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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! Auriez-vous l'amabilité de fermer la porte arrière.
À l'ordre! Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir prendre
place.
La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une
consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lazure (La
Prairie) est remplacé par M. Beaulne (Bertrand).
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que les membres de cette
commission ont pris connaissance de l'ordre du jour? L'ordre du jour est
adopté? Adopté. Merci.
Nous allons maintenant entendre le Conseil du patronat. J'aimerais vous
informer que la durée de l'audition est d'une période d'une
heure, dont 20 minutes seront consacrées à l'exposé de
votre mémoire. Suivra une période de 40 minutes d'échanges
avec les membres de la commission, et je demande au représentant de
l'organisme - comme c'est le cas, ils ont pris place à la table des
témoins - au porte-parole de l'organisme, s'il le veut, de bien vouloir
s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je vous
présente donc mes collègues: à ma gauche, M. Marc Leduc,
fiscaliste et président sortant du Bureau de commerce de
Montréal; M. Guy Laflamme, président des Industries de la Rive
Sud et président du conseil d'administration du Conseil du patronat;
à ma toute droite, M. Jacques Garon, directeur de la recherche
socio-économique au Conseil du patronat; et M. Denis Girard, fiscaliste
chez Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrand. Ghislain Dufour,
président du Conseil.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous sommes prêts,
M. Dufour, à vous écouter avec intérêt.
M. Dufour: M. le Président, le Conseil du patronat est
heureux de répondre à l'invitation du gouvernement du
Québec qui entreprend une analyse du coût des services publics au
Québec et de leur financement. Les dépenses et les besoins
financiers du gouvernement, la fiscalité, le déficit, la dette
publique figurent non seulement parmi les principales préoccupations des
entreprises québécoises, mais également parmi celles de la
population en général. À cet égard, d'ailleurs,
nous pensons que les particuliers et les entreprises sont porteurs d'un message
identique. Le fardeau fiscal actuel est lourd à porter, et toute
augmentation des impôts directs ou indirects serait très
contraignante, compte tenu de l'essor de l'économie souterraine et de la
contrebande, par exemple, de cigarettes et d'alcool, entre autres,
symptomatiques d'une économie surtaxée.
Le Québec est donc à la croisée des chemins. Des
choix difficiles doivent être faits maintenant pour permettre aux
Québécois de vivre selon leurs moyens et de cesser
d'hypothéquer davantage l'avenir des prochaines
générations.
Nos commentaires, ce matin, suivront le schéma
suggéré par la commission et non, malheureusement, le document de
consultation gouvernementale qu'on a reçu le jour où on devait
déposer nos mémoires. Donc, nos commentaires porteront
successivement sur l'évolution des dépenses gouvernementales, sur
la fiscalité et, finalement, sur le déficit et la dette
publique.
Pour la période de 10 ans que avons étudiée au
niveau des dépenses gouvernementales - une période qui va de
1985-1986... on n'est pas retourné sous l'ancien gouvernement, on a pris
les projections du ministre des Finances pour 1994-1995 - on constate que la
croissance des dépenses budgétaires aura été, dans
l'ensemble, supérieure à l'inflation d'environ 1,4 %; pour
l'année 1990-1991, ça avait été supérieur de
3,7 %. Or, cette croissance trop Importante dos dépenses, donc des
déficits, particulièrement accentuée lors de
récessions économiques, ne produit plus les effets attendus sur
la croissance économique en général, d'où
l'obligation pour le gouvernement de se donner comme grande priorité
d'atteindre l'équilibre budgétaire à moyen terme et
à court terme, de résorber le déficit des
opérations courantes. Et, comme le gouvernement ne peut pas augmenter le
fardeau fiscal des particuliers et des entreprises sans répercussions
sérieuses sur une économie déjà très
fragile, il ne lui reste plus qu'à réduire ses dépenses de
façon draconnienne et à instaurer des mécanismes de
marché dans un certain nombre de programmes, tout en adoptant une
politique d'universalité dorénavant partielle des programmes
sociaux, et j'y reviendrai.
Le gouvernement devrait d'ailleurs se sentir à l'aise avec une
telle orientation qui semble souhaitée par la population. C'est en effet
ce que révèle un sondage CROP-CPQ effectué en
novembre 1992. Selon ce sondage fait dans la population en
général, 84 % des répondants considèrent que les
gouvernements devraient accorder plus d'importance au contrôle des
dépenses publiques, alors que 81 % considèrent comme très
importante la réduction du déficit provincial. Les
résultats d'un sondage Le Soleil-CJRP, en novembre 1992, allaient
à peu près dans le même sens. Donc, de façon
générale, la population est favorable à la
réduction des dépenses gouvernementales. (10 h 10)
Rappelons que les dépenses du gouvernement, pour l'année
fiscale 1992-1993, seront d'environ 40 000 000 000 $. Selon les données
du gouvernement, l'enseignement, la main-d'oeuvre, la sécurité du
revenu, la formation professionnelle et la santé représentent
environ 25 000 000 000 $ de dépenses sur ces 40 000 000 000 $.
Jusqu'à maintenant, on a considéré ces dépenses
comme incompressibles. À cela, il faut ajouter plus de 5 000 000 000 $
pour le service de la dette, ce qui constitue donc un total de 75 % des
dépenses publiques, auxquelles on ne devrait pas toucher. Il ne reste
donc que 10 000 000 000 $ de dépenses, mais, dans ces 10 000 000 000 $
là, se retrouve la masse salariale des fonctionnaires, qui est
évaluée à 3 200 000 000 $.
Il est donc évident que si l'on se refuse à
reconsidérer les programmes dans les domaines dits des acquis sociaux
intouchables, on n'atteindra jamais l'équilibre budgétaire,
même pas au titre des opérations courantes.
Outre le fait qu'il faudra bien un jour établir un lien direct
entre la prestation d'un service public et son coût, et revoir
l'universalité des programmes sociaux, des mesures draconniennes
s'imposent immédiatement pour que le gouvernement diminue rapidement ses
dépenses. D'où la proposition générale, M. le
Président, que le CPQ a soutenue ces dernières années,
à savoir: créer un comité d'analyse des dépenses
gouvernementales relevant du bureau du premier ministre, et composé tant
de représentants du gouvernement que de personnes indépendantes
de l'État. Nous croyons que cette proposition, nonobstant cette
commission parlementaire, est toujours valable et que le gouvernement devrait y
donner suite.
Par ailleurs, malgré l'approche traditionnelle du Conseil
à l'égard des coupures dans les dépenses gouvernementales,
à l'effet de ne pas dire au gouvernement où couper parce que nous
n'avons pas nécessairement l'information pour le faire, nous formulons
aujourd'hui dans notre mémoire certaines pistes d'action qui nous ont
été inspirées, tant par les travaux du comité du
travail sur la rationalisation des dépenses publiques, le comité
Poulin - nous exprimons d'ailleurs, en annexe à notre mémoire,
notre accord avec 13 recommandations précises du comité Poulin -
donc, tant par le rapport du comité Poulin que par le dernier rapport du
Vérificateur général du Québec.
Au sujet de l'appareil gouvernemental, nous formulons trois
recommandations.
Que le gouvernement limite réellement la croissance des effectifs
de la fonction publique, chez les cadres notamment, et qu'il se fixe un
objectif de rationalisation dans l'ensemble du personnel par l'attrition. Les
gens nous disent: Vous ne pouvez pas les absorber dans le secteur privé,
qu'est-ce que vous allez faire de ces gens-là? Alors, on dit bien par
l'attrition, et je pense que le gouvernement parle d'attrition
également.
Deuxième recommandation. Que le gouvernement impose partout la
qualité totale comme philosophie de gestion, et augmente
l'efficacité de l'appareil gouvernemental et paragouvernemen-tal.
Et trois. Que le gouvernement revoie chacune des recommandations
formulées par le Vérificateur général ces
dernières années.
Je répète qu'on est d'accord avec 13 recommandations du
rapport Poulin, notamment celle qui veut que l'on regroupe certains
ministères et organismes. On vous donne l'exemple suivant: Pourquoi pas
un ministère de l'emploi? Pourquoi un ministère du travail?
Pourquoi un ministère de la main-d'oeuvre? Pourquoi un ministère
de la formation professionnelle? Pourquoi une Commission des normes du travail?
Il y a énormément de travail à faire de ce
côté-là. Recommandation, donc, que nous suggérons
fortement de prendre en compte.
Deuxième volet. Au sujet de l'universalité des programmes.
Malgré les diverses décisions que pourrait prendre le
gouvernement à l'égard de l'appareil gouvernemental, les coupures
possibles seront insuffisantes s'il ne remet pas en cause la gratuité
des programmes sociaux, sans pour autant compromettre leur
accessibilité. Nous recommandons au gouvernement de revoir le
caractère gratuit de ses divers programmes sociaux et, en corollaire,
qu'il instaure, dans tous les cas où c'est possible, des tickets
modérateurs, en tenant compte de la capacité de payer des moins
bien nantis. Je rappelle cependant que notre préférence, surtout
dans le domaine de la santé, va à l'impôt-services beaucoup
plus qu'à des tickets modérateurs ad hoc sur des services
identifiés.
Finalement, toujours autour de l'appareil gouvernemental, un mot au
sujet des programmes offerts aux entreprises. Il est difficile pour le CPQ de
parler de la réduction des dépenses gouvernementales sans
s'arrêter un instant aux divers programmes de l'État qui
s'adressent plus particulièrement aux entreprises.
Disons, d'entrée de jeu, que pour aider les entreprises nous
sommes beaucoup plus favorables aux crédits d'impôt qu'à
toute forme de subvention. En fait, nous ne sommes d'accord avec les
subventions que dans la mesure où elles viennent en aide aux entreprises
qui font de la recherche
et du développement, à celles qui exportent ou, encore,
à celles qui s'établiraient ailleurs faute d'un certain soutien
de l'État.
À cet égard, le Québec ne vit pas sur une
planète isolée. Il est en concurrence avec tous les gouvernements
du monde entier, et il pourrait se priver d'investissements importants s'il
feignait de l'ignorer. Je voudrais dire, M. le Président, que le CPQ est
tout à fait disponible, si le gouvernement le souhaite, pour participer
à tout groupe de travail qui réévaluerait
l'efficacité et l'efficience de chacun des programmes d'aide aux
entreprises, de même que l'opportunité de les maintenir.
Signalons finalement que les entreprises attendent moins de
l'État qu'il leur offre des programmes de subsides qu'un environnement
législatif, fiscal et réglementaire qui leur permette de
fonctionner avec le moins de contraintes possible. Nous continuerons de
suggérer à cet égard qu'on mette sur pied un groupe de
travail qui aurait comme mandat de voir, d'identifier les principaux irritants
au bon fonctionnement des entreprises, et de proposer des solutions pour leur
permettre de fonctionner avec le moins de contraintes possible.
Parlons maintenant de fiscalité, deuxième volet de votre
mandat. D'entrée de jeu, et contrairement à ce qu'ont
affirmé certains groupes devant cette commission, hier, nous soutenons
que les mieux nantis et les entreprises paient leur juste part d'impôt au
Québec, ce que démontre clairement notre mémoire. Le
problème au Québec ne tient pas à l'iniquité
fiscale entre entreprises, entre pauvres, entre riches, mais bien au fait que
le fardeau fiscal d'ensemble, supporté par les particuliers et par
certaines entreprises, soit trop lourd. Comme nous l'avons
précédemment souligné, c'est sur la taille de
l'État et sur la boulimie gouvernementale qu'il faut se pencher,
beaucoup plus que sur l'équité fiscale. Mais il est clair que,
depuis quelques années, le fardeau fiscal des particuliers à
revenus élevés s'est considérablement alourdi au
bénéfice des moins nantis. (10 h 20)
Je voudrais reprendre simplement trois éléments de notre
mémoire. Au Canada et au Québec, la baisse des taux d'impôt
a favorisé les familles, le travailleur à faibles revenus. Je
n'irai pas dans le débat d'hier, à savoir si ça a
commencé en 1985 ou en 1984 ou en 1986. La réalité est
qu'il y a eu une baisse très importante de l'impôt des familles
à faibles revenus.
Deuxièmement, au Québec, une famille qui gagne un revenu
inférieur à 26 428 $ ne paie aucun impôt. En 1985, elle
commençait à payer de l'impôt à 10 015 $.
Finalement, c'est à Montréal - et vous avez ça dans votre
mémoire - c'est à Montréal que les personnes à
revenus élevés paient le plus d'impôt comparativement
à d'autres villes en Amérique du Nûrd. Là, vous
allez voir qu'un bien nanti, ce n'est pas 100 000 $, c'est 25 000 $. Quand on
arrive à 100 000 $, il y a une différence d'impôt de 5 700
$ entre Montréal et Calgary et de 5 100 $ avec Toronto. Donc, on peut
difficilement parler du Québec comme d'un «paradis fiscal»
pour les mieux nantis.
Au sujet de la fiscalité des entreprises, rapidement.
L'étude comparative de la fiscalité des entreprises,
effectuée par Price Waterhouse et reproduite dans le budget 1989-1990 du
gouvernement, révèle que lorsqu'on considère l'ensemble
des entreprises du secteur privé du Québec, celles-ci assumaient
un fardeau fiscal légèrement plus élevé en 1989,
compte tenu des charges parafiscales, que celles de la plupart des États
américains. Cette étude révélait également
qu'en faisant proportionnellement plus appel aux taxes sur la masse salariale
et sur le capital, la fiscalité québécoise repose beaucoup
moins sur l'impôt sur les bénéfices que ce n'est le cas,
par exemple, pour certains États. On cite le Michigan, on cite
l'État de New York. Il en résulte que la fiscalité
québécoise est d'autant moins avantageuse que l'entreprise est
jeune, qu'elle a des problèmes de capitalisation, qu'elle est à
forte teneur de main-d'oeuvre et qu'elle présente des taux de rendement
peu élevés. En fait, les taxes sur la masse salariale, taxes
très régressives, au Québec sont très
élevées et représentent, selon les estimations pour 1992,
8 300 000 000 $, soit deux fois plus que l'impôt des
sociétés payé aux gouvernements du Québec et du
Canada. Quant à nous, donc, le gouvernement devrait revoir ce
dossier.
Un mot sur les taxes sur certains produits: l'alcool, l'essence, le
tabac. Ces taxes ont atteint des niveaux tels qu'elles ont engendré,
dans le cas du tabac et de l'alcool, un marché noir qui est devenu
très florissant. Je vous donne simplement l'exemple d'une bouteille de
gin de 1,14 litre, qui est vendue par nos distilleurs membres 4,77 $ à
la SAQ, qui est revendue 28,70 $: 602 % de taxes. Nos distilleries
n'opèrent actuellement qu'à 30 %. La question à se poser,
c'est: Est-ce qu'on n'a pas tari la poule aux oeufs d'or? Quant à la TVQ
de 4 % sur les services, elle alourdit grandement le fardeau administratif des
entreprises qui gèrent déjà la taxe de 8 % sur les biens
meubles. Recommandation, M. le Président: le taux actuel de 4 % de la
TVQ ne devrait pas être modifié avant que l'économie n'ait
véritablement redémarré.
Troisième volet, rapidement, le déficit et la dette. En
dix ans, toujours selon la période qu'on a étudiée -
1985-1986 à 1994-1995, selon les prévisions du gouvernement - les
déficits budgétaires accumulés auront été de
plus de 29 000 000 000 $. Malgré les efforts réels du
gouvernement - et on le souligne - pour limiter la croissance des
dépenses, et tout en reconnaissant que la croissance des revenus est
limitée par la récession, ce chiffre est très
élevé et fort inquiétant. Nous reconnaissons que
l'équilibre des
opérations courantes constitue un objectif louable du
gouvernement à moyen terme. Cependant, cet équilibre qu'on a
failli atteindre en 1988-1989 n'a jamais été
réalisé au cours des 10 années étudiées, et
le déficit cumulatif du solde des opérations courantes
s'élève à 15 000 000 000 $, soit plus de la moitié
des déficits budgétaires cumulatifs. Il a donc fallu emprunter
tous les ans pour financer «l'épicerie», même durant
les années de forte croissance économique. Il faut se rendre
à l'évidence: le gouvernement vit au-dessus de ses moyens, et il
est obligé, bon an mal an, d'emprunter pour maintenir l'ensemble des
programmes gouvernementaux, alors que ces emprunts viennent gonfler la dette
publique et constituent des impôts différés, d'où
deux recommandations.
Que le gouvernement, lors de la présentation de son prochain
budget, fixe un échéancier réaliste pour équilibrer
le solde des opérations courantes. On parle de trois ans; le document
parle de cinq ans. C'est peut-être négociable entre les deux.
Recommandation no 13 de notre mémoire. Que le gouvernement du
Québec, une fois réalisé l'équilibre
budgétaire, se contraigne par voie législative à
présenter des budgets équilibrés, et à ne plus
être en déficit, à moins d'en obtenir l'autorisation de
l'Assemblée nationale, à des fins bien spécifiques.
Finalement, un mot sur la dette du secteur public
québécois. Il y a plusieurs composantes à
considérer lorsque l'on examine la dette totale du secteur public. En
fait, on parle de 51 200 000 000 $ lorsqu'on parle de la dette directe du
gouvernement, mais on peut rajouter au débat, et ajouter les autres
dettes dont le gouvernement est indirectement responsable. Là, on parle
d'une dette de plus ou moins 100 000 000 000 $. Quand on prend cette
dette-là, selon nos estimations, la dette de chaque travailleur - nous,
on utilise la référence au travailleur et non pas au citoyen,
parce qu'un citoyen, ça ne paie pas de taxes; c'est un travailleur, de
façon générale, qui paie des taxes - sa dette aura
atteint, au 31 mars 1993, 36 667 $. Le seul service de la dette
représentera pour chaque travailleur québécois, en
moyenne, 3 360 $.
Mais il y a plus. Les déficits budgétaires et la dette
publique forcent les gouvernements à concurrencer le secteur
privé sur les marchés financiers pour obtenir l'épargne
des citoyens et, ce faisant, ils poussent les taux d'intérêt
à la hausse et réduisent la disponibilité du capital
à des fins d'investissement. Nous recommandons à ce
sujet-là quelques propositions, mais une plus particulière. Que
le gouvernement, lors de la présentation de son prochain budget, inclue
un état financier consolidé de la dette publique qui
réponde à la demande du Vérificateur général
du Canada, ce qui nous permettra de différencier entre les
investissements et les dépenses couran- tes.
En conclusion, M. le Président, le rapport Gobeil de 1986 devait
sonner le glas de l'État-providence. Or, malgré des efforts de
rationalisation et de contrôle des dépenses, les effectifs de la
fonction publique augmentent plus ou moins régulièrement. Il en
est de même de la dette publique. Jusqu'à maintenant, le
gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour s'attaquer aux causes
structurelles de la croissance des dépenses gouvernementales. Il lui
faudra cependant faire plus. La lutte au déficit structurel
engendrée par les dépenses incontournables, qui se résume
chaque année à une compression des dépenses par ci par
là, ne suffit plus. Le gouvernement doit maintenant oublier les
médecines douces et avoir le courage de se résoudre à la
chirurgie, une chirurgie majeure. Il faut réduire la taille de
l'État; il faut rationaliser le processus de production des services
publics; il faut développer le faire-faire; il faut accroître le
recours à la tarification. Dans cette entreprise difficile, M. le
Président, de réduction des dépenses gouvernementales, qui
est essentielle à une réduction éventuelle des
déficits annuels de la dette nationale, des impôts et des taxes,
le gouvernement aura le plein appui du Conseil du patronat.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Dufour.
M. le président du Conseil du trésor, la parole est
à vous.
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président. Je souhaite
la bienvenue, évidemment, à M. Dufour et aux gens qui
l'accompagnent. Je dois dire d'entrée de jeu que la déception que
j'ai exprimée hier s'estompe à grands pas. Je dois dire que
ça a commencé à 21 h 15 hier soir, le regain
d'intérêt pour l'ensemble des questions, lorsque la CSD est venue
- oui - nous parler, comme l'Assemblée nationale l'a demandé, non
seulement de fiscalité, comme l'ont fait tous ceux qui l'avaient
précédée, mais également des dépenses
publiques et du déficit. Ils se sont amenés avec des solutions
concrètes du côté de l'organisation du travail, par
exemple, au gouvernement afin de réduire nos coûts, d'être
plus productifs. J'ai trouvé ça extrêmement
intéressant; c'était ça, l'idée. Je vous remercie
et vous félicite de l'avoir compris. Effectivement, il y a trois volets
qui sont importants. On voit comment c'a a été amené ici,
ce matin.
Je suis heureux de voir également que ce n'est pas tout le monde
qui croit que nous allons vers l'État minimal. Je veux bien qu'on se
rende compte que 40 000 000 000 $ de dépenses, dans une économie
d'à peine 160 000 000 000 $, c'est 25 % de l'économie qui
s'explique par les dépenses du gouvernement du Québec. On est
loin de l'État minimal.
Vous parlez de l'État boulimique. C'est
possible qu'il y ait des excroissances et des poches de gras - c'est le
moins qu'on puisse dire - dans certains endroits, soit de l'appareil public ou,
alors, dans le panier de services. Une des choses, évidemment - et vous
faites le lien - qui est importante, si on veut que l'État prenne sa
juste place, c'est qu'il puisse avoir les moyens de rencontrer des services de
base. Ça, ça se finance à même la fiscalité
qui ne doit pas - c'est là que le lien se fait avec l'emploi - venir
hypothéquer notre capacité de développement
économique. (10 h 30)
Vous êtes très bien placés, disons-le,
vous-même et tous vos membres, pour venir témoigner ici de
l'importance que la fiscalité revêt au titre du
développement économique, par les choix implicites que la
fiscalité peut déterminer sur la localisation des entreprises.
J'aimerais peut-être, ce matin, vous entendre davantage à cause de
votre expérience, sur la foi de témoignages peut-être
précis, sur l'importance que revêt la fiscalité, certains
de ses volets, au titre de la localisation des entreprises. Qu'il s'agisse de
la fiscalité des particuliers ou de celle des entreprises comme telles,
certains des volets de la fiscalité québécoise sont
dénoncés ici comme étant régressifs: la taxe sur le
capital, sur la liste de paie. En parallèle, il y a évidemment
les dépenses fiscales au titre de la recherche et du
développement qui sont passablement intéressantes.
Comment voyez-vous qu'on pourrait atteindre cet
équilibre-là, et comment établissez-vous le lien entre
fiscalité et emploi dont on nous a parlé largement hier, mais
dans d'autres termes tout à fait?
Le Président (M. Lemieux): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Je vais d'abord parler un peu de la
fiscalité des entreprises, et je demanderais à un fiscaliste qui
vit ça tous les matins dans son bureau de parler un peu de la
fiscalité des individus.
La fiscalité des entreprises, c'est très important. Les
capitaux sont très mobiles. Si c'est plus cher de faire des affaires ici
que de les faire en Ontario ou de les faire ailleurs, on ira là
où c'est, finalement, plus rentable. Il y a une chose qui est
importante, et je pense qu'on le dit clairement dans notre mémoire.
C'est vrai que, quand on considère juste la fiscalité directe, le
Québec se positionne très bien. Les taux d'impôt, depuis
cinq, six ans, sont généralement très bien, et pour les
PME et pour les grandes entreprises. Notre problème au Québec, et
on le dit tous les jours, M. le Président, pas tous les jours, mais on
le dit régulièrement au ministre des Finances, c'est la
parafiscalité qui est une taxe très régressive, notamment
de 3,75 % sur les services de santé. Alors, quand on additionne tout
ça, on dit: On paie deux fois plus en parafiscalité qu'on paie en
fiscalité. Mais tout compte fait, on est pénalisés, au
Québec.
Hier, nos amies, les centrales syndicales, sont venues nous dire que ce
n'était pas vrai, en nous présentant un tableau qui est au
mémoire des centrales, en nous disant qu'on se situait peut-être
au 20e rang de 26 pays. Évidemment, le premier, le paradis fiscal, c'est
la Turquie, pour les entreprises, mais on ne fait pas beaucoup d'affaires avec
la Turquie, et, à l'autre coin, c'était la Suède, et on
sait maintenant comment ça fonctionne en Suède. Donc, il faut se
comparer avec nos principaux partenaires, c'est le Groupe des Sept, et surtout
avec les États-Unis.
Alors, quand on regarde les tableaux qui sont produits dans leur rapport
gouvernemental, et je n'ai pas de raison de dire que ce n'est pas correct, on
constate que notre fardeau fiscal au niveau global, donc au niveau des
entreprises, est plus élevé ici qu'aux États-Unis. Donc,
il faut être très, très prudent, et pour l'instant on
considère qu'il y aurait à améliorer la
parafiscalité pour qu'on devienne vraiment concurrentiel au niveau des
entreprises.
Au niveau des individus, bien, voilà ce qui se passe.
M. Girard (Denis): M. le Président, au niveau des
individus également, nous devons être concurrentiels avec, d'une
part, les autres provinces au Canada. Si nos taux d'impôt sont plus
élevés, nos particuliers, nos individus auront tendance à
aller travailler dans les autres provinces. Nous devons également
être concurrentiels avec les États-Unis. On remarque que, dans le
mémoire, on Indique des écarts de taux d'impôt entre le
taux d'impôt marginal au Québec, fédéral et
Québec, et le taux marginal aux États-Unis de 15 %. On vit
actuellement dans notre pratique... En tout cas, ici, à notre bureau de
Québec, il y a certains individus qui partent travailler aux
États-Unis ou exploiter leur entreprise, exercer leur profession aux
États-Unis à cause que les taux d'impôt sont plus bas aux
États-Unis. Donc, nous devons, je pense, être concurrentiels avec
notre environnement économique.
Ça peut également, d'autre part, avoir un effet sur les
entreprises. Quand nos entreprises veulent engager du personnel de
l'extérieur, si les taux d'impôt au Québec sont plus
élevés, la rémunération qui devra être
accordée à ces individus-là devra tenir compte de cet
impôt supplémentaire là. Donc, ça a également
un effet indirect sur nos entreprises au Québec.
M. Levesque: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. Levesque.
M. Levesque: Simplement une question relativement à la
fiscalité ou à la parafiscalité. Je comprends que, sur
l'impôt des corporations,
on se classe le plus bas parmi les provinces canadiennes, mais, par
contre, nous avons la parafiscalité. Ceci a été
décidé il y a déjà plusieurs années, vers le
début des années quatre-vingt, et nous avons gardé ce
régime. Ceci, évidemment, constitue jusqu'à un certain
point un impôt minimum pour les entreprises, et, à ce propos,
ça répond à certaines inquiétudes qui ont
été véhiculées il n'y a pas tellement longtemps.
Mais, par contre, nous avons besoin de ces revenus, et, lorsqu'on fait les
calculs, il faudrait que le taux aux petites entreprises passe de 5,75 %
à 14,75 %. Il faudrait que le taux aux grandes entreprises passe de 8,9
% à 17,9 %, seulement si on enlevait ce que nous chargeons pour le
financement des services de santé. Alors, imaginez-vous qu'un tel
changement dans l'impôt corporatif ferait sûrement mal, sans
oublier la taxe sur le capital.
Par contre, il faut aussi tenir compte des avantages que nous procurons
par, disons, ce que nous avons décidé du côté fiscal
dans la recherche et le développement, du côté de la
formation de la main-d'oeuvre. Il faut tenir compte également des autres
mesures qui ont été mises de l'avant, de sorte qu'on ne peut pas
prendre un item en particulier pour dire: Voici, c'est trop cher, il y en a
trop. Parce que, dans le fond, ce que nous faisons avec cette formule, nous
aidons les entreprises les plus dynamiques qui peuvent, évidemment,
concurrencer avec l'extérieur grâce à l'impôt sur les
corporations, mais, par contre, nous avons cet impôt minimum, si vous
voulez, qui assure le fait que toutes les entreprises sont appelées
à payer leur part dans le fisc.
Le Président (M. Lemieux): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, avec tout le
respect que je dois au ministre des Finances, je dois dire qu'il l'a
bonifié drôlement, le pourcentage, depuis que le Parti
québécois l'avait instauré. On est rendus à 3,75 %.
Ça fait pas mal plus mal aujourd'hui que ça faisait mal à
ce moment-là.
Deuxièmement, c'est une taxe qui est régressive parce
qu'on va surtout là où il y a de la main-d'oeuvre. On va surtout
dans le commerce, on va surtout dans les banques, on va surtout dans
l'alimentation, alors que les grosses compagnies, celles qui ont des robots, il
n'y a pas de taxes en masse salariale - puis ce n'est pas une suggestion que je
vous fais - sur les robots. Alors, ça a un caractère un peu
régressif. il ne s'agit pas pour nous de faire le budget ce matin, bien
évidemment, sauf que je ne peux pas accepter que ça passerait de
5,75 % à 14,75 %, parce que la, ça voudrait dire que, de
façon automatique, en enlevant un type de taxe, on le retranspose au
même payeur, alors que, dans l'assiette fiscale, il y a beaucoup d'autres
endroits où on peut aller le chercher. c'est évident que si on
compensait par un type d'impôt comme celui-là, vous nous verriez
à votre bureau réagir très négativement.
Alors, ne faites pas l'échange, on ne l'achètera pas plus,
mais il y a d'autres façons, simplement, par exemple, la révision
de l'effi-cicence de certains ministères, etc. Moi, je me rappellerai
toujours de Marc-Yvan Côté, qui, en commission parlementaire, nous
avait dit: Si on faisait un bon travail d'efficience dans les hôpitaux,
par exemple, on pourrait sauver facilement 100 000 000 $. Et comme je connais
bien le ministre Côté, s'il l'a dit, c'est parce qu'il avait des
assises pour le dire. Alors, tout l'appareil gouvernemental doit être
revu et permettrait justement de baisser ce genre de taxes là.
M. le Président, M. Levesque, vous le savez très bien que
c'est une des taxes les plus difficiles à accepter pour les entreprises,
parce que, même si elles ne font pas de profit, elles sont
obligées de la payer. Alors, nous autres, on est ouverts aux taxes sur
les profits.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Dufour.
M. Levesque, un bref commentaire, puisque vous avez terminé
votre...
M. Levesque: Le temps est terminé? Le Président
(M. Lemieux): Oui. M. Levesque: On reviendra.
Le Président (M. Lemieux): On reviendra. Alors, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais
également souhaiter la bienvenue aux membres du Conseil du patronat. Je
vais y aller rapidement avec quelques petites questions, histoire de mieux
comprendre le mémoire et les propositions que vous nous
suggérez.
Ce qui m'étonne un peu... Quand on parle d'équilibre des
finances publiques, on parle de revenus et on parte de dépenses. Au
titre des revenus, on sait qu'actuellement il y a un manque à gagner
flagrant au niveau des finances publiques. Vous ne parlez que d'un petit
paragraphe où vous dénoncez le marché au noir, à la
page 16 de votre document, mais c'est à peine si vous voulez en parler.
J'aimerais savoir, du point de vue du Conseil du patronat, vous qui êtes
l'élite qui contrôlez et qui manoeuvrez un peu l'assiette fiscale
de l'économie, comment vous voyez résorber ce problème et
ce fléau social qui prend une ampleur dramatique, confirmée,
d'ailleurs, par le ministre des Finances dans son dernier document,
révisé au 31 décembre, des recettes budgétaires
1992-1993? Comment voyez-vous ça? (10 h 40)
M. Dufour (Ghislain): Je vais d'abord faire
une affirmation. Il faut d'abord travailler au niveau des
dépenses avant de travailler sur les revenus. Nous autres, on dit que ce
qu'il faut faire d'abord, c'est de réduire les dépenses et,
après ça, on verra comment on les finance. C'est un principe. On
pourrait en débattre, comment on le réalise, après.
Mais vous avez raison. On a la même préoccupation que vous
sur la cigarette. N'oubliez jamais que les manufacturiers de tabac sont membres
chez nous. Alors, ce problème-là se pose constamment. Vous avez
l'Association des détaillants en alimentation qui a fait la
conférence de presse qu'on sait. Il y a un problème très
réel, mais moi, je pense que le gouvernement est sensibilisé
à ce problème-là. En tout cas, il semble travailler.
Sur le travail au noir, c'est devenu un fléau
épouvantable. On dit que 32 % des travaux de la construction se font au
noir. Mais c'est le domaine de l'automobile, c'est le domaine du gardiennage.
C'est une culture, maintenant, qui s'est implantée dans la
société québécoise.
Je voudrais juste vous rappeler, M. le Président, M. Filion, une
proposition qu'on a faite lors d'un des derniers mémoires à M.
Levesque qui était que l'on donne des crédits d'impôt
à un propriétaire qui ferait faire - un propriétaire de
maison dans le domiciliaire - sa réparation par un vrai travailleur
professionnel de la construction, par un vrai entrepreneur de la construction.
S'il y avait cette incitation-là, on pense qu'on pourrait aller chercher
beaucoup d'argent pour le fisc, qui serait beaucoup plus, en tout cas, que ce
qu'il remettrait comme crédit d'impôt. On comprend que la formule
n'est peut-être pas facile, mais maintenant tout le monde reprend cet
argument-là. La CSN l'a repris d'ailleurs, et c'est sûrement un
dossier sur lequel on devrait travailler. Si on trouvait une formule dans le
secteur de la construction, on pourrait probablement aussi en trouver une,
éventuellement, dans le domaine de l'automobile.
Par ailleurs, si vous me permettez un commentaire additionnel, hier,
j'entendais un des organismes syndicaux dire que le problème de la
fiscalité était toujours le problème des autres, le
problème des biens nantis, le problème des entreprises. Ce n'est
pas les entreprises comme telles qui font le travail au noir. Il y a beaucoup
de travailleurs qui sont des syndiqués de ces centrales-là qui ne
participent pas au fisc aussi. On accuse les 100 000 $ et plus de ne pas
participer. Bien, il y a bon nombre de personnes qui paient leur carte de
membre dans ces centrales-là qui ne participent pas au fisc aussi.
Alors, je pense que l'examen de conscience doit être plus
général que ce qu'on nous proposait hier.
M. Filion: Toujours dans la même optique de vouloir
équilibrer nos finances publiques, moi, je m'attarde aux revenus parce
que c'est impor- tant. Une entreprise sans revenus n'existe pas. Alors, je
pense que... Pour moi, c'est une priorité. La fiscalité est la
façon de percevoir ces deniers publics.
Et votre recommandation no 8 que vous soulevez... On dit que le
gouvernement vise à réduire le fardeau fiscal des particuliers,
notamment ceux à revenus plus élevés. Vous avez quand
même reçu... Oublions tout l'ensemble de la réforme
fiscale. Vous avez bénéficié d'une réduction de
points d'impôt de 9 points, les mieux nantis, depuis 1985. Et là,
vous en voulez davantage. Voud riez-vous m'expliquer pourquoi, et quelle est
l'importance de vouloir réduire encore la fiscalité des mieux
nantis? C'est quoi l'objectif que vous recherchez quand vous demandez une telle
demande?
M. Dufour (Ghislain): Bien, je pourrais vous répondre sur
une base politique, mais, de fiscaliste à fiscaliste, je vais vous
passer Me Leduc.
M. Leduc (Marc): Disons que... Peut-être qu'on a
répondu à cette question-là partiellement tout à
l'heure, mais, présentement, on est dans un domaine, un monde de
compétition globale. Disons que, principalement, c'est une
compétition nord-américaine. Et puis, lorsqu'on essaie d'attirer
un entrepreneur, par exemple, à se localiser au Québec, on veut
qu'il réussisse et on veut qu'il veuille réussir. Et lorsqu'il
fait le compte et qu'il se demande ce qui va lui arriver s'il réussit au
Québec et qu'il s'aperçoit qu'il pourrait payer 5000 $, 10 000 $,
50 000 $ de plus en impôt s'il vit ici que s'il vit dans l'État de
New York, qui est notre État voisin, il ne pourra pas faire autrement
que de mettre dans la liste des plus et des moins la fiscalité comme un
élément négatif à son arrivée Ici.
Alors, il faut qu'on soit compétitifs non seulement avec le reste
du Canada, mais aussi avec les États-Unis. Si vous regardez la page 12
du mémoire, vous constaterez des différences remarquables,
Québec avec toutes les autres localités. À tous les
niveaux salariaux, les impôts sont plus élevés ici.
Alors, je crois qu'on ne peut pas... C'est incontournable. On ne peut
pas se mettre dans une situation, me semble-t-il, où nos impôts
personnels sont plus élevés qu'ailleurs, principalement les
États-Unis et le reste du Canada.
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais demander à M.
Garon d'ajouter?
M. Garon (Jacques): M. le Président, en réponse
à la question, juste un ajout.
Le ministère du Revenu vient de publier des statistiques
comparatives sur l'apport de chaque groupe de contribuables au fisc entre 1979
et 1990. Si on fait la comparaison simplement des mieux nantis, en 1979 - et
quand je parie des mieux nantis, on part à 50 000 $ et plus - il y
avait 1 % des contribuables qui gagnaient 50 000 $ et plus au
québec et qui contribuaient pour 11,4 % de recettes gouvernementales. en
1990, ces contribuables, en nombres, sont passés à 7,9 % de tous
les contribuables, mais ils contribuent maintenant à 35 % de toutes les
recettes fiscales du gouvernement. alors, c'est un autre point pour dire que,
s'il y a eu une progressivité du régime fiscal
québécois, elle ne s'est certainement pas effectuée au
niveau des plus nantis.
M. Filion: II y a la question d'actualisation des données
aussi, où je pense que 1 $ en 1979 et 1 $ aujourd'hui... 50 000 $ que
vous gagniez en 1979 et 50 000 $ que vous gagnez aujourd'hui, je pense que
ça ne se compare pas tellement. En tout cas, ce n'est pas...
Une voix:...
M. Filion: Moi, je voudrais simplement continuer en essayant de
comprendre davantage. On a réduit les taux - on est d'accord - de 9
points depuis 1985. Et la mobilité de la main-d'oeuvre des mieux nantis
s'est maintenue. Alors, comment pouvez-vous expliquer que ça devient
uniquement une question de réduction de taux d'imposition pour inciter
les gens à venir chez nous? Parce que, depuis 1985, on a réduit
de 9 points, et la mobilité de la qualité ou de la main-d'oeuvre
ou de l'expertise de la main-d'oeuvre à revenu élevé s'est
maintenue. D'ailleurs, c'est dans le document que vous avez reçu
sûrement «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos
moyens». Et, à la page 40, on dit très bien que la
mobilité de la main-d'oeuvre s'est maintenue. En 1985, elle était
de 18,3 % et elle s'est maintenue à 18,8 %, même avec une
réduction de taux de 9 points.
Alors, comment pouvez-vous projeter un incitatif autour uniquement,
encore, d'une réduction d'impôt pour inciter des gens à
venir investir? Les gens, quand ils viennent investir au Québec, pour
étirer un salaire, ils vivent chez nous. On regarde aussi ce qu'on en
reçoit au niveau des services publics, au niveau de la qualité de
la main-d'oeuvre, au niveau de la qualité de vie également.
Alors, comment est-ce que vous pouvez uniquement cerner l'incitation au niveau
d'une réduction de taux d'imposition, puisque l'exemple que je vous
donne est confirmé, ça n'a rien donné depuis 8 ans?
M. Leduc: Est-ce que c'a donné quelque chose?
Peut-être que je ne peux pas répondre à cette question,
mais je peux dire qu'il y a eu, ailleurs en Amérique, des
réductions d'impôt personnel au cours des dernières
années, notamment aux États-Unis, notamment dans les autres
provinces. Alors, si le Québec a réduit, il y a eu des
réductions ailleurs. Donc, il s'est passé des choses ailleurs
qu'au Québec pendant la même période. L'écart
demeure. Évidemment, l'écart n'est pas aussi grand qu'il
était il y a 15 ans ou 20 ans, mais il est encore remarquable. Et si
vous regardez la page 12 de notre mémoire, vous ne manquerez pas, je
pense, d'être impressionné par cet écart aujourd'hui.
M. Filion: Mais je pense que l'écart n'est pas
d'aujourd'hui. Il est de plusieurs années, de décennies
même. Il y a toujours eu un écart important. Alors, même si
on veut suivre la tendance, il y a d'autres facteurs qui jouent. Parce que,
vous savez, on peut aider l'entreprise avec des subventions aussi. Hydro
subventionne les entreprises dans différents secteurs. Alors, le taux
d'imposition, en soi, pour moi, demeure. Et dans ce sens-là, j'essaie de
comprendre votre positionnement. C'est un élément... (10 h
50)
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je pense que, au
niveau des individus, tout à l'heure, notre collègue a fait le
point. Il gère ce dossier-là, et, tous les jours, il y a des gens
qui veulent transférer à cause de la fiscalité. À
la page 39 du document gouvernemental, en 1983, Québec combiné...
Parce qu'on oublie toujours le fédéral Vous parlez toujours de 24
%. Ce n'est pas 24 %. Il faut ajouter le fédéral. Alors,
ça nous fait un combiné, en 1983, de 60 %. Aux États-Unis,
c'était 50 %. Aujourd'hui, en 1991, 51.1 % au Québec, mais il
n'est que de 31 % aux États-Unis. Alors, il y a une marge. On peut
ajouter 3 % ou 4 % pour certains États, selon les États où
on ira, mais ça fait une marge très, très grande. Et moi,
aussi, je peux témoigner - je ne suis pas dans un groupe fiscaliste -
mais je peux témoigner de transferts que l'on a, de ressources - et pas
purement dans le monde des affaires - dans le domaine scientifique, dans le
domaine universitaire, de gens qui disent: Eh bien, la vie est meilleure, au
plan fiscal.
M. Filion: Écoutez, vous... Une dernière question.
Vous êtes sur une philosophie de vouloir réduire des taux qui
s'appliquent à trois ou quatre millions de travailleurs au Québec
pour une minime partie ou quelques personnes qui, pour des raisons x,
décident d'aller gagner leur vie plus au sud. Mais est-ce que ça
justifie un changement aussi fondamental comme vous l'exigez? Et c'est
là que je me questionne.
M. Dufour (Ghislain): On demande une baisse d'impôt pour
tout le monde, là. On ne demande pas ça juste pour les 100 000 $
et plus. On dit que la fiscalité est trop élevée au
Québec. Tant mieux si les moins bien nantis, au lieu de 26 000 $,
ça devient 35 000 $. On n'a aucune objection à ça, sauf
qu'on dit: II faut baisser, donc il faut réduire les dépenses
gouvernementales. Il faut aller chercher de l'argent neuf dans la tarification
ou autrement, mais il ne faudrait
pas prendre que nous, là, on a un billet carrément pour
les 100 000 $ et plus. Sauf qu'on vous dit, à la page 12, que
l'argument, qui n'est pas nécessairement le vôtre, soit dit en
passant, que les groupes sociaux avec qui on fait le débat - et vous
l'avez vu hier - qui viennent nous dire: Tous les problèmes au
Québec résultent parce que les 100 000 $ et plus ne paient pas
d'impôt et les entreprises ne paient pas d'impôt, eh bien, vous
allez nous permettre, nous autres aussi, de dire que cette
affirmation-là est fausse, comme on l'exprime clairement ici. Mais tant
mieux si tout le monde peut avoir une baisse des impôts, M. Filion.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon.
Mme Marols: Juste une question technique, là, pour qu'on
s'entende bien et qu'on comprenne bien avec quel univers on fait affaire comme
référence. Quand on identifie la contribution au Fonds des
services de santé comme la contribution des employeurs à la CSST,
qu'on additionne donc tout ce qui concerne la parafiscalité sur les
entreprises et qu'on compare cela avec ce qui se passe aux États-Unis,
parce que je pense que c'est là qu'il faut regarder, je suis d'accord
avec ça, est-ce qu'on met de leur côté ce que ça
coûte aux entreprises en assurance, en participation aux frais
d'assurance pour leurs travailleurs et travailleuses? Est-ce qu'on met ce que
ça leur coûte au régime des rentes lorsqu'il y a une
contribution? Parce que, si on veut faire une véritable comparaison, il
faut faire ça, sinon on passe à côté, ici, on le
supporte collectivement, eux le supportent entreprise par entreprise.
Alors, je veux savoir si, dans vos données, on tient compte de
cela. De la même façon qu'après, pour les taux marginaux
maximums pour les revenus supérieurs, si on faisait la comparaison avec
ce que cela coûte pour ces hauts revenus d'envoyer un jeune à
l'université aux États-Unis, d'avoir à assumer ses frais
de santé, est-ce que, toutes proportions gardées, on n'arriverait
pas à des ponctions sur le revenu qui gardent un revenu disponible
comparable d'un côté ou de l'autre de la frontière? Et
là, je pose la question sur la base des données que vous avez
utilisées. Est-ce que vous avez tenu compte de cela?
M. Dufour (Ghislain): Quand on compare, nous, le taux de la
parafiscalité, et c'est ce que vous retrouvez dans notre mémoire,
c'est une comparaison plutôt provinciale. C'est ce qu'on paie ici par
rapport a l'Ontario, par rapport à ce qu'on paie dans les autres
provinces, parce que notre premier schéma de référence,
c'est de voir comment on situe la fiscalité directe et indirecte dans
notre ensemble canadien. Alors, le tableau que vous retrouvez à la page
14 réfère à la parafiscalité canadienne et
québécoise.
Quand vous arrivez à faire des comparaisons avec les
États-Unis, ça devient excessivement difficile. C'est vrai, vous
nous servez toujours l'argument des services de santé. Nous, on va vous
servir l'argument qu'on paie plus ici au niveau municipal, qu'on paie plus au
niveau scolaire. C'est difficile de faire des comparaisons au plan de la
fiscalité, sauf que, dans une organisation comme la nôtre, on a
beaucoup d'entreprises qui sont aux États-Unis, dont le siège est
aux États-Unis, ou des gens comme mon collègue ici qui ont des
entreprises aux États-Unis et qui peuvent donc comparer l'assiette
fiscale globale, incluant ce qu'on va donner aux travailleurs. Parce que, en
santé, on va lui payer une police d'assurance privée parce que le
régime public ne l'inclut pas. Je peux vous dire sous réserve -
on n'a pas d'étude pour l'appuyer, là - que, de façon
générale, la fiscalité canadienne est supérieure
à la fiscalité américaine.
Mme Marois: Cependant, dans les données que l'on a dans
vos documents, ça n'en tient pas compte.
M. Dufour (Ghislain): De?
Mme Marois: De ces aspects-là, au plan technique,
là, quand on regarde les chiffres, pour la comparaison canadienne,
ça va de soi, c'est relativement plus facile, quoiqu'il y ait quand
même des nuances importantes aussi. Parce qu'il y a des provinces qui
versent directement certains services, d'autres, c'est leurs
municipalités qui le font. Alors, je pense que là aussi il y a
des nuances à apporter. Mais...
M. Dufour (Ghislain): On essaie, madame...
Mme Marois: ...ce que je veux dire, c'est que, dans les
comparaisons, entre autres avec les États-Unis, on ne tient pas compte
quand même de ce volet-là, dans les données que vous
nous...
M. Dufour (Ghislain): Non.
Mme Marois: ...présentez. D'accord.
M. Dufour (Ghislain): Et c'est impossible. C'est impossible. On
essaie de le faire à la CSST actuellement, et c'est impossible, parce
que les bénéfices sont différents, tout est
différent.
Mme Marois: Bon, d'accord, ça va.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui, je voudrais revenir au Québec et
vous poser une question sur l'analyse des dépenses que vous avez faite,
des dépenses publiques, en quelque sorte. Je voudrais vous
rapporter au document «Vivre selon nos moyens», pages 48 et
64.
Ce qui est dit là-dedans, par exemple à la page 48, c'est
que l'effort significatif pour augmenter les revenus de tarification depuis
1985... On dit que ces efforts totalisaient 3 300 000 000 $ en 1991-1992 -
donc, c'est ça, le bloc - dont 1 500 000 000 $ en revenus perçus
directement par les ministères et organismes, et 1 300 000 000 $ par les
établissements des réseaux de santé, d'éducation et
des services sociaux. Et ce qui est dit après est une note très
importante: «Généralement, c'est seulement le premier de
ces éléments qui est comptabilisé aux revenus, tandis que
les autres apparaissent en déduction des dépenses.»
Ce que ça implique, c'est que finalement, à la page 64, en
haut, le premier paragraphe au milieu: «II s'est agi, entre autres, du
transfert de certaines responsabilités aux commissions scolaires, de
l'augmentation des frais de scolarité au niveau universitaire, du gel
des salaires [...] de mesures prises plus récemment dans le secteur de
la santé», en particulier désassurance partielle, etc. Mais
ce que cela veut dire c'est que, finalement, les dépenses qui ne sont
plus faites par le gouvernement le sont au niveau des réseaux, dans les
réseaux, mais que pour le public, c'est encore des institutions
publiques ou parapubliques qui les assument. Mais, en termes d'analyses, il
manque quelque 1 300 000 000 $ à la masse des dépenses
budgétaires de 1991-1992. Est-ce que vous en avez tenu compte? En
d'autres termes, on parle du pelletage, là, mais quand on en fait une
déduction, une réduction des dépenses plutôt que de
les comptabiliser au revenu, comme il se devrait normalement, si on veut faire
une analyse qui se ressemble d'un bout à l'autre de la période,
je pense qu'il y a comme un petit problème.
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que le gouvernement devrait faire la
même chose pour le manque à gagner des transferts
fédéraux?
M. Léonard: Ah, c'est vous qui en parlez; alors, on va en
parler.
M. Dufour (Ghislain): Non, mais sur la première...
M. Léonard: Effectivement... Je sais que le Conseil du
patronat s'intéresse beaucoup à la question
fédérale, mais, effectivement, il y a des problèmes
majeurs aussi qui se posent de ce côté-là. J'en
étais à l'heure actuelle au parapu-blic ou péripublic.
M. Dufour (Ghislain): Oui.
M. Léonard: Parapublic plutôt.
M. Dufour (Ghislain): M. le député, vous vous
rappelez la position qu'on a prise l'année passée lors du
transfert des coûts aux municipalités. Nous sommes pour la
décentralisation...
M. Léonard: Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...nous l'avons affirmé souvent,
mais à une condition: c'est que si on confie des responsabilités
additionnelles aux cégeps, aux municipalités, aux commissions
scolaires, qu'on transfère aussi de l'argent, parce que, si on ne
réduit jamais la facture en haut et que les coûts sont
assumés en bas, là, on va avoir un vrai problème de
finances publiques.
Alors, sur le principe, on s'entend que l'argent devrait accompagner le
transfert de responsabilités. Quant à la façon de
l'inscrire dans le document du gouvernement, j'ai dit, d'entrée de jeu,
que le document n'était pas là lorsqu'on a fait notre
mémoire.
M. Léonard: Oui, je comprends que... Ça pose un
problème de transparence, mais aussi de continuité dans
l'analyse.
M. Dufour (Ghislain): On propose, si vous me permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): À une recommandation, je ne sais pas
laquelle, on propose que, dans le prochain budget, le gouvernement tienne
davantage compte de la proposition du Vérificateur général
pour établir, justement, une meilleure distinction peut-être entre
opérations courantes et investissements, revenus, dépenses,
etc.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, très brièvement. (11 heures)
M. Filion: M. le Président, simplement une petite question
rapide. On sait que le Conseil du patronat, sur la fiscalité, aime se
comparer aux autres provinces. Vous savez que, dans les autres provinces, il y
a seulement une déclaration d'impôt qui est produite. Seriez-vous
d'accord, sur la base de l'entente fédérale-Québec pour la
TPS-TVQ, qu'on ait également une déclaration d'impôt au
Québec dans un but de rationaliser les dépenses publiques, bien
sûr?
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que vous suggérez qu'on fasse
une seule déclaration au fédéral?
Une voix: Au Québec.
M. Filion: une seule déclaration d'impôt au
québec. sur la base de la tps et de la tvq, on a une entente. on a
déjà ce qu'on appelle quelque chose sur la table qui est fait,
qui est
réalisé. Sur la même base, seriez-vous d'accord?
M. Dufour (Ghislain): Non. Je pense que je vous ai
répondu. Je veux dire, c'est évident que nous autres...
M. Filion: Vous n'êtes pas pour la rationalisation des
dépenses, comme ça.
M. Dufour (Ghislain): Non, non. Je veux dire, qu'on n'en ait
qu'une, oui, mais où elle doit être faite, voilà la
question que je vous retourne.
M. Filion: Mais sur la même base que la TVQ-TPS que je pose
comme question, seriez-vous d'accord?
M. Dufour (Ghislain): Bien, TPS-TVQ, M. le député
de Montmorency, M. le Président, je pense que, pour l'instant encore, ce
n'est pas un modèle. Je veux dire, on va attendre que ça vive un
peu.
M. Filion: Ah! Ce n'est pas un modèle.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): On l'a dit, là...
Une voix: Bravo pour le ministre du Revenu qui est là.
M. Dufour (Ghislain): Non, non. On est d'accord avec le principe,
comprenons-nous bien, mais il y a des difficultés énormes de
gestion de ce dossier-là. D'ailleurs - je ne vous apprends rien - on le
dit dans notre mémoire, c'est très lourd à supporter pour
les PME. Ce n'est pas facile à gérer et ça aurait
été la catastrophe si ça avait été deux
gestions. Alors, on est mieux dans le système actuel, mais il pose
encore énormément de problèmes.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Dufour.
M. le député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président.
À mon tour, je veux vous souhaiter la plus cordiale
bienvenue.
Dans votre rapport, en annexe, on trouve des recommandations du rapport
Poulin. Je pense que les députés ici en seront très
heureux parce que plusieurs collègues ont fait partie de ce
comité-là, mais il y a une chose. Dans votre mémoire, vous
parlez beaucoup de la gestion des effectifs du gouvernement. Vous parlez aussi,
vous citez des remarques du Vérificateur général sur la
gestion des ressources humaines. Vous parlez de qualité totale. On dit:
Le ministre de l'Industrie et du Commerce déclarait, lors de la semaine
de la qualité totale, je crois, que plusieurs dollars sont perdus au
gouvernement, puisqu'il n'y a pas application de la qualité totale. Si
on avait... Bon!
Concrètement, qu'est-ce que ça signifie pour vous,
l'application de la qualité totale dans l'appareil d'État? Et,
ensuite, il y a un point... Parce que, dans les recommandations que vous avez
retenues du rapport Poulin, une des recommandations, entre autres, portait sur
l'imputabi-lité des fonctionnaires devant l'Assemblée nationale.
D'ailleurs, il y a eu un rapport de produit. Le député de Vanier
était l'auteur de ce rapport-là, avec le député de
Laprairie, M. Lazure. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Dufour (Ghislain): Sur la question de l'imputabilité,
nous, on est totalement d'accord et, si on comprend bien, le projet, la
suggestion qui a émané du comité Poulin chemine à
l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Il y a eu un projet de loi. Il
est en débat. Je pense qu'il y a une espèce de consensus
là-dessus, à condition que ce soit vraiment sérieux,
là, que la règle de l'imputabilité. Pour siéger sur
certaines organisations para-gouvernementales, je peux vous confirmer que je
suis tout à fait d'accord avec l'imputabilité.
Sur la question de la qualité totale, ce n'est pas
différent, le concept, ici dans les ministères du gouvernement,
que ça l'est à Hydro, ou que ça l'est dans l'entreprise
privée. C'est la qualité totale, donc, le meilleur produit
possible pour le meilleur service possible au meilleur coût. Vous parlez
du juste à temps dans votre rapport, là où il y a des
inventaires. Le concept traditionnel de la qualité totale peut
s'appliquer autant dans certains ministères. Vous avez des
ministères qui produisent drôlement des services. Alors, vous
devriez appliquer la même conception qu'on applique dans le secteur
privé.
M. Audet: Merci.
M. Dufour (Ghislain): Ce qui veut dire, notamment,
rationalisation des objectifs.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, puisqu'il ne reste que
quelques instants, je voudrais simplement rappeler... Parce qu'on a
parlé tout à l'heure du travail au noir et on a dit:
Peut-être que là, il y aurait une source de revenus qu'il faudrait
examiner. Nous nous penchons depuis plusieurs mois en particulier sur cette
question. On le fait au ministère du Revenu, on le fait chez nous, aux
Finances, on le fait un peu partout dans le gouvernement, parce qu'on sait
qu'il y a là un problème. Je sais aussi que le Conseil du
patronat s'est penché là-dessus, l'APCHQ, le Forum pour l'emploi,
les membres du comité Poulin. Autrement dit, il y a là un effort
collectif pour essayer de diminuer l'impact
négatif de certaines pratiques qui n'existent pas seulement au
Québec, par exemple.
Il faut bien comprendre que ça existe partout dans le monde, mais
ça ne nous empêche pas de chercher des solutions de ce
côté-là. L'une des suggestions qui avait été
faite, c'était de rendre déductibles du revenu, aux fins de
l'impôt sur le revenu, dans la construction, par exemple, les
dépenses de rénovation domiciliaire. Alors, j'ai demandé
à mes officiers, aux membres du personnel, des gens, des
spécialistes du gouvernement, particulièrement au
ministère des Finances, d'examiner cette question et de voir si cela
était une solution, une piste intéressante. Et, bien qu'elle soit
intéressante, elle est très difficile d'application, dans le sens
suivant: c'est que, pour être véritablement efficace, le
crédit d'impôt devrait être suffisamment élevé
pour compenser évidemment le montant additionnel qu'il en coûte
aux consommateurs pour faire réaliser ses travaux selon les lois et
règlements en vigueur.
Au ministère des Finances, on a estimé à
près de 40 % du salaire versé le taux d'un tel crédit pour
espérer enrayer le travail au noir. Et, en tenant compte du travail
actuellement déclaré, du travail actuellement au noir et de
l'impact sur les transferts fédéraux, parce qu'il y aurait un
impact également sur les transferts fédéraux, quand on
fait le compte, il est estimé que l'instauration d'un tel crédit
coûterait près d'un demi-milliard au gouvernement.
Alors, il faut tenir compte de cela, vous savez, lorsqu'on arrive avec
des pistes de solution comme celle-là, mais nous allons continuer de
tout explorer de ce côté-là et nous comptons
évidemment sur la collaboration et la coopération de toutes les
instances, incluant, si vous le voulez, l'Opposition.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. le président du Conseil du trésor, est-ce qu'il y a
autre chose? Il vous reste encore du temps. Trois minutes.
M. Johnson: Quelques minutes à peine...
Le Président (M. Lemieux): Quelques minutes, oui.
M. Johnson: ...M. le Président.
Je remercie évidemment M. Dufour et les gens qui l'accompagnent
d'avoir précisé comment la fiscalité peut être un
facteur de localisation. J'ai été frappé de voir qu'on
utilisait, de l'autre côté, le document que nous avons
publié, notamment les pages 40 et 41, pour démontrer que la
fiscalité n'est pas un facteur de mobilité de la main-d'oeuvre
à hauts revenus. Je m'excuse, mais je vois plutôt là des
tableaux extrêmement éclatants de vérité et de
clarté qui démontrent précisément le contraire.
On a, au Québec, de moins en moins de gens à hauts
revenus, compte tenu de la population qu'on représente, n'ayant pas
maintenu, malgré les efforts que vous avez soulignés, mais qui,
vous dites, ne sont pas suffisants, n'ayant pas fait des efforts réels
du côté de la fiscalité afin de diminuer les écarts
qui existent entre nous et tous nos voisins.
Mais, au-delà de la fiscalité, vous avez également
parlé pas seulement de la parafiscalité, mais de l'environnement
réglementaire fiscal. J'aimerais, évidemment, et c'a
déjà été souligné, qu'on ait à
l'esprit que les dépenses publiques au soutien de certaines
activités, qu'il s'agisse de la santé, qu'il s'agisse de la
sécurité sociale, qu'il s'agisse de l'environnement, qu'il
s'agisse de ce qu'on peut consacrer aux espaces verts et bleus, sont autant
d'investissements également dans la qualité de l'environnement
qu'on peut déterminer.
Donc, on n'est pas en train de remettre en cause ici, je présume
- nous, nous ne le faisons pas - des dépenses publiques qui sont
importantes pour déterminer la qualité de notre environnement,
entendu au sens large. Il y a, par ailleurs, des activités
gouvernementales qui ont plutôt trait à la réglementation
qu'on peut évaluer comme étant tatillonnes ou simplement de
paperasses qui viennent ennuyer considérablement les entreprises.
J'aimerais peut-être... Vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de
le faire, je vous la donne, l'occasion de vous écouter sur ce que
ça représente comme fardeau véritable, ce fardeau non
financier, non budgétaire que représente la
réglementation, du point de vue de vos membres et de l'entreprise
québécoise.
M. Dufour (Ghislain): Je suis content, M. le Président,
qu'on me donne cette occasion-là. Ça fait partie, c'est une
recommandation de notre mémoire où on dit que nous, on n'attend
pas de subvention du gouvernement: crédits d'impôt. On n'attend
pas, comme conception globale, d'ailleurs, que les emplois à
créer soient créés par l'État. Ils vont être
créés par l'entreprise privée.
Donc, il faut donner un cadre opérationnel, un environnement aux
entreprises qui soit correct. Ça passe par la fiscalité, bien
sûr, on l'a vu, et au niveau des individus et au niveau des entreprises,
mais ça passe aussi par des politiques gouvernementales d'ensemble, par
des lois, des règlements. Ça passe par des interrogations comme:
la loi des décrets au Québec, par exemple, est-ce que ce n'est
pas pénalisant pour les entreprises? Ça passe par la
révision des politiques genre santé et sécurité du
travail. Ça passe par toute une série d'irritants dont on a
parlé maintes et maintes fois. Et je dois vous dire que, lorsqu'on a
rencontré les caucus des députés libéraux et
péquistes au mois de décembre, on avait abordé cette
question-là. On avait reçu un accueil d'ailleurs très
chaleureux du Parti québécois pour regarder ça. Tout le
monde sait que les emplois vont être créés par les
entreprises privées. Donc, il faut leur donner un environnement,
je répète, qui soit sain.
Du côté du Parti libéral, c'est plus exigeant de
dire oui à ça parce que ça va supposer qu'on ne les
identifie pas seulement, qu'un jour on donne aussi, qu'on prenne des
corrections de tir, qu'on modifie des choses. Alors, c'est plus engageant. Moi,
je pense que le message le plus important qu'un milieu comme le nôtre
peut vous livrer, c'est: l'entreprise privée qui créera les
emplois à venir, il faut lui donner un environnement sain, correct et il
faudrait regarder tous ensemble les irritants, une fois identifiés, sur
lesquels on peut agir. (11 h 10)
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Beauce-Nord. Écoutez, le temps est... Ça va?
Est-ce qu'il y aurait consentement pour une question d'ordre technique
du député de Labelle? Il m'a certifié qu'elle serait
très brève, et elle est strictement d'ordre technique. Ça
va? Alors, d'ordre technique, allons-y.
M. Léonard: Oui, c'est une question d'ordre technique.
À la page 18 de votre mémoire, vous utilisez, comme masse
salariale 1991-1992, 96 235 000 000 $ pour le Québec, et c'est la base
que vous utilisez pour calculer le taux des impôts sur la masse salariale
par la suite. Or, dans les statistiques, statistique Québec,
édition 1992, pour l'année 1990, nous avons 87 487 000 000 $ de
masse salariale au Québec, et il serait étonnant que la masse
salariale ait augmentée de 87 000 000 000 $ à 96 000 000 000 $
dans une année où la récession s'est fait sentir.
Est-ce que je pourrais avoir une explication sur les sources que vous
utilisez ou la méthode de calcul que vous utilisez pour arriver à
96 000 000 000 $?
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Garon.
M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président. En
réponse à ça, il faut dire qu'au moment où on a
fait ce tableau, on a fait des prévisions pour 1991-1992.
M. Léonard: Ah! C'est des prévisions?
M. Garon (Jacques): Maintenant, attention, ces prévisions,
si on les réalise sur la base de ce que vous avez dit, un an en
arrière, eh bien, l'écart n'est peut-être pas aussi grand
qu'on pourrait le laisser paraître.
M. Léonard: Oui, mais est-ce qu'on peut être
sûr qu'il ne s'agit que de salaires et qu'il n'y a pas d'autres
éléments dedans?
M. Garon (Jacques): Strictement des salaires.
M. Dufour (Ghislain): Et, de toute façon, on a
surestimé les profits. Alors, ça va...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Oui, ça
va.
Alors, je remercie les membres, je remercie ceux qui ont
présenté ce mémoire au nom des membres de la commission
parlementaire.
Je suspendrai environ deux minutes pour permettre à la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec de bien vouloir prendre place. Nous suspendons
environ deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 13)
(Reprisée 11 h 16)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît. Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir fermer la porte
arrière?
Nous allons maintenant procéder pour entendre la
Confédération des Caisses populaires et d'économie
Desjardins. Alors, vous disposez de 20 minutes pour la présentation de
votre mémoire. Suivra un échange entre parlementaires pour une
période de 40 minutes, divisée de la façon suivante: 20
minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de
l'Opposition. J'aimerais demander à la personne qui aura à faire
la lecture du mémoire de bien vouloir s'identifier et d'identifier les
personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Confédération des Caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)
M. Béland (Claude): Alors, merci, M. le Président.
Je suis Claude Béland, président du Mouvement Desjardins.
À ma droite, Alban D'Amours, qui est premier vice-président et
chef du développement et de la vérification; à sa droite,
Raynald Corriveau, directeur de la fiscalité, et à la droite de
M. Corriveau, Roger Champagne, qui est fiscaliste; à ma gauche, Yves
Morency, directeur associé aux affaires stratégiques, et à
sa gauche, Yves St-Maurice, qui est également économiste.
Alors, M. le Président, je dois vous dire que le Mouvement des
caisses Desjardins apprécie l'occasion que votre commission lui fournit
d'exprimer son point de vue sur les finances publiques du gouvernement du
Québec. Nous regrettons toutefois le court délai qui nous a
été accordé pour soumettre nos commentaires, et
déplorons le fait que le document «Vivre selon nos moyens»,
qui sera sûrement central à vos travaux, a été rendu
public le jour même de la date limite pour le dépôt des
mémoires. Je pense qu'il aurait été utile de permettre aux
intervenants de prendre connaissance et d'analyser ce document gouvernemental
avant de finaliser leurs mémoires. Mais cependant, à sa
lecture, nous avons bien compris que la démarche de cette
commission vise moins à entendre des solutions pratiques et
concrètes - peut-être que je vais vous décevoir, M. le
président du Conseil du trésor. On sait bien que le gouvernement
doit disposer d'une longue liste de solutions, il doit toutes les
connaître; j'imagine que les tablettes du Conseil doivent être
pleines de ces solutions, sauf que le problème, c'est de savoir
lesquelles, et quel consensus on peut faire pour les mettre en pratique.
Alors, on a compris qu'on cherchait plutôt à amener les
partenaires socio-économiques à prendre conscience de la
situation globale des finances publiques, de l'urgence d'agir et de la
nécessité d'établir, à cet égard, un
véritable consensus social. Il est vrai que, comme citoyens et
citoyennes, nous avons la mauvaise habitude de voir la fiscalité
à travers la lorgnette de nos intérêts particuliers. Cette
démarche-ci a le grand mérite de nous inviter à prendre
place devant le grand écran du projet global de notre
société et de prendre conscience de la complexité des
solutions. En somme, une démarche qui invite à une
véritable concertation de tous les partenaires, non seulement à
poser les gestes qui permettront de réaliser au mieux le projet de
société, mais surtout, et j'insiste là-dessus, à
modifier les façons de penser et les comportements. (11 h 20)
Les Québécois veulent tous et toutes une
société prospère, juste et équitable, qui fait
travailler tout son monde et qui prend soin de ses jeunes, de ses
aînés, de ses malades; ça, c'est évident.
Là-dessus, il y a un consensus, on sait ce qu'on veut. Mais là
où on s'entend moins, c'est sur ce qu'on peut faire, à partir des
évaluations de nos forces et de nos faiblesses. En somme, s'entendre sur
nos moyens.
Je pense que le document le pose bien, «Vivre selon nos
moyens». Déjà, quand on écoute certains
mémoires, on se rend compte qu'on ne s'entend même pas
là-dessus. En conséquence, quand on ne s'entend pas sur les
moyens dont on dispose, on a beaucoup plus de difficultés à
s'entendre sur ce qu'on doit faire et, évidemment, il y a des choix
à faire.
Nous, nous sommes d'accord avec l'affirmation qu'il faut vivre selon nos
moyens. À part les dépenses d'immobilisations et
d'investissements qui profiteront aussi aux générations futures,
nous pensons que nous n'avons pas le droit d'offrir aux
générations d'aujourd'hui des services que devront payer ceux qui
prendront la relève. Il me semble qu'on devrait convenir, au
départ, de ce principe. Ce consensus suppose une révision en
profondeur du système de financement de9 services publics. Or, tout
requestionnement en profondeur des finances publiques exige, à mon sens,
de s'interroger sur la mission et le rôle que la société
québécoise désire confier à l'État. En
d'autres termes, il faut s'entendre sur les services collectifs et communs
qu'on considère essentiels, c'est-à-dire les services universels
assumés obligatoirement par tous et par toutes et s'entendre
également sur la façon la plus efficace de les dispenser.
Cette révision est nécessaire, car les paramètres
de notre environnement ont manifestement changé comparativement à
ceux qui prévalaient il y a 30, 20 ou même 10 ans. Dès
lors, il faut ajuster le rôle de l'État au nouvel environnement.
Au cours des 30 dernières années, le gouvernement est
graduellement devenu, d'une part, un État pourvoyeur, d'abord à
l'égard de certains services et, ensuite, à l'égard de
plus en plus de services pour, finalement, devenir un État-providence.
D'autre part, il est passé d'un État catalyseur, acteur de
changements au moment de la Révolution tranquille, à un
État régulateur de la vie des citoyens et des citoyennes et du
développement des entreprises au point de devenir, en certaines
circonstances, paralysant et source de démotivation.
Quant aux services publics essentiels, nous sommes d'accord que
l'État québécois doive assurer l'universalité des
services d'éducation, de santé et de sécurité du
revenu et que ces coûts doivent être assumés par tous les
citoyens et les citoyennes, en tenant compte de leur capacité de payer.
Cependant, puisqu'ils doivent assumer les coûts, nous croyons que
l'État ne devrait pas avoir seul la responsabilité et surtout
l'autorité pour dispenser ces services. Il nous apparaît
essentiel, pour assurer l'efficacité de ces programmes et être
aptes à instaurer une véritable démarche de
qualité, que l'État partage avec les contribuables la
responsabilité de ces services.
À cet égard, nous sommes d'avis que le rôle
principal de l'État doit être de faire en sorte que la
société profite au maximum de toute l'énergie, la
créativité, le dynamisme qu'on retrouve chez ces citoyens et
citoyennes et de les mettre à contribution dans la gestion des services
requis par la population. Ainsi, lorsque nous disons que l'État doit
partager la responsabilité de ces services avec les contribuables, nous
parlons moins d'un partage des coûts, de frais modérateurs ou de
tarification à l'usage. Il en faut, je pense, pour empêcher
certains abus ou pour faire certaines pondérations. Mais nous, on parle
davantage d'une prise en charge par les citoyens et les citoyennes des services
qu'ils veulent voir mettre en place.
Forts de l'expérience que connaît le Mouvement Desjardins
depuis plus de 92 ans, nous pensons que les actions du gouvernement ne doivent
pas être centralisatrices, mais que l'État doit être le
catalyseur, celui qui propose le projet de société, qui en
proclame les valeurs et établit les priorités, et qui procure aux
citoyens et aux citoyennes tout l'oxygène nécessaire pour que
chacun et chacune puissent mettre toutes ses énergies à
réaliser ce projet. Plus il y aura
d'hommes et de femmes qui travailleront à réaliser le
projet de société, plus ce projet se réalisera avec
succès et dans l'harmonie. Malheureusement, la vision qui
prédomine actuellement cherche plutôt à confier à
quelques-uns cette responsabilité, suivant des nonnes et des
procédés centralisés et nécessairement mal
ajustés et contraignants pour les usagers de ces services.
Pourtant, il est essentiel de miser sur nos véritables forces,
celles de nos ressources humaines, celles des citoyens et des citoyennes qui,
eux, connaissaient bien leurs véritables besoins et ont l'intelligence
et la capacité de se les donner. D'ailleurs, cette façon de
rendre les gens responsables des services qu'ils veulent avoir a
été expérimentée avec succès au
Québec. C'est en responsabilisant les producteurs agricoles au
début du siècle, à travers la coopération et
à travers un syndicalisme professionnel vigilant, que nos producteurs
ont repris le contrôle de leur marché. Ils l'ont fait
eux-mêmes. C'est en responsabilisant les citoyens et les citoyennes
à l'égard de la nécessité de se créer un
rempart économique qu'ils se sont donné des institutions
financières qui, aujourd'hui, regroupées, sont devenues une des
forces économiques les plus importantes au Québec. C'est une
réalité. Et Alphonse Desjardins était profondément
convaincu que la meilleure façon de libérer le maximum
d'énergies créatrices et productrices des gens consistait
simplement à les responsabiliser, pas du bout des lèvres, mais
dans l'action, à les associer en somme à des entreprises dont ils
seraient propriétaires et usagers. Cette formule a réussi, et je
me demande toujours pourquoi on cherche ailleurs des solutions qui, à
mon avis, ne conviennent pas à notre société, ne
conviennent pas à notre société particulière. On va
toujours chercher des modèles très loin alors qu'on en a
inventé, des modèles, qui ont performé. Pourquoi on
résiste à puiser dans les expériences typiquement
québécoises qui ont réussi?
Le document «Vivre selon nos moyens» préconise des
avenues visant à transformer en profondeur l'intervention
gouvernementale. Nous souhaitons de tels changements majeurs, mais nous doutons
qu'ils se réalisent tant la culture interventionniste est forte, tant la
présence de l'État est lourde et tant qu'il y a des mythes qu'il
est difficile de modifier. Par exemple, on parle beaucoup de
décentralisation au Québec comme moyen de maximiser
l'efficacité. On parle de la nécessité de rapprocher la
décision près des citoyens et des citoyennes. Dans le discours,
on vante les mérites d'une telle formule, mais, dans la
réalité, c'est la consultation qu'on décentralise. Mais
l'État demeure omniprésent et le décideur ultime. Il est
illusoire d'espérer rendre les services de façon plus efficace et
d'exercer un contrôle plus serré si tous ces fournisseurs restent
soumis à la bureaucratie gouvernementale, à ses
procédés, à ses normes et imputables finalement à
des gens qui, eux, ne sont pas dans le milieu et sont loin des usagers.
Une décentralisation ainsi emprisonnée ne peut produire
tous ses effets bénéfiques. Et ce qui m'inquiète le plus,
c'est qu'en conséquence, comme on obtiendra des résultats
très mitigés, on finira par dire que la décentralisation,
ce n'est pas bon, alors que dans d'autres secteurs elle a fait ses preuves et
que, dans bien de grandes entreprises aujourd'hui, elle apparaît comme la
formule d'avenir. Il surfit de lire le livre «In Search of
Excellence». Les Américains ont découvert ça il y a
quelques années.
C'est évident qu'il faudra des transformations majeures, mais il
faudra se contraindre à la cohérence. Au moment où le
gouvernement parle de transformation majeure pour améliorer les finances
publiques, au moment où des ministères proposent de devenir des
accompagnateurs ou des catalyseurs - c'est des choses qu'on se fait proposer -
et non plus être des pourvoyeurs, d'autres ministères songent
à agir de façon tout à fait contraire et à devenir
de véritables opérateurs, entrant en concurrence avec te secteur
privé. Si le consensus doit porter sur la mission et le rôle de
l'État, nous croyons fondamental que chacun des principaux intervenants
convienne d'un consensus autour de leur rôle et leurs
responsabilités respectives.
Ainsi, l'État devrait, pour sa part, mettre en place les
conditions favorables à la création de la richesse par les
citoyens et les citoyennes eux-mêmes tout en assurant une redistribution
raisonnable de cette richesse, assurer la simplicité,
l'équité, la neutralité de la compétitivité
du régime fiscal québécois, disposer d'une fonction
publique imputable et compétitive, soumise aux mêmes stimulants
que les gestionnaires des entreprises non gouvernementales, se retirer de la
production de biens et de services là où le secteur privé
est plus efficient et efficace, et même ne pas craindre de faire des
expériences à cet égard. Et lorsque les pourvoyeurs de
services qui profitent aux générations actuelles suivent les
mêmes règles de gestion que les entreprises privées,
corriger les chevauchements interministériels et, évidemment,
entre les paliers de gouvernement, on en a parlé souvent. Le secteur non
gouvernemental, quant à lui, devrait être le principal agent de la
création de la richesse en s'assurant que ses investissements, autant
dans la ressource humaine que matérielle, accroissent sa
compétitivité dans une économie en voie de mondialisation.
(11 h 30)
Finalement, les citoyens et les citoyennes devraient se responsabiliser
à l'égard de leur propre consommation de biens et de services
publics et prendre conscience qu'ils ne sont pas gratuits.
En raison des nombreux défis que pose la situation des finances
publiques, des actions
énergiques doivent être entreprises dans les meilleurs
délais. Il serait irresponsable de prétendre que la reprise
économique anticipée suffira à elle seule à
redresser la précarité des finances publiques. La leçon
des années 1983 à 1989 témoigne qu'en dépit d'une
longue période de prospérité économique, le
gouvernement fut dans l'impossibilité d'assainir suffisamment les
finances publiques. Aucune marge de manoeuvre n'a pu être
dégagée pour lui permettre d'atténuer les effets de la
récession du début des années quatre-vingt-dix. Il ne faut
donc pas répéter la même erreur et transférer
indûment le fardeau fiscal de plus en plus lourd aux
générations futures.
Nous sommes également de l'avis du ministère des Finances
et du Conseil du trésor que d'adopter des mesures très
restrictives afin de parvenir à l'équilibre des opérations
courantes dès le prochain exercice financier ne serait pas de nature
à stimuler la reprise qui s'amorce. Il importe cependant de s'attaquer
résolument à cette problématique dans une perspective de
moyen terme.
Nous accordons plus de mérite et plus de chance de succès
à une approche graduelle et planifiée, d'autant plus qu'elle
obtiendra plus facilement l'aval d'un large segment de la population et qu'elle
s'appuiera sur une démarche de qualité. Celle-ci amènera
le gouvernement à se pencher sur son rôle et ses
responsabilités, à se rapprocher de ses clients et de leurs
besoins, à revoir sa prestation de services et à apporter les
correctifs qui s'imposent, non pas sur une base ponctuelle mais continue, pour
que ces services soient de meilleure qualité et à coût
moindre. Nous sommes en faveur d'une approche graduelle, mais nous la
souhaitons un petit peu plus accélérée que celle
proposée.
Je pense qu'on pourrait parler d'une fiscalité à deux
vitesses. Il y a peut-être des sacrifices à faire au
départ, quitte ensuite, après avoir donné l'oxygène
nécessaire, à reprendre le bon chemin. Nous croyons que le
gouvernement devrait devancer d'une année le rétablissement de
l'équilibre des opérations courantes, tout en admettant qu'il
serait acceptable de comptabiliser comme dépenses uniquement les frais
d'amortissement des Investissements et des dépenses d'immobilisations
qui profiteront aux générations futures.
Nous savons que cet objectif est exigeant, bien que réaliste, en
autant qu'on réévalue en profondeur un à un tous les
programmes gouvernementaux, qu'on en considère la pertinence et
l'efficience, qu'on s'appuie, dans la recherche de solutions, sur une fonction
publique dédiée et imputable et qu'on apporte des ajustements
appropriés à la fiscalité québécoise pour en
améliorer la neutralité, l'équité et la
compétitivité. Mais il faut penser aussi aux revenus de
l'État, de sorte que ces solutions se situent de plus dans un
environnement économique exigeant où domine l'obligation de
créer des emplois pour trouver une solution permanente au
problème des finances publiques.
La mondialisation des économies et l'ouverture de
l'économie québécoise sur le monde risquent de compliquer
davantage les choses puisque la productivité et la
compétitivité, tout en demeurant incontournables, ne signifient
pas plus d'emplois à court terme. La création d'emplois passe par
des investissements importants du secteur non gouvernemental dans la
restructuration de l'économie et des exportations. Nos recommandations
visent à faire bénéficier les entreprises
québécoises que nous souhaitons, d'ailleurs, de plus en plus
à propriété largement répartie, d'un environnement
fiscal propice à l'investissement et favorisant l'épargne
nécessaire pour assurer leur financement dans un contexte où les
déficits gouvernementaux ne cessent de leur imposer des coûts non
concurrentiels. Nous souhaitons vivement que les travaux de ce comité
puissent donner lieu à un sérieux coup de barre qui nous permette
à tous de reprendre le chemin de la prospérité.
Mes collègues et moi, M. le Président, sommes
disposés à répondre à vos questions.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Béland.
M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.
Je souhaite la bienvenue à M. Béland et à ses
collaborateurs qui viennent de nous donner une présentation où on
note un équilibre remarquable, un réalisme dont un plus grand
nombre d'intervenants devraient s'inspirer, sans abandonner, comme on le fait
d'ailleurs dans le document gouvernemental, sans abandonner la
préoccupation de maintenir des services publics de qualité.
C'est ça qui est au centre de l'exercice. On se demande comment,
comme citoyens, on doit confier certaines tâches pour l'ensemble de la
collectivité à une institution, qui est notre gouvernement, par
les institutions concrètes qu'on connaît, le tout dans un souci
d'égalité, d'équité, de justice. Et ça,
ça demande une oeuvre de réflexion qui doit toujours respecter un
équilibre extrêmement fragile. D'autant plus fragile - c'est ce
qu'on a exprimé, et vous le sentez - qu'il y a certaines dépenses
publiques qui risquent, si elles ne sont pas mieux balisées, mieux
équilibrées elles aussi, rendues et exécutées avec
une plus grande qualité, donc une plus grande productivité,
risquent de briser l'équilibre qui est observé entre les
dépenses et les revenus.
Il serait intéressant de dire: II faut d'abord voir quelles sont
nos priorités, regardons nos dépenses, et, après
ça, on pourra parler des revenus, de sorte que cette dimension-là
aussi sera prise comme telle, équilibrée, et que les
revenus doivent également démontrer que le gouvernement
est soucieux de justice, d'équité, d'égalité entre
les citoyens.
Ce qu'il y a de difficile aussi dans l'oeuvre qu'on entreprend, et vous
l'avez réalisé, c'est de garder l'oeil sur l'horizon le plus
lointain possible. Ça prend beaucoup de courage. Il n'y a pas beaucoup
de gens, je me permets de le dire, à part le document gouvernemental,
qui soulignent que la restructuration - vous allez le voir de façon
très précise - de l'économie fait en sorte que si on doit
investir massivement pour la moderniser, notre économie, afin de
créer beaucoup d'emplois, ça exclut cette approche-là,
ça exclut pratiquement... c'est-à-dire on crée des emplois
tout de suite. C'est afin de créer des emplois, éventuellement,
le plus rapidement possible, mais, éventuellement, pas demain, qu'on
doit poser certains gestes. Et ça, vous le dites, et vous gardez cet
équilibre-là.
Vous parlez d'investissement à long terme. Le problème,
pour un politicien qui parle d'investissement à long terme, c'est que
les effets bénéfiques de l'investissement n'arrivent qu'à
long terme; il faut vivre avec ça. Il faut vivre avec ça. On ne
peut pas faire d'investissement à long terme et espérer des
résultats à court terme, et vous le souligniez avec raison.
Un des outils qu'on a pour réaliser ça, de notre
côté, comme collectivité - on a la responsabilité de
voir à ça de ce côté-ci - c'est de redresser
graduellement là aussi le long terme, le fardeau que les dépenses
publiques représentent sur l'économie, sur les citoyens, de le
redresser graduellement par des gains de productivité qui ne seront pas
disponibles demain, qui seront disponibles dans trois ou cinq ans. Vous parlez
de trois ans, on parle de cinq ans. Vous parlez du «plus rapidement
possible» dans certains autres cas; là aussi, c'est
réaliste et bien équilibré. On doit - et c'était
ça, l'idée de parler de fiscalité, de déficit et de
dépenses - voir comment les orientations sur un horizon réaliste
peuvent être prises afin de réaliser le redressement.
Nous avons privilégié dans certains de nos discours depuis
quelque temps, du côté de cette équation, le
côté des dépenses publiques. On ne peut pas y
échapper. Vous l'abordez de deux façons: l'organisation des
services publics, la productivité, responsabiliser les gestionnaires,
les gens, les prestataires de services, nos employés. Vous avez des
succès dont vous pouvez vous inspirer, dont vous pouvez témoigner
dans le mouvement coopératif.
Il y a également le niveau de services, la façon dont le
citoyen utilise ces services publics. Sait-il... Je le disais hier: Sait-on
vraiment que les services publics ne sont pas gratuits? On s'imagine,
peut-être par la mécanique des prestations de services, qu'ils
sont gratuits de façon immédiate. Vous dites, et je suis d'accord
avec ça, que le lien n'a pas vraiment été fait entre les
citoyens et le coût des services. Ça n'a pas été
signalé. (11 h 40)
Vous donnez un exemple, et je vais peut-être finir par une
question. Je vais finir par une question à cet égard-là.
À la page 14 de votre mémoire et dans votre présentation,
vous avez parlé de responsabiliser les citoyens à l'égard
de leur propre consommation de biens et services. On peut parler dans ce
cas-là de toutes sortes de signaux - c'est là-dessus que je
voudrais vous entendre - d'avoir un signal par la publicité. On a
évoqué ça hier, à un moment donné, devant la
Fédération des infirmières, je pense. On peut mener une
campagne pour dire aux gens: Ça coûte quelque chose, les services
publics. Pensez-y, quelles sont vos priorités pour qu'on puisse les
connaître et les refléter?
On peut également vous le souligner, aviser les gens, par
exemple, dans le domaine de la santé, qu'ils ont consommé pour
tant de milliers ou de centaines de dollars, peu importe, dans l'année
courante ou depuis deux ans. Vous serez heureux d'apprendre que nous sommes en
voie de mettre sur pied un système - ça prend beaucoup
d'informatique, vous le soupçonnez, pour suivre la prestation de
services médicaux - qui va peut-être permettre d'aller
préparer le terrain pour pouvoir faire ça éventuellement.
C'a déjà été demandé, et on se penche
là-dessus.
Mais j'ai également évoqué de façon plus
concrète que le meilleur signal qu'on puisse donner, c'est quand
ça coûte 1 $, au moins, et qu'il faut faire un geste concret
à chaque fois. Ça, ça modifie le comportement, ça
responsabilise, ça. Et, à la limite, peut-être qu'on ne
sera plus obligé, avec le temps, de demander aux gens de payer. Si tout
le monde modifie son comportement, on peut aussi moduler la façon dont
on signale le coût du service public.
Alors, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là - vous en avez
parlé - de l'universalité du signal qu'on doit donner à
tout le monde que les services publics coûtent quelque chose et la nature
des signaux qu'on peut envisager.
M. Béland: Le petit moyen qu'on soulignait, qui,
évidemment, n'en est qu'un parmi tant d'autres, c'était celui de
faire signer l'attestation du coût des services pour prendre
connaissance... Je pense que les gens ne réalisent pas ce que peut
représenter un séjour dans un cabinet de médecin ou un
séjour dans un hôpital. On pourrait peut-être étendre
ça à d'autres services. C'est peut-être dans les services
de santé que c'est le plus spectaculaire. Qu'on ajoute à
ça un ticket modérateur pour qu'on prenne conscience qu'il faut
payer pour les services. Je pense qu'il faut un peu de tout, parce qu'il ne
faudrait pas non plus que le ticket modérateur soit la bonne conscience
des citoyens, en disant: Bien, j'ai payé mes 10 $ ou j'ai payé
mes 5 $, donc, j'ai droit aux services. On sait très bien que
ça
coûte beaucoup plus que ça. Je pense qu'il faut prendre
conscience des gens... et peut-être mettre le système en place,
comme vous dites, parce que peut-être qu'un jour on débouchera sur
- comme on entendait tout à l'heure parler le Conseil du patronat - une
forme d'impôt-services ou faire en sorte que ceux qui ont la
capacité de payer paient davantage. Est-ce qu'on peut ajouter ça
éventuellement, une partie, sur les revenus des citoyens, en disant:
Voici ce que l'État a payé pour vous? Il y a toutes sortes de
façons qu'on peut penser... Je n'ai pas les recettes, mais je dis qu'on
est condamnés à être innovateurs, parce que, autrement, on
ne s'en sortira jamais.
M. Johnson: Je crois comprendre, en deux mots, que vous n'excluez
pas le ticket modérateur.
M. Béland: Non, pas du tout, c'est ce que nous disons dans
notre mémoire, d'ailleurs, oui.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor. M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
D'abord, bienvenue aux représentants du Mouvement Desjardins, en
particulier à son président. Je voudrais vous féliciter de
la qualité de votre mémoire, tant dans ses perspectives, dans ses
généralités, que dans les mesures qu'il propose plus en
détail, plus particulières. Je pense qu'il est vraiment d'une
très grande qualité.
Je voudrais faire quelques remarques. D'abord, vous avez traité
beaucoup de l'État qui fournit des services à moindre coût.
Vous venez d'en discuter avec le président du Conseil du trésor,
mais je voudrais vous interroger surtout sur le rôle de l'État que
vous voyez dans la relance de l'économie. Je sais qu'il y a toutes
sortes de théories là-dessus, dans le passé aussi. Vous
les connaissez, et puis quand on voit ce que vous dites dans votre
mémoire, c'est sûr que vous y avez réfléchi.
Vous parlez de la fiscalité pour stimuler le
développement, la reprise, et vous dites aussi que l'État a une
fonction de créer un climat favorable à l'épargne,
à l'investissement, et vous comparez les situations de 1982 où il
y avait une épargne quand même Importante au sortir de la
récession de l'ordre de 18,7 % ou de 17 %, que vous mentionnez à
la page 15 de votre document, qui serait réduite, une épargne qui
est beaucoup réduite maintenant à 10 %. Je m'interroge sur les
conditions de la reprise et sur ce que le gouvernement pourrait faire tout en
maintenant l'équilibre des finances publiques. Je pense qu'à
moyen terme on n'en sortira pas, il faut absolument faire cela.
Voici des éléments. L'autre élément, c'est
que, à mon sens, dans le Québec, il y a comme une
désagrégation du tissu économique dans toutes ses
régions. J'en ai parcouru quelques-unes au cours des dernières
semaines et je crois que c'est un fait extraordinaire, triste, pénible
à constater, mais c'est extraordinaire, et je me demande comment on va
repartir la roue parce qu'au fond ce sera comme dans d'autres
récessions, ça va d'abord repartir par la PME, par l'initiative
et l'imagination des individus, des citoyens.
Vous, comme Mouvement Desjardins, à la tête d'un
réseau de quelque 1500 caisses bien branchées sur le plan local,
régional, et même local et même individuel, qu'est-ce que
vous pensez que l'État peut faire dans ces circonstances au-delà
de créer un climat favorable à l'épargne et à
l'Investissement? Comment, lorsque vous parlez de l'emploi, dans les derniers
bouts de votre exposé, où j'ai bien noté... Je vais relire
le paragraphe parce que je le crois particulièrement important:
«Mais il faut penser aussi aux revenus de l'État, de sorte que ces
solutions se situent de plus dans un environnement économique exigeant
où domine l'obligation de créer des emplois pour trouver une
solution permanente au problème des finances publiques». Cela veut
dire que c'est ça qui va, finalement, régler le problème
des finances publiques. et puis vous dites que ça «passe par des
investissements importants du secteur non gouvernemental dans la
restructuration de l'économie et des exportations». dans la mesure
où - et ce sera encore vrai dans l'avenir - 80, 90 % des emplois
créés le seront par les petites et moyennes entreprises, comment
voyez-vous le rôle de l'état?
M. Béland: Écoutez, si je regarde la situation,
actuellement, on explique souvent l'obligation de restructurer
l'économie par le fait qu'il y a trois éléments qui
m'apparaissent extrêmement importants. Les déficits,
évidemment, des organismes publics, des gouvernements à tous les
niveaux sont un fardeau important. Donc, le gouvernement n'a plus de marge de
manoeuvre, on le sait. On respecte ça. On dit: II faut jouer le jeu.
Bon. Mais, parce que le gouvernement n'avait plus de marge de manoeuvre, c'a
amené les entreprises, d'une façon générale,
à rationaliser pour être capables de conserver leur
compétitivité. On n'avait pas le choix, et toutes les entreprises
l'on fait. Desjardins l'a fait et ça, c'est un peu nouveau chez nous,
mais on est obligé de vivre les...
Je me souviens, quand j'ai été élu en 1987 -
ça n'a rien à voir avec moi, mais c'est mon point de
référence, ça fait tout de même cinq ans - on avait
27 000 employés chez Desjardins et, quatre ans plus tard, on en avait 38
000, au point où mes dirigeants me disaient: M. Béland,
arrêtez de dire ça, on a l'air de mauvais gestionnaires. Comme si
créer de l'em-
ploi c'était être de mauvais gestionnaires. Mais
aujourd'hui, depuis deux ans, on n'est plus créateur d'emplois, on est
en période de restructuration, nous aussi, parce qu'on veut maintenir
notre compétitivité, et d'autant plus qu'elle s'ouvre sur le
monde maintenant. On n'a pas à concurrencer les banques locales, on a
à concurrencer le monde. C'est vrai dans le monde financier aussi, les
capitaux sont excessivement mobiles.
Et troisième élément, le contribuable, lui non
plus, n'a plus de marge de manoeuvre. Les taux d'épargne, vous avez
raison, sont à 10 %. Mais quand on sait qu'il y a 8 % environ dans les
REER, la marge de manoeuvre pour l'investissement ou des dépenses un peu
plus importantes n'est pas très large.
Alors, le raisonnement qu'on se fait, finalement, c'est de dire:
Puisqu'on a un instrument qui est la fiscalité, est-ce qu'on ne pourrait
pas... Parce que ce n'est pas simplement en attendant que le gouvernement se
redonne une marge de manoeuvre qu'on dit: Quand il l'aura, il va investir. On
se dit: Est-ce que ce n'est pas préférable d'utiliser cet outil
qu'est la fiscalité pour donner de l'oxygène à ceux qui
sont créateurs d'emplois, les entreprises, les PME - vous le dites,
c'est très créateur d'emplois - que les entreprises en
général? Moi, je favorise évidemment les entreprises
à propriété largement répartie parce qu'à
mon sens ce sont celles qui sont les plus durables. Faisons ça et, en
même temps qu'on aura mieux orienté notre fiscalité sur les
objectifs qu'on poursuit, on donnera des revenus à nos gouvernements qui
en ont grandement besoin. Et peut-être qu'on atteindra, finalement, les
buts qu'on poursuit plus rapidement.
Je pense que si on prend l'autre chemin en disant: Eh bien, il n'y a que
le gouvernement qui peut être investisseur. Mon Dieu! On va couper dans
les services, les gens n'auront pas plus d'argent à dépenser, on
va faire perdurer la récession, et je trouve que ce n'est pas
très productif. Alors, c'est le raisonnement qu'on s'est fait. (11 h
50)
M. Léonard: Disons, pour prendre des raisonnements qu'on
développe parfois ou qu'on entend, que je suis préoccupé
par le fait que les jeunes, les personnes, les citoyens d'âge moyen qui
devraient être en mesure d'investir ont des besoins financiers personnels
très élevés qui les handicapent lorsqu'ils veulent
créer des entreprises. Je m'explique un peu plus. Quand quelqu'un, un
citoyen, a 25 ans, qu'il a des enfants - c'est l'âge où on les a
généralement - qu'il s'achète une maison, donc il a une
hypothèque à rencontrer. Actuellement, il n'a pas d'emploi
stable.
M. Béland: Oui.
M. Léonard: Je pense que nous avons un problème,
parce que ce n'est pas lui qui a de l'épargne, c'est lui qui en a
besoin. Et nous trouvons les épargnes, disons, en ce qui vous concerne,
dans les caisses pop. Et quand il y a une récession, il y a beaucoup
d'épargne.
M. Béland: Bien, pas tant que ça.
M. Léonard: Dans les banques et les caisses,
généralement, c'est la période où il y en a le
plus. La jonction entre ceux qui ont besoin de fonds, ceux qui les ont et
l'action du gouvernement, est-ce qu'il n'y a pas un domaine de réflexion
considérable sur ce plan-là? Parce que je le situe à la
base des problèmes de l'État.
Présentement, ce qui se passe, c'est que nos jeunes, un peu plus
jeunes même, travaillent pour payer leurs études pendant qu'il y a
un chômeur qui est sur le marché du travail, qui, lui, ne
travaille pas et qui demande des prestations d'assurance-chômage ou
d'assistance sociale. C'est la réalité présentement. Et
c'est là, je trouve, qu'il y a un problème, une question majeure
qui se pose dans notre société, parce que ce sont les gens les
plus dynamiques, de 25 à 30 ans. Moi, je trouve qu'il y a un
phénomène à examiner.
M. Béland: II reste dans tout ça que le taux
d'endettement même des individus actuellement est plus
élevé qu'il ne l'a jamais été. Alors, mettez tout
ça dans le même paquet, et ça ajoute à la
difficulté. Alors, il faut vraiment faire en sorte que la
fiscalité, si on prend la colonne des revenus, favorise la
création d'emplois pour que le gouvernement puisse retirer des revenus
de ceux qui travaillent, parce qu'autrement on n'a que des mesures passives et
les mesures passives, pour les assumer, les acquitter, il faut avoir des
revenus. Alors, nous, on pense que la fiscalité devrait
s'orienter...
M. Léonard: M. Béland, la fiscalité se situe
en aval. Vous payez des impôts, vous payez des taxes et des impôts
quand vous avez un travail...
M. Béland: C'est exact.
M. Léonard: ...quand vous avez un mininum de revenus.
M. Béland: Oui.
M. Léonard: C'est comment relancer l'économie
à partir même de la petite et moyenne entreprise? Je pense que
c'est d'ailleurs la base.
M. Béland: Je vais demander à M. D'Amours, ce qui
va me permettre de prendre une gorgée d'eau.
M. Léonard: Oui.
M. D'Amours (Alban): Je pense que ce qu'il est important de
reconnaître Ici, c'est que la situation économique du
Québec n'est pas différente de celle d'ailleurs en
Amérique du Nord. Il y a peut-être plus de problèmes ici
qu'ailleurs, cependant. C'est une économie ouverte, et on est maintenant
condamnés à assurer la croissance économique et la
création d'emplois par, par exemple, nos exportations. Notre
marché, tel qu'il est, il est ceinturé, et on ne peut pas
déborder, finalement, cette ceinture. On ne peut pas surconsommer pour
créer des emplois, sauf qu'on peut, je pense, accéder à
des marchés extérieurs. Et la mondialisation, l'ouverture des
marchés, la libéralisation des échanges internationaux
nous amènent donc à opter pour cette avenue-là. Mais pour
pouvoir exporter, il faut donc créer de nouvelles entreprises dans de
nouveaux créneaux technologiques; il faut pouvoir concurrencer, il faut
pouvoir, donc, être compétitifs, et l'entreprise d'ici n'a pas
toutes les conditions favorables à cet effet-là.
On pense que la PME, qui, elle, génère des emplois dans la
plus grande partie au Québec pourrait profiter d'un environnement fiscal
peut-être plus incitatif à cet égard. On a parlé
dans notre mémoire de la taxe sur le capital, par exemple. On sait fort
bien que même si la fiscalité des entreprises au Québec est
relativement favorable par rapport à celle des autres provinces, il n'en
demeure pas moins que cette petite entreprise, si on ajoute la taxe sur le
capital, elle a des freins. Avez-vous jamais pensé qu'une petite
entreprise qui emprunte pour se capitaliser dans la technologie pour exporter
va se faire taxer sur ses emprunts? On dit: Oup, oup, oup! Là, il y a
quelque chose qui ne marche pas trop, trop. Si on veut être
cohérents, il faut avoir une ligne de ce type-là.
M. Léonard: Est-ce que, à ce moment-là, si
je pousse un peu plus, vous seriez d'accord pour qu'on diminue l'imposition sur
le capital, les profits des entreprises, mais qu'on taxe davantage les
dividendes?
M. Béland: On n'a aucune objection à ça. Il
faut aller chercher les revenus à quelque part.
M. Léonard: Ce serait une orientation. M.
Béland: Oui.
M. D'Amours: La taxe sur le capital, telle qu'elle a
été conçue, c'est pour taxer, finalement, la richesse non
distribuée dans l'entreprise. Alors, dans ce sens...
M. Léonard: Vous trouvez que c'est un frein
considérable?
M. D'Amours: C'est un frein important.
M. Léonard: Très bien.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Vous seriez pour la réduire, la taxe sur le
capital, non pour l'abolir?
M. D'Amours: Pour changer l'assiette fiscale et non pour
l'abolir.
M. Filion: L'assiette, uniquement.
M. D'Amours: On l'a depuis des dizaines d'années.
M. Filion: Oui, parce que ça a toujours été
vu un peu comme une taxe minimum. On sait la volatilité des profits qui
se retrouvait à travers d'autres provinces uniquement sur des questions
techniques. On taxait le profit ailleurs, on ne le taxait pas au Québec.
Toute l'organisation de l'entreprise était au Québec,
générait des profits au Québec, mais n'était pas
taxée ici. Alors, cette forme-là de taxation qui a
été implantée était dans un but d'assurer une forme
d'impôt minimum. Maintenant, qu'elle soit revue, je pense que vous avez
raison également.
Moi, pour continuer dans la foulée également, au niveau de
l'idée...
D'ailleurs, je vous remercie. Je vous souhaite la bienvenue
également à cet échange qui se veut très construct
et où on va trouver ensemble des solutions, je l'espère.
Le président du Conseil du trésor, tout à l'heure,
disait que vous aviez un mémoire très réaliste, et je
partage cette opinion, effectivement. Il y a un point, moi, qui attire mon
attention, c'est votre recommandation 14 où vous dites: «Que le
gouvernement du Québec entreprenne avec le gouvernement du Canada des
négociations pour obtenir l'administration exclusive, au même
titre que la TPS, de l'impôt sur le revenu des particuliers et des
corporations.»
Est-ce que, pour vous, ça se limite effectivement à une
déclaration d'Impôt-Québec? J'aimerais que vous
m'expliquiez un peu cette philosophie-là que vous prônez?
M. Béland: La réponse est oui. Puisqu'on plaide en
faveur de la simplicité, puisqu'on plaide en faveur d'une gestion plus
efficiente, il nous apparaît qu'un seul rapport d'impôt est
suffisant. C'est plus facile de faire un chèque au fédéral
que de faire des millions de rapports d'impôt.
M. Filion: Également, on retrouverait, bien entendu, des
économies d'échelle très importantes et on aurait une
saine gestion de nos finances publiques. Alors, vous, vous seriez d'accord
qu'on enclenche le plus rapidement possible ce genre de négociation
là?
M. Béland: Oui. Nous, on est d'accord avec ça.
M. Filion: Le plus rapidement possible?
M. Béland: Bien, le plus rapidement serait le mieux.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Oui. D'abord, je tiens à vous
féliciter, parce que le mémoire que vous avez
présenté offre une vision globale et, d'ailleurs,
équilibrée, comme l'a souligné le président du
Conseil du trésor.
Justement, dans ce contexte-là, si je prends la recommandation 6
que vous avez faites, impliquant «que le gouvernement réforme la
comptabilité publique»... Vous faites allusion
particulièrement aux dépenses en immobilisations, mais je me
demande s'il n'y aurait pas lieu d'ouvrir le concept de façon un peu
plus large en faisant appel à ce que j'appellerais le concept de
comptabilité sociale.
On entend souvent des experts de toutes sortes dire, par exemple, que
lorsqu'une personne perd son emploi, ce n'est pas uniquement un manque à
gagner sous forme d'impôt sur le revenu pour l'État, pour le
gouvernement, mais c'est également une charge publique au niveau,
d'abord, de l'assurance-chômage pour le gouvernement
fédéral, ensuite, le bien-être social, s'il tombe sur le
bien-être social, mais finalement, il y a toutes sortes d'autres charges
publiques qui en découlent; par exemple, les soins médicaux,
psychiatriques et ainsi de suite qui peuvent découler de cette
situation-là.
Alors, ne pensez-vous pas que dans ce contexte de vision globale,
d'abord, dans le but de conscientiser les gens aux véritables
coûts des services publics, d'autre part, de former ce consensus au
niveau du contrôle des dépenses, en introduisant le concept de
comptabilité sociale, ça nous permettrait d'avoir une vision plus
juste du coût réel à la société et au
gouvernement de certaines situations et ça nous permettrait, du
même coup, d'avoir des solutions plus précises et plus
ciblées?
M. Béland: II est évident que nous sommes
favorables à toute forme de transparence; c'est comme ça qu'on
réussit à responsabiliser les citoyens et les citoyennes. (12
heures)
M. D'Amours ayant déjà été sous-ministre du
Revenu, peut-être que vous pourriez, M. D'Amours, expliquer un peu mieux
notre paragraphe de la comptabilité.
M. D'Amours: Oui. Il est clair que lorsqu'on fait les comptes
publics et qu'on observe le compte d'investissements et d'immobilisations et le
compte des opérations courantes, l'objectif du gouvernement, c'est
d'équilibrer son budget au niveau des opérations courantes. Dans
un premier temps, nous sommes d'accord avec ça. Nous considérons,
cependant, que les immobilisations gouvernementales devraient être
considérées comme les investissements privés et qui ont
une durée de vie et que les dettes que nous devons payer, les
dépenses qu'on doit absorber pour, annuellement, absorber ces
dépenses d'amortissement devraient être incluses dans le
coût des opérations courantes. Dans ce sens-là, ça
nous prend une comptabilité qui nous permet de faire cette
distinction-là.
On est tous Québécois, on voyage sur nos routes ici, on se
rend compte que, d'année en année, on investit des millions de
dollars dans nos routes et on est toujours étonnés,
l'année suivante, que la route soit encore cahoteuse. Alors, on dit:
Est-ce qu'on a fait une dépense ou on a fait un amortissement?
Une voix: Une immobilisation.
M. D'Amours: Et si on a fait un amortissement-Une voix: Un
investissement.
M. D'Amours: ...ou un investissement... Excusez-moi, une
immobilisation. Alors, on confond la dépense d'immobilisation et la
dépense courante, l'opération courante. On se dit: Faisons le
ménage dans cette comptabilité pour fins de transparence, d'une
part, et, deuxièmement, pour introduire de la rigueur.
M. Béland: Et du long terme probablement.
M. D'Amours: Oui, parce qu'à ce moment-là la
dépense d'amortissement des immobilisations va être assumée
par les générations actuelles, et les générations
futures porteront aussi le fardeau. Et c'est un des principes de base que nous
avons dans notre mémoire: ne pas faire supporter par les
générations futures les dépenses d'aujourd'hui.
M. Savoie: M. le Président, si vous me le permettez.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu...
M. Savoie: Merci.
Le Président (M. Lemieux): ...et, après, M. le
député de Saint-Louis, qui a demandé la parole aussi.
M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Oui, je veux tout simplement saluer M. Béland
et, bien sûr et tout spéciale-
ment, M. D'Amours, de même que M. Corriveau qui siège sur
notre comité consultatif sur la fiscalité, car il participe avec
beaucoup de diligence.
J'ai lu avec intérêt le mémoire que vous avez
présenté et j'ai plusieurs questions. Malheureusement, on doit se
les partager. Mais j'aimerais ça vous entendre surtout au niveau des
abris fiscaux, des incitatifs. Vous en avez fait mention, vous en avez
discuté. J'aimerais peut-être en savoir un peu plus long sur
l'avenir que vous voyez au niveau de ces abris fiscaux.
M. Béland: Nous, on a déjà fait
connaître notre position là-dessus. On pense que si c'est
nécessaire pour favoriser le développement d'un secteur, d'une
industrie, particulièrement quand on pense au projet des grappes
industrielles, pour développer des secteurs qui nous semblent
créateurs d'emplois au Québec, je dis oui aux abris fiscaux, sauf
qu'il faut les donner à tout le monde, pas simplement à quelques
groupes ou à quelques individus. À ce moment-là, il faut
vraiment qu'ils soient généralisés pour permettre,
évidemment, que toutes les entreprises soient sur le même pied de
compétitivité, ce qui n'est pas toujours le cas.
Si on doit conclure qu'il faut les enlever parce qu'on n'en a plus les
moyens, je dis: II faut les enlever à tout le monde. Parce que nous, on
se fait dire par rapport à certaines... Certains abris fiscaux qu'on
avait, par exemple, sur nos parts permanentes, on nous dit maintenant: Le
gouvernement n'a plus de moyens. Bien, s'il n'en a plus pour nous, il ne
devrait plus en avoir, non plus, dans d'autres secteurs qui nous font
concurrence. C'est aussi simple que ça.
M. Chagnon: J'ajouterai, M. le Président...
M. Savoie: Et...
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu... M.
le député de Saint-Louis, je m'excuse.
M. le ministre du Revenu, oui.
M. Savoie: M. D'Amours.
M. D'Amours: C'est qu'un abri fiscal, c'est une dépense
fiscale et, dans notre mémoire, on dit: Le gouvernement devrait avoir
l'attitude d'un investisseur; et chaque dollar dépensé
fiscalement pour susciter ou inciter l'entreprise à créer des
emplois doit avoir un retour. Vous devez avoir un retour sur l'investissement,
et on doit pouvoir le calculer. Si ce retour est négatif, je pense qu'il
faut abolir le tout. S'il est positif, ça a donc contribué
à régler le problème de la fiscalité
québécoise.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis.
M. Chagnon: M. le Président, le Mouvement Desjardins est
sûrement un des mouvements, peut-être le mouvement au Québec
le plus développé, et qui a ses racines partout dans le milieu
à travers l'ensemble du territoire. Peut-être uniquement battu par
le nombre d'écoles, le nombre de succursales du Mouvement. Ce qui fait
que le président du Mouvement, et le Mouvement comme tel, a souventefois
mentionné les aspects intéressants, novateurs et
responsabilisants de la décentralisation de services et même de
pouvoirs entre l'État, le Québec, et ses constituantes, que ce
soient des municipalités, des commissions scolaires, ou probablement,
éventuellement, le réseau de la santé et des services
sociaux.
Dans votre mémoire, vous reprenez cette affirmation-là,
mais vous ne l'explicitez pas. Vous dites tout simplement, comme,
évidemment, on le conçoit et on le comprend bien: Si jamais vous
ramenez des pouvoirs ou des responsabilités à des paliers de
gouvernement autres que le vôtre, assurez-vous d'en avoir discuté
et assurez-vous d'avoir une entente. Au-delà de cette affirmation de
principe, y a-t-il, selon vous, selon l'expérience que vous avez et
l'expérience du terrain que vous avez, des pouvoirs ou des
responsabilités qu'il incomberait davantage de faire organiser,
planifier, administrer par d'autres organismes que le gouvernement du
Québec?
M. Béland: Je pense que l'expérience que nous
vivons au Mouvement Desjardins est assez éloquente à ce point de
vue là. J'oeuvre dans une véritable confédération
où les pouvoirs sont à la base, et la base confie des pouvoirs
jusqu'en haut. Nous, notre rôle, c'est de planifier, c'est de donner la
direction, etc., mais le contrôle des budgets, les initiatives, ça
se fait vraiment à la base, et je pense qu'on obtient quand même
des résultats qui sont très satisfaisants. On a vécu
d'autres expériences dans d'autres domaines qui démontrent la
même chose.
Moi, ce que je dis, c'est: Pourquoi on ne tente pas certaines
expériences? Évidemment, il ne faut pas jeter tout le
système à terre et dire: On recommence à zéro. Mais
on pourrait quand même faire des expériences. J'ai
suggéré, par exemple, pour les 38 000 employés du
Mouvement Desjardins... il y a des formules qui existent, des
coopératives de santé. Je ne vois pas pourquoi... peut-être
pas pour les 38 000, je l'ai déjà proposé, mais,
évidemment, on m'a dit: Non, non, c'est un système... Mais si la
gestion était confiée à des gens qui prennent en main
leurs propres besoins, dans un village, dans une localité, leurs besoins
de santé, c'est étonnant les résultats qu'on obtient.
M. Chagnon: Oui.
M. Béland: Parce que les économies qu'ils font,
finalement, ils les font en se donnant des services meilleurs. Et tant mieux si
c'est comme
ça. Je pense que la règle de dire: II faut des services
égaux à tout le monde, c'est bien, c'est des services essentiels,
mais mettre aussi les villes et les villages en concurrence comme les caisses
ont fait. Quand la caisse populaire Saint-X devient plus performante que celle
de Saint-Y, le village voisin, je vous assure que c'est une motivation
incroyable même si on est dans le même domaine, une motivation
incroyable pour dire: On est capables de faire mieux. Et ça amène
tout le monde à faire mieux et ça ne ramène pas les gens
à faire le dénominateur commun.
M. Chagnon: Si je partage votre sentiment concernant la
responsabilisation des individus et de leurs institutions, j'aimerais savoir,
vu du côté du Mouvement, s'il y a des services rendus actuellement
par le gouvernement du Québec qui mériteraient d'être
décentralisés, d'être ramenés à la base. Je
comprends aussi que, dans un tas de domaines comme l'éducation, la
santé, on a, comme gouvernement, comme État, comme
ministères, une tendance à normaliser et à faire en sorte
que le service soit organisé de la même façon de
Blanc-Sablon à Valleyfield...
M. Béland: C'est exact.
M. Chagnon: ...et ça amène... Évidemment, ce
n'est pas vraiment ce que je qualifierais d'habit sur mesure pour n'importe qui
qui habite entre Blanc-Sablon et Valleyfield. Mais y a-t-il, selon votre
expérience et votre vision de la responsabilisation locale, des
éléments de ce qui se fait actuellement au gouvernement du
Québec qui mériteraient d'être
décentralisés?
M. Béland: Oui, sûrement. Prenez tout le domaine, ce
qu'on appelle soit de l'assurance ou de l'assistance. Il y a des degrés
dans ça. Si je pense à la SAAQ, la Société de
l'assurance automobile, ça vise un groupe, des usagers d'automobile,
ça vise une clientèle particulière, et cette
clientèle-là a réussi à générer des
profits importants. Quand on prend ces profits-là, évidemment,
pour les utiliser à d'autres fins, je trouve que ça
déresponsabilise beaucoup les gens à qui on a dit: Si vous n'avez
pas d'accident, votre prime va diminuer.
Bon, c'est un exemple. Il y a tout le domaine des accidents de travail;
on sait dans quel état ça se trouve aujourd'hui. Je ne dis pas
qu'il faut confier ça à l'entreprise privée. Mais est-ce
qu'il n'y a pas des créneaux de ce domaine-là qu'on pourrait
tester avec l'entreprise privée pour voir si on obtient des
résultats meilleurs? Et si ça ne va pas, un contrat, ça se
termine. Mais des mandats, ça se donne. Je trouve qu'on a beaucoup de
difficultés à donner des mandats. C'est des mandats
mitigés, avec beaucoup de ficelles, beaucoup de normes gouvernementales
qui sont même imposées aux sous- traitants et, ensuite, on dit aux
sous-traitants: vous n'êtes pas performants. mais quand on vous a mis
dans une camisole de force, c'est difficile de l'être.
M. Chagnon: II va falloir améliorer notre performance
conjointe dans le programme SPRINT.
M. Béland: Je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord
avec vous, c'est déjà fait d'ailleurs. Mais on pourrait parler
d'un autre programme qui est similaire, qui est PATA, le programme PATA qui va
très bien et qui, aujourd'hui, fait que, grâce à cette
collaboration, on dessert cinq provinces canadiennes, et je pense qu'il n'y a
personne qui se plaint de ce service-là qui est très
efficace.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? M. Chagnon:
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis.
Vous voulez ajouter quelque chose, M. le député de
Labelle? Vous avez deux minutes. (12 h 10)
M. Léonard: Oui. J'ai une question sur la comptabilisation
des investissements. Du point de vue des impôts, vous accepteriez que les
entreprises déduisent 100 % de leur coût en capital pour les
investissements, les immobilisations neuves?
M. D'Amours: Oui.
M. Léonard: Par ailleurs, vous dites ailleurs qu'il
faudrait maintenant que le gouvernement amortisse ses immobilisations comme le
secteur privé. Alors, c'est laquelle des deux? Du point de vue de
l'impôt ou du point de vue de la comptabilité
générale?
Une voix: C'est la même chose.
M. D'Amours: C'est la même chose. L'entreprise a un
investissement dans du capital, puis elle a une période d'amortissement.
Mais, pour les fins d'impôt, ce que l'on suggère, c'est qu'elle
puisse l'amortir totalement dès la première année lorsque
c'est réinvesti au Québec.
M. Léonard: Oui.
M. D'Amours: C'est une mesure incitative à la
création d'emplois.
M. Léonard: Oui.
M. D'Amours: O.K.? Mais, pour la comptabilité de
l'entreprise, forcément, il y a un amortissement, ça ne change
rien.
M. Léonard: O.K. Avez-vous estimé combien ça
coûterait au Trésor dans une année?
M. Béland: M. D'Amours, avez-vous compté
ça?
M. D'Amours: Ce que ça coûterait...
M. Léonard: Disons, la première année,
à tout le moins?
M. D'Amours: La première année, on a une
idée, M. Corriveau?
M. Corriveau (Raynald): On n'a pas vraiment, finalement, pu
établir les chiffres. Tout dépendrait, finalement, de quelle
façon les entreprises adhéreraient à cette forme
d'incitation fiscale. Le pourquoi de ça, dans le fond, c'est qu'on se
dit: Si on veut avoir des revenus additionnels, créons des jobs et, si
les entreprises investissent finalement, on devrait le faire.
M. Léonard: C'est parce que...
M. Corriveau: II est possible qu'on ait peut-être une
partie qui serait plus...
M. Léonard: Ça devient, en quelque sorte, un
crédit d'impôt qui serait amortissable pour le gouvernement sur
les années suivantes.
M. Corriveau: Ah! peut-être. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Corriveau: On n'a pas été aussi loin que
ça dans l'exercice.
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé. Parce
que votre période de temps est terminée.
M. Léonard: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Alors, de ce
côté-ci, il nous reste trois minutes.
M. Johnson: Toujours sur ce sujet-là, la
comptabilité, l'amortissement des investissements publics. C'est une de
vos recommandations précises. Évidemment, on sait que ça
se fait ailleurs. Il y a l'Australie et la Nouvelle-Zélande, assez
récemment, qui ont commencé à instaurer ça. Je le
soulève parce que c'est une façon d'assurer la
vérité des coûts, il me semble, purement et simplement.
Ça permet, encore une fois, de prendre conscience de ce que les services
publics peuvent coûter, ce que les infrastructures peuvent coûter,
en reconnaissant - et ça a été soulevé hier, je
pense, par le président de la CSN - qu'il y a des dépenses dites
courantes qui ont qualité d'investissements: tout ce qui concerne
l'éducation, à mon sens, la formation professionnelle, le
développement de la main-d'oeuvre. Oui, on le dépense dans les
crédits. On ne construit pas une route ou une école, là.
On permet à des gens de réaliser leur potentiel. C'est absolument
extraordinaire au point de vue de la société. Par ailleurs, au
point de vue des investissements dans la brique, le mortier, l'asphalte, toutes
ces choses-là, il y a là aussi une vérité des
coûts qui est importante si on veut maintenir la qualité du stock
de nos investissements. Effectivement, on a peut-être perdu de vue, en
passant ça dans les dépenses ordinaires, qu'il y a un stock qui
se détériore. J'avais été surpris, je dois dire,
venant du privé, de constater que la période d'amortissement
présumé dans les comptes publics de notre stock, par exemple,
hospitalier, c'était 100 ans. Il me semble que c'était 1 % de
l'amortissement présumé. Alors, vous me permettrez de croire que
ça s'amortit plus vite que sur 100 ans, un édifice public.
Je dirais à ce sujet-là, simplement pour compléter
la discussion là-dessus, depuis 1988 que l'Institut canadien des
comptables agréés se penche là-dessus à
l'échelle canadienne, parce qu'il faut quand même, pour qu'on
puisse comparer, que tout le monde, toutes les provinces embarquent dans ce
système-là, tous ensemble. Il n'y a pas de consensus encore qui
s'est réalisé sur la façon technique de le faire, mais il
ne serait pas mauvais qu'on tienne une comptabilité de cette
nature-là à l'interne; peut-être pas pour la publier au
même titre que nos états financiers officiels, on va être
hors normes, on va vraiment être à part des autres, ce ne sera
plus comparable, ça complique les études comparatives, à
mon sens. Mais c'est une excellente suggestion qu'au moins on commence à
regarder comment on peut le faire, au moins pour qu'on sache à
l'interne, puis on peut le diffuser, comment se comporte notre stock
d'investissements publics. C'est une très bonne suggestion.
M. D'Amours: Ça influencerait sûrement les devis qui
sont préparés pour fins d'immobilisations.
Le Président (M. Lemieux): Ça va? Peut-être
une petite question pour terminer. Vous avez dit au début, M.
Béland, qu'on était condamnés à l'innovation.
J'aurais peut-être le goût de vous dire qu'on est peut-être
condamnés à l'excellence. Lorsque M. le président du
Conseil du trésor nous dit: Bien, il faut vivre selon ses moyens, je
vais vous donner tout simplement quelque chose d'imagé:
l'intérêt sur le service de la dette.
Au moment où je vous parle, l'intérêt sur le service
de la dette, par semaine, nous coûte - au moment où je vous parle,
je viens de le faire
calculer - 94 000 000 $, par semaine. Si on ajoute nos subventions aux
intérêts des réseaux, 121 000 000 $ par semaine. Dans un
cas, 4 200 000 000 $ par année; dans l'autre cas, 6 000 000 000 $, ce
qui représente environ, dans un cas, 13 200 000 $ par jour. Ce serait
utile peut-être pour la formation de la main-d'oeuvre, et je pense qu'on
aurait peut-être bien d'autres endroits ou placer cet argent-là.
C'est lorsqu'on parle de restructurer l'administration publique, de la
réenligner.
J'ai posé hier au président de la CSN, M. Larose, une
question, à savoir: Comme philosophie de gestion, est-ce que notre
approche ne devra pas être plutôt non pas simplement de privatiser
nos sociétés d'État, mais davantage de les placer en
situation de concurrence, de compétition avec l'entreprise
privée? Et j'ai donné à titre d'exemple, et ce n'est
peut-être pas le plus bel exemple à donner, il est peut-être
tendancieux, les gens sont peut-être un petit peu plus susceptibles...
J'ai donné la CSST comme exemple où, lorsqu'on fait une
comparaison avec les États-Unis, on se rend compte que, dans plusieurs
États américains, ils ont un système privé et mixte
au niveau des réparations d'accidents du travail. D'autant plus que,
lorsqu'on regarde la CSST, il se paie plus de cotisations à la CSST par
nos employeurs au Québec qu'il se paie d'impôt sur le revenu.
Ça devient un petit peu vraiment... un petit peu aberrant comme tel. Et,
en ce sens-là, ma question est la suivante: En termes de philosophie de
gestion, êtes-vous d'accord pour que certains secteurs de notre
administration publique, certains secteurs d'activité soient davantage
mis en compétition avec le secteur privé?
M. Béland: C'est ce qu'on a dit dans notre mémoire,
et on est parfaitement d'accord. Écoutez, je vais vous donner cet
exemple-là parce que je trouve qu'il est éloquent.
Chez Desjardins, on a 38 000 employés, c'est quand même
beaucoup de monde; au niveau de la Confédération, 2000.
L'objectif qu'on s'est donné, c'est de garder tout notre monde. Au
moins, si on était en gel d'embauché, ne pas congédier de
gens. Mais pour faire ça, nos gens ont accepté de travailler
encore avec le budget de fin 1989. On est encore, en valeur, en dollars, on est
encore avec le budget 1989, assumant à chaque année les
augmentations de l'inflation - et, heureusement, ce n'est pas trop
élevé; on est chanceux - mais assumant la TPS, assumant les
nouvelles taxes sur la masse salariale, . assumant la croissance, parce qu'on a
augmenté le nombre de nos transactions d'environ 40 %, qu'on me dit,
depuis trois ans, et c'est énorme. Et nos gens, au nom de la
productivité et grâce à des programmes de qualité,
font qu'ils sont encore à l'emploi. Malheureusement, on n'en embauche
pas d'autres pour le moment, mais ça viendra. Mais au moins on a
gardé notre monde et on a réussi à être très
productifs. On ne sent pas ça de l'appareil gouvernemental.
Le Président (M. Lemieux): Comme exfonctionnaire, M.
D'Amours, vous n'avez pas quelque chose à ajouter là-dessus,
vous? Comme ex-sous-ministre du Revenu? Vous avez vécu dans l'appareil
administratif?
M. D'Amours: Oui, puis je pourrais vous donner de beaux exemples.
Au ministère du Revenu, à l'époque où j'y
étais, en 1982-1983, on a initié une démarche
qualité. C'était innovateur ici, au gouvernement, et cette
démarche qualité était fort simple. On disait à nos
fonctionnaires: Vous allez régler le problème du contribuable au
premier contact; n'attendez pas qu'on se mette à 15 ou à 20 pour
régler le problème; réglons-le maintenant. Ça a
été considérable comme bénéfice et comme
productivité et ça a créé aussi, à
l'intérieur, une solidarité. J'estime que c'est des
expériences qui peuvent être vécues et qui sont très
productives, même dans la fonction publique, parce que la fonction
publique est au service du public, et la notion de qualité, c'est
là qu'elle pourrait être la plus vivante parce qu'on est en
contact quotidiennement avec le citoyen. Et si on ne peut pas pratiquer la
notion de qualité avec le citoyen, je ne sais pas où on peut la
pratiquer. L'entreprise est forcée de le faire, évidemment, pour
survivre et pour concurrencer, mais il n'y a pas de secteur témoin pour
la fonction publique, elle est seule à réfléchir, et c'est
dans la motivation et dans l'orientation qu'on y arrive.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, et je vous
remercie, au nom des membres, d'avoir participé à cette
commission parlementaire.
Nous allons suspendre deux minutes pour permettre au Forum pour l'emploi
de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 20)
(Reprise à 12 h 23)
Le Président (M. Audet): La commission reçoit
maintenant le Forum pour l'emploi. Messieurs, dames, encore une fois,
bienvenue.
Je vous rappelle notre procédure. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et, ensuite, suivront les
échanges.
Je demande immédiatement le consentement des membres de la
commission pour que nous , puissions déroger à notre ordre du
jour, de sorte que nous puissions terminer nos travaux vers 13 h 25
approximativement. Alors, il y a consentement?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, les
présentations, pour la plupart, sont peut-être inutiles. Mais,
quand même, je pense qu'on a des nouveaux intervenants à la table.
Alors, si vous voulez nous les présenter.
Forum pour l'emploi
M. Béland (Claude): Je suis ici, évidemment,
à titre de président du comité de parrainage. Je suis
Claude Béland. Je suis accompagné, à ma gauche, de M.
Fernand Daoust, qui est le président de la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec; à sa gauche, M. Michel
Payet-te, qui est le secrétaire général du Forum pour
l'emploi; à ma droite, M. Ghislain Dufour, qui est le président
du Conseil du patronat du Québec; à sa droite, M. Gérald
Larose, président de la CSN; et, à sa droite, Mme Marie-Claude
Martel, qui est la présidente du Conseil d'intervention pour
l'accès des femmes au travail et représentante de la
Fédération des femmes du Québec.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, on vous
écoute.
M. Béland: Nous allons faire une présentation pour
montrer qu'il y a vraiment consensus au Forum et que c'est un travail
partagé; nous allons nous partager la présentation. Je voulais,
pour ma part, simplement vous dire que tous les gens qui sont devant vous
représentent des organismes qui ont présenté ou qui
présenteront des mémoires a cette commission.
Nous nous retrouvons de nouveau devant vous, mais, cette fois, comme
partenaires d'un organisme de concertation qu'on appelle le Forum pour
l'emploi, un forum de concertation que je qualifierais d'exceptionnel, qui
regroupe des représentants de tous les secteurs de la
société: le milieu des affaires, syndical, de l'éducation
et de la formation, le milieu municipal, le milieu coopératif et
financier, le milieu socio-communautaire. Vous avez d'ailleurs, en annexe
à notre mémoire, la liste de tous les partenaires. C'est un forum
qui avait été constitué principalement pour organiser un
grand forum national sur l'emploi en 1989. Mais je dirais que l'enthousiasme
qui s'est créée autour de cette table a fait qu'après le
forum nous avons voulu continuer cette concertation qui existe toujours.
D'ailleurs, «Vivre selon nos moyens» fait appel à la
concertation. C'est ce que nous faisons depuis 1989 avec
fidélité, mais il nous apparaît qu'il est essentiel de se
concerter d'abord autour de certaines idées et de certains objectifs.
Notre mission consiste à faire la concertation sur les grands enjeux
d'une stratégie québécoise de développement de
l'emploi: penser globalement, essayer de créer l'unité de penser,
et, ensuite, à faire la promotion et le développement des
initiatives de concertation et de partenariat pour l'emploi; donc, agir locale-
ment et, en espérant, dans une certaine unité d'action.
Nous arrivons à nous concerter et avec un certain succès,
puisque, aujourd'hui, le Forum vous soumet trois grands consensus auxquels les
partenaires se sont ralliés relativement à la question du
financement des services publics. Le premier, qui vous sera
présenté par MM. Daoust et Larose, est le développement de
l'emploi comme stratégie gagnante en matière de finances
publiques et de lutte au déficit. Le deuxième, qui sera
présenté par M. Dufour, réfère à une plus
grande efficience dans l'utilisation des fonds publics. Le troisième,
qui sera présenté par Mme Martel, décentraliser les
décisions et responsabiliser les individus et la communauté.
Alors, si vous permettez, je passe la parole à M. Larose.
M. Larose (Gérald): M. le Président, comme le
disait M. Béland, s'il est un consensus sur lequel l'ensemble des
partenaires a consenti, c'est qu'à moyen et à long terme la seule
stratégie qui puisse être efficace, la stratégie gagnante
pour régler nos finances publiques, lutter contre le déficit et
sortir de l'impasse budgétaire, c'est effectivement une stratégie
de développement de l'emploi. C'est le message principal qu'on voudrait
vous apporter comme Forum pour l'emploi.
Une stratégie systématique du développement de
l'emploi contribue à l'augmentation de tous les revenus comme ça
contribue à diminuer l'ensemble des dépenses, plus
particulièrement celles liées au soutien du revenu, à la
santé, à la justice. C'est M. Mazankowski, du gouvernement
fédéral, qui disait que, pour l'année 1991, si on avait
connu un taux de chômage de 8,5 % plutôt que de 10,3 %, le
déficit aurait été de 6 000 000 000 $ de moins. Depuis
quelques années, le Forum réfléchit sur les conditions
à mettre en place pour que cette stratégie puisse se
développer.
Il y a des éléments de macroéconomie comme il y a
des éléments de microéconomie; je m'en tiendrai à
la macro, et le consensus se fait sur, notamment, la politique monétaire
qui devrait être une politique monétaire moins restrictive. On
sait qu'un point du taux d'intérêt en moins, ça produit, au
plan canadien, 1 000 000 000 $ de moins au seul service de la dette. Quand on
rajoute à ça les éléments de croissance
économique, il est clair qu'il y a des gains importants au niveau de
l'augmentation des revenus de l'État comme de la réduction du
déficit.
Donc, une stratégie d'emploi ne peut pas se faire sans qu'il y
ait une politique monétaire restrictive. On sait que ce n'est pas le
palier provincial qui est le principal acteur là-dedans. Mais le Forum,
pour lui-même, a fait plusieurs interventions. On souhaite que l'ensemble
des éléments de la société puisse toujours aller
dans ce sens-là. Et Fernand va présenter les autres
éléments.
M. Daoust (Fernand): Oui. Sur le plan microéconomique,
là, nous avons un peu plus de prise, sans aucun doute. Sur le plan
macroéconomique, c'est plus lointain, bien que nos vues soient connues.
Mais, à l'égard des choses les plus concrètes dans les
milieux que nous représentons, nous avons un minimum de
possibilités. Il y a un bouillonnement à ce moment-ci, au
Québec, à l'égard de toutes sortes de types
d'interventions.
Le Forum, vous le savez, il suscite, il appuie, il préconise la
formation de divers types de partenariat, maillage, alliance, et, notamment, on
en fait état dans notre document, de cette stratégie des grappes
industrielles qui nous ont été proposées l'année
dernière ou à la fin de l'année précédente,
peu importe, et qui ont suscité, dans divers milieux, beaucoup d'espoir.
Nous souhaitons, quant à nous, que le gouvernement du Québec
dépasse le simple énoncé de principe et, à cet
égard, qu'il s'investisse davantage dans le déploiement actif et
la mise en place concrète de cette stratégie. Nous aurons dans
quelques semaines, nous dit-on, le bilan de ce qui a été accompli
depuis la mise en oeuvre de cette politique-là et nous porterons,
évidemment, un jugement, et nous souhaitons que des aspects positifs
puissent en découler.
Il y a maintenant des enjeux prioritaires qu'il nous semble
indispensable d'aborder: ceux de l'éducation, de la formation de la
main-d'oeuvre - on en a parlé abondamment - de la recherche et du
développement, de l'exploration de nouveaux marchés, de la
qualité totale, de la réorganisation du travail, de
l'information, de la mobilisation et de la participation des ressources
humaines au développement de l'entreprise. Un peu plus loin dans le
document, d'autres pourront -"- peut-être l'aborder, mais il est
question d'informer, responsabiliser, inciter et associer véritablement
les ressources humaines à la réorganisation du travail; on dit
dans le secteur public, mais ça vaut, évidemment, pour tous les
secteurs. Mais faudrait-il encore - et je n'abuserai pas du temps qui m'est
permis - que, dans le secteur public, ça serve de modèle et que
ça puisse inspirer ces grandes orientations dans le secteur
privé. (12 h 30)
À l'égard du développement local et
régional, nous favorisons tout type d'«entrepreneur-ship»
individuel et collectif et la prisé en charge du développement
par les partenaires et les instances du milieu local et régional. Nous
pensons, entre autres, à cette politique, des grandes politiques
à l'égard du marché du travail et du fonctionnement de
celui-ci par l'instauration d'un guichet unique. Je pense qu'il y a
unanimité au sein de la société québécoise
là-dessus, et on souhaiterait bien que les négociations avec le
gouvernement fédéral puissent aboutir dans les plus brefs
délais possible. Il y a tout un débat qui est amorcé au
sein du Forum pour l'emploi que nous souhaitons - nous l'avons dit en d'autres
lieux - se prolonger ailleurs ou nous accompagner; ce débat devrait nous
accompagner sur l'incidence de la fiscalité sur l'emploi. Il y a
beaucoup de questions qu'il nous faut explorer collectivement pour
l'avenir.
Et je vais conclure en répétant un peu ce que M.
Béland disait: L'unité dé pensée, c'est
indispensable; ce n'est pas facile, c'est un immense défi, mais
ça précède partout, inévitablement, l'unité
d'action. Et on voudrait ne pas être les seuls; on n'est pas les seuls,
mais on voudrait être les plus nombreux possible, et on voudrait bien que
le gouvernement puisse nous accompagner dans ces propositions de changements de
société qui nous semblent indispensables pour sortir des
difficultés qui nous caractérisent.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, le deuxième
consensus pour une plus grande efficience dans l'utilisation des fonds publics.
Ce que l'on dit, c'est qu'à moyen et à long terme, une
stratégie gagnante à l'endroit de la fiscalité invite les
administrations publiques à plus de rigueur et d'efficience dans la
gestion des fonds publics.
Si on jette un regard sur l'évolution probable de la demande des
services publics au cours de la prochaine décennie, on est obligé
de dire qu'il y aura un impact certain dans le sens de l'accroissement de la
demande. Non seulement les Québécois ont investi dans un ensemble
de services publics modernes, dont ils sont généralement fiers,
qu'ils souhaitent conserver, mais pour peu qu'on regarde en avant, force nous
est de constater que nos besoins iront vraisemblablement en s'accroissant
auprès des trois niveaux de gouvernement. Simplement trois tendances: le
vieillissement de la population, donc l'accroissement des services de
santé, notamment; nouvelles priorités environnementales; et, bien
sûr, la mondialisation des marchés. De façon
réaliste, donc, dans une perspective à moyen et à long
terme, nous ne pouvons entrevoir qu'un accroissement de la demande en termes de
services publics et, je répète, notamment en termes de services
de santé.
Comment rencontrer ces nouveaux besoins dans le futur? De l'avis de
certains, nous aurions déjà atteint un seuil d'imposition
maximale, et notre fiscalité ne serait plus compétitive. D'autres
soutiennent que nous ne serions pas trop taxés mais plutôt mal
taxés. Pour plusieurs, l'accroissement du déficit semble aussi
une avenue difficile à envisager. Je dois vous dire là-dessus que
ie Forum n'a pas fait consensus. Mais, là où il y a eu consensus,
c'est que la solution passe définitivement par une plus grande
efficacité des dépenses et investissements publics. Il
faut en effet développer cette efficience afin de pouvoir investir les
gains de productivité dans la prestation des nouveaux services publics
qui seront nécessaires pour relever des défis d'avenir qu'on
connaît tous.
Rappelons tout simplement que les partenaires privés
évoluent dans un monde en rapide et constante mutation et, sur la
pression du marché, demeurent constamment à l'affût de
nouvelles initiatives pour accroître leur productivité. Les
Québécois et les Québécoises ont droit à des
gouvernements qui en font autant dans la gestion des fonds publics. Comme pour
le secteur privé, il faut développer une approche qualité
dans la prestation des services publics aux clientèles, visant la
meilleure qualité au meilleur coût possible.
La possibilité d'un réaménagement de certaines
dépenses publiques doit être considérée.
D'importants gains de productivité peuvent en effet être
réalisés en adoptant des objectifs mieux ciblés et des
programmes répondant plus directement aux véritables besoins des
clientèles. S'il est un exemple de réaménagement des
dépenses publiques qui tient à coeur et qui a fait consensus au
Forum - et M. Daoust et M. Larose y ont référé rapidement
- c'est celui du passage des mesures passives aux mesures actives dans le
domaine du marché du travail. Ainsi, plutôt que de seulement
distribuer de l'argent pour assurer un revenu de subsistance aux personnes sans
emploi, il faut davantage penser à l'utilisation de ces sommes en termes
de programmes actifs visant notamment à protéger l'emploi,
à favoriser l'adaptation de la main-d'oeuvre, à faciliter la
réinsertion des personnes en chômage sur le marché du
travail.
Finalement, une suggestion concrète: dans le but
d'améliorer la gestion des fonds publics, l'idée d'adopter,
à l'instar d'autres pays, un double système de
comptabilité séparant les investissements publics des
dépenses courantes semblerait aussi constituer, a priori, une piste
intéressante pour faciliter une analyse plus claire de la
rentabilité à court, moyen et long terme des différents
types de dépenses et d'investissements publics.
Mme Martel (Marie-Claude): M. le Président, le
troisième consensus: décentraliser les décisions,
responsabiliser les individus et la communauté.
Le Forum pour l'emploi a toujours mis de l'avant et favorisé une
approche globale dite de développement local, et les partenaires du
Forum ont participé à plusieurs forums de discussion sur cette
question. Dans le cadre de ces débats, les partenaires
socio-économiques de toutes les régions du Québec se sont
clairement prononcés en faveur d'une plus grande décentralisation
des services publics à l'échelle locale et régionale. En
effet, des économies importantes pourraient être
réalisées dans certains secteurs en simplifiant et en rapprochant
la prestation des services publics des véritables besoins du milieu. Si
un consensus général existe en faveur du principe de
décentralisation, plusieurs interrogations subsistent toutefois à
l'égard de la façon dont pourrait se faire cette
décentralisation. Il devra y avoir des discussions beaucoup plus
approfondies sur le réaménagement de la fiscalité entre
les différents paliers de gouvernement.
Enfin, tout comme il y a une manière de favoriser la prise en
charge du développement par les partenaires des milieux local et
régional, nous croyons aussi qu'il y a matière à
sensibiliser et responsabiliser davantage les individus face aux enjeux des
finances publiques par une plus grande information des citoyens et citoyennes
concernant les coûts des services publics. Dans certains cas, on pourrait
même songer à les informer individuellement des coûts de
certains services publics qu'ils consomment personnellement.
M. Béland.
M. Béland: voilà, m. le président. vous nous
convoquiez à la concertation. on voulait vous faire part, quand
même, de l'unité de pensée qu'on a réussi à
établir relativement à ces trois grands points.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Alors, je vais
maintenant reconnaître M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Oui. Je souhaite la bienvenue et la re-bienvenue
à certains d'entre vous et je prends acte que vous venez nous indiquer
ici que le Forum sur l'emploi est un lieu de concertation dont on aurait tort
de se passer. Quant aux sujets dont on pourrait discuter comme interlocuteurs,
peut-être simplement pour donner l'exemple du genre de progrès
qu'on peut faire lorsqu'on réalise des consensus, en partie, la
commission se voulait un lieu où les gens, venant s'exprimer, nous
permettaient, justement, de dégager un consensus. (12 h 40)
Vous êtes vous-mêmes, à l'intérieur de cet
exercice-là, un consensus à vous tous, y compris le fait que vous
avez fait consensus sur la nature de vos divergences. Dans un forum où
certains d'entre vous ont exigé un forum sur la fiscalité, on
voit que le Forum sur l'emploi est incapable de réaliser un consensus
sur la fiscalité. C'est assez intéressant. Et ça indique,
dans le fond, qu'il faut explorer d'autres pistes pour arriver à un
consensus. Pas un consensus sur les moyens, parce que la fiscalité
demeure un moyen de rencontrer les besoins de la population. C'est le gros
moyen pour financer tout ça.
Est-ce qu'on ne peut pas réconcilier les divergences plutôt
que d'essayer de faire consensus sur cet aspect-là? Réconcilier
les divergences
en nous apercevant qu'on peut résumer notre préoccupation
de gouvernants et de citoyens à la réalisation pleine de tout
notre potentiel. Et ça veut dire, d'abord et avant tout, par l'emploi.
C'est ça qui vous préoccupe lorsque vous dites: II faut agir sur
certaines dimensions macroéconomiques, la politique monétaire,
les taux d'intérêt; c'est parce que, vous dites, ça
crée de l'emploi.
Aussi, vous dites: Soyons plus efficaces, plus efficients comme machine
de prestation de services; dégageons ainsi des économies qui vont
permettre de rencontrer des nouveaux besoins. Ça aurait
été intéressant de voir pourquoi, nécessairement,
on doit rencontrer des nouveaux besoins sans en remettre en cause d'anciens,
quoique, la productivité, ça passe également par un
nouveau rangement des priorités. Mais il n'en reste pas moins que,
là où je trouve que la dimension importante des services publics
était en cause, au-delà - je ne voudrais pas l'oublier - de
l'importance qu'il y a de rapprocher des individus de la prestation des
services par la décentralisation et sa conséquence qui est la
responsabilisation des individus, il n'en reste pas moins que, pour une
commission sur la fiscalité et les dépenses publiques et le
déficit, je le répète, certains des participants voulaient
vraiment une commission sur la fiscalité. On en entend moins parler que
je ne l'aurais cru.
Et il faut, sinon réaliser un consensus sur la nature de la
fiscalité, c'est-à-dire sa nature précise, ses
éléments, comment elle doit se décomposer, sur qui elle
doit porter, jusqu'à quel niveau tel, tel effort... Il me semble qu'on
aurait pu tenter de réconcilier ces divergences-là et dire,
à tout le moins, qu'on doit tenir compte de l'environnement
concurrentiel, commercial, international, économique donc. Je n'ai pas
saisi que vous vous étiez au moins arrêtés sur cette
dimension-là. Dire: Si on veut parler de fiscalité, si on est
incapable de se réconcilier, est-ce qu'on peut faire consensus sur le
fait que ça dépend de ce qui se fait autour de nous? Est-ce que
ça ne dépend pas, au moins, de la mobilité, soit des
capitaux, soit des personnes, soit des biens dans certains cas, des usines?
Est-ce que ça ne dépend pas de telle ou telle chose? Au moins
réaliser consensus là-dessus et, au point de vue fiscal,
ça nous permettrait ensuite de prendre des décisions à
long terme, qui s'appuient sur une plus large compréhension de tous les
acteurs autour des éléments constitutifs de la
décision.
Je ne veux pas être trop long et trop théorique, mais c'est
le problème pratique qu'on a quand même. Il est peut-être
énoncé d'une façon qui a l'air théorique, mais, en
pratique, ce qu'on a à faire comme gouvernement, c'est dire: Une fois
qu'il y a eu un consensus sur les services publics... Et les pressions dont
vous parlez - le vieillissement de la population, la conscience accrue que les
gens ont qu'il faut investir davantage dans la protection de l'en- vironnement
parce que c'est un investissement rentable qui vient améliorer, comme on
le disait plus tôt, la qualité de «l'environnement, petit
e», si je peux me permettre d'utiliser ça comme exemple -
au-delà de tout ça, il y a des décisions concrètes
que ces pressions-là, avec lesquelles on est d'accord, nous dictent. Qui
taxe-t-on? Et à quel niveau les taxe-t-on, ces gens et ces
entreprises?
Est-ce que vous avez songé - c'est ma question ou ma suggestion,
tout à la fois - à vous pencher sur les déterminants de la
fiscalité, non pas compte tenu des dépenses publiques mais compte
tenu du rôle de la fiscalité qui peut être redistributeur
mais qui est également, carrément, un outil de financement comme
tel?
M. Béland: Je pense, M. le Président, que la
question est bien posée, mais il faut comprendre un peu la dynamique du
Forum. Nous ne sommes pas un organisme permanent. Nous sommes des gens qui
avons été ébranlés il y a quelques années
par toute la question du sous-emploi. Vous savez, ça a
débouché sur le Forum national de l'emploi et, à ce
forum-là, il y a des secteurs d'activité qui avaient
été mieux ciblés que d'autres: la formation
professionnelle, la question de l'environnement. On disait: Est-ce que
l'environnement ne pourrait pas être une bonne source de création
d'emplois? Il y avait toute la question de la macroéconomie. Ça a
donné lieu à la formation de différents comités
chez nous, au Forum, qui ont travaillé sur ces dossiers-là.
Je vous avoue que votre appel à cette réflexion sur
l'assainissement des finances publiques a été un dossier nouveau
au niveau du Forum, et on le dit bien dans notre mémoire. Il est certain
que ça va donner lieu, au Forum... Il y a un désir très
fort des partenaires du Forum de regarder cette question-là. Quand vous
dites: On n'a pas réussi à faire un forum sur la fiscalité
chez nous, ce n'est pas parce qu'on n'a pas le désir de le faire, c'est
que vraiment on avait... On se réunit une fois à quelques
semaines d'intervalle et... Évidemment, on a un secrétariat qui
travaille, mais on ne peut pas leur en demander plus. On essaie de ne pas
demander d'argent au gouvernement, pour être cohérent, et...
Une voix:...
M. Béland: Un petit peu. Un petit peu, oui. M. Dufour
(Ghislain): Je pourrais... M. Béland: Oui, M. Dufour,
oui.
M. Dufour (Ghislain): II reste quand même, M. le
Président, que le mandat de cette commission est triple. Il y a
dépenses gouvernementales, il y a fiscalité et il y a
déficit. Oublions le déficit pour l'instant, parce que c'est
une
conséquence des deux premiers volets. Et le mémoire est
carrément du mandat, du premier mandat de la commission. Parce que la
fiscalité, comment on va payer les dépenses, c'est une
deuxième démarche, mais il faut d'abord savoir quelles
dépenses on va faire. Et, dans ce sens-là, les trois volets
retenus par le Forum, en tout cas, m'apparaissent prioritaires.
Que le monde syndical et le monde patronal s'entendent pour dire qu'on
doit informer les citoyens des coûts des services publics qu'ils
reçoivent, je trouve ça énorme, moi. On entend tellement
l'idée que c'est gratuit parce que ça vient de l'État.
Non, ce n'est pas gratuit, et on s'entend pour le dire. Ça aura une
conséquence immédiate sur la fiscalité. Si les gens sont
conscients, qu'ils en demandent moins, on aura moins d'impôts.
Même chose pour l'efficience du secteur public. Je pense qu'il y a
un engagement des centrales syndicales là-dedans, qui est
intéressant, important. Cette révision de l'appareil, et tout
ça... Si on en arrive à réduire nos dépenses, bien,
on chargera moins d'impôts sur les cigarettes, ou l'alcool, ou partout,
ce qu'on dénonce actuellement.
Alors, dans ce sens-là, c'est vrai qu'on pourrait aller plus
loin. D'ailleurs, moi, j'ai compris au Forum qu'on irait plus loin dans le
sens... Par exemple, il y a un problème qui nous achale tous, c'est quel
genre de fiscalité est le meilleur? Est-ce que c'est une
fiscalité sur la consommation, par exemple, comme plaident d'aucuns?
Pierre Fortin, à l'UQAM, il plaide, lui, qu'on pourrait avoir 22 %, 23 %
de taxes à la consommation, pas de taxes sur les revenus, et on vient de
régler le problème. Diane Bellemare, même
université, dit: Bien non, c'est une approche qui ne nous conduira nulle
part. Alors, le Forum a décidé, justement, de regarder ça
et, dans ce sens-là, je trouve ça très heureux.
M. Béland: Et de les entendre tous les deux. M.
Larose.
M. Larose: Pour prolonger ce que M. Dufour dit, effectivement,
c'est le premier exercice qu'on a fait, et je ne voudrais pas que vous ayez
l'impression que les consensus qu'on a dégagés sur le volet
fiscalité, on ne pourra pas aller plus loin. Au contraire, il y a un
engagement entre nous de poursuivre ces études-là.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de Taillon.
M. Daoust: M. le Président...
Le Président (M. Audet): M...
(12 h 50)
M. Daoust: ...dès le moment où fut connue cette
décision de convoquer cette commission parlementaire, le Forum s'est
réuni, et on a abordé les sujets qui font l'objet de cette
commission, mais ça ne fait pas fort longtemps, soit dit en passant. Je
rappelle tout simplement des faits qui sont connus de tous. Il ne faudrait pas
que le ministre tire profit du fait qu'on a un mémoire ici et qu'on n'a
pas pu, dans certains cas, dégager une très, très grande
unité de pensée pour dire: Cette réflexion en profondeur
sur la fiscalité, vous, le Forum, qui êtes le lieu
privilégié de la concertation au Québec, n'avez pas
réussi à dégager un point de vue unanime. Donc, qu'est-ce
que ça donnerait d'avoir ce lieu que vous souhaitez tellement? Le Forum
ne s'est pas exprimé de la même façon, mais les centrales
syndicales l'ont dit.
Et dans le mémoire qui vous est présenté, il en est
question. Je vais relire, c'est important. À la page 5: «Par
ailleurs, le débat sur l'incidence de la fiscalité sur l'emploi,
c'est-à-dire la façon et les conditions selon lesquelles le
système fiscal pourrait être utilisé, ou pas, pour
favoriser le développement de l'emploi, laisse présager de
nombreuses questions à explorer dans l'avenir. En effet, nous sommes
conscients que le système fiscal est d'abord là pour assurer le
financement des dépenses publiques et qu'il doit déjà
concourir, à ce titre, à divers objectifs d'équité,
d'efficacité et de simplicité. La question de son incidence sur
l'emploi, dans ce contexte, devra donc faire l'objet d'une réflexion
beaucoup plus approfondie, et à plus long terme, de la part des
partenaires du Forum.»
On va la faire, cette réflexion-là. Mais M. Béland
vous a décrit ce que nous sommes. Nous ne sommes pas le gouvernement;
nous ne sommes pas appuyés, puis entourés par tous ces gens qui
vous conseillent, à juste titre, d'ailleurs. Encore une fois, je ne
parle pas au nom du Forum, mais, nous, avec les moyens du bord qu'on a, faibles
moyens, soit dit en passant - puis là, on n'est pas ici pour frapper
à votre porte, ce n'est pas l'endroit ni le moment - le Forum va
s'imposer cette démarche-là qui nous semble fondamentale et
indispensable.
Alors, je reviens à ce que vous disiez. Vous sembliez vous
réjouir quelque peu qu'il n'y ait pas, un peu partout au Québec,
cet appel à la pertinence d'un moment qui serait mieux défini
pour discuter des problèmes de fond. Mais je crois qu'on ne peut pas
escamoter la nécessité, en quelque lieu, d'un débat. Il y
a une volonté. Mon Dieu! je ne veux pas insister trop, trop; M. Dufour
est là pour manifester cette volonté. Il y a une volonté
qu'on y voit clair, dans le fond, et qu'on puisse, de part et d'autre,
départager les convergences et des divergences et, de là, bien,
les décideurs politiques en disposeront.
Le Président (M. Audet): Merci. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
D'abord, je vous souhaite la bienvenue. Je vous trouve bien modeste,
parce que, moi, je crois - et je suis persuadée que ça ne
blessera personne, puisque vous représentez tout le monde qui est
impliqué un peu dans les questions d'emploi - que vous êtes
porteur d'un projet, que vous animez un projet, vous êtes un groupe qui
est porteur de solutions à long terme.
Ça m'étonne un peu d'entendre le président du
Conseil du trésor qui vous reproche de ne pas parler suffisamment de
fiscalité alors que vous nous proposez, je pense, des pistes d'action
sur les dépenses. Quand les gens proposent des choses sur les
dépenses, il nous dit qu'ils ne parlent pas assez de fiscalité;
quand ils parlent de fiscalité, il dit: Avez-vous pensé aux
dépenses? Cela étant dit, je veux revenir sur le fond du projet
que vous véhiculez.
On a fait consensus aussi autour de cette table; le président du
Conseil du trésor aussi est d'accord avec cela: il faut,
évidemment, augmenter le niveau d'emploi si on veut pouvoir
réduire la pression sur les dépenses de l'État en termes
de mesures sociales, de mesures de sécurité du revenu, et tout le
reste. Il faut donc pouvoir augmenter le niveau d'emploi aussi pour permettre
à des gens d'être des citoyens qui contribueront aux finances
publiques par leur impôt, et donc contribueront au fait que l'on puisse
par la suite se donner des services auxquels nous croyons et que les citoyens
sont en droit de recevoir.
Dans votre mémoire, vous abordez toute la question des mesures
actives reliées au marché de l'emploi. Moi, j'aimerais ça
que vous précisiez davantage ce que vous voulez dire par le passage de
mesures que vous identifiez comme passives actuellement versus les mesures
actives auxquelles vous songez pour faire en sorte qu'on soit plus
cohérents, au moins pour se donner les moyens de faire en sorte que nos
gens soient mieux préparés à l'emploi et que nos
entreprises aussi y trouvent leur compte chez les personnes qui viendront
former leur main-d'oeuvre.
Une voix: Peut-être que Gérald voudrait
répondre.
M. Larose: J'aurais envie de donner un exemple qui traduit
très bien le pattern général dans lequel on a moulé
l'ensemble de nos politiques sociales. C'est le problème des femmes chef
de famille monoparentale par rapport aux pensions alimentaires.
Si un gars se fait imposer par le juge de payer une pension alimentaire
et que, effectivement, il la paie, elle est soustraite à 100 % du
bien-être social. Alors, il y a là un incitatif important pour le
mari à ne pas payer parce que, quand il paie, elle n'en a pas plus. Je
dirais que toutes nos politiques sociales sont bâties comme ça.
Quand vous êtes sur l'assurance-chômage, ne vous avisez pas de
travailler. Quand vous êtes sur le bien-être social, je pense qu'on
va jusqu'à 50 $, mais ne vous avisez pas de... Bon. On a un
régime d'exclusions, alors qu'il faut arriver à un régime
d'inclusions pour être aspirés par l'emploi. Ça, c'est
à l'étude au Forum.
Il faut arriver à faire en sorte que le travail soit gratifiant,
c'est-à-dire que quelqu'un qui développe des habiletés,
maintient des habiletés, etc, il faut qu'il soit
récompensé ou gratifié - enfin, je ne sais pas
l'expression à employer - avec des passerelles, de telle sorte que
l'ensemble des énergies individuelles, comme des groupes et comme des
collectivités, devrait être au sceau de l'emploi, pas rien que de
l'employabilité. Et on pense qu'on pourrait, à terme, y compris
rencontrer des nouveaux besoins, qui s'expriment notamment par le
vieillissement de la population, et y avoir là des tâches ou des
gens qui travailleraient à refaire le tissu social. Alors, c'est un peu
ça qui nous habite, là. On n'a pas un modèle fini, mais
c'est vers ça qu'on veut aller.
Mme Marois: Oui, M. Béland.
M. Béland: À titre de président du
comité de parrainage, je reçois toute sorte de correspondance de
gens qui disent: Oui, oui, je veux bien l'emploi, mais... Je vais vous donner
juste un exemple, parce qu'il y a des fautes partout dans le système. Ce
n'est pas simplement d'un côté. Il y en a du côté des
entrepreneurs et des entreprises.
Plusieurs fois, j'ai reçu ce genre de lettre de
diplômés d'université qui me disent: Je suis allé
pour chercher de l'emploi, j'ai fait trois endroits, quatre endroits, et je me
fais dire: Écoute, je vais t'embaucher, tu as toutes les qualifications,
mais ce serait plus payant pour moi si tu t'en allais sur
l'assurance-chômage. Quand tu auras fini toutes tes semaines, tu t'en
iras au bien-être social et, ensuite, je vais pouvoir t'admettre sur le
programme. Alors, finalement, on déjoue facilement le
système.
Les jeunes qui m'écrivent, évidemment, me disent: Mais
c'est quoi, l'histoire? Moi, j'étais prêt à travailler, ils
sont prêts à me donner de l'emploi, mais il faut que je fasse
payer le gouvernement à deux paliers avant d'accéder à
l'emploi; et le gouvernement va payer pour ma première année de
salaire. Il y a quelque chose qui ne va pas, hein.
Mme Marois: C'est intéressant... C'est-à-dire,
c'est intéressant et triste en même temps, dans le sens où
vous décrivez les effets pervers de systèmes qui sont bons au
départ mais qui ne donnent absolument pas les effets escomptés
à cause des règles, justement, d'exclusion.
M. Béland: On est plutôt dans des mesures passives,
et il y a peut-être des mesures plus actives qui feraient qu'on corrige
ces situations-là.
M. Daoust: Là-dessus, il faut...
Mme Marois: Bon, je vais pousser un petit peu plus loin... Oui,
M. Daoust.
M. Daoust: II faut absolument innover et trouver un modèle
québécois. Mais nous ne sommes pas les seuls dans ce
domaine-là. Sur les mesures passives et les mesures actives, on a des
données à l'échelle des grands pays industrialisés.
Dans certains d'entre eux, c'est tout à fait le contraire de ce qui se
passe au Canada et au Québec. Au Canada, on estime qu'environ 80 % de
tous les fonds consacrés à la main-d'oeuvre en chômage
servent à des mesures passives. Les gens reçoivent un
chèque, des prestations d'assurance-chômage, et ils attendent
qu'en quelque lieu se présente un emploi. Donc, 20 % servent à
des mesures actives alors que, dans certains pays, c'est tout à fait le
contraire: c'est 80 % de ces montants-là qui sont consacrés
à des mesures actives et 20 % à des mesures passives. (13
heures)
Les mesures actives, il va falloir les imaginer, les penser et les
mettre en oeuvre. Ce n'est pas simple non plus, mais il faut commencer. Je sais
qu'aussi bien à l'intérieur du Forum pour l'emploi qu'à
cette Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, de M. Bourbeau, il en
est question aussi bien à la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre où
il va en être question. Mais c'est de trouver les moyens pour faire en
sorte que les gens qui sont en chômage ou qui reçoivent des
prestations du bien-être social puissent utiliser un temps
éminemment précieux pour se réadapter, pour se former,
pour suivre des cours et peut-être pour donner une certaine forme de
travail. C'est des problèmes extrêmement difficiles,
délicats et complexes. Ça va demander des changements profonds
à une mentalité dans notre société, puisqu'on n'est
pas habitués à ça depuis tellement d'années.
Soit dit en passant, ça demande un courage aussi de la part des
intervenants - et je ne veux pas les qualifier - de vouloir s'imposer un tel
changement dans notre société. On sent qu'il va y avoir des
blocages dans certains milieux, mais il y a de grands appels à la
solidarité qui sont indispensables. Formation de la main-d'oeuvre par
toutes sortes de moyens: alternance, école, travail, formation
professionnelle, réadaptation, une connaissance plus intime du
fonctionnement du marché du travail, mais pour faire en sorte qu'enfin
on se dégage des mesures passives - on n'a pas à les
décrire, on les connaît, avec tous les maux qu'elles
véhiculent - pour avoir des mesures actives.
Dans ce sens-là, je crois que le Forum pour l'emploi va jouer un
rôle déterminant à cause de la présence de tous ceux
que vous connaissez qui y participent. Mais on voudrait, encore une fois -
là, je ne reviens pas, mais vous savez qu'on va revenir souvent, quant
à nous; il faut trouver ces lieux. Il y en a quelques-uns - qu'il y ait
des appuis qui soient manifestes de la part des pouvoirs publics.
Mme Marois: Dans votre mémoire, vous dites: Ces mesures
actives devraient être mises en oeuvre par des intervenants qui se
concertent sur une base décentralisée. Mais vous dites
évidemment que, pour faire cela - enfin, je le comprends comme ça
- il est nécessaire de faire en sorte qu'on ramasse tout ce qui concerne
les politiques de main-d'oeuvre et, là, on fait référence,
évidemment, à ce fameux contentieux entre Québec et
Ottawa.
Moi, j'ai le goût de vous demander ceci. Vous avez relevé
le défi de réunir ensemble les gens que vous êtes. Vous
avez relevé le défi de l'ancienne campagne qui s'appelle
Qualité-Québec et qui semble vouloir faire des petits. On verra
ce que ça donnera, et tant mieux. J'ai l'impression que M. Bourbeau a
besoin d'aide, actuellement. Je pense qu'il est d'accord, lui aussi, avec la
proposition que vous faites. La preuve, c'est qu'il a défendu ce point
de vue là, dernièrement, auprès de la table des ministres
des provinces responsables de ce dossier-là. Évidemment, vous
avez vu, bien sûr, comme nous, la «rebiffade» qu'il a
reçue de la part du ministre fédéral. Si vous offriez
à M. Bourbeau que la coalition que vous formez, à la base, ce
Forum, cette table, mobilise le Québec tout entier, le Québec des
régions, le Québec des institutions économiques, des
institutions sociales, des représentants des travailleurs et des
travailleuses, est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'on réussirait
à obtenir ce que, depuis des décennies... puis je ne charrie pas
en disant ça... et quelques ministres plus tard, on n'a pas encore
obtenu de la part d'Ottawa et qui nous permettrait, je crois, de s'engager dans
une des pistes de solutions auxquelles nous convient le président du
Conseil du trésor et le gouvernement?
M. Béland: Le Forum, quelques jours avant la
réunion de MM. Bourbeau et Valcourt à Ottawa, le vendredi
précédent, a tenu une conférence de presse où les
participants qui sont ici, à cette table, étaient présents
pour, justement, donner l'appui au ministre Bourbeau dans la démarche
qu'il entreprenait. On voulait lui donner cet appui et lui dire que ça
faisait l'unanimité au Québec.
Évidemment, devant les réponses pas tellement claires et
pas tellement encourageantes du côté du gouvernement central, nous
avons - à la Société de développement de la
main-d'oeuvre - fait le même débat où là,
maintenant, il y a question d'offrir au ministre Bourbeau l'appui de la
Société. Au Forum, on n'en a pas encore discuté... Je sens
que M. Dufour veut ajouter son mot, alors je vais lui laisser la parole.
M. Dufour (Ghislain): C'est pas mal difficile d'aller plus loin
qu'on est allé, dans le fond. Vous vous rappelerez qu'il y a à
peu près un an et demi, deux ans, on faisait une conférence de
presse avec M. Bourbeau, tout le groupe. J'étais à la
conférence de presse du vendredi à laquelle M. Béland fait
référence. Je pense qu'en termes de groupe, ça a
été fait. C'est maintenant un problème politique, dans le
fond. On peut continuer, mais c'est vraiment un problème politique.
Moi, ce que je veux dire, c'est que, quand on parle de mesures actives
et main-d'oeuvre... On parle de plus ou moins 400 millions pour le
Québec, qui sont à l'intérieur de la caisse de
l'assurance-chômage. On a toujours supporté ça et on va
continuer à supporter ça. On ne parle pas de mesure passive,
à ce moment-là, qui est la caisse comme telle où,
là, on peut avoir des chicanes.
Si vous le permettez, M. le Président, Mme la
députée, étant donné que j'ai la parole, je vais
revenir à vos mesures actives. Une des mesures actives, c'est les stages
en entreprise, notamment pour fins de formation professionnelle, où le
Forum est très présent. Je voudrais juste rappeler, en termes de
fiscalité, au président du Conseil du trésor, pour les
fins de la préparation du prochain budget, que la CEQ et le Conseil du
patronat vous ont fait une représentation conjointe, ce qui est
très rare, mais elle est là, elle est présente, où
on demande des crédits d'impôt pour les entreprises ^ qui
accueillent des stagiaires ou des professeurs, parce que c'est évident
qu'il y a des coûts. Les grandes entreprises peuvent le faire facilement,
mais pas les PME. Or, l'emploi, il se développe dans les PME,
actuellement. Alors, on disait cette semaine, les médias titraient que
les entreprises n'étaient pas ouvertes aux stages. Ce n'est pas vrai
dans le cas de Bell, ce n'est pas vrai dans le cas d'Alcan, ce n'est pas vrai,
dans le fond, des grandes entreprises, mais c'est un peu vrai dans le cas des
PME, mais elles ne peuvent pas le faire.
Alors, pour rejoindre les mesures actives, M. le Président, M. le
président du Conseil du trésor, revoyez cette lettre conjointe
CEQ-CPQ sur la fiscalité et les stages.
Une voix: Merci.
Mme Marois: On aurait plein d'autres questions, mais je trouve
ça intéressant, quand même. Souvenez-vous S-31.
Le Président (M. Audet): Merci. Je reconnais M. le
député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. brièvement,
pour laisser encore du temps à d'autres de mes collègues. je dois
saluer ici, quand même, le fait un peu particu- lier que les principaux
intervenants économiques et les intervenants politiques sont
réunis pour se pencher sur la question de l'emploi qui reste, à
mes yeux, ma première priorité pour l'année 1993.
Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez suggéré. Je suis
assez d'accord sur l'importance de la politique macroéconomique et sur
l'importance du taux d'intérêt. On pourrait débattre
jusqu'à quel point la dette a un effet direct sur le taux
d'intérêt et l'importance de contrôler la dette dans ce
cadre-là. Je ne reviendrai pas non plus sur les mesures pour
développer l'employa-bilité, c'est-à-dire
l'éducation, la formation professionnelle, les ressources humaines. On
l'a touché moult fois. Je ne reviendrai pas là-dessus.
Il reste - et je voudrais vous entendre parler là-dessus - dans
les gens qui ne sont pas employés, une couche de la population qui,
souvent, est issue du secteur manufacturier traditionnel qui est actuellement
en pleine mutation, c'est-à-dire qu'à cause des mutations de
l'économie, les secteurs traditionnels sont en train de fermer, qui
souvent sont relativement plus âgés que la moyenne de la
population, qui sont peu formables parce qu'ils sont peu, après,
à pouvoir entrer dans les programmes de formation. Pour ces
travailleurs-là, qu'est-ce que vous avez à suggérer pour
nous aider à, aussi, leur donner le choix et le droit à
l'emploi?
M. Béland: Toutes les mesures que nous proposons ne sont
pas exclusives aux employés syndiqués. Quand vous regardez la
liste des organismes qui sont autour de notre table, on a les cégeps, on
a les représentants des cégeps... Tous les gens se penchent sur
l'universalité de l'emploi. Il ne s'agit pas de la cibler. Je ne sais
pas si je comprends mal votre question.
M. Gautrin: Je me suis mal exprimé. Dans les gens,
à l'heure actuelle, qui n'ont pas d'emploi, donc qui ont le
problème de l'emploi, il y a une sous-couche - je n'ai pas parlé
de syndiqués ou non - de gens qui sont laissés pour compte par la
modernisation, à l'heure actuelle, de l'économie, qui souvent
sont issus du secteur manufacturier traditionnel, textile, industrie
sidérurgique, pour la plupart, qui sont peu formables parce qu'ils ont
un certain âge, en général autour de la cinquantaine, peu
à même de rentrer dans les programmes de
«formabilité», qui, d'après moi, ont droit aussi
à un emploi et auxquels beaucoup de nos solutions ne répondent
pas. (13 h 10)
M. Béland: J'ai mieux compris. Nous avons
développé, à ce point de vue là, notre dossier sur
le recyclage. On pense que c'est la solution. Il faut...
M. Gautrin: Sauf qu'ils sont souvent peu adaptables aux
programmes de formation, compte
tenu de leur âge.
M. Béland: Oui, mais on n'a pas trouvé de solution
plus profonde que ça. Je pense que c'est par la formation
professionnelle, en les recyclant dans les fonctions, dans les emplois qui sont
disponibles qu'on peut leur donner un peu d'espoir.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
Moi, ma question est très simple. Quand je regarde la mission du
Forum pour l'emploi, la première, on parle de la concertation sur les
grands enjeux d'une stratégie québécoise de
développement de l'emploi. Pour rejoindre ma collègue de Taillon,
ma question est la suivante: Croyez-vous vraiment à une concertation
sans vraiment unir l'énergie et les forces fédérales
québécoises autour d'une orientation claire, nette et
précise? Est-ce que vous croyez vraiment qu'on peut arriver à un
travail efficace dans ce grand voeu que vous souhaitez réaliser?
M. Béland: On a déjà adopté une
position claire à ce sujet-là, qu'il a fait connaître il y
a déjà, mon Dieu, un an. On a même produit un
mémoire à la commission Bélanger-Campeau. Cette
position-là, on l'a répétée à la
Conférence d'adaptation de la main-d'oeuvre; la Société de
développement de la main-d'oeuvre en a pris connaissance. On n'a
cessé de le répéter. Mais, comme disait M. Dufour,
à un moment donné, on peut crier, on peut la faire
connaître, cette position de l'unanimité des partenaires
socio-économiques québécois quant à l'importance de
rétablissement d'un guichet unique, parce qu'on pense qu'il y a
là un gaspillage très malheureux. Dans ce sens-là,
évidemment, on attend que les représentants politiques prennent
position.
M. Filion: Mais, maintenant, vous savez que c'est essentiel pour
qu'on puisse vraiment dynamiser et passer à des mesures proactives pour
laisser les mesures passives.
M. Béland: Oui.
M. Filion: Est-ce que vous avez d'autres idées de
pressions publiques, de pressions dans l'opinion publique pour forcer le
gouvernement central à Ottawa à bouger, à réaliser
le chaos économique qu'il crée?
M. Béland: Je pense que je peux dire que le Forum pour
l'emploi n'est pas en soi un organisme de pression. Les constituantes,
évidemment, peuvent le taire. Mais, au moins, on sensibilise l'ensemble
de nos gens à cette problématique et, eux, quand ils retournent
dans leur milieu, c'est là qu'ils peuvent poser leur action. Je pense
que ça a très bien réussi parce que chaque partenaire
représente quand même des organismes fort importants. Que le
Forum, par-dessus tout cela, fasse des manifestations, je ne pense pas que ce
soit utile. Je pense qu'on briserait... On n'a pas tous non plus les
mêmes façons de faire connaître nos points de vue. Alors, je
craindrais qu'on brise un peu la belle unanimité qu'on a.
Mme Marois: Vous pourriez emprunter, là.
M. Larose: On tombe d'accord pour dire que ce dossier est tout
à fait révélateur du pays dans lequel nous sommes.
Mme Marois: D'accord.
Le Président (M. Audet): D'accord. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, je voudrais remercier
et féliciter ceux qui représentent le Forum pour l'emploi ici,
son président en particulier, d'être venus ici. Même si tout
le monde ne s'entend pas sur tous les sujets, je pense qu'il faut le souligner,
il y a au moins des discussions qui se font, même entre, disons, des
adversaires objectifs, mais ils le sont et ils se parlent. Je pense que c'est
d'un intérêt certain.
Le président du Conseil du trésor a essayé, par
quelques paroles que j'ai trouvées un peu sarcastiques, de dire qu'on ne
parlait pas assez de fiscalité parce que les différends
pourraient être trop profonds. Je voudrais le ramener un peu
lui-même à ses devoirs. Effectivement, il propose le ticket
modérateur pour informer les citoyens des coûts véritables
des services publics. C'est bien, je pense qu'il veut les sensibiliser. Mais je
lui rappelle qu'en termes de cohérence, lui-même inscrit une bonne
partie des revenus de tarification non pas comme des revenus, mais comme une
réduction des dépenses, avec le résultat que les revenus
sont sous-évalués et que les dépenses sont aussi
sous-évaluées. Il a faussé toute la réalité.
Ce matin, tout à l'heure, je l'entendais dire qu'il trouve ça
très intéressant de tenir une deuxième
comptabilité, les intervenants qui sont venus avant, parce que ça
tiendrait compte d'une forme d'amortissement pour mieux connaître les
vrais coûts, mais qu'il vaudrait mieux ne pas la rendre publique. Alors,
ça vous donne à penser qu'entre son discours sur la tarification
et son discours sur une deuxième comptabilité publique, il y a
quelque opposition. C'est pour ça que je souligne cela, quand il essaie
de mettre en contradiction des intervenants qui ont le courage de venir ici,
même s'ils ne s'entendent pas sur tous les sujets.
Je vais lui rappeler aussi qu'on se demande ce qu'il fuut ponsor do la
pratique par laquelle lo gouvernement inscrit des dépenses qu'il paie
par anticipation dans l'année où il les paie, autre
petit problème sur le plan de la transparence et de la
cohérence. Le Vérificateur général l'a
ramené à ses devoirs pour dire que tout cela nuisait à la
comparabilité des états financiers, de sorte que le citoyen ne
s'y retrouvait plus. Alors, je pense que son discours sur la tarification et la
conscientisation des coûts vient d'en prendre pour son rhume.
Je pense, M. le Président, qu'on doit vous féliciter
d'être venus ici pour traduire ce que vous pensez, nous faire part,
disons, de l'état de vos travaux. Je crois que ce que vous faites
actuellement, en ce qui concerne la création d'emplois, est fondamental
pour le Québec. C'est une démarche, à mon sens, qui va
produire ses fruits à court et moyen terme.
M. Béland: Je voulais vous dire merci, mais
peut-être aussi ajouter que, moi, ce qui me renverse, c'est la
fidélité quand même des membres du comité de
parrainage, une trentaine de personnes, qui viennent
régulièrement à nos réunions et qui ne
délèguent pas, qui viennent. Les chefs des grandes centrales, le
président du Conseil du patronat, les recteurs d'université sont
quand même des gens qui assument des fonctions importantes, mais qui
considèrent que l'emploi est peut-être la priorité,
actuellement, dans notre société. Je profite de l'occasion pour
leur rendre hommage. Je me suis souvent posé la question en disant: Mon
Dieu, est-ce qu'on va être capable de tenir ce forum-là
très longtemps? Mais, au contraire, à chaque fois qu'on a
provoqué pour essayer de le fermer parce que les gens nous disaient:
Écoutez, vous ne faites que penser. Comme si la pensée, ce
n'était pas nécessaire! Mais je réalise aujourd'hui, et je
pense que nous le réalisons tous, qu'il n'est pas possible de faire de
concertation si on ne s'entend pas sur des valeurs communes. Si on veut se
donner une identité québécoise, il faut qu'on connaisse
nos valeurs et que nos actions soient en harmonie avec ces valeurs-là.
C'est là qu'on peut se reconnaître. Autrement, on travaille sur
des petits dossiers, à travers des petites lorgnettes, et on est souvent
des joueurs qui tirent dans leur propre but.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Pour regretter que le
député de Labelle étale nos divergences fort connues et de
fort longue date devant nos invités. Ce n'est pas le genre de choses
que... On ne fait pas ça dans un salon, quand même.
L'Assemblée nationale est là pour ça largement, et c'est
même télédiffusé là aussi.
M. Léonard: II ne faut pas se moquer des invités
non plus.
M. Johnson: Quant aux questions que j'ai eues tout à
l'heure, évidemment, elles ne visent qu'à rappeler... Pas pour
chercher des failles dans ce que les gens viennent nous dire, mais, dans un
forum comme celui-ci où on veut - parce que c'est un forum de
consultations - être éclairé au maximum, moi, je me fais
fort de rappeler à chaque fois que, si les gens viennent ici nous parler
du déficit et de fiscalité, je vais leur demander de nous parler
des dépenses; s'ils viennent nous parler des dépenses et du
déficit, je vais leur demander de parler de fiscalité; et s'ils
parlent de dépenses et de fiscalité, je vais leur demander de
parler de déficit également. Juste pour qu'on complète
parce que... Si on a vu un bon morceau, on a vu un autre bon morceau, mais ce
serait Intéressant que tout le monde couvre le terrain, il me semble.
C'est dans ce sens-là que je l'ai demandé. M. Daoust a fort bien
répondu, d'ailleurs, à même une citation qui nous avait
échappé dans une première ronde, qui venait de
représentations.
Je suis extrêmement heureux de voir également ce que la
concertation peut réaliser, ne serait-ce qu'au niveau du ton qu'on
emprunte pour parler aujourd'hui des mêmes choses qu'hier entre certains
d'entre nous. Est-ce que cette commission consultative permet d'acquérir
ce même ton, avec les chances de succès que ça peut
représenter entre intervenants? La qualité du ton dicte souvent
la qualité des résultats et des solutions. (13 h 20)
Alors, je prends ces quelques derniers moments pour souhaiter que nos
délibérations jusqu'au 18 et les rencontres qu'on pourrait avoir
soit avec vous tous et avec vous, madame, ou que ce soit individuellement ou en
groupe, individuellement et en groupe, avec les représentants de nos
employés, très bientôt évidemment, qu'on maintienne
ce ton-là.
On n'est pas en train juste de décider ce qui va se faire d'ici
à trois mois ou à six mois. On est en train... C'est ça
qu'on essaie de réaliser et de faire passer, franchement, comme
mandat... On est en train de voir comment on peut prendre des décisions
tout de suite pour redresser graduellement une courbe ou une droite, ou peu
importe, qui nous apparaît une menace au maintien des services publics.
C'est ça qui anime le gouvernement. Si on croyait qu'on avait
suffisamment de marge fiscale pour taxer mieux ou davantage, si on croyait que
les dépenses sont sous contrôle pour toujours, on ne serait pas
ici en train d'en discuter, on serait en train de construire le Québec,
d'investir davantage, d'investir dans l'emploi, dans les activités qui
soutiennent le développement des gens. On n'en est pas là
malheureusement. Il faut prendre tout de suite des décisions pour
connaître des effets bénéfiques plus tard.
En terminant, je remercie nos interlocuteurs d'être venus nous
indiquer quels efforts, eux, de
façon bénévole de toute évidence, ils font
porter sur ces problèmes-là.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, ça termine
nos travaux pour ce matin. Je remercie les gens du Forum pour l'emploi de leur
présentation et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 21)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation
générale et aux auditions publiques sur le financement des
services publics au Québec.
Nous allons maintenant entendre le Regroupement des payeurs de taxes du
Québec. J'aimerais demander à ces personnes de bien vouloir
prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît.
Alors, vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire. Suivra un échange entre les deux formations politiques,
les deux groupes parlementaires, pour une période totale de 40 minutes,
chaque groupe parlementaire bénéficiant d'une période de
questionnement, relativement à votre mémoire, de 20 minutes.
Alors, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier
et, immédiatement après, commencer l'exposé de votre
mémoire.
Regroupement des payeurs de taxes du
Québec
M. Granger (Pierre): Mon nom est Pierre Granger. Je suis le
président du Regroupement des payeurs de taxes du Québec.
M. Bérard (Jean-Jacques): Mon nom est
Jean-Jacques Bérard. Je suis le secrétaire du
Regroupement.
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts
à vous entendre.
M. Granger: Tout d'abord, on tient à remercier les membres
de la commission parlementaire pour l'opportunité qui nous est
donnée d'émettre l'opinion du Regroupement sur une question assez
sensible. Alors, si vous me le permettez, je vais passer à travers le
mémoire parce que ça prend environ 16, 17 minutes. Ça a
été fait de façon simple.
Alors, en ce qui a trait aux dépenses gouvernementales. Depuis
plusieurs années, les différents rapports du Vérificateur
général du Québec recommandent différentes mesures
afin de rationaliser les dépenses gouvernementales. Plus
récemment, le rapport du comité Poulin a aussi rorommnnd(S dos
coupures dans les dépenses de l'État. Il y a eu, au cours des 15
dernières années, de nombreuses initiatives afin d'inciter le
gouvernement à rationaliser ses dépenses. Malheureusement,
l'ensemble de ces démarches n'a pas permis de résoudre le
problème fondamental de l'équilibre entre les dépenses et
les recettes. Nous pouvons donc conclure que l'Assemblée nationale, et
en réalité le gouvernement, ne contrôle plus de
façon efficace l'utilisation des deniers publics et semble même en
avoir perdu le contrôle.
Dans les circonstances, le Regroupement des payeurs de taxes du
Québec recommande que l'Assemblée nationale prenne les mesures
qui s'imposent afin d'équilibrer les dépenses et les recettes du
gouvernement, c'est-à-dire réduire le montant des dépenses
d'un pourcentage adéquat pour permettre un équilibre
budgétaire.
Évidemment, il existe de nombreuses façons de
réduire des dépenses gouvernementales. Ce que vous allez trouver
comme alternatives n'a pas été inventé; ce sont des choses
simples, que tout le monde connaît. Nous aimerions vous en
suggérer quelques-unes.
Alors, la façon la plus simple, évidemment, c'est de
réduire le nombre d'employés. Selon les chiffres que nous avons,
il semblerait que l'État québécois a 400 000
employés. Il semble assez facile de réduire le nombre
d'employés.
Abolir l'impôt sur le revenu de l'État. Évidemment,
quand on considère que l'État est employeur et percepteur en
même temps, il s'agit du même argent qui est déduit, qui est
administré, et qui revient par le réseau d'un autre
système d'administration. Entre les deux, ce sont des dépenses,
à notre sens, passablement inutiles, et qui ne donnent aucun service
à la société.
Réduction des salaires. Évidemment, on se souviendra
possiblement qu'à une certaine époque on avait
décrété une réduction importante des salaires dans
les milieux universitaires. L'autre bonne façon de réduire de 20
% les dépenses serait de réduire les salaires des cadres qui
touchent 50 000 $ et plus par année.
Une autre façon assez simple, réduire le nombre de
ministres. Évidemment, avec chaque ministère, on a toute la
mécanique administrative qui s'ensuit. Dans un contexte
économique où on a de la difficulté, c'est peut-être
une façon qui peut être envisagée. Malheureusement, dans le
contexte économique actuel, chaque partie de la collectivité doit
faire sa part et, pour aider dans la réduction des dépenses de
l'État, on peut aussi considérer une réduction des
députés.
Pension à vie des ministres et députés. Pour les
mêmes raisons mentionnées à l'item 5, nous croyons que la
pension des ministres et des députés devrait être
contribuée et versée selon les normes généralement
appliquées à l'ensemble des citoyens. On pourrait faire des
contributions selon le nombre d'années de service. Ça pourrait
être différé à l'âge de la retraite, comme on
retrouve à différents endroits
Dépenses électorales et référendaires.
Nous
considérons que la Loi électorale du Québec devrait
être modifiée afin de limiter les dépenses
électorales ou référendaires à un montant maximum
de 5 000 000 $ pour l'ensemble des partis.
Aide juridique. Nous proposons l'abolition de l'aide juridique dans sa
forme actuelle. Les contribuables de la classe moyenne, en
général, ne veulent plus payer pour des services qu'ils ne
peuvent se payer eux-mêmes.
Alternative: abolir les subventions. Nous considérons qu'il est
préférable d'abolir l'impôt sur le revenu et de
réduire le niveau de taxes en général afin d'attirer des
entreprises au Québec plutôt que d'imposer la collectivité
québécoise pour subventionner des entreprises qui,
généralement, font faillite dès qu'on arrête de les
subventionner.
CSST. Nous pensons que le Québec n'a plus les moyens de se payer
un programme aussi généreux, et nous avons de la
difficulté à comprendre la nécessité d'avoir un
système parallèle aux services déjà offerts soit
par l'assurance-chômage, soit par le régime des rentes du
Québec. Dans les circonstances, pour réduire les dépenses
gouvernementales, deux avenues nous semblent intéressantes: soit
l'intégration de la CSST au programme d'invalidité
déjà existant; soit une réduction du montant de
bénéfices offerts, qui est actuellement de 90 % du revenu, non
imposable, par un montant maximum de 60 % du revenu, imposable. Ceci nous
semble souhaitable et acceptable.
Le bien-être social. Dans le régime actuel, les
bénéficiaires de l'aide sociale sont généralement
mieux traités que les travailleurs à faibles revenus. En
conséquence, nous aimerions suggérer une modification au
régime actuel. Nous pourrions limiter la période de prestations
à un maximum de deux ans. L'aide sociale se doit d'être une mesure
temporaire pour aider des gens qui sont en difficulté.
Assurance-maladie. Nous n'avons plus les moyens de nous offrir le
régime actuel, et les choix à faire pour rentabiliser le
système sont douloureux, pénibles et exigent la collaboration de
tous les intervenants du domaine de la santé. Comme première
étape vers la rentabilisation du régime, nous pourrions envisager
de verser un salaire aux médecins au lieu de les payer à l'acte.
Si cette mesure n'est pas implantée, il faudrait peut-être
privatiser certains secteurs de l'assurance-maladie.
Le ministère de la Justice. Il nous apparaît évident
que ce système devrait être simplifié. Une façon
assez simple de le faire, c'est d'augmenter le montant admissible pour une
poursuite à la Cour des petites créances à 10 000 $.
Rapport du Vérificateur général du Québec.
En terminant, nous aimerions attirer votre attention sur les faits suivants.
Depuis plusieurs années, le Vérificateur général du
Québec publie son rapport annuellement. Généralement, le
Véri- ficateur divulgue un certain nombre de situations où il y a
eu gaspillage de fonds publics. De plus, il note généralement que
les recommandations de son rapport de l'année précédente
n'ont pas été prises en considération. Le
Vérificateur complète son rapport avec ses recommandations pour
l'année en cours. La publication du rapport est suivie d'une diffusion
dans les différents médias, dénonçant le gaspillage
de fonds publics. À l'Assemblée nationale, traditionnellement,
l'Opposition pose des questions embarrassantes, un jeu de gymnastique de
virgules pendant quelques jours et, évidemment, nous sommes
débarrassés du rapport du Vérificateur pour une autre
année. Et le scénario recommence année après
année.
En conséquence, les membres de l'Assemblée nationale ainsi
que les hauts fonctionnaires du gouvernement ne semblent pas
s'intéresser au contenu du rapport du Vérificateur
général du Québec. En tant que contribuables, nous
aimerions recommander que le budget du Vérificateur soit réduit
de 13 000 000 $ à 3 000 000 $, ce qui aurait pour conséquence de
nous garantir une réduction des dépenses de 10 000 000 $.
En ce qui a trait à la fiscalité, les
Québécois sont les plus taxés au monde. Les
Québécois paient en impôt, TPS, taxes indirectes,
municipales et scolaires confondues, entre 20 % et 25 % de plus qu'en Europe;
environ 15 % de plus qu'aux États-Unis; 5 % de plus qu'en Ontario. Le
rêve de tout payeur de taxes du Québec serait d'être
traité comme les Indiens inscrits comme citoyens canadiens, qui vivent
dans des réserves et qui, en général, ne paient pas
d'impôt sur le revenu, ne paient pas de taxe de vente provinciale,
d'impôt foncier ou de taxe sur les produits et services, et ce, tout en
bénéficiant des services suivants: éducation, services de
santé, soins dentaires, aide sociale, logement, infrastructures
communautaires, développement économique. Le deuxième
rêve d'un contribuable québécois, c'est d'être
traité comme les 640 contribuables bien nantis et près de 500 000
entreprises canadiennes qui n'ont pas payé d'impôt en 1988. (15 h
20)
Le Regroupement des payeurs de taxes du Québec est un organisme
sans but lucratif, voué à l'abolition de l'impôt sur le
revenu et à la réduction des taxes en général. Dans
les circonstances, nous recommandons d'abolir le régime fiscal actuel,
de remplacer ce système par une taxe à la consommation ayant un
maximum de 20 %, ainsi que l'obligation d'obtenir l'assentiment de la
population pour hausser ce maximum. En ce qui nous concerne, il s'agit d'une
simplification du système actuel qui permet une gestion simple,
efficace, acceptable a tous et d'une meilleure équité sociale que
le système actuel. Avec plus d'argent dans nos poches, nous pourrions
forcément dépenser et épargner davantage. L'épargne
favorise l'investissement qui, à son tour, crée une croissance
économique.
Puisque toute la «gamique» des abris fiscaux
disparaît, les particuliers et les entreprises investiraient là
où c'est rentable et productif pour l'économie, non pas où
ils pourraient soutirer un quelconque avantage fiscal.
Plusieurs économistes croient que les entreprises trouveraient
leur compte dans un système axé sur la consommation. Pourquoi
pénaliser l'entreprise efficace qui, avec le même actif et les
mêmes revenus, réussit à dégager plus de profits
qu'une autre? On pourrait donc taxer le capital, les biens tangibles, les
usines, l'équipement, les bâtisses, l'actif plutôt que le
revenu. Du coup, le Québec verrait sa compétitivité
internationale améliorée. Les étrangers venant travailler
ici ne verraient pas leur salaire mangé par l'impôt. Les
entreprises venant s'installer ici seraient assurées de ne pas
être pénalisées parce qu'elles font plus de profits.
L'allégement du fardeau fiscal des entreprises serait créateur
d'emplois et générateur de croissance économique.
Pour illustrer l'équité sociale d'un système
axé sur la consommation, nous vous soumettons un petit exemple simple.
Supposons l'achat d'un véhicule. Alors, un bénéficiaire de
l'aide sociale qui s'achète un véhicule modeste au prix de 500 $
contribue 100 $ à la cagnotte collective. Un travailleur de la classe
moyenne qui s'achète un véhicule d'une valeur de 10 000 $
contribue 2000 $. Un bien nanti qui achète un véhicule à
50 000 $ contribue 10 000 $, et une compagnie qui acquiert un camion à
remorque à 100 000 $ investit 20 000 $ dans la cagnotte collective.
Évidemment, ce système nous apparaît comme étant
plus équitable pour la société que le régime
actuel. Nous terminons en mentionnant que l'idée d'une taxe à la
consommation a séduit plusieurs membres du Congrès
américain, plusieurs universitaires ainsi que l'économiste
français Maurice Allais, qui a même remporté le prix Nobel
d'économie en défendant cette thèse.
En ce qui a trait au déficit. La santé économique
du Québec est une préoccupation immédiate pour les
contribuables, car, pour nombre d'entre eux, la récession a
été une expérience difficile, sinon dévastatrice.
Nous traversons une phase de mutation collective, et tous les intervenants du
système se doivent de faire des concessions pour permettre les
changements nécessaires au redressement de la situation
financière du gouvernement du Québec. Afin d'atteindre une
stabilité économique, il faut que tous les partenaires
socio-économiques, entreprises, salariés, gouvernements soient
d'accord sur une route à suivre, qu'ils acceptent le fait que chacun a
quelque chose à apporter et qu'ils coopèrent de manière
constructive pour trouver et mettre en oeuvre de meilleures solutions.
Le Regroupement des payeurs de taxes du Québec considère
que la seule façon de retrouver la prospérité, c'est de
s'attaquer au coeur du problème et de corriger la structure de
l'écono- mie. La réduction de l'endettement public se doit
d'être un objectif tant pour les gouvernements que pour les
consommateurs.
Présentement, la dette du Québec s'élève
à plus de 100 000 000 000 $. J'étais un peu mêlé
avec ce chiffre-là, au moment où on l'a publié. On avait
pris les chiffres dans le rapport du Conseil du patronat. Il y a quelques
jours, le gouvernement fédéral semblait penser que la dette
québécoise était de 46 000 000 000 $. Dans le rapport qui
a été publié par le gouvernement, c'est 55 000 000 000 $.
C'est quelque part entre 46 000 000 000 $ et 100 000 000 000 $. Je ne sais pas
c'est quoi!
On se réjouit que le déficit de cette année ne soit
que de 4 600 000 000 $, une somme dépassant largement notre
capacité de payer, et qui dénote une attitude profondément
inquiétante. Il faut absolument que le gouvernement du Québec
réduise ses dépenses, ce qui fera baisser le service de la dette.
Le gouvernement du Québec doit laisser le champ libre aux entreprises et
aux salariés pour que nous soyons plus compétitifs.
Dans les circonstances, nous aimerions recommander au gouvernement du
Québec de privatiser toutes les entreprises gouvernementales dont il est
propriétaire. Cette mutation pourrait s'effectuer à moyen terme,
soit sur une période de cinq ans.
Conclusion. Nous considérons que le gouvernement du Québec
devrait, à court terme, cibler une priorité qui, pour nous,
devrait être l'équilibre budgétaire afin d'arrêter
l'hémorragie au niveau de la dette. Afin de s'assurer que cette
priorité sera considérée sérieusement, le
Regroupement des payeurs de taxes du Québec entend déposer
à l'Assemblée nationale un projet de loi obligeant le
gouvernement du Québec à prévoir et à adopter un
budget équilibré.
Je vous remercie de votre bonne attention.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre du
Revenu.
M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.
Alors, tout d'abord, je voudrais vous remercier d'avoir pris le temps de
rédiger un mémoire et, évidemment, de vous
déplacer...
M. Granger: Excusez-moi... M. Savoie: Ce n'est pas grave.
M. Granger: ...les lumières, là, je ne savais pas
d'où ça venait. Excusez-moi.
M. Savoie: Je m'excuse. Alors, je suis Raymond Savoie, ministre
du Revenu...
M. Granger: Je m'excuse.
M. Savoie: ...et je vous disais que je vous
remerciais d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et,
évidemment, le déplacement pour venir présenter ce
mémoire et échanger avec nous.
On constate, à la lecture des moyens suggérés pour
s'attaquer au problème du déficit, que c'était... Il y en
a certains qu'on a rencontrés lors de la présentation d'autres
mémoires et certains innovent d'une façon considérable.
Même, certains nous paraissent gros.
On pourrait parler, par exemple, d'un élément que vous
avez soulevé en ce qui concerne la réduction de 20 % des salaires
des cadres, la réduction de fonctionnaires. Il y a, chez nous, une
démarche qui a été annoncée, et qui est en voie
d'exécution. Par exemple, on parle d'une réduction au niveau de
la fonction publique, sur un espace de cinq ans, de l'ordre de 12 %, ce qui est
quand même considérable. On parle, sur une période de trois
ans, d'une réduction de 20 % du personnel d'encadrement. Il y a quand
même là un effort considérable, et ça rejoint,
peut-être, d'une autre façon, certaines de vos
préoccupations. Ce n'est pas l'orientation que vous, vous souhaitez,
mais on pense de cette façon-là arriver peut-être, d'une
certaine façon, au même «bottom line», si vous me le
permettez. (15 h 30)
Ce que je trouve curieux, c'est, par exemple, une réduction du
budget du Vérificateur. Ça, il faut dire que c'est un peu gros
parce que, finalement, le Vérificateur, c'est évidemment
quelqu'un qui ne se rapporte pas au gouvernement. Il se rapporte à
l'Assemblée nationale. C'est un mécanisme indépendant, qui
est là justement pour jeter une lumière sur quelque chose qui est
très complexe, très compliqué. Bien que, de temps à
autre, il y ait, bien sûr, des critiques qui soient dirigées au
Vérificateur général, d'une façon
générale, je pense que le travail qu'il fait est grandement
applaudi par l'ensemble de la population et même par nous-mêmes. On
constate que cet exercice-là est des plus viable. Alors, ce qu'on
trouve, c'est que, finalement, avec le budget d'opération qu'il a, 16
000 000 $, les services qu'il rend à l'État sont
considérables. On se demande comment il se fait qu'une organisation ou
un groupe ait une opinion comme celle que vous avez, là, au niveau du
Vérificateur général. Pourquoi s'attaquer à cette
institution-là qui, justement, donne une certaine transparence aux
activités gouvernementales, assure une bonne gestion, préconise
des correctifs? On doit dire que ça surprend un peu, comme
recommandation, de réduire le budget.
M. Bérard: Évidemment, ça surprend, mais
seulement que... Quand on regarde le rapport du Vérificateur
général, d'année en année, on s'aperçoit
qu'il y a certaines recommandations qui ne sont jamais appliquées. Il
l'a dit encore dans son dernier rapport. Certaines recommanda- tions qui ont
été faites, notamment à la Commission de la fonction
publique, ça a été dit dans les années
précédentes, et ça n'a pas bougé d'un iota. Ce
n'est pas moi qui le dis, c'est le Vérificateur. Alors, on se dit tout
simplement que, si les ministres ne bougent pas là-dessus, qu'est-ce que
ça vaut à ce moment-là de donner un budget de 13 000 000 $
au Vérificateur?
M. Savoie: Mais est-ce qu'à ce moment-là la
recommandation ne devrait pas être, par exemple, d'établir un
mécanisme de suivi plus approprié pour les recommandations du
Vérificateur général, plutôt que l'abolition,
finalement, de son efficacité ou de l'argent nécessaire à
l'exécution de son mandat?
M. Granger: Remarquez bien que, moi, je serais pour augmenter son
budget si ça donnait des résultats. Ce que vous mentionnez, si ma
mémoire ne fait pas défaut, apparaît dans l'ensemble des
rapports au cours des dernières années, là, qu'il devrait
y avoir un suivi, qu'il devrait y avoir des mécanismes de
simplification, qu'on devrait donner suite, qu'on devrait faire toutes sortes
de choses. Ça nous revient. Quand on lit les derniers rapports, ce sont
des recommandations qui se retrouvent à l'intérieur. Je
souhaiterais, j'aimerais mieux lui donner 20 000 000 $ si ça donnait des
résultats. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'on investisse des
sommes d'argent, et il ne semble pas y avoir d'actions, de gestes posés
suite à la publication du rapport. C'est dans cette optique-là
que la recommandation a été faite. (15 h 30)
M. Savoie: Oui, c'est ça.
M. Granger: Pour, probablement, attirer l'attention des membres
de l'Assemblée nationale, peut-être qu'il y aurait lieu de faire
un effort pour qu'il se passe quelque chose avec ça, là.
M. Savoie: Mais, peut-être, à titre d'information.
Ça fait quand même sept ou huit ans qu'on est au gouvernement,
que, comme ministre, en tout cas, je constate que le rapport du
Vérificateur général est très lu. On établit
normalement, suite à ses recommandations, soit un processus
d'échange pour éclaircir le problème qui a
été soulevé, soit pour y donner suite lorsqu'on sent
qu'effectivement il a raison et que, finalement, ses recommandations sont
suivies de très près par les sous-ministres, les ministres, qu'il
y a des interventions qui se font, directement basées sur ses
recommandations, et qu'à ma connaissance c'a toujours été
comme ça, même au gouvernement du Québec, certainement
depuis les années soixante.
Eh oui, ici et là, on peut avoir une critique. Des fois, cette
critique est gratuite, des fois, elle est facile, là, comme ça,
elle se fait
sur le coin de la table. D'une façon générale, je
peux vous assurer que ce que j'ai vu du fonctionnement, en tout cas, c'est que
c'est lu, c'est pris au sérieux, il y a des recommandations qui suivent,
il y a des rencontres qui se font pour donner suite à certaines des
recommandations et des échanges qui se font à partir de ces
recommandations.
Alors, peut-être, j'imagine donc que vous n'avez pas de
difficulté à concevoir qu'il ne faudrait pas y voir une
réduction du budget du Vérificateur, mais peut-être un
renforcement, finalement, de son pouvoir de recommandation, le
Vérificateur, plutôt qu'une réduction de son budget.
M. Granger: C'est probablement parce que du peuple, on est trop
loin, puis on ne voit pas exactement ce qui se fait, là. Mais, de loin,
je dois vous dire que la perception que vous nous donnez n'est pas la
perception qu'on ressent.
M. Savoie: N'est pas à cet effet-là, oui. C'est
pour ça que je... C'est ça.
M. Granger: Je la respecte, mais je la ressens de loin,
là, parce qu'on est loin. Mais, évidemment...
M. Savoie: Ça, je comprends ça fort bien que, des
fois, on peut avoir une perception, et la question au début portait
là-dessus: Pourquoi avez-vous cette perception que, personnellement,
ça ne joue pas son rôle? Il y a évidemment un autre
élément de votre mémoire qui est intéressant,
c'est-à-dire développer, finalement, une taxe à la
consommation très élevée qui aurait pour effet de
réduire l'impôt en maintenant les sources d'entrée
principales pour le gouvernement comme étant ces taxes à la
consommation. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait là un
mécanisme pour protéger les gens à faibles revenus ou,
disons, un revenu... Le contribuable moyen au Québec a un revenu de
l'ordre de 23 000 $. Est-ce qu'il y a une préoccupation de votre
côté de voir, justement, la défense de ces
gens-là?
M. Granger: Je vais vous donner mon évaluation simpliste,
parce que j'ai l'esprit simple. J'ai toujours été comme
ça. Si on prend le document que le gouvernement a mis sur la table,
à la page 37, si je prends taxe à la consommation, 8 152 000 000
$, disons 100 000 000 000 $ de consommation, 20 % au lieu de 8 %, c'est plus
rentable pour l'État que 11 642 000 000 $ qu'on a de l'autre
côté de la colonne. On n'a rien déplacé. On a
changé une structure administrative.
Quand je prends un crayon, puis j'additionne les deux montants, c'est
plus rentable une taxe à la consommation. Actuellement, les gens ne
consomment plus parce que, depuis 1980, dans les années 1980, 1990, les
gouvernements ont grugé 64 % des revenus de tout le monde. Les gens sont
insécures; on a des conditions économiques très
difficiles, affreuses. Quand on est dedans, on s'en aperçoit. Je pense
que, si on avait un système comme celui-là, c'est simple, c'est
clair pour les entreprises, c'est clair pour tout le monde, c'est plus rentable
pour l'État. Et, si on a plus d'argent, bien, on va soit
l'épargner, sort s'en servir pour s'acheter des biens. Si on
achète des biens, bien, ça fait rouler l'économie.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Savoie:
D'accord.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lotbinière, avez-vous quelque chose à ajouter sur le temps de
parole du parti ministériel?
M. Camden: Je vous remercie, M. le Président.
D'abord, évidemment, il me fait plaisir de saluer les
représentants du Regroupement des payeurs de taxes du Québec.
C'est là, je pense, la démonstration qu'il y a des gens qui
s'intéressent au sujet et, bien souvent, on a parfois l'impression qu'on
est les seuls. Ça arrive qu'on a ce questionnement. Je dois vous dire
qu'on est heureux, évidemment, qu'il y ait des gens qui soient sensibles
à ça et qui, également, s'en préoccupent.
Cependant, j'ai un certain nombre de questions et, plus
particulièrement, quelques commentaires, peut-être,
préalablement.
Vous savez, l'appareil gouvernemental, c'est très lourd. C'est
gros, c'est vaste. Il y a beaucoup de monde, comme vous l'indiquiez tout
à l'heure, 400 000 personnes. Bref, au gouvernement du Québec,
proprement au niveau des ministères, on parle de quelque 70 000
personnes. C'est beaucoup de gens. Lorsque vous indiquez réduction du
nombre de ministres, nous, on veut bien, sauf que, je pense, il faut être
réaliste. Il y a peut-être une limite à atteindre parce
qu'il faut peut-être considérer un aspect, c'est celui d'exercer
un contrôle plus efficace et efficient sur l'appareil et, souventefois,
on a remarqué une chose, c'est qu'il y avait des cabinets
ministériels, et on songeait à réduire le nombre de ce
qu'on appelle les attachés politiques et de secrétariat.
Ça m'apparaft souvent être moins de gens également pour
exercer un contrôle plus efficace sur l'appareil et être en mesure
de mieux identifier les choses.
Je pense un peu la même chose à l'égard des
députés. Quand on est dans une circonscription rurale, le nombre
de demandes est très élevé et de diverses natures. Quant
à la révision du système de pension des
députés et ministres, je dois vous indiquer qu'elle a
été modifiée et que, maintenant, c'est à 60 ans.
Fut une époque... Évidemment, j'ai été élu
à 32 ans. Il y a une vingtaine d'années, si j'avais quitté
à 40 ans,
8, 9 ans après, je dois vous dire que j'aurais eu un
généreux, un très généreux... 8 ans
après, au moment où il était le plus
généreux probablement, autour de 56 % à 58 % du revenu
jusqu'à ma mort. Remarquez que ça aurait été de
fort agréables rétributions. Ça a été
révisé d'une façon importante et, maintenant,
évidemment, c'est 60 ans, et on tient compte du nombre d'années,
effectivement, qu'il l'a été. Je vous rappellerai très
brièvement seulement que les députés contribuent pour 10 %
annuellement de leur salaire au fonds pendant la période où nous
assumons les fonctions.
Si on passe proprement dit à votre contenu, concernant
l'intégration de la CSST au programme d'invalidité, vous vous
référez au fait de réduire les prestations à 60 %
du revenu imposable et vous vous référez également
à l'aide sociale qui devrait n'être qu'une mesure temporaire
limitée à deux ans. Je voudrais que vous m'indiquiez ce qu'on
fait avec les gens à la CSST. On les envoie à la Régie des
rentes du Québec? Et qu'est-ce qu'on fait avec les gens à l'aide
sociale, après deux ans?
M. Granger: D'accord. Vous avez deux questions, là?
M. Camden: Deux questions.
M. Granger: Ce qui est proposé à l'intérieur
de ça... Actuellement, on a un régime qui offre aux
bénéficiaires un montant de 90 % du revenu indexé, non
imposable. Ça nous apparaît comme étant une incitation
à demeurer dans le système. C'est difficile probablement,
moralement, pour quelqu'un qui a subi un accident quelconque, lorsqu'il
reçoit son premier chèque de la CSST, qu'il s'aperçoit que
ses revenus ont augmenté de quelque 30 %, d'être motivé
à faire un retour rapide sur le marché du travail, et il
semblerait plus logique... Parce que, dans des régimes privés,
c'est un peu...
Je vais donner un exemple de ma perception de ça. C'est que, si
on permet à un propriétaire d'une maison de l'assurer pour trois
fois sa valeur et qu'on paie les réclamations, possiblement qu'on aurait
des problèmes de rentabilité au niveau du milieu de l'assurance.
Possiblement. Hein! Ça nous apparaît comme un chiffre très
élevé. Je comprends que quelqu'un qui est blessé... Je
comprends. Moi, je travaille pour un employeur sérieux. Si je tombe
malade, j'ai 66 % de mes revenus. Je paie la prime et je pense que je peux
vivre avec ça. Ça ne fera pas baisser mon niveau de vie s'il
m'arrivait une malchance. Puis, à 90 %, moi, ça me semble inciter
les gens à abuser du système.
En ce qui a trait à la deuxième partie de votre question,
le système actuel, lorsqu'on prend des gens... On fait le calcul
comptable, on prend des gens à faibles revenus, et j'en connais
d'ailleurs qui font un effort pour travailler, qui ont des revenus très
faibles, et puis qui me disent: Pierre, moi, je serais bien mieux sur le BS. Je
me fais traiter de niaiseux parce que ce n'est pas payant ce que je fais. Tu
comprends? Et ça, je trouve ça difficile à accepter. Il y
a des gens pour qui il y a un abus du système. (15 h 40)
Malheureusement, dans le contexte actuel, je pense que l'abus semble
vouloir s'amplifier. Les gens qui sont bien mal pris, je conçois
ça. Je ne suis pas sûr qu'on devrait considérer que les
gens sont de profession sur l'aide sociale. Je ne suis pas sûr qu'on
devrait considérer ça. Si une personne est réellement
invalide, on a des systèmes pour ça. Il y a le régime des
rentes incapacité qui couvre cette éventualité-là.
Je dois vous dire que c'est frustrant.
Je peux vous conter un petit exemple qui m'est arrivé
dernièrement chez mon optométriste. J'y suis allé avec ma
fille, et puis, en attendant, bien, j'étais assis dans le portique, et
on a eu un jeune homme qui s'est présenté. Il avait l'air en
pleine santé, avec un oeil au beurre noir, et là, tout à
coup, la demoiselle - malheureusement, j'ai écouté parce que
j'étais à côté - lui dit: Monsieur, pour telle
intervention, il y a des suppléments. Il répond: Je m'en fiche.
Ce n'est pas moi qui paie. Pendant 15 minutes, il a continué à
nous raconter que, quand il a reçu son chèque, il était
dans un endroit à prendre un verre, puis il s'est fait écraser un
oeil. Je ne suis pas sûr que c'est le genre de situation où on
devrait entretenir un processus de soutien.
Moi, je pense qu'on devrait encourager ceux et celles qui veulent
travailler, qui font un effort. J'aimerais mieux qu'on encourage celui qui est
à faibles revenus, qui se débat dans l'eau bénite pour
survivre, puis qui fait un effort réel. Je pense qu'on devrait
être sensibilisé à ces gens-là.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
M. Camden: Ça va. Il nous reste du temps? Oui, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, il y a un petit peu de
temps.
M. Camden: Vous vous êtes référé
également, dans votre mémoire, évidemment, à la
taxe à la consommation, où vous souhaiteriez voir abolir le
régime fiscal habituel et voir son remplacement par une taxe à la
consommation équivalente à 20 %. J'ai fait sommairement un petit
calcul rapide, là, et, si on s'inspire évidemment du document
«Vivre selon nos moyens», à la page 37, on constate que les
revenus en provenance de la taxe à la consommation représentent
quelque 29,3 % des revenus autonomes du gouvernement. Et, à raison de 20
%, je ne crois pas que ce soit suffisant pour atteindre ça. On devrait
peut-être se référer davantage à un
montant correspondant à près de 30 % de taxes à la
consommation pour pouvoir obtenir les revenus équivalents, à
moins de faire, évidemment, une saignée majeure dans l'ensemble
des programmes.
Est-ce à l'intérieur également de cet
élément de taxation à 20 % que vous souhaitiez
élargir le champ de taxation? Est-ce que vous songez également
à l'alimentation et au logement ou vous vous maintenez à
l'intérieur du cadre qu'on a actuellement?
M. Granger: Si, comme payeur de taxes, vous voulez nous
débarrasser de tout ce qu'il y a comme taxes directes et indirectes et
me remplacer ça par une taxe de 20 % sur n'importe quoi, là, je
suis ouvert à n'importe quelle discussion, moi. Je suis prêt
à faire ma part pour la collectivité, 20 %. Ça me semble
simple, raisonnable, et ça ne me dérange pas de payer 20 % sur
n'importe quoi que je consomme.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lotbinière.
Il reste une minute. Simplement, peut-être, pour vous souligner
ceci. Je me suis amusé, depuis une couple de semaines, à faire
regarder par mes recherchistes les comptes publics du Québec, et une des
belles choses qui pourraient peut-être exister pour les payeurs de taxes,
c'est qu'on redonne naissance à la commission des comptes publics. C'est
une suggestion que je vais faire à la sous-commission de la
réforme parlementaire, à la Commission de l'Assemblée
nationale.
Il est fort intéressant de voir comment parfois certaines
personnes peuvent se servir de leur port d'attache, strictement ça, au
niveau des coûts, et lorsqu'on les calcule - j'ai fait faire un
échantillonnage d'environ 90 personnes - quand on regarde ça et
qu'on calcule ça, c'est peut-être eu égard à leurs
fonctions, mais il y a une foule de petites choses qu'on retrouve dans les
comptes publics qui sont excessivement intéressantes et où une
commission parlementaire, à mon avis, ne devrait faire que ça
à temps complet.
Alors, c'est tout simplement une petite suggestion que le
président de cette commission fait qui va revenir probablement en
commission parlementaire ordinaire pour la faire à l'ensemble de la
commission.
Sur ce, M. le député de Gouin, vous avez la parole.
M. Boisclair: Merci, M. le Président. M. Granger et ceux
qui l'accompagnent, j'aimerais, au nom de notre formation politique, vous
souhaiter la bienvenue à ces délibérations.
Je suis heureux du propos et des questions du député de
Lotbinière, qui faisaient certainement contraste avec le ton bon enfant
du ministre du Revenu. Je pense que nous devons affirmer d'entrée de jeu
que, pour nous, l'expression, le débat qui se fait aujourd'hui et qui se
fera pendant les jours à venir est bien plus qu'un simple débat
de chiffres. Je pense que nous conviendrons tous que les discussions qui ont
trait à la fiscalité, au déficit et aux dépenses
gouvernementales sont l'expression et sont le reflet implicite d'un contrat
social qui nous unit, non pas comme clients à l'égard de
l'État, mais bien comme citoyens, en faisant bien comprendre et en se
rappelant toujours que l'État n'est pas une entité qui existe
comme ça au-delà des nuages, que c'est plutôt une
prolongation de notre action et que l'État gère une série
d'éléments. C'est quelque chose que, comme citoyens, de
façon privée, nous ne pouvons gérer ou, si on les
gérait, on ne les gérerait pas de façon efficace.
C'est pour ça que je dis... je pense que mes collègues
seront solidaires de ce propos. Je pense que le principal défaut de
votre mémoire est de mettre des groupes de citoyens en opposition. Bien
au contraire, si nous voulons atteindre des objectifs qui sont ceux que bien
des citoyens souhaitent, à l'heure actuelle, au Québec, parce que
les mythes et certaines réalités, les mythes et
réalités que vous colportez dans ce document sont effectivement,
et vous le disiez vous-même, en réponse aux questions, vous
disiez: Ce n'était pas là ma perception. On s'appuie souvent sur
des perceptions pour faire des affirmations. Lorsqu'on va un peu plus loin dans
les choses, bien, on s'aperçoit que la réalité est soit
différente, soit beaucoup plus complexe qu'on ne le pensait. Je pense
que ce serait leurrer la population que de lui faire croire qu'à des
problèmes complexes il existe des solutions simples. Je pense que des
problèmes complexes nous amènent bien plus que d'autre chose
à revenir à des choses essentielles, revenir à
l'expression même de ce que j'appelais tout à l'heure le pacte
social.
Je pense que nous aurons d'autant plus de capacité et de
facilité à rejoindre les objectifs que certains... qu'on partage
dans la mesure où nous serons capables de véritablement mobiliser
les gens derrière ces objectifs-là. Parce que tant et aussi
longtemps que les gens se comporteront comme des clients à
l'égard de l'État, bien, ça ne sert à rien. On le
voit avec...
Mon collègue, député de Labelle, parlait de morale
fiscale plus ou moins douteuse de plus en plus de contribuables. On voit les
effets concrets sur les équilibres financiers en ce qui a trait à
la taxe sur le tabac et sur bien d'autres exemples. Donc, je pense qu'il est
important d'abord de souligner que l'exercice que l'on souhaite, c'est
d'essayer de rassembler des gens et de créer des nouvelles
solidarités plutôt que d'essayer d'opposer des gens les uns par
rapport aux autres.
Cette première remarque étant faite, permettez-moi d'en
faire une seconde et de m'élever haut et fort contre les affirmations et
vos
propositions à l'égard de ce que je pourrais appeler la
mission dite démocratique de l'État québécois. Je
pense que si vous êtes ici, si vous avez l'occasion de venir vous
exprimer à une commission parlementaire, si les concitoyens et
concitoyennes qui nous écoutent peuvent le faire par l'entremise de la
télévision, c'est parce qu'il y a des gens qui, riches sans doute
d'une expérience de bien des siècles, ont cru que la
démocratie était autre chose qu'un simple investissement aux
quatre ans et que la démocratie, c'était un exercice et un
état de droit qui nécessitent un certain nombre
d'investissements. À cet égard, je pense que si nous souhaitons
et si vous souhaitez revenir à l'arbitraire et revenir à une
situation de droit certainement différente, à celle d'auparavant,
à un moment où les chartes n'existaient pas, au moment où
les injustices se multipliaient, et c'est l'arbitraire d'individus qui
s'exerçait sur l'autre, je pense qu'il faudrait le dire clairement, et
ce n'est certainement pas une vision des choses que nous posons.
Je pense, particulièrement, à votre chapitre sur la
fiscalité, à la page 7, lorsque vous soulignez que le rêve
de tout payeur de taxes du Québec, c'est d'être traité
comme les Indiens. Je pense que ce genre d'affirmation mérite
d'être dénoncée sans plus de commentaires, mais avec toute
la simplicité nécessaire, avec tout le poids des mots. Je pense
que l'objet de cette commission n'est pas de... Ce n'est pas en
dénonçant ce que certains ont et en enlevant les droits aux uns
qu'on va certainement être capables de bâtir les consensus dont je
parlais tout à l'heure.
Ceci étant dit, je pense qu'il est important de soulever ce genre
de question là. Je pense qu'il y a des missions encore plus
fondamentales et au-delà des lignes de parti. J'étais surpris,
tout à l'heure, de voir le ministre du Revenu qui partage, j'en suis
convaincu, la grande majorité des propos que je viens de tenir, mais ne
pas avoir le courage de les souligner.
Ceci étant dit, je dois vous dire, malgré tout ce que je
viens d'affirmer, et je vais arriver à ma question pour vous permettre
de vous exprimer. Lorsque j'ai entendu parler de la création d'un
regroupement des payeurs de taxes, je me suis dit: Quelle belle initiative.
Parce que c'est une initiative qui est riche et qui est porteuse d'avenir et
qui suscite plusieurs débats, particulièrement aux
États-Unis, où plusieurs associations de ce genre s'articulent,
se font connaître sur la place publique, se font connaître dans les
grands médias et sont certainement un lobby qui est de plus en plus
puissant. (15 h 50)
Ce que je voudrais vous demander, c'est: Quelle est votre conception de
votre action dans les mois à venir? Surtout, à partir de quel
consensus vous avez l'intention de mobiliser de nombreux citoyens qui, comme
vous, expriment ce ras-le-bol dont parlait le président du Conseil du
trésor? Parce que ce ras-le-bol, comme citoyens, et nous, ici, comme
députés de l'Assemblée nationale, avons l'occasion de le
transformer en raz-de-marée, mais pas sur des politiques qui vont
diviser les gens. Ma question est fort simple: Autour de quoi, comme
association, vous avez l'intention de mobiliser les citoyens pour faire une
contribution qui, on le souhaitera, sera positive au débat?
M. Granger: Je vous remercie infiniment. Je suis très
heureux de constater que vous allez travailler activement à regrouper
tous les intervenants. C'est un peu ce qu'on mentionne dans notre
mémoire. Tout le support est bienvenu. Si vous me dites que c'est facile
pour vous, je suis très heureux de l'entendre. J'espère que vous
allez nous aider. On a énormément besoin d'aide parce que la
conception...
M. Boisclair: ...principes-là. M. Granger:
Excusez-moi, là!
M. Boisclair: Je vous aiderai, mais pas alentour de ces
principes-là.
M. Granger: Ah, ah! O.K., O.K.
M. Boisclair: C'est ça, le fond des choses. Alentour de
quels principes et sur quelles bases, comme association, vous avez le
goût de prendre part au débat?
M. Granger: Alors, c'est assez simple. Nous avons une autre
priorité, cette année. Elle apparaît à la fin du
mémoire. Nous avons l'intention de déposer un projet de loi pour
forcer le gouvernement du Québec à équilibrer son budget.
Vous comprendrez que nous sommes du peuple, que nous sommes des
bénévoles, et une priorité par année, ça
nous suffit.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais également, bien sûr, remercier nos participants
et leur souhaiter la bienvenue. Je pense que vous avez dit dans vos mots,
à votre façon, ce que le peuple ressent. C'est évident, je
pense, qu'on pourrait s'attarder aux chiffres et commencer à discuter
toutes sortes de choses. Ce n'est pas ça, je pense, le but de
l'exercice.
Vous avez dit à votre façon qu'on avait atteint un seuil
au niveau taxation et qu'on devait changer le courant des choses. Il est
évident que vous aimeriez avoir une taxe à la consommation plus
importante. On devrait déplacer, enlever l'impôt sur le revenu,
mais est-ce que vous croyez qu'on pourrait aller jusqu'à des taux de 30
%, 35 % à la consommation? C'est parce qu'on peut aller vers un
changement, mais
de votre perception à vous, là, est-ce qu'on pourrait
aller jusqu'à 30 %, 35 % peut-être même 40 %, si on
combinait le fédéral, parce que le fédéral
perçoit également?
Vous savez qu'actuellement la population, elle est taxée à
15,56 %, le taux combiné TPS et TVQ, et les gens font heu! Est-ce que
vous croyez que si... Parce que les fonds... on va chercher beaucoup d'argent,
le double d'argent d'impôt sur le revenu, actuellement. On va chercher le
double en impôt sur le revenu qu'on va chercher dans la taxe à la
consommation. Alors, est-ce que la population serait prête, selon vous,
à recevoir un taux de 30 %, 35 % de la consommation?
M. Granger: De la façon que vous me décrivez
ça, il s'agit d'un allégement fiscal d'environ 22 %, si vous nous
débarrassez de toutes les taxes directes et indirectes qui
représentent 52 %, 53 % des revenus gagnés au Québec. Vous
me proposez un allégement de 23 %, là. Est-ce que je comprends
bien ce que vous me dites, là, ou si j'ai mal compris?
M. Filion: Non, pas vraiment, ce n'est pas ça, parce qu'il
faut regarder comme on disait, ce matin, l'impôt sur le revenu... Vous
savez, c'est compliqué, la taxation.
M. Granger: Oui, oui.
M. Filion: On parle des revenus familiaux jusqu'à 26 000 $
où on ne paie pas un sou d'impôt. On gagne 26 000 $, et on ne paie
pas d'impôt à cause des crédits d'impôt, etc. Alors,
il y a déjà une structure en place qui permet de gagner des
revenus sans être taxé.
M. Granger: D'accord.
M. Filion: Là, si vous voulez vraiment changer tout le
système, est-ce que vous iriez jusqu'à ce qu'il y ait des taux
qui soient variables, des taux de 30 %, 35 %, 40 % et 45 % pour les plus
riches? Comment vous percevez ça dans la population? C'est ça que
je veux essayer de savoir de vous.
M. Granger: Moi, je vais vous donner mon opinion personnelle. Je
ne peux pas parler pour la population, là. Moi, je suis convaincu que 20
% maximum, c'est suffisant. Ça nous confère un gouvernement
suffisamment complexe, suffisamment important, puis moi, ça me suffit,
20 %.
Je vais terminer en ajoutant une petite chose qui me préoccupe un
peu. J'ai fait des petits calculs. Alors, quand on prend l'État
québécois: 400 000 employés; le fédéral,
administration publique: 68 322 en moyenne; l'administration locale, en
moyenne: 70 223; le fédéral, entreprises publiques au
Québec, ça, là, pas au fédéral, moyenne: 34
391 employés. Total: 573 000, 572 000 et des «peanuts»,
là, 573 000. Un travailleur sur cinq travaille pour un État soit
au niveau fédéral, provincial, local. Ça me stresse.
Ça me stresse énormément.
Puis, quand je regarde les chiffres, moyenne de revenus au gouvernement
québécois, masse salariale: 20 600 000 000 $, moyenne, 51 500 $;
administration fédérale publique, moyenne: 40 367 $, 2 758 000
000 $; locale, moyenne: 32 000 $ OU 33 000 $, 2 317 000 000 $; le
fédéral, entreprises privées: 37 000 $ en moyenne, 1 261
000 000 $, pour un chiffre épeurant, 27 000 000 000 $ que les
contribuables québécois doivent payer. Là, on n'a pas
payé les autres dépenses, là. On a payé les
salaires. C'est beaucoup d'argent, ça! Beaucoup, beaucoup d'argent! Pour
nous autres, en tout cas. Peut-être pas pour vous autres, mais, pour moi,
c'est beaucoup d'argent!
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, voulez-vous continuer?
M. Filion: Oui, j'aimerais compléter mes remarques par une
suggestion, si c'est possible.
Vous semblez avoir comme objectif de présenter un projet de loi
cette année. J'aimerais vous suggérer également une autre
possibilité d'intervention qui serait intéressante. Je crois que
la population, en général, l'apprécierait
énormément. Vous savez qu'on est la seule province au Canada
à produire deux déclarations d'impôt. Je pense que la
population verrait d'un bon oeil, dans une orientation de simplicité,
dans une orientation où, effectivement, les gens pourraient envoyer un
chèque, une déclaration, section fédérale, section
Québec, qui serait perçue par le gouvernement du Québec,
comme on le fait actuellement avec la TPS et la TVQ.
Je pense que c'est simple et, déjà là, on pourrait
arriver avec des économies d'échelle importantes et
intéressantes. C'est le genre de simplicité qu'on devrait
rechercher également et, si la réflexion, vous en avez le coeur
ou les gens autour de vous ont envie de faire avancer un dossier comme
celui-là, je pense qu'il serait certainement bien perçu de la
population.
M. Bérard: À condition, évidemment, que le
contribuable paie moins, parce que changer quatre trente-sous pour une piastre,
je ne pense pas que...
M. Filion: C'a été confirmé. D'ailleurs, le
ministre du Revenu est ici pour le corroborer. Le fusionnement de la TPS, au
niveau administratif, je parle, et de la TVQ au ministère du Revenu du
Québec, c'est quelque chose comme 500 000 $ ou 600 000 $ même au
niveau de la main-d'oeuvre. Il pourrait donner les chiffres exacts
d'économie d'échelle, mais c'est des gros sous, et c'est le
principe. Si on met tout le monde ensemble pour travailler au lieu de les
mettre
dans des sections différentes et en même temps simplifier
la vie des gens. Pourquoi deux déclarations? Bon, bien, je vais appeler
à quel ministère. Est-ce que c'est Revenu Québec avec
lequel j'ai un problème? Non, c'est le fédéral. Alors, on
complique la vie des gens.
M. Bérard: Et on s'embarque sur un terrain glissant, parce
que pourquoi faire deux ministères de la main-d'oeuvre? Pourquoi deux
ministères des Communications? Pourquoi? Et ainsi de suite.
M. Filion: Écoutez, ça, je le comprends, mais moi,
je vous parle... Vous me parlez de l'impôt sur le revenu. Vous parlez de
l'abolir, l'impôt sur le revenu. Donc, vous cherchez de la
simplification, à ce que je comprends bien. Vous cherchez à
simplifier. Vous cherchez à abolir l'impôt sur le revenu. Moi, je
vous dis, dans un geste de transition, dans un geste pratique, réaliste,
vous pourriez en même temps épouser un dossier aussi simple que
celui-là.
M. Granger: ...en mesure d'attirer votre attention sur la
proposition que nous avons faite, qui est d'abolir l'impôt sur le revenu.
Et ça, c'est de la simplification par excellence. Il n'y en a plus de
papier, il n'y en a plus de formule, puis je n'ai même pas besoin
d'essayer d'en comprendre une.
Le Président (M. Lemieux): Monsieur... M. le
député...
M. Filion: Mais, dans un geste de transition, parce que vous y
allez avec un dossier par année. Si vous voulez y aller avec
celui-là, écoutez, vous allez pousser l'abolition de
l'impôt sur le revenu. Peut-être qu'on sera rendu en l'an 2050, et
vous n'aurez pas encore réussi.
M. Granger: Ah!
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand, vous voulez prendre la parole? Oui, M. le député de
Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je comprends
qu'à la lecture des propositions que vous faites, ça
reflète effectivement une sorte de ras-le-bol, une sorte de saturation
des contribuables à travers le Québec. C'est ce qui ressort, si
vous voulez, de votre mémoire, et, à ce titre-là, je pense
que vous visez une corde juste. (16 heures)
Permettez-moi, cependant... D'abord, je pense que, pour le
bénéfice de mes collègues, ce serait intéressant de
savoir qui vous représentez, qui représente votre association,
combien de membres vous comptez, d'une part. Et, d'autre part, j'aimerais faire
certains commentaires sur quelques-uns des points précis.
Bien sûr, on comprend et jusqu'à un certain point on
sympathise même, comme payeurs de taxes nous-mêmes, avec le
ras-le-bol auquel vous faites allusion. Au niveau de la recette de
guérison, par contre, il y a des choses qui m'intriguent un peu. Par
exemple, quand vous dites: réduction de 20 % des salaires des cadres
touchant 50 000 $ et plus. Le ministre a déjà expliqué que
le processus était déjà amorcé dans la fonction
publique.
Mais je vous poserais la question suivante: Si vous recommandez des
coupures de 20 % dans les revenus de la classe moyenne, parce que, que ce soit
des fonctionnaires du gouvernement ou que ce soit des fonctionnaires
d'entreprises ou des entrepreneurs autonomes, c'est la classe moyenne... Vous
avez parié tout à l'heure que le pouvoir d'achat des individus
avait été substantiellement réduit avec les taxes, les
charges de toutes sortes. Eh bien, là, vous voulez les couper de 20 %
davantage. Je ne vois pas comment ça va permettre d'accentuer
l'économie, d'une part. Et la question que je vous poserais:
Trouvez-vous normal que, d'une part, on coupe de 20 % les salaires des cadres
de la fonction publique gagnant 50 000 $ et plus et que ce que j'appellerais
les fonctionnaires des entreprises, surtout moyennes et grandes, se versent, se
permettent, eux, des salaires de 200 000 $, 250 000 $ et, dans certains cas, de
trois fois le salaire du premier ministre du Québec? Je pense que,
là aussi, il y aurait une modération à appliquer, puisque
ça se reflète au niveau des profits des entreprises, qui semblent
vous tenir beaucoup à coeur.
D'autre part, vous mentionnez l'abolition des subventions sans
préciser davantage. Je suis d'accord avec vous que, au fond, ce dont
vous pariez un peu plus, c'est l'abolition, enfin, la révision des
subventions à ce qu'on appellerait les canards boiteux. Je pense qu'on
en convient tous, et, d'ailleurs, les déboires de certaines de nos
entreprises subventionnées à même les fonds publics au
cours de la dernière année ont remis en question toute cette
approche. Mais j'aimerais quand même que vous précisiez. Quand
vous pariez de l'abolition des subventions en tant que telles, est-ce que dans
votre esprit ça se limite aux entreprises boiteuses ou si vous voulez
éliminer ça complètement de la carte?
Et, finalement, quand vous pariez de la réduction du budget du
Vérificateur général, le ministre du Revenu en a
parié, mais moi, comme contribuable, comme contribuable, pas comme
député, j'aimerais vous avancer le commentaire suivant. C'est que
même si les recommandations du Vérificateur général
ne sont pas toutes appliquées, comme payeur de taxes
québécois, je préfère qu'il y ait une
autorité indépendante et autonome qui surveille les
activités du gouvernement plutôt que de donner un chèque en
blanc au gouvernement. Parce que rendez-vous compte que si on réduit les
capacités du Vérificateur général d'inspecter les
finances publiques, au
fond, vous donnez une sorte de chèque en blanc au gouvernement,
et, à mon avis, ça va complètement à l'inverse de
la philosophie qui est sous-jacente à votre mémoire.
Alors, voilà, si vous voulez, les trois questions fondamentales:
L'ampleur de votre organisation, ce que ça représente - vos
commentaires sur les salaires dans le secteur privé par rapport aux
réductions dans le secteur public; les subventions, si on abolit
ça complètement; et puis le Vérificateur
général.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand.
M. Granger: C'est un peu vite pour moi, là. Numéro
un. Numéro deux.
Une voix: Subventions.
M. Granger: Subventions. Je pensais être obligé
d'écrire un autre mémoire.
M. Beaulne: Très bref, là.
M. Granger: Oui, oui, ça va être très bref.
J'ai un point que j'ai retenu qui est un peu à côté de
ça, mais je vais répondre quand même. Vous voulez savoir
qui nous sommes. Nous représentons 80 personnes de la classe moyenne.
Nous sommes encore embryonnaires. Nous avons eu énormément de
couverture l'an passé. On n'était pas capable de répondre
au téléphone parce que, évidemment, on n'a pas les
structures administratives. On a attendu cinq, six, sept mois que le
référendum se passe. On a de plus en plus de support. Il y a des
gens qui ne veulent pas s'identifier dans un mouvement comme ça. il y a
des gens qui nous font des contributions corporatives. Moi, je travaille dans
la vraie vie, avec du vrai monde. J'écoute les commentaires. Je pense
que l'ensemble des gens semblent nous supporter. Si on n'avait pas cette
impression-là, je ne serais pas ici, j'ai d'autre chose à faire
que ça.
Quand vous mentionnez que, dans l'entreprise privée, les gens se
paient des salaires faramineux, je dois vous dire que, dans l'entreprise
privée, ce qui s'est passé au cours des deux, trois
dernières années, ce sont des fermetures d'entreprises. Les
cadres que vous décrivez, qui sont pas mal plus bas que ceux-là,
sont sur le chômage ou peut-être qu'ils n'en n'ont plus, de
chômage, parce qu'ils ont perdu leur emploi après 15, 20 ou 25 ans
de service, et c'est ça, dans l'entreprise privée.
Actuellement, le seul secteur qui souffre, c'est le secteur
privé. C'est malheureux, ce n'est pas facile de prendre des
décisions pour réduire une machine, je comprends ça.
Ça affecte des vies, ça affecte des pères de famille, mais
dans la vraie vie, là, quand on compare ça à la vraie vie,
c'est ça qui arrive au vrai monde. Ils perdent leur emploi, ils ne sont
pas sûr qu'ils vont retrouver un emploi, ils sont
découragés, et c'est ça, la vraie vie. Et il ne faut pas
qu'il y ait un secteur d'activité qui soit écrasé et
écrasé. Plus on a de mises à pied dans le secteur
privé, si on ne contrebalance pas de l'autre côté, mon cher
monsieur, ça me semble très, très dangereux. Je ne sais
pas comment on va faire pour passer à travers de ça. Moralement,
ce n'est pas tellement agréable pour les gens qui perdent leur emploi et
qu'on leur explique que la machine n'est pas trop grosse, qu'elle n'est pas
pire, 1 sur 5, et qu'on ne veut pas réduire les revenus parce que, nous
autres, on fait partie de la machine, et que le père de famille, on lui
réduit son salaire, et qu'on lui fait des pressions, et que s'il
n'accepte pas ça peut-être qu'il n'aura plus de job pour faire
vivre sa famille. Deux poids deux mesures. Et je pense que la vraie vie, c'est
ça, là.
Moi, je suis dans le champ, dans la vraie vie, là. Où
ça se passe, l'action, c'est comme ça. Et c'est très
dangereux dans une atmosphère comme celle-ci parce que qu'on
déconnecte de ce qui se passe dans la vraie vie. C'est facile de
déconnecter, mais sur le plancher des vaches, là, ça
ressemble pas mal à ce que je décris. Et le consensus qu'on a
imprégné ici, ce sont des idées qu'on a ramassées
de gens peut-être qui pensent que c'est trop puissant. Peut-être
qu'ils pensent qu'ils ne peuvent rien faire, ils ne l'expriment peut-être
pas avec des bonnes virgules, mais c'est ce qu'ils ressentent actuellement.
C'est ça, le contexte; c'est ça, la vraie vie.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions, M. le
député de Bertrand. Votre temps est malheureusement
terminé.
Alors, nous vous remercions de votre collaboration à cette
commission parlementaire.
J'inviterais maintenant l'Association des retraitées et
retraités de l'enseignement du Québec à bien vouloir
prendre place à la table des témoins.
Alors, s'il y a des gens qui se déplacent, nous suspendons, mais
pas plus qu'une minute, pas plus qu'une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, la
commission du budget et de l'administration va reprendre ses travaux dans 15
secondes. Auriez-vous la gentillesse de fermer la porte arrière?
Alors, bonjour, mesdames... Bonjour. Vous avez, pour la
présentation de votre mémoire, une période de 20 minutes
qui vous est allouée. Suivra un échange entre les parlementaires
pour une période de 40 minutes: 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour le parti de
l'Opposition.
Auriez-vous la gentillesse de vous présenter, et, par
après, nous serons à l'écoute de votre mémoire.
Association des retraitées et retraités
de l'enseignement du Québec (AREQ)
M. Côté (Léo): Merci, M. le Président.
Mon nom est Léo Côté et je suis le président de
l'Association des retraitées et retraités de l'enseignement du
Québec.
Mme Bérubé (Gisèle): Mon nom est
Gisèle Bérubé, première vice-présidente,
même association.
M. Fraser (Roger): Roger Fraser, retraité de
l'enseignement après 35 ans de service et trésorier de
l'Association. Vous comprendrez que c'est intéressant pour moi de
pouvoir être observateur, surtout cet après-midi, à la
suite de la présentation du mémoire.
Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts
à écouter l'exposé de votre mémoire.
M. Côté (Léo): Je vous remercie, au nom de
l'Association des retraités que je représente, de nous recevoir
et surtout de nous écouter. Nous n'avons pas la prétention, et
vous avez dû le constater, d'avoir présenté ce qu'on
appelle communément un mémoire, puisque vous avez vu, par le
volume de nos représentations, que ce que nous souhaitions,
c'était surtout que vous l'ayez et que vous le conserviez en
mémoire. Je ne vous ferai pas non plus l'injure de le lire. Je crois
que, comme tous les gens qui sont autour de cette table, vous savez lire, que
vous l'avez lu et que vous y reviendrez en certaines occasions. Nous nous
contenterons donc d'en faire des commentaires, si vous le permettez, M. le
Président.
L'essentiel dans toute stratégie et dans toute pratique
d'intervention visant le bien-être de la personne âgée est
de lui permettre de continuer à vivre et, autant qu'elle le
désire et qu'il est possible de le faire, en continuité avec les
choix qu'elle a faits et avec le mode de vie qu'elle a connu au cours de la
majeure partie de son existence. Si les objectifs de l'AREQ sont de promouvoir
et de défendre les intérêts de ses membres, nous nous
sommes donné en plus une mission fondamentale, celle du droit de
vieillir dans la sécurité et dans la dignité. Nous sommes
d'accord, d'autre part, sur la nécessité d'un dialogue continu et
soutenu entre les générations, de l'instauration de formes
d'action politique et culturelle qui constituent le véritable carrefour
intergénérationnel.
Toutefois, permettez-nous une certaine mise en garde, Mmes et MM. les
députés ou ministres. L'accent mis ces dernières
années sur le vieillis- sement de nos populations et sur les coûts
sociaux que ce phénomène engendre suscite des inquiétudes
et déclenche de l'incompréhension. Il nous rappelle beaucoup trop
ce climat de mépris suscité par les gouvernements des
années quatre-vingt envers la classe des enseignantes et enseignants
dont nous sommes issus. Faut-il souligner les dommages irréparables dans
la société actuelle de cette attitude et le climat irrespectueux
de l'autorité auquel fait face la gent enseignante chaque jour. C'est
Mme Bacon, vice-premier ministre, qui décrivait récemment la
génération des baby-boomers comme celle qui, après avoir
largement profité des largesses de l'État-providence,
réclame maintenant l'effacement de leur propre dette et l'annulation de
leurs obligations d'adultes à l'égard des autres.
La première vice-présidente de l'AREQ, si vous le
permettez, M. le Président, Mme Bérubé, vous parlera
tantôt, après moi, particulièrement des coûts de
santé et de services sociaux dans l'univers féminin. Mais
permettez-moi pour le moment de vous présenter l'ensemble.
Nous croyons toujours au financement public et collectif des services de
santé et des services sociaux. Mais ce que nous ne tolérons plus,
ce sont les retraits continus de l'État dans ces services. Comment se
fait-il qu'en tant que citoyen j'ai l'impression d'être surchargé
de taxes de toutes sortes, impôts, TPS ou TVQ, et qu'en retour les
services auxquels je m'attends sont continuellement coupés ou
diminués? Comment se fait-il que mes primes d'assurance-maladie
collectives augmentent sans cesse alors que la carte-soleil devait nous assurer
des services sociaux accessibles, universels et gratuits?
M. Michel Audet écrivait, dans le journal Le Soleil,
l'autre jour: Avant de fermer des hôpitaux et des écoles, il
faudrait cesser de maintenir artificiellement des entreprises non rentables par
le biais de sociétés d'État. Les engagements de la SDI,
dans les mandats gouvernementaux, devraient aussi être scrutés
à la loupe.
Nous ne sommes pas des fiscalistes, et si vous vous attendez à ce
qu'on vous parle de chiffres aujourd'hui, oubliez ça. Mais il est
indéniable que le niveau effarent de sous-utilisation de nos ressources
humaines accroît démesurément la charge fiscale des
personnes dites actives. Or, le laxisme chronique de nos gouvernements face
à la situation de l'emploi ne contribue guère à remplir la
baignoire, comme aurait dit M. Drapeau. Nous estimons donc urgent que le
gouvernement du Québec s'engage dans une stratégie de
développement économique dont la priorité sera la relance
de l'emploi. Une telle initiative aura pour effet de diminuer les tensions sur
les finances publiques et permettra surtout à la
génération du matin et à celle du midi de pourvoir aux
besoins essentiels de la génération du soir, ne serait-ce que
pour s'as-
surer que demain, ce sera leur tour.
Si vous le permettez, M. le Président, ce serait maintenant Mme
la première vice-présidente de l'AREQ qui prendrait la parole
à son tour.
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez continuer,
madame.
M. Côté (Léo): Merci.
Mme Bérubé: M. le Président, Mme et MM. de
l'Assemblée nationale, le document du ministère des Finances,
«Vivre selon nos moyens», soulève que l'un des facteurs qui
contribuent à la croissance des coûts du domaine de la
santé et des services sociaux, c'est le vieillissement de la population.
Cette affirmation est un outil politique pour créer la perception que
les jeunes et les vieux doivent se battre. Ils sont forcés de se battre
pour obtenir des ressources limitées. Faut-il encourager cette lutte
stérile de conflit entre les générations? Plutôt,
est-ce qu'on ne devrait pas cibler sur ce qui peut conserver notre tissu
social, s'inspirer des Chartres et encourager plutôt les relations, les
bonnes relations entre les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes, avec
les communautés culturelles, les diverses ethnies, les autochtones?
Cette cible du vieillissement de la population est peut-être trompeuse.
(16 h 20)
On a beaucoup parlé des changements démographiques qui ont
cours présentement au Québec et qui indiquent que les personnes
de plus de 65 ans formeront de 17 % à 20 % de la population totale d'ici
30 ans. Alors, le gouvernement en profite pour pointer un index accusateur vers
les personnes âgées, et le gouvernement les blâme
d'être responsables de l'augmentation des coûts de santé et
de services sociaux, parce que, paraît-il, les aînés
utilisent une part disproportionnée de soins.
Certains auteurs - je pourrais vous les citer - nous signalent que
l'augmentation de la population âgée au cours des quatre
prochaines décennies sera compensée par une diminution du nombre
des enfants. En conséquence, la proportion de la population
dépendante, au total, n'augmentera pas de façon substantielle. En
tenant compte des coûts de l'éducation des enfants et de la
jeunesse ainsi que des coûts de santé, ces coûts-là
ne prendront pas une aussi grande part du revenu national. Ça sera
plutôt un déplacement des coûts reliés à la
dépendance. Les prévisions qui sont basées uniquement sur
l'accroissement de la population âgée ou sur l'hypothèse
que la consommation des soins de santé par les personnes
âgées gardera le même profil qu'actuellement sont par
conséquent trompeuses.
Maintenant, je voudrais vous parler d'un autre point, le consensus
social. Les soins de santé et les services sociaux sont financés
principalement par les impôts sur le revenu. Les citoyens, les
citoyennes, y contribuent en fonction de leurs revenus. Les gens à
revenus moyens, les plus nombreux, contribuent plus que les gens à bas
revenus. Les plus démunis ne contribuent pas, et c'est bien ainsi, on
l'accepte. Tout le monde, donc, contribue selon ses moyens, et chacun
reçoit les soins de santé et les services sociaux dont il a
besoin. Ces soins et services sont aussi, habituellement, plus utilisés
par les plus démunis que par les bien nantis, et un consensus social
s'est établi parmi nous sur ces principes. Mais le jour où les
gens qui contribuent le plus devront ajouter une contribution spécifique
pour les soins et services qu'ils consomment, ce jour-là, ce consensus
social risque de s'effriter, parce que le gouvernement s'attaque au principe -
vous me voyez venir, là - d'universalité et de
gratuité.
Le document «Vivre selon nos moyens», c'est une tentative
vers des mesures de tarification pour les soins et services requis. Le 2 $ par
ordonnance pour les personnes âgées de 65 ans et plus,
c'était le premier pas sournois de cette tentative. Ce
précédent a produit un impact psychologique, puisqu'il a
habitué les gens à débourser directement, en plus des
impôts. Nous, les personnes âgées ou retraitées, nous
nous souvenons de l'époque où il n'existait pas
d'assurance-maladie. Nous ne voulons pas revenir à ce triste
passé. Notre génération a financé les programmes de
santé et de services sociaux. Nous ne voulons pas être les
derniers à bénéficier de la sécurité et du
bien-être qu'ils procurent. Nos enfants, nos petits-enfants y ont
droit.
Il faut des mesures particulières pour protéger l'individu
contre des situations de la vie que, comme individu, il ne peut pas
contrôler. Par exemple, pensons à l'assurance-chômage,
à l'assistance sociale - l'aide sociale - l'assurance-maladie, la
sécurité au travail, la protection de l'environnement, la pension
de retraite. Toutes ces mesures sont de la plus grande importance pour
l'individu n'ayant aucun autre revenu. Toute attaque contre les soins de
santé et les services sociaux doit être comprise pour ce qu'elle
est. C'est une attaque contre le niveau de vie et de bien-être des
pauvres, surtout des femmes pauvres. Les dépenses gouvernementales pour
ces soins et services sont élevées, nous en convenons, mais elles
sont tellement nécessaires pour ceux et celles dans le besoin. Nous
réaffirmons le rôle fondamental de l'État pour favoriser la
solidarité sociale et la responsabilité collective.
Dernière partie, des recommandations. En vue de permettre une
prise de conscience des coûts des soins de santé et des services
sociaux, nous proposons des dispositions qui rendraient transparents ces
coûts. Par exemple, publiciser le coût des visites
médicales, le coût des différents tests, le coût des
interventions chirurgicales,
publiciser les revenus des médecins, la répartition
détaillée du budget de la santé et des services sociaux,
la part de nos impôts personnels consacrée aux soins et
services.
Nous nous opposons aux 2 $ sur chaque ordonnance pour les personnes
âgées de 65 ans et plus parce que nous la considérons comme
une surtaxe à la vieillesse et à la maladie. Les mesures à
prendre doivent viser une gestion plus efficace du prix des médicaments.
Ne faudrait-il pas avoir l'oeil sur les compagnies pharmaceutiques qui
dépensent des sommes étonnantes en publicité à
l'intention des médecins pour que ceux-ci prescrivent leurs
médicaments? Ces compagnies ont obtenu, on le sait, par la loi
fédérale C-91, que leurs brevets soient maintenant
protégés pendant 20 ans, et elles vont ainsi provoquer une hausse
du prix des médicaments. Pourtant, on se presse d'attribuer la hausse
des dépenses du programme médicaments à la surconsommation
des personnes âgées. Une autre mesure à prendre serait une
réorientation de la pratique médicale vers des alternatives
à la médication. Bientôt, il y aura une commission
parlementaire sur les médecines parallèles. Ça devrait
être intéressant.
Nous exigeons que le gouvernement du Québec respecte les
principes d'équité, d'accessibilité,
d'universalité, de gratuite dans les programmes de santé et de
services sociaux. Nous nous opposons à toute tarification assumée
directement par les usagers. Nous nous opposons fermement au désir du
gouvernement de faire amender la loi canadienne C-3 dans le sens d'une
révision de la définition des services de base et des services
complémentaires dans le but d'introduire une tarification sur ces
services. Nous suggérons de mettre plus d'argent sur l'utilisation des
services sociaux en incluant les soins à domicile comme partie du
programme de soins préventifs. On pourrait sauver de l'argent en
diminuant le nombre d'aînés dirigés vers les centres
d'accueil ou d'hébergement. Bien entendu, cela exigerait qu'on aide
davantage les CLSC et les groupes communautaires. Les coûts pour les
soins préventifs seraient beaucoup moins grands que ceux des soins en
établissement. Il y a peut-être plus d'argent à
économiser avec une telle politique qu'il y en aurait à gagner
par l'imposition des frais aux usagers. Ce serait également plus
conforme aux objectifs de santé à poursuivre et
protégerait les principes de la gratuité et de
l'universalité.
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme
Bérubé. C'est fort intéressant.
M. le député de Saint-Louis. (16 h 30)
M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président.
Au nom de notre formation parlementaire, je tiens à vous saluer
et à vous souhaiter la bienvenue.
Je suis un peu... Je ne suis pas surpris d'entendre les propos que vous
nous avez mentionnés, mais c'est un discours qu'on va entendre plusieurs
fois parmi plusieurs groupes, chacun des groupes protégeant
évidemment les intérêts propres à ce qu'il
représente. Vous nous avez dit que vous ne vouliez pas parler d'argent,
parler de chiffres. On va parler de principes.
Vous savez que l'État est endetté. Actuellement, une
partie importante de la dette finance des services courants. Ça peut
être du bien-être social, ça peut être toutes sortes
de services courants: l'éducation, la santé, etc. Donc, on
finance par voie d'endettement. C'est comme si vous... L'exemple classique
qu'on prend, c'est dire: On finance l'épicerie en s'endettant. Ça
implique qu'année après année des milliards, des milliards
s'additionnent à d'autres milliards dans un service de la dette qui
devra être financé par vos enfants, vos petits-enfants dont vous
nous parliez. Eux n'auront plus la possibilité d'avoir les services que
vous aurez eus parce que leur service de la dette, quand ils seront ici et
qu'ils administreront l'État, occupera une place tellement importante
dans l'ensemble des dépenses gouvernementales à ce
moment-là qu'ils se devront de couper dans des services courants pour
eux et leurs enfants. Est-ce que vous saisissez?
Je pense qu'il faut éviter de... Je ne voudrais pas vous accuser
de paranoïa. Vous parliez de lutte intergénérationnelle. Je
pense qu'il n'y a personne parmi les plus jeunes, parmi les baby-boomers... Je
pourrais revenir là-dessus. Je n'ai pas vu beaucoup de baby-boomers en
charge de notre organisation sociale depuis... Vous avez parlé de M.
Drapeau, ce n'est pas exactement... Il ne fait pas partie des baby-boomers, et
les administrateurs d'État au fédéral et au provincial, au
Canada et au Québec, depuis les 25 dernières années n'ont
pas été membres de ce qu'on peut qualifier des baby-boomers.
Ceci étant dit, si nous continuons, comme vous le souhaitez,
à ne pas bouger quoi que ce soit, à ajuster et à ajouter
de l'argent dans des programmes sociaux, comment voulez-vous éviter que
les jeunes, ceux qui vont suivre, ne soient pas, eux, tenus de voir leurs
propres services coupés, déchirés, tombés? Les
filets de sécurité sociale qui vous tiennent à coeur et
qui nous tiennent à coeur seront définitivement
découpés parce qu'il n'y aura plus d'argent pour les financer.
Première question.
M. Côté (Léo): Vous voulez qu'on y
réponde?
M. Chagnon: J'espère.
M. Côté (Léo): D'accord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chagnon: J'espère.
M. Côté (Léo): C'est bien évident, et
nous sommes très conscients de ça, mais ce qui nous interroge,
nous, c'est comment se fait-il? Il y a... Je vais parler d'autrefois.
Hélas, c'est déjà loin!
Quand, moi, personnellement, je me donnais comme objectif dans la vie de
mieux réussir socialement ou économiquement que mon père,
j'avais la conception de réussir ma vie. Mais, dans l'esprit que vous
dites, comment se fait-il que mes enfants - j'en ai cinq - disent: Papa, te
rends-tu compte que nous, si ça continue comme ça à avoir
des emplois temporaires, précaires, jamais de permanence, jamais nous ne
serons capables d'avoir ne serait-ce que ce tu as actuellement? Et c'est
ça qui nous inquiète. Et quand on parle de corporation...
Évidemment, là, je veux enlever l'esprit, peut-être, que
vous pourriez nous accuser de corporatistes, de vouloir défendre juste
nos gens et juste l'intérêt de nos gens même si nous jugeons
que peut-être, pour employer une parole qu'on emploie souvent, nous avons
donné et nous considérons que dans toute notre vie nous avons
donné assez pour que nous puissions aujourd'hui vivre une certaine paix
sociale. Mais ce que nous reprochons actuellement au gouvernement, et ce n'est
pas nous qui allons venir vous dire quoi faire... Évidemment, la
sagesse, c'est de savoir quoi faire, l'habileté, c'est de choisir de le
bien faire, mais la vertu, c'est de le faire. Or, il serait peut-être
bon... Évidemment, si j'étais un vieux curé, je vous
dirais: C'est la grâce que je vous souhaite. Mais il faut quand
même être bien conscient que nos enfants n'ont pas d'emploi et, si
nos enfants n'ont pas d'emploi, ils ne feront pas d'argent, puis s'ils ne font
pas d'argent, ils ne pourront pas se construire un avenir qui a du bon
sens.
Vous allez me dire: Eh bien, coupons! Coupons et continuons à
couper. C'est un moyen. Rappelez-vous en 1980, nous, les enseignants et tous
les fonctionnaires du coin, on nous a coupé de 20 %; 20 %, bonjour, dans
le bassin. Puis ça n'a pas été fini, parce que, en tant
que retraité, je me suis retrouvé aussi avec une pension
désindexée. Et ça fait déjà 11 ans que
ça dure: 1982-1993. La vie continue quand même à augmenter,
mais pas ma pension. Je m'en vais probablement moi aussi vers une
pauvreté lointaine ou rapprochée.
C'est quoi qui se passe? Je comprends que vous êtes tous ici puis
que nous sommes tous ici ensemble pour essayer de trouver des solutions. Il
serait peut-être bien, on pourrait peut-être bien s'appeler
«la cour des miracles» parce qu'il semble qu'actuellement on s'en
va vers ça. Il nous faudrait ça pour nous sortir du marasme dans
lequel nous vivons. On n'en a pas, de solution, mais, quand nous élisons
des gens pour nous représenter, nous pensons que ces gens-là,
alimentés par tout cet ensemble de fonctionnaires, devraient, un jour ou
l'autre, en apporter, des solutions; je ne dirais pas de ce plein emploi, ce
serait évidemment la solution, mais, au moins, d'emplois satisfaisants
pour que les gens puissent bien vivre et, surtout, se construire un peu
d'avenir.
Le Président (M. Lemieux): Mme Bérubé, vous
vouliez compléter.
M. Côté (Léo): Madame.
Mme Bérubé: Oui. Vous demandiez: Comment
éviter de voir ce filet protecteur disparaître pour nos enfants et
nos petits-enfants? Évidemment, il faut aller chercher l'argent quelque
part. Cet argent-là provient des impôts. Actuellement, il y aurait
possiblement une façon en mettant plus de paliers au niveau des
impôts, parce qu'il y a un seul palier, par exemple, qui comprend
quasiment toute la classe moyenne. Alors, il pourrait y avoir des paliers
différents; il y aurait peut-être des possibilités
là. Il y a aussi une possibilité, vous allez rire, mais, tout de
même, il n'y a pas actuellement de taxes sur les héritages, comme
il y en a dans certains pays. Comment se fait-il que, dans la
société, on accepte que quelqu'un hérite de sommes
d'argent? C'est pourtant de l'argent qui n'a pas été gagné
par la personne qui hérite. On accepte ça comme normal, puis,
quand une autre personne va accepter de la société de l'aide
sociale ou de l'assurance-chômage ou des pensions de retraite, là,
on n'a pas la même attitude. Pourtant, là non plus ce n'est pas de
l'argent gagné, mais c'est de l'argent qui est nécessaire. Alors,
on pourrait regarder ça aussi. Il y a moyen, au niveau de la
fiscalité, d'essayer de trouver de l'argent pour conserver nos acquis
pour nos enfants et nos petits-enfants.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, madame, je vais
passer à Mme la députée de... Ah bon, pardon, parce que
vous m'aviez demandé la parole.
Alors, M. le député de Gouin - parce que nos 10 minutes
sont expirées - et je vais revenir à M. le ministre par
après. (16 h 40)
M. Boisclair: Je tiens d'abord à vous remercier bien
sincèrement pour votre présentation. S'il y a une distinction qui
frappe avec la présentation à laquelle on a assiste
précédemment, c'est peut-être parce que c'est votre ancien
métier d'enseignant qui vous a amenés à être
sensibles à ce genre de réalité, mais il y a certainement
une vision globale des choses et une préoccupation de l'héritage
que vous allez laisser à vos enfants et vos petits-enfants. Et pour
ça, pour ce courage, pour cette lucidité et pour cette absence de
corporatisme qui est hélas beaucoup trop présent dans nos
sociétés, je tiens
tout simplement à vous remercier. Il y a quelques années
qui nous différencient, mais je suis heureux de voir que nous avons les
mêmes préoccupations et, à cet égard, je sens que
j'en ai peut-être beaucoup plus en commun avec des gens de votre
génération que je peux en avoir avec d'autres
générations qui se situent ailleurs sur le calendrier des
généalogies. Je vous laisse le soin de déterminer
où ils se situent.
Je pense qu'il y a quelque chose dans votre mémoire. Vous ne
tombez pas non plus dans le piège d'essayer de répondre
exclusivement à des considérations statistiques qui, bien
sûr, peuvent facilement nous échapper.
La préoccupation que je soulevais à l'ouverture de cette
commission est la suivante, et j'aimerais la soumettre à votre analyse
pour voir de quelle façon on peut s'en tirer, parce qu'il serait
beaucoup trop facile de tomber dans le piège des conflits de
générations et d'opposer une génération à
l'autre. C'est loin de ce que nous voulons faire.
En 1973, 7,4 % des 34 ans et plus se situaient sous le seuil de faibles
revenus. En 1986, ils passent à 40 % puis aujourd'hui, ils seraient
à 50 %. Le pourcentage des gens de 65 ans et plus qui se situaient sous
le seuil de faibles revenus en 1973 était de 22,7 %. Il est passé
à 10,2 % en 1986 et, aujourd'hui, il serait de 10 %. Alors qu'une
personne âgée de plus de 65 ans sur 10 vit sous le seuil de
faibles revenus, 5 jeunes sur 10 survivraient dans ces mêmes
conditions.
La question est donc, par le biais de ce contrat social implicite, comme
le disait M. Johnson, qui se traduit dans notre vision de la fiscalité
du déficit et des dépenses gouvernementales, comment rendre le
transfert entre les générations intéressant, parce que le
problème, il est là. Si on ne veut pas tomber dans ce
piège facile d'opposer les uns et les autres, si l'on veut vraiment
reprendre la préoccupation que Mme Bérubé exprimait avec
beaucoup de pertinence, qui est celle de la solidarité entre les
générations, comment rendre ce transfert de richesses
intéressant entre les générations? Est-ce que vous avez
une réflexion là-dessus?
Mme Bérubé: c'est le terme que vous utilisez,
«comment rendre intéressant?». qu'est-ce que vous voulez
dire? intéressant, le transfert, dans quel sens?
M. Boisclair: Dans le sens que je pense que la question qu'on
soulève aura, bien sûr, des conséquences sur l'organisation
de l'État. Il y a bien des gens qui ont profité d'un État
très centralisé, qui a certainement permis l'émancipation
de bien des gens, qui a permis la réalisation aussi de grandes choses au
Québec. Je commence à esquisser quelques réponses à
ces questions. Ça passe, à mon avis, par une plus grande
décentralisation, un soutien à l'entrepreneurship, l'accès
à du capital de démarrage et une décentralisation de
l'information stratégique et technique.
Mais il y a le rapport du Conseil des affaires sociales qui nous
renseigne beaucoup sur ces questions-là, particulièrement dans sa
dernière publication «Un Québec solidaire». Mais,
devant la situation que je vous présente, qui est la
réalité, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, elle est là,
quel genre de solution doit-on esquisser?
Mme Bérubé: Quant au domaine de l'enseignement, par
exemple, les enseignants et les enseignantes qui sont proches de leur retraite
pourraient, si c'était organisé dans les contrats de travail,
donner un coup de main aux jeunes qui commencent leur carrière dans
l'enseignement parce que, bien souvent, plusieurs de ces jeunes-là
arrivent dans les écoles et quittent parce qu'ils n'ont pas le support
nécessaire pour les aider avec les nouveaux programmes et les
élèves d'aujourd'hui qui sont différents de ceux qu'on a
connus.
Je pense que, entre les générations, surtout la
nôtre et celle des jeunes, il y aurait moyen de se tendre la main et de
donner de l'aide. Ça, c'est pour nous. Maintenant, au niveau du
gouvernement, alors là, ce seraient des mesures qu'il faudrait mettre en
place pour favoriser le plein emploi chez ces jeunes-là. S'ils avaient
des emplois, on n'aurait pas ces programmes-là, cette mesure-là.
Nous, quand on a commencé à enseigner, on n'a pas eu de
difficultés. Ils venaient nous chercher à l'École normale
avant qu'on ait terminé nos études. Nos emplois nous attendaient.
Aujourd'hui, ce n'est pas la même chose, mais il faudrait que
l'État mette une priorité sur l'emploi pour la
génération montante. Je ne vois pas d'autres façons. Si on
les laisse errer, si on ne leur donne pas une sécurité, une
carrière possible, on s'en va vers un désastre.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Moi, ça me fait plaisir de vous saluer à mon tour. L'une
de vos sections est très active sur la rive sud de Montréal,
à Longueuil, dans Taillon entre autres. J'ai l'occasion très
fréquemment de travailler avec les gens de la région, et c'est
toujours très intéressant.
Je pense que vos réflexions vont dans le sens un petit peu de
tout ce qui est soulevé au sein de cette commission et qui est de se
pencher sur le fait qu'on ne doit pas désolidariser cette
société qui s'est donné un certain nombre d'outils,
d'instruments, mais qu'on doit chercher quand même ensemble des
solutions, parce que le problème reste réel, et il y a un
problème en plus d'appauvrissement de notre société,
auquel on doit, bien sûr, s'attaquer. Et le problème des finances
publiques, il est
lié - parce qu'il y en a un, problème des finances
publiques - au fait qu'il y a une pression énorme sur les coûts
par les problèmes sociaux, par les problèmes de chômage, et
il y a un revenu moins élevé, évidemment, par le fait
qu'on a moins de gens en emploi.
Vous identifiez une mesure intéressante dans votre petit document
et, dans votre présentation, vous avez élaboré un peu plus
à ce sujet-là dans le sens de la responsabilisation des citoyens
et des citoyennes. Dans un premier temps, c'est qu'au moins ceux-ci
connaissent, par exempte, les coûts de santé et les coûts
des services sociaux, de telle sorte que la connaissance amène,
génère habituellement une forme d'action. Donc, plutôt que
de passer à des tickets modérateurs, ce qu'on dit, c'est que
d'informer les gens, déjà ça pourrait avoir un effet de
responsabilisation quant à leur comportement par la suite.
Vous avez parlé d'une autre chose, et c'est une de vos
dernières interventions, Mme Bérubé. Vous avez dit: Nous
sommes prêts à contribuer, comme personnes qui ont de
l'expérience, à donner certains conseils. Mais vous dites aussi:
II pourrait y avoir des mesures de type fiscal comme, par exemple, la
réintroduction de paliers d'impôt avec les taux marginaux qui
pourraient être réintroduits, de telle sorte qu'on aurait une
ponction fiscale un peu plus importante. Est-ce que vous êtes bien
consciente quand même de ce que ça signifie? Je ne dis pas que je
suis en désaccord, mais je dis que cette hypothèse-là, ce
qu'elle signifie, c'est, jusqu'à un certain point, une hausse des
impôts pour une certaine catégorie de population dont sans doute
vous êtes, à cause, évidemment, des revenus qui ont
été, pendant une certaine époque, je dirais, moyens et
au-dessus de la moyenne par rapport à ce qu'on connaissait dans
l'ensemble de la société québécoise. Et, même
si vous avez 65 ans et plus, vous seriez amenés à être
contributeurs.
Ce que vous nous dites que vous, vous seriez prêts à faire,
est-ce que vous croyez qu'une meilleure connaissance de l'ensemble de notre
réalité fiscale, en termes d'impôt, de besoins, etc.,
pourrait amener à vous permettre d'aller chercher l'adhésion,
pensez-vous, de gens de votre groupe sur des propositions comme
celles-là?
Mme Bérubé: Elle est difficile,
celle-là.
Mme Marois: Ça fait partie aussi de la question de la
solidarisation entre les générations. Vous me voyez venir un
petit peu, là.
Mme Bérubé: Oui. Là, c'est rien qu'une
hypothèse que j'émettrais, évidemment.
Mme Marois: Non, mais elle n'est pas inintéressante,
là...
Mme Bérubé: Non.
Mme Marois: ...mais vous comprenez un petit peu.
Mme Bérubé: Oui, oui.
Mme Marois: Dans le fond, c'est qu'elle pose l'exigence de dire
aux gens: Bien, écoutez, cela veut dire qu'il y aura, pour certaines
tranches de mesures, au fur et à mesure où on monte, un taux qui
va être plus important qu'il ne l'est maintenant, parce que,
évidemment, en ramenant trois taux d'imposition, ça a eu un effet
de ramener des taux qui étaient plus élevés à un
taux moyen qui est plus bas maintenant. (16 h 50)
Mme Bérubé: On pourrait émettre une
hypothèse que, oui, si on expliquait correctement aux gens les enjeux
d'une augmentation de l'impôt, il ne faut pas se le cacher, mais qui
serait en faveur d'aider à la création d'emplois pour les jeunes,
il faudrait que ce soit assorti de conditions, ça serait peut-être
possible. Mais il ne faut pas penser... Vous disiez que probablement que, nous,
nous sommes dans cette catégorie de gens-là. Nous, à
l'AREQ, on a, vous savez, beaucoup de femmes qui ont perdu beaucoup
d'années de travail dans les écoles parce qu'elles travaillaient
à la maison. Elles ont arrêté. Puis, nous, quand on se
mariait, on perdait notre emploi. On n'avait aucun choix. Il fallait rester
à la maison. Plus tard...
Mme Marois: Vous savez que je sais tout ça? Oui, je suis
très consciente de ça.
Mme Bérubé: Regardez, on a 28 % de nos femmes qui
ont des pensions en bas de 10 000 $. On ne peut pas dire que c'est la classe
moyenne, ça. Ensuite, on aurait 21 % de nos femmes entre 10 000 $ et 15
000 $. On commence à friser la classe moyenne. Ça veut dire que
quasiment la moitié de nos femmes sont en bas d'une pension de 15 000 $.
On pourrait leur demander, mais elles vont nous dire: Nous autres, on a fait
notre part. Alors, c'est entendu, au niveau des femmes, je pense que ce serait
plus difficile à vendre, cette idée-là.
Mme Marois: Oui, mais c'est parce que j'essayais qu'on
évalue ensemble, dans le fond, l'impact que ça peut avoir, mais
je suis consciente que, pour un bon nombre d'ex-enseignantes, c'est la
situation que vous décrivez à cause du contexte social et
culturel que l'on connaissait à l'époque où une femme qui
se mariait devait cesser d'enseigner si elle attendait un enfant, etc. Donc, je
suis...
Mme Bérubé: Ah, même sans enfant,
c'était dehors!
Mme Marois: Et même sans enfant, je sais cela aussi. Alors,
je sais qu'il y a eu un certain nombre d'injustices qui, heureusement, se
corrigent maintenant, et j'espère que jamais plus on ne revivra de
telles situations.
Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur.
M. Fraser: J'aimerais peut-être attirer votre attention,
puis peut-être même vous donner une certaine crainte à tous
et à toutes. C'est que, dans le fond, moi, j'ai pris ma retraite assez
jeune. Mais savez-vous que j'ai peur. Je prévois encore vivre une
quarantaine d'années, et ma pension n'ira pas en montant, avec la
désindexa-tion de 1982. Puis là, je me regarde aller, puis je me
dis: Supposons que je vis ne serait-ce qu'encore une vingtaine d'années,
savez-vous que je vais être sous le seuil de la pauvreté dans 20
ans d'ici, moi, avec la retraite que j'ai, qui est raisonnable au moment
où on se parle?
Alors, quand on parle de participer dans les strates dont vous parliez
tout à l'heure, je me dis: Oui, mais, je ne serai peut-être pas
prêt à aller faire adhérer mon monde, à faire
adhérer mon monde, parce qu'il va dire: Un instant! Nous autres, on est
nerveux. On est nerveux, parce que, dans 10 ans ou 15 ans d'ici... Une chance
qu'il faut vivre au jour le jour, dans le fond. Il faut vivre au jour le jour,
parce que la peur nous prendrait, ceux qui ont pris leur retraite à 55,
ou 58 ou 60 ans. Je ne sais pas si vous saisissez le sens...
Mme Marois: Oui, je le saisis très bien.
M. Fraser: ...mais, dans quelques années d'ici, ça
va être terrible pour ceux qui ont pris leur retraite avec ce qu'on a
là, puis une indexation à 1,8 % comme on a cette année et
avec la désindexation de 1982 qui fait 10 ans. On est rendu à 11
ans, on le mentionnait tout à l'heure. Moi, je ne suis pas sûr que
je serais capable d'aller convaincre mes 14 200 membres d'entrer dans une
organisation comme celle-là.
Mme Marois: Remarquez que ce n'est pas moi qui l'ai
proposée. Ha, ha, ha!
M. Fraser: Non, non! J'ai bien senti que Mme Bérubé
a mentionné que c'était une hypothèse, mais...
Mme Marois: Non, mais je trouve ça intéressant,
parce que, évidemment, c'est toutes espèces de pistes qu'il faut
pouvoir regarder très froidement puis, après ça, se dire
si on veut faire des choses avec ça ou pas. Ça va.
Je vous remercie, madame et messieurs.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
M. le ministre du Revenu. Pardon, M. le député de
Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président.
Moi aussi, je veux saluer ces gens-là qui sont venus nous
présenter un mémoire. Vous venez de soulever que vous êtes
inquiet, monsieur, pour les prochaines années, à titre de
retraité, puis vous n'avez pas tort non plus. Je comprends ça.
Puis je l'ai compris aussi tantôt de la dame, lorsqu'elle l'a
exprimé, et le monsieur qui est avec vous.
Mais vous me permettrez, moi aussi, à mon tour, d'être
inquiet. Il me reste encore peut-être une trentaine d'années avant
de pouvoir être retraité, et si je vis encore une vingtaine
d'années ou 25 ans après, puisque nos techniques médicales
s'améliorent constamment de sorte qu'on peut espérer vivre un peu
plus longtemps, alors, je suis très inquiet. Et je suis aussi inquiet
comme député d'un comté très rural où, quand
je regarde, par exemple, la répartition des dépenses du
gouvernement ou quand je regarde... Et je comprends votre inquiétude, et
vous avez probablement raison aussi lorsque vous dites que vous souhaitez
maintenir la gratuité, l'accessibilité, l'universalité aux
soins de santé.
Quand on regarde la répartition des dépenses, par exemple,
du gouvernement, on a 31,4 % des dépenses qui sont affectées
à la santé et aux services sociaux. On a la
sécurité du revenu, et c'est normal aussi qu'on aide les gens, je
pense, qui sont dans le besoin, on y consacre 9,1 %. On veut maintenir aussi
une certaine accessibilité à l'éducation pour nos jeunes,
pour les former pour demain parce que c'est eux qui prendront le marché
du travail et ils doivent, bon... surtout avec les défis qu'on aura
à relever dans les prochaines années. Alors, on dépense
25,2 %. Et puisque, depuis quelques années déjà, on a
décidé d'emprunter pour financer certains services, alors on doit
remettre chaque année... Le service de la dette s'élève
à 12,1 %. Alors il en reste 22,2 % pour s'occuper de tout le reste. Chez
nous, moi, tout le reste, ça veut dire s'occuper de la voirie, des
routes, du réseau routier et tout ça, l'environnement, ça
veut dire s'occuper de notre forêt, on a besoin de s'en occuper, c'est
important, notre agriculture, notre culture, nos industries, la recherche, le
développement et tout ça.
Et quand je regarde, depuis quelques années que je suis
député ici, la croissance des dépenses au niveau de la
santé, par exemple, la sécurité du revenu, parce qu'on a
une période économique plus difficile, lorsque le taux de
croissance est plus élevé que l'ensemble des autres secteurs, par
exemple, on va couper ça dans ces programmes-là que je viens de
mentionner: la voirie, l'environnement, la forêt. Alors, ma
région, moi, chez nous, quand j'ai moins d'argent pour m'occuper de
l'agriculture, quand j'ai moins d'argent pour intervenir dans ma forêt,
quand j'ai moins d'argent pour entretenir mon réseau et tout
ça,
que j'en ai juste, je ne dirais pas trop, mais que j'en ai en masse pour
soigner mes malades et tout ça, ma région s'appauvrit. Alors,
s'il y a tant de demandes de soins de santé, c'est rattaché aussi
à ce qu'il y a beaucoup d'offre, je pense, parce que l'offre est
là au niveau de la santé. C'est gratuit, c'est accessible, c'est
universel. Alors, si on veut contrôler la demande, je pense que, selon
moi, pour essayer de me rassurer dans le futur, je pense qu'on devra, à
court terme, prendre certaines mesures - je ne dis pas que c'est seulement
celles-là - pour essayer de réduire cette demande-là.
Quand vous parliez tantôt des 2 $ pour les médicaments, 2
$, c'est une mesure qui avertit les gens qu'il y aura un coût à
payer à ça. Et c'est plutôt symbolique, les 2 $. Et
même les gens qui n'ont pas les moyens, qui retirent le supplément
de revenu garanti, n'ont pas à le payer, les 2 $. Ceux qui retirent le
maximum n'ont pas à les payer. Alors, on a conservé quand
même une certaine accessibilité et universalité, d'une
certaine façon. C'est sûr, la gratuité est menacée
à cet égard-là. Mais, dans ce contexte-là, si on
regarde plus loin, est-ce qu'il ne faudra pas, à un moment donné,
couper dans la gratuité de certains services pour essayer de maintenir
dans nos régions certains services? Parce que plus on va emprunter pour
maintenir ces services-là, plus la pointe de la tarte qui sert à
la dette du gouvernement va venir manger la partie, par exemple, dans la
voirie, dans l'environnement. Alors, si la santé continue à ce
rythme-là, la sécurité du revenu, on souhaite que c'est
passager à cause du contexte économique, l'éducation, et
que la dette augmente, alors la partie pour s'occuper de tout le reste diminue
sans cesse. Alors, demain matin, nos régions où on a de grands
besoins dans ces domaines-là, on ne crée pas d'emploi si on ne
s'occupe plus de notre forêt, si on ne s'occupe plus de notre
agriculture.
Et vous disiez tantôt: II y a quelques années, lorsque
j'étais professeur, on venait nous chercher à l'École
normale avant de finir nos cours. Dans mon comté, on ferme des
écoles parce qu'on n'a plus d'étudiants. Alors, la pyramide
d'âge est un peu en train de s'inverser. Avant ça, on avait les
personnes plus âgées en haut et les jeunes en bas.
Je ne sais pas, moi, je voudrais connaître un peu votre opinion
là-dessus parce que vous soulignez sur la première page, dans le
dernier paragraphe, que toute modification au système irait à
rencontre... bon, que ça ne serait pas toléré par vos
membres. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): Mme Bérubé. (17
heures)
Mme Bérubé: Évidemment, c'est un gros
dilemme, cette tarte-là, comment est-ce que c'est qu'on la divise? Et si
on prend pour acquis les grands principes que tout le monde a droit à
des services de santé gratuits, il faut prendre l'argent quelque part.
Cet argent-là, il vient, pour la plupart, des impôts. C'est
difficile de demander d'augmenter les impôts. Comment est-ce qu'on fait
pour que chacun ait sa part et qu'il n'y en ait pas qui soient plus
enterrés par des besoins que d'autres? Évidemment, si on pense
aux 2 $ ou si on pense à des futures tarifications, ça va amener
une certaine bureaucratie, ça. Ça va amener des coûts
aussi. J'imagine qu'on prévoit ça dans le budget. Alors, je ne
sais pas si on a fait la comparaison entre ce que ça coûterait,
cette nouvelle bureaucratie, pour s'occuper de toute cette paperasse, et puis
si on permettait que l'accès aux soins et services soit gratuit.
Comme on le dit plus tard, en donnant plus d'information aux gens, en
les avertissant: Quand vous allez voir un médecin, regardez ce que
ça coûte. Quand vous demandez une intervention chirurgicale,
ça coûte tant. Il me semble que les gens pourraient être
mieux avertis, mieux informés, et ils pourraient comprendre que la
pointe de tarte, là, elle diminue tout le temps et qu'il faut que les
gens aussi prennent une part de responsabilité.
À part de ça, comment faire de l'argent? Il n'y a pas de
recette, on ne peut pas en imprimer, de l'argent, surtout à ce temps-ci.
On est vraiment pris, c'est vrai, on est pris dans un dilemme actuellement.
D'un côté, il y a tous ces principes qu'on veut honorer, et, de
l'autre côté, il y a des imprévisibles et il y a des
urgences à combler. Je n'envie par votre sort, vous avez à
décider.
Quand, dans notre famille, on a un budget à équilibrer,
bien il y a des sacrifices à faire; on coupe ici et on coupe là.
On travaille de plus longues heures ou on fait durer des choses plus longtemps,
on étire la soupe. Il faut se comporter à peu près dans le
même genre, même si on est au gouvernement, mais il faut encore que
les enfants continuent, dans la famille, à être habillés et
à bien manger.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, vous aviez
quelques commentaires?
M. Savoie: Oui, simplement pour remercier l'Association des
retraités d'avoir pris le temps de se présenter ici et de nous
faire part de leurs réflexions, finalement, quant à la situation
financière générale et les interventions et les
orientations que pourrait prendre le gouvernement.
Je dois souligner à M. Côté et à Mme
Bérubé également, et surtout à Mme
Bérubé, je pense, qu'il n'y a pas d'index accusateur de la part
du gouvernement. Il faudrait que ce soit très clair. On sent
évidemment, on comprend un
peu peut-être la perception, on peut constater que d'une certaine
façon on peut avoir l'impression, de temps à autre, qu'il peut y
avoir un index, mais je peux vous assurer qu'il n'y en a pas. C'est tout
à fait le contraire. Je pense que le gouvernement cherche toujours
à s'assurer que les gens qui ont créé le Québec
contemporain, qui ont participé à l'élaboration de ses
programmes et a sa structure reçoivent tout ce que le gouvernement est
capable de leur offrir, et ça avec, je vous l'assure, bon coeur.
Ceci étant dit, vous nous présentez une vision où
on dit: II faut chercher quelque chose, mais il faut éviter toute
tarification. C'est ce que vous nous avez présenté. Vous
comprendrez que c'est difficile de prendre cette orientation-là. Je vais
vous donner un exemple qui relève du ministère du Revenu,
où on a introduit, par exemple, une tarification au niveau des
oppositions. Vous savez que quelqu'un qui reçoit une cotisation peut
s'opposer. Lorsqu'on va en opposition, évidemment, lors de la
réception d'un état de compte, c'est une procédure qui est
un peu plus lourde, un peu plus articulée: ça implique des
professionnels, ça implique des accusés de réception, des
dossiers autrement plus complexes et des professionnels autrement plus
développés que dans le restant de la machine, puisqu'il s'agit
d'opposition.
Nous avons une croissance considérable au niveau des oppositions
depuis quelques années. Avec l'introduction d'un ticket
modérateur de 20 $ et un élargissement de la plage au niveau du
délai d'opposition, par ces deux éléments combinés,
nous avons réduit de moitié l'opposition au ministère du
Revenu; de moitié, ça a chuté de moitié! Nous
attendons encore quelques mois pour être sûrs que
l'évaluation est exacte, mais je peux vous dire qu'au moment où
on se parle - ça fait déjà plusieurs mois, on parle
déjà de sept ou huit mois - c'est de moitié que ça
a baissé. Et les 20 $, évidemment, que vous gagniez en tout ou en
partie, on vous rembourse les 20 $. Simplement d'introduire ces 20 $,
simplement d'élargir également la plage de temps qui permet le
délai pour introduire une opposition, l'impact a été
immédiat. On le constate dans d'autres secteurs, que là aussi
l'introduction d'une tarification, même sommaire, symbolique, a un impact
de réduction sur quelque chose qui, auparavant, dans l'impression du
public est gratuit.
Donc, on peut largement s'en servir. Et l'impact de la réduction
est considérable, ça nous permet de continuer à offrir les
services que vous, finalement, vous voulez recevoir de l'État parce que
vous avez été là dans les années soixante,
soixante-dix, lorsque ces programmes-là ont été
créés. Vous avez voté, vous avez travaillé pour
réaliser ces programmes-là, ce qui fait finalement du
Québec, au niveau de l'ensemble des pays occidentaux, certainement un
havre.
Alors, vous comprendrez qu'il est difficile pour nous, malgré le
fait qu'on peut comprendre qu'effectivement, une tarification, ça peut
affecter en quelque sorte la masse monétaire dont vous disposez pour
traverser une année. Vous comprendrez aussi que pour l'État,
lorsque nos services dépassent largement, maintenant, la capacité
de payer de l'État, cela présente une avenue qui est certainement
intéressante. Ça représente une orientation qui nous fait
sourire un peu puisque, finalement, on continue d'offrir le service, mais les
abus, là où il y a exagération, ça tombe, et on est
capable, à travers tout cela, de maintenir un niveau de services des
plus acceptables et de maintenir au moins le principe de l'accessibilité
pour l'ensemble de la population.
Le gouvernement fait des efforts considérables. Je regardais tout
simplement pour nos aînés, par exemple, au niveau du rapport
d'impôt, les exemptions. En plus, évidemment, des exemptions de
base, il existe des exemptions en raison... de base, 2200 $ par citoyen et
citoyenne, qui nous coûtent 250 000 000 $. Il y a des exemptions, par
exemple, sur le revenu de retraite, des choses qui nous coûtent
très cher: 50 000 000 $, 75 000 000 $. Il y a une volonté, je
pense, de vous offrir le plus possible et de l'offrir à l'ensemble de la
population en même temps. Donc, lorsqu'on arrive avec, finalement,
l'annulation de toute tarification, vous comprendrez qu'on a un peu de la
difficulté à saisir. On se demande si on comprend comme il se
doit l'orientation qu'on veut se donner.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Votre
temps est malheureusement terminé.
Est-ce que vous avez des commentaires brièvement? Ça va?
Oui, Mme Bérubé.
Mme Bérubé: Pour poursuivre ce que vous avez
avancé, les tarifications nous font peur parce qu'il va y avoir des
formulaires à remplir, et les gens âgés n'aiment pas
remplir des formulaires. Regardez, rien que la TPS, il y a des gens qui ne
reçoivent pas de retour de TPS parce qu'il faut qu'ils remplissent un
formulaire d'impôt. Alors, si on arrive avec plusieurs sortes de
tarifications pour des gens âgés, ça va être une
charge supplémentaire d'avoir à les remplir et d'aller les
chercher.
L'autre partie odieuse aussi, c'est que les tarifications sont toujours
utilisées...
Une voix: Pour punir.
Mme Bérubé: Oui, comme punition parce qu'on est
malade ou qu'on est mal pris. Ce n'est jamais les gens bien portants,
habituellement, qui vont être victimes de tarification; ça va
être les faibles, les fragiles. Alors, c'est contre ça qu'on
voudrait se battre.
Le Président (m. lemieux): nous vous remercions de votre
participation à cette commission parlementaire. j'inviterais la
fédération québécoise antipauvreté et
mobilisation québécoise contre la misère à bien
vouloir prendre place à la table des témoins. nous allons
suspendre deux minutes, mais pas plus que deux minutes. merci.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprisée 17 h 12)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons débuter nos travaux dans 10 secondes. La
commission du budget et de l'administration reprend donc ses travaux sur les
finances publiques.
Nous allons maintenant entendre la Fédération
québécoise anti-pauvreté et Mobilisation
québécoise contre la misère. Alors, je vous souhaite
bienvenue à cette commission parlementaire. J'aimerais vous indiquer que
vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire; suivra
un échange entre les parlementaires d'une durée maximale de 40
minutes: 20 minutes pour les ministériels et 20 minutes pour le groupe
de l'Opposition.
Alors, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier
et, par la suite, nous présenter votre mémoire, s'il vous
plaît.
Fédération québécoise
anti-pauvreté et Mobilisation québécoise contre la
misère
M. Le Clerc (Roger): Oui. Bonjour, je suis Roger Le Clerc, de
Mobilisation québécoise contre la misère. Je vous
présente, à ma gauche, Robert Tremblay, de la
Fédération québécoise anti-pauvreté. Aux
commentaires que M. Tremblay vous fera, vous comprendrez pourquoi il est
à ma gauche.
Je dois d'abord commencer en déplorant d'avoir été
invité dans une période où les ministres qui nous
invitaient étaient absents. Je trouve un peu déplorable que pour
d'autres raisons, pour d'autres activités parlementaires qui sont
sûrement justifiables, les personnes qui nous invitent ne soient pas
présentes au moment où on y est, et ceci a comme
conséquence de faire en sorte que les médias, qui sont à
l'affût, semble-t-il, d'idées nouvelles, ne seront pas
présents lors de notre présentation, ou très peu, alors
qu'ils étaient amplement présents quand les centrales syndicales
ou d'autres intervenants déjà multicouverts par les
médias, et qui apportent comme réflexion...
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais peut-être vous
souligner que c'est la commission parlementaire qui vous a invités, et
que le groupe qui forme à la fois l'Opposition officielle et le groupe
ministériel est ici présent. Je peux vous assurer d'une chose,
que vous aurez toute l'attention nécessaire, et vos suggestions seront
prises en considération tout autant que n'importe quel autre intervenant
qui est passé devant cette commission.
M. Le Clerc: Je n'en doute pas, j'aurais apprécié
que les ministres soient présents.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, on prend
bonne note de votre commentaire.
M. Le Clerc: Je voudrais aussi rassurer le député
qui est inquiet pour sa retraite. Il pourrait simplement venir vivre dans le
quartier Hochelaga-Maisonneuve, notre espérance de vie est de sept ans
plus courte comparativement à Outremont; donc, on angoisse moins sur
notre retraite.
Le document que nous vous déposons aujourd'hui n'est pas neuf.
C'est un document qui circule depuis quelques années et qui est, en
fait, une étude de faisabilité sur différentes
études qui ont été faites, qui a d'abord été
publiée, «Blueprints for Basic Tax Reform», aux
États-Unis, suite à une étude gouvernementale, en 1977. La
même étude a été faite et produite, le «Meade
Report», en 1978, au Royaume-Uni, et en 1985 par la commission Macdonald,
une commission royale d'enquête canadienne, qui arrivait à des
conclusions que nous vous présentons aujourd'hui et que nous avons
tenté de quantifier.
Nous aurions pu, comme groupe représentant les gens
démunis, aujourd'hui, vous parler des irritants, parce que les centrales
syndicales, le Conseil du patronat, les entreprises viennent vous parler des
irritants qu'ils éprouvent dans notre société versus la
fiscalité. Nous aurions pu choisir de vous parler des irritants que les
pauvres vivent aussi. Nous avons choisi de ne pas le faire et de plutôt
essayer de vous présenter, encore une fois, une hypothèse de
conception de la société qui pourrait faire en sorte que nous
relancerions l'économie.
M. Claude Béland, qui est président du Mouvement
Oesjardins, dans un petit texte qu'il publiait dernièrement, faisait
plusieurs constats. Le premier constat qu'il faisait, il disait: Les
changements qui ont cours présentement dans l'économie mondiale
n'ont rien de superficiels. L'économie subit au contraire une
transformation de fond, et nous pensons que les nouvelles mesures fiscales qui
devraient être adoptées devraient tenir compte de cette
modification profonde de notre structure de l'employabilité et de
l'emploi et de la richesse collective. La question, pour nous, n'est plus de
savoir si nous créerons des emplois, la question est beaucoup plus de
savoir ce que nous ferons des personnes qui n'auront pas d'emploi.
L'industrialisation que nous connaissons... Le document que vous avez
entre les mains a été produit par moi sur un ordinateur, dans un
après-midi, imprimé par un imprimeur en exactement 18 minutes. Il
y a 10 ans, j'aurais eu deux secrétaires, j'aurais travaillé une
semaine à le rédiger à la main, j'aurais eu deux
secrétaires qui l'auraient tapé, nous l'aurions corrigé et
un imprimeur aurait sans doute passé une journée à le
publier.
Le marché de l'emploi dans lequel nous allons ne créera
pas d'emplois autres que des emplois de services. Il est donc faux de
prétendre, comme tous les gouvernements le font à l'heure
actuelle, que le soutien aux entreprises va créer de l'emploi. C'est non
seulement faux, mais c'est à la limite presque malhonnête. Nous
vivons une crise structurelle qui nous confronte à la situation selon
laquelle une partie de notre population ne sera plus nécessaire pour
produire des biens collectifs; une partie de notre population ne sera plus
nécessaire pour produire la richesse collective. Et ceci est tellement
vrai que, depuis les années quatre-vingt où nous avons
vécu deux crises, le produit intérieur brut, la richesse
collective québécoise a augmenté d'année en
année, alors que le taux de chômage s'est multiplié. Cela
signifie donc que nous avons continué à créer la
même richesse; nous l'avons même augmentée collectivement
avec de moins en moins de monde.
Donc, le constat de M. Béland était très vrai:
l'économie mondiale subit des changements profonds, et nous pensons que
la fiscalité doit subir les mêmes changements. M. Béland
faisait un autre constat. Il disait: II m'apparaît donc tout à
fait illusoire de penser que des entreprises peuvent s'attaquer aux
marchés mondiaux quand elles n'ont pas d'abord l'appui de leurs
marchés local et régional. C'est un constat qui nous
apparaît à nous, après réflexion, tellement simple
qu'on se demande comment plusieurs ne l'ont pas fait auparavant. À
l'heure actuelle, 20 % de la population québécoise vit sous le
seuil de la pauvreté. On s'apprête... Vous vous apprêtez
à en réduire d'autres portions, d'autres parties. Les discussions
que vous avez portent sur: qui choisirons-nous et comment le ferons-nous? Et on
présente ces discussions sur la fiscalité comme étant des
mesures qui doivent relancer l'économie. À ce que je sache, le
seul moyen de relancer l'économie, c'est que les consommateurs aient de
l'argent pour consommer. Le problème de la compagnie Hyundai, à
Bro-mont, n'est pas sa capacité de production, c'est la capacité
des acheteurs de se procurer une automobile Hyundai. (17 h 20)
Je ne voudrais en rien nier l'importance de la concurrence
internationale, l'importance de la compétitivité, l'importance de
scolariser la population du Québec pour faire en sorte qu'elle devienne
une main-d'oeuvre qualifiée et com- pétente; tout ceci est gage
d'entreprises qui pourront être concurrentielles, mais l'économie
ne sera relancée qu'à la seule condition que les consommateurs
aient de l'argent pour dépenser. C'est tout notre système
économique qui est basé sur ma capacité d'acheter. Et on
vit dans une société qui, depuis 20 ans, élimine de
façon structurelle une partie de plus en plus importante de sa
population en lui retirant un gain minimal, la dernière en date
étant la coupure de 3 % à l'assurance-chômage. Quand est-ce
qu'on va comprendre que de retirer ne serait-ce que 3 % du revenu d'une
personne qui vit déjà au seuil de la pauvreté, on est loin
de relancer l'économie, on encourage plutôt la
récession.
Le projet que nous vous présentons est basé sur deux
choses. D'abord, la disparition du système d'impôt et de toutes
les évasions fiscales, quelles qu'elles soient, et la disparition
également de toutes les mesures sociales, bien-être social,
assurance-chômage, tous ces irritants qui créent tellement de
remous quand un individu sur le bien-être social ose aller consommer une
bière, comme si ça n'était permis qu'à ceux qui ont
la dignité de travailler.
On vous propose donc de faire disparaître le financement de
l'État par le système actuel qui est celui de l'imposition qui,
par des évasions fiscales, permet à des comptables plus
futés ou à des fiscalistes de trouver le meilleur moyen, lequel
des abris fiscaux permettra de sauver le plus d'argent parmi les 600. Donc, on
abolit tout ça et on le remplace pour financer l'État, parce
qu'il faut le financer, par une taxe à la consommation.
Dans le document que nous vous présentons, nous avons fait une
étude de faisabilité. Nous ne sommes pas des économistes,
nous n'avons pas eu accès au budget du gouvernement dans sa
totalité, nous avons fouillé ce que nous avons pu. Nous
évaluons le besoin d'une taxe à la consommation
générale, sans aucune exemption - eh oui, on va taxer la pinte de
lait, on va taxer le pain - nous l'évaluons à 10 %. Mme Diane
Bellemarre, dans un texte qu'elle publiait dernièrement, disait: Ce
serait scandaleux, il faudrait qu'elle soit de 25 %. Oui, supposons qu'elle
serait de 25 %. N'oublions pas que nous avons fait disparaître
l'impôt sur le revenu. C'est donc un gain net. Même une taxe
à la consommation de 25 %, c'est donc un gain net d'environ 10 %
à 20 % selon la «bracket» d'impôt où nous nous
situons, permettez-moi l'expression.
Donc, quand on vient me dire qu'une taxe à la consommation serait
faramineuse au niveau du montant, je rétorque: Elle ne serait pas pire
que le taux d'imposition que nous avons. Et je pense que les citoyens et
citoyennes québécois, on est assez matures pour savoir que c'est
nous, en bout de ligne, qui, de toute façon, allons financer le
gouvernement. Qu'il vienne le chercher dans ma poche de droite, de gauche,
d'arrière ou sans que je m'en rende compte, de toute façon,
vous existez parce que nous payons, et il n'y aura rien de neuf demain
matin. alors, quand mme bellemarre dit que ce serait terrible 25 %, nous
disons: oui. et puis? 25 %, c'est mieux que 40 % d'impôt plus 15,56 % sur
certains produits à la consommation. mme bellemarre utilise aussi
l'argument: mais ce serait inéquitable. 25 % d'un revenu de 10 000 $,
c'est très peu, mais c'est tellement essentiel que ce serait
inéquitable comparativement à celui qui aurait 100 000 $. oui.
bien sûr. mais l'inéquité, c'est 20 % d'individus qui
vivent sous le seuil de la pauvreté. le constat qu'on voit aujourd'hui
de la part des gouvernements, c'est: oui, il y a un taux de chômage de 14
%, oui, ça va rester à 14 %, même si on nous annonce une
reprise économique. dans les années 1984 à 1988, il y a
eu, semble-t-il, une reprise économique. je ne sais pas où elle a
été vécue; pas dans le quartier hochelaga-maisonneuve. le
taux de chômage a doublé pendant cette période-là,
le taux de pauvreté a augmenté.
Les coûts sociaux, dont je m'étais bien promis de ne pas
parler, les coûts sociaux de telles pathologies sociales sont faramineux.
On n'a pas les moyens de donner un revenu décent à une femme,
chef de famille monoparentale, mais on aura les moyens de la mettre en prison
si elle fraude, et là elle nous coûtera 65 000 $. Ce n'est pas
vrai qu'il n'y a pas d'argent; ce qui est vrai, c'est qu'on l'utilise mal.
Concurrentiellement à cette mesure qui propose l'abolition de
l'impôt sur le revenu, nous vous proposons - et c'est peut-être
là l'originalité de notre proposition - l'établissement
d'un revenu adéquat garanti universel et indexé qui donnerait
à tout citoyen et citoyenne du Québec, de sa naissance à
sa mort, quel que soit son revenu, quelle que soit sa situation familiale,
quelle que soit sa situation d'emploi, qui lui assurerait, comme citoyen et
citoyenne du Québec, un minimum en bas duquel il ne descendrait pas; un
minimum qui lui serait donné dans la dignité et sur lequel il
pourrait élaborer des plans de vie; un minimum qui permettrait à
l'étudiant de compléter des études sans être
endetté, ce qui lui permettrait de voir la vie d'une façon
différente; un minimum qui permettrait à nos assistés
sociaux, à qui on reproche tellement la paresse, de gagner aussi de
l'argent dans la dignité.
Les montants que nous proposons sont vraiment un minimum pour
préserver un certain incitatif au travail. Mais pour travailler avec des
gens démunis, nous avons réalisé depuis longtemps que,
oui, parmi les gens démunis, il y a des gens qui sont paresseux. Oui,
parmi les gens démunis, il y a des gens qui sont malhonnêtes: 10
%. Combien d'avocats sont malhonnêtes et incompétents? Combien de
médecins? Combien de policiers? Combien de députés?
Combien de n'importe qui?
La pauvreté ne vient pas automatiquement avec la paresse, et elle
vient de moins en moins avec la paresse. Je travaille dans un milieu, à
Montréal, auprès des itinérants. On voit arriver, à
nos soupes populaires, des individus qui ont un bac, d'autres qui ont des
maîtrises. Je peux dire: Oui, bien sûr, il est paresseux. S'il
était bon, s'il était compétent... Bien sûr. Mais il
reste que 20 % des gens vivent sous le seuil de la pauvreté. Ce n'est
pas en diminuant les fonds de pension des députés qu'on va
régler le problème, ce n'est pas en coupant les salaires, la
masse salariale qu'on va régler le problème; c'est en acceptant
qu'il faut revoir notre système de fiscalité, et le revoir non
pas en essayant de faire payer les riches. Est-ce qu'il en reste encore?
À la limite, je vous dirais: Je ne connais pas de personne pauvre qui ne
rêve pas d'être riche. D'ailleurs, on achète tous des
billets de loterie.
La pauvreté n'est pas une calamité, ce n'est pas
héréditaire, mais ce qu'on réalise, c'est que ça se
transmet. Ça se transmet beaucoup. À partir du moment où
un pauvre a de l'argent, il n'est plus pauvre. Il est peut-être encore
paresseux, il est peut-être encore malhonnête, s'il l'était,
mais il n'est plus pauvre. Tout notre système est basé sur notre
capacité d'acheter et, jusqu'à maintenant, depuis 15 ans, tous
les gouvernements à travers le monde ont réduit la
capacité de chacun de leurs citoyens, et on s'étonne qu'il y ait
une récession. C'est assez surprenant que vous soyez surpris.
Quand on dit qu'on doit mieux gérer les finances de
l'État, nous vous disons: Oui, bien sûr. Le scandale de Tioxide,
qui a reçu 18 000 000 $ sans intérêt, en subvention, pour
ouvrir une entreprise et qui nous annonce qu'elle n'ouvrira pas son entreprise,
c'est un scandale! Ces 18 000 000 $ valent bien une centaine d'assistés
sociaux qui auraient fraudé un chèque de 400 $ par mois, au
moins. Qu'il faille mieux gérer, oui, bien sûr. Qu'il faille que
l'appareil de l'État se resserre, qu'il devienne efficient, selon le
nouveau vocabulaire, bien sûr. Nous sommes prêts à vous
aider. Nous pouvons participer à n'importe quelle équipe de
travail qui aurait comme responsabilité de revoir le fonctionnement d'un
«bureau de la sécurité du revenu» pour essayer de
vous expliquer comment, peut-être, il pourrait être plus efficace
avec la masse d'employés et de salaire qu'il a. (17 h 30)
Nous sommes très ouverts à la discussion, mais cessons
d'essayer de trouver qui sont les moins pauvres, chez qui on peut maintenant
couper. Ayons le courage, tous ensemble, de réfléchir à
comment nous pourrions augmenter les revenus de l'État de façon
plus équitable, de façon plus simple.
La TPS est sans doute la façon la plus stupide qu'une TPS pouvait
être appliquée. C'est celle qu'on a choisie au Canada. La taxe que
nous proposons est applicable à tout produit,
sans aucune exception, nécessite très peu de
main-d'oeuvre, très peu de main-d'oeuvre au niveau de la perception.
C'est simple, facile, de même que la distribution de l'argent. À
partir du moment où les gouvernements, quels qu'ils soient, pour quelque
mesure que ce soit, ont essayé de combattre l'universalité
à cause du grand principe que certaines personnes allaient en recevoir,
qu'elles n'en avaient pas besoin, et qu'ils ont mis sur pied des mesures de
contrôle, c'est à ce moment-là que les mesures ont
coûté cher.
Que Pierre Elliot Trudeau reçoive l'allocation familiale,
ça ne me fait aucun... je n'ai aucune difficulté de principe
là-dessus, mais la nouvelle façon que le gouvernement canadien a
maintenant de distribuer ses allocations familiales va coûter au moins 30
% de la masse totale en administration. Alors, si on veut parler de meilleure
gestion, nous pensons qu'il faut se diriger dans ce sens-là.
L'universalité n'est pas gage de gaspillage. Elle est, au contraire,
gage d'utilisation efficace de l'argent qui est distribué.
On est prêt à recevoir vos questions.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre, est-ce
que vous avez des questions?
M. Savoie: Oui, merci beaucoup, M. le Président.
Nous avons, je pense, tous et chacun, grandement apprécié
votre intervention. Il y a des éléments, évidemment, qui
ont fait l'objet d'interventions au cours des deux derniers jours, et il y a du
nouveau. Il y a une approche, en quelque sorte, qui est intéressante. Je
voudrais apporter quelques corrections, tout d'abord, si vous me le permettez,
très rapidement.
L'objet de cette commission n'est pas, finalement, de voir comment on
peut faire pour relancer l'économie. Ce n'est pas ce que nous visons
à ce moment-ci. Ce que nous visons surtout, c'est comment on peut
continuer à rendre au public les services auxquels ce public s'attend.
C'est ça, la démarche. La démarche, c'est que, finalement,
nous avons dépensé, et nous dépensons...
M. Le Clerc: Vous voulez me dire que vous ne voulez pas relancer
l'économie. Ce n'est pas ça que je dois comprendre.
M. Savoie: C'est-à-dire que le but, ici, n'est pas de
relancer l'économie. Le but, ici, c'est de trouver des mécanismes
pour vivre selon nos moyens, ce qui va avoir un impact positif, bien sûr,
sur l'économie québécoise. Ce que nous cherchons à
faire surtout, c'est de rendre aux citoyens et citoyennes les services auxquels
ils tiennent. Évidemment, ça change un peu le focus, en disant:
Bon, bien, les services que nous avons nous coûtent très cher, les
revenus sont à la baisse, et il faut donc s'ajuster. Le service de la
dette se développe d'une façon considérable.
Il y a peut-être une autre petite considération avant de
poser quelques questions. C'est qu'il faut bien comprendre qu'une taxe à
la consommation, oui, c'est simple. Vous avez raison, et ça
présente énormément d'avantages pour l'ensemble de la
population, et je veux bien. Mais on peut vous démontrer, d'une
façon très claire, qu'avec ce système, l'impact au niveau
des gens à faibles revenus est insupportable pour ce groupe,
insupportable.
L'impact direct et immédiat pour leur situation fera en sorte que
l'appauvrissement serait énorme et que, finalement, la structure de
l'impôt sur le revenu vise à équilibrer cette situation. On
parle souvent de familles monoparentales - une femme, par exemple, avec deux
enfants. Cette femme avec deux enfants, qui peut gagner un revenu de son
travail, de sources diverses, ne paiera pas d'impôt. Elle ne paiera pas
d'impôt, on dit, tant qu'elle n'aura pas gagné 22 000 $, 22 500 $,
23 000 $. Une famille avec deux adultes et deux enfants, c'est 26 000 $. Il y a
là une intervention de l'État, justement, pour chercher à
alléger cette situation difficile que peut connaître cette famille
monoparentale ou cette famille traditionnelle.
Donc, la structure de l'impôt est justement là pour
alléger... Et si on arrive et qu'on dit: «Bon, bien, c'est fini,
l'impôt, et on n'a qu'une taxe à la consommation», les gens
qui gagnent un salaire et qui n'ont pas ce mécanisme, justement, pour
alléger, leur permettre... vont subir des conséquences.
M. Le Clerc: Est-ce que je peux répondre tout de
suite?
M. Savoie: Oui, oui. J'arrive à ma question, par
exemple.
M. Le Clerc: J'aimerais répondre à votre
intervention avant que vous n'ayez une question, parce que je trouve que c'est
déjà une question.
Quand vous dites: Vivre selon nos moyens. Moi, je veux bien. Je vous
propose une façon de vivre selon nos moyens, sauf que la
différence, c'est que vous dites que nous n'avons plus les moyens. Moi,
je dis: C'est faux, nous avons les moyens. Nous avons les moyens d'endurer, de
voir des gens se détériorer, devenir malades parce qu'on les a
exclus du marché du travail. On a les moyens, à ce
moment-là, de payer les frais d'hôpitaux, d'hospitalisation, de
médication, etc. C'est assez phénoménal que, dans une
société québécoise, canadienne... Le 125e, Canada
125 n'a pas arrêté de nous dire qu'on était le meilleur, le
premier pays au monde. Le taux de maladie chez nos gens, la consommation de
médicaments est assez inquiétante.
Alors, quand on dit: Vivre selon nos moyens, moi, je vous dis: Quand
vous excluez un individu du marché du travail, vous le condamnez
non seulement à la pauvreté, à la perte d'image de
lui, à la dépression, l'alcoolisme, la violence, etc. - et je
m'étais promis qu'on ne ferait pas de long discours là-dessus -
mais les pathologies sociales conséquentes à une augmentation
d'un taux de chômage de 1 % sont de 17 000 000 000 $. C'est une
étude qui a été faite aux États-Unis. Alors, quand
vous me dites qu'il faut vivre selon nos moyens, moi, je vous dis: Oui,
monsieur, mais on ne calcule pas de la même façon!
Quand vous me dites aussi que la taxe à la consommation a des
effets directs très néfastes pour les pauvres, je vous dis: Bien
sûr, ne venez pas me mettre, demain matin, sur un revenu de 200 $ brut
par semaine, une taxe de 25 % en me disant: Voici, tu vas payer 25 %. C'est
pour ça que le RAGUI comprend un revenu adéquat, garanti,
universel et indexé pour chaque individu. Et selon nos calculs, si on
instaurait le RAGUI demain matin, ça double - double - le revenu de tout
individu au Québec. C'est l'injection de 50 000 000 000 $ par
année directement dans les poches des individus qui n'en n'ont pas.
Imaginez! Pouvez-vous imaginer l'injection de 50 000 000 000 $, combien
de frigidaires on va vendre cette semaine-là? Combien de chemises on va
vendre cette semaine-là? Pouvez-vous imaginer l'impact sur l'emploi?
Avez-vous une idée? C'est quatre Baie James par année. Le seul
problème, c'est comment allons-nous le financer? Et selon nos calculs...
Et si vous me dites que mes calculs sont faux, mais ça fait cinq ans
qu'on se promène avec nos calculs et il n'y a jamais un
économiste où qu'il soit qui nous a dit qu'ils étaient
faux. Ils nous ont tous dit: Oui, c'est vrai, mais... J'attends les mais. Si
vous nous dites que 10 % ce n'est pas suffisant, je vous dis: Parfait!
Assoyons-nous... Vous êtes ministre du Revenu, assoyons-nous ensemble et
faisons les calculs. Elle doit être quoi, la taxe, 18 %, 25 %? Selon nos
calculs, elle peut être de 22 %. Et, à 22 %, il y aurait environ
10 % de la population actuelle qui connaîtrait une diminution de son
revenu net. Alors, ne venez pas me dire qu'une taxe à la
consommation...
Bien sûr, comme ça nous a été
recommandé en début d'après-midi, une taxe à la
consommation pure, point final, sans l'ajout d'un revenu adéquat garanti
pour les individus, bien sûr que ça, c'est dramatique et que
l'effet recherché de stimuler l'économie et de vivre selon nos
moyens en redonnant aux gens la dignité et la capacité de devenir
des créateurs, ce n'est... Le peuple québécois qui a
défriché l'Abitibi n'est pas devenu un peuple de paresseux 25 ans
plus tard. Ce n'est pas vrai. Nous voulons travailler, monsieur, mais il n'y en
a pas d'emploi et ce n'est pas vrai que les mesures gouvernementales qui sont
prises, quels que soient les gouvernements, vont être
génératrices d'emplois. C'est faux! Les investissements
industriels qui se font à l'heure actuelle sont
générateurs de chômage.
Et c'est parfait comme ça. Je ne suis pas venu au monde pour
travailler, je suis venu au monde pour vivre. Le seul problème, c'est:
Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui ne travaillent pas et qui ne sont pas,
selon la définition qu'on a à l'heure actuelle, productifs? Et ce
que je vous dis quand vous me dites qu'il faut vivre selon nos moyens, je vous
dis: Oui, moi aussi, j'ai hâte qu'on vive selon nos moyens. J'ai
hâte que l'investissement qu'on a fait dans un jeune, qui a une
maîtrise en sociologie, qui est itinérant à
Montréal, et qui couche dans des dortoirs ou bien sous le pont
Jacques-Cartier, j'ai hâte qu'on arrête de gaspiller ça. Je
suis prêt pour votre question. (17 h 40)
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Savoie: On partage les mêmes préoccupations. Nous
sommes à la recherche de solutions, et ce que je faisais, c'est tout
simplement de souligner que la taxe à la consommation présente,
à première vue, des avantages, mais ça nous
préoccupe lorsqu'on pense, par exemple, à l'ensemble de la
population qui, finalement, est à faibles revenus. On se demande si,
effectivement, ils sont en mesure de continuer à offrir, par exemple aux
enfants, à eux-mêmes, ce qu'ils offrent actuellement. On pense
que, c'est le contraire. On pense que l'abolition de l'impôt sur le
revenu et l'introduction d'une taxe à la consommation pure et simple
aura un impact majeur.
Actuellement, la nature de votre intervention, l'incitation que vous
voulez créer, finalement, au niveau de l'économie, vise en
quelque sorte, rejoint les préoccupations que nous avons entendues au
début de l'après-midi sur le plein emploi. Je pense que ça
a fait l'objet de plusieurs interventions. Est-ce que, selon vous, le plein
emploi, tel que nous l'avons connu ailleurs je pense par exemple...
M. Le Clerc: En Suède, en Norvège.
M. Savoie: Oui, la Suède et la Norvège,
quoiqu'elles aient un taux de chômage, maintenant, qui nous
dépasse, là.
M. Le Clerc: Oui
M. Savoie: Est-ce que vous pensez que c'est une espèce de
panacée absolue qui va vous donner satisfaction, et mettre fin à
la pauvreté?
M. Le Clerc: Je vais vous raconter une petite histoire. Robert,
qui est à côté de moi, est un illuminé depuis 25
ans. Ça fait 25 ans qu'il prêche le revenu adéquat garanti;
moi, je suis tardif dans la... comment on dit ça changer de religion,
dans la...
M. Tremblay (Robert): Dans la conversion.
M. Le Clerc: C'est ça. J'étais un ardent
défenseur d'une politique de plein emploi. Entre 1980 et 1983, j'ai
parcouru le Québec entier à donner des conférences, et je
dois avouer que j'étais assez bon à donner des conférences
sur le plein emploi, parce que j'y croyais, et j'y crois toujours. Cependant,
c'est faux, c'est faux de dire qu'on va avoir des politiques de plein emploi en
soutenant la création d'emplois à l'intérieur
d'entreprises. Il n'y a qu'une seule façon d'arriver à une
politique de plein emploi, c'est de faire en sorte que la consommation soit
suffisante pour que nos industries aient à produire. Je vous rappelle
que le problème de Hyundai n'est pas sa capacité de production;
le problème de Hyundai, c'est ma capacité d'acheter une Hyundai.
Mais, moi, je suis prêt à acheter une Hyundai, demain matin.
Donnez-moi 20 000 $, et j'en achète une, je vous le jure. Je ne les ai
pas, les 20 000 $.
Alors, une politique de plein emploi, oui, mais comment allez-vous
créer des emplois? Comment peut-on créer des emplois? En faisant
la Baie James 2, 3 ou 4? Mais, c'est des emplois temporaires. Les emplois ne
seront créés qu'à partir du moment où les produits
créés, quels qu'ils soient, qu'ils soient des biens ou des
services, seront achetés. J'ai été propriétaire de
restaurant. Je l'ai fermé quand mes clients ne venaient plus acheter.
J'aurais dû ouvrir à Outremont, j'ai ouvert dans
Hochelaga-Maison-neuve. Mais le problème n'était pas ma
capacité de produire 500 repas par jour; le problème était
la capacité des clients de payer 5 $ pour un repas.
Tout notre système économique est basé sur ma
capacité d'acheter. Alors, va-t-on financer l'achat et non pas la
production? Va-t-on arrêter de subventionner Hyundai pour qu'ils viennent
établir une usine qui est sous-utilisée, à 20 %, 40 % ou
80 % de sa capacité, parce que les gens n'ont pas les moyens d'acheter?
Ça fait 10 ans, ça fait 15 ans qu'on fait ces erreurs-là.
Vous n'êtes pas tannés? Arrêtez, ce n'est pas le bon moyen.
Essayons-en un autre. Ça se peut que le nôtre ne soit pas le bon.
Y en a-t-il d'autres? Mais, arrêtons de penser de la même
façon. Ça ne marche pas!
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, ça
va?
M. Savoie: Merci, ça répond à mes questions,
et je trouve ça intéressant...
M. Le Clerc: Je suis disponible n'importe quand pour vous
conseiller.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Moi, j'ai une petite question,
aussi, effectivement. Je voudrais savoir si ça existe, un système
comme ça sur notre planète...
M. Audet: Je voudrais juste...
Le Président (m. lemieux): o.k. allez-y, m. le
député de beauce-nord. j'irai à une petite question
après pour passer la parole ensuite à m. le député
de bertrand.
M. Audet: C'est juste sur ce que vous venez de mentionner. Vous
avez cité à quelques reprises le cas de Hyundai. Il n'y a pas que
ça, je crois même si je pense que les Québécois
avaient tous les moyens d'en acheter une, est-ce qu'ils en achèteraient
une? On regarde, il y a beaucoup de voitures japonaises, des voitures
américaines, bon.
M. Le Clerc: Ça n'a pas d'importance. Ça n'a pas
d'importance, monsieur. De l'argent, ça sert à quoi? À
acheter. Il n'y a pas d'autre finalité à ça. Tout mon
système économique assez paradoxalement est basé sur ma
capacité d'acheter. Qu'il achète une Hyundai, oui, je donne
Hyundai parce qu'on l'a subventionnée tellement
généreusement qu'ils devraient nous en donner chacun une. Mais je
dis une Hyundai, ce sera Chrysler, «I do not care»; vous
achèterez n'importe quelle, vous ferez n'importe quoi. D'ailleurs, quand
je fais mes conférences sur le RAGUI, je fais faire le calcul aux gens
pour qu'ils réalisent que leurs revenus doublent. Le revenu net
hebdomadaire double pour toute ma vie, pas pour trois semaines.
Mais là, je fais l'exercice avec eux. Qu'est-ce que tu vas faire?
Hein? Tu gagnais 300 $, là, ta famille vient d'en gagner 600 $.
Qu'est-ce que tu vas faire? Là, je m'en vais en vacances, je ne fais
rien. Parfait. Deux mois, six mois de vacances, je te les donne. Pas de
problème. Puis, après, tu vas faire quoi? Là, je ne le
sais pas, je vais m'acheter un frigidaire. Parfait. On s'achète tous un
frigidaire. O.K., deux semaines. Dans deux semaines, le frigidaire est
payé. Il coûte 600 $, j'en ai 300 $ de plus par semaine. Pour
réaliser que c'est 50 000 000 000 $ dans l'économie. Vous
achèterez n'importe quoi, monsieur, avec votre revenu doublé,
ça ne me fait rien. Vous allez acheter un produit que quelqu'un va
produire et, pour le produire, il va avoir besoin de main-d'oeuvre. C'est
ça qu'on veut, non?
M. Audet: Ce ne sont pas tous des produits qui vont être
produits ici.
M. Le Clerc: Ça ne me dérange pas pan-toute, non
plus. Ça ne me dérange pas pantoute. Ils viendront du Japon,
«I do not care». Il y a quelqu'un qui va les manutentionner, il y a
quelqu'un qui va les véhiculer. Le Japon paiera des taxes dessus.
Ça, ça reviendra au gouvernement. Mais si je réalise que
tout le monde dans
mon quartier a les moyens de payer 5 $ pour venir dîner dans un
restaurant, qu'est-ce que vous pensez que je vais faire? Je vais
réouvrir mon restaurant. La libre circulation des biens et services, il
me semble qu'on est en plein dedans. Le libre choix de la concurrence, il me
semble qu'on est en plein dedans et, moi, j'achète ça à
100 %. Je suis très capitaliste.
Le Président (M. Lemieux): Une dernière, M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Juste pour conclure sur ce que vous dites. Je sais que
ça existe dans d'autres pays, on l'a mentionné tantôt.
Maintenant, il y a un vieux dicton qui dit: Pêche un poisson pour
quelqu'un, tu le nourris pour un repas; montre-lui à pêcher, tu le
nourris pour la vie. Ce matin, le Forum pour l'emploi, je crois que c'est M.
Larose, d'ailleurs, qui a soulevé le fait qu'au Québec,
présentement, notre système fait en sorte qu'on a un
système d'exclusion. Tu es chômeur, tu es assisté social,
bon. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'envisager quelque chose - je ne sais
pas si c'est une alternative, peut-être - d'envisager quelque chose qui
fait en sorte, par exemple, qu'un chômeur pourrait gagner un montant pour
qu'il ne puisse pas complètement délaisser le marché du
travail? Est-ce que c'est...
M. Le Clerc: Le problème, monsieur, ce n'est pas qu'un
chômeur ne gagne pas assez, ce n'est pas une job. C'est ça, le
problème fondamental. Et moi, j'achète votre idée que,
donne-moi pas un poisson, l'État-providence, je ne veux plus en entendre
parler. Je n'ai pas besoin de la Providence, je n'ai pas besoin d'une
mère; je suis un grand garçon, je suis capable de prendre soin de
moi. Mais j'ai besoin d'outils, O.K.? Ces outils pour gagner ma vie, c'est la
scolarisation. On a un très bon système d'éducation.
Parfait! C'est un système de santé qui va permettre de rester
fort et en santé, et capable de travailler, je pense qu'on l'a. N'allons
pas couper là-dedans, c'est un investissement à perte
phénoménal.
Je ne veux pas donner un poisson à quelqu'un, et lui dire: Je te
nourris, reviens demain, je vais t'en donner un autre. On lui donne au maximum
150 $ par semaine. Ce n'est pas assez pour vivre dignement, c'est assez pour
arriver. Ça nous donne une certaine sécurité. Qu'est-ce
qu'il va faire, le monde? Moi, je travaille avec des gens démunis. Je
n'en connais pas qui ne sont pas actifs. Ce n'est pas vrai que tu restes devant
ta télévision 40 heures par semaine à regarder «Les
Tannants». Hein? À un moment donné, tu te tannes des
«Tannants», tu fais autre chose.
Tu vas tricoter des pantoufles en phentex, tu vas gosser des couteaux.
Tu vas faire n'importe quoi. Pafait! Tricotes-en, des pantoufles en phentex et,
quand tu en auras donné à tous tes voisins, tes belles-soeurs,
tes beaux-frères, je vais te les acheter, tes maudites pantoufles, et tu
vas devenir une petite PME. C'est extraordinaire. Et plus tu vas en vendre, des
pantoufles en phentex, moins tu vas me coûter cher. C'est extraordinaire.
Je ne veux pas te donner un poisson, mais je veux te donner une bonne ligne
à pêche, par exemple.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Beauce-Nord?
M. Audet: Ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Écoutez, je veux vous
souligner, d'abord, dans un premier temps, que le président du Conseil
du trésor était effectivement au Conseil des ministres. Alors, il
avait des obligations ministérielles. Il est revenu parmi nous. (17 h
50)
J'avais envie de vous poser une petite question. Moi, je suis bien
conscient... Si je regarde ça... Mais j'essaie d'être plutôt
pragmatique, d'être assez pratique. Vous savez, pour qu'on puisse acheter
des choses... et pour acheter des choses, il faut de l'argent. On s'entend
là-dessus? Ma petite fille me disait récemment: L'argent... Je
lui disais: Ça ne sort pas des arbres. Elle me répond: Non,
ça sort des murs - parce que quand elle vient avec moi chez
Desjardins... Alors, vous voyez que les choses ont changé. Il faut bien
que ça sorte des murs, ça ne tombe plus des arbres. J'ai compris
que les choses peuvent changer. Mais tout ce que vous nous demandez, c'est
notre système de valeurs, complètement que vous voulez
transformer. Vous êtes bien conscient de ça?
M. Le Clerc: Bien sûr, et j'espère.
Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes bien
conscient que c'est une génération que vous...
M. Le Clerc: Bien sûr, et j'espère.
Le Président (M. Lemieux): Autre chose que je veux vous
demander: Ça existe-t-il quelque part sur notre planète?
M. Le Clerc: Non, monsieur. Si j'avais un tableau noir, je vous
ferais un show extraordinaire parce que je suis très bon avec le tableau
noir. L'invention de la roue... Avant qu'on invente la roue, il n'y en avait
pas, de roue, et ça allait mal. Les roues étaient carrées,
hein! Tout le monde disait: Ça va mal. Il y a une espèce
d'illuminé, à un moment donné, qui a inventé une
chose qui s'appelle la roue, et on a réalisé, maudit, que
ça va bien.
Non, ça n'existe nulle part, monsieur. Il n'y
a pas un État au monde qui applique le RAGUI. Est-ce une raison
pour ne pas l'inventer?
Le Président (M. Lemieux): Non, non. Écoutez, je ne
porte pas de jugement.
M. Le Clerc: Je ne suis pas le génie qui l'a
inventé.
Le Président (M. Lemieux): Non, non. Je suis bien
conscient que vous ne sortez pas de la...
M. Le Clerc: Mais vous pouvez me donner le prix Nobel.
Le Président (M. Lemieux): Je suis conscient que vous ne
sortez pas de la lampe d'Aladin.
M. Le Clerc: Non, effectivement.
Le Président (M. Lemieux): Ça, j'en suis bien
conscient, de ça. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que, dans
le système de valeurs dans lequel on vit, il faut de l'argent, il faut
des emplois...
M. Le Clerc: Oui.
Le Président (M. Lemieux): ...et ainsi de suite, et il
serait difficile pour nous d'en arriver à établir un tel
système sans ne pas conserver certaines valeurs qui sont encore
essentielles, à savoir celle du plein emploi.
M. Le Clerc: Bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Vous êtes bien conscient
aussi que ça n'enlèverait pas toute la pauvreté, que la
pauvreté serait toujours là.
M. Le Clerc: Bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Qu'on aurait encore des
coûts fixes.
M. Le Clerc: Bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Le Clerc: Bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): O.K.
M. Le Clerc: Mais il y a une différence entre la
pauvreté et la misère.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Le Clerc: Nous, ce qu'on vise, c'est de faire
disparaître la misère. 150 $ par semaine, ça, c'est la
pauvreté, et on se dit: C'est correct. T'en veux plus... C'est tout ce
que je te donne.
Je te tiens dans la pauvreté. Je te garantis que tu ne seras plus
dans la misère. Si tu en veux plus, fais des pantoufles en phentex. Pas
de problème!
Le Président (M. Lemieux): Puis il faut les vendre, nos
pantoufles en phentex.
M. Le Clerc: II y aura bien quelqu'un... J'ai de l'argent pour en
acheter, et de l'argent, ça sert rien qu'à ça. C'est
phénoménal de voir comment les pauvres, on dépense. Hein!
C'est bien connu que, quand on reçoit notre chèque de BS, la
dernière semaine, on n'a plus une cent parce qu'on l'a tout
dépensé.
Le Président (M. Lemieux): C'est évident.
Écoutez, je ne voudrais pas que vous pensiez que je veux ridiculiser
votre raisonnement...
M. Le Clerc: Non, non, non, non.
Le Président (M. Lemieux): ...mais je me souviens d'une
personne qui était créditiste à Ottawa, dans les
années 1962...
M. Le Clerc: Oui, bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): ...et qui disait: La politique
du plein emploi, il n'y a pas de problème. Pour creuser un trou, on va
prendre 30 hommes au lieu de prendre une pelle mécanique.
M. Le Clerc: Bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): On vient de régler le
problème du plein emploi.
M. Le Clerc: Non. Moi, je ne veux surtout pas. Moi, qu'un robot
visse des boulons après la machine Hyundai, je trouve ça
merveilleux. Je ne voudrais surtout pas être poigne pour les
visser...
Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!
M. Le Clerc: ...et je ne pense pas qu'il y ait un être
humain qui rêve d'être visseur de boulons d'Hyundai.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Le Clerc: O.K. Mais on rêve tous de la même chose,
on rêve d'avoir des moyens. Ce qu'on vous dit, c'est: Oui, c'est un
changement. C'est un changement de société, bien sûr.
Le Président (M. Lemieux): Vous en êtes
conscient.
M. Le Clerc: On n'appelle plus ça un projet de
société parce que ça fait peur au monde,
mais je suis bien conscient que vous le réalisez.
Le Président (M. Lemieux): Non, ça ne me fait pas
peur.
Alors, M. le président du Conseil du trésor, il reste une
minute et ^mie. Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Le Clerc: Oui. Je m'excuse d'avoir été long.
Le Président (M. Lemieux): Non, non, c'est très
intéressant.
M. Johnson: Merci, M. le Président. En m'excusant d'abord
auprès de nos interlocuteurs de n'avoir pu être des vôtres
une partie de l'après-midi. On ne peut pas être partout à
la fois, évidemment. Alors, il ne faut pas interpréter ça
comme un signe de manque d'intérêt, mais comme des conflits
inévitables d'horaire.
J'ai pris connaissance quand même de votre document, et j'aurais
un commentaire d'abord sur les notions de misère et de pauvreté.
Moi, je crois comprendre de votre définition, enfin de votre discours,
que la pauvreté, c'est une notion relative. On trace un seuil et on
découvre au Canada - je lisais ça récemment parce que je
m'intéresse à ces choses-là - que, lorsqu'on calcule le
nombre de pauvres, on y compte un étudiant de 18 ans ou 19 ans qui
habite chez ses parents, qui n'a pas de revenus, et qui va à
l'université. Il est pauvre, lui, dans nos... Il est loin d'être
pauvre dans les faits - on va se comprendre là-dessus - mais il n'a pas
de revenus. Il est chez ses parents, et il va au cégep ou à
l'université. On le dénombre dans les pauvres au Canada, peu
importe le niveau familial, le revenu. C'est un petit peu extraordinaire.
Deuxièmement, c'est une notion relative, là aussi, parce
que... Qu'est-ce que c'est, la pauvreté, dans notre pays par opposition
à un autre pays? Sous toutes réserves que ma mémoire ait
failli, 49 % des gens qui se disent pauvres, au Canada, ont au moins un
appareil couleurs, une voiture à la porte et deux appareils
ménagers à la maison. Alors, encore une fois, c'est une notion
assez relative.
La misère n'est pas une notion relative; la misère, c'est
que dans toute circonstance on court après les choses essentielles et
nécessaires à la vie, compte tenu des circonstances. Dans notre
climat, c'est un logement d'un certain standard, évidemment, c'est une
certaine diète, également, c'est l'accès à des
biens qui viennent donner un minimum de confort physique.
Ceci étant dit, il faut mettre les choses en perspective. Je
comprends que vous voulez vous attaquer à la misère, c'est ce que
je lis dans ce que je pourrais appeler votre résumé, d'ailleurs,
s'attaquer à la misère, pas nécessairement à toute
la pauvreté. La façon dont vous voulez le faire, cependant,
m'apparaît très logique dans un système économique
fermé, où on produirait au Québec tous les biens que nous
consommons au Québec. Donc, qu'on n'importait pas et qu'on n'exportait
pas non plus. Si, pour le financement, vous devez lever certains impôts,
les distribuer différemment, notamment sur les entreprises, vous
recommencez. C'est un discours qu'on a entendu, sous prétexte qu'une
entreprise n'a pas payé d'impôt cette année, même si
elle a fait des profits, il faut se souvenir que les règles fiscales
font en sorte que les pertes sont reportables parce que, autrement, on taxe le
profit l'année où c'est profitable, mais on ne remettrait pas de
crédit d'impôt l'année où tu fais des pertes. Donc,
au fil des ans, on taxe le capital de l'entreprise jusqu'à ce qu'il
disparaisse.
Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec cette notion-là,
parce qu'il y a des années qui sont bonnes et des années qui ne
sont pas bonnes. Disons qu'on oublie tout ça, ce problème
d'application très réel, la loi sur l'impôt, sur le revenu
des entreprises. Il n'en reste pas moins que vous voulez augmenter les
coûts de production de nos entreprises, mais vous ignorez par là
qu'on exporte maintenant à peu près 50 % de notre produit
intérieur brut. À peu près 50 %. et que, par ailleurs, on
doit, si on veut être davantage concurrentiel, tenir compte de ce
facteur-là, de l'ouverture des frontières, pour pouvoir maintenir
notre capacité d'acheter 40 % de production, où on s'alimente
à l'étranger.
Je dis bien: Dans les systèmes fermés, il n'y a pas de
problème avec ça, on s'échange notre temps, en
réalité. Mais dans un système ouvert, je ne vois pas
comment, si l'ensemble du monde industrialisé ne souscrit pas à
votre projet, comment il pourrait être applicable ici au
Québec.
M. Le Clerc: Je vais essayer de vous répondre et de vous
l'expliquer. D'abord, c'est vrai qu'on s'attaque à la misère et
non à la pauvreté. La misère, c'est, à vue de nez,
avoir la moitié du seuil de la pauvreté. Ça, ça
commence à être la misère, et il y a trois façons
d'évaluer le seuil de la pauvreté: les évêques
canadiens, Statistique Canada, peu importe lequel, ils ne s'obstinent pas
beaucoup entre eux. Pour nous, la misère, c'est la moitié de
ça. Je vous ferai remarquer que sur les 1 500 000 individus qui vivent
au Québec sous le seuil de la pauvreté, 60 % vivent avec moins de
la moitié du seuil de la pauvreté. Alors, pour moi, c'est
ça, la misère.
Ceci étant dit, vous avez tort de dire qu'on augmente les
coûts de production en chargeant aux entreprises 1 % de leur chiffre
d'affaires, parce que les études qu'on a faites - si mes chiffres ne
sont pas bons, je pourrais m'asseoir avec vous autres pour les refaire,
n'importe quand - démontrent que parce
qu'il y a plus d'assurance-chômage, parce qu'il y a plus de
bien-être social, parce qu'il y a plus de charges d'employeurs, ça
représente, net, une augmentation des profits pour chacune des
entreprises. On a fait des études, bien sûr, aléatoires sur
trois types d'entreprises: une très petite, une moyenne et une grosse.
Alors, ce n'est pas vrai que ça augmente les coûts de
production.
Par ailleurs, si mes employés recevaient chacun 150 $ par semaine
chez eux, que leur femme en recevait autant, et que leurs enfants en recevaient
50 $, 75 $, ou 100 $, selon leur âge, sans doute que les
négociations collectives seraient beaucoup plus faciles aussi, ce qui me
permettrait d'avoir une masse salariale sans doute plus raisonnable, et de
concurrencer parce que je deviendrais très productif, parce que la
consommation interne serait très élevée, ce qui me
permettrait sans doute de faire des chemises à relativement bon
marché, à bon coût, et d'en exporter... et ce serait le
miracle.
M. Johnson: Oui, effectivement. M. Le Clerc: Ce serait un
miracle.
M. Johnson: Oui, il faut croire au miracle. (18 heures)
M. Le Clerc: C'est-à-dire que je ne vous demande pas de
croire au miracle, M. le ministre, je vous demande simplement d'étudier
cette hypothèse sérieusement. Je vous offre mes services - je ne
peux pas être plus généreux que ça. Je ne vous vends
pas mon idée, je vous la donne et je la donne à n'importe quel
gouvernement. Je pense, j'ai la prétention de croire, et nous sommes
deux et quelques milliers de nos membres, nous pensons que nous avons
trouvé quelque chose de génial. Ça se peut qu'on se
trompe. Ça se peut fort bien. Mais ça fait quatre ans qu'on se
promène à travers le Québec, qu'on présente ce
dossier-là à toutes sortes de monde, des économistes, des
assistés sociaux, pas juste des pauvres. Bien sûr, quand je dis
à un pauvre: Tu vas devenir riche, il me croit, bien sûr, et il
m'achète. Ça, c'est facile. Mais on l'a présenté
à toutes sortes de monde. Il n'y a jamais personne qui nous a dit que
nos chiffres étaient faux. Peut-être qu'ils le sont. Dites-le-moi
que je ferme ma boîte et que je fasse autre chose. Si j'ai tort, ayez la
décence de me le dire, mais, s'il vous plaît, assoyons-nous
ensemble et faisons les calculs ensemble. La commission Macdonald est
arrivée à ces conclusions-là. Elle a coûté je
ne sais pas combien de millions. Ça se peut qu'ils se soient
trompés.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, allez-y. C'est
intéressant.
M. Johnson: Évidemment, monsieur nous a rappelé
très pertinemment que la source des revenus fiscaux, c'est 1 % du
chiffre d'affaires. C'est ça?
M. Le Clerc: Oui.
M. Johnson: D'accord? 1 % des chiffres d'affaires de toutes les
entreprises.
M. Le Clerc: Oui, oui.
M. Johnson: II ne faut pas oublier, c'est une notion assez simple
pourtant, mais il faut la rappeler, il y a des entreprises qui font de
l'argent, qui ont une certaine rentabilité sur leurs actifs ou leur
capital en raison de la vitesse à laquelle elles font tourner
l'inventaire. Le service de distribution alimentaire en est un.
M. Le Clerc: Oui.
M. Johnson: Ils ne font pas vraiment plus que 2 % de profits sur
le chiffre d'affaires.
M. Le Clerc: Oui.
M. Johnson: Vous voulez leur charger 1 %, vous voulez leur
charger 50 % d'impôt sur leurs profits.
M. Le Clerc: Non.
M. Johnson: Alors, ne venez pas me dire qu'il n'y a rien
là...
M. Le Clerc: Non, non.
M. Johnson: ...et que ça va créer de l'emploi si on
taxe 50 % des profits de certaines entreprises. une entreprise qui fait 4 % de
profits sur son chiffre d'affaires - et ce n'est pas rare, là - et
ça peut être très rentable, vous venez chercher 25 %
d'impôt sur les profits de l'entreprise. non seulement ça, mais
vous le prenez à chaque étape dans la chaîne de production,
taxant de 1 % du chiffre d'affaires chaque transfert qui se fait, du producteur
au grossiste, au distributeur, au détaillant. vous êtes en train
de taxer jusqu'à les confisquer les profits du dernier vendeur. est-ce
que je peux vous dire que les entreprises vont augmenter leurs prix si elles
veulent du rendement sur leur capital? dans un système fermé,
vous avez raison, je vous le répète mais dans un système
où les biens, que ce soient des aliments, que ce soit quoi que ce soit,
viennent de partout, ça ne peut pas marcher. on ne peut pas être
en concurrence comme du monde avec des gens qui paient 15 % ou 20 %
d'impôt sur le revenu d'une société, d'une corporation, et
vous, vous leur annoncez qu'ils vont payer entre 25 % et 50 %. pensez-y pas!
vous venez de couper en deux la rentabilité sur le capital investi;
donc, les gens vont avoir intérêt non pas à investir dans
une entreprise,
mais à mettre leur argent à la banque, dans un autre pays
de préférence si je comprends bien, parce que, ici aussi, les
services financiers vont être taxés sur leur chiffre d'affaires,
et qui sont dans des marges infinitésimales sur un chiffre
d'affaires.
M. Le Clerc: Si vous me permettez de répondre, M. le
ministre, et je vous invite à relire le document, on dit que le 1 % du
chiffre d'affaires... D'abord, c'est un exemple. Si on me dit que ce n'est pas
1 %, moi, je n'ai pas de problème. On dit aussi que ce 1 % est
très malléable. Bien sûr, le petit épicier du coin
qui a une marge de profit de 3 % sur ses produits, qu'on le taxe à 0,2
%, je n'ai pas d'objection. Et si on veut, par exemple, relancer un certain
type d'entreprise, les scieries, on veut relancer les scieries
québécoises, au lieu de les taxer à 1 %, on les taxera
à 0,3 %, je n'ai pas d'objection. Le principe, si vous voulez qu'on
discute des chiffres, moi, je suis prêt à le faire, n'importe
quand.
Ce que je vous demande d'examiner, c'est le principe que de financer de
cette façon le gouvernement pourrait être rentable. Si vous
acceptez cette façon de regarder le problème... Le 1 %, je n'y
tiens pas, hein? Mais acceptez-vous que ça pourrait marcher et
êtes-vous prêt à faire les calculs? Êtez-vous
prêt à me prêter un de vos fiscalistes pendant six mois pour
qu'on fasse ensemble les calculs, M. le ministre?
M. Johnson: Ce que je remarque, c'est que vous êtes en
train... Si vous ne vous mariez pas au 1 %, vous êtes disposé
à avoir des taux qui varient selon les entreprises pour ne pas leur
nuire... Je vous promets, je vous jure et je vous certifie que c'est ça
que les gouvernements essaient de faire depuis des années et qu'on tient
compte par les dépenses fiscales de la nature de l'entreprise, qu'on
tient compte de sa localisation dans une région, qu'on tient compte du
fait que c'est une région-ressource, ou la transformation d'une
ressource, et, donc, tranquillement, à force de questions, je crois
comprendre qu'on est en train de vous amener de notre côté
plutôt que ce soit l'inverse...
M. Le Clerc: Absolument pas, parce que vous taxez...
M. Johnson: ...et que vous êtes en train d'adapter votre
discours et votre structure fiscale aux circonstances un petit peu. c'est
ça que je trouvais.
M. Le Clerc: Non. Ce que vous taxez à l'heure actuelle,
c'est les profits des entreprises. Nous, on taxe les chiffres d'affaires. C'est
très différent. Je suis prêt à tenir compte dans ma
taxation, effectivement, s'ils sont à Rivière-du-Loup versus le
quartier Hochelaga-Maisonneuve. mais ce n'est pas les profits. j'ai eu un
commerce assez longtemps pour savoir que des profits, on n'en fait pas quand on
est en affaires.
Le Président (M. Lemieux): II reste 30 secondes.
M. Johnson: Pour remercier monsieur de l'intérêt
qu'il porte à la chose publique. C'est toujours ce qui me frappe. C'est
que les gens saisissent des occasions de venir nous donner leur
éclairage. Et de l'éclairage, c'est le contraire de ce qui se
passe d'habitude, de l'éclairage peut jaillir une étincelle,
à l'occasion. Peut-être que je n'ai pas été ici
assez longtemps pour la saisir cette fois-ci, mais ça a
été intéressant. Ça a été
intéressant.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
président du Conseil du trésor. Alors, nous vous remercions de
votre participation à cette commission parlementaire.
Je dois ajourner les travaux à demain...
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Pardon?
Une voix:...
Le Président (M. Lemieux): Ah! Je m'excuse. Je m'excuse.
Je m'excuse. Je croyais que... Vous voulez intervenir, M. le
député de Montmorency?
M. Filion: Bien, on avait, oui, des interventions...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le
député de Montmorency. Je pensais que vous ne vouliez pas
intervenir. Je m'excuse.
M. Filion: Oui, oui, oui. M. le député de
Bertrand...
Une voix: Vous avez posé une question... Une voix:
On vous a laissé aller. Une voix: ...on vous a laissé
aller. Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Filion: On vous avait demandé la permission pour...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, la parole est à vous.
Une voix: Non, c'est au député de...
M. Filion: M. le député de Bertrand, d'abord.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Bertrand. La parole est à vous, M. le
député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
D'abord, je tiens à vous féliciter pour la façon
éloquente dont vous avez transmis, en quelque sorte, le message de ceux
qui se sentent de plus en plus marginalisés dans le système
économique. Je ne puis m'empêcher de faire un certain
rapprochement avec la présentation qui nous a été faite
auparavant par le Regroupement des payeurs de taxes du Québec. De la
même façon que le Regroupement des payeurs de taxes venait donner,
en quelque sorte, une sorte de cri du coeur de ce que ressentent
véritablement plusieurs contribuables québécois, avec les
moyens du bord, puisque c'est une association tout à fait jeune et avec
des moyens limités, de la même façon, vous, avec les moyens
du bord, avec des moyens limités, je pense que vous avez livré un
message très intéressant de la part de ces marginalisés de
l'économie, mais qui refusent de se considérer, de se voir
consignés à un rôle de pique-assiette de la
société.
On peut diverger d'opinions sur les pistes de solution qui sont
avancées, mais il y a quelque chose, il y a un objectif où vous
vous rejoignez, les deux regroupements: c'est de faire en sorte que le citoyen
québécois, la citoyenne québécoise ait un revenu
disponible adéquat, à la fois pour avoir une qualité de
vie décente et pour pouvoir contribuer de façon efficace à
la vie économique du Québec.
Trois petites questions de précision très simples. Vous
avez parlé, enfin, vous articulez votre présentation autour du
concept d'un revenu minimum garanti. À quel niveau
établiriez-vous ou de quel ordre de grandeur verriez-vous ce revenu
minimum garanti, d'une part? Est-ce que ce revenu minimum garanti serait
taxable, d'autre part? Je pense que, pour le bénéfice de ceux qui
suivent les délibérations de la commission, ce serait
intéressant de préciser comment vous voyez ce concept-là
remplacer ou substituer, enfin, ce qui existe à l'heure actuelle, sous
forme de bien-être social, et qui suscite pas mal de controverse dans la
société? Finalement, si j'ai bien compris, vous acceptez le
principe de la taxe à la consommation. Mais est-ce que vous la concevez
avec un taux fixe, comme c'est le cas à l'heure actuelle, ou si vous
envisagez plutôt une taxe modulée, comme ça se fait dans la
plupart des pays européens qui ont recours à ce système de
taxation? (18 h 10)
M. Le Clerc: O.K. Il y a plusieurs questions. D'abord, le niveau
de revenu adéquat garanti, on parle de 50 $ à la naissance par
semaine; c'est un revenu hebdomadaire qui est versé directement dans les
comptes de banque par informatique. On a calculé, j'ai un de mes amis
informaticien, ça prend exactement 4 h 58 min, je pense. Alors, 50 $
à la naissance, 75 $ à partir de 7 ans, 100 $ entre 14 et 18 ans
et 150 $ pour 18 ans et plus jusqu'à la mort. Est-ce que c'est taxable?
Bien sûr, puisque c'est la consommation qui est taxable. Si je
dépense 100 $ dans une semaine, je vais payer 10 $ de taxes, c'est tout.
Si j'en dépense 150 $, je vais payer 15 $. Si j'en dépense 10 000
$, je vais en payer 1000 $. Comment ça pourrait s'instaurer
comparativement au bien-être social à l'heure actuelle? Bien,
ça nous permettrait de congédier quelques boubous macoutes.
Ça pourrait s'instaurer assez facilement.
Dans un de mes rêves - parce qu'il faut bien rêver; mais le
rêve, ce n'est pas le RAGUI, ce serait son application - dans un de mes
rêves, on décide ça un lundi matin, on envoie les
chèques et, le vendredi après-midi, le gouvernement reçoit
la taxe. C'est comme ça. Vous ne recevrez plus de bien-être
social, un chèque mensuel. A tous les lundis matin, vous allez avoir de
l'argent dans votre compte. Mais c'est tout, vous n'en aurez pas d'autre. On ne
vous paiera plus vos lunettes, sauf pour des clientèles
spécifiques, les personnes âgées, les handicapés,
etc. Pour un individu en santé, au lieu de faire un programme, APTE,
APPORT, savoir s'il est disponible ou non disponible, compétent ou pas
compétent, formation exclue ou incluse, etc., on t'envoie de l'argent et
tu t'en occupes.
La taxe modulée, bien sûr. Un des objectifs du RAGUI, c'est
de faire en sorte que le gouvernement se finance et n'ait plus de
déficit. Alors, bien sûr que cette taxe peut être
modulée. Elle peut être de 10 % une année, de 12 % une
autre année, de 9 %... Moi, je vous dis, les calculs que nous avons
faits - ça se peut qu'ils soient faux - c'est à 22 % que
ça commence à être... où, comme citoyen, j'ai une
diminution de mes revenus. Alors, entre ça, en dessous de 22 %, bien
sûr. L'objectif, c'est que le gouvernement n'ait plus de déficit.
C'est un de nos objectifs.
Ce qu'il y a de merveilleux avec le RAGUI, c'est que c'est non seulement
un revenu adéquat garanti universel et indexé pour les individus,
mais aussi pour le gouvernement. M. le ministre parlait des coûts: Les
gens vont augmenter le coût des produits qu'ils vont vendre. D'abord, il
y a certaines mesures. Je me souviens d'un premier ministre canadien qui avait
gelé les salaires. Si on a été capables de geler les
salaires, on devrait être capables de geler les prix, à un moment
donné, si le besoin est. Et, par ailleurs, plus les prix seront
élevés, plus le gouvernement aura des revenus: 10 % d'une table
à 100 $, ça donne 10 $; 10 % d'une table à 150 $,
ça donne 15 $.
Le problème n'est pas le prix que vous vendez votre auto. Le
problème est: Est-ce que j'ai les moyens de la payer? Si vous vendez
votre auto 50 000 $ et qu'elle en vaut 20 000 $, et que je suis assez fou pour
la payer 50 000 $, c'est mon problème. Et c'est dans ce sens-là
que
l'État-provkJence ne doit pas intervenir. Mais si j'ai 50 000 $
et que je décide de l'acheter, je suis un grand garçon, je vais
assumer mes responsabilités et je vais la payer 50 000 $. Le
problème de notre société n'est pas ma volonté ou
non de travailler ou de consommer, c'est ma capacité de consommer.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
D'abord, j'aimerais féliciter et remercier ces gens qui ont bien
voulu présenter un mémoire qui vise et qui veut
représenter les démunis de notre société, et qui,
en même temps, cherchent des solutions pour qu'on puisse, tout le monde,
avoir la possibilité d'évoluer et de pouvoir grandir dans notre
société.
Je trouve que la solution apportée, le RAGUI, est une solution
très innovatrice, une solution un peu unique, une solution qui, à
toutes fins pratiques, comme vous le disiez tout à l'heure, n'a jamais
fait l'objet d'implantation nulle part sur la planète. Il est
évident que ce genre de solution qui a des aspects très
intéressants, c'est bien sûr, où on oriente
complètement la taxation vers la consommation, on oublie et on ne parle
plus de taxation de l'impôt sur le revenu.
Mais il demeure quand même des éléments importants
qui vont venir un peu, dès qu'on va commencer à étudier le
système, le rendre difficile à appliquer, très difficile
à appliquer, parce que, d'abord, comment voulez-vous
considérer... L'entreprise de services en tant que telle, son chiffre
d'affaires, c'est du tant. Le manufacturier, lui, c'est de manufacturer des
produits, et il a un coût important. Alors, vous parlez d'un montant de 1
% du chiffre d'affaires. Immédiatement, vous allez rentrer dans des
nuances d'application, vous allez rentrer dans des situations d'exception. Vous
allez vous heurter à des problèmes vraiment distincts, d'une
entreprise à l'autre.
Également - j'attire votre attention, en même temps ce sera
une question - vous y allez carrément sur une taxe à la
consommation, mais vous allez également créer des distorsions
économiques, parce que - et le président du Conseil du
trésor, tout à l'heure, le soulevait - dans un marché
fermé, bon, ça peut fonctionner, mais, dans un marché
ouvert où on est en relation étroite avec tout le continent
américain au niveau des échanges et des transactions
commerciales, on va se retrouver dans des problématiques
évidentes d'application. Et je vous lance un exemple.
Regardez, actuellement, on a une problématique de contrebande du
tabac. Pourquoi? Parce que notre taux de taxation, chez nous, est plus
élevé que le taux de taxation américain. Et ce qui se
produit, c'est qu'on rentre dans des distorsions de transactions
économiques. Alors, comment voulez-vous... Vous allez vous retrouver
avec quoi, une taxe à la consommation qui va ressembler à des
taux d'impôt sur le revenu? Le tabac, ce sera 10 %; l'alimentation, ce
sera 12 %, en général; la production, ce sera 22 %. Vous allez
vous retrouver quelque part, si on ne réussit pas à mettre le
continent américain, entre guillemets, appelons-le comme ça, dans
un système où on l'applique tout le monde ensemble, vous allez
vous retrouver quelque part à vouloir suivre toutes les exceptions du
marché. Et pour suivre toutes les exceptions du marché, vous
allez vous retrouver avec une taxe à la consommation qui, probablement,
ressemblera à des taux ou à différents paliers de taxation
au niveau de l'impôt sur le revenu. Et c'est un peu ma crainte.
J'aimerais que vous commentiez un peu ce genre d'approche là.
M. Le Clerc: Avec plaisir. Vous dites que notre système
n'est pas parfait. J'espère qu'il ne l'est pas. J'espère qu'on
n'est pas assez brillant pour avoir réussi à inventer quelque
chose. Mais c'est vrai que notre système a besoin d'être
raffiné, peaufiné, d'être examiné, et on vous le
soumet en vous demandant: Aidez-nous à l'examiner, s'il vous
plaît! vous avez des ressources. Mais je vous ferai remarquer que notre
système d'imposition tel qu'on le connaît est très
différent d'il y a 40 ans. Il a été en modification
perpétuelle depuis 40 ans, et vous vous apprêtez à y faire
encore des modifications, et c'est tout à fait normal. Un système
sclérosé qui ne bougerait pas craquerait, c'est bien
évident.
En ce qui concerne la contrebande de cigarettes, je vous ferai remarquer
que les cigarettes sont taxées à, je ne sais pas, 80 % de leur
coût de production.
M. Filion: 70 % du prix vendant.
M. Le Clerc: Bon. Si, demain matin, on ne les taxait qu'à
25 %, ce serait de la contrebande dans l'autre sens qu'il y aurait
probablement. Alors, c'est sûr, on ne vous dit pas et on n'a pas la
prétention de vous dire: Voici la réponse sociétale
à tous les problèmes de notre société. Ce qu'on
vous dit, c'est: Voici une idée innovatrice. Et c'est son handicap, elle
est trop neuve. Pourtant, c'est depuis 1975 qu'elle circule au niveau des
économistes, mais ça a l'air qu'elle vient d'arriver du ciel.
Elle fait peur. Bien sûr qu'elle fait peur. Quand je vous dis que je suis
un récent converti, quand Robert me parlait depuis 25 ans... Ça
fait 25 ans que je le connais, ça fait 25 ans qu'il me parle de
ça, j'ai passé 20 ans à rire de lui, à dire:
Réal Caouette, nommons-le, hein! tu es un fervent admirateur de
Réal. Bon. Mais, ceci étant dit, quand j'ai pris un crayon et que
je me suis mis à compter, je me suis dit: Ma foi du bon Dieu, c'est
faisable! Ça ne règle pas tous les problèmes. C'est
vrai
que ça ne règle pas tous les problèmes. C'est vrai
que ça en suscite d'autres, bien sûr. Mais est-ce que notre
société actuelle, dans le système actuel, n'a pas beaucoup
de problèmes et des problèmes insolubles?
Moi, je vous dis: M y a peut-être une piste de solution.
J'aimerais qu'on me dise plus que: C'était bien intéressant, vous
avez fait un bon show. Je le sais que je fais un bon show. Achetez mon
idée, s'il vous plaît! Mettez trois économistes, travaillez
là-dessus pendant six mois. C'est tout ce que je demande. Et si ce n'est
pas faisable, dites-moi que je suis un illuminé, et je deviendra! un
prêcheur dans le désert. Puis ce n'est pas grave. Mais, s'il vous
plaît, étudiez-le. Et si c'est faisable, qu'attendons-nous?
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Montmorency? Vous avez terminé?
M. Filion: Je voudrais terminer, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez terminer. (18
h 20)
M. Filion: D'abord, je ne veux surtout pas dire que c'est une
question d'idée d'illuminé. Ce n'était pas du tout dans le
sens qu'étaient mes interrogations. On doit dire que c'est une
idée très innovatrice où on déplace
complètement les règles du jeu, où on repart pratiquement
à zéro. Ça me fait penser un peu, si on voulait faire des
comparaisons, quand on repart une économie après une guerre.
Là, vous nous amenez une espèce de solution où il faudrait
prendre toutes les règles en place, les envoyer promener et dire:
Écoutez, essayez mon idée.
Alors, vous constaterez avec moi que ce genre de révolution aussi
grande que vous suggérez nous porte à nous questionner, et on
voit déjà... Moi, je vois déjà des problèmes
incroyables d'application. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on ne
doive pas continuer le cheminement, continuer à réfléchir
et à faire peut-être, effectivement, des projections
économiques. Je pense que, dans ce sens-là, on a pris bonne note
de votre mémoire, soyez-en sûr, et surtout on a
écouté avec intérêt l'objectif que vous recherchez,
qui est de redonner un peu, dans un système fiscal, la
possibilité à des démunis de fonctionner et d'essayer de
s'en sortir. Et ça, je pense que c'est important.
Je vous remercie de votre présentation. Ce fut très
intéressant.
M. Le Clerc: Je voudrais juste conclure...
Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur, vous pouvez
conclure, pas de problème.
M. Le Clerc: Très brièvement. Je suis très
heureux que vous pariiez d'une guerre. Je ne sais pas si vous autres, vous le
savez, mais il y a une guerre au Québec. Il y a 20 % de la population
qui vit sous le seuil de la pauvreté, 15 000 itinérants à
Montréal. Moi, je travaille avec eux...
M. Tremblay (Robert): Dans la misère.
M. Le Clerc: Oui, comme Robert dit, qui vivent dans la
misère.
M. Tremblay (Robert): Pas dans la pauvreté.
M. Le Clerc: Eux, ils sont en guerre, et c'est de leur survie
dont on parie. Puis là, je ne veux pas vous menacer, je ne veux pas vous
faire peur, mais je vous dis juste: 15 000 itinérants; quand j'en ai 300
dans ma salle et qu'il y a un illuminé de la gang... parce qu'ils ne
sont pas tous «stone» et ils ne sont pas tous pa-quetés,
malheureusement, c'est beaucoup plus facile quand ils le sont, mais ceux qui
sont conscients, le soir où il va y en avoir un, illuminé, qui va
dire: On va magasiner chez Eaton à soir, je ne sais pas ce que je vais
faire, et je vous dis: Ça s'en vient. Alors, oui, il y a une guerre.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, c'est parce que
je reprenais certains propos avec le président du Conseil du
trésor.
Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission
parlementaire et je ne peux pas m'empêcher de vous dire qu'effectivement,
en ce qui me concerne, vous avez suscité ma curiosité
intellectuelle. Jusqu'où? On verra dans l'avenir. Je vous remercie
grandement de votre participation. Je dois ajourner maintenant les travaux
à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 23)