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(Dix heures trois minutes)
Le Président (M. Audet): À l'ordre! La commission
du budget et de l'administration débute ses travaux. La commission est
réunie ce matin afin de procéder à l'interpellation du
député de Gouin au ministre des Finances sur le sujet suivant:
L'évolution des transferts fiscaux fédéraux. M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Camden
(Lotbinière) sera remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) et
M. Chagnon (Saint-Louis) sera remplacé par M. Bradet (Charlevoix).
Le Président (M. Audet): Merci. Vous soulevez le fait que
ce n'est pas le bon sujet? C'est ça, vous avez raison, monsieur, parce
que la fiche que j'ai ici, c'est concernant le député de Labelle.
Au feuilleton, on a: «Interpellation du député de Gouin
à la ministre déléguée aux Finances sur le sujet
suivant: L'industrie de l'assurance au Québec.» Alors, je
m'excuse, il y avait une erreur ici, à l'ordre du jour. D'accord.
Je vous rappelle brièvement les règles de
l'interpellation. Le débat dure au plus deux heures, soit jusqu'à
midi. La discussion est divisée en trois étapes. Avant de
débuter, un peu plus tard, une fois que j'aurai rappelé les
règles de procédure, j'aurai besoin de votre consentement,
étant donné que nous avons débuté en retard, pour
dépasser midi.
Alors, le premier débat de 20 minutes commence par l'intervention
du député qui a donné l'avis d'interpellation, soit le
député de Gouin. Il exercera un premier droit de parole de 10
minutes. La ministre interpellée, soit la ministre
déléguée aux Finances, aura ensuite un droit de
réplique de 10 minutes. Après ces deux interventions, nous
procéderons à l'interpellation proprement dite, au cours de
laquelle chaque intervenant pourra s'exprimer pendant cinq minutes. Il y aura
alternance dans les interventions, selon la séquence suivante: un
député de l'Opposition, la ministre, un député
ministériel, et ainsi de suite, selon la même séquence. Si
un membre utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu
et la parole sera donnée à l'intervenant qui suit, selon la
séquence que j'ai indiquée; 20 minutes avant la fin de la
séance, la ministre aura droit à un dernier temps de parole de 10
minutes, et le député de Gouin aura ensuite un droit de
réplique de 10 minutes, ce qui mettra fin au débat.
Avant de débuter comme tel, est-ce qu'il y a consentement pour
que nous puissons terminer nos travaux à 12 h 7? Consentement. M. le
député de Gouin, vous avez la parole.
Exposé du sujet M. André
Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. C'est la
deuxième fois que l'Opposition officielle interpelle la ministre
déléguée aux Finances sur des sujets de sa
responsabilité. Vous vous souviendrez, M. le Président, qu'au
mois de mai dernier, j'avais l'occasion de questionner la ministre
déléguée sur la réglementation du marché des
valeurs mobilières. Aujourd'hui, c'est un tout autre sujet qui nous
intéressera, à savoir l'industrie de l'assurance au
Québec. C'est à dessein que l'Opposition a
préféré pas préciser davantage le sujet de
l'interpellation. En effet, nous voulions laisser toute la marge de manoeuvre
nécessaire à la ministre pour qu'elle puisse nous faire part de
ses opinions quant aux priorités et objectifs qui l'animent et de sa
vision quant à l'avenir de cette industrie, qui joue un rôle
fondamental dans l'allocation de l'épargne dans notre économie.
Nos règles de procédure étant ce qu'elles sont, je voulais
être bien sûr qu'une discussion franche et ouverte puisse
s'opérer sans qu'on ait constamment à se soucier de la
règle de la pertinence, ce qui, vous en conviendrez sûrement,
aurait certainement limité le cadre de nos débats.
Ceci étant dit, permettez-moi immédiatement de
préciser qu'il est aujourd'hui de notre intention d'aborder le volet
particulier de l'industrie de l'assurance de personnes, de sa fonction dans
notre économie, de la liquidation des Coopérants, du mandat de
l'Inspecteur général et de la possibilité de la
création d'une régie d'indemnisation des compagnies d'assurances
de personnes. Voilà les sujets qui, ce matin, M. le Président,
feront l'objet de discussions.
M. le Président, pour certains qui nous écoutent, il peut
paraître étrange que l'Opposition officielle manifeste autant
d'intérêt à l'égard des institutions
financières. Après tout, on pourrait penser que, dans notre
système parlementaire, l'Opposition n'a guère de pouvoir
d'initiative et plutôt dire que c'est la seule action du gouvernement qui
est déterminante. Je ne partage pas cette opinion; ma présence
ici en témoigne. Si, aujourd'hui, nous nous retrouvons ici, c'est que
j'ai la profonde conviction qu'il faut publiquement faire le point sur des
débats qui ont cours et qui risquent d'influencer pour toujours le
contexte dans lequel les compagnies d'assurances de personnes,
particulièrement, évoluent. À cet égard, je ne peux
que blâmer
sévèrement la ministre déléguée aux
Finances qui se montre incapable d'indiquer une quelconque initiative, ou
même un leadership quelconque, alors que les enjeux, eux, se font de plus
en plus nombreux.
Devant le malheureux naufrage des Coopérants, la ministre reste
silencieuse et prisonnière de son mutisme. Pas une déclaration,
M. le Président, pour rassurer les Québécois; pas une
déclaration pour contrer les propos de l'éditeur du Canadian
Journal of Life Insurance, qui affirmait dans le Globe and Mail, qui
n'est certes pas le dernier venu des quotidiens dans le monde des affaires, que
la liquidation des Coopérants aurait pu être évitée
si l'entreprise était restée de juridiction
fédérale. Pas un mot, M. le Président, devant les propos
déplacés de la SIAP qui interpellait, et de façon fort
malhabile, le gouvernement du Québec sur ses responsabilités.
Je peux concevoir cependant qu'il puisse être difficile pour la
ministre de dire quoi que ce soit, elle qui, le 12 mars dernier, affirmait, et
je cite: «II convient de souligner, et de façon très
claire, qu'il n'existe actuellement ni difficulté réelle ni
problème de sous-capitalisation de nos compagnies mutuelles d'assurances
de personnes québécoises. Elles sont, en effet, toutes des
institutions solides», nous disait-elle le 12 mars dernier. Pourtant,
à ce moment, l'Inspecteur général des institutions
financières préparait un plan de redressement pour sortir Les
Coopérants d'une situation financière qui les a menés
là où vous le savez. C'est donc dire, M. le Président, la
crédibilité qu'il faut accorder aux propos de la ministre
déléguée aux Finances.
M. le Président, le temps est venu de parler haut et fort et de
mettre fin aux propos démagogiques que nos partenaires canadiens de
l'industrie de l'assurance tiennent à l'égard des compagnies du
Québec. Il faut mettre fin à ces accusations par association et
à ces rumeurs que nos concurrents font circuler dans le marché.
Il faut exercer nos responsabilités et dire les choses comme elles sont.
Opérer des changements, si nécessaire, soit! mais surtout
affirmer notre confiance à l'égard de ces agents
économiques. Si on ne le fait pas, c'est laisser sous-entendre que les
choses vont mal. C'est le signal que la ministre, par son mutisme complet,
contribue à renforcer. Pas étonnant, d'ailleurs, qu'un sondage
Léger & Léger produit pour le compte du Journal
économique de Québec nous indique que 48,6 % des
Québécois et Québécoises auraient perdu confiance
dans l'administration des compagnies d'assurances.
M. le Président, ces compagnies d'assurances sont plus que de
simples compagnies. Elles sont, bien sûr, des agents économiques.
En 1990, celles à charte québécoise allouent 30 % de leurs
actifs aux obligations, 35 % aux prêts hypothécaires. Près
de 70 % de leurs actifs, évalués à plus de 10 500 000 000
$, servent à des fins de placements. Elles détiennent des
obligations de nos municipalités, de nos commissions scolaires, du
gouvernement du Québec. Elles jouent, bien sûr, un rôle
déterminant dans le marché hypothécaire,
résidentiel comme commercial, au Québec.
Par le biais d'un cadre législatif qui assure la souplesse et le
pouvoir d'innovation, elles peuvent répondre aux forces du
marché. Le décloisonnement, d'ailleurs initié par le
gouvernement du Parti québécois, nous a permis de
développer une véritable industrie particulière de
l'assurance au Québec, et il ne saurait aujourd'hui être question
de remettre ces acquis en question. Il faut plutôt consolider cette
avance dans ce marché des assureurs sous juridiction
québécoise. Il est donc fondamental de continuer d'imprimer un
caractère de stabilité à la structure de l'actif des
compagnies d'assurances. Cette dernière doit pouvoir répondre aux
besoins de financement des agents économiques québécois.
C'est pourquoi, d'ailleurs, l'Opposition s'est inquiétée devant
les dispositions introduites dans la loi 112, qui restreignent le pouvoir de
placement dans les filiales commerciales. (10 h 10)
La protection de l'épargne est assurée par les exigences
faites aux compagnies d'assurances de constituer des réserves
actuarielles, de respecter des normes de capitalisation, de posséder un
niveau d'actifs en relation avec les quantités de réserves
nécessaires. C'est cette question que le gouvernement a trop longtemps
négligée sur laquelle il faut maintenant se pencher. Même
si l'équilibre reste à établir entre les pouvoirs de
prêts et de placements, d'une part, et les autres moyens de protection de
l'épargne, d'autre part - il est, bien sûr, difficile
d'établir cet équilibre - nous avons la profonde conviction que
la protection de l'épargne doit, le moins possible, reposer sur la
nature des prêts et placements admissibles.
Depuis maintenant près de deux ans que l'on discute du contenu de
la norme de capital, elle doit coller, bien sûr, à notre
réalité, mais elle doit d'abord et avant tout exister. À
l'heure actuelle, même si certaines normes administratives sont, de fait,
appliquées, il n'existe aucune norme réglementaire pour les
assurances de personnes, pas plus d'ailleurs que dans les autres juridictions
canadiennes. Nous devons, chez nous, continuer à donner de l'envergure
au modèle québécois et, avec notre régie
d'indemnisation des compagnies d'assurances, assurer une véritable
protection des assurés. À cet égard, permettez-moi de
rappeler que malgré un discours généreux sur
l'internationalisation, il n'existe aucune norme fédérale de
capital aux États-Unis. Il s'agit encore d'une responsabilité qui
appartient à chacun des États.
Cette question, M. le Président, des normes de capitalisation
doit être aussi discutée dans son contexte. Il faut en effet
comprendre que les enjeux concernant le financement des com-
pagnies mutuelles d'assurances de personnes sont étroitement
liés à ceux des normes de capitalisation et que leur
sévérité, bien sûr, influencera directement les
besoins de financement. Il y a déjà plusieurs années que
l'industrie interpelle le gouvernement sur cette question mais, une fois de
plus, la ministre laisse aller les choses. Le 15 mai 1990, elle mandatait un
groupe de travail afin de lui formuler les propositions appropriées en
vue de doter les mutuelles d'assurances de personnes d'un mécanisme de
développement efficace. Le 19 octobre de la même année, M.
Raymond Garneau, président du groupe de travail, remettait son rapport.
Depuis, malgré sa volonté affirmée de fournir aux
compagnies mutuelles d'assurances de personnes les moyens de poursuivre leur
croissance et leur développement, la ministre n'a rien fait de concret.
Tout récemment, on apprenait cependant la création d'un autre
comité, au mandat nébuleux, qui, possiblement, pourrait se
pencher sur la question. Vous comprenez, M. le Président, que les
discussions à huis clos ne sont guère d'augure à rassurer
les Québécois et les Québécoises.
Nous ne pouvons non plus mettre de côté la question du
financement des compagnies mutuelles d'assurances de personnes à charte
québécoise. La ministre, le 12 mars, le reconnaissait, tout comme
l'Opposition. La viabilité du mutualisme tarde à répondre
aux interrogations des mutualistes qui ne peuvent échapper à
certaines réalités financières. On aura beau
reconnaître les limites structurelles de ces entreprises, il faudra,
rapidement, faire preuve d'imagination et proposer des initiatives.
Bien sûr, et je conclus là-dessus, M. le Président,
plusieurs des mutuelles québécoises se sont prévalues des
dispositions adoptées par l'entremise des projets de loi privés.
Mais jamais, compte tenu d'une conjoncture économique difficile, elles
n'ont eu accès, à ce jour, à des capitaux externes. Ce
sont ces sujets que nous désirons discuter cet avant-midi.
J'espère que nos discussions seront fructueuses. Nous profitons de
l'occasion pour réitérer notre confiance à l'endroit des
compagnies d'assurances de personnes, mais nous espérons surtout que ce
débat fournira à la ministre déléguée aux
Finances l'occasion de sortir de sa torpeur et de poser les gestes
nécessaires afin de réaffirmer la confiance des
Québécois et des Québécoises,
ébranlée par le naufrage des Coopérants.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Gouin. Je reconnais maintenant Mme la ministre. Vous avez 10 minutes.
Réponse de la ministre Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Le 28 septembre 1991,
l'hebdomadaire Les Affaires titrait en première page: «Les
Québécois ont souscrit 9 400 000 $ en assurances en 1990».
Dans ce même article, on pouvait lire qu'il s'agissait là d'une
hausse de 8 % par rapport au montant versé l'année
précédente, où 433 assureurs avaient été
autorisés à exercer au Québec. Ainsi, les
Québécois consacrent 8,8 % de leur revenu disponible à des
contrats d'assurance avec des assureurs privés. En proportion du produit
intérieur brut, le marché de l'assurance privée est en
croissance, se rapprochant de près de 6 % de ce même PIB. Ces
chiffres sont éloquents et montrent, hors de tout doute, la très
grande importance de l'industrie de l'assurance pour l'économie du
Québec.
En 1990, on dégageait le portrait suivant: 249 assureurs
généraux ont encaissé 3 500 000 000 $; 174 assureurs de
personnes ont, pour leur part, récolté 5 900 000 000 $.
L'industrie de l'assurance, comme le démontrent éloquemment les
statistiques comparées de 1984 à 1990, connaît une
croissance constante et remarquable, à la fois des actifs et des primes
perçues. Fait à noter, durant cette même période,
les institutions à charte québécoise ont augmenté
leur part de marché. Cette progression s'est faite dans un climat
économique caractérisé par des taux d'intérêt
élevés, de fortes variations du taux d'inflation, deux
récessions au cours des derniers 10 ans et un cadre normatif en
redéfinition.
M. le Président, nous aborderons aujourd'hui plusieurs aspects
touchant le thème de cette interpellation, soit l'Industrie de
l'assurance au Québec. Ainsi, nous entendons profiter de cette tribune
afin de faire le point sur différents axes de développement qui
ont caractérisé ce secteur, qui a su faire preuve d'un leadership
indéniable. Depuis près de 10 ans, grâce aux actions
concertées de l'industrie, du public et du gouvernement, nous avons
assisté à de profondes mutations qui ont débouché
sur un accroissement important des actifs de nos assureurs et sur une meilleure
protection du public.
Inutile de dire, M. le Président, que nous apprécions
à sa juste valeur l'initiative de l'Opposition, qui va nous permettre de
situer dans leur réel contexte les différentes étapes et
les différents événements qui caractérisent
l'industrie de l'assurance au Québec.
M. le Président, il va sans dire que nous souhaitons ardemment
que l'exercice d'aujourd'hui nous permette d'aborder ce secteur
névralgique de l'économie québécoise de
façon très positive et constructive et qu'on nous fera
grâce de certaines démonstrations qui relèvent plutôt
de l'État-spectacle, un art dans lequel, je dois l'admettre, mon
distingué collègue de l'Opposition a développé un
certain talent, pour ne pas dire un talent certain. Mais j'aimerais lui
rappeler, M. le Président, que certains efforts de prouesses en vue de
créer un effet à court terme ont surtout l'effet de créer
des dommages à moyen et à long
terme en minant la crédibilité de notre propre industrie
et en sapant la confiance du public.
Il est bien sûr de bonne guerre de se servir de la ministre comme
bouc émissaire en la rendant responsable de tous les problèmes de
l'heure, même des problèmes de gestion d'une compagnie, mais ne
travaillez pas contre le Québec, M. le député de Gouin, en
attaquant la crédibilité de l'institution qui voit à la
surveillance et au développement de l'industrie et, surtout, en
attaquant l'industrie elle-même.
M. le Président, regardons maintenant plus en détail le
portrait de l'industrie de l'assurance au Québec. Les actifs totaux des
assureurs à charte au Québec ont connu, depuis 1984, une
croissance annuelle de 22,3 %. La croissance en assurance de personnes est de
25 %, la croissance en assurance de dommages est de 11,2 %. Les actifs des
assureurs à charte du Québec comptent pour 5,9 % de l'ensemble
des actifs des sociétés actives au Québec. Les assureurs
de personnes à charte du Québec accaparent 86,3 % des actifs
totaux des assureurs sous juridiction québécoise. Souvenez-vous
de ces chiffres, M. le député de Gouin, quand vous dilapidez le
patrimoine québécois en rabaissant l'industrie et les
institutions qui l'encadrent. (10 h 20) les primes perçues par les
assureurs à charte québécoise ont connu une croissance
annuelle moyenne de 18,9 % depuis 1984, alors que l'ensemble des primes
perçues a crû de 9,8 % sur la même période. en
assurance de personnes, les primes perçues ont connu une croissance
annuelle moyenne de 22 % depuis 1984, et en assurance de dommages, les primes
ont connu une croissance annuelle moyenne de 15 %. depuis cette date, les
assureurs à charte du québec n'ont cessé d'accroître
leur part du marché, sort de 20 % à 33,3 %. en assurance de
personnes, les assureurs à charte du québec détiennent
34,6 % du marché contre 19 % en 1984. il y a une constante croissance.
en assurance de dommages, les assureurs à charte du québec
détiennent 31,2 % du marché contre 22 % en 1984.
Depuis 1986, les sociétés d'assurances ont fait des gains
sur le marché du crédit à la consommation. Elles occupent
présentement 3,5 % du marché devant les sociétés de
fiducie et les sociétés de prêts hypothécaires.
Elles ont d'ailleurs aussi fait des gains sur le marché du crédit
hypothécaire, où elles occupent 15,1 % du marché. Ces
résultats positifs et prometteurs sont d'autant plus significatifs
qu'ils se sont réalisés dans un contexte difficile alliant une
conjoncture économique défavorable et un environnement des plus
complexes.
M. le Président, les nouvelles conditions de concurrence qui
mettent en compétition divers types d'institutions favorisent celles
dont le cycle d'activité est essentiellement à court terme, ce
qui n'est pas le cas à l'industrie de l'assurance. Celle-ci doit donc
s'adapter, car le marché québécois de l'assurance
appartiendra aux institutions qui se constitueront une solide base
financière et qui se donneront ainsi les moyens d'innover. m. le
président, permettez-moi ici d'ouvrir une parenthèse sur les
récents événements qui défraient les chroniques
financières depuis quelques mois. la ministre n'a pas l'intention de se
dérober à son devoir de faire toute la lumière sur ce
dossier, mais je n'ai surtout pas l'intention de faire d'un cas d'espèce
une règle pour une industrie qui, comme on vient de le voir,
connaît, même en des temps difficiles, une croissance
fantastique.
Le domaine des assurances a été le fer de lance du
décloisonnement au Québec. Les gains de marché qu'a
réalisés cette industrie depuis 1984 démontrent bien la
justesse des politiques mises de l'avant par le Québec. Ces
résultats sont garants de l'avenir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. Je vais
maintenant reconnaître le député de Gouin pour cinq
minutes.
Argumentation M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, nous entrons donc dans le
vif du sujet, après ces quelques remarques d'introduction, et puisque
c'est l'Opposition qui a le privilège d'interpeller la ministre, je
crois qu'il est important de camper immédiatement un certain nombre de
sujets et, d'une part, de parler particulièrement de l'environnement
économique dans lequel évoluent nos compagnies d'assurances,
particulièrement celles de l'assurance de personnes.
Donc, dans les minutes qui viennent, et afin d'entreprendre le
débat sur une base solide, revenons à quelques notions de base
afin d'élaborer sur le contexte dans lequel évoluent, justement,
ces compagnies d'assurances. Le projet de loi 75, adopté en 1984,
confère à l'industrie de l'assurance un caractère aussi
unique qu'avant-gardiste comparativement aux autres législations en
Amérique du Nord. C'est en permettant aux assureurs d'investir dans des
filiales commerciales ou financières que le projet de loi innovait de
façon toute particulière, les objectifs avoués
étant de permettre aux institutions financières du Québec
de jouer un rôle d'élément moteur du développement
économique tout en assurant une présence optimale des
institutions à charte québécoise au sein des milieux
financiers nationaux et internationaux. Les enjeux du décloisonnement
sont toujours importants pour le développement de marchés
financiers, mais ils représentent aussi des défis importants pour
le gouvernement, pour assurer, bien sûr, la protection du public. C'est
d'ailleurs cette préoccupation qui
guida la création du poste d'Inspecteur général des
institutions financières en 1983.
Si l'importance relative des assureurs était autrefois beaucoup
plus grande sur le marché financier, elle continue de refléter
une présence de tout premier ordre puisque les assureurs constituent le
deuxième groupe financier après celui des institutions de
dépôt. En octobre 1987, c'est l'ex-ministre Fortier qui y allait
de son livre gris. Déjà, il soulignait l'importance d'apporter
des amendements à la Loi sur les assurances dans le but, entre autres,
de maintenir l'avantage consenti aux compagnies d'assurances du Québec
et d'harmoniser les pouvoirs et mesures de contrôle et de surveillance de
l'Inspecteur général des institutions financières à
ceux proposés par le gouvernement fédéral. Aujourd'hui, au
même moment où s'est intensifiée la concurrence, à
la fois sur le plan national et international, et où, par voie de
conséquence, se sont rétrécies les marges
bénéficiaires des institutions financières, ces
dernières se sont vues forcées, bien sûr, à cause du
développement technologique, à consentir à des
investissements importants.
L'effet combiné de ces deux éléments constituera
certainement une puissante incitation à une restructuration de
l'industrie des services financiers. On parle maintenant d'un système
à deux piliers constitué, d'une part, par les banques qui se
prolongent maintenant et qui prolongent leur action dans des opérations
de courtage de valeurs mobilières et, d'autre part, un second, moins
clair certainement, mais où les assureurs de personnes joueront un
rôle déterminant. Il est clair, avec l'intention avouée du
gouvernement fédéral d'aborder le décloisonnement à
sens unique - contrairement au Québec -sans permettre la constitution de
liens avec les sociétés d'assurances et les institutions de
dépôt, que, possiblement dans un certain nombre d'années,
la totalité des activités financières au Canada et au
Québec ne sera assurée que par des méga-institutions qui
auraient, à ce moment, absorbé toutes les autres.
Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'une
évolution récente a permis aux banques d'acquérir,
à toutes fins pratiques, la totalité des entreprises
consacrées à la souscription et au courtage des valeurs
mobilières. À un moment où, bientôt, nous reverrons
la Loi sur les sociétés de fiducie, je crois qu'il est
nécessaire de se pencher sur ces questions et de développer une
certaine vision de ce que sera notre système financier dans 5 ou dans 10
ans, de ce que sera notre industrie de l'assurance dans 5 ou 10 ans.
Aurons-nous un système financier à un ou à deux
piliers?
Donc, M. le Président, si Pierre Fortier, exministre
délégué aux Finances du gouvernement libéral, a eu
le courage de déposer un livre gris afin de répondre à ces
questions, nous remarquons que l'absence de projets, de politique, l'absence de
vision de la ministre risque de miner considérablement les efforts
entrepris depuis près de 10 ans. quelles orientations ont guidé
le gouvernement du québec dans ses interventions auprès du
gouvernement fédéral? quelle vision de l'avenir la ministre
défend-elle et quel rôle les compagnies d'assurances y
joueront-elles? voilà, m. le président, les véritables
questions. et, sans leur réponse, je crois qu'il serait illusoire de
discuter des autres. l'industrie de l'assurance attend un message clair du
gouvernement. la ministre ne doit pas les décevoir et, rapidement, elle
doit nous livrer les intentions de son gouvernement à cet égard.
sans cette réflexion, il nous apparaît impossible de sortir de la
période, déjà trop longue, d'hésitation quant aux
réformes nécessaires sans s'inspirer de ce que devra être
notre système financier dans 5 ou dans 10 ans. c'est donc de
façon très large que nous abordons le débat, et
j'espère que la ministre, m. le président, pourra faire autre
chose que nous lire ses notes et qu'elle répondra véritablement
aux sujets que l'opposition présente. j'espère aussi qu'on pourra
véritablement maintenir le vrai cadre de l'interpellation.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Gouin. Mme la ministre, en guise de réplique.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Dans le rapport
quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances que je
présentais à l'Assemblée nationale en juin 1990,
j'indiquais que la législation québécoise régissant
les activités du secteur des assurances a continuellement fait l'objet
de modifications, depuis le début des années 1980, dans le but de
l'adapter à la réalité d'un secteur financier
québécois en évolution.
Les diverses mises à jour à la loi et, en particulier, le
réexamen qui est à l'origine des amendements de 1984 lui ont
conféré, sous plusieurs aspects, un caractère aussi unique
qu'avant-gardiste comparativement aux législations des autres
juridictions d'Amérique du Nord. Ce fut là l'expression, sur le
plan des assurances, d'une détermination profonde du Québec
d'accentuer la présence de ses institutions dans le secteur financier
canadien et de disposer de leviers économiques puissants, solides et
capables de favoriser efficacement son développement. Le Québec
s'est, par ailleurs, constamment soucié de protéger le fragile
équilibre inhérent à la poursuite d'un triple objectif:
protéger adéquatement le public investisseur ou
bénéficiaire de produits et de services financiers, permettre aux
institutions financières du Québec de jouer encore davantage le
rôle d'élément moteur du développement
économique et assurer
une présence optimale des institutions à charte
québécoise au sein des milieux financiers nationaux et
internationaux.
Avant l'entrée en vigueur du projet de loi 75, les
activités des institutions financières constituant les quatre
grands piliers de l'industrie financière québécoise
étaient cloisonnées. Les activités de fiducie
étaient restreintes aux sociétés de fiducie; les seuls
courtiers en valeurs mobilières pouvaient être actifs dans le
commerce des valeurs mobilières et les assureurs et caisses
d'épargne étaient aussi limités dans leurs
activités. C'est en permettant aux assureurs d'investir dans des
filiales commerciales et des filiales financières
réglementées que le projet de loi 75 innovait de façon
particulière. C'est ce qu'on a subséquemment appelé le
décloisonnement, c'est-à-dire la diversification des quatre
piliers dans des secteurs voisins. En permettant ainsi le
décloisonnement des activités des assureurs, le
législateur se trouvait à favoriser l'émergence de
conglomérats de grande dimension, permettant ainsi aux institutions
financières québécoises de soutenir la concurrence dans le
contexte de l'internationalisation des marchés. (10 h 30)
II est intéressant de noter qu'à certaines reprises le
député de Gouin a cité des articles dont un des objets
était de condamner le décloisonnement des institutions
financières. Le député de Gouin va-t-il enfin dire
publiquement s'il appuie le décloisonnement des institutions
financières. Oui ou non?
En octobre 1987, le gouvernement publiait ses orientations politiques en
matière d'institutions financières. Toute cette politique
était basée sur les principes directeurs suivants:
décloisonnement des filiales tout en conservant le caractère
distinct des institutions reliées à l'exercice d'une
activité principale; contrôler les transferts de
propriété, mais pas de restriction à la
propriété des institutions financières par des groupes
financiers ayant des liens commerciaux; préconiser
l'autoréglementation; permettre le développement de
réseaux de distribution de services financiers. Ce modèle
innovateur quant aux autres juridictions canadiennes venait confirmer en grande
partie le modèle existant au Québec, et je cite quelques
exemples: Desjardins et La Laurentienne, qui se composaient déjà
de plusieurs types d'institutions financières.
Cette politique donnant un souffle nouveau à certains fit
émerger certains groupes tels le groupe L'Industrielle-Alliance et le
groupe MFQ. Cette dimension est très présente dans la dynamique
des compagnies d'assurances du Québec et a contribué à
instaurer le leadership qui caractérise notre industrie.
M. le Président, je vous inviterais à bien vouloir donner
la parole à mon collègue, le député de
Montmagny-L'Islet, qui complétera ce tableau en traitant du
décloisonnement des intermédiaires. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet:) Merci, Mme la ministre. Alors, je
vais maintenant reconnaître le député de Montmagny-L'Islet.
M. le député, vous avez la parole.
M. Réal Gauvin
M. Gauvin: Merci. M. le Président, j'aimerais prendre le
temps qui m'est imparti afin de vous entretenir des intermédiaires de
marché oeuvrant dans le milieu de l'assurance. Comme vous le savez sans
doute, le décloisonnement des institutions financières,
amorcé il y a presque sept ans par une réforme de la Loi sur les
assurances, n'avait pas encore permis aux intermédiaires de
marché eux-mêmes, aux consommateurs et aux institutions
financières de profiter pleinement de tous les bénéfices
découlant de ce décloisonnement.
Le but recherché à court terme était de mettre en
place des mécanismes d'encadrement issus du milieu de l'industrie de
l'assurance et de protéger davantage les consommateurs. Notre
gouvernement a rempli sa mission puisque la loi permet aux consommateurs
d'obtenir de leur intermédiaire une offre globale de services et de
conseils financiers par le biais de cumuls de divers permis ou dans le cadre
d'équipes multi-disciplinaires. Il est pertinent de souligner que les
relations consommateur-intermédiaire ont toujours été
privilégiées. La protection du consommateur, préoccupation
tangible de cette loi et de ses règlements, peut être reconnue
à plusieurs égards. On a juste à penser notamment à
la constitution d'un fonds d'indemnisation devant compenser le client d'un
intermédiaire en raison d'opération malhonnête. On a
obligé les intermédiaires à prendre une garantie pouvant
être une police d'assurance de la responsabilité civile. On a
interdi les ventes forcées; on a rehaussé la formation minimale;
on a obligé la divulgation de la nature de la rémunération
de l'intermédiaire. Il est Impératif pour notre gouvernement
d'adapter le cadre réglementaire des intermédiaires de
marché à cette nouvelle réalité. Nous avons donc
jugé opportun de confier le contrôle et la surveillance des
intermédiaires de marché à des organismes
d'autoréglementation.
Deux conseils furent créés ainsi que deux associations
professionnelles. La mission des conseils est d'assurer la protection du public
par la surveillance et le contrôle des activités exercées
par les intermédiaires et leur cabinet. Ils ont été
formés de représentants de l'industrie qu'ils régissent.
Ils ont, eux, à élaborer les normes relatives à la
formation minimale, à l'émission et à la suspension des
certificats, sans oublier la discipline, les règles de pratique et
appliqueront ces dernières par le biais des règlements
inhérents à l'encadrement du secteur des assurances.
Les associations ont, quant à elles, le rôle de s'occuper
de la déontologie, des titres profes-
sionnels, de la formation permanente de l'inspection professionnelle de
leurs membres. Les décisions prises par notre gouvernement dans ce
nouvel encadrement auront en plus d'importants impacts à court terme, un
ascendant marquant dans le rehaussement des normes de pratique et d'encadrement
des intermédiaires. A moyen terme, elles signifient que les
consommateurs pourront obtenir leurs produits et services dans un environnement
plus concurrentiel et mieux adapté aux nouvelles exigences du
public.
M. le Président, les intermédiaires de marché en
assurance ont d'immenses possibilités à découvrir et
à exploiter. Nous croyons qu'ils ont maintenant tous les outils et les
moyens pour servir leur clientèle de façon plus adéquate
et plus complète et pour participer activement à la croissance de
l'industrie. L'avenir sera à la mesure de ce qu'ils feront
collectivement de ces outils et, à ce sujet, nous avons toutes les
raisons d'être optimistes. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Gouin. Vous avez cinq minutes.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Alors, M. le Président, allons encore un peu
plus loin sur le sujet en espérant qu'on n'assiste pas à un
dialogue de sourds comme ça semble être le cas et que, rapidement,
on pourra répondre aux questions qui sont soulevées par
l'Opposition, et discutons plus particulièrement de l'industrie de
l'assurance-vie.
La situation de l'assurance-vie au Québec donne des signes qui
soulèvent certaines Inquiétudes. Si la situation de l'industrie
de l'assurance-vie n'est pas dramatique, elle n'en demeure pas moins
préoccupante. Ainsi, à partir des informations contenues dans les
rapports annuels sur les assurances de l'Inspecteur général des
institutions financières du Québec, il est possible
d'établir certaines tendances quant à leur rendement. Par
exemple, en 1984, on pouvait calculer le bénéfice net sur l'avoir
moyen. On donnait un ratio de 11,4 alors qu'en 1990, il était de 4,5.
Sans élaborer beaucoup sur l'évolution du taux de rendement, il
nous faut souligner que cette détérioration n'est pas de nature
à attirer des investisseurs et, par conséquent, les capitaux dont
l'industrie a besoin.
Par ailleurs, en ce qui a trait à l'évaluation du ratio
avoir sur le passif, on doit constater que depuis quatre ans, au cours de ces
années, la croissance importante des actifs a été
financée par des titres de créances, que, par conséquent,
la protection offerte aux créanciers a diminué, que, somme toute,
l'industrie québécoise de l'assurance-vie est aujourd'hui plus
vulnérable qu'en 1986. Nos données remontent à 1984. Ce
choix n'est pas dû au hasard, puisque c'est l'année où la
loi 75 a été adoptée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale. Si l'on veut, c'est l'année qui marque le
début de l'aventure du décloisonnement. (10 h 40)
Ces chiffres, bien qu'ils ne soient pas dramatiques, sont
préoccupants parce que le décloisonnement visait non seulement
à moderniser notre industrie, mais aussi à accroître la
sécurité de l'épargne confiée aux
sociétés d'assurance-vie à charte
québécoise. Or, l'évaluation du ratio avoir sur le passif
indique, au contraire, que nos compagnies ont du mal à trouver les
capitaux nécessaires pour assurer leur croissance, pour assurer leurs
ambitions. Par ailleurs, je ne voudrais pas laisser l'impression qu'il n'y a
qu'au Québec où cela est difficile. Lorsque l'on regarde
l'évolution du rendement des compagnies à charte
fédérale et qui n'ont pas bénéficié du
décloisonnement comme au Québec, on constate qu'elles aussi
éprouvent certaines difficultés, bien qu'honnêtement on
doive souligner que c'est à un degré moindre.
Il faut aussi parler de la conjoncture internationale. Aux
États-Unis, on indique que l'industrie de l'assurance de personnes ne
peut plus se considérer comme autofinancée. Elle ne peut plus
dépendre, pour son développement, uniquement sur ses capitaux
internes. Autant en Europe qu'au Japon, la situation internationale
démontre que le problème du financement nécessaire
à la croissance n'est pas uniquement applicable aux mutuelles
d'assurances de personnes à charte québécoise.
Ce besoin, M. le Président, n'est pas nouveau.
Déjà, en 1982, un groupe de travail formé des membres de
l'industrie réclamait le droit d'emprunter à long terme.
Mandaté par la ministre actuelle, le groupe de travail,
présidé par M. Raymond Garneau, présentait, au mois
d'octobre 1990, des recommandations à cet égard. Aujourd'hui
tablette, ce rapport n'a rien donné si ce n'est la création d'un
autre comité qui, lui, aura sans doute la responsabilité de se
pencher sur les questions de capitalisation pour toutes les compagnies
d'assurances de personnes. Mais compte tenu de la corrélation qui existe
entre le financement des mutuelles sur le marché externe et le
développement des normes de capital pour les compagnies d'assurances de
personnes, il est loisible de croire que les conclusions devraient, elles
aussi, aboutir sur la nécessité d'une orientation
économique.
Malgré la détérioration du contexte concurrentiel
et des marges de profit, les assureurs québécois ont tous acquis,
à compter de 1984, des pouvoirs plus larges et se sont vu attribuer une
mission plus ambitieuse que leurs concurrents à charte
fédérale. Il est toujours clair pour l'Opposition que le capital
des assureurs-vie peut être un instrument de développement
collectif pour le Québec. Il serait pour nous erroné de
considérer l'élargissement des pouvoirs des
compagnies d'assurances comme l'une des causes de leurs problèmes
de capitalisation. Cet élargissement doit plutôt, s'il est bien
interprété, faire partie de la solution. Il est cependant certain
que cet élargissement ne doit pas servir d'excuse aux assureurs pour une
performance de faible qualité dans leur activité primaire qui est
l'assurance de personnes au Québec. La diversification n'est pas un luxe
pour les assureurs québécois, mais bien une
nécessité.
Comme le rappelaient des intervenants à l'occasion d'une
commission parlementaire, à l'heure des grappes industrielles, il faut
aussi souligner l'hypothèse des fusions ou alliances stratégiques
entre assureurs québécois, selon que leurs activités sont
concurrentes ou complémentaires. Afin de satisfaire les besoins de
diversification géographique et mesurer l'impact des marges de
solvabilité, on peut considérer l'intérêt qu'il
pourra y avoir à un contrôle sur une société
d'assurances opérant une certaine opération qui pourrait
être partagée par des institutions financières concurrentes
ou non.
Donc, en conclusion, M. le Président, il faut avoir une
idée de l'évolution de la structure de l'industrie de l'assurance
de personnes à charte québécoise. La ministre peut-elle
donc nous faire part de sa vision des choses, des balises qu'elle a
fixées à son comité qui étudie la question de la
capitalisation, de son mandat exact? De quelle façon entend-elle
orienter le débat? Ou va-t-elle une fois de plus, M. le
Président, rester silencieuse?
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Après avoir
passé en revue le décloisonnement des institutions
financières et celui des intermédiaires, je répondrai ici
à plusieurs commentaires, dont certains du député de
Gouin, en resituant le rôle d'une autre structure qui a vu le jour lors
des dernières années, la SIAP, Société canadienne
d'indemnisation pour les assurances de personnes.
La SIAP a été formée le 16 décembre 1988.
Elle est le fruit d'une collaboration entre lés assureurs de personnes
et les responsables de la réglementation ou du contrôle, en
matière d'assurances, des gouvernements provinciaux et
fédéral. La SIAP a été constituée pour
donner suite à une demande formulée en 1983 par les ministres
provinciaux et canadien responsables des institutions financières.
Ceux-ci, ayant constaté un vide dans le secteur de l'assurance en
matière d'indemnisation des assurés advenant la faillite d'un
assureur, demandèrent aux organismes de surveillance et de
contrôle et à l'industrie d'établir des plans de
compensation.
M. le Président, l'objet premier de la SIAP est de verser des
indemnités aux titulaires ainsi qu'aux ayant droit de polices
d'assurance émises par des assureurs de personnes qui deviennent
insolvables et dont les réclamations ne sont pas acquittées par
le cours normal des affaires. En ce qui a trait à son fonctionnement, on
prévoyait la possibilité, pour les différentes
juridictions canadiennes, d'adhérer officiellement au plan. Le
Québec a rendu obligatoire l'adhésion à la SIAP comme
condition préalable aux activités d'assurances au Québec,
au moyen d'une modification aux règlements sur les assurances qui a pris
effet le 13 juin 1990. Ce faisant, le Québec protégeait ainsi
l'ensemble des assurés dont il était responsable et conserva
entièrement, via l'Inspecteur général des institutions
financières, sa juridiction quant au droit de pratique des assureurs sur
son territoire.
Essentiellement, la SIAP est un fonds d'indemnisation privé
subventionné par les compagnies d'assurances de personnes canadiennes
qui en sont membres. Différents types de cotisations sont perçus
par elles auprès des assureurs membres, soit des cotisations
générales prélevées pour pourvoir aux frais
administratifs de la Société, des cotisations qui peuvent
être prélevées auprès de tous les membres pour
pourvoir aux frais résultant de l'insolvabilité d'institutions
membres, ce genre de cotisation étant prélevé lorsqu'un
assureur devient solvable, comme nous l'avons vécu dans le cas des
Coopérants.
Toutefois, un plafond annuel a été fixé pour cette
catégorie de cotisations à un demi de 1 % de la moyenne des
revenus primes de chaque membre. Dans le dossier des Coopérants, M. le
Président, suite aux représentants de l'IGIF, il a
été convenu de passer outre aux limites de couverture et
d'indemniser les détenteurs de polices à 100 %. Ainsi, les
limites maximales de couverture sont abolies et, par le fait même, on
indemnise à 100 % dans le cas des Coopérants.
Cette donnée est très importante et il importe de la
répéter, car le député de Gouin a, à
plusieurs reprises, ici même dans cette Chambre, tenté de
discréditer ce fait en laissant entendre peut-être que certains
types de détenteurs, dont les détenteurs de REER, ne seraient pas
indemnisés. Cette attitude est désastreuse à plus d'un
titre. Elle insécurise l'épargnant, en particulier les personnes
âgées, et elle mine la confiance du public envers les compagnies
du Québec. Encore une fois, le député de Gouin, lors de sa
dernière intervention en cette Chambre, a erré et a
créé une panique en se basant sur des rumeurs, comme il en a
l'habitude, d'ailleurs, en déclarant que les REER ne seraient pas
couverts. Encore une fois, je répète l'engagement de la SIAP
obtenu par l'Inspecteur général à l'effet de couvrir ses
épargnes à 100 %. Quant au mode de répartition entre
assureurs de la facture afférente au sauvetage des Coopérants et
ce, en se basant sur des
interprétations des règlements qui la régissent et
les protocoles d'entente intervenus avec ses assureurs membres, la SIAP a
statué en décembre dernier.
M. le Président, dans le cas de la SIAP, il est également
de la responsabilité de la ministre d'en évaluer le
fonctionnement. L'ACCAP s'affaire actuellement à en faire l'analyse,
tout comme l'IGIF, le ministère des Finances et l'industrie
elle-même. J'annoncerai les mesures que nous envisageons dans ce dossier
et, M. le Président, je vous invite maintenant à donner la parole
à mon collègue le député de Charlevoix, qui fera le
portrait des assurances de personnes.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Charlevoix, est-ce que vous êtes prêt
à répondre à l'invitation de Mme la ministre?
M. Daniel Bradet
M. Bradet: Oui, M. le Président. Je vous remercie.
J'aimerais prendre quelques minutes afin de vous dresser un portrait sommaire
de l'assurance de personnes au Québec. J'aborderai également la
démutualisation et les perspectives d'avenir s'offrant à
l'assurance de personnes. Au 31 décembre 1990, 184 assureurs
détenaient un permis pour exercer des affaires en assurance de personnes
au Québec. De ce nombre, 36 assureurs détenaient une charte du
Québec répartie de la façon suivante: 19 compagnies
d'assurances, 11 sociétés de secours mutuel et 6 compagnies
d'assurances funéraires.
L'actif de l'ensemble des assureurs de personnes ayant un permis
d'exercer au Québec était de 181 500 000 000 $ en 1991. Avec un
passif de 162 000 000 000 $, les capitaux propres atteignaient 19 300 000 000 $
représentant 12 % de l'actif. Ces mêmes assureurs ont souscrit au
Canada pour 36 000 000 000 $ en primes. Le bénéfice net de
l'ensemble des assureurs se situait à 3 000 000 000 $. Malgré une
légère baisse des principaux indicateurs de solvabilité,
la majorité des assureurs exerçant au Québec rencontraient
les normes de prévention utilisées par l'Inspecteur
général des institutions financières. (10 h 50) au cours
des dernières années, on a pu constater que plusieurs compagnies
mutuelles d'assurances recherchaient une modification corporative à leur
structure opérationnelle dans le but de réaliser des objectifs de
croissance et de capitalisation qu'elles ne pouvaient autrement atteindre.
cette tendance notamment remarquée aux états-unis est susceptible
de s'accentuer dans l'avenir due, en grande partie, à des modifications
majeures du marché des assurances découlant d'une nouvelle
philosophie d'ensemble, elle-même liée à une nouvelle
approche dans le fonctionnement global des institutions finan- cières.
à cet égard, m. le président, le québec est
sûrement un milieu actif et dynamique dans l'application d'un programme
de décloisonnement des institutions financières. des changements
importants et complexes qui découlent de ce nouvel environnement
demandent beaucoup de souplesse dans la solution des problèmes. dans ce
contexte, le québec a adopté une approche basée sur la
reconnaissance des besoins de l'industrie de l'assurance.
M. le Président, cette orientation a permis d'accueillir
favorablement un nouveau modèle de démutualisation n'impliquant
aucun déboursé de capital et assurant la continuité du
droit de propriété des mutualistes via une corporation mutuelle
de gestion. Ce type de transformation, initialement présentée par
La Laurentienne, mutuelle d'assurances, puis repris par les Services de
santé du Québec et la Mutuelle des fonctionnaires du
Québec, a été accepté après la
démonstration que les droits et expectatives des membres mutualistes
dans ce processus de modification structurelle de leur compagnie étaient
préservés. À cet égard, un groupe de travail de
l'institut canadien des actuaires a reconnu dans son rapport qu'une telle forme
de démutualisation était possible au même titre que la
démutualisation classique avec compensation pour l'abandon du droit de
propriété, comme ce fut le cas notamment pour l'Assurance-vie
Desjardins.
M. le Président, l'approche flexible retenue par le Québec
permet donc de reconnaître le caractère particulier de chaque
projet soumis tout en assurant la protection des mutualistes et en favorisant
le développement et la croissance des compagnies par un meilleur
accès aux sources de capitaux. Les effets de la récession sont
encore très présents, et la reprise économique tarde
à se manifester. Les assureurs qui ont été plus actifs et
agressifs dans les prêts hypothécaires et les investissements en
biens-fonds risquent davantage d'être affectés par cette
situation. Il en est de même des compagnies qui ont des placements
substantiels dans des corporations contrôlées et satellites et qui
n'auront pas adopté, si ce n'était déjà fait, des
principes adéquats de consolidation et de rationalisation pour
l'ensemble de leurs groupes. Les assureurs devront procéder à une
planification stratégique rigoureuse de leurs opérations et au
contrôle serré de l'atteinte des résultats. Des compagnies
devront notamment songer à se départir de placements qui ne
correspondraient plus aux orientations stratégiques. Nous assisterons
également fort probablement à des regroupements ou
réorganisations d'entreprises. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Charlevoix. M. le député de Gouin, vous avez la parole.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Oui. Peut-être, M. le Président,
immédiatement vous informer que je ne sais pas si la ministre s'est
fourvoyée dans ses notes, mais ce n'est pas immédiatement qu'on
avait l'intention d'aborder la questions de la SIAP; c'est lors d'une
intervention qui va suivre. Pour le moment, on voulait se limiter au dossier de
l'industrie en général, et nous aborderons maintenant la question
des Coopérants, et c'est tout à l'heure... Je ne sais pas si la
ministre répétera ses notes et les mêmes propos qu'elle a
tenus, mais ce n'est pas immédiatement qu'on les abordera.
Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le
député de Gouin.
M. Boisclair: Pour le moment, pour Les Coopérants, M. le
Président, je crois qu'il est important de souligner que l'industrie de
l'assurance de personnes a connu des soubresauts importants récemment
avec la liquidation des Coopérants. Elle met fin à plus d'un
siècle de présence de cette entreprise. C'est aussi la perte de
la quatrième plus importante société d'assurances de
personnes à charte du Québec, mais c'est aussi près de 800
personnes qui se trouvent sans emploi et c'est aussi la perte de confiance dans
nos institutions financières, particulièrement dans le secteur
collectif, ce qui se traduira par une perte de marché en faveur des
compagnies canadiennes très coûteuse à long terme.
M. le Président, si le ministre de l'Industrie et du Commerce a
sauvé Laval in, la ministre déléguée aux
institutions financières a regardé le dossier des
Coopérants s'enliser. Cette société a
transféré le 1er janvier 1988 au Québec pour adopter une
charte bien de chez nous. Dès 1989, l'Inspecteur général
est intervenu par suite d'une diminution substantielle des
bénéfices de la compagnie, même si l'avoir était
encore à 79 000 000 $. Par ailleurs, lors de la présentation des
états financiers en 1990, ceux de 1989 étaient
révisés d'un bénéfice de 3 500 000 $. La compagnie
montrait un déficit de 385 000 $. De plus, les états financiers
de 1990 montraient une perte de 30 000 000 $, ramenant ainsi le capital de la
compagnie à 40 000 000 $.
Un rapport d'évaluation d'experts de juin 1991 avait
accordé une valeur de 102 000 000 $ à 117 000 000 $ pour les
droits de propriété des mutualistes. Cette valeur était
basée sur certaines hypothèses qui ne se sont pas
vérifiées dans le futur. C'est donc l'intervention d'un
partenaire investisseur qui fut souhaitée pour écouler
normalement le portefeuille des Coopérants en garantissant pleinement
des obligations de la compagnie envers ses assurés.
Une entente de principe est intervenue entre la SIAP,
L'Industrielle-Alliance et Les Coopérants sur le modèle
«good co, bad co».
L'Industrielle mettait 70 000 000 $, la SIAP y allait avec 140 000 000
$, ce qui aurait permis la continuation des affaires.
Cependant, dès le 19 décembre 1991, alors que
L'Industrielle et Les Coopérants se sont présentés
à une séance de préclôture, la SIAP, malgré
ce qui avait été convenu, ne s'est pas présentée et
a indiqué son intention de se retirer dès le 19 décembre,
sans que la ministre fasse quoi que ce soit. À la veille du Jour de
l'an, la SIAP s'est retirée et, pour ce faire, a invoqué la
découverte d'engagements hors bilan plus élevés que ceux
prévus. Cette analyse ne tient pas, et la ministre le sait.
N'est-il pas vrai, M. le Président, que le principal engagement
hors bilan des Coopérants était le bail de la maison des
Coopérants et que ce passif éventuel était connu de la
SIAP dès le mois d'octobre? N'est-il pas vrai également que dans
la semaine précédant Noël, il y avait une entente avec les
propriétaires à l'effet de résilier le bail pour une somme
de 18 000 000 $, soit une somme inférieure à l'estimé
établi par RCMP en novembre? N'est-il pas vrai aussi, M. le
Président, qu'une opinion du cabinet-conseil Langlois, Robert a
été présentée à l'effet que l'Inspecteur
général aurait pu forcer, je dis bien forcer, la SIAP à
conclure cette entente ou tout au moins utiliser les recours légaux
pertinents?
N'est-il pas aussi vrai que l'Inspecteur général aurait pu
intervenir beaucoup plus tôt, soit dès le début de 1990,
suite au départ de l'ex-président Shooner et suite au
dépôt au conseil d'administration des Coopérants d'un
rapport détaillé sur la situation financière de
l'entreprise, lequel avait été préparé par un
consultant externe? Or, jamais à cette époque, l'Inspecteur n'a
manifesté le désir de prendre connaissance de ce rapport.
De plus, les résultats de 1989 indiquant une baisse de l'avoir
des assurés de plus de 17 000 000 $ n'auraient-il pas dû inciter
l'Inspecteur général à effectuer certaines
vérifications aux livres? N'est-il pas aussi vrai que les pertes
d'opération des Coopérants n'étaient pas de 4 700 000 $,
comme il a été déclaré par l'Inspecteur dans la
requête en liquidation, mais plutôt de 1 500 000 $ par mois? Les
seules opérations d'assurance-vie n'étaient-elles pas d'ailleurs
rentables? N'est-il pas aussi vrai que les représentants de la SIAP,
soit la firme McCarthy-Tétrault, sont aussi concouramment
utilisés par le liquidateur provisoire, ce qui constitue un cas flagrant
de conflit d'intérêts? Ces intérêts de la SIAP ne
sont-ils pas très opposés aux intérêts des
créanciers québécois ou même des assureurs
québécois?
Le liquidateur ne devrait-il pas garder ses distances vis-à-vis
des créanciers éventuels de la mutelle et même
protéger tous les recours contre la SIAP, qui est quand même la
partie qui a fait avorter...
Le Président (M. Audet):...
M. Bofsclair: ...la transaction espérée. M. le
Président, n'est-il surtout pas vrai que le coût final de la
liquidation sera d'au moins 100 000 000 $ plus élevé, que les
frais de liquidation seront de 50 000 000 $, ce qui dépasse toute
commune mesure? Bref, cette affaire, M. le Président, est une sale
affaire. Les conflits d'intérêts côtoient le silence
irresponsable de la ministre déléguée aux Finances.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Gouin. En droit de réplique, Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: M. le Président, Les Coopérants
étaient une compagnie mutuelle d'assurances de personnes qui, jusqu'au
31 décembre 1987, relevait de la juridiction fédérale.
Dès mai 1987, l'assureur signifiait son intention d'obtenir une charte
québécoise. L'assureur rencontrait alors les tests de
solvabilité et de rentabilité du fédérai et la
formule de surplus minimum de l'ACCAP. D'un autre côté,
l'Inspecteur général constatait, après inspection, que Les
Coopérants présentaient des ratios de prévention se
situant dans l'ensemble des échelles acceptables.
En novembre 1989, le groupe Coopérants faisait parvenir à
l'IGIF un plan de réorganisation prévoyant notamment une
rationalisation des activités par la restructuration et la vente de
filiales, le tout devant se terminer avant 1991. Le plan prévoyait
également la recherche d'un partenaire financier pour le holding en
aval. Lors de la réception des états financiers statutaires au 31
décembre 1989, en mars 1990, ceux-ci démontraient une baisse
importante de la profitabilité de l'entreprise. Le
bénéfice net se situait à 3 000 000 $, comparativement
à 7 000 000 $ en 1988. Les Coopérants rencontraient encore les
principaux ratios de prévention en vigueur chez l'Inspecteur, cependant.
(11 heures)
Néanmoins, l'Inspecteur a alors rencontré les dirigeants
de l'entreprise pour demander des explications sur cette baisse de
rentabilité. Il apparaissait alors évident que Les
Coopérants devaient se départir de certaines filiales. Un plan
d'action a été exigé, lequel devait prévoir des
marchés rapides sans pour autant se rendre jusqu'à une vente de
feu. En septembre 1990, il y avait eu une entente de principe entre la
société financière Prenor et le groupe Coopérants
prévoyant une prise de contrôle du portefeuille Investissements
Guardcor inc. par La Financière Prenor. On apprenait, malheureusement,
en mars 1991, que la vente était annulée. Entre-temps, en
décembre 1990, un protocole d'accord était conclu entre le groupe
Caisse nationale de Prévoyance, le Groupe Coopérants inc. et
Les
Coopérants, afin de créer un partenariat financier. Un
projet de restructuration de Les Coopérants était donc
présenté en janvier 1991.
Lors de la réception des états financiers au 31
décembre 1990 en mars 1991, la Direction du contrôle des
assurances de personnes a immédiatement noté un redressement aux
exercices antérieurs et une perte importante pour l'exercice 1990. Les
bénéfices, tels que mentionnés par le député
de Gouin, de 3 000 000 $ en 1989 étaient redressés pour montrer
une perte de 300 000 $. De plus, Les Coopérants enregistrait une perte
de 30 900 000 $ pour 1990. En l'espace d'un an, le portrait de la
rentabilité avait varié de 40 000 000 $.
L'intervention de l'Inspecteur général des institutions
financières a été immédiate. Un examen sur place a
eu lieu au début d'avril 1991. Par la suite, lors d'une réunion
avec la haute direction de Les Coopérants le 23 avril 1991, l'Inspecteur
général a exigé, entre autres, que soit mis en place, dans
les 30 prochains jours, un plan de redressement administratif et financier. Le
1er mai 1991, l'Inspecteur général rencontrait les
administrateurs de Les Coopérants afin de leur transmettre un plan de
redressement qu'ils devaient entériner sur-le-champ. En juin 1991, et
malgré le fait que l'Inspecteur général soit
personnellement intervenu, on apprenait, malheureusement, que la Caisse
nationale de Prévoyance n'était plus intéressée
à investir dans Les Coopérants. En juin 1991 également, le
projet de loi 287, un bill privé prévoyant la transformation de
Les Coopérants en une compagnie d'assurances à capital-actions et
en une corporation mutuelle de gestion regroupant les propriétaires des
contrats d'assurance afin de contrôler en tout temps la compagnie
d'assurances à capital-actions résultant de la transformation,
était adopté. Le 1er juillet 1991, l'Inspecteur
général décida de renouveler le permis de la compagnie sur
une base temporaire, jusqu'au 31 octobre 1991, afin de permettre la
réalisation du plan de redressement.
Le 31 octobre 1991, l'Inspecteur général et la SIAP
s'engageaient à protéger tout détenteur de police de Les
Coopérants contre toute perte. Le même jour, l'Inspecteur
général annonçait le prolongement du permis pour permettre
la poursuite des négociations en cours avec des acheteurs
éventuels. Le 11 novembre 1991, une entente a été conclue
entre la SIAP, L'Industrielle-Alliance et Les Coopérants. Le 30
décembre 1991, l'Inspecteur général rencontrait la SIAP
pour apprendre qu'elle ne pouvait donner suite à son entente, avec,
comme conséquence, que le marché ne tenait plus. Pour la
protection des assurés - M. le Président, j'achève -
l'Inspecteur général n'a pas eu d'autre choix que de prendre
possession de l'entreprise et de la mettre en liquidation, ce qui a
été fait le 3 janvier 1992. On connaît la suite des
événements, M. le Président.
L'industrie, l'Inspecteur général des institutions
financières et le ministère des Finances contribuent actuellement
à la réflexion afin de dégager clairement les
éléments à retenir pour éviter la
répétition d'un tel événement. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Réal Gauvin
M. Gauvin: Merci, M. le Président. J'aimerais vous
rappeler, M. le Président, que ma collègue, Mme la ministre, le
député de Charlevoix et moi-même, nous répondons
carrément aux questions du député de Gouin qui a choisi
comme thème, pour cette interpellation, l'industrie de l'assurance au
Québec. Il faisait tantôt allusion à un dialogue de sourds,
et j'aimerais lui rappeler directement que nous répondons
carrément à l'invitation qui nous a été faite de
traiter de ce sujet.
M. le Président, mon collègue vous a entretenu il y a
quelques instants de l'assurance de personnes. J'aimerais, à mon tour,
vous exposer un portrait sommaire des assureurs de dommages au Québec et
de leur perspective. La plupart des gens ne pensent à l'assurance que
lorsque vient le moment d'acquitter leur prime d'habitation ou automobile, ou
peut-être lorsqu'ils se font cambrioler ou qu'ils ont un accident de
voiture. Et, lorsqu'ils y pensent, ils ne font souvent pas la différence
entre les assurances de dommages et les assurances sur la vie.
On distingue trois grands éléments dans les
activités d'assurance de dommages. Le premier est le partage de risques;
les assurés paient une somme prédéterminée pour se
protéger contre des pertes potentielles énormes. Le second, c'est
les placements en attendant de payer les sinistres; les assureurs placent les
sommes à leur disposition ainsi que leurs fonds propres qui garantissent
la sécurité des assurés; ces placements favorisent le
développement économique et produisent un rendement permettant de
maintenir les primes au niveau le plus bas possible. Le troisième
élément réside dans la réduction et la
prévention des sinistres. Cette fonction est la moins connue mais est,
elle aussi, importante.
Les connaissances acquises au cours des siècles ont appris aux
assureurs à identifier les risques potentiels. Ils allient leurs efforts
à ceux des assurés et des pouvoirs publics pour réduire
ces risques, pour prévenir les sinistres et minimiser le coût de
ceux qui se produiront quand même. Une étude sommaire des affaires
au Canada, au 30 juin 1991, de tous les assureurs de dommages, sauf ceux
limités à la réassurance, titulaires d'un permis pour
opérer au Québec, fait ressortir que l'actif de l'ensemble des
assureurs a augmenté de 7,6 % pour se situer à 27 100 000 000 $,
le passif, de 7 %, et les capitaux propres, de 9,1 %, pour se situer à 8
300 000 000 $. Les quelque 219 assureurs titulaires d'un permis du
Québec ont souscrit au Canada, au premier semestre de 1991, pour 6 700
000 000 $ de primes directes, soit 5 100 000 000 $ de plus qu'en 1990, tandis
que leurs primes nettes ont augmenté un peu moins, soit de 4,8 %, ceci
étant dû à ce que les assureurs ont assuré moins en
1991. Une hausse de 40,4 % a été inscrite pour l'ensemble des
assureurs à titre de bénéfices nets, soit 525 000 000 $.
Il est à noter que les assureurs ont le même niveau de
solvabilité qu'au 30 juin 1990, et ces derniers respectent largement les
normes établies.
Somme toute, la solvabilité globale des assureurs en dommages
demeure plus que satisfaisante. L'ensemble des assureurs à charte du
Québec ont souscrit pour 591 000 000 $ de primes directes, soit une
augmentation de 10,1 %. Le constat général que nous pouvons tirer
de tous ces chiffres, c'est que la situation financière de l'ensemble
des assureurs à charte du Québec est demeurée plus que
satisfaisante et peut leur permettre d'être plus agressifs sur le
marché et de souscrire davantage.
Je ne voudrais pas passer sous silence la situation des
sociétés mutuelles d'assurances générales. L'actif
total des 39 sociétés mutuelles d'assurances
générales a augmenté de 12,5 % pour se situer à 148
000 000 $, le passif, de 16,6 %, et les capitaux, de 9,3 %. Dans l'ensemble,
elles ont souscrit pour 62 600 000 $ de primes directes, soit une augmentation
de 11 500 000 $. Leur situation financière est demeurée, elle
aussi, très satisfaisante, ce qui leur a permis de souscrire davantage
en 1991. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Montmagny-L'Islet. Je reconnais maintenant M. le député de
Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, est-ce qu'on peut s'asseoir
à la table? Est-ce qu'on peut avoir des réponses à nos
questions? Est-ce que la ministre et ses collègues peuvent faire autre
chose que nous lire des notes? J'ai adressé à la ministre, tout
à l'heure, 11 questions très claires sur la liquidation des
Coopérants. D'aucune façon, elle n'a voulu y répondre;
d'aucune façon. Elle a même soulevé un moindre
intérêt quant à ces questions. Ces questions que
l'Opposition adresse sont les mêmes qu'adressent les assurés des
Coopérants, les gens qui suivent cette industrie, les partenaires de
l'industrie. L'heure est grave, M. le Président, et lorsqu'on constate
que, dans un contexte aussi important que celui que nous avons à l'heure
actuelle, la ministre, d'aucune façon, n'est capable de répondre
à ces
interrogations, je dois vous dire que je vais quitter cette
interpellation encore plus inquiet que quand j'y suis arrivé. J'invite
la ministre à prendre un bout de papier et un crayon et à noter
les questions. Je la mets au défi de répondre à ces
questions comme je mets au défi le député de
Montmagny-L'Islet et le député de Charlevoix de répondre
à ces questions. (11 h 10)
N'est-il pas vrai, premièrement, que dès le 19
décembre on savait l'intention de la SIAP de se retirer du dossier,
parce que la SIAP ne s'était pas présentée à la
séance de signature? N'est-il pas vrai aussi que l'argument de la SIAP
pour des engagements hors bilan ne tient pas et que l'engagement hors bilan le
plus important était le bail de la maison des Coopérants et qu'il
y avait eu une entente pour régler pour 18 000 000 $? N'est-il pas vrai
qu'il y a eu un avis juridique de Langlois Robert à l'effet que
l'Inspecteur général aurait pu prendre des dispositions
nécessaires pour forcer la transaction avec la SIAP? N'est-il pas vrai
que l'Inspecteur aurait pu agir et intervenir plus tôt dans le dossier,
après le départ de Pierre Shooner, lorsque le rapport
commandé par le conseil d'administration a été
déposé au conseil, et qui faisait état de la situation
financière des Coopérants? N'est-il pas vrai, M. le
Président, que les pertes d'opérations n'étaient pas
celles que l'Inspecteur a annoncées dans sa requête en
liquidation, mais qu'elles étaient plutôt de 1 500 000 $ par mois
et non pas de 4 700 000 $, comme lui l'entendait? N'est-il pas vrai aussi que
les conseillers, les avocats McCarthy Tétrault sont couramment
utilisés par le liquidateur, ce qui les met en flagrant conflit
d'intérêts avec le liquidateur et avec les assurés?
N'est-il pas vrai aussi, M. le Président, que le coût de la
liquidation sera de 100 000 000 $ supplémentaires à l'entente
initialement prévue entre la SIAP et L'Industrielle-Alliance? N'est-il
pas vrai qu'il y aura des frais de liquidation de 50 000 000 $, M. le
Président, pour assumer la liquidation des Coopérants?
Qui est intéressé par cette question, M. le
Président? Les assureurs, ceux qui paient des primes, les partenaires de
l'industrie. Déjà, aujourd'hui, l'Assurance-vie Desjardins a
été obligée de retrancher plus de 1 000 000 $ de ses
profits pour faire face à ses obligations dans le naufrage des
Coopérants.
Voici, M. le Président, les questions, et je mets au défi
la ministre d'y répondre parce que son silence, son jeu qui consiste,
finalement, à lire ses notes et à faire semblant que ce
débat et ces discussions n'existent pas ne nous mènera nulle
part. Les questions sont nombreuses, M. le Président, et si la ministre
avait le moindrement le courage d'y répondre, si elle pouvait au moins
nous dire que nous avons tort et nous faire la démonstration que nous
avons tort, peut-être pourrions-nous ressortir de cet exercice
grandis.
Mais, M. le Président, ce dialogue de sourds ne nous
mènera nulle part, et ce n'est certes pas ce dialogue qui va nous
permettre de rétablir la confiance des assurés
québécois qu'un sondage - ce n'est pas des chiffres de
l'Opposition officielle, là, M. le Président, ce n'est pas des
chiffres non plus du gouvernement - indique que 48,6 % des
Québécois et Québécoises auraient perdu confiance
en l'administration des compagnies d'assurances.
Vous savez comme moi, M. le Président, et encore mieux que la
ministre, j'en suis convaincu, que la confiance est l'élément le
plus important dans ces marchés; les capitaux sont volatiles, mais on ne
peut pas jouer à l'autruche, M. le Président. Les
demi-vérités font encore plus mal que les rumeurs, et la ministre
doit assurer un certain leadership, doit sortir ce matin de ses textes, doit
sortir de ses formules toutes faites et nous dire vraiment si les
allégations qui circulent, si les rumeurs dans le marché sont
fondées. Et si elles ne le sont pas, qu'elle le dise. Mais son silence
ne fait que confirmer ces rumeurs.
M. le Président, il est inacceptable de voir que notre
gouvernement, que le gouvernement du Québec, qui a mis autant de temps
et d'énergie à bâtir un modèle financier correct qui
donne des avantages concurrentiels importants à nos compagnies à
charte québécoise, de voir qu'aujourd'hui II n'y a plus personne
qui en fait la défense. On pourra parler de statistiques, on pourra
parler de chiffres, mais la réalité est là et,
aujourd'hui, nous devons porter les frais du naufrage des Coopérants.
J'espère que la ministre, au nom de l'industrie, pour l'industrie, sera
capable de répondre à ces allégations. Je lui ai fait une
liste de 11 questions et je lui demande d'y répondre, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Gouin. Mme la ministre, votre droit de réplique.
Mme Louise Robic
Mme Robic: M. le Président, l'interpellation d'aujourd'hui
s'appelle «L'industrie de l'assurance au Québec», et je n'ai
surtout pas l'intention ici, ce matin, de faire le post mortem des
Coopérants. Si vous m'avez amenée ici pour faire ça, M. le
député de Gouin, vous l'avez fait d'une façon
détournée, et je ne l'accepte pas. M. le Président...
M. Boisclair: Question de règlement.
Mme Robic: M. le Président, c'est mes cinq minutes.
Le Président (M. Audet): Un instant! Un instant! Question
de règlement, M. le député de Gouin.
M. Bolsclair: Est-ce que toutes les questions et interrogations
que j'ai soulevées ce matin sont conformes au-règlement?
Le Président (M. Audet): Vous avez soulevé des
interrogations... Vous pouvez soulever des interrogations, mais vous ne pouvez
pas obliger la ministre à répondre à vos questions...
M. Boisclair: Non, mais est-ce qu'elles sont conformes, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): C'est un échange. Elles
sont conformes, oui, mais...
M. Boisclair: Merci. C'est ce que je...
Le Président (M. Audet): ...les souhaits que vous avez
exprimés ne sont pas conformes au règlement.
M. Boisclair: C'est ce que je voulais entendre.
M. Gauvin: Sur la question de règlement.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Gauvin: Est-ce qu'on pourrait permettre à Mme la
ministre de réagir pendant les cinq minutes qui lui sont allouées
et, si le député de Gouin a un questionnement sur la
conformité de son questionnement, il pourrait vous revenir entre-temps.
Merci.
Le Président
(m. audet): c'est ce que j'allais
faire, m. le député de montmagny-l'islet. merci. alors, mme la
ministre, vous pouvez continuer.
Mme Robic: Merci, M. le Président. J'aimerais, M. le
Président, profiter de cette réplique pour aborder deux autres
sujets qui, j'en suis sûre, intéressent mon collègue de
l'Opposition au plus haut point. D'abord, comment le Québec se
positionne-t-il dans le secteur des assurances dans le cadre de la
réforme fédérale? M. le Président, je vous
rappellerai que le gouvernement fédéral a fait adopter, en
décembre dernier, sa nouvelle Loi sur les assurances. Essentiellement,
cette loi, en plus d'apporter des correctifs d'ordre technique, rejoint les
objectifs poursuivis par la réforme du Québec en 1983 - M. le
député de Gouin, si vous êtes intéressé, vous
devriez rester pour écouter - à savoir, M. le Président,
le décloisonnement. Les compagnies d'assurances fédérales,
comme c'est le cas au Québec, conservent intacte la nature
Intrinsèque de leurs opérations, mais ont la possibilité
de se diversifier dans la vente de produits par l'entremise de filiales. De
plus, tout comme ce fut le cas pour le Québec en 1983, les compagnies
d'assu- rances fédérales ont vu leur pouvoir de placement
modifié. Les critères quantitatifs ont remplacé les
critères qualitatifs.
Les principes à la base de cette loi font donc que les
administrateurs se voient chargés de la responsabilité
première de surveillance et de contrôle puisque, dans leurs
décisions, ils doivent agir selon les critères d'une personne
compétente, prudente et sage. La Loi sur les assurances du Québec
n'est donc pas en reste avec la récente législation
fédérale puisque, avec les récentes modifications
apportées avec la loi 112, des normes très sévères
ont été édictées en matière de conflit
d'intérêts. De plus, des restrictions ont été
apportées à la loi du Québec concernant les liens
commerciaux et la détention des holdings en aval. La loi du
Québec se compare avantageusement à celle du
fédéral en ce qui concerne la propriété
étrangère. En effet, la loi du Québec a aboli la
règle du 10 %-25 % pour la remplacer par la règle du 30 %, avec
possibilité pour la ministre de hausser ce pourcentage au-delà
même du pourcentage de contrôle de la compagnie selon des
critères très précis définis dans la loi.
Une étude objective et comparative des législations fait
donc ressortir qu'en matière de législation, celle du
Québec est encore à l'avant-garde de ce qui existe au Canada.
Certes, dépendant de l'évolution du milieu et du contexte
économique, des modifications sont encore possibles. En
réalité, il faut dire que, si le Québec veut maintenir son
leadership, des modifications devront être apportées. C'est la
tâche à laquelle nous accordons actuellement notre
priorité.
Dans un autre ordre d'idées, la question des normes de
solvabilité intéresse sûrement autant le
député de Gouin, que je vois revenir en Chambre. Pour le moment,
M. le Président, notre position finale n'est pas arrêtée
relativement aux nouvelles normes...
M. Boisclair: Question de règlement.
Mme Robic: ...que nous aurons à mettre en place au
Québec.
M. Boisclair: Question de règlement.
Le Président (M. Audet): Un instant. Question de
règlement, M. le député de Gouin.
M. Boisclair: M. le Président, vous savez comme moi qu'on
n'a pas le droit d'invoquer ni l'absence ni la présence d'un membre en
cette Chambre. Je suis allé consulter mes conseillers pour
préparer ma prochaine intervention.
Le Président (M. Audet): Vous avez entièrement
raison. En vertu du règlement, on ne peut souligner l'absence d'un
député en Chambre. Mme la ministre, si vous voulez
poursuivre.
Mme Robic: Pour le moment, M. le Président, notre position
finale n'est pas arrêtée relativement aux nouvelles normes que
nous aurons à mettre en place au Québec, et je parle de normes de
solvabilité. Il existe actuellement des normes administratives que
l'Inspecteur général des institutions financières a
développées, et ces normes administratives procurent à la
population une protection de base en attendant de pouvoir nous fixer plus
précisément sur une proposition de normes que nous pourrons
recommander à la considération du gouvernement.
Cette situation nous permet de surveiller l'évolution des
exercices normatifs similaires actuellement en cours au niveau des juridictions
où nos assureurs ont des intérêts, notamment au niveau du
gouvernement fédéral, de la Communauté européenne
et des États-Unis. Nous pourrons ainsi nous tenir au diapason
international pour ne pénaliser ni les compagnies ni les consommateurs.
Il faut cependant préciser que le Québec est
représenté au sein d'un comité consultatif
créé pour aviser mon homologue fédéral sur la
question des normes de solvabilité pour les assureurs canadiens.
Ces discussions seront donc capitales dans le contexte que je
dépeignais dans mon rapport quinquennal et dans lequel je situe toujours
ma réflexion, à savoir le souci du Québec de veiller
à ce que ses assureurs ne connaissent pas de difficultés dans
leurs opérations extérieures en raison de normes incompatibles et
la volonté du Québec de ne pas alimenter une perception
erronée de la solidité financière de ses institutions face
à la concurrence. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Charlevoix.
M. Daniel Bradet
M. Bradet: M. le Président, il m'apparaît opportun
d'intervenir à ce stade-ci de cet exercice parlementaire afin de vous
entretenir sur le rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les
assurances ainsi que sur la loi 112, Loi modifiant la Loi sur les assurances.
(11 h 20)
Conformément à l'article 425.1 de cette dernière,
la ministre déléguée aux Finances déposait, en juin
1990, le premier rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les
assurances. Ce rapport, rédigé à partir de consultations
intensives menées auprès des assureurs et d'autres groupes
intéressés, proposait des orientations et des
énoncés de politique visant à permettre à notre
industrie de l'assurance de tirer son épingle du jeu dans le contexte de
changements et de bouleversements sans précédent. Notre industrie
pouvait donc mieux, se positionner sur l'échiquier des marchés
nationaux et internationaux sans mettre de côté notre
responsabilité commune à l'égard de la protection du
public. Nous visions donc à permettre aux assureurs
québécois d'être en position de force pour participer
à des marchés de plus en plus concurrentiels.
M. le Président, il m'apparaît important de prendre
quelques minutes afin d'élaborer sur les propositions que contiennent
les énoncés de politique formulés au rapport.
L'établissement d'une approche formelle en matière de
capitalisation fut abordé afin d'éviter que les assureurs
à charte québécoise connaissent des difficultés
dans la poursuite de leurs activités à l'extérieur du
Québec, et ce, en raison de normes incompatibles avec les normes des
autres juridictions. Les politiques concernant les liens de
propriété des institutions financières, les transactions
intéressées et l'harmonisation des législations furent
redéfinies. La ministre déléguée aux Finances a
privilégié, dans ce rapport, l'application
d'intérêts financiers et commerciaux en amont et a proposé
de limiter les filiales commerciales à celles qui sont connexes ou
accessoires aux commerces d'assurances pour faire en sorte que la
détention de filiales en aval ne crée pas de tension inutile sur
le capital. De plus, notre gouvernement n'a pas voulu bannir toutes les
transactions intéressées puisque cela aurait été
à l'encontre de notre position de favoriser la formation de groupes de
financiers importants et de permettre à leurs composantes de fonctionner
en synergie. La ministre a cependant proposé des mesures pour assurer
que de telles transactions s'effectuent selon des modalités et à
des conditions comparables à celles dont sont assorties les transactions
conclues à distance sur le marché.
Notre gouvernement indiquait clairement son objectif de participer
activement aux travaux d'harmonisation des lois et règlements canadiens
concernant le secteur des assurances. Ce dossier d'une grande complexité
chemine trop lentement au goût de certains, mais notre gouvernement
continue de penser que les impératifs internationaux de concurrence et
de contrôle obligent à rechercher une plus grande harmonisation de
nos lois avec celles du Canada et des autres provinces qui ont un secteur
financier significatif.
Il a été également proposé dans ce rapport
de moderniser l'encadrement corporatif et opérationnel des assureurs du
Québec tout en améliorant leur régime de surveillance et
de contrôle, c'est-à-dire en accroissant les
responsabilités des administrateurs et des vérificateurs des
compagnies d'assurances et en remaniant les règles de divulgation des
renseignements financiers aux actionnaires et aux membres. Toutes ces
propositions ont été transposées dans la loi 112
adoptée en décembre 1990 par les membres de cette
Assemblée. La loi 112 est un exemple de la volonté de notre
gouvernement de tenir à jour sa législation sur les institutions
financières.
Même si certains avaient décrié fortement certaines
mesures du rapport quinquennal, allant même à s'opposer à
la loi 112, les événements se sont chargés de leur
démontrer que notre gouvernement avait vu juste. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Charlevoix. Nous allons maintenant poursuivre avec M. le
député de Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, vous remarquerez, comme
moi, qu'il n'y a eu aucune réponse aux 11 questions qui ont
été soulevées.
J'aborderai maintenant un sujet qui nous semble intéressant, mais
la ministre y a déjà répondu, a déjà
soulevé le sujet, et j'espère qu'elle saura y revenir plus en
détail, à savoir la Société canadienne
d'indemnisation pour les assurances de personnes, et permettez-moi aussi de
souligner que la réponse de la ministre, tout à l'heure, aux
questions se référait à la deuxième question que je
posais tout à l'heure, au début de l'interpellation. Alors, je ne
sais pas si la ministre est confuse dans ses notes, avec son armada de
conseillers...
Le Président (M. Audet): M. le député, en
vertu du règlement, vous n'avez pas - vous le savez très bien
d'ailleurs - à suggérer quoi que ce soit. Alors, je vous invite
à faire votre intervention.
M. Boisclair: D'aucune façon, je n'ai invoqué le
règlement, mais je constate que j'ai posé des questions et que je
n'ai pas de réponse, et les réponses qu'on m'a fournies font
référence au début de l'interpellation.
Mais ceci étant dit, je veux revenir sur la SIAP. Je ne sais pas
si la ministre va nous relire ses notes de tout à l'heure, mais une
chose est claire, M. le Président. Depuis le début de
l'interpellation, j'ai identifié des caractéristiques de la
démarche québécoise en matière d'institutions
financières. Le Québec a emprunté une voie originale, qui
est celle du décloisonnement par filiale. Nous avons fait école,
et le fédéral s'apprête à suivre le Québec.
Comme je l'ai dit plus tôt, l'élargissement des pouvoirs
accordés aux compagnies d'assurances devrait s'accompagner, à mon
avis, de deux éléments: une surveillance accrue des
autorités gouvernementales dans le cas qui nous préoccupe; on
parle, bien sûr, de l'Inspecteur général des institutions
financières et on voit, aujourd'hui, que l'Inspecteur réclame des
pouvoirs accrus et des pouvoirs plus mordants au gouvernement. On
réclame aussi un filet de sécurité à l'image de
l'assurance-dépôts pour les compagnies d'assurances.
Dans ce dernier cas, le filet est apparu au début des
années quatre-vingt-dix lorsque l'in- dustrie canadienne de l'assurance
de personnes a annoncé la création de la Société
d'indemnisation pour les assurances de personnes, que l'on connaît
aujourd'hui sous le nom de la SIAP. La ministre déléguée
aux Finances s'est montrée enthousiaste par l'initiative de l'industrie.
Dès l'été, elle concluait une entente avec la SIAP,
laquelle entendait rendre obligatoire l'adhésion de toutes les
compagnies d'assurance-vie désirant faire affaire au Québec. Cet
engagement pour forcer l'adhésion à cet organisme canadien
étonne de la part du gouvernement du Québec, d'autant qu'à
l'image de son prédécesseur il ait défendu,
jusque-là, l'autonomie du Québec. À quelque part, au
ministère des Finances, quelqu'un s'est laissé éblouir par
le mythe qu'il valait mieux s'associer à un grand ensemble. Ces gens
doivent aujourd'hui déchanter. En effet, le dossier de la faillite des
Coopérants a clairement montré l'inutilité pour le
Québec d'adhérer à la SIAP. Alors que l'on pensait que
notre participation allait réduire nos risques, puisque ceux-ci seraient
partagés par tous les assureurs oeuvrant au Canada, on s'est rendu
compte qu'il n'en était rien.
Ainsi, selon les règles de fonctionnement de la SIAP et qui ont
été approuvées par la ministre
déléguée aux Finances, la contribution des compagnies de
chaque province au coût que représente la protection des
assurés offerte par la SIAP est déterminée en fonction du
pourcentage d'affaires que réalisait la société en
faillite dans chaque province. Dans le cas des Coopérants, comme cette
entreprise réalisait 95 % de ses affaires au Québec, 95 % des
coûts encourus par la SIAP devront être déboursés par
les compagnies oeuvrant au Québec. En somme, si nous avions
possédé notre propre régie à nous, pas sur le
modèle de la SIAP, mais bien une régie d'État, il n'en
aurait pas coûté un sou de plus à nos compagnies. Mais il y
a encore plus que ça, M. le Président.
À l'automne dernier, l'Inspecteur général, la SIAP,
L'Industrielle-Alliance concluaient une entente qui permettait la poursuite des
activités d'assurances des Coopérants. Selon tous les
renseignements dont nous disposons et dont la plupart proviennent du
ministère des Finances et de l'Inspecteur général, il
s'agissait - de loin -de la solution la plus économique. Or, le 30
décembre 1991, la SIAP se retirait unilatéralement. La
liquidation des Coopérants était alors retenue. Selon nos
informations - et je le disais tout à l'heure - cette solution
coûtera aux compagnies québécoises plus de 100 000 000 $.
Ce sont nos compagnies qui font affaire au Québec qui devront, seules,
supporter ce coût imposé par la SIAP. Là, notre
participation à l'organisme pancanadien est non seulement inutile, elle
est coûteuse et va contre nos intérêts.
Les conséquences de cette situation sont considérables.
Les équilibres financiers des compagnies oeuvrant au Québec
seront affectés.
Ceci affectera aussi vraisemblablement les primes exigées par ces
compagnies aux assurés québécois. Cela affectera, bien
sûr, la compétitivité de nos compagnies. À la
lumière de ces faits, l'Opposition officielle réclame la
création d'une régie d'indemnisation des assureurs de personnes
entièrement québécoise. En effet, nous souscrivons
à un principe d'une telle protection pour les assurés, mais,
à la différence de la SIAP, cette régie serait
entièrement contrôlée par le gouvernement. Nos
intérêts, seront donc «priori-sés»
contrairement à ce que nous voyons aujourd'hui.
M. le Président, je tiens à souligner que nous ne sommes
pas les seuls à opter pour cette solution. Le milieu de l'assurance-vie.
Pierre Fortier, président de La Financière, le disait et le
rappelait. L'Inspecteur général aussi en arrive bientôt
à ces conclusions-là. Il faut comprendre que cette solution
serait sans doute bien meilleure pour l'industrie québécoise. En
effet, même l'Inspecteur déclarait qu'il n'écartait pas -
et la ministre aussi - l'idée de la création d'une SIAP
québécoise.
M. le Président, demandons donc à la . ministre - et
j'espère qu'elle ne reprendra pas ses notes, qu'elle pourra
répondre aux questions - si l'Inspecteur général lui a
fait des recommandations au sujet d'une régie québécoise
d'indemnisation. Si oui, est-ce qu'elle peut nous indiquer la nature de ces
recommandations et peut-elle nous informer du coût estimatif qu'auront
à supporter les assureurs québécois qui font affaire au
Québec?
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Mme la ministre, en guise dé réplique.
Mme Louise Robic
Mme Robic: M. le Président, le député de
Gouin admet que je réponds à ses questions et n'admet pas que je
les devance, cependant. Je traite ici de l'industrie de l'assurance au
Québec. Si le député de Gouin m'a amenée ici sous
une fausse représentation, pour faire le post mortem des
Coopérants, c'est son affaire. Mais je vais traiter ici de l'industrie
de l'assurance au Québec en général. Et vous n'avez, M. le
député de Gouin, qu'à réorganiser vos notes suivant
mes présentations.
M. le Président, la publication...
M. Boisclair: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Audet):...
M. Boisclair: Qui interpelle? Si la ministre veut venir dans
l'Opposition, qu'on déclenche des élections. Mais, à ce
que sache, c'est moi qui interpelle et c'est la ministre qui répond aux
questions. Si elle veut m'interpeller, il faudrait qu'elle soit dans
l'Opposition. C'est moi qui pose les questions et c'est elle qui y
répond.
Le Président (M. Audet): M. le député, je
demanderais, de part et d'autre, à être prudent là-dedans.
En vertu du règlement, je vous ai dit que, j'ai souligné
ça tantôt, on ne peut pas... Vous pouvez poser des questions. Les
députés ou le ministre ont entière liberté d'y
répondre ou de ne pas y répondre. En vertu de l'interpellation,
vous avez entièrement raison. C'est vous qui avez demandé
l'interpellation.
M. Boisclair: Merci.
Le Président (M. Audet): Alors, vous avez toute la
latitude et le droit de poser les questions que vous voulez.
M. Boisclair: C'est ça, elle ne répond pas. (11 h
30)
Le Président (M. Audet): ...mais ça n'oblige pas
qui que ce soit de l'autre côté à répondre, dans la
mesure où vous le souhaitez, à vos questions.
M. Boisclair: Elle ne répond pas.
Le Président (M. Audet): Mme le ministre, vous pouvez
poursuivre votre intervention.
Mme Robic: Merci, M. le Président. La publication, ce
matin, d'un cahier spécial sur les assurances dans Le Devoir
apporte une contribution additionnelle et appréciée sur cette
industrie fondamentale pour l'économie du Québec. Force est de
constater le sérieux de l'analyse qui sous-tend cette question
malgré des divergences de points de vue qui apportent un
éclairage additionnel aux réflexions en cours, qui
déboucheront sans aucun doute sur des lignes de force nouvelles qui
consolideront le leadership de l'industrie de l'assurance au Québec.
Parmi ces outils de réflexion, j'ai mis sur pied récemment
un groupe de travail sur le financement des compagnies d'assurance-vie en
collaboration avec le ministère des Finances. Il s'agit là d'une
démarche volontaire, bénévole et enthousiaste de leaders
dans leurs sphères respectives du domaine de l'assurance de
personnes.
La seule ombre au tableau? Un communiqué méprisant de la
part du critique de l'Opposition qui n'a manifestement pas un grand respect
pour cette participation active de forces vives de l'industrie à la
recherche de pistes positives et de solutions concrètes. Le
député de Gouin préfère alimenter son
mélodrame en prétendant faussement, à plus d'une reprise,
que les assurés, dans le cas des Coopérants, ne seraient pas
couverts à 100 %, encore récemment, en prétendant que les
REER ne sont pas couverts.
Voilà la meilleure façon d'inquiéter des
clientèles captives et de faire la promotion contre l'industrie de
l'assurance au Québec. Je le répète, les assurés
sont protégés à 100 %. Son absence, d'ailleurs fort
remarquée, dans le cahier du Devoir de ce matin témoigne
de son peu d'intérêt pour les discussions sérieuses. Il n'y
avait, en effet, pas de section «spectacle» dans ce cahier.
M. le Président, les différents exercices de
réflexion qui se font actuellement dans l'industrie, chez l'Inspecteur
général des institutions financières, au ministère
des Finances et dans le public consommateur seront porteurs de fruits qui,
comme on le mentionnait dans le discours inaugural, permettront au gouvernement
de prendre toutes les mesures pour maintenir le leadership dans le
développement des institutions financières en donnant
priorité à la sécurité des épargnes du
public. Mettant à profit le bilan des dernières années, le
gouvernement soumettra à l'Assemblée nationale un document majeur
qui amorcera le début d'un nouveau cycle de développement de
l'industrie des services financiers.
M. le Président, je terminerai en vous demandant de bien vouloir
donner la parole à mon collègue, le député de
Montmagny-L'Islet, qui fera un exposé sur le rôle, justement, de
l'Inspecteur général des institutions financières.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Montmagny-L'Islet, vous avez la parole.
M. Réal Gauvin
M. Gauvin: Merci, M. le Président. Comme le mentionnait ma
collègue, nous allons aborder maintenant le rôle de l'Inspecteur
général des institutions financières. Évidemment,
de ce côté-ci, les réponses sont surtout en vue d'informer
la population et non de traiter à partir de rumeurs. Évidemment,
nos réponses ne sont pas nécessairement coordonnées avec
les notes du député de Gouin qui, comme il le mentionnait, avait
le rôle de questionner Mme la ministre.
Comme vous le savez, depuis 1983, l'IGIF est un organisme chargé
de la surveillance et du contrôle des institutions financières
exerçant au Québec et des intermédiaires de marché.
En vertu de sa loi constituante, l'IGIF a le devoir de protéger les
épargnes du public et de favoriser le développement harmonieux de
nos institutions financières. Pour ce faire, il surveille et
contrôle les intermédiaires de marché et financiers et
conseille le gouvernement en matière législative
réglementaire. Les pouvoirs et les devoirs de l'IGIF ont
été, depuis sa création, considérablement
augmentés par le biais des lois sectorielles.
M. le Président, j'aimerais faire remarquer aux membres de cette
Assemblée que plus de 40 lois font appel aux compétences de
l'IGIF. Le phénomène du décloisonnement des institutions
financières, que le Québec a été le premier
à vivre au Canada, est venu accorder encore plus d'importance à
son rôle de surveillance. De nouvelles législations ont permis aux
compagnies d'assurances, aux sociétés de fiducie, aux
sociétés d'épargne, aux caisses d'épargne et
dé crédit ainsi qu'aux intermédiaires de marché de
moderniser le cadre d'exploitation et d'élargir leur champ
d'activité. Le rôle de l'IGIF a donc été
adapté à cet effet.
L'IGIF est également chargé du rôle de conseil
auprès de la ministre déléguée aux Finances,
puisqu'il doit donner son avis concernant les lois dont l'administration lui
est confiée ou en vertu desquelles des fonctions ou pouvoirs lui sont
attribués. Cette fonction-conseil fait donc appel à son expertise
et s'inscrit dans le cadre d'une politique préventive de protection de
l'épargne. Afin de l'assister dans son travail, l'IGIF s'est
entouré de surintendants, un pour le secteur des assurances, un pour le
secteur des institutions de dépôt et un pour le secteur des
intermédiaires de marché.
Ce sont eux qui contrôlent et surveillent leurs clientèles
spécifiques. Le Surintendant des assurances, qui a près de 70
employés sous sa direction, émet les permis, reçoit les
états financiers des assureurs, effectue annuellement une analyse
financière sommaire pour tous les titulaires de permis exerçant
au Québec, sans oublier les inspections sur place effectuées
périodiquement auprès des institutions à charte
québécoise.
Le Surintendant des intermédiaires de marché a pour mandat
d'assurer la surveillance des intermédiaires, mais aussi celle des
organismes d'autoréglementation créés par la loi 134,
c'est-à-dire le Conseil des assurances de dommages, le Conseil des
assurances de personnes, l'Association des courtiers d'assurances de la
province de Québec, l'Association des intermédiaires en assurance
de personnes du Québec et l'Institut québécois de
planification financière. Un service de plaintes et renseignements
concernant toute question reliée aux assurances est
opérationnelle sous sa direction. L'émission des certificats, la
surveillance des cabinets multidisciplinaires et des planificateurs font partie
du quotidien du personnel de ce Surintendant.
L'IGIF, faut-il le rappeler, est chargé de la surveillance de
tous les secteurs financiers au Québec, sauf les banques qui
relèvent du gouvernement fédéral. Aussi, aucune
institution financière ne peut exercer ses activités au
Québec sans un permis émis par l'IGIF. Outre les 1400 permis en
vigueur au Québec pour les institutions de dépôt, l'IGIF a
délivré quelque 435 permis d'assureur et plus de 6100 certificats
d'intermédiaire de marché, principalement des agents d'assurances
de dommages et des experts en sinistres.
Plusieurs publications annuelles émanant de l'IGIF permettent
d'informer le plus adéquate-
ment possible, et dans un délai relativement restreint, les
divers intervenants du milieu des assurances et les citoyens sur l'état
des affaires de tous les assureurs et sur les tendances générales
du marché.
Conclusion, M. le Président. Avec des responsabilités de
près de 65 000 000 000 $ d'actif, une action couvrant le domaine des
assurances, des intermédiaires de marché, des institutions de
dépôt des entreprises, on peut constater qu'il a un rôle
majeur au sein des institutions financières. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Montmagny. Alors, M. le député de Gouin, vous avez cinq
minutes.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. J'aimerais, pour
cette dernière intervention de cinq minutes, avant la conclusion -
puisque, encore une fois, nous restons sur notre appétit, non pas qu'on
ait voulu cacher des choses ou mettre de côté un certain nombre de
sujets, mais bien plutôt parce qu'on voulait faire d'une façon
très ouverte et poser un certain nombre de questions - revenir sur la
SIAP.
La ministre nous annonçait un certain nombre de choses tout
à l'heure, mais n'est jamais revenue sur la pertinence de créer
chez nous, au Québec, une régie québécoise
d'indemnisation des compagnies d'assurances de personnes sur le modèle
de l'assurance-dépôts et certainement pas pour reprendre cette
même formule qu'a préconisée la SIAP.
La ministre a souvent fait référence aux REER, tout
à l'heure. Je conçois, tout à fait comme elle, que tous
les détenteurs de REER seront protégés. Nous le
répétons, nous nous entendons là-dessus, et on s'entend
depuis longtemps. Cependant, M. le Président, il n'y a personne qui va
m'empêcher de poser des questions. Effectivement, en cette Chambre, j'ai
demandé à la ministre si elle pouvait nous donner l'assurance que
tous les détenteurs de REER allaient être protégés.
Elle m'a répondu que oui. Tant mieux si c'est le cas, et c'est dans le
meilleur intérêt des Québécois et
Québécoises.
Cependant, là où la ministre reste toujours muette - et
j'aimerais, M. le Président, revenir à un document de base, qui
est le dépliant que fournit la SIAP à ceux et celles qui veulent
avoir plus d'information sur cette société. On nous dit de
façon très claire que les régimes collectifs de rentes des
employeurs, des syndicats ou des associations ne sont pas couverts. On nous dit
aussi, plus loin, dans ce même dépliant, que de nombreux autres
contrats collectifs de rentes n'engagent l'assureur qu'envers l'employeur, le
syndicat ou l'association pour l'administration du régime ou le
placement de fonds.
Ces contrats ne sont pas couverts par la SIAP.
Je ne cite pas des propos de l'Opposition. Je cite le dépliant
que la SIAP remet aux consommateurs qui veulent s'enquérir des pouvoirs
et responsabilités de cette société. On sait qu'à
l'heure actuelle, aux Coopérants, M. le Président, il y a environ
12 contrats d'administration de dépôts faits dans des caisses de
retraite qui représentent des sommes - environ -de l'ordre de 18 000 000
$. La ministre ne nous a toujours pas donné d'indication, l'heure juste
sur la façon dont ces contrats d'administration de dépôts
allaient être traités dans la liquidation. On parle d'une somme,
M. le Président, de l'ordre de 18 000 000 $, ce qui n'est certes pas
négligeable. La ministre doit profiter de cette occasion pour donner une
réponse à cette question. (11 h 40)
De façon plus générale, M. le Président, si
on revient à la SIAP, la prétention de l'Opposition est à
l'effet que si nous avions eu notre propre régie
québécoise d'indemnisation des compagnies d'assurances de
personnes, jamais, au grand jamais, la liquidation des Coopérants ne
serait arrivée parce que, rapidement, elle aurait pu, de la même
façon que la SIAP l'a fait avec L'Industrielle-Alliance et avec Les
Coopérants, prendre cette même responsabilité et devenir le
troisième bailleur de fonds pour permettre aux Coopérants de
faire une liquidation, peut-être ordonnée, mais non pas une
liquidation au sens de la loi.
Les conséquences sont graves, M. le Président, pour
l'industrie. On parle de coûts de liquidation supplémentaires de
plus de 100 000 000 $. Pas un seul instant, la ministre ne nous a fait part des
conséquences de ces frais supplémentaires pour l'industrie, des
répercussions pour les assurés, de la façon dont ces
coûts supplémentaires se traduiront dans les primes. M. le
Président, il faut faire rapidement cette réflexion. L'industrie
la réclame, cette régie québécoise d'indemnisation.
Pierre Fortier s'en fait le grand défenseur, dans un article de journal
qui a été porté à l'attention de la ministre. Tout
le monde conclut à l'échec de cette régie
d'indemnisation.
À quoi bon, M. le Président, faire partie d'un grand
ensemble s'il n'est pas capable de répondre à nos propres besoins
ici? C'était leurrer la population, M. le Président, que de
croire qu'en laissant dans les mains de l'industrie cette
responsabilité, la protection des assurés était bien
garantie.
N'est-il par vrai, Mme la ministre, que le président de la SIAP,
M. Morson, est un ancient président de compagnie d'assurances qui,
aujourd'hui même, fait de la consultation auprès de ces
compagnies. Comme consultant de ces compagnies, lui-même comme
président de la SIAP, a dû envoyer des factures à
l'ensemble des compagnies d'assurances de personnes, membres de la
SIAP. Voyez-vous le beau conflit d'intérêts dans lequel il
se trouvait alors qu'à un moment où il conseillait, offrait ses
services contre rémunération aux compagnies d'assurances, d'un
autre côté il était obligé - parce qu'il est
président de la SIAP - d'envoyer des factures à l'ensemble de ses
clients? Vous aurez vite compris, M. le Président, le conflit
d'intérêts dans lequel il se trouvait. Si la ministre veut
vraiment parler haut et fort de la protection des assurés du
Québec, elle aura le courage, comme son prédécesseur l'a
fait, de proposer la création d'une régie
québécoise d'indemnisation des assureurs de personnes.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Gouin. Alors, en conclusion, Mme la ministre, vous avez 10 minutes.
Conclusions Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président,
au cours des deux dernières décennies, le contexte
économique et financier caractérisé par des taux
d'inflation élevés et par des fortes variations des taux
d'intérêt a été défavorable à
l'industrie de l'assurance. La décennie actuelle semble beaucoup plus
prometteuse pour ce secteur d'activité.
Au cours des années quatre-vingt-dix, la stabilisation à
la baisse du taux d'inflation et l'essoufflement de l'État-providence
devraient être favorables à l'industrie de l'assurance. M. le
Président, l'industrie de l'assurance de personnes est une industrie
dont l'action se situe à moyen et à long terme. Son but est la
préservation du niveau de vie des Individus. Outre les accidents ou les
maladies, les événements qui conditionnent son cycle
d'activité sont le décès de ses détenteurs de
police ou l'arrivée à l'âge de la retraite des
détenteurs de contrats de rente. En corollaire, les actifs qui
répondent de ces engagements favorisent les échéances
à long terme. C'est donc une industrie qui recherche la
stabilité. Or, on constate que l'inflation s'est stabilisée
à la baisse. En fait, nous connaissons, en ce moment, le plus faible
taux d'inflation depuis des décennies. Les taux d'intérêt
ont suivi la même tendance, à la baisse, bien qu'en termes
réels Ils demeurent encore relativement élevés compte tenu
du faible niveau d'activité économique que nous connaissons, en
ce moment, et compte tenu que le Canada a l'un des taux d'Inflation parmi les
plus bas de tous les pays industrialisés. Il y a là
réunies les conditions nécessaires à l'obtention de la
stabilité recherchée par l'industrie de l'assurance, soit un
faible taux d'inflation couplé à des taux d'intérêt
stables. Déjà, nous voyons réapparaître des
hypothèques dont l'échéance excède cinq ans. Nous
avons également assisté à un raffermissement du
marché des obligations. L'industrie de l'assurance devrait donc
bénéficier de cette consolidation du marché à long
terme et de la revalorisation du rôle des assureurs de personnes comme
intermédiaires financiers.
Tel que le premier ministre l'a souligné dans le discours
d'ouverture de cette deuxième session, dans le domaine des finances
publiques comme dans le domaine de l'économie, nous vivons dans une
autre époque. L'État-providence manque de souffle. Au cours des
dernières décennies, l'implication de l'État dans le
domaine de l'assurance-maladie, de l'assurance automobile, des rentes, des
programmes d'aide sociale, de stabilisation des revenus dans le secteur
agricole, d'indemnisation des victimes d'actes criminels ou d'accidents de
travail, l'aide aussi que l'État apporte dans les cas de catastrophes
naturelles et bien d'autres programmes, tout cela a nécessité des
ajustements de la part des assureurs et a pu faire croire que l'assurance
privée n'avait plus de rôle, n'avait plus sa place dans notre
société. Il n'en est rien, et les années à venir
devraient contribuer à modifier cette croyance.
Au cours de la prochaine décennie, l'initiative devrait venir du
secteur privé. Les occasions de marché sont là.
Déjà, nous voyons apparaître de nouvelles protections en
matière de frais juridiques, par exemple. Des enjeux importants guettent
toutefois les assureurs. Au Québec, nous n'avons pas et, pour cause,
imposé un modèle unique de propriété pour nos
institutions financières. Nous croyons à la libre entreprise et
à l'initiative du secteur privé. Dans le secteur de l'assurance,
nous retrouvons autant des mutuelles que des compagnies à
capital-actions. Ces deux types d'entreprise n'ont pas un même
accès au capital. Pour pallier cet état de fait, certaines
mutuelles se sont scindées en deux entités juridiques, soit une
compagnie à capital-actions détenue majoritairement par une
corporation mutuelle de gestion, permettant ainsi la participation
d'actionnaires minoritaires.
Nous sommes conscients qu'il reste des solutions à trouver et
qu'il s'agit là d'un enjeu important pour la mutualité.
Déjà, l'industrie et le gouvernement travaillent à sa
résolution. Des efforts devront encore y être consacrés, et
j'ai confiance que nous trouverons ensemble une solution satisfaisante pour
tous. Nous retrouvons également, sur le marché, des compagnies
d'assurances à la tête ou affiliées à des
conglomérats financiers côtoyant des entreprises fonctionnant sur
une base individuelle. Certains privilégient l'approche-réseau en
réponse à des besoins de masse et, d'autres, une approche
individuelle, axée sur la spécialisation, en réponse
à des besoins spécifiques. Il n'y a pas de modèle unique,
mais la règle penche davantage en faveur du regroupement, tant au niveau
de la propriété que de l'offre de service. Les compagnies
d'assurances sont fortement sollicitées par ce modèle de
développement qui allie, entre autres, l'assurance à
l'activité bancaire et qui
commence à être connu sous le vocable de la
banque-assurance. les assureurs devront s'y faire une place de premier plan
s'ils ne veulent pas se voir relégués au rang de sous-traitants.
ce modèle de développement permet l'apparition d'économies
d'échelle et de diversifications liées au phénomène
de synergie. ce modèle pose aussi des enjeux particuliers en termes de
risques. on fait face à un risque systémique. en l'absence de
blocages adéquats permettant de circonscrire les déboires d'une
société affiliée, l'ensemble du conglomérat devient
vulnérable. c'est un problème qui questionne nos moyens de
contrôle et de surveillance.
Nos institutions oeuvrent également dans un marché
où les règles sont en mutation. Comme vous le savez, le
gouvernement fédéral vient d'adopter des législations qui
ouvrent aux institutions financières fédérales, et
particulièrement aux banques, de véritables possibilités
de se décloisonner et de se structurer par voie d'acquisition ou de
création de nouvelles entreprises en de vastes organisations
susceptibles de concurrencer fortement nos institutions.
Au niveau international, M. le Président, les négociations
commerciales multilatérales en cours, le possible libre-échange
nord-américain tripartite, la constitution du marché unique
européen et les exigences de réciprocité auxquelles
devront se soumettre les adhérents étrangers - donc, nos
institutions - et les répercussions que ces règles auront sur
notre marché ne pourront conduire qu'à un marché global
plus ouvert, plus concurrentiel.
Les expériences des dernières années vécues
par les grandes compagnies multinationales d'assurances ont
démontré qu'il n'est pas rentable d'essayer de
pénétrer les marchés étrangers où elles ne
jouissent pas d'avantages comparatifs pour concurrencer les compagnies locales
au moindre coût d'opération. La tendance s'exprimera davantage par
l'émergence d'alliances avec des entreprises étrangères,
comme le font déjà plusieurs compagnies
québécoises, avec des compagnies françaises notamment.
Les impératifs internationaux de concurrence et de contrôle
nous obligent également à rechercher une plus grande
harmonisation de nos lois avec celles de nos principaux concurrents dans ce
vaste marché global de l'assurance. Des travaux sont en cours sur la
capitalisation et l'harmonisation des normes avec le gouvernement
fédéral, les provinces et l'industrie. C'est un dossier complexe,
et nous devons rechercher la cohérence et la préservation de nos
différends et de nos acquis. Au cours des huit dernières
années, les assureurs à chatte du Québec n'ont
cessé d'accroître leur part de marché, mais il y a encore
de la place pour la croissance de nos institutions, et les gains de parts de
marché exigeront innovation, savoir-faire et productivité. Ce
sont des défis qui ont su être relevés par le passé
et qui continueront à s'imposer à nos institutions.
M. le Président, il est généralement reconnu que
plus un pays est industrialisé ou développé, plus le
secteur de l'assurance représente un élément important de
l'activité économique, cela se manifestant par la création
d'emplois, la mise en place de nouveaux types de protection et le
développement d'une expertise... que par la canalisation d'importants
capitaux susceptibles de servir à l'expansion économique du
milieu. (11 h 50)
Au Québec, l'industrie de l'assurance, c'est plus de 9 000 000
000 $, dont le tiers est souscrit par des assureurs à charte du
Québec, lesquels concentrent une grande majorité de leurs
investissements en prêts et placements au Québec. Ce sont aussi
des sièges sociaux générateurs d'emplois
spécialisés et bien rémunérés. C'est aussi
une industrie qualifiée de structurante et un acteur important dans une
politique de développement ou de relance économique axée
sur la concertation.
M. le Président, le développement, la croissance et la
maîtrise de leurs institutions financières sont toujours apparus
comme des priorités pour les Québécois qui veulent assurer
l'évolution harmonieuse de leur économie et de leur
société en mettant les épargnes du public au service de la
consommation et de l'investissement. Ce postulat ne nie pas la
nécessité de protéger les épargnants cependant. Au
contraire, la confiance de ces derniers en leurs institutions
financières est le gage de réussite de celles-ci.
Le gouvernement du Québec s'est attelé à cette
double tâche de développement des institutions et de protection
des épargnants dont les objectifs sont beaucoup plus
complémentaires que contradictoires. Le défi auquel est
perpétuellement confronté le législateur est de poursuivre
l'atteinte de ces objectifs dans la tourmente des transformations qui touchent
le secteur de l'économie, tels la globalisation des marchés,
l'avènement de nouvelles technologies, de nouveaux produits et les
changements socio-économiques qui affectent la clientèle. Cet
objectif, M. le Président, de développement de notre secteur
financier a toujours été vu comme un des éléments
d'une politique préventive en matière de protection de
l'épargne. Cette politique de développement s'est par ailleurs
toujours accompagnée de mesures de protection. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Gouin, en conclusion. Vous avez 10 minutes.
M. André Boisclair
M. Boisclair: M. le Président, comment conclure? Nous
venons d'assister à un exercice certainement ridicule, ce matin,
puisque, d'aucune façon, l'Opposition, sur quelque question que
nous ayons pu adresser, a une réponse. Je me mets à la
place de ceux et celles qui nous ont écoutés, qui ont suivi
attentivement nos débats et qui ont sans doute senti le même
besoin que nous d'interpeller la ministre sur des questions, des enjeux qui,
maintenant, concernent l'industrie; ils doivent bien se demander pourquoi ils
ont écouté, pourquoi ils ont assisté à ce
débat.
M. le Président, c'est de bonne foi - nous l'avons
souligné parce que nous voulions avoir toute la marge de manoeuvre
nécessaire - que nous avons choisi d'interpeller effectivement la
ministre sur un thème large, qui était celui de l'industrie de
l'assurance de personnes au Québec. Nous ne voulions pas que, justement,
la ministre se réfugie derrière la règle de la pertinence
pour ne pas répondre à nos questions. Nous voulions être
bien sûrs que la ministre puisse, en toute conformité avec notre
règlement, répondre aux questions de l'Opposition.
M. le Président, s'il faut que la ministre ait des notes pour
répondre à nos questions, je me demande bien ce que ça a
dû être pendant les négociations sur le dossier des
Coopérants avec les différents partenaires. J'imagine la ministre
incapable de répondre si quelqu'un ne lui présentait pas un petit
bout de papier sur lequel la réponse était écrite.
Cette façon de faire doit cesser. C'est une insulte au processus
parlementaire. C'est l'Opposition qui a cette responsabilité de poser
des questions. C'est le seul pouvoir que nous ayons. Quelqu'un qui, comme la
ministre, depuis plus longtemps que moi, siège dans cette
Assemblée, devrait savoir et devrait, à tout le moins, respecter
l'esprit du règlement et répondre de façon correcte aux
questions qui ont été adressées.
Les questions, M. le Président, ce sont des questions que bien
des gens se posent. D'aucune façon, je ne voudrais avoir la
prétention de dire qu'on a abordé l'ensemble des enjeux qui,
actuellement, interpellent l'industrie de l'assurance de personnes, mais,
certainement, ce sont celles qui, aujourd'hui, sont criantes par leur
actualité.
M. le Président, je voudrais rappeler les propos de la ministre
qui, le 12 mars dernier, nous disait, et je cite: «II convient de
souligner, et de façon très claire, qu'il n'existe actuellement
ni difficulté réelle, ni problème de sous-capitalisation
de nos compagnies mutuelles d'assurances de personnes
québécoises. Elles sont, en effet, toutes des institutions
solides», nous disait-elle, le 12 mars. Pourtant, à ce même
moment, l'Inspecteur général préparait un plan de
redressement pour sortir Les Coopérants d'une situation qui les a
menés là où vous le savez. C'est donc dire, M. le
Président, toute la crédibilité qu'il faut accorder aux
propos de la ministre.
Notre objectif, aujourd'hui, était de voir clairement le
problème, de l'identifier, de tenter d'y apporter des solutions, et de
permettre à la ministre qui, sans doute, passe plus de temps dans son
bureau, passe plus de temps entre quatre murs, lui donner l'occasion,
peut-être, d'exprimer des idées, des opinions, une vision. Nous
l'avons interpellée pourtant sur des sujets très larges, pas
uniquement sur la question des Coopérants. Nous l'avons
interpellée sur l'environnement économique, sur la concurrence
internationale, sur les enjeux, bien sûr, qui confrontent notre
industrie. Aucune réponse, M. le Président. Sur la situation de
l'industrie de l'assurance-vie, ah! on a eu quelques réponses. C'est
à peu près le seul thème qui a retenu l'attention de la
ministre, sauf que les réponses sont venues lorsqu'on lui parlait de la
Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de
personnes. C'est quand même assez étrange. Avec son armada de
conseillers, elle aurait bien pu, au moins, mettre ses réponses dans le
bon ordre. Mais non, M. le Président. On l'a Interpellée aussi
sur le problème des Coopérants qui, certainement, est un
élément Important de la conjoncture actuelle, qui remet bien des
choses en question. Nous l'avons interpellée sur la possibilité
de la création d'une régie québécoise
d'indemnisation des assureurs de personnes. Elle-même, sur le bout des
lèvres, nous rapportait un article du Devoir, envisageait cette
possibilité. Cependant, elle reste muette, M. le Président.
Je dois rappeler que si le ministre de l'Industrie et du Commerce a eu,
lui, l'initiative d'assurer le sauvetage de Lavalin, la ministre
déléguée aux Finances a, elle, regardé le train
passer dans le dossier du naufrage de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler
le «naufrage des Coopérants». Avec un peu d'imagination,
avec un peu de savoir-faire, nous aurions pu l'éviter. Une des clefs de
la solution, c'était une régie québécoise
d'indemnisation des assureurs de personnes. Dès le 19 décembre
dernier, elle savait, elle savait que la SIAP n'avait pas l'intention de signer
la transaction avec L'Industrielle-Alliance.
M. le Président, la formule de l'interpellation donne souvent
lieu, mais dans une certaine mesure, à un dialogue de sourds.
Aujourd'hui, dans cette forme et dans ce genre, nous avons certainement atteint
un sommet inégalé. La formule de l'interpellation comporte,
certes, quelques limites, mais la population - l'industrie aussi - est en droit
de s'attendre à un certain échange entre l'Opposition et la
ministre. La ministre a préféré lire ses notes comme si
une question ne lui avait pas été posée,
répétant parfois les propos que je venais de tenir, discutant
à un autre moment de sujets qui ne faisaient même pas l'objet de
questions.
M. le Président, la ministre a essentiellement choisi de regarder
en arrière, de regarder dans le rétroviseur plutôt que de
parler de l'avenir et du futur. Nous aurons beau réciter le
bréviaire sur l'internationalisation des marchés,
sur la concurrence accrue. Oui, nous y sommes et, oui, effectivement, se
sont des défis qui interpellent particulièrement notre industrie.
Mais ça ne règle pas la situation de nos compagnies à
l'heure actuelle. Ça ne règle pas le problème de
financement des compagnies mutuelles d'assurances sur lequel ce gouvernement se
penche depuis plus deux ans, sans apporter aucune proposition
concrète.
Ça ne règle pas la question de la protection des
assurés. Ça ne règle pas non plus la question de
l'Inspecteur général qui voudrait avoir des pouvoirs accrus.
Lui-même nous le dit. La ministre est restée siliencieuse sur tous
ces sujets. Elle a donc choisi de regarder dans le rétroviseur. S'il est
peut-être parfois intéressant de regarder dans le passé
pour identifier certains problèmes, il faut aussi constater les
succès et les erreurs, et tirer des conclusions. Il faut regarder de
l'avant si on veut prendre le virage qui se présente.
M. le Président, l'Opposition ne vous surprendra certainement pas
si elle vous dit qu'elle est inquiète devant l'attitude de la ministre,
de ses collègues, devant le vide qui, pendant deux heures, a
été étalé au grand public. Si l'Opposition est
inquiète, je crois sincèrement que l'industrie doit aussi
être très inquiète. Il s'agit de rencontrer les
différents partenaires dans le privé pour voir ce qu'ils nous
disent de la qualité des interventions de la ministre.
Suite au dépôt des crédits, c'est
l'éditorialiste du journal Le Soleil, M. Giroux, qui demandait:
Où est le leadership? Je peux lui répondre qu'il n'est
certainement pas en face de moi. M. le Président, j'ai interpellé
la ministre déléguée aux Finances, parce que après
huit ans de décloisonnement, devant une baisse de confiance du public
qui n'est pas étrangère à l'échec des
Coopérants, devant la concurrence encore plus importante qui nous
confronte, devant la concurrence internationale, devant la concurrence
nationale, notre industrie doit être capable d'offrir des services qui
vont lui permettre et qui vont surtout permettre à l'économie du
Québec de prospérer. (12 heures)
M. le Président, cette restructuration, elle est
nécessaire. Mais de quelle façon allons-nous l'opérer?
Allons-nous nous fier à un système à deux piliers, comme
certains voudraient le faire, où les banques joueront un rôle
déterminant et, d'un autre côté, on aura peut-être
les compagnies d'assurances de personnes qui, elles aussi, pourraient jouer un
rôle déterminant ou, plutôt, sera-t-il un système
à un pilier?
Quelle est la position de la ministre? C'est la première question
qu'on lui demandait. Quelle est sa vision, dans 5 ou dans 10 ans, de
l'industrie de l'assurance des personnes? La ministre n'a pas été
capable de sortir de ses notes et de nous faire part du fond de sa
pensée. C'est quand même assez déconcertant, M. le
Président, qu'il faille des bouts de papier pour répondre
à des questions.
M. le Président, le Québec doit rapidement consolider sa
position, son leadership, consolider aussi la sécurité de
l'épargne. Si, après huit ans de décloisonnement, il y a
des rajustements à faire, qu'on le dise, mais ce n'est certes pas, M. le
Président, en niant les problèmes criants qui, aujourd'hui, nous
interpellent, qui, aujourd'hui, font que bien des gens se posent des questions,
que, aujourd'hui, nos concurrents font de la démagogie à
l'égard des compagnies d'assurances du Québec... Vous savez,
comme moi, Mme la ministre, qu'il y a à peu près 1000 polices par
semaine qui quittent Les Coopérants pour s'en aller ailleurs, dans
d'autres compagnies. Ça, c'est 200 par soir, 200 polices par soir. La
ministre aura bien beau me dire que c'est L'Industrielle-Alliance, mais ce
n'est pas ça, M. le Président, que je voulais soulever. Le
respect des règles de déontologie. L'Inspecteur
général des institutions financières lui-même s'est
senti dans le besoin d'écrire à l'ensemble des compagnies
à charte québécoise pour leur rappeler les prescriptions
de nos règlements quant au transfert de polices.
Or, M. le Président, je voulais soulever cette question
particulière, mais elle est certainement déterminante et
importante: 100 000 000 $ de plus, aussi, la liquidation des Coopérants.
Ce ne sont pas des sommes négligeables. Ça interpelle une
réponse quelconque, ça demande une réponse, M. le
Président. Mais non. Comment va-t-on finalement réagir? Quelles
sont les conséquences, à long terme, M. le Président, de
cette restructuration de l'industrie?
M. le Président, qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas moi qui
peux répondre aux questions, c'est encore la ministre qui est au
gouvernement et qui a cette responsabilité-là. Elle n'a
certainement pas pris ses responsabilités, encore une fois, et je dois
vous dire, M. le Président, que ce n'est certainement pas grandi que je
sortirai de cet exercice. On avait fait exprès, on voulait un
thème large pour pouvoir faire un débat de fond, mais la ministre
a préféré s'en tenir à ses notes. J'imagine ce que
ça doit être quand il s'agit de négocier l'avenir de nos
compagnies québécoises, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Gouin. Ça termine nos travaux pour ce matin. La commission du budget
et de l'administration a accompli son mandat, en vertu de l'interpellation que
nous avions. Alors, je veux remercier les membres de la commission, Mme la
ministre, M. le député de Gouin, MM. les députés de
Montmagny-L'Islet et de Charlevoix.
Sur ce, je vous souhaite une agréable fin de semaine et j'ajourne
les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 12 h 4)