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Audition des mémoires sur le projet de loi no
24
Loi sur la protection de la jeunesse
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission conjointe des affaires sociales et de la justice est de
nouveau réunie pour étudier le projet de loi no 24, Loi sur la
protection de la jeunesse. Les membres de la commission pour la séance
de ce matin sont les suivants: M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup) comme
président; M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M.
Charron (Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M.
Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
La-londe (Marguerite-Bourgeoys), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly),
M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette
(Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw
(Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier),
M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt (Jonquière).
Les organismes convoqués pour ce matin sont le Barreau de
Québec dont le porte-parole est Mme Micheline Audette Filion,
l'Association professionnelle des criminologues du Québec,
représentée par M. Samir Rizkalla; et le Bureau de
consultation-jeunesse Inc. représenté par Mme Renée
Spain.
Compte tenu qu'une motion a été adoptée à
l'unanimité à savoir que la commission mette fin à ses
travaux à 13 heures aujourd'hui, je voudrais que l'on tienne compte
qu'il y a encore trois mémoires à entendre et, compte tenu du
temps, qu'on essaie de répartir le temps à environ une heure par
mémoire. Je donne immédiatement la parole à Mme Micheline
Audette Filion pour le Barreau du Québec.
Barreau du Québec
Mme Audette Filion (Micheline): M. le Président, messieurs
les ministres, messieurs les membres de la commission parlementaire, pour les
fins du journal des Débats, mon nom est Micheline Audette Filion,
directeur du service de recherche au Barreau du Québec.
Il me fait plaisir de vous présenter ce matin les personnes qui
m'accompagnent. A ma droite, Me Robert Sacchitelle, avocat de Montréal
attaché à l'aide juridique. A ma gauche, Me André Sirois,
avocat de la pratique privée de Québec, qui a également
oeuvré dans le cadre de l'aide juridique. Le comité du Barreau,
dont vous trouverez la liste des noms à la première page du
mémoire, était composé d'avocats possédant tous une
expérience pertinente et pratique du domaine de la jeunesse
auprès de la Cour de bien-être social tant dans le domaine de la
protection que dans le domaine du droit pénal, soit qu'ils aient agi
à titre de représentants de la couronne, soit qu'ils aient
été en défense à titre d'avocats de la pratique
privée en tant qu'attachés à l'aide juridique ou à
la section jeunesse de l'aide juridique, ou à un centre des services
sociaux à Montréal, à Québec, à Hull,
à Chicoutimi.
Il n'est sans doute pas nécessaire de mentionner ici, à
cette commission, à quel point ce dossier intéresse le Barreau du
Québec. Nous avons préparé des mémoires à
l'occasion des deux projets de loi antérieurs, nous avons
préconisé une loi concernant la protection des enfants
maltraités et étudié les projets de loi
fédéraux. Je n'ai pas l'intention de faire ici la lecture du
mémoire, présumant que les membres de la commission en ont pris
connaissance et prendront avantage des remarques plutôt techniques qui
s'y trouvent à certains endroits. Je ne procéderai pas, non plus,
article par article; je préfère limiter mon intervention
étant donné que le temps, nous dit-on, est limité
aux principaux points qui ont attiré notre attention.
De façon générale, le projet de loi que nous
étudions ce matin nous apparaît beaucoup plus simple, beaucoup
plus facile à comprendre, et dans ses structures et dans son texte, que
ses prédécesseurs; il affirme des notions qui nous sont
chères et qui nous apparaissent essentielles: les droits de l'enfant, la
déchéance possible de l'autorité parentale, l'appel de
piano, la représentation par avocat, etc. Le projet de loi nous
apparaît centré complètement sur la protection de l'enfant
et de ses droits. Il est orienté vers la déjudi-ciarisation et
privilégie l'intervention sociale avant l'intervention judiciaire, qu'il
ne prévoit qu'en dernier ressort. Le Barreau se déclare
totalement d'accord avec cette philosophie.
L'intervention sociale, selon nous, de par sa nature, doit tendre
à éviter, si possible, le conflit judiciaire doit tendre à
concilier les parties et doit amener la conciliation, la réhabilitation,
la rééducation, la réintégration sociale. La
lecture du projet de loi, cependant, nous amène à penser qu'une
fois cet objectif posé, déclaré et recherché, la
loi accorde aux intervenants du domaine social des instruments qui sont de
nature à annuler et à changer l'orientation de ces interventions.
Alors que le Comité de la protection de la jeunesse semble avoir pour
but, tel qu'il est défini à l'article 22, de veiller
généralement à ce que des mesures de protection soient
rendues accessibles à l'enfant dont le développement ou la
santé sont compromis, on donne, à ce comité, aux membres
du comité et à tout enquêteur désigné par
lui, à l'article 23, et sans doute aussi à ses
représentants un peu partout dans la province, à l'article 21,
les pouvoirs et l'ummunité accordés aux commissai-
res en vertu de la Loi des commissions d'enquête.
Alors que le directeur de la protection de la jeunesse apparaît
comme l'instrument par excellence de la déjudiciarisation puisqu'il est
celui, qui en vertu de l'article 30, analyse les situations et décide de
l'orientation de l'enfant soit vers le domaine social, soit vers le domaine
judiciaire, on donne à ce directeur ou à tous ces directeurs,
puisqu'il y en aura plusieurs, naturellement, dans toute la province et
à toute personne qu'il désigne, à l'article 33, les
pouvoirs et l'immunité d'un commissaire-enquêteur. C'est donc
dire, si nous nous reportons à la Loi des commissions d'enquête,
que le comité, chacun de ses membres, ses représentants à
travers la province, ses enquêteurs, les directeurs et toutes les
personnes qu'ils désigneront, dans le but d'enquêter sur les
matières de leur compétence, pourront assigner à
comparaître, contraindre à témoigner et à
déposer des documents, exiger et recevoir le serment et, en cas de
défaut ou de refus de comparaître, de prêter serment ou de
témoigner ou de répondre suffisamment, condamner pour outrage au
tribunal avec les conséquences qui s'ensuivent et tout cela en jouissant
des privilèges et des immunités des juges de la Cour
supérieure.
Nous nous demandons à quoi bon créer des mécanismes
d'intervention sociale ayant pour but d'amener les parties à
désirer et à se rallier à des mesures volontaires et
à éviter le processus judiciaire si l'on transforme le processus
social en processus quasi judiciaire et si l'on donne aux intervenants des
pouvoirs de nature presque policière.
Il nous semble que c'est tuer dans l'oeuf toute tentative de
déjudiciarisation et que c'est, de surcroît, inutile.
L'actuel Comité pour la protection de la jeunesse, dont le mandat
est d'ailleurs beaucoup plus restreint en vertu de la loi actuelle puisque son
mandat se limite à la protection des enfants soumis à de mauvais
traitements physiques, n'a pas de tels pouvoirs. Il mentionne lui-même
dans son rapport annuel que sa méthode d'intervention se veut
strictement non judiciaire et non coercitive. Nous pensons que c'est
peut-être, aux yeux du public et des personnes qui seront soumises
à ces enquêtes, une façon de ne pas rencontrer les
objectifs que l'on s'est donnés. C'est avec une pointe d'humour aussi
que l'on peut lire, toujours au chapitre de l'intervention sociale, que le
directeur décide, entre autres lorsque l'enfant ou les parents ne sont
pas d'accord avec les mesures volontaires, de "se confier" l'enfant et de lui
"appliquer on peut dire imposer des mesures volontaires ". Il
nous semble qu'on se départit là du processus et de la
philosophie qu'on avait originalement envisagés dans l'instauration de
tout ce chapitre.
Nous devons franchement vous dire qu'à l'étude de ce
projet de loi il est une question que nous nous sommes continuellement
posée; c'est celle de la juridiction et de la procédure relative
au Tribunal de la jeunesse, eu égard à la façon de saisir
ce Tribunal de la jeunesse, en particulier à la lecture des articles 2,
30, 42c, 56, 57, 86, 87 et en- fin 141 modifiant l'actuel article 106 de la Loi
des tribunaux judiciaires.
Nous posons la question de la façon suivante: Hors les cas
prévus à l'article 35 qui sont strictement des cas de protection,
le légisteur désire-t-il légiférer uniquement en
matière de contravention aux lois provinciales et aux règlements
municipaux, ce qui coïnciderait avec l'actuel article 106 de la Loi des
tribunaux judiciaires, ou relativement tel que le texte proposé
le dit, à des infractions, à une loi ou à un
règlement en vigueur au Québec.
Est-ce qu'on veut dire par là incluant la Loi sur les jeunes
délinquants, qui est actuellement en vigueur au Québec, et qui
couvre les manquements au Code criminel et aux statuts fédéraux?
Dans ce dernier cas, si c'était la dernière façon de poser
la question qui coïncidait avec l'intention du législateur, il
faudrait certainement soit rayer le paragraphe a) de l'article 106, qui donne
au tribunal de la jeunesse une juridiction en matière de jeunes
délinquants, soit modifier l'article d), qui parle des lois et des
règlements en vigueur au Québec, pas revenir à la
formulation de l'actuel article 106 puisqu'il ne nous semble pas possible de
prétendre que les deux sous-paragraphes, à certains
égards, ont voulu dire la même chose. Autrement dit, il nous
semble que le paragraphe a) est compris dans le paragraphe d), si c'est bien
là ce qu'on veut dire.
A la lecture de notre mémoire, vous pourrez constater que nous
avons tenu pour acquis, du moins au chapitre de l'intervention judiciaire, que
celle-ci ne s'appliquait qu'en fonction de la protection, qui est
définie à l'article 35, et peut-être aux cas d'infractions
aux lois provinciales et aux règlements municipaux et non pas au niveau
de l'application de la Loi des jeunes délinquants. C'est dans cet esprit
que nous avons formulé nos remarques, du moins au chapitre de
l'intervention judiciaire.
Par ailleurs, selon les commentaires qui nous sont parvenus
récemment, à la lecture de la transcription des
délibérations de cette commission et en lisant les articles
cités plus haut avec, particulièrement en pensant, par exemple,
aux articles 35, 50, 71, 86 et 87, il nous semble aussi bien possible que le
législateur ait traité de la même façon toutes les
infractions, qu'il ait voulu occuper complètement le champ de la Loi des
jeunes délinquants ou de l'application de cette loi pour en faire des
cas de protection, sans faire de distinction entre les infractions aux lois
provinciales, les délits mineurs comme l'avant-projet de loi.
L'avant-projet de loi faisait cette distinction entre les délits
mineurs et les délits majeurs. Dans le cas limite d'un enfant de plus de
quatorze ans à qui on imputerait par exemple un meurtre, on peut se
demander ce qui arriverait. Le directeur, en vertu de l'article 30, analyserait
la situation, déciderait, conjointement avec le représentant du
ministère de la Justice, de l'orientation de l'enfant. Il nous semble,
comme nous comprenons le projet de loi, qu'il pourrait alors très bien
décider soit de garder l'enfant dans le domaine social ou dans le
réseau de l'intervention sociale, soit de saisir le tribunal.
C'est ce qui apparaît de la lecture coordonnée de divers articles.
C'est l'autre possibilité, et je pense que sur cela il serait
certainement nécessaire que l'intention du législateur et
peut-être les aménagements fédéraux-provinciaux
soient plus amplement expliqués ici et dans la loi.
Néanmoins, et peu importe l'option que l'on adoptera, ce que le
projet de loi ne précise nulle part, nous semble-t-il, c'est le choix
qui se pose à un certain moment donné, au moment de saisir le
tribunal. Comme nous l'avons dit tantôt, il semble évident que
toute infraction imputée à un règlement ou à une
loi en vigueur au Québec viendra devant le directeur, qui analysera la
situation, qui décidera, puisqu'il s'agit d'une infraction à une
loi et à un règlement, de l'orientation à donner à
l'enfant. Dans nos délibérations, nous nous sommes permis
d'expliquer ce choix par la procédure en "y" ou la procédure
à deux pattes.
Le directeur, de concert avec le représentant du ministre de la
Justice, devra décider si oui ou non il désire saisir le tribunal
et, s'il décide de saisir le tribunal, comment le fera-t-il? Le
fera-t-il, par analogie avec l'article 35, de façon semblable à
une demande de protection et telle qu'il semble être
élaboré dans le chapitre sur l'intervention judiciaire, là
où l'intervention se fait au moyen d'une simple déclaration,
là où les règles de la procédure civile
s'appliquent, là où la prépondérance de la preuve
s'applique et là où les moyens ou les remèdes disponibles
sont énumérés dans la loi et se rapprochent d'une
intervention de la nature d'une quasi-déjudiciarisation
décrétée par le tribunal, ou décidera-t-on de
saisir le tribunal, en vertu de la loi des jeunes délinquants ou en
vertu d'un statut provincial, donc, selon la procédure prévue
à la loi des poursuites sommaires, donc, procédera-t-on à
ce moment par voie de mise en accusation, par voie de plaintes, etc.?
Le projet de loi semble avoir tenu pour acquis que le processus normal
est celui de la protection, et on ne voit pas bien comment l'option sera
formulée et de quelle façon on s'adressera au tribunal en vertu
de la loi des jeunes délinquants, si on décide de le faire.
Il nous semblerait invraisemblable si on agissait en vertu de la loi des
jeunes délinquants, par exemple, qu'on procède par voie de simple
déclaration, même non assermentée, comme le mentionne le
projet de loi.
Nous suggérons donc qu'il faudrait que le projet de loi indique
clairement par qui, comment et par quel mécanisme, en vertu de quelle
règle le tribunal sera saisi. Reste-t-on toujours dans le cadre de la
protection même dans le cas des délits majeurs ou si nous suivons
les règles ordinaires, actuelles qui sont celles qui président au
droit pénal.
Même si l'on décidait que l'on reste dans le domaine de la
protection, nous sommes d'opinion, au Barreau, qu'il faut permettre, de toute
façon, qu'il soit procédé, en certains cas, en vertu des
lois pénales. Il y aura certainement des cas où l'enfant à
qui on impute une infraction à une loi ou à un règlement
en vigueur au Québec ne sera pas coupable ou responsable de l'acte
imputé. Cet enfant a le droit, tout comme un adulte, d'être mis en
accusation, d'être jugé, d'être acquitté,
d'être libéré et de ne pas rester dans le réseau de
la protection si vraiment celle-ci n'est pas justifiée.
Nous pensons que cette distinction est très importante puisque
toute la façon de procéder devant le tribunal en
découle.
J'aimerais maintenant revenir assez rapidement à certains
articles du mémoire sur certains points principaux. Au chapitre des
droits de l'enfant, nous pensons que non seulement l'enfant doit être
informé par les personnes qui en sont responsables de ses droits
fondamentaux en regard de ce projet de loi, mais qu'il doit aussi être
informé de façon très précise et formelle de son
droit à la dissidence, c'est-à-dire de son droit de ne pas
être d'accord avec les mesures volontaires qu'on lui propose et de son
droit de consulter un avocat.
Nous avons mentionné dans notre mémoire que nous ne
favorisions pas l'intervention de l'avocat au niveau de la protection sociale.
Ce que nous voulons dire par ceci, c'est que nous ne favorisons pas
l'intervention nécessaire et systématique d'un avocat au niveau
du processus social, mais nous pensons qu'elle peut être utile et
nécessaire en certains cas et que l'enfant doit en être
informé, puisque ses droits doivent être défendus ou
surveillés aussi bien à l'intérieur du processus social
que du processus judiciaire.
La confidentialité des dossiers des jeunes ne nous semble pas
garantie de façon précise dans ce projet de loi. On
précise que le comité peut prendre connaissance des dossiers des
jeunes nonobstant l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. Ceci nous semble valable et nécessaire naturellement,
mais nous pensons qu'on devrait reporter ici l'obligation de
confidentialité à l'égard des membres et des
représentants du comité et de tout le personnel qui entourera ce
comité. Tel que je le mentionnais précédemment, il faut
bien se rendre compte que le mandat du comité est éminemment
élargi, puisque sa juridiction portera non seulement sur sa juridiction
actuelle, qui est celle de protéger les enfants soumis à des
mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence,
mais s'étendra à tous les cas de protection qui sont
prévus à l'article 35. Cet article remplacera donc l'actuel
article 15 de la Loi sur les jeunes délinquants en vertu duquel on
procède actuellement pour obtenir la protection de l'enfant.
A cet égard, nous voulions soulever que nous
préférions, dans sa lettre, la formulation de l'article 15 de la
loi actuelle. Puisque la notion "d'enfant caractériel" est très
relative et varie suivant les divers types de professionnels, nous pensions
qu'il serait valable d'ajouter la notion d'enfants incontrôlables qui
accusent généralement des traits de prédélinquance.
Evidemment, cette suggestion doit être orientée en fonction de la
décision fondamentale quant à la juridiction que j'ai
formulée précédemment.
La dénonciation obligatoire existe déjà dans la loi
actuelle à l'égard des mauvais traitements
physiques et de l'abandon. Nous pensons, cependant, bien qu'il ne soit
pas justifiable, d'ailleurs, le Barreau lui-même avait
été un de ceux qui l'avaient recommandé à
l'époque qu'il faudrait libérer l'avocat de cette
obligation, en certains cas. C'est lui, en effet, qui reçoit des
confidences d'un client, par exemple au sujet d'un inceste ou de mauvais
traitements que son client aurait fait subir à son enfant. Doit-il le
dénoncer, même s'il doit, par la suite, le représenter
devant les tribunaux? Nous pensons qu'il y a là vraiment un conflit
fondamental pour l'avocat qui se trouve devant ces deux règles
déontologiques, et nous pensons qu'il devrait y avoir une exclusion qui
soit formulée ici.
Aux articles 56 et 57, mes remarques correspondent à celles que
j'ai faites précédemment. Nous pensons qu'il est essentiel, dans
certains cas, que l'enfant puisse exiger d'être poursuivi ou
traité en vertu des lois pénales et non pas en vertu de la loi de
la protection.
Au niveau de l'appel, nos remarques se résument à ceci: il
nous semble qu'au niveau de la première instance, la preuve ou la
procédure, lors d'une intervention judiciaire, devrait être prise
en sténographie ou enregistrée, comme, d'ailleurs, maintenant,
cela se fait couramment, je pense, dans toutes les Cours de bien-être
social. Cela permettrait de prévoir naturellement un appel de piano sur
lequel nous sommes parfaitement d'accord et que nous préconisons, mais
un appel partiellement par transmission de dossiers et de façon
additionnelle en prévoyant la possibilité d'une preuve
additionnelle devant le juge de l'appel. Alors, nous avons proposé un
texte en regard de cet article 73: "Le tribunal doit entendre lui-même
toute l'enquête qui donne ouverture à sa décision, les
dépositions sont prises en sténographie ou enregistrées."
Et, plus loin, à l'appel: "La cour juge l'appel sur une transmission du
dossier et des notes sténographiques; elle peut, cependant, entendre des
témoins, si elle le désire, et même recueillir toute preuve
additionnelle." C'est un texte dont la formulation nous est
familière.
J'aimerais parler ici de la question de la publicité des
procédures ou du huis clos. Il nous semble que la distinction est un peu
académique, à savoir: serait-ce une publicité relative ou
un huis clos relatif? Finalement, tout cela revient au même.
Ce que le Barreau préconise, c'est un peu, d'ailleurs, la
formulation que nous mentionne l'Office de révision du Code civil dans
une citation du juge Paul Alexander de Toledo: "Private but not secret". Nous
ne sommes pas d'accord que le grand public soit admis devant la Cour de
bien-être social, au tribunal de la jeunesse, tout
particulièrement lorsqu'il s'agit de protection. Nous ne voulons pas
voir dans les régions, surtout en dehors des grands centres, tous les
voisins du coin venir voir si effectivement madame X a bien battu son enfant ou
encore vouloir prendre connaissance de choses qui, finalement, reviennent
à des potinages.
D'autre part, nous voulons que la règle de la publicité de
la justice à l'effet que la justice soit rendue en public, soit
respectée. C'est pour cela que nous recommandons un huit clos qui soit
la règle sous réserve d'une discrétion judiciaire pour
admettre des personnes intéressées à l'audition. C'est
pourquoi nous recommandons aussi la présence de la presse de droit
à condition que la confidentialité de l'identité,
naturellement, des personnes soit respectée. On peut discuter des
modalités de cette présence de journalistes, de façon
générale, ou de journalistes accrédités devant ce
tribunal; on peut penser à un mécanisme qui pourrait s'instaurer
qui s'apparenterait à celui de la Tribune de la presse au Parlement.
Ce qui nous importe, c'est que de droit les journalistes y soient admis,
que sur discrétion judiciaire les personnes qui ont un
intérêt soient admises, que le huis clos soit la règle et
que ce huis clos soit écarté également à la demande
de l'enfant ou de ses parents. Il peut arriver des cas où il soit dans
l'intérêt de l'enfant qui est jugé ou dont la question de
la protection est discutée que ceci se fasse en public. A ce moment, sur
demande de la partie, nous pensons que le huis clos devrait être
levé de façon générale.
En revenant à l'appel, j'aimerais tout simplement mentionner,
à l'article 114, que nous aimerions que la restriction quant à
cet appel de piano soit enlevée, à l'effet que "si la partie qui
présente la demande démontre un intérêt suffisant ".
Nous pensons que cette condition va de soi et fait partie du droit substantif
et il n'est pas nécessaire que cette restriction se retrouve dans les
termes de la loi. Nous suggérons, également, d'ajouter, comme
motif d'appel, au niveau de la deuxième instance, l'erreur manifeste et
l'injustice grave. Quant aux dispositions modifiant la Loi des tribunaux
judiciaires, je pense que j'ai suffisamment parlé, tout à
l'heure, de l'article 106 de la Loi des tribunaux judiciaires tel qu'il serait
modifié par le projet de loi.
Je voudrais maintenant parler de la création des postes
d'assesseurs qui est prévue par le projet de loi. Il nous semble,
à première vue, que cette initiative est intéressante,
mais finalement, après y avoir bien pensé, nous pensons que c'est
un poste qui est sans doute inutile à beaucoup d'égards et aussi
qu'il est irréalisable dans la plupart des districts de la province. Il
nous semble que la présence d'assesseurs ne servirait qu'à
multiplier les interventions et alourdir le processus judiciaire.
Déjà, le directeur a analysé la situation, a eu, à
sa disposition, toute l'expertise nécessaire. Cette cour devrait
vraisemblablement être alimentée par tout le support
nécessaire au point de vue multidisciplinaire. Le juge qui est saisi
doit, d'ailleurs, exiger du directeur une expertise sociale et peut exiger une
expertise additionnelle. Nous pensons qu'il a déjà alentour de
lui tous les instruments nécessaires pour juger équitablement
sans qu'il soit nécessaire de l'accompagner d'assesseurs.
Par ailleurs, il nous semble que dans les districts
éloignés, les personnes qui alimentent le réseau des
affaires sociales sont en nombre restreint et toutes les mêmes. Nous
voyons mal comment ces gens pourraient être à la fois assesseurs
et experts. On va manquer de personnel.
D'autre part, leur rôle est assez mal défini, ici,
dans la loi. On ne voit pas bien quel est leur rôle. Il nous
semble que la définition même de l'assesseur est celui qui assiste
le tribunal. La loi nous dit qu'il assiste à toute l'enquête,
qu'il délibère, mais il ne fait pas partie du tribunal,
contrairement d'ailleurs aux assesseurs qui sont déjà
prévus à la Loi des affaires sociales qui est sûrement le
seul précédent que nous ayons ici. Il faut faire une distinction
puisque les gens de la Commission des affaires sociales sont au niveau de
l'appel et n'ont pas toute l'expertise que nous avons ici.
Je pense que ceci résume les principaux points de notre
intervention. Bien sûr, à l'étude article par article nous
pourrions ajouter beaucoup de choses. Nous sommes maintenant prêts
à répondre à vos questions avec plaisir.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, madame.
M. le ministre au développement social.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord, au
nom des membres de la commission, remercier le Barreau de nous avoir
présenté un mémoire de cette qualité. Je sais fort
bien, pour avoir fouillé passablement tout le dossier, qu'il s'agit
effectivement d'un dossier que le Barreau suit de très près
depuis plusieurs années. Il y a eu plusieurs grossesses et on va essayer
de faire en sorte que, cette fois-ci, il soit possible de mener le
bébé à terme parce que, à notre point de vue, c'est
urgent. Il s'agit de remplacer une vieille loi qui date déjà de
1950 et cela touche des points de notre société, les jeunes,
où il y a des blocs de citoyens qui sont parmi ceux qui ont
été laissés pour compte. En tout cas, chose certaine il y
a de la modernisation à faire.
On remercie les membres du Barreau qui ont examiné attentivement
le projet de loi 24. Vos recommandations, vos notes, vos remarques
témoignent du fait que vous avez certainement étudié,
scruté à la loupe le projet de loi. On vous remercie de cet appui
à la philosophie ou à l'économie générale, a
l'esprit général du projet de loi qui, au fond, en termes
très simples, cherche à substituer à une approche
punitive, une approche qui soit fondamentalement plus humaine et plus sociale.
J'ai bien compris que l'essentiel de vos remarques, de vos commentaires et de
vos recommandations essayait de s'accrocher précisément à
ces articles qui, à vos yeux, pouvaient aller à l'encon-tre de
cet esprit-là ou, en tout cas, le mettre en danger, à votre point
de vue, dans certains cas. Vos recommandations seront certainement
étudiées au mérite par les membres de la commission. Il y
en a un certain nombre qui méritent qu'on s'y arrête, notamment,
mais non exclusivement, celle qui concerne le huis clos; c'est un
problème qui est revenu à plusieurs reprises dans les
mémoires qui nous ont été présentés, les
pouvoirs de commissaires-enquêteurs, notamment.
Je voudrais simplement, étant donné le temps qui file
très rapidement, pour laisser la chance à mes collègues de
vous poser des questions ou vous faire des remarques, m'en tenir simplement,
à ce stade-ci, à deux remarques, questions en même temps,
auxquelles vous pourrez peut-être réagir si vous le jugez à
propos. La première concerne ce que vous avez évoqué, qui
touche à la fois l'article 56 et l'article 141, c'est-à-dire
l'article 106 de la Loi des tribunaux judiciaires, qui est peut-être
ambigu dans les textes, c'est possible, et vos remarques peuvent nous porter
à croire qu'il faudra le regarder de très près. Mais il
est très clair, dans notre esprit, que c'est l'intention très
nette de ce projet de loi de faire en sorte que tous les jeunes, et notamment
les douze ou treize ans, n'échappent pas au processus d'orientation
prévu par le présent projet de loi et ce que cela implique comme
cheminement.
Donc, forcément, quand le texte utilise des expressions comme
"Lois en vigueur au Québec", il est très clair dans notre esprit
que cela implique certainement les lois fédérales. Evidemment, il
y a la présente loi fédérale des jeunes
délinquants. Il y a les intentions fédérales d'apporter
des modifications et de présenter on en a eu un avant-goût
un projet de loi concernant les jeunes contrevenants. Ce projet de loi
fédéral ne correspond pas tout à fait, en tout cas,
à certains des éléments que nous considérons comme
des éléments clefs du présent projet de loi sur la
protection de la jeunesse. Bien sûr, du côté
fédéral, il y a un certain flottement; on verra au bout de la
ligne ce à quoi ils aboutiront. Il y a déjà eu des
rencontres et des discussions entre mes collègues, les ministres de la
Justice et des Affaires sociales, du côté du Québec, et
leurs homologues du gouvernement fédéral. Ils pourront vous en
parler plus longuement tantôt, s'ils le jugent pertinent. Il y a donc une
période de flottement, mais, partant, d'une part, de ce que j'ai dit,
l'intention très claire, de notre côté, il pourrait fort
bien arriver qu'on ait à faire face à la nécessité
de recourir à certaines décisions administratives, au
Québec, pour faire en sorte que l'esprit, l'économie
générale d'une éventuelle loi sur la protection de la
jeunesse soit respectée dans les faits au Québec, dans son
application. C'est ma première remarque.
Ma deuxième remarque porte sur un élément que vous
avez soulevé vers la fin de vos commentaires et qui concerne cette
question de procès de novo. Notre approche a été
très empirique et essentiellement empirique. Cela tient, du moins sur la
base des renseignements qu'on m'a communiqués, au fait que
présentement, devant la Cour de bien-être social, ce ne sont pas
tous les procès qui sont pris en notes sténographiées; ce
sont uniquement les procès pour crimes graves, pour assauts par exemple.
D'après ce qu'on me dit, il n'y a pas de sténographie dans les
procès pour crimes moins graves, vols par effraction ou les cas de
protection sociale, de telle sorte qu'il nous semblait, encore une fois pour
des raisons purement empiriques, en tout cas pour un certain temps, quitte
à avoir des ajustements... S'il était possible
éventuellement d'en arriver à obtenir que, dans tous les cas, les
procès soient pris en notes sténographiques et que des
ajustements puissent éventuellement se faire, je pense qu'on ne verrait
aucune objection à faire les ajustements qui s'imposeront. Encore une
fois, il s'agit d'une approche
purement empirique et on voudrait, en tout cas pour ce qui est de
l'essentiel des éléments de la réforme qui sont
inhérents à ce projet de loi, ne pas s'accrocher dans les fleurs
du tapis quant à des choses qui pourraient paraître plus
secondaires à première vue. Il est temps de franchir des
étapes importantes. Je pense bien que vous conviendrez avec nous que le
législateur peut avoir des intentions très
généreuses dans un projet de loi; tout cela risque d'être
un monumental placotage et de jolies choses écrites sur papier, mais qui
ne correspondent à rien dans la réalité, si on ne tient
pas compte, par ailleurs, dans la mise en place, des moyens, des ressources et
des techniques pour faire en sorte que cette loi soit appliquée, dans
certains cas, concernant certains aspects et peut-être notamment celui du
laps de temps requis pour procéder à certains ajustements. Or,
c'est essentiellement sur cette base qu'on a abordé le problème
du procès de novo.
Mme Audette Filion: Si vous me permettez d'ajouter quelques mots,
j'aimerais dire au ministre qu'au niveau des moins de quatorze ans il nous
semble que le texte proposé soit très clair; il n'y a aucun doute
qu'on passe par le biais de la protection nécessairement. Là, je
pense qu'il n'y a aucune équivoque; c'est au niveau des plus de quatorze
ans que l'équivoque nous apparaît. Sur la question du
procès de novo, je pense que Me Si-rois...
M. Marois: Si vous me le permettez, je disais: II se peut qu'il y
ait certaines ambiguïtés dans le texte qui méritent qu'on
s'y arrête et qu'on les regarde de très près.
M. Sirois (André): Pour ce qui a trait aux procès
de novo, j'aimerais vous faire remarquer, M. le ministre, que nous comprenons
l'approche empirique que vous avez dans ce projet de loi. Nous sommes
pleinement d'accord qu'actuellement il y a des problèmes de prise en
sténographie, mais nous croyons qu'il fallait, dans notre
mémoire, soutenir qu'on doit aller vers la prise des notes
sténographiques dorénavant, au niveau de la première
instance, et éviter qu'en appel, sous une forme de procès de
novo, l'enfant subisse le traumatisme d'un nouveau procès. Lorsqu'un
enfant a eu à témoigner sur une question de viol, ou sur tout
autre point, c'est extrêmement traumatisant pour un enfant de revenir au
niveau de novo, s'il y a appel, et raconter à nouveau cette
histoire.
Nous comprenons votre approche, mais nous pensons sincèrement que
le principe fondamental devait être dit.
Mme Audette Filion: Je pense que Me Sacchitelle aimerait aussi
ajouter quelque chose sur le premier point que vous avez soulevé.
M. Marois: Si vous permettez, très rapidement, sur le
dernier point dont nous venons de parler, je comprends très bien votre
intention et les raisons qui vous motivent.
Il se pourrait fort bien, on verra, étant donné toute
l'approche du présent projet de loi, que son application donne lieu
à une réduction d'un nombre ou d'un pourcentage X de
procès, ce qui aurait comme conséquence, sur le plan purement de
la mécanique, de faciliter peut-être la solution ou le
règlement du problème des prises en notes sténographiques
des procès.
M. Sacchitelle (Robert): M. le ministre, si vous me permettez,
pour revenir à la première question, l'histoire de l'article 56
et de l'article 141, l'intention de traiter tous les cas comme des cas de
protection, on n'en a pas contre cela, sauf qu'il faut constater que, dans la
loi, sur le plan de la procédure, il y a une espèce de trou.
Prenez, par exemple, le cas où le directeur décide de saisir le
tribunal d'un cas, il en est venu à cette solution. Comme on l'a
mentionné au tout début, il va le saisir de quelle façon?
Si tout est traité sur le plan protection il ne faut pas perdre
de vue le fait que la protection participe de la nature de la procédure
civile avec ce que cela implique pour un enfant, par exemple, qu'on
accuserait d'un délit quelconque, qu'est-ce qu'on va appliquer comme
procédure? Le doute raisonnable? Dans tout le plan de la
procédure pénale, il n'y a rien de prévu dans la loi
actuellement à ce niveau. Si c'est de nature civile, cela veut dire que
c'est une question de prépondérance de preuve tout simplement.
Alors, on se dit que l'enfant va être lésé, il n'aura pas
les mêmes garanties qu'un adulte qui lui aura droit au principe de
présomption d'innoncence, etc. Il faudrait qu'on dise qu'au niveau
judiciaire, une fois que l'on saisit le tribunal sur le plan de la
procédure, c'est la procédure pénale qui va s'appliquer.
Cela pourrait être la Loi des poursuites sommaires, peu importe, mais
c'est la procédure pénale qui va s'appliquer. Si l'enfant
était "trouvé coupable", si on déterminait qu'il a commis
l'acte qu'on lui reproche, sur le plan de la protection, sur le plan du
traitement, on pourrait revenir à ce qui est inscrit sur le plan de la
protection, mais pour la procédure, il est important, je pense, qu'on
définisse que la procédure sera une procédure
pénale à cause des garanties qui existent.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: M. le Président, tout d'abord je tiens
à exprimer le fait que je suis très heureux que le Barreau, de
façon générale, soit d'accord avec le projet de loi,
surtout dû au fait qu'on accentue de façon spéciale la
déjudiciarisation et la consécration des droits de l'enfant.
Je tiens également à féliciter le Barreau, à
la suite de mon collègue, pour le mémoire très approfondi
qu'il vient de présenter devant la commission de même que les
suggestions positives dont il a fait état, surtout concernant le besoin
de clarification sur les mécanismes de référence au
tribunal, lorsqu'il y a lieu, de même que sur les mécanismes
d'appel. Je pense que là-dessus il y a plusieurs éléments
sur lesquels nous allons nous
pencher à nouveau et qui méritent certainement
réflexion. Je crois qu'il y a une clarification à faire sur ces
deux aspects que vous avez mentionnés, de même que sur les
remarques ou les réticences que vous émettez qu'il y ait des
audiences publiques.
Peut-être y a-t-il lieu, en ce qui nous concerne, d'étudier
un nouveau mécanisme qui pourrait peut-être mieux répondre
à la situation.
Vous faites état, dans votre mémoire, que c'est
peut-être bien de déjudiciariser, mais il faudrait quand
même qu'à toutes les étapes de cette
déju-diciarisation, il y ait une présence du ministère de
la Justice. Ne croyez-vous pas que, lorsqu'il s'agit des cas mentionnés
à l'article 56, le fait que la décision doive être prise
non seulement par le représentant du ministère des Affaires
sociales, mais conjointement avec un représentant du ministère de
la Justice constitue quand même une présence du ministère
de la Justice à cette étape. Peut-être que vous ne la
trouvez pas suffisante, mais il me semble que, dès cette première
étape, le ministère de la Justice, par son représentant,
va quand même s'insérer dans le processus d'analyse afin de voir
s'il y a lieu ou non de référer le cas au tribunal. Dans notre
intention il va se présenter des cas où le représentant du
ministère de la Justice pourra être effectivement le juge, qui
pourrait être ce représentant.
J'aimerais que vous explicitiez un peu plus votre opposition à la
présence d'assesseurs, sous prétexte que cela alourdirait le
processus et que ce serait inutile, selon votre expression, et même
irréalisable dans certains districts judiciaires. J'aimerais que vous
détailliez un peu les motifs qui vous amènent à de telles
conclusions.
Mme Audette Filion: D'abord, sur votre premier point, je saisis
mal ce que vous suggérez. Je pense que nous sommes bien conscients du
fait qu'aussitôt qu'il est question de saisir le tribunal, soit en vertu
de la Loi de la protection, soit en vertu de la Loi des jeunes
délinquants ou autrement, il faut nécessairement cela nous
apparaît clair dans le projet de loi une décision conjointe
du directeur et du représentant du ministre de la Justice. On
prévoit même un arbitrage auprès du comité, à
certains articles, et, sur ce, nous n'avons pas d'objection. Ce que nous
disions c'est que s'ils décidaient conjointement de ne pas saisir le
tribunal, il faudrait prévoir le droit de l'enfant de saisir le
tribunal, s'il le désire; si, par exemple, le directeur et le
représentant du ministre décident de fermer le dossier, nous
pensons que l'enfant aurait le droit d'insister pour saisir le tribunal.
Sur l'autre article que vous mentionnez: le rôle possible d'un
juge. Au niveau de cette orientation, nous avons de très
sérieuses réserves...
M. Bédard: Je m'excuse, mais sur ce point ce n'est
peut-être pas suffisamment clair dans le projet de loi, il y aura lieu de
clarifier, mais dans notre esprit il nous semble qu'à partir du moment
où, dans une première étape, les représentants de
la Justice et des Affaires sociales en viennent à la conclusion de
fermer le dossier, il y a toujours la possibilité, pour l'enfant ou
encore les parents, de demander une référence pour pouvoir
soumettre le cas au tribunal.
M. Marois: A l'article 70.
M. Bédard: A l'article 70, pour être plus
précis.
Mme Audette Filion: Nous mentionnions que dans certains cas il
fallait aussi permettre au Procureur général cela est sous
l'article 56 d'intervenir de la même façon dans les cas
très spéciaux parce qu'aucune solution de protection n'a
donné de résultat. Autrement dit, on a l'impression qu'il faut
peut-être élargir un peu "l'intake".
Sur le rôle du juge que vous venez de mentionner, je pense que
c'est à la fin de la loi, peut-être environ à l'article 103
ou quelque chose comme cela, nous avons de très sérieuses
réticences à admettre qu'un juge puisse jouer ce rôle et
à ce moment se retrouver dans un rôle de conciliateur qui sort de
son rôle judiciaire. Il est bien dit dans l'article qu'il n'agit pas,
à ce moment, de façon judiciaire.
M. Bédard: Est-ce que ce n'est pas l'esprit de la loi que
le juge ne joue pas seulement un rôle judiciaire, qu'on lui fasse,
peut-être dans une première étape, jouer un rôle
également d'analyste social du cas parce que l'enfant de quatorze ans et
plus qui est accusé de quelque crime que ce soit, à mon humble
opinion, c'est un cas social...
Mme Audette Filion: C'est ce que l'article 108a...
M. Bédard: ... beaucoup plus qu'un cas de justice
dans...
Mme Audette Filion: Ce qui nous inquiète dans cela, et
c'est justement ce que vous mentionnez, c'est ce que l'article 108a dit de
façon précise, c'est que, peut-être qu'à
Montréal, cela ne poserait pas de problème, on pourrait affecter,
en principe, un juge à ce genre de fonction, mais en province il nous
semble que, nécessairement, à un moment donné, lorsque
cette négociation ou cette conciliation aura échoué,
lorsque les mesures volontaires proposées et négociées ne
seront pas acceptées, il va falloir, à un moment donné,
que cela aboutisse sur le judiciaire. Alors, il ne faudrait pas qu'on se
retrouve devant le même juge qui a négocié. Au niveau de la
province, cela pose certainement des conflits, cela me semble. A
Montréal, peut-être est-ce possible...
M. Bédard: A Montréal, cela ne pose pas de
problème, à Québec non plus, dans une région que je
connais bien, la mienne, celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, cela ne poserait pas
de problème non plus. Je crois que d'une façon
générale j'essaie de voir où, spécifiquement, cela
poserait des problèmes et je ne vois pas tellement d'exemples.
M. Sacchitelle: Dans tous les districts où il n'y a qu'un
ou deux juges disponibles, cela pourrait créer des problèmes.
M. Bédard: Oui, mais à partir du moment où
il y en a deux disponibles, je pense que les problèmes diminuent
d'autant parce que le juge qui pourrait avoir été appelé
à exprimer son opinion comme représentant du ministère de
la Justice, dans une première étape d'analyse du cas de l'enfant,
ne serait sûrement pas le juge qui aurait à décider, au cas
où il y aurait référence au tribunal.
M. Sacchitelle: J'ai l'impression, je ne l'affirme pas, mais j'ai
l'impression qu'il y a certains endroits où il n'y a qu'un juge pour
trois districts, non seulement n'y a-t-il qu'un juge pour chaque district, il
n'y a même qu'un juge affecté à trois districts.
M. Bédard: Cela ne veut pas dire que cela va rester comme
cela. On est justement...
M. Sacchitelle: D'accord, mais dans l'état actuel des
choses cela crée...
M. Bédard: Si on regarde un peu plus loin dans le projet
de loi, il y a quand même, je pense, l'amorce d'une réforme de
l'ensemble de la Cour de bien-être social, de la Cour du tribunal de la
jeunesse.
M. Sacchitelle: M. le ministre, dans le fond, le Barreau est
d'accord que le juge agisse comme conciliateur, mais il faut éviter que
ce même juge soit amené à juger...
M. Bédard: Nous sommes d'accord.
M. Sacchitelle: C'est pourquoi nous avons dit que nous
n'étions pas d'accord jusqu'ici, à moins qu'on ait toutes les
garanties suffisantes en arrière pour que l'enfant ne se retrouve pas au
tribunal devant le même juge; un conciliateur ne peut pas juger.
M. Bédard: Je crois que ce n'est même pas
nécessaire de l'inclure dans la loi parce que cela s'insère de
soi-même, en tout cas c'est mon opinion, qu'un juge qui a eu à
faire l'évaluation du cas, dans une première phase, ne peut
être celui qui, effectivement, aura à juger du cas. Je ne vois pas
pourquoi on aurait à le mettre dans la loi.
M. Sacchitelle: Maintenant, M. le ministre, j'aimerais attirer
votre attention... Vous avez soulevé l'article 57, il y a quelques
minutes...
M. Bédard: Ce n'est peut-être pas garanti dans la
loi, mais il me semble qu'à partir du moment où on dit que,
devant le tribunal, l'enfant va être représenté par un
avocat, l'une des premières objections que va faire un avocat
consciencieux, ça va être de demander au juge si, dans une
première phase, il a déjà une idée
préconçue sur le cas et, à ce moment, de préserver
le droit de l'en- fant qui est de ne pas se faire juger par quelqu'un qui s'est
déjà fait une idée par l'analyse de son cas, dans une
première phase.
M. Sacchitelle: J'aimerais attirer votre attention sur l'article
57, de notre rapport, que nous avons complètement reformulé,
suivant une remarque que vous avez faite il y a quelques minutes; vous avez
référé à l'article 70 où les enfants et les
parents pouvaient saisir le tribunal. En reformulant notre article 57 et
je m'attaquerai, ici, strictement au niveau de la protection le Barreau
a une opinion tout à fait contre le fait que ce soit les parents et les
enfants qui saisissent le tribunal. Nous croyons, en matière de
protection, que, si le directeur n'en vient pas à une entente à
l'amiable sur les mesures volontaires à appliquer ce qui est la
base de la déjudiciarisation il ne peut pas les imposer.
Dans le processus actuel de la loi, il les impose. Ce ne sont plus des
mesures volontaires, c'est une décision. Par la suite, l'article 70
permet aux parents ou à l'enfant d'aller devant le tribunal pour voir si
cela s'apprécie. A ce moment-là, le fardeau de la preuve repose
sur l'enfant et sur les parents alors que, si on veut respecter le processus de
déjudiciarisation de façon parfaite, si le volontaire ne marche
pas, cela devrait être au représentant du ministère de la
Justice et au directeur de demander au tribunal et de prouver devant le
tribunal que ce qu'il veut imposer est valable. C'est à eux de
convaincre le tribunal de prendre une décision. Nous croyons que le
fardeau de la preuve doit reposer sur le directeur et le représentant du
ministère. C'est dans ce sens-là qu'on a complètement
retravaillé l'article 57.
M. Bédard: Que vous l'ayez précisé, c'est
très positif au niveau de la reformulation. Je conçois
très bien quel droit vous voulez préserver. Il ne serait pas
normal que l'enfant ait le fardeau de la preuve. Je suis parfaitement d'accord
avec vous, mais qu'est-ce qui vous fait dire que, dans la loi, ce fardeau de le
preuve repose sur l'enfant?
M. Sirois: Dans la loi actuellement, telle qu'elle est
rédigée, à l'article 56...
M. Bédard: Elle est peut-être imprécise, mais
je ne crois pas qu'en aucune place on ne...
M. Sirois: A l'article 56, dans un premier temps, on souligne
que, lorsque l'enfant, s'il est âgé de 14 ans ou plus, ou que les
parents ne sont pas d'accord avec les mesures volontaires proposées
à l'article 57, le directeur et le représentant du
ministère de la Justice peuvent décider de lui appliquer les
mesures volontaires. On applique, à ce moment-là, et c'est
irrévocable. Le seul pouvoir qui reste aux parents et à l'enfant
s'ils ne sont pas d'accord, c'est d'en référer au tribunal en
vertu de l'article 70. C'est la façon dont on l'avait lu.
M. Bédard: D'accord.
M. Sirois: On pense qu'il pourrait porter à
confusion...
M. Bédard: D'accord, je pense qu'il y aurait certainement
lieu de le clarifier.
M. Sirois: Clarifier ce point pour que la
déju-diciarisation reste telle quelle.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous avez
terminé? M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais moi aussi
remercier le Barreau pour son excellente étude qui nous permet de faire
porter sur certains articles un examen d'autant plus attentif qu'il nous alerte
à l'égard de certaines dimensions de cette loi qui sont
particulièrement délicates, puisqu'un des défis majeurs
que doit relever le projet de loi et la loi éventuellement, une fois
adoptée, c'est cette intégration ou cette coordination des
mesures d'intervention sociale et leur jonction avec les mesures d'intervention
judiciaire dans certains cas au moins.
J'aimerais relever deux points et vous demander de préciser ce
qui m'est apparu comme des idées intéressantes mais dont je ne
suis pas entièrement sûr d'avoir compris tout le sens. Vous avez
soulevé la question de l'amorce ou de la procédure qui peut
être appliquée lorsqu'il y a une infraction à un statut,
à un règlement provincial, ou à une disposition du Code
criminel, donc lorsque la Loi des jeunes délinquants devient applicable.
Vous avez souligné que cela n'était pas clair. A votre point de
vue, il y a une ambiguïté dans la façon dont on va invoquer
ces lois et dans les règles de procédure qui vont s'appliquer.
J'ai bien compris qu'il semblait y avoir une ambiguïté. La solution
que vous envisagez pour lever l'ambiguïté n'est pas très
claire.
Est-ce qu'il vous serait satisfaisant si, dans le fond, il était
clair, peut-être en introduisant un nouvel article dans la loi, que les
dispositions prévues dans la Loi sur les jeunes délinquants ou
dans toute disposition pénale d'une loi ou d'un règlement
provincial, s'appliquent, tel que ces lois et règlements le
prévoient normalement dans le cas des adultes? Cependant, de toute
manière, l'enfant qui est impliqué dans ces infractions ou ces
offenses pourrait invoquer toutes les dispositions de la Loi sur la protection
de la jeunesse qui sont conciliables ou compatibles avec la Loi sur les jeunes
délinquants ou ce statut au règlement provincial.
En d'autres termes, cette loi-ci n'amenderait implicitement aucune
disposition d'ailleurs ce serait assez difficile à imaginer, dans
le cas, par exemple, de la Loi sur les jeunes délinquants
autrement applicable, mais donnerait à l'enfant une protection ou des
droits supplémentaires de recevoir de l'aide, etc., peut-être avec
la seule exception suivante: c'est qu'au plan de la sentence qui pourrait
être rendue, les articles qui le prévoient dans la loi,
c'est-à-dire où on prévoit même de s'inspirer des
mesures qui peuvent être appliquées volontairement, même au
niveau d'une sentence, etc., deviennent applicables.
Je pense en particulier, dans le même esprit, à la
réglementation provinciale, à certaines mesures pénales
qui se trouvent dans les lois ou les règlements provinciaux
prévoyant des amendes et, dans le cas des amendes, on peut indiquer
qu'au lieu du paiement d'une amende, les mesures qu'on prévoit dans la
Loi de protection de la jeunesse peuvent être appliquées par le
tribunal, à sa discrétion, plutôt que l'amende
prévue dans le Code de la route ou Dieu sait quoi.
Est-ce que c'est dans cet esprit que vous voyez la conciliation,
c'est-à-dire que les autres lois demeurent, de façon
générale, et que la Loi de protection de la jeunesse ajoute des
recours, des protections et des services de type social en
périphérie, en quelque sorte, ou en complément des recours
de type proprement judiciaire et que, par exception, au niveau des sentences,
on peut, dans le fond déroger à ces autres lois,
particulièrement les lois et les règlements provinciaux.
Mme Audette Filion: Cette approche a déjà
été envisagée au niveau du comité du solliciteur
général; c'est le rapport antérieur, le rapport de taifle
du comité, avant les points saillants qui sont sortis plus
récemment. On prévoyait la possibilité que le juge,
puisqu'il avait les deux juridictions, une fois saisi en vertu d'une loi
pénale, puisse ne pas se prononcer sur la culpabilité et
appliquer des mesures de protection.
Cette suggestion était intéressante, sauf que nous en
avions contre le fait qu'on pouvait, dans certains cas, laisser l'enfant dans
l'incertitude, ne pas se prononcer, à savoir l'a-t-il fait ou ne
l'a-t-il pas fait? A un moment donné, il a le droit de savoir s'il est
coupable ou non coupable et on disait qu'il devrait pouvoir insister pour
être jugé. Sinon, ça fait partie de l'éventail des
sanctions envisagées à ce moment-là, non seulement les
sanctions pénales prévues, mais on y ajoutait des mesures de
protection.
C'est un peu la même approche. Ce qu'on dit ici ce matin, c'est
que le jour où le directeur décide de saisir le tribunal, il faut
qu'il fasse son lit, qu'il procède d'une façon ou d'une autre,
soit en vertu de la protection et, à ce moment-là, ajoutons un
paragraphe à l'article 35 et prévoyons qu'il faut faire une
demande, pour ainsi dire, en vertu de la protection lorsque l'enfant s'impute
à des actes contraires aux lois ou aux règlements, soit qu'on
procède radicalement en vertu de la Loi pénale provinciale, si
c'est le cas, donc en vertu de la Loi de la poursuite sommaire ou qu'on
procède en vertu du Code criminel.
Mais le reste de la preuve s'ensuit, ce qui n'empêche pas,
même si on décide de procéder en vertu d'une loi
pénale, selon un processus pénal, qu'on puisse encore donner
à ce jugement l'éventail dont il est question, puisqu'il a
déjà les deux juridictions.
D'ailleurs, ce qui est surprenant quand on lit l'article 74 justement,
c'est que les mesures de correction ou de sanction ou de jugement qui sont
prévues sont justement les mesures volontaires déjà
définies à l'article 50 plus d'autres petites mesures de nature
strictement de protection; on ne parle pas de sanctions pénales.
Donc, on se dit, la loi écarte ça complètement,
si c'est ça, que ce soit très clair, mais au moins
laissons la porte ouverte pour que l'enfant puisse exiger d'être
jugé. Est-ce que...
M. Forget: Cela répond en partie. Je pense que vous dites
que le directeur doit faire son lit au moment où il prend la
décision sur l'orientation de l'enfant. Dans une certaine mesure c'est
vrai, mais le problème qui se pose, c'est que si le directeur est saisi,
il l'est à titre de directeur de la protection de la jeunesse, donc tout
ce qui s'est passé avant se fait en vertu de la Loi de la protection de
la jeunesse dans une certaine mesure.
C'est au moment de la direction de ce comité, justice et affaires
sociales, où il y a une décision, par exemple, d'invoquer la Loi
sur les jeunes délinquants.
A partir de ce moment-là, si je comprends bien ce que vous dites,
si on invoque la Loi sur les jeunes délinquants, il doit y avoir une
mise en accusation formelle appuyée d'un affidavit, etc., et on ne peut
pas se permettre d'aller à peu près, sur des déclarations
non appuyées. Il faut que cela soit traité
sérieusement.
Est-ce qu'il y a quelque chose dans le texte actuel qui interdit cela ou
si c'est seulement une ambiguïté que vous voulez faire lever?
M. Sacchitelle: Ce n'est pas en réalité un trou, on
ne parle pas de procédure. C'est l'article 71 qui dit: Le tribunal est
saisi par le dépôt de notre déclaration indiquant si
possible le nom de l'enfant, etc. On se rend compte que toute cette loi est de
nature civile; c'est de la procédure civile. Cela a toujours
été comme cela. En matière de protection c'est de la
procédure civile.
Nous, ce qu'on dit, c'est que si on veut accuser un enfant d'une
infraction de nature pénale, qu'on applique la procédure
pénale. Il faudrait amender ou trouver un moyen...
M. Bédard: C'est un des cas que j'avais à l'esprit
lorsque je parlais de suggestions positives que vous avez faites, dans le sens
qu'il est nécessaire de clarifier des mécanismes de
référence au tribunal. Il me semble bien clair qu'à partir
du moment où on adopte le processus judiciaire, on doit l'adopter dans
son ensemble et la référence doit se faire par une mise en
accusation en bonne et due forme, de manière que l'enfant, sujet de
droit, sache très bien et c'est un droit à quelle
accusation il a à répondre, d'une façon aussi claire que
pour l'adulte. Il ne faut quand même pas le préjudicier par
rapport à l'adulte, à partir du moment où il entre dans
le...
M. Sacchitelle: Mais vous admettez qu'à l'article 71, ce
n'est pas prévu?
M. Bédard: Oui, je suis d'accord avec vous que ce n'est
pas suffisamment clarifié et qu'il va falloir le faire.
Mme Audette Filion: C'est exactement ce qu'on veut dire; c'est
que si on le lit à la lettre, tel que rédigé, on a
l'impression qu'on peut la pren- dre, la Loi des jeunes délinquants et
la mettre à la poubelle; on ne s'en servira plus jamais. On ne fait que
de la protection, même dans les délits majeurs. Il n'y a plus de
droit pénal pour les plus de quatorze ans. Alors...
M. Bédard: Dans certains cas, procéder seulement
par une déclaration, cela peut même amener une sorte d'injustice,
de la manière qu'on parle dans cette déclaration. Ce n'est quand
même pas la dénonciation ou la mise en accusation. On ne doit pas
s'en servir pour essayer d'y introduire la preuve. La preuve, elle se fait par
les voies normales, lorsqu'on est embarqué dans le processus
judiciaire.
Là-dessus, on va quand même clarifier et je pense que vos
représentations sont fort à propos.
Mme Audette Filion: Mais je pense qu'il est important de quand
même laisser au niveau du juge, au niveau du judiciaire, encore la
possibilité d'une certaine déjudiciarisation. C'est-à-dire
que même après ces processus pénaux, le juge pourra
appliquer des mesures qui se rapprochent de celles de la protection...
M. Bédard: Au niveau des sentences, il n'est pas dans
notre intention... vous référiez tout à l'heure à
certaines remarques du Solliciteur général, certaines
élaborations de principe. Je dois vous dire qu'à l'heure
actuelle, au niveau du Québec, il y a des programmes qui sont en
application depuis au-delà de six mois dans six grandes villes du
Québec, et qui sont en fonction d'un effort de
déjudiciarisation.
Ces programmes sont dans le but de permettre à un juge de pouvoir
condamner un individu à des travaux communautaires ou de pouvoir le
condamner à restituer ou à indemniser la victime, plutôt
que d'être condamné à une amende ou encore, d'être
condamné à la prison.
Ces programmes sont déjà en oeuvre dans six grandes villes
du Québec. A partir du moment où on accepte ce principe pour les
adultes, il est bien évident que pour les enfants, quand il s'agit
d'enfants, cette politique doit être appliquée
également.
M. Forget: Je n'ai pas terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent. Je rappelle en passant...
M. Bédard: Autrement dit, on a
précédé le Solliciteur général
là-dedans.
Le Président (M. Boucher): Je rappelle en passant que nous
avons déjà dépassé une heure pour le mémoire
du Barreau. Il reste encore deux mémoires à entendre d'ici trois
heures. Je demanderais aux membres de la commission de s'auto-discipliner sur
le temps qu'il nous reste pour les deux autres mémoires.
M. Forget: J'espère que vous ne vous adressez pas à
moi, M. le Président, parce que j'ai laissé
le ministre intervenir pendant dix minutes sur ma période de
questions.
Le Président (M. Boucher): Du tout.
M. Forget: II y a un point que Me Sacchitelle a soulevé et
je voudrais savoir si j'ai bien compris. Il a indiqué, ce avec quoi je
suis pleinement d'accord, que si un jeune est accusé d'une offense
criminelle, il devrait avoir le droit d'exiger un jugement.
S'il a la conviction qu'il peut obtenir, par exemple, un acquittement,
je pense que c'est un droit très strict qu'il puisse forcer tout le
monde à se rendre jusqu'à un jugement. Il reste que le jeune
lui-même et son avocat peuvent juger, à certains moments, que la
nature de la preuve est telle que ce n'est peut-être pas dans leur
intérêt d'aller vers un jugement à tout prix. Il me semble,
c'est ma question... Ne faudrait-il pas qu'ils puissent demander au tribunal,
même si les procédures de la Loi des jeunes délinquants
sont engagées le plus formellement du monde et qu'il y a eu un
procès, etc., de suspendre non pas l'application de la sentence, mais le
prononcé même du jugement? Est-ce que ce n'est pas une pratique
qui peut se faire, dans le cas des jeunes, et qui se fait effectivement dans
certaines juridictions, de manière qu'il n'y ait pas une condamnation
dans le dossier? Le procès a été amorcé, mais il
pourrait ne jamais se terminer par une condamnation, si, pendant une certaine
période de six mois ou d'un an, le jeune en question, dans le fond, par
son comportement, par l'acceptation de certaines mesures volontaires, montre
que c'était une incartade qui n'a pas besoin d'être
soulignée à l'encre rouge dans son dossier. Je crois que c'est
une chose qui se fait dans certaines juridictions canadiennes. Est-ce que ce
n'est pas dans l'intérêt du jeune de lui permettre de demander
cela?
M. Sacchitelle: Cela se fait actuellement. C'est ce qu'on appelle
les procédures sine die.
M. Forget: Oui.
M. Sacchitelle: Cela crée plus de problèmes et
d'ennuis aux jeunes que cela n'apporte de solutions. Ces jeunes sont rendus au
niveau adulte. C'est incroyable de voir combien... On sort, par exemple, le
dossier de la Cour de bien-être social et on y lit une cinquantaine
d'accusations, toutes sine die. Cela crée un tort considérable,
parce que, même si c'est sine die, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de
condamnation comme telle, dans l'esprit de celui qui le lit, cela
équivaut à la condamnation. Je pense qu'il doit y avoir la
détermination d'un fait. Est-ce que le bonhomme est coupable ou non?
A-t-il posé le geste qu'on lui reproche? Ce qu'on peut suspendre, c'est,
par exemple, le prononcé d'une sentence et c'est là que l'on
revient aux mesures de protection. On n'est pas obligé de "sentencer" un
petit gars, mais le petit gars qui exige ou lorsque le directeur, par exemple,
exige qu'un tribunal se prononce sur la détermination d'un fait que l'on
reproche à un enfant, je pense que cela doit aller jusqu'au bout et
qu'on détermine ce fait.
M. Forget: L'exemple que vous donnez n'est pas entièrement
persuasif, parce qu'il faut le comparer à l'autre possibilité qui
semblerait se dégager dans le cas que vous citez. C'est que, si, au lieu
d'avoir cinquante offenses sine die, il y avait cinquante prononcés de
jugement qui le trouvaient coupable, cela ne lui ferait pas une bien belle
jambe non plus.
D'autre part, il y a, dans la loi, une disposition suivant laquelle ces
dossiers de cour seront détruits.
M. Sacchitelle: Dans le projet actuel.
M. Forget: Là-dessus, on ne pourra pas, longtemps du
moins, invoquer qu'il y a eu des sine die ou qu'il y a eu des condamnations,
mais, même là-dessus c'est un point qui se rattache
à la destruction des dossiers est-ce que, selon votre
connaissance de causes comme celles-là ou de situations comme
celles-là, un jeune qui n'a plus 18 ans, au sens de la loi, qui n'a plus
besoin de protection, qui ne peut plus bénéficier de protection
au sens de la loi, qui est rendu à 20 ans ou 21 ans et qui se retrouve
devant un tribunal criminel, un tribunal qui applique les lois criminelles, les
lois pénales, ne pourrait pas, dans certaines circonstances, trouver
extrêmement utile de pouvoir disposer de son dossier, justement, comme
antécédent, je ne sais pas, qui constituerait une circonstance
atténuante à son comportement comme adulte, pouvant
démontrer qu'il y a eu une enfance malheureuse ou difficile, ou est-ce
que c'est une chose qui ne peut jamais se passer, ou si rarement, que la
destruction du dossier est carrément un avantage sur lequel vous n'avez
aucun doute?
M. Sacchitelle: Quant à moi, je pense que la destruction
du dossier serait un très grand avantage. Actuellement, on se sert
effectivement des antécédents juvéniles, si vous voulez,
mais non pas comme circonstances atténuantes, mais bien comme
circonstances aggravantes. Cela se fait régulièrement.
M. Forget: Je vois. Sur la question du caractère
confidentiel des données, vous avez fait certaines remarques qui,
à mon avis, sont extrêmement importantes.
Il y a la question de savoir si la loi ne devrait pas, la Loi sur la
protection de la jeunesse ne devrait pas contenir des dispositions qui
interdiraient à ceux qui siègent ou qui agissent comme ce
comité d'orientation... Sans le mot, mais il y a une
réalité malgré tout dans la loi qu'il y a un comité
d'orientation constitué de deux personnes... Que les renseignements que
ces personnes ont à leur disposition et qui leur sont nécessaires
pour orienter l'enfant, justement, ne devraient pas être communicables,
ni communiqués, bien sûr, au tribunal. De toute façon, les
renseignements obtenus dans l'exercice de leur rôle d'orienter sont de
telle nature qu'on devrait leur appliquer la prescription selon laquelle nul
renseignement... Un enfant ne devrait pas être tenu de s'incriminer
lui-
même, je pense que cela a une application particulière
la-dedans. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une prohibition quant aux
membres du comité?
Vous avez soulevé des questions quant à la composition de
ce comité par rapport à la composition du tribunal,
c'est-à-dire: Est-ce que c'est un juge qui peut servir dans le
comité? Le ministre de la Justice a dit: C'est évident que cela
ne peut pas être le cas. Je peux imaginer que cela va être
évident dans un très grand nombre de cas, effectivement. Ce n'est
peut-être pas absolument sûr que cela va être évident
tout le temps, ni possible tout le temps, mais il reste qu'en plus de la
composition, ce qu'on vise derrière cela, c'est essentiellement de
privilégier les informations dont disposent les membres du
comité, les aveux, les confidences qui doivent être faites en
pleine confiance, si on veut que cela serve à quelque chose, le
comité d'orientation. Est-ce qu'on ne devrait pas protéger ces
informations et ceux qui les détiennent contre la
nécessité d'avoir à les divulguer devant le tribunal?
Mme Audette Filion: Nous avons fait ces commentaires sur les
articles 24 et 33. Evidemment, la solution que nous préférons,
c'est d'enlever complètement les pouvoirs d'enquête au
comité et au directeur, en particulier, et surtout...
M. Forget: Je comprends et je suis d'accord là-dessus.
Mme Audette Filion: Nous avons dit aussi, qu'à
défaut de se rallier à cette solution, il faudrait au moins que
l'on instaure un article qui se rapprocherait de l'article 5 de la Loi de la
preuve, sauf que sa réponse ne peut être invoquée; il n'est
pas admissible à titre de preuve dans une poursuite criminelle ou civile
dirigée contre lui. Nous avons apporté cette suggestion
additionnelle. Sur l'article 25, nous avons dit aussi et ces
commentaires portaient sur le comité, mais je pense qu'il faudrait les
étendre à tous les intervenants au niveau de l'intervention
sociale qu'ils sont tenus à la confidentialité des
renseignements obtenus dans ce dossier. Je pense qu'effectivement, c'est
très important, non seulement au niveau du comité, mais il faut
élargir cette recommandation à tous les intervenants.
M. Forget: Vous voyez le caractère confidentiel de ces
renseignements dans la question d'incrimination, de renseignements
incriminants; parce qu'il est assez difficile de savoir comment tousces gens
vont faire leur travail s'ils ne peuvent pas se communiquer des renseignements.
Un renseignement qui va être parfois très délicat, mais
pourvu qu'il ne soit pas incriminant, il n'y a peut-être pas d'objection.
Je ne vois pas comment le tribunal peut faire son travail si tous les gens ont
des renseignements confidentiels qu'ils ne peuvent pas dévoiler.
Mme Audette Filion: Non, d'ailleurs, nous faisions un commentaire
sur un article où il était mentionné que le juge avait le
droit de voir les renseignements; nous trouvions cela un peu superflu et cela
nous semblait élémentaire. C'est évident qu'à
l'intérieur du réseau, il y a une communication possible.
M. Forget: Oui, mais la difficulté, c'est qu'un des
membres du comité est un délégué du directeur de la
protection de la jeunesse. Si, parce qu'il fait partie du réseau des
affaires sociales, il peut communiquer à tout le monde, y compris ceux
qui vont déposer devant le tribunal, tous les renseignements, même
incriminants, et que ces renseignements ne peuvent pas être exclus de la
preuve qui va être faite devant le tribunal, on va faire indirectement ce
qu'on ne peut pas faire directement. Il y a une espèce de
barrière ou d'écran qu'il faut pratiquement ériger dans la
loi entre ceux qui siègent au comité, enfin, qui prennent la
décision d'orientation, et les autres, même ceux qui sont leurs
collègues au sein du même centre de services sociaux.
Mme Audette Filion: On est d'accord sur votre proposition. Je
pense que la réaction que nous avions, quand nous en avons parlé,
c'est qu'ils fassent leur preuve. Evidemment, si c'est le directeur qui
s'adresse au tribunal, il va arriver avec son dossier. Je pense qu'il va
falloir qu'il refasse sa preuve devant un tribunal, qu'il obtienne les
renseignements nécessaires.
Par ailleurs, on parle de production de rapports que le juge doit
obtenir. C'est un petit peu... Il faudrait peut-être y repenser...
M. Forget: Oui, c'est ça.
Mme Audette Filion: ... et faire la distinction.
M. Forget: II y a un article dans la loi qui dit que le tribunal
doit juger sur la preuve qui est faite devant lui, ce qui tend à
suggérer ce n'est peut-être pas très explicite
qu'il ne devrait pas pouvoir utiliser des aveux obtenus par les membres
du comité, même si c'est le juge ou le directeur de la protection
de la jeunesse qui a pris la décision d'orientation. Ces aveux, par
exemple, ne peuvent pas être utilisés en preuve. Il faut les
obtenir de nouveau devant le tribunal. C'est ça que ça veut
dire.
Mme Audette Filion: Encore là, c'est moins pire si on
parle de protection. Evidemment, si on parle de délinquance, on ne parle
plus de la même chose du tout; là, c'est évident que
ça ne peut pas servir, que ça devrait être absolument
proscrit. C'est peut-être là qu'il faut tirer la ligne.
M. Forget: D'accord. Une dernière question, si vous me le
permettez, M. le Président. Vous n'avez, dans votre mémoire, ni
de remarques générales, ni de remarques particulières,
sauf celle sur les assesseurs; vous n'avez fait aucun commentaire sur la
manière dont la loi prévoit quel mot trouver? la
novation du tribunal, sa reconstitution, le changement de personnel, enfin,
tout ce qui est inséré dans un certain nombre d'articles.
Est-ce que le Barreau n'a rien à dire là-dessus ou si
vous...
Mme Audette Filion: Voici: D'abord, il est question de
modifications à la Loi des tribunaux judiciaires. Nous nous demandions
si, vraiment, ça devait faire partie de ce projet de loi particulier ou
si ça ne devrait pas être inséré ailleurs. Sur le
principe lui-même, je dois vous avouer que nous n'en avons pas
discuté au niveau du comité et que le Barreau, pour le moment,
n'a pas d'opinion précise sur le sujet et qu'il réserve
possiblement ses commentaires sur ce sujet. Pour le moment, nous n'avons pas de
politique particulière...
M. Forget: C'est important que l'Assemblée nationale ait
les commentaires du Barreau là-dessus tout de suite, parce
qu'après, il pourrait peut-être être trop tard.
La question que je pose...
Mme Audette Filion: Nous sommes informés que ce serait
peut-être une mesure nécessaire et utile, mais nous n'avons pas
les éléments, actuellement, pour apprécier
complètement cette situation. Nous préférons ne pas
intervenir.
M. Forget: Vous me permettrez d'insister un peu, parce que je
pense qu'il y a une responsabilité du Barreau de nous dire ce qu'il en
pense. Il y a une hypothèse sous-jacente à certains des articles
de la loi voulant que certains membres de la Cour de bien-être social
pourraient souhaiter ne pas faire partie du Tribunal de la jeunesse. Je pense
que ce n'est pas méchant de le dire comme ça. lis pourraient
souhaiter ne pas en faire partie.
M. Marois: C'est élégamment dit. M. Bédard:
C'est très bien dit.
M. Forget: On suppose, par ailleurs, ça, c'est la
deuxième hypothèse, que ces mêmes personnes, membres du
tribunal, pourraient souhaiter faire partie d'un autre tribunal, et je pense
que ces deux hypothèses, si on ne les formule pas, ces articles n'ont
pas de sens.
M. Bédard: ...
M. Forget: Est-ce que le Barreau souhaite les voir assumer
d'autres responsabilités? Parce que c'est une question... C'est
effectivement par une loi, la nomination de ces personnes, en fonction de leur
souhait personnel a un autre tribunal. Est-ce que ça répond aux
critères que le Barreau voudrait voir dans la désignation des
juges que le souhait de l'individu de le devenir?
Mme Audette Filion: II est certain que c'est un mécanisme
pour le moins exceptionnel, mais je me sens obligée de vous redire ici
que nous n'avons pas le mandat de nous prononcer sur cette question. Cette
question a été envisagée par le Barreau, mais,
actuellement, il n'y a pas d'opinion de précisée. Je peux, si
c'est le voeu de la commission, transmettre au Barreau son désir que le
Barreau émette une opinion sur le sujet.
M. Forget: C'est déjà fait quant à moi, M.
le Président, et j'ai terminé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. J'ai seulement deux
questions que je veux poser.
Premièrement, vous avez parlé, dans votre mémoire,
des pouvoirs exorbitants des commissaires-enquêteurs pour le directeur de
la protection de la jeunesse. Il semble que nous pouvons créer un
deuxième système parallèle au système judiciaire
actuel.
J'appuie votre position, mais est-ce que le Barreau a
préparé quelques suggestions pour limiter les pouvoirs d'un
directeur de la protection de la jeunesse? Je vois dans votre chapitre III que
vous dites que le Barreau s'oppose à ce que des pouvoirs de
commissaires-enquêteurs soient accordés au comité et encore
plus au directeur de la protection de la jeunesse, mais vous n'avez pas
mentionné comment ce directeur de la protection de la jeunesse peut
fonctionner et avec quelles limites dans ses pouvoirs.
Mme Audette Filion: Le comité actuel a déjà
un certain nombre de pouvoirs. Il peut s'enquérir des matières
qui sont de sa compétence et, à cet effet, il a le droit, par
exemple, par tous les moyens légaux qu'il juge les meilleurs, de
s'enquérir des choses dont l'investigation lui a été
déférée; il peut pénétrer, en tout temps
convenable on parle toujours d'enfants maltraités dans les termes
du mandat actuel dans tout lieu ou endroit dans lequel se trouve
présumément un enfant soumis à des mauvais traitements
physiques et interroger tout témoin. "Commet une infraction quiconque
refuse de répondre à une personne visée à l'article
14, la trompe ou l'empêche de quelque façon d'exécuter sa
fonction". Ce sont déjà des pouvoirs quand même assez
étendus, sauf qu'il n'y a pas le pouvoir de contraindre, il n'y a pas le
pouvoir d'exiger le serment et il n'y a pas le pouvoir de condamner pour
mépris de cour. C'est là qu'on ne marche plus. On veut quand
même qu'il puisse faire une enquête qui soit possible et qui soit
utile et les membres ont certains pouvoirs en vertu de la loi actuelle qui nous
semblent suffisants.
M. Shaw: Si le projet de loi garde le pouvoir d'enquêteur,
croyez-vous que la description de la formation d'un directeur de la protection
de la jeunesse ou du comité est adéquate, parce que cela implique
un pouvoir juridique? Le DPJ peut le faire et même déléguer
ses pouvoirs, sans démontrer qu'il a la formation adéquate pour
agir comme il faut.
Mme Audette Filion: Au niveau du directeur, certainement que nos
restrictions sont encore beaucoup plus véhémentes et au niveau
des délé-
gués. Au niveau du comité, nous serions peut-être
plus conciliants. Mais il est certain que, si on ne veut pas enlever aux
membres justement ce qui fait leur force, la force de l'intervention sociale,
il ne faut pas les mettre dans la position d'un tribunal parce que, ce qui va
arriver, c'est que la personne qui sera interrogée par ce comité
voudra nécessairement être accompagnée de son avocat qui
lui dira de ne pas répondre pour telle et telle raison, pour sa propre
protection, surtout s'il n'y a aucune garantie dans la loi. C'est dans ce sens
qu'on pense que, vraiment, finalement, si le comité ou surtout le
directeur n'est pas capable de faire son enquête et d'assurer les mesures
de protection dans le cadre de la déjudiciarisation, la ressource est
là, le tribunal est là.
M. Shaw: Une dernière question, M. le Président.
Vous n'avez pas mentionné, dans votre mémoire, l'article 40.
Personnellement, je le trouve peut-être... On enlève parfois
quelques pouvoirs à la famille. S'il n'y a pas moyen de chercher
quelqu'un qui a dit qu'un père de famille abuse de son enfant et qu'une
enquête est faite, la famille est impliquée et c'est quelqu'un...
Il n'y a pas de protection des deux côtés. Trouvez-vous que c'est
convenable de dire que nul ne peut dévoiler ou être contraint de
dévoiler l'identité?
Mme Audette Filion: C'est une disposition qui est dans la loi
actuelle. C'est une disposition qui, je pense, est le pendant et la
conséquence nécessaire de la dénonciation obligatoire. Si
on considère le reste des inconvénients, quant à nous,
lorsque nous avions fait nos représentations sur la protection des
enfants maltraités et sur cette dénonciation obligatoire,
c'était finalement la solution que nous avions adoptée.
Si on veut obliger toute personne à faire des
dénonciations, il faut lui donner une certaine protection, malgré
les cas d'abus possibles. Il est possible que le voisin n'aime pas sa voisine
et qu'il la dénonce à toutes les cinq minutes. Mais
l'expérience du comité démontre que cette chose se sent
très vite. Le comité n'est pas dupe, il s'en aperçoit
très rapidement. La plainte ou la dénonciation tombe, tout
simplement.
M. Shaw: Croyez-vous vraiment qu'une dénonciation
obligatoire fonctionne maintenant? On peut dire que c'est obligatoire de
dénoncer quelqu'un qui fait des abus. Mais, sur cette question, on n'a
pas les moyens de forcer, parce qu'on n'a pas les moyens d'apporter des
preuves.
Mme Audette Filion: Nous disions tantôt que le mandat du
comité était extrêmement plus étendu que le mandat
actuel. Je pense que c'est un peu à cela qu'on faisait appel. Il est
peut-être facile d'obliger quelqu'un à dénoncer des
abandons, des mauvais traitements, des sévices graves. Cependant, quand
on en arrive à certaines dispositions que l'on trouve à l'article
35, à savoir si l'enfant n'est pas traité selon ses besoins, sa
condition; s'il est gardé par une personne dont le comportement ou le
mode de vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique; s'il
manifeste des troubles caractériels sérieux; s'il est
privé de conditions matérielles d'existence appropriées
à ses besoins et aux ressources de sa famille, ça devient
très subjectif. Là, je pense qu'on ouvre davantage la porte
à ce genre de dénonciation malicieuse.
C'est pour ça qu'on mentionnait tantôt qu'il fallait bien
se rendre compte jusqu'à quel point on élargissait le mandat du
comité pour couvrir vraiment tous les cas de protection qui sont
actuellement prévus dans la Loi sur la protection, mais qui ne
relèvent que du judiciaire et non pas de l'intervention d'un
comité social.
M. Shaw: Alors, vous êtes prêt à accepter
qu'on puisse enlever un droit pour en protéger un autre, sur la question
de la justice? Je crois que nous pouvons avoir tant d'abus à propos de
la dénonciation malicieuse que ceux qui sont en place peuvent toujours
prouver par les enquêtes, mais ceux qui sont malicieux sont encore
protégés.
Mme Audette Filion: C'est exact qu'il y a un certain risque, mais
je pense que, lorsque cette loi a été adoptée, le Barreau
avait étudié les lois qui existaient partout aux Etats-Unis et
dans les autres provinces du Canada. L'expérience semblait
démontrer que là où la dénonciation était
obligatoire, il y avait finalement assez peu de dénonciations
malicieuses. Comme je le mentionnais tantôt, c'est le risque que nous
sommes prêts à courir pour protéger les enfants vraiment
maltraités.
M. Shaw: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Pointe-Claire. Au nom des membres de la commission, je
remercie beaucoup les représentants du Barreau de leur excellente
participation aux travaux de la commission. Merci beaucoup.
J'inviterais immédiatement le porte-parole de l'Association
professionnelle des criminologues du Québec à bien vouloir
prendre place.
Compte tenu du temps qui reste, environ 1 h 5 nous aurons
à disposer de deux mémoires je demanderais au porte-parole
de l'Association professionnelle des criminologues du Québec
d'essayer... en fait, compte tenu que les membres de la commission ont tous
reçu le mémoire avant les auditions et qu'ils ont pu en prendre
connaissance, le lui demanderais de résumer en une dizaine de minutes le
mémoire, si on veut que les membres aient la possibilité de poser
des questions.
Association professionnelle des criminologues du
Québec
M. Groleau (André): D'accord. D'abord, j'aimerais apporter
une correction. Mon nom est André Groleau, directeur de l'association
des criminologues et un des rédacteurs du rapport. J'ai avec moi Elaine
Lapierre, qui est aussi directrice de l'association et qui a travaillé
à la rédaction du rapport.
Je suis d'accord avec vous. Nous allons simplement revenir de
façon très succincte sur un certain nombre de points qui nous
apparaissent majeurs pour insister davantage sur ces points.
Tout d'abord un préambule. Il est important de dire que le
présent mémoire n'est pas, à proprement parler, une prise
de position, mais beaucoup plus une représentation d'un éventail
de consultations qui se sont tenues auprès de nos membres. Dans ce
cas-là, il ne faut pas s'attendre à ce que ce soit
homogène et cohérent dans son ensemble.
Un deuxième point, c'est que la plupart des criminologues qui ont
participé à cette consultation travaillent, soit dans des centres
de services sociaux ou encore dans des centres d'accueil, ce qui fait qu'ils
ont aussi, en tant qu'intervenants dans ces types d'institutions,
manifesté leurs positions dans les mémoires que ces associations
ont présentés.
Ceci dit, j'aimerais, au nom de l'APCQ, appuyer le présent projet
de loi. D'une part, parce qu'il semble reconnaître les droits de l'enfant
comme une entité réelle et, d'autre part, parce qu'il y a un
début de reconnaissance explicite des droits de l'enfant à avoir
un milieu sain, à recevoir l'éducation et la santé,
à être informé et consulté, et à pouvoir
donner son avis sur les sujets qui le concernent. Cela nous apparaît
être un début.
Cependant, nous voulons insister sur la nécessité,
à brève échéance, de développer une
politique ou un droit de l'enfant beaucoup plus explicite. A ce niveau, je
pense que le ministère des Affaires sociales aurait avantage à
s'inspirer du rapport Batshaw, au chapitre 8, qui a développé,
d'une façon très explicite, un certain projet sur ce que
devraient être les droits de l'enfant. A ce niveau, nous pensons que
l'actuel projet de loi est un début.
L'autre point sur lequel nous voulons insister, c'est sur la
reconnaissance de la responsabilité des parents. Trop souvent, les
législations sociales ont négligé d'exprimer ou
d'expliciter la responsabilité des parents. Le présent projet de
loi reconnaît cette responsabilité et donne le droit qui
est un peu le pendant de cette responsabilité aux parents,
d'être impliqués davantage dans le processus, en étant
informés et consultés, là où leur avis peut jouer
un rôle important.
A ce niveau, en tant qu'intervenant dans des services sociaux, on se
demande si, à l'égard des faits, il n'y a pas une certaine
contradiction ou une certaine ambiguïté avec le chapitre 48 de la
Loi des services de santé et des services sociaux, en ce sens que le
droit de recevoir des services sociaux a souvent été
interprété de façon un peu abusive par certains parents
qui demandaient, entre autres, des placements d'enfants. A ce niveau, on pense
que dans une certaine mesure la responsabilité des parents peut venir en
contradiction avec les exigences qu'ils peuvent avoir, en terme de droit,
à recevoir des services sociaux.
L'autre dimension qu'on aimerait faire ressortir au niveau de la
responsabilité parentale, c'est la responsabilité de l'Etat
à jouer un rôle beaucoup plus explicite dans l'appui qu'il doit
accorder aux parents dans leur responsabilité parentale.
On pense ici à toutes les politiques sociales qui, à notre
avis, joueraient un rôle préventif important. On pense à
des politiques de garderies, pour les familles monoparentales, par exemple, qui
sont souvent le type de clientèle aux prises avec des problèmes,
avec des enfants. A titre préventif, si on reconnaît la
responsabilité parentale dans le projet de loi, inversement, je pense
qu'il faudrait que l'Etat soit plus attentif et mettre plus d'emphase sur des
politiques sociales qui supportent et qui aident davantage les parents, surtout
des catégories précises de parents.
Un autre point, c'est le critère de quatorze ans. Même si
cela peut paraître ambigu dans le rapport qu'on a déposé,
on n'est absolument pas contre le fait de fixer à quatorze ans
l'âge des enfants qui peuvent être accusés devant les
tribunaux. Ce qu'on veut dire par là, en tant que criminologue, c'est
qu'il n'est pas exceptionnel que des jeunes qui ont moins de quatorze ans
commettent des actes qu'on pourrait juger illégaux.
Je pense que, dans les faits, cela se produit
régulièrement et, à ce titre, on pourrait peut-être
vous informer d'une recherche qui est présentement menée par
l'Ecole de criminologie sur le pronostic de la délinquance grave au
niveau des juvéniles.
Pour résumer un aspect, cette recherche a suivi des jeunes
pendant cinq ans qui sont aujourd'hui âgés de 17 à 18 ans,
et elle en arrive à la conclusion, dans un rapport préliminaire,
que la structuration de l'agir délinquant s'est effectuée entre
la période de 11 et 14 ans. Cela signifie que les jeunes, qu'on pourrait
appeler des jeunes délinquants ou qui sont des délinquants
adultes après 18 ans, ont fait l'apprentissage de leur agir
délictueux entre 11 et 14 ans. Pour nous, cela ne veut pas
nécessairement dire qu'il faille impliquer le processus judiciaire avant
14 ans, mais cela signifie, par ailleurs, qu'il faut être conscient de la
nécessité d'avoir une perspective contrôlante ou, en tout
cas, de tenir compte de l'agir délinquant non pas comme insignifiant ou
purement indicateur d'un problème de comportement, mais comme quelque
chose de significatif en soi et par rapport auquel il faut intervenir.
C'est-à-dire, en gros, ce n'est parce qu'un jeune a des problèmes
avec son milieu familial qu'il faille dire que son agir délictueux n'est
absolument pas significatif ou aberrant. Cela nous paraît être un
point important, un point majeur de notre démarche.
Ce qui nous fatigue un peu, c'est peut-être l'espèce de
rigidité au niveau du critère, en ce sens que même s'il est
exceptionnel que des jeunes de moins de quatorze ans puissent en arriver
à avoir un développement criminel ou, en tout cas,
délinquant tellement important que, finalement, il faille intervenir
avec le tribunal avant quatorze ans. Mais, on pense que, dans certains cas
exceptionnels, cela pourrait se produire et le critère de quatorze ans,
avec la rigidité qu'on lui connaît actuellement, fait qu'il risque
d'y avoir des jeunes, un nombre minime, si on veut, qui auraient
peut-être
besoin de contrôle, parce qu'ils ont quand même un agir
très structuré pour leur âge. Le fait que le critère
pénalise ou enlève toute possibilité d'utiliser des
mesures contrôlantes qui vont être réservées à
des jeunes de plus de quatorze ans, on trouve que cela serait vraiment une
mesure exceptionnelle, mais que cela peut paraître un peu aberrant dans
le sens qu'il est absolument impossible selon cette loi-ci de reconnaître
qu'un jeune de moins de quatorze ans pourrait être accusé d'actes
délictueux. On sait très bien qu'avec la procédure de
différé, au niveau adulte, un jeune pourrait avoir 15 ou 16 ans
et être différé devant une cour adulte. Au fond, il me
semble qu'il y aurait peut-être la possibilité ou l'avantage de
penser à des mesures davantage au niveau juvénile pour
éviter justement d'avoir des cas de différés au niveau
adulte de quinze ans ou de seize ans.
Un autre aspect, c'est que la structure telle que pense actuellement...
D'une part, on appuie la remarque que le Barreau a faite tout à l'heure
au sujet de l'ambiguïté qui existe entre la fonction de protection
et la fonction de reconnaissance de l'agir du processus judiciaire. Ce qu'on
voudrait faire ressortir, c'est davantage dans un sens de traitements ou
d'interventions, c'est l'aspect de la structure à divers paliers.
C'est-à-dire qu'on peut identifier trois paliers, le volontaire, le
non-volontaire et le judiciaire qui seraient la structure à divers
paliers. Avec beaucoup de mécanisme elle peut facilement être
utilisée ou manipulée par les jeunes qui sont en voie de
structuration délinquante. Une des caractéristiques du jeune qui
est en voie de structuration délinquante, c'est sa facilité
à manipuler pour finalement arriver à ses fins.
On pense que s'il n'est pas possible, dans certains cas, encore
là minimes, marginaux, de court-circuiter les divers paliers pour
apporter la mesure adéquate qui peut être contraignante dans le
cas d'un jeune qui est dans une structuration accélérée de
son agir et qui est obligé de passer à travers tous les paliers;
on risque, au fond, avec toutes les procédures, les
procédés de recours, etc. Qu'un certain nombre de jeunes qui
auraient besoin de contrôle puissent nous passer entre les doigts.
L'autre dimension, c'est dans le contexte de la philosophie de la
déjudiciarisation, on aimerait apporter une remarque. On pense qu'il est
important de faire une distinction entre la reconnaissance de la
culpabilité et l'utilisation de mesures autres que pénales pour
faire le pendant à la reconnaissance de la culpabilité. Dans les
expériences au niveau adulte, en termes de déjudiciarisation, de
plus en plus, on essaie, au fond, de garantir, pour éviter l'arbitraire,
que l'individu, même si on favorise l'utilisation de mesures
déjudiciarisan-tes dans son cas, au moins de garantir, de lui faire
reconnaître son agir, les actes qu'il a posés et, après
coup, d'intervenir. Ce que je veux dire par là, c'est que, même
par rapport à un jeune, il nous paraît dangereux, finalement, de
toujours intervenir en fonction non pas d'actes qu'il a posés, mais en
fonction de comportements qu'il manifeste ou de la personnalité qu'il a.
Dans ce sens, on pense qu'il est important que les actes qu'il pose, qu'il les
reconnaisse ou qu'ils lui soient reconnus et qu'il soit clair pour lui qu'on
intervient en fonction des actes qu'il a posés, surtout au niveau des
agirs délictueux. On ne parle pas au niveau de l'intervention
involontaire, mais surtout dans le cas de l'intervention non volontaire et dans
le cas de l'intervention au niveau du tribunal; il nous apparaît
important de bien saisir cette précision.
Un dernier point aussi, ce qui nous apparaît, c'est
l'ambiguïté qui existe entre le comité de la protection de
la jeunesse et les différentes directions de la protection de la
jeunesse, au niveau de certains rôles. Avec les agissements du mandat du
comité de la protection de la jeunesse dans le présent projet de
loi... D'abord, il semble, en gros, dans notre esprit, exister trois
rôles qu'on veut que le comité de la protection joue,
c'est-à-dire un rôle d'évaluation et d'intervention dans
des cas spécifiques, surtout au niveau des jeunes ayant eu des abus
sexuels, un rôle aussi d'espèce de surveillance au niveau de
l'ensemble de la structure et aussi un peu un rôle de protecteur du
citoyen pour les gens qui se sentiraient lésés par le
processus.
Ces trois rôles sont un peu diffus dans le projet de loi, dans
différents articles. Il y aurait peut-être avantage à les
clarifier. Aussi, on se demande s'il est nécessaire ou si cela ne risque
pas de rendre indûment plus complexe le processus de faire
reconnaître ce rôle à une espèce de superstructure.
On se demande si, finalement c'est plus à titre interrogatif
cela ne serait pas une fonction davantage centrée sur une
espèce de protecteur du citoyen qui pourrait être disponible aux
gens qui sont inscrits dans ce processus et qui pourrait être un peu
là pour les protéger contre les abus des structures ou des
mécanismes, plutôt que de voir un rôle de surveillance, une
intervention surtout au niveau des rapports d'évaluation
périodique, etc. On se demande si c'est nécessaire que cela aille
jusque-là.
En gros, c'est un peu les remarques qu'on avait à faire. S'il y a
des questions à poser, on est là pour y répondre, et aussi
s'il y a des choses dans le rapport qui ne vous apparaissent pas claires.
Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gro-leau. M. le
ministre au développement social.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'Association professionnelle des criminologues du Québec. Etant
donné le temps qui passe extrêmement vite, je m'en tiendrai
simplement... D'abord, je soulignerai une des remarques que vous formulez
à la page 5 de votre mémoire, concernant la compatibilité
ou l'incompatibilité du projet de loi québécois avec la
loi actuelle et/ou une éventuelle loi fédérale. On a
déjà eu l'occasion ce matin d'évoquer cette question. Je
voudrais simplement redire que le gouvernement a inséré ces
mesures dans son projet de loi en étant bien conscient de ce qu'il
faisait et en appuyant sa motivation sur toute une série de raisons qui
nous apparaissent fondamentales. C est notre intention très nette de
maintenir le dialogue
avec le gouvernement fédéral, mais de faire valoir avec
toute la fermeté qui s'impose notre position concernant ces questions
qui nous apparaissent, encore une fois, essentielles. On verra, compte tenu des
décisions que le gouvernement fédéral aura à
prendre, les mesures qui devront s'imposer et, le cas échéant,
les mesures administratives qui pourront s'imposer, de notre côté,
au gouvernement du Québec, pour s'assurer de l'application du projet de
loi devenu loi.
Je ne voudrais donc pas insister plus longuement. Je voudrais simplement
m'arrêter à une chose que vous évoquez qui m'apparaît
importante et formuler à la fois une remarque et une question.
Toujours à la page 5 de votre mémoire, aux paragraphes
212, 213 et 214 vous semblez craindre qu'en vertu du projet de loi, dans
l'état où il se présente, il ne soit pas possible de
recourir à des mesures contraignantes, ou ce que vous appelez des
mesures contrôlantes. Au paragraphe 212, par exemple, pour les jeunes de
douze ou treize ans qui pourraient, je dirais, être des
délinquants susceptibles de présenter un certain danger, le
projet de loi no 24 prévoit qu'aucun jeune de moins de quatorze ans ne
pourrait être gardé en accueil sécuritaire, d'une part. Il
y a cependant une possibilité, en vertu du projet de loi no 24, de
recourir à des mesures contraignantes qui vont peut-être moins
loin que l'accueil sécuritaire. Par exemple, les mesures d'urgence
évoquées dans le projet de loi; également, le fait que le
directeur de la protection de la jeunesse, quand il ne réussit pas
à s'entendre ou à convenir de mesures volontaires, peut
procéder à la recommandation d'autres mesures.
Notre intention était fondée sur une certaine prudence. On
est bien conscient du fait qu'à notre point de vue, en tout cas, il
pourrait y avoir danger de mettre des jeunes de douze ou de treize ans en
contact avec d'autres passez-moi l'expression, parce qu'il faudrait les
nuancer "jeunes" plus "durs", de seize ou de dix-sept ans. On pense
qu'il pourrait y avoir possibilité de danger d'une certaine
contamination, par exemple.
Ma question serait: Est-ce que vous, de votre point de vue, jugez que,
malgré tout, il y a des cas où il faudrait mettre des jeunes en
accueil sécuritaire? Si oui, est-ce que, dans cette
perspective-là, il faudrait préciser que les jeunes ne pourraient
être mis en accueil sécuritaire dans des centres où il n'y
a que ce type de jeunes délinquants? En d'autres termes, comment
balisez-vous ça le cas échéant?
M. Groleau: Ce n'est peut-être pas au niveau...
M. Marois: Je pense que c'est important, sur ce
problème...
M. Groleau: Oui.
M. Marois: ... qu'on ait, en particulier sur une question comme
celle-là, le point de vue des criminologues.
M. Groleau: Ce n'est peut-être pas l'utilisation d'une
mesure spécifique comme l'unité sécuritaire ou pas. Je ne
pense pas que...
M. Marois: ... comme exemple, entre autres.
M. Groleau: Oui, mais c'est peut-être celle-là qui
est la plus explicite dans le projet de loi.
M. Marois: J'essayais de voir où ça pouvait
aller.
M. Groleau: C'est davantage au niveau d'une philosophie ou d'une
conception de l'intervention, au fond, qui, dans la mesure où,
finalement, la notion de responsabilité, par rapport à des
"agir", ne peut être invoquée devant un tribunal. Celle-là,
on ne veut pas l'invoquer non plus. Mais je pense qu'il va falloir que les
services sociaux en général qui vont être concernés
et surtout la DPJ, fassent un effort pour avoir une préoccupation de
contrôler des "agir" en soi, c'est-à-dire des "agir"
délictueux, même si le jeune manifeste aussi des troubles de
comportement autres ou, en tout cas, des difficultés de relations ou des
choses comme ça.
Grosso modo, les services sociaux sont peut-être portés
davantage à intervenir et à favoriser l'approche la plus
humanisante ou relation d'aide, si on veut, versus une approche judiciaire qui
serait plus une intervention de contrôle. C'est un peu finalement le
dilemme constant, à savoir si on fait du contrôle ou si on fait du
traitement, est-ce qu'on aide ou est-ce qu'on contrôle? Je pense que dans
certains cas, même si on ne reconnaît pas explicitement devant un
tribunal la responsabilité légale ou, en tout cas, la
responsabilité versus les "agir" illégaux, il faut avoir, au
niveau du traitement ou de l'intervention, une préoccupation de
contrôler les "agir", parce que ce sont des "agir" délictueux et
qu'il y a une responsabilité civile liée à ça, et
que même si un jeune n'a pas quatorze ans, il est suffisamment conscient
pour se rendre compte qu'il contrevient à des lois. Ce n'est
peut-être pas clair, ce que j'exprime, mais c'est difficile... C'est
sûr qu'on se sent un peu pris dans un dilemme. On ne veut pas non plus
émettre des choses très structurées, très
légalistes et finalement, on pense que ça ne règle rien
d'utiliser une attitude très légaliste ou des moyens très
légalistes pour régler ce problème.
D'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas tout voir comme
étant des problèmes psychosociaux. Il y a des
réalités... Il y a des jeunes... Il y a des avantages à
commettre des... Si un jeune voit des avantages à commettre des actes
délictueux et, en contrepartie, il n'y a aucun inconvénient qui
se manifeste clairement, il va continuer à manifester son agir, parce
qu'il acquiert des choses facilement de cette façon, sans efforts, etc.
Je pense que c'est une réalité.
Ce n'est pas parce que vous avez moins de 14 ans que vous n'êtes
pas conscient de cela. C'est un peu cette dimension qui nous fatigue ou sur
laquelle on s'interroge dans ce projet de loi.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Je veux remercier l'Association des criminologues du
Québec de leur mémoire. Je ne vais pas répéter ce
que mon collègue a soulevé tantôt, sauf sur un aspect
particulier qui concernait l'intervention de façon contraignante qui
vous semblait difficile dans des cas je cite votre texte à la
page 6 ou 7 de désorganisation accélérée.
Nous, nous pensons que l'article 42, qui donne le loisir au directeur
d'intervenir de façon provisoire, pour les mesures d'urgence,
permettrait cette intervention contraignante pour ce que vous appelez les cas
de désorganisation accélérée, et permettrait au
directeur de référer l'enfant en question à toutes sortes
d'établissements dans le réseau.
Deuxième remarque, au sujet des communications avec la famille.
Vous dites qu'elles devraient être contrôlées si la famille
contribue à l'état de l'enfant. On en a discuté longuement
la semaine dernière avec un ou deux autres groupes. On pense que,
même si le pourcentage d'enfants qui peuvent être brimés
dans leurs droits de communications reste très faible, c'est un peu trop
arbitraire que de laisser à un professionnel ou à une personne
quelconque, qui a soin du sujet, le soin de décider si la famille est
criminogène ou pas
Troisième observation. Vous recommandez que le DPJ soit
obligé de procéder à une évaluation de la situation
après six mois d'hébergement obligatoire. Le texte n'est
peut-être pas tout à fait assez clair, mais, dans l'esprit,
l'article 53 dit: Le directeur doit effectuer périodiquement une
révision de la situation de chaque enfant pris en charge et
vérifier si toutes les mesures sont prises pour assurer la
réinsertion sociale et familiale. Dans l'esprit du projet de loi, votre
suggestion de réviser l'hébergement obligatoire au bout de six
mois devrait être couverte par cet article. C'est tout ce que j'ai
à dire, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Lazure: Est-ce qu'il y a des réactions?
Le Président (M. Boucher): Vous voulez, M. Groleau...
M. Groleau: Oui. D'abord, est-ce que vous pourriez expliciter la
première remarque que vous avez faite? Cela nous apparaît ambigu.
Est-ce que vous pourriez expliciter quand vous parlez de mesures
contraignantes? Est-ce que c'est uniquement sur une base purement d'urgence,
c'est-à-dire très temporaire, ou ces mesures d'urgence,
après coup, si on les juge nécessaires,
c'est-à-dire enlever leur contexte d'urgence est-ce quelles
peuvent être reconfirmées au niveau de la procédure
normale9
M. Lazure: La réponse est oui. Mais quand vous
évoquez cette possibilité d'une désorganisation
accélérée, à la page 7, en haut de votre mé-
moire, cela implique, justement, un degré d'urgence.
M. Groleau: La référence que nous faisions à
ce niveau-là, c'était davantage que, une fois la situation
d'urgence passée, il fallait quand même revenir au processus
normal. La crainte que nous avions, c'est qu'au fond, dans ce processus normal,
le jeune commence à manipuler pour éviter toute intervention
à son sujet, et résiste à toute forme d'intervention
à son sujet et que cela prenne beaucoup de temps pour en arriver
à utiliser une mesure qui serait davantage nécessaire dans ce
cas, pendant un temps déterminé.
M. Lazure: Dans notre esprit, cela devrait être couvert par
cela. Si le texte n'est pas assez clair, peut-être pourriez-vous nous
faire des suggestions. De deux choses l'une, une fois ce que vous appelez la
période de désorganisation accélérée
passée, probablement dans les cinq jours de l'hébergement
obligatoire provisoire, ou bien le jeune et les responsables du jeune sont
d'accord pour une mesure volontaire et, à ce moment-là, il n'y a
pas de problème, ou bien ils ne le sont pas et là on peut avoir
recours au tribunal pour décréter un hébergement
obligatoire.
M. Groleau: Ça va. Au niveau de la dimension, de la
présence des parents ou du contact avec les parents et le milieu
familial, on ne pense pas qu'il faille, s'il y avait une mesure à
prendre, simplement laisser à un professionnel le soin de
décider, on pense plutôt à une mesure qui s'applique... si
on prend la Loi des services sociaux, au niveau de la consultation des
dossiers, il y a une note qui dit que, si ça cause un préjudice,
on peut empêcher de consulter un dossier, et la personne a un droit de
recours devant un tribunal.
On se demandait s'il n'y avait pas, par analogie, une mesure comme
ça qui, dans des cas exceptionnels, fournirait des garanties au niveau
des parents ou au niveau des concernés, et qui, en même temps,
pourrait justifier, pour des périodes ou par rapport à certaines
situations spécifiques. C'est un peu la remarque qu'on a à faire
là-dessus.
M. Lazure: Cela me paraîtrait assez lourd qu'on soit
obligé d'aller au tribunal chaque fois qu'un professionnel ou un non
professionnel juge que le contact avec la famille devient
préjudiciable.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je vais faire ça très court, M. le
Président, parce qu'on a un problème d'horaire. J'aimerais, sur
le point soulevé, le principal dans ce mémoire, qui est
d'exprimer une inquiétude quant à la situation des enfants de 12
à 14 ans pour lesquels il peut y avoir un problème aigu de
comportement délinquant qui serait autrement considéré
comme un comportement délinquant, si ce n'était du libellé
de la loi, demander si ce n'est pas un peu une caricature ce que vous nous
avez
dressé entre, d'une part, une intervention sociale qui est un peu
décrite comme le "tender loving care" et, d'autre part,
l'hébergement sécuritaire et les mesures contraignantes de
façon générale, auxquels vous semblez attacher une assez
grande importance pour certains jeunes de cet âge.
Est-ce que, dans le fond, ce n'est pas un problème de
compétence ou d'orientation des programmes de réinsertion sociale
et de réhabilitation, si effectivement, on en vient à la
conclusion qu'il n'y a pas de mesures contraignantes qui puissent être
appliquées en dehors de l'application de la Loi des jeunes
délinquants. Ce n'est pas inévitable; est-ce que ce n'est pas un
peu caricatural, l'Opposition que vous faites?
M. Groleau: Peut-être apparaît-elle caricaturale,
mais je pense que dans les faits, il y a des situations qui se vivent. Il faut
prendre une image, c'est peut-être encore une caricature; il arrive
souvent qu'on se retrouve avec des jeunes de 17 ou de 18 ans qui ont un "agir"
très structuré, qui ont réussi, au fond, à cause de
leur intelligence et de leur capacité de manoeuvrer dans les
différentes structures... on n'a jamais réussi, il n'y a jamais
vraiment d'intervention avant qu'il en arrive là, ou un agir très
structuré. C'est un peu, au fond, la dimension préventive et
ça touche peut-être davantage à, comme vous le dites, une
compétence d'intervention qu'à une loi comme telle. Le
problème existe et c'est surtout au niveau de la responsabilité
d'un agir. Ce ne sont pas là peut-être les conséquences de
dire: il faut qu'il aille dans une unité sécuritaire, etc., mais
je pense que c'est la reconnaissance que même un jeune de moins de 14 ans
est responsable de ses "agirs". Cela ne veut pas dire de le reconnaître
légalement devant un tribunal, mais le tribunal devrait
reconnaître aussi qu'il a une responsabilité dans ses "agirs",
c'est de développer la responsabilité sociale. C'est dans ce
sens...
M. Forget: A ce moment-là, il ne découle pas
nécessairement qu'on doive adopter des mesures judiciaires
vis-à-vis d'un enfant de 12 à 14 ans, ça ne découle
pas nécessairement, à moins qu'on assimile encore une fois,
"l'approche sociale", à supposer qu'on sache exactement ce que ça
veut dire. Mais ce qu'on désigne normalement par cette approche comme
étant nécessairement d'orientation analytique, par exemple
et on dit: les gens sont le comportement et le fruit de l'environnement
de l'histoire de cet enfant depuis sa naissance, et éliminer,
évacuer complètement toute notion de responsabilité... Ce
n'est pas incompatible qu'une approche sociale se réconcilie avec la
responsabilité au moins partielle du sujet et essaie d'agir sur l'enfant
par un programme de réadaptation qui ne met pas de côté
l'enfant et sa responsabilité.
A ce moment-là, je ne suis pas trop sûr que votre
recommandation soit appropriée. Il me semble que cela aurait
été plus fort si vous aviez dit: L'âge chronologique d'un
enfant et son développement intellectuel, son développement
social; cela ne se fait pas nécessairement au même ry- thme que
son âge chronologique. Il y a des jeunes qui ont un âge social de
quatorze ans, alors qu'ils n'en ont que douze ans et demi.
C'est peut-être là-dessus qu'on peut critiquer un âge
absolument déterminé dans la loi comme étant une
espèce de ligne de séparation des eaux. Avant cela,
c'était un enfant irresponsable, au point de vue de la loi criminelle,
par exemple, et, après cela, il devient complètement responsable.
C'est sûrement arbitraire. Pourquoi pas treize ans, onze mois et quatre
jours? Pourtant, il faut mettre une limite quelque part. On pourrait
peut-être voir que la limite est un peu flexible du côté
inférieur, comme elle est flexible du côté
supérieur, en tenant compte du fait qu'il y a des ajustements qui
doivent être faits.
J'aimerais que vous nous fassiez une prédiction. Si le projet de
loi n'était pas modifié et qu'il y ait effectivement des jeunes
de douze ans et demi qui sont accusés ils ne seront même
pas accusés contre qui on pourrait porter une accusation de
meurtre, par exemple, de vol qualifié, de vol avec violence, de vol
à main armée, et je pense que cela s'est trouvé... En
effet, comme on le dit, cela se trouve même souvent, malheureusement, et
de plus en plus, je pense. C'est encore plus inquiétant.
Si, effectivement, dans ces cas-là, on se trouve, après
avoir épuisé toutes les ressources, devant la
nécessité d'avoir quelque chose qui soit effectivement plus
contraignant que ce que permet la loi... Parce que moi, je ne crois pas qu'une
mesure d'urgence applicable pendant un délai déterminé
puisse être une solution. Je pense que, là-dessus, j'admets bien
votre point de vue. On peut avoir besoin d'une solution, pas permanente, bien
sûr, mais d'une solution à moyen terme, qui dure plus que 21 ou 22
jours, dans des cas comme celui-là. Qu'est-ce qui va se passer si la loi
ne permet pas au tribunal d'intervenir et d'imposer, par exemple,
l'hébergement sécuritaire? Pouvez-vous faire une
prédiction là-dessus?
Je vais même vous faire une hypothèse, pour ne pas prendre
trop de temps. Est-ce qu'on n'aura pas tendance, dans le réseau,
à dire: C'est un cas grave et, comme on ne peut pas avoir recours aux
établissements sécuritaires dans le réseau des affaires
sociales, des services sociaux, est-ce qu'on ne pourra pas essayer de
constituer un dossier psychiatrique sur l'enfant? Est-ce qu'on ne sera pas
tenté de dire: Comme on ne peut pas le contrôler en recommandant
un hébergement dans un milieu sécuritaire, dans un centre
d'accueil sécuritaire, le mieux, c'est peut-être de le
contrôler par d'autres moyens, dans le réseau psychiatrique?
M. Groleau: Oui.
Mme Lapierre (Elaine): On sait pertinemment que le contrôle
dans les hôpitaux psychiatriques en ce qui concerne les enfants, cela ne
donne pas grand-chose, parce que ce n'est pas particulièrement
sécuritaire. Ce qui risque d'arriver, entre autres, par ce projet de
loi, c'est que les gens auront encore plus qu'autrefois la possibilité
de manipu-
1er différentes instances, parce qu'il y en a encore plus de
prévues par la loi. Dans un sens, cela peut permettre de mieux
évaluer, mieux orienter, mais, d'un autre côté aussi, cela
permet à des gens qui sont souvent maîtres dans l'art de se
faufiler de prolonger un processus et d'éviter, de toute façon,
de passer au tribunal à l'âge de quatorze ans. Ils vont se
défiler d'autant plus longtemps qu'il y a plus de structures de mises en
place.
M. Forget: Je comprends que ce n'est pas une question
nécessairement très sécuritaire que la voie psychiatrique,
mais il reste que, pour le jeune garçon de douze ans et demi qui a pris
l'habitude d'assommer des vieilles dames pour leur dérober leur sac
à main, on peut dire que, si on ne peut pas le mettre dans un milieu
sécuritaire, on peut peut-être lui donner assez de largactil pour
le calmer. C'est dans ces termes que le dilemme va se poser, pour des gens qui
sont pris avec ce problème.
Dans le fond, l'absence de flexibilité d'un côté, on
va peut-être la retrouver de l'autre côté. Est-ce que c'est
un scénario plausible ou s'il n'y a aucun risque?
M. Groleau: II y a deux possibilités. Je pense que la
possibilité que vous évoquez est réelle. Dans les cas
très graves ou très spectaculaires où on sent le besoin de
contrôler immédiatement l'enfant, on va probablement
développer des mesures un peu en dessous de la table, si l'on peut dire,
qui ne sont peut-être pas inscrites dans la loi actuelle. Ou encore,
même si le cas a besoin d'une intervention, s'il n'est pas trop
spectaculaire, on va tout simplement attendre. On va le laisser aller dans son
type d'agir et on va se dire: On va attendre à quatorze ans et on va
intervenir. Je pense que tous les organismes concernés, les policiers ou
les autres instances, ne sont pas intéressés à
arrêter un jeune qui va... On va l'arrêter, on va aller le mener
là et, dans quinze jours, on va l'avoir encore dans les jambes. En tout
cas, je pense que ce sont des types de scénarios qui peuvent se
présenter.
M. Forget: Merci.
M. Lazure: M. le Président, si vous le permettez, sur les
remarques du député de Saint-Laurent qui, tantôt, demandait
aux représentants des criminologues s'ils ne caricaturaient pas un peu,
en parlant de l'aspect non directionnel de l'approche sociale. Je pense que le
député de Saint-Laurent est en train de caricaturer aussi quand
il parle de l'aspect strictement médicamenteux du soin en hôpital
psychiatrique. C'est le sujet préféré du
député de Saint-Laurent, il y revient souvent. On l'a vu ici il y
a quelque temps dans une autre commission.
M. Forget: Aspect qui m'a frappé, dans mon
expérience.
Le Président (M. Boucher): Est-ce une question de
privilège?
M. Lazure: Je voudrais essayer non pas de dissuader le
député de Saint-Laurent. Etant donné que ces débats
sont enregistrés, pour le public, encore une fois, je voudrais faire la
mise au point suivante, pour m'éloigner de la caricature: Dans un
hôpital psychiatrique, il se donne des médicaments, mais il se
fait aussi beaucoup de traitements sans médicaments.
L'hypothèse que vous soulevez, à savoir que dans le cas
d'un jeune de moins de quatorze ans qui aurait eu un comportement agressif
très grave, le fait qu'on essaie de le faire passer pour un "cas
psychiatrique" est même très plausible. On le fait pour les
adultes qui ont commis des crimes. Je ne vois rien d'absurde à ce que,
dans beaucoup de cas d'enfants de douze ou treize ans qui tuent, il y ait, chez
ces enfants, des perturbations émotives profondes qui relèvent de
la psychiatrie; à moins qu'on veuille complètement
éliminer la psychiatrie de la carte et éliminer les troubles
mentaux de la carte.
Si on peut le soupçonner, cet état de fait chez un adulte,
à plus forte raison, il me semble, chez un enfant, dans un comportement
qui serait aussi socialement aberrant qu'un comportement meurtrier.
Finalement, pour réagir à ce que madame disait
tantôt, concernant le soin en milieu psychiatrique, madame dit: Cela ne
vaut pas grand-chose je cite grosso modo puisque ce n'est pas
assez contraignant, ce n'est pas assez sécuritaire. Là encore, je
pense que c'est vraiment trop court comme argument. Un hôpital
psychiatrique, sa principale mission, ce n'est pas d'être
sécuritaire. Je dis encore une fois qu'un adulte ou un enfant qui commet
un meurtre et qui, en même temps, a des maladies psychiatriques, la
solution à son problème, ce n'est pas nécessairement la
contrainte et la sécurité maximales.
Le Président (M. Boucher): Merci pour cette question de
privilège, M. le ministre.
Une Voix: Vote sur division. M. Forget: ... pas tout de
suite.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
Une Voix: La prochaine commission.
M. Shaw: Seulement une petite question. Peut-être que je
peux la poser au ministre. Quelques cas d'enfants de moins de quatorze ans qui
doivent être placés dans des centres sécuritaires qui
peuvent être pour des enfants de plus de quatorze ans; c'est
évident, comme nous avons des enfants de plus de quatorze ans à
qui il va arriver des situations...
M. Forget: Le ministre, je vais lui faire dire.
M. Lazure: J'ai dit tantôt que, dans mon esprit on
va faire un examen très minutieux ces jours-ci il y a
certainement des cas d'enfants de
moins de quatorze ans qui, sans être sujets au tribunal, pour
ainsi dire, doivent aller dans un centre d'accueil avec une contrainte pour une
période de traitement ou de réadaptation. Comme mon
collègue le disait tantôt, on veut éviter qu'ils soient
envoyés dans une unité très sécuritaire, à
sécurité maximale. Je pense qu'il faut élargir ce concept,
parce qu'encore une fois, l'enfant qui peut avoir tué à treize
ans, peut avoir besoin d'aller en centre d'accueil pour un an ou six mois, mais
pas nécessairement dans l'unité sécuritaire, pas
nécessairement dans une cellule.
M. Forget: Oui, mais M. le ministre, il faut appeler les choses
par leur nom. Si vous vous mettez à appeler des choses vraiment
sécuritaires et un peu sécuritaires et moyennement
sécuritaires, finalement, tous les centres d'accueil pour les enfants
vont devenir sécuritaires à un degré quelconque. Il ne
faut pas avoir peur des mots. S'il y a des enfants qui, quel que soit leur
âge un âge raisonnable malgré tout constituent
un danger réel pour la société malheureusement, il
y en a il va falloir apprendre à dire: Evidemment, c'est un
danger. Il faut protéger la société et fournir un
environnement de rééducation pour cet enfant. Mais ce n'est pas
en disant: on va avoir les vrais sécuritaires, les à
moitié sécuritaires, les trois quarts... C'est plus dangereux
pour l'enfant et pour les enfants en général de ne pas faire face
à la musique. C'est un problème, c'est une réalité
devant laquelle on doit s'ouvrir les yeux.
Tout le monde déteste mettre des enfants dans un endroit
sécuritaire, pas seulement les enfants de moins de 14 ans, mais de plus
de 14 ans aussi. Il reste que, si on ne fait pas face à cela, on va
avoir quatre catégories de sécuritaires, et finalement tout le
monde va être dans des établissements sécuritaires. Le but
de permettre la mise d'enfants en milieu sécuritaire et d'appeler les
choses par leur nom, c'est d'être le plus restrictif possible quant
à l'utilisation inévitable de cela.
M. Lazure: M. le Président...
M. Forget: Quand on se met à faire des distinctions, je
deviens inquiet.
M. Lazure: On fait la distinction sur le plan des soins
physiques. Ce n'est pas nécessaire de dire, dans la Loi des services de
santé, quand le patient atteint tel degré de morbidité, il
doit être placé dans l'unité des soins intensifs. On n'a
pas à faire cela dans un texte de loi ou dans des règlements,
mais les gens qui ont la compétence pour le soigner peuvent
décider, à un moment donné, de transférer le
patient à l'unité de soins intensifs. Pourquoi ne pourrait-on pas
le faire sur le plan de la réadaptation sociale? Ce que je veux dire, ce
n'est pas pour jouer sur les mots, c'est que je veux simplement qu'on trouve
une formule qui soit plus souple et qui permette d'héberger
obligatoirement un jeune de moins de 14 ans pour fins de réadap-tion,
sans qu'on ait besoin de dire qu'il devrait être dans une unité de
sécurité maximale. Qu'on laisse aux experts, aux soignants, aux
traitants le soin de décider si l'enfant a besoin de telle ou telle
mesure contraignante ou non.
M. Forget: C'est pour cela qu'on a les tribunaux. C'est pour
décider quand les gens doivent perdre leur liberté dans
l'intérêt de la société. Ce n'est pas aux gens
à prescrire le confinement...
M. Bédard: Je suis convaincu que la Justice et les
Affaires sociales, s'entendant tellement bien sous le présent
gouvernement, vont trouver le moyen d'évaluer le cas à sa juste
mesure.
Une Voix: Faites-nous confiance.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, je vous retourne la parole.
M. Shaw: Je suis convaincu que la réponse à mes
questions a été donnée.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez d'autres
questions, M. le député de Pointe-Claire?
M. Shaw: Non.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Verchères, une courte intervention.
M. Charbonneau: Très rapidement, d'abord pour saluer un de
mes anciens collègues d'université et pour lui demander s'il ne
pourrait pas préciser, en termes de suggestions plus concrètes,
comment on pourrait, sans avoir recours au tribunal, en arriver à un
mécanisme qui permettrait aux gens de reconnaître leur agir, les
actes qu'ils ont posés avant 14 ans.
J'ai retenu deux choses qui, à mon sens, sont importantes dans
votre intervention. D'abord la nécessité de pouvoir, d'une
certaine façon, et je pense que le ministre des Affaires sociales et le
ministre de la Justice sont ouverts aux suggestions et aux avenues dans ce
domaine... c'est-à-dire comment fait-on pour protéger la
société contre les jeunes de moins de 14 ans qui sont, dans
certains cas, de réels dangers? Pour avoir travaillé au Centre
Saint-Vallier, j'en ai rencontré de ces jeunes. J'étais
éducateur et j'en ai vus. J'ai été pris avec des cas comme
cela. A 12 ou 13 ans, des fois, ils sont plus grands que nous et ce sont de
véritables criminels professionnels.
Il y a ce point qu'on a traité et il y a l'autre point que vous
avez également traité, c'est-à-dire la reconnaissance, non
pas d'une culpabilité mais d'actes qui ont été
posés, et d'une espèce de responsabilité à
inculquer à des gens qui vivent en société. Est-ce que
vous voyez des mécanismes particuliers qui pourraient permettre, sans
avoir nécessairement recours au tribunal, une certaine reconnaissance
des actes des délinquants?
M. Groleau: Je pense que cette réalité ou cette
situation va être davantage... Il y a les mécanismes qui sont en
place, mais c'est plus au niveau du développement d'un type
d'intervention et d'objectif d'intervention... Je pense que cela de-
vrait être une préoccupation importante de tous les
objectifs d'intervention qui vont être regroupés sous la direction
de la protection de la jeunesse, soit de tenir compte de l'objectif qu'on se
fixe, de contrôler l'agir... Dans la connaissance de l'agir, cela devient
un objectif important, pas uniquement traiter des comportements... Au fond, il
faut tenir compte des deux types d'objectifs et travailler avec le jeune dans
ce sens.
M. Charbonneau: Est-ce que votre remarque est faite dans le sens
suivant, c'est-à-dire qu'avec l'expérience que vous avez
accumulée au cours des années vous avez l'impression que des
intervenants dans l'appareil social, autres que les criminologues, n'ont
pas suffisamment la perception de la réalité criminologique ou du
phénomène de la délinquance et qu'ils ont tendance
à négliger ou à prendre cet aspect avec un grain de
sel?
M. Groleau: Non, je ne pense pas que cela soit une question de
formation. C'est davantage une question de... C'est sûr que, quand un
jeune passe devant le tribunal et que, en tant qu'intervenant, tu te retrouves
devant le tribunal avec le juge, il y a là une réalité que
tu ne retrouves pas si tu reçois un dossier dans un centre de services
sociaux.
On lit le dossier et un des paragraphes du dossier dit que le jeune a
commis un certain type d'"agir", mais ceci est noyé dans toute une
série d'autres remarques qui disent: II a des problèmes de
relations avec ses parents, problèmes de relations à
l'école, etc. Ce que je veux dire c'est que cela a plus de chance
d'être noyé... C'est plus une question de perspective... Cela a
plus de chance d'être noyé et d'être considéré
comme un élément qui n'est pas si significatif que ça et
dont on ne tient pas tellement compte. C'est plus dans ce sens-là... A
partir du moment où on est contre le fait d'envoyer des jeunes de moins
de quatorze ans devant les tribunaux, je pense qu'on ne peut peut-être
pas trouver de solution idéale à ça. Je ne pense pas qu'il
soit pertinent de créer une espèce de tribunal parallèle
pour les moins de quatorze ans. Je pense que ce serait absolument inutile,
mais, au fond, il faut être conscient de cette réalité et
développer des mécanismes d'intervention qui tiennent compte de
cette réalité.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie les représentants de l'Association
professionnelle des criminologues du Québec pour leur participation aux
travaux de la commission.
J'inviterais maintenant le Bureau de Consultation-Jeunesse Inc.
M. Marois: Etant donné l'heure qu'il est une heure
moins vingt est-ce que les membres de la commission seraient d'accord
pour qu'on déborde légèrement une heure, disons jusque
vers 1 h 10, pour disposer quand même d'une demi-heure avec le groupe, si
les membres étaient d'accord, on pourrait... A condition que les
remarques soient très introductives, très courtes.
Le Président (M. Boucher): Du consentement de tous les
membres, nous prolongerons jusqu'à 1 h 10.
Bureau de Consultation-Jeunesse Inc.
Mme Spain (Renée): M. le Président de la
commission, messieurs les ministres, messieurs les membres de la commission,
mon nom est Renée Spain. Je suis directrice générale du
Bureau de Consultation-Jeunesse, et je vais vous présenter tout de suite
les deux personnes qui m'accompagnent, qui font partie de l'équipe du
Bureau de Consultation-Jeunesse. A ma droite, M. Fernand Matteau et à ma
gauche, M. Daniel Petit.
Je voudrais d'abord vous remercier, de bien vouloir prolonger la session
jusqu'à 1 h 10. Nous allons essayer de vous présenter le plus
rapidement possible les idées principales de note mémoire.
Je suis certaine que les membres de la commission ne nous
féliciteront pas de la profondeur et de l'étude exhaustive qu'on
présente du projet de loi dans notre mémoire. Je pense que ce
n'était pas notre mandat d'étudier, article par article, et de
scruter la loi à la loupe. Je pense que d'autres groupes l'ont
très bien fait et notre zone d'excellence, à nous, au Bureau de
Consultation-Jeunesse est plutôt le domaine de l'action directe
auprès de la jeunesse du Montréal métropolitain; c'est
dans ce sens que le mémoire a été préparé et
que nous voulons faire la présentation de ce matin.
Au Bureau de Consultation-Jeunesse, il y a des gens qui, comme je le
disais tout à l'heure, font de l'action directe dans des quartiers, qui
travaillent aussi au niveau... Qui font des efforts de
déjudiciarisation, et notre participation va refléter cette
implication au niveau concret avec les jeunes. C'est dans ce sens qu'on se sent
limité au point de vue des technicités légales.
A la lecture du projet de loi, on était heureux de voir qu'il y
avait une amélioration par rapport à l'avant-projet de loi.
D'après ce qu'on comprenait de la loi, il semble que le conseil de
surveillance et le comité local d'orientation ont été
modifiés et ont même, je pense, disparu. Par contre, on
était heureux aussi de sentir l'effort intéressant au niveau de
la déjudiciarisation, sauf qu'on a l'impression et on s'aperçoit,
en étudiant la loi, que c'est plus, selon nous, des intentions
généreuses qui sont dans ce projet de loi et qu'il y a des
contradictions. Il manque aussi des choses dans le projet de loi.
Quand on parle de l'idée de tendre à maintenir le jeune
dans son milieu, je pense qu'on ne peut pas être contre ça. Au
contraire, on est très favorable à cette position, mais on sent,
tout au cours du projet, que le milieu est absent des décisions.
Le domaine des services communautaires a été à
peine mentionné à l'article 47, et, dans le fond, il y a
très peu de mesures concrètes qui pourraient aider le milieu
à maintenir les jeunes qui sont en difficulté dans leur
communauté. On a beaucoup de craintes, et cela soulève aussi
beaucoup de questions pour nous, au sujet de la direc-
tion de la protection de la jeunesse. On a peur que cette direction de
la protection de la jeunesse soit trop calquée sur le modèle
judiciaire et que, finalement, les jeunes qui vont passer par cette structure,
tout ce que cela peut faire, c'est de leur ramasser un dossier très
épais. On craint que, en termes de mesures concrètes de
réinsertion sociale, il y ait très peu de choses de faites.
En rapport avec cela, aussi, on a souligné, dans le
mémoire, le pouvoir excessif qui était donné, selon nous,
au directeur. On se disait que, probablement, ce pouvoir devait être
délégué, aussi, aux responsables, aux gens qui travaillent
avec le directeur. Au niveau de la structure de la direction de la protection
de la jeunesse, on voulait soulever ici, en commission parlementaire, le fait
que cette nouvelle structure administrative nous semble lourde, et on pense
qu'elle sera très vite limitée. On aura des exemples concrets
tout à l'heure; peut-être que les questions feront ressortir cela
aussi. Selon nous, il y a un échec du ministère des Affaires
sociales ou d'autres structures, des organismes du réseau à faire
de la déjudiciari-sation et à avoir des mesures, par exemple, en
ce qui concerne l'hébergement.
On disait, à l'article 31, que les centres de services sociaux
devaient être accessibles tous les jours de la semaine et 24 heures par
jour. En ce qui nous concerne, nous, on parle surtout de la région de
Montréal. On sait qu'aux CSS il y a un service 24 heures par jour, sauf
que, dans la pratique, on s'aperçoit que ces services d'urgence de 24
heures par jour sont finalement des services téléphoniques. On
sait qu'on peut toujours rejoindre quelqu'un et que les gens même
à l'intérieur du CSS, malgré toute leur bonne
volonté, malgré les efforts qu'ils font n'ont pas
suffisamment de ressources communautaires dans les milieux à qui ces
services d'urgence pourraient se référer. On le sait, nous,
particulièrement au Bureau de Consultation-Jeunesse, parce qu'on a un
service de dépannage d'urgence au niveau de l'hébergement et
qu'on travaille conjointement avec le Centre de services sociaux du
Montréal métropolitain pour ce service. Même les gens du
CSS nous le disent, c'est un des rares services d'hébergement de
dépannage pour les 15-21 ans. Alors, c'est le problème qu'on veut
soulever. Même s'il y a des services 24 heures sur 24, il ne suffit pas
que ces services soient là et qu'il y ait des gens pour répondre
au téléphone, il faut qu'il y ait des ressources communautaires
dans les milieux pour que cela fonctionne bien.
A l'article 53 aussi, on dit que le directeur doit vérifier si
toutes les mesures sont prises pour assurer la réinsertion sociale et
familiale de l'enfant. Nous pensons que le directeur va avoir vite fait de
vérifier si les mesures ont été prises parce que,
finalement, il y a très peu de ressources alternatives. On connaît
les centres d'accueil au niveau de l'hébergement, mais il y a peu de
ressources, par exemple, au niveau des milieux ouverts, au niveau des
ressources communautaires. Alors, là-dessus, on souhaiterait, nous
et c'est l'objet d'une recommandation que le directeur ait aussi
le mandat de créer des ressources communautaires et de financer des
projets de déjudiciarisation dans la communauté.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter des choses, mais peut-être
qu'on pourrait tout de suite passer à la période des questions et
aussi fournir nos exemples concrets.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Spain. M. le
ministre d'Etat au développement social.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Bureau de Consultation-Jeunesse de son mémoire. Je pense que votre
mémoire est marqué au coin de la franchise, même d'une
franchise je dirais brutale dans l'évaluation que vous
faites du projet de loi, et, deuxièmement, au coin d'une
préoccupation qui est revenue à quelques reprises au long de nos
travaux. Mais vous êtes peut-être le groupe qui l'a le plus
directement soulignée.
Fondamentalement, cette idée de la mise à contribution de
la communauté par le biais d'organismes communautaires, d'organismes
bénévoles et leur implication, vous voyez mal de quelle
façon et vous vous demandez même si le projet de loi n'escamote
pas complètement cet aspect et toute cette dimension de la question.
Partant de là, je voudrais simplement, très rapidement, formuler
quelques remarques.
Quant à la première, il me semble important de rappeler ce
qu'on a mentionné tout au cours de nos travaux et cela se comprend,
parce qu'encore une fois il s'agit de texte de loi. C'est du jargon juridique.
Ce projet de loi devenu loi, évidemment, est un complément, il
s'ajoute à d'autres textes de loi qui existent déjà. Il ne
s'agit pas, bien sûr, de reprendre tous les autres textes de loi pour les
intégrer en un seul. Ce n'est pas ainsi que le législateur
procède au moment où il franchit l'étape de mise en place
de préparation d'une nouvelle loi. Entre autres, cela n'escamote pas du
tout, cela n'écarte pas du tout le chapitre 48 qui régit les
services sociaux et les services de santé.
De plus, je pense qu'on doit tous convenir que même s'il existait
je pense bien que vous conviendrez avec moi que ce n'est pas encore le
cas partout à travers le Québec des groupes communautaires
très bien structurés, déjà très bien
enracinés dans le milieu depuis plusieurs années, cela
n'impliquerait pas pour autant que le législateur n'ait pas à
intervenir dans un cadre relativement plus formel qui vient d'un texte de loi
pour reconnaître un certain nombre de droits aux jeunes qui ne sont pas
présentement reconnus, préciser une approche, une conception, un
esprit qui va, encore une fois, beaucoup plus dans le sens d'approche plus
humaine, plus sociale avec les nuances que cela suppose, en privilégiant
cette approche sur une approche plus punitive, mais qui doit tenir compte quand
même des réalités, du fait que les sociétés
n'évoluent pas d'un seul coup, comme un balancier qui partirait
soudainement d'un côté pour se tirer complètement et
brutalement en l'espace de quelques semaines d'un autre côté, mais
évoluent forcément par étapes.
Je dois vous dire que, dans notre esprit, en tout cas, peut-être
que le projet de loi ne reflète pas cela. En ce sens, je suis certain
que mes collègues seraient d'accord avec moi pour dire qu'on prend bonne
note de vos commentaires généraux. On est bien d'accord pour
reconnaître le rôle de la communauté et le rôle des
groupes communautaires dans la perspective de cette prévention, de cette
réinsertion sociale. C'est certainement là une des façons
privilégiées pour éviter au maximum le recours aux
instances plus formelles.
Il va falloir que tous les intervenants fassent preuve d'une certaine
imagination, non seulement dans l'application des lois, mais dans ces nouvelles
façons d'apporter une aide aux jeunes. Donc, en ce sens, je crois que
les groupes communautaires ont un rôle important à jouer. Vous
suggérez à la fin de votre mémoire, un certain nombre de
recommandations et vous proposez des mesures allant en ce sens. Je ne veux pas
toutes les reprendre, et il y en a honnêtement qui me semblent
difficilement applicables à très court terme. Par ailleurs, vous
recommandez c'est votre troisième recommandation qu'on
fasse obligation pour le directeur de protection de la jeunesse de créer
et de subventionner des groupes communautaires.
Il nous apparaît que c'est plutôt le rôle normal du
ministère des Affaires sociales de soutenir, d'épauler l'action
des groupes comme les vôtres. D'ailleurs aussi, je voudrais vous faire
remarquer qu'il y a un article du projet de loi concernant les pouvoirs et les
fonctions du Comité de protection de la jeunesse qui prévoit
notamment dans ses fonctions et ses pouvoirs un mandat afin de favoriser le
développement de groupes comme ceux-là.
Maintenant, une autre recommandation me semble intéressante,
c'est la quatrième qui, au fond, en un certain sens, recoupe les autres,
d'une façon peut-être plus englobante.
Concernant cette quatrième recommandation, il me semble qu'il y a
déjà un certain nombre de points très précis dans
la loi.
Je voudrais attirer votre attention, notamment sur les articles
suivants: l'article 6, qui n'est pas exclusif, prévoit que toute
personne qui a un intérêt peut être entendue. Donc, c'est au
sens très large et cela n'exclut pas, loin de là, pas du tout,
les groupes communautaires. L'article 22h, que je viens d'évoquer,
prévoit que le comité de la protection de la jeunesse doit
encourager la participation de groupes comme ceux-là. Les articles 47b
et 42b ouvrent cette possibilité, bien que l'expression communautaire
comme telle ne soit pas utilisée pour qu'un jeune soit confié
le texte dit à un organisme approprié, voire
même hébergé. Cela ne nous semble pas fermé, bien au
contraire, dans le projet de loi, contrairement à ce que vous avez
semblé évoquer, d'une part. Peut-être que ce n'est pas
suffisamment explicite. En tout cas, on est bien prêt à l'examiner
plus attentivement. Par ailleurs, cela suppose, forcément, en corollaire
que les groupes communautaires fassent je pense que cela commence
déjà à se faire dans certaines régions et il va
falloir que ce soit davantage poussé parce que c'est fondamental pour
les citoyens, pour les jeunes qui veulent recourir à chacun des agents
qu'ils soient publics ou qu'ils soient communautaires la preuve de la
qualité de leur intervention. C'est certainement un aspect
extrêmement important, fondamental, de simple crédibilité
au point de départ pour les citoyens et pour les jeunes.
Parce que les choses ne sont pas figées dans le béton, et
que cette réalité communautaire qui se développe de plus
en plus, c'est quelque chose qui est terriblement en vie, qui évolue,
qui s'amplifie un peu partout dans différentes régions, on a
voulu avoir une approche beaucoup plus souple qu'une approche qui fixerait de
façon rigide, par des règles, une réalité qui est
en vie et qui évolue. Encore une fois, on n'est pas du tout fermé
sur la base de cette approche.
Le Président (M. Boucher): Mme Spain, est-ce que vous
voulez ajouter quelque chose?
M. Petit: J'aimerais juste mentionner que ce n'est pas la
première fois qu'on fait part du manque d'alternatives communautaires en
commission parlementaire et à d'autres moments aussi. En ce moment, je
ne vois pas la différence entre un juge, qui n'a pas de ressources
communautaires ou d'autres alternatives que celles qui existent
déjà, et quelqu'un du comité. Depuis un certain temps,
depuis le rapport Batshaw qui recommandait sensiblement les mêmes choses
que vous avez reprises dans votre texte de loi, les réformes tant
attendues ne se sont pas faites. Il est difficile de composer avec une
réalité institutionnelle qui est souvent le seul choix du juge
à la cour, ce qui fait que le lien entre la communauté et son
milieu naturel est coupé. On ne parlera pas du travail de coordination
qui peut exister entre certaines communautés et le milieu institutionnel
qui sont, par le fait même, fermées à cette approche.
M. Matteau: II y a tout l'aspect aussi des tentatives faites par
les organismes communautaires comme le nôtre et d'autres qui sont
tuées à la base ou à peu près par des structures
gouvernementales. Pour donner des exemples bien récents et bien clairs
de cela, pensons à Habitat-Soleil qui, dès le début, avait
reçu le mandat de former cinq foyers de groupes. A cause de structures
et de rigidité administrative, ils n'ont jamais été
capables d'en former un. Ils ont fait appel à des ressources
communautaires pour en "sous-contracter". Au mois de septembre, il y en avait
trois de fermés par Habitat-Soleil, de ces foyers de groupe qui avaient
très bien fonctionné, dans certains cas, avant les subventions
d'Habitat-Soleil et, dans d'autres cas, avec les subventions . Ils ont
été arbitrairement fermés sous des prétextes
administratifs.
On ne parlera pas, non plus, de la façon dont cela s'est
fermé, le charriage qui a été fait des jeunes qui
étaient dans ces foyers de groupe. Du jour au lendemain, avec un avis de
cinq minutes, ils ont été pris dans un foyer de groupe et ils ont
été charroyés dans des institutions. On ne parlera pas de
tout le travail communautaire qui avait été fait par le BCJ
dans le cas que j'ai en tête auprès
d'une société donnée, qui a été
annulé dans le temps de le dire. On se butte à cela
continuellement; non seulement on a de la difficulté à en
créer, mais on se fait mettre les bâtons dans les roues. A un
moment donné, cela devient démobilisant, tout cela.
Quand on regarde un texte de loi comme celui-là où
effectivement il y a des portes qui sont ouvertes, mais où il n'y a rien
comme tel qui dit... On dit seulement, au début, qu'il faut tendre
à maintenir le jeune dans son milieu naturel; quand on essaie de le
mettre en pratique, non seulement on se butte à d'immenses
problèmes, mais on se fait mettre des bâtons dans tes roues.
Mme Spain: Pour ajouter à cela, brièvement, un des
problèmes est la question du réseau unique. Par exemple, quand
vous dites qu'il y a de plus en plus de groupes communautaires, on sait qu'il y
a des CLSC qui mettent sur pied des programmes jeunesse qui sont très
valables. On sait que des organismes du réseau font des efforts aussi
dans ce sens, mais tout le problème vient de la question du
réseau unique. Par exemple, y aura-t-il uniquement les organismes du
réseau des affaires sociales qui seront reconnus et qui travailleront
dans le domaine de la déjudiciarisation ou si les organismes
communautaires, dans le secteur privé, auront aussi leur mot à
dire? C'est une question à laquelle il est important d'avoir une
réponse.
Quand M. le ministre d'Etat au développement social dit que les
groupes communautaires vont avoir à démontrer la qualité
de leur intervention, pour ce qui est du Bureau de Consultation-Jeunesse, qui
est un organisme privé à but non lucratif, pour obtenir du
financement, c'est quelque chose qu'on doit faire constamment, démontrer
la qualité de nos interventions. C'est dommage qu'en certains cas les
organismes du réseau n'aient pas eux aussi les mêmes exigences
pour démontrer la qualité de leurs interventions. Dans le cas que
M. Matteau citait tout à l'heure, il y aurait des preuves à faire
au niveau de la qualité de l'intervention humaine et de l'intervention
de traitement auprès des jeunes; trop souvent, les décisions
administratives font passer la qualité du traitement après, et
c'est les jeunes qui en souffrent, trop souvent.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre d'Etat au
développement social.
M. Lazure: Je dois dire que vos remarques ne tombent pas dans
l'oreille de sourds.
Deux choses. La première, votre recommandation à l'effet
que la nomination du directeur vienne après consultation,
personnellement, je la retiens comme très valable, cette recommandation.
On va voir s'il y a lieu de l'inclure, comme vous le suggérez, à
l'article 30. Cela me paraît très valable comme suggestion. Etant
donné la grande importance du rôle de ce personnage, je
conçois que cela irait un peu à l'encontre de l'autonomie d'un
centre de services sociaux qui, normalement, nomme ses cadres par son conseil
d'administra- tion, mais étant donné que le rôle du DPJ va
déborder du CSS énormément, cela me paraît une bonne
suggestion.
Deuxième remarque: Les ressources communautaires. Je me
réjouis de votre franchise. On a eu l'occasion d'en parler la semaine
dernière mais je ne me souviens pas avec quel groupe. Je pense que c'est
un peu exagéré de dire d'ailleurs, l'article 47 le dit
textuellement ou de prétendre qu'il n'y a pas d'ouverture au
rôle des ressources communautaires. Encore une fois, on va
peut-être l'expliciter de façon plus claire et y mettre des
incitations. Dans notre esprit, le DPJ ne doit pas recourir seulement aux
organismes publics du réseau des Affaires sociales. On parle beaucoup de
deux choses: des Affaires sociales et du privé. Je m'étonne
encore, je pense qu'on n'a pas eu un seul groupe, découlant du
réseau scolaire ou du réseau pédagogique, qui soit venu
nous faire part de ses réactions. C'est tout un secteur qu'on
néglige, autant vous autres que nous autres, le secteur scolaire. Si on
veut vraiment être efficace dans la prévention des troubles de
comportement ou de la mésadaptation sociale, c'est au niveau scolaire,
dans le milieu le plus naturel possible, qu'il faut intervenir auprès
des enseignants.
J'ai réagi un peu tantôt à votre sortie contre des
mesures. Je ne sais pas à qui vous faisiez allusion, mais nous
finançons Habitat-Soleil comme nous finançons un
équivalent du côté anglophone. On finance aussi, par la
voie de subventions spéciales, des groupements qui s'occupent de jeunes,
incluant des groupements anglophones comme Sun-News. Il y en a deux qu'on
subventionne et j'oublie le nom de l'autre.
Je veux simplement profiter de l'occasion pour vous dire que vous
interprétez mal l'esprit, la philosophie du ministère ou du
ministre, si vous pensez qu'on mise seulement sur le réseau public. Et,
quand vous dites que le réseau public doit aussi être
évalué bien attentivement, je ne fais que concourir à ce
que vous dites, vous avez raison.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que...
M. Petit: Est-ce que je pourrais faire un commentaire?
Vous parlez souvent de la famille, qu'il faut travailler avec la
famille, mais il y a une réalité aussi, c'est que la structure de
la communauté auprès de laquelle j'interviens fait en sorte qu'un
jeune sur quatre et même, dans certains secteurs, un jeune sur trois vit
dans une structure familiale monoparentale. Cela amène, en cas de
conflit, un retrait du jeune de son milieu temporairement, soit pour continuer
un travail conjoint avec le CSS auprès de la famille et un avec le
jeune. Comme j'oeuvre sur la rive sud, à Longueuil, les
possibilités d'hébergement autres qu'institutionnelles n'existent
pas. Cela fait que, pour compléter le réseau, il faudrait mettre
comme urgence un chapeau qui compléterait les actions communautaires
déjà existantes, qui s'appellent l'hébergement à
court terme.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, ayant accepté la
suggestion du ministre d'Etat qu'on terminait à 13 h 10, j'aurais
mauvaise grâce de céder à mon impulsion qui
m'amènerait à amorcer un débat avec le ministre, qui
s'étonnait tout à l'heure, à qui s'étaient
adressées certaines remarques de nos invités relativement
à leurs difficultés. Je crois que ce n'est un secret pour
personne, cela a été mentionné à plusieurs reprises
durant les audiences de la commission conjointe sur la loi 24; pour employer le
vocabulaire du ministre, il n'y a pas eu un gel des foyers de groupe, puis on a
simplement tempéré, modéré la température ou
quelque chose du genre. Mais on l'a modérée, on l'a mise
suffisamment froide la température, de ce côté, pour que
dans un certain nombre de cas, des projets sur lesquels un certain nombre de
groupes avaient misé ne puissent pas se réaliser. C'est
malheureux. Nous avons, il y a à peu près six mois,
demandé au ministre quels étaient les choix qu'ils avaient faits
de ce côté, sauf de geler les montants, quels étaient les
choix entre les différentes formules de foyers de groupe, parce que
toutes ne coûtent pas le même prix. Est-ce qu'a un moment
donné le ministère dirait où il s'en va du
côté des foyers de groupe?
On n'a pas encore eu de signes, sauf erreur, qu'il y a eu des
décisions de prises et qu'il y a un modèle que le
ministère met de l'avant au moins pour que les groupes impliqués
sachent à quoi s'en tenir de ce côté. Alors il y a
évidemment eu des décisions qui ont été prises, qui
ont créé des difficultés. C'est d'autant plus dommage que
dans le cas d'Habitat-Soleil il y avait énormément de travail de
préparation qui avait été fait; en plus de cela, ils ont
des problèmes de locaux inadéquats et vétustes dont le
bail, d'ailleurs, venait à échéance cette année et
pour lesquels il devait y avoir des solutions de rechange. J'imagine que
là aussi ils sont encore pris avec de vieux locaux qui n'apportent pas
de satisfaction. Pluôt que d'engager un débat, je me borne
à faire ces remarques, étant donné celles que le ministre
a déjà faites sur le sujet. J'appellerai les choses par leur nom,
et ce n'est pas un reproche que je fais aux gens de Bureau
Consultation-Jeunesse, je pense qu'ils ont voulu être diplomates dans la
façon d'en parler. Mais est-ce que, dans le fond, à la base,
votre inquiétude relativement au rôle du directeur de la
protection de la jeunesse ne vient pas du fait que cet organisme a
été conçu, les centres de services sociaux à
travers le Québec ont été conçus comme des
monopoles régionaux de services sociaux et que dans bien des milieux,
dont le vôtre, c'est une conception sur laquelle on se pose de plus en
plus de questions?
M. Matteau: Des monopoles, si je peux me permettre, qui voient le
travail communautaire comme étant une menace pour eux. Je ne veux pas
généraliser, mais bien souvent c'est perçu comme
étant une menace pour eux et ils ont tendance à tuer dans l'oeuf
toute tentative du communautaire d'essayer de faire quelque chose. Il est bien
évident qu'on va coûter moins cher qu'on va offrir des services
beaucoup plus flexibles, on va être plus souple, etc., etc., etc.
On trouve cela très regrettable, parce que notre intention, nous,
cela n'a jamais été de concurrencer le CSSMM; on ne vise pas si
haut que cela.
Mme Spain: Le problème c'est la centralisation excessive
et on est très conscient que, même à l'intérieur du
réseau des affaires sociales, les gens en ont pris conscience et il y a
des efforts qui doivent se faire au niveau d'une décentralisation
maintenant, sauf que c'est un processus très long.
On se dit que la direction de la protection de la jeunesse va être
attachée, administrativement, aux CSS qui sont centralisés, entre
autres, à Montréal, parce que c'est un gros CSS, alors que les
CLSC sont déjà beaucoup plus implantés dans les milieux.
On a peur de cette centralisation excessive et que le directeur de la
protection de la jeunesse soit finalement très loin du vécu
concret du jeune dans son milieu.
M. Forget: A votre point de vue, y a-t-il quelque chose qui
s'oppose à ce qu'il y ait autant de directeurs de la protection de la
jeunesse qu'il y a d'organismes oeuvrant dans le milieu, capables, en termes de
compétence, d'assumer cela, sans se préoccuper de savoir si les
gens ont juridiction territoriale ou pas? Ne serait-ce pas plus simple de dire
"peut être désigné comme directeur de la protection de la
jeunesse, dans la province de Québec, tout organisme qui a un certain
nombre de qualifications, capable, effectivement de lui permettre de rendre
service aux jeunes"?
Mme Spain: Je pense que tous les jours, concrètement, les
gens qui travaillent auprès de la jeunesse sont amenés à
faire, effectivement, de la protection de la jeunesse. Là-dessus, il
serait souhaitable qu'il y ait plus de gens appelés à
intervenir.
M. Forget: Je vois, merci.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Rapidement, une réaction à l'insinuation
du député de Saint-Laurent quand il dit que depuis six mois on a
annoncé, non pas un gel, mais un plafond, sur le per diem, l'allocation
quotidienne pour les foyers de groupe. C'est tout ce qu'on a annoncé. On
n'a pas annoncé qu'il n'y aurait plus de foyers de groupe d'ouverts.
Nous avons annoncé que le maximum de $25 devait, pour un certain temps,
être observé. J'ai déjà expliqué je le
répète que c'était la pagaille, c'était la
confusion totale, certains foyers de groupe coûtaient $5 par jour, et
d'autres, $50 par jour. On a pensé que c'était le temps de mettre
de l'ordre dans ce fouillis des foyers de groupe quand nous sommes
arrivés au mois de novembre. Pour revenir à votre remarque
insinuante, on a pris une décision, et le gel est fini. On continue
d'appliquer le plafond de $25 par jour. L'orientation très nette
qui a été prise a été de
déprotessionnaliser les foyers de groupe. Je donne encore comme exemple
le foyer de groupe à $50 par jour qui avait sept enfants qui
fréquentaient l'école toute la journée et où on
engageait cinq professionnels à temps plein pour s'occuper de ces
enfants. C'est d'une absurdité épouvantable. C'est pourquoi on a
mis le gel. La réponse affirmative, il y a une orientation, c'est de
déprofessionnaliser ces foyers.
Ma deuxième remarque concerne les CLSC. Je pense qu'il ne faut
pas oublier qu'à l'intérieur de tout l'aspect préventif ou
même curatif de première ligne vis-à-vis des jeunes, le
directeur de la protection de la jeunesse n'aura pas à intervenir dans
les trois quarts des cas, du moins on l'espère. Ce sont des groupes
comme le vôtre ou les CLSC, avec qui il me paraît plus facile pour
vous de travailler que de travailler avec le CSS qui, effectivement, manque de
souplesse et d'imagination dans bien des cas.
M. Petit: Seulement une remarque. Devant le fait des urgences
qu'on rencontre quotidiennement face aux problèmes d'hébergement,
on est encore obligé de faire appel à des structures de
financement fédérales qui s'appellent Canada au travail, pour
assumer les salaires des gens qui ne vont que fonctionner qu'avec le per diem
d'une famille d'accueil.
M. Lazure: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
M. Petit: Je veux dire que, face à l'urgence dans notre
communauté, pour réagir, pour chapeauter le triangle des
ressources communautaires, il nous fallait de l'hébergement pour
réagir vite, pour compléter notre travail qui se défaisait
par l'isolement dans un centre d'accueil du jeune; or, on a fait appel à
une structure fédérale de financement qui s'appelle Canada au
travail, qui va assumer des salaires pour des gens qui vont faire du
dépannage sept jours par semaine et l'apport du CSS sera un per diem de
$8 par jour comme centre d'accueil.
M. Lazure: Vous parlez de familles d'accueil ou d'embauche
de...
M. Petit: On ne peut pas appeler cela un foyer de groupe, on est
obligé d'appeler cela une famille d'accueil, une famille d'accueil qui,
de fait, est un foyer de groupe.
M. Lazure: Si vous parlez du financement des familles d'accueil,
on a prévu des modes de financement qui peuvent être
utilisés en cas d'urgence par les CSS. A cet égard, je pense que
vous faites fausse route si vous dites que la bureaucratie est telle qu'elle
empêche le paiement de foyers nourriciers d'urgence.
M. Petit: Je suis d'accord avec vous. M. Lazure: C'est
permis actuellement.
M. Petit: Je suis d'accord avec vous. Ce que je veux dire, c'est
que pour donner une éthique de travail complémentaire
auprès de ces jeunes, pour les garder dans notre communauté, on
est obligé de faire appel à une structure de financement comme
celle-là en ce moment.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Je connais très bien votre situation parce que
nous avons dans notre milieu le AMBCAL. Connais-tu le AMBCAL? C'est presque la
même chose, parce que c'est maintenant une forme d'intervention avant le
système juridique. J'ai vécu une situation où il y avait
des personnes qui n'avaient pas de place d'hébergement 24 heures par
jour. Ce fut mon condominium qui a été donné pour ce but.
Nous sommes en train de chercher quelque chose d'autre. Je peux même
constater que le travail qui est fait par des groupes comme le nôtre,
avec une approche douce, une approche locale, une approche qui vraiment peut
répondre immédiatement aux demandes des jeunes dans des
situations comme celles-là est toujours plus avantageux que le
système tout structuré qu'est le CSS. Prévoyez-vous qu'un
pouvoir aussi fort que celui qui est prévu pour le directeur de la
jeunesse peut entrer en conflit avec le travail que vous faites
quotidiennement?
M. Petit: Cela ne fera pas de conflit, mais on ne voit comment,
lui, peut pallier au manque de ressources puisqu'effectivement on est trop
souvent à la merci d'un choix, l'institution ou autre chose, mais
l'autre chose disparaît.
Mme Audette Filion: Ce qu'on peut dire aussi, c'est que la loi ne
prévoit pas de mesures préventives, c'est-à-dire qu'on ne
va pas vers plus de prévention. On va vers la création d'une
direction de la protection de la jeunesse. On veut rendre cela plus humain,
mais, en termes de prévention, il y a très peu de choses
prévues selon la loi. J'imagine qu'à ce moment-ci on peut me
répondre qu'il restera aux organismes à poser des initiatives
dans ce sens, mais dans la loi il y a peu de choses par rapport à
cela.
M. Shaw: Dans la situation actuelle, on parle de $25 par jour.
Or, pour garder un jeune dans le centre Berthelet, cela coûte $200 par
jour. Des fonds doivent être impliqués. Même c'est un
coût réel de $200 par enfant quotidiennement dans le centre
Berthelet et il y a des foyers de groupe qui ont fonctionné dans votre
milieu et qui sont fermés.
M. Matteau: C'est toute la nuance qu'il faut apporter à
l'intérieur des foyers de groupe. La première nuance, quand on
dit $25 per diem, est-ce $25 de per diem jeune ou $25 de per diem place? C'est
toute une nuance. Quand on a sept places dans un foyer de groupe et que, pour
des raisons qui seraient très longues à expliquer et le
temps presse, ils ne sont pas capables de fournir assez de jeunes parce
qu'administrativement il faut que le jeune passe par des structures, il y a des
problèmes à ce niveau, si tu fonctionnes avec quatre ou cinq
jeunes, c'est toi qui es pénalisé parce que l'organisme n'est pas
capable de t'en-voyer des jeunes.
M. Lazure: Pas pour le premier mois où le jeune est
absent. Il y a un mécanisme prévu là-dedans.
M. Matteau: En fait, c'est ce qui arrive à long terme.
Nous, on a fonctionné sur un an et, pendant cette période, on a
fonctionné à peu près à 55% parce qu'on n'avait pas
de jeunes qui étaient envoyés par Habitat-Soleil. C'est la
première nuance.
Deuxièmement, il faut faire des nuances aussi quant aux sortes de
foyers de groupe. Evidemment, on peut faire des foyers de groupe qui vont
coûter $5, $10 ou $15 par jeune si on fait de l'hébergement,
point. Mais, si on fait plus que de l'hébergement sans faire du
professionnalisme, sans engager sept professionnels et un gardien de nuit, sans
faire quelque chose d'institutionnel, mais si on fait plus, à un moment
donné, que de l'hébergement, c'est-à-dire leur donner les
besoins primaires, de la nourriture, un toit et c'est tout, c'est
évident que cela coûte plus que $25 par jour.
M. Shaw: Au moins, vous avez entendu que deux ministres sont
prêts à reconnaître le besoin de combler cette grosse lacune
dans le système.
M. Matteau: On est très heureux de cela.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie le Bureau de Consultation-Jeunesse.
M. Marois: M. le Président, juste avant de terminer,
très rapidement, je voudrais simplement noter deux remarques concernant
nos travaux.
Premièrement, conformément à une motion qui a
été adoptée à l'unanimité par les membres de
cette commission, les organismes qui n'ont pu comparaître verront leur
mémoire versé intégralement au journal des
Débats.
La deuxième remarque, et j'y tiens beaucoup, je voudrais, en mon
nom personnel, à titre de parrain du présent projet de loi,
remercier tous les parlementaires membres de cette commission et signaler
l'esprit et l'attitude plus que positifs qui ont marqué les
interventions de tous et chacun des parlementaires.
C'est peut-être à cause de ma très jeune
expérience parlementaire, mais j'avoue honnêtement qu'il y a des
journées où on se pose de sérieuses questions. J'avoue que
je n'ai pas vu souvent un tel esprit marquer nos travaux de cette façon.
C'est consolant de penser, et c'est peut-être le meilleur de ce
côté, qu'il est encore possible chez les hommes politiques,
surtout quand il s'agit de sujets fondamentaux qui touchent des groupes de
citoyens vivant des problèmes criants, qu'il leur est encore possible,
et je pense que l'attitude à part les exceptions normales qui se
présentent dans des discussions de l'ensemble des parlementaires
de cette commission a réussi à montrer qu'il était
possible pour des hommes politiques de porter très haut un débat
fondamental, un débat politique, et d'éviter qu'il soit
marqué au coin d'une basse et mesquine partisanerie.
En terminant, je ne peux que souhaiter que cet esprit continue à
marquer les autres étapes des travaux de l'équipe parlementaire
et de l'Assemblée nationale qui aura à décider, en
définitive, du présent projet de loi. Je vous remercie.
M. Forget: M. le Président, c'est une tradition, à
la commission des affaires sociales.
Le Président (M. Boucher): Tel que convenu, la commission
met fin à ses travaux. La motion de M. le ministre de faire verser les
mémoires au journal des Débats est-elle adoptée?
M. Forget: Cela avait déjà été
adopté. C'est un rappel.
Le Président (M. Boucher): Cela a déjà
été adopté? Excusez-moi. La commission de la justice et
des affaires sociales met donc fin à ses travaux et je prie le
rapporteur de faire rapport à l'Assemblée nationale, au nom des
membres de la commission.
(Fin de la séance à 13 h 21)
ANNEXE A
Mémoire C.L.S.C. "SOC" Sherbrooke
Suite à un colloque
sur le projet de loi no 24
"Loi sur la protection de la jeunesse"
Présenté à la commission
parlementaire
des Affaires Sociales
par un comité multidisciplinaire
& pluri-institutionnel
Rédigé par: Jean Lavigne et Mario
Tardif
Sherbrooke, septembre 1977.
1.
PRÉSENTATION
Lors de la parution du Bill 24, le CLSC "SOC" de Sherbrooke a senti le
besoin de réunir, pendant une journée, quelque 200 intervenants
auprès de la jeunesse (CBES, C.A., C.S.S., Association de parents, etc),
d'abord pour les informer du contenu du nouveau projet de loi de protection de
la jeunesse, puis pour susciter et recueillir leurs réactions à
ce projet de loi.
Le présent mémoire s'inspire donc des rapports des
différents ateliers, sans toutefois leur accorder une
fidélité servile.
2.
PRÉAMBULE
Le Bill 24 veut venir en aide à des enfants en situation de
crise, soit parce qu'ils sont maltraités, soit parce qu'ils ont commis
un délit, soit parce qu'ils sont abandonnés, etc..
Or les ressources pour répondre à ces besoins sont
déjà, pour la plupart, existantes (centre d'accueil, familles
d'accueil), services à la jeunesse et à la famille, C.S.S., Cour
du Bien-Etre, Service de probation, foyers de groupe, comité de
protection de la jeunesse, etc.).
La présente loi vise donc à protéger le jeune de la
négligence et/ou l'abus de ses parents et principalement à
protéger le jeune en difficulté contre l'incompétence,
l'indifférence ou l'abus de pouvoir des intervenants. On veut
protéger le jeune contre l'iatrogénèse sociale et
judiciaire. En effet, on ne veut plus qu'il séjourne inutilement dans
les centres d'accueil, on veut le protéger contre l'arbitraire du juge
et des autres intervenants sociaux, éviter qu'il se fasse promener d'une
famille d'accueil à l'autre ou de la famille naturelle à la
famille d'accueil.
Le gouvernement québécois veut donc déjudiciariser
l'intervention auprès du jeune en difficulté. Il veut
plutôt la socialiser en remettant toute responsabilité à un
directeur de protection de la jeunesse qui s'accapare dans les faits tous les
pouvoirs et pour éviter qu'il en abuse, il doit rendre des comptes au
comité de protection de la jeunesse ou se présenter devant le
tribunal de la jeunesse. Cependant, il peut régner en roi et
maître devant l'enfant et la famille qui, lorsque bien informés
auront un droit d'appel auprès du tribunal avec possibilité de
support d'un avocat.
On veut déjudiciariser bien sûr, mais non
désinstitutionnaliser. On reste donc dans le même réseau de
distribution de services qui a suivi un cours semblable en Belgique où
"par la loi du 8 avril 1965, le législateur a voulu enlever à "la
protection de la jeunesse" son caractère répressif en vue de
rendre plus sociale et plus éducative l'intervention auprès des
jeunes en difficulté", loi qui a conduit aux critiques suivantes dix ans
après son implantation: (1)
(1) Tiré de: Le livre blanc de la protection de la jeunesse
(C.J.E.F.) Conseil de la Jeunesse d'Expression Française 1977. L'Oeil
ouvert dossier de presse 1977.
a) Certaines notions contenues mais non définies dans la loi
(telles les notions de "jeune en danger" "d'intérêt du mineur"...)
ont parfois été sources d'abus et de contrôle social
excessif. Ces notions essentiellement subjectives et susceptibles
d'interprétations diverses se sont avérées d'autant
plus délicates à manier que le fossé peut être grand
entre les systèmes de valeurs et les références
culturelles des jeunes et ceux des milieux judiciaires. b) Le rôle
à la fois éducatif et répressif de tout le personnel de
protection de la jeunesse crée une confusion et une
ambiguïté particulièrement dommageables à une
perception claire de l'aide sociale de la part des jeunes. c)Les placements
d'enfants n'ont pas cessé de croître jusqu'en 1974 et le
ministère de la justice y consacre la quasi-totalité des budgets
dévolus à la protection de la jeunesse. Au lieu de constituer,
comme le voulait la loi, des mesures exceptionnelles, ces placements sont
demeurés fréquents. d) Les mesures de protection, cependant
prises dans I "intérêt des jeunes", ne les ont que trop rarement
conduits à l'autonomie et à la prise de responsabilités.
e) Relativement à l'ensemble des budgets affectés à la
protection de la jeunesse, une part insuffisante a été
consacrée à l'assistance éducative aux familles ainsi
qu'au travail social en milieu ouvert. f) Les arrêtés
d'exécution ont créé des obligations nouvelles aux adultes
qui les encadrent mais sans donner de droits aux jeunes qu'ils maintiennent
ainsi dans la situation passive d "assis-tés". g) Des décisions
importantes pour l'avenir des jeunes continuent à être prises sans
les consulter, et ce quel que soit leur âge. h) Etc.."
De plus, il y a vraiment lieu de s'interroger sur cette volonté
réelle de déjudiciarisation. En effet le D.P.J. doit
régulièrement retourner devant le juge, il pourrait marchander
une mesure volontaire auprès du jeune et de la famille sous la menace
d'une visite devant le juge. Il devra prendre plusieurs décisions avec
les représentants de la justice.
Quant au tribunal de la jeunesse, on lui réserve l'intervention
couteau, puisque tout aura dû être essayé au
préalable avant que le D.P.J. fasse appel à lui, ce qui risque
d'accentuer le rôle répressif de l'appareil judiciaire.
Quant au jeune, verra-t-il la différence entre un juge dit
arbitraire et un D.P.J. expéditif rattaché à une structure
déjà considérée comme complexe et lourde?
Ce projet semble donc davantage vouloir décloisonner les
ministères plutôt que d'améliorer sérieusement
l'affirmation concrète des droits des enfants. 3. NOUS PROPOSONS
3.0Une loi affirmative des droits des jeunes. 3.1 Des mesures concrètes
pour le maintien du jeune dans son milieu naturel. 3.2 Une revalorisation du
rôle parental. 3.3L'identification de responsabilité des pouvoirs
en place.
3.0 Nécessité d'une loi
affirmative
Afin d'apporter une réelle amélioration à la
protection et promotion des droits de la jeunesse, et pour ne pas
répéter les erreurs de certains pays d'Europe, une charte des
droits de la jeunesse devra être acceptée par le gouvernement
préalablement à la formulation de toute loi. Cette charte
pourrait être élaborée à partir des textes (1)
suivants:
3.0.1. Charte des droits de l'enfant (2) Principes
généraux - L'enfant, dès sa naissance, est une
personne, et comme telle, jouit de tous les droits, privilèges et
libertés conférés par les lois du Canada et du
Québec à toute personne vivant au Québec.
(1) Annexe 1: cf. projet de charte des droits de l'enfant.
(2) Inspiré de: Le livre blanc de la protection de la jeunesse
(C.J.E.F.) 1977.
- L'enfant a droit à son intégrité physique et
psychologique. - L'enfant a droit à une alimentation saine, au
vêtement et au logement appropriés. - L'enfant a droit à
des soins médicaux, hospitaliers et dentaires adéquats et
accessibles. -L'enfant a droit au développement optimal de ses
ressources physiques, émotives, intellectuelles et sociales et
d'être protégé contre toute personne ou situation qui porte
atteinte à ce droit. - L'enfant a droit à l'éducation. -
L'enfant a le droit d'être désiré et voulu par les
personnes qui en ont la charge et la responsabilité. -Toute intervention
auprès d'un enfant par quelque personne ou organisme que ce soit doit
tendre à favoriser la prise en charge de l'enfant par lui-même et
à l'aider à prendre la responsabilité de sa personne et de
ses actes. - L'enfant dont les parents travaillent ou doivent s'absenter a
droit à des services de garderie, munis d'un personnel compétent
et d'un équipement adéquat, accessibles et proportionnels aux
moyens de ses parents. - L'enfant a droit à des activités
sociales et culturelles, de loisirs et de sports, adaptées à son
âge et à son stade de développement qui lui permettent de
développer son potentiel de socialisation et de créativité
ainsi que ses aptitudes physiques.
3.0.2. Droits particuliers des enfants faisant l'objet d'une
intervention sociale. -L'enfant victime de handicaps physiques,
intellectuels, affectifs ou sociaux, a droit à des services et des soins
adéquats et accessibles, le plus près possible de son milieu
naturel. - L'enfant et les personnes qui en ont la charge et la
responsabilité ont le droit de participer à toute
évaluation, d'en connaître le contenu et de participer à
l'élaboration des plans de traitement ou d'intervention, ainsi
qu'à toute réévaluation. - L'enfant qui fait l'objet d'une
intervention ou d'un traitement a le droit de voir cette intervention ou ce
traitement réévalués à intervalles
réguliers, par les personnes ayant participé aux
évaluations antérieures. Cette réévalaution aura
lieu au minimum tous les six mois. - A moins que l'enfant et sa famille n'y
consentent, l'enfant ne peut être retiré de son milieu familial et
social naturel que par une ordonnance d'un tribunal concluant qu'aucune autre
solution n'est possible dans ce cas. - L'enfant, en famille d'accueil, a le
droit d'être traité en tous points comme le seraient les enfants
de cette famille.
3.0.3. L'enfant en institution. - L'enfant a le droit de
n'être placé en milieu institutionnel que si aucune autre
ressource ne peut, dans les circonstances, permettre le respect de ses autres
droits. -L'enfant y a droit à son intimité. -L'enfant a le droit
de communiquer en toute "confidentialité" avec les personnes de son
choix et de recevoir des communications de celles-ci, et ce par les moyens de
communication habituels (notamment: secret de la correspondance). -L'enfant a
le droit de connaître les règlements de l'institution. Copie doit
lui être remise lors de son admission et explication doit lui en
être faite. -Aucune mesure disciplinaire ne peut être prise contre
un enfant, si ce n'est pour une infraction aux règlements de
l'institution. - L'enfant a le droit d'être à l'abri des punitions
humiliantes, excessives et cruelles.
3.0.4. L'enfant et la justice.
L'enfant ne peut être placé en détention que par
ordonnance écrite et précisément motivée d'un juge,
après une audition complète de l'enfant assisté de son
avocat. -Sitôt après son arrestation, l'enfant a le droit de
communiquer avec ses parents et/ou avec un adulte et/ou avec un avocat, selon
son choix, il a aussi le droit d'exiger la présence de ceux-ci avant
toute autre intervention de la police auprès de lui. - En particulier,
aucun interrogatoire de l'enfant ne peut se faire, sauf aux fins
d'identification, avant que l'enfant ait pu exercer le droit
énoncé au point précédent.
3.1 Mesures inscrites pour le maintien du jeune dans
son milieu naturel 3.1.0 Présentation
Toute loi de protection de la jeunesse, à notre avis, ne devrait
jamais se substituer aux droits et devoirs et obligations des parents et
à la capacité du milieu naturel de supporter le jeune dans son
développement.
La loi doit plutôt reconnaître ces prémisses et
être formulée en conséquence, ainsi l'éducation, la
prévention, l'amélioration des conditions de vie deviendraient la
règle, alors que le retrait du milieu de vie normal et le traitement
institutionnel deviendraient l'exception. Le présent projet de loi
insiste sur le fait de maintenir l'enfant dans son milieu naturel, sans
toutefois formuler des propositions concrètes. Nous avons donc pris
l'initiative de vous en présenter:
3.1.1 Pour le maintien dans le milieu naturel, Nous proposons: -
La politique générale sera la recherche et l'application de
solutions à l'intérieur de la cellule familiale ou sociale ainsi
que des solutions dans le cadre plus communautaire (communautés
d'accueil et d'accompagnement pour jeunes...) - La reconnaissance de
l'intervention sociale et/ou communautaire en milieu ouvert (guidance en
famille, en famille d'accueil, travail dans la rue, etc.)
Dans le cas où l'aide qui doit être apportée au
jeune ne peut pas lui être dispensée dans sa famille, la souplesse
des budgets devrait permettre des solutions créatives où en
accord avec le jeune, un programme éducatif, y compris la partie
financière, devrait être mis au point et réalisé. -
La mise en place de communautés d'accompagnement pour jeunes, soit des
lieux de vie auxquels les jeunes participent pendant quelques mois dont la
forme d'action privilégiée est l'identification des besoins et
l'organisation des réponses, demeure la responsabilité du jeune.
Elles devraient être aidées sous forme de locaux et de traitements
d'animateurs. - La mise en place de communautés d'accueil pour jeunes
(auberge) fonctionnant 24 heures sur 24, subventionnées de
manière souple et flexible pour pouvoir assumer en partie
l'hébergement, les repas et l'encadrement à court terme des
jeunes qui se présentent spontanément chez-eux. Chaque fois que
c'est nécessaire, les jeunes en situation de crise devraient pouvoir
bénéficier d'un anonymat et d'une immunité pendant une
période donnée. - Les foyers de jeunes et les maisons
communautaires pour jeunes (à dimensions humaines) devront favoriser la
participation des jeunes au loyer et aux repas en fonction de leurs "revenus".
Ces maisons seront toutefois co-gérées (jeunes et animateurs) et
devraient être aidées au niveau de l'équipement et du
traitement de l'animateur. - De plus, le(s) ministère(s) devrait(nt)
revoir le mode de subvention aux institutions qui favoriserait l'adaptation des
programmes à l'évolution des besoins des jeunes. - De plus, le
M.A.S. devrait définir des critères de reconnaissance,
d'allocations, de personnel, de subvention et d'inspection des institutions
(dans la vraisemblance qu'ils ont avec le milieu naturel du jeune). Ces
critères devraient donc favoriser les milieux d'accueil à
dimensions humaines. La pédagogie des intervenants devra associer les
jeunes à l'organisation de leur milieu de vie.
3.2 Revalorisation du rôle des parents
3.2.0
Présentation
A cause du développement massif d'institutions au Québec
depuis une dizaine d'années, autant au niveau de l'éducation, des
loisirs que des affaires sociales, les parents se sont vus
relégués au second plan en faveur de la compétence des
professionnels.
Or, les écoles ferment à 4 heures, les institutions ont
des "case load" écrasants et les services de loisirs ne s'occupent en
général que de l'élite, du moins dans notre région.
Et les plus dérangeants sont mis à la porte de l'institution,
malgré tout l'appareil professionnel qui y est accessible ou bien ils
subissent le phénomène de la référence. Il faut
donc envisager des mesures concrètes pour aider les parents à
jouer pleinement leur rôle d'éducateurs, tout comme on
prépare l'homme ou la femme de carrière.
Sans vouloir donner à la famille le monopole dans le processus de
développement et d'épanouissement des jeunes, comme le fait le
projet de loi, nous constatons toutefois qu'actuellement elle reste, dans la
plupart des cas, un lieu privilégié pour le développement
harmonieux de l'enfant. Il faut donc lui donner un maximum de chances de
réussir dans cette tâche à laquelle elle a
généralement été mal préparée.
3.2.1
Propositions pour revaloriser le
rôle des parents
Nous devrions donc retrouver dans le projet de loi un article qu i
énonce les propositions suivantes: - L'aide aux familles, sous toutes
ses formes doit être développée avec les budgets
adéquats et des moyens adéquats inspirés des recherches et
des expériences les plus récentes en matière (guidance,
soins à domicile, aide éducative, aide au travail ménager,
etc..)
On peut dire que les programmes analogues existant à l'heure
actuelle sont plutôt isolés et sont trop souvent apparentés
à un contrôle social peu respectueux du modèle culturel des
familles "assistées" et de la personnalité du jeune.
Nous affirmons qu'avec l'allocation (en moyenne $50.00 par jour par
enfant) actuellement allouée par le M.A.S. aux centres d'accueil, nombre
de familles s'en tireraient sans doute beaucoup mieux dans l'éducation
de leurs enfants. Mais cela, il n'en est pas question, pas même lorsque
ces enfants sont placés en familles d'accueil. Tous doivent se contenter
de beaucoup moins.
Il devrait être clair qu'il ne s'agit pas de dépenses
supplémentaires, mais au contraire de mesures permettant
d'économiser bien des placements. Il s'agit de mieux utiliser les
ressources dont on dispose: ressources humaines (ex. élaboration et
adaptation de mesures permettant à la direction de la protection d'aider
des familles chez-elles par un support ou une aide-ménagère,
etc..) ressources financières (où on aide une mère seule
ou une famille à assurer l'entretien et l'éducation de leurs
enfants).
De plus, notre démarche se voudrait être bien
évidente et reconnue dans les faits par le projet de loi: comment
réduire au maximum le recours à l'institution, non pas dans le
désir de la détruire à tout prix, mais pour affirmer la
volonté très nette du législateur de permettre aux gens
eux-mêmes de répondre à leurs problèmes en utilisant
les ressources locales. Les moyens qui y sont destinés sont de
façon générale infimes, voire inexistants. Et pourtant,
les expériences reconnues par le M.A.S., tout autant que les initiatives
volontaires existantes, ont démontré l'efficacité de
telles démarches. Que faut-il de plus pour convaincre, sinon permettre
que les expériences se multiplient en leur donnant les moyens d'exister
et d'expérimenter.
Ici encore, il s'agit de prendre des mesures budgétaires, qui
loin d'augmenter les dépenses, rendront possible la souplesse et donc la
créativité de tous ceux qui sont préoccupés et
attachés depuis des années à ce que la protection de la
jeunesse soit réellement au profit et au service de celle-ci.
3.3 Identification de responsabilités des
pouvoirs en place.
3.3.0
Présentation.
La loi devrait identifier des organismes ou entités
légales responsables de la promotion des droits des enfants ainsi, les
municipalités devraient recevoir le mandat, par le biais du haut
commissariat des loisirs et des sports, de rendre accessibles les loisirs
à la masse, ce qui favoriserait le développement de l'enfant et
qui favoriserait de plus, la participation active des parents de la conception
à la réalisation des activités.
3.3.1
L'école et les droits des
enfants.
L'école aurait la responsabilité de faire connaître
aux enfants leurs droits et les moyens pour les faire respecter. L'école
devra aussi assurer aux parents un support concret afin de permettre à
ceux-ci de jouer pleinement leur rôle, dans la perspective de "parents
efficaces".
3.3.2
L'environnement et le droit des
enfants.
Enfin, "un tribunal" devrait être formé pour évaluer
l'environnement et les décisions des différents niveaux de
pouvoirs (corps sociaux: SHQ, Service de loisirs, etc.) quant au respect des
droits de l'enfant. Ainsi, ce tribunal pourrait dénoncer les conditions
de logement insalubres ou l'absence de loisirs de masse dans un milieu
donné, etc.. en identifiant les pouvoirs responsables et exiger des
solutions. Ce "tribunal" au nivau de chacune des régions pourrait
proposer à l'Etat d'attribuer des responsabilités à
différents pouvoirs pour améliorer, ou l'environnement de
l'enfant ou son milieu naturel pris dans son sens large, dépendant de
l'évolution des besoins. A cet effet, il y aurait lieu selon nous,
d'introduire dans les fonctions et devoirs du comité de protection de la
jeunesse la proposition suivante:
3.3.2.1 Nous proposons:
De favoriser la création dans chaque région "d'un Conseil
de la jeunesse", regroupement de bénévoles intervenants et
personnes intéressées à la jeunesse de la région,
désignées par les groupes de la région (institutions et
organismes communautaires, etc..) Ce Conseil serait chargé de veiller
aux intérêts des enfants ou adolescents, par l'évaluation,
les recommandations et les dénonciations quant à la
responsabilité des corps ou groupes sociaux supposés se
préoccuper du développement et de l'épanouissement de la
jeunesse. Ce Conseil pourrait relever du représentant régional
qui fournirait le support technique et l'animation nécessaire au bon
fonctionnement.
4. LA PROTECTION DE LA JEUNESSE EN SITUATION DE
CRISE.
4.0 Présentation
Si la règle, telle que décrite plus haut, est
respectée, regardons maintenant l'exception qui est formulée dans
le projet de loi 24 et qui pourrait avoir comme titre: "Projet de loi sur la
protection de la jeunesse en situation de crise".
Ce projet veut vraiment limiter les abus des intervenants auprès
des jeunes, en mettant dans le décor d'autres intervenants qui ont droit
de regard en accordant un droit d'appel aux jeunes et à leur famille, en
rendant publiques les séances du tribunal de la jeunesse, en obligeant
le juge à motiver ses décisions avec le support de ses
assesseurs. Dans le présent chapitre, nous voulons donc apporter des
commentaires sur certains articles.
4.1
Concepts fondamentaux non
définis.
Plusieurs concepts fondamentaux auraient avantage à être un
peu explicites au niveau des notes explicatives du préambule. -
Développement de l'enfant -Milieu naturel - Famille normale -Conditions
matérielles inappropriées
Nous voudrions que ces concepts soient définis de façon
évolutive, afin de permettre à ceux qui auront à appliquer
les lois, de dépasser leurs préjugés ou leurs croyances,
dans un contexte de société pluraliste. Ainsi, par exemple,
est-ce qu'une commune peut être considérée comme famille
normale? Il ne s'agit donc pas de définir ces concepts de façon
rigide, mais plus comme cadre de référence, afin de faire valoir
ce qui est progressivement acceptable par la société.
4.2
Le texte de loi
Chapitre II Les droits de l'enfant
Ce projet de loi présente des droits très restrictifs de
l'enfant. Nous avons dit précédemment qu'il faudrait appuyer ce
projet sur une charte des droits de l'enfant.
Articles 6 et 7
De plus, les articles 6 et 7 nous posent plusieurs interrogations. Nous
trouvons fondamental que l'enfant ait le droit d'être entendu. Cependant,
le droit à la consultation nous apparaît très confus. Sur
quoi portera cette consultation et quel impact aura-t-elle dans la
décision des adultes?
Enfin, le droit à la consultation exige en contre-partie que les
intervenants soient obligés de donner une information juste et
compréhensible à l'enfant.
Pour nous, la consultation signifie que l'enfant doit être
invité à faire des choix qui seront respectés.
Et pour s'assurer que ce droit soit respecté, nous proposons que
le comité de protection de la jeunesse, par le biais de son
représentant régional favorise la création
"d'accompagnateurs" (parents, amis, professeurs, etc..) proches des jeunes et
des groupes de jeunes, préoccupés des droits de l'enfant, pour
assister le jeune et la famille dans leurs démarches avec le D.P.J. Ces
"accompagnateurs" recevraient une formation spécifique du comité
de protection de la jeunesse, ce qui éviterait le recours
exagéré au droit d'appel, donc contribuerait ainsi à
déjudi-ciariser, puisque le D.P.J. serait beaucoup plus
préoccupé des droits de l'enfant.
Article 8.
La confidentialité.
Ce concept a soulevé plusieurs interrogations: -Après
combien de temps serait-il mieux de détruire les dossiers? -
Jusqu'où ira le droit de l'enfant de parler confidentiellement à
ses parents, au juge, à l'intervenant? -Les intervenants pourraient-ils
mettre en commun ces interventions? - De façon plus large, au sujet des
jeunes de 14 ans et plus, faut-il informer les parents et à quel
moment?
Exemple: - prescriptions de médicaments -contraceptifs
-avortement -toxicomanie
Chapitre III: Organismes et personnes chargés de la protection
de la jeunesse. Article 12.
On souhaite que tous les membres du comité de protection de la
jeunesse soient reconnus à cause de leur compétence, de leur
expérience, de leur engagement et de leur amour pour la jeunesse. De
plus, afin d'éviter tout conflit d'intérêt, leur nomination
devrait être faite conjointement par le gouvernement et des organismes
apolitiques représentatifs de la jeunesse, apolitiques signifiant libres
de toute attache politique partisane.
Chapitre IV: Intervention sociale. Article 35.
On craint une enumeration des critères pour juger si le
développement de l'enfant est menacé ou pas. On
préférerait se référer à une charte
explicite des droits de l'enfant. A titre d'exemple, le point "E"
démontre les limites d'une énumération: en effet, certains
parents peuvent décider de garder leur enfant à la maison en
faisant la preuve qu'ils lui fournissent une éducation
adéquate.
De plus, on a tendance à rendre la famille responsable des
conditions de vie difficiles. On suggère de tenir compte de
l'environnement et des conditions socio-économiques d'un milieu que le
"tribunal" préalablement défini pourrait dénoncer avec
acharnement, en regard des données collectivisées dont il
disposerait.
Article 61: Contribution des parents.
Concernant la contribution des parents, compte-tenu du fait que le
premier rapport d'activités du comité pour la protection de la
jeunesse(1) qui nous dit "dépendant des bases de calcul utilisées
pour déterminer le seuil de pauvreté, il y a 50.4% à 67.4%
des familles abusives qui sont en dessous du seuil de pauvreté."
Nous souhaiterions voir reviser la formule actuelle de contribution des
parents, surtout qu'elle ne s'applique que dans le cas de mesures volontaires
et qu'elle nous apparaît souvent prendre les gens au dépourvu avec
des montants assez élevés.
Nous souhaiterions au moins, voir attirer l'attention des parents par
des rappels réguliers et des explications des motifs de cette
décision et ce, même s'ils étaient présents quand
elle a été prise.
Chapitre V: Intervention judiciaire. Le droit d'appel.
Toujours dans l'option d'assurer une qualité de services aux
jeunes, il serait important d'accorder le droit d'appel aux institutions
concernant les décisions du D.P.J. et du tribunal de la jeunesse (dans
les cas de traitement) en plus de celui déjà accordé aux
enfants et aux parents.
La contention physique et l'abus de
médicaments.
On devrait retrouver dans le projet de loi le fait que des mesures
légales pourraient être prises lors de mesures de contention
physique, de punitions illégales, abus de médicaments et de
calmants, dans les divers établissements du réseau.
Autres articles.
Nous voudrions voir inclus dans le projet de loi, les
préoccupations suivantes:
Les mères célibataires.
Une aide non coercitive devrait être apportée aux
mères célibataires afin de leur permettre de prendre les
décisions qui les concernent (médicaments, avortement, etc.) et
celles qui le souhaitent devraient pouvoir bénéficier de tous les
supports (matériels et physiques, etc.) nécessaires qui leur
permettent d'élever elles-mêmes leurs enfants.
Les jeunes de 18 ans.
Le D.P.J. devrait assurer aux jeunes qui quittent l'institution un
support financier et psychologique pour les aider à
réintégrer la vie normale.
Le tribunal de la jeunesse.
Lorsque les parents, les personnes qui ont la garde du jeune ou le jeune
lui-même demandent l'intervention du D.P.J. ou du tribunal de la
jeunesse, ceux-ci ne devraient pas pouvoir prendre des mesures coercitives
dépassant la demande des intéressés.
Références: En plus de notre expérience
auprès des jeunes, pour la rédaction de ce mémoire, nous
nous sommes référés d'une façon plus
particulière: - Rapport du comité d'étude sur la
réadaptation des enfants et adolescents placés en centres
d'accueil (comité Batshaw) -Premier rapport d'activités
"comité pour la protection de la jeunesse." - Le livre blanc de la
protection de la jeunesse (C.J.E.F.) - L'oeil ouvert Périodique
d'informations internes du Conseil de la Jeunesse d'Expression Française
(numéro hors-série). -L'enfant exceptionnel (C.Q.E.E.) no 37, no
39, no 42. -Droits et responsabilités des jeunes. -Etudes et documents
d'éducation no 6 UNESCO.
(1) p. 84 Statut socio-économique des personnes abusives \
■
ANNEXE B
Mémoire présenté par le
comité
pour la protection des enfants à la
commission parlementaire concernant
le projet de loi no 24 4515 St. Catherine St. West, Westmount,
P.Q. L'origine
Le Comité pour la protection des enfants (C.P.E.) est un
organisme comprenant des parents et des enfants qui bénéficient
ou ont déjà bénéficié des services du
bien-être à l'enfance et des services judiciaires pour la
jeunesse. Des employés qui travaillent présentement ou ont
déjà travaillé pour un centre de services sociaux ou un
centre d'accueil et des individus s'intéressant particulièrement
aux droits de la jeunesse en font également partie.
Au cours de ses deux dernières années et demie
d'existence, le C.P.E. a agi à titre de groupe de pression afin que des
changements importants soient apportés dans les domaines du
bien-être à l'enfance et de la justice pour la jeunesse.
Nous avons lutté pour les causes suivantes: 1) le retrait des cas
de protection de l'enfance des établissements de réadaptation; 2)
la distribution de services aux enfants et à leur famille, 24 heures par
jour, 7 jours par semaine; b) la représentation auprès des
tribunaux de tous les jeunes ayant besoin de ce genre de service; 4) la mise
sur pied de services axés sur la communauté.
L'une des principales activités du C.P.E. a été de
présenter une requête pour que les centres de services sociaux,
les centres d'accueil, le corps policier et toute personne concernée par
la situation des jeunes et de leur famille soient responsables de la mise en
application des fonctions définies dans la législation
actuelle.
Au cours de nos travaux, nous avons pris conscience des limites de la
loi actuelle et nous espérons que les problèmes seront
solutionnés dans la nouvelle législation.
Préambule
Pour examiner cette loi avec réalisme, il faut d'abord
étudier ses implications générales. Une loi peut
paraître très bonne en théorie mais elle ne sera efficace
que si la société est décidée à en faire un
instrument valable. Dans le cas de la loi sur la protection de la jeunesse, il
faut donc qu'existent réellement les ressources humaines et
financières nécessaires aux besoins des jeunes ou des familles en
difficulté ou en quête de protection. Sinon, la loi n'est qu'un
trompe-l'oeil.
Jusqu'ici, la tendance du gouvernement a été de
créer de vastes empires, des institutions onéreuses pour
administrer de maigres ressources. Nous avons toujours pensé que le
gouvernement devait s'efforcer de créer des services à
caractère communautaire, intégrés au quartier et forts de
l'expérience de ceux qu'ils doivent servir. Nous pensons
également que services et ressources doivent être fournis aux
familles qui en ont besoin avant que les crises graves ne se produisent. Nous
entendons par là qu'il faut assurer aux familles des revenus suffisants
pour qu'elles mènent une existence digne, des garderies et des
organismes de loisirs, un système d'éducation qui réponde
aux besoins des jeunes, des services sociaux et de soutien disponibles sans
délai. C'est seulement avec une organisation de ce type que nous
pourrons faire face à nombre des problèmes que pose la jeunesse
à notre société.
Examen de la loi Aspects positifs
Nous décelons dans la loi quatre orientations du
législateur auxquelles nous applaudissons.
La première est celle qui consiste à remplacer par les
droits de l'enfant la notion subjective de "servir au mieux les
intérêts de l'enfant" qui sous-tendait la loi
précédente.
La deuxième est celle qui tente de sortir le régime de
bien-être du domaine judiciaire. Nous espérons que les mesures
volontaires se traduiront par une tentative honnête pour amener l'enfant
et ses parents à formuler un plan d'action qui réponde vraiment
aux besoins des parties en cause, au lieu que des mesures punitives ou autres
soient imposées par un tribunal comme c'est généralement
le cas.
La troisième est l'introduction du rôle d'un avocat
assistant l'enfant ou ses parents. Il nous semble que par le passé il y
avait opposition de la part des juges ou d'autres intéressés
à la présence d'avocats à la Cour du bien-être
social. La légitimation d'une telle présence corrigera cette
situation, nous l'espérons, et assurera la protection des droits de
l'enfant devant le tribunal.
La quatrième enfin est la reconnaissance par le gouvernement du
droit d'en appeler d'une décision ou de porter devant une juridiction
supérieure une question de droit. Cette possibilité d'appel
protégera l'enfant qui tente de se faire juger équitablement en
première instance.
Aspects préoccupants Les droits de
l'enfant
Nous venons de dire, dans la partie intitulée "aspects positifs"
de notre mémoire, notre satisfaction de voir la priorité
accordée aux droits de l'enfant comme il en découle de l'article
3 du projet de loi: "Le respect des droits de l'enfant..."
Ce principe ne pourrait être clairement appliqué sans une
énumération de ces droits dans la loi elle-même. Nous
estimons que les droits accordés à l'enfant dans le projet de loi
sont incomplets. Le rapport de la commission Batshaw recommandait que l'on
dresse une liste complète des droits des jeunes, liste qui devrait
être incorporée à toute loi sur la protection de la
jeunesse. "Dans l'esprit du Comité, la réforme proposée
n'a aucun sens si elle n'est pas empreinte d'une reconnaissance des droits des
enfants. Le Comité établit la nécessité de
considérer les enfants comme des personnes, au même titre que tout
autre être humain; il veut, en outre, que l'on reconnaisse aux enfants
ayant des besoins spéciaux des droits très spécifiques qui
leur permettent de forcer la collectivité, non seulement à
reconnaître leurs besoins, mais à les combler. Il nous
apparaît que c'est seulement à condition de reconnaître ces
droits et de les respecter scrupuleusement que l'on pourra développer
chez les enfants les notions de responsabilité et d'autonomie
essentielles à leur développement.
Le Comité émet les principes suivants: 1.L'enfant,
à tout stade de son développement, est une personne et comme
telle, jouit de tous les droits, privilèges et libertés
conférés par les lois du Canada et du Québec à
toute personne vivant au Québec. 2.L'enfant a droit à son
intégrité physique et psychologique. 3.L'enfant a droit à
une alimentation saine, au vêtement et au logement adéquats.
4.L'enfant a droit à des soins médicaux, hospitaliers et
dentaires, adéquats, gratuits et accessibles. 5.L'enfant a droit au
développement optionnel de ses ressources physiques, émotives,
intellectuelles et sociales, et d'être protégé contre toute
personne ou situation qui porte atteinte a ce droit. 6.L'enfant a droit
à l'éducation. 7.L'enfant ayant des besoins spéciaux tels
handicapés physiques, intellectuels, émotifs ou sociaux, a droit
à des services et des soins adéquats, accessibles et gratuits, le
plus près possible de son milieu naturel. 8.L'enfant et les personnes
qui en ont la charge et la responsabilité ont le droit de participer
à toute évaluation, d'en connaître le contenu et de
participer à l'élaboration des plans de traitement ou
d'intervention, ainsi qu'a toute réévaluation. 9.L'enfant qui
fait l'objet d'une intervention ou d'un traitement a le droit de voir cette
intervention ou ce traitement réévalués à
intervalles réguliers par les personnes ayant participé à
l'évaluation qui y a donné lieu, au minimum à tous les
trois mois. 10. A moins que lui et sa famille n'y consentent, et qu'aucune
autre solution ne soit possible dans les circonstances, l'enfant ne peut
être retiré de son milieu familial et social naturel que par une
ordonnance d'un tribunal concluant qu'aucune autre solution n'est possible dans
les circonstances. 11.L'enfant a le droit d' être traité en
famille d'accueil, en tous points comme le seraient les enfants de cette
famille. 12.L'enfant a droit à son intimité. Dans certains
centres d'accueil, on contrôle étroitement les contacts de
l'enfant avec le monde extérieur, allant jusqu'à censurer son
courrier, écouter ses conversations téléphoniques, et
à interdire ses communications avec certaines personnes, amis ou membres
de sa famille. 13.L'enfant a le droit, en toute confidentialité de
communiquer avec les personnes de son choix, et de recevoir des communications
de celles-ci, et ce, par les moyens de communication habituels. 14. L'enfant a
le droit de connaître les règlements du Centre d'Accueil, dont
copie doit lui être remise lors de son admission au Centre, et
explication doit lui en être faite. 15.Aucune mesure disciplinaire ne
peut être prise contre un enfant si ce n'est pour une infraction aux
règlements de l'institution. 16.L'enfant a le droit d'être
protégé contre les punitions humiliantes, excessives et cruelles.
17. Aucun enfant ne peut être détenu dans un poste de police ou
dans tout lieu autre qu'un Centre d'Accueil pour enfants. 18.L'enfant a le
droit de n'être placé en milieu sécuritaire que s'il a
commis, ou est soupçonné d'avoir commis, une infraction à
la loi qui justifierait la détention pour un adulte.
19.De plus, l'enfant a le droit de n'être placé en milieu
sécuritaire que lorsque sa propre sécurité et celle
d'autrui l'exigent, ou lorsqu'il n'existe aucun autre moyen d'assurer sa
présence devant la Cour. 20.L'enfant ne peut être placé
dans un milieu sécuritaire que par une ordonnance écrite d'un
juge, après une audition complète, à laquelle il est
représenté par un avocat, telle ordonnance concluant au besoin de
détention et expliquant les motifs qui justifient la détention.
2\ L'enfant ne peut être mis en état d'arrestation par un agent de
la paix que s'il est l'objet d'un mandat ou s'il est trouvé en train de
commettre une infraction à la loi, ou si l'agent de la paix a des motifs
raisonnables et probables de croire que l'enfant a commis, ou était sur
le point de commettre une infraction à la loi. 22.Sitôt
après son arrestation, l'enfant a le droit de communiquer avec ses
parents et/ou avec un adulte et/ou avec un avocat, selon son choix, et d'exiger
la présence de ceux-ci avant toute autre intervention de l'agent de la
paix auprès de lui. 23.En particulier, aucun interrogatoire de l'enfant
ne peut se faire, sauf pour fins d'identification, avant que l'enfant ait pu
exercer le droit énoncé au principe 22, et à moins que
l'enfant ne soit assisté, pendant toute la durée de
l'interrogatoire, des personnes avec lesquelles il a ainsi communiqué.
24.L'enfant a le droit de refuser de se soumettre à un interrogatoire et
à une parade d'identification. 25.Toute renonciation aux droits
énoncés aux principes 22, 23, 24, doit être écrite
et préalablement explicitée à l'enfant, et faite en
présence de l'une des personnes énumérées au
principe 22. 26.Sitôt après son arrestation, l'enfant doit
être confié à l'organisme chargé de la protection de
la jeunesse.
Certains principes sous-tendent les observations et les recommdantions
que nous avons faites ailleurs dans ce rapport. Nous les
énumérerons ci-après sous forme de propositions. Nous
aimerions qu'elles inspirent, non seulement toutes interventions d'adultes dans
la vie des enfants, mais également la formulation d'autres droits. 1.
L'enfant a le droit d'être désiré et voulu par les
personnes qui en ont la charge et la responsabilité. 2.Toute
intervention auprès d'un enfant par quelque personne ou organisme que ce
soit doit tendre à favoriser la prise en charge de l'enfant par
lui-même et à l'aider à prendre la responsabilité de
sa personne et de ses actes. 3.L'enfant dont les parents travaillent, ou
doivent s'absenter, a droit à des services de garderies, munis d'un
personnel compétent et d'un équipement adéquat,
accessibles et d'un coût proportionnel aux moyens de ses parents.
4.L'enfant en milieu scolaire a droit à des activités qui
favorisent le développement optimal de ses intérêts et de
toutes ses ressources intellectuelles, émotives, psychiques ou sociales
et minimisent ses zones de mésadaptation ou de mal-fonctionnement.
5.L'enfant a droit à des activités sociales et culturelles, de
loisirs et de sports, adaptées à son âge et à son
stade de développement, accessibles et gratuites, qui lui permettent de
développer son potentiel de socialisation et de créativité
et ses aptitudes psychiques. 6. Dans toute évaluation de nature
psychiatrique, psychologique, sociale ou autre, l'enfant a le droit
d'être évalué en fonction de ses forces et de son
potentiel, et tout plan d'intervention ou de traitement auprès de lui
et/ou de sa famille doit viser le développement optimal de ses
ressources et minimiser ses zones de mésadaptation. 7. L'enfant a droit
à l'intervention ou à la solution qui provoque le moins de
changements ou de ruptures possible, dans ses relations socioaffectives avec
son milieu familial ou social culturel. 8.Lorsque l'enfant est placé
dans une famille d'accueil, cette famille doit avoir un style de vie et des
valeurs se rapprochant le plus possible de ceux de son milieu familial ou
social culturel. 9.L'enfant a le droit de n'être placé en milieu
institutionnel que si aucune autre ressources ne peut, dans les circonstances,
permettre le respect de ses autres droits. 10.L'enfant a droit à la
continuité des services, en particulier à ce que son
développement soit suivi à travers toutes les étapes par
une même personne, qui soit présente ou représentée
lors de toute prise de décision qui l'affecte, et que tous les
renseignements qui le concernent soient contenus dans un même dossier.
11.L'enfant en institution a le droit de mener une vie aussi semblable que
possible à celle de toute autre personne de son âge.
Nous recommandons donc.
(R-55)
Que la Loi de Protection de la Jeunesse soit une véritable charte
des droits des enfants et définisse des mécanismes sociaux et
judiciaires pour protéger ces droits".
Nous ne saurions trop insister auprès du gouvernement pour qu'il
fasse inclure dans la loi la liste fournie par le rapport Batshaw. Seule une
telle énumération de tous les droits de l'enfant, y compris les
obligations de la société envers lui, permettra de traduire dans
les faits le principe énoncé à l'article 3.
Le Directeur
Nous aimerions souligner trois aspects du rôle du directeur de la
protection de la jeunesse qui nous préoccupent:
1)
Compétence
L'article 29 mentionne que le directeur "agit sous l'autorité du
directeur général du centre de services sociaux". Or, l'une des
responsabilités du directeur consiste à s'assurer que l'enfant
reçoive du centre les services nécessaires; si, en même
temps, il relève directement du directeur général qui, en
dernier ressort, est responsable de s'assurer de la prestation desdits
services, il y a manifestement la possibilité de conflit
d'intérêts.
Pour éviter ce conflit d'intérêts, nous proposons
que le directeur relève directement du conseil d'administration.
Parallèlement, nous recommandons que l'article 48 du projet de loi No 65
soit amendé de sorte que les réunions des conseils
d'administration des institutions visées à cet article soient
publiques. Ainsi, on peut espérer que les cas de refus ou d'interruption
de prestations de services soient portés devant le public et non pas
simplement étouffés au sein même des institutions.
2)
Application des mesures
Les enfants et leur famille se heurtent aujourd'hui à des
difficultés pour obtenir les services pertinents. A l'article 52 du
projet de loi, ces difficultés sont résolues en ce qui concerne
les centres d'accueil: "Tout centre d'accueil...".
Nous estimons qu'il est important de préciser clairement les
pouvoirs qu'a le directeur de forcer les établissements sociaux ou
hospitaliers, aux articles 46b et 57. L'article 47b stipule que le directeur
"peut confier l'enfant...". Cette formulation laisse persister une
ambiguité sur le droit qu'aurait l'établissement de refuser.
3)
Mesures volontaires
Comme nous l'avons mentionné, l'introduction de mesures
volontaires nous paraît positive. Mais nous craignons aussi que le
directeur, au lieu d'élaborer un programme acceptable par toutes les
parties intéressées (lui-même, l'enfant et la famille)
n'essaie d'imposer unilatéralement des mesures inacceptables en
soutenant que le tribunal pourrait décider des mesures encore plus
dures.
Pour éviter un tel écueil, nous recommandons que l'enfant
et sa famille puissent se faire assister d'un adulte de leur choix pour
s'assurer que le directeur essaie honnêtement de trouver des mesures
acceptables pour tous. Si ces témoins estiment qu'il n'y a pas eu
tentative honnête de la part du directeur, ils pourraient en informer la
Commission et le conseil d'administration du centre de services sociaux
concerné afin d'instituer une enquête.
4)
Pouvoirs discrétionnaires
Nous sommes préoccupés par les pouvoirs
discrétionnaires accordés par l'article 32 du directeur. Nous
admettons que ces pouvoirs soient nécessaires dans certains cas mais la
possibilité d'abus existe, selon nous. Pour assurer un contrôle
plus efficace de ces pouvoirs, nous proposons: - que les pouvoirs
d'enquête prévus au projet de loi ne soient utilisés que si
le Comité ou le directeur a reçu une plainte; - que l'utilisation
de ces pouvoirs soit exposée par écrit à la commission
dans les soixante-douze heures; -que les parents et l'enfant aient le droit de
se faire assister d'un adulte; -que les parents et l'enfant aient le droit de
déposer une plainte auprès du directeur ou de la commission s'ils
estiment qu'il y a eu abus ou violation de leurs droits.
Unités sécuritaires
A l'article 87 e, on peut lire ce qui suit: "Ordonner..."
Placer un enfant dans une unité sécuritaire nous
paraît être une mesure à ne prendre qu'en dernier recours.
Nous estimons donc qu'il faudrait supprimer la phrase "s'il est d'avis que
l'enfant...". Si
un enfant ne représente pas un danger pour lui-même ou pour
autrui, nous pensons qu'on ne devrait pas le mettre en unité
sécuritaire.
Un autre point ne nous semble pas clair: le juge a-t-il le droit de
renouveler l'ordonnance d'hébergement en unité
sécuritaire? Aussi, pour éclaircir ce point et d'autres, nous
proposons d'insérer dans la loi les règles suivantes: 1) Un
enfant ne pourra être placé en unité sécuritaire
s'il n'est pas assisté d'un avocat. 2) L'hébergement en
unité sécuritaire ne doit être qu'une étape d'un
programme approuvé par le tribunal. 3) L'article 53 doit être
amendé pour obliger le directeur à revoir la situation tous les
mois et à s'assurer du traitement que reçoit l'enfant en
unité sécuritaire. 4)Aucun enfant ne doit rester en unité
sécuritaire plus de six mois d'affilée. 5) Si, après les
trois premiers mois, une prolongation du séjour se révèle
nécessaire, elle ne peut être décidée que devant le
tribunal après qu'on aura prouvé que l'enfant peut être un
danger pour lui-même ou pour autrui.
Nous estimons que ces règles sont nécessaires pour
éviter les abus courants du système de détention et pour
s'assurer que la détention est appliquée à titre de
traitement et non de punition. Nous entendons l'expression unité
sécuritaire comme désignant un établissement clos.
Audiences publiques
L'article 77 rend publiques les audiences qui se tenaient jusqu'ici
à huis clos. Le huis clos n'est prononcé qu'à la demande
des parents ou de l'enfant. Nous comprenons la démarche de pensée
du gouvernement, mais nous estimons que l'audience publique et le huis clos
constituent deux extrêmes.
Aussi, nous recommandons que les audiences soient interdites au public
mais qu'on y autorise la ou les personnes dont les parents ou l'enfant
souhaitent la présence. En cas de désaccord entre l'enfant et les
parents sur le choix de ces personnes, le souhait de l'enfant
prévaudra.
Nous estimons que ce compromis respecte les intentions du gouvernement
tout en évitant que l'audience ne dégénère en
attraction malsaine.
Nous aimerions maintenant examiner l'article 79 qui donne au juge le
pouvoir d'exclure l'enfant ou une autre personne de l'enceinte du tribunal
lorsqu'on y présente des informations qui pourraient être
gravement préjudiciables.
Nous savons par expérience que l'exclusion des parties
intéressées de l'enceinte du tribunal est une pratique favorite
des professionnels qui évitent ainsi de faire partager à leurs
clients leurs vues, pertinentes ou non. On en profite alors pour fournir des
renseignements non confirmés, émettre des opinions, susciter des
soupçons, etc. Nous pensons que ce qui ne peut être dit en
présence des parties intéressées doit être
tû.
C'est pourquoi nous préconisons la suppression de l'article
79.
Tutelle
Eloigner un enfant de ses parents de façon permanente est une
décision très grave et qui doit être précisée
à tous les intéressés. Nous trouvons l'article 67b assez
vague par endroits. Par exemple, qu'entend-on par "abandonné,
incapacité, refus ou négligence des parents de s'occuper de
l'enfant"?
Nous estimons que les termes de l'article 67b doivent être
précisés afin que tous connaissent bien les règles de la
tutelle et que rien ne soit laissé à l'interprétation
subjective.
Dossiers
La question des dossiers conservés par le tribunal nous
préoccupe à plusieurs titres: 1) Les articles 55 et 94
mentionnent l'accessibilité aux dossiers à des fins de recherche.
Mais à qui incombe la responsabilité de protéger
l'anonymat de l'enfant et des parents? Est-ce au chercheur ou à la
magistrature? 2) L'article 95 stipule que le dossier doit être
détruit quand la personne visée atteint l'âge de dix-huit
ans. Mais qu'advient-il de celui qui, à dix-neuf ans, veut s'appuyer sur
un dossier pour intenter une action au civil pour le traitement subi dans le
système? Où pourra-t-il se procurer sa documentation? 3)
L'article 86 précise que le dossier est fermé si l'enfant n'a
plus besoin de protection ou n'a pas enfreint la loi. Pourquoi alors garder un
dossier? Ce dossier est-il considéré comme interdit si l'enfant
ou les parents devaient un jour revenir devant le tribunal?
Pour éliminer ces ambiguités, nous proposons de changer
radicalement d'approche vis-à-vis du dossier. Nous recommandons que
celui-ci soit considéré comme la propriété de
l'enfant ou, s'il a moins que quatorze ans, celle des parents.
Si l'enfant n'a plus besoin de protection ou n'a pas enfreint de loi, le
dossier devrait être remis aux parents sur-le-champ.
Si au contraire l'enfant a besoin de protection ou a enfreint la loi, le
dossier devrait être confié au tribunal jusqu'à ce que
l'enfant ait atteint l'âge de dix-huit ans (sauf dans les cas
prévus à l'article 129); à ce moment, le dossier lui sera
remis. Dans les cas prévus à l'article 129, le dossier sera remis
à l'âge de 21 ans.
De même, les dossiers des établissements doivent être
considérés comme propriété de l'enfant et des
parents. Toute recherche comme celles prévues à l'article 55 et
à l'article 94 doit être précédée de l'accord
de l'enfant s'il a quatorze ans, ou de ses parents.
Permanence des services
Nous préconisons que l'article 31 énumère avec
précision les services qui doivent faire l'objet d'une permanence. Nous
savons par expérience que l'on interprète souvent cette
expression en la restreignant à une permanence
téléphonique ou, au mieux, à la liaison possible en
permanence avec un travailleur social. Il faudrait donc préciser dans la
loi tous les services de nature permanente.
Droit de la preuve
A l'article 57, on mentionne une décision du directeur et du
représentant du Ministère de la justice pour les cas
prévus à l'article 56. Or un enfant tombant sous le coup de
l'article 56a peut ne jamais être jugé coupable avant d'accepter
une sentence de facto. Cela nous paraît constituer une violation des
droits de la personne et rend l'enfant vulnérable: on pourrait le
menacer d'une sentence plus sévère du tribunal pour lui faire
accepter la sentence "volontaire".
Nous recommandons qu'à moins que l'enfant ne reconnaisse
librement et de façon répétée sa culpabilité
devant la commission, il puisse faire établir sa culpabilité ou
son innocence avant qu'on n'impose aucune mesure. S'il est jugé
coupable, il rencontre alors le directeur et le représentant du
Ministère pour les fins de l'article 57.
Il doit également pouvoir se faire assister d'un adulte lors des
discussions prévues à l'article 57.
Mesures urgentes
En examinant la section II et en particulier l'article 42, nous
remarquons qu'au chapitre des mesures d'urgence on prévoit surtout de
faire garder l'enfant.
Mais si l'on veut sincèrement éviter autant que possible
le placement de l'enfant, il faudrait mettre d'autres solutions à la
disposition du directeur, par exemple l'aide domicile, un abri d'urgence pour
l'enfant et l'un des parents au moins, une aide financière,la famille,
etc. Si de telles solutions ne sont pas prévues, on ne peut
espérer réduire le nombre de placements inutiles.
Autres préoccupations
Nous allons maintenant exposer brièvement certaines remarques
à propos d'articles de la loi que nous n'avons pas abordés plus
haut.
Article Remarques 7 Prévoir la consultation une semaine avant le
transfert théorique. 12 Prévoir un représentant des
consommateurs. 22 b Sous quelle forme donnera-t-il cet encouragement? 25 Nous
ne pensons pas que le caractère confidentiel des dossiers du centre
puisse souffrir une exception en faveur de la commission. 34 Copie doit en
être transmise également aux parents et à l'enfant avec
mention de leurs droits de consommateurs (loi 65, article 48). 35g A
éliminer. L'article 35 b et la loi sur les malades mentaux suffisent. 41
Nous proposons 48 heures. 53 Nous proposons une périodicité de
six mois. 60 (2e al.) Que représentent des "motifs valables"? Cela ne
devrait se faire qu'à la demande de la personne. 65 Seulement si le cas
n'est pas réglé et si l'enfant a fait l'objet d'un traitement
planifié. 72 (2e al.) Egalement à l'enfant s'il a une adresse
différente de celle des parents. 78 La même interdiction devrait
s'appliquer aux publications de la Cour Supérieure et de la Cour d'Appel
pour les dossiers émanant du Tribunal de la jeunesse. 92 L'enfant de
moins de 14 ans devrait avoir le même droit, surtout si, en vertu de
l'arti- cle 75, il a été jugé que ses
intérêts divergent de ceux de ses parents.
ANNEXE C
Plaidoyer
du
Comité de citoyens de la Cour Juvénile
Bord-du-Lac (West Island)
à la Commission parlementaire
sur Le projet de loi 24 sur la protection de la
jeunesse
14 octobre 1977 Comité de Citoyens de la Cour
Juvénile
Nous proposons que chaque cour du bien-être social devrait
s'adjoindre une commission de service à la jeunesse.
Les membres de cette commission seraient élus lors d'une
assemblée publique de citoyens intéressés.
Les attributs de la commission de service à la jeunesse seraient
les suivants: 1. de voir à l'application de la loi; 2.d'aviser la
population de l'existence de la loi; 3.de recevoir, étudier les plaintes
et agir en conséquence; 4.d'aviser la population des lacunes existantes
au niveau de la communauté ou de l'administration; 5.d'agir comme agent
catalyseur pour la communauté dans la mise en pratique de programmes de
prévention ou de correction;
Nous proposons que la commission de service à la jeunesse
reçoive du gouvernement provincial un budget servant à payer un
secrétariat.
Il
Nous proposons que le directeur de la protection à la jeunesse
soit lié à chaque cour et que la commission de service à
la jeunesse locale soit responsable de ce poste.
Ill
Nous proposons que les inquiétudes et les problèmes
découlant de la justice juvénile soient confiés au
directeur de la protection juvénile de la cour locale qui s'efforcera de
régler les problèmes et d'informer la commission.
Nous proposons que la commission de service à la jeunesse ayant
consulté le directeur de la protection juvénile, s'adresse
directement au comité de la protection de la jeunesse quand elle le
jugera nécessaire afin de hâter les décisions.
IV
Nous proposons qu'un poste soit légalement désigné
pour développer les ressources nécessaires afin de mettre en
oeuvre la philosophie de la loi 24.
V
Nous proposons que la loi 24 inclue les structures proposées dans
la loi 9 et celles en vigueur dans la loi 78 (décembre 1974).
VI
Nous proposons qu'une loi sur les Droits des Enfants soit
légiférée immédiatement afin de clarifier la
philosophie de base de la loi 24 et toute autre législation
inhérente.
VII
Nous proposons que les assesseurs de la Cour locale soient
engagés par le Ministre de la Justice et le Ministre des Affaires
Sociales à même une liste de citoyens compétents
compilée par la Commission des Services à la Jeunesse locale.
VIII
Nous proposons que la loi 24 soit revisée pour éviter tout
conflit avec la législation existante tel que les clauses de garde des
enfants du Divorce et du Code Civil en ce qui concerne les procédures de
chambre et pension dans les cas de séparation.
A cet égard il est à noter que la loi utilise une
terminologie extrêmement vague dans les articles 30 et 35. Ces articles
accordent une discrétion considérable au Directeur de la Jeunesse
dans les pouvoirs d'interprétation du contenu des différents
sous-paragraphes.
Le pouvoir que le Directeur a de déléguer son
autorité a une autre personne en soi peut conduire aux abus. Ce pouvoir
devrait être strictement contrôlé et devrait être
utilisé seulement dans les circonstances exceptionnelles.
L'article 102a devrait être clarifié afin de
déterminer si deux ou quatre assesseurs devraient assister la Cour
Juvénile.
IX
La commission de service à la jeunesse est plus avantageuse que
la proposition gouvernementale et voici pourquoi: 1.elle est plus
malléable; 2.elle doit rendre compte à la communauté;
3.elle a une responsabilité locale; 4.elle sert de baromètre dans
la communnuté; 5. elle aide à éliminer une bureaucratie
coûteuse et encombrante telle que proposée par le gouvernement;
6.elle est humaine et respecte la valeur et la dignité de
l'individu.
Nous vous prions d'incorporer le concept des comités locaux dans
la législation de la jeunesse, en regard de la politique gouvernementale
de participation démocratique de la population.