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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration va commencer ses travaux dans une minute environ. À
l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une
consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a, ce matin, des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lazure (La
Prairie) est remplacé par M. Beaulne (Bertrand).
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
secrétaire.
Est-ce que les membres de cette commission ont pris connaissance de
l'ordre du jour? Oui. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Adopté.
Nous allons maintenant entendre le premier groupe; il s'agit de
l'Association des manufacturiers du Québec. J'aimerais faire mention que
vous disposez d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire; suivra un échange entre les deux groupes parlementaires,
d'une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti
ministériel, d'échanges, et ce sera la même chose pour
l'Opposition officielle, pour une durée maximale de 20 minutes.
Alors, nous sommes prêts à écouter votre
mémoire. Je vous inviterais à bien vouloir vous identifier. Celui
qui aura à nous présenter ce mémoire, s'il veut bien
s'identifier et nous présenter les personnes, s'il vous plaît, qui
l'accompagnent.
Association des manufacturiers du Québec
(AMQ)
M. Le Hir (Richard): Merci, M. le Président.
Alors, je me présente, Richard Le Hir, vice-président et
directeur général de l'Association des manufacturiers du
Québec. Avec moi aujourd'hui, pour présenter le mémoire au
nom de l'Association, je suis en mesure de compter sur la participation de
certains membres de notre comité de fiscalité qui est
présidé par M. Raymond Bourque, qui est lui-même directeur
du service de la fiscalité chez Alcan, de M. Frank Aiessi, qui est
sous-directeur de la fiscalité chez Pratt et Whitney, de M. Marc Brochu,
qui est directeur de la fiscalité à la Société
canadienne des métaux Reynolds et de M. le professeur Yves Rabeau, qui
est professeur titulaire de sciences économiques à
l'Université du Québec à Montréal.
Alors, l'Association des manufacturiers du Québec est heureuse de
contribuer à cette consultation générale sur
l'évolution des dépenses gouvernementales sur la
fiscalité, sur le déficit, sur la dette et sur les besoins
financiers du gouvernement. Nous espérons sincèrement que cette
consultation permettra au gouvernement du Québec de faire les choix qui
s'imposent pour mettre en place les conditions qui permettront aux
manufacturiers québécois de jouer pleinement leur rôle
comme moteur de la croissance économique et de contribuer à la
création de la richesse dont nous avons besoin pour maintenir les acquis
sociaux dont nous nous sommes dotés depuis les 30 dernières
années. Nous sommes en effet convaincus que si le Québec ne
réussit pas rapidement à créer de la richesse à un
rythme comparable, sinon supérieur, à celui de ses concurrents,
nous ne pourrons plus conserver ces acquis.
Les gouvernements doivent réaliser qu'on ne peut pas redistribuer
une richesse qu'on n'a pas créée. On peut toujours emprunter
cette richesse pour se donner immédiatement un niveau de vie qu'on ne
pourrait pas se permettre autrement, mais encore faut-ll s'assurer que cela
n'hypothèque pas notre capacité de créer de la richesse
dans l'avenir. Autrement, c'est la faillite.
Quand on sait que la dette publique nette du gouvernement
fédéral sera supérieure à 62 % du produit
intérieur brut pour 1992-1993, que, pour chaque dollar de recette
budgétaire que le gouvernement fédéral aura perçu
en 1992, plus de 33 % auront été consacrés aux seuls frais
de la dette publique, et quand on sait qu'au Québec la dette totale du
gouvernement représente plus de 33 % du produit intérieur brut
québécois et que l'intérêt sur la dette vient gruger
approximativement 14 % des revenus budgétaires, doit-on s'étonner
que les marchés financiers remettent en question leur cote de
crédit? N'est-ce pas là, d'ailleurs, une indication assez claire
que la situation est alarmante?
N'oublions pas non plus que, depuis 1976, le solde du compte courant du
Québec est déficitaire. En bref, alors que le gouvernement du
Québec devrait se retrouver dans une position qui lui permettrait de
favoriser la restructuration de l'économie québécoise, il
emprunte pour payer l'épicerie. Pourtant, il en est encore qui
voudraient que l'État engraisse davantage. Alors que l'économie
se mondialise et que la concurrence s'intensifie comme jamais auparavant, les
gouvernements sont tellement endettés qu'ils n'ont plus aucune marge de
manoeuvre, fiscale ou monétaire, pour faciliter la restructuration
nécessaire de l'économie pour que nous demeurions
compétitifs.
Alors que le niveau de chômage au Québec
est présentement à 13,4 % et que 65 000 emplois
manufacturiers ont été perdus depuis 1990, les seules mesures de
relance que les finances publiques peuvent permettre sont l'ouverture des
commerces le dimanche et l'implantation d'un casino. Il ne faut pourtant pas
être grand clerc pour réaliser que les gouvernements ne peuvent
plus continuer de dépenser au même rythme. Combien de temps encore
pouvons-nous laisser les finances publiques se détériorer avant
d'être obligés de sabrer dans les services publics et d'abandonner
les acquis des 30 dernières années? (10 h 10)
La question de l'élimination du déficit budgétaire
et la diminution graduelle de la dette publique ne sont pas un débat sur
le sexe des anges. C'est non seulement notre avenir qui en dépend mais
aussi, et beaucoup, celui des jeunes qui nous suivent et la qualité de
l'appareil que nous leur laisserons entre les mains pour qu'à leur tour
ils puissent avoir une chance de connaître la
prospérité.
Devant cette réalité, les Québécois doivent
accepter qu'aujourd'hui aucun acquis n'est intouchable. Les
Québécois doivent réaliser que l'État-providence
est en banqueroute et qu'il faut redonner au secteur privé les moyens de
créer de la richesse. Afin de maintenir et de rehausser notre niveau de
vie, nous devons canaliser nos talents et nos ressources vers un seul but:
bâtir une économie agressive en améliorant la
capacité des milieux d'affaires québécois d'affronter la
concurrence internationale sur le plan de la qualité, de la
productivité, de l'innovation, de l'entreprenariat et des délais
d'exécution.
La compétitivité internationale constitue le facteur
clé de notre prospérité économique, de notre niveau
de vie, de nos futurs emplois, du maintien et de la création
d'importants programmes sociaux et culturels. La prospérité de
tous les Québécois dépend de la valeur de l'apport que
nous ferons, en tant que société, à l'économie
mondiale de la décennie quatre-vingt-dix et du XXIe siècle. Le
Québec doit donc pouvoir compter sur un environnement d'affaires qui
encourage les entreprises à investir, à croître et à
faire concurrence aux meilleures entreprises du monde. Il doit pouvoir compter
sur un environnement politique qui a pour objectif d'améliorer le niveau
de vie d'une population en rehaussant la valeur de son apport à
l'économie mondiale.
Suivent quelques commentaires sur la nécessité de
développer chez nous une économie agressive. C'est des choses que
nous avons dites à l'occasion et qui vous sont déjà
familières. Alors, si vous le permettez, je vais sauter tout de suite au
paragraphe qui commence par: II faut aussi s'inquiéter du fait que les
économies canadienne et québécoise accusent
déjà un retard important au chapitre de la
compétitivité internationale. Ce retard est tellement important
que le World Economie Forum, organisme de réputation mondiale qui
organise le Sommet économique de Davos, place le Canada au 11e rang sur
22 en termes de compétitivité mondiale et estime que, si la
tendance se maintient, le Canada se retrouvera 20e sur les 22 pays
industrialisés comparés. Dans les circonstances, on ne peut pas
se contenter d'avoir un régime fiscal comparable à celui de nos
concurrents. Le Québec ne peut plus se satisfaire d'avoir un
régime comparable à celui de l'Ontario. Il faut que notre
régime fiscal soit parmi les meilleurs au monde. Or, est-ce le cas?
Avant d'aborder directement la question de la
compétitivité des régimes fiscaux, canadien et
québécois, nous croyons qu'il serait utile de rétablir
certains faits pour corriger des affirmations erronées ou
incomplètes qui sont souvent véhiculées. Nous attirerons
aussi l'attention de la commission sur quelques réalités qui
passent souvent inaperçues. On entend parfois dire que l'impôt sur
les corporations, en pourcentage du produit intérieur brut, est plus
élevé au Japon, 7,5 %, qu'au Canada, 3 %, que la part de
l'impôt des sociétés dans les recettes fiscales du Canada
à 8 % est inférieure à celle de la moyenne du G 7, qui est
de 10,4 %.
Soulignons d'abord que l'impôt sur les corporations, en
pourcentage du PIB, au Canada est plus élevé que celui des
États-Unis où il est de 2,6 %, et de l'Allemagne où il est
à 2,1 %. En fait, l'impôt sur les corporations, en pourcentage du
produit intérieur brut, au Canada, à 3 %, se compare très
bien à la moyenne des pays de l'OCDE, soit 2,9 %. Il est
également intéressant de noter que même des pays à
tendance socialiste ont une proportion de recettes fiscales provenant du
secteur des corporations inférieure à celle du Canada. C'est le
cas de la France, où ces impôts sont à 2,4 %, et de la
Suède, où ils sont à 2,1 %.
Pour ce qui est du cas très particulier du Japon, ce
résultat, à 7 %, s'explique non pas parce que la fiscalité
des entreprises est plus lourde mais par le fait que la part des profits dans
le produit intérieur brut du Japon est nettement plus
élevée que dans les autres pays de l'OCDE. De plus, au Japon, les
municipalités ont, contrairement à la plupart des autres pays de
l'OCDE, un pouvoir de taxer les profits des corporations comme un «en
lieu» de taxes foncières pour les services municipaux. Si on tient
compte de ce facteur, on trouve, en fait, que la fiscalité des
entreprises, au Japon, est inférieure à celle des entreprises
canadiennes. Cette situation très particulière vient
évidemment fausser les données de la fiscalité des pays du
G 7. En fait, si on exclut le cas du Japon, on trouve que le Canada tire des
profits des corporations une part de ses recettes fiscales - 8 % - tout
à fait comparable à celle des autres pays du G 7. En effet, en
excluant le Japon, la moyenne du G 7 s'établit à 8,5 %.
Nous voudrions également attirer l'attention de la commission sur
l'évolution de la répartition des revenus autonomes du
Québec depuis les 20
dernières années. Ce sont des données tirées
du budget 1992-1993. On remarque que la proportion des revenus autonomes
provenant de l'impôt des particuliers est passée de 35,7 % en 1970
à 40,2 % en 1992: II s'agit donc d'une augmentation de 12,6 % de la part
relative de l'impôt des particuliers dans les revenus autonomes en 20
ans. On notera toutefois qu'en 1980 la part de l'impôt des particuliers
dans les revenus autonomes était de 49,1 %. Depuis 1980, la part
relative de l'impôt des particuliers a donc diminué de 22,1 %. du
côté des taxes à la consommation, on remarque que d'une
proportion de 37,7 % des revenus autonomes en 1970 elles sont passées
à une proportion de 28,4 % en 1992. il s'agit donc d'une diminution de
leur part relative de 32,7 %. pour ce qui est des impôts des
sociétés, ils représentaient 10,9 % des revenus autonomes
en 1970; ils en représentent 18,2 % aujourd'hui. on parle donc d'une
augmentation de 68,8 %. en ce qui concerne la tarification, sa part relative
était de 11,7 % en 1970 et elle est maintenant de 8 % en 1992, soit une
diminution de 46,3 %. finalement, quand on examine la part des revenus
autonomes provenant des entreprises du gouvernement, elle est passée de
4 % en 1970 à 5,2 % en 1992, soit une augmentation de 30 %.
Contrairement à ce qu'on affirme dans certains milieux, on
remarque qu'au chapitre de révolution de la répartition des
revenus autonomes par source, c'est la part relative des impôts des
sociétés qui a le plus augmenté au cours des 20
dernières années. On remarque aussi que la part relative des
taxes à la consommation a, en fait, diminué. Sans exagérer
l'importance de ces statistiques, il n'en demeure pas moins qu'on devrait les
garder à l'esprit avant de tirer des conclusions sur
l'équité du régime fiscal, notamment au chapitre de la
contribution de l'impôt des sociétés et des taxes à
la consommation aux revenus de l'État.
Forts de ces quelques précisions, examinons maintenant la
compétitivité du régime fiscal québécois.
Pour ce faire, nous nous servirons des principales conclusions d'une
étude effectuée par M. Yves Rabeau, qui est professeur titulaire
à l'École des sciences de la gestion de l'Université du
Québec à Montréal, avec la contribution de notre
comité de la fiscalité. Cette étude montre clairement que
le Canada est un des pays de l'OCDE où le fardeau de l'impôt sur
les revenus d'entreprises est le plus élevé.
Parmi les autres conclusions auxquelles nous parvenons: Le Canada est
parmi les pays dont la distorsion fiscale est la plus élevée. Le
Canada, à l'exception de la Finlande, est le pays où l'imposition
du revenu d'entreprise est la plus élevée. Et, comme le
Québec a un taux d'imposition un peu plus élevé que dans
l'ensemble du Canada, sa position fiscale est encore plus
désavantageuse. Le Québec est la région économique,
à l'exception de la Finlande, où l'on retrouve la taxation sur le
revenu d'entreprise la plus élevée des pays de l'OCDE.
Notre étude démontre également que la part
élevée des charges fixes - taxes sur la masse salariale et sur le
capital - que les entreprises du Québec doivent payer augmente le risque
des entreprises et diminue leur capacité d'adaptation en basse
conjoncture. D'ailleurs, sur la question des charges fixes, nous aimerions
attirer l'attention de la commission sur le fait que le gouvernement
fédéral a l'intention de limiter la déduc-tibilité
de la taxe sur la masse salariale et de la taxe sur le capital aux fins de
l'impôt fédéral à compter du 1er janvier 1994. Cette
modification pourrait pénaliser indûment les entreprises
québécoises, comme le gouvernement du Québec fait appel
à ce genre de taxation beaucoup plus que les autres provinces.
Finalement, cette étude démontre que, si le Québec
veut augmenter la compétitivité de sa fiscalité, il
faudrait réduire les charges fixes des entreprises, diminuer la
progressivité de l'impôt personnel ou encore augmenter le niveau
de crédit pour dividendes. La question est de savoir si c'est possible
sans aggraver le problème des finances publiques. Nous sommes convaincus
que oui. Nous identifierons certains éléments de solution dans
les prochaines sections.
Tout d'abord, la première priorité doit être
d'améliorer l'efficience de l'appareil gouvernemental. Dans cette
section, nous reprendrons quelques-unes des principales conclusions du rapport
du Vérificateur général à l'Assemblée
nationale pour l'année 1991-1992. Nous mettrons ensuite ces conclusions
en relief avec les derniers travaux de l'Institut de recherche et d'information
sur la rémunération portant sur l'évolution
comparée de la rémunération globale des salariés du
secteur public et parapublic et des autres salariés
québécois. Nous croyons que cet exercice montre clairement que le
gouvernement du Québec pourrait dégager une marge de manoeuvre
très intéressante s'il améliorait la gestion de ses
ressources humaines. À cet effet, nous ne pouvons insister assez sur
l'importance que devrait accorder le gouvernement au suivi des recommandations
du Vérificateur général.
Suivent, dans notre mémoire, certains extraits du rapport du
Vérificateur général, dont je vous fais grâce, et
vous me permettrez de passer immédiatement à la page 10. Quand on
sait que le gouvernement, en 1991-1992, a consacré 3 200 000 000 $ pour
rémunérer ses employés et que les salaires et avantages
sociaux représentent 32 % des dépenses de fonctionnement de la
fonction publique, on est en droit de croire que, seulement au chapitre de la
gestion des ressources humaines, le gouvernement du Québec dispose d'une
marge de manoeuvre importante. Quand on conjugue les carences de gestion des
ressources humaines à l'examen de la rémunération globale
dans la fonction publique et parapublique, on se rend compte que le
gouvernement a déjà en main des éléments de
solution très prometteurs pour améliorer l'état des
finances publiques.
En effet, la dernière étude de l'IRIR nous instruit que,
globalement, les salaires dans la fonction publique sont à parité
avec le secteur privé pour l'ensemble des emplois repères. Par
contre, on apprend qu'au chapitre de la rémunération globale le
secteur public dét lotit une avance importante sur le secteur
privé. L'IRIR évalue que le secteur public offre une
rémunération globale supérieure de 10 % à celle du
privé. En fait, l'IRIR nous apprend que les heures
régulières de travail sont moins nombreuses dans le secteur
public que dans le secteur privé et, en plus, que les heures
chômées et payées dans le secteur public sont plus
nombreuses qu'au privé. Cette constatation amène l'IRIR à
dire que la semaine régulière de travail est plus courte dans le
secteur public que dans tous les segments du marché du travail
analysés, à l'exception du secteur municipal. Cette constatation
est aussi vraie pour les heures de présence au travail. Les
écarts les plus importants pour les heures régulières de
travail sont constatés par rapport au secteur privé et aux autres
salariés québécois non syndiqués. Cette
différence correspond à deux semaines de travail de plus par
année pour les employés de ces deux secteurs. Cet écart
joue un rôle déterminant dans les résultats de la
rémunération globale, particulièrement dans la comparaison
avec les autres salariés québécois, syndiqués et
non syndiqués. Si ces constatations nous portent à
réfléchir sérieusement sur le prix que nous devons payer
pour soutenir les employés de la fonction publique, que dire de la
situation dans le secteur municipal? (10 h 20)
L'amélioration de l'efficience de l'appareil gouvernemental n'est
clairement pas seulement l'affaire du gouvernement du Québec. En somme,
non seulement la gestion des ressources humaines est déficiente dans la
fonction publique mais, en plus, on paie chèrement ces ressources.
Considérant ce qui précède, on est en droit de se demander
si d'autres éléments de gestion de l'appareil gouvernemental ne
pourraient pas être améliorés substantiellement. C'est
à la lumière de ces faits que tout le problème de la
productivité dans le secteur public se pose.
Nous sommes donc convaincus que c'est dans l'amélioration de
l'efficience du gouvernement que réside la marge de manoeuvre qui
permettrait au Québec de se doter d'un régime fiscal plus
concurrentiel. Un examen détaillé des méthodes de gestion
dans chaque ministère et organisme gouvernemental nous permettrait
probablement de constater que le Québec a les moyens d'avoir un
régime fiscal plus compétitif sans avoir à couper dans les
services offerts par l'État. Il est cependant évident que l'on
doit être prêt à remettre en cause certains acquis, dans la
mesure où on ne réussirait pas à améliorer
l'efficience du gouvernement et de ses agences dans la prestation des services
qu'ils fournissent à la population et dans l'élimination des
programmes qui ne répondent plus aux priorités de restructuration
de notre économie, qui doivent devenir les nôtres.
Il faut également adopter une approche globale de qualité
et responsabiliser les gestionnaires du youvomomoMt Pour corrignr los lacunes
dont nous venons de parler, nous sommes d'avis que le Conseil exécutif
du gouvernement du Québec devrait adopter une approche globale
fondée sur les principes de la qualité totale et fixer des
objectifs généraux d'amélioration continue quantifiables.
Pour l'aider à justifier ces objectifs, le Conseil pourrait, s'il le
juge nécessaire, faire appel à des firmes privées et
indépendantes qui dresseraient un bilan objectif des méthodes de
gestion dans les différents ministères et organismes. Le Conseil
développerait ensuite, en collaboration avec les différents
ministères, un plan d'action pour atteindre ses objectifs et mettrait en
place des mécanismes de communication des résultats.
L'engagement des gestionnaires à tous les niveaux est important
dans une telle démarche. À ce chapitre, nous croyons que les
gestionnaires auraient un rôle important à jouer dans l'atteinte
des objectifs fixés. Ils sont en effet souvent les premiers à
pouvoir identifier les corrections qui doivent être apportées aux
divers programmes existants pour qu'ils répondent mieux, et à
meilleur coût, aux véritables besoins des clients. Nous sommes
convaincus que ces corrections amèneraient fort probablement
l'élimination de certains programmes et la fusion et
l'élimination de certains organismes.
Vous me permettrez de passer rapidement sur les autres points que nous
soulevons, de façon à pouvoir terminer dans le temps qui nous est
imparti. Nous estimons qu'il est essentiel aussi de responsabiliser le
contribuable. Nous croyons fermement que si les contribuables étaient
sensibilisés davantage au coût de certains services qu'ils
reçoivent gratuitement, notamment au chapitre des services de
santé, ils en feraient un usage plus responsable.
La rationalisation des programmes est un autre aspect qui nous
apparaît devoir recevoir l'attention du gouvernement, et nous estimons
qu'à cet égard tous les programmes devraient comporter une clause
crépusculaire.
En ce qui concerne les abris fiscaux, nous croyons que le gouvernement
devrait revoir ces abris qui consistent à donner une réduction
d'impôt à des investisseurs pour des dépenses faites par
des entreprises. En effet, on a vu combien ce système peut amener des
abus qui font perdre des sommes énormes au Trésor.
Considérant qu'une partie importante des sommes impliquées dans
ces montages fiscaux n'est pas directement liée aux activités que
le gouvernement tente de favoriser, puisqu'elle va à des
courtiers, des avocats, des comptables et autres intermédiaires,
et que le gouvernement semble avoir de la difficulté à
contrôler certains de ces montants, nous croyons qu'il doit voir s'il n'y
a pas d'autres moyens, notamment les crédits d'impôt
remboursables, qui pourraient lui permettre d'atteindre ces objectifs. Si ce
n'est pas le cas, on devrait tout simplement éliminer les abris fiscaux
en question.
La décentralisation est également une autre option que
nous privilégions.
La privatisation. Il y a certains éléments aussi de
l'activité publique qui pourraient être privatisés. On
pense, entre autres, aux services non médicaux dans les
établissements de santé, la privatisation des bureaux
d'enregistrement, la privatisation de la SAQ, etc. En fait, le gouvernement
devrait évaluer systématiquement si, en fonction des besoins des
clients, les services qui sont présentement rendus par les
employés de la fonction publique ou parapublique pourraient être
rendus plus efficacement et à meilleur coût par l'entreprise
privée. Si c'est le cas, il ne devrait pas hésiter à les
privatiser. Le gouvernement devrait aussi passer en revue toutes ses
sociétés d'État pour s'assurer que les conditions
particulières qui justifiaient alors leur création sont toujours
présentes, qu'elles remplissent toujours le rôle pour lequel elles
ont été créées et qu'elles sont, encore
aujourd'hui, en meilleure position que l'entreprise privée pour
contribuer au développement économique du Québec.
Alors, en conclusion. S'il est une chose qui nous est apparue clairement
lors de la préparation du présent mémoire, c'est que le
gouvernement a déjà en main un nombre important de solutions qui
lui permettraient d'assainir les finances publiques et, par le fait même,
qui lui permettraient de rendre plus concurrentiel notre régime fiscal.
D'ailleurs, il nous est vite apparu qu'il est impossible de traiter dans un
seul mémoire toutes les avenues possibles que pourrait emprunter le
gouvernement pour corriger la situation. Ce qui semble manquer, ce ne sont pas
tant les solutions que la volonté d'agir. Nous sommes également
convaincus qu'il est illusoire de penser qu'il sera possible d'améliorer
substantiellement les finances publiques du Québec et d'améliorer
la compétitivité de son régime fiscal sans la
collaboration étroite des autres paliers de gouvernement et sans un
engagement des autres provinces à en faire autant. Or, à l'heure
actuelle, cette collaboration est loin d'être acquise, et la situation
financière du gouvernement fédéral et de plusieurs autres
provinces se dégrade très rapidement. Cela ne veut d'aucune
façon dire que le Québec, du fait de la dégradation
généralisée des finances publiques au Canada, serait
justifié de laisser filer ses propres dépenses, bien au
contraire. La conjoncture actuelle, toute difficile soit-elle, se prête
à merveille au repositionnement du Québec aux yeux de la
communauté internationale des investisseurs.
Et je termine. En faisant preuve d'une plus grande responsabilité
dans la gestion de nos affaires, en prenant l'initiative de la rigueur
budgétaire, en prenant les engagements nécessaires sur la
compétitivité de notre régime fiscal, le Québec
signalerait au monde des affaires qu'il a l'intention de jouer un rôle
important sur l'échiquier du développement économique. En
bout de course, ce sont tous les Québécois qui en profiteraient,
et l'on serait alors en mesure de connaître un développement
rapide, profond et durable du marché du travail.
À cet égard, le gouvernement du Québec devrait
songer à développer une charte de l'investissement au
Québec, dans laquelle il prendrait certains engagements relativement au
genre de climat économique dont il favoriserait l'instauration. Une
telle mesure aurait pour effet de réduire considérablement le
champ des incertitudes rattaché à tout projet d'investissement au
Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Le Hir. Je n'ai pas
voulu vous bousculer dans le temps, mais les parlementaires ont hâte
d'échanger avec vous.
Alors, M. le ministre des Finances, la parole est à vous.
M. Levesque: M. le Président, vous me permettrez tout
d'abord de souhaiter la plus cordiale bienvenue à M. Le Hir ainsi
qu'à l'Association des manufacturiers du Québec qu'il
représente, avec ses collègues, ce matin.
Il n'y a aucun doute que la contribution de l'Association des
manufacturiers est extrêmement importante, et particulièrement
dans le contexte difficile que nous vivons présentement. Nous comptons
beaucoup sur les membres de votre association dans cet objectif que nous
partageons tous, c'est-à-dire la création d'emplois. Et s'il y a
quelqu'un qui doit comprendre cela, c'est bien l'Association des manufacturiers
canadiens. Je voudrais vous féliciter pour votre contribution, ce matin,
à notre préoccupation collective et faire seulement quelques
remarques pour vous permettre aussi de pouvoir vous exprimer avec tout le temps
qu'on semble vous enlever, bien involontairement. Mais ce sont les
règles du jeu, M. le Président.
Vous avez parlé, évidemment, de... Ce qui fait l'objet
principal, maintenant, je pense bien, c'est les dépenses du
gouvernement, mais vous avez... C'est sûr que le président du
Conseil du trésor, qui s'occupe particulièrement de cet
aspect-là de la question, viendra tout à l'heure
compléter, mais vous me permettrez, à ce moment-ci, simplement de
vous dire un mot sur la fiscalité.
Vous avez mentionné que la part de l'entreprise a augmenté
au cours des années. Par
exemple, dans «Vivre selon nos moyens», à la page 38,
nous avons un tableau qui indique bien que l'évolution des revenus
autonomes par source indique que les impôts des entreprises ont eu une
tendance vers la hausse.
Par rapport, cependant, évidemment, à l'impôt des
particuliers - et vos membres sont des particuliers aussi - les taxes à
la consommation ont été réduites également. Vos
membres, évidemment, sont des consommateurs, j'imagine; alors, si on
prend exclusivement la question des entreprises, vous avez touché
là un point, mais je dois vous dire immédiatement que, lorsqu'on
pense à cette tendance, il ne faut pas oublier non plus qu'il faut
considérer le Québec, le Canada par rapport aux autres, à
l'environnement maintenant global et mondial. Et, à ce propos-là,
je vous réfère à la page 46 du même document que
nous avons déposé et qui indique que nous sommes, sur le plan
concurrentiel, en bonne compagnie. (10 h 30)
J'aimerais aussi me référer à l'étude que
vous avez mentionnée, une étude, évidemment, très
intéressante et signée par quelqu'un d'une valeur non
contestable. Cependant, j'aimerais peut-être vous poser quelques
questions là-dessus étant donné, d'après certaines
analyses, que cette étude repose sur un certain nombre
d'hypothèses qui défavoriseraient le Québec; notamment, on
ne tiendrait pas compte du traitement fiscal de l'amortissement, ni des mesures
structurantes. Or, le Québec possède des mesures
particulièrement généreuses à cet égard,
comme l'amortissement accéléré de 100 % - vous le savez,
on en parle quelquefois - le crédit de recherche et
développement. Nous avons mis l'accent là-dessus, tout
particulièrement dans les derniers budgets que j'ai eu l'occasion de
déposer. C'est probablement aujourd'hui, parmi les abris fiscaux, celui
qui, peut-être, a une tendance à augmenter au point de vue des
coûts à l'État, mais ça ne veut pas dire que nous
regrettons ce que nous mettons dans la recherche et le développement, je
pense que c'est essentiel.
Le crédit formation, également; là aussi, nous
avons mis l'accent sur la formation de la main-d'oeuvre et, dans nos derniers
budgets, nous y avons peut-être consacré un peu plus, mais, encore
là, nous n'avons pas de regret d'avoir consacré des sommes assez
importantes en dépenses fiscales sur la formation de la
main-d'oeuvre.
On ne parle pas non plus des taxes à la consommation qui
constituent une importante contribution dans les remboursements des taxes
à la consommation. Ce n'est pas encore complet, mais il y a là
des sommes dont on ne semble pas avoir tenu compte dans l'étude. On ne
parle pas non plus, par exemple, lorsqu'on fait une comparaison avec l'Ontario
- je ne veux pas Insister là-dessus - on ne prend pas en compte la
surtaxe ontarienne de 14 % sur la partie de l'impôt provincial de base
qui excède 10 000 $. On incorpore les taxes sur la masse salariale et le
capital au Québec, alors qu'on ne tient pas compte des charges sociales
défrayées volontairement par les entreprises dans les autres
juridictions, et ainsi de suite.
Alors, lorsque l'on fait des comparaisons, je pense qu'on le fait chacun
prenant sa mesure, chacun prenant ses éléments de comparaison,
mais je me sentais le devoir d'attirer votre attention sur ces
faits-là.
Il faut comprendre aussi que lorsque nous recevons les intervenants ici,
nous espérons avoir d'eux également des suggestions et même
nous dire où, chez vos propres membres, nous pourrions nous tourner pour
avoir un peu plus d'espace.
Vous nous parlez des dépenses, évidemment. J'ai
noté que vous avez parlé des abris fiscaux, peut-être que
vous suggérez d'en enlever quelques-uns. Nous sommes là pour
écouter si vous avez des suggestions à faire de ce
côté-là. Nous croyons que les abris fiscaux que nous avons,
par exemple, dans la recherche et le développement, dans la formation de
la main-d'oeuvre sont très justifiés. Il y a eu quelques abus,
vous l'avez évoqué; nous avons pris des dispositions
immédiatement pour corriger cela. Est-ce qu'il y a encore quelque
élément de passoire? Nous espérons que c'est fini.
On a parlé, hier et avant-hier, de l'abri que constitue
l'exemption de profit-capital de 100 000 $. Évidemment, c'est une
harmonisation que nous avons ici avec le gouvernement fédéral.
Vous pourriez peut-être nous dire quel serait l'effet d'enlever cela, si
vous voulez bien nous donner... Évidemment, il y en a plusieurs qui
l'ont déjà prise, ce serait peut-être injuste pour ceux qui
ne l'ont pas encore eue, mais, de toute façon, si vous avez une
contribution à faire de ce côté-là, je vous
écoute, M. Le Hir.
M. Le Hir: Écoutez, M. le ministre, vous soulevez
plusieurs questions, notamment celles de certaines comparaisons que nous
aurions, avantageusement pour nous, omis de faire dans le traitement fiscal
comparé du Québec et des autres juridictions.
D'abord, il y a une raison méthodologique qui nous a
poussés à agir de cette façon, c'est qu'il est essentiel
de comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. Alors,
dans la mesure où les autres juridictions et les études
auxquelles on se référait n'incorporaient pas ces
dimensions-là, il ne nous a pas semblé opportun de le faire.
Cependant, s'il avait fallu le faire, nous sommes convaincus que les
résultats n'auraient pas varié sensiblement. Là-dessus, je
laisserai mes collègues, M. Rabeau, M. Bourque et peut-être les
autres, ajouter leurs commentaires
Relativement à la suggestion que vous nous faites de vous
indiquer des voies par lesquelles
vous pourriez venir puiser dans notre poche gauche après avoir
allègrement puisé dans la droite, vous comprendrez bien qu'on
n'est pas du genre à se mettre la tête sur le billot et à
vous suggérer la longueur de la lame avec laquelle vous allez trancher.
Si vous avez des solutions à trouver, ne comptez pas sur nous pour qu'on
vous les fournisse.
Maintenant, M. Rabeau et M. Bourque.
M. Rabeau (Yves): Oui, d'abord, dans le document qui est en
annexe, je pense que l'objectif était de comparer la fiscalité de
façon générale. Tous les éléments
particuliers dont vous avez parlé, des crédits à la
recherche, etc., sont certainement des éléments qui peuvent
améliorer ponctuellement la compétitivité fiscale, mais on
s'en est tenus à une comparaison d'ordre général, et ces
éléments particuliers de fiscalité existent aussi dans
d'autres États avec lesquels on s'est comparés. Ça aurait
été, à toutes fins utiles, impossible de comparer tous ces
éléments pour arriver à certaines conclusions d'ordre
général.
Notre conclusion, remarquez, est que, présentement, l'ensemble de
la fiscalité au Québec est à peu près
compétitif avec l'Ontario, les États-Unis et certains autres
pays. Ce que l'on dit dans le mémoire, c'est qu'on ne peut plus se
contenter, dans les circonstances, d'une position d'être à peu
près compétitifs, mais d'essayer d'être en avance sur nos
compétiteurs pour pouvoir procéder plus rapidement à la
restructuration de l'économie.
Peut-être une remarque technique sur la question des
amortissements accélérés. Dans l'étude de l'OCDE,
dont on a fait mention, il est pris en compte la question des amortissements
accélérés, et ça ne change pas la position du
Canada qui est parmi les pays dont le revenu d'entreprises, de façon
globale, est le plus lourdement imposé.
Donc, ce sont, je pense, des cas particuliers, des
éléments particuliers de la fiscalité qui, comme M. Le Hir
l'a souligné, ne changeraient pas l'essentiel de nos conclusions, bien
qu'on puisse en reconnaître, bien sûr, la pertinence et la
validité.
M. Bourque (Raymond): Sur ces points-là, juste encore une
fois réitérer que ce n'était pas volontaire de notre part
d'essayer d'éliminer ou de ne pas considérer certains
crédits qui étaient particuliers au Québec. L'étude
qu'on a faite, c'est une approche plutôt générale. Comme le
professeur Rabeau vous l'a indiqué, il y a certains crédits et il
y a d'autres mécanismes qui existent dans d'autres pays aussi; on ne les
a pas retenus.
J'aimerais ajouter peut-être un point. Vous avez mentionné
la surtaxe de 14 % en Ontario. Je crois que ça, ça s'applique
à partir d'un revenu imposable ou d'un montant d'impôt assez
élevé payé à l'Ontario. Pour fins de se comparer
à l'étude de l'OCDE qui était notre base, on avait
ciblé un montant d'impôt sur le revenu de 45 % payable au Canada.
Nous, on s'est imaginé que l'étude canadienne devait regarder
plutôt l'Ontario. À 45 %, on a évalué qu'on parlait
d'un montant de revenu imposable de 50 000 $; je ne crois pas qu'à ce
niveau-là les surtaxes additionnelles de l'Ontario s'appliquent. Ce
n'est pas parce qu'on ne voulait pas les prendre, on n'a pas pris un revenu de
300 000 $ au Québec, en Ontario ou ailleurs, on a simplement
essayé de voir à quel niveau de revenu on arriverait à un
taux d'impôt de 45 %, et c'était 50 000 $ environ.
Les taxes à la consommation, nous ne les avons pas
considérées, c'est vrai. Elles n'étaient pas
considérées ailleurs dans l'étude de l'OCDE aussi. S'il
avait fallu commencer à considérer ça et s'il avait fallu
commencer à regarder certains pays d'Europe, qu'est-ce qu'on aurait fait
avec ça? Ils ont des TVA là-bas un peu plus élevées
que ce que nous pouvons avoir ici, le provincial et le fédéral
combinés; alors, on n'a pas pensé que c'était de la grosse
considération pour l'instant.
D'autres choses aussi qu'on n'a pas considérées.
Moi-même, je peux vous nommer certaines taxes qu'on n'a pas
considérées, tout simplement parce qu'elles ne sont pas
applicables, par exemple, dans tous les États aux États-Unis.
Certains États vont avoir certaines taxes. Vous choisissez certains
États, aux États-Unis, il y en a qui sont super favorables par
rapport à nous, il y en a d'autres qui le sont moins. S'il fallait qu'on
commence à considérer la taxe sur les carburants, par exemple,
qu'on peut retrouver ici et qui est payée par l'industrie, est-ce qu'on
retrouve ça ailleurs? Alors, ce qu'on a voulu faire, c'est faire
abstraction de ces taxes-là. Je comprends qu'il y a probablement
certains programmes au Québec qui avantagent, mais il y a
peut-être certains programmes ailleurs qui avantagent aussi. Alors,
c'était une approche assez globale. (10 h 40)
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor, est-ce que ça va?
Alors, M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais vous saluer, M. le vice-président-directeur
général de l'Association, et ceux qui l'accompagnent. Je voudrais
vous remercier et vous féliciter pour votre mémoire, sa
qualité, parce que je partage, dans l'ensemble, les recommandations que
vous faites par rapport à la gestion gouvernementale. Quand on regarde
tout simplement les titres des chapitres: responsabiliser le contribuable;
rationaliser les programmes; les recommandations que vous faites sur les abris
fiscaux; la décentralisation; la privatisation et une approche globale
de qualité.
Je comprends que le ministre des Finances
nous a tous conviés ici pour discuter de la sauce à
laquelle il veut tous nous manger, et il veut nous préparer. Je
comprends, c'est la constatation que je tire de l'exercice, mais je voudrais
quand même aborder certaines questions, et peut-être plus ce matin
que je ne l'ai fait jusqu'ici, parce que ce que vous décrivez, c'est un
ensemble de mesures qui ont déjà été,
jusqu'à un certain point, introduites, qui peuvent aller plus loin,
beaucoup plus loin, et dans la mesure où on sent que cela se situerait
dans un environnement où les mêmes préoccupations se
feraient sentir, ce serait davantage apprécié. Je m'explique.
En réalité, nous parlons de la moitié de la gestion
gouvernementale du Québec, ici - il y en a une autre moitié
ailleurs - qui nous a pelleté un certain nombre de coupures depuis le
début des années quatre-vingt. Lorsqu'on l'estime, à
l'heure actuelle, sur les programmes de transferts fédéraux, il
s'agit d'une somme d'à peu près 3 600 000 000 $ de coupures qui
ont été faites depuis le début de la décennie
quatre-vingt. Ceci a exercé une ponction considérable sur les
budgets du Québec et va continuer de le faire dans le futur.
L'une des recommandations que vous faites - je laisse de
côté cette réflexion, mais pour en aborder une autre -
c'est d'avoir une économie agressive. Je pense que, là, c'est
vraiment une des solutions, c'est-à-dire une bonne partie aussi de la
solution, parce que si on considère toujours une tarte qui se
rétrécit, on s'embarque dans un cercle vicieux où,
finalement, la société va se désagréger
graduellement alors que, au contraire, il faut essayer de relancer
l'économie, de la projeter en avant. Un des facteurs les plus importants
là-dedans, c'est le taux d'intérêt.
J'entendais, à Radio-Canada ce matin, le taux
d'intérêt au Japon: 2,5 % avec un taux d'inflation de 2 %; donc,
une rémunération du capital de 0,5 %. Or, ce qui se passe au
Canada depuis le début de la décennie, c'est un taux réel
d'Intérêt de 7 %. On comprendra que ceci freine les
investissements de façon considérable, et la source, une des
grandes sources de ce facteur - je ne dis pas la seule, mais, je pense, au
Canada, la principale - c'est les déficits fédéraux qui
ont, d'une part, amené des coupures sur le plan du budget du
Québec et aussi, je pense, exercé une espèce de taxe
cachée sur les investissements, parce que c'est à ça que
ça aboutit. Un taux d'intérêt réel de 7 %, ça
freine.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, à mon
sens, c'est un élément majeur. Moi, je veux bien rétablir,
je suis d'accord avec le rétablissement de l'équilibre des
budgets au Québec sur les dépenses courantes à moyen
terme. Il n'y a aucun doute là-dessus, il faut faire ça. Par
ailleurs, si, d'un autre côté, on enlève un autre bouchon
à la baignoire, merci bien, là. Alors, là, où
est-ce qu'on va? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que
ce n'est pas un sujet que nous avons abordé, ici, de façon aussi
explicite depuis le début de la commission.
M. Le Hir: II n'y a aucun doute que les taux
d'intérêt pratiqués au Canada ont un effet néfaste
sur l'évolution de notre économie de façon
générale, et sur le secteur manufacturier en particulier.
Évidemment, comme on sait que les taux d'intérêt ont une
incidence sur la valeur du dollar, il n'y a pas de doute que, là aussi,
ça des effets encore plus néfastes.
Alors, nous, on a attiré l'attention des autorités
fédérales à maintes reprises sur cette question. Nous
estimons, effectivement, comme vous, que des taux d'intérêt
réels de l'ordre de 7 %, ce sont effectivement des taux
d'intérêt qui brisent dans l'oeuf toute possibilité de
reprise réelle de l'activité économique chez nous, de la
même façon qu'on estime que lorsque le dollar canadien est
monté jusqu'à 0,88 $ ou 0,89 $ l'année dernière, on
faisait vraiment tout pour, finalement, fermer les entreprises au Canada.
Maintenant, il faut quand même être réaliste et se
dire qu'à supposer même qu'on améliore la situation du
côté des taux d'intérêt, ça ne
réglerait pas tous nos problèmes et, notamment, ça ne
réglerait pas le problème des finances publiques, ni du Canada ni
du Québec. Et, dans ce sens-là, les mesures que nous
préconisons doivent être appliquées avec toute la rigueur
et peut-être même plus de rigueur que celle avec laquelle le
gouvernement semble prêt à agir. Dans ce sens-là, nous
croyons qu'il serait illusoire d'attendre de la fin de la récession une
reprise rapide. en fait, les événements commencent à se
préciser, et on se rend bien compte que, non seulement cette
reprise-là va se situer sur une base historique nettement en
deçà de la performance des autres reprises que nous avons connues
dans le passé mais, en plus, la récession ayant été
tellement profonde et tellement longue en lait, à 2,4 %, notre»
aconomiu continue de s'enliser - qu'avant qu'on soit en mesure de voir des
effets bénéfiques d'une reprise de l'activité
économique, il va devoir s'écouler plusieurs années, ce
qui veut donc dire qu'en attendant, la situation risque de se
détériorer encore, notamment, au plan des recettes fiscales des
gouvernements et que, dans ce sens-là, les mesures de correction que
nous proposons sont d'autant plus nécessaires, il est d'autant plus
nécessaire de les appliquer et avec toute la rigueur possible que,
sinon, nous nous retrouverons, l'an prochain, devant un scénario encore
pire que celui que nous présentent aujourd'hui le ministre des finances
et le président du conseil du trésor.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Une sous-question, en quelque sorte. Taux
d'intérêt réel de 7 %. Maintenant, j'en arrive à la
fiscalité. Lorsqu'on ajoute à ça une taxe sur le capital,
comme celle que nous connaissons, est-ce que vous croyez... Je suppose que vous
allez nous dire que ça accentue encore le taux réel de
l'intérêt ou du capital au Québec. Est-ce que votre
proposition serait d'abolir la taxe sur le capital en échange d'une
garantie que vous stimuleriez de façon deux fois plus grande les
investissements? Est-ce qu'une telle abolition ou, en tout cas, un tel geste
aurait pour effet vraiment de stimuler?
M. Le Hir: Écoutez, je pense que la taxe sur le capital,
c'est un de nos sujets de prédilection. C'est un sujet que nous avons eu
l'occasion de discuter systématiquement avec le ministre des Finances
depuis deux ans, et c'est un sujet sur lequel nous ne lâcherons pas.
Donc, le ministre des Finances doit s'attendre à nous en entendre parler
cette année, encore l'année prochaine et encore jusqu'à ce
que... Et, donc, il n'y a pas de doute que la taxe sur le capital constitue non
seulement un frein mais, en plus, un symbole. Dans une perspective d'avoir
à restructurer notre économie, notre base industrielle, comme
c'est le cas à l'heure actuelle, de taxer le capital, c'est un
très mauvais signal.
Vous me permettrez de vous faire part du cas d'un chef d'entreprise de
la région de Saint-Hyacinthe, un Italien qui est venu s'établir
au Québec il y a une dizaine d'années, qui, avant même
qu'il ait commencé ses opérations, a reçu un compte de
taxes parce qu'il avait fait des investissements. Mais qu'est-ce que vous
voulez, quel signal envoyons-nous de cette façon-là aux
investisseurs? Un très mauvais signal.
Et tant et aussi longtemps que nous nous tirerons dans le pied en posant
des gestes comme ceux-là, il faut s'attendre qu'on sera boudés.
On n'aura pas le sentiment qu'au Québec il y a un climat favorable
à l'investissement. Ce n'est pas tant l'importance, quoi que ce soit non
négligeable et que, comme nous l'avons souvent dit, c'est encore pire du
fait que c'est une charge fixe, donc, qui s'applique uniformément
à la fois en période de haute conjoncture comme de basse
conjoncture, mais c'est un signal qui est décourageant pour les
investisseurs. Si on enlevait ce signal-là, on en enverrait un autre qui
serait nettement plus positif et dont le rendement serait probablement beaucoup
plus élevé que le revenu qu'il rapporte au gouvernement.
M. Léonard: Vous dites juste «probablement» ou
vous êtes sûr?
M. Le Hir: Nous sommes certains.
M. Léonard: Eh bien, c'est parce que c'est important. (10
h 50)
M. Le Hir: Écoutez, de là à vous fournir une
garantie sur papier, vous comprendrez bien que ce n'est pas comme ça que
l'économie fonctionne.
M. Léonard: Oui, O.K. Ça va. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je croyais que le
président du Conseil du trésor voulait intervenir maintenant.
Je vais vous souhaiter la bienvenue à mon tour. Effectivement,
comme mon collègue l'a mentionné, votre mémoire est fort
intéressant. Vous allez peut-être me permettre de faire juste une
remarque plus générale.
Après deux jours, et ce matin on recommence nos audiences, les
discussions que nous avons eues avec les gens qui vous ont
précédés, il y a un consensus assez intéressant,
dans le fond, qui se dégage, qui est de dire: Nous voulons
préserver l'essentiel des mesures de sécurité sociale, si
on veut, de santé, qu'on s'est données et qui font que notre
société est fière de cela et veut cependant
améliorer cela dans le sens de faire en sorte que ce soit plus efficace.
On ne remet pas en cause le bien-fondé de l'ensemble du filet de
sécurité sociale, si on veut, qu'on s'est donné depuis
quelques décennies, et ça, tant du côté d'autres
associations patronales qui sont venues hier - je pense, entre autres, au
Conseil du patronat et, évidemment, d'autres associations
représentant les travailleurs et les travailleuses, même le
Mouvement Desjardins - mais cependant, ce qu'on dit, c'est qu'il faut
être plus rigoureux. Et dans ce sens-là j'aime votre
mémoire parce qu'il suggère un certain nombre de pistes. Et c'est
sur cela que je voudrais vous poser quelques questions, entre autres sur
l'efficacité de la fonction publique.
Vous rappelez évidemment les recommandations du
Vérificateur général; je l'avais fait au début de
nos travaux. C'est évident qu'il y a un virage majeur à prendre
de ce côté-là. Quand ce ne serait que de suivre, de mettre
en oeuvre les recommandations du Vérificateur général, je
pense que déjà on serait plus efficace dans la gestion de nos
ressources humaines qui sont, dans l'État comme dans les entreprises, la
première ressource sur laquelle on peut compter, celle qui va faire
qu'on va réussir à atteindre les objectifs ou pas.
Comme utilisateur, si vous aviez un reproche à faire à
l'ensemble de l'appareil, ou une remarque, ou une recommandation à faire
- et là, je dis bien comme utilisateur dans le sens où vous
représentez des entreprises qui ont des contacts avec l'État -
au-delà de l'appui que vous donnez aux recommandations du
Vérificateur général, quelle serait la première
remarque qui vous viendrait et qui nous permettrait d'ouvrir
une autre piste d'action à l'égard de l'ensemble de
l'appareil de l'État?
M. Le Hir: Je pense qu'un des premiers problèmes - et vous
tombez bien, on en discutait justement ce matin en s'en venant, dans un cas
précis; mon collègue voudra peut-être ajouter des
commentaires là-dessus - est que le temps de réaction du
gouvernement, pour nous, est extrêmement critique comme consommateur de
services. Et, à l'heure actuelle, la façon dont l'appareil
fonctionne ne garantit pas à l'usager le temps de réaction le
plus court. Contrairement à ce qu'on pourrait penser - certainement que
c'est le cas dans le secteur privé - l'expérience démontre
que le temps de réaction ne suppose pas l'accumulation d'un niveau
hiérarchique d'effectifs. En fait, on constate même que c'est
plutôt le contraire: plus on ajoute du monde, plus on ajoute des niveaux
hiérarchiques, moins c'est efficace. Alors, si le temps de
réaction est trop élevé, c'est que certainement du
côté de l'efficacité de l'appareil il y a moyen de faire
des améliorations importantes et que, nécessairement, ça
pourra se faire avec moins de monde.
J'aimerais peut-être que mon collègue ajoute les
commentaires qu'il avait à faire. Bon, eh bien, il semble avoir
oublié. On sait que, à l'heure actuelle, le gouvernement du
Québec peut, dans les cas de taxes, opérer compensation lorsque
des sommes lui sont dues, et le principe de la compensation n'est pas remis en
cause. Cependant, ce qui est extrêmement critique pour les entreprises,
c'est la rapidité avec laquelle la compensation va s'effectuer. Et, dans
ce sens-là, on m'a informé de cas où ça pouvait
prendre jusqu'à deux ou trois ans avant que des sommes qui doivent faire
l'objet d'une décision soient libérées. Est-ce que tu veux
ajouter?
M. Brochu (Marc): Principalement, l'exemple en cause est
applicable à plusieurs contribuables, je crois, mais c'est il y a deux
ou trois mois, tout récemment, qu'il vient de se produire, concernant la
compensation, principalement pour la TVQ, par exemple, où dos
remboursements assez majeurs pourraient être émis, et ils ne sont
pas émis parce que dans certains autres comptes de la même
corporation il y a des montants payables très, très mineurs. Les
remboursements sont arrêtés...
M. Léonard: Dans des cas de comté.
M. Brochu: ...et cela peut durer trois ou quatre mois.
Effectivement.
M. Léonard: Des cas de comté.
M. Brochu: Pour répondre à votre question, lorsque
vous avez posé votre question, le mot qui m'est venu à la
tête, c'est le mot «qualité». Et je crois que le
mémoire...
Mme Marois: ...en fait état.
Une voix: ...proposé en parle, d'une gestion de
qualité totale, afin que les clients du gouvernement, de l'appareil
gouvernemental puissent avoir des services de qualité. Je pense que
c'est ce que le mémoire essaie de proposer.
Mme Marois: Mais, dans le fond, ce que je trouve
intéressant dans votre remarque, c'est que, moi, j'ai lu votre
mémoire, et je dis oui aussi à la qualité. Après
qu'on ait dit ça, il faut essayer d'identifier l'action que cela va
générer, dans quels secteurs d'activité, pour quels types
d'organisations, etc. Et dans ce sens-là, par exemple, de dire qu'on
réduise le délai de réponse... Ce que vous dites, dans le
fond, pour les entreprises, c'est vrai aussi pour les citoyens et citoyennes
qui viennent nous consulter dans nos comtés respectifs et qui, souvent,
sont confrontés à ce même type de problèmes. Et ce
n'est pas de la mauvaise foi, en plus. Je pense que ce qui est le plus
pernicieux, c'est que ce n'est pas la mauvaise foi du premier répondant
ou des fonctionnaires qui sont là, mais c'est l'appareil qui
génère justement cette espèce d'hiérarchisation qui
fait en sorte qu'on se fait toujours référer quelque part. Vous
faites référence à la responsabilisation dans votre
document, je pense que ça vient aussi dans cette
foulée-là.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon, votre collègue de Montmorency m'a demandé d'intervenir,
et il vous reste trois minutes. Alors, si vous voulez laisser continuer votre
collègue... Ça va?
M. Filion: Ah, elle peut continuer.
Mme Marois: Mais il ne nous reste pas une dizaine de minutes
après nos interventions?
Le Président (M. Lemieux): Non, non. Il vous reste
seulement 3 minutes sur 20 minutes.
Mme Marois: Ah bon. Une seule toute petite question. Instaurer
des régimes d'intéressement en fonction de critères bien
établis, je trouve ça intéressant, mais j'ai de la
difficulté à voir comment on pourrait mettre ça en oeuvre
dans la haute fonction publique. Parce que j'imagine que c'est à
ça que vous pensez. C'est à la page 23 de votre
mémoire
M. Le Hir: Écoutez, des régimes
d'intéressement dans la fonction publique, c'est tout à fait
envisageable. Je vous donnerai le cas, par exemple, en Europe, et en France en
particulier, si ma mémoire est fidèle, où il existe - et
le ministre des Finances serait heureux de savoir ça - un fonctionnaire
qui est rémunéré à commission. C'est un
fonctionnaire très important,
c'est le «trésorier payeur général»,
c'est lui qui est chargé de la collection des impôts et du
paiement des comptes de l'État. Et moyennant caution qu'il doit fournir,
et la caution est très élevée, il a le droit de percevoir
une portion raisonnable, très petite, des sommes qu'il gère. Je
prends celui-là, parce que c'est le premier qui m'est venu à la
tête, mais tout simplement pour montrer que c'est quelque chose de
faisable, et que d'autres pays le font avec succès.
Mme Marois: Merci. Il reste peut-être une minute à
mon collègue?
M. Filion: Non, non, je reviendrai.
Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: C'est dans le même sens. D'abord, j'aimerais
vous souhaiter la bienvenue également.
C'est dans le même sens, au niveau de la charte de
l'investissement au Québec. C'est quelque chose quand même d'assez
nouveau que vous semblez vouloir apporter, mais est-ce que ça va dans le
sens d'aider à la capitalisation également dans le secteur
privé, ou...
M. Le Hir: écoutez, vous savez comme moi que la chose la
plus difficile pour un investisseur, c'est de composer avec un risque
indéterminé.
M. Filion: Oui.
M. Le Hir: Et plus vous réduisez le champ des
incertitudes, plus vous constituez un attrait pour l'investisseur.
M. Filion: J'aimerais ajouter et vous demander en même
temps votre opinion et comment le milieu manufacturier pourrait réagir.
Est-ce que vous croyez qu'on pourrait penser à une philosophie de
réduire les taux d'imposition sur l'individu, le particulier? Par
exemple, on sait que depuis 1985 on a réduit de 9 points les taux
d'imposition. Est-ce que vous pensez que ça aiderait à la
capitalisation que d'essayer de trouver une formule pour inciter la
réduction du taux d'imposition, pour la diriger vers une capitalisation
dans le secteur privé? Est-ce que vous pensez que c'est une formule qui
pourrait en même temps encadrer la réinjection de capitaux dans le
système économique? (11 heures)
M. Rabeau: Oui. Dans notre analyse, on propose entre autres, pour
cette fin-là particulièrement, d'augmenter le crédit
d'impôt pour dividendes, c'est-à-dire que vous incitez les gens
à investir dans les entreprises, et le rendement qu'ils en retirent, qui
se présente sous la forme d'un revenu d'entreprise, on a un
crédit d'impôt plus élevé qui permet de
réduire la double taxation et d'augmenter le taux de rendement pour
l'investisseur privé.
M. Filion: Non, ma question n'était pas au sens de la
neutralité du phénomène d'intégration. Ce
n'était pas à ce niveau-là, ma question. Ma question
était au niveau... Au lieu de réduire de neuf points, de donner
un cadeau automatique dans la table d'impôt, au lieu de le réduire
et de donner le cadeau, on donne le cadeau, mais dans une orientation de
capitalisation.
M. Rabeau: C'est exactement ce que le crédit d'impôt
pour dividendes fait. C'est-à-dire que...
M. Filion: Non.
M. Rabeau: ...si le revenu est un revenu d'entreprise de
quelqu'un qui a investi, qui a généré des profits, de
l'emploi, etc., et qu'il retire des revenus d'entreprise, le crédit
d'impôt lui permet... C'est une incitation à investir et à
mieux performer pour les investisseurs.
M. Filion: Vous parlez du dégrèvement pour
dividendes, quand vous parlez du crédit d'impôt...
M. Rabeau: C'est exact.
M. Filion: ...mais le dégrèvement pour dividendes,
c'est un phénomène compensatoire de l'impôt corporatif
payé sur le revenu perçu.
M. Rabeau: Oui, mais plus il est élevé, plus c'est
incitatif.
M. Filion: Je comprends, mais le principe... En tout cas, on
n'embarquera pas dans la technique, là, mais ce principe-là, ce
n'est pas ça que je dis, moi. Ce que je veux essayer de soulever de la
part du milieu manufacturier, c'est que, au lieu de donner un cadeau gratuit de
neuf points, est-ce qu'on ne pourrait pas dire: Oui, vous allez avoir droit
à une réduction de neuf points dans la mesure où ces
montants d'argent là sont reconduits dans le système de la
capitalisation dans les entreprises?
M. Bourque: Comment allez-vous faire pour vous assurer que ces
fonds-là sont réinvestis dans l'entreprise? Si c'est ça
votre but, pourquoi ne pas le donner directement à l'entreprise? C'est
un peu l'idée qu'on reprend quand on dit les abris fiscaux. Vous me
permettez à moi, en tant qu'individu, d'avoir des stimulants fiscaux si
je fais quelque chose face à une entreprise qu'on aimerait qu'elle
investisse dans la RD, par exemple. Celui qui va faire le montage financier va
demander de quoi, mon comptable va peut-être demander de quoi. Vous vous
rendez compte? Le 100 $ qu'on veut acheminer directement à
l'entreprise, ce n'est pas 100 $ qui se rend là, c'est moins
parce qu'il y a un paquet d'intervenants à droite et a gauche qui en
prennent un peu. Pourquoi ne pas le donner directement à l'entreprise?
Si on a quelque chose de particulier en tête, qu'on cible. Allez-y
directement. Pourquoi y aller autrement?
Le Président (M. Lemieux): Ça va, merci. M. le
président du Conseil du trésor, M. le député de
Labelle m'a demandé une brève question. Connaissant votre...
M. Johnson: Ah!
Le Président (M. Lemieux):...ouverture d'esprit, je
compenserai et j'y ajouterai le temps que le député de labelle va
prendre. vous le permettez? ça va?
M. Johnson: Parfait. Vous me connaissez bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Léonard: Très bien. Juste une chose. On dit que
chez les Américains, les taux de dividendes sont trop
élevés, et donc on poursuit des objectifs de rendement à
court terme, alors que dans l'économie japonaise, c'est le contraire.
Donc, au fond, quand on retire trop de dividendes de l'entreprise, ça ne
l'encourage pas à réinvestir. Mais, en tout cas, vous semblez
dire le contraire ce matin. C'est ça, ma question.
M. Rabeau: Plus la taxation des corporations est
compétitive, plus ça incite les entreprises à laisser des
revenus dans l'entreprise pour les fins d'investissement. Mais pour la petite
et moyenne entreprise, pour l'entrepreneur qui a investi, sa
rémunération principale vient aussi des dividendes qu'il retire
de l'entreprise. Et une façon d'accroître le taux de rendement des
investissements, c'est d'avoir des crédits d'impôt pour dividendes
ou une forme de taxation qui est la plus compétitive possible. Et il
faut jouer sur les deux plans, c'est-à-dire d'avoir un taux
d'impôt sur les corporations qui soit le plus bas possible pour favoriser
le réinvestissement et, d'autre part, essayer d'avoir le taux de
rendement sur l'investissement pour l'individu qui sort le plus favorable
possible. Ce sont deux conditions essentielles pour à la fois de
l'investissement et de la création de revenus et d'emplois.
Le Président (M. Lemieux): Alors, pour être
équitable, comme l'Opposition a pris deux minutes et demie de plus, je
vous en donne deux, M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Merci, M. le Président. D'abord, je veux
souhaiter la bienvenue à M. Le Hir et ses collègues. On se
rejoint tous, évidemment, sur le mandat de la commission. Vous avez
évoqué le déficit, les dépenses, les besoins
financiers nets, la fiscalité également. Ce qu'on tente de faire,
évidemment - c'est comme ça que je le formule de notre
côté, je pense bien que vous avez l'air d'y souscrire - c'est de
maintenir le contrôle des dépenses pour garantir la
pérennité des services publics. Évidemment, la
façon de le financer, c'est un ensemble de choix fiscaux.
J'avais signalé déjà - mais j'ai vu que ça a
été traité - que ce qui me préoccupait aussi,
c'était le lien entre la fiscalité et l'emploi,
c'est-à-dire comment les fardeaux peuvent influencer le
développement économique. Vous y avez, enfin, largement
répondu. Je pense que c'est une préoccupation de tout le monde
ici. Vous avez répondu à tout ça. Mais au titre...
Lorsqu'on regarde le bilan du débit par opposition au crédit - si
le crédit, c'est la fiscalité, le débit, c'est la
dépense publique - qu'il faille la contrôler, il y a seulement
deux façons de le faire. Il y a deux voies, et vous vous prononcez sur
les deux voies, il m'apparaît, sur le contrôle du niveau des
services, le panier de services, la consommation même du service, et
l'organisation gouvernementale qui peut le livrer à moindre coût,
d'une part, si on regarde les services comme tels et, d'autre part, par la
rémunération. Vous avez évoqué les écarts de
rémunération dont l'IRIR fait état.
J'ai donc deux questions sur le contrôle des dépenses. Le
premier, sur les services et leurs niveaux. Vous rejoignant tout de suite, je
le dis, sur l'organisation du travail, sur la productivité, sur le
niveau des effectifs, enfin, un tas de choses sur lesquelles déjà
on a annoncé des décisions sur lesquelles il y a certains
progrès mesurables, et il est un peu tôt, mais sur les services
comme tels, vous évoquez, page 24 de votre mémoire, que le
gouvernement devrait mettre en place des mesures qui permettent aux
contribuables de prendre connaissance des coûts des services publics au
moment même où ils utilisent ces services. Je ne sais pas si vous
pourriez peut-être en ajouter un peu, là.
M. Le Hir: Écoutez, il y a deux façons,
essentiellement, pour arriver à ce résultat. D'une part, bien
sûr, c'est d'informer le consommateur de services gouvernementaux de la
valeur des services qu'il reçoit, et, d'autre part, c'est de l'amener
à en payer une partie. Sur la première façon, nous
estimons que c'est rendu une nécessité. Les gens consomment des
services sans avoir pleine conscience de la valeur. Et c'est un des aspects de
responsabilisation sur lesquels nous attirons votre attention.
D'autre part, sur le coût, la tarification des services, au moins
partielle, quoique nous soyons favorables avec le principe de la chose, nous
avons quand même une certaine inquiétude. Et je vous dirai bien
simplement que l'inquiétude, c'est
de voir que, dans une recherche fort louable d'équilibrer ses
finances publiques, le gouvernement soit tenté, en fait, d'ouvrir une
deuxième brèche dans ma poche et dans la poche de tout le monde
ici et, après avoir pigé dans la poche gauche, aller piger dans
la poche droite. Si bien qu'au bout du compte, bien sûr, les
équilibres financiers du gouvernement pourront s'en trouver
rétablis, mais il reste que certainement mon pouvoir de dépenser
à moi, comme contribuable, s'en trouvera réduit. Ce sera autant
de moins que j'aurai pour l'achat de biens et services et pour participer au
développement de l'activité économique au pays.
M. Johnson: Oui, écoutez, à cet
égard-là, je veux qu'on se comprenne bien. L'objectif du
contrôle des dépenses publiques, c'est d'assurer que les services
sont maintenus, mais c'est également, si on pouvait, de baisser les
impôts. Il ne s'agit pas ici - je veux qu'on se comprenne - si on parle
de financement, que ça devienne simplement une façon
déguisée d'augmenter les ponctions mais bien de distribuer
différemment. Et si on maintient un rythme de croissance qui a du bon
sens du côté des dépenses publiques, une deuxième
question qui se pose toujours: Comment les financer? Et ce que vous signalez,
c'est, dans le fond, qu'il y a des façons de dire aux gens: Les services
coûtent quelque chose. Et il y a plusieurs façons de le dire, y
compris, évidemment, une ponction directe. Ça peut être une
ponction directe, ça peut être un avis qu'on expédie aux
gens préalablement, en même temps ou peu de temps après la
consommation en services publics. Alors, ça, j'ai compris ça. Et
je me permets de nuancer qu'évidemment le gouvernement essaie de baisser
les impôts aussi. On a réussi à certains égards. On
essaie de diminuer le fardeau total.
M. Le Hir: Mais vous comprendrez... On se comprend parfaitement
sur les deux façons, et nous estimons qu'on doit y aller des deux
façons. Cependant, vous comprendrez aussi qu'on soit tout à fait
inquiet, réticent même à l'idée de voir que, par
l'ouverture d'une deuxième brèche, en fait, on se retrouverait
à laisser augmenter le coût des services publics. Et il est hors
de question pour nous que l'introduction de méthodes de tarification ait
pour effet de se traduire par une augmentation nette du coût des services
publics.
M. Johnson: Le deuxième volet, c'est celui de la
rémunération, évidemment, qui est majeur dans le secteur
public au Québec. Je vois que vous êtes extrêmement soucieux
de maintenir l'équilibre social. C'est évident, si on parle d'une
charte dans l'investissement, si on parle de la certitude dont les
investisseurs ont besoin, minimalement, il faut parler d'environnement social
stable, et ça, ça repose, évidemment, sur la
qualité des rapports entre les travailleurs et leur entreprise ou le
gouvernement dans le secteur privé et public respectivement. (11 h
10)
En même temps, vous dites que l'IRIR a bien souligné une
avance des travailleurs du secteur public sur les entreprises membres de votre
association, enfin, du secteur privé de façon
générale. Je me permets d'en conclure que vous souhaitez que
cette avance soit amenuisée, que l'écart, donc, doive être
réduit. Donc, il doit y avoir une récupération. Alors
là, je cherche comment, selon vous, vous pouvez contribuer à
résoudre ce qui peut être une quadrature du cercle: maintenir
l'équilibre social, la paix sociale au titre des relations de travail et
faire en sorte qu'on puisse effectivement amenuiser - parce que c'est une forme
d'équité, ça aussi - l'écart qui existe entre la
rémunération dans le secteur public et le secteur
privé.
M. Le Hir: Oui, effectivement, on conçoit que vous soyez
devant un dilemme majeur. Mais il y a quand même une chose qui est
essentielle, justement, dans le but de préserver l'équilibre
social. C'est que les contribuables aient le sentiment que les charges sont
également réparties, que les fardeaux sont également
répartis dans la société. Or, nous arrivons de plus en
plus à un point de rupture qui amène les contribuables à
remettre en doute l'équilibre. Et, notamment, quand ils voient que la
rémunération dans le secteur public global, tel que la
décrit l'IRIR, et que la sécurité d'emploi dont jouissent
les fonctionnaires sont rendues à un point tel qu'en fait toute
augmentation, toute extension des bénéfices, que ce soit
financier ou autre, dont ils peuvent jouir constituent une confiscation de
leurs avantages, quand on arrive à ce point-là, effectivement, il
y quelque chose qui craque.
Alors, est-ce que ça a encore craqué? Est-ce que ça
va craquer dans les mois qui viennent? Vous êtes sans doute placés
bien mieux que moi pour le savoir, mais la chose qui m'apparait essentielle,
c'est de vous prévenir qu'on est rendus près de ce
point-là et que si les citoyens n'ont pas le sentiment que le poids des
fardeaux est également réparti dans la société,
notamment que les chances des gens qui travaillent dans le secteur privé
sont au moins égales à celles des gens qui travaillent dans le
secteur public, nous nous en allons vers des affrontements majeurs.
M. Johnson: Je vous remercie d'avoir constaté qu'il y
avait un dilemme ici, évidemment, pour le gouvernement. C'est le dilemme
de tout le monde. Ce que je tentais de voir avec vous, c'était si
l'expérience dont vos membres disposent ne peut pas être
utile.
Comment avez-vous, dans certains cas - et on sait que dans le secteur
privé ça a été
fait - réduit des écarts de rémunération par
rapport aux concurrents, par exemple? Parce que ce n'est pas une question de
privé et public, c'est par rapport à des concurrents, à
cause de la conjoncture. Et il y a eu, on peut le constater, un niveau de paix
sociale au Québec assez remarquable depuis plusieurs années, et
il y a eu des ajustements qui ont été faits chez vos membres au
titre de la rémunération. J'aimerais simplement que vous nous
indiquiez comment vous l'avez fait.
M. Le Hlr: Je veux dire, II faut comprendre que, dans le secteur
privé, les choses se passent d'une façon, finalement, assez
brutale. L'entreprise qui se voit acculée à la faillite ou
à la déconfiture n'a d'autre choix que de s'ajuster, et, à
ce moment-là, elle dit a son personnel: Voici ce que nous pouvons faire
ensemble pour continuer l'entreprise. Êtes-vous prêts à
souscrire au plan que nous proposons? Et, selon que les travailleurs
souscrivent ou non, l'opération s'effectue ou l'entreprise court le
risque de disparaître ou, alors, les mises à pied se font de
façon très brutale. L'imminence d'être pendu concentre
l'attention d'une façon extraordinaire.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? M. Johnson:
Oui. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci Alors, il reste une
minute.
Alors, M. Le Hir, j'aurais peut-être une question.
M. Le Hir: M. le Président, si vous me permettez.
Le Président (M. Lemieux): Oui. Allez-y.
M. Le Hir: II y a un autre aspect que mon collègue me
souligne et, effectivement, c'est un aspect que nous avons discuté.
C'est celui évidemment, de la décentralisation de
l'administration des conventions collectives. Il n'y a pas de doute que nous
sommes placés dans une situation où tout se fait de façon
centralisée, et il devient important maintenant de se réajuster,
compte tenu de ce que sont devenus nos besoins aujourd'hui.
Le Président (M. Lemieux): Simplement une question. Dans
votre mémoire, vous parlez énormément de la gestion des
ressources humaines et vous n'y allez pas de main morte. Vous nous dites que le
gouvernement pourrait dégager une marge de manoeuvre suffisante tout en
conservant un système fiscal compétitif et sans avoir à
couper dans les services offerts par l'État. Vous parlez d'un montant de
30 000 000 $. M. Louis Bernard, lui, parlait qu'une augmentation du taux de
productivité de 1 % dans la fonction publique pourrait se traduire en
millions de dollars. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous: Comment
l'améliorer, cette gestion, cette qualité de gestion des
ressources humaines? Est-ce que c'est strictement par une nouvelle
évaluation du rendement? Vous voyez ça de quelle
façon?
M. Le Hir: Bien, écoutez. Bien sûr que les normes de
rendement doivent être révisées. Ça, c'est certain.
Je vais donner un exemple simplement Baser, ne serait-ce que moindrement, le
rendement des fonctionnaires sur l'encadrement du nombre de fonctionnaires
qu'ils ont à contrôler, ça nous apparaît une
aberration. L'objectif d'un fonctionnaire, ça devrait être de
fournir le maximum de services avec le minimum d'effectifs. Alors, si vous
rattachez le moindrement sa rémunération à l'encadrement,
vous venez de contredire le principe.
Le Président (M. Lemieux): J'oserais vous demander, pour
plus de marge de manoeuvre chez nos fonctionnaires, souhaiteriez-vous qu'il y
ait plus de délinquance?
M. Le Hir: Plus de délinquance?
Le Président (M. Lemieux): Plus de délinquance
administrative relativement aux normes ou à la
réglementation.
M. Le Hir: D'abord, il faut s'interroger sur l'opportunité
des normes. Je me rappelle simplement d'une expérience qu'on a faite
dans le secteur privé, dans une entreprise où j'ai
travaillé. À un moment donné, on... Et je vous rappellerai
les circonstances. C'est au moment de l'introduction de la loi 101 et ça
causait évidemment... C'était l'entreprise, la Compagnie
pétrolière Impériale, qui est devenue, d'ailleurs, un
modèle d'application de la loi 101. Mais évidemment que je vous
dirai que ça a soulevé une levée de boucliers
immédiate. Et quand on a fait l'inventaire des procédures
administratives, on s'est rendu compte qu'on pouvait en sacrifier
énormément et que ça aurait une incidence directe sur les
coûts de fonctionnement de l'entreprise. Alors, il y a des normes et des
procédures qu'on applique souvent qui n'ont rien à voir avec la
nature du service qu'on doit rendre et qui sont, finalement, des mesures pour
satisfaire un appétit vorace bureaucratique.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions,
chacun des groupes parlementaires, pour votre participation à cette
commission.
Nous allons suspendre environ deux minutes pour permettre au prochain
groupe, l'Association des détaillants en alimentation, de bien vouloir
prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprisée 11 h 26)
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! La
commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre
l'Association des détaillants en alimentation.
Dans un premier temps, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous
informer que vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire. Suivra un échange entre les deux groupes parlementaires
d'une durée totale de 40 minutes, répartie entre les deux
formations, pour une période de 20 minutes.
Alors, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier
et, par après, nous faire l'exposé de votre mémoire?
Association des détaillants en alimentation du
Québec (ADA)
M. Gadbois (Michel): Je vous remercie. Tout d'abord, je vais me
présenter. Je suis Michel Gadbois, président de l'Association des
détaillants en alimentation. Je demanderai à mes
collègues, qui sont tous membres du conseil d'administration de I'ADA,
de se présenter à tour de rôle.
M. Mayrand (Robert): Bonjour. Je m'appelle Robert Mayrand.
M. Olivier (Clermont): Clermont Olivier, Québec.
Mme Fortin (Carole): Carole Fortin.
M. Lord (Gérald): Gérald Lord.
M. Pelletier (Guy): Guy Pelletier, Québec.
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts
à vous écouter avec intérêt pour l'exposé de
votre mémoire.
M. Gadbois: Merci. Ce que je vous propose comme
présentation, c'est une variante un peu sur le mémoire, parce que
je n'ai pas envie d'être redondant. Ce que je vous propose, c'est de
faire une brève synthèse du document qui a été
envoyé à tous les députés récemment, qui
s'appelle «Les détaillants indépendants en alimentation du
Québec: une force économique vitale». Par la suite, je
voudrais faire le point sur le principe de base qui sous-tend notre
intervention aujourd'hui et rapidement regarder les recommandations qu'on vous
propose, parce que ce sont des recommandations très concrètes,
qui sont axées principalement sur le potentiel de hausse de revenus pour
le gouvernement. C'est notre approche. Alors, si vous me permettez... Oui?
Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le
député de Saint-Louis me demandait de pouvoir intervenir. Alors,
je vous ai bien vu, M. le député de Saint-Louis.
Je m'excuse, vous pouvez continuer.
M. Gadbois: Je n'aurais pas eu beaucoup de temps d'intervention.
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha! Vous avez votre
temps, ça va.
M. Gadbois: D'accord. Je vous réfère à une
des annexes qui étaient à même le mémoire et, comme
je vous l'ai dit, qui a été distribuée à tous les
députés et d'ailleurs à la plupart des hauts
fonctionnaires. On pensait que c'était important de faire le point sur
la réalité des détaillants indépendants en
alimentation au Québec, qui est une réalité très
spécifique, fort différente d'ailleurs au Canada. On
représente environ 85 % du marché où ailleurs au Canada,
c'est 40 %. Si vous regardez le nombre, on parle de quelque 9000 sur un total
de 10 000. Ce que nous sommes, en fait, selon la définition ici, nous
sommes des gens qui sont propriétaires de leur entreprise, donc des
entrepreneurs, et nous sommes approvisionnés par des distributeurs, des
grossistes qui ont bannière. Alors, les gens ont des contrats
d'affiliation avec les différentes bannières, mais
essentiellement les gens qui sont ici ne sont pas les corporations que vous
connaissez à la distribution. Il y a souvent eu confusion entre les
deux, et c'est la spécificité du marché
québécois. Alors, ce que vous avez ici, c'est des entrepreneurs,
des gens qui possèdent leur commerce et qui ont intérêt
à développer leur commerce. C'est la base d'ailleurs de notre
présentation aujourd'hui.
Et si vous regardez quelques éléments sur lesquels je veux
attirer votre attention, plutôt que d'être en décroissance,
ce secteur-là est en croissance, pas au niveau de ces revenus,
malheureusement, mais au niveau du nombre d'indépendants, pour toutes
sortes de raisons que je n'énumérerai pas ici mais que vous
voyez, par exemple, en page 5.
Il y a eu des incidences au niveau des changements du marché,
etc. Une chose que je voudrais mettre de l'avant aussi, c'est que, à
part des groupes corporatifs comme vous avez connus dans le passé, comme
Steinberg et autres, la création des corporations que vous connaissez
aujourd'hui origine même du regroupement de ces
détaillants-là qui ont créé des corporations pour
s'approvisionner. Alors, les Provigo et Métro de ce monde sont
nés de l'association des marchands entre eux pour se donner un meilleur
pouvoir d'achat pour compétitionner avec d'autres chaînes. (11 h
30)
Ensuite, j'attirerais votre attention sur le nombre d'emplois qui est
créé par le secteur: c'est aux alentours de 85 000 emplois. Ce
qui est intéressant, c'est que, naturellement, à cause de
la nature de ce secteur-là, les proportions font que nous sommes
très représentatifs de toutes les régions du
Québec. On n'est pas, par exemple, comme une aluminerie dans un secteur
ou ailleurs, nous sommes partout en région et nous stimulons les
activités économiques en région avec les fournisseurs de
services et de produits en région.
Par ailleurs, une autre réalité qui est probablement une
des réalités majeures à souligner à cette table,
c'est le tableau en page 11, qui nous a même surpris lorsqu'on a fait
l'étude nous-mêmes; j'en parlais, d'ailleurs, à M. Johnson,
cette semaine ou la semaine passée. Nous rapportons, en fait, en revenus
à l'État québécois, spécifiquement 1 000 000
000 $. On dépasse, à ce compte-là, le pétrole
raffiné. On est donc le plus grand secteur pour le revenu. D'ailleurs,
on est le plus gros groupe du secteur du détail qui rapporte au
gouvernement, vous savez, aux alentours de 29 % ou 30 % de ses revenus, mais on
est le plus grand secteur du secteur du détail, le secteur de
l'alimentation, au niveau des revenus qu'on rapporte au gouvernement.
Pour terminer, il y en a qui diraient: Est-ce que vous êtes
efficaces? Est-ce que le Québec a de l'avenir dans cette structure
économique là? Je vous réfère, à ce
moment-là, au tableau 5, en page 13, où, si vous regardez les
ventes hebdomadaires, on a des ventes hebdomadaires plus élevées
que la moyenne canadienne. Il y en a qui vont dire... Il y a certains
grossistes qui ont annoncé que, finalement, peut-être que les gens
n'en avaient pas pour leur argent. Je peux vous dire, en ce qui concerne les
détaillants: Regardez les chiffres et vous verrez qu'on est très
compétitifs, qu'on est même en bas de la moyenne des prix des
marchés canadiens. Alors, non seulement on est efficaces mais on est
aussi très concurrentiels au niveau des prix.
Je pensais que c'était nécessaire de faire cette
clarification-là parce que, dans des dossiers antérieurs, on a eu
beaucoup de difficultés à faire comprendre quelle était
l'importance, non seulement en nombre mais aussi en revenus pour le
gouvernement, de ce secteur-là. Alors, essentiellement, notre
présentation aujourd'hui est basée sur un principe, le principe
du partenariat avec le gouvernement. On est probablement le groupe le plus
important en fait de nombre ou en ratio, si vous voulez, de personnes qui
ramassent de l'argent pour le gouvernement. Bien souvent, nos
détaillants pensent que ça fait partie de leur fonction dans la
vie; leur fonction principale, c'est d'administrer les taxes du gouvernement,
taxes qui ne sont pas simples à administrer; et on aura des
recommandations là-dessus.
Mais ce que j'aimerais souligner - et je pense que ça en vaut la
peine, parce qu'il y a eu certaines interprétations qui ont
été faites dans le passé: pourquoi, malgré un
contexte qui a été très négatif au niveau des
politiques gouver- nementales - en tout cas, je ne remonterai pas très
loin en arrière; je remonterai juste à deux ans - pourquoi, nous,
on a de la difficulté à se développer sans contrainte? On
ne demande pas de cadeau, on demande tout simplement d'arrêter de nous
imposer des choses et de nous permettre de développer notre meilleure
ressource, qui est la vente.
Je fais un bref rappel, qui va durer quelques instants, avant d'arriver
aux recommandations. Il y a un débat fondamental dans notre secteur, qui
se demande: Est-ce qu'on devrait relever du MAPAQ ou du MIC? En ce moment, on
relève du MAPAQ. Je vais vous dire que, même si on relevait de
l'un ou de l'autre, en ce moment, on a des problèmes fondamentaux. Vous
savez que, dans le passé, on relevait du MIC - il y a à peu
près 15 ans. C'était un peu normal; il y a un secteur commerce,
ça devait être nous, sauf que ça a l'air que, comme on est
noyés dans la réglementation, on a décidé que, bon,
puisqu'on était noyés, on allait être dans le MAPAQ, parce
que c'est eux qui nous réglementent.
Il y a une situation que je mentionne au début du mémoire,
où je compare une aberration, et je demande, justement,
là-dessus, qu'une des orientations principales des recommandations de la
commission soit de s'assurer qu'il y ait une meilleure coordination au niveau
des recommandations qui sont présentées. Je vais vous donner
juste un cas, celui de Québec Vrai versus Qualité Québec.
Nous, on est dans les deux dossiers. Québec Vrai, c'est une proposition
qui a été développée par le MAPAQ sur la
qualité spécifique d'un produit - pas son origine - et ça
s'appelle Québec Vrai. Ça a été
développé en détail; on a été pris dedans.
Nous, on essayait de leur expliquer: Comment vous pouvez le vendre? Parce que,
en bout de ligne, tous ces projets-là passent par le détaillant
si vous voulez les vendre aux consommateurs. En même temps, le MIC
développe un autre principe qui s'appelle Qualité Québec -
vous en avez entendu parler - qui, lui, ne réfère pas du tout
à la qualité mais plutôt à la provenance du produit.
Alors, vous avez deux politiques gouvernementales dans lesquelles on a investi
beaucoup de temps de fonctionnaires, beaucoup d'argent, qui disent exactement
l'inverse de ce qu'elles font. Et, nous, on est poignes entre les deux pour
essayer de les mettre en marche quand, en bout de ligne, ça a
été décidé en haut. Là, on arrive chez le
détaillant, on dit: Essaie de pousser Qualité Québec;
essaie de pousser Québec Vrai. D'accord? C'est juste pour vous donner un
peu l'absurdité de la situation qu'on vit.
Maintenant, je vais prendre quelques exemples rapides des politiques
gouvernementales qu'on a eues depuis quelque temps et qui ne nous aident pas du
tout à développer notre potentiel Le permis de 215 $, vous vous
en rappelle rez - en tout cas, certains d'entre vous s'en rappelleront - nous a
été imposé unilatéralement,
même si on s'y opposait, et représentait uniquement un
transfert de coûts de 9 000 000 $ de charges des inspecteurs qui
étaient tout simplement reportés au niveau de nos
détaillants, qui devaient défrayer ces coûts-là dans
l'avenir. Alors, il a fallu qu'on bloque. On a boycotté, on s'est
opposé à cette taxe. On ne l'a pas payée pour forcer quoi?
Une table de coordination, dite table qui n'a pas donné les
résultats qu'on escomptait, mais je ne veux pas entrer dans les
détails. Par contre, on a réussi, malgré tout, en faisant
ce boycottage systématique - ce qui ne devrait pas être notre
rôle - à empêcher l'arrivée de permis qui
n'étaient pas coordonnés, comme les permis sur l'eau, par
exemple, où il y en avait un qui venait de l'environnement et l'autre
venait du MAPAQ. On ne s'était pas entendu là-dessus.
Un autre élément, le Sommet de l'agriculture, où,
justement, on voulait regarder toute la filière, de la terre à la
table, et où, effectivement, le détaillant, comme entrepreneur,
est aussi important que l'entrepreneur-producteur à la base. Toute la
filière. Mais, croyez-le ou non, on a oublié de nous inviter. Ils
nous ont invité 24 heures avant. Alors, on n'y est pas allés. On
s'est dit: On n'est pas pour aller là présenter nos positions. On
a oublié une filière de 10 000 vendeurs qui sont dans le commerce
de l'alimentation, qui n'ont pas été invités. Et Dieu sait
qu'ils nous connaissent, au MAPAQ! Si vous regardez, en plus, à la
table, on essaie de faire un seul représentant pour la distribution. Je
vous rappelle que la distribution en gros puis la vente au détail, c'est
deux réalités bien différentes.
Un sujet complètement différent de ce que vous penseriez,
mais qui a des impacts économiques importants pour nous et pour le
gouvernement dans l'avenir: la consigne. Vous savez qu'on est devenus, dans
notre secteur, les poubelles publiques. O.K. On dépense une fortune,
même s'il y a un élément de consigne qui nous revient,
à essayer d'administrer la consigne. Il a fallu qu'on se batte avec le
ministre Paradis pour empêcher la consigne sur les bouteilles de la SAQ,
parce que les bouteilles de la SAQ seraient venues chez nous, encore. Et
même que la SAQ s'y opposait. Nous, on a développé un
projet complet avec les manufacturiers, qui est sur la table, qui pousse le
concept de collecte sélective, pour finalement rationaliser tout le
problème des rebuts et de la consigne à l'intérieur du
secteur de l'alimentation. Le projet est sur la table, il a été
déposé. Tout le monde et les ministres concernés ont
été informés. On fait notre part, on collabore.
La taxe sur les cigarettes. Vous m'avez entendu parler récemment
là-dessus. Je tiens encore à mes chiffres et je vais les
défendre. Par contre, je ne le ferai pas en détail ici, tout
simplement parce que j'ai l'honneur de représenter la Coalition pour la
justice sur le tabac qui va faire une présentation très
spécifique sur le tabac et les revenus gouvernementaux. C'était
prévu le 16, mais la date a été changée. Mais je
pense que j'en ai assez dit là-dessus, et M. Picher, ce matin, dans
La Presse, a repris certains éléments qui étaient
assez éloquents.
L'extension des heures de vente de la bière et du vin. On vit une
aberration où les gens ont le droit de se déplacer en voiture
pour aller boire dans les bars, mais ils doivent arrêter d'acheter chez
nous à 23 heures. Alors, on devient non seulement des vendeurs qui ont
des limites, qui ont des concurrents mais, en plus, on doit faire la police sur
quand les gens ont le droit d'acheter et ne pas acheter chez nous quand, nous,
on a le droit d'être ouverts.
Loto-Québec, c'est un des éléments qu'on va
présenter ici. On a eu des discussions - ce n'est pas comme si on
n'avait pas essayé, là -avec M. Crête pendant un an de
temps. Ça n'a absolument rien donné, parce qu'on nous dit qu'on
n'a pas le pouvoir de décider. On n'a pas d'argent. Ce n'est pas nous
qui décidons. On nous renvoyait aux décideurs. Et, finalement, on
est arrivé avec l'idée charmante que vous connaissez, qui est
d'ailleurs lancée aux députés, qui est ce que j'appelle la
proposition MacDonald: «Vous voulez un petit terminal avec
ça?» Ce n'est pas ça qui va régler le
problème chez nous. Ce n'est pas la course au terminal ou aux terminaux
ou aux valideuses, ou comme vous voulez. Ça, c'est des bonbons, ce qu'on
appelle chez nous des nananes. Ça ne réglera pas le
problème. Le problème, c'est de donner la volonté aux
détaillants de vendre un produit qui lui rapporte de moins en moins
d'argent. Donc, vous ne pouvez pas insister sur la volonté des
détaillants de participer.
La SAQ et la RPAQ, vous le savez, ça fait partie d'une de nos
recommandations. On essaie toujours d'augmenter nos marges. On essaie
d'augmenter nos gammes, et on se fait répondre par notre concurrent, au
hasard, d'accord, que lui n'est pas intéressé - c'est normal, il
ne veut pas qu'on lui fasse concurrence. Et, même dans le cas où
nous avons droit à un produit dans les gammes, quand il marche bien, on
nous l'enlève parce que la SAQ n'est pas capable de fournir; et elle les
vend dans ses succursales, quand ils vont bien, les produits. Je pourrais vous
donner des exemples. Une belle aberration qu'on vit. Et on essaie, nous - on ne
coûte rien à l'État, là - de développer ces
marchés-là. (11 h 40)
Une que vous connaissez déjà, parce que vous m'avez
entendu pendant plusieurs mois, et M. Lord aussi, c'est les heures d'ouverture.
C'est clair qu'on avait, pendant cinq ans, débattu le dossier. On est
arrivé à ce qu'on appelle un compromis, et je cite: Durable,
gérable et équitable. En trois semaines, on l'a fait passer.
C'est ça qu'on appelait la consultation. Et on sait ce qui s'est
passé. C'est que, nous, on est le
seul secteur à être identifié comme étant
obligé d'avoir du volontariat, le seul. On est le seul. C'est comme
ça que le gouvernement a gagné l'appui des TUAC. Il ne faut pas
s'en léser. C'est comme ça qu'il l'a gagné. Et ça
sert à qui? À ceux qui ne sont pas syndiqués, qui nous
font concurrence - les Club Price - parce que, nous, nous sommes très
syndiqués.
Alors, voilà une autre mesure toute récente du
gouvernement qui, non seulement est heureux de nous proposer les heures
d'ouverture auxquelles on s'était opposés depuis très
longtemps mais nous envoie, en plus, une discrimination particulière qui
touche nos droits de gérance, qui nous empêche de faire des
affaires et qui favorise un compétiteur qui, on vous l'a dit, ne
réinvestit pas ici. Nous sommes des entreprises
québécoises.
Je pourrais continuer longtemps. Je veux juste terminer en vous disant
de regarder ce que les détaillants ont fait. On a acquis le Super Salon
de l'alimentation. On a acquis le Salon international des vins et spiritueux.
On se donne des outils pour développer nos produits. On a le Concours
SSA des produits nouveaux, qui offre des prix chaque année, qui permet,
justement, aux entrepreneurs de développer des nouveaux produits et de
les mettre sur le marché. Le Super Salon de l'alimentation, ça
attire 12 000 détaillants professionnels. Le même salon à
Toronto, qui est le Grocery Showcase Canada, attire 2000 personnes. Pourquoi?
Parce qu'il y a 2000 détaillants indépendants ailleurs au Canada,
et qu'il y en a 12 000 au Québec.
Nous, par ces propositions-là, ce qu'on fait, c'est qu'on essaie
de vous démontrer qu'on veut le développer, notre secteur. On a
été dynamiques, mais on a des contraintes sans arrêt. Ce
qu'on vous propose dans nos recommandations, que vous avez - et je vous
ramène aux recommandations, à la page 25 du mémoire; c'est
la synthèse - on vous propose de simplifier la perception de la taxe de
vente, parce qu'elle nous cause des problèmes. Les collègues,
ici, pourront vous parler d'aberrations dans le système. On vous propose
une solution dure mais efficace pour la contrebande de cigarettes, qui nous
cause des problèmes fondamentaux. On vous propose même de se
battre pour vous auprès des députés
fédéraux. On a commencé une campagne. On va la faire, la
job, mais, Seigneur! on ne peut pas toute la faire tout seuls. On est
tannés de la faire tout seuls. La vente de loteries, on vous propose des
solutions concrètes pour augmenter les ventes; même chose pour
l'augmentation de la gamme des vins et la commercialisation. Ce sont des
recommandations pour augmenter les revenus de l'État. On y participe
déjà pour 1 000 000 000 $. On est prêts à y
participer encore plus parce que, en principe, à moins que vous ne
jouiez avec nos taux de taxes encore, plus on fait d'argent, plus vous allez en
faire. C'est le principe qu'on défend ici.
Malgré tout l'historique horrible que je viens de vous
décrire, on a encore l'intention de travailler de pair avec le
gouvernement à développer des solutions concrètes. Je
pense que ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est que les solutions
qu'on met sur la table, c'est des solutions concrètes, pas des grands
principes. D'accord, il y a un principe, c'est celui du partenariat, celui du
respect, probablement, d'un de vos partenaires commerciaux, le plus important
au Québec. C'est tout.
Alors, ce que je fais, c'est que si vous avez des questions sur les
recommandations, ou autres, mes collègues répondront plus
spécifiquement. Ce sont des professionnels du secteur.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie pour votre
exposé.
La parole est maintenant à M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Alors, M. le Président, je veux
évidemment souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos amis de
l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Je vous
félicite pour votre présentation, tout en ayant un petit
bémol quant aux suggestions que vous faites pour régler les
problèmes auxquels nous devons faire face comme société,
et particulièrement comme gouvernement, et encore plus
particulièrement comme ministre des Finances ou président du
Conseil du trésor ou ministre du Revenu.
C'est une contribution dans le sens d'apporter devant nous des sujets
fort intéressants. J'aurai l'occasion de dire quelques mots sur chacun
des sujets que vous avez abordés, sans nécessairement vous donner
les réponses que vous aimeriez entendre. Mais, tout de même, soyez
assurés de notre intérêt à regarder et
étudier les sujets que vous abordez.
Nous réalisons que, compte tenu du grand nombre des membres de
votre association - à peu près 11 000 - les commerces
gérés par vos membres sont autant de points de service pour la
population, en plus de constituer des mandataires importants comme percepteurs
de revenus du gouvernement. Par les partenariats, c'est sûr que vous
êtes des partenaires quotidiens du gouvernement et que vous rendez des
services inestimables à la société à ce chapitre.
Dans ce contexte, le gouvernement est conscient de l'impact des mesures qu'il
prendra pour diminuer les contraintes administratives à l'égard,
par exemple, de la TVQ. Pour ce qui est des taxes sur le tabac, les marges sur
les loteries, les boissons alcooliques, il faut noter que tous vos membres sont
traités sur le même pied.
Nous considérons sérieusement vos remarques, cependant,
comme je l'ai mentionné, à cet égard. On devrait cependant
peut-être noter que le traitement des mandataires à la taxe de
vente est identique à celui des mandataires pour les autres lois
fiscales. Par exemple, il n'y a pas de
compensation pour les employeurs qui remettent leurs contributions au
fonds des services de santé. Tout le travail qui est fait, disons, par
quelque employeur que ce soit dans les questions de retenues à la
source, etc., est fait sans qu'il y ait de compensation. Je suis cependant bien
conscient qu'il y a quelques années - je peux me permettre de retourner
un peu en arrière; c'est un privilège qui est le mien, du moins -
je me rappelle fort bien qu'il y avait une compensation sur le montant de taxes
perçues au niveau du détail; et, d'une époque a l'autre,
il y a eu érosion jusqu'à ce que ça disparaisse
complètement. Alors, je comprends votre préoccupation, mais je
dois cependant vous dire, vous rappeler qu'au point de vue
d'équité par rapport aux autres qui font le même travail,
il y a là non pas une iniquité ou une injustice.
Quant à l'harmonisation de la TVQ avec la TPS, vous voudriez
qu'elle se poursuive davantage, et nous croyons que vous avez raison.
D'ailleurs, si nous n'avons pas encore réussi à pleinement nous
harmoniser, c'est une question, encore, qui touche les finances publiques,
c'est clair. Lorsque nous avons décidé de nous harmoniser, nous
voulions avoir une administration unique, pas deux administrations. Nous avons
réussi. Nous n'avons pas seulement la perception de la taxe de vente du
Québec mais, en même temps, nous assumons la responsabilité
de la perception de la taxe sur les produits et services du gouvernement
fédéral. Donc, un seul guichet et une seule administration.
Ça n'a pas été facile à obtenir, mais ça a
été fait. Jusqu'ici, 26 % des 400 000 mandataires de la TVQ
utilisent un formulaire conjoint TVQ-TPS.
Et, grâce à l'expérience acquise depuis le 1er
juillet dernier dans la gestion conjointe par le ministère du Revenu du
Québec, le gouvernement a pu annoncer des mesures importantes de
simplification et d'harmonisation touchant 60 % des mandataires. Par exemple,
possibilité de production de la déclaration de taxes à
tous les trois mois, au lieu d'avoir un rapport mensuel, à partir de
janvier 1993 et possibilité de produire une seule déclaration
annuelle en versant des acomptes trimestriels, et cela, à partir de
1994.
En plus, les assouplissements apportés l'automne dernier font en
sorte que les mandataires mensuels peuvent comptabiliser conjointement la TVQ
et la TPS pour une même période de temps, s'ils le
désirent. (11 h 50)
Mais tout cela ne nous empêche pas d'être sensibles à
ce que vous désirez. Vous désirez avoir une harmonisation plus
complète. Nous tendons vers cela, et dans les meilleurs délais.
Nous n'avons aucunement à vous contredire sur cette approche que vous
avez. C'est sûr que, plus on arrivera à une harmonisation
parfaite, plus cela vous enlèvera des problèmes que vous n'avez
pas demandés, de toute façon, et que vous ne méritez pas
d'avoir. C'est sûr qu'on s'en va dans cette direction-là. Mais,
encore-là, la seule raison qui... Une des raisons principales qui nous a
empêchés d'avoir une harmonisation aussi parfaite... Il y avait
deux raisons en particulier: il y avait la raison financière,
évidemment, et elle se résorbera, j'en suis convaincu; l'autre,
c'était la question constitutionnelle, qui nous empêchait d'avoir
le même processus que le gouvernement fédéral. Et cela,
c'est une question constitutionnelle que nous espérons pouvoir
régler, encore là, dans un avenir pas trop éloigné.
Donc, lorsqu'on aura atteint ces deux fins-là, je pense qu'a ce
moment-là vous pourrez dire que vous avez gagné votre point. Je
ne peux pas vous le dire au moment où on se parle, mais, tout ce que je
peux vous dire, c'est que nous sommes sensibles à cette
préoccupation.
Quant aux loteries, vous savez, les détaillants de
Loto-Québec sont assez nombreux - environ 12 000 - et rares sont ceux
qui se sont désistés. Au contraire, ce que nous avons, c'est des
demandes de plus en plus fortes pour compléter le réseau, pour
permettre à des gens d'avoir ce que vous appeliez tout à l'heure
les valideuses, etc. Donc, il y a ce désir qui est là, et
très fort, pour avoir ce service. Et, deuxièmement, les
pourcentages de commission versés partout en Amérique se
situeraient, d'après nous, entre 5 % et 6 %; et Loto-Québec,
c'est 5,32 %. Alors, il n'y a pas là, à mon sens,
d'Iniquité. Loto-Québec indique aussi que le marché des
loteries est un marché qui a atteint une certaine maturité,
c'est-à-dire que les consommateurs ne dépenseront pas tellement
plus pour cette activité. Alors, comment supposer que l'augmentation du
taux de commission permettrait d'augmenter les ventes de loteries et les
revenus du gouvernement? Dans le fond, ce que nous recherchons, là en
particulier, c'est d'améliorer le rendement pour le gouvernement, pour
la société. Alors, ça doit nous préoccuper
aussi.
L'exercice que nous faisons ici ce matin, que nous faisons au cours de
ces trois semaines, c'est de faire face à une situation difficile pour
le gouvernement - il ne faudrait pas l'oublier -difficile au point de vue des
équilibres financiers. Et, l'une des sources de revenus que nous avons,
c'est Loto-Québec et aussi, par exemple, la Société des
alcools que vous avez mentionnée également. Les avenues que vous
proposez, soit l'élargissement de la gamme des vins vendus chez les
détaillants ou la possibilité de vendre le vin à un prix
inférieur à celui de la SAQ, évidemment, ça
pourrait faire l'objet d'études de la part de ceux qui s'occupent
particulièrement de ce domaine. Cependant, plusieurs aspects doivent
être pris en considération avant d'établir une telle
pratique.
Le Président (M. Lemieux): Le temps est déjà
écoulé, M. le ministre.
M. Levesque: Le temps est écoulé? Bon,
alors, j'avais beaucoup de choses à vous dire, mais je vais
être obligé de les garder pour un peu plus tard, peut-être
pour notre prochaine rencontre.
Mais je vous remercie tout de même de cette contribution, et soyez
sûrs que les sujets que vous avez mis de l'avant et que vous avez
abordés ne tombent pas simplement dans l'oreille d'un sourd. Nous
écoutons. Nous sommes ici pour écouter, aussi, cependant, pour
évaluer et placer tout cela dans le contexte général du
bien commun.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. le député de Labelle, pas de commentaires? Est-ce que
vous avez des commentaires relativement aux propos de M. le ministre des
Finances?
M. Mayrand: Oui, moi, j'en aurais un.
M. Levesque, quand vous dites que Loto-Québec a atteint une
maturité au niveau des ventes, il faudrait que vous alliez
peut-être voir ce que Loto-Québec fait, parce qu'elle a des
projets, des petits programmes qu'elle met au niveau des détaillants
pour essayer de vendre un peu plus certains produits; elle met des incitatifs.
Concernant les demandes de valideuses qui se font actuellement, c'est tout
simplement une question de concurrence. Si, moi, j'ai un concurrent qui a une
valideuse et que je n'en ai pas, c'est sûr que je vais essayer d'en faire
la demande pour l'obtenir. C'est officiel. Concernant l'achalandage, je l'ai
déjà, l'achalandage, et Loto-Québec, dans le rapport qu'on
a fait, ne discute en rien au point de vue de l'achalandage. Donc, on se dit:
Si vous voulez aller chercher une augmentation de vos revenus, donnez-nous non
pas des bonbons mais la possibilité d'être avec vous et
d'élaborer des programmes pour augmenter le réseau des ventes et
augmenter nos ventes là-dessus. C'est la seule façon. Regardez -
je ne sais pas, dans votre comté de Bonaventure - allez acheter un
billet, et je suis sûr que des gens ne vous l'offrent tout simplement pas
parce qu'ils ne sont pas motivés à le faire. C'est tout
simplement ça. La seule façon d'augmenter vos revenus: motivez
vos détaillants. Mais on n'est jamais consultés, jamais. Comment
voulez-vous qu'on soit performants sur ce que vous mettez? Et vous investissez
des sommes incroyables dans ce système-là. La preuve:
Loto-Québec s'en vient avec le système de «scanning»;
actuellement, ils sont en train de changer les machines. Nous, on n'est pas
consultés. C'est le gouvernement, c'est Loto-Québec qui prennent
les décisions à nos dépens, à nous. Quand est-ce
que le détaillant, celui qui a un système de terminal ou de
loterie, les épiciers ici, vont être consultés,
concrètement, avec Loto-Québec et non pas jouer à
l'autruche? C'est important, c'est une question de vitalité.
M. Levesque: Évidemment, il s'agit d'une
société qui a une certaine autonomie, mais ce que vous dites va
être transmis intégralement.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances,
malheureusement...
M. Levesque: Oui, je sais. Je voulais simplement dire
ça...
Le Président (M. Lemieux): O.K. Allez-y, ça va.
Ça va, M. le ministre.
M. Levesque: ...avec la permission - de la commission.
Le Président (M. Lemieux): Je comprends, un
consentement...
M. Mayrand: Mais, M. Levesque, quand on...
M. Léonard: ...un consentement.
Le Président (M. Lemieux): Non. Alors...
M. Léonard: II se reprendra tout à l'heure; il va
avoir la chance de revenir.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez
terminé votre exposé? Oui? Vous aviez l'impression d'avoir
quelque chose à dire?
Mme Marois: On pensait que M. Savoie allait intervenir.
M. Gadbois: Juste deux éléments importants, parce
que c'est des chiffres qu'on oublie, mais ils sont dans le mémoire. On
fait référence au fait que 50 % des ventes de Loto-Québec
sont des ventes impulsives. Nous sommes bien placés pour les faire; on a
un intérêt particulier.
M. Léonard: 50?
M. Gadbois: 50 %. .
M. Léonard: 50 %.
M. Gadbois: Selon des études de Loto-Québec
elle-même, on représente, nous, 70 % des ventes de
Loto-Québec, au départ. Nous, tout ce qu'on vous dit aujourd'hui,
c'est: On vous met au défi; c'est un beau défi, augmentez-les,
regardez-les sur 6 mois. S'il n'y a pas eu d'augmentation, coupez-les et
ramenez-les. C'est simple. On est des gens d'affaires, ici, on est là
pour développer un marché. Si vous le faites, on va le signer. Je
suis sûr que tout le monde ici... Augmentez la marge comme on l'a vu, et
je vous dis que vous allez les voir monter, les ventes.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie. Je
suis certain que M. le ministre des
Finances va prendre ça en considération. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
D'abord, je veux saluer l'Association des détaillants en
alimentation, dont on a entendu parler avant Noël, en particulier au sujet
d'un projet de loi dont tout le monde aussi a entendu parler, celui qui
concernait l'ouverture des heures d'affaires, mais que le gouvernement a mis
sous le boisseau parce que ça lui faisait mal, ce que la population lui
disait et ce que les députés aussi lui disaient.
Alors, comme vous avez entendu le ministre des Finances, vous saurez que
c'est le discours qu'il nous tient généralement: tout va bien, il
n'y a pas de problème. C'est vous qui avez des problèmes, pas
lui. Mais il y en a, des problèmes, Je pense qu'il faut les constater.
Do toute façon, vous avez bien fait de revenir sur cette question du
bris d'un accord. Il y a deux ans, sur la loi des heures d'ouverture,
c'était supposé être un accord durable, gérable et
équitable, mais il a été sabré par une mesure tout
à fait exceptionnelle, au-delà des bâillons à
l'Assemblée nationale, qui est celle de la suspension des règles
dans un Parlement démocratique. Ça ne se fait pas souvent. Dans
les dictatures, ça se fait, mais dans un Parlement démocratique,
pas souvent. (12 heures)
Alors, messieurs, je voudrais faire porter mon intervention sur la
question de la réforme fiscale. Il y a eu une réforme fiscale
considérable au Québec et au Canada, introduite au début
d'une récession, ce qui a entraîné des conséquences
incalculables - dont la durée de la récession elle-même -
depuis trois ans. Et on n'en est pas sorti. Le ministre parle de TPS et de TVQ,
de l'harmonisation, et il dit: Nous avons réussi. Nous avons
réussi. Je pense que, lui, peut-être, dit qu'il a réussi,
mais la réforme n'est par réussie. J'en entends tous les jours
parler, dès que je vais dans mon comté, des difficultés de
perception, des difficultés de faire rapport au gouvernement. Et,
maintenant, les détaillants sont obligés, pour faire leur rapport
au gouvernement, de faire appel à des comptables. Donc, ils sont
devenus, en quelque sorte, des comptables. Je sais quelle opinion vous avez sur
les comptables - on en a entendu parler depuis le début de la commission
- mais je dirai que là-dessus, ce qui arrive, c'est qu'on a
obligé les détaillants à se muer en comptables et je dirai
aussi autre chose, puisqu'on est dans le marché des détaillants
et de l'alimentation, mais aussi les détaillants. Une des
difficultés que nous avions pointée du doigt lors de l'adoption
des mesures sur l'harmonisation, c'était la confusion qui s'introduirait
dans le public sur les prix demandés au consommateur. Parce que vous
avez le prix de la marchandise auquel on ajoute la TPS et, par-dessus, une taxe
sur la taxe, etc., 15,56 %. Mais ce qui arrive, c'est que, comme on a
laissé le tout ouvert, il y a des marchands qui la comprennent dans le
prix de vente, d'autres qui ne la comprennent pas et d'autres qui en
comprennent une des deux, de sorte que le consommateur ne sait plus comment s'y
retrouver.
Le ministre des Finances dit: Nous avons réussi. Bien, je le
laisse avec sa parole, parce que ce n'est pas notre opinion, loin de là.
Mais, au-delà de ça, le fait d'introduire cette réforme
à ce moment-ci, au moment où l'économie s'effondrait, a
amené, finalement, une vaste contrebande qui, je suppose, va miner tout
le monde, y compris le gouvernement. Ça, c'était l'art de se
tirer dans le pied du ministre des Finances. Mais ce que vous avez
établi, c'est que le chiffre de la contrebande, seulement sur la
cigarette aujourd'hui, serait de 1 400 000 000 $. Bref, j'aimerais vous
entendre là-dessus, parce que le tabac, c'est une chose; mais il y a
aussi l'essence, il y a aussi l'alcool et il y a aussi toute autre
espèce de marchandise que les Québécois vont acheter
ailleurs pour éviter des taxes.
Alors, j'aimerais savoir si vous avez fait, au-delà du tableau
que vous nous avez présenté sur le tabac, d'autres recherches et
avoir votre opinion sur ces fameuses taxes, TPS, TVQ et autres, sur des
produits précis comme le tabac, l'alcool et l'essence.
M. Lord: M. le Président, Gérald Lord,
président du conseil d'administration de l'ADA et épicier aussi,
de nature.
J'aimerais, dans un premier temps, répondre à M. Levesque
et, si vous le permettez, sur la question du tabac, je passerais à
Michel Gadbois qui est notre spécialiste là-dedans. J'aurais
quand même deux choses à répliquer.
Premièrement, au sujet des loteries, juste un petit peu, quand M.
Levesque a mentionné tantôt qu'il y avait maturité, je me
demande pourquoi on se bat pour avoir des casinos s'il y a maturité dans
le "gambling" au Québec. C'est juste en passant que je vous dis
ça.
Quant à ce qui en est de la taxe, on a dit qu'en 1984... M.
Levesque, je vous rappellerai la date, c'est le 1er avril 1984 que les 2 % nous
ont été enlevés sur la taxe de vente. À ce
moment-là, je crois que c'était très légitime parce
que c'était une situation, disons, qui était là par
habitude. Les gens payaient leur chèque, on enlevait 2 %. Là,
à un moment donné, il a fallu trouver des façons - et il
ne fallait pas toujours mettre ça sur le dos des citoyens -d'augmenter
les taxes, et cette façon-là, c'était très facile.
Et, d'ailleurs, il n'y avait aucun problème pour nous autres, parce
qu'à ce moment-là, les taxes, c'étaient nos reçus
de caisse. Ça disait, à la fin du mois, à la fin de la
semaine: Tu dois 2100 $ au gouvernement. Ta taxe est là. C'est ce qu'on
prenait, c'est ce qu'on envoyait et, ensuite de ça, vous nous
envoyiez des vérificateurs. Bon! Ça, c'était
facile. C'était juste un ruban de caisse, point à la ligne. Et,
lorsque le fédéral a institué la TPS, et vous êtes
arrivés après avec la TVQ, ma première réaction, au
premier chèque que j'ai envoyé - parce que ça a parti du
1er juillet - j'ai dit: Le gouvernement du Québec vient de faire une
belle petite passe tranquille sans faire de bruit. Parce que je vous dirais
que, dans le domaine de l'alimentation, si on prend, dans n'importe quel
magasin, la section du savon au complet et de l'eau de Javel et ainsi de suite,
la pharmacie, il y avait à peu près seulement là-dedans...
Ce qu'on disait, c'était: tout ce qui fait de la broue, il n'y a pas de
taxes. On avait ça dans nos magasins. C'était un peu une
façon enfantine de dire à une nouvelle caissière: Tu ne
charges pas de taxe. Mais, messieurs, la taxe est chargée, avec la TPS,
au complet sur toutes ces allées-là. Ce qui a
résulté que mon premier chèque que j'ai envoyé
comme épicier a triplé le montant de la taxe de vente au
Québec. Chez les dépanneurs, les plus petits secteurs, eux
autres, étant donné qu'il y avait beaucoup d'items, ça a
quintuplé. Et j'ai vérifié mes chiffres ce matin.
D'ailleurs, chez nous, c'est vraiment ça qui est arrivé.
Maintenant est arrivée la TVQ, au 1er juillet. Vous avez des
services d'une taxe sur un item au fédéral, il n'y en a pas au
provincial. C'est ça qu'on vous dit, là; ça n'a pas de bon
sens, tout l'ouvrage qu'on fait là-dessus. Et c'est clair,
Hydro-Québec, la TPS, on l'enlève. Au Québec, la TVQ, on
ne l'enlève pas. Il faut prendre toutes les factures, il faut travailler
ça. Je pourrais vous dire qu'on met une personne, disons,
peut-être à un tiers de temps de la semaine à travailler
uniquement sur la facturation pour essayer de régler ça.
Et je ne vous dirai pas non plus les problèmes qu'on a à
envoyer... Quand on envoie ça, malheureusement, avec tout ce
stratège, tu es en retard un petit peu, vous avez une
pénalité qui est partie de 10 % à 15 %. Et ça, ce
n'est pas de l'intérêt, c'est une «shot». Si c'est 10
000 $, c'est 1500 $ d'amende. Ça n'a pas de bon sens! Donc, je voulais
juste vous dire ça.
Et les cigarettes, je passe ça à M. Gadbois.
Une voix: C'est parce qu'il ne fume pas.
M. Gadbois: J'ai parié spécifiquement du
côté détaillant de l'effet de la contrebande parce qu'on a
l'honneur, à l'ADA, d'être les porte-parole de la Coalition
québécoise pour la justice en taxation du tabac, qui va
d'ailleurs faire une présentation de son mémoire, je pense... On
avait dit le 16, mais la date va changer. Et, à ce moment-là, le
mémoire porte spécifiquement sur tout l'aspect de la taxation du
tabac. Alors, plutôt que d'hypothéquer certaines parties qui sont
spécifiques au secteur alimentaire, je préfère juste
parler de l'impact sur les détaillants. on a déjà eu des
rencontres avec m. savoie, m. ryan, le cabinet de m. bourassa, l'automne
dernier. on avait dit, à ce moment-là... regardez, depuis juillet
1991, on a vu la contrebande partir. on la chiffrait, à ce
moment-là, à peu près à 10 %, 15 %. on a dit:
réagissez. en ce moment, la cartouche de cigarettes vaut 28 $ sur le
marché noir. o.k.? c'est ça qu'on sait. bon. on vous proposo la
coalition s'ost rniso ensemble parce qu'on s'est dit: on va mettre tous les
gens là-dessus pour avoir les chiffres, etc., pour bien comprendre tout
le secteur. on proposait 32 $, le montant de la cartouche de cigarettes, taxe
incluse dedans. et c'est évident que maintenant on ne peut plus vous
proposer cela, parce que, sur le marché noir, c'est rendu à 20 $
ou 22 $ la cartouche.
Plus on attend, plus le marché baisse parce qu'il est
concurrentiel. Et, ce qu'il y a d'extraordinaire - on devrait leur dire merci -
ils sont maintenant rendus en Ontario parce que là le marché
s'est bien développé. Et je peux vous dire qu'on a l'appui des
détaillants ontariens, des détaillants... La fin de semaine
dernière, je me suis offert une fin de semaine pour vous à
Toronto, avec les autres, et on a discuté en profondeur des
éléments qu'on devait mettre de l'avant, et eux vont commencer
une campagne.
Vous voyez la campagne qu'on a mise en place. C'est bien parce qu'on a
mal, on a très mal, surtout pour les dépanneurs, les petites
surfaces, parce que l'épicier, il n'en vend plus depuis trois ans. Au
coût où c'est, les gens ne les achètent plus à la
cartouche, ça s'achète au paquet. Au paquet, ça
s'achète chez le dépanneur. Les baisses sont énormes. On a
comptabilisé les baisses, cette année, à peu près
aux alentours de 118 000 000 $ les pertes pour nous, en ventes. On a
comptabilisé les autres coûts au niveau de la criminalité
associée au produit, ce qui est énorme. On est bien placé
pour le savoir. On se fout de nos tiroirs caisses maintenant. Ce qu'on veut,
c'est nos cigarettes. C'est normal parce que vous avez un marché
parallèle qui est développé. Vous pouvez l'écouler,
le produit. Bien, nos marchands, quand ils se promènent, quand ils vont
chercher leurs paquets de cigarettes, ils vont chercher leur livraison dans les
«Cash and Carry», etc., il faut qu'ils s'arment, il faut qu'ils se
protègent parce que ça vaut une fortune, ce qu'ils ont dans leurs
camions, d'une part.
D'autre part, si vous regardez les autres effets qu'il y a eus, les
autres effets de coûts à supporter, il y a eu, évidemment,
des pertes d'emplois. On les a évaluées aux alentours de 3500
incluant les faillites et les pertes d'emplois, parce que, finalement, pour
certains dépanneurs, c'est 30 % de leur chiffre d'affaires.
Enlevez 40 % de 30 %, il est aussi bien de fermer parce que le
dépanneur, sa marge de manoeuvre, vous le savez, est en bas de 1 % par
année de profit net. Alors, c'est normal. Je veux
dire, on souffre beaucoup. On ne sait pas quoi faire. On a
dépensé de l'argent, on a fait une campagne parce qu'on s'est
dit: II va falloir que les gens nous appuient. On sait que les gens sont
conscients, mais ils n'iront pas dans la rue demain matin. Ils vont
peut-être y aller si on les aide, mais ils n'iront pas parce que les
fumeurs sont bien contents, dans le fond. Ils sauvent le prix des
cigarettes.
Mais les citoyens savent une chose, par exemple, en bout de ligne, c'est
qu'ils vont devoir payer pour le manque à gagner. Ce n'est pas les
fumeurs, là. C'est eux qui vont devoir payer pour et nous, pendant ce
temps-là, on est prêts, on a même monté
nous-mêmes, on a appuyé un projet d'augmenter à 18 ans
l'âge auquel on peut vendre, et je peux vous dire que les
pénalités sont très fortes. Nous, on prend des risques
parce que plus vous êtes légaux, plus les risques sont forts, plus
les pénalités sont fortes. Moins vous êtes légaux,
moins vous êtes pénali-sables. (12 h 10)
Alors, on le sait, nous, qu'on se donne des pénalités
supplémentaires en le demandant, mais on peut s'assurer au moins que le
réseau va être respecté. Mais vous nous êtes
arrivé avec une concurrence qu'on ne peut pas prendre. Elle va
réduire, mais, vous savez, la décroissance de la consommation est
la même au Canada qu'aux États-Unis. Les taxes n'ont rien à
faire avec la diminution de la consommation; rien! Ce que vous pouvez faire,
par contre, c'est beaucoup de campagnes publicitaires, beaucoup
d'éducation avec l'argent que vous allez chercher sur les cigarettes. Si
vous ne l'avez pas, c'est ça de moins que vous allez faire. Je pourrais
en parler longtemps, mais il y a d'autres sujets qu'on présente ici, et
je pense qu'on pourra faire le point sur la contrebande de cigarettes. Et les
chiffres qu'on avance, on est très à l'aise avec.
Malheureusement, je pense que vous allez avoir des déceptions, cette
année. On a le nez collé sur la consommation, on sait combien on
ne vend pas et ça ne se vend pas ailleurs que dans les débits
illégaux. Vous savez où est-ce que ça se vend.
M. Léonard: M. le ministre a sûrement des choses
à dire.
M. Savoie: Effectivement. M. le Président, vous savez
qu'on était très intéressé par le mémoire
que devait présenter l'ADA. Évidemment, on n'est pas
déçu. Il y a plusieurs éléments, effectivement,
qu'on voulait aborder et voir touchés par eux. Ça porte sur le
principe que si vous nous aidez à développer des commerces,
évidemment, les retombées pour le Québec y seront et
ça devrait alléger les difficultés financières que
nous connaissons de part et d'autre.
Un petit commentaire et, après ça, deux ou trois
questions, si vous me le permettez. D'abord, au niveau de la taxe de vente,
vous parlez de la hausse de 10 % à 15 % de l'amende. C'est vrai, il y a
eu une hausse de l'amende de 10 % à 15 %, il n'y a pas de doute
là-dessus; ce n'est pas dans un but, toutefois, d'aller chercher des
revenus additionnels pour l'État, ce n'est pas ça qui est
visé. Ce qui est visé vraiment, c'est de faire payer les
délinquants par les amendes qu'on livre aux délinquants. On a,
également, et vous devez le savoir, suite à des échanges
que nous avons eus avec certains de vos représentants, de même
qu'avec M. Décary des entreprises indépendantes canadiennes,
décidé de réduire le temps, de 36 mois à 24 mois,
justement pour... Vous savez que vous pouviez faire une erreur par 36 mois;
maintenant, c'est une erreur par 24 mois. À la deuxième erreur,
l'amende s'applique. Alors, on a calculé qu'on a équilibré
un peu les choses de cette façon-là.
On va certainement examiner vos recommandations concernant la
possibilité d'introduire un mécanisme à l'effet que, si
vous êtes deux jours en retard, bien, l'amende sera une amende
équivalant à deux jours et, si vous êtes une semaine en
retard, à ce moment-là... On va regarder ça d'un petit peu
plus près chez nous. On avait déjà sorti une note
là-dessus et, suite au dépôt de votre mémoire, on va
le regarder encore.
Au niveau, justement, du tabac, vous arrivez avec un chiffre
élevé, très élevé. Vous dites que la
situation doit se corriger. Vous évaluez à combien la baisse, en
termes de taxes sur le tabac, que le Québec devra absorber pour,
finalement, rééquilibrer le marché sur une période,
disons, de 36 mois?
M. Gadbois: Ce qu'on vous propose, c'est... Comme on le sait, la
seule façon d'arrêter la contrebande, c'est de la battre à
sa propre raison d'être, c'est-à-dire le profit. Si on situe la
contrebande aux alentours de 22 $ la cartouche, maintenant, à ce
moment-là, c'est clair que, pour le consommateur, on présume - on
va être bien placé pour vous le dire et on peut le tester - qu'aux
alentours de 25 $, 27 $ la cartouche, prix de détail, toutes taxes
incluses, ça devrait être l'élément incitatif pour
faire une coupure immédiate. Si on ne le fait pas, à ce
moment-là, on va tous y perdre, c'est-à-dire que vous allez
perdre des revenus, on va perdre des ventes et la contrebande va continuer.
Ce que je vous dis, c'est que c'est tellement évident... Si on
réussit à 25 $ - d'accord? - on va tuer la contrebande demain
matin, avec tous les effets néfastes qu'on sait et qui sont beaucoup
plus pernicieux que juste les effets sur nous. On a plusieurs choses dans la
tête quand on parte de cela. Maintenant, par la suite, je pense
qu'ensemble, nous, le nez collé sur le marché, on pourra penser
à remonter les taxes à un niveau acceptable pour la
population.
On connaît le seuil; le seuil est historique, ça ferait une
étude aux HEC, si quelqu'un voulait faire une analyse sur
l'élasticité des cigarettes. Maintenant, quel est le niveau qu'on
va pouvoir le remonter pour que l'État se rattrape? je ne peux pas vous
le dire immédiatement. Par contre, je peux vous dire que même si
la demande qu'on fait en ce moment semble majeure, 50 %, et que la contrebande
est à 50 %, ça ne prend pas du génie pour comprendre que
la contrebande, l'année prochaine, va être à 60 % parce
qu'elle est montée de 10 % à 40 % en moins d'un an. Alors,
déjà, à 50 % vous allez être gagnants pour
l'année prochaine. Vous allez gagner 10 % de revenus. En plus, au moins,
vous ne serez pas touchés par toutes les faillites ou les pertes
d'emploi, etc., qui sont reliées, depuis un certain temps, à la
perte qu'on a dans ce réseau, la perte de ventes. Il faut le calculer,
ça. On pourrait faire une étude scientifique, mais, le temps
qu'on va faire l'étude, on va vous demander probablement dans six mois
de le baisser à 18 $.
Or, le principe est fort simple. Je vais vous dire une chose que j'ai
dite en public et même devant des anglophones. J'ai dit: Si le
Québec voulait vraiment, le Québec a juste à se tenir
debout et dire: Unilatéralement, nous baissons, nous, notre part de
taxes de façon unilatérale et tout ce que vous allez faire, vous
allez profiter de la contrebande légale des produits de tabac du
Québec pour être vendus ailleurs au Canada. L'expression, je peux
presque la citer. Vous me passerez l'expression: Tant qu'à se faire
avoir au Québec, c'est aussi bien de faire avoir les autres. Mais ce
n'est pas si bête que ça. Si vos collègues ne veulent pas
suivre ailleurs au Canada, vous avez juste à vous lever et faire la
menace et vous allez voir qu'ils vont faire des calculs rapides. Le NPD doit en
faire des maudits en ce moment en Ontario.
Alors, je vous dis - et ce n'est pas une blague - que le gouvernement
prenne position immédiatement et dise: Nous, on le fait
unilatéralement, et vous allez voir la folie que ça va
créer sur le marché, mais nous, au moins, on va profiter de ce
marché-là jusqu'à temps que vous autres vous vous
réveilliez.
Le Président (M. Lemieux): Je sais que M. le
député de Saint-Louis a demandé la parole. Vous pouvez
continuer, M. le ministre, parce que tout à l'heure j'ai malheureusement
oublié M. le député de Saint-Louis qui m'avait
demandé la parole avant M. le ministre du Revenu. Je m'en excuse M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: De bonne heure. Une voix: Nous, c'était
le premier.
M. Chagnon: M. le Président, je voudrais remercier les
gens de l'ADA d'être venus témoi gner devant nous.
Le rapport que l'ADA nous soumet, contrairement à ce que disait
le député de Labelle, je n'ai pas senti que le ministre des
Finances se vantait de l'ensemble de l'harmonisation entre la TPS et la
TVQ.
Nous sommes conscients, et je suis aussi conscient que lui, qu'il y a
des problèmes d'harmonisation. On le vit dans nos comtés, on en
reçoit, des demandes. On voit des gens qui nous disent: Bien, des
problèmes de perception, des problèmes d'harmonisation en
général, c'est une réalité qui devra
s'améliorer le plus rapidement possible.
Dans votre document concernant la contrebande sur les cigarettes, vous
avez fait référence au rapport Poulin. D'ailleurs, vous en avez
fait rapport à quelques reprises. Quelques membres ici, des
députés ministériels, ont été membres du
rapport Poulin et ont travaillé sur des suggestions que vous reprenez
dans votre document.
Le député de Bonaventure et ministre des Finances
revendiquait l'honneur de pouvoir citer des objets qu'il a connus il y a
quelques années. Je lui ferai part d'une lecture qu'il a dû faire
à l'époque. C'est le rapport de la commission Bélanger,
Marcel Bélanger, rapport sur la fiscalité en 1965 au
Québec. En page 407, sur la taxe sur le tabac. Je vous le cite tout en
faisant un clin d'oeil au ministre des Finances. Le rapport Bélanger
disait ceci: «La taxe sur le tabac pourrait être accrue pourvu que
son augmentation ne prête pas à la contrebande.» On est en
1965. Effectivement, je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup d'autres solutions
que de voir une décroissance de la taxe sur le tabac pour éviter
une augmentation de la part de la contrebande dans le marché de la
cigarette.
Quant à l'utilisation du vin dans les commerces en alimentation,
vous avez fait une recommandation qui stipule que les vins de pays et les vins
de cépages, quel que soit leur lieu d'embouteillage et sans se limiter
aux huit marques formats embouteillées par la SAQ, doivent être
vendus dans le réseau des détaillants en alimentation. À
l'heure actuelle, n'êtes-vous pas responsables de la vente de tous les
vins d'embouteillage local, tous les vins qui sont embouteillés
localement? Est-ce que tous les vins embouteillés localement peuvent
être vendus dans un dépanneur ou une épicerie? Tous les
vins?
M. Mayrand: Tous les vins.
M. Chagnon: Même Mommessin, je ne sais pas quoi, moi?
M. Gautrin: Pas de réclame
M. Chagnon: Mommessin ou n'importe quelle autre marque
embouteillée au Québec peut être
vendue chez vous? C'est oui ou c'est non? Une me dit non, l'autre me dit
oui.
Mme Fortin: Les viniculteurs québécois ont
l'exclusivité de nous fournir, chez les détaillants en
alimentation. Toutefois, au niveau des marques comme Mommessin, ce n'est pas un
produit qui est embouteillé ici. Par conséquent, ça, on ne
peut pas l'avoir. Le règlement stipule bien qu'on peut avoir des vins
sans appellation d'origine et sans indication de cépages. (12 h 20)
M. Chagnon: II n'y a pas de vins d'appellation
contrôlée qui sont embouteillés ici?
Mme Fortin: Oui, et ce sont les huit marques formats
embouteillées par la SAQ. Ce sont les seuls auxquels nous avons droit.
Même à l'intérieur de ces huit marques formats, nous
n'avons pas les huit. La SAQ a le choix de choisir ceux qu'elle veut nous
envoyer, et l'exemple que M. Gadbois donnait au début, c'est l'histoire
du Borrico Blanco et Borrico Negro, qui étaient de très bons
vendeurs chez nous, qui étaient parmi les huit marques formats
embouteillées par la SAQ. Ils étaient dans nos commerces, mais
ont été retirés parce que, effectivement, ils avaient trop
de potentiel. Et c'est un excellent vin.
M. Chagnon: II n'y a pas d'autres appellations
contrôlées que celles employées par la SAQ.
Mme Fortin: Vous avez le Côte-du-Rhône, mais ce sont
des marques d'appellation, et embouteillés par la SAQ.
M. Chagnon: Non, qui sont embouteillés par la SAQ.
Mme Fortin: Ces sont les Côte-du-Rhône, Nuit de la
Saint-Jean.
M. Chagnon: Mais la revendication que vous faites, c'est de
pouvoir vendre, en fait, tous les vins qui seraient des vins de pays ou des
vins de cépages.
Mme Fortin: avec indication de cépages, des vins de pays.
en fait, c'est de vendre un peu d'autres vins, d'offrir une plus grande gamme
de vins chez nos détaillants.
M. Chagnon: Est-ce qu'il ne serait pas préférable
de regarder une ouverture pour faire en sorte que l'embouteillage... Parce
qu'il y a un marché pour l'embouteillage, je présume, au
Québec, un marché local. Des compagnies comme Andrès, des
compagnies qui font de l'embouteillage pour d'autres sociétés
vinicoles françaises ou chiliennes?
M. Gadbois: Oui, mais il est fait sous contrôle... La
majorité des produits - c'est assez complexe - sont faits à
partir - comment on appelle ça, donc? - de sirops, je dirais, et ils
sont reconstitués ici avec une valeur compétitive douteuse, je
vous le jure. Mais ce n'est pas tellement cet aspect-là. C'est que si on
regarde, on est quand même contrôlés. Notre marché,
lui, il est là, et, pour vous reciter le rapport Poulin, je pense que
l'approche qu'on préconise, quand on parle de privatisation...
M. Chagnon: Le rapport Poulin disait tout simplement, et je
demeure tout à fait d'accord avec cette vision, que la SAQ devrait
être privatisée. On devrait commencer par privatiser son secteur
de l'embouteillage et, ensuite, privatiser le secteur de la distribution.
M. Gadbois: Exactement.
M. Chagnon: C'est ce que nous pensons.
M. Gadbois: Nous, ce qu'on vous dit, c'est que c'est absurde que
la qualité et le contrôle, etc., se fassent par la SAQ. C'est tout
à fait louable, ça doit se faire...
M. Chagnon: C'est ce que nous pensons aussi.
M. Gadbois: ...mais que nous nous trouvions en compétition
sur un marché où nous offrons 10 000 points de vente versus 350,
c'est absurde. Nous, on pourra développer les marchés
dépendant du type de consommateurs que vous avez, comme on fait dans
tous nos produits.
Alors, il y a une expression que M. Bouras-sa nous avait
présentée la dernière fois, ce qu'il appelait «le
striptease élégant de la SAQ». Je pense que c'est ça
qu'on devrait regarder ensemble et ne pas se faire dire comment ça va se
faire, mais peut-être travailler avec nous pour voir comment on peut le
faire par étapes, de façon à toucher le moins possible les
employés de la SAQ, parce que c'est ça, le problème
principal. Et, pour l'amour du bon Dieu! ne mettez pas la SAQ seul
décideur. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, vous ne
pouvez pas demander au loup de décider s'il veut manger ou non du
mouton. C'est clair que, elle, c'est son marché. Elle a des revenus
à générer pour le Conseil du trésor, au ministre
des Finances.
Alors, ce qu'on veut, comme nous le dit continuellement le ministre
Tremblay...
M. Chagnon: Enfin, je comprends mieux, M. le Président,
l'élargissement qui est demandé par l'ADA. Je trouve que c'est
plein de bon sens. De toute façon, la clientèle, les
consommateurs de vins auraient une gamme de produits plus facile, plus
près de chez eux et plus grande, plus sérieuse que ce qu'on
retrouve actuellement.
Le Président (M. Lemieux): Un commentaire. Allez-y!
Ça va, mais vous avez terminé, M. le député de
Saint-Louis. Je m'excuse. Ça va.
M. Chagnon: Merci.
M. Gadbois: L'aberration aussi, c'est de nous faire vendre du vin
à 8 % quand on sait que nos coûts d'exploitation sont à 15
% et que la SAQ, au départ, fait peut-être une marge brute
bénéficiaire de 25 % ou 30 % avant de nous repasser le vin
qu'elle embouteille. Quand on sait qu'il y a une manipulation - c'est de la
vitre - les entrepreneurs que nous sommes en manipulent plusieurs, et il y a du
cassage. On fait 8 %. Alors, c'est encore le jeu de Loto-Québec. Tout le
monde veut vendre du vin, parce que tout le monde vend du vin, mais on ne peut
pas toucher à un produit venant du gouvernement où on peut
être rentable.
Encore là, on est les outils et on est comme le gars qui
reçoit son compte d'Hydro-Québec, il n'a pas le choix de le
payer.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Fiiion: Merci, M. le Président.
J'aimerais, bien sûr, moi aussi, saluer les représentants
de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.
Je pense comprendre de votre mémoire qu'au fond, vous
décriez, bien sûr, la situation de manque de revenus pour
l'État. Vous vous rendez compte, vous qui êtes dans le champ, vous
qui êtes les gens qui voyez ce qui se passe, qu'on doit couper, bien
sûr, dans les dépenses publiques, mais on se rend compte du
problème majeur du manque à gagner parce que le revenu, à
toutes fins pratiques, s'en va vers une économie parallèle, dans
une économie où on ne perçoit plus de taxes. Et la raison,
c'est nos politiques fiscales qui, à toutes fins pratiques, sont
exagérées et désincitent le consommateur à
consommer dans un système structuré.
Et ça devient un fléau - et un fléau majeur - parce
que la contrebande du tabac, pour moi, est un fléau dramatique pour les
pertes d'emplois, les fermetures d'entreprises et le marché.
L'économie qu'on avait, à ce niveau-là, est en train de
disparaître complètement, uniquement par une augmentation
désabusée ou même excessive de taxes.
On sait qu'en 1988-1989 le taux spécifique était de 4,52 $
pour 100 cigarettes. On l'a augmenté de 52 %, ce taux. Et c'est ce qui a
été l'élément déclencheur. Et là, on
se rend compte que cet élément déclencheur fait perdre
à peu près toutes les sommes d'argent qu'on percevait. On
percevait, en 1988-1989, 554 000 000 $, et là, on augmente les taxes
depuis trois ans, et on perçoit moins. Les dernières
statistiques, cette semaine: 478 000 000 $ qu'on prévoit percevoir avec
la taxe sur le tabac au Québec.
Alors, on augmente des taxes, on perçoit moins d'argent qu'il y a
trois ans. C'est un processus qui n'a pas de bon sens. Et, dans ce
sens-là...
Une voix:...
M. Fiiion: Oui, vous avez tout l'appui de l'Opposition
officielle. Vous savez, nous, le 17 novembre dernier, on
dénonçait la situation et on disait: Écoutez, la solution,
c'est de réduire les taxes. On n'a pas le choix, il faut réduire
les taxes. Et je suis heureux de constater aujourd'hui l'ouverture du ministre
en ce sens-là, qui demande de combien on devrait les réduire.
Alors, je pense que, là, on fait des pas et on devrait
bientôt, j'espère, arriver à une politique de
réduction de taxes sur la cigarette. Mais j'aimerais avoir aussi, en
même temps, votre opinion sur le fait de changer la dynamique fiscale,
parce que vous reprochez, au fond, des politiques fiscales actuelles. Nous, on
a soulevé, au mois de janvier, le 22 janvier, qu'on devait changer la
dynamique. Il faut arrêter de donner des retours de taxes sans poser de
questions. On vend à des autochtones, on vend à des
étrangers, on ne charge pas de taxes, puis on ne se pose pas de
questions. Alors, nous, on a vraiment soulevé une dynamique
différente, c'est-à-dire de charger la taxe aux gens, mais qu'ils
demandent un remboursement de cette taxe, pour s'assurer que les produits sont
bel et bien utilisés aux fins prévues.
D'ailleurs, aujourd'hui, on se rend compte que les députés
conservateurs proposent de taxer les Indiens, pas uniquement sur le tabac, sur
tout et que les autochtones puissent, par la suite, à l'aide d'un
formulaire, démontrer leur consommation personnelle et qu'ils aient un
remboursement uniquement sur leur consommation personnelle.
Alors, dans ce changement de dynamique... Parce qu'il faut bien les
réduire, les taxes, je suis d'accord, mais vous ne pensez pas qu'on
doive également changer la dynamique pour s'assurer qu'on ne se retrouve
pas à nouveau dans un réseau de contrebande, pour toutes sortes
de raisons, et qu'on puisse s'assurer qu'on prenne un meilleur contrôle
et que ça ne revienne plus, cette contrebande?
Et ma question dans ce sens-là: Êtes-vous d'accord avec ce
changement de dynamique d'une taxe remboursable?
M. Gadbois: II faut bien faire la différence entre les
éléments de contrôle que vous présentez sur le
territoire québécois et canadien et les éléments de
contrôle qui ne peuvent s'appliquer sur le territoire
québécois et canadien. À ça, je fais
référence, entre autres, aux acheteurs de tabac américains
qui, eux, je présume, si on décidait de faire une taxe ou ce
genre de taxe là, même s'ils sont au pays, il y aurait un
remboursement qui est donné. Mais je peux, d'ailleurs, vous dire
qu'avec le capital qu'ils doivent avoir en main, en ce moment, les entreprises
qui fournissent la contrebande n'auraient pas besoin du remboursement à
court terme. Vous pourrez les faire attendre. Ils refileraient, finalement, le
remboursement, en bout de ligne, à l'autre groupe en-dessous, et c'est
impossible, à ce moment-là, de, si vous voulez, retenir la
contrebande par la proposition d'un retour, parce que si, finalement, on les
rembourse, eux, ils vont refiler le produit sans taxes à toute une autre
filière. (12 h 30)
Mais sur le territoire canadien, là, c'est totalement
différent. Là, je suis entièrement d'accord qu'il devrait
y avoir des contrôles. Je pense que la population appuierait, en tout
cas, une proposition dans ce sens-là. Comme nous, si, effectivement, on
a des contrôles sur nos affaires, on veut que les gens soient
vérifiables.
Peut-être faire une petite digression, mais qui a amené pas
mal de pression au niveau des heures d'ouverture...
M. Filion: Écoutez, moi, dans le sens où je vous la
pose, la question est la suivante. C'est que vous ne donnez pas le
remboursement au premier acheteur. Vous donnez le remboursement au
détaillant qui peut démontrer que la consommation est bel et bien
en milieu étranger ou bel et bien... oui, par un système
d'impôt en main remboursable qui existe déjà d'ailleurs au
niveau corporatif, au niveau fédéral, un système qui
fonctionne au niveau des dividendes. On appelle ça un impôt en
main remboursable au titre de dividendes et on s'assure que le remboursement
est donné vraiment à l'actionnaire individu et non pas à
une compagnie qui, à travers un circuit, ramasse l'argent et... Bon. On
attend que ce soit l'actionnaire individu qui reçoive l'argent pour
donner le remboursement. Alors, la mécanique, ce serait dans un
système comparable, c'est évident, mais, en créant cette
dynamique-là, vous allez identifier le réseau.
M. Gadbois: Je n'ai pas de problème avec le principe, mais
tant que le principe est contrôlable. Où j'ai des
préoccupations énormes, c'est à la fois quand on traite
avec des entreprises en sol américain, ça peut amener des
problèmes de contrôle, d'une part, et si le contrôle, dans
le cas spécifique des cigarettes, se faisait, mais d'une façon
absolument parfaite, tout ce que vous verriez comme différence, c'est
des cigarettes américaines rentrer ici en concurrence avec les
cigarettes canadiennes. Parce que tant que vous avez le problème d'une
cigarette américaine qui se vend à 15 $ la cartouche, je peux
vous jurer que les Québécois vont s'habituer aux Marlboro et aux
Kent et à n'importe quoi si c'est à 15 $. Maintenant, je peux
comprendre le principe de contrôle au niveau du territoire
québécois, mais il faut comprendre que, dans le cas du tabac, on
vit une concurrence sur une frontière que vous connaissez, qui a 900 km,
qui a 140 routes non gardées, etc. Tant que le produit aux
États-Unis va être à ce niveau-là, il n'y a qu'un
seul moyen de tenir la vente légale, c'est que nos taux soient
compétitifs.
M. Filion: Quand je parle de la dynamique...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, je m'excuse, c'est parce qu'il est déjà 12 h 34.
M. Filion: Oui, une dernière, M. le
Président...
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé votre
temps. Là, vraiment, je suis obligé d'être un petit peu
plus sévère.
Et M. le ministre, vous avez 15 secondes. Et je vous donne à vous
aussi pas plus de 15 secondes.
M. Levesque: Simplement une précision pour aider à
la discussion. Lorsqu'on a parlé que les revenus des taxes sur le tabac
étaient inférieurs en 1992-1993 à 1988-1989, je pense
qu'il y a là une petite nuance qu'il faudrait faire parce que, lorsque
la TVQ est arrivée, on a diminué la taxe spécifique, mais
on a ajouté la taxe de 8 %, de sorte qu'il faut ajouter les deux. Et
dans ce que le député de Montmorency mentionnait tout à
l'heure, il ne parlait pas des 8 %. Je pense qu'il faut comparer les choses
également. Et les chiffres exacts sont qu'en 1988-1989, c'était
554 500 000 $, mais en 1992-1993, si on tient compte des 8 %, c'est 630 400 000
$ et non 478 000 000 $, parce qu'il faut ajouter 152 400 000 $ de taxe de
vente. C'est simplement ça. Je ne veux pas en faire un débat.
M. Léonard: Vous ne voulez pas en faire un débat,
mais vous comprendrez à quoi ça sert, la comparabilité
dés états.
Le Président (M. Lemieux): Alors, sur ce, s'il vous
plaît, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures.
Je vous remercie, messieurs et madame, de cette participation à
cette commission parlementaire.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre,
dans le cadre de la consultation générale et auditions
publiques sur le financement des services publics
au Québec, le Mouvenent pour l'enseignement privé.
J'invite ces personnes, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre
place devant moi, à ce qu'on appelle ici, dans le jargon traditionnel,
la table des témoins.
Bienvenue! Permettez-moi de vous faire état des règles
parlementaires. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire, et suivra un échange entre les
deux groupes parlementaires d'une durée globale de 40 minutes: 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition officielle.
J'inviterais la personne qui a à faire la présentation du
mémoire à bien vouloir nous présenter les personnes qui
l'accompagnent et à commencer l'exposé de son mémoire tout
de suite après, s'il vous plaît.
Mouvement pour l'enseignement privé
(MEP)
M. Robert (Yvon): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de présenter Mme Denise Lapoin-te, vice-présidente; Mme
Nicole Vandenberg, membre du conseil d'administration; et M. Rosaire Legault,
secrétaire du Mouvement.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous sommes prêts,
monsieur, à vous écouter sur l'exposé de votre
mémoire.
M. Robert: M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
le Mouvement pour l'enseignement privé a été fondé
en 1983 et il regroupe 27 000 familles dont les enfants fréquentent
l'école privée au Québec. Ses membres sont en très
grande majorité des parents, mais il compte également des
administrateurs scolaires, des enseignants et des étudiants. Le
Mouvement compte sept sections régionales et il travaille en
étroite collaboration avec les autres associations de l'enseignement
privé, dont quatre ont un représentant à son conseil
d'administration. Le MEP s'exprime non seulement au nom de ses membres en
règle, mais également au nom de 80 % des Québécois
dont les sondages révèlent, année après
année, qu'ils sont favorables à l'école privée. Je
pense qu'on vient ici, aussi, très confiants de l'écoute qu'on a
obtenue du gouvernement depuis les dernières années et des
ministres de l'Éducation qui se sont succédé. Bien
sûr que la réponse n'est pas toujours égale à nos
attentes, mais je pense qu'il y a eu un effort d'écoute et d'attention
avec la levée du moratoire et les mesures qui ont pu suivre.
Nos gouvernements éprouvent des difficultés
budgétaires croissantes, quel que soit leur niveau de
responsabilité. Le financement des services publics pose des
problèmes dont l'importance risque de mettre en cause le type de
société que nous avons construit jusqu'à maintenant et de
menacer le niveau de vie enviable dont nous bénéficions.
Bien sûr, la conjoncture économique défavorable que
nous traversons exercé une influence non négligeable sur
l'état des finances publiques; d'une part, les entrées de fonds
sont moins importantes que prévues depuis quelques années et,
d'autre part, l'accroissement des dépenses vient ajouter au
déséquilibre qui se traduit par des déficits
budgétaires records. Toutefois, il ne faudrait pas croire qu'une fois
les problèmes d'ordre conjoncturel réglés la situation
budgétaire de nos gouvernements, notamment celui du Québec,
reviendra sans plus d'effort au beau fixe et que tout ira pour le mieux dans le
meilleur des mondes. (14 h 10) «Les difficultés budgétaires
persistantes du Canada sont dues à l'apparition d'un
déséquilibre structurel entre les dépenses et les recettes
publiques - qui tient essentiellement à une forte augmentation des
dépenses - au cours de la décennie qui a suivi le premier choc
pétrolier.» Voici la conclusion à laquelle en arrive l'OCDE
dans sa plus récente étude sur l'économie canadienne.
D'un budget à l'autre, il apparaît clairement que les
administrations ont pratiquement perdu le contrôle de leurs
dépenses. La conséquence est affolante: le ratio dette publique
nette/PIB est passé d'environ 10 % du PIB au début des
années quatre-vingt à 50 % maintenant. En 1979, notre performance
à cet effet nous valait le deuxième rang du Groupe des Sept, tout
juste 1 % derrière l'Allemagne, alors que, maintenant, seule l'Italie
offre une plus piètre performance que la nôtre. Je pense que c'est
des chiffres qu'on a trouvés dans le document que le gouvernement a
publié lorsque notre mémoire a été
complété, parce qu'on a reçu le document à peu
près en même temps qu'on a envoyé notre mémoire
à Québec.
Dans ce contexte où l'urgence d'agir ne fait plus de doute pour
personne, le Mouvement pour l'enseignement privé propose un
élément de solution qui mérite d'être examiné
avec soin. Bien sûr, nous ne prétendons pas que l'approche que
nous proposons dans le domaine de l'éducation réglera tous les
problèmes financiers du gouvernement. Toutefois, compte tenu de
l'état des finances publiques, nous croyons que tout
élément de solution réaliste doit être
considéré attentivement.
En raison des activités qui lui sont propres, le Mouvement pour
l'enseignement privé n'est pas un nouveau venu sur la scène
publique. Depuis sa fondation, il a soumis des représentations
concernant l'éducation à différentes instances, notamment
à la commission parlementaire sur la fiscalité, à la
commission parlementaire sur le financement des universités, à la
commission sur l'avenir de l'enseignement collégial, à la
commission parlementaire sur l'enseignement privé et à la
commission Bélanger-Campeau. Plusieurs de ses recommandations allaient
dans le même sens que des propos mis de l'avant par les membres de la
Commission royale sur l'union économique et les perspectives de
développement du Canada concernant l'enseignement privé, et
d'autres recommandations rejoignaient les orientations contenues dans le
rapport Gobeil en 1986, mis sur pied par le gouvernement actuel.
Dans le domaine de la fiscalité et de l'administration des
finances publiques, le Mouvement pour l'enseignement privé a
échangé une correspondance suivie avec les titulaires qui se sont
succédé aux ministères du Revenu et des Finances au cours
des dernières années. Cette correspondance permet de suivre
l'évolution des mentalités qui s'est produite au fil des ans et
de mieux comprendre le bien-fondé de l'approche proposée par le
Mouvement en matière de financement d'une partie de l'éducation
au Québec.
Les faits. En 1990-1991, il y avait 423 institutions privées au
Québec. Au préscolaire, on en comptait 107; au primaire, 95; au
secondaire, 166; et, au collégial, 55. 60 % sont dirigées par des
communautés religieuses, 256 «déclarées
d'intérêt public» ou «reconnues pour fins de
subventions» et, en conséquence, étaient
«subventionnées» par l'État. Les clientèles:
la même année, 119 609, réparti de la façon
suivante: 3025 au préscolaire, 22 000 au primaire, 73 000 au secondaire
et 21 000 au collégial.
Le secteur public, à ce moment-là, comptait plus de 1 000
000 d'élèves, ce qui fait que la clientèle du privé
représentait 10 %. Il est intéressant de noter qu'en 10 ans la
clientèle du privé a augmenté de 13,66 %, alors que celle
du public a diminué de 12,78 %.
On rappelle ensuite le droit à l'enseignement privé
reconnu par la loi. C'est dans le préambule de la loi qui créait
le Conseil supérieur de l'éducation en 1964: «Les parents
ont le droit de choisir les institutions qui, selon leur conviction, assurent
le mieux le respect des droits de leurs enfants; les personnes et les groupes
ont le droit de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les
exigences du bien commun étant sauves, de bénéficier des
moyens administratifs et financiers nécessaires.»
Cela fait partie du contrat social. La Loi sur l'enseignement
privé, adoptée en 1968, s'y réfère explicitement
Cette loi a conféré un statut légal à
l'enseignement privé et lui a donné le droit à un
financement équitable du gouvernement. C'est sur ces mêmes
principes que repose la nouvelle Loi sur l'enseignement privé
adoptée à l'Assemblée nationale en décembre
dernier.
La loi de 1968 a établi que les écoles privées
«déclarées d'intérêt public» recevront
par élève une subvention égale à 80 % du coût
d'un élève du secteur public pour l'année
précédente.
En juin 1981, la loi 11 modifiait ce mode de subvention par pourcentage.
Le gouvernement fixait alors par décret un montant de base. Le secteur
privé s'est vu imposer du même coup des coupures
budgétaires qu'interdisait pourtant jusque-là la loi de 1968. Le
résultat est dramatique: de 80 % en 1968, c'est devenu 52 % en
1991-1992. La nouvelle loi 141 a très légèrement permis
d'améliorer la situation.
En 1986-1987, l'État a versé une subvention par
élève de 2588 $ au secondaire privé. Au secteur public, le
même élève aurait coûté 4897 $... Ça,
ça a été tiré d'une étude faite par la firme
Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrand qui a tiré ces
chiffres du rapport Ristic, qui avait été demandée par le
gouvernement du Québec à l'époque. Sur cette base,
l'enseignement privé épargne annuellement au Trésor
québécois environ 300 000 000 $.
Les parents qui exercent le droit que leur confère la loi
d'envoyer leurs enfants à l'école privée subissent un
triple fardeau: ils paient comme tout le monde l'impôt sur le revenu, ils
paient l'impôt scolaire et ils paient les frais de scolarité et
les frais de transport qui sont en hausse à cause du refus de
l'État d'assumer ses responsabilités face à eux. À
titre d'exemple, au niveau secondaire, les frais de scolarité ont
doublé en 12 ans. Par ailleurs, en même temps, la loi fixait un
plafond aux frais de scolarité, ce qui veut dire que, d'une part,
l'État leur coupe pratiquement les vivres et, d'autre part, leur
interdit de recourir aux moyens nécessaires pour faire leurs frais.
Les conséquences sautent aux yeux: plusieurs institutions
privées d'enseignement éprouvent des difficultés
sérieuses. Depuis le début des années quatre-vingt, une
dizaine d'établissements ont dû fermer leurs portes.
Les parents qui choisissent l'école privée subventionnent
l'école publique, contrairement à ce qu'avancent, entre autres,
les syndicats. Le coût de l'éducation représente l'un des
postes budgétaires les plus importants du gouvernement du Québec.
Il s'agit du tiers des dépenses publiques. L'éducation requiert
environ, primaire-secondaire, 7 000 000 000 $ par année.
Compte tenu des sommes en cause et du rôle capital que joue
l'éducation dans l'édification d'une société
compétitive sur la scène mondiale, la qualité de la
gestion des fonds publics en éducation revêt une importance
cruciale. Notre avenir collectif passe par notre capacité de maintenir
un système d'éducation de haut calibre et d'obtenir le rendement
maximal de chaque dollar investi. À cet égard, nous avons
déjà établi que l'élève inscrit dans une
institution privée ne coûte à l'État qu'environ la
moitié des déboursés qu'entraînerait son inscription
à l'école publique. Actuellement, 120 000 élèves
inscrits à l'école privée permettent à
l'État québécois d'économiser 300 000 000 $ par
année.
De plus, personne ne peut sérieusement mettre en cause la
qualité de l'enseignement et de l'éducation dispensés dans
les institutions privées. Les sondages, dont celui effectué pour
le compte de la CEQ, de nombreuses études de même que les
résultats aux examens du ministère
ont fait ressortir le haut niveau de qualité des services
dispensés dans les institutions d'enseignement privées au
Québec.
En conséquence, il tombe sous le sens que l'État, comme
tout l'ensemble des Québécois, aurait tout avantage à
mettre en place des moyens susceptibles de permettre à un plus grand
nombre de citoyens qui le désirent de se prévaloir de leur droit
de choisir l'école privée pour leurs enfants. À cet
égard, tous les sondages démontrent clairement, année
après année, que l'école privée jouit du support
d'environ 80 % de la population qui s'y dit très favorable ou assez
favorable, et une importante majorité choisirait l'école
privée pour ses enfants si elle pouvait mettre en pratique son droit de
le faire: 57 % à Montréal, selon le sondage SOM-Les Affaires,
qui date de septembre 1992 (14 h 20)
En mettant en place les moyens requis afin qu'un nombre plus important
de parents puissent exercer leurs droits en matière d'éducation,
l'État québécois se rapprocherait de l'atteinte de
plusieurs objectifs qu'il poursuit. S'il se dotait de moyens d'alléger
son fardeau financier, il assurerait l'exercice d'un droit qu'il a
lui-même octroyé aux citoyens et il ferait un pas de plus vers la
réduction du taux de l'abandon scolaire qui afflige nos jeunes. En fait,
des études ont démontré que le taux d'abandon est beaucoup
moins élevé dans les institutions privées que dans les
écoles publiques à cause, notamment, de l'encadrement plus
rigoureux des étudiants qu'on y pratique, le tout en réduisant
l'effort fiscal exigé de l'ensemble des contribuables.
La formule peut être très simple: celui qui paie les frais
de scolarité déduit ce montant, en tout ou en partie, de son
revenu imposable; celui qui n'a pas à payer d'impôt, ou peu, en
raison de son faible revenu, reçoit un remboursement. C'est la formule
du crédit d'impôt. Il est à noter qu'en raison de sa
facilité d'application et des nombreux avantages qu'il offre, le
système du crédit d'impôt progresse très rapidement
aux États-Unis. Chez nous, la commission Macdonald et le rapport Gobeil
ont appuyé cette orientation.
Il y a tout lieu de croire, en nous appuyant sur les résultats
des sondages déjà mentionnés et en utilisant des
hypothèses prudentes, que la levée des obstacles
réglementaires et financiers à l'expansion du secteur
privé permettrait au Trésor public de réaliser des
économies très importantes tout en augmentant son assistance
à l'école privée et en en favorisant
l'accessibilité.
Une étude intéressante a été
réalisée par deux professeurs de l'École nationale
d'administration publique. La conclusion qui se dégage de cette
étude est la suivante: «Aussi longtemps que le crédit
fiscal est inférieur à l'excédent du coût moyen par
élève du secteur public sur la subvention moyenne au
privé, le budget public, et donc les contribuables, y gagne à
chaque fois qu'un élève se déplace du secteur public vers
le secteur privé. » Compte tenu des coûts et des populations
en place dans les secteurs privé et public lorsque l'étude a
été effectuée, c'est-à-dire en 1987... Il y a un
exemple qui a été fait, à ce moment-là, et je dis
bien un exemple: pour un crédit fiscal de 500 $, il suffisait de
déplacer 3, 6 % de la clientèle du public vers le privé
pour que les coûts soient nuls.
Des précédents. Le crédit d'impôt est un
instrument déjà utilisé dans plusieurs secteurs afin
(l'inciter les citoyens à adopter des compor-tements
bénéfiques pour la société ou encore pour faciliter
l'exercice de certaines pratiques jugées dignes d'intérêt
public. Le traitement fiscal exceptionnel accordé aux investissements
réalisés dans le cadre du Fonds de solidarité de la FTQ
illustre bien cette préoccupation de l'État.
Il en va de même en ce qui a trait aux crédits
d'impôt pour la recherche-développement universitaire, pour le
crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants, pour le
crédit d'impôt dans le cadre d'un régime
d'épargne-études, pour le crédit d'impôt
accordé par le gouvernement fédéral aux
élèves qui défraient leurs frais de scolarité, aux
niveaux collégial et universitaire, pour ne citer que quelques exemples.
Le crédit d'impôt n'a donc rien d'une approche
révolutionnaire dont on ne connaît pas les répercussions
à moyen ou à long terme.
Ce qu'il faut conclure de cet exercice, c'est que, dans des conditions
réalistes et en nous fondant sur des hypothèses prudentes,
l'institution de crédits fiscaux contribuerait de façon
intéressante à comprimer les déficits budgétaires
gouvernementaux, favorisant l'atteinte des principes de justice et
d'équité, tout en ayant un impact non négligeable sur
l'amélioration de l'efficacité de l'école publique, suite
à une concurrence accrue avec un secteur privé doté de
moyens adéquats de faire son travail, conformément à
l'esprit de la loi qui garantit le libre choix de l'école aux parents
québécois.
Par son caractère récurrent, l'économie due
à l'enseignement privé a un effet bénéfique sur le
déficit et la dette du gouvernement. Dans ce contexte, toute la
société québécoise y gagnerait si les conditions de
choix de l'école étaient rendues plus conformes aux principes de
liberté, d'équité et de stricte justice. L'encouragement
fiscal, gratuit pour le Trésor public, et l'éventuel
accroissement des clientèles qu'il entraînerait
représentent des facteurs positifs à la portée de
l'État dans sa recherche d'un assainissement des finances publiques.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président
du Conseil du Trésor, la parole est à vous.
M. Johnson: Merci
M. Robert, mesdames, messieurs, je veux
vous remercier de votre présence ici aujourd'hui, de la
présentation que vous avez faite sur une des caractéristiques du
système d'éducation du Québec. Ce partage qui existe, et
que les gens continuent à souhaiter, donne au Québec en cette
matière-là un visage que peut-être d'autres nous envient.
Mais ce que je veux relever, et je le redis, dans le cadre d'une commission
où on veut parler de fiscalité, de dépenses publiques, de
déficit et d'emprunt, c'est les impacts de certaines de vos
propositions, évidemment, sur les finances publiques.
Central à votre raisonnement est l'énoncé suivant:
que le transfert d'un élève du public au privé
représente une économie pour le Trésor public. Disons
qu'il n'est pas question, d'abord, de remettre en cause l'existence du secteur
privé, et on n'a pas remis en cause encore récemment les
subventions au secteur privé. La preuve, c'est qu'on n'a pas
discuté de l'existence ou pas des subventions, on a discuté du
niveau de subventions dans le secteur privé. Alors, ce n'est pas
ça qui est en cause ici. Ce sont les limites de cette coexistence du
public et du privé.
Je vais aller directement à la question. En page 10,
évidemment, vous citez l'étude de M. Migué: Aussi
longtemps qu'un crédit fiscal éventuel au titre des frais de
scolarité payés serait inférieur à la
différence qu'il y a entre le montant de la subvention qui continuerait
à être versé et l'excédent du coût moyen dans
le secteur privé, on y gagnerait à chaque fois qu'un
élève se déplace du public au privé. J'aimerais que
vous m'expliquiez comment ça peut demeurer vrai à la limite
extrême où tous les élèves iraient au privé,
sachant - et c'est ça qui est fondamental - qu'on a un stock de
centaines, que dis-je, de milliards de dollars d'investissements publics qu'on
a consentis pour le secteur public qui va continuer à exister, qu'il y
aura des classes qu'on va vider et, donc, des édifices du secteur public
qui vont être carrément vides. Vous allez me dire: Non, non, non,
ne construisez pas d'autres écoles; nous, du mouvement de l'école
privée, allons acheter ces actifs pour y opérer nos écoles
privées. Je vous demande donc: À la limite, qu'advient-il de
l'éducation au primaire-secondaire, gratuite, universelle, pour tous les
Québécois, et de cette accessibilité, donc, qu'on doit
donc maintenir?
Nous avons un système où on maintient le choix. Je pense
que, là, on se rejoint, il n'y a aucun problème de ce
côté-là. Mais quelles sont les limites de ce
choix-là? C'est ça qui est en cause. Dans un cas où
l'État est en déficit, vous nous demandez, dans le fond, des
fonds additionnels pour faciliter le transfert du public vers le privé.
Vous nous demandez d'emprunter de l'argent, essentiellement. Parce que, je le
rappelle, l'école publique demeure, il y en aura encore et on va
continuer à payer pour les professeurs, le chauffage, les
immobilisations, et tout et tout. Le transfert, si on se fie au profil - et
c'est ça que je voudrais que vous m'expliquiez, là, franchement -
si on se fie au profil de la clientèle du privé, on y voit
passablement moins de cas lourds, à tout point de vue, que ce qu'on
retrouve dans le public où il y a accessibilité, universelle et
gratuite. On voit que les programmes pédagogiques sont probablement
moins coûteux. On met l'accent sur la formation générale,
sciences humaines, et non pas sur les techniques et technologies de pointe qui
coûtent extrêmement cher, évidemment, si on veut
s'équiper et les enseigner.
Alors, il y a tout ce mélange-là, du privé et du
public, qui n'est pas parfaitement comparable. Et je cherche avec vous - parce
qu'on a des difficultés d'équilibre budgétaire - je
cherche avec vous jusqu'où peuvent aller les économies
réelles dans le transfert du public au privé. Évidemment,
je vous demande en même temps: Quelle est la rentabilité? Comment
calcule-t-on la rentabilité de privatiser le système
d'enseignement primaire-secondaire?
Alors, c'est la question de fond, évidemment. Je sais que vous
allez avoir des éléments de réponse, c'est entendu, mais
je veux que vous sachiez qu'on ne remet pas en cause l'existence du
système. On cherche les limites de la liberté. (14 h 30)
M. Robert: Je pense que ça pourrait faire l'objet de toute
une autre commission parlementaire, votre première question, pas d'une
réponse. Parce que les limites, vous les avez déjà
fixées au mois de décembre en adoptant la loi 141 et en
créant, à l'intérieur de la loi 141, toutes les
embûches administratives dont on est venu vous parler. Il y en a
quelques-unes qui ont été corrigées, mais la plupart sont
restées. Penser qu'il y aurait une explosion du développement de
l'enseignement privé demain matin, ce serait faire de la
science-fiction. Ce qu'on a ici, on a une étude qui a été
faite par la CEQ là-dessus en disant: Si vous n'arrêtez pas de
financer le privé, eux prévoient que le secondaire qui
était, en 1988, de 16 % de la clientèle, selon eux, avec une
progression constante, il serait de 23 % en 1995. Donc, il ne faudrait pas
s'attendre à une explosion.
Actuellement, au secondaire, il continue à y avoir de la demande,
parce que le privé n'est pas uniformément répandu sur le
territoire du Québec. Quand on a créé le collégial
de toutes pièces, quand on a créé le cégep de
toutes pièces, on a, dans certains cas, comme on le fait encore, comme
on l'a fait dans les derniers mois... Quand on fait disparaître du
privé collégial, on fait disparaître du secondaire en
même temps. Je fais référence au cas de Marie-Victo-rin. Il
y a des places qu'ils ont perdues, mais les gens ont reconstruit petit à
petit. J'ai déjà apporté ici, en commission parlementaire,
l'exemple de Baie-Comeau qui, lors des années soixante, avec la
création du collégial, a perdu son
secondaire privé. Ils l'ont reconstruit. Donc, ce n'est pas une
augmentation énorme qui se produit.
Et quand on parle de crédits d'impôt, ce qu'on veut aussi,
c'est que le gouvernement reconnaisse l'effort des parents. On fait
économiser 300 000 000 $. Mais ce que je n'ai pas trouvé dans
votre document, c'était que les parents, par les frais de
scolarité, le transport qu'ils paient et les autres dépenses,
contribuent pour au-delà de 120 000 000 $ au système
d'éducation du Québec. Je n'ai pas trouvé ça dans
le document. Je n'ai peut-être pas eu le temps de le faire, de trouver
quelle était la contribution des parents par les frais de
scolarité, parce que quand on dit au Québec, il ne faut pas
oublier qu'il y a encore 16 000 élèves qui ne reçoivent
aucune subvention dans le réseau des 120 000 dont on parle. Quand on
parle du privé, on parle de 120 000 élèves. Il y en a au
moins 16 000 qui ne reçoivent aucune subvention. Mais, quand on voit
aussi qu'au primaire... la proportion de la clientèle
d'élèves au primaire est très faible.
Donc, la mesure dont on vient vous parler est une mesure pour
empêcher l'État de voir ses dépenses augmenter, parce que
chaque fois que le privé ferme, à quelque part, ces
élèves-là doivent être absorbés par le
réseau public. En d'autres termes, quand la CEQ vient nous dire: C'est
effrayant, le public est en train de mourir à cause du financement qu'on
offre au privé, il ne faut pas oublier qu'on a 10 % de la
clientèle et 5 % du budget. Eux autres, ils disent: On va tout prendre
les 10 % avec les 5 % du budget. J'ai de la misère à suivre leur
raisonnement. Ils disent qu'ils amélioreraient leur situation en
récupérant 10 % de la clientèle avec 5 % du budget. C'est
tout un calcul!
Probablement que vous vous êtes déjà penché
là-dessus. Ça fait que le problème qu'on vient vous dire,
on dit: Si vous voulez maintenir et permettre un développement, puis
surtout reconnaître l'effort que les parents - c'est dans ce
contexte-là qu'on vient vous voir - font pour développer
l'enseignement privé.
M. Johnson: O.K.
M. Robert: On veut que ça soit reconnu. C'est dans ce
contexte-là qu'on vient, puis on n'a pas fixé encore... Si vous
remarquez, à nulle part dans notre mémoire, on n'a fixé le
niveau du crédit d'impôt. On ne l'a pas fixé. On pense que
c'est discutable, ce niveau-là. Mais ce qu'on veut, c'est que l'effort
que les parents font par rapport à l'enseignement privé soit
reconnu, puis on va exactement dans le même sens que votre groupe de
travail, en 1986, qui disait: C'est important de garder le privé si on
veut garder une saine concurrence. C'est important même d'aider les
parents à avoir la liberté de choix. On va dans le même
sens que le rapport qui a été fait, puis ce n'est pas si loin que
ça, en 1986, par le même gouvernement.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, très brièvement. Je vais
être bien clair encore une fois que vous avez des alliés de ce
côté-ci.
Une voix:...
M. Johnson: Oui, oui, vous n'êtes pas obligé de
l'espérer. Votre espoir est réalisé.
M. Robert: Oui, d'accord, d'accord.
M. Johnson: Bon, ce que je voulais savoir, parce que c'est
important lorsqu'on plaide auprès de l'État que nous mettions
davantage de ressources là-dedans, pour quelque raison que ce soit, la
reconnaissance des sacrifices financiers que font les parents, la
majorité des gens au Québec dans les sondages souhaitent le
maintien de l'école privée, soit que leurs enfants y sont
allés, qu'ils y sont eux-mêmes allés, qu'ils y vont
actuellement ou qu'ils aimeraient y aller. Donc, cette liberté-là
existe. Elle existe plus qu'ailleurs, je dirais, elle est plus accessible
qu'ailleurs.
Vous me direz: Non, non, non. Le nombre de places prévues par les
permis... Simplement vous dire qu'ailleurs il n'y a pas seulement, par exemple,
16 000 étudiants ou élèves qui n'ont aucune aide
financière de l'État. Ailleurs, la règle, c'est que
personne n'est subventionné. L'école privée, c'est
l'école privée, point. Les subventions, en Ontario, pour
l'école privée, c'est zéro. Ce n'est pas 52 %, 64 %, 70 %,
80 % du coût d'un élève au public; l'an dernier, c'est
zéro, une école privée. Mais on maintient ça ici,
là, le régime mixte qu'on a, parce qu'il y a des avantages, parce
qu'il y a de l'histoire, parce que ça donne un choix, et c'est
intéressant. On a décidé de financer ce
choix-là.
Vous voulez qu'on en finance davantage. C'est essentiellement ça
que vous venez nous demander aujourd'hui, là. Vous voulez qu'un
État qui est en déficit dépense ou investisse. Vous allez
me dire investir, mais c'est ça que je vous ai demandé, tout
à l'heure: Pourquoi c'est rentable de mettre un autre pour cent ou un
autre dollar dans l'aide aux transferts du public au privé des
élèves québécois? Il y en a seulement un qui
change, du public au privé, qu'on financerait par un crédit
d'impôt ou autrement. Comment est-ce plus rentable que, ou bien de
diminuer le déficit, ou bien, évidemment, d'investir, s'il y
avait la marge de manoeuvre nécessaire dans le système public,
avec la variété de programmes qu'on y retrouve,
évidemment, comparativement à ce qu'on retrouve dans le secteur
privé?
Alors, j'aimerais vraiment, M. Robert, que vous puissiez me donner des
éléments de réponse qui viennent appuyer, je dirais, cet
appel que vous faites à nouveau a des sommes additionnelles du
côté du secteur privé.
M. Robert: Bien sûr. Je vous en ai déjà
fournis et j'ai même ici un document qui s'appelle «Mémoire
adressé au président du Conseil du trésor».
Ça a été fait le 1er février 1991, parce que les
exemples, ça ne se fait pas dans le vide. J'avais fait ça pour le
secteur de la région de Saint-Jérôme. On a montré
comment, en cinq ans, en aidant à la création d'une école
privée dans un secteur donné, quelles étaient les
économies que le gouvernement avait pu réaliser, parce qu'il n'y
a pas eu de bâtisses vidées. Au contraire, on demande encore des
écoles. On dit qu'on enseigne dans les sacristies et un peu partout
parce qu'il manque de place.
Donc, sans construire de nouvelles places, sans mettre de personnel
à pied, j'avais établi assez clairement, puis je ne voudrais pas
recommencer ça, puis j'ai fait valider les chiffres, à ce
moment-là, par une firme comptable...
M. Johnson: On l'a vu.
M. Robert: ...ce qui fait que, sur une période de cinq
ans, les économies sont assez importantes, et je pense que ça
pourrait s'appliquer dans d'autres régions du Québec.
Je vais vous donner ça exactement, là. S'ils
étaient indexés en cinq ans, ça représente 5 000
000 $. Ça fait que c'est dans ce contexte-là, puis il faut parler
que l'enseignement privé - je vous l'ai dit tout à l'heure -
n'est pas réparti également au niveau du Québec. Il se
retrouve concentré surtout dans les régions qui sont en
croissance, actuellement, quand on pense à fa région du sud de
Montréal, la région nord de Montréal et ainsi de
suite.
Mais c'est pour ça que je ne voudrais pas qu'on fasse de la
science-fiction, qu'on parle de choses bien concrètes qui existent. Si,
dans la région de Montréal, vous trouvez actuellement 60 % de
l'enseignement privé qui est concentré, demain matin, bien, s'il
fallait qu'il n'y ait pas de mesures pour permettre de se développer et
de se maintenir, ça vous coûterait combien d'écoles que
vous devriez construire ou acheter? Elles ne se vendraient peut-être pas
aussi bon marché que la dernière que vous avez achetée,
mais il y aurait certainement des coûts à ça. Il faudrait
regarder ça dans ce sens-là aussi de remplacer 60 %, ce qui veut
dire 50 000 élèves, grosso modo, considérer comment
ça prendrait de polyvalentes ou d'écoles secondaires pour les
remplacer. Actuellement, c'est pour ça, quand on parle d'une
économie de 300 000 000 $, on dit: Ce n'est pas un maximum, c'est un
minimum, parce qu'on ne compte pas tout là-dedans.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la
députée... M. le député ou Mme la
députée. Mme la députée de Taillon, s'il vous
plaît.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Alors, je voudrais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue au
nom de notre formation politique. Je pense que vous identifiez bien globalement
le problème quand vous dites, à la page 2 de votre
mémoire, que nos problèmes budgétaires sont d'abord et
avant tout structurels, et seules les solutions qui s'attaquent à la
racine des problèmes nous offrent des chances de rétablir le
nécessaire équilibre dans nos finances publiques. (14 h 40)
Vous n'élaborez pas davantage, mais je crois que, depuis le
début de nos travaux à cette commission, on constate très
clairement que, si, au plan économique et au plan de l'emploi, la
situation ne s'améliore pas, que les ressources continuent à
rentrer au compte-gouttes et, par contre, que les dépenses
s'accroissent, on est effectivement devant un problème qui risque de
s'amplifier. Donc, c'est dans ce sens-là que, moi, je fais la lecture de
ce que vous nous présentez aujourd'hui.
Je ne reviendrai pas sur ce que le président du Conseil du
trésor a posé comme question et je partage ses craintes quant
à la solution que vous proposez, dans le sens où je ne crois pas
qu'elles donnent les effets que vous semblez escompter d'une solution comme
celle-là. Cela étant dit, pour une autre raison, sur le fond,
d'abord, de la mesure que vous proposez, mais sur le fait que j'ai un petit peu
de difficulté à me réconcillier avec vos chiffres. J'ai un
petit peu de difficulté à me réconcillier avec vos
chiffres parce que quand vous nous dites qu'il y a une économie
importante que vous faites, que vous pourriez faire faire au Trésor de
l'ordre de 300 000 000 $, vous partez du fait que vous regardez vos
coûts, vous regardez les coûts qui s'appliquent au secteur public,
et vous dites: On divise tout ça par le nombre d'élèves
que l'on reçoit, le nombre d'élèves que le secteur public
dessert, et nous, ça coûte moins cher. Donc, s'ils s'en vont tous
au secteur privé. Le secteur privé étant performant comme
il l'a été par le passé, ça devrait vous donner
l'économie qui est là.
Sauf qu'on ne fait pas les comparaisons entre des objets comparables,
dans le sens suivant. Le secteur privé ne supporte pas tout le secteur
de la formation professionnelle qu'est le secteur lourd, que ce soit au niveau
secondaire ou que ce soit au niveau collégial. Alors, déjà
là, il y a une différence significative quant aux coûts
auxquels vous êtes confrontés. D'ailleurs, c'était
ça que reflétait la décision qu'avait prise le
gouvernement lorsqu'il avait établi la base de son aide, de son support
à l'école privée, en disant: On va verser 80 % de ce que
cela coûte au secteur public sur l'année
précédente.
Ne rentrons pas dans les fins détails pour qu'on se comprenne
bien, parce que je pense que c'est important qu'on se comprenne bien. C'est sur
cette base-là qu'on avait procédé ainsi.
Si mes informations sont justes, le milieu des écoles
privées a reçu dernièrement, de la part du gouvernement,
une subvention assez importante pour tenir compte du fait qu'on disait recevoir
dans le milieu privé des élèves en difficulté.
Ça aussi, c'était un autre argument pour faire en sorte que la
subvention au secteur privé soit moins importante que le versement
direct au secteur public, si on veut, ou la reconnaissance des coûts au
secteur public. Vous allez dire: Le secteur public supporte un nombre important
d'élèves en difficulté plus important, à cause de
sa vocation fondamentale. Je vais terminer avec ça justement, ce choix
que nous avons fait depuis un bon nombre d'années, ici, au
Québec.
Donc, c'a une pression sur les coûts que le secteur privé
n'a pas. Et ce qu'on me dit, c'est que les chiffres qu'aurait fournis
l'ensemble des écoles publiques seraient de l'ordre suivant. Il y aurait
2 % d'élèves en difficulté qui fréquenteraient les
écoles privées, alors que si on se tourne vers les écoles
publiques, on parle d'un pourcentage autour de l'ordre de 16 %. Alors,
évidemment, déjà là, quand on sait ce que ça
exige un enfant en difficulté qui, souvent, a des difficultés
dans son milieu familial, a des difficultés de comportement, et comme
j'ai fréquenté longtemps le milieu des services sociaux
auprès d'enfants en difficulté, je sais un petit peu de quoi je
parle.
Alors, il y a un coût énorme à supporter que le
secteur public doit supporter et que l'école privée ne supporte
pas. C'est évident, quand vous me dites, après ça: Au
privé, nous avons un niveau de décrochage qui est moins
élevé. Bien sûr. Si, au départ, on prend en charge,
on reçoit des jeunes qui présentent moins de difficultés
de comportement ou à l'école, eh bien, normalement, si on fait un
bon boulot, et je prétends qu'on en fait un bon dans l'enseignement,
bien, normalement ce jeune-là devrait vivre les différentes
étapes et se retrouver avec un diplôme, à la fin de son
passage à l'école. Or, le taux que vous recevez est tellement bas
que c'est un peu normal qu'il y ait moins de décrochage, alors que dans
le secteur public, on reçoit aussi l'ensemble des enfants, dont ceux qui
présentent des difficultés, dont certaines, évidemment,
très majeures.
Alors, moi, avant même de regarder l'hypothèse que vous
envisagez, je dis: II faut qu'on s'entende sur la base des chiffres que vous
nous présentez, puisque c'est cela qui vous amène à dire
que nous pouvons générer des économies si nous prenons en
charge un plus grand nombre d'enfants dans le secteur privé. Or, avec ce
que je viens de vous exprimer, vous comprendrez que j'ai un certain
désaccord quant à vos donnéos.
Je vais juste en prendre un autre ici, là, qui est...
Peut-être est-ce moi qui suis dans l'erreur. Vous me corrigerez. De toute
façon, on aura l'occasion, une partie de l'après-midi, de voir
des gens qui sont impliqués dans les institutions d'enseignement. C'est
toujours intéressant de pouvoir comparer les données.
Vous nous dites, par exemple, à la page 6 de votre
mémoire: L'État a versé une subvention par
élève de 2966 $ au secteur privé, 1991-1992, pendant qu'au
secteur public, le même élève aurait coûté
4897 $. Est-ce que vous comprenez le versement qu'a contribué...
c'est-à-dire la contribution qu'a apportée le parent? Bon. Si
vous ne la comptez pas, bien, on ne peut plus le comparer non plus avec ce que
ça coûte dans le secteur public parce que le parent, lui, comme
contribuable, apporte son écot aussi, apporte sa contribution par
l'impôt, mais par une approche plus collective. Donc, dans ce
sens-là, déjà là, à mon point de vue, il y a
une base de données qui fait en sorte que c'est difficile ensuite de
vous suivre quant aux possibilités d'économie que vous nous
offrez.
Je vais terminer avec ceci et j'aimerais vous entendre,
évidemment, sur les remarques que j'ai faites. En fait, de ce
côté-ci, pour paraphraser ce que le président du Conseil du
trésor a dit, nous avons essayé de traiter justement et
correctement les institutions qui distribuent de l'enseignement, qui assurent
l'enseignement - je devrais utiliser ce terme-là qui est plus
précis - par un modèle qui est privé. Nous avons fait en
sorte que ce secteur puisse continuer d'assumer cette tâche-là,
mais dans une perspective où il y aurait une forme de
complémentarité avec le secteur public et en faisant un choix
très clair.
Collectivement, je crois même, comme société, depuis
quelques décennies, depuis les suivis du rapport Parent, nous avons cru,
comme société, que la formation était un investissement si
majeur, et on se le dit encore davantage maintenant, mais on le dit au niveau
de l'entreprise, au niveau des travailleurs et des travailleuses.
C'était si majeur comme investissement, c'était un besoin si
essentiel, quand ce ne serait que pour les personnes qui grandissent, qui
progressent parce qu'elles sont mieux informées et mieux formées,
qui deviennent des êtres plus libres, nous avons dit, comme
société: C'est tellement important, cette
réalité-là, cet investissement-là, que nous croyons
que, collectivement, nous devons tous y contribuer.
C'est ce qui a fait qu'on a chez nous, je pense, un système dont
on peut être fier, qui a des lacunes, qui a des difficultés. Il
n'y en a pas, de systèmes, à travers le monde qui n'en ont pas.
Mais ce que l'on sait cependant, c'est qu'effectivement le plus grand nombre a
accès - et le ministre le rappelait, tout à l'heure
-gratuitement, universellement à une formation de hase solid» ot
dans laquelle, je crois, nous
devons continuer à investir comme société, et nous
avons choisi une approche collective.
Évidemment, à ce moment-là, on a misé sur le
fait que la contribution des citoyens et des citoyennes allait être sur
la base de leur capacité de payer, mais n'allait pas être...
c'est-à-dire allait être sur la base de la capacité de
payer par rapport à leurs revenus et, donc, dans ce sens-là, un
enfant ne sera pas privé d'aller à l'école parce que le
parent n'a pas les sous immédiatement pour le faire.
Le Président (M. Lemieux): Vos commentaires, s'il vous
plaît.
M. Robert: C'est compliqué un peu.
Mme Marois: Bien, je veux que vous me parliez de vos
données...
M. Robert: Ah!
Mme Marois: ...parce que je les conteste, dans le fond.
M. Robert: Oui. Nous autres, on a pris nos données
à différentes places. Je vais les énumé-rer. On est
parti d'abord du rapport Ristic qui a été préparé
par le gouvernement du Québec, en 1986. Lui, il faisait les distinctions
que vous faites. Quand il comparait, il comparait les pommes avec les pommes et
les choux avec les choux, en ce sens qu'il comparait des clientèles
comparables. Bon, c'est ça qu'a fait le rapport Ristic.
Nous autres, n'étant pas des comptables, on a engagé une
firme et on a demandé à la firme: Partez du rapport Ristic, puis
établissez-nous les coûts. Parce qu'on a parlé de
coûts, alors que, dans les dossiers du gouvernement, on parle de niveaux
de financement, ce qui est différent. Ça, quand on part du
rapport Ristic et de la firme Laliberté, Lanctôt, Coopers &
Lybrand qu'on a engagée pour faire faire l'étude
là-dessus, c'est là qu'on arrive à l'économie de
300 000 000 $ en comparant des comparables. C'est dans ce sens que, au
privé, ce n'est pas monolithique; on a des écoles d'enfance
inadaptée, on a...
Mme Marois: Est-ce que c'est vrai que c'est 2 % (le l'ensemble de
la clientèle
M. Robert: À peu près. Mme Marois: ...du
secteur privé? M. Robert: À peu près. Mme
Marois: Bon, alors...
M. Robert: À peu près. (14 h 50)
Mme Marois: ...moi, je vous dis que... M. Robert: Bon,
d'accord! Mme Marois: ...dans le public... M. Robert: D'accord.
Mme Marois: ...c'est 16 %.
M. Robert: Mais on a tenu compte de tout ça, on a
ça. Au professionnel, la majorité de notre professionnel, il se
trouve au collégial, puis il n'est pas financé. Il y en a 4000
qui ne sont pas financés. Ça, l'économie est encore plus
grande, c'est 100 % à l'État. Il y en a 4000. C'est nos
écoles qui offrent des services de pointe, en fait, d'informatique,
d'électronique et ainsi de suite. Il y a 4000 étudiants
là-dedans, et ils ne sont pas subventionnés.
Mais, pour le reste, on a des comparables. Les autres chiffres, on est
allé les chercher dans les comptes publics, 1990-1991, bon, Statistique
Canada. On a été chercher... À ce moment-là, on a
tenu compte aussi de ce que les parents pouvaient payer... les contribuables
payaient en taxes scolaires. Quand on a établi les coûts, on a
tout pris ça. Puis, dans le ministère de l'Éducation, on
est embêté parce que, dans leur Indicateur, pour la même
année, on trouve deux chiffres différents, la même
année. Dans un de leurs documents, ils fixent ça à 54 %,
le niveau de financement, et, dans un autre document, la même
année, 60 %. Ça fait qu'on a des problèmes avec les
chiffres, puis on aimerait bien ça, suite aussi au débat qu'on a
eu sur la loi 141, qu'on puisse s'asseoir avec eux, à un moment
donné, et regarder de quelle façon on en arrive à ces
coûts-là. C'est parce qu'on entend... La même année,
dans deux documents - on les a ici - on trouve des taux différents.
Donc, il y a un problème.
Puis, quand on dit que c'est un choix de société, je suis
d'accord avec vous, mais j'aimerais bien ça... À ce
moment-là, vous vous mettez en contradiction. Les sondages qui sont
faits, il y a 80 % des gens qui sont d'accord avec l'existence du
système privé, puis il y en a un pourcentage qui dépasse
60 % qui sont d'accord pour qu'on améliore le financement du
privé. Ce n'est pas il y a 10 ans qu'on a fait ça. On a fait ce
sondage-là au mois de septembre. C'est ça.
Quand on est en démocratie, c'est la majorité qui dirige.
Votre parti politique peut avoir une opinion là-dessus, mais moi, je
vous fais part des statistiques et des sondages qui ont été
faits, pas il y a 10 ans; le dernier sondage, il date de septembre 1992. S'il
n'y en a pas plus d'élèves en enfance inadaptée, c'est
parce que ce n'est pas facile d'obtenir des permis pour ouvrir et le
financement privé pour offrir des services dans ce domaine-là.
Dans certains secteurs, comme à Montréal, les cas les plus lourds
en
enface inadaptée, ils sont traités au privé. Dans
la région de Montréal et à Québec aussi, les cas
les plus lourds sont traités au privé.
Mme Marois: Enfin, vous me permettrez d'avoir quelques doutes,
mais ça, on pourrait regarder ça ensemble.
M. Robert: Bien sûr.
Mme Marois: Je veux juste revenir sur cette question des
sondages. Nous vivons dans une démocratie. Quand un parti politique, peu
importe lequel, a un programme, a des projets, qu'il les présente dans
le cadre du processus éminemment démocratique qu'est une
élection, qu'il les présente à la population, il se fait
élire aussi sur la base de ses propositions qu'il fait. Donc, s'il se
fait élire sur la base de ses propositions, il est aussi
légitimé de les appliquer. Je vous dirais que, si on devait
gouverner essentiellement par voie de sondages, peut-être bien qu'on
constaterait qu'on vit dans un système complètement
anarchique.
Alors, dans ce sens-là, il faut être un petit peu prudent
sur ça. Je pense que la démocratie s'exerce aussi lorsque,
justement, des gens sont choisis pour mettre en oeuvre leurs projets, pour
mettre en oeuvre leurs politiques.
Ça va. J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Mme la
députée de Taillon.
M. le député de Prévost, je sais que...
Malheureusement, M. le député de Verdun a demandé la
parole avant vous. Alors, eu égard à la procédure
parlementaire, sachant qu'il est intéressé tout autant que vous
à l'enseignement, alors, M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. le Président.
D'emblée, M. Robert, je vous signalerai que vous vous trouvez
avec des gens, ici, qui sont vos alliés dans la mesure qu'on ne conteste
en aucune manière le bien-fondé de l'enseignement privé.
Moi, je vais essayer, d'abord, de résumer ce que j'ai compris dans votre
intervention.
Vous nous dites: L'enseignement privé, actuellement, est en
difficulté financière. Vous avez vu... Vous nous dites: II y a eu
un certain nombre de fermetures, et des fermetures s'en viennent si
l'État n'aide pas l'enseignement privé. C'est dans ce
cadre-là que vous êtes ici à une commission du budget et de
l'administration. Vous allumez une lumière et vous nous dites: Si jamais
nous disparaissions, faites attention, vous allez avoir des coûts
budgétaires importants parce que les enfants que nous avons dans nos
écoles, actuellement, vous allez devoir les absorber dans le secteur
public, et ça va vous coûter cher. C'est dans ce cadre-là
que votre intervention est tout à fait pertinente, dans le cadre d'une
commission du budget et de l'admi- nistration. C'est ce que j'ai cru comprendre
de votre intervention.
Le deuxième élément de votre intervention - et je
comprends qu'on ne parle pas ici de quantums, on n'est pas une commission sur
l'éducation - c'est de dire: L'aide que le gouvernement devrait donner
ou doit donner à l'enseignement privé, vous souhaiteriez qu'il
soit donné sous forme de crédit d'impôt plutôt que
par le biais des subventions directes aux écoles.
Et là, je voudrais que vous m'expliquiez, parce que là,
j'ai un peu de difficulté. Une fois que je suis d'accord avec le
principe qu'il faut aider les institutions d'enseignement privées, une
fois que je suis d'accord avec ce que vous dites, à savoir que si nous
ne faisons rien, il y aura des coûts budgétaires importants pour
le budget du Québec, je voudrais savoir pourquoi vous
préférez le mode du crédit d'impôt plutôt que
la subvention directe, au prorata des étudiants, aux institutions?
M. Robert: Parce qu'on croit que c'est une mesure, sur le plan
politique, qui est plus facile à vendre parce qu'elle s'adresse à
l'ensemble des citoyens, et il faudrait dire qu'actuellement, quant aux frais
de scolarité, il y a même le public qui fait une ouverture. Moi,
je peux vous nommer une vingtaine d'écoles, au Québec, des
écoles publiques qui ont des frais de scolarité qui
dépassent 500 $. Puis, donc, je voyais dans les journaux, ces jours-ci,
la majorité des écoles, selon les comités de parents du
Québec, qui estiment les frais que les parents doivent payer à
l'école de 225 $. Ça fait que, moi, je me dis: Le crédit
d'impôt, ça pourrait peut-être être examiné
comme une mesure plus large, comme ça s'est fait dans certains
États américains, pour rendre le système plus
concurrentiel et donner plus de pouvoir aux citoyens sur la liberté de
choix. C'est dans ce contexte-là qu'on le fait.
M. Gautrin: Merci. C'est le peu de temps qu'il me reste.
Peut-être que le député de Prévost voudrait ajouter
une sous-question.
Le Président (M. Lemieux): Mais, malheureusement, je dois
respecter la règle de l'alternance.
M. Gautrin: Est-ce que vous laisseriez au député de
Prévost la chance de pouvoir...
Le Président (M. Lemieux): C'est parce que M. le
président du Conseil du trésor a demandé la parole aussi.
Alors, non?
M. le député de Labelle. C'est correct.
Mme Marois: Allez! Oui, oui, bien qu'il y aille maintenant. On
n'a pas d'objection.
M. Gautrin: II n'y a pas d'objection à laisser..
M. Léonard: C'est parce que c'est tellement rare qu'il
parle.
M. Forget: Merci, M. le Président.
Voici. Concernant le crédit d'impôt dont vous parliez tout
à l'heure, M. Robert, jusqu'à quel taux ça pourrait jouer,
par exemple, ça pourrait aller toucher au niveau des familles, par
exemple, une famille qui a deux enfants qui vont à l'école
privée? (15 heures)
M. Robert: Actuellement, justement, comme on n'a pas tous les
outils que le ministère des Finances ou le Conseil du trésor
peuvent avoir pour faire des calculs sur les possibilités, parce qu'on
voit que l'évolution dont on vous parlait, tout à l'heure,
là, il n'y aura pas, comme on dit, de résultats
instantanés. C'est-à-dire que vous voyez, l'ouverture qui a
été faite, je pense, pour les frais de garde était un
crédit d'impôt qui a été voté de 100 $ par
enfant - je mets ça entre parenthèses, là - est exempte.
Bien, c'est pour ça qu'on n'a pas avancé de chiffres exacts, mais
on dit que ça doit être exploré comme un moyen de
reconnaître la participation des parents et d'améliorer leur
pouvoir en donnant l'argent à la famille. Parce que je pense que le
gouvernement du Québec... j'ai regardé ça dans ses
documents... Il y a eu beaucoup de mesures, depuis deux ou trois ans, qui ont
été faites en faveur de la famille.
Je pense que le crédit d'impôt s'inscrirait dans la
même ligne, dans une mesure pour donner plus de moyens à la
famille, parce que la famille est en train d'évoluer. On voit ça,
nous autres, par la demande. Actuellement, on sait que le gouvernement a devant
lui au moins 15 demandes pour des ouvertures d'écoles privées au
primaire, ce qui est un phénomène assez récent. Il y a une
quinzaine de demandes, à notre connaissance, pour l'ouverture
d'écoles privées au primaire. Donc, il y a un besoin, de ce
côté-là, qui est très grand et qui se manifeste
d'une façon très claire.
On regarde, actuellement, la réaction des parents à
Rivière-de-Prairies. Ça fait deux semaines qu'on les rencontre.
Ils sont au moins 250 à chaque réunion, et ça leur a
permis de se rendre compte que l'école privée, dans leur
secteur... Bien sûr qu'ils veulent avoir l'hôpital, bien sûr
qu'ils veulent avoir la prison, mais ils veulent aussi garder leur école
privée comme étant un facteur important pour le
développement de leur quartier.
Donc, on voit qu'il y a une demande importante. Puis le niveau du
crédit d'impôt, on voudrait qu'il soit appliqué d'une
façon graduelle, le principe en étant accepté, puis voir
comment, compte tenu des finances de l'État, il pourrait être
augmenté en fonction de la croissance qui va se faire.
Le Président (M. Lemieux): Rapidement, M. le
député de Prévost, vous prenez beaucoup de temps à
cette commission. Rapidement!
M. Forget: Voici. Est-ce que ça pourrait se produire,
à un moment donné, qu'au niveau des écoles privées
elles pourraient se financer au complet au niveau des crédits
d'impôt?
M. Robert: Ça pourrait être examiné, surtout
si le gouvernement songe à augmenter les taxes scolaires. Il faudrait
dire que nos parents, actuellement, qui paient de l'impôt sur le revenu,
ils paient aussi des taxes scolaires qui ont été
multipliées par cinq depuis deux ou trois ans. De 100 $ qu'un
contribuable pouvait payer, actuellement, il paie 500 $ en taxes scolaires pour
exactement la même propriété. Donc, il y a des choses
à examiner de ce côté-là pour rendre les
communautés locales plus autonomes.
Actuellement, il y a toute la question de l'étalement urbain. Ce
n'est pas les écoles privées qui font ça. On vide des
écoles de Montréal puis on est obligé d'en construire en
banlieue parce que les gens déménagent. On pourrait
peut-être penser de les faire construire par ceux qui les
développent, les banlieues, leurs écoles, au lieu de les faire
payer par l'ensemble de la province, par ceux dont les villages se vident.
Actuellement, il y en a dont les villages se vident qui sont obligés de
payer pour les écoles qu'on bâtit dans la région de
Montréal. Il y a peut-être des choses à regarder de ce
côté-là pour qu'on ait une décentralisation. Moi,
j'ai déjà commencé à parler de
décentralisation avec l'Opposition, il y a déjà une
dizaine d'années. Dans ce temps-là, c'était M.
Léonard qui parlait de décentralisation. Je pense qu'il faudrait
arrêter d'en parler puis en faire.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Laissez un peu de chance
aux autres, M. le député de Prévost.
M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Je vais souhaiter, à mon tour, la bienvenue aux
représentants.
Moi, j'avais une question sur le crédit d'impôt, puis en
même temps que l'abri fiscal qu'on appelle le régime
épargne-études. Au fond, l'exercice que nous avons aujourd'hui,
c'est plutôt pour essayer de trouver des économies pour le
gouvernement. C'est pour ça qu'on nous a conviés ici. Mais quand
on additionne tout ça et que l'on considère que les
crédits d'impôt ou bien les abris fiscaux, en particulier,
coûtent des sous de façon significative au gouvernement, et que
beaucoup les remettent en cause, d'ailleurs... parce que, en particulier, pour
les régimes d'épargne-études, comme d'autres abris
fiscaux, c'est souvent les contribuables qui ont des sommes importantes qui
peuvent en bénéficier. Donc, comment vous réconciliez tout
ça?
Parce que, moi, j'endosse ce qu'a dit ma collègue. Vos chiffres,
sur les calculs que l'État économiserait par l'enseignement
privé, je regrette, mais il y a des coûts moyens là-dedans.
On saura que si on se situe au plan universitaire, par exemple, puis qu'on
calcule un coût moyen par étudiant à l'université,
comprenant une faculté de médecine puis une faculté
d'éducation permanente, je peux juste vous dire qu'il y a quelques
différences entre les deux. Puis on ne se fera pas de dessins bien, bien
longtemps. Alors, les coûts moyens, les calculs de coûts moyens
dans ces domaines, ça ne rime à rien; il faut voir où
ça se situe, secteur par secteur, quels sont les coûts
réels. Il faut aller dans une analyse beaucoup plus fine que
celle-là.
Alors, quel est le coût réel au gouvernement? Le
président du Conseil du trésor a raison, les infrastructures qui
ont été construites depuis 30 ans au Québec vont demeurer
à la charge du gouvernement et vont s'inscrire encore dans le paysage.
Alors, votre abri fiscal et votre crédit fiscal, est-ce qu'il en tient
compte?
M. Robert: Justement, je pense que j'ai essayé de
répondre là-dedans, à cette question-là, que
l'enseignement privé, quand il se développe - et il se
développe dans les endroits où la demande existe, parce que c'est
le propre de l'entreprise privée, de répondre à une
demande - il le fait avec les ressources du milieu. Actuellement, il y a un
problème. Et souvent, dans un coin comme Montréal, il peut
exister une école qui est disponible, mais pour des raisons
Idéologiques, on dit: On va la vendre à n'importe qui ou
même la barricader plutôt que la céder au secteur
privé, pour lui permettre de se développer.
Les enseignants. On parle d'enseignants en disponibilité si le
réseau privé se développe. Nos enseignants, on les recrute
au Québec, dans l'enseignement privé. Donc, il y a un transfert
de ressources qui se fait. Donc, de croire que le développement du
privé va entraîner des dépenses additionnelles, ce n'est
pas aussi sûr que ça. Mais, d'un autre côté, on parle
de la sécurité d'emploi qui a été accordée
dans un rayon de 50 km. Eh bien, ça, c'est une décision
gouvernementale, et on doit en supporter les conséquences. C'est une
autre question.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Labelle?
Nous vous remercions pour cette... Ça va. S'il vous
plaît.
M. Johnson: Oui, très, très brièvement,
juste pour réitérer que c'est une commission qui vise à
consulter des gens sur des pistes qu'on peut explorer De toute évidence,
vous soutenez que la piste que vous ouvrez en est une d'économie
budgétaire et financière pour l'État. Bon.
Alors, je veux vous dire qu'on l'a regardée et on en a
discuté de façon assez pointue. Ce que je veux vous dire, c'est
que si on découvre des façons qui prouvent la rentabilité,
si ça prouvait la rentabilité, cet exercice-là, on le
regarderait, évidemment. Ce que je veux vous dire, c'est que, pour
l'instant, ça n'apparaît pas aussi rentable qu'on pourrait le
penser, mais ça n'exclut pas qu'il y a peut-être une piste
là qui vaut la peine d'être poursuivie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Alors, nous vous remercions pour cette participation à cette
commission parlementaire. J'inviterais, dans les 30 secondes qui vont suivre,
la Fédération des cégeps à bien vouloir prendre
place à la table des témoins.
Nous suspendons, mais pas plus de 30 secondes, puisque nous avons
quelques minutes de retard.
(Suspension delà séance à 15 h 7)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous reprenons nos
travaux, et nous allons maintenant entendre la Fédération des
cégeps.
Vous allez me permettre de vous expliquer brièvement les
règles de procédure: Vous disposez de 20 minutes pour
l'exposé de votre mémoire; suivra un débat d'une
durée totale de 40 minutes entre les parlementaires: 20 minutes pour les
ministériels et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition.
J'inviterais la personne qui a la responsabilité de
présenter le mémoire à bien vouloir nous introduire ses
collègues et, par la suite, elle pourra disposer de son temps requis
pour nous faire part de ses commentaires.
Fédération des cégeps
M. Leduc (Pierre): Avec plaisir, M. le Président.
Je vous présente donc les gens qui m'accompagnent à cette
délégation: à ma droite, ici, immédiatement
à mes côtés, M. Yvon Pépin, qui est conseiller en
gestion et en économique à la Fédération des
cégeps; à l'extrémité, à droite, M.
Gaétan Bouchard, qui le président de la Commission des affaires
matérielles et financières de la Fédération des
cégeps, et qui est le directeur des services financiers du cégep
de Saint-Félicien; à ma gauche immédiatement, M. Pierre
Parent, qui est le vice-président de la Fédération des
cégeps et qui est président du conseil d'administration du
cégep de Rosemont; M. Parent est également le directeur du Bureau
de liaison pour la recherche et le développement à
l'Université du Québec à Montréal; à sa
gauche, vous avez M. Denys
Larose, qui est membre du conseil d'administration de la
Fédération des cégeps, et qui est aussi le directeur
général du cégep de Sainte-Foy; et enfin moi-même,
Pierre Leduc, président de la Fédération des cégeps
et directeur général du cégep de Maisonneuve, à
Montréal.
M. le Président, M. le président du Conseil du
trésor, madame, MM. les députés membres de cette
commission, mes collègues et moi vous remercions chaleureusement de nous
avoir invités à expliciter de vive voix le mémoire que la
Fédération des cégeps a déposé auprès
de cette commission. Nous trouvons très important d'être ici,
compte tenu bien sûr de l'objet des travaux de la commission et de la
conjoncture dans laquelle le Québec se trouve, ainsi qu'en fait
état le document ministériel publié tout récemment.
Mais, pour nous, l'importance de la situation tient également - et
parfois on pourrait dire presque davantage - au fait que nous, les
cégeps, nous sortons à peine d'une période intense
d'échanges, d'analyse et de prospective sur le réseau des
cégeps. Je veux parler des travaux de la commission parlementaire de
l'éducation qui a eu lieu en novembre et décembre derniers.
À la suite de ces travaux d'envergure - 215 mémoires, 112
organismes entendus - le réseau est à la veille d'une
réforme importante, que tous les intervenants ont souhaitée et
dont plusieurs éléments des plus significatifs ont fait l'objet
de consensus relativement large. Ils ont été définis
à partir d'orientations convergentes, partagées par le plus grand
nombre: ministères, collèges, intervenants
socio-économiques, patronaux et syndicaux, organismes-conseils, etc. Il
y a là comme un moment privilégié de l'histoire des
cégeps qu'il est particulièrement opportun de respecter et dont
il faut tirer le meilleur parti en dépit des circonstances difficiles ou
précisément parce que le contexte est difficile.
Nous avons choisi de limiter notre propos dans le mémoire et dans
cette présentation à la situation très particulière
et au dossier prioritaire des cégeps proprement dits, convaincus que
d'autres que nous, plus versés en la matière, sauront
émettre ici des avis pertinents sur l'ensemble de la situation
financière du gouvernement et sur les meilleurs moyens de sortir des
impasses qu'on nous décrit. Dans ce texte de présentation, je
rappellerai tout d'abord les consensus qui ont émergé de la
commission de l'éducation; je traiterai ensuite des moyens à
mettre en oeuvre pour donner suite au projet collectif renouvelé des
cégeps; et enfin, je terminerai en relevant des convergences
éloquentes entre nos orientations, les moyens que nous suggérons,
d'une part, et, d'autre part, les avenues suggérées par le
document «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos
moyens».
Tout d'abord, les consensus à la source de la réforme des
cégeps. Les principaux éléments qui ont rallié les
intervenants lors de la commis- sion de l'éducation ont
été mis en relief par Mme Robillard, ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science dans
son discours de clôture des travaux de la commission. De plus, le
discours du représentant de l'Opposition, M. Gendron, à la
même occasion, rejoignait les propos de Mme la ministre. Je rappelle donc
très sommairement les principaux points de ces discours convergents.
La formation générale, celle qui est actuellement
donnée à toutes les étudiantes et tous les
étudiants inscrits au collégial, conduisant à l'obtention
d'un diplôme, cette formation devra être élargie et
adaptée en partie aux divers programmes de formation. Elle devrait
également être plus rigoureuse dans la définition de ses
objectifs et des standards à atteindre. Les programmes
préuniversitaires devront être plus cohérents, plus
exigeants et davantage complémentaires que ceux qui sont donnés
dans les universités. La formation technique sera revalorisée et
développée. Cela est même une urgence. Il faut, de plus,
intensifier le partenariat entre les cégeps et le monde du travail, et
introduire des stages pour les étudiants comme pour les enseignants dans
tous les programmes d'études et favoriser la mise en oeuvre de
programmes d'alternance études-travail.
Il faudra revoir le partage des responsabilités entre
l'État et les établissements pour donner aux cégeps une
plus grande autonomie. Cette plus grande autonomie, qui est pour nous une
condition essentielle à la mise en oeuvre de la réforme, inclut
nommément le contenu des programmes et le choix des moyens en vue de
respecter les objectifs nationaux définis par le ministère. Nous
croyons, quant à nous, qu'elle devrait amener les collèges
à émettre leurs propres diplômes.
Le contrepoids à cette nouvelle responsabilisation des
collèges est la mise en place d'un organisme externe, chargé
d'évaluer les établissements et les programmes, et
d'évaluer non pas des processus mais bien des résultats. Les
fonctions d'orientation et d'encadrement des élèves doivent
être revues et renforcées au secondaire comme au collégial.
En ce qui concerne les enseignantes et les enseignants, on réexaminera
les compétences pédagogiques exigées à leur
embauche. Il faudra aussi améliorer les cadres de perfectionnement et
envisager la mise en place de mécanismes d'évaluation auxquels
les étudiants pourraient être associés. Il faudra
harmoniser les programmes du secondaire et du collégial et assurer un
continuum de formation entre le collégial et l'université. Par
ailleurs, le diplôme d'études secondaires devra être
amélioré afin que les élèves soient mieux
préparés à entreprendre des études
supérieures.
Enfin, pour faciliter le cheminement des adultes et répondre
à leurs besoins particuliers, il faudra mettre en place une forme de
certification progressive dans les programmes techniques
là où c'est possible, développer la reconnaissance
des acquis, éliminer les lourdeurs administratives et financer
adéquatement les services offerts. Voilà, bien sommairement
esquissées, quelles devraient être les grandes lignes de la
réforme de l'enseignement collégial qui mettra les
établissements face à des défis stimulants mais, en
même temps, extrêmement exigeants. Le réseau des
cégeps est prêt à s'y engager.
Le nécessaire soutien financier de l'État. Nous devons
donc nous donner collectivement les moyens d'atteindre cet objectif
quantitatif, mais surtout qualitatif, car le contexte dans lequel nous
évoluons en tant que société ne nous permet pas de laisser
faire; il faut agir. Le contexte économique et ses exigences de
compétitivité demandent au Québec d'être encore plus
performant et, donc, d'avoir des programmes de formation de qualité.
Point n'est besoin d'en faire la preuve, c'est évident. Mais, alors que
la structure commerciale internationale se modifie, le Québec a un taux
de chômage élevé et, en même temps, ce qui peut
sembler de prime abord contradictoire, il vit une pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs d'activité, et
c'est souvent des techniciens formés dans les cégeps dont on a le
plus besoin. Il y a là un double défi qui exige qu'on intensifie
les efforts. (15 h 20)
Compte tenu de l'importance de l'éducation dans ce contexte et du
rôle primordial des cégeps dans la lutte contre le chômage
et dans la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée, le maintien du
réseau collégial devient une priorité nationale et son
financement adéquat, une assise incontournable de notre
développement. À l'heure actuelle, l'État consacre 1 200
000 000 $ au budget de fonctionnement annuel des 46 cégeps qui sont
fréquentés par près de 150 000 jeunes et près de
100 000 adultes. Depuis plusieurs années, leur budget est sans cesse
comprimé: 122 000 000 $ depuis 15 ans. Cette somme est relativement
énorme quand on sait que 83 % du budget de fonctionnement des
collèges est pratiquement incompressible. Je fais ici
référence à tous les coûts reliés aux
salaires du personnel et à des programmes ministériels sur
lesquels les collèges n'ont pratiquement eu aucun contrôle
jusqu'ici.
Cela crée une situation très serrée, trop
serrée sur le plan du fonctionnement général et des
initiatives de développement au local. Nous sommes obligés de
réduire nos services au minimum, notamment les services directs à
l'étudiant, des services aussi essentiels que l'orientation, le conseil,
l'animation. Du côté des adultes, la situation n'est guère
meilleure. Les changements qu'entraînera la réforme du
collégial - que l'on pense à la formation générale,
aux mesures d'aide à la réussite, à l'apprentissage, au
développement du technique - auront certes des répercussions sur
le plan financier. De plus, les cégeps devront continuer de suivre
l'évolution technologique, c'est-à-dire de remplacer leurs
équipements et de permettre à leur personnel de se perfectionner.
En ce qui concerne le perfectionnement pris de façon globale, nous
croyons que les ressources devront être haussées si on veut
préparer adéquatement la relève enseignante.
Tous les éléments que je viens d'énumérer
confirment la nécessité pour le gouvernement de financer
adéquatement le réseau des cégeps. En conséquence,
nous redemandons au gouvernement du Québec de prendre à nouveau
le parti du collégial, de réaffirmer que les collèges sont
d'un intérêt primordial pour le développement social,
économique et culturel et, conséquemment, qu'il mette en place
les mesures permettant aux collèges de disposer des ressources
nécessaires pour leur fonctionnement et leur développement.
Bien plus, nous demandons également au gouvernement de maintenir
la gratuité scolaire pour la clientèle à temps complet et
de l'étendre à la clientèle à temps partiel, tout
en finançant cette formation sur les mêmes bases que la formation
à temps plein. L'imposition de frais de scolarité a
été rejetée de façon unanime par tous les
intervenants d'où qu'ils venaient à la commission de
l'éducation.
La participation du gouvernement au financement des cégeps est
bien sûr essentielle, mais il faut miser également sur d'autres
contributions. C'est dans ce sens que nous proposons que le principe de la
gratuité scolaire s'accompagne de mesures limitatives quant à la
durée des études ou au nombre des échecs afin de
restreindre les coûts pour l'État, tout en rendant les
étudiants plus responsables par rapport à leur cheminement
scolaire.
Le secteur privé a aussi un rôle à jouer,
particulièrement lorsqu'on évoque un rapprochement entre les
cégeps et le monde du travail. Il y aurait lieu que le gouvernement
adopte des mesures fiscales pour inciter les entreprises à accueillir
davantage de stagiaires et qu'il revoie ses programmes de soutien et de
subvention aux PME pour favoriser un rapprochement et une meilleure
collaboration entre les cégeps et les entreprises. De leur
côté, les entreprises ne pourraient-elles pas participer davantage
au financement de certaines activités de formation puisque ce sont elles
qui recueillent les retombées d'un enseignement de qualité?
Enfin, des avenues intéressantes. Dans le document «Les
finances publiques du Québec», lancé par le
ministère des Finances et le Conseil du trésor le 19 janvier,
quatre avenues sont envisagées pour rendre le secteur public plus
efficace. La Fédération des cégeps est d'accord avec les
avenues proposées. Elle fait d'ailleurs des recommandations qui
s'inscrivent dans la même lignée.
Ainsi, dans le document on parle de la décentralisation
d'activités judicieusement choisies. La Fédération pense
que le gouvernement
devrait revoir ses processus administratif et budgétaire, de
même que l'ensemble des dispositions législatives et
réglementaires concernant les pouvoirs attribués aux
cégeps dans la perspective d'une plus grande responsabilisation des
établissements. Si l'on pense à des activités bien
précises, je vous dirai que les cégeps sont prêts à
gérer leur programme de formation et le perfectionnement de leur
personnel.
En ce qui concerne, et je cite, «le recours à la
tarification pour augmenter la visibilité des coûts et favoriser
une consommation plus rationnelle des services», j'ai souligné, il
y a un moment, que nous sommes pour le maintien de la gratuité scolaire,
mais accompagnée de mesures limitatives ou incitatives quant à la
durée des études ou au nombre d'échecs.
Le document du ministère des Finances fait aussi état de
la recherche systématique des façons les plus rentables de
dispenser les services. À ce sujet, nous faisons deux recommandations.
La première concerne la rationalisation des programmes. Nous sommes
d'avis que dans la perspective d'une rationalisation des programmes et des
sites d'enseignement, le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science devrait analyser la pertinence de maintenir le nombre actuel de
programmes techniques et leur répartition dans les collèges
publics et privés et, par ailleurs, qu'il devrait prendre les mesures
pour éliminer les chevauchements entre les programmes du
collégial et ceux des autres ordres d'enseignement.
Deuxièmement, pour ce qui est de la recommandation qui vise
à augmenter notre efficacité, la Fédération est
convaincue que compte tenu des changements importants qui s'annoncent dans
l'enseignement collégial, il faudrait revoir, à l'occasion de la
prochaine ronde de négociations, les différentes mesures
liées à l'organisation de l'enseignement et aux conditions de
travail pour donner aux cégeps une plus grande marge de manoeuvre et
plus de responsabilités dans la gestion de leurs ressources humaines, et
pour leur donner les moyens de favoriser la motivation et la mobilisation de
leur personnel et d'améliorer, au besoin, leurs compétences et
leurs qualifications.
Une autre avenue est évoquée dans le document du
ministère: la mise en place d'un mode de gestion du secteur public
davantage axé sur les résultats et sur l'imputabilité.
À cet égard, nous prônons la création d'un organisme
externe d'évaluation dont le mandat serait d'accréditer les
programmes donnés dans les cégeps, d'évaluer les
collèges, d'évaluer le système collégial et de
rendre publics les résultats de ces travaux. Cette recommandation fait
partie du mémoire que nous avons présenté en novembre
dernier aux membres de la commission de l'éducation. Elle se situe dans
la perspective d'améliorer la gestion des collèges et de rendre
des comptes à la population.
Et je termine. Le message que nous avions à vous livrer
aujourd'hui montre, hors de tout doute, notre volonté de participer
à la recherche de solutions pouvant conduire à limiter les
dépenses gouvernementales, mais, pour la réalisation de ce
projet, il ne saurait être question de rogner sur la qualité de
nos interventions. C'est le contraire que l'on attend de nous. Il ne faut pas
davantage sabrer dans l'importante réforme du collégial qui se
profile pour très bientôt et qui est essentielle à la
santé de cet ordre d'enseignement et à l'amélioration
notable des taux de réussite et du nombre de nos diplômés.
Et, pour ce faire, un soutien financier de l'État, un soutien
adéquat est, répétons-le, essentiel.
Une telle affirmation pourrait paraître déraisonnable,
alors que tout le monde dit qu'il faut se serrer la ceinture, qu'il est bien
fini le temps où l'on empruntait pour payer les dépenses
d'épicerie, mais, justement, l'éducation n'est pas une
dépense d'épicerie, c'est un investissement, et un investissement
rentable. On peut même parler de double rentabilité: l'individu
qui s'instruit en retire des bénéfices qu'il réinvestit
dans la société qui l'instruit en participant à son
développement culturel, social et économique. Investir dans
l'éducation et, par le fait même, investir dans un réseau
comme le réseau des cégeps, qui a, entre autres, pour mission de
former les techniciens dont le Québec a grandement besoin, c'est assurer
aux générations futures non seulement de bons revenus, mais un
savoir, une culture, un supplément d'intelligence et d'âme, si je
puis m'exprimer ainsi.
M. le Président, Mme et MM. les membres de cette commission, je
vous remercie de votre accueil, et c'est maintenant avec plaisir que mes
collègues et moi-même sommes disposés à
échanger avec vous sur les questions soulevées par notre
mémoire.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire et je vais céder
immédiatement la parole à M. le président du Conseil du
trésor.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, je vous remercie beaucoup.
Merci, messieurs, de votre présentation qu'on peut
peut-être interpréter comme une continuité de la commission
parlementaire où vous avez déjà comparu et a l'occasion de
laquelle, celle-ci, vous continuez votre plaidoyer. (15 h 30)
Ceci étant, ce qui nous amène ici, évidemment, ce
n'est pas de conclure ou non à la reconnaissance de l'ordre distinct
d'enseignement que, évidemment, les cégeps représentent,
mais de voir ce que ça signifie dans l'ensemble des dépenses
publiques que de maintenir les conditions actuelles, d'une part, comme vous le
souhaitez - à titre d'exemple, du côté du financement des
coûts des cégeps, par la gratuité
qui serait maintenue, quoique limitée, on pourrait en discuter -
et compte tenu du rythme de croissance des dépenses publiques. On est
ici pour essayer de réaliser l'équilibre, de consulter les gens
pour voir quelles sont leurs suggestions précises, si on se rejoint sur
le constat, évidemment. Mais je n'ai entendu personne prétendre
que, dans le fond, on n'avait pas de problème de déficit ou
d'endettement. Je pense que ça fait partie du paysage connu, avec lequel
on doit vivre.
Ce qu'il faut voir, c'est le poids relatif que ça occupe, cet
ordre d'enseignement, dans les finances publiques, pas en soi, quoiqu'on puisse
en parler, mais, comparativement, évidemment, à ce qui se fait
ailleurs. C'est toujours ça qu'on doit avoir à l'esprit dans une
économie ouverte. En Ontario, notre voisin immédiat, partout
ailleurs en Amérique, essentiellement, l'ordre d'enseignement que vous
dispensez n'est pas gratuit, loin de là; peut-être pas au niveau
de la première année de cégep, qui peut correspondre
à la dernière année du «high school», ailleurs
en Amérique, mais, chose certaine, à partir de la deuxième
année de cégep, on est dans un niveau de scolarité
où, partout ailleurs, ça coûte minimalement 2000 $ par
année. Et ça fonctionne très bien, il y a des taux de
scolarisation qui se comparent quelquefois avantageusement aux nôtres, et
ce n'est pas gratuit, parce qu'il y a eu cette mentalité qui s'est
développée ailleurs, que c'était un investissement dans
son propre avenir que de dépenser ou d'investir dans les frais de
scolarité et tout ce que cela signifie, évidemment, d'aller aux
études.
Il faut donc avoir à l'esprit cette réalité
lorsqu'on se compare. Alors, il devient extrêmement important, tout de
suite, de parler des limitations à la gratuité, à mon
sens. C'est ce que je vous soumets. J'aimerais vous amener, peut-être
immédiatement, à des suggestions concrètes du genre de
limitations, du rendement qu'on peut attendre, de ce qui est juste, de ce qui
est équitable comme limitations à cette gratuité.
Deuxièmement, j'aimerais également avoir des suggestions
concrètes sur la façon dont l'appareil du niveau collégial
peut être rationalisé. Comment pouvez-vous arriver à des
gains de productivité? Qu'est-ce que vous entendez faire pour contribuer
à l'allégement de l'administration de cette activité
publique? Personne n'y échappe, on en parle dans les CLSC, on en parle
dans les centres d'accueil, on en parle dans les commissions scolaires. En
parie-t-on assez dans les cégeps? Si oui, rafraîchissez-nous la
mémoire et venez également nous indiquer vers où vous vous
dirigez pour contribuer à cet allégement des finances
publiques.
Alors, deux questions, dans le fond: les limitations à la
gratuité, si vous reconnaissez qu'elles sont nécessaires, si vous
pouviez les préciser quand même; et, deuxièmement, qu'en-
tendez-vous faire au point de vue des gains de productivité qui sont
nécessaires, évidemment, pour rencontrer les objectifs
financiers?
M. Leduc: Alors, on y a fait allusion dans notre mémoire
et dans la présentation, aux limitations à la gratuité.
C'est-à-dire que ce sont davantage des mesures qui pourraient
éviter les excès, des mesures qui pourraient être
perçues comme étant positives plus que négatives, des
mesures incitatives à réussir. Par exemple, des mesures qui
limiteraient le nombre d'échecs qu'un étudiant ou une
étudiante pourrait avoir durant son séjour au
collégial.
M. Johnson: Si on vous demande des précisions, là.
En fait, je sais que c'est ça qui est en cause, là, mais... un
échec, deux échecs? Quel genre de sévérité
croyez-vous qu'on devrait avoir avec ceux qui ont la chance de poursuivre des
études postsecondaires? C'est ça.
M. Leduc: Une chose certaine, il ne faut pas que n'importe quelle
de nos mesures vienne à rencontre de la vertu du système
lui-même. Je m'explique.
L'enseignement collégial est un système d'enseignement
polyvalent que les étudiants abordent à l'âge de 17 ans,
parfois 16 ans. On a remarqué, dans tous les diagnostics, qu'il y avait
des problèmes sérieux d'orientation et, parfois, de motivation
aussi, très souvent. Il ne faudrait pas que n'importe quel
système administratif vienne empêcher les étudiants de
trouver leur place. Le collège est aussi fait pour cela. Donc, il ne
faudrait pas, par exemple, punir, jusqu'à un certain point, la
durée. Quelqu'un a le droit de changer d'orientation, le système
est prévu pour cela. Quand on change d'orientation, ça prend plus
de temps, mais, en même temps, ça vous fait faire des choix plus
intéressants, plus vivables et plus rentables au bout du compte, pour
l'individu et pour la société.
Donc, l'établissement de l'équivalent d'une session de
plus, c'est toujours ce que les gens mettaient sur la table a priori. Ce n'est
pas confirmé, mais c'est un ordre de grandeur, en termes de nombre
d'échecs plus qu'en termes de durée des études. Je ne sais
pas si je me fais comprendre. C'est plus en termes de nombre d'échecs
qu'en termes de temps. Quelqu'un peut bien, pour toutes sortes de raisons, ne
pas prendre une charge de cours totale. L'objectif, c'est qu'il
réussisse. Alors, comme limite ou comme encadrement à la
gratuité, on pourrait encourager la réussite, soutenir, inciter
à la réussite en fixant un montant d'échecs que
l'étudiant ne saurait dépasser. Je vous donne l'ordre de grandeur
dont les gens, règle générale, parlent dans les milieux
bien informés. Ce n'est pas, cependant, un montant ou un nombre
défini dans le béton. Il faudrait voir.
Les autres éléments - pas des limites à la
gratuité, mais des soutiens au financement, bien sûr -
c'est le soutien de l'entreprise privée pour l'enseignement technique,
notamment. Ça ne vient pas toucher à la gratuité, mais
ça vient royalement, peut-être, aider au financement de
l'enseignement technique, d'autant plus que ça va rapprocher
l'enseignement technique du monde du travail. Ça, c'est pour la
limitation à la gratuité.
Relativement à la rationalisation, essentiellement, il y a trois
points. D'abord, il y a vraisemblablement trop de programmes d'enseignement
technique différents. Il y a trop de programmes dont les contenus
chevauchent les uns sur les autres. Je crois qu'il y a au-delà de 130
programmes d'enseignement technique. Il y aurait vraisemblablement lieu d'en
réduire le nombre. Évidemment, en en réduisant le nombre,
vous économisez parce qu'il y a moins de matières, il y a moins
d'équipement propre à ces programmes, c'est plus polyvalent. Il y
a moyen également... Tout en sauvant un éventail et une carte de
programmes équilibrés dans les régions, il y a moyen
peut-être d'éviter que, dans un milieu plus urbain comme
Québec ou Montréal, le même programme soit offert dans
chacun des collèges, dans certains cas. On pense au programme
d'informatique pour lequel les succès ne sont pas
phénoménaux, mais qui est offert, par ailleurs, dans tous les
collèges d'une même région. Peut-être qu'il y aurait
quelque chose à faire, à ne pas multiplier, à
l'intérieur d'une même région, un programme et, en plus de
le réviser, bien sûr, de ne pas le multiplier pour rendre la chose
plus facile, donc, également pour éviter des dépenses.
Troisièmement. Il y a aussi des chevauchements et des
concurrences entre les divers niveaux d'enseignement - entre le secondaire
professionnel long, 6 ou 7, et les programmes du professionnel du
collégial. (15 h 40)
Voilà des éléments de rationalisation de la carte
des programmes qui devraient être source d'économies relativement
substantielles. Un autre élément auquel on a fait allusion, c'est
la responsabilisation des collèges, entre autres, relativement à
la gestion de leurs programmes. Il y aurait là sûrement beaucoup
d'économies, d'économies de la part des organismes qui nous
chapeautent, ministériels, et également de l'économie en
termes d'utilisation plus polyvalente, plus souple, plus adaptée aux
circonstances des ressources dont nous disposons dans nos collèges.
C'est bien évident qu'il est très difficile de chiffrer ce genre
d'économies là, sauf qu'il y a une orientation cependant, et
c'est celle-là qu'on met en évidence. C'est l'orientation de la
responsabilisation et de l'imputabilité. À partir du principe,
évident à sa face même, que, quand vous rapprochez le lieu
de décision du lieu de l'action, et quand vous êtes responsable,
eh bien, vous faites une utilisation plus rationnelle des ressources qui sont
mises à votre disposition.
Cependant, vous allez convenir avec moi que nous ne pouvons pas,
d'entrée de jeu et a priori, déterminer que, oui, ça va
suffire à ceci ou à cela. Même dans les scénarios
qu'on pourrait évoquer... On parle, par exemple, d'ouvrir la
gratuité pour les étudiants à temps partiel ou pour les
adultes. Tout cela, pour la chiffrer... Il y a différents
scénarios selon ce que vous retenez. Si vous déverrouillez
l'enveloppe qui est fermée pour l'enseignement aux adultes, c'est
déjà un coût, mais si vous la déverrouillez et, en
plus, que vous financez l'enseignement à temps partiel, c'est encore un
coût supplémentaire. L'ensemble des deux, ça risque de
coûter à peu près 25 000 000 $. Est-ce que c'est... Bon, il
y a moyen d'y aller par étape, il y a moyen de faire une des deux
choses, je ne sais trop. Mais c'est pour vous dire que c'est très
difficile, à ce moment-ci, de chiffrer parfaitement chacune des mesures
que nous préconisons, sauf que l'orientation, elle, on peut la qualifier
comme étant une orientation féconde.
M. Johnson: ...pour renseigner nos auditeurs et les membres de la
commission sur le genre d'économies qui sont en cause, si on parlait,
par exemple, de limitations à la gratuité compte tenu du nombre
d'échecs, ou du fait que des étudiants sont hors délai,
autrement dit, hors délai de deux sessions ou plus, en formation
générale ou professionnelle, donc, rendus en sixième ou
huitième session et plus, au lieu de quatre et six sessions pour
compléter le cours d'études collégiales, ça
représente 155 000 000 $, la gratuité à l'endroit de ceux
qui sont hors délai de deux sessions et plus. C'est des très gros
chiffres. Si on prend ça du côté des échecs, si on
prend l'autre genre de limitations et qu'on regarde sur la base du fichier en
1991, en septembre 1991, c'est presque 70 000 000 $ que représente la
gratuité pour ceux qui ont déjà quatre échecs ou
plus, en quatre sessions ou cinq ou six ou, enfin, peu importe. On peut les
regarder de toutes sortes de façons. C'est des gros chiffres qu'il y a
là. On doit juger, je pense - et c'est ça que vous évoquez
- de notre degré de sévérité ou de
générosité. J'aime beaucoup l'approche que vous employez,
de trouver des moyens d'incitation à la réussite plutôt que
la pénalité au retard. On peut appeler ça comme ça.
Ça démontre une approche, je pense, puis une ouverture à
l'endroit de ces jeunes qui, évidemment, tentent d'améliorer leur
sort et de contribuer davantage, éventuellement, à la
société.
J'ai beaucoup aimé l'approche que vous suggérez. C'est
entendu que les autres mesures de rationalisation, c'est extrêmement
difficile à chiffrer comme ça. Il faudrait voir la combinaison de
tout ça. Mais la rémunération comme telle, vous me
permettrez de le souligner, est également une voie comme telle qu'on
doit regarder. C'est ma responsabilité aussi.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Brièvement... Je pense qu'il vous reste une minute. Très
très brièvement. C'est évident que j'ose espérer
que vous êtes bien conscient que cette commission parlementaire, un des
objectifs, c'est un contrôle des coûts des services publics. Vous
parlez de conserver des acquis. J'en suis rendu à me demander, moi, non
plus à savoir de conserver des acquis, mais une partie de ces
acquis-là, eu égard à l'état global des finances
publiques. Il faut être député dans un comté comme
le mien pour se rendre compte dans quelle situation nous sommes actuellement,
sur le plan terre à terre, pratique et concret.
Vous savez, ma question est la suivante: J'aimerais savoir de vous
combien d'étudiants font un deuxième diplôme
d'études collégiales? Avez-vous des statistiques
là-dessus, dans l'ensemble du réseau?
M. Leduc: Moi, je ne l'ai pas. Je ne sais pas si quelqu'un de mes
collègues l'aurait ici, à portée de la main.
Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez pas ces
statistiques-là? Non?
M. Leduc: Ce que je sais, c'est que... Vous savez, la
clientèle - ce n'est pas exactement ce que vous me demandez, cependant -
qui déborde et qui prend beaucoup de sessions supplémentaires,
c'est relativement limité. Je crois que c'est 15 %, si je ne m'abuse,
c'est 15 % de notre clientèle... relativement limité.
Le Président (M. Lemieux): Alors, pourquoi n'y aurait-il
pas, effectivement, des frais de scolarité lorsqu'on décide d'y
aller d'un diplôme do deuxième niveau, au niveau collégial,
puisque, d'une certaine façon, ça pénalise la
société aussi? Ça ne fait pas que l'avantager, ça
la pénalise aussi. Il faut en être conscient, vous savez. C'est un
couteau à deux tranchants. Est-ce que vous êtes contre cette forme
de...
M. Leduc: ...de charger pour un deuxième
diplôme?
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Leduc: J'avoue que nous n'avons pas envisagé cette
possibilité-là, formellement. Je ne sais pas si mes
collègues... Oui, M. Parent.
M. Parent (Pierre): Moi, j'ajouterais que c'est très
risqué parce que je pense que les jeunes qui décrochent,
ça coûte pas mal plus cher que ceux qu'on forme, à court
terme et à long terme. Je pense qu'on ne peut pas demander, dans les
années 90, à l'aube de l'an 2000, à un jeune de 18, 19 ans
de savoir exactement ce qu'il va faire pendant toute sa vie. Donc, un
étudiant ou une étudiante peut très bien prendre un
diplôme en sciences humaines et, après ça - et tout le
monde le souhaite - se diriger vers une formation plus technique, plus pointue.
Il y a une résistance des Québécois et des
Québécoises à s'intéresser plus
particulièrement à la formation technique. Donc, je pense qu'il
faut faire attention à mettre des freins très
généraux comme ceux-là, et il faut peut-être faire
des distinctions par rapport à des types de formation avant de songer
généralement à empêcher des jeunes ou des adultes -
parce que vous vous adressez beaucoup à des adultes - de prendre un
deuxième diplôme, si cela peut les rendre plus heureux, mais
surtout les rendre beaucoup plus participants à l'économie et
à la vie sociale et culturelle de notre société.
Le Président (M. Lemieux): Brièvement, M. le
député de Limoilou, et je vais passer la parole du
côté de l'Opposition. On aura terminé nos 20 minutes.
M. Després: Est-ce que le temps est terminé? Je
peux revenir. Est-ce qu'il nous reste du temps?
Le Président (M. Lemieux): Oui, alors, si vous
préférez revenir, je vais passer immédiatement la parole
à Mme la députée de...
M. Després: Oui, peut-être une courte, ça ne
sera pas long. Juste par rapport... Quand vous parliez dans le... Vous avez
parlé de trois points dans le cadre de la rationalisation. L'un
était sur le grand nombre de programmes techniques qui existent. Vous
avez parlé de... 130, je crois, parce que vous parlez d'un certain
nombre de chevauchements. Est-ce qu'il a déjà été
évalué, justement, que 10 programmes en moins pourraient
être, à cause de ces chevauchements-là,
éliminés? Cinq? Est-ce que vous avez déjà...
M. Leduc: on parle, règle générale, de
descendre cela au moins en dessous de la centaine, dans un premier temps; de
135, à peu près, à en dessous de 100.
M. Després: Est-ce que, maintenant, vous savez aussi quels
pourraient être les coûts qui sont reliés, justement?
M. Leduc: Ça, c'est beaucoup plus difficile à
évaluer, beaucoup plus difficile.
M. Després: À cause du nombre d'étudiants
qui pourraient, justement, automatiquement... qui seraient au collégial,
mais qui seraient, de toute façon, dans une autre technique.
M. Leduc: Oui. Mais, a priori, c'est clair que si vous avez des
programmes plus généraux, moins de programmes techniques qui se
chevau-
chent mutuellement, il y a là un terrain propice à faire
des économies.
M. Després: Juste, par exemple... Je sais qu'il y a un
directeur général de la région de Québec. Vous
parliez de l'exemple du secteur de l'informatique dans les cégeps de la
région immédiate de Québec - Sainte-Foy, Limoilou,
François-Xavier-Garneau. Est-ce qu'ils donnent tous le cours
d'informatique?
M. Larose (Denys): Oui. Ils donnent tous ce cours.
M. Després: Et ce serait une façon où on
pourrait sauver si 50 %, ou deux de ces cégeps-là, au lieu que
tout le monde donne, justement, le cours de techniques d'informatique. S'il y
en avait deux... C'est trop populaire ou... Est-ce qu'on pourrait sauver,
aussi, en termes de coûts, en faisant des choses comme ça?
M. Larose: En fait, c'est évident que si - on parlait de
la région montréalaise comme de la région
québécoise - un seul cégep ou deux le donnaient... On n'a
qu'à penser au chapitre des équipements qu'il faut rassembler
dans l'un et dans l'autre, les dédoubler. Il est évident que,
là aussi, il y a des économies possibles. C'est difficile
à chiffrer. Ce serait une chose possible. Dans le cas de l'informatique,
en particulier, c'est peut-être un exemple qui est plus facile à
utiliser. On donne aussi les soins infirmiers dans trois collèges.
Ça ne signifie pas pour autant qu'il faudrait les éliminer de
l'un au profit de l'autre, au point de démembrer les collèges.
Mais l'informatique est un bon exemple où il y a des choses qu'on
pourrait faire mieux sans multiplier dans tous les collèges d'une
même région ce programme-là, par exemple.
M. Després: Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Limoilou. Mme la députée de Taillon. (15
h 50)
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue,
à mon tour, à nos travaux.
Je pense que votre contribution est fort intéressante. Vous
identifiez très... enfin, je pense, très systématiquement
un certain nombre de pistes qui méritent, à partir de là,
d'être fouillées, creusées. Ça, je pense qu'on peut
en convenir. De toute façon, on est là pour ça aussi, pour
ensuite retenir des éléments pour lesquels on pense qu'il y a des
choses à faire, et sur lesques il faut réfléchir davantage
pour arriver avec des projets précis.
Juste une petite réflexion, peut-être, avant de vous poser
une question. Vous parliez, dans votre intervention de départ, dans
votre présentation, du fait que c'était un peu dommage de
constater que, dans les métiers techniques, dans les formations
techniques, on constatait encore malheureusement au Québec des
pénuries, alors qu'on est dans une situation dramatique au plan du
chômage. Je le déplore avec vous, et j'espère qu'on a pris
le virage, depuis quelque temps, pour revaloriser la formation technique. Je
trouve ça très dommage que, comme société, dans le
fond, on ait mis de côté toute une série de métiers
qui font que les gens gagnent très bien leur vie, dans des conditions de
travail souvent très agréables, et où il est
agréable de constater qu'on peut même toucher son produit - parce
qu'on parle souvent de métiers qui ont un aspect manuel. Je pense
à tous les métiers, entre autres, autour de l'avionnerie. C'est
très intéressant, ce sont des métiers qui rapportent des
revenus intéressants, et malheureusement, parce qu'on a
survalorisé - je ne dis pas qu'il faut arrêter de dire que c'est
important d'aller à l'université -les formations
supérieures, théoriquement en tout cas, on a mis un petit peu de
côté ces formations techniques. Je suis heureuse de vous entendre
dire ça, surtout venant évidemment des cégeps où
ça se distribue, cette formation-là. Pas seulement chez vous,
mais elle est disponible aussi dans les niveaux secondaires, évidemment
d'un autre ordre, mais je pense que c'est important qu'on en prenne conscience
collectivement. L'occasion qui nous est donnée d'échanger dans
des forums comme ceux-là nous permet de faire ce type de
réflexion.
Sur vos recommandations, maintenant. Il y en a... Je m'arrête
particulièrement aux recommandations 4 et 5 de votre mémoire.
Moi, j'ai pris le mémoire principal, là, je sais que vous avez lu
une présentation... Bon, à la recommandation 4, à la page
55, vous identifiez le fait que vous souhaiteriez «favoriser le contact
des étudiants et des étudiantes avec le marché du travail
et le perfectionnement des professeurs, que [...] Québec adopte des
mesures fiscales pour inciter les entreprises à accueillir davantage de
stagiaires et qu'il revoie ses programmes de soutien et de subventions aux
petites et moyennes entreprises pour favoriser un rapprochement et une
meilleure collaboration entre les cégeps et ces entreprises.»
Je ne sais pas, premièrement, si vous avez pensé à
des mesures précises, compte tenu de l'expérience que vous avez.
Deuxièmement, il s'est implanté un certain nombre de centres
spécialisés dans les cégeps, et il doit s'en implanter
d'autres bientôt, qui devaient faire - là, c'est moins mon dossier
depuis un certain temps, mais je m'en suis beaucoup préoccupée
à un certain moment - qui devaient faire une jonction entre, justement,
le milieu de l'entreprise et le milieu de l'enseignement. J'aimerais que vous
me parliez un petit peu de... si cela s'est réalisé, et comment
ça se passe maintenant.
D'autre part, j'aimerais vous dire que les mesures fiscales qui ont
été choisies jusqu'à
maintenant, depuis quelques années, là - on peut seulement
parler de deux ans d'expérience réelle en ce qui a trait à
la formation professionnelle - n'ont pas donné les résultats
escomptés. On sait qu'on croyait pouvoir investir en formation
professionnelle, par la déduction d'impôt, là, 100 000 000
$. On croyait que ça allait générer 100 000 000 $
d'investissements. Ce qu'on sait, c'est que ça a
généré à peine 32 000 000 $ en 1991-1992, et
c'était 8 000 000 $ en 1990-1991.
Alors, je me méfie toujours un petit peu des mesures fiscales
parce que, souvent, les entreprises qui font déjà des
activités de formation ou de prise en charge, par exemple, de
stagiaires, mesures fiscales ou pas, elles vont continuer à en faire. On
ne réussit jamais à atteindre - par contre, elles en
bénéficient -mais on ne réussit jamais à atteindre
la petite et la moyenne entreprise, justement.
Alors, sur cette recommandation-là, et sur la recommandation 5,
où vous dites qu'on devrait, dans le fond, mettre ensemble les
équipements et les infrastructures, si c'est ça que j'ai bien
compris, que ce soit des équipements de loisirs, des équipements
culturels, pour que les municipalités - même, ça pourrait
être des organismes privés - bénéficient un petit
peu de ces équipements-là, et qu'on rationalise donc, avec un
effet, évidemment, sur les dépenses. Voilà mes deux pistes
de questions.
M. Leduc: Relativement au rapprochement des entreprises et des
milieux de l'enseignement et dos mesures fiscales, donc, la première
chose que l'on veut, chose sur laquelle les entreprises sont d'accord, au moins
en principe - en tout cas, elles sont venues le dire à la commission de
l'éducation et elles l'ont dit, par ailleurs, sur toutes les tribunes,
depuis - elles sont d'accord pour faire que nous puissions intégrer des
stages dans tous nos programmes d'étude, ce qui n'est pas le cas
actuellement, et ce qui est un petit peu... et qui est très dommage.
Maintenant, c'est difficile. Elles le disent. Ce n'est pas évident que
ça va se faire rapidement.
Il y a l'autre aspect, qui s'appelle l'alternance travail-études,
et ça, c'est relativement plus nouveau. C'est du type de ce qui se fait
à l'Université de Sherbrooke, l'enseignement coopératif
qu'on appelle ou alternatif. Ça aussi, c'est une formule qui commence
à s'implanter dans les cégeps, et qui est encore plus... qui en
demande plus de la part de l'entreprise et de tout le monde dans l'entreprise,
du personnel dans l'entreprise autant que de la direction, pour faire une place
à des personnes qui vont être rémunérées.
Dans les temps qui courent, ce n'est pas facile de faire de la place à
des gens de l'extérieur dans des entreprises, mais il y a au moins... On
peut toujours douter, comme vous dites. Ça fait longtemps qu'on le dit,
et il n'y a pas grand-chose qui s'est fait, mais il y a au moins une
volonté de la part des entreprises de répondre positivement
à ce diagnostic qu'il en faut. Cela pourrait être soutenu par des
mesures fiscales avec un succès dont on... Oui, on peut s'interroger sur
le succès. Bon! Mais, en même temps, cependant, ça pourrait
être en partie également une source d'économies pour la
partie publique.
Par exemple, les stages, actuellement, dans le milieu public ou
parapublic, coûtent très cher, en tout cas, au ministère de
l'Enseignement supérieur. Alors, s'il y en avait des semblables,
peut-être que les coûts de ces stages-là pourraient
être compensés par la mesure fiscale en question. Enfin, je ne
sais trop, mais, une chose certaine, il y a là une volonté
collective dont on ne peut pas douter pour l'instant, et qui pourrait
être soutenue par des incitatifs de nature fiscale, si possible, parce
que la bonne volonté, il faut la soutenir quelque part.
Pour les PME, je laisserais peut-être à M. Parent le soin
de répondre, parce que les centres spécialisés,
effectivement, ils ont commencé à rendre - et ils le rendent bien
- le service qu'on attendait d'eux, et ils réussissent à
être des facteurs de développement économique,
socio-économique, dans leur propre région. Il n'y en a pas
encore, cependant, ou si peu - il n'y en a qu'un seul - dans la région
de Montréal. C'est une lacune, mais j'imagine que ça va
être compensé bientôt. Cela dit, le problème des PME
est de les rassembler. Ce n'est pas un mince problème; vous le savez
encore mieux que nous. M. Parent a quelque chose à ajouter
là-dessus?
M. Parent (Pierre): Je pourrais peut-être ajouter
simplement que... D'abord, je pense, un des fleurons du développement du
réseau collégial et le rapprochement avec les entreprises, ce
sont les centres spécialisés. Moi, je pense que via les centres
spécialisés, ça a été le rapprochement le
plus concret de tous les ordres d'enseignement entre entreprises d'un secteur
et une masse critique de compétence dans une institution de
formation.
Deuxièmement, sur les crédits d'impôt, sur les abris
fiscaux, sur les avantages fiscaux qui sont généreusement,
à mon avis, admissibles aux entreprises québécoises, pour
la formation ou pour la recherche et développement - je relie toujours
les deux, parce qu'il n'y a pas d'autre façon d'avoir une valeur
ajoutée dans une entreprise que de former le personnel en recherche et
développement. Le problème qui confronte, à mon avis,
l'industrie québécoise, c'est qu'on le veuille ou qu'on ne le
veuille pas - la très grande majorité de notre infrastructure
industrielle, ce sont les PME - qu'ils n'ont pas le temps. Ils n'ont pas la
disponibilité. Ils n'ont pas la compétence pour avoir
accès à ces programmes-là. (16 heures)
Tous les jours, moi, dans ma fonction plus particulière à
l'Université du Québec à Montréal,
à l'UQAM, je suis en rapport avec les entreprises pour faire de
la recherche et développement ou de la formation sur mesure. Vous n'avez
pas idée comment ces entrepreneurs-là n'ont pas le temps, n'ont
pas le temps et n'ont pas le temps pour analyser tous ces programmes qui leur
sont accessibles. Plus que ça, lorsqu'ils s'embarquent dans un montage
financier, soit pour un abri fiscal dans le domaine de la recherche et
déve loppement ou pour un programme à l'intérieur du Fonds
de développement technologique, il n'y a pas un chrétien dans une
entreprise - qui est obligée de surveiller sa ligne rouge ,i chaque
mois - qui a le temps de prendre le temps que peuvent lui donner les nombreux
fonctionnaires qui administrent les différents programmes, soit à
la Société de développement industriel, soit à
Revenu Québec, soit à la Commission des valeurs
mobilières, soit au ministère de l'Industrie. Tous ces
programmes-là, en soi, sont bons, mais ils ne sont pas
intégrés. Il en coûte très cher pour y avoir
accès. Je ne sais pas si vous savez ce que ça coûte en
frais d'avocats, en frais de comptables, en frais de fiscalistes, en frais de
courtage de valeurs mobilières, de monter un abri fiscal. Or, quelles
sont les entreprises qui ont le plus avantage à avoir accès
à ces programmes-là? Ce sont les petites entreprises.
Une publication récente dans Business Week disait que la
très grande majorité, depuis cinq ans, des emplois à
valeur ajoutée qui ont été introduits aux
États-Unis l'ont été dans des entreprises de 3 à 10
personnes. C'est cette entreprise-là qu'il faut soutenir au
Québec pour avoir une valeur ajoutée. Et les moyens financiers
qui sont généreusement mis à leur dispo sition par le
gouvernement, soit par la formation ou la recherche et développement,
sont trop disparates et compliqués.
Mme Marois: Mon collègue va continuer. J'ai
remarqué que, sur les infrastructures... Vous n'êtes pas venu,
dans les infrastructures, à mettre en commun avec les
municipalités et peut-être même des établissements du
secteur privé...
M. Leduc: Là, c'est uniquement pour inviter le
gouvernement à nous aider à faire ce genre de projet conjoint,
parce qu'il y en a déjà, mais il faudrait les multiplier.
Mme Marois: D'accord.
Le Président (M. Després): Merci, Mme la
députée de Taillon. La parole est au député de
Labelle.
M. Léonard: Oui, M. le Président, merci, et merci
en particulier, tout précisément, à M. Parent des
remarques qu'il vient de faire. Ça rejoint ce qui est discuté ici
en rapport avec les programmes de PME, de recherche et développe- ment.
Nous en sommes très conscients, et il nous renouvelle la
mémoire.
Je voudrais parler des recommandations ' 6, 7, 8. À la
huitième, vous finissez par faire une recommandation sur la
décentralisation, la responsabilisation des collèges, la
rationalisation des programmes, etc. J'ai quelques idées que j'aimerais
explorer avec vous. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je suis
profondément d'accord avec une décentralisation, mais quand vous
demandez juste au gouvernement de modifier ses processus administratifs,
ça implique que vous laissez le gouvernement les définir Et si on
parle vraiment de décentralisation, à mon sens, ça
pourrait être les cégeps qui les définissent. Pour moi,
ça va jusque-là et ça ne s'arrête pas juste à
laisser le gouvernement les modifier et les améliorer.
Dans une optique comme celle-là où l'on
décentraliserait, on peut aller très loin dans cette
réflexion, mais à une condition, à mon sens, c'est qu'il
demeure des contrôles généraux. Alors, je pose la question
tout bêtement: Est-ce que les cégeps sont prêts à
envisager, au moins pour les programmes de formation générale, un
examen uniforme à l'ensemble du Québec, quitte à ce que,
pour tout le reste, vous ayez l'autonomie complète?
M. Leduc: Ce n'est pas exclu. On sort du domaine des finances,
mats ça n'est pas...
M. Léonard: si vous permettez, avant... je crois qu'il y a
un aspect profondément financier à cette question, parce que,
à mon sens, si vous décentralise/, vous pouvez économiser,
je suppose. c'est le pari que je ferais.
M. Leduc: Mais, surtout, il y aurait une évaluation
crédible et publique de l'ensemble des résultats. Donc, ça
pourrait être plus rentable pour le réseau. Cela dit, oui,
ça a été envisagé, notamment pour le
français. La perspective... Il y a actuellement un test qu'on est en
train de monter, l'ancien test pour l'admission à
l'université...
M. Léonard: O.K.
M. Leduc: ...qui pourrait éventuellement... Il n'y a rien
de garanti; c'est en cheminement, mais il n'y a pas d'objection de principe,
éventuellement, à ce que ça se transforme en un examen
terminal en français.
M. Léonard: Bon. Mais ma question va, je pense, plus loin
que ça, parce que ça pourrait être toutes les principales
matières, et je suis conscient que je me rapprocherais d'un
modèle plutôt européen de la formation qu'américain
ou anglais. Je comprends. Mais quand vous parlez de l'examen de
français, les universités et un peu le public ont tordu les bras
du système d'éducation,
à l'heure actuelle ou depuis quelques années, à
l'effet d'améliorer le français. Mais, à mon sens, ce
n'est pas la seule chose dans la formation. Ça va beaucoup plus loin que
ça. Il y a une formation générale à laquelle on
revient, même aux États-Unis, par les temps qui courent; ça
nourrit toute la littérature de la formation. Et, à mon sens, sur
le plan administratif, il y a des économies majeures à faire dans
notre système si on laisse les cégeps s'administrer
eux-mêmes, quitte à ce qu'il y ait des contrôles
généraux.
L'autre chose, l'autre élément: j'ai bien aimé
quand vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait favoriser la
réussite de l'étudiant. Je vais plus loin. À mon sens, il
faut non seulement favoriser la réussite mais il faut primer la
réussite. Les étudiants qui arriveraient les premiers dans des
contrôles uniformes comme ceux que je mentionne, eux, devraient avoir
accès immédiatement à un système de bourses
très large pour eux et ne pas être obligés de travailler le
long de leurs études, leur cours universitaire par la suite s'ils
continuent à l'université, ou technologique s'ils continuent dans
la voie technologique.
M. Leduc: Alors, relativement aux contrôles rigoureux
auxquels vous faites allusion, pour nous, pour l'instant, mise à part la
perspective éventuelle d'un examen en français, c'est surtout que
ça passe, dans un premier temps à tout le moins, par une
redéfinition des objectifs nationaux pour la formation
générale de façon beaucoup plus rigoureuse, et ensuite,
dans un deuxième temps, compte tenu de la responsabilisation des
collèges, par l'évaluation des résultats que chacun des
collèges aura obtenus par ses examens, par ses candidats rendus à
l'université ou ses candidats rendus au marché du travail, et
là, oui, il y aurait l'évaluation de l'établissement et de
ses programmes, ce qui nous apparaît encore plus favoriser la
responsabilisation et la prise en main de ses propres défis que le
fameux examen national étalé sur toutes les matières
possibles et impossibles de la formation générale. Ça nous
apparaît, dans un premier temps à tout le moins, plus
intéressant et moins glissant comme terrain...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Leduc: ...parce que l'imputabilité tait partie
également d'un processus qui rend le système plus transparent et,
pour prendre vos termes, plus rentable au bout du compte.
Quant à la réussite, oui, évidemment, je suis
parfaitement d'accord pour soutenir la réussite, mais, en même
temps, si je prends, par exemple, le dernier rapport du Conseil
supérieur de l'éducation, il propose aux différents
réseaux des objectifs chiffrés de diplomation en disant: II
faudrait que le collégial produise, en des termes un petit peu... Enfin,
60 % de ceux qui entrent sortent avec un diplôme, on est parfaitement
d'accord, mais il faut qu'on se mette d'accord tout le monde qu'en disant cela,
ça coûte de l'argent. Ça coûte de l'argent. On ne
peut pas tenir un discours comme celui-là en misant uniquement sur la
bonne volonté d'un réseau et de ses enseignants.
C'est notre point de vue, et c'est le point de vue également du
Conseil supérieur de l'éducation. Sinon, c'est se leurrer. Alors,
oui, nous sommes pour la réussite. Oui, nous voulons soutenir et
récompenser, comme vous le soulignez vous-même, mais nous
voulons...
M. Léonard: Ce n'est pas récompenser.
M. Leduc: ...surtout des moyens adéquats pour soutenir
cette réussite-là.
Le Président (M. Després): En conclusion, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Oui, c'est en conclusion parce que, pour moi,
j'ai peut-être employé ce terme-là,
«récompenser», mais je ne pense pas...
M. Leduc: Reconnaître.
M. Léonard: ...primer... Parce qu'à mon sens vous
investissez dans la qualité lorsque vous facilitez la continuation
d'études, ou de recherche, ou de formation à des étudiants
qui sont bons. Je pense qu'il faut viser cela. Alors, pour moi, pour la
société, ce n'est pas une récompense mais, en quelque
sorte, on peut l'exprimer comme cela. Je comprends. Merci beaucoup.
Le Président (M. Després): Merci, M. le
député de Labelle.
M. Leduc, M. Parent, M. Larose et M. Bouchard, on vous remercie de votre
présentation cet après-midi à ce débat sur les
finances publiques du Québec.
J'appellerais maintenant la Fédération autonome du
collégial à venir prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 10)
(Reprise à 16 h 13)
Le Président (M. Després): J'aimerais souhaiter la
bienvenue à la Fédération autonome du collégial.
Nous avons une heure à notre disposition, c'est-à-dire 20 minutes
pour votre présentation et le reste du temps est réparti
également entre la formation ministérielle et les
députés de l'Opposition, 20 minutes chacun.
Donc, j'inviterais le responsable ou la responsable à
présenter les gens qui l'accompa gnent et à bien vouloir nous
présenter son mémoire
Fédération autonome du collégial
(FAC)
M. Duffy (Michel): Bonjour. À ma droite, Mme Ginette
Sheehy, enseignante en économie au cégep de Valleyfield, puis M.
Jean Murdock, enseignant en sciences politiques au cégep de
Jonquière et vice-président de la Fédération. Je
m'appelle Michel Duffy; je suis enseignant en langue et littérature au
cégep de Valleyfield et je suis président de la
Fédération. À ma gauche, M. Jean-Guy Desmarais, enseignant
en mathématiques au cégep André-Laurendeau et
secrétaire-trésorier de la Fédération.
M. le Président, M. le ministre, Mme la députée,
membres de cette commission, la Fédération autonome du
collégial est une organisation syndicale d'enseignants et d'enseignantes
de cégeps fondée en 1988. Elle est présente dans la
plupart des grandes régions du Québec et est à l'image de
sa dualité linguistique. La Fédération autonome du
collégial s'est donné comme objectif de défendre les
intérêts économiques, sociaux, pédagogiques et
professionnels du personnel enseignant des cégeps. Elle revendique pour
eux les libertés liées à l'exercice de leur profession,
encourage l'accès des femmes à la vie syndicale, agit en
solidarité avec tous les groupes de la société qui
travaillent à la promotion de l'éducation, de la liberté
et de la justice sociale.
Encore un mot, M. le Président, en conclusion de ce
préambule, pour remercier les membres de la commission du budget et de
l'administration d'avoir bien voulu nous entendre sur le niveau et
l'évolution des dépenses gouvernementales au Québec, sur
les nouveaux objectifs de redressement de la situation qu'il s'est
donnés. En souscrivant à l'idée de participer à
cette commission, la Fédération autonome du collégial,
dont l'une des finalités est de promouvoir pour le plus grand nombre
l'accès à une éducation de qualité, notamment celle
de l'ordre collégial, entend profiter de l'occasion et faire
connaître ses positions sur le rôle et l'importance de
l'institution collégiale dans le contexte socio-économique actuel
de la société québécoise.
Après la question constitutionnelle dont les contours
postréférendaires restent pour le moins brouillés,
l'actualité n'a pas manqué, en effet, de ramener en débat
un aspect ou l'autre de la situation critique de l'économie actuelle,
qu'elle soit mondiale, canadienne ou québécoise. Entre le
remodelage mondial des règles du jeu de la vie sociale, politique et
économique, la récession a généralisé ses
effets dans tous les pays industrialisés, et les chantres du
néo-libéralisme n'ont su la contrer: déficit
budgétaire accru, rationalisation, restructuration et
délocalisation d'entreprises, taux de chômage record,
régions sinistrées. En dépit de l'orientation
gouvernementale dite des grappes industrielles ou d'efforts de concertation des
différents acteurs sociaux et économiques prenant tantôt la
forme de forum de l'emploi, de commissions parlementaires sur l'avenir
politique du Québec, sur le développement et la formation de la
main-d'oeuvre ou, plus récemment, sur l'ordre d'enseignement
collégial et en dépit du fait qu'on ait dégagé de
ces lieux des consensus, des idées sur la relance de l'économie
et sur la nécessité d'établir de nouveaux partenariats,
les choses ne décollent pas vraiment. Et le Québec, lit-on dans
«Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens»,
se retrouve avec des dépenses publiques supérieures à
celles de l'Ontario et trop élevées par rapport à la
capacité de payer de la société
québécoise.
Nous comprenons que c'est sur cette toile de fond problématique
que les audiences de la commission du budget et de l'administration sont
convoquées par le gouvernement québécois, sans doute dans
l'esprit que se dégagent de véritables perspectives
intersectorielles, car les ministres impliqués, sans dévoiler
alors l'énoncé d'une politique, n'en orientaient pas moins la
commission qu'ils chargent d'examiner le financement des services publics au
Québec et d'examiner les orientations à privilégier
à court et à moyen terme en ce qui a trait au niveau et à
l'évolution des dépenses gouvernementales, de la
fiscalité, du déficit, des besoins financiers et de la dette.
Nous sommes conscients également que ces audiences permettront au
gouvernement d'esquisser la toile de fond politique sur laquelle il entend
poser la ronde des négociations des secteurs public et parapublic qui
s'amorce ce printemps.
Dans notre mémoire, nous avons abordé les perspectives
suivantes: d'abord, l'état de la scolarité au Québec,
l'état de la scolarisation, le niveau de scolarité et les taux
d'activité, le caractère stratégique de l'éducation
et l'effet d'entraînement dans toute la société; la
formation collégiale et la formation d'une main-d'oeuvre
compétente ou le meilleur pari pour l'économie des années
deux mille; la reconnaissance du diplôme d'études
collégiales, la formation professionnelle, le rôle de la formation
continue; ensuite, les problèmes vécus par les collèges ou
les prolongements de l'ordre secondaire, la réussite au
collégial, les cheminements scolaires, linéaires ou particuliers,
les droits de scolarité; après, la nécessité d'un
financement adéquat et quelques considérations
générales, le coût des ressources humaines enseignantes, la
tâche et le perfectionnement; enfin, en conclusion, les ressources de
l'État, le partenariat collèges-entreprises, les conditions
préalables à un tel partenariat, le perfectionnement, le
res-sourcement, la recherche, le coût de l'enseignement collégial
bien en dessous des bénéfices. L'ensemble se referme sur les
principales recommandations de notre Fédération.
Nous pourrions être tentés de conclure à la mission
accomplie des collèges après 25 ans d'existence, mais aussi au
caractère incomplété
de cette mission si nous tenons compte des nouvelles tendances sociales
et des demandes de formation supérieure de masse que celles-ci exigent
de notre système d'éducation, surtout depuis que le discours de
l'efficacité et l'exemple de l'entreprise cherchent à mettre en
forme la totalité du monde scolaire, à en rationaliser
l'organisation pour le rendre plus performant. (16 h 20)
L'occasion nous semble belle, à l'heure de la globalisation des
marchés et de la qualité totale, de redire au gouvernement la
nécessité non seulement de maintenir mais d'accroître son
investissement en éducation, de rappeler aux législateurs que, si
le réseau collégial québécois a connu une expansion
si considérable, c'est qu'il s'est construit autour de l'idéal de
l'égalité des chances. Il est nécessaire également
de préserver à tout prix ce principe supérieur commun qui
a permis que s'organisent au Québec il y a 25 ans une nouvelle
définition de l'enseignement secondaire et postsecondaire, une gestion
nationale du système éducatif et un accès à ces
savoirs pour une partie considérable de la population qui, autrement, en
aurait été privée, puis la mobilité sociale qu'elle
a rendue possible. C'est dans l'institution collégiale que, de
façon privilégiée, les valeurs changeantes de notre
société, les mutations critiques - tant des points de vue
politique et économique que social et culturel - qu'elle connaît
trouvent à la fois leur formulation, leur procès et, bien
souvent, leur solution. rappelons, pour mémoire, que dès le
début des années cinquante le québec se prépare
à une véritable explosion scolaire. de 1956 à 1961, le
nombre de jeunes engagés dans les études secondaires a
doublé. en 1961, le taux d'accès aux études secondaires
est de 70 % et celui des études collégiales, de 16 %. en 1986, le
taux d'accès aux études collégiales passe à 63 %;
au secondaire, il est de 100 %, un dépassement de 19 % des
prévisions du rapport parent. en 1989, les filles surpassent en nombre
les garçons. elles représentent 56 % de l'effectif total de
l'enseignement régulier.
Les cégeps, c'est aussi le formidable pari de la
démocratisation des études supérieures: 650 000 jeunes y
ont obtenu un diplôme d'études collégiales. C'est aussi un
secteur de l'éducation des adultes en pleine expansion qui émet
certificats, attestations et diplômes d'études. C'est, dans les
régions, l'encouragement de nombreux jeunes à poursuivre des
études auxquelles ils n'avaient, jusque-là, pas accès. Ce
sont des populations qui profitent d'infrastructures scientifiques,
culturelles, sportives et artistiques indispensables à leur
développement social. La présence de cégeps dans ces
milieux favorise également l'émergence de centres universitaires.
Ces ressources humaines nombreuses, dont la compétence s'étend
à tous les champs d'activité, ont non seulement contribué
à la formation intellectuelle de la main-d'oeuvre mais aussi à la
croissance économique et au développement régional.
Les derniers chiffres du Conseil supérieur de l'éducation
nous font observer avec quelque désarroi la fragilité des acquis
et le retard du Québec dans la proportion de population de 15 ans et
plus qui a fait des études universitaires - et qui est de 3,6 % sur
l'Ontario - et son solde migratoire négatif sur les plus
scolarisés, les disparités entre régions, entre hommes et
femmes, entre groupes linguistiques - 27 % d'anglophones contre 14 % de
francophones, tous âges confondus à l'université - entre
régions -55 % des 20-29 ans sans diplôme d'études
secondaires dans le nord du Québec.
Afin de compléter cette mission de l'école de
l'égalité des chances, l'État doit: préserver et
faciliter l'accès du réseau des cégeps sur tout le
territoire du Québec; faciliter l'accès pour le plus grand
nombre, jeunes et adultes, selon le principe d'une éducation continue,
en maintenant la gratuité scolaire, en assurant aux élèves
des prêts et bourses convenables, en encourageant les candidatures
féminines dans les métiers non traditionnels, en
développant des mécanismes pour amener les personnes des milieux
défavorisés à poursuivre leurs études, en
élaborant une politique cadre en matière de reconnaissance des
acquis, acquis de formation scolaire et de compétence professionnelle;
encourager, valoriser et promouvoir la formation professionnelle.
Cette mise en situation faite, nous proposons maintenant de reprendre,
sous forme de synthèse, les principales recommandations de notre
mémoire. Elles constituent les priorités mises de l'avant par
notre Fédération dans le cadre des audiences de cette commission.
Au terme de celles-ci, le gouvernement privilégiera certains points de
vue qui détermineront ses choix budgétaires. Nous croyons que
ceux-ci ne doivent pas revêtir que des aspects d'épargne de fonds
publics; ils doivent aussi être des gages d'avenir. Ils doivent placer le
Québec sur le même échiquier que les grands partenaires
commerciaux.
Nous avons donc, dans un premier temps, reconnu le contexte de
globalisation des marchés qui s'opère actuellement dans le monde
Los règles du jeu sont internationales. Nous devons nous inscrire dans
ce contexte. La meilleure façon de nous y inscrire demeure d'investir
dans la formation, car l'inscription à ces nouvelles règles du
jeu requiert de s'adapter aux mutations technologiques mais également,
et encore plus, de former des personnes équipées pour faire face
aux changements toute leur vie. Les changements technologiques exigent un
changement des mentalités, un nouveau contrat socio-économique
qui prend appui sur une solidarité sociale refaçonnée.
Les volets d'analyse de la scolarisation nous ont amenés à
constater, eux, la relation positive
qui existe entre la scolarisation et les taux d'activité dans une
société, d'où la recommandation suivante: la
société québécoise possède actuellement les
infrastructures et les ressources qui l'ont conduite à un niveau
acceptable de scolarisation. Les efforts à consentir dans le secteur de
l'éducation doivent toujours viser la recherche de ce progrès.
Dans le deuxième chapitre, nous constatons l'importance qu'accordent les
employeurs à l'embauche d'employés détenant une formation
collégiale. Chiffres à l'appui, nous avons également pu
voir que les qualités qu'ils recherchent chez ces travailleurs et
travailleuses sont issues de la formation générale fondamentale
donnée par les collèges. Nous pensons qu'il est important pour
une société de valoriser l'éducation. Nous
suggérons que le gouvernement du Québec reconnaisse le principe
suivant dans ses choix de financement: la formation générale
fondamentale doit être valorisée comme clé de voûte
de toute formation.
Quant à l'importance de la formation technique, nous formulons la
recommandation suivante: qu'afin de maintenir l'adéquation entre les
besoins et la disponibilité de technologues compétents les choix
budgétaires du gouvernement du Québec traduisent la valorisation
de la formation technique et lui apportent les ressources suffisantes à
son développement, en accord avec les besoins. Ensuite,
l'éducation des adultes doit devenir un véritable secteur de
formation continue et être relancée selon sa double mission:
scolarisation de la population adulte et adaptation de la main-d'oeuvre aux
besoins technologiques et socio-économiques.
Un dernier élément de notre analyse porte sur la formation
professionnelle et la formation continue. Nous disons qu'il s'agit là
d'instruments privilégiés pour que le réseau
collégial devienne cette courroie de transmission des connaissances et
des techniques de pointe. Par ailleurs, nous sommes également d'avis que
le Québec devienne le seul responsable des politiques de
développement de la main-d'oeuvre sur son territoire et la seule
administration chargée d'élaborer et de rendre admissibles les
programmes et les mesures de formation professionnelle, de développement
de la main-d'oeuvre et d'aide à l'emploi.
Au chapitre de la réussite scolaire, nous avons constaté
que plusieurs des problèmes qui étaient, il n'y a pas si
longtemps, le lot du secteur secondaire sont en train d'atteindre l'ordre
d'enseignement collégial. On parle alors de décrochage, de
cheminement scolaire difficile et d'une transition du secondaire au
collégial marquée par l'incertitude, le manque d'orientation et
d'encadrement. C'est pourquoi nous souhaitons que, dans ses choix
budgétaires, le gouvernement du Québec reconnaisse ces
problèmes reliés à l'encadrement des élèves.
Comme il l'a fait pour l'ordre secondaire, qu'il accorde à l'ordre
collégial des moyens propres à aider ces élèves en
difficulté, notamment en améliorant la relation
maître-élève.
Par ailleurs, nous estimons que, par le passé, les restrictions
budgétaires ont régulièrement affecté les salaires
et traitements du personnel de telle sorte que les employés de
l'État ont vu leur pouvoir d'achat décroître au fil des
ans. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement, par ses choix
budgétaires, reconnaisse cette contribution passée. Nous estimons
qu'il en va de la constitution d'une relève compétente. Nous
recommandons également que toute restriction qu'il impose soit
justifiée par une analyse rigoureuse de la valeur ajoutée,
effectuée pour l'ensemble des postes occupés dans la fonction
publique et parapublique. Nous recommandons, de plus, que les
irrégularités soulevées dans le rapport du
Vérificateur général à l'Assemblée nationale
au sujet de l'enseignement collégial soient étudiées et
qu'on leur apporte des solutions.
Nous recommandons que le gouvernement procède à la
redistribution dans le réseau collégial des surplus de fonds
publics accumulés par certains collèges au cours des
années. Au sujet de l'imposition des droits de scolarité, notre
position s'appuie sur le principe de la démocratisation de
l'éducation et sur celui de la justice sociale. Nous recommandons au
gouvernement de ne pas pénaliser les élèves en leur
imposant des droits de scolarité. Nous demandons au gouvernement de ne
pas dénier aux élèves actuels ce dont nous avons tant
bénéficié comme société. Il y aurait
là une iniquité sociale.
Des solutions, nous en voyons. Nous pensons que, durant toutes ces
années, les entreprises ont, plus ou moins passivement, attendu que le
système scolaire leur livre, sans obligation de leur part, des
élèves bien formés. Ce privilège dont elles ont
bénéficié pourrait peut-être, maintenant, se changer
en investissement. La Fédération autonome du collégial
désire qu'on étudie la possibilité d'imposer aux
entreprises l'obligation d'investir un pourcentage de leur masse salariale pour
le perfectionnement de leurs employées et employés. Nous
demandons que, tout en demeurant le maître d'oeuvre du financement des
collèges, l'État favorise d'éventuelles formes de
partenariat avec les entreprises et qu'il s'assure d'une redistribution des
ressources qui permettra le développement de l'économie des
régions. Nous considérons que les entreprises qui
bénéficient directement des programmes du collégial
devraient contribuer à des fondations pour les collèges.
La suite de notre analyse fait état de la recherche, du
perfectionnement et du ressource-ment chez les enseignantes et les enseignants
de l'ordre collégial. Ces actions, disons-nous, favoriseraient tout
naturellement une meilleure relation maître-élève et
contribueraient, d'autre part, à l'enrichissement du partenariat
souhaité. (16 h 30)
Nous considérons enfin que la contribution
particulière de la recherche au collégial doit être
reconnue et encouragée à la fois par le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, les cégeps, les
entreprises et les organismes associés, en particulier par la
publication et la diffusion des travaux.
En conclusion. Dans la dernière décennie, le Québec
a connu coup sur coup deux crises économiques de taille, qu'on appelle
aussi récessions, en termes euphémiques, dont les
conséquences néfastes ont été inévitables
pour des secteurs industriels entiers qui n'avaient su se tenir à jour
ni dans la gestion de leur capital, ni dans celle de leurs ressources humaines.
Conséquences, bien sûr, surchargeantes pour les finances publiques
avec le cortège de maux sociaux qu'elles ont déclenché:
taux de chômage record, augmentation de l'assistance sociale, pessimisme
moral des jeunes, absence de perspective, décrochage scolaire, etc.
Conséquences, il va sans dire, qui n'ont pas épargné non
plus le discours politique.
Si l'État garde quelque pouvoir, a-t-il encore quelque
autorité? C'est, nous dit François Ricard, dans «La
Génération lyrique», qu'on aime bien citer par les temps
qui courent, l'espace politique lui-même qui serait aliéné,
dépouillé de toute finalité propre, devenu pur moyen de
fins qu'il exécute sans les concevoir, colonisé, en somme, et
tout entier domestiqué.
Nous attendrions de l'État davantage de hauteur, de vision, de
projets, mais l'équilibre budgétaire et l'imposition de frais aux
usagers semblent devenus la seule transcendance qui en justifie l'existence et
les actions. Les recommandations de la Fédération autonome du
collégial, tout en admettant qu'elles soient partielles au regard des
problèmes considérés, visent à produire des effets
de croissance économique dans toutes les régions du
Québec. Les collèges constituent des instruments de
développement à privilégier dont la valeur ajoutée
dépasse largement les coûts.
En terminant, nous voudrions surtout dire au législateur et aux
membres de cette commission qu'il est temps de procéder à un
calcul non strictement comptable des investissements publics, mais un calcul
économique qui implique des intangibles ou des aspects non
immédiatement mesurables. C'est dans un esprit prospectif que nous avons
rédigé ce mémoire, et nous vous prions de le recevoir
comme la contribution de ceux et celles qui croient fermement que le
développement social et économique du Québec passe d'abord
par son système d'éducation, d'où notre insistance pour
qu'on en augmente plus que jamais les moyens et la puissance de rayonnement.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président
du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, je vous remercie, M. le Président.
Pour souhaiter la bienvenue à madame, messieurs, la moitié
de la délégation étant composée d'enseignants
presque de mon comté, le cégep de Valleyfield, évidemment,
où un grand nombre de mes commettants ont reçu et continuent
à recevoir un enseignement de toute première qualité, je
dois le dire tout de suite d'entrée de jeu. Je vous remercie donc de
votre contribution. Vous avez fait avec beaucoup de sobriété une
compréhension des enjeux qu'on voulait mettre sur la table de la
commission.
Je ne peux pas m'empêcher, évidemment, tout de suite de
relever ce qu'à la toute fin vous indiquiez quant au manque de vision
que vous pouviez peut-être déplorer, mais vous le faites avec
tellement de finesse que je n'interprète pas ça comme un
commentaire négatif. Je relèverai néanmoins que la
vision...
Une voix:...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Johnson: ...remettre les choses en place, oui.
La vision a ceci de caractéristique, c'est qu'elle se concentre
sur l'avenir et non pas sur le présent, et certainement pas sur le
passé. Ce qui m'apparaft important, c'est de bien isoler, dans cette
vision qu'on peut avoir de la société et les objectifs et les
moyens. Il faut penser aux deux.
Les moyens qu'on a mis sur pied ont consisté à favoriser
l'accès à l'éducation primaire et secondaire,
évidemment, et postsecondaire par l'instauration de cet ordre
d'enseignement qui n'est pas remis en cause, je l'ai dit tout à l'heure,
lorsque les représentants de la Fédération des
cégeps sont venus devant nous. Ça a été un moyen
que le Québec a utilisé pour former ses gens et leur permettre de
contribuer de façon plus efficace au développement du
Québec.
Donc, ce moyen, la scolarisation des Québécois, est un
acquis. C'est un acquis qui coûte quelque chose. Je pense qu'il faut
avoir à l'exprit... je soulignais tout à l'heure qu'on doit quand
même vérifier les coûts auxquels on a atteint les niveaux de
scolarisation que vous avez repris dans votre mémoire, des coûts
qui sont supérieurs au niveau d'ordre qui nous concerne,
évidemment, car c'est la gratuité jusqu'à la
treizième année de scolarité, alors qu'ailleurs ce sont
les 12 premières années, évidemment, qui sont
gratuites.
Donc, nos voisins qui ont des enfants des mêmes âges les
envoient au même niveau que nous, et ça leur coûte au bas
mot 2000 $ au niveau collégial II, évidemment, collège II,
alors qu'ici vous continuez à soutenir la gratuité. Il faut se
rendre compte de ce coût. Ce coût s'explique. Il s'explique par la
structure additionnelle que nous avons mise sur pied, il s'explique
par la polyvalence également que ça peut nous avoir
donnée. La structure, comme telle, ce n'est pas en soi un acquis. La
polyvalence, ça peut être un avantage. Il s'agit donc de
décomposer, encore une fois dans les moyens qu'on met à
l'atteinte d'une vision, les différents éléments de ces
moyens.
Mais j'aimerais quand même vous rappeler que nous sommes dans une
situation que vous ne semblez pas contester quant à la capacité
financière de l'État. J'aimerais que vous vous prononciez
peut-être avec un peu plus de fermeté sur la
nécessité du maintien de la gratuité, fermeté dans
le sens qu'on doit bien distinguer - et vous le faites - la capacité
d'accès à l'enseignement des chances de succès d'atteindre
un développement plus avancé.
Il m'apparaît que les chances de succès sont plus
importantes que l'accès comme tel, comme valeur ultime. Nous devons
connaître le succès. Je cherche le raisonnement qui, selon vous,
nous amènerait à continuer à nous distinguer quant
à la gratuité à ce niveau que nous devrions conserver.
Ça m'apparaît important parce que c'est ce dont on discute
essentiellement, la gratuité des services publics. Vous en avez fait un
article de foi, je dirais. J'aimerais que vous nous indiquiez où puisent
les forces de votre foi.
M. Duffy: M. le Président...
Le Président (M. Lernieux): Nous vous écoutons. (16
h 40)
M. Duffy: ...nous avons même fait un chapitre aussi dans
notre mémoire qu'on avait intitulé: «Les droits de
scolarité ou comment compromettre des acquis importants». Alors,
selon nous, il y a un lien très direct entre les taux de réussite
scolaire et la pauvreté sociale. Je pense que nous en avons
montré des tableaux assez éloquents. Les principaux conseillers
du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science,
eux-mêmes, quand ils ont témoigné à la commission
parlementaire de l'enseignement collégial, ont fait état
également de cette espèce de nécessité de
préserver ce caractère absolu de la gratuité pour
préserver à la fois le principe de l'accessibilité. A
contrario, on pourrait dire que d'imposer des droits, ça va freiner
l'accessibilité et aussi, en freinant l'accessibilité,
évidemment, on freine la hausse de scolarisation pour une partie de la
population du Québec qui en a un énorme besoin. Donc, on rejoint
un peu aussi éventuellement le taux de réussite à l'autre
bout de la course.
Ça pourrait ajouter également l'imposition de droits de
scolarité à l'abus et à la valorisation du travail
précoce que dénonce le Conseil de la famille et d'autres
organisations. On sait que c'est déjà même une cause, pour
un certain nombre d'élèves, de décrochage, le double
stress, là, à mener sa vie de travail et d'études. Et, si
on pousse un peu plus loin, je dirais la valeur ajoutée de tout
ça, on peut toucher, si vous voulez, au risque d'augmenter ces taux
d'abandon et de décrochage, qui avoisinent, si vous l'ignorez, les 40 %
au secteur collégial. C'est à peu de chose près ceux de
l'ordre secondaire et sans doute... enfin, tout près aussi de ceux qu'on
retrouve à l'ordre universitaire qui n'est pas épargné par
ce phénomène.
Qu'est-ce qu'on fait avec quelqu'un qui abandonne, qui décroche
et surtout qu'on pénalise parce qu'il a des échecs? On le voue
carrément, au fond, à l'exclusion. On lui dit que parce qu'il a
des échecs... mais on ne s'interroge pas sur les raisons de ces
échecs-là. Sont-ils imputables à des problèmes
d'orientation issus déjà d'ordres scolaires antérieurs,
difficultés intellectuelles, manque d'encadrement dans son cheminement?
Vous savez qu'il y a très peu d'élèves qui diplôment
du premier coup. On donne des pourcentages. En sciences humaines, par exemple,
il n'y en a que 22 % qui diplôment du premier coup. Ce n'est pas
beaucoup. Ça veut dire que ces gens-là, à moins qu'ils
aient changé de programme, ont dû accumuler quelques
échecs. Un élève faible, comme on en rencontre un bon
nombre, peut avoir facilement deux échecs, mettons, à la
première session, et deux peut-être à l'autre session, et,
tout à coup, au cinquième, là, le couperet tombe: lui, il
paie ses études.
Je ne sais pas à quelle finalité de justice ou
d'équité sociale ça pourrait correspondre, et c'est
là-dedans qu'on puise notre foi que vous sembliez chercher quelque part.
On ne voudrait surtout pas, parce qu'on reconnaît également les
effets redistributifs importants pour les gens qui sont
défavorisés socialement, économiquement, de la
diplomation. On est plutôt pour favoriser, encourager les cheminements
qui font qu'entre l'accès et la diplomation, l'élève ait
toutes les chances possibles de réussir. C'est notre travail
d'enseignantes et d'enseignants que de faire avec lui ce cheminement qui le
mène au diplôme.
Qu'est-ce qu'on fait avec un élève qui décroche ou
qui abandonne parce qu'on lui a imposé des droits de scolarité
pénalisants? Que devient-il alors qu'on sait que, de plus en plus,
l'industrie demande que les gens aient un diplôme d'études
collégiales pour pouvoir se placer, enfin, travailler? Est-ce que ce
n'est déjà pas un peu une forme d'exclusion sociale qu'on leur
impose, à ce moment-là?
On prévoit sans doute, si on parle des gens qui ont plus de cinq
échecs, on peut peut-être faire des calculs et penser qu'il
pourrait y en avoir de 6000 à 7000 dans le réseau, actuellement,
qui continuent, mettons, avec plus de cinq échecs. En gros, on pourrait
calculer cela. Est-ce que le coût d'une réussite éventuelle
de ces élèves-là, parce qu'ils n'échouent pas tous,
parce qu'ils ont quelques échecs accumulés, n'est pas plus
rentable à long terme que le fait de les
exclure du système scolaire collégial?
Qu'est-ce que ça rapporte, 6000 à 7000
élèves à qui on imposerait, je ne sais pas, moi, mettons
50 $ pour un cours? Est-ce que ça ne vise pas autrement que de faire
rapporter des choses à l'État, une façon de les tasser en
disant: Écoutez, faites de la place à de plus riches que vous,
à de plus pourvus sur le plan intellectuel, à de mieux nantis?
Enfin, il y a tous ces problèmes-là, je pense, qu'il faut
nécessairement greffer à l'échec scolaire,
éventuellement à des pénalités.
Le Président (M. Lemieux): ...commentaires. Il n'y a pas
d'autres... Oui...
M. Duffy: Peut-être en complément, M Desmarais.
M. Desmarais: M. le Président, à la page 38 de
notre mémoire, on préconise plutôt, alors le dernier
paragraphe, des mesures de renforcement positives, et le député
de Labelle en parlait tout à l'heure. Je pense que, plutôt que de
pénaliser ceux qui ont des échecs, on devrait peut-être
essayer de favoriser la réussite en disant aux gens: Si vous terminez
dans les délais prévus et que vous avez eu recours à des
prêts et bourses, il pourrait y avoir une transformation d'une partie du
prêt en bourse. Pour ceux, à peu près la moitié, qui
n'ont pas recours aux prêts et bourses, il pourrait y avoir un
système de bourses pour ceux qui désirent aller à
l'université ou un système de placement en industrie. Ça,
ça nous semble des mesures plus intéressantes qui vont inciter
les gens à terminer dans les délais prévus.
Je vous dirais même que ceux qui sont les apôtres,
actuellement, de la tarification ont quand même dit que la durée -
je l'ai entendu tout à l'heure - n'était quand même pas
l'élément le plus important. C'était l'échec qu'il
fallait pénaliser. Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est, justement,
qu'il faut s'attaquer au problème de l'échec, mais en essayant,
sur le plan positif, de favoriser la réussite. Nous, on est convaincus
que le résultat d'une tarification seulement au niveau de l'échec
va simplement exclure du réseau. Nous, on a évalué
ça à 6000 ou 7000 personnes qui vont se retrouver où, peu
diplômés, à l'assistance sociale?
Ce n'est pas évident que... Enfin, on vous laisse faire les
calculs, là, mais ce n'est pas évident qu'il y a une
récupération monétaire intéressante, à moins
qu'on nous dise que l'objectif, c'est une rentrée importante de revenus,
mais, à ce moment-là, ce n'est pas ce qu'on nous a dit tout
à l'heure, de tarifer seulement les échecs. Il faut tarifer tout
le monde. Là, on parle d'autre chose complètement, là.
Une voix: Et on ne se met pas davantage d'accord.
M. Desmarais: Encore moins.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, la parole est à vous pour quelques instants, brièvement.
Il reste seulement une minute et demie.
M. Gautrin: Bien, est-ce qu'on ne fait pas l'alternance ou...
Moi, M. le président, j'ai une question à vous poser. Vous
avez très brillamment défendu l'importance de l'enseignement
collégial, et je dois dire que j'en suis, c'est-à-dire que je
partage tout à fait avec vous le fait que l'enseignement
collégial est un niveau majeur dans le développement
économique du Québec. Vous avez défendu avec brio aussi,
je dois le dire, les risques qu'il y aurait d'imposer des frais de
scolarité. J'en arrive quand même à vous signaler que, si
on est réunis ici, aujourd'hui, c'est que nous avons un problème
budgétaire. Alors, je vais vous poser la question qui arrive. Si on
reconnaît, de part et d'autre, l'importance des cégeps, on
comprend et on convient qu'il n'est peut-être pas sain d'aller vers la
tarification dans ce secteur-là.
J'arrive aux enseignants, et vous représentez les enseignants.
Est-ce qu'il est concevable, et je sais que votre première
réaction, bien sûr, ça va être non, mais je voudrais
savoir quel effet ça aurait quand même que votre tâche,
à l'heure actuelle, qui est, si je ne m'abuse, de 15 heures/semaine,
à moins que je ne me trompe, puisse être augmentée - et je
comprends que c'est 15 heures comptables. Je sais qu'il y a des
préparations de cours, je sais qu'il y a des corrections, je sais tout
ça, mais est-ce qu'il est concevable que, compte tenu de la
difficulté financière dans laquelle nous sommes, on augmente
légèrement la tâche des enseignants dans les cégeps?
Comment vous réagiriez à une telle proposition?
Je comprends que, d'emblée, vous n'allez pas dire: Nous sommes
tout à fait d'accord. Ça, je le sais, mais par rapport aux autres
mesures que nous avons envisagées, comment vous réagiriez
à cette mesure-là, l'augmentation de la tâche des
enseignants?
M. Duffy: En fait, c'est une réaction qui pourrait
s'échelonner, je dirais, sur les 10 dernières années, dont
je peux vous faire part spontanément, maintenant, l'effort à
faire. Je vous rappelle, juste pour mémoire au cas où on l'aurait
oublié, là, qu'en 1983, il y a eu non seulement une
dévalorisation, je pense, de l'image qu'on a encourue, une perte de
notre pouvoir d'achat, une perte de salaire et augmentation de la tâche
de l'ordre de 13 %, à ce moment-là, qui ont fait que nos groupes
dont on parle, par exemple, en formation générale ou
fondamentale, sont passés par semaine entre les 160 et 180 et allant
même jusqu'à 200 élèves
par semaine. Et depuis, évidemment, gel et prolongation en
dépit de quelques ajouts de ressources, mais enfin, on pourra
compléter tantôt sur ce qui est advenu de cet ajout de
ressources.
On a un peu l'impression que les mêmes causes produiraient les
mêmes effets dans 5 ans. On serait ici à nouveau devant vous, et
vous nous demanderiez à nouveau: Écoutez, vous ne pensez pas
qu'on pourrait... Dans le texte que vous avez écrit, là, sur
«Vivre selon nos moyens», aux pages 136 et 137, je pense que vous
faites état de consensus sur la difficulté et les défis
qui attendent actuellement l'enseignement collégial. J'en nomme
quelques-uns, là: les taux d'accès, les retards accumulés,
les cheminements scolaires de plus en plus différenciés, les
demandes croissantes de personnes et d'entreprises en perfectionnement,
recyclage, formation sur mesure, taux d'échec et d'abandon et, compte
tenu surtout de la demande accrue d'encadrement pour toutes ces
clientèles disparates et, à travers cela, le perfectionnement des
professeurs. (16 h 50)
Vous savez qu'un professeur a 150 $ par année pour se
perfectionner au secteur collégial. En dépit de tout cela, on
nous demande d'augmenter encore. On se demande un peu quel est l'étalon
de référence par rapport à nous, là. Je sais qu'en
1983 on avait évoqué des choses qui appartenaient davantage
à l'Ontario. Maintenant, on se demande un peu c'est quoi,
l'étalon, enfin, la jauge derrière tout ça. On se demande
aussi quel est l'incitatif que vous nous proposez.
Au fond, vous nous demandez d'améliorer la qualité du
produit, d'une part, donc, faire mieux, la productivité, donc, faire
plus, en même temps que de réduire le personnel avec moins. Mieux
et plus avec moins, d'une certaine manière, c'est ce que vous...
M. Gautrin: Ou de travailler plus. M. Duffy: Pardon?
M. Gautrin: Ou d'avoir plus d'heures contact et...
M. Duffy: Oui. Ça revient au même.
C'est-à-dire que si les enseignantes et les enseignants ont plus
d'heures contact, il y a moins d'enseignantes et d'enseignants dans le
réseau, si on se comprend bien, n'est-ce pas? Alors, c'est cela, faire
plus, faire mieux avec moins.
Écoutez, je vous dirai franchement que je n'ai pas le mandat
aujourd'hui de vous dire oui et je doute fort qu'en allant consulter mes
collègues qui ne manqueront de me voir vous répondre, je vais
d'abord les consulter avant de poursuivre. Mais je pense que mon
collègue aurait peut-être un complément de réponse
aussi à apporter.
M. Desmarais: Oui, un léger complément. Comme M.
Duffy le soulignait, en 1983, le gouvernement avait déposé une
étude comparative des coûts du système d'éducation
entre le Québec et l'Ontario, et les ajustements qui se sont faits par
la suite, pour les appeler comme ça, avaient comme but de
réexaminer les coûts entre le Québec et l'Ontario.
Quand on lit votre document, il n'y a pas de telles prémisses.
Alors, ça nous a rassurés. On s'est dit: Probablement qu'avec
l'Ontario, ma foi, on doit être comparable. Par contre, quand on lit le
texte que M. Duffy a souligné tout à l'heure, c'est qu'on
suggère que peut-être on devrait - et le président du
Conseil du trésor nous a dit qu'il avait un objectif de réduire
dans l'ensemble de la fonction publique et parapublique le personnel d'une
dizaine de pourcents étalés sur cinq ans.
La question que les gens vont nous poser, quand on va aborder la
question, et Michel l'a bien dit: C'est quoi, l'étalon de
référence? Est-ce parce que là, maintenant, on a rejoint
l'Ontario, mais que ça pose encore un problème? Il faut aller
ailleurs. Il faut aller où? C'est quoi, l'étalon? On aimerait le
savoir. Il n'y a pas d'objectif de fixé. Est-ce 10 %, parce que c'est 10
% partout? Et si les équilibres budgétaires faisaient en sorte
qu'on refait le calcul, puis ça donnait 18,2 %, puis on dirait: II faut
couper 18,2 %, on essaie de chercher la logique qui ferait que les heures
contact passeraient de 15 à 15,8 fois, 17, 20. Pourquoi pas 25 %?
M. Gautrin: Je peux vous répondre tout de suite sur
l'étalon de référence. Ce qu'on cherche, à l'heure
actuelle, c'est, compte tenu de la difficulté budgétaire dans
laquelle on est, de pouvoir, comme l'a dit avec brio votre président, je
dois le reconnaître, de pouvoir faire plus avec moins. Et ça,
c'est le défi que nous avons tous actuellement au Québec, compte
tenu de la situation des finances publiques, et c'est la question que je vous
posais, si vous pouvez faire votre part aussi à l'effort collectif qu'on
est en train de concevoir.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Verdun.
M. le président du Conseil du trésor, 40 secondes, pas
plus, malheureusement.
M. Johnson: Oui, très brièvement, dans le
même sens, pour rappeler que le document gouvernemental,
évidemment, s'appelle «Vivre selon nos moyens» et que, si on
a pu réaliser une étude, M. Desmarais, qui démontre qu'on
a réaligné les coûts, on peut donc en conclure que
ça coûte la même chose. C'est donc les mêmes
coûts unitaires, cet enseignement, cet ordre d'enseignement au
Québec et en Ontario, sauf qu'on est 35 % moins riche. Alors, on paie
donc la même chose que des gens qui ont plus les moyens que nous. C'est
ça qu'il faut avoir à
l'esprit à chaque fois qu'on regarde là où on s'en
va et la vitesse à laquelle on va.
Si on veut maintenir cette fiction que nous avons les mêmes moyens
que les autres, on peut l'accepter dans des activités de l'État
qui sont essentielles au développement de la société. La
scolarisation de nos gens est très certainement une priorité. Il
faut accepter, donc, que ça se financera par de moindres dépenses
dans d'autres activités ou par des modes de financement qui nous
permettront d'être plus disciplinés et plus efficaces. C'est
à ça qu'on vous conviait, évidemment, aujourd'hui.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Madame... M. le député de Montmorency.
Mme Marois: Je commencerai...
Le Président (M. Lemieux): Oh! Je m'excuse. Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: ...puis, après ça, mon collègue
va... Merci, M. le Président.
À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Votre mémoire
est très riche, très intéressant, et je trouve les
échanges aussi fort pertinents, évidemment, à nos
débats.
Je vais aller directement à un certain nombre de recommandations
que vous faites. Le plus grand problème qu'on a, dans le fond, c'est de
ne pas avoir assez de temps pour creuser les questions que vous soulevez et les
propositions que vous faites. Entre autres, à la page 48 du
mémoire principal, vous revenez sur cette question, parc» que
c'ost toujours co qui me préoccupe - si vous suivez un peu les
débats, vous allez constater que c'est toujours ce qui me
préoccupe - c'est de voir qu'est-ce que l'on peut faire de mieux avec
les ressources que l'on a et, de plus, pour que nous ayons un impact sur notre
économie en termes d'emplois et qu'on s'attaque, donc, aux
problèmes que les finances publiques poseront dans 5 ans, dans 10 ans,
si on ne corrige pas ça, comme elles les posent maintenant, les
problèmes.
Vous parlez, à la recommandation 4, que l'éducation des
adultes doit devenir un véritable secteur de formation continue et doit
être relancée selon sa double mission, soit la scolarisation de la
population adulte et l'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins
technologiques et sociologiques.
Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'effectivement, de ce
côté-là, il y a des lacunes majeures quant à cette
mission que l'on a voulu confier à l'éducation des adultes en ce
qui concerne particulièrement l'adaptation de la main-d'oeuvre?
J'aimerais ça vous entendre sur cela et en quoi vous pensez, si on veut,
à une réorganisation de cela ou à une réorientation
de ce secteur-là, où un investissement pourrait avoir un impact
quant à l'aide à l'entreprise, si on veut, à l'aide
à la formation des travailleuses et des travailleurs et des adultes en
général.
M. Duffy: Oui, il y a toutes sortes d'aspects à votre
question, Mme Marois... M. le Président.
Mme Marois: Ça va. Le président est habitué
de vivre avec ça.
M. Duffy: Bon. Mais, enfin, comme il est... Ça va. Mais,
enfin, on sait que, depuis 25 ans, il s'est accumulé un certain nombre
de difficultés eu égard aux relations entre le secteur
régulier et le secteur des adultes, qui n'a pas tout à fait ni
son autonomie, ni ses ressources, je dirais, propres ou correctes pour
fonctionner, selon nous, dans une véritable perspective de
développement de la main-d'oeuvre et de son adaptation. Alors, s'y
retrouvent aussi les problèmes de chevauchement des juridictions avec
des cours sur mesure qui ne mènent, parfois, nulle part. Tout à
coup, on va avoir un programme; là, quelqu'un est prêt à
financer un cours dans des plastiques, technologie des plastiques. Alors, on
investit un petit peu et, parfois, ce sont des chômeurs et des
chômeuses qui viennent suivre ces cours-là.
Bon, il y a des programmes qu'on connaît un peu qui les incitent
à... Ça, c'est un aspect de l'éducation des adultes et,
après les 10 ou 12 semaines de cours, bon, bien, on n'a pas
nécessairement davantage d'emploi, on n'est pas nécessairement
inscrit dans une formation continue qui mènerait, éventuellement,
à un diplôme intéressant et qui amène la promotion
sociale. Il y a pou d'intégration aussi entre les ressources de
l'enseignement régulier, qu'on appelle aussi ordinaire, et celui de
l'éducation des adultes, si ce n'est par le biais d'échanges un
peu obligés entre des gens qui complètent leur tâche aux
adultes le soir, si je parle des enseignants, ou encore des chargés de
cours qui ne sont pas du tout intégrés à la vie des
départements, qui ne sont même pas sélectionnés par
le département.
Alors, là, c'est parfois très intéressant, ce qui
se recrute, puis c'est parfois aussi très inégal et ça
crée des problèmes aussi, éventuellement, aux
réguliers parce que ces gens-là y accumulent parfois de
l'ancienneté. Enfin, on a l'air de parler de détails, mais c'est
des réalités qu'on vit. Ils y accumulent de l'ancienneté.
Ils peuvent même, en entrant par l'éducation des adultes, avec
leur ancienneté arriver un beau jour dans un département qui,
peut-être déjà, les a refusés parce qu'au
comité de sélection, ils ne satisfaisaient pas les exigences. (17
heures)
Alors, ça, c'est des problèmes de qualité
d'enseignement II y a d'autres problèmes connexes. Tantôt, des
gens qui ont parlé avant nous en ont souligné quelques-uns. On
essaie beau-
coup, je pense, les enseignants, on est favorable, on est ouvert
à des mariages aussi avec l'entreprise. On pourrait y puiser
éventuellement du perfectionnement. Enfin, il pourrait y avoir des
échanges, bon, de la formation de part et d'autre. L'entreprise pourrait
acheter des équipements qui peuvent s'avérer parfois trop
coûteux pour le collège, mais, comme elle bénéficie
de la formation des élèves que le collège fait, elle
pourrait peut-être parfois défrayer, si vous voulez, ces machines
qui sont importantes. On donnait l'exemple de la coopération, alternance
travail-études.
Je vais vous donner un exemple qui est puisé dans le comté
de M. Johnson, au cégep de Valleyfield. On a un de ces programmes qui
est sur le point de connaître son aboutissement. C'est le plus
avancé, je pense, dans le réseau, section, mettons,
véritable industrie. C'est un programme de technique de génie
mécanique. Si je vous disais que, quand l'entreprise nous dit qu'elle
est ouverte à des partenariats... J'ai cru entendre M. Dufour nous dire
ça il y a quelque temps ici même, en commission; il parlait
même de faire un comité national liaison
collège-entreprise. Vous savez combien ça a pris de
démarches aux coordonnateurs du programme pour placer 20
élèves en stage dans l'entreprise? 500 démarches: lettres,
téléphones, rencontres, pour 20 élèves. Alors, ce
n'est pas le collège, ce n'est pas les enseignants, à ce
moment-là, qui disent non. Enfin, il y a des problèmes
d'ajustement sans doute qui doivent se faire, mais qui entraînent, au
moment où ça ne se fait pas, des coûts. Bon. C'est une
forme de problème qui se vit.
Peut-être que tu veux...
M. Desmarais: Oui.
Mme Marois: Oui. J'aimerais ça vous entendre, oui.
M. Desmarais: II va falloir aussi qu'il y ait des changements
d'attitude. Bien des dirigeants locaux se targuent que l'éducation des
adultes, c'est la planche à billets. Les étudiants paient des
droits de scolarité, justement, pour avoir accès aux cours, et on
leur fournit le minimum de services, ce qui permet aux collèges de
dégager des marges de manoeuvre intéressantes. Mais je pense que,
quand on a cette mentalité-là, on ne peut pas s'attendre à
ce que les résultats, quand on regarde après ça l'arrimage
avec l'industrie, soient toujours merveilleux. Je ne dis pas que c'est le cas
partout, mais il y en a qui s'en vantent: On a réussi à faire un
surplus de x centaines de milliers grâce à l'éducation des
adultes. Et on peut savoir pourquoi quand on regarde les services qui ne sont
pas offerts. C'est facile. Le soir, ils nous le disent, il n'y a pas de
bibliothèque, pas de photocopie, alors il n'y a pas de
cafétéria, il n'y a rien; on engage des chargés de cours,
ils n'ont pas de bureau; le prof entre dans la classe, il met son manteau sur
la chaise, donne le cours, il s'en va; les élèves font la
même chose. C'est payant! Bien, ça dépend de l'objectif
qu'on vise. Si c'est une source de revenus pour l'entreprise, peut-être
que c'est un bon choix, mais, si c'est d'autres objectifs qu'on vise, bien,
là, c'est discutable, je pense.
Ce n'est pas la mentalité, ce n'est pas ce type d'attitude
là qui va certainement aider les gens qui viennent là pour
améliorer leur formation professionnelle. L'exemple que M. Duffy donne
est clair. Quand, après ça, on essaie de nouer des relations avec
l'industrie, bien, évidemment, les ressources nécessaires, le
support n'est pas là.
Mme Marois: Je trouve que c'est intéressant dans le fond,
parce que ce que vous identifiez, c'est justement des éléments
qui pourraient permettre de rendre le système plus efficient et plus
efficace et d'accomplir mieux sa mission, probablement en réduisant
aussi les coûts si on développait, comme vous dites, soit une
culture, une attitude ou une façon de faire qui prend réellement
ça au sérieux et qui crée des habitudes, ce qui fait en
sorte qu'on n'est pas obligés de faire 500 démarches pour placer
des gens qu'on avait identifiés comme devant pouvoir répondre
à un besoin, j'imagine.
Tout à l'heure, la Fédération des cégeps a
suggéré que se mettent en place des mesures d'évaluation.
C'était leur dernière recommandation; d'ailleurs, je la cherchais
et je ne la voyais pas dans leur document. Mais je pense que vous étiez
là lorsqu'ils l'ont présentée. J'aimerais ça vous
entendre sur cela.
M. Duffy: Bien, quand nous avons présenté
nous-mêmes notre mémoire à la commission de l'enseignement
collégial, en novembre, nous nous sommes dits d'accord pour
l'évaluation, encore que le concept est vaste. On parle
d'évaluation des programmes, des enseignements, des apprentissages. Nous
formulions le voeu également, a ce moment-là, de pouvoir
participer au mécanisme qui serait mis en place pour voir quelle
était, finalement, la finalité de cette
évaluation-là. On peut évaluer pour évaluer, mais
on peut évaluer aussi pour améliorer, et notre approche en est
essentiellement une d'évaluation formative.
Si on parle d'évaluer, par exemple, des personnels, enfin, des
enseignements, on voit mal comment il y aurait là des formes
d'appréciation du travail rendu sans qu'elles ne s'accompagnent de
mesures éventuelles de ressourcement, de perfectionnement, de recyclage,
qui sait. Mais on est tout à fait contre l'évaluation sanction,
l'évaluation sommative, l'évaluation par laquelle quelqu'un se
sent supérieur à un autre et lui dit: Tu fais mal tes choses. On
voulait surtout que ce soit extrêmement encadré. On avait
favorisé,
nous, l'intervention du Conseil des collèges dans sa commission
de l'évaluation, qui avait déjà développé un
savoir-faire dans ces matières-là, qui continue, je pense, au
moment où on se parle, de le faire. Je ne suis pas sûr qu'il sera
encore là au moment où la réforme viendra, mais, enfin, on
avait mis quand même, pas des bémols...
On y acquiesçait, à cette évaluation-là,
mais on voulait être partie prenante. On ne voulait pas qu'elle se fasse
sans nous parce que, au fond, nous sommes les premiers sur la ligne de la
relation maître-élève, et c'est finalement là que
l'enseignement se fait; c'est entre un professeur, enfin, une enseignante et
ses élèves. Tout ce qui est autour, quand on y
réfléchit bien, c'est, d'une certaine façon, là
pour être au service de cette relation-là et non pas l'inverse, si
vous me comprenez.
Mme Marois: oui, je vous comprends très bien. je vous
remercie. mon collègue de montmo- rencry aurait une question à
soulever, m le président merci
Le Président (M. Lemieux): Ça va, madame. M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président, rapidement.
Toujours dans l'esprit de mon collègue de Verdun, je crois; moi,
je ne vais pas aussi directement, parce qu'on essaie quand même
d'évaluer, à cette commission, comment les gens voient leur
façon de s'impliquer pour réduire, tant bien que mal, les
déficits et les dépenses publiques. Dans l'optique de
l'enseignement collégial, il parlait tout à l'heure de 15 heures
contact, mais moi, j'aimerais savoir: Est-ce qu'il existe vraiment une marge de
manoeuvre par rapport à une qualité d'enseignement, où on
peut jouer avec ces 15 heures contact là, ou si, selon vous, ça
ne devient pratiquement pas possible de manoeuvrer, indépendamment
de...
Moi, je vais plus sur le côté de la qualité et des
objectifs, de la mission que vous avez. C'est dans cet esprit-là que
j'aimerais avoir un peu votre opinion, comment ça peut se travailler. On
sait qu'à l'université on parle de 6 heures contact
/semaine...
M. Duffy: Oui.
M. Filion:... mais eux, bon, ils ont moins d'heures, alors ils
ont sûrement des raisons. C'est dans cet esprit-là que j'aimerais
savoir: Selon vous, est-ce qu'il y a des marges de manoeuvre possibles?
M. Duffy: Oui. J'ai deux collègues enseignants qui
s'impatientent de répondre, alors je vais les laisser commencer.
Jean.
M. Murdock (Jean): D'abord, sur les heures contact, vous savez
très bien, je n'ai pas envie de faire une longue démonstration
ici de comment on calcule la tâche des enseignants, mais les 15 heures,
ça dépend du nombre d'étudiants. C'est-à-dire que,
si tu fais jouer d'autres variables dans la formule, bien, si tu as plus
d'étudiants, tu as moins d'heures; si tu as moins d'étudiants, tu
as plus d'heures. Alors, les 15 heures, c'est un petit peu vicieux comme
mesure, en termes d'évaluation de la tâche.
Ce que je peux dire, par exemple, c'est qu'aux négociations de
1988, au moment où l'État n'était quand même pas en
bonne position budgétaire, nous avons quand même eu droit à
365 ressources dédiées à des problèmes liés
à l'enseignement, dont la majeure partie, 125, à l'encadrement
des étudiants, puisqu'il y avait eu, pendant toutes ces années,
une détérioration du ratio maître-élève qui
posait des problèmes en termes de compétence et de qualification
des étudiants. De sorte qu'il s'est développé d'autres
formes palliatives à cette relation maître-élève,
comme les centres d'aide en français, les centres d'aide en
mathématiques, pour permettre aux étudiants en difficulté
d'apprentissage d'être à un niveau collégial. Si
l'État a consenti à ces ressources-là, dites-vous que
ça a été de chaudes négociations et que nous en
avions besoin; nous étions dans une situation difficile. Et les 365
ressources que nous avons gagnées à ce moment-là
étaient dédiées pour chacun des problèmes à
l'enseignement.
Alors, je voulais simplement vous donner une idée sans entrer
dans les mécanismes fort complexes de la tâche d'enseignement des
enseignants du collégial.
M. Duffy: En complément.
M. Desmarais: Oui. Alors, pour compléter l'intervention de
mon collègue, sur les ressources dont il fait part. À la
même époque, l'organisme patronal, la Fédération des
cégeps, avait déposé, dans le cours des
négociations, un document où elle faisait état que les
besoins de l'enseignement collégial, c'était à peu
près le double. Eux demandaient au gouvernement d'injecter de 500
à 600 enseignants de plus, disaient-ils, que, depuis 1983, un certain
nombre de besoins étaient à combler et qu'il était
nécessaire d'injecter de 500 à 600 ressources. Alors, les
résultats de la négociation ont donné 300 et quelques
enseignants de plus.
Alors, c'est pour vous montrer que même du côté
patronal, du moins les patrons qui ont à gérer localement les
problèmes de la tâche étaient d'accord avec nous à
l'effet qu'à l'époque, en 1989, et on vous donne la
référence à la page 33 du document de la
Fédération des cégeps.. qui ventile les besoins, qui
explique pour chacun des problèmes quel est le nombre de personnes que
ça prenait.
L'autre élément sur lequel je voudrais intervenir, et je
reviens à votre document - quand je dis «votre», c'est celui
du gouvernement - aux pages 136 et 137, pour répondre en même
temps à une question qui nous a été lancée: Vous
voulez faire quoi? Moi, je pense qu'il y a deux volets. Quand vous nous dites
qu'il va falloir s'occuper des nouvelles clientèles, des
clientèles qui ont plus de difficultés, qu'il va falloir
s'attaquer au problème des échecs et des abandons, au
problème aussi des changements rapides au niveau de la formation
professionnelle, je vous dirai que le corps professoral qui est en place est en
mesure de s'attaquer à ces défis-là. Là où
on a un problème, c'est quand je vais à la page suivante, et on
me dit: En plus de ces défis... vous faites ça, là, une
augmentation de productivité, finalement... Parce que, si vous lisez le
document de la Fédération des cégeps qui souligne les
mêmes problèmes, elle en arrivait à l'équation:
ajout de ressources. (17 h 10)
Supposons qu'on ait une augmentation de productivité, qu'on
arrive à s'attaquer et à améliorer les problèmes
dont on parle, mais, là, on nous dit à la page 137: En plus de
ces défis... et là, arrive une incitation à la coupure. Il
me semble que ce n'est pas une grande motivation pour le personnel. Moi, je me
vois mal arriver dans une assemblée et vendre l'augmentation de
productivité de la pape 136 en disant: Faites bien ça, mais, dans
deux ans, il y en aura 2 % de moins et, dans cinq ans, 10 % de moins. Il me
semble que ça va tout à fait à rencontre des objectifs
qu'on poursuit. Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. C'est
difficile à vendre, cette affaire-là, à moins qu'on
veuille l'imposer. Mais, si on veut le vendre, là... Il y a quelque
chose qui ne marche pas.
M. Filion: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Merci, M. le
député de Montmorency. Nous vous remercions...
M. Léonard:...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Léonard: Je vais intervenir, il reste du temps.
Le Président (M. Lemieux): II reste une minute? Ah! je
m'excuse. Il reste une minute.
M. Léonard: II reste deux, trois minutes. Trois
minutes?
Le Président (M. Lemieux): Combien reste-t-il de temps,
madame? Trois minutes. Je m'excuse, il reste trois minutes.
M. Léonard: Moi, je voudrais vous poser quand même
une question. Est-ce que vous acceptez le principe qu'il y ait de la
concurrence dans le système, entre étudiants notamment? Je
m'explique.
Moi, je pense que raisonner en termes de réduction de coût
dans le domaine de l'enseignement collégial et universitaire, c'est
partir d'un mauvais pied, parce qu'à mon sens, même si on ne
comptabilise pas ça du côté des immobilisations, c'est un
investissement de la société et, sur ce plan-là, la
question que je me pose, c'est: Comment rendre efficace l'investissement qu'on
y fait? Pour moi, le principe de la concurrence joue autant en formation qu'il
peut jouer ailleurs. C'est pour cela que, tout à l'heure, devant la
Fédération des cégeps, j'ai mis un gros mot, qui est
l'évaluation uniforme, ou un examen uniforme, mais je pense qu'autour de
là il faut quand même songer à l'introduire.
Je comprends qu'on va tout de suite me faire la réaction: II ne
faut surtout pas que ça devienne comme au Japon où les pauvres
étudiants sont malheureux à force de concurrence. Mais je peux
juste vous dire qu'avant qu'on atteigne ce stade on a quelques pas à
faire. Est-ce que, vous, vous êtes d'accord pour qu'on introduise ce
principe d'une concurrence, d'une émulation? On appelle ça de
l'émulation, mais ça peut se traduire en concurrence, parce que,
sur le plan du marché, à un moment donné, même nos
étudiants, un coup formés, vont se frotter à la
réalité concrète, et ça, ça s'appelle la
concurrence.
M. Duffy: Est-ce que vous parlez d'un examen à l'usage de
tous?
M. Léonard: Non, je parle du principe en
général. Tout à l'heure, à une question, vous avez
parlé de l'évaluation formative et de l'évaluation
sommative. Ma question ou bien ma remarque là-dessus, c'est que, oui, il
peut y avoir des évaluations formatives tout au long de la formation,
mais vient un moment donné où on passe à la ligne: on
passe ou on ne passe pas, et là, il y en a une évaluation
sommative. Il faut qu'il y en ait une quelque part.
M. Duffy: En fait, que les meilleurs élèves se
frottent, comme vous dites, à l'occasion d'un concours, pour savoir s'il
se dégage des performances remarquables, enfin, je pense que... Est-ce
qu'on peut être contre cela? Si vous voulez instaurer des
mécanismes...
M. Léonard: Non, mais le principe de l'émulation ou
de la concurrence, c'est surtout ça.
M. Duffy: Oui. Mais je pense qu'il joue tout naturellement dans
les groupes courts de toute façon, vous voyez? Il y a même dans
certains
secteurs où ça joue rude. Il y a des secteurs, en sciences
pures, en sciences de la santé, où la cote z est si importante
qu'elle justifie le passage ou pas, ou l'admission dans une faculté
universitaire. C'est au point que, parfois, les élèves ne
s'échangent même pas les notes. On va venir discuter ferme pour un
dixième de point perdu. Alors, ça crée tout autre chose
aussi comme système.
M. Léonard: Sauf qu'ils recueillent les meilleurs avec
ça. C'est ça que ça veut dire?
M; Duffy: Les meilleurs de la note, oui. M. Léonard:
C'est déjà quelque chose!
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
Nous vous remercions pour votre participation à cette commission
parlementaire.
J'inviterais maintenant l'Association des hôteliers de la province
de Québec à bien vouloir prendre place à la table des
témoins. Nous allons suspendre, pas plus qu'une minute et demie. Merci
de votre collaboration.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses
travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux. M. le député de Verdun,
s'il vous plaît!
Nous allons entendre l'Association des hôteliers de la province de
Québec. Permettez-moi de vous expliquer brièvement la
procédure. Nous disposons d'un temps maximal de 60 minutes; 20 minutes
pour l'exposé de votre mémoire et suivra un échange entre
les parlementaires d'une durée de 40 minutes, 20 minutes pour les
ministériels de même que 20 minutes pour le groupe de l'Opposition
officielle.
Alors, j'inviterais la personne qui aura à faire l'exposé
du mémoire à bien vouloir identifier les personnes qui
l'accompagnent et, aussitôt ceci fait, à commencer l'exposé
de son mémoire, s'il vous plaît.
Association des hôteliers de la province de
Québec
M. Régimbai (Roger): M. le Président, j'aimerais
vous présenter, à ma droite, M. Gaston Viallet, consultant et
ancien hôtelier de souche, de Montréal; à ma droite
également, M. André Jean-Richard, vice-président
exécutif et directeur général de l'Association des
hôteliers de la province de Québec, à mon extrême
gauche, M. Jean-Pierre Brie, président de l'Association hôte-
lière du Québec métropolitain et de l'Association
hôtelière de la région de Québec; et M. Luc Dignard,
vice-président exécutif et directeur général de
cette même Association. Je suis Roger Régimbai, le
président de l'Association des hôteliers de la province de
Québec.
Le Président (M. Lemieux): Bienvenue. Alors, nous vous
écoutons pour l'exposé de votre mémoire.
M. Régimbai: M. le Président, MM. les ministres,
MM. et Mmes du gouvernement, MM. et Mmes de l'Opposition, l'Association des
hôteliers est heureuse de participer aux travaux de la commission, et
nous vous remercions de nous donner la chance de pouvoir justifier le
mémoire que nous avons déposé devant vous. En bref, ce que
les hôteliers demandent au gouvernement du Québec, c'est de revoir
de fond en comble ses politiques fiscales afin d'encourager la demande
touristique et ainsi favoriser ses propres rentrées de taxes.
Dans un premier temps, nous désirons rappeler à cette
commission ainsi qu'au gouvernement l'importance de l'industrie touristique
dans son économie, dans l'économie du Québec. Il est
également bon de savoir que l'industrie hôtelière est la
colonne vertébrale de cette industrie touristique. Bien que placé
au 23e rang des ministères du gouvernement du Québec par rapport
à son enveloppe budgétaire, le tourisme est une industrie
à forte vocation économique. La part du tourisme dans le produit
intérieur brut est un indicateur fréquemment utilisé pour
comprendre l'importance économique de notre industrie. Cette part se
situe autour de 2, 5 % pour les cinq dernières années, avec des
recettes touristiques de près de 4 000 000 000 $ en 1990. Les chiffres
et les statistiques que nous utilisons ont été puisés
à même les chiffres et les statistiques du ministère du
Tourisme, soit dans les documents qui sont intitulés «Le tourisme
au Québec, une réalité économique
importante», «Le tourisme, ça compte», en 1988 et, en
1990, un autre document qui s'intitulait «Le tourisme au Québec,
en quelques chiffres».
Le tourisme est un fort créateur d'emplois. On évalue, en
1989, à 56 100 le nombre d'emplois directs, exprimés en
personnes-années, et à 17 200 les emplois indirects attribuables
à l'activité touristique au Québec. Ces chiffres nous
semblent plutôt conservateurs. D'autres sources nous indiquent que nous
parlons probablement du double. Sachons que chaque point d'occupation dans nos
hôtels représente une création de 1000 emplois directs et
de 300 emplois indirects. Tout le monde sait qu'il en coûte trois fois
moins pour créer un emploi en tourisme que dans le secteur des
pâtes et papiers.
Les revenus fiscaux pour le fonds consolidé du Québec,
toujours en 1989, s'élevaient à plus
de 620 000 000 $ dont 527 000 000 $ en prélèvements
directs et 93 000 000 $ en prélèvements indirects. Par contre,
depuis 1989, la dernière bonne année du tourisme
québécois, notre industrie se trouve en perte de vitesse dû
en partie à la situation économique, à la baisse de la
demande, à l'augmentation de l'offre ainsi qu'à une taxation
excessive.
Les hôteliers veulent faire savoir au gouvernement du
Québec qu'ils sont en désaccord avec toute coupure possible du
budget du ministère du Tourisme. Pour soutenir ce que nous
avançons, nous nous référons au rapport Samson,
Bélair, de 1990, où il est dit: Le ministère du Tourisme,
un ministère sans marge de manoeuvre. Avec un budget de 82 600 000 $, le
ministère du Tourisme ne dispose que de 0,25 % des dépenses du
gouvernement du Québec. 70 % de ce budget va à des
dépenses que l'on peut qualifier de statutaires, difficilement
compressibles. Il reste 30 %, soit au total 25 000 000 $, pour doter les plans
d'action du ministère, dont, par exemple, environ 12 000 000 $ sont
consacrés à la promotion du tourisme intra et hors Québec,
et un peu plus de 4 000 000 $ sont redistribués aux 18 associations
touristiques régionales. Des coupures imposées par le Conseil du
trésor sur l'ensemble du budget du ministère ne peuvent
pratiquement pas s'appliquer aux dépenses statutaires, si bien qu'elles
seront concentrées sur les moyens d'action, laissant les marges de
manoeuvre doublement réduites.
Le secteur hôtelier est un pilier fondamental de l'infrastructure
économique et touristique du Québec. L'hôtellerie est la
forme d'hébergement commercial la plus importante. Elle compte
près de 2000 établissements, quelque 74 000 chambres, et
génère 1 200 000 000 $ de recettes, soit 85 % de toutes les
rentrées d'argent reliées à l'hébergement
commercial. Plus de 29 000 emplois en dépendent. Cependant, les
pressions dues à la récession de ces dernières
années, jumelées avec l'introduction de la TPS à 7 % en
1991 et de la TVQ sur les services à 4 % en juillet 1992, font en sorte
que l'hôtellerie québécoise se trouve en très
mauvaise posture en ce début d'année 1993.
Une récente consultation auprès de nos membres nous
démontre que plus de 55 % des recettes globales d'un
établissement hôtelier sont retournées aux
différents paliers gouvernementaux en taxes diverses, en droits de
permis de toutes sortes ainsi qu'en contribution de l'employeur, sans
mentionner toutes les taxes indirectes reliées à l'alcool,
à l'essence et à l'énergie. Par ailleurs, l'industrie
hôtelière est l'industrie de service par excellence, les 29 000
emplois directs en témoignent.
Ainsi, nos hôteliers doivent composer avec un salaire minimum
beaucoup plus onéreux que celui de nos voisins du Sud. Les conventions
collectives dans le domaine hôtelier sont parmi les plus contraignantes
au monde. Nos coûts d'opération, dus, d'une part, à notre
climat et, d'autre part, à nos programmes sociaux, sont beaucoup plus
élevés et mettent en péril la position concurrentielle de
nos entreprises. Au cours des trois dernières années, les
hôteliers québécois, pour assurer leur survie, ont
été obligés d'apprendre à gérer la
décroissance, et ceci, afin d'équilibrer les dépenses
suite à l'augmentation continuelle des taxes et, si faire se peut,
maintenir leur compétitivité.
Regardons ensemble quelques constats. La comparaison du nombre de
voyages faits par les touristes au Québec nous permet de constater une
baisse de la demande. Exemple: en 1988, 21 000 000 voyages-personnes; en 1990,
19 600 000 voyages-personnes, nous sommes à la baisse. Ou encore, autre
statistique, la comparaison des recettes touristiques est également
révélatrice. Regardons au chapitre de l'exode des touristes
québécois: en 1988, les Québécois au Québec,
donc qui visitent le Québec, génèrent des revenus de
l'ordre de 1 300 000 000 $; en 1990, à peu près le même
montant. Ce que l'on craint et ce que nous constatons comme étant
dévastateur, c'est que ces mêmes Québécois, hors
Québec maintenant, en 1988, génèrent des dépenses
de l'ordre de 694 000 000 $; en 1990, deux ans plus tard, des dépenses
de l'ordre de 1 100 000 000 $. Ce qu'on dit ici, c'est que c'est de l'argent
dépensé au Québec pour se diriger dans des destinations
extérieures, exemple, vers le Sud. C'est donc de l'argent
dépensé au Québec pour l'achat de voyages, chez les agents
de voyages, en billets d'avion, etc. Mais imaginez ce que ça peut
représenter, ces dépenses-là, une fois rendu à
destination, parce qu'on ne compte pas dans ces dépenses-ci ce qu'ils
vont dépenser dans le pays d'accueil, à savoir nourriture, objets
de collection, vêtements, enfin tout ce qu'on peut imaginer. Effroyable!
(17 h 30)
Autre statistique. Parlons des taux d'occupation dans les hôtels
du Québec: en 1990, taux marginal de 48,4 %; en 1991, 44,7 %,
diminution. En 1992, faute d'avoir des chiffres précis parce que le
ministère du Tourisme ne les a pas encore fournis, ni l'Institut
canadien de recherche sur le tourisme, nous croyons que les taux d'occupation
seront encore plus bas que ceux de 1991. Rappelons-nous que pour chaque point
d'occupation, c'est 1000 emplois directs qui sont créés ou
perdus: perdus si le taux est à la baisse et créés si le
taux est à la hausse. La fuite des Québécois vers des
destinations moins coûteuses a eu pour résultat que les taux
d'occupation de nos établissements d'hébergement sont en chute
libre depuis 1989.
Plus le temps passe, pire c'est. Dès la fin des années
1970, soit le 19 avril 1978, le gouvernement du Québec abrogeait la taxe
de vente de 8 % sur les chambres d'hôtel. Le ministre des Finances
d'alors, M. Jacques Parizeau, déclarait: «Ce n'est un secret pour
personne que l'industrie
hôtelière du Québec traverse une très
mauvaise période... les propriétaires d'hôtel se plaignent,
à juste titre d'ailleurs, d'un fardeau fiscal particulièrement
éprouvant, et cela se reflète inévitablement par un niveau
trop élevé du prix des chambres».
Le fardeau fiscal de l'industrie hôtelière n'a guère
diminué depuis 1978, bien au contraire: augmentation de la taxe
municipale, augmentation de la taxe scolaire, l'introduction de la TPS sur
toutes nos ventes, l'introduction de la TVQ de 4 % sur les chambres,
augmentation du droit des permis d'hébergement, nouveau permis de la
restauration du ministère du Tourisme, nouveau permis du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur
la restauration, augmentation du droit de permis de la Régie des alcools
et l'ajout, si vous le permettez, d'une charge de 0,50 $ par siège que
compte l'établissement, augmentation des taxes sur les spiritueux,
augmentation de la cotisation d'assurance-chômage, des augmentations
abusives des primes de la CSST, augmentation des tarifs
d'Hydro-Québec... Je vais prendre une gorgée, je suis en train de
m'étouffer.
Ces ponctions sont autant de couteaux que le fisc entre dans le dos des
hôteliers. Ces derniers, pour la plupart des PME, voient leur entreprise
péricliter et leur fonds de roulement s'effriter. La qualité des
établissements hôteliers, dont notre gouvernement semble parfois
si fier, s'en trouve compromise, rendant tout projet d'amélioration
hasardeux, voire même impossible, à tel point que les
investisseurs étrangers, après une visite au Québec,
décident dans bien des cas d'aller investir ailleurs,
découragés par la taxation excessive tant au palier municipal,
provincial, qu'au palier fédéral, avec lesquels ils seraient
obligés de composer s'ils venaient s'établir ici.
Exemple: une chaîne internationale de renom, la chaîne
Marriott, en 1990, tournait le dos au Québec à cause du taux
excessif de taxes et des salaires largement soutenus par des conventions
collectives. Exemple également de la surtaxation, regardons ce que le
rapport SECOR nous dit, et c'est André Coupet qui l'écrivait: II
convient d'ailleurs de mentionner que l'industrie touristique, qui se classe
parmi les premières industries d'exportation en volume, est ici
nettement défavorisée puisque les exportations se font
désormais hors taxe, l'industrie du tourisme étant la seule
à ne pas bénéficier concrètement de cet avantage.
Le Québec se retrouvera défavorisé également en ce
qui a trait aux frais de stationnement, aux frais d'adhésion aux
congrès, au prix des boissons alcoolisées, des visites
guidées, des activités de loisir, des activités
culturelles et même les repas. Ceux-ci viennent d'être taxés
au niveau fédéral - c'est un rapport de 1991, rappelons-nous - et
malgré une baisse de la TVQ de 8 % au lieu de 10 %, ils perdront
l'exemption actuelle de la taxe provin- ciale lorsque le repas est inclus dans
le prix de la chambre d'hôtel. Cette double taxation a un effet
inflationniste net d'environ 4,5 %.
Les hôteliers conviennent qu'il nous faut nos programmes
d'entraide sociaux. Nous savons de façon certaine que le Québec
traîne depuis quelques années des boulets: un taux de
chômage élevé, des prestataires du bien-être social
aptes au travail, une formation de la main-d'oeuvre insuffisante,
l'érosion de la structure industrielle, la pauvreté des
investissements en recherche et développement, les décrochages
scolaires, l'augmentation des emplois de service sous-payés ainsi que le
vieillissement de la population. Cependant, une taxation à outrance ne
règle pas le problème. Au contraire, nous voilà
embarqués dans un cercle vicieux. Notre système fiscal donne
maintenant des rendements décroissants.
Exemple: le gouvernement du Québec, comme actionnaire, exige des
dividendes de la Société des alcools. La Société
des alcools, pour être en mesure d'honorer son mandat auprès de
son actionnaire, révise régulièrement ses prix à la
hausse, créant ainsi une baisse de la demande et, par conséquent,
de ses recettes en bout de ligne, n'arrivant plus à honorer ses
obligations. En 1992, les revenus étaient estimés à 400
000 000 $, et on apprend qu'on n'a même pas atteint ces 400 000 000 $,
d'autant plus que l'on sait que dans les années antérieures, les
revenus étaient nettement supérieurs aux 400 000 000 $ qui sont
cités ici, ce qui indique vraiment que les gens consomment moins,
étant éprouvés par les taxes qu'on exerce sur les produits
d'alcool.
La hausse de taxes sur le tabac a accru la vente illégale des
cigarettes et de tabac, privant l'État d'au moins 300 000 000 $ de
taxes. Les achats outre-frontières des Canadiens atteindraient les 3 000
000 000 $. Le travail au noir est plus florissant que jamais, et je ne
révèle rien de nouveau ici.
Le fond du baril de la taxation est défoncé. Il est grand
temps d'agir et de réajuster la façon de faire. La bureaucratie
gouvernementale réalisera-t-elle un jour que le secteur privé
pourrait lui servir d'exemple?
L'hôtelier se doit d'équilibrer ses dépenses par
rapport à ses revenus; équation normale. L'hôtelier doit
vivre selon ses moyens; il ne s'offre même pas ce qu'il ne peut pas se
payer. L'hôtelier ne pouvant plus se fier aux chiffres des années
passées pour préparer son budget, il se doit de le
préparer maintenant à la base zéro.
Donc, M. Lemieux, je crois que nous vous rejoignons. Nous parlons le
même langage, si je me fie à l'article de M. Normand Girard qui
citait un des moyens que vous mettiez de l'avant pour un renouveau
administratif dans le secteur public. Je cite, et c'est le deuxième
moyen dont vous faisiez état: «De faire en sorte que, comme dans
le secteur commercial, le gouvernement travaille sur les coûts de ses
services. Pourquoi le gouvernement ne calculerait-il pas le prix de
revient de ses activités? Nous le soutenons au même titre.
En mesurant le coût unitaire de chacun de ses services, il sera en mesure
de faire certains gestes, comme de déterminer s'il est rationnel ou non
de maintenir un service, compte tenu de son coût unitaire, de
déterminer la portion du coût d'un service qui serait
facturé à l'utilisateur, de communiquer à l'utilisateur le
coût du service qu'il reçoit. Ainsi, vous le soulignez, on
pourrait peut-être offrir aux employés le challenge de rendre un
service de qualité à un prix coûtant
amélioré». Sur ça, nous vous rejoignons.
Parlons de quelques approches. Le temps des études est
révolu. Pour l'industrie hôtelière, une révision
fiscale en profondeur doit être mise en action dès maintenant afin
de maintenir sa compétitivité. Trois approches vous sont
proposées dans ce mémoire pour atteindre une fiscalité
plus équitable dans le futur: réduire les dépenses du
gouvernement... Et pour exemple, déjà le ministère du
Tourisme, dans son intention de restreindre ses dépenses, a aboli le
système de classification des hôtels et, après discussion,
l'a confié à l'industrie privée, c'est-à-dire
à l'Association des hôteliers de la province de Québec.
Voilà un bel exemple de partenariat.
Autre approche: privilégier la croissance des revenus et limiter
les taxes dans les industries qui dépendent directement du
consommateur.
Troisième approche: restreindre les taxes indirectes. Ces
approches sont appuyées par diverses recommandations qui, selon notre
opinion, faciliteront la réduction de la bureaucratie gouvernementale.
Elles encourageront l'équilibre de la taxation entre la capacité
de payer du consommateur et la croissance des recettes de l'industrie
touristique.
Quelques recommandations: stimuler la demande plutôt que la
détruire. Pour appuyer ce que nous avançons, regardons ensemble
encore une fois un extrait du rapport SECOR, d'André Coupet, le texte
suivant. C'est un plan de relance qui est suggéré, et
André Coupet dit: «Se donner un objectif clair,
récupérer 1 000 000 000 $ de revenus. Le Québec perd du
terrain depuis 10 ans parce qu'il n'a pas suffisamment investi dans la
promotion. Il est essentiel que le Québec récupère les
parts de marché auxquelles on devrait au minimum s'attendre de lui,
soit: faire remonter à 40 %, soit le niveau de 1986, la part
détenue par le Québec dans les dépenses touristiques
totales des Québécois; accroître à 3,5 % la part
détenue par le Québec dans les dépenses touristiques
totales des Canadiens. Et encore, faire remonter à 24 %, soit
l'équivalent du poids démographique du Québec au sein du
Canada, la part détenue par le Québec dans les dépenses
touristiques de provenance internationale effectuées au Canada.
Autre recommandation: rationnaliser les dépenses
gouvernementales. Depuis le début de la récession, l'entreprise
privée s'est largement appliquée à rationnaliser ses
dépenses, pourquoi le gouvernement ne le ferait-il pas? (17 h 40)
Corriger à la baisse le déficit du gouvernement.
Réviser les méthodes de gestion du gouvernement. Remettre en
question l'universalité des programmes sociaux. Répéter
l'expérience de 1978: les industries qui ont
bénéficié de l'abrogation de la taxe de vente ont
immédiatement connu un regain de vie. Pourquoi ne pas
répéter? C'est dans cet esprit-là que nous demandons,
encore une fols, l'exonération de la taxe de vente de 4 % sur les
forfaits.
Autre recommandation: hâter la décision d'installer des
terminaux de loteries vidéos dans les établissements
détenteurs de permis d'alcool. Ce sujet-là a déjà
été discuté avec le ministre du Revenu, M. Savoie, et il
semblait favorable à l'idée.
Et, dernièrement, créer un fonds spécial de relance
pour la promotion du tourisme québécois doté de 25 000 000
$ pour l'année 1993 et du même montant pour l'année 1994.
Afin de soutenir ce point-là, encore une fois, référons
à l'étude du groupe SECOR où il est dit: «Obtenir du
gouvernement qu'il crée un fonds de relance pour la promotion du
tourisme québécois doté de 25 000 000 $ pour
l'année 1992-1993 - mais actualisons et parlons pour l'année
1993-1994. Ce fonds, qui serait indépendant et en sus des budgets
gouvernementaux destinés à la promotion, serait
géré par le ministère du Tourisme, en concertation avec le
milieu, selon les mécanismes habituels. En assurant ainsi la relance du
tourisme et le redressement des parts du marché du Québec, le
gouvernement du Québec investirait ainsi dans son propre
intérêt puisque les retombées seraient
considérables.
Prenons, par exemple, le redressement des ventes de 1 000 000 000 $;
ceci créerait 20 000 emplois. Il procurerait 160 000 000 $ de
retombées fiscales et également 378 000 000 $ de réduction
minimum du déficit international du Québec. Et supposons que ces
chiffres de redressement de ventes de 1 000 000 000 $ dont on parlait
étaient exagérés, même si on atteignait juste le
quart, on créerait quand même 5000 nouveaux emplois, on aurait
quand même 40 000 000 $ de retombées fiscales et on aurait - et
j'achève - à peu près 90 000 000 $ de réduction du
déficit.
Mettre en place, à partir de 1994, une structure conjointe
gouvernement-industrie pour assurer de façon dynamique et constante le
positionnement du Québec sur l'ensemble des marchés, donc le
partenariat. Renforcées dans leur capacité de financement,
grâce au redressement des parts du marché du Québec, les
entreprises devront à leur tour participer au positionnement global du
Québec de façon beaucoup plus intense. Un paragraphe et j'ai
terminé.
Le Président (M. Lemieux): Un paragraphe
et c'est fini? Ça va. Allons-y pour le paragraphe.
M. Regimbai: Quant à la forme que devrait prendre cet
effort conjoint, diverses propositions ont déjà été
émises, dont celle de constituer une société
d'économie mixte pour la promotion du tourisme québécois,
formule qui vient d'être adoptée par
l'île-du-Prince-Édouard et qui existe sous diverses variantes en
Grande-Bretagne. Il importe, en effet, que le relais du fonds de relance soit
assuré à long terme et, à partir de 1994, de façon
conjointe.
Le Président (M. Lemieux): Je vous... M. Regimbai:
M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Eu égard
à la limite de temps qui, parfois, nous est donnée, et M. le
ministre des Finances est anxieux d'avoir à vous poser des questions,
seulement un commentaire: La musique que vous entendez n'est pas une musique de
circonstance, mais une musique touristique. Je pense que vous en êtes
tous conscients.
M. Regimbai: II doit y avoir une taxe qui sera perçue pour
les droits d'auteur!
Le Président (M. Lemieux): Je ne sais pas, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): ...mais je sais que c'est une
musique nécessaire à la capitale.
Alors, M. le ministre des Finances, la parole est à vous.
M. Levesque: M. le Président, je désire dire
combien nous apprécions la présence, ici, de l'Association des
hôteliers de la province de Québec et de leurs
représentants. Nous voulons vous remercier de votre contribution
à cet exercice. Nous voulons en même temps vous dire quelques
mots, évidemment, sur quelques éléments de votre
présentation.
Il est difficile, évidemment, de tout couvrir. Je vais simplement
vous faire remarquer que, lorsque vous parlez des mesures de réduction
des dépenses, de rationalisation des dépenses que vous avez
réussie dans le secteur privé et que vous demandez au
gouvernement de faire de même, vous laissez peut-être entendre
qu'il n'y a pas eu d'effort de fait, alors que de 1986 à aujourd'hui,
l'ensemble des mesures de réduction des dépenses du gouvernement
s'établit à 3 500 000 000 $. Je suis d'accord avec vous que ce
n'est pas encore suffisant pour faire face à la situation, mais je ne
voudrais pas non plus que vous puissiez conclure, partir et dire: Nous leur
avons dit ça et ils n'ont rien dit, c'est donc vrai. C'est pour
ça que j'ai pensé, à un moment donné, vous donner
ces chiffres que vous retrouverez d'ailleurs à la page 41 des annexes au
volume «Vivre selon nos moyens». Ceci dit avec tout le respect que
je dois à votre éminente profession et association.
Maintenant, vous parlez que le fardeau fiscal de l'industrie
hôtelière n'a guère diminué depuis 1978. Il ne
faudrait pas que vous pensiez qu'il y en a d'autres qui ont beaucoup
diminué. Lorsqu'on regarde, par exemple, depuis 10 ans, par rapport au
PIB, en 1982-1983, il y a 10 ans, l'évolution des revenus autonomes du
gouvernement représentait 16,1 % et, 10 ans après, c'est encore
16,1 %, sauf que depuis le début de la récession, nous sommes
montés à 17,7 %. Mais c'a été stable tout ce
temps-là. Si vous voulez avoir la raison pourquoi il y a eu une
augmentation toute récente, c'est à cause des circonstances
particulières qui nous amènent d'ailleurs ici et qui font partie,
évidemment, de l'exercice que nous poursuivons.
Nous sommes d'accord avec le fait que le fardeau fiscal au Québec
a atteint une limite qu'il serait risqué de dépasser
substantiellement si l'on ne veut pas mettre en péril la croissance
économique. Par ailleurs, le Québec a pris des mesures
importantes pour améliorer la compétitivité du
régime fiscal. Puis-je vous référer à
l'étude conjointe Price Waterhouse-ministère des Finances,
publiée à l'annexe F du «Discours sur le budget
1989-1990», qui concluait que, pour une petite entreprise, la
fiscalité québécoise était la plus avantageuse de
toutes les juridictions considérées, incluant l'Ontario,
Massachusetts, Michigan et New York. D'ailleurs, ces résultats ont
été confirmés par deux études publiées par
le Conference Board du Canada.
Vous vous référez à une période où il
y a eu une diminution de la taxe de vente, une abolition sur les chambres
d'hôtel; j'en conviens. J'aimerais, cependant, ajouter à votre
analyse certains autres éléments que j'aurais bien aimé
vous entendre ajouter à la liste, parce que vous avez semblé
arriver un peu essoufflé au bout de la liste; vous auriez
peut-être été moins essoufflé si vous aviez
ajouté ce que je vais vous dire, bien gentiment exprimé!
Le taux de 4 %, il faut le regarder, évidemment, dans le contexte
de l'ensemble de votre environnement. Ça constitue, comme vous le savez,
l'un des taux les plus bas par rapport aux régions avoisinantes:
l'Ontario, 5 %; le Nouveau-Brunswick, 11 %; Terre-Neuve, 12 %; Manitoba, 7 %;
saskatchewan, 7 %; colombie-britannique, 8 %; 10 % à vancouver et
victoria; vermont, 13 %; maine, 7 %; new york, 14,25 % à 19,25 %.
ça aurait été bon dans votre enumeration. je sais que vous
n'avez pas eu le temps, mais ça aurait été bon d'ajouter
ça!
De plus, cette taxe sera remboursable aux étrangers; il s'agit
d'une pratique qui n'a pas tellement cours en Amérique du Nord.
Finalement, la taxe payée à l'égard de chambres
d'hôtel, lorsque défrayée dans le cadre
d'activités commerciales, donne droit à un remboursement de taxe
sur les intrants. Là aussi, ça aurait pu faire partie de votre
liste parce que, depuis le 1er juillet 1992, vous bénéficiez de
certains avantages reliés au remboursement de la taxe sur les intrants,
sur vos achats.
Alors, tout en reconnaissant que vous avez un devoir de justice envers
mon prédécesseur, il me semblait simplement juste que je rappelle
certaines choses qui ne sont certainement pas négatives dans notre
record et dans notre bilan. Enfin, l'industrie de l'hôtellerie
bénéficie elle-même d'un remboursement, comme je l'ai
mentionné, et seul le Québec parmi les provinces canadiennes
offre ce système de remboursement, car nous sommes les seuls à
nous être harmonisés à la TPS. ceci étant dit, il y
a bien d'autres dispositions qui concernent les congrès organisés
par un étranger, etc., où il y a des avantages fiscaux. il y a
aussi dans la restauration - vous l'avez juste glissé, mais je le
ramène parce que ça a peut-être passé
inaperçu - que nous avons baissé le taux de la taxe sur les repas
de 10 % à 8 %. c'est bon de le dire de temps en temps parce que les gens
pensent qu'avec la tvq de 8 %, c'est une nouvelle taxe. bien non, c'est une
nouvelle taxe en ce sens qu'elle a été diminuée, non pas
parce qu'elle a été créée. (17 h 50)
Si on me permet, il y a beaucoup d'autres choses - je ne veux pas trop
insister là-dessus - qui pourraient être ajoutées à
la liste. Il y a une chose qui m'a frappé. Vous avez dit, tout à
l'heure, que le ministère du Tourisme était un peu moins nanti
par rapport aux besoins du tourisme. Nous considérons que le tourisme
est une industrie extrêmement importante. Il y a des régions
où c'est probablement l'une des seules industries où il y a un
avenir potentiel intéressant. Donc, pour nous, le tourisme n'est pas une
industrie qui perd de l'importance. Au contraire, nous ajoutons de l'importance
au tourisme, et particulièrement dans une région comme la mienne,
je me permets de le dire, le tourisme est considéré comme
l'industrie de l'avenir. Donc, nous voulons vous appuyer, appuyer l'industrie
touristique, mais il ne faut pas, je pense, en toute justice, évaluer
l'effort du gouvernement en matière touristique simplement par le budget
du ministère du Tourisme où il y a eu des augmentations,
particulièrement dans la publicité, etc., mais il y a tous les
autres ministères - pas tous - mais beaucoup d'autres ministères
qui contribuent directement au développement du tourisme.
Puis-je simplement vous rappeler les sommes considérables qui
vont aux Transports? C'est clair que c'est presque directement relié
à la promotion du tourisme. Je ne serai pas plus long, je vais vous
donner la chance de vous exprimer, d'ajouter, si vous voulez, d'autres
considérants à ce que j'ai apporté. Je le tais,
évidemment, avec toute la reconnaissance que nous devons avoir pour
l'importance de votre industrie et l'importance de l'appuyer pleinement.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vos commentaires, M.
le président du Conseil du trésor, vont dans le même sens
que ceux de M. le ministre des Finances?
M. Johnson: Oui, M. le Président, nous sommes solidaires,
comme vous le savez, dans cette oeuvre de consultation publique pour souhaiter
la bienvenue à ces messieurs, leur dire, un peu comme le ministre des
Finances, que je suis, moi aussi, dans ma région, dans mon comté
de façon spécifique, interpellé constamment à
l'égard du tourisme, de l'industrie touristique, ne serait-ce que parce
que la présidente des ATR, Mme Gallant, est une de mes
électrices. On connaît l'enthousiasme qu'elle met au service de
l'industrie touristique québécoise.
On n'a pas échappé, le ministre des Finances l'a dit, il
n'y a pas beaucoup d'industries qui ont échappé à une
contribution qu'on requiert, évidemment, de tout le monde. Du
côté des dépenses, ce que je voulais souligner de
façon encore plus précise que le ministre des Finances l'a
évoqué, c'est effectivement qu'il y a un effort continu à
porter sur le développement de l'offre touristique. Ça se fait de
toutes sortes de façons insoupçonnées. Lorsqu'on dit qu'il
y a beaucoup de ministères qui y contribuent, on oublie, par exemple,
que le Programme d'assainissement des eaux est notamment balisé par les
bénéfices qu'on peut retirer du nettoyage des eaux riveraines
afin de faciliter la baignade. Je vous donne un exemple très,
très précis. C'est un programme, celui de l'Environnement, au
titre de l'assainissement des eaux, dont un des éléments, un des
critères, c'est de savoir si oui ou non ça améliore le
potentiel récréotouristique d'un plan d'eau. Ça existe,
ça. On met des milliards là-dedans depuis de nombreuses
années, et on continue à en mettre, évidemment, le
programme n'est pas terminé.
Le ministre des Finances a parlé du réseau routier. Il ne
faut pas oublier tout ce qui a été fait au titre de diverses
stations récréotouristi-ques, notamment dans le domaine du ski ou
auprès des plans d'eau, l'aménagement de parcs riverains. C'est
autant de choses, ça, qui créent l'offre touristique, mais on ne
forcera pas les Américains à voyager pendant une année
d'élection présidentielle. Ça, ça fait 25 ans
qu'à tous les 4 ans les Américains ne voyagent pas l'année
d'une élection présidentielle; ça, c'est un fait. On ne
peut pas faire neiger non plus autant qu'on le voudrait durant la saison qu'on
est en train de traverser. Alors, on essaie de cibler nos interventions, vous
vous en doutez, de toutes sortes de façons qui viennent soutenir
l'attrait de l'offre touristique, non seulement en dotant le
ministère du Tourisme de crédits additionnels.
Ce qui m'amène à ma question. Je suis heureux de voir que
vous avez des suggestions à l'égard de la productivité,
donc, à l'égard du dégraissement, comme vous l'indiquez,
de l'appareil public, du secteur public. Vous vous empressez,
évidemment, d'ajouter - c'est là que je trouvais ça
regrettable - qu'il faudrait peut-être mettre 50 000 000 $ au
ministère du Tourisme. Alors, vous venez ici - c'est ça qu'on
craignait beaucoup, le ministre des Finances et moi - nous indiquer qu'il faut
couper les dépenses, mais vous en donner 50 000 000 $. Ça
présume d'un jugement de valeur qui, dans le fond, signifie: Ne mettez
pas 50 000 000 $ là-bas, mettez-les ici. C'est ça que vous venez
plaider. Mais ça ne contribue pas très directement à
alléger le problème des finances publiques, évidemment,
puis de l'écart budgétaire.
Je me demandais si vous n'avez pas des suggestions additionnelles qui
nous permettraient de financer les 50 000 000 $ que l'industrie, à cause
de son importance, pourrait requérir, selon vous, au-delà de
dire: dégraisser la fonction publique, faites attention de la
façon dont vous gérez les fonds publics. Est-ce qu'il y a des
choses précises qu'on devrait faire, vous croyez? Peut-être selon
le modèle que vous avez suivi. Est-ce que, par exemple, vos conventions
collectives vous donnent toute la flexibilité que vous souhaitez? Est-ce
que les taux que vous payez, la rémunération dans le secteur de
l'hôtellerie, se comparent avantageusement au point de vue concurrentiel
avec ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord? Est-ce que vous avez
atteint un niveau de relations de travail enviable dans vos industries?
Qu'est-ce que vous avez fait, dont on pourrait s'inspirer pour contribuer
à régler les problèmes de tout le monde?
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
M. Regimbai: MM. les ministres, lorsqu'on parle d'ajout de 25 000
000 $ par année à la promotion touristique, ce que l'on
sous-entend dans ça, c'est de joindre ces 25 000 000 $ que vous
contribueriez directement aux 100 000 000 $ que l'industrie met
déjà dans la promotion touristique annuellement. Alors, c'est
juste pour renforcer vos efforts aux nôtres ou les nôtres aux
vôtres pour aller chercher une meilleure publicité, enfin, au
Québec et hors Québec.
Autre parenthèse, lorsqu'on a imposé, enfin, qu'on a remis
ou qu'on a amené la taxe de 4 % sur la chambre d'hôtel, sachons
que nos hôtels sont fréquentés à 66 % par des
Québécois qui sortent pour des raisons d'affaires, qui sortent
pour des raisons de loisirs; même s'il y a des intrants, eux ne peuvent
pas récupérer ces 4 %. Le touriste québécois est
pénalisé pour rester au Québec. Ça explique un peu
plus pourquoi ces gens-là se dirigent vers le Sud: on les
pénalise s'ils viennent en touristes au Québec. C'est ce qu'on
déplore.
En 1978, le gouvernement qui était là à ce
moment-là avait compris le jeu: en diminuant, en enlevant la taxe sur
les chambres, on était capable de faire l'équation, la preuve,
qu'on irait chercher plus de taux d'occupation, donc, plus de revenus qui
seraient éventuellement taxés, soit les repas, l'essence, enfin,
et plus. Ce que nous vous disons aujourd'hui, c'est que ces 4 %, s'ils sont
enlevés, il y a de très bonnes chances que les
Québécois reviennent, puis les étrangers également,
parce que, eux aussi, quand ils regardent nos prix comparativement à
d'autres destinations, il semble que le prix des chambres de nos hôtels,
c'est déjà beaucoup trop élevé.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
M. le député de Bertrand... Avant? O.K. Alors, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Très rapidement. D'abord, je voudrais
vous souhaiter la bienvenue et vous féliciter pour votre rapport.
Comme vous venez de le voir, le ministre des Finances reste dans sa
bulle rose où même ses mauvais coups deviennent des bons coups,
vous l'avez vu très nettement, et je pense que c'est ça, le
problème. J'ai vu que vous aviez adressé votre rapport au
président du Conseil du trésor. Envoyez-lui une copie de votre
rapport parce que, manifestement, il ne l'a pas lu, notamment à la page
7 où vous parlez des moments de vérité
particulièrement négatifs depuis le prix de l'essence, celui de
l'alcool en passant par l'état des routes et une signalisation des plus
confondantes quand elle n'est pas absente. J'ai bien noté ces quelques
lignes. (18 heures)
Ce que je voulais souligner: Le ministre des Finances devrait se
rappeler qu'il a changé d'avis à plusieurs reprises et de
plusieurs dates dans son harmonisation de la TPS et de la TVQ, ce qui a
amené des problèmes considérables à l'industrie
touristique et hôtelière, en particulier. Je voudrais qu'il
l'entende, parce qu'il ne le sait pas oncoro II a manifesté, donc, do
l'impré voyance. Ce qui n'est pas manifesté ici - et je serais
curieux de le savoir - c'est la rotation en termes de propriété
des établissements hôteliers. Il y a eu des faillites
considérables, dans ce secteur. Je pense que le ministre des Finances
devrait nous entendre parce que la taxation qu'il a imposée n'est pas
étrangère à ce facteur, en plus de la récession
qu'il a accentuée lui-même par ses décisions quant aux
faillites.
Il y a 416 000 000 $ de plus que les Québécois
dépensent à l'étranger alors que les dépenses des
Québécois au Québec sont restées stables.
Ça, c'est de la valeur ajoutée parce que l'industrie touristique
a ceci de caractéristique, qu'elle importe moins que d'autres, par
exemple
l'industrie manufacturière. C'est de la valeur ajoutée
québécoise en très, très grande partie. Si on perd
400 000 000 $ de chiffre d'affaires, c'est 400 000 000 $ de moins, ici, dans
l'économie québécoise.
L'autre remarque que je veux faire - et celui-là, je pense que je
voudrais le tourner plutôt vers l'avenir - c'est que l'industrie
touristique, qui est importante pour ma région et pour beaucoup d'autres
au Québec, ici dans la ville de Québec, dans la ville de
Montréal, est un secteur particulièrement créateur
d'emplois. Ce que l'on met là-dedans, on ne le met pas dans
l'assurance-chômage et dans l'assistance sociale. Je pense que,
là-dessus, c'est un raisonnement qu'il faut avoir lorsque l'on mine la
base économique de l'industrie touristique. Généralement,
ce ne sont pas des emplois coûteux à créer. Ce sont des
emplois qui se créent même très vite.
Je voulais faire ces remarques. Mes collègues veulent vous
interroger, le député de Montmorency et le député
de Bertrand, je pense, alors je leur laisse la parole.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle. M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président. D'abord, je vous
félicite de nous avoir exposé les problèmes de l'industrie
touristique. Je dois vous dire que j'ai trouvé d'une mince consolation
la réponse ou les commentaires qu'a formulés le ministre des
Finances. Quand on dit que vous n'êtes pas trop taxés parce que
d'autres le sont tout autant, je trouve que c'est une mince consolation.
D'autre part, quand on compare le taux de taxation de 4 % auquel vous faites
allusion avec ce qui se passe en Ontario, en Colombie-Britannique et ailleurs,
je pense que c'est fausser la discussion puisqu'on doit se comparer avec notre
principale source de tourisme, qui est les États-Unis et non pas les
autres régions canadiennes.
Ceci étant dit, j'aimerais que vous nous parliez un peu de
l'impact des fluctuations du dollar canadien sur le tourisme américain
en particulier, ici. On sait que, compte tenu des taxes plus
élevées sur l'essence et des autres avalanches de taxes dont vous
nous avez parlé, à un certain moment, surtout lorsque le dollar
canadien se rapprochait de la valeur du dollar américain, ça
devenait beaucoup moins intéressant pour les touristes
américains. Maintenant que le dollar canadien a baissé, est-ce
que ça compense, jusqu'à un certain point, pour ce
différentiel de taxation, d'une part?
Mon autre question serait la suivante. Le ministre des Finances a
mentionné que les visiteurs étrangers avaient droit à une
ristourne sur les taxes qui leur sont imposées ici. Selon votre
expérience, est-ce que les visiteurs étrangers,
particulièrement américains, se prévalent de cette
possibilité-là? Je sais très bien que, moi- même, en
particulier, lorsque je visite en Europe où on a droit, nous, à
ces mêmes exemptions, je ne m'en suis jamais prévalu
moi-même. Alors, j'aimerais savoir, de votre expérience, si
véritablement les touristes étrangers se prévalent de
cette possibilité de ristourne et si elle constitue véritablement
un avantage par rapport à simplement une réduction de taxation
comme vous le proposez.
M. Regimbai: Pour répondre à la deuxième
partie de... enfin, à votre deuxième question, les touristes ne
s'en prévalent absolument pas ou à peu près pas, d'abord
parce que ce sont des formulaires à remplir qui ne sont pas toujours
faciles d'accès, dans un premier temps, faciles de compréhension,
dans un deuxième temps, où on va obtenir le remboursement
à l'hôtel même, à la frontière, une fois rendu
chez nous? C'est compliqué. Les gens aiment mieux ne pas en
profiter.
Pour ce qui est de votre première question, à savoir
l'influence du dollar américain, enfin, je ne sais si quelqu'un d'autre
veut répondre, M. Viallet, êtes-vous...
M. Viallet (Gaston): Sûrement, mais il faut tenir compte du
contexte économique des deux côtés de la frontière.
Il y a tellement d'autres éléments négatifs qui viennent
subjuguer cet aspect-là que, en ce moment, il n'est certainement pas
d'un grand intérêt.
Tout à l'heure, MM. les ministres, vous avez mentionné une
panoplie de pourcentages sur la taxation qui sont tout à fait justes.
Par contre, il faudrait tenir compte - et je voudrais le préciser - que,
dans certains cas, New York en est un cas très probant, où entre
les 14 %, 15 % et 19 % il y a un pourcentage de 5,5 % à peu près
qui va à la promotion touristique. De nombreux États
américains ont justement dans leur taxation un pourcentage qui ne va pas
au fonds consolidé du gouvernement ou de l'État, mais qui est
renvoyé à l'industrie. Ceci dit, on a vu aussi sur le cas de la
taxation, en Floride, lorsqu'ils ont voulu instituer, il y a 5 ou 6 ans, une
taxe, dans l'espace de 3 mois, ils ont dû l'enlever, car ils avaient
perdu 50 000 unités de congrès. On a eu des situations similaires
sur Hawaï, qui est une destination très favorable à cause de
son climat.
L'autre aspect que je voudrais apporter, on regarde, bien sûr, les
4 % qu'il y a uniquement sur les forfaits. On sait que ces forfaits ne
représentent que 6,6 % de notre industrie et qu'on aimerait l'augmenter.
Justement l'augmenter: qui est-ce qui achète le forfait? C'est
l'étranger, donc de la devise, mais c'est aussi l'âge d'or.
Ça devient un pourcentage dans notre société qui grandit
de plus en plus. C'est un élément touristique très
important, et particulièrement à l'intérieur du
Québec.
L'autre aspect, lorsqu'on parle de stimuler,
vous avez dit, et tout à fait avec raison: Comment pouvons-nous
alléger les finances? Dans l'industrie privée, une des
manières de diminuer nos coûts de revient, c'est d'augmenter nos
ventes. À ce moment-là, pourquoi diminuer le prix uniquement, ce
que les forfaits font, donc une charge aux hôteliers qui, sous deux
aspects, premièrement, diminuent leurs ventes au prix pour essayer de
l'augmenter et, d'un autre côté, certains produits qui sont les
éléments de base de notre industrie, particulièrement avec
l'agroalimentaire et autres, eux continuent dans des augmentations de spirale?
Donc, l'effort est généralement fait par l'industrie
privée. Possiblement que le gouvernement voudrait considérer un
élément de stimulation, par exemple envers un réservoir de
250 000 000 potentiels au Sud, de voir à une ristourne, à des
coupons - ce n'est pas une formule inédite, elle a existé dans
d'autres pays lorsqu'ils ont fait face à des situations de
récession et de morosité comme nous le vivons -
c'est-à-dire des coupons avec une réduction sur le prix de
l'essence. Vous savez combien l'Américain attache de l'importance
à sa voiture. Lorsqu'il fait son plein pour 18 $ et qu'il a passé
la frontière et que ça monte à 38 $ ou 40 $, il a son
premier choc. Le deuxième, l'onde répercussive, c'est
évidemment la qualité des routes, mauvaise signalisation,
ça a été mentionné. Cette suggestion qui avait
été faite il y a quelques années - je tairai
évidemment le nom du ministre, il n'est pas présent, d'ailleurs -
il m'avait dit: Excellente idée, c'est merveilleux, mais pensez-vous, M.
Viollet, que je pourrais la vendre sur le plan de la plateforme
électorale? Notre bon peuple québécois n'acceptera jamais
de payer l'essence plus cher qu'un Américain. Moi, je dirais que 0,10 $,
0,15 $ ou 0,20 $ de moins au prix de l'essence, si ça amène x
milliers de voyageurs, c'est mieux que de ne pas les avoir, parce que le bon
peuple québécois vendra plus de chambres, plus d'essence, plus
dans les restaurants, plus dans l'agro-alimentaire, plus dans l'habillement,
plus dans les souvenirs.
Donc, ce n'est pas forcément une formule à long terme,
mais qui pourrait être passagère. Mais cette diminution dans la
perte de revenus de la taxe au niveau de l'essence pour le gouvernement serait
largement compensée par une surconsommation amenée par nos
voisins du sud. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Oui, M. le Président, merci.
Moi aussi, effectivement, après les propos du ministre des
Finances, on avait un petit peu l'impression que vous étiez venus ici un
peu pour rien, pour expliquer vos doléances. Mais je pense
qu'effectivement il faut aller plus loin que la réduction du taux de 10
% à 8 %, parce que, vous savez... Et je partage l'opinion du
marché et de l'industrie touristique, les gens viennent ici, ils
consomment de l'essence. Pensez à la personne qui traverse la
frontière américaine, qui arrive à Saint-Georges de
Beauce, qui s'y arrête pour prendre de l'essence; il prend un choc, 0,19
$, on est les champions au Québec de la taxe sur l'essence, 0.19 $ le
litre. Par la suite, il entre à l'intérieur pour s'acheter un
paquet de cigarettes... On est les gens qui taxons le plus le tabac, on le
sait, on a une contrebande incroyable. Et s'il risque de prendre un repas,
là, il reçoit 15,56 %, il rembarque dans sa voiture et il a envie
de s'en retourner aux États-Unis. Pourquoi? Parce qu'il se rend compte
qu'il se demande s'il a les moyens de continuer son voyage.
C'est dans cet esprit-là, je pense, que ces gens-là nous
présentent un dossier, mais aussi ils ont des caractéristiques
spécifiques. Je sais qu'ils ont des taxes importantes au niveau de
l'immobilier. On sait que les taxes foncières sont importantes, et la
taxe sur le capital, qui sont des charges fixes, à un moment où
ils ont le plus de clients, devient une charge incroyable. Tout à
l'heure, par la suite, le président du Conseil du trésor, il a
dit: J'aimerais ça que vous me donniez des idées de revenus, mais
moi, je pense que vous n'avez pas très bien regardé le
mémoire, parce qu'il y a une place où j'ai attiré
l'attention, c'est la recommandation 8.7. Si le président du Conseil du
trésor l'avait regardée, c'est marqué: «Hâter
la décision d'installer des terminaux de loteries vidéos dans les
établissements détenteurs de permis d'alcool». Vous avez
semblé soulever qu'il y avait une entente à ce niveau-là.
Je suppose que vous parlez des vidéopokers ou de ce genre de
système là. (18 h 10)
Alors, c'est quoi qui se passe? Comment se fait-il que vous ne l'ayez
pas encore, cette décision-là, que vous n'ayez pas encore cette
possibilité-là? Parce que vous semblez dire que c'était
réglé, le dossier.
M. Regimbai: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit, M.
le député, mais pour peut-être renchérir sur ce que
je voulais dire ou ce qu'il aurait fallu comprendre, c'est que, depuis
l'époque des casinos, on sait ce que les casinos pourront apporter au
Québec. Or, il est prouvé par l'expérience d'autres
provinces, notamment le Manitoba, que les terminaux vidéopokers
rapportent trois à quatre fois plus que ce que les casinos peuvent
rapporter à l'économie de l'État ou de la province. Ce que
nous avons fait, forts de cette expérience-là que nous avons
vécue, parce que nous nous sommes déplacés, nous sommes
allés voir au Manitoba, enfin, ce que les casinos pouvaient apporter
à l'État, ce que les vidéopokers pouvaient
générer comme revenus, nous sommes allés constater sur les
lieux ce que ça avait comme impact. Par la suite, nous avons
rencontré le président de la Société des
loteries,
m. savard, avec m. savoie pour voir quelles seraient les
possibilités, en plus des casinos qui ont été
annoncés dernièrement, qu'on puisse intégrer dans le
système les fameux vidéopokers. je pense que c'est quelque chose
qui est à l'étude, qui chemine tranquillement. nous, ce qu'on
veut, c'est hâter la décision pour qu'on puisse l'implanter.
M. Filion: C'est une excellente source de financement qui vous
aiderait, à toutes fins pratiques, à faire votre promotion.
M. Regimbai: À faire notre promotion. Également, il
a été prouvé, à Winnipeg par exemple, que les
hôteliers... Parce qu'il y a une ristourne qui revient à
l'hôtelier. Une grosse partie va à l'État, mais une partie
revient à l'hôtelier. Les hôteliers de la région de
Winnipeg ont fait la preuve qu'en cinq ou six mois d'utilisation ces
gens-là ont généré suffisamment de revenus pour
être capables de payer l'hypothèque qu'ils avaient sur... enfin,
l'hypothèque annuelle qu'ils avaient sur leur propriété,
en quatre, cinq ou six mois, là. Alors, ce que nous entendons dans
ça, c'est qu'il y a une source de revenus très
intéressante, autant pour l'État que pour l'individu, et je pense
qu'on peut s'enlever de l'esprit que c'est également une source, enfin,
de perversion ou ces choses-là. À Winnipeg, les gens ne sont pas
pires qu'ils étaient. Ils sont sûrement... pas
nécessairement mieux, mais ils ne sont pas pires qu'ils étaient
au niveau des moeurs et ainsi de suite.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Un commentaire, M. le Président, sur ce que
vous avez dit tout à l'heure concernant la façon dont le
gouvernement du Parti québécois avait appliqué les taxes
en 1978.
Je pense qu'il est important de bien saisir la portée de cette
recommandation parce que, effectivement, l'industrie du tourisme est une
industrie qui doit être traitée de façon spéciale,
au Québec, étant donné, entre autres, qu'une des raisons
principales pour lesquelles les déficits du gouvernement
fédéral et la situation du gouvernement canadien et du
gouvernement québécois se trouvent dans la situation que l'on
connaît à l'heure actuelle, c'est en raison, en grande partie, des
déficits au poste du tourisme, aussi bien dans la balance des paiements
du Canada qu'au Québec, où le solde est fortement
déficitaire.
Alors, je pense que les commentaires que vous avez faits, les
suggestions que vous nous apportez de prendre de façon tout à
fait spéciale les demandes de l'industrie touristique, à mon
avis, rejoignent un peu la pensée qui prévalait, à
l'époque, de ne pas taxer ou de taxer de façon minime les biens
dits essentiels.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez des commentaires?
Oui?
M. Regimbai: S'il fallait répondre, je pense que
j'ajouterais simplement que la preuve qu'on voudrait arriver à faire,
c'est qu'en enlevant cette taxe sur l'hébergement, on vendrait plus de
forfaits. On serait capable de mesurer que l'entrée accrue de visiteurs
et de touristes, qu'ils soient québécois ou étrangers,
pourrait compenser largement par le manque à gagner, là, qu'on
retrouverait en imposant les 4 % sur l'hébergement. En 1978, M. Parizeau
nous disait - et on l'a vécu quand même pendant au-delà de
15 ans ou à peu près - qu'en ayant enlevé cette
taxe-là, dans l'hôtellerie les chambres se vendaient mieux. Alors,
ce que nous disons, c'est qu'en abrogeant la taxe de 4 % qu'on s'est fait
imposer le 1er juillet dernier, il y a des chances qu'on puisse remettre,
enfin, l'hôtellerie sur le droit chemin.
La preuve qu'on souhaite faire, c'est qu'en enlevant cette
taxe-là, on va accroître les revenus touristiques, et les revenus
de taxes vont venir de la restauration, de l'essence, du tabac, enfin toutes
ces choses-là, si on demeure raisonnables également dans le champ
de taxation de ces éléments-là.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président.
Simplement pour en remettre un petit peu, quand même. Le genre de
budget qu'on consacre à l'industrie touristique, mais qui
n'émarge aucunement dans les budgets du ministère du Tourisme,
chaque fois qu'on construit et agrandit, modernise un musée, on vient
d'améliorer l'offre touristique. Juste à Québec, il y a
deux musées: le Musée du Québec, d'une dizaine de
millions, avec le Musée de la civilisation. Dans les deux, il y en a
pour des dizaines de millions. On vient de faire un agrandissement majeur,
évidemment, au Musée du Québec.
À Montréal, le Biodôme, un succès
international remarquable. Un million de personnes déjà qui ont
visité ça. Absolument extraordinaire! Extraordinaire! Je ne parle
pas des investissements au Jardin botanique, qui ne sont pas du même
ordre de grandeur, et de tout le reste, dans ce coin-là. Le Centre des
congrès de Québec est annoncé, je n'ai pas inventé
ça, un tas d'infrastructures en régions... Le Musée des
beaux-arts, tout récemment, 35 000 000 $, 40 000 000 $; le Musée
McCord... dont 34 000 000 $ de fonds gouvernementaux.
Ecoutez, ce n'est pas rien. Ça, ce n'est pas le ministère
du Tourisme, c'est le ministère des Affaires culturelles. Incidemment,
la plupart des choses que je viens de mentionner... Il m'ap-paraît qu'il
faut mettre les choses en perspective. De la même façon, c'est en
colportant des
faussetés qu'on se nuit. Quand on dit que c'est les plus hautes
taxes sur le tabac au Canada, je vais être brutal, ce n'est pas vrai. Il
y a deux provinces qui sont moins chères que nous autres. Il y en a sept
qui sont plus chères en cents par cigarette. Point à la
ligne.
C'est 0,0880 $ par cigarette. Il y a deux provinces qui sont moins
chères, les sept autres sont plus chères. À l'égard
de la taxe sur l'essence, toutes les régions touristiques, les
régions périphériques, d'une part,
bénéficient d'une remise de 45 % du taux de la taxe. Alors, dire
que c'est la plus haute, c'est exagéré, quand on oublie qu'une
réduction de 45 % dans les régions périphériques,
une réduction de quelque 22 % dans les régions
spécifiques, dont le comté de Labelle, les parties du
comté de Labelle... Alors, ce n'est pas sur une base partisane qu'on a
fait ça. C'est pour assurer un meilleur développement
touristique.
Ce n'est pas au ministère du Tourisme que ça coûte
des dizaines de millions de dollars par mois - par mois! - pour refléter
cette réalité-là de voyageur automobile
nord-américain qui se promène dans nos régions
touristiques. Alors, il y a beaucoup de choses qui se font. Je vous confesse
que je trouve un petit peu regrettable que vous soyez venus ici pour
réclamer des choses alors qu'il y a un problème
d'équilibre budgétaire. Vous nous demandez de nous priver
littéralement de revenus dont, ailleurs, les gouvernements ne se privent
pas.
Les chambres d'hôtel, ça m'apparaît éclatant,
la démonstration que le ministre des Finances a faite. Il a cité
les taux de taxes sur les chambres d'hôtel dans toutes les régions
avec lesquelles nous sommes en concurrence, y compris la Nouvelle-Angleterre.
Partout c'est plus haut qu'ici. Partout c'est plus haut que 4 %. 4 %, c'est le
plus bas. Ce n'est pas mêlant, c'est le plus bas et c'est remboursable
à l'endroit des utilisateurs qui viennent de l'extérieur.
Moi, je persiste à croire qu'il faut regarder quel est le
problème de surcapacité hôtelière au Québec,
parce qu'il y en a un. On ne peut pas se plaindre d'année en
année, en année, que ça va mal, que ça va mal, que
ça va mal et que les taux d'occupation sont trop bas. Il y a une
surcapacité. Il faut regarder la structure de coûts. Vous nvez
dénoncé qu'il ne tient pas simplement à des taxes
foncières ou aux 4 %, qui tient à des coûts de
main-d'oeuvre, des coûts d'administration, des coûts de toute
nature qui font qu'on s'imagine qu'on peut, au Québec, avoir des
chambres d'hôtel qui coûtent la même chose qu'à Boston
ou à New York. Franchement là, c'est un petit peu
exagéré. (18 h 20)
Alors, il faut regarder toutes ces choses-là, prendre acte qu'on
ne peut pas... On peut viser à la perfection et à
l'équilibre, mais c'est extrêmement difficile. Il faut faire
attention, quand on interprète les chiffres, de dire: Le
ministère du Tourisme, tant. Vous nous avez oubliés. On ne vous a
pas oubliés. On nettoie les cours d'eau, on nettoie les lacs, on nettoie
les rivières. On pave les routes. On donne un rabais aux automobilistes
dans les régions touristiques. Ça s'accumule drôlement,
tout ça. J'aurais aimé ça qu'au lieu de nous parler de
1978, de l'abolition de la taxe sur les chambres d'hôtel, là, on
prenne l'image globale. On n'arrivera pas à une solution globale du
problème des finances publiques avec des vues étroites chacun de
nos intérêts, quelle que soit l'importance de l'industrie,
d'ailleurs. Ça, je ne mets pas ça en doute. C'est la raison pour
laquelle on en est, mais pas nécessairement dans les crédits,
là, vis-à-vis de l'appellation au ministère du
Tourisme.
Alors, on aurait aimé des suggestions. Comment arriver à
l'équilibre des finances publiques? Je pense que c'est ça qui est
important. Autrement, on va être obligé de continuer à
taxer les gens. Il n'y a pas d'autre chose à faire. Si on veut maintenir
les services publics, si on veut les garantir, il faut maintenir un
contrôle des dépenses. Si on maintient le contrôle des
dépenses et qu'on peut réduire nos coûts
d'opération, on va pouvoir alléger le fardeau fiscal de tout le
monde, puis là, la roue va retourner à haute vitesse. C'est
ça qu'on essayait de faire.
Alors, il y a des suggestions, là-dedans, là, sur la
productivité dans le secteur public. C'est intéressant, mais il
faut que tout le monde fasse sa «job». Il faut que tout le monde
garde sa propre structure de coûts, cultive les bons marchés et,
évidemment, puisse avoir l'impression, là, que tout le monde,
tout le monde fait sa part. Ça m'apparaît extrêmement
important et... Vous en faites une partie, là. Je ne nie pas ça,
mais ce qu'on dit, c'est que l'effort à faire est très
considérable encore.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le Président
du Conseil du trésor.
Maintenant, la parole est à M. le député de
Labelle. Il vous reste trois minutes, M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Ce que je vois, c'est que les ministres ne comprennent toujours pas Ils
ne comprennent toujours pas. Ils ont une poule, et ils ne sont pas contents
d'attendre qu'elle ponde des oeufs; ils la tuent pour aller chercher le dernier
qu'elle a dans le corps. C'est ça qu'ils sont en train de faire.
Une voix:...
M. Léonard: Oui, c'est ça qu'ils sont en train de
faire. Ce qu'il vient de nous expliquer... pourtant... Je comprends
l'argumentation qu'il développe, mais il y a une chose qu'il faut qu'il
sache, c'est que, dans le secteur touristique, il y
a beaucoup de main-d'oeuvre et que, par exemple, les taxes sur la masse
salariale les frappent particulièrement. En considération de tout
cela, on avait évité de taxer...
Une voix: ...ça, depuis quand? 1979, 1980
peut-être?
M. Léonard: Attendez. Non. La structure de taxation, les
taux sur l'impôt sur le revenu des compagnies a été
baissé au Québec, et il y a eu un échange en termes
fiscaux. Mais, dans l'industrie touristique, il y a beaucoup de main-d'oeuvre
et ceci les affecte. En considération de ce fait, le gouvernement du
temps a toujours maintenu l'exemption de la taxe de vente. C'est tout ça
qui faisait un espèce de «deal» qu'on ne reconnaît
pas, de l'autre côté. Là, tout à coup, on vous taxe
ça à tour de bras et on fait de petites comparaisons sur des
segments de la taxation alors qu'on n'examine pas l'ensemble qui frappe
l'industrie touristique, hôtelière en particulier. C'est
ça, la question.
Je pense qu'au lieu de dire qu'il n'y aura pas de problème, que
tout est rose, que ça va bien, puis tout ce que ça laisse
sous-entendre, finalement, c'est que, 4 %, ce n'est pas assez, ils vont le
monter à 8 %, tout à l'heure, là. C'est ça que
ça veut dire. Quand je vois le sourire du ministre des Finances, c'est
parce qu'il se prépare à faire un mauvais coup et qu'il se
prépare à remonter ses taux de taxes. Je regrette, et
j'espère que je me trompe. J'espère, mais je ne suis pas
sûr, malheureusement.
Alors, M. le Président, non, pas comme d'habitude, j'entends le
président du Conseil du trésor qui dit ça. Si je regardais
les prévisions du ministre des Finances par rapport à ses
réalisations puis ses budgets par rapport à ce qu'il a vraiment
réalisé, vous savez très bien qu'il n'y a jamais eu autant
de décalage dans ses prévisions de déficit et ses
réalisations de déficit. C'est ça, le problème.
Pour revenir à l'industrie touristique, c'en est une qui est
créatrice d'emplois, particulièrement, puis à laquelle la
taxe de vente, la TVQ, fait particulièrement mal, compte tenu des autres
composantes de la fiscalité québécoise.
Le Président (M. Lemieux): Non, il ne reste plus de...
Une voix: II ne reste plus de temps? Une minute?
Le Président (M. Lemieux): Ah non. Il ne reste plus de
temps. Il ne reste plus de temps, malheureusement.
Une voix: ...temps.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions
pour cette participation à cette commission parlementaire et nous
ajournons nos travaux à demain matin... Non?
Une voix:...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Nous suspendons
nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir; 20 heures ce soir, je
m'excuse.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Lemieux): Nous allons commencer dans 15
secondes. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission du budget et de l'administration va reprendre ses travaux
relativement au dossier sur les finances publiques. Nous allons entendre
l'Ordre des comptables agréés du Québec.
Bienvenue à cette commission parlementaire. Permettez-moi, dans
un premier temps, de vous faire part de la procédure. Vous disposez
d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire. Suivra un échange d'une durée de 40 minutes entre
les deux groupes parlementaires: 20 minutes pour le parti ministériel et
20 minutes pour le parti de l'Opposition officielle.
La personne qui a, ce soir, à nous livrer l'exposé de son
mémoire aurait-elle la gentillesse de bien vouloir nous présenter
les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît, et, après cette
présentation, de débuter l'exposé de son
mémoire?
Ordre des comptables agréés du
Québec
M. Bélanger (Michel): Merci, M. le Président.
D'abord, je me présente. Mon nom est Michel Bélanger. Je
suis président de l'Ordre des comptables agréés du
Québec et je suis accompagné ce soir de M. Alain Paris, qui est
exprésident de l'Ordre des comptables agréés du
Québec, l'an dernier, et associé du cabinet Poissant
Thibault-Peat Marwick Thorne. Et à ma droite, je voudrais vous
présenter M. Richard Jacques, qui est directeur général de
l'Ordre des comptables agréés du Québec. Pour ma part,
j'exerce les fonctions de trésorier de la Communauté urbaine de
Montréal.
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts
à écouter avec intérêt l'exposé de votre
mémoire.
M. Bélanger (Michel): Merci, M. le Président.
Alors, j'aimerais tout d'abord remercier les membres de cette commission
d'avoir accepté de rencontrer les représentants de l'Ordre
à l'occasion de cette audience de la commission du
budget et de l'administration.
Ce n'est pas d'hier que les comptables agréés
s'intéressent aux questions reliées au financement des services
publics. L'exercice de notre profession nous amène, en effet, à
constater sur le terrain l'impact et les conséquences des budgets
gouvernementaux et des politiques fiscales qui en résultent. Cet impact,
je ne vous l'apprends pas, se fait durement sentir sur les affaires et, donc,
sur l'emploi et sur le niveau de vie des citoyens. L'impasse dans laquelle nous
nous trouvons en matière de finances publiques contribue à un
climat d'insécurité et de morosité extrêmement
malsain sur le plan tant social qu'économique. Mais, ce qui est
particulièrement inquiétant, c'est le fait qu'une majorité
de citoyens ne comprend pas ce qui se passe, parce qu'ils ne disposent pas de
l'information nécessaire pour faire le lien entre les comportements
individuels et la situation financière difficile dans laquelle se
retrouve leur gouvernement.
Aujourd'hui, nous sommes venus vous parler en comptables,
c'est-à-dire, bien sûr, en tant que professionnels proches des
préoccupations quotidiennes des gens d'affaires dans la gestion de leur
entreprise, des gestionnaires de l'État, ainsi que de celles des
particuliers dans l'administration de leurs affaires personnelles. Nous nous
présentons ici à la fois comme des experts de la gestion
financière et de la fiscalité, et comme des témoins de ce
qui se passe et de ce qui se vit dans les entreprises québécoises
et dans les organismes publics, de façon quotidienne.
Le mémoire que nous avons déposé auprès de
cette commission s'inscrit directement dans la continuité de nos
positions des dernières années en matière de finances
publiques, notamment notre témoignage devant la commission
Bélanger-Campeau et nos interventions régulières
auprès du ministre des Finances. En mai dernier nous avions ainsi
fortement recommandé au ministre de tenir un débat public en
profondeur sur la fiscalité afin de discuter des diverses formes de
revenus du gouvernement, des charges fiscales supportées par les
différentes catégories de contribuables, de même que de
l'équité et de la progressivité de nos taxes. Nous nous
réjouissons donc de la tenue de la présente audience publique,
tout en regrettant cependant que les groupes intéressés à
participer au débat n'aient pas eu plus de temps pour préparer
leurs interventions. Malgré ces délais très courts pour
préparer et présenter l'information dont nous disposons, nous
avons jugé important de participer à cette réflexion. (20
h 10)
Pour ce faire, nous avons fait appel aux connaissances et à
l'expérience de nos membres dans ce qu'elles ont de plus
spécifiques, et nous avons tenté de dégager une vision qui
reflète la perspective particulière que nos fonctions de
comptables agréés nous donnent. Nous énonçons ainsi
dans notre mémoire 23 recommandations sur des matières pour
lesquelles nous estimons important que le gouvernement agisse. Ces
recommandations sont réparties en deux domaines d'intervention. D'une
part, la gestion des fonds publics et, d'autre part, la fiscalité.
Du côté de la gestion des fonds publics, nous sommes
très préoccupés par la croissance du déficit des
budgets gouvernementaux et par le niveau élevé de la dette
publique. Pour sortir de ce cercle vicieux, nous recommandons au gouvernement
de s'engager de toute urgence dans un plan de redressement rigoureux des
finances publiques dont le principe de base devrait viser l'équilibre
budgétaire des opérations courantes à l'intérieur
d'un même cycle économique en limitant la création de
nouveaux déficits et en s'obligeant à les récupérer
rapidement. Le gouvernement évitera ainsi d'accroître la dette
accumulée. Compte tenu du niveau alarmant de cette dette, nous allons
encore plus loin et nous suggérons au gouvernement de prendre les
dispositions pour rembourser, au cours du prochain cycle économique, la
partie de la dette publique attribuable aux déficits d'exploitation des
dernières années. Ces déficits non résorbés
représentent, à l'heure actuelle, environ 40 % de la dette. Les
rembourser constitue ainsi un défi de taille dont nous sommes
conscients.
Cette démarche ne pourra donner les résultats attendus
qu'à deux conditions: la première, s'assurer de disposer d'une
image complète et précise de la situation; la deuxième,
obtenir l'appui de la population en sensibilisant les citoyens à
l'importance des enjeux budgétaires et au rôle qu'ils peuvent
jouer sur ce plan. Dans cette perspective, l'Ordre des comptables
agréés du Québec insiste une fois de plus auprès du
gouvernement pour qu'il ajuste ses pratiques comptables dans le sens
proposé par le comité sur la comptabilité et la
vérification des organismes du secteur public de l'Institut canadien des
comptables agréés et qu'il adopte les principes de
comptabilité généralement reconnus et
élaborés par cet Institut.
Une fois en possession d'un portrait clair de la situation, y inclus
celui des sociétés d'État, nous lui recommandons de
s'engager dans un processus rigoureux d'analyse de ses activités, en
requestionner le rôle et la rentabilité. Lorsque des
activités ne sont pas essentielles à l'intérêt
public, on devrait tendre à les céder au secteur privé.
Quant aux sociétés d'État, des objectifs de
rentabilité devraient leur être fixés clairement.
Nous suggérons également au gouvernement d'identifier
distinctement ses dépenses de fonctionnement de ses dépenses
d'immobilisations, au sein de deux budgets distincts: un budget de
fonctionnement à portée triennale et un budget d'immobilisations
à vision quinquennale, permettant de contrôler et de limiter leur
progression en fonction de certains indicateurs socio-économiques. Ces
mesures seules ne pourraient cepen-
dant suffire pour assainir les finances publiques. Éliminer les
déficits de fonctionnement et réduire la dette publique exigent
plus. Le gouvernement doit réussir à obtenir l'appui de la
population, sans quoi ses efforts risquent d'être compromis.
C'est en effet au niveau de la consommation des services et des
programmes publics, autant, sinon plus, qu'à celui de leur planification
et de leur administration que la partie se joue. Pour obtenir l'appui de la
population, il est primordial que le gouvernement sensibilise les citoyens au
coût et à la valeur des services publics qu'ils consomment. Cette
sensibilisation devrait s'étendre à ceux qui sont appelés
à dispenser ces services. Nous suggérons sur ce plan
d'établir des mécanismes pour que chaque usager soit
informé du coût des services qu'il utilise, voire même qu'il
en paie directement une partie ou même parfois la totalité. Nous
recommandons également que cette sensibilisation soit assortie de
contrôles beaucoup plus rigoureux pour prévenir tout usage abusif
ou frauduleux dans le recours aux services publics et, dans certains cas,
d'avoir recours au contingentement. L'Ordre offre au gouvernement sa
collaboration pour participer à l'élaboration des contrôles
en cette matière, en souhaitant qu'ils soient à la fois simples,
efficaces et équitables.
En contrepartie de ces efforts requis de la population, le gouvernement
doit être prêt à rendre compte et à diffuser dans le
public une information continue sur tout ce qui entoure ces activités et
leur impact financier. Pour ce, le gouvernement doit rendre accessible aux
citoyens cette information, pourvu qu'elle soit claire et bien
vulgarisée. J'insiste ici sur l'importance que cette information soit
traitée de façon à faciliter le lien entre le coût
des services et l'imposition des divers droits, taxes ou impôts. Les
données véhiculées devraient être ramenées au
niveau de préoccupations quotidiennes à l'aide d'exemples et
d'indicateurs basés sur la consommation des services et la contribution
fiscale par personne ou par famille.
Combien de contribuables connaissent le coût d'une année
scolaire de leur enfant au cégep, ou encore le coût des services
médicaux qu'ils ont consommés eux-mêmes au cours de la
dernière année? Certains s'étonneront peut-être de
voir les comptables agréés insister autant sur la
nécessité d'obtenir une adhésion de la population au
redressement des finances publiques. Par-delà des contraintes
très particulières que crée la gestion des fonds publics
dans un régime démocratique, notre pratique nous a appris que les
plans de redressement les plus efficaces sont ceux où les dirigeants
savent associer aux objectifs poursuivis les employés, les fournisseurs
et souvent les clients de l'entreprise. Nous sommes convaincus que les choses
ne doivent pas se passer autrement quand il s'agit des fonds publics.
Notre mémoire propose également d'autres interventions en
vue d'assainir les finances publiques, notamment l'optimisation de la
coordination de l'appareil gouvernemental et une révision de certains
modes de gestion de la fonction publique en vue d'en améliorer la
productivité et l'efficacité.
L'assainissement des finances publiques n'est pas tributaire que de la
capacité du gouvernement à bien gérer les fonds publics en
évitant les déficits et en améliorant l'efficacité
des dépenses. Il est aussi étroitement lié à
l'environnement fiscal. Nous aurions aimé mener une réflexion
plus poussée sur cette question. L'échéancier très
serré de cette commission nous a malheureusement limités sur ce
plan. Nous nous contenterons donc d'énoncer ici des recommandations
touchant des aspects très spécifiques de la fiscalité,
quitte à revenir sur la question lors d'un débat ultérieur
que nous souhaitons fortement.
En matière de fiscalité, nous sommes d'opinion que le
fardeau fiscal des contribuables a atteint un seuil qui ne doit pas être
dépassé. Plutôt que de chercher à identifier de
nouvelles sources de recettes, nous suggérons de mettre l'accent sur
l'efficacité des mesures fiscales. Dans cette optique, nous sommes
préoccupés par le frein que pose à l'efficacité de
la fiscalité québécoise la complexité des lois,
leur manque d'harmonisation avec celles du gouvernement fédéral,
la lourdeur de leur administration et, parfois, la propension à
l'évasion fiscale de la part des contribuables et des corporations. (20
h 20)
Nous nous sommes également penchés sur les incitatifs
fiscaux en tant que levier économique. Une conclusion s'impose sur ce
plan. Le gouvernement doit simplifier ses lois fiscales. D'une part, pour en
faciliter l'application et réduire les coûts de la machine
administrative, et, d'autre part, pour contrer l'encouragement à
l'évasion fiscale due à la trop grande complexité des
lois. Des lois plus simples auront, par ailleurs, l'avantage d'aider les
contribuables à mieux comprendre les enjeux en cause.
La complexité des lois québécoises n'est pas seule
en cause. Leur manque d'harmonisation avec les lois fédérales
contribue également à rendre l'application de la fiscalité
difficile. Les comptables agréés sont particulièrement
bien placés pour témoigner des difficultés
d'interprétation dues à ce manque d'harmonisation et des
contestations qui s'ensuivent. Résultat: un système fiscal lourd
et coûteux, tant pour les contribuables que pour le gouvernement.
L'Ordre des comptables agréés incite donc le gouvernement
québécois à se concerter avec le gouvernement
fédéral en vue d'harmoniser leurs règles fiscales lorsque
les mêmes objectifs sont poursuivis. Nous insistons tout
particulièrement pour que les écarts entre la taxe de vente du
Québec et la taxe fédérale sur les produits et services
soient réduits sans toutefois alourdir le
fardeau fiscal actuel des contribuables.
Nous suggérons par ailleurs au gouvernement
québécois d'étudier avec le gouvernement
fédéral la possibilité d'utiliser un formulaire
intégré pour les déclarations de revenus et d'analyser la
pertinence d'utiliser une déclaration familiale unique. Pour ce qui est
de l'élaboration et de l'annonce de nouvelles mesures fiscales, nous
considérons que le secret qui entoure traditionnellement la
préparation des énoncés budgétaires constitue une
pratique dépassée, qui devrait être remise en cause.
Il nous apparaît, en effet, que les désavantages
qu'entraîne cette façon de faire sont nettement plus importants
que les bénéfices indûs que pourraient chercher à
tirer certains individus ou autres contribuables. Ce secret rend par exemple
impossible les consultations auprès de la population et il entrave la
préparation de la mise en oeuvre de nouvelles mesures. Ce sont là
des freins majeurs à l'efficacité fiscale. Selon nous, il y
aurait plutôt lieu de mettre en place un mécanisme permanent de
consultation et d'évaluation des programmes publics et des mesures
fiscales qui favoriseraient !a transparence du système et Sa
participation des citoyens à l'élaboration de ces mesures.
Un des pius importants défis que devra reiever le gouvernement
pour améliorer l'efficacité de la fiscalité demeure
toutefois, ici comme dans le cas du contrôle des dépenses
publiques, l'adhésion de la population aux objectifs poursuivis.
À l'heure actuelle, Sa complexité et la multiplicité des
taxes à la consommation, des taxes sur le salaire, des impôts et
des redevances de toutes sortes exaspèrent et démotivent les
contribuables. Encore une fois, nous sommes bien placés pour le savoir.
On constate ainsi que, de pîus en pius, des citoyens démissionnent
carrément de leur responsabilité en tant que contribuables. Le
travail au noir, Sa fraude fiscale, le recours abusif au régime de
sécurité du revenu et la contrebande sont ainsi de plus en pius
courants. Tout cela réduit considérablement l'efficacité
du régime fiscal québécois et notre
compétitivité collective. n'auront pas accès à une
information claire sur le coût des services publics et sur les sources de
revenus qui permettent de les assurer et qu'ils ne feront pas un lien direct
entre les services dont ils bénéficient et les taxes et
impôts qu'ils paient, la tendance à la déresponsabilisation
fiscale se poursuivra. En plus d'informer les citoyens, le gouvernement doit,
parallèlement, mettre en place des mesures dissuasives
appropriées pour contrer l'évasion fiscale sous toutes ses
formes. Dans cette optique, il devrait procéder à des
études coûts-bénifices pour comparer les bénifices
réels de certaines taxes et, s'il ne peut le faire appliquer de
façon rentable, envisager de les atténuer. Il contribuerait ainsi
à freiner le développement d'une économie parallèle
qui menace les fondements mêmes du financement des dépenses
publiques.
L'assainissement des finances publiques québécoises
constitue un objectif ambitueux. Pour l'atteindre, il faut plus que des
encadrements rigoureux et un plan de redressement. Il faut, nous ne le dirons
jamais assez, obtenir l'adhésion de la population
québécoise et de ceux qui dispensent les services publics. Seuls
un leadership énergique de ia part du gouvernement et un engagement
ferme à les appliquer, les solutions qui s'imposent, permettront
d'atteindre cet objectif.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci
Maintenant, je vais céder la parole à M. le
Président du Conseil du trésor M. le Président du Conseil
du trésor.
M. Johnson: Je vous remercie, M. ie Président. en
souhaitant la bienvenue à nos invités. el je me dis toujours,
lorsque je vois des comptables qui jouent dans nos états financiers,
qu'avec le souci de vérité qui vous anime, si vous n'existiez
pas, il faudrait vous inventer. et, dans ce sens-là, vous contribuez
d'une façon très, très spéciale à diffuser
l'information. vous arrivez, je dirais, avec une rigueur professionnelle -
c'est de ça dont vous vous targuez, avec raison - pour venir expliquer
certaines choses avec toute la crédibilité que vous avez. alors,
moi, j'ai toujours considéré que vous étiez comme des
chiens de garde de la vérité des chiffres.
Je suis donc heureux de voir que vous avez des commentaires qui viennent
très, très pratiquement suggérer des pistes. Lorsqu'il
s'agit de représenter le pius fidèlement possible ia situation,
on est toujours ouvert à des suggestions additionnelles, mais je
voudrais dire, là - ce n'est pas pour être défensif - qu'on
suit de très près. On est, évidemment, membres du
comité de l'Institut canadien des comptables agréés en
matière de comptabilité publique et c'est assez monde
d'impliqué dans tout ça. Ce sont des notions extrêmement
difficiles, par exemple, la notion d'états financiers consolidés
gouvernementaux, avec les animaux aussi divers; la faune qu'il y a dans le
secteur public s'harmonise difficilement, là, les éléments
les uns avec les autres.
Au-delà de ça, je vais tout de suite vous demander
quelques commentaires additionnels sur des suggestions que vous avez faites.
Notamment, je vous indique tout de suite qu'il s'agit des recommandations 5 et
11 qui tournent autour de la sensibilisation que les gens doivent avoir de la
valeur des services publics qu'ils consomment. Vous suggérez qu'on
puisse informer les gens de la valeur des services qu'ils ont reçus.
Vous
suggérez qu'on leur signale, d'une façon ou d'une autre,
au moment même ou plus tard, par rapport au moment de la consommation,
combien ça a coûté, tout ça. Vous n'excluez pas,
loin de là, que les gens paient tout ou une partie des services publics
qu'ils consomment.
Le fait de dire ça m'amène à vous demander si, dans
votre esprit, il y a des critères qui président au choix des
services publics à l'égard desquels on exempterait les gens de
toute contribution autre que les impôts généraux, auxquels
on demanderait une partie, donc, du cofinancement ou aux occasions où on
demanderait que les gens paient le plein prix. Est-ce qu'il y a, dans votre
esprit, des critères qui doivent présider à ces
choix-là et est-ce qu'il y a, donc, des priorités qu'on peut
établir lorsqu'on regarde le genre de «ticket»
modérateur ou de frais ou de tarif quelconque auquel on pourrait songer?
C'est ma première question. (20 h 30)
La deuxième a trait à l'évaluation des programmes,
absolument nécessaire, évidemment. Le défi, c'est de faire
ça rigoureusement, sur des bases régulières; c'est
entendu. Dans le secteur public, il y a encore des projets réels, il y a
des expériences d'évaluation de programmes. La question est: si
on veut être parfaitement comparable, il faut vraiment choisir si
ça va se faire par un organisme central ou si ça va être
délégué, avec suivi d'un organisme central, aux
ministères et organismes. Et ça, c'est parce que ça pose
la question de la responsabilisation, en même temps, des
différents organismes. Comme dans n'importe quelle organisation humaine
on a avantage - c'est ça qu'on cherche à faire - à
responsabiliser, donc valoriser davantage les différents niveaux
hiérarchiques, tous nos employés qui sont en première
ligne des services, leurs gestionnaires, etc. Alors, il y a un choix, je
dirais, organisationnel à faire - et je sais que vous n'êtes pas
insensibles à ces choses-là - un choix de décentralisation
ou de centralisation, sachant qu'il y a des avantages réels, pour fins
d'uniformité, à ce que ce soit le central, entre guillemets, qui
fasse ça, mais qu'il y a un avantage réel, au point de vue,
peut-être, productivité, que ce soit
décentralisé.
Alors, j'étais curieux de savoir, compte tenu, évidemment,
de vos activités professionnelles et de celles de vos membres dans tous
ces genres d'exercices-là, si vous avez des suggestions concrètes
à nous faire, d'abord sur les critères et les priorités
dans les services qu'on devrait peut-être tarifer et,
deuxièmement, dans l'approche d'évaluation de programmes qu'on
devrait peut-être emprunter.
M. Bélanger (Michel): D'accord. Sur la question des
services qu'on devrait tarifer, je dois vous dire qu'on n'a pas fait un
inventaire exhaustif. On s'est attardé surtout à la question de
principe et non pas à identifier, pour notre part, et à faire une
liste des services au gouvernement. Mais je pense qu'on peut imaginer, par
exemple, que - et on n'est pas les seuls à avoir dit ça - dans le
secteur de la santé, ce n'est pas impensable que les gens puissent payer
certains services ou avoir une certaine franchise.
Quand on pense à l'assurance-maladie, on pense à
assurance. Alors, si on parle d'assurance, généralement, on se
couvre pour les sinistres qui peuvent déstabiliser notre patrimoine. On
ne se couvre pas pour, disons, le cas où on se ferait voler notre sac de
golf, parce que ça ne déstabiliserait pas le patrimoine. Alors,
quand on regarde ça du côté de la santé, je pense
qu'il y a aussi, dans ce domaine-là, des sinistres qui sont
peut-être moins importants et pour lesquels les contribuables pourraient
assurer eux-mêmes les pertes, étant entendu que les sinistres
majeurs qui peuvent être de très grandes maladies,
évidemment, puissent être couverts complètement par le
régime gouvernemental.
Alors, on n'ose pas, ici, vous dire ticket modérateur; on
pourrait dire franchise... Je ne sais pas. Il y a un certain montant de frais,
annuellement, qu'un contribuable pourrait être appelé à
payer directement. Mais ce sont des pistes, si vous voulez.
M. Johnson: Si vous me permettez. Vous parliez de
mécanismes compensatoires aussi, dans votre recommandation. À
quoi songiez-vous?
M. Richard (Jacques): À ce moment-là, lorsqu'on
parle de mécanismes compensatoires, c'est toujours possible que, pour
l'ensemble de la population, certains services puissent être
facturés ou chargés ou que les gens aient à contribuer
à ces services-là. Mais il y a d'autres façons de donner,
en contrepartie, à des gens défavorisés ou démunis,
un remboursement de ces frais-là, ce qui pourrait être fait lors
de la déclaration d'impôt annuelle ou par d'autres
mécanismes, sous forme de crédits spéciaux lors de la
déclaration d'impôt. Alors, c'est un peu ce qu'on avait à
l'esprit sur cet aspect-là.
M. Bélanger (Michel): Si vous me permettez d'ajouter sur
la question des critères, ce que nous avions en tête aussi... On
sait que, par exemple, au niveau de l'éducation, le gouvernement assume
pratiquement la gratuité des services de l'éducation. Maintenant,
on sait qu'il y a des étudiants qui prennent un temps
considérable pour réaliser leur programme d'études, et il
y en a d'autres qui, de leur choix, décident, je ne sais pas, de faire
deux baccalauréats, trois baccalauréats. Je pense qu'il y a une
question à se poser: Est-ce que l'État doit financer gratuitement
ces choix-là, qui sont faits par les étudiants? Alors, ce sont
des pistes, je pense, sur lesquelles nous nous sommes arrêtés. On
n'arrive pas avec des suggestions précises, mais je pense que, dans ces
domaines-là, sans faire
appel à trop d'imagination, ce n'est pas très difficile
d'identifier des façons de mettre à contribution le contribuable
et de lui faire savoir que, évidemment, les services que l'État
lui rend, il y a quelqu'un qui doit les payer.
Vous avez parlé de la question des programmes, de
l'évaluation du coût des programmes. On a parlé beaucoup,
dans notre mémoire, vous le savez, d'imputabilité. Et quand on
parle d'im-putabilité, on veut dire rendre compte. Alors, on pense que,
pour nous, c'est au gestionnaire de rendre compte de sa gestion, mais de la
même façon que... Quand on pense à des états
financiers d'entreprises, les sociétés publient leurs
états financiers, mais, du côté des investisseurs, du
côté des actionnaires, on veut bien s'assurer que ces états
financiers là représentent fidèlement la situation
financière et on fait appel à un tiers, qui est un
vérificateur externe, qui vient attester, après avoir fait une
certaine vérification, qui vient attester, relativement parlant, de la
fidélité - peut-être pas de l'exactitude, mais de la
fidélité - de la situation financière.
Alors, quand on pense aux programmes, je pense qu'il appartiendrait aux
fonctionnaires, à ceux qui dirigent certaines sociétés ou
encore aux chefs de département dans ces
sociétés-là de faire rapport sur leur gestion. Et,
à cet égard, nous, on dit qu'on pourrait s'inspirer un peu du
modèle qu'on a à l'entreprise privée où un tiers
qui pourrait être soit quelqu'un de la profession, soit quelqu'un du
bureau du Vérificateur général, ou enfin un tiers
crédible, pourrait attester de la fidélité des
informations fournies.
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? M. le
député de Labelle, oui.
M. Léonard: Oui, merci, M. le Président.
Alors, je veux souhaiter la bienvenue à l'Ordre des comptables
agréés et à son président en particulier, et je
veux faire quelques remarques comme entrée en matière.
Les actionnaires du gouvernement, ce sont les citoyens, tous les
citoyens du Québec, et le conseil d'administration, c'est
l'Assemblée nationale, en quelque sorte, parce que, quand on examine la
structure de l'administration publique, c'est ça que cela donne.
Comment, dans une entreprise, accepterait-on que la direction informe à
la dernière minute le conseil d'administration de l'état de
santé de l'entreprise - comme il a été fait
récemment - et la population par la même occasion? Et comment
l'assemblée des actionnaires et aussi le conseil d'administration
réagiraient-ils en apprenant que les états financiers ne peuvent
pas être comparés d'une année à l'autre, qu'on a des
bris de respect de règles comptables qui font qu'on ne peut pas suivre
l'information, qu'on ne peut pas l'appliquer?
Je pense que le Vérificateur général en a fait
état à certaines occasions, de cela. Vous avez sûrement lu
les états financiers du gouvernement. Vous êtes comptables; est-ce
que vous trouvez facile, vous, d'évaluer la situation financière
du gouvernement à la lecture des états? Est-ce que vous trouvez
qu'elle arrive à temps? Ça aussi, c'est une bonne question
lorsqu'on sait que les états financiers sont distribués quelque 8
à 9 mois après la fin de l'année financière,
lorsqu'on sait que la synthèse des opérations financières,
qui est les états vraiment trimestriels, nous parvient seulement 2 mois
après que la période soit terminée. Il y a eu une
exception où, vraiment, on a appris comme à travers les branches
que, maintenant, il dispose de l'information le 15 du mois suivant, à
peu près - puisque les informations étaient contenues au document
publié le 19 janvier dernier - mais qu'on ne les publie pas. Alors, je
pense qu'il y a là un problème majeur. Lorsqu'on appelle les
citoyens à la transparence, il faudrait d'abord que le gouvernement la
pratique lui-même. Je pense que, ça, c'est un point important. (20
h 40)
Deuxièmement, comme on en est au niveau des principes, je vais
aller tout de suite à ma deuxième question. J'ai bien lu votre
recommandation 23. Je trouve qu'elle est particulièrement pertinente
dans la mesure où on veut échappor au cercle vicieux descendant
du déséquilibre des finances publiques et de la récession
par-dessus récession. Parce que, au fond, elle nous amène
à poser la question de la fiscalité dans une perspective
dynamique où, lorsqu'on impose une taxe, c'est pour relancer
l'économie en avant, pour permettre au reste, aussi, de mieux
s'équiper. Et puis, autre chose comparativement à cela - et
ça recoupe aussi ma première question - comment peut-on parler de
transparence alors qu'en ce qui concerne les dépenses fiscales comme les
crédits d'impôt nous n'avons pratiquement aucune, aucune
information?
Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons.
M. Bélanger (Michel): Je peux faire certains commentaires.
Je pense que, sur la question d'avoir rapidement l'information
financière, effectivement, tout le monde est conscient de ça:
dans toutes les entreprises, on cherche à avoir l'information
financière le plus rapidement possible et, évidemment, avec les
moyens modernes dont nous disposons maintenant - les ordinateurs - de plus en
plus cette information nous est accessible rapidement. Je ne voudrais pas
discuter de la rapidité avec laquelle les informations
financières sont disponibles au gouvernement puisque, pour ma part, je
n'en ai pas fait l'analyse.
Ce sur quoi, par contre, nous insistons dans le mémoire - quand
on parle d'information
financière que nous devons relayer au citoyen - le point que nous
avons fait, c'est d'avoir une information qui soit vulgarisée, qui soit
compréhensible par le citoyen. On sait que, les états financiers,
c'est quelque chose de complexe. C'est quelque chose qui n'est pas, par
définition, à la portée de tout le monde puisque c'est un
document technique qui obéit à des règles et à des
conventions bien particulières. Et on est conscient qu'il faut que ce
soit comme ça pour bien connaître le portrait dans le
détail, pour que les spécialistes de la chose publique puissent,
évidemment, administrer convenable ment. Mais le point ou nous
insistons, c'est: cette information hautement technique, il faut travailler
à la vulgariser et à la rendre compréhensible aux
citoyens. C'est surtout sur cet aspect-là, mais du côté des
dirigeants. Je pense que tout le monde est pour la vertu et, dans toutes les
entreprises, je pense qu'on souhaite toujours avoir l'information le plus
rapidement possible. Maintenant, la machine gouvernementale étant ce
qu'elle est, évidemment, on peut comprendre...
M. Léonard: Mais, sur ce plan, vous admettez que la
comparabilité est une base...
M. Bélanger (Michel): C'est exact.
M. Léonard: ...dans la compréhension des
états financiers.
M. Bélanger (Michel): Oui. Et vous savez que, même
dans le secteur...
M. Léonard: Parce que c'est un message que je voudrais que
vous fassiez aussi au ministre des Finances.:.
M. Bélanger (Michel): Oui.
M. Léonard: ...parce qu'il a beaucoup de
difficultés avec ça.
M. Bélanger (Michel): Mais, vous savez, M. Léonard,
que même dans le secteur privé on a des problèmes de
comparabilité.
M. Léonard: Oui, je le sais aussi, mais ça n'excuse
pas le gouvernement, qui doit donner l'exemple.
M. Bélanger (Michel): Quant à la recommandation 23,
je demanderais peut-être à mon collègue, M. Paris, de la
commenter.
M. Paris (Alain): La recommandation 23, M. Léonard, vient
à la suite, évidemment, de notre recommandation 22. À 23,
on dit qu'on doit faire des études de
coûts-bénéfices pour savoir si ça vaut la peine de
se payer certains services en particulier. Et ceci vient comme conclusion
à l'analyse qu'on avait à la résolution 22, où on
voulait que le gouvernement se fasse un devoir de mener des campagnes de
publicité et d'information auprès des bénéficiaires
des services pour qu'ils soient bien informés des coûts des
services qui leur sont fournis pour que les bénéficiaires
puissent apprécier à leur juste valeur les services qui leur sont
rendus et qu'on puisse décider périodiquement si certains
services ne sont plus nécessaires, étant donné que les
coûts sont trop élevés.
Donc, pour nous, c'est fondamental. Nous sommes convaincus qu'une foule
de concitoyens ne sont pas au courant des coûts qu'un doit encourir pour
les services qu'on leur rend et que, s'ils étaient bien informés,
fort probablement qu'ils pourraient accepter que certains services ne leur
soient plus rendus de la même façon ou d'en payer une partie. Et,
à ce moment-là, on croit que certains services - comme à
la clause 23 - devraient disparaître.
Il ne faut pas oublier que certains des services qui ont
été mis sur place il y a plusieurs années
répondaient à un besoin très spécifique, à
une condition très spécifique. Ceci fait également suite
à d'autres considérations que vous retrouvez dans notre
mémoire, où c'est essentiel pour nous que la remise en question
des programmes soit faite périodiquement, avec beaucoup de rigueur et,
au besoin, d'avoir des clauses crépusculaires pour qu'ils soient
éliminés, ces programmes-là, s'ils ne repondent plus
à des besoins. Pour nous, ça, c'est fondamental. Dans
l'entreprise, on passe notre temps à faire de la
réévaluation des programmes en place, de l'élimination au
besoin, et de la restructuration au besoin. Et ceci doit également
être fait dans l'appareil gouvernemental.
M. Léonard: Écoutez, je fais quand même une
remarque sur la recommandation 23: il s'agit bien des
coûts-bénéfices des taxes imposées. Là, vous
parlez des programmes. J'en suis, pour les programmes; c'est un autre volet de
l'analyse. Mais les taxes elles-mêmes... Parce que, quand le gouvernement
augmente les taxes comme il le fait sur le tabac, il se tire dans le pied
aussi.
M. Paris: On est convaincu. On partage ça
entièrement. Évidemment, ça fait également partie
de notre conclusion sur l'évasion fiscale. Au moment où les taxes
sont trop élevées, ce qui se produit pour le tabac, on a des
études qui ont été publiées dernièrement
indiquant que, compte tenu de l'ampleur des taxes sur le tabac, on avait
amené les gens à l'évasion fiscale. Et une fois qu'on est
dans l'évasion fiscale, évidemment, on est dans un cercle vicieux
et on continue continuellement. Donc, je suis d'accord avec vous.
Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va. Simplement
une question que j'aurais à vous
poser, non pas comme comptable mais peut-être comme citoyen: Vous
savez que l'objectif de cet exercice sur les finances publiques, c'est
d'essayer d'en arriver sans doute à trouver des solutions pour un
meilleur contrôle des coûts. Notre objectif, c'est aussi une
meilleure gestion, d'améliorer la gestion administrative et, pour ce
faire, subsidiairement, d'en arriver à conserver les acquis que nous
avons actuellement. Je ne vous dis pas de conserver nécessairement tous
les acquis, mais peut-être une partie des acquis que nous avons
actuellement pour essayer d'en arriver à développer une marge de
manoeuvre suffisante, monétairement, peut-être pour investir dans
la formation, la création d'emplois, ce qui me semble aussi important.
Entre ce choix-là que nous avons à faire et la conservation
intégrale de l'universalité des programmes que nous avons
actuellement... Vous savez, si vous aviez ce choix-là à faire,
vous, comme citoyen, quel choix feriez-vous?
M. Bélanger (Michel): Entre l'universalité
et...
Le Président (M. Lemieux): ...et d'avoir à faire en
sorte que nous en arrivions à un meilleur contrôle de gestion pour
investir davantage dans la formation, en arriver à s'efforcer de
créer davantage d'emplois, quel choix feriez-vous si nous en arrivons
à une solution qui, effectivement, viendrait restreindre en partie
certains programmes de nature universelle?
M. Bélanger (Michel): Sans mettre en péril
l'universalité de ces programmes?
Le Président (m. lemieux): sans mettre
nécessairement en péril l'univer... l'universalité de ces
programmes - j'ai de la difficulté, ce soir, avec cette
expression-là.
M. Bélanger (Michel): Effectivement, je pense qu'on
a...
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, c'est ça, le
choix de société qu'on a à faire. Il me semble clair,
parce que chaque groupe qui est venu ici ce soir... En tout cas, pas
nécessairement ce soir, mais il est assez rare qu'on ait
développé, je dirais, davantage un sens d'État, un sens de
collectivité générale. On nous demande de l'argent, de
l'argent, de l'argent. À mon époque, on disait que l'argent ne
poussait pas dans les arbres. Aujourd'hui, ma petite fille dit qu'il sort des
murs parce que, quand je vais à la caisse Desjardins, elle en voit
sortir par les guichets automatiques, de l'argent. Mais, ces choses-là
ont changé. Et, évidemment, l'État est pris avec des
besoins financiers nets importants actuellement, et on aura effectivement des
choix à faire.
Moi, je vous demande ça simplement comme citoyen: Si vous aviez
ce choix entre nécessairement conserver des acquis qui nous conduisent
là où vous savez, comme comptable, et avoir à restreindre
ces choix pour vous orienter, pour prendre d'autres directions, telles - comme
je l'ai mentionné - la formation de la main-d'oeuvre, la création
d'emplois et d'autres programmes de cette même nature, quel choix
feriez-vous, comme citoyen?
M. Paris: II faut arriver à un équilibre... Le
Président (M. Lemieux): Oui, oui.
M. Paris: ...dans un premier temps. Et, personnellement, je pense
qu'il faut en arriver à un...
Le Président (M. Lemieux): Parce que c'est vous qui
êtes les payeurs de taxes.
M. Paris: ...contrat social où on va arriver à un
compromis, où on va pouvoir continuer à créer de l'emploi.
C'est fondamental. (20 h 50)
Au Québec, on a au-delà de 200 000 petites entreprises; ce
sont ces entreprises-là qui créent de l'emploi. Donc, il faut
arriver avec un système fiscal qui va leur permettre de continuer
à créer de l'emploi et, à ce moment-là, si ceci
implique que le gouvernement doive diminuer certaines contributions à
l'universalité, on devrait accepter cette position-là. En sachant
qu'il y a des sacrifices à faire, il va falloir arriver à des
compromis et à respecter cette attitude-là en sachant que tous
vont avoir à payer en partie.
Évidemment, quand on regarde le document qui nous a
été soumis tout dernièrement sur «Vivre selon ses
moyens», il est évident que les trois sphères
d'activité où il va falloir couper éventuellement, c'est
dans l'éducation, dans la santé et dans l'emploi. C'est là
qu'on consacre à peu près les trois quarts du budget. Donc, c'est
certain que c'est dans ces programmes-là qu'il va falloir regarder.
Donc, à mon point de vue - et c'est une opinion personnelle - je pense
qu'il faut arriver à un équilibre entre les deux, mais il est
fondamental que l'on continue à exercer beaucoup de pression sur la
création d'emplois productifs et non pas d'emplois qui sont
stériles et qui ne mènent absolument à rien.
Donc, il faut qu'on fasse beaucoup d'efforts dans la recherche et le
développement dans les domaines de pointe, le domaine pharmaceutique, le
domaine de l'informatique, dans ces domaines-là où nos gens ont
prouvé leur compétence aux points de vue national et
international. Et c'est à ce moment-là qu'on sera capable de se
payer les services qu'on pense qu'on peut se payer et qu'aujourd'hui on n'a pas
les moyens de se payer.
Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes prêts
à des sacrifices?
M. Paris: II faut faire des sacrifices, il faut que tous fassent
des sacrifices. Comme j'ai déjà entendu M. Levesque le dire: Tout
le monde est prêt à faire des sacrifices pour les autres. Mais, au
moment où c'est des sacrifices qui nous touchent nous-mêmes, on
est moins sensibles à ces sacrifices-là. Et je crois qu'on est
à une période, aujourd'hui, où il faut les faire.
Si on regarde dans l'entreprise, à l'heure actuelle, il y a des
grands sacrifices qui se font, et ces gens-là sont prêts à
faire les sacrifices pour garder leur emploi, à des niveaux moins bien
rémunérés qu'auparavant, avec des avantages sociaux moins
volumineux qu'auparavant, mais, au moins, ils ont une job. Et, ça, c'est
le message qu'on doit passer et c'est un message qui devrait venir «loud
and clear».
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Alors, je veux vous saluer à mon tour et vous remercier pour
l'excellence du mémoire. Je pense que c'est très
intéressant, parce que vous insistez particulièrement sur des
outils majeurs pour une prise de décision dans une collectivité,
à savoir le savoir. Savoir, c'est pouvoir et, être informé,
c'est être libre, pouvoir faire des choix. Et, à plusieurs
reprises, vous dites: «II faut que le citoyen sache s'il veut ensuite
pouvoir exercer un choix qui soit le plus éclairé
possible.»
Vous avez une recommandation aussi, la recommandation 8, à la
page 7 de votre mémoire, qui dit que toutes les mesures nouvelles qui
devraient apparaître dans ce gouvernement, c'est-à-dire
supportées par l'État, devraient supporter l'emploi. Et, dans ce
sens-là aussi, c'est intéressant.
Je vais revenir, cependant, à une analyse que vous faites
à la page 8 de votre mémoire et qui concerne la fonction
publique, les gestionnaires de l'État. Vous faites une remarque un peu
dure en disant: «L'Ordre s'inquiète de constater que [...] la
fonction publique n'a pas évolué au même rythme que le
secteur privé, avec pour résultat que les principes de gestion
qui y sont appliqués contribuent peu à la
productivité.» Et je passe le paragraphe suivant. Vous dites:
«Sur ce plan, il nous apparaît que le gouvernement aurait avantage
à s'inspirer des principes de gestion utilisés dans le secteur
industriel.» Et vous faites référence, dans vos
recommandations particulièrement, évidemment, à
l'imputabilité ou à la responsabilisation.
J'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin quant au
jugement que vous portez et ce qu'il devrait générer comme action
pour un État moderne comme celui qu'est le gouvernement du
Québec.
M. Jacques: Écoutez, ce qu'on avait à l'esprit
lorsqu'on a rédigé cette portion-là du mémoire...
On a beaucoup insisté - je ne sais pas si vous avez vu - depuis le
début sur l'aspect mobilisation de la population. Pour réussir
à faire quelque chose, il faut que la population soit derrière
toutes les mesures qui seront éventuellement implantées. Mais il
y a un autre aspect aussi très important là-dedans, c'est que la
fonction publique devra, elle aussi, être mobilisée. Et c'est
encore beaucoup plus important parce que ce sont eux qui, en bout de ligne,
vont les dispenser, les services. Alors, il faut qu'ils soient vraiment
convaincus qu'ils rendent les services au meilleur coût possible. Et,
pour ce faire, il faut qu'il y ait une participation active des fonctionnaires
dans tout ce processus-là.
On a parlé aussi de l'imputabilité des hauts
fonctionnaires. M. Lemieux a commenté longuement ce sujet-là
devant cette même commission. Il y a beaucoup d'aspects qui semblent
assez évidents vus de l'extérieur - évidemment, on est des
gens qui voient ça de l'extérieur - comme, entre autres, l'aspect
de la confusion au niveau de l'autorité. Au niveau de l'appareil
gouvernemental, les lignes d'autorité sont bien souvent très
lourdes, très complexes. Il y a plusieurs patrons pour certains
employés ou certains fonctionnaires, ce qui crée beaucoup de
confusion et démobilise, d'une certaine façon, les gens au niveau
de la fonction publique.
C'est ce genre de chose, pour nous, qu'il semble assez évident
qu'il faudrait éviter. Il faudrait structurer la fonction publique pour
qu'elle soit vraiment beaucoup plus responsable et beaucoup plus
décentralisée au niveau des pouvoirs parce que, tantôt - et
quand on parle d'imputabilité, c'est ça - on va demander aux gens
de rendre des comptes. Pour rendre des comptes, il faut qu'ils aient des
coudées franches quand ils vont prendre des décisions. Alors,
c'est ce genre de principe là qu'il faut essayer de pousser à
l'extrême, malgré le fait qu'un appareil gouvernemental a quand
même des contraintes qu'une entreprise privée n'a pas
nécessairement. Alors, il faut essayer de composer avec tout
ça.
Mme Marois: Je vais juste faire un commentaire: Je suis d'accord
avec vous. Je pense que c'est intéressant d'imaginer toute espèce
d'avenue, que ce soit dans le sens de la responsabilisation ou de la
décentralisation. Il y a des gens aujourd'hui qui sont venus nous dire
qu'il fallait réduire un peu les niveaux hiérarchiques, mais il
est évident aussi que les critères sur lesquels on s'appuie pour
rendre des services ne se situent pas nécessairement et tout le temps
dans la même ligne que les critères qu'on utilise quand on se
retrouve dans l'appareil privé par rapport au secteur public.
M. Jacques: Définitivement. Et si je peux
me permettre de faire un parallèle avec notre organisation
où on sert nos membres, alors, nous, notre objectif, c'est de servir nos
membres et de leur donner le maximum de services au coût le plus bas
possible. On est confrontés avec exactement la même
problématique...
Mme Marois: Tout à fait.
M. Jacques: ...que l'appareil gouvernemental. Et, tout ça,
on essaie de le faire, premièrement, en informant bien nos membres - et,
dans votre cas, c'est la population - du coût des services qu'on leur
dispense et en essayant de développer une structure qui nous permette de
générer ça le mieux possible.
Mme Marois: Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Est-ce qu'on fait l'alternance?
Le Président (M. Lemieux): Oui, si vous voulez. M. le...
Ça va?
M. Filion: Si on veut alterner, s'il y en a qui veulent poser des
questions...
Le Président (M. Lemieux): Non, pour le moment. Pas de
ministériel?
M. Filion: Alors, on y va. Vous ne voulez plus parler?
Le Président (M. Lemieux): Pas nécessairement. Je
pense que...
M. Filion: C'est l'alternance.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors,
écoutez... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vois
où la stratégie parlementaire veut nous mener.
M. Levesque: Vous manquez d'inspiration?
Le Président (M. Lemieux): Je vois. Ça va,
ça va.
Mme Marois: Non, non. Pas du tout. Au contraire, on en a.
M. Léonard: Et on peut être renards comme vous
l'êtes.
Le Président (M. Lemieux): Oui, ça va. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Sur la simplification des formulaires d'impôt
et, donc, de la fiscalité. Une des dimensions qui est toujours là
- et ça a déjà été mentionné ici - je
voudrais votre point de vue, spécifiquement. Une suggestion qui a
été amenée - ça a été de même
au point de vue de l'impôt sur le revenu des particuliers - c'est de
tenter d'unifier tout ça, d'harmoniser, de simplifier. Quels sont les
champs de la fiscalité des particuliers du Québec, les champs de
cet impôt-là qu'on devrait conserver? Quels sont ceux qu'on
devrait larguer si on voulait s'harmoniser? Parce que c'est ça qui est
en cause. Évidemment, vous le savez.
Au fil des ans, on a pu, par l'autonomie fiscale à ce
titre-là, développer des programmes - de dépenses
fiscales, notamment - pour aider certaines industries, pour aider certaines
régions de ressources, pour aider la capitalisation des entreprises, que
les neuf autres provinces nous envient parce que, harmonisées qu'elles
sont avec le gouvernement fédéral, ce dernier n'ayant pas les
mêmes impératifs pointus dans chaque province pour mettre sur pied
des programmes de dépenses fiscales, résiste toujours,
évidemment, à quelque tentative que ce soit des autres provinces
d'introduire des petites choses spécifiques à chacune.
Alors, il y a un coût à l'harmonisation; ça, je
pense que vous en êtes conscients. Et si on doit faciliter
l'harmonisation... Parce que, pour le contribuable, c'est important. Ça,
les gens le demandent: Comment ça se fait qu'on a deux formules
d'impôt et qu'ailleurs ils en ont juste une? C'est long à
expliquer. Il y a des raisons. Enfin, on le dit aux gens, mais on peut
peut-être viser à simplifier. Est-ce qu'il y a des dépenses
fiscales, selon vous - parce que c'est à cause de ça, notamment,
que c'est plus compliqué, l'harmonisation - qu'on devrait larguer?
Est-ce qu'il y a des postes dans nos formulaires d'impôt - qui sont de
plus en plus longs, avec les annexes, et tout ça, là - est-ce
qu'il y a des suggestions concrètes que vous pourriez amener pour nous
aider, justement, à simplifier ça? (21 heures)
M. Paris: Oui. Je pense que, dans un premier temps, M. le
ministre, il est évident qu'il faut conserver notre autonomie fiscale,
et ça ne fait aucun doute qu'il faut conserver cet outil pour être
en mesure de l'utiliser comme levier économique dans certaines
situations particulières, ce qu'on a fait dans le passé.
Maintenant, il y a des champs d'application où on pourrait avoir plus
d'uniformité.
Par exemple, au niveau des avantages sociaux, quand on parle d'un
avantage relié à l'usage d'une automobile, on a encore des
différences entre le fédéral et le provincial. Ce sont
toujours des différences mineures, évidemment, qui sont des
irritants, et qui viennent agacer le contribuable qui se demande pourquoi il y
a ces différences-là, qui sont finalement mineures. On regarde ce
qui s'est passé, par exemple - puis, on en fait part dans notre
mémoire - de certaines dispositions au niveau cinématographique.
On a voulu encourager une
industrie en ayant des déductions différentes au
fédéral et au provincial. Ce qu'on se pose comme question, c'est
s'il n'y aurait pas lieu d'avoir davantage de concertation et, quand on vise le
même but, d'avoir exactement la même disposition, avec le
même langage et les mêmes répercussions. Il va de soi que,
quand on arrive dans le domaine minier, si on veut favoriser notre domaine
minier, le Québec doit conserver sa latitude et son autonomie, et on
préconise cette mesure-là. Cependant, dans beaucoup d'autres
dispositions fiscales relativement simples, on semble se triturer les sens pour
arriver à une terminologie différente, et arriver avec des
résultats sensiblement différents, pas beaucoup, mais
suffisamment pour agacer le contribuable qui se demande pourquoi on a fait
ça, et on se demande s'il n'y a pas un manque de transparence
également. On se questionne. On est suspicieux un peu à
l'égard de ces éléments-là, et c'est souvent
mineur.
M. Johnson: Merci
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. À mon tour,
j'aimerais bien sûr souhaiter la bienvenue aux membres de l'Ordre des
comptables agréés.
Également, comme la députée de Taillon le
mentionnait, je trouve que le mémoire est très
intéressant. Il y a beaucoup de belles pistes et, pour moi, une piste
intéressante, c'est la recommandation 17, où vous dites:
«Que le gouvernement québécois étudie avec le
gouvernement fédéral la possibilité d'utiliser un
formulaire intégré pour les déclarations de revenus
provinciale et fédérale, et d'administrer leurs lois fiscales
conjointement.» Est-ce que vous vous référez à une
entente similaire à la TPS et à la TVQ qui existe actuellement
sur le territoire québécois? C'est co style de baso do travail,
jo suppose, auquel vous vous référez?
M. Paris: Oui. Il y a peut-être une distinction entre les
deux. Je pense que vous avez remarquez également dans notre
mémoire, M. Filion, qu'en termes de TPS et de TVQ, on insiste beaucoup
sur le fait qu'il y a des écarts importants entre la TPS et la TVQ au
niveau de l'harmonisation. Mais je pense que, comme entente de gestion, c'est
une entente qui est intéressante parce que le contribuable,
malgré toutes les difficultés qu'on aurait pu tâcher
d'aplanir d'une façon plus harmonieuse et plus adéquate, le
contribuable se contente, par contre, de produire un seul formulaire dans
lequel il paie la TPS et la TVQ. On ne vous fait pas la suggestion d'arriver au
même résultat, car, avec l'expérience quand même
très réduite, on peut vous dire qu'il y a beaucoup de
difficultés avec ce formulaire-là, parce qu'on change souvent
d'opinion et d'idée quant à la fréquence du formulaire,
quant à la façon dont il doit être complété,
mais je pense que l'idée qui animait une entente de gestion conjointe
est excessivement intéressante. Donc, dans notre esprit à nous,
c'est d'arriver à quelque chose de comparable comme entente de gestion,
mais qui pourrait être négocié de plus longue main et d'une
façon plus harmonieuse dans ce sens-là.
M. Filion: Je peux comprendre le détail de
l'opération technique, là, mais, dans l'ensemble, c'est un
formulaire produit au Québec avec un chèque administré par
le Québec et bon... Pour simplifier la vie des gens, au fond, c'est un
peu ce que vous recherchez comme...
M. Paris: Ce qu'on recherche, c'est un petit peu un modèle
comme on retrouve dans plusieurs autres provinces où on a une seule
déclaration qui regroupe et la taxe provinciale et la taxe
fédérale pour le contribuable.
M. Filion: C'est ça. Mais, là, vous
spécifiez que ce devrait être administré par le
Québec.
M. Paris: C'est ce qu'on mentionne ici.
M. Filion: Bon, c'est très bien. Je trouve ça
très intéressant, d'ailleurs. Vous n'êtes pas les seuls. Le
Mouvement Desjardins le demande. On l'a demandé également au
ministre du Revenu et, en tout cas... j'espère que si, tout le monde
ensemble, nous lui demandons, ça va porter fruit.
Est-ce que c'était la première fois que vous faisiez une
telle recommandation au gouvernement ou bien si, par le passé...
M. Paris: On l'a déjà, dans le passé,
mentionné également.
M. Filion: Oui? J'ai une autre question. Vous sumblo/:
également vous orlontor vors un... En tout cas, vous semblez endosser le
principe de tarification. En même temps, la question que j'ai envie de
soulever... C'est que vous dites qu'on a atteint un seuil de taxation. On ne
peut pas dépasser la taxation actuelle, tout le monde en a
jusque-là. Alors, si on y va vers une tarification pour sensibiliser les
gens aux services de santé ou d'éducation, ou peu importe, est-ce
que, en même temps, dans votre esprit, vous pensez qu'il doit y avoir une
compensation au niveau, par exemple, de l'impôt sur le revenu - parce que
la santé est financée à même les tables
d'impôt? Alors, si on n'augmente plus le fardeau fiscal, parce que les
gens vont avoir l'impression que c'est encore de payer en double, parce que,
pour eux, ils le paient déjà, le service de santé via les
tables d'impôt. Dans votre esprit, je suppose que, si on allait vers une
tarification pour sensibiliser les gens à la consommation du service,
vous avez pensé à une
compensation au niveau des tables d'impôt, pour éviter que
les gens pensent qu'ils paient en double? Est-ce que c'est ça, l'esprit
dans lequel vous pensez à la tarification?
M. Bélanger (Michel): En fait, quand on a pensé
à une tarification, on ne pensait pas, évidemment, à
augmenter davantage le fardeau du contribuable. Ce qu'on pensait,
c'était plutôt de trouver une façon de sensibiliser le
contribuable. Alors, effectivement, si on va chercher des impôts sous une
forme, il faudrait qu'il y ait compensation sous une autre.
Le Président (M. Lemieux): O. K. Alors, vous n'avez pas de
question, M. le Président du Conseil du trésor? M. le ministre
des Finances?
Une voix: Tout le monde a fini...
Le Président (M. Lemieux): Oui. Il vous reste trente
secondes.
M. Léonard: Donc, c'est à vous. Il vous reste
trente secondes.
Mme Marois: C'est à vous, là.
M. Léonard: Vous ne les prenez pas?
Une voix: Non, je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, comme je
n'ai pas d'autre question...
M. Léonard: Non, mais, c'est parce que c'est l'alternance.
C'est à eux. Ils n'interviennent plus? C'est fini? Très bien.
Le Président (M. Lemieux): Maintenant, si nous y allons
d'une manière très stricte au niveau des règles de
procédure, effectivement, le débat deviendra, je dirais,
plutôt archaïque, médiéval, davantage
moyenâgeux, puisque les échanges seront peut-être beaucoup
moins dynamiques. Je me permettais, parfois, au niveau du temps, de permettre,
sans qu'il y ait alternance, une continuité, mais je suis prêt
à faire respecter le principe de l'alternance. Alors...
M. Léonard: Non, non. M. le Président... Le
Président (M. Lemieux): Oui.
M. Léonard:... je voudrais juste faire une remarque. C'est
parce que ça devient une question de règlement. C'est pas sur mon
temps, là. C'est que j'ai remarqué qu'à plusieurs reprises
on commence de l'autre côté et on conclut de façon assez
systématique. Alors, c'est juste que, à un moment donné,
si c'est cela, on va être obligé de jouer l'alternance de
façon stricte. Si, autrement, c'est joué correctement, selon la
teneur du débat, je n'ai pas de problèmes avec ça, M. le
Président. C'est pour ça que j'ai...
Le Président (M. Lemieux): Vous comprendrez...
M. Levesque: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, s'il vous plaît,
monsieur le ministre...
M. Levesque: Je vais prendre mes 30 secondes pour avoir...
Le Président (M. Lemieux): Oui. Alors, ça va.
Mais...
M. Léonard: Allons-y. Je savais qu'il se les
réservait à la fin. Alors, bien. Le chat est sorti du sac!
Une voix: Juste après.
Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur le... S'il vous
plaît! M. le député de Beauce-Nord, oui.
M. Audet: M. le Président, je ne veux pas étirer le
temps inutilement, mais l'alternance, oui, à la condition qu'un
député qui veut prendre la parole, d'une part ou d'autre part,
doit signaler au président son intention.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez entièrement
raison.
M. Audet: Alors, si aucun député ne signale son
intention d'intervenir à ce stade-ci...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Audet:... il n'y a pas obligation pour vous de
reconnaître la formation qui peut parler en vertu du
règlement.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez entièrement
raison, M. le député de Beauce-Nord.
M. Audet: Alors, à ce moment-là, je vous inviterai
à reconnaître...
Le Président (M. Lemieux): Et je me dois, à ce
moment-ci, de retourner vers l'Opposition officielle et de lui demander si,
effectivement, elle veut intervenir, puisque j'ai déjà
manifesté...
Mme Marois: Non, non, non.
M. Léonard: Non, M. le Président, c'est à
eux à intervenir.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. S'il vous
plaît. Il n'y a pas d'obligation... Je vais
quand même vérifier, mais il n'y a pas d'obligation, pour
un membre de la partie ministérielle, d'intervenir lorsque le
président s'est retourné vers la formation ministérielle
et qu'il n'y a pas de question. Je dois revenir vers l'Opposition
officielle.
M. Léonard: Bien. Alors, M. le Président, je pose
une question de règlement. Comment allez-vous appliquer la règle
de l'alternance...
Mme Marois: Voilà.
M. Léonard:... si, systématiquement, on laisse
passer de l'autre côté pour se garder le dernier tour de
parole?
Mme Marois: Voilà.
M. Léonard: Parce que c'est ça que vous faites.
Le Président (M. Lemieux): Alors, c'est très,
très simple, M. le député de Labelle. Vous allez
épuiser votre temps, et je vais remercier les gens d'être venus
devant cette commission parlementaire.
Mme Marois: Donc, ils perdent leur droit de parole.
M. Léonard: Bon, bien, O. K. Donc, ils perdent leur droit
de parole? O. K.
Mme Marois: On s'entend.
M. Léonard: Ça va. On s'entend.
Mme Marois: Parfait.
Le Président (M. Lemieux): Non, non. Ils ne perdent pas
nécessairement leur droit de parole.
Des voix: Ah. Ah... M. Léonard: Bien,
là...
Le Président (M. Lemieux): On pourra revenir, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Non, mais, M. le Président, je
regrette, là. Vous allez faire quelque chose de clair.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez,
écoutez...
M. Levesque: La productivité... Vous voyez, là, ce
que c'est que la productivité.
Le Président (M. Lemieux): Nous allons, pour le moment,
permettre à M. le ministre des Finances d'intervenir, et je
vérifierai, au niveau de l'article 169 du règlement, la teneur de
169, paragraphe 2, pour demain matin.
Alors, M. le ministre des Finances, il vous reste 30 secondes.
M. Levesque: Alors, M. le Président, j'avais beaucoup de
choses à rappeler à cette commission, particulièrement du
côté de l'Opposition, qui s'est fourvoyée à
plusieurs reprises sur bien des sujets et, en particulier, sur les
délais qui sont ceux des rapports que nous avons à faire, et
où nous sommes les premiers ou les deuxièmes de toutes les
provinces canadiennes, mais je m'en abstiens à cause de la limite de
temps.
J'en profite, parce qu'il ne me reste que quelques secondes, pour dire
à l'association des comptables combien je suis heureux d'avoir eu
l'occasion de les entendre et les féliciter pour la présentation.
C'est bien rafraîchissant de rencontrer des comptables qui, souvent, ont
des confrères qui n'ont pas tout à fait la même approche
vis-à-vis l'objectivité des choses.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
ministre des Finances.
Maintenant, je cède la parole à M. le député
de Labelle.
Une voix: Le comptable! (21 h 10)
M. Léonard: Je vous remercie, M. le Président.
Je dois dire, pour nos respectables invités, que c'est la
première fois que nous soulevons cette question, mais qu'il fallait
qu'on le fasse parce que, depuis un certain temps, nous avons remarqué
le manège du parti gouvernemental là-dessus.
Alors, voilà. M. le Président, j'écoute les deux
ministres qui sont là - les trois, même, parce que, ce soir, il y
en a un qui a pris congé - et je dois dire, sans autres remarques...
mais j'ai l'impression, parfois, que le président du Conseil du
trésor analyse tout à coup les équilibres financiers. Il
en parle sans arrêt comme s'il était ministre des Finances par
intérim. Le ministre des Finances... Le ministre du Revenu explique un
certain nombre de choses, etc., et le ministre des Finances vient de temps en
temps. Il ne parle pas beaucoup. Généralement, il se contente de
dire qu'il a d'excellentes mesures. Il a beaucoup de difficultés
à reconnaître les problèmes que vivent les gens et, en
quelque sorte, à bien des égards, il joue le rôle d'une
plante verte. Bon. Ce que... Ha, ha, ha!
M. le Président, je pense qu'il y a eu des choses dites, ce soir,
très importantes, en particulier sur la fiscalité.
L'expérience des gens qui sont venus ici, à la barre, nous en
parler pour dire qu'il fallait les simplifier... Je pense qu'à terme,
quand les Québécois réaliseront que
de payer une taxe, une seule taxe, de la payer à un endroit,
c'est déjà une grande économie que l'on ressent dans le
secteur privé partout à l'heure actuelle parmi les 430 000, en
particulier, qui perçoivent la TPS et la TVQ.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Labelle...
M. Léonard: Alors, merci. Je veux simplement les saluer et
les remercier de leur visite.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de
votre participation à cette commission parlementaire et, au lieu de
suspendre deux minutes, je vais suspendre trois minutes, dans ce cas-ci...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): ...pour permettre à la
Corporation professionnelle des administrateurs agréés du
Québec de bien vouloir prendre place à la table des
témoins.
(Suspension de la séance à 21 h 12)
(Reprise à 21 h 15)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux, et nous entendrons maintenant la
Corporation professionnelle des administrateurs agréés du
Québec.
La procédure parlementaire est la suivante. Vous disposez d'un
temps de 20 minutes pour nous faire l'exposé de votre mémoire.
Suivra un échange entre les parlementaires, d'une durée globale
de 40 minutes pour les deux formations politiques. 20 minutes pour la formation
ministérielle et 20 minutes pour ceux de l'Opposition.
Je demanderais à celui qui va livrer ce soir le mémoire de
la Corporation professionnelle des administrateurs agrées du
Québec de bien vouloir nous présenter les gens qui l'accompagnent
pour, par la suite, s'identifier lui-même, et procéder à
l'exposé de son mémoire.
Corporation professionnelle des administrateurs
agréés du Québec (CPAAQ)
M. Gagnon (Richard): Merci, M. le Président, MM. les
ministres, madame et MM. membres de la commission parlementaire du budget et de
l'administration
Alors, à ma gauche, M. Gérald Duguay, qui est
président du bureau de direction de notre corporation professionnelle,
et qui est administrateur de compagnie; M. Fernand Plante, qui est
vice-président aux finances de notre corporation professionnelle et
conseiller en planification financière; à ma droite, M.
André Bouchard, qui est directeur des affaires publiques à
l'Alcan et qui est membre du comité exécutif de notre
corporation; et, toujours à ma droite, M. Michel Côté, qui
est conseiller en management au plan international et directeur
général de CRC Sogema. Quant à moi, je suis Richard
Gagnon, vice-président exécutif et directeur
général de la Corporation professionnelle des administrateurs
agréés du Québec.
Je n'ai pas l'intention, il va sans dire, de vous lire notre
mémoire de bout en bout ni le résumé qui l'accompagne. Je
vais plutôt vous en faire un survol rapide, en neuf points bien
tassés, pour garder le plus de temps possible à nos
échanges.
J'aimerais d'abord vous dire quelques mots sur les administrateurs
agréés et notre corporation professionnelle. Vous allez
constater, je crois, que notre profil fait de nous des interlocuteurs
importants du gouvernement en matière de gestion des finances publiques.
La Corporation professionnelle des administrateurs agréés du
Québec compte environ 4000 membres qui oeuvrent à titre de
gestionnaires aux divers paliers des entreprises québécoises, ou
encore dans des domaines spécialisés, tel le conseil en
management, la planification financière ou la gestion
immobilière. On retrouve des administrateurs agréés aussi
bien dans les secteurs public, parapublic que privé, tant dans la
petite, la moyenne que la grande entreprise. Nous y remplissons, en fait, un
large éventail des fonctions reliées à la gestion des
organisations.
Un premier fait saute donc aux yeux. En tant que gestionnaires, les
administrateurs agréés sont au coeur des prises de
décisions qui contribuent à la réussite et au
développement social et économique du Québec. Les finances
publiques, ça intéresse donc au plus haut point nos membres. Pour
dissiper tout doute à ce sujet, je vous précise tout de suite que
le contenu de notre mémoire est le fruit d'une vaste consultation chez
les administrateurs agréés, une consultation à laquelle,
malgré le contexte défavorable de la période des
fêtes, plus de 1000 membres ont participé en répondant
à un questionnaire que nous leur avions fait parvenir au milieu du mois
de décembre. Nous avons constaté, lors de cette consultation, non
seulement un immense intérêt de la part de nos membres mais
beaucoup d'inquiétudes, voire beaucoup d'impatience. Pourtant, les
administrateurs, les gestionnaires sont habituellement des gens reconnus pour
être rationnels, pondérés et plutôt discrets, peu
friands de se retrouver sur la place publique. Pour que nous soyons ici,
aujourd'hui, il fallait vraiment que la situation soit grave à nos yeux.
Nous croyons qu'elle l'est et, d'ailleurs, nous sommes relativement bien
placés pour en juger.
D'autre part, la question qui nous préoccupe le plus à
propos de l'avenir des finances publiques du Québec, celle qui, en fait,
contient toutes les autres, est la suivante: Quelles condi-
tions faut-il créer aujourd'hui pour améliorer la
productivité et la santé financière de nos institutions,
de nos entreprises et de notre économie? C'est donc sous cet angle
précis que notre mémoire analyse et juge l'état des
finances publiques, et que nous adressons nos recommandations et nos
commentaires.
Troisième point. Dans la première partie de notre
mémoire, nous établissons un diagnostic assez global. Nous
expliquons comment nous en sommes arrivés à ce véritable
cul-de-sac en matière de fiscalité, et nous décrivons
quelques conséquences économiques de l'actuelle lourdeur fiscale.
Je m'y arrête rapidement.
Nous prenons pour acquis que la vigueur de notre économie et la
santé des finances publiques sont étroitement liées. Notre
constat est clair. Loin de rendre notre économie plus
compétitive, la gestion actuelle des finances publiques tue dans l'oeuf
toute tentative de croissance. Je ne veux pas reprendre les chiffres que nous
donnons dans notre mémoire, mais ils mènent à la
même conclusion: le système fiscal actuel est
désorienté et nous conduit à la catastrophe
financière. Malgré la flambée des charges fiscales qu'il
impose aux entreprises et aux contribuables, l'État
québécois est techniquement en faillite, et il ne pourra pas s'en
sortir en taxant davantage. La courbe de Laffer, annexée à notre
mémoire, démontre très bien que nous sommes rendus
à un point où plus le gouvernement taxe, moins il récolte
de revenus autonomes. Admettons-le une fois pour toutes, notre mode de gestion
des finances publiques date d'une autre époque. Sans un sérieux
coup de barre collectif, le Québec risque de se joindre bientôt au
club des pays du tiers monde économique. (21 h 20)
Nous nous sommes ensuite posé la question: Comment en sommes-nous
arrivés là collectivement? Pour nous, l'intervention abusive du
gouvernement dans plusieurs sphères d'activité en est une des
principales raisons. Nous ne voulons pas faire le procès de
l'État, mais force est d'admettre que les conditions ont changé
depuis 30 ans. La mondialisation de l'économie, entre autres, oblige
à des ajustements douloureux. Or, ayant dû taxer et emprunter pour
financer son intervention massive dans l'économie, l'État n'a
plus de marge de manoeuvre. D'une part, il est endetté à
l'extrême et, d'autre part, il ne peut plus taxer, car tous les sondages
démontrent que les contribuables ont dépassé leur seuil de
tolérance en matière de taxation. Qu'on pense aux nombreuses
évasions fiscales par le travail au noir, le tabac ou autres.
D'ailleurs, ce ras-le-bol fiscal, 93 % des administrateurs agréés
qui ont participé à notre consultation le partagent. En effet, le
fait est là, brutal et incontournable: 30 ans après la
Révolution tranquille, rien ne va plus au plan économique.
À moins de modifier sérieusement ses politiques fiscales et
budgétaires, le Québec court tout droit vers la faillite.
Le gouvernement se retrouve piégé. Il veut rationaliser
ses dépenses en coupant dans les services ou en se retirant de certains
programmes que le contribuable proteste aussitôt devant pareille atteinte
à ses droits acquis. Le gouvernement remet toujours à plus tard,
après les élections, après le référendum,
après une élection partielle, après les
négociations avec ses employés, etc. Pire encore, il ne rate pas
une occasion de reculer devant la moindre protestation de groupes de pression,
souvent minoritaires, qui parlent haut et fort en faveur de l'État
interventionniste, ce type d'État qui est justement responsable du
cul-de-sac actuel. Bref, le gouvernement, quelquefois, semble oublier qu'il est
là pour gouverner en fonction du bien général.
Les conséquences économiques d'une fiscalité trop
lourde sont dramatiques. Collectivement, nous sommes pris dans un cercle
vicieux. La taxation trop élevée entraîhe une diminution de
la consommation, retarde la reprise économique, accentue le travail au
noir, décourage la productivité, encourage le gouvernement
à dépenser davantage, et risque de provoquer un exode des
cerveaux. Par ailleurs, cette dette publique constitue un héritage
empoisonné que les générations actuelles laisseront aux
générations montantes qui, elles, pourraient décider de
refuser l'héritage. Le gouvernement, à cause de son pouvoir
d'imposition, détient un pouvoir comparativement beaucoup plus important
que celui des autres agents de développement économique. Il a
donc l'obligation, à titre de fiduciaire de l'intérêt
public, de mettre de l'ordre dans sa politique de gestion de ses revenus et de
ses dépenses.
Dans la deuxième partie de notre mémoire, nous proposons
une solution globale, toujours sous le même éclairage, à
savoir comment améliorer la compétitivité de nos
institutions, de nos entreprises et de notre économie. La qualité
de vie dépend directement - on le sait - de l'efficacité des
entreprises et des organisations. Nous proposons un nouveau partenariat entre
l'État, le citoyen et l'entreprise, un partenariat à
l'intérieur d'un nouvel équilibre où seront
redéfinis la nature et le rôle des trois pôles qui le
constituent. Telle est, selon nous, la seule voie d'avenir.
Commençons par l'État. Nous proposons un État revu
et corrigé. Après avoir vu se développer tous les pouvoirs
centraux pendant 25 ans, il est impérieux que la tendance dominante des
prochaines décennies soit ouvertement favorable à l'action
créatrice des individus et des organisations. L'interventionnisme
systématique et généralisé de l'État est une
relique d'un passé plus faste et moins conscient. Sa situation
budgétaire en est la preuve flagrante. Les contribuables n'en peuvent
plus de se faire refiler la note. Notre corporation professionnelle ne demande
pas à l'État de s'effacer, mais de changer la nature de
son rôle. Il importe à tout le moins de définir
l'intervention de l'État comme une action régulatrice - tel
était d'ailleurs son rôle à l'origine - mais l'idée
de régulation et de coordination, puis d'intervention directe a
été poussée de plus en plus loin et a abouti à
l'omniprésence et l'omnipotence de l'État, parfois dans des
domaines où il est peu ou pas apte à s'immiscer. L'État ne
peut et ne doit entreprendre en lieu et place des entrepreneurs, ce n'est pas
son rôle. En d'autres mots, il est temps de passer de
l'État-providence à l'État-gestionnaire. Ce changement
n'est pas concentré sur la seule dimension économique, il
implique une réévaluation du rôle du gouvernement et de ses
commettants. Il est temps de revoir le contrat social entre gouvernants et
gouvernés à la lumière du nouvel environnement
économique mondial.
À notre avis, l'État doit agir et gouverner en bon
père de famille, ce qui ne veut pas dire en mollasson, bien au
contraire. Il est triste de constater que, trop souvent, nos gouvernements
distribuent des fortunes en aide sociale et en assurance-chômage sans
rien demander en retour. N'est-ce pas manquer de responsabilité que de
céder aux groupes de pression trop souvent égoïstes, pour
qui l'intérêt général ou collectif ne veut
absolument rien dire? L'État doit faire preuve d'audace, de rigueur et
de plus de responsabilité. Par exemple, l'appareil étatique doit
optimiser le rendement des individus qui y oeuvrent et des organisations qui le
composent. Le gestionnaire des organisations publiques doit devenir un agent de
changement et un gestionnaire à part entière, à qui on
donne les moyens de gérer efficacement les ressources qu'on lui confie.
De plus, il faut déréglementer de plus en plus l'appareil public,
en évaluer et en contrôler régulièrement la
performance, et la soumettre à des normes de concurrence à chaque
fois que cela est possible.
Par ailleurs, nous ne demandons pas au gouvernement de ne plus soutenir
le développement des entreprises, nous lui demandons seulement
d'intervenir différemment. Les moyens à sa disposition sont
nombreux: en proposant une vision du Québec économique par une
politique fiscale incitative, favorisant notamment cet important
générateur de richesse qu'est l'épargne, par une meilleure
planification de ses actions; en encourageant la mise en place de mesures de
soutien aux PME; en développant une politique de développement
économique qui tient compte des nouvelles règles de la
concurrence internationale. Trop souvent encore, l'État, animé
par des motivations plus politiques qu'économiques, intervient pour
soutenir des canards boiteux. Nous voulons un État visionnaire,
facilitateur des initiatives privées, qui propose, qui rend
possible.
Après l'État, passons au citoyen. Nous avons besoin de
citoyens responsabilisés. L'augmentation de la
compétitivité est un projet collectif qui ne peut se
réaliser sans la collaboration des individus. Le citoyen doit prendre
conscience de son rôle dans la collectivité, au travail comme en
société. Il doit redevenir un citoyen responsable.
En tant que travailleur, par exemple, le citoyen doit sentir qu'il
poursuit un objectif de société. Le citoyen conscient de sa place
et de son rôle dans le tissu «societal» trouvera là de
nouvelles motivations. C'est non seulement ses pairs mais l'ensemble de la
société qui compte sur lui. Le citoyen, comme travailleur, doit
devenir plus productif.
Le citoyen doit aussi devenir un consommateur solidaire de
l'économie. Nos gestes individuels ont une dimension collective. Le
développement durable des entreprises ne peut être assuré
que par l'appui du milieu dans lequel elles évoluent, d'où
l'importance de créer le réflexe, chez le consommateur, de
l'achat de produits de qualité faits au Québec, faits par les
entreprises de chez nous.
Enfin, le citoyen doit devenir un consommateur averti de services
publics. Au lieu de demander sans cesse à l'État, il faut qu'on
lui permette d'établir un lien direct entre les impôts et taxes
qu'il paie et les services qu'il reçoit en retour. Les services publics,
comme tout ce qui a de la valeur, ne sont pas gratuits. Le gouvernement a
implanté, dans sa récente réforme de la santé, une
mesure visant à faire comprendre aux contribuables que les services
offerts par l'État ont bel et bien une valeur chiffrable. Voilà
une initiative qui mérite, selon les administrateurs
agréés, d'être répétée dans tous les
domaines où il est difficile d'établir un lien clair entre le
service fourni et le coût réel de ce dernier. En bout de piste,
cela donnera naissance à un partenariat beaucoup plus étroit
entre l'État et ses commettants.
Dernier point, l'entreprise. Nous proposons des entreprises
remodelées. Je m'explique. La décennie des années
soixante-dix a été celle de l'État. La décennie
quatre-vingt a été celle des entreprises. La décennie
quatre-vingt-dix est celle des gestionnaires, des administrateurs. Il faut
maintenant apprendre à gérer les entreprises publiques et
privées que le Québec a mises sur pied depuis les 20
dernières années. Les gestionnaires doivent remettre en question
leurs habitudes et leurs certitudes du passé, apprendre à
gérer le changement en faisant preuve d'innovation, et établir de
nouvelles collaborations entre les employés et les syndicats.
Innovation, rationalisation des dépenses et des activités,
formation de la main-d'oeuvre et investissements en
recherche-développement doivent devenir des mots d'ordre. Ces
éléments constituent la pierre angulaire de la
productivité. (21 h 30)
Je conclus rapidement. Notre mémoire, nous le savons, se situe
sur le terrain des grands principes et des orientations globales. Cela est
volontaire de notre part. Nous considérons, en effet, que le
gouvernement connaît la plupart des solutions à appliquer au
problème des finances publiques. De nombreux rapports proposant des
réformes précises dorment depuis plusieurs années sur les
tablettes du Conseil du trésor et de nombreux autres que vous recevrez
au cours de la présente commission. Notre conviction est la suivante: ce
qui a manqué au gouvernement et ce qui manque toujours, c'est le courage
et la capacité politique d'appliquer les solutions. Nous sommes
convaincus qu'on aura beau dresser une litanie des solutions allant du ticket
modérateur à la privatisation de certains services, si
l'État n'a pas le courage de se réformer, d'abord en faisant le
ménage dans sa propre gestion et en cessant de gouverner au gré
des groupes de pression minoritaires, le citoyen ne retrouvera pas la confiance
nécessaire envers ses gouvernants pour accepter de se serrer la
ceinture. Et si le citoyen n'accepte pas de se serrer la ceinture et
d'augmenter sa productivité individuelle et de réduire ses
exigences envers l'État à l'essentiel, toutes les solutions
imaginables pour redresser notre situation seront inapplicables.
Les administrateurs agréés attendront avec impatience les
résultats des travaux de cette commission parlementaire, mais nous
demeurons inquiets. L'équilibre État, citoyen, entreprise auquel
nous faisons référence doit se traduire rapidement dans une
démarche concrète qui interpelle chacun de nous.
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Alors, permettez-moi de vous dire combien nous
apprécions votre contribution, votre participation ici, ce soir,
à cet exercice. Nous voulons vous souhaiter la plus cordiale bienvenue
et vous dire que nous allons sûrement, comme nous allons le faire pour
tous les 75 mémoires qui nous ont été
présentés ou qui le seront dans quelques jours, apporter la plus
vive et la plus stricte attention à vos propos.
Évidemment, je vois, dans la conclusion, que vous mentionnez
ceci: «Comme vous avez pu le constater, notre position s'est voulue plus
générale que pointue.» Et, évidemment, ce que nous
cherchons, c'est plus le pointu que le général. Bien que, sur le
général, il n'y a pas toujours des consensus, si vous aviez
été ici, par exemple, mardi dernier, il y avait un genre de front
commun, ici, qui est venu nous dire que le gouvernement gonflait ses
problèmes, qu'il n'y avait absolument pas d'urgence, qu'il n'y avait pas
péril en la demeure, que les finances publiques étaient en bon
état, etc. Et vous, vous arrivez aujourd'hui et vous dites, et je cite:
«La dette publique constitue un héritage empoisonné, une
véritable bombe à retardement que les générations
actuelles laisseront aux générations montantes qui peuvent
refuser de partager cette charge par la diminution de la productivité,
l'exode ou simplement le refus de participer à l'activité
économique.» Voilà évidemment une phrase assez
lourde. Quand on reçoit ces différents messages, nous, on se
demande si on ne pourrait pas être un peu plus pointu que
général. Parce que nous recherchons, enfin, des pistes de
solutions.
Quant à nous, votre constat est quelque chose peut-être
de... je ne dirais pas d'exagéré, mais enfin... On va essayer de
faire en sorte que ce ne soit pas exact parce qu'on veut sûrement faire
en sorte que les générations qui viennent n'auront pas à
vivre ce que vous appréhendez. Les gestes que nous devrons poser
collectivement devraient être de nature à manifester le fait que
nous soyons des administrateurs responsables. Je sais que je parle justement
à des administrateurs. C'est votre propre profession. Vous avez sans
doute raison de vous préoccuper de cette situation-là et de la
décrire d'une façon, évidemment, qui nous porte à
réfléchir et qui amène, évidemment, une prise de
conscience collective.
Il y a eu des moments où nous pensions réellement que la
situation pourrait être corrigée. Je me rappelle que lorsque nous
avons publié, le 5 mars 1986, «L'urgence d'un redressement»,
on avait établi là un constat. Nous avions fait un inventaire, si
vous voulez, un bilan de la situation. Nous avions dit que nous allions faire
un virage dans les finances publiques. Nous avons établi certains
objectifs, et tout cela avait un lendemain qui a été excellent.
Durant les années 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, nous avions presque
diminué le solde du compte courant qui était très
négatif, qui était dans les 2 000 000 000 $, et nous arrivions
presque à l'équilibre.
Je ne sais pas, moi. On pensait, à ce moment-là, qu'on
pouvait continuer et arriver, justement, à l'objectif que vous avez dans
votre mémoire. Mais la récession est arrivée et a
réellement tout chambardé. Aujourd'hui, nous avons une situation
conjoncturelle, mais également structurelle à laquelle on doit
faire face. La situation actuelle, évidemment, est préoccupante.
Dans «Vivre selon nos moyens», nous avons indiqué que nous
ne pouvions pas, évidemment, la régler dans un seul budget. Je
pense que ce ne serait pas raisonnable. Mais, dans ce document, nous avons
établi, premièrement, que nous ne croyions pas que nous puissions
aller davantage dans l'endettement. Lorsque vous parlez des
générations qui viennent, c'est sûr que nous nous
rencontrons facilement dans cette préoccupation, et voilà que ce
n'est pas la première année que nous empruntons à long
terme pour payer les dépenses courantes. Ça se fait depuis
1977-1978. Nous étions à la veille d'arriver à
l'équilibre lorsque la récession est arrivée.
Ça veut dire, ça, que, pendant tout ce temps-là, on
a emprunté près de
25 000 000 000 $, comme société, à long terme ou
à moyen terme, pour payer les dépenses courantes. On nous avait
signalé tout à l'heure, mon prédécesseur à
cette table disait que peut-être non pas seulement qu'on devrait arriver,
dans le prochain cyclo économique, à réduire le
déficit et arriver à un solde équilibré du compte
courant, mais en même temps, dans ce même laps de temps, rembourser
les 25 000 000 000 $ qu'on n'aurait pas dû emprunter pour rencontrer les
dépenses d'ordre de dépenses courantes. C'est un gros
défi. Je pense que ce serait bien difficile d'arriver à
ça, en toute honnêteté. Tout de même, il faut avoir,
je pense, ensemble une bonne vision des choses, une prise de conscience, mais
en même temps il faudra que notre société ensemble se
préoccupe d'améliorer sensiblement les finances publiques et le
plus tôt possible les décisions devront, normalement, se
prendre.
Avant de terminer, je voudrais, dans ces quelques remarques, vous faire
part d'un énoncé que vous avez en page 10 relativement à
l'imposition des dividendes au Québec. Il me semble que cette
affirmation souffre de quelques omissions. En premier lieu, le calcul des
impôts sur le dividende, les actionnaires doivent prendre en compte
l'impôt payé au niveau de la corporation. De plus, le calcul doit
prendre en compte le cumul des impôts fédéral et
provincial. En second lieu, il doit tenir compte du crédit d'impôt
pour dividendes, qui vise essentiellement à prévenir la double
imposition de ce revenu. Enfin, compte tenu que les taux d'impôt des
sociétés varient selon la taille et le secteur d'activité,
il est utile d'établir des comparaisons pour diverses situations, soit
celle d'une petite entreprise ou d'une entreprise de fabrication ou encore de
la grande entreprise. À ce propos, j'ai devant moi un tableau qui
indique, justement, certaines comparaisons avec Québec-Ontario pour la
petite entreprise et sera une intégration des impôts corporatifs
et individuels au Québec et en Ontario en 1992. Pour la petite
entreprise, le Québec, le taux est 48,82, Ontario 48,45; pour les
grandes entreprises, Québec 60,86, Ontario 63,05; et les entreprises de
fabrication et de transformation, Québec 56,71, alors que l'Ontario
59,07. Je vais simplement laisser ces chiffres-là pour votre bonne
attention.
Ceci étant dit, encore une fois je vous remercie de votre
participation. (21 h 40)
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
Est-ce que vous avez des commentaires relativement aux propos de M. le
ministre des Finances?
M. Gagnon: En fait, un commentaire bref pour signaler que ce qui
préoccupe énormément nos membres est le fait que la
tentation peut être grande de tomber dans un extrême de solution ou
dans l'autre pour essayer de solution- ner le problème important du
déficit et de la dette qu'on connaît. Alors, on entend parler
beaucoup de ticket modérateur, de privatisation de services et on entend
parler également de gestion plus serrée des dépenses de
l'État. Il nous apparaît clair qu'il faut absolument une
conjonction de l'ensemble de ces moyens ou de ces solutions-là pour
réaliser l'objectif de compresser le déficit tel qu'on le
souhaite. Mais trop verser dans soit un type de mesures ou l'autre risque de
nous entraîner dans d'autres excès qui ne régleront
absolument rien.
Je pense, par exemple, au ticket modérateur parce qu'on en entend
beaucoup parler. Il faut éviter de tomber dans le piège de ne
faire qu'alimenter ou ajouter de l'argent dans le système actuel. Si on
se dirige vers ce type de moyen, il faudra s'assurer que c'est pour des
objectifs très précis, soit de réduction directe de la
dette ou encore permettant l'amélioration des services qui seraient
financés par un tel moyen. Mais ajouter de l'argent sans, en même
temps, compresser les dépenses de l'État dans son fonctionnement
et sans rationaliser le fonctionnement du gouvernement risquerait de nous
créer d'autres problèmes.
Le Président (M. Lemieux): O.K. J'avais une petite
question. Vous nous dites que c'est nécessaire de compresser les
dépenses de l'État. Est-ce que, pour ce faire sans privatiser
certaines sociétés d'État, effectivement, on ne pourrait
pas faire en sorte que certaines sociétés d'État soient
davantage mises en compétition avec le secteur privé?
M. Gagnon: Tout à fait. Absolument. Il faut que le...
Le Président (M. Lemieux): Par exemple, la Commission de
la santé et de la sécurité du travail. Je ne sais pas si
vous l'ignorez, mais il se paie plus de cotisations par les employeurs à
la Commission de la santé et de la sécurité du travail que
d'impôts sur le revenu. Aux États-Unis, vous avez un
système davantage étatisé; 31 États où c'est
assumé par le privé, vous avez une quinzaine d'États
où c'est mixte.
Cette philosophie d'approche, à savoir non pas
nécessairement privatiser dans son ensemble, mais dégraisser en
faisant en sorte d'augmenter la productivité par une compétition
plus active avec le secteur privé, est-ce que c'est une voie de solution
qui vous apparaît comme pouvant être efficace?
M. Bouchard (André J.): Oui. Enfin, de ce
côté-là, je crois que ce sur quoi nous voulons insister
actuellement, et je reviens un petit peu à ce que M. le ministre
soulevait tout à l'heure, c'est peut-être un cri d'alarme. Mais,
le cri d'alarme, il faut le donner au début de l'incendie et non
lorsqu'il est trop tard. Dans ce sens, ce
mémoire se veut effectivement un cri d'alarme. Il y a 5 ans, il y
a 10 ans, nous n'aurions pas tenu 10 mamo lungago, ot voyo/ où nous
sommes aujourd'hui. si nous ne faisons pas attention aujourd'hui, où
allons-nous nous retrouver, dans cinq ans? je crois que, déjà, le
mémoire du gouvernement donne quelques idées où on s'en va
si des mesures drastiques ne sont pas prises.
Ce que nous voulons dire actuellement et au niveau des privatisations et
au niveau des services, ce n'est pas de dire que tout ce qui a
été fait est mauvais, loin de là. Nous croyons que
l'ensemble des choses qui ont été faites jusqu'à
maintenant, étape par étape, choix par choix, a
été, en règle générale, bien inspiré
et a répondu à des besoins du temps. Actuellement, il y a une
révision des choses qui doit se faire. Nous vivons largement au-dessus
de nos moyens. Est-ce qu'on peut augmenter les revenus et continuer d'avoir les
mêmes services? Si oui, allez-y, mais je crois qu'il est évident
qu'on ne peut pas.
Au niveau de la rationalisation des services, 11 y a la privatisation,
privatisation des services eux-mêmes. il y a peut-être une
évaluation qui devrait être faite au niveau des services publics
actuellement, à savoir quelle est la pertinence de tel et tel service et
quelle est la relation coût-impact, l'impact que ce service a
actuellement versus le coût qui est directement relié à ce
service.
D'autre part, au niveau des sociétés d'État, les
sociétés d'État peuvent être et doivent être
autant que possible, nous le mentionnons dans le mémoire, mises en
compétition avec le secteur privé. Là où
l'État n'a pas à être, l'État doit se retirer.
L'État a fait des efforts en ce sens en privatisant, je crois, une
vingtaine de sociétés d'État il y a quelques
années. L'exercice pourrait peut-être être repris, et on
devrait peut-être réanalyser certains éléments du
portefeuille. Là où il n'est pas justifié que
l'État se retire, et si l'État demeure dans un milieu
économique, la deuxième question qui se pose, c'est: Est-ce qu'on
peut mettre l'État en situation de concurrence avec le secteur
privé, si c'est nécessaire? Et nous disons à cela, oui,
parce que ça amènera une façon de gérer
l'entreprise publique qui respectera des critères de nature
privée, avec la concurrence, avec une notion de profitabilité ou
surplus...
Le Président (M. Lemieux): Et de productivité
aussi.
M. Bouchard: ...de productivité qui ira de soi. Donc, dans
ce sens-là, c'est de faire réellement un exercice de
rationalisation, se disant que les choix qui ont été faits ont
été bons à un temps, ces choix-là que nous
maintenons actuellement peuvent probablement être à tout le moins
réévalués, à moins qu'on ne se retrouve dans cinq
ans avec un incendie qui sera large- ment plus avancé à ce
moment-là, peut-être un peu trop tard.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: C'est M. le député de
Montmorency.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, pardon.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom de
ma formation politique, souhaiter la bienvenue aux représentants des
administrateurs agréés du Québec et leur dire
qu'effectivement, depuis deux ou trois jours, on reçoit ce genre de
message, où la population en général, les
différentes couches de la société viennent exposer un peu
Ce cri d'alarme que vous manifestez encore ce soir. Je vous dirai que, pour ma
part, je considère que c'est important que les administrateurs
agréés, comme les comptables agréés, tous ceux que,
de formation, on appelle comptables ou administrateurs, qui gèrent,
à toutes fins pratiques, le milieu ou gèrent la
société sur le plan de l'économie, viennent dire ce qu'ils
pensent.
La population ressent des choses. Elle a besoin également de se
faire confirmer par des experts comme vous que la situation est vraiment
catastrophique sur le plan économique. Mais aussi, en même temps,
vous avez un voeu, vous faites un voeu, c'est-à-dire que vous avez
l'impression qu'on est rendu là parce que, comme le dit le dicton,
«ça va comme c'est mené». C'est un peu le message que
je reçois de votre mémoire: Ça va comme c'est mené.
Vous ajoutez à ça une espèce de voeu pieux où vous
dites en même temps: J'espère qu'il y aura suffisamment de
volonté politique, comme si vous doutiez en même temps qu'on
puisse arriver à des résultats. Pour vous, ce cri d'alarme qui
est très nécessaire, j'aimerais quand même que vous
essayiez de m'expliquer...
Est-ce qu'il y a de grandes tangentes à prendre que vous trouvez
essentielles pour donner une correction? Je comprends que vous disiez, bon, la
concurrence et tout ça, mais comment peut-on arriver à
déterminer vraiment un axe à prendre, clair, net et précis
où on peut se guider à travers les décisions qu'on aura
à prendre? À court terme, le gouvernement en place devra enfin
prendre une décision et arrêter de la reporter. Vous le dites
aussi dans votre mémoire, que le gouvernement en place reporte toujours
ses choses. Et là, bien, il est en train de venir dédouaner un
peu ses coupures qu'il s'apprête à faire et il va mettre ça
sur la faute de tous les gens qui sont venus témoigner, bien sûr,
c'est normal. Mais j'aimerais quand même savoir de votre
côté, les administrateurs agréés du Québec:
Comment est-ce que vous aimeriez
que ça s'enligne vraiment dans des gestes concrets, là,
une grande ligne d'orientation? (21 h 50)
M. Gagnon: Un des principaux problèmes, je pense qu'on le
constate tous, c'est le désabuse-ment de la population, du citoyen face
à ces institutions, face à ces hommes et ces femmes politiques.
Nous avons le net sentiment que tant que le çiotivornement ou que
l'État ne démontrera pas du sérieux dans la gestion de ses
finances publiques, en diminuant de façon importante ses coûts
d'opération, ses coûts de fonctionnement pour recréer une
certaine crédibilité par rapport au citoyen, on va avoir beaucoup
de difficultés à avancer.
Première étape qui nous apparaît importante:
dégrossir l'appareil public. Dégrossir l'appareil public de
différentes façons, notamment, une des pistes qui nous
préoccupent le plus parce que nous sommes principalement des
gestionnaires, en responsabilisant les gestionnaires de nos institutions, de
nos ministères. Il y a des façons de responsabiliser ces
gestionnaires-là. Il y a un potentiel très important de
qualité de gestion au sein de l'appareil d'État, sauf que nos
gestionnaires d'État n'ont pas les moyens, actuellement, de bien
gérer leurs ressources. Ils sont encarcanés par une
réglementation importante, des conventions collectives beaucoup trop
étanches, qui font que le gestionnaire n'a pas le contrôle sur ses
ressources financières et humaines. À partir de là, il est
bien difficile de lui demander d'être imputable et de lui demander
d'être responsabilisé. Donc, première étape
importante: diminuer les dépenses publiques pour que le citoyen regagne
confiance. Lorsque le citoyen aura confiance, il sera beaucoup plus facile, je
pense, de commencer à lui parler de contribution directe aux services
qu'il consomme.
Il faut en parler, il faudra en parler rapidement, il faudra y venir
rapidement. Le citoyen devra contribuer de plus en plus aux services qu'il
consomme directement; il devra également être informé du
coût des services qu'il consomme. Actuellement, allez dans un centre
hospitalier et ressortez-en, on ne sait pas ce que ça a
coûté à la société. Donc, il faut l'informer,
et il faut aussi l'impliquer dans la contribution, là, de ces
services-là, du financement de ces services-là. Il y a des
façons intelligentes de le faire qui vont permettre le respect de
certains principes, qui vont permettre que l'État ou la
société continue de supporter ses plus défavorisés,
qui vont toujours avoir les moyens d'aller à l'hôpital chercher
les services appropriés, ou de profiter d'un système
d'éducation adéquat.
Mais première étape: dégrossir l'appareil.
Deuxième étape: sensibiliser le citoyen à sa contribution
directe aux services publics.
M. Filion: J'aurais une autre petite question rapide, parce que
je l'ai posée quand même à plusieurs associations à
formation administrative.
Toujours dans un but d'économie de finances publiques, on
recherche beaucoup, même dans l'entreprise privée, à
fusionner les entreprises, à unir les dédoublements
administratifs. Pour moi, ce qui m'apparaît clair et que la population
aimerait, je pense, et je veux savoir si vous êtes d'accord avec
ça, qu'on arrive à avoir un formulaire d'impôt au
Québec, comme ça se fait dans toutes les provinces, qui pourrait
être administré, bien sûr, par Revenu Québec
Impôts, qui administre déjà la perception unifiée
TPS-TVQ.
C'est important de poser cette question-là parce que je pense
qu'on ne fait pas assez de pressions sur nos gouvernements sur des formules
simples. Celle-là, pour moi, est une formule simple et
élémentaire qui devrait prendre forme dans notre
société, où tout le monde se complique la vie chaque
année pour compléter deux déclarations d'impôt,
à faire deux chèques, à envoyer ça à deux
administrations différentes, à essayer de se démêler
durant l'année avec qui je dois parler, est-ce que c'est le
fédéral, c'est le Québec? Le monde est complètement
perdu. Je pense que si tout le monde ensemble croit à ce genre
d'orientation... Et. c'est dans ce sens-là que je pose souvent la
question aux différents intervenants, pour avoir leur opinion à
ce niveau-là. Je vous pose également cette question-là:
Est-ce qu'on doit rapidement enclencher un processus pour qu'on puisse avoir
une déclaration d'impôt au Québec, gérée au
Québec, sur le même principe que la TPS et la TVQ que l'on
gère chez nous actuellement?
M. Gagnon: C'est un exemple, effectivement, de
dédoublement qui peut être agaçant. Il est clair qu'il faut
bien mesurer les conséquences d'une unification complète des deux
formulaires, mais, sur le principe, c'est un exemple qui se vaut très
bien. Il est clair qu'il faudrait voir de quelle façon le gouvernement
du Québec pourrait continuer de générer malgré
tout, là, ses propres revenus, et de façon directe, pour s'en
servir de façon à répondre aux principaux besoins de notre
société; mais, effectivement, c'est un exemple.
M. Filion: On pourrait continuer. Je voudrais également
ajouter: Êtes-vous d'accord aussi pour dire qu'on a... À la
lecture de votre mémoire, je crois que vous êtes d'accord qu'on a
atteint un seuil de taxation, où on ne doit pas le dépasser parce
qu'on est dans la courbe de régressivité, ou les rendements
décroissants, qu'on appelle.
M. Gagnon: Tout à fait.
M. Filion: Taxez davantage, vous en récolterez moins. Par
contre, vous semblez ouvert également à la tarification. Mais je
pense qu'on ne peut, quand même pas tarifer, actuellement, de
façon additionnelle, parce que c'est comme si on
allait taxer de nouveau les gens. Alors, si on va vers une tarification
pour sensibiliser les gens à la consommation des services publics, dans
ce genre de transition là, êtes-vous d'accord pour dire qu'on doit
en même temps donner une compensation au niveau des taux d'impôt?
Les gens le paient déjà à travers leur taux d'impôt,
l'assurance-santé, peu importe, la santé, l'éducation.
Alors, êtes-vous d'accord sur le principe que, si on allait vers une
tarification pour sensibiliser la population, on doit, en même temps,
indiquer à la population qu'on lui donne le même allégement
ailleurs, pour ne pas qu'elle ait l'impression de payer en double et qu'on
change l'habitude de consommation. Êtes-vous d'accord avec ce
principe-là?
M. Gagnon: II s'agit là d'un élément auquel
on fait référence, effectivement, dans notre mémoire. Il
faut éviter que la contribution à la consommation des services ne
contribue qu'à ajouter effectivement de l'argent dans le système.
Bon. Est-ce que, en proportion, ce qui serait récolté par une
tarification quelconque devrait diminuer exactement dans la même
proportion l'impôt sur le revenu, par exemple? Peut-être que oui,
mais peut-être que non, dans la mesure où on aurait des garanties
que cette contribution-là va directement au service de la dette ou
encore contribue directement au maintien ou à l'amélioration d'un
service public qui est en péril. À cette condition-là, on
pourrait se permettre d'ajouter un peu du fardeau, mais vraiment dans la mesure
où, encore là, on a fait nos devoirs à l'interne et on a
bien rationalisé nos dépenses.
M. Filion: Vous ne croyez pas que, dans une transition, ce serait
plus sage de donner la compensation? Sinon le phénomène du
rendement décroissant va s'appliquer.
M. Gagnon: Oui, tout à fait.
M. Filion: Pendant le temps où on va, peut-être,
dégrossir l'État ou l'appareil de l'État - c'est ce que
vous semblez vouloir qu'on fasse - qu'on devrait y aller dans une transition,
mais que les gens sentent bien, si jamais on va dans ce sens-là, qu'ils
ne paient pas en double.
M. Gagnon: Que ce n'est pas une surtaxe, au fond, qui
s'ajoute.
M. Filion: Que ce n'est pas une surtaxe. Vous avez décrit
également tout le phénomène du marché au noir qui
atteint des proportions, bien sûr, que tout le monde décrit
actuellement, et je pense que c'est vrai. D'ailleurs, c'est de là, je
pense, que vient un peu le dicton, quant à moi, «ça va
comme c'est mené». Le marché au noir, ça ne tombe
pas du ciel. Ça vient de mesures ou de politiques fiscales que les gens,
à un moment donné, refusent de prendre parce qu'ils
considèrent qu'à toutes fins pratiques on va trop loin.
Vous, ce qu'on vit actuellement au niveau du marché au noir,
est-ce que vous avez une idée comment on pourrait essayer de travailler
pour éliminer ce genre de situation? Est-ce que vous avez des exemples
ou des... Comment est-ce qu'on devrait s'y prendre pour inciter les gens
à revenir consommer dans une économie comptabilisée et non
pas dans une économie parallèle, où on ne perçoit
pas d'impôt?
M. Bouchard: La question est très pertinente et la
solution n'est pas évidente. Si elle était évidente, je
crois que vous l'auriez déjà mise en application. On va au moins
faire confiance au gouvernement jusqu'à ce point-là. C'est
évident que tant et aussi longtemps... Pourquoi quelqu'un travaille au
noir? C'est qu'il y retrouve un bénéfice en bout de course plus
grand que s'il travaillait ouvertement. Quelle est la différence entre
les deux? Principalement, le fisc. Tant et aussi longtemps que le fisc
augmente, tant et aussi longtemps le travail au noir va se développer.
Peut-être que la première voie de solution est au niveau fiscal,
laquelle il y a une foule d'experts qui pourront mieux vous l'expliquer que
nous, exactement, mais c'est la première voie.
La deuxième voie, peut-être qu'on pourrait regarder au
niveau purement juridique, à savoir qu'il y a une règle
d'équité qui s'établit, à un moment donné,
entre quelle est la peine que je vais encourir si je me fais prendre et quel
est le bénéfice que je vais gagner si je fais quelque chose qui
n'est pas dans le droit chemin. J'établis un équilibre dans ma
tête face à cela. Si l'équilibre va en faveur de courir le
risque, je vais courir le risque; si l'équilibre va de l'autre
côté, je vais cesser de courir le risque. Donc, il y a
peut-être là aussi une autre voie. On a simplement à
regarder ce qui est arrivé avec tout le système de pointage et de
l'alcool au volant, etc. On a vu rapidement tomber certains chiffres. Bon!
Faut-il aller jusque-là? Ce n'est pas évident. Il y a des pistes
probablement à investiguer, mais il n'y a pas de solution miracle, nous
en sommes très conscients de ce côté-là. (22
heures)
D'autre part, pour revenir peut-être un petit peu à la
question antérieure sur la tarification, là aussi, il faudra
savoir exactement ce qu'on veut faire. Si on veut faire une tarification et, de
l'autre côté, retourner dans les coffres de l'État en
général et non pas réellement pour régler la dette,
à ce moment-là, pourquoi pas tout simplement augmenter les
impôts? C'est la même chose, en bout de course. Donc, on a trois
choix: on diminue les services, on augmente l'impôt ou on fait de la
tarification. Donc, si on ne veut pas augmenter les impôts, si on ne veut
pas diminuer les services et qu'on fait une
tarification, si on redonne cette tarification-là, on a
réglé quoi? Si on l'utilise pour diminuer la dette,
peut-être qu'on aura avancé d'un pas dans une bonne direction.
Donc, c'est un peu...
Le Président (M. Lemieux): Oui. M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui. Merci, M. le Président.
Je ne peux pas m'empêcher de relever que le député
de Montmorency a prétendu citer le mémoire en disant: Ça
va comme c'est mené. Je n'ai pas remarqué dans le mémoire
qu'il était question de ça, de quelque façon. Il y a un
endroit où on le retrouve, ça, évidemment, c'est dans le
document du 19 janvier où... Il suffit de regarder ça, à
la page 91, et on va tout de suite constater comment ça se fait que
ça va comme ça aujourd'hui. C'est à cause de la
façon dont ça a été mené hier.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Johnson: Évidemment, en période de haute
conjoncture, quand il y avait une croissance réelle de l'économie
- entre 2 % et 4,5 % - réelle, de 1978 à 1981, on en a
profité pour dépenser au lieu de payer les dettes. C'est le
contraire du bon sens. Lorsque, nous, on a connu une bonne conjoncture, de 1985
à 1989, on a trouvé le moyen de baisser le solde
déficitaire des opérations courantes, on a diminué les
impôts et on a soutenu, évidemment, ces
activités-là, ce comportement-là aussi longtemps qu'on a
pu. Mais il fallait vraiment faire des choses pratiques plutôt que de
dépenser davantage, à ce moment-là. Aujourd'hui, on est
pris avec une dette énorme, évidemment.
Parmi les voies de solution, vous avez semblé retenir et ne pas
retenir à la fois - c'est ça, je voudrais des
éclaircissements - la décentralisation, la responsabilisation,
l'imputabilité. Je pense que c'est des concepts que vous évoquez
sans nécessairement les développer. Mais vous les avez quand
même mentionnés. Il y a du bon ou il n'y a pas de bon dans la
décentralisation? Là, on va se comprendre.
Dans le fond, si on parle de responsabiliser et de rapprocher le service
du citoyen, ça devrait être une bonne idée. Alors, c'est
pour ça que je trouvais que vous évacuiez un petit peu rapidement
les avantages de la décentralisation au palier municipal ou local, par
exemple. Vous résumez ça à du pelletage. Si la
décentralisation a du bon, elle en a toujours. Il faut comprendre les
circonstances dans lesquelles ça a été mené.
Évidemment, là, je fais juste 20 secondes de mise en contexte. On
a à lever des impôts et financer les services publics de la
façon qui nuit le moins à l'économie, le moins... pouvoir
concurrentiel et je pense qu'on peut dire que, pour les entreprises, à
titre d'exemple, la fiscalité locale déductible autrement de ses
profits, etc., donc parta- geable avec le niveau supérieur, si on veut,
de gouvernement, vient quand même adoucir la facture.
On cherche surtout - c'est là-dessus que j'aurais aimé que
vous explicitiez votre pensée sur la décentralisation - à
discipliner les pouvoirs publics. Tout le monde cherche ça, tout le
monde veut ça. Il est de notoriété publique que plus c'est
proche du citoyen - le service - plus celui qui dispense le service fait
attention à lui et veut s'assurer qu'il va en donner pour son argent au
bénéficiaire.
Il me semble qu'on doit retenir une de ces voies-là. Ça a
toutes sortes d'avantages et... C'est peut-être un peu court, c'est
injuste de vous demander ça ici, de faire une thèse
là-dessus, mais si vous aviez une occasion de nuancer les mots que vous
attribuez à la décentralisation, ça serait peut-être
bienvenu, ça vous permettrait d'arrondir un peu le discours.
M. Gagnon: Avec plaisir, M. le ministre.
Ce qu'on a senti de nos membres quand on les a consultés,
notamment sur cette question-là, c'est que tous s'entendent à
dire que le principe demeure bon. Le principe général est bon,
effectivement, de ramener le plus près possible du citoyen. Celui qui
dépense, habituellement, amène un meilleur contrôle sur la
dépense. Par contre, nos membres sont de plus en plus mitigés sur
cette question-là et inquiets de voir que l'effort de
décentralisation, notamment de certaines responsabilités vers les
municipalités récemment, n'a pas amené de rationalisation
ou n'a pas amené de compression de quelque nature que ce soit qui a
contribué à faire en sorte qu'on vit moins au-dessus de nos
moyens. En fait, les municipalités ont ajusté leur taux de
taxation exactement pour le même montant du montant qui a
été décentralisé. À partir de là,
bien, on est extrêmement sceptique sur les bienfaits de la
décentralisation.
On est sceptique sur les bienfaits de la décentralisation. Ce qui
nous intéresse beaucoup plus, c'est, à l'intérieur de
l'appareil gouvernemental, qu'on responsabilise ceux qui ont à prendre
des décisions avec notre argent et qui sont les gestionnaires publics.
Alors, c'est pour ça qu'on chevauche sur la décentralisation et
la responsabilisation. On a l'impression qu'en demandant aux gestionnaires de
l'appareil public de gérer, mais en étant imputable avec les
moyens requis pour contrôler ses ressources, contrôler ses
dépenses, ça va donner de meilleurs résultats que de
décentraliser à un niveau inférieur.
M. Johnson: Juste une nuance. C'est peut-être vrai, ce que
vous dites, à l'endroit des grandes villes, les deux ou trois grandes
villes du Québec. Le ministre des Finances et moi, on a constaté
que ce n'était pas vrai dans nos comtés, que le
décentralisation, ça a amené à des
compressions réelles dans les municipalités petites et
moyennes, plus proches de leurs citoyens sans doute, plus sensibles à
toute augmentation de taxe. On a vu littéralement, dans certains cas,
des baisses d'impôt foncier, littéralement là, dans
certaines municipalités, même après avoir
hérité de charges additionnelles, qu'il s'agisse de la police ou
de la voirie.
Alors, simplement pour nuancer là aussi les effets qui sont
très, très différents d'un endroit à l'autre. On a
tenté de les compenser aussi. Il y en a quand même pour 20 000 000
$ au titre de la péréquation, simplement à ce
titre-là, et il y a pour 150 000 000 $, par ailleurs, de compensations.
Alors...
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
M. le député de Labelle, est-ce que vous avez une
intervention?
M. Léonard: Oui, oui. M. le Président, je vous
remercie.
Alors, je voudrais vous remercier de votre mémoire, vous
féliciter, même. Le ministre des Finances, même s'il dit
qu'il s'attendait à des solutions et à aller dans le pointu de
toutes sortes d'interventions ou de propositions, il reste qu'il n'avait pas
fourni beaucoup d'informations pointues quant à lui parce qu'il l'a
publié seulement le 19 janvier, au moment où il vous demandait de
remettre votre mémoire. Alors, j'apprécie le travail que vous
avez fait malgré le peu d'informations qui vous était fourni.
Celles que vous aviez étaient déjà périmées,
comme vous avez pu le voir.
En fait, j'ai relevé une phrase dans votre mémoire,
à la page 16, je la répète pour les membres de la
commission qui l'ont sûrement lue, mais dont ils ne se rappellent
peut-être pas, qui dit ceci: «En fait, les gouvernements ont perdu
la tête, mais ne veulent pas perdre la face». Je l'ai
trouvée assez savoureuse, après avoir fait le bilan du
gouvernement à l'heure actuelle et du gouvernement
fédéral, d'autre part. Je voudrais relever une affirmation...
M. Johnson: C'est au pluriel.
M. Léonard: Les gouvernements fédéral et
Québec.
M. Gagnon: Tous les gouvernements provinciaux et
fédéraux.
Des voix: Historiquement... Ha, ha, ha!
M. Léonard: Alors, revenons sur ce que vient de dire le
président du Conseil du trésor. Parce que, là, il faut
quand même être de bon compte. Il parle du tableau de la page 91.
Je vous ferai remarquer que, durant une période de croissance
économique, ils sont quand même encore en déficit.
Même en 1986, 1987, 1988, 1989, c'est toujours en déficit, et je
pense que, là-dessus, il me semble que si on s'en tenait aux
recommandations que vous faites, puis je pense au bon sens aussi, c'est qu'on
doit rééquilibrer les budgets sur le cycle économique.
Pour aller plus loin, parce qu'on nous ramène toujours un certain
nombre de choses, je voudrais vous ramener à la page 58 du document,
où le tableau donne la différence entre le taux de croissance des
dépenses et l'inflation. Alors, ça commence le 1er avril 1971. La
différence entre le taux de croissance des dépenses et
l'inflation: 18,5 %; 1972: 5,6 %; 1973: 11,8 %; 1974: 9,3 %; 1975: 10,3 %;
1976: 9,2 %. Je ferai remarquer que l'actuel ministre des Finances
était, à l'époque, membre du gouvernement. Je pense que
les écarts sont les plus grands qu'on a dans toute cette page, ceux que
je viens de lire. Le 1er avril 1977, 0,3 % entre l'inflation et la croissance
des dépenses; 4,2 %, 8,1 %. Effectivement, 1979 a été une
année où les dépenses ont augmenté
considérablement: 6,3 %. Mais ça descend à 1 % en 1981,
-2,7 % en 1982.
Je pense qu'à ce moment-ci il faut effectivement faire
référence à des événements qui se sont
passés, à des décisions très dures que nous avons
prises, à l'époque. Je pense qu'on doit remercier aussi les...
tenir compte des sacrifices qu'on a demandés à la fonction
publique, parapu-blique. Si ça n'avait pas été fait
à l'époque, aujourd'hui, le budget du Québec serait
drôlement plus en déséquilibre qu'il ne l'est maintenant.
Par la suite, remarquez, le taux d'augmentation des dépenses entre l'IPC
et l'augmentation des dépenses, c'est 1 % entre 1980 et 1985, et 1 %
entre 1985 et 1990. Mais après, c'est 3 %, 3,3 %, et 3,8 %.
Alors, je pense que, là-dessus, ces messieurs qui nous accusent
toujours de tous les maux sont en train de nous dépasser très
largement, et ça ne sera pas long, avec une année ou deux,
ça ne sera pas long, même en tenant compte de l'inflation. (22 h
10)
Une voix: C'est déjà fait. Ha, ha, ha!
M. Léonard: Alors, M. le Président, je voulais
rétablir ces choses, mais ma question est la suivante.
Effectivement, je suis d'accord avec vous qu'il y a toute une
opération de rationalisation, et les suggestions que vous faites quant
à l'administration gouvernementale, je les trouve pertinentes. Par
ailleurs, il y a un autre volet. À partir du moment où on impose
une tarte de façon draconienne, et ils sont passés maîtres
dans l'art de taxer et dans l'art de couper... Alors, maintenant, si on
s'interrogeait sur la façon de faire grandir la tarte. Vous êtes
des administrateurs. Quels sont les éléments majeurs, les grands
éléments qu'il faut prendre en considération pour relancer
l'économie? À mon sens,
c'est ça. Je comprends qu'on va parler de
recherche-développement, de formation professionnelle, mais est-ce qu'il
y a d'autres considérations à prendre en compte, parce que ce
sont des ingrédients majeurs, mais au-delà de ça?
M. Gagnon: En fait, vous savez que l'économie tient
souvent... la vigueur d'une économie tient souvent à
l'enthousiasme, au dynamisme et au goût de faire les choses, au
goût d'entreprendre, au goût de partir sa petite entreprise. Cet
enthousiasme-là, à juste titre je pense, n'est pas
présent. On traverse une période économique
extrêmement difficile; on a traversé une récession
pénible; nous n'avons pas...
M. Léonard: Oui, la morosité.
M. Gagnon: Nos entrepreneurs ou ceux qui auraient l'idée
ou le goût, de se partir une entreprise n'ont pas accumulé de
capital, et le climat n'est pas positif.
Moi, je pense notamment que les opérations comme celles qu'on
traverse actuellement et de prendre la peine de réunir en commission
parlementaire différents intervenants économiques, de discuter
ouvertement de la situation économique qui est difficile, d'essayer de
voir si on est capable de dégager des consensus sociaux entre
tantôt le monde des affaires qui devra se discipliner pour être
plus productif au plan de la production de ses entreprises, tantôt au
citoyen qui devra être plus sensible à consommer intelligemment
les services publics, tantôt le gouvernement qui signifie
déjà qu'il a l'intention de redresser sa gestion publique; tout
ça va contribuer à créer une ambiance positive. C'est la
première étape. Ne nous imaginons pas que l'économie va
redémarrer comme une étincelle, un bon matin, parce qu'il est
arrivé quelque chose de particulier. Il faut recréer un climat
positif au Québec; il faut cesser de tenir des discours trop alarmistes.
C'était le temps de le faire aujourd'hui, et notre corporation
professionnelle a tenu à dire que ses membres trouvent que ça va
mal.
Maintenant, une fois qu'on l'a dit, il faut voir ce qu'on peut faire
concrètement pour que la situation se corrige, puis que tout le monde
essaie de se mobiliser pour créer un climat un peu plus productif que ce
qu'on connaît. C'est la première étape qui va contribuer
à développer l'économie. Au-delà de ça, il y
a déjà en sous-terrain du travail qui se fait; on en parle, de
formation de la main-d'oeuvre spécialisée en entreprise, on en
parle de développement technologique; il y a quelques programmes
disponibles qui, lorsque les entrepreneurs auront un peu de capital, je suis
convaincu, vont être utilisés beaucoup plus qu'ils ne le sont
actuellement. Mais, pour le moment, il va falloir donner le goût aux
entrepreneurs de faire des affaires.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, pour conclure, M.
le député de Labelle.
M. Léonard: Merci beaucoup de vos commentaires et de vos
réponses, ainsi que de votre présence et de votre
mémoire.
J'espère que nous allons contribuer, nous de l'Opposition, quand
nous serons au pouvoir, à créer ou, au moins, à mettre une
étincelle pour repartir l'enthousiasme.
M. Levesque: Mon Dieu! quel prospect.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances,
s'il vous plaît!
Alors, nous vous remercions de votre participation à cette
commission parlementaire. Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 22 h 15)