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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 2 février 1993 - Vol. 32 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission va commencer ses travaux dans deux minutes.

La commission du budget et de l'administration entreprend ce matin une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous faire... Est-ce que les gens ont pris connaissance de l'ordre du jour? Je donnerais peut-être quelques instants, une quinzaine de secondes, pour que vous puissiez prendre connaissance de l'ordre du jour. Ça va?

Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour est adopté.

Permettez-moi de vous rappeler les règles de l'audition, telles que convenues entre les groupes parlementaires. La période des déclarations d'ouverture durera deux heures trente, réparties de la façon suivante: 20 minutes pour le ministre des Finances; 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de finances, le député de Labelle, M. Léonard; 20 minutes pour le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor; 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition officielle concernant le Conseil du trésor, la députée de Taillon, Mme Marois; 20 minutes pour le ministre du Revenu et ministre responsable de l'Application des lois professionnelles; 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de revenus, le député de Montmorency, M. Filion; et 30 minutes pour les autres députés, c'est-à-dire 15 minutes pour chacun des groupes parlementaires.

J'inviterais maintenant... M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui, M. le Président. Concernant l'ordre du jour, c'est à titre de vice-président que je m'adresse à vous. Après avoir consulté mes collègues, nous vous avisons tout de suite que nous souhaitons utiliser 10 minutes de nos 15 minutes et transférer les 5 minutes restantes au député de Drummond.

Le Président (M. Lemieux): Vous ne pouvez pas, M. le député de La Prairie, faire ce transfert de cinq minutes à M. le député de Drummond, puisque M. le député de Drummond, à ma connaissance, n'est pas membre de cette commission parlementaire.

M. Lazure: M. le Président, je pense que, s'il y a consentement des députés présents, le député de Drummond pourrait fort bien participer, à titre de député indépendant, à cet important débat, et nous sommes prêts à lui céder cinq minutes de notre temps.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais vous faire état, M. le député de La Prairie, qu'il faut le consentement unanime. Est-ce qu'il y a un consentement unanime pour la participation du député de Drummond à nos travaux?

M. Audet: Une question, M. le Président, sur ce point. Advenant le cas où, par exemple - parce qu'on sait qu'à l'Assemblée nationale il y a plusieurs députés indépendants - le député de Notre-Dame-de-Grâce, par exemple, ou M. Libman, M. Atkinson et M. Cameron désireraient, souhaiteraient participer à nos travaux, est-ce qu'à ce moment-là le consentement serait requis aussi? Au niveau du temps de parole, à ce moment-là, qu'est-ce qui se passerait?

Le Président (M. Lemieux): Effectivement, il faudrait que... Si le député, des membres du Parti Égalité désirent participer à cette commission, il nous faudrait un consentement unanime. Comme ces députés ne font pas partie de la majorité ministérielle, alors le temps de parole devra être réparti entre ces gens-là et les membres de l'Opposition officielle, puisque chaque groupe parlementaire s'est entendu sur un temps de parole global, M. le député de Beauce-Sud.

M. Audet: À ce moment-là, est-ce que, si trois députés indépendants s'ajoutaient à la commission - c'est toujours une question hypothétique, quand même - est-ce que l'enveloppe de temps serait divisée à l'intérieur de l'enveloppe de l'Opposition? (10 h 10)

Le Président (M. Lemieux): II faudrait que j'agisse ainsi et, effectivement, vous avez raison, même si votre question est purement hypothétique.

M. Audet: Alors, le temps serait réduit du temps de l'Opposition, sur l'enveloppe de temps du parti officiel de l'Opposition.

M. Lazure: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: ...deux remarques. D'abord, la question est tout à fait théorique. Je ne vois pas d'autres députés indépendants. Deuxièmement, ils n'ont pas demandé, que je sache, à parler alors que le député de Drummond s'est exprimé, demandant à parler. Et, troisièmement, selon des principes élémentaires d'équité, puisque nous offrons, par consentement, de donner cinq minutes de notre temps au député de Drummond, je pense qu'il serait tout à fait séant que le parti ministériel donne cinq minutes de son temps aussi pour tout autre député indépendant qui voudrait parler.

Le Président (m. lemieux): j'étais bien conscient, m. le député de la prairie, qu'il s'agissait d'une question purement hypothétique, mais c'était simplement pour donner des éclaircissements au député de beauce-nord. m. le député de beauce-nord, est-ce qu'on donne ce consentement?

M. Audet: C'est parce qu'à un moment donné on risque de se retrouver avec...

Le Président (M. Lemieux): Alors, si je comprends bien...

M. Audet: Chaque député est attitré à des commissions, selon les commissions qu'il choisit.

Le Président (M. Lemieux): Si je comprends bien, M. le...

M. Audet: Le député a choisi de faire partie de la commission de l'économie et du travail et, à ce que je sache, au niveau de l'Assemblée nationale, a demandé à faire partie de la commission de la culture, dans un deuxième choix. Alors, à ce moment-là, moi...

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous ne donnez pas votre consentement.

M. Audet: Non.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Oui, M. le Président. Question de règlement...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. St-Roch: ...et je vous demanderai de statuer.

Oui, chaque député se doit d'être associé à une commission parlementaire et d'en faire son choix, mais, aussi, notre règlement prévoit que, dans le cas d'un député indépendant, lorsqu'on étudie des projets de loi d'intérêt public, le député indépendant, même s'il n'est pas membre d'une commission parlementaire, a le droit de participer de plein droit, mais n'ayant pas de droit de vote. Il est aussi reconnu par notre règlement que, lorsqu'on fait l'étude des crédits, même si un député n'est pas membre d'une commission parlementaire, il peut s'adresser et avoir plein droit.

Alors, je souscris ceci à votre attention ce matin et j'aimerais avoir votre évaluation sur ce scénario-ci: Je prétends, M. le Président, que lorsque nous allons en auditions publiques générales, ce qui se veut aussi un mandat de l'Assemblée nationale, au même titre qu'un projet de loi public, au même titre que l'étude des crédits, un député indépendant devrait avoir ses droits de parole reconnus.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Drummond. Vous vous devez de comprendre que je dois faire respecter chacun des droits de l'ensemble des parlementaires et, à cette fin, nous avons adopté des règles de procédure. Vous ne m'avez pas cité l'article auquel vous faites référence, mais je devine qu'il s'agit de l'article 132 du règlement, qui nous dit ceci: «Le député qui n'est pas membre d'une commission peut, avec la permission de cette dernière, participer à ses délibérations, mais ne peut y voter ni y présenter de motion.»

Vous avez fait état de l'étude des crédits et d'un projet de loi. Ce que je veux que vous sachiez, M. le député de Drummond, c'est qu'une consultation générale n'est pas de la même nature que l'étude d'un projet de loi. Elle n'a pas, aussi, la même substance que d'étudier les crédits en commission parlementaire. Et il faut que vous soyez en mesure de saisir que le législateur a prévu une procédure tout à fait particulière pour la consultation générale, aux articles 166 et suivants du règlement, dans le chapitre 3 de notre règlement, qui traite des commissions, soit les articles 115 et suivants. Si vous regardez et lisez l'article 121, on parle de la composition d'une commission parlementaire et on fait référence, à la section 3, chapitre 3, effectivement, à la participation d'un non-membre à une commission parlementaire. Et cet article-là, c'est l'article 132 que je viens de vous lire.

Ce faisant, il est évident que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, et il limite à l'article 132 l'usage d'un député indépendant dans l'intervention qu'il peut faire lors d'une commission parlementaire. Si le législateur avait voulu que le député indépendant participe à une consultation générale, il l'aurait dit, comme il le dit très bien à l'article 132, paragraphe 2, comme il le dit très bien à l'article 133.

Alors, en conséquence, M. le député de Drummond, je me dois de retenir le fait que le député de Beauce-Nord ne vous donne pas son

consentement, et d'autant plus qu'avec la permission de... Si vous regardez l'article 296 de la doctrine Geoffrion, la permission exige non pas une double majorité ni un consentement simple mais un consentement qui est unanime. Alors, je me dois de faire respecter le règlement.

En conséquence, vous ne pouvez pas prendre part aux travaux de cette commission, puisque je n'ai pas le consentement unanime. Alors, c'est ma décision. M. le député de Beauce-Nord, ma décision est rendue.

M. Audet: Oui, d'accord. Je veux juste ajouter là-dessus, pourquoi, M. le Président... C'est que je crois qu'en acceptant ce matin de donner le consentement là-dessus dans les consultations générales et particulières, comme on le fait, on pourrait créer un précédent par le fait même. C'est que tout député, par exemple... On a pendant l'année de nombreuses commissions qui font des consultations. Les députés...

Le Président (M. Lemieux): M. lo député! M. Audet: ...les membres sont attitrés puis...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Beauce-Nord...

M. Audet: ...à ce moment-là, je pense que...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Beauce-Nord, vous n'avez pas à vous justifier. Je me dois de faire respecter les droits des parlementaires. Vos droits, comme ceux du député de Drummond. Et, à cet effet, j'ai un code de procédure que je dois faire appliquer. Alors, en ce sens-là, l'article 132 est clair. Pour moi, il est clair, net et précis, sans aucune ambiguïté.

Alors, en conséquence, nous allons maintenant commencer les travaux de cette commission parlementaire, et je vais inviter tour à tour les ministres puis les porte-parole de l'Opposition officielle à faire les déclarations d'ouverture. J'ai fait état tout à l'heure que le temps de parole pour une déclaration d'ouverture sera de 20 minutes. La parole est maintenant à M. le ministre des Finances pour ses remarques préliminaires ou déclarations d'ouverture.

Remarques préliminaires M. Gérard D. Levesque

M. Levesque: M. le Président, je vous remercie. La commission parlementaire qui débute aujourd'hui procédera à un exercice de la plus haute importance. Elle nous permettra, pendant les prochaines semaines, d'entendre les avis de divers intervenants sur le financement des services publics. Plus spécifiquement, tel que le précise le mandat qui nous a été confié, les orientations à privilégier à court et à moyen terme en ce qui a trait au niveau et à l'évolution de la fiscalité, des revenus, des dépenses du gouvernement, du déficit, des besoins financiers devraient être, évidemment, au coeur de nos discussions.

Il s'agit là, vous en conviendrez, d'enjeux majeurs pour l'avenir de notre société. Il est donc particulièrement réjouissant de voir le grand nombre d'organismes qui ont déposé un mémoire à notre commission. C'est là, évidemment, une preuve de l'intérêt suscité par nos travaux. Les 75 mémoires que nous avons reçus sont importants, non pas seulement par leur nombre mais aussi parce qu'ils contiennent l'opinion de plusieurs groupes, associations, individus même dont il faudra tenir compte dans l'évaluation de la situation des finances publiques et dans l'établissement des orientations à poursuivre pour l'avenir.

C'est pourquoi il m'apparaît nécessaire de prendre le temps voulu pour étudier chacun de ces mémoires et pour écouter chacun des groupes ou des personnes concernées expliquer son point de vue. J'ai remarqué aussi, M. le Président, que la commission a décidé d'entendre toutes les personnes ou groupes qui ont déposé un mémoire. De tels échanges devraient s'avérer des plus enrichissants, non pas seulement pour les membres de cette commission mais aussi pour l'ensemble de la collectivité. C'est pourquoi j'espère que les débats à venir s'effectueront dans un climat d'ouverture et de recherche active de ce qui est préférable pour l'avenir du Québec. Je pense à Martin Luther King, qui disait: «I have a dream». Puis-je rêver pour un moment que nos travaux pourraient se faire dans une atmosphère sereine et, en même temps, avec à l'esprit le fait que la population du Québec nous demande de regarder ces questions-là dans l'intérêt général, avec toujours à l'esprit le sens des responsabilités qui doit être le nôtre?

Le 19 janvier dernier, nous avons déposé un document qui se situe, justement, dans cette perspective d'ouverture et de recherche active des solutions. C'est un document très exhaustif - 142 pages, 42 pages d'annexés - un document qui est l'incarnation même de la transparence. Il a été généralement, d'ailleurs, très bien accueilli par les milieux spécialisés et par la presse en général. Certains témoignages sont sans équivoque.

Que disait M. Lesage, Gilles, dans Le Devoir? «Sans être alarmiste, l'outil de référence et de travail que le gouvernement met à la disposition des députés, des personnes et organismes qui défileront devant les parlementaires est on ne peut plus transparent sur les énormes problèmes en cause et sur les solutions difficiles qui sont proposées aux citoyens.»

Claude Picher, dans La Presse, disait: «Vivre selon nos moyens.» S'il faut se fier à ce titre fort judicieusement choisi, le document de réflexion a enfin réussi à mettre le doigt sur le

bobo. C'est un fait incontournable, le Québec n'a pas les moyens de continuer à dépenser comme il le fait.

Au Soleil, Michel Audet disait: «Le document publié hier par le gouvernement du Québec pour alimenter la commission parlementaire sur les finances publiques démontre de façon éloquente que le Québec n'a plus les moyens de payer les services qu'il a développés depuis la Révolution tranquille.» (10 h 20)

Dans le journal Les Affaires, Jean-Paul Gagné dit: «C'est une bonne analyse des finances publiques du Québec. Le gouvernement serait hautement irresponsable de laisser aux générations montantes le désordre financier que les élites des deux dernières décennies ont engendré.» Son analyse est irréfutable. Et il continue.

Il y avait aussi la critique importante de M. Alain Dubuc dans La Presse. Il titrait: «Un texte de réflexion quand il fallait de l'action» Ce que nous devons retenir de cette critique est l'absolue nécessité pour les travaux de cette commission de déboucher sur l'action. Et notre gouvernement entend bien prendre les actions nécessaires, au moment, par exemple, du dépôt des crédits 1993-1994, au moment du prochain budget.

Les travaux que nous entreprenons aujourd'hui sont évidemment d'une extrême importance. J'aimerais donc vous expliquer brièvement les motifs qui ont amené notre gouvernement à suggérer à l'Assemblée nationale de confier le mandat que vous connaissez à la commission parlementaire du budget et de l'administration. Mais, d'abord, j'aimerais vous rappeler que la synthèse des opérations financières au 31 décembre a été publiée hier. Les prévisions du déficit budgétaire et des besoins financiers nets du gouvernement pour l'année financière 1992-1993 sont révisées à la hausse de 350 000 000 $ par rapport à celles publiées à la synthèse des opérations financières au 30 septembre 1992.

Les révisions totales depuis le discours sur le budget du 14 mai 1992 sont donc de 820 000 000 $. Ainsi, le déficit prévu s'établit maintenant à 4 610 000 000 $, alors que la prévision des besoins financiers nets est révisée à 3 370 000 000 $. C'est-à-dire que les besoins financiers nets, c'est le net de ce que nous devons encore emprunter cette année et qui s'ajoute à la dette.

Par ailleurs, l'ampleur de l'impasse budgétaire qui est anticipée pour 1993-1994 a été mise en doute par un certain nombre de personnes. Et, afin de donner des explications supplémentaires, je dépose un tableau qui présente une réconciliation entre les revenus prévus pour 1993-1994, lors du dernier budget, et ceux présentés dans le document «Vivre selon nos moyens». En effet, c'était assez surprenant, et je ne blâme pas ceux qui ont eu à se poser des questions là-dessus. Pourquoi y avait-il une diminution aussi sensible des revenus prévus pour l'an prochain par rapport à ce qui était prévu dans le dernier budget? Alors, je pense que dans les prochaines minutes on pourrait distribuer aux membres de la commission ce tableau qui va indiquer en détail...

Je n'ai pas l'intention, dans les quelques minutes que j'ai à ma disposition, de passer à travers, mais on comprendra, à la lecture même du tableau, la raison pour laquelle les revenus de 1993-1994 sont tellement moindres que ceux qu'on avait prévus au dernier budget.

Comme vous le savez, notre gouvernement n'a pas attendu à aujourd'hui pour commencer à effectuer les rationalisations budgétaires qui s'imposaient pour améliorer la performance de l'administration publique et pour redresser sa situation financière tout en répondant aux besoins prioritaires de la société. Vous vous rappellerez que, dès 1986, il y avait l'urgence d'un redressement - le 5 mars 1986. Notre gouvernement s'était donné des objectifs ambitieux d'assainissement des finances publiques. J'ai eu, d'ailleurs, souvent l'occasion de faire part des progrès significatifs accomplis au cours des années 1986-1987 à 1989-1990. Toutefois, lorsque la récession est arrivée - et, ça, c'est arrivé non pas seulement au Québec mais à travers tout le pays - le redressement qui n'était pas encore complété nous amenait à avoir une situation très difficile. Nous avions ramené le déficit des opérations courantes de 2 075 000 000 $ en 1985-1986 à 430 000 000 $ en 1989-1990. Nous filions presque vers le bonheur parfait. Nous avions l'équilibre juste à portée de la main, mais il est clair maintenant que ce n'était pas encore suffisant.

Devant les impacts engendrés par la récession, le gouvernement a opté cependant pour une approche responsable de la gestion des finances publiques. Il a laissé augmenter le déficit pour absorber l'impact de la conjoncture sur ses revenus et ses dépenses. Parallèlement, il a imposé des mesures de rationalisation des dépenses et augmenté les sources de revenus. Malgré ces efforts et ceux déployés au cours des années précédentes, on a assisté à une détérioration de la situation financière. Le déficit budgétaire devrait atteindre plus de 4 600 000 000 $ en 1992-1993. Quant au déficit des opérations courantes, il devrait s'établir à 3 000 000 000 $ en 1992-1993, après avoir, je le répète, pratiquement atteint l'équilibre en 1989-1990.

La situation des finances publiques, qui avait pu être améliorée pendant quelques années, s'est donc détériorée avec la récession. Il est important, avec la reprise économique qui s'amorce, de se fixer de nouveaux objectifs de finances publiques et, surtout, de prendre rapidement des mesures afin de les atteindre. L'état de la situation est longuement expliqué dans les documents qui vous ont été remis. Je me permettrai simplement d'en résumer les prin-

cipaux constats.

D'abord, on parie des signes de reprise économique encourageants. Oui, on vient même d'annoncer la fin de la récession, officiellement, mais cela ne règle pas les problèmes que nous avons devant nous. Quant à la fiscalité, force est de constater, si on brosse rapidement un bilan de la fiscalité, que le régime fiscal du Québec est concurrentiel, et notre action des sept dernières années a visé à mieux l'adapter pour favoriser la croissance économique et à ie rendre plus équitable, en particulier à l'endroit des familles.

On se souviendra que le soutien financier aux familles, qui était de 800 000 000 $ il y a quelque temps, est rendu à 2 300 000 000 $. Malgré ces améliorations, notre marge de manoeuvre est réduite sur le plan fiscal. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à constater que les impôts et taxes prélevés par l'ensemble des paliers de gouvernement, c'est-à-dire fédéral, provincial, municipal, atteignent aujourd'hui 40 % du revenu national. Au Québec, entre 1980 et 1990, les gouvernements fédéral, provincial et municipaux ont absorbé 64 % de l'augmentation du revenu national. Aux États-Unis, durant la même période, ce n'étaient que 32 %. Toute une différence!

Quant aux transferts fédéraux, j'ai eu l'occasion de souligner à combien de reprises que les diverses coupures aux transferts fédéraux ont amplifié le problème des finances publiques du Québec. Et ces coupures, évidemment, étaient suite à un endettement considérable du gouvernement fédéral. Pour illustrer ce que cela implique comme problème et, donc, comme ajustements à faire, je mentionnerai le fait que, si rien n'est changé, il est prévu que les transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral devraient diminuer dans les prochaines années. Si rien n'est changé à la situation actuelle, en 1997-1998 on toucherait 6 800 000 000 $, soit 1 000 000 000 $ de moins que cette année.

Quant aux dépenses budgétaires, le niveau de nos dépenses est trop élevé par rapport à notre capacité de payer, et ce, malgré notre gestion serrée depuis 1985-1986. L'obligation de payer nos dettes et la part importante de nos dépenses devant être consacrée au système de santé, soit 31 % ou près de 13 000 000 000 $ sur un total de dépenses de 40 700 000 000 $, implique la nécessité de procéder à des choix fondamentaux. Le gouvernement, comme le citoyen, ne peut vivre longtemps au-dessus de ses moyens. Quant à la dette du gouvernement du Québec, elle est la troisième en importance au Canada, et elle dépassera les 7900 $ par personne à la fin de la présente année financière.

Et lorsque, maintenant, on veut se retourner vers l'avenir - et c'est là, je pense, notre défi, c'est là notre responsabilité - il peut être tentant de mettre tous nos problèmes sur le dos de la récession, mais ce serait irresponsable, d'où l'utilité de l'exercice que nous avons mené. Comme vous avez été à même de le constater, si on laisse aller les choses, c'est-à-dire si on ne prend aucune mesure de redressement de 1993-1994 à 1997-1998, la situation que je viens de décrire aura tendance à se détériorer sérieusement plutôt qu'à s'améliorer. (10 h 30)

II en est ainsi principalement pour deux raisons. Premièrement, les transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral, comme je l'ai mentionné, diminueront s'il n'y a rien de changé et, deuxièmement, de fortes pressions à la hausse s'exercent sur les dépenses. Donc, on doit profiter de la reprise économique qui s'amorce pour s'attaquer dès maintenant à ce déséquilibre et redéfinir nos objectifs de finances publiques. Afin de permettre une discussion publique, nous avons illustré, dans le document publié le 19 janvier dernier, les choix à faire.

Il est important de noter que même un scénario économique plus optimiste n'améliorerait pas la situation de façon substantielle sur le plan des finances publiques. Alors, on pourrait laisser augmenter le déficit, vivre au-dessus de nos moyens. Je ne pense pas que la population serait d'accord pour cela. Le déficit budgétaire atteindrait 6 400 000 000 $ en 1993-1994 pour grimper jusqu'à près de 9 000 000 000 $ en 1997-1998. La dette totale par habitant passerait de 7900 $ à 13 400 $. Et cela, sans compter la dette fédérale, ni celle des municipalités, des autres organismes du secteur public.

Il n'apparaît donc pas raisonnable d'hypothéquer l'avenir de cette façon. L'approche financière stricte, faire en sorte de couper des dépenses de 4 500 000 000 $ ou d'imposer une somme de cette nature à notre population, je ne crois pas que ce soit la solution et il me semble que ce soit, de toute évidence, une solution de dernier recours. Ce qui nous semble raisonnable et ce que nous disons dans le document que nous avons déposé, c'est de nous tourner vers une approche graduelle de redressement, une approche beaucoup plus réaliste, et c'est ce que nous allons discuter au cours de cette commission. Nous allons faire ce travail avec la plus grande objectivité. Je souhaite que nous puissions le faire peut-être en ayant à l'esprit ce que John Fitzgerald Kennedy disait: Pensons beaucoup plus à ce que nous pouvons donner à l'État que ce que nous pouvons en recevoir. Je pense que ceux qui viendront ici, ceux qui discutent autour de cette table devront avoir à l'esprit que nous avons une responsabilité très grande vis-à-vis de notre population d'aujourd'hui et de demain.

À lire les mémoires que nous avons reçus, j'ai eu quelquefois l'impression qu'il y avait beaucoup de demandes qui augmenteraient nos problèmes plutôt que de les régler. Alors, de cette façon-ià, je suis confiant que ceux qui viendront ici nous entretenir, nous faire des suggestions, auront à l'esprit l'importance de

trouver des solutions aux problèmes actuels. Ces problèmes ne disparaîtront pas automatiquement. Nous aurons ensemble à trouver les solutions qui s'imposent. Espérons que nous serons bien inspirés et que cette commission sera justement un élément important de cette inspiration. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances. La parole est maintenant à...

Document déposé

Préalablement, j'aimerais autoriser le dépôt du tableau dont M. le ministre des Finances a fait état, par M. le secrétaire.

Immédiatement, la parole est à M. le député de Labelle, porte-parole de l'Opposition officielle en matière de finances. M. le député de Labelle, pour une durée de 20 minutes et quelques poussières.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Après sept ans de pouvoir libéral, la situation actuelle lui ressemble. Le constat d'échec est inévitable, inexorable, impitoyable. Son libéralisme dogmatique, voire forcené, lui dicte de laisser faire, de ne rien faire, et son document révèle qu'il ne prévoit aucun moyen de sortir d'un cercle vicieux descendant. Le gouvernement présente un avenir sans horizon, sans perspective, sans espoir. Ces gestes, dans le passé, auront plutôt réussi à désolidariser les Québécois les uns envers les autres, ce que l'on constate par la baisse de la moralité fiscale et, maintenant, à désolidariser les groupes de Québécois les uns envers les autres. La parution hier, à la veille de cette commission parlementaire inédite, de la dernière synthèse des opérations financières constitue le dernier geste d'une vaste entreprise de conditionnement politique aux visées du gouvernement libéral, qui sont de faire accepter à la population la situation sans espoir qu'il présente plutôt que de la convier à son redressement.

M. le Président, le gouvernement a annoncé la tenue de cette consultation générale le 1er décembre dernier. Compte tenu de la période des fêtes, les personnes et les organismes qui viendront présenter leur mémoire devant nous au cours des prochains jours auront bénéficié d'à peine un mois pour se préparer. La participation relativement forte peut en surprendre certains, mais dénote surtout l'intérêt des citoyens pour un sujet qui les touche chacun personnellement. Cette participation aurait été plus grande si le gouvernement libéral n'avait pas lui-même attendu la date limite pour le dépôt des mémoires pour rendre public un portrait des finances publiques québécoises complètement différent de ce que contenaient jusque-là les documents gouvernementaux. Somme toute, ceux et celles qui participeront à cet exercice ont travaillé à partir d'informations périmées. C'est encore plus vrai à partir du document d'hier. Que certains viennent manifester un certain mécontentement au cours des prochains jours ne surprendra personne.

Par ailleurs, je voudrais rappeler que l'article 292 des règles de procédure de l'Assemblée nationale - qui n'ont pas été suspendues encore, à ce que je sache - prévoit que la commission du budget et de l'administration doit étudier de façon trimestrielle l'évolution des finances publiques et la politique budgétaire du gouvernement. Malgré deux lettres de ma part à cet effet, rien n'a été fait. Le gouvernement aurait alors eu l'occasion de donner certaines indications relativement à la détérioration anticipée des finances publiques. À cet égard, je voudrais rappeler à ceux qui sont assis autour de cette table et qui font de beaux et de grands discours sur l'imputabilité des fonctionnaires qu'en vertu de nos règles démocratiques c'est d'abord le gouvernement et ses ministres qui sont imputables devant l'Assemblée nationale. (10 h 40)

De plus, j'aimerais indiquer que cette consultation générale se déroule dans une perspective politique dominée par deux événements, soit: à la veille d'un discours sur le budget qui pourrait être le dernier avant la tenue de la prochaine élection générale et à la veille de la reprise des négociations dans le secteur public et parapublic, en vue de renouveler des conventions collectives qui lient le gouvernement à ses employés et qui viendront à échéance le 30 juin prochain. Je crois que, tout au long de nos travaux, il faudra garder à l'esprit ce contexte très particulier.

À deux semaines seulement du début de nos travaux, le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor ont rendu public un portrait très sombre des finances publiques. Ce portrait, on le trouve résumé à la page 104 du document d'un rose douteux intitulé «Vivre selon nos moyens».

Si je résume les informations contenues dans ce tableau, on constate une augmentation fulgurante du déficit budgétaire qui passerait de 4 200 000 000 $ cette année - maintenant de 4 600 000 000 $ - à près de 6 400 000 000 $ l'an prochain et qui, dans cinq ans, atteindrait près de 9 000 000 000 $. Ce résultat est le fruit de trois éléments, soit: une stagnation des revenus autonomes en 1993-1994 et même une diminution de 2 500 000 000 $ par rapport à ce qu'on avait prévu le 15 mai dernier; deuxièmement, une baisse progressive des transferts financiers du gouvernement fédéral et une croissance des dépenses correspondant à l'inflation plus 3 % durant les cinq prochaines années. À ce stade cl de nos travaux, il m'apparaît important de

soulever un certain nombre de questions auxquelles le document, malgré ce qu'il nous présente, n'apporte pas de réponse.

Tout au long du document, le ministère des Finances - et remarquez bien que je ne remets pas en cause les additions, les soustractions et les multiplications du document, mais les hypothèses qu'il sous-tend - soutient que les revenus autonomes augmentent au rythme du PIB lorsque la structure fiscale est constante, c'est-à-dire sans hausse ni baisse d'impôt ou de taxes. Cette assertion s'est vérifiée dans le passé et elle se vérifiera à compter de 1994-1995. Toutefois, l'an prochain, le ministère des Finances soutient que les revenus autonomes demeureront ce qu'ils sont cette année. L'Opposition s'interroge sur ce phénomène de la stagnation des revenus puisqu'il explique presque la totalité, 90 %, 95 % de l'augmentation du déficit en 1993-1994. Nous nous interrogeons aussi parce que le ministère des Finances prévoit une croissance économique réelle de 3,1 % en 1993, brute de 4,6 %. Même si ce chiffre a été réalisé à la baisse, comment peut-on expliquer que cela ne se traduise pas par une augmentation des recettes? Nous nous interrogeons aussi du fait que le gouvernement fédéral, pour qui les sources de revenus sont sensiblement les mêmes qu'au Québec, anticipe, pour sa part, une croissance de ses revenus de 3,3 % en 1993-1994, du moins aux dernières nouvelles. Enfin, l'Opposition s'interroge quant à la qualité des prévisions du ministère des Finances. Rappelons que, depuis la dernière élection, les erreurs de prévisions du ministère des Finances ne sont pas anodines. Est-ce qu'il s'agissait, dans certains cas, d'un excès d'optimisme? S'agit-il aujourd'hui d'un excès de pessimisme? Et ce changement d'attitude peut-il s'expliquer aussi par le contexte politique particulier dont j'ai parlé tantôt?

À l'égard des dépenses, en 1990-1991, le gouvernement du Québec s'était fixé un objectif, à l'égard de la croissance des dépenses, de l'inflation plus 1 %. Cet objectif apparaissait d'autant plus réaliste que, tout au long des années quatre-vingt, il avait été atteint, et ce, par deux administations différentes: la nôtre, de 1980 à 1985, IPC plus 1 %; la leur, sans récession, de 1985 à 1990, IPC plus 1 %. Jamais alors n'avait-il été question, pour atteindre cet objectif, de renoncer à des pans entiers du système de santé ou d'éducation, comme on semble aujourd'hui vouloir nous le proposer. Certes, les deux derniers gouvernements ont dû appliquer des mesures de contrôle, de rationalisation, voire même des coupures draconiennes, mais jamais de l'ampleur de celles dont on nous dit qu'elles sont nécessaires aujourd'hui. Par ailleurs, au cours des trois dernières années, la croissance des dépenses a été supérieure à l'inflation plus 3 %: 3,3 % en 1990, 3,0 % en 1991, 3,8 % en 1992. Mais lorsque l'on enlève de cette croissance la partie que le gouvernement attribue à la mauvaise conjoncture économique, on retrouve le rythme de croissance des années antérieures. Alors, comment explique-t-on que la meilleure conjoncture que l'on anticipe ne se traduise pas par un soulagement sur les dépenses du gouvernement du Québec?

L'analyse qui nous est proposée est non seulement fédéraliste, mais elle nous confine au statu quo, je dirai: Elle est résolument fédéraliste. Comme à son habitude, le ministre des Finances y dénonce les coupures effectuées par le gouvernement fédéral, depuis 1982, dans le financement des programmes établis. Rappelons les faits. Pour la seule année 1992-1993, les coupures effectuées dans le financement de la santé et de l'enseignement postsecondaire représentent, pour le gouvernement du Québec, un manque à gagner de 1 800 000 000 $. Au niveau de la péréquation, le manque à gagner du Québec, pendant les trois dernières années, totalise 1 800 000 000 $ aussi. Par ailleurs, encore cette fois-ci, le ministre des Finances prétend qu'entre 1984 et 1990 les transferts fédéraux aux provinces ont augmenté plus rapidement dans les provinces bien nanties que dans celles qui le sont moins. Or, à partir des informations contenues dans «Vivre selon nos moyens» et que l'on retrouve aussi dans des documents budgétaires antérieurs, on arrive à la conclusion que, mis à part le Québec, les transferts fédéraux aux provinces dites moins bien nanties augmentent encore plus vite qu'en Ontario. La conclusion qui s'impose est, par conséquent, que c'est le Québec qui a surtout fait les frais de ces coupures. Selon nos estimations, entre 1984 et 1990, la croissance annuelle moyenne des transferts fédéraux a été de 8,5 % dans les provinces moins bien nanties, excluant le Québec, de 6,6 % dans les provinces bien nanties et de 4,0 % au Québec, ce qui cote bien notre actuel ministre des Finances.

Par ailleurs, les transferts financiers provenant d'Ottawa et qui représentaient 28,9 % des revenus totaux du Québec en 1983-1984 n'en représentent plus que 21,6 % cette année, et cette proportion va diminuer jusqu'en 1997-1998 à 15,9 %. Non seulement ces transferts financiers diminuent en pourcentage du total, mais ils vont diminuer en valeur. En 1992-1993, ils représentent 7 885 000 000 $, alors qu'en 1997-1998, ils totaliseront moins de 7 000 000 000 $.

Or, le ministre des Finances nous indique que, selon une étude fédérale-provinciale, pendant les années quatre-vingt-dix, les dépenses des provinces augmenteront plus vite que celles du gouvernement fédéral. Je rappelle que, si les transferts fédéraux que nous avons reçus en 1993-1994 étaient transformés en points d'impôt, ils augmenteraient au même rythme que les revenus autonomes, selon les dires mêmes du ministère des Finances, c'est-à-dire au rythme du PIB. Il s'ensuivrait que, dans cinq ans, le Québec recevrait quelque 3 000 000 000 $ de plus. Bien

sûr, le ministre nous indique qu'il serait souhaitable qu'un nouveau partage fiscal soit défini avec le gouvernement fédéral, mais cela demeure un voeu pieux, dans la mesure où le Québec semble avoir peu d'appui, qu'Ottawa a une caisse à sec comme jamais et que le gouvernement du Québec ne propose rien, rien si Ottawa dit non à sa demande. En somme, le gouvernement fédéral a déstabilisé les finances publiques du Québec; il va continuer à le faire, et le gouvernement libéral continue à ne proposer aucune alternative. Cela commence à ressembler de plus en plus à du masochisme. (10 h 50)

L'endettement excessif du gouvernement fédéral, une politique monétaire brutale et non adaptée à l'économie du Québec, le relèvement rapide des taxes et des impôts et l'absence de politique économique cohérente et articulée au cours des dernières années nous ont conduits à l'une des pires récessions que nous ayons connues et à une économie qui ne démarre pas. Rappelons que le Conseil économique du Canada avait formellement avisé les deux niveaux de gouvernement de ne pas s'engager dans la réforme de la fiscalité tel qu'ils l'ont fait au moment où ils le faisaient, c'est-à-dire au moment du déclenchement d'une récession économique.

Au sujet de la hausse du fardeau fiscal, j'aimerais rappeler que, selon une analyse effectuée par la Banque Nationale, c'est la hausse du fardeau fiscal des dernières années qui empêche les consommateurs de contribuer à la relance de l'économie, comme cela avait été le cas en 1983. Or, le Québec et son gouvernement ont largement contribué à cette situation, et ce n'est pas la possibilité d'ouvrir les commerces le dimanche qui compensera les effets de la hausse du fardeau fiscal. Faut-il aussi souligner que le Canada est le seul pays du G 7 à avoir offert des taux d'intérêt réels supérieurs à 7 %, au cours des années quatre-vingt. Encore aujourd'hui, malgré la baisse des taux nominaux, le taux réel que l'on doit supporter au Canada surpasse ceux que l'on retrouve chez nos principaux concurrents, mais c'est toujours un Canada très cher à nos amis d'en face.

J'aimerais rappeler ici la conclusion de l'étude fédérale-provinciale dont j'ai parlé plus haut et qui est à l'effet qu'on ne doit pas s'attendre, au cours des prochaines années, à une réduction significative des taux d'intérêt réels en raison de la forte demande de capitaux dans les pays de l'Europe de l'Est, de l'ancienne Union soviétique et des pays de l'OCDE. En somme, des milliers de projets d'investissements créateurs d'emplois ne verront pas le jour, faute d'avoir accès à des capitaux à prix abordable. Ce n'est pas Ottawa qui fait en sorte qu'il y ait moins de pression sur les taux d'intérêt. Et ce n'est pas pour rien que le ministère des Finances prévoit que l'économie du Québec aura atteint son plein potentiel en 1997-1998, à la veille, d'ailleurs, d'une autre récession, et qu'il nous restera 9 % de main-d'oeuvre en chômage. Ajoutons à cela la faiblesse de nos dépenses en matière de recherche-développement, malgré les annonces, et de formation professionnelle et on comprendra que les Québécois soient quelque peu découragés face à leur avenir Or, comment ne pas pointer, ici encore, le régime fédéral qu'en face on refuse de remettre en question? On n'a qu'à penser à la rebuffade qu'a essuyée le ministre de la Main-d'oeuvre, lorsqu'il est allé récemment à Ottawa demander le rapatriement des pouvoirs en matière de formation professionnelle, pour voir à quel point ce régime politique correspond mal aux aspirations légitimes des Québécois. Faut-il rappeler qu'en matière de formation professionnelle le rapatriement des pouvoirs ne fait pas consensus, il fait l'unanimité.

Le fardeau fiscal des Québécois aurait atteint la limite du raisonnable, nous affirme le gouvernement libéral qui, depuis la dernière élection, alors qu'il criait «mission accomplie» à l'égard des finances publiques, a augmenté, lui, à peu près tout ce qu'il était possible d'augmenter du côté des taxes. Les entreprises y ont goûté via des hausses de taxes sur les profits, la taxe sur le capital et la taxe sur la masse salariale. Les consommateurs aussi y ont goûté, à un point tel qu'on assiste pratiquement à une révolte de ce côté et, j'ai bien dit tout à l'heure, à une baisse significative de la moralité fiscale. Le magasinage outre-frontière, la contrebande, le travail au noir résultent directement de la politique fiscale du gouvernement libéral.

Malgré cette situation qui fait sans doute perdre des milliards de revenus annuellement au gouvernement du Québec, ce dernier soutient que la structure fiscale est quasi parfaite et qu'il ne saurait être question de la modifier. Il favoriserait ce phénomène qu'il n'agirait pas autrement. Aucune volonté d'attaquer le problème de front n'apparaît dans le document. Il ne faut pas accroître le fardeau fiscal des Québécois, et c'est pourquoi il nous dit qu'il faut absolument travailler à la structure des dépenses.

Sur ce point, une des solutions avancées consiste à transférer aux paliers locaux, c'est-à-dire aux MRC, aux municipalités et aux commissions scolaires, davantage de responsabilités. Or, dans ce type de solutions, Québec n'indique aucune volonté de céder un espace fiscal à ces administrations. Conclusion: le gouvernement libéral propose de confier à ces administrations l'odieux de demander un effort accru aux Québécois. De la fausse représentation, c'est ce dont il s'agit. Je rappelle que c'est ce même gouvernement qui pleurniche dans chacun de ses discours contre le gouvernement fédéral qui fait exacte-mont la mômo chose. Faites co que je dis, ne faites pas ce que je fais.

On désire, par ailleurs, accroître la productivité des employés de l'État et, comme élément

de motivation, on propose un gel de la masse salariale et une réduction de 10 % du personnel, et surtout pas l'ombre du début du commencement de ce qui pourrait apparaître un projet de société qui apparaît. Rien. On arrive, par conséquent, à la solution ultime: couper radicalement dans les dépenses. Plus de 7 200 000 000 $ en cinq ans ou 16 % des programmes. Des pans entiers de notre régime de santé et d'éducation apparaissent aujourd'hui menacés...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, s'il vous plaît, brièvement, très brièvement en conclusion.

M. Léonard: Si vous me permettez...

Le Président (M. Lemieux): Oui, je vais vous le permettre. Votre temps est écoulé, mais, exceptionnellement, très brièvement.

M. Léonard: Nos concitoyens ont de quoi, effectivement, être inquiets. Ce que le gouvernement propose, c'est une analyse statique de la situation et pas du tout une analyse dynamique qui convierait la population à redémarrer l'économie, à participer à sa correction. Non. C'est une analyse statique où on propose de s'enfoncer davantage dans un cercle vicieux, une spirale vers le bas plutôt, que de demander aux Québécois d'aller en avant et de contribuer à la relance économique.

Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle.

La parole est maintenant au ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. Vous avez 20 minutes et quelques poussières, comme le député de Labelle.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.

Je dirais, dès le départ, que c'est avec déception mais sans surprise que j'ai entendu le discours du député de Labelle. On croyait que le ton avait été donné, il y a deux ans déjà, lorsque, avec nos partenaires syndicaux, j'avais discuté de rémunération dans le secteur public, de finances publiques de façon générale. C'était à la Saint-Valentin en 1991 qu'on avait eu l'occasion de se rencontrer pour la première fois. Il s'était dégagé à ce moment-là, du côté syndical, une demande de discuter de fiscalité. Ça n'a pas été retenu dans la première ronde, à l'époque, mais l'an dernier nous avons agréé à cette demande de discuter de façon la plus large possible, selon les demandes syndicales de fiscalité et, selon nous, de l'ensemble de la problématique des finances publiques.

C'était fait d'une façon non partisane. Il était évident qu'il y avait des enjeux qui dépassaient largement les lignes de partis politiques. On aurait pu faire, si on avait voulu tomber dans l'excès contraire, le procès de ceux qui nous ont précédés, de l'endettement cumulatif de 1976 à 1985. On aurait pu faire un tas de choses comme ça qu'on n'a pas relevées. On ne les a même pas relevées dans le document qui a été déposé le 19 janvier par mon collègue et moi-même. Le député de Labelle a choisi un autre ton. Il a choisi un autre discours. Vous me permettrez de trouver ça extrêmement regrettable. Sa cour d'accusations à l'endroit des gens du ministère des Finances, qu'ils se sont trompés dans l'évaluation de la conjoncture économique québécoise, canadienne, nord-américaine et internationale. On est en excellente compagnie. Tout le monde s'est trompé. Il y a au moins trois provinces canadiennes qui, sur une base comparable, se sont trompées plus que nous autres.

Document déposé

C'est ce que le tableau, qui pourrait être déposé, pourrait démontrer. On a des chiffres à cet effet. On peut comprendre que l'Opposition n'est pas équipée pour connaître, calculer et mesurer toutes ces choses-là. Alors, je vais prendre comme une question les diatribes du député de Labelle à notre endroit. Une question sur l'évolution des revenus autonomes compte tenu du PIB. Ça aussi, il y a des explications qui se redressent. Il y a, dans les revenus autonomes de cette année, des éléments qu'on ne retrouvera pas l'an prochain, des contributions. Par exemple, au titre de l'impôt sur les revenus des particuliers moindres que cette année, en raison de la baisse des taux d'intérêt. Les particuliers auront moins de revenus de source d'intérêt, donc ils paieront moins d'impôt sur ces revenus d'intérêt qui vont être moindres. Ça, ce n'est pas le PIB qui est en jeu là, c'est le niveau des taux d'intérêt prévisibles. Il y a un tas de choses mécaniques comme celle-là qu'il nous ferait plaisir, M. le Président, de déposer pour répondre aux questions passablement tonitruantes du député de Labelle. (11 heures)

M. Johnson: Je voudrais, surtout dans les quelques minutes qui nous sont réservées, d'abord remercier les douzaines de groupes, d'individus qui vont venir nous entretenir de leurs préoccupations au titre des finances publiques, sous un volet ou un autre. Beaucoup nous parieront de fiscalité.

Je veux juste souligner tout de suite que la fiscalité n'existe pas dans l'absolu, dans le vide ou dans les limbes. C'est un ensemble de règles qui nous permettent de percevoir des revenus pour payer les dépenses publiques. Discuter de fiscalité sans parler de dépenses publiques, sans remettre en cause le niveau des dépenses, leur

répartition, le fardeau que ça peut représenter comme tel m'apparaît un peu court et incomplet. Ça me fait penser un peu à une famille qui, au-delà de son logement, des besoins essentiels pour se vêtir, se nourrir, se déplacer, aller au travail, etc., déciderait d'emprunter inconsidérément pendant des années pour ses loisirs, pour des voyages, pour acheter des objets de luxe et qui, voyant éventuellement cette dette la rattraper, conclurait non pas qu'il faut arrêter d'aller au restaurant ou en voyage deux fois par année mais qu'elle a un problème de revenus. À la rigueur, il pourrait y avoir un problème de revenus si le petit entrepreneur que ça pourrait être décidait d'augmenter les prix à ses clients. Le problème, c'est qu'il est en concurrence avec d'autres gens qui, peut-être, ne se sont pas comportés de la même façon. alors, il faut donc avoir une bonne idée des priorités de dépenses du gouvernement si on veut discuter de fiscalité. il faut donc se connaître, je dirais, comme société, voir quelles sortes de choix on a faits dans le passé et où ça nous mène en matière de croissance des dépenses publiques. c'est ce que j'appelle le contrat social, qui est implicite dans la colonne des dépenses gouvernementales. ce sont des services qu'on a décidé do so donner t\ un certain nivoau. mais il faut réaliser qu'il y a un rythme de croissance inhérent à certains de ces programmes de dépenses, et on doit en tenir compte.

Deuxièmement, au-delà de se connaître, il faut se comparer, il faut donc voir ce qui se fait autour de nous, ajuster, évidemment, le fardeau fiscal pour tenir compte des services publics, se comparer à des gens qui encourent des frais considérables dans le domaine privé, par exemple en santé aux États-Unis. Ça doit aussi être l'objet de notre attention lorsqu'on compare notre fardeau fiscal avec le leur. Il faut donc regarder quelle est l'assiette complète des services qu'on se donne, que ce soit du côté du privé ou du public. Nos choix passés, il n'en reste pas moins qu'ils nous coûtent très cher, et ils ont aujourd'hui dépassé notre capacité de nous les offrir.

L'État québécois n'est pas une entreprise comme les autres. L'État n'est pas une entreprise comme les autres. C'est le fiduciaire du contrat social qui a donc cette obligation d'accorder des services à nos concitoyens, à toute la société. Dans notre cas, les deux tiers de ces activités vont aux services de base de la Santé et des Services sociaux, à l'Éducation, à l'Enseignement supérieur et à la Sécurité du revenu. On ajoute le Service de la dette - j'y reviendrai - et là on vient d'expliquer 75 %, 76 % des dépenses publiques. Il ne reste que 25 % des autres missions dans lesquelles, supposément, il faudrait aller sabrer de façon remarquablement substantielle si on ne veut absolument pas toucher à certaines des missions de base.

Le niveau de nos dépenses est plus élevé que celui de nos voisins, proportionnellement. On se compare traditionnellement à l'Ontario, pour des raisons économiques et géographiques. On doit remarquer que, même après les correctifs de la péréquation dont nous bénéficions, mais moindrement qu'autrefois, déjà, et depuis longtemps, on peut vivre au-dessus de nos moyens. Un redressement s'impose donc. Le redressement a été amorcé. La série extrêmement objective de chiffres que nous avons publiés démontrent qu'en 1989-1990 nous avions quasiment réussi à ne pas emprunter pour payer les dépenses d'épicerie absolument essentielles. Nous étions à la veille d'avoir la tête au-dessus de l'eau pour affronter un cycle économique qui est venu, évidemment, détruire certains des effets que nous avions presque atteints. On pourrait peut-être, en aparté, dire que cette oeuvre de redressement aurait dû commencer un peu plus tôt Je ne développerai pas davantage cette idée.

Les dépenses structurelles depuis 1989, les dépenses publiques, de façon structurelle - c'est un phénomène qu'on observe de très longue date - croissent à plus de 3 % de plus que l'indice des prix à la consommation. Ça nous permet de dire que, si nous ne faisons rien, on se remet dans la misère que tout le monde dénonce au point de vue des finances publiques J'en ai entendu et j'en vois qui persistent à dire que les 3 % d'excédent par rapport à l'inflation des dépenses publiques ne sont que passagers. Les 3 % soi-disant passagers actuels sont le résultat d'une croissance structurelle inhérente des dépenses publiques de plus de 3 % au-dessus de l'indice des prix à la consommation, que nous avons redressé par des mesures de compression. Il y en a eu pour 3 500 000 000 $ de façon cumulative depuis six ans, mais on l'a redressé dans le mauvais sens en raison de la conjoncture. C'est ce résultat net qui nous a amenés depuis trois ans à un peu plus de 3 % qui correspondent - c'est un hasard, croyez-moi - au rythme de croissance inhérent des dépenses publiques, qui est beaucoup trop élevé.

Il s'agit donc de nous attaquer à ce problème des dépenses publiques. Il nous apparaît que nous devrions délaisser l'approche interventionniste du gouvernement. Il nous apparaît que nous devons recentrer l'action de l'État sur ces rôles premiers que j'ai décrits un peu plus tôt et à l'égard desquels il y a des gestes également à poser. Nous avons à repenser la façon dont les services publics sont dispensés. Pour atteindre l'équilibre souhaité, nous devons réaliser des mesures de plus de 1 500 000 000 $ pour la prochaine année, limiter la croissance des années subséquentes à 1 % par année et réaliser, donc, des mesures de restriction de dépenses de plus de 7 000 000 000 $ d'ici 1997-1998, en vous rappelant, en nous rappelant à tous, que c'est le double de l'effort que nous avons consenti comme société depuis cinq ans.

Nous avons donc réaligné les dépenses

publiques pour recentrer l'action de l'État et ses ressources sur ses missions de base. Nous avons réévalué les interventions gouvernementales dans les autres secteurs. La restructuration économique en cours force également les entreprises à réexaminer leurs priorités. Nous ne pouvons pas échapper à cet examen. Le secteur public ne peut y échapper, à cette réalité. Il ne peut se contenter de gérer des programmes selon des modèles qui ont été établis en période d'abondance. Le passé, cette fois-ci, à mon sens, M. le Président, n'est pas garant de l'avenir. Je dirais même que le risque est très réel que les comportements passés nous garantissent un avenir impossible.

La mondialisation des marchés a pour effet de mettre les appareils publics en concurrence, par la charge qu'ils représentent sur les entreprises, en concurrence sur la scène mondiale. L'efficacité que nous pouvons atteindre dans les services publics est a l'avantage de l'économie dans un contexte ouvert et international. L'économie ne peut donc être concurrentielle si le secteur public n'est pas efficace. Lorsqu'il s'agit de repenser et de réviser le contenu des programmes, il faut davantage axer nos approches sur les résultats. C'est le défi que nous aurons à relever. Le prix de revient des services publics devra être plus bas, meilleur, donc, que celui de nos concurrents. Nous sommes condamnés, par le poids de l'endettement que nous traînons, à faire mieux que les autres.

De nombreuses avenues peuvent être considérées. Il y en a trois groupes principaux: l'organisation et la gestion des services publics, la gestion des ressources humaines et la rémunération et la révision du contenu des programmes. (11 h 10)

En ce qui a trait à l'organisation et à la gestion des services publics, nous pouvons suggérer quatre voies: celle de la décentralisation de certaines activités judicieusement choisies - j'en profite pour indiquer tout de suite aux milieux municipaux, locaux, régionaux que ce n'est pas sans leur accord que de telles décentralisations devraient se réaliser; deuxièmement, nous devons avoir recours à la tarification pour rendre visibles les services publics, ce qui me permet de dire que les services publics ne sont pas gratuits, mais le sait-on? Le sait-on? C'est là une partie du problème. On ne se rend pas compte, à mesure qu'on consomme des services publics, que nous payons d'une façon ou d'une autre pour ceux-ci; et l'introduction de frais, de tarifs, qui sont d'abord et avant tout des signaux et non des sources de financement substantielles, mais des signaux sur la valeur de services publics comme ressources que nous ne devons pas gaspiller; troisièmement, recherche systématique des façons plus rentables de dispenser des services, tant au point de vue de l'organisation, d'une part, que de la réalisation de certaines activités en dehors des cadres traditionnels de l'État; et la mise en place d'un mode de gestion davantage axé sur les résultats et l'imputabilité, M. le Président, une notion que je sais que vous saurez retenir. Il s'agit, dans ce dernier cas, de responsabiliser davantage nos employés, cette ressource remarquable de 400 000 Québécois qui sont en première ligne de la dispensation des services publics. Nous avons à nous assurer qu'ils sont dans une atmosphère, un environnement qui valorise, motive ces Québécois qui rendent des services afin d'assurer une prestation plus efficace, plus productive, une meilleure distribution, donc, de l'argent des impôts des contribuables.

Deuxièmement, au titre de la gestion des ressources humaines, nous avons à assurer une meilleure productivité. C'est là un vocable qui recouvre toutes sortes d'initiatives innovatrices qui permettent aux gens de s'adapter, de renforcer l'efficacité de la prestation des services publics. Au titre de la rémunération globale, j'ai déjà souligné l'avance, qui est encore mesurable, de l'ensemble des employés du secteur public sur la capacité du secteur privé et sur les niveaux de rémunération pour des tâches semblables qui sont versés dans le secteur privé. Mais les gains de productivité que nous pourrions faire pourraient, en tout ou en partie, être redistribués sous forme d'augmentations de salaires en maintenant le cap sur la stabilisation de ces 20 000 000 000 $ qui sont distribués sous forme de rémunération. Des réaménagements seront nécessaires, mais nous entendons en discuter comme d'habitude afin d'en convenir, comme d'habitude, avec nos employés qui méritent l'attention que nous voulons leur porter. Troisièmement, le nombre d'employés est également en cause. Nous avons déjà annoncé une diminution de 12 % sur 5 ans des effectifs de la fonction publique, et de 20 % d'ici 3 ans des effectifs d'encadrement de la fonction publique.

Donc, l'organisation des services, deuxièmement la gestion des ressources humaines, troisièmement la révision du contenu des programmes. À mon sens, le domaine de la santé et des services sociaux où, déjà, nous avons posé des gestes ne peut être à l'abri d'une remise en cause des modes de financement, du volume d'activités, du niveau et du panier de services. Le domaine de l'éducation doit également contribuer à sa façon à réduire la croissance des dépenses. Dans le domaine de la sécurité du revenu, on doit s'assurer, tout en maintenant les contrôles étanches et en évitant des surconsommations dans le cas de certains services qui sont offerts, à renforcer l'incitation au travail. Il est impératif que nous continuions à modifier, autant que faire se peut, les programmes de sécurité du revenu afin d'atteindre cet objectif éminemment constructif et valorisant pour tous ceux qui en sont bénéficiaires. Finalement, du côté de l'aide aux entreprises, des changements majeurs sont dictés par les nouvelles règles du commerce

international, y compris dans le domaine si sensible, pour de nombreuses régions du Québec, de l'agriculture. Mais, à cet égard, je ne fais que rappeler les engagements de producteurs agricoles, de tous les intervenants du gouvernement à l'occasion du Sommet de l'agriculture de l'été dernier.

En conclusion, M. le Président, malgré les progrès que nous avons réalisés, le redressement des finances publiques n'était pas encore complété en 1989-1990, lorsque la récession, au deuxième trimestre de 1990, nous a frappés. Nous avons dû reporter les échéances de l'atteinte de l'objectif de l'équilibre budgétaire. Les finances publiques se retrouvent aujourd'hui, donc, à la croisée des chemins, encore une fois en raison du cycle économique qui vient exacerber les rythmes de croissance inhérents des dépenses publiques. Il faut bien distinguer. Ce n'est pas un problème passager; c'est un problème permanent, qui nécessite une solution permanente.

Le gouvernement espère que les travaux de la commission permettront d'identifier les meilleures avenues. Nous avons à repenser et revoir le contrat social qui est illustré par les dépenses publiques. Nous avons à faire en sorte, à l'occasion de cette commission et dans les mois qui suivront, que tous les citoyens sauront que c'est une oeuvre non seulement utile mais nécessaire que celle du redressement des finances publiques, et que tous auront le sentiment de contribuer également à ce redressement...

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: ...nécessaire, non seulement pour les générations qui nous suivent mais pour nous tous qui aurons, dans les années à venir, à bénéficier des services publics, nécessaire par la distribution de cette contribution. Au titre des dépenses publiques, nous devons faire en sorte que tous sentent que les services sont ramenés à un niveau réaliste pour tout le monde, que les services sont rendus efficacement et sans gaspillage par toutes les instances qui rendent ces services, et que les services publics sont financés par tous sans que quiconque n'échappe à ses devoirs de contribuable.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Mme la députée de Taillon, Mme Marois, porte-parole de l'Opposition officielle concernant le Conseil du trésor.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.

Avant d'aborder le coeur du débat qui va retenir notre attention pendant les trois semaines à venir, j'aimerais rappeler ma déception profon- de - vous la rappeler, M. le Président - quant à l'attitude du gouvernement à l'égard des demandes que lui avaient présentées les représentantes et les représentants des secteurs public et parapublic, des syndicats de la fonction publique, et à laquelle demande le gouvernement avait acquiescé pourtant, M. le Président, à savoir la tenue d'une enquête publique approfondie sur la fiscalité québécoise.

Vous allez me dire: Mais nous sommes bien là, pourtant, pour en débattre. Il m'apparaît cependant, M. le Président, à l'évidence, qu'en fait le gouvernement a renoncé à ses engagements, et plus que cela. Il a mis en scène un scénario où il va convier les citoyennes et les citoyens du Québec à regarder les finances de l'État essentiellement sous l'angle des dépenses. Et, ce matin, le président du Conseil du trésor nous dit: Écoutez, on ne peut pas regarder les finances publiques sans se pencher, effectivement, sur le volet qui justifie qu'on aille faire des prélèvements en impôts. Ça va de soi, j'en conviens, je suis d'accord avec le président du Conseil du trésor. Mais il y a une différence, M. le Président, entre cela et le fait qu'on évacue le débat sur la question de la fiscalité.

Or, je pense qu'à voir le président du Conseil du trésor qui, depuis quelques jours, multiplie les commentaires afin de tenter de culpabiliser les citoyennes et les citoyens quant à leur présent et quant à leur avenir, quant à celui de leurs enfants, j'ai l'impression, M. le Président, que le gouvernement s'est engagé dans une entreprise pernicieuse qui vise à désolidariser les Québécoises et les Québécois: les malades contre les gens en santé; les jeunes contre les personnes âgées; les payeurs de taxes contre les gens dans la misère, sans emploi, en chômage. (11 h 20)

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, M. le Président, que l'on nous convie à un véritable appel à la solidarité, à l'espoir, à des perspectives qui donnent le goût de mettre la main a la pâte? Or, on nous convie plutôt à la démobilisation, sans pour autant nous proposer de solutions qui vont régler le problème réel. Je conviens que le problème est réel, mais on ne nous propose pas de solutions qui vont régler ce problème réel à moyen et à long terme, M. le Président. On semble même vouloir nous reprocher de négliger d'aborder certains éléments pour lesquels nous n'avions même pas, de ce côté-ci, M. le Président, d'information. On peut le constater, le ministre des Finances de même que le président du Conseil du trésor ont déposé ce matin une série de tableaux venant expliquer un certain nombre de faits, mais auxquels nous n'avions pas accès, M. le Président, jusqu'à ce matin.

Cela étant dit, j'aimerais aborder les travaux qui nous convieront pendant les semaines à venir sous quatre angles. Premièrement, le document «Vivre selon nos moyens» ne nous offre qu'une vision à court terme et qui nous

mène à un véritable cul-de-sac. Pourquoi? En fait, ça fait plus de 10 ans que les gouvernements successifs du Québec se sont efforcés de rationaliser les dépenses. Les deux gouvernements, d'ailleurs, à cet égard, qui se sont partagé le pouvoir y sont, je dirais, relativement bien arrivés, puisque tout au long des années quatre-vingt les dépenses se sont accrues à un rythme voisin de l'inflation plus 1 %. Et je rappellerai aux membres de cette commission, M. le Président, que dans le cas du gouvernement du Parti québécois, cela avait compris la période de récession des années quatre-vingt.

Pourtant, le document rendu public le 19 janvier dernier nous montre que les problèmes auxquels on a été confrontés au début des années quatre-vingt nous affectent encore plus pendant les années quatre-vingt-dix, avec une acuité plus grande encore. Les solutions qu'on nous propose maintenant, que nous propose le gouvernement libéral, sont essentiellement du même ressort que celles que nous avons appliquées, nous, comme gouvernement, et le gouvernement actuel depuis le début des années quatre-vingt. On nous dit: Coupons. Procédons à des coupures budgétaires. On a déjà coupé dans le gras, dans le muscle; est-ce qu'on s'apprête à couper dans l'os, M. le Président?

Mais, ce qui m'inquiète, c'est que n'apparaît pas, c'est qu'on ne voit pas dans le document «Vivre selon nos moyens» de solutions à long terme, de solutions définitives. Dans cinq ans, on sera confronté - je ne ie souhaite pas - on pourrait être confronté à une nouvelle récession. On serait, en fait, à nouveau confronté au même problème parce que, essentiellement, nous n'aurons apporté aucune véritable solution. Nous recommencerons l'exercice auquel nous sommes conviés maintenant. Est-ce que c'est cela qu'on se dit ce matin, M. le Président? La perspective n'est pas très gaie.

Deuxièmement, quelle est la véritable source du mal qui fait que nos finances publiques sont dans l'état actuel? Dans les années d'après-guerre, on sait qu'au Canada, comme dans beaucoup de pays industrialisés occidentaux - et ce fut le cas au Québec aussi - on a mis en place un ensemble de programmes sociaux, le fameux filet de sécurité; qu'on pense à l'assu-rance-chômage, qu'on pense à l'aide sociale, à l'assurance hospitalisation, à l'assurance-maladie, à certains régimes universels de rentes. Il est utile de se rappeler que lorsqu'on a créé ces programmes notre économie vivait ce qu'on appelle le plein emploi. Je parle ici d'un taux de chômage qui, à la fin d'une période de croissance économique, atteignait 3 %, 4 %. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, à la fin d'une période de croissance économique, le taux de chômage atteint les 9 %, 10 %. Et c'est ce qu'on nous dit, M. le Président, dans le document «Vivre selon nos moyens»: au terme de la prochaine période de croissance économique, le taux de chômage sera de l'ordre de 9 % à 10 %. C'est évident qu'une situation comme celle-là ne peut pas faire autrement que de créer des pressions énormes et gigantesques sur le gouvernement.

D'ailleurs, je rappellerai qu'il y a une étude fédérale-provinciale sur le coût des opérations gouvernementales et la gestion des dépenses qui a été publiée au mois de mai dernier, en 1992, et qui identifie comme pression sur les dépenses les forts taux de chômage - sur les dépenses gouvernementales - que nous connaîtrons suite à la récession qui, officiellement, et le ministre des Finances le rappelait, vient de prendre fin. Je ne suis pas sûre que nos concitoyens le sentent vraiment. J'espère qu'ils le sentiront rapidement.

Ceci m'amène à dire: Que le plein emploi ne soit pas un objectif «atteignable» à court terme, j'en conviens. Mais qu'on ne fasse rien pour mettre sur pied une politique cohérente en matière de développement de l'emploi, ça, par exemple, M. le Président, ça dépasse l'entendement. Le développement de l'emploi apparaît dès lors comme le seul moyen d'accroître réellement les revenus de l'État, bien sûr de réduire les dépenses, parce que ça crée une pression moins grande en termes de sécurité du revenu, en termes d'aide sociale, de besoins en services sociaux et en services de santé. Cela vient donc, bien sûr, réduire le fardeau fiscal de ceux et celles qui, aujourd'hui, sont trop peu nombreux pour financer les services qu'on s'est accordés.

Ça exige, donc, qu'on révise notre approche. On a des mesures passives. On applique actuellement des mesures passives, et elles sont inadéquates. Il faut passer à des mesures actives supportées par une vision à l'égard de l'emploi et d'une politique d'emploi. Ça suppose, entre autres - quand ce ne serait que cet exemple-là qui est à nos portes, auquel on devrait déjà s'attaquer - qu'on regroupe, par exemple, les politiques de sécurité du revenu, l'aide sociale, l'assurance-chômage, que l'on reprenne à l'intérieur de ce regroupement la formation, le recyclage de la main-d'oeuvre dans un tout cohérent. Pour cela, ça va de soi que le Québec doit posséder l'ensemble des pouvoirs et, mon collègue le rappelait, ça ne fait pas consensus au Québec, ça fait l'unanimité.

Il semble qu'il y a absolument seulement le gouvernement fédéral qui n'ait pas compris ça. Il faut voir la rebuffade qu'a subie - la rebuffade cinglante - le ministre, M. André Bourbeau, la semaine dernière, lorsqu'il a osé proposer que le Québec rationalise son approche à cet égard-là. Je pense que, lorsqu'on connaît bien le problème, on connaît déjà une partie de la solution. Or, c'est ce qui fait défaut, à mon point de vue, dans le document qui est devant nous. J'ai l'impression qu'on a baissé les bras sans offrir de perspective et d'espoir.

Par ailleurs, comme l'a souligné mon collègue, le député de Labelle, une partie importante du problème financier auquel on est

confronté, au-delà de ces questions de dédoublement et de regroupememnt de certaines politiques, vient de ce qu'Ottawa, dans la gestion des finances publiques, s'inscrit dans les pires performances que le monde occidental ait connues. En fait, Ottawa n'a rien réussi de mieux, pour contenir la croissance de ses dépenses - et le ministre des Finances le rappelait - que de couper dans les transferts aux provinces. Rappelons-le, ces transferts avaient été mis en place parce que le partage fiscal entre le niveau fédéral et les provinces ne permettait pas de financer ce que, par ailleurs, on considère comme des services essentiels. Pourquoi ne pas nous transférer les points d'impôt plutôt que de continuer à nous garder dans la dépendance, M. le Président? En somme, des efforts de rationalisation des dépenses des deux gouvernements à Québec ont été sapés par l'attitude du gouvernement fédéral, M. le Président. Encore là, il me semble que l'identification du problème devrait nous amener à tirer des conclusions.

Troisièmement, une analyse, qui nous apparaît sommaire, des dépenses. Si je reviens à «Vivre selon nos moyens», que nous offre le gouvernement libéral comme voie à suivre? En fait, ça me fait penser à une liste de conclusions tirées d'analyses qu'on n'a pas cru bon présenter à la population que l'on invite, par ailleurs, à se prononcer sur les solutions avancées. Je pense, entre autres, à cette question des revenus pour lesquels nous avons, ce matin, des explications. C'est évident qu'un sentiment de méfiance se développe. Comment être sûr que les solutions déjà peu précises correspondent vraiment aux problèmes identifiés et desquels on a tiré des conclusions? (11 h 30)

Est-ce que l'appel à la concertation lancé par le gouvernement libéral ne risque pas de tourner à l'affrontement, dans un tel contexte? Il me semble qu'à cet égard nous devrions tirer des leçons d'un passé récent, qui nous a fait très mal comme collectivité. Au printemps dernier, le gouvernement fédéral - je le rappelais tout à l'heure - a rendu publique une analyse des dépenses fédérales et des dépenses provinciales, dont celles du Québec, qui était beaucoup plus élaborée, d'ailleurs, que ce que nous présente actuellement le gouvernement. On nous rappelle, dans ce document qui a été fait par le gouvernement fédéral, qu'au cours des 15 dernières années - pour donner un exemple, là, du fait qu'on coupe un peu court parfois - en matière de santé, le Québec s'est mieux comporté que les autres provinces. La croissance des dépenses, au Québec, correspond assez bien à celle de son économie. À ce moment-là, pourquoi n'est-il pas possible de mieux contenir le déficit, M. le Président?

Ce qu'on sait, par ailleurs, c'est qu'une croissance des dépenses de l'indice des prix à la consommation plus 1 %, comme on l'a vécu pendant les années quatre-vingt, permettrait de réduire le niveau de dépenses prévu dans «Vivre selon nos moyens» de près de 5 000 000 000 $.

Par ailleurs, on demandera, encore une fois, aux travailleuses et aux travailleurs du secteur public un nouvel effort en vue de rationaliser les dépenses publiques. Or, la lecture du document gouvernemental révèle que ce dernier est construit de telle sorte qu'on fait porter encore une fois aux employés de l'État l'odieux de la situation, alors que la preuve n'a pas été établie. La preuve n'a pas été établie sur le fait qu'on leur reproche leur faible productivité. Est-ce que cette faible productivité, selon ce que dit le gouvernement, ne s'expliquera que par la mauvaise gestion des ressources humaines à laquelle a contribué le gouvernement actuel? Et ça va être mon quatrième point, M. le Président, la gestion des ressources humaines.

En fait, en matière de gestion des ressources humaines, la performance du gouvernement libéral n'a rien d'un exploit. Ceci nous a été clairement révélé par le Vérificateur général, dans son dernier rapport. Qu'est-ce qu'il nous a dit? «Peu de planification structurée de la main-d'oeuvre dans les ministères et organismes gouvernementaux. En matière de dotation de personnel occasionnel, le processus mis en place par le gouvernement libéral est peu efficient, non économique, en plus de donner lieu à des pratiques inquiétantes au plan de l'équité, de l'impartialité et de la transparence.» En matière toujours de dotation de personnel, permanent cette fois-ci: «Les modifications à certaines pratiques administratives pourraient amener une plus grande efficience et faire réaliser des économies appréciables. En matière de développement des ressources humaines, il y a manque de cohérence, il y a gaspillage», M. le Président.

Bref, je ne vois pas en quoi il y a raison de pavoiser lorsqu'on sait que les ressources humaines s'accaparent, et le président du Conseil du trésor le rappelait, près de la moitié des dépenses du gouvernement. Qu'il nous dise aujourd'hui qu'il faut changer d'approche, qu'il faut accroître la productivité en responsabilisant davantage les employés, en leur confiant davantage de responsabilités n'est, en fait, qu'un constat d'échec de sa propre gestion. Cela fait sept ans, M. le Président, que le gouvernement, je vous le rappelle, applique ses politiques de gestion de personnel. Lorsqu'il nous dit, en plus, qu'il veut réduire l'effectif gouvernemental de 10 % alors que, par le passé, il a maintes fois répété cet objectif - et je revois le président du Conseil du trésor le dire à maintes reprises - sans jamais l'atteindre, est-ce qu'on ne peut pas être un peu sceptique, M. le Président?

L'imputabilité. L'imputabilité des gestionnaires de l'État. Y a-t-il plus grande responsabilisation? Vous vous souviendrez, M. le Président, vous présidiez la commission, que ceci a fait l'objet de discussions au sein de la commis-

sion et a fait consensus au sein de la commission. Or, on constate que le gouvernement s'est plutôt hâté lentement à cet égard-là, malgré que nous étions prêts à concourir, il y a à peine quelques semaines encore, à l'adoption d'une loi qui permettait de mettre en place l'imputabilité au sein de l'appareil gouvernemental. Le député de Verdun, qui siège à notre commission, M. le Président, s'en rappellera sûrement. Nous étions ici pour y travailler. Il s'est hâté tellement lentement, M. le Président, que ce n'est pas encore mis en place ni adopté. Est-ce que ça ne soulève pas un certain problème de crédibilité, M. le Président? Je crois que c'est le cas.

Je conclurai en vous disant ceci: L'analyse présentée par le gouvernement libéral en est une de court terme, et j'ai peur, comme mon collègue de Labelle le rappellait, qu'elle nous conduise, dans cinq ans, à refaire l'opération que l'on commence aujourd'hui. «Vivre selon nos moyens» doit aussi être analysé dans son contexte, à savoir celui où le renouvellement des conventions collectives doit être négocié prochainement. Finalement, l'absence de vision, de perspective ou de projet fait de «Vivre selon nos moyens» une opération de démobilisation, de découragement. La solidarité des Québécoises et des Québécois est également menacée. Du fait que le gouvernement n'offre pas de solution à des problèmes aussi graves que la contrebande, l'évasion fiscale, le travail au noir, on se méfie de son gouvernement; on ne collabore plus avec son gouvernement. Ce qu'il manque donc à ce gouvernement et que reflète bien le document, c'est la perspective, le goût de mobiliser le Québec, de le solidariser autour d'une volonté collective de résoudre les problèmes non seulement à court terme, mais à moyen et à long terme. Je suis persuadée que la population québécoise est prête à relever ce défi, mais encore faut-il, M. le Président, qu'il lui soit proposé.

Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

La parole est maintenant à M. le ministre du Revenu, pour une durée de 20 minutes.

M. Raymond Savoie

M. Savoie: Merci, M. le Président.

Alors, si je comprends bien, à date en tout cas, la position de l'Opposition est de dire: Bon, bien, c'est la faute d'Ottawa, c'est la faute des autres, qu'ils sont sceptiques vis-à-vis de cette opération et que c'est une opération pernicieuse. Ça fait un peu curieux. Je pense que le «dream» du ministre des Finances risque de mal se réaliser si un échange ne se faisait qu'avec vous. Je pense qu'on peut se contenter du fait, comme l'a souligné le président du Conseil du trésor, que ça se fait avec le public. On espère qu'au fur et à mesure que se développent ce dialogue, ces échanges, ces informations, évidemment vous allez prendre une meilleure position face au sérieux des travaux que nous devons entreprendre ensemble pour effectivement réaliser quelque chose. Le Québec, l'ensemble de la population s'attend à rien de moins de vous.

Pour participer avec vous à ces délibérations, évidemment je dois faire un peu le point sur l'état de la situation au niveau des finances publiques, au niveau d'une réflexion qui se veut de «Vivre selon nos moyens», avec le ministère du Revenu faire un peu, en quelque sorte, un résumé de la problématique telle que nous la concevons. Je pense que vous allez trouver ça des plus à propos.

Vous savez que le ministère du Revenu, d'abord, sa clientèle est de 4 500 000 contribuables. On traite avec 430 000 mandataires sur une base mensuelle ou trimestrielle, depuis peu pour une partie d'entre eux. On traite également sur une base presque mensuelle avec 265 000 corporations et plus de 300 000 employeurs, et ça, avec des ressources de 6000 personnes, 6000 hommes et femmes qui, bien sûr, réussissent très bien à déployer leurs efforts pour réaliser leur mandat. Au cours de l'année fiscale 1991-1992, nous avons réussi à réaliser les objectifs, tel que nous le fixe le ministre des Finances, c'est-à-dire de recevoir quelque 22 300 000 000 $ perçus auprès de ses clientèles. C'est des montants considérables. Puisqu'il sera également question ici des coûts d'administration et de la façon dont nous exécutons notre mandat, on pourrait peut-être souligner qu'au cours des trois dernières années, malgré une augmentation des plus sensibles de nos tâches, de notre participation, les coûts par 100 $ perçus ont baissé à 1,36 $ à 1,29 $, ce qui se compare très avantageusement avec ce qui se fait en Amérique du Nord et avec ce qui existe en Europe. On peut en être fiers.

Je pense que les efforts déployés au niveau des refontes, au niveau de la modernisation de notre système font en sorte qu'effectivement le ministère détient des brevets sur des systèmes de «software» et fait, en quelque sorte, chef de file sur plusieurs secteurs au niveau de sa perception: 1,29 $, donc une baisse sensible, et je pense que nous en sommes particulièrement fiers. (11 h 40)

Peu à peu, par contre, le rôle du ministère des Finances, comme vous pouvez le constater, a évolué. On ne fait pas que de la perception de «reset»; nous sommes également l'instrument de certaines politiques sociales et économiques, et il y a une tendance dans ce sens-là qui joue un rôle de plus en plus accru. Or, dans une société aussi diversifiée et complexe que nos sociétés modernes, on ne peut réclamer l'introduction de mesures modulées en fonction de besoins spécifiques sans accepter, en contrepartie, la relative complexité qui en découle au plan administratif.

Malgré une volonté de simplification, un effort soutenu au niveau de la simplification, ces pressions provenant de plusieurs secteurs de la société font en sorte que, oui, il se développe des complexités au sein de l'administration de nos revenus. Ça se traduit en information, comme, par exemple, cette année, nous allons recevoir plus de 3 000 000 d'appels téléphoniques; il y a cinq ans, on en avait à peine au-dessus de i 000 000; il y a 15 ans, en bas de 500 000. 3 000 000 d'appels téléphoniques, c'est énorme. il y a, également, 500 000 contribuables qui se sont rendus chez nous, justement pour échanger avec nous non seulement sur des problèmes provenant, par exemple, de l'utilisation de certains formulaires, où il y a un effort de simplification qui est maintenu, mais tout simplement pour connaître leurs droits. puisqu'on administre des programmes sociaux, certains programmes demandent du temps, demandent des explications que l'on doit fournir à la clientèle. on est en train d'examiner, évidemment, comme vous le savez, de nouvelles avenues qui vont donner satisfaction à notre clientèle. on parle, par exemple, de l'utilisation de vidéos au lieu de textes écrits, comme les utilisent certaines compagnies d'ordinateurs pour le traitement de leurs abonnés. tout ça est à l'étude et, évidemment, va déboucher sur des mesures appropriées pour faciliter la tâche pour l'ensemble de la communauté dans l'exécution de nos mandats.

On maintient des efforts considérables: création d'un bureau des plaintes, organisation de tournées d'information avec les chambres de commerce, simplification des déclarations de revenus, tant pour les sociétés que pour les particuliers, simplification de formulaires, un effort constant, et des bulletins d'information avec ces nouvelles avenues que nous sommes en train d'organiser, sans parler d'une augmentation très sensible des lignes téléphoniques chez nous. ii y a donc un équilibre qu'il nous faut rechercher entre ce que la société attend de l'état et ce qu'elle est prête, en contrepartie, à supporter. cela aussi fait partie du contrat social que nous devons définir. au fur et à mesure de la récession qui nous a durement touchés, alors que l'état avait besoin de la collaboration de chacun, nous avons vu certains abandonner leurs responsabilités de citoyen pour ne réclamer que leurs droits. ça, nous l'avons constaté de plus en plus. c'est une tendance qui, à moins qu'elle ne soit discutée et qu'elle ne fasse l'objet d'échanges, risque, évidemment, de causer des difficultés considérables pour l'état. la tâche énorme, donc, qui nous confronte consiste à convaincre chacun de l'utilité, dans un système basé sur l'autocoti-sation, de déclarer les revenus réellement gagnés et de payer les taxes dues pour que l'état puisse offrir les services à l'ensemble de la collectivité. un système basé sur l'autocotisation est un système qui tait d'abord appel au citoyen et à son sens des responsabilités.

Le danger qui nous guette ost la banalisa tion de ces gestes ou attitudes où on en fait fi. Il appartient à tous et à toutes, aux groupes socio-économiques, au gouvernement comme à l'entreprise de prendre conscience du danger d'une telle banalisation pour la société dans laquelle nous vivons. À ce sujet, je tiens ici à faire certaines distinctions et à relativiser les problèmes auxquels nous faisons face.

Actuellement, on parle beaucoup, dans les médias, de contrebande, de fraude, d'évasion fiscale, de travail au noir. Le citoyen est bombardé, souvent avec des informations incomplètes ou fausses en partie, de tous côtés, des cris d'alarme de toutes sortes. Mais qu'en est-il exactement? Pouvoir y répondre d'une façon précise supposerait que tous ces phénomènes seraient cernés correctement et, ce faisant, qu'on puisse les régler rapidement. Disons-le tout de suite et sans faux-fuyant: l'utopie en cette matière est facile à proposer, mais il serait naiï de croire qu'il existe des solutions miracles qu'on peut imposer comme si c'était un jeu d'enfant.

Tout d'abord, le Québec n'est pas une société située aux confins d'une île perdue, coupée de toute relation avec d'autres régions, ni un État totalitaire à caractère policier. L'évasion fiscale qu'on y trouve est probablement comparable a d'autres économies de même nature et à d'autres sociétés démocratiques. À titre d'exemple, une recherche menée récemment par l'Université du Québec à Montréal révèle qu'en proportion du produit national brut, le PIB, la fraude fiscale est évaluée à 5 % en Allemagne, à 5,5 % en Suède, à 3 % en Finlande, un peu moins; par contre, aux États-Unis, 8 %, qui semble être un chiffre qui se dessine de plus en plus pour les années quatre-vingt comme étant un chiffre définitif et, assez surprenant, à 10 % en Suisse. On ne peut pas, évidemment, parler de l'Italie, mais le Canada peut certainement se situer facilement dans un contexte similaire ou semblable à celui... le taux qui existe, par exemple, aux États-Unis et en Suisse, donc quelque part autour de 8 % et 10 %, pour évidemment l'époque qui a été étudiée par ce groupe de recherche de l'Université du Québec à Montréal. Par conséquent, un maintien un peu tout partout d'un marché, d'une économie souterraine.

La fiscalité, au même titre que d'autres réglementations, fait partie du contrat social que nous nous donnons. Elle confère des droits, mais elle confère aussi des obligations que le ministère du Revenu doit faire respecter dans la mesure des moyens acceptables et responsables. C'est ainsi que sont poursuivis divers programmes de vérification instaurés depuis quelques années. À ce titre, le ministère du Revenu a récupéré, par exemple au cours des cinq dernières années, plus de 1 600 000 000 $

Notons également, au Quebec, la présence de deux paliers gouvernementaux dans le domaine

de l'impôt des particuliers et des corporations, ce qui augmente le champ d'intervention au niveau de la vérification en raison des ententes entre les deux gouvernements, une vérification constante, soutenue et, en pourcentage, certainement plus élevée qu'ailleurs à cause, justement, de la coexistence de ces deux paliers de gouvernement. Évidemment, il y a eu des gestes à point de posés depuis maintenant plusieurs années dans plusieurs secteurs. On pourrait parler, par exemple, du tabac.

Il est souvent oublié que, depuis 1988-1989, le ministère du Revenu a mis en place un comité ministériel de coordination visant à contrer cette évasion fiscale en plus de donner naissance à une nouvelle loi qu'on a débattue ensemble avec le député de Labelle, devant cette commission, il y a à peine quelque 20 mois. Les activités réalisées suite à ces différentes propositions de ce groupe ont permis de récupérer, bien sûr, 137 000 000 $ en droits. Des gestes, donc, qui se posent, des interventions qui se font, mais tout en respectant les données fondamentales de notre contrat social où se trouve, effectivement, l'ensemble des meilleures solutions.

On va certainement entendre tout à l'heure le député de Montmorency intervenir, à cor et à cri, et à tort, sur des solutions qui, d'un point de vue du député de l'Opposition, puissent paraître effectivement réalisables, des positions qui ont peut-être fait l'objet de discussions sur la place publique il y a déjà plusieurs mois, en les simplifiant, en disant que ça ne demande finalement qu'une intervention brève. On leurre en quelque sorte, on trompe nos intervenants. Les situations, comme je l'ai mentionné, sont souvent complexes. Elles demandent une appréciation constante, une réévaluation qui doit assurer, oui, bien sûr, le respect des lois - ce que nous cherchons d'une façon constante - mais qui doit aussi tenir compte de certains faits dominants: le fait du système de l'autocotisation, le fait de l'utilisation de nos mandataires, 430 000 mandataires, le fait également que nous travaillons à partir de fondements démocratiques qui demandent le respect de la population, qui demandent également que, lorsque nous intervenons, nous intervenions en respectant ces droits démocratiques acquis et acceptés depuis maintenant fort longtemps. Des interventions de coin de table n'ont pas leur place au Revenu, n'ont pas leur place au sein de la société québécoise. (11 h 50)

Nous devons travailler à partir d'un consensus, un consensus à établir, bien sûr, avec les autres gouvernements provinciaux du Canada, le gouvernement fédéral, certainement en tenant compte des politiques aux États-Unis, certainement en tenant compte également des intervenants sociaux. Je pense que ce que nous voulons faire ici avec cette réflexion que nous entreprenons ensemble sur les finances publiques, ça va être justement de constater la complexité, de dire qu'il doit également y avoir des interventions au niveau des programmes, que le ministère du Revenu est nécessairement impliqué dans cette réflexion à cause de la gestion de certains programmes, à cause, évidemment, du fait que le ministère du Revenu a une relation constante et directe, au point de vue des revenus, avec tous et chacun des citoyens et citoyennes du Québec.

Dans ce sens-là, M. le Président, nous attendons beaucoup de cette réflexion que nous allons entreprendre ensemble. De l'Opposition, je souhaite voir certainement plus que «c'est la faute d'Ottawa», «c'est la faute des autres», et cesser notre réflexion avec des attitudes qu'il y a une solution très facile; il faut tout simplement faire ceci et tout tombe en place, et une attitude aussi qui, finalement, relève le doute sur le bien-fondé d'une démarche avec, quoi, 75 intervenants que nous allons entendre au cours des deux ou trois prochaines semaines. J'espère donc que nous allons avoir une grande ouverture d'esprit, que nous serons à la recherche, à travers les mémoires qui seront déposés, de pistes de solution acceptables et applicables pour la population. Je suis certain que mes collègues ministériels vont s'y appliquer, vont écouter, vont travailler, vont participer pleinement à ce travail que nous avons entrepris.

Donc, je souhaite que chacun des intervenants soit alors plus ouvert aux besoins des autres, plus conscient des possibilités et des limites de l'État et plus déterminé à apporter sa contribution à l'édification de notre société afin qu'effectivement, comme le souligne si bien l'excellent travail qui a été présenté à tous, nous puissions vivre selon nos moyens.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre du Revenu.

La parole est maintenant à M. le député de Montmorency, porte-parole de l'Opposition officielle en matière de revenu.

M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais immédiatement sécuriser le ministre du Revenu que l'exercice de cette commission, je pense, en est un qui se veut des plus constructifs et, en même temps, des plus pragmatiques.

Je pense que la population, actuellement, a besoin de comprendre ce qui se passe. J'espère que l'exercice que nous allons mener tous ensemble, à l'aide des intervenants et des mémoires qui nous seront présentés, permettra enfin à la population de mieux comprendre ce qui lui arrive. Ce qui lui arrive, parce qu'elle a effectivement un sentiment de surtaxation ou de «mal taxation» et que, dans ce sens, l'exercice que nous allons faire tous ensemble, j'espère, sera des plus constructifs et pourra révéler

davantage d'informations pour que la population en généra! puisse nous suivre, au niveau des politiques fiscales qui sont adoptées au Québec.

Effectivement, le consensus s'est généralisé, au Québec, depuis maintenant plus d'un an, que les gens crient au scandale fiscal. Tout le monde est d'accord que cette commission va nous permettre de réfléchir en profondeur aux orientations que nous devrions prendre, au Québec. Bien sûr, nous sommes d'accord avec le principe énoncé par la publication intitulée «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens». Je pense que personne n'est contre la vertu, mais encore faut-il d'abord que l'État prenne les moyens de faire respecter ses lois, de collecter ses dus, et ce en modifiant ses mécanismes fiscaux, si nécessaire.

L'équilibre des finances publiques est d'abord une question de revenus puisque sans eux, évidemment, il ne peut y avoir de dépenses. À cet égard, le document intitulé «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens», publié le 19 janvier dernier, accorde peu d'importance aux revenus puisqu'il n'y a que 6 pages de commentaires sur les 142 pages que comporte l'étude, excluant, bien entendu, les pages pour les annexes 1 à 6.

En somme, le gouvernement libéral nous a conviés à une commission sur les dépenses publiques afin que l'on dédouane les coupures qu'il entend prendre à l'égard de la fonction publique et de ses services à la collectivité. Le gouvernement est incapable d'assumer ses décisions seul, mais il est surtout incapable de faire respecter nos lois, quand il s'agit de percevoir ses deniers publics. Il préfère, au contraire, tolérer l'illégalité et ne rien faire pour enrayer des fléaux sociaux aussi importants que la contrebande du tabac, l'opération illégale des machines vidéopokers, le marché au noir dans la construction, etc.

Ce gouvernement libéral, par manque de courage politique, perd des centaines de millions de dollars en revenus, et ce, tel que confirmé, M. le Président, par le ministre des Finances lui-même dans son document de révision budgétaire au 31 décembre 1992, où il indique un manque à gagner de 820 000 000 $ pour l'année financière 1992-1993, une information financière qui confirme l'érosion de notre économie pour laisser place à une économie parallèle, non comptabilisée et non taxée par l'État. En effet, le document budgétaire révisé au 31 décembre 1992 nous indique un manque à gagner de 175 000 000 $ au chapitre des taxes à la consommation, ce qui, dans une économie parallèle ou au noir, explique le manque à gagner de 460 000 000 $ indiqué au document budgétaire révisé, au titre de l'impôt des sociétés. Évidemment, si on ne paie pas notre taxe de vente parce qu'on transige en parallèle, il n'y a plus d'impôt de société que l'on peut percevoir.

Par ailleurs, l'Association de l'amusement du

Québec, qui va présenter un mémoire devant cette commission, nous indique un manque à gagner, pour le gouvernement du Québec, de plusieurs centaines de millions de dollars qu'elle évalue comme suit: avec 25 % de revenus directs des machines vidéopokers, le gouvernement pourrait retirer quelque 100 000 000 $ par année. À ce montant s'ajoutent la TVQ et l'impôt sur le revenu des tenanciers et exploitants, page 13 du mémoire. Pour sa part, l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie, qui présente également un mémoire à cette commission, évalue, pour l'année 1992, un manque à gagner de 537 536 000 $ en taxes sur le tabac pour le gouvernement du Québec, page 9 du mémoire. Nous aurons sûrement l'occasion d'examiner ça en détail, M. le ministre. À cela, il faut ajouter les pertes de revenus occasionnées par le marché au noir de la construction que le directeur de la recherche de l'APCHQ évalue à 1 500 000 000 $ par an. Ce manque à gagner, dû à l'érosion de notre économie, est étroitement lié, d'une part, à un manque de volonté politique du gouvernement libéral à percevoir son dû et, d'autre part, aux politiques fiscales adoptées par ce dernier au cours des dernières années, qui, trop souvent, sont inéquitables et régressives.

Première mesure de base à nos politiques fiscales: réaménagement régressif du taux d'imposition depuis 1985. Le réaménagement du taux d'imposition des particuliers, depuis 1985, a allégé de façon disproportionnée le fardeau fiscal des mieux nantis, une réduction du taux maximum d'impôt, au Québec, de 9 % depuis 1985, passant de 33 % à 24 % en 1988. En effet, selon ce réaménagement, M. le Président, un individu assume un taux marginal de 23 % lorsqu'il atteint un revenu imposable de 23 000 $ tandis qu'une personne qui gagne plus de 50 000 $ de revenus imposables assume un taux marginal d'impôt, au Québec, de 24 %. Imaginez, M. le Président, il n'y que 1 % d'écart entre le taux applicable aux revenus imposables de 23 000 $ et celui applicable aux revenus imposables de 100 000 $, 200 000 $ ou 1 000 000 $. Un réaménagement de taux trop régressif, qui no tient pas compto do la capacité de payer des gens. Par exemple, un revenu imposable de 15 000 $ entraîne une économie d'impôt de 271 $ pour l'année 1992 comparativement à l'année 1985, tandis qu'un revenu imposable de 115 000 $ procure des économies d'impôt de 7865 $ pour l'année 1992 comparativement à l'impôt de 1985, une réduction 30 fois plus élevée pour les hauts revenus, toutes proportions gardées, qui est 8 fois plus élevée en absolu. (12 heures)

Par ailleurs, cette réduction du taux d'imposition, depuis 1985, n'a pas atteint l'objectif souhaité puisque la proportion des contribuables canadiens à hauts revenus résidant au Québec s'est maintenue depuis 1985, M. le Président. Du taux de 18,3 % qu'elle était, la

proportion est passée à un taux de 18,8 % en 1990. Cette information, M. le Président, cet échec de politique est confirmé, bien sûr, dans le document «Vivre selon nos moyens», à la page 40. De plus, cette réduction du taux d'impôt se voulait gratuite pour les mieux nantis de notre société, au sens qu'ils n'étaient pas tenus ou incités à investir dans l'économie québécoise pour la réaliser. Du gratuit. Ajoutez à cela l'exonération fiscale de 100 000 $ et 400 000 $ pour gains en capital qui, en principe, n'est réclamée que par les mieux nantis de notre société, ainsi que les crédits d'impôt relatifs aux abris fiscaux. D'ailleurs, vous avez toute une pléiade qui est décrite, où les abris sont décrits dans le document, bien sûr, «Vivre selon nos moyens», en pages 34 et 35 des annexes. Simultanément à ces mesures fiscales régressives en faveur des mieux-nantis de notre société, le gouvernement a abrogé l'exemption des premiers 1000 $ de revenus d'intérêt qui, elle, s'adressait à la population en général.

Un autre phénomène des politiques fiscales qui est la source de ce qu'on vit présentement: la taxe de vente du Québec. Contre vents et marées, la seule province canadienne qui a adopté et qui s'est harmonisée, c'est le Québec. Depuis 1985, l'assiette fiscale a été élargie en assujettissant les besoins essentiels, concept contraire aux crédits d'impôt que l'on retrouve au niveau de l'impôt sur le revenu.

Le taux de 9 %, tel qu'il était en 1985, a été réduit de 1 %, soit un taux de 8 % sur les biens meubles corporels. Cette réduction de 1 % sur les biens est largement compensée par le taux de 4 % imposé sur les biens meubles incorporels, sur les services et sur les immeubles.

Somme toute, l'élargissement de l'assiette fiscale de la taxe de vente du Québec touche davantage les démunis, puisqu'elle ne tient pas compte de leur capacité de payer. Finalement, il s'agit d'une taxe qui taxe la taxe, en l'occurrence, qui taxe la TPS, qui taxe les permis de pêche, qui taxe les tarifs hydroélectriques, qui taxe l'essence et qui taxe le tabac, etc., une taxe qui, comme dirait l'autre, est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

La taxation des carburants. Le Québec est le champion canadien de la taxe sur l'essence, avec 0,19 $ le litre pour l'essence sans plomb. Les automobilistes ont vu leur coût de permis de conduire depuis 1985 passer de 6 $ à 20 $ en plus. Un bon nombre de citoyens et citoyennes déboursent, depuis janvier 1992, 30 $ pour les droits d'immatriculation de leur voiture, et ce, dans le but de financer le transport en commun. L'assujettissement de cette taxe à un bon nombre de citoyens est inéquitable puisque, entre autres, aucun citoyen ne bénéficie du transport en commun à l'île d'Orléans et que les résidents de trois municipalités sur six doivent payer ce droit de 30 $.

Taxation des boissons alcoolisées et du tabac. Depuis 1989, les taxes québécoises sur l'alcool et le tabac ont augmenté respectivement de 166 % et de 52 %. Beaucoup de gens considèrent que ces taxes ne sont plus légitimes tellement elles sont élevées et ont décidé d'acheter cigarettes et alcool ailleurs.

M. le Président, on a augmenté les taxes sur le tabac de 52 %, soit un taux de 452 à 688 en trois ans. Les revenus étaient, en 1988-1989, du Trésor public, 554 000 000 $, avec une taxe à 452 pour 100 cigarettes. Et, maintenant, M. le Président, les dernières révisions d'hier, aussi dramatiques qu'on nous les présente, ces entrées de fonds sont rendues à 478 000 000 $. On augmente les taxes de 52 % et on perçoit moins d'impôt qu'on en percevait en 1988-1989.

Alors, M. le Président, c'est effectivement des statistiques alarmantes qu'on nous présente. On nous présente le problème comme si c'était un problème de dépenses. C'est un problème de revenus, M. le Président, que l'on vit au Québec, en bonne partie. Parce que les politiques fiscales n'atteignent plus l'objectif visé, la population ne se sent pas identifiée et traitée justement. Ajoutez à tout cela la tarification, M. le Président, une foule d'autres mesures de taxes ou tarifs, l'augmentation de 9 % en 1991 et les frais d'hébergement des personnes âgées.

Ajoutez à cela des frais d'administration de 100 $ chargés par le ministère de l'Énergie et des Ressources au niveau des baux que l'on signe avec le gouvernement. M. le Président, le gouvernement, en plus... et je comprends très bien le ministre, au Conseil du trésor, qui dit qu'il faut sensibiliser les gens aux services. Les gens veulent bien être sensibilisés aux services, mais ils ne veulent pas être sensibilisés aux services avec la philosophie de la double taxation.

Vous savez, quand on est rendus qu'on paie 20 $ pour s'opposer au ministère du Revenu, on a l'impression qu'on a déjà payé assez d'impôt qu'on pourrait nous donner un service au ministère du Revenu sans être obligé de débourser 20 $ qu'on comptabilise d'une façon... on ne sait pas trop combien de temps dans le temps. Les gens, c'est ça qu'ils veulent essayer de sentir, de la part du gouvernement, d'être traités non pas de taxation en double, d'être sensibilisés aux services, oui, mais pas de les payer deux fois.

Il est difficile de comprendre les intentions du gouvernement à la lumière de l'effondrement de la société québécoise. Les gestes qui ont été posés en matière fiscale l'ont été en omettant une donnée fondamentale, soit le respect des contribuables et leur capacité de paiement. La façon d'agir du gouvernement se traduit aujourd'hui par un écoeurement général des payeurs de taxes qui, n'ayant pas eu la part de leurs dirigeants, un tant soit peu de considération, ont simplement choisi de passer outre aux lois fiscales en se disant que, quoi qu'ils fassent, la seule justice qu'ils peuvent obtenir est celle

qu'ils se donnent. Diriger un gouvernement, c'est aussi prévoir les conséquences des gestes que l'on pose. À ce chapitre, les gens devant nous sont les premiers responsables de la contrebande et de l'évasion fiscale par des hausses exagérées de la taxation sur le tabac.

Une étude effectuée par des chercheurs de l'Université Laval démontre qu'au bas mot 675 000 personnes travaillent au noir, un marché de 2 500 000 000 $. Les raisons: les taxes et les impôts. Pour les quelque 400 000 mandataires de la TPS et TVQ, les promesses d'efficacité et de simplicité se sont traduites par un véritable cauchemar en raison de la complexité et du manque d'harmonisation des deux lois. En plus de leur prendre un temps considérable, ils paient des frais importants de comptabilité: des nouveaux fonctionnaires non rémunérés par l'État, des nouveaux percepteurs d'impôt. Ils doivent assumer en plus des frais importants pour leur comptabilité, et tout retard à produire leur déclaration dans les délais prescrits entraîne des pénalités.

Bref, M. le Président, l'État doit faire preuve d'imagination tout en priorisant un plus grand dynamisme de ses politiques fiscales devenues trop régressives. Trop souvent appliquées de façon non équitable - exemple des 30 $ pour les automobilistes - qui incite la population à la désobéissance fiscale parce qu'elle n'a plus confiance en leur gouvernement qui tolère l'illégalité, l'évasion fiscale et l'iniquité dans l'application de nos lois, et je cite, M. le Président, le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale 1991-1992, page 90, où il dit: Le ministre du Revenu a amnistié de l'impôt certains fonctionnaires provinciaux.

Alors, M. le Président, on ne peut pas donner un traitement fiscal spécifique, et le Vérificateur général l'a écrit mot pour mot dans son rapport, M. le ministre du Revenu. Comme le dit si bien le dicton, M. le Président, ça va comme c'est mené.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Montmorency.

Immédiatement, est-ce que je pourrais avoir le consentement de cette commission afin que nos travaux puissent se poursuivre jusqu'à 12 h 37, pour permettre au député de La Prairie et au député de Gouin de terminer leurs remarques préliminaires? Ça va? Alors, je vous remercie.

M. Jean-Guy Lemieux, président

Alors, vous me permettrez d'intervenir au nom des ministériels en vous faisant part que j'ai écrit ces remarques préliminaires en tenant compte de l'expérience que j'ai prise comme député, comme président de cette commission parlementaire et en ayant à l'esprit aussi les gens de mon comté, ces diplômés à la recherche d'un emploi, je pense aux familles monoparentales, je pense aussi à tous ces petits travailleurs, tous ces contribuables, payeurs de taxes.

Alors, permettez-moi de faire certaines de ces réflexions personnelles inspirées en bonne partie aussi des travaux de cette même commission, à l'automne 1990, qui a procédé à une révision de la Loi sur la fonction publique. Si j'interviens, effectivement, à cette étape de nos travaux, c'est que je me sens interpellé à la fois comme député et comme président de cette commission, comme ex-fonctionnaire, comme contribuable et comme la plupart d'entre vous, comme père de famille, face à la gravité de la situation et à l'urgence d'agir.

Le problème que nous examinons à compter d'aujourd'hui est complexe et requiert un effort de la part de tous les intervenants. Je le souligne, tous les intervenants, car nous sommes tous concernés. Il est temps d'agir dans un esprit de responsabilité collective, car la réalité le commando Sur lo plan des finances publiques, l'actuelle récession a accentué l'impact de l'impasse budgétaire récurrente. L'intérêt sur la dette accumulée au cours des 15 dernières années, dont une bonne partie a été consacrée à des dépenses courantes, constitue - vous n'êtes pas sans le savoir - un lourd boulet qui rend extrêmement difficile l'exercice budgétaire annuel.

Sur le plan fiscal, le seuil de tolérance semble atteint, sinon dépassé. Quant au déficit, la situation, vous le savez tous, continue d'être sérieuse, comme le montrent les deux derniers budgets. Ceux qui utilisent les services publics, chacune et chacun d'entre nous mieux informés et plus avertis que leurs parents, sont plus exigeants qu'autrefois. Ils sont plus nombreux aussi à fréquenter les services de plus en plus diversifiés qui touchent à tous les secteurs de la vie culturelle, économique et sociale. Ils appliquent à ces services une grille de plus en plus sophistiquée de valeurs et de contraintes: Charte des droits, loi d'accès à l'information, protection de la vie privée et autre, qui en rendent l'administration plus délicate et plus complexe. (12 h 10)

Dans un tel contexte, l'État doit procéder à l'examen permanent de l'opportunité et de la pertinence des biens et services publics qu'il produit lui-même à la population et identifier le palier susceptible de rendre accessibles au public ces biens et services, et ce, à un moindre coût.

Aujourd'hui, notre défi est de taille. Il s'agit tout à la fois de pouvoir répondre aux nouveaux besoins, de réévaluer les hypothèses et paramètres qui sous-tendent les services existants, d'améliorer la productivité et la qualité du service à la clientèle et, enfin, de rendre compte aux élus du peuple de la qualité de la gestion dans la fonction publique.

L'enjeu est considérable et certes difficile à

relever, puisqu'il commande, et il laut s'en rendre compte, des sacrifices et, au-delà du discours, immédiatement, des actions concrètes. Dans un contexte budgétaire particulièrement austère, ce défi est de recréer un renouveau administratif où les composantes seront capables de développer des partenariats avec les autres organisations qui portent aussi, elles, des préoccupations de nature collective.

Comme l'exprimait, je dirais, une personne neutre, M. Denis Bédard, alors secrétaire du Conseil du trésor, dans une allocution devant l'Institut d'administration publique du Canada, le 23 mai 1991, malgré les efforts de redressement faits jusqu'à date, 3 500 000 000 $ de compressions budgétaires au cours des sept dernières années, la dynamique des programmes de dépenses est incompatible avec la dynamique de croissance des revenus, notamment à cause de révolution des paiements de transfert du gouvernement fédéral qui est pris lui-même avec des difficultés budgétaires énormes. Cette incompatibilité se traduit par un écart structurel d'environ 700 000 000 $ entre la croissance normale des dépenses et la capacité de payer du gouvernement.

Il complétait sa présentation en affirmant que - et c'est ça qui me semble important - les enjeux de l'impasse budgétaire dépassent le problème des compressions. Ils sont devenus des enjeux de la société et de l'État. L'État doit prendre des mesures de restructuration. On doit réaligner l'administration publique.

Depuis 1984, plusieurs rapports (Arpin, Scowen, Fortier, Gobeil, Morin, PLQ, cette même commission, Lemieux-Lazure, Poulin) ont traité de l'organisation gouvernementale. Tous ont formulé les deux mêmes attentes, soit que l'État puisse mieux se gérer et que les fonctionnaires administrent les taxes des contribuables avec le même soin et la même prudence que s'il s'agissait de leur propre argent. J'ose espérer que cette commission parlementaire nous donnera le courage de l'intervention chirurgicale, car la situation budgétaire actuelle commande un niveau plus élevé d'action. Il s'agit pour nous maintenant de savoir comment faire les choses. J'aimerais donc suggérer quatre moyens concrets de susciter un renouveau administratif dans le secteur public.

Premièrement, ne pourrait-on pas établir un nouveau contrat entre les organismes centraux et les ministères afin de délimiter les rôles et les responsabilités de chacun? Les organismes centraux seraient ainsi considérés avec moins de suspicion quant à leur désir apparent de vouloir tout régler. Pourquoi n'y aurait-il pas des ententes de gestion avec les différents intervenants? La réaffectation des ressources humaines en disponibilité ne devrait-elle pas devenir plus coercitive? Pourquoi, comme c'est le cas en France et en Angleterre, actuellement, ne pas donner aux organismes des budgets fermés tout en laissant à l'organlsmo une marçjo de manoeuvre pour les gérer, plutôt que de donner des budgets artificiellement gonflés qui feront l'objet de coupures en cours d'année? Pourquoi ne pas permettre aux ministères et organismes de conserver une partie des gains de productivité qu'ils auraient générés afin de les inciter à poursuivre dans le même sens?

Deuxièmement, il nous faut agir sur le coût des services publics. Toute entreprise commerciale qui recherche le profit s'assure que son prix de vente est supérieur à son prix coûtant. Si le prix de vente est fixé par la concurrence dans l'entreprise privée, l'entrepreneur travaille à la baisse de son prix coûtant. Le gouvernement a des revenus fixés par l'état de l'économie. Il nous faut donc travailler sur ces coûts pour éviter les déficits.

Pourquoi le gouvernement ne calculerait-il pas le prix de revient de ses activités? En mesurant le coût unitaire de chacun de ses services, il serait en mesure de poser certains gestes comme de déterminer s'il est rationnel ou non de maintenir un service, compte tenu de son coût unitaire, de déterminer la portion du coût d'un service qui serait facturée à l'utilisateur, de communiquer à l'utilisateur le coût du service qu'il reçoit, de déterminer un objectif de diminution du coût à mettre en place lors d'un prochain exercice budgétaire, de mesurer le rendement du travail des préposés à la livraison de ce service.

Ainsi, on pourrait offrir le «challenge» aux employés de rendre un service de qualité à un prix coûtant amélioré. C'est là un objectif à la mesure de chacun, qui mobilise la bonne volonté. La connaissance et la divulgation des coûts de services publics sont un préalable à toute réforme de l'administration et des finances publiques, parce qu'il ne s'agit pas seulement de bien faire du premier coup à tout coup, il faut aussi maintenant le faire, et nous n'avons pas le choix, à moindre coût. Imaginons pour un instant les économies qui résulteraient des millions de tractations faites avec un souci constant d'en abaisser le prix coûtant.

Troisièmement, il faut relancer l'évaluation systématique de chacun des programmes gouvernementaux, malgré les directives à l'effet que les ministères doivent procéder à des évaluations de programmes. Afin de permettre au gouvernement de juger de la pertinence du maintien des programmes dans leur forme actuelle, la commission du budget et de l'administration a constaté que le gouvernement n'est pas toujours saisi des résultats de ces études, les ministères préférant souvent les garder confidentiels. Pourquoi ne pas prévoir un tiers indépendant des ministères et des organismes centraux qui serait mandaté pour réaliser des évaluations de programmes et faire rapport au gouvernement?

Enfin, il faut aussi nous intéresser de plus près à l'utilisation des subventions par les

organismes décentralisés. En effet, la plus grande partie du budget du Québec est administrée par des entités autres que les ministères et organismes du gouvernement: commissions scolaires, entreprises d'État, établissements de santé et des services sociaux. Pourquoi ne pas exercer un suivi plus rigoureux sur l'utilisation de cet argent et exiger une meilleure reddition de comptes de la part de ces mandataires, et que cette reddition de comptes soit présentée à l'Assemblée nationale?

En conclusion, ce réalignement administatif de l'État nous force, chacune et chacun d'entre nous, à questionner notre système de valeurs. Nos comportements et nos attitudes doivent changer face à cette philosophie de gestion qui est de faire mieux et plus avec moins. Je souhaite que l'individualisme, l'égocentrisme et le trop répandu syndrome du «pas dans ma cour», qui sont omniprésents dans nos débats de société et dans notre administration publique, soient mis de côté durant les travaux de cette commission, de façon à ce que nous arrivions à une solution collective aux problèmes des finances publiques.

La véritable préoccupation qui doit nous animer se résume à cette simple question: Voulons-nous conserver les services que nous nous sommes donnés? Quel héritage voulons-nous léguer à ceux qui nous suivent? Par conséquent, pour définir et orienter adéquatement l'avenir de nos enfants, ce n'est pas en blâmant les uns et les autres que nous allons réussir à y trouver des solutions.

Au contraire, le présent débat devrait être exemplaire dans un climat positif, ouvert et dynamique, afin de trouver des solutions par le biais, je l'espère, d'un large consensus. C'est l'osprit communautaire qui devra nous animer au-delà de l'esprit partisan. Pas un esprit communautaire artificiel ou de circonstance, mais plutôt celui qui fait appel à la solidarité, au sentiment d'appartenance d'une collectivité, celui qui guide une société vers une dimension plus collective de responsabilisation de la chose publique. L'occasion est ici donnée à tous les intervenants de rechercher une solution à la crise des finances publiques.

Le gouvernement devra prendre ses responsabilités et faire des choix, mais il ne peut pas tout faire seul. Les problèmes sont devenus collectifs; les solutions doivent l'être également. J'ai pleine confiance en la capacité de tous les intervenants de vouloir bâtir une société non seulement porteuse d'avenir, mais d'espoir pour ceux qui croient encore à des principes d'équité et de justice.

M. le député de La Prairie.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Comme mes collègues l'ont exprimé et comme on va l'entendre sans doute de la part de plusieurs intervenants, moi aussi, je suis déçu de voir que le gouvernement a décidé de faire porter le débat simplement sur les dépenses publiques, alors qu'en réalité, ce qui était réclamé par plusieurs corps intermédiaires au Québec, c'était un débat très large à la fois sur les revenus autant que sur les dépenses.

Deuxièmement, je pense que le gouvernement prend un biais assez odieux au départ quand il intitule son document: «Vivre selon nos moyens». Je pense qu'il a réussi, dans une certaine mesure, avec toute la machine de propagande qu'il a utilisée, à faire croire à l'ensemble des Québécois que nous n'avions plus les moyens, par exemple, d'avoir des soins de santé universels et d'avoir des services d'éducation abordables. (12 h 20)

M. le Président, pour renchérir sur ce que disait mon collègue de Montmorency tantôt, si on parle deux instants des revenus, parce qu'il s'agit d'un problème autant de revenus que de dépenses, j'ai devant moi un tableau qui a été publié par le Conseil canadien de développement social, volume 6, numéro 4: La période de 1984 à 1990, en pourcentage d'augmentation d'impôt - et il s'agit d'impôt autant au plan fédéral qu'au plan provincial, et ceci, dans le cadre du caractère régressif des impôts: Pour un ménage, deux revenus, avec deux enfants, 20 000 $ de revenus, leur taux d'augmentation a été de 7,1 % entre 1984 et 1990, l'augmentation de leur impôt; un ménage avec un revenu global de 40 000 $, le taux d'augmentation du double impôt, 5,6 %; pour un ménage avec un revenu combiné de 100 000 $, taux d'augmentation d'impôt de 3,3 %. Ça confirme ce que mon collègue de Montmorency disait tantôt, à savoir que, depuis quelques années, le gouvernement en place a favorisé, au plan fiscal, les gens à revenus très élevés. En 1985, nous avons assisté... nous avons entendu le slogan avec l'arrivée du gouvernement libéral: Privatisons, rapport Gobeil. Et, en 1993, le slogan est quelque peu changé, c'est: Gelons ou coupons.

M. le Président, on a devant nous un gouvernement qui, c'est normal, épouse la philosophie du laisser-aller, un gouvernement qui, surtout pendant les premières années de son mandat, a eu comme devise: Moins je gouverne, mieux je gouverne. La seule perspective qu'a ce gouvernement, dans le cadre d'une situation sérieuse comme nous l'admettons d'emblée, la seule perspective qu'il offre à la société québécoise, c'est de geler et couper.

Quand le gouvernement dit: On n'a plus les moyens de se payer des services de santé, il faut regarder ça de près. Le pourcentage du PIB qui a été consacré aux services de santé n'a pas tellement bougé depuis 10 ou 15 ans. Il se situe toujours autour de 9 % ou 10 %. Quand on dit qu'aux États-Unis ils sont moins taxés, on oublie de dire que les citoyens américains paient, en primes d'assurance-santé, en frais de scolarité.

infiniment plus que l'ensemble des taxes qu'on a ici au Québec.

Quand on dit que le caractère universel est devenu trop coûteux, on ne peut plus se le payer, c'est faux, M. le Président. C'est faux! Parce que le pourcentage du PIB qui est affecté, aux États-Unis, aux dépenses de santé n'est pas de 10 % comme ici, mais il est de 12 % et jusqu'à 13 %, même 14 %, aux derniers chiffres, alors qu'ici, il joue entre 10 % et 11 %. M. le Président, si ce gouvernement utilise une approche tendancieuse pour faire croire aux gens que ça coûte trop cher, notre système de santé, je crois qu'il devrait avoir l'honnêteté de nous expliquer comment les Américains, avec 14 %, ne réussissent pas à avoir un système aussi bon que le système québécois.

Le déficit le plus grave, ce n'est pas le déficit dans les finances publiques. Le déficit le plus grave, c'est dans l'emploi. Je pense que ce gouvernement, s'il est sérieux, devrait revenir à la demande initiale des groupes dans la société québécoise, à savoir de tenir un large débat public et d'installer, une fois pour toutes dans les moeurs québécoises, une concertation permanente avec tous les agents socio-économiques, de manière à ce qu'on fasse cesser l'antagonisme besoins sociaux...

Le Président (M. Lemieux): M. le député...

M. Lazure: ...besoins économiques ou l'antagonisme développement économique/protection de l'environnement.

Alors, M. le Président, ce que nous disons, de ce côté-ci, c'est: Que le gouvernement pose un premier geste en examinant les dépenses, et je pense qu'il est encore aussi urgent, sinon plus, de poser un geste en examinant les sources de revenus. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de La Prairie.

M. le député de Saint-Louis, vous n'avez que cinq minutes sur l'enveloppe de temps des ministériels et, après, c'est la parole à M. le député de Gouin, pour terminer. Vous n'avez pas plus que cinq minutes sur l'enveloppe. J'ai pris dix minutes, tout à l'heure.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Alors, merci beaucoup. Merci, M. le Président.

On va oublier les discours patentés et on va parler du fond de notre coeur pour commencer ces travaux-là parce qu'il reste, comme vous le dites, un temps qui est imparti non pas en minutes, mais quasiment en secondes. Les collègues qui auraient voulu aussi parler profiteront peut-être plus tard, durant le moment où on rencontrera nos invités.

M. le Président, le gouvernement nous a amené un document, nous a fait travailler et rechercher sur un document: «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens». Vivre selon nos moyens, c'est profondément ce qui caractérise chacune des Québécoises et chacun des Québécois, et ces derniers comprennent mal que leur gouvernement ne puisse pas en faire autant, non seulement le gouvernement à Québec, leur gouvernement à Ottawa. Ils sont, pour le moins, dangereusement frileux de voir leurs enfants avoir à payer des impôts, des taxes, pour des services qu'ils n'auront jamais; 6,6 % du budget cette année.

M. le Président, rien de nouveau sous le soleil. Si je vous lisais quelques passages comme ceci qui, sur le plan de situation économique et budgétaire, à tout le moins économique, ressemblent à notre situation actuelle: Économie plus faible, revenus inférieurs et besoins plus grands, telles sont les données qui semblent enfermer le Québec comme dans un cercle. D'une part, il lui faut accélérer l'expansion de son économie de façon à accroître la production, résorber le chômage et une partie de l'assistance sociale. C'est ce qu'on disait en 1965 dans le rapport Bélanger, M. le Président.

Un peu plus loin, concernant la situation budgétaire, on dit ceci: Si la tendance actuelle des dépenses et des revenus - on est en 1965 - se maintient durant les années à venir, elle entraînera à brève échéance un déficit au chapitre même des dépenses ordinaires, à moins que les impôts ne soient accrus ou que le gouvernement fédéral n'élargisse le champ de la fiscalité au bénéfice des gouvernements provinciaux. C'était déjà la faute du fédéral en 1965. Mais il y a 10 ans, un autre premier ministre, René Lévesque, a aussi dit qu'il fallait vivre selon ses moyens. C'est une des raisons pour lesquelles on a, entre autres, coupé de 20 % le salaire des employés de l'État.

Plus récemment, j'ai participé à un comité de membres de l'Assemblée nationale qui était composé de députés ministériels, puis qui disait: II faut avoir le moyen de prendre des audaces concernant l'expansion de nos dépenses publiques. Et ces audaces-là passent par les moyens que l'on ne retrouve pas tous. On ne retrouve pas tous ces moyens-là dans le document qui nous a été fourni. Il faudrait d'abord aussi ajouter des moyens comme la privatisation de certaines fonctions de l'État. On comprend mal, chez le monde ordinaire, ce que l'État fait dans un centre de ski comme le mont Sainte-Anne, dans la distribution des boissons alcooliques comme la SAQ. On comprend mal ça. On ne voit pas pourquoi ça ne devrait pas être privatisé, ces trucs-là.

Par contre, on s'aperçoit qu'on est profondément convaincus qu'on s'en va vers un projet de société, comme le disait la députée de Taillon, un projet de société cassé, cassé en deux, cassé entre ceux qui, parce qu'ils n'auront pas mis en

place les mécanismes faisant en sorte d'augmenter la productivité des Québécoises et des Québécois, d'augmenter les facteurs concurrentiels de notre société, verront cette dernière dépérir graduellement.

Il nous faut investir davantage dans la formation de la main-d'oeuvre. Oui. C'est un secret de polichinelle. C'est un secret de polichinelle parce que c'est la pierre d'angle de la réforme que nous voudrions voir dans notre société: des gens mieux formés, mieux préparés, pouvant être concurrentiels sur le marché, non pas ontarien, dans lequel le rapport de la commission royale sur la fiscalité nous convie en termes de concurrence. On nous convie à concurrencer l'Ontario dans ce rapport Bélanger de 1965.

En 1993, M. le Président, notre concurrence n'est plus l'Ontario. Notre concurrence, ce sont les États voisins, les États américains. Notre concurrence, c'est le restant du monde. Alors, il nous faudra faire mieux que l'on a fait depuis les 30 dernières années, mais il faudra aussi avoir l'audace et le courage de prendre des décisions importantes qui vont faire en sorte d'éviter de voir cette société se rapetisser graduellement.

Merci, M. le Président. (12 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Saint-Louis. Pour terminer maintenant, la parole est à M. le député de Gouin. Alors, tel que convenu, nous allons terminer à moins 20. Vous avez 10 minutes, M. le député de Gouin...

M. André Boisclair M. Boisclair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): ...sur votre temps de parole.

M. Boisclair: Les défis sont certes nombreux et exigeants. Nous reconnaissons tous, d'ailleurs, le besoin d'un virage majeur, d'un virage radical dans l'établissement des priorités sociales et économiques au Québec. Toutefois, il serait trop simpliste et trop facile de croire que la crise que nous traversons est une simple crise économique. La crise de l'État découle d'une crise existentielle générale. Il s'interroge sur sa mission. Il y a deux ou trois ans, l'esprit dominant se résumait à un slogan: II ne faut plus d'État. Rappelez-vous les rapports Scowen, Gobeil et Fortier, qui marquaient le pas à l'application de théories néo-libérales. Ceux qui pensaient autrement passaient pour des gens dépassés.

Aujourd'hui, les Québécoises et les Québécois, tout comme les membres de cette commission, découvrent les dangers d'une société déréglée. Les jeunes de 34 ans et moins, au premier chef, qui vivent les vents froids de la concurrence, connaissent mieux que quiconque l'impact de cette situation. Les problèmes sont donc devenus partout d'une telle complexité qu'il faut revenir aux questions de base, à celles qui sont essentielles. La crise est donc plus qu'économique et plus que fiscale, et le tout sera toujours différent de la somme des parties. C'est pour ces raisons que mon collègue, le député de Labelle, soulignait tout à l'heure avec beaucoup de pertinence que le document de réflexion, à l'image du gouvernement, n'esquissait aucune vision d'avenir, aucun nouveau consensus, aucune volonté de travailler à redéfinir de nouveaux partenariats, de nouvelles solidarités entre les groupes de notre société. Si nous acceptons, comme moi, que l'avenir se construit et se bâtit plutôt qu'il ne se subit, on doit se demander jusqu'à quel point, bien plus que de discuter d'objectifs de diminution de dépenses de toutes sortes, il ne faille pas plutôt s'interroger sur les valeurs qui nous animent, ce que j'appelais plus tôt, tout à l'heure, les questions qui sont essentielles.

Ceci me semble d'autant plus vrai que le document déposé par le gouvernement ne propose pas de nouvelles façons de faire. Au lieu d'une analyse dynamique basée sur une volonté de changements, on nous propose une vision statique où la politique, où la coupure devient la finalité plutôt que le moyen. La fiscalité aussi n'existe donc pas en soi, par elle-même. Elle traduit l'expression de ce que le président du Conseil du trésor appelait tout à l'heure le contrat social implicite. Mais la lecture que le gouvernement prend de ce contrat est, dès le départ, faussée par une idéologie à la fois politique et économique dépassée.

À tout le moins, reconnaissons que certains scénarios politiques - et ils le sont dans bien des cas - n'apparaîtront jamais dans la palette des solutions qui pourraient être proposées. Soulignons aussi qu'à l'heure où nos institutions publiques constituent une composante importante du caractère efficace de notre économie, avant même d'amorcer notre travail, le Vérificateur général nous rappelait une série de pratiques administratives douteuses qui, si la volonté politique se manifestait, pourraient, dans leur correction, donner un relief différent à nos débats. Méfions-nous donc de ces nouveaux «preachers» en soif de pouvoir qui, au même moment qu'ils nous parlent des efforts à faire, n'esquissent même pas l'ombre d'une solution aux problèmes pratiques dénoncés par celui que nous avons nommé pour développer cette expertise, le Vérificateur général.

Dans le document «Vivre selon nos moyens», on nous propose quelques solutions. Le ticket modérateur apparaît comme l'outil miracle pour rebâtir les solidarités, afin que le citoyen soit vraiment au fait du coût des services qu'il consomme, comme si, à lui seul, il pouvait faire passer l'individu du statut de client à celui de citoyen. D'ailleurs, pour les gens de mon âge, ça fait longtemps qu'on sait qu'on va devoir payer

pour des services que d'autres se sont payés. Ce n'est pas une grosse nouvelle!

D'ailleurs, le gouvernement libéral - la vice-première ministre nous le rappelait tout récemment - ignore toujours les difficultés de la génération montante, qui constitue pourtant le coeur et l'avenir du contrat social. En 1973, le pourcentage de jeunes de 34 ans et moins vivant sous le seuil de faibles revenus s'élevait à 7,4 %. En 1986, il était de 40,2 % et, selon toute vraisemblance, il serait aujourd'hui à environ 50 %. Alors que 1 personne âgée sur 10 vit sous le seuil de faibles revenus, 5 jeunes sur 10 survivent dans ces conditions. En plus, il faudrait avoir des enfants, consommer et, bien sûr, penser développement économique, et quoi encore!

Faut-il alors s'étonner, comme nous le rappelait récemment le secrétaire général du conseil de la santé et du bien-être, que les solutions basées sur l'accroissement des dépenses de consommation heurtent de plein fouet la faible capacité d'action des 35 ans et moins? Faut-il encore s'étonner d'entendre des spécialistes de questions de développement économique et social affirmer que, pour la première fois de l'histoire de l'humanité, une génération, celle des 15-35 ans, sera moins riche que la précédente? Faut-il s'attendre à ce que certains prennent des décisions qui vont diminuer certains de leurs avantages?

Croire qu'il suffit de réduire les privilèges des uns pour améliorer le sort des autres équivaut toutefois à s'engager dans une voie sans Issuo. Il faut construire à partir de ce qui existe afin de rendre intéressant le transfert entre les générations. C'est à partir de considérations comme celles-là qu'il faut réviser les règles de fonctionnement de notre société. C'est à partir de ces règles de fonctionnement que nous transformerons le ras-le-bol en raz de marée. Ceux qui feront le contraire seront démasqués tout de suite. Chaque fois qu'ils tricheront, ils se casseront la figure.

Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Gouin.

Comme il n'y a plus de remarques préliminaires, la commission du budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, où nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux, la Centrale des l'enseignement du Québec et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Auditions

La durée totale de l'audition des organismes que nous avons devant nous, soit - M. le député de Verdun, s'il vous plaît! M. le député de Verdun - la Confédération des syndicaux nationaux, la Centrale de l'enseignement du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, sera répartie de la façon suivante: trois heures pour la CSN, CEQ et FTQ, soit une heure pour l'exposé du mémoire, si c'est le cas, et deux heures pour les échanges avec les parlementaires, dont une heure pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et une heure pour l'Opposition.

Le temps de parole des députés sera de 10 minutes, en respectant la règle de l'alternance dans les interventions. Je demanderais aux intervenants de bien vouloir s'identifier, pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats, et de nous présenter la personne ou l'individu qui fera l'exposé.

Confédération des syndicats nationaux (CSN),

Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) et

Fédération des travailleurs et

travailleuses du Québec (FTQ)

M. Daoust (Fernand): Fernand Daoust, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

M. Larose (Gérald): Gérald Larose, président de la Confédération des syndicats nationaux.

M. Charest (Jean): Jean Charest, économiste au service de recherche de la CSN.

Mme Pagé (Lorraine): Lorraine Pagé, présidente, Centrale de l'enseignement du Québec.

M. Langlois (Richard): Richard Langlois, économiste à la Centrale de l'enseignement du Québec.

M. Frenette (Jean-Guy): Jean-Guy Frenette, conseiller politique à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Alors, j'ai décrit les règles. Celui ou celle d'entre vous qui est prêt...

M. Daoust: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): ...pour le mémoire, il n'y a pas de problème.

M. Daoust: M. le Président, nous nous partagerons le temps de parole, qui est d'une

heure, dans un premier temps, et, par la suite... Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. Daoust: ...il y aura les débats.

Le Président (M. Lemieux): Aucun problème, M. Daoust.

M. Daoust: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous écoutons avec beaucoup d'intérêt.

M. Daoust: M. le Président, vous ne vous étonnerez pas beaucoup que nos premiers mots aient trait à ce mécontentement que nous voulons exprimer et à notre inquiétude quant à l'étroitesse de l'exercice proposé et quant à la perspective à court terme dans laquelle s'inscrit cette consultation. Le gouvernement a indiqué à quelques reprises qu'il mettait sur pied cette commission a la suite de la requête des organisations syndicales. Nous tenons à souligner - et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté là-dessus - que telle n'était pas notre demande. Nous avions enjoint le gouvernement du Québec de créer une commission d'enquête publique qui aurait permis une analyse en profondeur de l'ensemble des modalités de notre régime fiscal. Nous nous en prenons aussi au fait que le document d'analyse a été déposé tardivement. Le gouvernement a opté de tout mettre sur la table, les dépenses gouvernementales, la fiscalité, le déficit, les besoins financiers et la dette.

Il est clair que nous ne pouvons pas effectuer une analyse globale du financement des services publics et évaluer l'ensemble des ajustements nécessaires dans les délais prescrits, mais nous voulons réinsister: nous sommes à mille lieues d'un authentique débat démocratique et global qui recueillerait les réflexions de tous les acteurs socio-économiques et de l'ensemble de la population qui s'intéresse au financement des services publics, et qui aurait conduit, à terme, à redéfinir un nouveau consensus social sur cette question, consensus social indispensable. On connaît la grogne qui s'empare des gens quand on parle de fiscalité. On sait les débats qui ont cours dans notre société. Les groupes, quels qu'ils soient, dans quelque région qu'on puisse imaginer, souhaitaient un débat beaucoup plus en profondeur que celui que permettra une commission parlementaire qui siégera une quinzaine de jours. (14 h 10)

Par ailleurs, nous considérons que cette commission ne peut et ne doit constituer que le point de départ d'une série de travaux et de consultations publiques. Nous souhaitions une commission souple, efficace, qui aurait pu élaborer des solutions concrètes et durables aux nombreux problèmes économiques et sociaux, et une composition qui aurait pu être élargie et pluraliste.

De temps à autre, M. le Président, nous prenons le modèle ontarien. Il me semble que, là-bas, les gens ont eu le jugement, l'à-propos politique de provoquer un grand débat comme nous le souhaitions au Québec, puisqu'en Ontario on a mis sur pied une commission qui s'appelle Commission de l'équité, composée d'une dizaine de personnes venant de tous les milieux. Tous les sujets vont être étudiés et abordés. Cette commission va faire le tour de la province de l'Ontario et va dégager, sans aucun doute, un très grand projet qui, par la suite, sera soumis au gouvernement ontarien. Voilà le type d'exercice démocratique, de débat que nous avons tellement souhaité, et non pas ce genre de commission devant laquelle nous sommes à ce moment-ci. Je ne vous parlerai pas de la représentativité des groupes que nous constituons, pour vous rappeler seulement qu'ils représentent 800 000 travailleurs et travailleuses et qu'ils ont un devoir impérieux d'intervenir dans des débats comme ceux qui devraient s'engager.

Le triste portrait de la réalité économique du Québec met en relief les ratés des politiques gouvernementales qui misent sur l'État minimal. Les enjeux économiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui demandent une réflexion collective sur le rôle et la place de l'État dans l'activité économique. Et voici quelques points de vue à ce sujet.

Certes, l'État n'est pas responsable de tous les problèmes actuels, mais sa fonction centrale dans la société québécoise l'oblige à interpeller toutes les forces vives pour travailler à une sortie de crise qui soit profitable à l'ensemble de la population du Québec. Nous concevons l'État québécois comme un acteur particulier dans le développement économique et social du Québec. L'État constitue une pièce maîtresse sur l'échiquier québécois en raison des multiples responsabilités qui lui incombent: prestation des services publics, financement des activités gouvernementales, la réglementation, et le reste.

Au cours des 10 dernières années, les dépenses de l'État québécois ont oscillé entre 22 % et 25 % du produit intérieur brut du Québec. C'est le quart de l'activité économique du Québec et, si on tient compte des nombreuses retombées économiques, le rayon d'action du gouvernement est encore, évidemment, beaucoup plus important.

Nous ne souscrivons pas à cette analyse simpliste du circuit économique, qui est connue. Bon, l'État, le secteur privé, l'Opposition entre les deux, l'excellence d'un côté et la médiocrité de l'autre; débats dangereux dans toute société, qui peuvent provoquer des tensions. Nous ne souscrivons pas du tout, du tout à ce genre d'analyse que nous entendons de temps â autre. Nous souscrivons, par ailleurs, comme je l'ai dit, à une analyse... Nous ne souscrivons pas à cette

analyse simpliste du circuit économique. Celui-ci est plutôt formé par une relation dynamique entre les activités du secteur privé et du secteur public. Le secteur privé ne peut fonctionner adéquatement sans la présence d'un secteur public solide et, inversement, le secteur public ne peut se développer en l'absence du dynamisme du secteur privé. En tant que fournisseur de services publics, l'État répond à des besoins fondamentaux exprimés par la population en matière de santé, d'éducation, de sécurité publique, de culture et de loisir. Ces besoins évoluent dans le temps et, par exemple, le vieillissement de la population québécoise influencera sensiblement la nature de ces besoins au cours des prochaines années.

L'État est également un employeur majeur au Québec, il faut se le rappeler. Dans l'ensemble des services d'éducation, de santé et de services sociaux ainsi que dans la fonction publique, l'État employait, en 1991, 580 000 personnes, pratiquement 20 % de tous les emplois du Québec. Et, sur la base des salaires moyens de juin 1992, on estime que ces emplois représentaient le versement de 18 000 000 000 $ en rémunération, soit 11,5 % du PIB québécois. Je n'insisterai pas sur l'importance de tous les secteurs, vous les connaissez.

Nous voulons parler d'une approche globale et cohérente. L'État québécois doit se poser en visionnaire du développement; il doit identifier les pistes d'action possibles; il doit contribuer à mettre de l'avant un projet de société stimulant qui renforce la cohésion sociale et vise l'amélioration des conditions de vie de l'ensemble de la population. Sinon, le Québec poursuivra sur la voie de l'éclatement social, de la «dualisation», de l'individualisme et du corporatisme. Nous croyons que l'État doit interpeller les principaux acteurs socio-économiques du Québec et définir avec eux les stratégies qui donneront un maximum de résultats face aux nombreux défis. L'État doit agir en tant que catalyseur auprès de ces acteurs, les associer dans une démarche constructive et encourageante, les amener dans la voie de la concertation sociale et de l'action collective.

La recherche du plein emploi, la lutte à la pauvreté, la réduction des inégalités, le développement des régions ne peuvent trouver de solution par la seule action de l'État, pas plus que par les actions non coordonnées des divers acteurs. Il faut une stratégie d'ensemble, et l'État doit se poser en leader dans cette démarche collective. Et Dieu sait qu'il y a là, au Québec, à ce moment-ci, une très, très grande disponibilité à l'égard de ces accompagnements, de ces complicités essentielles entre tous les partenaires. Mais encore faut-il - encore une fois - que l'État soit présent et qu'il agisse dans notre société selon les fonctions que nous souhaitons être les siennes.

Pour ce faire, il faut que l'État adhère lui- même à une vision du développement du Québec et à cette conception du rôle actif des divers acteurs. Il est évident pour nous que la dernière décennie n'a pas été caractérisée par une telle vision de l'État. Un virage majeur s'impose; il faut entrevoir l'avenir différemment. Déjà, nous pouvons relever dans certaines politiques gouvernementales une certaine volonté d'amorcer un virage. Entre autres, nous pensons à cette stratégie des grappes industrielles et à la politique de la santé et du bien-être du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Il n'est peut-être pas mauvais de vous réciter ce que disait un document du ministère de l'Industrie et du Commerce, publié tout récemment, c'est-à-dire l'an passé, il y a au-delà d'une année: II est question d'une politique industrielle globale qui témoigne d'une vision stratégique de notre économie, à moyen et long terme. On y parle du rôle de l'État qui est d'assurer un environnement concurrentiel, de favoriser le regroupement des forces économiques pour créer une société plus forte et porteuse d'avenir. On y dit que le succès ne sera plus jamais le fruit d'efforts individuels déployés pour atteindre des objectifs à court terme et que le succès découlera dorénavant de la mise en commun de nos efforts. Enfin, on parle du maintien et de l'amélioration de notre qualité de vie qui dépendent de notre volonté de changer les choses le plus rapidement possible. Il faut développer une nouvelle complicité entre les secteurs privé et public afin de redonner de l'espoir à tous ceux et celles dont la contribution est nécessaire pour relever le défi très exigeant de la mise en place au Québec d'un nouveau contrat social, condition indispensable à l'édification d'une économie d'avenir. Voilà. Je ne veux pas répéter à satiété ce qu'on dit depuis un joli bout de temps: la nécessité de coordonner nos efforts, de provoquer les concertations, de trouver les éléments constitutifs d'un projet social, d'accentuer les solidarités tellement indispensables. (14 h 20)

Budget et fiscalité, des outils parmi un ensemble de moyens. La politique budgétaire et la politique fiscale sont des outils puissants entre les mains de l'État, à condition qu'elles s'articulent à un ensemble d'orientations économiques et sociales partagées par les divers acteurs. Cela suppose également que les politiques budgétaires et fiscales soient planifiées sur un horizon temporel qui tient compte des objectifs socio-économiques fixés, des moyens et du temps nécessaire pour les atteindre. L'exercice budgétaire annuel ne constitue pas une période de référence universelle à laquelle toutes les activités sociales et économiques cycliques s'ajustent. Il nous apparaît important de situer chaque exercice budgétaire dans un cycle de moyen terme qui permettrait de mieux situer les objectifs recherchés. Ainsi, les politiques d'em-

ploi, de développement des programmes sociaux, de formation de la main-d'oeuvre, de développement économique et régional, de développement culturel, de protection de l'environnement doivent s'intégrer dans une approche cohérente au plan des politiques budgétaires et fiscales. Ces dernières ne sont pas des contraintes en soi auxquelles les autres politiques doivent se soumettre. Elles sont des outils permanents permettant d'atteindre des objectifs de société. Et quand on parle de la marge de manoeuvre de l'État, c'est à l'ensemble des politiques auxquelles on fait allusion. C'est de l'effort collectif qu'on est prêt à consentir pour atteindre nos objectifs de société dont il est question.

Voici donc pour la première partie. C'est maintenant Mme Lorraine Pagé.

Mme Pagé: Pour la deuxième partie, c'est-à-dire le chapitre 2 qui couvre les pages 15 à 33, je me permettrai non pas d'en faire la lecture mais d'y aller de façon un peu différente, tout en abordant le fond des questions qui sont soulevées dans ce chapitre.

Pour nous, il est clair que nous assistons non pas à une crise des finances publiques mais à l'échec d'une vision politique, le résultat d'une décennie marquée au sceau du libéralisme économique. À Ottawa et à Québec, on a pratiqué ce qu'on appelle le libéralisme économique, une doctrine qui prône des politiques économiques gravitant autour de deux axes: les entreprises privées et le marché. Ces politiques reposent sur l'hypothèse que le secteur privé est plus efficace que le secteur public, que le marché est le mécanisme le plus efficace pour atteindre l'équilibre économique. Le libéralisme économique considère que l'État gêne les mécanismes du marché et qu'il doit graduellement se retirer pour laisser la place au secteur privé. C'est donc la remise en question du rôle de l'État dans le développement économique.

La doctrine du libéralisme économique s'accompagne également d'un projet de société qui fait passer l'intérêt de l'entreprise privée au tout premier plan. Et on remet aux entreprises la responsabilité de la répartition de la richesse et de l'aplanissement des inégalités sociales. Cette doctrine s'est traduite, au niveau fédéral, par une série de politiques visant à freiner l'inflation, à déréglementer, à privatiser les sociétés d'État, à accroître les investissements étrangers, à réaliser le libre-échange avec les États-Unis et à rétablir l'équilibre budgétaire.

Au Québec, en prétextant la nécessaire harmonisation, on a appuyé l'ensemble de ces politiques économiques. Le Québec a été un fervent défenseur du libre-échange, sans avoir aucune garantie d'Ottawa sur les mesures de transition et de soutien. Et il a calqué sa réforme fiscale sur celle du fédéral. Pourtant, un des éléments qui met en évidence et en relief l'échec des politiques économiques de nos gouvernements au cours des années 1980 concerne la comparaison de la productivité au travail dans les pays du G 7, que l'on retrouve dans le document gouvernemental en page 18. Selon les données de l'OCDE, la productivité au Canada correspondait à 84,6 % de celle des États-Unis en 1980; 10 ans plus tard, après cette décennie de politiques néo-libérales, elle s'établissait à 85 %. Donc, aucune amélioration relative.

Est-ce que les entreprises canadiennes ont profité du désengagement de l'État pour se moderniser? Est-ce que le libre fonctionnement du marché a rendu les appareils productifs canadiens et québécois plus efficaces? Pas du tout. Les fruits de la croissance économique au cours des années se sont canalisés dans la construction de maxi et de mini-empires reposant sur la base de la spéculation immobilière. On pense à Campeau, à Olympia & York, à Malenfant, des châteaux de cartes qui se sont écroulés les uns après les autres. En fait, il a fallu attendre la nouvelle, la seconde récession pour que, sous la menace de la faillite, les entreprises s'appliquent à faire des restructurations qui ont entraîné, selon l'Association des manufacturiers du Québec, la suppression de 350 000 emplois à l'échelle canadienne.

Une telle évolution ne surprend guère quand on considère ce qui se fait chez nous, mais voyons plutôt ce qui ne se fait pas. Parmi les pays du G 7, le Canada est un de ceux qui consacrent le moins à la recherche et au développement - à l'avant-demier rang. On consacre à la recherche et au développement au Canada environ 1,4 % du PIB, alors que le Japon, l'Allemagne, les États-Unis y consacrent le double ou davantage. Pourtant, selon l'OCDE, c'est le Canada qui possède les mesures fiscales les plus généreuses en faveur de la recherche et du développement. Les entreprises canadiennes investissent nettement moins que les autres pays industrialisés. Les entreprises québécoises investissent cinq fois moins que les entreprises américaines dans la formation de leurs employés, et les entreprises américaines, à leur tour, investissent deux à trois fois moins que les entreprises japonaises ou allemandes.

Deux ans après sa mise en oeuvre, le crédit d'impôt à la formation n'a pas réussi à susciter une augmentation substantielle des dépenses en formation des entreprises et demeure en deçà des objectifs visés. On espérait des dépenses de 100 000 000 $ en 1992; elles s'élevaient à 32 200 000 $. Mais tout va bien, madame la marquise. Notre fiscalité est parfaite. Et que dire du cafouillis auquel donne lieu le programme SPRINT, qualifié de fouillis ou d'opération ratée. D'ailleurs, les journaux, cette semaine, ont fait état du cafouillage du programme SPRINT.

Nous sommes donc aujourd'hui forcés de constater un blocage économique et social; notre structure industrielle est toujours chancelante;

nous accusons d'importantes pertes d'emplois; les fruits de la période de croissance n'ont pas été également répartis; le chômage est demeuré élevé; l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru; les déficits gouvernementaux ont servi de prétexte à la compression des dépenses. Pourtant, un nombre grandissant de personnes laissées pour compte tentent de vivre maigrement des prestations sociales ou de l'assurance-chômage, et on constate un dangereux effritement du tissu social.

En 1986, le gouvernement publiait «L'urgence d'un redressement», un document qui a servi à justifier des compressions de 900 000 000 $ et qui pavait la voie à un désengagement accru de l'État. Sept ans plus tard, nous avons le droit à «Vivre selon nos moyens», dans un contexte où la récession a provoqué une détérioration des équilibres budgétaires. Rappelons, pour la petite histoire, qu'à peine un an après la publication de «L'urgence d'un redressement», en 1987, l'élan de l'économie et les coupures effectuées avaient permis au gouvernement de payer par anticipation des factures totalisant 850 000 000 $ L'année suivante, en 1988, le contexte permettait au gouvernement non seulement de payer par anticipation au-delà de 600 000 000 $ mais aussi de consentir des réductions d'impôt. On peut également rappeler - coïncidence - qu'en 1986, comme cette année, c'était une année de négociations dans les secteurs public et parapublic. (14 h 30)

Nous n'affirmons pas que la situation de l'époque et celle d'aujourd'hui sont semblables, mais l'expérience passée nous incite à une certaine prudence face à tous les scénarios apocalyptiques du gouvernement. La gestion des finances publiques québécoises durant les années quatre-vingt, plus particulièrement à partir de 1986, a conduit à un repositionnement significatif de la situation financière de l'État québécois. Durant la période de 1986 à 1989, l'augmentation relativement faible des dépenses budgétaires combinée à la croissance des revenus a conduit à une diminution de la place de l'État dans l'économie québécoise. De 25 % en 1985, les dépenses de l'État ont chuté à 21 % en 1988; et même avec une plus forte croissance des dépenses durant la récession, elles ne dépasseront pas 25 % en 1992-1993.

Du côté du déficit, qui atteignait 5 % du PIB québécois en 1980-1981 et 3,8 % en 1984-1985, il n'était qu'à 1 % en 1989-1990. Malgré la récession, selon les chiffres de M. Levesque ce matin, il sera à 2,9 % en 1992-1993. Bien sûr, il s'agit d'une donnée préoccupante dans la problématique des finances publiques du Québec, surtout quand on considère le déficit accumulé. Mais, comparativement au début de la décennie, la situation est meilleure, même au moment où on se sort de la plus longue et de la pire période de récession.

Quant aux besoins financiers nets, ils ont suivi la même tendance, passant de 3 % du PIB en 1980-1981 à 2 % en 1984-1985, puis à 0,5 % en 1989-1990. D'ailleurs, sans la baisse d'impôt sur les plus hauts revenus en 1986 et la réforme fiscale de 1988, les besoins financiers auraient été pratiquement nuls en 1989-1990. Malgré la récession des dernières années, les besoins financiers nets seront à 1,6 % du PIB en 1992-1993. Une telle situation est comparable à l'époque 1972-1973, il y a 20 ans. Mesurés en dollars constants, les besoins financiers seront inférieurs de 1 000 000 000 $ par rapport à ceux de 1976-1977, et vous avez le tableau qui l'illustre très bien.

Du côté de la dette gouvernementale, la dette directe, c'est-à-dire la partie de la dette qui correspond aux emprunts réels à court et à moyen terme, s'est pratiquement maintenue au même niveau depuis 1983-1984, soit 21 % du PIB. Toute la problématique du déficit, de la dette, des dépenses dites d'épicerie est traitée de manière purement comptable par le gouvernement. Il faudrait plutôt aborder ces questions selon une logique économique. Par exemple, lorsqu'une entreprise emprunte, s'endette, c'est en vue d'investissements qui vont lui procurer des revenus supérieurs dans le futur. C'est l'essence même de la logique économique, du calcul économique.

Dans le cas de l'État, c'est la même chose. Quand on sait que les emprunts d'aujourd'hui vont être remboursés dans le futur par des impôts considérables, c'est, ma foi, une vérité. Mais, ça, c'est la simple logique arithmétique et comptable. Si ces emprunts ont pour effet d'augmenter la croissance économique future, il n'est pas dit que les impôts additionnels à percevoir vont entraîner une pression fiscale accrue sur les générations futures. On connaît l'importance des infrastructures pour la croissance économique. On sait que des jeunes mieux instruits, mieux formés, vont produire plus de richesses. Pourtant, le gouvernement choisit de qualifier de «dépenses d'épicerie» des dépenses de fonctionnement des établissements scolaires. Ça fait peut-être image, mais c'est trompeur. Quant à la croissance de la dette sur les régimes de retraite, le gouvernement ferait mieux de s'en prendre à sa propre gestion. Il a emprunté au compte des régimes de retraite au taux de rendement de la Caisse de dépôt, qui est supérieur au coût des emprunts réalisés sur les marchés financiers. C'est un peu comme un particulier qui emprunte sur sa carte de crédit plutôt que de recourir à la marge de crédit ou à l'emprunt personnel. Le gouvernement, bien tardivement, semble avoir découvert les avantages de la capitalisation de la contribution de l'employeur aux régimes de retraite.

Enfin, nous déplorons le peu d'importance qui a été accordé par le gouvernement à des mesures structurantes depuis le début de la

récession actuelle. À titre d'exemple, les dépenses d'immobilisations du gouvernement, les subventions qu'il accorde pour fins d'immobilisations ont représenté, en moyenne, seulement 160 000 000 $ de plus durant la phase de récession qu'au cours de la période 1986-1990, qui était une période de croissance économique.

C'est dans une vision de développement de la société québécoise à moyen et à long terme que la politique budgétaire du gouvernement doit s'inscrire. La recherche de l'équilibre budgétaire dans une société qui s'appauvrit, dans un Québec cassé en deux, où s'accumulent les éléments de tension sociale, est un exercice comptable qui est sans intérêt pour la collectivité et pour les citoyennes et les citoyens.

Au cours des dernières années, le gouvernement s'est souvent servi de l'argument de l'absence de marge de manoeuvre pour justifier son inaction. Or, en 1990-1991, le ministre des Finances avait prévu un déficit de 1 800 000 000 $. Il s'est retrouvé avec un déficit de 2 800 000 000 $; 1 000 000 000 $ de plus que prévu, un écart de 61 %. En 1991-1992, il prévoyait un déficit de 3 500 000 000 $. Il a atteint 4 200 000 000 $; un écart de 175 000 000 $, un écart de 21 %. La marge de manoeuvre que l'État disait ne pas avoir, il a dû la trouver, mais sans pouvoir l'utiliser de façon préventive; il l'a utilisée après coup, pour compenser pour des problèmes au lieu de s'en être servi comme un levier pour contrer les effets de la récession. Et vous avez le graphique qui illustre bien cet élément.

Quel est le menu présenté par le gouvernement pour les années à venir? Un scénario dit de redressement graduel qui nous permettrait d'équilibrer le solde des opérations courantes au bout de quatre ans. Pourtant, il nous semble qu'un régime fiscal qui a engendré des inégalités, qui a été improductif au chapitre de l'emploi, de la recherche, du développement, qui demeure à ce point inéquitable que c'est presque devenu un sport national de le contourner, mériterait bien un examen attentif. Mais voilà, plutôt quo rie remettre en question ses propres orientations fiscales, ses choix politiques, ou de réévaluer son mode de gestion de l'appareil gouvernemental et des grands réseaux publics de l'éducation et de la santé, le gouvernement se contente d'emprunter la voie de la facilité, celle qui fera porter le fardeau des sacrifices sur l'épaule des autres, au premier chef les usagers des services publics de santé et d'éducation, qui verront à être facturés.

Et ça ne s'arrête pas là. Comme la rémunération absorbe 51, 5 % des dépenses, elle est ciblée comme source d'économie. Le gouvernement propose donc de geler la rémunération globale à son niveau actuel pour les cinq prochaines années. À l'intérieur d'une masse globale, bien sûr, on pourrait nous consentir des ajuste-monts de salaire moyennant des économies sur les avantages sociaux ou des gains de produc- tivité; autrement dit, de la réduction d'effectifs. Et, encore une fois - beaucoup d'imagination - la tâche des enseignantes et des enseignants est ciblée. Cela au moment même où le drame de l'échec et de l'abandon scolaire est venu rappeler à quel point l'éducation constitue toujours le meilleur outil du développement économique, social, culturel et démocratique d'une collectivité. On demeure sidéré devant un tel manque de vision d'avenir. Les employés du secteur public, après une coupure de 20 %, deux gels négociés, ont déjà donné. Et cette approche n'a pas donné les résultats escomptés puisqu'on nous fait encore le même portrait apocalyptique.

Par ailleurs, le scénario soumis, qui prévoit limiter à 0, 4 % et par la suite à 1 % la croissance des dépenses des programmes, est tout à fait irréaliste. Un tel rythme équivaut à dépenser 0, 8 % de moins que l'inflation chaque année, pendant cinq ans. Il y a seulement en 1986-1987 que le gouvernement a dépensé moins que le taux d'inflation. Les compressions cumulatives en sept ans représentent 10, 5 % des dépenses de programmes. Dans le scénario proposé, le gouvernement veut faire la même chose en trois ans, toutes proportions gardées, et comprimer près de 20 % des dépenses en cinq ans. C'est énorme, en plus d'être une vue de l'esprit, parce que, en somme, des personnes malades, des personnes sans emploi, des jeunes à instruire, des adultes à former, il en restera toujours, et il y aura toujours des dépenses qui ne pourront pas se compresser et qui, dans certains cas même, ne pourront pas faire autrement que d'augmenter.

Enfin, les hypothèses qui concernent les revenus sont très discutables. Le gouvernement s'est toujours trompé dans ses prévisions. Les bonnes années, il a sous-estimé les revenus et, les mauvaises années, il les a surestimés. Alors, pourquoi en serait-il autrement pour l'avenir? Je vous le demande. Enfin, il nous paraît irréaliste de restaurer des équilibres budgétaires dans le contexte où le chômage atteint 13, 5 % et où l'économie tourne à 6 % en dessous de son potentiel Une saine gestion des dépenses, un système fiscal efficace et équitable sont des ingrédients indispensables au bon fonctionnement du secteur public. C'est seulement si l'économie fonctionne selon son potentiel qu'on peut espérer voir se résorber les tensions sur les finances publiques. (14 h 40)

Bref, c'est par la relance de l'emploi et de l'économie que le gouvernement pourra véritablement améliorer l'état des finances publiques, puis par une véritable réforme de la fiscalité. Parce que la fiscalité, c'est l'ensemble des moyens dont se dote l'État pour s'assurer les revenus nécessaires pour jouer son rôle. Elle détermine nos comportements comme citoyens, comme citoyennes. Elle peut nous inciter à travailler, elle peut nous inciter à épargner, elle peut nous inciter à dépenser. Elle permet au

gouvernement de poursuivre des objectifs comme la lutte à la pauvreté, comme la création d'emplois, comme le développement des régions défavorisées. Et nous pensons qu'il y a lieu de procéder à un examen de la fiscalité.

Gérald va compléter sur les éléments qui pourraient faire partie de cette réflexion fiscale.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. Larose, s'il vous plaît.

M. Larose: M. le Président, MM. les ministres, Mme la députée, MM. les députés, comme vous, nous croyons que la fiscalité est le premier mécanisme du vivre en société, que c'est un des éléments fondamentaux de la vie démocratique. C'est aussi un révélateur privilégié de la solidarité sociale. Pourrait-on même dire que c'est une unité de mesure pour évaluer une certaine civilisation.

Visiblement, notre régime fiscal ne tiendra pas le voyage. D'abord, parce que ce régime fiscal est inéquitable. Deuxièmement, il est insuffisant. Troisièmement, il est antiéconomique. Quatrièmement, c'est un bordel organisé. Et vous voulez fermer la porte, vous ne voulez pas qu'on en discute. Pourquoi? Le ministre des Finances nous a dit qu'il y avait beaucoup de mythes là-dessus. On connaît de plus en plus de gens qui élèvent grassement leur famille sur ces mythes, et on pense qu'il est temps de mettre sur la table certains aspects de notre fiscalité.

D'abord, pour écraser des bibites. La première, il nous faut même du courage pour l'affirmer, répondre à la question, à savoir: est-ce qu'on est surtaxés? Vous avez choisi pour votre démonstration la première année de la récession, qui est celle de 1990. Pour un usage tout à fart approprié à la démonstration, on vous propose plutôt 1988 qui est une année normale, qui nous révèle que pour l'ensemble de notre fiscalité au Québec nous sommes les 17e sur 23. Il y en a 16 autres qui nous battent. La démonstration n'est pas évidente.

Il faut constater, par ailleurs, trois phénomènes: celui d'un sous-emploi qui rétrécit le bassin sur lequel repose la fiscalité; le deuxième phénomène, c'est celui de l'allégement fiscal pour les hauts revenus; le troisième phénomène récent demeure la nouvelle taxation à la consommation qui fait que, dans le Groupe des Sept, nous sommes les plus lourdement taxés; et, comparativement à notre voisin du Sud, nous le sommes encore davantage. Ces trois phénomènes ont opéré un transfort qui, effectivement, fait quo la fiscalité repose sur moins de monde et, on dirait, toujours sur le même monde, d'où la perception, qui est une illusion, que globalement nous serions trop taxés. Nous sommes mal taxés.

La deuxième bibite qu'il faut écraser: est-ce que tout le monde cotise dans la caisse? Non. En 1976, 1 $ sur 3 $ échappait à la fiscalité; en 1988, 1 $ sur 2 $. Donc, de plus en plus de dollars échappent à la fiscalité. La seule exemption pour les 100 premiers 1000 $ de gains de capital vous coûte 451 000 000 $. On n'avait pas les chiffres, on l'a découvert dans votre papier. On avait prévu dans notre mémoire que ça devait être autour de 250 000 000 $; le vrai chiffre, c'est 451 000 000 $. Là-dessus, ceux qui gagnent plus de 100 000 $, qui représentent 1 % de la population, bien, ils s'en mettent, à eux tout seuls, 250 000 000 $ dans les poches. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas tout le monde qui met son dû dans la caisse.

La même chose pour les entreprises. En 1980, 62 000 entreprises rentables au Canada ne payaient pas d'argent, ne payaient pas dans la caisse commune; en 1987, c'est 93 000. En 1980, elles avaient fait pour 9 900 000 000 $ de profits; enfin, en 1987, c'est 27 000 000 000 $. L'ancienne compagnie du président du Conseil du trésor s'est même permis, quelques années, de ne rien mettre dans la caisse. La bibite qui veut que tout le monde cotise, c'est faux. On aimerait ça en discuter et mettre ce débat-là sur la table.

Troisième bibite: les entreprises croulent sous le fardeau fiscal. Faux. Le Canada, dans le Groupe des Sept, a les meilleures charges fiscales pour les entreprises. On dit même que le Québec en particulier est le paradis fiscal du Groupe des Sept. Ottawa a descendu ses taux d'imposition de 36 % à 28 %, mais si on enlève la taxe manufacturière, ça fait en réalité 23 %. Au Québec, on est rendu avec des avantages comparatifs aux États limitrophes et à l'Ontario qui gravitent entre 15 % et 24 %. Donc, troisième mythe ou troisième bibite à écraser: ce n'est pas vrai que les entreprises croulent sous le fardeau fiscal. Nos propositions ne viseront pas à les faire crouler, mais on voudrait que, déjà, un certain nombre de personnes épongent leurs larmes; elles seront de crocodile au chapitre des charges fiscales pour les entreprises.

Voilà trois réalités qui devraient justifier qu'on ouvre le débat et qu'on mette sur la table tous les éléments pour développer une véritable alternative fiscale qui soit plus efficace, plus équitable, plus simple et plus stimulante au plan économique. Nous n'avons pas toutes les réponses. On peut, par ailleurs, vous assurer que nous sommes disponibles pour travailler toujours plus pour développer cette alternative en poursuivant un certain nombre d'objectifs. Et si on nous en donnait la chance, il est clair qu'on réussirait à proposer qu'on puisse fondre tous les revenus et les considérer au même titre, tel que le proposait la commission Carter, à l'époque.

D'abord, il nous faudrait comptabiliser systématiquement les dépenses fiscales. Ce sont des données qui nous sont toujours inaccessibles.

Deuxièmement, nous chercherions à réintroduire davantage de progressivité dans le régime fiscal. Il est clair que, dans la réforme intervenue depuis 1986, les allégements aux hauts revenus ont été carrément des cadeaux, parce

que vous avez surestimé le rôle que joue la fiscalité quant à la mobilité et à la compétitivité. Qu'est-ce qui est le plus important quand on choisit son lieu de résidence? Le régime d'impôt, ou bien l'accès à l'emploi, ou bien les conditions de travail, ou bien la qualité de vie? On pense qu'il y a là surestimation purement idéologique. (14 h 50)

Troisièmement, nous souhaitons revoir la fiscalité des entreprises, d'abord pour rétablir à l'intérieur du camp des entreprises l'équité fiscale. Un tableau va vous démontrer que les entreprises, les grandes entreprises - attendez que je le trouve - leur revenu total, en pourcentage, totalise 81 % - ça, c'est les grandes entreprises - les moyennes entreprises, quand on répartit en pourcentage du revenu total, en occupent 9 %, les petites entreprises, 10 %. Mais quand on regarde leur contribution à l'impôt, curieusement, les grandes entreprises ne contribuent que pour 55 %, les moyennes entreprises pour 21 %, les petites entreprises pour 24 %. Moralité: les petites entreprises, qui sont plus intensives au niveau de l'emploi, sont celles qui se font pomper davantage que les grandes entreprises qui, elles, sont davantage intensives au niveau du capital.

Toujours à ce chapitre-là, nous voulons revoir l'ensemble de la taxation qui repose sur la masse salariale, qui, par des taux fixes et des plafonds, pénalise les entreprises qui sont intensives au niveau de l'emploi, plus particulièrement la petite et la moyenne entreprises. Troisièmement, nous souhaitons revoir les stratégies de subventions et de crédit accordés aux entreprises pour qu'elles soient modulées essentiellement sur un premier critère, qui est celui de l'emploi.

Quatrièmement, au chapitre de la formation professionnelle, nous estimons que, des mesures incitatives que nous connaissons, il nous faut maintenant passer aux mesures imperatives et faire en sorte qu'il y ait un régime de contribution progressif, selon la taille des entreprises, lesquelles pourront déduire leurs frais de formation et verser le reste dans des fonds régionaux qui serviront à la formation professionnelle de tous les secteurs de la région.

Un dernier mot sur la fiscalité des entreprises: nous estimons que vous surestimez, encore là, le rôle de la fiscalité quant à la localisation des entreprises. Quel rôle joue la fiscalité par rapport à d'autres éléments que peuvent être les immobilisations, la main-d'oeuvre, la disponibilité de la matière première, les ressources énergétiques bon marché, les facilités de transport? Et nous en voulons également pour preuve qu'à partir du moment où on s'est donné ce paradis fiscal pour les entreprises, soi-disant pour les attirer vers nous, on n'a pas vu de bouchon sur la 401 d'entreprises ontariennes qui s'en venaient profiter de la manne québécoise. Ça a été essentiellement des cadeaux.

Quatrièmement, dans cette révision de la fiscalité, nous estimons que nous ne devons pas passer à côté de la taxation de la richesse. Douze pays de l'OCDE ont des dispositions visant à taxer la richesse; seuls le Canada et l'Australie n'ont absolument rien quant au transfert de fortune. C'est un item que nous voulons débattre.

Cinquièmement, au chapitre de la fiscalité pour les femmes, on pense qu'il faudrait arriver en ville. Le régime fiscal à l'égard des femmes repose encore sur la famille traditionnelle, ce qui fait que les familles monoparentales, notamment au chapitre des pensions alimentaires, sont rudement mises à contribution. On fait des propositions, notamment pour qu'il y ait des barèmes existant selon la charge parentale, une perception automatique des pensions qui devraient être graduées avec la prestation de bien-être social pour ne pas inciter le conjoint à ne pas contribuer, puisque ce sera déduit en totalité du chèque du bien-être et, quatrièmement, nous souhaitons convertir les déductions pour frais de garde en crédits d'impôt et les crédits non remboursables pour enfants en crédits remboursables.

On pense qu'il nous faudrait aussi développer des dispositifs particuliers pour que la fiscalité atteigne des objectifs en environnement et au niveau de la culture. Mais, surtout, il faut que l'ensemble de notre régime fiscal contribue au développement positif de l'économie, particulièrement au chapitre de l'emploi.

Ce matin, M. le ministre, on vous a réentendu nous réaffirmer votre intention de poursuivre l'élan de tarification. Vous avez précisé que ce n'était là qu'un signal. Ce n'est pas là qu'un signal. À un taux d'augmentation, en moyenne, de 12,7 % par année du revenu qui vient de la tarification, on trouve que ça cause pas mal fort pour être un signal. La tarification est très exactement la contradiction et la rupture par rapport à l'économie générale sur laquelle repose notre filet de protection sociale. Il est également l'expression consommée des politiques néo-libérales qui, à venir jusqu'à maintenant, n'ont rien été d'autre qu'un détournement de fonds publics pour des fonds privés, pour des intérêts privés, et qui, à terme, veulent passer à l'ensemble de la population, particulièrement aux plus démunis, ceux qui ont besoin de soins, ceux qui ont besoin de santé, ceux qui ont besoin d'aide, la facture.

On va reconnaître avec vous que nous avons des difficultés qui ne sont pas neuves, difficultés que nous avons contribué dans le passé à régler ou à tenter de régler, mais, délibérément et faussement, vous avez construit une bulle de panique en prétendant faire des projections qui nous amèneraient à croire que nous allons échapper le contrôle. Je vous soumets, M. le ministre, que nous sommes présentement en meilleure situation qu'en 1984 et 1985. Avons-nous perdu le contrôle? Pourquoi, alors

que nous sommes en meilleure situation en 1992, allons-nous perdre le contrôle dans cinq ans? (15 heures)

C'est une construction qui vise des objectifs transparents, tels que vous les avez exprimés ce matin, à savoir de réviser le rôle de l'État, à savoir de poursuivre des politiques qui s'appliquent en Amérique du Nord depuis 12 ans, au Québec, de façon systématique, depuis 8 ans. Que sont ces politiques néo-libérales qui nous amènent là où nous sommes? C'est une construction qui vise à masquer un échec spectaculaire qui fait que l'ensemble des politiques aux objectifs déclarés ont très exactement produit le contraire, sans compter qu'il apparaît évident maintenant, dans le présent contexte, qu'on veut que le secteur public passe une fois de plus à la casserole.

Je vous rappelle que la masse salariale du secteur public a cru moins rapidement que les revenus de l'État dans les 10 dernières années. Si on identifie les problèmes, ce n'est certainement pas la masse salariale du secteur public, on repassera. Nous voulons, avec vous, identifier les vrais problèmes. Nous travaillerons aux vraies solutions.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Larose.

Simplement un petit commentaire: S'il vous plaît, qu'on s'adresse à la présidence, même si, parfois, on peut avoir envie de s'adresser ou d'interpeller directement quelqu'un.

Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Daoust: Si vous le permettez, il reste deux ou trois minutes, au maximum...

Le Président (M. Lemieux): Aucun problème.

M. Daoust: ...pour la conclusion et les recommandations ou les propositions.

Pour nos organisations, la présente commission doit représenter l'amorce d'une exploration en profondeur du coffre d'outils de l'État en vue de réaliser les virages importants qui s'imposent: virages au chapitre de la lutte à la pauvreté, au chapitre de la formation, au chapitre de l'emploi, au chapitre du développement régional. Même si le rôle de l'État est en pleine mutation, l'État des années quatre-vingt-dix devra assurément répondre à des impératifs qui transcendent l'économisme primaire. Déjà, la reconciliation des objectifs d'efficacité économique et de justice sociale se fait urgente dans une société où les clivages se multiplient. Les mutations rapides engendrées par la mondialisation de l'économie ne doivent d'aucune manière justifier un accroissement des inégalités, conséquence inévitable, selon nous, si le tout s'opère dans un environnement marqué au sceau du laisser faire.

Comme nos taxes et nos impôts représen- tent le prix à payer pour les programmes et les services publics, il est tout à fait normal de se demander, en tant que contribuables, si nous en avons pour notre argent. À cet égard, il est clair qu'on peut réaliser certains gains de productivité dans le secteur public. Toutefois, il y a des limites objectives à faire plus avec moins. Lorsque ces limites sont atteintes, les rationalisations budgétaires engendrent inévitablement des effets pervers sur l'accessibilité et la qualité des services offerts. À cet égard, nous ne saurions trop mettre en garde le gouvernement devant la tentation de transformer la présente consultation publique en opération de validation de choix coulée dans le béton et qui s'inscrirait dans la logique du désengagement. C'est une inquiétude sur laquelle il faut insister et, si jamais c'était ça le sens de l'opération, il n'y a aucun doute que, dans notre esprit, on parlerait de mystification et, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, d'une occasion ratée de faire un véritable débat sur les finalités de la fiscalité.

Nous croyons plutôt qu'il faudrait, dans un avenir rapproché, disposer de suffisamment de ressources collectives pour assurer le financement d'une foule de besoins auxquels le secteur privé demeure incapable de répondre adéquatement. Il est impérieux de recréer le plus rapidement possible, ici, au Québec, un solide consensus autour du régime fiscal. Les options permettant l'atteinte d'un meilleur équilibre en termes de répartition du fardeau fiscal et de diversification des sources de financement existent. Certaines orientations mériteraient d'être étudiées dans une perspective de réforme fiscale qui respecte le principe de la capacité de payer. Entre autres avenues, on pense à la restauration d'un plus fort degré de progressivité de l'impôt sur le revenu, au rétablissement de l'équité dans le traitement fiscal des différents types de revenus - ça a été abordé - à une comptabilisation et à une évaluation des dépenses fiscales et - ça aussi, ça a été abordé - à l'instauration d'un impôt sur la richesse. Encore faut-il que nos dirigeants acceptent d'en discuter publiquement. Puisque la fiscalité constitue la caisse collective des Québécois et des Québécoises, il n'est que normal d'en faire un bilan complet de temps à autre et pas seulement au plan comptable.

Quant à nous, nous poursuivrons, au cours des mois à venir, la réflexion, la sensibilisation et la consultation à l'intérieur de nos rangs en vue de dégager des orientations susceptibles de rééquilibrer notre régime fiscal afin qu'il redevienne un authentique outil de développement au service de la majorité de la population. Quelques propositions, très rapidement.

Attendu que l'État québécois est un acteur déterminant sur le développement économique du Québec, nous demandons à l'État de réunir les acteurs socio-économiques du Québec, de les associer à une démarche constructive et enga-

géante afin d'analyser les enjeux du développement du Québec. Dans une perspective de concertation sociale et d'action collective, l'État et ses acteurs devraient définir les stratégies qui cibleraient la réduction de la pauvreté, la création d'emplois, la réduction du décrochage scolaire, le rehaussement des qualifications de la main-d'oeuvre, le développement viable.

Deuxièmement, considérant les impacts du chômage sur les finances publiques ainsi que sur ses coûts économiques et sociaux, nos organisations estiment urgent que le gouvernement du Québec s'engage, dès le prochain budget, dans une stratégie de développement économique dont la priorité sera la relance de l'emploi, en impliquant l'ensemble des partenaires socio-économiques.

Troisièmement, nos organisations pressent le gouvernement du Québec de poursuivre les travaux sur la fiscalité - et nous ne cesserons de le répéter - par le biais d'une véritable commission d'enquête publique sur la fiscalité. Son mandat serait d'étudier l'état général du régime fiscal québécois et de formuler des propositions afin que ce dernier respecte davantage les principes d'équité, de progressivité et d'efficacité et qu'il soit davantage axé sur le développement de l'emploi. Cette commission devra se pencher sur la répartition du fardeau fiscal entre les divers agents économiques, la structure du régime fiscal, les moyens de rétablir une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu, la composition de l'assiette fiscale et l'évaluation des dépenses fiscales, les incidences des tarifications, les moyens pour établir une plus grande justice fiscale envers les femmes, l'opportunité d'implanter une taxe sur la richesse, des mesures fiscales spécifiquement orientées vers le développement de l'emploi, le financement de la formation professionnelle, la révision de la parafiscalité, l'environnement et la fiscalité, le traitement fiscal des gains immobiliers, la fiscalité et la culture, la réévaluation du mode de gestion de l'appareil gouvermental et la récupération des pouvoirs fiscaux du Québec.

Quatrièmement, nos organisations demandent au gouvernement du Québec d'effectuer une analyse globale du partage des responsabilités et des modes de financement en matière de services publics avec l'ensemble des acteurs nationaux, régionaux et locaux concernés. La CEQ, la CSN et la FTQ demandent au gouvernement du Québec de renoncer à mettre en oeuvre, lors du prochain budget, des mesures de tarification des services publics ou des programmes sociaux qui iraient à rencontre de la gratuité, de l'accessibilité et de l'universalité. Nos organisations demandent au gouvernement du Québec de procéder le plus tôt possible à la comptabilisation de l'ensemble de ses dépenses fiscales et de rendre le tout public.

Enfin, septièmement, nos organisations demandent au gouvernement de convertir les déductions pour frais de garde en crédit d'impôt dès le prochain budget.

Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Daoust.

M. le président du Conseil du trésor, la parole est à vous.

M. Johnson: Merci, M. le Président, en souhaitant la bienvenue très officiellement et formellement à nos partenaires syndicaux qui viennent nous faire partager certaines de leurs préoccupations de façon non équivoque. Je pense qu'on peut leur savoir gré de venir s'exprimer aussi clairement sur ces enjeux. (15 h 10)

Dès le départ, M. le Président, vous me permettrez un commercial, par ailleurs, tout chaud, un fac-similé directement de Toronto, une annonce du gouvernement ontarien que, quant à lui, alors que nous nous serions trompés de 820 000 000 $ dans la prévision des revenus, le gouvernement ontarien s'est trompé, lui, au 31 décembre, de 1 600 000 000 $. Alors, il y en avait trois qui étaient moins perspicaces que nous. Il y en a maintenant quatre qui, eux aussi, ont fait une erreur. Tout le monde s'est trompé. La récession est toujours là, et ça demande des efforts d'imagination, évidemment, pour améliorer la situation économique de nos concitoyens.

Quant au mémoire, je retiens une phrase. La situation, dites-vous, est sous contrôle. Nous sommes en meilleure posture, en meilleure mesure financière pour affronter l'avenir. Je suis entièrement d'accord que la situation est sous contrôle, mais elle doit le demeurer. C'est ce qu'il y a d'essentiel dans le propos du gouvernement depuis de nombreux mois. Je ne veux pas que ça dégénère en querelle de clercs ou de comptables, mais il y a des réalités chiffrées qu'on doit redire afin qu'elles soient bien connues et que nous discutions tous sur la même base.

J'ai été un peu étonné de voir qu'on indiquait que les dépenses de l'État représentent, depuis quelques années, entre 22 % et 25 % du PIB. Je veux simplement faire remarquer que les 3 % de jeu, c'est 5 000 000 000 $. On ne peut pas traiter 5 000 000 000 $, 3 % du PIB, comme si c'était quelque chose qui se perd lorsqu'on arrondit les chiffres. C'est justement là l'ampleur du problème. C'est un problème de cet ordre-là.

J'ai également tiqué - vous me permettrez d'utiliser l'expression - lorsque j'ai mis en regard la page 87 du document principal que nous avons distribué, qui fait état du déficit et de la dette par rapport au produit intérieur brut, avec ce qu'on retrouve à la page 30 de votre mémoire. Vous dites: Le service de la dette diminue, comparativement au PIB; le déficit, même, diminue, si on le met en regard du produit intérieur brut. Il y a une lacune majeure au point de vue arithmétique et discussion sensée des finances publiques. C'est que la dette totale,

elle, augmente depuis de nombreuses années, et ce, à un rythme supérieur au produit intérieur brut, ce qui fait que, même si, intégralement, les données que nous suggérons pour les cinq prochaines années se réalisaient, ce n'est qu'à la cinquième année que, finalement, la dette représenterait un moins gros fardeau dans notre économie que ce qu'elle représente aujourd'hui.

On ne peut pas parler d'un déficit qui augmente de 2 000 000 000 $, 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $ cette année, prétendre que c'est une moins grosse partie du produit intérieur brut que ça ne représentait il y a 10 ans et oublier que cette augmentation de 4 000 000 000 $ du déficit doit être comptabilisée par-dessus la dette déjà accumulée et qu'il faut tenir compte du rythme auquel nous nous endettons. C'est une des contraintes majeures qui fait qu'on ne peut pas parler aussi calmement qu'on semble le faire de l'autre côté, parler du fait que c'est sous contrôle et que ça le demeure. Implicitement, c'est ce qu'on nous indique, de l'autre côté. On est bien positionné, on peut affronter l'avenir avec confiance à ne rien faire du côté des dépenses publiques.

On nous reproche ou on semble dire qu'il y a eu une marge de manoeuvre qui s'est dégagée et qu'on l'aurait mal utilisée en faisant faire des économies à des gens qui ne sont pas productifs ou qui, de toute façon, peu importe la façon dont on le définit, ne le méritaient pas. Je veux simplement indiquer que la marge de manoeuvre a servi essentiellement à trois choses. La première: on a augmenté les dépenses de programmes per capita depuis 10 ans au Québec, et on n'a pas cessé, quant à nous, de le faire. Les dépenses de programmes per capita en dollars constants de 1992 ça me fail plaisir do distribuer les tableaux - ont augmenté. Ce n'est certainement pas au titre des programmes qu'on a qu'on a coupé. Il y a donc eu, grâce à la croissance économique qu'on peut avoir connue, grâce à certains resserrements, malgré tout, une augmentation de certaines dépenses de programmes pour chaque Québécois.

Deuxièmement, il y a eu un choix conscient, public, de faciliter la vie des familles québécoises. Les taux d'imposition du Québec, l'échelle de progressivité de l'impôt sur le revenu des particuliers a été modifiée à un point tel que, jusqu'à 26 000 $ aujourd'hui plutôt que 11 000 $ en 1985, les familles québécoises, quatre personnes, deux adultes, deux enfants, ne paient pas d'impôt sur le revenu des particuliers. Jusqu'à 46 000 $, cette même famille paie moins d'impôt qu'en Ontario. Ça représente, ça, cette année, plus de 1 600 000 000 $ additionnels retournés à ce titre aux familles québécoises, et j'oublie les autres programmes, les autres volets de la politique familiale.

Troisièmement, nous avons choisi malgré tout, grâce à la croissance économique, grâce à la marge de manoeuvre dont on parlait tout à l'heure, de réduire le déficit, de telle sorte qu'en 1989-1990 nous étions à quelques petits points de pourcentage d'enfin ne pas emprunter pour payer les dépenses courantes. Mais la récession est arrivée et a joué de la façon dont on sait, que l'on peut mesurer, dans les équilibres publics.

De façon plus générale, malgré tous les échanges que nous avons eus, je dirais, depuis deux ans, du côté gouvernemental, avec les gens qui viennent s'entretenir avec nous aujourd'hui, ce qui persiste à m'étonner, c'est ce refus de vouloir se prononcer quant à la reconduction intégrale ou non des programmes de dépenses publiques. Le problème de la fiscalité québécoise dépend, en grande partie, de l'évolution de ces programmes. J'ai déjà expliqué et je n'y reviendrai pas, faute de temps, comment on observe un taux de croissance inhérent à ces dépenses publiques depuis de nombreuses années. Il n'y a plus de marge de manoeuvre à la marge pour venir corriger ces taux de croissance extrêmement difficiles.

Y a-t-il donc présomption, en lisant vos mémoires, qu'on doit reconduire tous les programmes qui sont inattaquables, le contrat social tel qu'il existe? Non seulement devrait-il être reconduit, mais il est sans doute imparfait, selon vous. On ne dépense sans doute pas assez dans certaines missions principales. La preuve, je suis, comme d'autres, l'objet de demandes constantes, de la part des gens qui vont défiler devant nous, pour dépenser davantage pour leur clientèle ou pour les Québécois en général ou certains segments de la société québécoise ou pour l'ensemble des Québécois, dans certains cas. Si on doit reconduire et même enrichir ces programmes, dépenser davantage, contrairement à une famille qui sait qu'elle a trop de dettes, il faut ou bien augmenter la productivité, c'est-à-dire jouer sur l'efficacité de la dispensation du volume, du niveau, de la variété des services sans toucher le volume, le niveau et la variété de ces services - ça m'apparaît difficilement réalisable - ou alors on hausse la fiscalité. Oui. On taxe sur la foi d'observations et de constats, ma foi, assez simplistes, j'ose le dire, des entreprises qui...

Le Président (M. Lemieux): ...votre temps s'écoule rapidement.

M. Johnson: Déjà.

Le Président (M. Lemieux): Déjà, oui. (15 h 20)

M. Johnson: ...soit des entreprises, soit des gens qui, ou bien n'ont pas fait d'argent ou bien bénéficient des dispositions fiscales qui font que certains revenus, tels les dividendes, ne sont pas taxés à chaque étape ou sont remis d'une filiale à la société mère, ayant déjà été taxés et l'étant éventuellement, lorsque remis aux actionnaires, ou alors des dépenses fiscales dont nous nous

vantons, telle la recherche et le développement, devraient être également annulées, ou alors quelqu'autre ajustement serait intervenu afin que nous changions le lien qui existe entre les services et le niveau de fiscalité.

Ma question, M. le Président, vous la voyez venir: Est-ce que, oui ou non, les gens qui viennent aujourd'hui nous faire part de leurs préoccupations fort légitimes nous suggèrent expressément de reconduire l'ensemble des dépenses publiques et nous disent essentiellement qu'il faudrait dépenser davantage?

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

M. Larose: M. le ministre, vous avez touché plusieurs points. Tout d'abord, je voudrais qu'on revienne sur les éléments de comparaison.

Vous reprochez à notre tableau de la page 30 une grave lacune, qui est très exactement la même que celle que vous avez à la page 89 de votre propre document. Quand vous faites titrer, dans un journal, qu'on est tout juste derrière Terre-Neuve ou bien que vous affirmez, dans votre document repris ce matin, qu'on est les troisièmes, c'est que vous comparez précisément des choses qui ne sont pas comparables puisque ça s'adonne, à moins que vous ne nous fassiez la démonstration contraire, mais on a fait une démarche particulière pour vérifier si c'était vrai. À l'exception de l'Ontario, aucune des provinces ne comptabilise leurs fonds de pension à la manière du Québec. La dette totale dont vous parlez, c'est effectivement celle qui inclut les régimes de pension, mais tout le monde, ailleurs, fonctionne «pay as you go». Alors, pour nous, il y a là un effet de distorsion. À la page 30, par le graphique, on a voulu tout simplement illustrer les engagements du gouvernement qui peuvent signifier également des besoins financiers. Alors, à moins que vous n'ayez des informations différentes, mais on est allés aux sources, et, sauf l'Ontario, il n'y a personne qui comptabilise à la manière du Québec.

Ceci étant dit, je voudrais quand même - parce que toute votre argumentation repose sur le fait qu'on n'a pas la même lecture que vous - avoir des explications. Comment se fait-il qu'en l'espace de quelques mois, les choses vont se passer bien différemment que les 20 dernières années passées? On voudrait que vous nous expliquiez pourquoi la moyenne des revenus de la province, pour les 5 prochaines années, ça va être systématiquement PIB moins 2 %, comme moyenne - pour les 5 prochaines années - alors que, depuis les 20 dernières années, ça a toujours été au moins PIB, sinon un peu plus? C'est quoi qui se passe dans la baraque?

Deuxièmement, on aimerait ça que vous nous expliquiez... Comment se fait-il qu'au chapitre des dépenses, vous prévoyez que ça va être systématiquement PIB plus 3 % alors que la moyenne des 10 dernière années, ça a été PIB plus 1 %? Des éléments de conjoncture transformés en éléments structurels! On aimerait avoir une couple d'explications. C'est ce qui nous amène à dire que vous avez construit une bulle de panique pour servir d'autres objectifs.

En prenant minimalement un certain nombre de moyens, il est clair qu'on peut reconduire - et là, je veux répondre à votre question - l'ensemble de nos engagements à trois conditions. La première, en ne reconduisant pas l'enveloppe du bien-être social. Y aurait-il moyen qu'on travaille sérieusement pour mettre le monde à l'ouvrage? Je sais que vous n'aimez pas qu'on vous dise ça. Vous plaidez que vous faites bien des affaires, mais, dans votre discours de ce matin, c'était clair. Vous dites que ce n'est pas le rôle de l'État, c'est la «business» du privé. C'est les autres qui font les jobs, qui font la richesse. L'État attend, et il «check» la «game». Quand le pot passe, il essaie d'en ramasser un peu Ce n'est pas de même qu'on pense qu'on doit arriver à une véritable stratégie de l'emploi. Première condition, non, on ne veut pas reconduire l'enveloppe du bien-être social, on voudrait mettre le monde au travail pour qu'il cotise en même temps dans la caisse commune.

Deuxième condition, et, là-dessus, on est d'accord avec vous. Il y a des gains de productivité qu'on peut aller chercher dans l'ensemble du secteur public. Il va falloir mettre les conditions en place, par exemple. Vous allez dire qu'on a pas mal d'ouvrage à faire chez nous; on pense que vous en avez plus chez vous. Ce n'est pas la place pour en débattre, mais on vous dit que, nous autres, on est prêts à regarder ça de front. Des gains de productivité, pas pour ratatiner l'État par après, là. On pense qu'il va y avoir de nouveaux besoins et que, par ces gains de productivité là, on pourrait satisfaire ces nouveaux besoins.

La troisième et dernière condition, oui, on ne vous le dira jamais assez, mais il y a de la richesse qui nous passe sous le nez et elle ne contribue pas légitimement à la caisse commune. Il y a une révison de la fiscalité à faire.

À ces trois conditions-là, non seulement on va garder le contrôle, mais on va améliorer notre situation.

Le Président (M. Lemieux): Merci

M. le député de Labelle, est-ce qu'il y a consentement pour que M. le président du Conseil du trésor puisse répondre brièvement à la question?

Mme Marois: Sur son temps, j'imagine, sur l'enveloppe globale.

Une voix: Son son enveloppe.

Le Président (M. Lemieux): Sur son enveloppe globale?

Une voix: Oui, oui.

Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va, sur votre enveloppe globale. Ça va davantage, aussi, susciter l'intérêt de la conversation... des discussions.

M. Johnson: Du côté des dépenses, brièvement. Du côté des dépenses, oui, le rythme de croissance des dépenses est moins que le IPC, indice des prix a la consommation, plus 3 % depuis une dizaine d'années. Mais j'ai expliqué tout à l'heure les composantes de cette croissance des dépenses. Le taux observé verifiable - on pourra en rediscuter, mais c'est long. On est là pour ça, si vous le souhaitez - le rythme de croissance inhérent des dépenses publiques et des grands postes de dépenses est de 3,2 % au-dessus de l'inflation. Ce qu'on observe depuis 10 ans, c'est une résultante de ce taux de croissance moins les compressions que nous avons réalisées plus ou moins les pertes ou gains que la conjoncture peut amener. Depuis trois ans, la conjoncture a amené des pertes, dans le sens que ça coûte plus cher. Donc, on doit emprunter davantage, les dépenses sont plus élevées. Nous avons fait quelques compressions, mais le net, c'est 3,2 % moins 1,9 % plus 1,4 %. On ne peut pas en sortir. C'est ce qui nous permet d'observer les taux de croissance dont nous parlons, qui, si rien n'est fait, nous amènent constamment et continueront à nous amener constamment dans l'impasse financière que nous décrivons. Nous avons pris des gestes pendant quelques années. La conjoncture était favorable; malgré tout, une marge de manoeuvre a été consacrée à ce que j'ai indiqué et, juste au moment où nous allions avoir la tête au-dessus de l'eau, la récession a frappé. Évidemment, l'écart s'est encore une fois creusé, d'où les milliards ou quelques milliards, 2 000 000 000 $ ou à peu près de compressions, mais, évidemment, des dépenses que la conjoncture nous oblige à endurer. (15 h 30)

Le rythme de croissance des revenus, à moins que le ministre des Finances ne puisse ajouter... Évidemment, la base sur laquelle nous partons a déjà été expliquée ce matin. On ne voudrait pas reprendre l'explication. Un tableau est également disponible pour expliquer comment la base, dès le départ, est presque de 906 000 000 $, de mémoire, au-dessous de ce qu'on aurait cru normalement, compte tenu de l'évolution du PIB à 4,6 % pour l'an prochain. Les explications sont disponibles, sont mécaniques et techniques, mais ça explique, à sa face même, ce qui se produit.

Il n'en reste pas moins que l'écart entre les deux demeure, persiste, que nous avons à régler ce problème, et, à mon sens, et j'ajoute, en terminant, en faisant bien attention qu'au-delà de ce que les programmes de dépenses publiques permettent de conclure quant aux choix que nous faisons comme société et que nous avons faits, parce que ce sont des choix qui se sont additionnés, il n'y a pas eu beaucoup de réaménagements, d'abolition de programmes et de restauration de nouveaux besoins ou de nouvelles priorités. Ça a été des ajouts nets et bruts depuis de nombreuses années, comme société, que nous nous sommes payés. Mais il n'en reste pas moins qu'il faut également regarder ce que ça signifie du côté du financement. Et si on peut voir qui nous sommes en regardant les dépenses publiques, on peut voir comment nous nous classons en nous comparant à nos voisins. Je veux bien qu'on soit 17e sur 23 quant au fardeau fiscal, mais vous me permettrez de ne pas me comparer, au point de vue concurrentiel, au point de vue économique, avec le Portugal, la Grèce ou l'Autriche, mais bien avec les pays avec lesquels nous avons des relations commerciales autrement suivies, qui, eux, sont en tête de liste, alors que nous sommes plutôt à l'opposé.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Oui, madame.

Mme Pagé: Oui, M. le Président. Quelques réactions complémentaires suite à la question qui a été posée par M. Johnson et les réponses qui ont été fournies. Je pense que si tout était beau sous le soleil, les organisations syndicales n'auraient pas été parmi les premières à dire qu'il faut faire un exercice approfondi de réflexion sur la fiscalité québécoise. C'est parce que nous avons constaté un certain nombre de situations qui ne peuvent pas être tolérées et qui ne peuvent pas être reconduites. Je pense que l'exposé qu'on a fait a bien montré comment on s'enlise au niveau de l'emploi, comment on n'a pas réussi véritablement à relever le défi de la compétitivité de nos entreprises, comment on demeure en queue de liste sur la recherche et le développement. Il y a des situations qui sont préoccupantes et qui doivent nous amener à considérer comment notre fiscalité peut être un outil nous permettant de trouver des réponses et des solutions aux problèmes que nous avons constatés.

Vous faites état d'un déficit accumulé qui doit être considéré quand on fait les rapports dettes par rapport au PIB. Dans mon exposé, tout à l'heure, je vous disais que si notre situation dettes par rapport au PIB est en meilleure posture que dans les années quatre-vingt, la situation demeure préoccupante à cause du déficit accumulé. Mais si vous n'empruntez que la voie de la restriction des dépenses, tout nouveau cycle de récession nous replongera dans le même contexte. Ce que nous disons, c'est que nous devons nous engager à la fois dans la voie d'une réflexion sur l'augmentation des revenus, et ça, l'augmentation des revenus, ça passe par

l'emploi et une reconsidération de la fiscalité. J'entendais un fiscaliste qui a déjà fait partie de votre gouvernement à «Aujourd'hui, dimanche» qui disait qu'on échappe 2 000 000 000 $ à 3 000 000 000 $ de revenus par année, des dollars qui ne contribuent pas a la fiscalité. Il faut s'en occuper. Donc, une voie.

Deuxième voie, le mode de gestion de l'appareil gouvernemental et des grands réseaux publics de la santé et de l'éducation. Mais on ne peut pas nous demander de considérer seulement nos gains de productivité et notre rémunération quand le mode de gestion de l'appareil gouvernemental, le mode de gestion des commissions scolaires, le mode de gestion des collèges, des municipalités et des grands réseaux publics de l'éducation et de la santé ne sont pas considérés. C'est une voie qu'il faut emprunter.

Et la troisième voie. Ça ne se peut pas que la fiscalité soit parfaite et que le résultat soit à peine bon. Il doit bien y avoir quelques éléments à considérer dans la fiscalité. C'est pour ça que nous vous demandons un exercice sérieux d'examen de la fiscalité. Mais la fiscalité, on n'est pas des spécialistes personne là-dedans. Ça ne s'Improvise pas, une politique fiscale dans la rédaction d'un mémoire, en trois semaines, qu'il faut présenter en catastrophe avant même de connaître l'énoncé gouvernemental. Ça ne marche pas de même. Ça prend du temps, ça prend de la rigueur, ça prend le choc des idées, ça prend l'examen des choses, et ça se conçoit comme un ensemble et non pas comme des mesures ad hoc qu'on élabore d'un budget à l'autre.

Et cette commission parlementaire ne nous permettra pas de faire cet exercice de façon correcte avec la rigueur qui doit présider à la recherche de solutions, si la question ou la situation nous préoccupe véritablement et qu'on veut trouver des vraies solutions, des solutions durables, des solutions qui vont résister à tous les éléments de la conjoncture ou à tous les imprévus des cycles économiques. Ça, ça suppose penser dans un cycle plus long et concevoir une politique qui est intégrée, qui joue sur l'emploi, sur les modes de gestion de l'appareil gouvernemental et des grands réseaux et sur la fiscalité elle-même.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je vais à mon tour souhaiter la bienvenue aux représentants et représentantes des travailleuses et des travailleurs. C'est une présentation qui a été très enrichissante et très intéressante. Ça rejoignait un peu nos propos de ce matin sur le fait que nous parlions d'un risque de désolidarisation sociale. Vous parlez d'un projet de société qui s'effrite Ça rejoint l'analyse à laquelle nous procédions.

Votre mémoire est intéressant à bien des égards, d'abord parce qu'il aborde cette question que nous devions et que nous devrions aborder au cours de nos travaux des mesures fiscales précises, une analyse d'éléments de fiscalité à partir de ce que l'on connaît, de données que nous possédons et sur lesquelles, évidemment, on a constaté que le gouvernement avait allègrement et rapidement glissé pour s'attarder particulièrement à la question des dépenses.

Je ne vais pas intervenir très longuement. Je trouve particulièrement intéressant la question des solutions à long terme, puis je voudrais poser des questions sur ces aspects-là, et aussi le fait que, d'entrée de jeu, vous mentionnez la nécessité pour le Québec, s'il veut résoudre ses problèmes à long terme et se définir un projet de société à la mesure des besoins auxquels il a à répondre, auxquels nous avons collectivement à répondre, il doit posséder tous ces outils. Et on fait état donc, évidemment, de ce contentieux entre Ottawa et Québec qui mérite une solution plus globale que celle d'une simple négociation d'accords fiscaux, parce qu'on se retrouvera, qu'on le veuille ou non, dans un an, deux ans, trois ans, comme on l'est déjà en matière de formation professionnelle, devant des véritables culs-de-sac qui font en sorte que la situation ne s'améliore pas.

Cela étant dit, je trouvais intéressante l'intervention, enfin, toutes vos interventions, mais particulièrement celle de Mme Pagé à la fin de sa réplique au président du Conseil du trésor, parce que c'est l'essentiel de la critique que nous faisons au document qui est devant nous: c'est qu'il ne propose pas de perspectives et que dans un an, deux ans, trois ans, cinq ans, à la fin d'un cycle, croissance, crise économique, on se retrouvera essentiellement devant la même problématique, avec des acteurs qui seront peut-être différents autour de cette table, mais à se poser les mêmes questions parce qu'on n'a pas attaqué les problèmes de fond.

Alors, je voudrais revenir, dans votre document, sur les questions d'emploi, parce que je crois que c'est aussi en agissant, et surtout en agissant à ce niveau-là, que l'on pourra, d'une part, continuer à s'accorder un certain nombre de services collectifs qui sont essentiels, mais aussi qu'on permettra à notre société et surtout à ses membres de progresser. Dans vos recommandations, vous faites état, et c'est la première recommandation, du fait que vous souhaitez, et vous dites: «Nous demandons à l'État de réunir les acteurs socio-économiques du Québec, de les associer à une démarche constructive et engageante afin d'analyser les enjeux du développement du Québec. Dans une perspective de concertation sociale et d'action collective, l'État et ces acteurs devraient définir les stratégies qui cibleraient». Et là, vous énoncez un certain nombre d'objectifs: la lutte à la pauvreté, la création d'emplois, le décrochage scolaire, formation et développement viable.

On sait qu'à peu près toutes les sociétés qui ont réfléchi sur les questions et les problèmes de l'emploi ont identifié que, pour que cela réussisse, ça prenait un certain nombre d'ingrédients. Chacun avait ses politiques fiscales particulières, ses politiques budgétaires particulières, mais il y avait des ingrédients qui concernaient la volonté politique, la concertation et la décentralisation. (15 h 40)

Comment verriez-vous l'actualisation d'une proposition comme celle que vous faites à votre document d'analyse des questions fiscales? L'actualisation dans le sens de: Souhaitez-vous la constitution d'une table de l'emploi? Il existe actuellement au Québec un forum pour l'emploi auquel le gouvernement n'est pas associé. Est-ce que vous imaginez la constitution d'une table de l'emploi? Est-ce que vous imaginez la constitution de forums régionaux? À l'intérieur de cela, si c'est une avenue comme celle-là que vous souhaiteriez privilégier, quel devrait être le rôle du gouvernement? Qui devraient être les partenaires qui s'associeraient à ce type d'exercice? Est-ce qu'on devrait pouvoir y discuter de questions qui concernent autant les prix que les salaires? Parce qu'on sait que ça pourrait aller jusque-là. Est-ce que ce sont des avenues que vous envisageriez? Je ne sais pas lequel ou lesquels d'entre vous veulent commenter ou répondre. Après ça, je reviendrai sur des éléments plutôt fiscaux.

M. Daoust: Vous nous avez rappelé, dans vos remarques, cette Table nationale sur l'emploi qui fut créée il y a déjà quelques années et qui, rapidement, est disparue dès que le gouvernement actuel a pris le pouvoir. Nous avions même un ministre responsable de l'emploi et de la concertation qui avait été nommé par le gouvernement dont vous faisiez partie à ce moment-là. Nous l'avons répété à de multiples reprises. Ça a été fort dramatique que le gouvernement actuel démembre cet instrument embryonnaire qui permettait aux grands partenaires socio-économiques - embryonnaire à ce moment-là - d'aborder les problèmes fondamentaux comme ceux que vous avez soulevés: le développement économique, l'emploi, la formation professionnelle, la politique fiscale, le budget, le déficit, la dette. Tout ça était à l'ordre du jour ou dans les mandats qui avaient été confiés, à ce moment-là, à la Table nationale sur l'emploi.

Mais, voilà, en 1985... Bon, ça fait déjà huit ans qu'elle n'existe plus. On en est nostalgiques, sans aucun doute. Mais devant l'attitude du gouvernement, qui, non seulement, s'est empressé de démembrer et de démanteler cette table-là... Mais ce n'est pas la seule. Imaginez-vous, les grands partenaires socio-économiques que nous sommes, employeurs et syndicats, qui, de peine et misère avaient créé un institut, l'Institut national de productivité. Il fallait le faire, mettre tous ces gens-là autour d'une table, qui avait cinq ans d'existence. Le gouvernement s'est empressé, du revers de la main, de la démantibuler. Bon, voilà pour le passé.

Entre-temps, le Forum pour l'emploi s'est mis sur pied, et c'est là où nous en sommes. Oui, nous souhaitons - et nous l'avons dit dans ce document, vous l'avez entendu et lu - un débat de fond. Vous voyez un peu les échanges que nous avons eus. Ce n'est pas dans quelques heures qu'on pourra de part et d'autre se convaincre du bien-fondé de nos analyses respectives. Il faut des lieux et des endroits.

Moi, il n'y a quasiment pas de mots que je puisse employer pour blâmer le gouvernement et le ministre de ne pas avoir saisi cette occasion-là. Ce n'est pas possible à quel point on peut rater des rendez-vous à un moment donné. J'espère que les gens s'en souviendront. Il y a une incroyable ouverture d'esprit du côté des centrales syndicales où on veut tout mettre sur la table, examiner dans les moindres détails nos orientations respectives, leur faire subir le test du débat. Pas un débat de quelques heures dans une atmosphère que vous savez, que je n'ai pas à vous décrire. Vous le vivez comme on le vit à ce moment-ci, mais la population du Québec mérite plus que ça, soit dit en passant. Sans exagérer, les gens seraient ravis si on avait ce type de débat là, et on va rater une occasion.

Je reviens à l'Ontario. M. le ministre en a fait état il y a quelques minutes pour faire des comparaisons. Mais, en Ontario, ils ont mis sur pied - je l'ai dit rapidement dans mon intervention - des groupes de travail. Il y a un groupe de travail sur l'imposition de la spéculation foncière, un groupe de travail sur l'impôt minimal des sociétés, problème qui a été soulevé au cours des remarques que Gérald a faites un peu plus tôt - enfin, un des problèmes, on les a tous soulevés - un groupe de travail sur la TPS - on a beaucoup à dire sur la TVQ et la TPS, on en dit dans notre mémoire - un groupe de travail sur l'environnement et les impôts, problème de très grande actualité, un groupe de travail sur l'allégement fiscal pour les personnes à faibles revenus, un groupe de travail sur l'impôt et les femmes, un groupe de travail sur l'imposition de la richesse, problème qui nous préoccupe au plus haut point, un autre groupe de travail sur les impôts fonciers.

Vous vous imaginez? On va se livrer à un débat de fond à côté de chez nous, en Ontario, et Dieu sait qu'il y a tout de même un minimum d'influence. Ce n'est peut-être pas le même type de gouvernement, les orientations sont différentes, peu importe, je ne veux pas insister trop, trop, trop là-dessus, mais c'est des gens qui nous côtoient. Eux se livrent à l'exercice qu'on a tellement souhaité, et le tout est chapeauté par une commission sur l'équité salariale qui s'est donné un mandat... C'est peut-être un peu long, je ne les critique pas, mais eux ont décidé que

ça prendrait trois ans, cet exercice-là. Nous autres, on a eu une commission Bélanger-Cam-peau: six mois. C'est tout le Québec qui a été impliqué. Ce souhait qu'on émet dans la recommandation un, que ça prenne six mois ou un an, peu importe, mais qu'on mette sur pied et en place les éléments indispensables pour le développement de l'emploi, c'est la seule et unique stratégie valable. Le reste, je regrette, mais on se paie de mots, et à l'égard de ceux qui souffrent et qui connaissent le chômage, on fait des élucubrations de toutes sortes.

Les gens ont hâte, au Québec, que, collectivement, la société québécoise lance la guerre au chômage et que tous ensemble on se coalise, on se mobilise, qu'on fasse les sacrifices qui s'imposent. Ça n'a pas de sens de voir 400 000 chômeurs et autant d'assistés sociaux qui, eux, nous écoutent sur la fiscalité et souhaiteraient bien qu'on bouge. Dans ce domaine-là, c'est de se donner une stratégie d'intervention pour la relance de l'emploi, l'accroissement qui va découler par la relance de l'emploi des dépenses publiques pour les dépenses de soutien au revenu, pour les dépenses sociales de toutes sortes. C'est ça qu'on aurait souhaité comme reconduction. C'est de reconduire un voeu largement partagé par la société et non pas d'avoir le nez collé, comme vous l'avez depuis je ne sais combien d'années, dans la quotidienneté de votre action, le nez collé sur la fenêtre, au Québec, sans aucun projet stimulant pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui ont perdu espoir et où, de toutes parts, à ce moment-ci, c'est la grogne à l'égard de la fiscalité, où c'est la désespérance avec son taux de délinquance chez les jeunes, où c'est une attitude épouvantable. On l'a dit dans notre document. On est prêt à lutter contre tous les égoïstes, tous les corporatistes, mais donnez-nous les instruments. Je pense qu'on ne les retrouve pas dans votre document. C'est ce qu'on a voulu dire dans nos remarques, et c'est ce qu'on souhaite.

Je vais conclure là-dessus. Moi, je ne suis pas le porte-parole... Bien, évidemment, des centrales, ça peut aller, mais le Forum pour l'emploi, on tente, imaginez-vous, par des moyens privés, mais par tous les moyens, on essaie par tous les moyens... Il y a un absent. C'est le gouvernement du Québec, qui, lui, est censé parler au nom du bien commun de toute la société. Il y a un absent qui n'est pas là et qu'on souhaiterait tellement voir présent dans tous nos débats et dans toutes nos orientations. (15 h 50)

Mme Pagé: Si je pouvais, Mme Marois, compléter peut-être sur ces éléments de concertation et du rôle du gouvernement. Au Québec, on...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, est-ce que vous auriez la gentillesse de bien vouloir vous adresser au président. Ça va être un petit plus long, mais s'il vous plaît!

Mme Pagé: M. le Président, je voudrais répondre à Mme Marois. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Vous êtes bien gentille, madame. Vous êtes bien gentille de vouloir. Ha, ha, ha!

Mme Pagé: Ha, ha, ha! Alors, M. le Prési dent, je répondrai à Mme Marois...

Le Président (M. Lemieux): C'est bien! Ça va! Un petit peu plus long! Ha, ha, ha!

Mme Pagé: ...sur la concertation et le rôle de l'État.

Au Québec, nous faisons des appels à la concertation. Nous ne faisons pas véritablement de la concertation. De la concertation, ça ne s'improvise pas. On n'en fait pas juste quand ça va mal puis, quand ça va bien, nous retourner dans le vestibule. Ce n'est pas ça, la concertation. La concertation, ça se structure, ça prend des mécanismes pour la faciliter, des mécanismes permanents, des mécanismes qui permettent d'agir au niveau macro, donc, national, au niveau régional et, dans certains cas, dans des milieux plus locaux, les entreprises, ainsi de suite. Or, ce n'est pas du tout une voie qu'on a véritablement empruntée, au Québec. Au contraire, on est assez timides à cet égard-là.

Deuxièmement, la concertation, ça ne peut pas se faire sans un respect des partenaires que l'on sollicite pour la concertation. Alors, on ne peut pas véritablement attendre des partenaires qu'ils s'inscrivent dans une approche de concertation quand, régulièrement, on leur fait sentir, au moindre coup dur. qu'ils sont la cible à abattre ou le citron à presser. Ce n'est pas compatible dans l'approche.

Troisième élément, le rôle de l'État. Je veux bien qu'on n'en soit plus à l'époque de l'État-providence, qu'on en soit rendu à l'État-cataly-seur, mais un catalyseur, il faut qu'il soit en présence des deux éléments chimiques sur lesquels on lui demande d'agir. Si on laisse le catalyseur dans le placard avec les ingrédients, la chimie n'opère pas. On a un exemple de ça dans les grappes industrielles. La bonne idée des grappes, mais on attend que les petits raisins courent pour se mettre ensemble tout seuls. Ce n'est pas comme ça qu'on peut penser le rôle catalyseur de l'État. Soit, ce n'est plus le rôle de l'État-providence, mais on n'est pas à l'État-fantôme, on est à l'État-catalyseur qui a à jouer un rôle structurant sur certaines questions et qui ne joue pas, qui ne joue pas suffisamment et qui ne joue pas de façon adéquate. Et ce que nous disons, c'est que nous sommes prêts, nous, à nous inscrire dans une démarche de concerta tion, comme on l'a signalé, à reconnaître que le rôle de l'État a pu évoluer, mais on lui reconnaît

qu'il a un rôle à jouer. Et, à notre avis, il ne le joue pas.

C'est ce que notre mémoire a voulu mettre en évidence, et nous espérons que cette commission parlementaire constituera le point de départ d'une réflexion véritable et rigoureuse. Ce n'est pas vrai que le Québec a seulement les moyens de se résigner. Ce n'est pas vrai. On ne mérite pas ça comme société. On a les moyens de se serrer les coudes et d'avancer ensemble. Moi, je suis convaincue de cela.

Le Président (M. Lemieux): Mme Marois, oui?

Mme Marois: M. le Président, je sais que nous avons peu de temps. Je veux permettre à d'autres collègues d'intervenir, mais je suis heureuse d'entendre ce que je viens d'entendre, parce que... Je voudrais simplement conclure en disant ceci, pour ce qui est de mon intervention.

Je pense que tant que nous ne déciderons pas ensemble, collectivement, que c'est cela que nous voulons faire, jamais nous n'y arriverons. Que ce soit le catalyseur qui reste dans la garde-robe ou le dialogue de sourds qui risque de s'installer, c'est toujours nos concitoyens et nos concitoyennes qui finissent par en payer le prix.

Je vous remercie. Je vais laisser la parole à mes collègues, qui voudraient aussi intervenir à d'autres points de vue.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée. J'aurais peut-être une question. Par après, je passerai la parole à M. Levesque. Ma question va être assez claire.

Au-delà de certaines prémisses sur lesquelles on peut s'entendre, est-ce que vous êtes prêts, au moment où on se parle, à considérer que certains secteurs d'activité de l'État puissent être mis en compétition avec le secteur privé? Et si vous êtes prêts à accepter ça, à quelle condition?

À titre d'exemple - je vous dis bien à titre d'exemple - la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. On sait comment ça se passe chez nos voisins du Sud, où vous avez plus d'une dizaine d'États où c'est effectivement privatisé, où dans plus de 27 États, c'est mixé, secteur privé et secteur public. J'aimerais bien vous entendre là-dessus, moi. Est-ce que vous êtes prêts et à quelle condition à ce que, dans certains secteurs d'activité de l'État, il y ait non pas une privatisation, mais je dirais un amalgame avec le secteur privé?

M. Larose: Je vous renverrais la question. Est-ce que le problème de la CSST, c'est parce qu'elle est publique?

Le Président (M. Lemieux): C'est un exemple que j'ai donné, la CSST.

M. Larose: Non, non. Bien, c'est justement, je pense qu'on doit faire l'exercice à l'endroit de la CSST, le même à l'endroit de tous les points qu'on soulève. Il s'agit de poser le bon diagnostic. La CSST, on a eu l'occasion d'en débattre un peu, c'est toute l'approche hyperbureaucratisée et hyperjudiciarisée qui fait vivre bon nombre de parasites sur la peau du monde. Alors, privatiser la même patente, je vais vous dire, il y en a qui vont passer doublement à la caisse. Le problème, il faut débureaucratiser. Il faut surtout avoir une approche de relations de travail, sortir les avocats et les médecins de papier de ça et discuter des vrais problèmes. Alors, la question, à mon avis, que vous posez, ou la piste que vous identifiez est tout à fait à côté de la plaque par rapport au diagnostic qu'on peut poser. Et je dirais que, sur certaines autres questions, c'est un petit peu ça, notre problème.

Moi, quand on me dit, d'entrée de jeu, qu'il n'y a pas de problème de fiscalité au Québec et qu'on est convoqué à une commission comme ça, je dis: II y a un bout de diagnostic qui n'a pas été posé. Quand on me dit: Est-ce qu'on doit reconduire l'ensemble de nos engagements? Dans les conditions actuelles, non, mais il faudrait savoir c'est quoi qui se passe.

Alors, l'invitation qu'on essaie de faire, en tout cas le travail qu'on voudrait faire, nous, c'est d'essayer d'identifier ou de poser le bon diagnostic. Peut-être que vous pensez qu'on est idéologique, mais je vous dirai que, quand j'ai lu ces papiers-là, moi, je trouvais que... Hum! Il y en a qui ont fait de la religion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larose: C'est farci de thèses magiques: la tarification, la privatisation, la réduction de la taille de l'État, retournons ça au secteur privé, ça va créer des jobs, de la richesse. Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai! Ça fait 12 ans que vous essayez, toute la gang des «golden boys», et là, on peut au moins sortir, nous, le trophée de chasse pour vous dire: Échec total! Changez de «track»! Changez de côté, vous vous êtes trompé!

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, je veux souhaiter également la plus cordiale bienvenue à ceux et celles qui viennent d'exposer leur point de vue.

Sans vouloir être désagréable, je me pose des questions sur les conclusions absolument définitives, dogmatiques, avec lesquelles on arrive à poser certains diagnostics, à avancer certaines conclusions à partir de certains éléments pris ici et là. Je pense qu'on devrait y mettre un peu de nuance, si je peux me permettre de le suggérer. Qu'il y ait un peu plus, peut-être, de points d'interrogation à la fin des déclarations,

qui se veulent évidemment absolues. (16 heures)

On regrette qu'il n'y ait pas de commission royale d'enquête sur la fiscalité. Nous avons aujourd'hui l'occasion, et on vous donne l'occasion de parler de fiscalité. Vous avez pris beaucoup plus de temps à attaquer le gouvernement qu'à parler de fiscalité. Et si on avait des exemples d'injustice, par exemple, quelque chose de criant, on pourrait le dire. Mais s'il y a quelque chose qui nous a préoccupés, et moi, personnellement, comme ministre des Finances, c'a été l'équité fiscale... Dans tout ce que vous avez dit, je vous le dis bien respectueusement, vous n'avez pas donné de cas où on avait l'inéquité fiscale, au contraire.

Permettez-moi de vous demander pourquoi vous n'avez pas parlé des gens à bas revenus, des familles? La cellule de base de notre société, la famille, c'est là que nous avons mis l'accent. Le soutien à la famille, qui était de 800 000 000 $, est passé à 2 300 000 000 $. Ça, c'est de la fiscalité au soutien de la famille québécoise. Pourquoi ne pas l'avoir dit? Il me semble que ça aurait été intéressant de l'entendre dire.

Est-ce que... Dans le cas d'une famille, ainsi, de quatre - père, mère, deux enfants... On peut prendre également les monoparentales. Comment leur situation a été améliorée dans le domaine de la fiscalité. On n'en a pas parlé. La famille de 10 000 $ payait de l'impôt; elle n'en paie pas maintenant à moins de 26 000 $, très peu de temps plus tard. Il y a là de l'équité fiscale qui nous préoccupe. Vous parlez quelquefois... On entend ça: Ah! ce sont les entreprises qui devraient payer. Les entreprises qui créent les emplois? Et malgré cela, si on regarde, et je vous réfère à la page 38 de notre document, vous avez l'évolution des revenus autonomes par source, alors que l'impôt sur le revenu des particuliers, ça c'est de la vraie fiscalité. C'est la fiscalité qui touche tous les Québécois et toutes les Québécoises. Pourquoi n'avez-vous pas dit qu'on n'a pas eu d'augmentation de l'impôt sur le revenu des particuliers depuis des années? Il me semble que ça aurait été intéressant de vous l'entendre dire. Est-ce qu'on n'aurait pas pu aussi ajouter que jamais encore, depuis des années, nous n'avons manqué de faire ce qu'on appelle - Comment... ça m'échappe...

M. Johnson: L'indexation.

M. Levesque: ...l'indexation. Pourtant, il y a eu quelques années où on l'a oubliée. J'aurais aimé vous entendre dire: Bravo de n'avoir jamais oublié l'indexation! Ça, c'est de l'équité fiscale.

Les abris fiscaux. Mais avant de passer aux abris fiscaux, l'évolution des revenus autonomes par source. Je vous ai référé à ça tout à l'heure, à la page 38. On voit que l'impôt des particuliers, l'évolution est continuellement en faveur.

On voit la diminution de la part de l'impôt des particuliers. Les taxes à la consommation, on entend parler de ça du matin jusqu'au soir. Vous le répétez: TVQ, TPS. Regardez ce qui se passe au Québec dans les taxes à la consommation: diminution de la part des taxes à la consommation sur l'ensemble. Et regardez l'impôt des entreprises: augmentation. Il faudrait le dire, si on parle d'équité fiscale et si on veut avoir une grande commission qui se promène.

La tarification. On parle de tarification. Regardez le tableau. Tous ces tableaux-là n'ont pas été contestés. On aurait eu le temps, au lieu de chialer contre le gouvernement, de parler de ça, il me semble. Quand c'est positif, qu'on veut avoir de la concertation, et qu'on veut avoir un petit peu d'optimisme et d'enthousiasme dans la vie, il faut dire ces choses-là aussi. Non?

Et lorsqu'on regarde les abris fiscaux. Les abris fiscaux, M. le Président, on dit: Bien, ça ne va pas là-dedans. Mais qu'est-ce qui ne va pas dans les abris fiscaux? Prenez la page 112 et vous verrez ce qui arrive dans les abris fiscaux. Le coût fiscal à l'égard des investisseurs. En 1985, ça coûtait combien? 286 900 000 $. En 1991, 105 000 000 $. Et là-dedans, qu'est-ce que vous suggérez que nous coupions? Est-ce qu'on doit couper les actions accréditives pour l'exploration minière? Vous irez faire un discours en Abitibi là-dessus. Est-ce que vous voulez qu'on enlève les abris fiscaux sur les films? Mais dites-le. Les artistes? Tout le monde sera très heureux de vous entendre parler là-dessus. La recherche et le développement? Vous n'avez cessé d'en parler et, pourtant, nous avons augmenté, justement, et c'est là que l'effort se fait. Le principal effort que nous avons, c'est dans la recherche et développement. Nous avons même dépassé l'Ontario dans la croissance de la recherche et développement. J'aurais aimé vous entendre parler de ça.

Le Fonds de solidarité. Mais là, je ne le sais pas. Le Fonds de solidarité...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Levesque: Ha, ha, ha! Je vais être prudent, mais faisons la part des choses, ce n'est pas si mauvais. Ça coûte 25 000 000 $ par année au gouvernement. Est-ce que c'est un mauvais placement? Je ne pense pas que vous allez le dire. J'aurais aimé vous entendre parler de ça.

Et le coût fiscal à l'impôt des entreprises? Il y a eu augmentation, mais où il y a eu augmentation? Dans la recherche et développement? Ailleurs, il n'y a presque rien. Et pour être juste envers vous - vous avez touché un autre point; vous avez touché le traitement fiscal des gains en capital. Vous avez parlé du 100 000 $. Nous avons protesté contre cela, mais nous nous sommes harmonisés parce que cela se passe à travers le pays. Nous ne voulons pas encourager le départ des gens, particulièrement

des gens dans cette catégorie, parce que, souvent, ce sont des chercheurs, des scientifiques. Ce sont des gens, des décideurs dans le domaine de l'emploi. À un moment donné, nous avons eu... avec une certaine philosophie, nous sommes passés... Des gens de 100 000 $ et plus étaient à peu près à 24 % au Québec. Nous avons réussi à baisser ce taux-là à 18 %. C'est ça qui est arrivé. Regardez dans l'histoire récente et vous verrez que notre part de ces gens-là ont quitté parce que ce sont les plus mobiles. Il faut être réaliste aussi.

Alors, lorsque l'on parle de fiscalité... Moi, j'aimerais bien en parler, de fiscalité, mais pas passer mon temps à dire que vous n'êtes pas fins, que vous n'êtes pas corrects. Je ne passerai pas mon temps à vous dire ça. Je vais vous parler de fiscalité parce qu'on est ici pour ça: fiscalité, financement des services publics. Et je vous invite à continuer.

Quant au plein emploi, s'il y a quelqu'un qui a parlé de plein emploi, qui a vécu le plein emploi, qui a fait en sorte que le plein emploi soit sa préoccupation, même son obsession, c'est bien notre premier ministre. C'a a été d'abord en 1970, les 100 000 emplois, et ça a été les emplois... Depuis ce temps-là, il n'y a pas une réunion du Conseil des ministres où on ne parle pas d'emploi. Et lorsqu'en pleine récession, nous avons eu les emplois qu'on a connus, particulièrement dans les alumineries, ça a été encore le fait que nous avons un premier ministre qui avait cette préoccupation-là, non pas le nez sur la vitre, comme on l'a mentionné, mais avec la vision qui s'impose, pour quelqu'un qui a comme préoccupation le bien des Québécois. Vous avez sûrement comme préoccupation le bien des Québécois. Je sais que vous êtes des gens sincères, honnêtes, mais vous protégez vos intérêts corporatifs. Et c'est ça qui arrive. Mais ce que je vous demandais ce matin, et que je demandais à tous les participants, c'est d'essayer de nous aider à faire face à une situation qui est là.

Vous parlez présentement d'une commission en Ontario. Puis-je vous dire que cette commission est là pour trois ans? Trois ans. On n'a pas tellement le temps d'attendre trois ans pour régler nos problèmes. Les résultats d'une vaste consultation populaire, telle la commission ontarienne, ne sont pas nécessairement probants, compte tenu des intérêts divergents des différents intervenants. Ça ne vous surprend pas, hein? Même si vous étiez devant une commission royale, auriez-vous changé votre discours? Par exemple, plusieurs membres des groupes de travail de la commission ontarienne, groupes de travail auxquels vous avez référé tout à l'heure, notamment celui sur le traitement fiscal des gains immobiliers ou sur la taxe de vente, se sont dissociés des résultats du groupe ou ont exprimé des réserves vis-à-vis ses recommandations. Autrement dit, ce n'est pas là qu'on va trouver nécessairement les grands consensus ou «consinsus» sociaux. Ceci, «food for thought»... Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

Oui, M. Larose, vous avez un commentaire?

M. Larose: J'ai entendu le ministre, ce matin, citer Martin Luther King. Je me disais que, cet après-midi, il va plutôt citer Victor Hugo - «Les Misérables».

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 h 10)

M. Larose: Moi, je vais tomber d'accord avec le ministre pour dire que, dans les réformes récentes, il y a une couple de bons points qu'on n'a pas soulignés, et je suis prêt à souscrire à ces deux ou trois bons points. Le principal demeure celui du soutien a la famille et le relèvement automatique au plan de l'indexation. Je pense qu'il y a eu là une bonne contribution, mais mon enthousiasme ne peut pas être débordant quand j'observe le comportement dans la population à l'endroit du régime fiscal.

Ce qu'on vous dit, c'est qu'on est sur une pente glissante. Il y a une érosion au chapitre de l'adhésion au régime fiscal. J'en veux pour preuve la contrebande, le travail au noir. Le magasinage outre-frontière fut un temps, mais, plus grave encore, la mobilisation organisée de groupes dans la société pour combattre tout ce qui est taxes et impôts.

Je vous dis qu'il y a dans la population un sentiment pernicieux qui mine un élément fondamental du vivre en société. Nous rappelons que la fiscalité, c'est la caisse commune. Peut-être qu'un des premiers éléments sur lequel on diverge... Vous, comme ministre des Finances - et je vous écoute chaque fois - vous éprouvez une certaine jouissance chaque fois que vous abaissez les impôts. Bon, bien, si j'étais visé, peut-être que je trouverais ça intéressant, mais, moi, ça m'interroge chaque fois parce que je me dis: Les services qu'on peut se payer collectivement avec notre caisse commune sont des services, d'abord, qui s'adressent à tout le monde, et qui, économiquement et socialement, sont plus rentables que lorsqu'ils sont dans le secteur privé. Et ça, je suis capable de vous faire quelques démonstrations là-dessus. Alors, moi, rogner la caisse commune, je pense que ce n'est pas la voie d'avenir. Je ne vous dis pas qu'il faudrait égorger tout le monde pour remplir la caisse, mais il y a une limite à vouloir faire fondre la caisse supposément parce que ça libère le marché. C'est faux. Dans notre propre histoire, à partir de cette caisse-là, on a fait de grands investissements au niveau des infrastructures que le secteur privé n'a jamais voulu faire ou été capable de faire. Le meilleur exemple, c'est l'hydroélectricité. On pourrait se donner

des tas d'exemples comme ça.

Alors, je pense que l'approche, que je ne veux pas idéologique ou dogmatique, mais que je veux pratique et sociale, notre approche vise à faire en sorte qu'on ne prétexte pas un soi-disant dérapage à venir pour se dépêcher de faire la vente de feu. On a connu ça dans d'autres pays, hein! Et les coûts sociaux que ça a générés sont encore plus importants que supposément les économies qu'on a faites. Alors, on voudrait puiser un peu aussi à l'expérience des autres.

Bon! Ceci étant dit, je pense qu'on a parlé de fiscalité. On n'a pas, peut-être, suffisamment insisté, mais les taxes à la consommation, je vous dirai qu'on a fait un peu du rock and roll là-dedans. Alors, le déplacement observé, nous, on pense que c'est régressif. Là, on ne paie pas d'impôt jusqu'à combien, vous disiez? 20 000 $ et quelque?

M. Levesque: 26 000 $.

M. Larose: En tout cas, on paie toujours bien, les 26 000 $... il y a toujours bien 15,56 % qui passent intégralement, hein? Il n'y a pas gros d'actions du Fonds de solidarité ou des trucs pour le cinéma là-dedans. Ça va tout dans la consommation. Puis, moi, je donne toujours l'exemple de quelqu'un qui gagne 30 000 $ et d'un autre qui en gagne 90 000 $, puis ils ont un gars et une fille, comme moi. Bien, ils n'achèteront pas 2 bicycles parce qu'ils gagnent 90 000 $. Ils vont acheter le même bicycle, sauf que les 15,56 % sur 30 000 $ et les 15,56 % sur 90 000 $, je peux vous dire que, proportionnellement, il en paie trois fois plus, de taxes. Alors, c'est ça un peu...

M. Levesque: Vous oubliez le remboursement.

M Larose: Oui, oui, quand tu es raide pauvre. Oui, tu as 70 $ de remboursement par année, là. Mais ça, je vais vous dire... Mais l'objectif qu'on vise, nous, il est de deux ordres: refaire un consensus social et produire une alternative. Fernand l'a dit dans l'introduction, on ne fera pas ça en 15 jours, ce n'est pas vrai. On ne demande pas trois ans comme l'Ontario, mais on pense que si on avait un dispositif, comme on est capable d'en mettre en place, souple, qui se promène un petit peu, je pense que ça ferait agiter un peu les neurones de bien du monde. Peut-être que le monde redécouvrirait que payer des taxes et des impôts, ce n'est pas de contribuer au développement du sida dans la société, que c'est peut-être d'assumer une responsabilité fondamentale, que c'est rentable, et que c'est économique. C'est un peu ça qu'on vise, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Mme Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.

Mme Pagé: Pour répondre au ministre des Finances. Je suis un peu surprise de me faire taxer de dogmatique aujourd'hui quand, dans notre première recommandation, nous demandons à l'État de nous réunir avec les autres acteurs socio-économiques pour nous associer à une démarche constructive et engageante. Ma foi, si c'est ça le dogmatisme, je trouve que c'est assez bon.

Deuxième recommandation dogmatique: poursuivre les travaux, considérer un ensemble de questions où, par ailleurs, même si on arrive avec des propositions, on ne les a même pas reprises dans nos recommandations, nous contentant dans notre recommandation de demander la poursuite des travaux pour considérer un ensemble de questions. Nous ne sommes pas arrivés ici avec des solutions toutes faites ou des remèdes miracles, la panacée qui réglerait tous les problèmes. Nous y allons de deux recommandations invitant l'État à nous faire participer à une démarche et à poursuivre la réflexion. Je trouve que, comme idéologie dogmatique, on a déjà fait mieux dans le passé glorieux de nos organisations syndicales, à certaines époques.

Troisième élément. Me faire accuser d'être dogmatique quand nous venons expliquer que les entreprises de M. Le Hir et de M. Dufour ne sont pas traitées équitablement, et qu'il y a des petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois qui ont un fardeau fiscal trop élevé par rapport aux grandes entreprises. Je trouve que des organisations syndicales qui viennent expliquer le sort de certaines entreprises, ce n'est pas trop dogmatique non plus. Ça fait état d'une ouverture d'esprit qui devrait être considérée, à mon sens. (16 h 20)

Je voudrais terminer sur la famille. C'est vrai qu'il y a eu des éléments intéressants dans la fiscalité à propos de la famille, la famille traditionnelle - papa, maman, les enfants. Le malheur ou le bonheur, ou, en tout cas, la réalité, c'est que de plus en plus de familles au Québec ne sont pas faites comme ça. C'est maman puis les enfants! Papa, il n'est pas là, et il ne paie pas sa pension alimentaire à part de ça. Donc, il y a un bout sur la famille qui manque dans notre fiscalité, et s'il y a un endroit où on fait une recommandation précise - et là, ce n'est pas les intérêts corporatistes de nos membres qu'on défend - c'est sur la perception des pensions alimentaires et sur le crédit d'impôt, parce qu'il y a des femmes, chefs de familles monoparentales, qui, actuellement, sont défavorisées par notre régime fiscal. Il y a un bout de chemin qui a été fait sur la famille - nous le reconnaissons - mais il y en a un qui n'a pas été fait et qui doit être fait: c'est le sort de ces femmes, chefs de familles monoparentales, qui vivent plus que quiconque sous le

seuil de pauvreté, qui sont pénalisées à divers titres, soit parce que la pension alimentaire ne se verse pas, soit parce qu'elles sont confrontées à des diminutions dans les services publics, soit parce qu'elles ne peuvent pas compter sur certains services comme les garderies, par exemple, ou la réinsertion en emploi qui est plus difficile. Je pense qu'à cet égard-là, oui, on en a fait une, recommandation, qui peut être jugée plus dogmatique ou idéologique ou plus ferme, mais on pense que le sort des femmes mérite des correctifs immédiats, dès le prochain budget, parce que c'est une illustration d'une iniquité dans notre régime fiscal. Vous nous avez demandé de faire état de certaines iniquités, il y en a une, là. Les femmes constituent une part importante de la société québécoise, et nous devons considérer et vous devez, comme gouvernement, considérer cette situation le plus rapidement possible.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Peut-être qu'on me... Permettez-moi d'abord de saluer les personnes ici, de leur souhaiter la bienvenue, comme mes collègues. Peut-être aussi qu'en partant, on me permettra, dans une position très fragile, d'élever une voix toute frêle à titre de comptable dans cette Assemblée, profession qui a été sérieusement malmenée cet après-midi. Je le dirai pour rappeler une chose, c'est que les états financiers, comme les chiffres qu'ils contiennent, représentent le message, ce que porte le messager. Le comptable, c'est le messager d'une certaine réalité qu'il faut lire, accepter comme elle est, d'autant plus qu'ici autour, ce que je vois, c'est beaucoup d'économistes et peu de comptables.

Ceci étant dit, je voudrais revenir, à titre de réflexion, à certains éléments de ce qui a été dit. D'abord, sur les revenus du gouvernement. À la page 33 du document qui a été publié par le ministre des Finances, on voit très bien la progression des revenus autonomes du gouvernement du Québec, qui sont passés de 14,6% en 1980-1981 par 16,1 %, 16,2 % en 1984-1985, 1985-1986, à 17,7 %, au Québec - revenus autonomes. Par ailleurs, on sait que la courbe a suivi une ascendance semblable au fédéral. Donc, cela mesure, en quelque sorte, le poids de la fiscalité dans le PIB. C'est donc une augmentation assez substantielle que nos concitoyens doivent porter, et cela nous ramène aussi à d'autres réalités, qui sont que ce n'est pas complet non plus, parce que le gouvernement actuel a renforcé le fardeau fiscal en pelletant dans la cour des municipalités, des commissions scolaires, des universités, de la Société d'assurance automobile du Québec à Hydro-Québec, etc., de façon substantielle.

Donc, nous arrivons quand même à une certaine réalité où la charge est assez élevée. La question qui a été soulevée à maintes reprises, c'est que la réforme enclenchée par le gouvernement - et Québec et fédéral - l'a été à un mauvais moment. Elle s'inspirait des thèses de Maurice Allais, prix Nobel, mais elle a impliqué que la taxation et la tarification se sont appliquées à un moment où la récession commençait, parce que le gouvernement a fait une mauvaise lecture de la situation, et qu'il l'a introduite à ce moment-là, ce qui a eu toutes sortes de conséquences très déplorables. En particulier - on le voit à l'heure actuelle - par la contrebande, par l'évasion fiscale, le travail au noir, de toutes sortes de façons. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, au fond, la conjoncture est importante lorsqu'on prend des décisions et des virages comme ceux-là.

Cela nous ramène cependant à une question qui est que, si l'on veut ou si l'on juge que les revenus sont insuffisants, les taux, la taxation, la fiscalité doit s'appliquer sur une base élargie, qui est l'augmentation du PIB. Là, on revient au rôle de l'État dans la stimulation de la production nationale. Donc, j'arrive aux dépenses. J'aimerais ça entendre votre point de vue sur les revenus et toute cette conjoncture, et comment on va s'en sortir, parce que je crois que c'est un problème important. En ce qui concerne les dépenses, j'ai bien entendu, tout à l'heure, qu'il faudrait faire une distinction entre investissements et dépenses courantes. C'est, en fait, ce qui se fait, par exemple, au plan municipal. Les municipalités comptabilisent de façon distincte investissements et dépenses courantes. Mais si l'on pousse le raisonnement très loin là-dedans, ça nous amène à des états financiers au gouvernement assez compliqués et, en particulier, ça peut nous amener à opposer des groupes dans la société. Parce que qu'est-ce qui est investissement? Est-ce qu'une dépense de formation professionnelle est un investissement? Recherche et développement est un investissement? On pourrait dire que oui; on peut dire que oui. L'éducation dans son entier est un investissement? Peut-être bien! Mais ceux qui ont contribué, par ailleurs, les classes âgées, là, on repose une question de solidarité dans la société.

Je crois aussi que si l'on envisage des solutions, on doit s'orienter beaucoup vers les jeunes. C'est eux qui vont porter la société future. Jusqu'où va-t-on sur ce plan-là? Quelles sont les solutions que vous nous proposez? Parce qu'au-delà de l'autogratification du discours du ministre des Finances, qui est traditionnel - ne vous en faites pas, il le fait à chaque fois qu'il en a l'occasion - je pense qu'il faut essayer de voir les solutions. Il faut essayer de voir les solutions là-dedans. Quelle est votre approche par rapport aux éléments que je viens de mettre sur la table?

Le Président (M. Lemieux): M. Larose.

M. Larose: Le discours traditionnel du ministre des Finances semble lui réussir. En tout cas, ça lui a donné une certaine garantie de longévité à venir jusqu'à maintenant. Je n'en dis pas autant des politiques qu'il a proposées, pour les résultats qu'on connaît, avec un chômage de 13 % et 428 000 familles sur le bien-être social.

On est un petit peu tannés, nous autres, qu'on nous parle d'épicerie. Apparemment, on emprunte pour payer l'épicerie, quand l'épicerie, c'est pour éduquer les enfants, soigner le monde et puis.. On pense qu'il faut faire une certaine distinction entre les immobilisations, mais il n'y a pas que les immobilisations qui peuvent encourir des frais qui ont une longue portée. Alors, il me semble qu'il faudrait un peu, peut-être, être un peu plus nuancé; il y a eu un appel dans ce sens-là pour nos propres propos, mais je trouve que le magasin général est large, là, pour inclure l'ensemble de nos responsabilités de l'État.

Deuxièmement, toujours pour discuter de fiscalité, on est un peu surpris, nous, qu'il ne se parle pas plus, cet après-midi, du sort qui nous est fait dans les transferts du fédéral. Je ne sais pas si on calcule bien, je pense qu'on a pris ça dans vos livres, mais il me semble que la réduction systématique au plan du transfert fédéral, ça totalise 30 % de la dette. Je suis surpris qu'il n'y ait pas plus d'efforts pour rationaliser l'appareil juridictionnel entre le fédéral et le provincial. Pour des gens qui viennent tout juste de nous proposer une entente qui confirmait ça dans la Constitution et qui nous mettent, noir sur blanc, que ça pose de graves difficultés, il n'y a pas d'autre solution? (16 h 30)

Au seul chapitre de la formation professionnelle, qui est un secteur qui nous intéresse grandement, quand est-ce qu'on va faire le ménage dans la cabane, qu'on va couler des milliards de dollars - ce n'est pas des cent mille, ni des millions - des milliards de dollars qui nous filent entre les doigts en pure inefficacité? On peut avoir un taupin comme Valcourt pour nous faire les jobs de bras, il me semble que, comme société, on ne pourra pas toffer ça longtemps. Je trouve qu'il n'y a pas beaucoup d'adrénaline pour régler une question comme celle-là dans le document qui nous est présenté.

Toujours pour parler de fiscalité, c'est le président du Conseil du trésor, je pense, qui disait tantôt qu'on ne doit pas taxer doublement et que les actionnaires, en bout de ligne, se font taxer. Nous, on pense que dans cette opération un peu cascade, profits transférés en dividendes qui rentrent dans la poche de l'actionnaire, il n'en reste pas beaucoup chez l'actionnaire pour être pompés. Pourquoi il n'y aurait pas un prélèvement sur les profits qui serait plus judicieux? Tous les actionnaires, à ce moment-là, y compris les étrangers, paieraient une portion légitime. Ça aussi, c'est de la fiscalité.

Bref, je ne veux pas m'étendre trop, mais nous, on pense que, s'il y avait une volonté politique de regarder ça en long et en large, il y aura de l'imagination pour trouver un minimum de solutions.

M. Léonard: Sur la question des revenus, est-ce que vous êtes affirmatrf si je déduis de ce que vous avez dit que, quant à l'impôt sur le revenu, vous seriez d'accord ou vous voudriez que la progressivité augmente, donc que vous voudriez reprendre la courbe des impôts, parce qu'on doit considérer que l'enveloppe totale ne devrait pas changer compte tenu de son augmentation ou de son poids sur le PIB? Et est-ce que, donc, vous feriez porter davantage vers l'impôt sur le revenu que sur la tarification, la taxation par la tarification?

Mme Pagé: Écoutez, M. le Président, tout se paie. La santé va devoir se financer, les services de santé; l'éducation doit se financer, notre réseau routier, nos infrastructures industrielles. Tout doit se financer. La question que nous avons à nous poser, c'est: Quel est le moyen qui est le plus judicieux pour financer cela? D'aucuns nous disent: Une partie sur l'impôt sur le revenu, une bonne partie sur les taxes à la consommation, parce qu'on voit la progression que cela a pris, et, en plus, la tarification. Nous, nous disons que la meilleure façon de financer ces choses-là, c'est par un régime équitable de la fiscalité qui portera davantage sur des éléments de revenus, parce que, pour nous, c'est clair que les taxes à la consommation sont davantage régressives qu'une politique d'imposition sur le revenu et qui ne doit pas emprunter la voie de la tarification.

Mais si je paie moins d'impôt, mais qu'après je suis obligée de payer partout pour aller chercher des services, au bout du compte, j'ai payé pareil pour ces services-là. Mais certains d'entre nous ont moins les moyens de les payer, on atteint donc à la solidarité sociale, mais, en plus, c'est qu'on entretient la grogne fiscale auprès d'une classe en particulier qui s'appelle la classe moyenne, qui, elle, a de plus en plus le sentiment d'être la classe qui n'a pas les moyens, parce qu'elle est imposée sur le revenu davantage que d'autres classes de revenus, les hauts revenus, par exemple, elle contribue à la taxe à la consommation et, en plus, elle est frappée de plein fouet par toutes les politiques de tarification. Et là, on met en branle un processus de démaillage de notre tissu social, un processus d'effritement de la solidarité sociale.

Au bout du compte, tous ces services-là, on est d'accord avec le ministre des Finances ou le président du Conseil du trésor, il faut bien les financer. L'éducation et la santé, ça ne se fera pas avec nos prières. Il faut les financer. Et la question se pose: Comment les financer de la façon la plus adéquate et la plus équitable? Et

c'est pour ça que nous pensons qu'il faut procéder à un examen en profondeur de notre fiscalité. On ne peut pas, à un budget, parler de la fiscalité de la culture avec l'imposition sur les livres, par exemple. Quelques mois plus tard, c'est la taxe sur les spectacles. À un autre bout, on parlera de la famille. Tantôt, on reviendra sur les crédits d'impôt pour la recherche-développement.

Il faut se donner une réflexion globale et cohérente sur la fiscalité. Les réponses ne sont pas faciles à trouver, pour personne, mais donnons-nous les conditions minimales pour les trouver. Si on nous demande d'improviser, à nous qui ne sommes pas au gouvernement, un régime fiscal dans la préparation d'un mémoire pendant trois semaines, alors que certains gouvernements sont en place depuis sept ans et qu'ils n'ont pas l'air de l'avoir trouvé, bien, vous pensez que c'est un peu mission impossible! Entre trois semaines de commission parlementaire sur les finances publiques puis trois ans comme l'Ontario, il doit bien avoir trois mois quelque part. Alors, il me semble que, là, il y a des voies qu'on pourrait emprunter pour trouver ensemble des réponses à des questions qui sont préoccupantes et qui sont complexes.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, vous n'avez que sept minutes. Le groupe ministériel, il ne lui reste que sept minutes de l'enveloppe globale.

M. Gautrin: M. le Président, je vous remercie. Je vais limiter mon intervention sur un point de votre mémoire qui, je pense, est pour nous, et pour vous, aussi bien pour tous les deux, vraiment la priorité à l'heure actuelle: la question du sous-emploi et du chômage.

Vous l'avez dit au début de votre intervention, actuellement on vit un taux de chômage totalement inacceptable, et nous partageons ce point de vue. Mais on ne s'y résigne pas, malgré ce que vous avez dit, on ne s'y résigne pas. Et si on est réunis ici aujourd'hui, c'est parce qu'on ne s'y résigne pas.

Si on analyse le chômage, il est dû à deux causes, et on va essayer de les voir ensemble et on pourrait peut-être voir ce qui se fait. Ma question, c'est: Qu'est-ce que vous voyez de plus là-dedans? Par rapport au chômage, vous avez un chômage qu'on appelle en termes conjoncturels, ça vient du fait qu'on est dans une récession. Dans une récession, il y a un peu moins d'activité économique. Dans ce cadre-là, le gouvernement a déjà essayé d'agir à deux niveaux: premièrement, en accélérant les dépenses d'investissements publics, c'est-à-dire la construction des écoles, des choses comme ça, pour faire en sorte de pouvoir créer de l'emploi, c'est-à-dire faire en sorte qu'on travaille un peu plus; d'autre part, en aidant à la capitalisation des petites entreprises par le mécanisme de SPEQ en régions. Il faut bien le reconnaître, j'imagine que vous partagez ce point de vue, la création de l'emploi va se faire dans le secteur privé. Le secteur public ne peut plus créer actuellement directement de l'emploi. Donc, ça, c'est l'action qui est faite pour régler le problème conjoncturel.

Il y a un deuxième problème, qui est un problème de structure. Ce qui fait qu'à l'heure actuelle on est dans une situation particulièrement grave. Dans ce problème de structure, malgré tout ce que vous avez dit, on n'est pas simplement dans une position de laisser faire. Sur le problème de structure, c'est-à-dire le fait qu'il y a une mutation dans notre économie, le fait qu'à l'heure actuelle, de plus en plus, les emplois directement manuels qui ne demandaient pas de formation particulière disparaissent au profit d'emplois qui demandent plus de formation, vous avez déjà une action du gouvernement en termes de soutien à la formation professionnelle, on termes de transfert et d'aide à la recherche et développement ou de crédit d'impôt pour la recherche et développement dans les entreprises, soutien au transfert technologique dans les entreprises.

Un troisième élément, toujours qu'il faut éviter - et ça, évidemment, ce sera à long terme - la lutte contre le décrochage scolaire parce qu'il ne faut pas que, d'ici 10 ans ou 15 ans, on se retrouve avec des gens qui n'ont pas eu de formation. Donc, ne pas dire que comme gouvernement on ne fait rien pour lutter contre le chômage conjoncturel et contre le chômage structurel.

Il y a un troisième point qui est le fait qu'il y a des gens qui sont un peu plus âgés, sans être complètement à la pension, qui ont de la difficulté à se reformer, pour lesquels actuellement, par des programmes du type PATA, etc., on essaie de soutenir aussi leur réemployabilité dans le réseau communautaire. Donc, ne pas dire qu'on ne fait rien.

Ma question, c'est: Qu'est-ce que vous souhaitez qu'on fasse de plus pour lutter contre ce sous-emploi, premièrement, et est-ce qu'on n'est pas en train, par les signaux qu'on donne aujourd'hui, de vouloir se dégager les marges de manoeuvre pour pouvoir agir dans ce domaine du sous-emploi?

Le Président (M. Lemieux): M. Daoust, s'il vous plaît. (16 h 40)

M. Daoust: Oui. Ce qu'on ne cesse de répéter: Cette bataille qu'il faut entreprendre, il faut l'entreprendre au niveau de toute la société. C'est une mobilisation globale au Québec. C'est un état de guerre qu'il faut déclencher. Ce n'est pas vous, ce n'est pas nous, c'est l'ensemble du Québec. C'est entendu qu'il se fait des choses, et ce n'est pas l'endroit nécessairement où on va distribuer des louanges à n'en plus finir. Il se

fait des choses. Il y a des pas qui ont été faits. Mais écoutez, c'est un peu... et je n'aime pas trop, trop l'image, mais c'est la politique du petit pas. C'est une image, si vous voulez, mais c'est le sentiment qu'on en a. Chômage conjoncturel, chômage structurel. Il y a un tas de mesures sans aucun doute, des petites mesures, des mesures que nous saluons. Chaque fois qu'il y en a une, on la salue. Dans les discours sur le budget, on le dit et on le répète. Mais cette grande mobilisation, quand est-ce qu'elle va venir? Et je m'explique un peu.

On parle de la compétitivité des entreprises québécoises qui fabriquent des biens, qui donnent des services, et de tous les problèmes de cette mondialisation de l'économie, de cette concurrence acharnée et effrénée qui nous tombe dessus. On sait qu'il faut réexaminer, mais vraiment tout le fonctionnement de l'économie québécoise. Dans les entreprises, c'est la qualité des équipements, la qualité des ressources humaines, les procédés, la formation professionnelle, l'organisation du travail. Mais il y a eu une ouverture là-dessus qui est sûrement nulle autre comparable au Canada. Le premier ministre - vous en avez parlé, M. le ministre des Finances - le premier ministre, partout, fait état de cette volonté au Québec des acteurs du secteur privé à l'égard de la concertation. Mais il fait état de ce phénomène-là qui est assez unique et qui - soit dit en passant, c'est peut-être un autre débat, et je pense que Lorraine en a fait état; il ne faudrait pas, là-dessus, qu'on exagère trop, trop, parce que ce n'est pas encore descendu dans tous les milieux de travail, loin de là; il y a un immense effort à faire. Et c'est tout ça qu'il faut faire ensemble, cette mobilisation, comme ça s'est fait dans certains pays, puis il faut que ça se fasse au Québec.

Idéalement, on a tous, mais absolument tous les ingrédients. Tout le monde le dit, à moins qu'il y ait un tas de gens qui se trompent à gauche et à droite: Actualiser nos politiques, faire en sorte que, par des interventions - on revient toujours à cette commission sur la fiscalité... qu'il y ait des retombées dans tous les milieux. Il y a - je ne sais pas, moi - des aspects positifs sur le plan pédagogique que d'expliquer tout ça, mais pas dans quelques heures, pas dans quelques mots, pas dans quelques semaines non plus. Écoutez, dans quelques semaines, ça fait tour de passe-passe un peu, pour être bien franc, à moins que vous n'ayez voulu préparer et conditionner les mentalités. Bien, pourquoi pas? Les gouvernements, ce n'est pas innocent trop, trop. Conditionner les mentalités, préparer les gens et faire en sorte qu'à un moment donné les élections viendront... Bon, je ne dis pas que vous l'espérez ou qu'on l'espère, peu importe. Il y en a peut-être qui sont plus désireux, d'un certain côté, que ça vienne plus rapidement, mais peu importe.

C'est ça qu'on ne peut pas comprendre dans l'exercice auquel vous nous invitez. Tous les problèmes, M. Léonard - il ne faut pas dire les noms ici - M. le député en a parlé: fiscalité, emploi, ces taxes à la consommation dont on nous a vanté toutes les vertus à un moment donné, la TPS et la TVQ. Bon, ça, ça devait régler tous les problèmes du monde. On en connaît les conséquences et on sait ce qui en découle. Alors, c'est un peu tout ça. Si vous nous demandez: Dans le concret, qu'est-ce qu'on peut faire? Bon.

Une voix:...

M. Daoust: Bien, on est dans le concret aussi. Mais on en a, des solutions, on en a, des idées, et on aurait voulu en discuter longuement. On ne peut pas arriver ici avec une liste, je ne dirais pas d'épicerie - je n'aime pas le mot parce qu'on l'emploie à d'autres fins de temps à autre. Mais ce qu'on veut dire, c'est que tout le Québec attend cette mobilisation. Les volontés sont prêtes. Il suffit qu'à un moment donné le gouvernement appuie toutes les initiatives. Dieu sait qu'il y en a, des initiatives! Le Forum pour l'emploi qui sera ici dans quelques heures, ça en est une des plus belles initiatives sans la présence et sans l'appui des gouvernements.

Mme Pagé: Une suggestion, peut-être?

Le Président (M. Lemieux): Oui, rapidement. M. le député de Verdun, vous avez terminé.

Mme Pagé: M Gautrin.

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, madame.

Mme Pagé: Pour répondre à M. Gautrin, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

Mme Pagé: M. Gautrin a fait une analyse qui nous montre des causes du chômage conjoncturel, la récession, le chômage structurel, avec la globalisation des marchés, l'économie, le libre-échange, ainsi de suite. Il y a un élément qui est très important, c'est au niveau de la formation professionnelle. Je pense qu'il y a un groupe dans la société qui ne fait pas sa part en formation professionnelle, et ça s'appelle les entreprises. Elles ne font pas leur part. Et le temps n'est plus à l'incitation polie; le temps est à la demande impérative.

On ne peut pas demander de la main-d'oeuvre bien qualifiée avec les coûts que ça suppose en immobilisations dans nos institutions d'enseignement pour donner cette formation et continuer à être à la queue en termes d'investissements dans la formation professionnelle de sa main-d'oeuvre. Ce n'est pas possible. Et une des façons pour le gouvernement d'aller plus loin

dans la recherche de solutions à la crise de l'emploi, c'est vraiment de s'engager et d'engager les entreprises dans un mode de financement de la formation professionnelle qui les amènera à faire leur part, leur juste part, comme ça se fait dans les autres pays industrialisés. Ce n'est pas vrai qu'on peut demander à l'État, aux contribuables de financer la formation professionnelle pour en profiter après comme entreprise, sans faire sa part. Et elles ne le font pas. Je pense que le gouvernement doit résolument siffler la fin de la récréation là-dessus et passer à une autre étape. C'est une suggestion concrète.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le député de Montmorency, pour la fin de la séance.

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais aussi me joindre à mes collègues pour souhaiter la bienvenue aux représentants du monde syndical, mais aussi pour les remercier, les remercier parce que, si on est ici aujourd'hui, c'est un peu grâce a eux qui, par leurs pressions, la sensibilisation de l'opinion publique, depuis maintenant un an, ont réussi, tant bien que mal, à convaincre le gouvernement de s'asseoir et d'écouter. Je partage également leur frustration, entre guillemets, de ne pas avoir eu vraiment une commission d'enquête sur la fiscalité où on aurait débattu en profondeur les malaises de notre société.

M. le Président, j'aimerais, moi aussi, déposer un tableau. Parce que, depuis tout à l'heure, j'écoute; on parle de fiscalité et on s'échange des mots; on semble vouloir dire qu'il n'y a pas de «régressivité». Mais j'aimerais déposer un tableau très simple des taux d'imposition, pour qu'on puisse le distribuer, pour qu'on puisse le distribuer à l'Assemblée, et expliquer sommairement, vraiment, l'a b c de la régression et de la «régressivité» au niveau des taux d'imposition, et qu'on arrête de colporter de fausses images où, actuellement, on semble vouloir dire que de la «régressivité», il n'y en a pas. M. le Président, de la «régressivité», il y en a énormément.

J'écoutais le ministre des Finances tout à l'heure nous dire: Vous devriez nous féliciter d'avoir soutenu la famille, d'avoir considéré les indexations au coût de la vie, d'avoir exempté les besoins essentiels de la taxation au niveau de l'impôt sur le revenu. M. le Président, j'aimerais apporter un rectificatif important. Ce n'est pas le ministre des Finances qui a fait ça, M. le Président. Toute cette mécanique-là découle d'une étude qui, d'ailleurs, à mon point de vue à moi, est la seule qui existe vraiment d'une réflexion sur la fiscalité, le livre blanc sur la fiscalité.

Le livre blanc sur la fiscalité émane du Parti québécois dans les années 1983. M. Duhaime avait à l'époque, en 1985, fait son budget, inspiré des principes de ne pas taxer des besoins essentiels, c'est-à-dire de ne pas taxer les gens avant qu'ils aient atteint un certain niveau de vie pour satisfaire leurs besoins essentiels. Et c'est à partir de cette réflexion qui est apparue en 1985, qui a été, par la suite, bien sûr, échelonnée sur plusieurs années, qui était déjà prévue à cette époque, qu'on a continué l'application des crédits d'impôt et d'exonérer les gens au niveau de leurs besoins essentiels. Alors, ça n'appartient pas vraiment au gouvernement libéral, cette réflexion fiscale. Elle appartient au gouvernement précédent. Premièrement. (16 h 50)

Deuxièmement, dès qu'on a déposé... En 1985, on avait déposé, bien sûr, les tables d'impôt qui émanaient toujours de la réflexion du livre blanc sur la fiscalité. Le seul geste qu'a posé le premier ministre, ça a été de devancer l'application des taux d'impôt; il s'est empêché de ramener d'une année la réduction d'impôt des mieux nantis. Et quand vous regardez ce petit tableau qui a l'air anodin, vous comprendrez rapidement, lorsqu'on a un taux maximum marginal d'impôt de 33 % en 1985 et que vous le ramenez à 24 % à partir de 1988, les gens comprendront qu'il y a une réduction assez importante des taux applicables aux mieux nantis de notre société. Neuf points d'écart, c'est quand même majeur.

Et je veux attirer votre attention, parce que le tableau est quand même intéressant. En 1985, le taux marginal d'impôt était de 24 %. 24 %, ça s'appliquait à qui? À des travailleurs dont le revenu imposable était de 15 000 $.

Une voix: Célibataires.

M. Filion: Écoutez, ne mélangez pas les cartes. On parle des taux d'impôt.

Une voix: On parle de cas de célibataires... M. Filion: Vous mélangez les cartes.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis, la parole est à M. le député de Montmorency.

M. Filion: Alors, le principe de base... On parle des taux d'impôt, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Filion: Ils devraient comprendre ça, les gens d'en face. Les taux d'impôt, c'est simple...

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Filion: ...ça s'applique à tout le monde. À tout le monde.

Alors, M. le Président, je reprends. Une

personne, qu'elle soit mariée, célibataire, qui a un revenu imposable de 15 000 $ a un taux applicable, cette personne-là, de 24 %, 15 000 $ en 1985. Aujourd'hui, ce taux de 24 % s'applique à des gens qui ont un revenu de 50 000 $ et plus. Et plus. Ce qui veut dire qu'on peut gagner 1 000 000 $ et on paie 24 % d'impôt de taux marginal. Alors, comme changement de base de taxation, c'est majeur. C'est majeur.

Quand on parle d'un enfant, deux enfants, trois enfants, l'indexation, la mécanique, c'est la même. Si, moi, je gagne 100 000 $ et j'ai deux enfants, mon taux d'imposition, je le suis en fonction d'une mécanique de base. Que j'aie un salaire de 30 000 $, que j'aie un salaire de 40 000 $ ou de 100 000 $, mon taux d'imposition ne change pas. Les calculs d'exonération des besoins essentiels de vie, oui, ça va, mais pas sur la base de taxation qui est ce qu'on appelle une politique fiscale d'assujettissement. Alors, à ce niveau-là, il est très clair, M. le Président, qu'on a changé les tables d'impôt et on a appliqué une «régressivité» un peu même phénoménale. Alors, qu'on arrête de dire qu'on parle d'exemption et qu'on mélange les gens; les taux d'exemption ont été tout simplement réduits de façon magistrale, de neuf points.

M. le Président, à cela il faut ajouter également tout le phénomène de réduction d'impôt pour les mieux nantis, que ce soit par l'exonération de gains en capital. J'écoutais le ministre des Finances tout à l'heure nous dire: Aïe! on s'est battu sur ça. Bien oui, on s'est battu. On ne la voulait pas, mais, bon, on a dû, effectivement, se rendre à l'évidence que l'harmonisation, c'était mieux que de taxer davantage les gens les mieux nantis à cause de leur mobilité. Mais c'est un faux débat parce que, dans leur document, dans leur propre document, le taux de mobilité depuis 1983... depuis 1985 n'a pas changé. Même si vous avez réduit vos taux d'imposition, ça n'a strictement pas changé. Il n'y a pas d'autres personnes qui sont venues se joindre à l'assiette fiscale québécoise; 18 % en 1985 à 18,3 % ou 18,9 %, je pense, en 1990. Alors, ce débat-là, à toutes fins pratiques, il est faux et il est même confirmé dans le document que vous avez devant vous ici, «Vivre selon nos moyens».

Alors, M. le Président, ajoutez à ça... Et si le ministre des Finances avait fait la réflexion suivante, parce que, s'il reculait au niveau de la taxation... Vous savez, il y avait des droits successoraux jusqu'à 1985. Des droits successoraux, au Québec, il y en avait. Ils ont été abolis. Les droits successoraux avaient été mis en place parce qu'à un moment donné, avant 1971, on ne taxait pas le gain en capital. Alors, les droits successoraux venaient taxer la richesse à un décès. Et on demandait au gouvernement d'éliminer les droits successoraux parce qu'on avait mis en place, en 1971, un mécanisme de taxation du gain en capital. Mais, à partir du moment où vous mettez en place des exonérations aussi importantes que 100 000 $ et 400 000 $, vous auriez pu réfléchir à la possibilité de revenir pour mettre en application une taxe sur la richesse. Parce que, si vous exonérez le gain en capital, on revient comme avant 1971, c'est-à-dire, on ne taxe pas le capital; alors, on va taxer la richesse. Mais cette réflexion-là n'a pas été faite, cette réflexion-là n'a pas été amenée pour fins de discussion.

Et là, on est en train de vouloir essayer d'expliquer à ce gouvernement l'importance d'étudier en profondeur notre fiscalité, et on ose nous dire que les taux ne sont pas régressifs et que les mieux nantis n'ont pas récolté davantage depuis 1985. Et je partage effectivement ce que le mémoire des trois centrales syndicales présente, quand elles disent qu'on a atteint un taux de «régressivité» qui occasionne l'érosion économique qu'on connaît, que les gens se sentent injustement traités, que les gens se sentent surtaxés depuis trois, quatre ou cinq ans au niveau de la consommation, au niveau des taux régressifs, et que ces gens-là cherchent des moyens d'évasion. On sait qu'on a augmenté de 52 % les taxes sur le tabac depuis 1988-1989. Ça nous donne quoi comme résultat? Actuellement, on rentre moins d'argent pour le tabac. En 1988-1989, avec un taux de 4,52 $, on rentrait 554 000 000 $ dans les coffres de l'État. On augmente ce taux de 52 %, pour le porter à 6,88 $, et on nous confirmait, justement hier, qu'on va rentrer moins d'argent qu'en 1988-1989 dans les coffres de l'État; on va rentrer 478 000 000 $.

Alors, tout le phénomène de la surtaxation crée actuellement un manque à gagner dans les coffres de l'État qui se traduit par des sommes faramineuses. Et quand on nous dit maintenant qu'on n'a plus les moyens, c'est qu'on ne veut plus prendre les moyens d'aller chercher ces impôts-là parce qu'on applique des politiques de gestion à la petite semaine: Coupons dans les dépenses, laissons aller l'érosion économique, laissons aller le marché au noir, perdons 460 000 000 $ au niveau de l'impôt des sociétés, et on y va pour le meilleur des mondes.

Alors, je pense qu'effectivement vous avez entièrement raison quand vous dites que le débat actuellement qui se déroule à l'Assemblée nationale aurait dû être un débat, d'abord et avant tout, d'examen en profondeur de nos politiques fiscales qui, à mon avis, ont fait fausse route, ont été appliquées sans vraiment réfléchir aux retombées ou aux conséquences, et, maintenant, on en porte le fardeau. Mais qu'on arrête autour de cette table, s'il vous plaît, de dire...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Filion: ...qu'on a des taux d'imposition, M. le Président, qui ne sont pas régressifs. On a

simplement réduit de neuf points le taux de taxation marginal maximum de 1985 à 1988. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Montmorency.

M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Juste quelques mots pour féliciter les représentants des centrales syndicales pour leur présentation.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que les témoins auraient peut-être des commentaires à faire suite aux propos du député de Montmorency? Non? Ça va.

Alors, M. le député de La Prairie.

M. Chagnon:...

M. Sanschagrin: j'aimerais bien vous céder la parole, m. le député de saint-louis, mais l'enveloppe de temps du parti ministériel est...

M. Lazure: Vous avez épuisé votre temps. Le Président (M. Lemieux): ...vide.

M. Lazure: Donc, M. le Président, je félicitais les porte-parole des centrales syndicales pour leur excellente présentation. Je dois dire que j'ai vu avec plaisir qu'on avait inclus aussi le développement viable dans la série de cinq secteurs qu'on devrait discuter autour d'une table, la table de la famille Québec, pour s'entendre sur un projet de solidarité sociale. Je pense que les groupes environnementaux vont noter avec beaucoup de plaisir que les centrales syndicales, comme de ce côté-ci de la table, ont compris qu'il faut mettre fin à cette soi-disant rivalité, développement économique/développement durable. Je pense qu'il faut, une fois pour toutes, qu'on comprenne que les deux sont indissociables.

La deuxième remarque a trait à votre recommandation no 5, où vous demandez au gouvernement du Québec de renoncer à mettre en oeuvre lors du prochain budget des mesures de tarification des services publics ou des programmes sociaux à rencontre de la gratuité, de l'accessibilité et de l'universalité.

M. le Président, je pense qu'on n'a justement pas les moyens de s'en aller vers un système qui serait moitié public, moitié privé. Et lorsqu'on se met à établir des tickets modérateurs, des tarifications, on s'achemine inévitablement vers ce régime un peu mixte, un peu bâtard, comme celui qu'on connaît aux États-Unis, où les Américains dépensent actuellement 14 % du PIB pour leur système de santé alors qu'on ne dépense ici que 10 %ou11 %.

M. le Président, je voudrais demander aux représentants des centrales s'ils ont eu une réponse satisfaisante de la part des ministres autour de la table à cette demande no 5. (17 heures)

Le Président (M. Lemieux): La parole est... Alors, Mme...

Mme Pagé: On n'a eu aucune réponse satisfaisante à aucune des recommandations qu'on a faites. Dans biens des cas, on n'a pas eu de réponse du tout. Alors...

M. Lazure: Moi, je pense que c'est justement parce que nous n'avons pas les moyens d'aller vers 14 % comme coût d'un système de santé qu'on doit rester avec un système sans ticket modérateur et sans tarification.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de La Prairie. Non, il vous reste quelques minutes si vous avez...

Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je voudrais simplement mentionner que le ministre des Finances n'a pas répondu à une des questions de M. Gérald Larose, tout à l'heure, à l'effet que les tableaux qui étaient dans le document, en ce qui concerne la capitalisation du déficit des caisses de retraite, n'étaient pas comparables entre l'Ontario, le Québec et les autres provinces. Est-ce que quelqu'un peut...

M. Johnson: Oui, M. le Président. Ma réponse à cette question spécifique... On m'indique que seul le Manitoba est sur la base du «pay as you go». La plupart des provinces canadiennes, depuis 1978-1979 dans notre cas, 1980 pour la plupart des autres provinces, capitalisent leurs obligations au titre de leur régime de retraite sans capitaliser pour autant, évidemment, et sans avoir réduit pour autant le déficit actuariel que tout le monde traîne et qui n'apparaît nulle part. Alors, la base est comparable, sauf pour le Manitoba.

M. Léonard: Totalement? Il capitalise totalement?

M. Johnson: C'est ce qu'on nous indique. C'est ce qu'on m'a indiqué, vérification faite.

M. Larose: II va falloir que vous «checkiez» la CARRA parce que ce n'est pas les informations qu'elle nous donne. L'ensemble des provinces fonctionnent comme le fédéral. Le fédéral, c'est «pay as you go». Dans le débat référendaire, quand on disait que le fédéral avait accumulé 465 000 000 000 $ de dettes, on disait: C'est hormis la dette qui vient du fonds de pension des salariés de l'État; ça les porte à 500 000 000 000 $. Tout le monde fonctionne sur le modèle fédéral. Alors, vérifiez la CARRA.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, vous pouvez continuer.

M. Léonard: Oui. Je voudrais revenir...

M. Johnson: C'est vrai pour le déficit actuariel, mais ce n'est pas vrai pour la façon dont on rencontre les obligations courantes.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Labelle?

M. Léonard: Je voudrais revenir avec une question. L'Accord de libre-échange a été signé, élargi au Mexique. Une des grandes discussions ou une des grandes conséquences de cela, c'est l'impact de nos systèmes de fiscalité sur notre potentiel de concurrence... notre capacité de concurrence. Est-ce que vous prenez l'Accord de libre-échange comme étant un acquis et quelles sont les conclusions que vous tirez? Parce qu'à l'origine je me rappelle très bien qu'il y avait au moins des réticences, pour ne pas dire une opposition, chez vous, au libre-échange. Par rapport au système fiscal présentement, quelles conclusions tirez-vous? Ce n'est pas indifférent qu'on procède par l'impôt sur le revenu, par la taxation, autrement.

M. Larose: II est clair qu'une ouverture des marchés sans filet ou sans mécanisme ou charte de normes minimales, ça tire par le bas l'ensemble de notre système de protection sociale. C'est évident. On le voit même... D'ailleurs, des fois, ça s'échappe. Le monde dit: C'est de même que ça marche, aux États. L'assurance-chômage, c'est de même que ça marche, aux États; l'assistance sociale, c'est de même que ça marche, aux États. On entend même des organisations patronales nous dire: Le système de santé, eh bien, ça ne marche pas de même, aux États.

M. Léonard: Mais qu'est-ce que vous proposez pour qu'on résiste à cela?

M. Larose: Nous, ce qu'on a toujours proposé - et là, on va blâmer formellement le gouvernement - on a voulu au moins profiter de l'élection de Bill Clinton qui, lui-même, a émis des réserves quant au traité de libre-échange et voulait en réviser des bouts. On disait: M. Bourassa et M. Mulroney devraient rentrer dans la brèche pour négocier une charte des normes minimales, pour s'assurer que les retombées de l'ouverture du marché se traduisent d'abord en relèvement des droits démocratiques et des droits syndicaux et des droits de toutes sortes, notamment pour les Mexicains et les Mexicaines, mais surtout pour s'organiser pour relever les conditions salariales et les conditions de travail, dis-je bien, notamment au Mexique. Mais rien de cela n'est fait. C'est clair que l'ouverture pratiquée, tel que c'est pratiqué, ça met une pression énorme sur l'ensemble de notre filet. Il va falloir réviser ça parce que, je vais vous dire, les gens, ils sont encore patients, mais... Je ne sais pas si vous avez observé, mais, dans la population, le monde, il commence à voir venir des affaires. Là, il voit venir l'assurance-chôma-ge, il voit venir les choses sur la santé, sur les services sociaux. À un moment donné, ce qui est un tableau et qu'on a traduit en pancartes, ça va devenir des banderoles dans des manifestations et, là, on gérera le problème autrement.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire sur les finances publiques.

Nous allons suspendre deux minutes pour permettre aux prochains groupes, soit le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, de bien vouloir prendre place

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h. 11)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. La durée totale des auditions est répartie de la façon suivante: une heure, soit 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire et 40 minutes pour les échanges avec les parlementaires, dont 20 minutes avec le groupe parlementaire formant le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition.

Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier et d'identifier la personne qui aura à présenter le mémoire, s'il vous plaît?

Syndicat des fonctionnaires

provinciaux du Québec (SFPQ) et

Syndicat des professionnelles et

professionnels du gouvernement

du Québec (SPGQ)

M. Giroux (Daniel): Bien, M. le Président. Alors, j'aimerais vous présenter...

Le Président (M. Lemieux): Pardon. Voulez-vous fermer les portes, s'il vous plaît, en arrière? Je m'excuse. Ça va.

M. Giroux: J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Jean-Louis Harguîndeguy, président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, Mme Danielle-Maude Gosselin, secrétaire générale du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec; à ma droite, M. Léo Pelletier, trésorier du Syndicat des professionnels du gouvernement, et moi-même, Daniel Giroux, du Syndicat des professionnels du gouvernement. Notre présentation sera

faite conjointement par Danielle-Maude Gosselin et moi. En vous remerciant d'abord, MM. les ministres, M. le Président, Mmes et MM. les députés, de nous recevoir.

Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et le Syndicat des professionnels représentent quelque 85 % des employés syndiqués de la fonction publique québécoise. Permettez-nous, en premier lieu, de vous souligner que nous nous sentons à l'étroit dans la démarche de consultation gouvernementale. Nous aurions préféré une commission d'enquête qui prenne quelques mois pour fouiller toutes les questions fort complexes qui sont en débat. Des consensus sociaux auraient pu plus facilement en être.

Deuxièmement, le document gouvernemental est tombé sur nos tables il y a deux semaines à peine, le jour même de la date limite pour déposer notre mémoire, si bien que nous. avons distribué tout à l'heure un addendum à notre mémoire, un ajout, un complément qui réagit au document livré par le gouvernement le 19 janvier.

Troisièmement, l'énoncé ministériel nous dit que le problème appelle des solutions draconiennes, mais que la fiscalité ne doit pas être touchée, et ce, pour des motifs de compétitivité, motifs qui, quant à nous, ne doivent pas devenir le seul référant de notre politique fiscale, sinon, à terme, nous ne pourrons être une société différente de celle des Américains ou des Onta-riens qui nous entourent.

Nous espérons que cet exercice démocratique ne sera pas vain et qu'il sera plutôt l'amorce de discussions sur les services publics et leur financement.

Sur le fond, maintenant. L'ampleur du problème d'équilibre budgétaire décrit dans le document mérite, de la part du gouvernement, de plus amples explications, car nos chiffres ne concordent pas avec ceux avancés. Sur la base des hypothèses du document, que nous ne contestons pas, d'ailleurs, et qui expliquent que les revenus autonomes sans modification fiscale augmentent normalement dans la même proportion que le PIB et, sur la base des données de la synthèse des opérations au 31 décembre 1992 rendue publique hier, il nous semble que la base de revenus pour l'année 1993-1994 et les années subséquentes devrait être levée de 1 000 000 000 $. On prévoit, en effet, une hausse du PIB de 5,3 %, et la hausse de revenus préparée par le gouvernement est de 1,9 %, toujours sur la base des opérations au 31 décembre 1992.

Au chapitre des dépenses, on applique un taux de croissance de 3,1 % au-delà de l'inflation, qui est le taux que nous avons réussi à rencontrer en 1992-1993 avant les compressions et les éléments conjoncturels, mais en maintenant dans les calculs des dépenses de 1 700 000 000 $ de l'année actuelle qui sont attribuables à la conjoncture économique. Or, ces dépenses de sécurité du revenu, d'augmentation à l'éducation devraient décroître d'ici les prochaines années, avec la reprise, et non pas être prises pour acquises et être indexées. Si donc, comme nous le croyons, les revenus sont sous-évalués et les dépenses surévaluées, les déficits devraient être moins grands et, là-dessus, nous voulons vous entendre. Mais nous convenons que, même avec cela, tout n'est pas résolu, mais l'ampleur du problème serait bien différente. Nous n'acceptons pas, par ailleurs, que vous disiez à la population qu'elle devra payer elle-même pour certains services essentiels en plus de ses impôts et, à vos salariés, que nous devrons revoir à la baisse nos conditions de travail, tout en préservant les avantages fiscaux pour certaines couches plus aisées de la société.

La fiscalité devrait être modifiée, et à trois titres: l'impôt sur le revenu des entreprises, le taux marginal pour les personnes gagnant plus de 60 000 $ et l'exemption sur les gains en capital.

Votre document compare les taux d'Impôt des entreprises américaines avec les nôtres, mais oublie qu'aux États-Unis, faute de régime universel de santé, les entreprises américaines doivent payer pour des assurances privées qui pourvoient aux mêmes besoins pour leurs salariés qui, nous, aussi, sont assumées par le régime public.

En 1987, ce coût supplémentaire pour les entreprises américaines était évalué entre 6 % et 9 % de leur masse salariale. Par rapport à l'Ontario, nos entreprises ne paient plus, depuis juillet 1992, de taxes de vente sur leurs achats, une mesure de 850 000 000 $, bonne, nous en convenons, mais qui devrait être compensée par un relèvement de l'impôt sur le revenu sans détruire notre avantage comparatif. Quant aux particuliers, il est inéquitable que les personnes gagnant 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000 $ ne paient que 1 % de plus sur le revenu excédant 50 000 $. La compétitivité avec l'Ontario est importante à cet égard, plus, même, qu'avec les États-Unis, nous l'admettons, car, par rapport aux Américains, nous avons d'autres avantages de société à offrir.

Nous devrions quand même relever les taux applicables aux revenus de plus de 60 000 $ au moins jusqu'à 27 % et, pour contrer l'argument de la compétitivité avec l'Ontario, nous pourrions le faire en concertation avec le gouvernement ontarien, comme nous le faisons pour le salaire minimum. On devrait d'ailleurs procéder de la même manière avec notre voisin ontarien pour abolir l'exclusion à vie sur les gains en capital de moins de 100 000 $, mesure qui, en 1990, a coûté 273 000 000 $, et cela en pure perte, car la mesure n'a aucun effet bénéfique sur l'investissement et l'économie. Donc, aux arguments de compétitivité, nous disons qu'il y en a d'autres et, pour les contrer, nous pourrions faire front avec le gouvernement ontarien. Mais il y a aussi d'autres mesures qui pourraient être prises avant

d'envisager de diminuer les services publics ou de faire payer davantage les gens ordinaires pour les obtenir. Ma collègue, Danielle-Maude Gos-selin, va vous en faire part maintenant.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): J'aimerais d'abord rappeler ici de qui on parle, lorsqu'on se lance des chiffres. On parle des citoyennes et des citoyens du Québec. On parle de femmes monoparentales à 30 000 $ par année. Si on tarife, par exemple, les services de santé, l'ensemble des revenus de ces personnes, passant déjà au complet dans de la consommation, qu'en sera-t-il? J'aimerais qu'on n'oublie jamais ces situations. On parle de familles avec des revenus moyens de 45 000 $ à 50 000 $ dont les enfants ne sont pas admissibles aux prêts et bourses. Si on augmente les frais de scolarité, qu'en sera-t-il? Quels seront les coûts sociaux que nous aurons à payer? Nous croyons qu'avant de penser à de telles mesures, le gouvernement devrait d'abord s'attaquer au problème fondamental qui est celui de l'emploi.

Qu'avons-nous vu? Le gouvernement a tendance à réduire ses responsabilités dans le champ économique. Il a même abdiqué ses responsabilités à cet égard face au pouvoir central fédéral. Il a réduit progressivement son engagement et ses responsabilités comme dispensateur des services publics. Il a aussi réduit volontairement les sources de son financement en réduisant les impôts des hauts revenus et en augmentant ses dépenses fiscales, notamment par le déplafonnement des REER. Est-ce crédible, en termes de fonctionnement? Nous croyons, entre autres choses, que les dépenses sociales doivent être considérées non pas comme de l'épicerie, mais comme de l'investissement, et de l'investissement durable. Quel sera le coût à payer pour notre société si des gens, faute de revenus, n'ont pas accès aux services de santé ou aux services d'éducation? C'est évident que le gouvernement doit tendre vers un équilibre budgétaire public sur une longue période, mais il ne doit pas négliger pour cela les dépenses nécessaires pour assumer le mieux-être de sa population et sa compétitivité économique plus tard. (17 h 20)

Est-ce que les décisions que nous avions prises globalement dans les années soixante, soit de nous doter de systèmes accessibles à tous, doivent être revues à cause de problèmes économiques qui, si ce n'était du problème de l'emploi qu'on vit, ne seraient pas si grands? Ne risque-t-on pas, au contraire - on parle d'équité «intergénérationnelle» - que ça coûte beaucoup plus cher à nos enfants, faute de formation et faute de services adéquats? Nous n'avons aucune objection. Bien au contraire, nous sommes tout à fait prêts à questionner les services publics, à revoir leur utilité, à essayer d'augmenter leur efficacité, à abolir ceux qui ne seraient plus nécessaires. Cependant, ceci doit se faire de façon concertée. Les dédoublements entre le fédéral et le provincial, entre les municipalités et le provincial, entre les sociétés d'État de services publics et le gouvernement provincial doivent être également questionnés. La sous-traitance, le gouvernement a tendance à y recourir comme étant une panacée à tous les maux. Il oublie cependant souvent la dégradation des services qui sont donnés et, par exemple, les dépassements de coûts quasi systémiques que ça peut entraîner. Le ministère des Transports en est une preuve vivante.

Nos services publics doivent également être garants du bien-être de la population. Je pense qu'il y a un consensus autour de ça dans la population du Québec. Les gens ne veulent pas d'augmentation de la bureaucratie, nous sommes on ne peut plus d'accord, mais rejettent, du même coup, les politiques néo-libérales et s'opposent à tout désengagement. On se doit de créer un environnement et des conditions favorables à la stimulation et au soutien des initiatives de la base, de favoriser également l'autonomie et la prise en charge. Qu'en sera-t-il avec les mesures telles que proposées?

Nous croyons à la compétitivité, bien sûr, et nous ne pouvons pas passer à côté, mais à l'équité également. Dans le contexte d'un développement viable et équitable, que doit-on faire? Est-ce qu'on peut m'expliquer, même selon les chiffres du gouvernement, que des gens dont les revenus sont actuellement de 35 000 $ à 50 000 $ paient 27 % des impôts alors qu'ils génèrent 22 % du revenu? Qu'ils en paient plus, c'est normal; il y a des gens qui n'en paient pas, ayant des revenus encore plus faibles. Mais comment expliquer alors que les gens dont les revenus sont de 75 000 $ à 100 000 $, dans leur cas, reçoivent 4 % des rovonus, mais no paient que 6 % des impôts, un écart uniquement de 2 %? Est-ce ça, l'équité, dans notre système fiscal au Québec?

Nous devons aussi revoir l'ensemble de nos décisions de façon à nous assurer qu'elles soient équitables. Nous devons également garantir une équité horizontale, quelle que soit la source de provenance des revenus. Pourquoi des revenus de dividendes de 20 000 $ ne sont-ils pas imposés de la même façon que des revenus de 20 000 $ d'emploi? L'équilibre entre la fiscalité des particuliers et des entreprises pose problème. Il y a plusieurs interprétations: le fardeau des entreprises est trop élevé, il est compétitif et doit le rester ou elles ne paient pas leur juste part. Mais dans le mesure où ça ne fait pas consensus, nous croyons qu'on doit questionner plus à fond sur ces sujets. Par exemple, le crédit d'impôt sur dividendes instauré pour favoriser l'investissement et, également, dans le sens de dire que les entreprises paient déjà des impôts au niveau des corporations. Cependant, les corporations, malgré le fait qu'elles paient de l'impôt, lorsqu'on voit les mesures de dépenses

consacrées à ces entreprises, ça revient un peu à dire que ça s'équivaut alors que les personnes qui reçoivent des dividendes ont des revenus les plus élevés. Pourquoi ne pas les imposer comme le reste? On doit donc revoir les mesures de taxation.

L'équité horizontale doit aussi s'établir pour les familles, qu'elles soient monoparentales ou biparentales. Même s'il y a eu certaines mesures de prises, si on arrive avec des questions de tarification, l'ensemble des mesures dont on parlait tout à l'heure, leur effet sera aboli. Le gouvernement a choisi d'éparpiller ses sources de revenus: TVQ, tarifications diverses, pelletage aux municipalités. Bien sûr que c'est plus difficile de s'y retrouver, en ce sens que: Où en sommes-nous? Comment peut-on faire exactement le coût de ce que nous coûtent également les services et l'État? Cependant, tout ceci doit être revu de façon à ce que ce soit plus facile à comprendre et plus clair. Il faut prendre conscience et mesurer également l'impact régressif de la croissance démesurée des impôts indirects, des taxes et des services.

La hausse des tarifs d'électricité d'Hydro-Québec de façon à ce qu'Hydro verse des dividendes à l'État a comme conséquence - parce que c'est aussi taxable - que c'est une des mesures les plus régressives. Le transfert de responsabilités aux municipalités - les gens devront le payer par leur impôt foncier - c'est aussi une mesure profondément régressive. Quant à l'équité de notre système fiscal global, nous devons questionner l'impact de la diversification des sources de revenus fiscaux, notamment l'impact de l'augmentation de la part relative des taxes à la consommation et des taxes indirectes.

Nous devons également cesser l'érosion des revenus. Qu'en est-il, qu'en connaissons-nous, des dépenses fiscales? Le document déposé ne nous permet pas ou peu de prendre connaissance vraiment du portrait des dépenses fiscales du gouvernement. Là-dessus aussi, on doit aussi se questionner. Nous pourrons nous prononcer plus clairement là-dessus lorsque nous aurons un portrait aussi clair des dépenses fiscales de l'État que des dépenses engendrées pour l'aide sociale.

De plus, nous réitérons que le Québec doit se doter d'un outil qui permettra, comme pour les autres dépenses, de connaître l'ampleur et révolution des dépenses fiscales, d'effectuer une évaluation serrée des bénéfices collectifs de tels crédits d'impôt. Plusieurs dépenses fiscales ont aussi été introduites pour favoriser l'investissement ou l'épargne, des plafonnements de REER qui profitent, entre autres, aux gens ou aux revenus ou dispenses fiscales consenties aux entreprises. Avons-nous toujours les moyens de nous payer de telles dépenses fiscales? Nous aimerions aussi avoir une réponse.

Pour ce qui est de l'emploi, l'État, quant à nous, doit reprendre absolument son rôle de régulateur, son rôle de leadership dans l'emploi. Le marché ne peut régler seul les problèmes d'emploi. La preuve la plus évidente, c'est que, malgré la croissance économique importante que le Québec a connue du milieu des années quatre-vingt aux années quatre-vingt-dix, le taux de chômage est demeuré très élevé. Même si une reprise semble s'amorcer - enfin, nous l'espérons - l'arrivée de nouvelles personnes sur le marché du travail ne nous permettra pas de réduire rapidement le taux de chômage.

Donc, l'État doit reprendre en main son rôle de leadership. Le gouvernement doit aussi s'assurer que soit obligatoirement faite une analyse de toute nouvelle politique ou mesure en termes de leur impact sur l'emploi. Si nous ne pouvons pas solutionner rapidement nos problèmes d'emploi, nos problèmes de déficit resteront les mêmes. Nous devons voir à favoriser également un développement régional autonome et durable. Le gouvernement devrait accélérer ses dépenses d'équipement - je termine - collectif de façon à relancer l'emploi.

En conclusion, nous répétons que nous aurions souhaité une vaste commission d'enquête publique. Ce que nous avons eu, c'est une commission parlementaire. C'est pourquoi nous pensons que ça ne réglera pas les questions de fond et que le débat devra nécessairement se poursuivre. En ce sens-là, une véritable consultation publique doit porter sur les objectifs que nous voulons atteindre comme société et sur toutes les orientations que cela suppose. Nous avons exprimé les nôtres Ici: un développement viable et équitable, et, en ce sens-là...

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.

Je me permets de saluer d'une façon toute particulière, évidemment, les gens qui viennent nous rencontrer maintenant. J'aime dire que ce sont mes employés, leurs représentants, qui viennent, à ce moment-ci, faire valoir leur point de vue. Les fonctionnaires, les professionnels du gouvernement sont, en effet, ceux qu'on appelle la fonction publique, les fonctionnaires, au sens strict du terme. Beaucoup de gens confondent les notions et parlent souvent des fonctionnaires comme s'il y en avait 400 000. Il n'y en a pas tant que ça, et on retrouve essentiellement leurs représentants, ici, aujourd'hui. Donc, les employés des ministères et organismes nommés et rémunérés en vertu de la Loi sur la fonction publique. (17 h 30)

Ce qu'il y a de plus frustrant dans ce débat, évidemment, c'est qu'on est tous conviés à réfléchir sur le développement économique du Québec, dans le fond, la création d'emplois, la solution de problèmes réels de nature sociale

tout autant qu'économique que cause ou bien la conjoncture ou la structure même de notre économie. Mais ce qui est frustrant, c'est qu'on nous demande d'agir tout de suite alors qu'on sait pertinemment que ce sont les conditions de la structure de l'économie qui auront, à long terme, si on prend les bonnes décisions aujourd'hui, un effet bénéfique. C'est difficile de ne pas tenir deux discours, là, je comprends, mais il faut faire attention, lorsqu'on fait un appel du pied extrêmement pressant au gouvernement, de bien savoir qu'il y a des choses qu'on peut faire tout de suite, mais il faut se garder une marge de manoeuvre pour en faire le plus longtemps possible.

Et c'est ce que nous avons comme difficulté. Nous avons un problème immédiat qu'on doit régler. On doit prendre des décisions tout de suite, mais les effets au-delà, je dirais, des équilibres financiers pour 1993-1994, les effets des bonnes décisions vont se faire sentir pour une longue période de temps, et un redressement durable ne peut passer que par un redressement graduel. Il faut donc avoir patience et longueur de temps dans cet exercice-là et faire attention de ne pas partir après des faux problèmes. Et des faux problèmes, il en a encore été soulevé, malheureusement, quand, par exemple, dans les amendements, vous avez amené à votre mémoire le fait qu'il y aurait dans la base budgétaire 1 714 000 000 $ de dépenses. Là, il faudrait soustraire de la base parce qu'on est en train de tricher, entre guillemets, sur le niveau des dépenses.

Écoutez, si on trichait... Si on avait surestimé le niveau des dépenses, selon vous, et si on avait sous-estimé les revenus, donc que le déficit, en fait, entre nous, là, in petto, était, nous en serions convaincus, beaucoup plus bas que ce qu'on divulgue, je vous promets, je vous jure, je vous certifie qu'on ne serait pas ici en train de parler de ça. On serait en train de prendre des décisions beaucoup plus faciles pour un gouvernement et tous nos concitoyens si la situation financière était aussi éclatante que vous semblez le soupçonner. Ce n'est pas le cas.

Les prévisions de dépenses que nous avons divulgées tiennent compte du fait que la conjoncture étant plus favorable n'amènerait pas ce 1 714 000 000 $. Je répète et redis jusqu'à plus soif que le problème, c'est que nous avons observé de longue date une croissance naturelle, si on ne fait rien, des grands postes de dépenses qui est de plus de 3 % au-dessus de l'indice des prix à la consommation d'une année à l'autre. Et ce que nous tentons de faire par des compressions, ou lorsque la conjoncture va bien par des bonnes nouvelles, c'est de réduire ce taux-là. Et c'est sur ce taux qu'il faut travailler.

Deuxièmement, du côté des revenus, encore une fois, on n'a pas sous-estimé de quelque façon que ce soit. On a indiqué ce matin, on a déposé un tableau - vous n'étiez pas des nôtres, alors, ça se comprend - qui explique comment on peut avoir une croissance des revenus autonomes de 2,2 % alors qu'on prévoit une augmentation du produit intérieur brut de 4,6 %. La raison est qu'en 1992-1993, à ce moment-ci, il y a des sources de revenu qui ne reviendront pas l'an prochain, par exemple, à l'égard des effets des mesures fiscales de 1992-1993 ou la récurrence de celles de 1991-1992 et ça, ça apparaît dans les différents discours sur le budget. Il y en a, à ce seul titre-là, pour un peu plus de 400 000 000 $.

Deuxièmement, la diminution des taux d'intérêt fait en sorte que les gens qui déclareront des revenus d'intérêt déclareront moins de revenus parce qu'ils auront moins d'intérêt en raison du taux qui fléchit. Ça, ça représente 300 000 000 $ en revenus fiscaux, là. Il y a des revenus d'intérêt qu'on ne pourra pas taxer parce qu'ils n'existeront pas. Il y en a pour 300 000 000 $. Ça va vite. Et ensuite, évidemment, la croissance des salaires et traitements est inférieure à celle du PIB, et ça, ça représente 200 000 000 $, là aussi. On redresse donc les chiffres de 905 000 000 $ et ça nous donne des revenus autonomes corrigés, comme je viens de l'expliquer, de 5,4 % en hausse, par rapport à l'année précédente, alors que le PIB va augmenter de 4,6 %. Vous me permettrez de constater, donc, que les revenus autonomes, naturellement, croissent plus vite que d'habitude, comme ça devrait être le cas - on taxe l'inflation, en réalité - que la progression du produit intérieur brut.

À l'égard de la tarification, il faudrait s'en passer, dites-vous. J'aimerais pouvoir m'en passer, mais la leçon qu'on peut tirer des endroits où on a inséré un financement très partiel des services publics par voie de tarification, c'est que les gens modifient leur comportement. Je donne l'exemple du 2 $ sur les médicaments pour les personnes de 65 ans et plus. On peut en parler, ça existe; on ne fera pas semblant que ça n'existe pas. On a même dit publiquement qu'il y en aurait et on l'a fait. Alors qu'une personne âgée, par exemple, utilisait toutes les semaines le pilulier hebdomadaire, allant donc chercher une ordonnance toutes les semaines, le pharmacien la complétait toutes les semaines. Il y a un tarif spécial pour remplir le petit pilulier avec les 28 petits carreaux dedans toutes les semaines. Les personnes de 65 ans et plus sont capables, évidemment, et elles le font, de gérer elles-mêmes leur consommation pendant un mois. Alors, là, le pharmacien n'a plus un honoraire hebdomadaire, il en a un mensuel. Est-ce qu'on peut penser qu'on a sauvé un peu d'argent là? La même chose est vraie du côté de l'ordonnance. On peut voir des personnes qui sont capables de gérer et ont constaté qu'elles pouvaient gérer leur consommation de médicaments, et ça coûte 2 $, en fait, par mois pour des médicaments qui en valent, en moyenne, huit

à dix fois plus.

Alors, on est loin de ce que le député de La Prairie disait tout à l'heure: un système privé-public, moitié-moitié. La tarification représente 8 % de nos revenus; les autres 92 %, c'est encore dans le secteur public, c'est des impôts, des taxes de toute nature. Alors, ce n'est pas moitié-moitié là, c'est 8-92. Est-ce qu'on peut penser que c'est un système largement public qu'on a au point de vue des services publics? C'est loin, loin, loin d'être un système mixte et d'être un système moitié-moitié.

Le même genre de raisonnement arithmétique nous a été servi par le député de Montmorency. Là, j'étais un peu plus inquiet parce qu'il se targue, évidemment, d'avoir pratiqué et connu ces choses-là. J'ai peur qu'il ait converti des gens qui sont venus nous parler. La progressivité, ça signifie que plus on gagne d'argent plus on paie de l'impôt pour le dernier dollar de revenu gagné. C'est exactement ça qu'on a; on a une courbe progressive d'impôt.

Aller prétendre que, parce que pour certaines classes on a diminué le taux, c'est régressif, c'est oublier deux choses fondamentales. Il faut parler des choses comme elles sont et comme elles existent dans le monde, disons sur la planète Terre. Ce qui arrive, c'est qu'on doit tenir compte des niveaux d'exemption et des seuils d'imposition nuls. Les personnes qui, aujourd'hui, ne paient pas d'impôt jusqu'à 26 000 $ en payaient autrefois à partir de 10 000 $. Je veux faire remarquer au député que de 10 000 $ à 26 000 $, c'est 0 % le taux marginal, le taux global et le taux moyen de ces gens-là; à partir de plus de 50 000 $, 60 000 $, c'est 24 %. Est-ce qu'on peut penser que de 0 % à 24 % c'est progressif? On a réussi à réduire ça pour tout le monde. On a réduit les impôts pour tout le monde. La courbe des impôts sur le revenu des particuliers a fléchi, et tout le monde a gagné.

Et je comprends que c'est difficile de discuter de ces choses-là, il y a beaucoup de mécanique là-dedans, mais quand il y a des gens comme le député de Montmorency qui viennent lancer des pavés dans la mare, qui font des vagues de cette nature-là... Je comprends que des gens viennent dire comme tout à l'heure: Le crédit d'impôt pour les frais de garde d'enfants devrait être transformé, cette déduction-là, en crédit d'impôt non remboursable de 20 %. Malheureusement, ça pénalise d'à peu près 500 $ une famille monoparentale qui gagne 30 000 $. C'est le genre de choses auxquelles on a eu droit.

Les dépenses fiscales ne sont pas si énormes que ça. Par ailleurs, elles nous ont permis - le ministre des Finances l'a expliqué tout à l'heure - de pouvoir, dans certains cas, faire en sorte... Et il y a des gens partout en Amérique du Nord et en Europe qui le disent: Installez-vous au Québec pour faire de la recherche et du développement. Ça, moi. je l'ai entendu, je l'ai lu, je l'ai vu à la télévision. Des Japonais, des Coréens, des Italiens, des Allemands, des Américains le disent et vendent le Québec comme site d'implantation d'activités de recherche et de développement; ça me paraît extrêmement important. C'est le genre de choses qu'on a faites.

On a des choix qu'on a faits. Ce n'est pas parfait, on est ici pour en discuter. Ce que je demande en terminant, lorsque je regarde le fardeau fiscal et le fardeau des dépenses publiques, je vais vous demander la même question qu'aux autres interlocuteurs: Etes-vous disposés à reconduire l'entièreté de nos programmes de dépenses publiques, vous rendant compte qu'ils évoluent à une vitesse «grand V» considérable, le tout sans augmenter un fardeau fiscal que les gens dénoncent aujourd'hui?

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le président du Conseil du trésor? Est-ce que vous avez des commentaires?

Mme Gosselin: En ce sens que lorsqu'on parle, par exemple, de services de santé ou de services d'éducation, qui ne sont pas gratuits puisque nous les payons tous et toutes, à partir du moment où on les tarife, c'est une augmentation. On va aller les chercher dans les poches des gens, il va falloir qu'ils les paient, et nous pensons que c'est une mesure qui est nécessairement régressive et inéquitable parce que, sous prétexte de dire que c'est les gens qui en ont besoin qui les utilisent... Tout le monde, un jour ou l'autre, aura besoin des services de santé et tous ou toutes bénéficient des services d'éducation; en ce sens-là, c'est de dire: li est préférable que l'État joue un rôle de régulateur et de stabilisateur dans ces domaines-là. (17 h 40)

Si on parle d'un ticket modérateur pour réduire les services, M. le ministre a dit lui-même, M. le Président, que c'était au niveau non pas de la surconsommation des médicaments pour les personnes âgées, ça a limité les frais pour les professionnels de la santé dans ce domaine-là, les pharmacies. Avant d'augmenter les tarifs, ne faudrait-il pas se questionner plutôt sur comment les services de santé sont dispensés par les autres professionnels de la santé? Là, on a fait un débat uniquement sur les coûts; on ne fait pas un débat plus large. Si on parie des frais de garde, le livre blanc semble ouvrir une porte à l'effet que l'on finance plutôt les parents que les services de garde. Ne va-t-on pas comme ça augmenter et favoriser le travail au noir et diminuer les revenus de l'État? Autre question qui se pose.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors,

je vais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de contribuer par votre réflexion à nos travaux.

Je redisais ce matin, comme d'autres collègues ici autour de la table, que nous étions aussi très déçus du fait que le gouvernement n'ait pas compris l'ampleur de la demande qui avait été présentée par les représentantes et représentants des travailleuses et des travailleurs en ce qui a trait à une commission qui allait porter sur la fiscalité. Nous partageons donc avec vous cette déception.

Je suis persuadée, d'ailleurs, que même des collègues des trois ministres ici présents à la commission sont aussi déçus, puisque vous vous souviendrez sans doute, parce que ça vous concernait, qu'il y avait eu dépôt d'un rapport d'un comité de travail sur la rationalisation des dépenses dans la fonction publique, présidé d'ailleurs par M. Poulin, qui avait recommandé de confier à une commission parlementaire itinérante le mandat de se pencher sur la fiscalité québécoise.

D'abord, c'était une commission parlementaire itinérante, et on constate que nous siégerons ici jusqu'à la fin de nos travaux. C'était très largement ouvert, cette demande que les propres collègues ministériels faisaient: lutter contre toute forme d'évasion fiscale, regarder l'établissement d'un revenu minimal garanti, etc., etc. Donc, ça rejoignait les préoccupations que vous nous présentez aujourd'hui. Alors, je comprends un peu mal et difficilement que le gouvernement n'ait pas été attentif aux demandes que vous présentiez, mais que ses propres collègues leur présentaient.

Cela étant dit, dans vos recommandations, dans votre mémoire principal - et je suis consciente que vous n'aviez pas toutes les données auxquelles faisait référence le ministre, mais, de toute façon, cette recommandation-là ne les concerne pas - vous parlez du développement régional autonome et durable. C'est la recommandation 5.6, à la page 39 de votre mémoire. Vous dites: «Toutes les interventions en matière d'emplois devront viser à responsabiliser davantage les régions du Québec et à favoriser un développement régional autonome et durable».

D'abord, un, ce que je trouve intéressant, c'est qu'aussi dans votre document, comme on le retrouve dans un certain nombre d'autres mémoires, ceux de vos collègues qui vous ont précédés à cette table et d'autres à venir, comment on identifie fort bien la source majeure du problème qui est le sous-emploi chronique auquel on est confrontés et vous identifiez évidemment un certain nombre de pistes de solutions. Identifier le problème, je le disais ce matin, c'est déjà trouver une partie de la solution. Alors, j'espère que le gouvernement sera sensible aux points de vue qui s'expriment à cet égard.

Maintenant, de votre côté, quand vous dites «favoriser un développement régional autonome et durable», est-ce que vous seriez d'accord que soit adoptée une perspective de décentralisation de la distribution de services? Parce que je sais qu'il y en a un débat dans vos centrales. C'est un des éléments d'abord d'une politique d'emploi que de rapprocher le niveau de l'action du niveau de décision, et on dit aussi qu'il y a, par ce rapprochement au niveau local ou régional, souvent des économies parce que les gens travaillant ensemble dans des petites unités moins grosses peuvent vivre des améliorations d'efficacité et de productivité.

Alors, je voudrais avoir votre point de vue à cet égard, compte tenu de la recommandation que vous faites ici.

M. Giroux: Je pense que nos organisations sont en faveur d'une décentralisation et d'une régionalisation, une prise en main par les régions de leur développement, donc, davantage de pouvoirs vers les régions et aussi des services, ceux qui doivent être proches des citoyens et des citoyennes sur le territoire, évidemment, décentralisé.

Alors, il y a eu beaucoup de progrès à cet égard-là depuis une décennie, mais il nous semble qu'il devrait encore y avoir des efforts qui soient mis. Quant à nous, quand des changements se produisent et viennent quand même bouleverser nos organisations et les gens qui y travaillent, nous mettons tous les efforts possibles pour que ce soit quand même facilité et pour que le service soit donné tout en maintenant un minimum de sécurité pour nos gens.

Les initiatives de développement, de plus en plus, vont orlglner des gens dans leur propre milieu. C'est avec ces personnes-là qu'il nous faut construire, et améliorer la compréhension des dynamiques régionales, ça ne peut faire qu'améliorer l'ensemble du Québec.

Mme Gosselin: J'aimerais ajouter que nous sommes, particulièrement les deux syndicats ici représentés, d'abord et avant tout au service des citoyennes et des citoyens du Québec, beaucoup plus qu'au service des politiciens et des politiciennes, et que notre rôle est de leur rendre ces services. Si la décentralisation est nécessaire - et, dans certains cas, c'est un fait - nous croyons que cela doit se faire, mais cela doit se faire sous forme de politique concertée, sans effets pervers, et cela doit se faire aussi dans un but réel de développement et pas sous prétexte de développer mais, en même temps, de pelleter ses responsabilités aux municipalités. Je pense, par exemple, au transfert de coûts des services policiers ou au transfert de l'entretien du réseau routier aux municipalités qui, sous le couvert de la décentralisation, va amener une inéquité en termes d'accès au transport et au fonctionnement des citoyens et des citoyennes.

Mme Marois: Je pense que c'est Intéressant

Je sais que c'est un débat qui a cours chez vous et il y a eu, parfois, des discussions pas nécessairement faciles. Je trouve ça intéressant que vous en soyez là dans votre réflexion.

Une autre question, pour ma part, M. le Président. À la page 21 de votre document principal, vous mentionnez «des services publics efficaces». Évidemment, ça concerne votre activité quotidienne. Vous dites que, comme société, nous devons nous donner «les moyens d'évaluer efficacement et régulièrement les programmes, services ou activités gouvernementales, de transformer des programmes qui pourraient être désuets en regard de l'évolution des besoins, de rechercher constamment les modes d'organisation de ces services les plus efficaces, ni même la nécessité de contribuer à débusquer des dépenses inutiles.»

Là, vous donnez un certain nombre d'exemples, mais j'aimerais que vous élaboriez un petit peu sur ça. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller dans ces avenues-là avec vos membres? C'est à la page 21 de votre document. C'est amusant parce que Mme Maude Gosselin et mol, on participait, avec notre collègue de Verdun, à un échange, vendredi dernier, dans le cadre de ce débat-ci et on se disait que oui, il y avait matière à amélioration et qu'à cet égard, il y avait une volonté, de la part de tous les partenaires, de trouver ces avenues-là d'amélioration. Alors, j'aimerais ça que vous élaboriez un peu sur cet aspect-là.

M. Giroux: II y a sûrement certaines avenues d'amélioration sur lesquelles nous sommes davantage en mesure, avec nos membres, d'être créatifs et d'intervenir; c'est l'ensemble des éléments qui concernent la façon dont on donne les services parce que l'évaluation des programmes versus les besoins, évidemment, ce n'est pas à nous, comme employés de l'État, à faire des choix, c'est à ceux qui gouvernent; on en est bien conscients. Mais sur la manière de distribuer, de donner les services, sur l'organisation du travail, oui, il y a des choses différentes qui peuvent être faites. Nous sommes prêts à y concourir avec toutes nos énergies possibles, et je pense que nos gens sont prêts aussi à le faire, à les assumer, à supporter ces changements qu'ils devront vivre eux-mêmes, dans la mesure où ils sentent bien qu'il y a un objectif au bout qui n'est pas d'atteindre un objectif politique quelconque, mais bien de dire: Oui, nous allons faire des efforts pour améliorer la qualité du service aux citoyennes et citoyens.

Mme Marois: Est-ce que vous avez l'impression qu'on vous offre les outils et la possibilité de le faire dans le système actuel?

M. Giroux: Très timidement; très timidement.

Mme Gosselin: Très peu.

Mme Marois: Je vous remercie. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon. L'alternance. Il vous reste du temps? O.K., allez-y, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Ah bien, écoutez, ça enchaîne un peu sur l'intervention de ma collègue de Taillon. J'ai entendu le président du Conseil du trésor, tantôt, faire la remarque suivante: Ce sont «mes» employés! Bon! C'est vrai, vous êtes «ses» employés...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de La Prairie, brièvement...

M. Lazure: Oui, brièvement, d'accord. (17 h 50)

Le Président (M. Lemieux): ...parce que je dois faire respecter la règle de l'alternance.

M. Lazure: Je voulais simplement rappeler au président du Conseil du trésor que le rapport unanime de la commission du budget et de l'administration, qui a été rendu public il y a plus de deux ans maintenant, communément appelé rapport Lemieux-Lazure, demandait dans une de ses 46 recommandations qu'il y ait un ministre délégué à la fonction publique et aux services aux citoyens de manière à ce que le ministre président du Conseil du trésor, qui est surtout préoccupé des ressources financières, soit remplacé par un ministre, lui, principalement préoccupé par les ressources humaines de son ministère et les services à la clientèle.

Deuxième remarque, M. le Président, le président du Conseil du trésor disait tantôt: Oui, les 2 $ ont changé le comportement quant aux médicaments. Je vais me contenter, M. le Président, de lui citer un paragraphe d'un document qu'il connaît. Ça s'appelle «Un financement équitable à la mesure de nos moyens.» Toujours l'expression «à la mesure de nos moyens», mais celui-là, c'est son collègue de la santé qui l'a publié il y a un peu plus d'un an. Et voici ce qu'il dit au sujet de la tarification, du ticket modérateur: «Une contribution modeste - parce qu'il s'agit d'une contribution modeste selon le président du Conseil du trésor, et là-dessus on est d'accord, les 2 $ - des usagers entraînerait une réduction de la consommation des services qui, de l'avis du ministère, ne serait probablement pas très importante ni durable pour les principales raisons suivantes». Et je l'engage à suivre cette enumeration de raisons et consulter le document de son collègue de la santé.

Et si la contribution, d'autre part, est importante, et non plus modeste cette fois-ci, si le tarif est important, à ce moment-là le même document nous dit que c'est à éviter parce que ça devient une taxe à la maladie. Et, M. le Président, je pense que la tarification, qui est une des pierres angulaires des solutions propo-

sees par le gouvernement, de même que la désas-surance de services qui est déjà commencée par les services optométriques et par les services dentaires, ces mesures-là finissent par coûter à l'ensemble de la collectivité québécoise plus cher que ce que ça nous coûte actuellement.

M. le Président, moi, je constate avec plaisir, surtout à la page 13 et suivantes, que les représentants qui sont devant nous, les fonctionnaires aussi bien que les professionnels semblent être du même avis, et je voulais simplement leur donner la chance de renchérir ou de donner plus de détails sur leur opposition au bris à l'universalité ou aux brèches à l'universalité.

M. Giroux: Essentiellement, c'est un peu toute la dynamique. L'universalité, c'est davantage pour les gens qui souffriraient financièrement d'incidences, par rapport à leur santé ou autrement, de faits qu'ils ne contrôlent pas. Et c'est essentiellement pour ces personnes-là, ce n'est pas pour les gens à hauts revenus. Les gens a hauts revenus pourraient passer à travers beaucoup plus facilement.

Si, maintenant, on impose à ces personnes de payer, en plus de leurs impôts, pour avoir droit à ces services - parce qu'ils n'auront pas de diminution d'impôts pour le faire - on pense que c'est la pire avenue pour permettre à ces gens-là d'avoir une qualité de vie qui soit correcte. Ce serait une diminution quant à leur qualité de vie. Il y a d'autres avenues, nous semble-t-il, plus profitables. Il y a des gens, on l'a souligné, on en a parlé tout à l'heure... Même si M. Johnson dit qu'il existe une certaine progressivité, bien sûr, qu'il y en a une, mais pourquoi au-delà de 50 000 $ il n'y en a plus? Pourquoi? Pour éviter que des gens qui gagnent plus de 50 000 $ aient la tentation d'aller en Ontario, on dit: Faites-le en concertation avec l'Ontario. Ça a marché sur le salaire minimum. Pourquoi ça ne fonctionnerait pas à cet égard-là? Pourquoi ne pas le faire aussi pour les déductions sur gains de capital de 100 000 $? C'est des mesures qui ne donnent rien mais qui coûtent très cher. Avec ça, on est bon pour trouver un bon 500 000 000 $ déjà dans la cagnotte. C'est énorme, 500 000 000 $ récurrents, année après année.

Mme Gosselin: J'ajouterais là-dessus... Le Président (M. Lemieux): Oui.

Mme Gosselin: ...que, en termes de santé, on peut difficilement faire quelque chose de plus essentiel. Si ce n'est pas l'État qui l'assume, les gens devront l'assumer de leur poche.

Je pense que nous l'avons dit plusieurs fois dans le mémoire. À ce compte-là, quand on parle des services qu'on a les moyens de se payer, a-t-on les moyens d'être malade? On devra les payer, et l'idée que ce soit assumé par l'État, c'est simplement un rôle de redistributeur et de s'assurer que l'ensemble des personnes a accès et est traité de façon équitable. Ça ne changera rien au coût qu'on en paie une partie ou que ce soit l'État qui le paie globalement. De toute façon, on n'a qu'à voir les coûts du système de santé aux États-Unis, un système de santé privé ne coûte pas moins cher.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Peut-être, brièvement, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je voudrais continuer avec vous sur la question de la tarification.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, j'aurais peut-être une petite question à poser brièvement.

M. Gautrin: Vous avez une petite question? Allez-y, cher ami!

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor, allez-y. Vous avez une petite question?

M. Johnson: Ma question, c'était de savoir combien de temps le député de Verdun me laisserait, M. le Président. Non, c'était simplement parce que je voulais dire que je trouvais ça admirable, évidemment, de la part de nos représentants les professionnels, notamment, de venir plaider - je présume qu'ils ont un mandat de leurs membres - pour qu'on taxe leurs membres davantage. C'est ça qui va arriver. Les dépenses fiscales dont on parle, qu'il s'agisse des 100 000 $ pour les exemptions de gains de capital, ce n'est pas les riches qui vont en bénéficier - pour eux autres, c'est parti ça fait longtemps, l'exemption - c'est des gens dans les classes de revenus des professionnels du gouvernement du Québec. C'est la même chose pour un tas d'abris, soi-disant des abris fiscaux qui sont des dépenses fiscales qu'on a décidé de se donner. Alors, je trouve ça admirable. Je trouve ça admirable que vous ayez le mandat, au nom de vos membres, de venir nous demander qu'on les taxe davantage.

Ceci étant dit, trêve de facéties, vous connaissez la collaboration qu'on pourrait avoir, justement, dans les dimensions d'organisation du travail, de redéfinition des services pour en assurer une prestation de qualité, à un niveau et à un volume nécessaire pour rencontrer les besoins. C'est ça, les efforts de productivité dont vous parliez. Je trouve ça extrêmement intéressant et je me permets de souligner, en rapport avec ce que le député de La Prairie disait, il m'apparaît que - et ce n'est pas dans l'airain -si c'est le même ministre qui s'occupe des ressources du gouvernement, qu'elles soient humaines, matérielles et que la jonction se fasse

entre les deux, pour que ce soit efficace, la prestation des services publics, ça a un impact sur le régime de négociations, l'organisation du travail, la façon dont on gère notre personnel et, évidemment, le coût que ça représente. Alors, vous me permettrez de prétendre que ce n'est pas un mauvais système d'avoir le même ministère ou le même ministre qui est responsable de l'ensemble de la gestion, de l'utilisation, de l'optimatisation, donc, des ressources que nos concitoyens mettent à leur propre disposition.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Moi, j'aurais une petite question, mais je la poserai à la toute fin. Allez-y, M. le député de Verdun, si vous me laissez 15 secondes.

M. Gautrin: Brièvement, chers amis, vous semblez opposés à toute tarification dans les services publics. Votre argument contre la tarification, c'est de dire que les gens n'auraient pas le moyen de bénéficier des services. Comment réagiriez-vous si on avait une tarification progressive, c'est-à-dire en fonction, de la capacité de payer de l'individu? Autrement dit, par exemple, comment réagiriez-vous si certaines formes de tarification pour les soins de santé étaient liées par le biais de la fiscalité, au lieu de la déclaration d'impôt, par exemple, aux revenus de l'individu? Ce qui maintiendrait le principe fondamental qui est celui de l'accessibilité aux services et qui permettrait, en fonction de la capacité de payer de l'individu, de pouvoir contribuer un peu aux services qu'il reçoit de l'État.

Mme Gosselin: Je répondrais là-dessus, d'abord: Où est-ce qu'elle est, la capacité? Je vais prendre l'exemple que je prenais au tout début. Une personne, chef de famille monoparentale, avec deux enfants, qui gagne entre 25 000 $ et 30 000 $ par année. L'ensemble de ses revenus aujourd'hui, une fois ses impôts payés - et il semble que les impôts ne diminueraient pas - est strictement consommé.

M. Gautrin: vous ne comprenez pas ma question. excusez-moi, je vous arrête tout de suite parce que vous ne comprenez pas ma question.

Mme Gosselin: J'ai tout à fait compris. M. Gautrin: Vous répondez à côté, là.

Mme Gosselin: Pas du tout. Laissez-moi terminer, monsieur, s'il vous plaît. Je vous ai écouté, alors, je vous demanderais d'écouter également.

M. Gautrin: Non, non, mais écoutez, là...

Le Président (M. Lemieux): Veuillez vous adresser au président, s'il vous plaît. Il est 18 heures, s'il vous plaît, M. le député de Verdun. Allez-y, madame.

Mme Gosselin: Oui, M. le Président. Ce que vous proposez, M. Gautrin, c'est que, par exemple, on ajoute les soins de santé, en termes de tarif, au bout de l'année, qu'elle puisse en payer une partie. Mais, moi, ce que je soutiens, ce que nous soutenons, dépendant des revenus, mais pour beaucoup de gens de revenus modestes, qui sont les revenus types au Québec...

M. Gautrin: Ils seraient exemptés!

Mme Gosselin: Non, parce qu'actuellement vous parlez des faibles revenus.

M. Gautrin: Ils seraient exemptés, dans ce que je vous ai suggéré.

Mme Gosselin: De la façon dont vous procédez, ce n'est pas sûr, parce que ce serait progressif. Actuellement, ces gens-là paient déjà, en proportion, plus d'impôts que des gens qui ont des revenus plus élevés. Alors, si vous l'appliquez également sur les revenus, si on ne revolt pas globalement l'Imposition, ça ne changera rien. Ça va déjà être trop élevé pour ces personnes-là. (18 heures)

M. Gautrin: Je répète, madame, ma question qui est la suivante: Comment réagissez-vous au fait que ce soit les gens qui ont des revenus plus élevés qui ont une certaine forme de tarification et que les gens qui ont des revenus faibles, comme vous l'avez dit tout à l'heure, ne soient pas amenés à contribuer par voie de tarification? Alors, on est d'accord avec vous. Les gens, dans l'exemple que vous m'avez dit, nous ne leur demandons rien. Ce n'est pas ça que je cherche, c'est les revenus élevés.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, oui, M. Giroux.

M. Giroux: L'équation que vous faite, c'est celle de l'effort financier par le biais d'un impôt et de la consommation...

M. Gautrin: C'est ça.

M. Giroux: ...alors que la vraie équation à faire, à notre sens, c'est effort financier - dans votre esprit - versus qualité de la santé. Quelqu'un qui aurait un enfant plus malade qu'un autre, lui-même aurait davantage besoin de soins, aurait à payer plus d'impôt qu'une autre personne. Il me semble que ce n'est pas le genre de société dans laquelle nous voulons vivre. Je comprends très bien ce que vous voulez dire. Tant qu'à tarifer, on peut tenir compte de la capacité de payer, mais au fond, ce que vous

allez taxer, c'est la qualité de santé des gens.

M. Gautrin: C'est-à-dire qu'on tarifie en fonction de la capacité de payer des individus.

M. Giroux: Mais plus ils seront malades... Quelqu'un qui ne serait pas malade aurait moins d'impôt.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, ça va?

M. Gautrin: Plus ils consomment de biens, plus ils devront contribuer.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Verdun?

Alors, M. le ministre du Revenu, vous voulez une minute, et, moi, je veux... Il nous reste deux minutes: une minute, une minute. Ça va. Allez-y! J'en prends une; vous en prenez une.

M. Savoie: C'est tout simplement pour faire une petite intervention au sujet des montants d'impôt pour la famille monoparentale, ce qu'elle paie aujourd'hui vis-à-vis de ce qu'elle payait auparavant.

Je peux vous dire que les informations que vous avez ne concordent pas du tout avec les informations que nous avons, et on les croit erronées. En conséquence, je suis tout à fait disposé à organiser une rencontre entre des gens de chez nous et vous pour peut-être présenter les tableaux et vous expliquer comment ça fonctionne, l'imposition, par exemple, du cas, justement, d'une mère responsable de deux enfants, qui gagne 30 000 $, sa situation aujourd'hui vis-à-vis de sa situation auparavant. Effectivement, il y a une évolution au niveau de la fiscalité, vous allez le constater. Alors, on peut vous rendre ce service-là avec beaucoup de plaisir.

Mme Gosselin: M. le ministre, ce n'est pas ça que nous avons mis en cause, nous savons qu'il y a des mesures. Ce que nous disons, c'est que ce n'est pas suffisant, et de tarifer la santé aurait comme conséquence, justement, de défaire les mesures qui ont été mises en place, qui sont à peine suffisantes pour ne pas dire insuffisantes.

J'aurais aussi une question à poser aux gens qui sont dans cette assemblée, M. le Président, si vous me le permettez. Nous, on vous l'a exprimé, nous sommes prêts à faire notre part. Personnellement, j'ai des revenus qui seraient taxés; je suis prête à faire ma part. Est-ce que les ministres ici présents, M. le Président, sont également prêts à faire la leur?

Le Président (M. Lemieux): Simplement, là-dessus, une petite question. J'ai pris la peine de lire votre mémoire et je me suis attardé, moi aussi, comme Mme la députée de Taillon, à la page 21: «Des services publics à la mesure de nos aspirations. Des services publics efficaces.» Je ne vous cacherai pas que j'aurais aimé que ce soit plus élaboré sous cet aspect-là, parce que si, vous, vous avez comme patrons les citoyens et les citoyennes du Québec, je peux vous dire une chose: J'ai les mêmes que vous. Je veux bien que vous le compreniez: J'ai les mêmes patrons que vous, moi aussi, l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. Ce qui est intéressant pour eux, ce sont les coûts des services publics.

On a parlé du niveau de taxation, du niveau d'impôt. Il y a une question que je me pose souvent pour être un ancien fonctionnaire. Je me pose souvent la question à savoir si la sécurité d'emploi, justement, n'est pas un frein à la productivité et à la performance dans la fonction publique. C'est seulement une question que je vous pose, et je vous laisse là-dessus parce que, malheureusement, notre enveloppe de temps est terminée. Si vous vouliez élaborer un petit peu là-dessus, ça m'intéresserait d'élaborer là-dessus, de vous entendre.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): M. le Président, est-ce qu'on peut répondre, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Harguindeguy: Je pense que l'orientation qu'on a mise de l'avant, on vous l'a déjà soumise lors d'une précédente comparution devant la commission parlementaire du budget et de l'administration, il y a presque deux ans, où l'ensemble des syndicats de la fonction publique faisaient l'évaluation de la gestion. On a soumis passablement de recommandations qui, malheureusement, n'ont pas été retenues. On n'a pas refait l'opération cette fois-ci parce qu'on a suggéré bien des changements, et vous avez passé complètement à côté de nos recommandations pour ce qui est de la gestion proprement dite et de l'efficacité des opérations du gouvernement.

Quant à la question de la sécurité d'emploi, je pense que c'est se leurrer que de prétendre qu'au gouvernement tous les employés ou tous les personnels ont la sécurité. Près de 30 % des effectifs sont occasionnels et, graduellement, de moins en moins de gens ont la sécurité d'emploi compte tenu, d'abord, de l'imposition des deux ans, du désengagement du gouvernement qui transfère de plus en plus vers les municipalités certaines responsabilités et également vers des sociétés autonomes, des sociétés de développement de la main-d'oeuvre, des sociétés d'État de santé dans lesquelles il n'y a pas de sécurité d'emploi. De prétendre qu'au gouvernement la productivité est conséquente de la sécurité d'emploi, je pense que c'est faire une mauvaise évaluation.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Giroux.

M. Giroux: Oui. Moi, je peux vous dire que les gens, que quiconque a un emploi, normalement - II y a toujours des exceptions - les gens veulent être efficaces, productifs, parce que c'est valorisant. Or, de prétendre que parce que quelqu'un a un emploi et ne peut pas le perdre...

Le Président (M. Lemieux): J'ai posé la question...

M. Giroux: Oui, mais il me semble que c'est un faux problème.

Le Président (M. Lemieux):... mais je ne prétends rien.

M. Giroux: II me semble que c'est un faux problème. Mon collègue me faisait remarquer qu'au Japon, dans les entreprises privées, les gens ont la sécurité d'emploi. Ils sont là à vie. La productivité des entreprises japonaises semble assez bonne, il me semble, enfin, dans l'automobile et dans d'autres secteurs très précis.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, II faudrait revenir sur ce que disait le président du Conseil du trésor tout à l'heure quand H disait que la courbe des taux d'impôt est progressive encore. Elle est progressive encore, mais la différence, c'est qu'en 1985 il y avait 20 points de pourcentage entre le plus bas taux et le plus élevé, entre 13 % et 33 %, alors que maintenant, il n'y a que 8 points de pourcentage. Et c'est là où la progressivité a diminué de façon considérable, c'est entre 16 et 20 points de pourcentage.

Ça, c'est un élément très, très important, lorsqu'on parle de progressivité, de ne pas juste qualifier de progressive une courbe d'impôts, mais de regarder de là où elle part jusque là où elle aboutit. Ça, je tenais à rectifier...

Une voix:...

M. Léonard: Je comprends.

Deuxièmement, M. le Président, sur la question des estimés, je pense que le ministre du Revenu n'est pas très loquace. Il manque de moyens, d'ailleurs, pour l'être; alors, il serait mieux de garder la paix!

M. le Président, le document qui nous a été remis en addendum fait des corrections aux revenus et aux dépenses. Le président du Conseil du trésor a fait quelques remarques sur ce plan tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez épilo-guer sur cette question? À mon sens, c'est important.

Vous traitez de certains chiffres là-dedans et vous remettez en cause des hypothèses.

Encore une fois, je ne dis pas que les économistes du ministère des Finances ont fait des erreurs d'addition ou de multiplication, mais je remets quand même en cause les hypothèses qui les sous-tendent comme je l'ai fait ce matin. Il reste qu'entre le 15 mai dernier et aujourd'hui il y a quelques différences dans les prévisions qui demandent explication. Et puis que l'on pose des questions sur les prévisions qui sont dans les documents à l'heure actuelle, par rapport à ce que ce sera réellement dans l'avenir, je crois qu'il y a matière à discussion et j'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Lemieux): M. Giroux

M. Giroux: Oui, bien, enfin, on n'a pas assisté ce matin aux précisions que M. Johnson a données et qu'il nous a rappelées tout à l'heure. Alors, je ne reviendrai pas sur la partie des revenus. Nous, on a fonctionné avec la base de revenus de l'année 1992-1993, avec une augmentation équivalente au PIB.

M. Johnson dit: II y a des mesures fiscales qui vont moins rapporter, des changements dans les mesures fiscales, dans les taux d'intérêt; c'est possible, évidemment. Mais la question demeure, à mon avis, quant aux dépenses budgétaires. Les 1 700 000 000 $ qui sont attribuables à la conjoncture économique et sur lesquels on a ajouté 3, 1 % au-delà de l'inflation annuellement - parce que c'est ce qu'on a fait dans les projections - ça me semble exagéré.

En 1992-1993, il y a eu une augmentation des dépenses, sans tenir compte de la conjoncture ni des compressions, de 3, 1 % de plus que l'inflation. Qu'on retienne ce facteur pour les années subséquentes, très bien, mais on devrait y soustraire les dépenses liées à la conjoncture économique, à la sécurité du revenu, à davantage de dépenses en éducation et enseignement supérieur, alors qu'on les a gardées et qu'on les a fait croître de la même manière, alors qu'elles devraient diminuer au fil des ans et, peut-être pas l'an prochain totalement, mais dans trois ou quatre ans, avoir à peu près disparu normalement.

M. Léonard: Dans les derniers discours du budget, on prenait pour acquis, sans qu'on l'ait jamais prouvé, que les dépenses en matière de santé augmentaient d'IPC+3 %, mais ce n'était pas le cas dans les dépenses autres que la santé. Maintenant, c'est 3, 1 % appliqués à l'ensemble des dépenses du gouvernement, et je pense que cela mérite explication, parce que c'est nouveau dans le décor et ce n'est pas prouvé non plus. (18 h 10)

Le Président (M. Lemieux): II n'y a pas de commentaires?

M. Giroux: Cela a été quand même le cas en 1992-1993, l'ensemble des dépenses a aug-

mente de 3,1 % de plus que l'inflation. Bon. M. Léonard: Bien oui, c'est ça.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Rapidement, M. le Président, avant de terminer ces échanges, j'aimerais rectifier, effectivement, l'interprétation du président du Conseil du trésor. Je sais que ma petite table d'impôt est simple et que les gens peuvent comprendre ça. Je sais que le président du Conseil du trésor a de la difficulté à comprendre la régressivité, mais il y a un autre tableau, ici, justement, dans l'étude présentée par des gens, ici, qui vous donnent un tableau. Écoutez, là, ça vient du Conseil canadien de développement social. C'est de l'information qui vous dit que la nouvelle taxation où on est actuellement, que vous ayez un conjoint, une conjointe, deux enfants, etc., démontre de la régressivité très importante. Si la petite table d'impôt est trop compliquée pour vous, vous pouvez vous référer à ce document-là, également, qui va vous permettre de mieux saisir toute l'ampleur de la régressivité.

Également, M. le Président, où je souscris un peu à la philosophie de nos personnes, ici, qui s'objectent un peu à la tarification au niveau de la santé, j'ai l'impression qu'ils ont un peu raison dans le sens suivant. Dans les années 1970, on finançait la santé à même les taux d'impôt. Il y avait un taux d'impôt à part, où on percevait des impôts à part et des déclarations d'impôt, et on finançait la santé. On a intégré ce financement-là à nos tables d'impôt à travers les années. Alors, les tables d'impôt qu'on paie déjà prévoient des sommes d'argent pour la santé. Et si, en plus, on va chercher une tarification, bien, j'ai l'impression qu'on demande à une population, à des citoyens, de payer en double: ils le paient déjà a travers leur table d'impôt, ils le paient déjà à travers leurs taux d'imposition, d'ailleurs, qui ont été regroupés à travers les années, qui ont été mis ensemble, qui ont été soudés au niveau de la table d'impôt. Et là, si on veut y aller vers une tarification, bien, les gens vont croire qu'effectivement on les surtaxe, on les taxe en double pour un service qu'ils ont déjà payé.

C'est comme je le disais un peu, moi aussi, ce matin: Quand vous êtes rendu à payer des sommes d'impôt aussi phénoménales qu'on exige actuellement au ministère du Revenu et que le ministère vous demande un petit 20 $ pour réviser votre cotisation, c'est comme quelque chose qui est de trop.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Et tout ce phénomène de tarifi- cation là, M. le Président, c'est ça qui est dangereux. Et je partage effectivement la philosophie d'être très prudent parce que les gens, encore une fois, vont avoir l'Impression de payer pour quelque chose qu'ils ont déjà payé, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le député de Montmorency.

Je remercie les participants à cette commission parlementaire, et nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir, pour reprendre avec la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux afin d'entendre la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Je demanderais aux gens de bien vouloir s'identifier pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats et, de plus, à l'intervenante de bien vouloir nous faire état de son mémoire pour une durée de 20 minutes. Il y aura, après, un échange entre les groupes parlementaires pour une durée de 40 minutes: 20 minutes au parti ministériel et 20 minutes au parti de l'Opposition.

Nous vous écoutons, madame.

Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ)

Mme Lavallée (Diane): J'aimerais saluer ce soir les membres du gouvernement et ceux de l'Opposition officielle. Avant de commencer, je vais vous présenter les gens qui sont avec moi, de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. À la droite, vous avez Marie-Andrée Comtois, qui est conseillère syndicale; Lina Bonamie, qui est responsable politique à l'exécutif de la Fédération; Thérèse Théroux, qui est coordonnatrice à la FIIQ; et moi, présidente, Diane Lavallée.

Nous vous faisons part ce soir, en fait, de l'état de notre réflexion sur le développement socio-économique du Québec, sur les besoins des individus qui y contribuent et, surtout, sur les principes fondamentaux et les orientations qui doivent prévaloir à ce développement. Nous réitérons à cet effet qu'il appartient aux Québécoises et aux Québécois de même qu'aux représentants du gouvernement et des élus du Québec d'élaborer ensemble ces principes.

Au même titre que nos partenaires des organisations syndicales et populaires que vous avez entendus et que vous entendrez en audien-

ce, nous déplorons le peu de temps planifié pour la préparation des mémoires requis par cette commission. Nous déplorons aussi le cadre étroit que le gouvernement a délibérément fixé à ce débat tant attendu, soit celui du strict aspect du financement des services publics. Le gouvernement nous l'a proposé sans égard à des perspectives claires de développement social et économique, sans égard aux principes fondamentaux et aux critères qui doivent prévaloir à l'établissement de la politique fiscale de l'État, sans égard aux choix qui sous-tendent l'élaboration ou qui motivent les coupures ou l'abolition de programmes sociaux ou de modes de financement public et aussi sans égard à un cadre de partenariat véritable.

La preuve en est qu'à une semaine du début de cette commission, devançant ce que les représentantes et les représentants des milliers de Québécoises et de Québécois avaient à dire, le gouvernement nous présente une facture d'épicerie assortie de modalités de paiement qui nous attendent en trois versements au moins puisqu'il mettra à contribution les travailleuses et les travailleurs de l'État, les consommatrices et les consommateurs de services et, dans un troisième temps, les contribuables. Nous tenons à dire notre désaccord avec le gouvernement sur l'orientation de ce document intitulé «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens».

En effet, nous refusons d'entrer dans sa logique en ce qui a trait à l'analyse qu'il fait des finances publiques, et surtout aux moyens qu'il semble vouloir mettre de l'avant. En ce sens, une précision s'impose aussi, dès le départ, quant à notre présence ici et aux propos que nous désirons tenir. Tout d'abord, nous ne pensons pas qu'il sera opportun de discuter ici du contenu de la prochaine négociation ni du mode que les parties utiliseront pour arriver à conclure une entente négociée. Nous ne répondrons donc pas aux propositions du gouvernement concernant le gel pour cinq ans des 20 000 000 000 $ qui défraient actuellement tout ce qui concerne la rémunération des salariés. Nous ne réagirons pas non plus aux exemples qu'il donne d'économies possibles au niveau de la productivité de ses employés. Bien que nous nous sentions en situation de hold-up - nous l'avons déjà dit lors d'une rencontre antérieure - nous attendrons la prochaine ronde de négociations pour négocier la rémunération globale de nos membres et toutes les autres questions relatives à leurs conditions de travail. Nous ne nions évidemment pas les difficultés financières de l'État québécois, mais nous déplorons l'attitude du gouvernement qui exploite ses problèmes pour créer une situation de panique.

Nous constatons également que le discours et certaines décisions gouvernementales attisent au lieu de tempérer la grogne des payeurs et des payeuses de taxes. Plutôt que de faire appel à la solidarité sociale et de parler de redistribution des revenus et de justice sociale, bien, le gouvernement libéral, suivant à la lettre les prescriptions des théories néo-libérales, oriente ses choix vers son propre désengagement et tente de défendre l'État minimal. Pourtant, l'expérience des dernières années nous a démontré avec assez de vigueur, selon nous, à ce qu'il nous semble, les méfaits très scandaleux qu'une telle perception de l'État peut produire sur le tissu social et économique.

Nous intervenons donc devant cette commission qui s'est élaborée en vue d'affirmer qu'il nous faut préserver nos acquis sociaux, qu'il faut trouver aussi les outils plus efficaces pour lutter contre la pauvreté et pour le développement des stratégies d'emploi. Nous souhaitons surtout contribuer à démontrer que les choix du gouvernement doivent être garants de solidarité sociale, de justice, d'espoir et, surtout, d'avenir. Nous nous arrêterons, pour ce faire, en cours d'audience, au rôle de l'État, à la lutte à la pauvreté et au chômage, à la fiscalité et à son rôle social et aux voies de sortie aptes à rallier les Québécoises et les Québécois. (20 h 10)

Concernant le rôle de l'État, bien, on considère qu'il doit jouer un rôle moteur dans le développement social et économique du Québec. Il lui appartient donc de formuler, avec les Québécoises et les Québécois, les principes fondamentaux autour desquels nous faisons consensus. Une fois ce consensus acquis, il lui appartient de gérer les finances publiques à la lumière de ces principes. Or, bien que fréquemment réaffirmés dans des documents gouvernementaux, des principes fondamentaux tels que le droit à l'éducation, le droit à la santé, le droit au travail ont fait l'objet de brèches dans les décisions politiques gouvernementales. Parmi les exemples concrets et surtout très récents qui font état de brèches dans ces mêmes principes, bien, la FIIQ a invoqué les effets de la loi 9, particulièrement l'attribution du ticket modérateur sur les prescriptions destinées aux personnes âgées, l'abolition de la gratuité des soins dentaires pour les enfants et l'abolition des soins optométriques pour les adultes.

Nous évoquons aussi à votre mémoire la brèche à l'universalité de l'allocation de maternité, qui n'est plus accessible pour les femmes qui font partie de familles ayant un revenu familial de 50 000 $ et plus. Enfin, dans le domaine de la santé, les fermetures de lits, les abolitions de postes, l'augmentation du fardeau de la tâche et la «précarisation» sont maintenant monnaie courante. Les infirmières vivent ces situations et savent que ces mesures influencent l'accessibilité réelle de la population aux services de santé. Cela influe également sur l'état de détérioration souvent plus avancée de la santé de certains patients lorsqu'ils sont finalement admis en centre hospitalier après des périodes d'attente

souvent trop longues. Voilà autant d'exemples qui démontrent que les choix gouvernementaux des dernières années nous ont éloignés des principes d'universalité, d'accessibilité et de gratuité des programmes sociaux ou des mesures sociales que la population entend toujours voir respecter.

Or, dans un contexte où la pauvreté gagne du terrain, il faut que le gouvernement puisse répondre aux attentes de la population québécoise en réaffirmant des principes, selon nous très clairs, et en élaborant des programmes sociaux aptes à ne pas les infirmer. C'est pourquoi nous vous présentons les recommandations suivantes: Que soient réaffirmés les principes d'universalité, d'accessibilité et de gratuité des services d'éducation et des services de santé au Québec de manière à assurer le financement public de ces services; que la loi 9, qui modifie la Loi sur l'assurance-maladie du Québec, en vigueur depuis juin 1992, soit abrogée; que l'universalité de l'allocation de maternité soit rétablie.

Maintenant, parlons de la lutte à la pauvreté en rappelant que le premier ministre, M. Bourassa, et le ministre des Finances, M. Leves-que, avaient paru sceptiques au moment de la publication des données du Conseil national du bien-être sur le taux de croissance inquiétant de la pauvreté au Canada, et plus particulièrement au Québec. Nous tenons simplement à signifier ceci: Les familles aux prises avec la pauvreté attendent plus qu'une querelle de chiffres autour de leurs problèmes. Outre le fait que nous souhaitons que le présent exercice de réflexion collective aboutisse à des mesures concrètes pour lutter contre ce phénomène, nous avons choisi de citer deux approches en argumentation sur la croissance de ce phénomène: celle des recommandations, entre autres, du rapport Bouchard, aptes à favoriser la lutte à la pauvreté des enfants et de leur famille, et auxquelles nous renvoyons le gouvernement afin qu'il s'emploie à les mettre en application. Signalons que, parmi les recommandations de ce rapport, on cite l'accès au travail comme outil de la lutte à la pauvreté par le biais d'une politique de plein emploi.

Nous citons une seconde approche, celle constituée des résultats d'une recherche économique qui a été publiée dans la revue québécoise Le marché du travail en décembre dernier. Cette étude énumère, entre autres, les principaux facteurs qui concourent à créer les inégalités sociales et les raisons de la variation du taux de pauvreté au Québec. Elle démontre très clairement que le chômage est la cause principale de la pauvreté. Bien, puisque le chômage a de tels effets sur la pauvreté et les inégalités dans la distribution du revenu, il conviendrait donc que les gouvernements, et particulièrement celui du Québec, s'y attaquent, et ce, de toute urgence.

Nous présentons à cet effet les recommandations qui suivent, à l'effet que soit augmenté le revenu disponible pour les petits salariés; que soit mise en oeuvre une stratégie de plein emploi; que soient abolies les mesures pénalisantes reliées aux initiatives prises par les personnes recevant du bien-être social pour améliorer leurs conditions de vie ou pour leur permettre de réintégrer le marché du travail; que les pensions alimentaires soient déduites de l'aide sociale au même taux que celui qui est appliqué dans le cas de revenus d'emplois; que le gouvernement instaure une allocation universelle de soutien à la grossesse et qu'il mette en oeuvre le rapport Bouchard, prioritairement la proposition 15 à l'effet de simplifier et de rehausser les programmes de soutien financier qui sont destinés aux enfants, de façon à relever de manière significative le niveau de vie des familles à très faibles revenus.

Concernant, maintenant, le rôle de la fiscalité au Québec, bien, nous sommes d'avis que la politique fiscale du gouvernement du Québec devrait d'abord avoir pour rôle de recueillir tous les revenus nécessaires à la redistribution de la richesse. Il devra ensuite remplir ce rôle en adoptant des mesures empreintes de transparence, d'équité et de justice sociale. Ainsi, il fera en sorte de les utiliser au développement du capital humain du Québec et, ce faisant, il contribuera au développement économique, social et culturel des Québécoises et des Québécois. Pour ce faire, nous croyons que le gouvernement doit reconnaître clairement qu'il y a actuellement des iniquités verticales et qu'il doit, par conséquent, oeuvrer à l'établissement des mesures aptes à rétablir une meilleure progressivité de l'impôt sur le revenu, des particuliers comme des entreprises, et de façon à ce que chacun contribue vraiment selon sa véritable capacité de payer.

Nous souhaitons également que le gouvernement se penche sur l'iniquité des taxes à la consommation, qui ne contribuent, selon nous, en rien à stimuler l'économie. Donc, nous recommandons que soit rétablie une meilleure progressivité de l'impôt, qu'on établisse pour les hauts revenus un impôt minimal effectif d'au mois 10 %, que soient révisées les taxes à la consommation, particulièrement la TVQ qui pourrait être sujette à moratoire relativement à son extension et qui pourrait comporter, le cas échéant, des transferts équitables reliés aux biens et services de base. Que soit rétabli aussi, à moyen et à long terme, l'équilibre entre la part des impôts payés par les entreprises et par les particuliers en tenant compte aussi de la conjoncture.

Concernant l'iniquité horizontale, elle doit aussi, à notre avis, faire l'objet d'interventions actives du gouvernement pour ainsi rétablir l'équilibre, surtout à l'égard des plus démunis. Nous pensons ici aux femmes et aux familles à bas revenus à propos desquelles nous intervenons plus précisément dans notre mémoire. Nous croyons également que le gouvernement doit songer à traiter les revenus de capital sur la même base que les revenus de travail. Voilà

pourquoi nous vous recommandons, pour combattre l'iniquité horizontale, que soit établi un mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires, que soit convertie en crédits non remboursables la déduction actuelle pour frais de garde, que la pension alimentaire versée pour les enfants fasse l'objet d'un traitement fiscal qui ne vienne pas réduire le revenu disponible réel de la mère, que soit examinée la possibilité de convertir les principales exemptions en crédits d'impôt remboursables et que soit réintroduit le gain de capital dans le calcul du revenu.

Maintenant, pour ce qui est des dépenses fiscales, les dépenses fiscales doivent aussi faire partie de l'exercice du gouvernement du Québec vers une plus grande transparence. Ainsi, les dépenses fiscales, donc le manque à gagner de l'État, coûtent relativement cher. Des chiffres récents publiés au niveau fédéral nous indiquent que le gouvernement se prive annuellement de revenus très considérables. Par exemple, il y a l'exemption de 100 000 $ sur les gains de capital qui a occasionné au gouvernement fédéral un manque à gagner de 855 000 000 $ en 1988 et de 985 000 000 $ en 1989, tandis que l'exemption concernant la vente de résidences principales lui coûtait 3 700 000 000 $ en 1988 et 4 700 000 000 $ en 1989. Malheureusement, au Québec, ces dépenses ne sont pas comptabilisées. Les données actuelles ne nous permettent donc pas de faire un calcul qui serait semblable. Pour le bénéfice de l'ensemble des citoyennes et des citoyens et afin de satisfaire au principe de transparence qui devrait caractériser notre régime fiscal, nous croyons qu'il serait opportun que le gouvernement comptabilise ces dépenses et les rende publiques annuellement. Le gouvernement pourrait ainsi motiver ses choix d'exemptions ou d'abris fiscaux dont bénéficient certaines catégories de contribuables, généralement bien nantis. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement comptabilise l'ensemble des dépenses fiscales et les rende publiques annuellement - notre recommandation 19.

Concernant, maintenant, le déficit de l'État et la dette, les économistes s'entendent généralement pour dire que la dette fédérale atteint des proportions vraiment inquiétantes. Par ailleurs, la situation du Québec n'aurait pas atteint des sommets qui semblent aussi catastrophiques. D'autre part, la politique monétaire fédérale et ses taux d'intérêt élevés n'est pas étrangère à l'augmentation du déficit que l'on connaît au Québec. De plus, dans le document déposé à quelques jours de la tenue de cette commission parlementaire, il est dit que les mesures prises par le gouvernement fédéral depuis les années quatre-vingt ont réduit la croissance des transferts au Québec et dans les autres provinces. Entre autres, le manque à gagner du Québec pèse lourd, manque à gagner cumulatif de 8 500 000 000 $ pour ce qui est des programmes de financement établis, un manque à gagner de 1 800 000 000 $ quand on fait référence à la péréquation. Le gouvernement du Québec reconnaît lui-même la responsabilité du fédéral dans cette situation qui amplifie, selon nous, le problème des finances publiques. C'est pourquoi il doit, selon nous, aller récupérer les sommes dues plutôt que de tenter de négocier des assouplissements à ses responsabilités.

Force nous est de constater, avec ces quelques commentaires sur la situation économique du Canada et du Québec et leurs conséquences pour la population québécoise, que la politique monétaire canadienne a fait en sorte que la part du budget consacrée au remboursement de la dette a été artificiellement gonflée et, en conséquence, a fait augmenter notre part de déficit. Comme la plupart des pays du monde, le Québec est aux prises avec une dette et, loin de nous de vouloir nier son existence, mais, contrairement à ce que prétend le gouvernement - on le réitère - on ne pense pas que la situation soit aussi dramatique. Elle n'a pas atteint les sommets catastrophiques qu'il prétend et, de ce fait, ne justifie pas la nécessité, selon nous, de sabrer dans nos programmes sociaux pour en contrer l'augmentation.

Nous vous avons proposé trois moyens pour que l'État puisse jouer pleinement son rôle, a la satisfaction des citoyennes et des citoyens, soit par une réforme de la fiscalité, la négociation des transferts avec Ottawa et une stratégie de plein emploi. À notre avis, ce sont là des façons de renflouer les coffres sans toucher à l'universalité des programmes sociaux.

Ainsi, nous croyons, contrairement au pouvoir en place et au rapport Poulin qui prêche pour un État minimal, que l'État doit jouer un rôle actif au sein de la société, tant sur le plan social qu'économique. À cet égard, un de ses devoirs est d'assurer une redistribution de la richesse collective que les citoyennes et les citoyens contribuent à créer. Il doit, de plus, initier des débats et favoriser le consensus autour de stratégies de plein emploi de façon à remettre le plus rapidement possible les Québécoises et les Québécois qui sont chercheurs d'emplois à l'ouvrage. Finalement, il doit soutenir et initier le développement de lieux de concertation économique et le développement de l'emploi. L'État ne peut donc pas s'effacer et laisser toute la place aux seuls agents économiques. (20 h 20)

Nous présentons donc les recommandations suivantes: Que le gouvernement du Québec aille renégocier les modes de transfert avec Ottawa afin que le Québec obtienne une part accrue; que le gouvernement du Québec devienne un intervenant actif dans la définition des orientations de la politique monétaire; que soient comptabilisées séparément les dépenses courantes et les dépenses de capital dans le déficit; que le Québec s'engage à investir massivement dans la

création d'emplois durables, et prioritairement dans le développement du capital humain, et que le gouvernement du Québec crée un lieu large de concertation et de débat autour de la fiscalité, des finances de l'État, de la croissance économique et du développement de l'emploi.

Donc, la FIIQ tient à clore cette présentation devant la commission par une double invitation. Celle-ci s'adresse aux membres du gouvernement comme de l'Opposition officielle. Par la première, nous voulons inciter à élargir le débat pour donner l'occasion aux Québécoises et aux Québécois de définir collectivement le rôle qu'ils entendent voir jouer à l'État et, par la deuxième, nous vous exhortons à ne plus attendre pour déclarer la guerre à la pauvreté. Nous pensons que s'il y a une véritable urgence au Québec, c'est bien celle de la relance de l'emploi. De plus en plus d'intervenants économiques et sociaux sont préoccupés par le chômage et ses effets et sont surtout très conscients de la nécessité d'investir dans les ressources humaines. Investir dans la formation des jeunes, des femmes et de la main-d'oeuvre en général ne pourra qu'être bénéfique à toute la société et, en ce sens, s'il y a un effort collectif qu'il nous faut réaliser, c'est bien celui-là. Il y a une priorité, et aucun déficit, à mon avis, ne pourrait justifier l'immobilisme en cette matière.

Quant aux finances publiques, puisque c'est là-dessus que nous avons été invités à nous prononcer, bien, qu'il nous suffise de vous rappeler que des voies de solution sont encore ouvertes et d'autres pistes sont à explorer. Il y a beaucoup à faire également pour redonner a notre fiscalité l'équité, la transparence que nous voulons y retrouver. Mais il importe avant tout, comme nous le disions en ouverture d'audience, de cesser d'alimenter la grogne fiscale. Il est temps de faire à nouveau appel à la solidarité. La justice sociale est un principe sur lequel nous avons, depuis les années soixante et contre vents et marées, construit notre pays. Il est grand temps de la remettre à l'ordre du jour. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.

M. le député de Prévost... Pardon, je m'excuse, M. le député de Saint-Louis. C'est parce que M. le député de Prévost me regardait. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: J'ai déménagé de comté rapidement. M. le Président, j'aimerais tout d'abord, au nom de notre groupe parlementaire, remercier de leur présence les membres de la FIIQ et les remercier du mémoire qu'elles nous ont présenté. Il y a quelque chose dont vous n'êtes pas les premières à avoir témoigné ici: vous avez remis en question ce que vous appelez l'approche néolibérale, comme si l'exercice qui est fait par le gouvernement actuellement était un exercice qui est «disconnnecté» d'une certaine réalité, non seulement locale mais aussi internationale.

Dans le document que vous avez reçu, le document sur lequel on discute, entre autres, «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens», je pourrais vous rappeler que les annexes, à la fin, aux pages 12 et 13, nous donnent une liste de pays et de mesures de rationalisation des dépenses qui ont été prises, entre autres dans des pays comme le Danemark, où les prestations des premiers jours de chômage sont désormais versées par les employeurs. En Norvège: restriction de la croissance des transferts du secteur privé aux collectivités locales, diminution des paiements au titre des congés de maladie, réduction générale des subventions. En Suède, en 1990: report de l'augmentation des transferts sociaux, annonce d'un programme de réforme administrative destiné à réduire de 10 % la taille de l'administration centrale sur une période de trois ans, par le biais de la décentralisation et de la déréglementation. Enfin, bref, ce néo-libéralisme dont vous parlez, ce n'est pas quelque chose qu'on retrouve uniquement ici et qu'on a inventé de toutes pièces. Ce n'est pas rien qu'un problème de néo-libéralisme, c'est un problème d'être capable de financer le type de société dans laquelle on veut vivre.

Ce qui m'amène à vous poser d'abord une question concernant implicitement le texte que vous nous avez soumis. En page 11, vous dites: «La sélectivité des services a pourtant comme conséquence que seuls les très pauvres peuvent maintenant bénéficier de médicaments gratuits, que seuls les très riches ont les moyens de défrayer les coûts de leurs traitements médicamenteux. Les classes moyennes - c'est un drôle de passage, là - dont les revenus sont à la limite de la pauvreté se voient rejeter dans la pauvreté quand la maladie frappe un de leurs membres, tandis que les classes moyennes intermédiaire et supérieure voient leur salaire continuellement grugé par les assurances qu'elles doivent défrayer pour compenser le désengagement de l'État.» Alors, est-ce que vous pourriez élaborer rapidement là-dessus? Vous voulez dire quoi, parce que, bien...

Mme Lavallée: Ce qu'on veut dire, clairement, c'est que toutes les mesures qui sont prises, qui ont pour effet de rendre l'État vraiment... Il semble que c'est l'État minimal, là, qui remet en question de façon assez importante ce qui a été mis de l'avant depuis les années soixante, quand on parlait d'État-providence. Toutes les mesures sont prises pour tenter de couper dans des services qui, auparavant, étaient, bon, je ne veux pas dire gratuits, parce que c'est payé par les impôts de tout le monde et qu'il y avait une répartition quand même plus équitable et qui permettait à tout le monde d'y avoir accès. À partir du moment où vous voulez faire des paniers, vous sélectionnez les services que vous voulez offrir à la population, il est clair, selon nous, que la classe la plus touchée

va être la classe moyenne la plus faible, parce que c'est elle qui va devoir payer; elle ne sera pas suffisamment à faibles revenus pour avoir droit à certains avantages qui sont donnés aux gens avec de très faibles revenus, mais on considère que la marge est toujours très mince. Ce qu'on considère comme classe moyenne faible: une famille avec deux enfants, qui gagne autour de 30 000 $ ou 35 000 $ par année, qui va devoir payer pour certains services qui, auparavant, étaient gratuits. À notre avis, c'est une forme de taxation qui s'ajoute à ces gens-là, qui ne devrait pas être, à notre avis, et qui va amener une diminution de...

M. Chagnon: Ce n'est pas ça que vous dites. Ce que vous me dites, c'est: Si l'État faisait ci, ça, ça, ça pourrait peut-être arriver. Ce que vous écrivez...

Mme Lavallée: Mais c'est déjà commencé.

M. Chagnon: Ce que vous écrivez ici, c'est que les classes moyennes se voient rejetées dans la pauvreté quand la maladie frappe un de leurs membres. Bien, moi, j'ai 15 hôpitaux dans le comté, chez nous, dans le centre-ville de Montréal - 16; il y en a un autre qui s'en vient - et ce n'est pas évident. Je n'ai jamais entendu parler de gens à qui on a refusé des soins parce qu'ils étaient dans la classe dite moyenne, qu'ils n'étaient pas sur le bien-être social, par contre, et qu'ils n'étaient pas, non plus, très riches. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un avait été refusé, qu'on avait refusé de lui dispenser des services médicaux parce qu'il n'était pas dans la classe riche ni dans la classe dite pauvre.

Mme Lavallée: Non. Je ne pense pas qu'on soit rendu à refuser...

M. Chagnon: Bien, c'est ce que vous dites, là.

Mme Lavallée: ...les soins de santé selon les individus dans les classes sociales.

M. Chagnon: C'est ce que vous avez écrit, en tout cas. C'est ce que je comprends dans ce que vous avez écrit.

Mme Lavallée: Ce n'est pas... En tout cas, la teneur des propos qu'on voulait avoir, c'est qu'on veut mettre en garde. Vraiment, à partir du moment où on fait des brèches dans l'universalité des services, il est clair que c'est la classe moyenne... Vous avez déjà commencé à en faire: quand on commence à faire payer les personnes âgées pour les prescriptions, quand on ne permet plus que les enfants aient accès à des soins dentaires gratuits, on touche la prévention. Donc, c'est clair que les gens qui ont des revenus suffisamment élevés sont en mesure d'aller de façon régulière chez le dentiste avec les enfants pour avoir des mesures de prévention. Ce n'est pas le cas pour les gens de la classe moyenne inférieure. C'en est déjà un, ça, un exemple de brèche. C'est sûr qu'on n'est pas rendu à le faire pour ce qui est des services d'urgence, d'hospitalisation, de chirurgie ou de traitements plus spécifiques, mais on sait que, quand même, il y a une brèche qui a été faite à ce niveau-là, et on met en garde le gouvernement de poursuivre dans cette voie-là. (20 h 30)

M. Chagnon: Ce qui... Enfin, le débat qui va s'ouvrir... S'il n'y a pas de frais modérateurs, s'il n'y a pas de frais, si on n'impose pas de frais, si on investit, comme vous le suggérez, dans un tas de services qui pourraient être nouveaux dans certains cas, comme on investit déjà dans le domaine de la santé - c'est le domaine qui, sûrement, vous préoccupe le plus puisque c'est là votre profession... On investit comme État 31 % du budget dans le domaine de la santé. Année après année, on doit, pour donner la même qualité de services, investir ces 31 % plus l'inflation, plus 4 % - inflation plus 4 % - pour s'assurer d'avoir le même niveau de qualité de services en santé.

Est-ce que vous pourriez m'indiquer comment on pourrait le financer? Le problème dans lequel on se retrouve, c'est qu'inévitablement on va être obligés de retrancher d'autres ministères. 4 % par année d'augmentation en dessus de l'inflation pour financer le ministère de la Santé et des Services sociaux, ça implique 480 000 000 $. 480 000 000 $, c'est plus que le budget du ministère des Affaires culturelles; c'est la Culture, les Communications, le Tourisme, Loisir, Chasse et Pêche d'un coup. C'est le ministère de l'Énergie et des Ressources, de l'Environnement.

Mme Lavallée: Moi, je pense que vous faites appel à un débat qui est beaucoup plus large; ça réside dans le fait de faire un débat sur un choix de société. Qu'est-ce que la population du Québec veut privilégier en matière de programmes sociaux? C'est un débat qui devait, à mon avis, être préalable à la présente commission, qui, par le prétexte des chiffres et de la situation du déficit, veut sabrer dans des programmes sociaux. À ce qu'on nous a toujours dit, et c'est même les discours du gouvernement, les finances concernant le secteur de la santé, le budget relatif aux soins de santé, il a toujours été relativement contrôlé au Québec. C'est les propos du ministre, M. Côté.

M. Chagnon: Contrôlé: l'inflation plus 4 %...

Mme Lavallée: oui, il y a des augmentations, mais je pense qu'à l'heure actuelle, on est tout à fait comparables et même en dessous de ce que ça peut coûter per capita au québec, les

coûts du système de santé qui sont largement avantageux et qui ont fait leurs preuves, si on compare à d'autres provinces et même à nos voisins du Sud, les Etats-Unis. Je ne pense pas qu'on puisse se payer le luxe de régresser à ce niveau-là avec toutes les conséquences que ça peut apporter au sein de la population. Je pense que c'est des choix sociaux. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle la population du Québec soit prête à remettre en question le choix de vouloir se maintenir un système de santé public accessible et universel, pas plus qu'un système d'éducation qui va dans le même sens.

M. Chagnon: La question, c'est qu'on ne pourra pas éternellement les payer. Vous dites un peu plus loin dans votre mémoire que la prétention du gouvernement à l'égard de son déficit n'est pas aussi dramatique qu'il se plairait à le dire. Une grande partie de votre document porte sur l'ampleur du phénomène de la pauvreté qui prend de l'importance. C'est assez étonnant de constater que l'importance du phénomène de la pauvreté et son accroissement grandit à peu près au même niveau que la part du service de la dette s'accroît dans notre budget. On est rendus à 15 % de notre service de la dette, de notre budget qui s'en va au service de la dette. C'était 4 % il y a 15 ans; on est rendus à 15 % aujourd'hui. Effectivement, plus on va attendre pour ne pas se préoccuper de notre dossier de déficit, plus on risque d'avoir un phénomène de la pauvreté qui va encore s'alourdir, parce que nos services publics ne pourront pas financer la gamme de services qu'on s'est offerts dans le passé.

Mme Lavallée: Mais nous, on pense que, pour être en mesure de se payer la gamme de services et de les maintenir, l'urgent, c'est de créer de l'emploi. Ce n'est pas de voir s'accroître le phénomène de la pauvreté les deux yeux fermés et en regardant notre déficit, en y faisant... où il y a sûrement un lien. Mais je pense que, là où le gouvernement doit intervenir, c'est de faire en sorte qu'on travaille ensemble, tous les intervenants concernés, les différents agents socio-économiques de la société, pour trouver ensemble des façons de relancer l'économie plutôt que de couper, justement, dans une période de la vie du Québec où, effectivement, il y a un taux de pauvreté de plus en plus grand et où les mesures qu'on prend risquent de faire grossir le rang des pauvres. Les dernières statistiques du Conseil du Canada démontraient très bien qu'il y a de moins en moins de classes moyennes au Québec. On se retrouve avec de plus en plus de pauvres et des riches qui s'enrichissent. Je pense qu'il y a peut-être des questions à se poser à ce niveau-là et il faut faire en sorte qu'on travaille ensemble davantage à relancer les emplois pour faire tourner l'économie et maintenir nos programmes sociaux qui font l'envie quand même d'autres. À l'heure actuelle, quand on regarde les États-Unis, ils tentent de vouloir regarder ce qui se passe ici pour instaurer un système de santé qui peut peut-être ressembler au nôtre. Je pense qu'on aurait avantage à regarder et à ne pas exporter les erreurs de nos voisins du Sud quand eux, déjà, se tournent vers nous pour tenter d'importer peut-être notre modèle.

M. Chagnon: II n'y a personne qui suggère ici de changer de modèle avec les États-Unis en ce qui concerne le dossier de la santé, mais on peut de plus en plus regarder les possibilités d'utiliser des moyens, pas pour freiner la consommation, mais peut-être pour faire en sorte que les gens qui ont les moyens de se payer certains frais paient des frais dans notre système de santé, par exemple. Est-ce que ça vous apparaît... Quelqu'un qui fait 100 000 $ et plus, ne devrait-on pas lui permettre de payer une partie de ses frais hospitaliers? Non?

Mme Lavallée: nous, on souhaiterait que ce soit par le biais de la fiscalité qu'ils puissent être touchés, parce qu'on sait qu'à l'heure actuelle...

M. Chagnon: Mais il est déjà...

Mme Lavallée: ...il y a quand même des hauts salariés... Même le Conseil du patronat, M. Dufour avait déjà dit publiquement qu'il y avait, effectivement, des gens à très hauts revenus qui, par le biais des abris fiscaux, réussissaient à ne pas payer d'impôt.

Une voix: Mais ils seront touchés à ce moment-là.

Mme Lavallée: Je pense que c'est de cette façon-là qu'on devrait être en mesure de rejoindre les gens à très hauts revenus. Qu'ils paient leur part de façon équitable, comme l'ensemble de la population, et qu'il y ait une redistribution de la richesse qui permette à tout le monde d'avoir accès à des services. Parce qu'à partir du moment où vous mettez un chiffre x de revenus qui, selon vous, serait satisfaisant pour dire que les gens n'auraient pas suffisamment d'argent pour se payer des services de santé... Ceux qui sont toujours sur la barre, qui ne sont pas nécessairement les faibles revenus ni les hauts revenus, c'est la population qui va être la plus touchée par ces mesures. Nous, on prétend que c'est davantage par le biais d'une fiscalité qui serait changée, qui permettrait que chacun puisse payer de façon équitable, et qu'à partir de ce moment-là on redistribue la richesse par le biais de nos programmes sociaux ou autres. C'est la façon la plus équitable de servir l'ensemble de la population du Québec.

M. Chagnon: Donc, vous favorisez une augmentation du déficit et une augmentation de la taxation ou de... de la taxation, oui, sur le travail, pour faire en sorte de financer des services que vous réclamez, services nouveaux que vous réclamez.

Mme Lavallée: On ne réclame pas, on ne vous réclame pas de services nouveaux. On veut du moins maintenir ce qui existe à l'heure actuelle. Ce qu'on veut surtout, c'est qu'il y ait une meilleure redistribution et une fiscalité qui soient plus équitables, parce qu'on considère qu'à l'heure actuelle il y a des gens qui ne paient pas leur part d'impôt qui devrait être redistribué à l'ensemble de la collectivité.

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Saint-Louis.

Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

D'abord, je voudrais saluer la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Dans le cas, il faut bien dire «infirmières» avant «infirmiers», puisque les infirmières sont beaucoup plus nombreuses. Chacun sait qu'elles jouissent d'un immense capital de sympathie à l'intérieur de la population qui apprécie particulièrement leurs services, parce que c'est souvent dans des moments difficiles qu'on a recours à elles.

Je voudrais simplement dire, disons, rendu à 20 heures ce soir, que je ressens une espèce de malaise dans cette commission présentement, parce que... Je comprends bien que la Fédération reprend en bonne partie l'argumentation qui a été développée cet après-midi, mais ce qu'on perçoit aussi, c'est qu'on assiste, depuis le début de la journée, à une espèce de dialogue de sourds entre le gouvernement et son principal partenaire, c'est-à-dire ses employés. C'est un peu inquiétant, à mon sens. Je pense que le dialogue a de la difficulté à s'établir parce qu'il y a une certaine méfiance qui existe, parce qu'elle est exacerbée par le document qui a été publié, «Vivre selon nos moyens», qui n'offre, en particulier, aucune perspective d'avenir. Ça, c'est une préoccupation importante.

D'autre part, je comprends que les partenaires syndiqués, syndicaux ne veulent pas s'enclencher dans un processus qui est quasi ou qui pourrait ressembler à de la négociation, puisque ce n'est pas l'endroit pour le faire. Mais il reste qu'à l'heure actuelle on n'a pas de projet, on n'a pas d'objectif, ou le sujet est trop vaste, trop vague. Je trouve qu'on ne va pas très précisément dans les solutions. (20 h 40)

Dans vos recommandations, j'en ai bien noté quelques-unes qui sont très précises et particulières qui vous concernent, puis je trouve, justement, que c'est un bon moment de le faire, parce qu'il y a des questions. Comme ici, par exemple, à la page 34 de votre mémoire: Que soit établi un mécanisme de perception automatique des pensions alimentaires. Je comprends que ça, c'est une question qui vous touche, qui vous intéresse au plus haut point, qui ne coûte pas un sou au gouvernement, mais qui, pourtant, pourrait régler beaucoup de cas particuliers.

Mais au-delà de ça, je m'interroge sur certaines avenues. Vous faites affaire avec le public et, dans d'autres cas aussi, il y a des corporations, des gens qui font affaire avec le public, les employés de l'État, et qui ont réussi un certain nombre de choses. Prenons, pour un cas, la Société de l'assurance automobile du Québec qui a fait des campagnes de publicité. Par exemple, pour éviter les accidents, on s'attache à son siège, on essaie de ne pas prendre d'alcool. L'ensemble des programmes de publicité a, en quelque sorte, fait une certaine éducation vis-à-vis le public, et ça a amené, en particulier, une diminution des coûts considérable. Puis je pense que tout le monde le reconnaît, tellement que le gouvernement va piger dans les excédents de la caisse de ce temps-là.

Mais est-ce que dans le secteur public, parapublic, il n'y a pas moyen de penser à des politiques, à des gestes semblables pour amener le public à être plus conscient sans que nécessairement on procède de la manière forte, mais simplement de façon incitative, comme on a fait dans le cas de la Société de l'assurance automobile du Québec, où la population a été consciente que, si elle ne posait pas de geste, si elle ne conduisait pas avec prudence, c'est elle, en bout de ligne, qui payait le coût? Je suppose que, normalement, elle devrait bénéficier aussi des avantages de sa prudence. Est-ce qu'on peut penser, dans le secteur de la santé, à des questions comme celle-là, simplement?

Mme Lavallée: Écoutez, dans le secteur de la santé, par le travail qu'on fait, on est dans le milieu autant curatif que préventif. On fait beaucoup d'éducation à la population en matière de santé qui, à notre avis, est une des clés. Si on pouvait être en nombre suffisant pour faire toute la prévention qu'il faut et l'éducation, ça pourrait contrevenir a certains problèmes. Par contre, on est bien conscients que l'incidence la plus grande sur l'état de santé de la population, c'est le niveau économique de l'individu...

M. Léonard: Oui.

Mme Lavallée: ...et la pauvreté est directement reliée à l'état de santé. Donc, nous, on ne veut pas mettre des diachylons sur une plaie béante, on veut aller à la source majeure des problèmes sociaux et des problèmes de santé au Québec et contrer le phénomène de la pauvreté

qui est grandissant.

Il y a des études qui ont démontré que dans la même ville, entre autres, à Montréal, le niveau de vie des gens d'un quartier, leur espérance de vie pouvait varier de 10 à 15 avec celui d'un quartier beaucoup plus favorisé. On ne compare pas deux pays, un du tiers monde avec un civilise. Je pense que le niveau économique est un des déterminants importants de la santé.

Il est clair qu'on peut regarder différentes mesures dans le secteur de la santé pour avoir des mesures qui permettraient peut-être une meilleure rentabilité. On est prêt à regarder les questions concernant, notamment, l'organisation du travail. Il y a peut-être des façons de faire autrement qui pourraient être plus efficaces. On est prêts à s'asseoir et à les regarder. On est prêts à faire des suggestions. Je pense que, dans le réseau de la santé, on est très conscients qu'il y a des intervenants qui sont peut-être plus privilégiés. Et on est prêt à faire notre part, ne serait-ce que pour ce qui pourrait...

Un exemple banal qui pourrait réduire des coûts, c'est qu'il y ait des cliniques qui soient mises sur pied, des cliniques d'infirmières, nursing, qui pourraient très bien suivre, de façon régulière, la pression des gens qui ont des problèmes d'hypo et d'hypertension, plutôt que de devoir toujours aller dans les cabinets de médecins et que ce soit le médecin qui facture à l'acte les coûts pour avoir pris une pression, quand, en quelque part, l'infirmière le fait de façon régulière dans les établissements de santé, elle n'est pas facturée à l'acte pour le faire. Et s'il y a un problème, là, elle réfère pour une consultation, pour un acte médical. Bon, il y en aurait des choses comme ça à faire qui pourraient réduire les coûts de la santé.

Faire de l'observation de pansements ou de plaies, ça peut se faire en externe, dans des cliniques qui seraient des cliniques d'infirmières qui feraient à peu près la même chose que les infirmières qui vont à domicile, et ça éviterait que les gens aillent directement, de façon automatique, pour une simple observation d'une plaie, dans un cabinet de médecin. De toute façon, dans le milieu hopitalier, c'est nous qui le faisons. Bon, il y en aurait, des choses à regarder. On est prêts à s'asseoir et à le faire.

Une voix: Est-ce que vous en avez d'autres?

Mme Lavallée: On pourrait faire un débat que là-dessus, éventuellement.

M. Léonard: Est-ce que le système de responsabilité civile qu'il y a à l'égard des actes médicaux posés par les médecins est une bonne chose? Oui, en soi, mais, par ailleurs, est-ce que ça n'entraîne pas des coûts élevés par la répétition d'actes médicaux qui pourraient être moins nombreux s'il n'y avait pas ce système de responsabilité? En d'autres termes, introduire le principe de non-responsabilité sauf en matière criminelle pour des professions médicales, ça amènerait des économies importantes dans les coûts de la santé.

Mme Lavallée: Bien, écoutez, moi, je pense que tous les professionnels, on doit être en mesure d'être responsables des actes qu'on pose. Je ne pense pas que ce serait nécessairement par ce biais-là qu'il faudrait le prendre. Je pense que vous avez été en mesure de regarder comment, éventuellement, contrôler les coûts de la santé, notamment les actes médicaux. Il y a eu des projets qui voulaient, à un moment donné, régionaliser les budgets de la RAMQ. Il y a eu une forte opposition des gens concernés par ça. Je pense qu'il y a d'autres façons de regarder si on veut réduire les coûts. Mais je pense que de responsabiliser les gens, peu importe la profession dans laquelle on se retrouve, c'est quelque chose qu'on doit continuer à prôner puis à mettre de l'avant.

M. Léonard: O.K.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez quelque chose à compléter, madame?

Mme Théroux (Thérèse): C'est-à-dire, pas nécessairement à compléter là-dessus...

Le Président (M. Lemieux): À ajouter?

Mme Théroux: ...parce que je ne sais pas si monsieur voulait parler d'un fonds d'indemnité, tout comme celui pour l'assurance automobile. En tout cas, je ne le sais pas puisque ça n'a pas été exploré, ces avenues-là.

Non, moi, je m'inquiétais un petit peu, quand on nous dépose des documents de cette nature-là, qu'on demande à des travailleurs, qui n'ont pas nécessairement accès et un contrôle sur les coûts, de mettre nécessairement sur la table des mesures concrètes. Je sais qu'on peut avancer des choses, mais c'est bien évident qu'on n'est pas dans la situation de ceux qui administrent. Quand tu n'administres pas, tu ne peux pas être capable de regarder, faire un exercice aussi complet que ceux qui ont tout en main pour prendre des mesures. Je veux dire, ce n'est pas de même nature.

Mais ce qui est le plus inquiétant, à mon avis, c'est que, quand on dépose des choses comme ça, on ne fait que proposer des choses qui maintiennent, finalement, une espèce de cercle vicieux, dans le sens que... Puis je veux dire, c'est ça qui est dit dans le document, c'est qu'on ne nie pas nécessairement le fait que l'État a des problèmes financiers, des problèmes d'argent, puisque, bien sûr, il y a beaucoup de chômage, il n'y a pas beaucoup d'emplois et il y a des dépenses accrues, et ça, je pense que tout

le monde constate ça. Mais il appartient aussi à un gouvernement de ne pas juste gérer, mais de mettre de l'avant des mesures qui vont faire en sorte que ça va s'améliorer. Je vous donnerai un exemple un petit peu de cercle vicieux. C'est comme si, dans les soins, par exemple, quand on a à traiter un patient qui a une vilaine plaie, qui fait de la gangrène, on nettoie une plaie, qu'ils font de la mise à plat. Je veux dire, si c'est ça qui est fait, ça finit toujours par une amputation.

Ça fait que, s'il n'y a pas de mesures autres qui sont prises en même temps que le gouvernement dit: Moi, je veux rationaliser et faire en sorte d'arriver, s'il n'investit pas... Puis je sais qu'à court terme ça peut peut-être coûter un peu plus cher. Mais s'il n'investit pas dans des programmes de développement, finalement, on se situe dans un cercle vicieux où l'État va tout le temps tenter à la petite semaine de rentrer avec ses comptes balancés comme ça. Finalement, ce que ça donne, c'est que ça donne des coupures, toujours des coupures, puisque ça n'a pas de vision et de portée à long terme. Et c'est là qu'un gouvernement a comme mission, au-delà de juster gérer, de proposer à une société des mesures qui vont faire en sorte que ça va se développer puis que ça va s'améliorer. Mais ce n'est pas ça qu'on voit dans ce document-là. Dans le document, ça ne fait que maintenir et, fatalement, nous conduire à des coupures plus graves.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. le député de Montmorency. (20 h 50)

M. Filion: Oui, M. le Président. Merci de votre participation.

Moi, j'aurais une petite question très simple qui, en même temps, peut peut-être nous éclairer, nous de l'extérieur. Vous représentez quand même le personnel qui opère à l'intérieur du milieu de la santé. On sait qu'on a eu une réforme qui avait été ou, du moins, qu'on voulait appliquer dans le monde de la santé, la réforme du ministre Côté qui, à toutes fins pratiques, s'est retrouvée mise de côté. Est-ce que vous croyez que cette réforme aurait pu vraiment créer des économies importantes au niveau des finances publiques, au niveau des coûts de financement de la santé?

Mme Lavallée: Bien, écoutez, je pense que la réforme amenait des solutions... Les propositions qui avaient été faites pouvaient amener des mesures de redressement budgétaire, mais juste vraiment très économiques, et, à notre avis, ça remettait en question l'accessibilité aux services de santé, et c'est clair qu'on s'est élevés contre. Et je pense que nous, on refuse de regarder le maintien du système de santé seulement avec une lorgnette économique. Je pense qu'on le voit comme étant un acquis social important à maintenir, et on doit être en mesure d'y mettre les budgets qui y sont associés. Surtout qu'on sait très bien - et même M. Côté le disait, et je le disais tantôt - que les coûts de notre système de santé sont contrôlés. Donc, on ne rentrait pas dans le discours que notre système de santé est beaucoup trop coûteux, qu'on n'a plus les moyens de se payer ces services-là. On pense que la population du Québec a fait des choix et que le système de santé, au même titre que l'éducation, fait partie des priorités qu'on veut maintenir et qu'on est prêt à en payer le coût. Mais ce qu'on veut, par contre, c'est que le coût soit véritablement partagé par l'ensemble de la population du Québec, et de façon équitable.

M. Filion: Est-ce que cette réforme-là aurait limité l'accès, l'accès comme tel, ou le service à la collectivité? Est-ce que la réforme qui était proposée, qui était une opération d'économie de coûts, peut-être, une opération comptable... Est-ce qu'elle aurait vraiment limité l'accès ou limité les services à la population dans le domaine de la santé, la réforme Côté?

Mme Lavallée: Bien, là, de quelles mesures vous parlez? Il y a eu le débat sur le financement, mais il y avait aussi les mesures où le ministre prévoyait de réviser le panier de provisions, en fait, qui était accessible à la population en matière de services de santé. Est-ce que c'est à ça que vous faites allusion?

M. Filion: Oui, c'est à ça que je fais allusion. Je veux voir, de ce panier de provisions là... Est-ce qu'il y a encore une possibilité de réaménager cette réforme-là pour arriver à un meilleur coût au niveau de la santé?

Mme Lavallée: Nous, on pense que les services actuels qui sont offerts dans notre système de santé, tous les services, ne sont pas des services superflus et ils doivent être maintenus. On ne pense pas, non plus, qu'il y ait un abus de la part de la population de l'utilisation des services de santé, mais pas du tout. On refusait de rentrer dans le discours qui culpabilisait la population quant à une surutilisation ou une mauvaise utilisation des services de santé. Et, dans ce sens-là, on a toujours amené de l'argumentation pour qu'on maintienne l'ensemble du panier de services pour qu'il demeure accessible à l'ensemble de la population et, de préférence, dans toutes les régions du Québec. D'ailleurs, on est en faveur qu'il y ait une décentralisation, qu'on puisse offrir une même qualité de services dans toutes les régions du Québec. Les gens sont tous payeurs d'impôt. Qu'ils viennent de l'Abitibi, de la Gaspésie, du Lac-Saint-Jean ou de Montréal, donc ils auraient accès, ils devraient avoir accès à des services de santé de qualité au même titre que dans la

région de Montréal. M. Filion: Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président, en souhaitant, moi aussi, la bienvenue aux représentantes de la Fédération des infirmières et infirmiers, et en exprimant, moi aussi, un peu comme d'autres l'ont fait, ma déception au tout début de mon intervention. J'aurais pensé que le message était clairement passé, que les dépenses publiques étaient relativement élevées ou, à tout le moins, qu'on devait parier de fiscalité. Un des deux, là. De notre point de vue, on veut parier de dépenses aussi; de l'autre côté, on veut surtout parier de fiscalité.

J'ai regardé les recommandations que vous avez formulées. J'ai arrêté de compter avant d'être rendu à moitié chemin et j'en avais pour 350 000 000 $, de nouvelles dépenses. Je veux bien qu'on finance ça par la fiscalité, mais si j'avais continué à compter ça, peut-être qu'on serait rendu à 500 000 000 $, auquel cas ça demande une augmentation dans la progression de l'échelle d'impôt, après 50 000 $, de 50 %. C'est une augmentation de 50 % des taux marginaux existants pour financer seulement les demandes de la FIIQ. Ça commence à être un petit peu inquiétant. Honnêtement et clairement, moi, je me demande comment vous entendez financer ça, votre seule demande à vous. Il y a 74 autres groupes qui vont se présenter ici; on va espérer qu'il y en a sur le lot qui ne nous demanderont pas quelques centaines de millions chacun. Comment allons-nous, à force d'entendre des demandes comme celle-là, faire passer le message que c'est extrêmement difficile de continuer à financer ce que vous appelez les services de base? Les services de base, santé et éducation, vous les avez appelés comme ça, et vous en demandez pour 350 000 000 $ dans d'autres choses, là. On n'a même pas parié de la santé encore. Les recommandations no 2 et no 4, il y en a pour 350 000 000 $, et il n'est pas question de santé, ni d'éducation, ni de quoi que ce soit à ce titre-là.

Pendant qu'on tente de garder le couvercle sur la marmite et qu'il est important de le garder, il y a - oui, on le disait dans le document - un contrôle sur les dépenses de santé au Québec. Comparé aux autres, mais de façon comparable à notre capacité de rencontrer ces dépenses-là, il faut faire quelque chose. Il faut faire quelque chose. On peut se vanter que ça nous coûte moins cher per capita ou c'est une moins grosse proportion de notre produit intérieur brut que chez certains, mais encore faut-il regarder ça compte tenu de notre richesse et de notre capacité de le financer, et c'est là que ça manque.

Et ça manque d'autant plus qu'on se serait attendu... En tout cas, moi, je m'attendais à tout le moins, au-delà des discours sur la fiscalité, puis taxer les riches... Oublions qu'il n'y en a pas vraiment, comparé au nombre de riches qu'il y a ailleurs. Je me serais attendu de celles qui sont en première ligne, les 50 000 personnes qui sont en première ligne dans les soins de santé au Québec, qu'elles viennent nous donner des suggestions et nous disent: Sur les lieux de travail, il y a des choses qu'il faut changer, puis c'est ça qu'il faut faire, pour que les gens en aient pour leur argent - quitte à accuser l'administration, et là on en discutera. Qu'elles viennent nous dire: Ça, ça ne marche pas comme ça; ça, ce n'est pas une façon de rendre les services; nous, on le voit, on est au centre, on est le pivot. Et c'est pour ça, d'ailleurs, quand on discute de rémunération avec les infirmières, qu'on tient compte du fait qu'elles sont le pivot des soins. La transformation des soins de santé a fait en sorte qu'elles ont un rôle central. Central! Elles sont tellement mieux placées que n'importe qui, je dirais, pour venir nous dire: Voici comment on devrait changer ça. Pas un mot! Pas un mot! Mais une demande de 350 000 000 $ dans le domaine qui ne les concerne même pas.

Je ne nie pas que la Fédération des infirmières a le droit de venir ici et, comme groupe de pression politique qui n'a rien à voir avec la santé, venir nous dire: Dépensez 350 000 000 $ pour les gens à la sécurité du revenu, donnez-leur des ci, donnez des allocations de ça, rendez les pensions alimentaires non déductibles de l'aide sociale, transformez en crédits remboursables les déductions pour la garde d'enfants, oubliant, en passant, que ça va nuire aux femmes monoparentales qui ne font pas 30 000 $; ça, ça va leur coûter une tôle, une palette, cette suggestion-là. On aurait aimé ça, entendre parier des dépenses de la santé et de la façon dont vous pouvez contribuer à les contrôler pour que le service demeure et qu'on continue à avoir la capacité de rendre ces services-là qui sont, effectivement, le grand service de base au titre de l'intégrité physique des citoyens qu'un gouvernement doit rendre de façon efficace.

Alors, j'ai exprimé ma déception de trois façons, mais je n'abandonne pas l'idée, si ce n'est pas ici, qu'à l'occasion de rencontres prochaines qu'on devrait avoir - les échéanciers sont ainsi faits dans les conventions collectives - on pourra parler de façon concrète d'organisation du travail à défaut de pouvoir en parier ici, même si c'était, à mon sens, sans négocier, un excellent endroit pour parier de la façon dont on peut contrôler les dépenses de la santé dont tout le monde sait qu'elles sont vraiment le danger pour déséquilibrer les finances publiques dans les 5 a 10 prochaines années.

Le Président (M. Lemieux): Merci, monsieur.

Vous avez des commentaires, madame? Oui.

Mme Lavallée: Oui. Je tiens à préciser qu'effectivement nous représentons 45 000 infirmières dans le secteur de la santé, mais on est aussi des femmes et des citoyennes qui paient des taxes. Nous sommes des travailleuses, et je pense qu'on est en droit de représenter ici nos gens comme étant aussi des citoyennes qui ont un mot à dire dans toute la question de la fiscalité, et c'est à ce titre-là qu'on est ici aujourd'hui. Et je pense que c'est important. (21 heures)

Vous avez dit que vous avez commencé à chiffrer nos recommandations. J'espère que vous les avez chiffrées aussi en ce que ça pourrait peut-être coûter, parce que ça fait référence à des débats de société, mais aussi à ce que vous pourriez en retirer, parce qu'il y a certaines recommandations... Je déplore que vous ne les ayez pas regardées jusqu'à la fin pour les chiffrer. Que soit réintroduit le gain de capital dans le calcul du revenu pour un plus grand souci d'équité: combien entrerait dans les coffres du gouvernement, par cette recommandation-là? Qu'on aille renégocier les modes de transfert avec Ottawa afin qu'on obtienne une part accrue: combien on aurait pu aller récupérer? Qu'on s'engage à investir dans la création d'emplois et dans le développement du capital humain: à mon avis, ça, c'est garant de stratégies politiques un peu plus gagnantes pour l'avenir, qui nous éviteraient de recommencer peut-être à chaque année l'exercice qu'on fait.

Nous, ce qu'on voulait vous amener comme recommandation, c'est qu'on la regarde, la question de la fiscalité, dans son ensemble pour qu'il y ait un partage plus équitable à ce niveau-la. Qu'on regarde ensemble, si vous avez de l'intérêt à ce qu'on regarde une relance économique, parce qu'à notre avis c'est par ce biais-là qu'on va régler les problèmes du gouvernement. Que vous nous manifestiez une volonté de vous attaquer au phénomène de pauvreté par la relance de l'emploi, pour nous, c'est des solutions qui sont importantes, qui touchent non seulement, bien sûr, les gens du secteur de la santé, mais, à notre avis, on avait une préoccupation sociale beaucoup plus grande, et on pense que c'est dans cette optique-là que la commission a lieu ce soir.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.

M. Johnson: Oui. Je dirais, Monsieur... Ah, je m'excuse.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, le président du Conseil du Trésor vient de confirmer ce que j'avais perçu ce matin, qu'il s'agissait d'une vaste entreprise de conditionnement politique à des coupures, etc. Ceci étant dit, je suppose qu'il cherche à le faire. Mais je vois également que vous proposez quelques solutions, quand même. Je voudrais m'attacher à une. Vous parlez de plein emploi et, pour moi, ça fait référence à deux pans. Le premier, c'est: Qu'est-ce qu'on fait faire à des citoyens qui, à l'heure actuelle, n'ont pas d'emploi? Qu'est-ce qu'on leur fait faire? Quels sont les services que vous leur feriez rendre? Deuxièmement, deuxième pan, qui me paraît aussi important: Comment financer?

Vous allez me répondre tout de suite: II y a déjà l'assurance-chômage qui finance, ou l'assistance sociale. C'est déjà des fonds disponibles, mais, au-delà de ça, on suppose qu'il y aurait une augmentation de productivité au-delà des prestations qui sont acquises, parce qu'il faudrait quand même comprendre que si, comme mesures transitoires, elles pourraient compter sur ces fonds, ce ne serait que transitoire, parce qu'il faut vraiment aller au-delà. Il y a une relance économique qui est en fond de scène, mais quand on parle de plein emploi, qu'est-ce qu'on fait faire aux citoyens et comment on finance l'opération?

Mme Lavallée: Quand on parle de plein emploi, moi, ce que je pense, c'est qu'on aurait intérêt, tout le monde, à s'asseoir autour d'une même table, les représentants du gouvernement, les représentants des associations syndicales, les représentants des différents groupes de notre société, des groupes de femmes, des représentants du patronat, voir comment on pourrait, dans les différentes régions du Québec, mettre de l'avant des politiques de plein emploi et comment on pourrait, au Québec, remettre les gens à l'ouvrage. Je pense qu'il y a suffisamment d'idées, de créativité, avec tous ces gens-là réunis autour d'une table en cherchant un objectif commun, pour qu'on en arrive à atteindre cet objectif-là.

C'est dans cet esprit-là qu'on est ici, et c'est le souhait qu'on veut faire. Qu'on ne regarde pas le problème juste avec la lunette économique, avec la dette grossissante, là, dans la figure. Je pense qu'il faut qu'on soit en mesure de mettre de l'avant des stratégies de planification à long terme pour relancer l'économie.

Le Président (M. Lemieux): II vous reste trois minutes, M. le député de Labelle, et il vous reste une quarantaine de secondes, de l'autre bord.

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Alors, continuez. Ça va.

M. Léonard: Oui, mais supposons qu'on en

reste au domaine de la santé. Les besoins sont indéfinis, immenses, infinis. Qu'est-ce qu'on fait faire aux gens dans le domaine de la santé, à des employés qui viendraient, et comment on pourrait les financer? Parce que, pour moi, effectivement, c'est une des pistes. À un moment donné, on peut remettre des sans-emploi au travail, je suis convaincu que l'imagination va trouver des choses à faire, et des choses à faire utiles, à part ça. Il y en a. Mais la question est la suivante: Après qu'on leur aura trouvé ou qu'ils se seront trouvé des tâches à accomplir, comment les financer?

Mme Lavallée: Bien, écoutez, je pense que de créer de l'emploi... Il va falloir se trouver des façons de créer de l'emploi dans des secteurs qui vont aussi nous permettre d'être concurrentiels...

M. Léonard: En santé, en santé.

Mme Lavallée: On ne peut pas le regarder juste dans le secteur de la santé. La santé, ce n'est pas le secteur dans lequel on va investir dans l'emploi qui va être générateur d'économies, nécessairement, parce que c'est un secteur de services. Donc, vous allez nous opposer que ça va coûter cher et que ça ne rapportera pas, en tout cas, beaucoup pour ce qui va être. Ça va peut-être rapporter en qualité de santé de la population, mais ça ne rapportera pas.

M. Léonard: Mais, si vous permettez...

Mme Lavallée: Je pense qu'il faut regarder à créer de l'emploi dans des secteurs où, au niveau du marché, on est concurrentiels, des emplois qui vont être générateurs de retombées économiques. Ces gens-là qui vont travailler, qui vont ramener l'économie au Québec vont aussi être des payeurs de taxes avec lesquels on va être en mesure de se payer nos services sociaux, nos services de santé, nos services d'éducation.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Gouin, allez-y brièvement.

M. Boisclair: Brièvement puisque que le temps file, mais...

Le Président (M. Lemieux): II vous reste environ une minute.

M. Boisclair: Je pense que la démonstration, depuis 10 heures environ que nous sommes en commission et que nous commençons déjà à voir un peu où le gouvernement se loge, je pense que votre mémoire nous montre bien et nous donne l'occasion de rappeler qu'il y a plusieurs couleurs de la palette qui ont volontairement été mises de côté et qui ne seront pas étudiées par les différentes autorités qui sont chargées de pré- senter la question.

Je pense que non seulement il y a des solutions qu'on se refuse de regarder, mais il faut aussi voir le conflit ou les contradictions manifestes de l'action gouvernementale sur un certain nombre de questions. C'est assez intéressant.

On parlait tout à l'heure du ticket modérateur, mais il faut rappeler ce que le gouvernement publiait. Je pense qu'on aurait intérêt à se le rappeler et à se le redire. Dans le document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens», qu'est-ce que le gouvernement nous disait, au sujet du ticket modérateur? Entre autres, la conclusion, parce que le temps manque: «La position traditionnelle du ministère repose également sur le fait que le financement des services de base par des sources fiscales n'encourt pas ces désavantages - parlant des désavantages du ticket modérateur - découlant d'une tarification importante, qu'il garantit l'accessibilité sans obstacle aux services au moment où leur consommation est requise, et assure un partage des coûts qui tient compte de la capacité de payer des individus.» On nous disait aussi: «Par ailleurs, une contribution modeste des usagers entraînerait une réduction de la consommation des services», etc. Deux pages dans ce document sur les désavantages du ticket modérateur.

Alors, ce qui était hier une solution à rejeter pour des considérations que nous avons encore peine à imaginer est devenu maintenant une solution et une véritable solution miracle qu'il faut maintenant appliquer comme s'il s'agissait d'une véritable religion. Nous voulons tout simplement et peut-être vous donner l'occasion de vous exprimer sur cette question et... que déjà la conclusion à laquelle plusieurs d'entre nous et plusieurs personnes qui nous écoutent vont rapidement arriver: À quoi bon procéder à cet exercice, si nous avons, dans 10 ans ou dans 15 ans, à revenir ici pour refaire le même exercice puisque nous refusons d'aborder un certain nombre de problèmes véritablement structurels? À quoi bon perpétuer une efficacité et regarder tout simplement comme des fins plutôt que comme des moyens ce genre de solution comme celle du ticket modérateur?

Le Président (M. Lemieux): Monsieur le... Oui, madame. Allez-y.

Mme Lavallée: Effectivement, je pense que c'est des solutions qui sont à court terme, mais je ne pense pas qu'on doive profiter du contexte économique difficile pour apporter des reculs dans des services de ce type-là où, effectivement, ce n'est pas tout le monde qui sera en mesure de se payer des services au moindre coût. Mais à partir du moment où on pale pour certains services qui présentement sont plus gratuits, accessibles et universels, on fait une

brèche, et c'est sûr qu'on pénalise une partie de la population. Dans ce sens-là, je ne pense pas que la conjoncture économique actuelle nécessite des choix aussi drastiques, aussi importants.

Il faut être vigilant. Vous nous dites qu'on est peut-être à l'aube d'une relance économique. Eh bien, je pense qu'on devrait travailler à y participer pleinement, tout en préservant les acquis sociaux. Je pense qu'on ne devrait pas continuellement mettre en opposition les préoccupations économiques versus les programmes sociaux ou les acquis sociaux. On devrait être en mesure de faire un amalgame des deux et se permettre de conserver ce qui est des acquis, qui est une richesse au Québec, ces acquis sociaux là, tout en mettant de l'avant des stratégies pour relancer l'emploi et pour relancer l'économie.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: En terminant, M. le Président, bien sereinement pour redire ma déception. Je n'ai pas comptabilisé les suggestions dites constructives ou qui rapportent de la Fédération, pour la bonne et simple raison que je me refuse à comptabiliser quelque chose que je sais déjà et que je fais déjà. Les négociations avec le fédéral pour aller chercher chez quelqu'un qui est aussi cassé que nous autres notre part de notre dette, moi, je veux bien, mais, par ailleurs, ce n'est pas par une solution constitutionnelle qu'on va régler le problème.

Deuxièmement, travailler sur l'emploi, on ne fait que ça. On ne fait que ça. Mon collègue de Verdun l'a expliqué dune façon extrêmement éclatante, à mon sens, cet après-midi. Il nous a donné des exemples de ce qu'on fait pour l'emploi de façon conjoncturelle et de façon structurelle. Il y en a un qui est à court terme, l'autre est à long terme. Si vous avez des suggestions additionnelles, dites-le. (21 h 10)

Troisième déception, évidemment, c'est justement qu'il n'y a pas de réponse à la question. Lorsqu'on nous dit: On pourrait donc... Il y a tellement d'idées. Ça foisonne et bouillonne d'idées pour créer des emplois partout au Québec... Moi, je dis juste une chose: Donnez-moi un exemple, une idée, une place. Je vais faire le chèque. Mais, à chaque fois, on nous répond - et la FTQ nous a répondu la même chose cet après-midi: On est plein d'idées et, pour vous le prouver, convoquez-nous à une réunion et on va vous les dire. La réunion a lieu aujourd'hui, en ce moment. Dites-nous-le! Dites-nous ce qu'on peut faire sans argent - parce qu'on n'en a pas - pour créer de l'emploi au-delà de ce qu'on fait déjà. Et là, on a fait des choses, des centaines de millions qu'on a empruntés parce qu'on n'a pas d'argent, sauf ce qu'on emprunte, et on en a déjà passablement emprunté. Je ne veux pas me faire répondre...

Je regrette, là, mais je ne trouve pas ça constructif, de dire: Convoquez-nous à une autre réunion, et on va vous le dire. On vous a déjà convoqués pour venir ici aujourd'hui nous le dire. Les gens refusent de le dire. Alors, j'en déduis que personne d'autre n'a de solution, donc qu'on fait le mieux qu'on peut avec ce qu'on a, mais que, si on veut faire davantage, il va falloir prendre des décisions sur l'évolution des dépenses publiques. Je félicite le député de Gouin de sa perspicacité d'avoir finalement découvert aujourd'hui, dit-il, où on s'en allait et quel était notre choix. C'est notre choix depuis huit ans, depuis qu'on en a parlé avant les élections de 1985. C'est ce qu'on a fait et on ne lâche pas. Il faut continuer. C'est ça que les gens nous demandent de faire.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Est-ce qu'on me donne le consentement pour un commentaire de 15 secondes? Est-ce que j'ai le consentement pour un petit commentaire de 15 secondes? Oui. Ah oui, 15 secondes, vous pouvez vérifier.

Dans un premier temps, vous créez de l'emploi chez nous puisque votre siège social est dans mon comté, mais, au-delà de tout ça, simplement c'est que vous êtes à la base, un petit peu la pierre angulaire de notre système de santé. Dans une organisation, lorsqu'on veut modifier des choses, on m'a toujours dit qu'il fallait le demander à ceux qui faisaient le travail. En ce sens-là, je rejoins les préoccupations du Conseil du trésor. On se bat pour la même chose, vous savez. Nous aussi, on veut conserver nos acquis. C'est la seule remarque que j'avais à vous faire.

Alors, nous allons maintenant suspendre nos travaux deux minutes pour permettre au prochain groupe, soit la Centrale des syndicats démocratiques, de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 21 h 13)

(Reprise à 21 h 15)

Le Président (M. Lemieux): Veuillez reprendre vos places.

La commission va reprendre ses travaux pour entendre la Centrale des syndicats démocratiques dans environ 15, 20 secondes. Alors, s'il vous plaît, veuillez prendre vos places. Nous reprenons nos travaux avec... S'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux avec la Centrale des syndicats démocratiques.

Bonjour. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes de débat se feront du côté ministériel et 20 minutes de débat du côté de l'Opposition, pour un temps maximum d'une heure. Alors, je vous invite à bien vouloir

vous identifier pour les fins d'enregistrement du Journal des débats et à nous présenter votre mémoire.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Je suis Claude Gingras, président de la Centrale des syndicats démocratiques. M'accompagne M. Louis Tremblay, responsable du service de la recherche à la CSD.

M. le Président, M. le ministre, M. le président du Conseil du trésor, membres de la commission parlementaire, la CSD, qui représente près de 60 000 membres au Québec, est sûrement très intéressée par le débat qui a pris son origine aujourd'hui. Nous représentons, parmi nos 60 000 membres, 7000 membres qui proviennent des secteurs public et parapublic, dont 4800 dans le secteur de la santé.

C'est un contexte social, politique et économique plutôt sombre qui nous amène à nous présenter ici ce soir. Cette commission, nous le savons tous, se veut une tentative pour répondre au mécontentement général de la population quant aux charges fiscales et à l'ampleur des déficits gouvernementaux. La Centrale des syndicats démocratiques revendique un débat plus large que seulement le financement des services publics au Québec, qui est d'ailleurs l'appellation même de cette commission. Cette approche étroite du gouvernement du Québec ne vise qu'à réduire, bien sûr, son déficit. Nous n'y voyons pas la volonté, de sa part, de s'attarder aux véritables causes et enjeux de la situation économique actuelle. Pour la CSD, la réduction du déficit et le contrôle de l'endettement passent, d'une part, par la qualité et, d'autre part, par l'accroissement du nombre de contribuables, donc par l'emploi.

Autant la fiscalité que la révision des programmes gouvernementaux doivent faire l'objet d'une consultation plus large pour régler vraiment les problèmes économiques présents. Selon nous, trois actions de base doivent être entreprises rapidement: moderniser la gestion du secteur public québécois, contrôler les dépenses gouvernementales et réviser la fiscalité, l'emploi et les revenus du gouvernement.

Pour moderniser la gestion du secteur public québécois, nos gouvernements, tant canadien que québécois, doivent performer davantage avec les ressources que la population leur donne. La position de la CSD repose sur le principe suivant: une plus grande transparence des gouvernements. Le Canada, à cet égard, est en 19e place sur une possibilité de 22, selon le «World Competitiveness Report» de 1991. Au Québec, le Vérificateur général soulève chaque année de nombreuses incohérences de la gestion publique par le secteur public.

La CSD considère qu'il faut que les hauts fonctionnaires aient à répondre de leur gestion devant la commission du budget et de l'administration. Une motion à cet effet a d'ailleurs été votée par la commission parlementaire du budget et de l'administration, en février 1992. Si le gouvernement a une volonté politique d'agir, il le fera rapidement avec sa motion, aussi rapidement qu'il l'a fait, bien sûr, en juin dernier, pour réduire les droits des travailleuses et des travailleurs en santé et sécurité au travail ou, en décembre dernier, en permettant l'ouverture des commerces le dimanche. Pour la CSD, il faut absolument responsabiliser les hauts fonctionnaires quant à leur gestion.

Le deuxième moyen, bien sûr, une qualité améliorée et une productivité accrue à tous les niveaux. Dans un discours prononcé en 1990, le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, Gérald Tremblay, mentionnait que le coût de la non-qualité, au Québec, représentait 15 % du produit intérieur brut. Dans une autre intervention publique, il soulignait, et je cite: «Vous savez que la non-qualité, au Québec, ça nous coûte, au bas mot, 24 000 000 000 $ par année. Je vous laisse imaginer ce qu'on pourrait faire avec 24 000 000 000 $ par année. 24 000 000 000 $, c'est huit fois le déficit annuel du Québec.» Fin de la citation. (21 h 20)

Selon la CSD, on ne peut attribuer qu'au secteur privé de telles pertes. Le Vérificateur général a d'ailleurs souligné quelques exemples de gaspillage des fonds publics, particulièrement dans la planification des ressources humaines. Or, ces ressources composent le principal poste de dépenses pour le fonctionnement des ministères et organismes. La CSD estime - et je tiens à vous le redire clairement - qu'une nouvelle vision de gestion moderne et démocratique doit être mise de l'avant. Cette vision se traduit, par exemple, par l'implication des travailleuses et des travailleurs à titre de véritables partenaires dans les milieux de travail pour l'élimination du gaspillage et l'augmentation de la productivité. Ces travailleuses et travailleurs sauront, bien sûr, mettre à contribution leur savoir-faire, car ils sont conscients que, sans redressement, leurs emplois sont menacés et leurs conditions de travail aussi. Nous rejetons catégoriquement l'approche qui semble se perpétuer de geler les salaires et de réduire les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs du secteur public. L'expérience de 1983 devrait guider les choix du gouvernement dans le développement de la productivité et de la qualité dans le secteur public.

Une troisième mesure, bien sûr, repose sur l'urgence d'éliminer les dédoublements administratifs. La CSD revendique que le gouvernement du Québec mette tout en oeuvre pour éliminer les dédoublements administratifs avec le gouvernement fédéral. La Centrale des syndicats démocratiques rappelle que dans les secteurs de la maln-d'oeuvre, de l'emploi et de la formation

professionnelle, entre autres, on peut économiser jusqu'à 250 000 000 $ par année. La récente rencontre entre le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Bourbeau, et son vis-à-vis fédéral, M. Valcourt, n'a pas été un succès, il faut l'admettre. À cet effet, nous enjoignons, bien sûr, M. Bourbeau de poursuivre ses démarches. Déjà, nous apprenions en fin de semaine dernière que le fédérai ne renouvellera pas son entente avec Communication-Québec pour le maintien d'un guichet unique d'information sur les services et structures des deux paliers de gouvernement.

Dans un contexte de compressions budgétaires, la situation est plutôt aberrante, et nous estimons que le gouvernement québécois doit tout faire pour enrayer ces tendances. Par ailleurs, des dédoublements sont aussi présents à l'intérieur même du gouvernement québécois. À titre d'exemple, pour la langue française, on compte présentement, au Québec, un ministère, quatre commissions, un secrétariat, un conseil et un office. Pour la CSD, la protection de la langue française est primordiale. D'ailleurs, la CSD fait depuis longtemps la promotion de la langue française dans les milieux de travail et s'implique pour atteindre la permanence en matière de francisation. Mais n'y a-t-il pas moyen d'envisager l'abolition ou la fusion de certains organismes gouvernementaux parmi ceux que nous venons d'énumérer?

Autre exemple de mesures à mettre de l'avant: le comité de travail sur la rationalisation des dépenses publiques proposait, en 1991, de créer un ministère de l'emploi et un ministère de la famille, et d'en éliminer quelques autres. Un ministère de l'emploi pourrait regrouper notamment les responsabilités suivantes: les relations de travail, les services essentiels, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'accès à l'égalité en emploi, la santé et la sécurité du travail, l'industrie de la construction, la formation professionnelle et le développement de l'emploi, les normes du travail, les régimes de retraite publics et privés. Un ministère de la famille regrouperait, quant à lui, les responsabilités quant aux jeunes, aux femmes, la sécurité du revenu, les aînés, les personnes handicapées et les services de garde. Dans ce même ordre d'idées, la CSD revendique du gouvernement qu'il mette en place un plan de restructuration des organismes et ministères afin d'en réduire le nombre et d'en préciser les responsabilités.

Un quatrième moyen de moderniser la gestion publique: décentraliser les centres de décision. Or, la CSD croit que le gouvernement du Québec doit donner aux communautés locales et aux régions les pouvoirs nécessaires pour utiliser les ressources de l'État en fonction de leurs besoins. Cette décentralisation permettra d'accroître la pertinence des interventions par rapport aux besoins de la population. Dans les entreprises, la question de toute aide financière du gouvernement doit dorénavant être faite conjointement par l'employeur et les travailleuses et les travailleurs. Cette mesure accroîtra la responsabilisation de tous quant à l'utilisation des ressources dont l'État dispose pour soutenir le développement économique et la création d'emplois.

Une autre action de base à entreprendre: contrôler les dépenses gouvernementales. La CSD croit que toutes les interventions de l'État doivent être soumises à un examen rigoureux afin de maximiser leur portée auprès de la population et de justifier les coûts qu'elle engendre. En appui, la CSD relève le questionnement du Vérificateur général du Québec dans son rapport 1991-1992. Il souligne, entre autres, l'inaction gouvernementale ainsi, et je cite: «Un examen, effectué en 1990 par mon prédécesseur, de la forme et du contenu des documents d'information financière déposés à l'Assemblée nationale, soit principalement les prévisions budgétaires et les comptes publics, a démontré que des améliorations très importantes devraient être apportées à ces documents. Les constatations d'alors portaient sur le fait que des informations aussi importantes que celles sur les objectifs à atteindre et les besoins à satisfaire, la mesure de l'atteinte des objectifs et l'utilisation optimale des fonds étaient soit imprécises, soit absentes. Malgré que certains ajouts aient été faits à l'information fournie dans ces documents, je constate que ces derniers n'ont pas été modifiés de façon importante eu égard aux principales améliorations proposées.» Fin de la citation. On peut se demander comment un gouvernement qui ne tient pas compte de telles remarques peut affirmer administrer consciencieusement les fonds publics. Les ressources mises à la disposition du gouvernement du Québec sont très importantes en ces temps difficiles, et cela exige que le gouvernement précise les objectifs de ses programmes, en quantifie l'atteinte et s'assure que sa façon de faire soit la moins coûteuse.

Prenons, à titre d'exemple, le programme Rattrapage scolaire existant depuis 1984 pour les bénéficiaires de l'aide sociale. En 1991-1992, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du Revenu et de la Formation professionnelle et le ministère de l'Éducation ont consacré plusieurs dizaines de millions de dollars pour que plus de 56 000 bénéficiaires retournent sur les bancs d'école. Parmi ceux-ci et ceux qui les ont précédés depuis le début du programme, combien ont effectivement terminé leur cours secondaire dans le cadre de ce programme? Pourquoi ne l'ont-ils pas terminé? Est-ce la meilleure mesure de développement de l'employabilité à utiliser pour leur permettre d'intégrer le marché du travail? Notre questionnement ne vise pas à faire disparaître ce programme, mais plutôt à vérifier si les objectifs sont atteints et à quel coût. Ce programme ne doit pas être là pour occuper les

bénéficiaires de l'aide sociale, mais pour leur permettre vraiment d'intégrer le marché du travail. La scolarisation des bénéficiaires est sûrement un objectif louable, mais encore faut-il l'atteindre de la meilleure façon. Nous estimons que le gouvernement doit faire un examen rigoureux de ses interventions et les modifier pour répondre aux besoins. Ces mesures doivent être appliquées à toutes les interventions de l'État.

Par exemple, ces documents du ministère de la Santé et des Services sociaux - et je pense que ça vaut la peine qu'on en parle - nous savons que l'ensemble de ces documents a été distribué à chaque employé du ministère. Je ne sais pas si vous avez vu cette brochure-là, mais ça doit coûter des sous, ça. Croit-on sincèrement que chaque travailleuse et travailleur, de la réception à la direction générale des établissements, consultera l'ensemble de ces données-là? Pourquoi ne pas avoir distribué seulement le résumé, rendu disponible pour consultation le document principal? On pourrait énumérer une série d'autres exemples du même type. C'est par ce genre d'exemple que la CSD revendique que le gouvernement du Québec précise les objectifs de ses programmes et dépenses, quantifie l'atteinte et s'assure que la façon de faire soit la moins coûteuse. Je tiens à bien mettre en évidence que nous dénonçons l'intention gouvernementale d'abolir aussi la gratuité complète et l'universalité des services. Toucher à ces acquis équivaut à un recul inacceptable des droits des citoyens, et la CSD s'y objecte fermement.

Finalement, la troisième action de base de la part du gouvernement doit être de réviser la fiscalité, l'emploi et les revenus du gouvernement. Le fardeau fiscal des Québécoises et des Québécois s'est considérablement modifié au cours de ces dernières années, car les gouvernements cherchent à accroître leurs revenus par des modifications de la fiscalité. Mais les consommatrices et les consommateurs adoptent des comportements différents afin d'éviter de payer les impôts et les taxes. On parle ici de contrebande, travail au noir, etc. Par ailleurs, le gouvernement accorde des déductions, des exemptions en visant des objectifs que la CSD partage, à savoir la stimulation de l'Investissement, de la recherche, de la formation des travailleuses et des travailleurs, entre autres. Par contre, plusieurs citoyens sont actuellement sans emploi et reçoivent des prestations d'assurance-chômage, d'aide sociale ou même n'ont aucun revenu. Cela représente une diminution importante de revenus pour les gouvernements. Il faut donc rétablir un équilibre acceptable au plus tôt. Pour ce faire, la CSD revendique, premièrement, une commission d'enquête publique sur la fiscalité. Cette commission disposera d'une année pour étudier en détail la fiscalité québécoise et la rendre concurrentielle, intégrée et coordonnée, cela autant pour les ménages que pour les entreprises. Nous disons «concurrentielle», car elle doit attirer les investisseurs chez nous plutôt qu'en Ontario ou aux États-Unis ou ailleurs, bien sûr. (21 h 30)

Par contre, nous estimons qu'il faut éliminer certaines échappatoires fiscales. Lorsque nous disons «fiscalité intégrée», nous recherchons, bien sûr, une planification de la fiscalité. Par exemple, l'administration de la TPS et de la TVQ ne se révèle pas aussi simple que prévu. Le problème est dû à la définition de l'assiette fiscale de ces taxes et aux cas d'exemption qui en diffèrent considérablement. Une meilleure planification améliorerait sûrement la situation.

Une fiscalité coordonnée. Les régimes fiscaux fédéral et provincial doivent être coordonnés, autant pour les entreprises que pour les particuliers. La revendication de la CSD vise à ce que le gouvernement du Québec élimine les exemptions, déductions, fraudes et échappatoires dans l'impôt sur le revenu des particuliers et dans l'impôt des sociétés, qui vont à rencontre d'une fiscalité concurrentielle, intégrée, coordonnée et équitable. Le gouvernement doit revoir toutes les règles particulières de fiscalité en fonction du plein emploi. En somme, il faut viser une fiscalité québécoise plus progressive.

La CSD revendique également l'implantation d'une politique de plein emploi. L'augmentation des revenus de l'État passe par une augmentation du nombre de payeurs de taxes. Le taux de chômage actuel, qui dépasse 13 %, jumelé à l'accroissement critique du nombre de personnes qui ont perdu espoir et qui ne sont même plus en mesure de rechercher un emploi, montrent la faiblesse de notre économie. Le plein emploi doit se réaliser par diverses mesures visant la lutte aux mises à pied et aux licenciements, le redressement et la relance d'entreprises, la préretraite, la réduction du temps de travail pleinement compensé, un développement sectoriel et régional, une réforme de l'aide aux entreprises qui s'appuie davantage sur la participation des syndicats, des travailleuses et des travailleurs, la formation, le congé éducation, le revenu social, etc. Pour la CSD, cette série de moyens doit servir les milieux de travail pour qu'ils puissent accroître leur productivité et la qualité et mieux relever le défi qui les attend. Le gouvernement québécois doit s'engager dans une politique progressive de l'emploi, d'autant plus que, favoriser l'emploi, c'est s'assurer d'un nombre plus élevé de contribuables payeurs de taxes qui, ainsi, feront rouler l'économie, ce qui diminuerait les coûts pour soutenir les sans-emploi.

Le redressement auquel la CSD incite le gouvernement à adhérer fait appel à un engagement politique profond, ferme, et c'est maintenant qu'il faut agir. Mais, cette fois, il faut convier les travailleuses et les travailleurs à s'impliquer entièrement. Ils sauront le faire. On peut leur faire confiance si on leur donne, bien

sûr, la place qui leur revient. C'est de l'avenir de chacun dont il s'agit. Il est essentiel de s'engager avec sincérité pour une fiscalité équitable au service de l'emploi. Et je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. M. Gingras, je dois d'abord vous remercier d'être venu ici, et je dois dire que, depuis 12 ans, 13 ans que j'ai l'occasion de lire et d'échanger avec les différents dirigeants de votre centrale, j'ai toujours été impressionné par la qualité des documents qui sortent de votre centrale syndicale. Et le mémoire que vous présentez aujourd'hui ne fait pas défaut à la réputation que vous avez à mes yeux quant à la qualité de votre analyse.

Je voudrais revenir ici sur la première partie, disons, de votre mémoire, lorsque vous appelez à la modernisation de la gestion du secteur public. Et je dois dire personnellement que j'ai été absolument presque d'accord complètement avec les points que vous soulevez. Vous appelez à plus de transparence dans l'administration. Vous appelez à un accroissement de la qualité et de la productivité dans la gestion du secteur public. Vous nous conviez à éliminer les dédoublements entre les différents ministères et, le cas échéant, entre le fédéral et le provincial. Vous nous conviez à décentraliser nos centres de décision. Je dois dire que, de ce côté-ci de la Chambre, nous partageons facilement ces objectifs, et c'est un peu une raison pourquoi nous sommes réunis ici.

La question que j'aimerais vous poser, c'est: D'aucuns prétendent que bien des freins à la modernisation du secteur public viennent des différentes conventions collectives qui ont été signées. Je sais que vous représentez une partie peut-être relativement minime des employés du secteur de l'État. Ma question, c'est: Est-ce que vous êtes prêts à remettre en question et à travailler avec nous, dans ce cadre des conventions collectives, pour avoir un cadre de relations de travail qui nous permette réellement d'arriver à une véritable modernisation de la gestion de l'État? Autrement dit, j'interpelle après que vous nous ayez interpellés, et en remerciant la qualité de votre exposé, je vous interpelle pour savoir: Est-ce que vous êtes prêts à travailler avec nous, compte tenu qu'un des freins potentiels de cette modernisation c'est l'ensemble des conventions collectives dans le secteur public?

M. Gingras: Bien, écoutez, la réponse est positive. Je pense que la CSD a fait la preuve, tout au cours de son existence, quand même, de sa grande volonté de pratiquer un syndicalisme nouveau et moderne. Un syndicalisme nouveau et moderne, ça ne veut pas dire s'inscrire dans la tradition et ne rien changer. Je pense qu'on a toujours été...

M. Gautrin: Au contraire, même.

M. Gingras: Oui, c'est ça. Alors, on a toujours été favorable à s'inscrire dans une démarche progressive, une démarche qui fait avancer les choses, dans lesquelles les travailleurs trouvent leur compte on étant reconnus comme de véritables partenaires.

M. Gautrin: Absolument.

M. Gingras: Parce que je pense que l'emploi qu'on détient - et, ça, je pense que c'est une croyance fondamentale à la CSD - on doit travailler à le conserver; et, ça, je pense que c'est important. Si on veut partager le fruit de cet emploi, au départ il faut s'assurer qu'il va continuer d'être là. Alors, dans ce sens-là, on doit s'inscrire dans une approche qui fait en sorte de nous garder le niveau de compétitivité qu'on doit toujours garder pour s'assurer que cet emploi-là va demeurer. Alors, c'est pour ça que, quand on parle de modifier les conventions collectives, bien, écoutez, je pense qu'on a fait la preuve qu'on est capable de le faire lorsque les circonstances l'exigent. Ça ne veut pas dire modifier les conventions à rabais, nécessairement, ça ne veut pas dire consentir des reculs au niveau des conditions de travail, mais ça veut dire ajuster les conditions de travail à des nouvelles réalités, et ça veut dire aussi s'adresser aux nouveaux défis en se donnant quand même les marges nécessaires pour pouvoir opérer des entreprises et des établissements avec suffisamment de flexibilité et de possibilité pour qu'on relève, justement, le défi de la compétitivité.

Alors, ça, je pense que là-dessus on a manifesté notre ouverture. Que ce soit pour le secteur public ou privé, je pense qu'on va continuer dans ce sens-là et, pour nous autres, on a déjà, même, négocié, au niveau de nos conventions collectives dans le secteur public, des conventions qui font qu'on est prêt et qui disent qu'on est prêt à s'asseoir avec les autorités de certains établissements pour essayer de voir ensemble par quelles mesures on est capable d'accroître l'efficacité, la qualité des services, et tout ça.

Mais il faut dire que, même si on a réussi à négocier et à intégrer dans nos conventions collectives du secteur public ce genre de dispositions, on ne peut pas dire qu'à venir jusqu'à maintenant le résultat ait été très concluant parce que, même si on s'entend sur ces conditions-là, il faut qu'une réelle volonté existe, qu'on s'assoie et puis qu'on essaie de les régler, même si ça peut sortir du cadre traditionnel des politiques qui sont imposées à l'ensemble des

institutions. alors, c'est dans ce sens-là que je vous dis: actuellement, on n'a pas nécessairement fait le virage dans le secteur public, et il y a peut-être un coup de barre à donner dans ce sens-là.

M. Gautrin: Je vous remercie et j'espère pouvoir continuer à échanger avec vous dans le futur. Merci.

M. Gingras: Ça me fera plaisir.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président.

Bienvenue aux représentants de la CSD. Je voudrais d'abord faire une remarque sur votre première balise ou recommandation, ou le principe que vous énoncez qu'il faut une plus grande transparence de l'État dans ses opérations. Je ne peux pas faire autrement que reprendre un peu ce qui a été fait par rapport à cette commission lancée à la mi-décembre, pratiquement, en donnant un délai presque impossible, alors que c'étaient les vacances de Noël pour tout le monde, sans documentation de base. Et je rappelle que le document du gouvernement a été publié le 19 janvier, date où tout le monde devait remettre son document, son rapport à la commission. (21 h 40)

Je pense que, là, il y a comme un problème, parce que je crois qu'il en manque, justement, des renseignements de base, puisque tout le monde a dû préparer son mémoire à partir de renseignements qui étaient pratiquement périmés. Et puis, hier soir, le comble, on nous arrive avec la synthèse des états financiers, les opérations financières du 31 décembre. Et je les retiens, parce que, franchement, je m'en souviendrai longtemps, parce que, pour les prochaines, nous allons exiger le dépôt 15 jours après la fin du mois. Elles sont prêtes, elles sont disponibles. Peut-être qu'on pourrait aller à 30 jours, peut-être. Je rappellerai qu'encore là l'efficacité du gouvernement ne serait pas un modèle, parce que dans des institutions financières qui se respectent, 10 jours après la fin du mois, vous les avez. C'est ça qui se passe.

M. le Président, j'apprécie d'autant plus les organisations et les personnes qui viennent ici, devant nous, transmettre, nous dire ce qu'ils entendent par finances publiques, par fiscalité, comment ils voient la solution des questions qui se posent là-dedans. Je relève un certain nombre de bonnes suggestions dans ce que vous dites. Oui, il y a des choses à faire au gouvernement: éliminer les dédoublements administratifs, décentralisation des centres de décision du secteur public pour les rapprocher de la population. Je dirais même qu'à l'intérieur du gouvernement il y a peut-être quelques échelons, quelques niveaux de trop qui feraient que ça se rapprocherait, d'ailleurs, des travailleurs eux-mêmes, ce qui correspondrait à l'évolution dans les grandes organisations où, finalement, on essaie d'éliminer le plus possible des niveaux en élargissant la base avec beaucoup plus de concertation. Ça, c'en est.

Mais, au-delà de ça, on reste toujours, jusqu'à un certain point, dans le rétrécissement de la fonction publique plutôt que de trouver des façons de l'utiliser pour essayer de relancer l'économie. Ce que vous proposez, c'est l'implantation, après une commission d'enquête publique sur la fiscalité - dont il été question aujourd'hui; quelqu'un d'autre pourrait poser la question là-dessus - d'une politique de plein emploi.

Moi, j'aimerais reposer la question suivante, que j'ai posée tout à l'heure: Qu'est-ce que c'est, pour vous? Qu'est-ce que vous feriez faire à des personnes qui sont sans emploi maintenant, dans le secteur public, parapublic, ou en dehors, à partir du moment où elles sont en chômage?

Je tique un peu sur ce que vous dites des préretraites parce que, pour moi, c'est une demi-solution. Une personne qui s'en va en préretraite se retrouve, de toute façon, à la charge de la communauté, de la collectivité, et ce n'est pas nécessairement le meilleur moyen; je dirais que c'est le dernier recours, dans certains cas. Mais, au-delà de ça, une politique de plein emploi, ça veut dire que tout le monde travaille. Quelles sont les étapes? Quelle est, après ça - la deuxième question - la façon de financer une politique de plein emploi, pour vous?

M. Gingras: Écoutez, il ne s'agit pas, quand même, d'une question très simple, mais il y a moyen de s'inscrire dans une politique de plein emploi de façon très claire et très énergique.

Premièrement, je pense que toute la fiscalité doit s'adresser, doit converger en fonction d'inciter à l'investissement pour développer l'emploi. Alors, il y a un modus vivendi clair, là, c'est qu'on doit s'entendre sur cette condition minimum là. Quand on établit des règles de taxation, quand on établit une fiscalité, elle doit favoriser l'investissement dans les emplois et le développement des emplois.

Deuxièmement...

M. Léonard: Est-ce que... Juste, si vous me permettez...

M. Gingras: Oui.

M. Léonard: Est-ce que, à ce moment-là, ce que vous nous dites indirectement, c'est que ça défavoriserait ou découragerait le travail au noir, une telle fiscalité? C'est ça que vous nous dites?

M. Gingras: Exact. C'est qu'au départ il faut s'entendre: une telle politique ferait en

sorte de décourager ce qu'on appelle l'économie au noir, qui semble se développer à un rythme qui est assez effarant, pour ne pas dire très inquiétant pour une société...

M. Léonard: Oui.

M. Gingras: ...qui veut se développer et continuer...

M. Léonard: D'accord avec vous.

M. Gingras: ...quand même, de progresser. Alors, on est très inquiets actuellement, et je pense qu'il faut s'adresser à ces problèmes-là de façon très claire. Et il faut faire en sorte que les gens qui font une économie qu'on appelle «au blanc» soient favorisés par rapport à des gens qui s'inscrivent dans une économie au noir. Et, actuellement, ce n'est pas nécessairement ce qui se passe. Je pense qu'il faut qu'on donne un coup de barre dans ce sens-là.

Deuxièmement, quand on parle de fiscalité favorisante pour la création d'emplois, il faut parler également de conditions. Vous avez dit: Bon, bien, la préretraite, c'est peut-être un cataplasme. Mais, pour nous autres, c'est important, et je vais vous expliquer pourquoi. Il y a quand même des travailleurs qui sont rendus à 55 ans d'âge, qui sont rendus à une étape de leur vie de travail où ils ont quand même peut-être eu la possibilité d'accumuler une certaine partie de revenus qui leur permet quand même de vivre, en partie. Bien sûr, ce n'est pas suffisant, mais ils sont mieux placés pour vivre que d'autres. Ils ont réussi à payer leur maison, ils se sont ramassé un petit capital, et tout ça. Ils seraient en mesure de prendre une décision, à un moment donné, d'aller vers une préretraite, mais ils n'ont pas le revenu ou la sécurité nécessaire pour prendre ce genre de décision-là.

Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on investit énormément d'argent - et je ne veux pas dire qu'on ne doit pas continuer de le faire pour ceux qui veulent, qui choisissent de rester sur le marché du travail - dans le recyclage de ces personnes-là - à 55 ans d'âge, analphabètes et on doit les alphabétiser, les former techniquement pour devenir de bons artisans de l'informatique parce que, demain, les machines seront des robots et de l'informatique. Alors, on leur demande de faire ça à l'âge de 55 ans, et puis on craint une perturbation chez ces gens-là qui n'ont pas d'option, tellement qu'à un moment donné on ne réussit pas toujours à recycler ces travailleurs-là.

Et, malheureusement, pendant ce temps-là, il y a un travailleur, un jeune travailleur qui est en recherche d'emploi, qui essaie de se dénicher un emploi dans notre société, qui, lui, attend sa place. Il attend sa place, et puis il n'est pas capable d'y adhérer. Alors, lui, il nous coûte cher. Lui, il nous coûte cher. Mais le travailleur à qui on pourrait peut-être offrir un programme de préretraite parce que, lui, il aurait une possibilité de choix, soit de se recycler ou de faire autre chose, à ce moment-là II aurait au moins la possibilité de son choix. Et, à ce moment-ci, ça n'existe pas. Là, on a deux personnes malheureuses, en fait, et on ne sait pas choisir. Et on continue de tolérer un taux de chômage de 13 %.

Il y a une série de mesures comme ça, qui peuvent être initiées et qui seraient de nature, quand même, à faire en sorte qu'on améliorerait la situation du chômage, qu'on metttrait plus de personnes au travail puis qu'il y aurait plus de personnes avec un revenu décent aussi pour continuer de vivre décemment dans notre société. Mais il s'agit de faire des choix. Garder 13 % de chômeurs ici, au Québec, ce n'est pas un choix pour la CSD, et ça ne devrait pas être un choix pour le gouvernement non plus. Il faut trouver d'autres moyens.

La réduction des heures. Je pense que la réduction des heures de travail, à un moment donné, il va falloir y penser aussi. On est passé, à un moment donné, à une réduction de 48 à 40, vous le savez fort bien, et ça a été bénéfique pour l'emploi. Je pense que de plus en plus il va falloir envisager, en termes de projet de société, de partager un peu mieux les heures de travail et puis d'essayer de voir comment on est capable de mettre plus de gens au travail. De cette façon-là, on va les valoriser et on va arrêter d'avoir un système où tout le monde est à la remorque.

En tout cas, il y a une série de mesures, et on pourrait continuer d'en énumérer; on pourrait continuer d'en énumérer énormément. Et il y a des créneaux importants de développement de l'emploi. M. Gérald Tremblay, le ministre de l'Industrie et du Commerce, entre autres, est un ardent défenseur de ces grappes industrielles. Il a peut-être une belle stratégie, là, mais avec quels moyens on la développe? Écoutez, on aurait énormément d'intérêt à identifier les bons créneaux dans lesquels on pourrait susciter l'investissement ici, au Québec, développer de nouvelles entreprises. Et, actuellement, on ne sent pas la volonté, vraiment, de rendre ça concret. Ce n'est pas évident qu'on fait le travail pour susciter ces investissements-là. Bien sûr, on a de bonnes idées, mais, dans le concret, on ne les matérialise pas et on ne les réalise pas souvent. Alors, ça, c'est un constat, et je pense qu'il va falloir qu'on s'assoie sérieusement et qu'on réalise des choses.

Le Président (M. Lemieux): Ça va?

M. Léonard: La deuxième partie, c'était: Comment on finance ça, une politique de plein emploi, à votre idée? Parce que vous l'énoncez, là: implantation d'une politique de plein emploi. Je suppose que vous partez déjà des allocations

qui sont disponibles, mais il faut en sortir un jour si on veut vraiment que l'ensemble progresse.

M. Gingras: C'est sûr qu'il ne faut pas que ça se fasse au profit d'une augmentation des dépenses publiques. Je pense qu'il faut être clair là-dessus, pour nous autres. Il faut qu'on diminue les coûts.

Actuellement, une façon de diminuer, c'est d'enrayer le chômage chronique et structurel. Mais je pense que, justement par ces économies-là qu'on réaliserait, déjà on financerait une bonne partie des coûts, justement. Il s'agit de dépenser l'argent un peu mieux qu'on ne le dépense actuellement. Les programmes ne sont pas vraiment adaptés à l'économie qu'on a ici, au Québec.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle. M. le député de Limoilou. (21 h 50)

M. Després: Oui. Merci, M. le Président.

M. Gingras, je trouve tout à fait rafraîchissante et pragmatique votre approche, contrairement aux autres centrales syndicales qui sont venues nous rencontrer aujourd'hui, parce que vous nous avez présenté un plan de redressement en trois parties: la modernisation du secteur public, le contrôle des dépenses et la révision de la fiscalité. Quand on parle, effectivement, de la transparence gouvernementale, c'est un peu l'objectif. Je n'étais pas tout à fait d'accord, M. le Président, tout à l'heure, quand j'entendais le député de Labelle qui - je l'écoute depuis le début de la journée - essayait toujours et constamment de picosser.

Vous me permettrez de faire une petite parenthèse. Lorsqu'il parle de cette transparence, je pense que nous n'avons pas, M. le Président, les ministériels, à recevoir de leçon. Lorsqu'ils ont été au pouvoir, eux, pendant huit ans, jamais ils n'ont entendu le Vérificateur général. Vous allez me dire qu'on sort des vieilles choses, mais des choses qui font que lorsqu'on veut parler de transparence... Lorsqu'on a eu un problème financier au gouvernement en 1982, on a décidé de façon unilatérale de couper dans les salaires parce qu'on avait un problème budgétaire. Nous, on dit qu'on contrôle la situation financière. On veut continuer à la contrôler et on fait l'exercice de faire une commission parlementaire. Je crois, M. le Président, que c'est un exercice, justement, de transparence face aux finances publiques, face aux orientations que le gouvernement veut prendre que l'exercice qu'on fait ici.

Cette parenthèse étant fermée, M. le Président, M. Gingras, lorsque vous parlez du contrôle des dépenses, je vois qu'à part l'aspect de la tarification, vous avez tout de même une approche, au niveau du contrôle des dépenses, qui rejoint en un certain nombre de points le document qui a été déposé, qui est de vivre selon nos moyens comme tels. Vous dites qu'on pourrait faire une analyse des différents programmes qui existent.

Dans le contexte budgétaire actuel, j'aimerais vous demander s'il y a des secteurs où le gouvernement devrait diminuer son implication ou devrait se retirer. Est-ce que, dans ce sens-là, vous avez des suggestions à faire? Vous pouvez me parler de dédoublements; je vais être d'accord avec vous au niveau de la main-d'oeuvre. Vous avez parlé de l'exemple au niveau des communications, tout à l'heure; je suis d'accord aussi avec vous. Mais, face aux organismes publics et aux ministères déjà existants, je pense que vous avez cité peut-être une couple d'exemples tout à l'heure, soit au niveau des ministères et des organismes ou au niveau des programmes déjà existants; est-ce qu'il y a des secteurs, pour vous, où le gouvernement devrait diminuer son implication financière ou même se retirer?

M. Gingras: Non, on ne pense pas que la solution repose dans le retrait du gouvernement de certaines responsabilités, parce que je ne suis pas certain que ça contribuerait à assainir, quand même, les dépenses publiques. Je pense que l'effort doit être mis dans la rationalisation et dans l'amélioration de l'efficacité.

Écoutez, diminuer à ce moment-ci les services ne serait pas de nature à dynamiser l'action dans notre société. Je pense qu'on s'est donné certains services; on s'est donné certaines mesures qui nous permettent actuellement de développer des choses. C'est dans la rationalisation de ces outils qu'on s'est donnés que reposent, bien sûr, les solutions. C'est dans l'amélioration de l'efficacité de ces services-là que reposent aussi les solutions. Dans ce sens-là, pour nous autres, abolir une partie des services, ce ne serait pas nécessairement une réponse.

M. Després: M. le Président, peut-être une autre courte question. Quand vous dites «par une responsabilisation des hauts fonctionnaires quant à leur gestion», donc, vous parlez d'une impu-tabllité. J'airnorais ça savoir commont lo processus d'imputabilité des hauts fonctionnaires devrait être opérant? Est-ce une imputabilité interne, une imputabilité externe?

M. Gingras: Pardon?

M. Després: Est-ce que vous parlez d'une imputabilité interne, externe?

M. Gingras: On parle d'imputabilité publique, dans le sens que ces gens-là viendraient témoigner devant la commission du budget et de l'administration et témoigner...

M. Després: Donc, d'imputabilité externe.

M. Gingras: ...sur les programmes - c'est ça - qu'ils ont eu à développer, et pourquoi les objectifs n'ont pas été atteints. En tout cas, qu'ils aient à rendre des comptes là-dessus.

Le Président (M. Lemieux): Mais comment voyez-vous ce cadre de fonctionnement de comparution des hauts fonctionnaires devant la commission parlementaire? Si vous aviez à définir le cadre de fonctionnement, vous le verriez de quelle façon?

M. Gingras: Je vais demander à mon collègue, Louis Tremblay, de développer sur cette partie-là, possiblement la vision qu'on...

M. Tremblay (Louis): À tout le moins, il faudrait rejoindre les recommandations du Vérificateur général. Quand le Vérificateur général, dans son rapport, écrit un chapitre sur un ministère, sur un organisme, il faut que les hauts fonctionnaires viennent s'expliquer, viennent rendre des comptes sur les remarques, publiquement. Ils sont responsables de la gestion. Le gouvernement est responsable des politiques. La gestion est une part importante de l'administration publique, à tout le moins.

Aussi, il faut décentraliser dans les ministères et les organismes. Tout à l'heure, on parlait d'améliorer le service à la population. Le service. Bien, il faut qu'on puisse discuter de l'organisation du travail dans les ministères, dans les organismes, dans les hôpitaux, dans les écoles. Ce n'est pas à une commission parlementaire, ici, qu'on peut nécessairement régler tous ces problèmes-là. Il faut laisser la possibilité aux milieux de travail de réaménager les services qu'ils donnent à la population.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue, à mon tour, aux représentants de la CSD. Moi, j'aurais une question, une question très courte. Dans votre plan de redressement, vous faites allusion à l'élimination des dédoublements administratifs, puis vous dites que c'est urgent. Alors, comment vous voyez que ça pourrait se faire à très court terme, l'élimination?

M. Gingras: Écoutez, vous me posez une question qui n'est pas facile. Je pense qu'on a participé pour essayer de convaincre le gouvernement fédéral, à un moment donné, dans certains domaines, d'accepter le guichet unique du Québec, entre autres par rapport aux mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre. On sait de quelle façon on est obligé de se diriger à 10 ou 15 endroits différents, à un moment donné, pour obtenir des réponses par rapport à certains défis qu'on relève de relancer certaines entreprises, de s'adresser aux problèmes de formation, de s'adresser aux problèmes de recyclage, de réadaptation des travailleurs. Alors, on est obligé de cogner à plusieurs portes actuellement pour bénéficier des mesures de soutien pour s'adresser au problème de l'économie. Et je pense qu'il est temps qu'on s'adresse ou qu'on travaille à l'intérieur d'un guichet unique.

On a fait des démarches auprès du gouvernement fédéral. Il semble que les derniers pourparlers avec le ministre Bourbeau n'aient pas nécessairement abouti au succès espéré, mais je pense qu'il va falloir que les gouvernements... Là-dessus, nous autres, je ne sais pas comment on va réussir à les convaincre, mais il va falloir que les deux paliers de gouvernement - si ça doit continuer d'être notre régime politique, bien sûr - deviennent un peu plus rationnels et, indépendamment du choix d'option politique qu'on a, qu'on s'entende sur l'efficacité. Sur ça, actuellement, ce n'est pas évident que les choix politiques qui sont faits, tant au fédéral qu'au provincial à certaines occasions, nous conduisent à cette efficacité-là qui doit être recherchée.

Dans un contexte comme celui qu'on traverse, où le gouvernement cherche ses revenus et où, nous, on veut protéger nos acquis sociaux et nos programmes, je pense qu'à un moment donné la première réaction qu'on a quand ces enjeux-là sont menacés, on se dit: II faudrait qu'on commence par faire le ménage dans la cabane. Et c'est ça qui presse actuellement, et c'est la difficulté à laquelle on s'adresse.

Alors, comment on va résoudre ce problème-là? Bien, écoutez, on fait appel tant au fédéral qu'au provincial pour qu'enfin on raisonne ça de façon claire, dorénavant, pour qu'on règle ces enjeux-là de façon claire et à l'avantage, quand même, de la société.

M. Filion: Basée sur une telle réflexion, j'aimerais savoir si la CSD serait d'accord à ce qu'il y ait, au Québec, une seule déclaration d'impôt, comme actuellement on a une espèce de guichet unique, si on peut l'appeler ainsi, pour la taxe de vente du Québec, où on a fusionné TPS et TVQ administrées par le Québec? Est-ce que la CSD verrait d'un bon oeil qu'on puisse, au ministère du Revenu du Québec, avoir une seule déclaration d'impôt, par exemple avec une section fédérale et une section particularité Québec, où on aurait un seul endroit, où on adresserait un seul chèque au ministère du Revenu du Québec? Est-ce que, pour la CSD, c'est quelque chose qui devrait se travailler, ça, dans l'esprit, toujours, de la simplification et de l'élimination des dédoublements administratifs, puisqu'on a quand même des économies majeures avec la TPS et la TVQ administrées par le ministère, à Québec? Alors, dans cette dynamique-là, est-ce que la CSD, par rapport à ce que vous soulevez, soit l'élimination des dédoublements administratifs, serait d'accord pour une telle démarche au

niveau de l'impôt sur le revenu? (22 heures)

M. Gingras: II est certain que tout ce qu'on peut faire pour éliminer les déboublements, on y est favorable. Alors, si on doit rester dans le régime politique canadien, écoutez, quel que soit le niveau de gouvernement, si on est capable de s'entendre administrativement pour, à un moment donné, ne pas faire les choses en double, bien, je pense qu'on doit le faire. Et puis on doit le faire tout en respectant, quand même, l'autonomie des différents paliers de gouvernement, parce que je pense que cette autonomie-là doit être respectée. Ce n'est pas parce qu'on s'entend, à un moment donné, sur une façon de percevoir ou une façon de décider des questions que, nécessairement, on consent notre pouvoir à d'autres. Alors, je pense que, ça, ça doit se faire dans le respect des responsabilités de chacun.

M. Filion: Non, je ne pense pas que le pouvoir en matière de taxation à la consommation fédérale ait été transféré au Québec. Le Québec a simplement une entente administrative avec le fédéral qui, pour économiser des coûts d'échelle, etc., a fusionné l'administration des ministères. Et je me dis: Dans cette optique-là, c'est simplement une question de fusionner une administration à Québec et la perception selon l'assiette fiscale fédérale, bien sûr avec une particularité à la formule d'impôt, et on aurait seulement une formule d'impôt avec deux particularités, le Québec et le fédéral, dans un but administratif de synthétiser l'opération et de créer des économies d'échelle importantes.

Alors, dans cette optique-là, c'est pour ça que c'est le genre de dossier où la commission veut entendre des intervenants parce que, écoutez, c'est beau d'avoir des beaux discours, des belles philosophies et de tendre vers la vertu, mais, dans le concret, dans le pratico-pratique où les gens... Je suis sûr que ceux qui nous écoutent ce soir verraient d'un très bon oeil une seule déclaration d'impôt au Québec. Alors, la CSD, comme organisme qui prône l'élimination des dédoublements administratifs, est-ce qu'elle serait vraiment en faveur de ce genre de démarche?

M. Tremblay (Louis): Écoutez, M. Filion, la loi de l'impôt fédéral comme la loi de l'impôt provincial sont probablement les lois les plus compliquées. Et c'est probablement le dossier où, effectivement, il y a des économies d'échelle possibles. Mais avant qu'on ne puisse coordonner ça, si on veut être pragmatique, ça va être très long. Mais on est d'accord, si c'est possible, pour éliminer autant que possible les coûts que ça occasionne aux contribuables, aux entreprises. On n'a aucune difficulté. Mais c'est un exemple, si on veut être pragmatique, du jour ou lendemain... Avec les particularités qu'ont l'impôt fédéral et l'impôt provincial, ça peut prendre un certain temps. Ce n'est pas impossible.

M. Filion: on a réussi avec la tps et la tvq. on a réussi l'opération. on a réussi l'harmonisation, même si on avait des assiettes fiscales différentes.

Une voix: Si on avait un bon ministre!

M. Filion: On a des bonnes différences d'harmonisation, mais on gère les deux lois quand même, au même ministère. Si on a réussi avec la TPS et la TVQ, pourquoi pas l'impôt direct, l'impôt sur le revenu?

M. Savoie: Je vous remercie. Vous êtes bien gentil de reconnaître qu'on a réussi, mais je pense que les propos...

M. Léonard: Le ministre a l'air tellement heureux d'avoir un compliment que ça a l'air très rare qu'il en reçoit! Ha, ha, ha!

M. Savoie: ...de l'officier...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Savoie: Je pense que les propos de la CSD sont exacts et précis, dans le sens que, évidemment, au niveau des impôts, il y a encore beaucoup de chemin à faire avant qu'on ne puisse penser à faire un rapport d'impôt uniquement pour couvrir les deux. Il y a des différences substantielles. Mais, effectivement, c'est quelque chose qui pourrait peut-être s'envisager dans plusieurs années, et il faudrait aussi envisager la possibilité que ce ne soit qu'Ottawa et non pas le Québec.

M. Filion: Mais ma question s'adressait surtout à la CSD, M. le Président.

M. Savoie: Mais la réponse était excellente!

Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est la raison pour laquelle j'ai...

M. Filion: Vous savez, ma question s'adressait à la CSD, comme démarche sociale d'économie de coûts.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous êtes toujours sur votre temps de parole, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Alors, le ministre du Revenu, je comprends qu'il trouve l'idée intéressante. J'espère qu'il va la mettre en application, mais...

M. Savoie: C'est-à-dire que la...

M. Filion: ...moi, c'est le milieu. Je veux entendre parler le milieu sur cette idée de créer

d'une façon claire, nette et précise, de simplifier la vie des citoyens, des citoyennes au Québec, de leur dire: Écoutez, un seul chèque, une déclaration d'impôt, section fédérale, section Québec. Et c'est à la CSD que je m'adressais, parce qu'on a vécu une expérience, et je me disais: Compte tenu de l'expérience qu'on a vécue comme Québécois et Québécoises, est-ce qu'on ne pourrait pas projeter cette idée-là au niveau d'une déclaration d'impôt au Québec?

M. Savoie: La réponse était meilleure que la question!

M. Filion: Non, non, mais je m'adresse toujours à la CSD.

M. Gingras: Est-ce que c'est parce que vous avez l'impression que vous n'avez pas eu votre réponse, M. Filion?

M. Filion: C'est parce que vous ne semblez pas trouver l'idée intéressante.

M. Gingras: Bien, écoutez, on vous a dit oui.

M. Filion: Ah!

M. Gingras: On vous a dit, en principe, oui. Il y a probablement des points sur lesquels on peut, éventuellement, à plus long terme, regarder comment on peut simplifier la façon de procéder, mais ce n'est pas évident qu'on peut faire ça à court terme.

M. Filion: Avec un ministre du Revenu actif et très dynamique, ça se fait.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: II reconnaît ses difficultés de fonctionnement, puisqu'il a proposé qu'Ottawa gère les impôts et, lui, les taxes.

Le Président (M. Lemieux): C'est terminé?

M. Filion: C'est terminé, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez terminé, M. le député de Montmorency.

M. le président du Conseil du trésor, il vous reste sept minutes.

M. Savoie: Je voudrais tout simplement remercier le député de Montmorency pour avoir reconnu, d'une part, que ça fonctionne bien au niveau de la taxe de vente et, évidemment, de la TPS et, deuxièmement, que le Québec possède un ministre du Revenu actif et dynamique.

Le Président (M. Lemieux): Bon, alors, M. le président du Conseil du trésor, la parole est à vous pour six minutes.

M. Johnson: Oui, je me joins à mes collègues pour remercier et féliciter M. Gingras et son collègue de leur présentation ici, ce soir.

Et, pour enchaîner sur ce qui est en train de se discuter, évidemment, il ne faut pas perdre de vue que, au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers, le Québec a décidé il y a fort longtemps de se doter de son propre système de perception, d'insérer dans la fiscalité des particuliers des caractéristiques uniques que les neuf autres provinces, incidemment, nous envient, prises qu'elles sont avec une entente de perception et d'administration de l'impôt sur le revenu des particuliers avec le gouvernement fédéral, ce qu'on ne subit pas, en l'occurrence. Ça a permis l'instauration de toutes sortes de dépenses fiscales, qu'il s'agisse des REA, qu'il s'agisse de crédits d'impôt, qu'il s'agisse de politiques familiales, qu'il s'agisse de quoi que ce soit, des choses qu'on peut faire nous-mêmes. Jamais on n'aurait pu négocier ça avec qui que ce soit pour s'entendre, parce que c'est extrêmement complexe. C'est fait pour répondre à des besoins spécifiques que le Québec s'est définis. Alors, ce n'est pas demain la veille. Évidemment, c'était peut-être une question piège sur le statut juridique ou constitutionnel du Québec éventuel, selon le député de Montmorency. Si ça ne l'était pas, II y a loin de la coupe aux lèvres.

Je voulais vous féliciter pour l'approche très réaliste, dans le fond, qu'on voit dans votre mémoire. Et on est pris à partie. On se fait dire exactement nos vérités. C'est ce à quoi on s'attendait, notamment, de façon assez concrète, avec des suggestions. C'est ce que j'ai déploré un peu plus tôt à l'égard de ceux qui vous ont précédés; on n'a pas eu ce sentiment qu'ils voulaient nous aider à contrôler les dépenses publiques. Au contraire, c'était plein de demandes. Il y en avait pour des centaines de millions, le temps de le dire. Quant à vous, si on prend de façon spécifique, ça intéresse toujours le président de la commission, ici. Tout ce qui concerne la responsabilisation et l'imputabilité, les responsabilités, donc, devant les parlementaires des gestionnaires pour venir, suite à des rapports du Vérificateur général, rendre compte de leur gestion, c'est la direction qu'on est en train d'emprunter.

Vous devez reconnaître d'emblée que l'avant-garde se situait au niveau de la commission, que le gouvernement et les députés, dans l'ordre inverse, ont emboîté le pas, et qu'on est dans une situation où seule la modestie proverbiale du député de Verdun l'a empêché de mentionner que son projet de loi est inscrit à l'Assemblée nationale, qu'il est au stade de l'étude détaillée en commission, et qu'il travaille actuellement - c'est ce qu'il m'a confié - sur des formulations qui vont faire en sorte que le projet de loi va être beaucoup plus pratique ou

sera applicable et pourra rejoindre, donc, les objectifs qu'ils ont soutenus, lui et ses collègues, à l'Assemblée nationale. Donc, ça, ça avance.

Vous avez, par ailleurs, soulevé - c'est mon dernier commentaire - le problème du travail au noir. Je m'en voudrais de ne pas en parler, parce que je disais dans mes remarques d'ouverture que les gens veulent savoir que les services publics sont à un niveau raisonnable, qu'ils répondent à leurs besoins et, deuxièmement, qu'on fait notre travail au point de vue de l'efficacité puis de la chasse au gaspillage - vous en avez parlé essentiellement dans le volet que je viens d'évoquer - et, troisièmement, que les gens qui doivent de l'impôt paient de l'impôt. Ça, c'est l'autre morceau de l'équité, là, a laquelle les gens s'attendent en matière de services et de dépenses publics.

Je le voyais encore, moi aussi, hier soir: il y avait un réseau américain qui consacrait une demi-heure à l'économie souterraine - c'était assez intéressant - un phénomène qui était décrit dans son ampleur puis ses manifestations, un peu de la façon dont le ministre l'a décrit un peu plus tôt ce matin. Donc, il n'y a rien d'extraordinaire. Il y a un phénomène nord-américain; certains petits points chauds, pour certaines denrées, dans certaines régions, qui prennent beaucoup plus de visibilité, mais, autrement, il y a une espèce de désaffection, je dirais, des contribuables à l'endroit de la légitimité - c'est une façon de l'exprimer - de la ponction fiscale qui est appliquée. Ça tient au fait - je l'ai déjà dit - que l'endettement des gouvernements fait en sorte que, littéralement, on perçoit plus d'impôts que ce qu'on retourne en services directs parce qu'on paie beaucoup, beaucoup d'intérêts sur les dettes antérieures. (22 h 10)

Deuxièmement, on dirait que tous les gens ont relativisé leur intégrité et leur éthique. Devant la montée de certains genres de violence, de crimes contre la personne et la propriété, la petite fraude fiscale est devenue ça, «de la petite fraude fiscale», alors que c'est un mal remarquable quand on se demande comment financer les services publics. Peu importent les raisons, il y a des manifestations. Vous en évoquez une; à la page 23, vous parlez d'un crédit qui serait accordé à celui qui fait faire des travaux chez lui, par exemple, en matière résidentielle, en matière de construction. Ça a déjà été soulevé. Il y a des députés qui nous en ont parlé. Le député de Lotbinière est un de ceux-là. Le député de Beauce-Nord aussi. C'est des gens que ça préoccupe, pas parce qu'ils ont un phénomène qui est plus prévalent, je dirais, dans leur comté qu'ailleurs; c'est juste une sensibilité à ces choses-là qui a été transmise au gouvernement par nos collègues. On l'a regardé, pour constater, évidemment, que si on doit faire (mi sorto quo relui qui travaille à 14 $ l'heure accepte de recevoir 35 $ et de les déclarer alors que, 14 $, il n'en parle pas, il faudrait évidemment que ie crédit accordé au payeur soit considérable pour que ça puisse devenir intéressant pour l'un et l'autre. Alors, il y a un problème pratique, là, dans le fond. Il y a un marché, de toute évidence, qui se traduit par un certain niveau de fraude fiscale. C'est ça qui se passe, là.

Comment, par des mesures fiscales, venons-nous contrer ce phénomène, je dirais, sans démantibuler le marché? Le marché va toujours être souterrain, sauf si tout le monde accepte que, oui, on sera bien ouvert, puis le gouvernement récompense ça, et les gens paient leurs impôts, ceux qui le reçoivent et ceux qui le paient ont une bonne déduction. La déduction risque d'être élevée. Ça, ça veut dire des centaines de millions de dollars de dépenses fiscales additionnelles pour que l'activité demeure mais devienne visible plutôt que souterraine.

Alors, ça ne saute pas aux yeux que c'est une solution de dépenser sous forme de dépenses fiscales des déductions qu'on donnerait aux gens maintenant, 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000 $. Il y a une partie qui revient mais, au net, ça ne tombe pas sous le sens que c'est une solution.

Il me semble qu'il faut davantage travailler - je vous lance ça comme alternative - sur la conscience que les gens doivent avoir que tout le monde doit payer ses impôts - pas seulement le voisin - et que, dans le fond, c'est à force de raisonner comme ça qu'on va contrer le constat où tout le monde dit: Moi, je paie mes impôts, mais pas mon voisin. Parce que c'est ça qui arrive. Et, à mon sens, lorsqu'on fera prendre conscience aux gens de l'importance qu'il y a de maintenir certains services publics, ils accepteront sans doute, peut-être plus facilement, de faire leur part. Mais, à ce titre-là, il faut évidemment que les gens aient cette conscience que tout le monde fait son effort.

Alors, il y a évidemment des problèmes d'application de la loi comme telle, des problèmes de perception, de vérification, et tout, et tout, mais si, par ailleurs, on changeait la conscience que les gens ont, on faisait le lien entre la permanence des services publics et la responsabilité de payer ses impôts, il me semble qu'on serait plus avancé.

Tout simplement, je demanderais peut-être, en conclusion, les commentaires de nos visiteurs à l'égard de leurs suggestions et des commentaires que j'y ai apportés sur la fraude fiscale.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Gingras: Oui, si vous me permettez.

Vous avez parlé de la construction résidentielle domiciliaire. Vous savez que tout ce domaine là, actuellement, a été retranché des décrets de l'industrie de la construction Ce n'est

plus couvert par les décrets de l'industrie de la construction. Un premier constat qu'on doit faire, c'est qu'il n'y a plus rien qui surveille cette partie-là, qui est partie importante de l'industrie. Selon une évaluation qu'on a pu faire dernièrement, on évalue à tout près de 40 % le travail dans la construction domiciliaire, qui se fait au noir actuellement.

C'est grave quand on est rendu dans ce genre de proportion là. J'ai l'impression que beaucoup de salaires ne sont pas taxés, et beaucoup de matériaux, même, ne sont pas taxés. Vous vous retrouvez avec une absence de revenus au niveau de la TPS, de la taxe de vente, et au niveau de l'impôt des particuliers. Alors, ça, c'est la situation qu'on vit actuellement dans le secteur résidentiel. Des programmes incitatifs qui feraient que les rénovations domiciliaires seraient reconnues dans la mesure où ces montants-là seraient déclarés, et que ces montants-là seraient officialisés, ça permettrait quand même d'avoir des dépenses domiciliaires qui seraient faites ouvertement et non pas à la cachette, parce que ce n'est pas déductible d'impôt et qu'il n'y a aucune espèce d'avantage à le faire ouvertement. Alors, ça, c'est la situation.

Vous avez parlé de la conscience des gens: bien, changer la conscience des gens par rapport à leur responsabilité de financer les dépenses publiques, vous savez que ça part de l'acceptation du système fiscal. Au départ, il va falloir que les gens acceptent la fiscalité, qu'ils ne se sentent pas, quand même, traités inéquitablement par la fiscalité. Ça, c'est la première condition, en fait, pour qu'on améliore cette conscience des gens envers leur responsabilité fiscale.

Alors, c'est pour ça, en fait, qu'on insiste tant pour demander qu'une commission d'enquête publique soit chargée de faire une étude de la fiscalité en fonction de l'environnement dans lequel on doit la faire. Écoutez, on n'est pas nécessairement des spécialistes qui sont capables d'évaluer toutes les situations et de trouver réponse à tous les défis qui peuvent se situer. Vous savez qu'on s'en va vers une économie qui se mondialise de plus en plus. Nos compétiteurs et les gens avec qui on fait affaire ont des systèmes qui sont probablement différents des nôtres; alors, il va falloir qu'on ait quand même une fiscalité qui tienne compte de cet environnement-là, qui soit coordonnée, qui soit pragmatique et équitable.

Bien sûr, ce ne sera pas facile. C'est pour ça qu'on dit: On ne pourra pas résoudre ça à court terme. Il y a des choses qu'on peut faire à l'intérieur du système actuel, et puis il y a des gestes qu'on peut poser pour améliorer la situation, mais la fiscalité comme telle, la réponse doit se trouver à l'intérieur d'une commission d'enquête qui aurait le rôle de déterminer vraiment, là, quel est le genre de fiscalité qui pourrait être avantageux pour assurer l'avenir du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Merci, nous vous remercions de cette participation à cette commission parlementaire.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, pour entendre le Conseil du patronat. Suivront la Confédération des Caisses populaires et le Forum pour l'emploi.

(Fin de la séance à 22 h 18)

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