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(Quinze heures six minutes)
Le Président (M. Audet): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la
commission, qui est de procéder à une consultation
générale et à des auditions publiques sur le financement
des services publics au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui. M. Lazure (La Prairie) est
remplacé par M. Beaulne (Bertrand).
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, je vous rappelle
notre ordre du jour. Cet après-midi, à 15 heures, nous entendons
la Chambre de commerce du Québec; à 16 heures, l'Association des
industries forestières du Québec; à 17 heures, la Jeune
Chambre de commerce de Montréal. Nous suspendrons nos travaux à
18 heures, pour reprendre à 20 heures avec le Laboratoire de recherche
en écologie humaine et sociale; et, à 21 heures, la
Confédération québécoise des coopératives
d'habitation, pour ajourner à 22 heures.
Alors, est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Audet): Ça va. Alors, nous allons
maintenant entendre la Chambre de commerce du Québec.
Messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Comme vous le
savez peut-être, pour le déroulement de nos travaux, nous
procédons de sorte que vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire et, ensuite, une période de 40 minutes est
réservée aux parlementaires afin d'échanger avec vous.
Alors, avant de débuter, si vous vouliez, s'il vous plaît,
vous identifier, et nous exposer votre mémoire.
Chambre de commerce du Québec
M. Marcoux (Yvon): Alors, M. le Président, MM. les
ministres et membres de la commission, je suis Yvon Marcoux, premier
vice-président, administration, chez Univa et président de la
Chambre de commerce du Québec. Les personnes qui m'accompagnent à
cette table: ici, à ma gauche, M. Yves Rabeau, qui est professeur
titulaire à l'École des sciences de gestion à
l'Université du Québec à Montréal; à ma
droite, Claude Descôteaux, qui est vice-président exécutif
de la Chambre de commerce du Québec; et M.
Claude Garcia, qui est vice-président exécutif de la
compagnie d'assurance-vie Standard Life, et qui est président du
comité des finances publiques de la Chambre de commerce du
Québec.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Marcoux: Alors, la Chambre de commerce du Québec, au
nom de ses 217 chambres locales, également de ses 5300 entreprises qui
sont membres, est heureuse de répondre à l'invitation du
gouvernement du Québec de participer à l'analyse des coûts
des services publics et de leur financement, malgré, faut-il le dire, le
court délai imparti pour préparer le mémoire que nous
avons déposé à la commission.
Ce n'est pas d'hier que l'état alarmant des finances publiques
préoccupe la Chambre de commerce du Québec. Dans son
mémoire annuel de mai 1991, que nous avions présenté au
gouvernement et également à l'Opposition officielle... la Chambre
suggérait d'ailleurs l'établissement d'un groupe qui reverrait
l'ensemble des dépenses publiques.
La situation n'a cessé de s'aggraver, et le Québec se
retrouve aujourd'hui dans une impassé financière qui est
extrêmement sérieuse et grave. On paie de plus en plus cher pour
une qualité de services publics de moins en moins évidente pour
les citoyens. Si le gouvernement ne réduit pas son train de vie, s'il
continue de s'endetter pour payer les dépenses courantes, il compromet,
selon nous, le nombre et la qualité des services publics. Il menace le
niveau de vie de l'ensemble des citoyens, et il contribue également,
chaque jour, à l'appauvrissement des générations futures.
(15 h 10)
L'heure des choix exigeant une vision de l'avenir et requérant,
il est bien entendu, une bonne dose de courage politique est arrivée. Je
ne veux pas reprendre avec toute une série de chiffres la description de
la situation, que nous considérons comme étant
désastreuse, de nos finances publiques. Le document qui a
été publié par le ministre des Finances et le
président du Conseil du trésor expose clairement le cul-de-sac
financier dans lequel on se trouve et dans lequel se trouve forcément
toute la collectivité québécoise. Les chiffres,
d'ailleurs, que nous avons dans notre mémoire et que nous avions
préparés avant concordent avec ceux que nous retrouvons dans le
document qui a été déposé le 19 janvier
dernier.
Donc, au rythme où nous allons, nous sommes en train
d'hypothéquer les générations futures d'une façon
que nous considérons inéquitable pour elles. Depuis 15 ans, on
paie pour des services qui sont consommés maintenant, mais qui
vont être payés plus tard. Comment résorber le
déficit et rétablir un sain équilibre des finances
publiques? S'il est vrai qu'une reprise économique peut aider du
côté des revenus, on ne peut compter sur cette reprise pour sortir
de façon durable de l'impasse financière. Lorsque les
dépenses publiques, en termes de structure, augmentent à un taux
de 3 % supérieur à l'inflation, bien, comme on dit dans mon pays
natal de la Beauce, on ne rejoindra jamais les deux bouts.
D'un autre côté, le fardeau fiscal, autant des individus
que des entreprises, est rendu à son maximum. Il a atteint la limite du
tolerable. Ainsi, au cours de la dernière décennie - et,
là, ce sont des chiffres qu'on prend dans le mémoire, dans le
document - le fisc ou la fiscalité a absorbé les deux tiers de
l'augmentation des revenus au Québec. Augmenter le fardeau fiscal des
individus et des entreprises, incluant les charges parafiscales que vous
connaissez, ce serait rendre le fardeau encore plus lourd et plus lourd que ce
qui existe chez nos partenaires commerciaux. Donc, ce serait affaiblir notre
compétitivité.
Des taux de taxation trop élevés, également,
créent de la délinquance fiscale. On provoque des comportements
antiéconomiques et antisociaux. D'ailleurs, on voit les effets d'une
taxe trop élevée dans tout le domaine des cigarettes, alors que
les rendements, malgré l'augmentation des taxes, sont
décroissants.
D'ailleurs, pour vous démontrer, peut-être, très
rapidement, un peu l'état d'esprit dans lequel peuvent se sentir nos
PME, je vais simplement vous lire un extrait d'une lettre, une copie d'une
lettre que nous avons reçue d'un de nos membres II s'agit de l'Auberge
des Sablons. M. Jean-Guy Alain, qui écrivait l'automne dernier au
président de la CSST, Évidemment, il trouvait que l'augmentation
de la cotisation de la CSST progressait de façon assez rapide, et
même très rapide, au cours des trois dernières
années - donc, 50 % d'augmentation en deux ans mais il ajoutait,
à la fin de sa lettre, en s'excu-sant un peu du ton agressif qu'il
employait à l'égard du président-directeur
général de la CSST. Je vous concède que vous pourrez
qualifier d'agressif le ton de mon intervention, mais mon humeur est le
résultat de ce qui nous a été imposé depuis la
dernière année, à savoir: augmentation des taxes
municipales, une nouvelle taxe pour la police, augmentation des taxes
scolaires, la TPS, la TVQ, l'augmentation du permis de Tourisme Québec,
nouveau permis du ministère de l'Agriculture pour la manutention des
aliments, augmentation des permis de la régie des alcools - une autre
qui s'en vient, je ne sais pas si c'est vrai - augmentation des taxes sur les
spiritueux, augmentation des cotisations de l'assurance-chômage et
augmentation des primes de la CSST. Je pense que ça résume,
peut-être, ou que ça illustre un peu l'état d'esprit de nos
entrepreneurs dans les régions et même dans les centres
urbains.
Donc, du côté des dépenses, ce que nous
reconnaissons, c'est que le gouvernement du Québec a fait des efforts au
cours des dernières années, heureusement d'ailleurs, mais la
situation actuelle nous enseigne que si nous voulons redresser de façon
durable l'équilibre des finances publiques, si nous voulons maintenir
les parties essentielles de nos programmes sociaux au bénéfice de
l'ensemble de nos citoyens, il faut aller plus loin que des exercices ponctuels
de coupure, de gel ou de compression des dépenses.
Il y a 30 ans, le Québec pouvait compter sur une capacité
fiscale inexploitée. Cette capacité, elle a été
utilisée maintenant. Notre capacité à répondre aux
besoins nouveaux, elle est proportionnelle à celle que nous avons de
générer des économies et des gains de productivité
dans la dispensation des services actuels. Il est essentiel, à notre
avis, que le gouvernement s'attaque au problème de fond qui accentue les
pressions sur les dépenses. Nous devons, selon nous, changer la
dynamique des systèmes en place afin de favoriser la productivité
et réduire les coûts. L'État doit instaurer un
système de livraison des services qui est dominé par la
décentralisation, la souplesse, l'adaptabilité et la concurrence
plutôt que dominé par la centralisation à outrance, la
réglementation et le contrôle excessif. L'État doit
également, sans remettre en cause les programmes sociaux, poser des
gestes visant à son amincissement. Il s'agit de rendre l'État
plus agile, plus souple et plus efficace.
Ces changements d'approche par analogie ne sont pas différents de
ce que les entreprises doivent faire pour s'adapter à des contextes
concurrentiels qui évoluent. Les entreprises qui sont incapables de
procéder à ces transformations, elles tombent en
difficulté, et nous en avons eu des exemples probants au cours de la
dernière année. Qu'il suffise de mentionner, par exemple, GM ou
IBM, qui étaient considérées comme étant des
géants. Donc, qui n'ont pas pu se réorganiser, faire les
transformations requises, qui deviennent en difficulté ou d'autres,
simplement, qui ne peuvent pas le faire, disparaissent en raison du contexte de
la concurrence.
Dans cette perspective d'une nouvelle approche, nous formulons un
certain nombre d'orientations et de recommandations. Dans bien des cas, elles
s'inspirent de principes et de changements qu'un certain nombre de pays
européens, notamment... Vous savez, avec des pays qui ont des traditions
bureaucratiques très longues, que des pays ont commencé à
mettre en oeuvre ou envisagent de mettre en oeuvre, justement, pour rendre plus
efficace la livraison des services et maintenir leur qualité.
En plus d'énoncer des orientations générales dans
notre mémoire, nous formulons également des recommandations qui
sont plus concrètes. Nous croyions que nous devions dépasser le
stade des généralités. Évidemment, il appartiendra,
bien
sûr, au gouvernement d'en établir la faisabilité -
il y en a peut-être d'autres, d'ailleurs - ou encore les moyens de mettre
en oeuvre ces suggestions. Essentiellement, nous considérons que le
gouvernement du Québec doit: premièrement, revoir la façon
de produire les services publics; deuxièmement, assurer une meilleure
gestion de la demande des services; et, troisièmement, remettre en
question l'utilité d'organismes publics et de programmes de
dépenses, y inclus les programmes de subventions aux entreprises.
En ce qui a trait à la gestion, à la façon de
produire les services, nous suggérons, entre autres - et nous pourrons y
revenir plus tard - dans le domaine de la santé et de
l'éducation, par exemple, qui absorbent, comme vous le savez, les deux
tiers des dépenses publiques, les dépenses du gouvernement, une
plus grande décentralisation de la gestion des services au niveau des
établissements. Nous croyons qu'il est essentiel de rendre les
administrateurs plus responsables des équilibres budgétaires.
Évidemment, il faut leur donner les moyens. Il est bien sûr, par
exemple, que si les conventions collectives, qui sont négociées
centralement, demeurent extrêmement rigides et ne peuvent s'adapter aux
conditions des établissements, ça rend la tâche des
administrateurs extrêmement difficile. Comme on dit, ils ont un peu les
deux mains attachées en arrière du dos.
Comme corollaire de cette responsabilisation, nous croyons qu'il faut
remettre en cause également la sécurité d'emploi dans le
secteur public.
Troisièmement, dans tout le secteur public, nous croyons que le
gouvernement devrait favoriser davantage le recours au faire-faire ou à
la sous-traitance pour l'exécution de services qui peuvent être
aussi bien rendus par l'entreprise privée seule, ou en concurrence avec
un organisme gouvernemental. Nous pourrons en parler, d'ailleurs, un peu plus
tard, peut-être, de la CSST. (15 h 20)
Du côté de la gestion de la demande. Nous croyons qu'il est
important de rendre les citoyens plus conscients des coûts. La
gratuité, ça n'existe pas. Il y a quelqu'un qui paie quelque part
au bout de la ligne. Donc, étendre l'imposition de frais
modérateurs dans les services de santé en s'assurant,
évidemment, que les personnes démunies qui sont dans le besoin ne
sont pas pénalisées. Il ne faudrait pas arriver à une
situation où quelqu'un ne peut pas être soigné parce qu'il
n'a pas les moyens. Il faudrait également prévoir - une autre
suggestion - un système de facturation des frais médicaux, dont
une partie pourrait être imposable, donc, selon le taux d'imposition de
la personne, de l'individu. Également, il faut réévaluer,
croyons-nous, le nombre de diplômés en médecine que le
Québec produit parce que ça génère
évidemment une offre toujours supplémentaire et qui n'est pas
contrôlée.
Dans l'éducation, nous sommes d'accord avec l'imposition de frais
de scolarité, au niveau du cégep, pour les étudiants qui
dépassent la durée normale du profil de leur cours. Nous sommes
d'accord également pour donner plus de latitude aux universités
en ce qui a trait aux frais de scolarité.
En ce qui concerne l'appareil de l'État. Nous suggérons de
revoir la pertinence d'un certain nombre d'organismes et, sans poser de
jugement, il reste qu'il y a certaines questions qu'on peut peut-être
poser sur certains organismes. Exemple, le ministère de
l'Éducation et le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science. Pourquoi avons-nous deux ministères dans ce
secteur-là? Deux structures différentes, alors qu'à
plusieurs reprises dans le passé, le titulaire de ces deux
ministères a été le même. Il y a sans doute des
avantages sur le plan fonctionnel à ce que tout le réseau de
l'éducation relève d'un seul ministre en raison de
l'harmonisation, d'ailleurs, qu'il doit y avoir entre les différents
niveaux d'éducation.
Un autre exemple dans le secteur de l'éducation, celui des
conseils. Nous avons un Conseil supérieur de l'éducation avec une
série de commissions, Conseil des collèges, Conseil des
universités. Pourquoi est-il nécessaire de maintenir trois
organismes? Pourquoi ne pas les fusionner en un seul?
J'ai parlé également, dans le domaine de
l'éducation, du siège social de l'Université du
Québec en disant: C'est peut-être requis d'en avoir un, mais
pourquoi? Pour avoir un siège social qui, je pense, coûte à
peu près ou pas loin de 20 000 000 $, avec maintenant des constituantes
qui sont bien établies - ce qui n'était pas le cas, il y a sept
ou huit ans - et qui, je pense, sont dotées de gestionnaires
extrêmement compétents au niveau de la direction.
Un autre exemple, c'est celui de l'Institut de recherche en santé
et en sécurité du travail. On reconnaît l'importance de la
sécurité au travail, l'importance aussi de la recherche sur
certains plans, mais est-ce nécessaire? Je lisais récemment dans
un journal que l'Institut, à Montréal, cherchait des locaux de 75
000 pieds avec 25 000 pieds additionnels pour les 5 ou 10 prochaines
années, près de 20 000 000 $. Est-ce que c'est nécessaire
autant pour l'Institut de recherche en santé et en
sécurité?
En ce qui a trait aux sociétés d'État qui exercent
des fonctions financières, commerciales ou industrielles, il y a eu des
privatisations dans le passé, au cours des cinq ou six dernières
années. Je pense qu'il y aurait lieu de poursuivre dans cette
veine-là pour un certain nombre de sociétés d'État,
de revoir les finalités pour lesquelles elles avaient été
créées, et, si on juge qu'elles ne sont plus... que ces
finalités-là ont été remplies, je pense qu'il y
aurait intérêt à ce
qu'elles soient privatisées.
Nous sommes conscients, M. le Président, que ces orientations ou
ces suggestions amènent des transformations majeures non seulement dans
l'organisation de l'État mais également dans les attitudes et les
mentalités, mais nous croyons que nous ne pouvons éviter ce
virage qui, comme je l'ai déjà mentionné, est
commencé dans d'autres pays européens qui avaient des traditions
bureaucratiques bien établies. Nous reconnaissons également qu'il
est essentiel de faire comprendre à la population l'importance des
enjeux pour l'avenir de notre collectivité, même si je reconnais
que ce n'est pas facile à faire.
Et en ce sens, le gouvernement et la commission peuvent être
assurés de l'appui de la Chambre de commerce du Québec et de ses
chambres locales à cet égard. Ce que nous espérons, c'est
que les agents économiques du Québec, tous les groupes
d'intérêt qui participent à cette commission parlementaire,
chacun dans leur sphère d'activité, puissent contribuer de
manière constructive à redonner à la gestion des finances
de l'État une dimension plus juste, plus humaine, moins bureaucratique,
plus réaliste par rapport à notre capacité de payer, plus
apte à gérer la richesse qu'à assister à
l'appauvrissement collectif.
En terminant, je voudrais simplement faire une comparaison. On parle
beaucoup d'environnement, d'écologie, de la nécessité,
vous savez, de laisser en héritage une planète non
polluée. Je me dis: Pourquoi n'aurions-nous pas aussi une certaine
écologie en finances publiques, afin de laisser en héritage
à nos enfants une situation financière qui leur donnera les
mêmes chances que celles que nous avons eues, la chance de maintenir un
niveau de vie de qualité, la chance de recevoir des soins de
santé et des services d'éducation de qualité.
M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, je vais maintenant
reconnaître M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Je vous remercie, M. le Président.
Mes premiers mots seront évidemment pour souhaiter la plus
cordiale bienvenue à la Chambre de commerce du Québec - ses
représentants, son |>r6sirlont et vous dire combien nous npprtScions
votre présence ici, aujourd'hui, votre participation à ce forum,
en même temps que la qualité du mémoire que vous avez
présenté. Vous n'avez pas eu l'occasion, en ces quelques minutes,
de faire le tour de ce document que vous nous avez présenté, et
ceux et celles qui nous voient et qui nous écoutent n'auront pas pu
bénéficier, évidemment, de l'ensemble de la
présentation qui contient énormément de choses fort
pertinentes (>! fort intoro.ss.inlcs
D'ailleurs, ce n'est pas surprenant à voir la qualité de
ceux qui sont ici ou qui. du moins, pour la plupart, dans leur vie, dans leur
carrière, semblent avoir fait la jonction entre le public et le
privé. Cela, évidemment, donne peut-être la chance d'avoir
une vue d'ensemble beaucoup plus complète de la situation.
Vous avez raison de dire que la situation est difficile. Vous avez
raison, je pense, de dire que nous devons prendre une action et une action
ferme et immédiate. Dans quelques instants, j'imagine que le
président du Conseil du trésor va profiter de votre
présence pour, peut-être, explorer certaines pistes dans la partie
qui touche les dépenses de l'État, étant donné que,
d'après ce que vous nous dites, il n'y a plus de place du
côté des déficits et de l'endettement. Ça me semble
clair, et vous n'êtes pas les seuls qui êtes venus ici nous le
dire. Vous ne semblez pas, non plus, voir de piste du côté de la
fiscalité, surtout lorsqu'on pense à la nécessité
de demeurer compétitif dans le monde d'aujourd'hui. Donc, vous vous
retournez vers la façon qui touche la gestion de l'État.
À ce propos, je me permets - étant donné que je
veux être très bref et laisser à d'autres la chance de vous
parler - d'explorer un peu ce que votre mémoire contient. Même, ce
qu'il ne contient pas, vous pourriez peut-être le compléter
J'aimerais me permettre, pour ceux qui nous écoutent, de lire seulement
une page de votre mémoire, qui se lit comme suit, la page 3: «On a
souvent considéré au Québec que la Suède
constituait un modèle à imiter - et ce n'est pas nouveau, on en a
entendu parler combien de fois? Il s'agit d'une économie de
marché, ouverte à la concurrence et dont l'approche
sociale-démocrate s'était traduite par une offre
généreuse de services publics. Le fardeau fiscal était
élevé, mais les citoyens, en contrepartie, recevaient de nombreux
services publics. Au cours des dernières années cependant, la
Suède supportait un déficit budgétaire substantiel, et la
part de la dette dans le PIB s'accroissait rapidement. À l'automne 1992,
l'endettement considérable de l'État et le niveau très
élevé du déficit budgétaire, à 7 % du PIB,
conjugués aux effets de la récession et de l'intensification de
la concurrence, ont forcé la Suède à prendre des mesures
draconiennes par suite de la sanction des marchés financiers. En plus du
fardeau croissant des finances publiques, il faut souligner quo le niveau
élevé des impôts a amené un déplacement des
activités des grandes entreprises suédoises vers d'autres pays,
de sorte que la base industrielle de ce pays s'est effritée. Les grandes
sociétés suédoises éprouvent des difficultés
concurrentielles majeures. À cet égard, la production
industrielle a chuté de 15 % au cours des trois dernières
années. «Pour enrayer les spéculations contre la devise
suédoise, les autorités ont dû porter temporairement to
taux d'escompte au jour le jour a 500 % Le gouvernement au pouvoir a, par
ailleurs, conclu un accord historique avec l'Opposition pour
procéder à une réduction des programmes sociaux afin de
réduire substantiellement le déséquilibre des finances
publiques. Parallèlement à ces coupures majeures de
dépenses, la Suède a aussi réduit de façon
importante la taxation des personnes et des entreprises de façon
à restaurer sa compétitivité fiscale. (15 h 30) «Le
cas de la Suède permet d'illustrer quelques aspects importants touchant
la gestion budgétaire: comme c'est le cas pour le Canada et le
Québec, la Suède a surestimé la capacité de son
économie à financer les services publics et à recourir
à l'endettement pour payer les dépenses courantes de
l'État; une fiscalité trop lourde pour financer le secteur public
a détérioré sa capacité concurrentielle et
réduit significative-ment son potentiel de production; et finalement
ayant retardé à mettre de l'ordre dans ses équilibres
budgétaires, le marché financier et des changes a forcé
les pouvoirs publics à prendre. pour réduire l'endettement, des
mesures particulièrement sévères qui, si elles avaient
été prises plus hâtivement, auraient permis à la
Suède d'éviter de sabrer d'une manière aussi drastique
dans ses services publics. »
Alors, j'ai lu ceci simplement pour donner une illustration d'une partie
de votre mémoire qui, à mon sens, est une - à moins qu'il
n'y ait des erreurs dans ce que je viens de lire: je ne pense pas, je pense que
ça correspond à la réalité, vous ne l'auriez pas
présenté autrement - c'est «food for thought», comme
dirait Shakespeare, des choses pour nous amener à
réfléchir sur une situation qui n'est peut-être pas la
nôtre, mais qui, peut-être, peut nous inspirer dans les gestes que
nous devons poser.
Merci, M. le président et messieurs. Je cède
immédiatement la parole à ceux ou celles qui veulent
l'obtenir.
Le Président (M. Audet): C'est sage, M. le ministre.
Est-ce que vous voulez commenter, monsieur? Ça va?
M. Marcoux: Non. Simplement, M. le Président, pour dire
que ce que nous avons écrit là, je pense que c'était une
situation qui est réaliste de ce qui s'est passé et qui peut
jeter un éclairage sur la situation, comme le mentionnait M. le
ministre, d'un gouvernement qui est en difficulté financière. Je
pense qu'il y a des choses qui arrivent. Il ne s'agit pas de créer de la
panique, mais ça, c'est vraiment ce qui est arrivé en
Suède. Je pense que c'est illustratif ou que ça peut nous
enseigner certaines choses.
Le Président (M. Audet): D'accord.
Je vais maintenant reconnaître le porte-parle de l'Opposition
officielle, M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci beaucoup, M. le Président.
Alors, à mon tour de souhaiter une cordiale bienvenue à la
Chambre de commerce du Québec et à ses représentants.
J'ai bien lu votre mémoire, j'en ai souligné de larges
extraits. Je peux dire que je suis d'accord avec beaucoup de choses qui y sont
dites. Cependant, je voudrais faire un certain nombre de commentaires, du moins
au départ, et commenter un peu la lecture que vient de nous faire le
ministre des Finances où j'ai bien senti qu'il nous faisait, à
nous, de l'Opposition, un appel du pied pour l'épauler. C'est une petite
ligne qu'il a lue avec, je pense, beaucoup d'intentions. Je ne dirai pas
qu'elles sont mauvaises ou bonnes, je les ai simplement subodorées.
M. le Président, d'abord, une chose que je tiens à dire.
Vous dites dans votre mémoire, à un certain endroit, que le
gouvernement, depuis 1985, a essayé de contrôler les
dépenses publiques. Puisqu'on nous demande notre collaboration, je
voudrais simplement dire qu'il y avait des gestes qui avaient été
posés antérieurement. Quand j'entends les discours sur une
certaine décision qui aurait entraîné 20 % de baisse dans
les salaires de l'État, qui représentaient, à toutes fins
pratiques, la moitié du budget, cela signifierait, aujourd'hui, un
déficit additionnel de 5 000 000 000 $ sur le budget du Québec,
simplement. Je sais que, quand on en parle un peu plus loin, on nous dit: Une
chance que vous avez pris cette décision. Alors, là-dessus, si on
nous demande notre collaboration, il y a des choses qui vont être dites
aussi de la part du gouvernement.
Ceci étant dit, je ne veux pas minimiser la gravité et
l'urgence de la situation financière des gouvernements, et je dis bien
des gouvernements. J'entendais, la semaine dernière, à la radio -
peut-être que vous pourrez avoir l'occasion de corriger - que la Chambre
de commerce venait ici, qu'elle ne voulait pas, évidemment, discuter de
Constitution; c'est le grand mot passe-partout, la déclaration
passe-partout, à l'heure actuelle, très bien, qu'on ne voulait
pas non plus discuter de dédoublements. Or, un des problèmes,
à mon sens, des finances publiques, actuellement, c'est la charge du
service de la dette, autant au Québec qu'à Ottawa. Ça
m'appa-raîtrait très difficile de passer à
côté. La réalité, c'est que le déficit
fédéral, pour la portion qui reviendrait normalement au
Québec, serait de 8 000 000 000 $ à 9 000 000 000 $, selon les
dernières estimations, seulement cette année, le double de ce
qu'il y a au Québec plus le Québec.
Ceci, nécessairement, imprime une pression considérable
sur les taux d'intérêt, ce qui, effectivement, vient handicaper le
budget du Québec. Il me semble que nous touchions là un point
majeur qui, évidemment, origine, au tout début, dans le
déséquilibre des finances publi-
ques, mais qui, aujourd'hui, s'accentue et s'accentue deux fois plus
à cause de la pression fédérale.
Quand je parle de taux d'intérêt, je voudrais bien qu'on en
parle en termes de taux d'intérêt réels: 7 % au
Québec, 7 % au Canada, c'est considérable! Je pense que,
là-dessus, on ne peut pas ignorer l'impact de la situation
budgétaire fédérale. Pour moi, c'est la première
cause, à l'heure actuelle, de l'augmentation des déficits qui se
génèrent par eux-mêmes. Ceci, je pense qu'il faut
l'admettre, et on ne peut pas discuter de l'état des finances
québécoises, seulement finances québécoises. Il
faut quand même élargir et voir la chose.
Vous dites aussi un peu plus loin, dans votre mémoire... J'ai lu
une page de plus ou quelques pages de plus que le ministre des Finances, et
j'ai souligné quelques bouts, mais, à un endroit en particulier,
vous parlez du secteur public. Il est important, effectivement, et vous nous
donnez toute une série de suggestions. Tout à l'heure, vous en
avez élaboré et, effectivement, il faut se poser ces questions:
Pourquoi deux, trois organismes et pourquoi, lorsqu'il y a un ministère,
il y a le ministère qui donne des orientations avec son cabinet, le
ministre, et il y a le ministère avec ses hauts fonctionnaires? Comme
vous en êtes trois sur cinq ou quatre sur cinq devant moi, vous savez
très bien de quoi il s'agit. Ensuite, vous dites que, très
souvent, on a créé des organismes d'État, donc une
trilogie à la direction de chacun de nos ministères.
Ce que je constate, quant à moi, c'est que lorsque vous dites
qu'on ne parle pas des dédoublements, pour moi, je crois qu'il faudrait
en parler de façon majeure. Il y a deux ans, vous aviez exprimé
cette idée, ici, à cette table. Pour nous, il semble qu'il y en
ait justement un de trop, un gouvernement. Ça commence par là,
les décisions de fond à prendre pour les Québécois.
Là, vous m'aviez vu venir, bien sûr. Vous m'aviez vu venir, mais
il reste que c'est une question fondamentale. Il y en a un de trop, et cela met
en cause beaucoup de monde, une rationalisation majeure Je ne la demande pas
pour la première année. Je la demande pour une certaine
période, comme on peut le voir.
Alors, sur ce plan-là, il m'apparaît difficile qu'on
analyse une situation seulement comme si le Québec était dans un
vase clos. Il faut quand même élargir la question, cette question,
cette pression que le déficit fédéral fait encourir aux
finances du Québec. En passant, indépendamment du service de la
dette, le fédéral, par ses paiements de transferts et les
coupures qu'il a introduites pour essayer lui-même de se sortir de sa
situation, a quand même impliqué une coupure de 3 600 000 000 $
sur les paiements de transferts. Notre déficit actuel est de 4 600 000
000 $. Il y aurait 1 000 000 000 $, si le ministre des Finances n'avait pas eu
à subir ça. Je suis convaincu qu'aujourd'hui il ne serait pas ici
à venir vous demander des suggestions et des conseils, en
réalité.
Ceci étant dit, la situation est ce qu'elle est. Ce qu'il y a
à faire ici, au Québec, je crois qu'on doit le faire. S'il y a du
gras au Québec, dans la structure gouvernementale, dans l'administration
publique, oui, il faut l'enlever et il faut faire face à la
réalité telle qu'elle est J'aimerais avoir quelques commentaires
sur cette affaire, sur cette question à l'effet qu'on ne déborde
pas l'examen des finances publiques en dehors simplement du budget du
Québec, mais qu'on ne fait pas aussi l'examen de ce qu'il y a
alentour.
M. Marcoux: M. le Président, d'abord, il y a un aspect que
nous abordons dans notre mémoire, à la page 49, d'ailleurs,
lorsque nous parlons des programmes de formation...
M. Léonard: Effectivement. (15 h 40)
M. Marcoux: ...qui sont importants. Là-dessus, la position
de la Chambre... D'ailleurs, je pense qu'il y a une unanimité qui se
fait sur l'avantage qu'il y aurait à ce que ces programmes-là
soient administrés centralement. Il faut bien dire également,
à cet égard, que le gou vernement du Québec, lui aussi -
quand je parle du gouvernement, je parie du gouvernement et de l'État -
doit s'organiser pour être efficace. Moi, je suis d'accord pour donner
des leçons aux autres, mais lorsqu'on voit que, dans notre secteur
à nous, il y a deux ou trois ministères impliqués dans la
main-d'?uvre, dans la formation de la main-d'oeuvre et qu'en plus nous
avons une société de développement de la main-d'oeuvre, je
me dis: Eh bien, oui, je suis d'accord, l'objectif doit être de revenir,
mais je pense qu'il y a aussi des choses à faire. Il y a certains autres
secteurs où, effectivement, il y a des dédoublements.
Je ne pense pas que... De toute façon, il y a des mesures
à prendre, comme vous mentionniez vous-même, au Québec, qui
sont urgentes, je pense, indépendamment de tout ça. Si nous
considérons le Québec dans l'ensemble des provinces canadiennes -
ça aussi, c'est un autre barème important, je pense - eh bien, il
reste que, simplement sur le plan de l'endettement, nous ne sommes pas dans une
position qui est très favorable, c'est-à-dire que nous sommes un
des derniers. Donc, sans dire: On a fait déjà des
représentations, la formation recèle des montants importants Mais
je pense qu'il est important de prendre des mesures pour agir au Québec
et ne pas attendre, nécessairement, que tout ce débat-là
ait lieu parce que, là, on va être pris dans des problèmes
qui auront une dimension exponentielle. Je pense qu'il faut également
voir comment on se situe dans l'ensemble des provinces qui, finalement, sont
dans la même situation par rapport au fédéral.
M. Garcia (Claude): M. le Président, est-ce que vous me
permettez de compléter la réponse?
Il y a deux points qu'il ne faudrait pas oublier. D'abord, la dette per
capita des provinces est un élément important, si on veut juger
la situation financière. Nous, on est venus pour parler de finances
publiques, aujourd'hui, on veut se limiter à ce
débat-là.
M. Léonard: C'est ça. Je parlais de finances
publiques. Je ne parlais pas de Constitution.
M. Garcia: Mais la dette per capita du Québec est la
deuxième plus élevée après celle de Terre-Neuve.
Alors, je pense que, ça, en soi, c'est déjà un message
très clair. Il faut qu'on fasse quelque chose. Le taux de chômage
au Québec est plus élevé que dans toutes les provinces
canadiennes, à l'exception de deux, et il faut régler ce
problème-là.
En plus, le coût des services publics au Québec et dans
toutes les provinces, c'est essentiellement des services qu'on rend. Il faut
faire face aux problèmes que ces coûts-là...
Indépendamment de la situation politique éventuelle du
Québec, les problèmes des coûts de santé, des
coûts d'éducation vont être les mêmes. Je ne pense pas
que la situation politique ait beaucoup à voir là-dedans.
En plus, dans le moment, c'est certain, vous avez raison que, quand bien
même on réglerait le problème du déficit au
Québec, ça ne réglera pas le problème des taux
d'intérêt au Canada. Ça, je vous l'accorde. Mais il reste
qu'on a l'avantage, si on fait preuve de plus de discipline... Vous savez,
l'Ontario a souvent été l'enfant gâté de la
Confédération canadienne parce qu'elle avait un gouvernement...
elle était bien placée, mais en plus elle avait peut-être
un gouvernement qui était responsable au point de vue finances
publiques. Je ne pense pas que le gouvernement actuel de l'Ontario
mérite ce qualificatif-là.
Le Québec a peut-être la chance de mieux se placer, si on
veut, dans l'axe central du Canada en ayant un gouvernement plus responsable.
On a une opportunité historique, là, de mieux se positionner dans
l'échiquier économique nord-américain, en ayant un
gouvernement responsable en termes de finances publiques. Alors, je pense qu'il
ne faut pas rater cette occasion-là. C'est pour ça que, nous, on
pense qu'il faut faire quelque chose à ce moment-ci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, moi aussi, M. le Président, pour
souhaiter la bienvenue à nos invités et pour relever rapidement
deux des affirmations du député de Labelle.
Vous me permettrez, d'abord.., J'ai cru comprendre que le
problème de la dette publique et de l'endettement et des dépenses
publiques appelle une solution constitutionnelle qui revêtirait,
évidemment, le couvert de la souveraineté du Québec. La
démonstration reste à faire, de l'autre côté. C'est
comme ça qu'on va, évidemment, régler les finances
publiques. Deuxième ment, le rappel de la coupure unilatérale de
20 %, unilatérale, de 20 %, dans un contexte, on s'en souviendra,
où même un gel des salaires aurait fait en sorte qu'il manquait
encore de 500 000 000 $ à 600 000 000 $, nous remet un petit peu dans le
contexte de la qualité de la gestion qui avait cours à ce
moment-là. D'autant plus que ce n'est pas 5 000 000 000 $, cette
année, que ça coûterait de plus, c'est 1 300 000 000 $.
Alors, simplement que les chiffres ont droit, également, d'être
rétablis. Ça donne juste une idée de la façon dont
on doit...
M. Léonard: Ce n'était pas 20 %.
M. Johnson: Ça donne juste... C'était 20 % sur
trois mois, c'est 5 % sur une base annuelle, et il y a eu un ajustement au
régime de retraite à IPC moins trois, total: 1 300 000 000 $
cette année. Alors, je ne sais pas où vous prenez les 5 000 000
000 $. Enfin, on le trouvera un jour.
Du côté de la gestion publique, je me permets... Le temps
imparti ne nous permet pas de nous promener partout dans votre mémoire,
qui est un programme de gouvernement, incidemment - ce n'est pas
étonnant avec le nombre de sous-ministres qu'il y a devant nous... Il
est fort possible que vous ayez des suggestions extrêmement
concrètes et que, je dirais, votre expérience vous ait
amenés à nous donner des pistes extrêmement
précises.
Je me permets de retenir celle qui a trait à la gestion de la
demande, aux pages 31, 32, 33, dans ce coin-là, de votre mémoire.
Oui, c'est intéressant d'insérer soit de l'information à
l'usager, dites-vous, d'introduire une tarification qui vient signaler soit le
coût du service, soit qui représente une portion du financement,
donc un cofinancement, quoique son ampleur reste à
déterminer.
J'aimerais simplement, au niveau du -principe, en ce qui regarde la
gestion de la demande de certains services, vous amener à
préciser s'il n'y a pas des distinctions entre un déboursé
qui est une dépense, à la dépense d'épicerie, par
opposition à une dépense qui est un investissement. On prend dans
l'éducation, l'enseignement collégial. C'est assez
généralisé, à mon sens, le désir qu'on
introduise un signal à ceux qui s'attardent au cégep, que
ça coûte quelque chose, là, ce que la société
est en train de faire pour eux. Inversement, le fait que des étudiants
soient en passe d'obtenir des qualifications additionnelles les
amènerait à être un actif pour la société
également. Ils paieront plus d'impôts. Ils seront un actif humain
pour la société davantage s'ils sont, évidemment, mieux
formés.
La même chose est vraie au niveau, par
exemple, de la formation de la main-d'oeuvre. Ce qui nous
préoccupe, en tout cas ce qui me préoccupe lorsqu'on parie de
finances publiques, c'est notre capacité de soutenir l'économie,
de créer des emplois; donc, comme dans n'importe quelle entreprise
privée comme celle que vous représentez, faire la
différence entre l'investissement et la dépense au titre des
déboursés qui sont faits.
Pourriez-vous nous indiquer, si on considère qu'une
dépense peut être un investissement, que cette
dépense-là peut échapper à une tarification aux
signaux que vous donnez? Autrement dit, en éducation ou dans d'autres
dimensions, est-ce qu'on ne doit pas considérer qu'on est en train
d'investir dans l'avenir, auquel cas serait-on mieux ou moins bien venus
d'introduire des mécanismes de tarification? Est-ce que vous voudriez
vous exprimer là-dessus?
M. Marcoux: M. le Président, d'abord, je pense que
lorsqu'on parle d'investissements dans le cas de l'éducation, c'est
peut-être lorsqu'on arrive au niveau du cégep ou de
l'université, je pense que c'est l'individu qui investit. En d'autres
termes, ce n'est pas... Au niveau du cégep, il y a un taux de
fréquentation générale, et je pense que c'est l'individu
qui investit en payant une partie des frais de scolarité, par exemple,
du moins pour ceux du cégep ou de l'université.
Lorsqu'on parle d'investissements gouvernementaux... On peut
peut-être dire également que des dépenses pour assurer la
prévention de la maladie, ça peut être des investissements,
mais je pense qu'on doit s'en tenir, en termes de comptabilité publique,
lorsqu'on parle d'investissements, à ce qui est vraiment de
l'immobilisation. Autrement, je pense que c'est difficile de maintenir
ça. Je comprends qu'économiquement il y a peut-être toutes
sortes de théories qu'on peut faire, mais si on prend...
En tout cas, dans l'entreprise, on a déjà
considéré, par exemple au niveau des comptables, de dire: La
formation, ça pourrait constituer un investissement à être
amorti sur x années. Je pense que ça ne serait pas prudent, au
niveau de l'entreprise, de faire ça et je ne suis pas sûr si, au
niveau des dépenses publiques également, ça
n'amènerait pas à long terme une certaine distorsion. Je pense
que l'investissement, si on parle d'éducation, c'est fondamentalement...
Si l'individu va à l'université, comme vous dites, il va gagner..
Normalement, toutes les statistiques sont là pour indiquer qu'il va
avoir un meilleur revenu. Il y a pas mal moins de gens sur l'aide sociale,
même s'il y en a, malheureusement, qui ont un niveau universitaire que
ceux qui ont une neuvième année. Je veux dire... Il y en a
beaucoup plus. Bien moi, je pense que c'est normal que l'individu assume une
partie de ces frais-là parce que, lui, il va en bénéficier
plus tard. (15 h 50)
M. Johnson: M. Garcia veut ajouter.
M. Garcia: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter
quelque chose.
La semaine dernière, j'écoutais M. Corbeau, le
conférencier recteur de l'UQAM à la Chambre de commerce de
Montréal, et il citait des chiffres qui m'ont beaucoup fait
réfléchir. Il y a un très grand pourcentage
d'étudiants à l'université ou au cégep, donc
subventionnés par l'État pour obtenir une éducation et, en
principe, étudiants à temps plein, qui travaillent à temps
partiel pour au moins 15 heures par semaine. Ces étudiants-là,
ceux qui travaillent 15 heures et plus, fournissent, en moyenne, 8 heures de
moins d'efforts à leurs études. Mais vous savez que ces
étudiants-là ont la même exemption d'impôt que vous
et moi qui sommes payés, finalement, à temps plein. Nous
travaillons à temps plein et nous ne sommes pas subventionnés par
l'État pour étudier. Jo pense qu'il y a quelque chose là
à explorer, indépendamment de ne pas vouloir imposer la
taxation.
Je pense que le régime fiscal, à l'heure actuelle,
favorise le travail à temps partiel en même temps que les
études et je ne suis pas certain que, comme l'État, on en ait
pour notre argent.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
Dans votre mémoire, vous avancez comme un des principes de base
la privatisation. Vous dites, à la page 56, et je cite: «Pour ce
qui est des sociétés d'État exerçant des
activités financières, commerciales ou industrielles, on devrait
en continuer la privatisation. S'il n'existe aucun acheteur pour une
société d'État, ceci est en général
l'indication qu'une entreprise n'est sans doute pas très
rentable!»
Je me rappelle, lorsqu'il y a eu le débat sur la privatisation
d'Air Canada et de Petro-Canada, il y avait un économiste de
l'Université Laval qui, à juste titre, reflétait les
préoccupations de plusieurs qui disent que la tendance a souvent
été, pour les gouvernements, de privatiser les profits et de
nationaliser ou d'étatiser les déficits. Lorsque vous parlez de
continuer les programmes de privatisation, en fait, quand vous mentionnez le
secteur financier, commercial et industriel, ça couvre pas mal un large
spectre des activités de ces entreprises.
Ma question est la suivante. En lisant ça, on a l'impression, en
filigrane, que vous suggérez au gouvernement de vendre les entreprises
les plus rentables et de rester pris avec ce qu'on appelle couramment les
canards boiteux. J'aimerais que vous explicitiez un peu votre pensée
là-dessus D'une part, est-ce que le gouvernement devrait se
débarrasser de ses entreprises les plus rentables, qui souvent sont
devenues rentables
parce qu'elles ont été financées et qu'elles ont
été appuyées à même les fonds publics? Et,
d'autre part, qu'est-ce qu'on fait de ce qu'on appelle communément les
canards boiteux?
Finalement, dans cette même ligne de pensée, j'aimerais que
vous nous fassiez vos commentaires sur la proposition qui a été
faite par l'Association des manufacturiers du Québec de privatiser
jusqu'à 49 % d'Hydro-Québec?
M. Marcoux: M. le Président, M. le député,
d'abord, sur Hydro-Québec, si je comprends, il y a une commission
parlementaire qui va siéger. À ce moment-là, si la
commission y agrée, nous serons de retour parce que nous avons
déposé un mémoire, et on pourra discuter de cette
question-là.
En ce qui a trait à la position que nous avons sur la
privatisation, et parlant de sociétés à caractère
financier, industriel ou commercial, ce n'est pas une position dogmatique. Ce
n'est pas ça du tout. C'est beaucoup plus une position qui est tout
à fait pratique. Si vous regardez dans les comptes publics de 1991-1992,
je crois, il y a quand même des sociétés d'État qui
ont coûté, je pense, au gouvernement 200 000 000 $ à peu
près, de mémoire. Ce que nous disons ici, ce n'est pas: Gardons
les canards boiteux et privatisons ce qui peut être rentable. Le principe
que nous énonçons est le suivant. C'est que les activités
à caractère financier, industriel ou commercial, à notre
avis, sont mieux rendues par l'entreprise privée qui est en concurrence.
On ne voit pas pourquoi l'argent des contribuables, dans le fond, servirait
à ça. Le principe, c'est que des sociétés qui
appartiennent à l'État, et surtout celles qui ne font pas de
profits et pour lesquelles tous les contribuables paient, on dit: Je pense que
celles-là devraient être privatisées.
Nous avons eu des exemples que souvent, lorsqu'elles ne sont pas
rentables, ça continue de se détériorer, et pour toutes
sortes de raisons. Alors, nous croyons que la privatisation devrait être
poursuivie dans un certain nombre de sociétés dont la
finalité est terminée. Il y avait sans doute de bonnes raisons de
créer des sociétés dans le temps, il y a 25 ou 30 ans. Le
contexte a évolué. Aujourd'hui, il y a peut-être des
sociétés privées qui peuvent prendre la relève, et
on dit: Écoutez, on pense que ça devrait être remis
à l'entreprise privée. Il y a des questions qu'on peut se poser
sur d'autres qui sont rentables.
Écoutez, on se dit: La Société des alcools, oui,
c'est rentable pour toutes sortes de raisons. Est-ce que c'est
nécessaire qu'elle soit un monopole d'État? On ne vous dit pas
qu'il faut privatiser ça demain matin, mais je pense qu'on peut se poser
la question. Il y a bien d'autres juridictions où c'est rendu par
l'entreprise privée, même des indépendants qui vendent
ça. On a vu...
Il y a une progression, d'ailleurs, au
Québec. Historiquement, il n'y a pas personne qui pouvait vendre
même de la bière dans les supermarchés ou vendre du vin
dans les dépanneurs. Je pense que c'est une approche qui est pratique,
mais on dit: Surtout celles qui coûtent de l'argent à
l'État, est-ce qu'on doit continuer de les maintenir au crochet de
l'État? Puis, finalement, ce sont tous les contribuables qui en
absorbent les coûts.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Saint-Louis.
M. Chaghon: Brièvement. Dans votre mémoire, les
deux créneaux qui retiennent mon attention particulièrement,
parce qu'ils sortent des avenues proposées par le gouvernement, sont,
d'une part, la privatisation et, deuxièmement, la
décentralisation. Puisque le sujet a été amorcé,
dans le cas de la privatisation, vous avez fait part d'un exemple, la CSST,
qu'on pourrait appeler un canard boiteux au moment où on se parle.
Est-ce qu'il y a d'autres exemples de privatisation de
sociétés d'État qui vous viennent à l'esprit? La
Société des alcools, Domtar... Vous auriez eu
intérêt à nous les situer ou, à tout le moins,
à nous les préciser, et les raisons qui vous auraient
motivé a les indiquer. Est-ce qu'il y en a qui vous passent par
l'esprit? Première question. Ensuite, je viendrai à la
décentralisation.
M. Marcoux: M. le Président, d'abord, je voudrais
peut-être, en ce qui a trait à la privatisation, simplement lever
une ambiguïté parce que, parfois, lorsqu'on parle de privatisation,
je pense, c'est davantage pour les sociétés à
caractère financier, commercial ou industriel.
Vous dites: Vous ne les avez pas listées. Non, on n'a pas
commencé à les examiner une à une. J'avoue qu'on n'a pas
eu le temps de le faire - donc, ça, c'est assez clair - avec le
délai que nous avions, mais il y en a. Écoutez, on peut toutes
les repasser une après l'autre, mais... On peut parler de SIDBEC, on
peut parler de SEPAQ, bon... Dire: Est-ce que vraiment ça doit
tout...
M. Chagnon: La SAQ. M. Marcoux: Pardon? M. Chagnon:
SAQ.
M. Marcoux: La SAQ que j'ai mentionnée. Alors, je pense
que nous, ce que nous disons, c'est qu'on doit s'interroger la-dessus, et je
pense qu'il y a intérêt à poursuivre en priorisant celles
où on dit: La finalité pour laquelle ça a
été étatisé, on pense que c'est terminé et
que ça doit être retourné a l'entreprise privée.
Si vous me parlez de la CSST, ce que nous
disons, c'est ceci: II est bien sûr que la sécurité
et la santé au travail, c'est important. À notre avis, c'est une
question d'ordre public, et l'État doit établir les normes et les
règles que les entreprises doivent respecter dans ce secteur-là.
Par ailleurs, est-il nécessaire que l'assurance du risque se fasse
obligatoirement par un organisme d'État? On peut envisager diverses
options ou bien... Il y a des entreprises qui assurent des risques, des
entreprises privées, toutes sortes de compagnies d'assurances, qui le
font pour des frais médicaux, des assurances-santé, etc. Pourquoi
ne pourraient-elles pas le faire dans le cas des accidents du travail en
étant, bien sûr, obligées de suivre les règlements,
les modalités, les normes imposées? Ça pourrait être
également... L'employeur pourrait avoir le choix de faire affaire avec
la CSST ou encore de faire affaire avec une compagnie d'assurances. Si la CSST
est moins chère, bien, mon Dieu...
M. Chagnon: Vous cherchez à établir un
système de concurrence.
M. Marcoux:... il fera affaire avec la CSST.
M. Chagnon: Vous cherchez à établir un
système de concurrence, et j'approuve cette démarche. Quant
à la décentralisation, vous estimez qu'elle apporterait des gains
de productivité. Vous donnez un exemple. Que les CLSC soient
transférés aux administrations locales, ça m'est
passé par la tête, mais lesquelles? Votre texte manque de
précision un peu sur ce genre de questions là. Vous
mériteriez d'approfondir les sujets que vous avez soulevés.
M. Marcoux: Bien, écoutez, M. le Président, M. le
député, je reviens à ce que j'ai dit. On n'a pas eu le
temps. On n'est pas à temps plein là-dessus. Ce que nous
voulions, c'était indiquer des pistes d'avenues et, je pense, en termes
d'orientation où le gouvernement devait considérer de telles
orientations.
Si vous me parlez des CLSC. ça pout être les
municipalités ou ça peut être, peut-être, les
municipalités régionales de comté, dans certains cas. Je
pense qu'il n'y a pas de règle précise, mais nous croyons qu'il y
aurait un avantage, parce que vous savez que les services qui sont offerts par
des CLSC sont des services... Tout d'abord, ils sont impliqués dans la
communauté Ce sont des services de première ligne, et il y aurait
sans doute intérêt à ce que ça puisse relever d'un
niveau local, évidemment en transférant, cependant, aux
municipalités, au palier local, les ressources appropriées. Il ne
s'agit pas, comme on dit, de pelleter ça.
M. Chagnon: Et la négociation des conventions.
M. Marcoux: Bien, je pense que ça va de soi.
M. Chagnon: Toutefois, on s'est aperçu qu'au niveau local
c'était peut-être là que les négociations
étaient les plus difficiles, où notre coût de revient par
employé est le plus élevé si on le compare, par exemple,
au secteur du gouvernement du Québec où à emploi
correspondant on a une diminution de 20 % du coût de la
rémunération globale par rapport aux municipalités. (16
heures)
M. Marcoux: Si vous me permettez, M. le Président, de
faire un commentaire là-dessus, c'est que les municipalités,
depuis assez longtemps, demandent que l'arbitrage soit éliminé,
dans le cas des policiers et des pompiers. La raison est très simple:
c'est que, si on regarde l'évolution des salaires dans ce
secteur-là, ça a augmenté de façon incroyable parce
que c'était toujours un «piggyback» sur l'autre, et les
municipalités disent: Écoutez, là, on ne veut plus avoir
l'arbitrage, dans le cas des policiers-pompiers, parce que ça a un effet
d'entraînement pour tous les autres employés dans les
municipalités.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député.
M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais, à mon tour, saluer les membres représentants
de la Chambre de commerce du Québec et, bien sûr, tes
féliciter pour leur bon document, qui est un document de qualité,
que j'aimerais un petit peu comparer à celui qui avait été
présenté il y a un an, deux ans environ, bientôt, en 1990,
je crois, lors du débat sur l'avenir constitutionnel du
Québec.
Mais moi, de ce premier document-là, je sais que ça a pu
bouger, là, au niveau des conseils d'administration depuis, mais de ce
que je me souviens, c'est que les chambres de commerce du Québec avaient
vraiment corné le débat des finances publiques autour d'un
phénomène qui est celui des dédoublements admistratifs
fédéral-Québec et où - on en parlait même
pendant 10, 12 pages - on disait que ça n'avait plus de bon sens, qu'on
ne pouvait pas gérer comme on gérait les finances publiques
à se dédoubler de la sorte pour qu'on puisse penser à
équilibrer nos finances publiques au Québec.
Quand je relis le mémoire que vous nous présentez dans le
débat des finances publiques, je trouve que l'accent que vous aviez mis,
à l'époque, on ne le retrouve pas dans un élément
concret d'application. Entre autres, on voit, bien sûr, là, vous
soulevez la main-d'oeuvre, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre du
Canada, où vous dites, à la page 49 du mémoire: ...
s'explique d'une part par le coût bureaucratique élevé.
Mais c'est à peu près parmi les rares
éléments que vous soulevez. Mais, quand je me
réfère à votre document sur l'avenir constitutionnel,
c'était le focus majeur sur les dédoublements.
J'aimerais ça que vous m'expliquiez. Est-ce que vous avez
changé d'idée à ce niveau-là ou bien si vous pensez
que ce n'est pas encore un problème majeur, les
dédoublements?
M. Marcoux: Alors, M. le Président, M. le
député, d'abord, comme vous le notez, la formation, on en fait un
cas à part, parce que je pense que c'est extrêmement important
pour toutes sortes de raisons, puis on a tous discuté, et je pense que
les gens sont d'accord.
Le mémoire que nous déposons aujourd'hui touche les
finances publiques du Québec. Je comprends qu'on pourrait bien dire:
Écoutez, là, il faudrait regarder tout le reste. Il faut, comme
on l'a mentionné tantôt - et je pense que c'est M. Garcia aussi -
regarder la position du Québec versus les autres provinces, dans ce
contexte-là, qui sont également dans le même contexte, et
l'endettement du Québec, actuellement, est un des plus
élevés parmi toutes les provinces canadiennes. Donc, ça
veut dire qu'on a aussi des choses à faire ici, et c'est le point que
nous adressons dans ce mémoire-là.
Je ne dis pas qu'il n'y aurait pas autre chose à faire,
là, mais, aussi, en éliminant certains dédoublements, mais
fondamentalement, je pense qu'il y a des choses à faire ici, au
Québec, de faire nos devoirs, et c'est dans ce sens-là que nous
avons déposé le mémoire. C'est dans ce sens-là
aussi que nous sommes prêts à faire notre part pour appuyer le
gouvernement.
M. Filion: Est-ce que vous seriez également d'accord, dans
le même sens que vous présentez votre mémoire, de penser
à éliminer des frais communs ou les dédoublements de
frais, par exemple, une double déclaration d'impôt au
Québec?
Vous savez que le Québec, on est la seule province au Canada
à produire en double des formulaires d'impôt. On sait
qu'actuellement il y a des démarches qui ont déjà
été faites et des ententes qui ont été conclues
où on administre au Québec la TPS, la TVQ et qu'on centralise,
qu'on fusionne les ressources humaines et qu'on fait des économies
d'échelle.
Vous ne trouvez pas que ce genre de planification de finances publiques
devrait également s'enclencher via un processus de déclaration
d'impôt au Québec, où on aurait une seule
déclaration d'impôt produite au Québec, avec une
administration québécoise, où on aurait des distinctions
fédérales-Québec, où on arriverait à des
économies d'échelle intéressantes et où je pense
qu'on soulagerait toute la population du Québec qui, au fond... On leur
demande de produire en double des formulaires qui compliquent la vie de tout le
monde.
M. Marcoux: Bien, écoutez, là-dessus, je ne vous
dis pas que ça ne pourrait peut-être avoir des avantages, mais je
ne pense pas que... Déjà, comme vous mentionnez, pour ce qui est
de la TPS, TVQ, il y a eu une entente administrative. Il y a eu d'autres
ententes administratives aussi, je pense, dans le domaine de l'habitation. Bon.
Alors, il y en a... et espérons qu'il y en aura une également
dans le domaine de la formation, mais, à court terme, je ne pense pas
que ce soit ça, là, qui va modifier la trajectoire des finances
publiques au Québec.
Je pense que, lorsqu'on regarde la situation comparative, ce que je
mentionnais tantôt, là, nous avons des choses à faire et
à modifier dans les services dont nous sommes responsables, ici, au
Québec. Je pense que c'est fondamentalement sur ça qu'on fait
porter le mémoire. Je ne dis pas qu'il y a certaines autres choses qui
peuvent être regardées et qui peuvent avoir du bon sens. Mais je
ne pense pas qu'on va régler ça demain matin, là, et puis
qu'on va avoir le temps de redresser la situation et de changer la direction
dans laquelle nous sommes orientés.
M. Filion: ...que vous avez...
Le Président (M. Audet): C'est terminé, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: C'est déjà terminé?
Le Président (M. Audet): Oui, c'est terminé.
M. Filion: Dommage. J'avais une autre question.
Le Président (M. Audet): Alors, je vais reconnaître
maintenant M. le président du Conseil du trésor. Très
brièvement, il vous reste quelques secondes, à peine une
minute.
M. Johnson: Y compris votre réponse, M. Marcoux,
apparemment.
On veut créer des emplois, assurer le développement
économique du Québec, et ce que vous suggérez, entre
autres pistes, là, je ne veux pas simplifier, c'est qu'on coupe dans les
dépenses publiques, qu'on coupe dans les effectifs gouvernementaux.
On a réussi à le faire. Ça, c'est stabilisé
depuis quelques années, les équivalents de temps complet. Dans
les loyers, on coupe. On doit déménager le Conseil du
trésor; le mois prochain, on déménage dans plus petit.
Alors, ne croyez pas ce qu'on vous dit; on ne déménage pas dans
plus grand, on déménage dans plus petit. On a fermé les
bars, les bars ouverts, là, qu'il y avait en
télécommunications, en informatique, en reprographie. C'est
vraiment, à cause des fonds spéciaux, là, beaucoup plus
discipliné, vous le savez, maintenant.
Mais il reste les subventions. Vous n'en
avez pas parlé beaucoup des subventions aux entreprises,
subventions à toutes sortes d'activités industrielles. Est-ce que
vous êtes disposé à regarder ça aussi, couper les
subventions pour créer des emplois?
M. Marcoux: Bien. M. le Président, M. le ministre,
d'abord, j'espère que, bien, je trouve que le Conseil du trésor,
c'est un excellent exemple. J'espère qu'il y en a d'autres qui suivront
le même. Quand je parlais tantôt de l'Institut de recherche en
santé et en sécurité, c'est un bon exemple. Mais nous
mentionnons dans notre mémoire que, d'abord, pour créer des
emplois, je pense que vous le savez, il y a 75 % à 80 % des emplois qui
sont créés par la PME - c'est vrai au Québec - ou par
d'autres entreprises qui sont déjà ici, là, le reste des
emplois qui grandissent, et pour ça, je pense qu'il est important de
maintenir un climat favorable au développement de l'entrepreneurship et
au développement des entreprises de base.
Si je reviens maintenant à la question des subventions aux
entreprises, ce que nous disons, d'ailleurs, dans nos recommandations, oui,
nous devons remettre en cause même les subventions à l'entreprise.
Je sais qu'il y a eu du travail de fait, il y a eu des changements qui ont
été apportés, mais nous sommes d'accord pour que ça
soit revu et, je pense, que ça soit limité à des cas, par
exemple, parfois, pour un support d'appoint à l'exportation,
peut-être, mais de façon très limitée, je pense. Je
suis d'accord, nous sommes d'accord pour revoir les subventions et les
diminuer, s'il y a lieu. Ce n'est pas...
M. Johnson: Les dépenses fiscales aussi, je
présume.
Le Président (M. Audet): C'est terminé. M.
Marcoux: Pardon?
M. Johnson: les dépenses fiscales aussi, je
présume, au même titre que les subventions, les abris fiscaux ou
dépenses fiscales, là, pour la recherche, développement,
tout ça...
M. Marcoux: Bien, je pense que, là-dessus, il s'agit
d'avoir des régimes qui se comparent à d'autres. En ce qui a
trait à la recherche, bien, il est peut-être favorable, plus
favorable, parfois, d'avoir un incitatif, pour ce qui est de la recherche et
développement, qu'une subvention directe. Alors, je pense que c'est
l'effet qu'on veut rechercher qu'on doit examiner.
Le Président (M. Audet): Merci.
Alors, je remercie les représentants do la Chambre de commerce du
Québec pour leur présentation.
Avant de suspendre quelques minutes, j'invite l'Association des
industries forestières du
Québec à prendre place.
La commission est suspendue quelques minutes.
(suspension de la séance à 16 h 9)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M. Audet): Veuillez prendre vos places: Si
vous voulez prendre place, messieurs, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration
reprend ses travaux.
Nous recevons maintenant l'Association des industries forestières
du Québec. Alors, messieurs, on vous souhaite la plus cordiale bienvenue
à notre commission. Je vais maintenant reconnaître... Oh,
excusez-moi! Je vais un peu vite.
Alors, je vais vous expliquer, brièvement, les règles de
procédure. Vous avez 20 minutes - si vous pouvez vous identifier avant
de présenter votre mémoire - et, pendant 40 minutes, nous
procéderons à des échanges avec vous. Alors, nous vous
écoutons.
Association des industries forestières du
Québec Itée (AIFQ)
M: Duchesne (André): Merci, M. le Prési-dent, MM.
les ministres, MM. les députés.
Mon nom est André Duchesne. Je suis le président et
directeur général de l'Association des industries
forestières du Québec. J'ai avec moi M. Yves Gauthier, qui est
économiste à l'Association. En principe, j'avais aussi le
président du conseil d'administration, M. Roger Ashby, qui est
président et chef de l'exploitation chez Rolland, mais, aux
dernières nouvelles, il avait un cas de conscience entre le respect des
limites de vitesse sur la Transcanadienne et l'heure de notre comparution
à l'Assemblée. Il semble bien que c'est le respect des limites de
vitesse qui a gagné. S'il arrive, on le prendra, si vous me permettez,
M. le Président, mais je vais commencer de toute façon.
Le Président (M. Audet): D'accord, allez-y!
M. Duchesne: Les compagnies qui sont membres de l'AIFQ, M. le
Président, représentent la presque-totalité de la
production de pâtes et papiers au Québec et pratiquement les deux
tiers de la production de sciage. Or, strictement en valeur de pâtes et
papiers, c'est 6 700 000 000 $ pour l'année dernière, soit
environ 9 % de la valeur des livraisons de toute l'industrie
manufacturière québécoise Vous le savez, parce que je vous
l'ai déjà dit à quelques reprises, c'est aussi le
cinquième de nos exportations et c'est une activité
économique qui est essentielle au maintien d'une balance de paiement
commerciale
favorable pour le Québec et à l'activité dans
plusieurs villes et villages.
Le mémoire que nous avons déposé porte
essentiellement sur deux sujets qui préoccupent tout
particulièrement l'industrie forestière: l'emballement des
dépenses gouvernementales et la taxation sur le capital des
sociétés. Il faut bien comprendre, M. le Président, que ce
ne sont pas les deux seuls points dont nous aurions pu parler aujourd'hui,
mais, d'autres vous l'ont dit, le délai était assez court, la
période de l'année n'était pas très propice et,
bien honnêtement, ça fait déjà un bon bout de temps
qu'on parle avec plusieurs ministres du gouvernement de sujets très
précis, et on n'avait pas l'intention de répéter ça
ici, aujourd'hui. On se demande vraiment si on va avoir les changements en
profondeur dont on a besoin.
Les membres de l'AIFQ sont pleinement conscients que la situation
économique actuelle est difficile pour le gouvernement. La
récession, même si elle est officiellement terminée,
continue d'entraîner des lois de transferts aux particuliers et de
dépenses supplémentaires, par conséquent. Au cours des
cinq derniers exercices financiers, les dépenses du gouvernement ont
grimpé en moyenne de 6, 5 % par année. Ça, c'est 1, 7 % de
plus que l'inflation. Or, c'est de là qu'on emploie le terme
emballement, M. le Président.
Ça soulève chez nous de sérieuses
inquiétudes. Le niveau de taxation, le déficit, la dette
accumulée, tout ça, c'est déjà extrêmement
élevé. Un endettement additionnel, une hausse d'impôt,
ça serait intolérable, et nous croyons que ça n'aurait
qu'un effet éphémère, de toute façon, sur les
coffres de l'État, puisque ce sont deux approches qui ont des impacts
négatifs bien connus sur l'économie de la province. On reporte le
problème dans l'avenir, puis il réapparaît de façon
plus grave que précédemment.
Donc, l'industrie constate le peu de marge de manoeuvre du gouvernement.
Son assiette fiscale croît régulièrement, moins vite que
ses dépenses, mais les membres de l'AIFQ pensent que le gouvernement
peut et doit contrôler ses dépenses en s'imposant des objectifs
précis. Il nous semble engagé dans cette voie-là, et tout
ce que je peux faire, aujourd'hui, c'est de vous encourager à continuer,
peut-être en accélérant le rythme un peu.
Nous croyons que - et je vous fais une rapide énumération
de quelques points dont on a déjà discuté avec un certain
nombre de ministres - le gouvernement doit limiter ses effectifs au strict
nécessaire. On comprend mal, à l'AIFQ, que le nombre
d'employés du ministère des Forêts, par exemple, n'ait pas
diminué de façon significative depuis 1987, alors que la
responsabilité de l'aménagement des forêts publiques a
été transférée aux entreprises de transformation
par le biais des contrats d'approvisionnement et d'aménagement
forestier. Ça aurait dû permettre une réduction
substantielle des effectifs du ministère. Ce n'est pas le cas.
Le gouvernement doit également éviter les
dédoublements superflus de fonctions administratives entre les
ministères et entre les paliers de gouvernement. Chez nous, on vous l'a
déjà dit, deux secteurs sont particulièrement remarquables
à cet effet-là: la formation et l'environnement. Juste pour
l'environnement, les deux réglementations actuelles,
fédérale et provinciale, occasionnent des dépenses qui
sont au minimum de 100 000 $ par année par usine pour l'industrie.
Alors, vous me direz que ça fait 6 000 000 $. Ça fait
probablement au moins 6 000 000 $ encore pour les deux gouvernements, et c'est
des choses dont on a déjà parlé et qui ne se
règlent pas, semble-t-il. En tout cas, elles ne sont pas encore
réglées, à ma connaissance. C'est des dollars qui n'ont
aucune retombée positive sur la protection de l'environnement. C'est le
même environnement.
On a parié de l'utilisation de fonds publics pour le sauvetage de
canards boiteux dans ces discussions là. M le Président Cost vrni
quo si le gouvernement limite ses efforts là, ça va imposer des
contraintes, des choix difficiles, mais c'est une façon de s'assurer que
les entreprises retrouvent leur compétitivité dans certains cas,
et ça nous apparaît nécessaire de passer par des situations
difficiles, des fois.
Une autre chose dont on a discuté, c'est la gestion des deniers
publics en fonction de la vision claire du gouvernement face à son
rôle de développement économique. Nous persistons à
croire qu'un secteur privé fort, générateur de richesse
pour tous les Québécois, assure la croissance de l'assiette
fiscale et, évidemment, le financement efficace des services publics
qu'on veut se donner. (16 h 20) ce n'est un secret pour personne, la
difficulté dans laquelle vit l'industrie papetière à
l'heure actuelle. on est en mutation. par contre, je suis convaincu que
l'industrie a l'expertise et le positionnement technologique nécessaires
pour demeurer un joueur de premier ordre sur l'échiquier mondial. la
population croît, la demande en pâtes et papiers croît. on a
une opportunité pour saisir une partie de ces nouveaux
marchés-là, pourvu que le gouvernement nous aide à
créer un contexte économique tel qu'il permette le
développement de l'entreprise.
Je vous rappelle, en terminant cette brève liste qui est loin
d'être exhaustive, qu'on a perdu au cours des quelques dernières
années l'avantage coût historique qu'on avait en matière
d'énergie électrique. C'est une difficulté majeure
présentement pour l'industrie. On va en reparler à la commission
parlementaire sur le plan de développement d'Hydro-Québec qui
s'en vient, mais il faut nécessairement jouer nos cartes de la bonne
façon, et il va falloir jouer celle-là aussi, ce qu'on n'a pas
fait récemment.
Pour le point qu'on a choisi de développer
devant vous, cet après-midi, la question de la taxe sur le
capital, l'AIFQ souhaite que la commission réexamine à fond cette
question-là. Nous croyons que cette taxe est non seulement
inéquitable, mais régressive. L'industrie des produits forestiers
est cyclique, vous le savez, et ses opérations nécessitent des
énormes quantités de capitaux, avec une rentabilité qui
varie en fonction des cycles. Dans une situation comme celle-là, la taxe
sur le capital touche proportionnellement plus fortement les entreprises
manufacturières qui utilisent beaucoup de capitaux plutôt que
celles qui sont plus fortes en main-d'oeuvre Alors, elle s'applique aussi au
moment où on ne fait pas de profit. Au lieu de s'appliquer comme une
taxe, comme un impôt qui grève les profits, elle s'applique
continuellement.
Au cours des 10 dernières années, le secteur papetier
québécois a investi environ 8 800 000 000 $, soit à peu
près 22 % du total des investissements manufacturiers
québécois. Je vous avoue qu'on considère comme une
punition le système de taxe sur le capital qui est en vigueur à
l'heure actuelle. Au moment où on doit investir probablement des sommes
comparables encore dans la prochaine décennie, c'est une
véritable croc-en-jambe aux projets d'investissement du Québec
que cette taxe.
D'ailleurs, une récente étude du gouvernement
fédéral démontre que les entreprises
manufacturières canadiennes font face à des coûts de
capital qui sont plus élevés que ceux de leurs
compétiteurs. Évidemment, la taxe sur le capital
québécois s'ajoute à ça. Nous croyons que, dans une
telle situation, personne n'y gagne, sauf nos compétiteurs
internationaux. Alors, ce qu'on recommande, M le Président, c'est
l'aboli tion complète de la taxe sur le capital. À la longue,
nous croyons que l'activité supplémentaire qui sera
générée va faire plus que compenser la perte
immédiate de revenus fiscaux pour le gouvernement. Mais là, il y
a la question de la marge de manoeuvre. L'élimination de la taxe,
à très court terme, je pense bien que c'est une mission quasi
impossible. Alors, on vous a déposé dans notre mémoire un
certain nombre de mesures temporaires que l'on croit pouvoir être
instaurées qui permettraient d'assouplir les iniquités actuelles.
Ce sont des mesures, je vous le répète, M. le Président,
que nous considérons essentielles dans une période où les
besoins d'investissement sont très élevés.
Ces mesures. Premièrement, déduire tous les nouveaux
investissements du calcul de la taxe. Alors, au moins pour ce qui s'en vient,
on n'aurait pas à augmenter les frais à payer en période
de non-rentabilité. Ensuite, les membres de l'AIFQ souhaitent que des
changements soient apportés le plus vite possible, de sorte que la
déduction pour les pertes puissent être totale dans les cas
où la taxe s'applique en période de non-rentabilité.
Actuellement, le montant à payer sur les taxes peut être
déduit en partie pour les compagnies qui font des pertes d'exploitation.
Ce que nous souhaitons, c'est que les entreprises qui affichent temporairement
des lourdes pertes ne soient plus appelées à verser des montants
appréciables en taxe sur le capital et, donc, de revenir plus vite
à la rentabilité.
Enfin, nous croyons que la base de référence qui sert au
calcul de la taxe sur le capital devrait être la valeur fiscale et non la
valeur résiduelle comptable, et nous avons expliqué le processus
dans notre mémoire. Ce sont des mesures temporaires, M. le
Président, mais qui ne doivent pas être des alternatives à
l'abolition de la taxe sur le capital que nous considérons
régressive et destructrice.
En conclusion, le Québec, c'est une économie relativement
petite qui dépend de son marché extérieur en grande partie
et qui doit sa prospérité, passée et future, à sa
capacité d'être concurrentielle sur les marchés mondiaux.
Évidemment, l'état des finances publiques et la fiscalité
jouent à ce titre-là un rôle important. Le gouvernement
doit être pleinement conscient de son rôle en matière de
compétitivité et de croissance économique. Ce n'est pas
nouveau. Les membres de l'AIFQ insistent sur le fait qu'une économie de
marché doit être basée sur l'intervention des entreprises
privées. Le rôle du gouvernement consiste à implanter un
contexte qui va favoriser la croissance économique par le secteur
privé.
Un gouvernement efficace doit viser à réduire ses
dépenses, ce qui lui permettra de réduire son appétit sur
le marché des capitaux. Avec un budget équilibré, il
pourra réduire le coût de capital pour toutes les entreprises. La
croissance des investissements qui en résulte, à tous les
échelons de l'économie, permettrait de diriger des ressources
vers des secteurs où ils entraîneraient encore plus de
bénéfices.
Dans ce cas-là, avec une structure plus petite et plus efficace,
nous croyons que le gouvernement n'aurait plus à imposer des mesures
fiscales qui sont autodestructrices, telle que la présente taxe sur le
capital. Ce n'est pas en s'octroyant les morceaux toujours plus gros d'une
assiette fiscale toujours plus restreinte que le gouvernement va assurer le
développement économique du Québec. C'est un secteur
privé fort, générateur de richesses pour les
Québécois, qui assurera la croissance de l'assiette fiscale et le
financement des services publics.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. Duches-ne.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Finances.
M. Levesque: alors, m. le président, très
brièvement, je voudrais dire à m duchesne et à m. gauthier
combien nous apprécions leur présence et nous espérons que
la troisième
personne va finalement nous arriver, elle qui est tellement respectueuse
des lois et des règlements.
Je voudrais vous dire que j'apprécie votre contribution, et nous
apprécions ici votre contribution à cette commission. Vous avez
préféré, étant donné probablement que vous
avez tellement d'autres présentations à faire à divers
endroits, de vous en limiter à une petite liste courte, aujourd'hui, qui
touche les dépenses gouvernementales. M. le président du Conseil
du trésor aurait peut-être dans quelques minutes des questions
à vous poser à ce sujet.
Je m'en tiendrai simplement à la taxe sur le capital qui semble
être votre point fort, et je vous rappellerai que, lors de la
réforme de 1981, le gouvernement de l'époque, plutôt que
d'imposer essentiellement les profits, a décidé de
répartir le fardeau fiscal des entreprises sur trois sources, soit la
taxe sur le capital, oui, mais aussi les contributions des employeurs au fonds
des services de santé et, évidemment, l'impôt sur les
profits des corporations. Il s'en est nécessairement suivi une baisse
substantielle du taux d'imposition des profits. Par exemple, le taux applicable
aux PME est alors passé de 12 % à 3 %. Il faut se rappeler un peu
ce fait historique avec lequel nous avons vécu depuis. (16 h 30)
Le régime québécois repose sur le principe qu'il
faut taxer de manière égale les facteurs de production. Abolir la
taxe sur le capital tout en maintenant la taxe sur la masse salariale
entraînerait probablement des distorsions dans le comportement des agents
économiques. Alors, par contre, pour diminuer l'impact des charges
fixes, le gouvernement introduit un mécanisme de crédit pour
pertes et un congé fiscal de trois ans pour les nouvelles entreprises.
Si on voulait abolir la taxe sur le capital... Et vous ne le suggérez
pas, parce que vous savez que ce serait pas mal drastique; vous suggérez
peut-être de le faire à moyen terme. Mais, si on le faisait,
ça voudrait dire qu'il faudrait qu'on compense cette perte. Cette perte
serait assez considérable, assez substantielle, vous l'admettez.
Si on voulait reporter ça maintenant, comme c'était
autrefois, sur les profits des corporations, il faudrait, dans le cas, par
exemple, des petites entreprises, passer de 5,75 % à 15,75 %. Ça
ferait mal. Pour les grandes entreprises, il faudrait y aller de 8,9 % à
18,9 %, simplement pour compenser les revenus. Et vous comprenez fort bien que,
présentement, nous n'envisageons pas de réduire les revenus de
l'État. Quand on regarde ce qui se passe en 1992-1993, nous sommes
déjà à plus de 800 000 000 $ de la barre fixée pour
les revenus dans les prévisions du dernier budget. Alors, il y a un
manque à gagner réellement important ici, au Québec.
À Ottawa, je pense que c'est de l'ordre de 7 000 000 000 $ à 8
000 000 000 $. En Ontario, c'est 1 600 000 000 $ pour le manque à gagner
dans les revenus.
Évidemment, tous les prévisionnistes, il y a quelque
temps, il y a un an, pensaient qu'on allait connaître une reprise plus
rapide. Mais, évidemment, ça a été retardé,
et les revenus de l'État, évidemment, ont fléchi. Alors,
c'est pour ça que votre suggestion n'arrive pas tellement dans le
meilleur temps. Mais, tout de même, nous en prenons note. Nous savons que
vous le faites pour le bien de votre industrie, de vos membres. Cependant,
lorsque vous dites que c'est une taxe inéquitable et régressive,
ce sont des mots un peu durs pour cette taxe qui, après tout, ne fait
que remplacer une autre qui existait avant, sous une autre forme.
Puis-je aussi ajouter, en terminant, que je suis heureux de vous
entendre dire que le contexte s'améliore dans une industrie si
importante, pour les régions du Québec en particulier. Vous
êtes partout. Mais votre progrès, votre succès est
essentiel au bien-être des grandes collectivités dans les
régions du Québec. Vous êtes une industrie fort importante,
et nous devons tenir compte, je crois, dans l'intérêt des
travailleurs, de vos propositions. Et le gouvernement est toujours à
l'écoute de ces propositions-là, mais doit tenir compte,
évidemment, de l'ensemble de la situation.
Est-ce que, dans ce que vous présentez, vous ne pourriez pas
ajouter quelques suggestions que vous pourriez faire, par exemple, dans le
contexte de la commission qui est celle à laquelle nous participons
présentement? Et en vous retirant momentanément du secteur
purement de l'industrie forestière, pourrlez-vous, juste en deux mots,
nous dire quelles pistes de solution vous verriez dans ce contexte actuel?
Je comprends que vous dites: On ne peut pas aller du côté
de l'endettement; on ne peut pas aller du côté du fardeau fiscal;
il faut aller du côté des dépenses. Ou aimeriez-vous
attendre que M. le président du Conseil du trésor vous pose la
question?
Le Président (M. Audet): M. Duchesne.
M. Duchesne: M. le Président, M. le ministre a fait
quelques commentaires, lesquels je voudrais commenter.
L'information dont je dispose, M. le ministre, c'est que le congé
fiscal de trois ans, ça ne s'applique pas à la grande industrie,
ça s'applique à la PME. C'est évident que le sens de notre
discussion est que c'est très différent si vous êtes une
PME à petite capitalisation ou une papetière ou une autre
industrie du même type à très forte capitalisation.
L'inéquité dont on vous parle, c'est justement le fait
que, pour permettre le développement et le maintien de la
compétitivité de ces industries à forte capitalisation, la
taxe a un effet qui est excessivement négatif. Et elle a le même
effet négatif sur la rentabilité à long terme des
entreprises que les taxes sur la masse
salariale ont sur des entreprises qui sont plutôt à forte
proportion en main-d'oeuvre. Dans les deux cas, ça a tendance à
assurer un revenu plus continu au gouvernement que si on avait des sources de
revenus qui étaient basées plus fortement sur l'impôt, sur
les bénéfices des sociétés. Mais il y a un
équilibre à trouver; vous avez bien mentionné qu'on a
tenté de le trouver avec la réforme de 1981, sauf que le message
qu'on vous fait aujourd'hui, c'est que cet équilibre-là est loin
d'être idéal et les montants qu'on paie en supplément sur
ce dossier-là à l'heure actuelle, compte tenu des investissements
qui s'en viennent, c'est un boulet aux pieds. C'est bien sûr qu'il va
falloir trouver de l'argent ailleurs pour compenser, mais, là, on va
parler peut-être avec votre collègue du Conseil du
trésor.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître le porte-parole de l'Opposition, M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Alors, bienvenue, M. le président et son collègue. Merci
d'être venus présenter votre point de vue. J'ai d'abord une
remarque sur l'augmentation des dépenses publiques. Je dois dire que,
depuis le début des années quatre-vingt, les dépenses
n'ont pas augmenté plus vite que le PIB, compte tenu de l'inflation.
Depuis le début des années quatre-vingt. Quand vous prenez la
dernière période de cinq ans, effectivement, vous avez raison,
elles ont augmenté plus vite que le PIB dans les dernières
années, les dernières cinq années. Mais, le
problème, ce n'est pas tellement que les dépenses ont
augmenté plus vite, par exemple, au cours des années 1980
à 1990, notamment, ou que les revenus n'augmentent pas au rythme de
l'assiette fiscale, c'est les paiements de transferts qui sont venus clencher
de façon significative le budget du gouvernement. Ceci étant dit,
je voulais simplement faire ce point pour arriver à l'autre partie de
votre mémoire, qui touche !a taxe sur le capital.
En disant que la taxe sur le capital vient miner les décisions
d'investir des grandes sociétés surtout, qui ont recours à
du capital intensif plutôt qu'à de la main-d'oeuvre,
effectivement, vous avez un point, vous marquez un point, surtout, en plus, que
le taux réel d'intérêt au Canada est de 7 % depuis une
dizaine d'années, depuis le début des années quatre-vingt,
à peu près. Alors, cela, effectivement, pose problème.
Par ailleurs, je vais vous poser une question. En rapport avec les
politiques de paiement de dividendes, l'industrie papetière a
été une industrie - et vous me corrigerez si je n'ai pas raison -
qui a versé de bons dividendes, pour ne pas dire de gros dividendes, et,
donc, si elle a investi d'une part, elle a aussi tiré son profit par
ailleurs. Est-ce qu'en remplacement d'une taxe sur le capital, vous, vous
pourriez envisager que les taxes sur les sorties de capital, comme les
dividendes, pourraient remplacer la taxe sur le capital, pourraient être
plus élevées? En d'autres termes, la position serait d'encourager
les investisseurs à laisser le capital dans l'entreprise plutôt
que de le tirer sous forme de dividendes. Je crois que c'est une avenue qui
s'explore, mais il y a des conséquences. Par rapport à
l'industrie forestière, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Duchesne: Ça fait partie, M. le Président, du
genre de choses qu'il faudrait examiner davantage que dans une petite
discussion comme ça, cet après-midi. C'est vrai que les taux
d'intérêt réels sont trop élevés, et une des
conséquences de ça, justement, pour avoir les capitaux dont les
entreprises ont eu besoin, c'est qu'elles ont dû en verser, des
dividendes, pour s'assurer que les investisseurs continuaient de rendre les
fonds disponibles pour faire ces investissements-là, puisqu'ils ne
pouvaient pas procéder à partir de fonds
autogénérés. Alors, ça fait partie de la
problématique. (16 h 40)
Maintenant, comment on peut le répartir pour obtenir la solution
optimale? Bien, moi, je pense que ça vaut la peine d'être
examiné très sérieusement, et il y a probablement quelque
chose qu'on pourrait faire dans cet ordre de grandeur là.
Il y a une difficulté, par contre, qu'il ne faut pas oublier
là-dedans, c'est qu'il y a des financements par le biais d'entreprises
ou par le biais de fonds de pension, par exemple, qui ont besoin des dividendes
pour assurer la rentabilité du fonds aussi, et il faudrait
prévoir de ne pas venir soustraire, par la taxation à ce
niveau-là, les revenus dont on a besoin par ailleurs. Si on prend de
l'argent de la poche gauche pour le mettre dans la poche droite, on n'a rien
gagné. Alors, il y a une analyse à faire avant que je ne puisse
vous répondre, d'emblée, oui ou non. Mais vous avez certainement
le doigt sur un dossier intéressant.
M. Léonard: Bien, je pense que ça devrait
être une question intéressante, effectivement, parce que si vous
demandez, à ce moment-ci, d'abolir des taxes sur le capital, je vois
tout de suite le ministre des Finances poser la question: Par quoi vous allez
les remplacer? Mais, pour ce que vous dites en disant que la politique des
dividendes sert à attirer des capitaux, je comprends. Mais alors,
qu'est-ce qui explique que, au Japon, la politique de dividendes fait qu'ils
sont beaucoup moins élevés qu'ils ne le sont en Amérique
du Nord? Donc, cela implique, finalement, que la perspective des investisseurs
est beaucoup plus à court terme ici que là-bas.
M. Duchesne: Vous avez raison.
M. Léonard: Dans le domaine forestier, le domaine
forestier où l'investissement, justement, doit porter sur le long terme,
comment vous expliquez ça?
M. Duchesne: Deux choses. D'une part, je pense que les taux
d'intérêt réel là-bas sont beaucoup plus bas qu'ici;
donc, on ne part pas de la même base. Et l'autre...
M. Léonard: Oui. On tourne en rond, là.
M. Duchesne: Oui, oui. Mais, est-ce que c'est l'oeuf avant la
poule, là, je ne veux pas...
M. Léonard: Oui, oui.
M. Duchesne: Mais, l'autre chose, je pense, c'est
carrément dans l'attitude des investisseurs nippons par rapport aux
investisseurs nord-américains, ceux-ci ayant tendance à vouloir
des revenus puis des bénéfices beaucoup plus rapides. Et,
ça, le Québec ne peut pas se détacher de ce
contexte-là. On peut souhaiter penser à plus long terme, mais,
sur le marché des capitaux, on est coincé avec l'attitude, le
contexte du rendement du prochain trimestre.
Et, là-dessus, je ne puis que dire que ça serait
souhaitable qu'on pense à plus long terme, effectivement, en particulier
pour l'industrie forestière qui n'a pas d'autre choix que de penser
à long terme, avec l'ampleur de ses investissements puis avec la lenteur
de la croissance de sa source d'approvisionnement. Alors, si on pouvait, d'une
façon ou d'une autre, tendre vers ça, je pense que tout le monde
serait d'accord chez nous.
M. Léonard: Bon. Disons que je reste un . peu sur ma faim;
on pourrait échanger plus longuement. Je vous remercie. On reprendra
ça
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président.
Merci, M. Duchesne, M. Gauthier d'être avec nous aujourd'hui. Je
prends les quelques secondes qui me sont imparties pour référer
le député de Labelle à la page 59 du document
gouvernemental, qui va lui montrer que l'énoncé qu'il a fait sur
la croissance des dépenses depuis 1985-1986 à l'endroit du PIB
est inexact. C'est évidemment...
M. Léonard:...
M. Johnson: On l'a déjà dit à l'occasion de
la récession, évidemment, alors que nous avions presque
réussi à ne pas emprunter pour payer les dépenses
courantes, que la situation a pu se détériorer. Mais la structure
même des dépenses d'un gouvernement - on va y revenir, c'est
très, très pertinent, ça - en période de basse
conjoncture fait en sorte qu'on doit intervenir davantage. Alors,
évidemment, il peut y avoir, d'une façon passagère,
obligation, je dirais, là, pour un gouvernement, de soutenir l'emploi,
soutenir l'intégrité de l'ensemble des programmes de
sécurité du revenu, nécessité d'accepter -
obligation, je dirais même, là, si on pense à l'emploi
à long terme - l'obligation d'accepter qu'il y ait des jeunes qui
s'attardent dans le réseau de l'éducation, que des gens
retournent aux études faute de place pour eux sur le marché du
travail. Donc, il y a une série de coûts, là, non seulement
directs parce qu'ils sont en classe, mais, évidemment, par les
programmes de prêts et bourses sur lesquels il y a des pressions
considérables en période de basse conjoncture, qui expliquent
certaines des dépenses publiques.
Deuxièmement, il y a le facteur que vous avez isolé, je
pense - enfin, à tout le moins, dont vous êtes conscients - sur le
fait qu'il y a des programmes dont le rythme d'accroissement des
dépenses est supérieur à l'inflation, de toute
façon - et de façon considérable, même - ce qui,
là, au-delà d'un problème passager, devient un
problème permanent. C'est à ça qu'on pense ici, et c'est
ça qu'on veut régler, évidemment, tous ensemble. On ne
peut vraiment rien pour forcer nos clients, vos clients de l'industrie
forestière. Vous êtes une industrie exportatrice; vos clients sont
pauvres, vos clients achètent moins, vos clients disent: Dans la
pâte et le papier, le papier journal, ça prend plus de fibres
recyclées. Et le marché, évidemment, du papier
recyclé, c'est là où on trouve les lecteurs de journaux en
grand nombre; c'est évidemment le Midwest américain, la
Côte ouest, le Sud. Ce n'est pas ici qu'on va trouver des centaines de
milliers de tonnes de papier journal, c'est là où les gens les
lisent, en Amérique, c'est un petit pou au -sud et à l'ouest do
che? nous. Ça orée des pressions sur vos coûts, ça,
évidemment, si vous devez vous conformer à des exigences
d'ailleurs. Ce n'est pas nos exigences à nous, là. À part
celles de l'environnement, qui sont réelles, vous êtes
obligés de lutter, devrais-je dire, sur une scène où il y
a des décideurs qui ne sont pas des décideurs
québécois ni canadiens, ni, certaines fois,
nord-américains, même, et qui imposent des coûts à
vos entreprises.
Ceci étant dit, il n'en reste pas moins qu'on tente de soutenir
l'emploi dans le monde de la forêt par certaines dépenses - enfin,
vous les connaissez autant que moi, là - quant au programme quinquennal
de voirie forestière, les programmes d'emploi en forêt. Il y un
tas de choses. Les ententes fédérales-provinciales, il y en a
pour des centaines de millions depuis une quinzaine d'années. On
connaît les programmes d'accélération et de modernisation
de l'industrie des pâtes et papiers. Il y a eu beaucoup de fonds publics
là-dedans, là, à l'époque. Vous êtes en
train de nous dire qu'il faut donner un autre coup. Il faut donner un
autre coup. Vous plaidez qu'on fasse des investissements additionnels, autant
privés que publics.
J'aurais aimé vous entendre développer davantage
l'importance qu'il y a de soutenir l'investissement dans votre industrie. Vous
dites: Le gouvernement doit couper ses dépenses. Mais je crois
comprendre que vous voulez qu'on baisse vos impôts, et je ne vous ai pas
entendus dire qu'il fallait nécessairement, en coupant les
dépenses, couper dans l'aide à l'entreprise forestière. Je
peux comprendre, là; peut-être que vous n'avez pas eu le temps de
nous exprimer toutes ces nuances-là, et j'aimerais vous donner
l'occasion de le faire. Ça m'apparait important qu'à travers
l'exercice d'équilibrage des finances publiques vous souhaitez qu'on
baisse les impôts. Ça, ça n'aide pas le déficit,
hein, de baisser la taxe sur le capital pour les industries forestières.
De façon directe, je pense que ça a été
indiqué. Et il y a certaines dépenses qui sont faites
également au soutien de cette activité-là, dont vous
souhaitez le maintien, sinon, évidemment, l'accroissement.
Alors, j'essaie de voir avec vous, si vous avez quelques instants,
d'abord, quels sont les choix que vous nous suggérez. Je vais
peut-être aller dans le même sens que le ministre des Finances,
ici. Quelles sont les pistes que vous privilégiez lorsque vous dites au
gouvernement - vous dites aux contribuables, vous dites aux citoyens - que des
services dont on n'a pas besoin et qui coûtent trop cher, on devrait les
couper? Si vous avez quelques suggestions, ça nous aiderait.
Et, deuxièmement, comment faites-vous le lien entre cette marge
de manoeuvre là, qu'on trouverait, et le soutien à l'emploi qu'on
pourrait retrouver dans votre industrie? Parce que c'est de ça, dans le
fond, dont on est en train de discuter: c'est la capacité du
gouvernement, avec ses finances, donc, avec les impôts de tout le monde,
de concentrer son action, ses investissements, ses dépenses là
où ça fait le plus grand bien pour l'économie et pour la
création d'emplois.
Alors, M. Duchesne, s'il vous plaît.
Le Président (M. Audet): M. Duchesne. (16 h 50)
M. Duchesne: M. le Président, j'ai déjà eu
l'occasion de dire à une couple de commissions parlementaires qu'on
n'était pas à la recherche de subventions, certainement pas de
subventions supplémentaires, voire même que les subventions, de
quelque nature qu'elles soient, c'était au mieux un mal
nécessaire. Alors, je pense que je maintiens cet avis-là, M. le
ministre.
C'est clair qu'en période de récession économique
il faut s'attendre à ce que le gouvernement dépense plus que ses
entrées de fonds pour aider à soutenir, à stabiliser le
système économique. On n'a pas de querelle avec ça. La
querelle qu'on a, c'est que même en période de
prospérité le gouvernement n'a pas réussi à
dégager - je n'appellerai pas ça des profits - une marge de
manoeuvre supplémentaire qui lui permette de réduire le
déficit accumulé. C'est là où le bât blesse,
finalement. C'est vrai que les situations changent, et c'est vrai que
l'industrie a profité, il y a 10 ans, d'un program me de modernisation
que tout le monde a applaudi, à ce moment-là. Mais quand on fait
les gérants d'estrade, on s'aperçoit que, si on devait
recommencer ce genre d'investissements là aujourd'hui, il y en a un
certain nombre qui ne se feraient pas ou qui se feraient fort
différemment. La situation a changé à tel point qu'on veut
le faire différemment à l'heure actuelle.
Je n'ai aucun mandat pour venir vous demander, aujourd'hui, un programme
de subvention quelconque. Ce qu'on a fait avec le ministre Côté,
avec la ministre Bacon, avec vous-même quand on est allé vous
voir, c'est d'insister pour que les dépenses du gouvernement dans les
différents dossiers soient réduites à ce qui est
nécessaire, à ce qui est essentiel, ce qui vous permettrait de
dégager la marge de manoeuvre dont vous avez besoin pour soutenir ce qui
a besoin d'être soutenu au point de vue socio-économique, mais ce
qui diminuerait, du même coup, la charge pour l'ensemble des entreprises.
On n'a pas demandé, par exemple, de réduction tarifaire
d'Hydro-Québec spécifique pour les pâtes et papiers, mais
on pense que les tarifs d'Hydro-Québec sont hors de contrôle
à l'heure actuelle et ne nous permettent pas de nous servir de cet outil
pour faire notre développement économique.
Alors, il y a une nuance importante, M. le Président, dans le
langage que l'on essaie de tenir et la compréhension qu'on semble avoir
de ce qu'on demande. C'est clair que, dans le cas particulier de la taxe sur le
capital, ce qu'on vous dit, dans ma tête, c'est qu'on
préfère être taxé davantage sur les profits et payer
moins cher quand ça va mal, parce que le déficit cumulé
des papetières en 1992 va encore atteindre, probablement, 600 000 000 $
et un petit peu plus. Il était, en 1991, de 834 000 000 $. La situation
s'est-elle améliorée? Pas du tout! Si vous regardez
l'évolution des taux de change, vous trouvez là plus que
l'explication de la différence. Or, on n'a pas gagné
substantiellement de terrain, malgré les investissements qui ont
été faits, malgré l'augmentation de la productivité
qui était, en bonne partie, reliée à la mise au rancart
des vieux équipements qu'on avait modernisés en 1979-1980, M. le
ministre, pour leur faire donner un autre bout de vie utile et, en même
temps, fournir de l'emploi aux gens qui les opéraient.
Alors, la situation, elle est sérieuse pour notre industrie,
c'est évident, mais nous sommes convaincus que les difficultés
qu'on a dans
l'industrie papetière, c'est le même genre de
difficultés que tout le monde a dans l'industrie manufacturière
au Québec. Et l'effort est nécessaire pour l'ensemble de
l'industrie, pas strictement pour l'industrie papetière - l'effort de
rationalisation des dépenses gouvernementales.
C'est sûr qu'on préférerait, tout le monde, avoir
plus d'argent, mais, vous l'avez démontré vous-même, M. le
ministre, on en manque.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Johnson: Oui, juste pour poursuivre...
Le Président (M. Audet): II vous reste quelques
secondes...
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Audet): ...à peine une minute. M.
le député de...
M. Filion: Montmorency.
Le Président (M. Audet): ...Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais, à mon tour, saluer les représentants de
l'Association des industries forestières du Québec et j'aimerais
questionner un peu plus au niveau de la taxe sur le capital.
Ça semble être un peu votre problème majeur. En
termes concrets, avez-vous une idée combien de taxe sur le capital paie
l'industrie, par année? Combien ça représente de milliers
ou de millions de dollars? Quel est le montant que vous versez au gouvernement
du Québec en taxe sur le capital, par an?
M. Duchesne: Le chiffre se situe quelque part entre 50 000 000 $
et 100 000 000 $.
M. Filion: Entre 50 000 000 $ et 100 000 000 $. Et, au moment
où on se parle, compte tenu... On sait que c'est difficile, vous
êtes dans une partie de l'industrie, actuellement, qui est très,
très, très difficile. Est-ce que, vraiment, ça nuit
considérablement à l'investissement de capitaux étrangers,
la situation de la taxe sur le capital, au moment où on se parle? Parce
que vous semblez vraiment mettre un peu le focus à ce niveau-là.
Vous semblez dire que les investisseurs étrangers, la taxe sur le
capital les repousse vraiment. Comment vous expliquez ça?
M. Duchesne: Les repousser, oui, jusqu'à un certain point,
mais il ne faut quand même pas penser que c'est le seul facteur. La
raison de ma revue avec vous, tantôt, d'autres dossiers qu'on a
discutés dans d'autres forums et sur lesquels on demandait, justement,
une plus grande efficacité, c'était de vous souligner que ce
n'est pas le seul problème de l'industrie papetière, ça,
la taxe sur le capital. On a choisi de parler de ce problème-là
ici parce qu'on n'en avait pas discuté encore et parce qu'il nous
semblait approprié, dans le cas de la commission sur le financement des
services publics, de le mettre de l'avant, mais ce n'est certainement pas le
seul problème de l'industrie. Même si on éliminait la taxe
en question, vous le voyez bien, on n'éliminerait pas le déficit
de l'industrie. Alors, c'est une composante d'un tout, et il ne faut pas y voir
le problème majeur. C'est un problème très important, dont
on n'avait pas encore eu l'occasion de parler.
M. Filion: C'est quand même un problème assez
important puisqu'on parle d'un déficit de 600 000 000 $ ou 800 000 000
$, comme vous le disiez tout à l'heure. Si vous avez de 50 000 000 $
à 100 000 000 $, ça commence quand même à
représenter un bon pourcentage.
Vous semblez également contester, au niveau de la taxe sur le
capital, la valeur ou l'assiette fiscale sur laquelle on se base pour taxer.
Vous vouliez qu'on prenne des valeurs fiscales parce que vous avez des
amortissements accélérés qui permettraient de verser moins
au gouvernement? Pourquoi?
M. Duchesne: II y a ça et il y a le fait que les
juridictions dans lesquelles opèrent nos compétiteurs
procèdent de cette façon-là. Il y a le fait que ça
simplifie le processus d'évaluation des montants sur lesquels la taxe
est imposée. Donc, il y a toute une série d'avantages qui sont
partiels.
Mais, essentiellement, ce que l'on réclame, finalement, c'est
ça: c'est de nous placer dans une position - je dis ça, et c'est
applicable à l'ensemble de l'industrie manufacturière - qui, du
point de vue de cette taxation-là, soit comparable à celle dans
laquelle nos compétiteurs opèrent ailleurs. Et ce qu'on a
énuméré, y compris le calcul, c'est ça que
ça vise.
M. Filion: Quand vous parlez des compétiteurs ailleurs,
vous vous référez particulièrement à quel
État ou à quel endroit, précisément, où on
calcule en fonction d'une valeur fiscale au lieu d'une valeur comptable?
M. Duchesne: On me dit que l'Ontario a, entre autres, une
façon différente de présenter ça, qui est, à
toutes fins pratiques, le calcul de l'assiette fiscale. Évidemment, nos
compétiteurs aux États-Unis ont soit des taux excessivement plus
bas ou une absence totale de taxe sur le capital.
M. Filion: pour vous, ce qui serait un taux acceptable, ça
pourrait être quoi? on sait qu'actuellement on parle d'un taux de 0,56 %.
on sait que ce taux-là était à 0,45 % lorsqu'on a
fait la transition en 1981, et il a augmenté d'à peu
près 0, 11 %. pour vous, ce serait quoi, le taux? est-ce que le taux a
vraiment bougé beaucoup?
M. Duchesne:ce que le taux ne semble pas indiquer, m. le
président... on parle d'un très petit chiffre, donc, on dit:
ça ne doit pas être très important...
M. Filion: C'est très important. (17 heures)
M. Duchesne:... mais quand on les applique à des gros
investissements... Je vous parle de 8 800 000 000 $ dans les 10
dernières années; il y a une bonne partie de ça sur
laquelle le 0, 56 % s'applique, et ça s'applique chaque année et
non pas l'année de l'investissement seulement. Ça revient chaque
année, tant que ce n'est pas déprécié ou
évacué dans le système. Alors, même avec des taux de
dépréciation accélérée sur certains types
d'investissements, c'est ça qui fait que le montant total reste
important, même au moment où on est en train de faire des
déficits qui sont absolument inacceptables, insupportables, à
long terme.
M. Filion: Pour moi, ça va, M. le Président.
Le Président (M. Audet): II vous reste encore près
d'une dizaine de minutes.
M. Filion:... on fait l'alternance.
Le Président (M. Audet): II ne reste presque plus de
temps, quelques secondes.
M. Léonard: Allez-y, l'alternance.
Le Président (M. Audet): II reste quelques secondes.
Alors, si vous voulez... M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: On a mentionné, évidemment,
l'importance du niveau... pas du service de la dette, mais du niveau
d'endettement que les entreprises forestières ont pu avoir. Mais, depuis
déjà un an et demi, vous vivez avec une baisse du niveau du
dollar canadien, ce qui ne peut pas faire autrement que de stimuler votre
capacité d'exportation. Or, jusqu'à un certain point, vous avez
eu de la misère à augmenter de façon substantielle ces
dernières.
Est-ce que... Vos facteurs de compétition, vos facteurs de
capacité de concurrencer votre compétition, par ailleurs, dans le
sud des États-Unis, est-ce qu'ils n'entravent pas... est-ce qu'ils ne
vous empêchent pas, justement, d'avoir ces profits et de participer
davantage au niveau... pas au niveau de la taxation, mais au niveau du
financement de l'État par le biais de vos impôts?
M. Duchesne: Eh bien, M. le Président, c'est vrai que le
taux de change a aidé. En particulier, vu que le changement est survenu
en bonne partie à la fin de l'été, on a pu voir que les
livraisons en fin d'année, tant dans le secteur du sciage que dans le
secteur des pâtes et papiers, ont augmenté de façon assez
significative. On termine l'année avec des livraisons papetières
qui sont de plus de 2 % supérieures à celles de 1991, et avec des
taux d'utilisation de la machinerie qui remontent de façon
substantielle. Mais les prix, M. le Président, en particulier dans le
secteur des pâtes et papiers, n'ont pas remonté. La demande a
remonté un peu, à ce moment-ci. L'utilisation a remonté
parce que la demande est un peu là, et parce qu'on a mis au rancart une
proportion significative de nos équipements pour lesquels on n'avait
plus d'espoir de rentabilité.
Alors, c'est des facteurs intéressants et positifs, mais le prix
sur le marché, lui, demeure excessivement bas, et c'est ça qui
fait que la rentabilité des entreprises est encore boiteuse. On
espère qu'en 1993 on va faire la transition du rouge au noir dans les
bilans financiers, mais c'est loin d'être garanti, même avec un bas
dollar, pour peu que les prix sur les marchés américains, en
particulier, ne remontent pas un peu. Si le prix montait, Ça, ça
aurait une autre influence complètement.
M. Chagnon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. Tout à
l'heure, j'ai interrogé M Duchesne sur les politiques de dividendes, et
l'effet que ça pourrait avoir sur les capitaux. Maintenant, j'ai
toujours considéré que 16 secteur de la forêt était
un des secteurs où l'on pourrait créer de l'emploi, parce
qu'au-delà des dépenses qu'on veut rationaliser - et j'en suis,
encore une fois - il reste qu'il faut relancer l'économie. Est-ce que,
dans ce contexte, il est toujours exact de dire que, dans le domaine forestier,
on peut créer de l'emploi au Québec, quel que soit le stade de la
production? Si c'est l'aménagement des forêts, ça en est,
mais est résorbé un chômage important par ce biais, de
sorte qu'on augmenterait de façon Significative la production nationale,
le PIB?
Je sais que le problème, probablement, auquel on a à faire
face, c'est justement cette perspective de court, moyen et long terme, et la
rentabilité des opérations que l'on fait. Est-ce que c'est
toujours exact, dans votre esprit, qu'on peut créer beaucoup d'emplois
dans le domaine forestier, à différents stades de la
production?
M. Duchesne: Non seulement on peut, mais jo pense qu'on en a
créé avec la mise en place de la Loi sur les forêts de
1966.
M. Léonard: Encore quelques centaines de milliers de
chômeurs, là.
M. Duchesne: Oui, c'est sûr, mais en termes de
dépenses sylvicoles, par exemple, la vitesse de croisière, qui
n'est probablement pas encore atteinte à cause de la récession,
fait qu'on va finir par dépenser probablement 150 000 000 $, 175 000 000
$ par année d'argent nouveau, par rapport à avant la loi, en
aménagements forestiers.
Présentement, on est probablement plutôt dans l'ordre de
125 000 000 $, mais on ne dépense pas cet argent-là sans avoir
des gens qui travaillent sur le terrain. Alors, c'est sûr que ça a
créé et que ça va continuer de créer de l'emploi,
sauf qu'en contrepartie il y a toute une série de mesures qui sont
prises, qui vont de pair avec l'amélioration de la productivité,
et qui sont nécessaires pour que le prix de la matière ligneuse
ne devienne pas absolument hors de contrôle. Il y a une compensation qui
s'est faite là, et le nombre d'emplois net, M. le député,
je suis loin d'être sûr qu'il soit positif, en particulier parce
que la récolte a diminué de façon dramatique. Mais,
même avec une récolte moyenne, je pense bien que le nombre
d'emplois net va être à peu près neutre. Même si on a
de nouveaux emplois, les anciens sont plus productifs, et on a tout simplement
fait plus de travail avec, à toutes fins pratiques, essentiellement le
même nombre de personnes.
M. Léonard: Oui, mais, est-ce que dans ce secteur de
l'aménagement, par exemple, forestier, les taux d'intérêt
réels ont un impact majeur?
M. Duchesne: Bien, là, on rentre dans une discussion qui a
été faite depuis très longtemps dans le secteur forestier
pour savoir si on devait comptabiliser les dépenses sylvicoles comme des
dépenses d'opération ou des dépenses d'investissement. Il
n'y a pas de doute que ça a un impact, mais l'industrie n'a pas d'autre
choix, de toute façon, que de comptabiliser ça comme des
dépenses d'opération, parce que même avec des taux
d'intérêt bas, les taux de croissance de la forêt au
Québec ne peuvent pas dépasser les taux d'intérêt,
sauf dans des cas particuliers. Alors, il faut le considérer comme
dépenses d'opération et il faut, à ce moment-là,
couvrir les frais à court terme. Donc, l'impact, à mon sens,
n'est pas monumental.
M. Léonard: Oui, mais si vous devez... Vous dites que
l'industrie doit considérer toutes ses dépenses
d'aménagement forestier, à l'heure actuelle, comme étant
des dépenses d'opération, et qu'elle n'a pas le choix. J'aimerais
ça que vous élaboriez davantage, parce que c'est important. Si
vous faites des dépenses d'aménagement forestier - vous plantez
un arbre aujourd'hui et vous le récoltez dans 50 ans - il y a comme un
décalage entre dépenses et récupération de votre
mise de fonds.
M. Duchesne: L'attitude qu'il faut prendre, M. le
Président, là-dedans, ce n'est pas de considérer qu'on
fait un investissement pour dans 50 ans, parce qu'au taux
d'intérêt, même très bas, qu'on pourrait escompter,
cet investissement-là, il devient rapidement non rentable.
M. Léonard: Ce n'est pas ma question de tout à
l'heure. Le taux d'intérêt a-t-il une importance là-dedans?
Je pense que oui, que ça a justement une importance.
M. Duchesne: Bien, dès le moment où le taux
d'intérêt dépasse le taux annuel de croissance des
peuplements forestiers, il n'a plus d'importance, il est tombé de
l'autre bord. Ça prend un taux d'intérêt très bas
pour qu'il soit en bas du taux de croissance des peuplements forestiers.
M. Léonard: Alors, vous êtes en train de me dire
qu'il y a juste les Japonais qui peuvent planter des arbres?
M. Duchesne: Eux autres manquent de sol pour les planter. Leur
sol coûte tellement cher qu'ils sont pris avec un autre problème.
Alors, la solution à ce dilemme-là, carrément, M. le
député, c'est celle que l'industrie a employée. On utilise
une ressource naturelle qui existe, et on s'assure qu'elle va encore exister.
Ceci est une dépense d'opération. On remet la forêt en
état de produire, comme elle était quand on l'a
récoltée, et on passe ça aux opérations, pas
nécessairement dans l'année, là, parce qu'il y a une
question de chemin qui peut être déprécié sur un
certain nombre d'années, tout ça, mais les dépenses
sylvicoles sont passées en très, très grande partie au
programme des dépenses courantes.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. Ça termine nos échanges.
Alors, je veux remercier, au nom de la commission, l'Association des
industries forestières du Québec pour sa présentation.
J'invite, avant de suspendre nos travaux quelques minutes, la Jeune
Chambre de commerce de Montréal à prendre place.
Nous allons reprendre dans deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 15)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'adminis-
tration reprend ses travaux.
Nous recevons maintenant la Jeune Chambre de commerce de
Montréal. Messieurs, on vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je
vous explique rapidement nos règles de procédure.
Vous avez environ une vingtaine de minutes pour présenter votre
mémoire. S'ensuivront des échanges d'une quarantaine de minutes:
d'abord, du gouvernement, de la formation ministérielle, et de
l'Opposition officielle.
Alors, je vous demanderais de vous présenter, s'il vous
plaît, et ensuite, de nous exposer votre mémoire.
Jeune Chambre de commerce de Montréal
(JCCM)
M. Hémond (Robert): Bonjour, mon nom est Robert
Hémond. Je suis président de la Jeune Chambre de commerce de
Montréal. Mes collègues: Philippe Carpentier,
vice-président aux affaires publiques; et M. Serge Girard,
secrétaire de la Jeune Chambre de commerce de Montréal.
La Jeune Chambre de commerce de Montréal, c'est la plus grosse
Jeune Chambre de commerce au Québec - on a plus de 800 membres. C'est la
plus grosse Jeune Chambre au Canada, la plus vieille, avec 60 années de
vie. On est aussi au niveau International. Il y a un mouvement international de
400 000 membres. On est la quatrième plus grosse Jeune Chambre au
monde.
Les objectifs de la Jeune Chambre. On parle de développement de
nos membres. On parle de formation. On parle de développement d'un
réseau de contacts. En fait, ils sont capables d'établir leur
premier réseau de contacts. On parle aussi d'être les
représentants des jeunes gens d'affaires de Montréal. Aussi, des
contribuables d'aujourd'hui, des contribuables de demain.
Ce qui nous a portés à nous arrêter, à
réfléchir sur la situation présente, ça vient d'il
y a deux ans, lors d'un sondage qu'on a fait auprès de nos membres.
Puis, l'une des principales préoccupations des jeunes gens d'affaires de
Montréal était l'endettement public. On sait qu'un
déficit, aujourd'hui, va égaler des impôts demain. Quand on
regarde les jeunes chômeurs aujourd'hui, le taux qui est assez
élevé, on se dit qu'à un moment donné il va y avoir
une certaine égalité. Sachant bien que notre
société actuelle, elle vieillit de plus en plus, il faut trouver
une façon de réintégrer ces jeunes gens-là.
Il ne faut pas oublier que le gouvernement élu est là pour
générer une économie saine, et qu'il n'est pas là
pour gérer un déficit. Le gouvernement élu est là
pour montrer l'exemple. Dans des cas déficitaires, je pense qu'il faut
être capable de sortir - excusez-moi le terme - du trou. Toutes les
interventions qu'on a faites auprès des commissions parlementaires ou au
sein de notre communauté, ça a toujours été en tant
que bon gestionnaire. On regarde une situation, et on essaie de se dire:
Qu'est-ce qu'un bon gestionnaire? Je pense qu'en droit on parlerait de bon
père de famille.
Sur ce, je vais laisser mes collègues vous présenter le
mémoire.
M. Carpentier (Philippe): M. le Président, MM. les membres
de la commission, d'abord, avant d'entrer dans le détail du contenu du
mémoire, je pense qu'il y a deux éléments sur lesquels on
doit insister, qui sont un peu les bases de notre intervention. C'est d'abord
la question: A-t-on les moyens de faire ce qu'on fait actuellement?
Évidemment, la réponse et un peu le fait qu'on soit ici, c'est
effectivement: Non, on n'a pas les moyens. On n'a peut-être plus les
moyens de faire ce qu'on fait actuellement.
Alors, ce qui découle de ça, c'est effectivement que le
gouvernement doit faire des choix qui, évidemment, sont
nécessairement désagréables à faire, puisque
ça implique soit des coupures, soit des décisions qui vont faire
mal dans différents secteurs de l'économie ou dans
différents secteurs gouvernementaux.
Donc, on part de ces prémisses-là, que le gouvernement
doit faire des choix. Alors, dans le mémoire, ce qu'on a voulu faire,
c'est d'abord de présenter les objectifs ou pourquoi on est là.
Ensuite, donner un peu la vision de l'État ou la vision d'un
gouvernement qu'on a, c'est-à-dire comment on voit ça en tant que
jeunes gens d'affaires, et comment on aimerait que ce soit dans le futur.
Ensuite, on propose quelques pistes qui peuvent amener des solutions par
rapport aux problèmes qu'on vit actuellement, au niveau des finances
publiques. Finalement, on a touché rapidement au niveau de la taxation,
puisque ce n'est pas un domaine qu'on voulait explorer, ce n'est pas notre
domaine de spécialité. En fait, comme Robert Hémond, le
président, l'a précisé, on a pris une approche de bon
gestionnaire, donc, une certaine logique de gestion qui appuie un peu nos choix
et nos recommandations. (17 h 20)
D'abord, pour nous, on l'a dit tout à l'heure, la
préoccupation des jeunes gens d'affaires, la principale
préoccupation, c'est l'endettement public. Or, face à ça,
pour nous, la priorité absolue du gouvernement pour les années
qui viennent devrait être la réduction de la dette. C'est
évident qu'il y a quand même la gestion de l'État et des
activités courantes qui doit se poursuivre, mais, à notre avis,
on doit toujours avoir en tête la réduction de la dette... et des
déficits - ça va de soi.
Un premier élément qu'on propose à cette
fin-là, c'est que, peu importe la situation, qu'on soit en
période d'expansion, qu'on soit en période de récession,
qu'on essaie d'accorder un pourcentage, une proportion fixe des revenus
à la réduction de la dette. Comme un consom-
mateur ou comme une entreprise qui est endettée, qui est face
à une situation où une bonne partie de ses revenus doit servir
à payer des intérêts, son objectif principal devrait donc
être de réduire ça et, par conséquent, de consacrer
une partie importante de ses revenus à réduire cette
dette-là.
Évidemment, on souhaite également des programmes de
réduction de dépenses, donc des programmes auxquels on devrait
tenir, encore une fois, peu importe la situation politique ou
économique. Donc, on souhaiterait une gestion responsable.
On propose également le principe des budgets à base 0.
Donc, ne pas partir du budget de l'année antérieure avec un
certain pourcentage d'augmentation pour pouvoir arriver au budget de
l'année courante. Donc, c'est-à-dire de justifier chacune des
dépenses, comme on le fait dans la plupart des entreprises où
l'on vit. Chaque année, on doit rejustifier ce qu'on va faire et
l'argent qu'on va demander pour le faire.
Évidemment, la question de l'imputabilité, qu'on a
entendue beaucoup, nous la souhaitons. Donc, on souhaite que ce
principe-là soit appliqué.
Ça m'amène à la vision de l'État, la vision
d'un gouvernement qu'on souhaite avoir. On a parlé beaucoup, dans les
dernières années, d'un État catalyseur, donc d'un
État qui serait un peu l'intermédiaire entre le public ou entre
les contribuables qui contribuent à la caisse de l'État et, en
fait, les bénéficiaires et ceux qui reçoivent un peu
l'argent de l'État. Donc, dans ce sens, on souhaite que ce
rôle-là soit accentué et, encore une fois, comme je l'ai
dit tout à l'heure, que le rôle de l'État soit de faire des
choix, même si ces choix-là sont difficiles, en fonction des
revenus qu'il a.
On souhaite également une réduction de la taille de
l'État ou de tout ce qui entre, que ce soit au niveau du gouvernement ou
au niveau des sociétés publiques, parapubliques. On trouve que
l'État est peut-être présent de façon un peu trop
large au niveau de l'économie.
On propose également le concept de guichet unique dont on a
beaucoup entendu parler, dont on a beaucoup parlé au cours des
dernières années. Concept un peu vague, peut-être, parfois,
mais, selon nous, concept qui devrait être exploré,
c'est-à-dire que, quand quelqu'un peut distribuer ou peut informer sur
un service de l'État, pourquoi ne pas le faire pour d'autres services.
J'ai un exemple, je pense a Communication-Québec, qui offre un service
fantastique. Vous avez besoin d'un renseignement sur l'État, vous
appelez Communication-Québec. Dans les secondes qui suivent, vous avez
une information. Alors, pourquoi on n'est pas capable de retrouver ça
ailleurs? C'est une question qu'on se posait. C'est une piste qu'on souhaite
qui soit explorée.
Au niveau des autres pistes plus précises, bon, on souhaite
évidemment que certains programmes soient remis en question. Si on
revient aux choix de tout à l'heure, que l'État doit faire, ces
programmes-là, on en a identifié quelques-uns. Évidemment,
ce n'est pas exhaustif. On ne considère pas que c'est à nous de
faire ces choix-là, peut-être parce qu'on n'a pas l'information
suffisante pour les faire. On n'a peut-être pas le pouvoir de les faire
non plus. Alors, tout ce qu'on peut faire, c'est de suggérer. On pourra
peut-être discuter de certains programmes plus précis tout
à l'heure, si vous avez des questions à ce niveau-là.
On remet également en question... Bon, un autre sujet tabou,
c'est-à-dire, peut-être, la sécurité d'emploi. Pour
nous, qui sommes des gens du secteur privé, il est parfois difficile de
voir que certains individus puissent jouir d'une sécurité
d'emploi, alors que d'autres, vraisemblablement, sont face à des
situations qui sont difficiles, où leur emploi est précaire.
Alors, on trouve, ne serait-ce qu'une certaine forme de justice sociale, qu'il
y a peut-être quelque chose qui doit être réajusté
à ce niveau-là.
On parle également de dédoublement de
responsabilités au niveau, par exemple - sans vouloir tourner le fer
dans la plaie - de la main-d'oeuvre et de la formation. Je pense qu'il y a
quelque chose, à ce niveau-là, qui est un peu, encore une fois,
choquant, peut-être, pour quelqu'un qui vient de l'extérieur.
C'est-à-dire qu'il y a énormément d'argent dans un
système, et on ne sera pas capable, pour des raisons de duplication ou
de conflit, de pouvoir en faire bénéficier ceux qui devraient en
bénéficier.
Ensuite, venant du secteur privé, on souhaite également
que le gouvernement entretienne des relations plus étroites et on est
prêt, effectivement, ou on croit qu'on devrait contribuer, dans la mesure
de nos moyens, à certains programmes ou à certaines
activités de l'État. Je pense, par exemple, aux centres de
recherche ou aux centres de formation auxquels les entreprises privées
peuvent participer.
Finalement, au niveau des pistes de solutions, on remet également
en question l'universalité au niveau de l'utilisateur de services,
c'est-à-dire qu'on n'est pas défavorable à l'utilisation
d'un ticket modérateur ou d'un système d'utilisateur payant, pas
dans une perspective de réduction ou de réduction à
l'entrée, c'est-à-dire d'empêcher les gens d'avoir
accès au service, mais uniquement de contribuer, d'avoir une
contribution au niveau du financement de ce service-là.
On parle également un peu du même principe au niveau du
pollueur-payeur, c'est-à-dire que des gens, des entreprises qui,
effectivement, ont des activités polluantes, on ne croit pas que c'est
l'État qui devrait assumer les coûts de dépollution ou le
coût des activités économiques de ces
entreprises-là. Merci.
Ça m'amème, finalement, rapidement, au niveau de la
fiscalité. C'est-à-dire qu'on trouve
que... On n'a pas de problème avec le niveau de taxation qui peut
être exercé soit sur les contribuables, soit sur les entreprises,
mais on trouve qu'au niveau des entreprises, souvent, la lourdeur
administrative générée par le système de la
fiscalité est un frein, à notre avis, à la
compétitive des entreprises. Il y a énormément de temps
qui est perdu ou qui doit être consacré à la gestion, soit
à des activités reliées à la fiscalité, soit
à des activités de lien, d'information avec l'État. On
trouve que, si on pouvait dégager un peu les entreprises privées
de ce fardeau-là, ce serait quelque chose qui serait favorable pour les
entreprises.
Finalement, ça m'amène un peu à la conclusion qui
est que... bon, il y a des choix qu'on doit faire. Je pense qu'il n'y a pas de
question qui se pose à ce niveau-là. On est rendu dans une
situation où on ne peut pas dire qu'on a les moyens de faire ce qu'on
fait actuellement. Donc, ces choix-là devront être faits. On doit
peut-être en informer ou conscientiser les gens qui vont avoir à
subir, en quelque sorte, à subir, entre guillemets, les choix qui vont
être faits, les réductions de services ou toute forme
d'intervention qui devront être faits. On devra les informer, les
sensibiliser, puis une des pistes qu'on suggère, c'est de faire prendre
conscience aux gens du coût des services qu'ils consomment, donc, par le
biais... ne serait-ce que lors du rapport d'impôt, d'identifier les
postes, pour chacun des individus. Donc, vous avez payé 10 000 $
d'impôt, il y en a 4000 $ ou 5000 $ qui vont à tel programme, 3000
$ à tel programme. Je pense que ce serait une piste qui est simple et
qui permet aux gens de voir, effectivement, ce pourquoi ils paient, et que
l'impact des réductions... ce que ça peut avoir comme impact sur
eux-mêmes.
Alors, sur ce, je vais passer la parole à M. Girard, qui va faire
la conclusion. (17 h 30)
M. Girard (Serge): Nous vous avons présenté divers
moyens de reprendre en main les finances publiques du Québec, mais le
mandat de cette commission dépasse, et de loin, la simple recherche de
techniques de taxation qui permettraient de réduire le déficit.
Il s'agit, d'abord et avant tout, de réfléchir sur le rôle
que doit jouer l'État dans une société moderne. Les grands
débats de société qu'on a trop longtemps, et à
tort, recherché dans les matières constitutionnelles, c'est sur
cette question, la question du rôle de l'État qu'elle se joue. De
quelle sorte d'État voulons-nous? La Jeune Chambre de commerce de
Montréal se prononce en faveur d'un État catalyseur dont le
rôle sera de créer et de maintenir des conditions favorables au
développement économique du Québec. Il ne s'agit pas de
revenir au laisser faire, mais plutôt de favoriser une intervention
judicieuse de l'État. Malheureusement, à l'heure actuelle, on
doit constater qu'on est plutôt face à un État «baby-
sitter», c'est-à-dire que c'est un État qui s'attribue le
droit de faire des choix de valeurs qui devraient revenir aux individus, et on
pense plus particulièrement, spontanément, au cas du tabac qui ne
sera strictement qu'un exemple là-dessus.
L'État se comporte comme s'il lui appartenait de décider
si les individus devraient ou non faire usage de tabac. Cela a donné
naissance à une inflation fiscale dont l'effet pervers a
été de créer un nouveau type de crime. Non seulement cela
détériore-t-il le climat, le tissu social qui est
nécessaire à une vie démocratique, mais on est
obligé maintenant d'engouffrer dans la lutte contre ce crime, ce nouveau
crime, les fonds qu'on espérait utiliser à la réduction de
la dette. D'un point de vue fiscal, il s'agit d'un non-sens.
D'autre part, quand on parle d'État «babysitter», il
s'agit également d'une attitude qui consiste à faire assumer par
l'État des responsabilités qui devraient revenir aux individus et
qui, donc, l'empêche, l'État, de faire confiance aux individus
pour trouver des solutions originales aux nouveaux problèmes auxquels
nous sommes confrontés. Dans un tel contexte, il devient difficile,
sinon impossible à l'État de résister aux pressions en
faveur de la création de programmes sociaux toujours plus nombreux ou de
remettre en question des dogmes comme celui de l'universalité. Au lieu
de chercher à régler tous les problèmes et à
assumer toutes les responsabilités pour lesquelles il est
sollicité, l'État moderne, l'État catalyseur doit
plutôt s'appliquer à faire des choix, et ce n'est pas non plus un
rôle qui est plus facile. Prenant pour point de départ la
certitude que le Québec a atteint la limite de l'utilisation de son
crédit et la certitude que les Québécois ont atteint la
limite de leur volonté de payer de nouvelles taxes, l'État dort
se responsabiliser, responsabiliser ses employés et responsabiliser les
utilisateurs de ses services. Il doit aussi canaliser les maigres ressources
dont il dispose là où elles sont le plus susceptibles de produire
du développement économique.
En conclusion, cette commission a le devoir d'aider l'État
québécois à se dégager de la mentalité
politiquement correcte, que je traduis de «politically correct»,
pour axer son intervention dans le sens de la création et du maintien de
conditions propices au développement économique de notre
société.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, permettez-moi de saluer les
représentants de la Jeune Chambre de commerce de Montréal et de
les féliciter pour leur présentation fort intéressante, et
qui nous permet d'entreprendre une discussion immédiate
avec eux.
Pour ce faire, d'abord, je vais... j'aime à voir qu'au tout
début de votre mémoire, vous vous situez comme des jeunes gens
d'affaires et professionnels âgés de 18 à 40 ans. Alors, je
pense qu'il est important d'avoir le message des gens de votre
génération et qui êtes appelés probablement à
vivre le reste de votre vie avec les décisions qui ont été
prises depuis quelque temps déjà et qui se prennent encore et,
plus particulièrement, qui devront se prendre pour donner suite,
évidemment, aux voeux de la population dont vous représentez une
partie. C'est à nous, évidemment, éventuellement,
après cette commission, d'essayer de faire le tour des choses, de tenir
compte de tout ce qui s'est dit, de tout ce qui s'est écrit, mais en
tenant compte surtout de ce que nous pourrons dégager comme étant
l'intérêt public, le bien commun.
Lorsque vous dites qu'après avoir consulté vos membres
vous arrivez à ce qui constitue la préoccupation majeure - je lis
ce que vous écrivez dans votre mémoire - des jeunes gens de votre
société, de votre association, de votre Chambre, c'est
l'endettement public. Je pense qu'il est important que je le souligne ici parce
que c'est de là que vous partez dans l'exposé que vous nous
présentez. Il y a une chose, cependant, que vous souhaitez - et je pense
que je ne serai pas, moi du moins, comme ministre des Finances, en mesure de
répondre d'une façon du moins prochaine à votre voeu -
c'est de réduire, d'allouer un certain nombre de deniers à la
réduction du capital de la dette. Puis-je vous rappeler que cette dette,
il y a une vingtaine d'années, était inférieure à 5
000 000 000 $; la dette totale, elle est rendue à 55 000 000 000 $? Pas
plus mes prédécesseurs que moi-même, nous n'avons
remboursé autrement qu'en empruntant le même jour où
l'emprunt est devenu à échéance. Autrement dit, les
déficits s'accumulent. Je rêverais du jour où nous
pourrions commencer à rembourser la dette, mais il faut commencer, pour
cela, à éliminer les déficits, particulièrement les
déficits qui sont attribués à des emprunts faits pour
payer les dépenses courantes.
Alors, il y a un processus, il faut d'abord éliminer cette
partie-là. Nous avions presque atteint cet objectif avant la
récession. Nous sommes, évidemment, et nous avons
été retardés considérablement dans la
récession pour arriver à ces objectifs. Nous n'avons pas
laissé tomber l'objectif, cependant, mais il faut bien comprendre qu'il
y a là, devant nous, un défi considérable. Vous êtes
d'avis qu'il ne faut pas continuer dans l'endettement, c'est clair. Vous
êtes d'avis qu'il ne faut pas non plus augmenter le fardeau fiscal, c'est
clair. Vous vous tournez vers une réduction des dépenses de
l'État.
Je n'irai pas plus loin parce que vous touchez là un sujet qui
fait l'objet des préoccupations de mon collègue, le
président du Conseil du trésor, chaque jour de l'année.
Alors, je pense bien que c'est de ce côté-là que nous
allons faire en sorte d'avoir une contribution. C'est pourquoi je termine
immédiatement mon intervention, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
D'abord, je vous souhaite la bienvenue, la Jeune Chambre de commerce de
Montréal; je pense aussi que vous représentez tous les jeunes de
18 à 40 ans qui s'intéressent aux affaires. Je pense, à ce
titre, que, moi aussi, ça m'intéresse beaucoup, ce que vous avez
à nous dire.
Votre préoccupation touche à l'équilibre des
opérations de l'État, je le comprends, surtout quand vous dites
que votre souci majeur, c'est que les déficits ne s'accumulent pas; je
le partage. Je voudrais dire, en réplique un peu au ministre des
Finances, qu'il y a eu des années de vaches grasses, de 1985 à
1990, cinq ans. Malgré tout ça, il a accumulé, durant
toutes ces années, des déficits aux dépenses courantes,
même dans des périodes de vaches grasses, je le dis.
M. Levesque: Pour payer les intérêts de leurs
emprunts.
M. Léonard: Alors, quand il est arrivé, par la
suite, quand la récession est arrivée, il a été
très surpris, comme si des récessions, ça n'existait plus.
Alors, il a commencé par taxer. Il a taxé les
Québécois pour 4 000 000 000 $ annuellement et, maintenant, il
veut couper. Alors, là, il se fait donner des suggestions par les
groupes.
Très bien! Disons que c'est son périple, nous verrons par
la suite ce qu'il en arrivera. Mais je pense quand même qu'au-delà
de ça nous devons être préoccupés par le souci des
équilibres financiers de l'État et des dépenses courantes
au moins sur le cycle économique, tout à fait. (17 h 40)
Par ailleurs, comme je m'adresse à des jeunes de 18 à 40
ans, il y a quand même une autre perspective qu'il faut avoir, qui est
celle d'augmenter la production nationale. C'est vous qui êtes dans la
force de l'âge, qui produisez et qui pouvez produire. Ma question,
présentement, au-delà de l'équilibre des finances de
l'État - et encore de l'État composé,
fédéral et Québec, je pense que c'est comme ça
qu'il faut voir les choses - au-delà de cela, comment peut-on augmenter
la production nationale? En réalité, si on arrivait à
augmenter la productivité ou la production de 10 %, de 20 % - ce n'est
pas une chose impossible - les finances de l'État se
rééquilibreraient assez rapidement. Qu'est-ce qui empêche
qu'on développe davantage l'«entrepre-neurship» au
Québec? Quand vous parlez d'État
catalyseur, actuellement, il pourrait jouer ce rôle. Quels
seraient les gestes qu'il devrait poser qui vous permettraient de partir en
affaires, vous, les jeunes?
M. Girard (Serge): Le rôle que l'État peut jouer, en
ce moment, pour développer l'«entre-preneurship»,
évidemment, plutôt que de concentrer toujours... Je donne un
exemple. Au lieu de concentrer la gestion d'un certain nombre de services dans
la fonction publique, il y a un tas de services qui peuvent être offerts
par l'entreprise privée. C'est une façon de créer une
place pour cet «entrepreneurship». Je n'invente rien. C'est une
solution qui est dans l'air depuis longtemps. Elle est dans l'air, et elle est
sur les tablettes. La seule chose qui reste à faire, c'est de la mettre
en pratique.
M. Léonard: Oui, mais... Allez-y!
M. Girard (Serge): Je dis donc que, les solutions, je pense qu'on
les connaît déjà. Il peut y avoir une campagne ou un effort
d'éducation en faveur de l'«entrepreneurship», il peut y
avoir un appui aux entreprises, mais on ne vient pas ici vous demander de
créer de nouvelles subventions pour les entrepreneurs.
M. Léonard: Non.
M. Girard (Serge): Alors, dans ce sens, faisons une place
à l'«entrepreneurship» et, de la même façon,
les fonds... Quand je parlais des maigres ressources dont l'État
dispose, allouons-les aux bons endroits. Il y a des secteurs mous qu'on a
continué encore et encore à soutenir en pure perte. Il y a des
raffineries de sucre, il y a un tas d'entreprises qui ont été
plus ou moins artificiellement mises en place, comme si on pouvait acheter des
emplois. Ce qu'on dit, c'est que les ressources de l'État devraient
être mises dans les secteurs productifs de développement
économique.
M. Léonard: Mais disons qu'au-delà du rôle de
l'État - je pose la question - sur ('«entrepreneurship»
lui-même, j'imagine que les jeunes, à 25 ans plus ou moins, ont
l'idée de faire des choses, de se construire leur place au soleil, de
créer leur emploi. Qu'est-ce qui les empêche de le faire?
Qu'est-ce qui les arrête, à l'heure actuelle? Est-ce qu'ils
sortent des études trop endettés? Est-ce qu'ils sortent de la
période de 20 ans trop endettés de sorte qu'ils ne peuvent
eux-mêmes créer leur entreprise, créer leur emploi? Bien,
il y a l'État. Supposons que la glace est à vous, alors vous
faites quoi sur la glace?
M. Carpentier: Je vais répondre. Je pense que pour un
jeune comme pour n'importe qui qui veut partir en affaires, le problème
principal, c'est le financement. Ça, je pense qu'on ne s'en cache pas.
On a beau avoir des idées, des envies, des désirs de faire
quelque chose, si on n'a pas les ressources de départ pour commencer,
c'est assez difficile de le faire. Donc, comment encourager
I'«entrepreneurship»? Je pense que l'«entrepreneurship»
en soi, il existe, c'est-à-dire le germe, le désir de faire
quelque chose, mais effectivement, quand c'est très difficile d'avoir
accès à un capital de départ, les choses sont beaucoup
plus difficiles.
Je pense qu'au Québec il y a de l'argent qui est disponible pour
des projets, mais peu pour des projets qui partent de zéro,
c'est-à-dire des projets de pur «entrepreneurship». Si vous
êtes une entreprise relativement bien établie, vous pouvez aller
voir la SDI, la Caisse de dépôt, vous allez avoir de l'argent
disponible, mais pour un jeune qui veut effectivement partir en affaires, c'est
beaucoup plus difficile. Si on se compare, par exemple, avec les
États-Unis où, depuis quelques années, au cours de la
dernière décennie, s'est développé beaucoup,
beaucoup ce qu'on appelle le «venture capital», donc le capital de
risque, c'est quelque chose qui n'existe pas encore ici, qui est très
peu développé, qui est beaucoup moins développé, en
tout cas, que chez notre voisin du Sud. Je pense que, ça, c'est un
élément qui est un frein, disons, à l'émergence de
l'«entrepreneuship» parce que, selon moi, il existe.
M. Léonard: Disons que je vais simplifier la situation. Il
reste quand même que, dans une période de récession, c'est
là que vous trouvez les meilleurs comptes en banque; il y a des
idées, il y a de l'argent, mais l'allumage ne se fait pas.
Alors, qu'est-ce qu'on met sur pied ou qu'est-ce que le privé
doit mettre sur pied? Et dans quelle mesure l'État catalyseur catalyse
quelque chose?
M. Hémond: Eh bien, moi, peut-être pour... Quand
vous parlez de choix, on parle souvent de subventions, on parle souvent de
subventions à de grandes entreprises, à des papetières
où on voit un coût par employé de 1 000 000 $. Si cet
argent-là avait été investi plus vers les PME,
peut-être qu'on aurait généré plus d'emplois, plus
de dynamisme que d'investir vers des choses, des fois, qui sont
peut-être... quand on parte de secteur mou, là, de notre
économie. Je ne sais pas si vous comprenez un peu plus ce que je veux
dire.
M. Léonard: Oui
M. Girard (Serge): En d'autres termes, l'État devrait
être là pour appuyer les petites entreprises qui sont souvent des
jeunes, alors les jeunes entrepreneurs et les petites entreprises.
L'État devrait être là pour les apppuyer
financièrement ou autrement. Et dans les...
M. Léonard: C'est-à-dire pour épauler le
secteur privé qui les appuierait.
M. Girard (Serge): Oui, mais même appuyer directement les
petites entreprises. Mon point, c'est que, quant à la grande entreprise,
ce n'est pas l'État qui devrait appuyer la grande entreprise, c'est
plutôt l'État qui devrait rechercher l'appui des grandes
entreprises. Il y a peut-être des projets, il y a peut-être des
programmes sur lesquels on pourrait inviter la grande entreprise à
investir. Il ne s'agira pas, donc, de subventionner la grande entreprise, mais
plutôt d'amener la grande entreprise à participer à des
programmes ou à des projets gouvernementaux. Le gouvernement appuiera,
lui, le petit, le petit entrepreneur, le jeune entrepreneur.
M. Léonard: Bien. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Bienvenue à ces messieurs qui sont les
successeurs de gens comme moi qui ont déjà été
actifs dans la Jeune Chambre de commerce de Montréal, évidemment,
il y a déjà quelques années, pas si longtemps que
ça, M. le député de Labelle, mais il y a quand même
quelques années.
Je suis heureux de voir l'enthousiasme et l'intérêt que
vous mettez, le sérieux que vous mettez à venir discuter de ces
choses-là, de votre point de vue, parce que, pour me raccrocher à
certains de vos commentaires, il est évident que votre souci, c'est
celui de mettre sur pied et de mener des entreprises qui vont être
viables, qui vont créer des emplois, qui vont donner un
débouché aux jeunes. Ça passe, ça, selon vous, par,
en grande partie, des correctifs qu'on doit apporter aux genres de programmes
qu'on a mis sur pied pour ne pas que le fardeau soit trop lourd,
évidemment, autant pour vous-même, comme individu, que pour les
entreprises dans lesquelles vous oeuvrez.
Vous avez dit tout à l'heure que l'État devait faire des
choix. Je peux comprendre - et vous avez, avec raison, indiqué que vos
moyens ne vous permettent peut-être pas d'aller, de façon
détaillée, expliquer un programme de gouvernement. Ça,
c'est entendu, mais j'aimerais simplement faire remarquer ici que ce n'est pas
l'État qui fait des choix, en réalité. C'est la population
qui devrait faire ces choix-là. Ce sont les gens, ce sont les groupes
d'intérêt qui, peut-être, ont-ils fait le choix de laisser
le gouvernement faire les choix. Mais il faut aller plus loin que ça
parce que ce dans quoi ça nous a amenés - et je vais y revenir,
vous l'évoquez, là, dans le fond - c'est une distance entre le
gouvernement et ses décisions et les décisions que les gens
prendraient si les gens pouvaient directement influencer le cours des choses.
Je m'explique.
Vous indiquez, par exemple, qu'un sondage, comme le relevait le ministre
des Finances, parmi vos membres, dit que c'est l'endettement public qui les
préoccupe. C'est intéressant de le formuler comme ça. Les
jeunes gens d'affaires ne disent pas: On est préoccupés, on
identifie que c'est le gouvernement qui devrait être
préoccupé par ça. Ils ne disent pas ça. Ils disent:
Nous sommes préoccupés; nous, comme individus, comme citoyens,
sommes préoccupés de l'endettement public. Le lien a
été fait entre ce que le gouvernement fait de façon
lointaine, peut-être, et ce que ça représente
quotidiennement comme fardeau pour les gens dans l'entreprise. (17 h 50)
Deuxièmement, vous dites qu'il faut que les gens soient
conscients du coût des services publics. Vous parlez de
l'utilisateur-payeur, là, en page 8 de votre présentation. Vous
parlez donc de tarifs. Vous voulez restaurer - et je suis d'accord avec vous -
ce lien qu'il y a entre l'utilisateur, le contribuable, le citoyen, les groupes
d'intérêt, les entreprises et le coût des services que tous
ces gens-là réclament. Je crois que vous suggérez ici
qu'on restaure ce lien-là d'une façon qui passe par la
tarification ou certains frais. Il n'en reste pas moins que j'aimerais des
éclaircissements de votre part ou des précisions sur la nature ou
le niveau de ces frais-là. Comment envisagez-vous qu'on traduise
à l'utilisateur que ça coûte quelque chose, les services
publics qu'il réclame ou dont il bénéficie aujourd'hui?
Ça peut être une portion cofinancée du service. Ça
peut être simplement d'être renseigné sur le coût d'un
service. Certains groupes sont venus avant vous et ont dit: Envoyez donc
à quelqu'un qui va dans un hôpital une facture fictive, je dirais,
une facture illustrant le coût des services avec la mention
«Payé par le gouvernement du Québec à même vos
taxes que nous tentons de minimiser». J'exagère un peu, la phrase
serait probablement moins longue et plus bureaucratique que ça, mais, de
toute évidence, il faut restaurer ce lien-là. Est-ce que c'est
une...
Est-ce qu'on doit - ma question, c'est ça - vraiment aller vers
du cofinancement, demander aux gens de débourser quelque chose,
même symboliquement, ou est-ce qu'on doit s'en tenir à de
l'information? Il y a comme deux écoles, là, qui ont cours sur la
façon de signaler aux gens qu'un service public coûte quelque
chose. Vous voyez tout de suite dans le document qu'on... Il m'apparaît
que l'information, c'est une chose, mais quand on est obligé de
même mettre de l'avant un montant symbolique, mais concret, que le
message passe plus facilement. C'est le choix que vous voyez qu'on a fait,
quant à nous ou quant à moi. Est-ce que vous pourriez juste
discuter de ça un petit peu avec nous autres?
M. Girard (Serge): Absolument. Je pense qu'il faut partir d'une
réalité: la gratuité n'existe pas. Quand on parle de
gratuité et qu'on l'applique à n'importe quel programme,
gratuité des soins hospitaliers, ça n'existe pas. Il y a
quelqu'un qui va payer quelque part. Gratuité scolaire, ce n'est pas
vrai. Il y a encore quelqu'un qui doit payer quelque part. Il y a
évidemment une question de sensibilisation.
Dans notre mémoire, on recommande, comme formule, une formule de
rapport d'impôt qui permet à l'individu qui a payé des
impôts de savoir à peu près, en gros, les proportions qui
ont servi... Dans ce qu'il a payé, qu'est-ce qui a servi à quoi?
Qu'est-ce qui a servi à payer la dette? Qu'est-ce qui a servi à
payer - sans entrer dans le détail - les grands pans de nos programmes
sociaux? Mais il y a également, oui, une action directe de
débourser un montant. Ça, ça veut dire remettre en
question la...
Je parlais tout à l'heure du dogme de l'universalité. Vous
savez, la justice sociale peut se définir de différentes
façons selon le type de société dans lequel on se situe.
Dans une société riche qui a de l'argent à ne plus savoir
qu'en faire - il y a longtemps qu'on a connu ça - il était
peut-être, justement, de la nature de la justice sociale de donner
également à tout le monde, peu importent leurs besoins, aux
riches comme aux pauvres. Dans une société, je dirais, appauvrie
qui est à la limite de ses ressources, la justice sociale, c'est d'abord
de donner à ceux qui sont démunis et non pas aux riches. Il peut
y avoir une échelle dégressive. Donc, un ticket modérateur
dans une foule de services qui peuvent être, oui, symboliques et
croître en fonction du revenu des individus. Les modalités, les
technicalités, je pense que ce n'est pas le lieu pour y entrer. Au
niveau du principe, on est en faveur d'une conscientisation non pas seulement
théorique, mais réelle des utilisateurs.
M. Carpentier: J'aimerais simplement ajouter que, bon,
l'information, c'est peut-être utile, mais, parfois, la cotisation qu'on
va faire va peut-être être plus efficace ou, du moins, va ajouter
à la conscientisation des gens face à la non-gratuité du
service comme tel.
M. Johnson: Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Oui, M. le Président, merci.
J'interviens à nouveau parce que je partage parfaitement votre
avis que l'État doit aider vraiment la petite entreprise qui,
après être créée, se débrouillerait
elle-même pour grossir, mais je veux juste signaler la différence
d'approche que cela implique.
Par exemple, la SDI a investi 117 000 000 $ pour Donohue Matane - 117
000 000 $ - pour les gens de Matane qui le réclamaient, qui en avaient
besoin. C'est une entreprise qui est fermée, incidemment, à
l'heure actuelle. Mais lorsqu'on transpose ça en termes de petite
entreprise, cela veut dire 50 000 $ pour 2340 entreprises. C'est ça que
ça veut dire. 50 000 $! Si on avait donné le choix aux
Gaspésiens de choisir entre 2340 petites entreprises avec une aide
gouvernementale de 50 000 $ ou un dossier de 117 000 000 $ comme celui qui a
été fait, quelle aurait été la réaction?
J'imagine qu'aujourd'hui on pourrait se la poser. C'est pour ça que je
crois que le préjugé devrait être plutôt envers la
petite entreprise, vraiment la petite, qui lance des jeunes.
C'est pour ça que je vous posais la question, tout à
l'heure: À 25 ans, qu'est-ce qui manque à un jeune pour appuyer
son «entrepre-neurship»? Je suis convaincu qu'il a plusieurs
idées en tête. Mais c'est ça, la différence entre
des super-gros projets et des petits projets. 2340 projets de 50 000 $!
M. Girard (Serge): Je ne sais pas si la question appelle une
réponse, mais je pense que... Je voudrais juste compléter un
élément.
Vous dites que le préjugé devrait être en faveur de
la petite entreprise. Je vais dire plutôt: L'aide gouvernementale devrait
être à la petite entreprise parce que c'est elfe qui a
besoin...
M. Léonard: Oui.
M. Girard (Serge): ...d'aide financière.
M. Léonard: O.K. On est bien d'accord.
M. Girard (Serge): La grande entreprise, elle, a besoin de moins
de bâtons dans les roues. Ça veut dire moins de
réglementation, ça veut dire moins de règlements à
administrer, ça veut dire...
M. Léonard: C'est ça.
M. Girard (Serge): ...moins besoin de fonctionnaires, ça
veut dire réduction des dépenses. Il y a aussi des choses
à faire de ce côté-là.
M. Léonard: Très bien.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Bertrand.
M. Johnson: ...juste par curiosité.
Le Président (M. Audet): Oui, il y a alternance, mais,
moi...
M. Beaulne: C'est un commentaire, ça.
M. Johnson: Oui, mais toujours... Toujours sur le même
sujet. C'est intéressant. Je pense
que c'est la première fois depuis mardi dernier qu'on a un
échange autour d'un thème de part et d'autre. Alors, c'est
très intéressant.
M. Léonard: On fait l'évaluation. J'ai toujours dit
que je n'étais pas contre les grands projets, mais il reste que,
lorsqu'on aide un grand projet, on choisit par rapport à 2300 autres de
plus.
M. Johnson: Évidemment, les...
Le Président (M. Audet): M. le président du Conseil
du trésor, allez-y. (18 heures)
M. Johnson: Oui, merci.
À cet égard-là, il y a des choix qu'on peut faire.
On essaie souvent comme gouvernement, vous le voyez, de faire tout à la
fois, sous la pression des demandes.
Juste faire remarquer peut-être au député de Labelle
que c'est presque une fausse option que de dire que, par exemple, le
député de Bonaventure et ministre des Finances et ses
collègues de la Gaspésie auraient dans leurs poches 2340
chèques de 50 000 $ à remettre à des gens. Ce n'est pas
évident que, sur une période de cinq ans, il se trouverait autant
d'entreprises qui, alléchées par les 50 000 $, prendraient
racine, se développeraient, prendraient de l'expansion et, après
ça, on ne s'occuperait pas d'elles. Si je comprends bien, une fois
qu'elles sont parties, ça fonctionne très bien. Il y a des
secteurs industriels, évidemment, où... Avec 50 000 $, Donohue
Matane n'aurait pas parti. Ça prend 117 000 000 $, à un moment
donné, pour exploiter un territoire immense, pour faire travailler des
gens dans la forêt, faire de la transformation, développer des
marchés, trouver de la nouvelle technologie et, en attendant, l'actif
est toujours là. Je veux juste faire remarquer que l'usine n'est pas
disparue parce qu'elle est fermée. Elle est fermée, mais elle est
encore là, et la conjoncture, évidemment, pourra donner un coup
de main.
Ce qu'on essaie de faire, et c'est ça que vous
privilégiez, dans le fond, c'est de mettre à la disposition des
entreprises des sources de financement pour celles qui ont de la
difficulté parce que, par définition, la nouvelle entreprise,
elle n'a pas de crédit, je présume, elle n'a pas de bilan qui la
précède pour aller chez un prêteur et les prêteurs
conventionnels, les sources de financement conventionnelles sont un peu plus
difficiles, évidemment, à arrimer à une bonne idée.
Ça varie, je présume, d'une région à l'autre, mais
dans la région de Montréal, il y a accès à
tellement de sortes de sources de financement qu'il ne tombe pas sous le sens
qu'on doive mettre sur pied, par exemple, le même genre de fonds de
développement que celui qui, avec Desjardins, le Fonds de
solidarité, la Caisse de dépôt, est en train de s'implanter
dans diverses régions du Québec où le gouvernement
finance, d'ailleurs, les frais de fonctionnement et d'administration de ces
fonds de développement et de capital de risque, largement.
Mais je voulais revenir surtout, non pas à notre capacité
d'investir, mais à notre capacité d'avoir les moyens d'investir
et repréciser peut-être, redemander davantage de
précisions, si vous voulez, sur d'autres façons, des
façons de gérer les dépenses publiques qui font
peut-être appel à votre expérience dans les entreprises qui
ont un fardeau réel à supporter au point de vue de la
productivité, au point de vue des relations de travail.
On dit souvent: Sécurité d'emploi, fini. Je suis sûr
que ce n'est pas pour démotiver les fonctionnaires que vous dites
ça, mais que c'est, au contraire, pour trouver une formule alternative
qui ferait que tout l'appareil serait plus productif et que les gens qui sont
là aujourd'hui conservent leur emploi.
M. Carpentier: Je pense qu'on l'a dit tout à l'heure, il y
a certains éléments... J'ai parlé un peu tout à
l'heure du principe de budgétisation. Dans une entreprise, on regarde
les revenus d'abord, on regarde les besoins ensuite, et on doit justifier
effectivement nos besoins, et les chiffres doivent être appuyés
par quelque chose, une justification derrière ça. Alors, je pense
que si le même exercice se faisait - là, je parle uniquement des
dépenses de fonctionnement, je ne parle pas des dépenses de
programmes comme telles; je parle des dépenses de fonctionnement au
niveau de l'appareil gouvernemental - je pense que cet exercice-là
pourrait être fructueux.
On parle aussi beaucoup dans les entreprises, depuis les deux, trois
dernières années, qu'il y a eu des réductions d'effectifs
au niveau de l'encadrement, c'est-à-dire qu'on a réduit un petit
peu les niveaux hiérarchiques au sein des entreprises. Je pense que,
encore une fois, au niveau de la machine gouvernementale, ce principe-là
pourrait être appliqué; du moins, on pourrait essayer de voir s'il
n'y a pas un peu le niveau hiérarchique qui pourrait être
réduit. Donc, ce sont des principes qu'on retrouve communément
dans toutes les entreprises actuellement, depuis les deux, trois
dernières années. Effectivement, ce sont des
éléments sur lesquels, à notre avis, on devrait travailler
parce que, une organisation, qu'elle soit gouvernementale ou qu'elle oeuvre
dans un secteur privé ou public, il y a des principes de fonctionnement
qui sont les mêmes, il y a des principes organisationnels qui sont les
mêmes. On se dit: Si c'est possible à un endroit, ça
devrait être possible à l'autre. Puis j'ai parlé aussi tout
à l'heure d'équité ou de justice sociale. Je pense que les
employés qui se voient mettre à pied sont parfois relativement
mal à l'aise de voir leurs collègues ou leurs amis qui, eux
autres, jouissent d'une sécurité d'emploi quasi absolue.
M. Girard (Serge): Je peux compléter sur le même
thème. Quand on parle de la hiérarchie, de nombreuses grandes
entreprises se sont développées dans les années 1970-1980
en ayant une structure où on avait un grand chef, un moyen chef, un
petit chef, un petit-petit chef, un petit-petit-petit chef et des
exécuteurs. On s'est rendu compte qu'il n'y avait pas d'argent à
faire avec ça, et de nombreuses grandes entreprises se restructurent ou
se sont restructurées pour enlever ce qu'on appelle, entre guillemets,
les «middlemen» et où on a maintenant un chef et une
série de réalisateurs responsables.
L'État gouvernemental, la fonction publique, malheureusement, est
encore basée sur l'ancienne forme de hiérarchie. Alors, c'est une
des solutions qu'on suggère, de couper les «middlemen».
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Oui. J'ai eu comme député,
malheureusement souvent, à dire à des jeunes entrepreneurs, qui
avaient d'excellentes idées pour démarrer des entreprises et
créer des emplois, que malheureusement ils n'étaient pas
éligibles aux programmes de soutien aux entreprises ou de relance
économique existants parce que, entre autres, ils se situaient dans ce
qu'on appelle généralement le secteur des services.
Étant donné que ça représente quand
même presque un tiers du produit intérieur brut du Québec,
le secteur des services, et que c'est de plus en plus un secteur
intéressant au niveau de la création d'emplois, j'aimerais avoir
vos commentaires là-dessus, à savoir si, effectivement, vous
jugez qu'il serait pertinent que le gouvernement, surtout au niveau des petites
entreprises, fasse un effort particulier, en tout cas plus que ce qui se fait
à l'heure actuelle, dans le domaine des industries de services.
Mon autre question touche à un commentaire que vous faites dans
votre rapport concernant la simplification de la fiscalité, qui est un
des objectifs que vous souhaiteriez mis de l'avant. À ce
titre-là, je vous poserai la question que mes collègues ont
posée à quelques intervenants: Est-ce que, dans le contexte
actuel où un certain nombre de provinces canadiennes sont à
ouvrir des pourparlers avec le gouvernement fédéral concernant
les questions de perception d'impôt, seriez-vous favorable à ce
qu'au Québec, au lieu de deux rapports d'impôt, on paie un seul,
on fasse un seul rapport d'impôt, quitte à ce que le gouvernement
du Québec remette au fédéral sa portion, comme le
fédéral le fait avec les provinces, toutes les autres neuf
provinces canadiennes?
M. Carpentier: D'abord, pour la première question. Je
pense que l'économie de la plupart des pays occidentaux subit une
pression de la part des pays en voie de développement, de la part des
pays asiatiques. On parle beaucoup de mondialisation des marchés. Cette
compétition-là, cette concurrence-là se fait sur la base
des produits. Effectivement, on voit peu d'exportation de services, on est
très peu concurrencés dans le domaine des services.
Qu'est-ce qui va permettre aux économies occidentales, dont le
Québec, de se démarquer? C'est effectivement le
«knowledge», la compétence intellectuelle, le
développement de services de pointe. On pense, par exemple, aux
télécommunications. Il y a beaucoup d'autres domaines où
le «knowledge», pardonnez-moi l'expression, c'est-à-dire une
compétence particulière, c'est vraiment la voie de l'avenir,
c'est vraiment là-dessus qu'on va pouvoir développer notre
économie, puisque, vraisemblablement, on ne sera pas capables de
concurrencer dans des secteurs à haute teneur en main-d'oeuvre parce
qu'il y a des concurrents qui peuvent fournir ça à meilleur
marché.
Donc, à mon avis, il y a effectivement place pour le
développement de l'industrie des services dans notre économie, et
on devrait l'encourager, parce que c'est la voie qui va nous permettre de
pouvoir se tailler une place sur un marché qui se mondialise de
façon accentuée au cours des dernières années.
Alors, pour l'autre question...
M. Girard (Serge): Bien, sur la question de la simplification de
la fiscalité, vous suggérez un seul rapport d'impôt.
Ça peut être une solution dans la mesure où les deux
paliers de gouvernement vont s'entendre. En ce moment, il n'y a rien qui nous
porte à un optimisme délirant là-dessus. À ce
moment-là, je vais vous dire qu'en ce qui nous concerne, en tant que
contribuables, on serait assez indifférents à savoir si ce sera
le gouvernement fédéral qui va avoir cette responsabilité
et renvoyer l'argent au provincial, ou vice versa.
Alors, dans ce sens-là, on n'est pas prêts à prendre
une position claire en faveur de dire au fédéral: envoyez la
responsabilité au provincial Mais d'avoir un seul rapport d'impôt,
oui, ce serait possible. Encore faudrait-il que les mêmes règles
d'imposition s'appliquent, et ça, ça veut dire aux deux paliers
de gouvernement de mettre de l'eau dans leur vin. Encore là, on n'est
pas très optimistes que ça se fasse.
Le Président (M. Audet): Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Enfin, M. le Président, merci.
Je voulais toucher un point de votre mémoire bien particulier, en
page 7, une phrase où vous dites: «Nous proposons que le secteur
privé obtienne la responsabilité de gérer le plus grand
nombre de services possible afin d'en
accroître l'efficacité.» Je voudrais prendre le temps
qui m'est imparti pour pouvoir échanger avec vous sur cette
dimension.
Je suis assez d'accord avec vous qu'il y a, évidemment, une
importance de «dévoloir» au secteur privé une partie
des responsabilités, actuellement, qui sont assumées par le
secteur public. Je voudrais voir jusqu'où vous allez. Dans les fonctions
traditionnelles de l'État, vous avez des fonctions qui sont des
fonctions, bien sûr, de surveillance et de réglementation. Est-ce
que, éventuellement, vous voyez une possibilité de
transférer en partie au secteur privé une partie de cette
fonction?
Dans les fonctions de l'État, vous avez aussi de construire ou de
donner des infrastructures, par exemple, dans les transports, etc. Est-ce que
vous envisagez d'aller dans le secteur privé dans ce qu'on pourrait
appeler le soutien aux infrastructures? Il y a aussi dans la fonction que
l'État a, disons par ce qu'on appelle le parapublic, dans le scolaire et
dans la santé, par exemple, des fonctions de donner directement des
services, où il y a certains services que, évidemment, on
pourrait privatiser. Jusqu'où vous allez dans cette
direction-là?
En fin de compte, il y a dans l'État une fonction de
répartition de la richesse, par exemple, à l'aide des
mécanismes de bien-être social ou de soutien au revenu.
Jusqu'où vous allez dans cette potentialité de privatiser
certaines fonctions de l'État? Je pense que c'est une idée qu'il
faut creuser, qu'il faut aller de l'avant. Vous n'êtes pas le premier qui
l'avez soulevée, je voudrais savoir jusqu'où vous, dans votre
réflexion, vous êtes prêts à aller dans ces grandes
fonctions, ces grands rôles qu'a actuellement l'État?
(Consultation)
M. Carpentier: Effectivement, je pense que le mot qui peut faire
accrocher dans cette phrase-là, c'est le mot «possible»; en
fait, «le plus possible», dans la mesure où c'est possible
de le faire. C'est-à-dire qu'il y a des fonctions qui sont, selon nous,
réellement dévolues à l'État, dans lesquelles le
privé non seulement ne serait pas efficace mais n'aurait pas
l'autorité pour le faire, à notre avis.
Il y a certains éléments, comme ceux que vous avez
soulevés... Les infrastructures, je pense que l'État ne pourra
jamais, effectivement, se retirer complètement, ne serait-ce que du
côté de la planification des infrastructures. Mais du
côté de la réalisation, je pense qu'il y a quelque chose
qui peut être fait de ce côté-là. Effectivement,
l'État ne devra jamais abdiquer son pouvoir ou son rôle de
planification, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la
santé ou des infrastructures. Mais dans la réalisation, je pense
que c'est possible de le faire.
On parle des routes, on parle des hôpitaux.
Il existe des hôpitaux et des cliniques qui sont privés,
qui fonctionnent à même les budgets de l'État, mais dont
l'opération est confiée au privé et qui fonctionnent
très bien, dont les services sont appréciés. On n'a pas
préparé de liste exhaustive, mais, à notre avis, là
où le secteur privé est capable, au niveau des opérations,
de faire quelque chose qui serait plus rentable et peut-être plus
efficace, pour nous, c'est complètement ouvert. (18 h 10)
M. Gautrin: Est-ce que je pourrais vous suggérer... Je
comprends que votre...
Le Président (M. Audet): C'est terminé pour
vous...
M. Gautrin: ...est embryonnaire...
Le Président (M. Audet): ...malheureusement.
M. Gautrin: ...de pouvoir aller un peu plus loin quand
même.
Le Président (M. Audet): C'est terminé pour vous,
M. le député, malheureusement. Je regrette, c'est
terminé.
M. le député de Labelle, vous avez trois minutes.
M. Léonard: Je voudrais aller un peu plus loin. À
la page 7, au bas de la page 7, vous dites: «Nous sommes
entièrement d'accord avec le transfert de responsabilités aux
municipalités qui permet de rapprocher les
bénéficiaires-contribuables de la gestion et du financement de
ces services. Ceci, toutefois, sous condition que les transferts administratifs
soient empreints de logique et qu'un contrôle de la qualité soit
maintenu.»
Je suppose que ce que vous voulez dire aussi, ce n'est pas écrit,
mais c'est qu'il y aurait un espace fiscal qui serait transféré
en même temps. Si vous envoyez des responsabilités aux
municipalités, la question que les municipalités vont vous poser,
c'est: Comment finance-t-on? Quel est l'espace fiscal qu'on nous accorde?
Deuxièmement, quel type de responsabilités voyez-vous aux
municipalités? Je vais simplement la diviser en deux pour les fins de la
discussion. Les municipalités, jusqu'ici, jouent un rôle
particulièrement dans le domaine de la propriété
foncière et ont, en conséquence, le champ de l'impôt
foncier, généralement; pour le reste, leurs autres revenus sont
beaucoup moins importants. Alors, comment faites-vous un nouvel
équilibre au plan local, à partir du principe que vous
énoncez?
M. Carpentier: D'abord, je pense qu'il faut vraiment parler du
fait que c'est un principe avec lequel on est d'accord au niveau de
l'application. Je pense qu'il y a lieu de voir qu'il y
a différents types de municipalités au niveau de la
capacité de taxation. Je pense qu'il y a vraiment, à ce
niveau-là, un certain décalage entre des régions
métropolitaines ou des régions urbanisées, ce qu'on
qualifie de MRC, qui ont probablement un pouvoir de taxation en raison de ce
qu'elles retrouvent sur leur propre territoire, qui est beaucoup moins grand
que ce qu'on retrouve dans une municipalité urbaine.
À notre avis, par exemple, de remettre les mêmes
responsabilités à tous ces niveaux, ces différents niveaux
municipaux ne seraient pas justes, ne seraient pas équitables. À
ce niveau-là, je pense que c'est juste pour essayer de préciser
un peu le principe sur lequel on s'appuie. Je vois l'interrogation,
là.
M. Léonard: Bien, la première, c'était le
transfert d'un espace fiscal quelconque pour faire face à des
responsabilités. La deuxième, j'ai peut-être mal
terminé ma question.
Jusqu'ici, les municipalités agissent en particulier dans le
domaine des services à l'immobilier, ou en grande partie. Si vous dites
qu'on va plus loin, on peut toucher certains services sociaux. Est-ce que c'est
ça que vous voulez dire? Et, à ce moment-là, la question
sur l'espace fiscal qui est accordé est drôlement importante parce
que, effectivement, ailleurs, dans d'autres pays, les municipalités
jouent un rôle sensiblement différent, en tout cas élargi
par rapport à ce qu'on voit ici.
M. Carpentier: Je pense que le type d'exemples qu'on avait en
tête quand on a rédigé le mémoire, c'étaient,
effectivement, les infrastructures, donc un certain contrôle sur leur
territoire. Je pense, effectivement, qu'on n'est peut-être pas encore
prêts à avoir une décentralisation ou à rendre
responsables les municipalités de la gestion au niveau de ce que vous
mentionnez, d'avoir un contrôle, par exemple, sur la qualité do
vie de la population au niveau des services sociaux, au niveau des services de
santé. Je pense qu'on n'est pas prêts et je ne pense pas que ce
soit souhaitable de le faire, effectivement.
M. Girard (Serge): C'est dans ce sens-là qu'on doit
comprendre l'expression «empreints de logique». Alors, il y a
peut-être des secteurs de responsabilité qui sont adjacents
à ce que vous définissiez assez bien, je pense, comme les
responsabilités reliées au domaine foncier.
Le Président (M. Audet): Merci.
Alors, ça termine nos travaux pour cet après-midi. Je
remercie les représentants de la Jeune Chambre de commerce de
Montréal.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 17)
(Reprise à 20 h 6)
Le Président: (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plait. La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Je
vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à
une consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics au Québec.
Alors, nous recevons ce soir le Laboratoire de recherche en
écologie humaine et sociale - bonsoir - ainsi que la
Confédération québécoise des coopératives
d'habitation, qui viendra se faire entendre à 21 heures.
Alors, bienvenue, madame, messieurs. Je vous rappelle brièvement
le fonctionnement de notre commission. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire, et je demanderais au porte-parole de
s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent. Ensuite, suivront des
échanges pendant une quarantaine de minutes.
Alors, je vous invite à vous présenter et à exposer
votre mémoire.
Laboratoire de recherche en écologie humaine et
sociale (LAREHS)
M. Bouchard (Camil): Bonsoir et merci, M. le
Président.
Je me présente, mon nom est Camil Bouchard. Je suis directeur du
Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale à
l'Université du Québec à Montréal. Je suis
accompagné, ce soir, par l'agente d'administration du Laboratoire, Mme
Sylvie Pinard à ma droite, de M Daniel Fortin, chercheur et professeur
à l'UQAM et membre également du Laboratoire, spécialiste
dans les questions de pauvreté et de ses effets sur le
développement humain, et, à gauche, de Réjean Tessier, un
collègue - mais néanmoins ami - de l'Université Laval,
spécialiste dans les questions de prévention en
périna-talité
Dans le but de préparer cette rencontre, j'ai consacré
quelques heures à la lecture du document «Vivre selon nos
moyens» et je pense avoir identifié, dans le scénario de
redressement . graduel que vous proposez, un endroit où notre
contribution pourrait peut-être être utile et vous
intéresser, c'est-à-dire celui de la recherche
systématique de façons plus rentables de dispenser les
services.
Je vous rappellerai peut-être, au point de départ, que la
prétention de devoir ou de pouvoir être utile à votre
commission vient du fait que j'ai été impliqué dans la
fabrication et dans la diffusion d'un rapport qui s'appelle «Un
Québec fou de ses enfants», rapport qui suit ou qui est le
résultat d'un mandat qui nous avait été confié par
le ministre de la Santé et des Services sociaux et que nous avons rendu
public en décembre 1991. Ce rapport proposait, de fait, des orientations
et proposait des recommandations
d'action en vue de prévenir l'apparition des problèmes
importants et des difficultés d'adaptation graves chez les jeunes et
chez les enfants du Québec. Nous invitions, à ce
moment-là, les citoyens du Québec à réduire de 25 %
à 30 % au moins le taux de jeunes enfants victimes de mauvais
traitements ou mis à l'écart d'une vie normale dans la
société, c'est-à-dire marginalisés.
Après quelques mois, nous avons pu constater que les
intervenants, les associations nationales et locales, les institutions des
services sociaux et scolaires et les institutions communautaires ont
adhéré avec beaucoup d'enthousiasme aux recommandations du
groupe. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a, par ailleurs,
fait siennes les trois grandes orientations du rapport, c'est-à-dire:
un, la concertation entre les services, comme premier principe; deux, la lutte
à la pauvreté - et il en a fait part très clairement dans
sa politique de santé et de bien-être; et, trois, l'adoption d'une
approche préventive aux problèmes vécus par les enfants,
les jeunes et leur famille. Je vous rappellerai en passant aussi que le plan de
réussite qui a été mis à jour par le ministre
d'alors, M. Pagé, dans le domaine scolaire, repose sur des principes de
prévention et de développement précoce des
compétences des enfants, principes qui sont très fortement
présents dans le rapport du groupe de travail pour les jeunes. Et je
vous dirai aussi que nous avons constaté un accueil très
favorable au rapport au niveau du Secrétariat à la famille et de
la ministre déléguée à la Condition
féminine. (20 h 10)
Cependant, on doit se rendre compte - et je pense que c'est important de
le souligner - que tenter de prévenir les problèmes chez les
jeunes et tenter, d'autre part, si nous voulons le faire, de redresser un
certain mode de fonctionnement ou plusieurs modes de fonctionnement dans nos
services et dans nos façons de faire demandent la collaboration de plus
d'un, deux ou trois ministères; ça demande la collaboration d'au
moins une dizaine de ministères, sinon une douzaine, impliqués
directement dans ces opérations et dans ces effets sur le
bien-être de la famille et des enfants.
Je mentionne en passant que toute la question - mais ça va
devenir plus qu'en passant - des risques associés à des
conditions de vie incompatibles avec le développement des enfants et
avec l'implication soutenue et bienveillante des parents interpelle les
secteurs de l'économie, de la main-d'oeuvre, de la fiscalité, de
l'organisation des communautés locales et régionales. Ça
va beaucoup plus loin que le ministère de la Santé et des
Services sociaux.
Par ailleurs, d'autre part, la question du financement des
activités préventives pose la question fondamentale d'une
véritable concertation intersectorielle, pose la question des
dépenses dans des termes d'investissements à court terme,
à moyen terme et à long terme - et ça explique un peu le
titre de mon mémoire «Investir ou dépenser» - et,
d'autre part, ça implique également une vision très
intégrative des politiques et des services dans des visées
à très long terme.
Ce sont donc ces deux aspects que je veux souligner
particulièrement devant vous, c'est-à-dire: un, la
réduction de la pauvreté - et là, nous avons
été, je le pense, très spécifiques - la
réduction de la pauvreté chez les familles où on retrouve
de jeunes parents, puis chez les familles où on retrouve un seul parent
- nous avons, et nous le soulignerons plus tard dans notre exposé, un
certain nombre de statistiques inquiétantes à ce niveau; deux, le
financement prioritaire des activités de prévention
destinées à diminuer le taux de détresse infantile. Donc,
une question premièrement, celle de la pauvreté et,
deuxièmement, une question qui nous occupe particulièrement, le
financement des opérations de prévention.
Le Québec fournit au Canada le quart de sa population, ou
à peu près, mais le tiers de ses pauvres. Nous avons un trop
grand nombre d'enfants et de jeunes qui vivent dans des environnements
familiaux incapables de leur assurer un minimum de bien-être, vous le
savez, et de leur fournir des conditions matérielles nécessaires
à leur développement social, intellectuel, affectif et physique.
À chaque année, nous avons au moins 20 000 enfants
québécois qui commencent leur vie dans le dénuement, qui
sont entourés de parents aux prises avec la détresse, avec le
découragement ou qui sont envahis par un profond sentiment
d'incompétence et parfois de honte. Ces 20 000 s'ajoutent aux 280 000 ou
300 000 enfants déjà présents dans la communauté
qui traversent de très longues périodes de pauvreté. Si
les parents d'un enfant ont entre 15 et 24 ans, actuellement, au Québec,
les enfants de ces parents ont 30 % des chances de se retrouver dans un milieu
familial pauvre - 30 %; 30 % des familles dont le chef a entre 15 et 24 ans
sont pauvres. Alors, quand vous embarquez dans le métro, à
Montréal, le matin et que vous regardez les gens, vous pouvez dire
qu'une personne sur trois ou à peu près vit des problèmes
de pauvreté, sans doute, quoique celles-là travaillent, elles ont
peut-être moins de chance de les vivre.
Deuxièmement, pour ce qui est des familles monoparentales, on
peut affirmer, sans l'ombre d'un doute, que deux tiers des enfants qui vivent
dans ces familles vivent dans un état de pauvreté et une demie de
ces enfants pauvres vit dans la très grande misère,
c'est-à-dire avec un revenu qui n'atteint pas les 60 % du seuil de
pauvreté. Ce sont des statistiques que vous connaissez sans doute. Ce
qu'on connaît moins, c'est que ce niveau de 45 %, parce que, pour faire
66 % d'enfants pauvres chez les familles monoparentales, ça prend 45 %
des chefs de familles
monoparentales qui soient pauvres, est, dans la nomenclature des pays
occidentaux, parmi les plus élevés. Nous sommes juste
derrière les États-Unis, qui sont à 52 % ou 54 %, et cette
référence-là est assez, en passant,
généreuse, puisqu'on sait que les États-Unis ne font pas
grand-chose pour leurs familles, en termes de filet de sûreté,
ceci comparé à 18 % en Angleterre, 16 % en France, 5.5 % en
Suède. Il y a, quelque part là, une question qu'il faut se poser:
Comment peut-on redresser nos dépenses, comment peut-on redresser nos
finances pour venir à bout de ce problème de pauvreté, non
pas chronique, mais spécifique à une partie de la population puis
une partie de nos familles? On ne parle pas de toutes les familles, on parle de
deux types de famille.
Je vous rappellerai en passant, très rapidement, que les enfants
qui vivent dans la pauvreté sont deux fois plus à risque de
connaître la mort dès les premiers mois de leur vie, de trois
à six fois plus nombreux à connaître la violence physique
ou la négligence, de deux à trois fois plus nombreux à
subir l'échec ou le décrochage scolaire. Ils sont
surreprésentés, ces enfants, dans les statistiques de troubles de
comportement, de violence envers autrui, de délinquance, de toxicomanie
et toutes les autres formes d'exclusion et de marginalisation.
La thèse que nous défendons aujourd'hui est celle-ci:
c'est bien qu'on puisse faire beaucoup avec les programmes d'intervention
psychosociaux auprès de ces familles; on peut peut-être faire
encore plus et mieux si on arrive à donner aux parents la
possibilité d'assumer leur rôle diçinoment, et en tentant
le plus possible de réduire le taux de pauvreté dans ces deux
formes de famille où on compte, en passant, les enfants les plus jeunes,
donc les enfants qui sont dans leur période de formation et
d'acquisition la plus importante.
Ce constat fait, je passerai rapidement, en les énumérant,
quelques stratégies que nous avons évoquées dans le
rapport - j'assume que vous aurez pris connaissance d'une synthèse du
mémoire, que vous l'aurez lue rapidement. Nous évoquons d'abord
la question du plein emploi; nous pensons que l'adoption par un gouvernement
d'une politique de plein emploi le conduit à des formes de partenariat
avec les syndicats et avec les patrons plus créatives et plus
décentralisées dans le développement des
communautés.
Deuxièmement, nous insistons sur la question de la formation
professionnelle, spécifiquement dirigée vers les travailleurs
jeunes, les moins jeunes, aussi, mais les candidats au recyclage, et nous
pensons que, à cet égard, ce que j'ai appelé dans le
rapport les «inter-mina-bles», avec un trait d'union,
négociations fédérales-provinciales à ce niveau
sont d'un cynisme assez extraordinaire dans la période que nous
traversons maintenant. La question de la duplication et des tergiversations
dans la formation professionnelle entre les deux niveaux de gouvernement est
une question qui trouble les gens, qui trouble les citoyens et les
citoyennes.
Troisièmement, nous présentons aussi un scénario de
régime unique de prestations pour enfants. Nous nous basons en cela sur
un certain nombre d'études fédérales et provinciales, et,
ayant examiné une série de scénarios, nous pensons que la
création d'un programme de soutien financier unique destiné aux
enfants pourrait arriver à relever significativement le niveau de vie
des enfants et des parents qui vivent dans les familles de travailleurs
pauvres, pas de l'ordre de 250 $ à 500 $ par année, mais de
l'ordre de 3000 $ à 3500 $ par année au plus modeste. Il y a des
références dans le document dont on pourra parler tantôt,
et j'ai aussi quelques graphiques, si jamais il y a des questions
là-dessus, qui me semblent être intéressants à
explorer. Nous sommes actuellement vis-à-vis une trentaine de programmes
éparpillés, de revenus, de remboursements et de crédits
d'impôt de toutes sortes, de soutien financier à la famille avec
enfants, de programmes de soutien aux services de garderie, etc., qui ont
peut-être l'effet d'éparpiller les sommes, de les rendre moins
visibles, donc, de les rendre, d'une certaine façon, plus
vulnérables à l'érosion, mais aussi nous sommes devant un
système où les parents n'ont pas l'impression d'être
soutenus, alors qu'il y a des milliers - 3 000 000 000 $ -de dollars qui sont
dépensés au Québec en vertu du soutien financier aux
enfants. (20 h 20)
Les scénarios qui ont été fournis au Sénat
canadien par le chercheur Ken Battle à ce sujet là nous semblent
tout à tait intéressants a regarder et, dans la perspective
où un régime de prestations unifié pour enfants viendrait
remplacer la multiplicité des programmes que nous connaissons
maintenant, nous savons, d'après ces scénarios, que nous
pourrions arriver à augmenter, de façon significative, le revenu
des familles de travailleurs pauvres sans pour autant ajouter
énormément à la masse budgétaire et des
dépenses du gouvernement. De fait, il y a des scénarios à
point zéro en tant qu'investissements. On pourra s'en reparler tout
à l'heure.
Quatrième mesure, les pensions alimentaires. Nous avons suivi les
travaux du ministère de la Justice et du Sommet de la justice. Nous
avons vu là quelques espoirs à l'effet que le gouvernement
pouvait éventuellement arriver, durant les prochaines années,
à des propositions fermes en ce qui concerne l'indexation et la fixation
des montants de pensions alimentaires à partir d'une charte ou des
barèmes que les juges pourraient suivre mais aussi à la mise sur
pied d'un système de perception automatique de pensions alimentaires, de
telle sorte que de très nombreuses familles monoparentales ne soient pas
mises entre parenthèses durant deux, trois ou quatre ans avant de
pouvoir toucher à leur pension alimen-
taire. Je pense particulièrement à toutes ces familles qui
ne sont pas sur l'aide sociale, qui n'ont pas de recours direct à une
perception auprès du père.
Quatrièmement, nous évoquons dans le mémoire la
clause de partage de logement à l'aide sociale. Nous pensons que c'est
une clause qui est inappropriée vu ses effets sur la dynamique
familiale, sur la capacité des parents à assumer de façon
responsable leur rôle parental, et nous pensons que nous ajoutons, avec
une mesure comme celle-là, la honte au dénuement. D'ailleurs, je
pense que vous aurez tous eu connaissance des sorties du Protecteur du citoyen
à cet égard et, pour nous, ce n'est vraiment pas un
investissement.
Nous évoquons aussi la possibilité de services de garderie
gratuits pour les familles dont le revenu serait inférieur à 125
% du seuil de la pauvreté, au moins durant les premières
années du développement de l'enfant. Nous sommes avisés
par les recherches que nous avons produites sur le continent
nord-américain du bienfait de l'effet extrêmement percutant de la
fréquentation de programmes de stimulation infantile et de la
fréquentation des garderies à très bas âge et, si
vous le voulez, nous pourrons explorer ensemble, à l'aide de graphiques
tout à l'heure, quels sont les effets au niveau psychologique, au niveau
social, mais, aussi, au niveau des coûts et bénéfices en
parlant de dollars. Et ça, je pense que c'est la vocation de votre
commission que de s'intéresser à cet aspect de la chose.
Nous pensons aussi que les programmes seraient mieux servis, les
citoyens seraient mieux servis et les ministères en auraient davantage
pour leur argent si nous avions ce qu'on appelle une approche territoriale
intensive, c'est-à-dire si tous les ministères accordaient leurs
violons pour arriver à identifier ensemble des territoires prioritaires
où les ministères accepteraient de mettre en commun un fonds de
dépenses, leur fonds de dépenses jeunesse, et où ils
pourraient donc planifier une enveloppe connue en matière de
prévention et de promotion du développement, de telle sorte que
les regroupements administratifs, comme, par exemple, les MRC, puissent devenir
des entités administratives où il y aurait possibilité de
procéder par immersion plutôt que par éparpillage des
montants d'argent et que par investissements superficiels de sommes
inadéquates. Voilà en ce qui concerne la première partie
de mon laïus.
La deuxième partie sera un peu plus brève: Comment
financer la prévention. J'ai lu vos documents. Je sais que nous ne
sommes pas dans un contexte où il faut ajouter beaucoup de millions pour
vous faire sourciller. Je pense cependant que l'on peut ensemble examiner un
certain nombre de stratégies qui pourraient éventuellement
aboutir à installer une culture de la prévention et de la
promotion au Québec qui, plus tard, nous éviterait de très
nombreux problèmes, nous éviterait d'amener les jeunes et les
enfants dans des institutions qui nous coûtent vraiment très cher
et que, de cette façon-là, on pourrait arriver à investir
plutôt que de dépenser notre argent.
Un, éviter les manoeuvres sectorielles étanches,
c'est-à-dire encore une fois consentir à la concertation, non
simplement dans les orientations de politiques, mais dans l'administration des
politiques. Exemple, nous avons eu dernièrement 42 000 000 $ qui ont
été investis dans le domaine scolaire. Nous avons,
hypothétiquement, durant les trois prochaines années, y compris
celle-ci, 26 000 000 $ nouveaux qui seront investis en matière jeunesse
au ministère de la Santé et des Services sociaux. Les
orientations de ces deux ministères sont très, très
semblables en vertu des principes de prévention, mais, sur le terrain et
sur la façon de définir les territoires, sur la façon de
définir les objectifs opérationnels, on ne voit pas de
«communalité». Et la synergie qui pourrait découler
d'une mise en commun de 26 000 000 $ et de 41 000 000 $, ça fait plus de
77 000 000 $ ou 67 000 000 $, ça fait peut-être 100 000 000 $
à 125 000 000 $. On ne sait pas comment calculer la synergie encore, les
modèles mathématiques ne sont peut-être pas assez
avancés, mais on sait que l'étanchéité
budgétaire d'un ministère à l'autre aboutit à des
opérations sectorielles qui ne sont pas des plus efficaces.
Nous insistons aussi, de nouveau, sur une connivence attendue entre le
fédéral et le provincial, mais ça, je laisse ça
à votre entier optimisme.
Troisièmement, nous pensons que, pour arriver à investir
d'une façon éclairée, dans le moyen terme, dans le long
terme et aussi dans le court terme, parce que les gens ont tendance à
penser que la prévention, on ramasse les effets dans 5, 10 et 15 ans;
une minute, c'est plus court que 15 ans. Les gens ont l'impression qu'on
investit pour dans 15 ans, mais on sait très bien qu'il y a des effets
à très court terme, en prévention, qu'on peut observer
dans les mois qui suivent l'intervention préventive. Mais pour ce, il
faut que les administrations régionales locales puissent avoir le loisir
de définir une enveloppe et de l'indexer de telle sorte que,
éventuellement, on puisse avoir un budget récurrent qui nous
permette une continuité dans nos actions, arrêter de
dépenser, encore une fois, pour investir.
Nous avons besoin aussi d'un financement créatif. M. le
Président, j'arrêterai là-dessus et, si vous voulez,
éventuellement, on parlera des valeurs qui sous-tendent toutes ces
propositions. Le rapport d'«Un Québec fou de ses enfants»
présentait à un gouvernement qui est à la recherche de
solutions originales une méthode de financement des opérations
préventives qui s'appelait «une caisse québécoise
d'aide à l'en-
fance». Cette caisse reposait sur trois sources: la
première, une taxe sur les produits violents et dégradants, qui
ne serait sans doute pas trop lourde parce qu'on sait qu'on tomberait vite dans
la clandestinité et les films pornos en dessous de la table; deux, une
contribution des citoyens et des citoyennes qui serait dégrevée
à 150 % d'impôt; trois, un emprunt de 10 ans à
l'intouchable Loto-Québec.
Ce que nous visons par cette proposition-là, c'est deux choses:
assurer une continuité dans le financement, mais, aussi, assurer un mode
de financement qui implique les localités, les communautés et les
citoyens dans une opération simple où les gens s'identifient
à un projet social important.
Ceci étant dit, je vous laisse le loisir d'opérer la
période des questions, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, M Bouchard
Alors, je vais reconnaître le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Merci, M. le Président. je veux souhaiter la
bienvenue à m. bouchard, madame, messieurs qui venez de nous faire une
présentation qui va au coeur même des préoccupations
à long terme qu'un gouvernement doit avoir.
De toute évidence, à partir du moment où vous
mettez l'accent sur la prévention, où vous faites ressortir la
productivité qu'il y a, à long terme, d'investir davantage dans
des mesures comme celles que vous préconisez, par opposition à
essayer, de façon défensive, de ramasser les pots cassés
dans 5 ou 10 ans, vous allez, effectivement, dans le sens de nos
préoccupations. Cependant, le problème très
immédiat de cette proposition - et j'en retiens les mérites, je
veux que ce soit extrêmement clair - il s'agit de voir jusqu'à
quel point, aujourd'hui, les moyens qu'on a nous permettent d'investir dans la
prévention avec les multiplicateurs que vous identifiez de 3 à 7
fois comme rendement d'un investissement dans la prévention.
Disons que ma tournure d'esprit peut-être un peu
arythmétique m'amènerait à vous demander d'où
viennent ces chiffres - je n'ai pas saisi, et je m'en excuse - d'où
viennent ces facteurs de multiplication de 3 à 7 sur 5 ans. Ils
(n'apparaissent énormes.
Évidemment, ça signifierait, au niveau que vous souhaitez,
par exemple, du réinvestissement de 178 000 000 $ additionnels dans les
programmes que vous avez décrits, une économie, dans 5 ans, de 1
250 000 000 $ dans le meilleur des cas, qui est une recette absolument
infaillible pour que vous soyez décoré du mérite national
dans les circonstances financières que nous traversons
M. Bouchard: M. le ministre.
M. Johnson: Alors, si vous pouviez éventuellement
élaborer là-dessus, ne serait-ce que dans cette mesure, parce
que, au-delà des 178 000 000 $, il y a également une
référence à la récupération de 100 000 000 $
qui se fait au titre de la sécurité du revenu, à la page
10, où vous vous demandez, par ailleurs, quels sont les efforts qu'on
fournit, du côté du ministère du Revenu, pour aller
chercher notre écot. Sachant qu'il y a plus de 6000 personnes au
ministère du Revenu qui s'assurent que tous les contribuables que nous
sommes paient absolument tous les impôts que nous devons, est-ce qu'ils
devraient être 8000 ou est-ce que les 6000 devraient travailler
différemment ou avoir d'autres cibles? Ça, c'est un autre
débat, mais c'est un débat de productivité celui-là
aussi. C'est un débat de prévention également dans ce
sens-là. (20 h 30)
Vous suggérez également - on parle de chiffres - de
déductibilité à 150 % jusqu'à 100 000 000 $
probablement de revenus, selon les sondages que vous avez effectués, que
les Québécois seraient disposés à verser au titre
d'activités de prévention comme celles que vous décrivez.
La question est de savoir, aujourd'hui et d'ici 5 ans, quelles sont les
priorités que nous devons retenir afin d'assurer une multiplication
maximale de ce qu'on appelle les investissements.
Vous reconnaissez que, dans l'éducation, auprès du
décrochage scolaire, par exemple, pour davantage assurer les chances de
succès d'enfants, il y a des investissements à consentir. Et ils
sont rentables, il n'y a aucun doute.
La question est de savoir quelle est la rentabilité relative des
différentes interventions que nous pouvons, évidemment, mettre
sur pied. Est-ce qu'on doit valoriser davantage - ça m'apparaît
être ce que vous souhaitez - je dirais, les valeurs sociales qui
définissent le rapport entre l'État, les gouvernants, donc, la
société et ses enfants? C'est ce qui est absolument fondamental,
évidemment, dans votre présentation. Et, si oui, à quel
stade de leur développement? Le plus tôt possible,
répondez-vous. Avons-nous les moyens de nous attaquer, là, de a
à z, de l'alpha à l'oméga, à toutes la gamme des
problèmes qui peuvent assaillir les familles ainsi
assiégées par des difficultés financières? Nous
avons déjà consenti plus de 1 500 000 000 $ depuis quelques
années, là - cette année, c'est 2 300 000 000 $ au titre
du soutien familial - pour toutes sortes de formes de programmes. Je le
reconnais, vous en souhaitez l'unification. Mais qu'il s'agisse du programme
APPORT d'incitation au travail, d'allocations familiales, des autres
dimensions, chacun de ces programmes vise une clientèle
particulière. Ne sont pas admissibles à APPORT qui veulent, mais
qui se qualifient. La même chose est vraie, évidemment, pour
l'ensemble des programmes
II y a donc, vous voyez, implicitement des
choix qui sont faits à la lumière des moyens dont nous
disposons. ce que le gouvernement poursuit, actuellement c'est peut-être
là-dessus que j'aimerais vous entendre - c'est l'identification du choix
le plus rentable qu'on puisse faire, autant au titre des finances publiques,
pour dégager des marges de manoeuvre qui permettent d'en faire davantage
là où c'est important, au titre des programmes sociaux et de
création d'emplois, qui sont évidemment les deux termes les plus
importants.
Nous avons donc à faire des choix. Vous venez de nous illustrer
le vôtre. Je pense qu'il vous appartiendrait de décharger le
fardeau de démontrer qu'il est plus rentable que d'autres choix que nous
pouvons faire ou que nous avons faits comme société. Si nous
avions décidé que les 1 500 000 000 $, vous vous imaginez, de
soutien aux familles avaient été orientés davantage dans
des interventions comme celle que vous souhaitez, on aurait pu
littéralement, avec un dixième de ce que nous avons fait, assurer
les 178 000 000 $ dont vous parlez, évidemment.
C'est peut-être là-dessus que j'aimerais vous entendre, sur
la considération et l'équilibre entre les actions à court
terme nécessaires pour équilibrer les finances publiques, si on
veut continuer à rencontrer les objectifs que vous décrivez, et
la rentabilité qu'il y aurait, malgré les difficultés des
finances publiques, de nous insérer dans une démarche de
dépenses additionnelles au titre de la prévention du mal, pour
employer le terme général, qui guette les familles
québécoises, comme vous le décrivez.
M. Bouchard: Oui. Dans le terme des priorités, M. le
ministre, je vous dirai que ce qui me semble le plus important - et je vais
revenir un tout petit peu, si vous le permettez, sur ce que je mentionnais tout
à l'heure - c'est l'idée d'arriver avec une masse critique
là où ça compte, autrement dit, un, d'éviter
l'éparpille-ment.
Ça ne fait pas très longtemps, me semble-t-il, que, dans
l'administration publique, on se penche sur l'à-propos et la pertinence
en même temps que le niveau d'efficacité maximale d'investissement
à un endroit donné, dans le domaine du social, en tous les cas.
C'est nouveau comme culture, mais je pense que c'est absolument
nécessaire qu'on insiste là-dessus.
Si le ministre aux Affaires municipales, celui au Loisir, Chasse et
Pêche, celui à la Santé et aux Services sociaux, celui
à l'Éducation, de connivence avec le Conseil du trésor,
arrivent, pour ne nommer que ceux-là, à un consensus sur un
découpage du territoire et une identification de là où
sont les besoins les plus grands, je pense que, avec une mission aussi claire
et aussi transparente que celle-là, vous auriez l'appui des citoyens
pour que certaines ressources, qui sont actuellement investies dans des
territoires et des populations qui sont peut-être moins en état de
besoin, puissent être orientées vers ces territoires-là.
Premier élément de réponse.
Deuxième élément de réponse: intervenir,
comme vous l'avez dit, rapidement, très précocement dans la vie
des enfants et dans la vie du rôle parental. Nous l'avons
mentionné tout au long du rapport, dans la mesure où nous sommes
capables d'aider les parents et les parents de très jeunes enfants
à préparer ces enfants à une carrière fructueuse
à la garderie, à l'école et, plus tard, à
l'école secondaire et au collège, nous sommes dans un territoire
fertile en termes d'investissement. Donc, intervenir aux bons endroits,
massivement et précocement.
J'ai mentionné tout à l'heure la question de
l'intervention massive. Elle me semble importante aussi au niveau des services.
Que les services se donnent des objectifs rigoureux et qu'ils les
évaluent en matière de qui ils rejoignent, comment Ils le font et
si le taux d'efficacité de leurs interventions est acceptable ou non.
Ça aussi, c'est une culture que nous n'avons pas encore beaucoup dans
nos établissements, celle de l'évaluation de nos interventions et
du changement des programmes qui sont devenus inutiles ou qui sont devenus
inefficaces.
Quatrièmement, j'ai comme fantaisie quelque part - sans doute que
cela en est une de plus - de penser que, si on arrivait à
détourner - excusez l'expression - 1 % du budget total du
ministère de la Santé vers la prévention et l'intervention
au niveau de la jeunesse, nous aurions là un budget de 100 000 000 $ qui
nous permettrait... Mais il faudrait l'identifier, il faudrait y tenir, il
faudrait que les ministères concernés et les partenaires puissent
également ajouter à cette cagnotte. Nous aurions là un
fonds de roulement en prévention qui serait très important, M. le
ministre, Ça représente entre 100 000 000 $ et 125 000 000 $ par
année, cette histoire-là, et ce n'est pas du nouvel argent, en
passant... Mais c'est vrai que ça prend, à l'intérieur de
notre culture d'intervention curative post hoc... et, une fois que la
catastrophe est identifiée, c'est vrai que ça prend du leadership
et un changement majeur dans nos moeurs administratives et dans nos objectifs
locaux et communautaires. Ça, je vous l'accorde. Je ne sais plus
où j'en suis dans mes «ièmement»...
Une voix:...
M. Bouchard: Cinquièmement? Merci, M. le ministre.
Je voudrais aussi souligner que, parmi les solutions de financement
à très court terme qu'on peut envisager - je reviens
là-dessus, c'est une marotte en même temps que c'est une cagnotte
- mais l'idée qu'on puisse avoir accès, en tant que citoyens,
à quelque chose qui nous rapporte, si ce n'était que
symboliquement pour commencer, mais en même temps qu'on pourrait avoir
accès à une contribution significative dans
l'amélioration de la qualité de vie des enfants en
très bas âge et de leurs parents par l'intermédiaire d'une
caisse nationale d'aide à l'enfance, je pense que ce n'est pas si
bête que ça dans votre scénario, parce que votre
scénario vise la responsabilisation des communautés et des
citoyens. Il vise en même temps à identifier des nouveaux modes de
financement.
Je ne suis pas un actuaire. Je ne sais pas combien ça va vous
coûter pour aller chercher 150 000 000 $ ou 116 000 000 $ par
année avec une telle équation - et je tiens les 116 000 000 $
d'un sondage. Est-ce que les gens sont tout a fait monteurs? À
moitié menteurs? Un quart menteurs? Mais toujours est-il que les gens
nous disent vouloir investir pour la cause des jeunes 116 000 000 $ par
année si le gouvernement montre un leadership fiscal en cette
matière-là. Ce n'est pas rien, puis, en même temps, c'est
une formule où vous, moi et les personnes qui ont un revenu arrivent
à s'insérer d'une façon concrète dans un
scénario d'amélioration de la qualité de vie des enfants.
Et ça, c'est à très court terme. À la prochaine
année fiscale, on peut le décider, on peut le faire.
Si vous permettez je vais revenir sur un autre aspect de votre question,
à moins que j'aie trop parlé, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Je vous laisse aller, M.
Bouchard. Allez-y.
M. Bouchard: Sur la question de comment on arrive à
produire du sept pour un, je veux corriger peut-être une petite erreur
d'impression. Ce n'est pas sur cinq ans. C'est peut-être une information
que j'ai glissée dans mon mémoire fautivement. Je ne sais pas si
elle apparaît là uu ailleurs, mais ce n'est pas sur cinq ans. Les
études dont nous disposons, c'est des études de suivi
auprès de cohortes d'enfants chez qui on est intervenu vers l'âge
de 3 ou 4 ans et qui ont maintenant 20, 22 ans. D'accord?
M. le Président, est-ce que je peux avoir l'aide de quelqu'un
pour distribuer ces graphiques?
Le Président (M. Audet): Certainement. M. Bouchard:
Bon.
M. Johnson: Les études de Hewlett et Schoor.
M. Bouchard: Par...
M. Johnson: D'après votre mémoire...
M. Bouchard: Oui. C'est une étude qui...
M. Johnson:... il s'agit des résultats des études
qui ont été menées... (20 h 40)
M. Bouchard: C'est une étude qui est rapportée ou
ce sont des études qui sont rapportées. Il y en a peut-être
sept, huit, là, des consortiums d'études longitudinales aux
États-Unis, mais l'étude dont je veux vous parler maintenant,
très brièvement, c'est une étude qui a été
menée sur une cohorte d'enfants qui ont maintenant, au moment où
on se parle, 22 ans, mais qui ont été suivis jusqu'à
l'âge de 19 ans.
Et vous allez, M. le ministre et les collègues de la commission,
recevoir des graphiques. Je vous invite à tourner les pages très
rapidement, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Un graphique qui s'intitule
sommaire des coûts et bénéfices, ratio 7. 01. C'est le
quatrième graphi que en partant... c'est le quatrième graphique
de la collection. Ce sont des histogrammes à l'horizontale? Ça y
est?
M. le ministre, la réponse est là. Elle n'est pas
fulgurante, mais elle est très encourageante. Ça coûte, en
moyenne, 4800 $, un programme de garderie, disons, de stimulation infantile,
bon programme riche, là, qui a de l'allure. On sauve, en termes moyens,
là, c'est-à-dire quand on compte... Quand on calcule le
coût moyen par enfant qui participe au programme, c'est-à-dire de
tous les enfants mis ensemble, y compris les échecs qu'on a avec un
certain nombre de ces enfants-là, on réussit à sauver 290
$ en services annexes aux garderies, on réussit à sauver 5113 $
en termes de services spécialisés en éducation. Parce que
ces enfants-là sont moins absents, ils requièrent moins de
services orthopédagogiques et auxiliaires de toutes sortes. On retire
aussi, en moyenne par enfant qui a fréquenté le programme, 642 $
de revenus entre 16 et 19 ans, l'effet Provigo-Métro-Steinberg, jadis.
On sauve en même temps, jusqu'à 19 ans, 55 $ d'aide sociale, en
moyenne, par enfant et, en termes de services juridiques, 1233 $.
Par ailleurs, comme ils vont à l'école plus longtemps,
ça nous coûte 704 $ pour les envoyer au collège et, si on
extrapole, à partir de leur niveau de diplomation, on calcule que, en
moyenne, puis là, ce n'est pas faramineux, hein, un individu... la
moyenne des individus qui participent à ces programmes auront
gagné quelque chose comme 25 000 $ dans leur vie active, comme
travailleurs, qu'ils auront donc contribué de 4000 $ à 5000 $ de
plus à la cagnote des taxes et des impôts, qu'ils auront
demandé 1800 $ de moins à la justice, en termes d'investissement
de temps et de service, qu'ils retireront 1500 $ d'aide sociale de moins, et on
arrive au 28 000 $, au ratio sept pour un.
Donc, M. le ministre, ce n'est pas sur cinq ans, hein. Cependant, comme
vous le mentionnez dans votre document, s'il faut penser à la
génération future, avec ça, on y est.
M. Johnson: Oui. Alors, bien, je vous...
Le Président (M. Audet): Brièvement, le
temps passe.
M. Johnson: Oui, évidemment, je vous remercie de la
précision, évidemment, sur la période de temps qui est en
cause, quoique les cinq ans, pour nous...
M. Bouchard: J'ai manqué une médaille.
M. Johnson: ...revêtent une importance évidente
quant à un horizon rendu auquel on pourra avoir la tête au-dessus
de l'eau au point de vue, évidemment, des déficits et des dettes
accumulées que tous ces enfants-là vont être obligés
de payer, incidemment, si on ne fait rien de spécial. Alors, ils
n'auront pas assez de 28 000 $ de plus de revenus pour payer les impôts
et les dettes additionnelles.
M. Bouchard: Oui.
M. Johnson: C'est un petit peu ça, le problème avec
lequel on est pris aujourd'hui.
Ce que j'aimerais vous demander, c'est de commenter sur le fait que,
dans le fond, à partir du moment où vous suggérez une
cohérence administrative, parce qu'il y a de ça, là, et
ça fait partie du mandat de la commission... Il n'y a pas de doute, vous
avez, par vos exemples, ciblé certaines clientèles, établi
une priorité par région. Vous avez battu en brèche le
principe d'universalité. J'aimerais, dans ce cas-là, qu'on
explicite davantage pourquoi l'universalité, ça ne tient
plus.
M. Bouchard: Bon. Alors, là, vous posez peut-être
une conclusion, à mon avis, un peu...
M. Johnson: Hâtive.
M. Bouchard: ...drastique. Ha, ha, ha! Il arrive que des services
soient donnés, des services courants, qui ne soient pas
nécessaires, dont l'ampleur est tout à fait justifiée et
justifiable pour l'ensemble de la population. On pense au système
d'éducation et d'accès gratuit au système
d'éducation. On pense au système de santé, où il y
aurait un minimum, qui reste à définir, d'après ce que
j'en conviens et d'après les opinions qui sont émises à
l'entour de cette table, sur les services de base à définir comme
étant des services universels. Il demeure que, pour certaines
populations placées dans des conditions à risque et de
très grande vulnérabilité, on a besoin de mettre davantage
d'énergie. Et les programmes psychosociaux de prévention ne sont
pas autrement que dirigés vers ces populations cibles ou ces territoires
cibles, ce qui veut dire, effectivement, que, pour une période
donnée, on devrait peut-être consentir à commencer par les
territoires les plus à risque, où on retrouve les familles les
plus vulnérables.
C'est ce que nous disons dans le rapport.
Pour les cinq premières années, concentrons-nous sur les
45 territoires de CLSC ou de MRC les plus amochés. Tranquillement,
après ça, on ajoutera dans le programme des services dans
d'autres territoires, et je sais que ça ne fait pas l'affaire de tout le
monde, mais il faut commencer par quelque part.
Bon. Deuxièmement, j'aborde dans le document la question de
l'universalité, mais à propos des allocations familiales, et
quand nous proposons un régime, quand je commente, plutôt, le
régime de prestations unifié pour enfants, je vais beaucoup plus
loin, personnellement, que les membres du groupe de travail ont
été. Personnellement, j'émets l'opinion que, si nous
voulons arriver à sortir un nombre significatif de familles de la
pauvreté, il faut arriver à une option sélective
là-dedans. Maintenant, où va être le plafond? À 60
000 $, à 70 000 $, à 65 000 $? C'est une autre histoire. Mais je
sais que l'opinion que j'ai maintenant n'est pas partagée; le
Québec est divisé en deux là-dessus.
Nous avons fait un sondage. Nous arrivons à 53 % des gens qui
sont pour les programmes sélectifs, donc, pour l'abandon de la fonction
universelle des allocations familiales, 47 % qui sont contre l'abandon, donc,
qui sont pour l'universalité, et les gens qui sont pour, M. le ministre,
vous les connaissez, c'est les gens qui ont des enfants et qui ont un revenu
moyen. Ça veut dire qu'il va falloir être drôlement
convaincants, si on veut avoir l'adhésion de ces gens-là, que,
lorsqu'on fera un régime de prestations unifié pour enfants, si
jamais on en fait un, et qu'on en fait un sélectif, c'est-à-dire
qu'on en fait un pour qu'il ne nous coûte pas plus cher, parce que les
scénarios qu'on connaît et qui seraient universels nous
coûteraient de 100 000 000 $ à 150 000 000 $ plus cher au
Québec, si on veut relever le niveau de revenus des familles des
travailleurs pauvres de 3000 $ à 4000 $, si on veut être
sélectif de cette façon-là, mais demeurer universels,
c'est-à-dire si on veut tout avoir, ça va nous coûter 150
000 000 $ de plus d'argent neuf.
Si ce n'est pas ça qu'on fait, si on n'a pas le choix de faire
autrement, il faudra garantir aux familles à qui on demande une
contribution d'abandon des allocations familiales ou du semblant d'allocations
familiales - en ce qui concerne le fédéral, en tous les cas, qui
impose ses allocations familiales - si on demande ça aux familles, il va
falloir qu'on leur démontre noir sur blanc que ça s'en va
vraiment vers les familles pauvres, puis qu'on fait une bonne job avec
ça. Autrement, vous n'aurez pas l'adhésion des citoyens et des
citoyennes, pas la mienne, en tout cas, M. le ministre.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Després: ...le rapport. Un chiffre, un chiffre...
Le Président (M. Audet): L'enveloppe de temps est
terminée.
M. Després: Un chiffre. Tout simplement... Le
Président (M. Audet): Est-ce que...
M. Després: Est-ce que vous me permettez, sur un chiffre,
par rapport au tableau?
Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le
député de Limoilou.
M. Léonard: Bien, c'est parce que des fois, ça
s'étire.
M. Després: Merci, M. le député de Labelle.
Le Président (M. Audet): Très brièvement.
M. Després: Oui, ce sera très bref. Tout
simplement, par rapport au tableau que vous avez exposé tout à
l'heure, sommaire des coûts et des bénéfices...
M. Bouchard: Oui.
M. Després: ...c'est basé sur combien de jeunes
qu'on a suivis...
M. Bouchard: II y a...
M. Després: ...de l'enfant jusqu'à l'adulte?
M. Bouchard: O.K.
M. Després: Je veux savoir: L'expérience est
basée sur combien de jeunes, tout simplement?
M. Bouchard: O.K. Cette expérience là, en
particulier, à laquelle je me réfère et qui est la...
M. Després: Oui
M. Bouchard: ...mieux documentée, c'est-à-dire
documentée dans le plus de détails, c'est, en tout, je pense, 123
enfants choisis au hasard dans une communauté, donc, divisés en
deux: un groupe expérimental et un groupe de comparaison, dans une des
communautés les plus pauvres de l'État du Michigan, entre autres,
une communauté noire sous-scolarisée,
sous-développée, vraiment le tiers monde de cette
communauté, un.
Deuxième partie de la réponse...
M. le Président, je vous en prie, une petite seconde...
Le Président (M. Audet):...
M. Bouchard: Je ne veux pas laisser planer le doute
là-dessus. C'est-à-dire que ça, c'est une
démonstration, c'est une illustration, mais il y en a comme ça,
avec Head Start Program aux États-Unis, des dizaines et des dizaines
qu'on pourrait vous amener, mais avec beaucoup moins de précision.
Le Président (M. Audet): Oui, merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Oui, M. le Président.
Alors, M. Bouchard, je suis très impressionné par votre
mémoire où, au fond, on évoque des idées qu'on n'a
pas l'occasion d'entendre très souvent et de voir étayées
très souvent, surtout. (20 h 50)
Alors, j'ai bien noté votre phrase du milieu de la page 4 qui dit
ceci. Je la lis pour mémoire: «II y a 30 % de chances qu'un enfant
soit pauvre si ses parents ont entre 15 et 24 ans. Ces familles
déclarent un revenu qui n'atteint même pas 60 % du seuil de
pauvreté...!» Ça, je pense que c'est une donnée
qu'on pressentait parce qu'on se rend compte que, finalement, dans notre
société, ce sont les jeunes maintenant qui sont pauvres, et de
façon très significative. Et puis, je ne veux rien enlever
à d'autres, mais il reste quand même qu'il faut constater que,
s'il y a une augmentation de la production nationale, de notre
productivité, ça doit aller vers cette classe de la population en
priorité. C'est vrai au plan de la mesure de la pauvreté, mais
quand on le reprend de l'autre côté, en termes de ceux qui
détiennent des emplois et de bons emplois, ce sont encore les jeunes qui
passent sous la table, comme on dit.
Alors, je pense que ça, c'est un fait drôlement important
et d'autant plus que là, on atteint pas juste les parents, mais les
enfants de ces parents et, donc, il y a double génération qui est
en... Il y a deux générations qui sont en cause par le fait
même, dans le même groupe, dans la même famille. Alors, je
pense que votre mémoire est une excellente contribution à cette
réflexion.
Maintenant, sur un autre plan, vous dites que vous prenez une vision
intégrative de l'intervention de l'État par rapport à ces
personnes. Quand je lis, quand je vous entends, je me demande comment des
fonctionnaires - puis sans aucun procès d'intention à leur
endroit - peuvent avoir une vision intégrative, pourraient intervenir
sur une personne et comment ça peut être efficace si on n'a pas,
par ailleurs, une approche très décentralisée de
l'administration de ces sommes et/ou de leur intervention.
Vous avez évoqué, à quelques reprises, le
ministère des Affaires municipales, mais je ne pense même pas
à cela. Je pense que la question se pose de ceux qui sont près
dans le milieu, parce que, si vous mettez plusieurs fonctionnaires ensemble
pour faire une seule tâche, au fond, ils doivent obéir à
des structures administratives assez différentes les unes des
autres.
Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que je
trouve que c'est un point important.
M. Bouchard: Vous avez évoqué peut-être la
moitié de la réponse en parlant du niveau local et de la
décentralisation. Je pense que la première partie de la
proposition est afférente à ça, c'est-à-dire que
dans la mesure où le pouvoir administratif est déplacé du
central vers les localités, il faut trouver là un leadership et
une organisation qui nous permettent d'avoir un accès multisectoriel au
problème. Je m'excuse du jargon, mais c'est ça. L'organisation
qui nous semble la plus appropriée, actuellement, c'est les
régies régionales. Si les régies régionales
gèrent des budgets...
M. Léonard: Mais, si vous êtes à la CUM, la
régie régionale est loin des quartiers où il y a des
problèmes.
M. Bouchard: Oui, oui, mais, si la régie régionale
gère un budget, qu'elle gère un budget identifié en
prévention et qu'elle arrive à administrer ce budget-là
d'une façon contingente aux actions concertées,
c'est-à-dire qu'elle dit: Voici, là, ceux qui veulent avoir
accès au coffre-fort, il y a quatre clés. Ça prend les
quatre clés pour entrer dans le coffre-fort. Ça en prend une du
ministère, une du scolaire, une du social, une du communautaire/ et
amenez chacun votre clé, puis tâchez que ça soit la bonne,
puis de vous entendre avant d'arriver parce que, sans ça, l'argent ne
sort pas.
Ce qui arrive, actuellement, M. Léonard, selon moi - et
là, je fais ça d'une façon un peu cavalière et
très caricaturale - c'est que les gens se battent pour une clé
pour entrer dans le coffre-fort, et celui qui la prend, il la cache dans son
manteau jusqu'à temps d'arriver au coffre-fort, et il se sauve avec la
cagnotte. Ce que ça nous prend comme action concertée va passer
par l'admission, dans l'administration même, d'une façon de
procéder qui est contingente à la concertation. Quand on aura
installé cette culture-là et que les gens auront vécu ce
qu'on a pu voir, nous, du groupe de travail pour les jeunes à La Mitis,
par exemple, où il y a une table de concertation qui roule d'une
façon extraordinaire, quand les gens auront goûté à
ça, quand ils auront vécu des expériences de succès
où, non pas les fonctionnaires seulement, mais les intervenants au
niveau du quartier, au niveau du village auront connu du succès avec
ça, ils vont le refaire.
M. Léonard: Mais cela nous amène à une
connaissance quasi personnelle des...
M. Bouchard: Des réseaux.
M. Léonard: ...disons, pas juste des régions, mais
des personnes en cause. La con- trepartie à cela, c'est que vous pouvez
avoir beaucoup de subjectivité dans les jugements qui sont portés
par rapport à un cas, et la difficulté administrative, il me
semble qu'elle grandit, elle risque de grandir au lieu de diminuer. Mais...
M. Bouchard: J'aurais plus craint d'un jugement subjectif
solitaire que d'un jugement subjectif solidaire.
M. Léonard: Oui, peut-être bien. Non, mais je ne dis
pas que... À ce moment-là, vous êtes obligé
d'être très local, puis, là-dessus, je voudrais... Est-ce
que vous avez eu connaissance qu'en Ontario les municipalités de
l'Ontario participaient...
M. Bouchard: Oui.
M. Léonard: ...disons, à l'assistance sociale, en
tout cas au moins sous certains de ses aspects et que, tout récemment,
elles s'en sont retirées? C'est l'État même qui
compenserait les municipalités, puis elles ne seraient plus au dossier,
de sorte qu'elles iraient en sens inverse de ce que vous dites.
M. Bouchard: C'est-à-dire que ce que je comprends de la
situation en Ontario, vous me corrigerez peut-être, là, ils ont
mis à l'essai un programme de développement de projets
préventifs enracinés dans les groupes communautaires et dans des
scénarios de concertation dans les régions. Ce sont les
régions qui doivent définir ce qu'il adviendra de ces programmes
de prévention. Moi, je n'ai pas eu connaissance que le gouvernement
ontarien a fait un recul là-dessus. Peut-être que ce dont vous
parlez, c'est que le gouvernement ontarien aurait pris dans la cagnotte
municipale les sommes d'argent pour les donner dans des projets qui, justement,
démontrent leur caractère de concertation. Effectivement, il y a
actuellement, en Ontario, 11 à 12 programmes dans 11 à 12
communautés différentes où on expérimente, dans le
vrai sens du terme, la concertation dans le domaine de la prévention, et
les échos que j'en ai sont plutôt positifs, M. Léonard.
M. Léonard: L'autre question...
Le Président (M. Audet): Vous pouvez y aller.
M. Léonard: ...que je voulais poser portait sur la
sélectivité.
Le président du Conseil du trésor a abordé la
question, mais vous, vous dites: Ce n'est pas la même intervention ou, si
je comprends, oui, disons, pas la même intervention selon les
territoires. Est-ce que vous pouvez préciser davantage?
M. Bouchard: Oui.
M. Léonard: Est-ce que c'est une question de niveau de
subvention, de personne, de méthode, etc. ?
M. Bouchard: Dans les réflexions que nous avons faites et
les études que nous avons menées pour «Un Québec fou
de ses enfants», nous étions tentés de proposer la
création d'un réseau de garderies éducatives, et
là, l'Office des services de garde nous a dit: Ne dites pas ça;
on est déjà un réseau de garderies éducatives. Mais
ce qu'on veut dire dans cette proposition de l'installation d'un programme de
stimulation infantile au Québec, c'est l'idée que, dans certains
quartiers, dans certaines régions - et on les connaît, on
connaît les rapports du Conseil des affaires sociales, on connaît
ses territoires il y a une concentration tout à fait particulière
et massive de familles qui tirent le diable par la queue. Or, très
souvent, ce sont des familles qui sont distraites de leur rôle... dont
les parents sont distraits de leur rôle, et on le sait. En passant, je
vous mentionne très vite que le premier prédicteur de la
dépression maternelle, c'est l'anxiété par rapport au
budget de fin de mois, et ça, il y a des études ça
d'épais pour nous le démontrer. or, on a affaire, donc, à
des enfants qui sont souvent placés dans des situations de
non-stimulation, de négligence marginale, mais de non-préparation
à la fréquentation du scolaire et la fréquentation du
social. dans ces quartiers, dans ces régions, il faut arriver à
investir davantage au niveau des relations entre le parent et les organismes et
des relations entre le parent et son enfant. il nous faut investir davantage au
niveau du soutien également du rôle parental comme accompagnateur
de son enfant. il nous faut investir davantage dans des programmes de
stimulation et de développement de la curiosité et du sentiment
de succès chez ces enfants. (21 heures)
Alors, il y a un effort spécial à consentir. Ça
veut dire qu'il y a des ressources en plus grand nombre qui devraient nous
venir des CLSC. Il y a plus de continuité d'intensité qui devrait
nous venir des groupes communautaires et il y a plus d'interventions massives.
Ça prend un an pour avoir les effets qu'on observe dans le Perry
Preschool Project ou dans ces projets semblables, où toute la gomme est
mise à mettre ces enfants sur la voie du succès. Et, quand vous
les avez mis sur la voie du succès, le «U-turn» est pas mal
plus difficile à faire, pas mal plus difficile à faire. On le
sait maintenant, on le sait. Il y a des études, encore, qui ont
été produites tout à fait dernièrement. Les enfants
tabasseurs, les enfants qui sont les petits - entre guillemets - les petits
«bullies» à l'école secondaire, bien, ils ont
déjà leur carrière d'amorcée au niveau de la
garderie. Et, là, on a besoin d'in- vestir; là, on a besoin de
faire des choses pour corriger la trajectoire dans laquelle s'engagent ces
enfants-là dès la prime enfance. Alors, oui, on a besoin d'un
investissement plus massif. Et, ce que je vous dirai, c'est qu'il n'y a pas de
solution à rabais; 1 $ en prévention, c'est exactement la
même valeur que 1 $ dans la salle d'opération, mais il n'est pas
placé au même endroit.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Montmorency.
M. Léonard: Bien, il n'y a pas d'alternance?
Le Président (M. Audet): Non, l'enveloppe de temps est
terminée.
M. Filion: C'est terminé. Alors, merci, M. le
Président
M. Bouchard, c'est un document très intéressant, bien
sûr. D'abord, je dois vous dire que l'idée de vouloir
intégrer toute la formule de financement des différents
programmes qui existent actuellement, je pense que c'est une idée qu'on
doit soulever et qu'on doit poursuivre, effectivement.
L'aide à l'enfance, je pense que c'est fondamental à toute
société. Dans ce sens-là, je trouve vos idées
intéressantes et, en même temps, je suis attiré, ma
curiosité est augmentée. Quand vous dites qu'on a besoin d'aide,
moi, je serais tenté de vous demander: Combien d'enfants au
Québec, actuellement, ont besoin d'une aide aussi impérative,
comme vous le dites? En nombre, nos enfants au Québec, combien on peut
dénombrer d'enfants chez nous qui ont vraiment besoin d'une aide
d'encadrement pour les aider à démarrer et à bien
fonctionner dans notre société? À combien vous les
estimez, en nombre?
M. Bouchard: Écoutez, cette question est à
l'étude actuellement. Nous avons une étude de Santé
Québec sur la santé mentale des enfants, qui nous
dévoilera sans doute qu'il y a 7 % à 8 % des enfants, comme en
Ontario, comme un peu partout ailleurs dans les pays occidentaux, qui ont
besoin qu'on intervienne d'une façon spéciale parce qu'ils
présentent des problèmes plus importants que les autres.
Actuellement, l'investissement en termes de protection, de
rééducation, de réinsertion et de réadaptation que
l'on consent au Québec dépasse les 500 000 000 $ par
année. Et là on sert à peine 2 % de nos enfants. Dans le
fond, on sait très bien, avec les études ontariennes et avec les
études américaines, qu'il y a six fois plus d'enfants qui
auraient besoin qu'on les rejoigne. Mais si on les rejoint par des
stratégies préventives à partir du moment où le
problème est à peine esquissé, au moment où le
problème est encore comme gérable - excusez ce terme - et
à partir du moment où les énergies de la famille
peuvent être mises à contribution - et non pas le
découragement de la famille mis à contribution - on a des
alliés, là, qui sont pas mal plus importants et qui diminuent et
la nécessité d'un invostissomont humain et la
nécessité d'un inves tissement budgétaire important. Ce
qu'il faut voir, c'est que ces 7 % d'enfants - là, je dis 7 %; on s'en
reparlera l'année prochaine, après les résultats de
l'étude de Santé Québec - 7 % ou 8 %...
Réjean...
Une voix: Oui.
M. Bouchard: ...je pense... Ça m'apparaît quelque
chose d'assez réaliste. C'est des enfants qui présentent un
état de vulnérabilité très grand. Ça ne veut
pas dire que tous vont développer des syndromes catastrophiques, mais
ça veut dire qu'il faut s'en occuper, et vite.
M. Filion: Le fléau, également, de la pension
alimentaire qui n'est pas versée à la famille monoparentale est
quand même un manque de revenus important qui crée sûrement
des problèmes au niveau de plusieurs familles au Québec. Si on
réglait cette partie de dossier qui, à toutes fins pratiques, ne
demande pas de fonds additionnels de l'État, on pourrait aider combien
de familles, grosso modo, qui se retrouveraient dans une situation de
rémunération assurée ainsi? Parce que je pense que le
manque à gagner d'une famille monoparentale... Que ce soit l'aide
gouvernementale qui ne vient pas ou la pension alimentaire qui n'est pas
versée, à ce moment-là, j'ai l'impression que si on
réglait cette partie de dossier là on pourrait quand même
faire un pas très important au niveau du nombre d'enfants...
M. Bouchard: Oui.
M. Filion: ...qu'on pourrait soulager.
M. Bouchard: Écoutez, je ne me permettrais pas de citer un
chiffre, j'ai un blanc de mémoire sur ce chiffre-là actuellement.
Je sais que, dans le rapport «Un Québec fou de ses enfants»,
vous avez un ou deux chiffres qui sont mentionnés à ce sujet dans
la proposition que nous avancions à ce moment-là. Peut-être
avez-vous déjà rencontré ou rencontrerez-vous Mme Signori
de la Fédération des femmes du Québec, qui doit avoir des
chiffres à ce sujet-là. Il y a une étude du
ministère de la Justice, qui a été menée en 1987,
que vous pourrez retracer facilement par votre service de documentation et qui
vous amènera à un pourcentage assez précis
là-dessus. Mais, je m'en excuse, je ne suis pas capable de vous le citer
de mémoire.
M. Filion: Une autre question que j'aimerais également
vous poser, c'est concernant votre innovation au niveau d'une caisse
québécoise d'aide à l'enfance.
Vous semblez dire que vous avez fait un sondage. Comment les gens
réagissent-ils? Ils seraient prêts à verser une somme
d'argent dans cette caisse-là et à obtenir un retour
d'impôt pour aider l'enlanco au niveau de la pauvroto ou bien c'est
l'enfance en général, selon le sondage?
M. Bouchard: c'est-à-dire que la question que l'on posait,
c'est: dépendamment d'un dégrèvement d'impôt de 150
%, est-ce que vous consentiriez à verser un montant - on avait de 0 $
jusqu'à 100 $ et plus par année - si cet argent était
investi dans des programmes de prévention pour prévenir les
problèmes graves chez les enfants et les jeunes? et dans le tout dernier
tableau, le tableau 1 que vous avez dans votre paquet de graphiques, vous avez
en détail ce que les gens, au sondage, nous ont dit vouloir donner, en
argent de 1991. ça, ça va dépendre en quelle année
ça va être installé.
M. Filion: Oui, c'est...
M. Bouchard: Ce qu'on a là, c'est un sondage. Les gens
nous disent: Oui, je serais prêt à contribuer, puis voici la
mesure que je serais prêt à mettre là-dedans. Il y a
peut-être quelque part du pétage de bretelles, et peut-être
qu'on en aurait seulement la moitié, mais la moitié de 116 000
000 $, ça fait quelque chose, 58 000 000 $.
M. Filion: Une autre petite question rapide, histoire d'avoir de
la précision au niveau de la pensée que vous vouliez
développer. Vous iriez même avec une taxe sur les produits
violents. Pour vous, un produit violent, c'est quoi?
M. Bouchard: C'est ce que vous trouvez dans les deux tablettes du
haut dans les clubs vidéo. C'est violent et c'est dégradant. Puis
c'est évalué par des censeurs, et c'est évalué par
des gens qui ont la compétence pour dire: Voici, ça, c'est xxxx,
xxx, xx. Il y a des précédents, dans certains pays comme en
France, par exemple, où on identifie ces produits. Ici, au Canada, on
est obligé de les identifier aussi pour les fins d'accès à
la consommation chez les mineurs et les majeurs. Il y aurait sans doute un
petit effort à faire, mais je vous garantis que, vous et un autre de vos
collègues, vous entrez dans un club vidéo et vous allez avoir un
accord de 100 % sur ce qui est violent et dégradant, seulement à
regarder l'affiche du film.
M. Filion: Dans ce sens-là, oui, mais vous pensez
uniquement à des films ou à autre chose également? Je ne
sais pas, au niveau des produits de consommation, par exemple.
M. Bouchard: Enfin, quand on en a discuté, on a
parlé en général des produits violents et
dégradants, mais on n'a pas été dans le kit porno
spécifique.
M. Filion: C'est parce que, quand on soulève, quand
même, une taxe à la consommation de produits particuliers, on
essaie de voir, d'abord, c'est quoi la masse taxable pour voir combien on peut
aller chercher d'argent et à quel taux on peut taxer ces
produits-là.
M. Bouchard: Écoutez, c'est une idée qu'on
émet, c'est une proposition qu'on fait. Et les études
actuarielles, là-dessus, on n'avait pas les moyens de les mener dans le
temps qu'on nous impartissait, mais probablement que ce sont des choses qui, du
point de vue technique, sont assez faciles à régler.
M. Filion: Ça va. Merci.
M. Bouchard: Mais c'est comme n'importe quelle taxe morale;
ça soulève des débats.
M. Filion: Comme la contrebande du tabac. On l'a
élevée pour arrêter la consommation, mais on a
provoqué un fléau social encore pire.
M. Bouchard: Oui, parce qu'on a dépassé une
limite.
M. Filion: Exact.
M. Bouchard: Ce n'est pas la taxe qui est le problème,
c'est la limilo.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, il nous reste
quelques secondes. C'est presque terminé. Alors, ça termine nos
échanges. Ça passe très rapidement.
Alors, au nom de la commission, je voudrais remercier les gens du
Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale. Merci beaucoup
de votre présentation.
Nous allons suspendre nos travaux environ deux minutes pour permettre
à la Confédération québécoise des
coopératives d'habitation de prendre place à la table. Merci.
M. Bouchard: Merci de votre accueil. Le Président (M.
Audet): Au plaisir. (Suspension de la séance à 21 h 9)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons nos travaux. J'invite maintenant la
Confédération québécoise des coopératives
d'habitation à prendre place, s'il vous plaît.
Alors, on vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je vous
rappelle brièvement nos règles. Vous avez 20 minutes pour nous
faire part de votre exposé et vous présenter. Ensuite, suivront
des échanges pour environ une quarantaine de minutes. Nous disposons
d'une heure. Alors, nous vous écoutons.
Confédération québécoise
des coopératives d'habitation (CQCH)
M. La voie (Garry): Mon nom est Garry Lavoie. Je suis le
président de la Confédération québécoise des
coopératives d'habitation, et mon collègue, à droite, est
le directeur général de la Confédération.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Lavoie: Alors, si vous le permettez, je vais démarrer
tout de suite.
Le Président (M. Audet): Allez-y.
M. Lavoie: Pour débuter, je vais peut-être vous
faire une présentation rapide de la Con fédération ou du
secteur coopératif en habitation.
Alors, le secteur de l'habitation coopérative au Québec
s'est développé principalement au cours des 20 dernières
années. À l'heure actuelle, il regroupe près de 1200
coopératives d'habitation réparties dans toutes les
régions administratives, sauf au Nouveau-Québec. Environ 60 000
personnes, représentant un large éventail
socio-économique, vivent dans 22 000 logements coopératifs. Ces
dernières années, le secteur coopératif de l'habitation
coopérative s'est consolidé en formant huit
fédérations régionales, elles-mêmes
regroupées à l'intérieur de la Confédération
québécoise des coopératives d'habitation.
Le secteur de l'habitation coopérative possède une
spécificité bien à lui dans le con texte
socio-économique actuel au Québec. D'une part, il se rattache au
mouvement coopératif dans son ensemble, et plus particulièrement
au volet des coopératives de consommation. Dans ce sens, les
coopératives d'habitation sont des entreprises possédées
et gérées collectivement par leurs membres usagers, à qui
elles garantissent l'égalité dans l'exercice du pouvoir et
l'équité dans la participation aux résultats. Se
rattachant au domaine immobilier, un des moteurs de notre économie,
elles contribuent à la création et au maintien d'emplois par
leurs activités de transactions et de gestion immobilière, de
construction et de rénovation.
D'autre part, les coopératives d'habitation sont également
associées au domaine du logement social Fn offet, In rjrande
majorité d'antre elles se sont vu confier, dans le cadre de programmes
fédéraux et provinciaux, la gestion de subventions sous forme
d'aide en fonction du revenu ou du supplément au loyer destiné
à permettre aux ménages à faibles revenus de se loger dans
des
conditions convenables et abordables. En mettant l'accent sur
l'éducation continue, le cinquième principe international du
coopératisme, les coopératives d'habitation permettent aussi
à des milliers d'individus, souvent exclus du système
institutionnel, d'acquérir des connaissances et des compétences
leur permettant d'effectuer un retour aux études ou sur le marché
du travail.
De fait, les coopératives d'habitation, dont les activités
couvrent plusieurs champs d'intervention, atteignent plusieurs des objectifs
que visent les gouvernements. Mentionnons, dans un premier temps,
l'amélioration des conditions de logement pour les ménages
à faibles revenus. Les coopératives d'habitation ont toujours mis
de l'avant la mixité socio-économique dans la composition de
leurs membres. Ceci dit, leur mission sociale et la disponibilité de
subventions gouvernementales les ont aussi amenées à mettre une
proportion élevée de leurs logements à la disposition des
ménages à faibles revenus.
Ainsi, dans le cadre d'une étude portant sur les
coopératives d'habitation au Québec, publiée par Christian
Champagne en 1988, on constate que, à l'époque, près de la
moitié des ménages vivant en coopérative gagnent moins de
15 000 $ par année, et près de la totalité des
ménages gagnent moins de 40 000 $ par année; 20,5 % des
ménages vivent de l'aide sociale; 12,3 % des ménages retirent une
pension de retraite; 55,3 % tirent leur revenu d'un emploi. Bien que ces
données datent déjà de cinq ans, la dégradation de
notre économie nous permet d'affirmer qu'elles donnent toujours un
portrait juste de la situation économique des membres des
coopératives d'habitation.
Un autre élément, c'est le soutien aux familles. La
même étude nous révèle encore que les
coopératives logent une proportion plus élevée de familles
que le marché privé. Ce qui est remarquable, toutefois, c'est la
proportion de familles monoparentales qu'on y retrouve: elle s'établit
à 30 % des ménages dans les coopératives d'habitation, en
comparaison de 13 % sur le marché privé. Or, les dernières
révélations de la Commission des droits de la personne nous
laissaient savoir, l'an dernier, que ce type de ménage - famille
monoparentale - était précisément celui qui se heurtait
à la plus grande discrimination pour se loger.
Par ailleurs, le Conseil de la famille présentait, en mai 1991,
un avis sur l'habitation «Agir avec les familles en habitation»,
duquel nous extrayons la citation suivante: «Le Conseil est d'avis que la
coopérative d'habitation constitue la forme d'aide au logement qui
responsabilise le plus les familles en leur procurant une stabilité
d'occupation des lieux tout en leur faisant vivre un apprentissage à la
propriété individuelle.»
Souvenons-nous de l'opinion émise il y quelques années par
l'association des diétiticien-nes, selon laquelle le coût
élevé du loyer était la raison première de la
sous-alimentation dans les quartiers populaires. Quand on connaît le lien
qui existe entre une mauvaise alimentation et les problèmes
d'apprentissage à l'école, entre autres choses, on peut
également conclure que, à leur façon, les
coopératives d'habitation contribuent à lutter contre le
phénomène du décrochage scolaire, si inquiétant
pour notre société.
En ce qui concerne l'intégration des communautés
culturelles, un autre des grands défis de notre société,
c'est l'intégration d'une variété de communautés
d'origines diverses et la lutte contre les phénomènes de
discrimination et de racisme dont elles sont l'objet. Encore ici, les
coopératives d'habitation font leur part. On relève en effet que
l'habitation coopérative accueille plus d'immigrants que les autres
types de logements au Canada; 24 % des membres des coopératives
comparativement à 16 % de la population canadienne.
Au niveau de la création d'emplois, selon une étude
publiée en 1992 par Clayton Research Associates pour le compte de
l'Association de l'habitation coopérative de l'Ontario, la
réalisation de chaque unité de logement dans une
coopérative contribue à la création de 2,2 emplois
permanents, en personne par année.
La prise en charge collective. Outre les éléments
mentionnés ci-dessus, on pourrait énumérer encore
plusieurs exemples illustrant l'apport des coopératives d'habitation
à la qualité de vie au Québec, tels que: la conservation
et la rénovation de quartiers anciens, la constitution de
collectivités stables et harmonieuses, la sécurité accrue
pour les individus, la promotion des femmes, etc. Ce qu'il importe de retenir,
toutefois, c'est que, à une époque où le discours dominant
dénigre l'État-providence et met de l'avant l'initiative
individuelle et ('«entrepreneur-ship», avec les échecs
retentissants que nous connaissons pourtant, la formule coopérative fait
discrètement la preuve que la prise en charge collective et les formules
globales offrent une solution de rechange extrêmement valable.
Enfin, l'Union des municipalités du Québec n'a pas
hésité à appuyer le plan de relance des
coopératives d'habitation présenté à l'automne 1991
par la Confédération et l'Association des groupes de ressources
techniques du Québec. N'oublions pas, la formule coopérative en
habitation, c'est la «success story» de milliers de personnes, pour
la plupart peu instruites et peu favorisées par la
société, qui, collectivement, possèdent et gèrent
un actif immobilier de plus del 000 000 000 $.
En ce qui concerne le caractère inaliénable des
coopératives d'habitation, un élément très
important: de par leur raison d'être et les principes qui
président à leur fondation, les coopératives d'habitation
constituent un\ patrimoine collectif, une propriété
impartageable.
Donc, jusqu'à présent, nous avons fait état aussi
de la double nature des coopératives d'habitation, à la fois
entreprises économiques et
logements sociaux. Il semble que la conséquence de ce statut
particulier, c'est que les coopératives d'habitation sont doublement
pénalisées dans le système fiscal actuel et perdent sur
les deux plans. Le but du présent mémoire est de vous faire
certaines recommandations afin de parvenir à un traitement fiscal plus
équitable pour les coopératives d'habitation et, en
conséquence, pour les ménages à revenus faibles et
modestes qu'elles représentent. (21 h 20)
La presque totalité des coopératives d'habitation se sont
développées grâce à des programmes de soutien des
deux paliers du gouvernement. Ces programmes, dont la mécanique varie,
prennent tous la forme d'une aide financière au fonctionnement et d'une
aide à la personne pour les ménages à faibles revenus. Or,
depuis février 1992, le gouvernement fédéral a
complètement aboli le programme des coopératives d'habitation et
a imposé des réductions budgétaires de plus de 50 % au
logement social. En date d'aujourd'hui, maintenant, on est à 58 % avec
la dernière annonce du gouvernement fédéral. De son
côté, le gouvernement québécois permet, par son
programme sans but lucratif privé, la réalisation de quelques
centaines d'unités coopératives chaque année et, en 1993,
ces dernières sont même remises en cause étant donné
les réductions dans les transferts fédéraux. De
façon concrète, le développement des coopératives
d'habitation est pratiquement éliminé.
Pour justifier ces décisions douloureuses, nos gouvernements
invoquent la récession économique, les déficits
accumulés, les exigences du service de la dette; en bref, le manque
d'argent. Or, si l'on compare le traitement budgétaire infligé
aux couches démunies ou modestes de la société, celles qui
n'ont pas accès à la propriété privée,
à celui dont jouissent les couches moyennes et supérieures, il
est difficile de croire les raisons que nous donnent nos dirigeants. En effet,
tant sur le plan des budgets alloués aux différentes formes de
logement que sur celui des abris fiscaux, on constate que l'État
réservé un traitement beaucoup plus généreux
à la propriété privée et aux couches les plus
favorisées de la société qu'au logement social ot aux
couches plus modestes. Comparons seulement ces données.
Selon le rapport annuel de la Société d'habitation du
Québec, les enveloppes budgétaires accordées aux
différentes formes de logement en 1991 s'établissent comme suit:
vous avez, au niveau du logement social, le tableau qui est
présenté dans le mémoire, pour arriver à un total
de 96 600 000 $; ça implique les budgets accordés dans le cadre
des HLM, des coopératives ou SBL, aux autochtones urbains et aux
autochtones ruraux. Et, à votre droite, vous avez le tableau du
programme d'accession à la propriété, où on voit un
budget de 313 000 000 $. Ces 313 000 000 $ proviennent d'une allocution du
vice-président de la Société d'habitation du
Québec, Jean-Louis Lapointe, lors du colloque de l'ACHRU à
Montréal.
Selon une étude sur les abris fiscaux réalisée en
avril 1992 par le Front d'action populaire en réaménagement
urbain, le FRAPRU, on apprend que le coût estimé de l'ensemble des
abris fiscaux immobiliers en 1981, au Québec, s'élevait à
825 000 000 $, selon le livre vert «Se loger au Québec». Une
projection basée sur la hausse du nombre de propriétaires et
l'augmentation de la valeur moyenne des propriétés permettait de
chiffrer à 1 500 000 000 $, pour les deux niveaux de gouvernement, le
coût de l'exemption des gains en capital sur les résidences
principales, en 1992, au Québec. L'absence de
rétroactivité à l'abolition, en mai 1992, de l'exemption
fiscale sur la vente de propriété autre que la résidence
principale aurait fait perdre 981 000 000 $ de revenus au gouvernement du
Québec en 1992. C'est donc par centaines de millions que le gouvernement
du Québec finance la propriété privée au profit des
classes moyenne et supérieure aux dépens du logement social et
des couches démunies et modestes de la société.
C'est pourquoi nous nous permettons, donc, de recommander à la
commission du budget et de l'administration de réviser la politique
d'abris fiscaux appliquée par le gouvernement québécois de
façon à ce que le coût de la récession et du
déficit budgétaire soit réparti plus équitablement
entre les différentes couches sociales et à dégager des
enveloppes budgétaires pouvant être consacrées au
développement du logement social et à la lutte contre
l'appauvrissement.
Un autre élément. Alors que le secteur privé de
l'habitation profite d'énormes subventions directes et indirectes sous
forme d'abris fiscaux, le secteur de l'habitation coopérative se trouve
exclu de mesures fiscales déjà accessibles à d'autres
secteurs coopératifs, mesures pouvant contribuer à un
développement plus autonome. Aussi, la Confédération
souhaite reprendre à son compte les recommandations émises par le
Conseil de la coopération du Québec dans un mémoire
adressé à l'honorable Gérard D. Leves-que et portant sur
la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère do l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie.
Ces recommandations se présentent comme suit: rendre le
régime d'investissement coopératif, le RIC, accessible à
toutes les coopératives non financières; permettre à
toutes les personnes physiques, membres de coopératives ou non,
d'investir dans le RIC; que les intérêts sur les titres
émis dans le cadre du RIC soient cumulatifs; que les ristournes
attribuées aux membres des coopératives non financières ne
soient imposables pour les membres qu'au moment où elles leur sont
payées comptant ou lors du rachat des parts; que soit créé
un fonds de financement des coopératives non financières et que
les sommes récoltées par ce fonds soient injectées
dans les coopératives, sous forme de prêts ou de parts
privilégiées; que les titres admissibles émis par un tel
fonds aient des attraits fiscaux équivalents à ceux
accordés aux titres émis par le Fonds de solidarité des
travailleurs du Québec et soient admissibles comme placement dans un
régime enregistré d'épargne-retraite.
En conclusion, notre mémoire avait pour but d'exposer la
réalité des coopératives, leur apport à
l'amélioration des conditions de vie et de logement au Québec, et
les inéquités budgétaires et fiscales dont elles font
l'objet. La Confédération s'associe aussi au FRAPRU et au Conseil
de la coopération du Québec pour faire certaines recommandations
que je viens de vous énumérer.
Le Président (M. Audet): Merci. M. Lavoie:
Merci.
Le Président (M. Audet): Je vais maintenant
reconnaître M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, en souhaitant la bienvenue à ces
messieurs dont je connais les activités un peu partout au Québec.
À tout le moins, vous avez des groupes, évidemment, dans chaque
région, qui se font fort de rejoindre les députés pour
leur expliquer en quoi consistent vos activités.
Le milieu de la coopération est très certainement une des
façons pour des citoyens de toutes les régions de prendre en
charge leur propre développement. La formule coopérative, dans
quelque secteur d'activité que ce soit, mérite évidemment
d'être retenue. En ce qui regarde l'habitation, qui vous préoccupe
davantage, il est entendu que, là aussi, ça assure une
stabilité sociale. Lorsque les gens sentent qu'ils ont investi
d'eux-mêmes et de leur argent, dans bien des cas - dans tous les cas -
ils ont tendance à raffermir - c'est bien évident, c'est le
témoignage que vous venez donner aujourd'hui - les liens qui les
rattachent à leur milieu, à leur village, à leur
environnement. Donc, c'est un gage de stabilité, à mon sens.
Lorsqu'on peut embarquer les gens dans une formule comme ça, qui
les oblige à se concerter davantage, par la force des choses, je pense
qu'on vient de créer un esprit extrêmement intéressant, qui
est probablement - on ne l'avait pas dit à l'époque - une des
caractéristiques distinctes, aussi, du Québec, où la
formule coopérative connaît de nombreux succès en
matière d'entreprises, dans les services financiers, on le sait. Et ce
dont vous venez témoigner aujourd'hui, c'est à l'égard de
l'habitation.
Mais il y a certaines de vos réflexions, quand même, qui
m'amènent à vous poser des questions sur, je dirais, les
caractéristiques du régime coopératif, là, que vous
envisagez ou que vous voudriez voir... Que vous envisagez, oui, au sens propre
du terme, c'est-à-dire: Comment voulez-vous que l'État vienne
davantage appuyer de telles initiatives en matière de logement? Je vais
tout de suite vous indiquer que je ne partage pas entièrement les
chiffres que vous avez mis de l'avant. Il m'apparaît que vous avez
cité peut-être incomplètement le rapport annuel de la
Société d'habitation du Québec. D'après ce que
j'ai, moi, comme renseignements, il ne faut pas oublier Logirentes ni les
Programmes de supplément au loyer; il y en a pour plus de 30 000 000 $,
là, seulement là. Alors, ça monte rapidement. Probablement
que les 96 000 000 $ devraient être de l'ordre de 135 000 000 $, ou
à peu près. Il ne faut pas oublier la contribution des
municipalités, évidemment, qui sont des partenaires, de
même que le gouvernement fédéral, dans beaucoup de ces
projets-là. Et, si on additionne tout ça, il y en a pour
au-dessus de 300 000 000 $; il y en avait pour au-dessus de 300 000 000 $ pour
l'année que vous citez, ce qui se compare, ma foi, avec les programmes
d'accès à la propriété qui ont également
pour but, là, il faut reconnaître ça, par une autre formule
que celle de la coopération, de permettre à des jeunes
ménages, normalement, d'avoir accès à la
propriété, de, par définition, trouver un endroit stable
où installer leur famille, de prendre conscience qu'ils sont
également des actionnaires du développement de leur
communauté ou de leur municipalité. Il y a des formules où
on souhaite beaucoup que les gens deviennent de véritables
propriétaires, en charge de leur propre développement. Une de
celles-là, c'est la coopération. (21 h 30)
Vous domando? dos changements qui m'ap paraissent majeurs, là, au
régime d'investissement coopératif, par exemple. D'abord, vous
voulez - par définition, là, il me semble - que ça soit
«extensionné» à des services personnels. Aujourd'hui,
on parle de coopératives de travailleurs; pour le RIC, on parle de
coopératives de production. Mais, là, on parle de
coopératives de services personnels; il devrait y avoir, dites-vous, une
subvention sous forme de régime d'investissement coopératif, un
peu comme le REA ou les SPEQ, subvention au loyer, en fait, au coût,
littéralement, de l'investissement dans le logement coopératif,
une subvention au loyer, entendu sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de
l'intérêt qu'on verse sur le prêt hypothécaire ou du
loyer qu'on verse à l'organisme qui est propriétaire. Il
m'apparaît que vous voulez transformer nos coopérateurs en
actionnaires ordinaires, d'autant plus que vous voulez ouvrir le RIC à
toute personne physique qui pourrait détenir des parts sociales,
même dans un immeuble à logements coopératifs qu'elle
n'occupe pas, qu'elle n'habite pas. Ça m'apparaît - j'aimerais que
vous m'expliquiez davantage - une transformation fondamentale du régime
coopératif.
Deuxièmement, à l'endroit des abris, ce que vous appelez
des abris fiscaux, il est entendu
qu'en matière de logement il y a eu longtemps ce qu'ils
appelaient les classes 31, les édifices à revenus multiples en
zone urbaine, qui ont été abolis il y a quand même de
nombreuses années. Le seul abri fiscal que vous maintenez - j'aimerais
que vous m'expliquiez pourquoi vous le ciblez - c'est celui du gain de capital
qui est exempté, évidemment, sur la vente d'une
propriété qui sert de résidence principale. J'aimerais que
vous me précisiez comment vous croyez qu'on devrait exempter, ou est-ce
qu'on devrait les exempter, les gens qui doivent vendre leur maison parce que
leur travail les oblige à déménager; les jeunes familles
qui doivent acheter une nouvelle maison pour loger leur deuxième ou
troisième enfant, pour tenir compte du fait que la famille s'agrandit ou
se rétrécit; des personnes âgées qui ont payé
toute leur vie l'hypothèque, donc le loyer de leur maison, et qui,
arrivées à la retraite, n'ont plus besoin d'une maison dans
laquelle, évidemment, ils ont élevé leur famille, donc ils
la cèdent et espèrent bénéficier du capital pour se
loger le restant de leurs jours, le tout, évidemment, sous une toile de
fond où l'inflation a donné une certaine valeur, une valeur
certaine, nominale, à cette résidence. Est-ce que vous verriez
des ajustements pour l'inflation?
Alors, mes questions visent à voir comment vous réglez le
problème d'une jeune famille qui part d'une petite maison, qui la vend
plus cher qu'elle ne l'a achetée pour s'acheter quelque chose de plus
grand qui coûte plus cher, de toute façon, que le prix auquel elle
vient de vendre la petite maison. Alors, non seulement c'est déjà
un problème apparent pour moi, mais on veut les taxer sur le gain qu'ils
auraient réalisé depuis quelques années. Alors,
évidemment, ça va à... Il m'apparaît que c'est
à l'envers de l'économie générale en matière
d'accessibilité à la propriété pour les gens.
J'aurais aimé que vous me précisiez. Donc, la
première question: Est-ce que vous voulez à ce point changer le
régime d'investissement coopératif pour qu'il ne soit plus
distinguable, si vous me passez l'expression, d'un régime d'actionnariat
pur et simple? Et, deuxièmement, comment traitons-nous les cas
très réels des familles, lorsqu'elles vendent leur maison et
déménagent dans une autre résidence?
M. Lavoie: Si vous le permettez, je vais répondre à
la première partie de la question sur le régime d'investissement
coopératif, et Jean-Pierre commentera les abris fiscaux, si on peut
dire, qu'on a touchés.
Pour le régime d'investissement coopératif, ce n'est pas
la création, si on veut dire, d'une forme d'actionnariat qu'on
amène à l'intérieur des modifications. Le régime
d'investissement est beaucoup plus des modifications qui sont apportées.
Ces modifications-là sont des recommandations du Conseil de la
coopération du Québec où on retrouve tous les secteurs
coopératifs, que ce soit les coops de travail, forestières,
scolaires, tout ça. Ce sont des modifications qui ont été
demandées aux deux paliers gouvernementaux au niveau du ministère
du Revenu, parce que ça implique des modifications. C'est deux
mémoires qui ont été envoyés ça fait environ
un mois de ça, directement aux deux ministères
concernés.
Le régime d'investissement coopératif en tant que tel, la
seule chose qu'on veut retrouver à l'intérieur, c'est la
possibilité qu'à la rigueur, si on prend l'exemple des
coopératives d'habitation, il pourrait y avoir des membres à
l'intérieur des coopératives d'habitation qui achèteraient
sous forme de parts privilégiées dans les coopératives
d'habitation et ils auraient les avantages que l'on retire au niveau du RIC.
Ça ne veut pas dire qu'ils deviendraient des actionnariats; au contraire
ça ne ferait que favoriser les gens qui auraient dans les
coopératives d'habitation un certain montant qu'ils pourraient investir
dans la coopérative. Ce serait même à l'avantage de
l'État de favoriser ou d'encourager les gens qui en ont la
capacité financière.
M. Johnson: C'est une autre sorte d'abri fiscal.
M. Lavoie: Pardon?
M. Johnson: C'est une autre sorte d'abri fiscal pour les
détenteurs...
M. Lavoie: C'est la recherche d'équilibre avec la
propriété individuelle, dans un certain sens, les avantages. Il y
a un élément très important, c'est que les
coopératives, ce n'est pas seulement les coopératives
d'habitation. Tous les autres secteurs ou l'ensemble des autres secteurs n'ont
pas accès très souvent aux abris fiscaux parce que le
régime fiscal n'est pas fait vraiment en fonction du type de
financem-ïnî qu'on peut retrouver dans la propriété
collective les coops de travail ou autres.
M. Johnson: M. Girard.
M. Girard (Jean-Pierre): Oui. M. Johnson, par rapport aux
chiffres, dans un premier temps, les questions que vous avez soulevées
concernant le rapport annuel de la SHQ 1991, il est bien entendu que les
chiffres qu'on vous a donnés ici, c'est la contribution du gouvernement
du Québec sur des programmes: programme sans but lucratif privé
et programme sans but lucratif public. Évidemment, on n'a pas
parlé des programmes d'aide aux personnes. Si on prend le
supplément au loyer, comme vous le savez, ça ne s'adresse pas
seulement à des gens qui résident dans des coopératives,
mais ça s'adresse également au marché privé. Donc,
il faut faire attention, à un moment donné, dans les nuances. Le
chiffre de 300 000 000 $ que vous avez pris, c'est l'en-
semble des contributions du gouvernement fédéral, des
municipalités et du Québec. Nous, ce qu'on met dans notre
mémoire, évidemment, c'est la seule contribution du gouvernement
du Québec, première des choses.
Deuxième des choses, concernant les abris fiscaux, nous, de
façon globale, l'argumentation qu'on développe dans notre
mémoire, c'est essentiellement l'équilibre qui existe ou le
déséquilibre qu'il y a actuellement à nos yeux entre un
certain nombre d'abris fiscaux - on en a cité un parce que c'est
à nos yeux le plus important - et le secteur, finalement, de support qui
est donné à d'autres formes de logements sociaux comme les HLM,
les coopératives ou les organismes sans but lucratif.
Des chiffres maintenant concernant les abris fiscaux, je me permets de
vous dire que ça fait déjà quelques années qu'on
demande au gouvernement du Québec de mettre à jour l'information
qu'on avait de 1980. Cette information-là n'est toujours pas disponible;
on trouve ça extrêmement déplorable. Donc, les chiffres que
vous avez dans le mémoire en ce moment, ce sont des extrapolations que
nous avons dû faire, des extrapolations qui ont été
vérifiées et corroborées avec des économistes,
enfin, des gens qui sont familiers avec la machine gouvernementale, mais on n'a
pas l'intention d'embarquer dans le débat que vous avez soulevé
par rapport aux différentes générations. La seule chose
qu'on peut se permettre de dire, à cette étape-ci, sur le
régime fiscal par rapport au gain de capital pour les
propriétaires de maison, c'est qu'à notre connaissance, quelqu'un
peut finalement avoir un gain de capital sur plus d'une résidence. Le
gain de capital, finalement, est limité à une transaction par
année, mais ça peut se répéter plusieurs fois.
Donc, il y a matière... Je suis d'accord avec vous qu'au cours d'une
vie, une famille va connaître différents états, mais,
évidemment... Nous, en tout cas, ce qu'on a comme information, c'est
qu'il y a plusieurs cas qui ont été utilisés à
titre d'abri fiscal, qui a servi beaucoup plus à de la
spéculation qu'étant une réponse à
l'évolution de la situation d'une famille. Voilà.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
Je voudrais à mon tour, bien sûr, saluer les
représentants de la Confédération québécoise
des coopératives d'habitation pour leur mémoire et les
éléments de réflexion qu'ils apportent à la
commission.
Je vais aller dans les petites questions au niveau plus structure, parce
que vous semblez vraiment aller vers une ouverture de structure fiscale pour
davantage intéresser les gens au mouvement coopératif. Mais le
mouvement coopératif de l'habitation, en principe, ça s'adresse
à des gens qui peuvent avoir un revenu qui se situe entre quoi et quoi,
en moyenne? Le revenu des gens qui peuvent bénéficier ou qui sont
généralement loges à l'intérieur d'un mouvement
coopératif, ça peut ressembler à quoi? Leur revenu
moyen?
M. Lavoie: On peut dire que 90 % des gens qui habitent dans les
coopératives d'habitation ont un revenu inférieur à 40 000
$, à l'intérieur de ça, vous retrouvez 52 % qui ont un
revenu inférieur à 20 000 $. Ce sont des chiffres qui datent de
1987. Pardon?
M. Chagnon: Pourriez-vous répéter vos chiffres,
s'il vous plaît?
M. Lavoie: 90 % des gens qui habitent dans les
coopératives d'habitation ont un revenu inférieur à 40 000
$, et vous avez environ 52 % de ces gens-là qui ont un revenu
inférieur à 20 000 $.
M. Filion: Et votre formule de location est
déterminée en fonction du revenu par famille ou par... Comment
ça fonctionne? C'est une tarification fixe? (21 h 40)
M. Lavoie: C'est très différent parce que les
coopératives d'habitation ont été financées dans le
cadre de différents programmes, à différentes
époques. Vous avez des coopératives d'habitation, comme celles
qui ont été créées dans les quatre dernières
années dans le cadre du programme provincial, le programme sans but
lucratif privé, qui, lui, tous les loyers sont déterminés
en fonction des revenus des gens, tandis que dans d'autres projets
coopératifs dans le cadre de programmes du fédéral, vous
avez certaines coopératives qui ont un loyer du marché...
M. Filion: O.K.
M. Lavoie: ...ça s'appelle le programme PHI, c'est le
dernier programme qui a été aboli l'année passée;
le loyer du marché est déterminé et, à
l'intérieur de cette coop, il y a un certain nombre d'unités de
logement qui peut aller jusqu'à 50 % des unités où,
là, il y a une aide à la personne; c'est le supplément au
loyer, qu'on appelle. Vous avez d'autres types de coopératives. Mais,
globalement, toutes les coopératives sans exception, toutes les
coopératives d'habitation sont des coopératives sans but lucratif
à possession continue et sans capitalisation individuelle. C'est le
concept...
M. Filion: Coopératif. M. Lavoie:
...coopératif... M. Filion: Dites-moi...
M. Lavoie:... au Québec.
M. Filion:... vous semblez vouloir ouvrir, effectivement,
à des membres qui n'habiteraient pas les coopératives. Il y a des
gens qui pourraient investir dans le mouvement coopératif sans vraiment
y habiter. C'est ça, l'esprit dans lequel vous aimeriez qu'on
s'enligne?
M. Lavoie: Non II faudrait peut-être... Ce qui porte
à confusion, c'est que, à l'intérieur de ce
mémoire-là, on soulève une comparaison avec les abris
fiscaux. Ce qu'on veut souligner à l'intérieur de cette
comparaison-là, c'est qu'on croit qu'il y a une certaine
inéquité au niveau du partage de la richesse. Dans un contexte
où le gouvernement nous dit qu'il y a un déficit, qu'il y a des
problèmes, qu'il faut couper, on coupe drastiquement, surtout depuis les
deux dernières années; et même, je dirais, si on remonte
aux cinq dernières années, il y a eu des coupures continuelles
non seulement au niveau du provincial, mais aussi au niveau du
fédéral. Il y a eu des coupures drastiques.
Nous, ce que l'on dit à la commission aujourd'hui, c'est:
Pourquoi couper autant au niveau du logement social lorsque, avec tout l'apport
que ça apporte en termes de logements abordables, lorsque, au niveau des
abris fiscaux, il y a encore quand même une très grosse partie de
la richesse qui est dirigée vers là? On ne veut pas attaquer ou
dire que les abris fiscaux, en général, devraient être
abolis. Ce qu'on veut amener au ministre, c'est qu'on pense qu'il y a certains
montants... ou même les abris fiscaux en général, dans
certains cas, pourraient être limités.
Je ne veux pas partir un débat sur les abris fiscaux ici. De
toute façon, on n'est pas des spécialistes au niveau des abris
fiscaux. Mais on pense qu'il pourrait y avoir un certain contrôle dans
certains des abris fiscaux qui pourrait permettre de dégager des
montants et de les diriger au niveau de programmes de développement
coopératif. Ça, c'est une partie du mémoire.
L'autre partie, qui traite beaucoup plus des recommandations qui
proviennent du Conseil de la coopération du Québec, qu'on
s'approprie aussi aujourd'hui, c'est d'essayer d'avoir une vision aussi
à long terme du développement du secteur coopératif en
général et, dans notre cas, du secteur de l'habitation
coopérative. C'est une dos raisons pour lesquelles on appuie fortement
une des recommandations, qui est la constitution d'un fonds de
développement coopératif, un peu sur le même principe que
le Fonds de solidarité. Ce qu'il est important de souligner, c'est que
le Fonds de solidarité n'investit pas dans le déve-loppement fins
coopératives on tant que tel. Alors...
M. Filion: Oui, mais j'ai un peu l'impression, dans votre
mémoire, que vous voulez mélanger abri fiscal et vocation pour
laquelle on avait développé le logement coopératif. Quand
on a créé le Fonds de solidarité des travailleurs,
c'était pour leur permettre d'accumuler des fonds et de
bénéficier de retours sur investissements intéressants
dans le futur qui auraient une vocation très spécifique. Mais la
vocation du mouvement coopératif, c'est une vocation pour permettre le
logement. Alors, si je comprends bien, vous aimeriez mélanger abri
fiscal dans le mouvement coopératif pour pouvoir grossir davantage le
mouvement coopératif. C'est ça? Aller chercher une ponction
fiscale des investissements dans le secteur privé pour relancer
davantage ou pour développer davantage le mouvement coopératif
à son maximum? C'est dans ce sens-là?
M. Lavoie: Vous parlez au niveau du RIC et du fonds
coopératif, là?
M. Filion: Oui, parce que vous semblez vouloir l'ouvrir vers un
abri fiscal.
M. Lavoie: Oui, on veut ouvrir l'outil, !e RIC, l'élargir
à d'autres secteurs coopératifs, parce qu'actuellement il est
tourné plus vers les coops de travail en général, et on
veut permettre la création d'un fonds d'investissement, si on peut dire,
dans le milieu coopératif. C'est évident qu'on veut que ces deux
fonds-là aient les mêmes avantages fiscaux que d'autres fonds qui
investissent dans l'entreprise ou dans d'autres types d'intervention. C'est
ça qu'on vise. Je ne vous dis pas que ces deux fonds-là vont
permettre la création demain de 2000 unités de logement
coopératif en habitation qui vont rejoindre les gens à
très faibles revenus. Ce que l'on vise, au même titre que le
Conseil de la coopération du Québec, c'est de s'approprier, de se
donner des outils d'investissement ou des outils de dévelop pement qui
vont nous permettre, à la rigueur, si on les ramène aux
coopératives d'habitation, dans certains cas...
Les coopératives d'habitation, souvent, la difficulté dans
le financement hypothécaire - seulement un des aspects, il y a plusieurs
autres difficultés - c'est d'aller chercher la mise de fonds en tant que
telle, parce que les gens ne peuvent pas, n'ont pas la liquidité, n'ont
pas l'argent à investir parce qu'ils n'ont pas assez de revenus. Dans ce
cas-là, ils pourraient investir la partie do mise de fonds au niveau
d'une hypothèque
Je vous donne juste un petit exemple. Il y aurait d'autres
possibilités au niveau des structures financières. Il y a des
discussions, entre autres, sur des concepts hypothécaires auxquels on
n'a pas accès, actuellement, parce que les institutions
financières... Il y a seulement un concept qui est l'hypothèque
traditionnelle. Dans le cas de fonds qui auraient des montants d'argent sur du
plus long terme, ils auraient des
possibilités de développer certains concepts. Je vous
donne l'hypothèque à paiement progressif, qui est un autre type
de concept qui a été étudié par le Mouvement
Desjardins à une certaine époque. On a élaboré
aussi, au niveau du fédéral, le programme d'hypothèque
indexée, qui est un autre type.
Alors, ce qu'on veut amener à l'intérieur des
recommandations du Conseil de la coopération du Québec, c'est
d'essayer de développer des outils de développement qui
n'existent pas en tant que tels dans le secteur coopératif en
général.
M. Filion: Est-ce que vous pensez que ces changements-là
pourraient permettre des rentrées de fonds quelque part pour
l'État? Parce qu'on sait qu'on recherche, actuellement, à
rationaliser les dépenses publiques. Si on y va vers un
élargissement d'abris fiscaux pour le mouvement coopératif,
à ce moment-là, ça va coûter des sommes
additionnelles à l'État parce que le retour d'impôt, il va
falloir le payer quelque part Alors, avez vous une idée si ces
mesures-là, dans l'ensemble, vont coûter davantage à
l'État que l'État ne va pouvoir, à toutes fins pratiques,
à moyen terme, stabiliser ses dépenses publiques par des coupures
qui semblent vouloir se manifester, compte tenu de la conjoncture
économique que l'on vit? Est-ce que vous vous êtes fait une
idée?
M. Lavoie: Écoutez, les abris fiscaux, c'est
évident que si le gouvernement a à prendre une décision
là-dessus, il aura à évaluer l'impact. Tous les abris
fiscaux, généralement, lorsqu'ils ont été mis sur
pied, c'est parce qu'il y avait des objectifs à l'arrière de ces
abris fiscaux. Dans certains cas, ça a été un
échec. L'exemple que M. Johnson soulignait, les MURB ou la classe 38,
ça a été un échec. L'exemple des abris fiscaux qui
ont été abolis par le gouvernement fédéral,
l'année passée, au niveau des propriétaires non occupants,
qui équivalaient à peu près à 1 000 000 000 $,
s'ils ont été abolis, c'est parce qu'on s'est aperçu qu'on
n'avait pas atteint les objectifs qui étaient visés, à
l'époque, qui étaient fin stimuler un parc de logements
suffisants ot abordables.
Nous, on dit et on pense qu'en créant le fonds des
coopératives et en ouvrant, en élargissant le RIC, oui, il y
aurait des retombées qui seraient de plusieurs ordres. Je ne pourrais
pas vous donner quelles seraient les retombées au niveau des
coopératives de travail, mais il y aurait la création d'emplois,
la possibilité de créer plusieurs coopératives de travail.
Dans d'autres secteurs, ce serait beaucoup plus aux autres secteurs à
venir vous l'expliquer. Au niveau des coopératives d'habitation, ce que,
nous, on vise beaucoup plus, c'est de trouver des structures financières
différentes avec ces fonds qui nous permettraient, à la rigueur,
de dévelop- per certains projets coop. Ça ne veut pas dire que le
RIC ou le fonds des coopératives va résoudre le problème
du logement abordable qu'on prône au niveau des coopératives
d'habitation, c'est seulement un aspect.
On essaie d'élargir les possibilités, mais c'est clair
qu'au niveau des coopératives d'habitation - et vous le saurez vers la
fin du mois - la Confédération, le mouvement coopératif,
tous nos partenaires, nous allons présenter un projet au ministre des
Affaires municipales, Claude Ryan, et à la Société
d'habitation du Québec dont relève le ministre, ou le contraire
plutôt, un projet d'investissement du gouvernement dans le
développement des coopératives d'habitation, un programme. Ce
programme-là, il n'est pas encore déposé, mais il devrait
être complet lorsqu'on le présentera.
M. Girard (Jean-Pierre): Peut-être...
Le Président (M. Audet): Si vous voulez ajouter. (21 h
50)
M. Girard (Jean-Pierre): Oui, peut-être deux
éléments d'information. Le premier élément, aux
questions que vous avez soulevées, il est important...
Je prenais connaissance, avant de venir ici, du mémoire qu'a
présenté Claude Béland, au nom du Mouvement Desjardins. Un
des éléments, je crois, qui ressort beaucoup de Desjardins, de
l'évolution et de la croissance du Mouvement Desjardins au
Québec, c'est la prise en charge collective qui a
caractérisé Desjardins. Évidemment, notre réseau...
On arrive, nous, peut-être avec 70 ans de retard sur Desjardins. On date
seulement de 1973, les premières coopératives d'habitation au
Québec. Ce qu'on demande par rapport à la fiscalité,
finalement, ce sont des moyens comme ceux dont peut disposer Desjardins,
notamment sur le plan de la capitalisation. Parce que Desjardins peut
maintenant profiter des parts permanentes et, du côté des
coopératives d'habitation, bien, on aimerait ça,
éventuellement, avoir des outils fiscaux nous permettant
d'améliorer la capitalisation des coopératives
II est bien Important, comme l'a rappelé mon président,
que ça ne règle pas la problématique sociale à
laquelle s'adressent fondamentalement les coops d'habitation depuis 20 ans,
à savoir loger des personnes à faibles revenus. Ce n'est pas par
la fiscalité qu'on va être capable de régler ce
problème-là, et ça, je crois que notre mémoire le
démontre très clairement.
Il y a peut-être un autre aspect sur lequel je voulais revenir par
rapport aux interventions de M. Johnson, tout à l'heure. C'est
concernant, finalement, l'investissement qui est fait dans ces
programmes-là des coopératives d'habitation. Il y a des
études qui nous ont démontré, chiffres à l'appui,
que l'investissement qui est mis par
l'État dans des programmes de coopératives ou d'organismes
sans but lucratif dans le domaine de l'habitation, finalement, c'est un
investissement qui est beaucoup plus intéressant à long terme
pour l'État que les investissements qui sont mis, par exemple, dans des
programmes de supplément au loyer sur le marché privé. Les
études nous démontrent que, sur une période de 15 à
18 ans, l'État récupère ce qu'il a mis dans le logement
coopératif.
Une autre caractéristique aussi extrêmement importante des
coopératives qu'il ne faut pas perdre de vue, et c'est bien
démontré dans la Loi sur les coopératives, c'est le
caractère inaliénable des coopératives, à savoir
que c'est un patrimoine collectif qui est impartageable. Il n'y a pas de
spéculation, il n'y a pas de façon individuelle de
récupérer ce qui est dans les coopératives. Ça, on
insiste pour le dire ici. L'investissement que l'État fait dans
ça, c'est un investissement qui reste, c'est un investissement qui ne
sera pas individualisé à aucun moment.
Le Président: (M. Audet): Merci. M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Merci, M. le Président.
L'idée force de votre mémoire et de votre mouvement,
d'ailleurs, c'est la responsabilisation des citoyens qui occupent
particulièrement des logements coopératifs. Je pense que vous
avez en grande partie raison, surtout si on les compare à d'autres
investissements publics du type HLM, par exemple. Il m'apparaîtrait plus
avantageux, pour faire en sorte de responsabiliser davantage les locataires de
ce genre d'unités d'habitation, de faire en sorte d'avoir davantage de
coopératives que de constructions de HLM. Mais, dans la
réalité, il appert que certaines carences ou, du moins, certaines
problématiques se soulèvent avec l'administration de logements
coopératifs.
Par exemple, dans le centre-ville de Montréal, on remarque que
parmi les premières coopératives - je pense à celles de
Milton Park, entre autres - les gens, qui ont commencé à y
habiter depuis maintenant près de 20 ans, ont vu leurs revenus
substantiellement s'améliorer et ils ont un plancher de coût de
logement qui est nettement inférieur au prix du marché ou au prix
qu'on retrouve un peu partout. C'est là un avantage pour quiconque a des
revenus relativement petits.
Vous disiez vous-mêmes que 10 % des gens qui sont des utilisateurs
des coopératives gagnent 40 000 $ et plus par année. Est-ce que
ça ne vient pas un peu jouer à rencontre du rôle social que
vous avez voulu démontrer à l'égard du coopératisme
en matière de logement? D'autre part, si l'idée force est la
responsabilisation des gens, est-ce qu'il n'y aurait pas davantage, de la part
du gouvernement, un intérêt à faire en sorte d'aider les
gens à acquérir une propriété privée? Une
propriété privée, quand on regarde à
Montréal où 75 % des gens sont locataires, ça
implique que les gens qui sont locataires ou même en coopérative
n'auront pas cet acquis ou cet apport financier que la propriété
vous amène lorsque vous la vendez. On remarque que, dans les transferts
«intergénérationnels» - on l'a évoqué
ici plus tôt - il y a des problèmes majeurs qui vont faire, comme
un mur, se frapper les jeunes d'aujourd'hui. Quand 75 % des gens sont
locataires, c'est évident qu'il n'y aura pas de transmission entre ces
générations d'un capital qui, généralement, est
fabriqué à partir d'une propriété.
Est-ce que ce n'est pas là un frein à l'idée
même du coopératisme en matière de logement, même
s'il devrait être substitué, à mon avis, à la
construction de HLM?
M. Lavoie: Est-ce que vous pourriez... Le sens de votre question,
là... Vous êtes parti des HLM et vous avez comparé...
M. Chagnon: J'ai dit: Vaut mieux construire des
coopératives que des HLM parce que c'est une façon nettement
avantageuse sur le plan de la responsabilisation des individus qui vont les
occuper. Mais, d'un autre côté, si on regarde le rôle que
l'État doit tenir en matière de loge ment, est-ce qu'il n'est pas
préférable de voir l'État s'intéresser davantage
aux coopératives qu'aux HLM, mais aussi davantage à
l'accès à la propriété privée, de
façon à permettre aux gens d'avoir la possibilité de
transférer un capital d'une génération à l'autre,
ce qui est à peu près impossible pour 75 % des gens qui habitent,
par exemple, Montréal où 75 % des gens sont locataires?
M. Lavoie: Écoutez, je pense que la responsabilité
de l'État est d'intervenir à ces trois niveaux-là, que ce
soit au niveau des HLM ou des coopératives ou de favoriser l'accession
à la propriété.
Sur les coopératives d'habitation, je dirais que leur raison
d'être au Québec - et, je dirais, dans l'ensemble du Canada -
c'était de répondre à un besoin de logements abordables,
de répondre aussi à d'autres niveaux, je dirais au niveau de
sécurité d'occupation, au niveau de la prise en charge.
C'était en vue de répondre à ça.
On n'est pas contre le désir des gens d'accéder à
la propriété individuelle. Mais la clientèle qu'on
retrouve dans les coopératives, il faut bien la situer. Tantôt,
quand je soulignais que 90 % des gens étaient en bas de 40 000 $,
j'aurais peut-être dû préciser qu'il y a environ 98 %
lorsqu'on va à 50 000 $. Il y a très peu de gens, et c'est
prouvé, qu'on retrouve à l'intérieur des
coopératives qui ont un revenu supérieur à 50 000 $. C'est
évident que, si on connaît quelqu'un qui a 50 000 $ ou 55 000 $
dans une coopérative, ça nous amène souvent,
peut-être, a généraliser, a dire qu'il y a d'autres
exemples
Les exemples de gens à très hauts revenus sont très
rares. Généralement, les gens accèdent à la
propriété individuelle. Ils quittent et vont à la
propriété individuelle. C'est pourquoi on retrouve
généralement toujours ce pourcentage en termes de revenus.
Je ne sais pas si je réponds à la question que vous amenez
parce que, quand vous situez les trois niveaux, accession à la
propriété, coopératives, HLM, je pense que les HLM
répondent à un besoin au niveau de notre société,
les coopératives d'habitation répondent aussi à un besoin
et l'accession à la propriété, c'est évident, c'est
un désir de beaucoup de Québécois, lorsqu'ils en ont les
moyens.
M. Chagnon: Mais comme les clientèles, comme vous le
dites, de HLM et une grande partie des clientèles de coopératives
sont des clientèles dont les revenus sont relativement bas, n'y
aurait-il pas lieu ou ne serait-il pas préférable de construire
des coopératives plutôt que des HLM, ne serait-ce que pour
responsabiliser davantage les gens qui vont occuper ces logements?
M. Girard (Jean-Pierre): La réponse à ça,
finalement, c'est que, nous, on croit que ça prend un pluralité
do formules pour répondre à une pluralité do bosoins. Cost
aussi simplo quo ça. Il y a des gens qui ont besoin...
M. Chagnon: Est-ce qu'on peut pluraliser la responsabilisation
des citoyens?
M. Girard (Jean-Pierre): Non. Quand vous parliez, tout à
l'heure, de comparaison entre HLM et coopératives... Peut-être
que, dans certains contextes, la formule coopérative est plus
intéressante en termes de prise en charge, effectivement, mais il y
d'autres cas...
Nous, on favorise l'existence de différentes formules. C'est bien
évident qu'on est convaincus de la formule coopérative; ça
a fait ses preuves dans plein de domaines, ici, au Québec. Je pense que
l'élément qu'il faut retenir par rapport à la question que
vous souleviez tout à l'heure, c'est finalement la question des tranches
de revenus auxquelles on s'adresse. Les gens qui sont dans nos
coopératives, la grande majorité des gens n'ont pas la
capacité d'accéder à la propriété
individuelle. Ils ont la capacité d'accéder à la
propriété collective. Nous, on a la prétention de dire que
la coopérative d'habitation est une forme de propriété
collective, dans le sens que ça amène les gens à s'occuper
de la gestion de leur unité.
M. Chagnon: Oui, mais, dans un cas comme dans l'autre, la
coopérative ou le HLM est financé par l'État.
M. Lavoie: La coopérative est financée de
façon beaucoup moins importante que le HLM. Les coopératives
d'habitation... Là, on peut entrer...
Il y a différents types de programmes qui ont financé des
coopératives d'habitation. Actuellement, le programme qui existait
jusqu'en 1985, que le gouvernement provincial avait financé, qui
était, dépendamment des régions d'où on vient, le
PIQ ou le programme intégré, où on retrouvait Loginove et
Corvée-habitation, c'était seulement une partie de la subvention
du capital qui était amenée par le gouvernement provincial; le
reste était une hypothèque dans le privé.
La coopérative, dans son financement, c'est seulement une portion
du financement global qui provient de l'État; le reste, c'est dans le
privé, au même titre qu'un propriétaire individuel.
Le Président (M. Audet): Cela termine l'enveloppe de temps
qui était dévolue à votre formation, M. le
député. (22 heures)
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
D'abord, je tiens à vous féliciter d'être venus
exprimer votre point do vue à la commission. D'ailleurs, j'on profito
également pour souligner l'excellent travail de conscientisation que
fait un mouvement comme le FRAPRU, auquel vous êtes associés.
Ce que vous soulevez, au fond, par votre présentation, c'est
l'ensemble de la problématique de l'accessibilité à la
propriété. En écoutant les questions que posait mon
collègue de Saint-Louis, et vos réponses, d'ailleurs, la
réflexion suivante m'est venue à l'esprit: c'est que, dans le
contexte, particulièrement, de la rénovation, de la
réanimation, je dirais presque, du centre-ville de Montréal, en
particulier, et de certains autres centres urbains, la formule
coopérative trouve toute sa signification. Elle trouve toute sa
signification parce qu'en ce moment, dans les quartiers qui sont en perte ou en
cassure de Montréal, que ce soit le sud-ouest, que ce soit le centre-sud
ou les autres, il y a un problème de responsabilisation, effectivement,
et je pense que la formule coopérative est, dans ce contexte-là,
la formule la plus adéquate.
Au fond, ce qui se pose ici comme problème, et ce que la
commission a à envisager, et le gouvernement - je dirais même,
quelle que soit la couleur du parti au pouvoir - c'est que nous devons faire
face à des ressources limitées et, à l'intérieur de
l'assiette de revenus de l'État disponibles dans les contraintes
actuelles, peut-être réaménager certains programmes et
certaines redistributions. Dans ce sens-là - c'est une idée tout
à fait personnelle - je pense que ce que vous soulignez s'inscrit dans
une sorte d'étape, dans le sens où, idéalement, chaque
Québécois
devrait posséder sa maison, devrait y avoir accès.
Je partage les commentaires qui ont été faits par mes
collègues, dans le sens suivant: je ne pense pas que, pour favoriser le
mouvement coopératif dans l'habitation, il faille pénaliser les
ménages propriétaires de leur propre maison lorsqu'ils vendent la
maison familiale. Mais j'aimerais que vous nous disiez pourquoi, d'après
vous... Étant donné qu'au niveau des principes, tout du moins, le
mouvement coopératif, en matière d'habitation, semble fort
intéressant, comment expliquez-vous que le gouvernement
fédéral ait coupé dans le financement à ce
programme-là et que, quand on regarde la répartition des sommes
allouées par le gouvernement du Québec aux différentes
formes d'habita-tion, le mouvement coopératif ressort effective ment
comme le parent pauvre par rapport aux HLM?
M. Lavoie: Bien, écoutez, la question de savoir pourquoi
le gouvernement fédéral a coupé au niveau... ou a aboli le
programme coopératif, c'est la question qu'on leur a posée parce
que toutes les études... La coupure est venue immédiatement
après une évaluation qui avait été faite par la
Société canadienne d'hypothèques et de logement de
l'ensemble des programmes de financement ou d'aide au développement de
coopératives d'habitation à travers le Canada. Cette
étude, qui a été faite sur une période d'un an, en
1991, si ma mémoire est bonne, démontrait hors de tout doute que
la formule ou les objectifs qui avaient été atteints par ces
programmes-là étaient au-dessus des objectifs qui étaient
demandés. On a souligné certains éléments,
tantôt. Lorsqu'on parle en termes de clientèle de revenus, en
termes de profil socio-économique qu'on retrouvait dans les
coopératives. Les familles monoparentales, le pourcentage était
plus élevé que le pourcentage qu'on retrouvait dans la
société. En tout cas, toutes les études le
démontrent. Ça, c'est un choix du gouvernement
fédéral.
Nous nous expliquons aussi très mal le pourquoi de cette
décision. Nous croyons que c'est une décision qui a
été prise de façon très rapide ou de façon
impulsive, sans nécessairement avoir évalué l'impact
réel que ça allait amener au niveau des gens à revenus
faibles ou modérés.
M. Beaulne: Est-ce que, par rapport aux autres provinces
canadiennes - je vous pose la question au cas où vous ayez la
réponse - le mouvement de coopératives d'habitation,
proportionnellement à la population du Québec, était plus
développé ici qu'ailleurs au Canada?
M. Lavoie: Plus développé dans quel sens?
M. Beaulne: Plus développé dans le sens où
de plus gros montants y étaient affectés par rapport à la
population.
M. Lavoie: Bien, écoutez, les provinces dont on peut faire
une comparaison par rapport au Québec, là, il y a vraiment trois
provinces où il y a eu beaucoup de développement
coopératif. Je n'ai pas les chiffres en tant que tels, mais je peux vous
dire qu'en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, c'est
là qu'on retrouve, je dirais, le plus grand nombre de
coopératives d'habitation. À savoir si le fédéral a
investi plus dans une province que dans une autre, je n'ai pas les
données ici en tant que telles pour pouvoir le déterminer, pour
pouvoir... On a les données au bureau, mais il faudrait que je
vérifie.
M. Girard (Jean-Pierre): Je peux peut-être Le
Président (M. Audet): Allez-y. M. Girard.
M. Girard (Jean-Pierre): Oui. En réponse à votre
question, par rapport au logement coopératif, on sait que dans un seul
quartier d'Ottawa, l'année passée, il s'est
développé plus de logements coopératifs que dans
l'ensemble du Québec. Donc, dans un seul quartier de la ville d'Ottawa,
il s'est développé plus de logements coopératifs que dans
l'ensemble du Québec.
Ce qu'on présente ici, c'est une situation catastrophique parce
que le gouvernement fédéral s'est retiré et le
gouvernement du Québec maintient une présence symbolique dans le
développement du logement coopératif en habitation au
Québec, nonobstant une demande extrêmement importante. Ce qu'on a
essayé aussi de démontrer ce soir, peut-être que ça
n'a pas ressorti beaucoup, mais c'est qu'il y a des formes d'aide qui sont
allouées actuellement par le gouvernement du Québec qui lui
reviennent à un montant beaucoup plus élevé, quand tu le
cal cules dans le temps, que la forme d'aide qui pourrait être
consacrée au logement coopératif Dans ce sens-là, je pense
qu'on amène une contribution à la réflexion qui se fait
ici sur la situation des finances publiques.
Il faut voir la formule coopérative comme étant une
formule intéressante pour les individus à moyen et à long
terme, pas seulement dans le court terme. C'est bien évident que
ça coûte moins cher à l'État de venir en aide
à quelqu'un en supplément au loyer sur le marché
privé pour un an que de venir en aide dans une formule
coopérative, mais ta formule coopérative, quand tu prends le
temps de l'analyser en termes d'années et, surtout, en termes de
patrimoine collectif - on revient sur ça, c'est une valeur profonde, la
coopération - c'est intéressant comme retombée.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, ça met fin
à nos échanges. Je veux remercier la
Confédération québécoise des
coopératives d'habitation. Messieurs, merci beaucoup de votre
présentation.
Ceci met fin à notre journée de travaux. Nous ajournons
nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures. Sur ce, bonsoir.
(Fin de la séance à 22 h 7)