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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Lemieux): La commission va commencer ses
travaux dans deux minutes.
La commission du budget et de l'administration entreprend ce matin une
consultation générale et des auditions publiques sur le
financement des services publics au Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous faire...
Est-ce que les gens ont pris connaissance de l'ordre du jour? Je donnerais
peut-être quelques instants, une quinzaine de secondes, pour que vous
puissiez prendre connaissance de l'ordre du jour. Ça va?
Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour est
adopté.
Permettez-moi de vous rappeler les règles de l'audition, telles
que convenues entre les groupes parlementaires. La période des
déclarations d'ouverture durera deux heures trente, réparties de
la façon suivante: 20 minutes pour le ministre des Finances; 20 minutes
pour le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de finances,
le député de Labelle, M. Léonard; 20 minutes pour le
ministre délégué à l'Administration et à la
Fonction publique et président du Conseil du trésor; 20 minutes
pour le porte-parole de l'Opposition officielle concernant le Conseil du
trésor, la députée de Taillon, Mme Marois; 20 minutes pour
le ministre du Revenu et ministre responsable de l'Application des lois
professionnelles; 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition officielle en
matière de revenus, le député de Montmorency, M. Filion;
et 30 minutes pour les autres députés, c'est-à-dire 15
minutes pour chacun des groupes parlementaires.
J'inviterais maintenant... M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Oui, M. le Président. Concernant l'ordre du
jour, c'est à titre de vice-président que je m'adresse à
vous. Après avoir consulté mes collègues, nous vous
avisons tout de suite que nous souhaitons utiliser 10 minutes de nos 15 minutes
et transférer les 5 minutes restantes au député de
Drummond.
Le Président (M. Lemieux): Vous ne pouvez pas, M. le
député de La Prairie, faire ce transfert de cinq minutes à
M. le député de Drummond, puisque M. le député de
Drummond, à ma connaissance, n'est pas membre de cette commission
parlementaire.
M. Lazure: M. le Président, je pense que, s'il y a
consentement des députés présents, le député
de Drummond pourrait fort bien participer, à titre de
député indépendant, à cet important débat,
et nous sommes prêts à lui céder cinq minutes de notre
temps.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais vous faire
état, M. le député de La Prairie, qu'il faut le
consentement unanime. Est-ce qu'il y a un consentement unanime pour la
participation du député de Drummond à nos travaux?
M. Audet: Une question, M. le Président, sur ce point.
Advenant le cas où, par exemple - parce qu'on sait qu'à
l'Assemblée nationale il y a plusieurs députés
indépendants - le député de Notre-Dame-de-Grâce, par
exemple, ou M. Libman, M. Atkinson et M. Cameron désireraient,
souhaiteraient participer à nos travaux, est-ce qu'à ce
moment-là le consentement serait requis aussi? Au niveau du temps de
parole, à ce moment-là, qu'est-ce qui se passerait?
Le Président (M. Lemieux): Effectivement, il faudrait
que... Si le député, des membres du Parti Égalité
désirent participer à cette commission, il nous faudrait un
consentement unanime. Comme ces députés ne font pas partie de la
majorité ministérielle, alors le temps de parole devra être
réparti entre ces gens-là et les membres de l'Opposition
officielle, puisque chaque groupe parlementaire s'est entendu sur un temps de
parole global, M. le député de Beauce-Sud.
M. Audet: À ce moment-là, est-ce que, si trois
députés indépendants s'ajoutaient à la commission -
c'est toujours une question hypothétique, quand même - est-ce que
l'enveloppe de temps serait divisée à l'intérieur de
l'enveloppe de l'Opposition? (10 h 10)
Le Président (M. Lemieux): II faudrait que j'agisse ainsi
et, effectivement, vous avez raison, même si votre question est purement
hypothétique.
M. Audet: Alors, le temps serait réduit du temps de
l'Opposition, sur l'enveloppe de temps du parti officiel de l'Opposition.
M. Lazure: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: ...deux remarques. D'abord, la question est tout
à fait théorique. Je ne vois pas d'autres députés
indépendants. Deuxièmement, ils n'ont pas demandé, que je
sache, à parler alors que le député de Drummond s'est
exprimé, demandant à parler. Et, troisièmement, selon des
principes élémentaires d'équité, puisque nous
offrons, par consentement, de donner cinq minutes de notre temps au
député de Drummond, je pense qu'il serait tout à fait
séant que le parti ministériel donne cinq minutes de son temps
aussi pour tout autre député indépendant qui voudrait
parler.
Le Président (m. lemieux): j'étais bien conscient,
m. le député de la prairie, qu'il s'agissait d'une question
purement hypothétique, mais c'était simplement pour donner des
éclaircissements au député de beauce-nord. m. le
député de beauce-nord, est-ce qu'on donne ce consentement?
M. Audet: C'est parce qu'à un moment donné on
risque de se retrouver avec...
Le Président (M. Lemieux): Alors, si je comprends
bien...
M. Audet: Chaque député est attitré à
des commissions, selon les commissions qu'il choisit.
Le Président (M. Lemieux): Si je comprends bien, M.
le...
M. Audet: Le député a choisi de faire partie de la
commission de l'économie et du travail et, à ce que je sache, au
niveau de l'Assemblée nationale, a demandé à faire partie
de la commission de la culture, dans un deuxième choix. Alors, à
ce moment-là, moi...
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous ne donnez pas votre
consentement.
M. Audet: Non.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Oui, M. le Président. Question de
règlement...
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. St-Roch: ...et je vous demanderai de statuer.
Oui, chaque député se doit d'être associé
à une commission parlementaire et d'en faire son choix, mais, aussi,
notre règlement prévoit que, dans le cas d'un
député indépendant, lorsqu'on étudie des projets de
loi d'intérêt public, le député indépendant,
même s'il n'est pas membre d'une commission parlementaire, a le droit de
participer de plein droit, mais n'ayant pas de droit de vote. Il est aussi
reconnu par notre règlement que, lorsqu'on fait l'étude des
crédits, même si un député n'est pas membre d'une
commission parlementaire, il peut s'adresser et avoir plein droit.
Alors, je souscris ceci à votre attention ce matin et j'aimerais
avoir votre évaluation sur ce scénario-ci: Je prétends, M.
le Président, que lorsque nous allons en auditions publiques
générales, ce qui se veut aussi un mandat de l'Assemblée
nationale, au même titre qu'un projet de loi public, au même titre
que l'étude des crédits, un député
indépendant devrait avoir ses droits de parole reconnus.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Drummond. Vous vous devez de comprendre que je dois
faire respecter chacun des droits de l'ensemble des parlementaires et, à
cette fin, nous avons adopté des règles de procédure. Vous
ne m'avez pas cité l'article auquel vous faites référence,
mais je devine qu'il s'agit de l'article 132 du règlement, qui nous dit
ceci: «Le député qui n'est pas membre d'une commission
peut, avec la permission de cette dernière, participer à ses
délibérations, mais ne peut y voter ni y présenter de
motion.»
Vous avez fait état de l'étude des crédits et d'un
projet de loi. Ce que je veux que vous sachiez, M. le député de
Drummond, c'est qu'une consultation générale n'est pas de la
même nature que l'étude d'un projet de loi. Elle n'a pas, aussi,
la même substance que d'étudier les crédits en commission
parlementaire. Et il faut que vous soyez en mesure de saisir que le
législateur a prévu une procédure tout à fait
particulière pour la consultation générale, aux articles
166 et suivants du règlement, dans le chapitre 3 de notre
règlement, qui traite des commissions, soit les articles 115 et
suivants. Si vous regardez et lisez l'article 121, on parle de la composition
d'une commission parlementaire et on fait référence, à la
section 3, chapitre 3, effectivement, à la participation d'un non-membre
à une commission parlementaire. Et cet article-là, c'est
l'article 132 que je viens de vous lire.
Ce faisant, il est évident que le législateur ne parle pas
pour ne rien dire, et il limite à l'article 132 l'usage d'un
député indépendant dans l'intervention qu'il peut faire
lors d'une commission parlementaire. Si le législateur avait voulu que
le député indépendant participe à une consultation
générale, il l'aurait dit, comme il le dit très bien
à l'article 132, paragraphe 2, comme il le dit très bien à
l'article 133.
Alors, en conséquence, M. le député de Drummond, je
me dois de retenir le fait que le député de Beauce-Nord ne vous
donne pas son
consentement, et d'autant plus qu'avec la permission de... Si vous
regardez l'article 296 de la doctrine Geoffrion, la permission exige non pas
une double majorité ni un consentement simple mais un consentement qui
est unanime. Alors, je me dois de faire respecter le règlement.
En conséquence, vous ne pouvez pas prendre part aux travaux de
cette commission, puisque je n'ai pas le consentement unanime. Alors, c'est ma
décision. M. le député de Beauce-Nord, ma décision
est rendue.
M. Audet: Oui, d'accord. Je veux juste ajouter là-dessus,
pourquoi, M. le Président... C'est que je crois qu'en acceptant ce matin
de donner le consentement là-dessus dans les consultations
générales et particulières, comme on le fait, on pourrait
créer un précédent par le fait même. C'est que tout
député, par exemple... On a pendant l'année de nombreuses
commissions qui font des consultations. Les députés...
Le Président (M. Lemieux): M. lo député!
M. Audet: ...les membres sont attitrés puis...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Beauce-Nord...
M. Audet: ...à ce moment-là, je pense que...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Beauce-Nord, vous n'avez pas à vous justifier. Je me dois de faire
respecter les droits des parlementaires. Vos droits, comme ceux du
député de Drummond. Et, à cet effet, j'ai un code de
procédure que je dois faire appliquer. Alors, en ce sens-là,
l'article 132 est clair. Pour moi, il est clair, net et précis, sans
aucune ambiguïté.
Alors, en conséquence, nous allons maintenant commencer les
travaux de cette commission parlementaire, et je vais inviter tour à
tour les ministres puis les porte-parole de l'Opposition officielle à
faire les déclarations d'ouverture. J'ai fait état tout à
l'heure que le temps de parole pour une déclaration d'ouverture sera de
20 minutes. La parole est maintenant à M. le ministre des Finances pour
ses remarques préliminaires ou déclarations d'ouverture.
Remarques préliminaires M. Gérard D.
Levesque
M. Levesque: M. le Président, je vous remercie. La
commission parlementaire qui débute aujourd'hui procédera
à un exercice de la plus haute importance. Elle nous permettra, pendant
les prochaines semaines, d'entendre les avis de divers intervenants sur le
financement des services publics. Plus spécifiquement, tel que le
précise le mandat qui nous a été confié, les
orientations à privilégier à court et à moyen terme
en ce qui a trait au niveau et à l'évolution de la
fiscalité, des revenus, des dépenses du gouvernement, du
déficit, des besoins financiers devraient être, évidemment,
au coeur de nos discussions.
Il s'agit là, vous en conviendrez, d'enjeux majeurs pour l'avenir
de notre société. Il est donc particulièrement
réjouissant de voir le grand nombre d'organismes qui ont
déposé un mémoire à notre commission. C'est
là, évidemment, une preuve de l'intérêt
suscité par nos travaux. Les 75 mémoires que nous avons
reçus sont importants, non pas seulement par leur nombre mais aussi
parce qu'ils contiennent l'opinion de plusieurs groupes, associations,
individus même dont il faudra tenir compte dans l'évaluation de la
situation des finances publiques et dans l'établissement des
orientations à poursuivre pour l'avenir.
C'est pourquoi il m'apparaît nécessaire de prendre le temps
voulu pour étudier chacun de ces mémoires et pour écouter
chacun des groupes ou des personnes concernées expliquer son point de
vue. J'ai remarqué aussi, M. le Président, que la commission a
décidé d'entendre toutes les personnes ou groupes qui ont
déposé un mémoire. De tels échanges devraient
s'avérer des plus enrichissants, non pas seulement pour les membres de
cette commission mais aussi pour l'ensemble de la collectivité. C'est
pourquoi j'espère que les débats à venir s'effectueront
dans un climat d'ouverture et de recherche active de ce qui est
préférable pour l'avenir du Québec. Je pense à
Martin Luther King, qui disait: «I have a dream». Puis-je
rêver pour un moment que nos travaux pourraient se faire dans une
atmosphère sereine et, en même temps, avec à l'esprit le
fait que la population du Québec nous demande de regarder ces
questions-là dans l'intérêt général, avec
toujours à l'esprit le sens des responsabilités qui doit
être le nôtre?
Le 19 janvier dernier, nous avons déposé un document qui
se situe, justement, dans cette perspective d'ouverture et de recherche active
des solutions. C'est un document très exhaustif - 142 pages, 42 pages
d'annexés - un document qui est l'incarnation même de la
transparence. Il a été généralement, d'ailleurs,
très bien accueilli par les milieux spécialisés et par la
presse en général. Certains témoignages sont sans
équivoque.
Que disait M. Lesage, Gilles, dans Le Devoir? «Sans
être alarmiste, l'outil de référence et de travail que le
gouvernement met à la disposition des députés, des
personnes et organismes qui défileront devant les parlementaires est on
ne peut plus transparent sur les énormes problèmes en cause et
sur les solutions difficiles qui sont proposées aux citoyens.»
Claude Picher, dans La Presse, disait: «Vivre selon nos
moyens.» S'il faut se fier à ce titre fort judicieusement choisi,
le document de réflexion a enfin réussi à mettre le doigt
sur le
bobo. C'est un fait incontournable, le Québec n'a pas les moyens
de continuer à dépenser comme il le fait.
Au Soleil, Michel Audet disait: «Le document publié
hier par le gouvernement du Québec pour alimenter la commission
parlementaire sur les finances publiques démontre de façon
éloquente que le Québec n'a plus les moyens de payer les services
qu'il a développés depuis la Révolution tranquille.»
(10 h 20)
Dans le journal Les Affaires, Jean-Paul Gagné dit:
«C'est une bonne analyse des finances publiques du Québec. Le
gouvernement serait hautement irresponsable de laisser aux
générations montantes le désordre financier que les
élites des deux dernières décennies ont
engendré.» Son analyse est irréfutable. Et il continue.
Il y avait aussi la critique importante de M. Alain Dubuc dans La
Presse. Il titrait: «Un texte de réflexion quand il fallait de
l'action» Ce que nous devons retenir de cette critique est l'absolue
nécessité pour les travaux de cette commission de
déboucher sur l'action. Et notre gouvernement entend bien prendre les
actions nécessaires, au moment, par exemple, du dépôt des
crédits 1993-1994, au moment du prochain budget.
Les travaux que nous entreprenons aujourd'hui sont évidemment
d'une extrême importance. J'aimerais donc vous expliquer
brièvement les motifs qui ont amené notre gouvernement à
suggérer à l'Assemblée nationale de confier le mandat que
vous connaissez à la commission parlementaire du budget et de
l'administration. Mais, d'abord, j'aimerais vous rappeler que la
synthèse des opérations financières au 31 décembre
a été publiée hier. Les prévisions du
déficit budgétaire et des besoins financiers nets du gouvernement
pour l'année financière 1992-1993 sont révisées
à la hausse de 350 000 000 $ par rapport à celles publiées
à la synthèse des opérations financières au 30
septembre 1992.
Les révisions totales depuis le discours sur le budget du 14 mai
1992 sont donc de 820 000 000 $. Ainsi, le déficit prévu
s'établit maintenant à 4 610 000 000 $, alors que la
prévision des besoins financiers nets est révisée à
3 370 000 000 $. C'est-à-dire que les besoins financiers nets, c'est le
net de ce que nous devons encore emprunter cette année et qui s'ajoute
à la dette.
Par ailleurs, l'ampleur de l'impasse budgétaire qui est
anticipée pour 1993-1994 a été mise en doute par un
certain nombre de personnes. Et, afin de donner des explications
supplémentaires, je dépose un tableau qui présente une
réconciliation entre les revenus prévus pour 1993-1994, lors du
dernier budget, et ceux présentés dans le document «Vivre
selon nos moyens». En effet, c'était assez surprenant, et je ne
blâme pas ceux qui ont eu à se poser des questions
là-dessus. Pourquoi y avait-il une diminution aussi sensible des revenus
prévus pour l'an prochain par rapport à ce qui était
prévu dans le dernier budget? Alors, je pense que dans les prochaines
minutes on pourrait distribuer aux membres de la commission ce tableau qui va
indiquer en détail...
Je n'ai pas l'intention, dans les quelques minutes que j'ai à ma
disposition, de passer à travers, mais on comprendra, à la
lecture même du tableau, la raison pour laquelle les revenus de 1993-1994
sont tellement moindres que ceux qu'on avait prévus au dernier
budget.
Comme vous le savez, notre gouvernement n'a pas attendu à
aujourd'hui pour commencer à effectuer les rationalisations
budgétaires qui s'imposaient pour améliorer la performance de
l'administration publique et pour redresser sa situation financière tout
en répondant aux besoins prioritaires de la société. Vous
vous rappellerez que, dès 1986, il y avait l'urgence d'un redressement -
le 5 mars 1986. Notre gouvernement s'était donné des objectifs
ambitieux d'assainissement des finances publiques. J'ai eu, d'ailleurs, souvent
l'occasion de faire part des progrès significatifs accomplis au cours
des années 1986-1987 à 1989-1990. Toutefois, lorsque la
récession est arrivée - et, ça, c'est arrivé non
pas seulement au Québec mais à travers tout le pays - le
redressement qui n'était pas encore complété nous amenait
à avoir une situation très difficile. Nous avions ramené
le déficit des opérations courantes de 2 075 000 000 $ en
1985-1986 à 430 000 000 $ en 1989-1990. Nous filions presque vers le
bonheur parfait. Nous avions l'équilibre juste à portée de
la main, mais il est clair maintenant que ce n'était pas encore
suffisant.
Devant les impacts engendrés par la récession, le
gouvernement a opté cependant pour une approche responsable de la
gestion des finances publiques. Il a laissé augmenter le déficit
pour absorber l'impact de la conjoncture sur ses revenus et ses
dépenses. Parallèlement, il a imposé des mesures de
rationalisation des dépenses et augmenté les sources de revenus.
Malgré ces efforts et ceux déployés au cours des
années précédentes, on a assisté à une
détérioration de la situation financière. Le
déficit budgétaire devrait atteindre plus de 4 600 000 000 $ en
1992-1993. Quant au déficit des opérations courantes, il devrait
s'établir à 3 000 000 000 $ en 1992-1993, après avoir, je
le répète, pratiquement atteint l'équilibre en
1989-1990.
La situation des finances publiques, qui avait pu être
améliorée pendant quelques années, s'est donc
détériorée avec la récession. Il est important,
avec la reprise économique qui s'amorce, de se fixer de nouveaux
objectifs de finances publiques et, surtout, de prendre rapidement des mesures
afin de les atteindre. L'état de la situation est longuement
expliqué dans les documents qui vous ont été remis. Je me
permettrai simplement d'en résumer les prin-
cipaux constats.
D'abord, on parie des signes de reprise économique encourageants.
Oui, on vient même d'annoncer la fin de la récession,
officiellement, mais cela ne règle pas les problèmes que nous
avons devant nous. Quant à la fiscalité, force est de constater,
si on brosse rapidement un bilan de la fiscalité, que le régime
fiscal du Québec est concurrentiel, et notre action des sept
dernières années a visé à mieux l'adapter pour
favoriser la croissance économique et à ie rendre plus
équitable, en particulier à l'endroit des familles.
On se souviendra que le soutien financier aux familles, qui était
de 800 000 000 $ il y a quelque temps, est rendu à 2 300 000 000 $.
Malgré ces améliorations, notre marge de manoeuvre est
réduite sur le plan fiscal. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à
constater que les impôts et taxes prélevés par l'ensemble
des paliers de gouvernement, c'est-à-dire fédéral,
provincial, municipal, atteignent aujourd'hui 40 % du revenu national. Au
Québec, entre 1980 et 1990, les gouvernements fédéral,
provincial et municipaux ont absorbé 64 % de l'augmentation du revenu
national. Aux États-Unis, durant la même période, ce
n'étaient que 32 %. Toute une différence!
Quant aux transferts fédéraux, j'ai eu l'occasion de
souligner à combien de reprises que les diverses coupures aux transferts
fédéraux ont amplifié le problème des finances
publiques du Québec. Et ces coupures, évidemment, étaient
suite à un endettement considérable du gouvernement
fédéral. Pour illustrer ce que cela implique comme
problème et, donc, comme ajustements à faire, je mentionnerai le
fait que, si rien n'est changé, il est prévu que les transferts
financiers en provenance du gouvernement fédéral devraient
diminuer dans les prochaines années. Si rien n'est changé
à la situation actuelle, en 1997-1998 on toucherait 6 800 000 000 $,
soit 1 000 000 000 $ de moins que cette année.
Quant aux dépenses budgétaires, le niveau de nos
dépenses est trop élevé par rapport à notre
capacité de payer, et ce, malgré notre gestion serrée
depuis 1985-1986. L'obligation de payer nos dettes et la part importante de nos
dépenses devant être consacrée au système de
santé, soit 31 % ou près de 13 000 000 000 $ sur un total de
dépenses de 40 700 000 000 $, implique la nécessité de
procéder à des choix fondamentaux. Le gouvernement, comme le
citoyen, ne peut vivre longtemps au-dessus de ses moyens. Quant à la
dette du gouvernement du Québec, elle est la troisième en
importance au Canada, et elle dépassera les 7900 $ par personne à
la fin de la présente année financière.
Et lorsque, maintenant, on veut se retourner vers l'avenir - et c'est
là, je pense, notre défi, c'est là notre
responsabilité - il peut être tentant de mettre tous nos
problèmes sur le dos de la récession, mais ce serait
irresponsable, d'où l'utilité de l'exercice que nous avons
mené. Comme vous avez été à même de le
constater, si on laisse aller les choses, c'est-à-dire si on ne prend
aucune mesure de redressement de 1993-1994 à 1997-1998, la situation que
je viens de décrire aura tendance à se détériorer
sérieusement plutôt qu'à s'améliorer. (10 h 30)
II en est ainsi principalement pour deux raisons. Premièrement,
les transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral,
comme je l'ai mentionné, diminueront s'il n'y a rien de changé
et, deuxièmement, de fortes pressions à la hausse s'exercent sur
les dépenses. Donc, on doit profiter de la reprise économique qui
s'amorce pour s'attaquer dès maintenant à ce
déséquilibre et redéfinir nos objectifs de finances
publiques. Afin de permettre une discussion publique, nous avons
illustré, dans le document publié le 19 janvier dernier, les
choix à faire.
Il est important de noter que même un scénario
économique plus optimiste n'améliorerait pas la situation de
façon substantielle sur le plan des finances publiques. Alors, on
pourrait laisser augmenter le déficit, vivre au-dessus de nos moyens. Je
ne pense pas que la population serait d'accord pour cela. Le déficit
budgétaire atteindrait 6 400 000 000 $ en 1993-1994 pour grimper
jusqu'à près de 9 000 000 000 $ en 1997-1998. La dette totale par
habitant passerait de 7900 $ à 13 400 $. Et cela, sans compter la dette
fédérale, ni celle des municipalités, des autres
organismes du secteur public.
Il n'apparaît donc pas raisonnable d'hypothéquer l'avenir
de cette façon. L'approche financière stricte, faire en sorte de
couper des dépenses de 4 500 000 000 $ ou d'imposer une somme de cette
nature à notre population, je ne crois pas que ce soit la solution et il
me semble que ce soit, de toute évidence, une solution de dernier
recours. Ce qui nous semble raisonnable et ce que nous disons dans le document
que nous avons déposé, c'est de nous tourner vers une approche
graduelle de redressement, une approche beaucoup plus réaliste, et c'est
ce que nous allons discuter au cours de cette commission. Nous allons faire ce
travail avec la plus grande objectivité. Je souhaite que nous puissions
le faire peut-être en ayant à l'esprit ce que John Fitzgerald
Kennedy disait: Pensons beaucoup plus à ce que nous pouvons donner
à l'État que ce que nous pouvons en recevoir. Je pense que ceux
qui viendront ici, ceux qui discutent autour de cette table devront avoir
à l'esprit que nous avons une responsabilité très grande
vis-à-vis de notre population d'aujourd'hui et de demain.
À lire les mémoires que nous avons reçus, j'ai eu
quelquefois l'impression qu'il y avait beaucoup de demandes qui augmenteraient
nos problèmes plutôt que de les régler. Alors, de cette
façon-ià, je suis confiant que ceux qui viendront ici nous
entretenir, nous faire des suggestions, auront à l'esprit l'importance
de
trouver des solutions aux problèmes actuels. Ces problèmes
ne disparaîtront pas automatiquement. Nous aurons ensemble à
trouver les solutions qui s'imposent. Espérons que nous serons bien
inspirés et que cette commission sera justement un élément
important de cette inspiration. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. La parole est maintenant à...
Document déposé
Préalablement, j'aimerais autoriser le dépôt du
tableau dont M. le ministre des Finances a fait état, par M. le
secrétaire.
Immédiatement, la parole est à M. le député
de Labelle, porte-parole de l'Opposition officielle en matière de
finances. M. le député de Labelle, pour une durée de 20
minutes et quelques poussières.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Après sept ans de pouvoir libéral, la situation actuelle
lui ressemble. Le constat d'échec est inévitable, inexorable,
impitoyable. Son libéralisme dogmatique, voire forcené, lui dicte
de laisser faire, de ne rien faire, et son document révèle qu'il
ne prévoit aucun moyen de sortir d'un cercle vicieux descendant. Le
gouvernement présente un avenir sans horizon, sans perspective, sans
espoir. Ces gestes, dans le passé, auront plutôt réussi
à désolidariser les Québécois les uns envers les
autres, ce que l'on constate par la baisse de la moralité fiscale et,
maintenant, à désolidariser les groupes de
Québécois les uns envers les autres. La parution hier, à
la veille de cette commission parlementaire inédite, de la
dernière synthèse des opérations financières
constitue le dernier geste d'une vaste entreprise de conditionnement politique
aux visées du gouvernement libéral, qui sont de faire accepter
à la population la situation sans espoir qu'il présente
plutôt que de la convier à son redressement.
M. le Président, le gouvernement a annoncé la tenue de
cette consultation générale le 1er décembre dernier.
Compte tenu de la période des fêtes, les personnes et les
organismes qui viendront présenter leur mémoire devant nous au
cours des prochains jours auront bénéficié d'à
peine un mois pour se préparer. La participation relativement forte peut
en surprendre certains, mais dénote surtout l'intérêt des
citoyens pour un sujet qui les touche chacun personnellement. Cette
participation aurait été plus grande si le gouvernement
libéral n'avait pas lui-même attendu la date limite pour le
dépôt des mémoires pour rendre public un portrait des
finances publiques québécoises complètement
différent de ce que contenaient jusque-là les documents
gouvernementaux. Somme toute, ceux et celles qui participeront à cet
exercice ont travaillé à partir d'informations
périmées. C'est encore plus vrai à partir du document
d'hier. Que certains viennent manifester un certain mécontentement au
cours des prochains jours ne surprendra personne.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que l'article 292 des règles
de procédure de l'Assemblée nationale - qui n'ont pas
été suspendues encore, à ce que je sache - prévoit
que la commission du budget et de l'administration doit étudier de
façon trimestrielle l'évolution des finances publiques et la
politique budgétaire du gouvernement. Malgré deux lettres de ma
part à cet effet, rien n'a été fait. Le gouvernement
aurait alors eu l'occasion de donner certaines indications relativement
à la détérioration anticipée des finances
publiques. À cet égard, je voudrais rappeler à ceux qui
sont assis autour de cette table et qui font de beaux et de grands discours sur
l'imputabilité des fonctionnaires qu'en vertu de nos règles
démocratiques c'est d'abord le gouvernement et ses ministres qui sont
imputables devant l'Assemblée nationale. (10 h 40)
De plus, j'aimerais indiquer que cette consultation
générale se déroule dans une perspective politique
dominée par deux événements, soit: à la veille d'un
discours sur le budget qui pourrait être le dernier avant la tenue de la
prochaine élection générale et à la veille de la
reprise des négociations dans le secteur public et parapublic, en vue de
renouveler des conventions collectives qui lient le gouvernement à ses
employés et qui viendront à échéance le 30 juin
prochain. Je crois que, tout au long de nos travaux, il faudra garder à
l'esprit ce contexte très particulier.
À deux semaines seulement du début de nos travaux, le
ministre des Finances et le président du Conseil du trésor ont
rendu public un portrait très sombre des finances publiques. Ce
portrait, on le trouve résumé à la page 104 du document
d'un rose douteux intitulé «Vivre selon nos moyens».
Si je résume les informations contenues dans ce tableau, on
constate une augmentation fulgurante du déficit budgétaire qui
passerait de 4 200 000 000 $ cette année - maintenant de 4 600 000 000 $
- à près de 6 400 000 000 $ l'an prochain et qui, dans cinq ans,
atteindrait près de 9 000 000 000 $. Ce résultat est le fruit de
trois éléments, soit: une stagnation des revenus autonomes en
1993-1994 et même une diminution de 2 500 000 000 $ par rapport à
ce qu'on avait prévu le 15 mai dernier; deuxièmement, une baisse
progressive des transferts financiers du gouvernement fédéral et
une croissance des dépenses correspondant à l'inflation plus 3 %
durant les cinq prochaines années. À ce stade cl de nos travaux,
il m'apparaît important de
soulever un certain nombre de questions auxquelles le document,
malgré ce qu'il nous présente, n'apporte pas de
réponse.
Tout au long du document, le ministère des Finances - et
remarquez bien que je ne remets pas en cause les additions, les soustractions
et les multiplications du document, mais les hypothèses qu'il sous-tend
- soutient que les revenus autonomes augmentent au rythme du PIB lorsque la
structure fiscale est constante, c'est-à-dire sans hausse ni baisse
d'impôt ou de taxes. Cette assertion s'est vérifiée dans le
passé et elle se vérifiera à compter de 1994-1995.
Toutefois, l'an prochain, le ministère des Finances soutient que les
revenus autonomes demeureront ce qu'ils sont cette année. L'Opposition
s'interroge sur ce phénomène de la stagnation des revenus
puisqu'il explique presque la totalité, 90 %, 95 % de l'augmentation du
déficit en 1993-1994. Nous nous interrogeons aussi parce que le
ministère des Finances prévoit une croissance économique
réelle de 3,1 % en 1993, brute de 4,6 %. Même si ce chiffre a
été réalisé à la baisse, comment peut-on
expliquer que cela ne se traduise pas par une augmentation des recettes? Nous
nous interrogeons aussi du fait que le gouvernement fédéral, pour
qui les sources de revenus sont sensiblement les mêmes qu'au
Québec, anticipe, pour sa part, une croissance de ses revenus de 3,3 %
en 1993-1994, du moins aux dernières nouvelles. Enfin, l'Opposition
s'interroge quant à la qualité des prévisions du
ministère des Finances. Rappelons que, depuis la dernière
élection, les erreurs de prévisions du ministère des
Finances ne sont pas anodines. Est-ce qu'il s'agissait, dans certains cas, d'un
excès d'optimisme? S'agit-il aujourd'hui d'un excès de
pessimisme? Et ce changement d'attitude peut-il s'expliquer aussi par le
contexte politique particulier dont j'ai parlé tantôt?
À l'égard des dépenses, en 1990-1991, le
gouvernement du Québec s'était fixé un objectif, à
l'égard de la croissance des dépenses, de l'inflation plus 1 %.
Cet objectif apparaissait d'autant plus réaliste que, tout au long des
années quatre-vingt, il avait été atteint, et ce, par deux
administations différentes: la nôtre, de 1980 à 1985, IPC
plus 1 %; la leur, sans récession, de 1985 à 1990, IPC plus 1 %.
Jamais alors n'avait-il été question, pour atteindre cet
objectif, de renoncer à des pans entiers du système de
santé ou d'éducation, comme on semble aujourd'hui vouloir nous le
proposer. Certes, les deux derniers gouvernements ont dû appliquer des
mesures de contrôle, de rationalisation, voire même des coupures
draconiennes, mais jamais de l'ampleur de celles dont on nous dit qu'elles sont
nécessaires aujourd'hui. Par ailleurs, au cours des trois
dernières années, la croissance des dépenses a
été supérieure à l'inflation plus 3 %: 3,3 % en
1990, 3,0 % en 1991, 3,8 % en 1992. Mais lorsque l'on enlève de cette
croissance la partie que le gouvernement attribue à la mauvaise
conjoncture économique, on retrouve le rythme de croissance des
années antérieures. Alors, comment explique-t-on que la meilleure
conjoncture que l'on anticipe ne se traduise pas par un soulagement sur les
dépenses du gouvernement du Québec?
L'analyse qui nous est proposée est non seulement
fédéraliste, mais elle nous confine au statu quo, je dirai: Elle
est résolument fédéraliste. Comme à son habitude,
le ministre des Finances y dénonce les coupures effectuées par le
gouvernement fédéral, depuis 1982, dans le financement des
programmes établis. Rappelons les faits. Pour la seule année
1992-1993, les coupures effectuées dans le financement de la
santé et de l'enseignement postsecondaire représentent, pour le
gouvernement du Québec, un manque à gagner de 1 800 000 000 $. Au
niveau de la péréquation, le manque à gagner du
Québec, pendant les trois dernières années, totalise 1 800
000 000 $ aussi. Par ailleurs, encore cette fois-ci, le ministre des Finances
prétend qu'entre 1984 et 1990 les transferts fédéraux aux
provinces ont augmenté plus rapidement dans les provinces bien nanties
que dans celles qui le sont moins. Or, à partir des informations
contenues dans «Vivre selon nos moyens» et que l'on retrouve aussi
dans des documents budgétaires antérieurs, on arrive à la
conclusion que, mis à part le Québec, les transferts
fédéraux aux provinces dites moins bien nanties augmentent encore
plus vite qu'en Ontario. La conclusion qui s'impose est, par conséquent,
que c'est le Québec qui a surtout fait les frais de ces coupures. Selon
nos estimations, entre 1984 et 1990, la croissance annuelle moyenne des
transferts fédéraux a été de 8,5 % dans les
provinces moins bien nanties, excluant le Québec, de 6,6 % dans les
provinces bien nanties et de 4,0 % au Québec, ce qui cote bien notre
actuel ministre des Finances.
Par ailleurs, les transferts financiers provenant d'Ottawa et qui
représentaient 28,9 % des revenus totaux du Québec en 1983-1984
n'en représentent plus que 21,6 % cette année, et cette
proportion va diminuer jusqu'en 1997-1998 à 15,9 %. Non seulement ces
transferts financiers diminuent en pourcentage du total, mais ils vont diminuer
en valeur. En 1992-1993, ils représentent 7 885 000 000 $, alors qu'en
1997-1998, ils totaliseront moins de 7 000 000 000 $.
Or, le ministre des Finances nous indique que, selon une étude
fédérale-provinciale, pendant les années quatre-vingt-dix,
les dépenses des provinces augmenteront plus vite que celles du
gouvernement fédéral. Je rappelle que, si les transferts
fédéraux que nous avons reçus en 1993-1994 étaient
transformés en points d'impôt, ils augmenteraient au même
rythme que les revenus autonomes, selon les dires mêmes du
ministère des Finances, c'est-à-dire au rythme du PIB. Il
s'ensuivrait que, dans cinq ans, le Québec recevrait quelque 3 000 000
000 $ de plus. Bien
sûr, le ministre nous indique qu'il serait souhaitable qu'un
nouveau partage fiscal soit défini avec le gouvernement
fédéral, mais cela demeure un voeu pieux, dans la mesure
où le Québec semble avoir peu d'appui, qu'Ottawa a une caisse
à sec comme jamais et que le gouvernement du Québec ne propose
rien, rien si Ottawa dit non à sa demande. En somme, le gouvernement
fédéral a déstabilisé les finances publiques du
Québec; il va continuer à le faire, et le gouvernement
libéral continue à ne proposer aucune alternative. Cela commence
à ressembler de plus en plus à du masochisme. (10 h 50)
L'endettement excessif du gouvernement fédéral, une
politique monétaire brutale et non adaptée à
l'économie du Québec, le relèvement rapide des taxes et
des impôts et l'absence de politique économique cohérente
et articulée au cours des dernières années nous ont
conduits à l'une des pires récessions que nous ayons connues et
à une économie qui ne démarre pas. Rappelons que le
Conseil économique du Canada avait formellement avisé les deux
niveaux de gouvernement de ne pas s'engager dans la réforme de la
fiscalité tel qu'ils l'ont fait au moment où ils le faisaient,
c'est-à-dire au moment du déclenchement d'une récession
économique.
Au sujet de la hausse du fardeau fiscal, j'aimerais rappeler que, selon
une analyse effectuée par la Banque Nationale, c'est la hausse du
fardeau fiscal des dernières années qui empêche les
consommateurs de contribuer à la relance de l'économie, comme
cela avait été le cas en 1983. Or, le Québec et son
gouvernement ont largement contribué à cette situation, et ce
n'est pas la possibilité d'ouvrir les commerces le dimanche qui
compensera les effets de la hausse du fardeau fiscal. Faut-il aussi souligner
que le Canada est le seul pays du G 7 à avoir offert des taux
d'intérêt réels supérieurs à 7 %, au cours
des années quatre-vingt. Encore aujourd'hui, malgré la baisse des
taux nominaux, le taux réel que l'on doit supporter au Canada surpasse
ceux que l'on retrouve chez nos principaux concurrents, mais c'est toujours un
Canada très cher à nos amis d'en face.
J'aimerais rappeler ici la conclusion de l'étude
fédérale-provinciale dont j'ai parlé plus haut et qui est
à l'effet qu'on ne doit pas s'attendre, au cours des prochaines
années, à une réduction significative des taux
d'intérêt réels en raison de la forte demande de capitaux
dans les pays de l'Europe de l'Est, de l'ancienne Union soviétique et
des pays de l'OCDE. En somme, des milliers de projets d'investissements
créateurs d'emplois ne verront pas le jour, faute d'avoir accès
à des capitaux à prix abordable. Ce n'est pas Ottawa qui fait en
sorte qu'il y ait moins de pression sur les taux d'intérêt. Et ce
n'est pas pour rien que le ministère des Finances prévoit que
l'économie du Québec aura atteint son plein potentiel en
1997-1998, à la veille, d'ailleurs, d'une autre récession, et
qu'il nous restera 9 % de main-d'oeuvre en chômage. Ajoutons à
cela la faiblesse de nos dépenses en matière de
recherche-développement, malgré les annonces, et de formation
professionnelle et on comprendra que les Québécois soient quelque
peu découragés face à leur avenir Or, comment ne pas
pointer, ici encore, le régime fédéral qu'en face on
refuse de remettre en question? On n'a qu'à penser à la rebuffade
qu'a essuyée le ministre de la Main-d'oeuvre, lorsqu'il est allé
récemment à Ottawa demander le rapatriement des pouvoirs en
matière de formation professionnelle, pour voir à quel point ce
régime politique correspond mal aux aspirations légitimes des
Québécois. Faut-il rappeler qu'en matière de formation
professionnelle le rapatriement des pouvoirs ne fait pas consensus, il fait
l'unanimité.
Le fardeau fiscal des Québécois aurait atteint la limite
du raisonnable, nous affirme le gouvernement libéral qui, depuis la
dernière élection, alors qu'il criait «mission
accomplie» à l'égard des finances publiques, a
augmenté, lui, à peu près tout ce qu'il était
possible d'augmenter du côté des taxes. Les entreprises y ont
goûté via des hausses de taxes sur les profits, la taxe sur le
capital et la taxe sur la masse salariale. Les consommateurs aussi y ont
goûté, à un point tel qu'on assiste pratiquement à
une révolte de ce côté et, j'ai bien dit tout à
l'heure, à une baisse significative de la moralité fiscale. Le
magasinage outre-frontière, la contrebande, le travail au noir
résultent directement de la politique fiscale du gouvernement
libéral.
Malgré cette situation qui fait sans doute perdre des milliards
de revenus annuellement au gouvernement du Québec, ce dernier soutient
que la structure fiscale est quasi parfaite et qu'il ne saurait être
question de la modifier. Il favoriserait ce phénomène qu'il
n'agirait pas autrement. Aucune volonté d'attaquer le problème de
front n'apparaît dans le document. Il ne faut pas accroître le
fardeau fiscal des Québécois, et c'est pourquoi il nous dit qu'il
faut absolument travailler à la structure des dépenses.
Sur ce point, une des solutions avancées consiste à
transférer aux paliers locaux, c'est-à-dire aux MRC, aux
municipalités et aux commissions scolaires, davantage de
responsabilités. Or, dans ce type de solutions, Québec n'indique
aucune volonté de céder un espace fiscal à ces
administrations. Conclusion: le gouvernement libéral propose de confier
à ces administrations l'odieux de demander un effort accru aux
Québécois. De la fausse représentation, c'est ce dont il
s'agit. Je rappelle que c'est ce même gouvernement qui pleurniche dans
chacun de ses discours contre le gouvernement fédéral qui fait
exacte-mont la mômo chose. Faites co que je dis, ne faites pas ce que je
fais.
On désire, par ailleurs, accroître la productivité
des employés de l'État et, comme élément
de motivation, on propose un gel de la masse salariale et une
réduction de 10 % du personnel, et surtout pas l'ombre du début
du commencement de ce qui pourrait apparaître un projet de
société qui apparaît. Rien. On arrive, par
conséquent, à la solution ultime: couper radicalement dans les
dépenses. Plus de 7 200 000 000 $ en cinq ans ou 16 % des programmes.
Des pans entiers de notre régime de santé et d'éducation
apparaissent aujourd'hui menacés...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, s'il vous plaît, brièvement, très
brièvement en conclusion.
M. Léonard: Si vous me permettez...
Le Président (M. Lemieux): Oui, je vais vous le permettre.
Votre temps est écoulé, mais, exceptionnellement, très
brièvement.
M. Léonard: Nos concitoyens ont de quoi, effectivement,
être inquiets. Ce que le gouvernement propose, c'est une analyse statique
de la situation et pas du tout une analyse dynamique qui convierait la
population à redémarrer l'économie, à participer
à sa correction. Non. C'est une analyse statique où on propose de
s'enfoncer davantage dans un cercle vicieux, une spirale vers le bas
plutôt, que de demander aux Québécois d'aller en avant et
de contribuer à la relance économique.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle.
La parole est maintenant au ministre délégué
à l'Administration et à la Fonction publique et président
du Conseil du trésor. Vous avez 20 minutes et quelques
poussières, comme le député de Labelle.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.
Je dirais, dès le départ, que c'est avec déception
mais sans surprise que j'ai entendu le discours du député de
Labelle. On croyait que le ton avait été donné, il y a
deux ans déjà, lorsque, avec nos partenaires syndicaux, j'avais
discuté de rémunération dans le secteur public, de
finances publiques de façon générale. C'était
à la Saint-Valentin en 1991 qu'on avait eu l'occasion de se rencontrer
pour la première fois. Il s'était dégagé à
ce moment-là, du côté syndical, une demande de discuter de
fiscalité. Ça n'a pas été retenu dans la
première ronde, à l'époque, mais l'an dernier nous avons
agréé à cette demande de discuter de façon la plus
large possible, selon les demandes syndicales de fiscalité et, selon
nous, de l'ensemble de la problématique des finances publiques.
C'était fait d'une façon non partisane. Il était
évident qu'il y avait des enjeux qui dépassaient largement les
lignes de partis politiques. On aurait pu faire, si on avait voulu tomber dans
l'excès contraire, le procès de ceux qui nous ont
précédés, de l'endettement cumulatif de 1976 à
1985. On aurait pu faire un tas de choses comme ça qu'on n'a pas
relevées. On ne les a même pas relevées dans le document
qui a été déposé le 19 janvier par mon
collègue et moi-même. Le député de Labelle a choisi
un autre ton. Il a choisi un autre discours. Vous me permettrez de trouver
ça extrêmement regrettable. Sa cour d'accusations à
l'endroit des gens du ministère des Finances, qu'ils se sont
trompés dans l'évaluation de la conjoncture économique
québécoise, canadienne, nord-américaine et internationale.
On est en excellente compagnie. Tout le monde s'est trompé. Il y a au
moins trois provinces canadiennes qui, sur une base comparable, se sont
trompées plus que nous autres.
Document déposé
C'est ce que le tableau, qui pourrait être déposé,
pourrait démontrer. On a des chiffres à cet effet. On peut
comprendre que l'Opposition n'est pas équipée pour
connaître, calculer et mesurer toutes ces choses-là. Alors, je
vais prendre comme une question les diatribes du député de
Labelle à notre endroit. Une question sur l'évolution des revenus
autonomes compte tenu du PIB. Ça aussi, il y a des explications qui se
redressent. Il y a, dans les revenus autonomes de cette année, des
éléments qu'on ne retrouvera pas l'an prochain, des
contributions. Par exemple, au titre de l'impôt sur les revenus des
particuliers moindres que cette année, en raison de la baisse des taux
d'intérêt. Les particuliers auront moins de revenus de source
d'intérêt, donc ils paieront moins d'impôt sur ces revenus
d'intérêt qui vont être moindres. Ça, ce n'est pas le
PIB qui est en jeu là, c'est le niveau des taux d'intérêt
prévisibles. Il y a un tas de choses mécaniques comme
celle-là qu'il nous ferait plaisir, M. le Président, de
déposer pour répondre aux questions passablement tonitruantes du
député de Labelle. (11 heures)
M. Johnson: Je voudrais, surtout dans les quelques minutes qui
nous sont réservées, d'abord remercier les douzaines de groupes,
d'individus qui vont venir nous entretenir de leurs préoccupations au
titre des finances publiques, sous un volet ou un autre. Beaucoup nous
parieront de fiscalité.
Je veux juste souligner tout de suite que la fiscalité n'existe
pas dans l'absolu, dans le vide ou dans les limbes. C'est un ensemble de
règles qui nous permettent de percevoir des revenus pour payer les
dépenses publiques. Discuter de fiscalité sans parler de
dépenses publiques, sans remettre en cause le niveau des
dépenses, leur
répartition, le fardeau que ça peut représenter
comme tel m'apparaît un peu court et incomplet. Ça me fait penser
un peu à une famille qui, au-delà de son logement, des besoins
essentiels pour se vêtir, se nourrir, se déplacer, aller au
travail, etc., déciderait d'emprunter inconsidérément
pendant des années pour ses loisirs, pour des voyages, pour acheter des
objets de luxe et qui, voyant éventuellement cette dette la rattraper,
conclurait non pas qu'il faut arrêter d'aller au restaurant ou en voyage
deux fois par année mais qu'elle a un problème de revenus.
À la rigueur, il pourrait y avoir un problème de revenus si le
petit entrepreneur que ça pourrait être décidait
d'augmenter les prix à ses clients. Le problème, c'est qu'il est
en concurrence avec d'autres gens qui, peut-être, ne se sont pas
comportés de la même façon. alors, il faut donc avoir une
bonne idée des priorités de dépenses du gouvernement si on
veut discuter de fiscalité. il faut donc se connaître, je dirais,
comme société, voir quelles sortes de choix on a faits dans le
passé et où ça nous mène en matière de
croissance des dépenses publiques. c'est ce que j'appelle le contrat
social, qui est implicite dans la colonne des dépenses gouvernementales.
ce sont des services qu'on a décidé do so donner t\ un certain
nivoau. mais il faut réaliser qu'il y a un rythme de croissance
inhérent à certains de ces programmes de dépenses, et on
doit en tenir compte.
Deuxièmement, au-delà de se connaître, il faut se
comparer, il faut donc voir ce qui se fait autour de nous, ajuster,
évidemment, le fardeau fiscal pour tenir compte des services publics, se
comparer à des gens qui encourent des frais considérables dans le
domaine privé, par exemple en santé aux États-Unis.
Ça doit aussi être l'objet de notre attention lorsqu'on compare
notre fardeau fiscal avec le leur. Il faut donc regarder quelle est l'assiette
complète des services qu'on se donne, que ce soit du côté
du privé ou du public. Nos choix passés, il n'en reste pas moins
qu'ils nous coûtent très cher, et ils ont aujourd'hui
dépassé notre capacité de nous les offrir.
L'État québécois n'est pas une entreprise comme les
autres. L'État n'est pas une entreprise comme les autres. C'est le
fiduciaire du contrat social qui a donc cette obligation d'accorder des
services à nos concitoyens, à toute la société.
Dans notre cas, les deux tiers de ces activités vont aux services de
base de la Santé et des Services sociaux, à l'Éducation,
à l'Enseignement supérieur et à la Sécurité
du revenu. On ajoute le Service de la dette - j'y reviendrai - et là on
vient d'expliquer 75 %, 76 % des dépenses publiques. Il ne reste que 25
% des autres missions dans lesquelles, supposément, il faudrait aller
sabrer de façon remarquablement substantielle si on ne veut absolument
pas toucher à certaines des missions de base.
Le niveau de nos dépenses est plus élevé que celui
de nos voisins, proportionnellement. On se compare traditionnellement à
l'Ontario, pour des raisons économiques et géographiques. On doit
remarquer que, même après les correctifs de la
péréquation dont nous bénéficions, mais moindrement
qu'autrefois, déjà, et depuis longtemps, on peut vivre au-dessus
de nos moyens. Un redressement s'impose donc. Le redressement a
été amorcé. La série extrêmement objective de
chiffres que nous avons publiés démontrent qu'en 1989-1990 nous
avions quasiment réussi à ne pas emprunter pour payer les
dépenses d'épicerie absolument essentielles. Nous étions
à la veille d'avoir la tête au-dessus de l'eau pour affronter un
cycle économique qui est venu, évidemment, détruire
certains des effets que nous avions presque atteints. On pourrait
peut-être, en aparté, dire que cette oeuvre de redressement aurait
dû commencer un peu plus tôt Je ne développerai pas
davantage cette idée.
Les dépenses structurelles depuis 1989, les dépenses
publiques, de façon structurelle - c'est un phénomène
qu'on observe de très longue date - croissent à plus de 3 % de
plus que l'indice des prix à la consommation. Ça nous permet de
dire que, si nous ne faisons rien, on se remet dans la misère que tout
le monde dénonce au point de vue des finances publiques J'en ai entendu
et j'en vois qui persistent à dire que les 3 % d'excédent par
rapport à l'inflation des dépenses publiques ne sont que
passagers. Les 3 % soi-disant passagers actuels sont le résultat d'une
croissance structurelle inhérente des dépenses publiques de plus
de 3 % au-dessus de l'indice des prix à la consommation, que nous avons
redressé par des mesures de compression. Il y en a eu pour 3 500 000 000
$ de façon cumulative depuis six ans, mais on l'a redressé dans
le mauvais sens en raison de la conjoncture. C'est ce résultat net qui
nous a amenés depuis trois ans à un peu plus de 3 % qui
correspondent - c'est un hasard, croyez-moi - au rythme de croissance
inhérent des dépenses publiques, qui est beaucoup trop
élevé.
Il s'agit donc de nous attaquer à ce problème des
dépenses publiques. Il nous apparaît que nous devrions
délaisser l'approche interventionniste du gouvernement. Il nous
apparaît que nous devons recentrer l'action de l'État sur ces
rôles premiers que j'ai décrits un peu plus tôt et à
l'égard desquels il y a des gestes également à poser. Nous
avons à repenser la façon dont les services publics sont
dispensés. Pour atteindre l'équilibre souhaité, nous
devons réaliser des mesures de plus de 1 500 000 000 $ pour la prochaine
année, limiter la croissance des années subséquentes
à 1 % par année et réaliser, donc, des mesures de
restriction de dépenses de plus de 7 000 000 000 $ d'ici 1997-1998, en
vous rappelant, en nous rappelant à tous, que c'est le double de
l'effort que nous avons consenti comme société depuis cinq
ans.
Nous avons donc réaligné les dépenses
publiques pour recentrer l'action de l'État et ses ressources sur
ses missions de base. Nous avons réévalué les
interventions gouvernementales dans les autres secteurs. La restructuration
économique en cours force également les entreprises à
réexaminer leurs priorités. Nous ne pouvons pas échapper
à cet examen. Le secteur public ne peut y échapper, à
cette réalité. Il ne peut se contenter de gérer des
programmes selon des modèles qui ont été établis en
période d'abondance. Le passé, cette fois-ci, à mon sens,
M. le Président, n'est pas garant de l'avenir. Je dirais même que
le risque est très réel que les comportements passés nous
garantissent un avenir impossible.
La mondialisation des marchés a pour effet de mettre les
appareils publics en concurrence, par la charge qu'ils représentent sur
les entreprises, en concurrence sur la scène mondiale.
L'efficacité que nous pouvons atteindre dans les services publics est a
l'avantage de l'économie dans un contexte ouvert et international.
L'économie ne peut donc être concurrentielle si le secteur public
n'est pas efficace. Lorsqu'il s'agit de repenser et de réviser le
contenu des programmes, il faut davantage axer nos approches sur les
résultats. C'est le défi que nous aurons à relever. Le
prix de revient des services publics devra être plus bas, meilleur, donc,
que celui de nos concurrents. Nous sommes condamnés, par le poids de
l'endettement que nous traînons, à faire mieux que les autres.
De nombreuses avenues peuvent être considérées. Il y
en a trois groupes principaux: l'organisation et la gestion des services
publics, la gestion des ressources humaines et la rémunération et
la révision du contenu des programmes. (11 h 10)
En ce qui a trait à l'organisation et à la gestion des
services publics, nous pouvons suggérer quatre voies: celle de la
décentralisation de certaines activités judicieusement choisies -
j'en profite pour indiquer tout de suite aux milieux municipaux, locaux,
régionaux que ce n'est pas sans leur accord que de telles
décentralisations devraient se réaliser; deuxièmement,
nous devons avoir recours à la tarification pour rendre visibles les
services publics, ce qui me permet de dire que les services publics ne sont pas
gratuits, mais le sait-on? Le sait-on? C'est là une partie du
problème. On ne se rend pas compte, à mesure qu'on consomme des
services publics, que nous payons d'une façon ou d'une autre pour
ceux-ci; et l'introduction de frais, de tarifs, qui sont d'abord et avant tout
des signaux et non des sources de financement substantielles, mais des signaux
sur la valeur de services publics comme ressources que nous ne devons pas
gaspiller; troisièmement, recherche systématique des
façons plus rentables de dispenser des services, tant au point de vue de
l'organisation, d'une part, que de la réalisation de certaines
activités en dehors des cadres traditionnels de l'État; et la
mise en place d'un mode de gestion davantage axé sur les
résultats et l'imputabilité, M. le Président, une notion
que je sais que vous saurez retenir. Il s'agit, dans ce dernier cas, de
responsabiliser davantage nos employés, cette ressource remarquable de
400 000 Québécois qui sont en première ligne de la
dispensation des services publics. Nous avons à nous assurer qu'ils sont
dans une atmosphère, un environnement qui valorise, motive ces
Québécois qui rendent des services afin d'assurer une prestation
plus efficace, plus productive, une meilleure distribution, donc, de l'argent
des impôts des contribuables.
Deuxièmement, au titre de la gestion des ressources humaines,
nous avons à assurer une meilleure productivité. C'est là
un vocable qui recouvre toutes sortes d'initiatives innovatrices qui permettent
aux gens de s'adapter, de renforcer l'efficacité de la prestation des
services publics. Au titre de la rémunération globale, j'ai
déjà souligné l'avance, qui est encore mesurable, de
l'ensemble des employés du secteur public sur la capacité du
secteur privé et sur les niveaux de rémunération pour des
tâches semblables qui sont versés dans le secteur privé.
Mais les gains de productivité que nous pourrions faire pourraient, en
tout ou en partie, être redistribués sous forme d'augmentations de
salaires en maintenant le cap sur la stabilisation de ces 20 000 000 000 $ qui
sont distribués sous forme de rémunération. Des
réaménagements seront nécessaires, mais nous entendons en
discuter comme d'habitude afin d'en convenir, comme d'habitude, avec nos
employés qui méritent l'attention que nous voulons leur porter.
Troisièmement, le nombre d'employés est également en
cause. Nous avons déjà annoncé une diminution de 12 % sur
5 ans des effectifs de la fonction publique, et de 20 % d'ici 3 ans des
effectifs d'encadrement de la fonction publique.
Donc, l'organisation des services, deuxièmement la gestion des
ressources humaines, troisièmement la révision du contenu des
programmes. À mon sens, le domaine de la santé et des services
sociaux où, déjà, nous avons posé des gestes ne
peut être à l'abri d'une remise en cause des modes de financement,
du volume d'activités, du niveau et du panier de services. Le domaine de
l'éducation doit également contribuer à sa façon
à réduire la croissance des dépenses. Dans le domaine de
la sécurité du revenu, on doit s'assurer, tout en maintenant les
contrôles étanches et en évitant des surconsommations dans
le cas de certains services qui sont offerts, à renforcer l'incitation
au travail. Il est impératif que nous continuions à modifier,
autant que faire se peut, les programmes de sécurité du revenu
afin d'atteindre cet objectif éminemment constructif et valorisant pour
tous ceux qui en sont bénéficiaires. Finalement, du
côté de l'aide aux entreprises, des changements majeurs sont
dictés par les nouvelles règles du commerce
international, y compris dans le domaine si sensible, pour de nombreuses
régions du Québec, de l'agriculture. Mais, à cet
égard, je ne fais que rappeler les engagements de producteurs agricoles,
de tous les intervenants du gouvernement à l'occasion du Sommet de
l'agriculture de l'été dernier.
En conclusion, M. le Président, malgré les progrès
que nous avons réalisés, le redressement des finances publiques
n'était pas encore complété en 1989-1990, lorsque la
récession, au deuxième trimestre de 1990, nous a frappés.
Nous avons dû reporter les échéances de l'atteinte de
l'objectif de l'équilibre budgétaire. Les finances publiques se
retrouvent aujourd'hui, donc, à la croisée des chemins, encore
une fois en raison du cycle économique qui vient exacerber les rythmes
de croissance inhérents des dépenses publiques. Il faut bien
distinguer. Ce n'est pas un problème passager; c'est un problème
permanent, qui nécessite une solution permanente.
Le gouvernement espère que les travaux de la commission
permettront d'identifier les meilleures avenues. Nous avons à repenser
et revoir le contrat social qui est illustré par les dépenses
publiques. Nous avons à faire en sorte, à l'occasion de cette
commission et dans les mois qui suivront, que tous les citoyens sauront que
c'est une oeuvre non seulement utile mais nécessaire que celle du
redressement des finances publiques, et que tous auront le sentiment de
contribuer également à ce redressement...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: ...nécessaire, non seulement pour les
générations qui nous suivent mais pour nous tous qui aurons, dans
les années à venir, à bénéficier des
services publics, nécessaire par la distribution de cette contribution.
Au titre des dépenses publiques, nous devons faire en sorte que tous
sentent que les services sont ramenés à un niveau réaliste
pour tout le monde, que les services sont rendus efficacement et sans
gaspillage par toutes les instances qui rendent ces services, et que les
services publics sont financés par tous sans que quiconque
n'échappe à ses devoirs de contribuable.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Mme la députée de Taillon, Mme Marois, porte-parole de
l'Opposition officielle concernant le Conseil du trésor.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Avant d'aborder le coeur du débat qui va retenir notre attention
pendant les trois semaines à venir, j'aimerais rappeler ma
déception profon- de - vous la rappeler, M. le Président - quant
à l'attitude du gouvernement à l'égard des demandes que
lui avaient présentées les représentantes et les
représentants des secteurs public et parapublic, des syndicats de la
fonction publique, et à laquelle demande le gouvernement avait
acquiescé pourtant, M. le Président, à savoir la tenue
d'une enquête publique approfondie sur la fiscalité
québécoise.
Vous allez me dire: Mais nous sommes bien là, pourtant, pour en
débattre. Il m'apparaît cependant, M. le Président,
à l'évidence, qu'en fait le gouvernement a renoncé
à ses engagements, et plus que cela. Il a mis en scène un
scénario où il va convier les citoyennes et les citoyens du
Québec à regarder les finances de l'État essentiellement
sous l'angle des dépenses. Et, ce matin, le président du Conseil
du trésor nous dit: Écoutez, on ne peut pas regarder les finances
publiques sans se pencher, effectivement, sur le volet qui justifie qu'on aille
faire des prélèvements en impôts. Ça va de soi, j'en
conviens, je suis d'accord avec le président du Conseil du
trésor. Mais il y a une différence, M. le Président, entre
cela et le fait qu'on évacue le débat sur la question de la
fiscalité.
Or, je pense qu'à voir le président du Conseil du
trésor qui, depuis quelques jours, multiplie les commentaires afin de
tenter de culpabiliser les citoyennes et les citoyens quant à leur
présent et quant à leur avenir, quant à celui de leurs
enfants, j'ai l'impression, M. le Président, que le gouvernement s'est
engagé dans une entreprise pernicieuse qui vise à
désolidariser les Québécoises et les
Québécois: les malades contre les gens en santé; les
jeunes contre les personnes âgées; les payeurs de taxes contre les
gens dans la misère, sans emploi, en chômage. (11 h 20)
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, M. le Président, que l'on nous
convie à un véritable appel à la solidarité,
à l'espoir, à des perspectives qui donnent le goût de
mettre la main a la pâte? Or, on nous convie plutôt à la
démobilisation, sans pour autant nous proposer de solutions qui vont
régler le problème réel. Je conviens que le
problème est réel, mais on ne nous propose pas de solutions qui
vont régler ce problème réel à moyen et à
long terme, M. le Président. On semble même vouloir nous reprocher
de négliger d'aborder certains éléments pour lesquels nous
n'avions même pas, de ce côté-ci, M. le Président,
d'information. On peut le constater, le ministre des Finances de même que
le président du Conseil du trésor ont déposé ce
matin une série de tableaux venant expliquer un certain nombre de faits,
mais auxquels nous n'avions pas accès, M. le Président,
jusqu'à ce matin.
Cela étant dit, j'aimerais aborder les travaux qui nous
convieront pendant les semaines à venir sous quatre angles.
Premièrement, le document «Vivre selon nos moyens» ne nous
offre qu'une vision à court terme et qui nous
mène à un véritable cul-de-sac. Pourquoi? En fait,
ça fait plus de 10 ans que les gouvernements successifs du Québec
se sont efforcés de rationaliser les dépenses. Les deux
gouvernements, d'ailleurs, à cet égard, qui se sont
partagé le pouvoir y sont, je dirais, relativement bien arrivés,
puisque tout au long des années quatre-vingt les dépenses se sont
accrues à un rythme voisin de l'inflation plus 1 %. Et je rappellerai
aux membres de cette commission, M. le Président, que dans le cas du
gouvernement du Parti québécois, cela avait compris la
période de récession des années quatre-vingt.
Pourtant, le document rendu public le 19 janvier dernier nous montre que
les problèmes auxquels on a été confrontés au
début des années quatre-vingt nous affectent encore plus pendant
les années quatre-vingt-dix, avec une acuité plus grande encore.
Les solutions qu'on nous propose maintenant, que nous propose le gouvernement
libéral, sont essentiellement du même ressort que celles que nous
avons appliquées, nous, comme gouvernement, et le gouvernement actuel
depuis le début des années quatre-vingt. On nous dit: Coupons.
Procédons à des coupures budgétaires. On a
déjà coupé dans le gras, dans le muscle; est-ce qu'on
s'apprête à couper dans l'os, M. le Président?
Mais, ce qui m'inquiète, c'est que n'apparaît pas, c'est
qu'on ne voit pas dans le document «Vivre selon nos moyens» de
solutions à long terme, de solutions définitives. Dans cinq ans,
on sera confronté - je ne ie souhaite pas - on pourrait être
confronté à une nouvelle récession. On serait, en fait,
à nouveau confronté au même problème parce que,
essentiellement, nous n'aurons apporté aucune véritable solution.
Nous recommencerons l'exercice auquel nous sommes conviés maintenant.
Est-ce que c'est cela qu'on se dit ce matin, M. le Président? La
perspective n'est pas très gaie.
Deuxièmement, quelle est la véritable source du mal qui
fait que nos finances publiques sont dans l'état actuel? Dans les
années d'après-guerre, on sait qu'au Canada, comme dans beaucoup
de pays industrialisés occidentaux - et ce fut le cas au Québec
aussi - on a mis en place un ensemble de programmes sociaux, le fameux filet de
sécurité; qu'on pense à l'assu-rance-chômage, qu'on
pense à l'aide sociale, à l'assurance hospitalisation, à
l'assurance-maladie, à certains régimes universels de rentes. Il
est utile de se rappeler que lorsqu'on a créé ces programmes
notre économie vivait ce qu'on appelle le plein emploi. Je parle ici
d'un taux de chômage qui, à la fin d'une période de
croissance économique, atteignait 3 %, 4 %. Le problème, c'est
qu'aujourd'hui, à la fin d'une période de croissance
économique, le taux de chômage atteint les 9 %, 10 %. Et c'est ce
qu'on nous dit, M. le Président, dans le document «Vivre selon nos
moyens»: au terme de la prochaine période de croissance
économique, le taux de chômage sera de l'ordre de 9 % à 10
%. C'est évident qu'une situation comme celle-là ne peut pas
faire autrement que de créer des pressions énormes et
gigantesques sur le gouvernement.
D'ailleurs, je rappellerai qu'il y a une étude
fédérale-provinciale sur le coût des opérations
gouvernementales et la gestion des dépenses qui a été
publiée au mois de mai dernier, en 1992, et qui identifie comme pression
sur les dépenses les forts taux de chômage - sur les
dépenses gouvernementales - que nous connaîtrons suite à la
récession qui, officiellement, et le ministre des Finances le rappelait,
vient de prendre fin. Je ne suis pas sûre que nos concitoyens le sentent
vraiment. J'espère qu'ils le sentiront rapidement.
Ceci m'amène à dire: Que le plein emploi ne soit pas un
objectif «atteignable» à court terme, j'en conviens. Mais
qu'on ne fasse rien pour mettre sur pied une politique cohérente en
matière de développement de l'emploi, ça, par exemple, M.
le Président, ça dépasse l'entendement. Le
développement de l'emploi apparaît dès lors comme le seul
moyen d'accroître réellement les revenus de l'État, bien
sûr de réduire les dépenses, parce que ça
crée une pression moins grande en termes de sécurité du
revenu, en termes d'aide sociale, de besoins en services sociaux et en services
de santé. Cela vient donc, bien sûr, réduire le fardeau
fiscal de ceux et celles qui, aujourd'hui, sont trop peu nombreux pour financer
les services qu'on s'est accordés.
Ça exige, donc, qu'on révise notre approche. On a des
mesures passives. On applique actuellement des mesures passives, et elles sont
inadéquates. Il faut passer à des mesures actives
supportées par une vision à l'égard de l'emploi et d'une
politique d'emploi. Ça suppose, entre autres - quand ce ne serait que
cet exemple-là qui est à nos portes, auquel on devrait
déjà s'attaquer - qu'on regroupe, par exemple, les politiques de
sécurité du revenu, l'aide sociale, l'assurance-chômage,
que l'on reprenne à l'intérieur de ce regroupement la formation,
le recyclage de la main-d'oeuvre dans un tout cohérent. Pour cela,
ça va de soi que le Québec doit posséder l'ensemble des
pouvoirs et, mon collègue le rappelait, ça ne fait pas consensus
au Québec, ça fait l'unanimité.
Il semble qu'il y a absolument seulement le gouvernement
fédéral qui n'ait pas compris ça. Il faut voir la
rebuffade qu'a subie - la rebuffade cinglante - le ministre, M. André
Bourbeau, la semaine dernière, lorsqu'il a osé proposer que le
Québec rationalise son approche à cet égard-là. Je
pense que, lorsqu'on connaît bien le problème, on connaît
déjà une partie de la solution. Or, c'est ce qui fait
défaut, à mon point de vue, dans le document qui est devant nous.
J'ai l'impression qu'on a baissé les bras sans offrir de perspective et
d'espoir.
Par ailleurs, comme l'a souligné mon collègue, le
député de Labelle, une partie importante du problème
financier auquel on est
confronté, au-delà de ces questions de dédoublement
et de regroupememnt de certaines politiques, vient de ce qu'Ottawa, dans la
gestion des finances publiques, s'inscrit dans les pires performances que le
monde occidental ait connues. En fait, Ottawa n'a rien réussi de mieux,
pour contenir la croissance de ses dépenses - et le ministre des
Finances le rappelait - que de couper dans les transferts aux provinces.
Rappelons-le, ces transferts avaient été mis en place parce que
le partage fiscal entre le niveau fédéral et les provinces ne
permettait pas de financer ce que, par ailleurs, on considère comme des
services essentiels. Pourquoi ne pas nous transférer les points
d'impôt plutôt que de continuer à nous garder dans la
dépendance, M. le Président? En somme, des efforts de
rationalisation des dépenses des deux gouvernements à
Québec ont été sapés par l'attitude du gouvernement
fédéral, M. le Président. Encore là, il me semble
que l'identification du problème devrait nous amener à tirer des
conclusions.
Troisièmement, une analyse, qui nous apparaît sommaire, des
dépenses. Si je reviens à «Vivre selon nos moyens»,
que nous offre le gouvernement libéral comme voie à suivre? En
fait, ça me fait penser à une liste de conclusions tirées
d'analyses qu'on n'a pas cru bon présenter à la population que
l'on invite, par ailleurs, à se prononcer sur les solutions
avancées. Je pense, entre autres, à cette question des revenus
pour lesquels nous avons, ce matin, des explications. C'est évident
qu'un sentiment de méfiance se développe. Comment être
sûr que les solutions déjà peu précises
correspondent vraiment aux problèmes identifiés et desquels on a
tiré des conclusions? (11 h 30)
Est-ce que l'appel à la concertation lancé par le
gouvernement libéral ne risque pas de tourner à l'affrontement,
dans un tel contexte? Il me semble qu'à cet égard nous devrions
tirer des leçons d'un passé récent, qui nous a fait
très mal comme collectivité. Au printemps dernier, le
gouvernement fédéral - je le rappelais tout à l'heure - a
rendu publique une analyse des dépenses fédérales et des
dépenses provinciales, dont celles du Québec, qui était
beaucoup plus élaborée, d'ailleurs, que ce que nous
présente actuellement le gouvernement. On nous rappelle, dans ce
document qui a été fait par le gouvernement
fédéral, qu'au cours des 15 dernières années - pour
donner un exemple, là, du fait qu'on coupe un peu court parfois - en
matière de santé, le Québec s'est mieux comporté
que les autres provinces. La croissance des dépenses, au Québec,
correspond assez bien à celle de son économie. À ce
moment-là, pourquoi n'est-il pas possible de mieux contenir le
déficit, M. le Président?
Ce qu'on sait, par ailleurs, c'est qu'une croissance des dépenses
de l'indice des prix à la consommation plus 1 %, comme on l'a
vécu pendant les années quatre-vingt, permettrait de
réduire le niveau de dépenses prévu dans «Vivre
selon nos moyens» de près de 5 000 000 000 $.
Par ailleurs, on demandera, encore une fois, aux travailleuses et aux
travailleurs du secteur public un nouvel effort en vue de rationaliser les
dépenses publiques. Or, la lecture du document gouvernemental
révèle que ce dernier est construit de telle sorte qu'on fait
porter encore une fois aux employés de l'État l'odieux de la
situation, alors que la preuve n'a pas été établie. La
preuve n'a pas été établie sur le fait qu'on leur reproche
leur faible productivité. Est-ce que cette faible productivité,
selon ce que dit le gouvernement, ne s'expliquera que par la mauvaise gestion
des ressources humaines à laquelle a contribué le gouvernement
actuel? Et ça va être mon quatrième point, M. le
Président, la gestion des ressources humaines.
En fait, en matière de gestion des ressources humaines, la
performance du gouvernement libéral n'a rien d'un exploit. Ceci nous a
été clairement révélé par le
Vérificateur général, dans son dernier rapport. Qu'est-ce
qu'il nous a dit? «Peu de planification structurée de la
main-d'oeuvre dans les ministères et organismes gouvernementaux. En
matière de dotation de personnel occasionnel, le processus mis en place
par le gouvernement libéral est peu efficient, non économique, en
plus de donner lieu à des pratiques inquiétantes au plan de
l'équité, de l'impartialité et de la transparence.»
En matière toujours de dotation de personnel, permanent cette fois-ci:
«Les modifications à certaines pratiques administratives
pourraient amener une plus grande efficience et faire réaliser des
économies appréciables. En matière de développement
des ressources humaines, il y a manque de cohérence, il y a
gaspillage», M. le Président.
Bref, je ne vois pas en quoi il y a raison de pavoiser lorsqu'on sait
que les ressources humaines s'accaparent, et le président du Conseil du
trésor le rappelait, près de la moitié des dépenses
du gouvernement. Qu'il nous dise aujourd'hui qu'il faut changer d'approche,
qu'il faut accroître la productivité en responsabilisant davantage
les employés, en leur confiant davantage de responsabilités
n'est, en fait, qu'un constat d'échec de sa propre gestion. Cela fait
sept ans, M. le Président, que le gouvernement, je vous le rappelle,
applique ses politiques de gestion de personnel. Lorsqu'il nous dit, en plus,
qu'il veut réduire l'effectif gouvernemental de 10 % alors que, par le
passé, il a maintes fois répété cet objectif - et
je revois le président du Conseil du trésor le dire à
maintes reprises - sans jamais l'atteindre, est-ce qu'on ne peut pas être
un peu sceptique, M. le Président?
L'imputabilité. L'imputabilité des gestionnaires de
l'État. Y a-t-il plus grande responsabilisation? Vous vous souviendrez,
M. le Président, vous présidiez la commission, que ceci a fait
l'objet de discussions au sein de la commis-
sion et a fait consensus au sein de la commission. Or, on constate que
le gouvernement s'est plutôt hâté lentement à cet
égard-là, malgré que nous étions prêts
à concourir, il y a à peine quelques semaines encore, à
l'adoption d'une loi qui permettait de mettre en place l'imputabilité au
sein de l'appareil gouvernemental. Le député de Verdun, qui
siège à notre commission, M. le Président, s'en rappellera
sûrement. Nous étions ici pour y travailler. Il s'est
hâté tellement lentement, M. le Président, que ce n'est pas
encore mis en place ni adopté. Est-ce que ça ne soulève
pas un certain problème de crédibilité, M. le
Président? Je crois que c'est le cas.
Je conclurai en vous disant ceci: L'analyse présentée par
le gouvernement libéral en est une de court terme, et j'ai peur, comme
mon collègue de Labelle le rappellait, qu'elle nous conduise, dans cinq
ans, à refaire l'opération que l'on commence aujourd'hui.
«Vivre selon nos moyens» doit aussi être analysé dans
son contexte, à savoir celui où le renouvellement des conventions
collectives doit être négocié prochainement. Finalement,
l'absence de vision, de perspective ou de projet fait de «Vivre selon nos
moyens» une opération de démobilisation, de
découragement. La solidarité des Québécoises et des
Québécois est également menacée. Du fait que le
gouvernement n'offre pas de solution à des problèmes aussi graves
que la contrebande, l'évasion fiscale, le travail au noir, on se
méfie de son gouvernement; on ne collabore plus avec son gouvernement.
Ce qu'il manque donc à ce gouvernement et que reflète bien le
document, c'est la perspective, le goût de mobiliser le Québec, de
le solidariser autour d'une volonté collective de résoudre les
problèmes non seulement à court terme, mais à moyen et
à long terme. Je suis persuadée que la population
québécoise est prête à relever ce défi, mais
encore faut-il, M. le Président, qu'il lui soit proposé.
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon.
La parole est maintenant à M. le ministre du Revenu, pour une
durée de 20 minutes.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Alors, si je comprends bien, à date en tout cas, la position de
l'Opposition est de dire: Bon, bien, c'est la faute d'Ottawa, c'est la faute
des autres, qu'ils sont sceptiques vis-à-vis de cette opération
et que c'est une opération pernicieuse. Ça fait un peu curieux.
Je pense que le «dream» du ministre des Finances risque de mal se
réaliser si un échange ne se faisait qu'avec vous. Je pense qu'on
peut se contenter du fait, comme l'a souligné le président du
Conseil du trésor, que ça se fait avec le public. On
espère qu'au fur et à mesure que se développent ce
dialogue, ces échanges, ces informations, évidemment vous allez
prendre une meilleure position face au sérieux des travaux que nous
devons entreprendre ensemble pour effectivement réaliser quelque chose.
Le Québec, l'ensemble de la population s'attend à rien de moins
de vous.
Pour participer avec vous à ces délibérations,
évidemment je dois faire un peu le point sur l'état de la
situation au niveau des finances publiques, au niveau d'une réflexion
qui se veut de «Vivre selon nos moyens», avec le ministère
du Revenu faire un peu, en quelque sorte, un résumé de la
problématique telle que nous la concevons. Je pense que vous allez
trouver ça des plus à propos.
Vous savez que le ministère du Revenu, d'abord, sa
clientèle est de 4 500 000 contribuables. On traite avec 430 000
mandataires sur une base mensuelle ou trimestrielle, depuis peu pour une partie
d'entre eux. On traite également sur une base presque mensuelle avec 265
000 corporations et plus de 300 000 employeurs, et ça, avec des
ressources de 6000 personnes, 6000 hommes et femmes qui, bien sûr,
réussissent très bien à déployer leurs efforts pour
réaliser leur mandat. Au cours de l'année fiscale 1991-1992, nous
avons réussi à réaliser les objectifs, tel que nous le
fixe le ministre des Finances, c'est-à-dire de recevoir quelque 22 300
000 000 $ perçus auprès de ses clientèles. C'est des
montants considérables. Puisqu'il sera également question ici des
coûts d'administration et de la façon dont nous exécutons
notre mandat, on pourrait peut-être souligner qu'au cours des trois
dernières années, malgré une augmentation des plus
sensibles de nos tâches, de notre participation, les coûts par 100
$ perçus ont baissé à 1,36 $ à 1,29 $, ce qui se
compare très avantageusement avec ce qui se fait en Amérique du
Nord et avec ce qui existe en Europe. On peut en être fiers.
Je pense que les efforts déployés au niveau des refontes,
au niveau de la modernisation de notre système font en sorte
qu'effectivement le ministère détient des brevets sur des
systèmes de «software» et fait, en quelque sorte, chef de
file sur plusieurs secteurs au niveau de sa perception: 1,29 $, donc une baisse
sensible, et je pense que nous en sommes particulièrement fiers. (11 h
40)
Peu à peu, par contre, le rôle du ministère des
Finances, comme vous pouvez le constater, a évolué. On ne fait
pas que de la perception de «reset»; nous sommes également
l'instrument de certaines politiques sociales et économiques, et il y a
une tendance dans ce sens-là qui joue un rôle de plus en plus
accru. Or, dans une société aussi diversifiée et complexe
que nos sociétés modernes, on ne peut réclamer
l'introduction de mesures modulées en fonction de besoins
spécifiques sans accepter, en contrepartie, la relative
complexité qui en découle au plan administratif.
Malgré une volonté de simplification, un effort soutenu au
niveau de la simplification, ces pressions provenant de plusieurs secteurs de
la société font en sorte que, oui, il se développe des
complexités au sein de l'administration de nos revenus. Ça se
traduit en information, comme, par exemple, cette année, nous allons
recevoir plus de 3 000 000 d'appels téléphoniques; il y a cinq
ans, on en avait à peine au-dessus de i 000 000; il y a 15 ans, en bas
de 500 000. 3 000 000 d'appels téléphoniques, c'est
énorme. il y a, également, 500 000 contribuables qui se sont
rendus chez nous, justement pour échanger avec nous non seulement sur
des problèmes provenant, par exemple, de l'utilisation de certains
formulaires, où il y a un effort de simplification qui est maintenu,
mais tout simplement pour connaître leurs droits. puisqu'on administre
des programmes sociaux, certains programmes demandent du temps, demandent des
explications que l'on doit fournir à la clientèle. on est en
train d'examiner, évidemment, comme vous le savez, de nouvelles avenues
qui vont donner satisfaction à notre clientèle. on parle, par
exemple, de l'utilisation de vidéos au lieu de textes écrits,
comme les utilisent certaines compagnies d'ordinateurs pour le traitement de
leurs abonnés. tout ça est à l'étude et,
évidemment, va déboucher sur des mesures appropriées pour
faciliter la tâche pour l'ensemble de la communauté dans
l'exécution de nos mandats.
On maintient des efforts considérables: création d'un
bureau des plaintes, organisation de tournées d'information avec les
chambres de commerce, simplification des déclarations de revenus, tant
pour les sociétés que pour les particuliers, simplification de
formulaires, un effort constant, et des bulletins d'information avec ces
nouvelles avenues que nous sommes en train d'organiser, sans parler d'une
augmentation très sensible des lignes téléphoniques chez
nous. ii y a donc un équilibre qu'il nous faut rechercher entre ce que
la société attend de l'état et ce qu'elle est prête,
en contrepartie, à supporter. cela aussi fait partie du contrat social
que nous devons définir. au fur et à mesure de la
récession qui nous a durement touchés, alors que l'état
avait besoin de la collaboration de chacun, nous avons vu certains abandonner
leurs responsabilités de citoyen pour ne réclamer que leurs
droits. ça, nous l'avons constaté de plus en plus. c'est une
tendance qui, à moins qu'elle ne soit discutée et qu'elle ne
fasse l'objet d'échanges, risque, évidemment, de causer des
difficultés considérables pour l'état. la tâche
énorme, donc, qui nous confronte consiste à convaincre chacun de
l'utilité, dans un système basé sur l'autocoti-sation, de
déclarer les revenus réellement gagnés et de payer les
taxes dues pour que l'état puisse offrir les services à
l'ensemble de la collectivité. un système basé sur
l'autocotisation est un système qui tait d'abord appel au citoyen et
à son sens des responsabilités.
Le danger qui nous guette ost la banalisa tion de ces gestes ou
attitudes où on en fait fi. Il appartient à tous et à
toutes, aux groupes socio-économiques, au gouvernement comme à
l'entreprise de prendre conscience du danger d'une telle banalisation pour la
société dans laquelle nous vivons. À ce sujet, je tiens
ici à faire certaines distinctions et à relativiser les
problèmes auxquels nous faisons face.
Actuellement, on parle beaucoup, dans les médias, de contrebande,
de fraude, d'évasion fiscale, de travail au noir. Le citoyen est
bombardé, souvent avec des informations incomplètes ou fausses en
partie, de tous côtés, des cris d'alarme de toutes sortes. Mais
qu'en est-il exactement? Pouvoir y répondre d'une façon
précise supposerait que tous ces phénomènes seraient
cernés correctement et, ce faisant, qu'on puisse les régler
rapidement. Disons-le tout de suite et sans faux-fuyant: l'utopie en cette
matière est facile à proposer, mais il serait naiï de croire
qu'il existe des solutions miracles qu'on peut imposer comme si c'était
un jeu d'enfant.
Tout d'abord, le Québec n'est pas une société
située aux confins d'une île perdue, coupée de toute
relation avec d'autres régions, ni un État totalitaire à
caractère policier. L'évasion fiscale qu'on y trouve est
probablement comparable a d'autres économies de même nature et
à d'autres sociétés démocratiques. À titre
d'exemple, une recherche menée récemment par l'Université
du Québec à Montréal révèle qu'en proportion
du produit national brut, le PIB, la fraude fiscale est évaluée
à 5 % en Allemagne, à 5,5 % en Suède, à 3 % en
Finlande, un peu moins; par contre, aux États-Unis, 8 %, qui semble
être un chiffre qui se dessine de plus en plus pour les années
quatre-vingt comme étant un chiffre définitif et, assez
surprenant, à 10 % en Suisse. On ne peut pas, évidemment, parler
de l'Italie, mais le Canada peut certainement se situer facilement dans un
contexte similaire ou semblable à celui... le taux qui existe, par
exemple, aux États-Unis et en Suisse, donc quelque part autour de 8 % et
10 %, pour évidemment l'époque qui a été
étudiée par ce groupe de recherche de l'Université du
Québec à Montréal. Par conséquent, un maintien un
peu tout partout d'un marché, d'une économie souterraine.
La fiscalité, au même titre que d'autres
réglementations, fait partie du contrat social que nous nous donnons.
Elle confère des droits, mais elle confère aussi des obligations
que le ministère du Revenu doit faire respecter dans la mesure des
moyens acceptables et responsables. C'est ainsi que sont poursuivis divers
programmes de vérification instaurés depuis quelques
années. À ce titre, le ministère du Revenu a
récupéré, par exemple au cours des cinq dernières
années, plus de 1 600 000 000 $
Notons également, au Quebec, la présence de deux paliers
gouvernementaux dans le domaine
de l'impôt des particuliers et des corporations, ce qui augmente
le champ d'intervention au niveau de la vérification en raison des
ententes entre les deux gouvernements, une vérification constante,
soutenue et, en pourcentage, certainement plus élevée qu'ailleurs
à cause, justement, de la coexistence de ces deux paliers de
gouvernement. Évidemment, il y a eu des gestes à point de
posés depuis maintenant plusieurs années dans plusieurs secteurs.
On pourrait parler, par exemple, du tabac.
Il est souvent oublié que, depuis 1988-1989, le ministère
du Revenu a mis en place un comité ministériel de coordination
visant à contrer cette évasion fiscale en plus de donner
naissance à une nouvelle loi qu'on a débattue ensemble avec le
député de Labelle, devant cette commission, il y a à peine
quelque 20 mois. Les activités réalisées suite à
ces différentes propositions de ce groupe ont permis de
récupérer, bien sûr, 137 000 000 $ en droits. Des gestes,
donc, qui se posent, des interventions qui se font, mais tout en respectant les
données fondamentales de notre contrat social où se trouve,
effectivement, l'ensemble des meilleures solutions.
On va certainement entendre tout à l'heure le
député de Montmorency intervenir, à cor et à cri,
et à tort, sur des solutions qui, d'un point de vue du
député de l'Opposition, puissent paraître effectivement
réalisables, des positions qui ont peut-être fait l'objet de
discussions sur la place publique il y a déjà plusieurs mois, en
les simplifiant, en disant que ça ne demande finalement qu'une
intervention brève. On leurre en quelque sorte, on trompe nos
intervenants. Les situations, comme je l'ai mentionné, sont souvent
complexes. Elles demandent une appréciation constante, une
réévaluation qui doit assurer, oui, bien sûr, le respect
des lois - ce que nous cherchons d'une façon constante - mais qui doit
aussi tenir compte de certains faits dominants: le fait du système de
l'autocotisation, le fait de l'utilisation de nos mandataires, 430 000
mandataires, le fait également que nous travaillons à partir de
fondements démocratiques qui demandent le respect de la population, qui
demandent également que, lorsque nous intervenons, nous intervenions en
respectant ces droits démocratiques acquis et acceptés depuis
maintenant fort longtemps. Des interventions de coin de table n'ont pas leur
place au Revenu, n'ont pas leur place au sein de la société
québécoise. (11 h 50)
Nous devons travailler à partir d'un consensus, un consensus
à établir, bien sûr, avec les autres gouvernements
provinciaux du Canada, le gouvernement fédéral, certainement en
tenant compte des politiques aux États-Unis, certainement en tenant
compte également des intervenants sociaux. Je pense que ce que nous
voulons faire ici avec cette réflexion que nous entreprenons ensemble
sur les finances publiques, ça va être justement de constater la
complexité, de dire qu'il doit également y avoir des
interventions au niveau des programmes, que le ministère du Revenu est
nécessairement impliqué dans cette réflexion à
cause de la gestion de certains programmes, à cause, évidemment,
du fait que le ministère du Revenu a une relation constante et directe,
au point de vue des revenus, avec tous et chacun des citoyens et citoyennes du
Québec.
Dans ce sens-là, M. le Président, nous attendons beaucoup
de cette réflexion que nous allons entreprendre ensemble. De
l'Opposition, je souhaite voir certainement plus que «c'est la faute
d'Ottawa», «c'est la faute des autres», et cesser notre
réflexion avec des attitudes qu'il y a une solution très facile;
il faut tout simplement faire ceci et tout tombe en place, et une attitude
aussi qui, finalement, relève le doute sur le bien-fondé d'une
démarche avec, quoi, 75 intervenants que nous allons entendre au cours
des deux ou trois prochaines semaines. J'espère donc que nous allons
avoir une grande ouverture d'esprit, que nous serons à la recherche,
à travers les mémoires qui seront déposés, de
pistes de solution acceptables et applicables pour la population. Je suis
certain que mes collègues ministériels vont s'y appliquer, vont
écouter, vont travailler, vont participer pleinement à ce travail
que nous avons entrepris.
Donc, je souhaite que chacun des intervenants soit alors plus ouvert aux
besoins des autres, plus conscient des possibilités et des limites de
l'État et plus déterminé à apporter sa contribution
à l'édification de notre société afin
qu'effectivement, comme le souligne si bien l'excellent travail qui a
été présenté à tous, nous puissions vivre
selon nos moyens.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre du
Revenu.
La parole est maintenant à M. le député de
Montmorency, porte-parole de l'Opposition officielle en matière de
revenu.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais
immédiatement sécuriser le ministre du Revenu que l'exercice de
cette commission, je pense, en est un qui se veut des plus constructifs et, en
même temps, des plus pragmatiques.
Je pense que la population, actuellement, a besoin de comprendre ce qui
se passe. J'espère que l'exercice que nous allons mener tous ensemble,
à l'aide des intervenants et des mémoires qui nous seront
présentés, permettra enfin à la population de mieux
comprendre ce qui lui arrive. Ce qui lui arrive, parce qu'elle a effectivement
un sentiment de surtaxation ou de «mal taxation» et que, dans ce
sens, l'exercice que nous allons faire tous ensemble, j'espère, sera des
plus constructifs et pourra révéler
davantage d'informations pour que la population en généra!
puisse nous suivre, au niveau des politiques fiscales qui sont adoptées
au Québec.
Effectivement, le consensus s'est généralisé, au
Québec, depuis maintenant plus d'un an, que les gens crient au scandale
fiscal. Tout le monde est d'accord que cette commission va nous permettre de
réfléchir en profondeur aux orientations que nous devrions
prendre, au Québec. Bien sûr, nous sommes d'accord avec le
principe énoncé par la publication intitulée «Les
finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens». Je pense
que personne n'est contre la vertu, mais encore faut-il d'abord que
l'État prenne les moyens de faire respecter ses lois, de collecter ses
dus, et ce en modifiant ses mécanismes fiscaux, si
nécessaire.
L'équilibre des finances publiques est d'abord une question de
revenus puisque sans eux, évidemment, il ne peut y avoir de
dépenses. À cet égard, le document intitulé
«Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens»,
publié le 19 janvier dernier, accorde peu d'importance aux revenus
puisqu'il n'y a que 6 pages de commentaires sur les 142 pages que comporte
l'étude, excluant, bien entendu, les pages pour les annexes 1 à
6.
En somme, le gouvernement libéral nous a conviés à
une commission sur les dépenses publiques afin que l'on dédouane
les coupures qu'il entend prendre à l'égard de la fonction
publique et de ses services à la collectivité. Le gouvernement
est incapable d'assumer ses décisions seul, mais il est surtout
incapable de faire respecter nos lois, quand il s'agit de percevoir ses deniers
publics. Il préfère, au contraire, tolérer
l'illégalité et ne rien faire pour enrayer des fléaux
sociaux aussi importants que la contrebande du tabac, l'opération
illégale des machines vidéopokers, le marché au noir dans
la construction, etc.
Ce gouvernement libéral, par manque de courage politique, perd
des centaines de millions de dollars en revenus, et ce, tel que
confirmé, M. le Président, par le ministre des Finances
lui-même dans son document de révision budgétaire au 31
décembre 1992, où il indique un manque à gagner de 820 000
000 $ pour l'année financière 1992-1993, une information
financière qui confirme l'érosion de notre économie pour
laisser place à une économie parallèle, non
comptabilisée et non taxée par l'État. En effet, le
document budgétaire révisé au 31 décembre 1992 nous
indique un manque à gagner de 175 000 000 $ au chapitre des taxes
à la consommation, ce qui, dans une économie parallèle ou
au noir, explique le manque à gagner de 460 000 000 $ indiqué au
document budgétaire révisé, au titre de l'impôt des
sociétés. Évidemment, si on ne paie pas notre taxe de
vente parce qu'on transige en parallèle, il n'y a plus d'impôt de
société que l'on peut percevoir.
Par ailleurs, l'Association de l'amusement du
Québec, qui va présenter un mémoire devant cette
commission, nous indique un manque à gagner, pour le gouvernement du
Québec, de plusieurs centaines de millions de dollars qu'elle
évalue comme suit: avec 25 % de revenus directs des machines
vidéopokers, le gouvernement pourrait retirer quelque 100 000 000 $ par
année. À ce montant s'ajoutent la TVQ et l'impôt sur le
revenu des tenanciers et exploitants, page 13 du mémoire. Pour sa part,
l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie, qui
présente également un mémoire à cette commission,
évalue, pour l'année 1992, un manque à gagner de 537 536
000 $ en taxes sur le tabac pour le gouvernement du Québec, page 9 du
mémoire. Nous aurons sûrement l'occasion d'examiner ça en
détail, M. le ministre. À cela, il faut ajouter les pertes de
revenus occasionnées par le marché au noir de la construction que
le directeur de la recherche de l'APCHQ évalue à 1 500 000 000 $
par an. Ce manque à gagner, dû à l'érosion de notre
économie, est étroitement lié, d'une part, à un
manque de volonté politique du gouvernement libéral à
percevoir son dû et, d'autre part, aux politiques fiscales
adoptées par ce dernier au cours des dernières années,
qui, trop souvent, sont inéquitables et régressives.
Première mesure de base à nos politiques fiscales:
réaménagement régressif du taux d'imposition depuis 1985.
Le réaménagement du taux d'imposition des particuliers, depuis
1985, a allégé de façon disproportionnée le fardeau
fiscal des mieux nantis, une réduction du taux maximum d'impôt, au
Québec, de 9 % depuis 1985, passant de 33 % à 24 % en 1988. En
effet, selon ce réaménagement, M. le Président, un
individu assume un taux marginal de 23 % lorsqu'il atteint un revenu imposable
de 23 000 $ tandis qu'une personne qui gagne plus de 50 000 $ de revenus
imposables assume un taux marginal d'impôt, au Québec, de 24 %.
Imaginez, M. le Président, il n'y que 1 % d'écart entre le taux
applicable aux revenus imposables de 23 000 $ et celui applicable aux revenus
imposables de 100 000 $, 200 000 $ ou 1 000 000 $. Un
réaménagement de taux trop régressif, qui no tient pas
compto do la capacité de payer des gens. Par exemple, un revenu
imposable de 15 000 $ entraîne une économie d'impôt de 271 $
pour l'année 1992 comparativement à l'année 1985, tandis
qu'un revenu imposable de 115 000 $ procure des économies d'impôt
de 7865 $ pour l'année 1992 comparativement à l'impôt de
1985, une réduction 30 fois plus élevée pour les hauts
revenus, toutes proportions gardées, qui est 8 fois plus
élevée en absolu. (12 heures)
Par ailleurs, cette réduction du taux d'imposition, depuis 1985,
n'a pas atteint l'objectif souhaité puisque la proportion des
contribuables canadiens à hauts revenus résidant au Québec
s'est maintenue depuis 1985, M. le Président. Du taux de 18,3 % qu'elle
était, la
proportion est passée à un taux de 18,8 % en 1990. Cette
information, M. le Président, cet échec de politique est
confirmé, bien sûr, dans le document «Vivre selon nos
moyens», à la page 40. De plus, cette réduction du taux
d'impôt se voulait gratuite pour les mieux nantis de notre
société, au sens qu'ils n'étaient pas tenus ou
incités à investir dans l'économie
québécoise pour la réaliser. Du gratuit. Ajoutez à
cela l'exonération fiscale de 100 000 $ et 400 000 $ pour gains en
capital qui, en principe, n'est réclamée que par les mieux nantis
de notre société, ainsi que les crédits d'impôt
relatifs aux abris fiscaux. D'ailleurs, vous avez toute une pléiade qui
est décrite, où les abris sont décrits dans le document,
bien sûr, «Vivre selon nos moyens», en pages 34 et 35 des
annexes. Simultanément à ces mesures fiscales régressives
en faveur des mieux-nantis de notre société, le gouvernement a
abrogé l'exemption des premiers 1000 $ de revenus d'intérêt
qui, elle, s'adressait à la population en général.
Un autre phénomène des politiques fiscales qui est la
source de ce qu'on vit présentement: la taxe de vente du Québec.
Contre vents et marées, la seule province canadienne qui a adopté
et qui s'est harmonisée, c'est le Québec. Depuis 1985, l'assiette
fiscale a été élargie en assujettissant les besoins
essentiels, concept contraire aux crédits d'impôt que l'on
retrouve au niveau de l'impôt sur le revenu.
Le taux de 9 %, tel qu'il était en 1985, a été
réduit de 1 %, soit un taux de 8 % sur les biens meubles corporels.
Cette réduction de 1 % sur les biens est largement compensée par
le taux de 4 % imposé sur les biens meubles incorporels, sur les
services et sur les immeubles.
Somme toute, l'élargissement de l'assiette fiscale de la taxe de
vente du Québec touche davantage les démunis, puisqu'elle ne
tient pas compte de leur capacité de payer. Finalement, il s'agit d'une
taxe qui taxe la taxe, en l'occurrence, qui taxe la TPS, qui taxe les permis de
pêche, qui taxe les tarifs hydroélectriques, qui taxe l'essence et
qui taxe le tabac, etc., une taxe qui, comme dirait l'autre, est la goutte
d'eau qui fait déborder le vase.
La taxation des carburants. Le Québec est le champion canadien de
la taxe sur l'essence, avec 0,19 $ le litre pour l'essence sans plomb. Les
automobilistes ont vu leur coût de permis de conduire depuis 1985 passer
de 6 $ à 20 $ en plus. Un bon nombre de citoyens et citoyennes
déboursent, depuis janvier 1992, 30 $ pour les droits d'immatriculation
de leur voiture, et ce, dans le but de financer le transport en commun.
L'assujettissement de cette taxe à un bon nombre de citoyens est
inéquitable puisque, entre autres, aucun citoyen ne
bénéficie du transport en commun à l'île
d'Orléans et que les résidents de trois municipalités sur
six doivent payer ce droit de 30 $.
Taxation des boissons alcoolisées et du tabac. Depuis 1989, les
taxes québécoises sur l'alcool et le tabac ont augmenté
respectivement de 166 % et de 52 %. Beaucoup de gens considèrent que ces
taxes ne sont plus légitimes tellement elles sont élevées
et ont décidé d'acheter cigarettes et alcool ailleurs.
M. le Président, on a augmenté les taxes sur le tabac de
52 %, soit un taux de 452 à 688 en trois ans. Les revenus
étaient, en 1988-1989, du Trésor public, 554 000 000 $, avec une
taxe à 452 pour 100 cigarettes. Et, maintenant, M. le Président,
les dernières révisions d'hier, aussi dramatiques qu'on nous les
présente, ces entrées de fonds sont rendues à 478 000 000
$. On augmente les taxes de 52 % et on perçoit moins d'impôt qu'on
en percevait en 1988-1989.
Alors, M. le Président, c'est effectivement des statistiques
alarmantes qu'on nous présente. On nous présente le
problème comme si c'était un problème de dépenses.
C'est un problème de revenus, M. le Président, que l'on vit au
Québec, en bonne partie. Parce que les politiques fiscales n'atteignent
plus l'objectif visé, la population ne se sent pas identifiée et
traitée justement. Ajoutez à tout cela la tarification, M. le
Président, une foule d'autres mesures de taxes ou tarifs, l'augmentation
de 9 % en 1991 et les frais d'hébergement des personnes
âgées.
Ajoutez à cela des frais d'administration de 100 $ chargés
par le ministère de l'Énergie et des Ressources au niveau des
baux que l'on signe avec le gouvernement. M. le Président, le
gouvernement, en plus... et je comprends très bien le ministre, au
Conseil du trésor, qui dit qu'il faut sensibiliser les gens aux
services. Les gens veulent bien être sensibilisés aux services,
mais ils ne veulent pas être sensibilisés aux services avec la
philosophie de la double taxation.
Vous savez, quand on est rendus qu'on paie 20 $ pour s'opposer au
ministère du Revenu, on a l'impression qu'on a déjà
payé assez d'impôt qu'on pourrait nous donner un service au
ministère du Revenu sans être obligé de débourser 20
$ qu'on comptabilise d'une façon... on ne sait pas trop combien de temps
dans le temps. Les gens, c'est ça qu'ils veulent essayer de sentir, de
la part du gouvernement, d'être traités non pas de taxation en
double, d'être sensibilisés aux services, oui, mais pas de les
payer deux fois.
Il est difficile de comprendre les intentions du gouvernement à
la lumière de l'effondrement de la société
québécoise. Les gestes qui ont été posés en
matière fiscale l'ont été en omettant une donnée
fondamentale, soit le respect des contribuables et leur capacité de
paiement. La façon d'agir du gouvernement se traduit aujourd'hui par un
écoeurement général des payeurs de taxes qui, n'ayant pas
eu la part de leurs dirigeants, un tant soit peu de considération, ont
simplement choisi de passer outre aux lois fiscales en se disant que, quoi
qu'ils fassent, la seule justice qu'ils peuvent obtenir est celle
qu'ils se donnent. Diriger un gouvernement, c'est aussi prévoir
les conséquences des gestes que l'on pose. À ce chapitre, les
gens devant nous sont les premiers responsables de la contrebande et de
l'évasion fiscale par des hausses exagérées de la taxation
sur le tabac.
Une étude effectuée par des chercheurs de
l'Université Laval démontre qu'au bas mot 675 000 personnes
travaillent au noir, un marché de 2 500 000 000 $. Les raisons: les
taxes et les impôts. Pour les quelque 400 000 mandataires de la TPS et
TVQ, les promesses d'efficacité et de simplicité se sont
traduites par un véritable cauchemar en raison de la complexité
et du manque d'harmonisation des deux lois. En plus de leur prendre un temps
considérable, ils paient des frais importants de comptabilité:
des nouveaux fonctionnaires non rémunérés par
l'État, des nouveaux percepteurs d'impôt. Ils doivent assumer en
plus des frais importants pour leur comptabilité, et tout retard
à produire leur déclaration dans les délais prescrits
entraîne des pénalités.
Bref, M. le Président, l'État doit faire preuve
d'imagination tout en priorisant un plus grand dynamisme de ses politiques
fiscales devenues trop régressives. Trop souvent appliquées de
façon non équitable - exemple des 30 $ pour les automobilistes -
qui incite la population à la désobéissance fiscale parce
qu'elle n'a plus confiance en leur gouvernement qui tolère
l'illégalité, l'évasion fiscale et l'iniquité dans
l'application de nos lois, et je cite, M. le Président, le rapport du
Vérificateur général à l'Assemblée nationale
1991-1992, page 90, où il dit: Le ministre du Revenu a amnistié
de l'impôt certains fonctionnaires provinciaux.
Alors, M. le Président, on ne peut pas donner un traitement
fiscal spécifique, et le Vérificateur général l'a
écrit mot pour mot dans son rapport, M. le ministre du Revenu. Comme le
dit si bien le dicton, M. le Président, ça va comme c'est
mené.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Montmorency.
Immédiatement, est-ce que je pourrais avoir le consentement de
cette commission afin que nos travaux puissent se poursuivre jusqu'à 12
h 37, pour permettre au député de La Prairie et au
député de Gouin de terminer leurs remarques préliminaires?
Ça va? Alors, je vous remercie.
M. Jean-Guy Lemieux, président
Alors, vous me permettrez d'intervenir au nom des ministériels en
vous faisant part que j'ai écrit ces remarques préliminaires en
tenant compte de l'expérience que j'ai prise comme député,
comme président de cette commission parlementaire et en ayant à
l'esprit aussi les gens de mon comté, ces diplômés à
la recherche d'un emploi, je pense aux familles monoparentales, je pense aussi
à tous ces petits travailleurs, tous ces contribuables, payeurs de
taxes.
Alors, permettez-moi de faire certaines de ces réflexions
personnelles inspirées en bonne partie aussi des travaux de cette
même commission, à l'automne 1990, qui a procédé
à une révision de la Loi sur la fonction publique. Si
j'interviens, effectivement, à cette étape de nos travaux, c'est
que je me sens interpellé à la fois comme député et
comme président de cette commission, comme ex-fonctionnaire, comme
contribuable et comme la plupart d'entre vous, comme père de famille,
face à la gravité de la situation et à l'urgence
d'agir.
Le problème que nous examinons à compter d'aujourd'hui est
complexe et requiert un effort de la part de tous les intervenants. Je le
souligne, tous les intervenants, car nous sommes tous concernés. Il est
temps d'agir dans un esprit de responsabilité collective, car la
réalité le commando Sur lo plan des finances publiques,
l'actuelle récession a accentué l'impact de l'impasse
budgétaire récurrente. L'intérêt sur la dette
accumulée au cours des 15 dernières années, dont une bonne
partie a été consacrée à des dépenses
courantes, constitue - vous n'êtes pas sans le savoir - un lourd boulet
qui rend extrêmement difficile l'exercice budgétaire annuel.
Sur le plan fiscal, le seuil de tolérance semble atteint, sinon
dépassé. Quant au déficit, la situation, vous le savez
tous, continue d'être sérieuse, comme le montrent les deux
derniers budgets. Ceux qui utilisent les services publics, chacune et chacun
d'entre nous mieux informés et plus avertis que leurs parents, sont plus
exigeants qu'autrefois. Ils sont plus nombreux aussi à fréquenter
les services de plus en plus diversifiés qui touchent à tous les
secteurs de la vie culturelle, économique et sociale. Ils appliquent
à ces services une grille de plus en plus sophistiquée de valeurs
et de contraintes: Charte des droits, loi d'accès à
l'information, protection de la vie privée et autre, qui en rendent
l'administration plus délicate et plus complexe. (12 h 10)
Dans un tel contexte, l'État doit procéder à
l'examen permanent de l'opportunité et de la pertinence des biens et
services publics qu'il produit lui-même à la population et
identifier le palier susceptible de rendre accessibles au public ces biens et
services, et ce, à un moindre coût.
Aujourd'hui, notre défi est de taille. Il s'agit tout à la
fois de pouvoir répondre aux nouveaux besoins, de
réévaluer les hypothèses et paramètres qui
sous-tendent les services existants, d'améliorer la productivité
et la qualité du service à la clientèle et, enfin, de
rendre compte aux élus du peuple de la qualité de la gestion dans
la fonction publique.
L'enjeu est considérable et certes difficile à
relever, puisqu'il commande, et il laut s'en rendre compte, des
sacrifices et, au-delà du discours, immédiatement, des actions
concrètes. Dans un contexte budgétaire particulièrement
austère, ce défi est de recréer un renouveau administratif
où les composantes seront capables de développer des partenariats
avec les autres organisations qui portent aussi, elles, des
préoccupations de nature collective.
Comme l'exprimait, je dirais, une personne neutre, M. Denis
Bédard, alors secrétaire du Conseil du trésor, dans une
allocution devant l'Institut d'administration publique du Canada, le 23 mai
1991, malgré les efforts de redressement faits jusqu'à date, 3
500 000 000 $ de compressions budgétaires au cours des sept
dernières années, la dynamique des programmes de dépenses
est incompatible avec la dynamique de croissance des revenus, notamment
à cause de révolution des paiements de transfert du gouvernement
fédéral qui est pris lui-même avec des difficultés
budgétaires énormes. Cette incompatibilité se traduit par
un écart structurel d'environ 700 000 000 $ entre la croissance normale
des dépenses et la capacité de payer du gouvernement.
Il complétait sa présentation en affirmant que - et c'est
ça qui me semble important - les enjeux de l'impasse budgétaire
dépassent le problème des compressions. Ils sont devenus des
enjeux de la société et de l'État. L'État doit
prendre des mesures de restructuration. On doit réaligner
l'administration publique.
Depuis 1984, plusieurs rapports (Arpin, Scowen, Fortier, Gobeil, Morin,
PLQ, cette même commission, Lemieux-Lazure, Poulin) ont traité de
l'organisation gouvernementale. Tous ont formulé les deux mêmes
attentes, soit que l'État puisse mieux se gérer et que les
fonctionnaires administrent les taxes des contribuables avec le même soin
et la même prudence que s'il s'agissait de leur propre argent. J'ose
espérer que cette commission parlementaire nous donnera le courage de
l'intervention chirurgicale, car la situation budgétaire actuelle
commande un niveau plus élevé d'action. Il s'agit pour nous
maintenant de savoir comment faire les choses. J'aimerais donc suggérer
quatre moyens concrets de susciter un renouveau administratif dans le secteur
public.
Premièrement, ne pourrait-on pas établir un nouveau
contrat entre les organismes centraux et les ministères afin de
délimiter les rôles et les responsabilités de chacun? Les
organismes centraux seraient ainsi considérés avec moins de
suspicion quant à leur désir apparent de vouloir tout
régler. Pourquoi n'y aurait-il pas des ententes de gestion avec les
différents intervenants? La réaffectation des ressources humaines
en disponibilité ne devrait-elle pas devenir plus coercitive? Pourquoi,
comme c'est le cas en France et en Angleterre, actuellement, ne pas donner aux
organismes des budgets fermés tout en laissant à l'organlsmo une
marçjo de manoeuvre pour les gérer, plutôt que de donner
des budgets artificiellement gonflés qui feront l'objet de coupures en
cours d'année? Pourquoi ne pas permettre aux ministères et
organismes de conserver une partie des gains de productivité qu'ils
auraient générés afin de les inciter à poursuivre
dans le même sens?
Deuxièmement, il nous faut agir sur le coût des services
publics. Toute entreprise commerciale qui recherche le profit s'assure que son
prix de vente est supérieur à son prix coûtant. Si le prix
de vente est fixé par la concurrence dans l'entreprise privée,
l'entrepreneur travaille à la baisse de son prix coûtant. Le
gouvernement a des revenus fixés par l'état de l'économie.
Il nous faut donc travailler sur ces coûts pour éviter les
déficits.
Pourquoi le gouvernement ne calculerait-il pas le prix de revient de ses
activités? En mesurant le coût unitaire de chacun de ses services,
il serait en mesure de poser certains gestes comme de déterminer s'il
est rationnel ou non de maintenir un service, compte tenu de son coût
unitaire, de déterminer la portion du coût d'un service qui serait
facturée à l'utilisateur, de communiquer à l'utilisateur
le coût du service qu'il reçoit, de déterminer un objectif
de diminution du coût à mettre en place lors d'un prochain
exercice budgétaire, de mesurer le rendement du travail des
préposés à la livraison de ce service.
Ainsi, on pourrait offrir le «challenge» aux employés
de rendre un service de qualité à un prix coûtant
amélioré. C'est là un objectif à la mesure de
chacun, qui mobilise la bonne volonté. La connaissance et la divulgation
des coûts de services publics sont un préalable à toute
réforme de l'administration et des finances publiques, parce qu'il ne
s'agit pas seulement de bien faire du premier coup à tout coup, il faut
aussi maintenant le faire, et nous n'avons pas le choix, à moindre
coût. Imaginons pour un instant les économies qui
résulteraient des millions de tractations faites avec un souci constant
d'en abaisser le prix coûtant.
Troisièmement, il faut relancer l'évaluation
systématique de chacun des programmes gouvernementaux, malgré les
directives à l'effet que les ministères doivent procéder
à des évaluations de programmes. Afin de permettre au
gouvernement de juger de la pertinence du maintien des programmes dans leur
forme actuelle, la commission du budget et de l'administration a
constaté que le gouvernement n'est pas toujours saisi des
résultats de ces études, les ministères
préférant souvent les garder confidentiels. Pourquoi ne pas
prévoir un tiers indépendant des ministères et des
organismes centraux qui serait mandaté pour réaliser des
évaluations de programmes et faire rapport au gouvernement?
Enfin, il faut aussi nous intéresser de plus près à
l'utilisation des subventions par les
organismes décentralisés. En effet, la plus grande partie
du budget du Québec est administrée par des entités autres
que les ministères et organismes du gouvernement: commissions scolaires,
entreprises d'État, établissements de santé et des
services sociaux. Pourquoi ne pas exercer un suivi plus rigoureux sur
l'utilisation de cet argent et exiger une meilleure reddition de comptes de la
part de ces mandataires, et que cette reddition de comptes soit
présentée à l'Assemblée nationale?
En conclusion, ce réalignement administatif de l'État nous
force, chacune et chacun d'entre nous, à questionner notre
système de valeurs. Nos comportements et nos attitudes doivent changer
face à cette philosophie de gestion qui est de faire mieux et plus avec
moins. Je souhaite que l'individualisme, l'égocentrisme et le trop
répandu syndrome du «pas dans ma cour», qui sont
omniprésents dans nos débats de société et dans
notre administration publique, soient mis de côté durant les
travaux de cette commission, de façon à ce que nous arrivions
à une solution collective aux problèmes des finances
publiques.
La véritable préoccupation qui doit nous animer se
résume à cette simple question: Voulons-nous conserver les
services que nous nous sommes donnés? Quel héritage voulons-nous
léguer à ceux qui nous suivent? Par conséquent, pour
définir et orienter adéquatement l'avenir de nos enfants, ce
n'est pas en blâmant les uns et les autres que nous allons réussir
à y trouver des solutions.
Au contraire, le présent débat devrait être
exemplaire dans un climat positif, ouvert et dynamique, afin de trouver des
solutions par le biais, je l'espère, d'un large consensus. C'est
l'osprit communautaire qui devra nous animer au-delà de l'esprit
partisan. Pas un esprit communautaire artificiel ou de circonstance, mais
plutôt celui qui fait appel à la solidarité, au sentiment
d'appartenance d'une collectivité, celui qui guide une
société vers une dimension plus collective de responsabilisation
de la chose publique. L'occasion est ici donnée à tous les
intervenants de rechercher une solution à la crise des finances
publiques.
Le gouvernement devra prendre ses responsabilités et faire des
choix, mais il ne peut pas tout faire seul. Les problèmes sont devenus
collectifs; les solutions doivent l'être également. J'ai pleine
confiance en la capacité de tous les intervenants de vouloir bâtir
une société non seulement porteuse d'avenir, mais d'espoir pour
ceux qui croient encore à des principes d'équité et de
justice.
M. le député de La Prairie.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Comme mes
collègues l'ont exprimé et comme on va l'entendre sans doute de
la part de plusieurs intervenants, moi aussi, je suis déçu de
voir que le gouvernement a décidé de faire porter le débat
simplement sur les dépenses publiques, alors qu'en
réalité, ce qui était réclamé par plusieurs
corps intermédiaires au Québec, c'était un débat
très large à la fois sur les revenus autant que sur les
dépenses.
Deuxièmement, je pense que le gouvernement prend un biais assez
odieux au départ quand il intitule son document: «Vivre selon nos
moyens». Je pense qu'il a réussi, dans une certaine mesure, avec
toute la machine de propagande qu'il a utilisée, à faire croire
à l'ensemble des Québécois que nous n'avions plus les
moyens, par exemple, d'avoir des soins de santé universels et d'avoir
des services d'éducation abordables. (12 h 20)
M. le Président, pour renchérir sur ce que disait mon
collègue de Montmorency tantôt, si on parle deux instants des
revenus, parce qu'il s'agit d'un problème autant de revenus que de
dépenses, j'ai devant moi un tableau qui a été
publié par le Conseil canadien de développement social, volume 6,
numéro 4: La période de 1984 à 1990, en pourcentage
d'augmentation d'impôt - et il s'agit d'impôt autant au plan
fédéral qu'au plan provincial, et ceci, dans le cadre du
caractère régressif des impôts: Pour un ménage, deux
revenus, avec deux enfants, 20 000 $ de revenus, leur taux d'augmentation a
été de 7,1 % entre 1984 et 1990, l'augmentation de leur
impôt; un ménage avec un revenu global de 40 000 $, le taux
d'augmentation du double impôt, 5,6 %; pour un ménage avec un
revenu combiné de 100 000 $, taux d'augmentation d'impôt de 3,3 %.
Ça confirme ce que mon collègue de Montmorency disait
tantôt, à savoir que, depuis quelques années, le
gouvernement en place a favorisé, au plan fiscal, les gens à
revenus très élevés. En 1985, nous avons assisté...
nous avons entendu le slogan avec l'arrivée du gouvernement
libéral: Privatisons, rapport Gobeil. Et, en 1993, le slogan est quelque
peu changé, c'est: Gelons ou coupons.
M. le Président, on a devant nous un gouvernement qui, c'est
normal, épouse la philosophie du laisser-aller, un gouvernement qui,
surtout pendant les premières années de son mandat, a eu comme
devise: Moins je gouverne, mieux je gouverne. La seule perspective qu'a ce
gouvernement, dans le cadre d'une situation sérieuse comme nous
l'admettons d'emblée, la seule perspective qu'il offre à la
société québécoise, c'est de geler et couper.
Quand le gouvernement dit: On n'a plus les moyens de se payer des
services de santé, il faut regarder ça de près. Le
pourcentage du PIB qui a été consacré aux services de
santé n'a pas tellement bougé depuis 10 ou 15 ans. Il se situe
toujours autour de 9 % ou 10 %. Quand on dit qu'aux États-Unis ils sont
moins taxés, on oublie de dire que les citoyens américains
paient, en primes d'assurance-santé, en frais de scolarité.
infiniment plus que l'ensemble des taxes qu'on a ici au
Québec.
Quand on dit que le caractère universel est devenu trop
coûteux, on ne peut plus se le payer, c'est faux, M. le Président.
C'est faux! Parce que le pourcentage du PIB qui est affecté, aux
États-Unis, aux dépenses de santé n'est pas de 10 % comme
ici, mais il est de 12 % et jusqu'à 13 %, même 14 %, aux derniers
chiffres, alors qu'ici, il joue entre 10 % et 11 %. M. le Président, si
ce gouvernement utilise une approche tendancieuse pour faire croire aux gens
que ça coûte trop cher, notre système de santé, je
crois qu'il devrait avoir l'honnêteté de nous expliquer comment
les Américains, avec 14 %, ne réussissent pas à avoir un
système aussi bon que le système québécois.
Le déficit le plus grave, ce n'est pas le déficit dans les
finances publiques. Le déficit le plus grave, c'est dans l'emploi. Je
pense que ce gouvernement, s'il est sérieux, devrait revenir à la
demande initiale des groupes dans la société
québécoise, à savoir de tenir un large débat public
et d'installer, une fois pour toutes dans les moeurs québécoises,
une concertation permanente avec tous les agents socio-économiques, de
manière à ce qu'on fasse cesser l'antagonisme besoins
sociaux...
Le Président (M. Lemieux): M. le
député...
M. Lazure: ...besoins économiques ou l'antagonisme
développement économique/protection de l'environnement.
Alors, M. le Président, ce que nous disons, de ce
côté-ci, c'est: Que le gouvernement pose un premier geste en
examinant les dépenses, et je pense qu'il est encore aussi urgent, sinon
plus, de poser un geste en examinant les sources de revenus. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de La Prairie.
M. le député de Saint-Louis, vous n'avez que cinq minutes
sur l'enveloppe de temps des ministériels et, après, c'est la
parole à M. le député de Gouin, pour terminer. Vous n'avez
pas plus que cinq minutes sur l'enveloppe. J'ai pris dix minutes, tout à
l'heure.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Alors, merci beaucoup. Merci, M. le
Président.
On va oublier les discours patentés et on va parler du fond de
notre coeur pour commencer ces travaux-là parce qu'il reste, comme vous
le dites, un temps qui est imparti non pas en minutes, mais quasiment en
secondes. Les collègues qui auraient voulu aussi parler profiteront
peut-être plus tard, durant le moment où on rencontrera nos
invités.
M. le Président, le gouvernement nous a amené un document,
nous a fait travailler et rechercher sur un document: «Les finances
publiques du Québec: vivre selon nos moyens». Vivre selon nos
moyens, c'est profondément ce qui caractérise chacune des
Québécoises et chacun des Québécois, et ces
derniers comprennent mal que leur gouvernement ne puisse pas en faire autant,
non seulement le gouvernement à Québec, leur gouvernement
à Ottawa. Ils sont, pour le moins, dangereusement frileux de voir leurs
enfants avoir à payer des impôts, des taxes, pour des services
qu'ils n'auront jamais; 6,6 % du budget cette année.
M. le Président, rien de nouveau sous le soleil. Si je vous
lisais quelques passages comme ceci qui, sur le plan de situation
économique et budgétaire, à tout le moins
économique, ressemblent à notre situation actuelle:
Économie plus faible, revenus inférieurs et besoins plus grands,
telles sont les données qui semblent enfermer le Québec comme
dans un cercle. D'une part, il lui faut accélérer l'expansion de
son économie de façon à accroître la production,
résorber le chômage et une partie de l'assistance sociale. C'est
ce qu'on disait en 1965 dans le rapport Bélanger, M. le
Président.
Un peu plus loin, concernant la situation budgétaire, on dit
ceci: Si la tendance actuelle des dépenses et des revenus - on est en
1965 - se maintient durant les années à venir, elle
entraînera à brève échéance un déficit
au chapitre même des dépenses ordinaires, à moins que les
impôts ne soient accrus ou que le gouvernement fédéral
n'élargisse le champ de la fiscalité au bénéfice
des gouvernements provinciaux. C'était déjà la faute du
fédéral en 1965. Mais il y a 10 ans, un autre premier ministre,
René Lévesque, a aussi dit qu'il fallait vivre selon ses moyens.
C'est une des raisons pour lesquelles on a, entre autres, coupé de 20 %
le salaire des employés de l'État.
Plus récemment, j'ai participé à un comité
de membres de l'Assemblée nationale qui était composé de
députés ministériels, puis qui disait: II faut avoir le
moyen de prendre des audaces concernant l'expansion de nos dépenses
publiques. Et ces audaces-là passent par les moyens que l'on ne retrouve
pas tous. On ne retrouve pas tous ces moyens-là dans le document qui
nous a été fourni. Il faudrait d'abord aussi ajouter des moyens
comme la privatisation de certaines fonctions de l'État. On comprend
mal, chez le monde ordinaire, ce que l'État fait dans un centre de ski
comme le mont Sainte-Anne, dans la distribution des boissons alcooliques comme
la SAQ. On comprend mal ça. On ne voit pas pourquoi ça ne devrait
pas être privatisé, ces trucs-là.
Par contre, on s'aperçoit qu'on est profondément
convaincus qu'on s'en va vers un projet de société, comme le
disait la députée de Taillon, un projet de société
cassé, cassé en deux, cassé entre ceux qui, parce qu'ils
n'auront pas mis en
place les mécanismes faisant en sorte d'augmenter la
productivité des Québécoises et des
Québécois, d'augmenter les facteurs concurrentiels de notre
société, verront cette dernière dépérir
graduellement.
Il nous faut investir davantage dans la formation de la main-d'oeuvre.
Oui. C'est un secret de polichinelle. C'est un secret de polichinelle parce que
c'est la pierre d'angle de la réforme que nous voudrions voir dans notre
société: des gens mieux formés, mieux
préparés, pouvant être concurrentiels sur le marché,
non pas ontarien, dans lequel le rapport de la commission royale sur la
fiscalité nous convie en termes de concurrence. On nous convie à
concurrencer l'Ontario dans ce rapport Bélanger de 1965.
En 1993, M. le Président, notre concurrence n'est plus l'Ontario.
Notre concurrence, ce sont les États voisins, les États
américains. Notre concurrence, c'est le restant du monde. Alors, il nous
faudra faire mieux que l'on a fait depuis les 30 dernières
années, mais il faudra aussi avoir l'audace et le courage de prendre des
décisions importantes qui vont faire en sorte d'éviter de voir
cette société se rapetisser graduellement.
Merci, M. le Président. (12 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Pour terminer maintenant, la parole est
à M. le député de Gouin. Alors, tel que convenu, nous
allons terminer à moins 20. Vous avez 10 minutes, M. le
député de Gouin...
M. André Boisclair M. Boisclair: Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): ...sur votre temps de
parole.
M. Boisclair: Les défis sont certes nombreux et exigeants.
Nous reconnaissons tous, d'ailleurs, le besoin d'un virage majeur, d'un virage
radical dans l'établissement des priorités sociales et
économiques au Québec. Toutefois, il serait trop simpliste et
trop facile de croire que la crise que nous traversons est une simple crise
économique. La crise de l'État découle d'une crise
existentielle générale. Il s'interroge sur sa mission. Il y a
deux ou trois ans, l'esprit dominant se résumait à un slogan: II
ne faut plus d'État. Rappelez-vous les rapports Scowen, Gobeil et
Fortier, qui marquaient le pas à l'application de théories
néo-libérales. Ceux qui pensaient autrement passaient pour des
gens dépassés.
Aujourd'hui, les Québécoises et les
Québécois, tout comme les membres de cette commission,
découvrent les dangers d'une société
déréglée. Les jeunes de 34 ans et moins, au premier chef,
qui vivent les vents froids de la concurrence, connaissent mieux que quiconque
l'impact de cette situation. Les problèmes sont donc devenus partout
d'une telle complexité qu'il faut revenir aux questions de base,
à celles qui sont essentielles. La crise est donc plus
qu'économique et plus que fiscale, et le tout sera toujours
différent de la somme des parties. C'est pour ces raisons que mon
collègue, le député de Labelle, soulignait tout à
l'heure avec beaucoup de pertinence que le document de réflexion,
à l'image du gouvernement, n'esquissait aucune vision d'avenir, aucun
nouveau consensus, aucune volonté de travailler à
redéfinir de nouveaux partenariats, de nouvelles solidarités
entre les groupes de notre société. Si nous acceptons, comme moi,
que l'avenir se construit et se bâtit plutôt qu'il ne se subit, on
doit se demander jusqu'à quel point, bien plus que de discuter
d'objectifs de diminution de dépenses de toutes sortes, il ne faille pas
plutôt s'interroger sur les valeurs qui nous animent, ce que j'appelais
plus tôt, tout à l'heure, les questions qui sont essentielles.
Ceci me semble d'autant plus vrai que le document déposé
par le gouvernement ne propose pas de nouvelles façons de faire. Au lieu
d'une analyse dynamique basée sur une volonté de changements, on
nous propose une vision statique où la politique, où la coupure
devient la finalité plutôt que le moyen. La fiscalité aussi
n'existe donc pas en soi, par elle-même. Elle traduit l'expression de ce
que le président du Conseil du trésor appelait tout à
l'heure le contrat social implicite. Mais la lecture que le gouvernement prend
de ce contrat est, dès le départ, faussée par une
idéologie à la fois politique et économique
dépassée.
À tout le moins, reconnaissons que certains scénarios
politiques - et ils le sont dans bien des cas - n'apparaîtront jamais
dans la palette des solutions qui pourraient être proposées.
Soulignons aussi qu'à l'heure où nos institutions publiques
constituent une composante importante du caractère efficace de notre
économie, avant même d'amorcer notre travail, le
Vérificateur général nous rappelait une série de
pratiques administratives douteuses qui, si la volonté politique se
manifestait, pourraient, dans leur correction, donner un relief
différent à nos débats. Méfions-nous donc de ces
nouveaux «preachers» en soif de pouvoir qui, au même moment
qu'ils nous parlent des efforts à faire, n'esquissent même pas
l'ombre d'une solution aux problèmes pratiques dénoncés
par celui que nous avons nommé pour développer cette expertise,
le Vérificateur général.
Dans le document «Vivre selon nos moyens», on nous propose
quelques solutions. Le ticket modérateur apparaît comme l'outil
miracle pour rebâtir les solidarités, afin que le citoyen soit
vraiment au fait du coût des services qu'il consomme, comme si, à
lui seul, il pouvait faire passer l'individu du statut de client à celui
de citoyen. D'ailleurs, pour les gens de mon âge, ça fait
longtemps qu'on sait qu'on va devoir payer
pour des services que d'autres se sont payés. Ce n'est pas une
grosse nouvelle!
D'ailleurs, le gouvernement libéral - la vice-première
ministre nous le rappelait tout récemment - ignore toujours les
difficultés de la génération montante, qui constitue
pourtant le coeur et l'avenir du contrat social. En 1973, le pourcentage de
jeunes de 34 ans et moins vivant sous le seuil de faibles revenus
s'élevait à 7,4 %. En 1986, il était de 40,2 % et, selon
toute vraisemblance, il serait aujourd'hui à environ 50 %. Alors que 1
personne âgée sur 10 vit sous le seuil de faibles revenus, 5
jeunes sur 10 survivent dans ces conditions. En plus, il faudrait avoir des
enfants, consommer et, bien sûr, penser développement
économique, et quoi encore!
Faut-il alors s'étonner, comme nous le rappelait récemment
le secrétaire général du conseil de la santé et du
bien-être, que les solutions basées sur l'accroissement des
dépenses de consommation heurtent de plein fouet la faible
capacité d'action des 35 ans et moins? Faut-il encore s'étonner
d'entendre des spécialistes de questions de développement
économique et social affirmer que, pour la première fois de
l'histoire de l'humanité, une génération, celle des 15-35
ans, sera moins riche que la précédente? Faut-il s'attendre
à ce que certains prennent des décisions qui vont diminuer
certains de leurs avantages?
Croire qu'il suffit de réduire les privilèges des uns pour
améliorer le sort des autres équivaut toutefois à
s'engager dans une voie sans Issuo. Il faut construire à partir de ce
qui existe afin de rendre intéressant le transfert entre les
générations. C'est à partir de considérations comme
celles-là qu'il faut réviser les règles de fonctionnement
de notre société. C'est à partir de ces règles de
fonctionnement que nous transformerons le ras-le-bol en raz de marée.
Ceux qui feront le contraire seront démasqués tout de suite.
Chaque fois qu'ils tricheront, ils se casseront la figure.
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Gouin.
Comme il n'y a plus de remarques préliminaires, la commission du
budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 14 heures cet
après-midi, où nous entendrons la Confédération des
syndicats nationaux, la Centrale des l'enseignement du Québec et la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 14 h 6)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses
travaux. Auditions
La durée totale de l'audition des organismes que nous avons
devant nous, soit - M. le député de Verdun, s'il vous
plaît! M. le député de Verdun - la
Confédération des syndicaux nationaux, la Centrale de
l'enseignement du Québec, la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec, sera répartie de la façon
suivante: trois heures pour la CSN, CEQ et FTQ, soit une heure pour
l'exposé du mémoire, si c'est le cas, et deux heures pour les
échanges avec les parlementaires, dont une heure pour le groupe
parlementaire formant le gouvernement et une heure pour l'Opposition.
Le temps de parole des députés sera de 10 minutes, en
respectant la règle de l'alternance dans les interventions. Je
demanderais aux intervenants de bien vouloir s'identifier, pour les fins de
l'enregistrement du Journal des débats, et de nous
présenter la personne ou l'individu qui fera l'exposé.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN),
Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)
et
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Daoust (Fernand): Fernand Daoust, Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec.
M. Larose (Gérald): Gérald Larose, président
de la Confédération des syndicats nationaux.
M. Charest (Jean): Jean Charest, économiste au service de
recherche de la CSN.
Mme Pagé (Lorraine): Lorraine Pagé,
présidente, Centrale de l'enseignement du Québec.
M. Langlois (Richard): Richard Langlois, économiste
à la Centrale de l'enseignement du Québec.
M. Frenette (Jean-Guy): Jean-Guy Frenette, conseiller politique
à la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec.
Le Président (M. Lemieux): Alors, j'ai décrit les
règles. Celui ou celle d'entre vous qui est prêt...
M. Daoust: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): ...pour le mémoire, il
n'y a pas de problème.
M. Daoust: M. le Président, nous nous partagerons le temps
de parole, qui est d'une
heure, dans un premier temps, et, par la suite... Le Président
(M. Lemieux): Ça va. M. Daoust: ...il y aura les
débats.
Le Président (M. Lemieux): Aucun problème, M.
Daoust.
M. Daoust: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous
écoutons avec beaucoup d'intérêt.
M. Daoust: M. le Président, vous ne vous étonnerez
pas beaucoup que nos premiers mots aient trait à ce
mécontentement que nous voulons exprimer et à notre
inquiétude quant à l'étroitesse de l'exercice
proposé et quant à la perspective à court terme dans
laquelle s'inscrit cette consultation. Le gouvernement a indiqué
à quelques reprises qu'il mettait sur pied cette commission a la suite
de la requête des organisations syndicales. Nous tenons à
souligner - et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté là-dessus - que
telle n'était pas notre demande. Nous avions enjoint le gouvernement du
Québec de créer une commission d'enquête publique qui
aurait permis une analyse en profondeur de l'ensemble des modalités de
notre régime fiscal. Nous nous en prenons aussi au fait que le document
d'analyse a été déposé tardivement. Le gouvernement
a opté de tout mettre sur la table, les dépenses
gouvernementales, la fiscalité, le déficit, les besoins
financiers et la dette.
Il est clair que nous ne pouvons pas effectuer une analyse globale du
financement des services publics et évaluer l'ensemble des ajustements
nécessaires dans les délais prescrits, mais nous voulons
réinsister: nous sommes à mille lieues d'un authentique
débat démocratique et global qui recueillerait les
réflexions de tous les acteurs socio-économiques et de l'ensemble
de la population qui s'intéresse au financement des services publics, et
qui aurait conduit, à terme, à redéfinir un nouveau
consensus social sur cette question, consensus social indispensable. On
connaît la grogne qui s'empare des gens quand on parle de
fiscalité. On sait les débats qui ont cours dans notre
société. Les groupes, quels qu'ils soient, dans quelque
région qu'on puisse imaginer, souhaitaient un débat beaucoup plus
en profondeur que celui que permettra une commission parlementaire qui
siégera une quinzaine de jours. (14 h 10)
Par ailleurs, nous considérons que cette commission ne peut et ne
doit constituer que le point de départ d'une série de travaux et
de consultations publiques. Nous souhaitions une commission souple, efficace,
qui aurait pu élaborer des solutions concrètes et durables aux
nombreux problèmes économiques et sociaux, et une composition qui
aurait pu être élargie et pluraliste.
De temps à autre, M. le Président, nous prenons le
modèle ontarien. Il me semble que, là-bas, les gens ont eu le
jugement, l'à-propos politique de provoquer un grand débat comme
nous le souhaitions au Québec, puisqu'en Ontario on a mis sur pied une
commission qui s'appelle Commission de l'équité, composée
d'une dizaine de personnes venant de tous les milieux. Tous les sujets vont
être étudiés et abordés. Cette commission va faire
le tour de la province de l'Ontario et va dégager, sans aucun doute, un
très grand projet qui, par la suite, sera soumis au gouvernement
ontarien. Voilà le type d'exercice démocratique, de débat
que nous avons tellement souhaité, et non pas ce genre de commission
devant laquelle nous sommes à ce moment-ci. Je ne vous parlerai pas de
la représentativité des groupes que nous constituons, pour vous
rappeler seulement qu'ils représentent 800 000 travailleurs et
travailleuses et qu'ils ont un devoir impérieux d'intervenir dans des
débats comme ceux qui devraient s'engager.
Le triste portrait de la réalité économique du
Québec met en relief les ratés des politiques gouvernementales
qui misent sur l'État minimal. Les enjeux économiques et sociaux
auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui demandent une
réflexion collective sur le rôle et la place de l'État dans
l'activité économique. Et voici quelques points de vue à
ce sujet.
Certes, l'État n'est pas responsable de tous les problèmes
actuels, mais sa fonction centrale dans la société
québécoise l'oblige à interpeller toutes les forces vives
pour travailler à une sortie de crise qui soit profitable à
l'ensemble de la population du Québec. Nous concevons l'État
québécois comme un acteur particulier dans le
développement économique et social du Québec.
L'État constitue une pièce maîtresse sur l'échiquier
québécois en raison des multiples responsabilités qui lui
incombent: prestation des services publics, financement des activités
gouvernementales, la réglementation, et le reste.
Au cours des 10 dernières années, les dépenses de
l'État québécois ont oscillé entre 22 % et 25 % du
produit intérieur brut du Québec. C'est le quart de
l'activité économique du Québec et, si on tient compte des
nombreuses retombées économiques, le rayon d'action du
gouvernement est encore, évidemment, beaucoup plus important.
Nous ne souscrivons pas à cette analyse simpliste du circuit
économique, qui est connue. Bon, l'État, le secteur privé,
l'Opposition entre les deux, l'excellence d'un côté et la
médiocrité de l'autre; débats dangereux dans toute
société, qui peuvent provoquer des tensions. Nous ne souscrivons
pas du tout, du tout à ce genre d'analyse que nous entendons de temps
â autre. Nous souscrivons, par ailleurs, comme je l'ai dit, à une
analyse... Nous ne souscrivons pas à cette
analyse simpliste du circuit économique. Celui-ci est
plutôt formé par une relation dynamique entre les activités
du secteur privé et du secteur public. Le secteur privé ne peut
fonctionner adéquatement sans la présence d'un secteur public
solide et, inversement, le secteur public ne peut se développer en
l'absence du dynamisme du secteur privé. En tant que fournisseur de
services publics, l'État répond à des besoins fondamentaux
exprimés par la population en matière de santé,
d'éducation, de sécurité publique, de culture et de
loisir. Ces besoins évoluent dans le temps et, par exemple, le
vieillissement de la population québécoise influencera
sensiblement la nature de ces besoins au cours des prochaines
années.
L'État est également un employeur majeur au Québec,
il faut se le rappeler. Dans l'ensemble des services d'éducation, de
santé et de services sociaux ainsi que dans la fonction publique,
l'État employait, en 1991, 580 000 personnes, pratiquement 20 % de tous
les emplois du Québec. Et, sur la base des salaires moyens de juin 1992,
on estime que ces emplois représentaient le versement de 18 000 000 000
$ en rémunération, soit 11,5 % du PIB québécois. Je
n'insisterai pas sur l'importance de tous les secteurs, vous les
connaissez.
Nous voulons parler d'une approche globale et cohérente.
L'État québécois doit se poser en visionnaire du
développement; il doit identifier les pistes d'action possibles; il doit
contribuer à mettre de l'avant un projet de société
stimulant qui renforce la cohésion sociale et vise l'amélioration
des conditions de vie de l'ensemble de la population. Sinon, le Québec
poursuivra sur la voie de l'éclatement social, de la
«dualisation», de l'individualisme et du corporatisme. Nous croyons
que l'État doit interpeller les principaux acteurs
socio-économiques du Québec et définir avec eux les
stratégies qui donneront un maximum de résultats face aux
nombreux défis. L'État doit agir en tant que catalyseur
auprès de ces acteurs, les associer dans une démarche
constructive et encourageante, les amener dans la voie de la concertation
sociale et de l'action collective.
La recherche du plein emploi, la lutte à la pauvreté, la
réduction des inégalités, le développement des
régions ne peuvent trouver de solution par la seule action de
l'État, pas plus que par les actions non coordonnées des divers
acteurs. Il faut une stratégie d'ensemble, et l'État doit se
poser en leader dans cette démarche collective. Et Dieu sait qu'il y a
là, au Québec, à ce moment-ci, une très,
très grande disponibilité à l'égard de ces
accompagnements, de ces complicités essentielles entre tous les
partenaires. Mais encore faut-il - encore une fois - que l'État soit
présent et qu'il agisse dans notre société selon les
fonctions que nous souhaitons être les siennes.
Pour ce faire, il faut que l'État adhère lui- même
à une vision du développement du Québec et à cette
conception du rôle actif des divers acteurs. Il est évident pour
nous que la dernière décennie n'a pas été
caractérisée par une telle vision de l'État. Un virage
majeur s'impose; il faut entrevoir l'avenir différemment.
Déjà, nous pouvons relever dans certaines politiques
gouvernementales une certaine volonté d'amorcer un virage. Entre autres,
nous pensons à cette stratégie des grappes industrielles et
à la politique de la santé et du bien-être du
ministère de la Santé et des Services sociaux.
Il n'est peut-être pas mauvais de vous réciter ce que
disait un document du ministère de l'Industrie et du Commerce,
publié tout récemment, c'est-à-dire l'an passé, il
y a au-delà d'une année: II est question d'une politique
industrielle globale qui témoigne d'une vision stratégique de
notre économie, à moyen et long terme. On y parle du rôle
de l'État qui est d'assurer un environnement concurrentiel, de favoriser
le regroupement des forces économiques pour créer une
société plus forte et porteuse d'avenir. On y dit que le
succès ne sera plus jamais le fruit d'efforts individuels
déployés pour atteindre des objectifs à court terme et que
le succès découlera dorénavant de la mise en commun de nos
efforts. Enfin, on parle du maintien et de l'amélioration de notre
qualité de vie qui dépendent de notre volonté de changer
les choses le plus rapidement possible. Il faut développer une nouvelle
complicité entre les secteurs privé et public afin de redonner de
l'espoir à tous ceux et celles dont la contribution est
nécessaire pour relever le défi très exigeant de la mise
en place au Québec d'un nouveau contrat social, condition indispensable
à l'édification d'une économie d'avenir. Voilà. Je
ne veux pas répéter à satiété ce qu'on dit
depuis un joli bout de temps: la nécessité de coordonner nos
efforts, de provoquer les concertations, de trouver les éléments
constitutifs d'un projet social, d'accentuer les solidarités tellement
indispensables. (14 h 20)
Budget et fiscalité, des outils parmi un ensemble de moyens. La
politique budgétaire et la politique fiscale sont des outils puissants
entre les mains de l'État, à condition qu'elles s'articulent
à un ensemble d'orientations économiques et sociales
partagées par les divers acteurs. Cela suppose également que les
politiques budgétaires et fiscales soient planifiées sur un
horizon temporel qui tient compte des objectifs socio-économiques
fixés, des moyens et du temps nécessaire pour les atteindre.
L'exercice budgétaire annuel ne constitue pas une période de
référence universelle à laquelle toutes les
activités sociales et économiques cycliques s'ajustent. Il nous
apparaît important de situer chaque exercice budgétaire dans un
cycle de moyen terme qui permettrait de mieux situer les objectifs
recherchés. Ainsi, les politiques d'em-
ploi, de développement des programmes sociaux, de formation de la
main-d'oeuvre, de développement économique et régional, de
développement culturel, de protection de l'environnement doivent
s'intégrer dans une approche cohérente au plan des politiques
budgétaires et fiscales. Ces dernières ne sont pas des
contraintes en soi auxquelles les autres politiques doivent se soumettre. Elles
sont des outils permanents permettant d'atteindre des objectifs de
société. Et quand on parle de la marge de manoeuvre de
l'État, c'est à l'ensemble des politiques auxquelles on fait
allusion. C'est de l'effort collectif qu'on est prêt à consentir
pour atteindre nos objectifs de société dont il est question.
Voici donc pour la première partie. C'est maintenant Mme Lorraine
Pagé.
Mme Pagé: Pour la deuxième partie,
c'est-à-dire le chapitre 2 qui couvre les pages 15 à 33, je me
permettrai non pas d'en faire la lecture mais d'y aller de façon un peu
différente, tout en abordant le fond des questions qui sont
soulevées dans ce chapitre.
Pour nous, il est clair que nous assistons non pas à une crise
des finances publiques mais à l'échec d'une vision politique, le
résultat d'une décennie marquée au sceau du
libéralisme économique. À Ottawa et à
Québec, on a pratiqué ce qu'on appelle le libéralisme
économique, une doctrine qui prône des politiques
économiques gravitant autour de deux axes: les entreprises
privées et le marché. Ces politiques reposent sur
l'hypothèse que le secteur privé est plus efficace que le secteur
public, que le marché est le mécanisme le plus efficace pour
atteindre l'équilibre économique. Le libéralisme
économique considère que l'État gêne les
mécanismes du marché et qu'il doit graduellement se retirer pour
laisser la place au secteur privé. C'est donc la remise en question du
rôle de l'État dans le développement économique.
La doctrine du libéralisme économique s'accompagne
également d'un projet de société qui fait passer
l'intérêt de l'entreprise privée au tout premier plan. Et
on remet aux entreprises la responsabilité de la répartition de
la richesse et de l'aplanissement des inégalités sociales. Cette
doctrine s'est traduite, au niveau fédéral, par une série
de politiques visant à freiner l'inflation, à
déréglementer, à privatiser les sociétés
d'État, à accroître les investissements étrangers,
à réaliser le libre-échange avec les États-Unis et
à rétablir l'équilibre budgétaire.
Au Québec, en prétextant la nécessaire
harmonisation, on a appuyé l'ensemble de ces politiques
économiques. Le Québec a été un fervent
défenseur du libre-échange, sans avoir aucune garantie d'Ottawa
sur les mesures de transition et de soutien. Et il a calqué sa
réforme fiscale sur celle du fédéral. Pourtant, un des
éléments qui met en évidence et en relief l'échec
des politiques économiques de nos gouvernements au cours des
années 1980 concerne la comparaison de la productivité au travail
dans les pays du G 7, que l'on retrouve dans le document gouvernemental en page
18. Selon les données de l'OCDE, la productivité au Canada
correspondait à 84,6 % de celle des États-Unis en 1980; 10 ans
plus tard, après cette décennie de politiques
néo-libérales, elle s'établissait à 85 %. Donc,
aucune amélioration relative.
Est-ce que les entreprises canadiennes ont profité du
désengagement de l'État pour se moderniser? Est-ce que le libre
fonctionnement du marché a rendu les appareils productifs canadiens et
québécois plus efficaces? Pas du tout. Les fruits de la
croissance économique au cours des années se sont
canalisés dans la construction de maxi et de mini-empires reposant sur
la base de la spéculation immobilière. On pense à Campeau,
à Olympia & York, à Malenfant, des châteaux de cartes
qui se sont écroulés les uns après les autres. En fait, il
a fallu attendre la nouvelle, la seconde récession pour que, sous la
menace de la faillite, les entreprises s'appliquent à faire des
restructurations qui ont entraîné, selon l'Association des
manufacturiers du Québec, la suppression de 350 000 emplois à
l'échelle canadienne.
Une telle évolution ne surprend guère quand on
considère ce qui se fait chez nous, mais voyons plutôt ce qui ne
se fait pas. Parmi les pays du G 7, le Canada est un de ceux qui consacrent le
moins à la recherche et au développement - à
l'avant-demier rang. On consacre à la recherche et au
développement au Canada environ 1,4 % du PIB, alors que le Japon,
l'Allemagne, les États-Unis y consacrent le double ou davantage.
Pourtant, selon l'OCDE, c'est le Canada qui possède les mesures fiscales
les plus généreuses en faveur de la recherche et du
développement. Les entreprises canadiennes investissent nettement moins
que les autres pays industrialisés. Les entreprises
québécoises investissent cinq fois moins que les entreprises
américaines dans la formation de leurs employés, et les
entreprises américaines, à leur tour, investissent deux à
trois fois moins que les entreprises japonaises ou allemandes.
Deux ans après sa mise en oeuvre, le crédit d'impôt
à la formation n'a pas réussi à susciter une augmentation
substantielle des dépenses en formation des entreprises et demeure en
deçà des objectifs visés. On espérait des
dépenses de 100 000 000 $ en 1992; elles s'élevaient à 32
200 000 $. Mais tout va bien, madame la marquise. Notre fiscalité est
parfaite. Et que dire du cafouillis auquel donne lieu le programme SPRINT,
qualifié de fouillis ou d'opération ratée. D'ailleurs, les
journaux, cette semaine, ont fait état du cafouillage du programme
SPRINT.
Nous sommes donc aujourd'hui forcés de constater un blocage
économique et social; notre structure industrielle est toujours
chancelante;
nous accusons d'importantes pertes d'emplois; les fruits de la
période de croissance n'ont pas été également
répartis; le chômage est demeuré élevé;
l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru; les déficits
gouvernementaux ont servi de prétexte à la compression des
dépenses. Pourtant, un nombre grandissant de personnes laissées
pour compte tentent de vivre maigrement des prestations sociales ou de
l'assurance-chômage, et on constate un dangereux effritement du tissu
social.
En 1986, le gouvernement publiait «L'urgence d'un
redressement», un document qui a servi à justifier des
compressions de 900 000 000 $ et qui pavait la voie à un
désengagement accru de l'État. Sept ans plus tard, nous avons le
droit à «Vivre selon nos moyens», dans un contexte où
la récession a provoqué une détérioration des
équilibres budgétaires. Rappelons, pour la petite histoire,
qu'à peine un an après la publication de «L'urgence d'un
redressement», en 1987, l'élan de l'économie et les
coupures effectuées avaient permis au gouvernement de payer par
anticipation des factures totalisant 850 000 000 $ L'année suivante, en
1988, le contexte permettait au gouvernement non seulement de payer par
anticipation au-delà de 600 000 000 $ mais aussi de consentir des
réductions d'impôt. On peut également rappeler -
coïncidence - qu'en 1986, comme cette année, c'était une
année de négociations dans les secteurs public et parapublic. (14
h 30)
Nous n'affirmons pas que la situation de l'époque et celle
d'aujourd'hui sont semblables, mais l'expérience passée nous
incite à une certaine prudence face à tous les scénarios
apocalyptiques du gouvernement. La gestion des finances publiques
québécoises durant les années quatre-vingt, plus
particulièrement à partir de 1986, a conduit à un
repositionnement significatif de la situation financière de
l'État québécois. Durant la période de 1986
à 1989, l'augmentation relativement faible des dépenses
budgétaires combinée à la croissance des revenus a conduit
à une diminution de la place de l'État dans l'économie
québécoise. De 25 % en 1985, les dépenses de l'État
ont chuté à 21 % en 1988; et même avec une plus forte
croissance des dépenses durant la récession, elles ne
dépasseront pas 25 % en 1992-1993.
Du côté du déficit, qui atteignait 5 % du PIB
québécois en 1980-1981 et 3,8 % en 1984-1985, il n'était
qu'à 1 % en 1989-1990. Malgré la récession, selon les
chiffres de M. Levesque ce matin, il sera à 2,9 % en 1992-1993. Bien
sûr, il s'agit d'une donnée préoccupante dans la
problématique des finances publiques du Québec, surtout quand on
considère le déficit accumulé. Mais, comparativement au
début de la décennie, la situation est meilleure, même au
moment où on se sort de la plus longue et de la pire période de
récession.
Quant aux besoins financiers nets, ils ont suivi la même tendance,
passant de 3 % du PIB en 1980-1981 à 2 % en 1984-1985, puis à 0,5
% en 1989-1990. D'ailleurs, sans la baisse d'impôt sur les plus hauts
revenus en 1986 et la réforme fiscale de 1988, les besoins financiers
auraient été pratiquement nuls en 1989-1990. Malgré la
récession des dernières années, les besoins financiers
nets seront à 1,6 % du PIB en 1992-1993. Une telle situation est
comparable à l'époque 1972-1973, il y a 20 ans. Mesurés en
dollars constants, les besoins financiers seront inférieurs de 1 000 000
000 $ par rapport à ceux de 1976-1977, et vous avez le tableau qui
l'illustre très bien.
Du côté de la dette gouvernementale, la dette directe,
c'est-à-dire la partie de la dette qui correspond aux emprunts
réels à court et à moyen terme, s'est pratiquement
maintenue au même niveau depuis 1983-1984, soit 21 % du PIB. Toute la
problématique du déficit, de la dette, des dépenses dites
d'épicerie est traitée de manière purement comptable par
le gouvernement. Il faudrait plutôt aborder ces questions selon une
logique économique. Par exemple, lorsqu'une entreprise emprunte,
s'endette, c'est en vue d'investissements qui vont lui procurer des revenus
supérieurs dans le futur. C'est l'essence même de la logique
économique, du calcul économique.
Dans le cas de l'État, c'est la même chose. Quand on sait
que les emprunts d'aujourd'hui vont être remboursés dans le futur
par des impôts considérables, c'est, ma foi, une
vérité. Mais, ça, c'est la simple logique
arithmétique et comptable. Si ces emprunts ont pour effet d'augmenter la
croissance économique future, il n'est pas dit que les impôts
additionnels à percevoir vont entraîner une pression fiscale
accrue sur les générations futures. On connaît l'importance
des infrastructures pour la croissance économique. On sait que des
jeunes mieux instruits, mieux formés, vont produire plus de richesses.
Pourtant, le gouvernement choisit de qualifier de «dépenses
d'épicerie» des dépenses de fonctionnement des
établissements scolaires. Ça fait peut-être image, mais
c'est trompeur. Quant à la croissance de la dette sur les régimes
de retraite, le gouvernement ferait mieux de s'en prendre à sa propre
gestion. Il a emprunté au compte des régimes de retraite au taux
de rendement de la Caisse de dépôt, qui est supérieur au
coût des emprunts réalisés sur les marchés
financiers. C'est un peu comme un particulier qui emprunte sur sa carte de
crédit plutôt que de recourir à la marge de crédit
ou à l'emprunt personnel. Le gouvernement, bien tardivement, semble
avoir découvert les avantages de la capitalisation de la contribution de
l'employeur aux régimes de retraite.
Enfin, nous déplorons le peu d'importance qui a été
accordé par le gouvernement à des mesures structurantes depuis le
début de la
récession actuelle. À titre d'exemple, les dépenses
d'immobilisations du gouvernement, les subventions qu'il accorde pour fins
d'immobilisations ont représenté, en moyenne, seulement 160 000
000 $ de plus durant la phase de récession qu'au cours de la
période 1986-1990, qui était une période de croissance
économique.
C'est dans une vision de développement de la
société québécoise à moyen et à long
terme que la politique budgétaire du gouvernement doit s'inscrire. La
recherche de l'équilibre budgétaire dans une
société qui s'appauvrit, dans un Québec cassé en
deux, où s'accumulent les éléments de tension sociale, est
un exercice comptable qui est sans intérêt pour la
collectivité et pour les citoyennes et les citoyens.
Au cours des dernières années, le gouvernement s'est
souvent servi de l'argument de l'absence de marge de manoeuvre pour justifier
son inaction. Or, en 1990-1991, le ministre des Finances avait prévu un
déficit de 1 800 000 000 $. Il s'est retrouvé avec un
déficit de 2 800 000 000 $; 1 000 000 000 $ de plus que prévu, un
écart de 61 %. En 1991-1992, il prévoyait un déficit de 3
500 000 000 $. Il a atteint 4 200 000 000 $; un écart de 175 000 000 $,
un écart de 21 %. La marge de manoeuvre que l'État disait ne pas
avoir, il a dû la trouver, mais sans pouvoir l'utiliser de façon
préventive; il l'a utilisée après coup, pour compenser
pour des problèmes au lieu de s'en être servi comme un levier pour
contrer les effets de la récession. Et vous avez le graphique qui
illustre bien cet élément.
Quel est le menu présenté par le gouvernement pour les
années à venir? Un scénario dit de redressement graduel
qui nous permettrait d'équilibrer le solde des opérations
courantes au bout de quatre ans. Pourtant, il nous semble qu'un régime
fiscal qui a engendré des inégalités, qui a
été improductif au chapitre de l'emploi, de la recherche, du
développement, qui demeure à ce point inéquitable que
c'est presque devenu un sport national de le contourner, mériterait bien
un examen attentif. Mais voilà, plutôt quo rie remettre en
question ses propres orientations fiscales, ses choix politiques, ou de
réévaluer son mode de gestion de l'appareil gouvernemental et des
grands réseaux publics de l'éducation et de la santé, le
gouvernement se contente d'emprunter la voie de la facilité, celle qui
fera porter le fardeau des sacrifices sur l'épaule des autres, au
premier chef les usagers des services publics de santé et
d'éducation, qui verront à être facturés.
Et ça ne s'arrête pas là. Comme la
rémunération absorbe 51, 5 % des dépenses, elle est
ciblée comme source d'économie. Le gouvernement propose donc de
geler la rémunération globale à son niveau actuel pour les
cinq prochaines années. À l'intérieur d'une masse globale,
bien sûr, on pourrait nous consentir des ajuste-monts de salaire
moyennant des économies sur les avantages sociaux ou des gains de
produc- tivité; autrement dit, de la réduction d'effectifs. Et,
encore une fois - beaucoup d'imagination - la tâche des enseignantes et
des enseignants est ciblée. Cela au moment même où le drame
de l'échec et de l'abandon scolaire est venu rappeler à quel
point l'éducation constitue toujours le meilleur outil du
développement économique, social, culturel et démocratique
d'une collectivité. On demeure sidéré devant un tel manque
de vision d'avenir. Les employés du secteur public, après une
coupure de 20 %, deux gels négociés, ont déjà
donné. Et cette approche n'a pas donné les résultats
escomptés puisqu'on nous fait encore le même portrait
apocalyptique.
Par ailleurs, le scénario soumis, qui prévoit limiter
à 0, 4 % et par la suite à 1 % la croissance des dépenses
des programmes, est tout à fait irréaliste. Un tel rythme
équivaut à dépenser 0, 8 % de moins que l'inflation chaque
année, pendant cinq ans. Il y a seulement en 1986-1987 que le
gouvernement a dépensé moins que le taux d'inflation. Les
compressions cumulatives en sept ans représentent 10, 5 % des
dépenses de programmes. Dans le scénario proposé, le
gouvernement veut faire la même chose en trois ans, toutes proportions
gardées, et comprimer près de 20 % des dépenses en cinq
ans. C'est énorme, en plus d'être une vue de l'esprit, parce que,
en somme, des personnes malades, des personnes sans emploi, des jeunes à
instruire, des adultes à former, il en restera toujours, et il y aura
toujours des dépenses qui ne pourront pas se compresser et qui, dans
certains cas même, ne pourront pas faire autrement que d'augmenter.
Enfin, les hypothèses qui concernent les revenus sont très
discutables. Le gouvernement s'est toujours trompé dans ses
prévisions. Les bonnes années, il a sous-estimé les
revenus et, les mauvaises années, il les a surestimés. Alors,
pourquoi en serait-il autrement pour l'avenir? Je vous le demande. Enfin, il
nous paraît irréaliste de restaurer des équilibres
budgétaires dans le contexte où le chômage atteint 13, 5 %
et où l'économie tourne à 6 % en dessous de son potentiel
Une saine gestion des dépenses, un système fiscal efficace et
équitable sont des ingrédients indispensables au bon
fonctionnement du secteur public. C'est seulement si l'économie
fonctionne selon son potentiel qu'on peut espérer voir se
résorber les tensions sur les finances publiques. (14 h 40)
Bref, c'est par la relance de l'emploi et de l'économie que le
gouvernement pourra véritablement améliorer l'état des
finances publiques, puis par une véritable réforme de la
fiscalité. Parce que la fiscalité, c'est l'ensemble des moyens
dont se dote l'État pour s'assurer les revenus nécessaires pour
jouer son rôle. Elle détermine nos comportements comme citoyens,
comme citoyennes. Elle peut nous inciter à travailler, elle peut nous
inciter à épargner, elle peut nous inciter à
dépenser. Elle permet au
gouvernement de poursuivre des objectifs comme la lutte à la
pauvreté, comme la création d'emplois, comme le
développement des régions défavorisées. Et nous
pensons qu'il y a lieu de procéder à un examen de la
fiscalité.
Gérald va compléter sur les éléments qui
pourraient faire partie de cette réflexion fiscale.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. Larose, s'il
vous plaît.
M. Larose: M. le Président, MM. les ministres, Mme la
députée, MM. les députés, comme vous, nous croyons
que la fiscalité est le premier mécanisme du vivre en
société, que c'est un des éléments fondamentaux de
la vie démocratique. C'est aussi un révélateur
privilégié de la solidarité sociale. Pourrait-on
même dire que c'est une unité de mesure pour évaluer une
certaine civilisation.
Visiblement, notre régime fiscal ne tiendra pas le voyage.
D'abord, parce que ce régime fiscal est inéquitable.
Deuxièmement, il est insuffisant. Troisièmement, il est
antiéconomique. Quatrièmement, c'est un bordel organisé.
Et vous voulez fermer la porte, vous ne voulez pas qu'on en discute. Pourquoi?
Le ministre des Finances nous a dit qu'il y avait beaucoup de mythes
là-dessus. On connaît de plus en plus de gens qui
élèvent grassement leur famille sur ces mythes, et on pense qu'il
est temps de mettre sur la table certains aspects de notre
fiscalité.
D'abord, pour écraser des bibites. La première, il nous
faut même du courage pour l'affirmer, répondre à la
question, à savoir: est-ce qu'on est surtaxés? Vous avez choisi
pour votre démonstration la première année de la
récession, qui est celle de 1990. Pour un usage tout à fart
approprié à la démonstration, on vous propose plutôt
1988 qui est une année normale, qui nous révèle que pour
l'ensemble de notre fiscalité au Québec nous sommes les 17e sur
23. Il y en a 16 autres qui nous battent. La démonstration n'est pas
évidente.
Il faut constater, par ailleurs, trois phénomènes: celui
d'un sous-emploi qui rétrécit le bassin sur lequel repose la
fiscalité; le deuxième phénomène, c'est celui de
l'allégement fiscal pour les hauts revenus; le troisième
phénomène récent demeure la nouvelle taxation à la
consommation qui fait que, dans le Groupe des Sept, nous sommes les plus
lourdement taxés; et, comparativement à notre voisin du Sud, nous
le sommes encore davantage. Ces trois phénomènes ont
opéré un transfort qui, effectivement, fait quo la
fiscalité repose sur moins de monde et, on dirait, toujours sur le
même monde, d'où la perception, qui est une illusion, que
globalement nous serions trop taxés. Nous sommes mal taxés.
La deuxième bibite qu'il faut écraser: est-ce que tout le
monde cotise dans la caisse? Non. En 1976, 1 $ sur 3 $ échappait
à la fiscalité; en 1988, 1 $ sur 2 $. Donc, de plus en plus de
dollars échappent à la fiscalité. La seule exemption pour
les 100 premiers 1000 $ de gains de capital vous coûte 451 000 000 $. On
n'avait pas les chiffres, on l'a découvert dans votre papier. On avait
prévu dans notre mémoire que ça devait être autour
de 250 000 000 $; le vrai chiffre, c'est 451 000 000 $. Là-dessus, ceux
qui gagnent plus de 100 000 $, qui représentent 1 % de la population,
bien, ils s'en mettent, à eux tout seuls, 250 000 000 $ dans les poches.
Ce n'est pas vrai, ce n'est pas tout le monde qui met son dû dans la
caisse.
La même chose pour les entreprises. En 1980, 62 000 entreprises
rentables au Canada ne payaient pas d'argent, ne payaient pas dans la caisse
commune; en 1987, c'est 93 000. En 1980, elles avaient fait pour 9 900 000 000
$ de profits; enfin, en 1987, c'est 27 000 000 000 $. L'ancienne compagnie du
président du Conseil du trésor s'est même permis, quelques
années, de ne rien mettre dans la caisse. La bibite qui veut que tout le
monde cotise, c'est faux. On aimerait ça en discuter et mettre ce
débat-là sur la table.
Troisième bibite: les entreprises croulent sous le fardeau
fiscal. Faux. Le Canada, dans le Groupe des Sept, a les meilleures charges
fiscales pour les entreprises. On dit même que le Québec en
particulier est le paradis fiscal du Groupe des Sept. Ottawa a descendu ses
taux d'imposition de 36 % à 28 %, mais si on enlève la taxe
manufacturière, ça fait en réalité 23 %. Au
Québec, on est rendu avec des avantages comparatifs aux États
limitrophes et à l'Ontario qui gravitent entre 15 % et 24 %. Donc,
troisième mythe ou troisième bibite à écraser: ce
n'est pas vrai que les entreprises croulent sous le fardeau fiscal. Nos
propositions ne viseront pas à les faire crouler, mais on voudrait que,
déjà, un certain nombre de personnes épongent leurs
larmes; elles seront de crocodile au chapitre des charges fiscales pour les
entreprises.
Voilà trois réalités qui devraient justifier qu'on
ouvre le débat et qu'on mette sur la table tous les
éléments pour développer une véritable alternative
fiscale qui soit plus efficace, plus équitable, plus simple et plus
stimulante au plan économique. Nous n'avons pas toutes les
réponses. On peut, par ailleurs, vous assurer que nous sommes
disponibles pour travailler toujours plus pour développer cette
alternative en poursuivant un certain nombre d'objectifs. Et si on nous en
donnait la chance, il est clair qu'on réussirait à proposer qu'on
puisse fondre tous les revenus et les considérer au même titre,
tel que le proposait la commission Carter, à l'époque.
D'abord, il nous faudrait comptabiliser systématiquement les
dépenses fiscales. Ce sont des données qui nous sont toujours
inaccessibles.
Deuxièmement, nous chercherions à réintroduire
davantage de progressivité dans le régime fiscal. Il est clair
que, dans la réforme intervenue depuis 1986, les allégements aux
hauts revenus ont été carrément des cadeaux, parce
que vous avez surestimé le rôle que joue la
fiscalité quant à la mobilité et à la
compétitivité. Qu'est-ce qui est le plus important quand on
choisit son lieu de résidence? Le régime d'impôt, ou bien
l'accès à l'emploi, ou bien les conditions de travail, ou bien la
qualité de vie? On pense qu'il y a là surestimation purement
idéologique. (14 h 50)
Troisièmement, nous souhaitons revoir la fiscalité des
entreprises, d'abord pour rétablir à l'intérieur du camp
des entreprises l'équité fiscale. Un tableau va vous
démontrer que les entreprises, les grandes entreprises - attendez que je
le trouve - leur revenu total, en pourcentage, totalise 81 % - ça, c'est
les grandes entreprises - les moyennes entreprises, quand on répartit en
pourcentage du revenu total, en occupent 9 %, les petites entreprises, 10 %.
Mais quand on regarde leur contribution à l'impôt, curieusement,
les grandes entreprises ne contribuent que pour 55 %, les moyennes entreprises
pour 21 %, les petites entreprises pour 24 %. Moralité: les petites
entreprises, qui sont plus intensives au niveau de l'emploi, sont celles qui se
font pomper davantage que les grandes entreprises qui, elles, sont davantage
intensives au niveau du capital.
Toujours à ce chapitre-là, nous voulons revoir l'ensemble
de la taxation qui repose sur la masse salariale, qui, par des taux fixes et
des plafonds, pénalise les entreprises qui sont intensives au niveau de
l'emploi, plus particulièrement la petite et la moyenne entreprises.
Troisièmement, nous souhaitons revoir les stratégies de
subventions et de crédit accordés aux entreprises pour qu'elles
soient modulées essentiellement sur un premier critère, qui est
celui de l'emploi.
Quatrièmement, au chapitre de la formation professionnelle, nous
estimons que, des mesures incitatives que nous connaissons, il nous faut
maintenant passer aux mesures imperatives et faire en sorte qu'il y ait un
régime de contribution progressif, selon la taille des entreprises,
lesquelles pourront déduire leurs frais de formation et verser le reste
dans des fonds régionaux qui serviront à la formation
professionnelle de tous les secteurs de la région.
Un dernier mot sur la fiscalité des entreprises: nous estimons
que vous surestimez, encore là, le rôle de la fiscalité
quant à la localisation des entreprises. Quel rôle joue la
fiscalité par rapport à d'autres éléments que
peuvent être les immobilisations, la main-d'oeuvre, la
disponibilité de la matière première, les ressources
énergétiques bon marché, les facilités de
transport? Et nous en voulons également pour preuve qu'à partir
du moment où on s'est donné ce paradis fiscal pour les
entreprises, soi-disant pour les attirer vers nous, on n'a pas vu de bouchon
sur la 401 d'entreprises ontariennes qui s'en venaient profiter de la manne
québécoise. Ça a été essentiellement des
cadeaux.
Quatrièmement, dans cette révision de la fiscalité,
nous estimons que nous ne devons pas passer à côté de la
taxation de la richesse. Douze pays de l'OCDE ont des dispositions visant
à taxer la richesse; seuls le Canada et l'Australie n'ont absolument
rien quant au transfert de fortune. C'est un item que nous voulons
débattre.
Cinquièmement, au chapitre de la fiscalité pour les
femmes, on pense qu'il faudrait arriver en ville. Le régime fiscal
à l'égard des femmes repose encore sur la famille traditionnelle,
ce qui fait que les familles monoparentales, notamment au chapitre des pensions
alimentaires, sont rudement mises à contribution. On fait des
propositions, notamment pour qu'il y ait des barèmes existant selon la
charge parentale, une perception automatique des pensions qui devraient
être graduées avec la prestation de bien-être social pour ne
pas inciter le conjoint à ne pas contribuer, puisque ce sera
déduit en totalité du chèque du bien-être et,
quatrièmement, nous souhaitons convertir les déductions pour
frais de garde en crédits d'impôt et les crédits non
remboursables pour enfants en crédits remboursables.
On pense qu'il nous faudrait aussi développer des dispositifs
particuliers pour que la fiscalité atteigne des objectifs en
environnement et au niveau de la culture. Mais, surtout, il faut que l'ensemble
de notre régime fiscal contribue au développement positif de
l'économie, particulièrement au chapitre de l'emploi.
Ce matin, M. le ministre, on vous a réentendu nous
réaffirmer votre intention de poursuivre l'élan de tarification.
Vous avez précisé que ce n'était là qu'un signal.
Ce n'est pas là qu'un signal. À un taux d'augmentation, en
moyenne, de 12,7 % par année du revenu qui vient de la tarification, on
trouve que ça cause pas mal fort pour être un signal. La
tarification est très exactement la contradiction et la rupture par
rapport à l'économie générale sur laquelle repose
notre filet de protection sociale. Il est également l'expression
consommée des politiques néo-libérales qui, à venir
jusqu'à maintenant, n'ont rien été d'autre qu'un
détournement de fonds publics pour des fonds privés, pour des
intérêts privés, et qui, à terme, veulent passer
à l'ensemble de la population, particulièrement aux plus
démunis, ceux qui ont besoin de soins, ceux qui ont besoin de
santé, ceux qui ont besoin d'aide, la facture.
On va reconnaître avec vous que nous avons des difficultés
qui ne sont pas neuves, difficultés que nous avons contribué dans
le passé à régler ou à tenter de régler,
mais, délibérément et faussement, vous avez construit une
bulle de panique en prétendant faire des projections qui nous
amèneraient à croire que nous allons échapper le
contrôle. Je vous soumets, M. le ministre, que nous sommes
présentement en meilleure situation qu'en 1984 et 1985. Avons-nous perdu
le contrôle? Pourquoi, alors
que nous sommes en meilleure situation en 1992, allons-nous perdre le
contrôle dans cinq ans? (15 heures)
C'est une construction qui vise des objectifs transparents, tels que
vous les avez exprimés ce matin, à savoir de réviser le
rôle de l'État, à savoir de poursuivre des politiques qui
s'appliquent en Amérique du Nord depuis 12 ans, au Québec, de
façon systématique, depuis 8 ans. Que sont ces politiques
néo-libérales qui nous amènent là où nous
sommes? C'est une construction qui vise à masquer un échec
spectaculaire qui fait que l'ensemble des politiques aux objectifs
déclarés ont très exactement produit le contraire, sans
compter qu'il apparaît évident maintenant, dans le présent
contexte, qu'on veut que le secteur public passe une fois de plus à la
casserole.
Je vous rappelle que la masse salariale du secteur public a cru moins
rapidement que les revenus de l'État dans les 10 dernières
années. Si on identifie les problèmes, ce n'est certainement pas
la masse salariale du secteur public, on repassera. Nous voulons, avec vous,
identifier les vrais problèmes. Nous travaillerons aux vraies
solutions.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Larose.
Simplement un petit commentaire: S'il vous plaît, qu'on s'adresse
à la présidence, même si, parfois, on peut avoir envie de
s'adresser ou d'interpeller directement quelqu'un.
Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Daoust: Si vous le permettez, il reste deux ou trois minutes,
au maximum...
Le Président (M. Lemieux): Aucun problème.
M. Daoust: ...pour la conclusion et les recommandations ou les
propositions.
Pour nos organisations, la présente commission doit
représenter l'amorce d'une exploration en profondeur du coffre d'outils
de l'État en vue de réaliser les virages importants qui
s'imposent: virages au chapitre de la lutte à la pauvreté, au
chapitre de la formation, au chapitre de l'emploi, au chapitre du
développement régional. Même si le rôle de
l'État est en pleine mutation, l'État des années
quatre-vingt-dix devra assurément répondre à des
impératifs qui transcendent l'économisme primaire.
Déjà, la reconciliation des objectifs d'efficacité
économique et de justice sociale se fait urgente dans une
société où les clivages se multiplient. Les mutations
rapides engendrées par la mondialisation de l'économie ne doivent
d'aucune manière justifier un accroissement des
inégalités, conséquence inévitable, selon nous, si
le tout s'opère dans un environnement marqué au sceau du laisser
faire.
Comme nos taxes et nos impôts représen- tent le prix
à payer pour les programmes et les services publics, il est tout
à fait normal de se demander, en tant que contribuables, si nous en
avons pour notre argent. À cet égard, il est clair qu'on peut
réaliser certains gains de productivité dans le secteur public.
Toutefois, il y a des limites objectives à faire plus avec moins.
Lorsque ces limites sont atteintes, les rationalisations budgétaires
engendrent inévitablement des effets pervers sur l'accessibilité
et la qualité des services offerts. À cet égard, nous ne
saurions trop mettre en garde le gouvernement devant la tentation de
transformer la présente consultation publique en opération de
validation de choix coulée dans le béton et qui s'inscrirait dans
la logique du désengagement. C'est une inquiétude sur laquelle il
faut insister et, si jamais c'était ça le sens de
l'opération, il n'y a aucun doute que, dans notre esprit, on parlerait
de mystification et, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt,
d'une occasion ratée de faire un véritable débat sur les
finalités de la fiscalité.
Nous croyons plutôt qu'il faudrait, dans un avenir
rapproché, disposer de suffisamment de ressources collectives pour
assurer le financement d'une foule de besoins auxquels le secteur privé
demeure incapable de répondre adéquatement. Il est
impérieux de recréer le plus rapidement possible, ici, au
Québec, un solide consensus autour du régime fiscal. Les options
permettant l'atteinte d'un meilleur équilibre en termes de
répartition du fardeau fiscal et de diversification des sources de
financement existent. Certaines orientations mériteraient d'être
étudiées dans une perspective de réforme fiscale qui
respecte le principe de la capacité de payer. Entre autres avenues, on
pense à la restauration d'un plus fort degré de
progressivité de l'impôt sur le revenu, au rétablissement
de l'équité dans le traitement fiscal des différents types
de revenus - ça a été abordé - à une
comptabilisation et à une évaluation des dépenses fiscales
et - ça aussi, ça a été abordé - à
l'instauration d'un impôt sur la richesse. Encore faut-il que nos
dirigeants acceptent d'en discuter publiquement. Puisque la fiscalité
constitue la caisse collective des Québécois et des
Québécoises, il n'est que normal d'en faire un bilan complet de
temps à autre et pas seulement au plan comptable.
Quant à nous, nous poursuivrons, au cours des mois à
venir, la réflexion, la sensibilisation et la consultation à
l'intérieur de nos rangs en vue de dégager des orientations
susceptibles de rééquilibrer notre régime fiscal afin
qu'il redevienne un authentique outil de développement au service de la
majorité de la population. Quelques propositions, très
rapidement.
Attendu que l'État québécois est un acteur
déterminant sur le développement économique du
Québec, nous demandons à l'État de réunir les
acteurs socio-économiques du Québec, de les associer à une
démarche constructive et enga-
géante afin d'analyser les enjeux du développement du
Québec. Dans une perspective de concertation sociale et d'action
collective, l'État et ses acteurs devraient définir les
stratégies qui cibleraient la réduction de la pauvreté, la
création d'emplois, la réduction du décrochage scolaire,
le rehaussement des qualifications de la main-d'oeuvre, le développement
viable.
Deuxièmement, considérant les impacts du chômage sur
les finances publiques ainsi que sur ses coûts économiques et
sociaux, nos organisations estiment urgent que le gouvernement du Québec
s'engage, dès le prochain budget, dans une stratégie de
développement économique dont la priorité sera la relance
de l'emploi, en impliquant l'ensemble des partenaires
socio-économiques.
Troisièmement, nos organisations pressent le gouvernement du
Québec de poursuivre les travaux sur la fiscalité - et nous ne
cesserons de le répéter - par le biais d'une véritable
commission d'enquête publique sur la fiscalité. Son mandat serait
d'étudier l'état général du régime fiscal
québécois et de formuler des propositions afin que ce dernier
respecte davantage les principes d'équité, de
progressivité et d'efficacité et qu'il soit davantage axé
sur le développement de l'emploi. Cette commission devra se pencher sur
la répartition du fardeau fiscal entre les divers agents
économiques, la structure du régime fiscal, les moyens de
rétablir une plus grande progressivité de l'impôt sur le
revenu, la composition de l'assiette fiscale et l'évaluation des
dépenses fiscales, les incidences des tarifications, les moyens pour
établir une plus grande justice fiscale envers les femmes,
l'opportunité d'implanter une taxe sur la richesse, des mesures fiscales
spécifiquement orientées vers le développement de
l'emploi, le financement de la formation professionnelle, la révision de
la parafiscalité, l'environnement et la fiscalité, le traitement
fiscal des gains immobiliers, la fiscalité et la culture, la
réévaluation du mode de gestion de l'appareil gouvermental et la
récupération des pouvoirs fiscaux du Québec.
Quatrièmement, nos organisations demandent au gouvernement du
Québec d'effectuer une analyse globale du partage des
responsabilités et des modes de financement en matière de
services publics avec l'ensemble des acteurs nationaux, régionaux et
locaux concernés. La CEQ, la CSN et la FTQ demandent au gouvernement du
Québec de renoncer à mettre en oeuvre, lors du prochain budget,
des mesures de tarification des services publics ou des programmes sociaux qui
iraient à rencontre de la gratuité, de l'accessibilité et
de l'universalité. Nos organisations demandent au gouvernement du
Québec de procéder le plus tôt possible à la
comptabilisation de l'ensemble de ses dépenses fiscales et de rendre le
tout public.
Enfin, septièmement, nos organisations demandent au gouvernement
de convertir les déductions pour frais de garde en crédit
d'impôt dès le prochain budget.
Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Daoust.
M. le président du Conseil du trésor, la parole est
à vous.
M. Johnson: Merci, M. le Président, en souhaitant la
bienvenue très officiellement et formellement à nos partenaires
syndicaux qui viennent nous faire partager certaines de leurs
préoccupations de façon non équivoque. Je pense qu'on peut
leur savoir gré de venir s'exprimer aussi clairement sur ces enjeux. (15
h 10)
Dès le départ, M. le Président, vous me permettrez
un commercial, par ailleurs, tout chaud, un fac-similé directement de
Toronto, une annonce du gouvernement ontarien que, quant à lui, alors
que nous nous serions trompés de 820 000 000 $ dans la prévision
des revenus, le gouvernement ontarien s'est trompé, lui, au 31
décembre, de 1 600 000 000 $. Alors, il y en avait trois qui
étaient moins perspicaces que nous. Il y en a maintenant quatre qui, eux
aussi, ont fait une erreur. Tout le monde s'est trompé. La
récession est toujours là, et ça demande des efforts
d'imagination, évidemment, pour améliorer la situation
économique de nos concitoyens.
Quant au mémoire, je retiens une phrase. La situation,
dites-vous, est sous contrôle. Nous sommes en meilleure posture, en
meilleure mesure financière pour affronter l'avenir. Je suis
entièrement d'accord que la situation est sous contrôle, mais elle
doit le demeurer. C'est ce qu'il y a d'essentiel dans le propos du gouvernement
depuis de nombreux mois. Je ne veux pas que ça
dégénère en querelle de clercs ou de comptables, mais il y
a des réalités chiffrées qu'on doit redire afin qu'elles
soient bien connues et que nous discutions tous sur la même base.
J'ai été un peu étonné de voir qu'on
indiquait que les dépenses de l'État représentent, depuis
quelques années, entre 22 % et 25 % du PIB. Je veux simplement faire
remarquer que les 3 % de jeu, c'est 5 000 000 000 $. On ne peut pas traiter 5
000 000 000 $, 3 % du PIB, comme si c'était quelque chose qui se perd
lorsqu'on arrondit les chiffres. C'est justement là l'ampleur du
problème. C'est un problème de cet ordre-là.
J'ai également tiqué - vous me permettrez d'utiliser
l'expression - lorsque j'ai mis en regard la page 87 du document principal que
nous avons distribué, qui fait état du déficit et de la
dette par rapport au produit intérieur brut, avec ce qu'on retrouve
à la page 30 de votre mémoire. Vous dites: Le service de la dette
diminue, comparativement au PIB; le déficit, même, diminue, si on
le met en regard du produit intérieur brut. Il y a une lacune majeure au
point de vue arithmétique et discussion sensée des finances
publiques. C'est que la dette totale,
elle, augmente depuis de nombreuses années, et ce, à un
rythme supérieur au produit intérieur brut, ce qui fait que,
même si, intégralement, les données que nous
suggérons pour les cinq prochaines années se réalisaient,
ce n'est qu'à la cinquième année que, finalement, la dette
représenterait un moins gros fardeau dans notre économie que ce
qu'elle représente aujourd'hui.
On ne peut pas parler d'un déficit qui augmente de 2 000 000 000
$, 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $ cette année, prétendre que
c'est une moins grosse partie du produit intérieur brut que ça ne
représentait il y a 10 ans et oublier que cette augmentation de 4 000
000 000 $ du déficit doit être comptabilisée par-dessus la
dette déjà accumulée et qu'il faut tenir compte du rythme
auquel nous nous endettons. C'est une des contraintes majeures qui fait qu'on
ne peut pas parler aussi calmement qu'on semble le faire de l'autre
côté, parler du fait que c'est sous contrôle et que
ça le demeure. Implicitement, c'est ce qu'on nous indique, de l'autre
côté. On est bien positionné, on peut affronter l'avenir
avec confiance à ne rien faire du côté des dépenses
publiques.
On nous reproche ou on semble dire qu'il y a eu une marge de manoeuvre
qui s'est dégagée et qu'on l'aurait mal utilisée en
faisant faire des économies à des gens qui ne sont pas productifs
ou qui, de toute façon, peu importe la façon dont on le
définit, ne le méritaient pas. Je veux simplement indiquer que la
marge de manoeuvre a servi essentiellement à trois choses. La
première: on a augmenté les dépenses de programmes per
capita depuis 10 ans au Québec, et on n'a pas cessé, quant
à nous, de le faire. Les dépenses de programmes per capita en
dollars constants de 1992 ça me fail plaisir do distribuer les tableaux
- ont augmenté. Ce n'est certainement pas au titre des programmes qu'on
a qu'on a coupé. Il y a donc eu, grâce à la croissance
économique qu'on peut avoir connue, grâce à certains
resserrements, malgré tout, une augmentation de certaines
dépenses de programmes pour chaque Québécois.
Deuxièmement, il y a eu un choix conscient, public, de faciliter
la vie des familles québécoises. Les taux d'imposition du
Québec, l'échelle de progressivité de l'impôt sur le
revenu des particuliers a été modifiée à un point
tel que, jusqu'à 26 000 $ aujourd'hui plutôt que 11 000 $ en 1985,
les familles québécoises, quatre personnes, deux adultes, deux
enfants, ne paient pas d'impôt sur le revenu des particuliers.
Jusqu'à 46 000 $, cette même famille paie moins d'impôt
qu'en Ontario. Ça représente, ça, cette année, plus
de 1 600 000 000 $ additionnels retournés à ce titre aux familles
québécoises, et j'oublie les autres programmes, les autres volets
de la politique familiale.
Troisièmement, nous avons choisi malgré tout, grâce
à la croissance économique, grâce à la marge de
manoeuvre dont on parlait tout à l'heure, de réduire le
déficit, de telle sorte qu'en 1989-1990 nous étions à
quelques petits points de pourcentage d'enfin ne pas emprunter pour payer les
dépenses courantes. Mais la récession est arrivée et a
joué de la façon dont on sait, que l'on peut mesurer, dans les
équilibres publics.
De façon plus générale, malgré tous les
échanges que nous avons eus, je dirais, depuis deux ans, du
côté gouvernemental, avec les gens qui viennent s'entretenir avec
nous aujourd'hui, ce qui persiste à m'étonner, c'est ce refus de
vouloir se prononcer quant à la reconduction intégrale ou non des
programmes de dépenses publiques. Le problème de la
fiscalité québécoise dépend, en grande partie, de
l'évolution de ces programmes. J'ai déjà expliqué
et je n'y reviendrai pas, faute de temps, comment on observe un taux de
croissance inhérent à ces dépenses publiques depuis de
nombreuses années. Il n'y a plus de marge de manoeuvre à la marge
pour venir corriger ces taux de croissance extrêmement difficiles.
Y a-t-il donc présomption, en lisant vos mémoires, qu'on
doit reconduire tous les programmes qui sont inattaquables, le contrat social
tel qu'il existe? Non seulement devrait-il être reconduit, mais il est
sans doute imparfait, selon vous. On ne dépense sans doute pas assez
dans certaines missions principales. La preuve, je suis, comme d'autres,
l'objet de demandes constantes, de la part des gens qui vont défiler
devant nous, pour dépenser davantage pour leur clientèle ou pour
les Québécois en général ou certains segments de la
société québécoise ou pour l'ensemble des
Québécois, dans certains cas. Si on doit reconduire et même
enrichir ces programmes, dépenser davantage, contrairement à une
famille qui sait qu'elle a trop de dettes, il faut ou bien augmenter la
productivité, c'est-à-dire jouer sur l'efficacité de la
dispensation du volume, du niveau, de la variété des services
sans toucher le volume, le niveau et la variété de ces services -
ça m'apparaît difficilement réalisable - ou alors on hausse
la fiscalité. Oui. On taxe sur la foi d'observations et de constats, ma
foi, assez simplistes, j'ose le dire, des entreprises qui...
Le Président (M. Lemieux): ...votre temps s'écoule
rapidement.
M. Johnson: Déjà.
Le Président (M. Lemieux): Déjà, oui. (15 h
20)
M. Johnson: ...soit des entreprises, soit des gens qui, ou bien
n'ont pas fait d'argent ou bien bénéficient des dispositions
fiscales qui font que certains revenus, tels les dividendes, ne sont pas
taxés à chaque étape ou sont remis d'une filiale à
la société mère, ayant déjà
été taxés et l'étant éventuellement, lorsque
remis aux actionnaires, ou alors des dépenses fiscales dont nous
nous
vantons, telle la recherche et le développement, devraient
être également annulées, ou alors quelqu'autre ajustement
serait intervenu afin que nous changions le lien qui existe entre les services
et le niveau de fiscalité.
Ma question, M. le Président, vous la voyez venir: Est-ce que,
oui ou non, les gens qui viennent aujourd'hui nous faire part de leurs
préoccupations fort légitimes nous suggèrent
expressément de reconduire l'ensemble des dépenses publiques et
nous disent essentiellement qu'il faudrait dépenser davantage?
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
M. Larose: M. le ministre, vous avez touché plusieurs
points. Tout d'abord, je voudrais qu'on revienne sur les éléments
de comparaison.
Vous reprochez à notre tableau de la page 30 une grave lacune,
qui est très exactement la même que celle que vous avez à
la page 89 de votre propre document. Quand vous faites titrer, dans un journal,
qu'on est tout juste derrière Terre-Neuve ou bien que vous affirmez,
dans votre document repris ce matin, qu'on est les troisièmes, c'est que
vous comparez précisément des choses qui ne sont pas comparables
puisque ça s'adonne, à moins que vous ne nous fassiez la
démonstration contraire, mais on a fait une démarche
particulière pour vérifier si c'était vrai. À
l'exception de l'Ontario, aucune des provinces ne comptabilise leurs fonds de
pension à la manière du Québec. La dette totale dont vous
parlez, c'est effectivement celle qui inclut les régimes de pension,
mais tout le monde, ailleurs, fonctionne «pay as you go». Alors,
pour nous, il y a là un effet de distorsion. À la page 30, par le
graphique, on a voulu tout simplement illustrer les engagements du gouvernement
qui peuvent signifier également des besoins financiers. Alors, à
moins que vous n'ayez des informations différentes, mais on est
allés aux sources, et, sauf l'Ontario, il n'y a personne qui
comptabilise à la manière du Québec.
Ceci étant dit, je voudrais quand même - parce que toute
votre argumentation repose sur le fait qu'on n'a pas la même lecture que
vous - avoir des explications. Comment se fait-il qu'en l'espace de quelques
mois, les choses vont se passer bien différemment que les 20
dernières années passées? On voudrait que vous nous
expliquiez pourquoi la moyenne des revenus de la province, pour les 5
prochaines années, ça va être systématiquement PIB
moins 2 %, comme moyenne - pour les 5 prochaines années - alors que,
depuis les 20 dernières années, ça a toujours
été au moins PIB, sinon un peu plus? C'est quoi qui se passe dans
la baraque?
Deuxièmement, on aimerait ça que vous nous expliquiez...
Comment se fait-il qu'au chapitre des dépenses, vous prévoyez que
ça va être systématiquement PIB plus 3 % alors que la
moyenne des 10 dernière années, ça a été PIB
plus 1 %? Des éléments de conjoncture transformés en
éléments structurels! On aimerait avoir une couple
d'explications. C'est ce qui nous amène à dire que vous avez
construit une bulle de panique pour servir d'autres objectifs.
En prenant minimalement un certain nombre de moyens, il est clair qu'on
peut reconduire - et là, je veux répondre à votre question
- l'ensemble de nos engagements à trois conditions. La première,
en ne reconduisant pas l'enveloppe du bien-être social. Y aurait-il moyen
qu'on travaille sérieusement pour mettre le monde à l'ouvrage? Je
sais que vous n'aimez pas qu'on vous dise ça. Vous plaidez que vous
faites bien des affaires, mais, dans votre discours de ce matin, c'était
clair. Vous dites que ce n'est pas le rôle de l'État, c'est la
«business» du privé. C'est les autres qui font les jobs, qui
font la richesse. L'État attend, et il «check» la
«game». Quand le pot passe, il essaie d'en ramasser un peu Ce n'est
pas de même qu'on pense qu'on doit arriver à une véritable
stratégie de l'emploi. Première condition, non, on ne veut pas
reconduire l'enveloppe du bien-être social, on voudrait mettre le monde
au travail pour qu'il cotise en même temps dans la caisse commune.
Deuxième condition, et, là-dessus, on est d'accord avec
vous. Il y a des gains de productivité qu'on peut aller chercher dans
l'ensemble du secteur public. Il va falloir mettre les conditions en place, par
exemple. Vous allez dire qu'on a pas mal d'ouvrage à faire chez nous; on
pense que vous en avez plus chez vous. Ce n'est pas la place pour en
débattre, mais on vous dit que, nous autres, on est prêts à
regarder ça de front. Des gains de productivité, pas pour
ratatiner l'État par après, là. On pense qu'il va y avoir
de nouveaux besoins et que, par ces gains de productivité là, on
pourrait satisfaire ces nouveaux besoins.
La troisième et dernière condition, oui, on ne vous le
dira jamais assez, mais il y a de la richesse qui nous passe sous le nez et
elle ne contribue pas légitimement à la caisse commune. Il y a
une révison de la fiscalité à faire.
À ces trois conditions-là, non seulement on va garder le
contrôle, mais on va améliorer notre situation.
Le Président (M. Lemieux): Merci
M. le député de Labelle, est-ce qu'il y a consentement
pour que M. le président du Conseil du trésor puisse
répondre brièvement à la question?
Mme Marois: Sur son temps, j'imagine, sur l'enveloppe
globale.
Une voix: Son son enveloppe.
Le Président (M. Lemieux): Sur son enveloppe globale?
Une voix: Oui, oui.
Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va, sur votre
enveloppe globale. Ça va davantage, aussi, susciter
l'intérêt de la conversation... des discussions.
M. Johnson: Du côté des dépenses,
brièvement. Du côté des dépenses, oui, le rythme de
croissance des dépenses est moins que le IPC, indice des prix a la
consommation, plus 3 % depuis une dizaine d'années. Mais j'ai
expliqué tout à l'heure les composantes de cette croissance des
dépenses. Le taux observé verifiable - on pourra en rediscuter,
mais c'est long. On est là pour ça, si vous le souhaitez - le
rythme de croissance inhérent des dépenses publiques et des
grands postes de dépenses est de 3,2 % au-dessus de l'inflation. Ce
qu'on observe depuis 10 ans, c'est une résultante de ce taux de
croissance moins les compressions que nous avons réalisées plus
ou moins les pertes ou gains que la conjoncture peut amener. Depuis trois ans,
la conjoncture a amené des pertes, dans le sens que ça
coûte plus cher. Donc, on doit emprunter davantage, les dépenses
sont plus élevées. Nous avons fait quelques compressions, mais le
net, c'est 3,2 % moins 1,9 % plus 1,4 %. On ne peut pas en sortir. C'est ce qui
nous permet d'observer les taux de croissance dont nous parlons, qui, si rien
n'est fait, nous amènent constamment et continueront à nous
amener constamment dans l'impasse financière que nous décrivons.
Nous avons pris des gestes pendant quelques années. La conjoncture
était favorable; malgré tout, une marge de manoeuvre a
été consacrée à ce que j'ai indiqué et,
juste au moment où nous allions avoir la tête au-dessus de l'eau,
la récession a frappé. Évidemment, l'écart s'est
encore une fois creusé, d'où les milliards ou quelques milliards,
2 000 000 000 $ ou à peu près de compressions, mais,
évidemment, des dépenses que la conjoncture nous oblige à
endurer. (15 h 30)
Le rythme de croissance des revenus, à moins que le ministre des
Finances ne puisse ajouter... Évidemment, la base sur laquelle nous
partons a déjà été expliquée ce matin. On ne
voudrait pas reprendre l'explication. Un tableau est également
disponible pour expliquer comment la base, dès le départ, est
presque de 906 000 000 $, de mémoire, au-dessous de ce qu'on aurait cru
normalement, compte tenu de l'évolution du PIB à 4,6 % pour l'an
prochain. Les explications sont disponibles, sont mécaniques et
techniques, mais ça explique, à sa face même, ce qui se
produit.
Il n'en reste pas moins que l'écart entre les deux demeure,
persiste, que nous avons à régler ce problème, et,
à mon sens, et j'ajoute, en terminant, en faisant bien attention
qu'au-delà de ce que les programmes de dépenses publiques
permettent de conclure quant aux choix que nous faisons comme
société et que nous avons faits, parce que ce sont des choix qui
se sont additionnés, il n'y a pas eu beaucoup de
réaménagements, d'abolition de programmes et de restauration de
nouveaux besoins ou de nouvelles priorités. Ça a
été des ajouts nets et bruts depuis de nombreuses années,
comme société, que nous nous sommes payés. Mais il n'en
reste pas moins qu'il faut également regarder ce que ça signifie
du côté du financement. Et si on peut voir qui nous sommes en
regardant les dépenses publiques, on peut voir comment nous nous
classons en nous comparant à nos voisins. Je veux bien qu'on soit 17e
sur 23 quant au fardeau fiscal, mais vous me permettrez de ne pas me comparer,
au point de vue concurrentiel, au point de vue économique, avec le
Portugal, la Grèce ou l'Autriche, mais bien avec les pays avec lesquels
nous avons des relations commerciales autrement suivies, qui, eux, sont en
tête de liste, alors que nous sommes plutôt à
l'opposé.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor. Oui, madame.
Mme Pagé: Oui, M. le Président. Quelques
réactions complémentaires suite à la question qui a
été posée par M. Johnson et les réponses qui ont
été fournies. Je pense que si tout était beau sous le
soleil, les organisations syndicales n'auraient pas été parmi les
premières à dire qu'il faut faire un exercice approfondi de
réflexion sur la fiscalité québécoise. C'est parce
que nous avons constaté un certain nombre de situations qui ne peuvent
pas être tolérées et qui ne peuvent pas être
reconduites. Je pense que l'exposé qu'on a fait a bien montré
comment on s'enlise au niveau de l'emploi, comment on n'a pas réussi
véritablement à relever le défi de la
compétitivité de nos entreprises, comment on demeure en queue de
liste sur la recherche et le développement. Il y a des situations qui
sont préoccupantes et qui doivent nous amener à considérer
comment notre fiscalité peut être un outil nous permettant de
trouver des réponses et des solutions aux problèmes que nous
avons constatés.
Vous faites état d'un déficit accumulé qui doit
être considéré quand on fait les rapports dettes par
rapport au PIB. Dans mon exposé, tout à l'heure, je vous disais
que si notre situation dettes par rapport au PIB est en meilleure posture que
dans les années quatre-vingt, la situation demeure préoccupante
à cause du déficit accumulé. Mais si vous n'empruntez que
la voie de la restriction des dépenses, tout nouveau cycle de
récession nous replongera dans le même contexte. Ce que nous
disons, c'est que nous devons nous engager à la fois dans la voie d'une
réflexion sur l'augmentation des revenus, et ça, l'augmentation
des revenus, ça passe par
l'emploi et une reconsidération de la fiscalité.
J'entendais un fiscaliste qui a déjà fait partie de votre
gouvernement à «Aujourd'hui, dimanche» qui disait qu'on
échappe 2 000 000 000 $ à 3 000 000 000 $ de revenus par
année, des dollars qui ne contribuent pas a la fiscalité. Il faut
s'en occuper. Donc, une voie.
Deuxième voie, le mode de gestion de l'appareil gouvernemental et
des grands réseaux publics de la santé et de l'éducation.
Mais on ne peut pas nous demander de considérer seulement nos gains de
productivité et notre rémunération quand le mode de
gestion de l'appareil gouvernemental, le mode de gestion des commissions
scolaires, le mode de gestion des collèges, des municipalités et
des grands réseaux publics de l'éducation et de la santé
ne sont pas considérés. C'est une voie qu'il faut emprunter.
Et la troisième voie. Ça ne se peut pas que la
fiscalité soit parfaite et que le résultat soit à peine
bon. Il doit bien y avoir quelques éléments à
considérer dans la fiscalité. C'est pour ça que nous vous
demandons un exercice sérieux d'examen de la fiscalité. Mais la
fiscalité, on n'est pas des spécialistes personne
là-dedans. Ça ne s'Improvise pas, une politique fiscale dans la
rédaction d'un mémoire, en trois semaines, qu'il faut
présenter en catastrophe avant même de connaître
l'énoncé gouvernemental. Ça ne marche pas de même.
Ça prend du temps, ça prend de la rigueur, ça prend le
choc des idées, ça prend l'examen des choses, et ça se
conçoit comme un ensemble et non pas comme des mesures ad hoc qu'on
élabore d'un budget à l'autre.
Et cette commission parlementaire ne nous permettra pas de faire cet
exercice de façon correcte avec la rigueur qui doit présider
à la recherche de solutions, si la question ou la situation nous
préoccupe véritablement et qu'on veut trouver des vraies
solutions, des solutions durables, des solutions qui vont résister
à tous les éléments de la conjoncture ou à tous les
imprévus des cycles économiques. Ça, ça suppose
penser dans un cycle plus long et concevoir une politique qui est
intégrée, qui joue sur l'emploi, sur les modes de gestion de
l'appareil gouvernemental et des grands réseaux et sur la
fiscalité elle-même.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je vais
à mon tour souhaiter la bienvenue aux représentants et
représentantes des travailleuses et des travailleurs. C'est une
présentation qui a été très enrichissante et
très intéressante. Ça rejoignait un peu nos propos de ce
matin sur le fait que nous parlions d'un risque de désolidarisation
sociale. Vous parlez d'un projet de société qui s'effrite
Ça rejoint l'analyse à laquelle nous procédions.
Votre mémoire est intéressant à bien des
égards, d'abord parce qu'il aborde cette question que nous devions et
que nous devrions aborder au cours de nos travaux des mesures fiscales
précises, une analyse d'éléments de fiscalité
à partir de ce que l'on connaît, de données que nous
possédons et sur lesquelles, évidemment, on a constaté que
le gouvernement avait allègrement et rapidement glissé pour
s'attarder particulièrement à la question des
dépenses.
Je ne vais pas intervenir très longuement. Je trouve
particulièrement intéressant la question des solutions à
long terme, puis je voudrais poser des questions sur ces aspects-là, et
aussi le fait que, d'entrée de jeu, vous mentionnez la
nécessité pour le Québec, s'il veut résoudre ses
problèmes à long terme et se définir un projet de
société à la mesure des besoins auxquels il a à
répondre, auxquels nous avons collectivement à répondre,
il doit posséder tous ces outils. Et on fait état donc,
évidemment, de ce contentieux entre Ottawa et Québec qui
mérite une solution plus globale que celle d'une simple
négociation d'accords fiscaux, parce qu'on se retrouvera, qu'on le
veuille ou non, dans un an, deux ans, trois ans, comme on l'est
déjà en matière de formation professionnelle, devant des
véritables culs-de-sac qui font en sorte que la situation ne
s'améliore pas.
Cela étant dit, je trouvais intéressante l'intervention,
enfin, toutes vos interventions, mais particulièrement celle de Mme
Pagé à la fin de sa réplique au président du
Conseil du trésor, parce que c'est l'essentiel de la critique que nous
faisons au document qui est devant nous: c'est qu'il ne propose pas de
perspectives et que dans un an, deux ans, trois ans, cinq ans, à la fin
d'un cycle, croissance, crise économique, on se retrouvera
essentiellement devant la même problématique, avec des acteurs qui
seront peut-être différents autour de cette table, mais à
se poser les mêmes questions parce qu'on n'a pas attaqué les
problèmes de fond.
Alors, je voudrais revenir, dans votre document, sur les questions
d'emploi, parce que je crois que c'est aussi en agissant, et surtout en
agissant à ce niveau-là, que l'on pourra, d'une part, continuer
à s'accorder un certain nombre de services collectifs qui sont
essentiels, mais aussi qu'on permettra à notre société et
surtout à ses membres de progresser. Dans vos recommandations, vous
faites état, et c'est la première recommandation, du fait que
vous souhaitez, et vous dites: «Nous demandons à l'État de
réunir les acteurs socio-économiques du Québec, de les
associer à une démarche constructive et engageante afin
d'analyser les enjeux du développement du Québec. Dans une
perspective de concertation sociale et d'action collective, l'État et
ces acteurs devraient définir les stratégies qui
cibleraient». Et là, vous énoncez un certain nombre
d'objectifs: la lutte à la pauvreté, la création
d'emplois, le décrochage scolaire, formation et développement
viable.
On sait qu'à peu près toutes les sociétés
qui ont réfléchi sur les questions et les problèmes de
l'emploi ont identifié que, pour que cela réussisse, ça
prenait un certain nombre d'ingrédients. Chacun avait ses politiques
fiscales particulières, ses politiques budgétaires
particulières, mais il y avait des ingrédients qui concernaient
la volonté politique, la concertation et la décentralisation. (15
h 40)
Comment verriez-vous l'actualisation d'une proposition comme celle que
vous faites à votre document d'analyse des questions fiscales?
L'actualisation dans le sens de: Souhaitez-vous la constitution d'une table de
l'emploi? Il existe actuellement au Québec un forum pour l'emploi auquel
le gouvernement n'est pas associé. Est-ce que vous imaginez la
constitution d'une table de l'emploi? Est-ce que vous imaginez la constitution
de forums régionaux? À l'intérieur de cela, si c'est une
avenue comme celle-là que vous souhaiteriez privilégier, quel
devrait être le rôle du gouvernement? Qui devraient être les
partenaires qui s'associeraient à ce type d'exercice? Est-ce qu'on
devrait pouvoir y discuter de questions qui concernent autant les prix que les
salaires? Parce qu'on sait que ça pourrait aller jusque-là.
Est-ce que ce sont des avenues que vous envisageriez? Je ne sais pas lequel ou
lesquels d'entre vous veulent commenter ou répondre. Après
ça, je reviendrai sur des éléments plutôt
fiscaux.
M. Daoust: Vous nous avez rappelé, dans vos remarques,
cette Table nationale sur l'emploi qui fut créée il y a
déjà quelques années et qui, rapidement, est disparue
dès que le gouvernement actuel a pris le pouvoir. Nous avions même
un ministre responsable de l'emploi et de la concertation qui avait
été nommé par le gouvernement dont vous faisiez partie
à ce moment-là. Nous l'avons répété à
de multiples reprises. Ça a été fort dramatique que le
gouvernement actuel démembre cet instrument embryonnaire qui permettait
aux grands partenaires socio-économiques - embryonnaire à ce
moment-là - d'aborder les problèmes fondamentaux comme ceux que
vous avez soulevés: le développement économique, l'emploi,
la formation professionnelle, la politique fiscale, le budget, le
déficit, la dette. Tout ça était à l'ordre du jour
ou dans les mandats qui avaient été confiés, à ce
moment-là, à la Table nationale sur l'emploi.
Mais, voilà, en 1985... Bon, ça fait déjà
huit ans qu'elle n'existe plus. On en est nostalgiques, sans aucun doute. Mais
devant l'attitude du gouvernement, qui, non seulement, s'est empressé de
démembrer et de démanteler cette table-là... Mais ce n'est
pas la seule. Imaginez-vous, les grands partenaires socio-économiques
que nous sommes, employeurs et syndicats, qui, de peine et misère
avaient créé un institut, l'Institut national de
productivité. Il fallait le faire, mettre tous ces gens-là autour
d'une table, qui avait cinq ans d'existence. Le gouvernement s'est
empressé, du revers de la main, de la démantibuler. Bon,
voilà pour le passé.
Entre-temps, le Forum pour l'emploi s'est mis sur pied, et c'est
là où nous en sommes. Oui, nous souhaitons - et nous l'avons dit
dans ce document, vous l'avez entendu et lu - un débat de fond. Vous
voyez un peu les échanges que nous avons eus. Ce n'est pas dans quelques
heures qu'on pourra de part et d'autre se convaincre du bien-fondé de
nos analyses respectives. Il faut des lieux et des endroits.
Moi, il n'y a quasiment pas de mots que je puisse employer pour
blâmer le gouvernement et le ministre de ne pas avoir saisi cette
occasion-là. Ce n'est pas possible à quel point on peut rater des
rendez-vous à un moment donné. J'espère que les gens s'en
souviendront. Il y a une incroyable ouverture d'esprit du côté des
centrales syndicales où on veut tout mettre sur la table, examiner dans
les moindres détails nos orientations respectives, leur faire subir le
test du débat. Pas un débat de quelques heures dans une
atmosphère que vous savez, que je n'ai pas à vous décrire.
Vous le vivez comme on le vit à ce moment-ci, mais la population du
Québec mérite plus que ça, soit dit en passant. Sans
exagérer, les gens seraient ravis si on avait ce type de débat
là, et on va rater une occasion.
Je reviens à l'Ontario. M. le ministre en a fait état il y
a quelques minutes pour faire des comparaisons. Mais, en Ontario, ils ont mis
sur pied - je l'ai dit rapidement dans mon intervention - des groupes de
travail. Il y a un groupe de travail sur l'imposition de la spéculation
foncière, un groupe de travail sur l'impôt minimal des
sociétés, problème qui a été soulevé
au cours des remarques que Gérald a faites un peu plus tôt -
enfin, un des problèmes, on les a tous soulevés - un groupe de
travail sur la TPS - on a beaucoup à dire sur la TVQ et la TPS, on en
dit dans notre mémoire - un groupe de travail sur l'environnement et les
impôts, problème de très grande actualité, un groupe
de travail sur l'allégement fiscal pour les personnes à faibles
revenus, un groupe de travail sur l'impôt et les femmes, un groupe de
travail sur l'imposition de la richesse, problème qui nous
préoccupe au plus haut point, un autre groupe de travail sur les
impôts fonciers.
Vous vous imaginez? On va se livrer à un débat de fond
à côté de chez nous, en Ontario, et Dieu sait qu'il y a
tout de même un minimum d'influence. Ce n'est peut-être pas le
même type de gouvernement, les orientations sont différentes, peu
importe, je ne veux pas insister trop, trop, trop là-dessus, mais c'est
des gens qui nous côtoient. Eux se livrent à l'exercice qu'on a
tellement souhaité, et le tout est chapeauté par une commission
sur l'équité salariale qui s'est donné un mandat... C'est
peut-être un peu long, je ne les critique pas, mais eux ont
décidé que
ça prendrait trois ans, cet exercice-là. Nous autres, on a
eu une commission Bélanger-Cam-peau: six mois. C'est tout le
Québec qui a été impliqué. Ce souhait qu'on
émet dans la recommandation un, que ça prenne six mois ou un an,
peu importe, mais qu'on mette sur pied et en place les éléments
indispensables pour le développement de l'emploi, c'est la seule et
unique stratégie valable. Le reste, je regrette, mais on se paie de
mots, et à l'égard de ceux qui souffrent et qui connaissent le
chômage, on fait des élucubrations de toutes sortes.
Les gens ont hâte, au Québec, que, collectivement, la
société québécoise lance la guerre au chômage
et que tous ensemble on se coalise, on se mobilise, qu'on fasse les sacrifices
qui s'imposent. Ça n'a pas de sens de voir 400 000 chômeurs et
autant d'assistés sociaux qui, eux, nous écoutent sur la
fiscalité et souhaiteraient bien qu'on bouge. Dans ce domaine-là,
c'est de se donner une stratégie d'intervention pour la relance de
l'emploi, l'accroissement qui va découler par la relance de l'emploi des
dépenses publiques pour les dépenses de soutien au revenu, pour
les dépenses sociales de toutes sortes. C'est ça qu'on aurait
souhaité comme reconduction. C'est de reconduire un voeu largement
partagé par la société et non pas d'avoir le nez
collé, comme vous l'avez depuis je ne sais combien d'années, dans
la quotidienneté de votre action, le nez collé sur la
fenêtre, au Québec, sans aucun projet stimulant pour l'ensemble
des Québécois et des Québécoises qui ont perdu
espoir et où, de toutes parts, à ce moment-ci, c'est la grogne
à l'égard de la fiscalité, où c'est la
désespérance avec son taux de délinquance chez les jeunes,
où c'est une attitude épouvantable. On l'a dit dans notre
document. On est prêt à lutter contre tous les
égoïstes, tous les corporatistes, mais donnez-nous les instruments.
Je pense qu'on ne les retrouve pas dans votre document. C'est ce qu'on a voulu
dire dans nos remarques, et c'est ce qu'on souhaite.
Je vais conclure là-dessus. Moi, je ne suis pas le
porte-parole... Bien, évidemment, des centrales, ça peut aller,
mais le Forum pour l'emploi, on tente, imaginez-vous, par des moyens
privés, mais par tous les moyens, on essaie par tous les moyens... Il y
a un absent. C'est le gouvernement du Québec, qui, lui, est censé
parler au nom du bien commun de toute la société. Il y a un
absent qui n'est pas là et qu'on souhaiterait tellement voir
présent dans tous nos débats et dans toutes nos orientations. (15
h 50)
Mme Pagé: Si je pouvais, Mme Marois, compléter
peut-être sur ces éléments de concertation et du rôle
du gouvernement. Au Québec, on...
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, est-ce
que vous auriez la gentillesse de bien vouloir vous adresser au
président. Ça va être un petit plus long, mais s'il vous
plaît!
Mme Pagé: M. le Président, je voudrais
répondre à Mme Marois. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Vous êtes bien gentille,
madame. Vous êtes bien gentille de vouloir. Ha, ha, ha!
Mme Pagé: Ha, ha, ha! Alors, M. le Prési dent, je
répondrai à Mme Marois...
Le Président (M. Lemieux): C'est bien! Ça va! Un
petit peu plus long! Ha, ha, ha!
Mme Pagé: ...sur la concertation et le rôle de
l'État.
Au Québec, nous faisons des appels à la concertation. Nous
ne faisons pas véritablement de la concertation. De la concertation,
ça ne s'improvise pas. On n'en fait pas juste quand ça va mal
puis, quand ça va bien, nous retourner dans le vestibule. Ce n'est pas
ça, la concertation. La concertation, ça se structure, ça
prend des mécanismes pour la faciliter, des mécanismes
permanents, des mécanismes qui permettent d'agir au niveau macro, donc,
national, au niveau régional et, dans certains cas, dans des milieux
plus locaux, les entreprises, ainsi de suite. Or, ce n'est pas du tout une voie
qu'on a véritablement empruntée, au Québec. Au contraire,
on est assez timides à cet égard-là.
Deuxièmement, la concertation, ça ne peut pas se faire
sans un respect des partenaires que l'on sollicite pour la concertation. Alors,
on ne peut pas véritablement attendre des partenaires qu'ils
s'inscrivent dans une approche de concertation quand,
régulièrement, on leur fait sentir, au moindre coup dur. qu'ils
sont la cible à abattre ou le citron à presser. Ce n'est pas
compatible dans l'approche.
Troisième élément, le rôle de l'État.
Je veux bien qu'on n'en soit plus à l'époque de
l'État-providence, qu'on en soit rendu à
l'État-cataly-seur, mais un catalyseur, il faut qu'il soit en
présence des deux éléments chimiques sur lesquels on lui
demande d'agir. Si on laisse le catalyseur dans le placard avec les
ingrédients, la chimie n'opère pas. On a un exemple de ça
dans les grappes industrielles. La bonne idée des grappes, mais on
attend que les petits raisins courent pour se mettre ensemble tout seuls. Ce
n'est pas comme ça qu'on peut penser le rôle catalyseur de
l'État. Soit, ce n'est plus le rôle de l'État-providence,
mais on n'est pas à l'État-fantôme, on est à
l'État-catalyseur qui a à jouer un rôle structurant sur
certaines questions et qui ne joue pas, qui ne joue pas suffisamment et qui ne
joue pas de façon adéquate. Et ce que nous disons, c'est que nous
sommes prêts, nous, à nous inscrire dans une démarche de
concerta tion, comme on l'a signalé, à reconnaître que le
rôle de l'État a pu évoluer, mais on lui
reconnaît
qu'il a un rôle à jouer. Et, à notre avis, il ne le
joue pas.
C'est ce que notre mémoire a voulu mettre en évidence, et
nous espérons que cette commission parlementaire constituera le point de
départ d'une réflexion véritable et rigoureuse. Ce n'est
pas vrai que le Québec a seulement les moyens de se résigner. Ce
n'est pas vrai. On ne mérite pas ça comme société.
On a les moyens de se serrer les coudes et d'avancer ensemble. Moi, je suis
convaincue de cela.
Le Président (M. Lemieux): Mme Marois, oui?
Mme Marois: M. le Président, je sais que nous avons peu de
temps. Je veux permettre à d'autres collègues d'intervenir, mais
je suis heureuse d'entendre ce que je viens d'entendre, parce que... Je
voudrais simplement conclure en disant ceci, pour ce qui est de mon
intervention.
Je pense que tant que nous ne déciderons pas ensemble,
collectivement, que c'est cela que nous voulons faire, jamais nous n'y
arriverons. Que ce soit le catalyseur qui reste dans la garde-robe ou le
dialogue de sourds qui risque de s'installer, c'est toujours nos concitoyens et
nos concitoyennes qui finissent par en payer le prix.
Je vous remercie. Je vais laisser la parole à mes
collègues, qui voudraient aussi intervenir à d'autres points de
vue.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée. J'aurais peut-être une question. Par après,
je passerai la parole à M. Levesque. Ma question va être assez
claire.
Au-delà de certaines prémisses sur lesquelles on peut
s'entendre, est-ce que vous êtes prêts, au moment où on se
parle, à considérer que certains secteurs d'activité de
l'État puissent être mis en compétition avec le secteur
privé? Et si vous êtes prêts à accepter ça,
à quelle condition?
À titre d'exemple - je vous dis bien à titre d'exemple -
la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du
travail. On sait comment ça se passe chez nos voisins du Sud, où
vous avez plus d'une dizaine d'États où c'est effectivement
privatisé, où dans plus de 27 États, c'est mixé,
secteur privé et secteur public. J'aimerais bien vous entendre
là-dessus, moi. Est-ce que vous êtes prêts et à
quelle condition à ce que, dans certains secteurs d'activité de
l'État, il y ait non pas une privatisation, mais je dirais un amalgame
avec le secteur privé?
M. Larose: Je vous renverrais la question. Est-ce que le
problème de la CSST, c'est parce qu'elle est publique?
Le Président (M. Lemieux): C'est un exemple que j'ai
donné, la CSST.
M. Larose: Non, non. Bien, c'est justement, je pense qu'on doit
faire l'exercice à l'endroit de la CSST, le même à
l'endroit de tous les points qu'on soulève. Il s'agit de poser le bon
diagnostic. La CSST, on a eu l'occasion d'en débattre un peu, c'est
toute l'approche hyperbureaucratisée et hyperjudiciarisée qui
fait vivre bon nombre de parasites sur la peau du monde. Alors, privatiser la
même patente, je vais vous dire, il y en a qui vont passer doublement
à la caisse. Le problème, il faut débureaucratiser. Il
faut surtout avoir une approche de relations de travail, sortir les avocats et
les médecins de papier de ça et discuter des vrais
problèmes. Alors, la question, à mon avis, que vous posez, ou la
piste que vous identifiez est tout à fait à côté de
la plaque par rapport au diagnostic qu'on peut poser. Et je dirais que, sur
certaines autres questions, c'est un petit peu ça, notre
problème.
Moi, quand on me dit, d'entrée de jeu, qu'il n'y a pas de
problème de fiscalité au Québec et qu'on est
convoqué à une commission comme ça, je dis: II y a un bout
de diagnostic qui n'a pas été posé. Quand on me dit:
Est-ce qu'on doit reconduire l'ensemble de nos engagements? Dans les conditions
actuelles, non, mais il faudrait savoir c'est quoi qui se passe.
Alors, l'invitation qu'on essaie de faire, en tout cas le travail qu'on
voudrait faire, nous, c'est d'essayer d'identifier ou de poser le bon
diagnostic. Peut-être que vous pensez qu'on est idéologique, mais
je vous dirai que, quand j'ai lu ces papiers-là, moi, je trouvais que...
Hum! Il y en a qui ont fait de la religion.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: C'est farci de thèses magiques: la
tarification, la privatisation, la réduction de la taille de
l'État, retournons ça au secteur privé, ça va
créer des jobs, de la richesse. Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai!
Ça fait 12 ans que vous essayez, toute la gang des «golden
boys», et là, on peut au moins sortir, nous, le trophée de
chasse pour vous dire: Échec total! Changez de «track»!
Changez de côté, vous vous êtes trompé!
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, je veux souhaiter
également la plus cordiale bienvenue à ceux et celles qui
viennent d'exposer leur point de vue.
Sans vouloir être désagréable, je me pose des
questions sur les conclusions absolument définitives, dogmatiques, avec
lesquelles on arrive à poser certains diagnostics, à avancer
certaines conclusions à partir de certains éléments pris
ici et là. Je pense qu'on devrait y mettre un peu de nuance, si je peux
me permettre de le suggérer. Qu'il y ait un peu plus, peut-être,
de points d'interrogation à la fin des déclarations,
qui se veulent évidemment absolues. (16 heures)
On regrette qu'il n'y ait pas de commission royale d'enquête sur
la fiscalité. Nous avons aujourd'hui l'occasion, et on vous donne
l'occasion de parler de fiscalité. Vous avez pris beaucoup plus de temps
à attaquer le gouvernement qu'à parler de fiscalité. Et si
on avait des exemples d'injustice, par exemple, quelque chose de criant, on
pourrait le dire. Mais s'il y a quelque chose qui nous a
préoccupés, et moi, personnellement, comme ministre des Finances,
c'a été l'équité fiscale... Dans tout ce que vous
avez dit, je vous le dis bien respectueusement, vous n'avez pas donné de
cas où on avait l'inéquité fiscale, au contraire.
Permettez-moi de vous demander pourquoi vous n'avez pas parlé des
gens à bas revenus, des familles? La cellule de base de notre
société, la famille, c'est là que nous avons mis l'accent.
Le soutien à la famille, qui était de 800 000 000 $, est
passé à 2 300 000 000 $. Ça, c'est de la fiscalité
au soutien de la famille québécoise. Pourquoi ne pas l'avoir dit?
Il me semble que ça aurait été intéressant de
l'entendre dire.
Est-ce que... Dans le cas d'une famille, ainsi, de quatre - père,
mère, deux enfants... On peut prendre également les
monoparentales. Comment leur situation a été
améliorée dans le domaine de la fiscalité. On n'en a pas
parlé. La famille de 10 000 $ payait de l'impôt; elle n'en paie
pas maintenant à moins de 26 000 $, très peu de temps plus tard.
Il y a là de l'équité fiscale qui nous préoccupe.
Vous parlez quelquefois... On entend ça: Ah! ce sont les entreprises qui
devraient payer. Les entreprises qui créent les emplois? Et
malgré cela, si on regarde, et je vous réfère à la
page 38 de notre document, vous avez l'évolution des revenus autonomes
par source, alors que l'impôt sur le revenu des particuliers, ça
c'est de la vraie fiscalité. C'est la fiscalité qui touche tous
les Québécois et toutes les Québécoises. Pourquoi
n'avez-vous pas dit qu'on n'a pas eu d'augmentation de l'impôt sur le
revenu des particuliers depuis des années? Il me semble que ça
aurait été intéressant de vous l'entendre dire. Est-ce
qu'on n'aurait pas pu aussi ajouter que jamais encore, depuis des
années, nous n'avons manqué de faire ce qu'on appelle -
Comment... ça m'échappe...
M. Johnson: L'indexation.
M. Levesque: ...l'indexation. Pourtant, il y a eu quelques
années où on l'a oubliée. J'aurais aimé vous
entendre dire: Bravo de n'avoir jamais oublié l'indexation! Ça,
c'est de l'équité fiscale.
Les abris fiscaux. Mais avant de passer aux abris fiscaux,
l'évolution des revenus autonomes par source. Je vous ai
référé à ça tout à l'heure, à
la page 38. On voit que l'impôt des particuliers, l'évolution est
continuellement en faveur.
On voit la diminution de la part de l'impôt des particuliers. Les
taxes à la consommation, on entend parler de ça du matin jusqu'au
soir. Vous le répétez: TVQ, TPS. Regardez ce qui se passe au
Québec dans les taxes à la consommation: diminution de la part
des taxes à la consommation sur l'ensemble. Et regardez l'impôt
des entreprises: augmentation. Il faudrait le dire, si on parle
d'équité fiscale et si on veut avoir une grande commission qui se
promène.
La tarification. On parle de tarification. Regardez le tableau. Tous ces
tableaux-là n'ont pas été contestés. On aurait eu
le temps, au lieu de chialer contre le gouvernement, de parler de ça, il
me semble. Quand c'est positif, qu'on veut avoir de la concertation, et qu'on
veut avoir un petit peu d'optimisme et d'enthousiasme dans la vie, il faut dire
ces choses-là aussi. Non?
Et lorsqu'on regarde les abris fiscaux. Les abris fiscaux, M. le
Président, on dit: Bien, ça ne va pas là-dedans. Mais
qu'est-ce qui ne va pas dans les abris fiscaux? Prenez la page 112 et vous
verrez ce qui arrive dans les abris fiscaux. Le coût fiscal à
l'égard des investisseurs. En 1985, ça coûtait combien? 286
900 000 $. En 1991, 105 000 000 $. Et là-dedans, qu'est-ce que vous
suggérez que nous coupions? Est-ce qu'on doit couper les actions
accréditives pour l'exploration minière? Vous irez faire un
discours en Abitibi là-dessus. Est-ce que vous voulez qu'on
enlève les abris fiscaux sur les films? Mais dites-le. Les artistes?
Tout le monde sera très heureux de vous entendre parler
là-dessus. La recherche et le développement? Vous n'avez
cessé d'en parler et, pourtant, nous avons augmenté, justement,
et c'est là que l'effort se fait. Le principal effort que nous avons,
c'est dans la recherche et développement. Nous avons même
dépassé l'Ontario dans la croissance de la recherche et
développement. J'aurais aimé vous entendre parler de
ça.
Le Fonds de solidarité. Mais là, je ne le sais pas. Le
Fonds de solidarité...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levesque: Ha, ha, ha! Je vais être prudent, mais faisons
la part des choses, ce n'est pas si mauvais. Ça coûte 25 000 000 $
par année au gouvernement. Est-ce que c'est un mauvais placement? Je ne
pense pas que vous allez le dire. J'aurais aimé vous entendre parler de
ça.
Et le coût fiscal à l'impôt des entreprises? Il y a
eu augmentation, mais où il y a eu augmentation? Dans la recherche et
développement? Ailleurs, il n'y a presque rien. Et pour être juste
envers vous - vous avez touché un autre point; vous avez touché
le traitement fiscal des gains en capital. Vous avez parlé du 100 000 $.
Nous avons protesté contre cela, mais nous nous sommes harmonisés
parce que cela se passe à travers le pays. Nous ne voulons pas
encourager le départ des gens, particulièrement
des gens dans cette catégorie, parce que, souvent, ce sont des
chercheurs, des scientifiques. Ce sont des gens, des décideurs dans le
domaine de l'emploi. À un moment donné, nous avons eu... avec une
certaine philosophie, nous sommes passés... Des gens de 100 000 $ et
plus étaient à peu près à 24 % au Québec.
Nous avons réussi à baisser ce taux-là à 18 %.
C'est ça qui est arrivé. Regardez dans l'histoire récente
et vous verrez que notre part de ces gens-là ont quitté parce que
ce sont les plus mobiles. Il faut être réaliste aussi.
Alors, lorsque l'on parle de fiscalité... Moi, j'aimerais bien en
parler, de fiscalité, mais pas passer mon temps à dire que vous
n'êtes pas fins, que vous n'êtes pas corrects. Je ne passerai pas
mon temps à vous dire ça. Je vais vous parler de fiscalité
parce qu'on est ici pour ça: fiscalité, financement des services
publics. Et je vous invite à continuer.
Quant au plein emploi, s'il y a quelqu'un qui a parlé de plein
emploi, qui a vécu le plein emploi, qui a fait en sorte que le plein
emploi soit sa préoccupation, même son obsession, c'est bien notre
premier ministre. C'a a été d'abord en 1970, les 100 000 emplois,
et ça a été les emplois... Depuis ce temps-là, il
n'y a pas une réunion du Conseil des ministres où on ne parle pas
d'emploi. Et lorsqu'en pleine récession, nous avons eu les emplois qu'on
a connus, particulièrement dans les alumineries, ça a
été encore le fait que nous avons un premier ministre qui avait
cette préoccupation-là, non pas le nez sur la vitre, comme on l'a
mentionné, mais avec la vision qui s'impose, pour quelqu'un qui a comme
préoccupation le bien des Québécois. Vous avez
sûrement comme préoccupation le bien des Québécois.
Je sais que vous êtes des gens sincères, honnêtes, mais vous
protégez vos intérêts corporatifs. Et c'est ça qui
arrive. Mais ce que je vous demandais ce matin, et que je demandais à
tous les participants, c'est d'essayer de nous aider à faire face
à une situation qui est là.
Vous parlez présentement d'une commission en Ontario. Puis-je
vous dire que cette commission est là pour trois ans? Trois ans. On n'a
pas tellement le temps d'attendre trois ans pour régler nos
problèmes. Les résultats d'une vaste consultation populaire,
telle la commission ontarienne, ne sont pas nécessairement probants,
compte tenu des intérêts divergents des différents
intervenants. Ça ne vous surprend pas, hein? Même si vous
étiez devant une commission royale, auriez-vous changé votre
discours? Par exemple, plusieurs membres des groupes de travail de la
commission ontarienne, groupes de travail auxquels vous avez
référé tout à l'heure, notamment celui sur le
traitement fiscal des gains immobiliers ou sur la taxe de vente, se sont
dissociés des résultats du groupe ou ont exprimé des
réserves vis-à-vis ses recommandations. Autrement dit, ce n'est
pas là qu'on va trouver nécessairement les grands consensus ou
«consinsus» sociaux. Ceci, «food for thought»...
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
Oui, M. Larose, vous avez un commentaire?
M. Larose: J'ai entendu le ministre, ce matin, citer Martin
Luther King. Je me disais que, cet après-midi, il va plutôt citer
Victor Hugo - «Les Misérables».
Des voix: Ha, ha, ha!
(16 h 10)
M. Larose: Moi, je vais tomber d'accord avec le ministre pour
dire que, dans les réformes récentes, il y a une couple de bons
points qu'on n'a pas soulignés, et je suis prêt à souscrire
à ces deux ou trois bons points. Le principal demeure celui du soutien a
la famille et le relèvement automatique au plan de l'indexation. Je
pense qu'il y a eu là une bonne contribution, mais mon enthousiasme ne
peut pas être débordant quand j'observe le comportement dans la
population à l'endroit du régime fiscal.
Ce qu'on vous dit, c'est qu'on est sur une pente glissante. Il y a une
érosion au chapitre de l'adhésion au régime fiscal. J'en
veux pour preuve la contrebande, le travail au noir. Le magasinage
outre-frontière fut un temps, mais, plus grave encore, la mobilisation
organisée de groupes dans la société pour combattre tout
ce qui est taxes et impôts.
Je vous dis qu'il y a dans la population un sentiment pernicieux qui
mine un élément fondamental du vivre en société.
Nous rappelons que la fiscalité, c'est la caisse commune.
Peut-être qu'un des premiers éléments sur lequel on
diverge... Vous, comme ministre des Finances - et je vous écoute chaque
fois - vous éprouvez une certaine jouissance chaque fois que vous
abaissez les impôts. Bon, bien, si j'étais visé,
peut-être que je trouverais ça intéressant, mais, moi,
ça m'interroge chaque fois parce que je me dis: Les services qu'on peut
se payer collectivement avec notre caisse commune sont des services, d'abord,
qui s'adressent à tout le monde, et qui, économiquement et
socialement, sont plus rentables que lorsqu'ils sont dans le secteur
privé. Et ça, je suis capable de vous faire quelques
démonstrations là-dessus. Alors, moi, rogner la caisse commune,
je pense que ce n'est pas la voie d'avenir. Je ne vous dis pas qu'il faudrait
égorger tout le monde pour remplir la caisse, mais il y a une limite
à vouloir faire fondre la caisse supposément parce que ça
libère le marché. C'est faux. Dans notre propre histoire,
à partir de cette caisse-là, on a fait de grands investissements
au niveau des infrastructures que le secteur privé n'a jamais voulu
faire ou été capable de faire. Le meilleur exemple, c'est
l'hydroélectricité. On pourrait se donner
des tas d'exemples comme ça.
Alors, je pense que l'approche, que je ne veux pas idéologique ou
dogmatique, mais que je veux pratique et sociale, notre approche vise à
faire en sorte qu'on ne prétexte pas un soi-disant dérapage
à venir pour se dépêcher de faire la vente de feu. On a
connu ça dans d'autres pays, hein! Et les coûts sociaux que
ça a générés sont encore plus importants que
supposément les économies qu'on a faites. Alors, on voudrait
puiser un peu aussi à l'expérience des autres.
Bon! Ceci étant dit, je pense qu'on a parlé de
fiscalité. On n'a pas, peut-être, suffisamment insisté,
mais les taxes à la consommation, je vous dirai qu'on a fait un peu du
rock and roll là-dedans. Alors, le déplacement observé,
nous, on pense que c'est régressif. Là, on ne paie pas
d'impôt jusqu'à combien, vous disiez? 20 000 $ et quelque?
M. Levesque: 26 000 $.
M. Larose: En tout cas, on paie toujours bien, les 26 000 $... il
y a toujours bien 15,56 % qui passent intégralement, hein? Il n'y a pas
gros d'actions du Fonds de solidarité ou des trucs pour le cinéma
là-dedans. Ça va tout dans la consommation. Puis, moi, je donne
toujours l'exemple de quelqu'un qui gagne 30 000 $ et d'un autre qui en gagne
90 000 $, puis ils ont un gars et une fille, comme moi. Bien, ils
n'achèteront pas 2 bicycles parce qu'ils gagnent 90 000 $. Ils vont
acheter le même bicycle, sauf que les 15,56 % sur 30 000 $ et les 15,56 %
sur 90 000 $, je peux vous dire que, proportionnellement, il en paie trois fois
plus, de taxes. Alors, c'est ça un peu...
M. Levesque: Vous oubliez le remboursement.
M Larose: Oui, oui, quand tu es raide pauvre. Oui, tu as 70 $ de
remboursement par année, là. Mais ça, je vais vous dire...
Mais l'objectif qu'on vise, nous, il est de deux ordres: refaire un consensus
social et produire une alternative. Fernand l'a dit dans l'introduction, on ne
fera pas ça en 15 jours, ce n'est pas vrai. On ne demande pas trois ans
comme l'Ontario, mais on pense que si on avait un dispositif, comme on est
capable d'en mettre en place, souple, qui se promène un petit peu, je
pense que ça ferait agiter un peu les neurones de bien du monde.
Peut-être que le monde redécouvrirait que payer des taxes et des
impôts, ce n'est pas de contribuer au développement du sida dans
la société, que c'est peut-être d'assumer une
responsabilité fondamentale, que c'est rentable, et que c'est
économique. C'est un peu ça qu'on vise, ce n'est pas plus
compliqué que ça.
Mme Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.
Mme Pagé: Pour répondre au ministre des Finances.
Je suis un peu surprise de me faire taxer de dogmatique aujourd'hui quand, dans
notre première recommandation, nous demandons à l'État de
nous réunir avec les autres acteurs socio-économiques pour nous
associer à une démarche constructive et engageante. Ma foi, si
c'est ça le dogmatisme, je trouve que c'est assez bon.
Deuxième recommandation dogmatique: poursuivre les travaux,
considérer un ensemble de questions où, par ailleurs, même
si on arrive avec des propositions, on ne les a même pas reprises dans
nos recommandations, nous contentant dans notre recommandation de demander la
poursuite des travaux pour considérer un ensemble de questions. Nous ne
sommes pas arrivés ici avec des solutions toutes faites ou des
remèdes miracles, la panacée qui réglerait tous les
problèmes. Nous y allons de deux recommandations invitant l'État
à nous faire participer à une démarche et à
poursuivre la réflexion. Je trouve que, comme idéologie
dogmatique, on a déjà fait mieux dans le passé glorieux de
nos organisations syndicales, à certaines époques.
Troisième élément. Me faire accuser d'être
dogmatique quand nous venons expliquer que les entreprises de M. Le Hir et de
M. Dufour ne sont pas traitées équitablement, et qu'il y a des
petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois qui ont un fardeau
fiscal trop élevé par rapport aux grandes entreprises. Je trouve
que des organisations syndicales qui viennent expliquer le sort de certaines
entreprises, ce n'est pas trop dogmatique non plus. Ça fait état
d'une ouverture d'esprit qui devrait être considérée,
à mon sens. (16 h 20)
Je voudrais terminer sur la famille. C'est vrai qu'il y a eu des
éléments intéressants dans la fiscalité à
propos de la famille, la famille traditionnelle - papa, maman, les enfants. Le
malheur ou le bonheur, ou, en tout cas, la réalité, c'est que de
plus en plus de familles au Québec ne sont pas faites comme ça.
C'est maman puis les enfants! Papa, il n'est pas là, et il ne paie pas
sa pension alimentaire à part de ça. Donc, il y a un bout sur la
famille qui manque dans notre fiscalité, et s'il y a un endroit
où on fait une recommandation précise - et là, ce n'est
pas les intérêts corporatistes de nos membres qu'on défend
- c'est sur la perception des pensions alimentaires et sur le crédit
d'impôt, parce qu'il y a des femmes, chefs de familles monoparentales,
qui, actuellement, sont défavorisées par notre régime
fiscal. Il y a un bout de chemin qui a été fait sur la famille -
nous le reconnaissons - mais il y en a un qui n'a pas été fait et
qui doit être fait: c'est le sort de ces femmes, chefs de familles
monoparentales, qui vivent plus que quiconque sous le
seuil de pauvreté, qui sont pénalisées à
divers titres, soit parce que la pension alimentaire ne se verse pas, soit
parce qu'elles sont confrontées à des diminutions dans les
services publics, soit parce qu'elles ne peuvent pas compter sur certains
services comme les garderies, par exemple, ou la réinsertion en emploi
qui est plus difficile. Je pense qu'à cet égard-là, oui,
on en a fait une, recommandation, qui peut être jugée plus
dogmatique ou idéologique ou plus ferme, mais on pense que le sort des
femmes mérite des correctifs immédiats, dès le prochain
budget, parce que c'est une illustration d'une iniquité dans notre
régime fiscal. Vous nous avez demandé de faire état de
certaines iniquités, il y en a une, là. Les femmes constituent
une part importante de la société québécoise, et
nous devons considérer et vous devez, comme gouvernement,
considérer cette situation le plus rapidement possible.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Peut-être qu'on me... Permettez-moi d'abord de saluer les
personnes ici, de leur souhaiter la bienvenue, comme mes collègues.
Peut-être aussi qu'en partant, on me permettra, dans une position
très fragile, d'élever une voix toute frêle à titre
de comptable dans cette Assemblée, profession qui a été
sérieusement malmenée cet après-midi. Je le dirai pour
rappeler une chose, c'est que les états financiers, comme les chiffres
qu'ils contiennent, représentent le message, ce que porte le messager.
Le comptable, c'est le messager d'une certaine réalité qu'il faut
lire, accepter comme elle est, d'autant plus qu'ici autour, ce que je vois,
c'est beaucoup d'économistes et peu de comptables.
Ceci étant dit, je voudrais revenir, à titre de
réflexion, à certains éléments de ce qui a
été dit. D'abord, sur les revenus du gouvernement. À la
page 33 du document qui a été publié par le ministre des
Finances, on voit très bien la progression des revenus autonomes du
gouvernement du Québec, qui sont passés de 14,6% en 1980-1981 par
16,1 %, 16,2 % en 1984-1985, 1985-1986, à 17,7 %, au Québec -
revenus autonomes. Par ailleurs, on sait que la courbe a suivi une ascendance
semblable au fédéral. Donc, cela mesure, en quelque sorte, le
poids de la fiscalité dans le PIB. C'est donc une augmentation assez
substantielle que nos concitoyens doivent porter, et cela nous ramène
aussi à d'autres réalités, qui sont que ce n'est pas
complet non plus, parce que le gouvernement actuel a renforcé le fardeau
fiscal en pelletant dans la cour des municipalités, des commissions
scolaires, des universités, de la Société d'assurance
automobile du Québec à Hydro-Québec, etc., de façon
substantielle.
Donc, nous arrivons quand même à une certaine
réalité où la charge est assez élevée. La
question qui a été soulevée à maintes reprises,
c'est que la réforme enclenchée par le gouvernement - et
Québec et fédéral - l'a été à un
mauvais moment. Elle s'inspirait des thèses de Maurice Allais, prix
Nobel, mais elle a impliqué que la taxation et la tarification se sont
appliquées à un moment où la récession
commençait, parce que le gouvernement a fait une mauvaise lecture de la
situation, et qu'il l'a introduite à ce moment-là, ce qui a eu
toutes sortes de conséquences très déplorables. En
particulier - on le voit à l'heure actuelle - par la contrebande, par
l'évasion fiscale, le travail au noir, de toutes sortes de
façons. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, au fond,
la conjoncture est importante lorsqu'on prend des décisions et des
virages comme ceux-là.
Cela nous ramène cependant à une question qui est que, si
l'on veut ou si l'on juge que les revenus sont insuffisants, les taux, la
taxation, la fiscalité doit s'appliquer sur une base élargie, qui
est l'augmentation du PIB. Là, on revient au rôle de l'État
dans la stimulation de la production nationale. Donc, j'arrive aux
dépenses. J'aimerais ça entendre votre point de vue sur les
revenus et toute cette conjoncture, et comment on va s'en sortir, parce que je
crois que c'est un problème important. En ce qui concerne les
dépenses, j'ai bien entendu, tout à l'heure, qu'il faudrait faire
une distinction entre investissements et dépenses courantes. C'est, en
fait, ce qui se fait, par exemple, au plan municipal. Les municipalités
comptabilisent de façon distincte investissements et dépenses
courantes. Mais si l'on pousse le raisonnement très loin
là-dedans, ça nous amène à des états
financiers au gouvernement assez compliqués et, en particulier,
ça peut nous amener à opposer des groupes dans la
société. Parce que qu'est-ce qui est investissement? Est-ce
qu'une dépense de formation professionnelle est un investissement?
Recherche et développement est un investissement? On pourrait dire que
oui; on peut dire que oui. L'éducation dans son entier est un
investissement? Peut-être bien! Mais ceux qui ont contribué, par
ailleurs, les classes âgées, là, on repose une question de
solidarité dans la société.
Je crois aussi que si l'on envisage des solutions, on doit s'orienter
beaucoup vers les jeunes. C'est eux qui vont porter la société
future. Jusqu'où va-t-on sur ce plan-là? Quelles sont les
solutions que vous nous proposez? Parce qu'au-delà de
l'autogratification du discours du ministre des Finances, qui est traditionnel
- ne vous en faites pas, il le fait à chaque fois qu'il en a l'occasion
- je pense qu'il faut essayer de voir les solutions. Il faut essayer de voir
les solutions là-dedans. Quelle est votre approche par rapport aux
éléments que je viens de mettre sur la table?
Le Président (M. Lemieux): M. Larose.
M. Larose: Le discours traditionnel du ministre des Finances
semble lui réussir. En tout cas, ça lui a donné une
certaine garantie de longévité à venir jusqu'à
maintenant. Je n'en dis pas autant des politiques qu'il a proposées,
pour les résultats qu'on connaît, avec un chômage de 13 % et
428 000 familles sur le bien-être social.
On est un petit peu tannés, nous autres, qu'on nous parle
d'épicerie. Apparemment, on emprunte pour payer l'épicerie, quand
l'épicerie, c'est pour éduquer les enfants, soigner le monde et
puis.. On pense qu'il faut faire une certaine distinction entre les
immobilisations, mais il n'y a pas que les immobilisations qui peuvent encourir
des frais qui ont une longue portée. Alors, il me semble qu'il faudrait
un peu, peut-être, être un peu plus nuancé; il y a eu un
appel dans ce sens-là pour nos propres propos, mais je trouve que le
magasin général est large, là, pour inclure l'ensemble de
nos responsabilités de l'État.
Deuxièmement, toujours pour discuter de fiscalité, on est
un peu surpris, nous, qu'il ne se parle pas plus, cet après-midi, du
sort qui nous est fait dans les transferts du fédéral. Je ne sais
pas si on calcule bien, je pense qu'on a pris ça dans vos livres, mais
il me semble que la réduction systématique au plan du transfert
fédéral, ça totalise 30 % de la dette. Je suis surpris
qu'il n'y ait pas plus d'efforts pour rationaliser l'appareil juridictionnel
entre le fédéral et le provincial. Pour des gens qui viennent
tout juste de nous proposer une entente qui confirmait ça dans la
Constitution et qui nous mettent, noir sur blanc, que ça pose de graves
difficultés, il n'y a pas d'autre solution? (16 h 30)
Au seul chapitre de la formation professionnelle, qui est un secteur qui
nous intéresse grandement, quand est-ce qu'on va faire le ménage
dans la cabane, qu'on va couler des milliards de dollars - ce n'est pas des
cent mille, ni des millions - des milliards de dollars qui nous filent entre
les doigts en pure inefficacité? On peut avoir un taupin comme Valcourt
pour nous faire les jobs de bras, il me semble que, comme
société, on ne pourra pas toffer ça longtemps. Je trouve
qu'il n'y a pas beaucoup d'adrénaline pour régler une question
comme celle-là dans le document qui nous est présenté.
Toujours pour parler de fiscalité, c'est le président du
Conseil du trésor, je pense, qui disait tantôt qu'on ne doit pas
taxer doublement et que les actionnaires, en bout de ligne, se font taxer.
Nous, on pense que dans cette opération un peu cascade, profits
transférés en dividendes qui rentrent dans la poche de
l'actionnaire, il n'en reste pas beaucoup chez l'actionnaire pour être
pompés. Pourquoi il n'y aurait pas un prélèvement sur les
profits qui serait plus judicieux? Tous les actionnaires, à ce
moment-là, y compris les étrangers, paieraient une portion
légitime. Ça aussi, c'est de la fiscalité.
Bref, je ne veux pas m'étendre trop, mais nous, on pense que,
s'il y avait une volonté politique de regarder ça en long et en
large, il y aura de l'imagination pour trouver un minimum de solutions.
M. Léonard: Sur la question des revenus, est-ce que vous
êtes affirmatrf si je déduis de ce que vous avez dit que, quant
à l'impôt sur le revenu, vous seriez d'accord ou vous voudriez que
la progressivité augmente, donc que vous voudriez reprendre la courbe
des impôts, parce qu'on doit considérer que l'enveloppe totale ne
devrait pas changer compte tenu de son augmentation ou de son poids sur le PIB?
Et est-ce que, donc, vous feriez porter davantage vers l'impôt sur le
revenu que sur la tarification, la taxation par la tarification?
Mme Pagé: Écoutez, M. le Président, tout se
paie. La santé va devoir se financer, les services de santé;
l'éducation doit se financer, notre réseau routier, nos
infrastructures industrielles. Tout doit se financer. La question que nous
avons à nous poser, c'est: Quel est le moyen qui est le plus judicieux
pour financer cela? D'aucuns nous disent: Une partie sur l'impôt sur le
revenu, une bonne partie sur les taxes à la consommation, parce qu'on
voit la progression que cela a pris, et, en plus, la tarification. Nous, nous
disons que la meilleure façon de financer ces choses-là, c'est
par un régime équitable de la fiscalité qui portera
davantage sur des éléments de revenus, parce que, pour nous,
c'est clair que les taxes à la consommation sont davantage
régressives qu'une politique d'imposition sur le revenu et qui ne doit
pas emprunter la voie de la tarification.
Mais si je paie moins d'impôt, mais qu'après je suis
obligée de payer partout pour aller chercher des services, au bout du
compte, j'ai payé pareil pour ces services-là. Mais certains
d'entre nous ont moins les moyens de les payer, on atteint donc à la
solidarité sociale, mais, en plus, c'est qu'on entretient la grogne
fiscale auprès d'une classe en particulier qui s'appelle la classe
moyenne, qui, elle, a de plus en plus le sentiment d'être la classe qui
n'a pas les moyens, parce qu'elle est imposée sur le revenu davantage
que d'autres classes de revenus, les hauts revenus, par exemple, elle contribue
à la taxe à la consommation et, en plus, elle est frappée
de plein fouet par toutes les politiques de tarification. Et là, on met
en branle un processus de démaillage de notre tissu social, un processus
d'effritement de la solidarité sociale.
Au bout du compte, tous ces services-là, on est d'accord avec le
ministre des Finances ou le président du Conseil du trésor, il
faut bien les financer. L'éducation et la santé, ça ne se
fera pas avec nos prières. Il faut les financer. Et la question se pose:
Comment les financer de la façon la plus adéquate et la plus
équitable? Et
c'est pour ça que nous pensons qu'il faut procéder
à un examen en profondeur de notre fiscalité. On ne peut pas,
à un budget, parler de la fiscalité de la culture avec
l'imposition sur les livres, par exemple. Quelques mois plus tard, c'est la
taxe sur les spectacles. À un autre bout, on parlera de la famille.
Tantôt, on reviendra sur les crédits d'impôt pour la
recherche-développement.
Il faut se donner une réflexion globale et cohérente sur
la fiscalité. Les réponses ne sont pas faciles à trouver,
pour personne, mais donnons-nous les conditions minimales pour les trouver. Si
on nous demande d'improviser, à nous qui ne sommes pas au gouvernement,
un régime fiscal dans la préparation d'un mémoire pendant
trois semaines, alors que certains gouvernements sont en place depuis sept ans
et qu'ils n'ont pas l'air de l'avoir trouvé, bien, vous pensez que c'est
un peu mission impossible! Entre trois semaines de commission parlementaire sur
les finances publiques puis trois ans comme l'Ontario, il doit bien avoir trois
mois quelque part. Alors, il me semble que, là, il y a des voies qu'on
pourrait emprunter pour trouver ensemble des réponses à des
questions qui sont préoccupantes et qui sont complexes.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, vous n'avez que sept minutes. Le groupe ministériel, il ne lui
reste que sept minutes de l'enveloppe globale.
M. Gautrin: M. le Président, je vous remercie. Je vais
limiter mon intervention sur un point de votre mémoire qui, je pense,
est pour nous, et pour vous, aussi bien pour tous les deux, vraiment la
priorité à l'heure actuelle: la question du sous-emploi et du
chômage.
Vous l'avez dit au début de votre intervention, actuellement on
vit un taux de chômage totalement inacceptable, et nous partageons ce
point de vue. Mais on ne s'y résigne pas, malgré ce que vous avez
dit, on ne s'y résigne pas. Et si on est réunis ici aujourd'hui,
c'est parce qu'on ne s'y résigne pas.
Si on analyse le chômage, il est dû à deux causes, et
on va essayer de les voir ensemble et on pourrait peut-être voir ce qui
se fait. Ma question, c'est: Qu'est-ce que vous voyez de plus là-dedans?
Par rapport au chômage, vous avez un chômage qu'on appelle en
termes conjoncturels, ça vient du fait qu'on est dans une
récession. Dans une récession, il y a un peu moins
d'activité économique. Dans ce cadre-là, le gouvernement a
déjà essayé d'agir à deux niveaux:
premièrement, en accélérant les dépenses
d'investissements publics, c'est-à-dire la construction des
écoles, des choses comme ça, pour faire en sorte de pouvoir
créer de l'emploi, c'est-à-dire faire en sorte qu'on travaille un
peu plus; d'autre part, en aidant à la capitalisation des petites
entreprises par le mécanisme de SPEQ en régions. Il faut bien le
reconnaître, j'imagine que vous partagez ce point de vue, la
création de l'emploi va se faire dans le secteur privé. Le
secteur public ne peut plus créer actuellement directement de l'emploi.
Donc, ça, c'est l'action qui est faite pour régler le
problème conjoncturel.
Il y a un deuxième problème, qui est un problème de
structure. Ce qui fait qu'à l'heure actuelle on est dans une situation
particulièrement grave. Dans ce problème de structure,
malgré tout ce que vous avez dit, on n'est pas simplement dans une
position de laisser faire. Sur le problème de structure,
c'est-à-dire le fait qu'il y a une mutation dans notre économie,
le fait qu'à l'heure actuelle, de plus en plus, les emplois directement
manuels qui ne demandaient pas de formation particulière disparaissent
au profit d'emplois qui demandent plus de formation, vous avez
déjà une action du gouvernement en termes de soutien à la
formation professionnelle, on termes de transfert et d'aide à la
recherche et développement ou de crédit d'impôt pour la
recherche et développement dans les entreprises, soutien au transfert
technologique dans les entreprises.
Un troisième élément, toujours qu'il faut
éviter - et ça, évidemment, ce sera à long terme -
la lutte contre le décrochage scolaire parce qu'il ne faut pas que,
d'ici 10 ans ou 15 ans, on se retrouve avec des gens qui n'ont pas eu de
formation. Donc, ne pas dire que comme gouvernement on ne fait rien pour lutter
contre le chômage conjoncturel et contre le chômage structurel.
Il y a un troisième point qui est le fait qu'il y a des gens qui
sont un peu plus âgés, sans être complètement
à la pension, qui ont de la difficulté à se reformer, pour
lesquels actuellement, par des programmes du type PATA, etc., on essaie de
soutenir aussi leur réemployabilité dans le réseau
communautaire. Donc, ne pas dire qu'on ne fait rien.
Ma question, c'est: Qu'est-ce que vous souhaitez qu'on fasse de plus
pour lutter contre ce sous-emploi, premièrement, et est-ce qu'on n'est
pas en train, par les signaux qu'on donne aujourd'hui, de vouloir se
dégager les marges de manoeuvre pour pouvoir agir dans ce domaine du
sous-emploi?
Le Président (M. Lemieux): M. Daoust, s'il vous
plaît. (16 h 40)
M. Daoust: Oui. Ce qu'on ne cesse de répéter: Cette
bataille qu'il faut entreprendre, il faut l'entreprendre au niveau de toute la
société. C'est une mobilisation globale au Québec. C'est
un état de guerre qu'il faut déclencher. Ce n'est pas vous, ce
n'est pas nous, c'est l'ensemble du Québec. C'est entendu qu'il se fait
des choses, et ce n'est pas l'endroit nécessairement où on va
distribuer des louanges à n'en plus finir. Il se
fait des choses. Il y a des pas qui ont été faits. Mais
écoutez, c'est un peu... et je n'aime pas trop, trop l'image, mais c'est
la politique du petit pas. C'est une image, si vous voulez, mais c'est le
sentiment qu'on en a. Chômage conjoncturel, chômage structurel. Il
y a un tas de mesures sans aucun doute, des petites mesures, des mesures que
nous saluons. Chaque fois qu'il y en a une, on la salue. Dans les discours sur
le budget, on le dit et on le répète. Mais cette grande
mobilisation, quand est-ce qu'elle va venir? Et je m'explique un peu.
On parle de la compétitivité des entreprises
québécoises qui fabriquent des biens, qui donnent des services,
et de tous les problèmes de cette mondialisation de l'économie,
de cette concurrence acharnée et effrénée qui nous tombe
dessus. On sait qu'il faut réexaminer, mais vraiment tout le
fonctionnement de l'économie québécoise. Dans les
entreprises, c'est la qualité des équipements, la qualité
des ressources humaines, les procédés, la formation
professionnelle, l'organisation du travail. Mais il y a eu une ouverture
là-dessus qui est sûrement nulle autre comparable au Canada. Le
premier ministre - vous en avez parlé, M. le ministre des Finances - le
premier ministre, partout, fait état de cette volonté au
Québec des acteurs du secteur privé à l'égard de la
concertation. Mais il fait état de ce phénomène-là
qui est assez unique et qui - soit dit en passant, c'est peut-être un
autre débat, et je pense que Lorraine en a fait état; il ne
faudrait pas, là-dessus, qu'on exagère trop, trop, parce que ce
n'est pas encore descendu dans tous les milieux de travail, loin de là;
il y a un immense effort à faire. Et c'est tout ça qu'il faut
faire ensemble, cette mobilisation, comme ça s'est fait dans certains
pays, puis il faut que ça se fasse au Québec.
Idéalement, on a tous, mais absolument tous les
ingrédients. Tout le monde le dit, à moins qu'il y ait un tas de
gens qui se trompent à gauche et à droite: Actualiser nos
politiques, faire en sorte que, par des interventions - on revient toujours
à cette commission sur la fiscalité... qu'il y ait des
retombées dans tous les milieux. Il y a - je ne sais pas, moi - des
aspects positifs sur le plan pédagogique que d'expliquer tout ça,
mais pas dans quelques heures, pas dans quelques mots, pas dans quelques
semaines non plus. Écoutez, dans quelques semaines, ça fait tour
de passe-passe un peu, pour être bien franc, à moins que vous
n'ayez voulu préparer et conditionner les mentalités. Bien,
pourquoi pas? Les gouvernements, ce n'est pas innocent trop, trop. Conditionner
les mentalités, préparer les gens et faire en sorte qu'à
un moment donné les élections viendront... Bon, je ne dis pas que
vous l'espérez ou qu'on l'espère, peu importe. Il y en a
peut-être qui sont plus désireux, d'un certain côté,
que ça vienne plus rapidement, mais peu importe.
C'est ça qu'on ne peut pas comprendre dans l'exercice auquel vous
nous invitez. Tous les problèmes, M. Léonard - il ne faut pas
dire les noms ici - M. le député en a parlé:
fiscalité, emploi, ces taxes à la consommation dont on nous a
vanté toutes les vertus à un moment donné, la TPS et la
TVQ. Bon, ça, ça devait régler tous les problèmes
du monde. On en connaît les conséquences et on sait ce qui en
découle. Alors, c'est un peu tout ça. Si vous nous demandez: Dans
le concret, qu'est-ce qu'on peut faire? Bon.
Une voix:...
M. Daoust: Bien, on est dans le concret aussi. Mais on en a, des
solutions, on en a, des idées, et on aurait voulu en discuter
longuement. On ne peut pas arriver ici avec une liste, je ne dirais pas
d'épicerie - je n'aime pas le mot parce qu'on l'emploie à
d'autres fins de temps à autre. Mais ce qu'on veut dire, c'est que tout
le Québec attend cette mobilisation. Les volontés sont
prêtes. Il suffit qu'à un moment donné le gouvernement
appuie toutes les initiatives. Dieu sait qu'il y en a, des initiatives! Le
Forum pour l'emploi qui sera ici dans quelques heures, ça en est une des
plus belles initiatives sans la présence et sans l'appui des
gouvernements.
Mme Pagé: Une suggestion, peut-être?
Le Président (M. Lemieux): Oui, rapidement. M. le
député de Verdun, vous avez terminé.
Mme Pagé: M Gautrin.
Le Président (M. Lemieux): Allez-y, madame.
Mme Pagé: Pour répondre à M. Gautrin, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
Mme Pagé: M. Gautrin a fait une analyse qui nous montre
des causes du chômage conjoncturel, la récession, le chômage
structurel, avec la globalisation des marchés, l'économie, le
libre-échange, ainsi de suite. Il y a un élément qui est
très important, c'est au niveau de la formation professionnelle. Je
pense qu'il y a un groupe dans la société qui ne fait pas sa part
en formation professionnelle, et ça s'appelle les entreprises. Elles ne
font pas leur part. Et le temps n'est plus à l'incitation polie; le
temps est à la demande impérative.
On ne peut pas demander de la main-d'oeuvre bien qualifiée avec
les coûts que ça suppose en immobilisations dans nos institutions
d'enseignement pour donner cette formation et continuer à être
à la queue en termes d'investissements dans la formation professionnelle
de sa main-d'oeuvre. Ce n'est pas possible. Et une des façons pour le
gouvernement d'aller plus loin
dans la recherche de solutions à la crise de l'emploi, c'est
vraiment de s'engager et d'engager les entreprises dans un mode de financement
de la formation professionnelle qui les amènera à faire leur
part, leur juste part, comme ça se fait dans les autres pays
industrialisés. Ce n'est pas vrai qu'on peut demander à
l'État, aux contribuables de financer la formation professionnelle pour
en profiter après comme entreprise, sans faire sa part. Et elles ne le
font pas. Je pense que le gouvernement doit résolument siffler la fin de
la récréation là-dessus et passer à une autre
étape. C'est une suggestion concrète.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
député de Montmorency, pour la fin de la séance.
M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais aussi me
joindre à mes collègues pour souhaiter la bienvenue aux
représentants du monde syndical, mais aussi pour les remercier, les
remercier parce que, si on est ici aujourd'hui, c'est un peu grâce a eux
qui, par leurs pressions, la sensibilisation de l'opinion publique, depuis
maintenant un an, ont réussi, tant bien que mal, à convaincre le
gouvernement de s'asseoir et d'écouter. Je partage également leur
frustration, entre guillemets, de ne pas avoir eu vraiment une commission
d'enquête sur la fiscalité où on aurait débattu en
profondeur les malaises de notre société.
M. le Président, j'aimerais, moi aussi, déposer un
tableau. Parce que, depuis tout à l'heure, j'écoute; on parle de
fiscalité et on s'échange des mots; on semble vouloir dire qu'il
n'y a pas de «régressivité». Mais j'aimerais
déposer un tableau très simple des taux d'imposition, pour qu'on
puisse le distribuer, pour qu'on puisse le distribuer à
l'Assemblée, et expliquer sommairement, vraiment, l'a b c de la
régression et de la «régressivité» au niveau
des taux d'imposition, et qu'on arrête de colporter de fausses images
où, actuellement, on semble vouloir dire que de la
«régressivité», il n'y en a pas. M. le
Président, de la «régressivité», il y en a
énormément.
J'écoutais le ministre des Finances tout à l'heure nous
dire: Vous devriez nous féliciter d'avoir soutenu la famille, d'avoir
considéré les indexations au coût de la vie, d'avoir
exempté les besoins essentiels de la taxation au niveau de l'impôt
sur le revenu. M. le Président, j'aimerais apporter un rectificatif
important. Ce n'est pas le ministre des Finances qui a fait ça, M. le
Président. Toute cette mécanique-là découle d'une
étude qui, d'ailleurs, à mon point de vue à moi, est la
seule qui existe vraiment d'une réflexion sur la fiscalité, le
livre blanc sur la fiscalité.
Le livre blanc sur la fiscalité émane du Parti
québécois dans les années 1983. M. Duhaime avait à
l'époque, en 1985, fait son budget, inspiré des principes de ne
pas taxer des besoins essentiels, c'est-à-dire de ne pas taxer les gens
avant qu'ils aient atteint un certain niveau de vie pour satisfaire leurs
besoins essentiels. Et c'est à partir de cette réflexion qui est
apparue en 1985, qui a été, par la suite, bien sûr,
échelonnée sur plusieurs années, qui était
déjà prévue à cette époque, qu'on a
continué l'application des crédits d'impôt et
d'exonérer les gens au niveau de leurs besoins essentiels. Alors,
ça n'appartient pas vraiment au gouvernement libéral, cette
réflexion fiscale. Elle appartient au gouvernement
précédent. Premièrement. (16 h 50)
Deuxièmement, dès qu'on a déposé... En 1985,
on avait déposé, bien sûr, les tables d'impôt qui
émanaient toujours de la réflexion du livre blanc sur la
fiscalité. Le seul geste qu'a posé le premier ministre, ça
a été de devancer l'application des taux d'impôt; il s'est
empêché de ramener d'une année la réduction
d'impôt des mieux nantis. Et quand vous regardez ce petit tableau qui a
l'air anodin, vous comprendrez rapidement, lorsqu'on a un taux maximum marginal
d'impôt de 33 % en 1985 et que vous le ramenez à 24 % à
partir de 1988, les gens comprendront qu'il y a une réduction assez
importante des taux applicables aux mieux nantis de notre
société. Neuf points d'écart, c'est quand même
majeur.
Et je veux attirer votre attention, parce que le tableau est quand
même intéressant. En 1985, le taux marginal d'impôt
était de 24 %. 24 %, ça s'appliquait à qui? À des
travailleurs dont le revenu imposable était de 15 000 $.
Une voix: Célibataires.
M. Filion: Écoutez, ne mélangez pas les cartes. On
parle des taux d'impôt.
Une voix: On parle de cas de célibataires... M. Filion:
Vous mélangez les cartes.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, la parole est à M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Alors, le principe de base... On parle des taux
d'impôt, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Ça va.
M. Filion: Ils devraient comprendre ça, les gens d'en
face. Les taux d'impôt, c'est simple...
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Filion: ...ça s'applique à tout le monde.
À tout le monde.
Alors, M. le Président, je reprends. Une
personne, qu'elle soit mariée, célibataire, qui a un
revenu imposable de 15 000 $ a un taux applicable, cette personne-là, de
24 %, 15 000 $ en 1985. Aujourd'hui, ce taux de 24 % s'applique à des
gens qui ont un revenu de 50 000 $ et plus. Et plus. Ce qui veut dire qu'on
peut gagner 1 000 000 $ et on paie 24 % d'impôt de taux marginal. Alors,
comme changement de base de taxation, c'est majeur. C'est majeur.
Quand on parle d'un enfant, deux enfants, trois enfants, l'indexation,
la mécanique, c'est la même. Si, moi, je gagne 100 000 $ et j'ai
deux enfants, mon taux d'imposition, je le suis en fonction d'une
mécanique de base. Que j'aie un salaire de 30 000 $, que j'aie un
salaire de 40 000 $ ou de 100 000 $, mon taux d'imposition ne change pas. Les
calculs d'exonération des besoins essentiels de vie, oui, ça va,
mais pas sur la base de taxation qui est ce qu'on appelle une politique fiscale
d'assujettissement. Alors, à ce niveau-là, il est très
clair, M. le Président, qu'on a changé les tables d'impôt
et on a appliqué une «régressivité» un peu
même phénoménale. Alors, qu'on arrête de dire qu'on
parle d'exemption et qu'on mélange les gens; les taux d'exemption ont
été tout simplement réduits de façon magistrale, de
neuf points.
M. le Président, à cela il faut ajouter également
tout le phénomène de réduction d'impôt pour les
mieux nantis, que ce soit par l'exonération de gains en capital.
J'écoutais le ministre des Finances tout à l'heure nous dire:
Aïe! on s'est battu sur ça. Bien oui, on s'est battu. On ne la
voulait pas, mais, bon, on a dû, effectivement, se rendre à
l'évidence que l'harmonisation, c'était mieux que de taxer
davantage les gens les mieux nantis à cause de leur mobilité.
Mais c'est un faux débat parce que, dans leur document, dans leur propre
document, le taux de mobilité depuis 1983... depuis 1985 n'a pas
changé. Même si vous avez réduit vos taux d'imposition,
ça n'a strictement pas changé. Il n'y a pas d'autres personnes
qui sont venues se joindre à l'assiette fiscale
québécoise; 18 % en 1985 à 18,3 % ou 18,9 %, je pense, en
1990. Alors, ce débat-là, à toutes fins pratiques, il est
faux et il est même confirmé dans le document que vous avez devant
vous ici, «Vivre selon nos moyens».
Alors, M. le Président, ajoutez à ça... Et si le
ministre des Finances avait fait la réflexion suivante, parce que, s'il
reculait au niveau de la taxation... Vous savez, il y avait des droits
successoraux jusqu'à 1985. Des droits successoraux, au Québec, il
y en avait. Ils ont été abolis. Les droits successoraux avaient
été mis en place parce qu'à un moment donné, avant
1971, on ne taxait pas le gain en capital. Alors, les droits successoraux
venaient taxer la richesse à un décès. Et on demandait au
gouvernement d'éliminer les droits successoraux parce qu'on avait mis en
place, en 1971, un mécanisme de taxation du gain en capital. Mais,
à partir du moment où vous mettez en place des
exonérations aussi importantes que 100 000 $ et 400 000 $, vous auriez
pu réfléchir à la possibilité de revenir pour
mettre en application une taxe sur la richesse. Parce que, si vous
exonérez le gain en capital, on revient comme avant 1971,
c'est-à-dire, on ne taxe pas le capital; alors, on va taxer la richesse.
Mais cette réflexion-là n'a pas été faite, cette
réflexion-là n'a pas été amenée pour fins de
discussion.
Et là, on est en train de vouloir essayer d'expliquer à ce
gouvernement l'importance d'étudier en profondeur notre
fiscalité, et on ose nous dire que les taux ne sont pas
régressifs et que les mieux nantis n'ont pas récolté
davantage depuis 1985. Et je partage effectivement ce que le mémoire des
trois centrales syndicales présente, quand elles disent qu'on a atteint
un taux de «régressivité» qui occasionne
l'érosion économique qu'on connaît, que les gens se sentent
injustement traités, que les gens se sentent surtaxés depuis
trois, quatre ou cinq ans au niveau de la consommation, au niveau des taux
régressifs, et que ces gens-là cherchent des moyens
d'évasion. On sait qu'on a augmenté de 52 % les taxes sur le
tabac depuis 1988-1989. Ça nous donne quoi comme résultat?
Actuellement, on rentre moins d'argent pour le tabac. En 1988-1989, avec un
taux de 4,52 $, on rentrait 554 000 000 $ dans les coffres de l'État. On
augmente ce taux de 52 %, pour le porter à 6,88 $, et on nous
confirmait, justement hier, qu'on va rentrer moins d'argent qu'en 1988-1989
dans les coffres de l'État; on va rentrer 478 000 000 $.
Alors, tout le phénomène de la surtaxation crée
actuellement un manque à gagner dans les coffres de l'État qui se
traduit par des sommes faramineuses. Et quand on nous dit maintenant qu'on n'a
plus les moyens, c'est qu'on ne veut plus prendre les moyens d'aller chercher
ces impôts-là parce qu'on applique des politiques de gestion
à la petite semaine: Coupons dans les dépenses, laissons aller
l'érosion économique, laissons aller le marché au noir,
perdons 460 000 000 $ au niveau de l'impôt des sociétés, et
on y va pour le meilleur des mondes.
Alors, je pense qu'effectivement vous avez entièrement raison
quand vous dites que le débat actuellement qui se déroule
à l'Assemblée nationale aurait dû être un
débat, d'abord et avant tout, d'examen en profondeur de nos politiques
fiscales qui, à mon avis, ont fait fausse route, ont été
appliquées sans vraiment réfléchir aux retombées ou
aux conséquences, et, maintenant, on en porte le fardeau. Mais qu'on
arrête autour de cette table, s'il vous plaît, de dire...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency, en conclusion, s'il vous plaît.
M. Filion: ...qu'on a des taux d'imposition, M. le
Président, qui ne sont pas régressifs. On a
simplement réduit de neuf points le taux de taxation marginal
maximum de 1985 à 1988. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Montmorency.
M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Juste quelques mots
pour féliciter les représentants des centrales syndicales pour
leur présentation.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que les témoins
auraient peut-être des commentaires à faire suite aux propos du
député de Montmorency? Non? Ça va.
Alors, M. le député de La Prairie.
M. Chagnon:...
M. Sanschagrin: j'aimerais bien vous céder la parole, m.
le député de saint-louis, mais l'enveloppe de temps du parti
ministériel est...
M. Lazure: Vous avez épuisé votre temps. Le
Président (M. Lemieux): ...vide.
M. Lazure: Donc, M. le Président, je félicitais les
porte-parole des centrales syndicales pour leur excellente présentation.
Je dois dire que j'ai vu avec plaisir qu'on avait inclus aussi le
développement viable dans la série de cinq secteurs qu'on devrait
discuter autour d'une table, la table de la famille Québec, pour
s'entendre sur un projet de solidarité sociale. Je pense que les groupes
environnementaux vont noter avec beaucoup de plaisir que les centrales
syndicales, comme de ce côté-ci de la table, ont compris qu'il
faut mettre fin à cette soi-disant rivalité, développement
économique/développement durable. Je pense qu'il faut, une fois
pour toutes, qu'on comprenne que les deux sont indissociables.
La deuxième remarque a trait à votre recommandation no 5,
où vous demandez au gouvernement du Québec de renoncer à
mettre en oeuvre lors du prochain budget des mesures de tarification des
services publics ou des programmes sociaux à rencontre de la
gratuité, de l'accessibilité et de l'universalité.
M. le Président, je pense qu'on n'a justement pas les moyens de
s'en aller vers un système qui serait moitié public,
moitié privé. Et lorsqu'on se met à établir des
tickets modérateurs, des tarifications, on s'achemine
inévitablement vers ce régime un peu mixte, un peu bâtard,
comme celui qu'on connaît aux États-Unis, où les
Américains dépensent actuellement 14 % du PIB pour leur
système de santé alors qu'on ne dépense ici que 10 %ou11
%.
M. le Président, je voudrais demander aux représentants
des centrales s'ils ont eu une réponse satisfaisante de la part des
ministres autour de la table à cette demande no 5. (17 heures)
Le Président (M. Lemieux): La parole est... Alors,
Mme...
Mme Pagé: On n'a eu aucune réponse satisfaisante
à aucune des recommandations qu'on a faites. Dans biens des cas, on n'a
pas eu de réponse du tout. Alors...
M. Lazure: Moi, je pense que c'est justement parce que nous
n'avons pas les moyens d'aller vers 14 % comme coût d'un système
de santé qu'on doit rester avec un système sans ticket
modérateur et sans tarification.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de La Prairie. Non, il vous reste quelques minutes si vous
avez...
Oui, M. le député de Labelle.
M. Léonard: Je voudrais simplement mentionner que le
ministre des Finances n'a pas répondu à une des questions de M.
Gérald Larose, tout à l'heure, à l'effet que les tableaux
qui étaient dans le document, en ce qui concerne la capitalisation du
déficit des caisses de retraite, n'étaient pas comparables entre
l'Ontario, le Québec et les autres provinces. Est-ce que quelqu'un
peut...
M. Johnson: Oui, M. le Président. Ma réponse
à cette question spécifique... On m'indique que seul le Manitoba
est sur la base du «pay as you go». La plupart des provinces
canadiennes, depuis 1978-1979 dans notre cas, 1980 pour la plupart des autres
provinces, capitalisent leurs obligations au titre de leur régime de
retraite sans capitaliser pour autant, évidemment, et sans avoir
réduit pour autant le déficit actuariel que tout le monde
traîne et qui n'apparaît nulle part. Alors, la base est comparable,
sauf pour le Manitoba.
M. Léonard: Totalement? Il capitalise totalement?
M. Johnson: C'est ce qu'on nous indique. C'est ce qu'on m'a
indiqué, vérification faite.
M. Larose: II va falloir que vous «checkiez» la CARRA
parce que ce n'est pas les informations qu'elle nous donne. L'ensemble des
provinces fonctionnent comme le fédéral. Le
fédéral, c'est «pay as you go». Dans le débat
référendaire, quand on disait que le fédéral avait
accumulé 465 000 000 000 $ de dettes, on disait: C'est hormis la dette
qui vient du fonds de pension des salariés de l'État; ça
les porte à 500 000 000 000 $. Tout le monde fonctionne sur le
modèle fédéral. Alors, vérifiez la CARRA.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle, vous pouvez continuer.
M. Léonard: Oui. Je voudrais revenir...
M. Johnson: C'est vrai pour le déficit actuariel, mais ce
n'est pas vrai pour la façon dont on rencontre les obligations
courantes.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Labelle?
M. Léonard: Je voudrais revenir avec une question.
L'Accord de libre-échange a été signé,
élargi au Mexique. Une des grandes discussions ou une des grandes
conséquences de cela, c'est l'impact de nos systèmes de
fiscalité sur notre potentiel de concurrence... notre capacité de
concurrence. Est-ce que vous prenez l'Accord de libre-échange comme
étant un acquis et quelles sont les conclusions que vous tirez? Parce
qu'à l'origine je me rappelle très bien qu'il y avait au moins
des réticences, pour ne pas dire une opposition, chez vous, au
libre-échange. Par rapport au système fiscal présentement,
quelles conclusions tirez-vous? Ce n'est pas indifférent qu'on
procède par l'impôt sur le revenu, par la taxation, autrement.
M. Larose: II est clair qu'une ouverture des marchés sans
filet ou sans mécanisme ou charte de normes minimales, ça tire
par le bas l'ensemble de notre système de protection sociale. C'est
évident. On le voit même... D'ailleurs, des fois, ça
s'échappe. Le monde dit: C'est de même que ça marche, aux
États. L'assurance-chômage, c'est de même que ça
marche, aux États; l'assistance sociale, c'est de même que
ça marche, aux États. On entend même des organisations
patronales nous dire: Le système de santé, eh bien, ça ne
marche pas de même, aux États.
M. Léonard: Mais qu'est-ce que vous proposez pour qu'on
résiste à cela?
M. Larose: Nous, ce qu'on a toujours proposé - et
là, on va blâmer formellement le gouvernement - on a voulu au
moins profiter de l'élection de Bill Clinton qui, lui-même, a
émis des réserves quant au traité de libre-échange
et voulait en réviser des bouts. On disait: M. Bourassa et M. Mulroney
devraient rentrer dans la brèche pour négocier une charte des
normes minimales, pour s'assurer que les retombées de l'ouverture du
marché se traduisent d'abord en relèvement des droits
démocratiques et des droits syndicaux et des droits de toutes sortes,
notamment pour les Mexicains et les Mexicaines, mais surtout pour s'organiser
pour relever les conditions salariales et les conditions de travail, dis-je
bien, notamment au Mexique. Mais rien de cela n'est fait. C'est clair que
l'ouverture pratiquée, tel que c'est pratiqué, ça met une
pression énorme sur l'ensemble de notre filet. Il va falloir
réviser ça parce que, je vais vous dire, les gens, ils sont
encore patients, mais... Je ne sais pas si vous avez observé, mais, dans
la population, le monde, il commence à voir venir des affaires.
Là, il voit venir l'assurance-chôma-ge, il voit venir les choses
sur la santé, sur les services sociaux. À un moment donné,
ce qui est un tableau et qu'on a traduit en pancartes, ça va devenir des
banderoles dans des manifestations et, là, on gérera le
problème autrement.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de
votre participation à cette commission parlementaire sur les finances
publiques.
Nous allons suspendre deux minutes pour permettre aux prochains groupes,
soit le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec et le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux, de bien vouloir prendre place
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h. 11)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. La
durée totale des auditions est répartie de la façon
suivante: une heure, soit 20 minutes pour l'exposé de votre
mémoire et 40 minutes pour les échanges avec les parlementaires,
dont 20 minutes avec le groupe parlementaire formant le gouvernement et 20
minutes pour l'Opposition.
Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier et
d'identifier la personne qui aura à présenter le mémoire,
s'il vous plaît?
Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec (SFPQ) et
Syndicat des professionnelles et
professionnels du gouvernement
du Québec (SPGQ)
M. Giroux (Daniel): Bien, M. le Président. Alors,
j'aimerais vous présenter...
Le Président (M. Lemieux): Pardon. Voulez-vous fermer les
portes, s'il vous plaît, en arrière? Je m'excuse. Ça
va.
M. Giroux: J'aimerais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent: M. Jean-Louis Harguîndeguy, président du Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec, Mme Danielle-Maude Gosselin,
secrétaire générale du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec; à ma droite, M. Léo Pelletier,
trésorier du Syndicat des professionnels du gouvernement, et
moi-même, Daniel Giroux, du Syndicat des professionnels du gouvernement.
Notre présentation sera
faite conjointement par Danielle-Maude Gosselin et moi. En vous
remerciant d'abord, MM. les ministres, M. le Président, Mmes et MM. les
députés, de nous recevoir.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et le
Syndicat des professionnels représentent quelque 85 % des
employés syndiqués de la fonction publique
québécoise. Permettez-nous, en premier lieu, de vous souligner
que nous nous sentons à l'étroit dans la démarche de
consultation gouvernementale. Nous aurions préféré une
commission d'enquête qui prenne quelques mois pour fouiller toutes les
questions fort complexes qui sont en débat. Des consensus sociaux
auraient pu plus facilement en être.
Deuxièmement, le document gouvernemental est tombé sur nos
tables il y a deux semaines à peine, le jour même de la date
limite pour déposer notre mémoire, si bien que nous. avons
distribué tout à l'heure un addendum à notre
mémoire, un ajout, un complément qui réagit au document
livré par le gouvernement le 19 janvier.
Troisièmement, l'énoncé ministériel nous dit
que le problème appelle des solutions draconiennes, mais que la
fiscalité ne doit pas être touchée, et ce, pour des motifs
de compétitivité, motifs qui, quant à nous, ne doivent pas
devenir le seul référant de notre politique fiscale, sinon,
à terme, nous ne pourrons être une société
différente de celle des Américains ou des Onta-riens qui nous
entourent.
Nous espérons que cet exercice démocratique ne sera pas
vain et qu'il sera plutôt l'amorce de discussions sur les services
publics et leur financement.
Sur le fond, maintenant. L'ampleur du problème d'équilibre
budgétaire décrit dans le document mérite, de la part du
gouvernement, de plus amples explications, car nos chiffres ne concordent pas
avec ceux avancés. Sur la base des hypothèses du document, que
nous ne contestons pas, d'ailleurs, et qui expliquent que les revenus autonomes
sans modification fiscale augmentent normalement dans la même proportion
que le PIB et, sur la base des données de la synthèse des
opérations au 31 décembre 1992 rendue publique hier, il nous
semble que la base de revenus pour l'année 1993-1994 et les
années subséquentes devrait être levée de 1 000 000
000 $. On prévoit, en effet, une hausse du PIB de 5,3 %, et la hausse de
revenus préparée par le gouvernement est de 1,9 %, toujours sur
la base des opérations au 31 décembre 1992.
Au chapitre des dépenses, on applique un taux de croissance de
3,1 % au-delà de l'inflation, qui est le taux que nous avons
réussi à rencontrer en 1992-1993 avant les compressions et les
éléments conjoncturels, mais en maintenant dans les calculs des
dépenses de 1 700 000 000 $ de l'année actuelle qui sont
attribuables à la conjoncture économique. Or, ces dépenses
de sécurité du revenu, d'augmentation à l'éducation
devraient décroître d'ici les prochaines années, avec la
reprise, et non pas être prises pour acquises et être
indexées. Si donc, comme nous le croyons, les revenus sont
sous-évalués et les dépenses surévaluées,
les déficits devraient être moins grands et, là-dessus,
nous voulons vous entendre. Mais nous convenons que, même avec cela, tout
n'est pas résolu, mais l'ampleur du problème serait bien
différente. Nous n'acceptons pas, par ailleurs, que vous disiez à
la population qu'elle devra payer elle-même pour certains services
essentiels en plus de ses impôts et, à vos salariés, que
nous devrons revoir à la baisse nos conditions de travail, tout en
préservant les avantages fiscaux pour certaines couches plus
aisées de la société.
La fiscalité devrait être modifiée, et à
trois titres: l'impôt sur le revenu des entreprises, le taux marginal
pour les personnes gagnant plus de 60 000 $ et l'exemption sur les gains en
capital.
Votre document compare les taux d'Impôt des entreprises
américaines avec les nôtres, mais oublie qu'aux États-Unis,
faute de régime universel de santé, les entreprises
américaines doivent payer pour des assurances privées qui
pourvoient aux mêmes besoins pour leurs salariés qui, nous, aussi,
sont assumées par le régime public.
En 1987, ce coût supplémentaire pour les entreprises
américaines était évalué entre 6 % et 9 % de leur
masse salariale. Par rapport à l'Ontario, nos entreprises ne paient
plus, depuis juillet 1992, de taxes de vente sur leurs achats, une mesure de
850 000 000 $, bonne, nous en convenons, mais qui devrait être
compensée par un relèvement de l'impôt sur le revenu sans
détruire notre avantage comparatif. Quant aux particuliers, il est
inéquitable que les personnes gagnant 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000 $ ne
paient que 1 % de plus sur le revenu excédant 50 000 $. La
compétitivité avec l'Ontario est importante à cet
égard, plus, même, qu'avec les États-Unis, nous
l'admettons, car, par rapport aux Américains, nous avons d'autres
avantages de société à offrir.
Nous devrions quand même relever les taux applicables aux revenus
de plus de 60 000 $ au moins jusqu'à 27 % et, pour contrer l'argument de
la compétitivité avec l'Ontario, nous pourrions le faire en
concertation avec le gouvernement ontarien, comme nous le faisons pour le
salaire minimum. On devrait d'ailleurs procéder de la même
manière avec notre voisin ontarien pour abolir l'exclusion à vie
sur les gains en capital de moins de 100 000 $, mesure qui, en 1990, a
coûté 273 000 000 $, et cela en pure perte, car la mesure n'a
aucun effet bénéfique sur l'investissement et l'économie.
Donc, aux arguments de compétitivité, nous disons qu'il y en a
d'autres et, pour les contrer, nous pourrions faire front avec le gouvernement
ontarien. Mais il y a aussi d'autres mesures qui pourraient être prises
avant
d'envisager de diminuer les services publics ou de faire payer davantage
les gens ordinaires pour les obtenir. Ma collègue, Danielle-Maude
Gos-selin, va vous en faire part maintenant.
Mme Gosselin (Danielle-Maude): J'aimerais d'abord rappeler ici de
qui on parle, lorsqu'on se lance des chiffres. On parle des citoyennes et des
citoyens du Québec. On parle de femmes monoparentales à 30 000 $
par année. Si on tarife, par exemple, les services de santé,
l'ensemble des revenus de ces personnes, passant déjà au complet
dans de la consommation, qu'en sera-t-il? J'aimerais qu'on n'oublie jamais ces
situations. On parle de familles avec des revenus moyens de 45 000 $ à
50 000 $ dont les enfants ne sont pas admissibles aux prêts et bourses.
Si on augmente les frais de scolarité, qu'en sera-t-il? Quels seront les
coûts sociaux que nous aurons à payer? Nous croyons qu'avant de
penser à de telles mesures, le gouvernement devrait d'abord s'attaquer
au problème fondamental qui est celui de l'emploi.
Qu'avons-nous vu? Le gouvernement a tendance à réduire ses
responsabilités dans le champ économique. Il a même
abdiqué ses responsabilités à cet égard face au
pouvoir central fédéral. Il a réduit progressivement son
engagement et ses responsabilités comme dispensateur des services
publics. Il a aussi réduit volontairement les sources de son financement
en réduisant les impôts des hauts revenus et en augmentant ses
dépenses fiscales, notamment par le déplafonnement des REER.
Est-ce crédible, en termes de fonctionnement? Nous croyons, entre autres
choses, que les dépenses sociales doivent être
considérées non pas comme de l'épicerie, mais comme de
l'investissement, et de l'investissement durable. Quel sera le coût
à payer pour notre société si des gens, faute de revenus,
n'ont pas accès aux services de santé ou aux services
d'éducation? C'est évident que le gouvernement doit tendre vers
un équilibre budgétaire public sur une longue période,
mais il ne doit pas négliger pour cela les dépenses
nécessaires pour assumer le mieux-être de sa population et sa
compétitivité économique plus tard. (17 h 20)
Est-ce que les décisions que nous avions prises globalement dans
les années soixante, soit de nous doter de systèmes accessibles
à tous, doivent être revues à cause de problèmes
économiques qui, si ce n'était du problème de l'emploi
qu'on vit, ne seraient pas si grands? Ne risque-t-on pas, au contraire - on
parle d'équité «intergénérationnelle» -
que ça coûte beaucoup plus cher à nos enfants, faute de
formation et faute de services adéquats? Nous n'avons aucune objection.
Bien au contraire, nous sommes tout à fait prêts à
questionner les services publics, à revoir leur utilité, à
essayer d'augmenter leur efficacité, à abolir ceux qui ne
seraient plus nécessaires. Cependant, ceci doit se faire de façon
concertée. Les dédoublements entre le fédéral et le
provincial, entre les municipalités et le provincial, entre les
sociétés d'État de services publics et le gouvernement
provincial doivent être également questionnés. La
sous-traitance, le gouvernement a tendance à y recourir comme
étant une panacée à tous les maux. Il oublie cependant
souvent la dégradation des services qui sont donnés et, par
exemple, les dépassements de coûts quasi systémiques que
ça peut entraîner. Le ministère des Transports en est une
preuve vivante.
Nos services publics doivent également être garants du
bien-être de la population. Je pense qu'il y a un consensus autour de
ça dans la population du Québec. Les gens ne veulent pas
d'augmentation de la bureaucratie, nous sommes on ne peut plus d'accord, mais
rejettent, du même coup, les politiques néo-libérales et
s'opposent à tout désengagement. On se doit de créer un
environnement et des conditions favorables à la stimulation et au
soutien des initiatives de la base, de favoriser également l'autonomie
et la prise en charge. Qu'en sera-t-il avec les mesures telles que
proposées?
Nous croyons à la compétitivité, bien sûr, et
nous ne pouvons pas passer à côté, mais à
l'équité également. Dans le contexte d'un
développement viable et équitable, que doit-on faire? Est-ce
qu'on peut m'expliquer, même selon les chiffres du gouvernement, que des
gens dont les revenus sont actuellement de 35 000 $ à 50 000 $ paient 27
% des impôts alors qu'ils génèrent 22 % du revenu? Qu'ils
en paient plus, c'est normal; il y a des gens qui n'en paient pas, ayant des
revenus encore plus faibles. Mais comment expliquer alors que les gens dont les
revenus sont de 75 000 $ à 100 000 $, dans leur cas, reçoivent 4
% des rovonus, mais no paient que 6 % des impôts, un écart
uniquement de 2 %? Est-ce ça, l'équité, dans notre
système fiscal au Québec?
Nous devons aussi revoir l'ensemble de nos décisions de
façon à nous assurer qu'elles soient équitables. Nous
devons également garantir une équité horizontale, quelle
que soit la source de provenance des revenus. Pourquoi des revenus de
dividendes de 20 000 $ ne sont-ils pas imposés de la même
façon que des revenus de 20 000 $ d'emploi? L'équilibre entre la
fiscalité des particuliers et des entreprises pose problème. Il y
a plusieurs interprétations: le fardeau des entreprises est trop
élevé, il est compétitif et doit le rester ou elles ne
paient pas leur juste part. Mais dans le mesure où ça ne fait pas
consensus, nous croyons qu'on doit questionner plus à fond sur ces
sujets. Par exemple, le crédit d'impôt sur dividendes
instauré pour favoriser l'investissement et, également, dans le
sens de dire que les entreprises paient déjà des impôts au
niveau des corporations. Cependant, les corporations, malgré le fait
qu'elles paient de l'impôt, lorsqu'on voit les mesures de
dépenses
consacrées à ces entreprises, ça revient un peu
à dire que ça s'équivaut alors que les personnes qui
reçoivent des dividendes ont des revenus les plus élevés.
Pourquoi ne pas les imposer comme le reste? On doit donc revoir les mesures de
taxation.
L'équité horizontale doit aussi s'établir pour les
familles, qu'elles soient monoparentales ou biparentales. Même s'il y a
eu certaines mesures de prises, si on arrive avec des questions de
tarification, l'ensemble des mesures dont on parlait tout à l'heure,
leur effet sera aboli. Le gouvernement a choisi d'éparpiller ses sources
de revenus: TVQ, tarifications diverses, pelletage aux municipalités.
Bien sûr que c'est plus difficile de s'y retrouver, en ce sens que:
Où en sommes-nous? Comment peut-on faire exactement le coût de ce
que nous coûtent également les services et l'État?
Cependant, tout ceci doit être revu de façon à ce que ce
soit plus facile à comprendre et plus clair. Il faut prendre conscience
et mesurer également l'impact régressif de la croissance
démesurée des impôts indirects, des taxes et des
services.
La hausse des tarifs d'électricité d'Hydro-Québec
de façon à ce qu'Hydro verse des dividendes à
l'État a comme conséquence - parce que c'est aussi taxable - que
c'est une des mesures les plus régressives. Le transfert de
responsabilités aux municipalités - les gens devront le payer par
leur impôt foncier - c'est aussi une mesure profondément
régressive. Quant à l'équité de notre
système fiscal global, nous devons questionner l'impact de la
diversification des sources de revenus fiscaux, notamment l'impact de
l'augmentation de la part relative des taxes à la consommation et des
taxes indirectes.
Nous devons également cesser l'érosion des revenus. Qu'en
est-il, qu'en connaissons-nous, des dépenses fiscales? Le document
déposé ne nous permet pas ou peu de prendre connaissance vraiment
du portrait des dépenses fiscales du gouvernement. Là-dessus
aussi, on doit aussi se questionner. Nous pourrons nous prononcer plus
clairement là-dessus lorsque nous aurons un portrait aussi clair des
dépenses fiscales de l'État que des dépenses
engendrées pour l'aide sociale.
De plus, nous réitérons que le Québec doit se doter
d'un outil qui permettra, comme pour les autres dépenses, de
connaître l'ampleur et révolution des dépenses fiscales,
d'effectuer une évaluation serrée des bénéfices
collectifs de tels crédits d'impôt. Plusieurs dépenses
fiscales ont aussi été introduites pour favoriser
l'investissement ou l'épargne, des plafonnements de REER qui profitent,
entre autres, aux gens ou aux revenus ou dispenses fiscales consenties aux
entreprises. Avons-nous toujours les moyens de nous payer de telles
dépenses fiscales? Nous aimerions aussi avoir une réponse.
Pour ce qui est de l'emploi, l'État, quant à nous, doit
reprendre absolument son rôle de régulateur, son rôle de
leadership dans l'emploi. Le marché ne peut régler seul les
problèmes d'emploi. La preuve la plus évidente, c'est que,
malgré la croissance économique importante que le Québec a
connue du milieu des années quatre-vingt aux années
quatre-vingt-dix, le taux de chômage est demeuré très
élevé. Même si une reprise semble s'amorcer - enfin, nous
l'espérons - l'arrivée de nouvelles personnes sur le
marché du travail ne nous permettra pas de réduire rapidement le
taux de chômage.
Donc, l'État doit reprendre en main son rôle de leadership.
Le gouvernement doit aussi s'assurer que soit obligatoirement faite une analyse
de toute nouvelle politique ou mesure en termes de leur impact sur l'emploi. Si
nous ne pouvons pas solutionner rapidement nos problèmes d'emploi, nos
problèmes de déficit resteront les mêmes. Nous devons voir
à favoriser également un développement régional
autonome et durable. Le gouvernement devrait accélérer ses
dépenses d'équipement - je termine - collectif de façon
à relancer l'emploi.
En conclusion, nous répétons que nous aurions
souhaité une vaste commission d'enquête publique. Ce que nous
avons eu, c'est une commission parlementaire. C'est pourquoi nous pensons que
ça ne réglera pas les questions de fond et que le débat
devra nécessairement se poursuivre. En ce sens-là, une
véritable consultation publique doit porter sur les objectifs que nous
voulons atteindre comme société et sur toutes les orientations
que cela suppose. Nous avons exprimé les nôtres Ici: un
développement viable et équitable, et, en ce
sens-là...
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.
Je me permets de saluer d'une façon toute particulière,
évidemment, les gens qui viennent nous rencontrer maintenant. J'aime
dire que ce sont mes employés, leurs représentants, qui viennent,
à ce moment-ci, faire valoir leur point de vue. Les fonctionnaires, les
professionnels du gouvernement sont, en effet, ceux qu'on appelle la fonction
publique, les fonctionnaires, au sens strict du terme. Beaucoup de gens
confondent les notions et parlent souvent des fonctionnaires comme s'il y en
avait 400 000. Il n'y en a pas tant que ça, et on retrouve
essentiellement leurs représentants, ici, aujourd'hui. Donc, les
employés des ministères et organismes nommés et
rémunérés en vertu de la Loi sur la fonction publique. (17
h 30)
Ce qu'il y a de plus frustrant dans ce débat, évidemment,
c'est qu'on est tous conviés à réfléchir sur le
développement économique du Québec, dans le fond, la
création d'emplois, la solution de problèmes réels de
nature sociale
tout autant qu'économique que cause ou bien la conjoncture ou la
structure même de notre économie. Mais ce qui est frustrant, c'est
qu'on nous demande d'agir tout de suite alors qu'on sait pertinemment que ce
sont les conditions de la structure de l'économie qui auront, à
long terme, si on prend les bonnes décisions aujourd'hui, un effet
bénéfique. C'est difficile de ne pas tenir deux discours,
là, je comprends, mais il faut faire attention, lorsqu'on fait un appel
du pied extrêmement pressant au gouvernement, de bien savoir qu'il y a
des choses qu'on peut faire tout de suite, mais il faut se garder une marge de
manoeuvre pour en faire le plus longtemps possible.
Et c'est ce que nous avons comme difficulté. Nous avons un
problème immédiat qu'on doit régler. On doit prendre des
décisions tout de suite, mais les effets au-delà, je dirais, des
équilibres financiers pour 1993-1994, les effets des bonnes
décisions vont se faire sentir pour une longue période de temps,
et un redressement durable ne peut passer que par un redressement graduel. Il
faut donc avoir patience et longueur de temps dans cet exercice-là et
faire attention de ne pas partir après des faux problèmes. Et des
faux problèmes, il en a encore été soulevé,
malheureusement, quand, par exemple, dans les amendements, vous avez
amené à votre mémoire le fait qu'il y aurait dans la base
budgétaire 1 714 000 000 $ de dépenses. Là, il faudrait
soustraire de la base parce qu'on est en train de tricher, entre guillemets,
sur le niveau des dépenses.
Écoutez, si on trichait... Si on avait surestimé le niveau
des dépenses, selon vous, et si on avait sous-estimé les revenus,
donc que le déficit, en fait, entre nous, là, in petto,
était, nous en serions convaincus, beaucoup plus bas que ce qu'on
divulgue, je vous promets, je vous jure, je vous certifie qu'on ne serait pas
ici en train de parler de ça. On serait en train de prendre des
décisions beaucoup plus faciles pour un gouvernement et tous nos
concitoyens si la situation financière était aussi
éclatante que vous semblez le soupçonner. Ce n'est pas le
cas.
Les prévisions de dépenses que nous avons divulgées
tiennent compte du fait que la conjoncture étant plus favorable
n'amènerait pas ce 1 714 000 000 $. Je répète et redis
jusqu'à plus soif que le problème, c'est que nous avons
observé de longue date une croissance naturelle, si on ne fait rien, des
grands postes de dépenses qui est de plus de 3 % au-dessus de l'indice
des prix à la consommation d'une année à l'autre. Et ce
que nous tentons de faire par des compressions, ou lorsque la conjoncture va
bien par des bonnes nouvelles, c'est de réduire ce taux-là. Et
c'est sur ce taux qu'il faut travailler.
Deuxièmement, du côté des revenus, encore une fois,
on n'a pas sous-estimé de quelque façon que ce soit. On a
indiqué ce matin, on a déposé un tableau - vous
n'étiez pas des nôtres, alors, ça se comprend - qui
explique comment on peut avoir une croissance des revenus autonomes de 2,2 %
alors qu'on prévoit une augmentation du produit intérieur brut de
4,6 %. La raison est qu'en 1992-1993, à ce moment-ci, il y a des sources
de revenu qui ne reviendront pas l'an prochain, par exemple, à
l'égard des effets des mesures fiscales de 1992-1993 ou la
récurrence de celles de 1991-1992 et ça, ça apparaît
dans les différents discours sur le budget. Il y en a, à ce seul
titre-là, pour un peu plus de 400 000 000 $.
Deuxièmement, la diminution des taux d'intérêt fait
en sorte que les gens qui déclareront des revenus d'intérêt
déclareront moins de revenus parce qu'ils auront moins
d'intérêt en raison du taux qui fléchit. Ça,
ça représente 300 000 000 $ en revenus fiscaux, là. Il y a
des revenus d'intérêt qu'on ne pourra pas taxer parce qu'ils
n'existeront pas. Il y en a pour 300 000 000 $. Ça va vite. Et ensuite,
évidemment, la croissance des salaires et traitements est
inférieure à celle du PIB, et ça, ça
représente 200 000 000 $, là aussi. On redresse donc les chiffres
de 905 000 000 $ et ça nous donne des revenus autonomes corrigés,
comme je viens de l'expliquer, de 5,4 % en hausse, par rapport à
l'année précédente, alors que le PIB va augmenter de 4,6
%. Vous me permettrez de constater, donc, que les revenus autonomes,
naturellement, croissent plus vite que d'habitude, comme ça devrait
être le cas - on taxe l'inflation, en réalité - que la
progression du produit intérieur brut.
À l'égard de la tarification, il faudrait s'en passer,
dites-vous. J'aimerais pouvoir m'en passer, mais la leçon qu'on peut
tirer des endroits où on a inséré un financement
très partiel des services publics par voie de tarification, c'est que
les gens modifient leur comportement. Je donne l'exemple du 2 $ sur les
médicaments pour les personnes de 65 ans et plus. On peut en parler,
ça existe; on ne fera pas semblant que ça n'existe pas. On a
même dit publiquement qu'il y en aurait et on l'a fait. Alors qu'une
personne âgée, par exemple, utilisait toutes les semaines le
pilulier hebdomadaire, allant donc chercher une ordonnance toutes les semaines,
le pharmacien la complétait toutes les semaines. Il y a un tarif
spécial pour remplir le petit pilulier avec les 28 petits carreaux
dedans toutes les semaines. Les personnes de 65 ans et plus sont capables,
évidemment, et elles le font, de gérer elles-mêmes leur
consommation pendant un mois. Alors, là, le pharmacien n'a plus un
honoraire hebdomadaire, il en a un mensuel. Est-ce qu'on peut penser qu'on a
sauvé un peu d'argent là? La même chose est vraie du
côté de l'ordonnance. On peut voir des personnes qui sont capables
de gérer et ont constaté qu'elles pouvaient gérer leur
consommation de médicaments, et ça coûte 2 $, en fait, par
mois pour des médicaments qui en valent, en moyenne, huit
à dix fois plus.
Alors, on est loin de ce que le député de La Prairie
disait tout à l'heure: un système privé-public,
moitié-moitié. La tarification représente 8 % de nos
revenus; les autres 92 %, c'est encore dans le secteur public, c'est des
impôts, des taxes de toute nature. Alors, ce n'est pas
moitié-moitié là, c'est 8-92. Est-ce qu'on peut penser que
c'est un système largement public qu'on a au point de vue des services
publics? C'est loin, loin, loin d'être un système mixte et
d'être un système moitié-moitié.
Le même genre de raisonnement arithmétique nous a
été servi par le député de Montmorency. Là,
j'étais un peu plus inquiet parce qu'il se targue, évidemment,
d'avoir pratiqué et connu ces choses-là. J'ai peur qu'il ait
converti des gens qui sont venus nous parler. La progressivité,
ça signifie que plus on gagne d'argent plus on paie de l'impôt
pour le dernier dollar de revenu gagné. C'est exactement ça qu'on
a; on a une courbe progressive d'impôt.
Aller prétendre que, parce que pour certaines classes on a
diminué le taux, c'est régressif, c'est oublier deux choses
fondamentales. Il faut parler des choses comme elles sont et comme elles
existent dans le monde, disons sur la planète Terre. Ce qui arrive,
c'est qu'on doit tenir compte des niveaux d'exemption et des seuils
d'imposition nuls. Les personnes qui, aujourd'hui, ne paient pas d'impôt
jusqu'à 26 000 $ en payaient autrefois à partir de 10 000 $. Je
veux faire remarquer au député que de 10 000 $ à 26 000 $,
c'est 0 % le taux marginal, le taux global et le taux moyen de ces
gens-là; à partir de plus de 50 000 $, 60 000 $, c'est 24 %.
Est-ce qu'on peut penser que de 0 % à 24 % c'est progressif? On a
réussi à réduire ça pour tout le monde. On a
réduit les impôts pour tout le monde. La courbe des impôts
sur le revenu des particuliers a fléchi, et tout le monde a
gagné.
Et je comprends que c'est difficile de discuter de ces choses-là,
il y a beaucoup de mécanique là-dedans, mais quand il y a des
gens comme le député de Montmorency qui viennent lancer des
pavés dans la mare, qui font des vagues de cette nature-là... Je
comprends que des gens viennent dire comme tout à l'heure: Le
crédit d'impôt pour les frais de garde d'enfants devrait
être transformé, cette déduction-là, en
crédit d'impôt non remboursable de 20 %. Malheureusement,
ça pénalise d'à peu près 500 $ une famille
monoparentale qui gagne 30 000 $. C'est le genre de choses auxquelles on a eu
droit.
Les dépenses fiscales ne sont pas si énormes que
ça. Par ailleurs, elles nous ont permis - le ministre des Finances l'a
expliqué tout à l'heure - de pouvoir, dans certains cas, faire en
sorte... Et il y a des gens partout en Amérique du Nord et en Europe qui
le disent: Installez-vous au Québec pour faire de la recherche et du
développement. Ça, moi. je l'ai entendu, je l'ai lu, je l'ai vu
à la télévision. Des Japonais, des Coréens, des
Italiens, des Allemands, des Américains le disent et vendent le
Québec comme site d'implantation d'activités de recherche et de
développement; ça me paraît extrêmement important.
C'est le genre de choses qu'on a faites.
On a des choix qu'on a faits. Ce n'est pas parfait, on est ici pour en
discuter. Ce que je demande en terminant, lorsque je regarde le fardeau fiscal
et le fardeau des dépenses publiques, je vais vous demander la
même question qu'aux autres interlocuteurs: Etes-vous disposés
à reconduire l'entièreté de nos programmes de
dépenses publiques, vous rendant compte qu'ils évoluent à
une vitesse «grand V» considérable, le tout sans augmenter
un fardeau fiscal que les gens dénoncent aujourd'hui?
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le
président du Conseil du trésor? Est-ce que vous avez des
commentaires?
Mme Gosselin: En ce sens que lorsqu'on parle, par exemple, de
services de santé ou de services d'éducation, qui ne sont pas
gratuits puisque nous les payons tous et toutes, à partir du moment
où on les tarife, c'est une augmentation. On va aller les chercher dans
les poches des gens, il va falloir qu'ils les paient, et nous pensons que c'est
une mesure qui est nécessairement régressive et
inéquitable parce que, sous prétexte de dire que c'est les gens
qui en ont besoin qui les utilisent... Tout le monde, un jour ou l'autre, aura
besoin des services de santé et tous ou toutes bénéficient
des services d'éducation; en ce sens-là, c'est de dire: li est
préférable que l'État joue un rôle de
régulateur et de stabilisateur dans ces domaines-là. (17 h
40)
Si on parle d'un ticket modérateur pour réduire les
services, M. le ministre a dit lui-même, M. le Président, que
c'était au niveau non pas de la surconsommation des médicaments
pour les personnes âgées, ça a limité les frais pour
les professionnels de la santé dans ce domaine-là, les
pharmacies. Avant d'augmenter les tarifs, ne faudrait-il pas se questionner
plutôt sur comment les services de santé sont dispensés par
les autres professionnels de la santé? Là, on a fait un
débat uniquement sur les coûts; on ne fait pas un débat
plus large. Si on parie des frais de garde, le livre blanc semble ouvrir une
porte à l'effet que l'on finance plutôt les parents que les
services de garde. Ne va-t-on pas comme ça augmenter et favoriser le
travail au noir et diminuer les revenus de l'État? Autre question qui se
pose.
Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors,
je vais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue et vous
remercier de contribuer par votre réflexion à nos travaux.
Je redisais ce matin, comme d'autres collègues ici autour de la
table, que nous étions aussi très déçus du fait que
le gouvernement n'ait pas compris l'ampleur de la demande qui avait
été présentée par les représentantes et
représentants des travailleuses et des travailleurs en ce qui a trait
à une commission qui allait porter sur la fiscalité. Nous
partageons donc avec vous cette déception.
Je suis persuadée, d'ailleurs, que même des
collègues des trois ministres ici présents à la commission
sont aussi déçus, puisque vous vous souviendrez sans doute, parce
que ça vous concernait, qu'il y avait eu dépôt d'un rapport
d'un comité de travail sur la rationalisation des dépenses dans
la fonction publique, présidé d'ailleurs par M. Poulin, qui avait
recommandé de confier à une commission parlementaire
itinérante le mandat de se pencher sur la fiscalité
québécoise.
D'abord, c'était une commission parlementaire itinérante,
et on constate que nous siégerons ici jusqu'à la fin de nos
travaux. C'était très largement ouvert, cette demande que les
propres collègues ministériels faisaient: lutter contre toute
forme d'évasion fiscale, regarder l'établissement d'un revenu
minimal garanti, etc., etc. Donc, ça rejoignait les
préoccupations que vous nous présentez aujourd'hui. Alors, je
comprends un peu mal et difficilement que le gouvernement n'ait pas
été attentif aux demandes que vous présentiez, mais que
ses propres collègues leur présentaient.
Cela étant dit, dans vos recommandations, dans votre
mémoire principal - et je suis consciente que vous n'aviez pas toutes
les données auxquelles faisait référence le ministre,
mais, de toute façon, cette recommandation-là ne les concerne pas
- vous parlez du développement régional autonome et durable.
C'est la recommandation 5.6, à la page 39 de votre mémoire. Vous
dites: «Toutes les interventions en matière d'emplois devront
viser à responsabiliser davantage les régions du Québec et
à favoriser un développement régional autonome et
durable».
D'abord, un, ce que je trouve intéressant, c'est qu'aussi dans
votre document, comme on le retrouve dans un certain nombre d'autres
mémoires, ceux de vos collègues qui vous ont
précédés à cette table et d'autres à venir,
comment on identifie fort bien la source majeure du problème qui est le
sous-emploi chronique auquel on est confrontés et vous identifiez
évidemment un certain nombre de pistes de solutions. Identifier le
problème, je le disais ce matin, c'est déjà trouver une
partie de la solution. Alors, j'espère que le gouvernement sera sensible
aux points de vue qui s'expriment à cet égard.
Maintenant, de votre côté, quand vous dites
«favoriser un développement régional autonome et
durable», est-ce que vous seriez d'accord que soit adoptée une
perspective de décentralisation de la distribution de services? Parce
que je sais qu'il y en a un débat dans vos centrales. C'est un des
éléments d'abord d'une politique d'emploi que de rapprocher le
niveau de l'action du niveau de décision, et on dit aussi qu'il y a, par
ce rapprochement au niveau local ou régional, souvent des
économies parce que les gens travaillant ensemble dans des petites
unités moins grosses peuvent vivre des améliorations
d'efficacité et de productivité.
Alors, je voudrais avoir votre point de vue à cet égard,
compte tenu de la recommandation que vous faites ici.
M. Giroux: Je pense que nos organisations sont en faveur d'une
décentralisation et d'une régionalisation, une prise en main par
les régions de leur développement, donc, davantage de pouvoirs
vers les régions et aussi des services, ceux qui doivent être
proches des citoyens et des citoyennes sur le territoire, évidemment,
décentralisé.
Alors, il y a eu beaucoup de progrès à cet
égard-là depuis une décennie, mais il nous semble qu'il
devrait encore y avoir des efforts qui soient mis. Quant à nous, quand
des changements se produisent et viennent quand même bouleverser nos
organisations et les gens qui y travaillent, nous mettons tous les efforts
possibles pour que ce soit quand même facilité et pour que le
service soit donné tout en maintenant un minimum de
sécurité pour nos gens.
Les initiatives de développement, de plus en plus, vont orlglner
des gens dans leur propre milieu. C'est avec ces personnes-là qu'il nous
faut construire, et améliorer la compréhension des dynamiques
régionales, ça ne peut faire qu'améliorer l'ensemble du
Québec.
Mme Gosselin: J'aimerais ajouter que nous sommes,
particulièrement les deux syndicats ici représentés,
d'abord et avant tout au service des citoyennes et des citoyens du
Québec, beaucoup plus qu'au service des politiciens et des
politiciennes, et que notre rôle est de leur rendre ces services. Si la
décentralisation est nécessaire - et, dans certains cas, c'est un
fait - nous croyons que cela doit se faire, mais cela doit se faire sous forme
de politique concertée, sans effets pervers, et cela doit se faire aussi
dans un but réel de développement et pas sous prétexte de
développer mais, en même temps, de pelleter ses
responsabilités aux municipalités. Je pense, par exemple, au
transfert de coûts des services policiers ou au transfert de l'entretien
du réseau routier aux municipalités qui, sous le couvert de la
décentralisation, va amener une inéquité en termes
d'accès au transport et au fonctionnement des citoyens et des
citoyennes.
Mme Marois: Je pense que c'est Intéressant
Je sais que c'est un débat qui a cours chez vous et il y a eu,
parfois, des discussions pas nécessairement faciles. Je trouve ça
intéressant que vous en soyez là dans votre réflexion.
Une autre question, pour ma part, M. le Président. À la
page 21 de votre document principal, vous mentionnez «des services
publics efficaces». Évidemment, ça concerne votre
activité quotidienne. Vous dites que, comme société, nous
devons nous donner «les moyens d'évaluer efficacement et
régulièrement les programmes, services ou activités
gouvernementales, de transformer des programmes qui pourraient être
désuets en regard de l'évolution des besoins, de rechercher
constamment les modes d'organisation de ces services les plus efficaces, ni
même la nécessité de contribuer à débusquer
des dépenses inutiles.»
Là, vous donnez un certain nombre d'exemples, mais j'aimerais que
vous élaboriez un petit peu sur ça. Jusqu'où
êtes-vous prêts à aller dans ces avenues-là avec vos
membres? C'est à la page 21 de votre document. C'est amusant parce que
Mme Maude Gosselin et mol, on participait, avec notre collègue de
Verdun, à un échange, vendredi dernier, dans le cadre de ce
débat-ci et on se disait que oui, il y avait matière à
amélioration et qu'à cet égard, il y avait une
volonté, de la part de tous les partenaires, de trouver ces
avenues-là d'amélioration. Alors, j'aimerais ça que vous
élaboriez un peu sur cet aspect-là.
M. Giroux: II y a sûrement certaines avenues
d'amélioration sur lesquelles nous sommes davantage en mesure, avec nos
membres, d'être créatifs et d'intervenir; c'est l'ensemble des
éléments qui concernent la façon dont on donne les
services parce que l'évaluation des programmes versus les besoins,
évidemment, ce n'est pas à nous, comme employés de
l'État, à faire des choix, c'est à ceux qui gouvernent; on
en est bien conscients. Mais sur la manière de distribuer, de donner les
services, sur l'organisation du travail, oui, il y a des choses
différentes qui peuvent être faites. Nous sommes prêts
à y concourir avec toutes nos énergies possibles, et je pense que
nos gens sont prêts aussi à le faire, à les assumer,
à supporter ces changements qu'ils devront vivre eux-mêmes, dans
la mesure où ils sentent bien qu'il y a un objectif au bout qui n'est
pas d'atteindre un objectif politique quelconque, mais bien de dire: Oui, nous
allons faire des efforts pour améliorer la qualité du service aux
citoyennes et citoyens.
Mme Marois: Est-ce que vous avez l'impression qu'on vous offre
les outils et la possibilité de le faire dans le système
actuel?
M. Giroux: Très timidement; très timidement.
Mme Gosselin: Très peu.
Mme Marois: Je vous remercie. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Taillon. L'alternance. Il vous reste du temps? O.K.,
allez-y, M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Ah bien, écoutez, ça enchaîne un
peu sur l'intervention de ma collègue de Taillon. J'ai entendu le
président du Conseil du trésor, tantôt, faire la remarque
suivante: Ce sont «mes» employés! Bon! C'est vrai, vous
êtes «ses» employés...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
La Prairie, brièvement...
M. Lazure: Oui, brièvement, d'accord. (17 h 50)
Le Président (M. Lemieux): ...parce que je dois faire
respecter la règle de l'alternance.
M. Lazure: Je voulais simplement rappeler au président du
Conseil du trésor que le rapport unanime de la commission du budget et
de l'administration, qui a été rendu public il y a plus de deux
ans maintenant, communément appelé rapport Lemieux-Lazure,
demandait dans une de ses 46 recommandations qu'il y ait un ministre
délégué à la fonction publique et aux services aux
citoyens de manière à ce que le ministre président du
Conseil du trésor, qui est surtout préoccupé des
ressources financières, soit remplacé par un ministre, lui,
principalement préoccupé par les ressources humaines de son
ministère et les services à la clientèle.
Deuxième remarque, M. le Président, le président du
Conseil du trésor disait tantôt: Oui, les 2 $ ont changé le
comportement quant aux médicaments. Je vais me contenter, M. le
Président, de lui citer un paragraphe d'un document qu'il connaît.
Ça s'appelle «Un financement équitable à la mesure
de nos moyens.» Toujours l'expression «à la mesure de nos
moyens», mais celui-là, c'est son collègue de la
santé qui l'a publié il y a un peu plus d'un an. Et voici ce
qu'il dit au sujet de la tarification, du ticket modérateur: «Une
contribution modeste - parce qu'il s'agit d'une contribution modeste selon le
président du Conseil du trésor, et là-dessus on est
d'accord, les 2 $ - des usagers entraînerait une réduction de la
consommation des services qui, de l'avis du ministère, ne serait
probablement pas très importante ni durable pour les principales raisons
suivantes». Et je l'engage à suivre cette enumeration de raisons
et consulter le document de son collègue de la santé.
Et si la contribution, d'autre part, est importante, et non plus modeste
cette fois-ci, si le tarif est important, à ce moment-là le
même document nous dit que c'est à éviter parce que
ça devient une taxe à la maladie. Et, M. le Président, je
pense que la tarification, qui est une des pierres angulaires des solutions
propo-
sees par le gouvernement, de même que la désas-surance de
services qui est déjà commencée par les services
optométriques et par les services dentaires, ces mesures-là
finissent par coûter à l'ensemble de la collectivité
québécoise plus cher que ce que ça nous coûte
actuellement.
M. le Président, moi, je constate avec plaisir, surtout à
la page 13 et suivantes, que les représentants qui sont devant nous, les
fonctionnaires aussi bien que les professionnels semblent être du
même avis, et je voulais simplement leur donner la chance de
renchérir ou de donner plus de détails sur leur opposition au
bris à l'universalité ou aux brèches à
l'universalité.
M. Giroux: Essentiellement, c'est un peu toute la dynamique.
L'universalité, c'est davantage pour les gens qui souffriraient
financièrement d'incidences, par rapport à leur santé ou
autrement, de faits qu'ils ne contrôlent pas. Et c'est essentiellement
pour ces personnes-là, ce n'est pas pour les gens à hauts
revenus. Les gens a hauts revenus pourraient passer à travers beaucoup
plus facilement.
Si, maintenant, on impose à ces personnes de payer, en plus de
leurs impôts, pour avoir droit à ces services - parce qu'ils
n'auront pas de diminution d'impôts pour le faire - on pense que c'est la
pire avenue pour permettre à ces gens-là d'avoir une
qualité de vie qui soit correcte. Ce serait une diminution quant
à leur qualité de vie. Il y a d'autres avenues, nous semble-t-il,
plus profitables. Il y a des gens, on l'a souligné, on en a parlé
tout à l'heure... Même si M. Johnson dit qu'il existe une certaine
progressivité, bien sûr, qu'il y en a une, mais pourquoi
au-delà de 50 000 $ il n'y en a plus? Pourquoi? Pour éviter que
des gens qui gagnent plus de 50 000 $ aient la tentation d'aller en Ontario, on
dit: Faites-le en concertation avec l'Ontario. Ça a marché sur le
salaire minimum. Pourquoi ça ne fonctionnerait pas à cet
égard-là? Pourquoi ne pas le faire aussi pour les
déductions sur gains de capital de 100 000 $? C'est des mesures qui ne
donnent rien mais qui coûtent très cher. Avec ça, on est
bon pour trouver un bon 500 000 000 $ déjà dans la cagnotte.
C'est énorme, 500 000 000 $ récurrents, année après
année.
Mme Gosselin: J'ajouterais là-dessus... Le
Président (M. Lemieux): Oui.
Mme Gosselin: ...que, en termes de santé, on peut
difficilement faire quelque chose de plus essentiel. Si ce n'est pas
l'État qui l'assume, les gens devront l'assumer de leur poche.
Je pense que nous l'avons dit plusieurs fois dans le mémoire.
À ce compte-là, quand on parle des services qu'on a les moyens de
se payer, a-t-on les moyens d'être malade? On devra les payer, et
l'idée que ce soit assumé par l'État, c'est simplement un
rôle de redistributeur et de s'assurer que l'ensemble des personnes a
accès et est traité de façon équitable. Ça
ne changera rien au coût qu'on en paie une partie ou que ce soit
l'État qui le paie globalement. De toute façon, on n'a
qu'à voir les coûts du système de santé aux
États-Unis, un système de santé privé ne
coûte pas moins cher.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Peut-être,
brièvement, M. le député de Verdun.
M. Gautrin: Je voudrais continuer avec vous sur la question de la
tarification.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, j'aurais peut-être une petite question à poser
brièvement.
M. Gautrin: Vous avez une petite question? Allez-y, cher ami!
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor, allez-y. Vous avez une petite question?
M. Johnson: Ma question, c'était de savoir combien de
temps le député de Verdun me laisserait, M. le Président.
Non, c'était simplement parce que je voulais dire que je trouvais
ça admirable, évidemment, de la part de nos représentants
les professionnels, notamment, de venir plaider - je présume qu'ils ont
un mandat de leurs membres - pour qu'on taxe leurs membres davantage. C'est
ça qui va arriver. Les dépenses fiscales dont on parle, qu'il
s'agisse des 100 000 $ pour les exemptions de gains de capital, ce n'est pas
les riches qui vont en bénéficier - pour eux autres, c'est parti
ça fait longtemps, l'exemption - c'est des gens dans les classes de
revenus des professionnels du gouvernement du Québec. C'est la
même chose pour un tas d'abris, soi-disant des abris fiscaux qui sont des
dépenses fiscales qu'on a décidé de se donner. Alors, je
trouve ça admirable. Je trouve ça admirable que vous ayez le
mandat, au nom de vos membres, de venir nous demander qu'on les taxe
davantage.
Ceci étant dit, trêve de facéties, vous connaissez
la collaboration qu'on pourrait avoir, justement, dans les dimensions
d'organisation du travail, de redéfinition des services pour en assurer
une prestation de qualité, à un niveau et à un volume
nécessaire pour rencontrer les besoins. C'est ça, les efforts de
productivité dont vous parliez. Je trouve ça extrêmement
intéressant et je me permets de souligner, en rapport avec ce que le
député de La Prairie disait, il m'apparaît que - et ce
n'est pas dans l'airain -si c'est le même ministre qui s'occupe des
ressources du gouvernement, qu'elles soient humaines, matérielles et que
la jonction se fasse
entre les deux, pour que ce soit efficace, la prestation des services
publics, ça a un impact sur le régime de négociations,
l'organisation du travail, la façon dont on gère notre personnel
et, évidemment, le coût que ça représente. Alors,
vous me permettrez de prétendre que ce n'est pas un mauvais
système d'avoir le même ministère ou le même ministre
qui est responsable de l'ensemble de la gestion, de l'utilisation, de
l'optimatisation, donc, des ressources que nos concitoyens mettent à
leur propre disposition.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Moi, j'aurais une petite question, mais je la poserai à la toute
fin. Allez-y, M. le député de Verdun, si vous me laissez 15
secondes.
M. Gautrin: Brièvement, chers amis, vous semblez
opposés à toute tarification dans les services publics. Votre
argument contre la tarification, c'est de dire que les gens n'auraient pas le
moyen de bénéficier des services. Comment réagiriez-vous
si on avait une tarification progressive, c'est-à-dire en fonction, de
la capacité de payer de l'individu? Autrement dit, par exemple, comment
réagiriez-vous si certaines formes de tarification pour les soins de
santé étaient liées par le biais de la fiscalité,
au lieu de la déclaration d'impôt, par exemple, aux revenus de
l'individu? Ce qui maintiendrait le principe fondamental qui est celui de
l'accessibilité aux services et qui permettrait, en fonction de la
capacité de payer de l'individu, de pouvoir contribuer un peu aux
services qu'il reçoit de l'État.
Mme Gosselin: Je répondrais là-dessus, d'abord:
Où est-ce qu'elle est, la capacité? Je vais prendre l'exemple que
je prenais au tout début. Une personne, chef de famille monoparentale,
avec deux enfants, qui gagne entre 25 000 $ et 30 000 $ par année.
L'ensemble de ses revenus aujourd'hui, une fois ses impôts payés -
et il semble que les impôts ne diminueraient pas - est strictement
consommé.
M. Gautrin: vous ne comprenez pas ma question. excusez-moi, je
vous arrête tout de suite parce que vous ne comprenez pas ma
question.
Mme Gosselin: J'ai tout à fait compris. M. Gautrin:
Vous répondez à côté, là.
Mme Gosselin: Pas du tout. Laissez-moi terminer, monsieur, s'il
vous plaît. Je vous ai écouté, alors, je vous demanderais
d'écouter également.
M. Gautrin: Non, non, mais écoutez, là...
Le Président (M. Lemieux): Veuillez vous adresser au
président, s'il vous plaît. Il est 18 heures, s'il vous
plaît, M. le député de Verdun. Allez-y, madame.
Mme Gosselin: Oui, M. le Président. Ce que vous
proposez, M. Gautrin, c'est que, par exemple, on ajoute les soins de
santé, en termes de tarif, au bout de l'année, qu'elle puisse en
payer une partie. Mais, moi, ce que je soutiens, ce que nous soutenons,
dépendant des revenus, mais pour beaucoup de gens de revenus modestes,
qui sont les revenus types au Québec...
M. Gautrin: Ils seraient exemptés!
Mme Gosselin: Non, parce qu'actuellement vous parlez des faibles
revenus.
M. Gautrin: Ils seraient exemptés, dans ce que je vous ai
suggéré.
Mme Gosselin: De la façon dont vous procédez, ce
n'est pas sûr, parce que ce serait progressif. Actuellement, ces
gens-là paient déjà, en proportion, plus d'impôts
que des gens qui ont des revenus plus élevés. Alors, si vous
l'appliquez également sur les revenus, si on ne revolt pas globalement
l'Imposition, ça ne changera rien. Ça va déjà
être trop élevé pour ces personnes-là. (18
heures)
M. Gautrin: Je répète, madame, ma question qui est
la suivante: Comment réagissez-vous au fait que ce soit les gens qui ont
des revenus plus élevés qui ont une certaine forme de
tarification et que les gens qui ont des revenus faibles, comme vous l'avez dit
tout à l'heure, ne soient pas amenés à contribuer par voie
de tarification? Alors, on est d'accord avec vous. Les gens, dans l'exemple que
vous m'avez dit, nous ne leur demandons rien. Ce n'est pas ça que je
cherche, c'est les revenus élevés.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, oui, M.
Giroux.
M. Giroux: L'équation que vous faite, c'est celle de
l'effort financier par le biais d'un impôt et de la consommation...
M. Gautrin: C'est ça.
M. Giroux: ...alors que la vraie équation à faire,
à notre sens, c'est effort financier - dans votre esprit - versus
qualité de la santé. Quelqu'un qui aurait un enfant plus malade
qu'un autre, lui-même aurait davantage besoin de soins, aurait à
payer plus d'impôt qu'une autre personne. Il me semble que ce n'est pas
le genre de société dans laquelle nous voulons vivre. Je
comprends très bien ce que vous voulez dire. Tant qu'à tarifer,
on peut tenir compte de la capacité de payer, mais au fond, ce que
vous
allez taxer, c'est la qualité de santé des gens.
M. Gautrin: C'est-à-dire qu'on tarifie en fonction de la
capacité de payer des individus.
M. Giroux: Mais plus ils seront malades... Quelqu'un qui ne
serait pas malade aurait moins d'impôt.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Verdun, ça va?
M. Gautrin: Plus ils consomment de biens, plus ils devront
contribuer.
Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le
député de Verdun?
Alors, M. le ministre du Revenu, vous voulez une minute, et, moi, je
veux... Il nous reste deux minutes: une minute, une minute. Ça va.
Allez-y! J'en prends une; vous en prenez une.
M. Savoie: C'est tout simplement pour faire une petite
intervention au sujet des montants d'impôt pour la famille monoparentale,
ce qu'elle paie aujourd'hui vis-à-vis de ce qu'elle payait
auparavant.
Je peux vous dire que les informations que vous avez ne concordent pas
du tout avec les informations que nous avons, et on les croit erronées.
En conséquence, je suis tout à fait disposé à
organiser une rencontre entre des gens de chez nous et vous pour
peut-être présenter les tableaux et vous expliquer comment
ça fonctionne, l'imposition, par exemple, du cas, justement, d'une
mère responsable de deux enfants, qui gagne 30 000 $, sa situation
aujourd'hui vis-à-vis de sa situation auparavant. Effectivement, il y a
une évolution au niveau de la fiscalité, vous allez le constater.
Alors, on peut vous rendre ce service-là avec beaucoup de plaisir.
Mme Gosselin: M. le ministre, ce n'est pas ça que nous
avons mis en cause, nous savons qu'il y a des mesures. Ce que nous disons,
c'est que ce n'est pas suffisant, et de tarifer la santé aurait comme
conséquence, justement, de défaire les mesures qui ont
été mises en place, qui sont à peine suffisantes pour ne
pas dire insuffisantes.
J'aurais aussi une question à poser aux gens qui sont dans cette
assemblée, M. le Président, si vous me le permettez. Nous, on
vous l'a exprimé, nous sommes prêts à faire notre part.
Personnellement, j'ai des revenus qui seraient taxés; je suis
prête à faire ma part. Est-ce que les ministres ici
présents, M. le Président, sont également prêts
à faire la leur?
Le Président (M. Lemieux): Simplement, là-dessus,
une petite question. J'ai pris la peine de lire votre mémoire et je me
suis attardé, moi aussi, comme Mme la députée de Taillon,
à la page 21: «Des services publics à la mesure de nos
aspirations. Des services publics efficaces.» Je ne vous cacherai pas que
j'aurais aimé que ce soit plus élaboré sous cet
aspect-là, parce que si, vous, vous avez comme patrons les citoyens et
les citoyennes du Québec, je peux vous dire une chose: J'ai les
mêmes que vous. Je veux bien que vous le compreniez: J'ai les mêmes
patrons que vous, moi aussi, l'ensemble des citoyens et des citoyennes du
Québec. Ce qui est intéressant pour eux, ce sont les coûts
des services publics.
On a parlé du niveau de taxation, du niveau d'impôt. Il y a
une question que je me pose souvent pour être un ancien fonctionnaire. Je
me pose souvent la question à savoir si la sécurité
d'emploi, justement, n'est pas un frein à la productivité et
à la performance dans la fonction publique. C'est seulement une question
que je vous pose, et je vous laisse là-dessus parce que,
malheureusement, notre enveloppe de temps est terminée. Si vous vouliez
élaborer un petit peu là-dessus, ça m'intéresserait
d'élaborer là-dessus, de vous entendre.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): M. le Président, est-ce
qu'on peut répondre, s'il vous plaît?
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Harguindeguy: Je pense que l'orientation qu'on a mise de
l'avant, on vous l'a déjà soumise lors d'une
précédente comparution devant la commission parlementaire du
budget et de l'administration, il y a presque deux ans, où l'ensemble
des syndicats de la fonction publique faisaient l'évaluation de la
gestion. On a soumis passablement de recommandations qui, malheureusement,
n'ont pas été retenues. On n'a pas refait l'opération
cette fois-ci parce qu'on a suggéré bien des changements, et vous
avez passé complètement à côté de nos
recommandations pour ce qui est de la gestion proprement dite et de
l'efficacité des opérations du gouvernement.
Quant à la question de la sécurité d'emploi, je
pense que c'est se leurrer que de prétendre qu'au gouvernement tous les
employés ou tous les personnels ont la sécurité.
Près de 30 % des effectifs sont occasionnels et, graduellement, de moins
en moins de gens ont la sécurité d'emploi compte tenu, d'abord,
de l'imposition des deux ans, du désengagement du gouvernement qui
transfère de plus en plus vers les municipalités certaines
responsabilités et également vers des sociétés
autonomes, des sociétés de développement de la
main-d'oeuvre, des sociétés d'État de santé dans
lesquelles il n'y a pas de sécurité d'emploi. De prétendre
qu'au gouvernement la productivité est conséquente de la
sécurité d'emploi, je pense que c'est faire une mauvaise
évaluation.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Giroux.
M. Giroux: Oui. Moi, je peux vous dire que les gens, que
quiconque a un emploi, normalement - II y a toujours des exceptions - les gens
veulent être efficaces, productifs, parce que c'est valorisant. Or, de
prétendre que parce que quelqu'un a un emploi et ne peut pas le
perdre...
Le Président (M. Lemieux): J'ai posé la
question...
M. Giroux: Oui, mais il me semble que c'est un faux
problème.
Le Président (M. Lemieux):... mais je ne prétends
rien.
M. Giroux: II me semble que c'est un faux problème. Mon
collègue me faisait remarquer qu'au Japon, dans les entreprises
privées, les gens ont la sécurité d'emploi. Ils sont
là à vie. La productivité des entreprises japonaises
semble assez bonne, il me semble, enfin, dans l'automobile et dans d'autres
secteurs très précis.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: M. le Président, II faudrait revenir
sur ce que disait le président du Conseil du trésor tout à
l'heure quand H disait que la courbe des taux d'impôt est progressive
encore. Elle est progressive encore, mais la différence, c'est qu'en
1985 il y avait 20 points de pourcentage entre le plus bas taux et le plus
élevé, entre 13 % et 33 %, alors que maintenant, il n'y a que 8
points de pourcentage. Et c'est là où la progressivité a
diminué de façon considérable, c'est entre 16 et 20 points
de pourcentage.
Ça, c'est un élément très, très
important, lorsqu'on parle de progressivité, de ne pas juste qualifier
de progressive une courbe d'impôts, mais de regarder de là
où elle part jusque là où elle aboutit. Ça, je
tenais à rectifier...
Une voix:...
M. Léonard: Je comprends.
Deuxièmement, M. le Président, sur la question des
estimés, je pense que le ministre du Revenu n'est pas très
loquace. Il manque de moyens, d'ailleurs, pour l'être; alors, il serait
mieux de garder la paix!
M. le Président, le document qui nous a été remis
en addendum fait des corrections aux revenus et aux dépenses. Le
président du Conseil du trésor a fait quelques remarques sur ce
plan tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez épilo-guer sur
cette question? À mon sens, c'est important.
Vous traitez de certains chiffres là-dedans et vous remettez en
cause des hypothèses.
Encore une fois, je ne dis pas que les économistes du
ministère des Finances ont fait des erreurs d'addition ou de
multiplication, mais je remets quand même en cause les hypothèses
qui les sous-tendent comme je l'ai fait ce matin. Il reste qu'entre le 15 mai
dernier et aujourd'hui il y a quelques différences dans les
prévisions qui demandent explication. Et puis que l'on pose des
questions sur les prévisions qui sont dans les documents à
l'heure actuelle, par rapport à ce que ce sera réellement dans
l'avenir, je crois qu'il y a matière à discussion et j'aimerais
vous entendre.
Le Président (M. Lemieux): M. Giroux
M. Giroux: Oui, bien, enfin, on n'a pas assisté ce matin
aux précisions que M. Johnson a données et qu'il nous a
rappelées tout à l'heure. Alors, je ne reviendrai pas sur la
partie des revenus. Nous, on a fonctionné avec la base de revenus de
l'année 1992-1993, avec une augmentation équivalente au PIB.
M. Johnson dit: II y a des mesures fiscales qui vont moins
rapporter, des changements dans les mesures fiscales, dans les taux
d'intérêt; c'est possible, évidemment. Mais la question
demeure, à mon avis, quant aux dépenses budgétaires. Les 1
700 000 000 $ qui sont attribuables à la conjoncture économique
et sur lesquels on a ajouté 3, 1 % au-delà de l'inflation
annuellement - parce que c'est ce qu'on a fait dans les projections - ça
me semble exagéré.
En 1992-1993, il y a eu une augmentation des dépenses, sans tenir
compte de la conjoncture ni des compressions, de 3, 1 % de plus que
l'inflation. Qu'on retienne ce facteur pour les années
subséquentes, très bien, mais on devrait y soustraire les
dépenses liées à la conjoncture économique,
à la sécurité du revenu, à davantage de
dépenses en éducation et enseignement supérieur, alors
qu'on les a gardées et qu'on les a fait croître de la même
manière, alors qu'elles devraient diminuer au fil des ans et,
peut-être pas l'an prochain totalement, mais dans trois ou quatre ans,
avoir à peu près disparu normalement.
M. Léonard: Dans les derniers discours du budget, on
prenait pour acquis, sans qu'on l'ait jamais prouvé, que les
dépenses en matière de santé augmentaient d'IPC+3 %, mais
ce n'était pas le cas dans les dépenses autres que la
santé. Maintenant, c'est 3, 1 % appliqués à l'ensemble des
dépenses du gouvernement, et je pense que cela mérite
explication, parce que c'est nouveau dans le décor et ce n'est pas
prouvé non plus. (18 h 10)
Le Président (M. Lemieux): II n'y a pas de
commentaires?
M. Giroux: Cela a été quand même le cas en
1992-1993, l'ensemble des dépenses a aug-
mente de 3,1 % de plus que l'inflation. Bon. M. Léonard:
Bien oui, c'est ça.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Montmorency.
M. Filion: Rapidement, M. le Président, avant de terminer
ces échanges, j'aimerais rectifier, effectivement,
l'interprétation du président du Conseil du trésor. Je
sais que ma petite table d'impôt est simple et que les gens peuvent
comprendre ça. Je sais que le président du Conseil du
trésor a de la difficulté à comprendre la
régressivité, mais il y a un autre tableau, ici, justement, dans
l'étude présentée par des gens, ici, qui vous donnent un
tableau. Écoutez, là, ça vient du Conseil canadien de
développement social. C'est de l'information qui vous dit que la
nouvelle taxation où on est actuellement, que vous ayez un conjoint, une
conjointe, deux enfants, etc., démontre de la régressivité
très importante. Si la petite table d'impôt est trop
compliquée pour vous, vous pouvez vous référer à ce
document-là, également, qui va vous permettre de mieux saisir
toute l'ampleur de la régressivité.
Également, M. le Président, où je souscris un peu
à la philosophie de nos personnes, ici, qui s'objectent un peu à
la tarification au niveau de la santé, j'ai l'impression qu'ils ont un
peu raison dans le sens suivant. Dans les années 1970, on
finançait la santé à même les taux d'impôt. Il
y avait un taux d'impôt à part, où on percevait des
impôts à part et des déclarations d'impôt, et on
finançait la santé. On a intégré ce
financement-là à nos tables d'impôt à travers les
années. Alors, les tables d'impôt qu'on paie déjà
prévoient des sommes d'argent pour la santé. Et si, en plus, on
va chercher une tarification, bien, j'ai l'impression qu'on demande à
une population, à des citoyens, de payer en double: ils le paient
déjà a travers leur table d'impôt, ils le paient
déjà à travers leurs taux d'imposition, d'ailleurs, qui
ont été regroupés à travers les années, qui
ont été mis ensemble, qui ont été soudés au
niveau de la table d'impôt. Et là, si on veut y aller vers une
tarification, bien, les gens vont croire qu'effectivement on les surtaxe, on
les taxe en double pour un service qu'ils ont déjà
payé.
C'est comme je le disais un peu, moi aussi, ce matin: Quand vous
êtes rendu à payer des sommes d'impôt aussi
phénoménales qu'on exige actuellement au ministère du
Revenu et que le ministère vous demande un petit 20 $ pour
réviser votre cotisation, c'est comme quelque chose qui est de trop.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Et tout ce phénomène de tarifi- cation
là, M. le Président, c'est ça qui est dangereux. Et je
partage effectivement la philosophie d'être très prudent
parce que les gens, encore une fois, vont avoir l'Impression de payer pour
quelque chose qu'ils ont déjà payé, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Montmorency.
Je remercie les participants à cette commission parlementaire, et
nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir, pour reprendre
avec la Fédération des infirmières et infirmiers du
Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux afin
d'entendre la Fédération des infirmières et infirmiers du
Québec. Je demanderais aux gens de bien vouloir s'identifier pour les
fins de l'enregistrement du Journal des débats et, de plus,
à l'intervenante de bien vouloir nous faire état de son
mémoire pour une durée de 20 minutes. Il y aura, après, un
échange entre les groupes parlementaires pour une durée de 40
minutes: 20 minutes au parti ministériel et 20 minutes au parti de
l'Opposition.
Nous vous écoutons, madame.
Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec (FIIQ)
Mme Lavallée (Diane): J'aimerais saluer ce soir les
membres du gouvernement et ceux de l'Opposition officielle. Avant de commencer,
je vais vous présenter les gens qui sont avec moi, de la
Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.
À la droite, vous avez Marie-Andrée Comtois, qui est
conseillère syndicale; Lina Bonamie, qui est responsable politique
à l'exécutif de la Fédération;
Thérèse Théroux, qui est coordonnatrice à la FIIQ;
et moi, présidente, Diane Lavallée.
Nous vous faisons part ce soir, en fait, de l'état de notre
réflexion sur le développement socio-économique du
Québec, sur les besoins des individus qui y contribuent et, surtout, sur
les principes fondamentaux et les orientations qui doivent prévaloir
à ce développement. Nous réitérons à cet
effet qu'il appartient aux Québécoises et aux
Québécois de même qu'aux représentants du
gouvernement et des élus du Québec d'élaborer ensemble ces
principes.
Au même titre que nos partenaires des organisations syndicales et
populaires que vous avez entendus et que vous entendrez en audien-
ce, nous déplorons le peu de temps planifié pour la
préparation des mémoires requis par cette commission. Nous
déplorons aussi le cadre étroit que le gouvernement a
délibérément fixé à ce débat tant
attendu, soit celui du strict aspect du financement des services publics. Le
gouvernement nous l'a proposé sans égard à des
perspectives claires de développement social et économique, sans
égard aux principes fondamentaux et aux critères qui doivent
prévaloir à l'établissement de la politique fiscale de
l'État, sans égard aux choix qui sous-tendent
l'élaboration ou qui motivent les coupures ou l'abolition de programmes
sociaux ou de modes de financement public et aussi sans égard à
un cadre de partenariat véritable.
La preuve en est qu'à une semaine du début de cette
commission, devançant ce que les représentantes et les
représentants des milliers de Québécoises et de
Québécois avaient à dire, le gouvernement nous
présente une facture d'épicerie assortie de modalités de
paiement qui nous attendent en trois versements au moins puisqu'il mettra
à contribution les travailleuses et les travailleurs de l'État,
les consommatrices et les consommateurs de services et, dans un
troisième temps, les contribuables. Nous tenons à dire notre
désaccord avec le gouvernement sur l'orientation de ce document
intitulé «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos
moyens».
En effet, nous refusons d'entrer dans sa logique en ce qui a trait
à l'analyse qu'il fait des finances publiques, et surtout aux moyens
qu'il semble vouloir mettre de l'avant. En ce sens, une précision
s'impose aussi, dès le départ, quant à notre
présence ici et aux propos que nous désirons tenir. Tout d'abord,
nous ne pensons pas qu'il sera opportun de discuter ici du contenu de la
prochaine négociation ni du mode que les parties utiliseront pour
arriver à conclure une entente négociée. Nous ne
répondrons donc pas aux propositions du gouvernement concernant le gel
pour cinq ans des 20 000 000 000 $ qui défraient actuellement tout ce
qui concerne la rémunération des salariés. Nous ne
réagirons pas non plus aux exemples qu'il donne d'économies
possibles au niveau de la productivité de ses employés. Bien que
nous nous sentions en situation de hold-up - nous l'avons déjà
dit lors d'une rencontre antérieure - nous attendrons la prochaine ronde
de négociations pour négocier la rémunération
globale de nos membres et toutes les autres questions relatives à leurs
conditions de travail. Nous ne nions évidemment pas les
difficultés financières de l'État québécois,
mais nous déplorons l'attitude du gouvernement qui exploite ses
problèmes pour créer une situation de panique.
Nous constatons également que le discours et certaines
décisions gouvernementales attisent au lieu de tempérer la grogne
des payeurs et des payeuses de taxes. Plutôt que de faire appel à
la solidarité sociale et de parler de redistribution des revenus et de
justice sociale, bien, le gouvernement libéral, suivant à la
lettre les prescriptions des théories néo-libérales,
oriente ses choix vers son propre désengagement et tente de
défendre l'État minimal. Pourtant, l'expérience des
dernières années nous a démontré avec assez de
vigueur, selon nous, à ce qu'il nous semble, les méfaits
très scandaleux qu'une telle perception de l'État peut produire
sur le tissu social et économique.
Nous intervenons donc devant cette commission qui s'est
élaborée en vue d'affirmer qu'il nous faut préserver nos
acquis sociaux, qu'il faut trouver aussi les outils plus efficaces pour lutter
contre la pauvreté et pour le développement des stratégies
d'emploi. Nous souhaitons surtout contribuer à démontrer que les
choix du gouvernement doivent être garants de solidarité sociale,
de justice, d'espoir et, surtout, d'avenir. Nous nous arrêterons, pour ce
faire, en cours d'audience, au rôle de l'État, à la lutte
à la pauvreté et au chômage, à la fiscalité
et à son rôle social et aux voies de sortie aptes à rallier
les Québécoises et les Québécois. (20 h 10)
Concernant le rôle de l'État, bien, on considère
qu'il doit jouer un rôle moteur dans le développement social et
économique du Québec. Il lui appartient donc de formuler, avec
les Québécoises et les Québécois, les principes
fondamentaux autour desquels nous faisons consensus. Une fois ce consensus
acquis, il lui appartient de gérer les finances publiques à la
lumière de ces principes. Or, bien que fréquemment
réaffirmés dans des documents gouvernementaux, des principes
fondamentaux tels que le droit à l'éducation, le droit à
la santé, le droit au travail ont fait l'objet de brèches dans
les décisions politiques gouvernementales. Parmi les exemples concrets
et surtout très récents qui font état de brèches
dans ces mêmes principes, bien, la FIIQ a invoqué les effets de la
loi 9, particulièrement l'attribution du ticket modérateur sur
les prescriptions destinées aux personnes âgées,
l'abolition de la gratuité des soins dentaires pour les enfants et
l'abolition des soins optométriques pour les adultes.
Nous évoquons aussi à votre mémoire la
brèche à l'universalité de l'allocation de
maternité, qui n'est plus accessible pour les femmes qui font partie de
familles ayant un revenu familial de 50 000 $ et plus. Enfin, dans le domaine
de la santé, les fermetures de lits, les abolitions de postes,
l'augmentation du fardeau de la tâche et la
«précarisation» sont maintenant monnaie courante. Les
infirmières vivent ces situations et savent que ces mesures influencent
l'accessibilité réelle de la population aux services de
santé. Cela influe également sur l'état de
détérioration souvent plus avancée de la santé de
certains patients lorsqu'ils sont finalement admis en centre hospitalier
après des périodes d'attente
souvent trop longues. Voilà autant d'exemples qui
démontrent que les choix gouvernementaux des dernières
années nous ont éloignés des principes
d'universalité, d'accessibilité et de gratuité des
programmes sociaux ou des mesures sociales que la population entend toujours
voir respecter.
Or, dans un contexte où la pauvreté gagne du terrain, il
faut que le gouvernement puisse répondre aux attentes de la population
québécoise en réaffirmant des principes, selon nous
très clairs, et en élaborant des programmes sociaux aptes
à ne pas les infirmer. C'est pourquoi nous vous présentons les
recommandations suivantes: Que soient réaffirmés les principes
d'universalité, d'accessibilité et de gratuité des
services d'éducation et des services de santé au Québec de
manière à assurer le financement public de ces services; que la
loi 9, qui modifie la Loi sur l'assurance-maladie du Québec, en vigueur
depuis juin 1992, soit abrogée; que l'universalité de
l'allocation de maternité soit rétablie.
Maintenant, parlons de la lutte à la pauvreté en rappelant
que le premier ministre, M. Bourassa, et le ministre des Finances, M.
Leves-que, avaient paru sceptiques au moment de la publication des
données du Conseil national du bien-être sur le taux de croissance
inquiétant de la pauvreté au Canada, et plus
particulièrement au Québec. Nous tenons simplement à
signifier ceci: Les familles aux prises avec la pauvreté attendent plus
qu'une querelle de chiffres autour de leurs problèmes. Outre le fait que
nous souhaitons que le présent exercice de réflexion collective
aboutisse à des mesures concrètes pour lutter contre ce
phénomène, nous avons choisi de citer deux approches en
argumentation sur la croissance de ce phénomène: celle des
recommandations, entre autres, du rapport Bouchard, aptes à favoriser la
lutte à la pauvreté des enfants et de leur famille, et auxquelles
nous renvoyons le gouvernement afin qu'il s'emploie à les mettre en
application. Signalons que, parmi les recommandations de ce rapport, on cite
l'accès au travail comme outil de la lutte à la pauvreté
par le biais d'une politique de plein emploi.
Nous citons une seconde approche, celle constituée des
résultats d'une recherche économique qui a été
publiée dans la revue québécoise Le marché du
travail en décembre dernier. Cette étude
énumère, entre autres, les principaux facteurs qui concourent
à créer les inégalités sociales et les raisons de
la variation du taux de pauvreté au Québec. Elle démontre
très clairement que le chômage est la cause principale de la
pauvreté. Bien, puisque le chômage a de tels effets sur la
pauvreté et les inégalités dans la distribution du revenu,
il conviendrait donc que les gouvernements, et particulièrement celui du
Québec, s'y attaquent, et ce, de toute urgence.
Nous présentons à cet effet les recommandations qui
suivent, à l'effet que soit augmenté le revenu disponible pour
les petits salariés; que soit mise en oeuvre une stratégie de
plein emploi; que soient abolies les mesures pénalisantes reliées
aux initiatives prises par les personnes recevant du bien-être social
pour améliorer leurs conditions de vie ou pour leur permettre de
réintégrer le marché du travail; que les pensions
alimentaires soient déduites de l'aide sociale au même taux que
celui qui est appliqué dans le cas de revenus d'emplois; que le
gouvernement instaure une allocation universelle de soutien à la
grossesse et qu'il mette en oeuvre le rapport Bouchard, prioritairement la
proposition 15 à l'effet de simplifier et de rehausser les programmes de
soutien financier qui sont destinés aux enfants, de façon
à relever de manière significative le niveau de vie des familles
à très faibles revenus.
Concernant, maintenant, le rôle de la fiscalité au
Québec, bien, nous sommes d'avis que la politique fiscale du
gouvernement du Québec devrait d'abord avoir pour rôle de
recueillir tous les revenus nécessaires à la redistribution de la
richesse. Il devra ensuite remplir ce rôle en adoptant des mesures
empreintes de transparence, d'équité et de justice sociale.
Ainsi, il fera en sorte de les utiliser au développement du capital
humain du Québec et, ce faisant, il contribuera au développement
économique, social et culturel des Québécoises et des
Québécois. Pour ce faire, nous croyons que le gouvernement doit
reconnaître clairement qu'il y a actuellement des iniquités
verticales et qu'il doit, par conséquent, oeuvrer à
l'établissement des mesures aptes à rétablir une meilleure
progressivité de l'impôt sur le revenu, des particuliers comme des
entreprises, et de façon à ce que chacun contribue vraiment selon
sa véritable capacité de payer.
Nous souhaitons également que le gouvernement se penche sur
l'iniquité des taxes à la consommation, qui ne contribuent, selon
nous, en rien à stimuler l'économie. Donc, nous recommandons que
soit rétablie une meilleure progressivité de l'impôt, qu'on
établisse pour les hauts revenus un impôt minimal effectif d'au
mois 10 %, que soient révisées les taxes à la
consommation, particulièrement la TVQ qui pourrait être sujette
à moratoire relativement à son extension et qui pourrait
comporter, le cas échéant, des transferts équitables
reliés aux biens et services de base. Que soit rétabli aussi,
à moyen et à long terme, l'équilibre entre la part des
impôts payés par les entreprises et par les particuliers en tenant
compte aussi de la conjoncture.
Concernant l'iniquité horizontale, elle doit aussi, à
notre avis, faire l'objet d'interventions actives du gouvernement pour ainsi
rétablir l'équilibre, surtout à l'égard des plus
démunis. Nous pensons ici aux femmes et aux familles à bas
revenus à propos desquelles nous intervenons plus
précisément dans notre mémoire. Nous croyons
également que le gouvernement doit songer à traiter les revenus
de capital sur la même base que les revenus de travail. Voilà
pourquoi nous vous recommandons, pour combattre l'iniquité
horizontale, que soit établi un mécanisme de perception
automatique des pensions alimentaires, que soit convertie en crédits non
remboursables la déduction actuelle pour frais de garde, que la pension
alimentaire versée pour les enfants fasse l'objet d'un traitement fiscal
qui ne vienne pas réduire le revenu disponible réel de la
mère, que soit examinée la possibilité de convertir les
principales exemptions en crédits d'impôt remboursables et que
soit réintroduit le gain de capital dans le calcul du revenu.
Maintenant, pour ce qui est des dépenses fiscales, les
dépenses fiscales doivent aussi faire partie de l'exercice du
gouvernement du Québec vers une plus grande transparence. Ainsi, les
dépenses fiscales, donc le manque à gagner de l'État,
coûtent relativement cher. Des chiffres récents publiés au
niveau fédéral nous indiquent que le gouvernement se prive
annuellement de revenus très considérables. Par exemple, il y a
l'exemption de 100 000 $ sur les gains de capital qui a occasionné au
gouvernement fédéral un manque à gagner de 855 000 000 $
en 1988 et de 985 000 000 $ en 1989, tandis que l'exemption concernant la vente
de résidences principales lui coûtait 3 700 000 000 $ en 1988 et 4
700 000 000 $ en 1989. Malheureusement, au Québec, ces dépenses
ne sont pas comptabilisées. Les données actuelles ne nous
permettent donc pas de faire un calcul qui serait semblable. Pour le
bénéfice de l'ensemble des citoyennes et des citoyens et afin de
satisfaire au principe de transparence qui devrait caractériser notre
régime fiscal, nous croyons qu'il serait opportun que le gouvernement
comptabilise ces dépenses et les rende publiques annuellement. Le
gouvernement pourrait ainsi motiver ses choix d'exemptions ou d'abris fiscaux
dont bénéficient certaines catégories de contribuables,
généralement bien nantis. C'est pourquoi nous recommandons que le
gouvernement comptabilise l'ensemble des dépenses fiscales et les rende
publiques annuellement - notre recommandation 19.
Concernant, maintenant, le déficit de l'État et la dette,
les économistes s'entendent généralement pour dire que la
dette fédérale atteint des proportions vraiment
inquiétantes. Par ailleurs, la situation du Québec n'aurait pas
atteint des sommets qui semblent aussi catastrophiques. D'autre part, la
politique monétaire fédérale et ses taux
d'intérêt élevés n'est pas étrangère
à l'augmentation du déficit que l'on connaît au
Québec. De plus, dans le document déposé à quelques
jours de la tenue de cette commission parlementaire, il est dit que les mesures
prises par le gouvernement fédéral depuis les années
quatre-vingt ont réduit la croissance des transferts au Québec et
dans les autres provinces. Entre autres, le manque à gagner du
Québec pèse lourd, manque à gagner cumulatif de 8 500 000
000 $ pour ce qui est des programmes de financement établis, un manque
à gagner de 1 800 000 000 $ quand on fait référence
à la péréquation. Le gouvernement du Québec
reconnaît lui-même la responsabilité du
fédéral dans cette situation qui amplifie, selon nous, le
problème des finances publiques. C'est pourquoi il doit, selon nous,
aller récupérer les sommes dues plutôt que de tenter de
négocier des assouplissements à ses responsabilités.
Force nous est de constater, avec ces quelques commentaires sur la
situation économique du Canada et du Québec et leurs
conséquences pour la population québécoise, que la
politique monétaire canadienne a fait en sorte que la part du budget
consacrée au remboursement de la dette a été
artificiellement gonflée et, en conséquence, a fait augmenter
notre part de déficit. Comme la plupart des pays du monde, le
Québec est aux prises avec une dette et, loin de nous de vouloir nier
son existence, mais, contrairement à ce que prétend le
gouvernement - on le réitère - on ne pense pas que la situation
soit aussi dramatique. Elle n'a pas atteint les sommets catastrophiques qu'il
prétend et, de ce fait, ne justifie pas la nécessité,
selon nous, de sabrer dans nos programmes sociaux pour en contrer
l'augmentation.
Nous vous avons proposé trois moyens pour que l'État
puisse jouer pleinement son rôle, a la satisfaction des citoyennes et des
citoyens, soit par une réforme de la fiscalité, la
négociation des transferts avec Ottawa et une stratégie de plein
emploi. À notre avis, ce sont là des façons de renflouer
les coffres sans toucher à l'universalité des programmes
sociaux.
Ainsi, nous croyons, contrairement au pouvoir en place et au rapport
Poulin qui prêche pour un État minimal, que l'État doit
jouer un rôle actif au sein de la société, tant sur le plan
social qu'économique. À cet égard, un de ses devoirs est
d'assurer une redistribution de la richesse collective que les citoyennes et
les citoyens contribuent à créer. Il doit, de plus, initier des
débats et favoriser le consensus autour de stratégies de plein
emploi de façon à remettre le plus rapidement possible les
Québécoises et les Québécois qui sont chercheurs
d'emplois à l'ouvrage. Finalement, il doit soutenir et initier le
développement de lieux de concertation économique et le
développement de l'emploi. L'État ne peut donc pas s'effacer et
laisser toute la place aux seuls agents économiques. (20 h 20)
Nous présentons donc les recommandations suivantes: Que le
gouvernement du Québec aille renégocier les modes de transfert
avec Ottawa afin que le Québec obtienne une part accrue; que le
gouvernement du Québec devienne un intervenant actif dans la
définition des orientations de la politique monétaire; que soient
comptabilisées séparément les dépenses courantes et
les dépenses de capital dans le déficit; que le Québec
s'engage à investir massivement dans la
création d'emplois durables, et prioritairement dans le
développement du capital humain, et que le gouvernement du Québec
crée un lieu large de concertation et de débat autour de la
fiscalité, des finances de l'État, de la croissance
économique et du développement de l'emploi.
Donc, la FIIQ tient à clore cette présentation devant la
commission par une double invitation. Celle-ci s'adresse aux membres du
gouvernement comme de l'Opposition officielle. Par la première, nous
voulons inciter à élargir le débat pour donner l'occasion
aux Québécoises et aux Québécois de définir
collectivement le rôle qu'ils entendent voir jouer à l'État
et, par la deuxième, nous vous exhortons à ne plus attendre pour
déclarer la guerre à la pauvreté. Nous pensons que s'il y
a une véritable urgence au Québec, c'est bien celle de la relance
de l'emploi. De plus en plus d'intervenants économiques et sociaux sont
préoccupés par le chômage et ses effets et sont surtout
très conscients de la nécessité d'investir dans les
ressources humaines. Investir dans la formation des jeunes, des femmes et de la
main-d'oeuvre en général ne pourra qu'être
bénéfique à toute la société et, en ce sens,
s'il y a un effort collectif qu'il nous faut réaliser, c'est bien
celui-là. Il y a une priorité, et aucun déficit, à
mon avis, ne pourrait justifier l'immobilisme en cette matière.
Quant aux finances publiques, puisque c'est là-dessus que nous
avons été invités à nous prononcer, bien, qu'il
nous suffise de vous rappeler que des voies de solution sont encore ouvertes et
d'autres pistes sont à explorer. Il y a beaucoup à faire
également pour redonner a notre fiscalité l'équité,
la transparence que nous voulons y retrouver. Mais il importe avant tout, comme
nous le disions en ouverture d'audience, de cesser d'alimenter la grogne
fiscale. Il est temps de faire à nouveau appel à la
solidarité. La justice sociale est un principe sur lequel nous avons,
depuis les années soixante et contre vents et marées, construit
notre pays. Il est grand temps de la remettre à l'ordre du jour.
Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.
M. le député de Prévost... Pardon, je m'excuse, M.
le député de Saint-Louis. C'est parce que M. le
député de Prévost me regardait. M. le député
de Saint-Louis.
M. Chagnon: J'ai déménagé de comté
rapidement. M. le Président, j'aimerais tout d'abord, au nom de notre
groupe parlementaire, remercier de leur présence les membres de la FIIQ
et les remercier du mémoire qu'elles nous ont présenté. Il
y a quelque chose dont vous n'êtes pas les premières à
avoir témoigné ici: vous avez remis en question ce que vous
appelez l'approche néolibérale, comme si l'exercice qui est fait
par le gouvernement actuellement était un exercice qui est
«disconnnecté» d'une certaine réalité, non
seulement locale mais aussi internationale.
Dans le document que vous avez reçu, le document sur lequel on
discute, entre autres, «Les finances publiques du Québec: vivre
selon nos moyens», je pourrais vous rappeler que les annexes, à la
fin, aux pages 12 et 13, nous donnent une liste de pays et de mesures de
rationalisation des dépenses qui ont été prises, entre
autres dans des pays comme le Danemark, où les prestations des premiers
jours de chômage sont désormais versées par les employeurs.
En Norvège: restriction de la croissance des transferts du secteur
privé aux collectivités locales, diminution des paiements au
titre des congés de maladie, réduction générale des
subventions. En Suède, en 1990: report de l'augmentation des transferts
sociaux, annonce d'un programme de réforme administrative destiné
à réduire de 10 % la taille de l'administration centrale sur une
période de trois ans, par le biais de la décentralisation et de
la déréglementation. Enfin, bref, ce
néo-libéralisme dont vous parlez, ce n'est pas quelque chose
qu'on retrouve uniquement ici et qu'on a inventé de toutes
pièces. Ce n'est pas rien qu'un problème de
néo-libéralisme, c'est un problème d'être capable de
financer le type de société dans laquelle on veut vivre.
Ce qui m'amène à vous poser d'abord une question
concernant implicitement le texte que vous nous avez soumis. En page 11, vous
dites: «La sélectivité des services a pourtant comme
conséquence que seuls les très pauvres peuvent maintenant
bénéficier de médicaments gratuits, que seuls les
très riches ont les moyens de défrayer les coûts de leurs
traitements médicamenteux. Les classes moyennes - c'est un drôle
de passage, là - dont les revenus sont à la limite de la
pauvreté se voient rejeter dans la pauvreté quand la maladie
frappe un de leurs membres, tandis que les classes moyennes
intermédiaire et supérieure voient leur salaire continuellement
grugé par les assurances qu'elles doivent défrayer pour compenser
le désengagement de l'État.» Alors, est-ce que vous
pourriez élaborer rapidement là-dessus? Vous voulez dire quoi,
parce que, bien...
Mme Lavallée: Ce qu'on veut dire, clairement, c'est que
toutes les mesures qui sont prises, qui ont pour effet de rendre l'État
vraiment... Il semble que c'est l'État minimal, là, qui remet en
question de façon assez importante ce qui a été mis de
l'avant depuis les années soixante, quand on parlait
d'État-providence. Toutes les mesures sont prises pour tenter de couper
dans des services qui, auparavant, étaient, bon, je ne veux pas dire
gratuits, parce que c'est payé par les impôts de tout le monde et
qu'il y avait une répartition quand même plus équitable et
qui permettait à tout le monde d'y avoir accès. À partir
du moment où vous voulez faire des paniers, vous sélectionnez les
services que vous voulez offrir à la population, il est clair, selon
nous, que la classe la plus touchée
va être la classe moyenne la plus faible, parce que c'est elle qui
va devoir payer; elle ne sera pas suffisamment à faibles revenus pour
avoir droit à certains avantages qui sont donnés aux gens avec de
très faibles revenus, mais on considère que la marge est toujours
très mince. Ce qu'on considère comme classe moyenne faible: une
famille avec deux enfants, qui gagne autour de 30 000 $ ou 35 000 $ par
année, qui va devoir payer pour certains services qui, auparavant,
étaient gratuits. À notre avis, c'est une forme de taxation qui
s'ajoute à ces gens-là, qui ne devrait pas être, à
notre avis, et qui va amener une diminution de...
M. Chagnon: Ce n'est pas ça que vous dites. Ce que vous me
dites, c'est: Si l'État faisait ci, ça, ça, ça
pourrait peut-être arriver. Ce que vous écrivez...
Mme Lavallée: Mais c'est déjà
commencé.
M. Chagnon: Ce que vous écrivez ici, c'est que les classes
moyennes se voient rejetées dans la pauvreté quand la maladie
frappe un de leurs membres. Bien, moi, j'ai 15 hôpitaux dans le
comté, chez nous, dans le centre-ville de Montréal - 16; il y en
a un autre qui s'en vient - et ce n'est pas évident. Je n'ai jamais
entendu parler de gens à qui on a refusé des soins parce qu'ils
étaient dans la classe dite moyenne, qu'ils n'étaient pas sur le
bien-être social, par contre, et qu'ils n'étaient pas, non plus,
très riches. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un avait
été refusé, qu'on avait refusé de lui dispenser des
services médicaux parce qu'il n'était pas dans la classe riche ni
dans la classe dite pauvre.
Mme Lavallée: Non. Je ne pense pas qu'on soit rendu
à refuser...
M. Chagnon: Bien, c'est ce que vous dites, là.
Mme Lavallée: ...les soins de santé selon les
individus dans les classes sociales.
M. Chagnon: C'est ce que vous avez écrit, en tout cas.
C'est ce que je comprends dans ce que vous avez écrit.
Mme Lavallée: Ce n'est pas... En tout cas, la teneur des
propos qu'on voulait avoir, c'est qu'on veut mettre en garde. Vraiment,
à partir du moment où on fait des brèches dans
l'universalité des services, il est clair que c'est la classe moyenne...
Vous avez déjà commencé à en faire: quand on
commence à faire payer les personnes âgées pour les
prescriptions, quand on ne permet plus que les enfants aient accès
à des soins dentaires gratuits, on touche la prévention. Donc,
c'est clair que les gens qui ont des revenus suffisamment élevés
sont en mesure d'aller de façon régulière chez le dentiste
avec les enfants pour avoir des mesures de prévention. Ce n'est pas le
cas pour les gens de la classe moyenne inférieure. C'en est
déjà un, ça, un exemple de brèche. C'est sûr
qu'on n'est pas rendu à le faire pour ce qui est des services d'urgence,
d'hospitalisation, de chirurgie ou de traitements plus spécifiques, mais
on sait que, quand même, il y a une brèche qui a été
faite à ce niveau-là, et on met en garde le gouvernement de
poursuivre dans cette voie-là. (20 h 30)
M. Chagnon: Ce qui... Enfin, le débat qui va s'ouvrir...
S'il n'y a pas de frais modérateurs, s'il n'y a pas de frais, si on
n'impose pas de frais, si on investit, comme vous le suggérez, dans un
tas de services qui pourraient être nouveaux dans certains cas, comme on
investit déjà dans le domaine de la santé - c'est le
domaine qui, sûrement, vous préoccupe le plus puisque c'est
là votre profession... On investit comme État 31 % du budget dans
le domaine de la santé. Année après année, on doit,
pour donner la même qualité de services, investir ces 31 % plus
l'inflation, plus 4 % - inflation plus 4 % - pour s'assurer d'avoir le
même niveau de qualité de services en santé.
Est-ce que vous pourriez m'indiquer comment on pourrait le financer? Le
problème dans lequel on se retrouve, c'est qu'inévitablement on
va être obligés de retrancher d'autres ministères. 4 % par
année d'augmentation en dessus de l'inflation pour financer le
ministère de la Santé et des Services sociaux, ça implique
480 000 000 $. 480 000 000 $, c'est plus que le budget du ministère des
Affaires culturelles; c'est la Culture, les Communications, le Tourisme,
Loisir, Chasse et Pêche d'un coup. C'est le ministère de
l'Énergie et des Ressources, de l'Environnement.
Mme Lavallée: Moi, je pense que vous faites appel à
un débat qui est beaucoup plus large; ça réside dans le
fait de faire un débat sur un choix de société. Qu'est-ce
que la population du Québec veut privilégier en matière de
programmes sociaux? C'est un débat qui devait, à mon avis,
être préalable à la présente commission, qui, par le
prétexte des chiffres et de la situation du déficit, veut sabrer
dans des programmes sociaux. À ce qu'on nous a toujours dit, et c'est
même les discours du gouvernement, les finances concernant le secteur de
la santé, le budget relatif aux soins de santé, il a toujours
été relativement contrôlé au Québec. C'est
les propos du ministre, M. Côté.
M. Chagnon: Contrôlé: l'inflation plus 4 %...
Mme Lavallée: oui, il y a des augmentations, mais je
pense qu'à l'heure actuelle, on est tout à fait comparables et
même en dessous de ce que ça peut coûter per capita au
québec, les
coûts du système de santé qui sont largement
avantageux et qui ont fait leurs preuves, si on compare à d'autres
provinces et même à nos voisins du Sud, les Etats-Unis. Je ne
pense pas qu'on puisse se payer le luxe de régresser à ce
niveau-là avec toutes les conséquences que ça peut
apporter au sein de la population. Je pense que c'est des choix sociaux. Je ne
pense pas qu'à l'heure actuelle la population du Québec soit
prête à remettre en question le choix de vouloir se maintenir un
système de santé public accessible et universel, pas plus qu'un
système d'éducation qui va dans le même sens.
M. Chagnon: La question, c'est qu'on ne pourra pas
éternellement les payer. Vous dites un peu plus loin dans votre
mémoire que la prétention du gouvernement à l'égard
de son déficit n'est pas aussi dramatique qu'il se plairait à le
dire. Une grande partie de votre document porte sur l'ampleur du
phénomène de la pauvreté qui prend de l'importance. C'est
assez étonnant de constater que l'importance du phénomène
de la pauvreté et son accroissement grandit à peu près au
même niveau que la part du service de la dette s'accroît dans notre
budget. On est rendus à 15 % de notre service de la dette, de notre
budget qui s'en va au service de la dette. C'était 4 % il y a 15 ans; on
est rendus à 15 % aujourd'hui. Effectivement, plus on va attendre pour
ne pas se préoccuper de notre dossier de déficit, plus on risque
d'avoir un phénomène de la pauvreté qui va encore
s'alourdir, parce que nos services publics ne pourront pas financer la gamme de
services qu'on s'est offerts dans le passé.
Mme Lavallée: Mais nous, on pense que, pour être en
mesure de se payer la gamme de services et de les maintenir, l'urgent, c'est de
créer de l'emploi. Ce n'est pas de voir s'accroître le
phénomène de la pauvreté les deux yeux fermés et en
regardant notre déficit, en y faisant... où il y a sûrement
un lien. Mais je pense que, là où le gouvernement doit
intervenir, c'est de faire en sorte qu'on travaille ensemble, tous les
intervenants concernés, les différents agents
socio-économiques de la société, pour trouver ensemble des
façons de relancer l'économie plutôt que de couper,
justement, dans une période de la vie du Québec où,
effectivement, il y a un taux de pauvreté de plus en plus grand et
où les mesures qu'on prend risquent de faire grossir le rang des
pauvres. Les dernières statistiques du Conseil du Canada
démontraient très bien qu'il y a de moins en moins de classes
moyennes au Québec. On se retrouve avec de plus en plus de pauvres et
des riches qui s'enrichissent. Je pense qu'il y a peut-être des questions
à se poser à ce niveau-là et il faut faire en sorte qu'on
travaille ensemble davantage à relancer les emplois pour faire tourner
l'économie et maintenir nos programmes sociaux qui font l'envie quand
même d'autres. À l'heure actuelle, quand on regarde les
États-Unis, ils tentent de vouloir regarder ce qui se passe ici pour
instaurer un système de santé qui peut peut-être ressembler
au nôtre. Je pense qu'on aurait avantage à regarder et à ne
pas exporter les erreurs de nos voisins du Sud quand eux, déjà,
se tournent vers nous pour tenter d'importer peut-être notre
modèle.
M. Chagnon: II n'y a personne qui suggère ici de changer
de modèle avec les États-Unis en ce qui concerne le dossier de la
santé, mais on peut de plus en plus regarder les possibilités
d'utiliser des moyens, pas pour freiner la consommation, mais peut-être
pour faire en sorte que les gens qui ont les moyens de se payer certains frais
paient des frais dans notre système de santé, par exemple. Est-ce
que ça vous apparaît... Quelqu'un qui fait 100 000 $ et plus, ne
devrait-on pas lui permettre de payer une partie de ses frais hospitaliers?
Non?
Mme Lavallée: nous, on souhaiterait que ce soit par le
biais de la fiscalité qu'ils puissent être touchés, parce
qu'on sait qu'à l'heure actuelle...
M. Chagnon: Mais il est déjà...
Mme Lavallée: ...il y a quand même des hauts
salariés... Même le Conseil du patronat, M. Dufour avait
déjà dit publiquement qu'il y avait, effectivement, des gens
à très hauts revenus qui, par le biais des abris fiscaux,
réussissaient à ne pas payer d'impôt.
Une voix: Mais ils seront touchés à ce
moment-là.
Mme Lavallée: Je pense que c'est de cette
façon-là qu'on devrait être en mesure de rejoindre les gens
à très hauts revenus. Qu'ils paient leur part de façon
équitable, comme l'ensemble de la population, et qu'il y ait une
redistribution de la richesse qui permette à tout le monde d'avoir
accès à des services. Parce qu'à partir du moment
où vous mettez un chiffre x de revenus qui, selon vous, serait
satisfaisant pour dire que les gens n'auraient pas suffisamment d'argent pour
se payer des services de santé... Ceux qui sont toujours sur la barre,
qui ne sont pas nécessairement les faibles revenus ni les hauts revenus,
c'est la population qui va être la plus touchée par ces mesures.
Nous, on prétend que c'est davantage par le biais d'une fiscalité
qui serait changée, qui permettrait que chacun puisse payer de
façon équitable, et qu'à partir de ce moment-là on
redistribue la richesse par le biais de nos programmes sociaux ou autres. C'est
la façon la plus équitable de servir l'ensemble de la population
du Québec.
M. Chagnon: Donc, vous favorisez une augmentation du
déficit et une augmentation de la taxation ou de... de la taxation, oui,
sur le travail, pour faire en sorte de financer des services que vous
réclamez, services nouveaux que vous réclamez.
Mme Lavallée: On ne réclame pas, on ne vous
réclame pas de services nouveaux. On veut du moins maintenir ce qui
existe à l'heure actuelle. Ce qu'on veut surtout, c'est qu'il y ait une
meilleure redistribution et une fiscalité qui soient plus
équitables, parce qu'on considère qu'à l'heure actuelle il
y a des gens qui ne paient pas leur part d'impôt qui devrait être
redistribué à l'ensemble de la collectivité.
M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis.
Oui, M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
D'abord, je voudrais saluer la Fédération des
infirmières et infirmiers du Québec. Dans le cas, il faut bien
dire «infirmières» avant «infirmiers», puisque
les infirmières sont beaucoup plus nombreuses. Chacun sait qu'elles
jouissent d'un immense capital de sympathie à l'intérieur de la
population qui apprécie particulièrement leurs services, parce
que c'est souvent dans des moments difficiles qu'on a recours à
elles.
Je voudrais simplement dire, disons, rendu à 20 heures ce soir,
que je ressens une espèce de malaise dans cette commission
présentement, parce que... Je comprends bien que la
Fédération reprend en bonne partie l'argumentation qui a
été développée cet après-midi, mais ce qu'on
perçoit aussi, c'est qu'on assiste, depuis le début de la
journée, à une espèce de dialogue de sourds entre le
gouvernement et son principal partenaire, c'est-à-dire ses
employés. C'est un peu inquiétant, à mon sens. Je pense
que le dialogue a de la difficulté à s'établir parce qu'il
y a une certaine méfiance qui existe, parce qu'elle est exacerbée
par le document qui a été publié, «Vivre selon nos
moyens», qui n'offre, en particulier, aucune perspective d'avenir.
Ça, c'est une préoccupation importante.
D'autre part, je comprends que les partenaires syndiqués,
syndicaux ne veulent pas s'enclencher dans un processus qui est quasi ou qui
pourrait ressembler à de la négociation, puisque ce n'est pas
l'endroit pour le faire. Mais il reste qu'à l'heure actuelle on n'a pas
de projet, on n'a pas d'objectif, ou le sujet est trop vaste, trop vague. Je
trouve qu'on ne va pas très précisément dans les
solutions. (20 h 40)
Dans vos recommandations, j'en ai bien noté quelques-unes qui
sont très précises et particulières qui vous concernent,
puis je trouve, justement, que c'est un bon moment de le faire, parce qu'il y a
des questions. Comme ici, par exemple, à la page 34 de votre
mémoire: Que soit établi un mécanisme de perception
automatique des pensions alimentaires. Je comprends que ça, c'est une
question qui vous touche, qui vous intéresse au plus haut point, qui ne
coûte pas un sou au gouvernement, mais qui, pourtant, pourrait
régler beaucoup de cas particuliers.
Mais au-delà de ça, je m'interroge sur certaines avenues.
Vous faites affaire avec le public et, dans d'autres cas aussi, il y a des
corporations, des gens qui font affaire avec le public, les employés de
l'État, et qui ont réussi un certain nombre de choses. Prenons,
pour un cas, la Société de l'assurance automobile du
Québec qui a fait des campagnes de publicité. Par exemple, pour
éviter les accidents, on s'attache à son siège, on essaie
de ne pas prendre d'alcool. L'ensemble des programmes de publicité a, en
quelque sorte, fait une certaine éducation vis-à-vis le public,
et ça a amené, en particulier, une diminution des coûts
considérable. Puis je pense que tout le monde le reconnaît,
tellement que le gouvernement va piger dans les excédents de la caisse
de ce temps-là.
Mais est-ce que dans le secteur public, parapublic, il n'y a pas moyen
de penser à des politiques, à des gestes semblables pour amener
le public à être plus conscient sans que nécessairement on
procède de la manière forte, mais simplement de façon
incitative, comme on a fait dans le cas de la Société de
l'assurance automobile du Québec, où la population a
été consciente que, si elle ne posait pas de geste, si elle ne
conduisait pas avec prudence, c'est elle, en bout de ligne, qui payait le
coût? Je suppose que, normalement, elle devrait bénéficier
aussi des avantages de sa prudence. Est-ce qu'on peut penser, dans le secteur
de la santé, à des questions comme celle-là,
simplement?
Mme Lavallée: Écoutez, dans le secteur de la
santé, par le travail qu'on fait, on est dans le milieu autant curatif
que préventif. On fait beaucoup d'éducation à la
population en matière de santé qui, à notre avis, est une
des clés. Si on pouvait être en nombre suffisant pour faire toute
la prévention qu'il faut et l'éducation, ça pourrait
contrevenir a certains problèmes. Par contre, on est bien conscients que
l'incidence la plus grande sur l'état de santé de la population,
c'est le niveau économique de l'individu...
M. Léonard: Oui.
Mme Lavallée: ...et la pauvreté est directement
reliée à l'état de santé. Donc, nous, on ne veut
pas mettre des diachylons sur une plaie béante, on veut aller à
la source majeure des problèmes sociaux et des problèmes de
santé au Québec et contrer le phénomène de la
pauvreté
qui est grandissant.
Il y a des études qui ont démontré que dans la
même ville, entre autres, à Montréal, le niveau de vie des
gens d'un quartier, leur espérance de vie pouvait varier de 10 à
15 avec celui d'un quartier beaucoup plus favorisé. On ne compare pas
deux pays, un du tiers monde avec un civilise. Je pense que le niveau
économique est un des déterminants importants de la
santé.
Il est clair qu'on peut regarder différentes mesures dans le
secteur de la santé pour avoir des mesures qui permettraient
peut-être une meilleure rentabilité. On est prêt à
regarder les questions concernant, notamment, l'organisation du travail. Il y a
peut-être des façons de faire autrement qui pourraient être
plus efficaces. On est prêts à s'asseoir et à les regarder.
On est prêts à faire des suggestions. Je pense que, dans le
réseau de la santé, on est très conscients qu'il y a des
intervenants qui sont peut-être plus privilégiés. Et on est
prêt à faire notre part, ne serait-ce que pour ce qui
pourrait...
Un exemple banal qui pourrait réduire des coûts, c'est
qu'il y ait des cliniques qui soient mises sur pied, des cliniques
d'infirmières, nursing, qui pourraient très bien suivre, de
façon régulière, la pression des gens qui ont des
problèmes d'hypo et d'hypertension, plutôt que de devoir toujours
aller dans les cabinets de médecins et que ce soit le médecin qui
facture à l'acte les coûts pour avoir pris une pression, quand, en
quelque part, l'infirmière le fait de façon
régulière dans les établissements de santé, elle
n'est pas facturée à l'acte pour le faire. Et s'il y a un
problème, là, elle réfère pour une consultation,
pour un acte médical. Bon, il y en aurait des choses comme ça
à faire qui pourraient réduire les coûts de la
santé.
Faire de l'observation de pansements ou de plaies, ça peut se
faire en externe, dans des cliniques qui seraient des cliniques
d'infirmières qui feraient à peu près la même chose
que les infirmières qui vont à domicile, et ça
éviterait que les gens aillent directement, de façon automatique,
pour une simple observation d'une plaie, dans un cabinet de médecin. De
toute façon, dans le milieu hopitalier, c'est nous qui le faisons. Bon,
il y en aurait, des choses à regarder. On est prêts à
s'asseoir et à le faire.
Une voix: Est-ce que vous en avez d'autres?
Mme Lavallée: On pourrait faire un débat que
là-dessus, éventuellement.
M. Léonard: Est-ce que le système de
responsabilité civile qu'il y a à l'égard des actes
médicaux posés par les médecins est une bonne chose? Oui,
en soi, mais, par ailleurs, est-ce que ça n'entraîne pas des
coûts élevés par la répétition d'actes
médicaux qui pourraient être moins nombreux s'il n'y avait pas ce
système de responsabilité? En d'autres termes, introduire le
principe de non-responsabilité sauf en matière criminelle pour
des professions médicales, ça amènerait des
économies importantes dans les coûts de la santé.
Mme Lavallée: Bien, écoutez, moi, je pense que tous
les professionnels, on doit être en mesure d'être responsables des
actes qu'on pose. Je ne pense pas que ce serait nécessairement par ce
biais-là qu'il faudrait le prendre. Je pense que vous avez
été en mesure de regarder comment, éventuellement,
contrôler les coûts de la santé, notamment les actes
médicaux. Il y a eu des projets qui voulaient, à un moment
donné, régionaliser les budgets de la RAMQ. Il y a eu une forte
opposition des gens concernés par ça. Je pense qu'il y a d'autres
façons de regarder si on veut réduire les coûts. Mais je
pense que de responsabiliser les gens, peu importe la profession dans laquelle
on se retrouve, c'est quelque chose qu'on doit continuer à prôner
puis à mettre de l'avant.
M. Léonard: O.K.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez quelque chose
à compléter, madame?
Mme Théroux (Thérèse): C'est-à-dire,
pas nécessairement à compléter là-dessus...
Le Président (M. Lemieux): À ajouter?
Mme Théroux: ...parce que je ne sais pas si monsieur
voulait parler d'un fonds d'indemnité, tout comme celui pour l'assurance
automobile. En tout cas, je ne le sais pas puisque ça n'a pas
été exploré, ces avenues-là.
Non, moi, je m'inquiétais un petit peu, quand on nous
dépose des documents de cette nature-là, qu'on demande à
des travailleurs, qui n'ont pas nécessairement accès et un
contrôle sur les coûts, de mettre nécessairement sur la
table des mesures concrètes. Je sais qu'on peut avancer des choses, mais
c'est bien évident qu'on n'est pas dans la situation de ceux qui
administrent. Quand tu n'administres pas, tu ne peux pas être capable de
regarder, faire un exercice aussi complet que ceux qui ont tout en main pour
prendre des mesures. Je veux dire, ce n'est pas de même nature.
Mais ce qui est le plus inquiétant, à mon avis, c'est que,
quand on dépose des choses comme ça, on ne fait que proposer des
choses qui maintiennent, finalement, une espèce de cercle vicieux, dans
le sens que... Puis je veux dire, c'est ça qui est dit dans le document,
c'est qu'on ne nie pas nécessairement le fait que l'État a des
problèmes financiers, des problèmes d'argent, puisque, bien
sûr, il y a beaucoup de chômage, il n'y a pas beaucoup d'emplois et
il y a des dépenses accrues, et ça, je pense que tout
le monde constate ça. Mais il appartient aussi à un
gouvernement de ne pas juste gérer, mais de mettre de l'avant des
mesures qui vont faire en sorte que ça va s'améliorer. Je vous
donnerai un exemple un petit peu de cercle vicieux. C'est comme si, dans les
soins, par exemple, quand on a à traiter un patient qui a une vilaine
plaie, qui fait de la gangrène, on nettoie une plaie, qu'ils font de la
mise à plat. Je veux dire, si c'est ça qui est fait, ça
finit toujours par une amputation.
Ça fait que, s'il n'y a pas de mesures autres qui sont prises en
même temps que le gouvernement dit: Moi, je veux rationaliser et faire en
sorte d'arriver, s'il n'investit pas... Puis je sais qu'à court terme
ça peut peut-être coûter un peu plus cher. Mais s'il
n'investit pas dans des programmes de développement, finalement, on se
situe dans un cercle vicieux où l'État va tout le temps tenter
à la petite semaine de rentrer avec ses comptes balancés comme
ça. Finalement, ce que ça donne, c'est que ça donne des
coupures, toujours des coupures, puisque ça n'a pas de vision et de
portée à long terme. Et c'est là qu'un gouvernement a
comme mission, au-delà de juster gérer, de proposer à une
société des mesures qui vont faire en sorte que ça va se
développer puis que ça va s'améliorer. Mais ce n'est pas
ça qu'on voit dans ce document-là. Dans le document, ça ne
fait que maintenir et, fatalement, nous conduire à des coupures plus
graves.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. le député de Montmorency. (20 h 50)
M. Filion: Oui, M. le Président. Merci de votre
participation.
Moi, j'aurais une petite question très simple qui, en même
temps, peut peut-être nous éclairer, nous de l'extérieur.
Vous représentez quand même le personnel qui opère à
l'intérieur du milieu de la santé. On sait qu'on a eu une
réforme qui avait été ou, du moins, qu'on voulait
appliquer dans le monde de la santé, la réforme du ministre
Côté qui, à toutes fins pratiques, s'est retrouvée
mise de côté. Est-ce que vous croyez que cette réforme
aurait pu vraiment créer des économies importantes au niveau des
finances publiques, au niveau des coûts de financement de la
santé?
Mme Lavallée: Bien, écoutez, je pense que la
réforme amenait des solutions... Les propositions qui avaient
été faites pouvaient amener des mesures de redressement
budgétaire, mais juste vraiment très économiques, et,
à notre avis, ça remettait en question l'accessibilité aux
services de santé, et c'est clair qu'on s'est élevés
contre. Et je pense que nous, on refuse de regarder le maintien du
système de santé seulement avec une lorgnette économique.
Je pense qu'on le voit comme étant un acquis social important à
maintenir, et on doit être en mesure d'y mettre les budgets qui y sont
associés. Surtout qu'on sait très bien - et même M.
Côté le disait, et je le disais tantôt - que les coûts
de notre système de santé sont contrôlés. Donc, on
ne rentrait pas dans le discours que notre système de santé est
beaucoup trop coûteux, qu'on n'a plus les moyens de se payer ces
services-là. On pense que la population du Québec a fait des
choix et que le système de santé, au même titre que
l'éducation, fait partie des priorités qu'on veut maintenir et
qu'on est prêt à en payer le coût. Mais ce qu'on veut, par
contre, c'est que le coût soit véritablement partagé par
l'ensemble de la population du Québec, et de façon
équitable.
M. Filion: Est-ce que cette réforme-là aurait
limité l'accès, l'accès comme tel, ou le service à
la collectivité? Est-ce que la réforme qui était
proposée, qui était une opération d'économie de
coûts, peut-être, une opération comptable... Est-ce qu'elle
aurait vraiment limité l'accès ou limité les services
à la population dans le domaine de la santé, la réforme
Côté?
Mme Lavallée: Bien, là, de quelles mesures vous
parlez? Il y a eu le débat sur le financement, mais il y avait aussi les
mesures où le ministre prévoyait de réviser le panier de
provisions, en fait, qui était accessible à la population en
matière de services de santé. Est-ce que c'est à ça
que vous faites allusion?
M. Filion: Oui, c'est à ça que je fais allusion. Je
veux voir, de ce panier de provisions là... Est-ce qu'il y a encore une
possibilité de réaménager cette réforme-là
pour arriver à un meilleur coût au niveau de la santé?
Mme Lavallée: Nous, on pense que les services actuels qui
sont offerts dans notre système de santé, tous les services, ne
sont pas des services superflus et ils doivent être maintenus. On ne
pense pas, non plus, qu'il y ait un abus de la part de la population de
l'utilisation des services de santé, mais pas du tout. On refusait de
rentrer dans le discours qui culpabilisait la population quant à une
surutilisation ou une mauvaise utilisation des services de santé. Et,
dans ce sens-là, on a toujours amené de l'argumentation pour
qu'on maintienne l'ensemble du panier de services pour qu'il demeure accessible
à l'ensemble de la population et, de préférence, dans
toutes les régions du Québec. D'ailleurs, on est en faveur qu'il
y ait une décentralisation, qu'on puisse offrir une même
qualité de services dans toutes les régions du Québec. Les
gens sont tous payeurs d'impôt. Qu'ils viennent de l'Abitibi, de la
Gaspésie, du Lac-Saint-Jean ou de Montréal, donc ils auraient
accès, ils devraient avoir accès à des services de
santé de qualité au même titre que dans la
région de Montréal. M. Filion: Merci.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président, en souhaitant, moi
aussi, la bienvenue aux représentantes de la Fédération
des infirmières et infirmiers, et en exprimant, moi aussi, un peu comme
d'autres l'ont fait, ma déception au tout début de mon
intervention. J'aurais pensé que le message était clairement
passé, que les dépenses publiques étaient relativement
élevées ou, à tout le moins, qu'on devait parier de
fiscalité. Un des deux, là. De notre point de vue, on veut parier
de dépenses aussi; de l'autre côté, on veut surtout parier
de fiscalité.
J'ai regardé les recommandations que vous avez formulées.
J'ai arrêté de compter avant d'être rendu à
moitié chemin et j'en avais pour 350 000 000 $, de nouvelles
dépenses. Je veux bien qu'on finance ça par la fiscalité,
mais si j'avais continué à compter ça, peut-être
qu'on serait rendu à 500 000 000 $, auquel cas ça demande une
augmentation dans la progression de l'échelle d'impôt,
après 50 000 $, de 50 %. C'est une augmentation de 50 % des taux
marginaux existants pour financer seulement les demandes de la FIIQ. Ça
commence à être un petit peu inquiétant. Honnêtement
et clairement, moi, je me demande comment vous entendez financer ça,
votre seule demande à vous. Il y a 74 autres groupes qui vont se
présenter ici; on va espérer qu'il y en a sur le lot qui ne nous
demanderont pas quelques centaines de millions chacun. Comment allons-nous,
à force d'entendre des demandes comme celle-là, faire passer le
message que c'est extrêmement difficile de continuer à financer ce
que vous appelez les services de base? Les services de base, santé et
éducation, vous les avez appelés comme ça, et vous en
demandez pour 350 000 000 $ dans d'autres choses, là. On n'a même
pas parié de la santé encore. Les recommandations no 2 et no 4,
il y en a pour 350 000 000 $, et il n'est pas question de santé, ni
d'éducation, ni de quoi que ce soit à ce titre-là.
Pendant qu'on tente de garder le couvercle sur la marmite et qu'il est
important de le garder, il y a - oui, on le disait dans le document - un
contrôle sur les dépenses de santé au Québec.
Comparé aux autres, mais de façon comparable à notre
capacité de rencontrer ces dépenses-là, il faut faire
quelque chose. Il faut faire quelque chose. On peut se vanter que ça
nous coûte moins cher per capita ou c'est une moins grosse proportion de
notre produit intérieur brut que chez certains, mais encore faut-il
regarder ça compte tenu de notre richesse et de notre capacité de
le financer, et c'est là que ça manque.
Et ça manque d'autant plus qu'on se serait attendu... En tout
cas, moi, je m'attendais à tout le moins, au-delà des discours
sur la fiscalité, puis taxer les riches... Oublions qu'il n'y en a pas
vraiment, comparé au nombre de riches qu'il y a ailleurs. Je me serais
attendu de celles qui sont en première ligne, les 50 000 personnes qui
sont en première ligne dans les soins de santé au Québec,
qu'elles viennent nous donner des suggestions et nous disent: Sur les lieux de
travail, il y a des choses qu'il faut changer, puis c'est ça qu'il faut
faire, pour que les gens en aient pour leur argent - quitte à accuser
l'administration, et là on en discutera. Qu'elles viennent nous dire:
Ça, ça ne marche pas comme ça; ça, ce n'est pas une
façon de rendre les services; nous, on le voit, on est au centre, on est
le pivot. Et c'est pour ça, d'ailleurs, quand on discute de
rémunération avec les infirmières, qu'on tient compte du
fait qu'elles sont le pivot des soins. La transformation des soins de
santé a fait en sorte qu'elles ont un rôle central. Central! Elles
sont tellement mieux placées que n'importe qui, je dirais, pour venir
nous dire: Voici comment on devrait changer ça. Pas un mot! Pas un mot!
Mais une demande de 350 000 000 $ dans le domaine qui ne les concerne
même pas.
Je ne nie pas que la Fédération des infirmières a
le droit de venir ici et, comme groupe de pression politique qui n'a rien
à voir avec la santé, venir nous dire: Dépensez 350 000
000 $ pour les gens à la sécurité du revenu, donnez-leur
des ci, donnez des allocations de ça, rendez les pensions alimentaires
non déductibles de l'aide sociale, transformez en crédits
remboursables les déductions pour la garde d'enfants, oubliant, en
passant, que ça va nuire aux femmes monoparentales qui ne font pas 30
000 $; ça, ça va leur coûter une tôle, une palette,
cette suggestion-là. On aurait aimé ça, entendre parier
des dépenses de la santé et de la façon dont vous pouvez
contribuer à les contrôler pour que le service demeure et qu'on
continue à avoir la capacité de rendre ces services-là qui
sont, effectivement, le grand service de base au titre de
l'intégrité physique des citoyens qu'un gouvernement doit rendre
de façon efficace.
Alors, j'ai exprimé ma déception de trois façons,
mais je n'abandonne pas l'idée, si ce n'est pas ici, qu'à
l'occasion de rencontres prochaines qu'on devrait avoir - les
échéanciers sont ainsi faits dans les conventions collectives -
on pourra parler de façon concrète d'organisation du travail
à défaut de pouvoir en parier ici, même si c'était,
à mon sens, sans négocier, un excellent endroit pour parier de la
façon dont on peut contrôler les dépenses de la
santé dont tout le monde sait qu'elles sont vraiment le danger pour
déséquilibrer les finances publiques dans les 5 a 10 prochaines
années.
Le Président (M. Lemieux): Merci, monsieur.
Vous avez des commentaires, madame? Oui.
Mme Lavallée: Oui. Je tiens à préciser
qu'effectivement nous représentons 45 000 infirmières dans le
secteur de la santé, mais on est aussi des femmes et des citoyennes qui
paient des taxes. Nous sommes des travailleuses, et je pense qu'on est en droit
de représenter ici nos gens comme étant aussi des citoyennes qui
ont un mot à dire dans toute la question de la fiscalité, et
c'est à ce titre-là qu'on est ici aujourd'hui. Et je pense que
c'est important. (21 heures)
Vous avez dit que vous avez commencé à chiffrer nos
recommandations. J'espère que vous les avez chiffrées aussi en ce
que ça pourrait peut-être coûter, parce que ça fait
référence à des débats de société,
mais aussi à ce que vous pourriez en retirer, parce qu'il y a certaines
recommandations... Je déplore que vous ne les ayez pas regardées
jusqu'à la fin pour les chiffrer. Que soit réintroduit le gain de
capital dans le calcul du revenu pour un plus grand souci
d'équité: combien entrerait dans les coffres du gouvernement, par
cette recommandation-là? Qu'on aille renégocier les modes de
transfert avec Ottawa afin qu'on obtienne une part accrue: combien on aurait pu
aller récupérer? Qu'on s'engage à investir dans la
création d'emplois et dans le développement du capital humain:
à mon avis, ça, c'est garant de stratégies politiques un
peu plus gagnantes pour l'avenir, qui nous éviteraient de recommencer
peut-être à chaque année l'exercice qu'on fait.
Nous, ce qu'on voulait vous amener comme recommandation, c'est qu'on la
regarde, la question de la fiscalité, dans son ensemble pour qu'il y ait
un partage plus équitable à ce niveau-la. Qu'on regarde ensemble,
si vous avez de l'intérêt à ce qu'on regarde une relance
économique, parce qu'à notre avis c'est par ce biais-là
qu'on va régler les problèmes du gouvernement. Que vous nous
manifestiez une volonté de vous attaquer au phénomène de
pauvreté par la relance de l'emploi, pour nous, c'est des solutions qui
sont importantes, qui touchent non seulement, bien sûr, les gens du
secteur de la santé, mais, à notre avis, on avait une
préoccupation sociale beaucoup plus grande, et on pense que c'est dans
cette optique-là que la commission a lieu ce soir.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame.
M. Johnson: Oui. Je dirais, Monsieur... Ah, je m'excuse.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, le président du
Conseil du Trésor vient de confirmer ce que j'avais perçu ce
matin, qu'il s'agissait d'une vaste entreprise de conditionnement politique
à des coupures, etc. Ceci étant dit, je suppose qu'il cherche
à le faire. Mais je vois également que vous proposez quelques
solutions, quand même. Je voudrais m'attacher à une. Vous parlez
de plein emploi et, pour moi, ça fait référence à
deux pans. Le premier, c'est: Qu'est-ce qu'on fait faire à des citoyens
qui, à l'heure actuelle, n'ont pas d'emploi? Qu'est-ce qu'on leur fait
faire? Quels sont les services que vous leur feriez rendre?
Deuxièmement, deuxième pan, qui me paraît aussi important:
Comment financer?
Vous allez me répondre tout de suite: II y a déjà
l'assurance-chômage qui finance, ou l'assistance sociale. C'est
déjà des fonds disponibles, mais, au-delà de ça, on
suppose qu'il y aurait une augmentation de productivité au-delà
des prestations qui sont acquises, parce qu'il faudrait quand même
comprendre que si, comme mesures transitoires, elles pourraient compter sur ces
fonds, ce ne serait que transitoire, parce qu'il faut vraiment aller
au-delà. Il y a une relance économique qui est en fond de
scène, mais quand on parle de plein emploi, qu'est-ce qu'on fait faire
aux citoyens et comment on finance l'opération?
Mme Lavallée: Quand on parle de plein emploi, moi, ce que
je pense, c'est qu'on aurait intérêt, tout le monde, à
s'asseoir autour d'une même table, les représentants du
gouvernement, les représentants des associations syndicales, les
représentants des différents groupes de notre
société, des groupes de femmes, des représentants du
patronat, voir comment on pourrait, dans les différentes régions
du Québec, mettre de l'avant des politiques de plein emploi et comment
on pourrait, au Québec, remettre les gens à l'ouvrage. Je pense
qu'il y a suffisamment d'idées, de créativité, avec tous
ces gens-là réunis autour d'une table en cherchant un objectif
commun, pour qu'on en arrive à atteindre cet objectif-là.
C'est dans cet esprit-là qu'on est ici, et c'est le souhait qu'on
veut faire. Qu'on ne regarde pas le problème juste avec la lunette
économique, avec la dette grossissante, là, dans la figure. Je
pense qu'il faut qu'on soit en mesure de mettre de l'avant des
stratégies de planification à long terme pour relancer
l'économie.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste trois minutes, M.
le député de Labelle, et il vous reste une quarantaine de
secondes, de l'autre bord.
M. Léonard: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Alors, continuez. Ça
va.
M. Léonard: Oui, mais supposons qu'on en
reste au domaine de la santé. Les besoins sont indéfinis,
immenses, infinis. Qu'est-ce qu'on fait faire aux gens dans le domaine de la
santé, à des employés qui viendraient, et comment on
pourrait les financer? Parce que, pour moi, effectivement, c'est une des
pistes. À un moment donné, on peut remettre des sans-emploi au
travail, je suis convaincu que l'imagination va trouver des choses à
faire, et des choses à faire utiles, à part ça. Il y en a.
Mais la question est la suivante: Après qu'on leur aura trouvé ou
qu'ils se seront trouvé des tâches à accomplir, comment les
financer?
Mme Lavallée: Bien, écoutez, je pense que de
créer de l'emploi... Il va falloir se trouver des façons de
créer de l'emploi dans des secteurs qui vont aussi nous permettre
d'être concurrentiels...
M. Léonard: En santé, en santé.
Mme Lavallée: On ne peut pas le regarder juste dans le
secteur de la santé. La santé, ce n'est pas le secteur dans
lequel on va investir dans l'emploi qui va être générateur
d'économies, nécessairement, parce que c'est un secteur de
services. Donc, vous allez nous opposer que ça va coûter cher et
que ça ne rapportera pas, en tout cas, beaucoup pour ce qui va
être. Ça va peut-être rapporter en qualité de
santé de la population, mais ça ne rapportera pas.
M. Léonard: Mais, si vous permettez...
Mme Lavallée: Je pense qu'il faut regarder à
créer de l'emploi dans des secteurs où, au niveau du
marché, on est concurrentiels, des emplois qui vont être
générateurs de retombées économiques. Ces
gens-là qui vont travailler, qui vont ramener l'économie au
Québec vont aussi être des payeurs de taxes avec lesquels on va
être en mesure de se payer nos services sociaux, nos services de
santé, nos services d'éducation.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Gouin, allez-y brièvement.
M. Boisclair: Brièvement puisque que le temps file,
mais...
Le Président (M. Lemieux): II vous reste environ une
minute.
M. Boisclair: Je pense que la démonstration, depuis 10
heures environ que nous sommes en commission et que nous commençons
déjà à voir un peu où le gouvernement se loge, je
pense que votre mémoire nous montre bien et nous donne l'occasion de
rappeler qu'il y a plusieurs couleurs de la palette qui ont volontairement
été mises de côté et qui ne seront pas
étudiées par les différentes autorités qui sont
chargées de pré- senter la question.
Je pense que non seulement il y a des solutions qu'on se refuse de
regarder, mais il faut aussi voir le conflit ou les contradictions manifestes
de l'action gouvernementale sur un certain nombre de questions. C'est assez
intéressant.
On parlait tout à l'heure du ticket modérateur, mais il
faut rappeler ce que le gouvernement publiait. Je pense qu'on aurait
intérêt à se le rappeler et à se le redire. Dans le
document «Un financement équitable à la mesure de nos
moyens», qu'est-ce que le gouvernement nous disait, au sujet du ticket
modérateur? Entre autres, la conclusion, parce que le temps manque:
«La position traditionnelle du ministère repose également
sur le fait que le financement des services de base par des sources fiscales
n'encourt pas ces désavantages - parlant des désavantages du
ticket modérateur - découlant d'une tarification importante,
qu'il garantit l'accessibilité sans obstacle aux services au moment
où leur consommation est requise, et assure un partage des coûts
qui tient compte de la capacité de payer des individus.» On nous
disait aussi: «Par ailleurs, une contribution modeste des usagers
entraînerait une réduction de la consommation des services»,
etc. Deux pages dans ce document sur les désavantages du ticket
modérateur.
Alors, ce qui était hier une solution à rejeter pour des
considérations que nous avons encore peine à imaginer est devenu
maintenant une solution et une véritable solution miracle qu'il faut
maintenant appliquer comme s'il s'agissait d'une véritable religion.
Nous voulons tout simplement et peut-être vous donner l'occasion de vous
exprimer sur cette question et... que déjà la conclusion à
laquelle plusieurs d'entre nous et plusieurs personnes qui nous écoutent
vont rapidement arriver: À quoi bon procéder à cet
exercice, si nous avons, dans 10 ans ou dans 15 ans, à revenir ici pour
refaire le même exercice puisque nous refusons d'aborder un certain
nombre de problèmes véritablement structurels? À quoi bon
perpétuer une efficacité et regarder tout simplement comme des
fins plutôt que comme des moyens ce genre de solution comme celle du
ticket modérateur?
Le Président (M. Lemieux): Monsieur le... Oui, madame.
Allez-y.
Mme Lavallée: Effectivement, je pense que c'est des
solutions qui sont à court terme, mais je ne pense pas qu'on doive
profiter du contexte économique difficile pour apporter des reculs dans
des services de ce type-là où, effectivement, ce n'est pas tout
le monde qui sera en mesure de se payer des services au moindre coût.
Mais à partir du moment où on pale pour certains services qui
présentement sont plus gratuits, accessibles et universels, on fait
une
brèche, et c'est sûr qu'on pénalise une partie de la
population. Dans ce sens-là, je ne pense pas que la conjoncture
économique actuelle nécessite des choix aussi drastiques, aussi
importants.
Il faut être vigilant. Vous nous dites qu'on est peut-être
à l'aube d'une relance économique. Eh bien, je pense qu'on
devrait travailler à y participer pleinement, tout en préservant
les acquis sociaux. Je pense qu'on ne devrait pas continuellement mettre en
opposition les préoccupations économiques versus les programmes
sociaux ou les acquis sociaux. On devrait être en mesure de faire un
amalgame des deux et se permettre de conserver ce qui est des acquis, qui est
une richesse au Québec, ces acquis sociaux là, tout en mettant de
l'avant des stratégies pour relancer l'emploi et pour relancer
l'économie.
Le Président (M. Lemieux): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: En terminant, M. le Président, bien
sereinement pour redire ma déception. Je n'ai pas comptabilisé
les suggestions dites constructives ou qui rapportent de la
Fédération, pour la bonne et simple raison que je me refuse
à comptabiliser quelque chose que je sais déjà et que je
fais déjà. Les négociations avec le fédéral
pour aller chercher chez quelqu'un qui est aussi cassé que nous autres
notre part de notre dette, moi, je veux bien, mais, par ailleurs, ce n'est pas
par une solution constitutionnelle qu'on va régler le
problème.
Deuxièmement, travailler sur l'emploi, on ne fait que ça.
On ne fait que ça. Mon collègue de Verdun l'a expliqué
dune façon extrêmement éclatante, à mon sens, cet
après-midi. Il nous a donné des exemples de ce qu'on fait pour
l'emploi de façon conjoncturelle et de façon structurelle. Il y
en a un qui est à court terme, l'autre est à long terme. Si vous
avez des suggestions additionnelles, dites-le. (21 h 10)
Troisième déception, évidemment, c'est justement
qu'il n'y a pas de réponse à la question. Lorsqu'on nous dit: On
pourrait donc... Il y a tellement d'idées. Ça foisonne et
bouillonne d'idées pour créer des emplois partout au
Québec... Moi, je dis juste une chose: Donnez-moi un exemple, une
idée, une place. Je vais faire le chèque. Mais, à chaque
fois, on nous répond - et la FTQ nous a répondu la même
chose cet après-midi: On est plein d'idées et, pour vous le
prouver, convoquez-nous à une réunion et on va vous les dire. La
réunion a lieu aujourd'hui, en ce moment. Dites-nous-le! Dites-nous ce
qu'on peut faire sans argent - parce qu'on n'en a pas - pour créer de
l'emploi au-delà de ce qu'on fait déjà. Et là, on a
fait des choses, des centaines de millions qu'on a empruntés parce qu'on
n'a pas d'argent, sauf ce qu'on emprunte, et on en a déjà
passablement emprunté. Je ne veux pas me faire répondre...
Je regrette, là, mais je ne trouve pas ça constructif, de
dire: Convoquez-nous à une autre réunion, et on va vous le dire.
On vous a déjà convoqués pour venir ici aujourd'hui nous
le dire. Les gens refusent de le dire. Alors, j'en déduis que personne
d'autre n'a de solution, donc qu'on fait le mieux qu'on peut avec ce qu'on a,
mais que, si on veut faire davantage, il va falloir prendre des
décisions sur l'évolution des dépenses publiques. Je
félicite le député de Gouin de sa perspicacité
d'avoir finalement découvert aujourd'hui, dit-il, où on s'en
allait et quel était notre choix. C'est notre choix depuis huit ans,
depuis qu'on en a parlé avant les élections de 1985. C'est ce
qu'on a fait et on ne lâche pas. Il faut continuer. C'est ça que
les gens nous demandent de faire.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président
du Conseil du trésor.
Est-ce qu'on me donne le consentement pour un commentaire de 15
secondes? Est-ce que j'ai le consentement pour un petit commentaire de 15
secondes? Oui. Ah oui, 15 secondes, vous pouvez vérifier.
Dans un premier temps, vous créez de l'emploi chez nous puisque
votre siège social est dans mon comté, mais, au-delà de
tout ça, simplement c'est que vous êtes à la base, un petit
peu la pierre angulaire de notre système de santé. Dans une
organisation, lorsqu'on veut modifier des choses, on m'a toujours dit qu'il
fallait le demander à ceux qui faisaient le travail. En ce
sens-là, je rejoins les préoccupations du Conseil du
trésor. On se bat pour la même chose, vous savez. Nous aussi, on
veut conserver nos acquis. C'est la seule remarque que j'avais à vous
faire.
Alors, nous allons maintenant suspendre nos travaux deux minutes pour
permettre au prochain groupe, soit la Centrale des syndicats
démocratiques, de bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à 21 h 13)
(Reprise à 21 h 15)
Le Président (M. Lemieux): Veuillez reprendre vos
places.
La commission va reprendre ses travaux pour entendre la Centrale des
syndicats démocratiques dans environ 15, 20 secondes. Alors, s'il vous
plaît, veuillez prendre vos places. Nous reprenons nos travaux avec...
S'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux avec la Centrale des
syndicats démocratiques.
Bonjour. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire, 20 minutes de débat se feront du côté
ministériel et 20 minutes de débat du côté de
l'Opposition, pour un temps maximum d'une heure. Alors, je vous invite à
bien vouloir
vous identifier pour les fins d'enregistrement du Journal des
débats et à nous présenter votre mémoire.
Centrale des syndicats démocratiques
(CSD)
M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Je suis
Claude Gingras, président de la Centrale des syndicats
démocratiques. M'accompagne M. Louis Tremblay, responsable du service de
la recherche à la CSD.
M. le Président, M. le ministre, M. le président du
Conseil du trésor, membres de la commission parlementaire, la CSD, qui
représente près de 60 000 membres au Québec, est
sûrement très intéressée par le débat qui a
pris son origine aujourd'hui. Nous représentons, parmi nos 60 000
membres, 7000 membres qui proviennent des secteurs public et parapublic, dont
4800 dans le secteur de la santé.
C'est un contexte social, politique et économique plutôt
sombre qui nous amène à nous présenter ici ce soir. Cette
commission, nous le savons tous, se veut une tentative pour répondre au
mécontentement général de la population quant aux charges
fiscales et à l'ampleur des déficits gouvernementaux. La Centrale
des syndicats démocratiques revendique un débat plus large que
seulement le financement des services publics au Québec, qui est
d'ailleurs l'appellation même de cette commission. Cette approche
étroite du gouvernement du Québec ne vise qu'à
réduire, bien sûr, son déficit. Nous n'y voyons pas la
volonté, de sa part, de s'attarder aux véritables causes et
enjeux de la situation économique actuelle. Pour la CSD, la
réduction du déficit et le contrôle de l'endettement
passent, d'une part, par la qualité et, d'autre part, par
l'accroissement du nombre de contribuables, donc par l'emploi.
Autant la fiscalité que la révision des programmes
gouvernementaux doivent faire l'objet d'une consultation plus large pour
régler vraiment les problèmes économiques présents.
Selon nous, trois actions de base doivent être entreprises rapidement:
moderniser la gestion du secteur public québécois,
contrôler les dépenses gouvernementales et réviser la
fiscalité, l'emploi et les revenus du gouvernement.
Pour moderniser la gestion du secteur public québécois,
nos gouvernements, tant canadien que québécois, doivent performer
davantage avec les ressources que la population leur donne. La position de la
CSD repose sur le principe suivant: une plus grande transparence des
gouvernements. Le Canada, à cet égard, est en 19e place sur une
possibilité de 22, selon le «World Competitiveness Report»
de 1991. Au Québec, le Vérificateur général
soulève chaque année de nombreuses incohérences de la
gestion publique par le secteur public.
La CSD considère qu'il faut que les hauts fonctionnaires aient
à répondre de leur gestion devant la commission du budget et de
l'administration. Une motion à cet effet a d'ailleurs été
votée par la commission parlementaire du budget et de l'administration,
en février 1992. Si le gouvernement a une volonté politique
d'agir, il le fera rapidement avec sa motion, aussi rapidement qu'il l'a fait,
bien sûr, en juin dernier, pour réduire les droits des
travailleuses et des travailleurs en santé et sécurité au
travail ou, en décembre dernier, en permettant l'ouverture des commerces
le dimanche. Pour la CSD, il faut absolument responsabiliser les hauts
fonctionnaires quant à leur gestion.
Le deuxième moyen, bien sûr, une qualité
améliorée et une productivité accrue à tous les
niveaux. Dans un discours prononcé en 1990, le ministre de l'Industrie,
du Commerce et de la Technologie, Gérald Tremblay, mentionnait que le
coût de la non-qualité, au Québec, représentait 15 %
du produit intérieur brut. Dans une autre intervention publique, il
soulignait, et je cite: «Vous savez que la non-qualité, au
Québec, ça nous coûte, au bas mot, 24 000 000 000 $ par
année. Je vous laisse imaginer ce qu'on pourrait faire avec 24 000 000
000 $ par année. 24 000 000 000 $, c'est huit fois le déficit
annuel du Québec.» Fin de la citation. (21 h 20)
Selon la CSD, on ne peut attribuer qu'au secteur privé de telles
pertes. Le Vérificateur général a d'ailleurs
souligné quelques exemples de gaspillage des fonds publics,
particulièrement dans la planification des ressources humaines. Or, ces
ressources composent le principal poste de dépenses pour le
fonctionnement des ministères et organismes. La CSD estime - et je tiens
à vous le redire clairement - qu'une nouvelle vision de gestion moderne
et démocratique doit être mise de l'avant. Cette vision se
traduit, par exemple, par l'implication des travailleuses et des travailleurs
à titre de véritables partenaires dans les milieux de travail
pour l'élimination du gaspillage et l'augmentation de la
productivité. Ces travailleuses et travailleurs sauront, bien sûr,
mettre à contribution leur savoir-faire, car ils sont conscients que,
sans redressement, leurs emplois sont menacés et leurs conditions de
travail aussi. Nous rejetons catégoriquement l'approche qui semble se
perpétuer de geler les salaires et de réduire les conditions de
travail des travailleuses et des travailleurs du secteur public.
L'expérience de 1983 devrait guider les choix du gouvernement dans le
développement de la productivité et de la qualité dans le
secteur public.
Une troisième mesure, bien sûr, repose sur l'urgence
d'éliminer les dédoublements administratifs. La CSD revendique
que le gouvernement du Québec mette tout en oeuvre pour éliminer
les dédoublements administratifs avec le gouvernement
fédéral. La Centrale des syndicats démocratiques rappelle
que dans les secteurs de la maln-d'oeuvre, de l'emploi et de la formation
professionnelle, entre autres, on peut économiser jusqu'à
250 000 000 $ par année. La récente rencontre entre le ministre
de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Bourbeau, et
son vis-à-vis fédéral, M. Valcourt, n'a pas
été un succès, il faut l'admettre. À cet effet,
nous enjoignons, bien sûr, M. Bourbeau de poursuivre ses
démarches. Déjà, nous apprenions en fin de semaine
dernière que le fédérai ne renouvellera pas son entente
avec Communication-Québec pour le maintien d'un guichet unique
d'information sur les services et structures des deux paliers de
gouvernement.
Dans un contexte de compressions budgétaires, la situation est
plutôt aberrante, et nous estimons que le gouvernement
québécois doit tout faire pour enrayer ces tendances. Par
ailleurs, des dédoublements sont aussi présents à
l'intérieur même du gouvernement québécois. À
titre d'exemple, pour la langue française, on compte
présentement, au Québec, un ministère, quatre commissions,
un secrétariat, un conseil et un office. Pour la CSD, la protection de
la langue française est primordiale. D'ailleurs, la CSD fait depuis
longtemps la promotion de la langue française dans les milieux de
travail et s'implique pour atteindre la permanence en matière de
francisation. Mais n'y a-t-il pas moyen d'envisager l'abolition ou la fusion de
certains organismes gouvernementaux parmi ceux que nous venons
d'énumérer?
Autre exemple de mesures à mettre de l'avant: le comité de
travail sur la rationalisation des dépenses publiques proposait, en
1991, de créer un ministère de l'emploi et un ministère de
la famille, et d'en éliminer quelques autres. Un ministère de
l'emploi pourrait regrouper notamment les responsabilités suivantes: les
relations de travail, les services essentiels, l'Institut de recherche et
d'information sur la rémunération, l'accès à
l'égalité en emploi, la santé et la sécurité
du travail, l'industrie de la construction, la formation professionnelle et le
développement de l'emploi, les normes du travail, les régimes de
retraite publics et privés. Un ministère de la famille
regrouperait, quant à lui, les responsabilités quant aux jeunes,
aux femmes, la sécurité du revenu, les aînés, les
personnes handicapées et les services de garde. Dans ce même ordre
d'idées, la CSD revendique du gouvernement qu'il mette en place un plan
de restructuration des organismes et ministères afin d'en réduire
le nombre et d'en préciser les responsabilités.
Un quatrième moyen de moderniser la gestion publique:
décentraliser les centres de décision. Or, la CSD croit que le
gouvernement du Québec doit donner aux communautés locales et aux
régions les pouvoirs nécessaires pour utiliser les ressources de
l'État en fonction de leurs besoins. Cette décentralisation
permettra d'accroître la pertinence des interventions par rapport aux
besoins de la population. Dans les entreprises, la question de toute aide
financière du gouvernement doit dorénavant être faite
conjointement par l'employeur et les travailleuses et les travailleurs. Cette
mesure accroîtra la responsabilisation de tous quant à
l'utilisation des ressources dont l'État dispose pour soutenir le
développement économique et la création d'emplois.
Une autre action de base à entreprendre: contrôler les
dépenses gouvernementales. La CSD croit que toutes les interventions de
l'État doivent être soumises à un examen rigoureux afin de
maximiser leur portée auprès de la population et de justifier les
coûts qu'elle engendre. En appui, la CSD relève le questionnement
du Vérificateur général du Québec dans son rapport
1991-1992. Il souligne, entre autres, l'inaction gouvernementale ainsi, et je
cite: «Un examen, effectué en 1990 par mon
prédécesseur, de la forme et du contenu des documents
d'information financière déposés à
l'Assemblée nationale, soit principalement les prévisions
budgétaires et les comptes publics, a démontré que des
améliorations très importantes devraient être
apportées à ces documents. Les constatations d'alors portaient
sur le fait que des informations aussi importantes que celles sur les objectifs
à atteindre et les besoins à satisfaire, la mesure de l'atteinte
des objectifs et l'utilisation optimale des fonds étaient soit
imprécises, soit absentes. Malgré que certains ajouts aient
été faits à l'information fournie dans ces documents, je
constate que ces derniers n'ont pas été modifiés de
façon importante eu égard aux principales améliorations
proposées.» Fin de la citation. On peut se demander comment un
gouvernement qui ne tient pas compte de telles remarques peut affirmer
administrer consciencieusement les fonds publics. Les ressources mises à
la disposition du gouvernement du Québec sont très importantes en
ces temps difficiles, et cela exige que le gouvernement précise les
objectifs de ses programmes, en quantifie l'atteinte et s'assure que sa
façon de faire soit la moins coûteuse.
Prenons, à titre d'exemple, le programme Rattrapage scolaire
existant depuis 1984 pour les bénéficiaires de l'aide sociale. En
1991-1992, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du Revenu et de la Formation professionnelle et le
ministère de l'Éducation ont consacré plusieurs dizaines
de millions de dollars pour que plus de 56 000 bénéficiaires
retournent sur les bancs d'école. Parmi ceux-ci et ceux qui les ont
précédés depuis le début du programme, combien ont
effectivement terminé leur cours secondaire dans le cadre de ce
programme? Pourquoi ne l'ont-ils pas terminé? Est-ce la meilleure mesure
de développement de l'employabilité à utiliser pour leur
permettre d'intégrer le marché du travail? Notre questionnement
ne vise pas à faire disparaître ce programme, mais plutôt
à vérifier si les objectifs sont atteints et à quel
coût. Ce programme ne doit pas être là pour occuper les
bénéficiaires de l'aide sociale, mais pour leur permettre
vraiment d'intégrer le marché du travail. La scolarisation des
bénéficiaires est sûrement un objectif louable, mais encore
faut-il l'atteindre de la meilleure façon. Nous estimons que le
gouvernement doit faire un examen rigoureux de ses interventions et les
modifier pour répondre aux besoins. Ces mesures doivent être
appliquées à toutes les interventions de l'État.
Par exemple, ces documents du ministère de la Santé et des
Services sociaux - et je pense que ça vaut la peine qu'on en parle -
nous savons que l'ensemble de ces documents a été
distribué à chaque employé du ministère. Je ne sais
pas si vous avez vu cette brochure-là, mais ça doit coûter
des sous, ça. Croit-on sincèrement que chaque travailleuse et
travailleur, de la réception à la direction
générale des établissements, consultera l'ensemble de ces
données-là? Pourquoi ne pas avoir distribué seulement le
résumé, rendu disponible pour consultation le document principal?
On pourrait énumérer une série d'autres exemples du
même type. C'est par ce genre d'exemple que la CSD revendique que le
gouvernement du Québec précise les objectifs de ses programmes et
dépenses, quantifie l'atteinte et s'assure que la façon de faire
soit la moins coûteuse. Je tiens à bien mettre en évidence
que nous dénonçons l'intention gouvernementale d'abolir aussi la
gratuité complète et l'universalité des services. Toucher
à ces acquis équivaut à un recul inacceptable des droits
des citoyens, et la CSD s'y objecte fermement.
Finalement, la troisième action de base de la part du
gouvernement doit être de réviser la fiscalité, l'emploi et
les revenus du gouvernement. Le fardeau fiscal des Québécoises et
des Québécois s'est considérablement modifié au
cours de ces dernières années, car les gouvernements cherchent
à accroître leurs revenus par des modifications de la
fiscalité. Mais les consommatrices et les consommateurs adoptent des
comportements différents afin d'éviter de payer les impôts
et les taxes. On parle ici de contrebande, travail au noir, etc. Par ailleurs,
le gouvernement accorde des déductions, des exemptions en visant des
objectifs que la CSD partage, à savoir la stimulation de
l'Investissement, de la recherche, de la formation des travailleuses et des
travailleurs, entre autres. Par contre, plusieurs citoyens sont actuellement
sans emploi et reçoivent des prestations d'assurance-chômage,
d'aide sociale ou même n'ont aucun revenu. Cela représente une
diminution importante de revenus pour les gouvernements. Il faut donc
rétablir un équilibre acceptable au plus tôt. Pour ce
faire, la CSD revendique, premièrement, une commission d'enquête
publique sur la fiscalité. Cette commission disposera d'une année
pour étudier en détail la fiscalité
québécoise et la rendre concurrentielle, intégrée
et coordonnée, cela autant pour les ménages que pour les
entreprises. Nous disons «concurrentielle», car elle doit attirer
les investisseurs chez nous plutôt qu'en Ontario ou aux États-Unis
ou ailleurs, bien sûr. (21 h 30)
Par contre, nous estimons qu'il faut éliminer certaines
échappatoires fiscales. Lorsque nous disons «fiscalité
intégrée», nous recherchons, bien sûr, une
planification de la fiscalité. Par exemple, l'administration de la TPS
et de la TVQ ne se révèle pas aussi simple que prévu. Le
problème est dû à la définition de l'assiette
fiscale de ces taxes et aux cas d'exemption qui en diffèrent
considérablement. Une meilleure planification améliorerait
sûrement la situation.
Une fiscalité coordonnée. Les régimes fiscaux
fédéral et provincial doivent être coordonnés,
autant pour les entreprises que pour les particuliers. La revendication de la
CSD vise à ce que le gouvernement du Québec élimine les
exemptions, déductions, fraudes et échappatoires dans
l'impôt sur le revenu des particuliers et dans l'impôt des
sociétés, qui vont à rencontre d'une fiscalité
concurrentielle, intégrée, coordonnée et équitable.
Le gouvernement doit revoir toutes les règles particulières de
fiscalité en fonction du plein emploi. En somme, il faut viser une
fiscalité québécoise plus progressive.
La CSD revendique également l'implantation d'une politique de
plein emploi. L'augmentation des revenus de l'État passe par une
augmentation du nombre de payeurs de taxes. Le taux de chômage actuel,
qui dépasse 13 %, jumelé à l'accroissement critique du
nombre de personnes qui ont perdu espoir et qui ne sont même plus en
mesure de rechercher un emploi, montrent la faiblesse de notre économie.
Le plein emploi doit se réaliser par diverses mesures visant la lutte
aux mises à pied et aux licenciements, le redressement et la relance
d'entreprises, la préretraite, la réduction du temps de travail
pleinement compensé, un développement sectoriel et
régional, une réforme de l'aide aux entreprises qui s'appuie
davantage sur la participation des syndicats, des travailleuses et des
travailleurs, la formation, le congé éducation, le revenu social,
etc. Pour la CSD, cette série de moyens doit servir les milieux de
travail pour qu'ils puissent accroître leur productivité et la
qualité et mieux relever le défi qui les attend. Le gouvernement
québécois doit s'engager dans une politique progressive de
l'emploi, d'autant plus que, favoriser l'emploi, c'est s'assurer d'un nombre
plus élevé de contribuables payeurs de taxes qui, ainsi, feront
rouler l'économie, ce qui diminuerait les coûts pour soutenir les
sans-emploi.
Le redressement auquel la CSD incite le gouvernement à
adhérer fait appel à un engagement politique profond, ferme, et
c'est maintenant qu'il faut agir. Mais, cette fois, il faut convier les
travailleuses et les travailleurs à s'impliquer entièrement. Ils
sauront le faire. On peut leur faire confiance si on leur donne, bien
sûr, la place qui leur revient. C'est de l'avenir de chacun dont
il s'agit. Il est essentiel de s'engager avec sincérité pour une
fiscalité équitable au service de l'emploi. Et je vous
remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. M. Gingras, je dois
d'abord vous remercier d'être venu ici, et je dois dire que, depuis 12
ans, 13 ans que j'ai l'occasion de lire et d'échanger avec les
différents dirigeants de votre centrale, j'ai toujours été
impressionné par la qualité des documents qui sortent de votre
centrale syndicale. Et le mémoire que vous présentez aujourd'hui
ne fait pas défaut à la réputation que vous avez à
mes yeux quant à la qualité de votre analyse.
Je voudrais revenir ici sur la première partie, disons, de votre
mémoire, lorsque vous appelez à la modernisation de la gestion du
secteur public. Et je dois dire personnellement que j'ai été
absolument presque d'accord complètement avec les points que vous
soulevez. Vous appelez à plus de transparence dans l'administration.
Vous appelez à un accroissement de la qualité et de la
productivité dans la gestion du secteur public. Vous nous conviez
à éliminer les dédoublements entre les différents
ministères et, le cas échéant, entre le
fédéral et le provincial. Vous nous conviez à
décentraliser nos centres de décision. Je dois dire que, de ce
côté-ci de la Chambre, nous partageons facilement ces objectifs,
et c'est un peu une raison pourquoi nous sommes réunis ici.
La question que j'aimerais vous poser, c'est: D'aucuns prétendent
que bien des freins à la modernisation du secteur public viennent des
différentes conventions collectives qui ont été
signées. Je sais que vous représentez une partie peut-être
relativement minime des employés du secteur de l'État. Ma
question, c'est: Est-ce que vous êtes prêts à remettre en
question et à travailler avec nous, dans ce cadre des conventions
collectives, pour avoir un cadre de relations de travail qui nous permette
réellement d'arriver à une véritable modernisation de la
gestion de l'État? Autrement dit, j'interpelle après que vous
nous ayez interpellés, et en remerciant la qualité de votre
exposé, je vous interpelle pour savoir: Est-ce que vous êtes
prêts à travailler avec nous, compte tenu qu'un des freins
potentiels de cette modernisation c'est l'ensemble des conventions collectives
dans le secteur public?
M. Gingras: Bien, écoutez, la réponse est positive.
Je pense que la CSD a fait la preuve, tout au cours de son existence, quand
même, de sa grande volonté de pratiquer un syndicalisme nouveau et
moderne. Un syndicalisme nouveau et moderne, ça ne veut pas dire
s'inscrire dans la tradition et ne rien changer. Je pense qu'on a toujours
été...
M. Gautrin: Au contraire, même.
M. Gingras: Oui, c'est ça. Alors, on a toujours
été favorable à s'inscrire dans une démarche
progressive, une démarche qui fait avancer les choses, dans lesquelles
les travailleurs trouvent leur compte on étant reconnus comme de
véritables partenaires.
M. Gautrin: Absolument.
M. Gingras: Parce que je pense que l'emploi qu'on détient
- et, ça, je pense que c'est une croyance fondamentale à la CSD -
on doit travailler à le conserver; et, ça, je pense que c'est
important. Si on veut partager le fruit de cet emploi, au départ il faut
s'assurer qu'il va continuer d'être là. Alors, dans ce
sens-là, on doit s'inscrire dans une approche qui fait en sorte de nous
garder le niveau de compétitivité qu'on doit toujours garder pour
s'assurer que cet emploi-là va demeurer. Alors, c'est pour ça
que, quand on parle de modifier les conventions collectives, bien,
écoutez, je pense qu'on a fait la preuve qu'on est capable de le faire
lorsque les circonstances l'exigent. Ça ne veut pas dire modifier les
conventions à rabais, nécessairement, ça ne veut pas dire
consentir des reculs au niveau des conditions de travail, mais ça veut
dire ajuster les conditions de travail à des nouvelles
réalités, et ça veut dire aussi s'adresser aux nouveaux
défis en se donnant quand même les marges nécessaires pour
pouvoir opérer des entreprises et des établissements avec
suffisamment de flexibilité et de possibilité pour qu'on
relève, justement, le défi de la compétitivité.
Alors, ça, je pense que là-dessus on a manifesté
notre ouverture. Que ce soit pour le secteur public ou privé, je pense
qu'on va continuer dans ce sens-là et, pour nous autres, on a
déjà, même, négocié, au niveau de nos
conventions collectives dans le secteur public, des conventions qui font qu'on
est prêt et qui disent qu'on est prêt à s'asseoir avec les
autorités de certains établissements pour essayer de voir
ensemble par quelles mesures on est capable d'accroître
l'efficacité, la qualité des services, et tout ça.
Mais il faut dire que, même si on a réussi à
négocier et à intégrer dans nos conventions collectives du
secteur public ce genre de dispositions, on ne peut pas dire qu'à venir
jusqu'à maintenant le résultat ait été très
concluant parce que, même si on s'entend sur ces conditions-là, il
faut qu'une réelle volonté existe, qu'on s'assoie et puis qu'on
essaie de les régler, même si ça peut sortir du cadre
traditionnel des politiques qui sont imposées à l'ensemble
des
institutions. alors, c'est dans ce sens-là que je vous dis:
actuellement, on n'a pas nécessairement fait le virage dans le secteur
public, et il y a peut-être un coup de barre à donner dans ce
sens-là.
M. Gautrin: Je vous remercie et j'espère pouvoir continuer
à échanger avec vous dans le futur. Merci.
M. Gingras: Ça me fera plaisir.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président.
Bienvenue aux représentants de la CSD. Je voudrais d'abord faire
une remarque sur votre première balise ou recommandation, ou le principe
que vous énoncez qu'il faut une plus grande transparence de
l'État dans ses opérations. Je ne peux pas faire autrement que
reprendre un peu ce qui a été fait par rapport à cette
commission lancée à la mi-décembre, pratiquement, en
donnant un délai presque impossible, alors que c'étaient les
vacances de Noël pour tout le monde, sans documentation de base. Et je
rappelle que le document du gouvernement a été publié le
19 janvier, date où tout le monde devait remettre son document, son
rapport à la commission. (21 h 40)
Je pense que, là, il y a comme un problème, parce que je
crois qu'il en manque, justement, des renseignements de base, puisque tout le
monde a dû préparer son mémoire à partir de
renseignements qui étaient pratiquement périmés. Et puis,
hier soir, le comble, on nous arrive avec la synthèse des états
financiers, les opérations financières du 31 décembre. Et
je les retiens, parce que, franchement, je m'en souviendrai longtemps, parce
que, pour les prochaines, nous allons exiger le dépôt 15 jours
après la fin du mois. Elles sont prêtes, elles sont disponibles.
Peut-être qu'on pourrait aller à 30 jours, peut-être. Je
rappellerai qu'encore là l'efficacité du gouvernement ne serait
pas un modèle, parce que dans des institutions financières qui se
respectent, 10 jours après la fin du mois, vous les avez. C'est
ça qui se passe.
M. le Président, j'apprécie d'autant plus les
organisations et les personnes qui viennent ici, devant nous, transmettre, nous
dire ce qu'ils entendent par finances publiques, par fiscalité, comment
ils voient la solution des questions qui se posent là-dedans. Je
relève un certain nombre de bonnes suggestions dans ce que vous dites.
Oui, il y a des choses à faire au gouvernement: éliminer les
dédoublements administratifs, décentralisation des centres de
décision du secteur public pour les rapprocher de la population. Je
dirais même qu'à l'intérieur du gouvernement il y a
peut-être quelques échelons, quelques niveaux de trop qui feraient
que ça se rapprocherait, d'ailleurs, des travailleurs eux-mêmes,
ce qui correspondrait à l'évolution dans les grandes
organisations où, finalement, on essaie d'éliminer le plus
possible des niveaux en élargissant la base avec beaucoup plus de
concertation. Ça, c'en est.
Mais, au-delà de ça, on reste toujours, jusqu'à un
certain point, dans le rétrécissement de la fonction publique
plutôt que de trouver des façons de l'utiliser pour essayer de
relancer l'économie. Ce que vous proposez, c'est l'implantation,
après une commission d'enquête publique sur la fiscalité -
dont il été question aujourd'hui; quelqu'un d'autre pourrait
poser la question là-dessus - d'une politique de plein emploi.
Moi, j'aimerais reposer la question suivante, que j'ai posée tout
à l'heure: Qu'est-ce que c'est, pour vous? Qu'est-ce que vous feriez
faire à des personnes qui sont sans emploi maintenant, dans le secteur
public, parapublic, ou en dehors, à partir du moment où elles
sont en chômage?
Je tique un peu sur ce que vous dites des préretraites parce que,
pour moi, c'est une demi-solution. Une personne qui s'en va en
préretraite se retrouve, de toute façon, à la charge de la
communauté, de la collectivité, et ce n'est pas
nécessairement le meilleur moyen; je dirais que c'est le dernier
recours, dans certains cas. Mais, au-delà de ça, une politique de
plein emploi, ça veut dire que tout le monde travaille. Quelles sont les
étapes? Quelle est, après ça - la deuxième question
- la façon de financer une politique de plein emploi, pour vous?
M. Gingras: Écoutez, il ne s'agit pas, quand même,
d'une question très simple, mais il y a moyen de s'inscrire dans une
politique de plein emploi de façon très claire et très
énergique.
Premièrement, je pense que toute la fiscalité doit
s'adresser, doit converger en fonction d'inciter à l'investissement pour
développer l'emploi. Alors, il y a un modus vivendi clair, là,
c'est qu'on doit s'entendre sur cette condition minimum là. Quand on
établit des règles de taxation, quand on établit une
fiscalité, elle doit favoriser l'investissement dans les emplois et le
développement des emplois.
Deuxièmement...
M. Léonard: Est-ce que... Juste, si vous me
permettez...
M. Gingras: Oui.
M. Léonard: Est-ce que, à ce moment-là, ce
que vous nous dites indirectement, c'est que ça défavoriserait ou
découragerait le travail au noir, une telle fiscalité? C'est
ça que vous nous dites?
M. Gingras: Exact. C'est qu'au départ il faut s'entendre:
une telle politique ferait en
sorte de décourager ce qu'on appelle l'économie au noir,
qui semble se développer à un rythme qui est assez effarant, pour
ne pas dire très inquiétant pour une société...
M. Léonard: Oui.
M. Gingras: ...qui veut se développer et continuer...
M. Léonard: D'accord avec vous.
M. Gingras: ...quand même, de progresser. Alors, on est
très inquiets actuellement, et je pense qu'il faut s'adresser à
ces problèmes-là de façon très claire. Et il faut
faire en sorte que les gens qui font une économie qu'on appelle
«au blanc» soient favorisés par rapport à des gens
qui s'inscrivent dans une économie au noir. Et, actuellement, ce n'est
pas nécessairement ce qui se passe. Je pense qu'il faut qu'on donne un
coup de barre dans ce sens-là.
Deuxièmement, quand on parle de fiscalité favorisante pour
la création d'emplois, il faut parler également de conditions.
Vous avez dit: Bon, bien, la préretraite, c'est peut-être un
cataplasme. Mais, pour nous autres, c'est important, et je vais vous expliquer
pourquoi. Il y a quand même des travailleurs qui sont rendus à 55
ans d'âge, qui sont rendus à une étape de leur vie de
travail où ils ont quand même peut-être eu la
possibilité d'accumuler une certaine partie de revenus qui leur permet
quand même de vivre, en partie. Bien sûr, ce n'est pas suffisant,
mais ils sont mieux placés pour vivre que d'autres. Ils ont
réussi à payer leur maison, ils se sont ramassé un petit
capital, et tout ça. Ils seraient en mesure de prendre une
décision, à un moment donné, d'aller vers une
préretraite, mais ils n'ont pas le revenu ou la sécurité
nécessaire pour prendre ce genre de décision-là.
Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on investit énormément
d'argent - et je ne veux pas dire qu'on ne doit pas continuer de le faire pour
ceux qui veulent, qui choisissent de rester sur le marché du travail -
dans le recyclage de ces personnes-là - à 55 ans d'âge,
analphabètes et on doit les alphabétiser, les former
techniquement pour devenir de bons artisans de l'informatique parce que,
demain, les machines seront des robots et de l'informatique. Alors, on leur
demande de faire ça à l'âge de 55 ans, et puis on craint
une perturbation chez ces gens-là qui n'ont pas d'option, tellement
qu'à un moment donné on ne réussit pas toujours à
recycler ces travailleurs-là.
Et, malheureusement, pendant ce temps-là, il y a un travailleur,
un jeune travailleur qui est en recherche d'emploi, qui essaie de se
dénicher un emploi dans notre société, qui, lui, attend sa
place. Il attend sa place, et puis il n'est pas capable d'y adhérer.
Alors, lui, il nous coûte cher. Lui, il nous coûte cher. Mais le
travailleur à qui on pourrait peut-être offrir un programme de
préretraite parce que, lui, il aurait une possibilité de choix,
soit de se recycler ou de faire autre chose, à ce moment-là II
aurait au moins la possibilité de son choix. Et, à ce moment-ci,
ça n'existe pas. Là, on a deux personnes malheureuses, en fait,
et on ne sait pas choisir. Et on continue de tolérer un taux de
chômage de 13 %.
Il y a une série de mesures comme ça, qui peuvent
être initiées et qui seraient de nature, quand même,
à faire en sorte qu'on améliorerait la situation du
chômage, qu'on metttrait plus de personnes au travail puis qu'il y aurait
plus de personnes avec un revenu décent aussi pour continuer de vivre
décemment dans notre société. Mais il s'agit de faire des
choix. Garder 13 % de chômeurs ici, au Québec, ce n'est pas un
choix pour la CSD, et ça ne devrait pas être un choix pour le
gouvernement non plus. Il faut trouver d'autres moyens.
La réduction des heures. Je pense que la réduction des
heures de travail, à un moment donné, il va falloir y penser
aussi. On est passé, à un moment donné, à une
réduction de 48 à 40, vous le savez fort bien, et ça a
été bénéfique pour l'emploi. Je pense que de plus
en plus il va falloir envisager, en termes de projet de société,
de partager un peu mieux les heures de travail et puis d'essayer de voir
comment on est capable de mettre plus de gens au travail. De cette
façon-là, on va les valoriser et on va arrêter d'avoir un
système où tout le monde est à la remorque.
En tout cas, il y a une série de mesures, et on pourrait
continuer d'en énumérer; on pourrait continuer d'en
énumérer énormément. Et il y a des créneaux
importants de développement de l'emploi. M. Gérald Tremblay, le
ministre de l'Industrie et du Commerce, entre autres, est un ardent
défenseur de ces grappes industrielles. Il a peut-être une belle
stratégie, là, mais avec quels moyens on la développe?
Écoutez, on aurait énormément d'intérêt
à identifier les bons créneaux dans lesquels on pourrait susciter
l'investissement ici, au Québec, développer de nouvelles
entreprises. Et, actuellement, on ne sent pas la volonté, vraiment, de
rendre ça concret. Ce n'est pas évident qu'on fait le travail
pour susciter ces investissements-là. Bien sûr, on a de bonnes
idées, mais, dans le concret, on ne les matérialise pas et on ne
les réalise pas souvent. Alors, ça, c'est un constat, et je pense
qu'il va falloir qu'on s'assoie sérieusement et qu'on réalise des
choses.
Le Président (M. Lemieux): Ça va?
M. Léonard: La deuxième partie, c'était:
Comment on finance ça, une politique de plein emploi, à votre
idée? Parce que vous l'énoncez, là: implantation d'une
politique de plein emploi. Je suppose que vous partez déjà des
allocations
qui sont disponibles, mais il faut en sortir un jour si on veut vraiment
que l'ensemble progresse.
M. Gingras: C'est sûr qu'il ne faut pas que ça se
fasse au profit d'une augmentation des dépenses publiques. Je pense
qu'il faut être clair là-dessus, pour nous autres. Il faut qu'on
diminue les coûts.
Actuellement, une façon de diminuer, c'est d'enrayer le
chômage chronique et structurel. Mais je pense que, justement par ces
économies-là qu'on réaliserait, déjà on
financerait une bonne partie des coûts, justement. Il s'agit de
dépenser l'argent un peu mieux qu'on ne le dépense actuellement.
Les programmes ne sont pas vraiment adaptés à l'économie
qu'on a ici, au Québec.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Labelle. M. le député de Limoilou. (21 h
50)
M. Després: Oui. Merci, M. le Président.
M. Gingras, je trouve tout à fait rafraîchissante et
pragmatique votre approche, contrairement aux autres centrales syndicales qui
sont venues nous rencontrer aujourd'hui, parce que vous nous avez
présenté un plan de redressement en trois parties: la
modernisation du secteur public, le contrôle des dépenses et la
révision de la fiscalité. Quand on parle, effectivement, de la
transparence gouvernementale, c'est un peu l'objectif. Je n'étais pas
tout à fait d'accord, M. le Président, tout à l'heure,
quand j'entendais le député de Labelle qui - je l'écoute
depuis le début de la journée - essayait toujours et constamment
de picosser.
Vous me permettrez de faire une petite parenthèse. Lorsqu'il
parle de cette transparence, je pense que nous n'avons pas, M. le
Président, les ministériels, à recevoir de leçon.
Lorsqu'ils ont été au pouvoir, eux, pendant huit ans, jamais ils
n'ont entendu le Vérificateur général. Vous allez me dire
qu'on sort des vieilles choses, mais des choses qui font que lorsqu'on veut
parler de transparence... Lorsqu'on a eu un problème financier au
gouvernement en 1982, on a décidé de façon
unilatérale de couper dans les salaires parce qu'on avait un
problème budgétaire. Nous, on dit qu'on contrôle la
situation financière. On veut continuer à la contrôler et
on fait l'exercice de faire une commission parlementaire. Je crois, M. le
Président, que c'est un exercice, justement, de transparence face aux
finances publiques, face aux orientations que le gouvernement veut prendre que
l'exercice qu'on fait ici.
Cette parenthèse étant fermée, M. le
Président, M. Gingras, lorsque vous parlez du contrôle des
dépenses, je vois qu'à part l'aspect de la tarification, vous
avez tout de même une approche, au niveau du contrôle des
dépenses, qui rejoint en un certain nombre de points le document qui a
été déposé, qui est de vivre selon nos moyens comme
tels. Vous dites qu'on pourrait faire une analyse des différents
programmes qui existent.
Dans le contexte budgétaire actuel, j'aimerais vous demander s'il
y a des secteurs où le gouvernement devrait diminuer son implication ou
devrait se retirer. Est-ce que, dans ce sens-là, vous avez des
suggestions à faire? Vous pouvez me parler de dédoublements; je
vais être d'accord avec vous au niveau de la main-d'oeuvre. Vous avez
parlé de l'exemple au niveau des communications, tout à l'heure;
je suis d'accord aussi avec vous. Mais, face aux organismes publics et aux
ministères déjà existants, je pense que vous avez
cité peut-être une couple d'exemples tout à l'heure, soit
au niveau des ministères et des organismes ou au niveau des programmes
déjà existants; est-ce qu'il y a des secteurs, pour vous,
où le gouvernement devrait diminuer son implication financière ou
même se retirer?
M. Gingras: Non, on ne pense pas que la solution repose dans le
retrait du gouvernement de certaines responsabilités, parce que je ne
suis pas certain que ça contribuerait à assainir, quand
même, les dépenses publiques. Je pense que l'effort doit
être mis dans la rationalisation et dans l'amélioration de
l'efficacité.
Écoutez, diminuer à ce moment-ci les services ne serait
pas de nature à dynamiser l'action dans notre société. Je
pense qu'on s'est donné certains services; on s'est donné
certaines mesures qui nous permettent actuellement de développer des
choses. C'est dans la rationalisation de ces outils qu'on s'est donnés
que reposent, bien sûr, les solutions. C'est dans l'amélioration
de l'efficacité de ces services-là que reposent aussi les
solutions. Dans ce sens-là, pour nous autres, abolir une partie des
services, ce ne serait pas nécessairement une réponse.
M. Després: M. le Président, peut-être une
autre courte question. Quand vous dites «par une responsabilisation des
hauts fonctionnaires quant à leur gestion», donc, vous parlez
d'une impu-tabllité. J'airnorais ça savoir commont lo processus
d'imputabilité des hauts fonctionnaires devrait être
opérant? Est-ce une imputabilité interne, une imputabilité
externe?
M. Gingras: Pardon?
M. Després: Est-ce que vous parlez d'une
imputabilité interne, externe?
M. Gingras: On parle d'imputabilité publique, dans le sens
que ces gens-là viendraient témoigner devant la commission du
budget et de l'administration et témoigner...
M. Després: Donc, d'imputabilité externe.
M. Gingras: ...sur les programmes - c'est ça - qu'ils ont
eu à développer, et pourquoi les objectifs n'ont pas
été atteints. En tout cas, qu'ils aient à rendre des
comptes là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): Mais comment voyez-vous ce
cadre de fonctionnement de comparution des hauts fonctionnaires devant la
commission parlementaire? Si vous aviez à définir le cadre de
fonctionnement, vous le verriez de quelle façon?
M. Gingras: Je vais demander à mon collègue, Louis
Tremblay, de développer sur cette partie-là, possiblement la
vision qu'on...
M. Tremblay (Louis): À tout le moins, il faudrait
rejoindre les recommandations du Vérificateur général.
Quand le Vérificateur général, dans son rapport,
écrit un chapitre sur un ministère, sur un organisme, il faut que
les hauts fonctionnaires viennent s'expliquer, viennent rendre des comptes sur
les remarques, publiquement. Ils sont responsables de la gestion. Le
gouvernement est responsable des politiques. La gestion est une part importante
de l'administration publique, à tout le moins.
Aussi, il faut décentraliser dans les ministères et les
organismes. Tout à l'heure, on parlait d'améliorer le service
à la population. Le service. Bien, il faut qu'on puisse discuter de
l'organisation du travail dans les ministères, dans les organismes, dans
les hôpitaux, dans les écoles. Ce n'est pas à une
commission parlementaire, ici, qu'on peut nécessairement régler
tous ces problèmes-là. Il faut laisser la possibilité aux
milieux de travail de réaménager les services qu'ils donnent
à la population.
Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le
député de Montmorency.
M. Filion: Merci, M. le Président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue, à mon tour, aux
représentants de la CSD. Moi, j'aurais une question, une question
très courte. Dans votre plan de redressement, vous faites allusion
à l'élimination des dédoublements administratifs, puis
vous dites que c'est urgent. Alors, comment vous voyez que ça pourrait
se faire à très court terme, l'élimination?
M. Gingras: Écoutez, vous me posez une question qui n'est
pas facile. Je pense qu'on a participé pour essayer de convaincre le
gouvernement fédéral, à un moment donné, dans
certains domaines, d'accepter le guichet unique du Québec, entre autres
par rapport aux mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre. On sait de quelle
façon on est obligé de se diriger à 10 ou 15 endroits
différents, à un moment donné, pour obtenir des
réponses par rapport à certains défis qu'on relève
de relancer certaines entreprises, de s'adresser aux problèmes de
formation, de s'adresser aux problèmes de recyclage, de
réadaptation des travailleurs. Alors, on est obligé de cogner
à plusieurs portes actuellement pour bénéficier des
mesures de soutien pour s'adresser au problème de l'économie. Et
je pense qu'il est temps qu'on s'adresse ou qu'on travaille à
l'intérieur d'un guichet unique.
On a fait des démarches auprès du gouvernement
fédéral. Il semble que les derniers pourparlers avec le ministre
Bourbeau n'aient pas nécessairement abouti au succès
espéré, mais je pense qu'il va falloir que les gouvernements...
Là-dessus, nous autres, je ne sais pas comment on va réussir
à les convaincre, mais il va falloir que les deux paliers de
gouvernement - si ça doit continuer d'être notre régime
politique, bien sûr - deviennent un peu plus rationnels et,
indépendamment du choix d'option politique qu'on a, qu'on s'entende sur
l'efficacité. Sur ça, actuellement, ce n'est pas évident
que les choix politiques qui sont faits, tant au fédéral qu'au
provincial à certaines occasions, nous conduisent à cette
efficacité-là qui doit être recherchée.
Dans un contexte comme celui qu'on traverse, où le gouvernement
cherche ses revenus et où, nous, on veut protéger nos acquis
sociaux et nos programmes, je pense qu'à un moment donné la
première réaction qu'on a quand ces enjeux-là sont
menacés, on se dit: II faudrait qu'on commence par faire le
ménage dans la cabane. Et c'est ça qui presse actuellement, et
c'est la difficulté à laquelle on s'adresse.
Alors, comment on va résoudre ce problème-là? Bien,
écoutez, on fait appel tant au fédéral qu'au provincial
pour qu'enfin on raisonne ça de façon claire, dorénavant,
pour qu'on règle ces enjeux-là de façon claire et à
l'avantage, quand même, de la société.
M. Filion: Basée sur une telle réflexion,
j'aimerais savoir si la CSD serait d'accord à ce qu'il y ait, au
Québec, une seule déclaration d'impôt, comme actuellement
on a une espèce de guichet unique, si on peut l'appeler ainsi, pour la
taxe de vente du Québec, où on a fusionné TPS et TVQ
administrées par le Québec? Est-ce que la CSD verrait d'un bon
oeil qu'on puisse, au ministère du Revenu du Québec, avoir une
seule déclaration d'impôt, par exemple avec une section
fédérale et une section particularité Québec,
où on aurait un seul endroit, où on adresserait un seul
chèque au ministère du Revenu du Québec? Est-ce que, pour
la CSD, c'est quelque chose qui devrait se travailler, ça, dans
l'esprit, toujours, de la simplification et de l'élimination des
dédoublements administratifs, puisqu'on a quand même des
économies majeures avec la TPS et la TVQ administrées par le
ministère, à Québec? Alors, dans cette
dynamique-là, est-ce que la CSD, par rapport à ce que vous
soulevez, soit l'élimination des dédoublements administratifs,
serait d'accord pour une telle démarche au
niveau de l'impôt sur le revenu? (22 heures)
M. Gingras: II est certain que tout ce qu'on peut faire pour
éliminer les déboublements, on y est favorable. Alors, si on doit
rester dans le régime politique canadien, écoutez, quel que soit
le niveau de gouvernement, si on est capable de s'entendre administrativement
pour, à un moment donné, ne pas faire les choses en double, bien,
je pense qu'on doit le faire. Et puis on doit le faire tout en respectant,
quand même, l'autonomie des différents paliers de gouvernement,
parce que je pense que cette autonomie-là doit être
respectée. Ce n'est pas parce qu'on s'entend, à un moment
donné, sur une façon de percevoir ou une façon de
décider des questions que, nécessairement, on consent notre
pouvoir à d'autres. Alors, je pense que, ça, ça doit se
faire dans le respect des responsabilités de chacun.
M. Filion: Non, je ne pense pas que le pouvoir en matière
de taxation à la consommation fédérale ait
été transféré au Québec. Le Québec a
simplement une entente administrative avec le fédéral qui, pour
économiser des coûts d'échelle, etc., a fusionné
l'administration des ministères. Et je me dis: Dans cette
optique-là, c'est simplement une question de fusionner une
administration à Québec et la perception selon l'assiette fiscale
fédérale, bien sûr avec une particularité à
la formule d'impôt, et on aurait seulement une formule d'impôt avec
deux particularités, le Québec et le fédéral, dans
un but administratif de synthétiser l'opération et de
créer des économies d'échelle importantes.
Alors, dans cette optique-là, c'est pour ça que c'est le
genre de dossier où la commission veut entendre des intervenants parce
que, écoutez, c'est beau d'avoir des beaux discours, des belles
philosophies et de tendre vers la vertu, mais, dans le concret, dans le
pratico-pratique où les gens... Je suis sûr que ceux qui nous
écoutent ce soir verraient d'un très bon oeil une seule
déclaration d'impôt au Québec. Alors, la CSD, comme
organisme qui prône l'élimination des dédoublements
administratifs, est-ce qu'elle serait vraiment en faveur de ce genre de
démarche?
M. Tremblay (Louis): Écoutez, M. Filion, la loi de
l'impôt fédéral comme la loi de l'impôt provincial
sont probablement les lois les plus compliquées. Et c'est probablement
le dossier où, effectivement, il y a des économies
d'échelle possibles. Mais avant qu'on ne puisse coordonner ça, si
on veut être pragmatique, ça va être très long. Mais
on est d'accord, si c'est possible, pour éliminer autant que possible
les coûts que ça occasionne aux contribuables, aux entreprises. On
n'a aucune difficulté. Mais c'est un exemple, si on veut être
pragmatique, du jour ou lendemain... Avec les particularités qu'ont
l'impôt fédéral et l'impôt provincial, ça peut
prendre un certain temps. Ce n'est pas impossible.
M. Filion: on a réussi avec la tps et la tvq. on a
réussi l'opération. on a réussi l'harmonisation,
même si on avait des assiettes fiscales différentes.
Une voix: Si on avait un bon ministre!
M. Filion: On a des bonnes différences d'harmonisation,
mais on gère les deux lois quand même, au même
ministère. Si on a réussi avec la TPS et la TVQ, pourquoi pas
l'impôt direct, l'impôt sur le revenu?
M. Savoie: Je vous remercie. Vous êtes bien gentil de
reconnaître qu'on a réussi, mais je pense que les propos...
M. Léonard: Le ministre a l'air tellement heureux d'avoir
un compliment que ça a l'air très rare qu'il en reçoit!
Ha, ha, ha!
M. Savoie: ...de l'officier...
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Savoie: Je pense que les propos de la CSD sont exacts et
précis, dans le sens que, évidemment, au niveau des impôts,
il y a encore beaucoup de chemin à faire avant qu'on ne puisse penser
à faire un rapport d'impôt uniquement pour couvrir les deux. Il y
a des différences substantielles. Mais, effectivement, c'est quelque
chose qui pourrait peut-être s'envisager dans plusieurs années, et
il faudrait aussi envisager la possibilité que ce ne soit qu'Ottawa et
non pas le Québec.
M. Filion: Mais ma question s'adressait surtout à la CSD,
M. le Président.
M. Savoie: Mais la réponse était excellente!
Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est la raison pour
laquelle j'ai...
M. Filion: Vous savez, ma question s'adressait à la CSD,
comme démarche sociale d'économie de coûts.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous êtes toujours
sur votre temps de parole, M. le député de Montmorency.
M. Filion: Alors, le ministre du Revenu, je comprends qu'il
trouve l'idée intéressante. J'espère qu'il va la mettre en
application, mais...
M. Savoie: C'est-à-dire que la...
M. Filion: ...moi, c'est le milieu. Je veux entendre parler le
milieu sur cette idée de créer
d'une façon claire, nette et précise, de simplifier la vie
des citoyens, des citoyennes au Québec, de leur dire: Écoutez, un
seul chèque, une déclaration d'impôt, section
fédérale, section Québec. Et c'est à la CSD que je
m'adressais, parce qu'on a vécu une expérience, et je me disais:
Compte tenu de l'expérience qu'on a vécue comme
Québécois et Québécoises, est-ce qu'on ne pourrait
pas projeter cette idée-là au niveau d'une déclaration
d'impôt au Québec?
M. Savoie: La réponse était meilleure que la
question!
M. Filion: Non, non, mais je m'adresse toujours à la
CSD.
M. Gingras: Est-ce que c'est parce que vous avez l'impression que
vous n'avez pas eu votre réponse, M. Filion?
M. Filion: C'est parce que vous ne semblez pas trouver
l'idée intéressante.
M. Gingras: Bien, écoutez, on vous a dit oui.
M. Filion: Ah!
M. Gingras: On vous a dit, en principe, oui. Il y a probablement
des points sur lesquels on peut, éventuellement, à plus long
terme, regarder comment on peut simplifier la façon de procéder,
mais ce n'est pas évident qu'on peut faire ça à court
terme.
M. Filion: Avec un ministre du Revenu actif et très
dynamique, ça se fait.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Léonard: II reconnaît ses difficultés de
fonctionnement, puisqu'il a proposé qu'Ottawa gère les
impôts et, lui, les taxes.
Le Président (M. Lemieux): C'est terminé?
M. Filion: C'est terminé, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez
terminé, M. le député de Montmorency.
M. le président du Conseil du trésor, il vous reste sept
minutes.
M. Savoie: Je voudrais tout simplement remercier le
député de Montmorency pour avoir reconnu, d'une part, que
ça fonctionne bien au niveau de la taxe de vente et, évidemment,
de la TPS et, deuxièmement, que le Québec possède un
ministre du Revenu actif et dynamique.
Le Président (M. Lemieux): Bon, alors, M. le
président du Conseil du trésor, la parole est à vous pour
six minutes.
M. Johnson: Oui, je me joins à mes collègues pour
remercier et féliciter M. Gingras et son collègue de leur
présentation ici, ce soir.
Et, pour enchaîner sur ce qui est en train de se discuter,
évidemment, il ne faut pas perdre de vue que, au titre de l'impôt
sur le revenu des particuliers, le Québec a décidé il y a
fort longtemps de se doter de son propre système de perception,
d'insérer dans la fiscalité des particuliers des
caractéristiques uniques que les neuf autres provinces, incidemment,
nous envient, prises qu'elles sont avec une entente de perception et
d'administration de l'impôt sur le revenu des particuliers avec le
gouvernement fédéral, ce qu'on ne subit pas, en l'occurrence.
Ça a permis l'instauration de toutes sortes de dépenses fiscales,
qu'il s'agisse des REA, qu'il s'agisse de crédits d'impôt, qu'il
s'agisse de politiques familiales, qu'il s'agisse de quoi que ce soit, des
choses qu'on peut faire nous-mêmes. Jamais on n'aurait pu négocier
ça avec qui que ce soit pour s'entendre, parce que c'est
extrêmement complexe. C'est fait pour répondre à des
besoins spécifiques que le Québec s'est définis. Alors, ce
n'est pas demain la veille. Évidemment, c'était peut-être
une question piège sur le statut juridique ou constitutionnel du
Québec éventuel, selon le député de Montmorency. Si
ça ne l'était pas, II y a loin de la coupe aux lèvres.
Je voulais vous féliciter pour l'approche très
réaliste, dans le fond, qu'on voit dans votre mémoire. Et on est
pris à partie. On se fait dire exactement nos vérités.
C'est ce à quoi on s'attendait, notamment, de façon assez
concrète, avec des suggestions. C'est ce que j'ai déploré
un peu plus tôt à l'égard de ceux qui vous ont
précédés; on n'a pas eu ce sentiment qu'ils voulaient nous
aider à contrôler les dépenses publiques. Au contraire,
c'était plein de demandes. Il y en avait pour des centaines de millions,
le temps de le dire. Quant à vous, si on prend de façon
spécifique, ça intéresse toujours le président de
la commission, ici. Tout ce qui concerne la responsabilisation et
l'imputabilité, les responsabilités, donc, devant les
parlementaires des gestionnaires pour venir, suite à des rapports du
Vérificateur général, rendre compte de leur gestion, c'est
la direction qu'on est en train d'emprunter.
Vous devez reconnaître d'emblée que l'avant-garde se
situait au niveau de la commission, que le gouvernement et les
députés, dans l'ordre inverse, ont emboîté le pas,
et qu'on est dans une situation où seule la modestie proverbiale du
député de Verdun l'a empêché de mentionner que son
projet de loi est inscrit à l'Assemblée nationale, qu'il est au
stade de l'étude détaillée en commission, et qu'il
travaille actuellement - c'est ce qu'il m'a confié - sur des
formulations qui vont faire en sorte que le projet de loi va être
beaucoup plus pratique ou
sera applicable et pourra rejoindre, donc, les objectifs qu'ils ont
soutenus, lui et ses collègues, à l'Assemblée nationale.
Donc, ça, ça avance.
Vous avez, par ailleurs, soulevé - c'est mon dernier commentaire
- le problème du travail au noir. Je m'en voudrais de ne pas en parler,
parce que je disais dans mes remarques d'ouverture que les gens veulent savoir
que les services publics sont à un niveau raisonnable, qu'ils
répondent à leurs besoins et, deuxièmement, qu'on fait
notre travail au point de vue de l'efficacité puis de la chasse au
gaspillage - vous en avez parlé essentiellement dans le volet que je
viens d'évoquer - et, troisièmement, que les gens qui doivent de
l'impôt paient de l'impôt. Ça, c'est l'autre morceau de
l'équité, là, a laquelle les gens s'attendent en
matière de services et de dépenses publics.
Je le voyais encore, moi aussi, hier soir: il y avait un réseau
américain qui consacrait une demi-heure à l'économie
souterraine - c'était assez intéressant - un
phénomène qui était décrit dans son ampleur puis
ses manifestations, un peu de la façon dont le ministre l'a
décrit un peu plus tôt ce matin. Donc, il n'y a rien
d'extraordinaire. Il y a un phénomène nord-américain;
certains petits points chauds, pour certaines denrées, dans certaines
régions, qui prennent beaucoup plus de visibilité, mais,
autrement, il y a une espèce de désaffection, je dirais, des
contribuables à l'endroit de la légitimité - c'est une
façon de l'exprimer - de la ponction fiscale qui est appliquée.
Ça tient au fait - je l'ai déjà dit - que l'endettement
des gouvernements fait en sorte que, littéralement, on perçoit
plus d'impôts que ce qu'on retourne en services directs parce qu'on paie
beaucoup, beaucoup d'intérêts sur les dettes antérieures.
(22 h 10)
Deuxièmement, on dirait que tous les gens ont relativisé
leur intégrité et leur éthique. Devant la montée de
certains genres de violence, de crimes contre la personne et la
propriété, la petite fraude fiscale est devenue ça,
«de la petite fraude fiscale», alors que c'est un mal remarquable
quand on se demande comment financer les services publics. Peu importent les
raisons, il y a des manifestations. Vous en évoquez une; à la
page 23, vous parlez d'un crédit qui serait accordé à
celui qui fait faire des travaux chez lui, par exemple, en matière
résidentielle, en matière de construction. Ça a
déjà été soulevé. Il y a des
députés qui nous en ont parlé. Le député de
Lotbinière est un de ceux-là. Le député de
Beauce-Nord aussi. C'est des gens que ça préoccupe, pas parce
qu'ils ont un phénomène qui est plus prévalent, je dirais,
dans leur comté qu'ailleurs; c'est juste une sensibilité à
ces choses-là qui a été transmise au gouvernement par nos
collègues. On l'a regardé, pour constater, évidemment, que
si on doit faire (mi sorto quo relui qui travaille à 14 $ l'heure
accepte de recevoir 35 $ et de les déclarer alors que, 14 $, il n'en
parle pas, il faudrait évidemment que ie crédit accordé au
payeur soit considérable pour que ça puisse devenir
intéressant pour l'un et l'autre. Alors, il y a un problème
pratique, là, dans le fond. Il y a un marché, de toute
évidence, qui se traduit par un certain niveau de fraude fiscale. C'est
ça qui se passe, là.
Comment, par des mesures fiscales, venons-nous contrer ce
phénomène, je dirais, sans démantibuler le marché?
Le marché va toujours être souterrain, sauf si tout le monde
accepte que, oui, on sera bien ouvert, puis le gouvernement récompense
ça, et les gens paient leurs impôts, ceux qui le reçoivent
et ceux qui le paient ont une bonne déduction. La déduction
risque d'être élevée. Ça, ça veut dire des
centaines de millions de dollars de dépenses fiscales additionnelles
pour que l'activité demeure mais devienne visible plutôt que
souterraine.
Alors, ça ne saute pas aux yeux que c'est une solution de
dépenser sous forme de dépenses fiscales des déductions
qu'on donnerait aux gens maintenant, 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000
$. Il y a une partie qui revient mais, au net, ça ne tombe pas sous le
sens que c'est une solution.
Il me semble qu'il faut davantage travailler - je vous lance ça
comme alternative - sur la conscience que les gens doivent avoir que tout le
monde doit payer ses impôts - pas seulement le voisin - et que, dans le
fond, c'est à force de raisonner comme ça qu'on va contrer le
constat où tout le monde dit: Moi, je paie mes impôts, mais pas
mon voisin. Parce que c'est ça qui arrive. Et, à mon sens,
lorsqu'on fera prendre conscience aux gens de l'importance qu'il y a de
maintenir certains services publics, ils accepteront sans doute,
peut-être plus facilement, de faire leur part. Mais, à ce
titre-là, il faut évidemment que les gens aient cette conscience
que tout le monde fait son effort.
Alors, il y a évidemment des problèmes d'application de la
loi comme telle, des problèmes de perception, de vérification, et
tout, et tout, mais si, par ailleurs, on changeait la conscience que les gens
ont, on faisait le lien entre la permanence des services publics et la
responsabilité de payer ses impôts, il me semble qu'on serait plus
avancé.
Tout simplement, je demanderais peut-être, en conclusion, les
commentaires de nos visiteurs à l'égard de leurs suggestions et
des commentaires que j'y ai apportés sur la fraude fiscale.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des
commentaires?
M. Gingras: Oui, si vous me permettez.
Vous avez parlé de la construction résidentielle
domiciliaire. Vous savez que tout ce domaine là, actuellement, a
été retranché des décrets de l'industrie de la
construction Ce n'est
plus couvert par les décrets de l'industrie de la construction.
Un premier constat qu'on doit faire, c'est qu'il n'y a plus rien qui surveille
cette partie-là, qui est partie importante de l'industrie. Selon une
évaluation qu'on a pu faire dernièrement, on évalue
à tout près de 40 % le travail dans la construction domiciliaire,
qui se fait au noir actuellement.
C'est grave quand on est rendu dans ce genre de proportion là.
J'ai l'impression que beaucoup de salaires ne sont pas taxés, et
beaucoup de matériaux, même, ne sont pas taxés. Vous vous
retrouvez avec une absence de revenus au niveau de la TPS, de la taxe de vente,
et au niveau de l'impôt des particuliers. Alors, ça, c'est la
situation qu'on vit actuellement dans le secteur résidentiel. Des
programmes incitatifs qui feraient que les rénovations domiciliaires
seraient reconnues dans la mesure où ces montants-là seraient
déclarés, et que ces montants-là seraient
officialisés, ça permettrait quand même d'avoir des
dépenses domiciliaires qui seraient faites ouvertement et non pas
à la cachette, parce que ce n'est pas déductible d'impôt et
qu'il n'y a aucune espèce d'avantage à le faire ouvertement.
Alors, ça, c'est la situation.
Vous avez parlé de la conscience des gens: bien, changer la
conscience des gens par rapport à leur responsabilité de financer
les dépenses publiques, vous savez que ça part de l'acceptation
du système fiscal. Au départ, il va falloir que les gens
acceptent la fiscalité, qu'ils ne se sentent pas, quand même,
traités inéquitablement par la fiscalité. Ça, c'est
la première condition, en fait, pour qu'on améliore cette
conscience des gens envers leur responsabilité fiscale.
Alors, c'est pour ça, en fait, qu'on insiste tant pour demander
qu'une commission d'enquête publique soit chargée de faire une
étude de la fiscalité en fonction de l'environnement dans lequel
on doit la faire. Écoutez, on n'est pas nécessairement des
spécialistes qui sont capables d'évaluer toutes les situations et
de trouver réponse à tous les défis qui peuvent se situer.
Vous savez qu'on s'en va vers une économie qui se mondialise de plus en
plus. Nos compétiteurs et les gens avec qui on fait affaire ont des
systèmes qui sont probablement différents des nôtres;
alors, il va falloir qu'on ait quand même une fiscalité qui tienne
compte de cet environnement-là, qui soit coordonnée, qui soit
pragmatique et équitable.
Bien sûr, ce ne sera pas facile. C'est pour ça qu'on dit:
On ne pourra pas résoudre ça à court terme. Il y a des
choses qu'on peut faire à l'intérieur du système actuel,
et puis il y a des gestes qu'on peut poser pour améliorer la situation,
mais la fiscalité comme telle, la réponse doit se trouver
à l'intérieur d'une commission d'enquête qui aurait le
rôle de déterminer vraiment, là, quel est le genre de
fiscalité qui pourrait être avantageux pour assurer l'avenir du
Québec.
Le Président (M. Lemieux): Merci, nous vous remercions de
cette participation à cette commission parlementaire.
Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, pour
entendre le Conseil du patronat. Suivront la Confédération des
Caisses populaires et le Forum pour l'emploi.
(Fin de la séance à 22 h 18)