L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'aménagement du territoire

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'aménagement du territoire

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 3 juin 2004 - Vol. 38 N° 35

Consultations particulières sur le projet de loi n° 54 - Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures sept minutes)

Le Président (M. Ouimet): ...constate le quorum et je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 54, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.

Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Lemieux (Bourget) remplace M. Deslières (Beauharnois); M. Dion (Saint-Hyacinthe) remplace Mme Maltais (Taschereau); et M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) remplace M. Pagé (Labelle).

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, nous débuterons par des remarques préliminaires autant du côté gouvernemental que du côté de l'opposition. Par la suite, nous entendrons l'Union des municipalités du Québec, à 15 h 20; l'Ordre des agronomes du Québec, à 16 h 20; la Fédération des producteurs de porc du Québec, à 17 h 20; par la suite, à 20 heures, l'Union québécoise pour la conservation de la nature; et, à 21 heures, nous entendrons l'Union paysanne.

Remarques préliminaires

Alors, je demande au ministre des Affaires municipales s'il veut faire quelques remarques préliminaires, en vous rappelant que vous vous partagez une enveloppe de 10 minutes.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Affaires municipales, Sport et Loisir. C'est avec un plaisir pour moi d'être à la commission. Je salue les membres. Nous avons 10 minutes, nous ne les prendrons pas au complet, M. le Président, puisque c'est surtout la journée des consultations. Je tiens à saluer particulièrement et à souligner la présence de mes collègues de l'Environnement et de l'Agriculture qui vont nous accompagner au cours de ces consultations, au moment évidemment où des groupes relevant de l'ordre de l'un ou de l'autre seront présents.

Ça démontre l'approche que nous avons choisie, celle d'avoir une approche intégrée où l'ensemble des intervenants se donnent la main pour essayer de trouver le meilleur équilibre qui permet de concilier quelque chose qu'on considère tous important dans notre société, le droit de produire, un dossier qui a été abordé en long et en large au cours des dernières années, qui parfois évidemment, dans sa mise en application, peut soulever certaines contraintes... et donc concilier ce droit de produire avec la capacité démocratique de voir comment et légitimement par les élus locaux... comment on peut agencer, aménager ce droit de produire avec la vie citoyenne sur le terrain. Et les dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi omnibus qui touchent à d'autres sujets, il est donc possible que certains groupes qui viennent nous parler nous parlent aussi d'autres dispositions, pas juste de ceux... des dispositions concernant l'industrie porcine, mais la majeure partie de ceux qui vont venir, bien sûr, vont aborder ce sujet-là.

n (15 h 10) n

L'angle que, nous, nous avons privilégié, c'est de trouver donc le point d'équilibre qui permet d'avoir un développement durable, d'avoir du développement économique et de s'assurer que c'est aussi acceptable socialement, ce genre de développement, s'assurer qu'il y a une pérennité en matière d'environnement, et c'est un peu une partie des dispositions, celles qui se retrouvent dans le projet de loi qui sera discuté. L'ensemble des mesures, que ce soit pour l'agriculture, que ce soit pour l'environnement et même la santé, d'autres éléments se trouvent dans d'autres volets d'action du gouvernement. Ici, c'est le véhicule législatif qui touche particulièrement au monde municipal, qui ouvre la porte à la consultation des citoyens dans le cadre de l'émission d'un permis de construction notamment pour les nouvelles installations ou les agrandissements d'installations, pour s'assurer que les citoyens, dans leur milieu, puissent avoir leur mot à dire. Et c'est ce qu'on tente de faire en assurant donc par cette voie de consultation une mesure de transparence qui risque ? c'est ce qu'on souhaite ? qui risque de faire tomber quelques préjugés, qui sont des idées préconçues à l'avance. Avant même qu'on sache quel est le projet, parfois juste à entendre le thème, on se dit: Ah! on est contre. Et il faut essayer d'aller un peu plus loin pour voir s'il peut y avoir, avec de la transparence, avec de l'information, avec de la pédagogie, de l'acceptation sociale.

Et parfois ces informations-là vont permettre d'encadrer l'aménagement ou d'encadrer la production avec quelques éléments qu'on a associés dans le projet de loi qui font en sorte que les municipalités soient en mesure de dire aux producteurs: Oui, tu peux en faire, mais avec telle, telle, telle condition et qui sont des éléments de condition supplémentaires à la réglementation générale, là, seulement du cas par cas qui tient à se moduler à la consultation et aux cas qui seront sur le terrain.

Alors essentiellement pendant cette consultation particulière nous entendrons des groupes. Mes collègues pourront intervenir lorsqu'il s'agira de leurs groupes, et je suis convaincu que nous allons tirer profit de ces consultations. Nous entendrons certainement des points de vue qui vont nous permettre d'aménager encore mieux les dispositions que nous avons. Si tel est le cas, évidemment il y aura des propositions de modification au projet de loi. Ce qu'on cherche, sans aucun dogme, c'est de se dire quelle est l'approche la plus équilibrée, le meilleur moyen de concilier droit de produire et l'acceptation sociale de ce droit de produire. C'est ce qu'on verra au cours des deux prochaines journées, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. le ministre, pour ces remarques préliminaires. Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Non plus. Alors, bien, merci. Je vais aller du côté de l'opposition, et on m'a signalé que c'est M. le député de Saint-Hyacinthe qui va débuter avec ses remarques préliminaires. Il est porte-parole pour l'opposition officielle en matière d'agriculture, de pêcheries et d'alimentation.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. C'est sûr que nous abordons aujourd'hui une étude qui est extrêmement importante, et nous allons le faire avec la population qui vient nous aider à travers ses institutions, ses organismes. J'ai bien écouté le ministre des Affaires municipales, et tout le reste...

M. Fournier: Du Sport et du Loisir.

M. Dion: Et Sport et Loisir. J'ai vu qu'il était particulièrement intéressé par l'harmonisation, ça a été le coeur de son intervention. Il a quand même abordé un peu la question du développement de la production. Tout ça est bien important, parce que harmoniser, c'est une chose, mais, avoir un développement durable, ce n'est peut-être pas tout à fait la même chose.

Ce qui m'a surpris cependant, c'est que Mme la ministre de l'Agriculture n'est pas encore intervenue là-dedans. J'aurais aimé ça l'entendre avant de parler, j'aurais certainement tenu compte de ce qu'elle avait à dire. Mais il faut bien souligner que depuis le début de ce dossier-là on entend très peu de choses de sa bouche, pour ne pas dire qu'on n'entend rien jusqu'à maintenant. Alors, sans doute que du moins on peut espérer que l'avenir soit différent, parce que je pense qu'il lui appartient de prendre la part des producteurs dans ce débat et de faire en sorte qu'ils soient autre chose que... bien qu'on parle d'élevage, qu'ils soient autre chose que des boucs émissaires, hein? Je pense que les producteurs ne sont pas que cela.

On a un gros problème sans doute à regarder avec beaucoup de considération, qui est toute la question de la production par rapport à... On produit pour vivre, donc il faut maintenir notre environnement de telle sorte qu'il soit favorable à la vie et qu'il ne se désintègre pas. Et que non seulement il ne se désintègre pas, mais que, là où il a commencé à se désintégrer, qu'on puisse y porter remède. Alors, c'est ce qui nous préoccupe. Donc, nous, notre préoccupation, on est avec les producteurs agricoles; on pense que c'est possible de faire un développement, que c'est possible de faire un développement, à la condition qu'on le fasse de façon graduelle, que l'on fasse de façon ordonnée et qu'on le fasse dans une optique de développement durable, c'est-à-dire un développement qui ne détruit pas la source même du développement. Alors, c'est l'objectif, et je pense que pour y arriver il faut avoir des garanties, quand on va recommencer à donner des permis, il faut avoir des garanties qu'on n'ira pas contre ce principe-là et qu'on n'ira pas détruire par des mesures parallèles ou par d'autres conséquences de nos décisions l'effet bénéfique qu'on a voulu rechercher.

Alors donc, ça implique qu'on attaque la question de l'environnement de façon très... peut-être très modeste, très humble, parce qu'on n'aura pas... je pense qu'on ne pourra pas faire un long chemin en essayant de remettre le fardeau de la culpabilité sur un seul groupe dans la société. Je pense qu'il y a un problème, un problème réel de cohabitation sans doute, mais aussi un problème réel de pollution. C'est un problème de société. Ça n'implique pas que les producteurs de porc, ça implique l'industrie, ça implique les déchets domestiques, par le biais des municipalités, ça implique d'autres productions agricoles aussi. Donc, c'est un problème collectif. Nous, notre objectif, c'est de trouver tous ensemble ? avec les producteurs agricoles et non contre les éleveurs ? trouver tous ensemble une solution pour regarder l'avenir avec confiance.

C'est dans ce contexte-là qu'on va être très attentif à ce que les gens viennent nous dire, parce que ce sont généralement des praticiens, des gens qui vivent la réalité sur le terrain au jour le jour et qui sont les mieux à même, je crois, d'éclairer nos décisions. Donc, ce qu'on recherche, c'est le bien de l'ensemble de la société, et on pense que, si on est vraiment... si c'est ça qu'on veut atteindre, bien on va regarder l'objectif, l'objectif qui est améliorer la situation là où elle s'est détériorée et éviter qu'on ne la détériore davantage. C'est dans cette optique-là qu'on va écouter les gens qui viennent devant nous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, M. le député de Saint-Hyacinthe, pour ces remarques préliminaires. Je pense que le député du Lac-Saint-Jean et porte-parole pour l'opposition officielle en matière d'environnement souhaite nous adresser la parole aussi. Alors, à vous la parole, M. le député.

M. Stéphan Tremblay

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, étant un député provenant d'une région rurale où il y a beaucoup d'agriculture, je pense qu'il est correct de dire que je fais partie de ceux qui régulièrement côtoient des agriculteurs... et pour vous dire que ces derniers ont une volonté de faire une agriculture durable et une agriculture compatible avec l'environnement. Puisque, comme vous l'avez dit, je suis porte-parole en environnement et que j'ai un préjugé favorable pour l'agriculture, mais j'ai aussi... je veux regarder cette agriculture dans un concept de développement durable et une vision... une lunette à long terme et faire en sorte que nous, justement, puissions unir ces deux façons de voir les choses, c'est-à-dire une bonne agriculture en santé et un environnement respecté.

Cependant, le ministre de l'Environnement avait écrit, le 20 novembre 2003, qu'il serait périlleux de lever les contraintes à l'élevage porcin tant que nous n'aurons pas mis en place un plan d'action complet. Or, actuellement, dans le projet de loi que nous étudions aujourd'hui, il y a certains éléments qui en fait rejoignent les recommandations du Bureau d'audiences publiques. En fait, il y en a 12 sur 58 recommandations qu'on pourrait dire qui sont rejointes par le projet de loi aujourd'hui. Donc, il reste beaucoup à faire sur le plan environnemental, et c'est pourquoi que je ne peux qu'être un peu inquiet à l'égard du fait de la difficulté que peut-être nous aurons au mois de décembre à ce que les municipalités soient prêtes à gérer les responsabilités qu'elles auront et à faire en sorte que nous ayons tous les éléments de connaissance en matière environnementale, épidémiologique, par exemple au niveau des connaissances sur l'effet de l'accumulation de phosphore dans les nappes phréatiques.

Donc, il reste tellement de questions et surtout de réponses à avoir d'ici les sept prochains mois que je me permets d'être inquiet quant à l'assurance d'avoir une levée de moratoire qui soit respectueuse de l'environnement. Mais je donne la chance au coureur, et peut-être que le gouvernement a une carte dans son jeu qui va faire en sorte que tout pourra se faire dans l'harmonie. Et c'est à souhaiter, nous le souhaitons, nous aussi, de notre côté. Merci.

Organisation des travaux

Le Président (M. Ouimet): Alors, je vous remercie, M. le député du Lac-Saint-Jean. Maintenant, j'inviterais les représentants de l'Union des municipalités du Québec à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Et pendant qu'ils prennent place j'aimerais demander aux parlementaires: Comment souhaitez-vous organiser nos travaux? Souhaitez-vous faire un bloc de 20 minutes du côté ministériel, par la suite un bloc de 20 minutes du côté de l'opposition, ou souhaitez-vous faire des blocs de 10 minutes par alternance? M. le ministre, une indication?

M. Fournier: On va poser des questions. Quand on aura fini, on aura fini, là. Ça va bien aller, là.

Le Président (M. Ouimet): Oui. Alors, écoutez, on a développé l'habitude de faire des 10 minutes de part et d'autre par alternance, c'est ce que prévoit le règlement.

M. Fournier: Bon, bien faisons ça, si ça fait l'affaire de ma collègue.

M. Dion: M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): M. le député.

M. Dion: Je peux intervenir là-dessus, juste sur cette question-là? Moi, la question des 10 minutes par 10 minutes, je ne suis pas allergique à ça. Au contraire, ça peut mettre une certaine dynamique dans notre échange, à la condition que ce ne soit pas géré de façon stricte. Parce que je n'aime pas que les gens se fassent couper la phrase en plein milieu, qu'ils n'aient pas le temps de terminer une idée, je préfère qu'on le gère avec un minimum de souplesse pour que les gens puissent vraiment exprimer leur pensée.

n (15 h 20) n

Le Président (M. Ouimet): Alors, très bien. Moi, ça me convient parfaitement. Et d'ailleurs, M. le député de Saint-Hyacinthe, c'est la pratique que nous avons développée à cette commission parlementaire ci. Alors, je vous remercie.

Auditions

Maintenant, je demanderais à M. Michel Tremblay, qui est maire de Rimouski, qui dans une vie antérieure a déjà été député à cette Assemblée nationale, de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Tremblay (Michel): Alors, M. le Président, il me fait plaisir de vous présenter M. Marc Croteau, qui est le président-directeur général... non, qui est directeur général de l'Union des municipalités du Québec, et Mme Diane Fortin, qui est urbaniste et conseillère à l'Union des municipalités du Québec.

Le Président (M. Ouimet): Alors, vous avez 20 minutes pour la présentation, puis par la suite nous procéderons à un échange qui durera environ 40 minutes. À vous la parole.

M. Tremblay (Michel): Alors, M. le Président, M. le ministre des Affaires municipales, Mme la ministre de l'Agriculture, M. le ministre de l'Environnement, madame la responsable de l'opposition officielle, Mmes, MM. les députés, alors je vous remercie d'offrir cet après-midi à l'Union des municipalités du Québec l'opportunité de vous faire part de ses commentaires sur le projet de loi n° 54.

Permettez-moi d'abord... Non. L'Union des municipalités du Québec reconnaît l'importance économique et sociale de l'agriculture et sa primauté en zone agricole. Malheureusement, il appert que le processus d'intensification de l'agriculture, dont la filière porcine, a des incidences considérables sur l'environnement, aux plans de la pollution ainsi que de la qualité de vie et de la santé des populations.

Longtemps considérée comme un phénomène de communauté, l'agriculture a effectivement permis à de nombreuses collectivités rurales à travers le Québec de voir le jour et de façonner une grande partie de la société que nous connaissons aujourd'hui. Mais le monde rural québécois a subi d'importantes transformations au cours des 50 dernières années.

L'importance de l'agriculture dans l'économie du Québec est indéniable, et celle-ci joue un rôle structurant dans plusieurs régions. Ceci dit, l'agriculture s'est sectorialisée et spécialisée par souci d'efficacité économique et politique. Cette spécialisation, bien que fort utile pour les agriculteurs qui sont à la fine pointe de la technologie, a eu pour effet d'isoler le monde agricole des nouvelles dynamiques de développement local et régional. La filière porcine en est un excellent exemple, les producteurs de porc s'étant mis à l'heure de la concurrence internationale, avec tous les problèmes de cohabitation que cela engendre.

Malheureusement, on réduit encore trop souvent le monde rural à l'agriculture, alors que la diminution constante de l'importance relative des emplois dans ce secteur a conduit de nombreuses collectivités rurales à se tourner vers d'autres secteurs d'activité pour assurer leur survie. Cette situation a engendré des conflits d'usage entre certaines activités agricoles comme la production porcine et ces autres activités jugées essentielles à leur survie par les communautés rurales. Tout cela risque de compromettre l'occupation dynamique du territoire rural en déstructurant les économies locales.

À cette problématique d'aménagement du territoire où l'agriculture n'est plus la seule activité économique à tirer profit des ressources offertes par la campagne s'ajoute la pollution d'origine agricole, qui fait en sorte que la ruralité ne sera plus attrayante à court terme.

Ces enjeux ont suscité de nombreux débats sur l'acceptabilité sociale de ce type de production. À ce sujet, il importe de rappeler que les municipalités ont la responsabilité d'assurer la cohabitation harmonieuse entre les usages agricoles et non agricoles et le devoir de favoriser les activités agricoles en zone agricole. L'Union des municipalités du Québec reconnaît d'ailleurs que l'agriculture constitue un patrimoine national qu'il faut préserver.

C'est donc avec satisfaction que l'Union des municipalités du Québec a pris connaissance le 13 mai dernier des orientations qui guideront le plan d'action gouvernemental destiné à mettre en place les conditions essentielles à la levée du moratoire sur la production porcine au Québec prévue pour décembre prochain. Ces orientations répondent aux quatre grands principes qui ont guidé les actions et les revendications de l'Union des municipalités du Québec au cours des dernières années dans les domaines de l'aménagement et de la protection environnementale liés aux activités agricoles, tels que la protection de la santé des citoyens et citoyennes, d'une part, la protection des écosystèmes, la vitalité économique des municipalités concernées et enfin le soutien à l'activité agricole, qui a su au fil du temps assurer le développement économique de l'ensemble de la société québécoise.

Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter en particulier de l'article 5, qui modifie la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et plus particulièrement... et plus spécifiquement de la section 10.1, qui concerne les dispositions particulières aux élevages porcins. Cette section vise à offrir un rôle accru aux municipalités au moment de l'établissement des installations agricoles.

Tout d'abord, l'Union des municipalités tient à saluer l'inclusion dans le projet de loi d'une obligation de consultation des populations locales supervisée par les municipalités. Il s'agit là d'une demande faite par l'Union des municipalités lors de la commission sur le développement durable de la production porcine au Québec et qui se retrouve parmi les recommandations formulées dans le rapport du BAPE.

Nous le savons tous, un des défis auxquels nous sommes confrontés en tant que société est la reconstruction du pacte social autour du développement de la production porcine. La consultation des populations locales est un moyen de prendre en considération les préoccupations des résidents des milieux ruraux et urbains en amont des conflits d'usage. La mise en place d'une véritable démocratie participative est essentielle pour la filière porcine, puisque les citoyens souhaitent participer et s'impliquer efficacement à la détermination de l'usage collectif des ressources de leur territoire. La création d'un mécanisme de consultation publique préalable à la délivrance d'un permis portant sur l'implantation ou l'agrandissement d'un établissement de production porcine va dans ce sens. Pour l'Union des municipalités du Québec, la consultation publique, c'est l'ouverture aux modifications suite à l'écoute des préoccupations des citoyens, de leurs besoins et de leurs valeurs dans la recherche de la cohésion sociale et de l'intérêt général.

À cet égard, l'Union des municipalités du Québec se réjouit que le gouvernement rende obligatoire un processus de consultation publique à l'échelle locale pour tous les projets d'implantation de porcheries au Québec. Il est demandé que des dispositions soient prises pour assurer que cet exercice de consultation soit obligatoirement tenu avant l'étape de l'émission du certificat d'autorisation par le ministère de l'Environnement.

Or, notre interprétation du texte de loi nous laisse croire que le processus de consultation pourrait être initié après l'émission du certificat d'autorisation. Cet élément s'avère l'un des aspects les plus préoccupants à notre avis. M. le ministre, vous le savez comme nous, la perception est souvent bien plus importante que la réalité, surtout lorsque la variable émotive entre en ligne de compte, comme cela a toujours été le cas des projets de production porcine. En tenant la consultation après l'émission d'un certificat d'autorisation, le processus de consultation sera nécessairement perçu par les citoyens comme un exercice bidon. Toute la question de la cohabitation harmonieuse et de l'acceptabilité sociale de la production porcine demeurera non résolue.

Autre avantage important, pour ne pas dire indéniable, au fait que la consultation se déroule avant l'émission du certificat d'autorisation est que celui-ci pourra être bonifié lors de l'étude du dossier par les fonctionnaires du ministère de l'Environnement. Ceux-ci auront été sensibilisés aux préoccupations environnementales locales que manifesteront les citoyens lors de la consultation et leur permettront d'émettre ou non le certificat d'autorisation avec ou sans condition. De telles dispositions permettraient véritablement de tendre vers l'objectif de développement durable de la production porcine.

n (15 h 30) n

En ce qui a trait aux mesures de mitigation, le projet de loi offre aux municipalités de rattacher des conditions au permis de construction pour tenir compte des résultats de la consultation publique et des préoccupations des citoyens. Cet article s'insère dans l'une des sept orientations présentées le 13 mai dernier par les ministres Mulcair, Gauthier, Fournier et Couillard, à savoir celle d'une implication accrue des municipalités régionales et locales.

J'aimerais souligner deux points à ce sujet. Tout d'abord, l'Union des municipalités apprécie la possibilité qu'auront désormais les municipalités d'influencer le développement de l'industrie porcine sur leurs territoires. Les élus locaux veulent développer et organiser leurs municipalités et leurs campagnes comme leurs citoyens leur demandent, en respectant leurs choix et leurs volontés. C'est le fondement même du système de gouvernance mis en place par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Les élus locaux veulent procéder à une gestion stratégique de leurs territoires agricoles en mettant leurs citoyens à contribution dans le respect du champ de compétence des institutions et des acteurs impliqués.

Les conditions pouvant être assujetties à la délivrance du permis contenues dans le projet de loi sont au nombre de cinq et concernent essentiellement les odeurs et la protection de l'eau. Les demandes qu'a présentées l'Union des municipalités dans son mémoire au BAPE allaient beaucoup plus loin tant au niveau de la capacité des municipalités à influencer le développement de leurs territoires que des mesures de protection de l'environnement et de l'eau. Ceci dit, nous reconnaissons que la possibilité offerte aux municipalités québécoises d'imposer des conditions liées à l'émission du permis de construction en fonction des préoccupations de la population constitue un grand pas dans la bonne direction.

Ensuite, lorsqu'il est question de l'implication accrue des municipalités régionales et locales, le projet de loi n° 54 est muet sur un point important, à savoir celui du contingentement des porcheries en zone agricole, et nous y tenons fermement, tout comme la commission sur le développement durable de la production porcine, avec la cinquième recommandation de son rapport.

L'Union des municipalités a toujours demandé au cours des dernières années que les décisions prises au niveau national concernant le développement de la production porcine laissent une marge de manoeuvre au niveau local et régional pour décider si une telle activité doit être implantée sur son territoire, et ce, pour atteindre une gestion intégrée du territoire. Le défi est de taille pour les municipalités qui doivent favoriser le développement d'une agriculture acceptable socialement, c'est-à-dire qui se fait dans le respect de la protection de l'environnement, d'une part, et de la santé des citoyens, tout en permettant le développement économique de leurs collectivités.

Lors de la rencontre de la Table Québec-municipalités tenue le 20 février dernier, le ministre des Affaires municipales nous présentait un document contenant une liste de mesures envisagées parmi lesquelles se trouvait celle-ci, et je cite: «Outre la possibilité de rattacher des conditions au permis de construction, la MRC pourrait contingenter les porcheries en zone agricole, dans la mesure où un tel contingentement serait justifié.» De plus, le communiqué de presse émis le 13 mai dernier par le ministère reprend la même formulation lorsqu'il est question de permettre aux MRC de contingenter les nouveaux élevages porcins. À notre avis, il est impératif que cette mesure se retrouve dans le projet de loi n° 54, puisqu'elle constitue un volet essentiel à l'implication accrue des municipalités régionales et locales dans le développement durable de la production porcine au Québec et de la planification de leurs territoires. N'oublions pas que le moratoire sera levé en décembre prochain. Il est donc primordial que cette modification législative soit prévue dès maintenant.

Je vais maintenant aborder la problématique de l'épandage des déjections animales, qui constitue à notre avis un autre élément qui mérite précision dans les modifications législatives proposées dans le projet de loi n° 54. Comme nous le soulignions lors de notre participation aux audiences de la commission sur le développement durable de la production porcine au Québec, l'épandage des déjections animales est considéré dans plusieurs municipalités comme un usage qui amène des conflits de cohabitation dans les territoires, ce qui contribue à désolidariser certains milieux ruraux déjà fragilisés et à freiner la croissance du secteur agricole.

Les municipalités revendiquent de nouveaux pouvoirs en matière de contrôle de l'épandage. Certaines municipalités n'ont aucun établissement porcin sur leurs territoires, et pourtant elles sont en surplus de lisier. La problématique du contrôle des ententes d'épandage demeure non résolue, et le gouvernement devra s'y attaquer rapidement, avant la levée du moratoire. Les municipalités souhaiteraient contrôler ce genre d'activité selon les particularités de chaque milieu. Les municipalités réceptrices de ces déjections sont préoccupées par la pression sur leurs sols et sur les nappes phréatiques, ainsi que par la problématique de la cohabitation et de l'acceptabilité sociale de ce genre de pratique qui menace la santé de la population et les équilibres naturels déjà fragilisés. Aussi, l'Union des municipalités demande au gouvernement de revoir les dispositions de l'article 463.2 de la Loi sur les cités et villes pour porter de huit à 12 le nombre de jours où les municipalités pourront interdire l'épandage, tel qu'annoncé lors de la conférence de presse des ministres concernés, le 13 mai dernier.

En termes de conclusion, M. le Président, pour terminer, nous tenons à souligner notre satisfaction de constater que l'ensemble de notre travail a porté fruit. Le gouvernement met en place des mesures qui accentuent le rôle que joueront les municipalités dans le processus d'implantation ou d'agrandissement des porcheries en le rendant plus cohérent et transparent. Le processus suggéré permettra ainsi de favoriser l'acceptabilité sociale des projets dans le respect du développement durable. L'Union des municipalités salue également les mesures d'accompagnement proposées pour faciliter l'adaptation des producteurs agricoles aux nouvelles règles. Il y a longtemps que nous affirmons que la cohabitation entre l'exploitation agricole et les milieux habités est la clé du succès. La concertation entre les élus locaux, les producteurs, les résidents et les organismes du milieu démontre bien que la responsabilité sociale revient à tous les intervenants.

Cependant, dans un objectif de mise en place des conditions gagnantes pour établir une véritable gestion durable des territoires agricoles qui assurera la vitalité des communautés, nous vous incitons à revoir le cadre législatif du régime de protection du territoire et des activités agricoles, soit la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, ainsi que les orientations gouvernementales afin de les ajuster aux réalités municipales. Pour ce faire, l'Union des municipalités du Québec réitère son entière collaboration au gouvernement en lui offrant sa participation à toutes les discussions relatives à de futures modifications législatives concernant la production porcine au Québec et, de façon plus globale, le développement durable de l'agriculture afin qu'ils soient acceptables pour l'ensemble des acteurs de la société.

Enfin, nous tenons à souligner l'excellente collaboration de l'équipe du ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir dans ce dossier. Voilà, M. le ministre et M. le Président, notre rapport, le dépôt de notre rapport.

Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Tremblay, je vous remercie pour votre présentation. Je vais maintenant ouvrir la période d'échange entre votre organisme et les parlementaires en cédant la parole au ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. le président et les gens de l'UMQ, bienvenue parmi nous cet après-midi. Un échange qui sera court ne serait-ce que parce que cette collaboration que vous soulignez dans votre mémoire nous a permis d'avoir déjà de nombreux échanges. Je voudrais vous remercier de signaler cette collaboration et vous dire réciproquement: Ça se joue dans les deux sens. Et je pense que les commentaires que vous nous faites à l'égard de nombreux dossiers comme celui-là nous permettent d'avancer et de faire des progrès.

n (15 h 40) n

Je tiens à signaler, parce que je pense que des fois ça vaut la peine de relever certains points, on a tendance quelquefois à opposer soit le milieu agricole et le milieu municipal parce qu'il y en a un qui veut opérer et l'autre qui fait un encadrement, et je note dans votre mémoire que vous... et à plusieurs endroits, mais j'en prends un où c'est signalé: «L'UMQ reconnaît l'importance économique et sociale de l'agriculture et sa primauté en zone agricole.» Alors, il est clair ? et ça s'est fait à plusieurs autres endroits ? il est clair que, pour l'Union des municipalités du Québec, l'objectif n'est pas d'éviter qu'il y ait de l'agriculture, l'objectif n'est pas de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'élevage porcin, l'objectif, c'est que le tout soit acceptable socialement, qu'il y ait un encadrement qui fait que c'est correct, que ça respecte un objectif de développement durable. Et je tiens à le dire, que l'approche que vous avez n'est pas une approche querelleuse et prohibitive, mais une approche qui cherche à ce qu'on puisse concilier les usages sur un territoire.

Vous notez certains éléments pour lesquels j'ai déjà eu... D'ailleurs, vous référez au communiqué, là, lorsqu'il y a eu l'annonce notamment sur le contingentement et sur les jours d'épandage... de huit à 12. C'est déjà souligné dans les communiqués, j'ai eu l'occasion de le dire lors du principe puis j'ai déjà eu l'occasion d'annoncer qu'il y a quelques modifications pour s'adapter à notre intention initiale, à nos communiqués. Il s'agit de trouver les... j'ai le mot «wording», en anglais, là, mais les bons mots, là, le bon libellé pour le tout, mais les intentions sont celles que vous avez vues dans le communiqué.

J'ai une question essentielle, qui soulève, tant qu'à moi, un questionnement, et je veux revenir sur ce que vous nous dites, c'est la question de la consultation avant ou après l'émission du certificat d'autorisation par le ministère de l'Environnement. À juste titre, je suis d'accord avec vous, vous dites que la perception est souvent plus importante que la réalité. D'ailleurs, c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait une consultation, pour que les gens puissent avoir l'ensemble des informations. Alors, je vous soumets la chose suivante. Si l'Environnement n'a pas encore fait son étude, si l'Environnement n'a pas encore émis son avis, n'y a-t-il pas crainte que la consultation porte beaucoup plus sur l'aspect de l'environnement que sur... l'aspect et des conditions d'émission de l'Environnement, qui sont propres aux règles du ministère de l'Environnement, que sur les règles que nous voulons donner, les outils que nous voulons donner au monde municipal sur les conditions accessoires au permis de construction? Est-ce qu'il n'y a pas lieu qu'il y ait à ce moment-là un débat où finalement on va avoir plus de craintes appréhendées, anticipées ou sur lesquelles il n'y aurait pas de documentation si on est avant que l'Environnement ait émis la conclusion de ses propres études à elle, et somme toute la consultation va donc porter peut-être sur des perceptions plus que sur des réalités? Si on a l'information avant, est-ce qu'on n'a pas quelque chose de plus dans l'échange avec le citoyen?

M. Tremblay (Michel): Je vais laisser répondre M. Croteau...

M. Croteau (Marc): Une des problématiques, M. le ministre, lorsqu'on analyse les contestations, les manifestations qu'on a retrouvées un peu partout au Québec, dans la plupart des régions, parce qu'on retrouve la production porcine de plus en plus, là, dans toutes les régions du Québec, c'est que beaucoup des ? effectivement, vous avez raison ? que beaucoup des inquiétudes, des préoccupations des citoyens et des citoyennes sont d'envergure environnementale. Par ailleurs, le fait de tenir une consultation obligatoire maintenant vient sécuriser le citoyen qu'il aura son mot à dire et aussi qu'il pourra bénéficier du fait de connaître toutes les contraintes environnementales avec lesquelles les producteurs agricoles, les producteurs porcins auront à leur tour à vivre... ou à laquelle elles devront s'encadrer pour avoir une saine implantation. Je pense que ça va être beaucoup plus bénéfique pour le citoyen de connaître les contraintes environnementales, de connaître la réglementation qui va régir l'implantation des producteurs agricoles à l'intérieur des municipalités, qui va permettre d'avoir une saine cohabitation. Ils vont comprendre de quelle façon ils devront respecter l'environnement en même temps que respecter l'aménagement du territoire, pour être capable d'avoir un territoire dynamique.

M. Fournier: Est-ce qu'ils vont vraiment avoir cette information-la si l'Environnement n'a pas encore pris sa décision, l'Environnement n'a pas encore fait l'étude, justement? Ils vont arriver sans aucune analyse de l'Environnement à ce moment-là, lorsque la consultation va se tenir. Ils vont plutôt arriver dans un forum de consultation ayant peu d'information de l'Environnement, puisqu'on n'aura pas encore passé cette étape-là.

M. Croteau (Marc): Mais ce qu'on dit, c'est qu'il faut que cette consultation-là ait lieu avant l'émission du certificat, ce qui ne veut pas dire que l'Environnement n'aura pas eu le temps d'analyser la demande. Mais, avant que le ministère émette le certificat... Tentez d'imaginer une municipalité qui va convoquer ses citoyens à une soirée de consultation, et la première chose qu'on va leur dire, c'est qu'une telle entreprise a déjà son certificat d'autorisation, qu'on est ici maintenant pour voir comment ça va s'implanter. Tout le débat va graviter autour des inquiétudes environnementales quand même, là, il va toujours graviter autour de ça.

Donc, ce qu'on trouve d'avantageux de la tenir avant l'émission du certificat, qu'il ne... en fait qui va permettre à l'Environnement de faire l'étude du dossier avant, là, mais pas d'émettre le certificat, ce n'est pas du tout cuit. Les citoyens n'auront pas la perception que tout est cuit, que tout est déjà réglé et puis que la situation de toute façon va se faire, peu importe ce qu'on dit. Et aussi ça va permettre davantage aux fonctionnaires du ministère de l'Environnement de comprendre un peu aussi les inquiétudes, les interrogations, les préoccupations des citoyens, qu'elles soient autant environnementales que dans les besoins d'implantation de la porcherie.

M. Fournier: Votre proposition est à l'effet que la consultation se tienne presque juste avant l'émission du certificat, une fois que l'Environnement a fait la majeure partie de son travail d'étude et d'analyse, qui l'amène normalement, là, quand il n'y a pas de consultation, à dire: Je l'émets. Là, on n'est donc pas à une étape où l'Environnement commencerait à être saisi du dossier, on est plutôt à l'étape où l'Environnement a presque fini de se saisir du dossier, a l'ensemble du portrait, peut en communiquer de très, très grandes parties à la population. En fait, il aurait presque émis ? et là je vais dans l'hypothèse, hein, parce que ce n'est pas ça qui est anticipé dans le projet de loi, mais pour discuter avec vous ? il aurait presque émis un certificat suspensif en disant: Voici l'ensemble des considérations, voici comment ça se présente sur le terrain, voici comment la production va se faire. On envisage que ça pourrait se faire, parce que les études qu'on a faites amènent à dire que c'est possible. Maintenant, à la dernière minute, là, avant de dire oui, on est rendu au stade où on veut vous entendre. C'est un peu ça que vous voulez dire?

M. Croteau (Marc): Effectivement. La dernière chose qu'on voudrait voir, ce serait une consultation par la municipalité de ses citoyens sur une production porcine qui n'a pas eu une préanalyse, ou peu importe comment vous l'expliquez. Quelqu'un qui veut dire: Je veux implanter une porcherie de 8 000 porcs, puis ça ne rencontre même pas les capacités porteuses du sol et que... on discute pour rien, là. Donc, oui, il faut qu'il y ait un processus d'analyse avant pour voir si le projet peut être encadré à l'intérieur de la réglementation environnementale en place.

M. Fournier: Très bien. C'est l'essentiel de la disposition sur laquelle on a à discuter, puis je vais prendre note de ce que vous nous avez dit.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le ministre. Alors, je vais aller maintenant du côté de l'opposition. Mme la députée de Bourget et porte-parole pour l'opposition officielle des dossiers des affaires municipales et...

Mme Lemieux: N'incluant pas le sport et loisir.

Le Président (M. Ouimet): N'incluant pas le sport et loisir, je dois m'en rappeler. Merci.

Mme Lemieux: Alors, d'abord je voudrais saluer M. Tremblay, M. Croteau, Mme Fortin. Merci de votre présence. M. Tremblay, maire de Rimouski, nouveau président de l'Union des municipalités du Québec, alors bienvenue à l'Assemblée nationale. Je pense que votre présence est très importante, parce que ce projet de loi n° 54 comporte donc des dispositions importantes, qui entraînent de lourdes responsabilités. Ce n'est pas péjoratif quand je dis ça, mais tout de même de lourdes responsabilités envers les municipalités au sujet de la gestion du futur de la production porcine au Québec.

Je voudrais compléter un peu la conversation que vous avez amorcée avec le ministre, parce que c'est quand même un élément clé, là, de votre mémoire, à savoir que les consultations se fassent avant l'émission du certificat d'autorisation. Est-ce que... Parce que ce que je comprends de la proposition et du processus qui est proposé par le gouvernement, c'est qu'une municipalité ait des moyens d'identifier des conditions qui vont faciliter la gestion de nouveaux projets de production porcine. Or, est-ce qu'il n'est pas plus sage ? je vous pose la question ? que vous ayez dès le départ un signal si un projet passe, oui ou non, le test des critères environnementaux, plutôt que d'entraîner les gens dans toute une discussion à savoir si on accepte l'agrandissement de telle ou telle porcherie, mais qu'au bout du compte finalement les organismes environnementaux qui doivent émettre ce certificat ? comment s'appelle-t-il? ? d'autorisation... Si ça arrive après, là, il y a quelque chose qu'on aura fait à reculons, finalement. Est-ce qu'il n'est pas mieux que ce soit au clair auprès des citoyens, que ce test environnemental soit passé, et après que se discutent les conditions, là, qui sont énumérées à l'article 5 du projet de loi n° 54?

M. Croteau (Marc): Oui. Bien en fait l'essentiel, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Ouimet): Oui, oui, allez-y.

M. Croteau (Marc): L'essentiel, Mme Lemieux, c'est que le citoyen puisse aussi exprimer ses préoccupations environnementales. Le processus qu'on propose ferait en sorte que les spécialistes du ministère de l'Environnement auraient déjà fait l'analyse du dossier avant l'émission du certificat. C'est évident que, quand on est rendu à l'étape où le ministère de l'Environnement dit: Ça rencontre toute notre réglementation environnementale, et il s'agit maintenant... Et ce serait une ouverture du gouvernement en fait, hein, du ministère de l'Environnement d'aller entendre et écouter ce que la population a à dire quant aux préoccupations. Possiblement qu'il y aurait là des aspects, des éléments qui n'auraient pas été vus par le ministère de l'Environnement.

n (15 h 50) n

Le certificat d'autorisation, madame, c'est l'étape finale. Une fois que c'est donné, c'est donné, on doit vivre avec. Peut-être qu'il y aurait des conditions qui pourraient être appliquées au certificat d'autorisation que les municipalités n'auraient pas le pouvoir d'y mettre, et là le ministère pourrait ajuster. Vous avez tout à fait raison qu'il ne faut pas aller consulter la population sur des projets qui n'ont pas passé toute l'analyse. Donc, c'est l'étape, là, à minuit moins dix, là, avant l'émission de certificat, où on pourrait participer... le ministère de l'Environnement pourrait participer à ce moment-là à la consultation pour écouter, entendre et surtout comprendre ce que les citoyens ont à dire.

Mme Lemieux: Un peu dans le même sens ? et ce serait formidable que le ministre m'écoute, parce que je vais lui poser une question ? un peu dans le même sens, vous rapportez dans votre mémoire qu'à l'occasion d'une rencontre de la Table Québec-municipalités, le 20 février, le ministère des Affaires municipales vous présentait un document contenant une liste de mesures envisagées, parmi lesquelles se trouvait celle-ci: «...la possibilité de rattacher des conditions au permis de construction, la MRC pourrait contingenter les porcheries en zone agricole, dans la mesure où un tel contingentement serait justifié».

Et vous rappelez à juste tire que, dans le communiqué de presse émis par les différents ministres concernés par ces amendements, il est question également dans l'annonce gouvernementale de permettre aux MRC de contingenter les nouveaux élevages porcins. Vous notez que ça ne se retrouve pas à l'article 55, la question, sous-entendue, que je pose... au projet de loi n° 54, pardon. En sous-entendu, je demande au ministre: Est-ce que ça fait partie des amendements qu'il compte présenter?

M. Fournier: Oui.

Mme Lemieux: Oui. Bon, c'était utile, hein, que le ministre m'écoute.

M. Fournier: Je ne manque jamais un mot.

Mme Lemieux: Et je vous pose les questions suivantes: Est-ce que je comprends que votre désir, c'est que dans certaines municipalités les municipalités aient le pouvoir, peu importent les nouvelles demandes, de statuer dès maintenant qu'il n'y aura pas de nouveaux élevages porcins? C'est ce que vous demandez?

M. Croteau (Marc): Le contingentement va beaucoup plus loin que ça. D'ailleurs, il faut être encadré par les orientations gouvernementales. Un des éléments... Et c'est ce qui est le plus délicat dans le mémoire, dans la situation qu'on cherche, on cherche l'équilibre. Vous savez ? et on le dit dans le mémoire qu'on a déposé aujourd'hui ? l'agriculture, c'est un patrimoine national. Est-ce qu'on peut laisser à un niveau local le soin de décider s'il va y avoir, oui ou non, des porcheries? On ne peut pas, d'une façon unilatérale, dire que ce sont les 1 146 municipalités du Québec qui vont décider si, oui ou non, il va y avoir des porcheries. Ce serait, je crois, irresponsable. Par contre, les municipalités, les MRC ont un rôle important, c'est d'intégrer à l'intérieur d'un aménagement du territoire un territoire qui reflète la vision, les besoins de leurs citoyens, mais aussi les orientations gouvernementales et la position nationale sur l'agriculture. Donc, c'est de tenter de trouver l'équilibre entre les deux.

Le contingentement, madame, à l'intérieur des orientations gouvernementales, qui restent à être déterminées, qui restent à être ajustées, va nous permettre de voir dans quelles MRC, combien de porcheries, combien de porcs, combien de charge de phosphore, etc., avec... soit par bassin versant, soit par territoire de MRC. Il reste à définir de quelle façon qu'on va regarder le contingentement. Est-ce qu'il va se faire par bassin versant, par territoire de MRC, par municipalité? Il reste à définir. Et je pense qu'il faut que ce soit une dynamique qu'on retrouve avec le gouvernement, avec les producteurs et avec les municipalités.

Mme Lemieux: D'accord. Dans le projet de loi n° 54 est établi un certain nombre de conditions auxquelles un conseil municipal peut assujettir la délivrance du permis. Et à la fin ? je ne veux pas les relire, là, je crois que vous les connaissez ? à la fin, l'article... en fait, on amende l'article 145... on ajoute l'article 145.35.1. Cet article-là se conclut par la phrase suivante: «L'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité.» Fin de la citation.

Ça veut donc dire qu'une municipalité, dans ces conditions, devra considérer cet aspect. Ce n'est pas simple. Comment vous interprétez cet article? Comment ça se mesure, ça, l'impact substantiel sur sa rentabilité? Quels outils sont, ou seront, ou aurez-vous besoin pour pouvoir documenter cet aspect? Il y a quelque chose d'un peu délicat, là, non?

M. Croteau (Marc): Il y a beaucoup d'inconnues dans cette affirmation-là, il y a beaucoup d'inconnues dans l'aménagement du territoire dans son entièreté. Quand un conseil municipal statue sur un plan d'ensemble, quand un conseil municipal va statuer sur l'implantation d'un centre d'achats et qu'on va lui dire: Tu vas lui mettre de la brique rouge puis un toit jaune, souvent les promoteurs vont dire que c'est exagéré. J'ai déjà eu le débat, madame, dans une ancienne vie. J'ai déjà été un élu local, et puis on a fait une guerre à Poulet frit Kentucky qui voulait s'intégrer sur la rue principale, et puis on lui a dit: Nous autres, on ne met pas ça, du rouge puis du blanc, sur la rue principale. Nous autres, c'est de la pierre, c'est un secteur patrimonial. Et on s'est battu, on a mis des conditions. Ça a fini en cour, et on a gagné. Les conditions doivent respecter autant le voeu de la municipalité que l'entreprise, et le jugement, dans ce cas-là, avait dit à Poulet frit Kentucky: Regarde, ce n'est pas ton enseigne que tu vends, là, tu vends du poulet. Donc, c'est le même principe, madame. Il faut que les conditions soient des conditions d'implantation et non pas des conditions d'interdiction. Si je peux me résumer, là, en gros, c'est ça.

Mme Lemieux: O.K. Mais je reviens au point de départ de votre réponse à ma question, vous dites... Tout de même, il va falloir des outils pour mesurer ça, l'impact substantiel sur la rentabilité. Tous les conseils municipaux n'ont pas des comptables, là. Là, ça ne peut pas se faire comme ça, à la va comme je te pousse, là. Alors, de quoi avez-vous besoin? Les municipalités n'ont pas toutes les mêmes ressources, elles ne sont pas toutes de même taille. Ça n'a pas rapport avec les compétences, mais des fois il n'y a pas la masse critique et le temps qui fait qu'il y a une expertise qui s'est développée, que ce soit en consultation ou en gestion de ce type de projets. De quoi avez-vous besoin pour, en toute équité, de la manière la plus ? passez-moi l'expression ? la plus «clean» possible pour tout le monde, mesurer l'impact substantiel sur la rentabilité? C'est une lourde responsabilité, tout de même.

M. Croteau (Marc): Et c'est le travail qui devra être fait dans les mois à venir, et on termine notre mémoire en disant qu'on est prêt à offrir notre pleine collaboration aux différents ministères, parce que, nous aussi, on va avoir besoin d'outils. On a vu, madame, et vous allez entendre... J'ai cru entendre que aviez l'Union paysanne plus tard aujourd'hui. Vous allez entendre la Fédération des producteurs de porcs qui, d'un côté, va dire qu'il faut que ce soit du lisier liquide, et que ça prend 700, 800, 8 000, 4 000 porcs pour être rentable, et l'Union paysanne va venir vous dire qu'on peut opérer une porcherie rentable à 75. Donc, c'est évident qu'on est loin de trouver un consensus, sauf qu'on va avoir besoin d'outils aussi. Les municipalités vont avoir besoin d'être mieux outillées, mieux informées et mieux formées, autant les élus décideurs que les inspecteurs qui auront à appliquer et à analyser les dossiers. Ces outils-là ne sont pas en place actuellement. Ils devront être élaborés au cours des prochains mois, et c'est ce qu'on offre au niveau de la collaboration. Mais vous avez raison qu'actuellement ce n'est pas là, il y a beaucoup d'abstrait.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Croteau. Je retourne du côté ministériel. M. le ministre.

M. Fournier: Puisque la discussion nous a amenés sur le sujet, simplement pour dire que tout cela est bien entendu depuis le tout début. D'ailleurs, si on envisage de faire cette modification à cette session parlementaire, c'est pour nous permettre de développer les outils et de faire cette formation, cette préparation du milieu municipal pour la levée du moratoire. La levée du moratoire est, comme je l'ai déjà dit lors de la motion de scission... ce n'est pas inclus dans le projet de loi, là, ce n'est pas le 15 de juin que ça se fait, ça, parce qu'il y a une bonne étape de préparation du terrain à recevoir les nouvelles conditions. Et, comme c'était souligné dans le mémoire, et on l'a dit tantôt d'entrée de jeu, nous allons avoir besoin de votre collaboration et on va avoir besoin d'avoir des échanges constants pour nous assurer que cela peut se faire sur le terrain. Il y a différents outils dans le projet de loi qui sont envisagés pour les municipalités à densité trop faible, qui peuvent toujours avoir le recours à la MRC pour faire la consultation, pour avoir des outils qui seraient en partage pour des régions, là, faiblement peuplées. Alors, il y a des outils comme ceux-là, là, pour revenir à la discussion qui avait été soulevée par ma collègue tantôt.

n (16 heures) n

Par ailleurs, je note ? et je pense que vous le dites correctement ? une réglementation et une prohibition, c'est deux choses, là. Une réglementation d'implantation puis une réglementation qui vise finalement indirectement à prohiber, c'est deux choses. On va toujours avoir des gens qui vont nous dire, puis ça, c'est... Généralement, à chaque nouvelle pièce législative, il y a quelqu'un qui dit: Oui, mais ça pourrait toujours être contesté. Et parfois il y a des lois qui effectivement sont contestées; on appelle ça le test, hein? Le test judiciaire qui vient interpréter, qui vient stabiliser l'interprétation jurisprudentielle qui va en être faite, mais... Et, dans des dossiers comme ceux-là, écoutez, il y en a eu beaucoup, de contestation, dans le passé. Je ne pense pas qu'on peut imaginer qu'il n'y aurait pas personne qui n'aurait pas le goût de contester. Ils ont le droit, ça fait partie de nos outils démocratiques, les tribunaux. Mais je pense qu'ils vont... que cet outil-là peut être utilisé pour stabiliser et aller chercher l'intention du législateur, et vous le dites très bien, vous qui êtes une des parties impliquées, très importante, dans cette conciliation du droit de produire et de la conciliation des usages sur un territoire.

Il n'est pas question, dans l'intention ni du législateur ni même d'une partie comme la partie municipale, d'en arriver à utiliser des outils pour prohiber. Ce sera prohibé quand ce n'est pas faisable environnementalement, puis il y a d'autres conditions, dans l'ensemble de la production porcine, qui, lorsque ce n'est pas possible, bien ce n'est pas possible. Mais, lorsque c'est possible, c'est comment on le fait? Et là on est dans le comment on le fait, on n'est pas dans on ne le fait pas, on est dans comment on le fait, quels sont les aménagements pour que ça se fasse.

Et je pense que ça, c'est un élément essentiel de ce que vous venez de dire, qui est au coeur de l'intention du législateur dans cette loi. Et je suis persuadé que ce que vous nous avez dit tantôt sera, si jamais il y avait des contestations sur l'interprétation des mots qui sont utilisés, qui ont cherché l'intention du législateur et peut-être, qui sait, l'intention de la partie municipale dans ce qu'ils voyaient dans cette loi... Et je pensais qu'il était utile de souligner cette intention en prévision peut-être de ces contestations que l'on verra dans les premiers débuts, puis qu'après ça, bien, quand les gens seront habitués de vivre avec cette loi, ils sauront comment tout ça se fait. Bref, c'est les commentaires que je voulais faire.

Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre. Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Gauthier: À mon tour de vous saluer, madame, messieurs. Je voudrais revenir sur la question de la consultation avant l'émission du certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement. Ma compréhension, moi, des choses, c'est qu'effectivement à partir du moment où il n'y a pas de certificat d'autorisation il n'y a pas de projet, donc la consultation n'est pas nécessaire.

Je comprends aussi de vos propos à l'effet... et je le lis dans votre mémoire, à la page 4 particulièrement, où vous dites que, s'il s'avérait qu'on ait une consultation avant l'émission du certificat d'autorisation, le ministère de l'Environnement pourrait émettre des conditions supplémentaires à son certificat d'autorisation, et cela, je vous avouerai que je ne suis pas certaine que cela puisse se faire.

Mais mon propos et ma... mon questionnement est davantage sur le fait que la consultation... parce qu'il faut bien voir qu'il y a une espèce de psychose qui s'installe, qui s'est installée par rapport au dossier des porcheries, avec le monde rural et le monde urbain. Il faut voir effectivement que ? et vous le dites souvent, là, vous le dites à quelques reprises, là, on parle de pollution porcine ? la nappe phréatique a été attaquée, alors que mon collègue le ministre de la Santé dit qu'il ne se souvient pas d'études qui le démontrent. Alors, il y a toute une perception, là, qui s'est installée dans la population.

Alors, le but de la consultation, évidemment ce n'est pas de parler, de savoir si le projet est environnementalement faisable, c'est davantage comment on trouve des conditions, des conditions harmonieuses qui pourront faire en sorte que le projet puisse être acceptable socialement avec la population.

M. Croteau (Marc): Est-ce que vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Ouimet): Oui, allez, M. Croteau.

M. Croteau (Marc): Tentons d'imaginer, Mme la ministre, une consultation où le ministère de l'Environnement a fait toute l'analyse du dossier, ils sont sur le point d'émettre le certificat d'autorisation et on va en consultations.

La première préoccupation du citoyen, c'est sa nappe phréatique, les eaux de surface. Le ministère de l'Environnement pourrait dire à ce moment-là: Écoutez, on a regardé le dossier, il va y avoir tant de phosphore, il va y avoir tant de percolation, il va y avoir tant de rétention, voici la façon qu'ils vont gérer les lisiers, et ça n'amène ou ça n'occasionne aucun problème au niveau de que ce soit le fossé, que ce soit la nappe phréatique, que ce soit le captage des eaux. On vise une... Et c'est ça, le gros problème de la production porcine.

Notre plus gros problème de la production porcine au Québec, c'est l'acceptabilité sociale. Oui, c'est l'environnement; oui, c'est l'agriculture; oui, c'est la rentabilité. Mais pourquoi ça bloque partout, pourquoi on est dans une situation de crise porcine au Québec? C'est-u parce qu'on produit 7 millions de porcs? C'est-u parce qu'on produit 35 % de la production canadienne? Non, c'est parce qu'on n'en veut pas chez nous, comme on ne veut pas de site d'enfouissement, comme on ne veut pas d'autres choses, que ce soit une prison, ou peu importe. Donc, il faut trouver le milieu, et l'acceptabilité sociale va venir des échanges.

Si on émet le certificat, la municipalité convoque pour une consultation publique. Pour les citoyens, excusez l'expression, mais c'est canné, là, c'est fini; on va là pour rien, c'est bidon. Donc, ils doivent comprendre qu'il y a eu tout au long du processus une analyse environnementale, qui va leur être transmise, pour laquelle on souhaite que ça va répondre à leurs préoccupations et à leurs interrogations environnementales. Les municipalités ne sont pas équipées pour faire ça; c'est le ministère de l'Environnement qui est équipé pour faire ça.

Mme Gauthier: Je comprends vos propos. Mais ce que je crois aussi, c'est que, lorsqu'il y aura consultation, les gens du ministère de l'Environnement, les gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, les gens... il y aura effectivement pour la consultation, pour une meilleure explication du dossier, des représentants de chacun des ministères.

Ma crainte avec votre proposition, et je vous le répète, c'est qu'on parle de questions environnementales qui n'existeraient pas, par exemple, si on parle d'un dossier au Saguenay?Lac-Saint-Jean, entre autres, où c'est une région qui est en déficit de phosphore, on aurait intérêt effectivement à aller chercher du phosphore pour enrichir la terre... notre territoire agricole au Saguenay?Lac-Saint-Jean, alors, je veux dire, dans ce genre de dossier où les questions environnementales ne se posent pas, et...

M. Croteau (Marc): Elles vont se... Pardon!

Mme Gauthier: Mais, ce qu'il faut faire, ce qu'on comprend, le projet de loi a pour but effectivement de trouver des conditions qui vont faire en sorte que, pour l'acceptabilité du dossier par la population, c'est de trouver des conditions qui ne sont pas environnementales, parce que, s'il y avait des problèmes environnementaux, il n'y a pas de dossier.

M. Croteau (Marc): Mais, madame, la question va se poser. La question va se poser: Pourquoi qu'il n'y a pas de problèmes au niveau de l'épandage du lisier au Saguenay? Bien, c'est parce qu'on est en déficit de phosphore. Et on a une solution à ça, c'est de l'importer en granules de la Floride. Qu'est-ce que vous voulez, on a le produit ici, on va se servir de notre produit. Les citoyens vont accepter ça, madame, les citoyens vont accepter ça. D'entendre ce que vous venez de dire, là, le citoyen... la grande majorité des citoyens vont se sentir tout à fait satisfaits de cette réponse.

Si le phosphore n'est pas le problème, ça va être quoi? Ça va être les odeurs? Ça va être l'implantation? Ça va être les marges de recul? Ça, ça va être la partie municipale. Si on arrive à cette même consultation, et la consultation dit: Regardez, ils ont un certificat d'autorisation, tout est réglé, tout est fini, là, on va régler l'implantation, la consultation va être interprétée, être perçue comme étant une consultation bidon. C'est ce qu'on croit.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Ça va. Merci. Du côté de l'opposition, maintenant, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame, messieurs. Merci de venir nous aider à voir clair dans tout cela.

J'ai bien écouté vos propos et je comprends que, pour les municipalités, le gros problème, c'est l'acceptabilité. Mais, pour l'État, le gros problème, ce n'est peut-être pas l'acceptabilité. On sait que le ministère de l'Environnement touche un autre problème, et, le véritable problème, c'est peut-être: Est-ce qu'on peut développer une production sans détruire l'instrument de cette production qu'on appelle l'eau et le sol? Ça, c'est le gros problème de fond. Mais aussi, dans ce contexte-là je reprendrais une question qui vous a été posée tout à l'heure, mais, je pense, vous pourriez nous aider à aller un peu plus loin.

L'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement. Par exemple, si vous avez une condition émise par une municipalité qui est, oui pour la porcherie, mais à 1 km du chemin, est-ce que ça nuit sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur? Il faudra trancher.

Bon. Vous avez deux types d'entreprises possibles. Vous avez M. Untel qui demeure dans le rang et puis qui veut... il a peut-être une étable de vaches et il veut construire une porcherie. On lui dit: Il faut que vous alliez à 1 km. Lui, il va dire: Aller à 1 km, construire le chemin, amener l'électricité, ça me coûte trop cher. Poursuivre la municipalité, ça me coûte trop cher aussi, je n'ai pas les moyens. Ça se termine là. Mais, si c'est un intégrateur, il a le moyen d'aller à 1 km puis il a le moyen de vous poursuivre.

Tout à l'heure, vous avez répondu: On a déjà eu ces problèmes-là ailleurs, on a fait une poursuite et on a gagné. Mais là, avez-vous pensé à un moyen pour que tous les développeurs soient sur le même pied, et non pas favoriser indûment la concentration de la production au détriment des fermes familiales? Avez-vous trouvé un moyen pour ça?

Le Président (M. Ouimet): M. Croteau.

M. Croteau (Marc): Si vous permettez, M. le Président, en fait, c'est la même chose, monsieur, peu importe l'entreprise qu'on veut implanter sur un territoire municipal. Quand on veut implanter une entreprise dans un secteur historique, patrimonial, on va lui demander des contraintes qui sont plus dispendieuses qu'aller construire les boîtes carrées dans un «power center» conjointes à Wal-Mart. Mais pourquoi ça? C'est parce qu'on parle de l'aménagement du territoire, l'intégration, l'harmonie dans un secteur. Le même principe va être appelé...

Je ne peux pas répondre à votre question cas par cas. Effectivement, pour certains, la contrainte économique va être différente que pour d'autres. D'ailleurs, je n'ai pas vu, au Québec depuis les derniers 10 ans, un producteur agricole familial avoir une si grande difficulté à implanter une porcherie; là n'est pas le problème. La majorité des problèmes vient des intégrations de porcheries en masse. Ces problèmes-là devront être regardés cas à cas.

L'aménagement du territoire, c'est évolutif, c'est selon chaque cas, c'est selon chaque situation, et les conditions sont différentes dans un secteur d'une municipalité... à l'intérieur de la même municipalité, les conditions pourraient être différentes dans un coin que dans l'autre. Donc, on...

M. Tremblay (Michel): Pour répondre à votre question, moi, j'ai assisté à la création, comment dire, à la fabrication ou à la... le contrôle intérimaire, un règlement de contrôle intérimaire à la MRC Rimouski-Neigette.

n (16 h 10) n

Alors, on a fait toute la démarche nécessaire, puis en même temps on a établi avec les maires concernés et les aménagistes de notre territoire quelles étaient les distances séparatrices, puis ainsi de suite, à quelle distance on pouvait installer nos porcheries, etc. Puis finalement on s'est entendu sur un... sur un grand... un des grands principes, à quel endroit ça peut s'installer. Mais ça, l'effort a été fait par la MRC au niveau d'un règlement de contrôle intérimaire.

On a fait la consultation publique, en plus de ça. Ça a été très, très valable, sauf qu'on n'a pas pu le faire entériner par... là-bas. Mais, au moins, les discussions ont eu lieu, les cultivateurs, les agriculteurs, les citoyens se sont prononcés là-dessus. Mais je voudrais vous dire que, l'effort étant fait, la consultation étant faite, au moins les gens ont pu participer à cela.

Puis je vous dis une chose: Que, si notre RCI n'est pas accepté là... là, nous sommes en train de revoir le plan... le plan, c'est-à-dire notre schéma d'aménagement. Et, dans le schéma d'aménagement, ces critères-là seront probablement retenus, et les gens devront s'assujettir à cette nouvelle réglementation, qui sera dans notre plan d'aménagement, dans ça.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre réponse, parce que je sais bien que ma question n'était pas facile à répondre. Mais je pense que peut-être vous pourriez y réfléchir davantage, sur la façon dont il faudra traiter cette question-là pour ne pas favoriser indûment la concentration des fermes d'élevage ? je pense que c'est ma préoccupation principale ? faire en sorte que les fermes familiales soient aussi sur le marché et ne soient pas expulsées par cette disposition-là.

Mais ma question suivante porterait sur la question du contingentement, et ça, il me semble que c'est une faiblesse de la loi. La loi ne touche que la question des producteurs de porc. Donc, vous en profitez ? puis c'est correct, c'est légitime ? pour dire: Bien, on voudrait pouvoir contingenter la production. Vous le dites dans ce contexte-là. Bien évidemment, c'est le contexte de la loi. Mais il reste que, à côté des producteurs de porc, il y a les producteurs de bovins, les producteurs de volaille et les producteurs de bien d'autres choses, de... Bon.

Alors, est-ce qu'on s'en va vers deux types de producteurs agricoles? Le contingentement, si jamais vous l'aviez, ce serait pour les producteurs de porc, mais ce ne serait pas pour les producteurs de bovins? Alors, voyez-vous, je trouve que le projet de loi braque les yeux et l'attention sur les producteurs de porc, et c'est eux dont on va discuter tout le temps, pendant que la problématique, il me semble qu'elle est plus vaste et que c'est une problématique globale. Parce que, même dans les municipalités, on épand de l'engrais chimique sur nos pelouses, puis des pesticides, puis parfois ça se retrouve dans le ruisseau. Alors, c'est un peu la problématique à laquelle j'aimerais que vous réagissiez.

M. Croteau (Marc): Actuellement, M. le député, le contingentement est permis par la municipalité sur tout son territoire, à l'exception de la zone agricole. Actuellement. Une municipalité peut décider qu'à l'intérieur de la zone 410 il va y avoir 10 000 pi² de pharmacies, 8 000 pi² de dépanneurs, que ce soit le nombre d'entreprises, ou en pieds carrés, en superficie, peu importe.

Notre demande au BAPE était beaucoup plus loin que la production porcine. On parlait d'avoir le contingentement étendu au niveau de toute la zone agricole, donc ça touchait beaucoup plus que la production porcine. Aujourd'hui, on parle de la production porcine, c'est la modification qui est en place. C'est pour ça, comme vous dites si bien, qu'on s'est attardé à la production porcine.

M. Dion: Avez-vous déjà essayé de contingenter l'utilisation de l'engrais chimique et des pesticides sur les pelouses dans les municipalités?

M. Croteau (Marc): Il y a beaucoup, beaucoup de municipalités, il y a un code de gestion maintenant qui est en place. On a formé nos élus sur les décisions à prendre, et puis ceci après le jugement qui a été rendu dans la cause de la municipalité de Hudson ? je ne sais pas si vous vous souvenez? ? mais en Cour suprême, qui ont été déclarés valides, de mettre en place l'interdiction de l'épandage, il y a peut-être maintenant une dizaine d'années. Depuis ce temps-là, on accompagne nos municipalités avec des règlements semblables.

M. Tremblay (Michel): Rimouski vient d'en adopter un, un règlement, sur limiter l'utilisation des pesticides sur l'ensemble du territoire.

Le Président (M. Ouimet): Il reste 1 min 30 s, à peu près.

Mme Lemieux: En conclusion, M. le Président, le gouvernement a annoncé la levée du moratoire en décembre 2004; il me semble qu'il y a beaucoup d'étapes à franchir pour être rassurés et faire en sorte que cette levée de moratoire se fasse dans les meilleures conditions.

Quels sont les aspects sur lesquels il faudrait avoir ? revenons à cette idée d'outils ? ...quels sont les aspects qui sont nécessaires pour les municipalités pour assumer ces nouvelles responsabilités dès décembre 2004?

M. Croteau (Marc): D'abord, formation des décideurs, formation des élus locaux sur le contenu de leurs responsabilités, de leurs pouvoirs, formation des inspecteurs municipaux de concert avec l'Association des inspecteurs municipaux, la COMBEQ, où nous sommes d'ailleurs à finaliser une entente avec le ministère de l'Environnement.

La mise en place d'outils d'évaluation de dossiers devra nécessairement faire partie des échanges qu'on devrait avoir avec le gouvernement, avec les trois ministères, pour ne pas dire les quatre, en incluant le ministère de la Santé, l'Environnement, l'Agriculture et aussi le ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir, pour qu'on puisse outiller nos municipalités dans l'évaluation de dossiers, dossier par dossier. Ce sont des choses qui se doivent d'être faites.

Quand on parle de contingentement, de notre côté, on doit ? l'UMQ et l'autre association qui est la FQM ? aussi former nos élus à comprendre qu'est-ce que ça veut dire exactement, le contingentement, comment ça peut s'appliquer dans une zone agricole, quel est l'objectif visé.

Le Président (M. Ouimet): Bien, Alors, merci. Le temps est épuisé du côté de l'opposition. Il reste à peu près trois minutes, M. le député de Frontenac et adjoint parlementaire au ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir.

M. Lessard: Merci, M. le Président. Bienvenue. Ça me fait plaisir de vous rencontrer. Je regardais... Comme l'intervention se situe dans le cadre du projet de loi n° 54, et, quand je lisais les articles, alors qu'ils sous-tendent finalement des dispositions particulières aux élevages porcins, les conditions liées à la délivrance de permis de construction, consultations publiques préalables à la délivrance de permis, conciliation et délivrance de permis... quand j'écoute les argument d'aujourd'hui, ils semblent invoquer plusieurs éléments. Je pense qu'il n'auront plus grand chose à discuter lors de la commission de l'environnement ou de l'agriculture. Quand je regarde, donc, c'est toutes des conditions liées vraiment à la municipalité, sur l'acceptabilité sociale.

Alors donc, dans ce cadre-là, je regarde une de vos revendications qui était de faire en sorte que, le certificat d'autorisation, qu'il y ait une consultation donc en amont ou en aval, là, avec le ministère, sur l'acceptabilité sociale. Vous nous dites: Il faudrait avoir une consultation lorsque le certificat... le ministère de l'Environnement est pour émettre le certificat. Vous ne pensez pas que c'est comme parler des deux côtés de la bouche? Si on vise l'acceptation... l'acceptabilité sociale, c'est qu'il va y avoir une activité. Si on fait tout le débat en aval, c'est qu'on va stériliser l'activité de développement porcin au Québec.

M. Croteau (Marc): Vous savez, le dossier qui gravite... les préoccupations des gens, quand on parle d'acceptabilité sociale, ça touche beaucoup plus que l'odeur, ça touche beaucoup plus que savoir qu'est-ce qu'on va avoir à côté, chez nous. Ça touche à ce que ma nappe phréatique, où je suis à 1 km ou à 2 km, va être affectée par l'implantation de cette production porcine. Ça touche... Parce qu'effectivement il y a des études qui ont été faites. Il y en a, des études, qui ont été faites au niveau de la santé, validées ou non, là ? on en a, nous aussi, on ne veut pas rentrer dans ce débat-là ? mais ça fait tout partie de l'acceptabilité sociale.

J'ai participé à beaucoup de ces consultations-là avec les citoyens de différentes régions. Je suis allé personnellement entendre ce qu'ils ont à dire. Ça gravite autour de l'odeur: Oui, je ne pourrai pas accrocher mon linge sur la corde à linge, ça va puer. Effectivement, mais ça va beaucoup plus loin que ça: Je ne pourrai pas boire mon eau. Bien, il faut qu'ils comprennent ça, et tout ça va faire partie de la consultation.

M. Tremblay (Michel): Il faut bien comprendre qu'on est en milieu agricole également. C'est là où ça va s'implanter, et par conséquent c'est important d'avoir le point de vue de ce milieu-là, c'est eux qui vont vivre avec. Et, si on a l'agrément de ces gens-là, à ce moment-là ça peut aller, suivant certains critères. Mais je pense que le but recherché, c'est d'avoir la meilleure acceptation possible du projet par les citoyens concernés. C'est eux autres qui doivent vivre avec.

n (16 h 20) n

Le Président (M. Ouimet): Alors, messieurs, c'est tout le temps dont nous disposions. Je vous remercie, M. Tremblay, M. Croteau, Mme Fortin, de votre participation à nos travaux et j'invite maintenant les représentants de l'Ordre des agronomes du Québec à bien vouloir s'approcher et prendre place à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, je demanderais aux représentantes et représentants de l'Ordre des agronomes du Québec à bien vouloir prendre place. Mme Bolduc, je vous souhaite la bienvenue. Et auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Ordre des agronomes du Québec (OAQ)

Mme Bolduc (Claire): Oui. Alors, bonjour, M. le Président...

Le Président (M. Ouimet): Bonjour.

Mme Bolduc (Claire): ...MM. et Mmes les membres de la commission. Je suis accompagnée aujourd'hui du vice-président de l'ordre, M. Louis Lesage, et de Mme Claudine Lussier, qui est agronome et directrice générale de l'Ordre des agronomes du Québec.

Le Président (M. Ouimet): Bienvenue à vous, et vous disposez de 20 minutes pour nous faire votre présentation.

Mme Bolduc (Claire): Merci. J'aimerais vous mentionner que nous avons quand même pris le temps de préparer un résumé, en 25 pages, de certaines positions que l'ordre a prises au fil des années. Alors, Mme Lussier va se faire un devoir de distribuer le document aux membres de la commission.

Nous aimerions vous remercier aussi d'avoir accepté de nous recevoir concernant les dispositions, certaines dispositions qui sont discutées actuellement dans le projet de loi n° 54. Les agronomes sont ici pour parler, pour traiter particulièrement des dispositions sur la production porcine, les mesures que le monde municipal devra mettre en place pour le développement de la production porcine.

Alors, j'aimerais mentionner que l'Ordre des agronomes a considéré d'un oeil assez positif l'annonce que le gouvernement a faite concernant les suites à donner au mémoire... au rapport que le BAPE a soumis suite à la consultation sur le développement durable de la production porcine. En effet, plusieurs des orientations qui ont été retenues par le gouvernement rejoignent et rencontrent les préoccupations que l'ordre avait manifestées dans plusieurs de ses mémoires dont celui que nous avons présenté au BAPE.

Nous avons relevé dans votre proposition, particulièrement l'article 145.35 dans le projet de loi n° 54, toutes les dispositions et les conditions qui peuvent être proposées pour assujettir la délivrance d'un permis pour un établissement de production porcine. Nous les avons regardées et analysées à la lumière non seulement des positions que nous avons déjà prises, mais aussi à la lumière du travail effectué par les agronomes sur le terrain, et ça nous a interpellé. Certaines, on les considère d'emblée comme des dispositions fort intéressantes et pertinentes. Personne ne peut être contre la vertu. D'autres, comme la mesure 2 ou la mesure 3 ? la mesure 2 étant celle qui parle des épandages des déjections animales et la mesure 3 qui traite du respect de distance séparatrice ? nous apparaissent un petit peu plus difficiles à gérer de la part des municipalités.

Ceci dit, nous considérons quand même que la volonté du gouvernement de faire en sorte que les projets soient plus transparents et que les exercices soient plus, disons, en conciliation avec les milieux citoyens et que l'exercice soit aussi une façon de rapprocher le monde agricole du monde municipal, c'est louable. C'est dans la façon de faire qu'il faudra s'assurer qu'on ne perd pas de vue les objectifs initiaux et qu'on ne contrevient pas à ce moment-là au développement approprié, raisonnable des entreprises agricoles.

Le mémoire de l'ordre allait au-delà de la production porcine quand on s'est adressé au BAPE, parce qu'on disait que c'est toute l'agriculture qu'il faut repenser. C'est important de revenir sur ce point-là, parce que l'agriculture du Québec repose essentiellement sur sa capacité et ses très grandes performances au niveau des élevages.

Actuellement, c'est la production porcine qu'on remet en question. Mais les autres élevages, notamment les produits issus de la production laitière, de la production bovine ou de la production aviaire, produisent aussi des déjections animales. Et il ne faut pas oublier que la problématique... une des principales causes de la problématique qui entoure la production porcine, ce n'est pas seulement la déjection animale, c'est le fait que les élevages sont concentrés dans certaines zones, dans certaines régions ou dans certains bassins versants, et que les déjections animales, de quelque nature qu'elles soient, produisent des odeurs.

Alors, les conditions qui se mettent en place actuellement au niveau de la production porcine, si elles sont très sévères, voire même très... voire même compromettantes à certains égards pour l'établissement d'élevages porcins, est-ce qu'il n'y a pas un risque de précédent qui pourra plus tard, on ne sait pas, dans 10 ans, s'appliquer à d'autres élevages? Et, pour les agronomes, c'est quelque chose qu'on questionne énormément.

Il est très important de dire que l'activité agricole... Évidemment, on est agronomes. En tant que professionnels de l'agriculture et de l'agroalimentaire, on est en faveur du développement des activités agricoles, mais, au-delà de ça, ce sont des activités essentielles au tissu social et à la structure de la société québécoise comme canadienne, comme n'importe laquelle.

Une société, ça s'organise autour de ses capacités à s'alimenter, à générer sa propre alimentation. Alors, l'activité agricole, c'est une activité qui a un rôle d'apporter de l'alimentation, mais c'est aussi une activité sociale dans le sens où la société s'organise autour des activités agricoles. De fait, on voit dans les milieux très organisés, très bien structurés un milieu agricole qui est très bien structuré et qui est fort. Dans les milieux... régions périphériques où le milieu agricole est plus faible, c'est un milieu qui est beaucoup plus fragile, qui est beaucoup moins organisé en termes de société. On l'a vu à Murdochville, l'activité agricole n'est pas très présente. Quand une entreprise quitte le secteur, ça déstabilise, voire ça fait disparaître le milieu. Dans les régions où l'activité agricole est solide, c'est des milieux qui sont beaucoup plus organisés et qui font face plus facilement à des virages d'orientation soit des entreprises soit d'autres activités.

Donc, l'agriculture, c'est une activité pour la production d'aliments, mais c'est aussi une activité à caractère social, de développement régional et de multifonctionnalité. C'est la base du développement des régions, de la ruralité et du développement économique des régions. Donc, nous, on déborde le cadre du seul élevage pour dire que l'activité agricole, il faut la considérer sous un angle beaucoup plus global.

Considérant ça, quand on regarde les dispositions qui se prennent au niveau de la production porcine, on se demande s'il ne serait pas approprié de se pencher sur l'ensemble des activités, parce que, les répercussions de ce qui se dessine et qui se décide actuellement au niveau de la production porcine, il est possible qu'elles se répercutent aussi au niveau des autres productions.

Nous avons regardé avec intérêt la proposition du gouvernement en matière de consultation des populations lorsqu'un établissement porcin... une entreprise veut établir un élevage porcin dans un milieu. Et nous pensons que c'est louable de faire en sorte que les projets s'établissent de façon transparente, mais nous questionnons la façon de le faire, dans le sens où établir un dialogue, ce n'est pas placer quelqu'un d'emblée au banc des accusés. Et actuellement quelqu'un qui devra défendre son projet en production porcine ? le mot le dit ? il devra défendre son projet en production porcine.

n (16 h 30) n

Alors, est-ce que les assises sont positionnées convenablement pour établir le dialogue? Dans ce contexte-là, il serait peut-être intéressant... D'ailleurs, l'ordre considère essentiel qu'avant qu'on puisse établir de façon confortable et intéressante le processus de consultation publique qui est prévu au projet de loi n° 54, qu'il y ait un exercice, un large exercice d'information et de sensibilisation, que cet exercice-là soit fait par le gouvernement, qui est l'instance neutre par excellence, qui est aussi là pour le bénéfice de l'ensemble des citoyens. L'exercice d'information et de sensibilisation va traiter de l'importance des activités agricoles dans les milieux et va traiter aussi des particularités qui entourent la pratique des activités agricoles, dont la production porcine, mais qui va traiter de l'ensemble de l'impact des activités agricoles, de l'importance qu'elles ont, de ce qu'elles génèrent dans le milieu, de ce qu'elles ont comme retombées et de la valeur ? et je ne parle pas seulement en termes monétaires, je parle aussi en termes sociaux ? de la valeur de ces activités-là. Quand la table est mise ? enfin, c'est au propre comme au figuré ? quand la table est mise, le dialogue à ce moment-là devient peut-être plus productif et plus constructif dans les milieux, quand les municipalités ont à le gérer.

Deuxième préoccupation qu'on a relativement à ce dialogue ou à la consultation qui pourra s'établir, ça concerne les outils dont disposent les municipalités pour effectuer correctement l'exercice, à savoir à partir de quelles données, à partir de quels outils, à partir de quelles informations, réelles ou subjectives, les discussions vont s'enclencher dans les milieux municipaux.

De fait, on s'interroge, pour ne pas dire on questionne l'existence et la disponibilité de ces outils-là qui vont permettre aux municipalités d'effectuer adéquatement ce rôle-là qu'elles auront à jouer. On pense qu'en l'absence de ces outils-là qui devraient aussi émaner de l'État le préjudice favorable va être d'emblée accordé à toute préoccupation autre que celles concernant l'activité agricole.

Les exemples sont nombreux. On a vu dans plusieurs milieux, et on l'a vu depuis quelques années, des endroits où il n'y a pas une surcharge animale dans les milieux ? peut-on nommer la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean, sans préjudice? Mais on a vu dans plusieurs milieux des levées de boucliers remarquables pour contrevenir ou contrecarrer des projets d'entreprise porcine alors que le milieu a toute la capacité pour les recevoir et alors que le milieu a tout l'espace requis pour permettre un développement harmonieux de ces activités-là dans le milieu. Il n'y a pas de surcharge animale, il n'y a pas... il y a de l'espace, il y a des terres pour les épandages, et, à partir du moment où tu dis le mot «cochon», la levée de boucliers est à peu près instantanée. Et c'est vraiment... Nous, on craint fortement que le préjudice favorable soit accordé à toute autre préoccupation que celle de l'activité agricole. Et il ne faut pas oublier que le territoire agricole, le potentiel... le territoire à bon potentiel agricole, il se retrouve aussi dans les régions où il y a des habitants, il y a des citoyens ? les habitants du Québec au sens large.

Tant qu'à parler d'outils dans les municipalités, nous, on avait remarqué... on avait proposé, dans le mémoire qu'on a soumis à plusieurs instances mais qu'on a repris au BAPE, qu'il y a une instance territoriale qui devrait d'abord établir les grandes lignes de la planification et du développement du territoire agricole justement à l'intérieur de cette instance-là.

De fait, on parle de plans de développement de la zone agricole obligatoirement intégrés dans les schémas d'aménagement des MRC. Les plans de développement de la zone agricole, c'est un outil dont le ministère des Affaires municipales a d'ailleurs établi des grandes lignes avec un projet pilote mené conjointement avec l'Ordre des agronomes. C'est un outil qui permet de caractériser correctement le territoire, de dire où sont les forces et les faiblesses; de dire quelle est la valeur du territoire agricole, quelle est la structure, les endroits où on peut recevoir plus d'entreprises, plus d'unités animales; augmenter la charge; quels sont les endroits sensibles; c'est quoi, les différentes activités agricoles qu'on pourrait générer sur ce territoire agricole là; le potentiel que ça a non seulement en termes d'élevage, mais aussi en termes de culture; de déterminer, quand on parle de zone sensible, les autres activités qui peuvent être prévues sur le territoire; et de donner des grands axes de développement sur un territoire donné, des grands axes de développement qui sont une base, qui constituent un des outils pour être en mesure, ensuite de ça, que les municipalités maîtrisent un peu mieux leurs territoires pour faire l'exercice qu'elles auront à faire. De fait, ce qui est essentiel, c'est que les activités soient intégrées les unes aux autres, qu'on puisse parler d'une cohabitation harmonieuse où les activités ne se confrontent ou ne se combattent pas. C'est pour le plus grand bénéfice de tous les citoyens. Ça, c'est un premier outil.

Alors, pour nous, la MRC constitue un point de chute qui est intermédiaire entre la municipalité et le gouvernement du Québec. C'est une structure qui détient déjà un pouvoir de déterminer par le schéma d'aménagement les priorités de développement, et, à partir de ces priorités-là d'une planification adéquate du territoire agricole, elle peut supporter les municipalités de son territoire dans l'exercice qu'elles auront à faire dans la planification au niveau municipal, dans l'orientation, au niveau municipal, des différentes activités qui pourront se développer. Et rappelez-vous: on parle de production porcine parce que c'est sur ce point-là que la commission a consulté, mais, pour les agronomes, on est aussi préoccupés des autres élevages.

On parle aussi des ressources au sein des MRC pour arriver à établir correctement cette planification-là. Ces ressources-là au sein des MRC, elles sont très peu présentes et elles sont très peu présentes aussi dans le monde municipal. Évidemment, on peut parler des agronomes, qui sont effectivement une ressource qui pourrait être consultée, mais, le message du commanditaire étant passé, il y a aussi d'autres ressources qui sont à votre disposition qui peuvent être sollicitées et qui, en multidisciplinarité, en travail conjoint, pourraient rendre un service immense à toutes les communautés des municipalités régionales de comté.

Parlons des agronomes, parlons des géographes, parlons aussi des forestiers, des ingénieurs forestiers, parlons aussi des personnes qui travaillent dans le monde du tourisme ou de la villégiature. Il y a là un exercice important à faire, parce que les orientations, les activités agricoles, elles doivent se faire sur un territoire précis parce qu'elles ne peuvent pas s'étendre. Il y a des zones au Québec où on ne pourra jamais faire de l'agriculture notamment en raison de la qualité des sols, mais, ces activités-là, elles doivent s'intégrer à l'intérieur d'autres préoccupations, et on interpelle à ce moment-là un ensemble de compétences pour mener à bien ces analyses-là.

On mentionnait aussi les biologistes, les urbanistes. On sait que dans les municipalités les urbanistes sont très présents. Il y aurait lieu de solliciter d'autres ressources, il y aurait lieu de solliciter d'autres expertises pour compléter l'analyse... la lecture qui se fait du potentiel d'un milieu pour compléter l'analyse qui se fait des possibilités et des contraintes que présente ce milieu-là.

Quand on parle, aussi, de discussion au sein des MRC, on sait que, au niveau des MRC, il existe les conseils... les comités consultatifs agricoles. Les comités consultatifs agricoles sont une instance peut-être plus politique que scientifique, et, à ce moment-là, il serait intéressant que vous ayez un point de vue qui soit un peu moins politisé et un peu plus axé sur les besoins réels.

n (16 h 40) n

On a parlé des outils, on a parlé des orientations, je reviens maintenant à de l'agronomie pure, dans les conditions énoncées auxquelles le conseil municipal peut assujettir la délivrance du permis. Le point 2, sur l'épandage des déjections animales, c'est un acte agronomique prescrit notamment par le REA, qui prévoit que la façon dont le producteur agricole disposera des déjections animales doit répondre, doit correspondre au plan de fertilisation agroenvironnemental obligatoirement produit par un agronome. À ce moment-là, nous trouvons difficile qu'un conseil municipal, en l'absence d'outils et même sur la base de commentaires reçus de la part des citoyens qui seront informés on ne sait trop comment, puisse assujettir un producteur au-delà de ce que prévoit son PAEF, son plan agroenvironnemental de fertilisation. Et, bien que c'est souhaitable que la majorité des déjections animales soient incorporées au sol, il y a des circonstances où il y a d'autres façons de faire qui sont à mettre en place.

Dernier point, les distances séparatrices. Si on établit un respect de distances séparatrices différentes de celles prévues directement par le règlement adopté en vertu de l'article 113 pour augmenter la protection des voisins, nous vous rappelons deux éléments. D'abord, en milieu rural, les activités agricoles devraient avoir préséance. On ne peut pas faire de l'activité agricole sur un boulevard au centre-ville. Alors, il faudrait que ce soit clair, des mesures d'éducation et d'information feront beaucoup pour informer les gens sur ces contraintes-là, et, quand on augmente les distances séparatrices, on risque aussi d'augmenter les pressions environnementales sur les sols qui restent à épandage.

J'espère que ces commentaires-là éclaireront la commission, et nous vous assurons que, les agronomes, par le biais de l'ordre et par le biais des professionnels, eux personnellement, nous allons contribuer dans toute la mesure de nos capacités et de notre science à vous aider à faire avancer les débats et les dossiers actuels. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci à vous, Mme Bolduc, pour cette présentation de votre mémoire. Je vais céder la parole maintenant à la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui va ouvrir cet échange avec vous. Mme la ministre.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, Mme Bolduc, je vous salue, M. Lesage, Mme Lussier. C'est un plaisir. Je vous remercie d'être présents à cette commission. Ça va nous permettre un certain éclairage, et nous l'apprécions beaucoup, nous, les membres de la commission.

J'ai eu le plaisir, Mme la présidente, vous le savez, d'échanger avec vous sur l'agriculture au Québec: est-ce que c'était une activité seulement économique ou c'était une activité sociale-économique? Et je conviens avec vous effectivement que l'agriculture au Québec est davantage qu'une seule activité économique. Je vous le répétais, j'ai eu la chance de le dire et je peux le dire encore pour, moi aussi, faire mon message publicitaire: Je pense que, l'agriculture, on répond aux missions essentielles de l'État du Québec, c'est-à-dire santé, éducation, développement économique des régions, sécurité ? sécurité alimentaire ? évidemment identité québécoise. Alors, oui, je pense qu'effectivement l'agriculture est plus et davantage qu'un simple... qu'une activité économique, c'est une vision de société.

Ça m'amène aussi aux propos que vous avez dits. Vous devez parler... parce qu'effectivement on est en train de voir à faire lever un moratoire sur une... sur l'industrie porcine, c'est ça qu'on cherche à faire. L'objectif recherché, c'est effectivement reconnaître aux producteurs le droit de produire, mais avec un équilibre pour les autres, les autres... la population du Québec en général.

Vous avez dit que la difficulté au niveau de l'industrie porcine était sûrement due au fait que cette activité-là se retrouvait davantage concentrée dans certaines régions, par opposition à d'autres régions qui en avait presque ou pas du tout, et vous avez donné comme exemple la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Mais il y en a bien d'autres: en Abitibi, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie. Il y a d'autres régions effectivement qui ont une capacité de réception importante, qui ont même un déficit ? et ce n'est pas à vous que je l'apprends ? un déficit de phosphore sur leur territoire, qu'ils auraient besoin effectivement de pouvoir combler, et c'est ce qui nous a amenés comme gouvernement à faire en sorte d'établir un mécanisme afin de permettre une consultation de nouveaux projets à la population concernée par le projet.

Vous l'avez dit d'entrée de jeu, dans les régions où il n'y a aucune problématique environnementale, à partir du moment où on... quelqu'un voudrait installer une nouvelle porcherie, c'est un tollé de protestations. Il y a effectivement des holà qui sont émis par la population nonobstant le fait qu'il n'y a aucune conséquence environnementale, là, dans la région ou dans la municipalité dite.

Alors, l'objet effectivement de la consultation publique, c'est de réduire cette tension et de permettre effectivement une meilleure compréhension de l'activité, de l'entreprise qui demande un permis d'exploitation... avec la réalité des hommes et des femmes qui habitent la municipalité en question.

Vous avez dit que c'est comme si on faisait en sorte de mettre au banc des accusés un entrepreneur qui voudrait... qui voudrait s'inscrire dans une nouvelle entreprise, exploiter une nouvelle entreprise porcine sur un territoire, alors que l'objet recherché, évidemment c'est d'atténuer la tension. Nous, nous croyons, nous croyons sincèrement que la population qui sera informée des tenants et aboutissants de l'exploitation qui est visée va mieux accepter, accepter le projet qui pourrait être présenté, parce que, d'abord, ce projet-là devra respecter des normes environnementales, devra effectivement respecter la réglementation municipale, et l'objet est de faire en sorte de présenter à la population le projet pour une meilleure acceptabilité. Je vous dirais d'entrée de jeu qu'il est prévu que les gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation soient là, que les gens du ministère de l'Environnement soient là pour effectivement favoriser une meilleure compréhension du projet.

Mais, vous, vous dites que ce n'est pas suffisant, qu'on devrait davantage aller en consultation, faire un large exercice d'information et de sensibilisation. Vous le dites de façon générale ou vous visez simplement l'industrie porcine?

Mme Bolduc (Claire): De façon générale et de façon particulière sur l'industrie porcine. Quand vous parlez de faire comprendre les projets, on adhère à cette démarche-là.

La problématique, c'est qu'actuellement l'activité agricole, de façon générale, et la production porcine, de façon très pointue, génèrent... c'est vraiment, là, du cochon. La contestation, c'est lancé, c'est fait. Et revenir en arrière sur ce genre de... dans ce genre de circonstance là, ce n'est pas facile. Nous, on dit: Vous levez le moratoire à partir du 15 décembre comme gouvernement. Les agronomes saluent cette décision-là de façon très positive.

Vous dites: On veut que les gens maîtrisent mieux les impacts des projets, qu'ils les connaissent. Vous dites aussi, comme gouvernement: Le projet devra être conforme à tout point de vue au niveau environnemental pour pouvoir recevoir les autorisations et, à ce moment-là, aller en consultation. On ne peut qu'être d'accord avec ça. Par contre, quand les gens vont arriver en consultation, malgré tous ces éléments-là, on pense qu'il y a tout de même un préjugé déjà existant très fort contre la production porcine. Vous savez, quand on parle de 1 800 porcs puis que les gens parlent de mégaporcheries, on regarde ça avec un... comme intervenants privilégiés dans le milieu agronomique, agricole, on connaît ce que c'est, une entreprise agricole: ce n'est pas une mégaporcherie, 1 800 porcs. Mais, à partir du moment où tu parles de plus que trois cochons sur l'entreprise, c'est une mégaporcherie.

Alors, c'est cette information-là qu'il faut livrer aux citoyens. C'est quoi, la place de l'agriculture au Québec? C'est quoi, l'importance de cette activité-là dans le milieu? Parlons-en de façon générale en expliquant aussi certaines productions. Mais l'instance qui est la mieux placée pour livrer un message neutre, pour bien livrer ce message-là, ce n'est pas les producteurs agricoles, ce n'est pas non plus l'industrie, il nous apparaît que le gouvernement devrait s'impliquer.

Je peux donner un exemple. Quand il a été question des biotechnologies, la population a fait un mur de contestations et d'inquiétudes sur les biotechnologies. De fait, toutes les biotechnologies ne sont pas acceptables, mais toutes ne sont pas condamnables. Alors, le gouvernement du Canada a fait une promotion du fait que, des biotechnologies, ça se développe et qu'il y a des instances qui surveillent la façon dont ça se fait.

Dans ce même ordre d'idées là, le gouvernement du Québec pourrait expliquer ce que sont les activités agricoles et de quelle façon ils les encadrent. Il y a une façon à livrer une information neutre, complète et substantielle aux citoyens avant qu'on en arrive à des mécanismes de consultation publique sur des projets particuliers.

Mme Gauthier: Je comprends vos propos, Mme Bolduc. C'est qu'à partir... Si effectivement l'objectif de notre gouvernement peut être atteint ? c'est la levée du moratoire le 15 décembre prochain ? c'est donc dire que notre gouvernement, si je comprends vos propos, devrait se mettre au travail et faire une grande séance d'information sur... pour le dossier de l'industrie porcine, une grande séance d'information sur ce qu'est l'agriculture de façon générale, et particulièrement l'industrie porcine, et trouver, parler des différentes régions où il y a effectivement une possibilité... une possibilité d'avoir, d'accroître l'activité porcine sur le territoire?

Mme Bolduc (Claire): Ça pourrait aussi aller dans ce sens-là. Ça pourrait aussi aller dans des propositions ou des... faire... rencontrer justement les conférences des élus, rencontrer les décideurs locaux et régionaux pour expliquer l'importance des activités agricoles, la capacité d'accueil d'un milieu. J'ai déjà eu une entrevue avec un journaliste de Radio-Canada à Rouyn-Noranda qui trouvait épouvantable qu'on parle de l'établissement d'une porcherie en Abitibi-Témiscamingue. C'est curieux qu'il y ait ce réflexe-là quand on sait l'espace qu'il y a là et quand on sait la charge animale qu'il y a là, dans cette région-là.

n (16 h 50) n

Alors, il faut renverser la vapeur, mais on vous dit: Parlez à qui vous voudrez! Des campagnes de promotion, ce serait intéressant, des campagnes de sensibilisation, ce serait intéressant, des campagnes ciblées. Mais on vous dit: Et qui est l'instance qui peut le mieux faire ce travail-là? Ce serait bien sûr le gouvernement. Et promouvoir la valeur de ce qui se fait aussi au niveau de l'agriculture, de l'agroalimentaire; c'est l'activité de base autour de nous, il faut le savoir.

Mme Gauthier: Dites-moi, concernant les mesures de consultation comme celles prévues dans le projet de loi, nonobstant le fait effectivement que le gouvernement suive vos recommandations et qu'on donne davantage d'information, on informe mieux la population de tout... sur le développement de l'agriculture au Québec, particulièrement l'industrie porcine ? parce que c'est de cela dont on parle ? vous avez quand même émis des bémols concernant la procédure de consultation que nous voulons voir installée dans le projet de loi.

Ne croyez-vous pas, si on fait référence au dossier dont vous avez fait référence tantôt, le Saguenay?Lac-Saint-Jean entre autres, ne croyez-vous pas que la population... je crois aussi que la population est mal informée de l'industrie porcine, mais ne croyez-vous pas que c'est aussi, il y a... non seulement elle est mal informée, mais qu'il y a de la désinformation par rapport à l'industrie porcine?

Mme Bolduc (Claire): Il y a certainement des informations plus ou moins exactes qui ont beaucoup circulé, et ce sont généralement ces informations-là qui frappent beaucoup l'imaginaire des populations, des citoyens, qui sont le plus reprises et véhiculées.

Quand on vous parle d'un processus de consultation et qu'on dit: outiller convenablement les municipalités, le monde municipal, d'emblée avoir une intervention à caractère territorial, ça donne déjà une couleur, un ton, un cadre un peu plus objectif. Quand on arrive à des critères d'évaluation des projets, il faudrait aussi s'assurer que ces projets-là sont analysés et présentés selon des critères vraiment objectifs, selon des paramètres très... des faits plutôt que des impressions, des données claires plutôt que des perceptions. Un citoyen qui a peur de la production porcine, c'est un citoyen... on gère difficilement la peur chez nos concitoyens, alors que les faits, ce sont des données établies, et c'est de ça dont on parle.

Quand on arrive avec un outil établi par une MRC qui se donne des orientations territoriales, on arrive avec des lignes directrices basées sur des faits, on arrive avec des orientations basées sur des faits, sur des données claires, des données confirmées, et on arrive à amoindrir l'impact des perceptions et des peurs. Nous, c'est la proposition, c'est la très forte recommandation qu'on vous fait: Partez au niveau de la base du territoire. La MRC semble être l'appartenance territoriale la plus cohérente à ce moment-ci, étant donné que de toute façon elles ont à établir un schéma d'aménagement et que la planification du développement du territoire agricole peut y être intégrée. Partons de cette structure-là et, à partir de données claires, établies, descendons vers les municipalités, dans les milieux municipaux.

De toute façon, déjà les instances municipales vont avoir été impliquées dans la planification et dans le schéma d'aménagement de la MRC. Déjà, on se donne des mécanismes beaucoup plus rigoureux, moins subjectifs, pour encadrer le développement des entreprises d'élevage, porcin entre autres, mais d'élevage de façon générale.

Le Président (M. Ouimet): Alors, Mme la ministre, nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet. Je dois aller du côté de l'opposition officielle, et je vais céder la parole à M. le député de Saint-Jean.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Lac-Saint-Jean.

Le Président (M. Ouimet): Lac-Saint-Jean, pardon.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Merci, M. le Président. Tout à l'heure, vous avez dit que vous étiez inquiets par rapport... à l'effet que le projet de loi permettait aux municipalités d'exiger davantage de distance à l'égard des bandes séparatrices et que de fait ça ferait en sorte de concentrer davantage le territoire sur lequel il serait possible d'étendre le lisier. Et donc la question que j'aimerais vous poser: Est-ce que... À ce moment-là, quel sera l'impact sur le PAEF finalement, par le fait que la superficie de territoire en sera diminuée? Donc, est-ce que ça voudra dire que le producteur devra changer son plan de fertilisation?

Mme Bolduc (Claire): Bien, en fait, les inconvénients que ça peut engendrer, le PAEF doit respecter... il y a un abaque au niveau du règlement, et le PAEF doit respecter l'abaque de dépôt maximum au niveau de l'élément de fertilisation qui est le phosphore. Dans les circonstances, avec l'augmentation des distances séparatrices, ça modifie certainement le PAEF. Alors, l'agronome devra revoir le PAEF.

Là où ça nous inquiète, c'est l'imposition que ça présente pour un producteur agricole d'avoir beaucoup plus grand de territoire à gérer. C'est aussi les problématiques associées à quelles cultures... quels effets ça peut avoir sur la rentabilité de l'entreprise. Mais ça a enfin comme conséquence... ça peut avoir comme conséquence de complexifier beaucoup le travail.

Ce qu'on cherche à faire, c'est de protéger l'environnement, notamment les cours d'eau ? c'est important ? de diminuer l'impact au niveau des désagréments que les voisins ou les citoyens peuvent vivre relativement à des productions animales. Et, le fait d'augmenter les distances séparatrices, c'est très ponctuel, mais, à moyen et long terme, ça ne règle pas le problème, parce que, si tu augmentes les distances séparatrices, tu te trouves à augmenter, à imposer de détenir beaucoup plus d'espace pour un producteur agricole, s'il doit cultiver ces terres-là. Parce qu'il épand des fumiers, tu augmentes le déplacement, tu augmentes la charge de production. Il va se diriger vers quelles productions à ce moment-là? Est-ce que ce sera des productions dont on peut questionner la pertinence pour l'entreprise? Ça complexifie le travail pour le producteur comme pour l'agronome.

Ce qu'on vous... ce sur quoi on attire votre attention, c'est que, en même temps, quand on augmente les distances séparatrices, l'espace qui reste pour l'épandage à l'intérieur des terres possédées peut être encore convenable, mais là ça veut dire qu'on mettra plus de fumier à l'intérieur d'un espace un peu plus restreint, et donc la charge... l'enrichissement au niveau du phosphore va peut-être être beaucoup plus rapide, créant à moyen terme d'autres problématiques environnementales aussi pour le producteur agricole.

Alors, il faut vraiment considérer les orientations que la municipalité pourra donner ou les conditions que la municipalité pourra émettre et s'assurer que ça correspond aux besoins de l'entreprise. On dit d'entrée de jeu que ces conditions-là préalablement «devront ne pas nuire sérieusement» à l'exploitation de l'entreprise. Ça veut dire quoi, «sérieusement»? Ce n'est pas précis comme terme; c'est très subjectif comme terme. Ne pas... Ça ne «devra pas avoir un impact substantiel sur sa rentabilité». Encore là, ce n'est pas précis comme termes, «impact substantiel».

Alors, nous, on vous demande de fournir de façon éclairée des outils appropriés. On vous dit: Pour ça, il y a des mécanismes qui devraient être encadrés par l'État. Et on vous dit: Consultez les professionnels appropriés, mais en même temps assurez-vous que l'ensemble de l'exercice se fasse à l'intérieur d'un cadre qui élimine au maximum cette subjectivité-là. C'est la préoccupation que les agronomes manifestent.

Le Président (M. Ouimet): M. le député du Lac-Saint-Jean.

Mme Bolduc (Claire): Et, excusez, pour compléter: justement, quand on parle d'avoir... d'établir des distances séparatrices différentes, elles vont être établies sur quelles bases, sur la base de quelles compétences, de quelles connaissances? Et, là aussi, on questionne la subjectivité de ces interventions-là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. M. le député, vous voulez poursuivre?

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. Dans un autre ordre d'idées, vous faites une recommandation à la page 22 de votre mémoire. Il est écrit: «Instaurer un système de certification environnementale neutre et performant, orienté tant vers les marchés extérieurs que vers les préoccupations des communautés rurales, et accessible à toutes les entreprises agricoles du Québec.» J'aimerais ça que vous puissiez élaborer sur ce que vous signifiez par «un système de certification environnementale».

n (17 heures) n

Mme Bolduc (Claire): C'était... Lors de notre présentation à la commission du BAPE sur la production porcine, le mémoire s'intitulait: Au-delà de la production porcine, une agriculture à repenser! Et, dans les options que l'on soumettait à la commission, opter pour une certification environnementale, ça faisait partie des options qu'on pouvait mettre en place justement pour rassurer les citoyens qui vivent près des entreprises agricoles, notamment des entreprises porcines.

Alors, un processus de certification, c'est un processus qui établit des critères clairs, bien calculés, bien précisés, des critères non subjectifs mais clairs, et, à ce moment-là, les entreprises qui y correspondent, elles peuvent afficher une certification: Nous, on est conformes au point de vue environnemental.

Ce que le gouvernement a suggéré à ce moment-ci, c'est un projet: Voici les normes environnementales. Le projet, pour être soumis à une consultation publique, il doit répondre à ces normes environnementales là. Alors, pourquoi ne pas le certifier conforme aux normes prescrites environnementales? C'était un mécanisme qu'on proposait au moment de la consultation. C'est un mécanisme qui est toujours approprié pour dire aux citoyens, pour manifester clairement que les entreprises agricoles qui les entourent, elles respectent des façons de faire qui protègent l'environnement, qui ne contribuent pas à sa détérioration active, et des entreprises qui font en sorte qu'à moyen et long terme elles vont demeurer respectueuses de l'environnement.

Le Président (M. Ouimet): Oui, M. le député.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui, mais, lorsque le ministère de l'Environnement accorde un certificat d'autorisation, n'est-ce pas en soi une forme de certification environnementale? Ou votre certification dont vous parlez serait plus sévère? Quelle serait la différence?

Mme Bolduc (Claire): La certification environnementale, c'est le CA, lorsque le ministère de l'Environnement l'émet. Mais de toute façon cette intervention-là est appelée à disparaître. Mais, lorsque le CA était émis, c'est un CA à un moment donné pour une activité donnée, alors qu'une certification environnementale, c'est aussi un engagement. Les personnes qui s'engagent dans un processus de certification, elles prennent aussi un engagement sur le plan environnemental dans le futur, pas seulement au moment présent où elles l'obtiennent, mais dans la continuité des activités, dans la poursuite de leurs interventions et de leurs actions.

Et c'est une façon intéressante de faire le lien avec l'écoconditionnalité. C'est une mesure, encore là, qui a été annoncée dans le cadre des orientations gouvernementales donnant suite au rapport de la commission sur le développement durable de la production porcine. L'écoconditionnalité, c'est une mesure qui pourrait s'accoler de façon intéressante à une certification environnementale. On peut faire un lien très intéressant entre une certification, l'écoconditionnalité et les interventions de l'État en matière de soutien des activités agricoles.

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Saint-Hyacinthe, il reste à peine une minute et demie au premier bloc. Alors, moi, je vous propose de revenir au deuxième bloc, vous aurez plus de temps pour développer votre point de vue.

M. Dion: Je préférerais la prendre après.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Oui, deux questions très courtes juste pour que je comprenne. J'ai dû mal saisir. Vous dites que les certifications d'autorisation de l'Environnement sont appelés à disparaître, ou quelque chose d'autre est appelé à disparaître ? je n'ai pas trop compris ? ce qui vous amène à dire que ça nous prendrait des certificats environnementaux. Qu'est-ce qui est appelé à disparaître?

Mme Bolduc (Claire): Les certificats d'autorisation sont remplacés par des avis de projet, actuellement, au niveau de la... C'est la tendance au niveau du ministère de l'Environnement. Les nouveaux élevages sont soumis à un avis de projet, et l'avis de projet établit si ça respecte les normes environnementales et ça regarde l'état du bilan phosphore, le bilan au niveau du phosphore à la ferme. Donc, ça a un lien direct. La nouvelle entreprise devra posséder ou être en mesure d'épandre ses déjections animales, les déjections de sa production de façon appropriée sur des terres dont on sait qu'il y a peu de risques qu'elles disparaissent au bénéfice d'un autre producteur ou d'autres activités. Donc, c'est un mécanisme qui est appelé à disparaître au bénéfice d'autres mécanismes.

M. Fournier: Peu importent les noms, là, la mécanique initiale, ça va être de dire qu'il y a une autorisation d'aller de l'avant avec le projet parce que ça correspond aux règles et aux critères.

Mme Bolduc (Claire): C'est ça, c'est ça.

M. Fournier: Dans tous les cas, peu importe, la mécanique va rester. Il y a une analyse qui est faite et il y a une autorisation qui est donnée, là, en tout cas à l'élément initial. Je comprends que votre certificat ne s'analyse pas juste en termes de départ de projet, c'est une continuation de l'entreprise et une vérification de la façon dont elle opère dans le temps, là.

Mme Bolduc (Claire): Bien, la précision à apporter ici, c'est qu'auparavant le certificat d'autorisation était délivré suite à l'analyse que faisait le ministère de l'Environnement. Dorénavant, c'est sur avis de projet signé par un agronome qui est responsable du dossier. Alors, c'est la distinction qu'on fait entre l'avis de projet et les nouveaux mécanismes mis en place par le REA pour autoriser le développement d'une nouvelle entreprise ou pour démontrer le respect de l'environnement par une nouvelle entreprise.

M. Fournier: Sur un autre sujet, parce qu'on me dit qu'il n'y a pas d'idée finale sur la façon dont ça va procéder, là, pour la suite des choses sur ce genre de mécanique.

Vous avez soulevé l'élément ? puis on partage tous le même point de vue, j'ai l'impression, là, sur le désir de concilier les différents usages ? et vous dites: Bon, l'utilisation du mot «sérieusement» ou «substantiel», pour vous, c'est subjectif, étant entendu qu'évidemment il y aura des grilles d'analyse qui seront fournies pour essayer de s'accoler à ça. Comme j'ai déjà dit dans le passé ? je l'ai déjà dit tantôt d'ailleurs ? il arrive que des gens ne partagent pas la même interprétation d'une loi et qu'elle soit vérifiée au niveau de recours judiciaires, ce qui ne veut pas dire qu'il y a une panoplie de recours, ça veut dire qu'il y a une jurisprudence qui s'établit. Mais, puisque vous vous questionnez sur ces termes-là, avez-vous trouvé d'autres façons d'exprimer cette conciliation qu'on doit atteindre pour que le droit de produire soit reconnu et qu'en même temps on puisse permettre qu'il y ait un aménagement de cette façon de produire?

Mme Bolduc (Claire): Si vous me demandez un mot précis, non; si vous me demandez une façon de faire, nous, ce qu'on vous recommande, c'est de partir de faits. Alors, quand on a fait le projet avec le ministère des Affaires municipales, au niveau de la MRC des Etchemins, ce qui avait été établi, c'était la démarche à suivre pour rechercher les informations les plus exactes possible et là où on les trouvait et de quelle façon les interpréter. Et, quand on arrive avec des données claires comme celles-là, des données sur l'impact dans le milieu, l'impact sur la production, l'impact sur les voisins, on arrive avec des données peut-être un peu moins «adverbes», peut-être plus «chiffres», pour être en mesure de dire... C'est moins subjectif.

Je reviens aux mots que vous cherchez: «Ne pas nuire sérieusement à l'exploitation». Vous devriez établir des chiffres, ne pas avoir d'incidence qui augmente les frais d'exploitation de plus que x % de la marge de manoeuvre, des revenus de l'entreprise.

M. Fournier: Combien, selon vous?

Mme Bolduc (Claire): On estime, à l'Ordre des agronomes, que l'environnement sur une entreprise agricole, ça ne devrait pas être considéré comme une contrainte mais comme une composante majeure de l'entreprise et que ça devrait correspondre aussi à un investissement à moyen et long terme. Alors, selon les entreprises, on peut penser qu'il y a une fourchette qui pourrait s'établir dans des pourcentages de 2 % à 5 %, qui pourrait correspondre à des investissements requis au niveau environnement ou agroenvironnement qui seraient 5 % des revenus générés par l'entreprise, qui seraient réinvestis au niveau des avenues environnementales.

Il faut aussi savoir que Raymond Levallois a bien précisé dans plusieurs analyses ? Raymond Levallois qui est agronome à l'Université Laval ? a bien précisé dans plusieurs analyses que la composante la plus importante au niveau des revenus de l'entreprise, c'est la capacité de gestion de l'entrepreneur, donc la capacité de prendre les bonnes décisions et la capacité de bien gérer les activités et les décisions qui vont les suivre. Et à ce niveau-là on devrait avoir, quand on parle de «sérieusement à l'exploitation de l'entreprise»... cet aspect-là des choses devrait être considéré, quel est le bagage du producteur pour gérer efficacement les investissements ou les contraintes qu'on lui demande.

Et quand on parle de «substantiellement», au niveau de la rentabilité, on devrait fixer un pourcentage. Et si on constate que les producteurs agricoles, les gestionnaires d'entreprise doivent avoir un surplus de formation, c'est à ce niveau-là qu'on devrait les aider à acquérir cette formation-là. C'est un peu la façon dont on pourrait défaire la subjectivité qui entoure des termes comme «sérieusement» puis «substantiellement». On fixe des chiffres, on fixe des pourcentages. Les pourcentages, ce qu'on vous dit là, c'est l'analyse qu'on en a faite. Je suis certaine que vous allez consulter les producteurs agricoles, puis, 2 %, pour eux autres, c'est déjà trop. Alors, est-ce qu'il y a des analyses plus poussées qui pourraient être établies? Je vous le suggère. Mais dans celles que, nous, on a déjà regardées, dans les investissements qui peuvent se faire en agroenvironnement sur une période de moyen terme ? parce que l'environnement, c'est quelque chose qui se gère à moyen terme ? le pourcentage nous apparaît approprié.

M. Fournier: Je termine avant de passer la parole à ma collègue.

Le Président (M. Ouimet): Il reste 10 secondes, M. le ministre.

n (17 h 10) n

M. Fournier: J'ai terminé.

Le Président (M. Ouimet): Désolé. Le temps étant épuisé, alors je retourne maintenant du côté ministériel. M. le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste 11 min 35 s.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, j'ai trouvé... Bonjour, mesdames, messieurs. J'ai trouvé extrêmement intéressant non seulement votre rapport, que j'ai lu rapidement en même temps que je vous écoutais, donc en diagonale, mais d'une façon particulière vos propos. Quand on vous écoute, on a l'impression que, vous, vous parlez à des producteurs et que vous êtes touchés par le fait que tout ce débat-là se fait avec une espèce d'environnement qui fait du producteur le coupable de tous les maux. Et vous avez mentionné avec beaucoup de délicatesse ce phénomène-là et vous avez mentionné qu'il faut essayer plutôt de regarder l'ensemble de la problématique et de voir comment on peut y apporter une solution. Vous avez parlé en particulier d'une consultation pour laquelle vous vous êtes montrés favorables, puis je pense que l'idée est bonne, je suis d'accord avec vous, je pense que c'est une bonne idée.

Sauf que, vous savez, dans le contexte dans lequel ça se fait, ça risque de ne pas avoir l'effet d'une consultation justement, parce qu'on a l'impression qu'il y a une partie qui est accusée. Je sais bien que ce n'est pas l'intention, ça, il n'y a personne ici... en tout cas ce n'est pas moi qui vais suggérer que c'est l'intention du gouvernement d'accuser les producteurs agricoles, ce n'est pas ça, l'idée n'est pas là. C'est une question de fait. Et, quand on parle aux producteurs agricoles, on se rend compte qu'il y en a trop actuellement qui sont démotivés et même découragés parce que c'est déjà difficile, gérer une entreprise d'élevage, c'est beaucoup d'argent, et faire face aux intempéries, faire face aux difficultés normales de l'agriculture, et en plus se sentir pointés du doigt constamment, c'est un peu décourageant et ça crée une morosité sur le terrain à laquelle il faudrait s'attaquer.

Alors, juste une petite question là-dessus: Ne croyez-vous pas que cette question-là devrait être traitée non pas seulement en pointant du doigt l'élevage porcin, mais d'une façon générale en regardant les élevages par rapport à l'environnement, d'une part, mais aussi les autres aspects de la question qui sont la pollution industrielle dans les villages, que ce soit de différentes façons? La pollution domestique, par exemple. Les égouts domestiques, ils vont où? Ils vont sur les terres agricoles. Donc, est-ce qu'il y a une prise en charge de tout le milieu? Et est-ce que ce ne serait pas mieux de faire en sorte que le projet de loi, au lieu de pointer du doigt les producteurs agricoles, ouvre un petit peu le débat et regarde la problématique et essaie d'y apporter une solution plus globale? Il me semble que ça créerait, au niveau de la consultation, plus un mouvement de prise en charge de la problématique qu'une attitude de dire: Bien, lui, c'est lui, le coupable, on va essayer de s'organiser pour ne pas qu'il nous dérange trop.

Mme Bolduc (Claire): Je vais répondre en deux temps. La première intervention que je fais, c'est concernant le fait que les producteurs agricoles se sentent au banc des accusés. Et, moi, j'ai assisté... c'est ma fonction de regarder ce qui se passe dans le milieu agricole, et j'ai assisté à beaucoup des audiences que le BAPE a tenues sur la production porcine. Le fossé qu'il y a entre les citoyens, les environnementalistes et les producteurs agricoles, ça a la largeur du Grand Canyon. Ce n'est pas fortuit, tout est mauvais quand on parle à un citoyen, tout est beau, dans le meilleur des mondes quand on parle à un producteur agricole.

En tant qu'agronomes, on sait pertinemment que tout n'est pas mauvais, loin de là. On mange très bien au Québec et on le doit à nos producteurs agricoles. Mais par ailleurs on regarde aussi ce qu'ils font, les producteurs agricoles, et on constate qu'il y a des choses qu'ils doivent corriger. De fait, dans le début des discussions, quand on parlait de l'environnement ? et il faut bien le dire, ça vient de là, le BAPE, et ça vient de là, maintenant, les orientations gouvernementales ? quand on a commencé à en parler, ça a été très long avant que le monde agricole convienne qu'il y avait une problématique, ce qui a très certainement contribué à la grande méfiance des citoyens et du monde municipal actuellement. Ça, c'est la première des choses. Oui, on les voit inquiets, les producteurs, mais, oui, on est citoyens, nous aussi, et, oui, on les voit inquiets aussi, les citoyens. C'est le rôle des professionnels d'essayer de concilier les objectifs et les préoccupations des uns et des autres. Et c'est le rôle d'un ordre de donner des lignes directrices à ses membres pour faire en sorte qu'on arrive, dans nos actions de tous les jours, à concilier ces intérêts-là.

Quand on parle des autres activités par ailleurs, nous, évidemment on a dit: Au-delà de la production porcine, il faut penser à l'ensemble des activités agricoles. Mais on s'est arrêté là. Pour les autres activités, notamment les activités industrielles et les activités à caractère municipal, d'abord, on sait pertinemment qu'il y a eu beaucoup d'actions qui ont été faites de ce côté-là et on sait aussi qu'on arrivera probablement à une intégration de l'ensemble des activités quand on déposera de véritables projets de gestion des activités sur un territoire par bassin versant. Et à ce moment-là ça devra intégrer l'ensemble des activités sur un territoire.

Mais pour le moment, nous, on s'en est tenus aux activités agricoles en disant: Planifiez le développement de votre territoire de façon à intégrer toutes les activités agricoles, pas seulement à penser production de cochons. Et c'est clair. Quand on regarde là où la production porcine a créé beaucoup d'impacts, c'est là où la production laitière est concentrée, là où la production agricole est concentrée, c'est là où l'ensemble des élevages est concentré.

Alors à ce moment-là regardons de façon globale le territoire du Québec. Quand on parle de levée de moratoire... Puis on est d'accord avec la levée du moratoire, que ce soit clair. On est d'accord avec le fait que de nouveaux établissements de production porcine puissent s'implanter, mais pas n'importe où, pas n'importe comment. Et il y a des régions où c'est clair aussi: il n'y a plus de place. Et ça, il faut le dire. Et la façon de le dire, c'est, sur une question territoriale, de regarder: ici, c'est ce qu'on a, il y en a déjà trop, on n'en fait plus. Et, si on peut, on les déplace. Ça aussi, ce serait gagnant. Ça aussi, ça fournit aux municipalités des outils et en même temps ça fournit aussi aux producteurs agricoles des indicateurs d'acceptabilité.

Est-ce que ça répond à votre question? La réflexion qu'on s'est faite, elle portait autour de ça.

Le Président (M. Ouimet): M. le député, oui.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. J'ai une question plus précise, pas tout à fait exactement le même angle. Mais vous avez parlé tout à l'heure de l'augmentation des distances séparatrices; j'imagine que, quand on crée ou qu'on augmente des distances séparatrices, on le fait avec une bonne intention, pour régler le problème. Or, qu'est-ce que ça donne en pratique, augmenter les distances séparatrices? Ça veut dire diminuer les superficies d'épandage. Si ça veut dire diminuer les superficies d'épandage, ça veut dire qu'il faut augmenter la taille de la propriété pour pouvoir épandre son lisier. Donc, si on augmente la taille de la propriété, il y a deux façons. La première, c'est de couper le boisé, puis la deuxième, c'est d'acheter le voisin. Dans les deux cas... Dans le premier cas, on nuit à l'environnement, puis dans le deuxième cas, bien on crée une pression à la hausse sur les terres, ce qui fait que... On m'a dit que dernièrement une terre s'est vendue 12 000 $ l'arpent dans ma région. Alors à ce moment-là on crée une situation où il n'y a plus de relève agricole. On détruit même le tissu social susceptible de prendre la relève, alors que l'intention était bonne au début. Il faut faire attention aux intentions. Alors, j'aimerais avoir vos réflexions là-dessus.

Mme Bolduc (Claire): Ce sont des réflexions qu'on partage. Nous, quand on parle de distances séparatrices, on revient à la base: comment épandre les déjections animales et les utiliser au mieux de ce qu'elles peuvent apporter.

Quand on parle d'éliminer des boisés, des boisés de ferme ou encore, comme dernièrement on a vu, des érablières au bénéfice d'épandage, on est conscients qu'il y a une problématique. Et cette problématique-là, elle vient de ce que je disais précédemment: il y a des régions qui ont largement dépassé la capacité d'accueil de nouveaux élevages, de nouveaux animaux.

Alors, il y a des discussions à y avoir sur les territoires agricoles. Et quand on dit: Repensez l'agriculture, pensez global, pensez territoire, mais aussi pensez organisation globale des productions, il y a un aspect, là, qui est essentiel. On invite le gouvernement à se pencher là-dessus, parce que justement on peut, par le biais de la production agricole, intégrer des préoccupations de ruralité, de dynamisation des régions. On peut intégrer des préoccupations environnementales, de santé publique en réfléchissant à la façon dont on peut organiser ou réorienter les activités agricoles.

Vous me parlez de relève. Effectivement, la situation actuelle est préoccupante. Les producteurs agricoles vous le livreront certainement comme message. La relève a beaucoup de difficultés à choisir la voie de, justement, la relève, où la vente des entreprises est très complexe en raison de la grosseur qu'elles atteignent pour respecter certaines normes auxquelles elles doivent se soumettre actuellement.

n (17 h 20) n

Mais on revient à la base: augmenter des distances séparatrices dans les milieux déjà surchargés, on n'a rien réglé comme problématique, il faut penser déplacement de productions.

Le Président (M. Ouimet): Il vous reste une minute et demie, à peu près.

M. Dion: Alors, ce sera très bref. Donc, il y aurait peut-être lieu d'aller plus vers la gestion du lisier que vers l'augmentation des distances séparatrices. Mais j'ai une toute petite question à vous poser qui est celle-ci: Pensez-vous que, en décembre, à la date fixée par la déclaration de nos trois ministres, nous serons prêts à faire en sorte de donner le coup d'envoi du développement de l'élevage sans nuire, sans augmenter le problème? Actuellement, pensez-vous qu'on a ce qu'il faut entre les mains, avec le projet de loi, pour ça?

Mme Bolduc (Claire): Nous, on considère qu'au niveau du monde municipal il y a des orientations qui sont intéressantes, puis ce sont des orientations qu'on avait recommandées. On est inquiets sur la façon de conduire. Puis, quand on regarde la consultation publique ? on était au BAPE, on y était ? c'est un mini-BAPE qu'on essaie d'instaurer là. Si on le fait, ça prend les outils appropriés pour le faire, c'est ce qu'on vous dit. Sinon, l'exercice sera très difficile. Avec les outils appropriés, on est capable d'atteindre de bons résultats parce que ça instaure un dialogue. Et, avec les outils appropriés, ce qu'on veut éviter, c'est de mettre les gens au banc des accusés; on veut qu'ils se parlent, pas qu'ils se chicanent. J'ajoute un dernier point: si on veut atteindre cet objectif-là pour le 15 décembre, je pense que, tout le monde, on a à retrousser nos manches et à se parler. Et ça, pour cette raison-là et pour le mieux-être de l'agriculture et de la société en général ? on a besoin des activités agricoles dans la société ? les agronomes du Québec sont prêts à mettre la main à la pâte.

Le Président (M. Ouimet): Alors, c'était le mot de la fin, Mme Bolduc. Je vous remercie, je remercie Mme Lussier ainsi que M. Lesage pour votre contribution à nos travaux. Merci.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération des producteurs de porcs du Québec à bien vouloir s'avancer à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, si vous voulez bien libérer la place pour que la Fédération des producteurs de porcs puisse bien s'avancer.

Alors, M. Claude Corbeil, si vous voulez prendre place.

Vous êtes M. Corbeil? Alors, M. Corbeil, vous êtes bien le président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec?

M. Corbeil (Claude): Oui, c'est ce qu'on m'a dit.

Le Président (M. Ouimet): C'est ce que j'apprends. Auriez-vous la gentillesse de me présenter les gens qui vous accompagnent?

Fédération des producteurs
de porcs du Québec (FPPQ)

M. Corbeil (Claude): Oui. Bonjour, M. le Président. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma droite, j'ai M. Pierre Baril, qui est directeur général de la fédération; à ma gauche, j'ai François Boutin, qui est directeur du service d'environnement à la fédération; à sa gauche, Christine Mitton, qui est directrice des communications; et, à l'extrême gauche, Mme Colette Ouellet, conseillère en relations publiques.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, vous avez 20 minutes pour nous exposer votre point de vue.

M. Corbeil (Claude): Merci. Mesdames et messieurs, membres de cette commission, ce mémoire est présenté par la Fédération des producteurs de porcs du Québec, qui représente les intérêts de 4 400 producteurs et productrices de porc de tout le Québec. Ses membres sont les premiers concernés par le plan d'action gouvernemental relativement à la mise en place des nouvelles règles qui régiront leur secteur d'activité. Les producteurs sont prêts à participer à l'élaboration de conditions visant à rendre transparents aux yeux de la population les projets qui prendront racine dans leur communauté. Ils veulent cependant s'assurer que ces nouvelles règles du jeu permettront une cohabitation réussie entre la production porcine et les citoyens et qu'elles ne seront pas une source de conflits avec sa communauté.

La réconciliation avec la population reste, pour les producteurs de porcs, un facteur déterminant dans le développement durable de la production. Nous tenons à remercier le gouvernement pour cette consultation, tardive certes mais combien importante pour assurer aux producteurs de porc le droit de participer à la définition du nouveau mécanisme de consultation publique qui se mettra en place sous peu. Ce geste fait preuve d'une ouverture dans la recherche d'un pacte social, condition essentielle pour une cohabitation réussie. Il demeure que la fédération déplore le fait que des modifications aient été insérées dans un projet de loi omnibus modifiant plusieurs aspects de la vie municipale.

Une production agricole générant plus de 30 000 emplois directs et indirects et des retombées économiques de près de 4 milliards de dollars exige, à notre avis, que l'on élabore un projet de loi spécifique portant essentiellement sur le développement futur de cette production. Malgré cela, la fédération est heureuse de voir que le gouvernement reconnaît dans ses allocutions publiques les efforts réalisés par ses membres afin d'améliorer les impacts environnementaux et sociaux de la production porcine.

Aujourd'hui, l'acceptabilité sociale de notre production est devenue l'enjeu principal quant à l'avenir de notre production. Et sur ce sujet, la fédération a des inquiétudes concernant l'impact du processus de consultation tel que proposé en matière d'harmonie dans les communautés. À ce jour, les producteurs n'ont encore aucune assurance que cette réconciliation se fera sans heurts au sein de leurs communautés. Il faut donc tout mettre en place pour éviter la judiciarisation du développement de notre production. Notre plus grande crainte est à l'effet que le moratoire imposé par décret ne devienne un moratoire déguisé en procédures légales.

Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire déposé lors de la commission sur le développement durable de la production porcine, les producteurs reconnaissent que les citoyens sont aussi concernés par les questions d'aménagement du territoire. C'est pour cette raison que la fédération demande au gouvernement d'élaborer des balises provinciales, pour soutenir les municipalités dans leur planification d'aménagement de leur territoire. Il est clair que les instances municipales ont cette responsabilité de favoriser, dans une perspective de développement durable, une coexistence harmonieuse des utilisations et des activités agricoles.

Cette planification est un préalable à toutes les consultations publiques sur l'étude des projets porcins. À ce chapitre, le gouvernement a un rôle crucial afin d'assurer la cohérence du développement de notre production et des règles du jeu, quelle que soit la municipalité où le producteur dépose son projet. Le milieu municipal doit ainsi accélérer le processus d'aménagement de son territoire et procéder à une consultation de ses citoyens. Cette démarche doit s'inscrire dans un processus d'acceptabilité sociale de la production porcine.

La fédération considère prioritaire, dans toute démarche de cohabitation entre la production agricole et les citoyens, de permettre l'émergence d'une culture municipale favorisant le partage d'informations et la connaissance de l'autre point de vue. Ici encore, on demande au gouvernement de fournir les outils aux municipalités afin qu'elles puissent informer judicieusement les citoyens sur notre production. Quant à la fédération, elle s'engage, de son côté, à informer et à soutenir ses membres dans leur démarche de consultation publique.

Toujours dans l'intention d'en arriver à un processus de consultation acceptable pour tous, la fédération désire ici approfondir sa position sur le processus de conciliation, deuxièmement, les cinq conditions auxquelles est assujettie la délivrance d'un permis.

n (17 h 30) n

La fédération a bien sûr pris connaissance du projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme et de la démarche de consultation publique qu'il propose. Et la fédération aura plusieurs commentaires à émettre. La fédération aimerait toutefois, dans le cadre de la présente commission, se limiter à quelques considérations plus saillantes. Tout d'abord, précisons que la fédération est tout à fait d'accord pour qu'un processus formel vienne établir les conditions d'acceptation sociale des nouveaux projets porcins. Comme la fédération l'admettait d'ailleurs dans le mémoire qu'elle avait présenté lors des audiences sur le développement durable de la production porcine, cela nous semble reconnaître les besoins de transparence et de participation publique, qui est si chère à notre réalité démocratique. La tenue d'une assemblée publique pour expliquer le projet, l'émission de recommandations par la municipalité pour atténuer les effets qui pourraient être associés au projet et ultimement une démarche de conciliation pour gérer une partie des différends potentiels sont autant de mécanismes qui peuvent favoriser un contexte d'harmonie sociale. La fédération est aussi d'accord pour que ce processus d'acceptation sociale des projets soit coordonné par les municipalités. On croit néanmoins important de formuler deux préoccupations majeures qui constituent d'ailleurs l'essentiel du message qu'elle voulait livrer à cette commission.

Premièrement, la fédération déplore qu'il n'y ait pas de mécanisme d'arbitrage formel pour une tierce partie pour gérer le cas qui demeure litigieux au terme du processus de conciliation. La fédération croit ainsi qu'à cette étape il faut tout faire pour éviter que les conflits soient gérés par les tribunaux, ce qui va à l'encontre de l'approche d'harmonisation que nous recherchons tous. Puis ça, c'est bien important. Ces conflits persistants, croyons-nous, devraient être référés à une commission indépendante et neutre qui aurait un pouvoir décisionnel et exécutoire. Relevant du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, cette commission serait formée de membres désignés conjointement par le MAPAQ et le ministère des Affaires municipales. Dans leur analyse des dossiers, les commissaires pourraient s'inspirer de paramètres provinciaux relatifs à la production porcine et à ses répercussions ? j'ai bien dit «des paramètres provinciaux».

La fédération croit que de cette sorte on laisserait à la municipalité le soin de gérer l'ensemble du processus de consultation publique en ayant toutefois le soin de référer les litiges à une tierce partie. Ceci permettrait d'éviter que la municipalité ait à agir dans certains cas comme juge et partie, ce qui peut poser un problème d'équité envers le producteur qui présente son projet. Ceci permettrait également aux municipalités, en regard de certains projets litigieux, d'échapper à des pressions publiques qui pourraient s'avérer toutefois très inconfortables.

Deuxièmement, la fédération a évalué le temps que pourrait nécessiter le cheminement d'un projet. S'il devait passer par toutes les étapes de consultation publique et si les délais permis étaient poussés au maximum, la fédération arrive au compte faramineux de 165 jours ? près d'une demi-année ? auxquels il faudrait ajouter 90 jours pour obtenir le CA du ministère de l'Environnement. On en est donc, au maximum, à 255 jours, ce qui est bien sûr impensable. On est rendu à trois quarts d'année. Ceci nuirait notamment aux petits et aux moyens promoteurs, pour lesquels le temps d'implantation de projet est encore plus critique. C'est sûr que le petit producteur qui s'embarque dans un processus comme ça, à notre avis, il y a bien des risques qu'il tourne de bord puis qu'il change d'idée, qu'il n'en fasse pas, de projet. La fédération est donc d'avis qu'il faut revoir la distribution des étapes et surtout des délais qui leur sont attribués pour alléger le processus et conserver un échéancier acceptable.

Par ailleurs, pour terminer cet élément sur la consultation publique, la fédération est d'avis qu'on ne pourra laisser les parties à elles-mêmes dans ce nouveau processus de consultation publique, comme elle l'avait préalablement mentionné avec la ferme intention de supporter nos producteurs dans cette expérience nouvelle de cohabitation. Dans cet esprit et sur la base des expériences de cohabitation réussies auxquelles nous avons été associés, nous comptons développer guides et contenus de formation pour leur suggérer une approche proactive d'implantation de projet. Dans le même ordre d'idées, la fédération croit que le monde municipal devrait, lui aussi, être accompagné dans cette démarche et obtenir un support des ministères et organismes municipaux concernés. Idéalement, ces deux démarches d'accompagnement devraient se rejoindre et faire l'objet d'une concertation entre la fédération et le monde municipal.

Pour ce qui est des modifications suggérées à l'article 145.35.1, je vous réfère au document que vous avez entre les mains, aux pages 7 et 8, précédemment déposé, puis je tiens à ce que vous en preniez connaissance car c'est très important. Et, faute de temps, je vous ferai grâce de le lire, étant donné que vous l'avez entre les mains. Mais je répète, c'est des documents importants. Et puis je vais conclure rapidement.

À l'occasion de la phase de consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 54, la Fédération des producteurs de porcs du Québec souhaite par le dépôt de ce court mémoire communiquer aux membres de cette commission parlementaire que la réussite d'un vrai pacte social doit débuter par un dialogue constructif entre les divers acteurs sur le développement durable de la production porcine. Nous souhaitons poursuivre ce dialogue sur les autres orientations gouvernementales.

La fédération aimerait rappeler les conclusions que nous avons formulées lors des audiences du BAPE à Sainte-Marie-de-Beauce, en avril 2003, soit: Le nouveau pacte social, qui remplacera les mesures transitoires, découlera d'une démarche constructive de concertation pour déterminer les conditions à long terme du développement de la production porcine. Ce pacte doit servir de levier pour inscrire la production porcine québécoise dans son nouveau contexte environnemental et social ainsi que pour donner une impulsion nouvelle à la dynamique qui l'a projeté au cours des dernières années au rang d'acteur majeur dans l'économie agroalimentaire du Québec.

La fédération entend donner un signal très clair à la population québécoise et aux communautés rurales de sa forte volonté d'arriver à un modèle québécois de développement porcin qui fasse école dans l'agriculture québécoise ainsi qu'au Canada et dans les autres pays du monde. Merci de votre attention.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Beaulieu... M. Corbeil, plutôt, pour la présentation de votre mémoire. Alors, nous allons maintenant ouvrir cette période d'échange, et je vais céder la parole à la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Mme la ministre.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, M. le président, M. Corbeil, je vous salue, M. le directeur général, M. le vice-président, madame, merci de participer à nos travaux, c'est fort important. J'ai pris bon acte, là, du mémoire que vous avez déposé, M. le président. Pour en avoir discuté à quelques reprises avec vous, je connaissais vos préoccupations.

Je devrais aussi vous dire d'entrée de jeu que, nonobstant le fait que le projet... l'ouverture qu'on peut avoir pour la levée du moratoire le 15 décembre, les modifications législatives se trouvent à l'intérieur d'un bill omnibus. Ce n'est pas un manque d'intérêt ou un manque de respect pour l'agriculture et surtout pas pour l'industrie porcine au Québec, c'était effectivement, eu égard aux règles parlementaires qui nous gouvernent, faire en sorte qu'on puisse y arriver, arriver à lever le moratoire le 15 décembre. C'était notre préoccupation, tant mon collègue des Affaires municipales, tant mon collègue de l'Environnement que celui de la santé publique, monsieur, et ça, je voulais vous assurer de notre préoccupation majeure qu'effectivement est pour nous l'objectif recherché, la levée du moratoire le 15 décembre prochain.

Je suis consciente, en tant que ministre de l'Agriculture, M. le Président, qu'effectivement un moratoire dans une industrie, c'est un acte d'échec. Je constate aussi qu'effectivement ça a créé pour l'industrie porcine une période de stagnation. On entend parler à la période des questions, ce matin, d'une entreprise qui a fermé ses portes, qui a mis à pied ses gens parce que effectivement on limite l'exploitation porcine de pouvoir prendre de l'expansion, et ça, j'en suis fort consciente.

Alors, l'objectif recherché est évidemment de faire en sorte de permettre la croissance de cette exploitation le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions. Les meilleures conditions, M. le Président, vous en conviendrez avec moi, on va les valider sur le terrain, on va voir avec l'usage comment ça va se comporter sur le terrain.

n (17 h 40) n

On est aussi conscients que la consultation, c'était quelque chose à laquelle vous adhériez. J'ai pris connaissance de votre mémoire lorsque vous l'avez déposé aux membres; vous êtes très conscients effectivement qu'il faut rétablir la connexion avec le monde rural, avec le monde urbain, et rétablir la connexion aussi entre les gens qui habitent une municipalité et les producteurs porcins. Il faut aussi dire... faire mieux connaître à la population du Québec que les producteurs de porc au Québec sont ceux, ma foi, qui se sont mis le plus rapidement à la page de l'écoconditionnalité. Vous avez été les meilleurs performants à faire en sorte de rendre votre industrie écoconditionnelle, et ça, je veux le souligner. Mon collègue le ministre de l'Environnement l'avait dit en point de presse. Lorsqu'on a demandé des bilans phosphore, vous êtes de ceux qui avez le plus répondu à l'appel; plus de 80 %, voire même 90 % de nos producteurs ont déposé leur bilan phosphore.

Cela étant ? cela étant ? et vous le savez autant que moi, il demeure un fait, qu'il y a malheureusement une mauvaise compréhension et des préjugés tenaces qui entourent l'industrie porcine par les Québécois et les Québécoises. C'est un fait. Et évidemment la consultation a effectivement pour objectif d'essayer d'atténuer cette mauvaise perception, les préjugés qui sont véhiculés autour de l'industrie porcine. Vous avez entendu comme moi des gens qui confondent pollution et désagrément d'odeurs eu égard aux règles d'épandage, vous l'avez entendu comme moi.

J'ai lu, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre mémoire. Vous étiez présents lorsque la présidente de l'Ordre des agronomes a témoigné. J'aurais souhaité, je souhaiterais que vous répondiez à des questionnements qu'elle a posés qui peuvent être assez pertinents, lorsque, entre autres, elle précise de mettre des balises à l'article 145.35.1, à savoir l'ensemble des... in fine, lorsqu'on dit: «L'ensemble des conditions ? d'épandage ? auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité.» Elle suggère, l'ordre suggère de préciser des balises, de préciser, en termes de pourcentage, quel serait le pourcentage, l'objectif atteint, là, qui ne nuirait pas de façon substantielle à la rentabilité d'une entreprise. Avez-vous effectivement pris position par rapport à l'article 145.35.1 in fine?

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

M. Corbeil (Claude): Oui. Écoutez, on est à valider ou à vérifier ce qui doit être mis à ce niveau-là. Mais ce que je veux vous dire, dans le fond, je suis président de la fédération, oui, mais avant tout je suis un producteur de porc, c'est le producteur qui va vous parler. Le producteur de porc, vous l'avez dit, a fait... 93 % des producteurs ont remis leur bilan phosphore. Les producteurs de porc ont fait beaucoup depuis plusieurs années pour améliorer la situation de la production, et ils ne ménageront aucun effort pour continuer dans ce sens-là. Donc, quant au pourcentage, ça reste à définir. Je ne sais pas si Pierre peut ajouter des choses, là, Pierre Baril.

M. Baril (Pierre): Écoutez, c'est entendu que chaque... quand on travaille au niveau des coûts de production, entre autres, c'est un sujet qui est assez complexe, et nous sommes en train d'évaluer effectivement l'ensemble des coûts de production et des coûts de production environnementaux qui pourraient être... où sont assujetties nos fermes porcines. Et, lorsqu'on aura une étude assez complète, on pourra voir beaucoup plus les impacts de l'ensemble des coûts environnementaux.

C'est bien entendu que lorsqu'on exige... ou si on veut exiger aux producteurs des investissements supplémentaires de 200 000 $, 250 000 $, exemple ? puis là je dis quelque chose, là, qui peut... ça peut être 300 000 $, ça peut être 125 000 $ ? il faut toujours l'incorporer à l'intérieur de sa ferme et voir s'il y a un aspect rentabilité. Et, la plupart du temps, si le producteur est capable de le supporter, bon, c'est beau, mais je vous dirais que des fois, comme les périodes de prix qu'on a connues dernièrement, des investissements de l'ordre de 100 000 $ ou de 125 000 $, là, c'est très, très difficile à supporter pour du moyen ou du long terme.

Alors, le débat est là. On est en train de faire des vérifications avec des experts sur l'importance des coûts environnementaux, et on aura une réponse beaucoup plus précise dans quelque temps.

M. Boutin (François): Peut-être un élément...

Le Président (M. Legendre): M. Boutin.

M. Boutin (François): Merci. Peut-être un élément concret, entre autres, par rapport à l'incorporation des lisiers. Ça peut paraître banal pour les citoyens d'exiger de l'incorporation des lisiers au sol. Par contre, on voit qu'au point de vue économique, pour une entreprise moyenne qui peut produire de 4 000 à 5 000 m³ de lisier par année, qu'un épandage traditionnel, qui était sous forme d'aéro-aspersion, qui était au-dessus du réservoir, comparativement aux rampes basses, maintenant, qui sont exigées dans le règlement, dans le REA, on a un coût supplémentaire d'à peu près 0,50 $ à 0,60 $ par mètre cube épandu. Pour une ferme moyenne de 5 000 m³ de lisier épandu, ça correspond à une augmentation des coûts d'opération de 2 500 $. Si on ajoute une incorporation immédiate à l'arrière des équipements d'épandage, comparativement à l'aéro-aspersion, on monte les coûts d'opération, selon notre première estimation, là, qui reste à valider, ça peut augmenter à 1,75 $ par mètre cube épandu. Vous voyez quand même la marge importante, dans le cas d'une entreprise existante, d'absorber les nombreux frais qui peuvent être imposés via les conditions par rapport à la délivrance du permis, et puis qu'il faut peut-être en tenir compte sur des bases un petit peu plus techniques, là, dès le moment que le milieu municipal pourra exiger ces nouvelles mesures là.

Le Président (M. Legendre): Mme la ministre, il nous reste environ une minute dans ce bloc.

Mme Gauthier: On reviendra.

Le Président (M. Legendre): Oui. O.K. Alors, du côté de l'opposition officielle, Mme la députée de Bourget.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, M. Corbeil, bienvenue. Messieurs, mesdames, merci pour votre mémoire, qui est vraiment un très bon mémoire. Je voudrais... D'abord un commentaire et une ou deux questions.

Premier commentaire. Je veux vous dire que nous partageons votre préoccupation que vous exposez dans votre mémoire dès le départ en disant que vous déplorez le fait que les modifications aient été insérées dans un projet de loi omnibus. Et, contrairement à... D'ailleurs, l'opposition officielle a fait plusieurs procédures parlementaires pour éviter cela, parce que honnêtement il n'y a pas de motif parlementaire qui justifie que ces dispositions-là n'aient pas fait l'objet d'un projet de loi en soi, avec tout ce que ça implique, un projet de loi en soi. Il y a toute une démarche autour d'un projet de loi. Et nous avons comme vous déploré que ces dispositions-là se soient faufilées à travers l'omnibus municipal. Ceci étant dit, on n'a pas gagné nos requêtes et demandes au Parlement ? ça arrive, même si... Je crois que nous étions justifiés d'aller dans le sens de ce que vous avez fait remarquer.

J'aimerais vous entendre. Vous avez un aspect qui est intéressant dans votre mémoire, parce que vous allez un petit peu plus loin au niveau du libellé des conditions dont il est question dans les amendements proposés dans le projet de loi n° 54. Et j'aimerais vous entendre sur un aspect sur lequel vous avez... dans votre mémoire. Vous savez, je ne vous l'apprends pas, que l'article 145.35.1, qui est donc inséré, là, pour gérer la procédure qui est proposée par le gouvernement, fait état des conditions auxquelles un conseil municipal peut assujettir la délivrance d'un permis. Je ne reprendrai pas les cinq éléments, là, je suis pas mal sûre que vous les avez sous les yeux. Mais je veux vous entendre sur le dernier alinéa de cet article-là, où il est dit, et je cite: «L'ensemble des conditions auxquelles est délivré le permis ne doit pas nuire sérieusement à l'exploitation de l'entreprise du demandeur ni avoir un impact substantiel sur sa rentabilité.» Donc, non seulement les conditions sont prévues au sujet, par exemple, de l'épandage, le respect des distances séparatrices, etc., mais on dit au conseil municipal: Vous pouvez mettre toutes ces conditions-là, mais vous ne devez pas provoquer un impact sur la rentabilité de l'entreprise.

La question que je me pose, c'est: comment un conseil municipal va mesurer ça? Comment vous voyez... C'est entre quelle rue et quelle rue, ça, là, la rentabilité d'une entreprise? De quels outils les municipalités auront besoin? Quelle information cela implique, qu'une entreprise agricole devra rendre à la disposition d'un conseil municipal? Il y a quelque chose d'assez intime, quand même, là-dedans. Je veux vous entendre sur cette condition plus générale, qui est de visu honorable, là, on ne veut quand même pas tuer des entreprises agricoles. Mais comment on va mesurer ça? Comment on va débattre de ça? C'est quand même un objectif louable, mais un peu inusité, parce qu'on ne connaît pas la méthode. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

n (17 h 50) n

M. Corbeil (Claude): Bon, je vous dirai que c'est une réponse complexe. Mais je vais tenter de vous répondre. C'est-à-dire que ça ne se mesure à peu près pas. Dans ce sens qu'on sait que chaque ferme a une rentabilité différente selon sa qualité de gestion, selon ses investissements, selon ses actifs, etc. Donc, au départ, chaque entreprise a une rentabilité différente selon ses précédents. C'est évident, quand on fait un nouveau projet, on fait un calcul, ça coûte tant, ça rapporte tant; ça, c'est assez facile à gérer. Mais, bon, pour le producteur, c'est difficile, là, évaluer la rentabilité. Bien, ça se fait, mais ça dépend de chaque producteur, puis je pense qu'au niveau municipal c'est encore plus difficile parce qu'ils n'ont peut-être pas les données ou le vécu du producteur, ce qui me préoccupe.

Comme producteurs de porc, on est prêts... puis on veut vivre avec le monde municipal, donc on est prêts à mettre ce qu'il faut pour que tout le monde soit heureux autour de nous. Exemple, quand on parle de mettre un toit sur une fosse. Si je bâtis une porcherie près de mes voisins directement... je vous dirai que, moi-même, j'ai vécu le cas, j'ai mis un toit sur ma fosse il y a quatre ans, puis, la semaine d'après, mon voisin est venu me remercier parce qu'il y avait moins de senteurs de son côté. Donc, j'ai réalisé que c'était important, puis c'était une nécessité dans un cas précis. Si vous installez une production dans un boisé, puis vous me demandez de mettre un toit sur la fosse et puis un écran boisé autour du bois, je vais vous dire, là ça va être dur à rentabiliser.

Tu sais, ça peut aller... Moi, quand j'ai vu ça, ma préoccupation, celui qui ne connaît pas le monde agricole ou porcin, il peut aller jusqu'à nous demander les cinq items d'emblée, sans conséquences avec les coûts que ça peut apporter. Ça peut toucher grandement la rentabilité. Mais, de prendre une décision autour d'un conseil municipal et dire si ça peut affecter sa rentabilité à tel niveau ou tel niveau, ce n'est pas évident à dire. Moi, en tout cas, c'est ce que j'en conclus.

Mme Lemieux: Comment, à votre avis, les municipalités vont mesurer ça? Allez-vous accepter d'ouvrir vos livres?

M. Corbeil (Claude): Écoutez, quand on a un projet, un budget, ça s'explique, le projet, mais de là à ouvrir nos livres devant le conseil municipal, je vous dirai que ça va être assez délicat, là. Si je vous renversais la même question, probablement que vous auriez la même réponse. Ma ferme, mon entreprise, je la gère du mieux possible; de là à partager mes états financiers avec les citoyens qui vont prendre la décision autour du conseil municipal, ça va me dissuader beaucoup d'aller présenter mon projet.

Mme Lemieux: Alors, partant de ça, ce que je peux parfaitement comprendre, la question, c'est... On dit dans ce projet de loi que le conseil municipal peut assujettir la délivrance du permis à un certain nombre de conditions, mais on ajoute que l'ensemble de ces conditions ne doit pas avoir un impact substantiel sur sa rentabilité. Là, je vous demande de vous mettre du point de vue des municipalités. Je comprends les limites que vous mettez. Comment elles vont mesurer ça? Moi, je demeure très confuse, là.

M. Corbeil (Claude): Je pense qu'ils n'ont pas ce qu'il faut pour prendre une décision à ce niveau-là. Je ne pense pas, moi. Puis c'est sûr qu'à chaque fois qu'on va rajouter un des... si on met quatre critères ou cinq critères sur les cinq, ça va affecter la rentabilité à un niveau plus élevé.

Le Président (M. Legendre): Mme la députée.

Mme Lemieux: J'ai un dernier élément, parce que je sais que mon collègue de Saint-Hyacinthe a plusieurs questions, je le vois, là, sur sa tablette. Vous insistez beaucoup sur la question du processus, vous introduisez l'idée d'une tierce partie et vous dites: «Cela permettra d'éviter que la municipalité ait à agir dans certains cas comme juge et partie.» Qu'est-ce que vous voulez dire? Dans quels cas une municipalité peut se retrouver juge et partie?

M. Corbeil (Claude): Depuis quelques semaines, ce que je répète, puis je ne suis pas mal à l'aise de le répéter, nous, les producteurs de porc, on n'a aucun problème à demander un permis devant une municipalité, devant nos concitoyens, parce que, c'est bien simple, moi, je demeure à Saint-Hyacinthe depuis une quarantaine d'années, je connais à peu près tout le monde dans ma région, puis j'aime ça, les jaser. Si, la journée que je demande un permis, ça va créer un problème tel que mes amis citoyens ne veulent plus me parler parce qu'ils ne sont pas en accord avec mon projet, j'ai un grave problème. Donc, je me mets à la place du maire qui aurait à trancher dans une municipalité où... on a quand même des municipalités de moindre importance où le maire a à trancher, son conseil municipal est divisé, et le maire a à trancher. Ce ne sera pas évident à régler. Et puis ça, c'est ce qui me préoccupe.

C'est pour cela qu'on dit: Lors d'un litige, il devrait y avoir une partie, une tierce partie qui prendra une décision. On nommait des exemples, là, comme... Bon, on a la Régie des marchés agricoles, on a la CPTAQ, exemple, c'est des mécanismes qui fonctionnent bien, et puis à notre sens ça dégagerait, à certains niveaux, l'odieux de certaines décisions au niveau de la municipalité.

Mme Lemieux: Est-ce que, M. Corbeil...

Le Président (M. Legendre): Mme la députée, il nous reste à peine 45 secondes.

Mme Lemieux: Oui. Mais je teste quelque chose avec vous: Est-ce qu'à votre avis, pour éviter cette situation-là que vous décrivez très humainement mais qui est très réelle, est-ce que ça ne devrait pas être ? j'émets l'hypothèse ? est-ce que ça ne devrait pas être au niveau de la MRC que ce processus soit géré? J'émets l'hypothèse.

M. Corbeil (Claude): François va répondre.

Le Président (M. Legendre): M. Boutin.

Mme Lemieux: En 30 secondes.

M. Boutin (François): Rapidement, c'est clair qu'à l'échelle de la MRC on gérerait moins de sensibilité ou d'émotivité qu'à l'échelle de la municipalité en tant que telle. Mais on voit, quand il y a une coalition de citoyens qui se crée à l'échelle locale, même que la pression se dégage auprès des préfets et auprès des municipalités avoisinantes. Pour trancher une décision suite à une conciliation qui n'a pas donné de résultat, on voit quand même la nécessité de mettre en place un système d'arbitrage ou un mécanisme d'arbitrage au point de vue provincial qui va garder à l'esprit les activités de la production agricole du Québec, là.

Le Président (M. Legendre): Merci, M. Boutin. Mme la ministre, il reste 11 minutes environ au groupe gouvernemental.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Alors, je vous dirais qu'à quelque part je pense qu'il y a une incompréhension, parce que, vous savez, la législation telle qu'elle existe avant le moratoire, c'est que, pour un exploitant qui veut avoir une entreprise porcine sur un territoire, il allait voir l'Environnement pour voir si c'était conforme à la réglementation environnementale et il allait à la municipalité voir si c'était conforme à la réglementation municipale, et un permis devait être émis.

Ce que là on ajoute effectivement, c'est une consultation, mais l'acte de donner... d'émettre un permis n'est pas un acte politique, et la seule nuance, c'est des conditions supérieures aux permis qui sont allégués, ceux qui sont allégués à l'article 145.35.1. Il n'y a pas de décision, comme je vous dis, ce n'est pas un règlement municipal qu'on va adopter, là, et il y aura toujours un processus de médiation.

J'en reviens toujours à l'article 145.35.1 in fine, où l'objectif recherché, M. Corbeil, je vous le dis, c'est celui dont vous avez fait état. C'est un exemple que je donne souvent, parce que effectivement ça peut arriver qu'un producteur de porc qui veut établir une nouvelle exploitation dans une municipalité, qu'il établisse sa porcherie en arrière d'un cran, à 5 km des voisins les plus près, n'a pas besoin manifestement d'avoir une superstructure d'entreposage, une toiture.

Alors, l'objectif recherché, évidemment, c'est comment... Comment vous le... Quel est le libellé que vous nous proposez pour rechercher cet objectif-là, qui ferait en sorte, eu égard aux circonstances, qu'on puisse ne pas de façon abusive émettre des conditions à un permis ? comme, par exemple, le producteur qui installerait son installation à 5 km du voisin le plus près?

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

M. Corbeil (Claude): M. Boutin va répondre à ça.

Le Président (M. Legendre): M. Boutin.

M. Boutin (François): C'est peut-être par rapport au préalable que vous avez dit, Mme Gauthier, par rapport au fait que la municipalité est quand même dans l'obligation d'émettre le permis municipal. Pour avoir participé à de nombreux projets en 2000, 2001, 2002, ce qu'on s'apercevait, c'est que le conseil municipal avait des tensions importantes pour émettre le permis municipal, et il y avait tellement des pressions importantes du citoyen que l'inspecteur municipal était dans l'obligation de ne pas émettre le permis municipal, suite à des pressions politiques. Et combien de dossiers qu'on a eus, en 2000, 2001, 2002, que le promoteur a été obligé d'utiliser la voie judiciaire, d'utiliser des requêtes en mandamus, entre autres, pour l'émission du permis municipal.

Puis on se dit, par rapport au mécanisme de consultation publique qu'on propose ici, on a une crainte qu'on retombe dans un mode juridique où est-ce que le promoteur va être dans l'obligation d'aller en Cour supérieure pour obliger le milieu municipal à émettre le permis municipal. Puis on se disait: Pour prévenir ça, mais pourquoi pas mettre une structure supramunicipale qui sera en mesure de laisser de côté l'émotivité et puis d'éviter que les dossiers soient tranchés par un juge et des avocats?

n (18 heures) n

Le Président (M. Legendre): Mme la ministre.

Mme Gauthier: Oui. Je comprends ça, mais, comme, dans une vie pas si lointaine, j'ai pratiqué le droit pendant plusieurs années, je peux aussi vous dire que l'arbitrage... Il y a aussi la possibilité d'aller en révision judiciaire, puis aller en appel de la décision de la Cour supérieure, et on est parti pour la gloire. Ça, c'est une discussion qu'on pourrait avoir ad vitam aeternam.

J'aurais cependant apprécié que vous puissiez répondre à ma question: Qu'est-ce que vous suggérez, vous, comme libellé sur l'article 145.35.1 in fine qui revoit ma préoccupation de faire en sorte d'empêcher effectivement une décision arbitraire, injustifiée d'une condition supérieure au permis? L'exemple de la fosse est un bel exemple que M. Corbeil pouvait parler tantôt, mais, si le producteur, lui, installe ses installations à 5 km des voisins le plus près, on n'a pas cette obligation-là... en tout cas, dans ma tête à moi, il n'y a pas l'obligation de mettre une toiture sur sa fosse. Alors, comment... quel libellé vous pourriez nous suggérer qui pourrait répondre à l'objectif que nous recherchons, autre que celui-là parce que lui manifestement ne fait pas votre affaire?

Le Président (M. Legendre): Alors, M. Corbeil ou M. Boutin.

M. Corbeil (Claude): Écoutez, on va vous en faire un, libellé, puis on va vous revenir avec. On veut prendre le temps de le faire comme il faut. C'est bien important pour nous.

Mme Gauthier: M. Corbeil, dans votre mémoire, un autre sujet... Dans votre mémoire, page 2, vous dites: «Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire déposé lors de la commission sur le développement durable de la production porcine, les producteurs reconnaissent que les citoyens sont aussi concernés par les questions d'aménagement du territoire. C'est pour cette raison que la fédération demande au gouvernement d'élaborer des balises provinciales pour soutenir les municipalités dans leur planification d'aménagement de leur territoire.»

Qu'avez-vous en tête? Allez-vous jusqu'à penser introduire que le gouvernement pourrait émettre un quota de têtes de porc par élevage, dépendamment du territoire?

M. Corbeil (Claude): Par cela on veut dire d'avoir une uniformité provinciale. Ce qu'on dit dans le fond, c'est que dans chaque municipalité, si on laisse le soin à chaque municipalité d'établir ses règles, là, ça va être difficile, parce que dans certaines régions on pense qu'ils n'en voudront pas, de porcheries, peut-être, puis dans d'autres ils en voudront.

Si ça vient au niveau provincial, à ce moment-là c'est égal pour tout le monde puis ça vient enlever le fait qu'on peut penser que ça devienne un nouveau moratoire par région. Si c'est établi au niveau provincial, à ce moment-là les règles sont au niveau provincial, ça devient égal pour tout le monde.

Mme Gauthier: Je voudrais juste savoir, M. Corbeil, si j'ai bien saisi votre pensée. Est-ce que je comprends que votre objectif, ce serait que le gouvernement regarde l'ensemble du territoire du Québec, et, avec les informations que nous avons des capacités de recevoir dans chacune des régions, voire même par MRC, dans nos orientations gouvernementales, on devrait les introduire?

Le Président (M. Legendre): M. Baril.

M. Baril (Pierre): Écoutez, dans notre mémoire, Mme la ministre, on avait parlé aussi de développement de la production porcine et de développement balisé et contrôlé, O.K.? Ça faisait partie, ça, de l'ensemble des interventions que les producteurs de porc voulaient voir. Et, bien entendu, cette orientation-là, ça suppose aussi un travail au niveau de savoir, premièrement, la capacité des sols. Ça suppose aussi une relation avec les bassins versants, ça suppose aussi d'éliminer des milieux sensibles. Il y a un travail qui se fait, et je pense qu'on en a souvent parlé, et tout, on n'ira pas... Je pense que les producteurs de porc ne sont pas des gens qui sont non sensibles à la qualité de vie puis à la qualité de l'eau, etc.

Alors, à partir de là je pense que l'ensemble du territoire qui va demeurer utile pour le développement, pour nous, je veux dire, c'est un territoire utile pour le développement. Alors, ce sera des vaches, ce sera des porcs, ce sera de l'aviculture ou autres, mais je pense que l'ensemble des producteurs de porc ne veulent pas se sentir exclus, avoir des ghettos de production porcine en quelque part, pour dire: Bon, bien, ce coin-là, là, c'est 1 km par 1 km. On va mettre une porcherie là puis il n'y en aura pas ailleurs.

Je pense que ce n'est pas l'optique, et, nous, on n'est pas en accord avec cette façon de faire là. L'agriculture doit être planifiée de façon provinciale pour l'ensemble des productions animales du Québec. Et c'est l'objectif qu'on soutient lorsqu'on parle de développement. Alors, ce n'est pas juste une façon d'exclure la production porcine de certains territoires mais d'inclure la capacité au niveau du Québec des productions animales. Alors, je pense qu'il faut faire ce travail de planification là, et, si on ne fait pas ce travail de planification là, on ne le fait pas et ça rend aussi les citoyens insécures.

Alors, la question qu'on peut se poser: jusqu'où on peut aller? Mais jusqu'où on peut aller, si on n'y travaille pas, si on ne fait pas la recherche, si on ne fait pas le travail pour savoir c'est quoi, la possibilité qu'on a, bien on n'a pas de réponse à ça. Et je pense qu'il faut peut-être commencer à travailler pour avoir cette réponse-là.

Mme Gauthier: Est-ce que vous êtes en train de rejoindre un peu les propos de la présidente de l'ordre, tantôt, lorsqu'elle parlait effectivement de se doter... les instances territoriales de plans de développement sur chacun des territoires?

M. Baril (Pierre): Mme Gauthier, je pense que l'objectif des municipalités quand ils font leur schéma d'aménagement, c'est l'objectif aussi, hein, de faire en sorte de savoir où on peut faire de l'agriculture, où on va faire du développement industriel. D'accord? Je pense que c'est bien développé, ça. Alors, c'est un peu la même chose, là. Il faut être en mesure de savoir où est-ce qu'on va la faire l'agriculture au Québec. Vous savez que le territoire agricole, c'est 2 %, hein, de la superficie du Québec, ce n'est pas énormément gros. Alors, si demain matin on n'a plus l'opportunité de faire de l'agriculture au Québec, où on va la faire? Et on voit bien un peu ce que Mme la présidente de l'Ordre des agronomes disait: On ne la fera pas sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal puis on ne la fera pas sur René-Lévesque. Alors, il va falloir la faire en campagne, à quelque part. Il en reste 2 % du territoire. C'est un choix de société, qu'est-ce qu'on va faire avec ce 2 % là. Je veux dire, on va faire des autoroutes aussi, on va faire ci, on va faire ça, alors, à un moment donné, où est-ce qu'on va faire notre agriculture?

Mme Gauthier: Diriez-vous...

Le Président (M. Legendre): Mme la ministre, il reste environ une minute.

Mme Gauthier: Iriez-vous jusqu'à dire qu'on devrait planifier aussi quelle sorte d'agriculture qui peut...

M. Baril (Pierre): Je pense que je n'irais pas jusque là. Déterminons les zones où est-ce qu'on peut faire de l'agriculture.

Mme Gauthier: De façon générale. Par région.

M. Baril (Pierre): De définir la sorte, ça, c'est peut-être une étape où est-ce qu'on n'est pas rendu.

Mme Gauthier: Bien, je vous remercie.

Le Président (M. Legendre): Ça va?

M. Baril (Pierre): Merci.

Le Président (M. Legendre): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, mesdames, il me fait plaisir de vous voir parmi nous, M. le président, dans cette belle grande salle qui appartient au peuple du Québec.

J'ai beaucoup aimé votre présentation. Vraiment, il y a énormément de choses, c'est vraiment la voix de quelqu'un qui a les deux pieds dans le champ, et qui vit ce problème-là depuis un certain nombre d'années, et qui cherche, avec tous les moyens dont il dispose, des solutions. Et je pense qu'on n'a pas mentionné indûment le fait que de 85 % à 90 % des éleveurs de porc ont déjà présenté leur plan agroenvironnemental de fertilisation. Et j'en connais plusieurs qui ont planté des arbres autour de leur porcherie et d'autres qui ont planté des brise-vent dans le champ pour éviter toutes sortes de choses... l'érosion.

Alors, je pense qu'il y a une volonté réelle dans le milieu de bien faire les choses. Et je voudrais m'arrêter à ma question en me référant à la page 5 de votre mémoire: «Premièrement, la fédération déplore qu'il n'y ait pas de mécanisme d'arbitrage formel.» J'aimerais comprendre votre point de vue. Bon, là on comprend, vous déplorez qu'il n'y ait pas une tierce partie autonome, indépendante, qui ne dépend de personne et qui pourrait prendre une décision. Est-ce que ce serait une décision, donc un arbitrage qui serait la dernière étape? La décision serait obligatoire? Serait exécutoire?

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

M. Corbeil (Claude): Oui, oui, ce serait une décision de dernière étape, exécutoire, oui.

M. Dion: Donc sans possibilité d'appel devant les tribunaux?

M. Corbeil (Claude): On veut éviter les tribunaux, donc on va se conformer à la dernière décision.

M. Dion: Sauf erreur judiciaire, bien entendu.

M. Corbeil (Claude): Oui.

n(18 h 10)n

M. Dion: Alors, je voudrais vous poser une autre question. Moi, je suis très préoccupé par toute la mécanique qu'il y a en place. Je crains que, quelle que soit la bonne intention avec laquelle elle soit mise, là, dans le papier, là, je crains qu'on arrive à une situation qui soit dommageable pour l'élevage de porcs, pour l'environnement et surtout pour le tissu social. Parce que quand on regarde... Vous avez mentionné vous-même les 255 jours de délai, hein, 255 jours de délai pour l'émission d'un permis, mais vous n'avez pas considéré ? et puis intentionnellement, j'en suis convaincu ? la période avant que ne commence la consultation. On dit que la municipalité doit tenir une consultation publique, on ne dit pas: dans deux semaines, un mois, deux mois, six mois, un an, deux ans. Et, quand on arrive à la fin du processus, on voit à l'article 145.35.12: «Le fonctionnaire compétent délivre le permis, lequel fait mention des conditions». Il délivre le permis. Il délivre le permis tout de suite, dans trois mois, dans six mois ou dans un an. Alors, dans le meilleur des cas, c'est trois quarts d'année. C'est quelque chose! Alors, pour une grande entreprise, bien il en planifie plusieurs puis, quand ça n'arrive pas aujourd'hui, ça arrive demain, c'est moins pire. Mais, pour le producteur agricole... Comme j'en ai un à Saint-Barnabé, chez nous, dans mon comté, qui était rendu là dans son développement, et, s'il avait pu bâtir sa porcherie... lui, ça faisait des années qu'il travaillait du matin jusqu'au soir, hein, dans son élevage laitier, pas une minute pour respirer, il disait: Si je pouvais bâtir ma porcherie, là j'aurais le revenu qu'il faut pour m'engager quelqu'un pour m'aider et de temps en temps je pourrais respirer. Il n'a pas pu le faire.

Alors, dans un contexte comme ça, je crains qu'il y ait des choses là-dedans qui rendent la situation quasiment possible pour les petits éleveurs.

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

M. Corbeil (Claude): C'est évident dans l'exemple que vous donnez. Si je prends mon exemple, chez moi, je suis à Saint-Hyacinthe; j'ai mes terres à proximité de ma résidence, puis, si je demande un permis, c'est bien clair que c'est pour bâtir sur mes terres qui sont près de chez moi. Je vous dirai que, en partant, je suis bien conscient que ça va prendre une année avant d'aboutir à quelque chose; ça se peut que je me décourage parce que c'est assez complexe. Par contre, le producteur qui a plusieurs entreprises dans plusieurs paroisses ou villes, je pense qu'il a plus de ressources que moi. Il est peut-être organisé différemment, et puis, lui, ce producteur-là va effectivement appliquer dans une ou deux municipalités. Mais, moi, là, c'est sur ma terre, chez moi. Donc, il a un gros pas d'avance sur moi.

Puis, le débat qu'il faut lancer, c'est: À ce moment-ci, est-ce qu'on donne la chance égale à toutes les entreprises agricoles à se doter d'un permis? C'est la grande question. Et puis, si on veut affecter les fermes de taille moyenne ou le producteur qui fait vivre une ou deux familles, ou trois familles, comme mon cas chez moi, c'est exactement la solution.

Le Président (M. Legendre): M. le député.

M. Dion: Merci. Merci, M. le Président. Alors, moi, j'invite Mme la ministre à se pencher sérieusement sur cette problématique-là. Non, moi, ma réflexion n'est pas du tout partisane, je pense que c'est une question objective, il s'agit du tissu social, parce que, si on encourage trop la concentration des propriétés, on élimine tranquillement les petits producteurs et on va se retrouver avec des campagnes désolées, comme ça arrive pas loin de chez nous, hein. Alors, je pense que ce n'est pas la bonne orientation à prendre, et, dans les conditions de cette loi-là, il faudrait y réfléchir sérieusement.

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

M. Corbeil (Claude): Je voudrais réagir aussi sur le fait qu'effectivement, si je demande un permis chez moi, bon, puis il y a un problème d'acceptabilité sociale ou il y a un frottement, je dis: O.K., je me retire parce que les gens chez moi n'en veulent pas, parce que, moi, je vais vivre dans mon milieu, je vais toujours vivre dans ma paroisse, je suis né là puis je veux rester là. Par contre, le producteur qui a plusieurs paroisses en disponibilité pour faire une demande de permis, s'il n'habite pas la paroisse ou s'il n'est pas impliqué dans le milieu, lui, à ce niveau-là, les frottements, ça va le fatiguer moins. Mais, qu'il aille à la messe le dimanche, là, je ne suis pas sûr que ce sera dans la même paroisse, effectivement. Donc, encore là je suis lésé.

Le Président (M. Legendre): M. le député.

M. Dion: Oui, merci. Alors, d'autant plus que c'est sûr que je suis très sensible à ce que vous dites concernant la judiciarisation, parce que le M. Untel, le producteur agricole qui demeure dans le rang, il peut bien gagner devant le juge, ça ne veut pas dire qu'il gagne devant son voisin. Alors là il a son autorisation, il a tout ce qu'il faut, mais c'est quoi, le trouble dans lequel il se met? Alors, je pense que vous avez raison d'attirer l'attention là-dessus.

J'ai une autre question à poser. Je ne veux pas prendre trop de temps, parce qu'il reste peu de temps, hein?

Le Président (M. Legendre): Bien, il vous reste encore un petit peu plus de deux minutes.

M. Dion: Ah, bien c'est parfait, je vais avoir le temps. Alors, à la page 4, vous mentionnez: «La fédération est aussi d'accord pour que ce processus d'acceptation sociale des projets soit coordonné par les municipalités.» Ma collègue a fait ressortir tout à l'heure un problème: si c'est au niveau de la municipalité, ça peut être difficile pour une municipalité de gérer parfois un conflit très local, ça peut être des questions de voisins qui rentrent en ligne de compte là-dedans, alors... et elle vous a demandé voir s'il n'y aurait pas lieu que ce soit plutôt la MRC. Alors, évidemment, c'est une question à réfléchir. Mais il y a l'autre aspect de cette même question là: si la municipalité de Saint-Hyacinthe a une disposition, puis celle de Saint-Dominique, qui est juste à côté, a d'autre chose, on est un peu mal pris aussi. Alors, c'est pour ça que je me demande si cette dimension-là, si vous tenez tellement à ce que la décision se prenne au niveau de municipalité et non au niveau de la MRC.

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil.

M. Corbeil (Claude): J'ai dit tantôt qu'on voulait avoir une orientation provinciale, au niveau des municipalités. Donc, à partir de là ce qu'on veut dire, c'est que ce soit Saint-Dominique ou Saint-Hyacinthe, au moment où est-ce qu'il y a une orientation provinciale, il devrait y avoir la même façon de décider d'un projet. C'est ça que je voulais dire. Donc, est-ce que ça va être...

Le Président (M. Legendre): M. le député, il reste encore une petite minute.

M. Dion: Ah! Bien, c'est magnifique, s'il reste encore une petite minute. J'ai d'autres choses. À la page 9 de votre document, j'ai quelque chose de très intéressant que vous avez dit, et vous parlez, à la fin, de la réussite d'un vrai pacte social, et vous dites: «Un modèle québécois de développement porcin qui fasse école dans l'agriculture québécoise ainsi qu'au Canada et dans les autres pays». Moi, je veux vous féliciter parce que vous ne regardez pas seulement le problème dans la municipalité. Vous savez très bien que, si on réussit à développer au Québec un pacte social qui fait qu'on est prospère et que l'environnement est protégé, c'est le marché mondial qui est à notre porte. Je pense que c'est ça que vous aviez en tête.

Le Président (M. Legendre): M. Corbeil, en 30 secondes.

M. Corbeil (Claude): Écoutez, vos félicitations, je vais les prendre, parce que j'ai souvent le contraire à mon égard. Donc, je le prends. Pour le reste, écoutez, l'acceptabilité sociale, pour nous, est un enjeu important dans ce qui s'en vient. Et puis on va y travailler fort, parce que je pense que je l'ai fait ressentir: on veut cohabiter avec nos voisins. On veut être capables de se parler, donc. Puis, de travailler avec les municipalités, on veut collaborer. Le but, c'est d'être capables de travailler ensemble, mais que chacun atteigne ses objectifs viables. Donc, on vous remercie.

Le Président (M. Legendre): Merci beaucoup, M. Corbeil. C'est tout le temps que nous avions. Alors, mesdames, messieurs, M. Corbeil, merci pour votre participation. Alors, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, en avisant les membres que semble-t-il qu'on peut laisser nos documents sur la table en toute sécurité jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

 

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Legendre): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de l'aménagement du territoire reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 54, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Alors, comme à l'habitude je demanderais à tous les membres et à tout le monde de bien vouloir éteindre la sonnerie du téléphone cellulaire, s'il vous plaît, durant la séance.

Et je vois que nos amis de l'Union québécoise pour la conservation de la nature sont déjà installés. Je vous rappelle que vous aurez 20 minutes pour faire l'exposé. Et j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Harvey Mead, président, et peut-être vous demander de présenter les gens qui vous accompagnent. Bonsoir, M. Mead.

Union québécoise pour la conservation
de la nature inc. (UQCN)

M. Mead (Harvey): Bonsoir, M. Legendre....

Le Président (M. Legendre): Bienvenue parmi nous.

M. Mead (Harvey): ...merci de nous avoir reçus, M. Mulcair et les autres membres de la commission. Je présente Roch Bibeau, qui est le responsable de notre commission agriculture; et Isabelle Breune, qui est notre chargée de projet depuis plusieurs années maintenant dans le domaine agricole; ainsi que Maribel, en arrière, ici, qui est notre agent de projet aussi.

Nous sommes... Nous avons, comme vous dites, demandé de pouvoir commenter ce projet de loi. Nous avons demandé même avant de le voir, sachant que le rôle municipal dans ce qui s'en vient, en termes de mise en oeuvre des recommandations du BAPE, va être très important. Alors, on a plusieurs interrogations et des préoccupations face à cette législation-ci, et je vais passer la parole à M. Bibeau.

Le Président (M. Legendre): M. Bibeau.

M. Bibeau (Roch): Le premier commentaire qu'on veut porter à votre attention ce soir, c'est le fait que ce projet de loi n° 54, sur les articles 10.1 et suivants, lesquels on va commenter de façon plus particulière, c'est le seul élément qui a laissé une précision, par rapport à l'ensemble des éléments qui étaient annoncés le 13 mai dernier. De ce point de vue là, ça force un exercice d'évaluation qui est un peu difficile parce que, ne connaissant pas les autres éléments, le détail des autres éléments de l'annonce du 13 mai, l'évaluation des articles 10.1 et suivants, sur le processus de consultation, peut changer considérablement dépendant de la teneur de ça. De sorte que l'évaluation qu'on fait ce soir est une évaluation préliminaire tenant compte des éléments d'information qu'on possède à ce moment-là, mais qui pourrait changer considérablement si on avait cette vision d'ensemble là, des autres éléments.

Et parmi les éléments qui nous manquent particulièrement pour évaluer ce processus de consultation qui est prévu aux articles 10.1 et suivants, c'est évidemment les modifications aux orientations gouvernementales qui encadreront le pouvoir de zonage ou le pouvoir de protection des boisés ou de bandes riveraines pour les municipalités. Alors, ces deux éléments-là, ce processus de consultation là, pour nous normalement est connexe à la modification des orientations. Donc les commentaires qu'on va faire ce soir, c'est tenant compte des éléments d'information qui nous sont disponibles, en disant que c'est un commentaire préliminaire qui pourrait changer évidemment au fur et à mesure qu'on aurait d'autres éléments.

Et pour donner un exemple de cette connexité-là, nous, on pense que ce projet-là, le projet de consultation prévu aux articles 10.1, est probablement un excellent projet, dans le contexte suivant: si ce projet de consultation intervient dans le cadre d'instances municipales qui ont une solide réglementation en matière de zonage de production ou encore en matière de protection des boisés, et qui donne une vision d'ensemble aux citoyens, qu'ils ont un contrôle effectif sur le développement du territoire agricole, et qui en plus possède une caractérisation de leur territoire, c'est évident que ce processus de consultation là devient un élément positif parce qu'il devient complémentaire à une vision d'ensemble et il permet aux citoyens de se prononcer sur des éléments d'adaptation d'un projet spécifique mais d'autant plus facile pour les citoyens qu'ils ont une vue d'ensemble du processus. Ils ont une vue d'ensemble du territoire, ils ont une vue d'ensemble de la caractérisation du territoire, et donc disent: Ce projet-là... ont déjà une information préalable, en disant: Ce projet-là s'encadre bien, et maintenant on va négocier des conditions de mitigation spécifiques au projet particulier dans son domaine particulier. De ce point de vue là, si c'est les éléments d'information qu'on possède, c'est le contexte dans lequel ce processus de consultation là... c'est probablement un élément positif et un élément complémentaire.

Il nous semble, quant à nous, que la réalité est probablement un peu différente. Si les chiffres qu'on a sont exacts,  et ça, on pourra être corrigés, au moins le tiers des municipalités rurales n'ont pas encore développé de réglementation en matière de contrôle de leurs zones agricoles, cette réglementation-là qui était permise par la loi n° 184 qui a été adoptée en 2001, alors, ce que l'on possède comme chiffres, c'est qu'actuellement deux tiers seulement des municipalités ? et certaines sont très récentes dans cet effort-là ? ont fait cet effort de contrôle là de leur territoire agricole. Donc des règlements tout à fait récents.

Et, nous, on a fait un travail supplémentaire de plus, on a examiné le contrôle des RCI, c'est-à-dire le contenu des RCI de chacune des MRC. Et ce qu'on peut vous dire, en tout cas ? et cette étude-là n'est pas complétée ? mais il y a des éléments importants de différenciation entre les RCI. Par exemple, on peut facilement dire actuellement que, en matière de contrôle des boisés, la plupart des RCI qu'on a consultés ne posent à peu près pas de limites au déboisement à des fins agricoles. Alors donc, seulement que les deux tiers possèdent déjà une réglementation en fonction de ce qui était prévu à la loi n° 184, et, dans cette réglementation-là, il y a encore des trous relativement béants en matière de contrôle.

n(20 h 10)n

Alors, la question qu'on se pose, c'est: Quand une consultation sur un projet va arriver dans une municipalité ayant peu ou pas de cadre réglementaire, n'ayant pas de caractérisation du territoire précise ? et là je fais une petite parenthèse sur la caractérisation du territoire pour souligner qu'il y a un effort très important qui se fait un peu partout actuellement au Québec. On vient de savoir, par exemple, que la MRC de la Matapédia a un plan de caractérisation du territoire tout frais, tout neuf, qui est relativement précis; Canards Illimités l'a fait pour la MRC de l'Amiante, et on nous dit que Canards Illimités, en collaboration avec le ministère de l'Environnement, va éventuellement produire pour Chaudière-Appalaches en septembre. Alors, il y a une effervescence actuellement en matière de caractérisation du territoire qui est très importante, mais qu'il faut reconnaître qui n'est pas encore à terme, qu'il y a encore énormément d'éléments de processus à compléter, non seulement à compléter, mais aussi à s'accaparer pour les comprendre puis en tirer un certain nombre d'enseignements.

Alors, la question que, nous, on se pose, c'est: Quand les projets vont arriver sur la table de conseils municipaux ou encore de MRC qui n'ont pas un encadrement relativement rigoureux, qui n'ont pas de caractérisation du territoire, quel va être l'impact sur les citoyens de ce projet-là? Spontanément, notre réaction, c'est de dire: On va tenter de faire n'importe quoi pour le bloquer, c'est-à-dire: de grossir au maximum les conditions de mitigation, de retarder le processus, de créer tout ce qu'on peut créer de distorsions autour de ce processus-là, parce que pour les citoyens la seule façon d'agir sur le cadre global du développement va être le projet qui est devant eux. Alors, bonne chance aux producteurs qui vont présenter le projet! Bonne chance aux conseillers municipaux qui vont devoir gérer entre eux toute une série d'interactions, là, plus ou moins houleuses! Et bonne chance probablement au processus qui suivra! Est-ce qu'on va accepter, par exemple, la décision qui va revenir après l'arbitrage? C'est un énorme bourbier, en tout cas appréhendé, de notre point de vue.

Et c'est pour ça que, nous, on trouve ça regrettable actuellement, parce que ce qu'on juge, à l'UQCN, c'est que la dynamique qui est ouverte par les orientations du 13 mai, c'est une dynamique globalement positive, c'est une dynamique qui permet d'enclencher des choses. Le problème, c'est que c'est probablement une dynamique qui précipite les choses de façon très grande par rapport à l'échéance qu'on se donne, au mois de décembre.

On a déjà dit: Plusieurs municipalités n'ont pas de contrôle réglementaire, on ne connaît pas les modifications aux orientations gouvernementales. Quand on va les connaître, les municipalités vont devoir intégrer ça dans leur réglementation, et là on a un processus de plusieurs semaines, sinon de quelques mois. Alors, la question, c'est: Cette dynamique positive là qui est amorcée par les annonces du 13 mai, de quelle manière elle va aboutir de manière positive au 5 décembre? Et, chez nous, la question, elle est fondamentalement là, c'est: Est-ce qu'on se donne les chances de réussir ce processus de consultation là qui est prévu à la loi n° 54, au projet de loi n° 54, aux articles 10.1?

Ce qui nous ramène à la question. Plusieurs organisations se sont prononcées en disant: Bien, la levée du moratoire est beaucoup trop rapide, il faudrait attendre ça. Nous, on est un peu réalistes, on sait que les pressions sont extrêmement fortes pour la levée du moratoire, et d'autant plus que le gouvernement semble s'être commis. Il ne nous semble pas que ce soit très réaliste qu'on réussisse à retenir cette grande roue là. Bravo si on le pouvait, mais il ne nous semble pas que ça va se passer comme ça.

Par contre, il nous semble que ce serait possible d'envisager des levées partielles ou des levées progressives. Vous savez, au printemps, lorsqu'on ouvre les vannes d'un barrage, si on les ouvre tout d'un coup, c'est certain qu'on provoque une inondation en aval. Et c'est la même question qu'on se pose, c'est: Est-ce qu'il est essentiel d'arriver à une levée du moratoire générale, universelle au 5 décembre? Et pourquoi pas envisager une levée partielle qui permettrait au processus réglementaire au niveau municipal de se compléter, de se faire de manière positive?

Et là il y a plusieurs scénarios possibles qui peuvent être envisagés. Par exemple, on pourrait dire, et parce qu'on sait que le REA abandonne cette notion-là de «zone en surplus», mais on pourrait dire: dans les zones en surplus, on va prendre un petit peu plus de temps pour compléter notre approche réglementaire, parce que ça pose des tensions un petit peu plus élevées, donc le moratoire va se lever plus progressivement dans les zones en surplus. Ou encore, on pourrait faire une tournée du monde municipal et demander, de dire: Est-ce que vous avez des zones dans lesquelles vous aimeriez travailler parce que ça pose des problèmes, et celles-là deviennent des zones rouges temporairement, le temps qu'on complète la caractérisation du territoire?

De ce point de vue là, on pense qu'il y a nécessité de ralentir le processus pour permettre au plan municipal de le faire. Et là, simplement en parallèle, et je vais terminer là-dessus, on sait que le projet qui va aboutir au niveau des tables des conseils municipaux, c'est un projet qui va avoir reçu une espèce de O.K. environnemental. M. Mulcair, je pense, le prononçait, au mois de mai, en disant «le go environnemental en question».

Nous, on a essayé de comprendre en quoi consistait ce go environnemental là et qui pourrait permettre de sécuriser les citoyens. Alors, si le go environnemental, il est dans le cadre du REA, il n'y a aucun élément de ce go environnemental là qui peut sécuriser les citoyens au plan du territoire.

Reprenons les éléments du REA. Les éléments du REA, c'est des fosses, c'est essentiellement le contrôle des terres soit par location ou autres, et c'est aussi la fertilisation équilibrée. Mais aucun élément de contrôle du développement du territoire n'est à l'intérieur du REA. De sorte que, quand le projet arrive avec le go environnemental sur la table du conseil municipal, il n'y a pas, à notre connaissance à nous, puis, s'il y en a, qu'on nous en informe, il n'y a pas, à notre connaissance à nous, de pondération du projet dans son approche territoriale, dans le territoire dans lequel il va être déposé. Cette préoccupation-là va être laissée aux conseils municipaux, avec un certain nombre de problèmes, tel qu'on le conçoit, qu'on les a exposés tout à l'heure.

C'est pour cette raison-là qu'on conclurait en disant: Pour apprécier le projet de consultation qui est là, il faudrait vraiment le resituer dans un cadre plus large, notamment des orientations, et ça nous permettrait de donner a ce processus de consultation là ? qui est un élément positif, on le répète ? sa véritable portée, sa véritable mesure, sans créer des distorsions plus grandes que celles qu'elles veulent résoudre. Et ça, c'est notre premier point. Et, de ce point de vue là, est-ce que c'est si urgent que ça d'adopter à ce moment-ci ce processus de consultation là avant de connaître les autres éléments qui devraient s'appliquer, au niveau notamment de la modification des orientations? Voilà, c'est l'exposé qu'on avait.

Le Président (M. Legendre): Merci, M. Bibeau. Vous n'avez pas utilisé tout votre temps. M. Mead, est-ce que vous...

M. Mead (Harvey): Juste pour souligner. Nous sommes d'accord avec les annonces du 13 mai visant un contrôle au niveau municipal, tel que le BAPE l'a recommandé. On trouve que c'est positif. Nous sommes... nous nous croyons très conscients de toute la difficulté qu'il y a, inhérente à cette démarche-là. Le BAPE l'était aussi, mais nous pensons que c'est essentiel.

La proposition d'une levée par étapes du moratoire, nous croyons que ça vous permet, au gouvernement, de maintenir l'annonce, mais de le faire de façon beaucoup plus posée.

Et je répète ce que Roch a dit, en terminant: Vous donnez le mauvais signal avec ce projet de loi ci en ce qui concerne le transfert aux municipalités, en termes de consultation, parce que nous ne connaissons rien d'autre. Et une consultation juste sur ce qui est sur la liste des mesures de mitigation dans le projet de loi risque de créer une mauvaise impression... Ça crée déjà une mauvaise impression dans la population, et on vous propose de le retirer carrément et d'attendre que les autres mesures soient plus claires, pour qu'on puisse vraiment voir si c'est une bonne mesure ou non.

Le Président (M. Legendre): Merci, M. Mead. Alors, nous allons procéder à la période des échanges. M. le ministre de l'Environnement.

M. Mulcair: Bien, merci beaucoup, M. le Président. Dans un premier temps, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Mead, M. Bibeau et Mme Breune, et de les remercier beaucoup pour une présentation tout en nuances, qui tient compte de la difficulté d'un dossier comme celui-là. Mais j'ai eu l'occasion de le dire en Chambre: C'est beaucoup plus difficile d'arriver avec une approche équilibrée comme celle qu'on croit avoir mis sur la table, où on avait les gens du ministère... le ministre des Affaires municipales, la ministre de l'Agriculture, le ministre de la Santé et des Services sociaux, et bien entendu je représentais l'Environnement... on a essayé de faire ça d'une manière équilibrée justement pour tenir compte exactement des forces en présence.

Je tiens d'abord à présenter les gens qui m'accompagnent, parce que je risque de leur demander, avec la permission évidemment de l'opposition, d'intervenir à tout moment. Dans un premier temps, Dr Pierre Baril, qui est le sous-ministre adjoint au ministère de l'Environnement, sous-ministre adjoint aux politiques, et Me Alain Gaul, qui est le chef de cabinet au ministère.

Je voulais vous revenir sur un de vos points, en ce qui concerne les zones en surplus, les zones dites à activité limitée. Si je comprends bien votre préoccupation, vous êtes en train de nous dire: Attention, vous avez jusqu'au 15 décembre pour mettre en place quelque chose d'un petit peu plus détaillé, parce que ce n'est pas suffisant, juste de nous dire qu'il va y avoir un go ou no go environnemental, il va falloir que ce soit un petit mieux défini. On prend bien le message, puis effectivement on saisit l'ampleur du défi.

Mais juste pour vous donner dans les termes que peut-être les gens qui nous écoutent peuvent comprendre: Si effectivement on se rend compte que la région ne peut pas en supporter plus ? puis là on gère surtout par bassin versant, comme vous le savez, mais notre approche ferme par ferme nous permet quand même de déterminer, à l'intérieur de ce bassin versant, qu'est-ce qui est en train de se produire ? si on se rend compte que le projet lui-même ne pourrait jamais être supporté par le milieu, on ne va pas commencer un processus de consultation. C'est ça, notre approche. On dit qu'on ne lèvera pas la première barrière. Donc, il y a une analyse à ce niveau-là.

Et puis peut-être Dr Baril peut ajouter, avec l'accord de l'opposition, quelques éléments là-dessus. Est-ce qu'on aura l'accord de l'opposition pour une précision là-dessus?

Le Président (M. Legendre): M. Baril.

n(20 h 20)n

M. Baril (Pierre): Oui. L'idée d'un premier filtre, dans le fond, c'est de dire: dans une région donnée où il y a déjà trop de phosphore, le premier principe, c'est de ne pas augmenter la situation de surplus de phosphore. Et la région est délimitée, parce que c'est l'eau qui est le principal vecteur de pollution et qui reçoit le principal problème de pollution. On gère l'eau par bassin versant. Alors, je pense que ce premier filtre là avant d'ouvrir par la suite une démarche pour analyser un projet: bien, est-ce que le bassin est capable d'en supporter encore plus ou bien s'il est déjà très chargé? Alors, je pense que ce concept-là, là, c'est bien établi que notre démarche, reliée à la politique de l'eau, va 100 % dans ce sens-là.

M. Mulcair: Maintenant, dans mes interventions publiques dans ce dossier-là, depuis le début j'ai tenté de faire très attention de ne jamais jeter un blâme sur le monde de la production agricole. Et j'avais tendance à le prendre sur le dos de plusieurs gouvernements successifs, peu importent leurs couleurs politiques, pour la bonne et simple raison, c'est qu'on n'arrive pas à une situation où on impose un moratoire sur une activité agricole et une activité économique assez importante au Québec si on a réussi à appliquer les lois. C'est un constat d'échec, l'imposition d'un moratoire, donc le lever exigeait cette approche équilibrée.

Dans vos remarques, vous avez soulevé un point que personne d'autre n'a soulevé, à ma connaissance, jusqu'à date et qui nous préoccupe, et j'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Vous avez soulevé le contrôle des boisés. Alors, quiconque veut nous suivre n'a qu'à prendre le chemin de l'autoroute 20 entre Montréal et Québec et regarder vers l'ouest, et ils vont constater, champ après champ, le boisé qui a été coupé. Dans la mesure où une des techniques de mitigation qui sont proposées, ce sont des haies brise-vent... Et on a vu, avec raison, dans une région l'Union des producteurs agricoles, en Estrie, en train de planter des milliers d'arbres... Pour faire ça, on est devant un paradoxe, parce que la raison pour laquelle on coupe ces boisés-là, c'est évidemment pour avoir plus de superficie où épandre le lisier.

Est-ce que vous avez des suggestions pour nous, des pistes? Parce que ça, c'est quelque chose qui échappe largement au contrôle en ce moment, vous l'avez très bien souligné. Ce n'est ni chez nous, à l'Environnement, ce n'est pas aux forêts, parce que c'est purement privé, c'est du domaine agricole. Avez-vous des suggestions, ce qu'on peut faire pour éviter des problèmes qui semblent poindre à l'horizon, pour faire un peu de prévention et ne pas juste être en réaction?

Le Président (M. Legendre): M. Mead... M. Bibeau.

M. Bibeau (Roch): Est-ce que c'est... On peut me permettre une question préalable sur l'intervention précédente du ministre, qui est de dire: Avant de donner le go environnemental, il va y avoir un processus de contrôle de la charge fertilisante par bassin versant? J'aimerais juste connaître en vertu de quelle disposition législative ce pouvoir-là va pouvoir être exercé; je n'en connais pas. Alors, dans ce que je connais, il n'existe pas, à mon avis, de cadre législatif qui permet de bloquer un projet sur la base... ce n'est pas dans le REA, alors c'est un élément d'information qui me manque.

M. Mulcair: Il ne vous manque pas d'éléments d'information. Vous avez complètement raison, c'est quelque chose qui doit absolument être fait à l'automne. Ce que nous sommes en train de faire ici maintenant, c'est ce qui est nécessaire pour préparer le monde municipal pour un important changement. Alors, nous, on a des devoirs à faire et on va le faire. Il ne sera pas question de lever le moratoire le 15 décembre... puis vous avez donné la bonne date. Donc, on a encore un bon six mois devant nous pour mettre les autres aspects en place. Puis, la définition de ce qui va être pris puis le processus qu'on veut soumettre vont être précisés au cours de l'automne. Mais, si on ne faisait pas la démarche que, nous, on est en train de faire ici aujourd'hui, à l'intérieur des lois municipales, on n'aurait jamais pu être en mesure de même songer à lever le moratoire.

Puis, comme je vous dis, pour moi personnellement, comme élu, comme personne qui s'occupe de l'administration publique depuis longtemps, un moratoire, c'est un aveu d'échec. Je n'aime pas ça. Moi, je dis qu'on est capables de gérer ? c'est plus de travail ? avec plusieurs ministères plutôt que d'imposer un moratoire, mais, comme un philosophe américain l'a déjà dit: Quand notre seul outil est un marteau, c'est drôle comment tous les problèmes ont tendance à ressembler à des clous. Alors, c'est vrai que c'est satisfaisant de dire: On va utiliser le marteau moratoire, mais ce n'est pas comme ça qu'on construit. Et l'agriculture demeure une de nos industries les plus importantes au Québec.

Et on a une excellente collaboration, hein? L'époque est révolue où, environnement, on disait une chose, puis par réflexe c'était l'autre chose en agriculture, et vice-versa. Il y a une excellente collaboration, et le fait que ma collègue de l'Agriculture et moi-même avons pu faire cette annonce-là est intéressant. Puis, je vous écoutais tantôt, j'étais rassuré parce que votre approche est équilibrée aussi, mesurée, pondérée. Je regardais ce que les producteurs de porc avaient à dire plus tôt aujourd'hui, c'était mesuré, pondéré.

Je ne dis pas qu'on a trouvé la seule solution possible, je n'ai même pas la prétention de dire que c'est la meilleure solution, mais je dis qu'au cours des six prochains mois on va tout mettre en place pour qu'au mois de décembre on va être capable de le lever correctement, en tenant compte de l'environnement. Mais, pour nous, c'est une évidence. On ne commencerait pas ce processus-là de ce que j'aime appeler les trois C, c'est-à-dire de consultation, de conditions et finalement de conciliation, on ne commencerait pas tout ça si ce n'est pas correct. On ne ferait pas miroiter la possibilité d'une nouvelle exploitation dans le domaine de la production porcine si on sait très bien que le milieu ne peut pas le supporter. Alors, ce serait la moindre des choses.

Le Président (M. Legendre): M. Mead.

M. Mead (Harvey): Pour soulager le ministre: le moratoire était seulement un demi-échec. Un travail de l'équipe de l'UQCN a démontré qu'il y a eu des CA pour à peu près la moitié de ce qui était prévu par les producteurs de porc pendant le moratoire.

M. Mulcair: Comme d'habitude, je dois donner raison à M. Mead sur ce détail-là. Il y a eu effectivement une possibilité d'augmentation de cheptel, même s'il n'y avait pas de nouvelles productions porcines en tant que telles. Il a raison.

M. Bibeau (Roch): Je voulais juste ajouter...

Le Président (M. Legendre): M. Bibeau.

M. Bibeau (Roch): Sur votre réponse, c'est évident que l'engagement que vous prenez au niveau de ce contrôle préalable au plan environnemental donne une toute autre dimension à la consultation qui est prévue, là. C'est évident qu'on ne peut pas la voir de la même façon qu'en dehors de cet engagement-là.

Sur la question des boisés...

Mme Breune (Isabelle): Oui. Je voudrais... M. le Président...

Le Président (M. Legendre): Oui. Mme Breune.

Mme Breune (Isabelle): Oui. Je voudrais juste mentionner, sur la question des boisés, je n'ai pas en tête par coeur tous les RCI, là, mais je sais que, dans le RCI de la MRC de Bécancour, il y a un contrôle plus serré des boisés que dans d'autres RCI. Entre autres, je pense que, dans les municipalités qui ont moins de 40 % de la superficie en boisés dans cette MRC là, ils ont mis en place des contrôles spécifiques plus serrés au niveau agricole.

M. Mulcair: Bien, je vous remercie de nous avoir fourni l'exemple, et on va s'assurer de voir s'il n'y a pas des choses là-dedans qu'on ne peut pas appliquer plus largement.

M. le Président, ce que je propose, c'est...

Le Président (M. Legendre): Une minute, M. le ministre. Ah!

M. Mulcair: Non. On va faire... on va garder un petit peu de temps? On écouterait l'opposition, puis, le cas échéant, on reviendra.

Le Président (M. Legendre): D'accord. Merci. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, merci d'être là. Je pense que votre témoignage est très éclairant et intéressant.

Tout à l'heure, l'Ordre des agronomes est venu en faisant une suggestion, que le gouvernement devrait, avant la levée du moratoire, faire une espèce de cartographie du Québec, où il serait potentiellement correct de faire du développement de l'industrie porcine, d'une part, et, d'autre part, de peut-être laisser davantage la gestion de la consultation aux MRC plutôt qu'aux municipalités. Qu'est-ce que vous en pensez, de cette suggestion?

Le Président (M. Legendre): M. Bibeau.

M. Bibeau (Roch): Sur l'approche de la cartographie, je ne sais pas exactement qu'est-ce qui s'est dit au niveau de l'Ordre des agronomes, mais ce n'est pas une approche à court terme, ça. C'est une approche qui demande un certain nombre de ressources... auquel le ministère de l'Environnement, je sais, là, collabore dans plusieurs milieux.

C'est des approches qui sont relativement coûteuses. On nous disait, par exemple, que la caractérisation du territoire, pour la seule MRC de la Matapédia, c'est 80 000 $, ce qui représente quand même un budget relativement important du point de vue de la MRC. Alors, c'est certain que c'est certainement un élément positif à atteindre. Est-ce qu'on est capables d'atteindre cet élément-là à court terme et de façon universelle pour l'ensemble du territoire? Pas avec une contrainte de levée du moratoire au 15 décembre. Ça, ça m'apparaît, au plan technique, et au plan des ressources à y consacrer, et au plan aussi de l'intégration... Parce que c'est une chose que d'avoir une carte, ensuite c'est une chose que de lui coller des usages agricoles et de déterminer quel est le niveau critique d'usage agricole sur la carte en question. Alors, ce n'est pas un processus, là, qu'on dit: Bon, bien, j'ai une belle carte, voilà, voici les zones d'implantation, demain matin. C'est un processus sur le plus long terme. Et c'est pour ça que, nous, on disait: Est-ce que... À vue de nez ? et les gens connaissent bien leurs territoires municipaux ? il y a certainement des zones où la cartographie serait quelque chose de souhaitable, mais où on peut dire: Écoutez, tenant compte des paramètres qu'on connaît, dans telle ou telle zone, ça ne devrait pas normalement poser de difficultés particulières.

Dans d'autres zones, ne serait-ce que, par exemple, où on a des indices de bandes riveraines ? en Chaudière-Appalaches, on parle de détérioration à certains endroits, on parle d'indice de qualité des eaux ou on parle simplement de surplus de lisier dans certaines régions ? alors, ceux-là, on pourrait dire: Écoutez, celles-là, on va faire une cartographie plus sélective, c'est-à-dire de centrer, sur les zones prioritaires, ce qui nous apparaît en tout cas beaucoup plus possible à court terme, et de centrer un certain nombre d'énergies et de ressources sur les endroits qui sont vraiment prioritaires.

Ça ne veut pas dire que c'est problématique à l'échelle du Québec, le développement porcin. C'est problématique dans un certain nombre de régions, et on commence à avoir beaucoup de documentation sur cette question-là. Ça, c'est pour la question de la cartographie. C'est un beau projet. Est-ce que, dans les contextes de paramètres dans lesquels on travaille, c'est un projet réaliste à court terme? On a l'impression que non.

Le Président (M. Legendre): M. le député.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. Pour ce qui est des MRC, parce que je vous avoue que, pour dans sept mois, la levée du moratoire, le fait que ce soient les municipalités... Je n'ai rien contre les municipalités, sauf que je m'interroge si parfois des petites municipalités ? parce que je viens d'un comté rural et je sais ce que c'est ? parfois ils ont tellement de pain sur la planche que de faire la gestion de ça sera peut-être une tâche extrêmement lourde.

D'où la suggestion ? puis je ne dis pas que je suis pour ou contre, je tâte plutôt le pouls ? à savoir si une MRC qui a quelques fonctionnaires, a une vision plus globale du territoire ne serait-elle pas l'instance mieux placée pour faire la gestion de la consultation.

n(20 h 30)n

M. Bibeau (Roch): Nous, on avait fait une suggestion récemment qui est de dire: Quand vous faites du zonage urbain, vous ne discutez pas projet par projet. Vous faites une carte d'affectation du territoire: commerces légers, industries moyennes, industries lourdes. Et, quand un promoteur arrive avec un projet et nous dit: J'ai un projet d'industrie moyenne dans une zone d'industries moyennes, c'est un accord automatique. Les consultations n'interviennent qu'au moment où le projet qui est soumis est un projet qui ne respecte pas la règle du zonage qui est en question.

Or, nous, on disait: Dans un monde idéal, on pourrait même se passer de la consultation projet par projet si on avait un cadre de zonage qui soit suffisamment précis pour déterminer les usages avant que le projet ne s'implante. De sorte que, moi, si j'arrive avec ma porcherie, je ne sais pas, moi, de 1 000 truies et que, je ne sais pas, ça correspond à une zone A-2, et la zone A-2 est disponible dans telle municipalité, je n'ai pas normalement besoin d'autres approbations, parce que je corresponds déjà à quelque chose qui a été fait. Et ça, nous, on dit que le monde municipal est relativement compétent dans le domaine du zonage et probablement beaucoup moins dans le domaine de l'évaluation environnementale. Alors, on pourrait donc s'éviter des ressources encore plus dans cette perspective-là qui est de dire: Présupposons des zones de développement, et, une fois que le projet correspond, il s'en va dans la zone de développement. Et c'est un processus qui est beaucoup plus léger, et beaucoup plus de paix sociale à moyen terme, en tout cas.

Le Président (M. Legendre): M. le député. M. Mead.

M. Mead (Harvey): En complément à cela. Dans les recommandations que nous allons faire à la commission Coulombe ? et ça va exactement dans le même sens que ce que Roch vient de dire ? nous allons proposer qu'il y ait des consultations au niveau des plans quinquennaux, c'est-à-dire que le cadre général soit sujet à une consultation, que le monde sache ce qui s'en vient, qu'ils fassent part de leurs préoccupations, mais après ça qu'on laisse le processus fonctionner. Alors, c'est à peu près la même chose qu'on dirait ici, qu'on ait le cadre, et le monde risque d'être prêt à accepter ce qui rentre dans le cadre.

Le Président (M. Legendre): M. le député.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Dans un autre ordre d'idées, je sais que dans les zones en surplus il y a beaucoup d'inquiétude relativement aux surplus de phosphore, même le phosphore accumulé après plusieurs années d'exploitation agricole, et une inquiétude par rapport à une contamination, par exemple, des nappes phréatiques. Ce que je comprends, c'est qu'on n'a pas encore une connaissance très avancée, par exemple, de la vitesse d'écoulement des quantités de phosphore, et donc l'atteinte de la nappe phréatique pourrait avoir des conséquences très négatives. Donc, est-ce que vous avez une opinion par rapport à ce danger finalement, qui en est un ? on peut s'entendre probablement ? dans les zones en surplus principalement? Pour ce qui est des zones qui ne le sont pas, peut-être que la question ne se pose pas, peut-être qu'elle se pose. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bibeau (Roch): Si ce n'était que le danger du phosphore, ce serait relativement plus précis que ça. Et, nous, on a toujours dit que, quand on a abandonné, en 2002, la notion de zone en surplus pour l'approche ferme par ferme, on a fait une espèce de glissement idéologique. On dit... Dans l'approche ferme par ferme, le principe, c'est de dire: Si la ferme est en équilibre de phosphore, normalement sa pression sur le milieu est zéro, si... les terres sont là. Le problème de cette approche-là, c'est que c'est sur une seule variable. Une ferme en équilibre en phosphore, ça ne veut pas dire une ferme qui n'a pas de charge polluante sur le milieu, que ce soit par le biais des pesticides, que ce soit, par exemple, par le biais des éléments... quand on parle du purin, une problématique qui émerge tranquillement, le cuivre, par exemple, qui est un autre élément potentiel. Il y a aussi tout ce qui est relatif aux conditions d'opération. Je peux avoir une ferme en équilibre de phosphore, mais, vous savez, avec les pluies qu'on vient d'avoir dans les deux dernières semaines, mon épandage, c'est quoi, son efficacité réelle, où va-t-il aller, etc.?

Alors, la notion de zone en surplus, ça avait comme un indicateur qui était de dire: non seulement sur le phosphore, mais, sur l'ensemble de la pression environnementale globale exercée par les fermes, il y a un problème. Le phosphore est un problème, mais il y a toute une série d'autres problèmes qui sont associés au fait d'une concentration trop grande d'un nombre d'exploitations au même endroit. D'accord? Alors, si on n'avait que le problème du phosphore à envisager... Et là il y a toutes sortes de thèses de doctorat puis il y a toutes sortes de processus. On connaît tout ce qui se passe au niveau de la baie Missisquoi, où on essaie de juguler ce problème-là, puis on pense qu'on n'arrive pas à des solutions très précises encore. Mais, si ce n'était que ça, on pourrait concentrer nos énergies puis dire: On s'en va là-dessus. Mais, vous savez, on a la question... par exemple, si on s'en va dans le traitement des lisiers et qu'on sépare l'azote du phosphore, qu'est-ce qui va arriver de la présence de l'azote, puis c'est quoi, son impact à long terme si on a plus d'azote? Parce qu'on ne la mesure pas au niveau du contrôle réglementaire.

Alors, nous, on dit: Le problème ne vient pas simplement du phosphore, vient de cette approche ferme par ferme où on a comme fermé les œillères en disant: Équilibre de phosphore zéro, tout est beau. C'est faux. Quand on est dans une zone en surplus, ça veut dire qu'on a une pression trop grande d'exploitation sur le milieu, qui coule de différentes façons, que ce soient pesticides, que ce soit du zinc, que ce soit de l'érosion, etc. C'est pour contourner la question peut-être, mais pour vous dire que c'est plus large que la problématique du phosphore.

Le Président (M. Legendre): M. le député, en une minute.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. O.K. Bien, juste pour compléter. Donc, quand le ministre parle d'approche ferme par ferme, ça, c'est une chose que vous n'approuvez certainement pas?

M. Bibeau (Roch): C'est une approche fondamentale. C'est-à-dire qu'un agriculteur contrôle sa charge fertilisante, on ne peut pas passer à côté de ça. D'ailleurs, il faut s'étonner qu'on ne l'ait pas fait avant. D'accord? Mais ce n'est pas une approche suffisante et ça ne peut pas être une approche correctrice du problème. Et ça, c'est la seule limite. Et, nous, on dit que dans le projet... Et là, bien je suis rassuré... à moitié rassuré, parce qu'on ne connaît pas la teneur de l'annonce qui va être faite au mois de septembre, mais, si on ne laisse qu'au monde municipal de déterminer la capacité de charge du monde agricole sur leur territoire, j'ai bien peur que les ressources ne soient pas suffisantes. Et là c'est pour ça que j'ai particulièrement hâte de voir l'annonce au mois de septembre à savoir quel type de contrôle central va s'exercer qui va nous permettre... parce que l'État a évidemment plus de moyens de contrôle qu'on peut l'avoir au plan municipal.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Merci.

Le Président (M. Legendre): Merci, M. Bibeau. Alors, du côté de gouvernement, M. le ministre.

M. Mulcair: Oui. Alors, je tiens dans un premier temps à remercier l'UQCN pour cette précision. Avec l'accord de l'opposition, je peux peut-être demander à Dr Baril de donner certaines précisions techniques concernant la charge en phosphore, pour l'approche ferme par ferme, et ce qui se passe ou pas avec le phosphore dans le sol. Ensuite, mon collègue le député de Frontenac avait une question, M. le Président.

Le Président (M. Legendre): M. le député.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): ...c'est une consultation. C'est un précédent, hein, qu'un... En tout cas, pour le bien...

M. Mulcair: J'ai souvent fait ça quand... J'ai fait neuf ans d'opposition, puis on amène souvent des gens du ministère pour donner des explications techniques. Mais j'ouvre toujours en disant: Avec l'approbation de l'opposition. Ce n'est pas une imposition.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui, allez-y. C'est correct. Je pense, c'est la question de la connaissance qui compte, qui prime, alors allez-y.

Le Président (M. Legendre): En essayant d'être bref.

M. Baril (Pierre): Oui. Si on a choisi le phosphore, c'était parce que cet élément, l'élément limitant à la récupération des usages dans les eaux de surface au Québec, le phosphore, c'est lui qui indique si on a des algues qui poussent ou pas, algues qui enlèvent l'oxygène, qui réduit la qualité de vie dans la plupart des plans d'eau où on a cette surcharge-là. Donc, c'est un peu pour ça qu'on a ciblé ça, là. De longue date, on a analysé les qualités des eaux au Québec, et on s'est rendu compte que c'était l'élément limitant, c'est pour ça qu'on...

M. Dion: ...excusez-moi. Moi, je n'étais pas d'accord, mais j'accepte l'audition de mon collègue. Sauf que j'aimerais comprendre. Or, je n'ai pas compris votre première intervention. Et, si M. le ministre insiste pour que vous parliez ? je pense, c'est important ? j'aimerais comprendre ce que vous voulez dire. Je ne sais pas s'il y aurait moyen de faire en sorte qu'on puisse... Je ne sais pas si vous comprenez bien, mais, moi, je ne comprends pas. Alors, j'aimerais comprendre ce que vous avez à dire.

M. Baril (Pierre): Alors, si on a choisi le phosphore comme cible pour mieux gérer les fumiers ou lisiers au Québec, c'est parce que c'était l'élément qui était en trop dans les cours d'eau au Québec, qui faisait qu'on a cette dégradation-là puis qu'on avait une baisse de la qualité de vie pour la faune, problème d'usage pour les baignades, problème d'usage général, puis c'est pour ça qu'on cible le phosphore.

Pour réduire le phosphore, toutes sortes de techniques sont possibles, et puis l'approche ferme par ferme permet de l'avoir à l'échelle locale. Mais on comprendra que ça doit être mis, transposé dans l'échelle plus globale. Et puis c'est l'eau qui est l'élément vecteur premier. Pour gérer l'eau, on la gère par bassin versant. Donc, c'est une limite territoriale où toute l'eau qui tombe sur ce territoire-là se trouve en exutoire à la sortie. On a une bonne connaissance des bassins versants au Québec, une bonne connaissance de la pression, et on est capable de définir des bassins qui sont en surplus, des bassins qui sont en déficit. Alors, l'approche qui va être complémentaire à celle de la ferme par ferme justement, c'est de pouvoir déterminer où est-ce qu'on a plus de contraintes parce qu'on est déjà en surcapacité de phosphore et où est-ce qu'on a des déficits de phosphore, où les contraintes vont être pas mal plus réduites.

Le Président (M. Legendre): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: ...compléter là-dessus. Et l'inquiétude, compréhensible, de mon collègue le député de Lac-Saint-Jean pour ce qui est du phosphore qui peut naviguer dans la nappe phréatique, ce n'est pas le cas. C'est pour ça que justement l'explication du Dr Baril était importante, c'est pour ça qu'on est capable de mesurer au niveau du bassin versant. Donc, il ne faut pas voir l'approche ferme par ferme en contre distinction ou en opposition à une approche par bassin versant, les deux se complètent. Mon collègue le député de Frontenac avait aussi une question.

Le Président (M. Legendre): M. le député de Frontenac.

n(20 h 40)n

M. Lessard: Merci, M. le Président. M. Bibeau, j'ai été ravi d'entendre l'ensemble de votre propos, qui est très modéré et qui propose plusieurs avenues. Tout à l'heure, j'ai été tenté et intéressé par votre suggestion d'ouverture par zone, à savoir que, si la charge est plus forte dans un secteur... Mais, comme je m'en remettais aux notes du ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir, d'entrée de jeu lorsqu'il a présenté le projet de loi n° 54, il prévoyait donc une approche équilibrée entre le droit de produire... Et je vais le citer donc: «Il est urgent de trouver un équilibre entre le droit de l'exploitant agricole d'exercer sa profession et de prospérer et le droit à un environnement sain et agréable pour ses voisins», c'est l'approche équilibrée qu'il avait rappelée et que probablement avait lancée le ministre de l'Environnement à ce moment-là.

Quand on prend une approche zone par zone, ça veut dire qu'il y a une zone rouge, verte et jaune, et je le mets un peu en contradiction avec ce que Mme Breune a apporté, quant au règlement du contrôle intérimaire, quant à l'abattage d'arbres. Je vais vous donner un exemple très précis. Dans la MRC de l'Amiante, pour laquelle je fais partie, on a adopté ce règlement, et une seule municipalité ne l'a pas adopté. Qu'est-ce qui s'est passé? Un abattage massif et dévastateur dans ce secteur-là. Si on fait une ouverture zone par zone en sachant qu'un secteur est plus en surcharge que d'autres, on demande donc à ceux qui sont en zone verte, exemple, dans un signal vert, d'écrire l'histoire du Québec, c'est-à-dire que toute la pression se retrouvera sur ce secteur vierge là pour écrire l'histoire de l'ensemble de la nouvelle réglementation. Sur l'approche équilibrée, où est-ce que l'ensemble du territoire agricole doit participer à cet effort collectif d'une cohabitation pacifique entre l'exploitation et la cohabitation, je pense que le signal... Au commencement, j'étais tenté par votre approche, puis maintenant je dois dire que je trouve ça un peu gros de mettre la charge sur une partie du Québec seulement qui écrirait le nouveau livre.

M. Bibeau (Roch): Si me je suis exprimé en disant que la charge doit se faire simplement dans une partie du Québec, je me suis mal exprimé. J'ai simplement exprimé de dire que sur un potentiel, par exemple, de... On parle du 15 décembre pour la levée du moratoire. Est-ce qu'il faut qu'au 15 décembre tout le monde en même temps dise: Go! à tout le monde? Alors, c'est ça, la préoccupation que j'ai, ce n'est pas de dire: Il faut limiter le développement de façon a priori d'un certain secteur, mais c'est simplement laisser... Et là on le comprendra très bien, en Chaudière-Appalaches, les permis qui ont été accordés durant le moratoire, la presque totalité des permis, c'est-à-dire, mon Dieu! 80 et quelques pour cent, l'ont été accordés dans des zones qui étaient déjà en surplus. Alors, la question qu'on se pose, c'est de dire: Si on veut continuer le potentiel de développement dans ces zones-là, il va bien falloir que quelqu'un se pose la question: Quelles ont été les conséquences du développement passé, puis est-ce qu'on est capable de maintenir le développement au même rythme? Et c'est ça, la seule question. C'est pour ça qu'on dit: Dans ces zones-là problématiques, prenons le temps de respirer, de regarder les choses puis de voir comment on va accueillir par la suite. Si on ne le fait pas, qu'est-ce qui risque d'arriver? Il y a des conséquences environnementales, c'est évident. Mais, moi, j'ai été frappé par l'intervention d'un producteur laitier en Beauce qui dit: Moi, j'ai intérêt à la limitation du développement dans ma région, parce que actuellement le facteur portant du développement en agriculture, c'est le secteur porcin, et, moi, je n'ai plus de perspective d'accroissement pour une production autre que celle-là. Alors, c'est le genre de problèmes qui sont à la fois des problèmes environnementaux et sociaux qu'il faut prendre au moins le temps d'évaluer avant la levée du moratoire. Et ce n'est pas de dire: Bon, maintenant l'Abitibi va porter le développement porcin, c'est loin, ça sent, puis ça va prendre du temps avant d'arriver à Montréal. Ce n'est pas de ça dont on parle. Mais probablement qu'en Abitibi on est probablement capable d'intégrer un certain nombre de projets à court terme plus rapidement qu'en Chaudière-Appalaches ou en Montérégie, en tout cas dans certains coins de la Montérégie. Alors, ce n'est pas du tout de dire: Quelqu'un va porter les odeurs à quelque part. C'est pas... c'est loin de ça, c'est: Prenons le temps de faire un processus.

Et quand vous parlez de droits, d'équilibre, c'est assez étonnant de voir... On rencontre la Fédération des producteurs de porcs, on se parle assez régulièrement, et eux sentent la pression aussi énormément. Et, si on leur garantissait l'hypothèse d'une paix sociale, c'est-à-dire l'hypothèse d'un développement harmonieux, quitte à ralentir à court terme un certain nombre de zones de développement, ils vont appuyer ce projet-là en disant: Oui, c'est ça qui va nous donner des conditions pour enfin de cesser de se faire culpabiliser, de se faire pointer comme des pollueurs, etc. Alors, je pense qu'on a intérêt à la pondération dans la levée et non pas, dans une répartition, de dire: Il y en a qui portent les cochons, puis d'autres, autre chose.

M. Lessard: En complément...

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Frontenac, oui.

M. Lessard: Bonjour, M. le nouveau président. En complément, vous savez que même dans le secteur de... Moi, je suis du secteur de Chaudière-Appalaches. Malgré le fait qu'on est en surplus de lisier dans bien des secteurs chez nous, l'ensemble même, avec le conseil régional de l'environnement, on a fait... en ciblant donc notre région comme étant problématique au niveau des surplus de lisier, on a tenté maintenant de faire de cet inconvénient-là un avantage, c'est-à-dire de traiter l'agroenvironnement, d'en faire une priorité, de développer des technologies. Dans un certains sens, les gens de notre environnement donc... parce que Chaudière-Appalaches, c'est quand même la table agroalimentaire du Québec en bonne partie, ces gens-là veulent quand même continuer de développer. Alors, chez nous, malgré tout ça, l'industrie donc de l'élevage est quand même encore une industrie très importante et pour laquelle ils ne veulent pas nécessairement avoir un frein, et ils veulent le faire avec des règles du jeu qu'ils veulent connaître et développer puis un environnement, malgré les problèmes.

M. Bibeau (Roch): On a développé la carte de Chaudière-Appalaches et on pourrait vous... On ne l'a pas apportée ce soir, on pourrait vous identifier qu'il y a des zones qui sont tout à fait possibles de développement en Chaudière-Appalaches, qui ne posent pas de difficultés, d'autres qui sont plus problématiques. Encore là, une approche plus fine, plus sectorielle nous permet d'identifier puis de répertorier... Par exemple, tout le secteur, là, qui est plus haut dans le secteur Appalaches, là, en particulier, il y a un potentiel relativement important, relativement vierge encore. Dans le milieu, là, c'est un peu plus problématique. Alors, encore une fois, une approche plus fine, plus sectorielle permettrait de dégager un certain nombre de zones, mais en limitant l'espèce d'effet bulldozer de l'industrie porcine à certains endroits.

M. Lessard: Donc, vous proposez une répartition à la carte, à la carte?

Le Président (M. Ouimet): Je pense que M. Mead souhaite intervenir. M. Mead.

M. Mead (Harvey): Mais je voudrais juste revenir quand même à la question des mesures qu'il reste à mettre en place. Ça, c'est dit dans un contexte où même pour les autres zones ? et c'est votre préoccupation ? il va falloir qu'il y ait le minimum, qui n'est pas là et qui est promis d'ici le 15 décembre. M. Mulcair a fait référence à ça, sauf qu'il a dit que... J'oublie la remarque. En tout cas, nous pensons qu'il y a beaucoup de mesures qu'il reste à mettre en place avant qu'on puisse avoir la confiance de dire ce que M. Bibeau vient de dire.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je dois retourner maintenant du côté de l'opposition. Alors, je cède la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue et puis vous dire que j'ai écouté avec beaucoup d'attention tout ce que vous avez raconté tout à l'heure. C'est extrêmement intéressant, parce que votre approche me semble une approche positive qui a une vision globale, avec une approche positive qui vise à résoudre des questions, à trouver la cause du problème et à résoudre la... régler la cause pour régler le problème et non pas qui vise à trouver un coupable pour essayer de le refréner. Et ça, je trouve ça important comme angle. Et ça, avec le temps, quand ça aura fait son temps, ça pourra développer une attitude de confiance et non pas l'attitude actuelle qui me semble être celle qui a cours un peu partout, la méfiance entre un groupe et l'autre. Et, moi, je pense que, dans l'attitude de méfiance, il n'y en a pas, de solution. Et on pourra prendre des mesures, mais les mesures ne donneront pas de solution, et le résultat sera pire peut-être que ce qu'on a actuellement parce qu'on se sera illusionné sur l'effet réel des mesures qu'on prend.

Et, tout à l'heure, bon, face à des choses que vous avez soulevées quant à la difficulté d'être prêt le 14 décembre, M. le ministre de l'Environnement a dit que, bien, si jamais on n'arrive pas à être prêt, à avoir la sécurité nécessaire pour la levée de moratoire, on ne le lèvera pas le 14 décembre. C'est ce que j'ai compris. Bien, moi, je pense, ça a un côté rassurant. Pas parce que je veux que ça tarde, ce n'est pas ça. Moi, ce que je veux, c'est le résultat. Et le résultat, c'est un développement durable, progressif, organisé, tout ça.

Quant à la cartographie, dont vous avez parlé tout à l'heure, vous seriez plutôt ouverts, si j'ai bien interprété, à une première approche qui serait plutôt globale pour certaines régions où c'est plus évidemment possible, parce qu'il y a encore un grand besoin de phosphore dans certaines régions, et il n'y a pas d'élevage, alors que pour d'autres régions il faudrait prendre le temps d'établir là où ce n'est pas dommageable.

Par contre, là où j'ai plus de difficultés à vous suivre, c'est quand vous dites: Bien, si on sait que telle contrainte, elle n'existe pas à telle paroisse, on peut aller s'installer là. Bien, ça, c'est vrai entre nous ici, mais ce n'est pas vrai sur le terrain. Ce n'est pas vrai pour les petits producteurs agricoles. Ceux qui ont leur ferme familiale, ils ne se déplacent pas d'une paroisse à l'autre comme ça. C'est bon pour les gens qui intègrent la production, et tout ça, qui ont des dizaines de porcheries. S'ils ne la placent pas à tel endroit, ils vont la placer 20 milles plus loin. Ce n'est pas un problème grave, ça. Mais, pour les producteurs agricoles, je vous avoue que c'est plus difficile. Je ne sais pas si vous avez une solution, parce que, si tout simplement on prend des décisions ici ou on prend des décisions au niveau du gouvernement qui n'ont que comme effet de déplacer la production du producteur indépendant au producteur intégré, moi, je pense qu'on est en train de poser la base de problèmes sociaux très graves pour le Québec.

Le Président (M. Ouimet): M. Bibeau.

n(20 h 50)n

M. Bibeau (Roch): Il me semble que dans votre approche il y a les éléments de réponse à votre question. Nous, on disait tout à l'heure: Si on est imaginatif et si on travaille dans ce contexte de paix sociale auquel vous référiez, vous aussi, en disant: éléments constructifs, les éléments qu'on peut envisager... Je vous donne un exemple de mesure potentielle, et si on est imaginatif, et si on consulte les gens. Par exemple, dans une zone en surplus, on pourrait dire tout simplement: La capacité encore résiduelle de développement va être accaparée par les producteurs déjà en place, pas de nouveaux établissements. C'est un exemple pour favoriser les entreprises qui sont déjà développées et qui ne verront pas les terres s'envoler par le biais du développement de nouvelles unités. Alors là vous avez une mesure relativement simple d'adaptation à ce qui est déjà, d'adaptation aux producteurs qui sont là, qui ne sont pas nécessairement des gros ou des petits producteurs, et là vous avez une mesure... Dans ce sens-là, si on est capable de travailler dans ce climat de confiance là auquel vous référez, il y a énormément de ce genre de solutions.

Ceci étant dit, il y a une étude, qui est parue en 1998 ou 1999, sur ce qu'on appelait les permis échangeables. Il va falloir se dire à un moment donné, tôt ou tard: Dans certains coins, on n'en peut plus, on ne peut pas dépasser un certain seuil. Il y a des gens qui vont en faire les frais. Je ne sais pas qui va faire les frais, est-ce que c'est la grosse entreprise qui ne pourra pas aller s'établir ou le petit producteur qui ne pourra pas s'agrandir, mais il va falloir admettre l'idée qu'à un moment donné il y a un plafond. On ne peut pas faire vivre tout le monde. Moi, je prends souvent l'exemple de l'industrie du taxi à Montréal. À un moment donné, on en avait trop, alors qu'est-ce qu'on a fait pour faire disparaître les gens? On a racheté des permis puis on a dit: On va stabiliser le nombre, là. Alors, il y a toute une série de mesures, dans des coins, ponctuelles où on aurait des problématiques limites de ce type-là, où il existe des solutions qu'on a appliquées dans d'autres secteurs, qu'on peut développer, de ralentissement de la production ou de transfert de production. Alors, il n'y a pas de solution... Et, si j'ai donné l'impression qu'il y a une solution universelle, il n'y en a pas. Mais, si on l'approche territoire par territoire et qu'on prend la peine d'avoir une bonne cartographie de notre territoire, il y a des éléments de solution concrets qui peuvent émerger de ce point de vue là.

M. Dion: Je vous remercie. Et tout à l'heure vous avez comparé l'approche ferme par ferme à l'approche par bassin versant pour dire, pour démontrer que les deux sont nécessaires, mais que l'une ne peut pas aller sans l'autre. Parce que c'est vrai que ce n'est pas parce qu'on n'a pas... on est équilibré en phosphore qu'il n'y a pas de charge polluante, premièrement, et ce n'est parce qu'on ne met plus... on n'augmente pas la production qu'il n'y a pas une situation endémique à corriger. Donc, les deux choses, il faut en tenir compte.

Mais, si on revient au projet de loi tel qu'il est écrit, il y a toute une procédure de consultation qui vise à faire en sorte que les gens finissent par créer une certaine entente sur un projet. Je pense bien que l'intention, c'est ça. Bon. Et je pense, c'est une bonne intention, et tout ça, sauf que vous avez vous-même dit tout à l'heure: Bon, dans le contexte actuel, étant donné la situation et l'arrière-pensée des gens qui ne sont pas rassurés, je plains le producteur agricole qui va présenter une demande: il n'y en aura pas, d'autorisation, hein? C'est un peu... Bien, évidemment vous avez un peu caricaturé votre pensée, mais, ces paroles-là, je l'ai entendu de quelques autres personnes aussi.

Alors, on a l'impression qu'actuellement, même si l'intention est excellente, que le contexte ne permet peut-être pas de faire fonctionner ce mécanisme-là si on ne prend pas d'autres mesures. Alors, la question que je pose est la suivante. On a entendu les producteurs de porc venir nous dire: Nous, là, à la fin on aimerait... ce qu'on trouve qui manque le plus, c'est quelqu'un qui, à la fin, décide, c'est-à-dire quelqu'un qui... après qu'il y a eu toutes les consultations, puis on ne s'est pas entendu, tout ça, nous, on voudrait avoir un tribunal d'arbitrage qui prend la décision, puis on se conformera. Si ça fait notre affaire, tant mieux, si ça ne fait pas, tant pis, mais on se conformera. Qu'est-ce que vous pensez de ça pour l'immédiat?

M. Bibeau (Roch): Écoutez, je suis obligé de revenir au point de départ. Que la décision finale soit tranchée par un retour à la table du conseil municipal ou par un arbitre, la décision risque d'avoir le même impact social. Et c'est certain qu'en tranchant par un tribunal ou par un tiers on évite aux membres du conseil municipal de devoir se confronter à leurs citoyens, et probablement qu'ils seraient très contents de cette option-là. Mais, que la décision soit prise par un arbitre ou par le conseil municipal, mon impression à moi, dans le contexte actuel où on n'a pas les autres éléments, là ? d'accord? ? toujours dans le contexte actuel, c'est... on arrive au même résultat global. Mais attendons voir, si ça, ce processus de consultation là, est encadré par les autres éléments qui semblent vouloir se déposer, bien là peut-être qu'à ce moment-là on verra la conclusion de façon différente. Mais actuellement c'est une technicalité qui à mon avis ne changera pas la teneur du processus final.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Il reste à peine 1 min 30 s...

Une voix: ...

Le Président (M. Ouimet): Ça va, M. le ministre?

M. Mulcair: Allez-y, oui.

Le Président (M. Ouimet): Ça va? Parce que j'ai le député du Lac-Saint-Jean qui souhaite une dernière intervention. Allez-y, M. le député.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui, c'est ça. Il y a un article qui donne, dans la loi, aux municipalités un moyen pour la délivrance des permis, là, des conditions supplémentaires, comme: L'épandage des déjections animales produites par l'établissement fera l'objet d'un permis... Bon. Ce matin... cet après-midi, l'Ordre des agronomes nous disait: C'est très vague, on ne sait pas la quantité de déjections, le respect des distances séparatrices, c'est quoi, la... tu sais.

Donc, êtes-vous d'accord pour dire que c'est beaucoup trop vague, les conditions auxquelles les conseils peuvent assujettir la délivrance des permis?

M. Bibeau (Roch): Si vous parlez de cette disposition-là en particulier, je pense qu'on ne peut pas dire autre chose puis que d'être d'accord avec ça. C'est beaucoup trop large, on ne sait pas où ça s'arrête, où on va là-dedans, c'est... Mais encore une fois c'est parce qu'on a un élément hors contexte. Voyons les autres éléments, et peut-être qu'on dira autre chose.

Le Président (M. Ouimet): Il reste une demi-minute peut-être pour des remerciements...

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui, je vais la prendre, je prends tout. Est-ce que vous pensez que... Parce que dans le projet de loi les projets qui sont assujettis à des consultations sont ceux qui correspondent à 3 200 kg de phosphore produits annuellement, est-ce que cette quantité... est-ce que cette grosseur de production est selon vous correcte, trop petite, trop grosse?

Le Président (M. Ouimet): En 15 secondes.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): A, B, C ou D?

Mme Breune (Isabelle): Selon les calculs qui ont été présentés par le ministère, ça correspond à peu près à 740 porcs. Ce n'est pas une grosse porcherie, 740 porcs, quand même, là.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Ce qui veut dire?

Mme Breune (Isabelle): C'est que c'est...

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Il ne reste plus de temps. M. le ministre, le mot de la fin. Il reste une demi-minute.

M. Mulcair: Je tiens à remercier l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Toute leur expérience, toute leur expertise a vraiment été pour nous une contribution précieuse ce soir. Plusieurs éléments de réflexion qui ont été mis sur la table, ça va nous aider à bonifier ce qu'on doit préparer pour la levée, comme prévu, pour le 15 décembre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, M. Bibeau, M. Mead et Mme Breune, je vous remercie au nom des parlementaires de cette commission. Et j'invite les représentants de l'Union paysanne à bien vouloir s'approcher à la table des témoins.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Ouimet): Alors, j'inviterais M. Roméo Bouchard à bien vouloir prendre place pour que nous puissions avancer dans nos travaux. Vous êtes président de l'Union paysanne, auriez-vous... Je vous souhaite la bienvenue, et auriez-vous la gentillesse de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Union paysanne (UP)

M. Bouchard (Roméo): Oui. Bonjour, M. le Président. Ceux qui sont avec moi ce soir, Maxime Laplante, qui est secrétaire général de l'Union paysanne, qui est agronome; et à ma droite, ici, France Pelchat, qui est responsable de l'Union paysanne dans Chaudière-Appalaches et s'occupe de... s'est occupée de dossiers de comités de citoyens dans des luttes contre des porcheries; Mme Marthe Daigle également, qui est présidente du groupe RESPIRE, dans Lotbinière, qui est aussi un groupe de citoyens sur les mêmes questions.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite s'ensuivra un échange de 40 minutes. À vous la parole.

M. Bouchard (Roméo): Merci. Alors, nous sommes tous les trois impliqués dans... tous les quatre même, impliqués dans le dossier de l'industrie porcine depuis bientôt 10 ans. Nous n'avons pas eu le temps de nous coordonner parfaitement, là, parce que tout a été tellement rapide, là, ce qui ne veut pas dire... Notre position, vous allez peut-être la trouver moins nuancée que celle qui a précédé, mais elle n'est pas moins sérieuse et étoffée sur une longue expérience sur le terrain.

n(21 heures)n

On vous transmet aussi... Ce qu'on va vous transmettre ce soir, c'est en bonne partie l'opinion presque unanime d'un regroupement de mouvements citoyens agricoles et environnementaux, qui sortira publiquement la semaine prochaine, selon toute vraisemblance, pour exiger un nouveau plan global d'intervention du gouvernement à soumettre à une commission parlementaire avant de lever le moratoire.

Nous comprenons que l'actuel projet de loi ne concerne qu'une pièce bien précise et bien limitée du bloc de mesures annoncées par le gouvernement avant et après la levée du moratoire, quoique j'ai observé dans l'heure précédente que la discussion a débordé sur l'ensemble des mesures, ce qui était un peu embarrassant, parce que tout le problème du contrôle environnemental n'est pas du tout inclus dans ce projet de loi là. C'est une autre question, là, mais on est... de toute façon, on est disposés à discuter aussi de ça.

Je vais commencer par vous dire la position globale qu'on a avant d'aller dans un petit peu de détails. Le projet de loi qu'on a devant nous ? la partie du moins qui touche les élevages porcins ? comme toutes les autres mesures qui ont été annoncées par les autres ministères, nous apparaît totalement insuffisant pour résoudre les problèmes identifiés par le BAPE. Le projet sent nettement l'improvisation et laisse dans l'ombre et l'imprécision les points les plus importants pour l'efficacité des pouvoirs annoncés. Ça défigure aussi et ça réduit considérablement les recommandations que le BAPE a faites à ce sujet-là. Quand on prend le temps d'analyser, là, il ne reste presque plus rien des choses significatives qu'il y avait sur ces questions-là dans le BAPE.

S'il est adopté avec ou sans les autres mesures qui doivent l'accompagner, ce projet de loi ouvrira la porte à une reprise de l'expansion libre de l'industrie porcine dans les régions non encore saturées. Ça se prépare, là, il y a même des demandes à Longue-Rive, là, sur la Côte-Nord, là, actuellement, et même dans celles qui sont déjà saturées, comme l'ont très bien laissé entendre les gens qui nous précédaient.

Ça donnera aussi lieu à une reprise des troubles sociaux, puisque le modèle autorisé est à toutes fins pratiques inchangé. Le modèle de porcherie, là, qui va se produire après le moratoire, si on suit les mesures qui nous ont été données, il est à peu près le même. C'est le même type de porcherie.

Alors, en conséquence, nous, on demande le retrait pur et simple de la partie de ce projet de loi qui concerne les mécanismes de réglementation et d'autorisation des élevages porcins. Et on réclame la préparation d'un nouveau plan d'intervention global du gouvernement qui serait soumis à une commission avant d'enlever la levée du moratoire, comme je le disais au début.

Nous ajoutons qu'il n'y a aucune urgence à lever ce moratoire, puisque nous avons déjà atteint une surproduction dans cette industrie et puisque les développements substantiels sont autorisés sous le moratoire. Depuis le début du moratoire, il y a... il s'est ajouté 600 000 porcs et 20 000 truies. On ne sait pas comment ça se fait qu'il s'est ajouté des truies, parce que c'était très clair dans le document du moratoire qu'il ne devait pas y avoir de nouvelles truies.

Alors, il y a deux points sur lesquels on veut remarquer, faire quelques remarques. C'est concernant le processus de consultation proposé et concernant les pouvoirs de contingentement qui devaient être accordés aux pouvoirs municipaux et qu'on ne retrouve pas dans la loi.

Alors, le processus de consultation proposé, on peut avoir l'impression qu'avec ce processus-là les citoyens ne se retrouveront plus comme par le passé devant un fait accompli, tu sais, mais en réalité le projet... au moment où le projet est affiché et soumis à la consultation, il a déjà reçu son certificat de conformité et d'autorisation du ministère de l'Environnement; il ne faut pas l'oublier. Il a aussi reçu son attestation de conformité à la réglementation municipale, de la municipalité. Il est rendu à l'étape du permis de construction. Alors, en d'autres mots, l'affaire est déjà bâclée, tu sais. À peu près. Là, on s'en va voir le monde pour essayer de les calmer, mais en réalité on ne leur laisse à peu près plus rien à discuter.

En fait, il est essentiellement limité... la discussion, la consultation. La seule chose que les gens peuvent ajouter, c'est... ils peuvent choisir entre cinq mesures de mitigation sur les odeurs. Et encore, la décision finale là-dessus va revenir au conseil, sans obligation de référendum décisionnel. En d'autres mots, le consensus de la population pourra très bien ne pas être retenu par le conseil, car sur beaucoup de conseils, on le sait, un nombre important d'agriculteurs siègent comme conseillers.

En plus, une limite supplémentaire qui est ajoutée, qui laisse place à n'importe quelle interprétation, à savoir que les conditions imposées... Supposons que les gens décident d'imposer de choisir dans les cinq, là, «...ne doivent pas nuire sérieusement à l'exploitation du demandeur ni avoir un impact substantiel sur la rentabilité»... Ça, c'est textuel dans le projet de loi. Imaginez-vous, là!

Quatrièmement, le processus n'est absolument pas une étude d'impact, là, il faut bien voir ça. Il ne permet pas aux citoyens de se prononcer sur les impacts et le bien-fondé du projet, puisque la conformité aux règles environnementales a déjà été accordée antérieurement, et on ne prévoit aucun mécanisme de révision du certificat d'autorisation advenant que les citoyens jugent le projet inacceptable. La recommandation du BAPE là-dessus suggérait au moins une marge importante de décision discrétionnaire du ministre. Ça, c'est disparu aussi.

Rien dans la loi ne garantit que les informations concernant les plans de fertilisation et les ententes d'épandage seront disponibles aux citoyens lors de la consultation. Or, ça, c'est fondamental pour savoir de quoi il s'agit.

En ce sens, nous pensons que, loin de rendre les projets plus acceptables, ces consultations vont exacerber les frustrations et les conflits et même éventuellement, comme l'a dit l'UPA, donner lieu à des poursuites et à des chicanes qui durent des années, comme on le vit dans nos villages.

Deuxième chapitre. Concernant les pouvoirs de contingentement qui devraient être accordés aux pouvoirs municipaux. Je dis «qui devaient ou qui devraient», parce que dans l'annonce gouvernementale on nous disait textuellement: La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme sera modifiée afin de permettre aux MRC, à la lumière des orientations gouvernementales, de contingenter les nouveaux élevages porcins.

Avez-vous trouvé quelque chose là-dessus dans le projet de loi? C'est complètement disparu de la carte. Rien de cela n'apparaît dans le projet de loi n° 54. On s'en tient sans doute aux pouvoirs de zonage, déjà restreints par la loi n° 184, réduits à la gestion des distances des élevages et non des épandages ? ça ne touche pas les épandages, ce qui est le problème majeur ? et c'est réduit à un certain nombre de cas énumérés dans la loi n° 184: le périmètre urbain, les zones récréotouristiques, les zones de villégiature et les zones de captage d'eau des aqueducs. C'est seulement dans ces cas-là que le zonage de production est autorisé, et ça veut dire juste pour établir les distances.

Aucune indication sur les modifications à apporter aux orientations gouvernementales qu'encadreront les pouvoirs de planification des MRC avant l'arrivée du moratoire; sinon, on est comme avant, quoi.

Aucune indication sur l'obligation de tenir compte de la capacité de support du bassin versant ni sur la façon dont sera calculée cette capacité de support et la charge totale du bassin versant ? comme l'ont souligné l'UQCN ? qui est beaucoup plus large que la question de phosphore, ni sur la relation qui devra s'établir entre les MRC et les comités de bassin.

Nous, on a toujours prétendu qu'il faut un mécanisme de contrôle objectif là-dessus, comme un nombre maximal d'unités animales sur un territoire donné, comme le BAPE le recommande dans ses deux derniers avis, mais là il n'y a plus rien, rien de ça, là. La notion même de bassin versant, elle n'intervient même pas avant le moratoire, là, d'après le texte, d'après aussi les textes qui ont été soumis en même temps que le gouvernement.

Aucune indication sur les pouvoirs municipaux pour limiter le déboisement, préserver et restaurer les bandes riveraines, préserver les sols des monocultures, vérifier la qualité de l'eau potable, des eaux de surface, des eaux souterraines et donc assurer la santé publique. Aucun.

n(21 h 10)n

Aucune mesure pour assurer une consultation autre que celle des CCA, les comités consultatifs agricoles, dominés par les agriculteurs dans la plupart des MRC, dans l'établissement des plans d'aménagement de la zone agricole ? donc, c'est eux qui sont les seuls consultés véritablement ? et aucun recours contre les avis de non-conformité de ces plans que font les MRC aux orientations gouvernementales émises par les ministères.

C'est-à-dire que... allez voir les MRC actuellement. Plusieurs ont préparé des schémas d'aménagement très sensés concernant la zone agricole. Ils se les ont tous fait démolir par les ministères quand c'est arrivé au bureau des frères directeurs, en haut. Et il n'y a pas de recours contre ça, et le BAPE a suggéré qu'il y ait effectivement un appel là-dessus.

Pourtant, à ce sujet, les recommandations du BAPE étaient claires: le zonage des élevages est un outil valable pour gérer les odeurs. Avis 17: Le zonage des épandages et des types d'épandages, liquides ou solides, doit être utilisé pour régler les conflits d'usage; ? constat 7, dans le BAPE, avis 15 et avis 16, très clairs: Le contingentement des élevages ? grosseur, nombre d'établissements, nombre total d'animaux ? est nécessaire, a dit le BAPE, pour éviter la concentration et les problèmes d'odeurs et de biosécurité, c'est-à-dire les épidémies qui y sont reliées. Ça, c'est l'avis 17, 53, 54, recommandations 32 et 40.

Alors, notre conclusion, c'est que visiblement on n'a pas fait le travail pour s'assurer du respect de la capacité de support du milieu, et permettre aux autorités municipales de planifier en conséquence, et permettre à la population de se prononcer à ce sujet. On veut tout simplement lever le moratoire au plus vite sans rien changer de fondamental. Cette loi est si partielle qu'elle devient inutile et dangereuse. C'est ce qu'on peut appeler une loi hypocrite et un mauvais bricolage, en tout cas une mauvaise récupération des thèmes du mythe d'acceptation sociale qui est à la mode actuellement.

Il est évident qu'elle doit être retirée et qu'un nouveau plan d'intervention beaucoup plus global et beaucoup plus sérieux doit être proposé et soumis à une commission parlementaire avant de lever le moratoire, sinon on s'en va direct vers les mêmes crises qu'on avait avant.

Alors ça, c'est ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si mes collègues ici veulent en ajouter. Comme je vous l'ai dit, on n'a pas pu se concerter parfaitement, puis je suis sûr qu'ils ont des remarques à faire aussi.

Le Président (M. Ouimet): Oui.

M. Laplante (Maxime): J'ai reçu il y a quelques mois... Justement, là, on parle de déplacer la production porcine des zones où il y en a un peu trop vers des zones où il n'y en a pas. Il y a justement quelqu'un qui m'a envoyé un dossier; c'est pour la ville de Chapais. Donc, il y a un promoteur, on dit: Chapais, il n'y a pas d'industrie porcine présentement; intéressant! Etc. 4 800 truies, 110 000 porcs, production de lisier évidemment, et il est prévu ? j'ai le texte des ingénieurs de la firme-conseils ? il est prévu également qu'on puisse incinérer le lisier. Et on qualifie le projet de «porc vert». On parle d'entreprises écologiques, là, une belle étiquette! Si on s'imagine que, 110 000 porcs qui débarquent dans une municipalité, ça va provoquer l'engouement de la population, bien je pense qu'on fait fausse route.

Et, à notre avis également, d'avoir un processus décisionnel de référendum, je pense que, pour une petite municipalité comme Chapais, d'avoir un débarquement pareil, c'est au moins aussi important que pour des municipalités qui auront droit à un référendum sur la question des fusions ou des défusions municipales. Comme ordre de grandeur, pour une municipalité comme ça, c'est majeur.

De croire qu'on va aboutir à des situations harmonieuses en implantant ça, je pense que c'est faire fausse route. Le simple constat de dire: On autorisera de nouvelles implantations de porcheries de grande taille ? et je parle de porcheries; ça pourrait être également de grands élevages d'animaux ou, en tout cas, tout ce qui s'appelle agriculture industrielle, là, je pense l'élevage du porc est juste un exemple là-dedans ? c'est d'oublier également quel va être le développement.

Supposons qu'on permet une nouvelle lancée de la production porcine, il va se passer quoi? Il est basé sur l'exportation, parce que les besoins nationaux sont déjà couverts. Tôt ou tard, il y a d'autres pays qui vont embarquer dans le cirque pour produire le même porc que nous autres à moindre coût, que ce soit le Mexique, le Brésil, l'Afrique; tôt ou tard, il va y avoir un surplus sur les marchés; tôt ou tard, il va y avoir un effondrement des prix; tôt ou tard, ce qu'il va y avoir, c'est que l'industrie va dire: Écoutez, on n'est pas capables de payer, ça nous prend plus de subventions. Je serais curieux de savoir quelle est la facture qui va arriver à la Financière agricole pour couvrir la différence entre le prix local et le prix du marché. Il va y avoir implantation forcée d'un système de quotas, un des seuls secteurs où on n'en a pas encore, où on va dire: Désolé, il faut absolument réduire la production porcine, donc on impose un système de quotas obligatoires, comme on l'a fait dans le lapin et dans le sirop d'érable récemment. Là, on va dire aux producteurs: Ah! désolé, ce sont les nouvelles conditions. Donc, on va aboutir à l'effondrement des prix, concentration des fermes, les plus gros vont racheter les voisins.

Est-ce que c'est valable pour les citoyens qui vont fermer leur village parce qu'il va rester quatre fermes au lieu des 15 existantes? Est-ce que c'est valable pour les agriculteurs en place à qui on aura promis quelque chose d'intéressant et qui vont se ramasser avec un effondrement des prix après quelques années? Moi, je pense que c'est un aveu de trahison qu'on fait envers la population et envers les producteurs eux-mêmes. Ce n'est pas juste une question environnementale. Lorsqu'on veut parler de développement durable, il faut revoir la question économique.

M. Dion soulevait la question des boisés éliminés, tout à l'heure. On demandait ? je reprends un peu la question ? c'est quoi qu'on pourrait faire pour empêcher le déboisement? Nous autres, on ajoute comme position là-dessus: Tant qu'on fera en sorte qu'on continue à subventionner les monocultures, l'élevage à grande taille, haut volume de production, les agriculteurs sont forcés de couper le boisé. Ils ne le font pas par plaisir, ils ne le font pas par grandeur d'âme, ils sont obligés de le faire. Tant qu'on a...

Pourquoi est-ce qu'on subventionne du maïs transgénique, hein, qu'on ne subventionne pas des prairies permanentes sur les sols... qui protègent le sol, qui empêchent l'érosion, etc.? Tant qu'on va continuer ce modèle de subvention là, on fait fausse route.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, ça termine votre présentation? Non? Alors, Mme Pelchat, vous souhaitez ajouter?

Mme Pelchat (France): Oui.

Le Président (M. Ouimet): Allez-y.

Mme Pelchat (France): Moi, j'aimerais rajouter que, par ailleurs et compte tenu qu'on a débordé du sujet présent, on aurait dû, avant de faire la levée du moratoire et de même penser à mettre des projets de loi sur la table pour soutenir tout cela, on aurait dû faire non pas une politique nationale de l'eau, qui dure depuis plus de quatre ans, mais faire une législation sur l'eau.

On parlait de bassins versants tout à l'heure, et nous avons un problème. Quand on disait que la moitié... le tiers des MRC n'avaient pas fait leurs contrôles intérimaires, et tout ça, il y a plusieurs municipalités qui ne rencontrent pas non plus la norme d'eau potable dans leur municipalité, et les citoyens sont aux prises avec ça, avec aucun recours. Alors, à ce moment-là, moi, je pense qu'avant de toucher à n'importe quoi on doit s'assurer que tous et chacun ont droit à de l'eau potable, avant même qu'on en donne à d'autres animaux dans lesquelles zones ils sont en surplus.

Le Président (M. Ouimet): M. Bouchard, oui, il reste quelques minutes.

M. Bouchard (Roméo): C'est une toute petite remarque, qui est assez cocasse, concernant le projet porcin à Chapais. C'est que... là, je n'arrive pas à le retrouver, là, mais, dans le projet de loi, avec toutes les autres petites affaires qu'il y a pour toutes les villes, vous aurez remarqué, comme par hasard, qu'il y a une petite modification à la loi pour permettre à la municipalité de Chapais d'avoir une zone agricole, d'avoir un... si ce n'est pas une zone, là, c'est un... Bon, on l'a ici.

Le projet de loi modifie... «...municipale de la région de Baie-James afin d'accorder à la municipalité de Baie-James le pouvoir d'exercer une activité agricole sur toute partie de son territoire qu'elle détermine».

Une voix: ...numéro?

M. Bouchard (Roméo): Le numéro? Je ne le sais pas, là.

Mme Daigle (Marthe): C'est à la page 2 sur 3, je pense?

M. Bouchard (Roméo): Oui, mais ça, c'est dans les notes explicatives, ça.

Mme Daigle (Marthe): Oui, dans les notes explicatives.

M. Bouchard (Roméo): Mais l'article, là, je ne peux pas le retrouver. C'est difficile de croire qu'il n'y a pas une complicité quelque part en arrière, là.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, écoutez, ça termine votre présentation, M. Bouchard.

Juste avant d'ouvrir la période d'échange, en écoutant votre propos tantôt, lorsque vous disiez que malgré le moratoire il y avait eu 20 truies et 60 000 porcs, je pense, de produits par la suite, c'est bien ça?

M. Bouchard (Roméo): 20 000 truies.

Le Président (M. Ouimet): 20 000 truies et...

M. Bouchard (Roméo): C'est 600 000 porcs.

Le Président (M. Ouimet): ...600 000 porcs, je me disais: Il est difficile de contenir des fois les pulsions même des porcs et des truies! Mais sûrement que la ministre a d'autres explications que celle-là. Alors, je vais lui céder la parole. Mme la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Mme Gauthier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouimet): Une pensée très légère, remarquez. Allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gauthier: Eu égard à l'heure tardive et peut-être eu égard au nouveau statut de M. Bouchard, c'est peut-être ça qui vous a induit à avoir ce genre de commentaire.

M. Bouchard, je vous salue, ainsi que les membres qui vous accompagnent. Merci de venir travailler avec nous, présenter votre mémoire à cette commission parlementaire.

n(21 h 20)n

Je vous avouerais que d'entrée jeu je trouve effectivement que certains commentaires méritent des précisions. Entre autres, j'aimerais vous dire ? et ce n'est pas un reproche ? que, si vous aviez été avec nous cet après-midi, vous auriez aussi compris qu'effectivement le ministre des Affaires municipales a indiqué qu'il y aurait un amendement au projet de loi pour effectivement y retrouver un article concernant le contingentement des nouveaux élevages porcins. Effectivement, c'est un oubli qui a été fait, mais il y aura effectivement un amendement qui sera apporté, et ça a été confirmé cet après-midi lors des travaux parlementaires, M. Bouchard.

Je voudrais aussi préciser que, selon les informations de statistiques que nous avons, nous, au ministère, il est faux de dire qu'effectivement il y a eu... je ne sais pas combien vous avez dit de truies et de porcs, il y a eu une légère augmentation au niveau des truies: elles sont passées, en 2003, à 420 400; pour 2004, 423 900, et manifestement on est loin du 10 000 truies dont vous faisiez allusion tantôt, M. Bouchard.

Je voudrais aussi vous dire, M. Bouchard, que le projet de loi n° 54 est un projet de loi qui est une pièce dans l'ensemble de mesures qui seront prises par notre gouvernement, et les orientations du gouvernement en matière d'aménagement du territoire seront révisées pour prendre en compte la protection, entre autres, des boisés, des zones sensibles, des zones de production. Il y aura effectivement le contingentement, auquel je faisais référence tantôt, qui sera ajouté au pouvoir des municipalités.

Je vous dirais aussi, M. Bouchard, que, pour ce qui est des nouvelles installations de l'industrie porcine sur le territoire du Québec si on parvient à lever le moratoire, moi, je constate, M. Bouchard... ça, je vais vous dire, je veux être claire avec vous: Pour moi, le moratoire en industrie porcine, c'est un constat d'échec. Ça, ça veut dire qu'en quelque part on a mal géré cette industrie, et ce n'est pas quelque chose avec lequel je veux vivre longtemps comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je souhaite effectivement la levée de ce moratoire-là.

L'industrie porcine est une industrie qui est florissante au Québec. Cette industrie-là mérite effectivement qu'on puisse permettre son expansion sur le territoire du Québec, là où il y a possibilité de le faire, M. Bouchard. C'est mon opinion, et je vous dirais que certains autres doivent la partager aussi. Je pense que, lorsqu'on empêche le développement d'une industrie, quelle qu'elle soit, M. Bouchard, moi, je pense que ce n'est pas un succès, un succès de gouvernement.

Je vous dirais que les mesures qui seront appliquées pour permettre la levée du moratoire et permettre l'installation de nouvelles industries dans des municipalités ? vous faisiez référence à Chapais ? devront se faire dans le respect de la réglementation, le respect aussi des bilans phosphore, pour empêcher effectivement qu'on revienne dans le passé.

Vous le savez très bien et vous dites: Quelqu'un qui connaît bien le monde de l'agriculture connaissait bien aussi les nouvelles façons de faire qui s'en viennent, il connaissait aussi qu'on est en train de travailler avec les producteurs agricoles pour dessiner avec eux des plans d'accompagnement ferme par ferme qui comprendront, entre autres choses évidemment, les bilans phosphore, qui comprendront aussi, M. Bouchard, qui comprendront les meilleurs usages, aussi, agricoles.

Je vous ai entendu, et mon impression, que je garde après vous avoir entendus tous les quatre, c'est qu'en quelque part le moratoire sur l'industrie porcine, c'est une bonne chose, puis on devrait laisser les choses telles qu'elles sont, parce que pour vous l'industrie porcine, c'est quelque chose qui n'est pas... qui n'est pas quelque chose de positif pour la population du Québec. Si ce n'est pas le cas, de quelle façon, vous, vous auriez vu... quelles sont les mesures qui vous auraient permis, pour nous comme gouvernement, de pouvoir lever le moratoire?

Le Président (M. Ouimet): M. Bouchard.

M. Bouchard (Roméo): C'est parce qu'on n'est pas contre la levée du moratoire. On dit que... On a travaillé avec le BAPE pendant un an ? très fort, des milliers de personnes ? pour voir comment changer cette industrie-là. Et là on nous arrive, on laisse de côté... Même les rapports, les recommandations du BAPE étaient loin d'être radicales, là; sur certains points, elles étaient même assez faibles par rapport à ce qui avait été dit dans les audiences du BAPE.

Là, on nous arrive avec des mesures, on veut lever le moratoire, avec à peu près un modèle inchangé et qui à certains égards est pire qu'avant parce que les contrôles environnementaux sont pratiquement plus faibles qu'avant. Le bilan de phosphore ferme par ferme, c'est totalement inefficace. Ça a été démontré à tour de... jour après jour dans les audiences du BAPE. Il y a... Ce n'est pas... La charge... L'UQCN l'a répété tout à l'heure: la charge polluante, ce n'est pas uniquement le phosphore. Et actuellement on n'a ajouté aucun autre... ni la propriété des terres, ni le type de gestion des fumiers, ni quoi que ce soit.

Le financement, par exemple. Le BAPE avait dit: Pour limiter et puis contrôler le développement, la concentration, il faut changer le financement; il faut cesser de financer l'assurance stabilisation au volume, il faut financer en fonction de la taille des fermes et en fonction des pratiques. Bon. Il n'y a pas un mot, dans les mesures annoncées, là-dessus; on ne prévoit rien changer. C'est-à-dire qu'un intégrateur qui a 500 000 porcs va recevoir 500 000 fois, l'année prochaine, cette année, l'assurance stabilisation. Et on vient de calculer qu'au cours des 15 dernières années chaque porc qui a été produit au Québec ? et Dieu sait s'il y en a ? a coûté 95 $ aux contribuables. Et ça se vend à peu près 130 $. Quand on met ensemble tous les investissements publics qui ont été... toutes les stabilisations de céréales, et tout.

Alors là, ne venez pas nous dire que vous avez changé quelque chose, là. Vous voulez lever le moratoire, parce que vous dites: C'est un échec. Bien alors, changez le modèle, changez quelque chose. Il n'y a rien de changé, là. Et ce qu'on offre aux citoyens, c'est un leurre de les consulter sur à peu près rien, quand tout est décidé et que ce n'est pas eux qui vont décider.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. M. le député de Frontenac? Je ne sais pas, vous aviez terminé, Mme la ministre?

Mme Gauthier: Oui.

Le Président (M. Ouimet): Oui. M. le député de Frontenac.

M. Lessard: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bouchard, j'ai tantôt relevé au bond un peu une affirmation un peu gratuite, quand vous avez soulevé... je ne veux pas me faire le défenseur de la Baie-James, mais je vais prendre leur parti ce soir... quand vous avez fait une allusion en voulant dire que... vous avez même ouvert une ouverture sur la Baie-James, sur la prise en charge de l'agriculture.

Et, sincèrement, sincèrement, j'ai le document sur le plan de l'aménagement agricole et forestier, sur les lots et parts et le potentiel agricole du coin, des gens, avec des municipalités, avec des promoteurs qui vont développer une société mixte pour mettre en valeur, priorité un, exemple: projet de mise en valeur d'un lot par l'occupant actuel du lot sous bail; production d'élevages, production ciblée de porcs biologiques, brebis laitières, poulets biologiques, la réalisation de ces projets entraînant une demande de remise en culture des prairies abandonnées. Projets horticoles dans les productions ciblées: choux verts, précoces ou tardifs; autres projets agricoles; délai minimal devant être approuvé... Sincèrement, c'est une... Sincèrement, je pense que vous avez erré en prenant l'exemple de la Baie-James comme outil, alors que les gens se reprennent en main pour remettre en valeur le territoire agricole du Québec. Et je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité-là, parce que je vais m'en inspirer pour ma région aussi qui a justement une possibilité de remise en valeur du territoire agricole du Québec à dimension soit humaine ou dans des dimensions respectables. C'était plus un commentaire qu'une question, mais je ne pouvais pas laisser passer.

Le Président (M. Ouimet): Une réaction, M.  Bouchard, puis je vais revenir à la ministre de l'Agriculture? M. Laplante?

M. Laplante (Maxime): Oui, si je peux me permettre. Je pense que ce qui était voulu dans l'intervention, c'est de dire: Présentement, avec le projet de loi n° 54, on ne pouvait pas avoir ces renseignements-là. Bravo si c'est un projet qui effectivement est intéressant, mais, encore là, je pense que ce serait important de dire: Est-ce que le projet doit être soumis à l'approbation de la population? Si les gens de la place disent: Parfait, on embarque là-dedans... On a accepté, on a approuvé, on a appuyé des projets porcins en Abitibi, à l'Union paysanne, parce qu'il y avait comme condition que la population locale ait son mot à dire.

Donc, nous autres, ce qu'on dit: Si la population là-bas est d'accord pour le projet, bravo! Je pense qu'ils ont droit à leur autonomie. Si on leur impose le projet, peu importe sous quelle bannière, à ce moment-là c'est là où on décroche. Ça fait que le projet peut être valable, mais c'est à eux autres d'en juger. C'est là le point qu'on voulait apporter derrière.

M. Lessard: Peut-être un point d'éclaircissement qui peut...

M. Laplante (Maxime): Tout à fait.

M. Lessard: Le jupon semblait dépasser. Donc.

M. Laplante (Maxime): D'accord.

M. Lessard: Ça va? Je peux vous en laisser une copie, d'ailleurs, si vous le requérez, je pense que c'est un beau projet.

Le Président (M. Ouimet): Bien, je reviens. Merci, M. le député de Frontenac. Mme la ministre.

n(21 h 30)n

Mme Gauthier: Oui. M. Bouchard, moi aussi, je veux relever une imprécision que vous avez laissé transparaître de vos propos, M. Bouchard. Quand vous dites que ça coûte, pour le gouvernement du Québec, des millions de dollars, là, pour les assurances stabilisation de revenus, j'aimerais... et vous le savez, M. Bouchard, et je pense que vous devriez avoir plus de rigueur dans vos propos. Parce que vous le savez très bien qu'au gouvernement du Québec, avec la Financière agricole... on verse à la Financière agricole 305 millions de dollars par année pour tous les plans de stabilisation de revenus, pas seulement dans le porc, mais tous les plans de stabilisation de revenus, qu'une part importante des producteurs vont aussi dans leur plan d'assurance stabilisation de revenus, et l'autre part provient du gouvernement canadien, et que la Financière agricole gère ses propres fonds d'assurance. Et effectivement il y a des fonds d'assurance qui leur en coûtent plus, et le porc est un bel exemple, là ? ça fait deux années qu'on connaît une baisse de prix dans l'industrie du porc, ça semble en remontée, tant mieux.

Mais ce n'est pas vrai que le gouvernement du Québec, M. Bouchard ? et vous le savez ? remet de l'argent pour aider des plans de stabilisation de revenus. Ce n'est pas vrai, on ne le fait pas. C'est une entente que nous avons avec la Financière. C'est une entente qui est sur sept ans, on est à faire... on a complété notre troisième année, M. Bouchard, et la gestion faite par la Financière des plans de stabilisation de revenus est, ma foi, fort éloquente. Je veux dire, c'est une bonne façon... ça a été de la réingénierie avant que nous arrivions au pouvoir. Je pense que ça a été une belle façon de refaire les choses.

Je voudrais aussi... Vous parlez du bilan phosphore. Vous dites que le phosphore, ce n'est pas un élément essentiel sur lequel on doit tenir compte. Moi, je vous dirais que le phosphore... en fait, ce que les experts, les gens nous disent, dans mon ministère comme ailleurs, ça a été retenu parce qu'on dit que c'est l'élément le plus contraignant par rapport à l'azote, par exemple. Le phosphore, l'azote et les autres éléments de fertilisant sont pris en compte dans le plan agroenvironnemental de fertilisation. C'est toutes des choses qu'on sait et que les producteurs connaissent aussi.

Je voudrais aussi dire, pour le bénéfice de nos producteurs de porc au Québec ? et je pense qu'on ne le dira jamais assez ? que ces gens ? nos producteurs ? vous le savez, sont ceux qui reconnaissent davantage leurs devoirs en matière d'environnement. Ils ont déposé, pour 90 % d'entre eux, leur bilan phosphore auprès du ministère de l'Environnement. Je pense que c'est tout en leur honneur.

Et effectivement, M. Bouchard, moi, ce que j'aimerais aussi vous entendre, c'est... dans des régions, dans les régions qui manifestement sont en déficit de phosphore, dans des régions qui manifestement auraient la possibilité... et je pense que la Côte-Nord est une de ces régions-là, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, on a de la place pour des nouvelles industries porcines sur ces territoires-là. De quelle façon... et, on le sait, les nouvelles industries devront le faire en respectant des règles environnementales. De quelle façon on peut à court terme lever le moratoire pour permettre l'expansion de cette industrie ailleurs au Québec?

Le Président (M. Ouimet): M. Bouchard.

M. Bouchard (Roméo): Bien, moi, j'ai un peu de misère à faire cette discussion-là, générale, qu'on a faite pendant des mois au BAPE. On est devant un projet de loi puis on est devant des mesures qui ont été annoncées par le gouvernement.

Ce soir, on nous a dit ? puis on nous a donné 24 heures pour se préparer ? de venir discuter sur les mécanismes de pouvoirs municipaux qu'on voulait donner. Là, la discussion sur le contrôle environnemental, elle est beaucoup plus complexe que ce que Mme la ministre nous ressert là, ce qu'on a entendu des centaines de fois. On a le tableau pas mal plus complexe que ça, puis l'UQCN d'ailleurs en a donné une idée tout à l'heure. S'il faut faire ce débat-là, là, il faut le faire sur des textes, il faut le faire sur des projets de réglementation, il faut le faire où on peut dire précisément: Oui là, non là.

Mais, le projet de loi qu'on a devant nous, j'aimerais bien qu'on nous dise, du côté du gouvernement ? puisque là on nous fait presque une morale ? qu'on nous dise quels sont les pouvoirs réels donnés aux citoyens pour se faire entendre sur les... pour avoir leur mot à dire sur les projets; quels sont les pouvoirs réels donnés aux MRC pour contingenter efficacement la production sur leur territoire et avec les outils qu'il faut pour le faire.

Vous nous dites... Le ministre est arrivé après-midi, il a oublié de parler du contingentement. Imaginez-vous donc, on va croire ça! C'est la question clé depuis des années, le pouvoir de contingentement des municipalités, et M. Fournier a oublié ça? Voyons donc! Et ça veut dire quoi, le pouvoir de contingentement dont il vient nous parler maintenant, tout d'un coup que la mémoire lui revient? C'est quoi concrètement, qu'on va donner? Il ne nous le dit pas, hein? Alors, nous, on vient faire les singes icite, quoi?

Le Président (M. Ouimet): M. Bouchard...

M. Bouchard (Roméo): Il n'y a personne qui veut se mouiller sur rien?

Le Président (M. Ouimet): Si vous me permettez, M. Bouchard, on peut discuter avec le gouvernement, avec vous...

M. Bouchard (Roméo): Bon, je veux bien, mais là il ne faut pas rire de nous autres, non plus!

Le Président (M. Ouimet): ...sur un ton peut-être un peu plus propice aux discussions et aux échanges.

M. Bouchard (Roméo): Parce que là, si je reviens à ce que disait Mme la ministre, le financement, le 95 $ dont j'ai parlé, ce n'est pas uniquement l'assurance stabilisation, c'est toutes les dépenses provenant du public, que ce soit au Québec et au fédéral: les remboursements de taxes, les ci, les ça. Il y a plein de... Le calcul, on pourra vous l'amener, Mme la ministre, vous allez voir, vous allez peut-être être la première à rester surprise. Et, quand on parle de rentabilité des grosses entreprises et des grosses porcheries, peut-être que ça pourrait vous mettre des doutes dans la tête.

Par ailleurs, en fin de semaine, moi, j'ai visité des fermes maraîchères qui, avec 1,5 ha de légumes bios, créent cinq emplois, pour un investissement de 100 000 $, 20 000 $ par emploi.

Mme Gauthier: M. Bouchard...

Le Président (M. Ouimet): Bien, si vous permettez, Mme la ministre...

Mme Gauthier: Je n'ai plus de temps?

Le Président (M. Ouimet): C'est-à-dire qu'on est rendu à 15 minutes de votre côté. Normalement, j'alterne à 10 minutes, mais votre long propos a engagé une longue réponse. Alors, j'aimerais mieux maintenant aller du côté de l'opposition, je reviendrai vers vous. Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean, à vous la parole.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à l'Union paysanne, bonjour particulier à M. Bouchard. Si j'en comprends la lecture des médias, c'est peut-être votre dernière présentation en commission parlementaire comme président de l'Union paysanne. Donc en tout cas je suis heureux d'assister à ce moment.

Oui. Bon, effectivement, vous avez émis tout à l'heure ? et c'était aussi notre souhait ? que ce projet de loi aurait dû être scindé finalement, et puis nous sommes aussi de ceux qui sont insatisfaits actuellement du fait que nous n'avons pas toutes les cartes sur la table pour parler de la levée du moratoire, finalement. Je pense qu'il y a d'autres groupes aussi aujourd'hui qui l'ont dit aussi. Il y a 12 recommandations du BAPE sur 58 qui sont actuellement remplies, par rapport au premier volet que les quatre ministres nous ont déposé en grande pompe. Donc, c'est clair que ça aurait été intéressant de passer l'omnibus, puis après ça parler de l'industrie porcine, mais peut-être plus à l'automne, quand on va avoir toutes les cartes sur la table.

Moi, en tout cas, j'aime bien l'Union paysanne pour la diversité de ses opinions qu'elle amène, et je pense que ça sème le débat, en tout cas. Vous critiquez la grande industrie agricole, vous prônez les petites fermes, finalement. La question que j'aurais le goût de vous poser ? et puis c'est en lien aussi avec le projet de loi, l'article du projet de loi que nous avons ce soir ? c'est que, dans quelle mesure... si on laisse le citoyen décider de la forme d'agriculture qu'il souhaite, ne pensez-vous pas qu'on n'en aura plus, d'industrie porcine, du tout? Parce que, moi, à mon sens...

Vous savez, on est trois députés autour de cette table, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui sommes dans une zone en déficit de phosphore, nous consommons davantage de porc que nous en produisons, alors je me dis qu'il est quand même acceptable, fortement acceptable que nous produisions autant de porc qu'on en consomme. Moi, en tout cas, si vous n'êtes pas d'accord, j'aimerais ça que vous me le dites. Maintenant, ce serait quoi, le type d'industrie porcine que vous souhaiteriez avoir, mais, tu sais, dans un équilibre, là? Puis prenons le cas de notre région, là: on consomme 100 000 porcs apparemment, puis on n'en produit pas tant que ça. Alors, ce serait quoi, les mécanismes qui pourraient faire qu'au moins on ait un équilibre? Parce que l'agriculture, c'est l'autonomie alimentaire d'une nation; ça, je sais que vous en êtes convaincus. Donc, ce serait quoi, le modèle d'agriculture, à l'égard de l'industrie porcine ? puisque aujourd'hui c'est de ça qu'on parle ? que l'Union paysanne souhaiterait qu'il se développe au Québec?

Le Président (M. Ouimet): M. Laplante.

n(21 h 40)n

M. Laplante (Maxime): Oui. Merci. On s'est posé la question: À quoi ça sert, l'agriculture? On a identifié trois objectifs, trois raisons d'être de l'agriculture: la première, c'est d'alimenter sa propre population en qualité et en quantité; ça, c'est le premier but. Le deuxième, c'est de protéger les ressources qui ont servi à cette production-là; c'est le concept de base de l'agriculture durable. Le troisième, c'est l'occupation du territoire. C'est à ça que ça sert, l'agriculture; en tout cas, dans notre esprit, c'est ça. Ce n'est pas un objectif... Ça ne veut pas dire qu'on empêche l'exportation, mais, le premier objectif, c'est notre population. Donc, si le Saguenay?Lac-Saint-Jean décide de fournir sa population avec son porc, bien c'est votre choix de région, et bravo! c'est tout.

Cependant, lorsqu'on embarque présentement... tout le système des subventions axé sur le volume de production, quand on parle de rechanger le modèle, pourquoi est-ce que présentement celui qui n'a pas 300 porcs par année n'a pas droit à la subvention gouvernementale? C'est un choix, ça. Donc, si, moi, en tant que producteur de porc ? ce qui est le cas ? je n'ai pas 300 cochons, moi, je reçois zéro.

Présentement, pourquoi est-ce qu'il est interdit ou à peu près d'élever du porc dehors, au Québec? Parce que le gouvernement considère que, l'élevage du porc dehors, le porc ne mangeant pas d'herbe ? c'est bien connu dans les documents gouvernementaux ? il faudrait que l'aire où le porc va manger de l'herbe, ce soit bétonné. Bien, forcément, on confine les porcs à l'intérieur.

Ce que je dis, c'est qu'on devrait modifier le système de financement pour faire en sorte... C'est quoi qu'on veut avoir comme modèle de ferme? Si on veut avoir des fermes qui sont de plus petite taille, qui créent de l'emploi, si c'est ça, l'intérêt d'occuper le territoire, pourquoi est-ce qu'on ne donne pas des subventions? On donne déjà un peu plus de 1 milliard par année. Et les sous-ministres de l'agriculture sont ici pour en témoigner: on donne déjà, l'agriculture québécoise, plus de 1 milliard par année en subventions, autant au palier provincial que fédéral.

Pourquoi est-ce que, au lieu de donner ça au volume de production, on ne le donne pas pour les fermes justement qui créent de l'emploi, qui occupent leur territoire, qui préservent les ressources, qui préservent les boisés, qui préservent les brise-vent, qui ont des bandes riveraines, qui ont une densité maximale d'animaux à l'hectare, etc., qui ont prévu une relève? En tout cas, peu importe pour les critères, vous pouvez les définir aussi bien que moi. Pourquoi est-ce qu'on ne s'empêche pas comme société de dire: On va mettre notre fric là, plutôt que dire: C'est tant du cochon, puis c'est tant de la tonne de grains, puis c'est tant de l'hectare, puis etc.? Donc, il suffit simplement qu'on réoriente ce modèle-là, et le reste va suivre assez rapidement. Donc, on n'interdit pas la production porcine d'une région, là, pour répondre clairement à la question.

Le Président (M. Ouimet): M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): C'est clair que ça susciterait beaucoup de débats, parce que, bon, je suis persuadé que les agriculteurs producteurs de porc vont dire: Si nous ne faisons pas de la production sur le modèle actuel, au prix que le porc est actuellement, on n'arrivera pas à rentabiliser nos productions et... En tout cas, j'écoute, là, mais ce qui serait intéressant, ce serait que la Fédération des producteurs de porcs soit là, puis j'aurais des questions à poser à la ministre. Mais, bon, puisque la formule de cette commission parlementaire m'oblige à vous poser des questions directement, je vais devoir changer de sujet.

Je vais vous parler des conditions auxquelles les conseils municipaux peuvent demander aux producteurs de porc d'être assujettis, notamment sur l'épandage des déjections animales produites par l'établissement où on pense que... bon, certains avancent qu'il y a... c'est trop flou comme normes, le respect des distances séparatrices différentes. Quand on parle de distances, est-ce que c'est trop flou? Bon, bref, il y a cinq éléments, là, qui peuvent être assez, si on peut dire, subjectifs.

Je vous pose la question: Qu'est-ce que vous en pensez? Mais, avant de vous poser la question, j'aurais tendance à penser que vous allez me répondre: Bien, de toute manière, ce n'est pas le genre d'agriculture que l'on souhaite. Donc, les règles dans ce projet de loi là ne sont pas applicables. Alors, j'ai le goût de vous entendre.

M. Bouchard (Roméo): Non, je ne répondrai pas à ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Roméo): J'aime bien répondre aux questions directement. C'est que les cinq conditions qui sont là, ce ne sont pas des mesures qui changent le modèle de porcherie, le modèle de production. Ce sont des mesures de mitigation des odeurs, donc des mesures de mitigation d'une pratique d'élevage qui est elle-même inacceptable. La gestion liquide des fumiers, c'est une erreur monumentale vers laquelle je ne sais pas quel ministère ou quel fonctionnaire, O.K., a orienté l'agriculture, et elle est en train de se répandre dans les producteurs laitiers, partout. C'est une mauvaise façon de gérer les fumiers, une façon coûteuse, une façon qui ne fertilise pas bien, qui a toutes sortes d'inconvénients sur le plan de l'environnement, etc.

Or, actuellement, tout simplement, on ne propose... Dans les mesures qu'on nous donne, là, contrairement à ce... le BAPE... là-dessus les rapports du BAPE, même, étaient faibles. Il y avait eu beaucoup de choses dans les audiences sur cette question-là: gestion solide, gestion liquide. Le rapport du BAPE disait: Il faut favoriser... il faut accepter les deux, mais il faut un secteur témoin dans la gestion solide, il faut donner de l'argent pour la recherche là-dessus, il faut favoriser le développement de ça. Il n'y a même plus ça, là. Là: Allez-y sur le lisier, on va même vous payer pour les traitements de lisier; les élevages sans sol, aucun problème, pas de propriété des sols, tout, là! Alors, quand même qu'on nous arrive ici, bien, choisir dans ces cinq-là ou les mettre tous les cinq, c'est simplement pour corriger, essayer de diminuer, mitiger les effets d'une pratique qui est mauvaise et qui est la cause de pratiquement tous les problèmes, et les problèmes agricoles que pose l'industrie porcine et les problèmes sociaux.

Alors, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse avec ça? Tu sais, quand même qu'on mettra... tu sais, les rampes d'épandage, par exemple, là, savez-vous comment... allez voir comment ça coûte, ces machines-là, là, des machines pour incorporer le lisier au sol, alors que du fumier solide composté, on épand ça avec un petit tracteur de 40 forces puis un épandeur conventionnel. Qui sait qui fait l'argent, vous pensez, là-dedans? Les gens qui vendent de la machinerie, les gens qui vendent du ciment, etc. C'est un ? comment qu'on appelle ça, là...

Une voix: Un cartel.

M. Bouchard (Roméo): C'est un complot, la gestion liquide des fumiers, un complot!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Roméo): Ce n'est pas sain... au point de vue agricole, n'importe quel agronome qui est encore sain d'esprit va vous dire que c'est une mauvaise façon de gérer les fumiers.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, là-dessus, merci, M. le député du Lac-Saint-Jean. Je retourne à la ministre de l'Agriculture. J'ai le député de Roberval qui souhaitait intervenir. Il reste 3 min 45 s.

Mme Gauthier: ...M. Bouchard, pour laisser la possibilité à mon collègue de Roberval de pouvoir vous interpeller. Pour vous, M. Bouchard, qu'est-ce que ça veut dire, un élevage porcin à dimension humaine, un élevage de dimension familiale? C'est quoi que ça veut dire?

M. Bouchard (Roméo): Moi, je pense qu'on n'en est pas à un chiffre ou l'autre, on en est à établir un modèle qui va favoriser les fermes de taille raisonnable, les fermes... Comme on dit, là-dedans, là, il y a trois éléments: les fermes familiales indépendantes, les élevages de taille raisonnable, ceux qui adoptent des pratiques écologiques, ceux qui s'orientent vers les marchés intérieurs et locaux plutôt que vers les marchés d'exportation.

Mme Gauthier: C'est quoi, une taille raisonnable?

M. Bouchard (Roméo): Alors, ça, ce sont les quatre caractéristiques d'une ferme qui est, pour nous autres, socialement plus rentable pour la société, pour notre communauté. Et ça, est-ce que c'est...

Tu sais, ce n'est pas une question d'un cochon de plus ou de moins, c'est la façon de le faire. Si on élève des porcs, qu'on est aidé pour le faire et qu'on élève des porcs qui vont à l'extérieur, ou n'importe quoi, on n'en aura pas 10 000. Et, si on est capable de vivre avec 500 porcs... Moi, tous les agriculteurs que j'ai rencontrés, les gros inclus, ça ne les intéresse pas d'en faire 10 fois plus, c'est juste parce qu'on les force à le faire pour arriver à ce qu'il leur reste un peu d'argent.

Le Président (M. Ouimet): Bien, merci. Alors, M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Très brièvement. D'abord, M. Bouchard, bonsoir, mesdames, monsieur. Pour quelqu'un qui vient à peine d'atteindre l'âge de la retraite en US, vous démontrez une énergie quand même débordante malgré l'heure aussi tardive, et je pense que c'est tout à votre honneur.

Et j'aimerais juste revenir un peu sur ce... On entend beaucoup de choses sur l'industrie du porc, sur la levée du moratoire. Ce n'est pas un sujet sur lequel, je vous avouerai, je détiens une expertise importante. Par contre, ce que je constate, il y a deux choses: il y a ceux qui sont favorables à la levée du moratoire ? et ce n'est pas vrai que tout le monde était contre, parce qu'on en a entendu aujourd'hui qui étaient favorables à la levée du moratoire ? et il y a ceux qui veulent qu'on le maintienne. Bon.

Tantôt, dans votre intervention, M. Bouchard, vous avez fait une intervention qui m'a fait un peu sursauter, lorsque vous disiez... Parce que dans le projet de loi il y a des mécanismes qui sont prévus justement pour permettre aux élus municipaux de pouvoir avoir, je dirais, un élément extrêmement important pour décider, oui ou non, si on va de l'avant.

Lorsque vous disiez que la population n'était pas consultée, n'aurait pas la possibilité de s'exprimer, je pense que le fait de passer vers les élus municipaux, qui sont les représentants directs de la population, c'est un élément extrêmement important pour permettre justement à ces gens-là d'avoir une écoute attentive puis d'avoir la possibilité de s'exprimer. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous disiez que les gens n'avaient pas la possibilité de pouvoir s'exprimer. Ou Mme Pelchat? Mme Pelchat, oui.

Mme Pelchat (France): Oui. Moi, je...

n(21 h 50)n

Le Président (M. Ouimet): En moins de 30 secondes.

Mme Pelchat (France): Pourquoi les élus municipaux? C'est simple. On a eu un référendum en 1988 dans notre région et on l'a perdu par très peu. Savez-vous pourquoi? Par des menaces de mort. Savez-vous ce que je trouve un échec, moi, ici ce soir? C'est la levée du moratoire, parce que ça a pris beaucoup de courage et un sens des responsabilités très grand à l'ancien gouvernement pour le faire, et j'aurais espéré que notre gouvernement présent aurait eu ce courage-là de le faire.

Et je vais vous dire c'est quoi que je considère un échec. Des menaces de mort, comme Mme Gauthier a déjà eues, et des menaces de mort constantes qu'on a dans nos régions ? constantes ? et on n'a aucun recours contre ça. Vous n'avez pas relevé la loi... la loi sur le droit de produire. Vous leur donnez l'immunité de nous polluer, de ne pas nous défendre, et vous collectez les pollueurs-payeurs partout dans les autres industries. Alors, c'est là qu'est le problème. Et voilà l'acceptabilité sociale.

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci. Il ne reste plus de temps du côté ministériel. Je retourne du côté du député du Lac-Saint-Jean, en vous indiquant, M. le député, qu'il vous reste 9 min 50 s, tout près de 10 minutes.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. Bien, je suis un petit peu sonné d'apprendre que la ministre de l'Agriculture a eu des menaces de mort, mais, en tout cas, je ne sais pas si on peut tout mettre ça dans...

Une voix: ...Mme Gauthier.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Hein? Hein? Ah! Pas... O.K. O.K., d'accord. Excusez. Je pensais que c'était vous. Pourtant, vous avez un garde du corps. C'est pour ça que je me...

Aujourd'hui, nous traitons du processus d'acceptation. Bien que je ne suis pas d'accord avec la façon dont nous procédons, l'élément du projet de loi traite du processus d'acceptation sociale pour gérer la cohabitation. On ne parle pas de nouvelles mesures environnementales; on nous dit que ça va venir à l'automne. Le processus de... Le processus justement, ce serait quoi, vos critiques, si on parle juste de ça, là?

M. Bouchard (Roméo): Bien, le gros défaut, c'est qu'il ? c'est en même temps une réponse pour M. le député de Roberval, là, de chez nous d'ailleurs, je viens de Normandin, moi ? c'est qu'il ne permet pas aux... il permet aux citoyens de discuter du projet mais pas de décider. Et là on me dit... bon, vous me dites: Les élus municipaux, c'est quand même les représentants de la population. Oui, sauf que dans ces conflits-là, c'est très, très fréquent que la population massivement a une opinion qui n'est pas celle du conseil municipal, et pour des raisons très simples, c'est que les conseils municipaux dans les régions rurales sont très souvent formés de plusieurs agriculteurs et que, même si le maire ou les conseillers ne sont pas des agriculteurs, ils vivent dans une région agricole et ils ont des pressions énormes des agriculteurs. Quand ce n'est pas des menaces de mort, c'est d'autres choses. Moi, j'ai eu des pneus crevés, j'ai eu toutes sortes de choses. Et ce n'est pas simple, là, ces luttes-là, hein? On ne fait pas de la théorie ici, là.

Une voix: C'est un sport extrême.

M. Bouchard (Roméo): Oui, oui, c'est un sport extrême, oui. Donc, la pression des agriculteurs sur les conseils municipaux, elle est considérable. C'est pour ça que, nous, on a toujours dit: Si on a un consensus d'une population, on doit pouvoir le respecter. Et la meilleure façon d'établir un consensus quand il y a des débats, puis tout, c'est un référendum. S'il y a un gouvernement qui le sait, ça doit bien être celui-là. On va en avoir une couple de 100, là, dans quelques semaines. Ça fait que c'est... Le référendum, à un moment donné, est le seul moyen de terminer une consultation sérieuse. Sinon, c'est tout simplement un procédé pour essayer d'amadouer les gens, tu sais.

En plus que, comme je vous disais tout à l'heure, les seules choses qu'on permet aux gens de changer après qu'ils auront discuté, c'est des mesures de mitigation des odeurs si, par exemple, dans un village on considère que le système hydrogéographique est extrêmement fragile et qu'une porcherie comme chez nous, dans un bassin versant qui conduit directement à la source en surface de l'aqueduc municipal, c'est suicidaire. Mais ça correspond à toutes les normes.

La population, elle le connaît, son territoire. Elle sait où ils passent, les ruisseaux, elle sait où sont les veines d'eau. C'est à eux autres à donner... à avoir la décision finale là-dessus. À l'intérieur d'un cadre général, oui, je suis d'accord, un cadre général par le ministère, un cadre général au niveau de la MRC. Mais c'est ça que ça veut dire, donner la parole aux citoyens.

Le Président (M. Ouimet): M. Laplante, oui, allez-y.

M. Laplante (Maxime): Un ajout très court. Dans le cas du projet de Chapais dont je faisais mention tout à l'heure, je lis, là: Je, soussigné, M. Jacques Bérubé, maire de la ville de Chapais et initiateur du projet porcin. C'est juste un exemple, O.K.? Je ne connais pas M. Bérubé, peu importe. C'est le cas flagrant où on a le maire ou un conseiller qui est lui-même le promoteur de ces projets-là. C'est la coutume répandue. Depuis des années, Marthe Daigle et moi, on s'est promenés, on a fait la province, etc., de son bord. C'est une pratique malheureusement répandue où beaucoup de gens se retrouvent dans une situation quasi conflictuelle dans bien des cas.

On l'a vécu dans notre propre paroisse, etc. Donc, c'est ça, la situation. Et j'imagine ça doit être une belle côte à remonter pour des citoyens, en se disant: Le maire est le promoteur du projet, et c'est lui qui va prendre la décision avec son conseil municipal. En tout cas, ça ne met pas les chances égales au point de départ.

Le Président (M. Ouimet): Merci. M. le député de Roberval, je suis sur le droit de parole des députés de l'opposition. Avec leur consentement, vous pouvez prendre la parole. Mais, pour l'instant, on est sur leur enveloppe de temps. Il vous reste environ cinq minutes. M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay (Lac-Saint-Jean): Oui. Tout à l'heure, vous avez parlé d'une forme d'agriculture où les porcs, bon, sont élevés dehors, et puis ce n'est pas le même modèle que l'agriculture telle qu'on la connaît actuellement. Mais est-ce que je me trompe si, dans ce genre d'agriculture là, il serait très difficile pour les... il demeure difficile pour les agriculteurs, là...

Une fois que tu as élevé ton porc, il faut que tu l'envoies à l'abattoir; une fois que tu l'envoies à l'abattoir, il y a tout le système de distribution; puis là, là-dessus, j'ai beaucoup d'interrogations sur la mainmise de certains à l'égard de la distribution... bien, la transformation et la distribution.

Mais est-ce que... dans votre modèle, n'y a-t-il pas une incapacité justement à intégrer les porcs que vous produiriez dans des mécanismes de distribution où votre modèle serait vraiment mais vraiment local, où la production, l'abattage, la transformation, la distribution et la consommation se font dans une même région? Est-ce que, ça, vous pensez que c'est viable? Parce que là il faut penser, là, que nos agriculteurs ont droit à une dignité, ils ont droit à un salaire décent et souhaitent avoir de la relève agricole. Je pense qu'on a beaucoup de concepts que tout le monde alentour de la table sont d'accord. Mais, là où est-ce que j'essaie de comprendre et de... oui, de comprendre, c'est: Est-ce qu'il y a moyen pour un agriculteur de vivre financièrement et rentablement dans un type de modèle comme ça?

Le Président (M. Ouimet): M. Laplante, vous voulez répondre à cette question?

M. Laplante (Maxime): Oui, tout à fait. Il y a deux ans, j'ai fait le calcul moyen, sur une base moyenne ? donc, on parle d'un élevage de 2 000 porcs à l'engrais et avec les terres en épandage aussi, évidemment, parce qu'il faut épandre le fumier qui va avec ? et j'arrivais au calcul de subvention annuelle ? c'est un ordre de grandeur ? entre 110 000 $ et 120 000 $ annuellement. Et là on parle d'un demi-emploi.

Si vous faites... Là, je simplifie, je suis d'accord, je coupe les coins ronds, là, O.K., c'est une base moyenne. Mais, si vous prenez le 120 000 $ et que vous dites: Au lieu de le donner par porc, au volume, et que vous dites: Je vais le donner pour des fermes qui en vivent, qui ne sont pas sous contrat d'intégration, etc., qui occupent leurs enfants ou de la main-d'oeuvre, en tout cas, peu importe, vous seriez capables, avec le même argent, d'avoir des fermes de taille plus réduite.

Et je pense que ce n'est pas, encore là, comme demandait la ministre tout à l'heure, de dire: Est-ce qu'on met une limite à 200 porcs, ou à 500 porcs, ou à 800 porcs et qu'on dit: En haut de ça, on n'en veut plus, puis en bas de ça, bravo? Ce n'est pas ça, la question. Pourquoi est-ce qu'on ne dit pas: Toutes les fermes, en autant qu'elles occupent de la main-d'oeuvre ? là, on ne parle pas de quelqu'un qui a une propriété foncière quelque part en milieu rural puis qui habite un bungalow en ville, là, on parle de quelqu'un qui occupe et qui travaille sur sa ferme ? pourquoi est-ce qu'on ne dit pas: S'il est de taille plus réduite, on va lui donner de l'aide ? s'il correspond à des pratiques, on fait attention ? s'il grossit la taille de sa ferme, on réduit l'aide et, s'il dépasse un certain niveau de concentration, bien on arrête là?

Et, s'il paraît que le modèle économique de grande taille est si rentable, pourquoi est-ce qu'on continue à le subventionner? Donc, on veut simplement renverser la vapeur, donc. Et, à ce calcul-là, on se rendrait très bien compte qu'il n'y a nul besoin de forcer la dose, on a juste à arrêter de subventionner la concurrence de grande taille et les fermes vont redevenir rentables, avec un salaire décent, en ayant un nombre de porcs plus limité.

Et d'ailleurs on n'est pas les seuls, la grandeur de la planète le fait. Les fermes au Danemark, jusqu'à il y a une quinzaine d'années, il n'y avait pas de ferme en haut de 100 cochons, et pourtant il y a un niveau de vie industrialisé là. Il y a plein d'exemples à travers la planète qui vivent avec moins de 4 000 porcs par ferme.

M. Bouchard (Roméo): Je peux-tu ajouter quelque chose?

Le Président (M. Ouimet): Oui, M. Bouchard.

n(22 heures)n

M. Bouchard (Roméo): Je pense qu'on vient de... c'est une question d'orientation. Il ne faut pas voir ça: techniquement, demain matin, on élimine tout, là. Mais on vient de constater, avec la crise du boeuf en particulier, le danger qu'il y a à laisser aller rapidement tous nos mécanismes internes de mise en marché, d'abattoirs, de ci et de ça, et tout à coup se retrouver fragilisés complètement parce que tout le système était intégré au niveau continental, tu sais. Je pense qu'il faut revenir progressivement à privilégier les objectifs d'autosuffisance, les objectifs de reconstruire nos réseaux de mise en marché locale, d'abatage local, d'élevage diversifié, d'élevage déconcentré. Il faut désintensifier l'agriculture pour en reprendre le contrôle, parce qu'actuellement on est extrêmement fragilisés par ça.

Le Président (M. Ouimet): Bien.

M. Bouchard (Roméo): En 1950, il y avait...

Le Président (M. Ouimet): M. Bouchard, il reste moins de 10 minutes. Le mot de la fin.

M. Bouchard (Roméo): Oui.

Des voix: 10 secondes.

Le Président (M. Ouimet): 10 secondes, pardon, 10 secondes. Un mot de la fin en cinq secondes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Roméo): Bien, je pense que, nous... Je répète ce qu'on a demandé: C'est prématuré, ce projet de loi là, puis ce n'est pas adéquat. Ça ne remplit pas... Ça ne fait pas la job, ça ne rassure personne. Je pense qu'il faut le retirer, puis d'ailleurs le plan d'ensemble n'est pas satisfaisant. Il en faut un autre beaucoup plus sérieux qui respecte davantage les recommandations du BAPE.

Le Président (M. Ouimet): Alors, c'était un long 5 secondes, mais, M. Bouchard, au nom des parlementaires, mes collègues, je vous remercie, ainsi que M. Laplante, Mme Pelchat et Mme Daigle, de votre contribution à nos travaux, et j'ajourne nos travaux jusqu'à demain, après la période des affaires courantes.

(Fin de la séance à 22 h 2)

 


Document(s) associé(s) à la séance