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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 27 octobre 1977 - Vol. 19 N° 217

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi 24 - Loi sur la protection de la jeunesse


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi no 24 Loi sur la protection de la jeunesse

(Seize heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames, messieurs!

Reprise des travaux de la commission conjointe des affaires sociales et de la justice pour l'étude du projet de loi no 24. Nous allons entendre les mémoires.

Les membres de la commission sont M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron (Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. La-vigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt (Jonquière).

On demande de ne pas fumer dans la salle, s'il vous plaît, pour les mêmes raisons que les autres jours. On ne peut pas ouvrir les fenêtres. Il fait terriblement chaud.

Les organismes que nous entendrons aujourd'hui sont le Centre d'accueil Berthelet Inc., Lucie Joyal, Louise Miron, Réjane Rancourt, Fer-nand Tremblay; le Centre de services sociaux Ville-Marie, la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

J'appelle le Centre d'accueil Berthelet Inc.

J'aimerais aussi dire à tous les organismes qui sont dans la salle de se préparer pour la présentation de leur mémoire avec un exposé très court, parce que nous serons obligés de limiter le temps aujourd'hui, puisqu'on a cinq organismes et qu'on n'aimerait pas renvoyer les gens chez eux sans les avoir entendus.

Monsieur, si vous voulez identifier votre organisme, s'il vous plaît, avec les membres qui vous accompagnent.

Centre Berthelet Inc.

M. Lavigne (Guy): Ici le Centre Berthelet Inc. Mon nom est Guy Lavigne, président du conseil d'administration. J'ai à mes côtés, à ma droite, M. Jean-Marie Carette, directeur général; M. Pierre Charbonneau, avocat, conseiller juridique; à ma gauche, M. Raymond Chouinard, directeur adjoint au service de réadaptation et M. Gilles Daoust, membre du conseil d'administration et responsable de la formation au Centre d'accueil Berthelet.

M. le Président, honorables ministres, membres de la commission, compte tenu de l'importance de son rôle social, en raison de fa sévérité des handicaps des jeunes qui sont confiés au centre Berthelet, le conseil d'administration a tenu à déposer devant cette commission parlementaire un mémoire contenant des observations que nous jugeons valables et certaines recommandations que nous tenons pour essentielles. La nécessité de ce projet de loi nous apparaît d'abord indiscutable. Nous croyons, cependant, de la plus haute importance d'intervenir dans ce débat, et spécialement, sur trois points majeurs. Ces points sont les suivants: Premièrement, le droit de l'enfant; deuxièmement, la réadaptation dans un centre à support sécuritaire; troisièmement, l'importance et la nécessité d'établir une concordance du projet de loi 48 sur les services sociaux et de santé et la Loi des jeunes délinquants.

Puisqu'on nous a demandé de réduire le plus possible ce mémoire, nous expliciterons davantage ces points pendant la discussion qui, normalement, devrait suivre, tout en espérant, cependant, que la commission n'en réduira pas pour autant nos recommandations finales. Nous avons accepté de résumer et de synthétiser ce mémoire en escomptant bien que la commission nous donnera la possibilité d'en préciser les points les plus importants. Ici, je voudrais simplement vous donner une idée rapide de ce qui se passe au centre d'accueil Berthelet. Je résume.

Suite à l'émeute et aux difficultés de novembre 1974 — tout le monde est au courant qu'en 1974, à Berthelet, il y a eu une émeute assez importante — qui avaient provoqué l'éclatement du centre, une réorganisation majeure du centre a été mise en application.

Premièrement, le ministre a confié au centre le mandat de mettre en place des services de démarrage et de réadaptation en milieu, offrant un support sécuritaire pour les jeunes de 14 à 18 ans soumis à la Loi des jeunes délinquants.

Deuxièmement, les critères d'admission sont ainsi adaptés. Les garçons admis au centre présentent des handicaps très sévères au niveau de leur personnalité et nécessitent, suite aux échecs répétés dans des services plus ouverts, ce type d'intervention plus particulier.

Le jeune confié au centre a fait l'objet d'une évaluation préalable, faisant état d'un degré de danger certain et de l'impossibilité d'utilisation de mesures en milieu ouvert.

Troisièmement, une refonte complète des programmes est alors amorcée pour permettre à l'enfant de recevoir un traitement approprié à son état, plutôt que de subir une détention passive.

Quatrièmement, des mécanismes de formation du personnel ont été mis en place pour permettre une application beaucoup plus valable des programmes modifiés. Une qualification du personnel éducateur se développe de plus en plus, et les jeunes peuvent s'inscrire dans des programmes de traitements adaptés à leurs attentes.

Cinquièmement, les locaux ont été réaména-

gés pour permettre l'application plus fonctionnelle des programmes de traitements et une humanisation de leur séjour au centre.

Sixièmement, un contrat de service scolaire a été conclu avec la CECM pour la scolarisation des jeunes.

Septièmement, la création du comité régional d'admission nous permet d'offrir des services à une clientèle spécifique — parce qu'en fin de compte, Berthelet n'est pas un fourre-tout — et d'agir en complémentarité avec les autres centres.

Huitièmement, la mise sur pied du service de réinsertion nous permet d'offrir une continuité de l'action thérapeutique, de l'arrivée du jeune au centre jusqu'à son intégration sociale.

Telle est, globalement, la situation du centre d'accueil Berthelet aujourd'hui. Cependant, il nous apparaît essentiel d'intervenir auprès de la commission, parce que le nouveau projet de loi risque de faire vivre à Berthelet la situation de marasme vécue durant les années antérieures et de recréer les mêmes malaises qui ont nécessité la commission Batshaw.

Revenons un instant aux trois points majeurs qui nous préoccupent sérieusement; d'abord, les droits de l'enfant. Pour que ce projet de loi devienne un outil vraiment efficace, nous pensons, premièrement, que la définition des droits des enfants devrait être revue et précisée, de sorte que cette loi devienne vraiment une charte des droits des enfants.

Deuxièmement, nous croyons que les articles de ce projet de loi visent plus à protéger l'enfant des abus toujours possibles des organismes qui doivent s'en occuper, plutôt que de mettre l'accent sur une meilleure cohérence dans les services qui en ont vraiment la charge.

Nous suggérons donc, à ce point-ci, que soient insérés dans le projet de loi, au chapitre II, deux articles, à savoir, premièrement, l'article 17 de la déclaration des droits de l'enfant proposée par le CQEE, dans le volume 10 no 4, et, deuxièmement, la résolution du Congrès mondial de Beyrouth en 1963, de la Commission mondiale des droits de l'enfant inadapté.

Nous préciserons durant les discussions les effets de l'addition de ces deux articles.

Le deuxième point important que nous voulons expliciter est le suivant: La réadaptation dans un centre à support sécuritaire. Vous n'êtes pas sans savoir que Berthelet recueifle, en général, des jeunes qui ont, à toutes fins pratiques, épuisé en grande majorité toutes les alternatives, ou presque, du réseau. En conséquence, on peut les considérer comme les rejetés des rejetés.

Dans plusieurs cas, pour ces jeunes, Berthelet est le recours ultime avant d'être déférés aux tribunaux pour adultes.

Le conseil d'administration et toute l'équipe interne de Berthelet croient et sont convaincus au plus profond d'eux-mêmes que, malgré tout, la réadaptation est possible. Nous croyons fermement que ce projet de loi ne nous donne pas les instruments de travail nécessaires et même qu'il constitue dans sa forme actuelle un retour en arrière.

Nous nous refusons à un tel retour en arrière, considérant l'amélioration de notre personnel, le meilleur climat qui règne à Berthelet et les résultats obtenus depuis les deux dernières années.

Après avoir changé de vocation, c'est-à-dire après être passés, entre guillemets, de prison pour enfants à un vrai centre de réadaptation, nous nous refusons de redevenir ce genre de milieu strictement sécuritaire où le jeune délinquant venait faire simplement du temps.

C'est dans ce sens que le projet de loi, tel que rédigé actuellement, nous inquiète fortement. Nous pourrons expliciter davantage sur le sujet plus tard.

Les articles 8 et 9 du projet de loi garantissent la confidentialité des communications du jeune avec sa famille et avec d'autres personnes. Quant à l'article 9, à notre point de vue, il ouvre la porte à des communications extrêmement légalistes entre les jeunes et le personnel. Ils font aussi l'objet de sérieuses inquiétudes de notre part.

Il nous semble que l'article 9 pourrait très bien être formulé selon les principes 14, 15 et 16 du rapport Batshaw. Suite à cet exposé, je vous réfère à notre mémoire original, à la page 11, qui détaille nos recommandations.

Premièrement, nous proposons que tout placement en centre d'accueil à support sécuritaire se fasse à partir d'un plan de traitement précis et particulier du sujet dont la durée et les objectifs seraient révisés périodiquement.

Deuxièmement, que les critères d'admission — c'est là, pour nous, une chose extrêmement importante — devant être adoptés par le conseil d'administration d'un centre d'accueil en vertu des dispositions de l'article 3.4.3 des règlements de la loi 48, soient l'objet d'approbation par le ministre des Affaires sociales.

Troisièmement, qu'un centre d'accueil ne soit pas tenu d'admettre une personne qui ne satisfait pas à ses critères d'admission approuvés par le ministre des Affaires sociales, sauf pour les cas d'urgence pouvant être fournis par le centre.

Quatrièmement, que le projet de loi prévoie, de façon explicite, la possibilité pour un centre d'accueil, d'intervenir dans le processus d'orientation d'un jeune et ce, tant au niveau du directeur et de la personne désignée par le ministre de la Justice, qu'au niveau du tribunal.

Cinquièmement, évidemment, on en a parlé, que les articles 8 et 9 du projet soient corrigés en tenant compte des principes 14,* 15, 16 du rapport Batshaw.

Sixièmement, que le projet prévoit également l'établissement de normes et standards qui doivent exister dans les centres d'accueil.

Ces recommandations nous apparaissent d'une absolue nécessité pour poursuivre le travail déjà si bien amorcé à Berthelet. En terminant, je vous demande d'attacher également toute l'importance nécessaire concernant la dernière partie de notre mémoire original, de la page 12 à la fin, et touchant la nécessité d'établir une concordance du projet de loi 24 avec le chapitre 48 sur les services sociaux et les services de santé et la Loi des jeunes délinquants. Il y a là, à notre sens, des am-

biguïtés dangereuses que la future loi devrait clarifier.

Au nom du conseil d'administration et de tout le personnel de Berthelet, je tiens à vous remercier de votre bienveillante attention et j'ose espérer que vous tiendrez compte de nos recommandations que nous considérons comme justifiées et justifiables. Ayant terminé ce mémoire, je demanderais, M. le Président, avec votre permission, que les membres de la commission veuillent bien diriger leurs questions au directeur général qui est quand même plus apte... il est dans la boîte. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les membres du Centre Berthelet de leur mémoire.

Je sais fort bien et je ne suis pas le seul, je pense, parmi les membres de cette commission à savoir que vous avez vécu et que vous vivez très intensément ce problème, toute la question, au fond, de la protection de la jeunesse.

Je voudrais également profiter de cette occasion — parce que vous l'avez évoqué au début de la présentation de votre mémoire — d'indiquer en même temps pour tous les groupes, aussi bien ceux qui sont ici que pour les autres, que, malgré le temps forcément limité dont on dispose pour rencontrer chaque groupe, et même, le cas échéant, advenant que la commission déciderait qu'elle s'estime suffisamment bien éclairée et bien informée — il se pourrait qu'il y ait même des groupes qui ne soient pas entendus — soyez assurés que tous et chacun des mémoires ont été reçus par les membres de la commission; les recommandations en sont non seulement lues, étudiées, mais elles seront largement discutées puisqu'il ne s'agit, à ce moment-ci, que d'une des étapes de nos travaux.

On aura l'occasion de poursuivre nos travaux en deuxième lecture et après, on en fera l'examen article par article. Soyez donc assurés qu'on va examiner bien attentivement tous et chacun des mémoires. D'autre part, je voudrais bien faire comprendre et replacer le sens de rencontres comme celles d'aujourd'hui: ces rencontres nous permettent, suite à un premier examen, une première lecture, en vous posant des questions, en échangeant avec vous, de vous aider à éclaircir un certain nombre de points ou d'éléments au soutien de vos recommandations; elles vont nous permettre aussi de mieux les évaluer à leur mérite et de prendre une décision.

Là-dessus, je voudrais, très rapidement, vous poser simplement deux questions: l'une porte sur ce que vous appelez les principes ou les droits, d'une part; l'autre porte sur cette fameuse question des critères d'admission. Quant aux droits, que vous évoquez à la page 5 de votre mémoire, vous nous proposez pour élargir ce que vous avez appelé dans un sens une charte des droits, d'insérer deux principes qui sont mentionnés. Je ne veux pas les relire, mais l'un porte sur l'enfant, physiquement, psychologiquement, mentalement désavantagé et l'autre fait état de la nécessité d'un travail d'équipe. Il me semble que, quant au deuxième qui est là, ça doit être une des données essentielles dans les faits que cette nécessité que tous et chacun des agents impliqués, à quelque niveau que ce soit du réseau, dans le sens des groupes communautaires qui peuvent être concernés aussi, contribuent à ce que se fasse un travail d'équipe. C'est à cette première condition qu'on arrivera sûrement à développer une meilleure protection de la jeunesse.

Quant au premier, est-ce que vous ne pensez pas que — c'est peut-être une question de jargon juridique, la façon dont un texte de loi est rédigé, c'est un jargon très particulier — la notion de sécurité, du développement de l'enfant, comme c'est explicité, notamment, aux articles 35 et suivants, prévoit déjà l'essentiel de cela? C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur les critères d'admission. Ici, je laisserais le soin à d'autres, parce qu'on a eu l'occasion d'en discuter déjà avec l'organisme qui regroupe les centres d'accueil, qui s'est présenté devant nous déjà.

Comment conciliez-vous — il me semble que c'est une question clé; elle peut se comprendre, elle se défend peut-être, en un certain sens — le principe de l'autonomie des centres d'accueil d'une part, et, dans la même lancée, les critères d'admission, avec cette réalité?

Pour reprendre une de vos expressions, vous avez dit: On a chez nous les rejetés des rejetés. Comment concilie-t-on l'autonomie des critères d'admission, je comprends que vous avez dit, sous réserve, que les règlements ou les critères soient acceptés par le ministre, avec la possibilité, en conséquence, une fois tout cela bien établi, de refus d'admettre un jeune?

Est-ce que, dans le cas précisément de ceux que vous avez qualifiés les rejetés des rejetés, à cause d'un corridor trop fermé, advenant un refus, des jeunes comme ceux-là ne risqueraient pas de devenir des rejetés parmi les doublement rejetés?

M. Carette (Jean-Marie): Pour répondre à votre deuxième question, nous croyons important que les critères d'admission, ceux que nous suggérons, soient des éléments majeurs qui permettent à Berthelet de remplir réellement son rôle de centre d'accueil, face à des jeunes, avec un support plus sécuritaire, en situation de difficlutés plus grandes.

La situation historique passée faisait que Berthelet, centre de première zone, était continuellement obligé de recevoir des jeunes qui ne nécessitaient pas des mesures de ce type, de cet ordre-là. Des critères d'admission dûment établis nous permettraient justement d'offrir des services à des jeunes qui en ont plus spécifiquement besoin.

M. Chouinard (Raymond): Pour compléter ce qu'il disait, je pense que ce qui est important, lorsqu'on parle des rejetés parmi les rejetés, de l'importance des critères d'admission, il y a vraiment un lien direct, c'est qu'il y a des enfants...

Les enfants qui sont chez nous ont fait, en moyenne, 3 ou 4 institutions. Cela veut dire qu'ils ont eu au moins quatre placements institutionnels, lorsqu'ils arrivent au Centre Berthelet.

Qu'est-ce qu'on découvre, finalement? C'est que ces enfants, leurs vrais besoins n'ont jamais été évalués, ils n'ont jamais eu de réponses aux problèmes que leur comportement posait, parce qu'à la suite d'un travail d'un an, de 1975 à 1976, dans une unité d'observation — c'est expérimental — on a accepté, sans critère d'admission — parce qu'à ce moment-là, on faisait de l'accueil, on était sur la première ligne, comme on l'appelle — soixante jeunes à Berthelet, cela veut dire en milieu sécuritaire. On a demandé au juge qu'ils passent huit semaines au maximum et, après huit semaines, on donnerait exactement au juge les recommandations professionnelles pour pouvoir procéder au placement des jeunes.

Lorsque le jeune arrivait, on lui disait: Tu es huit semaines à Berthelet pour que, nous autres, on regarde, les professionnels, les éducateurs, avec l'équipe multidisciplinaire, les psychologues, les criminologues et, au besoin, les psychiatres, les médecins, les professeurs, etc., exactement ce qui fait que tu perds ta liberté et ce qu'il te faut pour pouvoir vivre comme tout le monde, dans la normalité. Sur ces soixante jeunes, au bout de l'année, on en a gardé uniquement sept en milieu sécuritaire qui avaient vraiment besoin d'un traitement, d'une période, d'un séjour en milieu sécuritaire. On en a placé 26 dans des centres ouverts, trois en psychiatrie et les autres sont tout simplement retournés chez eux. Sur les jeunes qu'on a placés dans d'autres centres, la majorité des cas sortaient de Berthelet qui était un centre sécuritaire, s'en allaient chez eux, attendaient la date d'entrée dans l'autre centre et, la journée venue, ils prenaient l'autobus et s'en allaient soit à Bosco, soit au Mont Saint-Antoine.

Pourquoi? Parce que le gars savait exactement ce qu'il lui fallait pour régler son problème. Lorsqu'on parle de l'importance des critères d'admission, c'est que, dans ta boîte, tu ne peux pas faire 56 choses. Ce n'est pas la superspécialisation, parce qu'on tombe dans un autre "bag", sauf que, ton bonhomme, quand il entre chez toi, tu dois lui dire ce que tu fais dans ta boîte. Si tu fais ce qu'on appelle du "parking", tu dois avoir l'honnêteté de lui dire: Ici, mon vieux, tu attends. Tu attends que quelqu'un décide, quelqu'un de l'extérieur, ou, si c'est toi qui es responsable de lui, tu lui dis: C'est ici qu'on va t'aider à régler tes problèmes. C'est ici qu'on va amorcer les solutions. Si on n'est pas capable, si, nous autres, on ne possède pas la solution, on va te diriger où est la solution. C'est pour cela que c'est très important, pour le respect des jeunes et des rejetés parmi les rejetés... Parce qu'on a des chiffres là-dessus, ce sont des jeunes qui ont vraiment été mal évalués. Mal évalués, cela veut dire que, souvent, ils arrivaient avec absolument rien dans le dossier ou ils arrivaient avec toutes sortes de rapports qui, finalement, se contredisaient les uns les autres.

On ne peut pas faire un rapport psychologique seul d'un jeune. On ne peut pas faire un rapport social, une évaluation sociale pour justifier un placement de jeune, comme aussi on ne peut pas faire la question criminologique de ses délits. C'est l'ensemble de ces trois rapports ou de l'évaluation de son comportement, de ses délits, de son milieu, en langage caricaturé, de ses "bibi-tes", qui fait qu'on peut envisager tel et tel moyen. C'est très important.

Le Président (M. Laplante): Je vais être obligé de vous arrêter, monsieur. Je ne voudrais pas être impoli, mais je ne voudrais pas entendre parler de l'administration de Berthelet. Il faudrait s'en tenir au contenu du mémoire ou de la loi 24, telle qu'elle est présentée, concernant les autres questions qu'il y aura à poser sur votre mémoire.

M. Shaw: Excusez-moi, M. le Président, mais c'est très important. Cela implique l'application de cette loi au centre Berthelet. Si on a une loi qui va provoquer l'application de différents moyens, on doit comprendre qu'il y aura certains problèmes qui vont se produire à cause de ce projet de loi. Un de ces problèmes, c'est l'application même au centre Berthelet. Mes questions concernent d'abord ce domaine.

M. Lavigne (Guy): M. le Président, j'imagine très mal quels pouvoirs on peut détenir, s'il n'y a pas de critères d'admission. Comment peut-on évaluer quelqu'un, comment peut-on...

Le Président (M. Laplante): Non, ce dont je veux parler, monsieur, ce sont des critères d'admission. On n'en parle plus, en vertu de cette loi...

M. Lavigne (Guy): On veut vous montrer l'importance.

Le Président (M. Laplante): ... mais ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on entre dans les petits détails. C'est cela que je ne voudrais pas.

M. Lavigne (Guy): Oui, d'accord.

Le Président (M. Laplante): C'est surtout cela que je voudrais éviter.

M. Lavigne (Guy): Vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Laplante): D'accord?

M. Lavigne (Guy): On veut mettre l'accent sur cela, parce que, pour nous, c'est très important. Alors, on peut passer à d'autres questions maintenant. On a donné notre opinion sur cela.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Merci. M. Marois: On a compris votre message.

Le Président (M. Laplante): Vous avez d'autres questions? M. le ministre.

M. Lazure: Oui. Je veux d'abord reconnaître le travail ingrat que fait l'équipe de Berthelet. J'ai été à même, depuis plusieurs années, d'avoir des contacts de toutes sortes avec cette institution. Je suis le premier à lui rendre hommage pour les efforts considérables qui ont été faits, pour améliorer la qualité des services depuis quelques années.

Je vais m'en tenir à quelques réactions, suite à vos cinq recommandations. Que tout placement en centre d'accueil se fasse à partir d'un plan de traitement, je ne vois rien dans ce projet de loi qui soit à l'encontre de ce souhait, de cette première recommandation et, si oui, j'aimerais bien que vous nous le disiez tantôt.

La deuxième recommandation, les critères d'admission.

Dans l'état actuel des choses, et suivant une politique de ce gouvernement qui, en fait ne fait qu'accentuer une politique qui avait été commencée par l'autre gouvernement, plutôt que les critères d'admission d'une institution aient à être approuvés par un ministre, nous préférons que ces critères d'admission soient discutés, soient débattus au sein de ce qui existe maintenant ou va exister incessamment pour la région de Montréal, une commission administrative pour les mésadaptés sociaux, accrochée au conseil régional des services de santé et services sociaux.

Le but de la création de cette commission administrative est justement de pouvoir décentraliser une bonne partie des juridictions qui appartenaient au ministère des Affaires sociales. Donc, nous en sommes pour les critères d'admission, mais nous pensons que ça doit être établi régiona-lement et qu'il doit s'effectuer un effort pour qu'aucun enfant ne tombe entre deux chaises, pour que les critères d'admission de toutes les institutions pour mésadaptés sociaux dans votre région, par exemple, se complètent les uns les autres, de sorte que tout enfant trouvera un endroit où il pourra recevoir le service approprié.

Vous avez reconnu, qu'en cas d'urgence, un établissement—le vôtre ou n'importe quel autre — peut être appelé à recevoir un enfant de façon obligatoire; provisoire et obligatoire en cas d'urgence. Là-dessus, je pense qu'on n'a pas de dispute. Il reste les cas non urgents. Comme on a eu l'occasion de le dire avant-hier avec l'Association des centres d'accueil, nous sommes prêts à examiner de nouveau cet article du projet de loi, de façon qu'on tienne compte davantage des comités d'admission qui existent actuellement et, forcément aussi, des critères d'admission. Notre souci, ce sont les cas d'urgence, d'une part, et, d'autre part, que dans les cas non urgents, personne ne tombe entre deux chaises.

Troisième recommandation, je ne comprends pas trop bien ce que vous voulez dire: "Qu'un centre d'accueil ne soit pas tenu d'admettre une personne qui ne satisfait pas à ses critères d'admission... sauf pour les cas d'urgence pouvant être fournis par le centre".

M. Lavigne (Guy): C'est en supposant que vous avez accepté, à ce moment-là, de mettre des critères d'admission. En supposant ça, c'est une hypothèse, ça.

M. Lazure: Oui, alors, ça rejoint ce que je viens de dire.

La quatrième recommandation, à savoir que le centre intervienne dans le processus d'orientation, non seulement on n'a pas d'objection et je ne vois pas ce qui, dans le projet de loi, s'y opposerait, mais on tient pour acquis que chaque centre d'accueil va vouloir intervenir dans le processus de réorientation en collaboration avec la direction de la protection de la jeunesse.

Finalement, que le projet prévoie l'établissement de normes et standards. J'ai déjà eu l'occasion de le dire. On ne pense pas que ce soit la place dans un projet de loi. Il y a d'autres mécanismes existants. Au ministère des Affaires sociales, il y a, par exemple, la direction de la programmation, qui aide, ou doit aider les établissements à mettre sur pied des normes et des standards et, ensuite, il y a la direction de l'agrément du ministère qui, elle, s'assure, par voie d'inspection périodique, que ces normes et standards sont respectés.

M. Carette: M. le ministre, nous sommes heureux de voir votre souci que les centres fonctionnent à partir de critères d'admission établis.

Cependant, si la concordance entre la loi fédérale et provinciale n'est pas faite, nous continuerons de recevoir des jeunes à partir de mandats de dépôt des juges, alors que le motif fondé, à ce moment-là, devient le délit et non pas le traitement que le jeune doit recevoir.

M. Lazure: Ecoutez! Cela pourrait nous entraîner dans une très longue discussion. Nous essayons, de notre côté, d'obtenir la plus grande concordance possible entre les textes de loi, que ce soit pour la délinquance ou pour d'autres domaines, entre les lois du fédéral et les lois du Québec.

On doit avouer qu'on n'a pas tout le succès que l'on désirerait. J'en veux citer comme exemple seulement le fait que la loi fédérale établit à douze ans, et non à quatorze ans, l'âge à partir duquel un enfant peut être amené devant un tribunal. Nous avons demandé aux autorités fédérales de reconsidérer cela. Nous faisons toutes les pressions possibles. En définitive, il y a une limite à ce qu'on peut obtenir dans cette concordance puisque nous ne sommes pas la seule autorité.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'avais une question, tantôt, sur l'un des premiers articles sur les droits des enfants, qui est soulevé dans le mémoire.

Mais sur le point qui vient d'être soulevé, j'ai l'impression et même un peu plus que l'impression, que l'un des avantages de rendre applicable la loi sur la protection de la jeunesse à tous les

enfants vis-à-vis desquels on invoque la Loi sur les jeunes délinquants, ce qui serait possible, selon la rédaction actuelle, et ce qui se fait d'ailleurs dans certaines autres provinces, permet justement de faire bénéficier tous ces cas de toutes les dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse, y compris celles qui pourraient qualifier la façon dont les juges délivrent leurs ordonnances ou leurs mandats de dépôt, c'est-à-dire en tenant compte des critères d'admission. C'est du moins le témoignage d'un certain nombre d'autres provinces qui ont fonctionné ainsi.

J'ai l'impression que, là-dessus, pourvu que la Loi sur la protection de la jeunesse soit explicite, on se trouve à résoudre, indirectement, les problèmes de concordance avec la loi fédérale. Dans la pratique du moins, c'est ce qui est observé dans au moins deux provinces au Canada. Je ne sais pas si c'est avec la tolérance des juges, mais, dans la pratique, cela se fait comme cela.

J'aimerais soulever un point que le mémoire mentionne relativement au droit de communication des jeunes dans les unités sécuritaires avec l'extérieur. Je crois que le groupe qui est devant nous est assez courageux de prendre une position légèrement en désaccord avec ce que la loi déclare, à savoir que c'est un droit de l'enfant. Je pense que c'est très honnête de leur part de nous mentionner les difficultés qu'ils y voient, qui ont d'ailleurs déjà été mentionnées dans le passé. Cependant, la balance des avantages et des désavantages du droit de communiquer librement avec l'extérieur, pour les jeunes en établissement, a été jugée telle qu'il fallait faire du droit de communiquer un droit fondamental.

J'aimerais qu'on profite de l'occasion pour préciser ce que cela veut dire "communiquer", parce qu'il y a une certaine ambiguïté dans l'utilisation du mot "communiquer". L'article 8 prévoit que "l'enfant hébergé dans un centre ou une famille d'accueil a le droit de communiquer, en toute confidentialité, avec ses parents, ses frères, ses soeurs, son avocat, le directeur qui l'a pris en charge, le comité, les juges et greffiers du tribunal". Si cela vise les communications que l'enfant peut adresser à l'extérieur, il y a peut-être moins de difficulté. Peut-être qu'à ce moment-ci votre groupe n'aurait pas d'objection.

Pour autant que je me souvienne des objections qui ont été soulevées dans le passé—vous pourrez le confirmer ou le nier — on craignait que les communications destinées à l'enfant en provenance de l'extérieur, dans certains cas, soient, pour l'enfant, une source d'anxiété, de difficultés ou même une incitation à l'évasion, etc. On craignait même qu'on lui fournisse des indications précises, dans le cas où il veuille prendre la clef des champs, ou qu'il soit le véhicule d'un commerce illicite de drogue à l'intérieur même du centre d'accueil. On a soulevé plusieurs possibilités qui sont sérieuses.

Il y a deux questions, à mon avis, qui se trouvent posées: Premièrement, est-ce que communiquer, dans le sens de l'article 8 — et c'est peut-être une question que le ministre pourra clarifier — cela veut dire communiquer dans les deux sens ou cela s'applique-t-il seulement dans le sens actif d'une communication de l'enfant avec les gens qui sont mentionnés? A ce moment, la loi serait silencieuse quant aux communications venant de l'extérieur.

La deuxième question, c'est: En supposant qu'il en soit ainsi, est-ce que cela dispose de votre objection?

Je ne sais pas si le ministre peut nous éclairer sur cette interprétation!

M. Marois: Oui, mais je voudrais simplement indiquer qu'il y a une balise au droit de communication qui est celle mentionnée au paragraphe b) de l'article 50. Evidemment, il s'agit d'une mesure volontaire, le directeur peut recommander que certaines personnes s'abstiennent d'entrer en contact avec l'enfant, mais c'est vraiment...

M. Forget: En supposant que l'enfant soit retourné à sa famille et qu'il y ait quelqu'un qui a une mauvaise influence sur lui, d'accord.

M. Marois: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Vous avez des réponses?

M. Chouinard: Au niveau des communications, je suis de votre avis, M. Forget, c'est très délicat, c'est aussi très délicat pour nous. Tantôt, je suis peut-être tombé dans des détails, mais les détails, c'est nous qui les avons, finalement, parce qu'on est poigné sur les planchers avec les problèmes. Je peux vous donner des exemples très récents. Je n'ai pas de discussion de principe à élaborer parce qu'en principe, tout le monde a le droit de communiquer avec tout le monde, sauf que, dans notre cas, par exemple, un jeune reçoit un appel téléphonique, même de son avocat, parfois, qui lui dit simplement: Tu vas être déféré parce que le juge a son voyage; parce que nos cas sont, comme on dit, "border line". Ils sont chez nous, avec le déféré au-dessus de la tête. Là, il a fait une fugue ou, pendant un "provisoire", il a volé une auto ou quelque chose comme cela. Son avocat l'appelle le mardi et lui dit: Tu vas être déféré. Le gars s'en va dans sa chambre et se mutile. Là, vous êtes pris avec cela.

Qu'est-ce qui se passe? On ne peut pas prévenir la manière d'agir de ces gars-là. Alors que nous, nous n'avons jamais été mis au courant de cela, c'est-à-dire qu'on l'a appris après coup. On s'est dit: Qu'est-ce qui se passe? Il avait le droit de téléphoner à son avocat, son avocat avait le droit de lui téléphoner, sauf que ceux qui sont pris avec le problème, c'est nous, finalement, ce sont nos éducateurs sur les planchers. Je vous donne seulement cet exemple, mais on pourrait multiplier cela par plusieurs.

Je pense que ce sur quoi on est d'accord, c'est que cela ne doit pas être arbitraire, cela ne doit pas non plus être quelque chose qui est carrément légaliste. Cela doit s'inscrire dans un processus d'apprentissage de la liberté ou dans un processus de traitement, cette chose-là, ce qui fait

qu'au point de départ, on contrôle plus. A mesure que le gars fait des pas par lui-même, on en vient à ne plus contrôler, mais c'est quand même très important. La sécurité, à l'intérieur d'un centre comme le nôtre, c'est la sécurité de l'individu et c'est aussi la sécurité du milieu. Mais c'est quand même important dans des choses concrètes comme celles-là, où le gars dit: J'ai le droit, sauf qu'on est poigné avec lui après.

M. Lazure: Si vous permettez rapidement une réaction à la réaction, je comprends l'imprévisibilité de la réaction de l'adolescent qui reçoit l'appel de son avocat, mais je crois qu'il y a d'autres moyens de sauvegarde. Il me semble que là, on doit tenir pour acquis que l'avocat en question a le minimum d'éthique ou d'expertise professionnelle, à la fois, de ne pas annoncer une chose s'il prévoit des réactions ou de l'annoncer aussi au personnel. De toute façon, même si cela se passe comme cela, la solution n'est pas de couper la communication, parce qu'une autre possibilité, c'est que l'adolescent apprenne le matin même, quand les policiers viennent le chercher avec la "maria", qu'ils l'amènent retourner devant le juge et l'amènent ensuite dans une prison d'adulte. Là, l'auto-mutilation qu'il a faite, à la suite de l'appel téléphonique, il va la faire dans la prison d'adulte.

M. Chouinard: Je suis d'accord avec vous que ce que vous dites peut être vrai aussi, sauf que je pense, dans les années d'expérience qu'on a en centre sécuritaire, que la chose qu'on a apprise, c'est de compter sur nos propres moyens. Là-dessus, on peut avoir des voeux pieux, dire que les autres... J'ai parlé des avocats, je n'accuse pas les avocats. C'est, finalement, tout l'appareil social; que la communication vienne du CSS ou qu'elle vienne de travailleurs sociaux, d'officiers de probation; si, parfois, eux ne sont pas dans le contexte, ils provoquent des réactions chez ces jeunes-là, parce qu'ils sont quand même privés de liberté. Ils vivent dans l'anxiété à cause de cela, parce qu'il n'y a personne, dans un milieu sécuritaire ou carcéral, qui soit privé de sa liberté et qui soit vraiment à l'aise. Or, il faut être doublement délicat.

M. Forget: Je comprends le caractère très délicat de tout ça et je suis d'accord avec le ministre qu'il y aurait peut-être des méthodes pour prévenir un certain nombre de difficultés. Est-ce que les problèmes auxquels vous faites face... Parce que votre établissement est sécuritaire, vous touchez là un problème qui est aigu surtout ou presque seulement dans un contexte sécuritaire. C'est évidemment dans ce contexte que le problème des communications se pose aussi. Mais est-ce que vous voyez une solution à ça? Je comprends qu'on puisse presque éternellement se tordre les mains là-dessus et se dire: C'est quand même fondamental que ces enfants ne soient pas complètement coupés de l'extérieur et je pense que ça doit être dit dans la loi.

D'un autre côté, on a tous entendu parler, quand on est le moindrement familier avec ce milieu-là, de problèmes très nombreux, que ce soit les parents qui appellent et qui racontent toutes sortes d'histoires et créent ainsi une perturbation considérable qui dure plusieurs jours. Mais comment résoudre le problème, sans, d'un autre côté, aller aussi loin en disant: l'établissement décidera si, à son gré, il faut qu'il communique ou pas. Je pense que ça ne serait pas vraiment acceptable.

M. Chouinard: La façon concrète, c'est-à-dire la notion de milieu sécuritaire, je pense que cela a quand même beaucoup évolué à Berthelet même. Ce n'est plus le milieu avec barreaux et clôtures. Il y a encore des clôtures, car il y a quand même une sécurité architecturale, périphérique, mais il y a aussi une sécurité dynamique. La sécurité architecturale, sauf à coup de millions, on y touche; mais la sécurité dynamique va aussi avec l'évolution du jeune à l'intérieur. C'est qu'à partir du moment où il est entré à Berthelet et qu'on est convaincu, en termes professionnels, qu'il y a un arrêt d'agir, que la possibilité de récidiver est beaucoup moindre, le jeune, même chez nous, reçoit des sorties, des programmes à l'extérieur, des choses comme ça.

Je pense que ce n'est pas un absolu, c'est-à-dire que le gars vit carrément six mois, huit mois en boîte. La sécurité dynamique est là, en place, et le jeune s'habitue à avoir une certaine autonomie et une certaine discipline à l'intérieur de ça; ce qui fait qu'il peut aller à l'extérieur et il peut recevoir différents privilèges ou différents droits qui lui ont été coupés, à partir du moment où un juge a prononcé une sentence de privation de liberté face à lui.

Cela fait vraiment partie du travail des professionnels, je pense, à ce niveau. C'est en multidisciplinaire, c'est dès la première évaluation, que les intervenants, dans le cas de ce jeune, doivent être bien identifiés.

Lorsqu'il arrive à Berthelet, en milieu sécuritaire, on lui dit: Tu peux communiquer avec un tel, un tel, un tel, mais tu ne peux pas communiquer avec un tel, un tel, un tel. Cela se fait, c'est ça qu'on fait concrètement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président, j'ai quelques questions à propos de l'article 90. Premièrement, vous avez mentionné dans votre mémoire que vous avez 80 places de réadaptation courte et 32 places de réadaptation prolongée. Est-ce que c'est plein maintenant ou est-ce que vous avez...

M. Carette: Le taux d'occupation du centre Berthelet varie continuellement entre 105 jeunes et 112 jeunes. Donc, la capacité est quasi complètement réalisée tous les jours.

M. Shaw: Est-ce que vous avez une liste d'attente?

M. Carette: Nous avons 40 à 50 jeunes qui at-

tendent dans des centres de dépannage, la ressource Berthelet.

M. Shaw: Mais ça, c'est en effet des jeunes qui doivent être placés dans votre centre sécuritaire?

M. Carette: Ceux qui sont en liste d'attente, oui.

M. Shaw: Vu les 71 adolescents qui sont maintenant en prison au Québec...

M. Carette: Je n'ai pas compris votre question.

M. Shaw: Nous avons appris hier qu'il y a 71 adolescents en prison au Québec.

M. Lazure: M. le Président, le député de Pointe-Claire ne nous a pas bien compris hier, 71 sont passés dans les prisons du Québec durant une période de six mois. Il n'y en a pas 71 au moment où on se parle, j'espère.

M. Shaw: Peut-être que c'est 71 ou 91...

Mme Lavoie-Roux: Non, non, ils sont passés successivement.

M. Lazure: 71, si tout le monde m'excuse, "over a period of six months."

M. Shaw: O.K. C'est ce montant qui va changer d'une période à l'autre. Est-ce que vos services sont adéquats pour les accueillir chez vous?

M. Carette: Si tous les centres d'accueil, à partir du comité régional d'admission, fonctionnent avec une complémentarité de services, nous croyons actuellement être en mesure, pour le réseau francophone de Montréal, de répondre à la majorité des cas.

Il y a des cas spécifiques où on n'a pas encore les ressources pour y répondre. Je pense, par exemple, à des cas ni psychiatriques, ni caractériels, et à des cas de déficients caractériels auxquels, actuellement, on ne peut pas répondre, comme réseau de la région de Montréal.

M. Shaw: Vous avez parlé d'une forme de réseau dans votre institution pour fins d'évaluation. Cela représente combien de lits?

M. Carette: C'était un service qu'on offrait dans les années 1975 et 1976. Maintenant, quant à ce qui a trait à ce service d'évaluation pour le centre Berthelet, les jeunes sont évalués au centre d'accueil Cartier, qui a maintenant cette fonction et qui nous les réfère suite à une évaluation impliquant la nécessité pour eux d'avoir une ressource en milieu sécuritaire.

M. Shaw: Vous n'avez pas de clients qui n'ont pas besoin d'avoir un lieu sécuritaire chez vous? Ce sont seulement ceux qui sont en détention fermée?

M. Carette: A part quelques cas qui nous sont encore confiés par mandat de dépôt, nous n'avons pas de cas qui n'ont pas besoin d'une intervention spécifique de Berthelet.

M. Shaw: On ne prévoit jamais qu'un directeur de la protection de la jeunesse place quelqu'un dans votre centre d'accueil, sauf quand c'est un cas d'urgence? On ne le prévoit pas. L'article 90 du projet de loi dit qu'une décision ou ordonnance du tribunal est exécutoire à compter du moment où elle est rendue et toute personne qui y est visée doit s'y conformer sans délai.

C'est la clause qui va vous occuper? Ce sont les tribunaux qui ont dit: Cet enfant doit être placé dans votre institution immédiatement. Je pose la question, parce que nous avons entendu dire, dans le secteur anglophone, que nous avons actuellement 41 juvéniles qui attendent leur placement dans un centre sécuritaire, ils sont 41 qui attendent; après les ordonnances, après cette ordonnance, ce sera 90. J'aimerais le savoir. Nous avons besoin de penser à ce projet de loi, non seulement comme un morceau de papier, mais comme un véhicule de la justice. On a besoin de dire que si nous avons quelques pouvoirs, ils doivent être appliqués et les services mis en place. Ce n'est pas seulement une...

M. Lazure: Pour répondre à la question du député de Pointe-Claire, le projet de loi, s'il était adopté comme tel, permettrait, dans certains cas, au directeur de la protection de la jeunesse — justement dans des cas urgents — de faire admettre ces cas directement à Berthelet.

M. Shaw: Si c'est un cas d'évasion, que fait-on dans ce cas-là? J'ai entendu...

M. Lazure: Peu importe, que ce soit un cas d'évasion ou de n'importe quoi, cela permettrait au directeur de la protection de la jeunesse de faire admettre un cas, comme mesure d'urgence, car c'est provisoire.

M. Shaw: Si je peux mieux percevoir la loi, j'ai entendu dire et même, c'était indiqué dans quelques mémoires, que les cas dans lesquels il y aurait un acte criminel ne sont pas impliqués dans la responsabilité du directeur de la protection de la jeunesse. Est-ce que je me trompe?

M. Lazure: Vous parlez de cas où il y a eu un comportement criminel?

M. Shaw: Un acte contre...

M. Lazure: En cas de doute, le directeur de la protection de la jeunesse consulte le représentant du ministère de la Justice; s'il n'y a pas accord entre les deux, il peut y avoir un recours à l'arbitrage du comité de la protection de la jeunesse.

M. Shaw: D'accord. Une dernière question. Cela m'inquiète beaucoup, parce qu'on voit qu'il y a ceux qui attendent là, mais nous avons une réin-

sertion qui est une chose très importante. Nous avons une période de trois mois qui est impliquée comme une période d'évaluation de chaque personne qui entre à votre centre. Cette période de temps est-elle adéquate?

M. Carette: Quand on pense à des sentences du juge d'une durée de trois mois, cela risque, face au programme de réadaptation, de devenir des sentences de détention. Le jeune va prendre son séjour au centre comme une mesure où il doit faire du temps. Si on pense réellement à des services de réadaptation appropriés aux enfants, c'est là que le placement doit être fait, non pas nécessairement en mesure de temps, mais en mesure de besoins réels d'intervention et à partir d'un plan de traitement clair et précis.

La loi actuelle laisserait uniquement le centre sécuritaire accomplir son action face à l'enfant pour une période de trois mois, ce qui deviendra une mesure nettement punitive de détention et le jeune la vivra comme telle.

M. Shaw: Je ne vois aucune mention de ce point dans le projet de loi.

M. Lazure: Je m'excuse, mais seulement une correction. Ce n'est pas dit. Il faudrait savoir où c'est dit dans le texte du projet que c'est une période qui n'est pas renouvelable, car la période est renouvelable.

M. Shaw: C'est renouvelable, mais les gens vont toujours penser qu'à la fin de la période de trois mois...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais... Excusez-moi.

M. Shaw: Si vous avez commencé une forme de traitement pour un jeune qui va, après chaque période de trois mois, avoir son "release" de votre centre d'accueil, est-ce que cela vous causera des problèmes? C'est pour cela que je pose la question.

M. Carette: Si le jeune sait clairement au départ qu'il est là pour obtenir un service, un soin quelconque, et que la période de trois mois est une période de réévaluation, il n'y aura pas de problème, mais si ce sont des périodes strictes de trois mois, il risque alors d'y avoir pour lui la perception d'un temps à faire, d'une peine à purger.

M. Shaw: Merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau (Verchères): M. le Président, je voudrais demander aux représentants du centre Berthelet si les discussions qu'on a eues tantôt sur les critères d'admission les convainquent que le projet de loi n'est pas un retour en arrière par rapport à la situation actuelle? Est-ce que vous êtes maintenant convaincus ou est-ce sur d'autres aspects que vous invoquiez une possibilité de retour en arrière pour faire que, finalement, les centres de sécurité redeviennent les prisons pour jeunes qu'on a déjà connues?

M. Lavigne (Guy): Non, le problème, c'est que si... Je n'ai pas vu si le projet de loi mentionne quelque part les renouvellements, les réévaluations, etc., au bout de trois mois.

Quand on a parlé de retour en arrière, pour nous, c'est qu'on avait peur que le jeune vienne faire trois mois de temps...

M. Charbonneau: C'était votre crainte?

M. Lavigne (Guy): ... et que, lorsqu'il arriverait à deux jours avant la fin de ses trois mois, il puisse se permettre n'importe quoi parce qu'il va s'en aller.

M. Carette: C'est notre première crainte. M. Lavigne (Guy): C'était comme cela avant.

M. Lazure: Y a-t-il dans le texte de loi quelque chose qui vous laisserait croire cela? Si oui, citez-moi l'article.

M. Lavigne (Guy): D'accord, je vous fais confiance.

M. Carette: La deuxième crainte, c'est aussi qu'on a peur, à un moment donné d'être obligé de recevoir des jeunes qui n'ont pas besoin du support sécuritaire que Berthelet peut offrir, soit de les recevoir par mandat de dépôt ou par ordonnance de placement en fonction de la Loi des jeunes délinquants.

M. Charbonneau (Verchères): Non pas en fonction de cette loi? Si je comprends bien, non, ce n'est pas cela?

M. Carette: Actuellement, on les reçoit en fonction de l'article 20 de la Loi des jeunes délinquants. Ce sont des mandats de dépôt, des ordonnances de placement. Nous sommes obligés de recevoir le cas, souvent indépendamment de ses difficultés et indépendamment du délit commis.

M. Chouinard: Je vais vous donner, pour les besoins de la cause, un exemple d'ordonnance de placement. Un jeune nous arrive. C'est inscrit: Demande de placement à Berthelet pour douze mois. Les six premiers mois, aucune sortie, aucun contact; les six autres, sorties et contacts avec la permission du juge. C'est un type d'ordonnance de placement. Ce qui est encore plus drôle, c'est que nous autres, on évalue que le jeune n'a pas besoin de nos services, mais en bas de l'ordon-nace de placement, c'est marqué: Si Berthelet refuse le jeune, il sera envoyé aux Cours des sessions. Qu'est-ce que tu fais? Tu laisses le gars aller en prison ou tu l'acceptes chez vous en disant: On compose avec cela. Ce sont des types d'ordonnance de placement qui, si on s'en tient au côté

légaliste, te zigouillent complètement toute approche humaine et toute approche thérapeutique.

M. Charbonneau (Verchères): Ce sont des ordonnances émises en fonction de la loi fédérale sur les jeunes délinquants. C'est cela? Est-ce que cette loi...

M. Chouinard: Article 20...

M. Charbonneau (Verchères): J'aimerais demander au ministre, parce que c'est une question importante, si on va être encore pris avec ces articles?

M. Marois: M. le Président, je ne voudrais pas présumer ou préjuger ou même empiéter sur des discussions qui sont déjà amorcées avec le gouvernement fédéral; ce sont des questions assez délicates, fondamentales. Il y a déjà eu des rencontres. Le Solliciteur général du Canada, M. Fox, nous avait laissé entendre qu'il était plutôt porté à croire qu'il serait peut-être possible que les provinces, par décision administratives, puissent appliquer leur propre loi de protection de la jeunesse qui voudrait dire donc, en conséquence, qu'une éventuelle, parce qu'il s'agit d'un projet, loi des jeunes contrevenants serait donc par décision administrative du Québec, tomberait donc sous la coupe de la Loi de la protection de la jeunesse. En ce sens, cela permettrait vraisemblablement, mais enfin, tout reste à voir, les négociations et les discussions sont loin d'être terminées, d'être modérément optimiste. En tout cas, on va certainement faire tout ce qui est humainement possible, parce que les principes qui ont été insérés dans la loi l'ont été après de nombreux travaux, même des travaux qui avaient été faits — il faut être honnête là-dessus — par le gouvernement qui nous a précédés et qu'on a poursuivis le plus rapidement possible pour aboutir. C'est donc après de longues discussions, des travaux de plusieurs comités et groupes de travail qu'on en est venu à ces conclusions.

M. Charbonneau (Verchères): Cela n'aurait pas un sacré bon sens, de toute façon, si on était poigné pour... Je voudrais vous poser une question. Vous avez mentionné, à un moment donné, que le projet de loi ne donnait pas, notamment, à votre institution, peut-être à d'autres aussi, les instruments de travail désirés. Est-ce que vous pourriez préciser un peu votre pensée à cet égard?

M.Carette: M. Chouinard tantôt vous a donné l'exemple d'une ordonnace de placement où le juge intervient directement au niveau du programme de traitement. Quand le juge dit: Les six premiers mois, le jeune suivra intégralement les activités de Berthelet et aucune sortie pour lui ne devrait avoir lieu et que les six derniers mois, il pourra sortir avec la permission du juge, nous croyons que ce sont des interventions directes dans le programme de traitement offert au centre. Si le centre, par ses critères d'admission, n'a pas la latitude d'organiser les programmes appropriés en fonction des besoins de l'enfant, je pense qu'à ce moment, cela devient une régression face au service.

M. Charbonneau (Verchères): Je comprends votre commentaire. Je comprends, également, que ce n'est pas en regard de la loi actuelle, mais en regard de la situation constitutionnelle, finalement, qui n'est pas encore précisée actuellement. En regard de la loi comme telle, le projet de loi 24, est-ce que vous considérez toujours qu'il y a des instruments de travail que vous devriez avoir, que la loi devrait vous donner et qu'on ne vous donne pas actuellement? Quels sont ces instruments, si c'est le cas, en fonction de cette loi, non pas en fonction du cadre constitutionnel, dans lequel on est encore pris pour se débattre?

M. Carette: M. Charbonneau, quand on dit: On peut placer au centre Berthelet des enfants dans les situations d'urgence. Tel qu'on connaît les urgences au niveau de la région de Montréal, à tous les vendredis soirs, à 16 h 30, on a de 15 à 20 cas à placer continuellement et régulièrement. Si cela devient des mesures quasi définitives de placement, à ce moment, je crois qu'on ne joue plus notre rôle. L'enfant n'est plus placé à Berthelet en fonction d'un besoin particulier, mais en fonction d'une urgence à laquelle il faut répondre, ce qui devient un problème de place.

M. Charbonneau (Verchères): A moins que je ne me trompe, le ministre pourra me corriger, mais je pense que ces placements sont provisoires.

M. Lazure: Oui. Ecoutez, seulement une mise au point. Le système d'urgence de dépannage qui existe à Cartier, vous le connaissez bien. Il ne cessera pas d'exister, parce qu'il y a une nouvelle loi. Vous n'avez pas des dizaines d'urgences en fin de semaine, dans le moment. Il n'y a rien qui va nous amener à changer ça, Cartier va continuer de fonctionner.

M. Chouinard: II y a des urgences. Quand ils sont entrés, ça ne pose pas de problèmes; habituellement, c'est respecté. Mais c'est pour les sortir. On sait qu'il y a des gars qui sont à Cartier depuis 100 jours et il n'y a encore aucune évaluation qui a été faite dans leur cas. Ce sont des choses qui existent. C'est sur les planchers. Je ne vous dis pas qu'il y en a 100, mais qu'il y en ait trois comme ça sur une population de 70 gars, je vous garantis qu'il y a des professionnels qui rament et des éducateurs qui sont "pognés" avec les problèmes. C'est ça, c'est-à-dire que les lois doivent prévenir ces cas-là, finalement. C'est facile d'entrer des gars dans les centres d'accueil; c'est plus difficile de les en sortir, très souvent. La réalité est celle-là.

M. Charbonneau (Verchères): Mais je pense que le placement, de toute façon, est provisoire, quand il est urgent, en cas d'urgence. Donc, on appelle obligatoirement, dans de brefs délais, des révisions. Est-ce qu'il y a d'autres...

M. Chouinard: Est-ce que vous savez combien cela prend de temps, avoir un rapport d'évaluation pour un gars qui est en centre d'accueil? Il faut calculer au moins quatre ou cinq semaines, pour les cliniques d'évaluation. D'accord? C'est ça qu'est la réalité. Pendant ce temps-là, le gars, tu l'as dans les jambes, c'est-à-dire qu'il est là. Où vas-tu le mettre? Tu l'envoies où? C'est ça le problème. On peut bien dire: Ecrivez-moi des évaluations. Quelqu'un qui entre le vendredi à 4 heures, le vendredi à 6 heures, il n'y a pas de praticien pour faire les évaluations. Tu n'as personne pour savoir où tu t'en vas avec ça. Je te le dis: La réalité, c'est de quatre à cinq semaines.

Le Président (M. Laplante): Madame...

M. Charbonneau (Verchères): M. le Président, simplement pour terminer...

Le Président (M. Laplante): Rapidement, parce que le temps est déjà dépassé largement.

M. Charbonneau (Verchères): ...je veux tout simplement être certain que les gens de Berthelet nous ont bien mentionné, dans leurs remarques, tous les instruments qu'ils voudraient voir dans la loi. Je pense que c'est important. Ils en ont mentionné quelques-uns tantôt, mais je voudrais être certain qu'ils ont couvert le champ qu'ils avaient à l'esprit lorsqu'ils ont fait cette remarque, c'est-à-dire que le projet de loi ne leur donnait pas tous les instruments de travail.

M. Charbonneau (Pierre): Moi, j'aurais seulement une remarque à faire au ministre des Affaires sociales concernant les placements provisoires.

On a établi que le directeur de la protection de la jeunesse peut, lorsqu'il est saisi d'une situation, prendre une mesure énumérée à l'article 42, notamment celle de placer un enfant dans un centre d'accueil et le centre est tenu, à ce moment-là, d'accueillir l'enfant. Cette décision vaut pour une durée de 24 heures, à la suite de quoi elle doit être soumise à un juge. Le juge peut alors confirmer la décision pour une période de cinq jours. Je pense que le délai de cinq jours... On ne prévoit pas le renouvellement possible de cette ordonnance comme telle, de cinq jours en cinq jours. Le problème qui peut se poser, à ce moment-là, à l'expiration des cinq jours, c'est: Qui va être saisi du cas de l'enfant? Est-ce que ça va être le DPJ, le directeur de la protection? Est-ce que ça va être le directeur de la protection avec le représentant du ministère ou est-ce que, automatiquement, le cas s'en va devant le tribunal?

M. Lazure: C'est le directeur de la protection de la jeunesse qui est ressaisi du cas.

M. Charbonneau (Pierre): Et si l'enfant doit toujours, compte tenu de sa situation, être gardé dans un centre d'accueil au-delà de cette période de cinq jours?

M. Lazure: Bon! A ce moment-là, tout dépend de ce qui aura été établi comme motif de la nécessité de prolonger le séjour. Il peut se passer, dans certains cas, qu'il aura l'autorité complète de le faire lui-même, mais, évidemment, il faudra qu'il tienne compte... Une fois la période d'urgence passée, les motifs du séjour en centre d'accueil devront être discutés avec les autorités du centre d'accueil. C'est là qu'on en arrive à un plan de traitement, c'est là qu'on en arrive à des critères d'admission.

M. Charbonneau (Pierre): C'est cela le problème. Il semble que l'intervention du centre d'accueil, dans le cadre du projet de loi, ne soit pas très clair. Si on lit le texte du projet de loi, il semble plus clair que la connotation sociale est la responsabilité du directeur de la protection de la jeunesse.

Dans le texte, on retrouve, par exemple, à l'article 58, l'obligation, par le centre d'accueil, de donner suite à l'ordonnance.

A l'article 52, dans le cas de mesures volontaires, on pourrait croire que le centre d'accueil joue un rôle passif, "est aussi tenu..." On semble accentuer la notion d'obligation et on ne semble pas reconnaître au centre d'accueil la vocation de partenaire que lui reconnaît la Loi des services de santé et des services sociaux.

M. Lazure: Non, encore une fois, on a fait de longues mises au point, l'autre jour, avec l'Association des centres d'accueil. Je pense qu'elle a compris. On n'a peut-être pas tout le temps aujourd'hui qu'il faut pour le faire. Mais, encore une fois, notre objectif, c'est de s'assurer, en cas d'urgence, qu'il y aura...

C'est pour cela qu'on veut garder le caractère obligatoire de la décision du DPJ, mais, dans les cas de non-urgence, ce sera au directeur de la protection de la jeunesse, s'il fait bien son travail, de consulter les gens du réseau et de décider ensemble à quel établissement externe ou interne l'enfant doit aller. Mais ce n'est pas la place, dans un projet de loi, de répéter les attentes qu'on exprime dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les attentes qu'on a vis-à-vis des institutions.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être très brève. C'est simplement sur les articles 8 et 9 sur lesquels vous faites des recommandations et que, d'ailleurs, mon collègue de Saint-Laurent a abordés avec vous.

J'ai interprété les articles 8 et 9 comme des balises concernant des abus qui avaient pu avoir lieu dans le passé et qui, peut-être, pourraient encore se produire aujourd'hui.

D'un autre côté, j'ai été très sensible aux arguments que vous avez fait valoir en fonction de l'article 8 parce que je connais le type de clientèle que vous recevez et ce n'est pas facile. Je comprends que vous vouliez conserver un droit de regard ou un jugement professionnel sur toute

cette question de confidentialité ou de communication.

La question précise que je veux vous poser est celle-ci: Dans tous les centres d'accueil du Québec, la qualité du personnel qu'on y retrouve— c'est peut-être une question délicate à poser, mais je pense que, quand même... — est-ce que les centres d'accueil ont un personnel suffisamment spécialisé pour, justement, se servir de cette communication dans un sens correctif ou curatif ou de traitement, si on veut, ou s'il y a lieu de conserver cette balise? Parce que, dans le fond, si je ne me trompe pas, c'est qu'on a voulu corriger des abus qui avaient eu lieu dans le passé quant à l'utilisation de la non-communication comme une mesure punitive, pour donner un seul exemple.

M. Carette: Nous croyons que ces balises sont encore requises face au contexte des centres d'accueil.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Carette: Cependant, nous voyons aussi l'occasion de vous souligner les difficultés que ces balises peuvent créer dans le traitement même des enfants et c'est dans ce sens que nos interventions en commission parlementaire sont faites. Nous les croyons importantes, essentielles, mais nous les voyons très difficiles dans leur application concrète, en raison même de la clientèle que nous avons.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous croyez qu'elles devraient être conservées dans la loi. Mais peut-on penser que, quand même, il y a un certain jugement professionnel qui pourrait être exercé à l'intérieur des maisons... ?

M. Lavigne (Guy): Sans, à mon sens, que cela soit conservé dans la loi, pour autant qu'on aurait l'autonomie nécessaire pour agir, s'il y a lieu d'agir. C'est ce qui est important.

Une Voix: C'est peut-être une formule à trouver.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais avoir la réaction d'un des ministres là-dessus.

M. Lazure: Voulez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

Mme Lavoie-Roux: J'ai demandé à ces représentants s'ils jugeaient ces balises importantes et si on devrait les conserver dans la loi. Je les vois comme des balises, 8 et 9, dans le fond, pour contrer certains abus qui ont déjà eu lieu ou qui, peut-être, peuvent avoir encore cours. Ces messieurs répondaient qu'ils les jugent importantes dans le contexte de l'ensemble des centres d'accueil, mais que, par contre, ils veulent avoir l'autonomie nécessaire pour juger de leur application, oui ou non, en fonction d'une approche thérapeu-thique.

M. Lazure: Non. Justement, c'est une situation où il y a deux biens qui sont en cause, qui entrent en conflit, le bien de l'enfant et le bien de l'autonomie des institutions. Je pense qu'il n'y a aucune institution qui est complètement autonome. On a tous à se rapporter à quelqu'un, et je pense qu'il faudra se rapporter à ce texte de loi. Même si les abus sont minoritaires, 10%, 15%, il faut éviter ces abus et on ne voit pas d'autre façon que de le faire par ces textes-là.

Le Président (M. Laplante): Merci. Messieurs, les membres de cette commission vous remercient pour la présentation de votre mémoire.

M. Lavigne (Guy): Nous vous remercions également.

Le Président (M. Laplante): Nous nous excusons aussi de faire cela aussi rapidement.

M. Lavigne (Guy): Vous avez bien fait cela, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, Monsieur.

Je demanderais maintenant au groupe Lucie Joyal, Louise Miron, Réjane Rancourt, Fernand Tremblay de se présenter, s'il vous plaît.

Est-ce que vous voulez identifier votre groupement, s'il y a lieu, et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Mmes Louise Miron et Lucie Joyal et M. Fernand Tremblay

Mme Miron (Louise): Je suis Louise Miron, psychologue. Mon collègue de gauche est Lucie Joyal, technicienne en assistance sociale, M. Fernand Tremblay, travailleur social. Notre quatrième membre n'a pu se présenter, c'est une psychologue criminologue.

Le Président (M. Laplante): Merci.

Mme Miron: C'est d'abord en tant que simples citoyens intéressés au développement social du Québec que nous avons voulu examiner le projet de loi et c'est en tant que praticiens, travaillant depuis quelques années dans le secteur des affaires sociales, auprès de la jeunesse, que nous croyons pouvoir apporter un point de vue spécifique sur le projet. Nous espérons que nos commentaires, réflexions, questions, auront quelque utilité. Notre mémoire se veut modeste, mais simplement nous avons trouvé important d'apporter notre contribution.

La première partie, c'est notre appui explicite à certains aspects du projet de loi 24. Nous voulons souligner que nous sommes d'accord avec la nécessité et l'urgence d'une réforme des structures actuelles en matière de protection de la jeunesse, l'objectif de déjudiciarisation qui nous semble très important, le souci de préserver et d'assurer la sécurité et le développement de l'enfant, l'article 35, le désir de maintenir l'enfant au

sein de la famille et de le réinsérer, dès que les conditions sont de nouveau favorables à son développement — ce sont des valeurs auxquelles nous croyons beaucoup — la préséance des mesures volontaires sur les mesures judiciaires, les mesures volontaires, à notre avis, favorisent un partage des responsabilités entre la famille et la société représentées par les intervenants du ministère des Affaires sociales. Nous sommes d'accord, encore, avec le souci du législateur d'éviter les risques d'arbitraire du système judiciaire tant pour les enfants que pour les parents. Enfin, nous reconnaissons l'existence de ces extrêmes où le retrait définitif du foyer naturel et la tutelle deviennent les mesures les plus appropriées aux besoins de sécurité et de développement de l'enfant. C'est notre appui à des objectifs fondamentaux.

Dans la deuxième partie, nous posons une question. C'est un point de vue, probablement, biaisé et spécifique à des praticiens dans le domaine des affaires sociales, mais nous nous sommes dit que ce n'est pas à nous de défendre les valeurs judiciaires, il y a assez de monde pour les défendre. Alors, on s'est permis d'aller un peu plus loin dans ce secteur. En tant que praticiens de l'intervention psychosociale, nous ne pouvons nous empêcher de réagir au vocabulaire et à l'esprit légaliste qui se dégage du projet de loi. Nous aurions aimé y voir transparaître davantage des valeurs humanistes qui se traduisent entre autres pour nous, dans notre façon de travailler, par des concepts tels que les besoins de l'enfant, versus les droits, les besoins des parents et les besoins du système familial, les concepts de responsabilité personnelle, de communication ouverte et de confiance réciproque. Ce sont les valeurs avec lesquelles nous travaillons. Il y a des soucis de cet ordre dans la loi, mais cela nous a semblé... Cela ne nous satisfaisait pas complètement.

Il y a une question — j'ajoute un peu au mémoire — que nous voulons signaler, c'est que le projet parle des droits de l'enfant. Ils ne nous semblent pas clairement définis nulle part. Il y a l'article 35, mais cela reste assez général. Ce que nous voyons comme risque, là-dedans, c'est d'entraîner des querelles juridiques interminables sur les droits en question plutôt que d'inciter les intervenants à se pencher sur les besoins de l'enfant. C'est un peu le problème que nous posons, le fait de concevoir les choses en termes de droits et en termes de besoins, qui nous semble délicat. Du point de vue de notre expérience, nous avons de la difficulté à parler en termes de droit quand on se trouve confronté quotidiennement à des situations dans lesquelles ce sont les besoins de l'enfant qu'il faut regarder.

Dans notre expérience auprès des familles et des enfants, nous travaillons avec ces valeurs à effectuer des changements, le travail de changement correspond en grande partie à ce que la loi appelle les mesures volontaires. Nos valeurs et notre façon de procéder nous semblent peu compatibles avec l'esprit et les règles de procédure judiciaire qui impliquent l'affrontement, l'accusation réciproque, surtout en présence d'avocats des deux parties, des notions de victime et de coupa- ble. Ce sont des notions qu'on essaie d'enlever de l'esprit des gens quand on travaille avec eux sur un système familial, par exemple. Evidemment, une loi, une confrontation judiciaire va exactement à l'opposé de cela. A toutes fins pratiques, pour nous, le passage au niveau judiciaire tel qu'il est décrit, implique une difficulté plus grande, sinon un sabotage, dans le processus d'intervention auprès de l'enfant et, ou de la famille.

Nous reconnaissons un désir de déjuciarisa-tion manifeste dans le fait d'exclure les enfants de moins de 14 ans du tribunal et de faire passer chaque cas par le directeur de la protection de la jeunesse. Cela nous satisfait.

Par ailleurs, nous considérons que le fait d'autoriser, sinon d'inciter les parents d'enfants de tout âge à recourir au tribunal en cas de désaccord avec les mesures volontaires, ainsi que la représentation des deux parties par les avocats, ju-diciarisent considérablement, sans compter une possibilité de droit d'appel aussi.

Par rapport à l'objectif de déjudiciarisation, nous avons des doutes ou des questions. A notre avis, la prévention et les interventions qui favorisent le changement dans les attitudes et les conditions de vie des individus et des familles méritent plus d'investissements qu'un appareil judiciaire compliqué, des procédures complexes. La justice est importante, mais elle peut prendre un sens plus large; il n'est pas juste que des enfants et des familles souffrent sans trouver l'aide et le support adéquats dans l'environnement. Bien des drames, des délits, des procès pourraient être évités avec des conditions de vie plus saines.

En fait, c'est le problème de la prévention. L'appareil judiciaire nous apparaît fortement enclin à appliquer des procédures qui déshumanisent des situations déjà difficiles, sinon traumatisantes pour les enfants et les parents.

Il faut bien comprendre que nous rejetons les aspects nuisibles, à notre avis, de l'appareil judiciaire pour la famille et non pas l'intervention judiciaire et la nécessité d'une instance de décision finale.

Quand on parle des aspects nuisibles, on pense, entre autres, au contexte physique et psychologique dans lequel se déroulent les choses au tribunal, le nombre d'avocats qui s'affrontent, les dangers qui surgissent lorsque les avocats se mettent à vouloir gagner leur cause plutôt que de se préoccuper des enfants, ce sont nos préoccupations. On trouve que la formation des avocats n'est peut-être pas toujours la meilleure formation pour ces problèmes et cela s'applique aussi aux juges.

Notre dernière partie concerne certains articles. En plus de nos commentaires généraux, nous désirons mentionner les questions et réflexions que nous ont suggérées certains articles. Je dois dire que nous n'avons pas eu le temps de tout couvrir, mais j'ajouterais peut-être, par rapport à ce qu'on a mis là, à l'article 8 dont il a été question précédemment, sur la communication confidentielle, qu'on est d'accord aussi; il reste des cas où c'est parfois nuisible. Je me suis trouvée devant des cas se rapportant à l'article 15, la protection, où la mère était dans une période de délire et avait

une influence très nocive sur une enfant de 7 ou 8 ans qui communiquait par téléphone avec elle. Enfin, ce n'est pas sans problème, ces choses, même si on reconnaît les principes.

Sur l'accès aux dossiers des spécialistes par l'enfant, les parents ou l'avocat, on a certains commentaires; une telle possibilité est de nature, à notre avis, à rendre prudents les experts et les intervenants, qui ont parfois tendance à utiliser des catégorisations ou à étiqueter de termes pathologiques certains comportements, à poser des jugements sur les personnes en fonction de leur valeur personnelle sans nuancer leur point de vue.

A ce point de vue, c'est une bonne chose que les experts pensent à qui va lire le rapport et que l'enfant ou l'adolescent va lire le rapport. Cela va peut-être les aider, lorsqu'ils rédigent les rapports, à être moins hermétiques et plus humains.

Cependant, nous croyons que la consultation des rapports écrits du spécialiste est plus valable et risque moins d'être nuisible lorsqu'il se sait dans une entrevue où il y a possibilité de discussions, d'explications et de clarifications. C'est difficile pour un enfant ou une famille de lire un rapport de spécialiste tout seuls et de remettre ça là, ils vont tout interpréter. C'est quelque chose de délicat.

On pense que si ça se fait en présence des spécialistes avec possibilité de discussion, c'est plus valable.

Sur l'article 25 qui concerne l'accès au dossier et la possession de copies de dossiers par le comité de protection, on a simplement des questions. Quelle est la formation des membres du comité et à quel code d'éthique sont-ils tenus d'obéir? Où vont les dossiers qui sont constitués parce que le comité va avoir une quantité de dossiers assez incroyable? Sont-ils détruits lorsqu'ils ont perdu leur utilité? Est-ce qu'ils sont conservés par le ministère de la Justice? On sait qu'il y a déjà eu une querelle autour des dossiers il y a un an ou deux. Alors, ça soulève des questions. C'est tout.

A la consultation des enfants — c'est l'article 7 — et des parents avant le transfert et l'application des mesures volontaires, il y a aussi l'article 43 là-dedans. L'idée de consulter les parents impliqués nous semble valable, mais dans la mesure où cela est appliqué par des professionnels, des praticiens qui sont suffisamment compétents en psychologie de l'enfant et de la famille, et dans la communication interpersonnelle avec les enfants et les adultes.

Il ne faut pas demander à un enfant, comme cela: Veux-tu aller à cette place-là? Si on demande à un enfant s'il veut partir de chez lui pour aller dans un centre d'accueil, il va, de toute évidence, dire non. Il faut savoir travailler... C'est simplement un commentaire. Il y a toujours possibilité de mal appliquer une loi ou sans compétence.

L'article 48 concerne le délai. Tout en concevant l'urgence de parvenir à une décision dans plusieurs cas, il faut être prudent et tenir compte du fait que les changements d'attitude, qui permettent d'accepter et de collaborer aux mesures volontaires appropriées, peuvent exiger des interventions répétées. Ce n'est peut-être pas dans les cinq premiers jours, en état de crise, qu'on peut obtenir la participation aux mesures volontaires, de la part des parents, de la famille ou du jeune.

Particulièrement, lorsqu'une personne se sent accusée par le système, que ce soit des parents qui vont être déchus de leurs droits, que ce soit des jeunes qui ont commis des délits, cela peut être long et difficile d'établir un minimum de confiance réciproque entre les professionnels qui travaillent et la famille ou les jeunes en question. En ce sens, le délai minimal de 20 jours apparaît peu flexible aux professionnels de notre groupe, qui ont été pris avec ces cas-là.

On pense que, si le délai était renouvelable ou s'il y avait une prévision, dans ce sens, cela serait valable.

Ensuite, les articles 29 et 30, qui concernent le poste de directeur de la protection de la jeunesse. Le poste comporte des responsabilités considérables et suppose une capacité remarquable de diriger et d'animer une équipe de praticiens.

Il nous semble étonnant que la loi, qui accorde le droit d'être consulté à l'enfant et à ses parents, ne prévoie aucune consultation des praticiens, lesquels auront à travailler quotidiennement avec le directeur, ni quant à sa nomination, ni quant à son maintien, ni quant à l'organisation de son service.

La loi, à un certain moment donné, a l'air d'être en faveur de la consultation, comme valeur démocratique, mais les praticiens, là-dedans, n'ont pas l'air d'être des gens dignes d'être consultés. Enfin, ce n'est pas dans la loi.

En considérant le pouvoir considérable dont le directeur de la protection de la jeunesse est investi — c'est une personne qui va avoir des décisions extrêmement importantes à prendre plusieurs fois par jour — on pourrait craindre la possibilité qu'il abuse de son pouvoir ou qu'il manque de jugement à un certain moment. Est-ce qu'il y a un processus pour régulariser cela? Si le DPJ s'enfle un peu la tête, à un moment donné, et abuse de son pouvoir, est-ce qu'il y a des mécanismes?

L'article 61 concerne aussi l'article 44. C'est sur l'hébergement volontaire. Quand les gens acceptent les mesures volontaires, ils doivent participer au coût, alors que, quand c'est l'hébergement obligatoire, les parents ne participent pas au coût. On s'est posé la question: Est-ce que l'hébergement volontaire est pénalisé par rapport à l'hébergement obligatoire, vu que les parents sont obligés de participer? On s'est demandé: Est-ce que, les parents, sachant cela, vont refuser les mesures volontaires pour pouvoir avoir les choses gratuitement? C'est comme si, financièrement, il y aurait avantage à refuser les mesures volontaires. Cela deviendrait alors un hébergement obligatoire. C'est une petite pierre d'achoppement du...

L'article 82, le droit de refuser de se soumettre à l'étude et à l'évaluation, visé à l'article 81, apparaît légitime, d'après nous.

Il faudrait toutefois prévoir une possibilité d'exception pour les cas extrêmes où ce refus fait partie d'une réaction autodestructrice du jeune qui se retrouve..." En tout cas, c'est un praticien

qui travaille depuis des années avec les adolescents qui nous a mentionné cela, savoir que, parfois, dans une période autodestructrice, les adolescents, cela peut faire partie de leur dynamique, refusent l'évaluation; or, ce fait peut être autodestructeur. C'est un problème.

En guise de conclusion, nous nous contenterons de signaler que notre étude est sommaire et a dû s'effectuer dans des limites de temps très restreintes. Quand même, le projet de loi nous apparaît comme valable; il va dans le sens de nos préoccupations, à savoir une aide et une protection réelles de la jeunesse.

On a maintenant, en terminant, une suggestion qui nous est venue entre-temps. L'application de ce projet de loi pourrait être soumise à une recherche indépendante, une recherche par des gens qui ne sont pas dans le système, qui ne sont pas dans la structure, qui n'ont nécessairement pas intérêt à maintenir les institutions, qui évalueraient si les objectifs seront atteints. Parce qu'il y a plusieurs objectifs très valables et je me dis que c'est à l'usage qu'on va savoir s'ils sont atteints. On imagine un ou deux ans d'application et ensuite vraiment évaluer si les jeunes ont été protégés, si la déjudiciarisation fonctionne, parce qu'on a des doutes là-dessus. On insiste sur une recherche indépendante, c'est-à-dire par des gens qui n'ont pas intérêt à maintenir les institutions.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, pour un mémoire et une étude que vous dites sommaires, je pense que tous les membres de la commission seront d'accord pour noter, d'abord, le fait que quatre professionnels se soient donné la peine, à partir de votre propre expertise, de votre intérêt de préparer un mémoire comme celui-là, ce n'est pas banal, cela ne se présente pas tous les jours; peut-être que cela devrait se présenter plus souvent. Je suis certain que les membres de la commission sont d'accord avec moi pour vous en remercier. Parce qu'il y a aussi ce bout de responsabilité simplement des citoyens de faire valoir leur point de vue et, à partir de l'expérience de chacun, de l'expertise de chacun, surtout sur des sujets comme ceux-là, que ce soit la protection de la jeunesse, que ce soit les handicapés, enfin, il y a tellement de coins où des groupes de citoyens ont, pour toutes sortes de raisons — je ne leur jette pas le blâme — été, dans certains coins, laissés pour compte, il faut vraiment que ce soit un effort de tout le monde pour arriver à corriger cela.

Votre mémoire touche des choses fondamentales. En même temps, vous avez réussi le tour de force d'être très concrets, très précis dans vos recommandations sur toute une série de points. Je voudrais vous remercier, au point de départ.

Deuxièmement, vous me permettrez, très rapidement, une remarque. Je ne voudrais pas abuser du temps qu'il nous reste. Vous avez raison de soulever le problème. C'est un problème de fond. Je ne sais pas si, un jour, quelqu'un réussira à trouver la formule magique, parce que, forcément, jusqu'à ce que quelqu'un invente de nouveaux boutons à quatre trous, mais vraiment nouveaux ceux-là, on est forcément obligé de passer par des textes de loi. Encore une fois, c'est un jargon qui est le jargon de textes de loi. Passer par des textes de loi pour faire valoir et s'assurer que seront respectés et vécus dans une société ce qu'on considère être des droits fondamentaux essentiels de groupes de citoyens, on est constamment confronté à essayer de tenir cet équilibre à travers un jargon juridique, afin de trouver le moyen de faire appliquer et respecter ces droits. C'est donc une des balises, un des corridors.

Aussi, il est peut-être important de rappeler que, forcément, dans un texte de loi, il nous fait prévoir, parce que, très souvent, c'est un peu comme un contrat, un texte de loi, on ne s'en sert pas quand cela va bien, on s'en sert quand cela va mal. Forcément, il faut donc prévoir aussi les cas qui, très souvent, sont des cas d'exception, marginaux même, dans certains coins, mais qui peuvent se produire. Dans la mesure où c'est raccroché à des choses essentielles, il faut s'assurer que le jargon juridique, le texte de loi, prévoie même ces cas, puisqu'on va y recourir dans des moments où quelqu'un pourrait en avoir besoin pour faire valoir ses droits. Il faut donc faire bien attention, quand on les interprète, pour ne pas partir de cas d'exception et essayer d'en dégager comme une espèce de philosophie globale, bien au contraire.

Maintenant, cela étant dit, vous nous avez fait part d'inquiétudes concernant notamment le tribunal. Vous l'avez sans doute remarqué, et peut-être que quelqu'un a des suggestions additionnelles — il y en a qui nous ont été faites, et on va certainement les examiner au mérite — en tout cas, on a essayé de faire un très gros effort, parce qu'il faut un tribunal, jusqu'à ce que quelqu'un... On a essayé de déjudiciariser au maximum en limitant les âges de responsabilité, si vous voulez, en ajoutant à côté de M. le juge qui sera là, deux assesseurs qui ne seront pas des juges, pas des avocats, en permettant au ministre de la Justice de faire en sorte qu'un juge de l'éventuel tribunal de la jeunesse soit capable de s'en aller, en quelque sorte, en recyclage sur le tas, parmi le monde, dans un CSS à côté des travailleurs sociaux, de ceux qui seront là, pour être pris un soir à voir arriver des jeunes. Une fois qu'ils vont remonter sur le banc, ils vont peut-être voir le problème avec des dimensions et une largeur de vue nouvelles. On a essayé. Evidemment, c'est toujours perfectible. Il nous semble qu'on a fait... On va gratter pour voir s'il n'y a pas possibilité de l'améliorer davantage. Par ailleurs, il faut réconcilier cela aussi avec une urgence, parce que cela traîne dans le paysage québécois, c'est une vieille loi qui date de 1950. C'est le monde en vie et il faut franchir une étape. Je retiens et je suis certain que mon collègue, le ministre des Affaires sociales aussi va être d'accord pour retenir cette idée, cette suggestion, en tout cas, de l'examiner certainement, très attentivement, cette idée de mettre en branle, dès que la loi — et tout ce que cela implique, se mettra en marche, advenant son adoption,

cette idée d'une recherche dans la pratique. D'ailleurs, il y a des articles de la loi qui permettent d'ouvrir des dossiers pour des fins comme celles-là, pour vérifier cela par des équipes indépendantes. L'idée est intéressante, on verra dans quelle mesure c'est possible.

Vous avez posé une question concernant l'article 25, le Comité de protection de la jeunesse. Je voudrais vous dire tout de suite que les membres du Comité de protection de la jeunesse, en tout cas, on verra, mais potentiellement, pourraient se retrouver dans le nouveau Comité de protection de la jeunesse, compte tenu de l'expérience passablement remarquable des travaux, je crois, pas mal exceptionnels qu'ils ont réussi à faire, une toute petite équipe très légère, très souple, dans le cas des enfants maltraités qu'on veut maintenant agrandir pour couvrir les autres. Ces gens sont d'abord choisis pour leur compétence personnelle. Il s'agit d'une équipe composée de sociologues, de psychologues, de travailleurs sociaux. Il y a quelques avocats aussi dans l'équipe. Ils sont tenus d'abord au code d'éthique — il en faut toujours un par ci et par là, qu'est-ce que vous voulez — de leur propre profession, d'une part. Maintenant, on va regarder, parce que cela a été soulevé aussi en cours de route, dans quelle mesure il n'y aurait pas lieu de resserrer davantage ou d'assurer une meilleure confidentialité des secrets professionnels au niveau du comité en question, leur permettre d'aller et de voir les dossiers; si on veut vraiment qu'ils soient des ombudsman que, de leur côté à eux, ce soit davantage serré ou balisé.

Voilà les remarques premières que m'inspiraient vos commentaires, et je vais laisser, M. le Président, la chance aux autres pour les quelque dix minutes qu'il nous reste.

Le Président M. Laplante): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Oui, M. le Président. Je trouve votre présentation très rafraîchissante. Vous savez, sur l'idée maîtresse que vous avez soulevée pendant cinq ou six minutes, cet excès de présence de personnel juridique, moi, je suis plutôt porté à être de votre avis. Cependant, de façon plus réaliste, étant donné que nous attendions tous depuis plusieurs années ce projet de loi et qu'une des causes du retard, c'était justement qu'il y avait impasse entre les gens juridiques, dans le passé, qui étaient au gouvernement, et les gens du côté des Affaires sociales, qui étaient au gouvernement, on n'a pas réussi, peut-être, à atteindre tous les objectifs qu'on se serait fixés idéalement. Il existe des tribunaux de la jeunesse qui ne sont pas composés exclusivement de personnel juridique dans beaucoup de pays d'Europe occidentale et ailleurs et, pour ma part, je crois à cette formule. Je pense qu'il faudra continuer à améliorer cette loi quand elle deviendra une loi.

De façon concrète, deux ou trois points: Votre remarque au sujet du délai de 20 jours, moi, j'en prends bonne note. C'est peut-être un peu court, effectivement, 20 jours, avant que ça ne devienne une intervention obligatoire. La deuxième remarque: Les pouvoirs considérables que va posséder le directeur de la protection de la jeunesse. Vous dites: Qu'est-ce qu'on fait s'il abuse de ces pouvoirs? Là, je vous fais remarquer qu'il sera un employé du centre de services sociaux, un cadre supérieur, si vous voulez, mais, comme tout employé, je pense que le conseil d'administration du centre de services sociaux et le directeur général auront à prendre des mesures s'il n'est pas compétent.

Votre suggestion que le personnel soit consulté, moi, je la trouve aussi intéressante. Evidemment, c'est... On entre dans la pratique interne d'une institution qui s'appelle CSS. On peut encourager les centres à faire cette consultation-là. La contribution pour volontaires et involontaires; nous notons que d'autres nous ont aussi fait cette remarque. Finalement, au sujet de la recherche, je suis presque tenté de prendre un mini-engagement pour ce qui est de la subventionner, très modestement, mais je trouve l'idée fort intéressante et qu'on le fasse dès le départ.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement me joindre au témoignage d'appréciation que le ministre vous a donné.

Je pense que c'est extrêmement intéressant que des individus prennent le temps et manifestent ce sens de la responsabilité en venant faire valoir un point de vue qui touche beaucoup à leur vécu quotidien au plan professionnel.

Compte tenu qu'il reste trois minutes, je n'ai qu'une seule question que je voudrais vous poser. Je pense que d'une façon générale, vos points de vue étaient pertinents quant à l'idée de la consultation... les points que les ministres ont soulignés.

C'est à la page 7. Consultation des enfants et des parents avant le transfert, l'application de mesures volontaires. L'idée est valable dans la mesure où elle est appliquée par des professionnels ou praticiens suffisamment compétents en psychologie de l'enfant et de la famille et dans la communication interpersonnelle avec les enfants et les adultes.

En principe, je suis d'accord avec vous, mais comment peut-on déterminer cette compétence suffisante et n'y a-t-il pas aussi recueil que finalement, certains critères... parce que vous avez déjà affaire à des professionnels, mais vous voulez qu'ils soient assez compétents en plus et je me pose deux questions.

D'abord, comment détermine-t-on s'il est professionnel compétent ou non? Et deuxièmement, faut-il vraiment que cela soit la responsabilité d'un professionnel de la psychologie ou de l'intervention sociale ou excluez-vous dans votre idée que d'autres personnes pourraient être aussi compétentes?

Mme Miron: Oui. Les habiletés en communication interpersonnelle se développent chez tout le monde. Ce n'est pas réservé à des professions.

Non, les questions qu'on avait, c'était que... On le sait, parce que c'est un fait. Un juge va demander à un enfant: Veux-tu aller avec ton père ou avec ta mère? Ce n'est pas très humain de demander cela à un enfant de huit ou de neuf ans. Veux-tu changer de foyer? Un enfant qui est dans un foyer nourricier que les professionnels jugent non adéquat et qu'il faut placer dans un centre d'accueil, ce n'est pas simple comme...

Ce qu'on pensait, c'est déjà absolument... Ce serait une application trop à la lettre de la loi. Quand un enfant est bouleversé en période de crise, c'est presque le bouleverser davantage que de lui poser des questions sans habileté, ou sans comprendre ce qu'il peut vivre de l'intérieur. C'est notre préoccupation. Ce n'était pas dans le but de mettre en doute la compétence des professionnels qui exercent, cela peut toujours s'améliorer, mais c'était simplement que dans cela, ce n'est pas si simple la consultation. C'est simplement ce qu'on voulait dire.

En fait, c'est un bel objectif, mais cela reste à voir dans l'application.

Mme Lavoie-Roux: Selon votre expérience, par exemple, à l'heure actuelle — je ne veux quand même pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites — n'est-ce pas l'inquiétude que vous avez au sujet de la formation ou de la compétence même du juge qui intervient à ce moment? Les questions que vous posez, ce sont les questions que le juge va poser.

M. Tremblay (Fernand): On s'est beaucoup posé cette question. C'est sûr que le juge a une formation en droit et je pense que l'exemple qu'apporte Louise est intéressant. Le juge est pris avec deux parents. Un veut avoir la petite fille et l'autre aussi. Il doit demander à l'enfant... On suggérerait plus le tribunal de la famille, à ce moment-là. C'est le contexte, finalement. Il faut le demander à l'enfant, mais c'est le contexte où cela se fait, surtout que, dans la loi, il est prévu des cas en Cour d'appel ou en Cour supérieure, où on a des toges et tout le "kit". Ce sont des choses qu'il faudrait.. L'enfant a plus à souffrir du contexte actuel du système judiciaire... C'est là, finalement, qu'il est dangereux. J'ai travaillé au ministère de la Justice, un bout de temps, et j'ai vu des parents qui se demandaient ce qu'ils faisaient là. Ils avaient passé une demi-heure à la cour et ils ne savaient pas du tout ce qui se passait. Ils sortaient de là, éberlués. Ils demandaient à l'avocat: Qu'est-ce qui s'est passé, M. l'avocat? Je ne sais pas s'il répondait, mais... C'est le contexte judiciaire. Je pense plus à une table ronde, par exemple. Quelques personnes rencontrent l'enfant et la famille, et le juge peut très bien décider, à la suite de cette rencontre, sur le plan judiciaire.

Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien, ce n'est pas une correction qui peut être faite, apportée à la loi. C'est une préoccupation que vous avez, dans le contexte général où ces événements se déroulent.

M. Tremblay (Fernand): Oui, on peut avoir une très bonne loi et que, dans l'application, l'esprit de la loi et les objectifs soient à l'inverse.

Il faut prendre garde à cela. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de gens de bonne volonté au ministère de la Justice et au ministère des Affaires sociales, mais il faut quand même voir ce qui se passe réellement à l'heure actuelle.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Laplante): II est six heures. Je ne sais pas si vous auriez une proposition à faire?

M. Shaw: Rapidement, je voudrais remercier les témoins, M. le Président.

M. Marois: M. le Président, je ne sais pas si l'un ou l'autre des membres de la commission a une ou deux questions à poser. Si les membres étaient d'accord, on pourrait prolonger, le cas échéant, de cinq minutes.

M. Shaw: Je n'ai pas de question. Je voudrais remercier les témoins pour leur mémoire, parce que je suis d'accord avec presque tous les points qu'ils ont soulevés.

Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, les membres de cette commission vous remercient du mémoire que vous avez apporté à la commission.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 5

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Reprise des travaux—réception des mémoires sur la loi 24 — de la commission des affaires sociales et de la justice.

J'appellerais maintenant les représentants du Centre de services sociaux Ville-Marie.

Il est interdit de fumer dans la salle.

M. Shaw: M. le Président, est-ce que je peux avoir des renseignements? Est-ce que nous avons des prévisions sur la fin de l'audition des témoins ou des mémoires?

M. Marois: M. le Président, si le député le permet, dès qu'un représentant du Parti libéral sera présent, je me ferai un plaisir de répondre très précisément à votre question.

M. Shaw: D'accord, merci.

Le Président (M. Laplante): Je demanderais votre coopération. Veuillez être assez rapide dans le résumé de votre mémoire pour qu'on puisse rapidement poser des questions. Merci mesdames.

Voulez-vous, s'il vous plaît, identifier votre organisme, vous identifier ainsi que les personnes qui sont avec vous.

Centre de services sociaux Ville-Marie

Mme Smith (Margaret Ann): Bien sûr, M. le Président, honorables ministres, membres de la commission, nous sommes très contentes d'avoir l'occasion d'échanger avec vous, ce soir. C'est un plaisir pour moi de vous présenter mes collègues. A ma gauche, Mlle Marion Lessard qui est coor-donnatrice du programme pour les enfants maltraités au Montreal Children's Hospital et à droite, Mme Pat Bratley, coordonnatrice des programmes dans un "area service center", de Ville-Marie. Je suis Margaret Ann Smith du service social, au Montreal Childrens.

On va essayer d'être le plus bref possible. Si nous voulons atteindre l'objectif de cette loi qui est de... excusez. Je vais donner la parole, premièrement, à Mlle Lessard.

Mme Lessard: Le personnel du Centre de service social Ville-Marie est entièrement d'accord avec l'objectif et la philosophie du nouveau projet de loi. Cette future loi marque une étape importante dans la législation du Québec. De plus, nous sommes entièrement d'accord que soit maintenant reconnu le fait que les enfants ont des droits égaux à ceux de leurs parents et que ces derniers ont toujours une responsabilité envers leurs enfants.

Nous appuyons l'énoncé des notes explicatives et l'énoncé de l'article 4 qui dit qu'on doit aider l'enfant à se maintenir dans son milieu naturel et d'envisager, en second lieu, les soins substituts seulement lorsque ces premières tentatives ont échoué.

Nous sommes d'accord avec le fait d'accorder la priorité à l'intervention sociale plutôt qu'à l'intervention judiciaire, ceci étant possible grâce à la collaboration volontaire des parents et de l'enfant.

Dans le passé, nous avons eu des difficultés et, maintenant, grâce au droit d'appel, les droits des parents et ceux des enfants sont bien protégés. Nous sommes donc entièrement d'accord que le juge doit expliquer à l'enfant la nature des mesures envisagées et les motifs les justifiant. Nous entretenons l'espoir que le juge a une certaine formation qui l'aidera à comprendre les projets que font les professionnels qui lui présentent le cas de l'enfant et de ses parents.

Dans plusieurs articles, il est question des responsabilités du directeur. Même si ces responsabilités sont lourdes, la loi crée pour la première fois un rôle de coordination des services et facilite l'accès à la protection, tant pour la famille que pour l'enfant. Il faut cependant préciser ces responsabilités et à qui et quand elles peuvent être déléguées. Nous citons surtout le problème de l'article 65.

Mme Bratley traitera maintenant des problèmes de confidentialité.

Mme Bratley: Je voudrais dire, pour commencer, que nous avons certaines préoccupations. Nous sommes en faveur de la loi, bien sûr. Dans l'ensemble, notre préoccupation consiste premièrement, ce qui est le plus important, en des problèmes de ressources et de budget. Il y a, deuxièmement, la composition du Comité de la protection de la jeunesse et le rôle des assesseurs du tribunal et, troisièmement, le problème des jeunes de moins de quatorze ans engagés dans les activités antisociales, et, quatrièmement, la confidentialité.

Nous sommes d'accord avec les clauses de la loi qui protègent la confidentialité. En plus, nous recommandons que l'accès aux dossiers à des fins de recherche soit strictement contrôlé. Nous aurions besoin, nous croyons, de règlements sur la méthode d'échange de dossiers et sur le type d'informations échangées entre le CSS et d'autres établissements.

La plus importante question à ce sujet, c'est que nous croyons que les audiences du tribunal doivent être entendues à huis clos, à moins que les parents ne demandent qu'elles soient publiques. Les décisions du tribunal seraient basées sur des détails de la vie privée de la famille, la famille ayant droit à la protection de la confidentialité à cet égard.

Mme Smith: Si nous voulons atteindre l'objectif de cette loi qui est de maintenir les enfants dans leur propre foyer ou au sein de leur communauté, il sera nécessaire de penser à une augmentation de budget. De bons services de protection coûtent cher et ils sont efficaces seulement si la communauté dit qu'ils sont une priorité et si elle agit en conséquence.

Présentement, les priorités du ministère des Affaires sociales pour les CSS sont les enfants qui ont besoin de protection et les personnes âgées. On est complètement d'accord sur le fait qu'elles sont prioritaires, mais on voudrait souligner quelques points.

Premièrement, il y a une certaine appréhension exprimée par mes collègues de la clinique de Ville-Marie et d'ailleurs. Si un budget approprié n'est pas consacré à cette tâche, il sera impossible de travailler de façon efficace. Il sera possible de travailler, mais en sachant bien qu'on néglige certaines situations qui peuvent être moins urgentes, mais plus chroniques. Exemple: les problèmes matrimoniaux, les problèmes d'abus de drogue, l'alcoolisme, les problèmes entre les enfants et leurs parents qui n'ont pas besoin de protection. On peut répondre aux exigences de la loi proposée, mais en faisant ceci: On peut créer une situation où les activités des CSS seront presque exclusivement concentrées sur la protection de la jeunesse et des personnes âgées.

Nous espérons que les systèmes ne se développeront pas seulement de cette façon, exclusivement de cette façon. Il y a un certain nombre de ressources, humaines, financières, etc. Il ne faut pas "rob Peter to pay Paul".

Il faut avoir un budget et des ressources adéquates pour compléter le mandat de cette loi, sans une diminution des services thérapeutiques. Il est impératif que la loi, en améliorant le système de protection, n'épuise pas les ressources thérapeutiques qui doivent exister si on veut traiter ces familles d'une manière efficace. Le diagnostic d'un enfant en danger demande une priorité. Il facilite l'entrée dans un système d'aide. Les aspects de la protection sont habituellement, sûrement la première évidence d'un problème auquel on fait face dans un moment de crise. Après que la crise est résolue, on trouve souvent d'autres problèmes complexes et difficiles dans la famille, qui exigent un répertoire des services.

L'intervention de crise est vide, s'il n'existe pas des moyens de deuxième ligne efficaces, c'est-à-dire les interventions psychosociales. Un autre commentaire: Cette loi va augmenter les demandes de services. Par le service de 24 heures, le programme de sensibilisation du public pour certaines catégories de problèmes. Un investissement sérieux et large de temps, argent et expertises est nécessaire si on veut rester fidèle à l'esprit de la loi. Souvent, le professionnel sait bien quelles ressources seraient souhaitables. Cette ressource n'existe pas ou devient disponible trop tard. Si vous me permettez, je voudrais dire mes derniers mots en anglais, parce que nous avons essayé ensemble de faire une traduction, mais c'est presque impossible. Decision making in this critical area must be based on a child sense of time, not on an adult sense of time or a bureaucratic one.

Nos remarques terminées, nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

Le Président (M. Laplante): Merci beaucoup de votre coopération, mesdames. M. le ministre.

M. Marois: Merci. Je voudrais d'abord remercier le Centre des services sociaux Ville-Marie de nous avoir présenté ce mémoire qui traite des grandes orientations de fond et vos perceptions, votre façon de les voir; vous touchez des sujets très précis. Je voudrais, tout d'abord, vous poser deux questions portant précisément sur deux sujets auxquels vous semblez attacher une assez grande importance, du moins à la lecture de votre mémoire, car vous y êtes revenues dans vos commentaires.

En page 2 de votre mémoire, vers le bas de la page, concernant la confidentialité, à la recommandation d) vous parlez de la destruction des dossiers à 18 ans. Vous avez sans doute noté que l'article 95 du projet de loi prévoit déjà la destruction du dossier à 18 ans, lorsque le jeune atteint 18 ans.

Evidemment, il s'agit là du dossier du tribunal dans l'article 95. Ma première question est la suivante: Est-ce que vous avez autre chose en tête lorsque vous parlez de la destruction du dossier? Est-ce qu'il s'agit d'autre chose qu'uniquement du dossier du tribunal qui est évoqué à l'article 95?

Ma deuxième serait la suivante: Vous avez, tout au long de votre exposé, dans votre mémoire, accordé une grande importance, je crois, à la question des ressources — c'est votre expression — nécessaires. Il y a un point qui me semble un peu obscur, en tout cas sur lequel j'apprécierais que vous me donniez des éclaircissements. C'est à la page 4 de votre mémoire, paragraphe 5. Vers la fin de ce paragraphe 5, vous posez la question: Quelles ressources pourront être utilisées pour traiter ces enfants, puisqu'il est fort probable, affirmez-vous, ou, en tout cas, fort probable, dites-vous, que les ressources utilisées pour les plus de 14 ans ne pourront être accessibles à cette catégorie d'enfants? Vous semblez dire là que les enfants de moins de 14 ans n'auraient pas droit aux mêmes ressources que ceux de plus de 14 ans. Je dois avouer que, vraiment, je ne comprends pas ce sur quoi vous fondez une remarque comme celle-là.

Mme Bratley: A la première question, c'est non, M. le ministre. Je crois que nous voulons dire par là que nous nous appuyons sur l'article 95 du projet de loi, pour la question des dossiers du tribunal.

M. Marois: Ce sont les dossiers du tribunal dont vous envisagez la destruction. Parfait.

Mme Bratley: Sur la question des jeunes âgés de moins de 14 ans, c'est notre préoccupation qu'ils ne soient pas des enfants qui tombent, comme le ministre l'a dit, plutôt entre deux chaises.

Il y a des enfants qui ont des problèmes sérieux, qui ont des problèmes qu'on peut appeler de délinquance, qui sont peut-être un danger pour eux-mêmes et pour les autres. La loi semble tirer la ligne si strictement entre l'enfant de moins de quatorze ans et le jeune de plus de quatorze ans, que c'est notre souci que les ressources ne seront pas là pour l'enfant de moins de quatorze ans.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, si je peux enchaîner sur cette question, je pense que là il y a tout simplement une erreur d'interprétation parce que, pour nous, la loi s'applique autant aux enfants de moins de quatorze ans qu'aux enfants de plus de quatorze ans. L'une des seules distinctions importantes, c'est la comparution devant le tribunal à partir de quatorze ans. Mais tous les services qui découlent de cette loi, que ce soit les services du directeur de la protection de la jeunesse ou autres services, s'appliquent autant aux moins de quatorze ans qu'aux plus de quatorze ans.

J'ai quelques questions, mais je désire aussi vous remercier pour votre contribution à l'étude de ce projet de loi. Deux ou trois remarques seulement: L'accès 24 heures par jour à un tribunal de la jeunesse, c'est un objectif que nous nous fixons, nous aussi. Il y a déjà l'accès, 24 heures par jour, de la part du personnel de centres de services sociaux, au moins dans certaines régions. Si on veut que la loi soit appliquée de façon efficace et rapide, il faudra qu'il y ait aussi un accès permanent sous forme de garde, un peu comme on fait dans les hôpitaux, de la part des juges du tribunal de la jeunesse.

Je vois aussi, à la page 3 de votre mémoire, au bas, quand vous traitez du budget: "II est nécessaire d'avoir un processus uniforme pour les statistiques et les évaluations afin qu'à un moment donné, des recommandations relatives à l'augmentation des budgets puissent être documentées, tant pour le centre de services sociaux que pour le Québec tout entier". Vous me voyez très heureux de cette remarque. Quand on connaît — mon prédécesseur a eu à vivre avec cette situation — toutes les réticences que beaucoup d'organismes sociaux, pour des raisons bien intentionnées, ont montrées à fournir des statistiques, je me réjouis de votre disponibilité à les fournir régulièrement, c'est un instrument nécessaire si on veut financer et planifier de façon cohérente.

A la page 4, vous proposez que les membres du Comité de la protection de la Jeunesse — quelques autres groupements nous ont fait la même proposition — soient des gens venant de diverses régions. Je crois que nous devrions tenir compte, effectivement, d'une représentation régionale dans le Comité de protection de la jeunesse.

Enfin, les ressources. Je pense qu'on pourra les réévaluer après un certain temps. Quant à nous, c'est un projet de loi dans lequel on a voulu éviter de créer de nouvelles structures administratives, bureaucratiques, comme vous le dites à la fin de vos remarques. On a voulu éviter de nouvelles structures. Par conséquent, nous pensons que le gros des dépenses, l'essentiel des dépenses qui vont être encourues pourraient l'être en utilisant les services déjà existants.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez des commentaires, madame?

Mme Lessard: On voudrait prendre l'occasion pour souligner notre inquiétude ou demander que les Centres de services sociaux participent à la formulation des critères et au choix des membres du comité de protection, les assesseurs. On n'a pas osé ajouter les juges.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je n'ai pas de question à adresser directement au groupe qui est devant nous, mais j'aimerais souligner une question qu'il pose indirectement, même directement, au ministre. Selon la réponse qu'ils obtiendront, ils auront peut-être eux-mêmes des commentaires à formuler. C'est une question contenue à la page 4 de l'apprendice de leur mémoire, au sujet de l'article 55.

On pose cette question: Qui est le représentant du ministre de la Justice et comment est-il choisi ou désigné? Je trouve que c'est là une excellente question. Effectivement, on ne la voit pas traitée dans le projet de loi de façon complète. On suppose qu'il y aura un processus de sélection, mais j'imagine que ce groupe, en soulevant ce point, s'inquiète de la possibilité que, par exemple, ceux qui agissent comme procureurs au niveau du ministre de la Justice et devant l'actuelle Cour de bien-être ou tribunal de la jeunesse, soient également, à d'autres moments de la journée, ceux qui agissent comme délégués du ministre de la Justice dans la détermination de l'orientation des enfants.

Il me semble que, si c'était le cas et ce n'est pas interdit par la loi, on se trouverait dans la situation d'un procureur de la couronne qui intervient devant la cour relativement à un enfant au sujet duquel il a pris une décision au niveau du comité, une décision pour laquelle il a peut-être été nécessaire de faire intervenir un arbitre, selon les cas. Je ne sais pas si c'est entièrement souhaitable, d'autant plus qu'au moment de ce qu'on appelle le "intake", c'est-à-dire la première prise de considération du jeune par le directeur de la protection de la jeunesse, on est susceptible d'avoir accès à des informations, des dénonciations, des aveux qui devraient être faits en toute confiance par l'enfant, par ses proches, sans présumer que, pour autant, ceux qui font ces aveux vont tout de suite, et par inadvertance, informer le procureur de la couronne, celui qui va devenir par hasard le procureur de la couronne dans la cause qui sera éventuellement créée.

Je le mentionne ici pour souligner... Dans le fond, je n'ai pas de reproche à faire au ministre d'avoir voulu alléger les structures qui sont déjà nombreuses et d'avoir éliminé les comités d'orientation. Mais on se rend compte tout de suite — on en a parlé il y a une journée ou deux... Relativement aux centres de services sociaux, on a dit: II va y avoir une délégation des pouvoirs du directeur à des gens bien déterminés pour agir au nom du directeur dans cette prise de décision. On se rend compte tout de suite qu'au niveau du ministère de la Justice, on va aussi être obligé de désigner des gens qui ne feront que ça.

Donc, effectivement, on va avoir un comité d'orientation, j'imagine, sans le nom, c'est-à-dire qu'on va avoir les gens, le délégué des services sociaux, le délégué du ministère de la Justice et même un arbitre, donc, les trois membres qui étaient envisagés pour faire partie du comité d'orientation local, sauf qu'ils vont fonctionner chacun sous son chapeau et non pas comme un groupe qui a une mission bien identifiée.

Je me demande si le ministre pourrait nous éclairer là-dessus et nous indiquer s'il consentirait même à ajouter un article — je comprends que ce n'est pas le lieu de faire des amendements, mais c'est dans l'esprit de ce mécanisme — pour prévoir qu'au moins, le ministre de la Justice ne puisse pas choisir son délégué pour l'application de l'article 56 parmi les avocats qui agissent comme procureurs devant le Tribunal de la jeunesse.

M. Marois: M. le Président, je pourrais dire deux choses très précisément là-dessus. La première, c'est qu'en ce qui concerne cette idée de temps plein, de gens à temps plein, ce que le député vient d'évoquer, dans notre esprit, évidemment sur la base d'une certaine prospective, si vous voulez, il nous semblait que ça pouvait peut-être se présenter au point de départ à Montréal, mais pas nécessairement dans le reste du Québec.

M. Forget: C'est vrai.

M. Marois: Premièrement. Deuxièmement, dans notre esprit aussi, bien que là, je convienne — il est 20 h 30 pour tout le monde et il faudrait peut-être regarder à nouveau le texte en matinée, à tête plus reposée — mais je conviens qu'il peut y avoir une certaine ambiguïté puisque le ministre de la Justice désigne un délégué pour participer au mécanisme d'orientation. D'autre part, il va aussi y avoir des assesseurs et enfin, forcément, des procureurs. Il était très clair, dans notre esprit en tout cas, que la même personne ne pouvait pas assumer les deux ou même les trois fonctions, en tout cas pour un même cas donné.

Je conviens qu'il y aurait lieu de regarder les textes de très près pour s'assurer que tout cela est bien clair. Mais l'esprit est là et on est d'accord.

Mme Lessard: Notre préoccupation au sujet du délégué du ministère de la Justice est aussi du côté... Les questions que vous avez posées et soulignées sont des questions très importantes, mais nous sommes aussi préoccupées de ce que sera son rôle. Quel sera son rôle dans le secteur de la protection de la jeunesse? Il nous semble qu'il y a très peu d'indications. Cela viendra, mais on n'en a aucune idée pour le moment. On aimerait participer.

Une Voix: Le maintien de la loi et de l'ordre.

M. Forget: Est-ce que vous êtes d'accord sur cette notion que toutes les préoccupations doivent être prises pour que les informations qui sont ob- tenues par ceux qui décident de l'orientation, au moment de la première prise de contact avec le système de protection de la jeunesse... Est-ce que vous êtes d'accord que ces informations sont privilégiées et qu'il faut tout faire pour éviter que les aveux, les confessions, les informations, les délations qui sont faites, à ce moment-là, soient utilisés comme des instruments pour permettre au procès éventuel, devant le tribunal, de suivre son cours?

Il faut faire une très nette démarcation entre ce que les gens disent spontanément, quand ils se présentent à un organisme qui porte le nom de protection de la jeunesse, ce qu'ils sont amenés à dire, ce qu'ils sont incités à dire et, d'autre part, la preuve qu'il faudrait faire devant le tribunal et qui repose, qui doit reposer sur des règles de jeu complètement différentes. A ce moment-là, les gens doivent se dire qu'ils ont le droit de ne pas s'incriminer eux-mêmes. Si le jeune doit être jugé comme un adulte avec, au moins, les mêmes protections qu'un adulte, il ne faut pas profiter des circonstances de protection pour l'incriminer, dans le fond. Est-ce que vous êtes d'accord qu'il faut absolument éviter les vases communicants entre les deux?

Mme Lessard: Je crois que Mme Smith a l'expérience pertinente à ce sujet.

Mme Smith: Je peux être accusée d'être en conflit d'intérêts, parce que j'ai participé, avec grand plaisir, au travail du présent comité pour la protection de la jeunesse. Je pense que le représentant du ministère de la Justice a eu un rôle très important pour nous, comme travailleur social, chez nous, à Ville-Marie, dans le "management" des cas. Il y a un certain recul quand vous n'êtes pas dans une situation clinique; vous avez une autre optique de la situation. Je pense que cela dépend beaucoup de la profession, de la personnalité, de même que des qualités de la personne qui est choisie. Il faut aussi considérer la flexibilité d'organismes concrets.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Avant de poser mes questions, M. le Président, est-ce que nous pouvons continuer avec la motion ou va-t-on continuer les travaux?

M. Marois: Dès qu'on aura terminé l'audition du présent mémoire, si vous le permettez, on pourra aborder cette question.

M. Shaw: Ladies, I would like, first of all, to welcome you to our Parliamentary Commission. I think this present Bill, obviously, is of general interest of everyone who has been before so far. If there has been an area of accord, in every group that has presented briefs, there is definitely a necessity for this concept of legislation. All we are trying to do here is examine this legislation, article by article, and with your help and your experience in the field, put input into trying to

make it the best possible, very possible and decide from that I think we have to consider the legislation, not only as a piece of paper, but the mechanisms by which in facilities and resources through which it will be implemented.

So, there is a couple of questions I would like to ask you concerning this. First of all, in the articles in division IV, 35a and 35j. In 35a, you have suggested that the definition of the security in development of the child be expanded to include those families who are incapable of caring for them.

I doubt that there were other places in your brief that there are actual descriptions which you consider too large. You are suggesting that they would be added to this as an amendment that would say that his parents are dead or no longer take care or seek to be rid of him or are incapable of caring for him. You suggested this would be added. How would you put the parameter on this that it would stay within some kind of perspective that was not arbitrary? It is a good question.

Mme Lessard: Yes. I think the only way... La seule façon qu'on peut répondre, c'est que tout ce qu'on dit est un jugement et on a des principes d'acceptation des jugements des gens, des professionnels. Je crois que ce n'est pas arbitraire.

M. Shaw: Puis-je poser la même question au ministre? Peut-être qu'elle est valable. Pouvons-nous formuler un amendement? Si on regarde dans la même section de la loi "where you have also made the recommendation that the section g) be removed where it says: He has serious personality disturbances" peut-être que, dans celui du ministre des Affaires sociales "there is an area that we should..." What, in your experience in the field... Are there that many people that would have a range of personality disturbances that you might consider not being abusive?

Mme Smith: I think that what they have outlined is an attempt to try to foresee the kind of situations which would make the child being jeopardy. I think it is very difficult to define what a serious personality disturbance is. I am not representing Ville-Marie's point of view, that is my clinical opinion when I say that. I do not think that Ville-Marie's brief did recommend that be taken out, but, on review, as we prepared for this presentation, we felt that it would be very difficult to define serious personality disturbance.

The American experience has been that when they have included emotional neglect or emotional abuse, it has brought in every kind of cases and it has clog the network so that the more urgent cases can be taken care of. I would think too that it is very important that parents feel that they have a right to seek help on their own and that there are certain number of things that cannot be dealt with in other ways rather than under the aids of the Youth Protection Act. I think the whole business of problems that children have, we can see them on continuum, some of them requiring court intervention, some of them requiring protective measures either at home or in foster care and others that can be dealt with on a voluntary basis, without any intervention, except the parents going and seeking help.

M. Shaw: Just to follow, one more area that I have questioned. The definition in section 32, the exercice of powers, and I have this Public Inquiry Commission Act, makes the director of youth protection a very powerful agent of the court in his own right, his powers are equivalent to a judge's of the Superior Court and he has also the power to delegate these. Do you have any reticence about that kind of power to, let us say, a non judicial person?

Mme Smith: No, I do not have any reticence about it. There certainly are areas of Canada and of United States where people are judges without a legal background. I think, in this situation, this law creates a director of youth protection and gives him very serious responsibilities. I think it is an enormous responsibility. I think the director has to be able to delegate that responsibility. You know, I personally think it is going...

M. Shaw: Without restraint.

Mme Smith: As we read the law, I think, generally, there is a system of checks and balances in the law. How many? I guess this is some of the things we have been discussing, but I do feel that there are checks and balances in the law and I think it is a good law.

M. Shaw: How, there is one area that I know that the bill on social services seems to use to a great extent, that is in section 44, and we referred to the hospital associations requesting that this section be revised. What is your feeling about the fact that every hospital centre is then bound to admit the child entrusted to it by the director?

Mme Smith: I would presume that any director of youth prorection who has the heavy responsibility that the law gives him will have the discretion not to abuse that article 44, we will use judgment and will use the hospital only when it is appropriate or when it is absolutely necessary, for instance if no other resources existed. In our own clinical practice, we very often now have to use the hospital much longer than we would appreciate or than is necessary, because there...

M. Shaw: But you are effectively using it as a reception centre?

Mme Smith: Reception centre.

M. Shaw: Which is in effect abusing the hospital Act in itself.

Mme Smith: Well, I do not think it is an abuse of the hospital Act. I think that there are times and situations where children are in danger or parents are overwhelmed, where you need a holding

situation and although, in dollars and cents, it might be an expansive way to deliver services, I do not think that you can put a price on child protection and it is very useful to have sometimes a few days to be able to make a plan and to allow the parents to take some time to think about what is being proposed and to make sure during that time that the child is in safety, and, then, use the two or three days, that you have the hospital in to get the thing on another level of functioning.

M. Shaw: We have discussed with other groups the problems of waiting for care. Could you sort of give me some idea of why, for example, other facilities are not available and that hospitals are being used as a reception centre. Do you have a problem of placing children in the present situation, I say those under 14? We have heard that those over 14, are having problems with them too, but those under 14?

Mme Smith: There are problems, I think, it is certainly not news to this group, but there are problems finding foster homes or getting kids into reception centres. Sure, there are. The values in the community now are such that women would rather be out working, as we are, than at home taking care of children. It is a job that we have not valued enough perhaps, very difficult to find foster homes. It is also very difficult to find resources in order to keep a child in his natural home. My remarks that I made about the financing of this law, relate to that. I think that if we think we are going to be able to develop a system of child protection in this province without it costing a lot more money. I think we are fooling ourselves, because you are usually acting on an emergency basis and you have to have the help right away, and you might have to have it much longer than you would, if it was not in a crisis.

M. Shaw: What are you visioning with this? A) An increasing demand on personal, and B) an increasing demand on resources themselves?

Mme Smith: Yes, both.

M. Shaw: I would just add in closing that I think this is fundamental to the legislation. C'est fondamental pour le projet de loi qu'on voie ce projet de loi comme un "package", qui implique que ce n'est pas seulement un moyen d'arriver à la solution d'un problème qui est vraiment grave dans notre province. En principe, si nous n'avons pas les outils, il faudra mettre en pratique le pouvoir qui est donné par le projet de loi. On manque à voir la vérité de la situation, à sa réalité. I thank you very much for your brief, and I would like also to thank you for having the advantage of having some English words registered in the journal des Débats. Thank you, Mr President.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Anne.

M. Lacoste: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier les gens du Service social Ville-Marie de s'être rendus ici ce soir en commission parlementaire. J'aurais peut-être une petite question au sujet de la confidentialité. Au paragraphe b), vous parlez de l'utilisation des dossiers et de l'échange que l'on devrait clarifier et uniformiser. J'aimerais que vous nous donniez des explications sur ce paragraphe.

Mme Bratley: Je m'excuse, mais je n'ai pas bien compris.

M. Lacoste: A la page 2, paragraphe b), confidentialité.

Mme Bratley: A la page 2, quelle est votre question?

M. Lacoste: En fait, dans le paragraphe b), confidentialité, vous parlez de l'utilisation des dossiers pour échanger des informations entre différents services, l'hôpital et les services sociaux...

Mme Bratley: Toute la loi...

M. Lacoste: ... disant qu'elle devrait être clarifiée et uniformisée, pour ces dossiers. Dans quel sens?

Mme Bratley: La loi envisage la transmission de copies de dossiers entre établissements, entre centres de services sociaux, centres d'accueil ou autres centres, et le type d'information là-dessus et la quantité de l'information nous inquiètent. Nous avons, par exemple, dans le CSS des dossiers qui sont parfois très épais. Nous avons des cas où nous connaissons la famille et l'enfant depuis longtemps. Nous avons une inquiétude sur l'information, sur ces dossiers que nous transmettons à un autre établissement, et nous croyons qu'il doit y avoir des limites.

M. Lacoste: D'accord. Est-ce qu'au niveau des droits des professionnels, il doit quand même y avoir des standards pour les dossiers qui sont manipulés par différents professionnels?

M. Lazure: II y a des codes d'éthique professionnelle qui régissent l'activité de chaque profession dans ce domaine.

M. Lacoste: II n'y a aucun danger qu'à un moment donné des dossiers, sur les jeunes, se perdent à force d'échanger les dossiers et de les faire passer de main en main?

M. Lazure: II y a toujours des dangers. Souvenons-nous des dossiers du Montreal General qui avaient abouti quelque part à Dollard-des-Ormeaux, des dossiers sur les comités d'avortement thérapeutique. Il y a toujours un danger, mais je pense qu'essentiellement, c'est extrêmement rare qu'il y ait des incidents comme celui-là.

Le Président (M. Laplante): Le député de Sherbrooke, dernière question.

M. Gosselin: Je trouve votre contribution particulièrement intéressante et je la sens très fermement enracinée dans une tradition...

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous parler devant le micro, s'il vous plaît?

M. Gosselin: Je disais que je trouvais la contribution du groupe ci-devant très intéressante et qu'on la sentait, d'ailleurs, fermement enracinée dans une tradition, ce qui est un atout précieux pour notre commission.

Il y a plusieurs questions ouvertes à l'intérieur de votre mémoire et notamment une interrogation de fond sur les assesseurs, sur le mode de désignation des assesseurs, sur la qualité des personnes. On sent que vous auriez beaucoup de choses à dire et que vous n'osez pas les dire toutes. Vous les laissez à l'état de questions. C'est ce qu'on constate, d'ailleurs, dans plusieurs mémoires. Il y a beaucoup de questions, et parfois on aurait le goût de se laisser à une longue dissertation ou à un long échange pour en arriver peut-être à mieux discerner la réalité qu'on voudrait inscrire là-dedans.

Considérez-vous notamment... Disons que j'aimerais qu'on puisse déblayer ça un peu. Vous dites, dans vos remarques sur l'article 138, que vous aimeriez mettre l'emphase sur la nécessité d'une représentation communautaire par des professionnels de diverses disciplines plutôt qu'une représentation simplement régionale, au niveau de la désignation des assesseurs.

Sur la question des assesseurs, à votre point de vue, avez-vous répondu à la question, à savoir si ce devait être des professionnels ou pas? Vous semblez laisser entendre ici que ce sont des professionnels. C'est la première partie de ma question. On essaiera ensuite de déblayer encore.

Mme Smith: Je vois difficilement le rôle des assesseurs...

Mme Lessard: On répond en partie par une question. Est-ce que ces assesseurs sont essentiels? Vont-ils ajouter quelque chose? Je sais que, dans d'autres systèmes de protection judiciaire, ces assesseurs existent. Mais, je sais que, parfois, selon le juge, ils sont écoutés et, d'autres fois, leur avis n'est pas écouté. La raison qu'on donne pour que ce soit un professionnel provient du fait qu'on essaie de donner un certain niveau d'accueil à ces deux personnes avec des responsabilités sérieuses.

M. Gosselin: L'esprit de la loi n'est-il pas de faire en sorte que l'assesseur en question soit une sorte de témoin, ou en tout cas force une présence auprès du juge, qui l'amène peut-être un peu à modifier ses jugements, ou qui est là pour répondre davantage auprès de l'enfant? Non? A cet égard-là, un prêtre ne pourrait-il pas être assesseur? Si on déborde la définition... Ce n'est défini nulle part et personne n'ose le définir vraiment. Mais un prêtre ne pourrait-il pas être assesseur, parmi les gens de la communauté, ou est-ce nécessairement un psychiatre?

Mme Lessard: Surtout que j'ai vu des assesseurs en action; je crois que c'est une personne de qualité, quelqu'un qui a de l'expérience dans les services de protection, dans les services à l'enfance, quelqu'un qui sait de quoi il s'agit; surtout qu'on vous a fait rire un peu en disant qu'on n'osait pas dire comment on choisissait les juges. Tout ces problèmes sont liés. Ceux qui ont parlé à la fin de la séance de cet après-midi ont dit un peu la même chose. Il y a là des problèmes énormes qui tombent sur l'enfant, ceux de Berthelet ont dit la même chose. Le juge essaie de dire que l'enfant va rester là pendant trois mois; c'est écrit, il l'a dit.

M. Gosselin: A la rigueur, accepteriez-vous qu'auprès du juge et de l'enfant dans les cas en question, un prêtre, un enseignant, un professeur ou une grand-maman puissent jouer les rôles attendus?

Mme Smith: To be clear, I think I will answer in English. I think there are very good checks in balances as I said before in the proposed law to see different points of view and to have different interests respected before one gets to the point that actually gets the court. If the whole idea and spirit of the law is to detraditionallize the system, then, I think you have a Minister of Justice representative, you have a director for youth protection, you have lawers involved, etc., and it would seem to me better to have, at an earlier level, people with different involvement and different points of view than at the point of the court.

M. Marois: II serait peut-être utile d'attirer l'attention des gens et la nôtre sur les articles 138 et suivants qui traitent de cette question des assesseurs. L'article 138 ou 102a, qui apparaît à la page 34 du projet de loi, indique bien... Cela donne déjà des indications quant à l'esprit, l'approche et les raisons qui sous-tendent, qui motivent, en tout cas pour un certain temps, la présence d'assesseurs, du moins dans notre esprit. Ces assesseurs seraient choisis sur recommandation, d'une part, quant à un premier groupe, du ministre des Affaires sociales et, pour un second groupe, après consultation du président du comité de la protection de la jeunesse. C'est donc dire que cela rejoint exactement ce que vous avez évoqué tantôt quand vous en avez donné une espèce de définition très large. L'idée, au fond, est la suivante et c'est une espèce de pari à marquer.

Evidemment, idéalement, dans l'hypothèse où on aurait, le lendemain matin de l'adoption de la loi, des juges siégeant à un tribunal de la jeunesse — et là je ne veux blâmer absolument personne — mais il y aurait là un tribunal de la jeunesse qui ne correspondrait pas du tout, mais pas du tout dans son esprit ou dans son approche, en tout cas, dans l'idéal, à ce que nous connaissons de l'actuelle Cour de bien-être social. Evidemment, c'est l'idéal. Dans les faits, on sait très bien que ce n'est pas nécessairement le lendemain matin que des mentalités, des comportements, des attitudes, des façons d'approcher les problèmes,

des façons de traiter des problèmes, seront nécessairement inscrits dans les faits.

Bien sûr, le projet de loi prévoit toute une série d'instruments, de moyens, de pouvoirs permettant de rapprocher les juges eux-mêmes de la réalité sociale du monde et des problèmes de la jeunesse, mais cela va prendre un certain nombre d'années avant que cela corresponde nécessairement à des changements de mentalité et de comportement.

Il nous a semblé utile dans ce sens, quitte à le réviser — on nous l'a suggéré, de faire une recherche , à mesure que la loi sera mise en application, pour procéder à l'évaluation en cours de route. Peut-être que, dans un certain nombre d'années, on dira: Les assesseurs ne sont plus utiles maintenant, le travail qu'il y avait à faire pendant un certain nombre d'années a été fait, mais il nous a semblé que c'était peut-être un élément extrêmement important et utile, au moins au point de départ, comme élément additionnel pour aider à dé-judiciariser, mais dans le sens et l'esprit évoqués dans le présent projet de loi.

Le Président (M. Laplante): Sur ces mots, mesdames, les membres de cette commission vous remercient d'avoir participé à cette commission.

Mme Lessard: Nous sommes très heureuses d'avoir été acceptées parmi vous. Merci.

Le Président (M. Laplante): J'appellerais maintenant la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec.

M. Marois: M. le Président, avant de procéder à l'audition du mémoire du prochain groupe, après en avoir parlé avec mes collègues ministres et mes collègues députés ministériels, après en avoir aussi parlé avec nos collègues membres de cette commission représentant le Parti libéral et l'Union Nationale, nous nous sommes entendus pour pouvoir, après cette soirée, poursuivre nos travaux le mardi 1er novembre, jusqu'à 13 heures. Ceci nous permettrait, dans cette matinée, d'entendre les représentants de l'Association professionnelle des criminologues, les représentants du Barreau du Québec et du Bureau de consultation jeunesse. Je ferais motion, en vertu du paragraphe 6 de l'article 118a de nos règlements pour que, le mardi prochain 1er novembre, à 13 heures, après l'audition des mémoires que je viens de mentionner, la commission cesse ses auditions, se déclarant suffisamment éclairée, suffisamment informée. Effectivement, à ce moment, nous aurons entendu quinze groupes présentant des mémoires sur un nombre total de 19 mémoires que nous avons reçus. Les travaux de cette commission ne sont pas non plus en rupture dans le temps avec les travaux d'une commission précédente qui a déjà siégé sur l'avant-projet de loi qui avait été présenté par l'ancien gouvernement; donc, la commission se considérerait suffisamment informée pour pouvoir procéder à d'autres étapes de ses travaux.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection. Comme l'a indiqué le ministre d'Etat, cela représente, je pense, un assez large consensus. En dépit de l'extrême intérêt des différents mémoires, il reste que leur sens général est favorable à l'adoption du projet de loi et que, pour ce qui est des arguments détaillés qu'ils présentent sur différents aspects de ce projet, les mémoires sont suffisamment explicites pour permettre aux parlementaires, au moment de leur étude de la loi, article par article, de faire état de ces points de vue et de les utiliser le mieux possible.

Cependant, si vous me le permettez, M. le Président, je crois que, par délicatesse, au moins envers les groupes qui ne seront pas entendus, il serait probablement opportun que, suivant cela — je ne dirais pas que c'est une tradition, mais une coutume qui est parfois suivie dans ces occasions — on verse au journal des Débats les mémoires des groupes qui ne seront pas entendus en commission parlementaire.

M. Marois: J'accepterais volontiers, M. le Président, cette proposition.

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous l'intégrer à la proposition générale?

M. Forget: Comme bon vous semble, M. le Président. Je n'ai pas...

Le Président (M. Laplante): Vous n'avez pas d'objection.

M. Forget: Non.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. J'appuie la motion du ministre, parce que je crois bien que nous avons entendu la plupart des mémoires qui sont envoyés à la commission. J'ai hâte d'entendre le mémoire du Barreau du Québec et ceux qui doivent venir mardi prochain. Au nom de l'Union Nationale, j'appuie totalement la motion du ministre.

Le Président (M. Laplante): Je déclare la motion recevable, avec l'intégration de la proposition du député de Saint-Laurent pour que les mémoires non entendus puissent figurer au journal des Débats. C'est bien cela, monsieur?

M. Forget: C'est bien cela.

Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'opposition? A l'unanimité. Merci.

Monsieur, si vous voulez identifier votre organisme, vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît! A titre de coopération, je vous demanderais à vous aussi, de tasser le plus possible le résumé de votre mémoire. Vous avez environ 55 à 60 minutes.

Corporation professionnelle des travailleurs sociaux

M. Perron (Jules): Entendu, M. le Président. Messieurs les membres de la commission, je suis Jules Perron, président de la Corporation des travailleurs sociaux de la province de Québec. M'accompagnent Mme Andrée Waid, travailleuse sociale; Mlle Marinette Billaud, également travailleuse sociale, et M. Pierre Landry, travailleur social. Ces trois personnes ont été membres du comité qui a produit le mémoire qui vous a été remis.

M. le Président, nous vous remercions de donner aux travailleurs sociaux l'occasion de se prononcer sur un projet de loi qui touche une catégorie privilégiée de la population, les jeunes qui ont besoin de protection et dont s'occupent les travailleurs sociaux depuis le début de leur profession. En retour, nous espérons contribuer positivement au travail d'ensemble qui s'effectue auprès des jeunes par l'Etat et les organismes sociaux du Québec pour des services de meilleure qualité.

Déjà, vous avez reçu notre mémoire. Nous apprécierions, M. le Président, que vous nous permettiez d'exposer ici, dans un temps plutôt bref, les points saillants que nous désirons soumettre à la réflexion de votre commission. Pour ce faire, je commencerai par exprimer certaines considérations générales de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux en rapport avec le projet de loi à l'étude. Ensuite, M. Pierre Landry traitera de quelques articles spécifiques du projet. Puis Mlle Billaud et Mme Waid feront état des recommandations de la corporation au sujet de cette loi. Dois-je ajouter, M. le Président, que nous sommes à votre disposition pour toute question que vous aimeriez poser?

C'est avec un esprit très positif que la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux a accueilli la présentation du projet de loi 24. Elle se réjouit qu'enfin une loi d'importance vienne encadrer le domaine de la protection de la jeunesse, loi qui, à notre avis, comporte des progrès sensibles sur tout ce que nous avons connu jusqu'à maintenant en la matière.

Parmi ces progrès, notons l'élaboration d'un début de politique visant à reconnaître les droits fondamentaux de l'enfant; l'assurance de la protection de l'enfant dans son milieu naturel, chaque fois que souhaitable, et cela en priorité; la primauté du social sur le judiciaire qui s'inscrit bien dans le mouvement actuel de déjudiciarisation en matière d'intervention sociale; la création d'un Tribunal de la jeunesse, cela en plus d'autres initiatives que contient le projet de loi et qui correspondent à la philosophie, aux objectifs et aux méthodes d'action privilégiés par les travailleurs sociaux.

Donc, pour nous, autant de raisons de réjouissance et d'espoir en un avenir toujours meilleur. Tout en rappelant que nous parlons ici au nom des travailleurs sociaux, c'est-à-dire comme membres d'une corporation professionnelle reconnue par le Code des professions et chargée d'abord de protéger le public consommateur des services sociaux, j'aimerais soulever trois enjeux importants face à la protection de la jeunesse.

D'abord, la nécessité d'en arriver un jour à une véritable politique de la famille conçue dans le sens qu'indique notre mémoire. L'Etat possède déjà les éléments d'une telle politique pour permettre à la famille de se maintenir et de se développer comme institution sociale dans un contexte socio-économico-culturel où elle pourrait remplir ses fonctions irremplaçables de génératrice de population, de socialisation des enfants, de consommatrice de biens et de services, enfin de bâtisseur de citoyens.

Quand je dis que l'Etat possède déjà les instruments, je pense, par exemple, à l'annexe 16 du rapport de la Commission sur la santé et le bien-être social. Je pense aussi au document du Conseil des affaires sociales et de la famille, qui a été produit en 1974 et qui porte sur les éléments d'une politique familiale.

Pour nous, en fonction d'une loi de protection de la jeunesse, une politique familiale nous semble un prérequis, sinon la base même d'objectifs sociaux collectifs sur lesquels édifier la politique sociale. Quant à une charte des droits de l'enfant, nous en parlons brièvement dans notre mémoire, sachant que, déjà, vous êtes au courant de celle de l'Organisation des Nations Unies qui a été adoptée en 1959. Vous êtes sans doute aussi au courant d'un projet qui, en 1973, a connu une publicité certaine ici même à Québec. Une charte des droits de l'enfant s'inscrirait admirablement dans une grande charte des droits de la famille.

En somme, M. le Président, la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux est passablement satisfaite du projet de loi et apprécie vraiment les efforts tentés pour rendre plus humaines et plus efficaces les technologies de protection de la jeunesse. Cependant, il ne faut pas se surprendre de ceci, puisque tout est perfectible: II y aurait moyen, à notre avis, de corriger certaines lacunes du projet que M. Landry va maintenant vous exposer.

M. Landry (Pierre): Je vais tenter de reprendre un peu l'analyse du projet de loi, article par article, en essayant d'aller assez rapidement. Au tout départ, notre première question concerne l'article 1, l'interprétation du directeur. Dans la loi, ça varie un peu continuellement, il y a le directeur, à d'autres moments il y a le directeur ou son délégué.

C'est un peu variable. Voici une des questions qu'on se posait: Est-ce que cela a été mis là à dessein? Dans une autre question, dans la réalité comme telle, quand on pense aux gros centres de services sociaux et même dans tous les centres de services sociaux, on se dit: Comment un directeur peut-il, comment une seule personne peut-elle bien connaître chaque cas et être responsable vraiment, d'une façon importante, de chacun des cas?

A propos de la constitution du comité de protection, je pense qu'ici, il se peut qu'on répète des choses qui ont été dites dans d'autres mémoires. En fait, il y a d'abord la consultation qui pourrait

s'exercer auprès d'organismes familiaux, par exemple, qui pourraient être susceptibles d'apporter un éclairage sur la constitution du comité. Il y a également l'aspect représentation au même comité. On dit, à l'article 21, que le comité peut se nommer des délégués dans les régions. On préférerait que, déjà, au niveau de la constitution du comité, ce soit un critère, si on veut.

M. Marois: Que ce soit déjà...?

M. Landry (Pierre): Comme un critère de choix, si on veut.

Au sujet des responsabilités du comité, à l'article 22, la corporation recommande un dixième élément de responsabilité du comité, qui soit le pouvoir de faire des recommandations à tous les services gouvernementaux dans les matières qui le concernent et que cet avis soit prépondérant—c'est peut-être fort — ou, du moins, considéré comme important.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez l'intention d'aller jusqu'au bout des articles? On va manquer de temps. Vous pouvez faire un résumé des principaux articles, si vous préférez.

M. Landry (Pierre): Je pense que cela serait très difficile de résumer.

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez qu'on vous pose des questions par la suite, et que vous en avez encore pour quinze ou vingt minutes, simplement pour nommer ces articles, il ne vous restera plus de temps pour recevoir les questions. Les députés ont pris connaissance des mémoires, les ont lus et ont pris des notes. Si vous préférez recevoir des questions, d'accord, sinon, continuez.

M. Landry (Pierre): Je pense qu'on peut insister sur les articles qui nous paraissent les plus importants.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Landry (Pierre): J'ai peut-être l'air d'y aller en continuité, mais un des articles les plus importants, un des points sur lesquels a achoppé souvent la corporation, c'est la confidentialité. A ce sujet, à l'article 25, par exemple, au sujet de la transmission des dossiers, on se dit que le Comité de protection de la jeunesse devrait n'avoir accès aux dossiers que selon les procédures de l'article 7 du chapitre 48.

L'article 35, à notre sens, n'est pas très bien formulé; entre autres, je pense qu'on reprend ici quelque chose qui a déjà été dit, à savoir qu'à l'article 35g, lorsqu'on parle d'un enfant qui manifeste des troubles caractériels sérieux, cela nous paraît comme des choux et des carottes.

De même, le premier élément de cet article, soit 35a, devrait à notre sens être reformulé pour assurer une certaine concordance, dans le sens de l'enfant. Au lieu de parler des parents qui veulent laisser l'enfant, qui cherchent à s'en défaire et tout cela, on pourrait utiliser le code habituel de l'enfant qui est abandonné, orphelin ou en voie de l'être, comme on a insisté quelque peu sur une politique familiale, où on va vraiment dans le sens d'encourager l'Etat à se diriger vers le maintien en milieu naturel.

On va peut-être y revenir tout à l'heure. On se disait qu'une des premières mesures d'urgence qui pourrait être gardée et envisagée, c'est le maintien de l'enfant dans son milieu, ce qui n'est même pas envisagé ici. On pense immédiatement au placement.

Un autre point, peut-être à la page 16, au sujet des révisions périodiques, suscite une certaine inquiétude. Je pense que cela peut être très important que d'instaurer des contrôles sur la qualité des services professionnels, sauf que cela va prendre du temps et de l'énergie. Si on ne veut faire que des révisions périodiques très rapides, cela peut se faire avec l'informatique et des choses comme cela qui viennent dire au praticien: Tu as un cas à réviser. Si on veut vraiment faire plus, il va vraiment falloir y aller en termes de matériel humain et en termes de budget.

Il y a déjà une question, je pense, qui a été reprise par M. Forget tout à l'heure au sujet de la personne désignée par le ministre de la Justice. En fait, nous avions tendance à penser que c'était la formalisation de ce qui existait déjà qui était le rôle du contentieux, à un moment donné, qui filtre un peu. A la lumière de ce que j'ai entendu tout à l'heure, cela nous paraît différent.

Concernant les mesures de protection, à l'article 62, page 18, on dit tout simplement "une personne à qui un directeur a consenti une délégation de pouvoir", on a senti le besoin d'insister pour que ce soit possiblement un travailleur social qui soit mis là. On remonte à une longue tradition de travail dans ce domaine. On pense que c'est peut-être un travailleur social qui devrait être mis là comme nom.

Page 19, tutelle et déchéance, nous voulons simplement souligner qu'il est intéressant de voir apparaître, pour une première fois dans un projet de loi, des choses qu'on voyait déjà dans le livre blanc de l'adoption, en termes de déchéance parentale. Ce qu'on voudrait souligner ici, c'est qu'il nous paraît important — c'est peut-être le contraire d'autres mémoires — qu'il y ait deux instances dans ce choix. Evidemment, on préférerait voir un Tribunal de la famille jouer ce rôle. Si on ne l'a pas, en tout cas, on appuie le projet dans le sens d'un recours à la Cour supérieure, mais le principe qui nous paraît intéressant, c'est la possibilité de reprendre l'ensemble du dossier à un autre niveau.

Au niveau des audiences, en fait, on reprend sensiblement ce qu'on disait en 1975, à savoir que les audiences totalement publiques, en fait, je pense qu'on peut y voir un intérêt dans le sens de contrôle par le public de son appareil de justice si on veut, sauf que cela nous paraît vraiment très difficile, très dangereux à appliquer, en tout cas, en termes de confidentialité au niveau des situations qui se discutent dans une cour et peut-être dans des milieux un peu plus restreints. On envi-

sageait vraiment qu'on puisse avoir un accès du public par l'entremise d'un journaliste accrédité, ou une formule de ce genre.

Concernant les assesseurs, puisqu'on en a un peu parlé avec le dernier groupe, nous étions très favorables à la formule des assesseurs qui existe déjà au niveau de la Commission d'appel des affaires sociales.

L'autre fait rationnel, si on veut, c'est en voyant le Tribunal de la jeunesse devenir une véritable cour avec avocats et tout, qui soit structuré de façon beaucoup plus précise. C'est intéressant, mais on pense que, vraiment, le rôle des assesseurs pourrait contribuer à une espèce d'équilibre, au fond, entre un appareil strictement légal, si on veut, et des dimensions un peu plus humaines ou des choses comme cela. Les gens qui devraient être là, en fait, on se dit qu'ils devraient être particulièrement éminents ou très connaissants dans le domaine de l'enfance ou de la famille. Comme on le dit, nous, cela pourrait être intéressant de voir des professionnels là, mais on n'est quand même pas assez chauvins pour ne pas donner la possibilité à des gens du public, ayant vraiment une expérience intéressante et dont la sagesse n'est pas, comme on dit, déjà encadrée sur un mur.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Perron (Jules): Je m'excuse, M. le Président. Avec votre permission, Mme Waid aimerait prendre cinq minutes pour soulever deux ou trois points qui ne sont pas inclus dans le mémoire, si vous le permettez.

Le Président (M. Laplante): Je vais vous le permettre.

M. Perron (Jules): Merci.

Mme Waid: Un point important que je voudrais soulever et qui n'est pas dans le mémoire; C'est une loi qui est quand même extrêmement menaçante. On a vu, au cours des dernières années, différents projets de loi de la protection de la jeunesse, comme... Les groupes de professionnels ont réagi en trouvant la loi draconienne, menaçante, coercitive, etc.

Si c'est menaçant pour nous, professionnels, cela l'est encore beaucoup plus pour la population. Je pense qu'il serait indispensable d'envisager toute une publicité pour rendre les gens conscients qu'il y a une nouvelle loi à l'étude, qu'elle signifie, qu'on n'est pas là pour nuire aux gens, mais pour les aider. Peut-être même pas par des mots... Il devrait y avoir des affiches publicitaires ou des posters qui imageraient, qui, seulement en les regardant, souligneraient les droits de l'enfant, les droits de la famille.

Je pense que, si des compagnies comme Coca Cola ou Seven Up sont arrivées à vendre leurs produits, on devrait être capable de vendre l'idée, par la publicité, que la famille traditionnelle est encore très valable, que les enfants ont droit à leur milieu familial. Je pense que c'est très important de le faire.

L'autre point que je voulais souligner, c'était l'importance, dans les centres de services sociaux, d'éveiller le personnel à la prévention. Il y a beaucoup de professionnels qui sont ravis de donner des conseils matrimoniaux ou des conseils individuels, sans se préoccuper de ce qui se passe au niveau de la famille entière, des enfants. Si cela ne va pas entre les parents, qu'est-ce qui se passe? Comment les enfants vivent-ils cela? Très souvent, les cas arrivent au service à l'enfance, alors qu'ils ont été suivis pendant des mois, quelquefois pendant des années, et que personne ne s'est donné la peine d'aller voir ce qui se passait là.

Je pense que, vraiment, il devrait y avoir du développement ou, peut-être, des budgets prévus pour alerter tout le personnel, tous les travailleurs sociaux ou les gens qui ne sont pas des travailleurs sociaux, mais qui oeuvrent dans les centres de services sociaux. Il faudrait les réveiller un petit peu pour qu'ils soient peut-être plus conscients de ce qu'ils peuvent faire au niveau de la prévention, de la détection des problèmes que cela représente pour les enfants dans les familles. C'étaient essentiellement les deux points que je voulais souligner, personnellement.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le ministre.

M. Marois: Je voudrais d'abord remercier la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec de nous avoir présenté un mémoire. Je pense qu'encore là il s'agit d'un mémoire fondé essentiellement sur votre propre expertise, votre propre expérience des problèmes vécus. Vous avez aussi, si ma mémoire est bonne, après avoir consulté les dossiers, suivi de très près l'évolution de tout le dossier de la protection de la jeunesse.

Je voudrais, très rapidement, le plus rapidement que je peux, vous poser quelques questions et, en cours de route aussi, formuler quelques remarques, quelques commentaires.

D'abord, je m'excuse, ce n'est pas dans l'ordre, par article, c'est un peu dans un certain désordre. En ce qui concerne l'article 22, vous nous proposez, vous nous recommandez de reconnaître au comité de la protection de la jeunesse un pouvoir de recommandation. Je voulais vous dire que nous avions déjà pris en considération cette question. Il y a principalement deux raisons qui nous ont amenés à ne pas le mettre comme tel dans la loi. La première, c'est que ce qui n'est pas interdit dans une loi est forcément permis. Donc, le pouvoir existe, même s'il n'est pas mentionné dans la loi.

La deuxième raison, peut-être plus fondamentale, c'est qu'en affirmant, dans un texte de loi, un droit de recommandation, on avait peur que ça aille dans le sens opposé des intérêts que doit protéger précisément le comité de la protection de la jeunesse, s'il veut vraiment jouer son rôle d'ombudsman, en rendant certains organismes, qui

pourraient être éventuellement concernés, parce que le comité jouera un rôle d'ombudsman, je dirais, plus soupçonneux... On pourrait peut-être prévoir qu'il ait un pouvoir de promouvoir un certain nombre de choses, mais il va de soi que le comité de la protection de la jeunesse doit pouvoir faire des recommandations et, même si ce n'est pas mentionné comme tel dans la loi, ce pouvoir existe. C'est la première chose.

La deuxième chose: Vous proposez, si j'ai bien compris, et on a regardé attentivement votre mémoire — vous êtes revenus là-dessus ce soir — que le maintien dans le milieu naturel puisse être considéré comme une mesure d'urgence. J'aimerais bien vous entendre vous expliquer un peu plus sur ce point-là. Cela me semble... L'idée est séduisante, à première vue, mais j'aimerais bien que vous nous en parliez un peu. Cela m'apparaît être, en même temps, une des questions les plus fondamentales et peut-être les plus ambiguës de votre mémoire.

Très rapidement sur le reste: Quant à l'article 36, en ce qui concerne les professionnels, vous nous proposez de remplacer la notion de professionnel, qui est incomplète, par quelque chose de plus large. Vous avez parfaitement raison de nous indiquer qu'il y a là quelque chose qui manque dans la loi. Nous, ce qu'on avait pensé, très simplement, c'est d'introduire un amendement définissant le professionnel pour que ce soit plus large que la stricte notion de professionnel incluse dans le Code des professions, mais on est entièrement d'accord avec ce que vous évoquez.

Rapidement, en ce qui concerne le comité de la protection de la jeunesse, son pouvoir d'obtenir les dossiers. Vous semblez vouloir resserrer ce pouvoir ou même le lui enlever. Cela nous semble pourtant être un pouvoir essentiel, si on veut vraiment que le comité de la protection de la jeunesse puisse jouer entièrement son rôle d'ombudsman. Cependant, on a eu l'occasion d'en discuter avec d'autres groupes, on serait prêt à examiner très sérieusement la possibilité, peut-être, de serrer les règles en ce qui concerne la confidentialité au niveau du comité de la protection de la jeunesse.

Dernièrement, très rapidement, vous avez évoqué cette idée, ou vous nous avez rappelé cette vieille idée qui traîne dans le paysage québécois, mais on n'en finit plus d'aboutir et vous avez raison; c'est l'idée d'instaurer, d'établir un tribunal de la famille.

Si le ministre de la Justice était ici ce soir, il abonderait certainement dans ce sens. Il est malheureusement retenu à Charlottetown. C'est dans la perspective d'une réorganisation judiciaire au Québec. C'est très clair et très net dans notre esprit. Seulement, ce n'est pas sans poser tout une série de problèmes, notamment à certaines dimensions... En tout cas, certains éléments peuvent impliquer des problèmes constitutionnels. Il faudrait voir. Mais on a voulu, au minimum, franchir une première étape en modernisant ou en rebâtissant sur une approche nouvelle la vieille Cour de bien-être social pour en faire un nouveau Tribunal de la jeunesse. C'est une perspective qu'on accepte et, dès que ce sera possible, on essaiera d'y arriver.

Alors, je vous ai laissé surtout une question concernant cette idée de maintenir dans le milieu naturel, que cela puisse être considéré comme une mesure d'urgence.

M. Perron (Jules): Nous remercions le ministre des clarifications et madame va tenter de répondre à la question précise.

Mme Waid: Je pense que les travailleurs sociaux ont été assez frustrés au cours des années d'avoir à leur disposition certains fonds pour aider les enfants, seulement quand ces enfants étaient placés en famille d'accueil. Je parle des sommes considérables qui sont dépensées pour subvenir — et je dis bien uniquement pour subvenir — aux besoins d'un enfant dans une famille d'accueil, pour sa nourriture, pour ses vêtements, pour ses frais de scolarité. Pourquoi ne pourrait-on pas utiliser ces mêmes fonds pour aider un enfant dans sa propre famille? Si nous avions suffisamment d'auxiliaires familiales! Nous avons trouvé que dans les familles où on pouvait mettre des auxiliaires familiales avec des objectifs très précis, dans un temps relativement court, la famille était aidée, l'enfant était maintenu dans son milieu familial.

Je me permets d'y revenir, cela a été fait très rapidement, ce n'est peut-être pas dans un très bon ordre, on s'est permis de donner quelques exemples, aussi bien avec des familles de quatre, trois ou deux enfants. Dans tous les cas, cela a été moins coûteux d'aider l'enfant dans sa famille, plutôt que de le placer. Malheureusement, il n'y a pas assez d'auxiliaires familiales dans les Centres de services sociaux, cela ne peut donc pas toujours être fait. Il n'y a pas suffisamment de personnel dans les services sociaux, parce que les praticiens ont souvent des "case load" très chargés. Quand on s'occupe de prévention, on ne peut pas le faire si on a 80 cas. Parce que le praticien doit être extrêmement disponible, attentif. Cela ne suffit pas de mettre une auxiliaire familiale et de se retirer. Il faut être là, le guider, être disponible sept jours par semaine; quelquefois, au début, surtout dans les cas d'enfants maltraités, 24 heures sur 24, 7 jours par semaine.

Il faut une grande disponibilité des praticiens, mais on ne peut pas demander des miracles. Ils ne peuvent pas le faire s'ils ont des "case load" très, très chargés. On parle de mesure d'urgence. Si les Centres de services sociaux avaient des fonds disponibles, le vendredi, après-midi, par exemple, comme il n'y a rien et qu'on a peur de mettre un enfant dans un centre d'accueil, en cas d'urgence, si on pouvait avoir une auxiliaire familiale disponible, et la mettre dans la famille, en exposant aux parents que c'est un choix: Ou l'enfant va devoir être placé ou vous acceptez l'auxiliaire familiale, notre expérience démontre que les parents sont ravis d'accepter l'auxiliaire familiale. Malheureusement, on n'en a pas suffisamment dans les Centres de services sociaux. C'est à cette question

qu'on faisait allusion. Il y a certainement beaucoup d'autres choses.

Le Président (M. Laplante): Je vais être obligé de vous interrompre. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux, moi aussi, remercier la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux pour sa vigilance et son apport précieux à l'étude de ce projet de loi.

Pour enchaîner avec cette dernière question, il y a des crédits qui augmentent d'année en année pour les services ou les soins à domicile. Il y a aussi une chose qu'on espère pouvoir introduire avec l'année fiscale prochaine, ce sont des crédits affectés à l'hébergement, dans son sens très large, ou à la garde d'enfants dans leur famille propre, surtout en fonction d'enfants handicapés physiques, mentaux ou sociaux; handicapés, dans le sens très large. Il y a déjà une quinzaine d'années, il y a eu une telle pratique pendant un certain temps à titre expérimental pour subventionner les parents propres d'un enfant handicapé qui, autrement, allait en institution ou en famille d'accueil. Il est difficile de délimiter à quel moment le handicap devient sérieux au point où les parents "méritent" une subvention spéciale pour garder l'enfant.

Vous semblez avoir des inquiétudes au sujet du directeur et de son délégué. Je pense bien qu'il faut, dans un cas comme celui-ci, tenir pour acquis que n'apparaît pas toujours le mot "délégué" accompagnant le terme "directeur", mais, en principe, cela va de soi, cette délégation de l'autorité et de la responsabilité doit se faire, surtout dans des grands centres, et, même si elle n'apparaît pas implicitement, elle peut être faite.

L'expression "troubles caractériels", d'autres l'ont relevée il y a quelques jours et nous allons réexaminer la pertinence de ces termes.

Encore deux remarques, très rapidement, mon collègue a touché les autres points que je voulais aborder. Vous proposez de remplacer, aux articles 56 et 62, le terme "personne" par "travailleur social". Vous me permettrez d'être très réticent devant une telle suggestion parce que, d'autre part, vous aviez proposé de remplacer le mot "professionnel" par un autre terme, quand il s'agissait de l'article 36, et je pense, moi aussi, que cela doit être remplacé, tout simplement, par les mots "toute personne", mais, dans ce cas-ci, je ne vois pas pourquoi on donnerait exclusivement la responsabilité au travailleur social, à 56 et 62; je ne vois pas très bien pourquoi. Il peut y avoir d'autres disciplines formées aux sciences humaines comme psychologues, sociologues, criminologues ou même un technicien en assistance sociale.

Enfin, c'est la dernière remarque, protection et adoption. A la fin, vous dites: Que le gouvernement étudie la possibilité d'intégrer les mesures d'adoption dans la présente loi. Je me demande si vous pouvez expliciter un peu cette idée.

M. Landry (Pierre): La première chose, c'est qu'il y a eu erreur; c'est qu'à l'article 56, en fait, le paragraphe qui s'en va à la page 18 ne devrait pas être là.

En ce qui concerne l'article 62, où on insiste pour voir "travailleur social" au lieu de "une personne"... Voulez-vous répondre, Mme Waid?

Mme Waid: Je pense que, malheureusement, il y a eu une tradition, au Québec, de confier le placement d'enfants, qui est la problématique la plus difficile, aux gens qui étaient le moins qualifiés pour le faire, très souvent à des gens qui n'avaient aucune formation en service social. C'est extrêmement difficile, dans des familles très détériorées, de garder l'enfant dans sa famille ou, s'il en sort, de l'y réinsérer. C'est pourquoi on estime que, certainement, il y a beaucoup de places, dans les centres de services sociaux, pour toutes sortes de professionnels, mais le travail le plus difficile devrait quand même être confié — et on estime que la loi touche les cas les plus difficiles — aux gens les plus compétents pour faire le travail. C'est pour cela qu'on s'est permis d'insister pour que ce soient des travailleurs sociaux professionnels.

M. Lazure: Sauf qu'à l'article 62, ce n'est pas seulement du placement d'enfants, c'est beaucoup plus large que cela, c'est une...

Mme Waid: Non, prévention, je ne parle pas de l'équipe du bien-être à l'enfance.

M. Lazure: ... continuation des mesures de protection, c'est très vaste comme tâche. Enfin, pour l'adoption, pourriez-vous donner un peu plus de détails?

Mme Waid: Sur l'adoption?

M. Lazure: Oui, vous proposez d'inclure des mesures d'adoption dans cette loi. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.

M. Landry (Pierre): C'est que, déjà, on voyait apparaître, par exemple, les mesures de tutelles, les mesures de déchéance parentale et on faisait un peu allusion, quand même, à l'adoption. En tout cas, ce qui nous paraissait curieux, c'est qu'on maintienne, si on veut, ou, en tout cas, le désir, ce qu'on en savait, de maintenir encore une autre loi à part sur l'adoption. On disait: Pourquoi ne pas avoir pris un chapitre pour inclure, au fond, des provisions pour l'adoption, qui est une mesure de protection permanente?

M. Lazure: Pour votre information, il y a un projet de loi en préparation sur l'adoption, mais je pense que les deux problèmes comportent des aspects assez différents et qu'ils méritent deux projets de loi, à notre avis en tout cas.

M. Landry (Pierre): D'accord.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier également la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux de son travail extrêmement fouillé. J'aimerais cependant, et je ne voudrais pas que mes remarques soient mal interprétées, mais j'aimerais, malgré tout, relever des suggestions qui sont contenues dans son mémoire et qui m'apparaissent susceptibles d'être à leur tour mal interprétées, à moins qu'on ne les relève et qu'on ne les discute un peu.

Dans votre mémoire, vous avez fait un assez grand cas du caractère confidentiel des dossiers. Vous y revenez d'ailleurs un peu plus loin, quant à la transmission des dossiers. Je crois qu'il y a quand même un certain danger de mélanger les objectifs qu'on peut avoir à l'esprit. Il a fallu attendre, dans le domaine de la santé principalement, et dans tous les domaines visés par les activités des établissements d'affaires sociales, y compris les services sociaux, jusqu'en 1972 pour avoir très clairement affirmé, dans un texte, le droit d'un bénéficiaire, d'un patient, si vous voulez, à avoir accès à son dossier. Cela a été un gain considérable pour la population. Il ne faudrait pas, sous prétexte d'une trop grande défense des intérêts professionnels, vouloir restaurer le secret qui a longtemps prévalu dans ce secteur.

Il reste qu'il y a un principe fondamental qui doit être affirmé, c'est que les dossiers appartiennent d'abord aux clients, aux bénéficiaires et que, lorsqu'on institue un organisme qui a pour but de protéger les enfants, les dossiers concernant ces enfants doivent être disponibles aux organismes de protection. Autrement, c'est une contradiction dans les termes.

Je crois qu'une grande partie des précautions et des obstacles, dans le fond, que vous suggérez de mettre à l'exercice d'un droit d'accès par le Comité de protection de la jeunesse ou par les autres organismes sociaux qui s'occupent des jeunes, n'a pas pour but de protéger les jeunes, mais a pour but de protéger les professionnels, et cela s'est déjà vu. A mon avis, je ne crois pas que ces recommandations soient bien inspirées — je vous le dis en toute franchise — surtout dans un secteur, le ministre des Affaires sociales le soulignait tout à l'heure, comme celui des services sociaux. Je pense que c'est connu, puisqu'on a même pris la peine de l'écrire dans le livre blanc sur l'adoption.

La découverte de ce qui se passait dans l'adoption au Québec et la formulation d'une politique a été retardée pendant environ un an et demi par le refus systématique des agences ou des centres de services sociaux de même fournir des statistiques sur ce qui arrivait à des enfants adoptés, laissés en adoption ou offerts en adoption. C'était une situation inconcevable. On se cachait littéralement derrière le prétendu caractère confidentiel des dossiers pour refuser de donner un rendement, des données sur le rendement des procédures actuelles.

Je pense qu'il y a un peu derrière ces protestations de caractère confidentiel, une certaine crainte des professionnels d'être jugés, et je le dis très franchement, même très brutalement. On suggère qu'un résumé de dossier soit transmis. Cela me porte à me poser bien des questions sur le contenu du dossier. Est-ce que l'on craint que des évaluations ou des pronostics qu'on aurait faits il y a un ou deux ans sur l'évolution d'un jeune soient tournés en ridicule par l'évolution des événements? On sait très bien qu'on ne peut aider personne à prendre connaissance d'un résumé de dossier. C'est bon peut-être à des fins d'archives, mais c'est strictement inutile pour aider un enfant.

Ce qu'il faut, à un intervenant qui s'occupe d'un enfant, peut-être deux ou trois ans après un premier problème, ce sont les évaluations qui ont été faites à l'origine. Ce n'est pas tout simplement de savoir que M. Untel a fait telle évaluation et de ne pas pouvoir en prendre connaissance.

Je crois qu'il y a une peur excessive dans les milieux professionnels, et je vous le dis, puisque vous êtes une corporation professionnelle, d'être jugé. Pourtant ces jugements sont essentiels si on doit protéger le droit des bénéficiaires. Je vous inviterais à moins être sur la défensive là-dessus. Il y a des sanctions dans la loi. Il y en a d'autres qui peuvent être prévues pour ceux qui dévoilent, de façon irresponsable, des informations dont ils prennent connaissance dans leurs activités professionnelles et qui porteraient détriment à autrui.

Mais il ne faut pas considérer que les dossiers sont la propriété privée des professionnels, il n'en est rien, ils sont la propriété des patients, des bénéficiaires et des enfants et c'est ça qu'il faut protéger avant toute autre chose.

Je me permets de vous l'indiquer, parce qu'il y en a eu plusieurs avant vous qui sont intervenus sur le caractère confidentiel et je crois qu'on est en train d'en faire un peu un fétiche. Il y a eu beaucoup de cinéma qui s'est fait là-dessus, je le dis assez franchement. On a même vu des phénomènes aussi incroyables que des professionnels à l'intérieur de la même boîte, refuser de se communiquer leur dossier les uns aux autres sous prétexte du caractère confidentiel. Cela a fait les manchettes des journaux il n'y a pas tellement longtemps. Je crois qu'il y a, de ce côté-là, un peu plus de réalisme qui doit intervenir et un peu de fétichisme légal qui, dans le fond, emprunte des grands mots, pour protéger des intérêts professionnels.

Je crois que votre corporation professionnelle, dans ce domaine, a un très grand devoir de s'assurer qu'il y a non pas seulement de l'information, mais la meilleure information qui est communiquée à ceux qui en ont besoin.

C'est, M. le Président, la seule remarque que j'ai à faire. Quant au reste, un très grand nombre de choses que vous proposez sont très valables et très utiles, encore une fois, pour l'étude article par article. Je tenais à faire cette mise au point, parce que je sens que nos travaux seraient incomplets, à moins que l'on donne l'impression de pencher d'un seul côté.

M. Landry (Pierre): M. le Président, j'aimerais clarifier un peu la situation face à cette recommandation, d'autant plus que M. Marois y avait déjà touché. Face à la transmission du dossier

vis-à-vis du comité des PJ, vis-à-vis des CPJ, si on veut, je pense qu'on n'a aucune objection à ce que le comité puisse avoir accès au dossier, que c'est normal qu'il y ait accès. Sauf qu'il y a déjà des provisions qui existent dans le chapitre 48 et qu'on se dit qu'on devrait peut-être s'en tenir à ça. Voilà pour ce point.

Maintenant, j'aimerais rappeler à M. Forget qu'ici, c'est la Corporation des travailleurs sociaux et que les griefs qu'il peut y avoir vis-à-vis des établissements quant au refus de données, tout ça, je pense qu'il faudrait le faire et cela a été fait à qui de droit.

Quand on parle du bénéficiaire, du droit du bénéficiaire, c'est, très honnêtement et très sincèrement, le droit du bénéficiaire et le droit que le bénéficiaire... le dossier qui appartient au bénéficiaire, c'est exactement au nom de cette justice qu'on devrait quand même protéger le bénéficiaire. Ce n'est pas le fait d'entrer dans un établissement, parce qu'on commence à avoir un réseau d'établissements très grand, c'est au moment où on pourrait entrer par la porte du CLSC, sans que le bénéficiaire ne soit jamais rappelé, son dossier pourra se promener dans un CSS, dans un comité DPJ, dans un centre d'accueil, dans un centre hospitalier...

A notre avis, il serait tout simplement normal, non pas d'avoir accès, mais que le bénéficiaire soit en tout temps au courant des démarches qui se font à son sujet. Je peux vous dire que, malheureusement, à l'heure actuelle, des dossiers complets se promènent entre le centre de services sociaux et le centre d'accueil. Je pense que c'est très malheureux. En tout cas, ce n'est vraiment pas du chauvinisme de corporation, qu'on ait peur de ne pas montrer nos dossiers ou des choses du genre. Je pense que cela n'était vraiment pas notre préoccupation.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais le croire, je ne peux que me réjouir si certains dossiers commencent à circuler. J'ai vu des jeunes qui étaient envoyés dans des centres d'accueil, qui y séjournaient depuis des mois et les centres n'avaient que l'ordre de la cour dans le dossier de l'enfant. Ils ne savaient ni d'Eve ni d'Adam d'où cet enfant venait, pourquoi il leur était envoyé et leurs efforts pour l'obtenir se heurtaient à un mur d'indifférence ou de silence ou d'immobilité.

Les éducateurs qui se trouvaient dans les établissements disaient: On aimerait quand même savoir s'il y a eu des évaluations sur cet enfant, ça nous éviterait de recommencer une deuxième fois le travail. On a entendu cette histoire tellement souvent que s'il y a quelques dossiers... parce que des dossiers, c'est de l'information et on ne peut pas aider des enfants dont on ne sait rien. C'est aussi simple que ça.

S'il y en a qui commencent à circuler, de l'information, tant mieux. Encore une fois, s'il y a des abus, qu'on parle des abus, qu'on réprime les abus, mais qu'on ne parle pas, de façon générale, de freiner la transmission d'information, si on veut que les établissements fonctionnent comme un réseau, plutôt que comme un ensemble atomique, atomisé d'institutions qui s'ignorent les unes les autres. Il faut bien se rendre compte que c'est cela qui est arrivé dans le passé. On a eu extrêmement de misère, et on en a encore beaucoup, à établir des liens fonctionnels entre les établissements. C'est par les dossiers, c'est comme cela que l'information peut être véhiculée. C'est la seule manière que je connaisse, à l'exception des grands comités qui font bouffer le temps de tout le monde et qui réunissent les gens pendant des journées complètes et dont on ne retire rien, sinon des dossiers, puisque, encore une fois, les gens ne peuvent pas transporter cela dans leur mémoire.

Je pense, encore une fois, qu'il faut éviter trop de conservatisme, de ce côté-là.

Mme Billaud (Marinette): Je veux juste faire une remarque...

Le Président (M. Laplante): Très courte.

Mme Billaud: ... pour dire qu'à un moment donné il me semble que les enfants et les familles peuvent être connus aux centres de services sociaux pour toutes sortes de raisons. Il me semble que, dès le moment où c'est nécessaire qu'un enfant fréquente un centre d'accueil ou qu'il soit soumis à Cour du bien-être social ou au tribunal, il semble qu'il y a certaines informations qui ne sont pas nécessairement pertinentes pour cette période, pour ce placement ou pour la cause devant le tribunal.

M. Marois: Si vous le permettez, je ne veux pas allonger le débat. C'est vraiment une question dont on pourrait discuter longuement. Qui va évaluer la pertinence? Poser la question, c'est vraiment la laisser là. Si quelqu'un décide de la pertinence, il y a forcément un intervenant. L'intervenant, dans l'hypothèse où, précisément... Quand on regarde le rôle du comité de protection de la jeunesse, par exemple, s'il fallait que quelqu'un intervienne pour décider de la pertinence de certaines pièces, de certaines évaluations au dossier, considérant que ce n'est pas nécessaire que le comité de protection de la jeunesse l'ait en mains... Au fond, vous voyez que ce n'est pas un problème simple.

Il vaut peut-être mieux... enfin, c'est l'approche qu'on a eue, soit d'ouvrir davantage, quitte, le cas échéant, à prévoir... Par exemple, j'ai évoqué cette idée, parce qu'elle est revenue à plusieurs reprises, de resserrer le secret, la confidentialité, une fois au niveau du comité de protection de la jeunesse. S'il y a des abus, on prendra les mesures qui s'imposent pour les réprimer. Mais que ce dossier en question, qui est au fond la propriété du bénéficiaire, serve vraiment l'intérêt du bénéficiaire comme tel.

M. Landry (Pierre): ... c'est que le bénéficiaire soit continuellement... qu'il suive au fond sa propriété. Moi, je pense que c'est cela qui est le fond. Si le dossier lui appartient vraiment, qu'on lui demande au moins sa signature avant d'acheminer des dossiers à Pierre, Jean, Jacques.

M. Lazure: Oui, ceci apparaît dans le texte du projet de loi tout le temps. Vous dites "si" il lui appartient. Vous avez encore des doutes, apparemment.

M. Landry (Pierre): Non, je n'en doute pas.

M. Lazure: Mais nous sommes persuadés qu'il lui appartient. Moi, je ne fais qu'endosser les commentaires de mon prédécesseur. Là-dessus, on fait un front commun inébranlable. Je pense que c'est au nom de cette confidentialité qu'on a laissé des patients oubliés pendant des années et des années dans des hôpitaux. On ne fait que commencer avec le comité de révision, par exemple, pour les malades mentaux, à avoir un peu plus d'aération et un peu plus de respect des droits des individus. Je ne m'avance pas plus.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sherbrooke, très rapidement.

M. Gosselin: Oui. Je n'ai pas le goût de reprendre toute l'argumentation qui a été développée. Beaucoup de questions que j'aurais pu soulever l'ont été par d'autres. Je veux simplement signaler qu'au tout début vous insistez beaucoup et à plusieurs reprises, dans votre document, sur l'importance d'une véritable politique de la famille, le maintien de l'enfant dans son milieu naturel, mais vous n'allez pas très loin dans l'articulation de cela, dans le déblayage des nouvelles possibilités.

Par ailleurs, à mon avis—c'est peut-être un jugement que je porte ou une question que je veux vous lancer — notamment, à la page 4, vous mettez une très grande insistance pour dire que sans budgets supplémentaires, sans addition de personnel, finalement, les rôles nécessités auprès de la famille seront toujours déficients.

Il ne semble pas qu'on puisse réduire l'analyse de ce qui manque à la famille à cette seule conjecture des budgets et des additions de personnel dans le système actuel, mais peut-être davantage à une conversion des ressources ou à des réorientations majeures des ressources déjà existantes. Est-ce que déjà, notamment les CSS — c'est une question, naturellement qui s'adresse davantage à la structure qui regroupe les travailleurs sociaux — ne jouissent pas d'une énorme marge de manoeuvre pour réorienter leurs effectifs? Est-ce que déjà il n'y a pas un problème majeur d'orientation d'effectifs qui pourrait corriger nombre de situations déficientes constatées? Première partie. Vous pourrez toujours commenter cela tout a l'heure.

J'ai tout simplement un petit point qui n'a pas été relevé par d'autres; parce qu'il n'a pas été relevé, j'aimerais le faire. A l'article 50h du projet de loi, on parle d'encourager la participation bénévole.

L'article 50h: "que l'enfant effectue de menus travaux ou rende un service approprié à la collectivité."

On imagine cela comme une formule de réinsertion. Vous dites: Nous demandons que cet arti- cle soit abrogé. Nous considérons cet article superflu et tout à fait inutile dans un texte de loi. Pourriez-vous justifier cette abrogation?

M. Landry (Pierre): A ce niveau, rapidement, cela nous paraissait faire partie de l'intervention. Ce n'est pas mauvais que ce soit là, mais c'est un niveau de détail qui ne nous apparaissait pas pertinent dans un texte de loi. Ce n'est pas sur le fond, c'est sur...

M. Perron (Gilles): Au sujet de la politique familiale, nous n'avons pas voulu expliciter, étant donné qu'il y a déjà toute une série de documents très intéressants, très bien faits qui ont été préparés par des organismes gouvernementaux et paragouvernementaux sur le sujet. Nous voulions tout simplement rappeler que la base d'un ensemble de politique sociales, ce serait une politique familiale. En particulier, le rapport du Conseil des affaires sociales et de la famille de 1974 est très révélateur à ce sujet.

Le Président (M. Laplante): Le député de L'Acadie, dernière question.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je ne reviendrai pas sur les différents articles, je pense qu'ils ont tous été soulevés à tour de rôle. Je voudrais quand même vous poser une question d'information. A la page 14, vous recommandez que le législateur prévoie le maintien de milieu de vie comme première possibilité, même dans les mesures d'urgence. C'est ce que le ministre a soulevé tout à l'heure. Pouvez-vous me dire si, dans votre expérience quotidienne, quand survient un cas de protection... On a vécu l'histoire où, il y a vingt ans, il y avait les internats et les pensionnats et que cela réglait le problème. Après cela, on a évolué vers ce qu'on appelait dans le temps les foyers nourriciers. Aujourd'hui, les gens qui prennent les décisions, à la cour ou autrement, sont-ils plus sensibilisés qu'ils ne l'étaient à la possibilité de garder les enfants dans leur famille ou a-t-on encore très facilement tendance à immédiatement songer à des placements à l'extérieur de la famille? La mentalité à l'intérieur des cours de bien-être social a-t-elle évolué dans ce sens?

Mme Waid: C'est très difficile de vous répondre, si on prend un cas thème, par exemple, le pra-tricien qui a une auxiliaire familiale à sa disposition va être beaucoup plus prêt à le recommander au juge, si c'est présenté à la cour, ou à décider de laisser l'enfant dans sa famille, parce qu'on a quelqu'un qui va surveiller, contrôler, aider, à améliorer, à changer certaines choses. C'est quand il n'y a personne que le praticien prend panique et dit: II y a un gros risque quand même; il faut placer l'enfant immédiatement. Souvent, parce qu'on le place en urgence, on le place dans un milieu qui n'est pas forcément tellement supérieur ou plus valable que le sien. On voit les traces; surtout chez les enfants battus, on réagit très rapidement, parce que cela fait peur, cela fait mal, mais ce n'est pas la solution, parce que l'enfant qui est

placé, il y a d'autres remarques qu'on ne voit pas, mais qui sont là quand même.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de statistiques, à votre connaissance, qui ont été conservées qui permettraient de voir l'évolution des mentalités dans ce sens?

Mme Waid: Pas que je sache. On a pris conscience, je pense, récemment, peut-être après le rapport Batshaw, qu'il y a beaucoup trop d'enfants. C'est la première fois qu'on publie partout le nombre d'enfants qui sont placés et qu'on ne conteste pas ces données, à cause du livre blanc, à cause de tout ce qui a été fait ces dernières années quand même. On est plus conscient et on voit les problèmes que présentent les enfants placés. Le placement, ce n'est pas la solution quand même.

Mme Lavoie-Roux: Voici mon autre question: Est-ce que, maintenant, à votre point de vue, la surveillance de ces enfants qui sont dans des foyers d'accueil est adéquate, suffisante, quant au nombre de contacts que les professionnels ou les personnes attitrées à ce rôle peuvent jouer?

Mme Waid: Pas toujours, et certainement pas dans tous les cas, parce que les praticiens sont souvent surchargés, car on sait en effet que les enfants, malheureusement, sont souvent placés très loin. Il y a donc énormément de temps qui se perd rien qu'en déplacement. Personnellement, j'estime que les enfants devraient être vus au moins une fois par mois. Il y a des enfants qui ne sont pas vus quelquefois pendant des mois. Cela dépend de l'organisation des différents CSS, des disponibilités des praticiens, des "case loads", cela dépend de beaucoup de choses, cela varie d'un CSS à l'autre, c'est évident.

Mme Lavoie-Roux: II y a encore beaucoup de carences de ce côté.

Mme Waid: Certainement.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question...

Mme Waid: Parce que c'est de la surveillance de placement uniquement dans certains cas, où on doit admettre très honnêtement — c'est lourd, quand je vous parle — mais c'est un fait que, dans certains cas, il n'y a aucun espoir de réinsertion familiale. Il y a combien de familles qui ont été perdues en cours de route?

Mme Lavoie-Roux: C'est donc dans ce sens qu'il faudrait faire plus d'efforts. Dans ma dernière question, je me demandais si vous aviez bien compris le point sur lequel le député de Sherbrooke vous a posé une question tout à l'heure. C'est l'article 25. Comment aviez-vous interprété cette disposition, à savoir que l'enfant effectue de menus travaux ou rende un service approprié à la collectivité, pour que vous demandiez de la rayer? Je me demande si vous avez vraiment saisi la por- tée de cette disposition. Qu'est-ce que vous avez compris là-dedans?

M. Landry (Pierre): En fait, ce que je disais tout à l'heure, c'est que ce n'est pas une critique, si on veut, de l'idée elle-même. Cela nous paraissait vraiment quelque chose qui fait partie ou qui peut faire partie d'un plan d'intervention avec un enfant, mais il me paraissait curieux que cela apparaisse dans un projet de loi. Au fond, c'est l'idée que l'enfant remette à la collectivité l'activité réparatrice, si on veut, qu'on retrouve au niveau de la probation ou des choses comme cela.

Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait être la seule disposition qui soit prise à l'égard d'un enfant...

M. Landry (Pierre): L'idée est très bonne.

Mme Lavoie-Roux: ... et qu'il n'y en ait pas d'autre, que ce soit la seule chose, la seule décision que l'on rende. A ce moment, est-ce que vous ne trouvez pas que c'est vu comme une mesure au même titre que les autres?

Mme Waid: Cela fait vraiment partie du plan de traitement. Dans certains cas, c'est indiqué, dans d'autres cas, cela ne l'est pas. C'est une question du moment approprié où on doit le faire. Cela ne se fait pas systématiquement dans tous les cas, au moment, par exemple... Cela fait partie du plan de traitement. On essaie, dans la majorité des cas, quand l'enfant est prêt, de le lui suggérer, de l'encourager, mais pour qu'il soit prêt, il faut que ce soit au moment opportun.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Mme Waid: C'est pour cela qu'on est entièrement d'accord, mais cela ne nous paraissait pas faire partie des...

Le Président (M. Laplante): Sur le même sujet, le député de Papineau.

M. Alfred: Je vous remercie de votre mémoire. Il nous a permis de faire avancer le débat. Je tiens aussi à ajouter que ce projet de loi va nous amener à un changement de mentalité et aussi à une nouvelle perception de l'enfant et de l'adolescent pour mieux les comprendre. Je pense aussi qu'il y a une hypothèse de base qui doit réorienter notre façon de concevoir l'enfant et l'adolescent, c'est cette confiance réaliste dans l'individu. Merci.

Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, merci de la présentation de votre mémoire. Vous nous excuserez d'avoir un peu bousculé... On appelle maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Je me pose parfois des questions, parce que c'est la première fois que je vois ça; ça commence par l'Ordre des infirmières et infirmiers. Habituellement, c'est toujours infirmiers et infirmières. Vous savez, les femmes, où elles sont rendues aujourd'hui.

Maintenant, je vous demanderais d'identifier votre organisme et les membres qui vous accompagnent.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Mme Tellier-Cormier (Jeannine): Merci, M. le Président. Notre organisme, vous l'avez bien identifié et je précise que nous insistons pour dire l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, pour toutes sortes de raisons, et je vous souligne, entre autres, que, sur plus de 42 000 membres actifs, nous avons environ 1600 infirmiers.

Le Président (M. Laplante): ... pas assez fort.

Mme Tellier-Cormier: Ceci étant dit, j'identifie les personnes qui m'accompagnent. A mon extrême droite, Mlle Larose, directeur, directeur du secteur nursing chez nous; à ma droite immédiate, Mlle DuMouchel, directeur général et secrétaire de l'ordre; à mon extrême gauche, Mlle Thérèse Asselin, membre du comité administratif; à sa droite, Mlle Royer, trésorière de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et, à ma gauche immédiate, M. Normand Grou, conseiller juridique. Moi-même, Jeannine Tellier-Cormier.

Le Président (M. Laplante): II n'est même pas infirmier!

Mme Tellier-Cormier: II faudrait peut-être le lui demander. Après dix mois de travail chez nous, je pense qu'assez souvent, il dit: Bon! Dans le monde du nursing, on fait... Alors, ceci étant dit...

Le Président (M. Laplante): Excusez la boutade.

Mme Tellier-Cormier: ... je m'identifie, Jeannine Tellier-Cormier, présidente de l'ordre. Je ne tournerai pas le fer dans la plaie plus souvent.

Dans un premier temps, je vous souligne deux corrections dans nos commentaires et je suis vraiment désolée qu'une telle erreur se soit glissée. A la page 2 de nos commentaires, deuxième paragraphe, troisième ligne, là où vous lisez l'article 34, vous devriez y lire l'article 43. A la page 3, deuxième paragraphe, première ligne, l'article 36 devrait être indiqué l'article 37.

J'espère que ces erreurs ne vous ont pas causé des problèmes de compréhension. De plus, dès le début, je veux vous signaler que nous n'avons, en aucun temps, la prétention de vous présenter un mémoire, et c'est à juste titre que le document est identifié: Commentaires.

Maintenant, pourquoi le bureau de l'ordre présente-t-il des commentaires? Pour deux raisons très spécifiques. Dans un premier temps, parce qu'on veut démontrer notre engagement social de plus en plus dynamique et présent. On veut aussi répondre à des demandes pressantes des membres de notre corporation pour faire connaître des commentaires sur ce projet.

Je veux seulement vous signaler différents champs d'activités où des infirmières et des infirmiers sont actifs et très présents: les soins à domicile, les CLSC, les départements de santé communautaire, plus spécialement les programmes de santé scolaire et les programmes de soins maternels et infantiles; les salles d'urgence, les cliniques externes, les pédiatries, les pouponnières et les unités d'obstétrique.

Tantôt, si le temps nous le permet, j'aimerais vraiment vous faire part d'une expérience où des infirmières se sont impliquées d'une façon précise pour aider, en regard d'une prévention, des jeunes qui peuvent être exposés.

Ce projet de loi, qui est en phase d'une troisième grossesse, nous espérons et nous croyons fermement qu'il nous donnera un enfant en bonne santé, ni bafoué, ni battu.

Je n'ai pas l'intention de lire les commentaires, parce que le temps est précieux pour tout le monde. Je veux simplement vous signaler, dans les pages, les endroits où on veut mettre un peu plus d'emphase qu'il n'y en avait déjà dans nos commentaires.

Dans cet esprit-là, je vous signalerai en page 1, troisième paragraphe, quand on parle de la formation en nursing, c'est depuis les débuts que nous avons reconnu la nécessité de soins infirmiers en pédiatrie. Ce n'est rien de neuf que les infirmières et les infirmiers soient vraiment présents dans cette activité. Les soins infirmiers sont basés sur des connaissances fondamentales par l'étude du développement psychomoteur, et à ce moment-là, des études et des cours importants en biologie et en psychologie sont la base pour prodiguer des soins infirmiers en pédiatrie d'une façon vraiment adéquate.

En page 2, deuxième paragraphe, lorsqu'on parle des enfants plus jeunes. Dans votre projet de loi, vous insistez pour que, lorsque c'est possible, l'enfant soit consulté et informé. Quand on parle d'un plus jeune, ce n'est pas possible. Nous considérons indispensable que cet enfant qui ne peut pas être informé ou consulté puisse avoir une personne qui puisse le représenter, qui prenne vraiment son intérêt, dans cet esprit, pour éviter de laisser justement perdurer des problèmes en regard de cette situation.

Toujours en page 2, troisième paragraphe, on vous donne des chiffres et on ne voudrait surtout pas que vous vous en serviez d'une façon arbitraire. A peu près à la septième ligne, on parle des enfants de 0 à 7 ans et un peu plus loin on parle des enfants de 7 à 18 ans. Pour cela, nous nous sommes fiés sur une courbe d'un développement normal. Mais comme on fait appel à des enfants qui vivent des situations problématiques, le chiffre ne doit pas être utilisé d'une façon arbitraire parce que, selon les situations, un enfant de six ans et un enfant de huit ans, ou plus jeune ou plus vieux, peut être l'équivalent d'un autre enfant sur une courbe normale d'un développement. On ne voudrait vraiment pas que vous vous en serviez d'une façon arbitraire. Pour ces jeunes enfants en bas de 7, 6 ou 5 ans, selon leur maturité, lorsqu'il y a nécessité de les héberger, on considérerait sûrement valable et important d'opter plutôt pour une fa-

mille d'accueil de préférence à une institution, parce qu'il retrouverait là, du moins on le croit, ce n'est pas toujours vrai, mais il faut quand même faire des choix, un milieu plus favorable à son développement.

Au quatrième paragraphe, quand on parle du Comité de protection de la jeunesse, nous sommes contents de voir apparaître dans le projet de loi sur la protection de la jeunesse cette dimension où pour le choix des personnes travaillant au sein de comités, on se base sur la valeur même de la personne, sans accoler aucune caractéristique professionnelle ou autre. Et cela nous sourit énormément. On vous souligne aussi qu'on pourrait très bien trouver dans ce comité, des parents, et, entre autres, des parents impliqués dans les familles d'accueil. Peut-être qu'au niveau de ce comité il y aurait des choses importantes à nous dire et cela pourrait être un élément vraiment positif. On veut aller plus loin. Le comité sera dorénavant de quatorze personnes. Nous considérons qu'il y a des infirmières et des infirmiers qui sont très compétents. Il y en a même qui sont spécialisés au niveau de la maîtrise en pédiatrie, en soins maternels et infantiles. A ce moment-ci, on considère qu'elles pourraient être des personnes-ressources au niveau de ces comités et des personnes-ressources valables pour aider et apporter des solutions face à des problèmes.

En page 3, troisième paragraphe. On vous souligne qu'il y aura des mécanismes d'information qui devront sûrement suivre l'adoption de cette loi. Nous tenions à vous informer que notre corporation a pris ses responsabilités en termes de devoir informer ses propres membres dans ce sens. Dès l'adoption de la loi sur la protection des enfants maltraités, nous avions dans notre bulletin d'information fait circuler, d'une façon précise, des obligations de la professionnelle ou du professionnel infirmier en ce sens-là. La semaine dernière, alors même que nous ne savions pas qu'aujourd'hui nous nous présenterions en commission parlementaire, par le truchement de notre ligne Zénith, nous avions, sur message enregistré, des commentaires que nous nous proposions de vous présenter sur le projet de loi 24. Cette ligne Zénith peut être employée tant par nos membres que par le public.

A la page 3, quatrième paragraphe... En regard du troisième paragraphe, où on parle des mécanismes d'information, il faudrait peut-être se poser la question. Nous avons, nous, des mécanismes pour informer nos membres. Est-ce que ce serait là la raison qui viendrait expliquer que, dans les rapports du Comité sur la protection de la jeunesse, à la page 52, on cite les infirmières comme les professionnelles déclarant le plus? Est-ce à cause de leur situation stratégique, très souvent, ou à cause de leurs mécanismes d'information? On vous laisse le choix de le valider, éventuellement.

Au quatrième paragraphe, on fait allusion aux responsabilités très importantes que vous donnez au directeur de la protection de la jeunesse. Nous, on considère qu'une même personne qui assume autant de responsabilités peut le faire avec beaucoup de compétence. Je pense qu'il faudrait... Dans notre commentaire, on dit: II faudrait peut-être songer à un comité consultatif, multidiscipli-naire, face à certaines situations, pour aider davantage et bien centrer la situation problématique pour évoluer vers des solutions plus spécifiques pour l'enfant.

A la page 4, premier paragraphe, on commence par l'article 51. A l'article 51 de ce projet de loi, on nous dit qu'il faudra prévoir des services de santé. Pour nous, des services de santé doivent, et on espère que le législateur l'a prévu, comporter l'aspect physique et l'aspect psychique. Dans cet esprit-là, on reconnaît que des psychologues ou d'autres professionnels, qui sont intéressés à l'aspect psychique, peuvent vraiment aider la famille ou l'enfant.

Dans un ouvrage récent, publié en 1977, et intitulé: "The Abusing Family", dont les auteurs sont Blair & Blair, l'un est psychologue et l'autre est un spécialiste en service social, on insiste tellement sur l'aspect psychologique qu'on va même jusqu'à parler de la nécessité d'un thérapeute, au niveau de la famille et au niveau de l'enfant. On va jusqu'à demander que, quelquefois, les thérapeutes soient différents pour qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts, que le même thérapeute ne doive pas, d'un côté, écouter l'enfant, et de l'autre, écouter les parents. C'est une parution vraiment récente, mais qui est aussi très intéressante par les concepts qui y sont apportés.

A la page 4, deuxième paragraphe: On parle des centres d'hébergement collectifs. Il y en a deux, au Québec. Les deux sont situés à Montréal; l'un, grâce à la générosité des Soeurs Grises, entre autres. Quand on parle de situations problématiques où on doit placer et la mère et l'enfant, je pense que la situation, en elle-même, est déjà assez stressante et traumatisante que le fait de placer, quelquefois, la mère dans un type d'institution et l'enfant dans un autre type d'institution apporte encore un élément neuf en raison de la séparation de la mère et de l'enfant. Alors, ces hébergements où on retrouverait, dans une même institution, et la mère et l'enfant, nous apparaissent vraiment une solution indispensable et de l'avenir.

Au dernier paragraphe de nos commentaires, en page 5, à la quatrième ligne... Je sais que le ministre actuel des Affaires sociales est un fervent de cette politique. Nous considérons qu'on doit vraiment retrouver, au niveau des services des soins à domicile, des services accrus pour permettre que des infirmières visiteuses — cela peut être au niveau de la santé scolaire ou autre — puissent apporter cet élément de relance nécessaire et cette présence régulière dans des milieux, lorsqu'il y a des problèmes.

Ici, ce ne sont pas des infirmières qui affirment le rôle de pivot de l'infirmière dans une situation, ce sont les auteurs Blair et Blair qui disent, en regard de la "visiting nurse" qu'elle est quelquefois le pivot et le seul lien qui n'est pas, pour la famille elle-même ou la collectivité, présent avec un aspect négatif. Elle n'apporte pas l'image de

judiciaire ou des choses comme cela. C'est quelquefois le seul lien qui nous permette d'avancer dans la thérapie.

J'aimerais vous rapporter deux faits en regard de la présence des infirmières. Au niveau du rapport sur le Comité pour la protection de la jeunesse, quand on parle des services donnés aux enfants et aux personnes abusées, on signale, une statistique en regard des personnes abusées qui doivent aussi être aidées pour permettre la réinsertion sociale après la réinsertion de l'enfant dans sa famille, on signale, dis-je une statistique. Les infirmières sont, à ce moment-là, impliquées à 11,4% des professionnels qui aident les familles dans ce sens.

Il y a aussi une expérience dans la région de Montréal où on peut conserver plus de 30% des enfants maltraités dans le milieu même de la famille parce qu'il y a une relance assurée par les infirmières des services des soins à domicile, soit santé scolaire, ou maternelle et infantile.

En conclusion, je vous le signale, et c'est sûrement vrai, je ne vous apprends rien de neuf, M. le Président et MM. les ministres, madame et messieurs, en vous rappelant que l'année 1979 est proclamée l'année internationale de l'enfant. Est-ce que le meilleur don qu'on pourrait faire aux enfants ne serait pas d'arriver à la mise en application d'une législation qui assurerait une protection efficace à l'ensemble des enfants pour assurer véritablement la qualité de la vie? Nous vous remercions et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Laplante): Merci, garde. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier infiniment l'Ordre — je vais faire bien attention — des infirmières et des infirmiers du Québec de nous avoir fait part de ses commentaires par écrit et des commentaires additionnels, que vous nous avez soumis ce soir. Effectivement, les membres de votre groupe sont certainement parmi ceux qui ont soutenu très étroitement les travaux du Comité de protection de la jeunesse et qui l'ont même grandement alimenté. Je pense que c'est l'indication très nette de votre engagement concret. C'est beau le placotage, mais je suis toujours plutôt porté à mesurer les engagements des gens à leur comportement dans le concret, à voir dans quelle mesure cela vient soutenir ce qu'on dit, ce qu'on écrit, et je serais bien mal venu, dans le cas des membres de votre ordre, de ne pas signaler le fait que le placotage a été effectivement très soutenu dans le concret. Cela témoigne d'un engagement social chez vos membres et c'est à souhaiter même que cela rende témoignage un peu aux autres aussi un peu partout, parce que, surtout dans un dossier comme celui-là, qui concerne les jeunes, je crois que tous les agents, tous les groupes, tous les membres de ce qu'on appelle le réseau public et ce qui est en dehors aussi, les groupes communautaires, l'ensemble des éléments et des citoyens de la société, se donnent une espèce de mot d'ordre pour aborder cette année 1979 en faisant un effort très net, très marqué, qui devra toujours être amélioré, bien sûr, mais franchir une étape marquante, de ce côté-là. En ce sens, je vous remercie en mon nom personnel et au nom des membres de la commission.

Très rapidement, étant donné l'heure, je voudrais formuler une remarque, une question, si vous voulez, vous poser deux questions très précises. Vous proposez, dans vos commentaires, que le Comité de protection de la jeunesse reçoive obligatoirement un avis, non seulement dans le cas des enfants maltraités, mais également dans les cas où il y a menace au développement mental, il me semble que vous avez évoqué ça, dans les cas d'absence de soins adéquats.

L'idée qu'on avait essentiellement en préparant le projet de loi 24, c'était de maintenir le droit, qui était déjà prévu dans la loi des enfants maltraités, de déclarer ces cas-là. Dans ce sens, les enfants maltraités regroupent les cas extrêmes d'absence de soins ou de menaces au développement mental et affectif, donc dans les cas extrêmes, en ce sens, par extension, le Comité de protection à la jeunesse sera automatiquement saisi.

Le fait d'ajouter, comme vous le proposez, l'obligation de déclarer au Comité de protection de la jeunesse pour les deux catégories proposées, est-ce que ça ne va pas nous poser le problème suivant: d'une part, que le Comité de protection de la jeunesse, on veut le garder, c'est comme ça qu'il a d'ailleurs fait ses preuves, on Ta conservé comme une structure très souple et très légère. Est-ce que vous ne pensez pas que le fait d'extensionner l'obligation de déclarer d'autres cas pourrait carrément le déborder, c'est-à-dire accumuler une telle masse? Etant donné que, de toute façon, le Comité de protection de la jeunesse, même s'il n'est pas automatiquement saisi de tout dossier ou avisé de toute question, il garde le pouvoir et c'est vraiment l'esprit de la loi et les pouvoirs qui lui sont accordés, dans la mesure où on veut vraiment qu'il puisse pleinement jouer un rôle d'ombudsman, il garde le pouvoir d'intervenir dans le dossier quand il le juge à propos, même dans les cas et pour les cas pour lesquels il n'a pas été avisé comme tel.

En plus, constamment, les enfants, les parents peuvent interjeter appel ou demander au Comité de protection de la jeunesse d'intervenir. C'est ma première question-remarque.

Ma deuxième question concerne la mise en place d'un comité multidisciplinaire pour conseiller le directeur de protection de la jeunesse. Encore là, est-ce que vous ne pensez pas qu'un comité, avec ce que ça implique, structure, ça n'irait pas à l'opposé de ce qu'on a cherché constamment, en tout cas, de ce qu'on a essayé de conserver constamment comme préoccupation, d'éviter de multiplier les structures, d'alourdir la machine, de formaliser, en se disant, au fond, l'expérience, le vécu, la vie quoi, va continuer à jouer son rôle et va elle-même établir des choses?

Est-ce que vous ne craignez pas qu'un comité comme celui-là puisse contribuer déjà, au point de départ, à alourdir davantage? Une dernière question. Elle est plutôt de taille et vous y attachez une

importance assez grande, vous l'avez signalée au passage. Comment peut-on articuler concrètement cette proposition que vous nous faites de tenir compte de l'âge? Vous parlez des plus jeunes. Je comprends, évidemment, vous avez fait mention d'un adulte, d'un accompagnateur, d'un défenseur, peu importe la formule que ça prend; mais quand vous parlez des plus jeunes, comment, concrètement, peut-on articuler une proposition comme celle-là, à votre point de vue?

Mme Tellier-Cormier: Je vais commencer par votre premier commentaire qui se terminait par une réponse. Cela correspond, en page 3, au deuxième paragraphe de nos commentaires. A la pratique, on trouve que ça fait coincider l'article 35b et f. Ce serait l'obligation de déclarer et pour l'article 35b et pour 35f. A vivre des situations, on réalise dans le champ clinique, qu'il est très difficile parfois de faire la différence entre les deux. Or à partir de cette difficulté qui peut faire que des enfants soient privés de solution, face à des problèmes auxquels ils ont droit, c'est dans cet esprit qu'on suggérait éventuellement que l'article 35b et f soit traité de la même façon.

Socialement, on veut aller plus loin aussi, parce qu'on connaîtrait peut-être davantage ceux qui ont les problèmes d'un 35f, s'ils n'étaient pas les seuls visés par une telle obligation. C'est une des raisons qui nous a fait opter pour demander que Ie 35d et le 35f soient traités d'une même façon. On vous dit qu'il y a vraiment une difficulté très importante quelquefois à arriver à pouvoir identifier ces cas-problèmes et, dans cet esprit, on a fait cette suggestion au législateur.

Votre deuxième question touche le comité multidisciplinaire qu'on propose. Cela fait référence à la page 3, dernier paragraphe. On vous souligne qu'on l'a mis consultatif et, pour nous, un comité multidisciplinaire, cela ne veut pas dire sept, cela ne veut pas dire dix, cela peut vouloir dire quatre, cela peut vouloir dire cinq, au maximum. Consultatif, cela veut dire lorsque la situation, à partir de la variété de problèmes, l'exige. On ne pense pas que c'est une lourdeur excessive. Cela permettrait peut-être d'arriver à une réhabilitation et à une réinsertion sociale ou familiale plus rapide chez cet enfant qui a des problèmes; c'est ce que nous pensons.

Après, vous faites référence, à la page 2, au paragraphe où on parle des plus jeunes. Vous savez, quand un travailleur social, ou une infirmière, ou une autre personne capable d'oeuvrer dans ce domaine doit entendre les parents qui ont leur perception de la situation et ne peut pas avoir une personne indépendante de tout intérêt face au problème pour tenir, en regard des droits de l'enfant, nous, on trouve cela dangereux. Pourquoi cette possibilité qui est introduite dans la loi de pouvoir consulter et informer l'enfant avec qui on est capable de dialoguer, dans ce sens-là, pourquoi ne pas prévoir — cela pourrait être fait par voie de règlement ou des choses comme cela — une personne indépendante qui pourrait agir et vraiment s'assurer que les droits de cet en- fant sont reconnus, même s'il n'est pas capable de les exprimer lui-même?

Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, il me fait plaisir de féliciter mes ex-collègues des soins infirmiers pour leurs commentaires. Vos remarques au sujet des soins à domicile ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. J'en profite pour souligner que les infirmiers ou les infirmières constituent peut-être la profession... pardon, les infirmières ou les infirmiers constituent peut-être le groupe qui a le plus de crédibilité auprès des familles et, depuis très longtemps, l'infirmière est vue comme la personne qui vient aider les gens et non pas comme la personne qui vient enquêter comme, parfois, la travailleuse sociale est perçue.

Je ne peux qu'abonder dans ce sens et je souhaiterais que les centres de services sociaux ouvrent plus leurs portes aux infirmières et infirmiers, autant dans le domaine de la protection de la jeunesse que dans d'autres domaines. J'ai bien l'intention de faire des efforts pour arriver à persuader les centres de services sociaux. Je ne vois pas pourquoi — et je l'ai dit tantôt aux représentants de la corporation des travailleurs sociaux professionnels — le poste de directeur de la protection ou, enfin, d'autres postes qui gravitent autour de cela, devraient être occupés seulement par les travailleurs sociaux.

A l'article 37, la suggestion que vous faites d'y ajouter, en plus de ce à quoi mon collègue a fait allusion tantôt, traitements physiques, je suis presque honteux qu'on l'ait escamoté dans un sens, mais, dans mon esprit, c'était couvert par l'article 36. Mais il serait peut-être utile de l'expliquer aussi dans l'article 37. On en prend bonne note.

Finalement, cela m'intrigue un peu, votre suggestion — vous appelez cela des centres d'hébergement collectifs — si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il en existait deux?

Mme Tellier-Cormier: A Montréal.

M. Lazure: Quels sont-ils?

Mme Tellier-Cormier: Les noms...

M. Lazure: Où on peut héberger temporairement et la mère et l'enfant.

Mme Tellier-Cormier: On héberge et la mère et l'enfant.

Une Voix: Toute la famille.

M. Lazure: Toute la famille?

Mme Lavoie-Roux: La mère et l'enfant.

Mme Tellier-Cormier: J'ai dit la mère et l'enfant.

Mme Lavoie-Roux: La mère et les enfants.

Le Président (M. Laplante): ...

Mme Tellier-Cormier: La mère et les enfants.

M. Lazure: ...

Mme Tellier-Cormier: Je ne connais pas...

M. Lazure: Carrefour pour elles, c'est différent, je connais Carrefour pour elles.

Mme Lavoie-Roux: Les Soeurs Grises, il y a à peu près six mois ou un an.

Mme Tellier-Cormier: C'est cela, Carrefour pour elles en est un.

M. Lazure: On va regarder cela d'un peu plus près. Cela me paraît un concept intéressant.

Mme Tellier-Cormier: On sait combien l'enfant et la mère qui vivent des situations aussi... c'est dramatique. On vient ajouter encore ses parents, à ces êtres. Je pense que c'est une dimension qu'un psychiatre est sûrement en mesure d'apprécier et d'évaluer.

M. Lazure: C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier l'Ordre des infirmières et des infirmiers pour leurs commentaires. Je pense qu'ils sont très modestes. A mon point de vue, ce sont plus que des commentaires, il y a vraiment des suggestions très constructives. Evidemment, vous tombez dans l'ordre des moyens, à plusieurs reprises. Cela me rappelle des suggestions qui ont été faites par d'autres organismes qui sont venus ici.

Il ne faudrait pas que le gouvernement oublie que là, on met un cadre de protection pour les enfants. On essaie de le mettre pour assurer que leurs droits soient protégés le mieux possible. Mais ce qui va soutenir tout cela, c'est vraiment la qualité des services. Là-dessus, je pense qu'il y a encore énormément de carences. Il ne faut pas blâmer celui-ci et celui-là, c'est vraiment l'évolution. Mais je pense que ce cadre qui était nécessaire, essentiel va rester assez nu et ne servira pas les objectifs pour lesquels on le crée si on ne se hâte pas, dans la mesure des disponibilités financières et humaines, de remplir le vacuum et d'assurer la qualité des services.

Il y a deux suggestions que vous avez faites, qui ont été reprises par le ministre des Affaires sociales sur lesquelles je suis d'accord, enfin, ce que vous appelez vos centres d'accueil collectifs. Très souvent, ils empêcheraient des séparations de familles. Les mères désemparées vont mener l'enfant ou les enfants pour les faire placer, alors que, si on pouvait leur offrir un centre d'accueil, le problème pourrait se résorber ou se résoudre sans avoir à recourir prématurément à des placements ou à des solutions qui n'ont pas d'autres portes de sortie. Des problèmes apparaissent ne pas avoir d'autres portes de sortie que les placements. Je pense que, du côté des ressources à créer, c'en est une.

Je suis tout à fait d'accord aussi avec le ministre des Affaires sociales sur la sous-utilisation qu'on a faite de certains professionnels dans des approches thérapeutiques, dans un sens plus large, de thérapie sociale, de gens qui ne sont pas nécessairement identifiés comme des ressources sur le plan thérapeutique, à son sens plus restreint. Je pense que, dans ce sens, les infirmières, les enseignants et les auxiliaires familiales sont des gens qui sont beaucoup moins menaçants pour les parents, en maintes occasions, et qui sont peut-être les personnes à travers lesquelles ils peuvent exprimer, au départ ou au départ établir des liens qui peuvent déboucher, éventuellement, sur un progrès plus rapide. Cela ne veut pas dire qu'on ne fasse pas intervenir d'autres spécialistes à un autre moment, mais je pense que cette valeur thérapeutique de certains groupes professionnels a été sous-utilisée dans le travail auprès des enfants ou des familles, sur le plan social ou psychologique et autre. Je pense que, si le ministre des Affaires sociales veut penser à nouveau à des solutions, à l'enrichissement ou à la meilleure utilisation des ressources de ce côté, c'est certainement souhaitable. En tout cas, je veux vous remercier. Je pense que vos quatre pages de commentaires étaient extrêmement intéressantes et constructives.

Le Président (M. Laplante): Au sein des députés du Québec, on a notre infirmier aussi. Il voudrait vous poser des questions. M. le député de Limoilou.

M. Gravel: Je ne suis pas infirmier.

Le Président (M. Laplante): Vous n'êtes pas infirmier?

M. Gravel: Non, j'étais moniteur en réadaptation. Ce qui m'intrigue dans vos recommandations, c'est à la page 4, le deuxième paragraphe: Les centres d'hébergement collectifs dont la vocation serait d'héberger certains enfants et leur mère. Pourquoi pas "et leur mère ou leur père"? Je ne dis pas "le père ou la mère".

Mme Tellier-Cormier: Quand je relisais les commentaires, je me suis dit: Pourtant, on va se faire poser la question. En fait, s'il y a des problèmes où c'est la mère qui pourrait jouer le même rôle, c'est évident que s'il y a un besoin pour la mère et l'enfant, le même besoin est aussi existant pour le père et l'enfant. On ne voulait pas apporter un élément discriminatoire, certainement pas.

M. Gravel: Merci. C'est la seule question.

Le Président (M. Laplante): Le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Encore une fois, je veux signaler

que le témoignage que nous ont apporté les infirmières du Québec, non seulement est techniquement intéressant au point de vue des suggestions qu'elles nous ont faites, mais en plus, est vraiment émouvant dans le sens où c'est enraciné dans une constatation de la réalité qui méritait d'être apportée ici. En ce sens, je vous sens également, et permettez-moi de le signaler, un peu comme l'interprète des familles québécoises dont on a tant parlé depuis le début de cette commission, par les diverses catégories de professionnels qui se sont succédé ici. En tant que professionnels non mandatés, j'oserais prétendre que vous en avez peut-être été les meilleurs interprètes.

A cet égard, notamment, il me venait une réflexion pendant que je vous écoutais, c'était le principe qu'on n'a pas entendu et malheureusement, on n'entendra pas, à cette commission, les représentants des familles monoparentales. Dieu sait si, comme groupe social non organisé, soit dit en passant, même s'il y a des embryons d'organisations, ces gens auraient eu énormément de choses à dire. Il me semble que vous êtes le premier groupe ou parmi les premiers groupes à cette commission qui nous ont signalé l'importance de ces situations familiales concrètes, et même des voies de solutions politiques, comme l'idée du foyer collectif, qui mériteraient certes d'être déblayées, d'être vérifiées à partir des expériences limitées qu'on puisse en avoir au Québec, mais qui existe dans d'autres pays qui sont beaucoup plus développés et qui sont vraiment ces lieux d'intégration qu'on doive chercher et qui respectent cette idée de l'intervention, non pas limitée, non pas compartimentée auprès de l'enfant, mais un peu dans le contexte global, dans le contexte familial. Je crois que vous avez été le groupe qui a posé avec une netteté particulière ce problème. Encore une fois, il m'est donné l'occasion de signaler que sans votre présence, on aurait manqué quelque chose. Pour l'avenir d'audiences semblables, si jamais on avait à reprendre autour de la loi de l'adoption, qui va venir après les fêtes, il faudrait sûrement penser à réinviter nos amies les infirmières, mais aussi des familles derrière elles qui n'ont pas pu s'exprimer, à mon avis, à cette commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richelieu, dernière intervention.

M. Martel: Je m'en voudrais de ne pas me joindre aux tributs floraux qui sont adressés à l'ordre des infirmières. On sait fort bien que l'Ordre des infirmières est à la fine pointe de tout ce qui a trait à la santé au Québec.

C'est un peu à l'image du gouvernement. Il informe la population, et les gens viennent également s'informer de nos lois, tout en apportant une participation vraiment constructive.

Je remarquais tout à l'heure, par exemple, des commentaires concernant l'accent qu'on semblait mettre sur la famille d'accueil plutôt que sur l'institution et, un peu plus loin dans votre argumentation, vous faisiez allusion aux soins à domicile. Vous n'êtes pas sans savoir que les soins à domi- cile prennent de plus en plus d'ampleur dans notre système d'assurance sociale au Québec. Nous y avons consacré des budgets plus importants encore cette année et, durant les années à venir, ça ira en augmentant.

Cependant, je me pose la question, en sachant fort bien que les soins à domicile sont établis dans le but bien précis de créer une ambiance vraiment humaine dans les soins apportés aux malades et également dans un but économique, parce que ça coûte vraiment moins cher que de traiter un malade dans un hôpital conventionnel. J'aimerais cependant que vous vous expliquiez davantage lorsque vous parlez, si j'ai bien compris, de prendre dans ces services de soins à domicile, disons cette sphère d'activités qui n'est pas touchée encore, concernant la réinsertion de l'enfant délinquant par ce service d'infirmières à domicile. J'aimerais avoir plus d'explications. De quelle façon voyez-vous cette intégration, tout en tenant compte, évidemment, des buts clairement établis de services de soins à domicile qui sont là pour des types de personnes bien déterminés, qui peuvent avoir des soins à la maison, car ce ne sont pas des personnes qui peuvent avoir des soins particuliers à l'hôpital?

Mme Tellier-Cormier: Quand on parle de soins à domicile, on ne fait pas référence uniquement à des soins physiques. Il y a des infirmières qui sont spécialisées au niveau de la maîtrise en psychiatrie. Ces infirmières peuvent apporter un élément de soutien important à la famille qui est dans une situation problématique, pour permettre de garder l'enfant dans son milieu, mais aussi soutenir les parents dans une telle situation problématique. Quand on parle des soins à domicile, si on parle de l'infirmière visiteuse, il faut se rappeler que, dans les départements de santé communautaire, vous avez aussi des programmes des soins maternels et infantiles, des programmes préventifs en psychiatrie et toutes ces choses-là. A ce moment ce sont encore des infirmières ou des infirmiers qui peuvent oeuvrer par ce biais et se rendre dans les milieux pour y travailler.

M. Martel: Vous y voyez surtout une action de prévention, pas tellement une action curative, mais une action de prévention dans le domaine...

Mme Tellier-Cormier: On y voit les deux.

M. Martel: Les deux?

Mme Tellier-Cormier: Oui.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, mesdames, monsieur, on vous remercie de la coopération que vous avez voulu donner à cette commission.

Mme Tellier-Cormier: Est-ce que je peux faire une boutade, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Absolument! Cela finit bien une soirée.

Mme Tellier-Cormier: Vous aviez dit, à un moment donné: Quand ce sont des femmes, c'est plus long. Alors, est-ce qu'on fait la preuve que ça n'a pas été si long?

Le Président (M. Laplante): Vous vous souvenez de l'heure du souper? Merci et bon retour. Je sais que vous redescendez à Montréal.

Mme Tellier-Cormier: Oui.

Le Président (M. Laplante): Bonsoir.

Mme Tellier-Cormier: Merci et bonsoir. Le Président (M. Laplante): Merci.

Mme Lavoie-Roux: Elles remontent à Montréal.

Le Président (M. Laplante): Vous remontez à Montréal?

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 48)

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