvier
1993, le gouvernement du Québec a décidé de rembourser le
prix réel d'acquisition plutôt que le prix médian pour les
produits pharmaceutiques pour les médicaments. Or, les produits
médians permettaient une saine concurrence entre les produits
brevetés et les produits génériques. Or, en payant le prix
d'acquisition, les pharmaciens sont encouragés à garder moins de
produits génériques pour des formules actives équivalentes
- il faut parler de la même chose en termes de médicaments - mais
ils sont encouragés, donc, à prendre le médicament le plus
cher. Dans un article du Journal de l'Association médicale
canadienne, il y a un mois, le Dr Joel Lexchim documentait que trop
souvent, au Canada, les médecins - et c'est sûrement le cas au
Québec - prescrivent le médicament le plus cher, même
lorsqu'il existe un médicament équivalent au niveau de la formule
active.
Alors, ce sont tous des problèmes qu'on identifie un peu à
la pièce, mais qui soulignent un symptôme, qui sont symptomatiques
de débats, de discussions qu'il faut avoir. Dans ce sens-là, on
pense que, la prochaine étape, c'est d'identifier... Et peut-être
que, suite au premier document de réflexion où le constat sur les
finances publiques nous semblera adéquat, il faut vraiment arriver avec
des éléments de solution, des éléments de
discussion, des éléments d'action, et aller directement vers la
population pour lui expliquer.
Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M.
Paquet.
La parole est au député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Alors, je veux, à mon tour, souhaiter la bienvenue à
l'Association des consommateurs et à leurs deux
représentants.
Je voudrais passer un certain nombre de remarques par rapport à
votre texte. D'abord, il a le mérite d'être clair quant à
ce qu'il veut dire. Je ne suis pas sûr que je partage toutes les
idées qu'il y a là-dedans, mais, quand même, j'aimerais en
discuter parce que ça me paraît représenter un certain
courant d'opinions.
D'abord, je veux simplement faire une remarque sur l'emploi de
l'expression «nous ne sommes pas partisans, nous ne nous adressons pas
uniquement au gouvernement actuel, c'est exempt de considérations
partisanes», etc. Donc, j'ai comme l'impression que vous voulez vous
dédouaner de quelque chose, mais, au-delà de cela, je sais que
beaucoup de nos concitoyens n'aiment pas, disons, cet esprit partisan. (17
heures)
Je voudrais quand même faire une considération. La
démocratie fonctionne avec des partis politiques. En dictature, il n'y a
qu'un parti politique, celui du gouvernement, et pas d'autre. Donc, des partis
politiques, ça doit exister, ça représente essentiellement
des équipes qui échangent des idées, qui font des
convergences, qui corrigent leur incohérence - et je pense que, comme
nous sommes, il y en a toujours, et on essaie de parfaire la situation. Mais,
fondamentalement, je pense qu'il faut respecter l'exercice de la
démocratie qui part justement du fait qu'il y a des partis politiques
qui échangent. Les uns ne partagent pas l'esprit des autres, et c'est de
là que viennent les débats dans la société.
Cela s'exerce, évidemment, au plan du gouvernement. Ça
s'exerce aussi au plan des municipalités, surtout des grosses
municipalités. Il ne faut pas nier toutefois que, de temps à
autre, l'esprit partisan va trop loin et, donc, que ça mérite des
corrections. Mais, essentiellement, il faut admettre l'existence des partis
politiques et, donc, que ce qu'on appelle l'esprit partisan représente
un système qu'on essaie de rendre le plus cohérent possible de la
part des équipes les unes en face des autres.
Ceci étant dit, j'arrête là. Il reste que je crois
qu'on s'en prend trop souvent aux partis politiques alors que, parfois, il y a
des excès en termes d'esprit partisan, ce que j'admets. Mais il faut
faire bien attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain,
là-dessus.
Ceci étant dit, je voudrais revenir à votre texte,
à la page 3 où vous parlez des dédoublements. Je voudrais
faire une remarque, il me semble, qui s'impose. Ce que vous dites dans votre
phrase: «Le dossier constitutionnel ayant été mis en
veilleuse depuis quelque temps pour être remplacé par une
concentration accrue sur le volet économique, ne serait-il pas
approprié d'engager sérieusement l'examen des
dédoublements de services à l'intérieur de la juridiction
québécoise?»
Je vais simplement, à mon sens, apporter une nuance. Vous pourrez
me dire si vous êtes d'accord ou pas, mais il me semble qu'elle s'impose.
Ce qui a été mis en veilleuse, c'est l'aspect constitutionnel de
la question nationale. La question nationale n'a pas été mise en
veilleuse, absolument pas. Elle n'est pas réglée. Et je comprends
que certains, à l'heure actuelle, éprouvent le besoin de ne plus
parler de l'aspect constitutionnel, mais la question nationale, le devenir du
Québec, ce n'est pas réglé, et ça doit se
régler.
Là où je partage plus ce que vous dites, effectivement:
les aspects économiques, les aspects financiers et les aspects
administratifs de la question nationale, surtout quant aux
dédoublements, je pense, doivent reprendre le dessus, et on doit en
discuter. Si l'on discute des questions d'administration interne au
gouvernement, on doit aussi discuter de l'environnement de l'administration du
gouvernement, et donc, automatiquement, on en vient à discuter d'une
question qui est fondamentale: le déficit fédéral, pour
parler finances publiques, est le double de celui du Québec; et il a
été le triple de celui du Québec, parfois même le
quadruple de celui du Québec en ce qui concerne la part du Québec
dans le déficit fédéral, ce qui a entraîné
les difficultés que nous avons, notamment en termes des taux
d'intérêt qui sont, depuis le début de la décennie
quatre-vingt, de 7 % en termes réels, ce qui est loin devant tous les
pays industriels. Je vous rappelle, pour mémoire, que le taux
d'intérêt réel au Japon cette année est de 0, 5 %,
même pas 1 %. Alors, quand on parle de 7 %, ça vient
essentiellement du déséquilibre des finances publiques au
fédéral. et là il y a un problème majeur dont il
faut débattre, parce que l'impact sur le gouvernement du québec
est double. d'abord, les paiements de transfert ont été
coupés de 3 600 000 000 $ dans le budget de 1992-1993 et,
deuxièmement, les taux d'intérêt réel sur le
déficit du québec, étant donné qu'ils sont de 1 %
à cause des problèmes au plan fédéral,
entraînent que le service de la dette du québec est énorme.
énorme. il est de 4 000 000 000 $ à 5 000 000 000 $, disons 4 000
000 000 $ et un peu plus, mais surtout à cause des taux
d'intérêt réel.
Je pense que, ça, ce sont des faits qu'on ne peut pas ignorer
lorsqu'on discute des équilibres des finances publiques au
Québec. Je pense qu'on peut bien ne pas en parler, mais quand on veut
gratter dans chacun des ministères pour aller couper quelques postes ici
et là, il faut aussi avoir en tête ce déséquilibre
fondamental des finances publiques fédérales. Alors, M. le
Président, je voulais apporter cette nuance qui, à mon sens, est
de taille.
Je voudrais dire autre chose aussi, en ce qui concerne,
évidemment, la transparence,
l'imputabilité des responsabilités. Vous avez noté,
par exemple, la ponction qui est faite à l'intérieur de la SAAQ,
qui a généré des surplus de par l'amélioration de
la conduite des conducteurs québécois sur les routes. Je pense
que ce geste est de nature à enlever la confiance même du citoyen
qui paie sa prime d'assurance, et je vous sais gré de l'avoir
souligné parce que, indépendamment des partis politiques - encore
une fois, je vais être d'accord avec vous - il reste que ce ceci mine la
confiance dans des fonds spéciaux.
Je voudrais, un peu à cause des responsabilités
antérieures que j'ai exercées, toucher à la question des
municipalités. Je suis d'accord qu'effectivement il y a des articles de
loi qui devraient être repris - et je le dis comme cela, sans plus -
à la suite de l'expérience que nous vivons sur le plan municipal
depuis le début des années soixante-dix. Il y a eu une
très nette amélioration de la démocratie municipale, de
son exercice dans les municipalités depuis le début des
années soixante-dix. Je le dis à l'avantage de tous les
gouvernements qui sont passés. Qu'on se rappelle simplement que
ça ne fait pas longtemps que les femmes ont droit de vote dans les
municipalités, qu'à l'origine, en 1970, seuls les
propriétaires avaient droit de vote aux élections municipales,
etc. Maintenant, je rappelle aussi que les municipalités doivent
équilibrer leur budget. Elles ne doivent pas faire d'excédent et
elles ne doivent pas faire de déficit dans leurs opérations
courantes. Quand au fonds d'immobilisation, c'est autre chose.
Là-dessus, je souhaite comme vous une beaucoup plus grande transparence
sur le plan des élus municipaux, sur le plan de la démocratie
municipale. Je pense que nous pourrions faire un pas en avant dans le sens de
ce que vous dites, que ce soit beaucoup plus transparent pour le consommateur
citoyen municipal. Ça, je partage, en tout cas, les améliorations
que vous pouvez avoir là-dessus.
Je dois dire aussi, comme dernière remarque avant de vous laisser
commenter, que, quant au citoyen, il y a le citoyen consommateur et il y a le
citoyen citoyen, si vous me permettez. Dans la question de l'ouverture des
commerces le dimanche, il y a aussi autre chose que la simple consommation,
parce que le consommateur qui, lui-même, serait obligé de
travailler le dimanche pourrait hésiter à ouvrir son commerce le
dimanche; et si son conjoint est obligé de le faire, et si ses enfants
sont obligés de le faire, je ne suis pas sûr qu'il vous suivrait.
C'est d'ailleurs le point de vue qui avait été adopté par
beaucoup d'associations de consommateurs au Québec, mais le débat
a été écourté par le geste du gouvernement qui a
suspendu les règles de l'Assemblée nationale. Je pense que,
là, on pourrait reprendre le respect des partis politiques à
l'Assemblée nationale. Ça, ça nous aurait amenés
à plus de démocratie. Commentaires.
M. Paquet: M. le Président, d'abord, je n'aurai
sûrement pas le temps d'aller dans le détail sur chacun des
points.
Sur la question de partisanerie, ce que nous voulions très
clairement énoncer à ce niveau-ci, c'est que les gens qui
gèrent, qui sont au conseil d'administration de l'ACQ, les gens qui en
sont représentants peuvent avoir des opinions différentes au
niveau politique, et ce n'est aucunement l'objet de l'Association des
consommateurs ou des regroupements de citoyens de faire de la politique en
faveur ou contre un parti. On ne recherche pas, lors de nos prises de position,
à être d'accord ou à ne pas être d'accord avec un
parti politique ou l'autre. Si vous faites l'historique des positions qu'on a
prises depuis l'existence de l'ACQ, vous allez voir qu'il y a des moments
où on a pu être favorable à une mesure proposée par
un parti ou un autre.
En termes du devenir du Québec, je veux seulement dire que
lorsqu'on parle de finances publiques, on parle du devenir du Québec
dans le quotidien, parce que c'est dans le quotidien qu'on parle des finances
publiques et d'une situation qui est sérieuse, à laquelle il faut
s'adresser. Il faut la retrouver, et c'est, entre autres, l'objet de cette
commission et des développements qui suivront. C'est là qu'on
parle de choses qui touchent véritablement tous les consommateurs. (17 h
10)
Évidemment, II y a d'autres problèmes ailleurs. Il y a des
problèmes au niveau fédéral, il y a des problèmes
au niveau provincial, et on adresse aussi des représentations à
ces niveaux-là. Je ne voudrais pas commencer à parler de taux
d'intérêt, mais, évidemment, il y a plusieurs raisons
à la hausse du taux d'intérêt, par exemple une petite
économie comme celle du Canada et du Québec sur les
marchés financiers internationaux et qui est un peu indépendante
du secteur public et des problèmes réels qu'il y a au niveau
fédéral.
Alors, je céderai plutôt la parole, maintenant, à M.
Desjardins pour parler un peu de la question des municipalités.
M. Desjardins: Seulement un point, M. le Président,
concernant l'équilibre du budget que nous apportait le
député.
Il est vrai que les municipalités devraient théoriquement
équilibrer leur budget. D'ailleurs, elles doivent le faire - c'est la
loi - dans les prévisions budgétaires. Ça n'empêche
pas plusieurs municipalités du Québec de faire des
déficits. Ça, c'est officiel et, à ce moment-là,
les citoyens doivent en payer le prix. Lorsqu'il y a hausse de taxes et que,
l'année d'après, il y a un surplus budgétaire, on ne me
retourne pas un chèque à la maison pour dire: Je m'excuse, je
t'ai trop taxé. On me dit: Je vais te donner des services
supplémentaires. Je n'ai pas dit que j'avais besoin de services
supplémentaires. C'est ça qui est le problème
présentement, et c'est pour ça qu'on dit que ces gens-là
ne sont pas de
mauvaise foi lorsqu'ils se présentent comme élus
municipaux. Et si on parle de dictature, je peux vous dire que,
présentement, au Québec, il y a au moins 1500
municipalités qui sont presque des didactures, parce qu'il n'y a pas
beaucoup d'opposition dans les municipalités présentement. Et
lorsqu'un conseiller municipal est élu, il va pour la majorité de
la population. Il ne va plus seulement pour son quartier mais pour l'ensemble.
Alors, ça, c'est un point qui est important.
C'est sûr et certain que, dans plusieurs municipalités un
peu plus grosses - on peut parler de municipalités plus grosses - il y a
effectivement des oppositions, et c'est très, très bon.
D'ailleurs, à ce moment-là, les regroupements de citoyens ne
voient pas tellement le jour, sauf que le fait d'avoir eu, depuis un an, 15
mouvements de citoyens qui veulent former un regroupement pour en savoir plus
sur leurs droits, je pense que c'est un signe, puis on est très peu
connus. Si j'avais un budget de quelques centaines de milliers de dollars,
croyez-moi, demain matin, il y en aurait 1000 regroupements de citoyens
à travers la province; il n'y en aurait pas juste une quinzaine ou une
vingtaine. Alors, ça, c'est un point important. Mais, pour les
prévisions budgétaires, j'aimerais au moins vous assurer d'une
chose, c'est que ça n'empêche pas les villes de faire des
déficits.
Le Président (M. Després): Oui, je vous
remercie.
Je passerais la parole à la députée de Taillon.
Mme Marois: Très brièvement. À ce moment-ci,
je veux revenir sur cette notion des dédoublements et aussi sur la
question municipale. Je trouve que c'est un gros mot qu'on utiliso on disant
qu'on parle de dictature dans certains cas. Je pense que les citoyens - on se
l'expliquait tout à l'heure, et c'est vous-même qui le disiez -
ont le compte de taxes et ils peuvent rapidement voir s'il y a eu une hausse et
quels types de services ils ont en conséquence. Et,
généralement, quand les citoyens manifestent une insatisfaction
à l'égard de leurs élus municipaux, rapidement, il
s'organise de l'opposition. Alors, il faut être un petit peu prudent, je
trouve, sur l'utilisation des termes.
Il y a un élément qui m'agace un peu aussi, c'est que vous
jouez sur le fait qu'on responsabilise et rende imputables de plus en plus les
gestionnaires. Et, dans ie fond, en même temps, vous dites au
gouvernement: Enlevez donc un peu de pouvoir aux municipalités. Donc,
enlevez-leur donc un peu d'imputabilité dans le sens de: encadrez mieux
leurs gestes, amenez-les à choisir telle ou telle orientation
plutôt que telle autre. Alors, je trouve que, là, il y a une forme
de contradiction. Peut-être que c'est moi qui ne saisis pas bien ce que
vous nous dites, mais c'est apparent, en tout cas, au niveau du document.
Deuxième élément - et je vais terminer avec
ça - c'est sur la question des dédoublements. Moi, je pense qu'on
ne peut absolument pas repousser du revers de la main les dédoublements
qui existent entre les deux niveaux de gouvernement. D'ailleurs, c'est assez
étonnant, parce que vous avez l'air de dire: Commençons donc par
les dédoublements qui existent au niveau québécois et, une
fois qu'on aura fait un petit peu notre ménage, on regardera ailleurs.
Or, le premier exemple que vous nous donnez comme étant celui qui est le
plus majeur, c'est celui de la main-d'oeuvre. Et je pense que vous le faites
bien ici. Et, en plus, j'ajouterai une autre chose: dans le cadre de la
commission sur la souveraineté qui s'est tenue il y a quelques mois, le
gouvernement avait fait faire des études dans les différents
ministères, qui, malheureuse ment, n'ont pas été rendues
publiques mais qui évaluaient justement - puisqu'on en a vu certains
exemplaires - l'existence réelle de ces dédoublements, de ces
sources d'encombrement et d'inefficacité. Et, donc, dans ce
sens-là, moi, je pense qu'il faut, au contraire, le faire et d'une
façon systématique.
J'ai terminé, M. le Président..
Le Président (M. Després): D'accord. Merci, Mme la
députée de Taillon.
M. Paquet: Est-ce que je peux répondre? M. le
Président, est-ce que je pourrais ajouter quelque chose à...
Le Président (M. Després): Oui, allez-y, M.
Paquet.
M. Paquet: Merci, M. le Président.
Alors, l'idée, ce n'était pas d'enlever du revers de la
main la question du dédoublement fédéral-provincial. Il y
en a. Dans certains cas. c'est peut-être surestimé et, dans
certains cas, sous-estimé, parce qu'il y a des études qui sont un
peu conflictuelles sur cette question-là parmi les études
économiques qui sortent un peu en dehors des ministères comme
tels, en dehors de celles qui proviennent des ministères.
Mais, ce qu'on voulait dire, c'est qu'au sein même du secteur
gouvernemental québécois il existe... peut-être que
«dédoublement» n'est pas exactement le bon mot, mais des
chevauchements. Mme la députée de Taillon donnait elle-même
un exemple à un intervenant antérieur sur la question. Lorsqu'il
y a des problèmes dans le secteur, par exemple, de la condition
féminine, il faut intervenir auprès de différents
ministères, dépendant des services, etc. Il y a peut-être
un problème de manque de guichet unique à ce niveau-là,
par exemple. Je ne veux pas utiliser l'expression trop fortement, mais il y
aurait une question de mieux, peut-être, attribuer les services aux
citoyens. Et on dit, à ce moment-ci à tout le moins, qu'il y a
peut-être d'autres
problèmes ailleurs, mais occupons-nous aussi de ce qui nous
concerne, ce qui est québécois et sur quoi on a directement des
intervenants; il y a un seul gouvernement du Québec, par ailleurs,
où" on peut agir directement.
Et, au niveau municipal, on pense que ce n'est pas nécessairement
une contradiction de dire que, oui, il faut enlever des endroits où il y
a peut-être des couches supplémentaires - qui ne sont pas
nécessairement nécessaires - de niveaux de gouvernement. Si, par
exemple, on prenait les MRC pour imposer certains regroupements de
municipalités qui ne sont peut-être pas nécessairement
naturels, ce ne serait peut-être pas la bonne façon de
procéder. Par contre, on est d'accord qu'il faut encourager la
collaboration entre certaines municipalités. Ça, c'est vrai. Je
vais donner un exemple d'une Ile dans la région de Montréal,
où il y a quatre bibliothèques pour très peu d'habitants.
Alors, peut-être qu'il y aurait moyen, au lieu que chacune se paye un
bâtiment avec une bibliothèque, d'avoir une meilleure
collaboration, une meilleure gestion.
Au niveau des hôpitaux, on parlait tout à l'heure de la
question du regroupement pour faire...
Mme Marois: Une politique d'achats.
M. Paquet: ...un politique d'achats. C'est un problème
majeur, c'est un problème qui ne demande pas beaucoup de cours
d'économe pour comprendre qu'on devrait être capable de faire face
à une telle situation. On oublie, parce qu'on parle beaucoup de
principes - et c'est important d'en parler - qu'il y a des choses très,
très concrètes sur le terrain, qu'il faudrait identifier et sur
lesquelles il faudrait agir. Et c'est ce niveau-là que notre
intervention vise.
Je ne sais pas si M. Desjardins veut ajouter quelque chose?
M. Desjardins: Non, c'est clair. Mme Marois: Merci.
Le Président (M. Després): Merci, M. Paquet.
Je passerais la parole au président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Oui, merci.
M. Paquet, tout à l'heure vous parliez d'évaluer les
programmes. C'est intéressant, ça, effectivement. Tout le monde
entend, de n'importe quelle source, contre la critique, la ligne de
défense qu'on est les meilleurs; donc, on ne se remet pas en cause. Je
pense que c'est extrêmement sain que vous souligniez ça. Par
ailleurs, ça n'échappe pas, cette évaluation-là...
Je veux dire qu'il faut également faire attention, lorsqu'on
évalue un programme gouvernemental ou un autre, d'en saisir toutes les
dimensions, parce qu'il y a un choix, à un moment donné, qu'on
fait. Par exemple, vous parlez du prix réel d'acquisition pour les
médicaments au lieu de la médiane. On pourrait y voir, sans se
tromper beaucoup, une forme d'appui aux fabricants découvreurs de
médicaments innovateurs, qui sont installés au Québec
plutôt qu'ailleurs, en raison, d'une part, évidemment, du soutien
à la recherche et au développement qu'on accorde, subventions aux
emplois scientifiques, etc. Également, on peut décider
après ça comment on vient arrondir, si vous voulez, ou
compléter notre soutien à cette industrie-là,
extrêmement créatrice d'emplois. Bon, est-ce qu'on doit
évaluer au niveau de la Santé ce qu'on fait? Est-ce qu'on doit
l'évaluer au niveau de l'Industrie et du Commerce? Est-ce qu'on doit
l'évaluer au niveau de la Science comme telle? Ça peut être
intéressant, et les résultats ne sont pas exactement les
mêmes. Et, dans le fond, la perspective n'est pas la même à
chaque fois. C'est ce que je voulais souligner à cet
endroit-là.
La même chose est un peu vraie, je dirais, lorsqu'on dit:
Rapprochons les citoyens des services et de ceux qui dispensent les services,
améliorons le contrôle de l'un sur l'autre. Vous, vous
suggérez, au niveau municipal, une prise en charge, un
«empowerment» additionnel - comme le veut le terme maintenant - des
citoyens. Vous insérez aussi, par ailleurs, la tarification
là-dedans comme un des éléments de ce système de
rapprochement, de signalisation du coût des services, et donc de
discipline.
Au niveau qui nous concerne davantage - et c'est là-dessus que je
voulais revenir - vous parlez de fonds spéciaux, c'est-à-dire
qu'on doit étiqueter le plus possible la fiscalité à
l'usage qu'on en fait. Ça pose des problèmes réels, et je
me demandais si vous aviez des suggestions de critères. Je vous donne un
exemple: la taxe sur l'essence. Le produit de la taxe sur l'essence doit-il
servir à l'amélioration et à la construction du
réseau routier ou à la lutte pour protéger
l'environnement, y compris l'effet de serre? On peut, pour presque chaque
source de fiscalité, trouver deux ou trois utilisations relativement
logiques. Par ailleurs, ça nous empêche, vous le
reconnaîtrez, d'être aussi flexibles qu'on le devrait pour
rencontrer les nouveaux besoins.
Et je me demandais si vous ne pourriez pas aller un peu plus avant pour
relier la taxe aux services, pour introduire peut-être - c'est ce que je
souhaite - un peu plus de flexibilité de ce côté-là,
de sorte qu'on puisse, à court terme dans certains cas, utiliser les
produits d'une taxe pour un besoin qu'on n'avait pas même imaginé
lorsque la taxe a été mise sur pied. (17 h 20)
Le Président (M. Després): M. Paquet.
M. Paquet: D'accord. Deux éléments de
réponse. D'abord, le premier. Vous disiez tout à l'heure qu'il y
avait peut-être d'autres éléments.
Lorsqu'on décide de choisir, par exemple, dans la question du
prix des médicaments, de payer le prix réel d'acquisition
plutôt que le prix médian, ça peut encourager les
fabricants découvreurs de produits brevetés. Dans des cas comme
ça, on peut aussi faire une analyse rigoureuse de la situation et se
poser la question, lorsqu'on dit que la majeure partie de la recherche faite
par les entreprises de découvreurs de médicaments se fait
près des sièges sociaux ou des pays dans lesquels ces
sièges sont situés. Qu'il y ait des exceptions, mais
qu'essentiellement aussi, bien souvent, ce genre de... La recherche qui est
faite au Canada et au Québec, souvent, va toucher la recherche clinique
ou donner des stages de développement et de mise en marché de ces
médicaments. Donc, il y a des critères, à savoir quelles
sont vraiment les rentabilités réelles de telles mesures.
Même là aussi, donc, on peut appliquer des critères.
On parle d'associer un peu plus clairement, dans la mesure du possible,
les taxes aux services pour lesquels on pourrait les utiliser.
Évidemment, on est conscient qu'on ne peut pas faire ça pour tout
et qu'il y a des choix à faire. Dans l'exemple des autoroutes ou du
réseau routier et du cas du transport en commun, le réseau
routier, c'est quelque chose qui... Bien souvent, c'est difficile
d'évaluer exactement les coûts, mais, depuis 1977 environ,
ça a commencé avec l'administration précédente
pendant laquelle le gouvernement actuel critiquait l'administration
précédente d'avoir délaissé le réseau
routier et, malheureusement, ça a continué avec le gouvernement
suivant, avec votre gouvernement, de le laisser un peu de côté
parce qu'il y avait des choix à faire, il fallait dépenser
ailleurs, etc., de ne pas tellement bien entretenir le réseau routier.
Et c'est des coûts très, très élevés,
ça, pour les consommateurs contribuables, lorsque les compagnies de
transport doivent faire face à beaucoup plus de coûts. Tous les
produits et marchandises qui sont acheminés d'un bout à l'autre
du Québec, si ça coûte plus cher de les acheminer, c'est
des coûts plus élevés pour les consommateurs. Par exemple,
on sait que c'est une dépense de l'infrastructure extrêmement
importante pour le fonctionnement du secteur privé, et donc pour
l'impact direct pour les consommateurs. Et, dans ce cas-là, on pense,
par exemple, qu'il y a au moins une partie qu'on pourrait sûrement
identifier. Je ne peux pas vous dire exactement, avec le peu de temps qu'on a
eu, le détail de cette analyse-là, quel pourcentage devrait aller
au système routier, mais on pense que, de manière à
responsabiliser les citoyens, à les rendre plus conscients, vraiment, de
ce que le gouvernement fait et pourquoi il le fait, il faut essayer d'encadrer
l'exercice du gouvernement à ce niveau-là.
Pour vous donner un exemple au niveau de la santé, lors de la
réforme du financement de la santé, qui a été
commencée l'an dernier, on a créé un genre de fonds de la
santé - je ne sais pas si c'est le terme exact - pour essayer de dire:
On va identifier quels sont les actifs et les passifs où on fait des
entrées et des dépenses plutôt au niveau des soins de
santé. Mais il y a un poste qui s'appelle «fonds consolidé
de la province». Or, on peut bien souhaiter que ça demeure
à 30 %, 31 % - si on se sert du bon chiffre - du financement du service
de santé qui vienne de ce poste-là, mais, si on ne l'encadre pas,
ce chiffre-là, il risque d'arriver ce qui est souvent arrivé au
Québec, où les échelons des hôpitaux, par exemple,
feraient comme le faisaient les municipalités avant la réforme
qui est appelée souvent la «réforme Ryan», où
les autres instances dépensaient, dépensaient et envoyaient la
facture à Québec. Donc, peut-être que, dans un cas comme
celui-là, il faudrait faire une discussion, un débat et dire quel
est le pourcentage qu'on pense qui devrait vraiment venir du fonds
consolidé et aller au financement de la santé. Et si,
après discussion, analyse et débats, il arrive que c'est 31 % ou
30 % - je ne veux pas le prendre comme étant le chiffre exact
-peut-être qu'on pourrait dire: Maintenant, pour les cinq prochaines
années, on s'entend que c'est le chiffre qui est visé.
Évidemment, s'il y a une exception particulière, une
épidémie de quelque chose, il pourrait y avoir une loi
spéciale votée par le Parlement, mais on pense qu'il faut essayer
d'encadrer pour responsabiliser les différentes instances de gestion. Et
c'est un peu à ce niveau-là qu'on est encore à la
réflexion de trouver, d'identifier dans certains cas l'usage des fonds
et leur provenance. Ce serait une façon de conscientiser tout le monde
à l'importance de cette question.
Le Président (M. Després): Merci, M. Paquet.
Je passe maintenant la parole au député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de
l'Association des consommateurs du Québec.
Moi, ce qui attire mon attention dans votre mémoire, c'est
l'harmonisation et la simplification. Et j'essaie de voir comment vous pouvez
aborder un problème aussi important sans vraiment prendre de front les
dédoublements avec le fédéral. Vous semblez vouloir les
oublier, mais comment pouvez-vous les oublier quand vous me mettez ou vous
prenez la proposition suivante: Le fouillis actuel dans le dossier de la taxe
de vente relève de l'urgence de fixer un taux unique de TVQ sur les
produits et services sans augmenter les entrées fiscales, d'appliquer la
TVQ sur le prix réel, donc avant majoration par la TPS, d'identifier
clairement la TVQ et la TPS sur les factures, d'harmoniser davantage
l'application de la TVQ avec la TPS? Alors, comment pouvez-
vous aborder ça dans un esprit aussi global quand vous avez des
politiques très différentes des deux paliers de gouvernement,
dont chacun a des objectifs très différents?
On ne gère pas la TVQ comme on gère la TPS. La TVQ a des
fonctions bien particulières au niveau de notre économie
québécoise. La TPS, elle, a une ponction fiscale à
l'échelle canadienne, où on y va dans une politique globale, sans
vraiment regarder le milieu qu'on veut taxer. Comme chez nous, par exemple, on
détaxe les services financiers; à Ottawa, on les rend non
imposables, simplement. Ici, c'est des sommes vraiment détaxées.
Alors, nous, on incite notre économie en fonction de nos
critères, en fonction de nos particularités. Comment voulez-vous
aborder un dossier aussi majeur sans parler de dédoublement et
d'orientation complètement différente entre le pouvoir central et
l'économie québécoise?
Je suis d'accord sur tout ce que vous dites sur le plan de faire du
ménage chez nous et de s'organiser pour que ça fonctionne mieux,
mais, indépendamment de ça, quand vous touchez des dossiers aussi
majeurs, il faut aller carrément sur la remise en question du
système où l'on paie en double et où on fonctionne en
double et où, en fin de compte, on va peut-être faire du
ménage dans notre cour pour bénéficier à qui? Pour
bénéficier au fédéral qui va couper nos transferts
unilatéralement? Est-ce que c'est ça, l'objectif que vous
suggérez à la population? Faisons notre ménage,
rendons-nous plus efficaces et ne réglons pas le problème des
transferts parce que, au fond, Ottawa pourra les couper à sa
façon quand il le voudra parce qu'il jugera qu'on fonctionne mieux chez
nous.
J'aimerais vous entendre parler à ce niveau-là.
Le Président (M. Després): Brièvement, M.
Paquet.
M. Paquet: Oui, merci.
Alors, M. le Président, je crois que le député de
Montmorency lève certaines questions intéressantes et
importantes, mais, jusqu'à un certain point, il y a des choses qui sont
un peu confondues, je crois, en termes des discussions dont on parle.
On ne dit pas qu'il n'y a pas de ménage à faire ailleurs.
On semble dire qu'on dit: On ne veut pas faire de ménage ailleurs. On
dit qu'il y a du ménage à faire ailleurs, mais on dit:
Occupons-nous aussi de ce qui nous reste comme ménage. Le ménage
qu'on peut faire va sûrement bénéficier aux
Québécois. Il ne faut pas avoir peur de faire du ménage au
Québec, qui bénéficierait à la population
québécoise. Par ailleurs, si ça bénéficie
ailleurs, bien, tant pis ou tant mieux, mais on peut le faire pour les fins
mêmes, à l'avantage des Québécois.
Mais les points que vous relevez, que nous avons proposés en
termes de la TVQ... Lorsqu'on parle d'un taux unique à
l'intérieur du Québec, taxe des services, taxe des biens, par
exemple, alors, je ne vous dis pas que le taux serait 4,5 % ou 4,75 % - je ne
donnerai pas un chiffre exact, mais de manière à ce que ce soit
neutre au niveau de la fiscalité - ça serait quelque chose qui
créerait moins de distorsion et moins d'effets pervers sur le
fonctionnement de l'économie québécoise,
indépendamment de ce qui se passe ailleurs et qui a des
répercussions sur notre compétitivité.
Par ailleurs, lorsqu'on parle d'appliquer la taxe sur le prix
réel avant la taxe fédérale, bien, ça regarde les
pénates du Québec. C'est important qu'au Québec on soit
clair, qu'on dise: Si on taxe à 4 % ou à 7 %, on ne taxe pas
à 4,28 % ou 8,56 %. Par ailleurs, lorsqu'on parle d'afficher visiblement
la taxe séparément sur le bien, c'est une façon de
responsabilité, de transparence vis-à-vis du consommateur.
Lorsqu'un consommateur achète un bien, il voit le montant qu'il paie
pour le bien, il voit le prix qu'il paie en taxes au Québec et le prix
qu'il paie en taxes au fédéral. Et, à ce niveau-là,
il peut faire des choix et savoir vraiment quelle est sa contribution.
Lors des représentations qu'on avait faites, entre autres
vis-à-vis du ministre des Finances il y a quelques années - on
revient souvent avec cette même idée, je l'avoue, parce qu'on
pense que c'est encore important - on nous a répondu que c'était
un problème constitutionnel avec le fédéral, que ça
relevait du fédéral. Au fédéral - on a
vérifié - ils nous ont dit, effectivement: Le Québec
pourrait le faire; la preuve, l'Ontario le fait.
Alors, donc, il y a des choses qui relèvent directement et
spécifiquement du Québec, que nous pouvons faire. Et, trop
souvent, on essaie peut-être un peu de dire: Bien, attendons que les
autres fassent le ménage pour nous autres, et tout va se régler.
Ou attaquons-nous seulement à un seul endroit. Nous, on dit:
Occupons-nous aussi de ce qui se passe au Québec, et c'est un
débat extrêmement important dont tout le monde peut
bénéficier.
M. Filion: Je pense que c'est une démarche
simultanée qu'on doit...
Le Président (M. Després): M. le
député de Montmorency, votre temps est écoulé
depuis maintenant plusieurs minutes. Si vous avez un petit commentaire de
quelques secondes, je suis prêt pour le commentaire, mais sans continuer
le débat, M. le député de Montmorency.
M. Filion: C'est parce que la suggestion que vous faites
d'augmenter la taxe sur les services... Vous savez, on est la seule province au
Canada à avoir suivi l'harmonisation, la supposée harmonisation.
Si vous taxez les services, vous créez des distorsions
économiques avec les autres
provinces au niveau de la concurrence. Alors, c'est un problème
difficilement réglable sans penser régler en même temps les
dédoublements avec le fédéral.
M. Paquet: Mais ça reste un problème auquel on
aurait à faire face, d'autant plus qu'on est une économie
ouverte. Certains de ces problèmes-là, on aurait à y faire
face à l'intérieur ou à l'extérieur du
régime. Je ne veux pas prendre position là-dessus. À
l'intérieur ou à l'extérieur du régime
fédéral, on aurait à faire face à la concurrence
des taux de taxation qui existe en Ontario, qui existe ailleurs au Canada, qui
existe aux États-Unis. Et, de ce point de vue là, il y a des
choses qui relèvent de nos propres décisions et qui
relèvent, je crois, du gouvernement du Québec. C'est le point,
à ce moment-ci, qu'on voulait soulever.
Le Président (M. Després): M. Paquet, M.
desjardins, je suis obligé, au nom des membres de cette commission, de
vous remercier de votre présentation. j'invite dès maintenant
l'association des optométristes du québec à prendre place,
s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 17 h 32)
Le Président (M. Després): Aux membres de cette
commission, nous continuons maintenant nos travaux avec l'Association des
optométristes du Québec, qui est représentée ici
cet après-midi.
Vous savez que nous avons une heure à notre disposition: un temps
maximum, je dis bien maximum de 20 minutes pour présenter votre
mémoire et un échange partagé entre les
députés ministériels et de l'Opposition pour pouvoir
échanger sur votre mémoire.
J'inviterais le ou la responsable à présenter les gens qui
sont ici cet après-midi et commencer la présentation de votre
mémoire.
Association des optométristes du
Québec
M. Neilson (Claude): Merci, M. le Président.
Mon nom est Claude Neilson, président de l'Association des
optométristes du Québec. À ma droite, Lise-Anne
Chassé, vice-présidente de l'Association; à ma gauche,
François Charbon-neau, directeur général de
l'Association.
L'Association, comme vous le savez, est un syndicat professionnel
représentant les 1200 optométristes en pratique au Québec.
Elle se retrouve un peu seule à représenter un point de vue
venant des groupes de professionnels non syndiqués et ainsi à
avoir osé se présenter devant cette illustre commission. Vous
n'avez pourtant rien de méchant, mais vos propos ont peut-être
donné le vertige à certains qui ont préféré
se taire. L'avis tardif et l'absence de documents de réflexion y ont
peut-être été aussi pour quelque chose. En tout cas, cela
n'a pas facilité la préparation de notre mémoire.
Enfin, nous voici. Nous sommes les premiers écorchés de la
réflexion gouvernementale entamée l'an dernier sur le financement
des services publics. En effet, en février 1992, le ministre de la
Santé siégeait à votre place et, quelques mois plus tard,
au discours du budget, on désassurait le soir même à minuit
30 % des services opto-métriques pourtant assurés depuis les
débuts du régime de l'assurance-maladie. Drôle de
façon de financer les services.
Pour nous, le document du gouvernement intitulé «Vivre
selon nos moyens» a plutôt l'air de «Souffrir si on n'a plus
les moyens». En effet et blague à part, disons qu'en
optométrie la coupure a déjà été faite, et
elle a fait mal. très mal. Les impacts sont difficiles à mesurer.
Chose certaine, nous continuons de penser qu'un certain nombre
d'ophtalmologistes continuent toujours de facturer à la RAMQ des examens
de la vision aux 18 à 40 ans. Nous enregistrons quant à nous une
baisse de près de 40 % des patients de 18 à 40 ans ainsi
désassurés; c'est énorme! Quels en sont les impacts sur la
santé oculo-visuelle de cette couche de population? Qu'advient-il de la
prévention qu'un examen régulier de la vision pouvait assurer? Ne
se dirige-t-on pas vers une augmentation des malades, des pathologies
dépistées tardivement ou même trop tard? Dans le domaine
oculo-visuel, l'expérience est trop jeune pour en tirer des conclusions.
Cependant, l'effet est certain, et on pourra l'évaluer plus tard.
L'an dernier, lors des débats sur le financement des services de
santé, nos constats et recommandations étaient les suivants: On
constatait que le Québec est le champion de la santé
institutionnalisée au Canada; on constatait que le Québec a le
plus haut taux de médecins spécialistes au Canada pour 100 000 de
population; on constatait également que privatiser la santé
coûte plus cher à la société que l'administrer
publiquement et est source d'iniquité. L'exemple américain est
probant à ce sujet. On recommandait, entre autres, la reconnaissance aux
optométristes de la première ligne des soins oculo-visuels et du
droit d'utiliser des médicaments thérapeutiques, ce qui pourrait
faire économiser des sommes importantes à l'État. Nous y
reviendrons.
Cette année, vous refaites l'exercice. C'est un exercice
audacieux et courageux, et nous vous en félicitons. S'il est
honnête et si on veut réellement débattre ici d'un
problème d'équilibre entre les revenus et les dépenses
d'une société, de grâce, ne liquidons pas, pièce par
pièce, l'héritage de décennies d'élus, de
fonctionnaires et technocrates, de syndicalistes, d'hommes et de femmes
d'affaires. Ces gens, dont le ministre des
Finances présent depuis 1956, ont ainsi veillé sagement
à l'épanouissement de notre société. Il s'agit d'un
contrat social qui a débuté avec M. Lesage et qui s'est poursuivi
de premier ministre en premier ministre, de gouvernement en gouvernement. Nous
nous sommes ainsi dotés comme société d'un État,
agent de progrès social, d'un système de santé porteur du
mieux-être collectif au moindre coût, d'un système
d'éducation garant d'une population éveillée, consciente
et plus productive. Le tout premier intervenant à cette commission a
laissé tomber, la semaine dernière: Nous souhaitons que cette
commission soit le point de départ d'une série de travaux pour en
arriver à un consensus social sur ce que l'on doit faire. Il a
cité la commission ontarienne sur l'équité.
Nous n'avons pas nécessairement l'expertise ni les ressources
pour offrir à la commission sur un plateau des réponses à
toutes les interrogations. Cependant, à votre invitation, jouons le jeu,
pour utiliser le mot du président du Conseil du trésor.
Premièrement, vous avez parlé de geler l'enveloppe
monétaire de 20 000 000 000 $ que représentent les salaires et
les avantages sociaux des employés payés par l'État.
J'imagine que cela nous comprend. Les chefs syndicaux sont mal placés,
vous l'imaginez bien, pour vous dire: Oui, on va regarder ça, pas de
problème. Mais, à notre avis, ça se regarde. On peut
sûrement parler dans le secteur public d'un salaire moyen acceptable,
d'un certain nombre d'avantages sociaux, de quelques semaines de vacances,
d'une certaine sécurité d'emploi. Parler avec ces gens-là,
qui représentent la moitié du budget de l'État, est
sûrement possible. Il faut cependant aussi être capable de leur
parler d'organisation de travail, de définition de poste, de fardeau de
tâche et de qualité totale. À notre avis, les conditions
monétaires de travail sont bonnes dans le secteur public, et cela nous
inclut. Les priorités des gens se sont peut-être
déplacées, elles visent peut-être une meilleure
qualité de vie.
Des initiatives, des idées nouvelles sont toujours possibles aux
tables de négociation, à la condition, toutefois, que tous
fassent leur part. L'an dernier, nous avons suggéré une mesure
concrète pour tenter de rationaliser tout un secteur de soins
oculo-visuels, soit celui du traitement de certaines maladies et pathologies
oculaires. Nous demandons que les optométristes puissent utiliser les
médicaments thérapeutiques. C'est une proposition qui est en
conformité avec un aspect que vous avancez dans votre document, en page
131, et avec lequel nous sommes d'accord, celui de la recherche
systématique des façons les plus rentables pour dispenser des
services, avez-vous écrit, et en voici une. Précisons aux membres
de la commission que 32 États américains reconnaissent cette
capacité aux optométristes. Toute la recherche est d'ailleurs
à la disposition du gouvernement. Il est assez évident qu'il y a
économie de coûts. Dans notre mémoire, nous
démontrons que cela peut représenter de 10 % à 15 % des
coûts totaux des soins oculo-visuels, si cette mesure est
accompagnée de l'utilisation exclusive des optométristes en
première ligne des soins oculo-visuels. (17 h 40)
Pour donner une idée aux membres de la commission, imaginons
qu'un matin vous vous levez avec un oeil rouge. Au lieu d'aller à la
clinique médicale, si on peut vous recevoir, ou au lieu d'aller à
l'urgence, si ça ne vous fait rien d'attendre, et engendrer ainsi des
coûts directs à l'État en soins hospitaliers et des
coûts indirects à ceux qui vous emploient, au lieu de tout
ça donc, vous passez chez votre optomé-triste de famille, un bon
examen, quelques gouttes et il y a 90 % des chances que votre conjonctivite se
résorbe. Une visite de contrôle un peu plus tard et voilà,
le tour est joué.
L'accueil qu'a reçu notre proposition a été poli et
réservé. Nous savons que certaines évaluations ont
été faites. Bien sûr, on peut penser qu'on prêche
pour sa paroisse par cette proposition, mais, que voulez-vous, il s'agit, dans
les faits, d'une façon de rendre les mêmes services à
moindre coût, et cela se fait ailleurs. Ce gouvernement aurait-il peur
des médecins? D'ailleurs, où sont-ils? On dira: Si on
enlève ça aux ophtalmologistes, ils vont faire autre chose et on
n'économise pas. En sommes-nous rendus dans la santé au point
où, si on désassure certains actes, les dispensateurs
créent eux-mêmes de nouvelles demandes? Nous ne pouvons accepter
un tel raisonnement.
Il faut peut-être aller aux sources. L'une d'elles: le
contingentement. Le système de rémunération des
médecins est ainsi fait qu'on absorbe tous les nouveaux gradués
à chaque année et on leur permet d'aller se chercher le revenu
moyen de la profession. Ainsi, lorsque le Conseil du trésor octroie une
augmentation de 2 % à 3 % des tarifs, il doit ajouter à cela une
autre augmentation de 3 % pour l'augmentation du nombre de médecins.
C'est le système du contrôle par le revenu moyen ou de ce que vous
appelez, en page 75 de votre document, les pressions du côté de
l'offre. Ne faut-il pas contingenter davantage pour limiter ces effets? Ce
contingentement est nécessaire en médecine. Il l'est
également en optométrie. Nous vous laissons le soin d'examiner
ces questions et sommes prêts à y participer. Elles
représentent beaucoup de sous.
Cela nous ramène aux médicaments thérapeutiques en
optométrie. Nous en faisons à nouveau la demande au gouvernement
et vous mettons au défi de créer, au Conseil du trésor ou
au ministère de la Santé, mais, de grâce, pas à
l'Office des professions, un tout petit comité pour faire avancer cette
question.
M. Bourassa a lui-même donné son aval à un tel
comité l'an dernier. Le ministre de la
Santé s'est montré fort intéressé, de
même que son collègue, M. Savoie. La demande est allée
mourir à l'Office des professions où il semble que l'on ait
pactisé avec les médecins pour ne régler que le
problème des médicaments diagnostics.
Il est heureux que le ministre responsable de ce secteur, M. Savoie,
soit ici pour l'entendre, et nous attendons de lui rien de moins qu'un poing
sur la table pour dénouer cette impasse.
Parlons maintenant des tickets modérateurs, orientateurs ou
autres, impôt-services, etc. On n'est pas nécessairement contre en
principe, mais de quelle nature et à quel service les appliquer? Le
problème est complexe. Le ministre de la Santé, l'an dernier,
faisait une longue analyse des avantages et inconvénients de cette
formule et il concluait: L'on doit cependant reconnaître que les
modalités actuelles de financement n'accordent qu'une place très
réduite à des véhicules fondés sur des principes de
financement faisant référence à la responsabilité
individuelle.
À notre avis, si la commission en venait à cette solution,
l'impôt-services serait un meilleur moyen de responsabiliser les citoyens
sans pénaliser les moins bien nantis de la société. Si le
ticket modérateur ou l'impôt-services ont pour but d'éviter
la consommation pas vraiment nécessaire, ça s'évalue.
S'ils empêchent quelqu'un de le faire alors qu'il doit y avoir recours,
alors là, non. Ça devient une taxe à la maladie, une
épargne contreproductive, c'est-à-dire pouvant coûter plus
cher plus tard.
À l'heure actuelle, nous avons une première en pharmacie:
les 2 $ sur les médicaments pour les 65 ans et plus, qu'il faudrait
regarder de plus près. La remise aux bénéficiaires d'un
état de compte des coûts de santé qu'ils ont
engendrés serait aussi un moyen de sensibiliser les citoyens.
Enfin, nous nous devons d'insister sur la loi canadienne sur la
santé, le bill C-3. Comme vous le savez trop bien, cette loi assujettit
la pleine contribution du fédéral à l'obligation pour les
provinces de satisfaire à certaines normes, dont celle de ne pas faire
d'obstacle financier à l'accessibilité de ces services. C'est un
non-sens, surtout au moment où le fédéral se
désengage de plus en plus. Nous pensons que c'est là un affront
à la société québécoise tout entière
et qu'une forte délégation de celle-ci devrait vous accompagner
à Ottawa pour exiger une révision de ces normes.
L'enjeu, soit l'avenir de nos programmes, est trop important pour qu'on
se laisse dominer, contrôler de cette façon.
En guise de conclusion, comme nous l'avons dit, ça prend du
courage pour vous faire des propositions, pour jouer le jeu comme vous le
suggérez. Plusieurs ne sont même pas pointés. C'est
difficile également parce que, ce faisant, on se bute au système.
Dans les salons et commissions, on parle de concertation, de collaboration, de
partenariat. Dans la vraie vie, en dehors de ces murs, on lutte contre le
gouvernement, on tente de lui arracher des choses, on craint les
précédents, on peut difficilement le rejoindre et on attend
toujours après. Chaque groupe qui vient vous voir se protège un
peu, s'expose le moins possible, se méfie du système. Le Conseil
du patronat, dont le mémoire nous a d'ailleurs coûté un
ticket modérateur de 10 $, est prudent quand vient le temps de parler de
couper le soutien de l'État aux entreprises. Il suggère un groupe
de travail. Les groupes qui acceptent de participer viennent souvent parler des
autres.
Avant de vous lister brièvement nos diverses recommandations, je
voudrais vous commenter les notes que l'on retrouve en page 16 des annexes du
document «Vivre selon nos moyens». On y lit: Cinq provinces autres
que le Québec n'assurent pas le coût des examens de la vision pour
l'ensemble de leurs résidents. Les faits rapportés au tableau de
la page 19 indiquent que trois provinces, l'Ontario, la Colombie-Britannique et
le Manitoba, les couvrent complètement pour l'ensemble de leurs
résidents et que deux seulement, Terre-Neuve et
l'île-du-Prince-Édouard, ne les couvrent pas du tout. Nous pensons
qu'on pourrait plutôt dire: Le Québec se situe dans la bonne
moyenne en ce qui a trait à sa couverture actuelle des services
optométriques. Faire moins nous reléguerait au rang de parent
pauvre du système canadien.
L'an dernier, votre collègue, le ministre Côté nous
a cités en exemple pour avoir mis sur la table des choses
concrètes puisque nous avons été les seuls à le
faire. À la fin, il a dû honorer une commande du Conseil du
trésor et trouver 200 000 000 $ à 300 000 000 $. Nous avons
écopé pour 20 000 000 $, 30 % de notre régime et la vague
promesse des médicaments thérapeutiques. Nous espérons
qu'il en sera autrement cette année.
Alors, je vais vous lire maintenant les recommandations qu'on a à
vous faire. La première recommandation: Consentir urgemment
l'utilisation de certains médicaments thérapeutiques aux
optométristes. La recherche est faite, elle est à votre
disposition et ferait suite à l'engagement de votre gouvernement.
Deuxième recommandation: Contingenter les professions de la
santé et voir à la meilleure répartition
géographique de la profession médicale pour une plus grande
efficience. À cet égard, le réseau des bureaux des
optométristes est un exemple.
Troisième recommandation: Rendre la taxation plus transparente,
notamment par des fonds spécifiques afin que les contribuables sachent
ce qu'ils financent, quelle est l'évaluation des coûts. quelles
sont les décisions à prendre et. en corollaire, remettre aux
bénéficiaires un état de compte des coûts de
santé qu'ils ont engendrés
afin de les responsabiliser.
Quatrième recommandation: La désassurance n'étant
manifestement pas une façon économique pour la
société et le citoyen de financer la santé, nous
recommandons de réassurer les services optométriques aux
personnes de 18 à 40 ans.
Cinquième recommandation: Quant au ticket modérateur ou
à l'impôt-services, plus juste à notre avis, si la
commission devait en venir à cette solution, nous vous demandons de
convoquer médecins, dentistes, pharmaciens et opto-métristes
à une même table et établir une norme commune à
tous, tout en bénéficiant de l'expérience des
pharmaciens.
Sixième recommandation: Exiger d'Ottawa un amendement à la
loi sur la santé nationale afin de permettre un véritable
contrôle des coûts et revoir avec Ottawa les programmes de
transfert aux provinces.
Septième recommandation: Réévaluer certains actes
médicaux questionnabies sur le plan de leur gratuité, par exemple
les vasectomies et «dévasectomies», les chirurgies
réfractives de l'oeil, toutes les chirurgies aux limites de
l'esthétique, nez, oreilles, doigt, peau, etc.
Huitièjne recommandation: Encadrer, par une loi, les montants de
poursuites possibles contre les professionnels de la santé afin de
diminuer les coûts d'assurance-responsabilité professionnelle et
surtout d'avoir un effet d'entraînement sur le nombre d'actes
médicaux à caractère défensif.
Neuvième recommandation: Enfin, consulter de façon plus
régulière la population afin de la mettre dans le coup des
orientations budgétaires du gouvernement plutôt que d'arriver en
catastrophe dans une atmosphère frôlant la crise et sonnant la
charge.
Ça complète la série des recommandations de
l'Association.
Le Président (M. Audet): Merci.
Je vais maintenant reconnaître M. le président du Conseil
du trésor. (17 h 50)
M. Johnson: Oui, en remerciant nos interlocuteurs d'être
ici.
On semble souhaiter un poing sur la table, et je pensais mettre les
points sur les «i», à la place, à l'égard de
certains énoncés que vous faites. Si vous pouviez les expliquer
davantage, parce qu'il y en a qui me laissent un peu songeur quant au fait, par
exemple, qu'il est avantageux ou opportun que les dépenses de
santé soient essentiellement prises en charge par le biais de
dépenses publiques.
J'aimerais que vous m'indiquiez, dans les pays occidentaux, où on
retrouve une telle décision politique, surtout par les temps qui
courent. À la rigueur, les pays Scandinaves qui pouvaient s'approcher de
ce modèle idéal, déjà, depuis quelques
années, se sentent obligés de remettre en cause leurs
implications financières. Et ces pays, dont on s'est longtemps
inspiré, sont, eux aussi, assaillis par les problèmes de finances
publiques. Et c'est du côte de certains services de santé qu'on a
introduit des mécanismes régulateurs financiers.
La même chose, j'allais dire évidemment... J'avais pris
note qu'au Canada on ne peut pas prétendre qu'on est plus ou moins
sévère qu'ailleurs. Effectivement, vous avez remis les choses en
place en indiquant que nous sommes peut-être dans la bonne moyenne,
question d'appréciation. Mais, de façon plus précise, si
nous sommes dans la bonne moyenne, on devra reconnaître, donc,
l'opportunité qu'il y avait de prendre certaines de ces décisions
et que vous venez, en un sens - sans retourner vos paroles contre vous -
appuyer, quand même, à l'égard de certains services
complémentaires et non de base, la décision gouvernementale
d'introduire certains mécanismes. Des mécanismes, dites-vous - et
c'est là que ça me laisse un peu songeur - qui auraient
réduit la dépense publique de 20 000 000 $ pour augmenter les
dépenses totales de 16 000 000 $, le tout, avec une baisse de
fréquentation de 40 %.
Je cherche à réconcilier, je dirais, les chiffres avec le
comportement des gens. Il y a moins de gens qui vont pour leur examen depuis
que c'est désassuré, mais les dépenses totales de
santé ont, malgré tout, augmenté. Je n'arrive pas à
réconcilier cet énoncé-là avec la
réalité, telle que je la conçois.
M. Neilson: Quand je parie de coûts, je parie de
coûts totaux de santé pour le citoyen québécois,
c'est-à-dire les dépenses qu'il a assumées lui-même
plus les dépenses de l'État. C'est le coût global ou total
ou les coûts totaux.
M. Johnson: Oui, je comprends les notions. Je ne voudrais pas
qu'on s'enferme dans peut-être une querelle technique. Mais si on
desassure, d'une part, donc, les dépenses publiques et totales ont
baissé, si personne ne fréquente les professionnels de la
santé. Si tous les citoyens qui avaient droit à un examen gratuit
y retournaient et le payaient de leurs poches présumé-ment
à peu près au même tarif que ce que le gouvernement payait
pour eux, les dépenses totales de santé n'auraient pas
augmenté. Il y a juste eu un transfert du public au privé. On se
comprend.
Alors, j'essayais de voir pourquoi les dépenses publiques
baissant, les dépenses totales augmentaient.
M. Charbonneau (François): Si vous permettez, en fait, la
projection qui a été faite l'an passé à la
commission sur le financement de la santé, le calcul que vous avez bien
cité est celui de la baisse de 20 000 000 $ au public pour engendrer
globalement 36 000 000 $ de dépenses
pour se payer les mêmes services. Et, en grand argentier, M. le
Président, le président du Conseil du trésor a raison de
dire que, si la demande baisse de 40 %, ça change ces
chiffres-là, c'est bien sûr.
On ne sait pas ce que nous réserve cette baisse de 40 %. Est-elle
temporaire? Est-ce qu'il y a des ajustements? Et, à cet égard, on
a une très grosse réserve qu'on a abondamment commentée
dans le mémoire sur les effets que ça peut avoir sur le
thérapeutique, mais, en termes d'alignement de chiffres, votre question
est pertinente. Alors, ça pose l'hypothèse de départ.
M. Johnson: D'accord. Il est trop tôt, dans le fond, pour
conclure à l'effet financier des gestes qu'on a posés. Mais il
n'en reste pas moins - et c'est là-dessus, dans le fond, que vous vous
exprimez - que ce qu'on essaie de signaler - c'est ça qu'on a
réussi à faire - c'est que les services publics
complémentaires de santé coûtent quelque chose, qu'ailleurs
ça coûte quelque chose également et que ça peut
être une voie de contrôle, je dirais, de la croissance des soins de
santé.
Est-ce qu'il y a des alternatives à la tarification, selon vous,
pour enrayer la croissance démesurée, parce que c'est ça,
la réalité observée, de la consommation des soins de
santé?
M. Neilson: Sur les services complémentaires, j'aimerais
d'abord peut-être faire une précision. Quant à nous, ce
n'est pas des services complémentaires, les services
optométriques. On a été catalogués de même
par la loi fédérale, ça, je le comprends bien, et on y
réfère en services complémentaires. Pour nous, c'est des
services indispensables, c'est des services essentiels. Et, d'ailleurs, on a
parlé beaucoup cet après-midi de l'Oregon, et l'Oregon classifie
les services optométriques, justement, dans les services essentiels ou
principaux. Alors, il ne faut pas non plus attribuer à ce terme
«complémentaires», en tout cas en ce qui concerne les
services optométriques, cette étiquette-là.
Évidemment, vous parlez de réduction de coûts. Et
ça, pour ce qui est de la réduction de coûts, on a
plusieurs suggestions et plusieurs recommandations qu'on a listées, mais
il est certain que les médicaments thérapeutiques
qu'utiliseraient les optométristes amèneraient des
réductions de coûts importantes; ça en est une, et le
contingentement certainement aussi. Et ça, ça amènerait,
et pas seulement à court terme pour l'année qui vient, c'est
sûr, mais surtout à moyen et à long terme, des effets de
diminution de coûts.
M. Charbonneau (François): Je peux juste ajouter si vous
permettez.
Et ce relatif acharnement aux services complémentaires, à
notre avis - relatif, j'essaie de peser mes mots - est dû à cette
dichotomie- là que fait la loi fédérale C-31. Et si on
n'était pas pris avec ce concept-là dans l'océan des
milliards de services médicaux, on trouverait sûrement 5 %, 10 %,
15 % ou 20 % de services a rationaliser, comme on l'a fait l'an passé
pour 30 % du régime des services optométriques, et les ramenant
dans la bonne moyenne de ces services-là. Mais il faut sortir, quand
à nous en tout cas, à notre point de vue, M. le Président,
du schéma des services complémentaires.
Les services optométriques ne le sont pas. Ils sont de
première ligne, ils sont essentiels pour fonctionner dans la
société, être productif au travail, la qualité de
vie des personnes âgées, l'apprentissange des enfants. Ce n'est
pas complémentaire, c'est complémentaire à quoi? C'est
fondamental, à notre avis.
M. Johnson: Oui, complémentaire comme vous le dites
très pertinemment, compte tenu des libellés de la loi
fédérale en cause, à la rigueur. Mais si les services
optométriques ne sont pas complémentaires, est-ce que ça
existe, des services de santé complémentaires, selon vous, pour
élargir la discussion?
M. Neilson: Oui, sans doute, il y en a plusieurs qui ont,
à notre point de vue, moins d'importance, même à
l'intérieur des services optométriques. Les services, par
exemple, thérapeutiques sont, et ont toujours été -
c'est-à-dire la fourniture de lunettes, verres de contact -effectivement
des services complémentaires à l'examen, et qui ont...
Il est plus important, en d'autres mots, de faire de la
prévention, de faire des diagnostics et de savoir si quelqu'un a un
problème, et c'est secondaire à ça qu'il va y avoir une
thérapeutique. Alors, on peut dire que c'est complémentaire. Et
dans le domaine médical, là, je ne commencerai pas à en
énumérer, mais il y en a sûrement énormément
qui, en d'autres mots...
On parlait de la hauteur de la barre qu'on devait mettre quand on
hiérarchise les soins de santé. Il est certain que l'examen
optométrique est en haut de la barre et, s'il est en bas de la barre, il
ne reste plus grand-chose dans le système, quant à nous. (18
heures)
M. Johnson: Oui, évidemment, la difficulté avec la
façon dont vous soutenez ça, il m'ap-paralt que c'est de nous
diriger vers la voie de l'Oregon, là, qui donne des points aux
différentes procédures médicales et interventions
définies très étroitement les unes par rapport aux autres.
Alors que ce qu'on cherche à faire c'est, dune part, de tracer la ligne
quelque part, évidemment, entre ce qu'on doit assurer comme services,
minimalement, compte tenu de nos ressources - ça, j'aimerais ça
ajouter ça, évidemment, à chaque fois - et ce qu'on a les
moyens de se payer de plus avec, dans certains cas, une participation du
bénéficiaire. Parce qu'il est
évident que si vous pouvez décomposer même vos
activités professionnelles comme étant certaines au-dessus de la
barre, comme vous dites, avec raison, et d'autres en dessous, et qu'on peut le
faire dans les soins dentaires, à la rigueur, puis dans la
médecine interne puis en psychiatrie, on peut décomposer tout
ça, mais on n'est pas dans un système comme celui-là, pour
l'instant, et je ne suis pas sûr qu'on veuille plaider, qu'on veuille se
diriger vers là nécessairement.
Avez-vous des critères un peu plus généraux, je
dirais, que de regarder à l'acte, parce qu'il y a un jugement social
à chaque fois. Vous dites, à l'endroit de certaines
interventions, que ça devrait être en dessous de la barre, pas
au-dessus. Ça, c'est un jugement de valeur personnel, dans certains cas,
qui est en cause. Alors, on cherche des valeurs un peu plus universelles sur ce
que l'État doit faire et, ensuite, quand il y a beaucoup d'argent, sur
ce qu'il peut faire. Alors, je pense qu'on en est rendu là.
M. Neilson: Je veux simplement dire que ce n'est pas qu'on tient
absolument à aller dans la hiérarchisation de l'Oregon, pas du
tout; là n'est pas le but. Simplement, c'est que, quand on revient
toujours avec les services complémentaires - puis, il dit que c'est
complémentaire; donc, qu'ils ont moins d'importance - c'est que
ça fausse tout le débat. C'est juste, simplement, pour se
resituer dedans. Maintenant, quant aux coûts, là, François
va...
M. Charbonneau (François): Oui, peut-être simplement
rajouter qu'au tout début des travaux de la commission, il a paru un
article dans les journaux - je pense, la veille - qui disait: Le gouvernement
cherche 7 200 000 000 $ sur cinq ans; 7 200 000 000 $, j'avais de la
misère dans mon petit budget à figurer ce que c'est. C'est 7 200
000 000 $. Nous disons à la commission: Regardez les services
complémentaires, et la moitié de ci et le quart de ça.
À ne pas s'attaquer de front, dans la santé toujours - parce
qu'il y a le transport, l'éducation et tout ça - à ne pas
s'attaquer aux services médicaux, à l'hospitalisation, à
l'institutionnalisation de la santé, on va passer à nouveau
à côté du bateau. Ça va être d'essayer une
petite ponction, une année, pour régler un équilibre
budgétaire, mais si le travail de la commission, c'est de... comme
société, de voir à plus long terme, il faut absolument,
à notre avis, que les membres de la commission s'entendent pour prendre
les moyens pour faire face aux gros problèmes, parce que le nôtre,
c'est 30 000 000 $ à 50 000 000 $ dans un océan de 7 200 000 000
$.
M. Johnson: Oui, j'aurais dû effectivement vous remercier,
dans le fond. Ce deuxième volet-là qui, enfin, retient notre
attention, c'est entendu, on peut y souscrire, mais disons que la
présentation avait attiré mon attention sur d'autres dimensions
qui sont plus propres à vos activités.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Je voudrais souhaiter, au nom de l'Opposition, la bienvenue à
l'Association des optométris-tes du Québec. Voilà un
groupe aussi avec lequel nous avons eu de nombreux échanges en cours
d'hiver dernier, et qui ont été les premières victimes du
printemps, effectivement...
À votre suggestion, de demander au ministre responsable des
corporations professionnelles ou au président du Conseil du
trésor de mettre le poing sur la table face aux médecins, je
comprends un peu leur crainte quand on connaît le résultat du
dernier qui s'est essayé, du ministre de la Santé et des Services
sociaux. Comme disait notre ami Dufresne du Journal de Montréal,
il a eu les jarrets tranchés, le dernier qui s'est essayé.
Alors, peut-être qu'ils sont un peu craintifs, aujourd'hui.
Puisque le gouvernement, dans cette commission, a posé la
question en termes d'équilibre de ses finances publiques, vous nous
dites aujourd'hui quelque chose de très inquiétant, pour le
président du Conseil du trésor, j'imagine, puisque vous dites,
dans votre intervention, que la coupure de quelque 17 000 000 $ à 20 000
000 $, qui vous a été imposée par l'étendue de la
couverture - en particulier, la coupure de l'examen chez les 18-40 ans - que
ça s'est transféré chez les ophtalmologistes, les
médecins spécialistes. Est-ce que vous êtes en mesure,
aujourd'hui, d'affirmer devant cette commission que l'acte qu'on a
retranché, en termes de couverture d'assurance - parce que vous l'avez
mentionné tantôt, légèrement - qu'on a en quelque
sorte pelleté ça dans la cour du voisin, et qu'on a
retrouvé à peu près les mêmes frais, en termes de
couverture d'assurance, au niveau de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, parce que les ophtalmologistes, les médecins
spécialistes, ont pu charger ce type d'examen - dont vous n'êtes
plus autorisés à effectuer la réalisation - assuré
par l'État. Est-ce que ça s'est transféré? Parce
que si c'était ça, la conclusion, il faudra en tirer un certain
nombre de leçons pour l'avenir immédiat.
M. Neilson: On n'a pas de chiffres précis actuellement,
sauf que dans... On a, à tous les jours, à l'Association, des
informations de la part de nos membres, qui nous appellent pour se plaindre de
ce fait-là, par toutes sortes de cas particuliers qui leur arrivent. Il
est certain, vu le grand nombre de ces témoignages-là, qu'il y a
une partie, à tout le moins, qui a, ce qu'on appelle,
«glissé» vers le régime ophtalmologique. On n'a pas
de chiffres précis. On a demandé à la
Régie, mais, évidemment, c'est encore récent. On
sait qu'avant six mois, il est difficile d'avoir des chiffres précis,
mais c'est, effectivement, quelque chose que l'on soupçonne, et dont on
est à peu près sûr, mais on n'a pas de chiffres
précis pour le prouver, actuellement. Il y a une partie qui a
«glissé» vers les ophtalmologistes; c'est certain, on en est
convaincu. Il y a une partie, aussi, des citoyens qui se sont privés de
leurs examens; ça aussi, c'est certain. Tout n'a pas glissé vers
l'ophtalmologiste, et ça aussi c'est inquiétant parce que,
ça, ça veut dire que c'est des examens préventifs qui
n'ont pas eu lieu.
Ça, c'est quelque chose que le Québec ou que la population
du Québec, en général, va payer, mais beaucoup plus tard.
C'est quelque chose qui est très difficile à chiffrer
également, mais il est certain qu'il y a un effet dans ce
sens-là.
Mme Chassé (Lise-Anne): C'est que... M. Trudel:
Est-ce... Pardon. Mme Chassé: Juste un...
Le Président (M. Després): Non, il n'y a pas de
problème, M. le député...
M. Trudel: Madame.
Mme Chassé: ...ajout. On dit qu'on a
récupéré entre 15 000 000 $ et 20 000 000 $, l'an dernier,
en faisant la coupure des 18-40 ans, mais on ne parlait que de court terme. Ce
que j'ai compris de cette commission-ci, c'est qu'on cherchait des solutions
à long terme pour ne pas se retrouver, à chaque année,
avec des contribuables qui paient des commissions comme celle-là, non
plus.
Alors, si vous pensez à long terme, et que vous pensez que 40 %
des 18-40 ans qui sont des travailleurs qui doivent demeurer productifs, et qui
sont d'ailleurs des travailleurs très taxés à tous les
niveaux, à tous les paliers de taxation, si vous calculez que ces
gens-là ne font pas de prévention, comme disait mon
président, c'est difficile d'évaluer les coûts à
long terme. Mais, pas de prévention: pas de détection des
maladies oculaires, au début. On peut s'imaginer tous les coûts
d'institution pour traiter ces gens-là, dans quelques années.
Quand on pense que les yeux ne sont pas traités au Québec...
qu'il faut défrayer, entre 18 et 40 ans - et je suis de ce groupe
d'âge - pour un examen visuel, mais que je peux aller faire enlever une
verrue sur mon pied, il y a un problème de simple bon sens. Je ne sais
pas si on peut parler du simple bon sens, mais il faut penser à
ça.
Alors, les services complémentaires, c'est... Qu'est-ce qu'on
doit appeler... Est-ce que le fédéral a déterminé
pour toujours ce que sont des services complémentaires?
M. Trudel: Vous vous organisez pour nous parler d'avoir une
vision à long terme du problème que nous avons en matière
de finances publiques.
Je veux revenir sur cette question que vous a posée le
président du Conseil du trésor, en matière de relation
entre les dépenses de santé, les dépenses publiques, les
dépenses privées et les dépenses totales. Est-ce que, chez
vous, en matière de services optométriques, le prix chargé
au consommateur, lorsque la couverture d'assurance complète est
disparue, c'est fait à un taux différent du taux qui était
assuré à l'intérieur de la RAMQ?
Je compare ma question à ce qui se passe chez les dentistes, pour
les enfants. L'examen ou la réparation d'une dent, pour un enfant non
couvert, un enfant de 16 ans non couvert, qui n'est plus couvert maintenant par
la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce qu'on appelle deux
occlusions, travail sur deux faces, eh bien, quand c'était assuré
de façon universelle par le régime, le remboursement pour le
professionnel était de l'ordre de 34 $ ou 39 $, tout dépend de la
date de signature de la convention. Quand vous allez avec votre garçon
ou votre fille chez le dentiste, maintenant, ce n'est pas 34 $ ou 39 $ qu'ils
vont vous charger, c'est entre 57 $ et 74 $, parce qu'ils suivent, en cette
matière, les recommandations de leur association, en matière de
tarifs.
J'irai un petit peu plus loin en disant ceci, et on comprend facilement
pourquoi. Le volume étant complètement assuré, il me
semble assez évident que le professionnel ou les professionnels
concernés peuvent faire des ententes, qu'on va dire à meilleur
prix là, sur un taux qui permet de répartir, pour chacun des cas,
le coût total, de meilleure façon. (18 h 10)
Est-ce qu'il y a eu des changements, chez vous, qui font en sorte qu'au
niveau de la tarification, on se réveille avec une dépense de
santé totale pour le citoyen et la citoyenne du Québec
supérieure à ce qu'était la situation avant que l'on ne
désassure ces services, en juin dernier?
M. Neilson: Non. Chez nous, très, très peu. C'est
à peu près ce que ça coûtait, et ce que ça
coûte encore, d'ailleurs, au gouvernement pour ceux qui sont
demeurés assurés. Il y a très peu de différences
et, à toutes fins utiles, c'est la même chose. Cependant, à
long terme... même pas à long terme, à moyen terme, il est
certain qu'il va y avoir un écart qui va aller en s'accen-tuant si on se
fie, par exemple, et si on regarde la tarification pour le même genre de
service qui se fait aux États-Unis, où il n'y a aucune couverture
d'assurance-maladie. Mais, actuellement, il n'y en a pas.
M. Charbonneau (François): Je rajouterais ceci. Ce n'est
pas vraiment là que le coût total pour le patient ou le citoyen
devient plus élevé, c'est quand il se retourne de bord, puis
qu'il se dit: Maintenant que ma police d'assurance de l'État est
très bien huilée, avec une Régie de l'assurance-maladie
qui fonctionne mieux que toute compagnie d'assurance, en termes de coûts,
pour administrer une demande, quand je suis obligé de me retourner de
bord, puis d'aller au privé me faire assurer... Les gens des assurances
sont venus à la commission parlementaire sur la santé, l'an
passé, puis ils ont dit: Nous autres, ça va coûter 10 %, 15
% de plus. C'est là que le citoyen se fait prendre. Il payait
déjà, mais ça, c'est un autre problème un petit peu
plus politique. Là, on lui dit: On ne te couvre plus, mais on ne baisse
pas tes impôts pour autant. La question n'en est vraiment pas là,
j'imagine, à cette commission-ci, mais il doit se retourner de bord et
s'assurer. Puis, il s'assure à plus cher qu'il ne s'assurait dans le
régime étatique qui fonctionnait, et la Régie de
l'assurance-maladie, elle fonctionne comme compagnie qui émet des
chèques.
M. Trudel: C'est parce qu'on y retrouve là un exemple de
la capacité de contrôle des dépenses totales de
santé. Plus que la part est publique, davantage est la force de
l'État, de son appareil, de son bras articulateur, qui s'appelle la
RAMQ, pour contrôler les coûts, parce qu'il est l'agent
négociateur, l'agent payeur et aussi l'agent contrôleur. C'est
important de le soulever avant de se lancer dans des aventures qui sont des
miroirs, qui ne représentent pas la réalité, puisque ces
mesures-là ne font que retirer du fardeau de l'État un certain
nombre de responsabilités et de paiements à faire, qu'elles les
imputent au citoyen au niveau du privé et qu'elles les augmentent. C'est
ça, la vision à long terme, et, à mon avis,
l'inquiétude à long terme que l'on doit avoir et que vous
soulevez grâce à votre exemple. Je ne sais pas si mon
collègue...
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député. Pour respecter l'alternance, tout en respectant les
enveloppes de temps, on pourrait passer la parole au...
M. Johnson: Avec la permission de nos collègues, et pour
donner une réponse factuelle à la question qui nous a
été posée...
Le Président (M. Després): Oui, M. le
président.
M. Johnson: ...peut-être que mon collègue du Revenu
aimerait intervenir après ça.
À la question de savoir: Y a-t-il eu glissement? Je veux juste
rappeler qu'on a changé la Loi sur l'assurance-maladie et les
règlements pour empêcher le glissement. Ce qu'on constate, du 15
mai au 31 décembre: diminution de 30 %... de 29 % des examens en cabinet
privé, chez les ophtalmos; et diminution de 10 % de la visite de
contrôle, pendant la même période. Alors, là, il y a
un verrou qui semble fonctionner. S'il ne fonctionnait pas... On a toujours
indiqué que ce n'était pas pour observer un glissement qu'on a
changé les règles du jeu. Puis, le financement, c'était
pour désassurer un service, où qu'il soit donné, par qui
que ce soit.
Deuxièmement. Vous savez qu'à l'égard des
spécialistes notamment on a un objectif tarifaire. Alors, s'ils
défonçaient, on récupère évidemment dans la
masse la rémunération suivante. Alors, dans ce sens-là, on
a deux verrous: un financier et un quant au comportement.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
président du Conseil du trésor.
Je passerai maintenant la parole au ministre du Revenu.
M. Savoie: Oui. Merci beaucoup, M. le Président.
Alors, vous me permettrez à mon tour de saluer les gens de
l'Association qui, évidemment, sont présents lors de plusieurs
examens que doit faire le gouvernement. Ils ont présenté des
mémoires, je pense, à plusieurs reprises, et on est toujours
heureux de les voir défendre leur point de vue qui, je dois dire, est
assez consistant.
C'est-à-dire qu'on cherche toujours à obtenir des
médicaments thérapeutiques. Je voudrais souligner qu'il y a quand
même eu un mouvement important, dernièrement, avec eux, au niveau
de certains médicaments nécessaires ou utiles pour l'examen de la
vue. Évidemment, les médicaments thérapeutiques font
toujours l'objet d'un vif débat et de discussions au sein non seulement
de l'Association des optométristes mais également avec l'Office
des professions, qui fait un excellent travail dans ce dossier. Je pense qu'il
faudrait le souligner.
Malheureusement, ce débat ne porte pas sur les fonctions
professionnelles, mais porte plutôt sur, je pense, un autre débat
qui, d'après moi, est aussi important, sinon plus, pour l'ensemble des
intervenants autour de cette table. C'est certainement toute la question du
financement. Vous revenez sur trois points, trois points que j'ai
constatés aujourd'hui. Ça s'est présenté à
deux reprises. D'abord, la notion, qui revient d'une façon constante, au
niveau d'une espèce «d'assumation» des coûts par une
espèce d'impôt indexé. On en a discuté tout à
l'heure, on est arrivé à la conclusion, aux Finances, chez nous
et ailleurs, qu'effectivement ce mécanisme est très
coûteux, qu'il n'est pas équitable, justement. Il n'a que
l'apparence d'équité, mais, dans le fond, il crée des
injustices considérables. Il n'est en utilisation nulle part ailleurs au
monde, c'est-
à-dire qu'il n'y a pas un pays qui a retenu ce
système-là d'impôt-services. Que ça revienne
là, je me demande: Pourquoi revenir d'une façon constante si,
à plusieurs reprises, il a été démontré que
les coûts d'administration sont considérables, que ça
crée, finalement, une iniquité pour... surtout les gens à
faibles revenus. On est en train d'intervenir auprès des gens à
faibles revenus, et on tentera également d'intervenir, d'une
façon beaucoup plus considérable, au niveau de la classe moyenne,
parce que, finalement, 53 % de la population, des contribuables du
Québec, ont un revenu inférieur à 20 000 $. C'est
difficile à évaluer. C'est la deuxième fois que...
Le deuxième élément, c'est de connaître votre
évaluation, par exemple, d'un ticket modérateur. On en a connu
plusieurs cette année. Je pense qu'au niveau des médicaments vous
êtes certainement près de cela, également d'autres
interventions qui font l'objet de discussions. Je pense que j'aimerais
ça vous entendre un petit peu davantage sur la question de ces tickets
modérateurs, leur impact au niveau social et leur avenir en quelque
sorte.
M. Neiison: D'abord, sur l'impôt-services. Ce que j'avais
compris, les explications du coût énorme de ce
système-là, c'était en rapport avec l'application, encore,
aux services complémentaires, qui sont relativement restreints au point
de vue budget, mais que si, par exemple, ça s'appliquait à tout
le système médical, ça pourrait devenir rentable.
C'est-à-dire qu'instaurer un système comme ça, je le
comprends bien, peut coûter assez cher, mais si c'est réparti sur
un montant de récupération de fonds ou de taxation qui est
beaucoup plus large ou plus vaste, à ce moment-là, ça
devient rentable. Ça rejoint un peu notre suggestion. Peut-être un
impôt-services, mais pas seulement sur les services
complémentaires. Il faudrait que ça s'applique de façon
beaucoup plus large à tout le domaine de la santé et,
principalement, au domaine médical. Je sais bien qu'il y a le
problème de la loi C-3, mais c'est aussi... C'est pour ça qu'on
recommande, qu'il faut que, «urgemment», il y ait des discussions
avec Ottawa pour le régler, une fois pour toutes, ce
problème-là.
D'ailleurs, le même problème s'applique au ticket
modérateur. Le ticket modérateur, ça nous semble plus
injuste parce que, quand on parle des couches défavorisées de la
population, elles sont touchées beaucoup plus. Avec
l'impôt-services, avec l'impôt qui est graduel, ça va
coûter plus cher à celui qui gagne plus de revenus. Mais celui qui
gagne très peu de revenus, ça ne lui coûtera rien, à
toutes fins utiles, avec l'impôt-services, tandis qu'avec le ticket
modérateur c'est beaucoup plus injuste, puisque tout le monde devra le
payer. Je comprends qu'il peut y avoir d'autres mécanismes, mais, au
départ, c'est ça. L'an passé, à la commission, on a
tait quand même... Il y avait beaucoup de pour et de contre, et il y
avait, finalement, pour le ticket modérateur, peut-être un petit
peu plus de contre que de pour. C'est pour ça que, nous, ça nous
semble plus injuste que l'impôt-services. Mais, de toute façon, ce
genre de mesures-là doit absolument s'appliquer à un plus grand
éventail de services, pas simplement à la pharmacie, aux
optométristes ou aux services optométriques. (18 h 20)
M. Charbonneau (François): Permettez-moi de rajouter un
commentaire, M. le Président, à la remarque de M. le ministre du
Revenu, responsable de l'application des lois professionnelles.
Si on parle de lois professionnelles ici, c'est qu'à la page 131
de votre document, «Vivre sjlon nos moyens», vous cherchez,
semble-t-il, systématiquement des façons plus rentables de
dispenser des services. On vous en offre une sur un plateau en or, nous
semble-t-il, tant sur le plan des coûts de santé que des
coûts indirects en pertes de temps, absentéisme et ainsi de suite:
les médicaments thérapeutiques. Alors, on y tient, dans ce
forum-ci - parce que ça nous semble... si c'est ça que la
commission veut, à l'invitation de la commission - à fournir des
moyens concrets pour sauver de l'argent. Bien, il y a 5 000 000 $ à 10
000 000 $ là. à notre connaissance, et ce qu'on demande à
la commission, c'est le courage d'un comité, promis par M. Bourassa l'an
passé, pour étudier cette question-là, et on la videra
ensemble.
Mais on est convaincus de notre point de vue, et on le recommande
instamment à la commission.
M. Neiison: C'était d'ailleurs la recommandation, qui
existe toujours, de l'association de santé publique américaine,
qui recommande à tous les États qui légifèrent,
justement, en optométrie, entre autres, de permettre aux
optométristes d'utiliser les médicaments thérapeutiques,
parce que l'association américaine estime que c'est rentable, valable,
et que les coûts sont moins élevés.
M. Savoie: Alors, on intervient dans un... Le Président
(M. Després): ...M. le ministre
M. Savoie: ...finalement, auprès de cette commission,
«Vivre selon nos moyens», pour faire fait et cause pour
l'utilisation des médicaments thérapeutiques. Il faut souligner
que cette argumentation-là sera examinée dans un autre contexte,
et je suis certain qu'à ce moment-là on aura l'occasion
également d'entendre les ophtalmologistes, dont le président est
également présent pour la présentation de votre
mémoire.
J'aimerais souligner que les optométristes sont deux fois plus
nombreux au Québec, sur une base per capita, qu'ailleurs, que les
services
qu'ils rendent ont fait l'objet d'une ponction l'année
passée, et que ça s'est avéré fructueux. C'est
ça que je m'attendais à voir, que les mécanismes qu'on
utilise, justement, pour réduire les coûts donnent des
résultats intéressants. Je pense que vous l'avez reconnu en
partie, tout au moins, en disant que lorsque nous intervenons, par exemple, au
niveau des médicaments, les 2 $, sans toucher les gens à faibles
revenus, les gens qui ont finalement bénéficié du
supplément de revenus, sont touchés et, en mettant, si vous
voulez, un bouchon à t'autre extrémité, en disant que,
jusqu'à concurrence de 100 $, ça a rapporté
énormément pour l'État, et que ça a
été un peu la même chose pour l'intervention qui s'est
faite au niveau des optométristes.
Je pense que vous avez collaboré pleinement, et j'espère
qu'à la lumière du mémoire que vous nous avez
présenté, vous allez continuer à collaborer aux efforts du
gouvernement, de «vivre selon ses moyens». Je vous remercie.
Le Président (M. Després): Merci. M. Neilson: M. le
Président.
Le Président (M. Després): Oui. Brièvement,
étant donné que le temps est terminé. Une courte, courte
réponse.
M. Neilson: Oui. Je voulais simplement dire que je pense que
ça, ça a déjà été fait l'an
passé, et que, cette année, je crois qu'on devrait passer notre
tour.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Després): Merci, M. le
président.
Je demanderai maintenant au député de Montmorency de bien
vous... de faire l'échange.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais, à mon tour, souhaiter la bienvenue à
l'Association des optométristes, à ses représentants.
Moi, j'essaie de bien cerner le débat que vous voulez expliquer
à la population: les optométristes, les ophtalmologistes...
D'abord, déjà là, c'est difficile pour tout fe monde de
bien suivre le débat, mais vous semblez dire que la désas-surance
dans le monde des optométristes va d'abord, dans un premier temps,
réduire le service à la population. C'est que les gens vont se
présenter de façon moins régulière pour l'examen de
la vue. Est-ce que c'est d'abord ça que vous constatez actuellement,
depuis la désassurance? Est-ce que les gens vont moins dans les cabinets
pour se faire examiner la vue parce qu'il y a une tarification... Bien,
tarification, ils doivent maintenant payer le service du professionnel. Est-ce
que, dans un premier temps, on peut conclure qu'il y a vraiment un service
à la collectivité qui a été réduit?
M. Neilson: Oui. Tout à fait. Évidemment, les
chiffres, on les a pour les cinq, six premiers mois de la désassurance.
La population de 18 à 40 ans a été
désassurée en services optométri-ques le 15 mai dernier,
et les enquêtes qu'on a faites auprès de mes membres nous
démontrent que, dans ces premiers mois, il y a une baisse d'environ 40
%. Évidemment, c'est tes premiers mois, et probablement que ça va
se stabiliser par la suite, mais il y a une baisse marquée de 40 %.
M. Filion: De la consultation.
M. Neilson: Oui, du nombre d'examens des gens de 18 à 40
ans, au Québec, depuis le 15 mai.
M. Filion: Combien les gens doivent assumer, là, histoire
de situer aussi le débat pratique? Les gens qui doivent maintenant
assumer la consultation du professionnel, ça peut leur coûter en
moyenne combien pour aller chercher une consultation chez le professionnel de
l'optomé-trie?
M. Neilson: 35 $. M. Filion: 35 $.
M. Neilson: C'est le coût moyen, ça.
Évidemment, il peut y avoir des variantes selon le genre d'examen, ou si
l'examen est plus extensif, mais, de façon générale, c'est
35 $.
M. Filion: si ta population ou le citoyen se dit: bien, moi, je
n'ai pas les 35 $, je vais after chercher la consultation chez un
ophtalmologiste. à ce moment-là, vous évaluez la
consultation chez l'ophtalmologiste... farce que, vous savez, fa population, il
y en a qui ont l'argent pour assumer les 35 $, mais on sait très bien
que des gens vont dire: bien, moi, je vais aller chercher le service où
il est assuré, et je vais m'organiser pour obtenir un service
équivalent. à ce moment-là, à combien peut se
chiffrer, en moyenne, la consultation que vous ne donnez plus - parce que vous
n'êtes plus dans le régime de l'assuran-ce - et qu'il va aller
chercher ailleurs, citez l'ophtalmologiste? à combien ça peut
revenir, en moyenne?
M. Neilson: Je ne pourrais pas vous dire de chiffres
précis. D'abord, les ophtalmologistes, pour ce qui est de l'examen de la
vision qu'ils font, eux aussi, mais strictement l'examen de la vision en vue
d'une prescription pour lunettes ou verres de contact, cet examen est
également désassuré. Ce qui arrive, c'est que les
ophtalmologistes continuent d'être couverts pour des traitements
médicaux ou de maladie de l'oeil. Alors, des fois, la frontière
est très floue entre
un examen de la vision et un examen en vue de soigner une pathologie ou
une maladie oculaire. Or, il peut très bien arriver qu'un citoyen aille
chez l'ophtalmologiste et ne paie pas parce que c'est associé ou non
à une maladie de l'oeil.
Le ministre, M. Johnson, vient de nous dire qu'il semble qu'il n'y en
ait pas de glissement, là. On vient d'apprendre ça, mais je n'en
sais pas plus.
M. Charbonneau (François): Juste pour compléter
l'information, M. le député. Ce n'est pas ça, la question
centrale, dans le fond. Bien sûr, c'est là, et c'est très
agaçant pour nous, mais le centre du débat, c'est que, par la
désassurance d'un groupe d'âge, comme on l'a fait chez nous, en
optométrie ou ailleurs, l'an passé - on s'est rabattu à la
fin d'une commission majeure, où il y a eu, je pense, 200 groupes
entendus, la qualité de la documentation de part et d'autre était
importante - on s'est ramassé avec des coupures à gauche et
à droite, afin d'essayer d'arriver au budget du 15 mai pas trop
pire.
Si on veut planifier le financement de notre santé, nous, on dit
que ce n'est pas une méthode rentable, la désassurance des
services publics en tant que tels. Qu'on les rationalise, qu'on les regarde
à nouveau, qu'on fasse certaines études, qu'on pense à des
mesures comme celles dont on vient de vous parler, un impôt-services dans
un contexte où les services médicaux, optométriques,
dentaires et pharmaceutiques y sont assujettis, on va créer, au niveau
de la société, une nouvelle façon d'aborder la
santé. Les gens vont recevoir le compte de ce que coûtent,
à la fin de l'année - c'est une de nos recommandations - leurs
services de santé. Ils vont être plus sensibilisés à
cette question-là et, confrontés à leurs impôts qui
pourraient augmenter, bien, il y a des choix qu'ils font. Quand des groupes
comme l'AHQ, tantôt, et nous aussi préconisons un fonds
spécifique pour la santé, la vertu de ce fonds-là, c'est
que la population, le fonds consolidé, c'est de l'argent qui s'en va
n'importe où dans le système, et elle ne le sait pas trop, si
vous avez un fonds spécifique, vous savez, au bout d'une certaine
période, si ça balance, votre affaire, ou pas, et vous pouvez
faire le choix. Il y a des sondages que vous avez plus que nous, à
savoir que les gens ne sont pas nécessairement opposés à
payer un montant s'ils savent où ça va aller. Le fonds
consolidé, c'est un océan où ils se demandent ce qui se
passe.
Il y a des sondages qui ont paru dans les journaux, récemment.
Les gens parlent de gaspillage, parlent de passoire et tout ça. On sait
que le gouvernement - nous, on les côtoie de très près -
que nos élus font des efforts énormes pour contrôler les
dépenses, mais la perception populaire, ce n'est pas ça. Par un
fonds de santé - ce que le ministre de la Santé, à ma
connaissance, préconisait également - on peut arriver à
montrer au monde pourquoi il paie et, nous, on a la conviction que c'est la
façon la plus économique de le faire.
Donc, désassurer, pour revenir à votre question, ce n'est
pas la solution économique. (18 h 30)
M. Filion: Vous choisissez l'impôt-services... à la
méthode des assurances, et vous préférez
l'impôt-services à un ticket modérateur. Mais
l'impôt-services, en soi, entraîne quand même une
administration beaucoup plus lourde, parce que si on commence à tarifer
en fonction d'un revenu, ça demande un suivi et des contrôles
additionnels quand même importants. Dans ce sens-là, certains vous
diront: C'est trop lourd. Qu'est-ce que vous pensez de ce genre
d'administration, parce que c'est quand même plus lourd? Un ticket
modérateur, c'est simple: 2 $. Tout le monde paie son 2 $. Je comprends
que ça peut poser des problèmes d'application,
d'équité. Comment est-ce qu'on peut résorber
ça?
Mais si on y va avec un impôt-services, ça a quand
même des conséquences administratives qui sont plus lourdes.
M. Neilson: Là-dessus, peut-être, mais pas
nécessairement... L'informatique, aujourd'hui, on dit que ça fait
toutes choses, ça fait n'importe quoi, mais j'imagine qu'à la
Régie, on sait, on est capable relativement, simplement, à la fin
de l'année, de savoir combien chaque citoyen a coûté
à la Régie de l'assurance-maladie puis à
l'assurance-hospitalisation, et émettre un genre de T4 qui serait... Je
ne sais pas, je ne suis pas un technicien en fiscalité, mais, moi,
ça ne me semble pas si gros que ça ou si énorme que
ça. Je comprends que, quand on veut aller chercher 10 000 000 $ ou 15
000 000 $, avec un système comme ça, c'est peut-être
effectivement beaucoup trop cher.
Si on va récupérer, dans tout le domaine de la
santé, 200 000 000 $ ou 300 000 000 $, peut-être qu'à ce
moment-là ça devient rentable. Mais, là-dessus, je ne suis
pas un expert. C'est sur le principe. C'est ce qui nous semble, et ça
nous semble plus équitable, plus valable pour la population qu'un ticket
modérateur.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
président.
M. Filion: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Després): Je voudrais remercier
l'Association des optométristes du Québec d'être venue
parmi nous aujourd'hui.
Je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures ce soir, pour
entendre la Corporation professionnelle des infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 33)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux pour entendre la Corporation
professionnelle des infirmières et infirmiers auxiliaires du
Québec.
Bienvenue à cette commission parlementaire. Dans un premier
temps, permettez-moi de vous faire part...
Oui, M. le député de...
M. Trudel: Infirmiers et infirmières auxiliaires.
Le Président (M. Lemieux): Oui, infirmiers et
infirmières auxiliaires du Québec, c'est bien ce que j'ai dit, M.
le député de Rouyn.
Alors, dans un premier temps, permettez-moi de vous faire part des
règles de la procédure. Vous disposez d'une période de 20
minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange
entre les parlementaires d'une durée globale de 40 minutes: 20 minutes
pour les ministériels et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition
officielle.
J'inviterais la personne ayant la responsabilité de
présenter le mémoire de la Corporation à bien s'identifier
et à nous identifier les personnes qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Corporation professionnelle des infirmières et
infirmiers auxiliaires du Québec (CPIIAQ)
M. Paradis (Régis): Merci, M. le Président.
Alors, à ma droite, il s'agit de Mme Diane Levasseur, qui est la
directrice des services aux membres, à la Corporation des
infirmières auxiliaires; à ma gauche, M. Paul Thériault,
qui est le directeur général; et moi-même, Régis
Paradis, qui suis le président de la Corporation.
M. le Président, la Corporation professionnelle des
infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec tient à
vous remercier de l'occasion que vous lui offrez d'apporter sa contribution au
débat en cours sur le financement des services publics. Nos quelque 20
000 membres sont particulièrement intéressés par le
contenu de ce débat, car la quasi-totalité oeuvrent dans des
établissements de santé dont le financement est assuré par
l'État. Nos membres sont aussi des utilisateurs des services publics et
des contribuables. C'est donc à partir de ces trois perspectives que
nous vous soumettons nos commentaires.
Il est important de situer, M. le Président, dès le
départ, les grands principes auxquels souscrit la Corporation et
auxquels elle ne saurait accepter de dérogation en ce qui touche le
régime public de santé et des services sociaux du Québec,
c'est-à-dire l'accessibilité et l'universalité des
services de base ainsi que leur gratuité apparente au moment où
ils sont requis et dispensés.
Vous nous conviez ici à un exercice de consultation en postulant
qu'il est impératif de réviser le contrat social qui lie les
citoyens du Québec à leur État. Déjà, l'an
dernier, suite à la commission parlementaire sur le financement du
régime québécois de la santé, le gouvernement s'est
empressé d'appliquer des solutions rapides telles que, par exemple,
l'imposition de frais modérateurs de 2 $ par ordonnance aux personnes
âgées, le retrait des soins d'optométrie pour les 18
à 40 ans et le retrait, également, des frais dentaires aux
enfants. Nous considérons, M. le Président, que le gouvernement a
quelque peu manqué d'imagination dans la recherche de solutions.
Ce qui est inquiétant dans la proposition gouvernementale, c'est
l'absence de perspectives à long terme. À notre avis, le vrai
problème, la vraie crise, en est une de gestion du système. Le
document intitulé «Les finances publiques du Québec: vivre
selon nos moyens», qui sert de base aux travaux de cette commission,
reconnaît les carences du mode de gestion et lui accorde, d'ailleurs,
trois paragraphes. C'est déjà un énorme progrès,
mais quel défi que de modifier le scheme de pensée de tout
l'appareil administratif et surtout des habitudes fortement ancrées.
Ainsi, les cadres et les professionnels ne sont pas suffisamment
informés et, surtout, ils ne sont pas imputables des coûts de
leurs décisions. Tant qu'on ne s'attaquera pas aux vrais
problèmes, on préférera les palliatifs sans lendemain que
sont les coupures de services, les gels de salaires, négociés ou
pas, et la tarification. L'application de ces mesures de court terme nous a
démontré, par expérience, qu'elles ne constituent pas la
solution véritable et durable. Nous sommes, de notre côté,
convaincus que les valeurs sociales ont profondément changé et
qu'un type de gestion conforme au modèle développé
à l'ère de l'État-providence des années soixante ne
répond plus aux besoins ni aux valeurs d'aujourd'hui.
À la faveur de l'évolution de la situation
économique des quelques dernières années et d'un discours
politique depuis la récession du début des années
quatre-vingt à l'effet que les ressources financières et
budgétaires du gouvernement du Québec avaient atteint et
même excédé leurs limites, on a vu émerger un
nouveau modèle de valeurs sociales fondé sur la concertation des
principaux dirigeants de groupes de notre société, alors que la
confrontation était surtout à l'avant-scène auparavant.
L'émergence d'un nouveau contrat social issu de la concertation entre
les syndicats, les milieux d'affaires et le gouvernement en est un exemple.
Effectivement, les valeurs sociales ont changé. Il faut donc
poser un regard neuf sur la dynamique du système afin de trouver des
solutions innovatrices. À cet effet, le secteur des soins infirmiers
constitue une composante fonda-
mentale et essentielle au système de santé; fondamentale,
car les soins infirmiers sont l'essence même du séjour en
établissement et que la philosophie des soins infirmiers est justement
d'accélérer le processus d'autonomie de la personne malade et,
donc, la réduction du temps de séjour. Le personnel infirmier a,
dans ce sens, une importance capitale dans la diminution des coûts de la
santé, et les infirmières auxiliaires qui dispensent des soins de
chevet aux bénéficiaires savent à quel point leur
contribution est importante, voire même essentielle dans le processus de
guérison. C'est pour cette raison, M. le Président, que nous
proposons une meilleure utilisation des infirmières auxiliaires,
lesquelles ont, de par leur formation et leur expérience, la
compétence pour accomplir un grand nombre d'actes et de tâches
relatifs aux soins infirmiers. (20 h 10)
Dans les faits, au fur et à mesure de l'application restrictive,
voire même arbitraire, par la direction des soins infirmiers de certains
règlements en matière professionnelle, les infirmières
auxiliaires ont subi une profonde déqualification. En
conséquence, dans bon nombre d'établissements, la pratique des
infirmières auxiliaires est très, très limitée.
Cette façon de faire est un bon exemple d'une mauvaise gestion des
ressources humaines qui influence les coûts de façon
significative. Par exemple, certains établissements interdisent aux
infirmières auxiliaires d'administrer les médicaments,
tâche qu'elles sont, par ailleurs, habilitées à assumer et
qui se répète plusieurs fois par jour. La direction de ces
établissements choisit plutôt de confier cette
responsabilité à d'autres intervenants, dont les
infirmières, dont le salaire est beaucoup plus élevé. Des
exemples de cela, on en voit à Santa Cabrini; on enlève les
infirmières auxiliaires. C'est quoi, la conséquence de tout cela,
finalement, à plus ou moins long terme? On les remplace, parce qu'on
estime qu'on est moins polyvalent. La même chose s'est produite,
justement, au centre hospitalier d'Arthabaska, à l'Hôtel-Dieu
d'Arthabaska, la même chose également au centre hospitalier de
Granby, où on a exclu les infirmières auxiliaires de la chirurgie
et on les a remplacées par d'autres intervenants et, à chaque
fois, c'est 25 % de plus, justement, sur le salaire.
Il nous semble important de souligner ici que la gestion des ressources
humaines en soins infirmiers est toujours confiée à un directeur
ou une directrice des soins infirmiers qui doit être obligatoirement
membre de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
L'appartenance obligatoire de ce directeur à une corporation
professionnelle spécifique le place, croyons-nous et disons-nous depuis
longtemps, en conflit d'intérêts. Cette situation entraîne,
en effet, des choix fortement influencés par le discours de sa
corporation professionnelle et affecte de façon déterminante la
contribution des infirmières auxiliaires.
Non seulement on a tendance à remplacer les infirmières
auxiliaires par des infirmières mais, plus encore, on prône
l'utilisation des infirmières bachelières au détriment des
infirmières diplômées du collégial et,
également, des infirmières auxiliaires. Vous comprendrez que la
majorité des tâches effectuées en soins infirmiers ne
requièrent pas nécessairement les services d'une
infirmière bachelière dont la formation supplémentaire la
prépare davantage à assumer un rôle de gestionnaire.
Il est donc facile d'imaginer que l'embauche croissante
d'infirmières bachelières occasionne des coûts additionnels
importants par l'État tant au niveau de la formation qu'au niveau
également de l'utilisation. Un exemple, M. le Président, de tout
cela. Mentionnons qu'en CLSC les infirmières diplômées du
collégial sont incitées à se prévaloir d'un
congé pour poursuivre des études menant au baccalauréat en
soins infirmiers. Lorsqu'elles reviennent à leur poste, elles exercent
exactement les mêmes fonctions, les mêmes tâches, tout en
ayant le droit de réclamer une majoration de leur salaire de base qui
peut aller, dans certains cas, jusqu'à 10 000 $ de plus
annuellement.
Mais attention! La Corporation ne prétend pas que la formation
n'est pas importante pour offrir des services de santé de
qualité. Au contraire, elle a d'ailleurs, en collaboration avec le
ministère de l'Éducation du Québec, bonifié la
formation de base de ses membres qui est passée à 1800 heures en
soins infirmiers, ce qui fait des infirmières auxiliaires du
Québec la corporation, les professionnelles de la santé qui ont
la meilleure formation au niveau des infirmières auxiliaires du Canada,
et les vérifications sont faites à cet effet-là. Nous
croyons donc qu'au lieu d'exiger des diplômes de niveau supérieur
les établissements gagneraient à encourager le maintien et
l'amélioration des compétences du personnel par la formation
continue en cours d'emploi.
Notons également que la surqualification professionnelle peut
être, dans certains cas, aussi néfaste qu'un manque de
qualification. On peut constater que la surqualification des infirmières
entraîne des attentes, notamment une plus grande autonomie
professionnelle, ce que le milieu de la santé ne peut leur offrir. Le
manque de valorisation et l'absence de satisfaction au travail
génèrent souventefois aussi chez les infirmières
bachelières de l'épuisement professionnel qui augmente le taux
d'absentéisme. Nul besoin, M. le Président, d'explorer davantage
cette situation pour admettre que la création d'attentes insatisfaites
chez un groupe et la déqualification d'un autre groupe de professionnels
en soins infirmiers intensifient la démotivation de l'ensemble de ce
personnel infirmier.
Tous ces facteurs, qui influencent négativement la
productivité, contribuent à faire grimper le montant de la
facture. Nous avons la profonde conviction que les soins infirmiers sont une
solution aux coûts du système de santé. Il faut toutefois
les reconnaître comme une dimension fondamentale de ce système,
parce que la facture globale, c'est 12 800 000 000 $ dans les soins de
santé, près d'un tiers du budget total de la province, et
près de 4 000 000 000 $ sont consacrés aux seuls soins
infirmiers, M. le Président. En outre, il faut des équipes
stables où l'on reconnaît la contribution de chacun, où
l'on favorise la complémentarité interprofessionnelle, un milieu
qui intègre bien les jeunes diplômés, un milieu qui
préserve et augmente la compétence du personnel. Voilà le
gage d'un système efficace et efficient.
À plus long terme, on pourrait corriger la perception chez la
population que les services de santé sont gratuits. En fait, les
services de santé n'ont jamais été gratuits. Cependant,
avant de couper les services ou de les facturer, on doit demander à la
population d'en faire un usage raisonnable et justifié, parce que
comment peut-on lui demander cela si elle n'est pas pleinement informée
des coûts reliés à ces services? Par exemple, qui
connaît, parmi la population, les coûts d'une consultation en
bureau privé ou encore en clinique externe? Je pense qu'il y en a
vraiment très peu. C'est une question de transparence qui appelle au
partenariat: partenariat entre l'Etat et la population, mais également
avec les professionnels. Les citoyens ont certainement développé
des habitudes de surconsommation, mais qu'ont fait l'État et les
professionnels pour contrer ces mauvaises habitudes acquises depuis
l'avènement du régime d'assurance-maladie?
Maintenant, je vais énumérer les quelques recommandations
soumises par la Corporation.
Nous pensons que les principes d'accessibilité et
d'universalité des services de base doivent être maintenus; que
les solutions aux problèmes du financement soient trouvées dans
le cadre du budget actuel, évitant ainsi toute nouvelle forme de
taxation; que le cadre de gestion du système de santé soit revu
selon les principes de la concertation dans le but d'en arriver à un
système plus efficient et plus efficace; que les champs de pratique des
professionnels de la santé soient revus afin d'accroître la
complémentarité interprofessionnelle; que le perfectionnement en
cours d'emploi soit disponible pour les infirmières auxiliaires
plutôt que d'opter pour le phénomène de la
substitution.
En conclusion, M. le Président, les hypothèses de solution
que la Corporation a formulées tiennent plus adéquatement compte
de la crise réelle que nous devons tous ensemble contribuer à
résoudre. Ce type d'analyse pourrait, d'ailleurs, être
extensionné à d'autres sphères des services publics.
À partir de l'hypothèse du gel des dépenses globales des
services de santé et des services sociaux, nous serons, nous pensons,
collectivement à même de dégager les ressources requises
pour répondre aux autres besoins urgents que sont l'élimination
de la pauvreté, par exemple, la résorption du chômage, la
réinsertion des assistés sociaux aptes au travail, la formation
professionnelle da la main-d'oeuvre et également l'élimination du
décrochage scolaire.
En terminant, nous sommes convaincus qu'une population au travail
retrouve sa dignité et sa santé, contribuant ainsi à la
réduction des coûts de santé et des services sociaux.
Ça complète.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président
du Conseil du trésor.
M. Johnson: Je vous remercie, M. Paradis, madame, monsieur. Je
vous félicite de revenir avec le même message. Quand on a un bon
message, on a intérêt à le répéter si on veut
que ça passe, afin d'attirer l'attention. C'est une stratégie qui
se défend fort bien. Je suis heureux d'en prendre connaissance, pour moi
un peu plus pour la première fois, n'ayant pas été de la
partie d'échange de janvier de l'an dernier. Mais si vous me permettez,
on va faire un petit exercice mathématique, parce que j'essaie de
comprendre, de saisir l'ampleur de votre proposition, cette fois-ci dans le
cadre d'une discussion sur les finances publiques. (20 h 20)
Un gel de quatre ans des dépenses afférentes à la
santé et aux services sociaux qui évoluent à l'inflation +
4 %, historiquement, si on les laisse aller, signifie, sur quatre ans, que
c'est une coupure réelle de 15 % à 20 %; probablement, elle nous
apparaît plus proche de 20 % que de 15 %. S'il s'agit d'une masse totale
avec ce qu'on verse au titre de la rémunération des
médecins par la RAMQ de 12 000 000 000 $, on est plus facilement rendu
à 2 500 000 000 $. En termes réels, c'est beaucoup, beaucoup
d'argent. Ça correspond à plus que la moitié de tous les
soins infirmiers. C'est énorme! Ça correspond à beaucoup
plus que la rémunération de tous les professionnels de la
santé: les médecins, etc. C'est plus gros que le budget de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce que vous
suggérez, je dirais, mathématiquement.
Et pourtant, il y a peut-être de la place, je vais
reconnaître ça tout de suite, dans la mesure où, comme vous
l'avez vu dans le document de l'an dernier, il n'en reste pas moins qu'au
Québec on dépense plus... une plus grosse portion de notre
produit intérieur brut que partout ailleurs dans le monde
industrialisé, sauf les États-Unis. On est vraiment en tête
de liste avec 9 % et un peu plus du PIB au titre des dépenses de
santé, tout confondu. Il y a peut-être de la place si on se
compare avec d'autres pays. C'est
fort possible. Ma question est de savoir: Où trouve-t-on cette
place-là? Comment la dégage-t-on? Et surtout, quel genre
d'exercice - c'est ma question - souhaitez-vous pour y arriver? Quelles
suggestions amenez-vous, vous-mêmes, sur les choix qu'on devrait faire,
soit au titre de la rémunération?
J'ai cru comprendre... j'ai lu, entre parenthèses, que vous ne
suggériez pas pour autant une diminution de la
rémunération de l'ordre de 2 500 000 000 $. Moi non plus, juste
pour rassurer tout le monde avant la prochaine négociation. Mais
certainement, si on regarde le panier de services et que c'est l'ampleur que
vous envisagez, lorsqu'on sait que 75 %, 80 % de la dépense est au titre
de la rémunération, qu'on ne toucherait pas à la
rémunération comme telle, on a un problème là,
apparent à tout le moins. Et si vous pouviez m'aider à
dégager, si vous pouviez tous nous aider à dégager les
pistes que vous emprunteriez, vous, pour identifier le genre de services qui
devrait être l'objet de réaménagement...
Parce que c'est ça qui est en cause; on parle de coupures
drastiques de 25 %, au prix d'aujourd'hui, des services de santé. Alors,
c'est une grosse commande. C'est une grosse commande à laquelle on a
convié tout le monde. Mais si vous aviez quelques éléments
de réponse, on pourrait peut-être avancer un petit peu plus.
M. Paradis (Régis): Nous allons tenter. Au fond, c'est
vrai que la commande est élevée. Cependant, vous conviendrez avec
moi, M. le Président, qu'il faut quand même commencer par quelque
part. Ça prend, tout d'abord, cette volonté politique là,
non seulement une volonté, mais il faut que ça se traduise
également, à un moment donné, par des gestes politiques.
On ne peut pas toujours chercher des nouveaux moyens de financement tout en
réduisant les services. Là, actuellement, comment peut-on,
justement, garder des enveloppes... l'équilibre budgétaire dans
plusieurs centres hospitaliers? On ferme des lits; on ferme et on ferme encore
des lits. Avant ça, c'était simplement pendant les vacances
d'été; maintenant, c'est rendu non seulement aux vacances
d'été, mais aux vacances de Noël, à la semaine de
relâche scolaire. C'est rendu pratiquement à l'année. C'est
la seule façon, dans le moment, justement, qu'on puisse garder
l'équilibre budgétaire. Finalement, en bout de piste, on diminue
les services, et là on parle vraiment de nouvelles tarifications ou
autres.
Ce qu'on dit: II faudrait peut-être quelque part - et ça
fait longtemps qu'on répète le message - arrêter toute
cette déqualification-là des ressources humaines, principalement
des infirmières auxiliaires. Actuellement, il y a une vaste
enquête qui se fait, justement au niveau des États-Unis; on
appelle ça la commission Pew. C'est un peu une ressemblance avec la
commission Rochon, mais qui parle essentiellement, justement, de l'utilisation
des ressources humaines. Ils disent là-dedans que ce qui entraîne,
peut-être, des coûts excessivement élevés, c'est
cette mauvaise utilisation des ressources humaines disponibles. Je pense que,
là-dessus, à chaque fois...
Depuis peut-être les 10 dernières années, il y a un
minimum de 2000 postes d'infirmières auxiliaires, et même plus
parce qu'on n est plus capable, à un moment donné, justement, de
les quantifier, qu'on a remplacés par d'autres intervenants. Vous savez
que l'infirmière auxiliaire, c'est 24 % de moins qu'un autre
professionnel de la santé - les infirmières, pour ne pas les
nommer. Donc, à chaque fois qu'on substitue un poste, c'est
déjà 25 %. Quand on remplace une infirmière auxiliaire par
une infirmière bachelière qui va chercher jusqu'à 50 000 $
annuellement, au maximum de son échelle de salaire, et regardez, je l'ai
mentionné, dans les CLSC, déjà, à la minute
où une infirmière devient bachelière, elle revient avec
les mêmes fonctions et elle gagne justement tout près de 10 000 $
de plus par année. Ce qu'on dit, et ça fait longtemps, c'est
qu'il faut arrêter cette substitution-là.
Il y a des exemples nombreux qu'on pourrait nommer, et, dans tous ces
cas-là. M. le Président, on ne diminue pas la qualité des
soins. Là où il y a substitution parfaite entre les deux
intervenants, pourquoi ne pas garder celui qui est le moins coûteux
à l'État? C'est ça, au fond, que nous disons. Et, dans les
cas où la substitution dans les départements plus
spécialisés n'est pas parfaite, on peut, à tout le moins,
parler de complémentarité et, à ce moment-là,
justement, on devrait cesser immédiatement. Ce serait le premier geste
que devrait poser, à mon humble avis, le gouvernement pour faire en
sorte de cesser toute modification de poste, et il serait surprenant de voir
toute l'économie réalisée.
C'est difficile un peu pour nous de faire l'exercice de l'ensemble des
économies, mais, par contre, ce que je peux dire, c'est que le
gouvernement a bien plus l'expertise et les moyens de le faire que nous
là-dessus.
M. Johnson: Oui. D'une part, je vous remercie de votre confiance
dans ce que vous venez d'indiquer, mais il n'en reste pas moins qu'à
l'occasion de la commission vous voulez avoir des suggestions...
M. Paradis (Régis): On va vous surveiller, par
exemple.
M. Johnson: Oui, c'est entendu. On est là pour ça,
pour être surveillés.
Il n'en reste pas moins qu'à l'occasion de la commission on
attendait des suggestions aussi. Chose certaine, à l'Association des
hôpitaux qui vous a précédés, on a demandé
à trois reprises, trois d'entre nous: Du côté de
l'encadrement où
la masse salariale est de 1 000 000 000 $, qu'est-ce que vous allez
faire, MM. et Mmes de l'Association des hôpitaux? Ils ont réussi
à ne pas répondre. Et on leur a dit, d'ailleurs. On l'a
souligné.
Le Président (M. Lemieux): La question était trop
ambiguë, M. le président du Conseil du trésor, je pense.
M. Johnson: La question était... Si les économies
sont du côté, parce qu'on sait que la vaste majorité, sinon
la totalité des dépenses sont du côté de la
rémunération, et qu'on fixe un cadre gelé, on envoie une
enveloppe non indexée, année après année, à
un établissement hospitalier, d'après vous, qu'est-ce qu'ils vont
faire? Vous êtes à l'intérieur, là. Vous dites que
les établissements font de la substitution de personnel de soins
infirmiers et, si je suis votre raisonnement, ils se mettent la corde au cou en
payant trop cher. Je ne vois pas l'intérêt d'un
établissement, qui vit avec une enveloppe non indexée, à
choisir un personnel qui lui coûte plus cher que l'autre, soit en nombre,
soit en conditions de travail ou quoi que ce soit. Je cherche vraiment
où est l'équilibre là-dedans, si on commence à
envoyer quatre ans de suite une enveloppe non indexée.
D'après votre connaissance, là, de ce qui se passe dans
les établissements, qu'est-ce qu'ils vont faire?
M. Paradis (Régis): Sans doute que le premier
réflexe va être, justement, de diminuer le personnel, sauf
qu'après ça, après qu'on aura fait le tour, sûrement
qu'il va sortir des idées innovatrices. Il va y avoir plus de
concertation, les gens vont se parler davantage, ils vont tous chercher entre
eux, justement, des solutions au problème de financement et, en bout de
piste, il va en résulter une utilisation plus rationnelle et, par le
fait même, des coûts diminués. Peut-être que mon
collègue pourrait poursuivre là-dessus.
M. Johnson: Oui.
M. Thériault (Paul J.): M. le Président, si vous
permettez, pour compléter cette argumentation-là.
On a eu des chiffres qui nous ont été rendus disponibles
par le ministère de la Santé qui nous démontrent que
depuis... Bon, en 1980, les rapports de masse salariale entre les
infirmières auxiliaires et les infirmières étaient de
l'ordre de 2,498 fois supérieurs et, en 1989, on parlait de 3,252 fois
supérieurs. Et, pour la même période, de 1980 à 1989
- ça inclut les salaires et les bénéfices marginaux - le
nombre d'infirmières a augmenté de 27,9 % et le nombre
d'infirmières auxiliaires a diminué de 5,7 %. Ce n'est
sûrement pas le fait du hasard. On sait que ce n'est pas, non plus, une
hausse des services offerts à la population, mais ça
reflète, pour nous, le phénomène de déqualification
comme tel. (20 h 30)
Alors, ce genre de situation là nous préoccupe. Même
si vous parlez d'enveloppe budgétaire pour les établissements, le
premier réflexe qu'ils ont, c'est de fermer des lits pour des
périodes de temps; des fois, on a entendu parler de périodes
jusqu'à trois mois par année, mais réparties de
façon arbitraire et discrétionnaire pendant l'année. Ce
n'est pas un trois mois fixe, mais ça correspond à
l'équivalent de trois mois. Alors, ce genre de démarche nous
préoccupe hautement.
Nous, on a voulu creuser un petit peu cette question-là et on
s'est dit... Et, là, on parle en termes d'utilisation
d'infirmières auxiliaires, parce que l'argumentation de fond qu'on vous
soumet aujourd'hui, c'est la question de sous-utilisation par rapport à
une formation qu'un groupe de personnes ont dans le système. Si ces
gens-là faisaient les tâches et les actes pour lesquels ils sont
formés, et l'autre groupe, qui sont les infirmières, posait des
gestes que les infirmières auxiliaires ne peuvent pas faire, il y aurait
des économies d'échelle importantes. L'écart actuel...
Là, on parle de trouver de l'argent dans le contexte actuel, c'est ce
qu'on vous suggère. Le phénomène actuel ne va que
s'accentuer, parce que les écarts salariaux entre les infirmières
et les infirmières auxiliaires, depuis 1990, ont augmenté. La
tendance est à augmenter ces différences salariales.
On a parlé, tantôt, du phénomène dans les
CLSC où, automatiquement, on a accès à des salaires
supérieurs en allant chercher une formation supérieure. Donc, ce
dont on parle, c'est une surqualification pour faire un certain nombre de
gestes, de services à la population. On n'est pas contre la
spécialisation, au contraire, je pense que tout le monde est d'accord
pour ça, dans le domaine des soins particulièrement. Par contre,
on peut se poser la question sur le nombre de spécialistes qui doivent
offrir des services.
Contrairement à la question initiale que vous posiez: Est-ce
qu'on doit revoir le panier de services? Nous, on dit: Peut-être qu'il
faudrait revoir le panier de producteurs de services. C'est peut-être
là qu'il faut se poser la question. C'est là-dessus qu'on vient
vous livrer un message comme étant une piste de solution, un
élément de solution par rapport à la difficulté
qu'on a, actuellement, dans notre système de services publics. Alors,
c'est vraiment là-dessus.
Par rapport aux données économiques, ce n'est pas notre
hache, ce n'est pas notre spécialité de faire des études
à caractère économique, mais on peut voir par les
différents exemples qu'on a dans le système qu'il y a, de ce
côté-là, une mauvaise utilisation de ressources
professionnelles, et les exemples se multiplient. Est-ce qu'en 1980 les soins
infirmiers, au Québec,
posaient des lacunes importantes? Est-ce que la population avait des
mauvais soins infirmiers? On ne l'a jamais porté à notre
attention si c'était le cas. Je ne sais pas si, vous, vous l'avez
entendu de votre côté. Pourquoi ça justifie des changements
de cet ordre-là?
Nous, ce qu'on pense, c'est que si, effectivement, il y a des
changements à caractère technologique ou des changements de
besoins au niveau de la population, on devrait plutôt mettre de l'argent
dans la formation au cours d'emploi pour les infirmières auxiliaires.
Ça n'exclut pas les infirmières aussi, mais ce serait une
utilisation à bon escient des professionnels qui sont disponibles.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
D'abord, au nom de l'Opposition officielle, ça me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue à cette commission et de vous
féliciter pour votre mémoire et les commentaires que vous venez
de faire. La présentation différait sensiblement même du
mémoire; elle était plus précise, je pense.
J'aimerais poursuivre dans l'ordre des idées qui viennent
d'être échangées. L'Ordre des infirmières - et je
pense les hôpitaux en accord avec lui - avait proposé au
gouvernement et aux universités de perfectionner les infirmières,
ce qui a été une opération considérable accomplie
depuis le début des années soixante-dix et qui n'est pas encore
terminée, à ce que je sache, bien qu'il y a eu beaucoup de chemin
de fait là-dedans. Je pense que ça touche en bonne partie au
problème que vous soulevez, qui est la répartition des
tâches à l'intérieur de l'hôpital et de la
qualification pour les accomplir. Cela remet en cause le bien-fondé, en
quelque sorte, de toute cette démarche. J'aimerais ça que vous
soyez plus explicite sur ce plan-là, et j'y reviendrai un peu plus
tard.
Si je comprends la proposition que vous faites, c'est qu'il y a de
telles économies de coût pour les hôpitaux à confier
des tâches à des infirmiers et infirmières auxiliaires que
cela compenserait complètement pour les coûts additionnels
occasionnés par tout ce qu'on sait du phénomène
démographique que nous avons, et qui entraîne des coûts plus
élevés aux hôpitaux. Je pense que le président du
Conseil du trésor a bien mentionné 3 %. Jusqu'ici, on a toujours
parlé de 3 %. Il a mentionné 4 %. J'ai bien relevé que
ça avait monté de un point de pourcentage. Mais disons que, sur
quatre ans ou cinq ans, c'est 15 %, entre 15 % et 20 %, effectivement.
Est-ce que vous remettez en cause la démarche qui a
été faite par rapport au perfectionnement des infirmières
à l'heure actuelle, que ce n'était pas nécessairement
utile dans tous les cas?
M. Paradis (Régis): S'il vous plaît, j'aimerais que
ce soit précisé quand on parle de formation additionnelle. Vous
parlez bien, finalement, du passage de l'infirmière du collège
à l'université.
M. Léonard: Je pense qu'il...
M. Paradis (Régis): De formation additionnelle. Je pense
que c'est bien cela.
M. Léonard: Je pense qu'il y a eu des programmes de
formation pour les infirmières qui sont en exercice, en hôpital,
et qui ont suivi des cours partout au Québec et dans toutes les
constituantes de l'Université du Québec, l'Université de
Montréal, l'Université Laval, etc.
Mme Levasseur (Diane): Moi, si je comprends bien, depuis les
années soixante-dix, le phénomène auquel on a
assisté, c'est vraiment le phénomène où les
infirmières ont voulu obtenir des bacs. Je pense que la position de
l'Ordre, actuellement, l'objectif, finalement, c'est que l'admission à
la profession d'infirmière en l'an 2000 soit de... Il va falloir que les
infirmières entrent dans la profession avec un bac. Nous, oui, on remet
ça en question, cette position. On n'est pas d'accord avec cette
position-là. On pense que la pratique des soins infirmiers n'exige pas,
dans tous les cas, une formation universitaire. Dans certains cas, oui, mais on
sait que ces infirmières-là sont davantage formées pour
faire de la gestion et de la recherche en soins infirmiers.
Dans les hôpitaux, dans les centres hospitaliers, on a besoin de
gens qui dispensent des soins de santé, des soins de base, et des soins
plus spécifiques, dits des soins infirmiers. Nous, on ne dit pas que le
fait de remplacer... que ce phénomène-là, à lui
seul, a fait en sorte que les coûts de la santé sont devenus
exorbitants. Ce qu'on dit, c'est que si ce phénomène-là
continue effectivement, la facture va continuer à grimper et, ça,
ce n'est pas nécessaire. Effectivement, l'utilisation plus efficiente
des infirmières auxiliaires, si on utilise mieux les infirmières
auxiliaires, qu'on leur fait faire ce qu'elles peuvent faire...
Par exemple, quand on empêche l'infirmière auxiliaire de
distribuer des médicaments dans un centre hospitalier, oui, on fait
grimper la facture, ça, on peut l'affirmer.
M. Léonard: Mais si j'ai compris, elle a grimpé du
tiers depuis 1980, parce que passer de 2,5 à 3,2, c'est le tiers du
coût. Est-ce que les proportions de personnel... Est-ce qu'il existe la
même chose dans d'autres provinces du Canada actuellement, cette
distinction entre infirmières -auxiliaires, infirmières de plein
exercice, qu'il y
a ici au Québec?
M. Paradis (Régis): Ce que nous savons, c'est que, dans
certaines provinces, dans le budget prévu au Nouveau-Brunswick, on
recommande qu'il y ait un équivalent de 60-40, c'est-à-dire 60 %
infirmières et 40 % infirmières auxiliaires. Et nous savons aussi
que dans d'autres provinces on songe à déréglementer pour
faire en sorte qu'on utilise de façon maximale l'ensemble des ressources
pour, en d'autres mots, que tout ce que la personne, le professionnel de la
santé a eu comme formation, qu'il soit en mesure, justement, de le
poser.
Et j'aimerais revenir un peu sur votre question, que vous mentionniez
quand même tout à l'heure. Si on s'en va tous vers un bac en l'an
2000, il y a présentement 64 000 infirmières, ça va
coûter un joli paquet! C'est une chose. L'autre chose, également,
c'est qu'il y en a une proportion énorme là-dedans qui a
déjà fait... Et là j'arrive au niveau du coût de
formation également. Si on a fait trois ans de collège à
un coût d'environ 9000 $, 9500 $ par année et, ensuite, quatre ans
d'université à 11 000 $ ou 12 000 $ peut-être - en tout
cas, c'est les chiffres approximatifs qu'on peut avoir pour former une seule et
même personne - vous imaginez-vous, finalement, le coût
engendré? C'est astronomique, tant au niveau de la formation que pour
les soins de santé.
M. Léonard: Quelle est la qualification de base qu'on
exige de l'auxiliaire? (20 h 40)
M. Paradis (Régis): L'infirmière auxiliaire a un
secondaire V complété, français-anglais, plus
l'équivalent de 1800 heures réparties sur deux ans.
M. Léonard: Au cégep? Non?
M. Paradis (Régis): Non, au niveau secondaire.
M. Léonard: C'est techniques infirmières, c'est
ça?
M. Paradis (Régis): Oui. Le programme s'appelle
Santé, assistance et soins infirmiers. C'est, comme je le mentionnais
d'ailleurs, finalement, la meilleure formation qui existe actuellement dans
l'ensemble du Canada.
En passant, ce qu'il faut retenir, c'est que l'infirmière
auxiliaire, bien qu'elle porte le nom d'auxiliaire, c'est l'auxiliaire du
patient, parce que l'infirmière auxiliaire est engagée comme
l'infirmière auxiliaire du patient, et non, là, l'auxiliaire,
finalement, de...
M. Léonard: O.K.
M. Paradis (Régis): ...l'infirmière, d'un autre
intervenant. Je pense que c'est une nuance importante à
préciser.
M. Léonard: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
M. le député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président.
Alors, à mon tour, je veux souhaiter la bienvenue aux gens qui
sont avec nous ici, vous remercier et vous dire aussi que c'est
rafraîchissant, je trouve, de vous entendre, puisque, après une
semaine d'audition de groupes, vous êtes les premiers, je crois, qui
venez nous dire: Selon nous, laissez-nous le même argent et on va
innover. Vous êtes les premiers, je crois, qui nous disent ça;
vous êtes les premiers qui nous disent que l'argent n'est pas toujours la
solution à tous nos problèmes. Bien au contraire, au
gouvernement, le problème qu'on a là, c'est que peut-être
qu'il y en a trop eu d'argent dans le passé; aujourd'hui, on en
dépense trop pour les services qu'on a, dans le sens qu'on est en
déficit.
Vous dites: «Nous sommes convaincus - à la page 9 - que ces
mêmes groupes, placés devant le défi, non pas d'un jeu de
structures, mais d'assurer la poursuite du régime de santé et des
services sociaux, sauraient trouver des solutions innovatrices pour atteindre
l'objectif.» Bien, écoutez, c'est pour ça que je dis que
c'est rafraîchissant, et vous en remercie.
Vous dites aussi, pour que les ressources financières disponibles
soient suffisantes, vous proposez au ministère de la Santé de
mettre en place une stratégie de marketing pour orienter les gens vers
les services de première ligne appropriés et modifier les
comportements de la population en ce qui a trait au phénomène du
vieillissement. J'aimerais en savoir un peu plus là-dessus, quand vous
pensez à un plan de marketing pour orienter les gens.
Deuxièmement, vous proposez également de remplacer le
système de gestion actuel par un système qui s'appuie sur la
satisfaction des besoins réels des consommateurs. Qu'est-ce que vous
voulez dire par les besoins réels des consommateurs? C'est les deux
questions que j'avais à vous poser.
Mme Levasseur: O.K. Bien, peut-être la première
question, la stratégie de marketing. Je ne sais pas si vous vous
souvenez de la campagne qu'on avait faite, par exemple, que
l'assurance-automobile avait faite pour la non-consommation d'alcool ou bien
pour le port de la ceinture de sécurité. C'a été
des campagnes qui ont quand même fonctionné. Aujourd'hui, tout le
monde porte la ceinture de sécurité, et la consommation d'alcool
au volant a quand même grandement diminué, là, suite
à des campagnes.
Quand on parle de campagnes pour éduquer la population, par
exemple, à quelque chose qu'on croit, je pense que c'est faisable de
changer les comportements. Si on dit que les gens surconsomment des services de
santé, il y a des exemples de ça: les gens qui, constamment, vont
voir le médecin à la moindre toux, des choses comme ça. Je
pense qu'on peut les éduquer et dire: Bien, à chaque fois que tu
consommes ce service-là, à chaque fois on poinçonne ta
carte. Voilà ce que c'a coûté: Tu as été 10,
12, 15 minutes avec le médecin dans le bureau; voilà, c'a
coûté ça.
Il y a la population à éduquer, puis il y a les
professionnels aussi, à éduquer. Je veux dire, quand le
professionnel dit à quelqu'un qui est blessé - bon, des fois, ce
n'est pas toujours une grande... - «viens me voir quatre fois, mais tu
peux travailler, par exemple». Peut-être que ces quatre
fois-là, c'est payant pour le professionnel, mais ce n'est
peut-être pas nécessaire. C'est peut-être sur toutes ces
choses-là qu'on a, bon, à se poser des questions, à
regarder, et je pense que si on voulait vraiment... En tout cas, nous, c'est un
peu l'exemple qu'on avait, les campagnes sur le port de la ceinture de
sécurité, des campagnes qui ont fonctionné, je pense, et,
ça aussi, c'a réduit, probablement, les accidents mortels, ou des
choses comme ça. Ça fonctionne, les campagnes de marketing.
M. Audet: C'est ce que vous associez aux besoins réels des
consommateurs, c'est ça que vous voulez dire, là? Quand je parle
de la deuxième question, les besoins réels des
consommateurs...
Mme Levasseur: Bon, ça, c'est une autre question.
Répétez donc cette question-là, s'il vous plaît.
M. Audet: C'est parce qu'à un moment donné, dans
votre mémoire, vous proposez de remplacer le système de gestion
actuel par un système qui s'appuie sur la satisfaction des besoins
réels des consommateurs, qui sont animés par une discipline de
qualité totale. Qu'est-ce que vous appelez «des besoins
réels»? Est-ce que les besoins en santé ne sont pas tous
des besoins réels? Je ne sais pas, c'est ça que je voulais...
M. Paradis (Régis): M. Thériault va vous
répondre.
M. Thériault: C'est plus une approche, là,
où les préoccupations de gérer les soins infirmiers ou le
système de santé comme tel ne sont pas axées sur des
chicanes interprofessionnelles, dont on est victimes, ça, c'est clair,
mais plutôt axées sur des objectifs et des résultats face
aux clients. Se poser les bonnes questions à cet égard-là,
c'est là-dessus qu'on veut vous lancer un message.
Notre préoccupation à cet égard-là, c'est
d'orienter le système sur les clients et non pas sur les producteurs de
services qui contrôlent le système actuellement.
M. Audet: Ça va. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Beauce-Nord.
M. le député de Rouyn-Noranda
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Je veux vous saluer, à mon tour, et reconnaître encore une
fois tout le travail que vous effectuez dans notre système de
santé et de services sociaux parce que vous êtes les personnes qui
accompagnez. Vous l'avez précisé il y a quelques minutes, c'est:
infirmière auxiliaire de l'usager, du patient, du malade à
l'hôpital. Et, effectivement, les gens, en termes de soins infirmiers,
vous reconnaissent dans nos établissements comme étant les
personnes qui assurent l'accompagnement du patient. Et tout ce
travail-là, il faut le souligner lorsqu'il nous est donné d'avoir
des occasions comme ce soir.
Le président du Conseil du trésor a posé une
question cet après-midi à l'Association des hôpitaux - ce
sont des administrateurs - s'il y avait un taux d'encadrement trop
élevé. Sa question était surtout à l'affirmative.
Enfin, il a fait une affirmation qu'il lui semblait que le taux d'encadrement
était assez élevé. Vous, vous êtes sur le terrain,
vous êtes dans le champ, dans la pratique. Est-ce que, à vous, il
vous semble que, dans notre système de santé et de services
sociaux, il y a un niveau d'encadrement beaucoup trop élevé, trop
élevé?
M. Paradis (Régis): Ce qu'on peut répondre à
cela, M. le Président, c'est que c'est difficile pour nous que ce soit
difficile d'aller mesurer dans les établissements le taux d'encadrement
précis. Cependant, ce qu'on peut vous dire, il y a maintes et maintes
fois dans une année où des infirmières auxiliaires
viennent dénoncer un taux d'encadrement très élevé.
Et un centre hospitalier dans le Bas-Saint-Laurent - Rimouski, pour ne pas le
nommer - a un taux d'encadrement qui excède les 20 %. Alors, convenez
avec moi que c'est plutôt élevé. Et nombre d'endroits comme
ça... On entend, justement, dans des petits centres hospitaliers: Dans
un petit centre hospitalier, on a embauché un intervenant sur la
qualité totale à un salaire très élevé.
Ce qu'on dit, au fond, de tout ça, c'est que souventefois ce sont
des décisions qui sont prises à la pièce, et les gens qui
prennent ce genre de décisions ne sont pas toujours imputables des
décisions. Ils arrivent à la fin de l'année... On fait un
déficit, mais il n'y a jamais de conséquences à tout cela.
On avait parlé déjà de placer, justement, les gens sur des
sièges un peu éjectables. L'éjection ne s'est
évidemment jamais
produite, et on ne se souvient pas qu'une personne ait été
sanctionnée pour avoir accumulé des déficits importants,
sauf dans les cas de malversation, il va sans dire.
Alors, effectivement, nous disons que, oui, dans plusieurs cas, le taux
d'encadrement pourrait être réévalué à
plusieurs endroits. Et ça, ça nous est dit par des membres qui
travaillent sur place. Comme je le mentionne, c'est un petit peu difficile
d'aller voir vraiment puis de mesurer. Mais certainement qu'à ce
niveau-là il y aurait quelque chose à aller voir, justement, pour
diminuer les coûts.
M. Trudel: Et dans votre champ de pratique, dans le quotidien de
votre pratique des soins infirmiers, est-ce que, chez vous, vous avez
l'impression que ça affecte le rendement?
M. Paradis (Régis): C'est évident, M. le
Président, que l'infirmière auxiliaire mal utilisée...
Regardez. Imaginez-vous, au début des années quatre-vingt, nous
posions 102 gestes professionnels. Est arrivé un décret - que,
d'ailleurs, le ministre responsable de l'application des lois professionnelles
connaît bien - qui est venu nous déqualifier. De 102 on est
passé à 16 actes. Et non seulement ça, c'est qu'on
laissait à l'intérieur de ce même
règlement-là la possibilité de restreindre de 16 à
encore plus bas. On a appelé ça «les conditions
locales». Et là, on a dit: À cause du besoin de
surveillance, à cause des nouvelles technologies... (20 h 50)
Les nouvelles technologies, ça vient faciliter la dispensation
des soins infirmiers, ça ne vient pas complexifier. Parce que si,
à chaque fois qu'il y a une nouvelle technologie, on diminue les
utilisateurs, il n'y aurait à peu près plus personne d'entre nous
qui conduirait une automobile. Imaginez-vous, maintenant, c'est le «power
steering», c'est les lecteurs de disque au laser, à part les
cellulaires même. Alors, finalement, vous conviendrez avec moi que les
nouvelles technologies, ça vient faciliter, et il n'y en a pas tant que
ça sur le plancher même aussi. Bon. Il y a des appareils
glucomètres, qui servent à mesurer le taux de sucre dans le sang,
mais c'est beaucoup plus facile que par le passé, et deux, trois autres
dont je vais vous faire grâce.
Donc, non seulement ce règlement-là, comme je viens de
vous le mentionner, M. le Président, mais il y a un nouveau projet de
loi, en plus, pour venir nous restreindre et nous encadrer davantage qui vient
d'être sorti, on appelle ça le projet de loi 72, qui va donner
encore une fois l'opportunité à une autre clique de venir
enquêter sur nous, de former des comités d'enquête, de venir
enquêter sur nous. C'est comme si on autorisait les avocats à
enquêter sur les notaires, par exemple. Alors, ça irait
jusque-là. Donc, non seulement on n'en a pas assez de ce qui se produit
là, mais il y en a un autre qui s'en vient, qui va venir encore
davantage nous restreindre et nous limiter.
Il y a eu une grande étude faite par l'AHQ là-dessus,
justement. On dit: Les infirmières auxiliaires sont utilisées au
maximum. Cependant, dès la page 2, on a convenu, par exemple, qu'il n'a
pas été nécessaire d'aller voir, justement, les conditions
locales parce que ça aurait été trop coûteux, trop
onéreux. Alors qu'on sait fort bien que ce sont les conditions dites
locales, comme les besoins de surveillance et nouvelles technologies, c'est
ça qui empêche l'infirmière auxiliaire, justement, de
fournir pleinement son rendement, ce qui, par le fait même, la
démotive aussi au plus haut point.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez
d'autres...
M. Trudel: Le ministre de...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Trudel: ...la Santé et des Services sociaux a
présenté son projet de réforme et, finalement, l'a fait
adopter à l'Assemblée nationale. Vous allez finalement vous
retrouver dans les établissements hospitaliers à
l'intérieur d'un seul et même conseil, les infirmiers et les
infirmières, les infirmiers et les infirmières auxiliaires. Sinon
que c'est déjà peut-être le cas dans bien des
établissements parce que la réforme s'implante au niveau du
conseil des infirmiers et infirmières. Est-ce que vous avez l'impression
que cela va contribuer de façon significative à régler ce
problème du champ de la pratique et de l'utilisation efficiente, de
l'utilisation optimum des ressources en soins infirmiers? Parce que le volume
que cela concerne, quelque chose comme 4 000 000 000 $, ce n'est pas de la
petite bière, c'est beaucoup d'argent dans notre système de
santé et services sociaux, eu égard aux finances publiques.
Est-ce que vous avez l'impression qu'on s'approche de quelque chose qui
va nous permettre, au niveau des soins infirmiers, d'avoir une approche, je
dirais, un peu plus unifiée, si j'écoute le discours depuis le
début de cette présentation?
M. Paradis (Régis): C'est un outil de départ. C'est
une base avec laquelle on peut travailler. Maintenant, quand vous demandez:
Est-ce que ça va être suffisant? Certainement pas. Il va falloir
sûrement, et sans plus tarder, faire plus que cela, réviser le
champ de pratique de l'infirmière auxiliaire, accentuer, augmenter son
autonomie.
Au niveau des conseils des infirmières et infirmiers, sur
lesquels va pouvoir siéger une infirmière auxiliaire, ça
va, je pense, permettre à l'infirmière auxiliaire de se faire
entendre. On va lui donner un endroit et elle va pouvoir, en
effet, s'exprimer, mais ça ne saurait quand même tout
régler. Nous ne croyons pas, justement, que le seul fait qu'on soit
présent... mais nous admettons que ça a été un
effort considérable quand même. Ça a été un
effort «considérable», c'est peut-être beaucoup dire,
mais un effort intéressant qui a été fait, justement, par
le ministre de la Santé, l'année dernière, à cet
effet-là. Mais c'est certain, finalement, que ça ne saurait
être suffisant pour faire en sorte que l'infirmière auxiliaire
soit davantage reconnue.
M. Trudel: Les médecins de département de
santé communautaire disaient l'an passé que les actes
réalisés par les médecins au Québec nous
coûtaient beaucoup trop cher parce que toute une série d'autres
professionnels pouvaient aussi bien réaliser ces actes-là. Les
infirmières nous disaient qu'elles pouvaient réaliser un assez
grand nombre d'actes, qui étaient réalisés par les
médecins, avec une efficience plus élevée. Les
infirmières auxiliaires, vous nous disiez que vous pouviez
réaliser un certain nombre d'actes de façon plus efficiente
à la place ou tels qu'ils sont réservés aux
infirmières actuellement. Je suppose que si les préposés
aux malades étaient là, ils nous diraient qu'ils pourraient
réaliser des actes des infirmières auxiliaires.
Est-ce que vous pensez réellement que les conditions sont en
place pour que nous puissions réviser tout ce système des actes
réservés dans le domaine de la santé, puisqu'il s'agit
d'un os majeur en termes de coût? Et sinon, quelles sont les conditions
qu'il faudrait mettre en place, puisque tout le monde, y compris ce que
certains situent comme le haut de la pyramide au niveau de l'acte
médical... Même les médecins des départements de
santé communautaire nous disaient que les médecins
réalisent des actes qui ne devraient pas être
réalisés, qu'ils sont beaucoup trop chers quand ces
actes-là sont réalisés par des médecins.
Est-ce qu'on peut y arriver? Sinon, quelles sont les conditions qu'il
faudrait mettre en place pour en arriver à réviser ça un
jour, si tant est qu'il faille le faire?
M. Paradis (Régis): Écoutez, je pense
qu'effectivement on devrait, et je pense qu'il y a un certain nombre de
conditions qui sont déjà en place, revoir l'ensemble de la
chaîne de distribution des soins. Il y a une partie des conditions qui
sont en place; les autres s'en viennent en place, parce qu'on a
déposé récemment un avant-projet de loi sur la
réforme du Code des professions qui pourrait, à ce
moment-là justement, finir de poser toutes les conditions.
Nous, cependant, comme vous le savez, nous sommes une corporation
à titre réservé; donc, on n'a pas le pouvoir de
déléguer. Ce que je veux vous dire par là, M. le
Président, c'est que nous n'avons pas le pouvoir de
déléguer à un autre groupe comme, par exemple, les
préposés. Ce pouvoir-là appartient à l'autre
intervenant, qui, lui, est une corporation à titre exclusif et a le
pouvoir de déléguer.
Nous, nous croyons effectivement qu'il serait grand temps de revoir
l'ensemble de la chaîne de distribution de soins. Je ne sais pas si ma
collègue a quelque chose à ajouter.
Mme Levasseur: Je pense que c'est assez complet. Effectivement,
nous, on en est rendus là, puis ça fait longtemps qu'on en est
rendus là. De toute façon, depuis 1980, je pense que 13 ans se
sont écoulés depuis cette délégation-là. Je
pense qu'on a eu à maintes reprises l'opportunité de venir dire
que ça ne fonctionne pas; ça n'a pas fonctionné dans notre
cas. Si les autres intervenants sont d'accord que ça ne fonctionne pas
pour eux, je pense qu'il est temps, qu'il est grand temps qu'on s'assoie et
qu'on révise ça.
C'est un élément de solution. On espère, en tout
cas, que cette fois-là ça ne prendra pas cinq ou six ans avant
d'arriver à des règlements dans cette question-là. C'est
clair que, pour nous, on souhaite grandement qu'il y ait un débat le
plus rapidement possible.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le
député?
M. Trudel: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
M. le président du Conseil du trésor?
M. Johnson: À ce moment-ci, non. Je pense que les
questions de part et d'autre ont permis d'acquérir une connaissance plus
profonde de ce qui vous anime.
Ce qui me frappe encore, c'est que insérés que vous
êtes dans la dispensation des soins, notamment en milieu hospitalier et
de centres d'accueil, parce que vous êtes des auxiliaires des patients
aussi dans les centres d'accueil, c'est que vous souhaitez vraiment, et vous
êtes à l'intérieur, qu'on gèle les dépenses
pour qu'on prête attention aux vrais enjeux. C'est une façon, dans
le fond... Vous suggérez, je devrais dire, un processus plutôt que
des pistes de solutions comme telles. Vous croyez que ce processus-là
mènerait à des choix plus éclairés, sans doute,
parce que, évidemment, j'en conclus qu'on devra faire des choix
extrêmement difficiles. Vous en avez conclu, de votre expérience,
que ce serait la seule façon pour les administrations des
établissements, notamment, les conseils d'administration, d'en arriver
à faire des choix réels de priorités.
Je soulignerais, si vous avez un moment, que ça pourrait varier
d'un établissement à l'autre, les priorités qui sont
établies. Ça pourrait varier d'un établissement à
l'autre à l'intérieur d'une même région, alors qu'en
général les
problématiques de santé publique ne sont pas
reliées au seul établissement ou au DSC, mais à des
régions ou à des sous-régions, donc des territoires qui
débordent largement le territoire de desserte d'un établissement.
C'est peut-être là que je ne vois pas comment vous suggérez
qu'on fasse un lien entre l'objectif d'intervenir en matière de
santé publique à partir de décisions de priorités
qui seraient faites dans les établissements. Ça m'apparaît
un peu étroit, je dirais, comme base à partir de laquelle prendre
des décisions éclairées; c'est ce qu'on doit faire dans
une région, par exemple.
M. Paradis (Régis): M. le Président, c'est que tant
et aussi longtemps qu'on va injecter de l'argent nouveau, de l'argent neuf dans
le système, ça va continuer à favoriser la
surqualification, la surspécialisation, et ça va favoriser une
mauvaise utilisation des ressources humaines. C'est ça, finalement,
qu'on est venus vous dire aujourd'hui; c'est ça qu'il faut changer. (21
heures)
Vous disiez, justement, que ça peut varier d'un
établissement à l'autre à l'intérieur d'une
même région. Non seulement ça, mais ça varie d'une
unité de soins à une autre à l'intérieur du
même établissement.
M. Johnson: D'un même établissement.
M. Paradis (Régis): Alors, ça va aussi loin que
ça. Donc, ce qu'il faut faire, c'est que les décideurs à
l'intérieur de cela soient en mesure de s'asseoir ensemble et qu'on
révise, justement, le mécanisme de délégation
d'actes, qu'on révise le champ de pratique.
Moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'on est ouvert et qu'on est en
mesure de trouver des solutions. Cependant, il faut qu'il y ait, je le
mentionne, une volonté politique. Et non seulement une volonté
politique mais il faut qu'il y ait aussi des gestes politiques posés,
non seulement au niveau du ministère des Finances et de celui de la
Santé mais également à celui du Conseil du trésor
et du ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Je suis
convaincu qu'on est en mesure de trouver des solutions, mais, encore une fois,
il faut qu'il y ait cette volonté-là. Parce que je présume
que, le courage, vous l'avez déjà, donc, il reste maintenant la
volonté et les gestes.
M. Johnson: Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Comme le temps est terminé, alors, nous vous remercions de votre
participation à cette commission parlementaire. Je vais suspendre
environ deux minutes pour permettre aux membres de Forum Option-Jeunesse de
bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à 21 h 2)
(Reprise à 21 h 3)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission va reprendre ses travaux dans 30 secondes. À
l'ordre, s'il vous plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour
entendre le Forum Option-Jeunesse.
Voici quelles sont les règles de procédure. Vous disposez
d'une période de 20 minutes pour faire l'exposé de votre
mémoire. Suivra un échange de 40 minutes, globalement, entre les
deux formations politiques: 20 minutes pour le parti ministériel et 20
minutes pour le parti formant l'Opposition officielle.
Je demanderais au représentant de l'organisme de bien vouloir
s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il
vous plaît.
Forum Option-Jeunesse
M. Dumont (Mario): Bonsoir. Mon nom est Mario Dumont. Je suis
porte-parole du Forum Option-Jeunesse. Je viens vous présenter
aujourd'hui notre mémoire avec Marc Snyder, à ma gauche, et
Jean-Luc Benoît, à ma droite.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous
écoutons avec intérêt.
M. Dumont: D'abord, je veux saluer les députés du
parti gouvernemental, de l'Opposition, le député de Drummond,
toujours assidu à cette commission.
Le Forum Option-Jeunesse est un groupe de jeunes qui a été
formé au cours de l'hiver pour se pencher sur un certain nombre de
questions qui concernent directement l'avenir du Québec et, comme
première préoccupation sur laquelle on a voulu
réfléchir et produire quelque chose, il y avait ce débat,
cet hiver, sur les finances publiques.
La situation, et les chiffres le démontrent, est
éminemment sérieuse. Les déficits qu'on a accumulés
au fil des années, spécialement les déficits sur le solde
des opérations courantes, quand on connaît la pyramide des
âges au Québec et quand on sait quelle sera la
génération qui pourra, dans quelques années, rembourser
cette dette-là et payer les intérêts sur la dette, c'est
certainement inquiétant pour nous.
Ça étant dit, il est évident que la situation de
crise dans laquelle le document gouvernemental a été produit et
la commission convoquée ne nous ont pas tellement impressionnés
dans la mesure où ça fait un certain nombre d'années
que le gouvernement est au pouvoir. La relecture du document nous donne
aussi le ton d'un discours qui a déjà été entendu,
de solutions qui ont déjà été proposées dans
certains cas et que, dans d'autres cas, nous reproposons nous-mêmes, mais
pour lesquelles il ne reste qu'à avoir la volonté politique de
les appliquer.
Dans notre document, nous proposons une série de mesures qui,
nous le pensons, sur le plan du rôle des administrateurs publics, sur le
fonctionnement de l'administration publique, pourraient améliorer le
contexte des finances publiques du Québec. Mais nous sommes
profondément convaincus que toutes ces solutions-là, comme toutes
les autres solutions qui ont été proposées par les
groupes, seront vaines si on ne sent pas, de la part... Parce que, pour toute
société, le gouvernement est un peu un exemple, un modèle;
et toutes ces solutions-là ne seront pas fructueuses si le citoyen, dans
sa vie de tous les jours, ne sent pas que le dollar de taxes ou d'impôt
qu'il paie au gouvernement, lorsqu'il arrive dans les mains de ses dirigeants,
il est précieux. Et tant que chaque citoyen du Québec ne pourra
pas avoir davantage cette confiance, cette conviction que le dollar pour lequel
il a travaillé et qu'il doit remettre à l'État en taxes et
en impôt, il est précieux, il est, je dirais même,
sacré, bien, on va avoir des problèmes.
A priori, pour régler la situation des finances publiques, les
jeunes de notre groupe pensent qu'il n'est pas possible de continuer, un peu
comme ça s'est fait récemment, en essayant de couper un peu
partout à la pièce, quelques dollars à gauche, quelques
dollars à droite, ou encore de couper un peu de façon
horizontale, en disant: Bien, on va réduire, dans tous les secteurs, le
budget de x %. Selon nous, la seule façon convaincante pour la
population, efficace et porteuse d'avenir pour régler à long
terme - et non pas pour gagner 12 mois, comme le document gouvernemental semble
nous le faire sentir - la situation, c'est de fixer des priorités dans
le temps. Pour nous, fixer des priorités, ça veut dire, dans un
certain nombre de secteurs, des secteurs clés, définis, annoncer
au public: II n'y aura pas de coupure. Il y aura des investissements soutenus.
Dans l'ensemble des autres secteurs, on va s'arranger pour que, à la fin
de l'année, il n'y ait pas de déficit du solde des
opérations courantes.
Quand on parle de secteurs clés où, selon nous, il faut
fixer des priorités hors de tout doute, bien, ce sont tous ces secteurs
qui viennent un peu appuyer une vision du développement
économique qui, dans certains discours, est présente, mais qui ne
l'est pas dans l'action. Si on veut avoir une vision d'un développement
économique du Québec qui soit durable, qui soit significatif,
bien, c'est des investissements en recherche et développement, c'est des
investissements en formation professionnelle, c'est des investissements
continus en éducation - l'éduca- tion qui est un domaine dans
lequel, au contraire, on a coupé, ces dernières années,
avec le taux de décrochage qu'on connaît - c'est des
investissements au niveau des affaires internationales pour développer
des nouveaux marchés, là où des marchés se
développent, par exemple le Mexique. Or, pour nous, c'est ce type
d'investissement que le gouvernement doit «prioriser» de telle
sorte qu'avec une amélioration générale de la situation
économique, avec des perspectives d'emploi plus enviables, bien,
l'équilibre des finances publiques va être rétabli au bout
d'un certain nombre d'années. (21 h 10)
On est aussi convaincus que l'ensemble du processus budgétaire
devrait faire preuve de plus de transparence et de rigueur, et on vise,
à ce chapitre-là, tout le processus des crédits qui, d'une
part - je pense qu'on s'entendra - est assez compliqué; pour le citoyen,
de façon générale, on ne s'y retrouve pas. Et la preuve de
ça: regardons cette diminution de la part du budget gouvernemental
allouée à l'éducation versus une augmentation un peu
correspondante dans le domaine des affaires sociales et de la santé, et
qu'on aille voir n'importe quel des citoyens du Québec, n'importe quel
des citoyens de vos comtés, et aucun ne pourra dire qu'il a fait, un
tant soit peu consciemment, ce choix-là qui est, finalement, une
évolution que les gouvernements ont maintenue depuis 10 ans.
Deuxièmement, le processus budgétaire avec les
crédits, tel qu'il est pratiqué présentement, est
tiré, est à la remorque des dépenses. On y va des
dépenses, on approuve des dépenses, on ajoute aux dépenses
et, finalement, on vient couronner tout ça du budget où,
là, on essaie de trouver les revenus et les déficits qui vont
permettre de couvrir ces dépenses-là. Cette façon de faire
ne nous apparaît pas optimale d'un point de vue de rigueur
économique où on sait que chaque dépense doit être
associée à des revenus. Et on considère que, dans la
façon de procéder, on encourage un peu les dépenses qui
remorquent l'ensemble du processus budgétaire gouvernemental.
Évidemment, pour arriver à une solution, ultimement, on
dit toujours: Ah! les solutions ne sont pas faciles, les solutions ne sont pas
populaires auprès de la population, et ça va de soi. Je veux
dire, demandez à n'importe qui s'il préférerait que
quelque chose soit gratuit ou qu'il coûte quelque chose, ou payer plus
versus payer moins, les gens veulent toujours payer moins. Là où
il faut en arriver, c'est à établir clairement devant la
population les choix budgétaires qui ont à être faits. Et
la meilleure façon, selon nous, c'est d'y aller par consultation
populaire directe, donc par voie de référendum qui puisse
permettre, dans certains cas... Je ne dis pas qu'il faut faire des
référendums sur chaque dépense, mais lorsqu'il y a des
choix budgétaires majeurs, des investissements majeurs
qui sont effectués avec, souvent, une taxe ou un impôt qui
est correspondant pour les financer, eh bien, que dans ces cas on le demande
à la population.
D'ailleurs, les États-Unis, à ce chapitre-là, ont
une avance assez impressionnante sur nous. Au Colorado, il y a un article de
journal à ce sujet-là. Un référendum, d'une
initiative populaire, a été demandé. Le
référendum a été tenu sur la question: Est-ce que
vous êtes d'accord pour forcer notre gouvernement à limiter
l'accroissement de ses dépenses à l'inflation plus la croissance
de la population et, deuxièmement, êtes-vous d'accord pour que
toute nouvelle taxe que le gouvernement impose fasse l'objet d'un
référendum? Le référendum est venu d'une initiative
populaire, d'une pétition, il a été tenu. Le
«oui» l'a emporté. Alors, la population, de cette
façon-là, a fait sentir d'une façon assez claire, par une
démocratie directe, à son gouvernement sa préoccupation
pour une saine gestion des finances publiques.
Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut aller jusque-là,
mais je veux vous donner une exemple d'une population qui s'implique
directement et qui prend conscience de la difficulté, parfois, des choix
budgétaires, mais aussi du fait que toutes les dépenses sont
attachées, sont liées à un coût et qu'il faut en
être bien conscient à tous les moments de l'administration
publique.
M. Benoît (Jean-Luc): Selon les membres du Forum, dans tout
l'effort de l'assainissement des finances publiques, on doit s'attarder
à deux parties. D'abord, une révision structurée, une
révision des structures de l'administration publique et une
révision du rôle du gestionnaire de l'État.
D'abord pour les structures. Notre réflexion part de deux
constats. D'abord que l'appareil étatique est très coûteux,
très lourd et très coûteux et que de cela découle
une complexité qui nous amène à nous questionner sur son
efficacité. Or, la solution évidente pour ça - ça
revient à tout le monde, mais c'est la façon de le faire qui
l'est moins - c'est de réduire la taille de l'État.
Au Québec - ça, je ne vous l'apprendrai pas - le Conseil
des ministres est formé de 30 personnes. Ça entraîne quoi?
Ça entraîne beaucoup de ministères. Ça
entraîne des coûts et probablement des difficultés de
coordination entre les différents ministères et les
différents organismes qui en dépendent. Pour ça, on
pourrait citer en exemple l'Ontario qui, la semaine dernière, a
annoncé qu'il réduisait son Conseil des ministres à 20
ministres. Une réduction du nombre des ministres, ça pourrait se
faire, selon nous, par la création de plusieurs super-ministères,
c'est-à-dire regrouper plusieurs ministères, en fusionner, en
éliminer certains en redistribuant les responsabilités à
d'autres; et ces ministères-là, une fois formés, seraient
ensuite chargés de faire le dégraissage au sein de leur
organisation. Une fois cela fait, on devrait, évidemment,
éliminer la fonction de ministre délégué, pour
ensuite augmenter la responsabilité de l'adjoint parlementaire.
Ça, pourquoi? C'est pour pouvoir ainsi revaloriser le rôle du
député - qui, dans le fond, est le représentant du peuple
- dans le processus décisionnel.
L'étape suivante, après avoir réduit le nombre de
ministères, serait d'intégrer au sein d'une même
organisation les entrées et les sorties de fonds publics en formant, un
peu encore à l'exemple de l'Ontario, une sorte de super-conseil du
trésor; on peut s'inspirer du Management Board de l'Ontario. Son
rôle serait évidemment d'appliquer les politiques administratives
du gouvernement, de voir au respect des différents budgets et de
s'assurer de l'efficacité maximum de l'utilisation des fonds publics.
Les avantages qu'on voit à ça, c'est que, comme ça, on
pourrait s'assurer d'une plus grande cohérence dans les politiques de
gestion et, bien évidemment, ça pourrait faciliter l'atteinte des
objectifs qui ont été fixés par le Conseil des ministres
en matière de finances publiques.
Quand on examine l'administration publique québécoise, la
plus grande référence qu'on a quant à sa qualité,
c'est le rapport du Vérificateur général. Mais le
problème que nous voyons à ça, c'est que c'est un rapport
qui est déposé annuellement, qui a des répercussions trois
ou quatre jours dans les médias et, après ça, on n'en
entend plus parler du tout. Ce que nous proposons comme solution, c'est que,
suite au dépôt du rapport du Vérificateur
général, le gouvernement établisse un plan d'action pour
corriger les problèmes qui ont été identifiés et
que le Vérificateur général, ensuite, fasse un suivi
périodique de ce plan d'action. Comme ça, ça permettrait
encore aux députés de mieux assurer, de mieux jouer leur
rôle de contrôleurs des dépenses, des fonds de
l'État.
Pour ce qui est du rôle du gestionnaire, d'abord, il faut
s'assurer d'un mécanisme de gestion qui soit efficace. Ça,
ça passe évidemment par les budgets. Comme vous le savez, dans
tous les organismes publics, le budget a deux parties: les immobilisations et
les dépenses courantes. Tout le monde s'entend: emprunter pour les
dépenses d'immobilisation, c'est normal. Les mêmes gens sont tous
d'accord, par contre, que ça l'est beaucoup moins d'emprunter pour les
dépenses courantes. Ce que, nous, nous proposons comme solution, c'est
un dépôt de deux budgets séparés: un pour les
immobilisations, un pour les dépenses courantes et, dans ce dernier, les
déficits seraient interdits à moins de circonstances
exceptionnelles. De plus, dans l'établissement des budgets,
peut-être qu'on devrait s'inspirer des méthodes de
budgétisation à base zéro; c'est-à-dire que,
contrairement à ce qu'on fait maintenant, on ne se baserait pas sur le
budget
qui a été établi l'année d'avant, le budget
qui a été utilisé l'année d'avant et l'année
d'avant. On repartirait à zéro à chaque fois, on
remettrait en question et on devrait justifier à nouveau chaque
dépense.
Finalement, pour obtenir un niveau d'efficacité maximal de
l'appareil étatique, il nous semble assez évident qu'on doit
instaurer un système d'imputabilité, autant au niveau de la
fonction publique qu'au niveau des organismes gouvernementaux.
Présentement, c'est le ministre qui rend des comptes pour les
orientations politiques et pour les procédés administratifs.
Alors, ceux qui gèrent vraiment les fonds, les gestionnaires de
l'État, n'ont pas vraiment de comptes à rendre aux yeux du
public. En mettant en place un mécanisme d'imputabilité, tant
interne où, à tous les niveaux, on a à rendre des comptes
au niveau supérieur qu'à un niveau externe où les
gestionnaires des sociétés d'État et les hauts
fonctionnaires ont à rendre des comptes devant vous, les
députés, comme ça, on pourrait s'assurer d'une utilisation
maximum des fonds du public. (21 h 20)
M. Snyder (Marc): C'est tous des points qui doivent être
corrigés le plus tôt possible. Maintenant, d'autres points sont
tout aussi nécessaires à corriger et ne sont pas dans l'oeil du
public pour l'instant. Le Régime des rentes du Québec en est
maintenant à un taux de cotisation de 5 %. Au taux actuel, avec les taux
d'augmentation actuels, il devrait monter jusqu'à 13,2 % en 2034. Deux
problèmes vont découler de ça. Un, on remet en cause
l'efficacité et même l'existence de la Caisse de
dépôt et placement, qui est un outil essentiel pour le
développement économique du Québec et qui, pour nous,
serait très utile en 2034. Le même problème de danger de
disparition s'applique pour le régime lui-même où, quand il
n'y a plus de réserve, les rentes sont mises en danger pour la
génération qui vient.
Le deuxième problème qui, à long terme, est un
cul-de-sac financier: la rigidité des contrats de travail dans la
fonction publique. Dans la vraie vie, la sécurité d'emploi
absolue, ça n'existe pas. La sécurité d'emploi absolue qui
existe pour les fonctionnaires de l'État québécois est un
anachronisme qui nous coûte énormément d'argent et qui
cause deux problèmes qui sont visibles dans la fonction publique
québécoise, soit la création de plus en plus
générale d'emplois précaires, d'emplois à contrat
à très court terme, ce qui a causé depuis quelques
années l'utilisation de l'attrition et du gel de l'embauche comme seuls
moyens de contrôler le nombre de fonctionnaires. Ce que nous disons:
Revoyons ce système, revoyons cette sécurité d'emploi
absolue.
Troisième problème à long terme, cul-de-sac
financier: on a dit régulièrement dans les deux dernières
années, tant d'un côté de la Chambre que de l'autre, que le
problème constitutionnel coûtait de l'argent aux
Québécois à cause des chevauchements de juridiction,
à cause des dédoublements de pouvoir. Et puis, aujourd'hui. le
dossier constitutionnel est mis sous le tapis, et on ne parle plus des
coûts qui sont engendrés par ces dédoublements et ces
chevauchements. Et les normes du gouvernement fédéral, dans
certains secteurs telle la santé, telle la formation de la
main-d'oeuvre, font en sorte que des programmes québécois sont
créés et ont des objectifs qui sont, souventes fois,
complètement contradictoires avec les objectifs fédéraux.
Donc, les normes devraient être fixées seulement par le
gouvernement du Québec.
Du côté des revenus, on a très peu de marge de
manoeuvre. On ne peut pas créer de nouvelles taxes, on ne peut pas
créer de nouveaux impôts, augmenter les taux d'imposition
existants. Maintenant, ce qu'on peut faire, c'est étudier certains
problèmes qui nous apparaissent clairs au niveau des exemptions
fiscales. Certaines sont très structurantes pour l'économie
québécoise, d'autres ne le sont pas. On doit donc, à ce
moment-ci, étudier les différentes exemptions fiscales et voir
lesquelles sont à être éliminées et lesquelles sont
à être gardées. L'évasion fiscale est un
problème grave dans la crise des finances publiques. Les contrôles
qui sont appliqués ne sont pas suffisants, les amendes qui sont
appliquées ne sont pas suffisantes. Toutes ces questions-là
doivent être réétudiées.
Maintenant, au niveau de la tarification - qui est un terme très
à la mode à cette commission - nous devons caractériser
trois types de services de l'État québécois. Certains
services de l'État québécois sont ce qu'on appelle non
essentiels. On parle, entre autres, de permis de chasse, de permis de
pêche sportive qui sont des secteurs dans lesquels le gouvernement
québécois est pour créer un marché, pour
réglementer un marché. Et, à ce moment-là, il n'y a
aucune raison de subventionner ces différentes
activités-là, et un taux de coût réel de ces
services-là doit être appliqué.
D'autres ont un caractère très essentiel, très
structurant. M. Dumont parlait plus tôt de la formation professionnelle,
de la recherche et développement, de l'éducation. Dans ces
secteurs-là, aucune tarification ne doit être appliquée. Et
maintenant, tous les services qui peuvent être entre les deux doivent
être étudiés. Certaines tarifications peuvent être
souhaitables si - et seulement si - d'autres mesures ont été
étudiées auparavant et appliquées auparavant. La
tarification n'est pas le premier choix du Forum Option-Jeunesse, dans quelque
domaine que ce soit. Dans certains domaines, ce sera peut-être
nécessaire d'en appliquer. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président
du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président, je
souhaite la bienvenue à nos invités. On connaît
votre intérêt pour la chose publique - c'est le moins qu'on puisse
dire - mais je voudrais tout de suite, en vous exhortant à être le
plus bref possible dans vos réponses pour permettre l'échange -
vous connaissez les règles de fonctionnement de la commission - vous
souligner que... Il m'apparaît que vous vous concentrez sur des processus
plus que sur des moyens, à ce moment-ci, qu'il s'agisse qu'on se dote
d'une... Je vais les prendre dans le sens inverse où vous les avez
levés.
S'il s'agit de l'imputabilité comme mécanisme de
contrôle de la responsabilité que les gestionnaires publics
doivent exercer, je vous souligne que le député de Verdun s'est
fait fort de présenter à l'Assemblée nationale un projet
de loi qui a recueilli l'adhésion gouvernementale à cet
effet-là.
Vous parlez du Vérificateur général dont le rapport
devrait faire l'objet d'un suivi plus précieux. Les parlementaires sont
ceux qui ont à le convoquer, et ils le font, d'ailleurs, mais
peut-être pas suffisamment; c'est ce que vous indiquez. Enfin, vous
pourrez préciser.
Vous suggérez un processus, là aussi, de
budgétisation à base zéro, ce qui m'amène à
vous demander si vous croyez que ça devrait être un exercice
annuel; parce que, là aussi, c'est une question de processus, la
réalisation du processus risquant peut-être de banaliser tout cet
exercice.
Vous suggérez une grille d'évaluation des priorités
gouvernementales et d'action. D'autres appellent ça un programme
politique. Dans ce sens-là, il m'apparaît que vous avez
passé beaucoup de temps sur le processus plutôt que sur les moyens
ou certains des objectifs qu'on devrait poursuivre.
Du côté des moyens - et ça va être l'objet de
ma question; il est possible que mes commentaires soient l'objet des
vôtres - vous parlez du principe de l'utilisateur-payeur. Vous
suggérez qu'on regarde attentivement si on ne pourrait pas recourir
à cette mécanique afin de signaler aux utilisateurs le coût
des services, réduisant ainsi les abus, rendant les gens plus
responsables, donc ça devient plus efficace comme utilisation de
services publics, mais vous faites une exception importante, là,
générale, formulée ainsi: Ne pas utiliser ce principe de
tarification lorsqu'on a affaire à une activité de l'État
qui est structurante - pour l'avenir économique et social,
pourrions-nous ajouter - du Québec, et vous y logez, là,
immédiatement, l'éducation, évidemment, en vertu du
principe que ce n'est pas une dépense, c'est un investissement. Et, sur
ça, on se rejoint à cet égard-là. Il n'en reste pas
moins que ça pose une question, ça.
Oui, c'est un investissement. L'investissement dans la santé, y
compris la prévention, est également un investissement social. Il
y a des dépenses publiques qui sont également des investissements
extrêmement structurants pour le
Québec, mais où on requiert la coparticipation, la
contribution d'une entreprise, des actionnaires, des employés dans
certains cas, lorsque la concertation joue son jeu. Mais, dans
l'éducation, vous ne voyez pas de place pour une telle participation.
Ça appelle une question, pour moi: À partir de quel âge et
à quel niveau scolaire un jeune, au Québec, peut-il être
l'objet d'un geste qui lui signale que les services publics, ça
coûte quelque chose, y compris l'éducation?
M. Dumont: Alors, pour la première partie, vous partez de
processus. Quand vous me parlez du Vérificateur général,
je trouve que ça dépasse d'assez loin les questions de processus.
Quand je lis le rapport du Vérificateur général et que j'y
vois des dépenses qui ont été effectuées et des
trous, entre guillemets, où sont passés des fonds publics, je me
dis: On dépasse les questions de processus. C'est des moyens que lui
propose...
M. Johnson: Que lui propose.
M. Dumont: ...avec les moyens qu'il a, la recherche qu'il peut
faire avec les moyens qu'il a à sa disposition. Et ce qu'on regrette,
c'est que d'une année à l'autre il y ait très peu de
suivi, finalement, qui soit fait et que ce soit davantage un objet pour rendre
ces choses-là publiques, les communiquer un peu, mais que ce ne soit pas
un outil fondamental de travail du gouvernement pour améliorer de
façon concrète, sensible, la gestion de l'État. (21 h
30)
Quant à l'imputabilité, j'ai eu vent moi-même du
projet de loi du député de Verdun. Il faudrait peut-être
l'entendre lui-même là-dessus pour voir où ça en est
rendu. On va me permettre l'inquiétude.
M. Johnson: C'est devant la commission. M. Gautrin: C'est
devant cette commission.
M. Johnson: C'est devant cette commission, justement.
M. Dumont: Mais, pour ce qui est des moyens, vous voyez, a
priori, celui qui a été un peu moussé par un document qui
a été produit par le gouvernement, document qui a
été produit ni avant qu'on ne présente notre
mémoire ni comme résumé des travaux, mais le même
jour où on avait à déposer un mémoire.
Évidemment, vous cherchez les justifications aux mesures qui sont
préconisées dans ce document-là, alors vous sautez
immédiatement là-dessus.
Sur le plan de la tarification, on dit: Si on fixe des
priorités... Là-dessus, je pense que j'ai été assez
explicite sur ce qui m'apparaissait, a priori, des priorités. Je ne sais
pas, je regarde les économies performantes dans le monde, je regarde
à quel chapitre on est en retard sur eux
et il me semble que c'est surtout sur le plan de la formation de notre
main-d'oeuvre, sur le plan de la recherche et du développement.
D'ailleurs, le document gouvernemental aborde, donne des chiffres sur
ces questions-là. Or, il me semble que c'est sur ces
éléments-là que le Québec accuse un retard qui nous
empêche peut-être de structurer notre économie d'une
manière qui puisse être rentable à long terme. Je ne pense
pas tellement que ce soit sur les subventions à nos centres de ski, par
rapport aux Japonais ou aux Allemands, qu'on va les dépasser. Alors,
c'est dans ce sens-là que, pour nous, ces secteurs-là,
premièrement, d'aucune façon le gouvernement ne doit les freiner
et, deuxièmement, au contraire, selon nous, dans le budget
gouvernemental, ce sont des domaines où les investissements devraient
aller en s'accrois-sant plutôt que l'inverse, surtout dans une situation
où le taux de chômage est près de 13 % si la
récession se continue et où on a un décrochage de 35 %, 36
%. Les jeunes qui décrochent aujourd'hui à 15 ans, dans 20 ans
ils auront 35 ans. Dans un marché de l'emploi qui se sera
développé dans 20 ans, dans le contexte économique
nord-américain mondial qu'on connaît, je me demande quels emplois
il restera pour eux, au Québec. C'est une question qui nous laisse
certainement perplexes et inquiets. Alors, c'est un peu dans cet
esprit-là qu'on faisait ces propositions-là.
M. Johnson: Oui, d'accord. Autrement dit, en un mot, oui ou non?
Vous êtes familiers avec les deux termes. Il n'y a pas de limites, il n'y
a pas de contraintes. La gratuité de l'éducation et de la
formation à tous les niveaux, y compris en enseignement
supérieur, pour vous là.
M. Dumont: Je veux dire, il n'y a pas de limites. Il y a toujours
des limites...
M. Johnson: Je veux vous aider à les découvrir,
là.
M. Dumont: Premièrement...
M. Johnson: C'est l'objet de ma question, évidemment.
M. Dumont: ...vous savez très bien que,
présentement, ce n'est pas gratuit. Même au cégep,
ça coûte quelque chose, étudier. Sans compter le coût
d'opportunité, le fait que, pendant qu'on est aux études, on
n'est pas sur le marché du travail. Je regarde ce qui entraîne
présentement les retards dans les études. Dans le contact avec
des jeunes, je regarde un peu quels sont les problèmes et pourquoi des
jeunes retardent d'une session ou de deux sessions dans bien des cas. Par
exemple, au cégep, c'est parce que, pendant qu'ils sont dans leurs
études, ils sont déjà en même temps au travail
plusieurs heures par semaine pour payer les livres, l'habillement, etc. Or,
avant de poser des jugements là-dessus... On peut me donner l'exemple de
ceux qui font 9 sessions au cégep ou 12 sessions au cégep, ils
n'en sortent plus, ils coûtent cher à l'État. Regardons les
chiffres, ce n'est pas beaucoup de monde. Je ne suis pas persuadé que
c'est quelque chose d'assez significatif pour permettre de mettre des
contraintes générales dans le système de
l'éducation. En tout cas, ça ne m'a pas encore convaincu, quand
j'ai vu les chiffres.
Le prolongement général des études est de quelques
sessions, spécialement chez les jeunes qui travaillent durant leurs
études. Parlez-en à n'importe quel orienteur scolaire, c'est ce
qu'il va vous dire.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Alors, au nom de l'Opposition officielle, je vous souhaite la bienvenue,
et je vous félicite pour votre mémoire et votre
exposé.
Je voudrais, juste en partant, vous rassurer. Le président du
Conseil du trésor a une date limite, très précise pour
lui, qui est avant le... ou au plus tard, le 31 mars prochain, qui est le
dépôt des crédits du gouvernement. Tout ce qu'il y a avant
constitue des recettes qu'il recherche avec beaucoup d'avidité et, tout
ce qu'il y a après, ce sont des processus. Alors, voilà! Donc, sa
vision est un peu fermée par cet échéancier.
Ceci étant dit, votre mémoire, en tout cas, rejoint
beaucoup de mes préoccupations. Par exemple, celles qui portent sur les
déficits... qui est effectivement... qui consiste à reporter ces
déficits, à les pelleter vers l'avenir. Puis, vous comprenez,
là-dedans...
En passant, le déficit sur la Régie des rentes du
Québec qui, effectivement, en est un très préoccupant et
qui, lui aussi, est reporté à l'avenir, donc aux jeunes.
Je les partage, vos préoccupations, mais je veux aborder votre
mémoire sous un autre angle, parce que le gouvernement l'a
escamoté dans son analyse - les chevauchements avec le
fédéral - en disant qu'on ne parle plus de la Constitution. Je
dirai juste une chose pour résumer ma pensée là-dessus.
L'aspect constitutionnel de la question nationale a, je pense, tanné
beaucoup de gens, partout au Québec. Effectivement, ce n'est pas mauvais
qu'on fasse un petit congé là-dessus, qu'on prenne un
congé, mais ça n'élimine pas, ça n'élimine
pas la question nationale. Elle est toujours là présente, et ces
aspects financiers, ces aspects budgétaires, ces aspects administratifs
sont présents partout, dans toutes nos discussions, même si nous
n'en parlons pas. Vous en avez parlé.
Alors, vous proposez de réduire ici, au Québec, le nombre
de ministères de 30 à 15. Fort
bien! Nous proposons d'éliminer un autre gouvernement, qui est
celui... le gouvernement fédéral. Mais, par ailleurs, dans votre
mémoire, il y a des suggestions assez précises sur les
chevauchements, et vous proposez de clarifier les choses. C'est ce qu'on
voudrait bien. Je pense que ça s'impose de plus en plus, de sorte que
les responsabilités soient très clairement partagées. En
particulier, j'imagine bien que, dans le domaine de la santé et de
l'éducation, vous voudriez que ça revienne au Québec, si
je comprends à travers les lignes. Donc, cela pose la question des
transferts fédéraux. Je suppose bien que ceci étant, il y
a un partage aussi des champs de fiscalité correspondants. Donc, si je
comprends, et vous me le confirmerez, il s'agit bien d'un transfert de points
d'impôt pour répondre à ces responsabilités.
M. Dumont: Oui.
M. Léonard: J'aurai une autre question par la suite.
M. Dumont: Oui. A priori, c'est effectivement dans notre esprit,
à partir du moment où on fait une commission sur les finances
publiques, décrétant une forme d'état d'urgence. Vous
savez, on peut voir l'état d'urgence comme étant les chiffres qui
sont dans le document, le déficit budgétaire
québécois, au sens strict. Oui, c'est un problème, mais le
problème qui est plus général, c'est le déficit
global, la dette globale, je veux dire, qui pèse sur la tête de
chaque Québécois en additionnant tous les niveaux. Quand on voit
ce niveau d'endettement, qui pèse déjà sur la tête
du jeune lorsqu'il vient au monde, présentement, on ne peut pas
être d'accord pour qu'il y ait un éparpillement de ressources.
À un niveau ou à un autre, ou dans la chicane entre les deux
niveaux, il n'y a pas d'endroit où on peut se permettre de gaspiller des
ressources.
C'est dans cet esprit-là que je disais, tout à l'heure,
que chaque dollar... Je disais, tout à l'heure, que chaque dollar que le
citoyen paie en taxes est important. C'est pour ça que, pour nous, il
est difficilement compatible... En tout cas, il est questionnable de faire une
priorité aussi grande de la question des finances publiques ou de la
saine utilisation des fonds publics et, en même temps, de cacher en
dessous du tapis une catégorie d'inefficacité importante, sous
prétexte que ça, sur le plan politique, ça nous agace.
Alors, ça, nous autres, on est... (21 h 40)
D'ailleurs, dans le document gouvernemental, habituellement, il y a un
certain nombre de constats, des chiffres qui sont soulevés. Dans la
partie sur les solutions et les perspectives d'avenir, on en parle. Au niveau
des transferts fédéraux, effectivement, dans le document, on
questionne un peu, on dit: Ça désavantage le gouvernement du
Québec, les transferts fédéraux, mais au niveau des
solutions, c'est plutôt discret, c'est plutôt évasif sur ces
questions-là.
Pour nous, il est clair, d'une part, que, dans un certain nombre de
secteurs, il faut que les choses se fassent de façon plus efficace, de
façon plus près du citoyen - exemple, la formation de la
main-d'oeuvre. Il faut que toutes les ressources soient bien
concentrées, bien investies, et ça fait des décennies
qu'il y a des gens qui disent ça au Québec. Évidemment,
lorsque le gouvernement fédéral transfère des
responsabilités au Québec, bien, il faut transférer
l'argent qui va avec pour le faire, sinon le Québec se retrouve avec une
contrainte et une façon de fonctionner qui, à long terme, ne peut
pas continuer comme ça.
La façon de le faire. Moi, je suis entièrement d'accord
que c'est avec des points d'impôt parce que les transferts de fonds d'un
à l'autre, on sait tous très bien qu'on est toujours moins
préoccupés par la saine gestion de fonds qui sont
transférés que par la saine gestion de fonds qu'on va chercher
nous-mêmes dans la poche du contribuable, d'où l'importance que
les points d'impôt soient transférés avec des nouvelles
responsabilités, ce qui n'est pas le cas dans le fonctionnement actuel
du fédéralisme canadien, malheureusement.
M. Léonard: Une autre dimension de la question des
finances publiques - la première, on vient de la traiter - c'est que les
transferts fédéraux ont diminué de 3 600 000 000 $, en
chiffres, dans le budget 1992-1993. Donc, juste ça, sur les 4 600 000
000 $ annoncés par le ministre des Finances, il resterait 1 000 000 000
$. Je dis ça simplement.
Ceci étant dit, abordons maintenant la question
fédérale, la question du déficit fédéral. Le
déficit fédéral a entraîné deux
conséquences sur les finances publiques du Québec. La
première, c'est celle des transferts qui ont été
coupés, nous venons d'en parler. Mais la deuxième, c'est la
hausse des taux d'intérêt, qui ont été à 7 %,
en termes de taux réel durant les années 1980-1990, et qui minent
non seulement le budget du Québec à cause du fardeau de la dette
qui est plus élevé, mais qui minent aussi la capacité de
l'économie à être concurrentielle, en termes de recherche
des capitaux, de coût du capital.
Si on en reste là, comment peut-on contrer - si l'on continue
dans le système fédéral - la mauvaise gestion
fédérale? Est-ce qu'on la limite au minimum, ou est-ce qu'on la
fait disparaître? Si on la limite, comment la contrôlons-nous,
comme Québécois?
M. Dumont: Bon, la faire disparaître, ça
m'apparaît difficile. Les dettes ne sont pas de cette...
M. Léonard: Ce n'est pas de la dette. Je parie de
l'institution.
M. Dumont: Ils ne sont pas dans cette catégorie qu'on
peut...
M. Léonard: De l'entité. Mais la dette, on la
résorbera bien par la suite. Ça va être plus facile.
M. Dumont: Quoiqu'on veuille en faire, la dette disparaîtra
difficilement avec l'institution, avec quoi que ce soit.
M. Léonard: D'accord.
M. Dumont: Je suis entièrement d'accord que le
déficit fédéral a eu cet impact-là, de créer
une pression à la hausse sur les taux d'intérêt
réel, qui sont encore aujourd'hui extrêmement
élevés, les taux d'intérêt réel.
Comparé à ce que c'était dans les années soixante,
le taux d'intérêt était aux alentours de 7 % ou 8 %, et le
taux d'inflation, de 1 % ou 2 %. C'est très élevé.
M. Léonard: ...7 %, réel, actuellement.
M. Dumont: Bon. C'est ça. Ça, c'est un
problème. On pourrait même ajouter à ça l'autre
problème, qui est celui de l'endettement extérieur. Quand on est
dans une situation où le taux de change a un impact significatif sur
notre endettement, sur la portion qu'on a à payer sur le dollar
payé par le citoyen, que la portion qui va au paiement
d'intérêts varie avec le taux de change sur lequel on n'a pas
vraiment de contrôle, c'est inquiétant. Bon, on peut imaginer ce
que ça pourra être dans 20 ou dans 30 ans, si la situation
continue à se détériorer, sauf que c'est clair que la
dette fédérale va être difficile à résorber.
Ce n'est pas les initiatives comme le projet Hibernia, qui est un peu la...
M. Léonard: Mais la simple chose... Je pense que, moins il
y aura de responsabilités, moins il pourra en faire, de gros
déficits, du moins, c'est ce qu'on pourrait espérer.
J'espère qu'il n'en fera pas juste avec une dette qui perdure.
M. Dumont: De toute façon, je suis certainement d'accord
sur le fait que le gouvernement du Québec a fait, depuis un certain
nombre d'années, preuve d'une capacité supérieure à
gérer les fonds publics. Maintenant, au moins, ce qu'on peut dire sans
se tromper, c'est que l'argent qui se perd dans les inadéquations entre
les deux niveaux, bien ça, c'est le citoyen qui en est le...
M. Léonard: Vos périodes de vaches grasses... Des
déficits d'affaires courantes en période de vaches grasses...
M. Dumont: ...qui en est le grand perdant. M. Léonard:
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
M. le député de Verdun, s'il vous plaît.
M. Gautrin: Brièvement, M. le Président.
D'abord, je vous remercie de votre participation.
Je ne prendrai pas le temps de répondre au député
de Labelle. Je dois dire que je suis totalement en désaccord avec
l'analyse qu'il vient de faire, mais ça prendrait trop de temps, ici,
pour faire ce débat-là.
M. Léonard: Ouf!
M. Gautrin: Si vous me permettez, brièvement. D'abord,
pour vous rassurer, le projet de loi 198 doit suivre son cours. Normalement...
il est à l'étude article par article, actuellement, devant cette
commission. Donc, ça, c'est pour répondre à votre
question.
Je voudrais entrer sur un point en particulier. Vous avez, et vous le
savez... un des problèmes qui touchent les finances publiques, c'est
celui des coûts de la santé. Les coûts de la santé,
comme vous le savez, augmentent à peu près deux fois plus vite
que l'augmentation du produit intérieur brut, c'est-à-dire de la
richesse collective. Vous en touchez très légèrement dans
votre document. Vous en touchez un peu en envisageant la potentialité,
éventuellement, d'un ticket modérateur, que vous semblez
éliminer assez rapidement.
Qu'est-ce que vous voyez comme solution éventuelle pour attaquer,
régler ou contrôler cette croissance des coûts de
santé qui, si on projette linéairement, à peu près
en 2015 ou 2020, finiraient par prendre l'ensemble du budget du Québec
si on ne fait rien aujourd'hui? Alors, à moins que vous ne restiez dans
les tickets modérateurs... vous avez abordé la question sans
aller plus loin, j'aimerais vous entendre sur ces questions-là.
M. Dumont: Je partage à 100 % votre préoccupation
sur la croissance des dépenses de santé, leur croissance dans la
proportion du budget total du gouvernement, et j'ajouterai à ça
la préoccupation - et c'est peut-être parce qu'on est jeune -
démographique. Il y a quelques décennies, il y avait cinq
travailleurs pour payer pour une personne à la retraite. Dans 20 ans,
ça va être deux travailleurs pour la même personne, qui vont
avoir à travailler pour payer des impôts pour subvenir à ce
type de besoins. Il va falloir faire des choix quelque part, et ne pas attendre
que la situation soit devenue catastrophique.
Dans les solutions qu'on propose, on dit, dans le document: Bon, il y
avait le ticket
orienteur qui avait été proposé par le
gouvernement, à un moment, qui semble être une idée un peu
disparue. A priori, dans l'organisation du système, ça nous
apparaissait pertinent. Deuxièmement, on pensait aussi à des
solutions comme un impôt-santé qui, lui, tient compte de la
capacité de payer, un impôt-services, donc, qui tient compte de la
capacité de payer, des revenus des contribuables, qui pourrait, par
exemple, si on veut protéger un certain nombre de soins de santé,
être appliqué à l'hébergement, l'hôtellerie,
donc, cet aspect-là des soins de santé. Il nous semblait que,
dans l'esprit original de la réforme qui était proposée au
niveau des services de santé, il y avait peut-être des
économies supérieures qui auraient pu être faites par
rapport à ce qui est resté comme simili-réforme du
système de santé où, là, l'économie ne
semble plus avoir été la priorité, sauf qu'on est
certainement de ceux qui considèrent qu'on ne peut plus laisser cette
portion du budget de la santé croître aux dépens de
secteurs comme l'éducation, compte tenu du taux de
décrochage.
Bien, on pourrait mesurer l'impact, sur notre société
d'aujourd'hui, d'une mesure comme un ticket orienteur ou quelque autre mesure
qu'on retienne. On pourrait mesurer son impact aujourd'hui sur notre
société et dire: Ça détériore un peu la
qualité de vie parce que, quand on s'impose des restrictions sur le plan
budgétaire, ça nous restreint un peu dans notre qualité de
vie. Mais, moi, j'essaie d'imaginer ce que ce sera si on continue avec un taux
de décrochage comme on en a un présentement, qu'on n'investit pas
plus en éducation, et qu'on ne réussit pas à relever cette
situation-là. J'essaie d'imaginer ce que sera la qualité de vie
de notre génération dans 30 ans. Je pense qu'on pourrait se
diriger vers quelque chose de beaucoup plus dramatique. Or, c'est laque...
M. Gautrin: Ce n'était pas l'importance du
décrochage, mais comment régler le problème de croissance
des coûts de santé. (21 h 50)
M. Dumont: Bien, régler le problème de la
croissance des coûts de santé, il faut avoir un système...
Il y a une question, et je n'ai pas les moyens, moi, pour faire l'étude,
mais je serais curieux, dans le système de santé, de faire
l'étude, de faire le ratio du personnel - appelons ça non
soignant - dans l'ensemble du système de la santé, du personnel
rémunéré qui ne voit jamais un patient, à une
étape ou à une autre, et qui ne rencontre jamais de patients
versus l'autre proportion qui sont les médecins, les infirmières,
les infirmiers, les infirmières auxiliaires, etc., donc, qui, eux, sont
du personnel soignant. Je pense que si on faisait ce ratio-là et que la
population voyait ces chiffres-là, les gens seraient inquiets. Ils se
diraient: II y en a beaucoup de monde par rapport à ceux qui nous
soignent.
M. Gautrin: 198 essaie de diminuer ce ratio. M. Dumont:
Bon!
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
D'abord, permettez-moi, à titre strictement personnel, de vous
dire que le mémoire que vous avez présenté est, à
mon avis, un des mémoires les plus stimulants qu'ait reçu la
commission. Au fond, le problème que vous posez, c'est le
problème suivant: C'est-à-dire que les Québécois
d'aujourd'hui ont une responsabilité envers les Québécois
de demain. Et, à ce titre, il faut trouver des moyens pour que la
qualité de vie, dont nous nous dotons aujourd'hui, ne soit pas
payée par ceux qui vont nous succéder.
Vous attirez notre attention sur un certain nombre de problèmes.
Il y en a deux, en particulier, qui m'ont frappé: la
problématique qui est reliée à la Régie des rentes
du Québec, qui est d'ailleurs une préoccupation de M. Parizeau,
et qui peut être réglée à même nos
juridictions québécoises. L'autre qu'a abordée mon
collègue, et sur laquelle j'aimerais revenir, c'est la question de la
dette publique. Je pense que, pour des jeunes, c'est effectivement quelque
chose de fondamental. Pour le bénéfice de ceux qui nous
écoutent, c'est important de savoir qu'à l'heure actuelle chaque
Québécois qui naît est endetté de 24 000 $, à
peu près 8000 $ au provincial, puis 13 000 $ au fédéral.
Dans ce contexte-là, qu'est-ce que vous répondez à ceux
qui vous poseraient la question suivante: Admettons que, suite à toutes
les recommandations qu'on a reçues à la commission, ici, le
gouvernement du Québec, à l'intérieur de ses juridictions,
décide de procéder, de couper dans certaines dépenses
considérées non nécessaires, à
réaménager, en fonction des recommandations qui ont
été faites, certains aspects de notre fiscalité et de nos
dépenses publiques? Qu'est-ce que vous répondez lorsqu'on vous
dit: Mais, il y a simplement une partie de l'équation qu'on
contrôle, à quoi ça nous sert de nous priver? À quoi
ça nous sert de procéder à tout ce
réaménagement-là, alors qu'on ne contrôle pas et
qu'on contrôlera de moins en moins la partie qui, elle, devient de plus
en plus incompressible, c'est-à-dire l'endettement public du
fédéral, qui représente 36 % des recettes
budgétaires fédérales à l'heure actuelle?
M. Dumont: C'est certain qu'on a... Je comprends très bien
votre point, et c'est certain que le gouvernement du Québec ne peut pas
régler la dette qui est détenue à un autre niveau.
Ça étant dit, je présume que le gouvernement du
Québec nous représente avec vigueur lorsqu'il y a des
discussions, sur le plan budgétaire, avec l'ensemble des partenaires
canadiens. Je suppose qu'ils vont s'opposer avec la même
vigueur à une dépense comme le projet Hibernia qui est,
d'après ce qu'on peut lire un peu sur toute la planète, une
risée sur ses chances de succès, et qui semble être un
gouffre assez spectaculaire de fonds publics qui sont, quoi qu'on en dise, les
nôtres, qu'on verse à un autre palier, et qui sont ceux qui,
à plus fort titre encore, influencent - on l'a dit tantôt - les
taux d'intérêt, puis les taux de change qui contraignent le
gouvernement canadien.
M. Beaulne: Simplement, une dernière petite question. J'ai
de la difficulté à comprendre comment, d'une part, vous proposez,
à juste titre, des pistes de solution globale au niveau du
Québec, pour ce qui est à l'intérieur de nos juridictions,
alors que vous préconisez une approche à la pièce en ce
qui concerne les relations fiscales et financières qui doivent exister
ou qui existent entre le fédéral et le provincial.
M. Dumont: L'objet de la commission n'étant pas
constitutionnel... Il y en a déjà eu une là-dessus,
j'étais venu me faire entendre. Les recommandations sont on ne sait trop
où aujourd'hui! Or, on va essayer de s'en tenir à la situation
des finances publiques du Québec pour ce soir!
Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!
M. le député de Lotbinière, s'il vous
plaît.
M. Camden: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): ..aux interrogations de notre
témoin.
M. Camden: M. le Président, d'abord, je salue
évidemment les gens du Forum Option-Jeunesse.
Mon questionnement est à l'égard, particulièrement,
du Vérificateur général. Vous avez comme recommandation le
fait que le Vérificateur général rende public, renforce,
bref, qu'on... vous nous recommandez de renforcer son mandat pour qu'il rende
public - trois fois par année ou quatre fois par année - un
rapport faisant suite à ses recommandations annuelles. Vous savez, c'est
particulièrement intéressant, puisque, évidemment, avec le
Vérificateur général, on réfère, d'une part,
à la bonne gestion; on fait référence aussi à la
transparence, qui est un thème cher aux gens qui sont en face de nous,
et également, au bon gouvernement de 1976 à 1985.
Or, on doit se rappeler que jamais nos prédécesseurs n'ont
entendu, de 1976 à 1985, le Vérificateur général.
Pourtant, cette institution est la création même de
l'Assemblée nationale et, par le fait même, tient son mandat de
l'Assemblée nationale. Le Vérificateur est nommé aux deux
tiers par les membres de la Chambre. Alors, particulièrement
étonnant. Ce qui m'intéresse à cet égard-là,
et ce qui m'inquiète à la fois dans vos recommandations, c'est
lorsque vous mentionnez, bon, un suivi trimestriel. J'ai l'impression, de par
l'importance des dossiers que le Vérificateur aborde et des tâches
de vérification que ça exige de tout son personnel, je ne suis
pas convaincu, moi, qu'on puisse peut-être arriver à un suivi
trimestriel, là, qui soit fondé de justes mesures.
Je dois vous indiquer, peut-être en complétant, que, depuis
qu'on a été élus, nous, on l'entend, le
Vérificateur général, parfois avec ses horreurs! On a
parfois le musée des horreurs; on a entendu celles de nos
prédécesseurs, on a les nôtres et, évidemment,
ça nous a inspirés à bien des égards pour
s'inscrire dans le sens de l'imputabilité, parce qu'on a
été un petit peu beaucoup enclins à croire que, même
s'il y a 30 ministres, ces gens-là ne peuvent pas, évidemment,
surveiller chacun des gestes qui sont posés partout dans
l'administration.
M. Benoît (Jean-Luc): Écoutez, l'objectif qui
était derrière cette proposition-là, c'était de
s'assurer que le rapport du Vérificateur général ait un
impact à l'année longue, et non seulement pendant une courte
période. Aussi, en demandant au gouvernement de déposer un plan
d'action et, évidemment, de l'appliquer, que le Vérificateur
général puisse faire un suivi de ce plan d'action, afin de
permettre à vous, les députés, qui êtes nos
représentants, les représentants du peuple, de pouvoir vous
assurer, au sein des commissions et dans les travaux à
l'Assemblée nationale, que toutes ces recommandations seront
appliquées et que chaque dollar qui est payé en impôt par
le citoyen sera dépensé de façon optimum.
M. Camden: J'aimerais, si...
Le Président (M. Lemieux): Ça va...
M. Camden: C'est possible encore, M. le Président?
Le Président (M. Lemieux): Très brièvement.
là, vite.
M. Camden: Brièvement. Concernant la
sécurité d'emploi. Là, vous référez au fait
qu'on devrait peut-être, bref, à toutes fins pratiques, un peu
abandonner cette façon, abolir la sécurité d'emploi.
Comment vous harmonisez ça avec le fait, là, d'une protection
contre l'arbitraire du système à l'égard des individus,
versus, aussi, la Loi sur les normes du travail, qui prévoit
qu'après trois ans dans un même emploi, un employé ne peut
être congédié que pour un motif valable.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M le
député de Lotbinière. Oui.
M. Snyder: M. le Président, si, dans le présent, le
gouvernement ne donne plus la sécurité d'emploi absolue à
ses nouveaux employés, je pense qu'on peut voir là la preuve que
c'est une pratique qui devrait être caduque. Si les employés de
l'État avaient ce danger de perdre leur emploi, ils auraient tendance,
selon nous, à être plus productifs. C'est ce qui se passe dans le
privé. Maintenant, est-ce que l'arbitraire... Pour la question de
l'arbitraire, je crois qu'on peut faire confiance aux employés de
l'État, là, entre eux, pour qu'il n'y ait pas d'employés
qui perdent leur emploi de façon arbitraire.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency. (22 heures)
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais saluer également les représentants du Forum
Option-Jeunesse, jeunes du Québec. Moi, j'aimerais leur dire
qu'effectivement ils ont fait un travail excellent.
J'aurais quelques petites questions assez précises, mais en
même temps, ça ne touchera pas l'aspect fédéral. Je
pense que vous avez eu déjà l'occasion, tout récemment, de
vous prononcer sur le réaménagement du gâchis
fédéral. Je pense que c'est clair, la population a compris le
message des jeunes à ce niveau-là. Je pense que c'a a
été un message même percutant.
J'aimerais quand même revenir sur un commentaire du
président du Conseil du trésor. Au début, il
considérait votre mémoire comme un mémoire de processus,
mais je ne partage pas du tout son opinion parce qu'il y a des points
très clairs, précis dans votre mémoire et, entre autres,
à la page 14, où vous souhaitez un réaménagement:
Le gouvernement du Québec verrait son nombre de ministres passer de 30
à 20. À ce niveau-là, je pense que c'est une mesure
claire, précise et, dans ce sens-là, j'aimerais vous demander si,
de l'expérience que vous avez eue jusqu'à maintenant, des
demandes auprès... ou vous croyez que la volonté politique peut
être en place au moment où on se parle... pour orienter, donner
l'exemple, prêcher par l'exemple au niveau des finances publiques, et
descendre vraiment le nombre de ministres de 30 à 20. Est-ce que, selon
vous, vous avez espoir qu'on puisse entendre ce genre de commentaire là
de la part du gouvernement, actuellement?
M. Dumont: C'est clair, je pense, que le point que vous soulevez
est important au niveau de l'exemple. C'est difficile, pour une entreprise, de
dire à ses employés: «on est en situation de crise»,
et de créer cinq nouveaux postes de vice-président ou de haut
dirigeant. Alors, c'est un peu la même chose dans une
société. C'est difficile de dire: «on est en état de
crise», et d'avoir un Conseil des ministres avec un nombre record. Il
faut prêcher par l'exemple, donner aux gens une image réelle de la
situation, avec les actions qui y correspondent.
On pense aussi, entre autres, avec une proposition comme le poste de
ministre délégué... On est très
préoccupés - on parle finances publiques, mais on parle de
l'ensemble des débats, en même temps - par le rôle du
député, et je suis certain qu'il y en a plusieurs dans cette
salle qui seront sensibles à ça aussi, dans notre système
parlementaire, la capacité du député de participer aux
grands débats. Et je peux vous dire que j'ai fait un petit bout,
moi-même, en politique et en contact avec des députés, et
il faut appeler un chat un chat. Il y a un problème à ce
niveau-là. On pourrait se cacher la tête dans le sable, puis dire
que ça n'existe pas, mais ça existe. Et on pense que-Bon, par
exemple, un suivi du plan d'action du Vérificateur général
cadre très bien dans le rôle de contrôleur du
député qui est l'élu du peuple et, finalement, qui est le
seul lien que le citoyen a. À partir du moment où il donne son
dollar de taxes au gouvernement, c'est le seul lien qu'il a pour dire: Est-ce
qu'il est bien dépensé, mon dollar de taxes, oui ou non? C'est le
seul lien que le citoyen a.
D'autre part, évidemment, une réduction du nombre de
ministères, une réduction du nombre de ministres, postes de
ministres délégués qui disparaissent, rôle
d'adjoints parlementaires, plus nombreux au besoin, rôle accru dans
l'ensemble. Or, il nous apparaît que ça nous amène dans
cette direction-là, ce qui nous apparaît souhaitable autant au
niveau des finances publiques, donc au niveau monétaire, qu'au niveau de
la dynamique gouvernementale et du parlementarisme en
général.
M. Filion: Donc, selon vous, le réaménagement des
finances publiques devrait débuter par l'exemple et couper, comme on
vient de faire, d'ailleurs, en Ontario, avec M. Rae, où on a
effectivement réaménagé le nombre de ministres, et
où on a réduit à un nombre de 20 ou autour de.
Une autre petite question rapide que j'aimerais poser, et c'est quand
même, là, au niveau d'un processus référendaire.
Votre proposition 27. Vous dites: «...propose d'instituer la tenue de
consultations référendaires sur des questions ayant une incidence
budgétaire majeure (projets de dépense, nouvelles taxes).»
Vous ne trouvez pas que c'est un processus quand même lourd à
implanter dans une société comme la nôtre, pour revoir et
demander à une population qui, à toutes fins pratiques, n'a pas
toute l'information requise pour prendre un jugement de valeur sur des mesures
aussi spécifiques?
M. Dumont: Oui. Bien, il faut s'entendre sur les mesures
spécifiques. Je ne pense pas qu'il faille faire un
référendum sur une mesure fiscale très spécifique
ou très pointue. Ça étant dit,
avec ce raisonnement-là, «que la population n'a pas la
compétence de», on peut aller très loin là-dedans.
Moi, je pense que, oui, il y a effectivement possibilité d'une lourdeur
de processus si on y va à l'excès, sauf que je regarde... Il y a
tellement d'États américains qui l'ont déjà fait -
dans certains cas, à plus d'une reprise - lors des élections, de
poser une question aux gens: Si on construisait telle infrastructure, en
rajoutant sur votre compte de taxes ou d'impôt ce que ça
coûte par année, sur un certain nombre d'années - exemple,
x %, 1 % pendant 10 ans - êtes-vous d'accord? Alors, moi, je pense que
les citoyens, dans leur vie de tous les jours, sont habitués à
faire ce genre de choix là, et que ça va amener, d'une part, une
participation du citoyen à des décisions budgétaires, ce
qui ne s'est jamais fait directement, et que, deuxièmement, ça va
amener, par le fait même, une responsabilisation des citoyens, une prise
de conscience ferme, claire que, bon... telle infrastructure, on peut l'avoir.
Il y a des gens qui la demandent, dans la population: «Oui, on peut
l'avoir; ça va coûter ceci.» Alors, si les gens disent:
«Non, à ce prix-là, on ne veut pas l'avoir», bien
là, c'est un choix collectif de ne pas l'avoir. Si les gens disent:
«Oui», bien, c'est un choix collectif d'y contribuer, de payer
pour.
Mais, moi, je pense que c'est un chapitre de la démocratie
directe où, entre autres, les Américains ont quelques longueurs
d'avance sur nous, et ce n'est pas juste sur la question des finances
publiques. Prenons l'exemple des casinos. Il y a des États
américains qui ont fart un référendum là-dessus, et
les gens ont dit: «Non». Ici, on n'a même pas eu une
commission parlementaire ou un débat comme tel. Alors, c'est des
écarts au niveau de la participation démocratique qui sont
extrêmement importants.
Au niveau des municipalités. Ici, on a fait du chemin. Il y a des
municipalités qui font des référendums sur des projets de
dépenses, des projets d'investissements, puis je pense que les gens
trouvent ça sain. Je n'ai pas entendu de gens, dans les
municipalités, dire qu'ils trouvaient ça malsain, lourd et
inutile. Je pense que les gens trouvent ça sain, et qu'on aurait
intérêt à l'étendre au niveau du gouvernement du
Québec.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, ça va, parce que... O.K.
Alors, M. le président du Conseil du trésor, il vous reste
deux minutes; et une minute pour M. le député de Labelle.
M. Johnson: ...M. le Président, en terminant, pour
remercier nos invités. Je trouve que le mémoire est
rafraîchissant parce qu'il est dénué de pensées
magiques. Il n'y avait pas vraiment d'espèces de recettes magiques. Il y
a beaucoup de gens qui sont venus nous dire: Ça prend un projet
collectif, mobilisateur pour créer de l'emploi. Bravo, mais en
attendant, c'est tout ce qu'ils nous ont dit. Vous êtes de ceux qui avez
pensé et réfléchi à la réalité. Vous
ajoutez votre voix à celle de ceux qui font ces choses-là, et
vous avez fait ressortir - et j'y mettrais une nuance - que c'est le
problème des Québécois de demain. J'ajoute que c'est le
problème des Québécois d'aujourd'hui.
Les Québécois d'aujourd'hui qui nous regardent, qui ont 60
ans, 62 ans, auront un jour besoin de services de santé, dans 10 ou 15
ans. Vous-mêmes, à votre âge, serez un jour à votre
retraite, et tous ceux qui sont entre les deux ont besoin de services publics:
aujourd'hui, pas seulement demain! C'est le problème de tout le monde,
ce n'est pas le problème du président du Conseil du
trésor, du ministre des Finances ou de qui que ce soit. C'est en
répercutant ce message, comme vous l'avez fait un peu partout, que les
gens vont prendre conscience de la réalité du problème.
À mon sens, ça va retisser le lien de confiance qu'il y a entre
les dirigeants élus et la population, parce qu'il faut vraiment leur
dire, nous dire entre nous ce que c'est le vrai problème, et faire
attention aux solutions magiques.
Je vous remercie d'avoir évité cet ecueil.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il reste du temps? 15
secondes. O.K. Je prendrai les 15 secondes.
M. Léonard: Oui? Merci.
Alors, je voudrais vous remercier aussi de l'échange que nous
avons eu, mais vous poser une question, qui a été soulevée
à une ou deux occasions, sur la sécurité d'emploi. La
question de l'efficacité des employés, est-ce que ça tient
vraiment à la présence ou à l'absence de la
sécurité d'emploi? Je n'en suis pas tellement sûr, et je
pense plutôt que les conditions de travail, les relations humaines, les
relations de travail sont encore beaucoup plus importantes, et que la
sécurité d'emploi est un des facteurs. Mais,
généralement, quand quelqu'un a à coeur ce qu'il a
à faire, ce qui l'intéresse, et qu'il fait ce qui
l'intéresse, la sécurité d'emploi tombe dans un des
derniers motifs sur la satisfaction au travail.
Je m'interroge un peu sur la charge que l'on fait, parce qu'à
toutes fins pratiques, dans une entreprise qui a des employés, il y a la
Loi sur les normes du travail, qui fait qu'à toutes fins pratiques,
là aussi, il y a une sécurité d'emploi. Mais vous la
posez... Je sais que... Moi, je pense que le vrai problème, c'est que,
pour les jeunes, il est plus difficile d'avoir des emplois intéressants
qu'antérieusement. C'est ça, le vrai problème. (22 h
10)
M. Dumont: Ce que je vous répondrais là-dessus:
Non, nous ne pensons pas que c'est une solution magique pour accroître
l'efficacité. Je serais d'accord avec vous sur le fait que c'est.
parmi d'autres éléments, un de ceux qui peuvent amener
ça. Notre principale préoccupation, c'est la suivante: le
gouvernement est au service de la population pour dispenser des services
très précis. Les besoins de la population changent. Il y a des
services dont on avait besoin, il y a dix ans, dont on n'a plus besoin
aujourd'hui. Il y a des choses, des structures qu'on crée aujourd'hui,
qu'il sera peut-être important d'éliminer dans dix ans. Or, selon
nous, cette rigidité-là est un frein à cette adaptation du
gouvernement aux besoins constants du citoyen.
M. Léonard: C'est plus une question de mobilité
à l'intérieur des structures gouvernementales qu'autrement.
M. Dumont: Mais on en parle, de ça, aussi.
Deuxièmement, on dit: Si on n'est pas capable d'offrir ce statut
d'emploi là à ceux qui ont moins de 30 ans - et il n'y en a pas
beaucoup qui l'ont, présentement - on considère que c'est la
preuve que c'est un extrême. On ne dit pas qu'il faut passer d'un
extrême à l'autre, mais on est présentement à un
extrême de sécurité d'emploi, qu'on ne peut pas donner
à tout le monde. Donc, on devrait peut-être se déplacer un
peu sur l'échelle de la sécurité d'emploi pour arriver
à un niveau qui, lui, soit plus équilibré, et qu'on puisse
offrir à tous les travailleurs.
M. Léonard: En tout cas, je vous remercie.
Encore une fois, en terminant, je crois que la préoccupation qui
vous anime, celle de donner un avenir intéressant aux jeunes, ça
en est aussi une qui nous anime beaucoup. Je crois que c'est ça, la
clé de la relance de l'économie, au-delà des coupures
qu'on peut faire ici et là. Fondamentalement, si la production nationale
augmente, il y aura plus de choses à se partager, et on n'aurait pas les
problèmes que nous avons maintenant. C'est un tout autre volet, mais
qu'on aurait pu explorer.
Le Président (M. Lemieux): Comme il reste quinze secondes
au parti ministériel, vous allez me permettre de le prendre.
Simplement pour vous dire que 9172 $ d'intérêts à la
minute sur le service de la dette commandera de la part de notre
société, à la fois des changements d'attitude, de
comportement et de valeurs si on veut pouvoir réinvestir cet
argent-là dans le développement et le perfectionnement de la
main-d'oeuvre pour créer ce qui est primordial ici, au Québec:
des emplois pour notre jeunesse. Ça, je pense que c'est important, et
ça commandera aussi des sacrifices. Simplement ce message-là que
je veux vous laisser. Merci.
Alors, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, pour
entendre la Confédération des organismes familiaux.
(Fin de la séance à 22 h 13)