(Quatorze heures trois minutes)
La Présidente (Mme Malavoy): Alors, bonjour. Bonjour à tous les membres de cette commission. Bonjour aux personnes qui vont venir partager leurs idées avec nous. J'en profite pour saluer également tout le personnel de la commission qui va nous aider à passer à travers ce mandat.
Je rappelle que nous sommes la Commission de l'aménagement du territoire. Et je vous demande simplement de vérifier que vos téléphones seront bien silencieux.
Et surtout je vous indique que notre mandat est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 34, Loi pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Tremblay (Masson) est remplacé par Mme Champagne (Champlain).
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie. Alors, cet après-midi nous allons recevoir l'Institut national de la recherche scientifique, Solidarité rurale du Québec, la Coalition Poids et, pour terminer, M. Bernard Vachon.
Remarques préliminaires
Mais, avant de commencer avec notre premier invité, il est de coutume, quand on commence les auditions pour un nouveau projet de loi, d'avoir des remarques préliminaires. Et donc, M. le ministre, vous connaissez parfaitement l'exercice -- ça me fait plaisir de vous retrouver ici, nous allons passer certainement de longues semaines fructueuses à discuter -- et vous avez donc 7 min 30 s pour vos remarques préliminaires.
M. Laurent Lessard
M. Lessard: Merci beaucoup, Mme la Présidente, aux collègues de la Commission, donc, de l'aménagement, des invités, mesdames messieurs qui vont venir, donc, qui nous écoutent aussi lors de ces travaux-là. Si j'étais venu en politique... avec mes collègues, donc, que je salue.
Si un jour j'aurais eu un geste à poser, ça aurait été sûrement celui-là, de faire une loi-cadre pour encadrer une stratégie pour faire en sorte que tout l'État travaille, à tous les jours, à tous les moments, à faire en sorte de donner une réponse différenciée à chacun des territoires en tenant compte de leur personnalité. Quand on accepte de vivre sur ce territoire, sur ce grand territoire différencié, il faut être capable aussi de donner une réponse cohérente en fonction de ça.
Donc, la loi qu'on présente pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires a cette prétention-là de faire en sorte qu'à toutes les années, année après année, chacun des ministères sera donc au service de sa population par différentes actions, différents moyens que présentent donc les solutions présentées, et nouvelles. Lorsque les territoires pourront dire, de façon différenciée: Vous n'atteignez pas les résultats, voici, il y aura donc des outils mis à la disponibilité, donc... disposition, excusez, de chacun des territoires.
Alors donc, je veux aussi... Quand on parle d'occupation dynamique du territoire, ce n'est pas l'apanage aussi d'une seule personne, c'est en continuité. C'est un effort de maturité aussi à travers les âges, les temps, ces époques à différentes étapes, hein? 400 ans plus tard, on peut dire maintenant qu'on fait les choses aussi différemment, on a atteint cette maturité-là. Plusieurs exercices passés, de différents gouvernements, ont emmené les citoyens du Québec à se prendre en charge, donc, le principe de subsidiarité, de développement durable, de prise en charge du territoire, d'assumer ses propres responsabilités et de faire en sorte que le gouvernement se rapproche, sinon lui confère la responsabilité... déconcentre. Alors, on n'a pas voulu s'enfarger là-dedans en disant: Tous les moyens sont là, sur la table, il s'agit qu'à toutes les années on soit capables de rendre compte de ça, de se donner des indicateurs, être capables de dire si la société avance au nom d'une seule réalité: y habiter, y vivre et en vivre sur ce grand territoire là.
On n'en est plus à l'époque où est-ce qu'on prévoyait faire une planification en fermant des régions du Québec. Et je donne en exemple, là, Lebel-sur-Quévillon. Lorsque, Lebel-sur-Quévillon, ses entreprises ont décidé de fermer, il y avait beau avoir du travail en bas, en Abitibi, dans les mines ou d'autres secteurs, ils ont dit: Non, nous venons d'ici. Nos grands-parents sont venus ici pour bâtir. On a bâti le village. Oui, il y a des alternatives de travailler ailleurs, mais on n'est pas des Américains, les Américains changent d'État parce qu'ils se déplacent ailleurs puis ont dit: On va aller travailler là. Non, nous, les racines sont ancrées dans l'ensemble du territoire, dans notre sous-sol, ça traduit même notre ADN. Et, à partir de là, les solutions émergent: prise en charge par le milieu, projet novateur avec l'État pour faire en sorte qu'il y a encore un suivi, une suite à Lebel-sur-Quévillon. Ce n'est qu'un exemple à travers d'autres.
Alors donc, on peut voir qu'à travers la stratégie... La politique-cadre vient donc donner une façon permanente à une stratégie où chacun des ministères doit dire, sur un horizon, qu'est-ce qu'ils vont faire, et à chacun... donc le ministère qui devient aussi la courroie, à travers les ministères et les sociétés d'État, pour faire en sorte qu'on rende compte, qu'on dise au commissaire de développement régional... durable si on a atteint nos objectifs, puis les redéfinir, les revoir et expliquer, donc, quelle est notre démarche.
Et nécessairement c'est un grand exercice, aussi, de concertation, de complémentarité du territoire. On ne travaille pas seul. Ce n'est pas seulement une municipalité, ce n'est pas seulement une municipalité dans une municipalité régionale de comté, dans une conférence régionale des élus ou dans une région métropolitaine. Comment, la synergie entre eux autres, on peut faire plus à l'intérieur du Québec? Comment on peut faire mieux à l'intérieur du Québec? Comment on peut répondre de façon différenciée au territoire de Chaudière-Appalaches, et qui va être répondu de façon peut-être différente dans certains secteurs ou ministères? Exemple, en Mauricie, comment, avec la gouvernance autochtone, on est capables de réaliser, créer de nouveaux ponts, de nouvelles façons de penser en s'éloignant du modèle traditionnel, mais tout en ayant cet exercice-là, au Québec, basé sur des principes, des valeurs? Être capables de répondre... Pourquoi on a été capables de répondre de façon différenciée à travers tout le projet? C'est un exercice qui a été long quand on a commencé sur l'occupation du territoire. Premièrement, c'est quoi, la définition? J'ai pris quelques mois à parler aux différents partenaires, l'Union des municipalités du Québec qui parlait, elle, d'une stratégie du territoire; la Fédération québécoise des municipalités qui disait, elle: Ça prendrait une loi-cadre pour faire en sorte qu'il y ait un aspect contraignant; Solidarité rurale qui aussi avait son approche, la base de la ruralité, regarder sur l'oeil de l'OCDE, qui est venu faire un examen des politiques de ruralité, mais ils disaient: Il faudrait que ça dépasse le côté social, il faudrait que les politiques économiques de gouvernance viennent aussi encadrer tout ce volet-là.
Nécessairement, le premier ministre a porté lui-même, lors du discours inaugural de l'an dernier, donc, le fait qu'il y aura une stratégie et une loi-cadre -- je pense qu'après nos travaux ça venait faire... pérenniser, donc, nos outils -- et de s'assurer donc que le mieux placé dans l'organisation puisse rendre les services.
On en appelle aussi à une mobilisation. Lorsque l'État, par déconcentration, régionalisation, n'aura pas répondu à la pleine satisfaction, il pourra y avoir des initiatives aussi de municipalités, de municipalités dans des municipalités régionales de comté, avec des municipalités régionales de comté, dans des conférences régionales des élus ou même, sur un exercice plus large, la métropole ou la capitale nationale. Il pourra y avoir donc des projets multiples qui en appellent de toutes les responsabilités pour une meilleure cohésion. Et ce qu'on verra donc apparaître, ce sont les contrats de territoire, tel qu'apparaît... donc un aspect contractuel, une dernière façon de respecter un engagement ou de conclure un engagement à volet local, régional ou dépendamment des responsabilités. Donc, c'est ce que va aborder, donc, la loi.
On le voit aussi, il y a beaucoup de redditions de comptes, d'indicateurs à établir. C'est un début. Et ce n'est aussi pas une affaire seule. Donc, je pense qu'on a besoin de tout le monde, de tous les acteurs locaux. On privilégie ceux qui ont des responsabilités, donc les élus municipaux à travers leurs réalités régionale, supralocale, métropolitaine ou de la capitale nationale, autant les élus scolaires, qui ont des responsabilités, mais ça interpelle toute la communauté. Alors, si vous êtes interpellés dans les prochains mois à des rencontres issues du milieu pour dire quelle est la différenciation de notre territoire, nos réalités et nos besoins, ça sera dans ce cadre-là que ça se fera et ça permettra donc de teinter, même, chacune des planifications à l'étape où ils sont. Alors donc, c'est le travail qu'on va avoir à faire, et donc ça interpelle le citoyen dans toutes ces facettes.
Tout ça, la réussite, ce sera la chose suivante: c'est le bénéfice citoyen. Alors, on s'apercevra qu'il y a quelque chose de changé lorsque le citoyen se rendra compte qu'il s'est passé quelque chose. Je vais vous donner un exemple.
**(14 h 10)**La Présidente (Mme Malavoy): Je vais vous demander de le faire rapidement.
M. Lessard: Assis chez nous, Mme la Présidente, lorsqu'est apparu un bac vert, un bac bleu à ma porte de mon domicile, je savais que je devais changer quelque chose, j'avais une mission maintenant, de contribuer au développement durable, à remplir: il s'était passé quelque chose. Quand ils font des pistes cyclables, il s'est passé quelque chose, transport actif, etc. Donc, c'est à cet exercice-là qu'on devra répondre et que l'État devra répondre, particulièrement. Merci.
La Présidente (Mme Malavoy): Merci, M. le ministre. Je sais que je vous ai un peu pressé le mouvement, mais le temps passe vite. Je vais vous demander une chose juste avant que nous poursuivions. Le député de Roberval n'est pas membre d'office -- parce que nous avons un poste à combler du côté de l'opposition officielle, et ce sera fait cette semaine -- mais je voudrais simplement, par consentement, vérifier que vous lui permettez bien de prendre la parole. Oui? Ça ne vous pose pas de problème? Merci.
Donc, M. le député de Berthier, vous avez, là encore, 7 min 30 s pour les remarques préliminaires, que vous pouvez partager si vous le souhaitez.
M. André Villeneuve
M. Villeneuve: Alors, bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, collègues de l'Assemblée nationale, les gens qui sont dans la salle avec nous aujourd'hui ainsi que les membres de la commission, les gens qui y travaillent aussi et bien sûr les gens qui travaillent à nous soutenir, que ce soient les recherchistes ou les gens, donc, qui oeuvrent dans ce domaine-là pour nous aider justement à faire notre travail comme il se doit, Mme la Présidente.
Donc, nous abordons aujourd'hui les consultations sur le projet de loi n° 34, dont le titre va comme suit: Loi pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires. Bien que nous aurions souhaité voir apparaître dans le titre le mot «décentralisation», nous constatons, à l'analyse même du projet de loi, qu'effectivement le mot «décentralisation» n'aurait eu que très peu de sens, étant donné que ledit projet n'en fait que très peu état. Nous espérons tout de même pouvoir, au fil des consultations, donc, convaincre le ministre peut-être d'y ajouter quelques éléments.
Par ailleurs, nous tenons à souligner, et il est écrit au chapitre I, article 1 du présent projet de loi, que «la présente loi a pour objet de contribuer à l'occupation et à la vitalité des territoires, partout au Québec, en adaptant le cadre de gestion de l'Administration», administration avec un grand A. Nous tenons donc à souligner que le projet de loi n° 34 sera à terme une loi-cadre ayant comme principal effet de faire en sorte que l'ensemble des ministères et des sociétés d'État travailleraient nécessairement et forcément ensemble pour une plus grande optimisation de leurs actions, de leurs orientations au développement, sous toutes ses formes, des régions du Québec, et, à ce titre et conformément aux orientations de notre parti, Mme la Présidente, je tiens à le souligner, la création d'une future loi-cadre dans le domaine est en soi une bonne nouvelle.
Ceci étant dit, si le projet de loi n° 34 est clair quant au fait qu'il tend à créer une loi-cadre, donc à mettre en place un véhicule -- pour ma part, une loi, c'est un véhicule -- dans lequel on y met certaines dispositions, eh bien, il va falloir, à la lumière du projet de loi n° 34, regarder ce qui s'y trouve, mais surtout regarder ce qui ne s'y trouve pas, Mme la Présidente. Il faut se rappeler que, depuis des décennies, les élus des municipalités et des MRC réclament des moyens d'assurer pleinement leur développement, et ils réclament des programmes et des politiques adaptés, répondant à leurs spécificités et à leurs couleurs.
À cet égard, Mme la Présidente, vous me permettrez de faire un lien avec le projet de loi n° 499 que nous avons, nous, de l'opposition officielle, déposé à l'Assemblée nationale et qui porte comme titre: Loi sur l'occupation dynamique du territoire et -- je pèse sur le mot -- décentralisation. Si les deux projets de loi sont comparables en ce qui a trait au fait qu'ils vont tous les deux dans le même sens quant à la création d'une loi-cadre, il en est tout autrement quant aux moyens et aux outils qu'ils comptent mettre à la disposition des élus qui sont à pied d'oeuvre, et ce, au quotidien, sur le grand territoire du Québec. À titre d'exemple, et toujours en lien avec le projet de loi n° 34 du gouvernement, notre projet de loi n° 499 se distingue de bien des façons. Et, sans aller dans le détail, voici quelques différences importantes.
D'abord, nous consacrons le principe de subsidiarité, à savoir que toutes les politiques et programmes soient administrés et mis en oeuvre au niveau approprié d'autorité. Le projet de loi du gouvernement est totalement muet sur ce principe pourtant nécessaire au développement des territoires. La modulation obligatoire, nous, dans le projet de loi n° 499, nous la mettons obligatoire. Dans le projet de loi du gouvernement, elle est facultative, ou on peut pratiquement la qualifier de voeu pieu. Transferts financiers, le projet de loi n° 499, transferts financiers ou fiscaux lors des transferts de compétence. Autonomie fiscale des municipalités et aussi le droit à des services de base accessibles dans des domaines vitaux pour l'occupation du territoire, comme l'éducation, la santé, la sécurité publique, service de garde éducatif, l'enfance, le transport, etc. Et ce ne sont là, Mme la Présidente, que quelques exemples qui différencient notre projet de loi de celui du gouvernement.
Il faut bien comprendre que nous ne sommes plus à l'époque des années soixante où l'État paternel régnait. Aujourd'hui, les municipalités, les MRC ont à leur disposition des ressources humaines, une compétence inégalée. Ils se sont dotés d'outils à la fine pointe de la technologie, que l'on pense seulement à la géomatique. Ils ont développé une expertise dans moult domaines: schéma d'aménagement, service d'incendie, gestion des matières résiduelles, gestion des cours d'eau, et j'en passe, Mme la Présidente, la liste est encore très longue.
Je termine en vous disant ceci: Les régions du Québec ont maintenant besoin d'outils supplémentaires pour assurer leur plein développement. Le Québec est riche de ses métropoles, est riche de sa capitale nationale et est riche de ses régions. Et je vous dis aussi ceci, Mme la Présidente, je finis avec ceci: Pour l'amour des régions, pour l'avenir du Québec, donnons aux gens des régions, donnons aux élus des municipalités du Québec les moyens d'atteindre leur plein potentiel. Et c'est avec grand intérêt que nous débutons les travaux de la commission, et avec grande ouverture, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie. Mme la députée de Champlain, je vous signale qu'il reste trois minutes à votre bloc.
Mme Noëlla Champagne
Mme Champagne: Je vais partager avec mon collègue de Roberval.
La Présidente (Mme Malavoy): Allez-y rondement.
Mme Champagne: Alors, Mme la Présidente, c'est avec grande joie que je me joins à l'équipe de cette commission, parce qu'étant interpellée par le dossier de la ruralité je suis interpellée évidemment par le dossier du développement de l'aménagement du territoire et, bien évidemment, faire que l'occupation du territoire soit faite de façon la plus intelligente possible.
Et je vais, dans si peu de temps, citer une dame que j'ai en admiration depuis plusieurs années, c'est Mme Claire Bolduc, de Solidarité rurale, qui disait dans un de ses célèbres éditoriaux du Québec rural, cette jolie petite... petit fascicule qu'on peut lire chaque mois, elle dit ceci: «...nos communautés, [nos] villages, [nos] quartiers sont des microcosmes de société qui ont de quoi inspirer l'État qui doit les regarder comme les milieux complexes et riches qu'ils sont. Solidarité, confiance, valorisation de la personne, sagesse... ce sont là les valeurs sur lesquelles reposent tous les [petits villages de ce monde].» Alors, Mme la Présidente, je dis au ministre qui est ici et aux collègues présents que nous allons travailler sérieusement ce projet de loi là, parce que l'objectif, c'est de faire que les gens dans les régions du Québec, ruralité comprise, soient le plus heureux possible et le plus fonctionnel possible.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie. M. le député de Roberval.
M. Denis Trottier
M. Trottier: Oui, merci, Mme la Présidente. Je suis également très heureux d'être ici, pour plusieurs raisons. D'abord, c'est un des éléments fondamentaux qui m'a incité à m'impliquer en politique. J'ai été, dans mon ancienne vie, une douzaine d'années dans le monde municipal: conseiller, maire, préfet, entre autres dans la MRC Maria-Chapdelaine. Également, les dernières études que j'ai consultées en Europe nous disent que les pays qui sont les plus... les États qui sont les plus décentralisés sont ceux qui réussissent le mieux au niveau économique; je pense que c'est assez important.
J'entends les bons mots du ministre. Je souhaite cependant que ça puisse, on pourrait dire, se transférer dans le concret. Je pense qu'il y a des problèmes présentement. Bon, le ministre dit qu'il veut favoriser l'occupation du territoire, mais, si je regarde le programme AccèsLogis, on a coupé l'aide aux petites municipalités, on a diminué fortement l'aide aux petites municipalités de 2 500 et moins, et on a coupé l'aide à l'occupation du territoire. Je l'incite à revoir ça pour que, dans le fond, sa politique puisse être arrimée avec les actions qu'il pose. Quand je vois le nombre de personnes qui vont déposer des mémoires, je constate qu'il y a un très grand intérêt et j'invite le ministre à faire preuve d'un grande ouverture pour qu'on puisse bonifier ce projet de loi là, qui en a grandement besoin. Merci. Nous allons collaborer, bien sûr, dans ce sens-là.
**(14 h 20)**La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie infiniment. Je remarque que vous avez vraiment réussi à respecter le temps partagé à trois. Alors, souhaitons que ça augure bien de notre discipline pour la suite de nos travaux. Voilà.
Auditions
Alors, sans plus tarder, nous allons passer, donc, à la partie des auditions. Je vois que notre premier invité est déjà en place, M. Jean-Pierre Collin. Vous allez d'ailleurs vous présenter vous-même et dire ce que vous faites. Je rappelle simplement nos règles: vous avez 15 minutes de présentation. Ensuite, un bloc de 45 minutes est réparti également entre l'opposition et le gouvernement. Donc, sans plus tarder, nous allons vous écouter avec plaisir, M. Collin.
Institut national de la recherche scientifique (INRS)
M. Collin (Jean-Pierre): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, Mme la secrétaire, merci de l'invitation faite à l'Institut national de la recherche scientifique et de l'opportunité qui lui est donnée d'exprimer un point de vue sur le projet de loi à l'étude devant la Commission de l'aménagement du territoire.
Tenant compte de l'intérêt de longue durée, en fait depuis sa fondation en 1970, du Centre Urbanisation Culture Société, l'un des quatre centres de l'INRS, sur les questions de l'organisation et du financement municipal, du développement régional, de la planification des services publics, des politiques publiques québécoises à portée territoriale et du développement durable, je suis ici cet après-midi à titre d'expert et d'observateur de ces questions, et c'est à ce titre, comme professeur titulaire au Centre Urbanisation depuis une vingtaine d'années, qu'on m'a demandé de présenter quelques réflexions et suggestions qui vont suivre.
Bien que les recherches, et autres interventions du Centre Urbanisation Culture et Société, sur les enjeux de la régionalisation, de la décentralisation et de la vitalité des territoires aient porté sur l'ensemble du Québec et plusieurs de ses régions, la région métropolitaine de Montréal, et, à un moindre degré, celle de Québec, a été l'objet, pour nous, d'une attention particulière.
On comprendra donc que l'on ait -- ou que j'ai -- choisi de faire porter ces modestes réflexions en référence tout particulièrement et tout spécialement aux enjeux soulevés et aux propositions d'action mises de l'avant pour la région métropolitaine dans le projet de loi pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires, d'une part, dans la stratégie qui l'a précédé, pour la période 2011-2016, qui lui sert de cadre de référence, d'autre part.
Mais, avant de nous pencher sur la région métropolitaine, je dirai tout de même quelques mots sur l'ensemble du projet de loi, avec en préambule cependant quelques rappels de la mission, des réalisations et des orientations stratégiques de l'Institut national de la recherche scientifique.
Créé en 1969, l'institut fait partie des neuf établissements du réseau de l'Université du Québec. L'INRS est une université de recherche et de formation de deuxième et troisième cycle rassemblant 150 professeurs et plus de 600 étudiants répartis dans quatre centres à Montréal, Québec, Laval et Varennes. Vous comprenez tout de suite la sensibilité au développement régional qu'une université comme celle-là peut avoir. Actives à la fois en recherche fondamentale, essentielle à l'avancement de la science au Québec et sur l'échiquier international... J'aimerais attirer votre attention que nos équipes de recherche jouent un rôle clé dans le développement de solutions concrètes aux préoccupations de la société québécoise.
Et, à ce titre, je fais une petite citation des lettres patentes de l'institut, qui se lisent ainsi: «L'INRS doit, de façon particulière, orienter ses activités vers le développement économique, social et culturel du Québec, tout en assurant le transfert des connaissances et des technologies dans l'ensemble des secteurs où il oeuvre.» Alors, l'INRS, c'est quatre centres de recherche: Eau Terre Environnement, Énergie, Matériaux, Communications, l'Institut Armand-Frappier et le Centre Urbanisation Culture et Société.
L'INRS, c'est aussi des infrastructures, des orientations stratégiques, dont certaines sont en prise directe sur l'occupation et la vitalité des territoires. À cet égard, mentionnons en particulier le Centre d'expertise hydrique de l'INRS, du Centre Eau Terre Environnement qui oeuvre tout particulièrement dans le domaine de la gestion intégrée des ressources hydriques et minérales et de l'aménagement du territoire. Deuxièmement, un ensemble unique au Canada de chercheurs et de laboratoires de recherche spécialisés sur les diverses composantes des études urbaines et spatiales au Centre Urbanisation Culture et Société.
Alors, pour revenir à l'objet de notre rencontre de cet après-midi, les avancées du projet de loi n° 34, qu'il faut, je pense, souligner avec bonheur. D'abord, l'adoption d'une stratégie d'ensemble, attendue depuis longtemps, et de portée générale s'appuyant sur six grands principes. Je fais référence à l'article du projet de loi. Je ne vais pas vous répéter les six grands principes, mais ces principes-là nous semblent être des principes forts qui viennent donner un second souffle et appuyer d'autres politiques publiques -- et c'est ça qui, à mon sens, est très important -- d'autres politiques publiques telles que le développement durable, l'écoresponsabilité, la stratégie de développement économique, aussi la subsidiarité, mais sur laquelle je vais revenir avec un bémol plus loin.
Une deuxième avancée du projet de loi est celui de nous proposer un cadre institutionnel de gouvernance et de mise en oeuvre avec quelques innovations qui nous paraissent fort heureuses: consolidation du rôle et des fonctions du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, la Table Québec-Montréal métropolitain pour l'aménagement et le développement, et la Table gouvernementale aux affaires territoriales, et enfin un peu une réincarnation des conférences administratives régionales, dans un format un peu nouveau, un peu renouvelé. Ces différentes innovations, à notre sens, assureront sans doute une plus grande cohérence à l'action gouvernementale, eu égard à la vitalité des territoires, et favoriseront, on n'en doute pas, la concertation gouvernement-municipalités.
Le projet de loi comporte néanmoins un certain nombre de faiblesses. À notre sens, en choisissant de formuler la question comme celle de l'adaptation du cadre de gestion de l'Administration plutôt qu'en termes de régionalisation et de décentralisation, la portée réelle de la loi-cadre s'en trouve fortement limitée.
La mise en oeuvre progressive d'une décentralisation asymétrique et contractuelle, qui tienne compte des situations propres aux régions, ce prisme de la décentralisation en réponse aux grands enjeux de société, régulièrement repris par les acteurs publics et de la société civile depuis 30 ans au Québec, semble remise aux calendes grecques. Mais on pourra peut-être en discuter un peu par la suite de ce point de vue que l'on jette à la lecture du projet de loi et de la stratégie de l'intervention.
Le projet de loi permet de poser la question de l'occupation et de la vitalité des territoires de manière globale, d'en faire une priorité gouvernementale et de favoriser la responsabilisation des acteurs concernés, au premier chef les élus à tous les paliers. Bravo! Toutefois, cette intention généreuse risque de demeurer théorique en l'absence d'incitatifs à l'atteinte de résultats.
Le projet de loi cadre, tout comme la stratégie gouvernementale, repose sur le choix de ne pas s'engager sur la voie des changements de structure, mais plutôt de miser sur la concertation, la coopération à différentes échelles: gouvernementales, régionales, supramunicipales, et entre les paliers, voire avec d'autres secteurs de la société, par le biais de mesures de suivi et de reddition de comptes. Je fais référence à l'article 2 du projet de loi.
Peut-être, en effet, l'expérience de la dernière décennie vient-elle conforter ce choix et inciter à la prudence quant aux attentes que l'on peut placer dans les réformes institutionnelles. Pas besoin de vous rappeler l'épisode 1999-2004 de réformes assez en cascade du monde municipal et du monde des organismes régionaux.
Mais il faut aussi prendre acte du fait que le pari de la concertation consensuelle n'a pas donné de résultat probant, notamment en ce qui regarde la région métropolitaine de Montréal.
Ainsi, la Communauté métropolitaine de Montréal, comme la Communauté métropolitaine de Québec d'ailleurs, aura mis 10 ans pour adopter un premier plan métropolitain d'aménagement et de développement. Il n'a pas encore complété le premier cycle des mandats de planification pour lesquels elle a été expressément créée. Je vous signale que le plan de transport se fait toujours attendre.
On en est encore à devoir affirmer dans un projet de loi l'importance de la métropole pour l'avenir du Québec 25 ans après le rapport Picard et surtout la mise en place par le ministre de l'époque, Daniel Johnson, du comité ministériel permanent du Grand Montréal.
**(14 h 30)** Le processus qui a conduit à l'adoption du premier Plan métropolitain d'aménagement et de développement pour la région de Montréal est d'ailleurs instructif, car c'est seulement à partir du moment où la direction de la communauté métropolitaine s'est résolue au fait que le vote des deux tiers du conseil, ce qui était déjà prévu dans sa loi constituante depuis 2000, et non le consensus à tout prix, était suffisant pour déclencher un débat public et doter la métropole d'un tel plan.
On peut croire que ce geste posé en avril dernier aura été un des facteurs majeurs ayant conduit à l'adoption du plan.
Du coup, on comprend que la mise en oeuvre d'une stratégie cohérente et performante d'occupation et de vitalité des territoires exige la présence d'éléments déclencheurs à la prise de décision et surtout à l'action publique.
On ne peut que se réjouir de la proposition de créer une table Québec-Montréal métropolitain pour l'aménagement et le développement.
Vitale pour le Québec à tous égards, la métropole souffre toujours d'une absence de cohésion, et les nombreux acteurs institutionnels n'arrivent pas, ou mal, à se concerter. Plusieurs enjeux de portée métropolitaine sont toujours en attente de solutions et de politiques publiques cohérentes. Pour ne citer qu'un exemple, mentionnons la planification et le financement du transport en commun.
Dans ce contexte, une table Québec-Montréal métropolitain n'est pas banale et devrait relancer la discussion collective et susciter la formulation de projets structurants.
Mais cette initiative n'est pas neuve, en rétrospective. Il serait utile de faire le bilan et de tirer des leçons du comité ministériel permanent auquel je faisais référence tout à l'heure, qui a siégé du 1988 à 1994, du ministère de la Métropole des années 1996-1997, du cadre d'aménagement de la région de Montréal formulé et adopté dès 2001.
En référence à cette action qui reconnaît les défis propres de la région métropolitaine, en particulier, mais aussi à l'ensemble de la démarche gouvernementale sur l'occupation et la vitalité des territoires, je me permets de soumettre à votre attention trois propositions pour bonifier certains aspects du projet de loi: adopter une grille plus directive d'indicateurs de suivi, resserrer les règles des contrats de territoire, introduire prochainement l'innovation métropolitaine à longue portée significative.
Première proposition, adopter une grille plus directe d'indicateurs de suivi. L'adoption d'indicateurs, et la publication régulière de bilans et de rapports de mise en oeuvre de la stratégie, est une voie prometteuse mais ne doit pas devenir académique. À mon sens, trois conditions peuvent être mises en place pour éviter ce piège, c'est: éviter la multiplication des indicateurs pour se concentrer sur une grille en nombre limité des plus significatifs -- n'oublions pas que la multiplication des indicateurs a généralement pour effet de les neutraliser les uns les autres; deuxièmement, des indicateurs qui s'ouvrent... qui ouvrent la porte, pardon, à l'intervention, à la récompense, sanction, lorsqu'il y a rencontre ou défaut de conformité; aussi, des incitatifs, et sanctions, qu'ils soient budgétaires ou fiscaux, lorsqu'inscrits dans les partenariats gouvernement-municipalités.
Deuxième proposition, resserrer les règles des contrats de territoire. La réussite d'un tel dispositif... Je fais référence en particulier à l'exemple de la France où ce type d'ententes contractuelles a beaucoup été utilisé. La réussite d'un tel dispositif, dis-je, repose sur au moins deux conditions essentielles: faire des choix stratégiques significatifs; deux, pouvoir compter sur une capacité budgétaire conséquente à leur application, d'où l'importance d'établir rapidement une définition opérationnelle des contrats de territoire, de ne pas multiplier les échelles d'application, et une définition opérationnelle qui s'articule à ces deux conditions.
Troisième proposition que je vous soumets, introduire prochainement l'innovation métropolitaine à longue portée significative qui vienne doubler et permette de donner sa pleine mesure aux initiatives touchant la problématique spécifique de la région montréalaise, déjà mise de l'avant par le cadre stratégique et par la loi-cadre.
Sur ce point, il serait utile de se pencher de nouveau sur la question des structures, au moins à l'échelle métropolitaine.
Ça devrait aussi être l'occasion de reprendre la réflexion sur les conditions et les moyens d'une fiscalité métropolitaine conséquente. Là, je vous référerai au rapport Pichette, à la commission Bédard sur les finances et la fiscalité locales qui ont longuement discuté de ces questions-là et qui ont fait des propositions assez articulées.
Et j'attirerais votre attention notamment sur la mise en place éventuellement d'un véritable mécanisme de partage fiscal à l'échelle métropolitaine.
Bref, la création d'une table Québec-Montréal métropolitain devrait être vue comme un premier pas auquel il faudrait ajouter d'autres mesures qui permettront de faire de l'échelle métropolitaine un espace de délibération significatif et, du coup, un palier de prise en charge des enjeux et d'élaboration des politiques, puis de politiques publiques innovantes.
Ah! Il me reste...
La Présidente (Mme Malavoy): Le temps est presque terminé. Je veux juste savoir s'il vous reste beaucoup de choses, parce qu'on arrive aux 15 minutes, là.
M. Collin (Jean-Pierre): Il me reste...
La Présidente (Mme Malavoy): N'ayant pas votre texte, je ne peux pas voir où vous en êtes, mais...
M. Collin (Jean-Pierre): Me contenter de ça, ici, ça va? C'est trois minutes.
La Présidente (Mme Malavoy): Alors, je vais demander à mes collègues s'ils vous autorisent à prendre du temps d'échange pour que vous terminiez. Parce qu'on a passé le 15 minutes. Alors, je comprends qu'il y a consentement?
M. Lessard: Oui. Ça commencerait bien si on donnerait notre consentement.
La Présidente (Mme Malavoy): D'accord.
M. Lessard: Comme c'est notre premier.
La Présidente (Mme Malavoy): Alors, je vous permets de poursuivre mais en vous tenant à l'essentiel, si possible.
M. Collin (Jean-Pierre): Je vais tenter d'écourter et de faire ça vite, ne prendre pas plus de deux minutes. Je voulais d'abord parler subsidiarité, qui est un des 16 principes qui est mis en exergue à la page 2 de la stratégie dont on a parlé tout à l'heure, pour dire que la subsidiarité, c'est de trouver le meilleur niveau de gestion des services.
Mais c'est aussi la responsabilité de donner les moyens d'agir aux échelons inférieurs d'autorité. C'est en regard de cet autre versant de la subsidiarité que nous avons voulu formuler ces trois propositions de mise en place, c'est-à-dire d'articulation sur le terrain, des éléments de la loi-cadre.
Dans cet esprit, donc, il me semblerait opportun d'envisager, dès à présent, un quatrième temps de la mise en oeuvre de la stratégie gouvernementale, qui s'articulerait autour de quelques dispositifs qui viendront assurer la réalisation des potentialités de la stratégie gouvernementale d'occupation et de vitalité des territoires, tout particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal. Des dispositifs, je le répète, qui ont déjà fait l'objet de nombreuses réflexions, voire de propositions détaillées qu'il s'agirait simplement de réactualiser.
Et je termine à la fin simplement en vous disant que l'Institut national de la recherche scientifique est très heureux de participer à un effort de réflexion autour de ces questions et de ces propositions. Merci beaucoup. Je vous souhaite d'agréables travaux.
La Présidente (Mme Malavoy): Merci à vous, merci, M. Collin. Alors, on va commencer un échange entre les parlementaires et vous-même, et je donne la parole tout de suite à M. le ministre. Donc, on va ajuster les blocs d'échange en fonction du temps qu'il reste. Mais je pense qu'on a largement le temps quand même de se comprendre. M. le ministre, la parole est à vous.
**(14 h 40)**M. Lessard: Oui. Merci beaucoup. Merci, M. Collin, au nom de l'INRS d'être venu présenter. Donc, on commence avec la science, en plus, cette nouvelle commission qui va étudier le projet de loi. Je vois que vous l'avez regardé à fond. Vous avez fait des commentaires.
Vous avez un volet plus métropolitain. Nécessairement, votre lieu de travail, nécessairement, vous amène à regarder ce territoire-là. Ça m'amène juste à vous dire qu'au commencement, quand on a parlé d'occupation dynamique du territoire, est-ce que ce n'était que pour la ruralité, l'urbanité... Finalement, c'est pour tous les territoires. Ça comprenait donc la communauté métropolitaine, le volet autochtone, tout le territoire, du nord jusqu'au sud, d'est jusqu'en ouest. Ça ne distinguait pas plus la ruralité que l'urbanité, mais un meilleur travail ensemble. Donc, rapidement, on a compris qu'on pouvait faire mieux.
Vous adressez la question... Donc, on disait aussi: Pas de nouvelle structure. On trouvait que, là, municipal, municipalité régionale de comté, conférence régionale des élus, communauté métropolitaine... Et, nécessairement, le retard sur les communautés métropolitaines, ça ne vient pas seulement du fait de la communauté métropolitaine, mais surtout de la chicane qu'il y avait sur le fait que les municipalités régionales de comté voulaient avoir encore la responsabilité d'aménager le territoire. C'est ce qui n'a pas créé, nécessairement, des communautés, parce qu'on avait mis ça dans une loi.
Je pense que les premiers actes fondateurs de la communauté métropolitaine, autant de Montréal que de Québec, ça vient par les plans métropolitains d'aménagement où 82 municipalités dans un même territoire, au nom de certains principes, viennent dire: Voici notre territoire en environnement, en plan de mobilité. Donc, ça a pris un certain temps, mais je pense qu'il fallait éclaircir ces notions de responsabilité là. Et l'exercice du plan métropolitain d'aménagement durable du territoire est sûrement l'acte fondateur des deux communautés métropolitaines. Ça, j'en conviens.
Donc, on disait: Pas de nouvelle structure. Comment on pourrait donner... Comment ne pas tomber dans les pièges non plus juste -- puis je termine là-dessus, après ça on va passer en échange direct -- de commencer dans l'exercice... Bon, c'est-u de la décentralisation? Là, on a tous travaillé là-dedans, là, on a tous été maire, à peu près, conseiller municipal, on a tous travaillé là-dedans, puis là on dit: Ah! bien, attends un peu, la décentralisation, la vraie définition de la décentralisation, là, c'est un pouvoir politique avec un pouvoir de perception des taxes. Puis là ils disaient: Bien, ça, quand on envoie la responsabilité à la MRC, ça, c'est de la décentralisation. Je disais: Non, non. Un autre dit: Non, non, ce n'est pas de la décentralisation, ça, ça, parce qu'ils sont nommés, ils ne sont pas élus. Alors, on disait: On peut-u ne pas recommencer ça, là, puis se dire: Qu'est-ce qu'on peut faire de plus avec les structures qu'on a? Si, à la fin, la mesure la plus appropriée, c'est de la régionalisation, ce sera de la régionalisation; les outils, ils sont là. Si c'est de la décentralisation, ça sera de la décentralisation. Puis, s'il faut le faire de façon contractuelle, bien, c'est le nouveau volet qu'on amène comme outil.
Mais on va le travailler comment? La meilleure... L'élément le plus fort là-dedans, c'est l'élu municipal. On a fait notre choix avec eux autres en disant: On va te responsabiliser, puis c'est tes prises de décision, après avoir travaillé avec ta communauté, qui vont déterminer après ça quelle sorte de produits on a besoin, c'est quoi, l'outil approprié pour donner la réponse à la population.
Donc, il y a eu un consensus à travers les organisations, c'est ça. Puis, après ça, chacun ira... Quand ça montera par en haut, bien là on pourra dire comment l'État répond maintenant à ça. Donc, cette relation de l'action des collectivités, l'action du gouvernement et la synergie entre les deux... Après ça, il y aura du monde assez intelligent pour nous dire si c'était de la régionalisation, de la déconcentration, de la décentralisation. On nommera le produit que la population a demandé après. Mais ça prend un exercice fort de prise en charge à tous les niveaux.
Puis, sur le principe de subsidiarité, je veux rien que vous rappeler que ce projet-là, ça fait en sorte qu'au niveau où tu te trouves tu as l'obligation de, toi aussi, apporter ta réponse pour y habiter, y vivre, en vivre. Si tu es en train de faire ta planification de la ville, tu es en train de dire: C'est y habiter, y vivre, en vivre. Si tu es assis à la MRC, tu es obligé de dire: Dans mon schéma d'aménagement, écoutez, c'est y habiter. Donc, mes orientations, là où on va définir où qu'on bâtit, comment on le fait au nom du développement durable, les changements climatiques, le transport actif, etc., je dois faire ma planification en conséquence. Quand je m'en vais maintenant à la conférence régionale des élus, dans mon plan quinquennal de développement régional, je suis obligé de leur dire: Écoutez, c'est y habiter, y vivre, en vivre, travailler en synergie. Et au gouvernement, même affaire.
Il y a quelque chose qui a changé, M. Collin, parce que l'État avec ses ministères, avec les fonctionnaires doivent dire, à tous les jours, indépendamment de la personnalité du ministre: On travaille sur un nouveau plan, sur y habiter, y vivre, en vivre, sur la différenciation des territoires.
Ça m'amène donc, parce que vous l'avez évoqué, l'aspect des contrats, l'aspect contractuel. C'est vrai qu'on a vu qu'en France il y a cet élément-là -- je ne sais pas si vous avez des expériences -- on a pu voir que, dans... Ça fait 30 ans qu'ils travaillent sur l'aspect d'un dernier outil qui est de contractualiser lorsque des élus, avec la communauté, décident de se prendre en charge. Avez-vous une expérience personnelle par rapport à ça, ou professionnelle par rapport à ça?
La Présidente (Mme Malavoy): M. Collin.
M. Collin (Jean-Pierre): Je réponds immédiatement. Je n'ai pas d'expérience personnelle, mais, pour avoir un peu observé la mise en place de cette idée-là de contrats de pays à l'époque en France, ou encore les contrats de régions, c'est un peu ce que j'ai évoqué, ce qui était... les conditions de succès tenaient à deux éléments forts, à mon sens, un qui était l'obligation de faire des choix stratégiques, c'est-à-dire de ne pas faire une planification en disant: Nous avons 18 priorités, mais d'avoir une entente contractuelle gouvernement-autorité palier territorial autour d'un ou de grands projets, qui donc peuvent être très différents d'une région à l'autre, ou d'un pays à l'autre, comme il disait.
La deuxième, c'est: une fois l'entente contractuelle passée, c'est une base budgétaire stable, c'est-à-dire que ça s'accompagne de deniers publics qui permettent de réaliser les éléments de stratégie qui ont été choisis précédemment. Alors, dans ces contextes-là, les contrats devenaient... deviennent des instruments extrêmement performants pour remplir des mandats ou pour remplir une vision à la fois de l'administration publique et de la gestion du territoire.
Dans un contexte où on ne fait pas ces choix stratégiques là mais où on les discute pendant 15 ans, généralement on n'arrive pas à faire de choix précis, ou, s'il n'y a pas l'enveloppe budgétaire qui suit avec, bien, en fait on en jase longtemps, et il n'y a rien qui s'accélère. Voilà, c'est un peu...
M. Lessard: Dans ce sens-là, vous avez raison, je pense, là -- parce que je suis allé en Basse-Normandie, puis en Haute-Normandie, puis le Rhône aussi, qui a beaucoup développé les contrats de pays -- parce que, quand tu le lances... Le contrat de pays, c'est à l'échelle d'une communauté ou plus large, pas un pays comme la France, la Belgique, là, mais... donc, un appel à projet. La première génération qui a lancé, c'était effectivement des équipements structurants pour la communauté, la deuxième, à portée plus collective, plus sociale ou communautaire. Donc, les gens auront la possibilité de le nommer.
Nécessairement, il faut qu'il y ait de la concertation. Le premier exercice, on appelle tout le monde à faire comme dans la politique de ruralité: on se rassemble, on dit quels sont nos besoins, comment faire émerger maintenant ces besoins-là en priorités structurantes ou innovantes, et par la suite comment l'État, contractuellement, va lui donner aussi une valorisation.
Et on en appelait aussi au fait que, si on demande la base budgétaire... Parce que, nécessairement, on serait en demande aussi. La première base budgétaire, c'est les 65 milliards de l'État à toutes les années, parce qu'à la fin de l'année on l'a toujours investi pareil. Comment le 65 milliards, 62 milliards, dépendamment des années, est mis au service de la communauté? Deuxièmement, peut-être des fonds régionaux pour venir compléter et valoriser ou moduler. L'aspect de la modulation, vous avez -- c'est une vérité -- l'élément déclencheur à la prise de décision. Nécessairement, dépendamment de tes efforts, il faut récompenser ou ne pas récompenser quelqu'un qui est capable de dire: On est capables de s'entendre plus largement.
Un exemple qui aurait pu être un contrat de territoire, parce qu'on nous demande souvent d'en nommer un ou de le définir, si on n'avait pas adopté la politique de gestion par bassin versant, la responsabilité de l'eau, des berges, la qualité de l'eau le long d'un parcours, exemple, de la rivière Chaudière, du lac de Mégantic, jusqu'au fleuve Saint-Laurent, aurait été un beau travail de concertation, de contrat de territoire, de prise en charge de la gestion intégrée de l'eau à travers des municipalités, des municipalités régionales de comté, des comtés, la conférence régionale des élus jusqu'à la Capitale-Nationale. Ils auraient pu dire: Au nom d'un intérêt de protéger l'eau, la protection des rives, l'érosion, l'amélioration, etc. aurait pu être une espèce de contrat de pays.
Mais ça peut être plus petit, juste avec une municipalité prise sur le bord d'un lac, avec son tourisme, avec un attrait naturel. Voyez-vous, là, ça sera à géométrie variable, dépendamment qui te le demande. Mais, nécessairement, plus qu'il va y avoir de chaînes d'engagement à travers un intérêt qui transcende ta municipalité, nécessairement, il faudra penser à bonifier l'aide de ceux qui vont adhérer à ces fonds-là. Alors, on est sur la même philosophie, je pense, on a retiré les mêmes leçons de ça.
Subsidiarité, reparlez-moi donc de la subsidiarité. Parce que, nécessairement, la loi fait référence aux 16 principes de développement durable, dont un est la subsidiarité. Tout le monde reconnaît, on l'a vu à travers la politique de la ruralité, que le plus proche distributeur du bien ou du service est plus approprié, a toujours, encore, une meilleure note, parce qu'il y a moins d'argent qui est investi pour... puis plus d'argent qui est donné au service, là. Parlez-moi donc de cet élément-là. Vous avez fait une petite référence, un certain bémol par rapport à ça.
**(14 h 50)**M. Collin (Jean-Pierre): Oui. En fait, je vais reproduire ici la définition de la subsidiarité que vous donnez, qui dit que «les pouvoirs [...] les responsabilités doivent être déléguées à l'échelon approprié d'autorité. Une répartition adéquate des lieux de décision doit être recherchée, en ayant le souci de les rapprocher le plus possible des citoyens et des communautés concernés.» Et je pense que, dans les remarques introductives des gens de l'opposition, il y avait un partage de cette même définition là.
Mais, en mon sens, c'est oublier tout le temps que la subsidiarité possède un autre versant, qui est celui de la responsabilité pour les niveaux supérieurs de donner les moyens d'agir aux niveaux inférieurs. Parce que ce n'est pas tout, pour parler en bon français, de pelleter la commande dans le palier inférieur, il faut que le pelletage de commande se fasse avec des conditions pour que le niveau inférieur soit en mesure d'occuper le champ de responsabilité ou en mesure de donner le service ou de prodiguer l'activité qu'on lui confie selon le principe de subsidiarité. Et ça, ça m'apparaît important.
Et c'est un peu dans ce sens-là que je vous ai parlé d'éléments déclencheurs qui sont des éléments qui permettent à la subsidiarité non pas d'être émise comme principe, mais de devenir un élément de la fabrication des politiques publiques et de l'encadrement des décisions que l'on prend en ces matières-là. Et ça, ce versant-là, il est très souvent oublié. Et, si on ne l'oublie pas, on ne tombe pas dans le piège justement du pelletage de responsabilités vers un autre. À l'inverse -- je veux juste finir là-dessus -- c'est, à mon sens, une façon aussi de concevoir sous un mode pratique la question de la décentralisation plutôt que d'en parler d'une façon très théorique.
M. Lessard: O.K. Il y a un élément, tout au long de nos travaux, que les... Parce qu'on a travaillé avec les tables Québec-municipalités, Solidarité rurale et les différents partenaires, on n'a pas réinventé une table pour le faire, on a utilisé ceux qu'on avait, avec les conférences régionales des élus. La notion d'indicateurs. Là, on dit: On ne va pas en faire plusieurs, on va en faire des structurants. Parce que cet indicateur-là, quand vous le dites aussi pour la subsidiarité et la responsabilité, mais c'est la responsabilité des deux sens, hein, c'est la responsabilité de l'élu municipal qui applique ces indicateurs-là, qui doit aussi dire s'il a atteint ou pas l'indicateur, quels moyens il a pris pour le faire envers l'État, qui est redevable dans l'analyse des crédits ou de... Donc, l'État doit dire: Ces indicateurs-là, c'est bon pour tout le monde, incluant lui-même, mais c'est bon aussi pour le palier le plus approprié à donner le service, si on utilise le vocable «responsabilité».
Puis, vous nous envoyez une mesure de sécurité en disant: Ne prenez pas trop d'indicateurs. Solidarité rurale ou je pense que c'est... Chantier de l'économie sociale nous en fait une référence à certains. Est-ce que vous en avez des plus connus, d'indicateurs? C'est-u en fonction de ce qu'on veut faire? Nécessairement, il y en a des particuliers. Ou il y a comme l'école de pensée des indicateurs... Parce qu'il y a quand même la Loi sur le développement durable qui a dû marquer des grands, grands, grands indicateurs. On doit-u se rendre là puis s'y perdre ou on doit être plus précis que ça?
M. Collin (Jean-Pierre): Je ne vous en identifierai pas précisément, parce que vous faites référence aux indicateurs de développement durable. Alors, j'ai eu l'occasion de participer à une équipe de recherche où on s'est intéressé aux grilles d'indicateurs de développement durable au Canada, dans les villes principalement, dans les villes et dans les régions, et ce qui a été frappant à la fin de l'analyse, ça a été, dans les expériences d'indicateurs de développement durable, comment on les multipliait d'année en année. C'est-à-dire qu'une grille qui, au départ, en comportait 25, 10 ans plus tard en comportait 50 et qu'à partir du moment où il y avait multiplication des indicateurs il y avait une neutralisation, c'est-à-dire qu'on vise tellement de choses en même temps qu'on finit par viser une chose et son contraire. Et là, donc, ça devient... les grilles d'indicateurs deviennent une façon de se déresponsabiliser de la prise de décision politique, parce qu'on peut se cacher derrière cet appareil-là, qu'il faut utiliser avec beaucoup de parcimonie parce que c'est un appareil qui est -- parce que vous avez mentionné le fait au début -- très peu scientifique, c'est-à-dire qu'au plan méthodologique il est toujours très, très, très... il est toujours rempli de pièges, rempli de choix subjectifs.
Et, pour terminer ma réponse à votre question, parce que vous l'avez mentionné, c'est de se donner des indicateurs qui sont les plus collés possible sur ce que l'on veut faire et non pas sur ce que l'on devrait faire dans le royaume d'Adam et Ève, disons, mais de ce qu'on veut faire, quels objectifs précis on veut obtenir dans un délai de temps relativement circonscrit.
M. Lessard: D'accord. Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Malavoy): Il reste environ cinq minutes.
M. Lessard: Parfait.
La Présidente (Mme Malavoy): Je ne sais pas si c'est vous qui les prenez en entier. C'est juste pour savoir.
M. Lessard: Bien, je ne sais pas si mes collègues ont des questions particulières. Je n'ai pas...
La Présidente (Mme Malavoy): Je voyais le député de Gaspé qui semble en avoir une sur le bout de la lèvre, mais...
M. Lessard: On va partager ça.
M. Mamelonet: Et là j'en ai, en fait, plusieurs qui se bousculent, mais j'aime bien... j'ai bien aimé l'approche des indicateurs, là, qui s'allument les uns les autres, là, et j'aimerais que vous puissiez approfondir un petit peu là-dessus, parce que, bon, vous parlez de façon très, très générale. Si vous aviez quelques exemples concrets?
Et en même temps peut-être votre point de vue sur le fait que... Moi aussi, j'ai été maire mais d'un tout petit village. Je suis le député de Gaspé, donc une région qui est immense avec peu, peu d'occupation territoriale, et, la complexité des structures qu'on met en place comme en couches, là, j'aimerais avoir un petit peu votre avis là-dessus, en fin de compte sur le résultat auquel on arrive. Est-ce qu'on n'annihile pas un petit peu les actions par, je dirais, la segmentarisation, peut-être, des décisions ou des choses... Je ne sais pas si vous comprenez un petit peu la question que je vous pose, là.
M. Collin (Jean-Pierre): Oui.
M. Mamelonet: Parce que vous parliez beaucoup de la Communauté urbaine de Montréal. Oui, c'est très intéressant pour tout le Québec. Pour nous, par contre, qui sommes de régions très périphériques, on a des réalités qui sont totalement différentes, là.
La Présidente (Mme Malavoy): M. Collin.
M. Collin (Jean-Pierre): Oui. Bon. Je parle beaucoup de la Communauté métropolitaine de Montréal parce que je suis plus confortable de parler de ce territoire-là, ayant fait beaucoup plus d'études, même si je me suis intéressé aux petites communautés, aux petites municipalités, aux régions dites périphériques.
Oui. Le problème des indicateurs, c'est de mettre dans la même grille, je ne sais pas, par exemple, qu'on doit avoir les services publics au plus bas coût possible et aussi les rendre disponibles partout, de la même façon, sur le territoire. Alors, déjà, on est devant deux commandes qui risquent de se confronter parce qu'on est, par exemple, dans une région moins densément peuplée. Donc, tout de suite, on a... Alors, il faut peut-être trouver des façons d'avoir des indicateurs qui permettent un peu de cibler entre ces deux choses-là, déjà de faire un peu l'arbitrage entre les deux.
Je ne sais pas si mon exemple est assez concret, mais peut-être que, dans une région comme... Dans les régions comme Québec ou Montréal, ça signifie d'avoir des indicateurs... un, par exemple, qui porterait sur le non-étalement urbain, parce que peut-être que le non-étalement urbain est la façon de gérer justement l'arbitrage entre le coût des services et la disponibilité des services. Vous voyez? Donc, ce serait une façon de faire une réflexion de cette nature-là. Et je pense qu'il y a beaucoup de travaux qui existent. Il ne s'agit pas de faire de longues études, je pense qu'il y a déjà beaucoup de matériaux qui peuvent être utilisés pour mener cette réflexion-là. Je ne sais pas si je réponds à votre question.
M. Mamelonet: Oui. Bien, pas mal. Mais, en fin de compte, oui. Quand on aborde ces problématiques-là... puis, je pense, un bon exemple, par exemple, c'est la sécurité incendie qui, dans un milieu urbain, est très, très différent que dans un milieu peu intensément peuplé, où on demande des délais d'intervention qui sont à peu près équivalents. Ambulanciers, c'est à peu près pareil, là, quand on regarde un petit peu les services ambulanciers. Alors, évidemment, on tombe avec toute une dynamique, je dirai, qui est très, très, très propre au territoire.
Alors, j'aimerais avoir un petit peu votre point de vue sur comment est-ce qu'on peut, en fin de compte, arriver à occuper et habiter, vivre dans nos territoires et comment est-ce que les territoires, eux, peuvent envoyer leurs messages ou leur dynamique, leurs préoccupations, en fin de compte, au gouvernement ou aux gens qui décident des règles et qui décident des façons de faire.
La Présidente (Mme Malavoy): M. Collin.
M. Collin (Jean-Pierre): Bien, ça, vous me posez une grande question, hein, parce que...
La Présidente (Mme Malavoy): C'est une grande question, puis il reste deux minutes.
M. Collin (Jean-Pierre): C'est une grande question parce que c'est toute la question de l'articulation de la concertation ou ce que certains appellent, par un gros mot, la gouvernance multiniveau, la concertation entre, je dirais, les élites ou les élus locaux et les élus provinciaux, ou la machine gouvernementale et les instances décentralisées.
Là, j'aurais tendance à dire que, pour revenir sur le projet de loi qui est déposé, le mécanisme du contrat de territoire peut justement être un mécanisme qui, s'il est bien articulé, bien pensé, ne tire pas dans toutes les directions, peut justement peut-être traduire... c'est-à-dire traduire des expériences contractuelles, des expériences de décentralisation qui pourront un peu faire boule de neige et peut-être donner le goût à d'autres de s'engager plus activement dans cette voie-là.
M. Mamelonet: Des contrats de territoire qui seraient donc adaptés à chacun des territoires et sur lesquels...
M. Collin (Jean-Pierre): Absolument. Mais, par définition, le contrat doit être adapté au territoire. Sinon, ça n'a aucun sens. Sinon, ça n'a aucun sens. Et ça ne doit pas être une liste d'épicerie. Je veux peut-être juste rappeler qu'il y a déjà eu un contrat de ville avec la ville de Montréal qui était, je pense, relativement intéressant du point de vue de son départ, mais qui s'est traduit par une liste d'épicerie. Et, à partir du moment où on a fait une liste d'épicerie, ce n'est plus la même chose.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie beaucoup. Ça va mettre un terme à l'échange du côté ministériel. Je passe au porte-parole en matière d'affaires municipales... pas d'affaires municipales, d'occupation, de développement régional...
M. Villeneuve: Et de l'occupation du territoire.
La Présidente (Mme Malavoy): ...et d'occupation du territoire. Je vous prie de m'excuser. C'est la première commission en janvier. Là, il faut retrouver les bons termes. Mais, M. le député de Berthier, la parole est à vous.
M. Villeneuve: Vous êtes toute pardonnée, Mme la Présidente. M. Collin, bonjour. Et, oui, de beaux échanges, alors on va continuer dans ce sens-là.
Tantôt, là, vous avez parlé beaucoup du Montréal métropolitain. À votre avis, une décentralisation, est-ce qu'elle serait profitable au Montréal métropolitain?
M. Collin (Jean-Pierre): Vous entendez quoi par «décentralisation»?
M. Villeneuve: Bon, là, on arrive justement, là, au noeud du problème. M. le ministre faisait allusion tantôt que... Et je me rappelle, lors de l'annonce, l'avoir entendu dire qu'on ne s'enfargera pas dans la sémantique, mais peut-être y aurait-il lieu justement de s'asseoir et de bien définir ce qu'est, la décentralisation, et, à ce moment-là, ce serait peut-être le début, hein, d'un travail.
Mais, selon le projet de loi que vous avez devant vous, le projet de loi n° 34... Et j'imagine que vous avez pris connaissance du projet de loi n° 499 en même temps. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le regarder.
M. Collin (Jean-Pierre): Malheureusement, non.
M. Villeneuve: Non. Donc...
M. Collin (Jean-Pierre): Je l'ai vu par un texte portant sur...
**(15 heures)**M. Villeneuve: Je vais quand même vous donner ce que, nous, on entend par «décentralisation». On le retrouve dans notre projet de loi n° 499, que vous retrouverez sur le site de l'Assemblée nationale. Donc, on dit: «Dans le cadre des mesures proposées, la "décentralisation" s'entend de l'attribution de compétences et de ressources propres aux municipalités et de l'exercice par ces dernières d'un pouvoir réglementaire.» C'est un peu ce que M. le ministre a dit tantôt. Selon vous, ce serait profitable pour le Montréal métropolitain, une décentralisation, avec cette définition-là?
La Présidente (Mme Malavoy): M. Collin.
M. Collin (Jean-Pierre): C'est-à-dire que c'est une définition que je pourrais accepter, qui serait profitable à la région métropolitaine, mais je ne suis pas certain que la région métropolitaine, comme espace, serait le lieu de réception de la décentralisation, parce qu'à ce moment-là ça supposerait un réaménagement assez important des structures et des institutions.
Alors, ce que j'ai proposé, c'est plutôt d'y aller par petites touches, c'est-à-dire d'y aller par des décisions qui me semblent... qui seraient très stratégiques. Mais là il y en a une panoplie qu'on pourrait évoquer, mais je vous retournerais, les membres de la commission, au rapport de la commission Bédard, la commission sur les finances et la fiscalité locales. Ce n'est pas innocent que je fasse ça, parce que j'étais membre de la commission...
M. Villeneuve: ...qui était favorable, qui était favorable à la décentralisation.
M. Collin (Jean-Pierre): Oui. Oui. J'étais même vice-président de la commission. Alors, ce n'est pas... Mais ce que je veux dire, c'est que, donc, je me souviens bien du contenu et je me souviens bien que, parmi les instruments... ou les pistes que l'on avait évoquées, il y a naturellement celle d'avoir quelqu'un qui soit, par exemple, élu au suffrage universel à l'échelle métropolitaine, comme, à l'époque, d'ailleurs on discutait de l'élection au suffrage universel de préfet de MRC. Certaines MRC ont adopté ce mode de solution là. Pourquoi élire quelqu'un au suffrage universel? C'est pour lui donner une légitimité qui permet de jouer un rôle d'arbitrage vis-à-vis des acteurs et donc d'influencer éventuellement la piste... en fait d'augmenter la cadence dans la prise de décision.
Une deuxième stratégie est d'y aller par la voie de la fiscalité. Il existe des expériences, qui ont été même simulées à l'époque, pour le cas de Montréal, comme le partage de la croissance de l'assiette fiscale, qui est notamment appliqué, par exemple, dans des agglomérations comme Minneapolis, Saint Paul, comme Dayton en Ohio. Et ces mécanismes-là sont des mécanismes qui, une fois mis en place -- ou à Pittsburgh aussi, qui est une ville... il y a le maire de Québec, là, qui aime l'amphithéâtre de Pittsburgh, mais, à Pittsburgh, il y a aussi une formule de partage de croissance de l'assiette fiscale -- sont des mécanismes qui deviennent indépendants des élus, dans le sens suivant: c'est qu'une fois le mécanisme mis en place il remplit ses objectifs, et il n'y a pas d'autre intervention législative, c'est-à-dire qu'on laisse le mécanisme jouer de ses effets, qui sont généralement petits au début et qui vont en augmentant avec le temps.
Pourquoi, ça, ça a un effet? C'est qu'à partir du moment où on doit partager une assiette au beurre, généralement on commence à prendre des décisions plus vite. On commence à être en position où on se dit: Bien... Et, quand je parlais tantôt de sanction, récompense, c'en est une: si je ne suis pas dans le club, je ne pourrai pas en bénéficier. Donc, je vais faire parti du club.
Alors, je vois plus dans le sens de trouver comme ça un certain nombre de pistes qui rendraient concrète la notion de décentralisation et, partant, celle de subsidiarité.
M. Villeneuve: Donc, sans vouloir résumer, loin de là, votre propos, je comprends, à tout le moins, que démocratie et décentralisation, c'est lié, là. Il y a la concertation, c'est bien, j'avoue là, c'est certain, mais quand même la démocratie est très liée à tout cela, là. Je peux comprendre ça. Mais c'était juste un commentaire que... C'est ce que j'ai cru déceler dans vos propos.
Vous avez dit tantôt... Lorsque vous vous êtes adressé à M. le ministre ou à la présidente, vous disiez que la décentralisation, avec le projet de loi qui est sur la table présentement, est comme un peu remise, là, aux calendes grecques; ce sont vos paroles. Vous pouvez m'en dire un peu plus par rapport au fait que vous arrivez à cette conclusion-là?
M. Collin (Jean-Pierre): Bien, c'est parce que, dans le projet de loi... mais, en fait, notre... Surtout à la lecture du... Est-ce que vous appelez ça plan stratégique ou...
M. Villeneuve: ...stratégie?
M. Collin (Jean-Pierre): Pardon?
M. Villeneuve: Dans la stratégie?
M. Collin (Jean-Pierre): Dans le document, là, de 50 pages, là, ces mots-là n'y sont plus présents. C'est-à-dire que c'est une réalité qui est... comme si on était passé à autre chose. Et ça je trouve ça quand même un peu déplorable, parce que ça vient laisser de côté tout un débat, toute une réflexion qui n'a pas été terminée, qui n'a pas été achevée dans la société québécoise et qui, je pense, doit se poursuivre.
Je ne pense pas qu'on doive en faire... de faire une nouvelle fois un exercice de réflexion très général sur la décentralisation. Comme par exemple, l'Union des municipalités du Québec l'a fait au moins quatre fois, je pense, dans les 25 dernières années. Ce n'est pas à ce genre d'exercice là que je voudrais convier la commission et le gouvernement, mais plus, quand même, de continuer la réflexion sur la régionalisation et la décentralisation et ne pas compter trop... bien, uniquement sur la bonne volonté des acteurs que l'on va mettre autour d'une table. Les acteurs sont de bonne volonté, mais ils sont nombreux et ils ont, qu'on le veuille ou pas, des intérêts relativement différents, qui naturellement se confrontent les uns aux autres, et ce qui empêche qu'éventuellement on arrive à des décisions tout à fait pertinentes.
Je référerais d'ailleurs... Peut-être, je retournerais à ce que le ministre a dit tout à l'heure, que la communauté métropolitaine n'était pas seule responsable du fait que ça a pris 10 ans pour faire son plan d'aménagement du territoire, mais quand même pour dire qu'ils ont fait un méchant échec en 2004-2005 et que 10 ans pour adopter un plan d'aménagement et de développement qui est intéressant mais qui ne révolutionne rien, ça m'apparaît long. Et ça m'apparaît important... Et il me semble que le projet de loi que l'on a à l'étude devrait pouvoir jeter les bases d'une accélération de cadence sur ces questions-là, et non pas que chaque pas prenne une dizaine d'années à réaliser, mais plus dans un univers de deux, trois ans, disons. Voilà. Oui?
M. Villeneuve: Je vous amène sur -- non, c'est correct -- le principe de subsidiarité dont vous avez discuté tantôt, vous avez fait état tantôt. Vous parlez d'un élément déclencheur. Est-ce que le fait que l'État ait des comptes à rendre, qu'on dise que l'État aurait des comptes à rendre par rapport à ce principe-là, ça ne pourrait pas être un élément déclencheur ou en faire partie, à tout le moins, du principe de subsidiarité? Parce que là on veut bien mettre des principes, on veut bien les coucher sur papier, mais encore, lorsqu'arrive le temps de les appliquer, faut-il qu'il y ait...
M. Collin (Jean-Pierre): Oui. Mais, dans ce sens-là... Je vais être un peu circulaire dans mon raisonnement, mais la notion de contrat de territoire... ou quand je faisais référence tantôt à des mécanismes d'application générale de partage de la fiscalité... sont des mécanismes qui obligent la reddition de comptes de la part de l'État, parce qu'on ne peut... L'opposé, en principe, c'est comme de ne rien dire, hein, c'est comme de dire que la reine est au service de ses sujets, même. Bon, une fois qu'on a dit ça, elle reste dans le Palais de Buckingham, et puis il ne se passe rien. Donc, il faut trouver une façon de la faire sortir du Palais de Buckingham et puis que...
Aussi, des principes très généraux comme ceux-là éventuellement ne tiennent pas l'usure du temps, parce que, quand les conditions, les contextes changent... Bien entendu que les acteurs, surtout les acteurs publics qui ont une autorité sur les autres, vont exercer cette autorité-là. Mais ça devient beaucoup plus difficile de le faire à partir du moment où on a mis en place un certain nombre de mécanismes qui sont des mécanismes d'entente mutuelle. Et, à ce moment-là, ça devient difficile de s'en retirer. Mais voilà, ça, c'est un peu... C'est peut-être un peu abstrait, ce que je dis, là, mais il me semble que c'est une façon de...
M. Villeneuve: Non, je pense qu'on voit apparaître un mécanisme... on voit apparaître une mécanique plutôt, là, qui, dans son ensemble, aurait un sens, notamment d'avoir des indicateurs... de la mise en place d'indicateurs.
Dernière question au niveau de la décentralisation: La mise en place d'indicateurs, c'est possible d'y arriver lorsqu'on parle de décentralisation, la création d'une liste d'indicateurs pertinents et efficaces?
**(15 h 10)**M. Collin (Jean-Pierre): Bien, ça ne serait pas une commande simple, surtout si on dit que la décentralisation est asymétrique. À partir du moment où on dit que la décentralisation doit s'adapter aux réalités territoriales et qu'on décide qu'on applique cinq indicateurs, les mêmes partout, pour juger de ce qu'on est en train de faire, c'est comme si on disait le contraire, c'est-à-dire que, dans le suivi de la décentralisation, on va appliquer une façon très uniforme, très centralisée de juger de la décentralisation. Alors, je pense que c'est concevable, mais c'est un exercice quand même un peu périlleux.
La Présidente (Mme Malavoy): Je comprends que, Mme la députée de Champlain, vous prenez la relève. À vous la parole.
Mme Champagne: Alors, bonjour, M. Collin. Écoutez, s'il y a un qualificatif que je peux apporter à votre propos, c'est qu'il est très réaliste. C'est loin d'être théorique. Plus on vous entend, plus on voit le gros bon sens dans vos mots et dans vos propos.
Le projet de loi, il est là, il donne des indicateurs de vouloir faire différemment dans chacune des régions du Québec. Et j'ai compris ce que le ministre disait tantôt: que ce soit par décentralisation, déconcentration, peu importent tous les mots qu'on va lui donner, si on ne met pas les moyens qui vont avec, là, de façon claire et nette, on n'y arrivera pas. Moi aussi, je comprends que les tables, pendant 10 ans de temps, ont tenté de faire adopter, comme vous disiez tantôt, un plan d'aménagement, là, puis ils ne s'entendront pas parce que les règles ne sont pas claires.
Alors, on vit dans deux mondes au Québec, peut-être plus que ça, mais deux mondes fort différents, à ma connaissance. Et mon collègue en a parlé tantôt, quand tu demeures à Gaspé ou que tu demeures à Saint-Luc-de-Vincennes, avec une population de 500, dans une petite MRC de 12 000 citoyens, tu n'as pas les mêmes moyens financiers, définitivement pas, puis les règles, bien, ils vont avec les moyens que tu as. Et tu as une limite de taxation, là, tu ne peux pas étouffer les gens que tu dessers.
Alors, dans le cadre de ce projet de loi là, on a de bonnes intentions, là. L'intention, elle est là, on veut faire autrement, on veut faire différemment. Si on ne veut pas s'en tenir uniquement à faire des... avoir des bonnes intentions, à consulter dans une coopération, dans une bonne volonté de travailler, quelle est la grande différence que vous faites entre ce que j'appelle... pas une ville, quasiment un pays différent -- Montréal, c'est la moitié du Québec, là -- puis les petites municipalités comme celles dont je viens de vous parler, la MRC des Chenaux pour ne pas la nommer? Je pourrais dire la même chose pour la MRC Mékinac et plein d'autres à l'intérieur du Québec. Alors, il y a comme deux Québec, hein? Il y a le Québec d'arrière-pays puis il y a le Québec de ce monde tout à fait disparate, là, formé de gens venant de partout dans le monde, là.
Alors, si je veux appliquer un tel projet de loi, le point le plus important sur lequel vous vous attarderiez dans la bonification du projet de loi, parce qu'on est là pour ça, vous feriez quoi?
La Présidente (Mme Malavoy): M. Collin.
M. Collin (Jean-Pierre): Je vais vous répéter un peu ce que j'ai déjà dit, mais certainement d'affirmer un peu plus fortement la nécessité d'un cadre de décentralisation asymétrique adapté aux différentes régions du Québec, c'est déjà un pas, deuxièmement, que, dans ce projet de loi là... Et je l'ai dit tantôt, ce n'est pas la première fois qu'on le fait, mais j'espère que ça va être la vraie fois: D'affirmer une reconnaissance de la région métropolitaine de Montréal comme réalité, c'est enlever une épine du pied, c'est-à-dire... Parce que souvent, pourquoi est-ce qu'on fait une opposition entre le Québec des régions et le Québec de Montréal, c'est parce qu'on ne reconnaît pas la spécificité montréalaise. À partir de ce moment-là, il y a une espèce d'effet d'entraînement qui fait que qu'est-ce que fait la région montréalaise, c'est qu'elle ne reconnaît pas la réalité des régions. Alors là, déjà, déjà d'essayer de capter cette spécificité-là et de lui donner des éléments de réponse relativement structurants, il me semble que ça vient déjà aider à un peu nettoyer le paysage politique.
Aussi, en application du principe de subsidiarité, mais dans ses deux versants, il me semble que... Et ce qu'il faut, c'est donner des conditions qui vont permettre aux milieux très, très, très différenciés, comme vous parliez de la MRC des Chenaux, ou la région de Montréal, ou la région de la Capitale, ou les gens de la Gaspésie, d'être capables d'en arriver à faire des choix structurants pour leurs territoires et non pas de multiplier les priorités.
Peut-être un exemple que je pourrais ramener, j'ai déjà eu l'occasion de me pencher sur les planifications stratégiques de deux régions du Québec, qui étaient celles de la Côte-Nord et de la Montérégie, et le principal problème qu'on pouvait voir dans ces planifications stratégiques là, c'était la multiplication des éléments prioritaires. Alors, il y a une des deux régions qui avait fini par adopter 210 priorités à réaliser dans les cinq prochaines années. C'était comme de se dire: On ne fera rien pendant cinq ans. Et pourquoi? Parce qu'à partir du moment où on a tout mis pour satisfaire tout le monde eh bien on a juste capté des petits bouts de réalité de sa région et non pas capté ce qui est peut-être l'essentiel de cette région-là. Alors, peut-être qu'en Montérégie on aurait dû avoir une priorité très forte qui était autour de l'agroalimentaire, même si ça concerne peu les gens de Saint-Lambert, mais ça aurait apporté probablement beaucoup plus de bénéfices que de décider, dans ce cas-là... Entre autres, je vous rappellerai qu'une des priorités, c'était de développer la foresterie. Alors, si vous voulez trouver des forêts en Montérégie, je vous souhaite bonne chance, parce qu'il n'y en a pas tellement. Alors, vous voyez, pour moi, ça serait... C'est de créer des conditions, des conditions simples de prise de décision. Peut-être ma réponse est un peu longue, là.
Mme Champagne: Non. C'est parfait.
La Présidente (Mme Malavoy): Mme la députée, oui, poursuivez.
Mme Champagne: Et le rapport, à ce moment-là, élus du Québec... Nous sommes 125 -- jusqu'à preuve du contraire, et la prochaine élection s'enligne pour qu'il y en ait encore 125 -- qui représentons chacune des régions du Québec -- puis je pense qu'on le fait le plus correctement possible -- ça veut donc dire que cette nouveauté-là, cette nouvelle approche là dans la décentralisation, que vous souhaitez largement puis ouvertement, amènerait sûrement un rapport différent de rapport, je ne dirais pas de force, je n'aime pas ça, mais ça peut ressembler à ça, entre les pouvoirs que nous avons ici, à Québec, et les pouvoirs qu'on pourrait donner, accorder, de façon intelligente, à des préfets, à des présidents de CRE ou à des maires. C'est bien ça que je comprends également, là? L'un ne va pas sans l'autre.
M. Collin (Jean-Pierre): Oui. En fait, moi, ce que je dis, c'est qu'il faut trouver les façons de donner l'opportunité aux élus locaux de prendre des initiatives, donner des vraies opportunités de prendre des initiatives. Alors, bien sûr, il y en a qui vont les prendre, d'autres qui ne les prendront pas. Parce que la décentralisation asymétrique, ça suppose ça. Ça suppose qu'à certains endroits on va préférer être dans une situation de dépendance à l'État plutôt que d'être, pour prendre un mot trop galvaudé, proactif dans la façon de définir son territoire. Mais, pour moi, ça fait partie, ça, des rétributions et des sanctions. Parce que, si un milieu décide d'être dépendant de l'État, il va être dépendant de l'État. Et, à ce moment-là, il ne bénéficie pas éventuellement des avantages que donnerait le fait d'entrer dans un processus de décentralisation active. Alors, voilà.
Et en contrepartie il ne faut pas pénaliser un territoire qui veut se prendre en main parce que l'autre à côté a décidé de ne pas le faire. Ça veut dire, donc, qu'il faut... Il ne faut pas attendre que tous les, disons, 125 comtés du Québec aient décidé enfin, là, dans une espèce de grand soir, d'appliquer la décentralisation. Ça ne viendra jamais. Il y en aura toujours un qui va dire non. Mais c'est comme ça dans une famille, de toute façon. Alors, on a besoin juste d'être quatre pour arriver à ça, à ce résultat-là. Alors, 125, déjà ça fait juste multiplier le problème.
Mme Champagne: Merci, M. Collin.
M. Collin (Jean-Pierre): C'est moi qui vous remercie.
La Présidente (Mme Malavoy): Il reste à peu près une minute et demie. Vous y allez, M. le député de Roberval?
M. Trottier: Oui. Très rapidement. Est-ce que vous pensez qu'à l'heure actuelle il n'y a pas un processus d'infantilisation des municipalités, dans le sens que, même s'ils ont des plans de développement, même s'ils ont des outils, il faut toujours qu'ils quémandent au gouvernement dit supérieur les argents qui vont avec ça? Et, comme sous-question, est-ce que vous pensez qu'on n'est pas rendus à pouvoir donner des points d'impôt qui vont permettre réellement aux municipalités, aux MRC de pouvoir réaliser leurs objectifs?
La Présidente (Mme Malavoy): M. Collin. En peu de temps.
**(15 h 20)**M. Collin (Jean-Pierre): Bien, en très peu de temps, là, je pense qu'on peut à nouveau s'interroger sur la fiscalité municipale. Mais, moi, je suis de ceux qui pensent que le champ de l'impôt foncier est relativement correct pour le monde municipal, que ce n'est pas une camisole de force, contrairement à ce qui est souvent dit. N'oubliez pas que, pour une municipalité, le fait de pouvoir... d'être certaine de collecter ses impôts, c'est très important. Si c'était la taxe de vente, comme il est souvent réclamé, et puis s'il y avait des non- payeurs de taxe de vente, à ce moment-là ça supposerait pour les municipalités de mettre en place des mécanismes de suivi et de répression des délinquants -- je vais vite, là, dans ma réponse. Mais je pense qu'il y a moyen, effectivement, peut-être, d'élargir un peu mieux, conforter l'espace fiscal des municipalités, mais je ne pense pas que ça appelle une réforme en profondeur de la fiscalité municipale. On est plus à la marge qu'autre chose.
Et, juste pour terminer en disant que, quand on observe au Québec, il y a des municipalités qui sont beaucoup plus actives que d'autres à l'intérieur de leur cadre fiscal et leur cadre juridique actuels, ce qui démontre qu'il y a une marge de jeu relativement importante. Et parfois il faut faire attention au quémandage.
La Présidente (Mme Malavoy): Merci beaucoup. Merci infiniment, M. Collin. Je pense qu'on a très bien utilisé le temps à notre disposition. Alors, je vous remercie au nom des membres de la commission.
Et j'inviterais le groupe Solidarité rurale du Québec à prendre place. Et nous allons vous saluer avec plaisir. Je suspends.
(Suspension de la séance à 15 h 21)
(Reprise à 15 h 22)
La Présidente (Mme Malavoy): Nous reprenons nos travaux. Nous avons donc avec nous le groupe Solidarité rurale du Québec, et je vais vous demander, mesdames, de vous présenter. Vous savez que vous avez ensuite une quinzaine de minutes pour nous faire part de votre opinion, suivi d'un échange. Vous venez de voir comment ça se passe, alors je suis sûre que ça ira parfaitement bien. Laquelle d'entre vous commence? Mme Bolduc, je pense? Oui. Alors, écoutez, à vous la parole, en présentant votre compagne et en nous disant quelles sont vos fonctions. Voilà.
Solidarité rurale du Québec (SRQ)
Mme Bolduc (Claire): Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, madame et messieurs les députés. Mon nom est Claire Bolduc. Je suis la présidente de Solidarité rurale du Québec. Je suis accompagnée de Mme Caroline Jacob, qui est agente de recherche à Solidarité rurale du Québec et qui est un des grands cerveaux derrière l'avis déposé par Solidarité rurale sur l'occupation des territoires.
Je suis ici au nom de Solidarité rurale et, d'entrée de jeu, je tiens à rappeler qui nous sommes. Solidarité rurale, c'est d'abord une coalition qui regroupe des grandes organisations nationales, une vingtaine, ainsi que des organisations locales et régionales et des particuliers, des individus, qui ont tous en commun d'avoir adopté la Déclaration du monde rural, et qui donc dédie son action, Solidarité rurale... Les gens appuient Solidarité rurale qui dédie son action, depuis plus de 20 ans, à la revitalisation des milieux ruraux, à leur droit à la différence et à leur droit à la prospérité. Traiter de la ruralité, de la réalité du village, de l'espoir des communautés, c'est parler de l'avenir du Québec.
C'est donc par la volonté de cette coalition-là, Solidarité rurale et coalition... C'est donc par la volonté de notre coalition que nous avons mené, depuis 2008, en fait de 2008 à 2010, un vaste chantier sur l'occupation des territoires, et nous obtenions, en mai 2009, dans notre fonction d'instance-conseil auprès du gouvernement en matière de ruralité, un mandat de la ministre Nathalie Normandeau afin de fournir un avis au gouvernement sur cet enjeu de société. L'avis a été rendu public en juin 2010. Il a été remis à M. Laurent Lessard, alors ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Il a été également distribué à tous les députés de l'Assemblée nationale, donc tous les ministres, et nous l'avons redéposé auprès de la secrétaire de la direction au moment de notre confirmation de présence.
Ce texte-là, que vous avez certainement vu, traduit l'importance de la mobilisation d'une vingtaine d'organisations, 22 organisations nationales, autour de l'enjeu de l'occupation des territoires. Ça traduit également la volonté d'organisations locales et d'individus qui peuvent être ou non membres de la coalition mais qui se sont mobilisés et qui ont décidé de participer à l'exercice et aussi de s'engager dans des gestes concrets qu'ils peuvent poser en faveur de l'occupation des territoires pour traduire leur volonté.
Cet avis, je vous le résume en quelques mots. Il repose sur une vision partagée. Les territoires du Québec, qu'ils soient ruraux, municipaux, de la métropole ou de la capitale, sont d'abord des milieux de vie attrayants, et qui dit milieux de vie attrayants précise que le cadre de vie prévoit une vie de qualité et que les milieux, où qu'ils soient, sont plus que des milieux de ressources, des potentiels de ressources, ils sont d'abord porteurs des citoyens qui y vivent. Deuxième vision, les communautés y sont interdépendantes et complémentaires. Ces communautés sont engagées dans le développement durable, et vraiment engagées, en posant des gestes à la base. Et elles ont un ancrage culturel très fort, un ancrage culturel qui traduit l'attachement et la fierté des citoyens face à leur milieu de vie et qui renforce l'esprit de communauté.
Cet avis est également... repose également sur des valeurs, des grandes valeurs, la première d'entre elles, évidemment, est la solidarité, la solidarité qui constitue la base de toute société, les valeurs, également, qui représentent clairement ce qui est la société québécoise, soit le respect de l'environnement et le respect de la personne, mis en valeur notamment par les savoirs portés par les citoyens. Ça se décline en quatre actions: habiter les territoires, les développer, les desservir et se les approprier.
En somme, dans l'avis déposé, on précise que les territoires, pour le Québec, sont source d'équilibre et on précise qu'une société qui ne sait pas protéger ses territoires, qui ne favorise pas leur habitation, est une société en rupture d'équilibre, et donc une société en danger.
Sachant donc que les territoires constituent une des grandes richesses de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, nous sommes convaincus que l'occupation des territoires, servie par l'avis déposé à l'ensemble de la députation et du gouvernement, que l'occupation des territoires devra s'exprimer avec force partout, mais particulièrement dans les communautés rurales, et dans la complémentarité des collectivités pour prendre vraiment tout son sens. Il nous faudra, pour les communautés rurales particulièrement, apprendre à habiter les territoires sans y être enfermés, donc affirmer que nous sommes, ruraux, des citoyens de plein droit.
Je ne saurais dire à quel point nous saluons le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, le projet de loi n° 34. Nous l'avons d'ailleurs fait le 10 novembre dernier à son annonce et, du même souffle, on mentionnait que nous serons juges, nous jugerons l'arbre à ses fruits. Solidarité rurale a participé activement à tous les travaux des partenaires majeurs de l'occupation des territoires pour en arriver à la stratégie déposée et au projet de loi présenté, et on va continuer de participer aux travaux qui ont cours.
Alors, afin de permettre à ce projet de loi que nous estimons porteur de vraiment prendre l'essor qu'on attend de lui, nous allons émettre quelques recommandations. Elles sont issues de l'avis déposé, mais elles sont également nourries de la tournée que Solidarité rurale mène actuellement sur tous les territoires du Québec.
**(15 h 30)** Première recommandation: une vision. C'était d'ailleurs la première des sept recommandations de l'avis sur l'occupation des territoires, une vision de ce qu'est l'occupation des territoires portée haut et fort par l'ensemble de la députation, mais au premier titre par son premier magistrat, le premier ministre. Elle doit être non pas une loi d'un ministère, mais une vision et une façon de faire formelle de l'ensemble du gouvernement, imprégner tous les ministères, être portée par un ensemble de ministres dont un est leader de l'occupation des territoires, mais portée, assumée par l'ensemble des ministres qui forment le gouvernement. Elle devra donc, comme loi, être l'expression unanime de l'Assemblée nationale, et cette vision-là devra imprégner non seulement l'État, mais l'appareil gouvernemental.
On passe d'une loi fonctionnelle à une loi stratégique. On passe d'un changement... d'un paradigme à un nouveau paradigme, celui où les territoires constituent la base des décisions et des orientations des actions gouvernementales. C'est donc dire que la loi sur l'occupation des territoires, sur la vitalité et l'habitation des territoires devra influencer, imprégner et servir à moderniser plusieurs des textes législatifs qui sont actuellement soit actifs soit en révision. Pensons, par exemple, aux textes législatifs et aux lois sur les ressources naturelles. Pensons aux lois municipales sur l'aménagement et le développement des territoires. Pensons aux textes législatifs sur le développement économique. Une vision de l'occupation des territoires doit s'alimenter de ce projet de loi, doit s'alimenter de la stratégie qui l'accompagne mais doit être portée par tous. Tout ce qui est État, tout ce qui est ministère, tout ce qui est députation, ça doit traduire une volonté de société.
Il devra également y avoir une grande cohérence entre la volonté politique et l'action, le déploiement, l'expression des services. On est en tournée actuellement pour la Politique nationale de la ruralité. On parle, bien entendu, des enjeux liés à l'occupation des territoires. Sur la douzaine de rencontres qui se sont tenues jusqu'à maintenant, où les citoyens se présentent très nombreux, il n'y en a pas une, de ces rencontres-là, où la cohérence, la cohésion de l'action gouvernementale n'a pas été interpellée, que la main droite sache ce que fait la main gauche et qu'on puisse avancer de façon structurelle pour les territoires.
Cohésion de l'action gouvernementale, ça veut dire qu'au moment où on annonce un projet de loi sur l'occupation des territoires on interpelle une société comme Hydro-Québec qui délocalise les travailleurs dans les régions pour concentrer les emplois dans la métropole sous prétexte de plus grande facilité et que tous les citoyens de partout au Québec pourront avoir accès aux mêmes services. Si c'est vrai de Montréal vers l'ensemble des autres territoires du Québec, je pense qu'Internet ou quelque service que ce soit ça marche dans les deux sens. C'est un exemple de comment les services, de comment l'action gouvernementale doit se déployer en réfléchissant à une intervention territoriale.
Et rappelons-nous que, les difficultés, on les connaît, les difficultés. Dans les communautés rurales, on les a vues. Les difficultés que vivent les territoires, les communautés rurales, ce ne sont pas des échecs parce que le territoire est loin ou parce que les citoyens ne peuvent pas se prendre en main. Ce sont des échecs d'institutions qui n'ont pas été capables de s'adapter aux territoires, à répondre bien aux besoins. Ce sont des échecs d'institutions qui, à certains moments, même, défendent plus l'institution elle-même que les objectifs qu'elle doit remplir.
L'État et l'appareil gouvernemental devront donc agir en tant que facilitateurs, en tant qu'accompagnateurs. C'est d'encadrement dont les communautés ont besoin, non pas de carcan.
Deuxième élément...
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Bolduc, je me permets juste de vous indiquer qu'il reste à peu près 2 min 30 s. Je vois le rythme où vous introduisez vos éléments, je vous inviterais peut-être à resserrer un peu. Même si je peux déborder un peu, je ne pourrai pas déborder beaucoup.
Mme Bolduc (Claire): Merci de le dire, je vais faire attention. Deuxième élément, modulation. La modulation dans l'appareil gouvernemental, pour répondre aux besoins des communautés, qu'elles soient rurales ou urbaines, doit devenir un réflexe, et ça, ça implique un changement d'attitude. D'abord, de l'écoute. De l'écoute de cette intelligence-là qui constitue le dynamisme des territoires, et ça implique que l'appareil gouvernemental se remette au service des citoyens. Faire autrement, penser autrement et, encore là, revenir aux objectifs des ministères plutôt qu'aux besoins des ministères.
Je ne m'étirerai pas sur la modulation. On en entend parler et on connaît les positions de Solidarité rurale. Je m'en viens à une troisième recommandation qu'on fait: d'avoir un leader, un porteur de la mise en oeuvre de toute stratégie et porteur de la loi sur l'occupation des territoires qui va assumer le leadership. Et, nous, on a nommé, d'entrée de jeu, les municipalités régionales de comté.
On a constaté, dans le cadre de la politique de la ruralité comme dans le cadre d'autres mesures politiques ou actions gouvernementales, que plus on s'éloigne de la base, plus la logique d'action perd sa signification pour les milieux. En conséquence, identifier un porteur pour s'assurer, pour s'assurer que le ballon ne tombe pas entre deux joueurs, pour s'assurer que quelqu'un porte le dossier, c'est probablement la meilleure façon, en identifiant le bon porteur, que, nous, on estime être les municipalités, qu'on va vraiment décentraliser l'action de l'État, les décisions.
Enfin, l'occupation des territoires, elle va se traduire dans les communautés rurales ou elle ne se traduira pas. Parce que c'est 85 % du territoire québécois qui est rural, alors, si elle ne se réalise pas à l'intérieur des communautés rurales, l'occupation des territoires n'aura aucune signification, aucun impact. On fait le...
La Présidente (Mme Malavoy): Avant que vous poursuiviez, je dois demander l'autorisation pour dépasser 15 minutes; nous y sommes arrivés. Je comprends que mes collègues sont d'accord. Cela dit, le temps qu'on prend maintenant est retranché sur les échanges. Alors, deux minutes, ça serait bien, si possible, pour vous? Parfait.
Mme Bolduc (Claire): Oui, tout à fait. C'est important de le dire parce qu'actuellement on est en tournée, justement, pour le renouvellement d'une grande politique, la Politique nationale de la ruralité, une politique qui est portée par les citoyens ruraux, qui a permis le développement d'une confiance en eux, dans les milieux, qui a permis aux communautés rurales de se faire respecter, qui a permis de développer des compétences et de l'expertise dans toutes ces communautés, et qui a permis de placer les gens face à leur potentiel plutôt que de les laisser face à leurs échecs.
L'occupation des territoires ne doit donc pas se substituer à la Politique nationale de la ruralité, mais elle doit compléter son action. Elle doit compléter son action en bonifiant les gestes des communautés rurales dans une optique de territoires, et au premier degré de territoires de MRC pour s'étirer vers les territoires régionaux, s'il y a lieu. Et j'insiste sur ce point: l'outil de la Politique nationale de la ruralité est vraiment un outil essentiel pour les communautés rurales. L'occupation des territoires vient appuyer, il ne peut pas se substituer à l'outil.
Solidarité rurale du Québec va continuer de collaborer à l'exercice, comme on l'a fait depuis presque un an maintenant. C'est pour nous un exercice porteur, un vrai exercice de projet de société, de vision sociétale. Mais encore une fois, et je le répète, ça va se traduire dans les communautés rurales ou ça ne sera pas. Tant vaut le village, tant vaut le pays. Merci beaucoup.
**(15 h 40)**La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie. M. le ministre, la parole est à vous. J'ajuste le temps, mais je pense qu'il reste encore suffisamment de temps pour les échanges. Donc, allez-y.
M. Lessard: Oui. Merci beaucoup. Et bienvenue à Solidarité rurale, Mme la présidente. C'est toujours intéressant de vous entendre, surtout que vous êtes en tournée régionale, on entend parler de vous. Vous étiez dans mon village natal récemment pour vos consultations en Chaudière-Appalaches -- 200 personnes se sont déplacées dans une petite communauté comme East Broughton -- qui touchaient Chaudière-Appalaches. Mais c'est toujours intéressant, il y a beaucoup de suivi, ça crée beaucoup d'intérêt parce que ça touche leur réalité. Alors donc, merci beaucoup à Solidarité rurale, nécessairement, par l'exercice de mobilisation qui fait émerger du milieu des priorités.
Avec un regard lucide, je pense, que vous portez, en fonction de la politique de la ruralité... Parce que vous le regardez sur le volet de la ruralité, mais, nécessairement, vous entendez tout l'aspect complémentarité. Et, nécessairement, quand on travaille dans une communauté locale rurale et qu'on est à côté d'une grosse ville, ou d'une capitale, ou d'une métropole, on n'y échappe pas, à ces liens-là forts importants de... comment la vitalité des territoires peut venir compléter.
Je note de votre... Nécessairement, avec la Déclaration de Shawinigan, sur... renouvelée 2010, je pense qu'on revient à des principes qui se retrouvent dans le projet de loi. Mais ça rappelle l'importance, que vous avez évoquée... Ce n'est pas une loi sectorielle du ministère des Affaires municipales. Le ministère municipal, en général, dépose une loi sur les compétences municipales, une loi qui vient modifier la Loi sur la fiscalité municipale. Il est rare... puis on était rendus là, à déposer une loi qui touche tous les ministères, donc une loi... quelque chose de gouvernemental... C'est la deuxième fois, à ma connaissance...
La Loi sur le développement durable est venue dire à tous les ministères: À partir d'aujourd'hui, tu vas te mettre les yeux vis-à-vis des trous, là, tu as un plan... tu dois avoir un plan en fonction de l'atteinte d'objectifs que la loi te commande de faire. Et tu devras rendre compte et tu devras donc déposer une série d'actions, ou un plan d'action, une série de mesures pour atteindre ces objectifs-là. Et quelqu'un viendra vérifier si tu l'as atteint ou pas.
La loi sur la vitalité des territoires, nécessairement, vient donner la responsabilité à chacun des ministères... Parce que la liste dans la loi, elle est longue, là, plusieurs ministères et sociétés d'État. On rappelle: Hydro-Québec -- vous en avez parlé -- Investissement Québec, la Société des traversiers, l'Agence métropolitaine de transport, la société de plein air, la Société d'habitation du Québec, le Centre de services partagés. Donc, dans l'environnement gouvernemental, ces sociétés-là devront aussi... sont assujetties à cette loi sur les vitalités et devront, elles aussi, faire des actions concertées de cohérence, mais aussi aller un peu plus loin dans leur proximité et vitalité des territoires. Donc, c'est un acte contraignant.
Je voudrais, par philosophie... Nécessairement, au fil des années, il y a eu plusieurs actions. Moi, j'ai été maire dans le temps qu'il y a eu le sommet des régions. On a eu un rassemblement, des initiatives, des engagements. Mais, à la fin, il a manqué un élément. C'était cette loi-cadre qui le fait par philosophie. Chaque ministère dit: Ça rentre dans mes moeurs, ça rentre dans mes valeurs, je dois le faire. Il y en a qui le faisaient à géométrie variable. Maintenant, tout le monde doit pousser l'effort gouvernementalement dans chacun des ministères.
Il n'y a pas de petit geste. Tous les gestes sont des gestes porteurs, mais toujours dans la même direction de faire plus. Quoi? De décentralisation, de déconcentration, de régionalisation. Parce que le document sur la stratégie, ça le dit, dans la synergie, on le reprend. Parce qu'on dit tout le temps: Est-ce que tout est dans la loi? Non. Il y a la stratégie... Parce que la loi vient assurer la pérennité de la stratégie. Puis, dans la stratégie, bien, ça le dit: Continuer à faire... donc, accentuer les efforts de décentralisation, de délégation de responsabilités.
Parce que mon collègue tantôt en parlait, mais il faut que la communauté locale ou régionale soit prête à recevoir aussi ces responsabilités-là. Il y a un niveau de préparation qu'il faut monter. Demain matin, est-ce que la communauté métropolitaine serait prête à recevoir l'administration de toute la santé sur la communauté métropolitaine? La réponse, c'est non. Ils ne sont pas prêts à ça. Ils ne sont pas préparés de ça, ils ne sont pas organisés en fonction de ça, de traiter la santé dans la communauté métropolitaine. Ils en sont à l'étape d'essayer de voir comment on se partage le territoire, comment on a des objectifs de croissance, de densification, de transport, d'avoir un plan métropolitain.
Donc, il faut que les sociétés évoluent au même rythme aussi pour arriver à avoir des engagements concrets. Nécessairement, ça ne remplace pas la politique de la ruralité. Les politiques sont là pour rester. Mais il y a une cohésion là-dedans. Et la vitalité, c'est pour encore mieux faire avec ce qui se fait déjà dans la vitalité des territoires... dans la ruralité, excusez. Parce que l'OCDE est venue faire un examen, assez rare, de notre politique de ruralité, qu'il a trouvé... ils ont trouvé que c'était probablement la meilleure au monde, honnêtement. Mais ils disaient: C'est un petit peu en vase clos. C'est plus social, communautaire qu'économique, gouvernemental. On vient répondre à ça aussi, c'est un de ces volets-là.
Puis vous pouvez peut-être nous le dire sur le territoire comment c'est reçu, parce que, nécessairement, quand on lance la loi sur la vitalité, la stratégie et que vous êtes en train de faire des tournées, vous ramassez certainement des commentaires, sûrement à faire mieux. Mais vous pouvez peut-être nous partager votre expérience, parce qu'actuellement vous êtes dans une grande tournée sur la ruralité, mais à quelque part on n'y échappe pas, là, de parler de vitalité, de complémentarité, d'urbanité, de capital, de vivre dans le Québec différencié, dans des territoires qui sont capables de se prendre en main et se prendre en charge surtout, hein? Partagez-nous donc... Parce qu'on a la chance de vous avoir aujourd'hui, là, vous êtes dans une grande tournée régionale, vous en entendez de toutes les couleurs. Parce qu'ils ne nomment pas toujours ça de même, ils n'appellent pas toujours ça de la décentralisation puis de la réorganisation, etc., mais ils nomment une façon de faire, une façon de mieux être ensemble puis de mieux travailler, et que la main droite puis la main gauche arrivent à donner le résultat.
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Bolduc.
Mme Bolduc (Claire): En fait, merci de poser la question parce qu'effectivement, quand j'ai parlé, dans ma présentation, qu'on passe d'une loi fonctionnelle à une loi stratégique... D'abord, les gens ont vu les écueils auxquels a été confrontée la Loi sur le développement durable, et on nous le dit. C'est très bureaucratique, on ne veut pas de ça avec l'occupation des territoires. Et il est arrivé que des rencontres nous ont permis, même, d'aller très loin. On établit vraiment les cadres de décentralisation. On introduit, par exemple, le fait que l'État doit fixer les grands objectifs, les grandes orientations et déterminer quels sont les moyens pour y arriver, que la planification doit se faire au niveau territorial mais que l'action doit se concrétiser au niveau local.
Et c'est là où on voit la... Quand les gens en appellent d'une cohérence, d'une... Je donnerai l'exemple de l'éducation, où encore une fois il n'y a pas un endroit où on ne nous a pas parlé d'éducation dans la tournée. On nous parle d'avoir une meilleure diplomation. On l'entend, les milieux économiques en appellent d'une meilleure diplomation, d'un plus haut taux de diplomation dans nos universités, alors que, sur les territoires, on se prive, dans des éléments clés, du maintien dans le milieu scolaire. La persistance dans le système scolaire s'établit dans les trois premières années de fréquentation scolaire. Et cette fréquentation scolaire là se fait dans un milieu... C'est le premier milieu social auquel est confronté l'enfant. Et plus les bases auxquelles il est... ces référentiels de base sont près de lui, plus il aura tendance à faire confiance et à être stable dans son cheminement scolaire. Ça veut dire l'école de village.
Alors, quand on parle... Et on nous le dit: Planification grandes orientations, planification actions locales. Alors, c'est un des exemples, l'éducation. Avoir une persistance en milieu scolaire, avoir un meilleur taux de diplomation, ça veut dire investir dans les écoles primaires, c'est un exemple, soutenir différemment nos écoles, agir localement pour les écoles, et non seulement donner du savoir, mais construire le citoyen.
D'autres exemples. On nous parle beaucoup de... Il y a des budgets au ministère de l'Éducation pour des garderies en milieu scolaire et il y a des budgets du ministère de la Famille pour des garderies... des centres de la petite enfance. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il y a des critères, il y a des normes pour le nombre d'enfants à accueillir. Dans un cas comme dans l'autre, une communauté rurale n'aura ni accès à un ni accès à l'autre parce qu'elle ne rencontre pas les critères de l'un et de l'autre, des deux ministères concernés. Mais, si on met les deux ensemble, il arrive qu'on peut répondre et avoir un système... un service de garde dans des milieux parfaitement organisés, qui répond très bien aux familles, aux enfants, qui contribue à la qualité dans le milieu de vie. Quand on nous parle d'occupation des territoires et de cohésion de l'action gouvernementale, c'en sont, des exemples où on se donne des orientations, on se donne le moyen d'avoir une planification territoriale à hauteur des MRC et on se donne des moyens de favoriser l'action locale.
La Présidente (Mme Malavoy): M. le ministre, allez-y.
**(15 h 50)**M. Lessard: Oui, d'accord. Donc, c'est vrai que, la bureaucratie, on essaie de l'éviter. Parce que, dans la loi sur l'aménagement... Dans la Loi sur le développement durable, sa structure, il y a des rapports, etc. Dans la loi... Quand on a parlé aussi de ça, donc, les ministères ne voulaient pas avoir à produire un nouveau rapport. C'est pour ça qu'on a donné la souplesse de l'ajouter dans leurs rapports... dans leur planification, dans leurs rapports annuels ou à tout autre mode souple. Parce que le but, ce n'est pas d'augmenter leur charge de travail alors qu'on veut qu'ils soient plutôt en train de travailler sur un plan d'action, mais en quelque part il faut le comptabiliser si on veut faire rapport. Donc, je pense qu'on a trouvé, dans les ministères... Parce qu'il y a eu un petit peu de résistance au commencement, là, quand on interpellait chacun des ministères, sachant qu'ils vivaient déjà la Loi sur le développement durable. Mais on dit: Dans votre rapport, rajoutez une page de plus à la fin, dans le rapport que vous produisez déjà, et/ou tout autre mode que vous trouverez approprié. Donc, on essaie d'éviter tout ça.
Sur la vitalité, j'en reviens sur la souplesse, chacun doit trouver aussi sa façon de trouver sa souplesse. Vous avez donné les services de garde tout à l'heure, le service de garde, c'en était une, adaptation, probablement, de le faire dans les écoles, hein, c'est normal, on vient porter les enfants là, etc., donc pour l'éducation, les parents qui travaillent, bon, les garderies, les CPE. Et on vit souvent, dans la ruralité, le fait qu'ils n'ont pas atteint le nombre de 20, de 15, de 10, etc., mais ça peut se traduire... Puis on le voit, c'en est une, adaptation. On ne l'a pas nommée comme ça, mais, quand on a décidé de faire des garderies privées dans lesquelles on pourrait reconnaître une garderie dans laquelle tu vas avoir des remboursements mensuels... Là, c'est une question d'organisation d'offres.
Je pourrais organiser, dans une ruralité, 10 ou 15 places en service de garde privé dans lequel j'aurais le remboursement. La difficulté que ça amène, c'est de gérer tes liquidités à tous les mois, au lieu de l'avoir à 7 $, je dois payer, exemple, le 25 $ ou le 35 $, et donc... Mais, si le service s'organise en économie sociale, une petite entreprise d'économie sociale qui avancerait des fonds pour rembourser et percevoir des parents le remboursement mensuel, on serait capable de donner la réponse au milieu... d'avoir une petite garderie qui n'est pas un CPE, qui n'est pas dans l'école, mais qui est peut-être dans le rang, parce que, dans le rang, il y a 22 familles, puis ils ont six enfants par famille, parce que c'est une famille agricole. Voyez-vous, il faut aller un petit peu plus loin pour leur donner d'autres outils pour répondre à cette réalité-là.
Mais il faut être capable de mobiliser le milieu, et c'est ce que vous faites à travers vos choses. On n'y échappera pas, ce n'est pas tout le temps que de l'État, c'est parfois et souvent le milieu le plus approprié. Parce que vous avez parlé de... le territoire ou l'élu le plus approprié de recevoir la vitalité du territoire et de l'animer, mais vous avez parlé de la MRC, mais je pense que la loi dit plutôt l'élu municipal dans ses fonctions. Ça peut être dans la municipalité, ça peut être dans sa municipalité régionale de comté puis ça peut être à un niveau... un plus grand territoire, etc. Donc, je pense que chacun a sa responsabilité. Moi, je pense que le projet de loi identifie plus l'élu municipal et même l'élu scolaire, là, quand on est des établissements. Est-ce que vous avez dit: la MRC, ou vous avez dit: à l'échelle d'une MRC?
Mme Bolduc (Claire): M. le ministre, en fait, je précise, parce qu'effectivement le fait que les élus municipaux soient interpellés, c'est gagnant, mais, s'il n'y a pas un niveau porteur où on prend vraiment un leadership sur la mise en oeuvre, sur l'action de l'occupation des territoires, il y a un risque que ça ne soit pas... il y a un risque que ça ne soit pas animé, il y a un risque que ça ne soit pas porté, il y a un risque à quelque part que certains milieux soient plutôt tiraillés qu'en concertation sur l'organisation de l'occupation des territoires.
Nous, on n'identifie pas... L'élu municipal nous apparaît approprié, mais on identifie un leader porteur, quelqu'un qui va animer... À l'image des agents de développement ruraux, peut-être, c'est quelqu'un qui est en charge d'animer le milieu, de faire en sorte que les choses se passent, que la mobilisation des citoyens se fasse. L'agent de développement rural n'est pas décisionnel, ça reste toujours les élus qui le sont, mais il favorise la concertation, la mobilisation, la discussion, la mise en marche, la mise en oeuvre. Je pense que c'est là où on doit viser le... Le leader porteur va être important justement pour éviter les tiraillements, pour éviter que tout le monde se regarde puis que le ballon tombe par terre, puis pour faire en sorte que ça prenne vraiment du sens au niveau des planifications territoriales. Rappelons-nous que les MRC sont porteuses de l'aménagement du territoire et du développement économique.
La Présidente (Mme Malavoy): M. le ministre.
M. Lessard: Oui. Tout le monde aura compris que le leadership, c'est: il y a des individus, et pas seulement une responsabilité, là. Il y a des MRC qui ont la responsabilité de l'aménagement du territoire, et ils sont toujours à la planification de 1988, alors qu'on est rendus en 2012. Donc, le leadership, c'est quelque chose qu'on exerce.
Là, ce que je comprends, c'est: le forum approprié, c'est l'élu dans ses fonctions. Là, il aura des responsabilités de faire vivre la vitalité, puis à une certaine échelle où est-ce qu'il faut faire des arbitrages entre nous autres, territorialement. Vous avez vu qu'il y a comme un changement. Peut-être, tantôt, le professeur en a indiqué, là, monsieur... -- j'ai oublié... le précédent...
Une voix: Collin.
M. Lessard: ... -- Collin, qui disait: Il y a une modification dans l'approche territoriale. Puis c'est une approche territoriale aussi avec ses différentes facettes.
La commission administrative régionale, donc la CAR, vient de changer de rôle. Aussi, on vient de définir le ministre régional comme une interface, aussi, de cohésion. J'ai eu l'exercice... Juste pour partager une expérience personnelle, j'ai rencontré la Conférence administrative régionale, la semaine dernière ou voilà deux semaines, de Chaudière-Appalaches où est-ce qu'on retrouve les différents directeurs des différents ministères, puis on partageait quelle était leur vision, quelle est la relation que le ministre régional aura maintenant avec la CAR. Parce que, nécessairement, le ministre régional... Là, ça adonne que je suis ministre des Affaires municipales, mais c'est le ministre responsable de la région qui sera le ministre qui travaillera avec le directeur des affaires municipales qui, lui, anime la table de tous les ministères. Ce qu'on veut, c'est une meilleure information. C'est le ministre des Transports et le ministre d'une région, comme de l'Outaouais, qui se présentent à la CAR, travaillent avec le directeur des affaires municipales qui coordonne l'action gouvernementale. On veut seulement avoir une meilleure interface. Parfois, à ce niveau-là, on peut éviter que la main droite puis la main gauche fassent des affaires différentes.
Je vais vous donner un exemple: Chaudière-Appalaches, en culture. Dans la prochaine année, il va y avoir probablement trois, quatre équipements culturels religieux qui vont monter d'un niveau, où est-ce que probablement le niveau de fréquentation va passer de 5 000 à 50 000 par chaque équipement qui va être mis en valeur. Comment le ministère des Transports ne peut pas voir sa programmation maintenant en disant: Oh! on va attirer plus de visites, là, parce que, les équipements qu'on va valoriser, qu'on va mettre en valeur, on va investir beaucoup de millions là-dedans pour attirer, pour augmenter l'offre touristique avec le patrimoine culturel? Comment ma planification des transports ne peut pas faire... Oh! tu es en train d'aménager peut-être une nouvelle bretelle, une nouvelle signalisation, une nouvelle offre touristique. Comment le directeur du tourisme ne peut pas entendre ça alors que cette cohésion doit s'exercer? Ce n'est pas chacun vient présenter: Ah! moi, c'est le tourisme, j'en ai quatre, l'autre dit aux Transports: Moi, je n'ai pas entendu qu'ils étaient rendus là, je fais mes affaires habituelles, alors que tout est en train de changer.
Voyez-vous, il y a un petit niveau de cohésion, au niveau régional, qui doit être exercé par le leader régional avec ses planifications. La conférence régionale des élus, qui a une responsabilité d'un plan quinquennal sur cinq ans, ne peut pas dire: À partir d'aujourd'hui, je vais faire ça de la même manière qu'avant: 200 priorités. Bien non. On vient de changer. On s'est tous dit ensemble: C'est y habiter et vivre... en vivre, de travailler ensemble. Arrête de faire 200 priorités. Priorise maintenant quelque chose de réaliste, parce que tu vas avoir des indicateurs, toi aussi, à émettre tout à l'heure. Ce n'est pas que pour le gouvernement. C'est partout où les élus sont. Puis, quand il retourne dans sa municipalité, c'est pareil. Quand il est à sa municipalité régionale de comté, c'est pareil. Quand il est avec ses acteurs touristiques, c'est pareil. C'est pour ça que le pouls, c'est avec la population. Le leadership, c'est quelque chose qu'on assume. Le niveau approprié, c'est les élus municipaux et même scolaires, parce qu'ils ont une responsabilité puis ils sont redevables de leur administration.
Donc, ce qu'on va essayer de voir puis de travailler... Parce qu'il faut la faire vivre, hein? De la décentralisation, il y a plus de monde qui a écrit là-dessus qu'il y en a eu réellement, hein? Il y a eu, quoi, les commissions scolaires puis il y a eu les municipalités. Ça, c'est: Tu es élu et tu collecte des taxes. C'est à peu près les deux niveaux qui ont été faits dans les... Ça fait 400 ans qu'on existe, là. C'est les deux niveaux de décentralisation. Mais, des livres sur la décentralisation, il y en a plein le parlement, il y en a plein les universités puis il y en a plein les bibliothèques. Alors donc, il faut être capable de livrer quelque chose d'approprié et qu'on est capable de s'approprier aussi en tant qu'élu municipal régional ou autres différentes fonctions.
Alors donc, on a un exercice de faire vivre maintenant et de nommer les choses. Je pense qu'avec Solidarité rurale vous n'attendez pas seulement ce que l'État fait, mais vous avez toujours demandé aux citoyens: Qu'est-ce que vous êtes prêts à faire? Et, dans cette réalité-là, parlez-moi donc de ce volet-là. Qu'est-ce qu'ils sont prêts à faire? Parce que ce n'est pas un petit buffet que vous les invitez à faire, c'est: chacun amène son lunch, là. C'est ce que j'ai compris dans votre démarche.
La Présidente (Mme Malavoy): Alors, vous me permettez juste d'indiquer qu'il reste environ deux minutes. Donc, ce sera la dernière intervention, votre réponse au ministre.
**(16 heures)**Mme Bolduc (Claire): Est-ce que vous parlez de l'avis sur l'occupation des territoires? Parce qu'effectivement les organisations, les 22 organisations qu'il y a -- 24 maintenant -- se sont engagées à poser des gestes, notamment à délocaliser, mettre plus en région et faire des... Mais, pour ce qui est... Et ça, c'est déjà inscrit dans l'avis. Alors, je ne les répéterai pas. Vous pouvez les retrouver.
Que ce soient les commissions scolaires, le milieu agricole ou les grandes coopératives, Chantier d'économie sociale, ils ont déjà des engagements, ils veulent en faire. Et les exemples se multiplient.
Moi, je reviens aux citoyens. Nous, on a ciblé les MRC parce que c'est le niveau où une planification territoriale peut être... peut prendre tout son sens pour les communautés rurales. Dans une région, parler de communautés rurales, c'est difficile. Faire entendre les besoins des communautés rurales, ce n'est pas si facile. Elles ont par contre toute leur place au niveau de la MRC. Pour les communautés rurales, la MRC a un... ça résonne plus fort, ça touche directement, elles y sont, ça les concerne aussi. Nous, on l'a vraiment identifiée, la MRC, comme un point central, un point focal pour aller favoriser la cohésion territoriale.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie, Mme Bolduc. Ça met un terme, donc, à cette partie d'échange. M. le député de Berthier, la parole est à vous.
M. Villeneuve: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames. Tantôt, vous dénonciez la concentration, entre autres, chez Hydro-Québec. Et en fait, quand on regarde l'exercice dans lequel le gouvernement s'est lancé, avec évidemment les partenaires, puis de travailler sur une loi sur l'occupation du territoire, c'est toujours, je vous dirais, un peu blessant de voir que, malgré cette démarche-là qui est enclenchée, malgré ce projet de loi qui est sur la table, il y a encore des sociétés d'État qui continuent à fonctionner comme si rien ne se passait. Je vais vous donner un exemple très concret.
J'ai eu la chance et le privilège d'être maire d'une petite municipalité, Lanoraie, qui n'est pas si petite que ça, soit dit en passant. Et, à l'époque, on avait fait un exercice de démocratie participative. Et, lorsqu'on a commencé l'exercice, je me suis aperçu que ça ne se pouvait pas que le conseil municipal, que la municipalité aille de l'avant avec des projets sans nécessairement penser qu'il y a une démarche qui est en cours, une démarche de démocratie participative. Et donc on a pris les projets municipaux et on les a présentés à la population en leur disant: Voici, ça prend des réponses assez rapides pour tel, tel projet, parce qu'il y a des échéanciers qu'on doit respecter. Mais on s'est dit: On doit mettre les gens dans le coup.
Et là, tantôt, je vous écoutais parler justement du fait qu'Hydro-Québec a rappelé des emplois. Puis, sans être méchant, loin de là mon intention, mais juste encore mieux représenter ce que je veux dire, on a eu, sous l'époque du ministre de l'Environnement, M. Mulcair à l'époque... qui avait annoncé que, dans un an, il légiférerait sur les milieux humides à Laval. On a vu ce que ça a donné: certains promoteurs se sont empressés d'aller enterrer ou de faire disparaître certains milieux humides à Laval. Alors là, on arrive devant une situation où le gouvernement est en démarche, sérieuse, hein, de mettre une loi-cadre en place. N'y aurait-il pas lieu -- n'y avait-il pas lieu même -- en tout cas j'espère que c'est en marche présentement, mais de se donner rapidement des indicateurs de décentralisation, des indicateurs pour justement éviter les situations qu'on voit présentement se produire et qui risquent de se produire encore pendant un certain temps avant que tout ce mécanisme-là soit mis en place, avant que tous les ministères soient conscients que, lorsqu'on ferme un poste ou 10 postes en région, c'est souvent dramatique pour les communautés qui sont là?
Moi, comme maire, qu'on m'annonce la fermeture d'un organisme dans ma municipalité, c'était dramatique, dans la mesure où j'oeuvre avec la communauté, tous les jours, à travailler à dynamiser mon milieu, et là j'apprends tout à coup, ça me tombe du ciel, qu'on ferme un organisme. C'est toujours dramatique, ces situations-là.
Alors, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus: N'y a-t-il pas lieu justement que, déjà au sein de l'appareil gouvernemental, on soit conscients qu'ici, en commission parlementaire, et depuis déjà plus d'un an, avec le ministère et les acteurs du milieu, il y a un travail qui se fait?
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Bolduc.
Mme Bolduc (Claire): Merci, Mme la Présidente. C'est pour ça que, d'entrée de jeu, on disait: Une vision, une vision portée, une vision partagée, une vision qui descend, une vision qui dépasse le cadre strictement législatif, qui s'en va dans l'appareil gouvernemental. Ça fait plus d'un an que le gouvernement fait des travaux sur l'occupation des territoires, ça fait... Solidarité rurale en a mené et a été sollicitée, à titre d'instance-conseil, pour un avis sur l'occupation des territoires. Ça doit imprégner... Ça doit sortir des cadres des initiés, ça doit toucher les ministères, les ministres concernés, l'appareil gouvernemental, les sous-ministres, les présidents de société. Qui en a entendu parler? Qui a une idée de ce que c'est? C'est ça, porter une vision. Et c'est pour ça que cette vision-là, elle doit être partagée, elle doit descendre, mais elle doit faire partie du discours de notre premier magistrat. Le premier ministre lui-même doit en parler, et il doit en parler avec emphase, avec conviction et avec détermination. Parce que c'est comme ça que ça va être porté, c'est comme ça que les mentalités vont changer, c'est comme ça qu'on va mettre les organisations à l'écoute pour faire de la modulation, pour décentraliser, pour délocaliser.
Desjardins a placé son centre de traitement des prêts et bourses pour l'ensemble du Québec à Gaspé. Ça, ça veut dire que c'est 50 et plus d'emplois bien rémunérés, des conjoints qui accompagnent ces personnes-là, qui travaillent dans le milieu, des familles, c'est les enfants à l'école, c'est des services de proximité qui sont utilisés. Et ça ne nuit pas du tout à la performance de Desjardins.
À hauteur de l'État, ça se fait. Le système... le programme de congé parental est géré, pour l'ensemble du Québec, à Rouyn. Il y a d'autres services partagés qui sont gérés de Murdochville. Ça se fait.
Il faut que ça déborde! Mais il faut que ça se fasse de façon continue et générale partout: au niveau du premier ministre, de ses ministres, de l'ensemble de la députation, de l'ensemble de l'appareil gouvernemental, et ce n'est pas une fois que c'est adopté, une fois que... c'est maintenant, c'est depuis qu'on en parle. Il faut que ça descende, il faut que ça mouille tout le monde, il faut arroser tout le monde.
M. Villeneuve: D'accord. Je vous amène à la page 43 de votre mémoire, où vous dites: «La reconnaissance de cette hétérogénéité socioéconomique doit conduire le gouvernement à moduler ses interventions.» On en a déjà parlé, on a eu l'occasion d'échanger, vous et moi, et notamment sur le fait que la Politique nationale de la ruralité comprend un volet modulation. Ça, on comprend que c'est une politique. Là, on parle d'un projet de loi, là, on parle d'une loi-cadre qu'on veut mettre en place. N'y aurait-il pas lieu de consacrer ce principe-là dans la loi? Parce qu'on sait que présentement, dans le projet de loi, le gouvernement dit: «peut moduler», «peut moduler». Si, dans la politique... Parce que certains donnent le qualificatif suivant à la politique sur la modulation, comme quoi c'est un échec à bien des égards. Alors, devant ce constat-là, n'y a-t-il pas lieu maintenant, dans une loi... le mettre dans une loi? Je comprends que, sur le plan légal, ça attache le gouvernement, c'est clair. Mais, d'un autre côté, le signal est on ne peut plus clair si on le met dans la loi.
Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que je crois que les intervenants, dont vous êtes... Et les gens vous en parlent sûrement dans... D'ailleurs, vous avez abordé le sujet tantôt, là. Mais j'aimerais vous entendre clairement par rapport à cette possibilité-là. Et j'ai cru entendre le ministre, tantôt, dire qu'il était assez ouvert finalement, là, à regarder le projet de loi n° 34 sur lequel on travaille présentement pour justement arriver à des bonifications qui siéraient aux acteurs du milieu et évidemment aux communautés touchées.
Mme Bolduc (Claire): Merci. Tout repose dans la façon dont on fait les choses. Dans la Politique nationale de la ruralité, la première politique comme la deuxième, la modulation, elle est là, mais on laisse aux collectivités le soin de démontrer la nécessité de moduler et les façons de faire. On les laisse à elles-mêmes faire une preuve face à un appareil d'État qui n'est pas nécessairement prêt à entendre.
J'ai dit tout à l'heure que la modulation va se faire par un changement de paradigme, par un changement d'attitude, et la première de ces attitudes-là, c'est d'écouter. Les citoyens, ils les vivent, les problèmes, dans leur milieu et ils ont souvent des solutions très appropriées pour leur milieu, très facilement adaptables par l'appareil de l'État. Mais l'écoute, elle n'est pas là. La vision va amener ça.
Et, oui, la modulation, on doit l'imposer. Il va falloir trouver la manière de rentrer dans les ministères. Dans un autre contexte, il n'y a pas si longtemps, j'ai eu l'occasion de dire à une autre commission parlementaire que la volonté politique, elle est souvent très forte, que la volonté de l'appareil gouvernemental est beaucoup plus faible. Et il faut voir dans le confort des gens. Quand on parle que les institutions servent d'abord les institutions avant de servir les citoyens, c'en est un exemple. La modulation pourrait se faire dans bien des ministères de bien des façons, s'adapter aux situations et rendre ça facile pour tout le monde. Ce n'est pas parce qu'on change les choses que c'est difficile. C'est parce qu'on ne fait rien pour les changer que ça reste difficile. Puis, quand on parle de modulation, oui, le rendre obligatoire, c'est peut-être la façon de bousculer cet immobilisme-là où les gens protègent les façons de faire sans regarder aux conséquences.
Puis l'écoute, c'est aussi une capacité de penser autrement, penser autrement le service aux citoyens. Malheureusement, quand on parle d'échecs des institutions, c'est que les institutions ont bien servi le citoyen, on l'a vu quand ça s'est mis en place... Nos grandes institutions, elles ont commencé au début des années soixante. Il y avait eu des desseins auparavant, au début des années soixante, la Révolution tranquille, c'est là que les grandes institutions se sont mises en place. Puis, quand on arrive maintenant, elles se défendent, elles se protègent, elles ont oublié pourquoi elles sont là. C'est à ça qu'il faut revenir: écouter, faire autrement, penser autrement, puis surtout l'obliger, l'obliger. Bien, l'obliger sans vision, ça va rester lettre morte. Alors, ça découle d'une vision, d'une capacité de faire changer tous les paradigmes d'une fonction publique et d'un État.
Mais c'est notre avenir, les territoires du Québec, c'est notre avenir, pensons-y.
**(16 h 10)**La Présidente (Mme Malavoy): Je passe la parole à un de vos collègues. Mme la députée de Champlain. Je vous rappelle, juste pour votre groupe, qu'il reste une dizaine de minutes.
Mme Champagne: O.K. Alors, je vais partager avec mon collègue également. Alors, Mme Claire, Mme Jacob, bienvenue, bienvenue. Et, oui, tout à l'heure, d'entrée de jeu, je me suis permise, sachant même, évidemment, que vous étiez nos invitées cet après-midi, de relire le dernier bulletin de liaison de Québec rural. Je me permets de le montrer, il est tellement bien fait -- en passant, là, je ne leur fais pas une publicité, mais c'est vrai qu'il est bien fait. Et, si chaque citoyen du Québec en région se donnait la peine de lire les capsules qui nous soulignent chaque mois les grands enjeux, ça nous mettrait dans le coup. Mais malheureusement on n'arrive pas à obtenir cela, et ça fait partie de nos tristesses peut-être, en disant: Il y a tellement de belles choses qui sont écrites, et tout le monde, nécessairement, n'y va pas... ne les lit pas.
Alors donc, à partir de ces documents-là, de ces bulletins-là que je lis chaque mois, je me rends compte à quel point, à quel point on doit donner de l'importance à la décision au bon niveau. On appelle ça de la subsidiarité. Je sais que c'est important qu'on le dise, mais dans des mots simples pour M., Mme Tout-le-monde qui nous écoutent. Ce qu'ils veulent, c'est être capables... tant les élus que les instances comme la vôtre, qui est un... -- vous êtes un organisme-conseil également, qui portez un mandat -- puissiez le réaliser concrètement sur le territoire, du fait qu'on comprend, à travers vos paroles depuis tantôt, qu'au niveau gouvernemental les machines sont énormes, les machines sont puissantes, puis, une fois qu'ils sont comme encarcanés dans leurs enlignements, c'est difficile de les faire sortir des sentiers battus. Ils sont là, ça s'applique de cette façon-là.
Alors, si, avec une telle loi-cadre comme celle qui est déposée aujourd'hui, puis qui va être bonifiée, qui va être définitivement améliorée à la toute fin, parce que vous allez nous influencer grandement, je n'en doute pas... à partir de là, votre désir le plus cher, au-delà du fait qu'on puisse, sur le territoire même, en tenant compte, bien évidemment, de la Politique nationale de la ruralité... On a bien compris que vous ne vouliez pas qu'elle disparaisse à l'intérieur de cette loi-cadre-là. Je pense que votre message est bien entendu, en tous cas, j'ai compris, très bien reçu du ministre et de nous tous.
À partir du moment où on va délaisser... délester, c'est-à-dire, on va enlever certains pouvoirs ailleurs et le redonner chez nous, que ce soit la MRC ou ailleurs, est-ce que vous ne craignez pas que toute cette volonté-là soit perdue dans l'ensemble des structures qui existent déjà? Et je les nomme, là, hein? On a bien sûr la MRC, qui a un bras économique qu'on appelle le CLD -- pour les gens qui nous écoutent, on est en acronymes quelque chose de rare, hein, municipalité régionale de comté qui s'occupe de son centre local de développement. Ce sont les mêmes instances qui y travaillent avec des alliances. On va un petit peu plus loin avec, bien évidemment, nos fameuses CRE, nos conférences régionales des élus, qui ont remplacé les CRD, dans le temps. Alors, toutes ces structures-là, les voyez-vous différentes, changeantes, que certaines mêmes... qu'on se penche sur la disparition ou l'inclusion de certaines de ces structures-là? Vous les fréquentez régulièrement, comment vous voyez ça dans une loi-cadre de maintenir toutes ces structures-là?
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Bolduc.
Mme Bolduc (Claire): En fait, dans les commentaires et dans l'avis qu'on avait produit et dans les commentaires qui ont suivi dans le cadre des travaux sur... qui ont mené au projet de loi n° 34, on avait été clairs: c'est des escaliers. Le niveau municipal, le niveau supralocal, qui est constitué par les MRC, le niveau régional, ce sont des escaliers, et l'un ne se substitue pas à l'autre. Mais, quand tu montes un escalier, tu ne commences pas par la 15e marche, tu commences par la première. Mais, quand tu arrives au niveau d'une certaine planification territoriale, il y a nécessité d'avoir une cohésion. Nous, on n'a pas vu qu'il y avait... Nous, on n'a pas vu qu'il y avait une nécessité d'annihiler l'une ou l'autre des structures, mais on a vu qu'il y avait une nécessité de les mettre en complémentarité.
D'ailleurs, ça faisait l'objet d'une recommandation, la septième, qui était la nécessité de revoir la gouvernance territoriale et la nécessité de la repenser en fonction des structures existantes, en fonction des éléments existants, parce que l'un peut être complémentaire à l'autre. Il y a des fois, la planification se fait au niveau des MRC, mais il y a des moments où la planification de la MRC rejoint celle de la MRC voisine et que là on joue au niveau régional. Sauf qu'on ne joue pas constamment au niveau régional, on joue plus régulièrement au niveau territorial.
Dans le cas des planifications et de la gouvernance à repenser, quand on regarde ça, on s'est dit qu'il y avait une modernisation de la gouvernance territoriale. Ça s'est fait d'ailleurs; si je peux donner l'exemple du Nunavik où, dans un territoire donné, c'est une même instance, qui est la société régionale Kativik, qui est en même temps MRC, et en même temps commission scolaire, et en même temps agence régionale de la santé et des services sociaux. Ça se fait, réfléchir en termes territoriaux. Et, dans ce cas-là, on a respecté la nature des communautés qui étaient sur le territoire.
Nous, on pense que c'est une... la modernisation de la gouvernance territoriale va passer par les lois qui sont actuellement sur la table, entre autres celle sur l'aménagement et l'urbanisme. Ça va passer par la reconnaissance de la multifonctionnalité des territoires, encore des travaux qui ont servi et qui viennent, qui sont issus de la Politique nationale de la ruralité. Et ça va passer par la mise en complémentarité des différentes structures. Ça, c'est de la vraie décentralisation, mais que les pouvoirs soient aussi descendus, qu'on ne donne pas la commande, qu'on passe... qu'on donne des grands objectifs parce que ce sont des objectifs de société, que la planification se fasse au niveau approprié, que l'action se décide au niveau local.
La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui, merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre contribution. Vous avez mentionné que parfois la main droite ne sait pas ce que fait la main gauche, le ministre en a parlé lui-même. Mais il arrive parfois des situations qui sont encore pires. Parfois, la main droite ne sait pas ce que fait la main droite elle-même. Et je mentionnais tout à l'heure qu'entre autres le ministère des Affaires municipales qui dépose la loi sur l'occupation du territoire coupe les subventions à l'occupation du territoire dans son programme d'AccèsLogis. Puis on pourrait donner d'autres exemples de ça.
Ce que je me demandais, c'est: Est-ce qu'on ne serait pas rendus à demander un moratoire sur tous les effets négatifs qu'il pourrait y avoir sur l'occupation du territoire, compte tenu du fait qu'on est en train de déposer une loi puis qu'on va demander à chacun des ministères de faire un effort dans ce sens-là? Est-ce que vous pensez qu'on est rendus là?
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Bolduc, oui.
Mme Bolduc (Claire): Merci. Je reviens à l'élément de vision. Plutôt que d'aller vers des moratoires, je pense qu'il faut vraiment s'assurer que les gens sachent, partout, qu'on est en train de parler d'occupation des territoires, qu'on est en train de travailler à une législation stratégique pour l'ensemble du Québec puis qu'on est en train de regarder comment vont fonctionner les différents ministères et organismes qui entourent la population du Québec puis qui desservent; ces organismes-là, ces ministères-là sont au service de la population. Et c'est évident que... Nous, on dit toujours: Ne faire simplement qu'évaluer les citoyens en termes de chiffres, les évaluer en termes comptables, évaluer la capacité des citoyens puis leur contribution à la société selon ce qu'ils dépensent plutôt que selon ce qu'ils pensent, c'est une erreur magistrale. On se prive, comme société, d'une richesse immense. Alors, est-ce que ça passe par un moratoire? Le moratoire ne sera pas compris, puis les gens vont le contester.
Qu'est-ce que c'est comme stratégie de pénétration de l'occupation des territoires dans tout l'appareil? Comment on en parle? Qui porte le message? Combien de fois par jour on le dit à tout le monde? On parle d'occupation des territoires. On en parle puis on est en train d'essayer de le faire. Alors, vous devez contribuer à le faire. Combien de fois par jour on doit le dire? Dans les apprentissages, pour qu'un enfant change de comportement ou qu'il adopte un bon comportement, il faut lui répéter 30 fois par jour pendant 60 jours. Alors, c'est peut-être le temps de s'en parler. Puis je ne vous le dis pas comme: Prenez des messages publicitaires. Parlez-en. Est-ce que ça se parle dans les ministères? C'est le temps d'en parler. Est-ce que ça se parle au Conseil des ministres? C'est le temps d'en parler. Est-ce que ça se parle dans l'opposition? C'est le temps d'en parler. On est rendu là comme société.
**(16 h 20)**La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Je comprends que, lors du discours de la rentrée, vous souhaitez que le premier ministre prenne fait et acte de ce projet de loi là. J'espère que ça va être le cas.
Vous mentionnez comme recommandation 5 qu'on doit favoriser l'innovation sociale et la complémentarité territoriale, bon, urbaine-rurale, métropole-régions. On sait qu'il y a beaucoup de méconnaissance de la réalité de chacun. Bon, les régions ont l'impression qu'elles font vivre la grande ville. La grande ville croit l'inverse. Comment est-ce qu'on peut faire... Quelles sont les mesures que vous avez à suggérer pour faire en sorte qu'il y ait davantage de compréhension, puis de complémentarité, puis de désir de travailler ensemble?
La Présidente (Mme Malavoy): Oui, allez-y. Ce sera probablement la dernière intervention.
Mme Bolduc (Claire): Merci. Parfait. Ça m'amuse parce que, quand on a fait Ruralia au printemps dernier, c'était un grand exercice, une semaine de temps, où les ruraux sont à Montréal, dans une vitrine qui leur permet de montrer le dynamisme des communautés rurales, le rapport à la richesse collective, à la prospérité du Québec, et un des conférenciers qu'on avait invités, Christian Bourque, de Léger Marketing, nous disait: Vous savez, les ruraux pensent que la ville ne les comprend pas, la ville pense que les ruraux ne les comprennent pas, la campagne ne les comprend pas. Et ça, c'était marquant, les perceptions.
Il y a plusieurs façons de faire, mais une de ces façons de faire là passe certainement par tout ce qui est les médias, les médias électroniques, les médias en région. Quand, d'un bout à l'autre du Québec, on entend parler du trafic sur le pont Jacques-Cartier à tous les matins, quand toutes les nouvelles concernent ce qui s'est passé à Montréal mais qu'on ne sait pas ce qui s'est passé à Lacolle ou à La Sarre, il y a un problème. Et il y a un problème de méconnaissance. Il n'y a pas que des mauvaises choses. Quand on entend parler des régions, c'est parce qu'il y a une fermeture d'usine ou parce qu'il y a un meurtre puis il y en a 17 qui sont morts en même temps. Sinon, on n'en entend pas parler. J'exagère, mais c'est ça aussi. Et tout ce qui est média, tout ce qui est communication, nouvelles, médias électroniques, ça doit performer... percoler partout.
Avec le ministre, le Comité des partenaires de la ruralité, on avait, à un moment donné, réfléchi à l'éventualité d'une émission de télévision qui parle des régions et de la ruralité. Est-ce que ça revient au goût du jour? Possible. Mais ça va passer par des éléments qui obligent la communication, qui obligent le dialogue entre les communautés. Ça passe aussi par les jeunes, les jeunes en région. Vous allez rencontrer Place aux jeunes en région, ils ont fait ça, eux. Ils ont amené les jeunes pour les déplacer vers les régions pour leur faire découvrir ou redécouvrir les milieux où ils pourraient travailler une fois gradués. Alors, c'est un ensemble de mesures.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie beaucoup, Mme Bolduc. Je remercie Mme Jacob qui vous accompagne.
Je vais suspendre quelques instants, et j'inviterai la Coalition Poids à prendre place pour la suite de nos travaux.
(Suspension de la séance à 16 h 23 )
(Reprise à 16 h 27)
La Présidente (Mme Malavoy): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Je vous demanderais de reprendre place. Nous avons encore deux groupes à voir cet après-midi et nous accueillons la Coalition Poids. Je vais vous laisser vous présenter, je pense que c'est Mme Pellerin qui va se présenter et présenter ses collègues. Et ensuite vous avez 15 minutes de présentation, suivie d'une période d'échange entre les deux formations politiques. À vous, Mme Pellerin.
Coalition québécoise sur la problématique
du poids (Coalition Poids)
Mme Pellerin (Suzie): Merci, Mme la Présidente. Donc, bonjour. Je suis Suzie Pellerin. Je dirige la Coalition québécoise sur la problématique du poids. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Marc-André LeChasseur, qui est professeur en droit municipal et également avocat chez Poupart et LeChasseur, ainsi que Marie-Pier Chénard, qui est analyste recherchiste à la Coalition Poids.
Merci de nous donner l'opportunité de commenter ce beau projet de loi et cette stratégie qui y est associée. Mais d'abord permettez-moi de vous présenter la Coalition Poids.
On réunit plus de 200 partenaires issus du monde municipal, de la santé, de la recherche, de l'éducation qui ont tous comme priorité ou comme préoccupation, en fait, de prévenir l'obésité, et ce, en créant des environnements qui seront favorables aux saines habitudes de vie.
Vous reconnaîtrez que, pour qu'un territoire atteigne son plein potentiel de développement, il est évidemment essentiel que sa population soit en santé. En effet, une population en santé est plus productive tant dans les sphères économiques que sociales, en plus d'engendrer de moindres coûts de soins de santé.
Au Québec, près d'un enfant sur quatre souffre d'embonpoint ou d'obésité, ce qui contribue malheureusement à différentes maladies telles que le diabète de type 2, les cancers, les maladies, également, cardiovasculaires.
**(16 h 30)** La problématique du poids est un phénomène complexe influencé par différents facteurs, autant individuels qu'environnementaux. Bien que les choix d'habitudes de vie relèvent en partie de l'individu, ils sont conditionnés par l'environnement dans lequel on évolue.
En mettant en place des environnements favorisant la saine alimentation et un mode de vie physiquement actif, nous contribuerons à réduire l'obésité ainsi que les maladies associées, ce qui nous coûte collectivement, au Canada, 30 milliards par année. Plusieurs actions contenues dans la stratégie, en plus de contribuer à la vitalité des territoires, peuvent avoir un impact bénéfique sur la santé des Québécois.
Les milieux bâtis qui favorisent une diète à haute densité énergétique, un mode de vie sédentaire, un accès réduit à des aliments sains comme des fruits et légumes sont qualifiés d'environnements obésogènes. Et c'est malheureusement ce qui correspond à la majorité de nos environnements modernes.
A contrario, les quartiers densément peuplés où plusieurs commerces et services se trouvent à proximité, également où on favorise les modes de transport alternatifs à l'automobile, comme la marche, le vélo, le transport en commun, à ce moment-là ce sont toutes des caractéristiques qui sont bénéfiques pour la santé. Ils contribuent à la santé, puisque chaque kilomètre parcouru à pied sur une base quotidienne est associé à une diminution de presque 5 % de la possibilité d'être obèse. À cet effet, les médecins de l'Ontario ont demandé aux pouvoirs municipaux au mois d'août 2011 d'investir dans le développement de pistes cyclables pour promouvoir la santé et la sécurité de la population.
Dans le domaine du transport actif, on a la chance, au Québec, d'avoir de nombreux organismes fort dynamiques qui accompagnent les municipalités justement dans la révision de leur aménagement. Bon, pensons, par exemple, à des partenaires de la coalition tels que le Centre d'écologie urbaine de Montréal qui a participé à cinq Quartiers verts, actifs et en santé sur l'île, également Vélo Québec qui a un programme Mon école à pied, à vélo. On a Équiterre, Vivre en ville, le Réseau québécois villes et villages en santé. Donc, tous des organismes, des structures légères qui travaillent de manière très étroite avec les municipalités. Et finalement, bien, ce qui serait heureux, c'est de permettre une généralisation de ces expériences pilotes là afin, bon... Bien sûr, pour y arriver, il faudrait mettre à la disposition de ces organismes-là et des municipalités intéressées des moyens de favoriser les partenariats, les maillages et également le soutien.
Un autre moyen efficace et éprouvé de faire bouger nos jeunes et leurs parents, bien sûr c'est de rendre les milieux sécuritaires autour des écoles, des garderies et les autres lieux largement fréquentés par les enfants. En fait, ainsi on leur permet de se rendre de manière sécuritaire à pied ou à vélo. Également, lorsque ces endroits-là fréquentés par les jeunes sont situés au coeur des quartiers résidentiels, eh bien, ça va davantage inciter à la marche.
Alors, nous recommandons que le ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports ainsi que le ministère de la Famille se dotent de critères tenant compte du potentiel piétonnier dans le choix d'établissement des futurs CPE ou encore des écoles.
Bien sûr, un autre moyen de faire bouger toujours un peu plus l'ensemble de la population, c'est de faciliter l'accès aux installations sportives, aux parcs, aux espaces verts, aux espaces récréatifs et de loisirs. Bien sûr, il y a de belles initiatives au Québec. On pense au centre Alphonse-Desjardins à Trois-Rivières, qui a un beau partenariat ville et la polyvalente voisine; également, à Saint-Lambert, le collège Champlain avec la ville de Saint-Lambert. Il y a de très, très belles initiatives qui sont malheureusement peu connues et qui mériteraient d'être encouragées. Donc, c'est la raison pour laquelle on encourage le MAMROT à poursuivre ses actions avec le MELS afin d'encourager le partage et l'accès aux infrastructures sportives.
Le transport en commun. Le transport en commun est, encore là, une belle façon, bon, d'atteindre les objectifs en matière d'environnement mais également de contribuer à la santé de la population. Il est certain que nous vous encourageons intensivement à développer le transport en commun, puisqu'il contribue à diminuer la sédentarité de la population, spécialement en périphérie des centres urbains. Il favorise donc la sécurité des piétons, contribue à la santé de ses utilisateurs. Les personnes qui utilisent le transport en commun marchent en moyenne 19 minutes par jour, et environ le tiers marche l'équivalent de 30 minutes par jour, ce qui permet l'atteinte de l'activité physique recommandée, quotidienne. Les études démontrent également que l'utilisation du transport en commun est associée à une baisse des taux de diabète, des taux de mortalité cardiovasculaire et des accidents vasculaires cérébraux. Il serait donc intéressant d'engager dans la concertation des acteurs de la société civile tels que les sociétés de transport afin qu'elles contribuent à l'atteinte des objectifs visés.
Dans le domaine de l'alimentation, maintenant, la façon dont on conçoit le territoire peut aussi améliorer l'accès aux aliments sains et aux services de proximité pour les citoyens, agir sur l'offre alimentaire autour des écoles -- bon, bien sûr, le zonage autour des écoles peut limiter la présence de malbouffe tout autour -- et aménager et soutenir les marchés publics et des jardins communautaires.
Encore là, on incite le MAMROT à travailler de concert avec les différents organismes communautaires qui possèdent une expertise dans ce domaine-là mais également d'engager le MAPAQ afin de généraliser les actions visant à améliorer l'accès aux aliments sains. Au-delà de la sensibilisation, les villes et villages du Québec ont surtout besoin de soutien, d'outils et de ressources financières pour leur permettre de modifier l'offre alimentaire à leurs citoyens et également, bien sûr, revoir la façon d'aménager le territoire.
M. LeChasseur (Marc-André): Bonjour. Les municipalités font partie des nombreux acteurs qui peuvent contribuer à résorber l'effet des environnements obésogènes. En 2000, la Cour suprême est venue nous dire, dans l'affaire Nanaimo c. Rascal Trucking, que les municipalités sont les meilleurs acteurs, en fait, pour décider au plan local de ce qui est bon dans l'intérêt public. Alors, vous le savez -- certains ont été maires de municipalité, M. le ministre -- que vous êtes, dans le fond, le poumon... ou le pouls plutôt des préoccupations locales. Alors, ce que nous venons dire, c'est qu'il y aurait lieu de mettre en oeuvre les moyens de soutenir adéquatement les municipalités en application du principe de subsidiarité qui est préconisé dans la Loi sur le développement durable.
Les décisions en matière d'aménagement peuvent rendre plus faciles les choix santé, que ce soit en favorisant un mode de vie physiquement actif ou en rendant plus accessibles les aliments sains. L'engagement de nombreuses municipalités au sein de la Coalition Poids témoigne de leur engagement en matière de prévention.
Leurs interventions ont des impacts sur les modes de vie des citoyens, ce qui leur confère un rôle stratégique dans la promotion des saines habitudes de vie, la prévention de l'obésité et des maladies associées. La stratégie pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires propose à cet effet de nombreuses actions qui peuvent être entreprises par les villes et qui contribueront certainement à la santé et au bien-être de la population.
Afin que celles-ci remplissent leur rôle dans le nouveau cadre législatif, il faut donner aux municipalités les moyens d'agir, les connaissances requises et les ressources suffisantes pour réaliser ce mandat.
Donc, je parlais du principe de la subsidiarité qui est un principe cardinal, je pense bien, qui doit être applicable à la stratégie, un peu comme on le fait en matière de la stratégie pour le développement durable. Pour assurer l'application cohérente de la fameuse stratégie, il importe également que l'ensemble des ministères, organismes et représentants du milieu municipal ainsi que les intervenants communautaires du domaine des saines habitudes de vie soient consultés.
Je prends un peu l'exemple de Londres, comme vous le savez, qui a, il y a quelque temps déjà, établi des critères de performance, en fait, pour le trafic urbain, et on sait que ça a été un grand succès au point de vue des acteurs locaux et qu'il y a eu comme premier moteur de ces indicateurs de performance là une concertation locale. Il y a plusieurs études qui ont été publiées dans les années 2000, qui indiquent comment ils ont procédé, et je pense, et nous pensons, à la Coalition Poids plus largement, qu'il s'agit d'une méthode qui a fait ses preuves en Angleterre et en Europe et qu'on importe ici, au Québec.
Par ailleurs, il y a un palier, qui est le palier immédiat, le palier local, le premier échelon, qui devrait être soutenu adéquatement pour mettre en oeuvre ce genre de concertation là. Alors, lorsqu'on parle de confier au niveau local, qui est un niveau qui est frôlé, je dirais, dans la stratégie, un peu abordé, mais qui n'est pas... sur lequel on n'insiste pas autant que certains le voudraient peut-être, enfin, alors on pourrait peut-être soutenir plus largement le niveau municipal, qui connaît, en fait, très bien ce qui doit se passer sur le terrain.
Alors, pour conclure, il va sans dire que la même concertation doit donc s'appliquer dans l'élaboration des principes, objectifs et indicateurs prévus dans la loi pour assurer la reddition de comptes et l'évaluation de la stratégie. Dernier point sur cet aspect-là, on voit qu'au niveau des plans d'urbanisme locaux, dans le projet de loi n° 47, on prévoit dorénavant des indicateurs de performance qui devront être prévus et des redditions de comptes. Est-ce qu'il y aurait lieu maintenant d'amarrer la loi n° 34 et la loi n° 47 à cet égard-là pour inclure les municipalités dans un exercice non pas coercitif, mais un exercice concret de mise en oeuvre de la stratégie gouvernementale? Ça reste à voir.
**(16 h 40)**Mme Pellerin (Suzie): Et une autre façon aussi d'arrimer, bien sûr, les actions du MAMROT, c'est, avec le ministère de la Santé et le plan d'action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012, Investir pour l'avenir, communément appelé le PAG, donc, d'intégrer harmonieusement les différentes initiatives contenues dans le PAG et celles sur l'occupation et la vitalité du territoire en matière de saine alimentation, tout particulièrement, et mode de vie physiquement actif.
Il faut aussi tirer des leçons du PAG. En fait, ce PAG là a été introduit il y a déjà six ans. On est rendus à l'heure des bilans, et les constatations ou les observations qu'on a eues, c'est que malheureusement ça s'est ajouté, ces actions-là, aux actions des ministères mais sans nécessairement y accorder des ressources supplémentaires, ce qui fait que, dans l'échelle des priorités, malheureusement le PAG passait souvent en dernier. Donc, l'exercice qui nous est proposé avec la stratégie va également engager différents ministères et organismes. Mais, si on veut s'assurer de leur engagement, bien, il faudra à ce moment-là que ce soit priorisé au sein des ministères, ce qui n'a pas toujours été le cas, là, avec le PAG et qui malheureusement a limité, là, les succès.
Dans un autre ordre d'idées aussi, par rapport aux améliorations, et pour un souci de cohérence, bien, il pourrait être intéressant d'intégrer deux articles proposés dans le projet de loi déposé par le député de Berthier, soit les articles 6 et 7 du projet de loi n° 499. À ce moment-là, bon, on proposait... il y avait une sensibilité toute particulière, là, pour le monde rural, et c'est extrêmement cohérent avec ce qu'on vient d'entendre, où justement chaque famille au Québec se devrait d'avoir accès aux mêmes services. Et à l'intérieur de ces articles-là également étaient visés tous les services éducatifs. Donc, plutôt que de fermer une école dans un milieu rural, bien, il faudrait peut-être considérer la maintenir en opération, et à ce moment-là permettre aux enfants de s'y rendre à pied, et en même temps contribuer, là, au dynamisme de la communauté.
En ce qui a trait aux futures orientations gouvernementales et la définition des indicateurs, eh bien, vous pouvez compter sur notre collaboration. On serait heureux, là, de siéger sur un éventuel comité étudiant la question. Également, avec les partenaires de la coalition, on a déjà débuté des discussions à ce sujet-là et on serait très, très heureux, là, de vous faire profiter de nos réflexions.
Alors, écoutez, toutes ces actions-là sont extrêmement bénéfiques pour la vitalité, mais... aussi la santé, et bien sûr on aimerait le voir mentionné dans le projet de loi ou dans la stratégie de manière plus claire. Et, en terminant, bien, je tiendrais à vous assurer de notre entière collaboration. Merci.
La Présidente (Mme Malavoy): Merci beaucoup, Mme Pellerin. Je passe la parole à M. le ministre des Affaires municipales. Alors, vous commencez l'échange.
M. Lessard: Merci, Mme la Présidente. Et bienvenue, donc, à nos consultations sur cette loi-cadre sur la vitalité des territoires. Je pense que ce n'est pas la première fois que vous venez à nos instances. Je pense que, sur la Loi sur l'aménagement durable, vous vous êtes aussi prononcés. Donc, vous avez à coeur le bénéfice citoyen, un citoyen qui a une meilleure vie, qui ne vit pas tous les problèmes de l'obésité. Nécessairement, le cadre de l'aménagement du territoire en fait partie.
Avant d'aborder la question, je voulais aussi ne laisser pas... dissiper peut-être une impression, le député de Roberval tout à l'heure qui a parlé du programme d'AccèsLogis, qui disait: D'une main... la main droite ne sait pas ce que la main droite fait. En fait, non, il a dit: La droite ne sait pas ce que la droite fait après. Alors, il faisait référence à un programme qu'il y a chez nous, aux Affaires municipales, concernant AccèsLogis. J'étais allé chercher, il y a deux ans, une enveloppe additionnelle de 14 millions pour moduler l'aide aux municipalités pour faire en sorte que le 15 % puisse être diminué quand les communautés sont moins... le salaire moyen, etc. puisse être fait. Alors, c'est un programme qui devait compter sur deux ans, mais on a donc engagé toute l'enveloppe dans la même année, comme de quoi ce projet-là, ça fonctionne. Mais, à long terme, au lieu d'attendre après le 14 millions...
Je veux rien que le redire que c'est la loi sur la modulation, donc la loi sur la vitalité des territoires dans laquelle l'État va se moduler pour répondre à la réalité chez vous. Les 62, 65 milliards par année, c'est ça, la réponse du gouvernement. Donc, il pourra tenir compte de cette réalité-là. Ce n'est pas quelque chose qu'on avait coupé, c'est quelque chose qu'on est allés chercher en plus, qui n'avait pas été reconduit. Puis la façon de le reconduire à long terme, c'est de faire en sorte que la société ait cette obligation-là de se moduler.
Deuxièmement, quant au premier ministre, s'il allait en parler, en fait tu as peut-être manqué le discours inaugural de l'an passé, c'est là que le premier ministre a dit: C'est une stratégie et une loi-cadre. Et, comme il y a eu un projet de loi, nécessairement le Conseil des ministres lui a donné droit. Alors, nécessairement, je veux rien que vous donner... je vais fermer la porte là-dessus. Je ne suis pas chatouilleux normalement, mais, quand ça me chatouille deux fois de file... J'aime mieux appeler un chat un chat, puis, s'il y a des affaires que l'État ne fait pas... puis je suis prêt à l'accepter, mais, quand il le fait correctement, je suis prêt à le dire aussi.
Concernant maintenant la réalité des citoyens, vous parlez... La loi-cadre, c'est la façon de pérenniser la stratégie, je pense que vous avez bien compris ça. C'est pour ça que vos commentaires ne sont pas nécessairement en l'état de: Est-ce que la loi-cadre en fait assez? Est-ce que c'est décentralisé ou concentré? Je pense que vous en êtes plus à la stratégie qui interpelle tous les ministères. Est-ce que chaque ministère va faire les choses pareillement maintenant? Je pense qu'avec la loi-cadre, ils devront se donner des indicateurs, ils devront le faire différemment. Les prochaines politiques publiques seront influencées, nécessairement, par la loi-cadre qui vient obliger les ministères et organismes à faire des planifications au nom d'un objectif, que ce soit de subsidiarité, complémentarité, avec des atteintes et des objectifs. Donc, on a quand même, dans les dernières années... Puis on le fait, il faut le faire, je pense, de façon continue, prévisible dans le temps pour diminuer les impacts sur l'individu.
On a eu une tournée provinciale des ambassadeurs pour la promotion des saines habitudes de vie, Au Québec, on aime la vie, c'était la nutritionniste Hélène Laurendeau, le joueur de hockey Stéphane Quintal, et le maire Breton, des Etchemins, qui, lui, avait vécu des réalités de changer les mauvaises habitudes alimentaires dans son centre sportif. Et ils ont fait une tournée à travers le Québec. Puis il y a aussi Kino-Québec, Vélo Québec, bon, plusieurs organismes qui présentent des plans. C'est sûr, de mieux l'organiser à long terme, c'est souhaitable.
Dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on favorise, hein, la réduction de l'utilisation de l'automobile et diminution des gaz à effet de serre, le transport actif. D'ailleurs, le plan de mobilité durable dans le cadre des plans métropolitains... Est-ce que vous avez suivi les travaux de la communauté métropolitaine concernant, nécessairement, les trois volets qui étaient le plan de mobilité, l'environnement et le développement de leur économie? Alors, est-ce que vous voyez quand même quelques éléments intervenir?
Parce qu'on devra aller plus loin pour faire du monitorage, ça veut dire des indicateurs capables de faire un suivi. Je reviendrai sur les exercices que Londres a pu faire; je suis allé il y a deux ans, avant de lancer la loi. Alors, est-ce que vous avez suivi? Deuxièmement, est-ce que vous pensez que les politiques publiques doivent être réadressées dans ce cadre-là?
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Pellerin.
**(16 h 50)**Mme Pellerin (Suzie): Oui, avec plaisir. Alors, effectivement, on a suivi les travaux. Il faut savoir que la Coalition Poids réunit différents partenaires, autant des municipalités, l'UMQ, aussi des organismes, par exemple, Vélo Québec ou Centre d'écologie urbaine de Montréal, qui ont exprimé leurs points de vue dans le cadre des travaux. C'est la raison pour laquelle on a laissé nos partenaires s'exprimer, parce que chacun a ses sensibilités et ses réalités également, mais c'est certain que c'est avec intérêt. Et, toute mesure qui va favoriser la mobilité durable, on serait en accord, toute action qui va viser à développer le système de transport en commun également. Alors, ça, c'est certain.
Vous avez mentionné, au tout début, la tournée, aussi, Au Québec, on aime la vie. Si vous permettez, j'ai... On a senti un mouvement dans le monde municipal, là, depuis deux ans environ, où on reconnaît la contribution dans le domaine des saines habitudes de vie. Il y a eu des belles actions, une plus grande concertation, autant du monde municipal que les organismes en tant que tels. Il y a à peu près 15 organismes qui se sont réunis, qui fournissent des connaissances, de l'expertise au monde municipal. Mais ça s'est fait de manière spontanée parce que la demande, elle est là, et les municipalités ne savaient plus à quelle porte frapper. Alors donc, sous le leadership d'Acti-Menu, il y a une quinzaine d'organismes. On s'est réunis, on a fait part de notre offre et on a créé un site Web, qui s'appelle le Wikicipal, qui permet aux municipalités intéressées d'adopter des mesures dans le domaine des saines habitudes de vie, bien, de trouver des références et de l'information à ce sujet-là. Donc, on sent vraiment une mobilisation et une prise de conscience.
Mais là on sent aussi un essoufflement, parce que la majorité de ces organismes-là étaient soutenus par le fonds Québec en forme et qui... bon, malheureusement, le financement vient à terme. Donc, c'est dommage de devoir cesser cette collaboration-là avec les municipalités. Et certains organismes ont un statut financier plus précaire là. Alors, toute mesure qui permettrait, finalement, de soutenir ces municipalités-là, généraliser les actions serait bienvenue, étant donné que le terreau est fertile actuellement, l'écoute est... Les gens sont très, très réceptifs dans les municipalités et reconnaissent l'impact que ça peut avoir sur leurs citoyens, parce que les citoyens le réclament aussi.
On est aussi en train de mener une étude avec l'Université du Québec en Outaouais pour voir quelles sont les politiques les plus prometteuses pour... du point de vue de l'élu municipal, dans le domaine des saines habitudes de vie. Est-ce que, pour lui, c'est plus intéressant d'offrir à ses citoyens des espaces verts ou encore des trottoirs, des pistes cyclables? Donc, on devrait avoir les résultats d'ici le mois de mars, et ce qu'on aimerait, c'est confronter la vision des citoyens, tu sais, par rapport à la perception de l'élu municipal, comment lui peut contribuer aux saines habitudes de vie de ses citoyens et, de l'autre côté, qu'est-ce que le citoyen réclame, et à ce moment-là développer une offre de formation, des guides qui pourraient soutenir les municipalités pour voir concrétisée, là, la volonté des citoyens.
M. Lessard: Vous avez parlé... Nécessairement, quand on travaille avec les élus municipaux... parce que vous avez... Le forum approprié, c'est de travailler avec l'élu municipal, dans ses responsabilités, donc, l'approche territoriale municipale. Nécessairement, il faut essayer de les aider puis de les équiper. Je pense que c'est ce que vous... Avec Acti-Menu, entre autres, vous aviez fait une belle réussite, là; c'est facile à utiliser, c'est bien compréhensible.
On est ouverts, nécessairement, à recevoir aussi des collaborations pour leur donner des indicateurs, parce que, quand on... -- je l'ai fait dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme -- ils semblent un peu dépourvus. Quels sont ces indicateurs? Si on veut faire du monitoring comme en Angleterre, qui sont des spécialistes du monitoring, donc il faut arriver à leur dire... ce n'est pas...
Ils ont peur de la bureaucratie. Ils ont peur qu'il se rajoute encore un volet puis ils ont peur que quelqu'un l'évalue en disant: La municipalité d'une telle est-elle moins qu'une autre? C'est toujours la crainte de se faire évaluer en disant: Bien, on sait bien, là, sur un à 10, on est la 10e parce qu'on n'a pas fait assez de plans de mobilité durable, on n'a pas fait assez de saines habitudes de vie avec les commissions scolaires, on n'a pas assez aménagé nos rues, nos trottoirs, favorisé l'implantation d'un transport collectif, ne serait-ce que taxibus dans certaines municipalités, comme chez nous où est-ce que c'est un succès, Victoriaville, d'autres. Alors donc, ils ont toujours un peu peur d'être montrés du doigt plutôt que d'être montrés en exemple lorsqu'on fait du monitorage. Est-ce que c'est votre perception? Il faut essayer de surmonter ça, là, quand on veut lutter contre l'obésité, qui est une épidémie épouvantable.
Mme Pellerin (Suzie): Eh bien, l'Institut national de santé publique du Québec propose certains indicateurs qui peuvent être inspirants, une source d'inspiration pour le ministre. À ce moment-là, il est question, bon, de densité mais aussi d'accès aux aliments sains. Donc, on traite les deux dimensions, soit le mode de vie physiquement actif et la saine alimentation.
Et ça peut être interprété de manière assez flexible pour tenir compte des réalités de chacun aussi. C'est sûr qu'on ne peut pas donner les mêmes cibles de densité en milieu urbain qu'en milieu rural. Ou encore, lorsqu'on parle d'accès aux aliments sains, bien, dans certains secteurs, ça peut être d'avoir peut-être un petit magasin général au coeur du village, comme c'est le cas à Leclercville, ou encore, bien, d'avoir accès à des marchés publics ou le Fruixi à Montréal, aussi, qui est une initiative intéressante où, à vélo, on distribue, on vend les fruits et les légumes. Donc, ça doit permettre une certaine adaptation, une saveur locale, mais tout en respectant les objectifs ultimes, là, afin de diminuer la sédentarité et également d'améliorer la saine alimentation.
Mais, au niveau des indicateurs, tout à l'heure Me LeChasseur évoquait, là, l'exemple londonien...
La Présidente (Mme Malavoy): Est-ce que vous souhaitez intervenir, Me LeChasseur?
M. LeChasseur (Marc-André): Bien, rapidement. En fait, je dirai une grande vérité, peut-être. En fait, la problématique est plus profonde que ce qu'on peut dire, peut-être. En fait, il faut changer les mentalités, hein? Ça fait 100 ans qu'on fait de l'urbanisme de manière à prévenir les épidémies, comme je l'ai dit le 23 août dernier devant vous pour la Loi sur l'aménagement. On est partis avec, vous savez, la contrainte des épidémies. Alors, on est loin des épidémies actuellement. Maintenant, on est là pour contrer le contrecoup, je dirais, du zonage et de la sédentarité qui en a découlé, si on veut, qui sont les maladies qui découlent d'une société peut-être urbanisée, où l'automobile a pris toute la place. Bon.
Alors, il faut revenir un peu, on est dans les grandes généralités, là, mais il faut revenir un peu à quelque chose qui s'apparente à la proximité, peut-être plus. Et, dans les indicateurs que l'INSPQ et que nous avons un peu packagés dans le mémoire, on focalise beaucoup d'énergie sur la proximité, en prévoyant que la nourriture doit être accessible pas très loin, qu'on peut aller au village chercher sa nourriture, vous savez, le contraire de la Floride, essentiellement. On ne prend pas sa voiture pour aller chez le nettoyeur, on peut y aller à pied. Bon. Ça ressemble à ça.
Alors, à Londres, par exemple, dans un autre cadre... Vous êtes allé, M. le ministre, à Londres il y a deux ans, je suis allé il y a quelques semaines, et il n'y a pas de voiture à Londres. Alors, ils ont réglé le problème: ils ont mis du péage. Alors, c'est peut-être un cas extrême, mais c'est un cas qui fonctionne quand même. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas tant nécessairement, peut-être... Le résultat est intéressant. Évidemment, là, on voit que Londres a, en partie à tout le moins, réglé son problème. Mais ce qui est intéressant, c'est la stratégie puis la mise en oeuvre, la procédure qu'ils ont suivie pour le régler, ce problème-là. Parce qu'on fait face à une des villes qui est la banque mondiale, ni plus ni moins, il y a beaucoup d'accès, il y a beaucoup de gens qui passent par Londres, et il y avait un problème, je dirais, endémique de circulation.
Et il y a plusieurs villes américaines qui vivent la même chose et qui sont traversées par des boulevards incroyables. Et vous savez que la seule ville en Amérique du Nord, majeure, à ne pas avoir d'autoroute qui la transperce, c'est Vancouver, parce que, dans les années soixante, le Penetrator, qu'ils appelaient, a été bloqué par des groupes environnementalistes. Et maintenant Vancouver, qui est la ville la plus dense en Amérique du Nord avant New York, se trouve à être une ville essentiellement résidentielle, et les gens travaillent dans les «suburbs». Alors, c'est assez intéressant de voir comment on peut faire virer les choses, comme on dit.
Mais ce qui est intéressant à Londres, c'est de voir la mécanique que le maire de Londres, dans les années 2000, a utilisée pour faire son monitoring, les Anglais étant, comme vous l'avez dit, des grands spécialistes du monitoring. Tout leur système d'urbanisme tourne autour du monitoring et du «development control», qu'on appelle. Donc, les gens envoient du monitorage vers le bas, et on dit: Voici nos objectifs.
Et Terre-Neuve fonctionne de même aussi. C'est la seule province canadienne qui fonctionne avec du «development control». Alors, contrairement à nous qui avons un règlement de zonage avec un, deux, trois, quatre, cinq, si ce n'est pas écrit, tu ne le fais pas, eux fonctionnent par objectifs.
Et on a tendance, je pense, maintenant, avec la nouvelle philosophie qu'on adopte, d'aller vers des objectifs inclusifs pour faire en sorte qu'on dit aux acteurs municipaux -- on ne les encadre pas parce qu'ils n'aiment pas beaucoup être encadrés -- on leur dit: On va vous soutenir avec des objectifs qu'on va mesurer ultérieurement. Bon. Est-ce que la mesure, maintenant, elle est suffisante ici? Est-ce qu'il y a une reddition de comptes supplémentaire qui devrait être demandée aux acteurs municipaux? Ils seront évidemment allergiques à ça. Des fois, on est allergique aux médicaments qui nous font du bien. Mais peut-être y aurait-il lieu d'appuyer un peu sur la reddition de comptes et que les indicateurs soient peut-être un peu plus renforcés.
Il ne faut pas les encadrer. Ce sont des gens, vous le savez, qui sont aptes à prendre des décisions pour leurs communautés. Et la Cour suprême l'a dit en 2000, et le répète constamment depuis 2000. Alors, il faut croire que la Cour suprême a raison. Maintenant, est-ce qu'on peut les soutenir de manière plus adéquate, de manière plus intense, peut-être? Je suis certain que c'est possible.
Il faut par ailleurs, lorsqu'on parle de subsidiarité comme celle-là -- qui n'est pas une vraie subsidiarité parce que subsidiarité égale délégation de pouvoirs, alors on a une quasi-subsidiarité -- il faut, je pense, que le portefeuille descende aussi un peu vers le bas. Parce que, lorsqu'on vous dit: Voici où se trouve la vertu, maintenant mets-la en oeuvre, normalement il faut un peu d'argent pour jouer avec la vertu, pour la mousser, si on veut, cette vertu-là. Alors, l'image est peut-être un peu boiteuse, hein, pour le monde municipal, mais vous comprenez ce que je veux dire.
**(17 heures)**M. Lessard: C'est bien compris. Je pense que vous avez raison, il faut changer les mentalités. L'introduction d'un monitoring, c'est de donner des objectifs, puis il faut regarder si on les a atteints, puis se donner une façon de les suivre, puis que la population nous suive aussi pour savoir si on est dans cet environnement-là. À Londres, pour dire qu'ils changeaient les mentalités, lorsqu'ils ont pris la politique pour désengorger le centre-ville, en favorisant nécessairement le transport collectif ou le covoiturage, etc., ils avaient mis aussi des tarifs contraignants, en disant: Bon, bien, si tu viens au centre-ville, ça va te coûter très cher. Au commencement, ça a bien fonctionné. Par la suite, c'est toujours aussi congestionné, différemment, parce que, comme ils arrivaient en retard au travail, parce qu'ils ne prenaient pas les mêmes moyens, bien, les entreprises ont combattu ça en bonifiant leurs avantages. Puis là ils ont recommencé à prendre leurs voitures. Alors donc, c'est pour vous dire que, les philosophies, il faut les changer, sinon tu arrives à combattre ce pour quoi tu as mis en place des règles.
Mais les municipalités, dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, adhèrent aux philosophies, les politiciens aussi. Quand tu arrives à «se mesurer», oh! là, une petite sensibilité. C'est pour ça que les guides que vous faites pour nous aider à leur... donner une documentation en disant: Ça ne fait pas peur, ça précise aussi à la population dans quel cadre on est, si on s'améliore comme société, si on prend des décisions en fonction de notre plan.
Dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, je pense qu'il y a un outil qui va aider à cette prise de décision là, c'est les impacts, les impacts aussi sur la santé. Aménager, ça a des impacts parfois négatifs sur la santé. On prend les autoroutes. À toutes les fois... L'institut de santé publique est intervenu, exemple, dans le réaménagement d'une grande structure, Turcot, à Montréal. Ça a nettement des conséquences. Alors donc, dans... de façon active, la gare d'Outremont, exemple, c'est en mode actif qu'on va la développer, à travers... à côté, donc la relocalisation de la voie ferrée, mais pour d'autres fins, du bâtiment durable, de proximité, à côté du campus universitaire de l'Université de Montréal, donc être capable de se mettre en synergie et que les gens se déplacent. Parce que la sédentarité, c'est le pire, quant à moi, c'est la pire maladie, là, de l'urbanisme; puis je pense que c'est vous qui nous avez parlé pourquoi on faisait de l'urbanisme aux États-Unis dans le temps, puis il a été importé ici.
Mais merci beaucoup de votre contribution. Je pense qu'on est capables d'aller un peu plus loin dans notre façon d'aider les municipalités à être des agents de changement. Et, on le sait, avec les mêmes outils, il y en a qui vont très vite et plus loin, il y en a qui stagnent. Alors, je pense qu'il faut aider ceux qui stagnent à avoir quelques outils de planification, là, pour donner un rendement sur une population plus en santé.
Une population qui est plus en santé, ils participent un petit peu mieux dans toutes les réunions ou pour des intérêts différents, à tout le moins. Alors, ça se traduit dans les équipements; les municipalités ont commencé à aménager de façon différentes les parcs pour toutes les... intergénérationnellement, mais un petit peu pour les faire sortir de leur petite zone de confort pour se rendre à quelque part, plutôt que de se faire rendre à quelque part, alors donc, par tout autre transport, qui est de marcher parfois. Aussi simple que marcher, là, ça enlève pas mal de pilules dans le système, ça.
Alors, merci beaucoup. Moi, ça termine mon échange. Je pense que ça pourrait être très... On pourrait élaborer sur différents plans. Vous êtes intervenus sur les différentes facettes de la vie active de la population. Alors donc, merci de votre contribution, c'est fort utile.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie. Je vais passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Berthier, la parole est à vous.
M. Villeneuve: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Pellerin, Mme Chénard et Me LeChasseur. C'est toujours un plaisir, effectivement, d'échanger avec vous en commission parlementaire. Effectivement, ce n'est pas la première commission. Espérons que ce ne sera pas la dernière non plus.
J'entends par vos propos et je lis par votre mémoire qu'effectivement vous avez eu l'occasion de regarder le projet de loi n° 499. Et je vous amène à la page 3 de votre mémoire où vous dites: «...les municipalités et les organismes qui travaillent de concert avec elles se sont engagés dans la mise en place d'environnements favorables aux saines habitudes de vie. Toutefois, ceux-ci se voient confier sans cesse de nouvelles responsabilité alors que les ressources qu'on leur accorde ne sont pas suffisantes...» Évidemment, on parle des municipalités ici. Et tantôt vous faisiez état de municipalités qui ont participé à certaines activités bénéfiques mais qui vont peut-être devoir se retirer faute de ressources financières ou d'autres ressources.
J'ai eu la chance de présenter le projet de loi n° 499 dans une MRC. D'ailleurs, on a reçu l'appui de la MRC par rapport à des éléments du n° 499. Et j'ai pris la peine d'expliquer aux maires qui étaient là, -- il y avait quand même 15 maires qui étaient là -- que, dans le projet de loi n° 499, si de nouvelles compétences devaient échoir aux municipalités, assurément que les argents pour pouvoir les mettre en oeuvre suivraient. En tout cas, c'est compris dans le projet de loi n° 499. Et ça, ça les a frappés. Ça les a frappés en disant oui.
Parce qu'on sait que, depuis plusieurs années, les municipalités se voient confier de nouvelles responsabilités. Pour avoir été maire moi-même pendant neuf ans, je peux vous dire que, des nouvelles responsabilités, on en a reçu beaucoup. Et, en tant que personnes responsables, on les assume, bien sûr. Et, ce faisant, si on n'a pas les argents qui suivent, eh bien, on doit taxer. Alors, on portait l'odieux, finalement, de taxer les gens pour assumer des responsabilités qui nous étaient envoyées par Québec. Et je me suis toujours dit que plus jamais... il ne faut plus jamais que ce soit comme ça. Il faut effectivement qu'on s'assure que les argents vont suivre les nouvelles responsabilités pour pouvoir bien les réaliser, finalement.
Je vous amène toujours au n° 499, à l'article 15, on dit: «Tout transfert de compétences entre l'Administration et une municipalité s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice antérieurement au transfert ou de l'équivalent fiscal de ces ressources.» Selon vous, l'article 15, dont je viens de vous faire état, est-ce qu'il répondrait adéquatement, finalement, à l'ensemble des interrogations que vous aviez tantôt par rapport au fait que les ressources limitées des municipalités sont mises à dure épreuve par rapport à ce que vous voulez amener souvent comme nouvelles façons de faire, et, je dirais, dans l'ensemble de l'activité municipale?
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Pellerin.
Mme Pellerin (Suzie): Ça pourrait être une voie intéressante pour financer de nouvelles responsabilités, c'est certain. Je vous admettrai, par exemple, qu'on n'a pas regardé ça avec nos partenaires, il faudrait leur poser la question. Mais, à première vue, c'est une avenue qui pourrait être drôlement intéressante, effectivement, de faire un tel transfert, là, qui les dédommagerait, je dirais, pour ces nouvelles responsabilités là.
La Présidente (Mme Malavoy): Me Levasseur.
M. LeChasseur (Marc-André): LeChasseur.
La Présidente (Mme Malavoy): LeChasseur, excusez-moi.
M. LeChasseur (Marc-André): Écoutez, vous savez, lorsque les Bostonais ont lancé le thé, là, par le bateau, juste avant la révolution américaine, hein, ce n'est pas parce qu'ils en avaient contre la royauté.
M. Villeneuve: On ne parle pas du «Tea Party», là?
M. LeChasseur (Marc-André): Oui. Enfin, le premier «Tea Party». Ils n'en avaient pas contre la royauté, enfin ils en avaient contre le manque de représentation qu'ils avaient à Londres pour voter la taxe, ils se la faisaient imposer, hein? Alors, on est... Je pense que l'Américain normal est contre le fait de se faire déléguer des choses sans avoir les ressources qui vont avec.
Évidemment, cette approche-là, et on l'a dit plus tôt, d'avoir de l'argent avec des responsabilités, c'est probablement indispensable, en fait. Parce que d'avoir plus de responsabilités, plus de pouvoirs mais moins de moyens pour les exercer, bien, est contre-productif autant pour l'élu que pour la population qui va élire ces gens-là, évidemment. Ça rend tout le monde malheureux, je pense bien. Et je pense que le gouvernement, également, central, qui délègue, en fait, des responsabilités est aussi malheureux que ça, parce que ses objectifs et indicateurs et sa reddition de comptes se trouvent dans un cul-de-sac, ni plus ni moins, du seul fait qu'au niveau structural il y a une problématique. Alors, je vous dirais que c'est presque une pétition de principe, je pense, d'avoir un article comme l'article 15.
M. Villeneuve: Peut-être une...
La Présidente (Mme Malavoy): M. le député, oui?
M. Villeneuve: ...une dernière intervention. Je ne le retrouve pas, mais il me semble avoir lu ça dans votre mémoire -- j'en ai lu tellement, mais il me semble que c'est dans votre mémoire -- vous parlez de la famille et... Est-ce que, selon vous, à même le projet de loi sur lequel on travaille présentement, il y aurait des choses qui pourraient être faites justement au niveau des municipalités? Est-ce qu'il y aurait, selon vous, des transferts de compétences? Est-ce qu'on devrait aller plus loin? On peut penser, entre autres, à la ville de Montréal, comme on peut penser aussi à d'autres municipalités plus petites, là, en région.
Mme Pellerin (Suzie): Mais en fait il y a une belle initiative qui s'appelle Municipalité amie des enfants actuellement, qui est gérée par le Carrefour action municipale et famille, qui est un partenaire de la coalition. Et d'ailleurs ce bout-là portant sur les familles est une de leurs suggestions à laquelle... qu'on trouvait drôlement intéressante. Et, eux, dans le fond, ce qu'ils disaient et ce qu'ils réclamaient, c'est que toutes les familles du Québec aient accès aux mêmes services, aux mêmes infrastructures sportives, peu importe où ils se trouvent sur le territoire, même, tu sais, qu'ils aient accès facilement aux écoles. Et de là, finalement, l'intégration des deux articles, des articles 6 et 7, justement, qui traduisaient exactement ce principe-là. Alors, oui, clairement, là, une place pour les familles, parce que bien sûr ça contribue à la vitalité du territoire, mais ça peut aussi être intégré à l'intérieur de la politique familiale puis atteindre du même coup des objectifs environnementaux, des objectifs de santé. Alors, c'est ça, la beauté, finalement, de cette concertation-là.
Mais également un message qui était livré par les élus dans cette veine-là, c'est que la concertation, elle doit aussi mener à l'action. Et donc on parle beaucoup de concertation, les élus municipaux sont extrêmement sollicités, ils participent à toutes sortes de concertations, mais malheureusement la finalité... Donc, oui, les familles devraient avoir... en fait les municipalités devraient avoir les moyens de doter les familles, là, d'infrastructures équitables partout au Québec, là.
M. Villeneuve: Merci beaucoup. Alors, Mme la Présidente, si j'ai des collègues qui ont des questions...
La Présidente (Mme Malavoy): M. le député de Roberval.
M. Trottier: Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous nous donnez l'opportunité, avec les éléments très pertinents que vous nous apportez, de constater que d'assurer l'occupation et la vitalité des territoires, c'est un petit peu plus compliqué que certains pourraient le croire. Vous apportez une dimension qui, à mon avis, est quand même extrêmement importante, parce que... dans le fond, c'est que l'objectif de l'occupation du territoire, ça doit être le bien-être des gens qui sont dedans, et on voit qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Puis, quand on voit le développement de la société nord-américaine qui s'est basée en bonne partie, dans les 40 dernières années, sur les centres d'achats à l'extérieur des centres-villes, qu'on a tué, on pourrait dire, une bonne partie des centres-villes, puis qui, dans le fond, ont obligé les gens à voyager en voiture, à faire moins d'exercice, etc., j'ai l'impression qu'on est allés complètement à l'inverse de tout ça. Est-ce qu'on serait rendus... Puis est-ce que c'est possible de revenir à ce qu'on pourrait appeler des commerces de quartier, on pourrait dire, de réorienter notre urbanisme pour faire place aux dimensions que vous nous apportez?
**(17 h 10)**Mme Pellerin (Suzie): Bien, clairement. Puis d'ailleurs c'est évoqué dans la stratégie, donc, d'avoir plus de commerces, de services de proximité. Ce qu'on viserait essentiellement serait une plus grande mixité des quartiers où, finalement, tu pourrais facilement te rendre au dépanneur, au nettoyeur, à la bibliothèque, à la piscine, à l'école, et à ce moment-là intégrer une dépense énergétique à tes activités, mais en même temps contribuer drôlement à la vitalité du territoire. Alors, oui, il serait possible, mais c'est un gros mouvement à renverser.
Toutefois, il y a des nouveaux développements qui ne respectent pas ces principes-là de mixité, bien que ce soit connu et reconnu comme étant efficace, et qui... Souvent, bon, on développe des quartiers très homogènes, résidentiels, et puis, à ce moment-là, les jeunes doivent être transportés en autobus scolaire à l'école, et pourtant il y a 20 nouvelles écoles qui vont être construites, là, dans les prochaines années, et on n'a pas choisi d'établir ces écoles-là au coeur des quartiers résidentiels. Alors, oui, il y a les élus municipaux qui peuvent, via le zonage aussi, dessiner ou planifier le territoire de telle façon à favoriser cette mixité-là.
M. Trottier: Ça me fait penser que j'ai rencontré des dirigeants d'une entreprise qui disaient qu'ils avaient choisi le lieu d'emplacement de leur entreprise en fonction des futurs candidats qui allaient y travailler. C'est que, finalement, ils ont... là où il y avait le plus de gens qui pourraient faire le moins de trajets possible, c'est là qu'ils ont installé ça. Ça fait partie, on pourrait dire, des nouvelles préoccupations, mais malheureusement ce n'est pas encore très présent.
Et j'ai rencontré des gens de la coalition contre le diabète, et ils disaient qu'il faut faire de l'exercice, mais, pour faire de l'exercice, il faut que ce soit à proximité, il faut que ce soit facile, que ce soit facile. Parce que, dans le fond, on pourrait dire, même si on a un très gros aréna dans la municipalité, si c'est loin, s'il faut que tu prennes ton auto pour y aller, si tu as plein de raisons pour dire: Je vais y aller demain, c'est pas mal plus difficile. Et j'ai l'impression que... En tout cas, ce que je sens, c'est que ce que vous nous suggérez, c'est qu'il faut que ce soit facile. Il faut que la piste cyclable passe presque en avant de la maison pour faire en sorte que tu n'aies pas de raison pour dire: Je ne le fais pas, je n'y vais pas. Est-ce que je me trompe?
Mme Pellerin (Suzie): Facile et sécuritaire, parce que, bien que ce soit facile... Des fois, la distance, elle est courte entre la résidence et l'école, et, malgré tout, les parents vont reconduire leurs enfants à l'école. Pourquoi? Parce que l'école se situe sur une route provinciale, par exemple, et qu'à ce moment-là c'est risqué pour un enfant de se rendre à pied. Ou encore, chez nous, mon fils, c'est une route qui ne devait pas recevoir autant de véhicules mais qu'on a développé un quartier au bout de ça, et donc ça a accru le volume de véhicules, et, écoutez, je voudrais... je ne suis pas sûre qu'il se rendrait vivant, là, d'un bout à l'autre de ce boulevard-là, clairement, et pourtant... Et alors, bien que ce ne soit pas tellement loin... mais le volume est tellement important.
Et c'est ça qu'on doit considérer: voir à développer, justement, le transport en commun qui, à ce moment-là... ou mettre en place des mesures d'apaisement de circulation. Il y a des traverses, souvent des avancées de trottoir qui vont faire que la distance va être plus courte à traverser, et ça, c'est bon pour le jeune, mais c'est bon pour la personne âgée aussi, qui va être plus portée à aller faire ses courses, se sentant plus en sécurité, et à ce moment... Puis c'est ça, la beauté aussi de modifier les environnements, c'est qu'on agit sur l'ensemble de la population de manière équitable. Ça ne tient pas compte de ton niveau d'éducation, ça ne tient pas compte de la langue que tu parles, de ton origine, de ton âge. Lorsqu'on fait un trottoir, par exemple, bien, c'est bon pour tout le monde. Alors, de là l'importance, là, de rendre nos environnements plus sécuritaires. Aussi, les dos d'âne peuvent contribuer. On a parlé aussi des zones scolaires autour des écoles, mais qu'en est-il des CPE? Il y a quand même des parents qui circulent avec des poussettes, on devrait peut-être considérer d'imposer les mêmes règles autour des services de garderie. Ça serait facile à faire et puis ça contribuerait à la sécurité, c'est certain.
M. Trottier: Vous mentionnez qu'on devrait intégrer des indicateurs liés au mode de vie. Mais le premier intervenant nous disait: Attention de mettre trop d'indicateurs. Vous en énumérez déjà plusieurs. Est-ce qu'on pourrait avoir comme indicateur uniquement que le taux d'obésité? Est-ce que ça pourrait être une bonne idée, ou ça, c'est peut-être trop large, ou ça va conduire à des aberrations? Qu'est-ce que vous... Si vous aviez, on pourrait dire, à prioriser les indicateurs que vous souhaitez mettre de l'avant, qu'est-ce que vous nous suggéreriez?
Mme Pellerin (Suzie): Écoutez, vous auriez dû participer aux travaux de notre comité, justement, qui s'est penché là-dessus, ça a été de longs débats. Premièrement, le taux d'obésité, on n'a malheureusement pas suffisamment de données au Québec. Les données datent de 2004, à peu près, là, l'enquête de la santé sur les collectivités canadiennes. Donc, ça ne serait pas suffisamment précis.
Ensuite, on s'est dit: Bon, à moins de tenir compte de la consommation de fruits et légumes par jour, parce que, ça, on a les données. Mais là les gens qu'on a consultés, du monde municipal, des universitaires, tout ça, nous disaient: Bien, écoutez, c'est parce que les municipalités n'ont aucun contrôle sur la consommation, bien, tu sais, dans le fond, c'est très individuel comme comportement.
Là, on a dit: O.K., au niveau du mode de vie physiquement actif, peut-être si on tenait compte du «est-ce qu'ils atteignent le niveau d'activité physique recommandé?», mais là, encore là, pas sûr.
Ça fait qu'il y a deux écoles de pensée actuellement parmi ceux qu'on a consultés, certains qui nous disent: Bien, les indicateurs devraient tenir compte des éléments propres à un schéma d'aménagement, un plan d'urbanisme, par exemple de dire: Bien, chaque résident aura accès à 10 minutes de marche de chez lui d'un commerce offrant des aliments sains, par exemple. Et d'autres nous disent: Bien, écoutez, c'est parce que ce n'est pas mur à mur non plus, hein? Ça dépend si on est en milieu rural ou urbain. À ce moment-là, il faudrait adapter tout ça à la réalité.
Mais c'est un beau défi. Mais c'est la raison pour laquelle on disait: Ça serait intéressant de former un comité intersectoriel qui en viendrait finalement... à partir des indicateurs de l'Institut national de santé publique, de voir comment ça peut s'appliquer, tout en atteignant, bien sûr, nos objectifs qui sont ceux d'intégrer ou de considérer un mode de vie physiquement actif et une saine alimentation à l'intérieur de la stratégie puis des indicateurs, mais aussi en tenant compte de la réalité. Parce qu'on a bien beau proposer des choses, mais, si les municipalités n'ont aucun contrôle dessus, à ce moment-là on n'atteindra pas l'objectif visé. Puis, comme le disait le ministre tout à l'heure, c'est un changement de culture, donc ils doivent être partie prenante aussi de la discussion. Et, tu sais, il y a une ouverture, là, c'est certain.
La Présidente (Mme Malavoy): Est-ce que ça fait le tour? Oui, Mme la députée de Champlain? D'accord.
Mme Champagne: Combien de minutes il me reste?
La Présidente (Mme Malavoy): Il resterait cinq, six minutes.
Mme Champagne: O.K. Merci. Alors, bienvenue à vous trois. Écoutez, entendre parler de saines habitudes de vie, ça nous ramène à un paquet d'idées en lien avec notre vécu, tu sais, on a eu à marcher... Moi, j'ai marché mon primaire, donc on marchait matin, midi et soir, parce qu'on avait des mamans à la maison, donc on allait dîner à la maison. Mais, cela étant chose du passé, dans la plupart des cas, il faut composer avec ce qu'on a. Donc, nos enfants, à partir de bébés, sont souvent en milieu de service de garde, qu'on le veuille ou pas. Ils sont gardés chez mamie ou ils sont gardés chez la voisine, mais ils sont gardés par des gens qui ont à s'en occuper. Et je pense que le travail... Vous devez faire un énorme travail à ce niveau-là, j'en suis convaincue de par votre mémoire, vous en parlez également, en lien avec les centres de la petite enfance, entre autres, et les écoles primaires.
Or, vous l'avez dit pour votre propre fils, les enfants de l'école primaire voyagent peu à pied, à moins d'un miracle, vu que toutes les écoles sont éparpillées, les écoles sont loin des milieux... pas urbanisés, mais des milieux de développement résidentiel. Alors, dans le projet de loi n° 34, où on parle d'aménagement, de revoir les façons de faire puis de revoir les façons de gérer les communautés afin de donner les meilleurs services possible, vous arrivez avec votre élément santé. Alors, auriez-vous un élément à ajouter à ce projet de loi là, qui va venir en rajouter ou en... nous convaincre davantage d'aller vers ça le jour où le projet va devenir une loi comme telle, afin de répondre à ma préoccupation de ces jeunes personnes là, ces jeunes enfants là qui ont un avenir déjà là, dans leur jeunesse?
Et, s'ils s'alimentent mal pendant tout leur primaire ou tout leur secondaire, même, mais particulièrement primaire et centre de la petite enfance, donc 0-5 ans et 5 ans-12 ans, on a déjà échappé une clientèle très importante. C'est là que la vie se prépare. Et ces enfants-là, ils vont aller un jour, plus tard, à l'école, à l'université, au cégep, université, mais ils vont déjà avoir pris soit de mauvaises ou de bonnes habitudes de vie. Alors, qu'est-ce que, dans le projet de loi, on pourrait faire de plus pour faire qu'on réponde à votre préoccupation très importante?
La Présidente (Mme Malavoy): Mme Pellerin.
**(17 h 20)**Mme Pellerin (Suzie): Je vais vous citer une étude qui a été menée par Paul Lewis, de l'école d'urbanisme de l'Université de Montréal, qui a démontré finalement qu'en 1971 80 % des jeunes marchaient pour se rendre à l'école, alors qu'aujourd'hui on est rendu à 30 %. C'est une combinaison de facteurs, bien sûr, comme je l'exprimais tout à l'heure: plus de véhicules sur les routes, mais également la conciliation travail-famille qui a complètement chamboulé nos habitudes de vie aussi et qui n'est pas négligeable.
Vous parliez des CPE, mais je vais vous... peut-être juste faire un petit détour par l'école secondaire, aussi au niveau de l'alimentation. Les écoles secondaires ne sont pas nécessairement situées au coeur des quartiers résidentiels, on le sait, ils sont souvent aux abords de zones plus commerciales et souvent entourés de tout ce qui se trouve comme commerces de restauration rapide. On l'a vu dans la région de Sherbrooke, une école a été construite, et finalement, bien, il a fallu qu'ils construisent une passerelle parce que les jeunes n'étaient plus en sécurité parce qu'ils traversaient en masse de l'autre côté, dans les nouveaux restaurants qui avaient vu là la manne, là. Donc, ça, les pouvoirs municipaux ont la possibilité aussi de dire: Bien, écoutez, autour des écoles, ce sera, par exemple, des fruiteries, ça, ils ont le pouvoir de le faire ou encore de limiter les usages. Par exemple, s'il y a une station-service, bien, cette station-service-là pourrait seulement vendre de l'essence et non pas le poulet frit se trouvant à côté.
Pour répondre à votre question de manière plus précise, pour intégrer la santé de manière plus concrète, là, dans le projet, c'est sûr que d'évoquer la stratégie sur le développement durable... Parce qu'il faut savoir qu'une composante du développement durable, bien, c'est la santé et le bien-être. Alors, déjà de faire ce lien-là nous permettrait à ce moment-là de confirmer, et bien sûr de l'évoquer de manière plus concrète, ce serait encore mieux, là, ou en... soit santé, ou encore on pourrait évoquer les saines habitudes de vie. Donc, tu sais, l'occupation et la vitalité du territoire contribuent, oui, au développement durable mais également aux saines habitudes de vie des populations qui y habitent.
La Présidente (Mme Malavoy): Me LeChasseur, et on terminera par votre intervention. Je fais attention, comme vous voyez, pour ne pas me tromper.
M. LeChasseur (Marc-André): Je vous remercie, c'est très bien. En fait, vous pouvez déposer vos crayons, je vais avoir quelque chose d'un peu plus ludique à dire en terminant. Vous savez, il y a une mission qui se passe actuellement. Enfin, là, ce que le gouvernement fait est extrêmement important. On revit un peu les années soixante-dix en 2010 avec des lois importantes qui changent les mentalités. Et souvent on regarde ça de près et on n'a pas la distance requise, toujours, pour mesurer exactement l'ampleur de ce qu'on fait, et le gouvernement l'a manifestement, par ailleurs.
Puis, lorsqu'on regarde la banlieue... Parce qu'on parle beaucoup de la banlieue ici, hein? Évidemment, le monde habite en banlieue, et concentré le long du fleuve, essentiellement, là, le monde se situe pas mal là en Amérique... au Canada, et ce qui est intéressant... et plus particulièrement au Québec, ce qui est intéressant de savoir, c'est d'où vient la banlieue, en fait. Parce qu'on ne se questionne pas souvent là-dessus. On se dit: Banlieue, c'est les États-Unis qui ont inventé la banlieue. Et les gens étaient tannés de vivre en ville, là, ils sont allés de l'autre bord du pont, puis ils ont mis des belles maisons avec des «picket fences», puis tout le monde était content. En fait, ce n'est pas tout à fait l'affaire, ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé, et ça peut nourrir une réflexion, et je vous laisserai sur cette chose-là.
Les Anglais, en fait, ont inventé la banlieue. Alors, les Anglais ont réglé le problème avec le stationnement puis le péage il n'y a pas très longtemps. Ils ont inventé la banlieue à l'ère industrielle en étant tannés de vivre au-dessus de la shop et d'être constamment dans un environnement malsain. Alors, les riches sont sortis de la ville, sont allés vers l'extérieur et ont laissé les pauvres avec les usines à l'intérieur de la ville. Alors que les Français ont fait le contraire, les Français ont gardé leurs hôtels particuliers au centre-ville de Paris et ont envoyé les autres vivre dans les banlieues. Alors, on a deux mentalités, on a deux façons de réagir qui sont complètement différentes.
Les États-Unis ont intégré la banlieue, ont construit des maisons avec des «picket fences», et après ont importé les centres d'achats. Parce qu'ils étaient tannés d'aller en ville pour aller magasiner, alors on a importé les centres d'achats, et après on a importé les industries. Et là on fait du «suburb-to-suburb», et le monde retourne vivre en ville, comme à Vancouver, où maintenant la densité est accrue au centre-ville. Bon. Ce qui fait... ce qui nous donne un portrait rapide, un peu, de la situation...
La Présidente (Mme Malavoy): Il va falloir que vous terminiez votre exemple bientôt.
M. LeChasseur (Marc-André): Oui. Alors, je vais terminer mon exemple tout de suite. La question est... Le défi est énorme, en fait, est énorme. On voit que les mentalités changent, et on a des critères qui sont mis en place à travers le monde occidental, à savoir comment on va gérer maintenant les problèmes qui découlent de l'invention des banlieues en Amérique du Nord.
Bon. On l'a dit, le monitoring est probablement la chose qu'on retrouve partout dans les critères mis en place par les institutions gouvernementales ou municipales comme étant le premier item à adresser, comme on dit en anglais, alors le monitoring, l'envoi d'indicateurs vers le bas et la concertation populaire. Les gens du milieu, qui sont les banlieusards qui ne marchent plus à l'école, veulent être partie d'un processus de concertation. Alors, le premier item est probablement celui-là, et je pense qu'il faut se focaliser énormément sur cet aspect-là. Je ne sais pas comment ça se traduit dans la loi, mais c'est un élément essentiel.
La Présidente (Mme Malavoy): On termine là-dessus, M. LeChasseur. Je vous remercie beaucoup. Je remercie les représentants de la Coalition Poids.
Et je suspends quelques instants, tout en invitant M. Bernard Vachon à prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 27)
La Présidente (Mme Malavoy): À l'ordre, s'il vous plaît! On reprend nos travaux. On reprend nos travaux avec M. Bernard Vachon. Et, comme, M. Vachon, les règles changent un tout petit peu quand c'est une personne, vous avez 10 minutes de présentation et ensuite 10 minutes d'échange pour le parti ministériel et pour l'opposition officielle. Donc, nous vous écoutons avec plaisir, merci d'être avec nous, et la parole est à vous.
M. Bernard Vachon
M. Vachon (Bernard): Merci, Mme la Présidente. Je dois tout d'abord remercier les membres de la Commission de l'aménagement du territoire pour leur très aimable invitation à être parmi vous dans cette journée de réflexion sur le projet de loi portant sur l'occupation et la vitalité du territoire.
D'entrée de jeu, je voudrais aussi adresser mes félicitations au ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, M. Laurent Lessard, pour le dépôt de son projet de politique pour assurer l'occupation et la vitalité des territoires. Pour une personne comme moi qui ai enseigné durant 33 ans à l'université sur des questions d'aménagement et de développement du territoire, qui s'intéresse à ces questions depuis plus de 40 ans maintenant, je dois vous dire que le dépôt de cette politique, et surtout son contenu, ses volontés... Beaucoup de choses restent encore à définir, mais je tiens à préciser que, pour moi, c'est véritablement un événement.
En 1978, j'étais dans cette pièce pour participer à une commission parlementaire sur le projet de loi sur la protection du territoire agricole, qui est devenu la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Et aujourd'hui, après beaucoup de réflexion, beaucoup de travail sur ces questions, je dirais aussi, à l'occasion beaucoup d'impatience, je me retrouve dans cette salle pour participer à la réflexion de ce projet de loi que je qualifierais de monumental, pour ceux qui s'y intéressent, porteur de beaucoup d'espoir.
Vous avez peut-être entre les mains le mémoire que j'ai déposé, qui comporte six points. Ce matin, j'ai fait parvenir un autre document qui se résume à trois points, et peut-être que je n'aurai le temps que d'en présenter deux. Alors, je débute immédiatement.
**(17 h 30)** Le premier point que je veux porter à votre attention, c'est le besoin d'harmonisation. Au cours des 34 dernières années, des politiques et des loi sectorielles à visée territoriale ont été adoptées. Prenons pour seuls exemples la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la Politique de soutien au développement local et régional et la politique de la ruralité. Ces lois et politiques ont, très largement, fait cavalier seul. À partir du moment où une politique globale et intégrée d'occupation et de vitalité des territoires est adoptée, des dispositifs d'arrimage et d'harmonisation doivent être établis avec ces lois et politiques sectorielles, et entre elles, afin de favoriser une meilleure cohérence et une plus grande efficacité des actions. Si nous avons le temps tout à l'heure, je pourrai vous donner des exemples.
Deuxième point, des évolutions favorables à un meilleur équilibre de l'occupation du territoire. L'occupation et la vitalité des territoires du Québec telles que nous les connaissons aujourd'hui sont le résultat de forces historiques, démographiques, économiques, sociales, technologiques et politiques combinées dans le temps. Les territoires sont des espaces construits soumis aux forces d'évolution.
Le profil actuel de la mosaïque des territoires du Québec présente une forte concentration de la population et de l'activité économique dans le sud-ouest de la province, articulée principalement autour des communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, et de la Communauté régionale de l'Outaouais, et de quelques villes de centralité. Un réseau de petites villes et de villages dispersés au milieu de vastes espaces ruraux et forestiers complète ce schéma.
Entre les années soixante et le début des années quatre-vingt-dix, on a assisté au déclin des économies traditionnelles dans plusieurs régions du Québec, d'une part, à une forte polarisation de l'activité économique de production et de services, ainsi que des populations, sur quelques grands centres urbains, d'autre part.
Cette concentration, si elle est source de plusieurs avantages, notamment du point de vue des économies d'échelle, elle occasionne aussi son lot de dysfonctionnements dont les effets physiques et sociaux entraînent des dépenses importantes pour la collectivité. Et, en région, les problèmes de dépeuplement, de dévitalisation ne sont pas moins déplorables et contre-productifs.
Depuis les années quatre-vingt-dix, des évolutions économiques, sociales et technologiques à l'origine de nouvelles tendances lourdes contribuent à transformer à nouveau les rapports de l'activité économique et des populations avec l'espace. Après des décennies d'abandon, plusieurs régions rurales, incluant leurs petites villes et villages, voient leur attractivité renforcée et devenir des lieux choisis pour vivre, travailler et se divertir. Le Québec moderne se construit avec ses villes, ses régions et ses campagnes renouvelées.
Les nouvelles forces d'occupation, de recomposition et de redynamisation des territoires rendent caducs les modèles antérieurs, obligeant à renouveler le regard que nous portons sur les futurs possibles des territoires. L'exercice de la prospective s'impose.
Alors, ici, je réfère à des éléments qui ont déjà été évoqués, qui ont été soulevés par le ministre et je n'insiste pas davantage, mais je crois que vous en saisissez toute l'importance.
Parmi les évolutions récentes et en cours, citons l'accroissement de la mobilité des personnes, des biens, des informations et des styles de vie, la dématérialisation de plusieurs secteurs de l'activité économique, le ralentissement, voire la fin de l'exode rural pour plusieurs territoires ruraux, la poursuite du déclin de la dévitalisation dans d'autres communautés rurales, la transformation des modes de vie, le dysfonctionnement et le coût de la vie élevé dans les grandes villes, l'essor du travail à distance, l'attrait des petites et moyennes villes et des milieux ruraux non seulement auprès des familles, mais aussi des entreprises, de plus en plus nombreuses d'ailleurs, les nouveaux rapports de l'imaginaire à la campagne, la quête d'une meilleure qualité de vie, les changements démographiques, etc.
Les premiers constats documentés, fondés sur des données statistiques, des analyses et des recherches poursuivies au Québec comme ailleurs dans les pays industrialisés, révèlent que la combinaison et la puissance de ces évolutions sont à la source de mouvements centripètes, c'est-à-dire vers les centres, pour certains, centrifuges, c'est-à-dire vers la périphérie, incluant les banlieues, mais de plus en plus la campagne éloignée pour d'autres, contribuant à remanier l'occupation et la vitalité des territoires dans un nouvel ordre. De nouveaux défis se dessinent... de nouveaux profils se dessinent.
Sans entrer dans le détail des impacts territoriaux générés par les évolutions citées plus haut, il importe de souligner l'effet magistral qu'aura la révolution des technologies d'information et de communication sur l'avenir des territoires. Un essai de Joel Kotkin, publié en 2000 aux États-Unis, exposait les premières manifestations de ces bouleversements, c'est-à-dire, par exemple, le desserrement des grands centres urbains au profit des deuxième et troisième couronnes, la reconquête des territoires ruraux, l'installation des travailleurs à distance qui développent de nouvelles façons d'occuper les petites villes et les zones rurales, la multiplication des activités économiques dématérialisées qu'on qualifie de «footloose», c'est-à-dire sans attache réelle au territoire, dont plusieurs valorisations... dont plusieurs valorisent les environnements en dehors des grands centres.
La journaliste de La Presse Nathalie Collard écrivait tout récemment: «...les nouvelles technologies sont en train de bouleverser notre façon de vivre, de penser, de communiquer. La question n'est plus de savoir ce que peuvent accomplir [...] ces nouveaux appareils, mais plutôt de nous demander: Que pouvons-nous faire grâce à eux?» Pardon?
La Présidente (Mme Malavoy): Il resterait deux minutes, si on suit les règles.
M. Vachon (Bernard): C'est vrai? Aïe!
La Présidente (Mme Malavoy): Mais je comprends que mes collègues sont prêts à dépasser le temps. Je vous indique toutefois: On peut le dépasser un peu mais pas le doubler.
M. Vachon (Bernard): Je fais rapidement. «Les impacts de cette révolution sont nombreux et nous les découvrons chaque jour.»«[Dans un texte intitulé Éduquer au XXIe siècle, publié en mars dernier, le philosophe Michel Serres écrit]: "Je voudrais avoir 18 ans, [...]puisque tout est à refaire, puisque tout [est] à inventer.»«...nous ne mesurons pas encore l'ampleur de la révolution que nous sommes en train de vivre."» Je ferme la citation de Mme Collard.
Tous ces bouleversements contribuent à créer un contexte nouveau pour un meilleur équilibre de l'occupation et de la vitalité des territoires. Le rééquilibrage du réseau urbain, de pair avec la lutte contre les disparités régionales, apparaît un enjeu majeur d'une stratégie d'occupation et de vitalité des territoires pour la première moitié du XXIe siècle.
Les planificateurs de l'occupation et de la vitalité du territoire ont pour premier devoir de s'investir dans l'identification, la compréhension et la mesure des évolutions en cours et de leurs incidences sur le comportement des territoires. Ce champ de connaissance guidera par la suite la formulation de grandes orientations, les programmes d'intervention et les plans d'action des ministères et autres acteurs du développement territorial.
Accompagner le développement des territoires par des politiques spécifiques d'aménagement et de développement, c'est d'abord soutenir l'attractivité et la compétitivité de ces territoires, où qu'ils soient, ainsi que les actions de cohérence sociale.
Écoutez, je peux m'arrêter ici. Le troisième point, on en a traité passablement. Il y en a peut-être parmi vous qui connaissez quelque peu mes écrits sur le sujet. Je pourrai toutefois répondre à vos questions. Mais, dans mon esprit, il est clair qu'une véritable politique d'occupation et de vitalité des territoires, qui convie les élus locaux à être des partenaires à part entière dans cette mission, que cette politique doit être complétée, de quelque façon que ce soit, par des moyens et les ressources financières appropriés aux élus locaux, aux élus des collectivités territoriales, qui sont partenaires de la mise en oeuvre de cette politique.
La Présidente (Mme Malavoy): Alors, merci, M. Vachon. Je sens que vous avez fait un effort vers la fin pour accélérer. Mais je pense que les échanges vont permettre d'aborder les points que vous auriez pu approfondir. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
**(17 h 40)**M. Lessard: Oui. Merci beaucoup. Merci de la présentation. Je comprends que vous avez déposé un document. Vous avez même pris la peine de me remettre un livre, en partant, sur la passion du rural. On voit que votre passion ne s'arrête pas dans votre tête, là. Vous nous sortez ça avec de nombreuses éditions, qui est fort apprécié.
Vous, vous avez étudié la question. Vous l'avez vécue. Vous avez participé depuis 40 ans à toutes sortes de commissions parlementaires. Vous avez enseigné. Vous l'avez mesurée à travers différents pays. Vous êtes allé voir ailleurs ce qui se passe, vous n'êtes pas resté sur votre petit territoire. Vous avez donc élargi vos horizons.
Vous revenez quand on a commencé à bâtir avec les partenaires, comment l'État pouvait s'adapter à la différenciation des territoires. Vous comprenez toute la peur -- je vais dire ça comme ça -- de Québec par rapport à avoir... ministère par ministère, à essayer de donner une réponse différente tout en étant équitable à travers le territoire.
Vous avez dit tout à l'heure: C'est sûrement un pas en avant, c'est une révolution. Moi, je disais: Une évolution. Mais la concrétisation de ça, nécessairement, ébranle les piliers du temple dans chacun des ministères, dans sa façon d'adresser la question territoriale avec sa population. Est-ce que vous sentez ça à travers... ou est-ce que vous pensez que c'est le défi le plus important, à part les ressources?
On comprend, là, que des responsabilités sans ressources financières, matérielles et autres, humaines... Si on décentralise, on donne ce qui va avec, si on régionalise, aussi, etc. Mais il y a un défi important de cohérence quand même quand on donne des réponses différenciées, pour s'assurer qu'il y ait une cohésion, il y ait une cohérence, comme gouvernement. Parce qu'il reste toujours l'État à la fin. Alors, cette relation... On dit tout le temps à l'État de s'adapter, de se moduler, etc., mais à la fin il reste l'État, l'État demeure et demeurera, mais aura une relation différente, et il faut créer cette connaissance-là, comment on est capable de faire ces ponts-là.
La Présidente (Mme Malavoy): M. Vachon.
M. Vachon (Bernard): Oui. C'est une question intéressante. Moi, suite au cheminement théorique et appliqué de ces 40 dernières années, je crois que je peux me permettre d'apporter un regard que je qualifierais d'historique sur ce genre d'interrogation. Je vais vous raconter très brièvement une courte anecdote.
Lorsque j'étudiais à Londres, nous avions reçu la visite, en 1971, du premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, 1971. Et, depuis 1968, on avait déposé, au Québec, le fameux rapport -- en de très nombreux tomes, je crois que ça cumulait autour de 12 ou 14 tomes -- d'une commission d'enquête sur l'aménagement et l'urbanisme. C'était la commission dont le rapport portait le nom de son principal commissaire, Jean-Claude La Haye, le rapport La Haye. Et il faisait des recommandations très précises au gouvernement pour qu'il y ait l'adoption de la première loi-cadre d'aménagement et d'urbanisme au Québec.
Et nous étions un groupe d'étudiants, à Londres, en aménagement et urbanisme, et, lorsque le premier ministre est venu, on avait organisé, à la délégation du Québec, une rencontre entre le premier ministre et les étudiants. Et, je me souviens, lorsqu'il est venu vers moi, je lui avais demandé: M. le premier ministre, quand croyez-vous que vous allez adopter la première loi d'aménagement? C'était en 1971, alors que le rapport avait été déposé en 1968. Et il avait répondu ceci: Vous savez, nous avons déjà déposé plusieurs projets de loi. Il ne faut pas bousculer la population. C'est un texte de loi, et une loi, qui a une nature passablement abstraite. Ce n'est qu'en 1979 qu'une telle loi-cadre a été adoptée.
L'autre volet de cette anecdote -- vous suivez les dates -- c'est qu'en 1976 on a entrepris un dialogue intéressant au Québec, une réflexion intéressante sur la décentralisation, 1976. En 1978-1979, le ministre Léonard, chargé justement de l'application de la première politique... la première loi d'aménagement et d'urbanisme, concevait l'application de cette loi dans le contexte de la décentralisation afin de confier aux MRC, un territoire supramunicipal, des responsabilités nouvelles. On était en 1978-1979.
Entre-temps, dans d'autres pays, je citerai uniquement le cas de la France, on avait aussi de telles réflexions. Je dirais que la réflexion qui était menée au Québec s'arrimait ou était conduite de façon parallèle à ce qui était fait en Europe. Or, en Europe, je reviens au cas de la France, en 1982, on a adopté les premières lois de décentralisation. Je pense qu'on peut considérer qu'avec la longue période, je dirais plus que centenaire, de centralisation en France on était tout à fait conscient en 1982 de ce qu'une loi de décentralisation allait entraîner et on a pris les mesures pour que ça conduise au résultat souhaité. Cette expérience qui était vécue en France l'était simultanément en Angleterre, en Autriche, en Allemagne et dans beaucoup d'autres pays, et un peu plus tard dans les pays africains. Je pense qu'on peut conclure que la décentralisation, dans une perspective de gouvernance moderne, procure des avantages certains.
Alors, ceci étant dit, on a, au Québec -- j'y reviens -- réfléchi longuement sur la question, non seulement réfléchi, on a pris des engagements, on a fait des promesses en faveur de la décentralisation, lesquelles n'ont jamais été conclues dans une véritable politique de décentralisation. Au Québec, on fait de la décentralisation à la carte. Je ne m'engagerai pas dans ce débat, mais on peut en dégager des avantages et en dégager des inconvénients.
Alors, moi, je suis, bien entendu, très conciliant à l'égard d'une position politique qui consiste à dire: Attendons, le milieu municipal ne semble pas encore prêt. Continuons notre approche spécifique qui consiste à dispenser des responsabilités à la carte. Engageons la politique actuelle d'occupation et de vitalité du territoire. Dialoguons, soyons ouverts, comme le ministre le disait, et ultérieurement voyons ce que le milieu souhaite avoir comme outils, comme moyens et comme ressources. C'est une démarche que je respecte, mais je souhaite infiniment qu'on soit véritablement à l'écoute et qu'on soit conséquents dans l'invitation que l'on fait aux territoires pour être de véritables partenaires dynamiques, créatifs dans l'application de cette loi.
Je pense que le ministre nous a dit tout à l'heure que c'est une loi qui ne peut pas être totalement appliquée d'en haut. Si on fait appel aux élus locaux, aux élus territoriaux, je pense que la conséquence inévitable, logique, cohérente, c'est de leur accorder des moyens modernes appropriés avec les ressources appropriées. Que ça se fasse maintenant ou dans le temps, je pense qu'on peut s'entendre là-dessus, mais qu'au moins la réflexion aille dans ce sens et que des décisions aussi soient prises dans ce sens.
La Présidente (Mme Malavoy): M. Vachon, le ministre aurait encore une courte question, parce que ce temps d'échange achève, donc je lui donne la parole.
M. Lessard: On pourrait le réinviter encore, hein? L'inquiétude... Parce que la loi est tournée vers l'élu, donc, municipal, dans différentes fonctions, avec ses élus scolaires. Nécessairement, à partir du moment que tu identifies ton besoin, ta relation change ce que tu demandes à l'État, c'est là que l'inquiétude vient, en tout cas: l'État gros, l'État dispensaire de services, l'État accompagnateur, l'État parfois leader, différentes personnalités à travers les différents gouvernements.
Mais il y a une nouvelle relation qui a changé sur l'adresse des municipalités, ou des régions, ou des métropoles envers l'État et ses citoyens, vous l'avez abordée, c'est la notion de technologie. L'accessibilité à son territoire, vaste, puissant, par les routes, les aéroports, les ports, etc., oui. Mais dispensaire de services, c'est nouveau. Ça change la relation avec l'État. Cette nouvelle relation avec les technologies demande des moyens différents. Ce n'est pas nécessairement tout le temps de la décentralisation que veulent les élus, parfois c'est... on va appeler ça... ça peut être... La régionalisation a bien servi certains territoires, la déconcentration de programmes a bien servi certains territoires.
La Présidente (Mme Malavoy): Je vais vous demander de passer à la réponse.
M. Lessard: Mais l'autre affaire, c'est l'aspect que les technologies changent la façon dont il faut penser les régions du Québec à cause des technologies.
La Présidente (Mme Malavoy): J'aurais besoin d'une courte réponse, si c'est possible, M. Vachon.
M. Vachon (Bernard): Bien, pour moi, les technologies n'ont pas encore produit leurs principaux effets, et notamment à l'égard de l'occupation et de la vitalité des territoires. C'est pour ça que, pour moi, le planificateur ou les planificateurs du territoire de demain devront axer leurs réflexions sur la prospective, essayer de saisir justement la nature de ces impacts, qu'est-ce que ça entraîne comme nouvelle organisation du territoire.
Écoutez, ceux qui aujourd'hui manipulent tous ces outils de télécommunications peuvent s'établir n'importe où, c'est ce qu'on appelle les activités «footloose». Un imprimeur, un rédacteur, un courtier financier, un courtier d'affaires, il peut théoriquement s'établir aujourd'hui n'importe où.
Moi, je passe six mois par année dans une petite municipalité au coeur des Appalaches du Bas-Saint-Laurent, ça ne m'empêche pas d'être en lien à travers le monde avec les chercheurs avec lesquels je veux échanger. Et puis mes rapports, mes études, ils partent ensuite, puis en une fraction de seconde ils sont à Londres, à Paris ou à Montréal.
**(17 h 50)**La Présidente (Mme Malavoy): ...je vais maintenant céder la parole au député de Roberval. On a encore une dizaine de minutes d'échange.
M. Trottier: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux de vous voir ici parce que, s'il y a un projet de loi qui est sur l'occupation du territoire, je pense que vous en êtes en partie responsable, indirectement. Vous avez été un pionnier sur la question du développement local. Pendant longtemps, vous avez même été seul, ou à peu près, à parler de ces questions-là. Et je pense que vous avez beaucoup de mérite, et vous avez probablement consacré des sommes considérables de temps, d'énergie. Et je suis persuadé que votre production, ce que vous avez écrit là-dessus, ça ne se mesure pas en centimètres, ça se mesure en mètres, je suis persuadé, parce que j'ai vu toutes sortes de documents que vous avez produits dans les 40 dernières années, je vous remercie beaucoup.
Dans votre troisième point, assurer l'autonomie administrative, et financière, et territoriale, vous dites... Vous faites... Vous citez une belle phase de François Mitterrand, dans laquelle vous dites: «La France a eu besoin d'un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd'hui besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire.» Est-ce que vous croyez que cette phrase-là s'applique au Québec?
M. Vachon (Bernard): Bien, le terme «défaire», je l'ai cité, parce qu'il n'est pas de moi, il est de Mitterrand, il est sûrement un peu fort, il est provocateur. Moi, je partage plutôt l'opinion suivante, c'est que le Québec a eu besoin d'un pouvoir centralisé pour se faire, mais aujourd'hui il y a des compétences, dans les régions, qui peuvent compléter d'une façon très adéquate, en répondant aux problématiques d'aujourd'hui, qui peuvent compléter le pouvoir centralisé. Et je pense que le pouvoir de l'État doit aujourd'hui reconnaître les compétences, les volontés, la détermination, le goût d'agir des communautés locales et régionales.
Et c'est dans ce sens-là que la décentralisation en 2012 prend une signification qu'elle n'avait pas en 2000... pas en 2000, mais en 1980, 1982, c'est-à-dire qu'il faut miser sur la synergie qui est susceptible de se dégager entre l'État et les communautés locales par le biais de leurs élus. Il y a un partenariat, auquel les élus sont conviés dans la loi, qu'il faut maintenant assurer. Et la meilleure façon d'assurer cette connivence, cette complicité, ce partenariat, à mon sens, c'est par une décentralisation véritable des pouvoirs et des moyens.
M. Trottier: Mme la Présidente. Dans ce sens-là, vous avez mentionné que la politique d'occupation et de vitalité ne pourra être pleinement accomplie sans les moyens, les ressources nécessaires. Est-ce que vous pourriez donner brièvement quelques exemples de ce que ça pourrait donner concrètement?
M. Vachon (Bernard): En termes de moyens? Bien, je pense que tout d'abord, on l'a invoqué tout à l'heure, c'est que la décentralisation, ça interpelle l'appareil public, et ce n'est pas dans la nature d'un appareil public de se délester de ses capacités, de ses pouvoirs. Or, il faut qu'il y ait un transfert, en quelque sorte, de ressources humaines vers les communautés. Si on confie des responsabilités supplémentaires, bien entendu qu'il va y avoir une charge de travail supplémentaire. Il faut donc qu'il y ait, en termes de moyens, des ressources humaines appropriées. Ça, ça suppose aussi une expertise, une capacité d'agir localement. Ça suppose des moyens techniques appropriés et ça suppose des budgets.
Alors, on dit souvent que la décentralisation alourdit le mécanisme de décision en région ou localement, c'est vrai, mais, si c'est pour une plus grande efficacité locale, si c'est pour ramener l'État à ses missions essentielles, vous voyez, là, c'est un projet de loi qui est absolument formidable. Ça peut engager une révolution, qu'on souhaite tous, au niveau des territoires au Québec. Mais est-ce que l'État raisonnablement croit que lui seul pourrait assumer cette responsabilité? Non, puisque le ministre l'a dit lui-même, c'est inscrit dans la loi. Mais, si on veut être conséquents, il faut accorder des moyens, des ressources humaines, technologiques et financières aux partenaires qu'on veut réunir.
Alors, c'est dans ce sens-là que ça va se traduire effectivement par des moyens. Les moyens, est-ce que c'est l'État qui va les transférer ou on va donner de nouvelles sources de financement aux collectivités territoriales? Mais je pense qu'il faut penser à de nouvelles sources de financement. Je pense notamment aux redevances sur les ressources minières, les ressources énergétiques. Est-ce que ça va toujours dans les coffres de l'État, que l'État redistribue par la suite, ou est-ce qu'on fait finalement confiance, hein -- parce que là on est dans un rapport de confiance -- on fait confiance au territoire pour gérer justement elle-même et décider de l'affectation de ses ressources en fonction des besoins locaux et régionaux?
On parle de modulation, on parle d'adapter de telles politiques aux spécificités locales et régionales, bien, ça, encore une fois ça suppose d'être cohérents. Si on le dit... Puis là j'aurais beaucoup à dire sur la politique de la ruralité dans ce sens-là. On a beaucoup parlé du facteur territorial et des modulations, mais, dans les faits, on n'est pas allés très, très, très loin, alors qu'une politique de territoire, ça remet en question toutes ces lois; j'en citais quatre tout à l'heure. Moi, je verrais très bien que le ministre crée un comité compétent pour voir à harmoniser les lois à caractère territorial.
Si je peux me permettre, je vais donner juste un exemple. Vous avez tous vu probablement que, dans l'élaboration de son plan d'aménagement et de développement, la Communauté métropolitaine de Montréal a inclus une clause gelant le zonage agricole. Si la Communauté métropolitaine de Montréal adopte une telle clause, c'est parce qu'elle juge que la commission fait preuve de laxisme dans l'autorisation de terres zonées à du développement résidentiel, ou industriel, ou autres, ce qui évidemment, avec le rythme des autorisations qui sont accordées, perpétue le modèle de la maison unifamiliale détachée. C'est désolant de circuler à travers des municipalités comme Terrebonne, Repentigny, sur la rive sud, d'autres exemples. Prenez le train Amtrak Montréal-New York, c'est désolant de voir le type d'habitats qui défilent devant nous.
Pourtant, on a une loi extraordinaire qui fait l'envie de toutes les provinces du Canada et des pays européens. Lorsque la loi a été adoptée en 1978, il y a eu un article qui a paru dans une revue américaine, Country Journal. Le titre de cet article, c'était The green side of Mr. Lévesque. Puis on se demandait comment le Québec avait réussi à adopter une telle loi, parce que partout on assiste à la dilapidation des meilleures terres agricoles. Premier exemple de l'application de cette loi.
Deuxième. Il y a une petite municipalité au sud de Montréal qui s'appelle Saint-Marcel-de-Richelieu. 99,4 % de son territoire est zoné agricole. C'est une municipalité qui se trouve dans les meilleures terres agricoles du Québec. C'est une municipalité qui est en processus de dévitalisation. Les commerces ferment, il n'y a plus de service de proximité. Le maire s'arrache les cheveux. On a déposé récemment, à la commission, une demande pour autoriser un bâtiment de transformation de la viande de veau, il y a des apparentés avec l'agriculture. On a refusé.
**(18 heures)** On a une politique, encore une fois, formidable. Est-ce qu'on va continuer à entretenir de telles aberrations? Je vous donne un dernier cas: dans une municipalité au coeur des Appalaches, Saint-Mathieu-de-Rioux. Récemment, il y a une demande qui a été acheminée à la Commission de protection du territoire agricole par un jeune homme qui possède un terrain de cinq acres voisin de ses parents. Sur ce rang, au début des années soixante, il y avait 14 fermes. Aujourd'hui, il n'y en a plus aucune. Toutes les demandes pour le reboisement sur ces propriétés ont été accordées par le ministère de l'Agriculture, si bien que, sur l'ensemble de ce rang, il n'y a plus que de la forêt. Or, dans la loi, il est entendu que la forêt, les plantations sont considérées comme une activité agricole.
Le jeune homme fait sa demande, il veut se construire une résidence familiale voisine de ses parents; il n'y a plus d'activité agricole. Pour lui, ça devrait être accepté. Un premier refus. Une demande d'audiences publiques, présentation d'audiences publiques à Rimouski. Refus définitif pour la raison suivante, intégralement: L'autorisation de répondre à votre demande viendrait rompre l'homogénéité agricole du territoire. Le même argument a été utilisé dans le cas de Saint-Marcel-de-Richelieu.
Alors, moi, en 1978, j'étais dans cette salle...
La Présidente (Mme Malavoy): Il faudrait terminer bientôt, M. Vachon.
M. Vachon (Bernard): ... -- oui, je termine là-dessus -- et puis l'argument principal invoqué par le ministre à l'époque pour l'adoption de sa loi, c'était: empêcher des activités nuisibles à l'agriculture. Et en même temps, bien entendu, moi, je l'ai vu, d'autres ne l'ont pas vu, mais c'était une loi spectaculaire d'aménagement du territoire, bien entendu, parce qu'elle contraignait le développement urbain à l'intérieur des périmètres urbains.
Alors, la question est la suivante: En quoi une résidence individuelle au coeur de la forêt constitue-t-elle une menace, une nuisance à l'agriculture?
La Présidente (Mme Malavoy): Alors, écoutez, on va terminer sur ces exemples. Merci beaucoup de votre précieuse participation. Je pense que vous avez suscité beaucoup d'intérêt. Et donc nous terminons aujourd'hui la première journée d'auditions publiques.
J'ajourne donc les travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30, et nous siégerons dans la même salle. Je vous souhaite une excellente soirée.
(Fin de la séance à 18 h 2)