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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 10 décembre 1997 - Vol. 35 N° 26

Consultations particulières sur le projet de loi n° 171 - Loi sur le ministère des Régions


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Gabriel-Yvan Gagnon, président
Mme Madeleine Bélanger, présidente suppléante
M. Guy Chevrette
M. Yvon Vallières
M. André Pelletier
Mme Diane Leblanc
M. Réal Gauvin
Mme Danielle Doyer
M. André Chenail
*Mme Marie-Hélène Méthé, chantier de l'économie sociale
*Mme Nancy Neamtan, idem
*M. Jacques Beaudet, IFDEC
*M. Yvon Poirier, idem
*M. Maurice Sauvé, CSN
*M. Michel Paquet, idem
*Mme Thérèse Sainte-Marie, CIAFT
*Mme Denise Vandenbroucke, idem
*M. Christian Lacasse, UPA
*Mme Suzanne Cloutier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures quarante-quatre minutes)

Le Président (M. Gagnon): Je vais rappeler le mandat de la commission: procéder à des consultations particulières et à des audiences publiques sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions. Est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Vallières (Richmond) remplace Mme Delisle (Jean-Talon).

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je pense qu'il y aurait lieu à ce stade-ci de faire la lecture de l'horaire de la journée. Depuis 11 h 30, nous devions entendre Mme Nancy Neamtan conjointement avec l'Institut de formation en développement économique communautaire. À 15 heures, nous allons reprendre avec la Confédération des syndicats nationaux; à 16 heures, avec le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec inc.; et, à 17 heures, l'Union des producteurs agricoles. La répartition est selon la même formule qu'hier. Les deux groupes, on vous invite à vous présenter.


Auditions


Chantier de l'économie sociale et Institut de formation en développement économique communautaire (IFDEC)

Mme Méthé (Marie-Hélène): Je suis Marie-Hélène Méthé, du chantier de l'économie sociale.

Mme Neamtan (Nancy): Nancy Neamtan, du chantier de l'économie sociale.

M. Beaudet (Jacques): Jacques Beaudet, de l'Institut de formation en développement économique communautaire.

M. Poirier (Yvon): Yvon Poirier, de l'IFDEC également.

Le Président (M. Gagnon): Nous y allons avec votre...

Mme Neamtan (Nancy): Si ça vous convient, on s'était entendu pour que M. Beaudet commence.

Le Président (M. Gagnon): Par l'Institut d'abord, allons-y!

Mme Neamtan (Nancy): Oui. Et je continue après; les questions, ensemble.

M. Beaudet (Jacques): M. le Président, depuis 1996, l'IFDEC s'est donné comme mission de jouer un rôle de carrefour des pratiques de développement économique communautaire et de développement local au Québec. Nous regroupons présentement la majorité des organismes et acteurs québécois impliqués dans le développement local au Québec. Pensons simplement aux CDEC, aux corporations de développement communautaire, aux sociétés d'aide au développement des collectivités, les SADC, aux entreprises qui sont membres du Collectif des entreprises d'insertion et aux nombreux membres de la Coalition de la main-d'oeuvre. Nous comptons aussi dans nos membres le Regroupement québécois des coopérateurs et des coopératrices du travail, la Fédération québécoise des coopératives de travail, les syndicats, le Regroupement québécois des villes et villages en santé ainsi que des universitaires. Au total, ce sont tout près de 200 organisations.

Notre présence, également, dans le Groupe de travail régions-municipalités lors des travaux du Sommet sur l'économie et l'emploi d'octobre 1996 a été l'occasion pour l'IFDEC de faire valoir le point de vue de nos réseaux membres. En effet, après les avoir consultés, nous avons déposé auprès de ce groupe de travail un mémoire reflétant les positions des praticiens du développement local québécois. Plusieurs principes que nous avons avancés ont inspiré les principes de base du rapport de ce groupe de travail.

En avril dernier, à la veille de la présentation publique de la Politique de soutien au développement local et régional , nous avons déposé à M. Chevrette un mémoire intitulé Pour des centres locaux de développement issus des forces vives du milieu . Ce mémoire était lui aussi le résultat d'une large consultation auprès de nos réseaux membres et partenaires. Nous avions jugé utile de présenter leur position car les rumeurs et fuites sur leur future politique nous inquiétaient. Dans ce mémoire, nous faisons valoir notre vision du développement pour les futurs CLD. Toutefois, en septembre dernier, lorsque le processus d'implantation a commencé à se mettre en place, plusieurs de nos membres nous ont fait part de problèmes de plus en plus importants: un manque de transparence dans le processus, plusieurs réseaux actifs en sont tenus à l'écart, et le manque de volonté des organismes impliqués dans la mise en place de bâtir un partenariat avec l'ensemble des forces vives intéressées à s'impliquer dans le développement de leur collectivité.

Tout de même, nous accueillons favorablement le principe général de la démarche qui, rappelons-le, est réclamée depuis plus d'une décennie par un grand nombre d'intervenants au Québec. Que le gouvernement du Québec reconnaisse que le développement local est un des instruments nécessaires pour le développement de notre société est pour nous un signe très encourageant. Notons au passage que, ainsi, l'État québécois s'inscrit dans une politique déjà reconnue officiellement et pratiquée dans un grand nombre de pays de l'OCDE.

Notre appréciation se fait à la lumière des positions que nos membres ont élaborées dans le passé. Dans notre mémoire d'avril dernier, Pour des centres locaux de développement issus des forces vives du milieu , nous avons énuméré 10 principes pour le fonctionnement des CLD: Un développement qui se fait de façon globale, un développement qui vise à contrer les inégalités socioéconomiques et à accroître et à partager les richesses, un processus d'implantation des CLD qui permet d'intégrer une vision différente et élargie du développement sur les territoires des MRC, un développement qui soutient et reconnaît la place de l'économie sociale, des CLD où les intervenants locaux ont un véritable contrôle sur le développement de leur collectivité, un développement participatif et démocratique laissant place à l'engagement de la société civile important, un développement qui vient reconnaître l'expertise des intervenants et l'engagement des acteurs locaux dans leur contribution, des CLD qui intègrent les forces vives du milieu: organismes communautaires, coopératives et syndicats, une représentation équitable des femmes dans le développement, un développement dans lequel se vit le partenariat.

(11 h 50)

En analysant la politique énoncée par le ministère à la lumière de ces principes, il est visible qu'on est, à plusieurs égards, sur la même longueur d'onde. Toutefois, nous estimons qu'il serait souhaitable que la politique, particulièrement dans son application, s'inspire d'une approche plus globale du développement, à l'exemple de très nombreuses expériences et politiques de développement local développées depuis plus de 20 ans dans la plupart des pays de l'OCDE. Nous pouvons dire qu'il y a deux approches de développement local. Une approche qu'on pourrait qualifier de développement économique, axée principalement sur des stratégies de croissance du PIB. C'est une vision du développement qui est largement dominante au Québec depuis des décennies.

Pourtant, force est de constater que cette vision économiste, avec un fort accent sur l'entrepreneuriat, n'a pas suffi à solutionner les problèmes d'emploi, de pauvreté, d'exclusion et d'exode rural que connaît le Québec depuis plus de 30 ans. Il y a les partisans d'une approche plus globale du développement des territoires qui ne sont pas nécessairement contre cet accent apporté sur le développement économique. C'est qu'ils affirment, et nous les rejoignons, que cette approche est incomplète et insuffisante. Elle doit intégrer l'ensemble des éléments de la vie locale, tels que la qualité de vie, articuler les liens entre le social et l'économique et donc s'appuyer sur la participation de l'ensemble des forces vives du milieu pour son développement. D'ailleurs le Mouvement Desjardins s'est donné une définition de développement local qui en est très proche, que vous pourrez lire à la page 11 de notre document; et, bien sûr, l'OCDE, dans son approche, prend aussi en compte le concept de l'approche globale.

Nous approuvons les intentions mises en avant dans la politique du ministère, qui vont dans le sens du développement de la concertation et de l'autonomie locale et des régions. Nous sommes malgré tout très préoccupés par les risques de dérapage qui apparaissent déjà. Nous souhaitons donc que le ministère se montre extrêmement vigilant à réduire ces risques, en particulier dans la phase qui s'avance de mise en application de la loi aux niveaux local et régional. Il y a des risques de réduction de la vision du développement à une vision strictement entreprises et affaires. D'ailleurs, disons-le, deux des quatre mandats sont consacrés à l'entrepreneuriat; un troisième est, lui, consultatif. Il y a le mandat n° 2, celui qui prévoit d'élaborer un plan d'action local pour l'économie et l'emploi, qui est, à notre avis, intéressant.

Nous sommes inquiets car une telle restriction risque de réduire le développement local à un service d'entrepreneuriat un peu élargi à l'économie sociale. Pensons que dans certaines MRC on ne fait que changer le nom de la corporation de développement économique en CLD. Ne nous méprenons pas. Tous considèrent qu'un service de soutien à l'entrepreneurship est un outil important pour le développement d'une collectivité. Cependant, les expériences dans les différents pays de l'OCDE ont démontré que dans l'équation du développement local l'entrepreneurship est une condition nécessaire mais non suffisante.

En page 18 de l'énoncé de sa politique, on retrouve ce que serait le futur plan local d'action. Nous le trouvons intéressant, mais nous sommes surpris et déçus que le guide d'implantation et le projet de loi soient muets sur cette conception du plan local d'action. De plus, nous questionnons sur ce que seront les moyens d'action dont disposeront les CLD pour la mise en oeuvre du plan après son élaboration. Nous ne pouvons croire que le soutien à l'entrepreneurship puisse être le seul moyen dont disposeront les CLD pour mettre en oeuvre un tel plan d'action.

L'ajout de l'économie sociale, bien que pertinent et porteur d'une ouverture importante à des projets novateurs par et pour les milieux, n'est pas suffisant pour produire une réelle dynamique de développement local de la communauté locale. Nous trouvons qu'il n'y a pas une adéquation suffisante entre les principes énoncés dans la politique elle-même et les mandats des CLD. Il y a des risques de déséquilibres dans les partenariats qui s'organisent.

Dans un grand nombre de MRC et dans certaines municipalités des communautés urbaines, les milieux municipaux considèrent que les CLD leur appartiennent car la loi leur fait obligation de participer au financement. Ainsi, les maires et préfets en revendiquent le contrôle direct ou indirect. Dans bien des cas, ils ont décidé qu'ils occuperaient 50 % des sièges.

À l'inverse, dans les lieux où il existait déjà des habitudes de collaboration, principalement dans les corporations de développement économique et communautaire de Montréal et de Québec, il y a une volonté des municipalités et des milieux de continuer sur la même voie avec un type de partenariat plus équilibré.

À ce titre, nous recommandons que soient reconnues et encouragées de telles pratiques de partenariat. Nous vous proposons que soit confié aux organismes «partenariaux», comme les corporations de développement économique et communautaire, l'exercice des fonctions des CLD dans leur milieu respectif. D'après nous, il y a un risque de marginalisation, voire de non-participation d'une part importante des forces dynamiques du milieu.

Imaginez un instant comment ça peut être démotivant et démobilisant de s'impliquer quand on se fait dire carrément: Ça ne vous concerne pas. Selon nous, il serait extrêmement dommageable que ces forces dynamiques et créatives dans leur milieu, qui sont souvent à l'origine de projets très profitables à la communauté, ne puissent participer de plein droit à son propre développement.

M. Poirier (Yvon): On va formuler maintenant des recommandations sur, d'abord, le mandat des CLD. Comme on l'a dit précédemment, il y avait deux types de développement: un strictement ou presque exclusivement entrepreneurial et un plus large. Nous, ce qu'on dit, c'est que même si nos membres, en majorité, préfèrent une approche plus globale, c'est qu'on ne veut pas l'imposer. C'est à chaque localité de choisir elle-même le type de développement qu'elle désire privilégier, dans un cadre suffisamment souple. Ce qu'on dit, c'est que chaque milieu doit être capable de dire: Chez nous, ce qu'il faut, c'est l'entrepreneuriat. Tu as l'autre milieu où, comme on le dit plus loin dans le texte, il y a plus, par exemple, d'assistés sociaux, de personnes en chômage, moins scolarisées; ce n'est pas évident que l'entrepreneuriat va être la solution. Donc, il faut laisser chaque milieu prendre l'approche qu'il privilégie. Donc, on veut plus de souplesse, autrement dit.

Deuxième recommandation, qui est à la page 19 de notre mémoire. On précise que le mandat des CLD devrait avoir de la souplesse et, à ce titre, pour réaliser ça, on pense qu'il y avait des éléments intéressants dans le plan d'action qui pourraient être intégrés dans le mandat des CLD, par exemple: diagnostic du milieu, vérifier c'est quoi qui serait le plan d'action que la communauté devrait se donner. Ainsi, tel milieu pourrait faire de l'entrepreneuriat individuel ou collectif sa priorité et y consacrer l'essentiel de ses énergies. Dans tel autre, ça pourrait être, par exemple, une façon de travailler avec l'ensemble de la communauté. Je pourrais vous donner des exemples tantôt, si vous voulez. Autrement dit, il faut que le tissu social soit propice à l'entrepreneuriat. Alors, c'est une citation qu'on vous donne: «Pour que les graines de l'entrepreneuriat germent et poussent, il faut d'abord rendre le terrain fertile.»

La mobilisation des forces vives du milieu. Ce qu'on dit, c'est que si le gouvernement du Québec veut que les milieux se donnent leurs projets de développement, il faut que l'ensemble des forces du milieu puisse y participer. C'est tellement d'ouvrage, tellement d'efforts qui sont nécessaires que les milieux n'ont pas le choix d'utiliser toutes les forces qui sont disponibles dans le milieu.

Donc, dans ce sens-là, on dit qu'il faut être prêt que le CLD accepte comme membre tout organisme qui désire s'impliquer. On ne devrait pas en refuser comme on semble le faire maintenant. Et nous proposons que soient conçus des collèges électoraux – on a su que c'était la volonté du gouvernement, mais on insiste – pour les catégories d'organismes présents afin de désigner des membres qui les représenteront au conseil d'administration, et non pas qu'ils soient désignés par d'autres.

À titre d'exemple, on vous donne qu'il y a déjà des milieux prévus: les affaires, le commerce, le milieu municipal, communautaire, etc., mais on dit aussi que les milieux environnementaux pourraient être présents. Par exemple, avec le développement durable, qui est une politique maintenant qui est retenue dans tous les pays, il nous semble évident que les groupes environnementaux, ils auraient leur place là pour faire valoir ce point de vue là. Le milieu de la culture, des loisirs, de l'agriculture, ainsi de suite.

Aussi, on trouve que, par exemple, les jeunes pourraient être présents. À ce titre, on appuie la recommandation du Conseil permanent de la jeunesse qu'il y ait des places «Jeunes». Par exemple, il y a aussi la question de la présence des femmes. C'est à titre indicatif, pour vous montrer que si, dans un milieu, un groupe veut participer au développement de son milieu, il faut lui faire de la place. C'est notre point de vue.

(12 heures)

Maintenant, ce qui est peut-être une question qui est un peu plus difficile, ou qui est peut-être une patate chaude: C'est la place du milieu municipal dans les CLD. D'abord, nous réitérons qu'il est essentiel que le milieu municipal s'implique dans le développement local. Ça, ça va de soi. Cependant, quant à nous, il n'est pas nécessaire qu'il en détienne le contrôle. On sait que ça ne sera pas facile, parce que c'est une façon différente d'aborder les choses. Ce n'est pas habituel que le milieu municipal s'assoie dans tous les milieux, avec le milieu communautaire, les milieux syndicaux, etc., puis ensemble dire: Qu'est-ce qu'on fait pour développer notre milieu? Mais on pense que ça peut s'apprendre. Et, dans ce sens-là, il y a déjà des exemples, au Québec, où le milieu municipal, soit dans le territoire des corporations de développement économique et communautaire ou dans certains des CADC, où on a fait cet apprentissage-là. Donc, nous, on suggère que le milieu municipal adopte une approche partenariale et non pas de contrôle, car une des conditions essentielles au succès de la dynamique locale de développement, c'est que les municipalités interviennent ainsi.

La troisième recommandation – on va aller vite parce qu'on manque de temps – on suggère à tous les milieux – je suis à la page 23 – pourquoi ne pas, sur chaque territoire, réunir toutes les forces du milieu puis dire: Qu'est-ce qu'on ferait pour notre milieu? Donc, je dis bien «toutes les forces de notre milieu». Donc, des genres d'états généraux ou des colloques où on regroupe tout le monde, comme ça se fait dans certains endroits actuellement.

On dit aussi, la quatrième recommandation, qu'il faut s'appuyer sur ce qu'il y a déjà en place. On a déjà parlé des CEDEC. Exemple, des SADC. On sait que ça prend une entente entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, mais, en attendant qu'il y ait une entente, il est prévu qu'il y ait des collaborations possibles pour éviter des dédoublements. Dans certains milieux, on refuse même d'envisager cette possibilité. Donc, nous, on trouve que ce n'est pas la bonne façon.

On pense – ça va être notre dernière recommandation – qu'à la lumière de ce qu'on a vu, à la lumière des difficultés qu'il y a sur le terrain, que ce soit pour les fonctionnaires, le milieu municipal, le milieu communautaire, le milieu des affaires, les syndicats, les CRD, les centres locaux de l'emploi, on est en train d'installer quelque chose de nouveau. On va asseoir tout ce monde-là, qui n'était pas habitué nécessairement de travailler ensemble, on les assoit ensemble pour développer leur milieu. Alors, ce qu'on dit, c'est que c'est comme une révolution, finalement, dans le fonctionnement.

Donc, on dit: Pour aider à solutionner les problèmes qu'il va y avoir en cours de route – c'est notre dernière recommandation – on recommande au gouvernement du Québec de mettre en place une commission consultative ou un comité quelconque auprès du ministre des Régions puis, éventuellement, du ministre de la Métropole afin de faire régulièrement avec eux l'analyse des conditions de mise en place des CLD et des CRD, proposer des ajustements, solutionner des problèmes qui vont se présenter en cours de route. Donc, nous, on trouve que ça serait une façon où les acteurs terrain de tous les milieux – communautaires, syndicats, municipaux – pourraient, avec le ministère, trouver des solutions pour améliorer la mise en place de la politique. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Alors, je prends la parole, au nom de Chantier de l'économie sociale, comme quelqu'un qui s'implique depuis 15 ans dans le développement local. Vous comprendrez que j'aurais eu beaucoup d'autres choses à dire, mais je vais me concentrer sur la question de l'économie sociale au coeur du développement local.

Tout d'abord, nous tenons à souligner la volonté déclarée et le courage politique du ministre Guy Chevrette pour avoir nommément inscrit à l'ordre du jour de son ministère l'économie sociale, d'abord dans l'ouverture exprimée par le Secrétariat au développement des régions, tant au niveau national que régional, ensuite dans la Politique de soutien au développement local et régional , et maintenant dans le projet de loi sur le ministère des Régions. Il est évident que la voie de la facilité aurait été de concentrer les efforts de décentralisation et de soutien au développement local à des acteurs traditionnels du développement économique. Il aurait sûrement été moins complexe de continuer à soutenir par les moyens usuels les efforts de création d'emplois dans les collectivités locales en maintenant la dissociation habituelle entre le développement économique et le développement social. Mais l'urgence de la situation économique et sociale dans les collectivités à travers le Québec nous interpelle tous et toutes et exige que nous sortions des sentiers battus pour tenter de développer le Québec autrement. Nous reconnaissons la volonté du ministre de vouloir supporter un développement englobant les préoccupations de l'ensemble des acteurs et nous l'encourageons à ne pas déroger à cette volonté.

À l'occasion de cette commission, nous tenons à souligner que les régions et la régionalisation ont toujours été au coeur de nos travaux, de nos préoccupations, au niveau du Chantier de l'économie sociale. Dans le cadre de la préparation du sommet, nous avons entrepris une démarche basée sur la mobilisation locale et régionale. Nous avons fait appel à des gens à travers le Québec: nous avons mis en place des mécanismes de liaison régionaux, nous avons effectué une tournée dans quelque 12 régions du Québec, nous avons demandé à des gens de toutes sortes de milieux de nous apporter leurs idées et leurs projets, et ils ont répondu avec imagination, enthousiasme et pragmatisme. C'est à cause de tout ce travail-là que nous avons pu déposer le rapport Osons la solidarité lors du Sommet, qui a permis la mise en chantier de plus de 23 projets d'économie sociale dans des secteurs aussi diversifiés que la forêt, l'habitation sociale, l'agriculture, les services d'aide domestique, les services de garde à la petite enfance, la culture, les coopératives funéraires, et j'en passe.

Mais, au-delà de la mise en marche de ces projets créateurs d'emplois, le chantier s'est aussi donné comme mandat de définir les moyens concrets, de soutenir l'accroissement, la capacité d'initiative de l'économie sociale pour lui donner une impulsion nouvelle et durable. Quelles sont ces conditions de réussite? Par définition, l'économie sociale se base donc sur une prise en charge par les collectivités elles-mêmes des réponses aux besoins socioéconomiques et culturels qui les confrontent. C'est donc aux instances régionales et locales que revient la responsabilité de prioriser les interventions à partir de leur propre réalité et leurs propres besoins. À cet effet, le Chantier de l'économie sociale, conscient de l'importance de bien outiller les personnes et les collectivités pour réaliser ces activités, a proposé un plan d'action afin de créer des conditions de réussite du développement de l'économie sociale dans toutes les régions du Québec.

Rapidement, il s'agit ici d'une reconnaissance collective de l'économie sociale, de son apport au développement du Québec, la reconnaissance et la consolidation d'organismes existants, l'accroissement des mesures de soutien à l'entrepreneurship collectif, la création d'outils de financement appropriés, le développement de mesures de formation adaptées et l'adaptation de programmes et mesures gouvernementaux aux besoins de l'économie sociale.

Depuis le Sommet, le Chantier travaille activement avec ses partenaires afin de réaliser son plan d'action. Bien qu'il reste encore beaucoup à faire, le travail porte déjà des fruits et la mobilisation des acteurs à travers le Québec n'a pas diminué en intensité. Soulignons la mise sur pied du Fonds de développement de l'économie sociale en partenariat avec l'entreprise privée et les institutions financières, la création d'un comité sectoriel en formation, la réalisation d'un ensemble de projets, et j'en passe.

Donc, la mobilisation se poursuit. Et, en réponse d'ailleurs à cette volonté clairement exprimée de continuer le développement de l'économie sociale, on a organisé, le 13 novembre dernier, une rencontre à laquelle participaient quelque 200 personnes de toutes les régions du Québec impliquées dans le développement régional et local et nous avons convenu avec eux d'une façon de travailler conjointement dans les prochaines années. Vous trouverez la proposition en annexe.

Il est donc évident que l'avenir du développement de l'économie sociale est intégralement lié au développement régional et local. À cet égard, nous avons donc accueilli avec enthousiasme la Politique de soutien au développement local et régional , qui apparaissait comme un outil ouvert sur le développement de l'économie sociale.

Malheureusement, le projet de loi qui est devant nous apparaît à bien des égards beaucoup plus limitatif dans l'expression de la mise en place des conditions nécessaires au développement de l'économie sociale. Donc, nos commentaires visent à rétablir les conditions que nous considérons essentielles pour atteindre l'objectif que nous partageons avec le ministre, à savoir: l'intégration de l'économie sociale dans la réalisation de la politique de développement régional et local.

Si l'on revient à la politique – et vous pouvez le trouver à la page 7 de notre mémoire – on avait identifié la création des comités régionaux de développement de l'économie sociale, ce qu'on appelle des CRES, avec des mandats d'élaborer, dans la planification stratégique, le volet consacré à l'économie sociale, de veiller à ce que les représentations des intervenants en économie sociale dans les centres locaux de développement soient assurées et de favoriser, dans le fond, la concertation entre tous les intervenants dans la région.

Forts de cette reconnaissance, lors du dépôt de la politique, les acteurs de l'économie sociale ont investi temps et énergies dans l'élargissement de ces CRES et dans le développement de synergies au niveau régional. Au cours de la prochaine année, ils se préparent à assumer pleinement leur mandat tel que défini dans notre texte et dans la politique. Et nous, comme j'ai dit, on apporte un soutien à ces travaux-là.

Malheureusement, nulle part dans le projet de loi nous ne retrouvons une quelconque référence à ces comités qui sont pourtant essentiels et pertinents. Nous croyons qu'il est toujours essentiel que les comités régionaux, maintenant élargis et représentatifs de tous les secteurs socioéconomiques régionaux, jouent un rôle important en tant que comité aviseur des conseils régionaux de développement dans l'accréditation des CLD.

Compte tenu de la rapidité de la mise en application de cette politique et la méconnaissance des acteurs traditionnels dont mes collègues viennent de faire part, de la réalité des organismes et entreprises d'économie sociale dans plusieurs régions, les CRES doivent jouer un rôle important afin d'assurer une présence significative de l'économie sociale et veiller à ce que les nominations des représentants témoignent véritablement des réalités pluralistes des acteurs de l'économie sociale au sein des conseils d'administration des CLD.

Nous recommandons que le rôle et les mandats des CRES soient explicités clairement dans la loi et que des moyens concrets soient mis à leur disposition afin qu'ils puissent réaliser pleinement leur mandat.

(12 h 10)

Le deuxième point: assurer les moyens de la participation. La réussite d'une politique de développement local est conditionnelle à une participation active de l'ensemble des acteurs socioéconomiques. Les acteurs de l'économie sociale, les organismes communautaires en particulier, apportent une contribution importante. Dans le contexte actuel, il est important de s'assurer que ces organismes aient les moyens adéquats de participer pleinement au développement, en commençant, bien sûr, par la consolidation même des groupes existants. Au-delà du rôle essentiel que jouent ces organismes, ils servent aussi souvent de tremplin au développement de nouvelles initiatives créatrices d'emplois. Comment demander à des groupes en précarité financière quasi constante de participer au développement de l'économie, aussi sociale soit-elle? De plus, qu'on reconnaisse formellement ces organismes en les inscrivant à l'ordre du jour du partenariat est un acquis fort appréciable; cependant, il serait tout aussi important que l'on reconnaisse financièrement les coûts inhérents à la concertation et au partenariat.

Nous recommandons que le ministre des Régions assure que les moyens financiers adéquats soient mis à la disposition des acteurs de l'économie sociale afin de supporter leur pleine participation aux structures de développement.

Troisième point: les ressources techniques adaptées aux réalités de l'économie sociale. L'article 13 du projet de loi accorde à chaque CLD le mandat de regrouper, de coordonner et de financer les différents services d'aide à l'entreprenariat. Chaque centre doit également élaborer une stratégie en matière de développement de l'entreprenariat, y compris l'économie sociale.

Des ressources techniques adaptées aux réalités particulières de l'économie sociale sont des éléments essentiels et fondamentaux dans une stratégie de développement de l'économie sociale au Québec. Il est impossible d'imposer mécaniquement les mêmes structures et outils de soutien que ceux qui servent au développement de la PME au Québec. Les étapes de développement des projets d'économie sociale sont différentes et exigent une expertise spécifique: celle d'accompagner ces entreprises du début jusqu'à la fin en termes d'orientation, de formation des promoteurs et d'adaptation des outils économiques aux objectifs sociaux. Pour ce faire, il existe au Québec, et ce depuis plusieurs années, des ressources techniques issues du milieu, notamment des corporations de développement économique et communautaire – des CDEC – des groupes de ressources techniques en habitation, des corporatives de développement régional et plusieurs autres ayant développé, chacune à leur façon, une expertise particulière qui doit être mise à contribution et dont les services devraient également être financés adéquatement.

Nous recommandons que les ressources techniques spécialisées en économie sociale soient donc reconnues, adéquatement financées et mises à contribution dans la réalisation des mandats des CLD dans le champ de l'économie sociale.

En conclusion, dans la courte période de temps mise à notre disposition pour préparer cet exposé, nous n'avons pas pu approfondir l'ensemble des espoirs et des inquiétudes que soulève ce projet de loi auprès des acteurs de l'économie sociale. Notre espoir repose sur notre conviction profonde que les valeurs et les objectifs des acteurs de l'économie sociale sont partagés par une grande partie de la population québécoise et que, tôt ou tard, l'économique et le social deviendront indissociables. Nos inquiétudes reposent sur le constat que l'intégration de ces réalités est encore loin d'être un réflexe naturel pour un bon nombre d'acteurs régionaux et locaux et que le choc des cultures sera difficile au cours des prochaines années. Mais le changement ne se fait jamais sans réaction, sans douleur.

Nous tenons à remercier le ministre de sa détermination d'intégrer les perspectives de l'économie sociale dans sa politique, tout en l'invitant à s'assurer que les moyens soient pris pour que cette intégration soit réelle, significative et durable.

Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Pour la balance du temps, ce sera réparti à parts égales entre les deux formations politiques. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, merci. On est porté, dans un premier temps, à parler du dernier mémoire, quand vous êtes deux. Mais je vais essayer de garder du temps pour les deux.

Dans un tout premier temps, je voudrais remercier très sincèrement Mme Neamtan pour ses paroles encourageantes. C'est vrai que ç'a été difficile. On ne le cachera pas, là. Quand on taille dans le neuf, on dérange beaucoup de monde. C'est tellement difficile que, même ce matin, je ne suis pas sûr que le D.G. de l'UMRCQ n'est pas en train de demander ma démission à M. Bouchard! C'est la rumeur qui court. Il fait le tour des trésoriers pour essayer d'avoir une résolution contre moi parce que j'ai été trop franc. Mais je dois vous dire que je ne changerai pas de cap, parce que, pour moi, un emploi dans l'économie traditionnelle ou un emploi dans l'économie sociale, c'est un emploi, c'est une personne de plus qui travaille dans notre société, c'est une personne de plus qui a retrouvé la fierté du travail. Et ça, ça m'apparaît indispensable que, comme société, on apprenne très facilement à faire cohabiter l'économie sociale et l'économie traditionnelle. Si on n'est pas capable de faire ça, une société, là...

Quand j'apprends, par exemple, qu'un préfet de la Gaspésie – Dieu sait comment il peut connaître le nombre d'assistés sociaux ou encore de chômeurs! – se bidonne en disant «l'économie sôciale», pour faire rire la galerie, puis c'est vice-président de l'UMRCQ, je vous avoue que ça ne m'épate pas. Puis c'est les premiers qui sont à quatre pattes devant moi, par exemple, pour signer un projet d'emploi municipal pour faire travailler ce monde-là. Vous voyez l'incohérence de gens, dépendant de la galerie devant laquelle ils sont! Il y en a qui n'ont jamais le même discours, dépendant où ils se retrouvent. Il y en a que c'est sur une base linguistique qu'ils changent de discours, d'autres sur une base, tout simplement, du milieu social. J'essaie d'être le plus constant et le plus cohérent possible.

Je vous dirai que votre mémoire est rafraîchissant parce que vous montrez de façon très précise tout le potentiel, la possibilité, le dynamisme qui peuvent être exprimés si on sait les canaliser. C'est ça qui est important. On a eu la preuve au Sommet, on vous a vus travailler. C'est un peu la même chose pour le mémoire, également, de l'IFDEC, et vos inquiétudes sont probablement fondées, en plus, en particulier si on regarde Montréal. On a vu les maires de banlieue venir hier soir, et je vous avoue que ça n'a pas l'air mûr pour une action très rapide. Effectivement, le modèle montréalais n'est pas encore conçu. Ce que j'ai compris hier soir, c'est qu'il n'est même pas discuté, en plus, et ça, ça m'inquiète beaucoup plus. Je devrai, avec mon collègue le ministre de la Métropole, m'asseoir très rapidement pour qu'il fasse la proposition carrément d'un modèle, que je ne veux pas calquer ou plagier sur les autres. Qu'il soit propre et typique à Montréal, avec les problèmes que Montréal peut rencontrer.

Quant à la présence des élus municipaux, je n'ai pas voulu qu'il y ait un groupe majoritaire, vous le savez. Je n'ai pas dérogé de ça, en plus, et je crois que c'est la meilleure façon d'apprendre à cohabiter, en ne mettant pas un groupe majoritaire, parce que, si on met un groupe majoritaire, je peux vous dire que ça va éteindre les dynamismes de plusieurs personnes ou groupes qui vont se sentir minoritaires et qui ne voudront plus participer. C'est le dynamisme de chacun des groupes qui fait qu'à un moment donné ils peuvent faire des alliances, ils peuvent développer des affinités. Sinon, si on met un groupe majoritaire, c'est fini. Je sais ce qui va se produire. D'ailleurs, je pense que j'aurai une pas pire proposition, parce que j'ai proposé, hier, que ça soit une représentativité au pourcentage de la participation financière du monde municipal. On va voir ce que ça va donner. Je me suis rendu compte que dans bien des endroits où on réclame 50 %, on va participer à 10 % à 15 % ou à 20 %. Donc, je vais regarder ça. Et, sur 96 municipalités, il y a cinq MRC seulement. Cinq MRC seulement qui paieraient plus que le gouvernement. Donc, vous pouvez voir que ce n'est pas dramatique, si on regarde ça froidement, au niveau de l'accréditation, ce qu'on pourra faire.

Mais je vais vous poser deux questions, une à chacun. À Mme Neamtan, d'abord, vous demandez de préciser, dans le projet de loi n° 171, le mandat des CRES. Comment vous conciliez ça avec le fait que vous vous considérez comme une commission régionale affiliée au CRD, par rapport à la demande que vous faites?

À votre collègue, la question est la suivante: C'est la présence de la société civile. J'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus, que vous me donniez un peu plus de jus. Parce que là ils pensent qu'on est en train de réinventer le monde. J'aimerais ça vous entendre.

(12 h 20)

Mme Neamtan (Nancy): Essentiellement, ce qu'on aurait espéré voir, pour la question posée sur les CRES, c'est que la section II de la loi parle du rôle des CRD; dans ce contexte-là, il aurait été possible – en tout cas, je ne suis pas une experte en loi – mais sans doute avoir un article qui nommément reprend les éléments qui étaient très explicites dans la politique. Dans le fond, on aurait espéré voir une conformité entre ce qui est à la page 27 de la Politique et ce qui est dans la loi au niveau des CRD. Sinon, le danger, toujours, c'est qu'il n'y ait pas cette reconnaissance dans la loi. Mais ça va être facile, avec le temps, d'écarter le rôle des CRES; et on continue à penser encore, pour les prochaines années... continues, comme on dit, du choc des cultures, ce que ça représente, que ça prend, au niveau régional, une préoccupation claire, identifiée et indéniable, c'est-à-dire que les assises ne sont pas encore assez solides pour pouvoir permettre de se sentir à l'aise et de prendre comme acquis que la réalité de l'économie sociale va être présente, si elle n'est pas inscrite dans la loi.

J'ai juste un commentaire, M. Chevrette, sur Montréal. Je ne peux pas m'empêcher. Il y a beaucoup de discussions, à Montréal, parce qu'il y a beaucoup de monde qui fait du développement local depuis longtemps. Au niveau de la ville, on espère que ça avance. En banlieue, c'est sans doute un peu plus difficile parce qu'ils commencent. Ha, ha, ha! Mais je laisse...

M. Chevrette: À Montréal, je vous ferai remarquer que, contrairement à la réforme Picotte, on n'a pas appliqué «bébêtement», cette fois-ci...

Mme Neamtan (Nancy): Absolument...

M. Chevrette: ...un 3 000 000 $, quel que soit le nombre de la population, quel que soit l'état de pauvreté, quel que soit l'état de chômage. On a pris les trois grands critères qui, à mon point de vue, collent à des réalités. Ça donne 14 000 000 $, effectivement, à Montréal. Sauf qu'à Montréal, à cause de circonstances que vous connaissez, c'est le ministre responsable de la Métropole qui est chargé de présenter le modèle montréalais. En donnant 14 000 000 $, d'autre part, sachant que la ville, ou la Communauté, donne 28 000 000 $, le problème, c'est que le 28 000 000 $ est tout injecté dans des structures existantes. Soit dit en passant, il doit même y avoir du paramunicipal dans ça.

Je voudrais savoir, moi... Ce n'est pas à moi à discuter comment l'arbitrage va se faire. Mais vous comprendrez que 14 000 000 $ doit être capable d'aller chercher, pour fins du développement local, une portion de ce 28 000 000 $ là, pour faire un pool suffisamment intéressant pour créer des emplois à Montréal.

Si les villes ou les autorités municipales se battent à mort pour garder leurs structures existantes puis qu'il n'y a pas de l'argent pour le développement local, pour être cohérent avec ce que j'ai dit au Sommet, je ne peux pas laisser de l'argent s'il ne vient pas de l'argent en contrepartie. C'est aussi simple que ça, et vous comprenez.

M. Poirier (Yvon): Pour répondre à votre question sur la société civile, d'abord, c'est clair qu'on entend la société, finalement, qui est autre que politique. Mais je vais vous raconter une petite histoire qui était dans la revue Économie locale et territoire , l'an dernier. En même temps, ça va parler du milieu municipal.

À Saint-Ubald, dans Portneuf, il y a un an et demi, le gérant de la caisse populaire, il s'aperçoit qu'il y a moins de monde qui construit, qu'il y a des gens qui quittent le village, qui s'en vont à Québec ou ailleurs. Il a avisé la municipalité qu'il y avait un problème là. Le maire et les conseillers se sont dit: Il faut faire quelque chose pour notre village. Sinon, on est en péril.

Au lieu de dire: On va mettre en place un service qui va essayer d'attirer des entrepreneurs, ils ont assis 40 à 50 personnes qui se sont réunies pendant un an. Ils ont dit: Qu'est-ce qu'on ferait pour notre municipalité? Donc, la caisse populaire, peut-être le curé, peut-être le directeur de l'école, tout le monde s'est assis et, après ce processus-là, d'un an, là il a commencé à apparaître, finalement, des entreprises. Il y a des gens qui se sont lancés en affaires. Ils ont dit: Mais on ne se serait pas lancé en affaires si on ne s'était pas parlé, si on ne s'était pas assis pour dynamiser le milieu, finalement, développer les contacts et faire un milieu dynamique qui se prend en main.

Dans ce sens-là, il ne faut pas en exclure. Dans la société civile, ce seraient tous les organismes du milieu qui diraient: Nous, le développement de notre milieu, il est important, contrer l'exode des jeunes vers les centres urbains, contrer tous les problèmes qu'on connaît. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Société civile, toutes les forces du milieu, c'est essentiel, pour nous.

M. Beaudet (Jacques): Et pour compléter, je vous dirais... et, tantôt, M. Chevrette nous disait: Bon, effectivement, il n'y a aucun groupe qui aura la majorité. Mais, pour nous, quand on lit: Un développement participatif et démocratique laissant place à l'engagement de la société civile, dans un des principes de fonctionnement des CLD, c'est plus que ça. Et on est inquiet. Bien sûr que, si les municipalités demandent 50 %, on peut bien leur donner 35 % ou 40 %, s'ils participent, bon. Si la proposition de M. Chevrette était acceptée, ils participent à 35 % financièrement, ils ont 35 %. Mais il faut voir que ce ne sont pas des conseils d'administration, en tout cas, je n'imagine pas, et d'après tout ce que j'ai lu, ça ne sera pas des conseils d'administration de 200 personnes.

Donc, imaginons, dans un conseil d'administration de 16 personnes, il y en a huit qui représentent les élus municipaux, ou 50 %, ou il y en a six; ça veut dire que, pour tout le reste de la population et tous les autres groupes, ça veut dire syndicats, groupes communautaires, les groupes de femmes, les jeunes et les gens d'affaires, bien sûr, et tout ce monde-là, il leur reste aussi juste huit sièges à se séparer, entre tous ces différents groupes là.

Donc, il faut permettre, dans les CLD, que ces groupes-là puissent s'y intégrer et il faut faire comprendre – je ne sais pas comment – aux municipalités que ce n'est pas important qu'ils aient huit sièges sur 16. S'ils en ont juste deux, c'est bien correct comme ça. Les 14 autres, ce n'est pas du monde qui vient de la planète Mars. Il faudrait que les préfets puis que les maires comprennent que c'est du monde de leur région, de leur coin de pays, crime! puis ils vont le développer, eux autres aussi. Ce ne sont pas des imbéciles, ce monde-là. Ils sont capables de driver des affaires. Donc, c'est un peu dans ce sens-là que je me dis: Il faut faire attention et, si on veut faire de la place à la société civile, il faut que le municipal accepte d'en prendre un peu moins. Bien sûr que, si les autres ne veulent pas prendre la place, ils la prendront.

M. Chevrette: Ça, c'est vrai que la nature a horreur du vide. Ça, vous avez absolument raison. Sauf que depuis, je crois, deux ans et demi, on essaie de faire comprendre que le développement économique et le développement de l'emploi, ce n'est pas l'apanage exclusif des députés, ça, ni d'un ministre, ni d'un maire, ni d'un conseil municipal. C'est la conjugaison des efforts de tous ceux et celles qui dans une région, ou dans un territoire de MRC, ou vous pouvez aller dans une municipalité, tous ceux et celles qui ont intérêt à développer l'économie et l'emploi. Entre vous et moi, là, pour créer des emplois, pour créer des entreprises, pour créer des industries, ça prend d'abord des promoteurs. On «peut-tu» suivre une certaine logique? Ça prend du monde qui ont le goût d'entreprendre quelque chose, des entrepreneurs. Et ça, je pense, c'est bien plus important qu'un ministre, qu'un député, qu'un maire, ou qu'un conseiller, ou qu'un échevin ou une échevine. Ça prend d'abord des entrepreneurs, qu'il soit tout seul ou collectif. Après que tu as compris ça, là, puis que tu dis: Il y a des travailleurs dans ça. Puis si on développe une mentalité, à part de ça, employeurs et travailleurs, on contribue à créer une chimie bien différente de celle qu'on a connue dans le passé, vous avez raison.

Puis là on dit: Ça nous prend une main-d'oeuvre qualifiée. Bien, pourquoi ne pas mettre l'institutionnel? Plutôt que d'avoir des commissions scolaires qui sont dans leur tour, qui attendent: Dites-nous ce qu'il faut faire, dans quels secteurs il faut former, s'ils sont à la table avec les entrepreneurs puis les travailleurs puis qu'ils se font dire: Ça nous prend des techniciens, on a un projet, puis ça nous prend 14 techniciens spécialisés, ça va aller pas mal plus vite si l'institutionnel est là. Si on a du monde du coopératif – parce que dans certains milieux ça pullule de coopératives – s'ils sont présents dans le milieu puis qu'ils veulent en développer, c'est important qu'ils soient là. C'est important qu'on maintienne l'esprit entrepreneurial des jeunes et des femmes qui, de plus, demandent une présence. Vous avez absolument raison. Je l'ai dit dans ma conférence de presse, je l'ai répété à l'ouverture, hier.

Moi, je pense que lorsqu'on aura compris, tout le monde – au niveau national, je pense que les députés l'ont compris, des deux côtés de la Chambre, au niveau municipal, je suis moins sûr que c'est compris actuellement – que c'est les forces vives du milieu qu'on veut réunir dans une structure parce qu'ils sont intéressés au développement de leur petit coin de pays, là, c'est sur eux autres qu'on compte pour entreprendre des actions, faire la promotion de l'entrepreneurship, créer des projets, en susciter, des projets, faire des montages financiers, faire des plans d'action, se donner des objectifs de création d'emplois, travailler pour le réussir, à ce moment-là, ce qu'on appelle les «power trips» en anglais, mais en français, les luttes de pouvoir, elles tombent. Parce que, si ton CLD réussit bien, tu es fier comme élu municipal, tu es fier comme député, tu es fier comme ministre, tu es fier comme gouvernement, tu es fier même comme opposition de voir que ta région se développe bien puis que ton petit coin de pays se développe bien.

Je partage entièrement votre point de vue, et criez-le donc haut et fort! Vous allez peut-être contribuer à changer des mentalités.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Richmond.

(12 h 30)

M. Vallières: Oui. Merci, M. le Président. Vous me permettrez, d'entrée de jeu, de féliciter ceux qui ont présenté les mémoires pour la qualité exceptionnelle qu'on retrouve dans les documents, compte tenu du peu de temps que vous aviez pour vous préparer à cette commission. Évidemment, plusieurs avenues sont suggérées dans... D'abord, des questions sont posées puis des avenues sont suggérées. C'est ce qui me paraît être intéressant dans ce que vous nous proposez.

Vous me permettrez d'abord de revenir sur toute la question de l'approche que vous proposez. Un peu partout on sent, à l'intérieur de votre document, un questionnement très sérieux sur le processus d'implantation des CLD. On a retrouvé, entre autres, hier, Solidarité rurale aussi qui est venu nous dire que, finalement, l'approche entrepreneuriale et économique qui était véhiculée, en tout cas qu'on sent dans le projet de loi, ferait en sorte qu'on pourrait manquer la cible. Et j'ai souventefois indiqué que généralement on est très favorable à des objectifs louables que l'on retrouve à l'intérieur d'un projet de loi, de ce côté-ci de la Chambre comme de l'autre côté, mais trop souvent les moyens qu'on se donne pour atteindre nos objectifs ne sont pas nécessairement les meilleurs, ce qui fait qu'en bout de piste – on regarde ça au bout de deux ou trois ans des fois – on dit: Non, vraiment, ce n'est pas ça qu'on voulait faire. D'où l'importance des témoignages comme les vôtres, je crois, qui vivez sur le terrain, afin que le législateur, quand il va prendre sa décision ou qu'il va tenter d'améliorer certains éléments du projet de loi que nous avons, agisse de la façon la plus éclairée possible.

Alors, vous me permettrez, sur une des parties de votre mémoire... Vous parlez souvent de risques qu'encourt l'adoption du projet de loi dans son état actuel. Aux pages 18, 19, plus particulièrement, de l'un des mémoires, présenté par M. Beaudet, il y a un constat qui est fait, qui est très direct mais qui est honnête aussi en même temps, qui nous dit que vous trouvez que ce qui est présenté, dans le fond, ressemble beaucoup à du mur-à-mur. L'approche comme telle. Vous nous dites préconiser que chaque communauté locale choisisse elle-même le type de développement qu'elle désire privilégier dans un cadre suffisamment souple. Dans sa formulation actuelle, la politique semble privilégier un modèle uniquement axé sur le développement principalement économiste, voire affairiste, du développement des territoires. On a également l'impression que c'est un modèle qui vient d'en haut, comme un cadre, un programme mur à mur auquel les milieux devraient s'ajuster. Solidarité rurale nous parlait de l'État qui est en train de tisser une toile d'araignée, puis que c'est l'État qui est en haut de la toile puis qui dirige tout ce qui se passe, du haut vers le bas. Ça correspond grosso modo à l'analyse qu'a faite également Solidarité rurale du projet de loi que nous avons.

Vous recommandez donc de laisser davantage de latitude au milieu dans l'approche qu'il voudrait privilégier. Comment on pourrait arriver à l'atteinte de cet objectif, parce qu'il est primordial... Ça devrait faire partie de l'essence même de ce projet de loi, parce qu'il est fait pour le milieu et que les besoins partent du milieu et se convertissent par le milieu dans des politiques, dans de l'action. Ça, là-dessus, pour moi, c'est super important que vous nous indiquiez... peut-être nous donner davantage de précisions sur comment on pourrait introduire ça dans le projet de loi.

Entre autres choses, vous mettez le point sur un élément qui n'a pas été souvent souligné. Vous nous dites: Dans le fond, s'il y a des endroits où le milieu est presque complètement dévitalisé, avant de penser à des mesures entrepreneuriales, il faudrait peut-être penser à comment on va revitaliser ce milieu-là puis, après ça, on va trouver des entrepreneurs, des entreprises, des emplois, etc. Donc, vous mettez le doigt sur quelque chose qui est crucial à l'intérieur d'une politique de développement régional qui se doit de cibler toute une série de volets et non pas un volet en particulier.

Alors, je veux vous entendre là-dessus, sur comment le législateur pourrait, dans la législation qui nous est présentée, améliorer de façon suffisante pour qu'on atteigne les résultats escomptés par ce que vous défendez à l'intérieur de vos deux mémoires.

M. Beaudet (Jacques): Bien, dans un premier temps, si vous permettez – pour une fois que c'est la région de Québec qui va prendre l'exemple, c'est intéressant – je vous donnerais l'exemple du... donc de la Corporation de développement économique communautaire de Québec. La façon dont on a mis sur pied cette corporation-là voilà maintenant sept ans... Tantôt, je parlais avec Nancy. Ça fait sept ans qu'on avait invité Nancy à venir nous parler de développement local à Québec. Quand on parle du milieu... Et c'est ça qui est important, et c'est là-dessus qu'il faut s'entendre. Un coup qu'on se sera entendu sur la définition du «milieu», il me semble que le reste va bien couler.

Dès le départ, voilà sept ans, avait été mis en place un petit comité, mais où, autour de la table, tout le monde était présent. Ça veut dire syndicats, les gens d'affaires, le groupe communautaire. Tout le monde était là. Et à partir du moment où on a accepté de faire ça comme ça, moi, je pense que le milieu a été capable de se prendre en main. Il faut bien voir que si nos territoires... Et je sais qu'il y a d'autres zones prioritaires dans la région de Québec, puis à Montréal, c'est la même chose, puis en Gaspésie. Moi, chez nous, dans notre territoire, ça veut dire les quartiers centraux de Québec plus spécifiquement, c'est une personne sur deux qui ne travaille pas. Donc, ce n'est pas 12 % de chômage, c'est une personne sur deux qui est soit chômeur, soit assistée sociale ou soit quelqu'un qui est sans chèque. Donc, c'est une sur deux. Ça, c'est assez dramatique.

Et, de l'autre côté, il faut voir aussi et il faut laisser la place au milieu, parce que chaque milieu n'a pas nécessairement les mêmes besoins. Et comment voulez-vous parler d'emploi à quelqu'un qui n'est même pas capable de nourrir ses enfants la quatrième semaine du mois? Donc, c'est un peu ça qu'on dit dans le texte, en disant: Bien sûr que dans certains endroits il va falloir aussi qu'on mette l'accent sur autre chose avant. Avant de parler d'emploi, il va falloir qu'on comble les besoins primaires et les besoins essentiels de la vie.

Donc, c'est un peu, dans notre document... Et le milieu, c'est le global. Donc, si tout le monde est autour de la table, s'il n'y a personne qui a la moitié des sièges et si ensemble on décide de développer, si ensemble on décide de créer des emplois, moi, je vous le dis et je vous le donne en exemple, le CREECQ: depuis sept ans qu'il y a un conseil d'administration qui se réunit et qui... Dans notre conseil d'administration, il y a du monde de tous les groupes et ils ont tous comme objectif la revitalisation des quartiers centraux, ce qui permet, ce qui nous a permis et ce qui, j'espère, va continuer à nous permettre de travailler ensemble pour cette revitalisation-là. C'est bien sûr que, le jour où il y a quelqu'un qui va vouloir avoir le pouvoir ou quelqu'un qui va avoir une idée autre que la revitalisation des quartiers centraux, ça va exploser. Parce que c'est sûr qu'on n'est pas toujours d'accord, les syndicats puis les groupes communautaires puis le privé.

Donc, c'est un peu dans ce sens-là, quand on parle du milieu. L'important, c'est qu'on s'entende là-dessus. Et il faut faire attention parce qu'on n'a pas tous la même définition du «milieu». Il y en a pour qui le milieu, c'est le municipal puis les quelques personnes d'affaires puis les autres; c'est ça, le milieu! Et c'est ça qu'il faut défaire rapidement dans la loi: il faut obliger qu'il y ait une proportion plus égale pour tout le monde dans ces conseils d'administration là.

Moi, en tout cas, dans un premier temps, une première partie de ma réponse, ce serait ça.

M. Poirier (Yvon): J'ajouterais juste comme élément, comme vous l'avez bien dit vous-même, M. le député, que dans tel milieu... par exemple, le décrochage scolaire: comment avoir de l'emploi puis de l'entrepreneurship qui va être fulgurant s'il y a 40 % des jeunes qui ne réussissent pas au secondaire? Donc, dans ce sens-là, s'organiser pour que dans le milieu les gens se prennent en main.

Un autre exemple, c'est les jeunes. On veut contrer l'exode des jeunes. Ça veut dire, dans le milieu, ouvrir la culture, les loisirs et les services, et il faut que les jeunes trouvent quelque chose d'intéressant. Ce n'est pas seulement l'emploi.

Donc, il faut que chaque milieu découvre c'est quoi dont les gens ont besoin, c'est quoi qui pourrait permettre aux gens de se redynamiser, pour dire: Bien, chez nous, il faut faire quelque chose. Et puis, une fois que ça va être en marche, cette roue-là, l'entrepreneurship qui existe... Il en existe dans les quartiers centraux, de la création d'emplois. Moi aussi, je suis de Québec. Mais ce sera plus développé quand les gens se seront pris en main puis qu'ils auront une meilleure instruction. Mais quand les gens se seront finalement solidarisés, ça va aller mieux.

Mme Neamtan (Nancy): Moi, peut-être juste en appui à mes collègues, je pense que toutes les expériences... En tout cas, je ne répéterai pas ce que Jacques a dit, à Québec; c'est la même expérience à Montréal. Mais la législation, en tout cas, la loi peut simplement ouvrir une démocratie participative et, après ça, il va falloir faire confiance aux gens. Mais, en même temps, moi, ça ne me désole pas quand j'entends M. Chevrette mentionner des préfets qui parlent de «l'économie sôciale», etc.; c'est sûr que ça fait partie de la game, mais on est capable d'en prendre, et on en a déjà pris d'autres! En tout cas, pour prendre l'exemple du Sommet, je peux vous dire que M. Bérard, la première fois que je l'ai rencontré, puis j'étais présidente du chantier de l'économie sociale, il ne m'a pas dit «économie sôciale», mais disons qu'il demandait de quelle planète je descendais. Et ç'a été en travaillant ensemble autour d'objectifs communs qu'on a réussi à commencer à développer des choses, qui ne sont qu'un début.

Donc, la seule chose qu'un gouvernement peut faire, je pense, présentement, c'est de forcer des gens à être autour de la table et à se parler. Heureusement, si vous pouvez régler le reste avec la loi, on serait bien contents; on vous laisserait tous et toutes. Mais je pense que ce n'est pas le cas. Mais il faut absolument insister pour que ce dialogue ait lieu; sinon, on s'en va direct sur le mur.

(12 h 40)

M. Vallières: C'est parce qu'il y a un des mémoires qui précise la façon dont on est en train de mettre ça en place dans certaines MRC actuellement, puis ça me donne nettement l'impression qu'il y en a qui s'organisent puis qu'il y en a qui sont en train de se faire organiser. C'est ce qu'il faut éviter. Et si le cheminement que vous nous m'indiquez, qui est suivi dans certaines MRC, pour la mise en place, une fois que ça aura été accrédité comme organisme, les gens vont vivre avec. Alors, ce n'est probablement pas étranger aux représentations qu'on a de différents milieux de voir apparaître dans le projet de loi, dans la loi, une représentation institutionnelle de certains groupes sur le conseil d'administration.

Entre autres choses, vous soulignez dans votre mémoire la place des femmes et la place des jeunes. C'est sûr qu'on retrouve ça dans le guide d'implantation du ministre, là, il y a un souhait, mais il y a d'autres organismes qu'on retrouve, des groupes qui sont implicitement indiqués dans le projet de loi. Est-ce que je ne me trompe pas en disant que ce que vous revendiquez, c'est qu'il y ait un siège pour des jeunes puis un siège reconnu, également, pour les femmes, mais avec la distinction que vous faites, c'est-à-dire que ce n'est pas quelqu'un de la chambre de commerce, qui est une femme, qui doit représenter le groupe des femmes, vous voulez aller plus loin que ça? C'est quelqu'un d'un organisme mais qui s'occupe de condition féminine ou autre qui serait délégué par une espèce de collège électoral pour représenter les femmes ou, à d'autres titres, les jeunes. Est-ce que ça, pour vous autres, c'est un élément essentiel qu'on devrait retrouver à l'intérieur du projet de loi?

M. Poirier (Yvon): Dans ce sens-là, je pense que c'est essentiel, oui, que le projet de loi soit modifié pour qu'il y ait plus de souplesse à ce niveau-là. C'est sûr que c'est difficile de mettre dans le projet de loi qu'il y aura 35 catégories de membres, mais d'élargir un peu plus que ce qu'il y a là, dans le sens des jeunes, par exemple, nous, on y souscrit; d'ailleurs, on le propose dans notre texte, on appuie la recommandation du Conseil permanent de la jeunesse.

Mais il faudrait aussi que chaque milieu – puis ça, ce n'est pas évident dans le projet de loi, ni dans le guide, ni ailleurs – il faudrait aussi que ça soit suffisamment souple, même si c'est écrit notamment que dans tel milieu, si on dit qu'on ajoute cinq collèges électoraux, cinq catégories de membres qui ont des sièges au C.A., il faudrait que les milieux soient encouragés à le faire. Bon, c'est sûr que le projet de loi ne l'empêche peut-être pas, mais en ciblant six catégories de membres, c'est comme dire aux milieux puis dire aux préfets... Parce que, dans les faits, on pourrait vous en raconter, des petites histoires de ce qui se passe sur le terrain. Tel autre préfet qui dit: Bien, «communautaire», mais ça va être telle personne; par hasard, c'est un de ses amis qui fait du bénévolat! Donc, ça, c'est loin d'être un collège électoral! Donc, il y a comme une insistance, là-dessus, de notre part que ce soient des collèges électoraux, même si ce n'est pas dans la loi, de toute façon, on y tient. Dans le contrat de gestion, ou dans l'entente de gestion que le gouvernement va signer, il pourrait le mettre comme exigence. Ça, ça serait déjà bien.

Donc, dans ce sens-là, moi, je pense que, quand on va accréditer les CLD, ce serait très important que le ministère dise: Un tel milieu, mais, dans votre région, il y a telle organisation, telle organisation, tel groupe de femmes et autres, l'environnement, ils voulaient être membres, pourquoi vous les avez exclus, pourquoi vous ne leur avez pas donné de place? Donc, je pense que le gouvernement a un rôle majeur, parce que c'est le gouvernement qui va dire oui ou non.

M. Vallières: Bien, j'aurais d'autres questions par la suite, M. le Président. Pour l'instant...

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, ma question s'adressera à vous toutes et à vous tous. Dans toute la création des CLD, il y a quelque chose qui est au centre, c'est d'essayer de trouver un équilibre sur la représentation des personnes qui vont y participer. En recherchant cet équilibre-là, des fois, on peut avoir l'impression que les élus municipaux sont vus comme des gros méchants loups, et je pense que, autant le projet de loi sur l'article 10 reconnaît une place importante pour l'ensemble des constituants de la communauté, autant le projet de loi devrait aussi faire place, d'une manière juste, aux élus locaux, pour les raisons suivantes.

Je dois tout de suite vous dire que j'ai été longtemps un élu municipal, et, dans cette fonction d'élu local, on est constamment placé, à tous les jours, en première ligne au niveau de la problématique locale. Lorsque tu es un élu local, le premier problème qu'il y a dans la communauté, le matin, les gens ne se retournent pas vers ni Ottawa ni Québec pour régler le problème local. Ils se retournent sur l'élu local, et ça, c'est automatique, c'est rapide, c'est spontané. Il faut quand même reconnaître que l'élu local est le seul élu par l'ensemble de la communauté, le seul élu! Tout le monde est important dans la communauté, mais il y a seulement un groupe qui est élu par l'ensemble et, aussi, seulement l'élu local est imputable vis-à-vis l'ensemble des citoyens. Tous les autres groupes ont leur importance spécifique dans leur domaine, mais il y en a un seul qui se fait poser des questions par l'ensemble pour tous les sujets de la communauté locale.

L'élu local, aussi, est le seul à avoir l'outil, des fois négatif, de taxer le monde. C'est trop facile de dire à l'élu local: Taxe les gens, mais tasse toi. Je dis ça de cette manière pour l'illustrer. Je ne pense pas que c'est de cette manière-là que vous voyez la situation, mais je veux tout simplement faire ressortir par ma question qu'il faut trouver un équilibre. Ce qui est recherché, c'est un certain partenariat, mais si on n'a pas l'équilibre il n'y aura pas de partenariat.

Je vous dis tout simplement que si les élus n'y voient pas leur place ils vont se retirer, puis les CLD sont voués à une belle mort avant de partir. Si les élus sont là juste pour taxer le monde, ça ne marchera pas, et s'ils ne sentent pas une place importante, ça ne marchera pas. Ils ne taxeront pas les gens, donc il n'y aura pas les fonds nécessaires et les CLD ne marcheront pas. En même temps, si les élus prennent toute la place, vous autres, vous allez dire: Arrangez-vous avec vos troubles! Ce n'est pas là que je vais travailler au niveau de ma communauté.

Donc, ça prend un équilibre. Est-ce que vous ne pensez pas que, après avoir dit ça, après avoir, dans la loi, bien campé que vous devez avoir votre place, vous ne pensez pas que les élus, qui sont élus par tout le monde, qui sont les seuls responsables de taxer tout le monde au niveau local, que les élus ne devraient pas avoir une place importante? Et situez-moi cette place importante là.

M. Beaudet (Jacques): Oui. En tout cas, je m'essaye.

M. Pelletier: «C'est-u» 10 %, «c'est-u» 20 %? Bon. Je vais mettre ma question plus facile: Est-ce que, pour vous, la place des élus, à 50 %, c'est trop?

M. Beaudet (Jacques): Oui. «C'est-u» juste ça, la question? C'est oui. Bon. Si vous voulez...

M. Pelletier: Est-ce que c'est la réponse de tout le monde?

Des voix: Oui.

M. Beaudet (Jacques): Je peux développer, si vous voulez, par exemple.

M. Chevrette: La réponse suit également.

M. Beaudet (Jacques): Je peux développer, parce que quand vous dites et quand vous affirmez, M. le député, que si c'est comme ça et si les élus municipaux ont moins de place, les CLD ne fonctionneront pas, je vous rappellerai qu'au Québec il y a huit corporations de développement économique communautaire, il y a 55 SADC, il y a des corporations de développement communautaire qui fonctionnent, qui prennent leurs revenus, dans certains cas, entre autres pour les corporations de développement économique communautaire, des trois paliers de gouvernement: municipal, provincial et fédéral, et que ça fonctionne très bien et qu'il n'y en a pas vraiment... Dans les corporations de développement économique communautaire, il n'y en a même pas, d'élu municipal, bon, puis dans les SADC non plus. Dans les SADC, il y en a, mais il n'y en a pas beaucoup. Ils ont leur petite place, mais c'est correct.

(12 h 50)

Et je veux juste dire, moi, au monde municipal que, sur 16, qu'il y en ait huit ou qu'il y en ait deux, l'important, c'est: Est-ce que c'est la collectivité, est-ce que c'est le milieu qui va être représenté au C.A. du CLD et est-ce qu'ensemble on a le goût de développer, est-ce qu'on a le goût de revitaliser chacun nos coins de pays? Si, à partir de là, on dit oui, les élus municipaux n'ont pas à avoir 50 % des sièges. Puis, moi, je pense qu'on devrait en plus, pour les élus municipaux, mais pour tous les autres... On doit obligatoirement, dans la loi, dire que chacun des membres du conseil d'administration devrait être élu, à mon point de vue, par collège électoral, c'est-à-dire que les groupes communautaires, ils se mettent dans un coin d'une salle – puis je vous inviterai à notre assemblée générale, c'est comme ça que ça se passe chez nous – les groupes communautaires se mettent dans le coin, ils prennent 15 minutes, une demi-heure, puis ils décident entre eux autres qui, les deux, les trois représentants, va venir au C.A.; et on sait d'avance combien il y a de sièges pour les groupes communautaires. Le monde des affaires se retire dans l'autre coin, ils font la même chose, chacun, et c'est comme ça, et là on va avoir une force, et là on va avoir une vraie force.

Le municipal n'a pas besoin d'être là au complet. Si on travaille ensemble, ça ne change rien. Au contraire, on va faire plus de place au milieu, qui va se prendre en main.

Mme Neamtan (Nancy): Moi, je pense que c'est vrai, on peut dire que c'est vrai que les élus municipaux sont les seuls qui ont un pouvoir de taxation, puis ils sont élus, mais ils n'ont pas le pouvoir de régler les problèmes. C'est-à-dire que l'entreprise qui se crée et qui s'implante dans un milieu ou prend la décision de partir, aussi, l'élu municipal, il ne peut rien faire sauf s'organiser pour que la taxe foncière soit adéquate ou qu'elle soit... Mais l'entreprise et l'acte d'entreprendre la création d'emplois, les relations de travail et tout ce qui va faire en sorte que l'entreprise va bien vivre, que ce soit une économie sociale ou dans le domaine plus traditionnel, ce n'est pas l'élu qui contrôle ça. En tout cas, moi, encore une fois, vous avez devant vous du monde qui dirige des organisations de développement local depuis longtemps. Moi, dans le service de Montréal, le sauvetage d'entreprises, le maintien de grandes installations industrielles, le développement de beaucoup de PME, on a la collaboration de la municipalité, mais c'est du monde du milieu qui l'on fait, et la responsabilisation de ces gens-là, des citoyens, la formation, etc...

Le Président (M. Gagnon): Madame, le temps est écoulé.

Mme Neamtan (Nancy): ...c'est les partenaires autour de la table.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Le temps est écoulé.

Mme Neamtan (Nancy): O.K., excusez.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Alors, Mme Neamtam, M. Beaudet, je sens dans vos propos un énorme malaise de ne pas avoir les moyens pour jouer votre rôle au sein de ces CLD là, peut-être un malaise aussi d'avoir à jouer sur la même tribune que les partenaires économiques du secteur privé et les élus municipaux. Et comme c'est les MRC qui ont reçu le mandat de créer pour chacun de leurs territoires un CLD, vous avez peur, je crois, que les élus municipaux s'imposent pour ramasser 50 % des votes au sein du conseil d'administration et, à ce moment-là, que les organismes de développement communautaire soient marginalisés.

Et je crois aussi que c'est inquiétant, parce que, comme M. Beaudet le soulevait tantôt, il y a une suggestion, dans le guide d'implantation, plutôt qu'une obligation de représentativité de chacun des groupes. En fait, on n'a pas vraiment assis la représentativité de chaque groupe, alors on n'est pas dès lors rassuré que dans chacun des CLD qui sera instauré et créé ici il y aura des forces égales au sein des CLD. Alors, ma question, j'aimerais savoir si de votre côté vous seriez d'accord à ce que chacun des groupes – je parle des manufacturiers et commerçants, je parle des groupes de l'économie sociale, je parle des syndicats et je parle des élus municipaux – qu'on ait une proportionnelle de 25 % chacun et qu'on fixe là, que ça devienne une obligation dans la création des CLD. Est-ce que vous seriez en accord avec ça?

M. Beaudet (Jacques): Et, de un, je voudrais juste corriger la première phrase que vous nous avez dite, Mme la députée, en disant qu'on était mal à l'aise de travailler avec l'économie, ou j'ai mal compris, je vous dirais que non, au contraire. Moi, chez nous, ça fait... le CREECQ a une équipe de travail depuis trois ans et demi et, au contraire, on n'est pas mal à l'aise du tout de travailler, on a même bien du fun; plus qu'on se connaît et plus qu'on travaille bien. Vous viendrez voir ce qui se passe dans le parc Saint-Malo, entre autres, chez nous. Et c'est de même pour les CEDEC dans Montréal et c'est de même ailleurs aussi. Donc, on n'est pas mal à l'aise pour travailler avec eux autres.

D'un autre côté, on ne veut pas non plus une loi. Et à chaque fois qu'il y a une loi, on reproche toujours le mur-à-mur. Et une loi qui dirait: c'est 25 % partout, c'est aussi une loi mur à mur. Et je m'en excuse, mais je reprends l'exemple de chez nous. Chez nous, le milieu s'est réuni, tout le monde et, ensemble dans notre milieu, on a décidé, nous, chez nous, combien, sur les 17 postes qu'on avait au C.A., on donnait aux gens d'affaires, combien on donnait au communautaire, combien on donnait aux syndicats, mais on s'est entendu chez nous comme ça. Et pour le faire, on n'a pas demandé à Nancy, qui est bien plus vieille que moi dans les CEDEC: Chez toi, tu as combien de personnes d'affaires sur ton C.A.? Puis ça doit être ça, ça doit marcher, parce que, au réseau, ça fait 10 ans que ça marche, avant qu'on arrive, donc, puis ça marchait. Mais ce dont on avait convenu chez nous aussi, c'est de dire: On va se séparer le nombre de sièges, mais selon notre besoin à nous dans les quartiers centraux, ce qui peut être différent. Donc, chez nous, on peut bien donner trois sièges aux syndicats, mais le CLD d'à côté, lui, s'il veut en donner rien que deux et que tout le monde est d'accord avec ça, moi, je n'ai rien contre, au contraire. Donc, de faire du 25 %, ce n'est pas mieux non plus, à mon point de vue.

Et je pense qu'il faut se faire confiance. Il faut faire confiance au milieu, se faire confiance, puis le monde dans un CLD, un coup qu'on aurait décidé si c'est 16 postes au C.A. ou 18, après ça, ils vont se le diviser, je n'ai aucune crainte là-dessus. Mais par collèges électoraux, j'y tiens!

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: M. le Président, je vous remercie. Je pense que, pour ajouter... Vous l'avez déjà abordé, monsieur, madame, mais j'aimerais y revenir. J'aimerais avoir votre réaction: Comment on pourrait changer la culture des élus municipaux, dans des situations comme celles-là, à savoir qu'ils se doivent obligatoirement d'être assis là pour sauvegarder et protéger les intérêts de leur payeurs de taxes, dans des conseils d'administration comme ceux-là, d'une part? Parce que ce qu'on doit reconnaître, ce que je pense – l'expérience de mon milieu me l'indique – il est plus intéressant et le monde des affaires tire un meilleur avantage de travailler avec des groupes qui sont impliqués dans leur milieu, des groupes sociaux impliqués dans leur milieu. Et je reviens en disant que le monde des affaires en tire un meilleur profit pour la simple raison que des groupes comme le vôtre ou d'autres animent le milieu, donnent le goût à des gens de s'impliquer, ce qu'on ne retrouve pas au niveau de d'autres organisations Je pense qu'on peut s'entendre à ce niveau-là. Et je reviens: Avez-vous des suggestions pour faire comprendre aux élus municipaux qu'ils peuvent facilement déléguer quelqu'un?

Parce que je viens du monde municipal, et c'est en réaction un peu à mon collègue d'Abitibi-Est, pour une meilleure compréhension. Il ne m'apparaît pas impossible que les élus municipaux puissent déléguer à l'occasion des gens de leur milieu, de par leur expérience de vie, pour aller occuper un fauteuil qui aurait pu être réservé au monde municipal. Donc, se faire représenter par quelqu'un du milieu qui pourrait être, dans certaines situations, plus représentatif de la société et des problèmes que la société peut y vivre dans certains milieux. Et, en terminant, justement, quelle est votre perception de voir les députés siéger sur ces conseils d'administration, ici? De ce côté-ci, comme M. le ministre le mentionnait, aussi, de l'autre côté, je pense, on a déjà fait l'analyse de rôles qu'on devrait jouer. J'aimerais avoir votre réaction.

Le Président (M. Gagnon): Il faudrait circonscrire la réponse en moins de deux minutes.

Mme Neamtan (Nancy): Je vais être très rapide. Sur le rôle des députés, en tout cas, moi, je pense que c'est un autre niveau que d'être dans chacun des CLD, puis ça pose un déséquilibre. Mais, moi, je pense que la seule façon, c'est qu'il faut qu'on parle de ce qu'on veut faire dans nos milieux puis qu'on parle de nos structures en second. Parce que c'est toujours le problème. On peut débattre pendant des années des structures, mais, si on débat surtout de ce qu'il faut faire pour les jeunes, pour la création d'emplois, là on va savoir que, autour de la table, on a besoin de tout le monde. Alors, parlons de ce qu'on veut faire, puis on parlera du contenu avant, puis on parlera du contenant en rapport avec le contenu.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Beaudet (Jacques): Oui, mais très rapidement en disant: Effectivement, il faut juste rappeler... puis il faut y aller. Je sais que c'est difficile pour les élus municipaux puis pour les autres aussi. Tu sais, c'est un grand changement. Mais il faut juste se rappeler que le monde autour d'eux autres, quand ils disent: On a la responsabilité des augmentations de taxes, puis c'est nos payeurs de taxes... Bien, moi, je dirais: Le monde autour qui vont être avec eux autres sur les CLD, mais ça en est, des payeurs de taxes. Puis, chez nous, quand le monde prennent des décisions, bien, je les paie, mes taxes, puis le monde du C.A. les paie, leurs taxes. Tu sais, on n'est pas des fous! Même si on n'a pas à passer en élection à tous les quatre ans au municipal, c'est aussi nous autres, c'est aussi notre milieu. On le vit, on le sent, ils n'ont pas à se sentir brimés puis ils n'ont pas à avoir peur de ce monde-là. Ce monde-là, c'est leurs alliés et c'est des payeurs de taxes aussi!

Le Président (M. Gagnon): Merci, monsieur. Je pense que, en terminant, vous vouliez remercier.

M. Chevrette: Oui, je voudrais vous remercier. D'ailleurs, vous auriez pu ajouter, si vous aviez eu plus de temps, un argument fondamental. C'est que plus vous créez d'emplois, plus ça va rapporter des taxes, aussi, à la municipalité. Donc, je voudrais vous remercier pour la cohérence de vos propos et l'effort de réflexion que vous avez fait. Soyez assuré que ça contribuera à asseoir cette politique de façon solide. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président. Vous me permettrez d'ajouter à ce que vient de dire le ministre. Je voulais que les gens sachent que c'est très utile, le type d'exercice qu'ils ont fait, et c'est très éclairant pour les membres de la commission, ce dont vous nous avez témoigné ce matin. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Nous suspendons jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 6)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission de l'aménagement du territoire reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions.

Alors, nous avons, cet après-midi, comme invitée la Confédération des syndicats nationaux, avec M. Maurice Sauvé et M. Michel Paquet. Bienvenue. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'un questionnement de la part des ministériels pendant 20 minutes et, du côté de l'opposition, pendant 20 minutes. Alors, vous avez la parole, M. Sauvé.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Sauvé (Maurice): Alors, merci, Mme la Présidente, membres de la commission. Je voudrais présenter Michel Paquet, qui est conseiller syndical au service de recherche de la CSN. C'est lui qui est notre conseiller, au niveau de la Centrale, en développement régional et local, et à ce titre il est appelé à faire de la formation de nos représentants un peu partout en région.

Je voudrais remercier les membres de la commission de l'aménagement de l'opportunité qu'ils nous donnent aujourd'hui de donner notre point de vue sur ce projet de loi. Antérieurement, j'aimerais excuser les membres de l'exécutif qui, malheureusement, n'ont pas pu être ici, dont le vice-président Roger Valois, qui est le responsable du dossier.

Le 13 novembre dernier, le ministre d'État des Ressources naturelles et ministre responsable du Développement des régions a déposé le projet de loi n° 171. C'est sans doute la pièce maîtresse manquante dans la reconfiguration de l'État québécois et de son fonctionnement en direction de sa régionalisation et de sa localisation. Il donne suite au livre blanc sur la Politique de soutien au développement local et régional rendue publique en mai dernier. Trois éléments principaux ressortent de ce projet de loi: la création d'un ministère des Régions et la détermination des domaines d'action du ministre des Régions ainsi que ses principaux pouvoirs et fonctions en matière de développement local et régional; la révision des CRD, conseils régionaux de développement, entre autres par la reconnaissance juridique d'un seul CRD agréé par le gouvernement comme interlocuteur privilégié du gouvernement pour la région administrative qu'il représente; la création d'une structure locale par MRC ou équivalent de MRC, à savoir le Centre local de développement, désigné comme CLD et agréé par le ministre.

L'innovation la plus importante pour nous est sans doute la création des CLD, ce qui constitue le coeur et l'essentiel de ce projet de loi ainsi que l'objet principal de notre document. Cela dit, il nous faut dire quelques mots et situer l'essentiel des deux autres points, soit la création du ministère des Régions et la révision des CRD.

Les deux éléments suivants retiennent notre attention relativement à la création du ministère des Régions. Tant que le gouvernement n'a pas clarifié la réorganisation du palier local, par exemple en termes de regroupements de MRC, il y a incongruité à mettre en place des structures telles le CLD, qu'il faudra peut-être défaire plus tard. Il nous faut donc souhaiter dès le départ une étroite collaboration entre le ministère des Régions et le ministère des Affaires municipales de façon à éviter que leurs visions et actions ne s'annulent ou ne se contredisent. Le nouveau ministre des Régions serait celui de 15 régions, tandis que celui du ministère de la Métropole s'occuperait des régions de Montréal et Laval jusqu'à décision contraire. Car l'ambiguïté persiste, tel qu'en fait foi l'article 61 du projet, où il est dit: «Le gouvernement peut déterminer dans quelle mesure et sur quel territoire le ministre d'État à la Métropole exerce les responsabilités prévues par la présente loi.» Il n'y a pas urgence ni priorité à trancher cette question, mais il nous faut souhaiter là également et dès le départ une étroite collaboration entre ces deux ministères de façon à éviter que leurs visions et actions ne s'annulent ou ne se contredisent.

(15 h 10)

La révision des CRD. Faute de trouver un meilleur qualificatif, on ne peut parler que de «révision» des CRD. En l'occurrence, il s'agit tout au plus d'une opération de cosmétique! La reconnaissance juridique d'un CRD se hausse cependant d'une coche de plus en l'étant désormais par une loi plutôt que par un décret gouvernemental. Et, dans la même foulée, le projet de loi institue désormais le Fonds de développement régional plutôt que d'allouer des sommes en vertu d'un programme. Au total, cela nous semble bien maigre.

Par exemple, le projet de loi ne dit mot sur le rôle qu'auront à jouer les CRD dans l'attribution ou la répartition des futures possibles enveloppes d'argent allouées aux CLD et portant sur les programmes suivants: le Fonds de lutte à la pauvreté, l'enveloppe du développement de la ruralité, l'enveloppe à venir de la politique de la forêt habitée.

Cette révision des CRD est décevante par rapport à ce qui était annoncé en mai 1997 dans le livre blanc sur la Politique de soutien au développement local et régional . Extrait du livre blanc: «À terme, il appartiendra au CRD d'intégrer ou de coordonner les conseils régionaux sectoriels, tels ceux de la culture, des loisirs, de l'environnement, et de se rattacher les comités régionaux de l'économie sociale; de s'assurer que les plans locaux de développement des CLD s'harmonisent au plan stratégique du CRD; de jouer un rôle aviseur dans l'élaboration des plans stratégiques des différents ministères et dans la répartition intrarégionale des enveloppes budgétaires consacrées au développement local.»

Rien de tout cela ne se retrouve formellement dans le projet de loi, qui se limite, pour l'essentiel, à donner comme mandat au CRD ce qu'il a fait ou fait déjà, par exemple: la planification stratégique régionale. Un peu étrangement, le seul lien que le projet de loi établit, par exemple, avec les conseils régionaux sectoriels l'est avec celui du marché du travail, à l'article 20, deuxième alinéa; on y lit: «Ce plan est élaboré en tenant compte des stratégies et des objectifs en matière de main-d'oeuvre identifiés par le conseil régional des partenaires du marché du travail de son territoire.»

C'est bien, ou c'est un bon début, mais il est décevant de ne pas retrouver dans le mandat général du CRD le rôle chapeau et les pouvoirs annoncés ci-dessus dans le livre blanc pour arrimer les autres aspects sectoriels du développement régional. Quant à nous, il aurait fallu que ce rôle de chef d'orchestre du CRD s'étende à toutes et chacune des facettes du développement régional et local.

Le plus inquiétant, d'ailleurs, est sans doute de ne pas retrouver comme mandat de s'assurer que les plans locaux de développement des CLD s'harmonisent aux plans stratégiques du CRD. La seule obligation qui est faite aux CLD dans leur mandat «d'élaborer une stratégie en matière de développement de l'entrepreneuriat, y compris l'entrepreneuriat de l'économie sociale», c'est – et on le voit à l'article 13, paragraphe 3° – «...en tenant compte des orientations, des stratégies et objectifs nationaux et régionaux». «Tenir compte» ne nous apparaît pas suffisant comme contrainte pour assurer l'harmonisation des divers plans locaux au plan stratégique régional et aux objectifs nationaux. Le nécessaire arrimage entre le plan stratégique, l'entente-cadre de développement, les ententes spécifiques et les plans d'action locaux n'est pas souligné par le projet de loi, et il mérite de l'être.

En conséquence, nous proposons d'amender le projet de façon à ce qu'il y ait obligation d'arrimage et d'harmonisation entre les plans précités. Nous proposons que, en plus de confirmer les mandats actuels du CRD, la loi élargisse les rôles et mandats des CRD pour inclure ceux déjà annoncés dans la Politique de soutien au développement local et régional .

Il nous semble impérieux de confirmer et de renforcer la mission multisectorielle des CRD en rapport avec ces différents conseils régionaux sectoriels: partenaires du marché du travail, environnement, culture, loisirs, tourisme. Une priorité devrait être mise sur la conclusion d'ententes spécifiques entre le CRD et les ministères concernés pour commencer à intégrer les différents conseils sectoriels au sein du CRD. C'est déjà très avancé dans le cas de l'économie sociale et on voit mal la raison de ne pas poursuivre dans cette voie d'une réorganisation plus poussée qui intègre les différentes facettes du développement régional et local.

La crainte d'une centralisation régionale n'a jamais résisté aux faits vécus lors de l'élaboration de la planification stratégique régionale. Chaque conseil régional sectoriel a élaboré sa stratégie respective, le CRD se contentant de faire converger les différentes stratégies dans le cadre d'un plan stratégique régional. Cette crainte est d'autant moins fondée que, de façon concrète, tous conviennent que l'expertise d'un secteur, tel celui du tourisme par exemple, se situe entre les mains des partenaires de l'ATR de la région et non dans celles du CRD, qui n'a somme toute pas de ressources humaines pour se substituer à l'ATR.

Considérant que le gouvernement consacre de plus en plus l'économie sociale comme champ d'intervention important au sein des structures de développement régional et local, nous proposons aussi d'amender le projet dans le sens suivant: la reconnaissance officielle du comité régional de l'économie sociale; l'attribution, au comité régional d'économie sociale, d'un mandat aviseur auprès du CRD pour tout ce qui touche l'économie sociale, entre autres: la représentation aux CLD, la protection de l'enveloppe budgétaire, la formation aux personnes représentant l'économie sociale dans les CLD, etc.; la mise en place d'une structure partenariale au sein du conseil régional d'économie sociale: organismes communautaires, groupes de femmes, syndicats, coopératives, milieu des affaires et milieu institutionnel; enfin, l'attribution de fonds autonomes au CRES.

Les CLD, qui sont le point majeur de notre mémoire. Le projet de loi n° 171 prévoit principalement la création d'un centre local de développement dans chaque MRC ou regroupement de MRC ainsi que dans les territoires équivalents – quartiers urbains – à définir au sein des communautés urbaines. De façon globale, nous endossons le principe de la création d'un CLD pour s'occuper du développement local sur la base des MRC et quartiers urbains. Déjà en 1992, nous avons adopté un énoncé de principes en matière de développement régional et local, dont le principe suivant: «La notion de développement régional doit toujours comprendre et impliquer le développement local et communautaire»; et il y a les extraits en annexe au document.

La création des CLD s'inscrit donc dans le sens de ce principe. De plus, en septembre 1995, notre conseil confédéral adoptait une politique de la CSN en régionalisation et en décentralisation qui optait résolument en faveur des MRC ou équivalents urbains comme seuls lieux du monde municipal à recevoir de nouvelles compétences décentralisées. Là également, la création des CLD s'inscrit bien dans le sens de notre vision. Toutefois, plusieurs éléments entourant la création des CLD suscitent chez nous des inquiétudes certaines et constituent même des enjeux fondamentaux, si l'on veut que le projet CLD remplisse ses promesses.

Le fait de choisir les MRC ou leur équivalent comme base territoriale du pouvoir local et de la localisation de l'État québécois va dans le sens de notre principe de la coïncidence territoriale des structures de l'État, élément de politique qui est contenu également dans nos annexes. Le fait de choisir les MRC ou leur équivalent comme lieu du pouvoir local va dans le sens de notre principe de l'accroissement des pouvoirs du monde municipal régional. Par contre, la création des CLD, telle qu'envisagée dans le projet de loi n° 171, représente une réforme incomplète ou inachevée. En effet, l'accroissement des pouvoirs des MRC doit, selon nous, être accompagné de réformes en profondeur de leurs structures et de leur fonctionnement, sinon l'option MRC implique dès le départ un déficit démocratique. Les maires des municipalités locales forment le conseil d'une MRC et élisent entre eux la préfète ou le préfet de la MRC, mais jamais ces maires ou préfets ne sont élus au suffrage universel direct par la population pour aller gérer la MRC.

Vu sous cet angle, l'argument souvent invoqué par le monde municipal à l'effet que, sur les CLD, elles ou ils sont les seuls à être élus tandis que les autres ne le sont pas a besoin d'être sérieusement nuancé. Les élus locaux ne sont en définitive redevables ou imputables qu'à leur population locale respective et nullement à la population entière de la MRC. Sans compter qu'une part substantielle des sommes d'argent confiées aux CLD vont provenir du gouvernement. En ce sens, les élus locaux auraient avantage à bénéficier au maximum de la présence plus neutre et moins liée à des intérêts locaux des partenaires non élus pour mettre au-dessus de tout l'intérêt de l'ensemble de la population de la MRC.

Mais il n'en demeure pas moins qu'il subsistera selon nous un déficit démocratique que le gouvernement devrait combler le plus rapidement possible. En septembre 1995, nous avions jeté les bases et les principes d'une réforme du monde municipal de la façon suivante – et c'est en annexe, mais l'extrait principal est là, qui nous concerne: Que, dans le cadre de cette réforme globale du monde municipal, l'on retienne au moins les trois principes et objectifs suivants comme étant des éléments indispensables et préalables à toute décentralisation massive vers le monde municipal: une démocratisation très accentuée du palier municipal local et régional, suivant des modalités à préciser, mais entre autres et minimalement par l'élection au suffrage universel de la préfète ou préfet de la MRC ou de la présidence de la communauté urbaine; une réforme majeure de la fiscalité municipale visant l'équité entre les municipalités à l'intérieur de la MRC ou de la Communauté urbaine, entre les MRC et communautés urbaines au sein de la région, entre Québec et le monde municipal; et enfin que, dans le cadre de cette réforme globale du monde municipal, on identifie la présence équitable des femmes à tous les paliers de la vie municipale comme étant un objectif à atteindre.

En somme, plus il y a accroissement des pouvoirs de la MRC et de la localisation de l'État à son profit, plus la démocratisation des MRC s'impose comme un objectif prioritaire à atteindre dans les plus brefs délais.

(15 h 20)

La démocratisation des MRC s'avère même d'ailleurs une urgence, quand on la met en parallèle avec la constitution provisoire des conseils d'administration des CLD. Dans les faits, on est en train d'assister dans plusieurs MRC du Québec à un détournement ou à un avortement prématuré et volontaire de l'esprit de la loi.

Le projet de loi énonce que: «Le conseil d'administration d'un CLD est composé de membres représentatifs du milieu des affaires et du commerce, des travailleurs ainsi que du milieu municipal, coopératif, communautaire et institutionnel.» Je vous exempte de la lecture du reste de l'article 10, sauf le dernier point: «Aucun des milieux représentés au sein du conseil d'administration, y compris la députation, ne peut en constituer la majorité.»

Sur ce dernier point, notons tout de suite que si aucun des milieux ne peut constituer la majorité, le libellé actuel du projet de loi permet pourtant au milieu des élus politiques, municipal et députation, de détenir une majorité au sein du C.A., ce qui, le cas échéant, va constituer un net déséquilibre par rapport aux autres milieux. Et surtout que, dans les faits présents, beaucoup trop de MRC ont déjà mis en place un conseil d'administration de leur futur CLD dont la composition est loin de refléter la lecture que l'on devrait faire de l'esprit du livre blanc et même du projet de loi actuel. En effet, les faits convergent tous vers le même enjeu: la présence syndicale et communautaire sur les CLD n'est pas du tout acquise.

Quant à la présence du milieu coopératif ou du milieu institutionnel, la question ou l'enjeu, là plus qu'ailleurs, va sans doute se résumer à: Qui au juste va être là? Et représentant quel groupe d'intérêts? Et il n'est pas précisé ce qu'il faut entendre par «milieu coopératif», par «milieu institutionnel».

En bref, sur les CLD, la présence du monde syndical et du monde communautaire n'est pas du tout acquise, essentiellement pour la raison suivante: Traditionnellement, le développement économique local a été, depuis plus d'un siècle, l'affaire ou l'apanage des élus municipaux locaux, souvent en collaboration étroite sinon en symbiose avec le milieu des affaires et du commerce, représenté par les chambres de commerce locales ou régionales. Historiquement, ce fut une chasse gardée. L'apparition ultérieure et somme toute historiquement récente des forces populaires et communautaires, parfois en alliance avec le monde syndical local, dans le décor du développement local n'a toujours été accueillie par les notables ou élites traditionnelles que du bout des lèvres et en les isolant dans un monde parallèle ou à part, d'où l'existence de deux mondes, deux systèmes parallèles de structures et de façons de fonctionner radicalement différents, que l'on peut schématiser de la façon suivante: Les corporations économiques, les corporations communautaires.

Quant aux corporations économiques, ces corporations sont les structures issues du monde municipal, largement financées et équipées en ressources humaines et matérielles, et représentées par des organismes du genre suivant: la corporation de développement économique, la société de développement économique, l'office d'expansion économique.

Quant aux corporations communautaires, les structures parallèles du monde populaire et communautaire sont plutôt maigrement financées, sous-équipées en ressources humaines et matérielles et toujours dépendantes du bon vouloir des gouvernements fédéral, Québec et municipal. Elles sont représentées par des organismes du genre suivant: la corporation de développement communautaire, la corporation de développement économique communautaire, les CDEC, d'où un enjeu central: l'intégration de ces deux mondes.

Une des originalités essentielles au coeur de ces CLD repose justement, à notre sens, sur le fait de mettre ensemble le monde du développement économique traditionnel et le monde du développement social communautaire. En conséquence, il ne faut pas se surprendre du fait que la Chambre de commerce du Québec et une forte proportion du monde municipal, incluant ses commissaires industriels, ne veulent pas avoir à composer avec de nouveaux partenaires, surtout ceux issus du monde syndical et du monde communautaire, mais également parfois ceux issus du monde coopératif ou institutionnel. Si, dans un premier temps, la Chambre de commerce du Québec a appuyé le projet de création des CLD, elle n'a pas tardé à s'apercevoir qu'elle devrait ouvrir sa chasse gardée à des groupes non familiers. Lors de son tout dernier congrès, elle a fait volte-face et s'est opposée aux CLD, jugeant leur création inutile, puisque la vocation des CLD constituait exactement et justement une des missions fondamentales de toute chambre de commerce. La reprise de cette analyse par le journaliste Claude Picher, de La Presse , venait appuyer cette fronde contre les CLD.

Face à ce monopole détenu historiquement par les élites locales sur la croissance économique locale, la lutte du monde syndical et du monde communautaire pour assumer leur présence ne peut et ne pourra être facile. Déjà, dans plusieurs MRC au Québec, le débat a été engagé à savoir qui allait siéger au conseil d'administration du CLD et dans quelle proportion chaque partenaire allait être représenté. À titre d'exemple, ce qui s'est passé à l'assemblée de consultation sur le futur CLD, tenue dans la MRC de Brome-Missisquoi, et c'est rapporté dans La Tribune du 25 novembre: «Les syndicats, selon la formule proposée, ne délégueraient que deux représentants, ce qui, pour Serge Gosselin de la CSN, est nettement insuffisant. "Les syndicats souhaitent être des partenaires, mais nous nous rendons compte que notre rôle sera limité, et nous en sommes très déçus. Les groupes syndicaux, communautaires et coopératifs devraient représenter le tiers du C.A." a affirmé M. Gosselin.»

Ailleurs, M. Pierre Dagenais, commissaire en chef de la Société de développement économique de la région sherbrookoise, commentait ainsi la création des CLD en Estrie: «On n'a jamais caché qu'on n'est pas très favorable à cette initiative. Parce que, dans des cas comme la SODERS, où les municipalités mettent plus d'argent que le gouvernement, on risque de voir nos partenaires se retirer ou réduire leur contribution. C'est très risqué d'établir une structure où les municipalités ne sont plus les décideurs majeurs alors que ce sont elles qui versent le gros des sommes. C'est pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec les changements – annoncés hier par le ministre Chevrette – et c'est la même chose du côté de la MRC de Memphrémagog».

Dans plusieurs autres MRC, la bataille est même plus féroce, puisque plusieurs C.A. provisoires sont déjà constitués, et on s'est ingénié à contourner l'esprit de la loi: Qui, en nommant un travailleur autonome pour représenter des travailleurs; qui, en nommant un dirigeant des Chevaliers de Colomb pour représenter les intérêts des groupes communautaires; qui, comme dans la MRC Le Haut-Saint-François, prévoit 38 sièges dont 19 aux municipalités locales, un siège aux travailleurs et un siège au monde communautaire, trois sièges pour autant de chambres de commerce locales, etc. Et finalement, ce conseil d'administration se dotera d'un comité exécutif de huit membres au sein duquel la personne travailleuse devra alterner avec la personne représentant le monde de l'éducation et la personne du monde communautaire devra alterner avec la personne représentant le monde de la santé.

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. Sauvé, il vous reste une minute pour conclure.

M. Sauvé (Maurice): Une minute. Ah bien! on va y arriver, madame.

Est-il exagéré de dire que cela n'augure rien de bon mais en dit long sur les intérêts en jeu et sur la bataille que le monde syndical et le monde communautaire doivent et devront mener pour favoriser la démocratisation du pouvoir local? Cette bataille est également celle du gouvernement, qui doit faire en sorte de sauvegarder et reproduire les acquis de la concertation et issus d'une majorité de CRD et issus également du Sommet sur l'économie et l'emploi.

En conséquence, nous invitons le ministre à donner des signes et des orientations très clairs qui éviteront toute parodie de sa loi et de l'esprit même de la concertation équilibrée vécue de façon générale au Québec: en accordant une accréditation provisoire pour la première année et en refusant l'accréditation aux CLD qui ne se conforment pas à une représentation équilibrée des partenaires au sein de son conseil d'administration; en amendant son projet de loi pour remplacer l'expression «des travailleurs» par «du milieu syndical»; en exigeant que la désignation des personnes représentant une catégorie de partenaires soit faite obligatoirement par ces partenaires eux-mêmes.

Le gouvernement doit donc tout faire pour que les acquis de la concertation soient pris en compte. C'est à ce prix que les CLD ont des chances de partir du bon pied, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup trop de MRC.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Sauvé, c'est terminé.

M. Sauvé (Maurice): Alors, effectivement, on aura l'occasion...

La Présidente (Mme Bélanger): Durant le questionnement.

M. Sauvé (Maurice): ...durant les questions de pouvoir expliquer nos craintes par rapport au fait que nous ne voyons pas suffisamment d'intégration ou de place pour l'économie sociale, par rapport à l'économie plus traditionnelle, dans le cadre des nouveaux CLD. Alors, je vous remercie et je vais répondre aux questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Sauvé. Je m'excuse, mais malheureusement le temps est toujours limité. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Merci, monsieur de la CSN. Tout d'abord, je vais vous dire qu'il y a eu du nouveau depuis mardi soir, sur votre argumentation concernant les hommes politiques au niveau du gouvernement et du monde municipal. Mardi, au caucus des députés, il y a effectivement eu un vote de pris, et les députés m'autorisent à modifier le projet de loi en ce sens qu'il y aura un droit de représentativité, de participer aux séances des conseils des CLD sans droit de vote. D'ailleurs, je crois que l'opposition, M. le député de Richmond, abondait un peu dans mon sens également là-dessus; et, après vérification, il n'y aura pas droit de vote aux députés. Ça sera amendé dans ce sens-là. Il n'y aura pas droit de vote.

(15 h 30)

Ce qui va nous permettre de créer un équilibre après, effectivement, par rapport à certaines MRC qui se sont déjà appointé 50 % de représentativité avec 10 %, 15 % ou 20 % de participation financière, soit-dit en passant! Et ça, on va le faire connaître publiquement partout. Ce n'est pas fini, cette histoire d'accréditation là! Ce n'est pas parce qu'il y en a qui se tirent en l'air tout de suite qu'on va laisser faire ça. Il y a une entente de gestion à négocier et il y a une accréditation à donner, c'est évident. Et, hier soir, quand j'ai rencontré l'UMRCQ, je leur ai fait la suggestion, plutôt, du pourcentage de représentativité basé sur le pourcentage de participation financière. Dans 91 des 96 MRC du Québec, le gouvernement va donner plus d'argent que n'en injectent les MRC, d'où un argumentaire assez serré pour permettre la plus grande représentativité des autres groupes.

Si nous-mêmes, on s'abstient d'aller poser un vote, malgré qu'on soit élu au niveau national, quel que soit le côté de cette Chambre, à plus forte raison, on veut faire participer le milieu. C'est l'objectif fondamental. Je le disais ce matin au niveau des groupes communautaires, le chantier du Sommet, Mme Neamtan, et également l'IFDEC, donc, qui sont venus témoigner, et je leur disais la même chose. Je pense que c'est des changements de mentalité qui doivent... Je partage votre analyse là-dessus. Un emploi, on n'a pas à se demander dans quel type d'économie. Un emploi, c'est un emploi. Un emploi, qu'il soit en économie sociale ou en économie traditionnelle, c'est une personne de moins sur l'aide sociale, c'est une personne de moins sur le chômage, c'est une personne qui a retrouvé la dignité du travail. Puis on est convaincu que c'est la très grande majorité des individus. Même s'il y en a qui généralisent dans le sens inverse, moi, je suis convaincu que non, par rapport à tout ce qu'on fait dans nos bureaux de comté. Dieu sait comment, depuis 21 ans, moi, si j'ai reçu du monde! Si j'avais pu inventer autant d'emplois qu'on m'en a demandé, on aurait le plein-emploi à Québec, c'est évident!

Donc, il est évident que ça va apporter des modifications de mentalités. On va apprendre à se regarder de façon différente. Moi-même, je suis un peu offusqué par certaines attitudes. Déjà, exclusivement au niveau du langage, il y en a qui se permettent de ridiculiser l'économie sociale. C'est l'économie «sôciale», puis là ça fait des farces, ça se bidonne, ça fait des gorges chaudes. Je m'excuse, mais, un emploi, c'est un emploi. Pour moi, c'est énorme.

Il faut avoir vécu un peu la misère des gens. Puis ceux qui arrivent puis qui disent: M. Chevrette, il me reste à peine un mois, soit d'assurance-chômage ou... Je veux travailler, ce n'est pas parce que je ne veux pas. Voici le nombre d'adresses que j'ai faites. Voici le nombre de c.v. que j'ai envoyés. Est-ce que vous pouvez m'aider? Donc, c'est parce qu'il y a des gens qui cherchent désespérément, c'est évident, de l'emploi. Et on va essayer de se donner toutes les chances, à partir des forces vives d'un milieu, pour bâtir cet emploi, créer cet emploi; avec les employeurs, avec les travailleurs, avec du monde de la coopération – parce que les coopératives aussi... – le monde communautaire. Le monde institutionnel aussi, parce que, au lieu d'avoir des commissions scolaires qui attendent qu'on aille leur dire ce dont on aurait besoin, en siégeant sur les CLD, ils vont se rendre compte quel type de formation il faut donner, le type de projet qu'on a.

Ça, je pense que c'est l'amorce d'un nouveau mouvement, d'un changement de mentalités. Il aurait peut-être été plus global puis ça ne m'aurait rien fait. Au départ, vous vous rappellerez que, moi, je préconisais dans un même bureau les CLE puis les CLD. Personnellement. En cours de route, on en a décidé autrement, pour des raisons que d'autres ministres donneront. Mais moi, personnellement, je suis même prêt, sur le territoire montréalais... Avec tout le problème qu'on a à Montréal à se bâtir un modèle, vous le savez que ça ne sera pas facile, d'autant plus que les CEDEC, à Montréal, font déjà de la formation et de la promotion de l'entrepreneuriat. Donc, il y a déjà des expériences sur les deux volets. Moi, je serai loin de m'objecter à toute expérience-pilote. Ce n'est pas du mur-à-mur. Donc, il y a place à l'initiative, à la créativité, puis on va essayer de l'encourager au maximum, à part de ça!

J'aurais une question à vous poser. Quand vous dites: Changer «travailleurs» par «syndicats» ou «syndiqués»... Dans certains milieux dit ruraux ou de MRC rurales, il n'y a pas nécessairement de syndicats. Vous le savez, c'est peut-être rare, mais il y en a quelques-unes qui sont de même. On a mis «travailleurs» expressément parce qu'il pouvait y avoir des travailleurs du monde agricole pas nécessairement syndiqués. Est-ce que vous voyez ça comme une condition sine qua non? Parce que nous, les collèges électoraux... J'ai écrit là-dessus, sur les collèges électoraux, vous le savez? Parce qu'il y avait certains... C'est le commissaire industriel qui a commencé à pointer son travailleur, son employeur, son institutionnel. J'ai été obligé d'écrire aux MRC. Mme Bégin, ma sous-ministre, elle a écrit à l'AMDEQ en disant: Minute! Les corporations de développement économique disent: Les collèges électoraux, on respecte ça.

Par le fait qu'on agira auprès des collèges électoraux, est-ce que vous croyez que c'est essentiel de modifier la loi, à ce moment-là, parce que l'esprit, c'est déjà ça qu'on est en train de rendre...

M. Sauvé (Maurice): À ce qu'on sache, les collèges électoraux ne sont pas dans la loi, comme tel.

M. Chevrette: Non, non.

M. Sauvé (Maurice): Écoutez, pour nous, c'est important parce que... Vous dites: Il peut y avoir une difficulté, par exemple, dans le monde de l'agriculture. Bon. À ce que je sache, ils sont représentés par l'UPA. Il y a des UPA régionales. Il y a donc des délégations qui peuvent venir de ces travailleurs qui sont, en passant, des travailleurs autonomes et des fois des entrepreneurs, hein, au rythme où l'agriculture se développe au Québec.

Alors, nous, il nous apparaît que ça n'a pas de bon sens de désigner des travailleurs pour représenter l'ensemble des travailleurs. Il faut que ce soit quelqu'un qui ait une conscience syndicale, qu'il soit dans l'UPA, dans la FTQ, dans la CSN, dans la CSD, peu importe, là, mais qu'il ait une conscience syndicale au niveau de cette situation propre de travailleurs, avec les difficultés que ça pose.

Alors, pour nous, ce serait trop facile et ce serait neutraliser totalement des groupes, quand même, très importants dans les régions, et on sait que les travailleurs, dans les régions, c'est des gens qui sont élus. Les représentants des travailleurs, ils sont élus par leurs pairs. Alors, ce n'est pas des gens qui sont sans mandat qui sont délégués là, et on s'assure toujours d'une formation de nos représentants, peu importe où ils sont délégués.

Je ne sais pas, Michel, si tu veux ajouter quelque chose.

M. Chevrette: Non, mais ce que je veux dire, c'est vrai que ce n'est pas dans la loi. C'est vrai que ce n'est pas dans la loi. Mais les consignes et les directives qu'on a données, dorénavant... puis pas dorénavant, si ce n'est pas fait de même, on... Moi, dès qu'on s'est plaint, par exemple, je pense que c'est dans le bout de Sainte-Thérèse-de-Blainville, qu'il y avait des affectations qui étaient en train de se donner, moi, j'ai écrit pour dire: Bien, écoutez, c'est aux travailleurs de la région, qui sont structurés, qui sont organisés, là – et j'ai dit le mot «travailleurs» à dessein – à nommer leurs représentants.

Je suppose que, là où la CSN est fortement majoritaire – elle a 10 syndicats contre un, moi, je ne sais pas, la CSD, ou un pour l'UPA – ils vont peut-être négocier entre eux combien ils vont en envoyer. Mais c'est vraiment au niveau des collèges électoraux. Moi, je l'ai mis par écrit, puis si ce n'est pas assez clair, ils vont reprendre les assemblées. C'est-u clair?

Ce n'est pas à qui que ce soit à choisir le représentant de l'autre. Si on a pris la peine d'identifier des clientèles qui devaient être représentées, c'est à elles, ces clientèles-là, de choisir leurs représentants. Ça, dans ma tête, c'est clair, clair, clair comme de l'eau de roche! Si ce n'est pas ça qui s'est fait, on va le reprendre. Ça, je peux donner ces garanties-là.

C'était juste pour la notion syndicale, parce que je suis pas certain que dans certains types de MRC – remarquez bien que c'est un doute que j'avais – je ne suis pas certain qu'il y a même du syndicalisme. Peut-être pas, en tout cas, en termes de structures. Il peut y avoir des membres syndiqués, mais pas nécessairement en termes de structures. C'est ça que je veux dire.

M. Sauvé (Maurice): J'aimerais que vous donniez la parole à Michel Paquet.

M. Paquet (Michel): Oui.

M. Chevrette: Ah, bon!

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M....

M. Chevrette: Dans ce temps-là, demandez-moi-le pas; donnez-lui vous-même!

La Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet. Non, c'est moi qui lui donne.

M. Chevrette: Ah, excusez, madame.

M. Paquet (Michel): Remarquez, M. le ministre, on a...

M. Chevrette: J'avais... Ha, ha, ha!

M. Paquet (Michel): ...même des syndiqués dans l'Ungava, là. On en a vraiment partout. Mais, au niveau des collèges électoraux, c'est plus une question: Est-ce que ça va être carrément inclus dans un règlement, une directive venant du ministère? Parce que, si ça ne paraît pas dans la loi puis qu'ils ne voient pas de contrainte véritable, on craint beaucoup que le monde municipal continue à nommer qui, le beau-frère qui est travailleur autonome, etc. C'est de même que ça s'est fait dernièrement, hein. On ne l'a pas inventé, là. C'est à peu près comme ça que ça se fait partout.

Le même questionnement se pose pour le monde communautaire. C'est sûr que c'est une zone plus difficile peut-être à cerner. Mais le monde qu'on pourrait qualifier plutôt d'associatif, tels les Chevaliers de Colomb, je pense, qu'on mentionne dans notre mémoire, pour nous, ça ne fait pas partie du monde dit communautaire. Alors, c'est sûr qu'à défaut d'avoir certaines directives là-dessus ou, enfin, certains critères qui permettent de bien cerner c'est quoi exactement, le communautaire, là aussi il y a des possibilités d'essayer de prendre le contrôle indirectement.

M. Chevrette: Oui, peut-être que je n'ai pas été assez précis. Moi, je suis prêt à reconnaître ça, là. Mais j'ai pris la peine d'écrire au monde municipal puis de faire écrire aux dirigeants des corporations économiques parce que c'étaient ceux qui avaient le plus d'intérêts à court terme à vouloir faire le trafic. Parce que la transformation d'une CDE – une corporation de développement économique – en CLD, il y aurait manifestement l'intérêt, là, pour certains.

M. Paquet (Michel): Oui.

(15 h 40)

M. Chevrette: Comme les élus municipaux voulaient avoir une certaine forme de contrôle, eux autres aussi avaient un intérêt. Donc, on a écrit aux deux. Mais j'ai mandaté, d'autre part, tous les sous-ministres adjoints en région de regarder s'il y a le respect des... c'est une des conditions d'accréditation. Ce n'est pas des petits clubs amicaux, là, qu'on veut avoir.

Une voix: Ouais, ouais, c'est ça.

M. Chevrette: C'est des gens qui sont représentatifs de leur groupement, pour créer une dynamique de développement économique et d'emploi. Ce n'est pas des cercles de cartes ou des cercles de bridge, là. Non, non. Ça, là-dessus, je suis bien conscient qu'on va avoir de la misère dans certains milieux. Comme vous me donnez un exemple, là, 38 sur un conseil d'administration, que vous me donnez, là, 19, 19, là. Pensez-vous que ça a de l'allure, ça, sur le plan de l'efficacité?

M. Paquet (Michel): Non.

M. Chevrette: Donc, il y a une entente de gestion, c'est parce que c'est plus par déduction. Si on avait eu beaucoup plus de temps, effectivement, pour expliquer... Quand on va arriver à signer une entente de gestion, pensez-vous que ça peut être efficace? On va se poser des questions. Moi, je ne me suis pas gêné pour donner... vous savez, quand il est 15 h 22, là, moi, je n'ai pas l'habitude de dire qu'il est 14 h 27. Quand je regarde l'horloge puis que c'est clair... Il y en a qui vont devoir reprendre leurs travaux. Ils ont voulu faire vite, ils ont voulu prendre l'initiative, ils ont voulu placer les gens devant un état de situation ou un état de fait. Il n'y a pas trop de presse, on a prolongé les délais, à part ça, jusqu'au 1er février, au lieu du 16 janvier, première démarche. On a le temps de faire une tournée nationale pour regarder ça. Pensez-vous que je n'analyserai pas chaque point des 96? Je vais le faire. Parce que la seule poignée, dans le fond, que le ministre a et que le gouvernement a sur son 60 000 000 $, c'est quoi? C'est l'accréditation puis l'entente de gestion, et c'est évident que si les directives n'ont pas suffi, je me fie à ce que des gens me fassent connaître leur point de vue rapidement.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Alors, M. le député de Montmagny.

M. Gauvin: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais remercier M. Sauvé et M. Paquet de venir nous entretenir aujourd'hui... pour se faire une meilleure idée sur votre perception du projet de loi qui a été déposé et qui met en place le ministère des Régions. Ça va nous permettre, à nous, les parlementaires de cette commission, je pense, de travailler, article par article, à l'adoption du projet de loi en fonction de répondre aux inquiétudes et aux aspirations du milieu et de tous les groupes confondus qui sont venus ici hier et aujourd'hui et qui vont venir dans les prochaines heures faire leur présentation.

Le moins qu'on puisse dire, si, brièvement, on revoit votre présentation, M. Sauvé, c'est que vous êtes resté un peu sur votre appétit. Vous attendiez à ce que, à cette occasion-là, le gouvernement précise beaucoup plus sur la vocation et les changements apportés aux CRD et ce que pourraient être les CLD, le rôle, vraiment, qu'ils pourraient jouer. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais, vous, vous êtes resté un peu sur votre appétit, comme on dit.

Vous n'avez pas trop fait allusion, et j'aimerais vous entendre sur votre perception... Parce que, dans la population, les gens voyaient la venue des CLD, et c'est ce qui avait été véhiculé par plusieurs gouvernements, dont celui-là et d'autres gouvernements qui ont précédé... Le gouvernement libéral aussi avait cette vision-là, le guichet unique. Le fameux guichet unique où on retrouverait tous les services au même guichet. On ne pense pas que c'est avec le projet de loi sur les régions et la structure des CLD, de la façon qu'elle est en train de se former dans la plupart des régions, comme plusieurs en ont fait le témoignage ici, que ça va donner ce qu'on attendait. Et j'y reviendrai. Je ne sais pas si vous avez des réactions pour cette première partie là?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet.

M. Paquet (Michel): Oui, effectivement, on s'attendait peut-être à plus au niveau du projet de loi, dans le sens suivant, c'est-à-dire d'avoir un mandat qui vise une vision beaucoup plus globale du développement local, beaucoup moins ciblée, parce que ça nous semblait l'être trop, à l'heure actuelle, exclusivement sur la voie dite de l'entreprenariat. Donc, avoir une vision qui intègre à la fois l'approche dite développement économique, mais aussi celle dite développement social. Et ça, on pense que, un peu comme pour les CRD, finalement, qui essaient, en tout cas, d'avoir une approche globale et intégrée de l'ensemble des facettes du développement de la région, de la même façon, on s'attendait à ce que le CLD ait donc un mandat, une vocation beaucoup plus large, globale et intégrée de toutes les facettes du développement local.

Donc, pour nous, ça demeurerait, si on veut, inachevé, incomplet pour le moment, un premier pas seulement, parce qu'il faut que ça aille beaucoup plus loin que simplement la voie de l'entreprenariat pour pouvoir agir finalement sur les déterminants majeurs de la pauvreté et de l'exclusion, du non-emploi. Et on ne pense pas que le seul fait de monter un plan d'affaires, c'est une garantie que ça va agir forcément sur tous et chacun des déterminants de la pauvreté. C'est sûr qu'un emploi, c'est fondamental, mais aussi des fois ça prend une intégration d'une autre dimension telle la formation de la main-d'oeuvre. Ça aussi, c'est un aspect qui est majeur. Ça peut être l'habitation aussi, que plusieurs voient de plus en plus comme étant peut-être le déterminant de base de la pauvreté dans beaucoup de coins et surtout dans certains quartiers urbains; c'est-à-dire que, quand on n'a pas une habitation de base qui est décente, tout le reste s'ensuit.

L'autre élément, ça aurait peut-être été... puis on y fait allusion dans un dernier point, c'est sans doute à venir éventuellement, mais d'éviter le dédoublement des structures avec le fédéral, entre autres les fameuses sociétés d'aide au développement des collectivités. Et, de façon un peu différente dans les quartiers urbains, Montréal, Québec et dans l'Outaouais, les CDEC, les corporations de développement économique et communautaire, où, là, c'est plus intégré entre tous les paliers de gouvernement et également les différents milieux. Et c'est pour ça qu'on fait allusion au fait que justement, dans ces SADC, qui occupent le terrain depuis, quoi, huit, neuf, 10 ans, il y a eu, un, cette vision beaucoup plus globale, donc multisectorielle, et dans la plupart des endroits une intégration beaucoup plus poussée des actions de tous les acteurs et partenaires du milieu local, que ce soit le fédéral, Québec, le municipal et les milieux communautaires, syndicaux. Il y a une expérience qui nous semble, sauf des exceptions, carrément positive du côté des sociétés de développement des collectivités. Or, pour le moment, il n'y a pas d'intégration. Ça prendrait une espèce d'entente du même genre que celle qu'a pu conclure Mme Harel sur le rapatriement de la main-d'oeuvre.

M. Gauvin: Vous êtes de ceux qui doutent qu'on puisse réduire sensiblement le nombre de structures existantes. M. le ministre, je pense, mentionnait hier qu'il en avait identifié environ 300 ou près de 400, pour les réduire – si je reprends – à 120 ou à peu près. Je pense que ça ne pourra sûrement pas se faire, avec ce qu'on a vu qui se préparait comme structure de CLD dans chacune de nos régions et le mandat qu'on voit dans le projet de loi. En fait, est-ce que vous avez la même lecture que nous autres?

(15 h 50)

M. Paquet (Michel): Bien, c'est sûr qu'il faut que ça devienne un objectif à atteindre de la part des CLD d'intégrer le plus possible d'autres structures. Parce que là, effectivement, chaque petite municipalité locale peut avoir sa propre structure, de façon totalement indépendante de ce que fait la municipalité locale voisine. Là, d'en avoir une à la grandeur de la MRC, peut-être que ça va inciter – en tout cas on l'espère – les municipalités locales à se serrer les coudes et à se doter d'une seule structure qui va pouvoir carrément unir leurs forces plutôt que de les diviser. Et remarquez que c'est encore plus criant dans des MRC où vous avez deux ou trois villes d'une importance certaine qui chacune a sa corporation de développement économique ou société, peu importe l'étiquette qu'on y met, avec ses commissaires industriels à elle. Et une bonne partie de leur travail, c'est d'essayer de voler le projet de développement de l'autre tout de suite à côté. Alors, c'est sûr que tôt ou tard il va falloir qu'ils unissent leurs forces et qu'ils intègrent l'ensemble de ces structures-là. Est-ce que, de la façon dont c'est concocté, ça va dans ce sens-là? Peut-être, mais on ne le sait pas trop.

M. Gauvin: Il y a des groupes qui vous ont précédés, et j'ai trouvé intéressant de la façon dont ils nous ont présenté ça. Ils nous disaient: On devrait d'abord s'asseoir ensemble, au niveau d'une région, et regarder ce qu'on veut faire, de quelle façon on veut développer l'économie dans notre milieu, ça nous permettrait ensuite probablement plus facilement de choisir qui devrait siéger au sein de cette structure-là. Et je trouvais l'approche intéressante, d'abord pratique. Dans la réalité, ce n'est pas toujours comme ça que c'est possible, là. D'une part, ça nous permet de mieux comprendre que, d'une région à l'autre, la vocation et le mandat d'un CLD peuvent être légèrement différents. La loi va définir les grandes lignes, mais la mise en place d'une structure comme celle-là et son mandat vont devoir être légèrement différents d'une région à l'autre, je crois.

M. Paquet (Michel): Bien, sur le processus pour l'implantation des CLD, est-ce qu'il aurait fallu, avant même une loi, une espèce de sommet ou états généraux au sein de la MRC des différents partenaires éventuels? Peut-être. Il y en a plusieurs qui l'ont réclamé, sauf que, oui, c'est sûr que, quand on regarde, historiquement, comment se sont constitués étape après étape les CRD actuels à la suite des sommets socioéconomiques, d'états généraux, et tout, ça aurait été un processus, effectivement, qui aurait pu être utilisé.

Mais il y a une différence notable dans le parallèle qu'on peut faire avec les CRD, c'est que là, si on a bien compris, le monde municipal serait appelé obligatoirement à financer un grand bout, alors que dans le cas des CRD, on le sait, c'est 100 % de l'enveloppe, ça vient du gouvernement du Québec, donc c'est à lui à décider. Mais là il y a à composer avec un autre palier politique, et le palier politique, lui, a décidé qu'il mettait le grappin d'avance un peu sur la nouvelle structure qui va naître. Et ça, il n'y a pas doute, c'est partir du mauvais pied, parce qu'on dirait qu'ils n'ont pas assumé les acquis de la concertation qui a pu se produire depuis 10 ans au Québec, que ce soit au niveau des CRD ou même au grand Sommet socioéconomique sur l'emploi. On dirait qu'il y a des bouts qui n'ont pas été compris là-dessus.

Mais c'est sûr qu'il faudrait, bref, pour nous, élargir les rangs des membres du conseil d'administration, si on veut donner une chance sérieuse au CLD de remplir les promesses qu'il veut. Sans ça, là, ça semble plus ou moins bien parti.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Alors, M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: Mme la Présidente, lorsqu'on regarde l'énoncé de mission du CLD tel qu'il apparaît au projet de loi, où on y reconnaît que c'est le soutien à l'entreprenariat et l'élaboration d'un plan local d'économie et d'emploi, ce qui présuppose évidemment, pour faire le lien avec ce que vous avez indiqué tantôt, une planification stratégique sur le plan local, j'aimerais vous entendre, moi, sur la présence et l'arrimage ou l'intégration qu'on devrait concevoir lorsqu'on tient compte de la présence des CLE, des CJE, des carrefours jeunesse-emploi, des ATR, qui poursuivent dans une certaine mesure une mission semblable dans des champs différents mais complémentaires.

M. Paquet (Michel): Bon, je vous reprendrais un peu l'essence de notre mémoire pour dire: d'où, justement, l'importance d'avoir une représentation adéquate et importante du monde syndical, entre autres, mais aussi du monde communautaire, et d'avoir une vision globale plutôt que juste axée sur l'entreprenariat. C'est peut-être justement le mandat qui est donné de par le projet de loi actuel, de s'occuper d'élaborer un plan d'action local sur l'emploi. Alors, quand on veut agir sur les déterminants de l'emploi, tout un chacun va admettre que l'expertise a pu s'élaborer, entre autres, dans l'ancienne structure SQDM, ce qu'on va appeler au niveau local les CLE, ou ceux qui vont être les conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Elle est détenue à la fois par le monde patronal et par le monde syndical, point.

Et de ne pas retrouver ces partenaires-là, qui se sont habitués à travailler ensemble depuis plusieurs années, avec une représentation adéquate au sein du CLD, je vous avoue qu'on est bien inquiets de ce que le monde municipal va pouvoir sortir comme plan d'action sur l'emploi. Ça va être quoi? Juste l'approche, je dirais, très classique, traditionnelle de dire: Bien. On ouvre un parc industriel, puis on essaie de faire venir des entreprises, ou ce qu'ont fait, classiquement, les commissaires industriels? Mais, ça, on est loin d'un plan d'action sur toutes et chacune des facettes de l'emploi. Ça prend carrément du monde syndical, du monde patronal et du monde communautaire. Le monde municipal n'est pas plus expert que nous autres, on est sûrs de ça, en développement de main-d'oeuvre et formation professionnelle.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Paquet, c'est terminé. Alors, M. le député de Richmond, vous allez pouvoir continuer avec d'autres questions.

M. Vallières: Oui. Alors, peut-être d'abord une précision, Mme la Présidente, puisque le ministre parlait de la position de notre formation politique concernant la présence des députés sur les conseils d'administration des CLD, avec ou sans droit de vote. Je lui ai indiqué que, évidemment, j'ai une préférence personnelle que j'ai déjà fait connaître, mais que nous continuons, comme caucus, à réfléchir là-dessus, et ça va aussi loin que se poser la question: Est-ce qu'on doit y être? Est-ce qu'on doit ne pas y être? Et, si on y est, avec ou sans droit de vote? Ma préférence, en autant que je suis concerné, c'est d'y être sans droit de vote, mais vous comprendrez qu'on devra en débattre à l'interne et vous revenir lors de l'étude article par article.

J'ai une question à vous adresser comme suite à ce que semble sous-tendre comme toile de fond votre mémoire et le mettre en parallèle avec ce qu'on a entendu à date d'autres organismes qui se sont positionnés par rapport au projet de loi, entre autres Solidarité rurale, qui est venu nous dire, et je les cite, on nous disait: «Solidarité rurale du Québec considère que ce ministère – on parle du ministère des Régions – vient tisser une nouvelle toile d'araignée sur le Québec dont le point central est toujours le gouvernement du Québec.»

Un autre organisme, qu'on a entendu aujourd'hui, qui est dans le domaine communautaire, l'Institut de formation en développement économique communautaire qui, lui, nous disait: «Préconiser que chaque communauté locale choisisse elle-même le type de développement qu'elle désire privilégier dans un cadre suffisamment souple, c'est l'essence même du développement local. La politique et surtout son énoncé dans le projet de loi n'offrent pas suffisamment cette souplesse. Dans sa formulation actuelle, elle semble privilégier un modèle unique axé sur un développement principalement économiste, voire affairiste du développement des territoires. On a également l'impression que c'est un modèle qui vient d'en haut, comme un cadre, un programme mur à mur auquel les milieux devraient s'ajuster».

Il y a une partie dans votre mémoire où vous dites que ce projet de loi semble être trop axé sur l'entrepreneuriat, que c'est une ligne directrice qu'on retrouve et que ça devrait être beaucoup plus large, s'adresser à une situation beaucoup plus large. On retrouve ça également dans les deux autres mémoires qui nous ont été présentés, mais, contrairement à vous, on semble dire que ce qu'on est en train de mettre en place avec le projet de loi qui est devant nous, c'est beaucoup plus du mur-à-mur et... Oui, oui. Bien, c'est ce qu'on retrouve à l'intérieur. C'est le mur-à-mur auquel les milieux devraient s'ajuster. C'est ce qu'on nous disait ce matin encore.

(16 heures)

Mais le point que je veux faire ressortir avec vous... parce qu'il y a deux philosophies qui semblent s'affronter; il y en a une qui dit: Que ce soit le milieu qui ait complètement l'autonomie, par exemple, pour les CLD, qui va siéger sur les CLD? Est-ce qu'il y aura des représentants du syndicat? Est-ce qu'il y aura des représentants des institutions? Est-ce qu'il y aura des représentants femmes et des représentants hommes, etc.? Ça devrait appartenir au milieu, qu'il n'y ait pas de balises là-dessus, qu'on dise aux gens: C'est à vous, selon votre personnalité, celle qui vous est propre... que vous aurez à déterminer qui pourra siéger sur ces conseils d'administration. Puis il y en aura d'autres qui, comme vous, nous disent ça devrait plutôt être balisé, s'assurer que toutes les sphères de l'activité que l'on retrouve dans un région soient mentionnées dans le projet de loi pour faire en sorte que personne ne soit oublié.

Nous, comme législateurs, tantôt, on devra prendre une voie ou une autre. J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus là-dessus afin de nous aider à établir un positionnement qui va correspondre, de plus, aux objectifs qui sont poursuivis dans le projet de loi, qui sont toujours louables. On le dit souvent, chaque fois qu'on a des projets de loi, on retrouve des objectifs auxquels on peut tous être associés, mais, quand on regarde les moyens que le législateur se donne pour les atteindre, souventefois, au bout d'un an, deux ans, trois ans, on dit: Oh! Diable! Ce n'est pas vraiment ça qu'on voulait faire avec ça.

Alors, comment ne pas tomber dans ce piège et répondre vraiment à une politique de développement des régions qui doit correspondre à la personnalité des milieux?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet ou M. Sauvé.

M. Sauvé (Maurice): Je vais commencer. Disons que c'est clair que les CLD, peu importe les difficultés qu'on peut appréhender, ça s'annonce quand même comme un lieu de concertation au niveau local. Et, dans ce sens-là, je ne suis pas d'accord avec l'assertion de Solidarité rurale. Évidemment, c'est toujours beau de pouvoir se parler, mais, au-delà de la parlure, il faut certains résultats.

C'est comme par rapport aux balises sur la composition. C'est clair que déjà il y a des balises dans le projet de loi. Il y en avait dans le guide d'implantation, etc., puis on voit comment le monde municipal veut s'accaparer le monopole du CLD, en tout cas en avoir un contrôle, en faire sa chose à elle, la municipalité.

Nous, c'est clair que... On pense qu'il y a là un lieu intéressant. Il faut absolument des balises. Ce n'est pas, quant à nous, un modèle totalement mur à mur, là. Il y a de la latitude. Il y a de la place à des réflexes du milieu, en autant qu'il y ait un équilibre, et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faut un équilibre des compositions, et on le voit là. Ensuite, il va falloir un équilibre dans les préoccupations. C'est sûr que, si on part avec une représentation qui est nettement inférieure en économie sociale, en économie communautaire, etc., c'est clair qu'on va subir, au fur et à mesure, les contrecoups. Ça va être l'approche néolibérale qui va primer et, dans ce sens-là, on a des appréhensions très nettes.

On pense que le développement... Et c'est nouveau. L'économie sociale, on en parle beaucoup. On dit, nous autres, là-dedans, qu'on nage là-dedans comme M. Jourdain nageait déjà, mais, articuler des politiques en économie sociale, il va falloir qu'il y ait un cadre d'opération. Et, dans ce sens-là, il faut absolument qu'il y ait minimalement un cadre, parce que les balises, c'est essentiel.

Je ne sais pas si, Michel, tu veux rajouter...

M. Paquet (Michel): Il faut sûrement qu'il y ait une correspondance entre les mandats, les jobs qu'on veut que le CDL... Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez une minute pour répondre.

M. Paquet (Michel): O.K. Entre les mandats qui sont dévolus aux CLD, entre autres, que ce soit en emploi, en économie sociale, en entrepreneuriat, il faut donc des balises pour bien indiquer qu'il faut qu'il y ait une représentation adéquate des différents, je dirais, experts de ces milieux-là. Il n'y a de doute dans mon idée que, même pour l'approche dite «entrepreneuriat», c'est peut-être les entreprises qui sont les mieux placées avec nous pour connaître les programmes de développement là-dedans, beaucoup plus que le municipal, dans le fond. Et pour la main-d'oeuvre, c'est nous, pour l'économie sociale, le communautaire, mais il faut que ce soit bien équilibré, tout ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Sauvé, M. Paquet, de votre participation.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 6)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission reprend ses travaux. Le mandat, c'est toujours de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions. Alors, je demanderais à nos invitées de bien vouloir s'approcher de la table: le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec inc.

M. Chevrette: Le CIAFT; on appelle ça le «CIAFT». C'est du bon monde!

La Présidente (Mme Bélanger): Le CIAFT. Je vous demanderais de bien vouloir prendre place. Et c'est représenté par Mme Sainte-Marie, je suppose? Oui? Alors, on vous demanderait de présenter la personne qui vous accompagne. Comme pour les invités précédents, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'un questionnement de la part des ministériels et du côté de l'opposition.


Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec inc. (CIAFT)

Mme Sainte-Marie (Thérèse): D'accord, merci. Alors, la personne qui m'accompagne, c'est Mme Denise Vandenbroucke, qui est directrice générale du centre La Clef, de Lanaudière; elle est également membre de notre réseau, au CIAFT.

Alors, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail est une organisation nationale qui regroupe quelque 120 membres, dont 52 organismes et groupes de femmes provenant de diverses régions du Québec. Les fondements et interventions du CIAFT reposent sur le principe que l'autonomie des femmes s'acquiert d'abord par leur autonomie financière, ce qui suppose la mise en place de politiques favorisant leur insertion socioprofessionnelle. Le CIAFT collabore avec différents partenaires socioéconomiques afin d'amener des changements sociaux nécessaires permettant l'atteinte de l'égalité professionnelle des femmes.

Il y a maintenant plus de deux ans que le CIAFT a mis sur pied le Réseau des représentantes en condition féminine aux instances de développement régional. Ce réseau est composé des représentantes de l'ensemble des régions du Québec qui sont issues des conseils régionaux de développement, CRD ou CRCD, et des conseils régionaux de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ces représentantes proviennent pour la plupart des groupes communautaires d'intégration des femmes en emploi, mais elles proviennent aussi du secteur des affaires et du milieu syndical, ainsi que quelques conseillères municipales ou même des mairesses. En devenant membres de notre réseau, toutes ces représentantes ont donc adhéré aux objectifs de celui-ci et à ceux du CIAFT et accepté de sensibiliser leurs milieux respectifs sur les réalités socioéconomiques particulières des femmes et sur la nécessité d'encourager et de soutenir la participation de ces dernières aux instances de développement locales et régionales.

Le Réseau poursuit essentiellement deux grands objectifs: fournir du ressourcement, de l'information et de la formation pour les représentantes présentes dans les instances régionales de développement et offrir un lieu d'échange, de concertation et d'analyse leur permettant de mieux prendre en compte les réalités socioéconomiques particulières des femmes et, éventuellement, de les faire valoir dans l'élaboration des politiques et stratégies de développement local et régional et de développement de la main-d'oeuvre. C'est donc à ce titre, finalement, que nous faisons la présentation du mémoire.

(16 h 10)

La création d'un ministère des Régions, la reconfiguration des conseils régionaux de développement et la création des centres locaux de développement engagent, selon nous, un large débat qui dépasse les seuls paramètres d'une réorganisation et de la mise en place de nouvelles structures. Elles questionnent notre vision et nos responsabilités collectives face au développement de l'entreprenariat et de l'économie ainsi que notre capacité à les intégrer aux multiples enjeux du développement.

Ce projet de loi concerne donc l'ensemble des membres de la société, mais il interpelle spécifiquement les Québécoises comme participantes actives aux prises de décisions des collectivités. En effet, malgré la progression sensible de la participation des femmes aux affaires publiques, celles-ci ont encore aujourd'hui des difficultés importantes d'accès à des postes de pouvoir et électifs. Plus qu'une simple question de présence numérique des femmes au sein des structures décisionnelles régionales et locales, le CIAFT considère qu'une représentation spécifique du mouvement des femmes au sein de ces structures ne peut que favoriser l'émergence de projets et de programmes visant l'amélioration des conditions de vie et d'emploi des femmes.

Pour ces raisons, le CIAFT tient aujourd'hui à présenter son point de vue en regard de sa mission particulière et de sa connaissance des problèmes liés à la participation et à la prise en compte des intérêts et des réalités spécifiques des femmes au sein des instances locales, régionales et nationales de développement économique.

Alors, plus particulièrement en ce qui a trait à la loi sur le ministère des Régions. Les orientations générales du projet de loi sur le ministère des Régions présentent des avancées certes intéressantes en matière de démocratisation territoriale du pouvoir mais soulèvent également plusieurs craintes en regard de ses impacts sur les services qui seront offerts aux femmes ainsi que sur la participation de ces dernières au sein des structures régionales et locales.

À cet effet, l'article 1 du projet de loi stipule que: «Le ministre des Régions a pour mission de susciter et de soutenir le développement local et régional en favorisant sa prise en charge par les collectivités intéressées, dans le cadre d'un partenariat entre elles et l'État. [...] Dans ses interventions, il prend en considération les spécificités locales et régionales. Il agit en concertation avec les partenaires du milieu et facilite leur participation.»

À la lecture des récentes recherches sur le sujet, on constate que les femmes occupent présentement, au sein des instances décisionnelles régionales, une proportion de sièges grandement inférieure à l'implication réelle à la vie sociale et économique régionale des femmes. On observe également que le type de sièges qu'elles occupent se concentre dans certains collèges électoraux. On compte en effet beaucoup plus de femmes dans la catégorie «Dispensateurs de services» que dans celle de «présidents», bien sûr. Proportionnellement, il y a aussi plus de conseillères municipales que de mairesses. Bref, bien sûr, les CRD reflètent la présence des femmes à l'intérieur des structures décisionnelles de différents milieux.

Afin de combattre l'iniquité de représentation, d'assurer la défense des intérêts des femmes et de rattraper, en partie, leur retard historique quant à leur participation à la sphère politique décisionnelle, des représentantes de groupes autonomes de femmes ainsi que des tables régionales de concertation de groupes de femmes ont demandé l'ouverture d'un siège exclusivement réservé aux dossiers de condition féminine. En 1996 – je devrais lire plutôt – 10 conseils régionaux de développement avaient réservé un siège «condition féminine», soit les régions du Bas-Saint-Laurent, Îles-de-la-Madeleine, Québec, Mauricie– Bois-Francs, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Chaudière-Appalaches, Montérégie, l'Estrie et Lanaudière.

La parité hommes-femmes dans les instances décisionnelles est le gage, certainement, d'une démocratie saine et efficace. D'ailleurs, le principe d'égalité entre les hommes et les femmes devrait être énoncé dans toute démarche visant la mise en oeuvre de la loi. Cependant, la représentation paritaire ne signifie aucunement que les femmes présentes sont en mesure de soutenir le dossier de condition féminine. Il est effectivement difficile et inconfortable d'être porte-parole de plusieurs milieux à la fois. De plus, le manque de liens entre ces déléguées et le mouvement des femmes fait douter qu'elles puissent assurer le suivi nécessaire à l'évolution de ce dossier. Il existe donc un risque réel que, sans représentante officielle, la problématique de la main-d'oeuvre féminine soit toujours considérée en marge de ces lieux décisionnels et qu'un grand nombre de recommandations liées à l'amélioration des conditions de vie et d'emploi des femmes soient ainsi évacuées.

Enfin, plusieurs régions et localités sont déjà organisées en fonction d'une représentation féminine dans les instances de développement économique régional et local et ont déjà constitué en ce sens des banques de ressources féminines impliquées dans le développement économique de leur localité et qui désireraient travailler à l'avancement de la situation économique et sociale des femmes dans leur milieu.

Considérant que les femmes contribuent grandement au développement économique, social, politique et culturel de leur région depuis de nombreuses années, le CIAFT recommande au ministre du développement des régions de faciliter la participation des Québécoises en: désignant un siège «condition féminine» au sein des instances locales et régionales de développement économique; en assurant que les engagements reliés à la condition féminine soient écrits noir sur blanc, tel qu'une politique d'équité, par exemple; en maintenant et développant de forts réseaux de support pour les représentantes afin de favoriser de nouvelles modalités d'échange d'information, de coopération et d'apprentissage; en poursuivant et stabilisant le soutien financier des groupes de femmes qui travaillent à former des réseaux ou à outiller les femmes face à l'action locale et régionale; en prévoyant des mesures financières palliant aux conditions économiques souvent difficiles des femmes qui ne leur permettent pas de s'engager dans les instances de développement local et régional autant qu'elles le souhaiteraient; en incitant les partenaires du marché du travail et les instances de développement local et régional à instaurer des mesures de conciliation au travail-famille afin de s'adapter aux nouvelles réalités des femmes et des hommes et favoriser le développement des services de garde; en élaborant une orientation nationale en condition féminine dans le cadre du renouvellement des ententes-cadres, de la formulation des ententes spécifiques et de la signature des ententes de gestion dans les centre locaux de développement.

En ce qui a trait plus particulièrement aux centres locaux de développement, le CIAFT est tout à fait d'accord avec l'ensemble des modalités de la section I concernant la mise en place des centres locaux d'emploi, les CLD. Il nous apparaît en effet primordial que l'ensemble des partenaires intervenant en développement économique établissent conjointement les orientations et les priorités d'action de leur CLD. Par contre, l'absence de référence au mouvement des femmes et de distinction avec le secteur communautaire dans la composition des CLD nous fait craindre que les préoccupations du milieu communautaire, du mouvement des femmes et celles reliées à l'économie sociale ne soient noyées dans cette masse d'intérêts.

Aussi, en vertu de l'article 10 du projet de loi, nous demandons au gouvernement d'ajouter une représentante du mouvement des femmes à la liste des membres représentatifs ainsi qu'une orientation nationale en condition féminine que l'on trouverait également au niveau de l'entente de gestion signée par le CLD et le ministère des Régions.

Enfin, afin d'assurer une prise en compte des intérêts et des réalités des femmes par les instances locales et pour faire suite à l'article 14 qui postule que: «Le centre local de développement administre les sommes qui lui sont confiées par le gouvernement dans le cadre d'une entente conclue pour l'exécution de tout projet de développement local relevant de la compétence du ministre», le CIAFT demande donc que les conseils d'administration des CLD soient tenus de réserver des sommes précises et suffisantes afin d'offrir les services nécessaires à la clientèle féminine. Ces services pourraient être ceux, par exemple, des services d'orientation et d'employabilité pour les femmes, de formation professionnelle, de soutien à l'entrepreneurship féminin.

Toujours en lien avec les responsabilités des centres locaux de développement, nous demandons, en vertu de l'article 15 concernant les rapports d'activité et états financiers qu'il doit fournir annuellement, l'implantation de mécanismes d'évaluation afin de mesurer la réelle prise en compte des intérêts et des besoins des femmes par le milieu.

En ce qui a trait aux conseils régionaux de développement, au fil des ans, les femmes se sont taillé une place au sein des conseils d'administration des conseils régionaux de développement leur permettant de mener certaines actions en faveur de la condition féminine. Toutefois, rien n'est acquis. Le manque de support et une représentation inégale ont occasionné des reculs dans certaines régions et placent souvent ces délégués en situation d'isolement.

Étant donné que le projet de loi prévoit que chaque CRD a principalement pour mandat de favoriser la concertation entre tous les partenaires régionaux et de donner des avis au ministre sur tout ce qui touche le développement régional, le CIAFT demande au gouvernement de tenir compte des besoins exprimés par les instances régionales et de veiller à ce que les instances locales et régionales prévoient des mécanismes afin d'assurer un rôle-conseil en matière de condition féminine qui pourrait se traduire, par exemple, par un comité aviseur femme dans le CRD ou un comité de développement régional et condition féminine.

On demande également d'assurer le maintien en poste de la ou du responsable de la condition féminine au Secrétariat au développement des régions. De plus, nous désirons rappeler ici la nécessité d'obtenir une orientation nationale en matière de condition féminine afin qu'elle soit intégrée aux priorités établies par le CRD dans le cadre de son plan stratégique. Puisque le CRD doit également assurer le suivi de son action et périodiquement procéder à l'évaluation de cette dernière, le CIAFT demande ici encore que soient implantés des mécanismes d'évaluation visant à mesurer la réelle prise en compte des intérêts et des besoins des femmes.

Maintenant, en ce qui a trait aux comités régionaux d'économie sociale, le projet de loi ne fait aucune mention des comités régionaux de développement de l'économie sociale, alors que la politique de soutien au développement local et régional les rattache clairement aux comités régionaux de développement.

(16 h 20)

En effet, cette politique définit clairement le mandat des CRES de la façon suivante: D'élaborer, dans la planification stratégique de la région, le volet consacré à l'économie sociale; de veiller à ce que la représentation des intervenants en économie sociale sur le conseil d'administration des CLD soit assurée; de favoriser la concertation entre les intervenants locaux et régionaux en économie sociale pour assurer la cohérence et maximiser l'effet de leurs interventions. Le CIAFT recommande d'intégrer clairement la structure des CRES dans le projet de loi, avec le mandat tel que défini par la Politique de soutien au développement local et régional .

De plus, considérant que la représentation du mouvement des femmes n'est pas non plus assurée dans les CRES, le CIAFT recommande que les quatre sièges «condition féminine» qui existaient jusqu'à maintenant au sein des comités régionaux d'économie sociale soient maintenus. Compte tenu que le temps file, je vous amènerai immédiatement à la conclusion.

En 1997, la question de la participation des femmes au pouvoir politique et économique demeure donc presque entière malgré l'intérêt qu'elle suscite dans plusieurs groupes de femmes. Comment les Québécoises peuvent-elles avoir une emprise réelle sur leurs conditions de vie sans participer directement aux décisions prises au nom de la collectivité, sans avoir la possibilité de faire valoir leurs opinions et d'exercer leurs droits à des postes de pouvoir? Malgré une croissance du taux de participation des femmes aux instances décisionnelles régionales depuis 1992, rien ne protège actuellement ces quelques acquis. Et je rappelle que, dans le cas des CRD, la présence des femmes ne dépasse même pas 20 %.

Aussi, il importe que le ministère des Régions assure également une représentation du mouvement des femmes au sein des instances locales et régionales de développement économique dans le but de favoriser une meilleure prise en compte des intérêts et des réalités des femmes au sein de ces mêmes instances. À cet effet, le ministre devrait aussi prévoir un soutien accru aux représentantes de la condition féminine et à sa relève afin qu'elles puissent contribuer davantage à la lutte contre le chômage et la pauvreté.

Nous espérons donc pouvoir compter sur l'appui du ministre responsable du développement des régions pour que les différentes recommandations que nous avons formulées à cet égard soient retenues dans la nouvelle loi sur le développement local et régional. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Sainte-Marie. M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, merci. Bonjour, mesdames. Tout d'abord, je suis heureux de vous signaler que mon ministère a conclu une entente, vous le savez, avec le Secrétariat à la condition féminine, et puis on se fait les promoteurs de ce que vous décrivez, même, dans votre mémoire, du statut de la condition féminine à travers nos structures, à travers nos réseaux, à travers nos régions, et que nous y sommes allés de façon assez systématique auprès de certains CRD, conseils régionaux de développement, de façon, aussi, directe. C'est moi-même, quand je vais en région, je le dis. Il y a des endroits où j'avais un demi-siège pour les femmes puis un demi-siège pour les jeunes, je pense, à plusieurs endroits, ça marchait de même, comme si on s'assoyait sur deux chaises! Il y en a quelques-uns de même, en politique, qui aiment ça s'asseoir entre deux chaises, mais ça a l'air inconfortable! On a essayé de progresser, je pense. Je suis content de voir que vous soulignez quand même les pas positifs dans plusieurs régions du Québec; ça a porté ses fruits. Ce n'est pas toujours facile. Il y a même des femmes qui ne vous aident pas, parce qu'elles disent: Bof! On est démocratiques. Ce n'est pas tout le monde qui est féministe, là, il faut bien que vous compreniez ça. D'ailleurs, je vais vous questionner, justement, là-dessus.

Ma première question, c'est à la page où vous parlez de parité, page 4, je pense. C'est bien ça. Les premier et deuxième paragraphes, la parité hommes-femmes. À toutes fins pratiques, quelqu'un qui vous écoute puis qui ne sait pas trop qui vous êtes, il se dit: Coudon, elles ne se contentent pas de la parité 50-50 hommes-femmes. Qu'est-ce que vous leur répondez?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Vous voulez que je vous réponde tout de suite?

M. Chevrette: Bien sûr.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Je vais vous répondre tout de suite. C'est essentiellement... la suite, si vous lisez après la première ligne, ce qu'on dit, c'est qu'effectivement les femmes, même en étant, par exemple, représentantes d'une organisation syndicale ou qu'elles représentent leur municipalité, elles n'ont pas l'énergie et nécessairement le temps, même si elles peuvent avoir une sensibilité par rapport au dossier de condition féminine, pour porter ce dossier-là. Et pourquoi c'est important de le porter, ce dossier-là? C'est parce qu'effectivement les femmes, encore aujourd'hui, occupent en très grande partie des emplois précaires, les emplois qui sont payés au salaire minimum, mais qu'il y a un travail à faire pour effectivement sortir les femmes de la pauvreté. Et la participation d'une femme qui porte le dossier condition féminine à l'intérieur d'un CRD pourrait effectivement permettre davantage de développer ce dossier-là, de soutenir la recherche qui est nécessaire pour faire valoir ces intérêts-là des femmes, qui sont la plupart du temps exclues à la fois des lieux de pouvoir mais aussi du marché de l'emploi et des emplois qui sont relativement intéressants.

Donc, c'est en ce sens-là qu'on dit que, tant que la situation des femmes ne s'améliore pas sur le plan économique, on a encore besoin d'un siège spécifique pour la condition féminine pour porter effectivement cette préoccupation-là, parce que, même si on peut se rapprocher de la parité, il n'est pas évident que ces dossiers-là seront traités.

M. Chevrette: Est-ce que vous êtes assez bien structurées pour vous présenter sur tous les comités provisoires puis faire valoir votre point de vue?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Quels comités provisoires?

M. Chevrette: Les comités provisoires conduisant la création du CLD.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Pour ce qui est des CLD, on le sait, on vous l'indique aussi dans le mémoire, il y a un travail qui s'est fait depuis au moins un an pour constituer une banque de ressources de femmes pour pouvoir occuper ces sièges-là. C'est sûr que la situation n'est pas égale d'une région à l'autre, dépendamment évidemment de la grandeur du territoire. Quand on pense aux Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, ce n'est pas toujours évident, là. Les femmes, évidemment, sont dispersées, dans ces milieux-là. Mais il y a d'autres régions où effectivement elles seraient prêtes non seulement à occuper les sièges CLD, mais aussi prêtes à participer à des comités provisoires ou des comités d'étude ou des comités de développement régional. Il y a des régions où effectivement les femmes sont extrêmement dynamiques. Je pourrais donner l'exemple de la Montérégie, de la Mauricie qui, effectivement, ont été très actives au niveau du dossier «Femmes et développement régional» et qui ont effectivement développé et proposé différents projets qui visent l'intégration des femmes au marché du travail ou qui visent l'amélioration de la situation économique des femmes par des politiques d'équité en emploi ou qui visent aussi l'élaboration de projets d'économie sociale.

M. Chevrette: Dans votre mémoire, vous débordez largement – sans doute de façon délibérée – les cadres du projet de loi comme tels. Vous énoncez même vos revendications qui se situent à d'autres niveaux que celui du rôle que vous pourriez jouer à l'intérieur d'un CLD, par exemple. Vous parlez du maintien du réseau, du subventionnement de votre réseau, de la structure régionale, etc. Votre objectif, c'est de profiter de la tribune – je suppose – pour pouvoir faire valoir vos points de vue. Mais est-ce que, systématiquement, vous faites valoir cet ensemble de données auprès des autres ministres qui peuvent avoir une incidence ou une influence sur vos dossiers?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Étant donné que les politiques de développement local sont essentiellement, en tout cas, sont intimement imbriquées avec celles du développement de l'emploi et de la formation de la main-d'oeuvre, c'est sûr effectivement que ces dossiers-là – en tout cas, pour ce qui est du CIAFT avec les membres du réseau – on les mène tous de front et on interpelle d'autres ministres que vous-même, là. Alors, là-dessus, je pense que le travail que fait le réseau, c'est effectivement d'essayer de faire ces liens-là entre les différentes responsabilités, je dirais, des ministères, mais aussi de l'implication des dossiers eux-mêmes à l'intérieur du CLD.

Quant à la référence du réseau, bien, le réseau, bien sûr, c'est une structure qui est appuyée, qui est subventionnée par le Secrétariat au développement des régions, mais il existe essentiellement parce qu'il permet un support et un ressourcement pour ces femmes-là qui sont dans les régions et qui n'ont pas effectivement l'occasion de pouvoir avoir, d'une part, l'occasion d'échanger sur les difficultés qu'elles peuvent avoir dans leurs propres structures régionales, mais aussi ça leur permet de pouvoir effectivement – comme je le disais tantôt – se ressourcer en tant que telles et de développer, de raffiner leurs interventions dans leur propre milieu.

(16 h 30)

Donc, tout ça, pour moi, ça m'apparaît interrelié et il me semble que, dans le projet de loi, on ne parle pas que des CLD, on parle également des CRD, des responsabilités qui sont liées aux CRD; et l'ensemble des représentantes qui composent le réseau proviennent effectivement – en tout cas une partie – des CRD.

M. Chevrette: À quelle hauteur vous êtes subventionnées au niveau local? Par qui?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bien, ça, c'est le problème. Il n'y en a pas, de subvention, au niveau local, là, pour la participation des femmes.

M. Chevrette: Vous vivez exclusivement de petits programmes, soit fédéraux, provinciaux?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Si vous parlez de... Quand vous dites «vous», là, nous, on n'est pas un groupe...

M. Chevrette: ...local.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): ...local. On est un groupe national.

M. Chevrette: Non, mais je prends les CLE, là. Les CLE, je sais que ça s'abreuve à toutes les champleures qui peuvent bien couler, là, si j'ai bien compris. Mais votre réseau, moi, je le subventionne avec le Secrétariat au développement des régions, puis c'est au niveau national. C'est une somme globale.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui.

M. Chevrette: Quelles sont les autres sources de financement de votre réseau?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Du réseau lui-même?

M. Chevrette: Si vous vivez juste avec ce que je vous donne, vous ne devez pas vivre grasses, évidemment!

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bien, on en vit pas très gras, non.

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Non, mais je pense que, effectivement, compte tenu que c'est le CIAFT qui gère ce financement-là, on considère aussi que, en partie, les autres sources de financement qu'on peut recevoir, par exemple, comme Condition féminine Canada, permettent effectivement de compléter les besoins.

Mais je dirais que, au niveau local, un groupe comme la Clef, là, le groupe de Mme Vandenbroucke, ne reçoit absolument rien pour participer à une structure locale de concertation ou une structure régionale de concertation. Il n'y a absolument aucune somme de prévue à cet effet-là. Donc, tout se fait bénévolement, comme on dit, sur le bras des participantes; et souvent, effectivement, ça peut poser un problème, parce que ces groupes-là, ces femmes-là qui sont issues de groupes de services, bien, je dirais que 99 % de leur temps, elles doivent l'assumer pour justement offrir les services à la population. Donc, tout ça vient comme en sus par rapport à l'ensemble de leurs responsabilités, là. Veux-tu ajouter quelque chose, Denise?

Mme Vandenbroucke (Denise): Oui, si je peux ajouter, disons... Un organisme comme le nôtre a pour mission d'intégrer les femmes sur le marché du travail, reçoit du financement, reçoit des subventions pour le service direct à la clientèle et non pas pour, justement, s'impliquer à d'autres niveaux et faire partie de réseaux ou de tables, ou quoi que ce soit. C'est, à ce moment-là, notre part de bénévolat, et c'est parce qu'on croit vraiment à la mission d'aider les femmes. Mais on n'a pas de subvention pour ça.

M. Chevrette: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Est-ce que Mme la députée de Beauce-Sud a un questionnement?

Mme Leblanc: Certainement. Vous avez terminé, M....

Alors, bonjour, mesdames.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bonjour.

Mme Vandenbroucke (Denise): Bonjour.

Mme Leblanc: Alors, je suis très, très heureuse de voir la définition que vous faites de la problématique féminine. Vous disiez tantôt que souvent la représentation féminine ne dépasse pas 20 % dans les postes de décision. Je peux vous dire que c'est réel. C'est comme ça ici aussi, à l'Assemblée nationale. On vient tout juste de dépasser le cap des 20 %. Alors, je pense qu'on a du chemin à faire encore, parce qu'on représente quand même 50 % de la population.

Je pense que votre éclairage sur la problématique et comment, si vous voulez, l'intégrer au sein des CLD, plus particulièrement, va nous apporter un éclairage intéressant, là, surtout quand on va arriver à l'étude détaillée du projet de loi. Je sais que les femmes supportent généralement l'économie sociale, et on sait que ce sont souvent les femmes, aussi, qui doivent compenser pour les coupures qu'on fait dans le réseau de la santé, et tout ça, là. C'est souvent sur nos épaules. C'est sûr qu'on a des avantages, nous, les femmes, à créer justement des emplois dans l'économie sociale, parce qu'on veut essayer de trouver des façons de se décharger un peu de tous les emplois qu'on veut nous donner.

Vous avez fait des recommandations, je pense, en sept points, à un moment donné, quand vous avez parlé du ministère des Régions. Certaines de vos recommandations... On parle, par exemple: «En maintenant et en développant de forts réseaux de support pour les représentantes afin de favoriser de nouvelles modalités d'échange d'information, de coopération et d'apprentissage; en poursuivant et en stabilisant le soutien financier des groupes de femmes».

Est-ce que je dois comprendre que ces recommandations-là, vous voulez que la politique, si vous voulez, qui touche un peu la condition féminine... soient intégrées à l'intérieur du ministère des Régions? Est-ce que c'est bien ça que je comprends?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Oui. Oui, parce que, dans le fond, dans le projet de loi, il n'y a rien qui assure que le travail qui a commencé à être amorcé, parce qu'on sait qu'il y a, avec la cinquième orientation – la politique de la condition féminine – il y a un travail en concertation conjoint qui doit être fait avec le Secrétariat au développement des régions... On veut effectivement que ça se poursuive.

Mais, un peu comme on l'expliquait tout à l'heure en réponse à M. Chevrette, les femmes en région et dans leur localité n'ont rien pour vraiment, d'une part, structurer leur travail, la préparation à ces lieux de réunion là, parce que ce n'est pas évident. Quand on est dans un milieu d'affaires, on a des réseaux d'affaires, on a des chambres de commerce, on a différents lieux qui permettent un ressourcement, qui permettent de faire avancer les dossiers. On a accès effectivement à des recherches locales sur, par exemple, la problématique économique de telle municipalité. Les femmes n'ont pas ces ressources-là. Alors, comment, effectivement, peuvent-elles, d'une part, se structurer, développer aussi leur capacité d'intervenir dans ces milieux-là? D'une part, évidemment, comprendre les débats, c'est une chose, mais d'intervenir, d'avoir de la crédibilité quand elles interviennent, c'est aussi une autre paire de manches.

Alors, il y a tout un travail à faire au niveau local et régional que, nous, on ne peut pas, au niveau de notre réseau qu'on a mis sur pied, tout combler ça. Parce que, dans le fond, nous, notre réseau vise essentiellement à ressourcer celles qui sont comme des actrices majeures à l'intérieur des CRD ou des SQDM. Mais, à cause de l'élargissement de ces structures de concertation au niveau local, bien sûr que là, nous, on ne peut pas comme combler tout ça. Il va falloir qu'il y ait un support au niveau régional et local qui puisse se faire. Et c'est en ce sens-là qu'on a amené cette recommandation-là, parce que effectivement il y a du retard à rattraper. Et ce n'est pas vrai non plus que les femmes doivent uniquement se confiner aux dossiers de l'économie sociale, parce que le volet de l'entrepreneurship au féminin, le développement à la fois des réseaux de santé, des réseaux de la culture, tout ça, c'est des problématiques sur lesquelles les femmes peuvent intervenir, mais elles ont aussi à, je dirais, s'outiller pour pouvoir intervenir dans ces milieux-là. Et tenant compte du fait que, au niveau de la représentation des autres collèges électoraux, les femmes ne font pas partie des élites politiques de ces différents collèges là, bien, effectivement, il y a beaucoup de travail à faire pour elles pour pouvoir apporter un apport qui va influencer le cours des choses à l'intérieur des structures locales et régionales. Donc, c'est en ce sens-là qu'on a identifié ces besoins-là.

Mme Leblanc: Est-ce que vous iriez jusqu'à souhaiter que certaines enveloppes soient dédiées exclusivement aux préoccupations des femmes et aussi peut-être à votre façon de pouvoir mieux jouer votre rôle au sein des CLD, au sein des CRD, en fait à tous les niveaux, là? Est-ce que vous souhaiteriez qu'on réserve spécifiquement des argents pour vous autres?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Moi, je pense que ça serait souhaitable, effectivement. D'une part, il faut dire que certaines régions ont déjà des comités aviseurs femmes, mais ce n'est pas toutes les régions, ça n'a pas été de façon uniforme, de région en région. Parce que je pense aussi que ça dépend en grande partie de la sensibilité que peuvent avoir les décideurs à l'intérieur des conseils régionaux de développement. Ça dépend aussi de la dynamique régionale en tant que telle. Alors, l'idée, pour nous, n'est pas de proposer une solution mur à mur pour dire: voilà quel est le moyen privilégié qui doit être mis en branle. Mais je pense qu'à la lumière de ce que les femmes peuvent dire en région et des besoins qu'elles expriment, il faut faire en sorte qu'on puisse aménager des enveloppes qui répondront spécifiquement aux besoins exprimés. Parce que, bon, dans certaines régions, comme je vous disais tout à l'heure, il y a des comités aviseurs femmes; d'autres régions, c'est des comités de développement régional femmes. Il y a des nuances, qui sont importantes pour certains milieux régionaux, qu'il fauta respecter, là.

Mme Leblanc: Avez-vous identifié...

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Je pense que Mme Vandenbroucke voudrait rajouter quelque chose.

(16 h 40)

Mme Vandenbroucke (Denise): Oui, c'est qu'on parle de support, mais on parle aussi dans le document, au niveau de la relève... si on veut préparer, justement, la relève aussi. Parce qu'on avait, tantôt, un peu une inquiétude, à savoir au niveau de la représentativité des femmes, disons, partout, dans tous les CLD et dans toutes les régions. On mentionnait aussi, question de budget, que la plupart de ces femmes-là travaillent dans des organismes, et, comme on disait, les organismes ne reçoivent pas de financement pour défrayer, si on peut dire, les coûts.

Donc, il y a un support, oui, technique, mais un support aussi financier, parce que, dans les régions éloignées et même dans plusieurs régions, la région est assez grande, donc au niveau des déplacements et tout... alors, ces personnes-là n'ont pas le support financier non plus. C'est une des raisons pour lesquelles, aussi, des fois, il est difficile de les recruter. Et, comme je disais aussi, si on veut préparer la relève pour assurer qu'il y ait une continuité aussi au niveau de la condition féminine dans chacune des régions, je pense que, oui, il va falloir penser financement, penser à des enveloppes.

Mme Leblanc: On dit que le nerf de la guerre, c'est l'argent. Alors, je comprends que vous avez tout à fait raison. Le nerf de la guerre, c'est souvent l'argent. Alors, je comprends que vous voulez avoir des enveloppes pour vous autres. Est-ce que vous avez identifié des programmes dans certains ministères ou à la Condition féminine que vous aimeriez qui soient transférés dans les CLD ou au ministère des Régions, aux CRD?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Il n'existe pas beaucoup de programmes dans d'autres ministères qui sont spécifiquement rattachés au dossier de la condition féminine. Il y a déjà eu des programmes au ministère de l'Industrie et du Commerce pour favoriser l'entrepreneurship féminin. Ces enveloppes-là ne sont plus là. Il y a comme une certaine présomption dans différents milieux que la situation des femmes sur le marché du travail s'est grandement améliorée; oui, c'est vrai, mais il y a encore des problèmes très grands au niveau non seulement de la différence de revenus, mais, comme je l'expliquais tout à l'heure, aussi au niveau de l'accès à des emplois de qualité. Donc, effectivement, il faut créer ces enveloppes-là.

Mme Leblanc: Je voudrais savoir votre opinion sur... Croyez-vous qu'on devrait aussi réserver des sièges aux jeunes?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Moi, je vous répondrai que je ne suis pas ici pour être porte-parole des jeunes. Je vous répondrai également que souvent on oublie que chez les jeunes et chez les autres groupes cibles il y a aussi les femmes et qu'il y a un rapport différencié à faire entre la situation des jeunes femmes par rapport aux jeunes hommes, par rapport aux personnes immigrantes femmes ou par rapport aux personnes immigrantes hommes, et qu'à tous points de vue au niveau de la condition féminine, peu importe dans quel autre groupe cible on peut se retrouver, les femmes sont en situation, constamment, où elles sont désavantagées. Et, en ce sens-là, je ne veux pas me prononcer sur la question d'un siège «jeunes», mais je me prononce évidemment en faveur d'un siège «condition féminine», parce qu'elle permet aussi de traverser d'autres situations préoccupantes par rapport aux groupes cibles.

Mme Leblanc: C'est de valeur que le ministre n'ait pas écouté ce que vous aviez à dire, là! J'espère qu'il aura l'occasion de relire les débats de la commission. Ha, ha, ha! Sûrement que c'était très intéressant, et il en apprendrait. Alors, moi, je n'ai plus de questions. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Bon. Ça va me permettre peut-être de continuer dans la foulée de ma collègue de l'opposition officielle. Mais il y a des choses que je voudrais clarifier, parce que je trouve que ça amène une certaine confusion lorsqu'on parle de budget de fonctionnement ou d'un poste de condition féminine, et je vais vous dire un peu qu'est-ce que... parce que là on va partir... Je prends la situation dans le Bas-Saint-Laurent. Il y a huit préfets, et ce sont des hommes. Dans un comté comme le mien, j'ai 33 municipalités, j'avais deux femmes mairesses et j'en ai deux là. Alors, quand on part avec un déficit... Déjà, la présence du monde municipal va être majoritairement «homme» dans mes deux CLD. Ça part comme ça.

Alors, il y a toute la question de la représentativité des femmes, à quel titre elles vont siéger aux CLD, qui est-ce qu'elles vont représenter? Je pense que ça, vous l'avez très bien présenté, les besoins et les intérêts des femmes. Lorsqu'il va y avoir des dossiers d'affaires très concrets, des choix sur des sommes à décider, qui va décider? Ça va être les gens qui vont être autour de la table. Alors, c'est extrêmement important, parce qu'entre, je ne sais pas, moi, un atelier de couture ou etc., c'est concret, et je trouve que ça amène de la confusion et, comment je dirais ça, ça biaise un peu de vouloir réserver un poste «jeunes», un poste «femmes».

Et quand on regarde à l'article 10 du projet de loi, le conseil d'administration, ça doit être composé de membres représentatifs du milieu des affaires et du commerce, des travailleurs ainsi que du milieu municipal, coopératif, communautaire et institutionnel, et là on ne doit pas... Moi, je trouve qu'on a un danger si on veut avoir le représentant des aînés, des personnes handicapées, des jeunes, des femmes, et, vous voyez, ça a toujours été le piège des femmes en politique.

Nous, dans le Bas-Saint-Laurent, on a un club politique féminin qui fait un boulot terrible depuis des années pour dire aux femmes: C'est important d'être en politique, c'est important d'être présentes dans le monde économique, mais, nous autres, les députés, les gens, on va être un peu les chiens de garde, à quelque part. S'il y a un rôle qu'on se donne puis que le ministre nous a donné, c'est de s'assurer que la représentation soit correcte, la représentativité aussi.

Moi, je vous dis que ça fait un an, un an et demi que je travaille avec les groupes de femmes, principalement de la vallée de la Matapédia parce que dans la Mitis elles sont moins présentes. Par contre, les femmes d'affaires sont très présentes dans la Mitis. Quelqu'un comme Rolande Pelletier, quelqu'un comme... en tout cas, il y a des femmes qui sont très, très présentes dans le domaine des affaires.

Alors, si, à un moment donné, sur les CLD il y a des femmes qui sont en affaires et qu'on essaie d'amener et qu'elles sont là et qu'elles doivent être là... Vous comprenez? C'est ça, je pense.

Quand vous dites que, effectivement, on n'a pas beaucoup d'argent, moi, j'ai un groupe de femmes de mon comté qui devait aller à Rivière-du-Loup et qui n'avait pas d'argent pour le faire, pour aller s'informer de c'est quoi, qu'est-ce que ça mange en hiver, l'économie sociale. Vous comprenez? C'est vrai que les femmes n'ont pas beaucoup d'argent pour prendre leur place, les groupes de femmes.

Mais, moi, je vous dis, il faut faire attention et en même temps il faut être présentes, mais je dirais: faire feu de tout bois. On est en déficit. On part avec... en tout cas, je ne suis pas une femme de baseball, mais, tu sais, une prise... Comment est-ce qu'on dit ça, M. Chevrette, «une prise»?

Une voix: ...une «strike».

Mme Doyer: Deux prises, en tout cas.

M. Chevrette: Trois prises...

Mme Doyer: Bon. c'est ça. On n'est pas loin d'être retirées, là, parce qu'on part en déficit au niveau municipal.

Alors, moi, je pense que vous avez un travail de... Il est un peu tard, mais, moi, je sais que l'ai fait dans mon comté, pour vous assurer qu'effectivement les femmes soient là, mais pas la femme alibi, le poste «femmes». Je vous dis que, dans la vallée de la Matapédia, au moment où on se parle, ils ont déjà décidé d'avoir un poste «femmes», mais ça ne me rassure pas, moi. Correct! Bravo! un poste «femmes», un poste «jeunes», on peut bien le dire, mais, moi, je veux que, à un moment donné, du domaine agricole, ce soit une femme en agriculture. Vous comprenez?

Mes femmes mairesses, je n'en ai pas beaucoup. J'en ai une dans la Mitis, une dans la Vallée, pas plus. Puis, ça n'a pas l'air que ça va être eux autres tout le temps qui vont être là.

Alors, moi, ce que je veux vous dire, c'est que effectivement il y a une grande différence entre la représentativité et la représentation. J'aimerais plus que vous réagissiez à ce que je vous dis, comment vous recevez ça. Moi, je vous dis, ça fait depuis un an au moins que la sensibilisation a été faite sur les CLD parce que ça s'en venait partout au Québec. On en avait parlé.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Moi, je vous dirais que c'est du travail à différents niveaux qu'il faut faire. Bien sûr qu'il faut faire un travail pour favoriser la participation des femmes issues de différents milieux pour être à l'intérieur de ces structures-là. Alors, pour favoriser les femmes pour aller dans le milieu municipal, pour qu'elles puissent effectivement être plus actives au niveau du secteur – l'agriculture, ça n'empêche pas ça, là – je pense que c'est un travail qui est à faire. Mais, aussi, il faut tenir compte des contraintes que ces femmes-là ont, parce que souvent ces femmes-là s'occupent aussi de leurs familles et elles n'ont plus la disponibilité pour pouvoir participer à ces structures de concertation. Ça, c'est une chose. Je pense que c'est important d'assurer, de soutenir ce travail-là à faire auprès de ces différents milieux là.

Cependant, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une limite à faire en sorte qu'on puisse demander à une femme qui vient, par exemple, du secteur municipal ou à une femme qui vient du secteur communautaire mais qui n'est pas un groupe de condition féminine de soutenir le dossier de condition féminine, de faire les recherches, tu sais, d'arriver avec les argumentations, les chiffres à l'appui pour démontrer que tel projet est nécessaire pour les femmes de sa région ou de sa localité. C'est pour ça qu'on demande aussi que tant que les femmes n'auront pas atteint cette égalité économique et professionnelle... on a encore besoin d'un siège «condition féminine» parce que c'est un dossier en soi. C'est essentiellement ça qu'on cherche à faire valoir, parce que c'est énorme comme travail. Vous l'avez dit vous-même, c'est un énorme travail et c'est très difficile de porter plusieurs dossiers en même temps, en plus de celui-là.

Parce que souvent aussi, je dirais, même par expérience, que lorsqu'on porte le dossier condition féminine on est souvent marginalisées. Alors, ce n'est pas toutes les femmes qui veulent accepter ça, d'autant plus qu'elles ont à tailler leur propre place à l'intérieur de ces structures de pouvoir là. Alors, porter le dossier de condition féminine en plus, ce n'est pas toujours quelque chose d'intéressant pour elles.

Mme Doyer: Moi, je vous dirais que, là-dessus, vous avez raison. Il a fallu qu'on intervienne auprès du ministre pour faire en sorte que le poste «femmes» au CRD Bas-Saint-Laurent... il y avait un groupe qui siégeait six mois, l'autre groupe six mois, puis on a demandé au ministre, parce qu'on avait de la difficulté à amener ça pour que ce soit un poste... Moi, en tout cas, c'est ça, je veux vraiment... Ce que vous voulez, dans le fond, vous revendiquez que le poste «femmes», ce soit un poste ciblé pour la condition féminine, pour que ce soit toujours, comment je dirais ça, qu'on n'oublie pas tout ça par rapport au travail des femmes.

(16 h 50)

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Moi, ce que je dirais, c'est qu'on réévaluera par la suite, mais là, pour l'instant, on est face à un problème d'une absence parfois quasi totale, dans certains milieux, de femmes dans ces milieux-là. Alors, comment s'assurer que les besoins, les réalités particulières vécues par ces femmes-là soient pris en compte? C'est complètement, à ce moment-là, abstrait, ce n'est pas là. Donc, c'est pour ça que, tant et aussi longtemps qu'on n'est pas en mesure de combler autrement ces postes-là, ça prend un siège «condition féminine».

Une voix: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. M. le Président, j'aurai évidemment quelques questions sur le contenu du mémoire. Vous me permettrez au départ de peut-être resituer la position gouvernementale dans le dossier, puisque j'aurai l'occasion tantôt de revoir un document, qui a été signé d'ailleurs par le ministre responsable des régions, sur la place des femmes dans le développement des régions, document de consultation qui a conduit au cinquième élément – c'est comme ça que vous l'avez appelé, je pense, même dans votre mémoire – la cinquième orientation de la politique gouvernementale en matière de condition féminine.

Dans le document, on relevait... Je vais vous le lire. Ça va nous rappeler des choses et peut-être que, du côté ministériel, on devrait se souvenir de ce que ce document gouvernemental contenait sur la faible présence des femmes. Il était mentionné, en page 9 du document, et je cite: «Par le processus de régionalisation, l'instauration de nouvelles structures locales et régionales permettra d'accroître l'engagement direct des citoyennes et des citoyens dans les affaires publiques. Cependant, dans ces nouveaux lieux de pouvoir comme dans ceux qui existaient déjà, il faut reconnaître que la représentation des femmes demeure actuellement en deçà de leur apport à la collectivité. Ainsi, selon les données les plus récentes, les femmes représentent 20 % des députés à l'Assemblée nationale, 9 % des maires, 20 % des conseillers municipaux, 18 % des membres de conseils d'administration, 18 % des membres de comités exécutifs de conseils régionaux, 36,9 % des membres de conseils régionaux de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, 33,5 % des membres des conseils d'administration des régies régionales de la santé et des services sociaux, 38 % des présidents des commissions scolaires, même si elles occupent 46 % des postes de commissaires», etc. Déjà, la carence, la faiblesse de représentation, elle est, je dirais, reconnue partout, elle est chiffrée.

La question que je vous pose, c'est: Quand vous avez vu le Guide d'implantation des centres locaux de développement – et on mentionnait qu'on faisait de la place sur les conseils d'administration aux représentants de plusieurs milieux qui sont mentionnés – et puis que vous avez lu, en bas, d'autres dispositions qui disaient: «Une attention particulière doit être apportée à une représentation équitable entre hommes et femmes», qu'est-ce que ça vous a inspiré?

Dans votre mémoire, vous demandez un siège, mais, compte tenu de ce qui a été fait auparavant et que, expressément, on avait des documents gouvernementaux qui disaient: La place des femmes dans le développement des régions... et on semblait proposer des solutions, est-ce que, pour vous, ça a été un élément de surprise? Est-ce que vous attendiez, compte tenu de l'énumération qu'on a faite des représentants du milieu qui devaient siéger nécessairement au conseil d'administration des CLD, qu'il n'y ait pas eu de sièges de réservés aux femmes? Est-ce que, pour vous, ça aurait été la continuité logique de ce que le gouvernement avait mis en place? Enfin, quelle a été votre réaction?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Je vous dirais qu'on a été, bien sûr, déçues, mais pas surprises, parce que, effectivement, on sait qu'il y a une résistance dans les milieux, même les milieux locaux et régionaux, par rapport à la mise en place d'un siège comme celui-là, un peu pour certaines raisons que vous avez déjà évoquées, c'est-à-dire: si on en accorde un pour les femmes, est-ce qu'il faut en accorder un pour les jeunes, pour les personnes immigrantes, etc., et ainsi de suite? Alors que nous, on dit: Finalement, les femmes, ça compose quand même 52 % de la population, d'une part, et elles ne sont pratiquement pas présentes dans ces lieux décisionnels. Et, comme je vous ai dit tout à l'heure aussi, dans les autres groupes-cibles, il y a un rapport différencié si on est homme ou femme. À l'intérieur, par exemple, des communautés culturelles, je pense que la dynamique est très, très évidente; la même chose pour les personnes handicapées, etc.

Alors, déçues mais pas surprises, parce que, effectivement, on le sait que c'est un débat qui est loin d'être évident, qui est loin d'être accepté et qui ne fait pas consensus, on sait tout ça. Nous, on exprime le besoin; et ce n'est pas juste nous, ce n'est pas juste les deux personnes qui sont déléguées ici qui portent cette opinion-là; l'ensemble des membres du réseau ont cette opinion-là. Et je dirais... j'étais en colloque la semaine dernière, organisé par la Fédération des femmes du Québec et Relais-Femmes, sur la question d'économie sociale, et l'ensemble des femmes ont réclamé des sièges «femmes» parce que la situation progresse très lentement et qu'on a besoin effectivement d'apporter des correctifs beaucoup plus rapidement.

Donc, ça prend quelqu'un à l'intérieur de ces structures-là pour porter le message, pour arriver avec les argumentations, les recherches, l'ensemble des outils pour pouvoir effectivement convaincre les partenaires de s'intéresser à la situation des femmes sur le marché du travail ou dans l'ensemble du développement local et régional. Alors, c'est sûr, ce n'est pas facile. Mais, c'est comme je vous dis: déçues, pas surprises, parce qu'on sait que c'est un dossier qui est controversé, et ça ne nous empêche pas de venir ici pour vous le réclamer.

M. Vallières: Est-ce que, dans votre esprit, les centres locaux de développement seront des lieux d'influence importants dans chacun des milieux?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Moi, je croirais que oui, ça va être des lieux importants. Je sais qu'il y a eu beaucoup de débats où on a dit que c'était pour être des lieux peut-être fantômes, mais je pense que, effectivement, c'est eux qui vont déterminer non seulement les budgets, ils vont déterminer les besoins, par exemple, de main-d'oeuvre. Alors, s'il n'y a personne qui est habilité, à l'intérieur du CLD, pour faire valoir les besoins spécifiques des femmes en matière de formation de main-d'oeuvre, en matière de développement de main-d'oeuvre, bien, il se peut fort bien que, au niveau du conseil régional de la SQDM, on ne fasse rien pour elles. Peut-être que Mme Vandenbroucke pourrait rajouter quelque chose, elle est membre de son conseil d'administration à la SQDM.

Mme Vandenbroucke (Denise): Effectivement, les CLD, comme ils seront aviseurs, disons, des CLE, alors on considère qu'il est important d'avoir, justement, un siège «condition féminine» pour, justement, les femmes au niveau de l'emploi, et tout, disons, la condition féminine en général, tout l'aspect socioéconomique dans chacune des régions. Donc, c'est important qu'il y ait un siège, là, «condition féminine», absolument.

M. Vallières: Alors, vous êtes dit déçues, pas surprises, qu'on n'ait pas réservé, dans le projet de loi, un siège comme tel. Est-ce que vous pensez que le fait que le ministre – celui qui accrédite, finalement, l'organisme qui fait la demande... Est-ce que vous faites confiance au ministre dans sa volonté – il nous l'a indiqué tantôt – possiblement de refuser certaines accréditations si on ne retrouve pas un certain équilibre à l'intérieur des propositions qui seront faites dans les différentes MRC? Ou est-ce que vous exigez une garantie législative?

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Bien, écoutez, c'est une bizarre de question que vous me posez là. Moi, ce que je vous dirais, c'est que, jusqu'à maintenant, ce que M. Chevrette nous a assuré, c'est qu'il opposerait son veto si la constitution des CLD ne rejoignait pas la vision qu'il a indiquée, concernant la composition des CLD. Et il peut être assuré qu'on va l'interpeller régulièrement si on s'aperçoit que les femmes ne sont pas suffisamment représentées à l'intérieur des structures des CLD et des CRD. Mais là, pour l'instant, on laisse la chance au coureur.

Le Président (M. Gagnon): On vous remercie. Ça met un terme à notre échange. Il y a M. Chevrette qui voulait adresser quelques mots.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier infiniment de l'effort consenti même si le temps n'a pas été long pour vous préparer. On doit faire vite dans la vie des fois, et je vous remercie de votre point de vue.

Mme Sainte-Marie (Thérèse): Ça nous a fait plaisir.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames. On suspend quelques instants, le temps que le prochain groupe prenne place.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Gagnon): Nous reprenons nos travaux avec les représentants de l'Union des producteurs agricoles. Si les gens qui sont à la table veulent bien se présenter.


Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Lacasse (Christian): Oui. Christian Lacasse, premier vice-président de l'UPA.

Mme Cloutier (Suzanne): Bonjour. Je suis Suzanne Cloutier et je travaille à la direction en recherche et politique agricole à l'UPA.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Et vous connaissez nos règles. Vous avez une vingtaine de minutes pour la présentation et, par la suite, le temps est également partagé entre les deux formations. On vous écoute.

M. Lacasse (Christian): Bonjour à tous. Je vous épargnerais la première page qui est en fait une présentation de l'UPA, de l'Union des producteurs agricoles, et on passerait maintenant à l'introduction, si vous le voulez bien.

L'Union des producteurs agricoles remercie la commission de l'aménagement du territoire de l'invitation qui lui a été faite de venir transmettre ses commentaires concernant le projet de loi n° 171 instituant le ministère des Régions et donnant une assise juridique aux centres locaux de développement et aux conseils régionaux de développement.

L'Union s'inquiète de la modification à la pièce de l'échiquier politique dans un esprit plus ou moins affirmé d'une décentralisation des pouvoirs ou, à tout le moins, d'une régionalisation, au Québec, et de la multiplication des lieux de concertation qui en résulte sans qu'un véritable débat de fond sur la régionalisation et la décentralisation n'ait lieu.

La création d'un ministère des Régions aurait été sans doute l'occasion souhaitée, mais on a préféré inviter les élus locaux et les partenaires à s'empresser de mettre sur pied une nouvelle structure d'accueil: les centres locaux de développement. En aiguisant l'intérêt de chacun, le pouvoir pour les uns et l'argent pour les autres, le débat n'aura pas lieu.

Nous ne ferons pas ici une analyse critique et détaillée du projet de loi n° 171. L'essentiel de notre propos s'articulera plutôt autour des trois éléments suivants: nous discuterons sur la pertinence d'un ministère des Régions, nous poursuivrons en expliquant comment les producteurs et productrices agricoles ont apprivoisé, au fil des ans, les conseils régionaux de développement et y ont oeuvré activement et comment ils voient avec une certaine appréhension la mise sur pied des centres locaux de développement. La question du fonds intégré de développement sera sommairement abordée.

Mais auparavant, puisque la mission qui incombe au ministre des Régions est de susciter et de soutenir le développement local et régional, il importe de bien situer l'agriculture et l'agroalimentaire dans sa contribution au développement local et régional au Québec.

De la contribution de l'agriculture au développement local et régional. On a tendance à sous-estimer la place qu'occupent l'agriculture et l'agroalimentaire dans l'économie québécoise, toutes occupées que sont nos sociétés à croire que le développement économique ne passe que par les économies du savoir et des services. Or, l'agriculture et les économies du savoir et des services ne sont pas mutuellement exclusives. En effet, l'agriculture s'est radicalement transformée au cours des dernières décennies en haussant notamment sa productivité et en créant de plus en plus d'emplois en amont et en aval.

Gravitent autour des producteurs et productrices des vendeurs de machinerie et d'intrants, des mécaniciens, des agronomes, des conseillers en agroenvironnement, en production et en financement, des transporteurs, des transformateurs, des commerçants, des publicistes, des notaires, etc. L'agriculture se retrouve au centre d'une foule de gestes économiques dont on mesure difficilement l'importance mais dont on devine facilement l'ampleur. L'agriculture constitue la plus importante des activités primaires au Québec avec plus de 78 000 emplois directs. Si on ajoute les 50 400 emplois découlant du secteur de la transformation et les quelque 257 500 emplois du commerce de gros et de détail et de la restauration, c'est quelque 386 000 emplois que le secteur agroalimentaire regroupe au total, soit près de 10 % du PIB québécois.

Cela ne comprend évidemment pas l'ensemble des emplois gravitant autour de l'agriculture et que nous avons énoncés précédemment. Au surplus, depuis quelques années, le taux d'augmentation des emplois du secteur agricole et agroalimentaire est deux fois plus rapide que celui général de l'emploi au Québec, ce qui indique une vigueur certaine du secteur.

Plus important encore, l'agriculture est présente partout régionalement et sa contribution à l'économie régionale varie de 7 % à 20 %. Elle est supérieure à 10 % dans 11 des 17 régions administratives du Québec. De même, le secteur coopératif déploie ses activités un peu partout sur l'ensemble du Québec. De plus, un examen rapide de la part de l'emploi, dans l'industrie primaire, de quelques municipalités rurales où l'agriculture occupe une large place indique que celle-ci est fort importante, voire domine l'économie locale, allant de 25 % à 50 %.

Par ailleurs, au moment où plusieurs clament qu'une partie importante des épargnes québécoises devrait être réinvestie au Québec, c'est plus de 1 000 000 000 $ que le secteur agroalimentaire investit chaque année, dont près de la moitié à la ferme. On comprendra donc que lorsque l'on parle de plan local de développement, les producteurs agricoles puissent se sentir concernés, alors il y a... il manque un bout de phrase.

À propos de la création d'un ministère des Régions, ou le parcours sinueux de la régionalisation au Québec. La création d'un ministère des Régions constitue un jalon important dans le long parcours sinueux de la régionalisation et de la décentralisation au Québec. Les gouvernements successifs, de différentes manières, ont pavé la voie à la régionalisation sans pour autant qu'un plan d'ensemble soit clairement défini. On suppute encore sur les finalités de ce processus. En fait, chaque décennie, depuis 1970, a eu son lot de réformes concernant la régionalisation, soit en adoptant de nouvelles politiques en matière de développement régional, soit en instituant de nouvelles structures, le plus souvent les deux.

Les années soixante-dix ont été marquées par l'adoption, en 1979, de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui institua les municipalités régionales de comté, et de celle de la Loi sur la fiscalité municipale, qui augmenta l'autonomie fiscale des municipalités. Un mouvement régionaliste a caractérisé les années quatre-vingt avec l'adoption de la politique du choix des régions, en 1983, le redécoupage des régions, en 1987, et la tenue des sommets socioéconomiques régionaux. Finalement, les années quatre vingt-dix ont entamé une tournée en proposant une nouvelle conception du développement régional. On misait dorénavant essentiellement sur le dynamisme propre des régions, ces dernières pouvant accéder à un meilleur sort en puisant à même leur potentialité de développement. L'État se posa comme accompagnateur de la démarche initiée par les régions. Ce fut l'abolition de l'OPDQ et la mise en oeuvre d'une nouvelle politique en matière de développement régional reconnaissant les conseils régionaux de développement.

La politique de soutien au développement local et régional et le projet de loi qui en découle s'inscrit dans la foulée de la dernière réforme. Elle vient, d'une part, en consolider les effets et, d'autre part, ouvrir de nouveaux chantiers de réflexion et d'action. Elle vient également, par ailleurs, conforter la place des MRC dans la régionalisation des services gouvernementaux et, fait nouveau non expressément indiqué dans la politique de soutien au développement local et régional mais présent dans le projet de loi, créer un ministère des Régions.

Sommairement, au cours de ces dernières décennies, l'Union s'est montrée d'accord avec le principe d'une plus grande régionalisation, en autant, cependant, que des mécanismes de péréquation appropriés pour contrer les disparités régionales de la mise en place de mesures de protection efficaces des activités agricoles soient mis en place. Au surplus, les outils collectifs que se sont donnés les producteurs et productrices agricoles et qui font la force du Québec agricole d'aujourd'hui ne devront être nullement ébranlés par cette nouvelle donne politique.

(17 h 10)

De la pertinence d'un ministère des Régions. Jusqu'à présent, l'harmonisation des actions gouvernementales en région était assumée par un Secrétariat au développement des régions, lequel a tantôt relevé du Conseil exécutif, à d'autres moments simplement rattaché au ministre responsable du développement régional. Cette harmonisation des actions gouvernementales se limitait, pour l'essentiel, aux actions découlant des ententes-cadres avec les conseils régionaux de développement. Une harmonisation plus globale, du moins en théorie, se faisait par le biais de divers comités interministériels. Or, la mission du ministre des Régions, telle que libellée dans le projet de loi, laisse croire à un élargissement de la fonction «harmonisation des actions gouvernementales», à tout le moins pour les ministères à vocation économique.

Ne risque-t-on pas d'exacerber les conflits entre la logique de développement territorial et celle de développement sectoriel? Au surplus, le ministère des Régions s'immiscera dans des domaines de compétence de plusieurs ministères à vocation économique, dont le ministère de l'Agriculture. Outre les politiques et les actions de ces ministères, la création du ministère des Régions crée une pression pour une ponction budgétaire. Nul besoin de grandes démonstrations pour comprendre que les divers ministères, dont le ministère de l'Agriculture, ont été grevés lourdement dans leur budget de fonctionnement et dans leurs programmes. Il ne reste aucune place pour une ponction supplémentaire de budget, surtout pour la mise en place de structures qui pourraient éventuellement menacer les services actuellement fournis à la classe agricole.

Bref, sans débattre du bien-fondé d'un ministère des Régions, il nous apparaît prématuré que celui-ci soit formé à ce moment-ci sans un débat de fond sur sa finalité. Cela dit, ce ministère des Régions, outre sa fonction de développer les régions, devra avoir une préoccupation particulière et constante de développer le monde rural.

Les instances locales et régionales, les centre locaux de développement. Alors, leur formation et leur composition. Nous ne pouvons que déplorer que le gouvernement ait donné le coup d'envoi de formation des CLD sans que de réels débats sur le sujet n'aient eu lieu et avant même que leur possible constitution légale n'ait été sanctionnée. Il semble d'ailleurs régner une certaine confusion dans la formation actuelle des CLD. Même si la politique de soutien au développement local et régional précise qu'aucun des membres représentatifs du milieu ne peut en constituer la majorité, dans nombre de cas le milieu municipal tente d'en prendre le contrôle. Il nous apparaît important que le ministre réitère la nécessité d'une représentation élargie du milieu.

Le monde agricole n'a pas été identifié comme un intervenant représentatif du milieu. Les producteurs agricoles doivent jouer du coude pour prendre leur place à l'intérieur des CLD dans le cadre des milieux désignés. L'UPA réclame que l'on identifie clairement le milieu agricole comme «milieu désigné».

On peut regrouper sous trois volets le mandat des futurs CLD. L'intérêt des producteurs et productrices agricoles est, pour ces différents volets, fort variable.

L'instauration d'un guichet multiservices à l'entreprise constitue en soi une idée intéressante. Les producteurs et productrices considèrent ce guichet comme un service complémentaire à la production. Par ailleurs, nous tenons ici à souligner qu'en raison des spécificités de la production agricole, du degré de spécialisation requis, il nous apparaît essentiel de maintenir le réseau de services à la production agricole actuel, dont notamment les bureaux locaux et régionaux du ministère de l'Agriculture. Il ne faudrait pas que la mise sur pied d'un guichet multiservices à l'entreprise ne vienne menacer le réseau actuel. Lors de son dernier congrès général, la semaine dernière, l'UPA a réitéré la nécessité de conserver un réseau de services-conseils neutre, accessible et apte à répondre aux besoins des producteurs agricoles.

La confection d'un plan d'action local en matière de développement économique et de l'emploi. Les producteurs agricoles participent déjà, pour la plupart, à la confection et à la révision des schémas d'aménagement, soit par le biais de comités consultatifs agricoles présents dans chacune des MRC, soit par le biais de leur fédération régionale ou de leur syndicat de base. Le gouvernement a demandé à chaque MRC de traduire en plan d'action le schéma d'aménagement. Normalement, ce plan d'action de la MRC devrait incorporer et tenir compte des axes de développement de la région administrative où, encore une fois, les producteurs participent de façon active. De la même manière, le plan local d'action issu du CLD devrait tenir compte des grands axes de développement du conseil régional de développement.

Comme on le constate, les producteurs sont déjà fortement engagés dans l'aménagement et le développement local de leur région. Pas étonnant puisque, comme il a été signalé au tout début, la part de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans l'économie régionale et locale est fort importante.

Comité consultatif auprès du centre local de l'emploi. Ce volet d'action du CLD intéresse tout particulièrement les producteurs et productrices. En effet, ces derniers ont un besoin constant de main-d'oeuvre. Il peut s'agir de main-d'oeuvre spécialisée exigeant un certain niveau de formation, particulièrement en production laitière, porcine, avicole ou encore de main-d'oeuvre de compétence moindre mais pouvant fournir une force de travail pour une durée limitée, notamment lors des récoltes. Le comité sectoriel de la main-d'oeuvre de la production agricole a récemment remis son rapport à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sur l'identification des besoins du milieu agricole et sur les moyens de les rencontrer. Concernant ce dernier aspect, l'UPA tient à signaler que l'on devra songer à élargir le cadre territorial de la MRC pour quérir la main-d'oeuvre nécessaire aux travaux des champs. À titre d'exemple, dans la grande région de Montréal, la majorité des travailleurs oeuvrant sur les fermes maraîchères de la Montérégie, de Laval et de Lanaudière provient de Montréal même.

Une certaine appréhension en regard de l'implantation des CLD. Comme nous l'avons vu en parcourant les différents mandats qui seront confiés aux CLD, la classe agricole participe déjà au développement local de diverses manières. Pour des raisons de vigie des intérêts agricoles et d'un certain rayonnement de l'agriculture, l'Union désire participer à la mise en place des centres locaux de développement. Vigie pour s'assurer, dans le développement local et régional, que le développement local et régional ne vienne d'aucune manière questionner ou menacer les outils collectifs que se sont donnés les producteurs agricoles, soit en matière d'environnement de production – qu'on pense à la protection du territoire et des activités agricoles – soit en matière d'organisation de la production, avec nos mécanismes de gestion de l'offre et de plans conjoints.

Rayonnement pour que l'agriculture et l'agroalimentaire puissent davantage se déployer. Car l'Union croit fermement qu'une agriculture prospère constitue un gage de stabilité du tissu rural et une source importante d'emplois en amont et en aval. On note chez plusieurs organismes voués à la défense des intérêts sociaux et économiques un essoufflement des ressources dans la participation aux différents comités, tables, lieux de concertation découlant des décisions gouvernementales. D'une part, les résultats obtenus par rapport aux attentes sont, dans nombre de cas, décevants. D'autre part, ce sont souvent les mêmes acteurs qui se retrouvent dans les différents lieux de concertation. On doit craindre le déficit démocratique qui résultera d'un désintérêt croissant de la part de divers leaders dans leur milieu, qui s'éloigneront de certains lieux de concertation faute de temps et de moyens.

Pour notre part, plusieurs de nos membres sont déjà fortement engagés dans divers lieux de concertation à l'échelle régionale et à l'échelle locale – alors, vous avez quelques exemples – sans compter les représentations ponctuelles auprès de divers organismes régionaux et locaux – les comités de vigilance, conseils régionaux de l'environnement, associations touristiques régionales. Dernièrement, la formation des comités consultatifs agricoles a monopolisé et monopolise toujours près de 350 producteurs agricoles. On comprendra donc qu'il existe une certaine réticence de nos membres à embarquer dans un nouveau lieu de concertation.

En dernier lieu et comme il a été souligné auparavant, les producteurs et productrices agricoles craignent que les budgets consacrés au fonds intégré de développement ne viennent grever les budgets du ministère de l'Agriculture, ce à quoi ils s'opposeront.

Les conseils régionaux de développement. Les fédérations régionales de l'UPA se sont engagées dès leur formation dans les conseils régionaux de développement. Elles ont oeuvré de façon active à l'intérieur des CRD pour faire reconnaître l'agriculture et l'agroalimentaire dans la planification stratégique de leur région. Bien que l'exercice fut parfois difficile et ait nécessité certains ajustements à l'intérieur même de nos rangs en raison d'une inéquation entre les limites territoriales des CRD et de nos fédérations régionales, les producteurs et productrices ont apprivoisé ce mode de fonctionnement et ont su apprécier certains résultats obtenus. Les tables agroalimentaires régionales sont reconnues par plusieurs CRD comme interlocuteur privilégié.

Ce que propose, par ailleurs, le projet de loi et qui est nouveau est l'arrimage entre les objectifs en matière de main-d'oeuvre identifiés par les conseils des partenaires du marché du travail. Cet arrimage nous apparaît nécessaire puisqu'il permet de boucler la boucle en reprenant les besoins identifiés par les CLD transmis aux CLE...

Le Président (M. Gagnon): Il vous reste une minute.

(17 h 20)

M. Lacasse (Christian): À ce moment-là, je vais aller directement à la conclusion.

Or, nous sommes limités, au cours de ce bref mémoire, à commenter certains des aspects de la politique de soutien au développement local et régional et du projet de loi qui en découle.

L'Union aurait préféré et de beaucoup qu'un véritable débat sur la décentralisation et la régionalisation se fasse au Québec, notamment sur la volonté gouvernementale de confier de plus en plus certaines activités gouvernementales aux MRC.

Nous maintenons nos réticences sur la pertinence de créer à ce moment-ci un ministère des Régions, dans un contexte budgétaire difficile où les budgets des différents ministères sectoriels sont passablement hypothéqués. La marge de manoeuvre de ces ministères, et le ministère de l'Agriculture n'échappe pas à la règle, est pratiquement nulle. Nous estimons, en ce qui nous concerne, que le ministère de l'Agriculture doit se centrer sur les programmes névralgiques qui demeurent et qu'il a besoin de tout le budget qui lui reste pour y parvenir.

Au-delà des questions budgétaires, l'Union compte sur le ministre du Développement des régions et sur le gouvernement pour s'assurer d'une réelle représentativité de l'ensemble des milieux de la communauté, et notamment les milieux agricoles et forestiers, dont les acteurs forment, dans bon nombre de cas, la pierre d'assise de l'économie locale actuelle et, nous osons croire, à venir.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Lacasse. Je vais inviter M. le ministre à faire le premier questionnement.

M. Chevrette: Oui, je voudrais tout d'abord vous expliquer une norme qui a servi à établir un des trois critères pour le partage des enveloppes: population, emplois à créer, familles économiquement pauvres. C'est les trois critères, et je m'aperçois que vous avez rédigé votre mémoire en fonction de la journaliste Lachapelle, du Devoir , pour les 500 000 emplois. C'est la seule place où vous avez vu ça. Donc, vous êtes servis du Devoir pour rédiger votre... Vous n'avez sans doute pas questionné pour savoir qu'est-ce que c'était, parce que vous n'auriez sûrement pas écrit: On se demande d'ailleurs comment les fonctionnaires du Secrétariat au développement des régions ont pu sérieusement calculer que l'injection de telles sommes dans le développement se traduirait miraculeusement par 500 000 emplois. Là, là, très honnêtement, ça manque de rigueur et de sérieux, et je vais vous expliquer pourquoi.

Un des trois critères pour évaluer l'enveloppe, pour savoir comment distribuer l'enveloppe, c'est: population. C'est: foyers ou familles économiquement pauvres; et, au lieu de dire chômage, on dit: emplois à créer. On sait que si on créait le plein emploi, au Québec, c'est 500 000 emplois.

À quel endroit il y en a le plus à créer, maintenant, de ces 500 000 là sur le coin de pays, puis ça a servi de critère. Par exemple, Denis-Riverin, c'était 19 000. Un autre, c'était 16 000. On savait très bien, autant que l'UPA, sinon plus, là, que ce n'est pas avec 60 000 000 $ qu'on crée 500 000 emplois. C'est un critère.

Ce n'est pas parce qu'une journaliste écrit ça ou que ça peut être charrié un peu par certains députés de l'opposition que c'est une vérité. On est mieux de questionner, ha! ha!, parce que trouver ça dans un mémoire, c'est pour le moins manquer de rigueur. C'est un des critères et non pas un objectif, et s'il fallait que ça en soit un, s'il fallait que, avec 60 000 000 $ on crée 500 000 emplois, les lustres ne seraient pas assez hauts pour que je grimpe après. «C'est-u» correct?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça, c'était la première chose que je voulais dire.

M. Lacasse (Christian): Je pense qu'on s'entend bien là-dessus.

M. Chevrette: Non, c'est correct. Deuxième chose, ha! ha! vous allez m'expliquer en quoi on change l'échiquier politique, au Québec, par la réforme que je fais là. Page 1, introduction, vous parlez: Modifications à la pièce de l'échiquier politique. Vous allez m'expliquer quelles sont les transformations profondes à l'échiquier politique que je fais.

M. Lacasse (Christian): Bien, écoutez, M. le ministre, lorsqu'on parle de modifications à la pièce, puis on le répète assez souvent dans le mémoire, là...

M. Chevrette: Non, mais oubliez «à la pièce». Parlez-moi de l'échiquier politique.

M. Lacasse (Christian): Bien, j'aimerais ça, quand même, vous parler de modifications à la pièce, parce que, pour moi, il y a un lien entre les deux, là.

M. Chevrette: Échiquier politique. Ah, oui?

M. Lacasse (Christian): Bien, je veux dire, en tout cas, moi, il me semble que ça fait longtemps qu'on parle...

M. Chevrette: À la pièce...

M. Lacasse (Christian): ...de régionalisation...

M. Chevrette: ...puis échiquier politique.

M. Lacasse (Christian): ...au Québec, et on le mentionne dans le mémoire à plusieurs reprises. Il y a quand même une absence de débat de fond sur cette question-là.

M. Chevrette: Un débat de fond.

M. Lacasse (Christian): Et, éventuellement, au fur et à mesure qu'on apporte des modifications dans la façon, dans les relations, aussi, entre le gouvernement et les instances administratives qu'il peut y avoir dans les différents milieux, moi, je pense que c'est là qu'il pourrait y avoir des changements assez fondamentaux dans l'échiquier politique, effectivement, mais sans qu'on ait vraiment partagé des points de vue puis des visions par rapport à toute la question de la régionalisation et de la décentralisation.

M. Chevrette: Mais vous allez m'expliquer quelles sont les modifications politiques. L'échiquier politique, ça existe. Il y a un gouvernement scolaire, il y a un gouvernement municipal, il y a un gouvernement dit provincial et il y a un gouvernement national. En quoi la régionalisation du développement économique et de l'emploi, qui est une forme de déconcentration, en quoi ça vient modifier l'échiquier politique québécois?

M. Lacasse (Christian): Bien, il y en a déjà, des changements qu'on a vécus – vous parlez au niveau scolaire, vous parlez au niveau de la santé – et qui sont en lien avec le gouvernement. On subit quand même des modifications importantes dans nos milieux. Alors, moi, je pense qu'on n'invente rien, et ce qu'on dit, c'est qu'on s'inquiète de ces modifications-là en l'absence de débat réel et que, finalement, on a décidé plutôt de procéder par des modifications à la pièce.

M. Chevrette: O.K. Vous dites qu'il y a absence de débat. Il y a une fable qui s'appelle La cigale et la fourmi . Je vais vous demander: Que faisiez-vous par les temps chauds? Depuis Bélanger-Campeau qu'on n'arrête pas de discuter, si bien que le député de Richmond, il se lève en Chambre puis il dit: Qu'est-ce que t'attends, Chevrette? Il me dit ça. Quand il ne me le dit pas aux semaines – il me le dit plus poliment que ça – mais il me l'a dit tellement souvent! Bélanger-Campeau, le livre vert sur la consultation, décentralisation, régionalisation, toutes les commissions régionales où des centaines de personnes et de groupes sont venus nous dire: Qu'est-ce que vous attendez pour la faire, la régionalisation? On commence, l'UPA vient s'asseoir devant moi et me dit: Absence de débat. Où étiez-vous par les temps chauds? Vous récoltiez, sans doute, dans votre cas. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lacasse (Christian): C'est une très bonne réponse. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Oui, sauf que les commissions régionales ont eu lieu en plein hiver. Vous dansiez? Alors, c'est quoi?

M. Lacasse (Christian): Bien, écoutez, moi... Pourtant, ça fait quand même longtemps que je suis impliqué au niveau de l'UPA, puis je suis impliqué dans d'autres organismes aussi, puis, moi je ne me souviens pas d'avoir fait des débats de fond. On a fait des débats sur des modifications qui s'effectuaient toujours en fonction d'un objectif de régionalisation et de décentralisation, mais est-ce qu'on a été en mesure de partager des visions et aussi de s'entendre sur des objectifs? En tout cas, je poserais juste la question: Est-ce qu'on s'entend réellement sur quels objectifs on poursuit par rapport à une régionalisation et à une décentralisation? On peut poser la question au gouvernement, on peut la poser à une multitude d'organismes qui sont dans le milieu et qui peuvent avoir des visions un peu différentes, et ça, je pense que le meilleur point de départ, ce serait de s'entendre sur les mêmes objectifs qu'on doit poursuivre. Et je ne me souviens pas d'avoir assisté très souvent à... se poser ces questions-là au départ.

(17 h 30)

M. Chevrette: Mais là je suis encore plus embêté, parce que l'UPA, chez nous, elle fait partie du CRD, elle a sa table agroalimentaire; ils ont réclamé la régionalisation, ils ont réclamé le guichet unique multiservices, ils ont appuyé tous les CRD du Québec, cette politique-là, ils ont dit que, prioritairement, on devait y aller. Qu'il n'y ait pas eu de débat avec les structures nationales, c'est une chose, mais la régionalisation, ce n'est pas marqué que l'UPA nationale doit participer à chacun des CLD localement, c'est: Est-ce que votre monde, au niveau d'un territoire de MRC ou au niveau d'un territoire d'une région, participe à la régionalisation et à la décentralisation? Je vous réponds tout de suite que c'est dans les bons, à part de ça, dans plusieurs régions. En tout cas, chez nous, ils participent très bien. Mme Annette Coutu, qui est votre présidente, travaille très, très bien. Elle est même sur l'exécutif du CRD avec moi. Et, dans chacune des MRC, l'UPA va être présente sur les CLD, puis ils ont hâte de travailler en mosus!

Est-ce que vous êtes en train de me dire que tout ce travail de base, parce qu'il n'a pas fait l'objet d'un consensus au niveau de la tête de l'UPA, que ça ne vaut rien, ça?

M. Lacasse (Christian): Je pense, monsieur, que vous... Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je vous essaie, là!

M. Lacasse (Christian): M. le ministre, vous changez un petit peu mes propos, là, parce que...

M. Chevrette: Oui, bien, corrigez-les, d'abord!

M. Lacasse (Christian): Bien, moi, je n'ai jamais dit que c'était un problème au niveau de l'UPA nationale qui n'avait pas fait le débat, là. Ce n'est pas ça que j'ai dit.

M. Chevrette: Bon, c'est vrai que vous n'avez pas dit ça, mais comment vous interprétez, d'abord...

M. Lacasse (Christian): Ce n'est pas ça que j'ai dit, pas du tout.

M. Chevrette: Prenons-le à l'inverse. Est-ce que vous reconnaissez que, au niveau de chacune des régions, l'UPA travaille très bien avec les CRD?

M. Lacasse (Christian): Ils travaillent. De dire: est-ce qu'ils travaillent très bien? Là, moi, je fais confiance aux représentants des producteurs, sauf que vous savez très bien que, un siège sur 60 personnes – parce que c'est un peu ce que je vis dans la région chez nous, là – ce n'est pas nécessairement...

M. Chevrette: Quelle région, vous?

M. Lacasse (Christian): ...évident de faire de la... Chaudière-Appalaches... Ce n'est pas nécessairement évident de faire de la concertation, mais, le temps que j'ai été là, moi, je ne me souviens pas d'avoir fait un débat autour de la table sur la décentralisation et la régionalisation. Moi, je peux vous dire ça, là.

Ça ne veut pas dire qu'il ne s'en est pas fait, des débats, mais je vous le répète, moi, je pense qu'on a fait le débat trop souvent sur des modifications qui étaient annoncées et qui devaient se mettre en place. Ce n'est pas là-dessus qu'on veut vous sensibiliser à l'effet qu'il n'y a pas eu de débat, c'est sur les objectifs ou une vision de la régionalisation et de la décentralisation, et, moi, je mettrais au défi qu'on écrive sur un bout de papier notre façon de voir la régionalisation au Québec. Je peux vous dire qu'il y aurait sûrement des bonnes différences.

M. Chevrette: Allons-y prioritairement. Parce que la loi, c'est ce qu'elle dit aussi, la politique de développement économique régional indique que les priorités dans la régionalisation, c'est l'économie et l'emploi. Est-ce que vous reconnaissez qu'il n'y a pas de monde de mieux placé que ceux qui sont le plus près du monde, dans un territoire de MRC, pour se responsabiliser, prendre en main leurs affaires et s'occuper du développement économique et de la création d'emplois? Est-ce qu'on se suit jusque là?

M. Lacasse (Christian): Oui. Et en aucun temps on ne remet ça en question dans notre mémoire, d'ailleurs.

M. Chevrette: Ça, ça s'appelle la création des CLD. O.K.? Vous avez affirmé dans votre mémoire, deuxième inexactitude – vous auriez dû nous appeler avant – vous dites que la création d'un ministère, ça coûte bien cher. Savez-vous que c'est à coût nul? Est-ce que vous saviez ça? La création du ministère est exactement à coût nul, par rapport au secrétariat. Comment pouvez-vous affirmer ça? Où avez-vous pris vos chiffres pour dire que ça coûte plus cher?

M. Lacasse (Christian): Je ne crois pas qu'on a dit que ça coûtait plus cher.

M. Chevrette: Vous affirmez dans votre présentation, vous laissez entendre qu'un ministère, dans une période où il n'y a pas d'argent, que c'est effrayant de créer un ministère. C'est à peu près ça que vous dites.

M. Lacasse (Christian): Non, ce n'est pas le sens de ce qu'on dit.

M. Chevrette: Corrigez-le.

M. Lacasse (Christian): Je vais vous l'expliquer. Ce qu'on veut dire, c'est que depuis quand même nombre d'années, je dirais surtout les dernières années, l'ensemble des ministères du gouvernement a dû rationaliser, en tout cas, je dirais faire en sorte que tous les programmes seraient revus. Dans le contexte actuel, alors que pour créer ce ministère des Régions et instituer et fournir des argents disponibles aux CLD, à ces nouvelles structures-là, les différents ministères vont être interpellés... et c'est là qu'on dit que ça devient très difficile dans le contexte actuel. On ne veut pas dire que ça va coûter plus cher, sauf qu'il n'y a pas d'argent neuf là, c'est de l'argent qui devra provenir des ministères actuels.

M. Chevrette: Pourriez-vous m'expliquer en quoi la création du ministère des Régions crée une pression pour une ponction budgétaire? C'est ce que vous dites. Si ce n'est pas mon interprétation, j'aimerais que vous me donniez la vôtre. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Page 4, deuxième paragraphe, ligne 5. C'est parce que des fois on n'a pas l'air d'écouter, mais on écoute, puis on sait lire, puis on comprend!

M. Lacasse (Christian): Oui, oui. C'est à se parler qu'on se comprend.

M. Chevrette: C'est sûr. Cinquième ligne, paragraphe 2, page 4.

M. Lacasse (Christian): C'est parce que, là, je viens de vous l'expliquer, M. le ministre. C'est que, moi, ce que j'ai compris – et peut-être que je me trompe – c'est que les ministères sont interpellés pour constituer un fonds qui pourrait servir...

M. Chevrette: Je viens de comprendre.

M. Lacasse (Christian): ...pour être rendu disponible dans les CLD, O.K.? Alors...

M. Chevrette: Ça, monsieur, vous venez de dire: Par exemple, le MAPAQ va peut-être être obligé de verser dans le fonds régional 4 000 000 $, mettons.

M. Lacasse (Christian): C'est ça. Bien, on le dit, d'ailleurs, dans le mémoire.

M. Chevrette: Le MSR, 6 000 000 $; le MEQ, 8 000 000 $. Savez-vous que, à 99,9 % du monde interrogé – puis l'autre, c'est parce qu'on ne l'a pas vu; on suppose qu'il est contre – nous dit: On est tanné des programmes?

M. Lacasse (Christian): On est?

M. Chevrette: Arrêtez de nous envoyer des programmes nationaux, arrêtez de nous envoyer des programmes avec des balises puis des critères, comme si un programme qui va bien dans Lanaudière, ou qui va bien en Gaspésie, ou qui va bien en Abitibi est bon pour Chaudière-Appalaches. Ils ont dit: Créez-nous des enveloppes, des fonds. On va, nous autres mêmes, bâtir des programmes pour nos petits territoires. Êtes-vous après me dire que vous êtes contre ça?

M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, d'ailleurs, on le dit dans le mémoire.

M. Chevrette: Vous êtes contre ça?

M. Lacasse (Christian): En ce qui concerne le ministère de l'Agriculture... Essayons de voir comment les argents qui sont...

M. Chevrette: C'est très bon à savoir!

M. Lacasse (Christian): ...actuellement au ministère de l'Agriculture à travers les politiques nationales... Qu'on parle de sociétés de financement agricole ou qu'on parle d'assurance-stabilisation, ces argents-là actuellement servent à maintenir des entreprises agricoles partout au Québec. C'est comme ça qu'intervient le ministère de l'Agriculture. Et nous, ce qu'on dit, c'est que c'est absolument inutile, dans le contexte actuel, de faire transiger ces argents-là par les CLD compte tenu que le budget du ministère de l'Agriculture est déjà actuellement très décentralisé et qu'il permet de maintenir des emplois et de créer des emplois partout au Québec.

Et là-dessus, moi, je dirais que le ministère de l'Agriculture va se distinguer par rapport à probablement bien d'autres ministères, parce que c'est ça, l'image de l'agriculture, c'est ça, le portrait de l'agriculture au Québec. Il y a des entreprises agricoles partout et il y en a surtout dans les régions où il y a vraiment un besoin d'économie locale et régionale. Et nous, on ne croit pas que le véhicule des CLD pourrait améliorer ou jouer un rôle, je dirais, plus accru pour le maintien de ces emplois-là en région, parce que les politiques nationales répondent déjà à ça.

M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez m'expliquer, dans une dernière petite question, comment il se fait que c'est aujourd'hui le 10 décembre qu'on apprend ça, alors que ça fait deux, trois ans que ça court dans le décor, au niveau des CRD, au niveau de toutes les régions, au niveau des CLD, au niveau d'un colloque national, à Montréal, de deux, trois jours, à tous les niveaux? Expliquez-moi comment ça se fait que l'UPA, le 10 décembre 1997, durant l'adoption d'une législation confirmant ces consensus-là, apparaît sur la table. Expliquez-moi ça! Est-ce que c'est nous autres qui n'avons pas su vous dénicher ou si c'est vous autres qui n'avez pas su nous dénicher?

M. Lacasse (Christian): Je ne comprends pas très bien la question.

(17 h 40)

M. Chevrette: Je vais la reprendre. Vous allez m'expliquer comment il se fait que ce n'est que le 10 décembre 1997, à la toute veille d'adopter une législation, qu'on apprend du mouvement de l'UPA national – c'est quand même une structure assez grosse, ça – que tout le consensus national en ce qui regarde la gestion par enveloppes ou par fonds est contestée maintenant par l'UPA, alors que partout, dans tous les CLD, vos présidents, vos représentants, vos syndicats de base savent tout ça, à la grandeur du Québec? Expliquez-moi comment ça se fait. Ça a été plein les journaux, il y a plein de documents qui ont circulé. Avec la batterie de fonctionnaires que vous avez, je suis vraiment déboussolé pour que... C'est la première fois, moi, depuis deux ans et demi, depuis septembre 1994, c'est la première fois que j'apprends que l'UPA est contre la gestion par fonds et par enveloppes et qu'ils veulent garder les programmes. Vous êtes le seul homme à date, depuis le 12 septembre 1994, qui m'apprend ça, le seul!

Le Président (M. Gagnon): Brièvement.

M. Lacasse (Christian): Moi, je crains d'être mal interprété. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Non, non.

M. Lacasse (Christian): Oui. Écoutez, j'ai l'impression que ce que je dis n'est pas toujours retenu. Moi, ce que je vous dis: Dans le passé, on s'est battus aussi, et ça, j'en suis conscient, et, encore aujourd'hui, on va se battre à ce niveau-là. Il y a eu des enveloppes, au ministère de l'Agriculture, qui ont été régionalisées. On a des programmes régionaux, on a des aides qui sont attribuées par régions, et ça, on ne le remet pas en question.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, le temps qui était imparti est écoulé. Peut-être que vous pourrez reprendre ces éléments-là.

M. Chevrette: Je donnerai le consentement.

Une voix: Laissez-le continuer.

M. Lacasse (Christian): Alors, vous êtes d'accord?

Le Président (M. Gagnon): Vous poursuivez votre réponse.

M. Lacasse (Christian): Oui?

Le Président (M. Gagnon): On l'emprunte sur le temps de...

M. Lacasse (Christian): O.K. Et ça, on ne le conteste pas, sauf qu'on s'est rendu compte au fil des années que ces enveloppes-là, malgré notre volonté de vouloir les bonifier, n'ont jamais pu être bonifiées; au contraire, elles ont été rétrécies compte tenu du contexte budgétaire. Et notre objectif de vouloir bonifier ces enveloppes régionales... Et là je vous le dis, moi, il ne faudrait pas qu'on sorte d'ici et qu'on dise qu'on croit juste aux politiques nationales, ce n'est pas vrai. On y a cru, à des enveloppes régionales, mais ça ne devait pas venir menacer nos politiques nationales, qui interviennent très bien pour le monde agricole. Mais ces enveloppes-là, régionales, on les voyait complémentaires pour permettre à l'agriculture dans les différentes régions, qui ne vit pas les mêmes problématiques, qui est différente d'une région à l'autre, de pouvoir se développer au même rythme.

Alors, ça, moi, je ne veux pas qu'aujourd'hui on retienne qu'on remet ça en question, sauf que de demander aujourd'hui – et je reprends les mots qu'on a dans notre mémoire – «de demander une ponction supplémentaire au ministère de l'Agriculture, dans le contexte où on a dû au cours des dernières années rationaliser les politiques nationales, on croit que c'est impossible dans le contexte actuel. Ça serait menacer dangereusement ces politiques-là. Là, j'espère, en tout cas, que ça a été plus clair.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Merci, M. le Président. M. le Président, d'abord, vous me permettrez de constater que l'UPA, finalement, démontre dans son mémoire qu'elle a des inquiétudes. Moi, je veux rassurer les gens qui sont devant nous et leur dire que c'est normal que vous en ayez. C'est un questionnement de la part du ministre; on va le faire de notre côté également. Mais vous n'êtes pas les seuls à être venus nous dire que cette opération-là, l'implantation des CLD, entre autres, s'opérait dans la confusion, vous n'êtes pas les premiers. Vous n'êtes pas les premiers qui êtes venus nous dire qu'il y avait eu absence de débat réel sur la décentralisation. Le ministre a beau nous parler des documents qu'il a publiés, puis tout ça, il y a un, entre autres, document sur lequel il n'a certainement pas eu beaucoup de rigueur, son livre vert. C'est que tout le monde nous a dit qu'ils contestaient l'approche du ministre de dire que ça prenait l'indépendance si on voulait être capables de décentraliser au Québec. Alors, moi, je vous rassure que ce n'est pas surprenant, votre questionnement.

Sur la notion de budget ou de financement des structures qui sont mises en place, c'est normal que vous questionniez aussi. On l'a démontré au cours des deux dernières journées, il y a des gens qui sont venus nous dire jusqu'à quel point ils étaient inquiets de la non-récurrence des argents qui étaient offerts par le gouvernement du Québec dans les structures qui sont en place. Alors, s'il n'y a pas de récurrence, qui va s'assurer du financement des structures par la suite? Ce genre de question m'apparaît normal à l'intérieur d'un débat comme celui que nous tenons ici.

Pour ce qui est du 500 000 emplois, c'est sûr que le ministre, il a envie de monter dans les rideaux chaque fois qu'il entend ça, parce qu'il dit: Ça, c'est des critères, ce n'est pas ça qu'on a voulu dire, ou, en tout cas, ce n'est pas ça qu'on retrouve dans les documents. Sauf que ce n'est peut-être pas ça qu'il a voulu dire, mais c'est ça que le monde a compris, par exemple. Parce que tous ceux qui sont venus en commission, ils en ont parlé et l'ont compris comme ça. Ça veut donc dire...

Une voix: ...

M. Vallières: Bien, ceux qui en ont parlé, c'est comme ça qu'ils l'ont compris. Alors là, là, peut-être que la publicité gouvernementale que vous avez faite dans les journaux aurait dû s'adresser à ça plutôt qu'à d'autres choses, expliquer au monde comme il faut c'était quoi. Parce que les gens, c'est ça qu'ils ont compris. Et quand le ministre nous dit: 500 000 emplois, ça ne se peut pas. Ça serait le plein emploi. Bien je veux simplement lui rappeler que c'est dans son propre programme que les attentes ont été crées. Le programme du Parti québécois mentionnait que dans les 100 jours le gouvernement présenterait une politique de plein emploi, et il nous confirme que c'est 5 % de chômage à peu près, c'est 500 000 emplois. Donc, que les gens nous disent aujourd'hui qu'ils ont interprété ça comme ça. Il ne faut pas être surpris. Ce n'est peut-être pas ça. C'est probablement pas ça que le ministre a voulu dire, sauf que la précipitation avec laquelle s'opère l'opération d'implantation des CLD présentement donne comme résultat de la confusion dans les milieux. Il y a des gens qui manquent d'information. Alors, nous comptons, nous, sur la présence ici d'organismes qui viennent nous rencontrer et aussi sur l'étude article par article du projet de loi pour que le maximum d'informations puissent être transmises aux décideurs locaux, aux intervenants locaux.

Vous me permettrez maintenant peut-être de vous poser quelques questions en précision sur votre mémoire. Vous semblez nous dire que ça prendrait un siège réservé aux producteurs agricoles. Les femmes nous ont demandé ça tantôt. Les jeunes ont demandé ça. Tout le monde demande ça, les exportateurs, les travailleurs de l'économie sociale. Est-ce que vous voyez qu'on a un problème? Si tout le monde, chacun dans son secteur d'activité, dit: je veux siéger au CLD, qu'est-ce qu'on fait, comme législateurs? Donner un siège à tout le monde qui veut être là? On va être 60 autour de la table. Il y a des gens qui le demandent, et avec raison. On est face à ce problème-là, le projet de loi est ainsi bâti. Avec ce que je viens de vous dire, est-ce que vous maintenez que, partout, les catégories de gens qui interviennent dans le milieu, les groupes vont le demander, est-ce qu'il faudrait que le ministre dise dans sa loi: Bien, je vais donner un siège à tout le monde qui en veut un? C'est quoi, la solution?

M. Lacasse (Christian): Bien, moi, je ne peux pas parler pour les autres, mais, en ce qui concerne l'agriculture, je pense que dans le mémoire on a fait la démonstration qu'on est un acteur majeur dans bon nombre de municipalités et de MRC. Moi, je vous dirais que j'aurais une foule de MRC en tête, et je ne peux pas m'imaginer qu'il n'y aurait pas de représentants de l'agriculture autour de la table. Vous savez, quand on participe à l'économie locale ou régionale à des niveaux de 10 %, 15 %, 20 % et parfois jusqu'à 50 %, c'est incontournable. Et pourquoi on n'a pas été identifiés comme intervenants représentatifs? Vous conviendrez qu'on est assez inquiets et qu'on questionne. Écoutez, moi, je suis convaincu que vous ne pouvez pas contester le fait qu'on est effectivement un acteur majeur, et bon nombre de municipalités passent par... en tout cas, leur économie et leur développement passe en particulier par l'agriculture. Et si on pense à l'avenir, bien, il y a aussi de l'avenir pour l'agriculture. Il y a, en termes de développement, du potentiel. Or, il va falloir aussi que les CLD soient sensibles au développement de l'agriculture, et nous, on croit que ça passe par un porte-parole qui devra être présent.

M. Vallières: Mais, dans les milieux où l'agriculture est omniprésente, vous le dites et votre mémoire en témoigne bien, c'est important, c'est omniprésent, l'agriculture dans certains territoires. Pensez-vous qu'on peut imaginer que du milieu ne viendront pas des propositions pour que le monde agricole soit représenté? «C'est-y» pensable qu'à un moment donné un milieu qui est vraiment agricole, qu'une personne en quelque part va penser de dire: Il faut qu'il y ait des agriculteurs sur le conseil d'administration du CLD? Dans la pratique, j'essaie de voir du côté pratique.

(17 h 50)

M. Lacasse (Christian): Bien, déjà, moi, je peux vous dire que dans plusieurs MRC des approches ont été faites, effectivement, avec le monde agricole pour qu'il y ait une place à l'agriculture. Mais est-ce que ça va être un siège partagé? Est-ce que la personne va représenter strictement le monde agricole ou est-ce qu'elle va représenter – je ne le sais pas, là, je donne des exemples – la coopération? Est-ce qu'elle va représenter les travailleurs dans l'ensemble? Bien, nous, ce n'est pas ça qu'on veut, là. C'est un véritable siège pour l'agriculture, pour le monde agricole.

Une voix: Est-ce que c'est le syndicat...

M. Vallières: Oui, c'était la question que j'allais poser. Est-ce que c'est «syndicat» ou «association professionnelle», l'UPA, selon la définition que vous faites, là? Parce qu'il y a une place de réservée aux travailleurs. Ça peut être des travailleurs agricoles.

M. Lacasse (Christian): Oui. Le monde agricole, est-ce que ça répond à votre question? Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...vous...

M. Vallières: Oui, allez-y.

M. Chevrette: C'est juste pour bien se comprendre...

M. Lacasse (Christian): Oui.

M. Chevrette: ...parce que les syndicats sont venus tantôt, puis c'est un peu la même chose.

Prenez la MRC Montcalm, un exemple concret. C'est seulement des villages agricoles. «Travailleurs», est-ce qu'on est obligé de dire «travailleurs syndiqués à l'UPA» ou «syndiqués» ou bien «travailleurs de l'UPA»? Prenez les coopératives, dans le milieu agricole, c'est rien que des coopératives agricoles ou de financement à la caisse pop; ou encore les maires, c'est des agriculteurs, dans ces milieux-là. L'institutionnel, non. Le communautaire, c'est agricole, les trois quarts du temps, et également, quelle autre clientèle? Coopératives.

M. Lacasse (Christian): Oui, mais...

M. Chevrette: Ça veut dire que ça va être rien que des cultivateurs, là, ou des agriculteurs.

M. Lacasse (Christian): Quand même. Ha, ha, ha!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Qu'est-ce qui va arriver?

M. Lacasse (Christian): Quand même. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Ça, «c'est-u» trop pour vous autres, ça?

M. Lacasse (Christian): Ha, ha, ha!

M. Chevrette: On peut en enlever un peu, là. Ha, ha, ha!

M. Lacasse (Christian): C'est... Ha, ha, ha! Sauf que, est-ce que ces gens-là... Écoutez, vous savez comment ça se passe, là, ces représentations-là! Moi, je pense que, quand quelqu'un va s'asseoir là et qu'il n'a pas vraiment un statut de représentant de producteurs ou du monde agricole, je ne crois pas que, réellement, cette personne-là puisse avoir un discours qui va être en fonction de l'agriculture.

Moi, si vous me dites: est-ce que j'accepterais d'être représenté par des syndicats de travailleurs, moi, je vous dis non, parce que ça ne correspond pas à notre culture, ça ne correspond pas à notre profession. C'est aussi simple que ça. Les agriculteurs ne se considèrent pas des travailleurs à salaire, c'est des entrepreneurs, c'est des gens qui sont autonomes, qui développent une entreprise. Alors, il y a quand même une différence, là.

M. Vallières: Travailleurs syndiqués, autonomes et gens d'affaires, c'est un peu ça.

M. Chevrette: Entrepreneurs autonomes.

M. Vallières: Oui, entrepreneurs autonomes. Mais, en tout cas, je retiens qu'il y a une préoccupation majeure pour vous et que vous ne sentez pas, à l'intérieur du projet de législation qu'on a là, l'assurance que vous aurez la place que, dans le fond, vous méritez compte tenu de l'impact que vous exercez dans les différents milieux.

M. Lacasse (Christian): C'est ça.

M. Vallières: J'ai mon collègue qui aurait une question à poser, je pense.

Le Président (M. Gagnon): Avant de pouvoir la poser, ça prendrait le consentement des gens. Vous avez le consentement, vous pouvez y aller.

M. Chenail: Pour comprendre ce que les représentants de l'UPA disaient tout à l'heure, je pense qu'eux autres disaient qu'ils ne tenaient pas à ce que le ministre prenne de l'argent des fonds régionaux en agriculture pour mettre dans un CLD, c'est ça? «C'est-u» ça que vous voulez?

M. Lacasse (Christian): Il y a une inquiétude, effectivement.

M. Chenail: Là-dessus, M. le ministre, est-ce qu'on peut avoir votre version là-dessus? Est-ce que c'est vrai que ça va se faire, qu'ils vont prendre les fonds qui étaient octroyés aux régions pour les programmes régionaux en agriculture pour être, qu'on pourrait dire, transférés au CLD?

M. Chevrette: Les seuls fonds transférables dans l'enveloppe intégrée, ce sont les fonds des programmes antérieurs destinés à la création d'emplois. Si c'est pour soutenir un volet de l'agriculture, c'est non. C'est seuls les argents des programmes des ministères sectoriels qui étaient dédiés à la création d'emplois.

M. Chenail: Ce qui veut dire que, s'il y avait un programme pour une région qui était...

M. Chevrette: C'est très peu de l'agriculture, en passant, c'est parce que je n'ai pas les chiffres sous les yeux. Si ma mémoire est fidèle, c'est quelques millions à peine, ce qu'il y avait dans certains programmes d'emploi, de création d'emplois, ce n'est presque pas d'argent. Mais c'est parce que je n'ai pas les chiffres, mais je pourrais vous les envoyer. Vous me donnerez votre carte, je vous enverrai exactement les montants qui sont identifiés comme étant transférés à l'enveloppe nationale.

M. Chenail: Ma deuxième question: Pourquoi qu'il n'y aurait pas un représentant de la fédération de la région qui serait attitré sur les CLD? Ça serait normal.

M. Chevrette: C'est de savoir comment le rédiger, parce que monsieur a raison de dire... Le cultivateur ou l'agriculteur est à la fois un employeur autonome, c'est un entrepreneur autonome qui n'est pas affilié au syndicalisme traditionnel. Il y a des syndicats de base mais qui font partie, en fonction d'une formule Rand, par législation spécifique, qui font partie d'un mouvement national qui s'appelle l'UPA.

Ce n'est pas tout à fait le même type de syndicalisme, parce qu'ils ont à la fois... le même individu peut être coopérant et partie d'un syndicat de base dans le même secteur industriel agricole. Par exemple, tu peux avoir des gars...

Une voix: Ils peuvent avoir cinq jobs.

M. Chevrette: ...qui font partie d'un syndicat de base puis qui sont actionnaires de leur coopérative dans le même secteur.

M. Chenail: Puis il peut être maire de la municipalité, ainsi de suite.

M. Chevrette: C'est de quelle façon légiférer ça sur le plan concret. Parce que dans des MRC il n'y a même pas de CSN ou de FTQ. Il peut y avoir des syndiqués, mais, comme structure de sièges sociaux, il n'y en a pas. C'est plus des syndicats de base de l'UPA qu'on a. Et, eux autres, par MRC, là, tu peux avoir... par exemple, il y a la Coopérative de Montcalm, il y a aussi le Syndicat des producteurs de porc de Montcalm. Je prends un exemple concret pour voir qu'est-ce que ça peut donner. On a pris des notes pour essayer de le formuler, sur le plan juridique, pour que ça puisse vouloir dire quelque chose.

M. Chenail: M. le ministre, juste une dernière question. Est-ce qu'on peut penser que vous allez prendre en considération qu'il y ait une personne qui représente vraiment le monde agricole, qui ait un titre, comme quelqu'un qui est sur les syndicats ou la Fédération, qui pourrait être nommée là-dessus dans les régions agricoles?

M. Chevrette: Bien, j'espère qu'il va y en avoir! S'il n'y en a pas, je ne reconnaîtrai plus l'UPA.

M. Chenail: Non, mais est-ce que vous allez reconnaître un siège pour eux autres?

M. Chevrette: Ils vont se battre comme des bons, puis j'espère, puis je vous invite à le faire, à part de ça. C'est parce qu'il faut faire attention quand je mets un article de portée générale. Si j'ai des CLD de centres urbains seulement puis si je dis qu'il y a une composition à partir d'un membre de l'UPA, il va falloir qu'on mette une clause là où il existe, là. Vous comprenez ce que je veux dire, de toute façon. Il faut que je bâtisse un article. En article par article, on va trouver des solutions.

M. Chenail: Alors, pour qu'il y ait officiellement un siège qui soit au représentant de l'UPA?

M. Chevrette: Bien, s'il fallait, par exemple, que dans une MRC où il y a de l'agriculture comme axe de développement... puis qu'on n'ait pas quelqu'un du monde agricole, je serais très inquiet. Je «peux-tu» vous dire ça?

M. Chenail: On va en avoir sûrement du monde agricole...

M. Chevrette: Je n'accréditerais pas...

M. Chenail: ...mais attitré vraiment comme représentant.

M. Chevrette: ...puis je ne conclurais pas d'entente de gestion. Ça n'aurait pas de bon sens. Non, c'est à quel niveau, par exemple, ça, on peut regarder? «C'est-u» au niveau des industriels, parce que c'est des entrepreneurs autonomes? Parce que, aujourd'hui, une firme, là, c'est une joyeuse petite PME, on pourrait dire une moyenne PME, puis dans certains cas c'est des grosses PME, donc on va regarder dans quel secteur et on discutera.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Montmagny.

M. Chevrette: Non, il voulait parler aussi, monsieur.

Le Président (M. Gagnon): Ah, O.K.

M. Lacasse (Christian): Bien, moi, dans ce sens-là, moi, je peux vous dire qu'actuellement il y a de la confusion et que les producteurs ne sentent pas qu'il y a vraiment une place pour eux autres. Elle va se définir dans certaines MRC où l'agriculture est omniprésente, oui, mais, dans d'autres où ça peut être moins évident, je pense que ça va prendre une message facilitateur puis probablement une ouverture pour rendre ça aidant. Parce qu'on peut bien se battre, mais on n'est pas tout seuls, là. Et je ne répéterai pas les arguments qui font qu'on doit reconnaître un siège au monde agricole autour de ces tables-là.

M. Chevrette: Mais vous nous le ferez savoir. Déjà, j'ai eu de la difficulté dans certaines MRC avec des groupements, par exemple des syndiqués qui ne voyaient pas leur collège électoral respecté. Si vous avez des identifications d'endroits où ça constitue quelque chose d'important puis que vous sentez mis à l'écart, j'aimerais ça qu'on le sache très clairement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Montmagny.

(18 heures)

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je vais toujours rester dans le même débat. Je pense qu'il faut reconnaître que les représentants des producteurs agricoles qui sont ici aujourd'hui, qui nous font cette présentation-là, ont raison de s'inquiéter, pour la simple raison... Il s'agit de reprendre le dernier article de la conclusion qui nous a été présentée par M. Lacasse. Il nous définit très bien qu'il serait anormal que des représentants du monde agricole dans des communautés comme celles qu'on connaît dans des régions rurales, comme celles que vous représentez, que je représente, et plusieurs de mes collègues aussi, ne soient pas, ou, c'est-à-dire... ça n'a pas été évident dès le départ que ces gens-là étaient partie prenante dans leur développement.

Parce qu'on sait tous très bien, et il en a fait part tantôt, dans plusieurs de nos communautés, le producteur agricole dont la majorité de ses activités est à une production dite identifiée, il est aussi très impliqué au niveau de l'exploitation forestière, du moins une partie – il a certaines activités forestières comme complément – et d'autres s'ajoutent à ça, aussi, des activités acéricoles. Donc, vous voyez que le producteur, dans sa communauté, est quelqu'un de très impliqué. L'économie est bâtie sur des dizaines et des dizaines d'individus, hommes et femmes, qui ont des activités de cette nature. C'est ce qui fait la force de notre communauté.

Vous prenez cette communauté-là. Vous en prenez une quinzaine au sein d'une MRC. Il aurait été tout à fait normal que le débat se fasse – ce n'est pas un reproche que je fais à personne, nous sommes en train de le réaliser, entendre les gens – à partir d'une période... il y a six mois, trois mois ou un an. Qu'est-ce qu'on a besoin dans le milieu? Dans notre milieu? Je suis en train de décrire un secteur donné. Qu'est-ce qu'on a besoin? Quelle structure veut-on mettre en place pour y arriver? Et comment on va le faire?

Mais là on entend des gens qui viennent nous dire: J'ai entendu parler qu'on était en train de mettre en place un ministère des Régions, d'une part, qui aurait une organisation, une structure, un CLD, qui s'occuperait, qui aurait la responsabilité de. Les gens sont en train de prendre conscience de ça. Ce n'est pas à cause que ces gens-là n'ont pas lu les journaux. Et là on a des représentants des producteurs agricoles ici.

Je pourrais vous parler des représentants de petites entreprises et dans d'autres secteurs donnés qui sont en train d'apprendre qu'il y aura une structure comme celle-là qui est susceptible de jouer un rôle très important dans son milieu. Ils ne savent pas s'il y aura suffisamment d'argent pour jouer le rôle que la publicité y fait – la publicité qui est faite par le gouvernement et certains autres hommes et femmes politiques – mais, ça, c'est assez récent, ce qu'on pourrait appeler le réveil des gens d'affaires à la venue d'un nouveau ministère des Régions.

Une voix: D'une nouvelle structure.

M. Gauvin: Hein?

Une voix: Une nouvelle structure.

M. Gauvin: Cette nouvelle structure là. Donc, il ne faut pas être étonné, M. le ministre, qu'il y ait des gens qui soient encore à se demander: Est-ce qu'on jouera le rôle qu'on souhaiterait jouer, puis le rôle qui nous a toujours été reconnu dans notre communauté?

M. Chevrette: Je ne suis pas étonné. Mais je suis étonné qu'il y en ait qui ont déjà leur assemblée de fondation de faite, leurs membres attitrés, alors que, nous autres, on est en train de légiférer. Puis vous savez très bien ce que je veux dire. Puis ce n'est pas nous autres qui avons dit: Convoquez vos assemblées.

Il y en a qui sont vite en affaires, et vous savez pourquoi. Ce n'est pas pour rien que la seule poignée qu'on a en vertu de la loi, c'est l'accréditation puis la signature d'une entente de gestion. Si ça ne respecte pas minimalement ce que vous dites... Écoutez. Moi, arriver, par exemple, dans une MRC qui n'aurait pas un représentant du monde agricole, alors que c'est... Le potentiel de développement, il est soit en agriculture ou dans l'agroalimentaire. Je «peux-tu» vous dire que ça n'aurait pas d'allure, par rapport à ce qu'on vise?

Si on vise à créer de l'emploi et développer l'économie à partir du potentiel de développement dans chacun des territoires, c'est sûr qu'on va... Mais on va découvrir, tout le monde ensemble, et surtout les députés, que certains veulent se hâter à tout prix pour des raisons bien précises.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, le temps imparti est écoulé.

M. Vallières: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Vallières: Je voulais juste mentionner – et j'espère que le ministre prend note de la grande latitude que nous lui donnons sur le temps de l'opposition officielle...

M. Chevrette: Oui, oui.

M. Vallières: ...mais quand ça peut contribuer à l'intelligence du débat et surtout aux informations dont on a besoin, je pense que c'est agréable de pouvoir le faire.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

M. Vallières: Je remercie l'UPA de sa présentation.

Le Président (M. Gagnon): On vous remercie de votre présentation. La séance est ajournée.

(Fin de la séance à 18 h 5)


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