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Audition des mémoires
sur le projet de loi no 24
Loi sur la protection de la jeunesse
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Nous reprenons les travaux de la commission conjointe des affaires
sociales et de la justice pour l'audition des mémoires relativement au
projet de loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse.
Sont membres de cette commission, M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M.
Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M.
Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel
(Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon
(Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate
(Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif
(Crémazie)...
M. Forget: M. Saint-Germain est remplacé par Mme
Lavoie-Roux.
Le Président (M. Laplante): ... Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. Vaillancourt (Jonquière), M. Tardif (Crémazie) est
remplacé par M. Lavigne (Beauharnois).
On demande, tout comme hier, la collaboration de la salle à ne
point fumer. A cause des travaux qui se font, aucune ouverture des
fenêtres ne peut se faire, ni de l'extérieur, ni de
l'intérieur.
J'appelle les mémoires qui seront entendus aujourd'hui: Le
Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle. Sont-ils
présents?... La Commission des services juridiques, l'Association des
psycho-éducateurs.
J'appelle maintenant le Conseil du Québec de l'enfance
exceptionnelle. A cause des contraintes qu'on a aujourd'hui pour les trois
mémoires que nous avons à entendre, c'est-à-dire que nous
avons environ trois heures pour entendre les trois mémoires; ce qui
voudrait dire que vous auriez environ une vingtaine de minutes pour
présenter votre mémoire, et peut-être moins, si vous
êtes capables de faire une synthèse encore plus courte. Le reste
du temps sera pour la période des questions. Vous pouvez identifier
votre groupe et identifier les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Conseil du Québec de l'enfance
exceptionnelle
M. Gauthier (Pierre): M. le Président, nous
représentons le Conseil du Québec de l'enfance ex- ceptionnelle.
A ma droite, Mme Marianne Harvey; à ma gauche, M. Jean-Marc Roussel, M.
Roger Gagnon et, moi-même, Pierre Gauthier.
Nous serons le plus bref possible. Nous allons présenter un
aperçu des principales idées de notre commentaire sur le projet
de loi et ce que nous préférons, comme vous, je pense, c'est une
période où nous pourrons dialoguer. Le projet de loi a
déjà été présentéenfin une
version a déjà été présentée par
l'ancien gouvernement en la personne de M. Forgetet le Conseil du
Québec de l'enfance exceptionnelle avait déjà fait ses
commentaires sur cette première version. Nous avons constaté
qu'un certain nombre de changements ont été faits, suite aux
nombreux commentaires qui avaient été exprimés par
différents organismes. Dans l'ensemble, nous pouvons dire tout de suite
que nous sommes favorables au projet de loi, dans son esprit, et si on peut
dire, dans les grandes lignes de sa formulation. Les objectifs nous
apparaissent extrêmement valables, à savoir le respect des droits
de l'enfant, la valorisation du milieu naturel et de la famille comme lieu
d'intervention ou ressource sociale d'intervention, de même que la
participation de l'enfant et de ses parents aux décisions qui affectent
l'avenir d'un enfant.
Cependant, nous disons tout de suite, comme nous l'avions dit la
première fois, que le projet de loi évidemment s'inscrit dans des
limites relativement restreintes. C'est un projet de loi qui propose un
ensemble de mesures correctives et essentiellement curatives. Nous allons faire
nos commentaires sur le projet de loi tel que formulé, et nous
convierons M. le ministre Marois et les autres membres de la commission
à peut-être considérer des perspectives qui sortiraient du
cadre strict du projet de loi, mais qui nous semblent essentielles si on veut
s'attaquer aux racines des problèmes auxquels s'adresse le projet en
question.
Disons tout de suite cependant que la mesure centrale qui nous semble
visée par le projet de loi, c'est celle de l'aliénation qui
affecte une bonne partie de la jeunesse québécoise actuelle. Sur
ce plan, je pense que si on essaie d'analyser ce qui cause cette
aliénation de la jeunesse, on va être amené à
proposer des mesures de planification sociale plus larges que strictement
celles qui sont proposées ici. Ceci étant dit, on s'adresse tout
de suite à l'analyse du projet de loi comme tel.
M. Roussel (Jean-Marc): Avant de débuter sur les points,
on s'est posé deux questions en termes administratifs face à
l'application du projet de loi. On veut faire une mise en garde à ce
niveau; c'est qu'il faut faire attention de ne pas créer une autre
structure parallèle au réseau déjà existant.
Surtout, il faut essayer d'y aller par fusion de nouveaux services et non pas
par addition, pour éviter une bureaucratie énorme a ce
moment.
Il y a aussi la dimension des projets pilotes ou il y a
déjà certains services existants qui sont très valables
à l'heure actuelle. Il ne faudrait pas les mettre au rancart parce que
cela brise la vie du groupe à l'intérieur, par exemple.
II y a aussi une autre dimension dont il faut tenir compte au niveau de
l'application d'un projet de loi comme celui-là au Québec,
à savoir certaines particularités régionales. Nous, au
CQEE, on divise le Québec en trois régions: les groupements
métropolitains, tels que Montréal et Québec, où on
retrouve certains problèmes particuliers pour les jeunes; les
régions intégrées autour d'une sous-métropole comme
Sherbrooke ou le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la constellation des petites villes
qu'on retrouve en Gaspésie où les problèmes jeunesse sont
différents et les solutions à apporter sont différentes.
Cela a soutenu l'ensemble de l'analyse qu'on a faite du projet de loi et des
points qui ont retenu notre attention.
Mme Harvey (Marianne): Par ailleurs, il y a une question qui nous
a particulièrement intéressés je pense qu'on n'est
pas les seuls c'est toute la possibilité de
déjudiciarisation dont on parle à l'intérieur du projet de
loi. On sait, par la pratique, que les cas de protection (article 15)
pourraient très facilement être traités en dehors d'un
contexte judiciaire. C'est souvent le hasard, les circonstances qui font qu'on
les reçoit à la cour. Là-dessus, on embarque
d'emblée dans les propositions du projet.
Il y a une question, par ailleurs, qu'on s'est posée. Les enfants
de moins de quatorze ans, même si on parle de cas de protection, ont
très peu la possibilité de s'exprimer si, par exemple, une
décision est prise par le DPJ en accord avec les parents. On a
pensé qu'un enfant de moins de quatorze ans était quand
même capable d'exprimer son opinion sur ce qui doit lui arriver. Il
devrait avoir un moyen de recours qui pourrait, éventuellement,
être le tribunal dans un cas comme ça. C'est-à-dire qu'on
ne devrait pas lui imposer la passation devant une cour, mais la lui permettre,
à un moment donné, si l'enfant n'est pas d'accord.
M. Gagnon (Roger): En ce qui concerne la sécurité
et le développement de l'enfant, soit l'article 35, nous avons
porté notre attention sur l'article 35e qui parle de
fréquentation scolaire. La proposition que nous faisons aujourd'hui
concerne les enfants d'âge scolaire qui ne fréquentent pas une
école, ni un milieu d'apprentissage équivalent, ou s'en absentent
fréquemment sans raison. Il nous semble un petit peu illusoire et
très difficile de contrôler la fréquentation scolaire
surtout si on pense à certains quartiers où presque 50% des
enfants ne fréquentent pas l'école. Le fait d'inscrire dans un
projet de loi l'illégalité de ne pas fréquenter
l'école fait en sorte que les jeunes sont considérés comme
illégaux par le fait même qu'ils ne sont pas à
l'école.
Ce que nous proposons, c'est d'étendre l'école aux milieux
d'apprentissage. Je pense qu'il y a certaines expériences qui ont
été faites, notamment à la commission scolaire de Chambly,
où on s'est servi du marché du travail pour pouvoir
intégrer certains jeunes et leur faire apprendre des choses, en ce sens
que le milieu même devenait un milieu d'apprentissage pour le jeune qui
ne voulait pas fréquenter l'école.
Je pense qu'on se rend compte qu'il y a plusieurs enfants qui seraient
à même d'apprendre dans un tel milieu et qui, pourtant, se
rebutent constamment à l'école.
Il faut également voir la situation actuelle. Nous pensons que
certains enfants, à cause de problèmes de changements de familles
d'accueil, de changements de familles, de placements en centres d'accueil, en
arrivent, au secondaire, à n'avoir, à toutes fins pratiques,
aucune ou presque aucune acquisition scolaire et on constate que l'école
offre, actuellement, très peu de services à ces jeunes.
Dans ce sens, nous proposons de le prolonger en milieu
d'apprentissage.
On constate également, au niveau des mesures d'urgence et
d'orientation de l'enfant, que la situation actuelle n'est pas tellement une
difficulté pour poser des diagnostics et pour trouver des orientations
pour les jeunes, mais la difficulté se retrouve lorsqu'on cherche une
place où envoyer l'enfant en mesure d'urgence.
Je pense que tout le monde est au courant de la difficulté de
plus en plus grande de trouver des familles d'accueil, surtout pour nos
adolescents. Il y a, effectivement, des tentatives qui ont été
faites. Il y a Habitat Soleil qui travaille dans ce sens et qui fait un bon
travail.
Je pense qu'il faudrait développer énormément ces
ressources parce qu'au niveau du diagnostic et au niveau de l'orientation, je
pense qu'on a actuellement en place les mécanismes qui font qu'on sait
où orienter l'enfant, mais souvent la ressource n'est pas
disponible.
En ce qui concerne l'hébergement obligatoire, on s'est
arrêté également à cet article qui figurait
déjà à la loi 65. Il nous semble un peu illusoire
d'imposer à un centre d'accueil et encore plus à une famille
d'accueil de devoir héberger un enfant.
Nous avons apprécié énormément le fait qu'on
consulte l'enfant en ce qui concerne les mesures volontaires. Il nous semble
également important de considérer la ressource qui recevra
l'enfant. Dans la mesure où il est important que le jeune soit d'accord
sur la mesure, nous pensons qu'il est important aussi que le centre d'accueil
qui le reçoit soit d'accord sur cette mesure.
Il ne faut pas ignorer non plus, je pense, que certains centres
d'accueil ou l'ensemble des centres d'accueil ne peuvent pas résoudre
tous les problèmes. Il faut se rendre compte que certains enfants
dépassent les capacités actuelles des centres d'accueil. En ce
sens, nous suggérons peut-être d'investir des fonds
budgétaires supplémentaires ou du personnel afin que certains
centres d'accueil deviennent des centres de recherche, des centres qui
prendront une clientèle assez difficile et qui pourront travailler
à la recherche de solutions face à ces enfants.
Il est important, évidemment, d'apporter à ces centres un
support scientifique et une supervision qui leur permettront de cheminer et de
trouver des nouvelles ressources. Il faudra également penser à
diversifier ces centres d'accueil, de telle sorte que cela ne soit pas le
même centre d'accueil qui re-
çoive tous ces cas difficiles pour devenir un
dépotoir.
Nous soulignons également la nécessité de se
pencher sérieusement sur les cas qu'on dit psychiatriques. Nous
constatons, en centre d'accueil, que plusieurs cas nous arrivent et qu'il est
parfois difficile de répondre à leurs besoins et il est
très difficile de trancher pour savoir à qui appartient le
service à rendre.
Est-ce que c'est au service de psychiatrie de rendre le service à
ce jeune ou est-ce que c'est au centre d'accueil? Il nous paraît
important également de clarifier cette situation le plus tôt
possible.
Mme Harvey: On a remarqué aussi qu'on donnait des pouvoirs
assez importants à la DPJ dans le projet de loi. Je pense que cela peut
faciliter énormément de choses, mais il y a un problème
d'encadrement. Il faut dire, à ce stade-ci, qu'il existe
énormément de possibilités au plan professionnel, de
capacités, de compétences. Il y a des ressources aussi, mais
j'aimerais glisser ici qu'on se plaint beaucoup, par exemple, qu'il y a trop
d'enfants sécuritaires par rapport au nombre d'enfants qui pourraient
être à l'extérieur.
C'est entendu qu'il faut mettre le focus sur la famille, mais comme il y
a des enfants pour lesquels on ne peut pas compter sur la famille, à ce
moment-là, je pense qu'il va falloir penser aussi en termes de
possibilités à des réaménagements ou à des
choses comme cela. C'est-à-dire que si on avait, par exemple, plus de
possibilités dans le domaine non sécuritaire, peut-être
qu'il y aurait moins d'enfants sécuritaires.
Il y a, par exemple, le cas des sujets de douze et treize ans, si je
peux me permettre de prendre les cas particuliers ici, à titre
d'illustration, les garçons de douze et treize ans pour lesquels il y a
assez peu de choses à ce moment-ci, les jeunes de seize et 17 ans et
plus susceptibles d'être déférés, pour lesquels il y
a peu de choses entre le système des mineurs et le système pour
adultes et pour lesquels on pourrait peut-être faire davantage à
partir du projet.
Il y a un autre point sur lequel je voudrais revenir; on a parlé,
tout à l'heure, des cas de protection. Si on pense aux jeunes
délinquants qui ont moins de quatorze ans, cela nous pose aussi une
difficulté ou du moins une question en tout cas. On se demande
jusqu'à quel point ce jeune délinquant ne peut pas se sentir
brimé, celui qui a treize ans, par exemple, qui ne pas pas aller faire
reconnaître son innocence devant un tribunal. Cet enfant, dans bien des
cas, l'expérience a montré qu'il a quand même une
responsabilité réelle face à son agir c'est pour cela
qu'on se demande s'il ne devrait pas avoir non pas l'obligation de passer
devant un tribunal, mais la possibilité de le faire s'il a l'impression
que ses droits sont brimés. Mais on est tout à fait d'accord avec
la possibilité de l'éviter quand c'est possible,
évidemment. Toutefois, pour plusieurs personnes, passer devant une cour
reste peut-être encore une garantie de faire respecter leurs droits et
non pas seulement une répression. Il y a également le cas des
assesseurs, sur lequel on revient. On ne peut évidemment rien avoir
contre l'idée des assesseurs, mais si on refait le processus, si les
enfants ont été très bien sélectionnés,
très bien évalués, c'est-à-dire que si chacun fait
très bien son travail, si l'aide juridique, par exemple, qui a un
rôle très particulier quand il s'agit de mineurs joue bien son
rôle, c'est-à-dire avec une dimension autant sociale que
juridique, si les juges sont formés, comme le projet de loi le
prévoit, nous arrivons à la conclusion que les assesseurs ne
seraient peut-être pas tout à fait nécessaires, en tout cas
dans le concret.
M. Gauthier: On doit aussi souligner que, dans notre rapport, il
y a une erreur de typographie, à la page 12, qui change passablement le
sens de notre intervention. C'est qu'on dit, au deuxième paragraphe, les
trois lignes avant la fin: "Toutefois, l'enfant de moins de 17 ans devrait
pouvoir en appeler au tribunal." Ce qu'on veut dire, c'est: "Toutefois,
l'enfant de moins de 14 ans ou les adultes qui en sont responsables devraient
pouvoir en appeler au tribunal de la décision du directeur s'ils se
croient lésés par son intervention."
Nous en sommes déjà à la conclusion. En somme, ce
que nous suggérons, ce sont des modifications mineures au projet de loi,
si on parle de cela dans une perspective générale. Il est bien
certain que les mesures qui sont proposées sont nécessaires,
toutefois, elles nous apparaissent nettement insuffisantes et nous allons
expliquer dans quel sens cela nous apparaît insuffisant. Le
problème qui apparaît aux spécialistes de l'enfance c'est
que, alors que la natalité diminue, le nombre d'enfants inadaptés
semble augmenter et même si on n'a pas de données très
exactes sur le degré de leur inadaptation, il semble que la pathologie
des enfants augmente. C'est un peu impressionniste comme données, mais
c'est tout ce que nous pouvons offrir à ce moment-ci. De sorte que la
question se pose: Est-ce qu'il y a quelque chose qui, actuellement, dans notre
société, affecte la jeunesse ou une partie importante de la
jeunesse. Si on regarde les éléments susceptibles de nous
apporter une réponse, on s'aperçoit qu'il y en a effectivement.
Le projet de loi articule toute son intervention ou met le point focal de son
intervention sur la famille et le milieu local, la communauté locale.
Or, on s'aperçoit bien que la famille donne des signes de grande
fatigue, la famille telle qu'on l'a connue dans le passé donne des
signes de stress évident et le milieu local à toutes fins
pratiques, sauf exception, n'existe pas comme ressource communautaire. Il n'y a
pas une telle chose dans la communauté locale comme entité
vivante et dynamique sur laquelle la famille peut s'appuyer. La question est:
Qui va s'occuper des enfants? Qui s'occupe de socialiser les enfants du
Québec maintenant? Traditionnellement c'est la famille, l'école
et la communauté locale qui font cela. Les taux de divorces et de
séparations augmentent. On fait actuellement une étude sur la
famille monoparentale, étude qui est d'ailleurs
supportée par le ministère des Affaires sociales, et on
s'aperçoit que, dans la région métropolitaine de
Montréal, grosso modo, il y a un tiers des enfants qui vivent en famille
monoparentale; à peu près 12% à 14% pour des raisons de
veuvage, il s'agit de familles monoparentales dont le chef de famille est une
veuve, et 20% à 25% qui sont surtout des mères dont le mari est
absent et, dans quelques cas, disons une minorité d'environ 4% à
5%, de pères qui vivent seuls avec leurs enfants.
Cela fait donc un tiers des enfants qui sont en situation de familles
monoparentales. Si on considère aussi que, grosso modo, de 35% à
38% de toutes les femmes adultes, y compris celles qui ont des jeunes enfants,
travaillent à temps plein, on peut imaginer qu'il y a une fraction
importante, pas loin de la moitié des enfants de la région
métropolitaine de Montréal et même du Québec, qui
vivent, pendant de longues périodes, strictement sans supervision
adulte.
Quand il n'y a pas de classe, quand il n'y a pas d'école et que
le marché du travail fonctionne, il y a des milliers d'enfants qui se
trouvent, à toutes fins pratiques, à s'élever entre eux
seulement, parce que, lorsque l'école n'est plus là, il n'y a pas
de ressources alternatives. Quand l'école est là, elle y est
relativement peu dans la journée; chaque jour, l'école ferme bien
avant l'heure de fermeture des bureaux et des usines. Cela pose donc un
problème d'éducation de la jeunesse du Québec.
Sur ce plan, on sait que les institutions scolaires, que ce soit au
niveau des directions, des administrations ou au niveau des syndicats, ont
comme négocié, aménagé les horaires de travail, les
calendriers de travail et même les programmes selon une dynamique qui est
articulée essentiellement sur deux points, à savoir les
enseignants, d'une part, et les administrateurs scolaires, d'autre part, sans
que les autres corps aient pu ou voulu intervenir beaucoup.
Cela fait qu'il y a comme une désarticulation entre les
calendriers et les horaires scolaires et les calendriers et les horaires de
travail de l'ensemble de la population adulte, à savoir des parents, ce
qui entraîne passablement d'aliénation chez une bonne partie des
jeunes, de sorte que, actuellement, il y a certains milieux scolaires et
certaines situations d'adolescents, surtout, qui sont des occasions très
propices au développement de l'inadaptation. On fabrique des
inadaptés, dans une certaine proportion qui est difficile à
déterminer, mais qui est numériquement considérable.
L'autre phénomène qui a été souligné
par des chercheurs américains, entre autres Coleman, c'est que, de la
manière que la société est organisée, il en
résulte le fait que la jeunesse est "ségré-guée" de
l'ensemble de la vie adulte dite significative. En particulier, la jeunesse n'a
rien à voir avec le mouvement ou le développement
économique de la société nationale, quelle que soit la
façon dont on voudra décrire le mot "nationale".
Durant une longue période durant laquelle on est défini
comme un jeune, cela veut dire qu'on est strictement en préparation et
on n'a rien à voir avec l'aspect productif et de production
économi- que de la société, et même de production de
services sociaux à l'ensemble de la société.
On se réveille donc, sans l'avoir voulu, dans une situation de
ségrégation sociale de toute une catégorie de la
population, les jeunes, et ceci, à notre avis, entraîne de
l'inadaptation, de la désaffection chez beaucoup de jeunes et, chez les
plus faibles évidemment, de l'inadaptation avancée.
Ce que cela entraîne surtout, c'est l'incapacité d'utiliser
comme intervention la ressource fantastique que peuvent constituer les
adolescents et les jeunes adultes de notre société.
Ce qu'on propose, c'est de mettre sur pied... et on pense que les gens
qui sont dans les... Oui...
Le Président (M. Laplante): Une minute!
M. Gauthier: Une minute. Ce qu'on propose, c'est, au niveau de la
prévention, de définir non pas la prévention seulement, le
diagnostic hâtif, mais d'amorcer un mouvement où les jeunes
seraient conviés à des projets d'ensemble. On voit des projets
socio-économiques d'ensemble. On voit trois axes à ces projets,
le premier axe est la mise en valeur du patrimoine national, au sens
écologique, que ce soient nos forêts, nos cours d'eau, la culture
et l'ensemencement des forêts, le nettoyage des cours d'eau, des choses
comme cela, l'agriculture, qui manque de façon effarante de
main-d'oeuvre, et on propose d'instituer des stages de jeunes qui seraient
supervisés et qui seraient organisés, mais qui commenceraient
dès le secondaire. On propose que certains projets sociaux, par exemple
les garderies ou l'équivalent des garderies, soient mis sur pied dans
les écoles secondaires, dans les CEGEP et les universités, ou
encore sur les lieux de travail, et qu'ils fassent appel aux jeunes comme
main-d'oeuvre, encore une fois comme stage qui compte dans leur
éducation, mais qui, en même temps, constitue un service social.
Finalement, au plan culturel, il est également possible de faire de la
restauration de sites ou d'édifices de quartiers urbains et de choses
comme cela; il est évidemment très possible aussi cela se
fait déjà jusqu'à un certain point d'avoir des
projets sur les arts d'expression, les arts de spectacle, où les jeunes
sont conviés à s'exprimer soit sous supervision, soit sous
encadrement adulte.
Dernière intervention de quelques secondes. Actuellement, on
pense qu'il y a dans la province une énorme ressource non
employée, à savoir les professionnels, à cause du
chômage et des difficultés économiques actuelles, qu'il y a
beaucoup de professionnels de grand talent, donc certains des meilleurs
cerveaux de la province, qui pourraient être conviés à
planifier de telles opérations, à les encadrer, à les
programmer et, possiblement, à les superviser. A condition que cela se
fasse sans abus du point de vue des honoraires et tout cela. On pense que ce
serait économiquement très possible, de réaliser des
projets de ce genre, d'une certaine envergure, et, graduellement, de plus en
plus. C'est tout, merci.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle pour la qualité
de son mémoire. Je pense vraiment que vous nous présentez quelque
chose de passablement bien équilibré; il contient, à la
fois des recommandations très particulières en vue de nous
inviter à améliorer le projet de loi et, en même temps, il
offre cette préoccupation fondamentale de compléter un projet de
loi comme celui-là dans la perspective de l'élaboration d'une
véritable politique de protection, mais dans le sens vraiment d'une
prévention de la jeunesse par toute une série de mesures, de
programmes complémentaires susceptibles de créer des conditions
qui pourraient davantage s'attaquer à la racine des maux. Vous nous
faites toute une série de recommandation et de suggestions très
précises. Je vous remercie, en ce sens.
Je voudrais vous faire part d'un certain nombre de questions et de
remarques; si vous me permettez, je vais vous donner un peu, dans l'ordre, la
liste de ces questions et de ces remarques, dans un premier temps.
D'une part, vous nous suggérez d'ajouter à l'article 35e
du projet de loi, cette idée d'ajouter la notion du milieu
d'apprentissage équivalent. Est-ce qu'il vous serait possible de
préciser un petit peu plus concrètement à quoi correspond
le "milieu d'apprentissage équivalent"? Je présume que vous avez
des choses précises en tête. A l'extrême, on pourrait penser
qu'il suffirait qu'un jeune ait un travail, pour qu'on considère qu'il
est dans un milieu d'apprentissage équivalent. Peut-être que oui,
peut-être que non, je n'en sais rien. C'est une question que je voudrais
vous poser.
Deuxièmement, en page 6 de votre mémoire, vous proposez
que le comité de protection de la jeunesse, si je comprends bien, pour
éviter la création de nouvelles structures, résulte de la
fusion de services existants. Je voudrais rappeler que, dans notre esprit, le
futur comité de protection de la jeunesse ne serait pas autre chose que
l'actuel comité de protection de la jeunesse qui, pour l'instant, ne
s'occupe que des enfants maltraités, mais dont le rôle,
forcément, serait élargi. Il demeurerait une structure
extrêmement souple et légère, forcément
complétée par d'autres éléments pour lui permettre
d'être capable d'assumer l'ensemble des responsabilités et de
jouer véritablement un rôle de protecteur du citoyen dans le cadre
des fonctions et des pouvoirs inhérents au projet de loi. C'est une
remarque que je voulais faire au passage.
Par ailleurs, je note, et c'est ma troisième remarque, avec
beaucoup de satisfaction le fait que vous vous dites d'accord avec cette
idée que l'intervention judiciaire ne devrait pas intervenir je
veux parler du tribunal avant l'âge de 14 ans. J'apprécie
qu'il y ait des témoignages dans ce sens. On croit que c'est vraiment
une, pas la seule, mais une des clefs du projet, dans cette perspective d'une
déjudiciarisation.
Quatrièmement, quant à l'idée du huis clos ou des
audiences publiques, je note que vous nous proposez une formule semi-publique.
J'en prends bonne note au passage. D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul
groupe à nous avoir fait des suggestions en ce sens. Soyez
assurés qu'on va les regarder au mérite.
Maintenant, lorsque vous faites allusion à la présence des
assesseurs, vous affirmez ou, en tout cas, selon vous, la présence
d'assesseurs serait superflue. J'aimerais que vous nous expliquiez un petit peu
plus pourquoi, à votre point de vue, cela serait superflu ou risquerait
d'alourdir davantage cette partie, cette étape qui, forcément,
viendra dans certains cas.
Des enfants, forcément, seront encore obligés, dans
certains cas, le moins possible, j'espère, de passer devant le tribunal
de la jeunesse. Donc, c'est une question, en cours de route.
Là-dessus, je greffe une remarque. Vous évoquez cette
idée, qui est rattachée à la question des assesseurs,
qu'il est important, de mettre à la disposition des juges des ressources
qui leur permettent de parfaire leurs connaissances dans le domaine. Je
voudrais vous signaler une chose au passage, vous l'avez sûrement
notée, mais ce n'est peut-être pas mauvais de la rappeler.
L'article 108a du projet accorde au ministre de la Justice, après
consultation avec le juge en chef du tribunal de la jeunesse, le pouvoir de
permettre, d'inviter et même d'inciter les juges du tribunal de la
jeunesse à aller, comme on dit, sur le terrain faire le travail de cette
personne qui serait déléguée par le ministère de la
Justice pour faire partie du comité d'orientation.
A la limite, on peut voir ce que cela pourrait donner comme
expérience, formation et même sensibilisation d'un certain nombre
de juges appelés à traiter des problèmes de la jeunesse.
Ils verraient sur le tas, par exemple, puisque ce serait des services ouverts
24 heures par jour, sept jours par semaine, une nuit, un jeune arriver au CSS
et ils auraient à participer à une prise de décision. Il y
a quelque chose qui participe d'une formation qui n'est pas du tout
théorique, mais très concrète.
Est-ce que cela ne s'inscrit pas dans la perspective que vous
évoquez et qui est quelque chose de vraiment nouveau, comme tel, en le
formalisant dans une loi.
En terminant, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai évoqué
sur le fait... Je pense bien qu'on est obligé d'admettre que vous avez
raison quant à toute la gamme de recommandations que vous accrochez
autour du thème de la prévention. Il va falloir qu'on mette
l'imagination au pouvoir et, en même temps, qu'on fasse l'impossible le
plus rapidement possible afin de compléter une politique de protection
de la jeunesse par l'ouverture sur toute une série de mesures qui
tournent autour du thème d'une politique de la famille, de
l'école, et aussi, de ce que vous avez appelé les projets
socio-économiques.
M. Lazure: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Peut-être qu'un
porte-parole préférerait répondre immédiatement aux
propos du ministre.
M. Gauthier: On peut peut-être prendre les deux questions
par ordre. La première portait sur le milieu d'apprentissage
équivalant à l'école. On pense qu'il y a certains jeunes
pour qui ici on parle d'une très petite minorité de jeunes
strictement être au travail, c'est beaucoup mieux que d'être
dans des espèces de limbes sociales, comme actuellement, où la
loi, supposons à quatorze ou quinze ans, leur défend de
travailler et les oblige à être strictement à
l'école. Or, ils ne veulent pas être à l'école et,
effectivement, ils n'y sont pas.
On pense que pour ces jeunes, simplement d'avoir un emploi, ce serait
préférable à l'espèce d'oisiveté
cachée qui est leur lot actuellement. Mais ce serait la moins bonne des
solutions, si on peut dire. Ce qu'on entrevoit comme lieu d'apprentissage
serait que dans des milieux de travail, il y aurait des contremaîtres ou
des ouvriers ou des travailleurs accompagnateurs de jeunes qui en feraient une
espèce de spécialité, qui développeraient une
espèce de compétence dans la conduite d'apprentissage de jeunes,
mais d'apprentissage sur le lieu même du travail. C'est une très
vieille notion qui est disparue. On pense qu'elle devrait être
ressuscitée, cette notion de l'apprenti, avec un travailleur plus
expérimenté, qui lui sert de guide. Cela peut mener à des
abus. Il faudrait prendre des précautions pour qu'il n'y ait pas de
"cheap labour" déguisé sous cette façon, mais on pense que
dans les milieux de travail, il y aurait moyen de trouver des gens de
compétence et d'expérience qui aimeraient devenir une nouvelle
sorte d'éducateurs. Ce ne seraient pas des enseignants, mais des gens
qualifiés dans leur métier ou leur occupation pas
nécessairement un métier qui pourraient transférer
leur expérience sur les lieux mêmes du travail, sans qu'il y ait
de cours ou de choses semblables. Cette pratique supposerait sans doute un
minimum de surveillance ou de supervision de l'extérieur pour voir
comment elle se déroule. Mais l'élimination totale de
l'apprentissage par l'ouvrage lui-même nous apparaît comme une
erreur qu'il faudrait corriger à court terme. C'est en ce sens qu'on
voit le milieu de travail équivalent.
Mme Harvey: Je pense que...
M. Gagnon (Roger): Dans ce sens-là, je donnerais un
exemple qui a été fait à la commission scolaire de
Chambly, pour ne pas la nommer. Il y avait une huitaine d'enfants qui ne
fonctionnaient absolument pas à l'école et c'était
suspension par-dessus suspension et on sait le taux de suspensions qu'on a dans
nos écoles, c'est effarant. Il y a des enfants qui sont même
renvoyés carrément de l'école et qui sont dans
l'illégalité parce qu'ils ont été renvoyés
de l'école. Il y a eu une expérience à la commission
scolaire de Chambly qui a consisté à amener ces enfants sur le
marché du travail, mais avec des professeurs disponibles pour les
sensibiliser à un paquet de choses du milieu du travail, et il y a
même des enfants qui ont senti un certain besoin d'acquérir des
compétences scolaires. Ils en ont senti le besoin quand ils
étaient sur le marché du travail. Ce professeur ou cette personne
pouvait, avec eux, faire un retour, et il y a même des enfants qui sont
revenus passer certaines périodes à l'école, mais la
motivation étant d'avoir des choses concrètes à faire et
de comprendre que l'école a son importance. Je pense qu'on ne peut pas
leur expliquer sur les bancs d'école, pour plusieurs enfants. Le travail
alors, devient un milieu d'apprentissage, parce qu'il est supervisé par
quelqu'un. Il y a une aide professionnelle qui leur est apportée.
Mme Harvey: En ce qui concerne les assesseurs, peut-être
que je peux expliquer, à partir de ce qui se fait. On peut supposer
qu'un enfant qui va passer devant un juge aura passé toute la gamme des
examens, que ce soit psychologiques, psychiatriques, si nécessaire, des
examens d'ordre social, familial, etc. Il aura été très
bien analysé avant d'en arriver là. On l'espère. C'est le
but de la déjudiciarisation. Si les juges, par ailleurs, ont une
formation, jusqu'à un certain point, d'ordre psychologique, enfin, s'ils
se perfectionnent, outre leurs connaissances juridiques, si l'aide juridique
qui est déjà éveillée, je pense, à ces
situations joue son rôle aussi également social et judiciaire, on
se demande ce que les assureurs viendraient ajouter, compte tenu que les
analyses sont déjà toutes faites, qu'on a le portrait de
l'enfant, que les solutions ont été proposées.
On se demande vraiment ce que cela apporterait.
Cela ne serait pas inutile, mais vraiment, ce serait un gros
investissement, d'après nous, pour ce que cela donnerait, suite à
ce qui aurait déjà été fait.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: M. le Président, je veux féliciter mes
anciens collègues du CQEE... Oui, c'est l'avantage d'être un peu
plus vieux. C'est un des rares avantages. C'est un mémoire qui, à
la fois, contient des suggestions teintées un peu d'idéalisme
et on en a besoin teintées d'imagination et contenant
aussi des propositions très précises.
Je vous avoue que je suis heureux de trouver tout à coup, de
façon inopinée, des alliés sur deux de mes sujets
préférés, les garderies et le service civique que vous
appelez autrement. Alors, je laisse à d'autres le soin de poser des
questions là-dessus.
Deux ou trois remarques. Mon collègue a touché la plupart
des points que je voulais toucher. Alors, je ne reviens pas là-dessus.
Deux ou trois remarques.
Autres places non sécuritaires. Vous dites qu'il y a probablement
assez de places sécuritaires dans les centres d'accueil, mais
peut-être qu'on
devrait avoir plus de places non sécuritaires, si j'ai bien
compris votre remarque. Cela varie selon les régions, mais la
région de Québec, en particulier, contient beaucoup de places non
sécuritaires, de places en centre d'accueil qui nous paraissent
refléter quelque chose d'un peu archaïque. Je m'explique. Il y a
plusieurs douzaines de places pour des jeunes enfants de six ans à douze
ans. Cela nous paraît un peu dépassé de placer en internat
pour un an, deux ans, trois ans, des jeunes entre six et douze ans. Nous avons
beaucoup de difficultés mon prédécesseur le sait
à faire comprendre à ces institutions qu'elles devraient
peut-être modifier leur vocation. J'en profite peut-être pour
demander l'aide de votre organisme, l'influence morale que votre organisme peut
avoir auprès de certaines institutions qui continuent à
préconiser le pensionnat, l'internat pour de très jeunes enfants.
Cela ne nous paraît pas la formule de premier choix.
Les cas psychiatriques... D'une part et je rejoins cela à
une autre remarque vous dites que malgré la baisse de
natalité, on note une augmentation du nombre d'enfants inadaptés
et c'est juste. Cependant, faudrait-il voir si c'est une augmentation
réelle de la mésadaptation ou si c'est une augmentation de
l'intolérance du milieu, que cela soit le milieu scolaire ou le milieu
social.
Les cas psychiatriques que vous évoquez sont un mélange.
Il s'agit d'un réservoir d'enfants, d'adolescents, des deux sexes,
évidemment, qui, bien souvent, se voient donner l'étiquette "cas
psychiatrique" à la suite d'une espèce de refus de la plupart des
intervenants, un refus des différentes personnes concernées
d'accepter d'essayer d'intégrer l'enfant.
En d'autres termes, l'étiquette psychiatrique peut devenir trop
facilement un fourre-tout. Il existe quand même et c'est une
frontière, M. Gauthier le sait particulièrement bien pour avoir
fait une étude à l'hôpital Rivière-des-Prairies
des cas où il est très difficile de placer la
frontière entre ce qui est pathologique, ce qui est psychiatrique et ce
qui est simplement une mésadaptation sociale.
Je suis un peu étonné que vous proposiez de ne pas
utiliser les assesseurs. Cela découle d'un motif assez idéaliste,
je crois. Vous prenez la peine de dire: Si telle chose, si tous les juges
étaient bien formés, si tous les professionnels faisaient bien
leur travail... Mais je pense que, dans un premier temps, on a besoin de cette
garantie. On a besoin de la présence des assesseurs.
En terminant, je vous rappelle aussi qu'il y a un livre vert sur les
loisirs qui doit paraître très bientôt et je vous engage
aussi à faire part de vos commentaires sur ce document.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais
féliciter aussi le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle
pour un mémoire qui soulève un certain nombre de points fort
intéressants. Je vais mentionner en particulier la question de la
fréquentation scolaire ou l'équivalent. Il y a deux attitudes
possibles vis-à-vis de cela et probablement que cela dépend de
l'importance du phénomène de non-fréquentation scolaire.
On peut dire, d'une part, comme le projet de loi le dit dans le moment, que
celui qui ne fréquente pas l'école, conformément
d'ailleurs aux règles et aux lois sur la fréquentation scolaire
obligatoire, c'est un enfant qui, à moins qu'on ne fasse quelque chose,
voit sa santé, sa sécurité, son développement
menacés. Donc, cela devrait provoquer l'enclenchement du
mécanisme de protection de la jeunesse.
S'il y a une équivalence à trouver à
l'école, c'est dans le cadre de la loi de protection de la jeunesse que
cela devrait être défini comme un des moyens, et il y en a
d'énumérés, au moins implicitement, dans un article sur
les mesures volontaires. Ou alors, on peut dire: Non, c'est tellement
répandu, cette non-fréquentation scolaire, qu'on n'a vraiment pas
besoin d'en faire une règle d'exception. Il s'agit tout simplement de
reconnaître qu'il existe une chose telle, si bien décrite, si bien
connue que l'équivalence à la fréquentation scolaire est
que, en soi, un enfant, un adolescent qui s'inscrit dans cette voie-là
ne voit pas son développement, sa santé, sa
sécurité, dans le sens de la loi, menacés.
Je serais porté à croire que, même s'il est
réel qu'il y a un certain nombre d'adolescents qui sont des "dropout",
qui décrochent du système scolaire, c'est malgré tout un
phénomène pour lequel on n'a pas de solution si bien
rodée, si bien connue qu'on puisse, dans une loi de protection de la
jeunesse, dire: C'est l'équivalent, cela revient au même et on n'a
pas besoin de s'en occuper, dans le cadre de la protection de la jeunesse.
Donc, ma question, c'est essentiellement de savoir jusqu'à quel point ce
phénomène est répandu. Jusqu'à quel point a-t-on
développé des alternatives, des équivalences de
fréquentation scolaire qui permettraient à une loi de protection
de la jeunesse de dire: Tout va bien, on n'a pas besoin de s'occuper de
cela?
M. Gauthier: C'est une bonne question. Il semble que, dans
l'ensemble de la jeunesse québécoise, ce n'est pas un
problème numérique important que le décrochage scolaire,
mais, dans certains secteurs urbains ou ruraux, cela en est un. Dans ces
endroits, est-ce qu'il est réaliste de penser que les mécanismes
de protection de la jeunesse sont tellement larges ou tellement capables
d'absorber les jeunes et rapidement, et surtout de les identifier... Parce que
le principal problème de ces jeunes, c'est qu'ils sont, à toutes
fins pratiques, inexistants, au sens bureaucratique du terme. On ne les
connaît pas. Ils s'inscrivent à l'école, mais n'y vont pas.
Ils sont censés être à un endroit, mais ils sont ailleurs,
ainsi de suite. Alors, il me semble que, si on favorisait plutôt la
création du genre de service qu'on propose, quitte, après cela,
à le confier ou à y mettre un fond avec le système de
protection de la jeunesse, on accomplirait quelque chose, mais, pour l'instant,
comme
la notion même et le service même n'existent pas, c'est
là que serait la principale ligne d'intervention, celle de créer
cette nouvelle race de superviseurs ou de travailleurs qui
s'intéresseraient aux jeunes.
En somme, la spécialisation de l'éducation à
certaines catégories de genre de la société nous semble
une erreur. L'éducation est trop importante pour laisser cela seulement
aux éducateurs, et il faudrait développer, à la fois,
comme dit mon confrère Gagnon, des éducateurs qui vont dans le
milieu du travail et aussi des travailleurs qui ont une fonction
éducative. Mais il me semble que, si on agit là d'abord, on
pourra ensuite faire les raccordements, mais donner cela à la protection
de la jeunesse à ce moment-ci, il me semble que cela serait trop lourd
et trop différent de l'orientation actuelle pour que ce soit
efficace.
M. Forget: Oui, enfin, tout le problème est de savoir
quelle est l'organisation ou le système institutionnel qui va offrir la
meilleure solution, le système de protection de la jeunesse ou le
système scolaire. Dans le fond, ce sur quoi, peut-être, il faut
insister au départ, c'est qu'un lien soit établi entre les deux
systèmes.
A ce propos, j'aimerais vous poser la question. Quand on parle de
l'obligation, pour un professionnel, indépendamment du secret
professionnel, de dévoiler le cas d'un jeune dont le
développement, la santé ou la sécurité est
menacée, instinctivement, tout le monde pense à un
problème d'inceste, à un gynécologue dans un hôpital
qui tout à coup se rend compte qu'il y a peut-être un
problème de ce côté-là, on lui fait l'obligation et
on se limite assez facilement à cela. Cela ne veut-il pas dire qu'il y a
quelque chose qui est adressé aux écoles, d'après cette
loi, aux professeurs, aux instituteurs, aux administrateurs scolaires? Cette
obligation leur est aussi adressée, à mon avis, je vois que vous
êtes d'accord, dans le but d'enclencher le processus de protection. On
peut imaginer que le directeur de la protection de la jeunesse, si
l'école n'en prend pas l'initiative, pourrait exercer son influence
auprès des structures scolaires pour que, dans le milieu scolaire
lui-même, se développe des alternatives. Parce que les
alternatives peuvent se trouver dans le domaine de juridiction du
ministère des Affaires sociales mais, comme vous le soulignez, elles
peuvent certainement se trouver dans le domaine de l'éducation. Ce
serait peut-être un rôle à développer pour le
directeur de la protection de la jeunesse, c'est-à-dire se faire le
porte-parole de ce besoin et de stimuler le milieu scolaire à
développer des formes alternatives sur lesquelles il pourrait quand
même conserver un certain droit de regard à titre de protecteur de
la jeunesse, de manière à s'assurer que ce ne sont pas simplement
des espèces de classes qu'on crée un peu artificiellement pour se
débarrasser du problème mais qu'il y a effectivement un plan
d'intégration sociale ou autre qui...
M. Gauthier: Dans le cas des enfants maltraités, on peut
dire, sans trop se tromper, que le principal adulte près de l'enfant,
autre que le milieu familial immédiat, qui peut déceler qu'il y a
un problème, c'est habituellement l'enseignant, celui qui reçoit
l'enfant en classe. J'aimerais savoir ce que Mme Lavoie-Roux pense de ce que
vous dites. Parce que la raison pour laquelle les enfants dépistent si
peu, c'est-à-dire avertissent si peu, c'est que la ligne de
communication n'est pas accessible. Rédiger un rapport à
quelqu'un qui n'est pas trop identifié, ils ont l'impression que cela ne
les regarde pas. Serait-ce possible de créer une espèce de lien
de communication entre le directeur de la protection de la jeunesse et les
instituteurs de première ligne pour que, quand ils voient qu'un enfant
arrive soit maltraité par absence de soins ou par coups physiques ou
psychologiques graves, ils puissent immédiatement référer
le cas et avoir l'espérance raisonnable que quelqu'un va s'en
occuper?
M. Forget: N'y a-t-il pas des travailleurs sociaux en milieu
scolaire dont c'est au moins une des fonctions?
Le Président (M. Laplante): Une question accessoire,
madame?
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais simplement répondre. Vous
êtes peut-être au courant qu'il y a une école en
particulier, l'école Louis-Riel, où on semble avoir trouvé
des mécanismes de communication entre la Cour de bien-être social
et les enfants qui ont des problèmes particuliers. Evidemment, c'est un
cas particulier. Cela n'existe probablement pas ailleurs, ou dans très
peu d'autres cas. Mais ce n'est pas irréel de penser, pour
répondre à votre question, à des mécanismes
possibles par lesquels il y aurait cette communication réelle.
M. Marois: Précisément sur cette question, je
voudrais vous signaler une situation pour illustrer à quel point vous
avez raison. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur le rapport du comité
de protection de la jeunesse. On constate que les enseignants ont
été précisément un de ces groupes de
professionnels, parmi d'autres; là il s'agissait uniquement des enfants
maltraités, où la communication ne se faisait pas par des tonnes
de papier, c'était le téléphone la plupart du temps. Le
comité de protection de la jeunesse a pu dépister un certain
nombre de cas d'enfants, précisément parce que des enseignants
les contactaient. Cela se faisait très simplement. Au fond, il s'agit
d'élargir cela. Vraisemblablement, comme certains groupes
l'évoquent d'ailleurs dans leur mémoire parce qu'il y a la notion
de professionnels, il n'y a pas de définition qui apparaît au
projet de loi, il faudra probablement y inclure une définition pour
être sûr que cela déborde la notion de professionnel, du
Code des professions, pour inclure notamment tes enseignants. Il faut que cela
soit bien clair parce que c'est certainement une piste importante.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Pointe-Claire.
Excusez-moi, aviez-vous fini, M. le député de
Saint-Laurent? Allez-y.
M. Forget: II y a d'autres points que vous mentionnez, mais je
pense que ce sont des choses qui ont déjà été
largement discutées, hier, par d'autres groupes qui se sont
présentés devant nous. J'y fais référence, parce
que vous avez cru bon de souligner qu'il était opportun qu'au moment du
placement le directeur consulte la ressource qui va être
utilisée.
Je ne sais pas si vous étiez ici hier, mais on a souligné
abondamment le pouvoir qu'avait le directeur de la protection de la jeunesse de
placer, de façon autoritaire... en définitive, d'utiliser un
pouvoir de placement, que celui-ci devrait être utilisé en
conjonction avec les comités d'admission, etc. et que ce devrait
être un instrument de dernier recours.
J'ose penser que votre remarque n'est pas opposée à ce
qu'il existe quelque part dans le système quelqu'un qui ait une
autorité finale pour briser une impasse, si l'impasse existe, mais, de
façon coutumière, cela ne devrait pas être le cas.
Je n'insiste pas là-dessus, je pense que cela est à peu
près le point de vue qui s'est dégagé hier. De la
même façon, je note au passage vos remarques au sujet de la partie
de la loi qui traite de l'intervention judiciaire, de même que vos
remarques au sujet du huis clos qualifié, c'est-à-dire d'un huis
clos avec des exceptions prévues dans la loi pour des personnes qui
seraient, soit sur le plan de l'information du public, sous réserve de
confidentialité des noms et de leur intérêt comme
personnes-ressources ou autrement, présentes aux audiences. Je pense que
c'est également un témoignage qu'on retrouve dans plusieurs
mémoires, de même que vos remarques sur les assesseurs.
Vous avez ouvert la porte, et je pense que c'est suffisamment important
étant donné les propos que le ministre des Affaires sociales a
tenus sur le sujet, à cette question de services civiques pour les
jeunes. Je suis sûr que cela va faire l'objet de commentaires. J'aimerais
que vous alliez un peu plus loin pour décrire ce que vous avez à
l'esprit.
Ne vous semble-t-il pas contraire à l'objectif
d'intégration sociale ou d'insertion sociale de ces jeunes qui, pour
toutes sortes de raisons, décrochent de la société ou de
l'école, d'avoir un système qui soit encore plus aliénant
par son caractère obligatoire, son caractère
d'"enrégimenta-tion"? Il me semble que si c'était vraiment cela
la solution, on n'aurait qu'à avoir, selon la recette traditionnelle,
plus de discipline dans les écoles et tout irait pour le mieux dans le
meilleur des mondes.
Est-ce que ce n'est pas essayer de guérir le problème avec
un remède qui peut être encore plus une cause d'aliénation
et de refus de la part des jeunes?
Mme Harvey: Ce qu'on avait vraiment à l'esprit, ce
n'était pas d'aller recruter les jeunes et leur imposer ce
système. Ce qu'on a voulu signaler, c'est la responsabilité des
adultes par rapport à cette population de jeunes qui est
démobilisée, dans plusieurs cas.
Nous, ce à quoi on faisait appel, c'était à
l'imagination des adultes qui pourraient mobiliser, mais de façon
volontaire, ces jeunes, susciter de l'enthousiasme pour des causes globales,
des causes de groupes. C'était beaucoup plus dans ce sens-là. Ce
n'était pas leur imposer une punition parce qu'ils ont tel ou tel
problème. Ce n'était vraiment pas le sens. En termes de
responsabilités de la part des syndicats, des professionnels,
d'organismes, enfin, d'un peu de tout le monde, trouver des solutions. C'est
dans ce sens. On parlait plus en termes de créativité que de
répression.
M. Gauthier: M. le Président, si je peux intervenir tout
de suite là-dessus. Je ne connais pas l'opinion du ministre Lazure,
mais, selon nous, ces projets civiques ne devraient pas être
forcés, en aucune façon. Ils ne devraient même pas
être composés en majorité d'adolescents inadaptés.
Ils devraient faire appel aux meilleurs éléments, aux jeunes les
plus talentueux et les plus dynamiques de la société, et on
pourrait y insérer un certain nombre de jeunes qui ont des
problèmes d'adaptation. Mais on ne voudrait pas d'une espèce de
"labour camp" américain dégénéré. On pense
plutôt à des projets, pour prendre des exemples dans d'autres
pays, du type propagande chinoise de même que les meilleurs exemples des
réalisations de Fidel Castro ou d'Israël.
C'est plutôt dans cette perspective que cela s'inscrit. Ce n'est
pas de ramasser des gens qui ont des problèmes ensemble et de les
envoyer dans le bois faire quelque chose. Cela nous semblerait tout à
fait contre-productif.
M. Forget: Est-ce qu'il y a, dans notre milieu, des exemples
d'entreprises, d'initiatives de ce genre-là, qui ont fait l'objet d'une
étude systématique, ou pas systématique, mais qui
contribueraient à un témoignage de la "faisabilité" d'une
telle chose.
Je crois qu'il y a eu des initiatives de ce genre, qu'il y a eu un
certain nombre de projets; je crois que c'étaient, très souvent,
des projets financés par des programmes fédéraux qui ont
cherché à mobiliser des gens pour des choses qui étaient
conçues localement. Un projet d'initiative locale et un grand nombre de
ces projets avaient ce caractère. Est-ce que vous voyez là le
genre de choses qui peuvent avoir une influence d'intégration sociale
des jeunes, etc., puisque c'est le problème que vous voulez
résoudre au départ?
M. Roussel (Jean-Marc): II y a une série de projets, comme
cela, qui existent à l'heure actuelle et qui n'ont pas cette vocation
première de "services civiques", comme vous les appelez. Je prends
seulement un exemple concret, l'été, les camps de vacances qui
engagent un certain nombre d'étudiants pour qu'ils donnent certains
services à une population. Je veux dire qu'on engage une popu-
lation étudiante pour donner un service complémentaire
dans l'encadrement des jeunes. La difficulté que ce type d'organisme
rencontre à l'heure actuelle, c'est que, justement, il n'y a pas de
possibilité en termes de salaires d'engager des jeunes qui iraient
participer au niveau de l'encadrement d'autres jeunes.
Il y en a une série d'autres. On peut nommer tous les projets PIL
qui ont engendré extrêmement de créativité à
ce niveau, au niveau de la création d'emplois pour certains jeunes. Mais
si on prend seulement l'exemple des camps de vacances qui vont chercher au
moins 10 000 adolescents pour encadrer des plus jeunes, c'en est un exemple
concret de mobilisation; c'est volontaire; les jeunes y vont volontairement; il
n'y a aucune norme; il n'y a aucun critère; il y a les critères
de sélection du camp, c'est tout.
M. Gauthier: Un autre exemple qu'on peut donner et qui s'est
passé pendant la période pré-olympique à
Montréal où il y a eu, pendant deux ou trois ans, une
vitalité très grande au niveau des terrains de jeux. Il y avait
des jeunes plus âgés, si on peut parler comme cela, qui
étaient entraînés durant les mois de février
à mai et qui prenaient la charge de groupes de plus jeunes enfants, dans
les parcs, dans des programmes et avec un certain encadrement. Cela a
duré deux ou trois étés et cela a été
liquidé quand les dépenses préolympiques ont
commencé à gagner les budgets.
M. Roussel: II y a un autre exemple qui a été pris
dans un quartier populaire de Montréal, dans le quartier centre-sud.
C'était un programme conjoint de jeunes et de personnes
âgées pour embellir ce quartier. Il n'y a eu aucune dépense
salariale. Les jeunes ont travaillé pendant trois semaines à
fabriquer des boîtes à fleurs. Par une entente avec la ville de
Montréal, on a obtenu des fleurs. Ce sont peut-être des choses
très particulières. On peut penser que cela n'a aucune valeur,
mais le jeune qui embarque à l'intérieur de ce mouvement, qui a
quatorze ou quinze ans, et qui voit, après ses quinze jours ou trois
semaines de travail, tout le projet réalisé et les boîtes
à fleurs sur les balcons dans le centre sud, c'est "marditement"
valorisant. Il a travaillé avec son grand-père ou une autre
personne et il y a eu un échange entre une personne âgée et
une jeune personne. On pourrait vous faire parvenir un rapport sur cette
expérience de centre-sud qui est une des expériences
d'intégration pas mal le "fun" qui s'est faite à
Montréal.
Le Président (M. Laplante): Vous avez terminé,
monsieur?
M. Roussel: Oui.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: J'ai trois questions, M. le Président,
passablement courtes. En lisant votre mémoire, messieurs, vous avez
mentionné, à la page 6, les pouvoirs qui couvrent un vaste champ
de juridiction dont la grande partie était déjà
assumée officiellement. On a vu cela avec le comité de la
protection de la jeunesse et même avec les PJ. Croyez-vous que ces
pouvoirs sont assez contrôlés par la société?
Sont-ils assez surveillés ou responsables de leurs actes?
M. Gauthier: Pourriez-vous préciser votre question?
M. Shaw: On accepte une demande de quelqu'un pour faire des
interventions avant le processus des cours. On accepte cela, mais, nous avons
déjà donné, par le projet de loi, un pouvoir qui est
passablement vaste sur la question de la juridiction. On dit qu'il a un pouvoir
d'enquête avec moins de responsabilité qu'un officier de la cour.
Est-ce que c'est, à votre point de vue, assez de contrôle sur les
pouvoirs de cet agent du DPJ, comme le dit le projet de loi.
Mme Harvey: Je pense qu'il y a deux façons de
contrôler, si je comprends bien votre question. C'est qu'il y a toujours,
jusqu'à un certain point, l'accès à la cour qui est
disponible, dans le cas de mesures non volontaires, dans le cas où les
gens ne sont pas d'accord avec les mesures proposées. Il y a
également le comité de protection qui va être en
étroite collaboration avec le DPJ à ce niveau. Il s'agit quand
même de deux ministères différents, il s'agit de deux
organismes qui ne dépendent pas l'un de l'autre. A ce point de vue, je
pense que cela donne quand même un minimum de garantie.
M. Shaw: On voit que la protection du DPJ dans ses actes est
prévue dans la loi. Il est protégé par sa classification
d'enquêteur. Alors, il n'y aurait pas vraiment un recours. Je ne voudrais
pas enlever des pouvoirs, mais je voudrais savoir... Nous sommes prêts
à accepter autant de pouvoirs sans contrôle par les autres formes
de contrôle, comme des officiers de la cour ou les juges
eux-mêmes.
M. Gagnon (Roger): Je pense qu'il y a un tas de choses dans la
loi qui permettent un certain contrôle. Je pense, entre autres, à
ce que Marianne disait, à la possibilité pour un jeune ou pour
une famille d'avoir recours à la cour si elle est insatisfaite ou se
sent lésée par la décision d'un PDJ.
M. Shaw: Mais pas dans tous les cas.
M. Gagnon (Roger): Je pense aussi que, dans tous les cas qui sont
présentés à la DPJ, il y a un paquet d'autres gens qui
sont là, les travailleurs sociaux, les éducateurs si l'enfant est
en centre d'accueil, la famille. Je pense qu'il y a des comités de
révision de chacun des cas qui sont prévus assez
régulièrement, à tous les six mois. Cela me semble
être certains éléments qui permettent un certain
contrôle.
M. Shaw: D'accord. Deuxième question, le voeu du projet de
loi est de garder autant que possible les enfants dans leur milieu familial.
Selon vos expériences, dans le système actuel, est-ce que les
prévisions sont établies pour répondre à ce voeu?
Est-ce qu'on a, dans le système actuel, dans toutes les localités
du Québec, des "social workers", des travailleurs sociaux qui sont
disponibles pour surveiller un enfant dans une situation familiale ou si nous
allons continuer, comme c'est maintenant, avec la plupart de nos enfants dans
les systèmes d'institutions?
M. Gauthier: Je pense que vos deux questions posent,
premièrement, le problème du pouvoir du directeur
général, s'il n'est pas trop grand. Deuxièmement, est-ce
qu'il y a les ressources familiales et locales pour faire ce qu'on veut faire
dans le projet de loi? A la première question, on doit dire qu'on a
consacré beaucoup de temps à discuter avant d'écrire le
présent rapport. On s'est demandé si, dans ce merveilleux
appareil administratif qui était créé, la force même
de cet appareil ne serait pas telle que l'individu, l'enfant ou ses parents,
qui arrive devant cet appareil, ne serait pas démuni, même si on
dit: Vous pouvez faire ceci, cela et autre chose. Il nous semble que c'est un
danger qui est là, tout à fait présent dans ce qui est
envisagé. Cet appareil administratif peut être tellement lourd que
l'individu qui sera engrené dans cet appareil sera comme celui qui est
maintenant engrené dans l'appareil judiciaire. Il a sa dynamique propre
et son destin est presque déterminé à la minute où
il met le pied dans l'engrenage. Il faudra sans doute beaucoup de
compétence et beaucoup de savantes analyses, de travail soigné de
la part des gens responsables pour mettre cela en place pour que cela n'arrive
pas. Ce que vous soulignez, le danger que vous soulignez, à notre sens,
est très réel, cette espèce de bureaucratisation des
services.
Le deuxième élément, c'est qu'il nous semble
évident qu'actuellement, il n'y a pas, au niveau familial et local, les
ressources voulues pour, effectivement, appliquer les objectifs qui sont
là. Si on veut être sérieux, cela veut dire que le premier
point d'application serait d'aller dans le milieu, aider la famille,
créer la communauté locale pour qu'elle ait ce qu'il faut pour
remplacer le rôle qui avait été, jusqu'à une date
récente, donné à des institutions.
M. Shaw: J'ai seulement une petite question pour le ministre
lui-même...
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Shaw: Je trouve, à l'article 77, que les audiences sont
publiques. C'est un changement au système actuel. Quelle est la raison
de cela?
Je vois que les parents peuvent demander que les audiences se
déroulent in camera, mais est-ce qu'il y aurait une raison pour que les
audiences ne soient pas publiques?
M. Marois: M. le Président, je ne voudrais pas être
brutal à ce stade-ci des travaux de la commission, mais je sais qu'il y
a plusieurs parlementaires qui ont des questions à poser. Je pense qu'on
aura amplement le temps d'en débattre entre nous et de répondre
à toutes les questions. Il y avait évidemment des raisons
très précises qui nous amenaient à proposer ce changement.
J'ai dit tantôt, suite à des remarques, à des
recommandations qui sont contenues dans le mémoire du groupe qui est
présentement devant nous, qu'à la lumière de leurs
remarques, à la lumière des commentaires, d'ailleurs, d'autres
groupes concernant cette recommandation, on était prêt à la
réévaluer. Alors, on aura l'occasion, je pense, d'en
débattre plus amplement. Mais je ne voudrais pas, à ce stade-ci,
empêcher, étant donné le temps qui passe quand même
assez vite, les autres parlementaires qui auraient des questions à
poser.
Le Président (M. Laplante): II reste encore dix minutes.
Il y aurait les députés de Beauharnois, de L'Acadie, de
Saint-Anne, de Verchères et de Drummond, en dix minutes, questions et
réponses.
Le député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, ça me fait plaisir de
constater que le comité qui est devant nous est quand même
sûrement sensibilisé aux problèmes qu'on retrouve chez les
enfants présentement dans la société nouvelle qu'on
connaît.
Je constate avec eux je l'ai constaté parce que j'ai
été dans le milieu, comme enseignant que, finalement, on
a, il y a quelques années, fait en sorte que les enfants
fréquentent l'école à un âge plus avancé
qu'auparavant, ce qui faisait que les enfants faisaient une sélection
naturelle. A l'âge de huit, neuf, dix ou onze ans, si on voyait que
l'enfant n'était pas plus doué qu'il fallait pour la chose
scolaire, ou n'avait pas de goût particulier pour les études, le
père l'amenait dans son atelier de menuiserie ou dans la ferme et il se
faisait une espèce de sélection naturelle qui faisait que ces
enfants n'étaient pas gâtés par une obligation de vivre
dans un système donné.
Aujourd'hui, avec l'obligation de maintenir les enfants en milieu
scolaire, on se rend compte que tous les enfants ne sont pas doués de la
même façon, n'ont pas les mêmes désirs et la
même volonté d'apprendre des choses d'une façon
stéréotypée. On a, dans le milieu scolaire, un
encadrement, et on essaie que cet encadrement soit celui qui permette au plus
grand nombre d'enfants de s'y ajuster et de fonctionner à
l'intérieur. Mais il s'avère qu'il y a un certain nombre de ces
enfants qui ne sont pas moins intelligents que ceux qui s'adaptent au
système mis en place, mais qui fonctionneraient beaucoup plus, beaucoup
plus efficacement si on pouvait avoir une autre façon, une façon
plus adaptée à eux, de leur montrer ce qu'on a à leur
montrer. Ce qui fait que tous ces gens-là, qui ne s'adaptent pas ou qui
s'ajustent mal au système mis en place, on en fait et on les appelle des
mésadaptés. Le système mis en place les endommage
davantage, parce qu'ils ne retrouvent pas leur place à
l'intérieur. On dira d'abord
que ce sont des troubles pédagogiques, parce que l'enfant ne
s'ajuste pas. Des troubles pédagogiques arrivent et découlent des
troubles psychologiques et, finalement, le cas s'aggrave à un point tel
qu'on retrouve cet enfant dans les problèmes judiciaires. Arrive alors
toute la kyrielle de problèmes que l'enfant a eu à subir au cours
de son évolution. Je pense que tout le monde le constate.
Maintenant, on ne changera pas la société du jour au
lendemain. Quand vous donniez des chiffres tout à l'heure selon lesquels
12% à 14% des enfants se retrouvent avec une mère veuve, de 20%
à 25% ont un père très absent de la maison, il y a aussi
le phénomène de la mère qui s'en va au travail, donc, tout
ça fait en sorte que l'enfant ne retrouve plus le père qui
pouvait le recueillir et le récupérer à un moment
donné.
Je me demande si, ici, on ne devrait pas penser à une formule qui
permettrait de récupérer cet enfant par le milieu du travail,
comme vous l'avez suggéré d'ailleurs. Je pense que là, il
y aurait un rôle, très important à jouer pour les
commissions scolaires, à partir du moment où on s'aperçoit
qu'un enfant, après le primaire, par exemple, ne cadre pas ou n'embarque
pas dans le système scolaire qu'on lui propose. Il faudrait qu'il y ait
une espèce de deuxième voie, qui serait bien organisée,
bien structurée, qui permettrait... Sans doute qu'il y aurait des
ententes à faire entre le ministère de l'Education, d'une part,
et le ministère du Travail, d'autre part, pour que cet enfant puisse
déjà être intégré en milieu de travail, mais
organisé pour lui, qui verrait à promouvoir son
développement.
Je pense que cela serait un élément très positif et
cela ne serait pas rêver en couleur que de penser à instaurer un
tel système.
D'ailleurs, nous avons fait des tentatives. J'ai déjà
enseigné à une école de métiers, à l'enfance
inadaptée. En quatrième année, on les intégrait,
à la moitié de l'année, en milieu de travail. On a
toujours eu des problèmes avec le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre à cause des comités conjoints, etc. En tout cas,
vous connaissez toute la kyrielle de problèmes auxquels on avait
à faire face. On voyait bien qu'on était quasiment obligé
de placer nos enfants en milieu de travail d'une façon illégale,
et ce n'était pas normal.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauharnois, je vous prierais de poser une question, parce qu'il ne reste que
quatre minutes et je voudrais que le député de L'Acadie se fasse
entendre aussi.
M. Lavigne: C'est très bien. Je me plie à votre
demande. C'était seulement pour faire voir que j'ai constaté
combien vous étiez sensibilisés au problème. Je vous
demanderais de nous aider à mettre en oeuvre, le ministre Lazure faisait
appel à vos services tout à l'heure... Faites des pressions au
niveau des ministères concernés, et de l'Education et du Travail
et de la Main-d'Oeuvre, pour que s'instaure le plus rapidement possible une
voie en milieu de travail pour les enfants qu'on dit mésa-
daptés, mais qui ne le sont pas finalement, si on peut les adapter
à un système qui leur convienne.
Le Président (M. Laplante): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Deux minutes, je vais être très
brève. Je veux d'abord vous remercier pour votre vigilance et votre
présence continuelle aux problèmes de l'enfant. Je voudrais
simplement demander à madame si je l'ai bien comprise lorsqu'elle a fait
la suggestion que les enfants de douze à quatorze ans, sans
obligatoirement aller devant le tribunal, puissent avoir la possibilité
de se faire entendre devant le juge. Si je l'ai bien comprise, c'est une chose
que je partagerais et sur laquelle le gouvernement devrait se pencher.
Une partie des problèmes des enfants de dix, onze, douze et
même treize ans, c'est que jamais ils n'ont eu l'occasion de se faire
entendre, que cela soit à l'école, chez eux, ou ailleurs. Ils
sont vraiment capables, très souvent, de voir les choses de façon
plus objective que bien des adultes qui sont autour d'eux.
Alors, je voudrais être bien certaine que je vous ai bien
comprise.
Mme Harvey: C'est tout à fait juste. Si je peux me
permettre rapidement d'illustrer par un exemple. Supposons deux jeunes, un de
quatorze ans et un de treize ans, qui auraient commis ensemble un délit.
On imagine la situation. Celui de quatorze ans va aller, effectivement, devant
un tribunal. Sa culpabilité ne sera pas reconnue parce qu'il a
été bien défendu ou parce que ce n'était
réellement pas vrai, tandis que celui qui a treize ans, on risque de le
prendre dans le système et d'en avoir bien soin avec de bonnes
intentions. Mais pour lui, on s'est demandé s'il n'aurait pas le
sentiment d'être brimé, parce qu'il n'aurait pas eu la
possibilité d'aller exprimer son opinion. De la même façon
les moins de quatorze ans évidemment, je ne veux pas descendre
indéfiniment mais plusieurs de moins de quatorze ans seraient en
mesure de faire des remarques ou des revendications sur les mesures qu'on prend
à leur endroit.
On pense que, au moins pour les douze et treize ans, cela peut leur
poser des problèmes.
Mme Lavoie-Roux: Une seule autre question. Vous avez assez
développé la question des liens entre le travail, l'école
et les "décrocheurs". Dans votre esprit, voyez-vous d'autres
modifications à d'autres lois ou règlements, à savoir, par
exemple, que, dans des conditions particulières, l'accès au
travail devrait être permis plus tôt et qu'on devrait
réfléchir très sérieusement avant de rendre
l'école obligatoire un an de plus? On va peut-être simplement
ajouter des "décrocheurs" ou des "illégaux" de plus?
M. Gauthier: Là-dessus, on doit dire qu'on est bien
d'accord sur ce que vous mentionnez. La loi peut créer des
délinquants, par un simple artifice administratif ou
législatif.
Sur le deuxième point, la ligne qu'on propose suppose que les
chefs syndicaux, les chefs de fédérations et les chefs de
syndicats locaux soient mis dans le coup. Il peut arriver que de tels projets
soient ni plus ni moins torpillés par les syndicalistes qui verraient
là une espèce d'invasion du marché du travail.
Il faudrait que tout le monde se concerte et planifie cela ensemble. Je
pense que la dimension additionnelle à celle, par exemple, des projets
PIL, c'est qu'on voudrait convier aussi l'élément professionnel
de notre société à participer à cela. Cela
supposerait une analyse assez soignée et, donc, d'y aller piano. Il ne
faudrait pas y aller dans un grand mouvement, tout d'un coup. Il faudrait
être très graduel dans l'approche.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le député de Sainte-Anne.
M. Lacoste: Une question courte. Pour moi, ce serait juste pour
préciser les raisons pour lesquelles vous êtes contre les deux
assesseurs. Est-ce qu'il y a une précision là-dessus?
Mme Harvey: II n'y en pas d'autre que ce qu'on a dit
précédemment, à savoir qu'on n'est pas contre, en
principe. Il y a des gens qui ne font certainement pas de dommage aux enfants
ou au système, mais nous nous étions dit que, compte tenu de tout
ce qui va avoir été fait au préalable, d'analyses, de
recommandations et de vérifications parce qu'on suppose qu'il va y
en avoir, il y en a déjà et la loi prévoit qu'on va
être bien sûr de notre affaire on s'est demandé ce
qu'ils allaient vraiment ajouter à cette somme d'investigations.
Le Président (M. Laplante): C'est tout?... Il faut qu'elle
soit très courte, M. le député de Drummond. Il reste une
minute et demie, on va...
M. Clair: II y a encore le député de
Verchères sur la liste, également. Je pense qu'on pourrait
sûrement prendre encore dix minutes pour permettre aux
députés ministériels de poser des questions.
Le Président (M. Laplante): C'est une entente que je ne
veux pas briser, qu'on a faite, les trois partis, ce matin. Déjà
on dépasse de près de quinze minutes l'entente qu'on a prise. Je
pense que j'ai été pas mal libéral là-dessus.
M. Clair: Justement, M. le Président... Mme
Lavoie-Roux: C'est un bon principe. M. Alfred: Etymologie du
terme.
M. Clair:... on a été pas mal libéral, parce
que je pense que tous les députés de l'Opposition...
Le Président (M. Laplante): Avez-vous une question
à poser? C'est le temps de la poser plutôt que de prendre le
temps... Une question très courte.
M. Clair: Cela va, j'y vais. Si vous me donnez le droit, j'y
vais. Premièrement, sans préambule, concernant les
régions, vous dites: Ajoutons ici qu'au Québec toute
création de services doit s'ajuster aux particularités
régionales. C'est une dimension qui m'intéresse beaucoup.
J'aimerais savoir dans quelle mesure vous avez articulé des choses qui
pourraient justement tenir compte des particularités régionales?
C'est certain que les problèmes ne sont pas les mêmes à
Montréal, à Québec et à Drummondville. J'aimerais
savoir si vous avez préparé des choses de ce point de
vue-là?
M. Gauthier: Le Conseil du Québec de l'enfance
exceptionnelle a fait une étude il y a deux ou trois ans sur le
réseau des services à l'enfance au Québec,
particulièrement sur les internats de rééducation et on a
utilisé ce modèle pour bâtir la recherche et en même
temps on voulait le vérifier. On s'est aperçu, effectivement,
qu'en amassant des données, qu'en faisant l'analyse de systèmes
dans ces régions-là, on arrivait à des différences
marquées. Par exemple, une ville comme Montréal ou comme
Québec est suréquipée en termes de spécialistes
alors que des régions comme le Nord-Ouest peuvent être
sous-équipées, comme la Gaspésie peut être
sous-équipée. Ce serait rêver en couleur que de souhaiter
que la Gaspésie ait le degré de spécialisation qu'on peut
trouver autour du Mont-Royal à Montréal, par exemple, dans
l'ensemble des hôpitaux et des institutions qu'il y a là. Donc,
l'intervention doit s'articuler sur des modèles différents comme
cela.
M. Clair: Une autre question. Concernant la possibilité de
tenir compte du milieu d'apprentissage à l'article 35, est-ce que vous
ne pensez pas que tant et aussi longtemps que des mesures ne seront pas
adoptées et qu'on ne donnera pas une structure globale à une
espèce de service civil obligatoire ou facultatif, qu'à toutes
fins pratiques, c'est de rêver en couleur? Parce que, que ce soit dans le
cadre de la construction où à peu près dans n'importe quel
domaine, on va faire face à des problèmes de convention
collective, de droit du travail etc., et tant qu'on n'aura pas
créé un cadre défini pour prévoir cela, je pense
que c'est être idéaliste, c'est peut-être souhaitable, mais
cela m'apparaîtrait très difficilement réalisable tant
qu'on n'aura pas un cadre spécifique pour cela.
M. Gauthier: J'ai l'impression qu'il y a deux courants
idéalistes qui s'affrontent. Un qui verrait la toute puissance de l'Etat
capable de générer des choses très difficiles, et notre
proposition qui dit que c'est tellement compliqué, c'est tellement
complexe, cela doit être tellement tricoté délicatement
à travers tous les arrangements bureaucratiques et administratifs et
être tellement sur le consensus des gens, que toute mesure obligatoire
est appelée à l'échec.
Le Président (M. Laplante): Là-dessus, madame,
messieurs, les membres de cette commission vous remercient de votre
mémoire.
M. Gauthier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la
Commission des services juridiques.
M. Charbonneau: Est-ce qu'il vous serait possible de
préciser ce dont vous avez fait état précédemment,
c'est-à-dire la nature des ententes entre les partis pour la
répartition du temps?
Le Président (M. Laplante): Oui, si vous aviez
été à l'heure ce matin, lorsque la commission a
commencé, Monsieur le député de Verchères...
M. Charbonneau: Je pourrais vous expliquer pourquoi je
n'étais pas à l'heure, cela ne me dérange pas du tout.
Le Président (M. Laplante): Je ne veux pas de raison. Vu
qu'on avait trois mémoires à entendre aujourd'hui des gens de
l'extérieur, il a été entendu entre les deux partis
d'Opposition et le parti ministériel qu'on prendrait environ une heure
pour chaque mémoire vu qu'on ne siège pas ce soir et que c'est la
journée des députés aujourd'hui. Je suis une directive
actuellement, un accord qui s'est fait entre les partis.
M. Charbonneau: D'accord, mais est-ce qu'à
l'intérieur de cette heure qui est allouée pour chaque
mémoire, il y a eu une répartition du temps?
Le Président (M. Laplante): Non. On y va selon la bonne
volonté, actuellement, des gens qui sont ici et cela va bien
jusqu'à maintenant. Monsieur, si vous voulez identifier votre organisme
et les personnes qui vous accompagnent.
Commission des services juridiques
M. Lafontaine (Yves): M. le Président, MM. les ministres,
mon nom est Yves Lafontaine, de la Commission des services juridiques. La
personne à ma droite est Céline Pelletier, qui travaille au
service de recherche à la commission même; à ma gauche,
Louise Galipeault-Moisan, avocate au Centre communautaire juridique de
Québec.
Dès le début de l'aide juridique, cela a été
une priorité que de s'occuper de l'enfance devant les tribunaux et
devant les organismes qui intervenaient aux endroits où un avocat
pouvait être situé. A titre d'exemple, jusqu'au début
d'avril 1977, je peux dire que nous avions déjà
représenté 15 000 jeunes devant les tribunaux qui s'occupent
spécifiquement de la jeunesse. C'est donc dire que le mandat que nous
détenons pour venir devant vous nous vient surtout d'expériences
vécues avec ces jeunes, avec qui nos avocats ont été en
contact. Le mémoire a d'ailleurs été préparé
par des avocats qui sont en contact quotidien avec les tribunaux et avec des
jeunes. C'est pourquoi notre approche vis-à-vis de ce mémoire est
plutôt pratique.
De façon unanime, du moins chez nous, on pense que la loi
actuelle avait besoin d'être chan- gée. On en arrive effectivement
à un changement législatif, et nous savons que c'est le
troisième projet. Il n'était pas question pour nous d'essayer de
trouver des bêtes ou des puces pour faire que ce projet avorte en cours
de route. Autrement dit, quant à nous, il faut qu'il se rende à
maturité même s'il contient des erreurs. On pourra toujours les
corriger par la suite, parce que le législateur peut toujours corriger
sa loi.
Je suis content de voir que le législateur fait un grand pas pour
essayer de concilier les différents organismes intervenant au niveau de
la jeunesse. Je m'explique. Le jeune délinquant, ou celui qui est dans
un danger de voir son avenir, et son épanouissement compromis, parce que
sa sécurité même ou son développement est compromis,
ce jeune n'a jamais été divisé en deux parties: une
légale et une plus humaine ou plus sociale. Par contre, jusqu'à
maintenant, à cause de l'orientation des lois et d'une certaine
dualité bureaucratique, qu'il faut bien constater, entre
différents ministères, il y avait, en quelque sorte, des chasses
gardées, des cloisonnements entre les différentes juridictions,
de telle sorte que c'est le jeune qui en était pénalisé
d'une certaine façon.
Je suis content de voir qu'enfin on va peut-être réussir
à trouver une façon de s'y prendre pour que le jeune soit
considéré dans son entité, quand il va devant un tribunal
ou du moins quand il va embarquer dans l'engrenage des mesures judiciaires ou
quasi judiciaires qui vont s'appliquer à lui.
Je trouve la solution du comité de protection de la jeunesse
astucieuse, d'en venir à réunir des intervenants qui s'occupent
d'un même enfant. On aurait pu penser à toutes sortes d'organismes
lourds, compliqués, avec un gros pouvoir réglementaire pour fixer
toutes sortes de choses. Ce n'est pas ce qu'on a fait.
On a créé, comme le ministre l'a dit tantôt, un
ombudsman, mais on lui a donné des pouvoirs d'enquête. Et ces
pouvoirs d'enquête sont très poussés. Une analyse
très approfondie de la loi nous montre que le comité de
protection de la jeunesse peut intervenir au moment même des
décisions, avant que cela ne soit rendu devant le tribunal, alors que
c'est devant le tribunal; il peut même aller lui-même en appel des
décisions qui sont prises à propos d'un jeune et il peut aussi
demander que le tribunal révise une décision. En plus
c'est l'aspect légal il a un pouvoir d'intervention
vis-à-vis des intervenants sociaux, par voie d'enquête. Par voie
d'enquête, il a même un pouvoir de tutelle sur des organismes qui
ne rempliraient pas leur fonction. Je pense que c'est l'article 22d qui
énumère tous ces pouvoirs d'enquête. Pour nous, c'est une
façon très astucieuse de réussir à joindre la
partie sociale et la partie juridique de la loi.
Une autre chose qui nous frappe, c'est qu'on a essayé de mettre
concrètement dans une loi des principes de déjudiciarisation.
C'est difficile pour des avocats qui ont à se battre quotidiennement
suivant les règles du jeu actuel et qui ont à vivre des
situations assez difficiles au niveau des pro-
cédures légales et au niveau des personnes en place, de
s'imaginer une déjudiciarisation qui fonctionnerait.
D'abord, à cause de leur propre formation qui est une formation
légale. On se sent à l'aise quand on a un texte de loi et que le
texte de loi spécifie différentes choses.
On se dit: Qu'est-ce qui va arriver si, à un moment donné,
on livre notre jeune en pâture au directeur de la protection de la
jeunesse? La plupart du temps, on ne sera peut-être pas là. Dans
le fond, est-ce qu'on devrait être là ou si on serait mieux de ne
pas être là? C'est actuellement le dilemme de l'avocat de l'aide
juridique qui représente une personne devant la Cour de bien-être
social. Autrement dit, est-ce que j'empêche de tourner en rond ou si je
contribue réellement à la réinsertion sociale possible de
cette personne?
Nous avons pris le pari de dire que si on a permis que les jeunes ne
soient pas traumatisés par l'appareil judiciaire, en créant, en
donnant des pouvoirs au directeur de la protection de la jeunesse, on a pris le
pari que c'était une bonne chose et que, quant à nos avocats, il
serait peut-être mieux qu'ils ne soient pas au stade de
déjudiciarisation. Parce que cela va peut-être
déjudicia-riser quelque chose et cela va ajouter un palier légal,
ni plus ni moins, si l'avocat est déjà là et qu'on a fait
des structures légales ou légalistes qui font que l'avocat se
sentirait obligé d'y aller.
Pour m'expliquer plus clairement, c'est évident que si on
prévoit qu'on a un client qui pourrait être accusé de
meurtre, quand il s'agit d'un adulte, et qu'il y a une enquête du
coroner, on va aller à l'enquête du coroner, parce qu'on sait
qu'il va se passer des choses importantes là pour notre client, qui
pourront servir par la suite, lors du procès.
Au niveau de la déjudiciarisation, on dit qu'il ne faudrait quand
même pas recommencer un tel système et que cela soit
déjà une cour au niveau du directeur de la protection de la
jeunesse. Nous disons: Correct, on va faire comme si cela n'était pas un
tribunal et autant que possible, cela ne sera peut-être pas
nécessaire que nos avocats y aillent.
Cependant, on ne veut pas non plus que ce directeur de la protection de
la jeunesse ait les mêmes pouvoirs qu'un tribunal complètement ou,
du moins, s'il a les mêmes pouvoirs, qu'au moins, on encadre ces
pouvoirs. Nous suggérons que le directeur n'abuse pas de ses pouvoirs
contraignants pour appliquer des mesures volontaires vis-à-vis d'un
jeune ou vis-à-vis de ses parents; il faudrait qu'on donne au moins un
contrat, c'est-à-dire qu'on spécifie les mesures que le directeur
veut prendre, par écrit, vis-à-vis de ce jeune, que ce soit
communiqué aux parents et à l'enfant, par écrit, et en
plus, il faudrait aussi un délai additionnel de réflexion de 48
heures avant que ces mesures ne soient réellement volontaires. Autrement
dit, il faudrait que cela constitue réellement un contrat qui lie les
parties. C'est la première exigence que nous formulons vis-à-vis
des pouvoirs quand même très grands du directeur.
Quant à la deuxième exigence, nous disons que ce qui se
passe devant le directeur qui est quand même muni de pouvoirs
d'enquête, comme un commissaire-enquêteur, ne pourrait pas servir
de preuve au tribunal par la suite, si cela devait se rendre devant le
tribunal. A ce moment-là, si c'est pour servir de preuve devant le
tribunal, on crée un tribunal immédiatement. Donc, on va faire la
preuve immédiatement là, quitte, par la suite, à la verser
devant l'autre tribunal.
Pour que la déjudiciarisation marche à fond, il ne
faudrait pas que ce que le directeur apprend là, ou ce que les
intervenants apprennent là, puisse servir ensuite dans la preuve, quand
cela sera rendu devant le tribunal. Autrement dit, quand cela sera rendu devant
le tribunal, il faudrait que tant que l'accusé n'a pas été
trouvé coupable, on lui fasse la preuve, suivant les règles
normales de preuve. Autrement dit, la preuve que sa sécurité et
son développement son mis en péril ou sont compromis. Il faudrait
que le dossier soit vierge quand il arrive devant le juge et que la personne
ait décidé de demander que cela se continue devant le juge, parce
qu'elle n'a pas consenti aux mesures volontaires.
Une autre chose qu'on demande, c'est le fameux quatorze ans. Je
comprends qu'il y ait des difficultés énormes à propos du
quatorze ans. On a essayé de compléter un peu par la suite, notre
mémoire. Vous remarquez que nous disons que cela prend le consentement
d'un enfant, même s'il a moins de quatorze ans. C'est un des
éléments de...
D'un autre côté, si on veut qu'un traitement
réussisse, pour employer le langage d'une autre discipline, on dit qu'il
faut quand même que la personne à qui s'applique ce traitement,
même si elle est âgée de moins de quatorze ans, y croit et
le veuille bien. Je pense que cela ne pose pas de difficultés non plus,
au contraire. De toute façon, si on prend tous les articles qui
concernent les quatorze ans, vous avez les articles 7, 43, 48, 65 et 98
où on ne fait pas de distinction entre jeunes de moins de quatorze ans
et de plus de quatorze ans.
Entre autres, en vertu de l'article 98, l'appel, un enfant peut porter
sa cause en appel, même s'il a moins de quatorze ans. Par contre,
d'autres articles, comme les articles 49, 70, 72, 74, 77, 82, 92, 93a et 93e
limitent à l'âge de quatorze ans. C'est drôle, parce qu'un
jeune de moins de quatorze ans a droit de porter sa cause en appel, mais, par
contre, en vertu de l'article 92, il ne sera pas avisé du jugement,
parce qu'il a moins de quatorze ans. Il y a certainement une contradiction
là.
Par contre, nous disons que, pour des questions évidentes et
pratiques, la limite de quatorze ans pourrait être maintenue dans trois
cas. D'abord à l'article 42c: c'est l'hébergement dans une
unité sécuritaire. Autrement dit, quand on est rendu là,
il n'est pas question du consentement de l'enfant de moins de quatorze ans. A
l'article 87e, c'est l'hébergement obligatoire qui se termine en cours
d'année scolaire. On dit, quand il a moins de quatorze ans, pour cette
décision, par exemple, il ne faudrait pas lui demander son
consentement.
L'article 60, c'est au niveau du juge pour la même chose.
Autrement dit, nous disons que le quatorze ans, pour des raisons
pratiques, pourrait avoir un sens vis-à-vis de ces trois articles, mais
que, pour les autres cas, pourquoi ne pas faire comme dans la plupart des
autres articles et dire que la limite de quatorze ans n'existe pas? C'est,
entre autres, au niveau des mesures volontaires que cela prend le consentement
de l'enfant, même s'il a moins de quatorze ans.
Par contre, nous sommes pleinement d'accord pour dire que ne devraient
pas aller devant le tribunal des infractions à une loi ou à un
règlement du Québec si l'enfant a moins de quatorze ans. Nous
sommes pleinement d'accord là-dessus. Cela ne donne rien d'expliquer; je
pense que, là-dessus les principes de base sont clairs.
Etant donné que le temps nous presse et pour apporter ce que le
président suggère, j'aime autant arrêter
immédiatement les interventions, d'autant plus que les autres choses
sont plus des technicités, même s'il y a des choses très
importantes que nous aurions voulu discuter. On est à votre disposition
pour répondre aux questions.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, très rapidement, parce
que je voudrais quand même donner le maximum de chances à nos
collègues de pouvoir poser les questions qu'ils jugent pertinentes et
formuler les remarques aussi pour engager le dialogue avec la commission, je
voudrais remercier cet organisme au nom de la commission, pour la
qualité de son mémoire. Je sais fort bien, pertinemment bien,
jusqu'à quel point vos recommandations, vos remarques sont
fondées sur votre propre pratique. Parfois, c'est peut-être une
chose qu'il ne faut absolument pas perdre de vue. Parfois, cela fait
drôlement le poids face à la théorie, parce qu'il n'y a
rien comme quand on a été collé dans le concret, dans le
quotidien, avec les problèmes réels vécus par les
jeunes.
Soyez assurés que, partant de ce point de vue, on va regarder
très attentivement toutes et chacune de vos recommandations. Je voudrais
vous poser une seule question, à ce stade, quitte à revenir
à la fin, s'il reste du temps. Vous recommandez que le comité de
la protection de la jeunesse soit soumis au pouvoir de surveillance et de
contrôle de la Cour supérieure. Est-ce qu'à votre avis, le
comité en question, de toute manière, ne serait pas soumis
à un tel pouvoir de surveillance et de contrôle? Sinon et si oui,
je ne vois pas ce que cela ajouterait de le mettre dans le texte. Sinon, pour
quelle raison et vous fondant sur quoi, formulez-vous une recommandation comme
celle-là?
M. Lafontaine: Je crois que, légalement, du moins
après l'étude qu'on en a faite, effectivement, le comité
est soumis à un certain pouvoir de surveillance de la Cour
supérieure, entre autres sur le droit lui-même. C'est simplement
pour fins de clarification, étant donné que la loi des pouvoirs
d'enquête enlève aussi ce pouvoir de surveillance et qu'il y a des
pouvoirs d'enquête qui sont donnés au comité même.
C'était face à cette contradiction qu'on pouvait voir, pour
être sûr que ce soit comme cela.
M. Marois: D'accord. Je comprends que, dans le fond, vous
êtes passablement d'accord sur l'affirmation que j'ai faite, et vous
l'envisagez comme une espèce de contrepoids au pouvoir d'enquête,
entre autres, du comité. Est-ce qu'à votre avis, les pouvoirs
d'enquête qui sont prévus aussi bien pour le comité que
pour le directeur de la protection de la jeunesse sont trop larges, trop
considérables? Est-ce que, par exemple, les pouvoirs d'enquête
dont dispose présentement l'actuel comité de la protection de la
jeunesse, en vertu de la loi 78, sont les pouvoirs d'enquête d'agents de
la paix, si ma mémoire est bonne? Est-ce que cela serait suffisant?
M. Lafontaine: Je préfère plutôt que, quant
à donner des pouvoirs d'enquête, on donne tous les outils, et le
commissaire-enquêteur, cela me plaît. C'est peut-être aussi
la seule façon d'arriver à une certaine forme de polissage par
l'intérieur. C'est de toujours sentir qu'on va peut-être
enquêter, de toute façon, et que cette enquête ne sera pas
simplement une enquête comme celle d'un agent de la paix. Cela sera une
enquête un peu plus en profondeur, il me semble. Quant à moi, pour
avoir des pouvoirs réels, je préfère que le pouvoir soit
entre les mains du comité, mais limité quand même, comme
les commissions d'enquête. Parce qu'il y a une clause privative dans la
Loi des commissions d'enquête, et même si on ne sait pas la valeur
de cette clause, on dit quand même que, suivant la loi des commissions
d'enquête, étant donné cette clause privative, ce serait
peut-être bon de dire dans cette loi qu'il y a quand même un
pouvoir de contrôle de l'extérieur, pour qu'il n'y ait pas d'abus
de droits, si on me passe l'expression.
M. Marois: D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Je vais ajouter aussi mes remerciements à la
Commission des services juridiques et je soulève seulement trois points,
très rapidement, qui ont retenu mon attention. Il y a une foule de
suggestions fort pertinentes, surtout les trois points suivants. Que, par
exemple, l'enfant ne puisse pas être détenu non seulement dans une
prison, mais aussi dans un poste de police. Je pense qu'il fallait y penser,
mais cela va de soi.
Deuxièmement, que la composition du Comité de la
protection de la jeunesse soit vraiment régionale. Pour ma part, je
pense que c'est très important et on avait peut-être glissé
trop rapidement là-dessus. Finalement, l'expression "enfant
caractériel", moi aussi, je trouve qu'elle est indéfi-
nissable. Je finis là-dessus. Est-ce que vous avez une
proposition à faire pour remplacer cette expression?
M. Lafontaine: Non.
M. Lazure: On va y penser.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Deux questions seulement, M. le Président. La
Commission des services juridiques a fait quelques remarques relativement
à l'âge limite inférieur de quatorze ans et s'est dit tout
à fait d'accord avec la notion qu'un enfant ne puisse pas être
cité en justice relativement à une infraction à une loi
provinciale.
Est-ce que c'est un lapsus ou est-ce qu'on doit lire dans ça un
accord avec le groupe qui a précédé les
représentants de la commission et qui suggérait qu'entre douze et
quatorze ans, il y ait une certaine flexibilité à cet
égard, au point de vue de la responsabilité pénale, de la
même façon qu'il y a une flexibilité à la limite
supérieure pour les jeunes de seize ou dix-sept ans, qui peuvent
être traités comme des adultes ou traités comme des
adolescents? Est-ce que vous voyez l'intérêt de pouvoir,
malgré tout, disposer d'une certaine flexibilité, peut-être
pour des offenses graves? C'est pour ça que je voyais peut-être
une porte ouverte dans votre référence aux lois provinciales.
M. Lafontaine: Je vais présenter la situation d'un
côté pratique, disons. On va suivre un adolescent,
peut-être, qui aurait commis un crime grave. C'est peut-être la
meilleure façon de voir, en pratique, comment cela peut se
présenter dans le dédale actuel qui est proposé.
Disons qu'une personne est accusée d'un crime d'incendiaire, ou
même d'un crime de meurtre; disons un crime d'incendiaire parce qu'il y a
déjà des cas particuliers qui me viennent à l'esprit en
disant cela. Disons qu'il a treize ans. Présentement, qu'est-ce que
ça va faire? Il va y avoir une information qui va être
donnée, je présume, qui va être acheminée au
directeur de la protection de la jeunesse dans une région
déterminée. Le directeur, à ce moment-là, va
déterminer ce qu'il fait avec ça. Est-ce que je l'accuse,
autrement dit, d'incendiaire? A ce moment-là, il sait fort bien qu'il ne
débouchera pas au tribunal; du moins, dans la phraséologie
actuelle sur laquelle nous sommes d'accord, cela n'irait pas au tribunal.
Quelle est l'option, à ce moment-là, du directeur? C'est de dire:
Je vais maintenant le prendre comme un cas de protection, pour employer un
langage courant dans notre métier. On dit que c'est un cas de
délinquance ou un cas de protection. Il va prendre un cas de protection.
Pour son cas de protection, à ce moment-là, il ne devra pas
prouver que c'est un incendiaire. Il devra prouver, autrement dit, que la
sécurité et le développement de cet enfant sont compromis,
et s'il décide, lui, que la sécurité et le
développement sont compro- mis, il va lui proposer une mesure
volontaire. L'enfant refuse. A ce moment-là, qu'est-ce qu'il est
obligé de faire? Il va aller, suivant 56, au représentant du
ministère de la Justice pour décider s'il y a matière
à aller devant la cour. Il n'y aura sûrement pas matière
pour aller devant la cour s'il s'agit d'un acte criminel et si on veut le
poursuivre pour un acte criminel, parce que la loi dit qu'il n'y a pas
juridiction de la cour là-dessus s'il a moins de quatorze ans. Mais, si
on détermine que sa sécurité est compromise, à ce
moment-là, on pourra aller devant le juge, mais ce qu'on devra prouver
devant le juge, c'est que sa sécurité et son développement
sont compromis, peut-être, à cause de l'acte qu'il a accompli.
Mais on devra relier cet acte à un ensemble de circonstances et à
une situation réelle qui l'entoure, qui fait que la
sécurité de cet enfant est compromise.
C'est la mécanique qui est actuellement suggérée
dans le projet de loi et sur laquelle je suis d'accord. Parce que ce n'est pas
la grosseur du crime qui va changer sa limite d'âge de quatorze ans. Je
crois que le tribunal pourra intervenir au niveau de la protection à ce
moment, parce que cela sera un enfant qui aura besoin de protection plus que
d'être embarqué dans un engrenage plus légal, au niveau
d'une infraction qui doit être techniquement prouvée devant le
tribunal avec, entre autres, l'intention coupable. Avant quatorze ans, il ne
faudrait pas trop pousser sur l'intention coupable.
C'est ce qui est la base, ni plus ni moins.
M. Forget: Même s'il s'agit de récidive, par
exemple?
M. Lafontaine: Comment peut-on dire qu'il s'agit de
récidive tant que...
M. Forget: Vous vous rabattez sur une réponse purement
technique; mais mettant de côté, si, évidemment, il y a une
limite inférieure à l'âge selon lequel on est tenu
responsable criminellement, par définition, la récidive est
impossible. Il se peut quand même que des actes soient posés de
façon répétitive qui, dans d'autres circonstances,
seraient considérés comme des actes criminels. Si on se trouve
devant ce phénomène, chez un jeune de treize ans, vous jugez que,
malgré tout, cette limite doit être absolue de quatorze ans.
M. Lafontaine: Je le croirais pour les principes que j'ai
énumérés tantôt. Maintenant, il y aussi le fait
qu'il y a une tutelle de prévue ici dans la loi. Le directeur
général peut demander la tutelle, mais à ce moment, par
contre je trouve cela charmant quant aux amendements que nous
proposons, il devrait démontrer qu'il a investi toutes les mesures que
la société avait à sa disposition pour l'empêcher de
"graduer" ni plus ni moins, à des tribunaux supérieurs pour
réussir à en obtenir la tutelle. Cela, pour nous, c'est une
garantie à laquelle nous tenons.
Remarquez que je n'ai pas eu le temps d'en parler, mais, elle est
là quand même.
M. Forget: La tutelle était justement dans la prochaine
question. L'Association des centres de services sociaux va beaucoup plus loin
que vous. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de son mémoire,
mais elle suggère même, si ma mémoire est bonne, une
tutelle légale, c'est-à-dire une tutelle automatique en quelque
sorte, dans un certain nombre de cas prévus dans la loi. C'est
l'attitude diamétralement opposée à celle du groupe que
vous représentez. On se demande un peu, entre les deux attitudes,
laquelle est préférable.
Celle que le projet de loi retient, c'est sur requête et dans des
circonstances qui sont précisées, mais sans que le fardeau de la
preuve soit extrêmement lourd.
Vous suggérez d'accroître le fardeau de la preuve pour le
directeur. Donc, vous voulez en faire une mesure absolue d'ultime recours.
Qu'est-ce qui vous amène à penser que la tutelle qui, dans
les cas suggérés par le projet, intervient pour permettre que
relativement à un enfant qui, de toute façon ne sera pas
retourné à sa famille, parce que les circonstances le rendent
impossible, un certain nombre de décisions que la loi attribue à
l'autorité parentale puissent être prises en sa faveur par ceux
qui, effectivement, en ont la responsabilité? Qu'est-ce qui vous fait
dire que cela n'est pas bon?
Parce que c'est un peu une espèce de division des
responsabilités en continuant à l'attribuer en partie importante,
à des gens qui manifestement sont jugés incapables de l'assumer.
Cette situation peut durer très longtemps et l'enfant peut être
affecté, de façon négative, par une situation où il
est dans une famille d'accueil, la tutelle n'étant pas prononcée,
cette situation peut durer très longtemps et il peut y avoir toutes
sortes de difficultés.
Mme Galipeault-Moisan (Louise): Si vous me permettez de
répondre, on voit constamment deux faits: par exemple, des parents qui
vont, à un moment donné, souffrir de dépression nerveuse,
des cas de maladie physique, des cas de conflits conjugaux qui les mettent hors
d'état de prendre soin de leurs enfants temporairement. On voit, par
exemple, qu'au bout d'un certain moment, il y a des amorces de divorce qui
s'engagent, etc., et après cela, on va retrouver des parents qui vont
être dégagés et qui vont pouvoir reprendre leurs
obligations face à leurs enfants. Le délai, en vertu duquel la
requête en tutelle peut être exercée, est très bref,
c'est-à-dire qu'au bout d'une période de six mois, ce n'est pas
très long.
De plus, à l'heure actuelle, la situation qu'on vit, c'est que
les travailleurs sociaux, par suite de la surcharge de travail et du nombre
assez restreint qui travaille sur le terrain, une fois que l'enfant est
placé, il ne s'exerce pas, en tout cas dans cette région-ci, de
travail auprès des parents. On ne fait rien pour que la mère, qui
est alcoolique, par exemple, puisse se faire traiter et être en mesure de
reprendre son enfant six mois plus tard. A ce moment-là, il ne faudrait
pas en venir à une es- pèce de "hold-up" d'enfants parce que,
tout simplement, on mettrait les parents sur la voie d'évitement pour
leur trouver des foyers qui seraient soi-disant préférables. Il
faut quand même que le CSS joue d'abord son rôle auprès de
la famille et essaie de maintenir... parce que les parents ont quand même
des droits, ils ont beaucoup de devoirs, mais je reconnais quand même
qu'ils ont des droits face à l'enfant et que l'enfant a avantage
à retourner dans son milieu naturel. C'est d'accord avec le principe de
la loi. Je pense qu'à ce moment-là il va falloir que le CSS
démontre qu'on a fait un travail auprès de la famille et que
vraiment, il n'y a pas de possibilité de retour dans le foyer.
M. Forget: Est-ce une réponse adéquate au
phénomène qui est bien connu? Beaucoup de jeunes enfants, qui
sont dans des familles d'accueil, et qui ne sont pas adoptables parce que leurs
parents conservent un vague espoir de s'en occuper un jour, un espoir qui est
très théorique. Mais dans la pratique, il y a des centaines
d'enfants qui demeurent assis entre deux chaises, pendant des années,
presque jusqu'à leur majorité, très souvent jusqu'à
leur majorité, pour préserver un droit très
théorique du parent de reprendre un jour l'enfant. Ce sont ces positions
qui sont visées.
Mme Galipeault-Moisan: On ne refuse pas la tutelle, mais il
faudrait quand même voir...
M. Forget: Vous ne refusez pas la tutelle sauf que le fardeau de
preuve que vous exigez est insurmontable dans la plus grande partie des cas.
Comment peut-on démontrer que tout a été fait?
Mme Galipeault-Moisan: Si les services sociaux amorcent une
démarche auprès des parents et qu'il n'y a aucune espèce
de collaboration, on ne demande pas l'impossible. Mais il faudrait quand
même qu'il y ait un plan de travail qui soit fait et c'est pour cela,
qu'à ce moment-là, on voudrait que dans le contrat social qui
serait signé au moment du placement de l'enfant, il y ait des mesures
volontaires; ou dans l'ordonnance du juge qu'on définisse
également la tâche du CSS envers les parents de façon que
les parents partent en disant: Si on veut ravoir notre enfant on doit se
soumettre à une cure de désintoxication sérieuse, on doit
faire telle et telle chose et mettre de l'ordre dans notre vie sur tel et tel
plan. Et qu'à ce moment-là ils puissent avoir l'impression de
savoir pourquoi ils n'ont pas leur enfant parce que, bien souvent, les gens
n'ont pas compris.
Le Président (M. Laplante): Sujet très
intéressant. Excusez-moi d'être obligé de couper à
midi. Je voudrais vous demander si vous êtes prêts à revenir
cet après-midi vers 16 h 15 parce que beaucoup ont encore des questions
à vous poser. Nous allons ajourner sine die.
(Fin de la séance à 12 heures)
Reprise de la séance à 16 h 35
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît, mesdames et messleursl
Reprise des travaux, sur l'audition des mémoires sur la loi 24,
à la commission conjointe des affaires sociales et de la justice.
Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau), M.
Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher
(Rivière-du-Loup), M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau
(Verchères), M. Charron (Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M.
Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M.
Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M.
Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu),
Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M.
Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie);
M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt (Jonquière).
Excusez-moi, j'ai fait une erreur, vous voyant déjà assis.
Le groupe de la Commission du service juridique avait commencé à
se faire entendre. Nous allons continuer avec le même groupe
jusqu'à 17 heures. La parole était, je crois, au
député de Saint-Laurent. Aviez-vous terminé?
M. Forget: J'avais terminé. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): II est défendu de fumer
dans la salle encore aujourd'hui. M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: M. le Président, puis-je demander au
témoin, quant au comité de la protection de la jeunesse et le
directeur lui-même, comment les pouvoirs peuvent être
contrôlés juridiquement? Nous avons parlé, tantôt,
sur le sujet, mais pour le journal des Débats, pouvez-vous m'expliquer
comment vous...
M. Lafontaine: Ce que j'ai dit en partie ce matin, c'est qu'au
niveau même du comité, le comité est quand même
contrôlé par la loi qui fait que, puisque c'est une commission
d'enquête, la commission d'enquête, normalement, du moins sous
l'aspect légal, si elle commettait des illégalités,
pourrait tomber sous la juridiction de la Cour supérieure.
Je comprends que, dans la loi des commissions d'enquête
même, il y ait une clause privative de ce principe. Même au niveau
de la jurisprudence, c'est discuté. C'est pourquoi nous disons que nous
demandons qu'il y ait un pouvoir de surveillance et de contrôle de la
Cour supérieure sur ce comité.
Au niveau du directeur de la protection qui, lui aussi, a un pouvoir
d'enquêteur, cela pourrait être, dans son cas, le pouvoir d'un
agent de la paix. Ce n'est peut-être pas nécessaire que cela aille
jusqu'aux pouvoirs d'une commission d'enquête. Comme garantie
légale additionnelle, il faudrait que les conditions, entre autres,
qu'un directeur va fixer vis-à-vis des mesures volontaires qu'il va
prendre, que ces conditions soient mentionnées par écrit, dans un
contrat écrit, qui sera donné à l'enfant lui-même
ainsi qu'à ses parents. Nous disons aussi que ce contrat ne deviendrait
valable qu'après une période de réflexion de 48 heures, de
telle sorte que les gens pourraient quand même consulter et être
avisés pour savoir si-, oui ou non, ils savent où ils s'en
vont.
Il y a un autre principe que nous aimerions voir ajouté au projet
de loi comme garantie légale vis-à-vis des mesures que le
directeur pourrait prendre. Nous disons que ce qui se passe entre le directeur
et l'enfant, au niveau d'une entente qui peut arriver ou ne pas arriver,
suivant que cela plaît à l'une ou l'autre des parties, nous disons
que toutes ces démarches ne devraient pas faire partie du dossier du
tribunal, si la chose va ultérieurement devant le tribunal. Ce sont les
mesures de sécurité que nous aimerions voir ajoutées
à ce projet de loi.
M. Shaw: Merci. Une deuxième question concernant la
tutelle des clients. Nous avons entendu hier certains centres d'accueil qui
voulaient avoir le contrôle du temps du client.
Je veux demander au ministre dans quel sens il croit que la tutelle
réelle va être gardée. Est-ce que cela va être sous
condition ou pour une période de temps fixée? Est-ce que l'enfant
va rester comme "award of the Court", avec le dernier contrôle dans les
mains du directeur de la protection de la jeunesse, pour la surveillance?
M. Marois: M. le Président, je voudrais, encore une fois,
parce que cela s'est présenté à quelques reprises... Je
pense qu'on aura amplement l'occasion entre nous, parlementaires, de discuter,
d'échanger des points de vue, d'apporter des éclaircissements. A
ce stade-ci, il y a des groupes qui se sont donné la peine de
préparer des documents, des mémoires.
Je pense que c'est l'occasion d'en profiter pour avoir une bonne
discussion avec eux, le cas échéant, de leur demander d'apporter
des éclaircissements sur certains points de vue et certaines
recommandations qu'ils font. Ce n'est pas que je me refuse à
répondre aux députés, mais, si on utilise le temps qu'on a
pour entendre les gens qui sont venus ici, je pense qu'on les prive d'une
période de temps qui est à leur disposition, qui est quand
même limitée, compte tenu du nombre de groupes, pour apporter un
éclairage qui pourrait permettre à chacun d'entre nous, par la
suite, à la lumière de ces points de vue, de faire ensemble le
meilleur travail possible pour améliorer le projet de loi.
Partant de cet éclairage, nos opinions personnelles, nos
différents points de vue, rendus à l'étape où on
pourra examiner le projet de loi article par article, je pense qu'on pourra en
débattre beaucoup plus longuement. Je préférerais
que...
M. Shaw: C'est important, parce que je voudrais demander...
M. Marois: Oui, c'est important. Ils ont peut-être un point
de vue à émettre. Je pense que ce qui est intéressant
à ce stade-ci, c'est d'écouter et d'entendre leur point de
vue.
M. Shaw: Avez-vous un point de vue sur le même sujet?
M. Lafontaine: Oui, ce que nous disons, c'est que, d'abord, ce
qui serait l'idéal, c'est qu'il y ait un seul tribunal pour s'occuper
des enfants, qu'on appellerait le tribunal unifié, qui serait un
tribunal de la famille, qui s'occuperait, autrement dit, de toutes les
questions qui peuvent se rapporter, de près ou de loin, à
l'enfance, avec un personnel spécialisé, etc.
En annexe, on a déjà produit un mémoire que nous
avions fait et nous voulons en arriver, à un moment donné, au
tribunal unifié de la famille. Idéalement, ce serait cela.
Par contre, on nous dit, présentement qu'il faut peut-être
qu'on en arrive à une tutelle, parce qu'il arrive qu'il y a des enfants
qui n'ont pas de parents. Il y a aussi des situations qui font que les enfants
ne pourront peut-être pas retourner à leurs parents, à un
moment donné. Je comprends qu'on est peut-être rendu au bout du
chemin. On arrive aussi, à la fin, à une réhabilitation
possible dans d'autres cas.
Nous disons: notre prétention est que cette tutelle pourrait
quand même être donnée par un juge de la Cour
supérieure et ce serait le directeur qui présenterait la
requête, tel que c'est prévu dans le projet de loi.
Ce que nous voulons voir ajouter, ce sont des garanties quant aux
procédures qui devront être suivies et aussi quant aux
délais qui devront être respectés. Nous ajoutons aussi que
le tribunal devra aussi prendre en considération les efforts qui se sont
faits vis-à-vis de cet enfant ou vis-à-vis de la famille de cet
enfant pour décider si, oui ou non il va accorder la tutelle.
Quant à nous, les juges sont les personnes les plus
idéalement placées pour voir au respect des droits des personnes.
Quand on arrive à la question de tutelle, quant à moi, c'est
important, parce qu'on transfère les droits vis-à-vis d'un
enfant. Quant à nous, c'est le tribunal qui est le plus apte à le
faire. C'est bien sûr que cela peut être la Cour de bien-être
social, que cela peut être la Cour supérieure.
Nous avons eu des expériences à la Cour de bien-être
social qui font qu'au niveau des droits, ce serait peut-être
préférable que ce soit devant la Cour supérieure que cette
procédure se fasse. D'autant plus que je présume que la Cour
supérieure aura un éclairage particulier, puisque le dossier
devrait être presque tout prêt, puisque le directeur décide
maintenant d'acheminer cela devant le tribunal de la Cour
supérieure.
A cet égard, par exemple, la confidentialité du dossier en
Cour supérieure est prévue aussi pour l'appel, c'est
respecté, mais devant la Cour d'appel même, je ne crois pas que le
projet de loi prévoie la confidentialité du dossier devant la
Cour d'appel. Il faudrait peut-être avoir une disposition à ce
sujet.
M. Shaw: Une dernière question. Est-ce que vous avez un
point de vue relativement aux agences qui sont ouvertes pour les cas qui sont
présentés à la cour de la jeunesse?
M. Lafontaine: Nous disons d'abord que les audiences, comme
principe, soient publiques. C'est un principe reconnu dans toutes les lois,
parce que c'est une garantie d'impartialité, de non-interférence
aussi, le fait que ce soit public, sauf que dans le projet, nous disons: Que ce
soit à huis clos à la demande des parents ou de l'enfant, sauf
que, quant à nous, le huis clos ne pourrait pas être complet,
parce qu'on dit qu'il faudrait quand même permettre l'accès aux
journalistes, bien entendu avec les restrictions que cela comporte aussi quant
à la publication des noms des personnes impliquées, parce que
pour nous, c'est une garantie quand même, que la cour puisse se faire en
public, d'une certaine façon. C'est un public limité, cependant.
Ce n'est pas un public général quand les parents ou l'enfant le
demande.
M. Shaw: Merci. Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
député de Drummond.
M. Clair: Merci, M. le Président. Une première
question concernant le directeur de la protection de la jeunesse et ses
pouvoirs de commissaire-enquêteur. Tout au long de votre mémoire,
Me Lafontaine, vous avez insisté sur l'aspect de
déjudi-ciarisation. Ce matin, justement, au niveau de pouvoirs de
commissaire-enquêteur, du résumé de la preuve que pourrait
recueillir le comité de protection de la jeunesse, vous disiez que cela
ne devrait pas être utilisé en preuve dans les procédures
subséquentes. Qu'est-ce que vous pensez plutôt de l'avis de
certains autres groupes qui sont venus ici devant nous et qui nous ont dit:
L'immunité d'un commissaire-enquêteur, cela va; mais les pouvoirs
d'un commissaire-enquêteur, cependant, là, on judiciarise et
là, on met des procédures formelles, puisqu'à toutes fins
pratiques, devant une commission d'enquête, de deux choses l'une, ou
bien, elle n'a pas les pouvoirs, ou bien, elle les a. Si elle les a, on pense
tout de suite à la représentation par avocat devant cette
commission. J'aimerais vous entendre là-dessus, surtout pas tant au
niveau du comité de protection de la jeunesse, qu'au niveau du directeur
de la protection de la jeunesse ou de toute personne, suivant la modification
que vous proposiez, qu'il désigne.
M. Lafontaine: Quant à moi, vous avez raison de situer
cela sur toute la question de la déjudicia-
risation. La déjudiciarisation ne peut pas se faire par un
tribunal, cela va de soi, sans cela, cela ne serait pas une
déjudiciarisation.
Est-ce que des avocats, ce sont des personnes aussi compétentes
dans le domaine de la déjudiciarisation, qui peuvent voir à ce
que les procédures soient suivies? Ils peuvent voir à ce que la
loi soit appliquée s'ils ont leur déformation ou leur formation
professionnelle. Maintenant, au niveau du directeur général, nous
ne disons pas que l'avocat n'a pas affaire là. L'avocat pourra y aller
si besoin est et s'il s'aperçoit que les circonstances peuvent exiger sa
présence. Je n'ai vu nulle part que l'avocat était exclu devant
le directeur général.
Mais, pour voir si la déjudiciarisation fonctionne, il faut quand
même aussi que ce directeur général puisse avoir un pouvoir
d'enquêteur ou peut-être d'agent de la paix. Ce n'est
peut-être pas nécessaire que ce soit une commission
d'enquête. Cela pourrait être simplement un agent de la paix,
c'est-à-dire un pouvoir d'agent de la paix, pouvoir de
vérification. On lui rapporte une situation où, disons, la
sécurité d'un enfant pourrait être compromise. Il faut
quand même qu'il ait le droit de faire une enquête pour être
capable d'analyser et de prendre une décision.
Pour ma part, je me dis que ça vaut la peine de l'essayer. Cela
fait assez longtemps qu'on parle de déjudiciarisation, qu'il y a des
accusations qui sont portées d'une façon inutile et qu'il y a des
enfants pour lesquels on déplace tout un appareil judiciaire, qui est
impressionnant et pour eux et pour les parents. C'est peut-être une
façon de s'y prendre, et nous disons: Essayons-le, on va voir.
M. Clair: Mais vous êtes d'accord sur le fait que les
pouvoirs comme tels d'un commissaire-enquêteur pourraient amener un
déplacement du pouvoir judiciaire et nécessiter la
présence d'avocats, sans aller vers un but qu'on ne cherche pas à
poursuivre, et...
M. Lafontaine: Je suis d'accord. C'est pourquoi nous disons qu'on
est d'accord pour que le directeur général ait ces pouvoirs, mais
vous allez donner deux garanties additionnelles qui s'appellent un contrat
écrit avec le droit de se retirer de ce contrat dans les 48 heures; et
ce qui va se passer au niveau de cette enquête ne pourra pas être
amené devant le juge ultérieurement.
On dit que c'est peut-être la façon d'arriver à une
déjudiciarisation, tout en gardant un certain contrôle
judiciaire.
M. Clair: Un autre sujet dont vous ne parlez pas dans votre
mémoire, mais sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est celui du secret
professionnel, en vertu de l'article 36. Tout professionnel est
libéré de ses obligations de confidentialité; j'aimerais
savoir, jusqu'à maintenant, quelle est l'application qu'a reçue,
dans le réseau d'aide juridique, dans la loi 78, la loi concernant les
enfants soumis à de mauvais traitements? Qu'est-ce qui en est exactement
actuellement? Est-ce que ça reçoit véritablement son
application ou pas?
M. Lafontaine: C'est un sujet difficile et délicat. La
fonction de l'avocat, c'est d'être mandataire d'un client. Il
représente quelqu'un, ni plus, ni moins. Quand un client vient nous
voir, il nous dit: Monsieur, faites comme je ferais si j'avais les
connaissances légales que vous avez. Autrement dit, nous ne donnons pas
de soins. Nous ne sommes pas comme un médecin ou un psychiatre ou
quelque chose de semblable. On représente une personne devant le
tribunal. Autrement dit, on est lui-même avec un aspect technique en
supplément.
Nous disons que cela va de soi que, comme individu, on ait à
rapporter des situations, tel que la loi le prévoit, mais, comme
professionnel, afin d'être capable de garder la confiance de notre
client, il ne faudrait jamais nous placer dans une situation où on ait
à agir par rapport à un secret professionnel.
Autrement dit, si j'ai, par exemple, à défendre un parent
qui aurait battu un enfant et qu'à cette occasion il me conte que, en
même temps, il a aussi battu un autre enfant, j'aurais, dans
l'état actuel de la loi, l'obligation de le rapporter. Maintenant, il ne
faut pas trop charrier sur le secret professionnel non plus parce qu'on va
faire des grands débats de principe là-dessus, alors qu'on sait,
en réalité, que dans bien des cas on passe à
côté.
Ce que je voudrais ni plus ni moins qu'on retrouve dans la loi, c'est
que l'avocat soit obligé de mentionner ce qu'il a appris, mais jamais ce
qu'il a appris de son propre client lorsqu'il y a une relation entre eux.
Autrement dit, il ne faudrait jamais qu'il représente quelqu'un qu'il
est dans l'obligation de dénoncer. Il ne faudrait pas que les deux
puissent se rencontrer.
M. Clair: A ce moment, cela met en évidence, selon moi, la
nécessité de mieux définir encore le mot "professionnel",
pour que d'autres personnes que les avocats... parce que, finalement, c'est
inefficace, en ce qui concerne les avocats. C'est quand même rare qu'on
va apprendre des situations par pur hasard, on les apprend dans le cadre d'un
mandat qu'on a à représenter. J'ai l'impression que c'est
plutôt inefficace.
M. Lafontaine: Oui, mais vous comprendrez qu'on peut toujours
dire au client: Mon cher monsieur, je ne peux pas vous représenter. A ce
moment, on peut se servir de ce qui est prévu dans la loi et lui dire:
Je ne vous représente pas. A ce moment-là, on pourrait rapporter
la situation.
M. Clair: C'est la question que j'aurais aimé poser au
Barreau, s'il avait été ici aujourd'hui. C'est tout, M. le
Président, merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'avais terminé
sur les points principaux, mais étant donné qu'on a devant nous
des représentants de la profession juridique, j'aimerais savoir d'eux
s'ils ont
pris connaissance je le présume des articles 116a,
116b et 116c, de la Loi des tribunaux judiciaires, je crois, qui impliquent
certains précédents dans la façon dont on considère
les membres du pouvoir judiciaire. Ces articles à la page 37 du
projet de loi prévoient, en premier lieu, une retraite
anticipée, à 55 ans, des membres du tribunal, de la Cour de
bien-être social dans le moment, et prévoient ce qui me semble un
peu sans précédent, qu'à son option, c'est surtout sur ce
point que ma question porte, un juge membre de la Cour de bien-être
social, peut choisir de devenir une autre sorte de juge et que dans ce cas, la
Loi des tribunaux judiciaires qui détermine le nombre de juges qui font
partie de la Cour provinciale ou de la Cour des sessions de la paix est
amendée pour autant.
C'est-à-dire que l'option d'un individu amende une loi, qu'il est
normalement nécessaire d'amender par un geste positif de la
Législature. Il me semble que c'est là une situation qu'on peut
approuver ou désapprouver relativement à la Cour de
bien-être social elle-même. On peut voir là une mesure
intéressante ou non, mais pour ce qui est de son impact sur ces autres
cours, est-ce que votre groupe a considéré cette histoire et peut
se former une opinion? Peut-être qu'à titre individuel vous avez
des opinions là-dessus qui pourraient éclairer les membres de la
commission.
M. Lafontaine: Nous avons été surpris de la
rédaction des articles 116a et 116b. C'est une question délicate.
Je vais simplement parler en mon nom personnel. Ce n'est pas une loi qui va
amener des changements de mentalité immédiatement lors de sa
passation. Autrement dit, cela prend quand même un certain bout de temps
avant que des mentalités changent par rapport à des situations
préexistantes, des situations que d'ailleurs nos avocats vivent tous les
jours à peu près, régulièrement et qui ont
amené certaines frustrations. Peut-être qu'on a voulu
régler certaines situations de fait qui se sont présentées
ou qui sont susceptibles de se présenter par ces articles. Que ce soit
une technique législative reconnue, à ma connaissance, c'est la
première fois, à peu près, que je vois que, par l'option
d'un individu on amende la Loi des tribunaux judiciaires. C'est possiblement
pour régler une certaine question de fait où des individus ont
dit: Nous avons accepté une chose alors que les règles du jeu
étaient telles, aujourd'hui on nous change les règles du jeu, on
voudrait être capable de déterminer une nouvelle orientation.
C'est possiblement cela qu'on a dit.
Ce qu'on dit même dans notre mémoire, c'est que si, par
exemple, une personne, suite à l'ouverture qui lui est donnée par
116a ou 116b décide de devenir celle qui représente la justice au
niveau de l'article 56, il ne faudrait quand même pas que cette personne
siège ensuite comme juge pour juger, ni plus ni moins, de la
décision qu'elle avait prise d'entendre la cause après. Nous nous
posons aussi la question. Si la personne ne voulait pas continuer à
siéger comme juge, est-ce qu'elle serait apte même à
représenter le ministère de la Justice au niveau de l'article 56?
Vous comprendrez que c'est un sujet délicat.
M. Marois: Je pense qu'il est important de rappeler une chose
là-dessus, pour que cela soit clair, en tout cas qu'on ne le perde pas
de vue: la Loi des tribunaux judiciaires ne fixe pas, ne détermine pas
un nombre précis de juges, cette loi détermine un nombre maximum
de juges. Forcément, il y a toujours des ouvertures, c'est rare qu'on
atteigne le maximum dans les faits. Donc, c'est la règle
générale. En ce sens-là, on ne peut pas interpréter
comme tel, en partant, l'article 116c en disant que cela aura pour effet
d'apporter un amendement automatique des simples options faites par des
individus à cette loi-là, dans la mesure où il s'agit d'un
maximum. Advenant le cas où, parce que, dans les faits, cela pourrait se
présenter exceptionnellement, ce jeu d'options aurait pour effet de
bousculer le maximum prévu par la Loi des tribunaux judiciaires; il est
évident qu'à ce moment-là cela supposerait un amendement
d'ordre technique à la loi. Je voulais simplement rétablir les
faits.
Le Président (M. Laplante): Une autre question,
monsieur?
M. Forget: Non, merci.
Le Président (M. Laplante): Merci. Mesdames,
messieurs...
M. Lafontaine: Si vous permettez, étant donné qu'il
me reste encore quelques minutes, j'ai deux remarques que je n'avais pas faites
dans le projet écrit lui-même. Je calcule que cela prendrait un
fichier qui pourrait être suivi dans l'organisme qui s'appelle le
comité. Ce fichier serait autant pour les enfants victimes d'abus que
pour les enfants placés en hébergement volontaire ou en
hébergement obligatoire. Je pense qu'il serait nécessaire de
maintenir un tel fichier, en vertu des articles 35f, 50g et 59. Excusez-moi, M.
le Président.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Marois: Excusez-moi, M. le Président, sur cette
question du fichier, un fichier qui contiendrait quoi, qui serait tenu par qui,
où?
M. Lafontaine: On dit, dans les derniers articles, pour faire une
concordance, que le fichier qui existait au niveau de la protection de la
jeunesse était transféré, mais on ne dit pas qu'il faut
continuer à l'avoir, on ne dit pas non plus qu'il faut en tenir un
à propos du placement des enfants.
M. Marois: D'accord.
M. Forget: C'est un instrument indispensable dans les Etats qui
ont une législation analogue, puisqu'on voit réapparaître
les mêmes familles à différents endroits avec les
mêmes problèmes.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. Au nom des
membres de cette commission, j'appelle maintenant l'Association des
psycho-éducateurs.
Messieurs, voulez-vous présenter votre organisme, s'il vous
plaît, donner votre nom, et le nom de vos confrères?
Association des psycho-éducateurs
M. Beaulieu: L'Association des psychoéducateurs du
Québec est un organisme professionnel voué à la
réadaptation des inadaptés. A ma gauche, il y a M. Yvon Pinard,
psycho-éducateur de la région de Québec, à ma
droite, M. Guy La-palme, psycho-éducateur de la région de
Montréal; moi, je suis Gilles Beaulieu.
L'Association des psycho-éducateurs du Québec a
déposé un mémoire sur le projet de loi sur la protection
de la jeunesse; elle a cru bon de le faire en tant qu'organisme public
voué à la réadaptation des inadaptés. Les
psycho-éducateurs ont une longue tradition clinique auprès des
jeunes mésadaptés, et cette expérience des jeunes a
été mise à profit pour faire l'étude du projet de
loi 24 et pour formuler nos recommandations.
Notre première réaction à la lecture du projet de
loi en a été une de satisfaction, car depuis longtemps, nous
déplorions le marasme et la confusion qui régnaient autour des
règles régissant l'accessibilité des jeunes à des
services.
Nos professionnels sont disposés à s'engager auprès
de la jeunesse en difficulté et ils le seront d'autant plus qu'ils
auront à travailler avec un instrument légal moderne et
adéquat. Cette adhésion de principe à cette nouvelle
philosophie ne saurait cependant nous dispenser de relever certains points
techniques que vous retrouverez dans notre mémoire et de relever
également les limites d'application du projet de loi dans la mesure
où il est tributaire de l'organisation des services et de leur
qualité.
Madame et messieurs, nous déplorons le fait que le projet de loi,
dans son esprit, ne semble accorder aux établissements et
particulièrement aux centres d'accueil, qu'un rôle
d'hébergement, surtout en ce qui a trait à des endroits
sécuritaires.
Notre profession ayant une longue expérience dans ces milieux
reconnaît qu'il y a des jeunes adolescents qui ne peuvent être
aidés que dans de tels milieux leur offrant sécurité et
une réponse des plus adéquates possible à leurs
besoins.
Le travail, dans ces internats, n'est pas toujours spectaculaire, mais
il est souvent nécessaire. Nous avons, dans notre mémoire,
tenté de proposer un nouveau titre au projet de loi. Nous savons que ce
n'est pas possible techniquement, mais nous tenons quand même à
souligner l'importance que nous accordons à la promotion des droits des
enfants.
Dans notre démarche d'analyse du projet de loi, nous reconnaisons
le bien-fondé des articles régissant l'accessibilité aux
mesures de traitement, ainsi que la protection accordée à
l'enfant, face à l'appareil judiciaire et clinique se faisant de plus en
plus envahissant dans notre société.
Le besoin des enfants a été notre principal guide de
travail et nous avons voulu démontrer que les enfants ont des droits,
bien sûr, mais des besoins également. Nous avons aussi voulu faire
ressortir le besoin de protection de l'enfant, mais cette protection ne doit
pas entraver son évolution et ne pas lui permettre de se soustraire
à des responsabilités que tout futur citoyen doit affronter un
jour.
Je soumets à votre attention, par exemple, le cas d'un adolescent
de seize ans, auteur de cinq vols à main armée et de trois
assauts sur la personne et à qui, pour la première fois, on lui
demanderait d'être responsable de ses actes.
Voici les points que nous n'avons pas développés dans
notre mémoire et nous avons tenu à le faire de vive voix. Ce sont
les points touchant le pouvoir et le rôle du directeur de la protection
de la jeunesse. L'âge d'admissibilité des enfants à une
responsabilité criminelle, la conception des unités
sécuritaires et l'article 63.
Les pouvoirs et le rôle du directeur de la protection de la
jeunesse. Notre association adopte, en principe, les pouvoirs et les
rôles que lui confère le projet de loi. Nous sommes conscients que
cette entité peut jouer un rôle déterminant dans
l'application de la loi. Les responsabilités qui lui incombent sont
énormes, nous en sommes conscients, et la réalisation de son
mandat devra reposer sur une concertation de la part de tous les
intervenants.
Un problème nous apparaît important, c'est celui des
critères d'admission. Qu'advient-il des pouvoirs déjà
accordés à des centres d'accueil sur leurs critères
d'admission, et ce que la loi semble vouloir donner au directeur de la
protection de la jeunesse. Nous espérons que les enfants n'auront pas
à faire les frais d'une telle imprécision.
Sur l'âge d'admissibilité des enfants à une
responsabilité criminelle. Le projet de loi prévoit que les
enfants en bas de quatorze ans ne peuvent être traduits ou poursuivis,
selon le Code criminel. En principe, une telle disposition peut nous
apparaître très humanitaire et donner au Québec l'image
d'une société hautement civilisée. Nous nous permettons
cependant de vous soumettre qu'il y a des enfants de treize ans qui,
quelquefois, sur le plan du développement physique et mental, agissent
presque comme des adultes, surtout dans des cas de délits majeurs; nous
vous soumettons ce cas-là, nous n'avons pas de réponse. Mais la
question que nous posons, c'est de savoir si cet enfant sera mieux aidé
s'il est soustrait à la loi et comment cet enfant réagira devant
le fait que la société n'accorde pas d'importance légale
à son geste.
Messieurs les législateurs, nous vous soumettons le
problème et nous sommes disposés à chercher avec vous la
meilleure solution.
La conception des unités sécuritaires. Nous comprenons
difficilement comment il se fait qu'un projet de loi aussi important et d'une
telle qualité n'accorde pas plus de précisions sur cette
entité que sont les unités sécuritaires. Nous savons que
de telles unités peuvent être un outil utile pour
permettre à des enfants un arrêt de leur agir
délinquant.
Cependant, nous sommes inquiets de la confusion que cela peut amener
avec la notion qui déjà commence à se développer
dans le réseau, la notion d'un centre de réadaptation qui est
complètement sécuritaire. Qu'adviendra-t-il à ce
moment-là de la durée des séjours de ces garçons
qui sont inscrits dans des plans de traitement à long terme? Y a-t-il un
danger de revenir aux bons vieux trois mois que tous les délinquants ont
connus ces dernières années? Nos jeunes devront-ils attendre de
se retrouver au pénitencier avant de recevoir une aide correspondant
à leurs besoins?
Nous vous soumettons donc ces quelques réflexions en
espérant que vous y apporterez une attention particulière.
J'ai demandé à mon confrère de droite de
préciser notre réflexion sur l'article 63.
M. Lapalme (Guy): L'article 63 nous est apparu clair, au premier
coup d'oeil, mais, en consultant d'autres corps professionnels, on s'est
aperçu qu'il y avait plusieurs personnes qui l'interprétaient de
façon différente, de sorte qu'on ne sait plus si notre
clarté était justifiée.
A nos yeux, quand on dit qu'un directeur ne peut confier un enfant
à un autre directeur, cela veut dire en gros qu'un enfant de
Montréal ne peut pas aller à Sherbrooke et vice versa. Nous
aimerions savoir si c'est ce que cela veut dire. Si cela veut bien dire cela,
nous aimerions souligner que cela pose, pour certains enfants qui sont quand
même une petite minorité dans le réseau, des
problèmes majeurs.
On peut vous donner comme exemple l'enfant qui a été
confié aux CSS et qui est placé dans une famille d'accueil
à laquelle il est très lié, qui reste sur la rue Hochelaga
à Montréal et dont les parents restent sur la rue de Lorimier
à Montréal. La famille d'accueil déménage à
Saint-Jérôme. L'enfant ne peut pas déménager avec
elle, dans la compréhension qu'on a quand on dit qu'on ne peut pas
confier l'enfant d'un directeur à un autre.
De la même façon un enfant de Montréal dont les
parents restent à Montréal et qui est pris, ce qui arrive
quand même assez souvent ou assez régulièrement soit
dans un réseau de prostitution de mineurs ou dans un réseau de
vol du côté des Laurentides, cela arrive assez
régulièrement qu'il y a des jeunes qui sont engagés pour
faire des vols ou dans un réseau de drogue, on calcule en
particulier dans un réseau de drogue ou de prostitution où on a
eu des cas comme cela; ce n'est pas possible de penser soigner ces enfants en
les laissant dans le secteur où les gens essaient de revenir les
reprendre régulièrement.
J'ai eu à déplacer une jeune fille qui a demandé
à être protégée contre le réseau de
prostitution dans lequel elle était et il a fallu l'envoyer à
l'autre bout de la province. Ce sont des cas mineurs, mais on aimerait mieux un
mécanisme de loi qui rende cela possible quoique bien
contrôlé.
M. Beaulieu: En conclusion, nous portons à votre
attention, madame, messieurs de la commission, deux sujets qui sont plus
détaillés dans notre mémoire, mais qui ne touchent pas
nécessairement de façon directe le contenu du présent
projet de loi. C'est le problème de la tutelle et de la
déchéance de l'autorité parentale et d'adoption et le
problème du contrôle de la qualité des services
dispensés par les professionnels des sciences humaines qui, comme vous
le savez, ne sont pas régis par la loi 250 du Code des professions; car
nous considérons également que la protection des enfants passe
aussi par la qualité des personnes qui dispensent les services, la
qualité professionnelle des personnes.
Il est légitime d'espérer que le présent projet de
loi, s'il est adopté et appliqué efficacement, contribuera
à un meilleur respect des droits de l'enfant en difficulté. Les
changements que nous voudrions voir apporter ne constituent en rien une
critique négative de son inspiration fondamentale.
L'Association des psycho-éducateurs accueille positivement le
projet de loi 24 sur la protection de la jeunesse et assure les membres du
Parlement quelle mettra tous les moyens en oeuvre afin que ses propres membres
adoptent rapidement, si ce n'est déjà le cas, toute nouvelle
disposition visant à assurer un respect intégral des droits des
enfants et des jeunes en difficulté. Je vous remercie.
Le Président (M. Clair): Le ministre d'Etat au
développement social.
M. Marois: M. le Président, soyez assurés que notre
perception, d'ailleurs, de vos recommandations et de la teneur de votre
mémoire nous indique bien clairement que votre approche est loin
d'être négative, bien au contraire. Je dirais que vous soulevez un
certain nombre de problèmes, je crois, avec beaucoup de pertinence, et
il y a peut-être un certain nombre de questions que vous êtes les
premiers, d'ailleurs, à évoquer devant nous. Je voudrais
simplement, au point de départ, relever une chose que vous soulignez
dans votre mémoire. C'est l'espèce de difficile équilibre.
Je crois que vous utilisez, d'ailleurs, l'expression, en disant: Le sujet est
difficile. Il s'agit de cette question qu'on met souvent comme en espèce
d'opposition, cette idée d'une charte des droits de l'enfant et les
articles 2 à 11, et il y en a d'autres dans le projet de loi, concernant
les droits des enfants. On a eu à faire face à cette
espèce d'équilibre extrêmement difficile, d'une part, entre
une charte où on a de très belles déclarations qui,
très souvent, risquent d'être des déclarations de papier et
cette nécessité de cerner un certain nombre de droits
l'élargissant, autant que faire se pouvait, mais dans la mesure
où on pouvait s'assurer que cela correspondait à des droits
fondamentaux et surtout qu'il était possible de préciser, de
mettre au point les moyens, les outils, les ressources, les instruments
permettant à du monde en vie de les exercer, ces droits, de façon
concrète.
En ce qui concerne l'article 63, j'avoue qu'un des exemples que vous
avez évoqués, je crois, devrait nous amener à
réexaminer très attentivement
cet article. Vous comprenez fort bien que notre préoccupation
concernant cet article était essentiellement d'éviter une chose
qui, dans les faits, s'est produite malheureusement trop souvent, si vous me
passez l'expression, qui consiste, littéralement, en une espèce
de "barouettage" d'enfants, d'un coin à l'autre du Québec. Un
enfant de Montréal qui se trouve dans le Nord-Ouest et personne n'est
capable d'expliquer pourquoi, de façon valable. Enfin, c'est
arrivé, des cas comme ceux-là. C'est cela qu'on voulait
éviter.
Un des exemples que vous avez évoqués ne me semble pas
s'appliquer. C'est le cas de la famille qui déménage, dans la
mesure où la première partie de l'article 63 prévoit,
notamment, ces cas. Par ailleurs, le dernier exemple que vous avez
évoqué devrait nous amener à réfléchir
très sérieusement. Partant de là, j'aurais simplement,
à ce stade, deux questions à vous poser, dont une qui concerne
une recommandation que vous faites relativement à l'article 7, où
vous proposez d'ajouter le droit, pour un enfant de plus de 14 ans, de formuler
une demande d'aide. A quoi faites-vous allusion, à quel type d'aide? Ce
serait ma première question. Si vous permettez, je vais vous communiquer
tout de suite la deuxième. Peut-être que vous pourrez
répondre aux deux en même temps. L'autre, c'est peut-être
secondaire. Comme élément, c'est peut-être une question
vraiment mineure, quoique, peut-être, à la lumière de
l'argumentation ou au soutien de votre recommandation, on se rendra compte
qu'il y a quelque chose de plus fondamental qu'on ne l'avait peut-être
cru à première vue. Pourquoi recommandez-vous de rattacher le
comité de la protection de la jeunesse si j'ai bien compris votre
mémoire directement au ministre plutôt qu'au
ministère? Qu'est-ce qui vous amène à faire une
recommandation comme celle-là?
M. Beaulieu: Pour ce qui est de l'article 7, lorsqu'on fait
mention d'enfants qui pourraient placer eux-mêmes une demande d'aide,
adresser une demande d'aide à tout organisme du réseau des
affaires sociales, que ce soit un centre d'accueil, un hôpital, etc.,
nous avons voulu ajouter cet article pour bien démontrer que c'est
possible pour un enfant de s'adresser à des adultes pour placer une
demande d'aide et que ces adultes prennent en charge cette demande et lui
donnent suite. C'était tout simplement ajouter un poste de service de
plus.
M. Lapalme: C'est parce qu'il arrive souvent que des enfants
identifient les services du ministère des Affaires sociales au centre
d'accueil qui n'est pas loin de chez eux où va leur ami. Ils vont voir
l'éducateur ou ils viennent à l'hôpital et voient leur
frère, ou leur soeur, ou leur voisin hospitalisé et ils demandent
aux gens qui sont là comment fait-on pour avoir un service. Et souvent,
la réponse n'est pas assumée, c'est-à-dire qu'on leur dit:
Allez au CSS, mais pour un petit gars de quatorze ans, aller au CSS, ça
ne veut rien dire. A ce moment-là, on voudrait que l'enfant ait la
possibilité de faire sa demande là ou il veut aller.
Un autre exemple, c'est l'enfant qui dit: Moi, je voudrais aller au Mont
Saint-Antoine, ou à Boscoville, ou à Berthelet et son travailleur
social a décidé qu'il n'ira jamais là et il refuse de
faire continuer cette demande. Cela arrive, des cas comme ça. Parfois,
le travailleur social décide que l'enfant je ne vise par la
profession devrait aller à Boscoville et l'enfant, lui, demande
d'aller à Berthelet, mais Berthelet n'entend jamais cette demande. On
voudrait donner la chance à l'enfant de l'exprimer lui-même et
souvent, pour lui, c'est l'édifice même qui est la seule porte
d'entrée. Alors, il va là, et là, on voudrait que la
demande continue une fois qu'elle y est entrée.
M. Marois: Vous avez, par ailleurs, je présume,
sûrement noté les articles du projet de loi qui prévoient
que l'enfant doit être consulté sur des décisions le
concernant, d'une part; deuxièmement, qu'il est un de ceux qui ont un
droit de faire appel à "l'ombudsman", qui est le Comité de
protection de la jeunesse, mais si je comprends bien, même malgré
ça, à votre point de vue, ce n'est pas suffisant.
M. Lapalme: Pour un adolescent qui se fait mettre à la
porte... Moi, j'en ai vu qui se sont fait mettre à la porte de la maison
par leur père à 21 heures du soir. Quand on leur dit: Va au CSS,
ça ne veut rien dire. Si on leur dit: Va à l'accueil des jeunes
ou à Habitat Soleil et ils vont te répondre. Au moins, il est
là pour une nuit et le lendemain, il sait qui aller voir. Ce n'est pas
un organisme, c'est une personne qu'il va aller voir le lendemain. C'est dans
ce sens-là. Parce qu'en centre d'accueil, on a souvent l'habitude de lui
fermer la porte et de dire: Ce n'est pas notre rôle dans la
société. On voudrait que le centre d'accueil aille le reconduire
là où il faut, parce que monter au quatième étage
de la Place Dupuis, ce n'est pas toujours facile pour un adolescent.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des
Affaires...
M. Marois: Je m'excuse. Quant à la deuxième
question que j'avais posée concernant votre recommandation de rattacher
le Comité de protection de la jeunesse au ministre.
M. Beaulieu: Nous avons fait cette recommandation afin que le
Comité de protection de la jeunesse soit le plus près possible du
pouvoir, c'est-à-dire de la source de décision pour éviter
qu'il soit placé à un même niveau, ou qu'il soit mis sur
une tablette, ou qu'il soit oublié, ou que les démarches
administratives soient trop longues avant que des décisions se
prennent.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: M. le Président, je remercie le groupe des
psycho-éducateurs d'avoir préparé cet excellent
mémoire. Je vais enchaîner avec les remarques qui viennent
d'être formulées dans
l'échange que vous venez d'avoir avec mon collègue
concernant la possibilité pour un jeune de demander l'aide
lui-même. Je rejoins ces remarques à un passage de votre
mémoire, à la page 11, où vous dites: Le point le plus
délicat est toutefois ailleurs. Le système
préconisé est si parfaitement intégré qu'à
la limite, il ne permettrait même plus la prestation de services sociaux
aux enfants et aux familles en dehors du contexte de la loi de protection.
Vraiment, il y a une interprétation, de votre part, qui ne
correspond sûrement pas à la nôtre. Il n'est certainement
pas question que les services sociaux soient dispensés seulement
à l'intérieur de cette loi, au contraire. Nous estimons que c'est
la mineure partie des jeunes qui aurait à recevoir des services sociaux
ou autres dans le contexte de cette loi. Je reprends votre exemple du jeune.
Cela n'a rien à faire avec la loi. Quand le jeune se fait
répondre: Va au CSS, c'est vrai que le jeune ne sait même pas ce
que c'est, le CSS et on devrait perdre l'habitude de parler un en tel jargon.
En plus, on devrait avoir plus de points de services qui sont beaucoup plus
accrochés à des endroits où le monde va habituellement.
Mais, ce que vous évoquez, c'est vraiment un problème qui
dépasse de beaucoup le cadre de cette loi. Quant à moi, je veux
vous rassurer qu'il n'est pas du tout question de restreindre la dispensation
des services sociaux aux cas qui relèvent de cette loi.
Vous avez aussi abordé la question d'hébergement. Vous
n'étiez pas ici hier, mais on en a parlé longuement, avec les
centres d'accueil en particulier. Là aussi on a dit que le terme
était peut-être mal choisi. On va peut-être
reconsidérer ce terme, mais dans notre esprit ce n'est pas un verdict
négatif sur la qualité des soins qui peuvent être
donnés dans les centres d'accueil, pas du tout. Ce n'est pas à un
texte de loi à se prononcer sur la qualité des soins qui sont
donnés dans un centre d'accueil. Il y a d'autres dispositions. Il y a la
Loi des services sociaux et des services de santé, il y a aussi les
codes de chaque profession, et ce n'est pas du tout un jugement sur ce qui doit
se passer dans un centre d'accueil. Ce qui doit se passer dans les centres
d'accueil est prévu par d'autres mécanismes.
Vous parlez aussi de la compétence du personnel en exercice. Vous
avez l'air de dire qu'on a négligé cela. Ce n'est pas par
négligence, on croit que cela aussi doit être assuré, par
exemple, dans le cas des établissements qui relèvent des Affaires
sociales, par la direction de l'agrément aussi bien que par la
programmation qui doit aider les établissements à établir
leurs programmes. Cela doit aussi être évalué par les
corporations de chaque profession.
Il a aussi été longuement question des comités
d'admission, hier. Je ne veux pas le répéter, je veux simplement
dire que, dans les cas où il y a urgence et où on a besoin
d'hébergement provisoire c'est pour cela qu'on utilise un terme
au sens large "héberger" plutôt que "placer l'enfant" nous
sommes convaincus qu'il faut conserver ou désigner un individu qui aura
l'auto- rité pour trancher un litige, si l'enfant tombe entre deux
chaises. Dans les cas qui ne sont pas d'urgence, nous sommes prêts
à reconsidérer la possibilité de nuancer et de faire
intervenir le mécanisme habituel des comités d'admission.
Enfin, les unités sécuritaires. Vous semblez regretter
qu'il n'en soit pas question. Un exemple me vient à l'esprit: On
s'attend, dans un hôpital pour soins aigus, en particulier, qui est bien
achalandé, qu'il y ait les services requis pour des soins intensifs. De
la même façon, encore là cela va de soi, que des
établissements qui s'occupent de la jeunesse en difficulté aient
des services comparables aux services de soins intensifs, sur le plan des
maladies physiques, et qu'il y ait des unités sécuritaires. En
passant, il y a suffisamment d'unités sécuritaires, à
notre avis, au Québec, pour les jeunes. Je pense qu'il y a parfois le
problème d'en contrôler l'utilisation. Mais nous ne pensons pas
que ce soit du domaine d'un texte de loi comme celui-ci de définir cette
utilisation, nous pensons que cela revient, encore une fois, aux corporations
professionnelles et aux services d'agrément.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous des commentaires,
monsieur?
M. Pinard: Relativement à l'article 7, je crois qu'il y a
certainement des jeunes, peut-être peu nombreux, qui, ne pouvant se
présenter pour avoir de l'aide, placent eux-mêmes une demande.
L'établissement, n'ayant pas l'obligation de répondre à
cette demande émise par un jeune, le jeune va se retrouver vagabond,
ramassé par la police et, par la suite, sera pris en charge par les
services continus. Je crois qu'il y aurait une ouverture à faire
à ces jeunes, ce qui enlèverait, au niveau des centres d'accueil,
toute une perception de milieu fermé, destiné à une
clientèle bien spéciale.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais, M. le Président, soulever trois
points. Mais, avant de le faire, j'attirerais l'attention de nos invités
sur l'article 38 qui peut, dans une certaine mesure, répondre à
leur inquiétude quant aux services qui doivent être offerts
à la demande d'un enfant. On peut lire l'article 38 comme une invitation
assez pressante à tout adulte, donc à tout professionnel à
l'intérieur d'un centre d'accueil, d'apporter l'aide nécessaire
à un enfant qui désire saisir les autorités de son
problème ou du problème de son entourage immédiat.
Je pense qu'à partir de cela il pourrait être
intéressant de voir si, effectivement, il n'y a pas moyen d'enclencher
un processus. Mais tout cela, c'est une question d'interprétation. Je ne
veux pas insister.
Je voudrais soulever trois points: la question de l'âge limite
inférieur de 14 ans, la question de la prise en charge et la question de
contrôle de la qualité des actes professionnels posés
à l'intérieur des établissements. Sur le premier point,
vous dé-
veloppez un argument qui a été développé
dans des centres différents, dans différents mémoires.
Certains groupes sont d'accord sur un âge limite de 14 ans, d'autres y
voient des difficultés justement pour les raisons que vous avez
soulevées. Vous nous avez dit, de façon un peu vague, et je vous
comprends, que vous étiez prêts à réfléchir
à des solutions possibles. A la question des jeunes de 12 à 14
ans qui se rendent coupables d'actes criminels, et souvent avec multiples
récidives, est-ce qu'une solution possible qu'on pourrait envisager
serait d'ajouter un cas nouveau à l'article 56, je crois, où une
décision est prise conjointement par le directeur de la protection de la
jeunesse et un délégué du ministère de la Justice
à savoir si l'enfant doit être traduit devant le tribunal? On
pourrait, dans les cas de 12 à 14 ans, lorsqu'il semble que le dossier
de l'enfant suggère que c'est approprié, confier à ces
deux personnes le soin de faire varier la limite inférieure, de
déroger à la limite de 14 ans. Est-ce que cela vous
apparaîtrait une solution acceptable?
M. Beaulieu: Oui. Cette solution nous apparaît acceptable,
parce qu'à ce moment-là elle évite de donner une
réponse uniforme à tous les cas, mais elle permet de donner une
réponse à des cas très spécifiques, même si
on l'utilise pour quelques cas par année.
M. Forget: Pour ce qui est de la prise en charge, un point qui a
été développé avec force par les
représentants de l'Association des centres d'accueil, et qui a
été, je pense bien, très bien éclairci par les
réponses qu'a fournies le ministre hier, c'est que la
délégation de pouvoirs que la loi envisage, par le directeur,
peut avoir comme point d'arrivée, si on peut dire, non seulement les
professionnels du Centre des services sociaux, mais également les
centres d'accueil. Ceci veut dire que, lorsque la loi utilise les mots: le
directeur peut ou le directeur doit, dans un très grand nombre de cas,
on peut mentalement substituer, dans les cas où la
délégation se ferait dans ce sens, le centre d'accueil peut ou
doit, etc. Alors, en supposant qu'on se situe dans ce cadre d'une
délégation faite au centre d'accueil, est-ce que, selon vous,
cette délégation pourrait, sans difficulté, être
faite à l'éducateur dans le centre d'accueil, c'est-à-dire
celui qui, d'une certaine manière, est responsable d'une unité de
vie, travaille dans une unité de vie et est en contact quotidien avec
l'enfant? Ou est-ce que vous croyez, peut-être pour des raisons
syndicales ou autres, dans votre groupe en particulier, est-ce que vous verriez
plutôt que cette responsabilité soit institutionnelle au niveau du
directeur des services professionnels du centre d'accueil ou peut-être du
responsable de l'unité de vie, mais pas au niveau de l'éducateur?
Comment voyez-vous s'articuler cette responsabilité de l'intervenant
auprès de l'enfant avec tout ce que cela implique au niveau de la
loi?
M. Lapalme: Vous voulez dire dans la délégation des
pouvoirs du directeur de la protection de la jeunesse, au moment de
l'application d'un plan de traitement? Je pense qu'il faut que ce soit au
niveau d'une direction.
M. Forget: Au niveau de la direction.
M. Lapalme: Oui. Je trouve que c'est très lourd à
porter. En tout cas, au niveau d'un éducateur, il me semble que ce
serait très lourd à porter.
M. Beaulieu: Surtout si l'éducateur n'est pas soumis
à un contrôle de ses actes professionnels. A ce moment-là,
on lui donne de très grandes responsabilités, mais il n'y a aucun
moyen de contrôler les gestes qu'il va poser envers l'enfant.
M. Forget: Ne croyez-vous pas que si vous tenez cette position,
cela affaiblisse grandement l'argumentation d'une délégation au
centre d'accueil et qu'à défaut de trouver un point où
reposer cette responsabilité personnelle à l'intérieur du
centre d'accueil, chez un éducateur, on sera presque
inévitablement, dans les faits, en face d'un phénomène
qu'on voulait peut-être éviter, au départ,
c'est-à-dire que le travailleur social, au centre de services sociaux
demeure le chargé de cas, demeure chargé de la
responsabilité de l'enfant, même s'il le voit seulement trois fois
par année. A défaut de trouver un autre point pour reposer cette
responsabilité, comme éducateurs je comprends que c'est
une responsabilité très lourde ne croyez-vous pas que vous
avez une responsabilité qu'il vous faudrait assumer, quitte à
examiner les modalités de contrôle d'activités
professionnelles, etc? Personnellement, je suis très déçu
quand j'entends les psycho-éducateurs me dire: Ecoutez, on vit avec ces
enfants-là, on est vraiment ceux qui mettent en marche un programme de
rééducation, qui l'actualisent dans les faits. C'est nous qui
avons le plus d'informations au sujet de l'enfant et malgré tout on ne
peut pas envisager d'assumer une responsabilité vis-à-vis de cet
enfant. Cela m'afflige un peu, parce qu'il me semble que vous êtes bien
placés pour prendre la responsabilité.
M. Pinard: Je crois que la réponse qui vient d'être
présentée... D'abord votre question est générale,
elle est au niveau de la loi. Si on répond en termes de
psycho-éducateurs, devant l'acceptation d'une telle
responsabilité et des pouvoirs qui l'accompagnent, je crois qu'on peut
répondre oui. Si on vous donne une réponse concernant tous les
centres d'accueil de la province, je crois que ce serait se leurrer que
d'affirmer que tout le personnel des centres d'accueil, au moment où on
se parle, est habilité à assumer de telles responsabilités
et à avoir de tels pouvoirs.
M. Forget: Ce qui tiendrait à démontrer, si je suis
prêt à admettre votre raisonnement je pense qu'il est
très valable qu'il faudrait peut-être une
accréditation ou un agrément spécial qui s'ajouterait
à l'agrément traditionnel pour s'assurer que si la loi permet une
telle délégation, elle n'est pas donnée à n'importe
qui.
Cela m'amène à mon troisième point, le
contrôle de la qualité. Vous dites dans votre mémoire: On
se réjouit que le projet de loi prévoit que le comité
pourra exercer un contrôle de la qualité. Je pense que c'est, en
effet, opportun qu'il y ait quelqu'un qui puisse le faire, mais dans les faits,
croyez-vous vraiment que le comité qui se veut une structure
légère de concertation des différents types
d'intervenants, enfin vous connaissez sa composition puisqu'elle est
décrite dans la loi, il n'y a que quatorze personnes en tout et pour
tout qui sont membres du comité, les autres sont des fonctionnaires du
comité, croyez-vous que cette structure, dis-je, est la structure
appropriée pour, effectivement, juger de la qualité du travail
fait par les éducateurs à l'intérieur d'un centre
d'accueil et donner ce genre d'agrément? Faites-vous confiance, a
priori, que parmi l'équipe qui fera l'agrément, dans laquelle il
n'y aura pas nécessairement d'éducateurs, cela peut être
fait par d'autres, cela peut être fait par d'autres types de
professionnels, il y a des garanties suffisantes pour que l'agrément
soit accepté? Parce que là, c'est facile d'en parler en
général. Sauf qu'à un moment donné, vous allez
avoir la visite du comité ou de représentants d'un comité
technique d'agrément. A-t-on des garanties suffisantes que le jugement
qu'ils vont porter va être accepté par vous comme groupe
d'éducateurs à l'intérieur des centres d'accueil, que vous
allez dire: Effectivement, on a été jugé, et on a
été jugé avec justice, impartialité et
compétence. Ou alors ne faudrait-il pas autre chose?
M. Beaulieu: Pour répondre à votre argumentation,
M. le député, je voudrais tout d'abord vous souligner que, en ce
qui regarde les psychoéducateurs, ils ont depuis plusieurs années
débordé des centres d'accueil. On les retrouve dans les
différentes sphères d'intervention auprès des
inadaptés. Pour ce qui est du contrôle de la qualité des
actes professionnels, nous ne croyons pas que le comité soit l'organisme
le plus près de cette réalité. Il est quand même
assez loin.
Si on s'inspire de la loi régissant les corporations, c'est le
principe de l'autorégulation qui prévaut. Notre association a
fait depuis plusieurs années des démarches en vue d'en arriver
à être reconnue par le Code des professions et ce n'est pas
uniquement le cas des psycho-éducateurs, c'est le cas des
éducateurs spécialisés, c'est le cas des criminologues,
c'est le cas de différents professionnels des sciences humaines qui ne
sont pas régis par une loi. Leur contrôle professionnel, c'est
leur patron qui l'a. Ce n'est pas une entité professionnelle qui
l'a.
M. Forget: Est-ce que la solution, pour vous, la seule solution
possible, c'est la constitution en corporation professionnelle? Voyez-vous une
autre issue possible à ce problème, parce que vous savez
que...
M. Beaulieu: Actuellement, c'est la formule la plus efficace et
c'est la formule connue.
M. Forget: C'est la formule connue. Mais, étant
donné les doutes qui planent sur l'avenir ou l'efficacité des
mécanismes de contrôle professionnel dans le cas des professions
à titre réservé seulement, et je pense que vos demandes
n'ont pas été jusqu'à demander d'être reconnus comme
profession, à titre exclusif, dans le passé, est-ce que, dans le
fond, le problème ne reste pas entier, de ce
côté-là, même s'il y avait une reconnaissance
professionnelle, à supposer que cela puisse se faire dans des
délais raisonnables? Dans le fond, il y a un certain nombre de
corporations à titre réservé et ce n'est pas absolument
probant comme résultat.
M. Lapalme: Dans votre question, il y a beaucoup de choses. Je
voudrais juste souligner, sans vouloir faire une dispute, que si on se
réjouit de la création du comité comme tel, on s'est
attristé de la disparition du CASEM à qui on donnait, je pense,
un rôle important dans la qualité des services à donner aux
enfants mésadaptés.
On a aussi donné un indice quand on dit: Si on doit restreindre,
dans les centres d'accueil, le droit des enfants de communiquer avec leurs
parents, par exemple, parce qu'à un moment donné, il y a certains
appels où les parents se rendent complices de la commission d'un
délit de l'enfant, on disait: Ce n'est pas quelque chose qu'on peut
donner au comité, parce qu'il est à la fois juge et partie. On
s'est dit que le CRSSS devrait aussi avoir un rôle de contrôle de
la qualité des soins.
Maintenant, on n'a pas structuré de solution adéquate au
problème que vous soulevez, on est bien conscient qu'il demeure. Nous,
on voyait, dans le CASEM, un outil important pour cela.
M. Forget: Oui, je vois.
M. Lazure: En rapport avec cela, M. le Président, si vous
le permettez, puisque vous évoquez les CRSSS, comme vous le savez, les
CRSSS ont été autorisés à mettre sur pied des
commissions administratives pour mésadaptés sociaux. Si ces
commissions administratives pour mésadaptés sociaux, en plus de
s'assurer que les critères d'admission deviennent
complémentaires, complets pour toute une région, veulent aussi
s'assurer des mécanismes d'autodiscipline et d'autoperfectionnement,
bravo, je pense que tout cela sera permis à l'intérieur d'une
commission administrative et cela n'empêchera pas un ministère ou
une corporation de continuer à surveiller.
M. Forget: Cela ne l'empêchera pas, sauf qu'on peut
exprimer des doutes sérieux sur l'acceptation par des corporations
professionnelles, de l'intervention d'un organisme administratif et, dans le
fond, gouvernemental; c'est en effet un domaine qu'elles considèrent
réservé à leur seule initiative; en particulier, la
Corporation des travailleurs sociaux, la Corporation des psychologues vont
s'objecter à ce qu'un organisme administratif du ministère vienne
passer des jugements sur la qualité des actes professionnels de leurs
membres.
Dans le cas d'un groupe comme celui-ci, qui est engagé jusqu'au
cou dans la réadaptation des mésadaptés sociaux et qui n'a
pas de corporation professionnelle, il est un peu assis entre deux chaises et
se trouve dans une situation difficile.
Il semble, de toute façon, que ceux qui vont prendre l'initiative
les premiers, d'après ce qu'on nous a indiqué hier, probablement
peut-être en dehors de la science, c'était l'Association des
centres d'accueil, un autre organisme administratif qui ambitionne de poser ces
jugements.
M. Lazure: M. le Président, il faut tirer cela au clair.
Le CRSSS n'est pas un organisme gouvernemental.
Encore une fois, si la majorité des professionnels qui vont
être les représentants de ces établissements dans les
commissions administratives le désirent, c'est une chose qui est
sûrement possible.
M. Forget: Espérons-le. Je ne sais pas si l'optimisme du
ministre est partagé par nos invités quant à la
possibilité que les commissions administratives fassent ce travail.
M. Lapalme: C'est difficile à prévoir, mais, tout
ce qu'on peut dire, c'est qu'on accepte que le pouvoir que le soignant prend
sur l'enfant soit contrôlé de l'extérieur. Ce principe, on
l'accepte.
Au niveau des modalités, je pense que...
M. Forget: Cela reste encore vague. M. Lapalme: ... c'est
difficile à cerner. M. Forget: D'accord. Je vous remercie.
M. Marois: M. le Président, je pense qu'il faut... C'est
peut-être un peu subtil, parce que la réalité est plus
englobante que cela; mais il y a une distinction quand même de taille
entre le contrôle de la qualité d'un service donné et le
contrôle de tel ou tel professionnel, de telle ou telle agence
spécifique qui distribue des services donnés.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Simplement pour vous faire préciser. Vous
avez parlé tantôt du rôle de l'hébergement dans le
domaine sécuritaire, en fait, des unités sécuritaires, et
vous avez indiqué que le projet de loi manquait de précision
à cet égard. Pourriez-vous, de votre côté,
préciser votre pensée et nous indiquer un peu dans quel sens nous
devrions nous orienter quant aux précisions qui pourraient être
apportées, quant à l'hébergement obligatoire ou
sécuritaire?
M. Beaulieu: Pour ce qui est des hébergements en
unités sécuritaires, elles existent déjà dans le
réseau. Elles ont été mises sur pied il y a quelques
années. Elles fonctionnent. C'est une nouvelle conception qu'on a
développée d'interventions d'urgence devant des cas qui
présentaient des problèmes majeurs et qui pouvaient être un
danger pour la société ou pour eux-mêmes.
Notre inquiétude, c'est qu'il risque d'y avoir une confusion
entre ce qui est une unité sécuritaire et ce qui est en train de
devenir des centres de réadaptation qui ont des caractéristiques
sécuritaires; parce que, dans les unités sécuritaires, le
projet de loi prévoit un maximum de trois mois comme durée de
séjour.
Quand je faisais allusion aux bons vieux trois mois que tous les
délinquants ont connus, c'est qu'auparavant on s'est toujours
refusé de traiter des délinquants dans des milieux
sécuritaires, on leur faisait faire du temps. On les encourageait, on
les alimentait dans leur identité délinquante. Nous, en tant que
professionnels dont nos actions professionnelles ont commencé dans les
centres d'accueil et dans ces milieux, croyons qu'il est possible d'aider des
adolescents avec un appareil sécuritaire, mais un appareil
sécuritaire qui est utilisé pour être un support au
traitement et non uniquement utilisé comme étant une protection
pour la société et une protection contre l'individu.
M. Charbonneau: Est-ce que vous...
M. Beaulieu: Excusez-moi, je vais continuer.
M. Charbonneau: Allez-y.
M. Beaulieu: La définition qu'on donne d'une unité
sécuritaire, c'est une partie d'un centre d'accueil que le
ministère des Affaires sociales désigne comme telle. Je voudrais
profiter de l'occasion pour demander au ministre des Affaires sociales s'il a
l'intention de désigner, par exemple, dans un centre d'accueil, tous les
locaux, toutes les unités de vie comme étant des unités
sécuritaires, parce qu'à ce moment-là cela peut changer
toute l'orientation d'une maison qui déjà... En tout cas, c'est
une interrogation qu'on a et on aimerait être assuré.
M. Charbonneau: Je vais laisser le ministre répondre.
M. Lazure: Je vais réagir à seulement cela. Ce
n'est pas du tout dans mon intention. Je pense que ce n'est pas le rôle
d'un ministre d'aller aussi loin dans les détails de la régie
interne d'un établissement. Je pense qu'au moment de la construction
d'un centre d'accueil pour mésadaptés, il faut prévoir une
certaine souplesse dans l'aménagement. Idéalement, chaque centre
régional pour mésadaptés devrait contenir, et c'est le cas
pour plusieurs centres, j'en ai visité plusieurs... On parle du centre
de Drummondville où il ne manque pas d'espaces sécuritaires. Il y
en a même beaucoup trop, à mon avis. S'il y a eu un excès,
il y a eu un excès dans ce sens. Il y a trop d'espaces
sécuritaires. C'est pour cela que je disais qu'il y avait suffisamment
d'espaces sécuritaires. Quand les gens viennent nous dire: II n'y a pas
de ressources sécuritaires, je ne
comprends pas ce que les gens veulent dire. Les gens voudraient
peut-être un endroit où la possibilité d'évasion
soit annulée complètement. Cela n'existera jamais. Pour revenir
à votre question, ma réponse est non. C'est de la régie
interne.
M. Charbonneau: Est-ce que vous craignez, par ailleurs,
qu'après le délai obligatoire de trois mois, des gens qui ne sont
pas prêts à être traités dans d'autres milieux,
soient placés, finalement, dans d'autres milieux et que cela ait des
conséquences négatives ou dangereuses? Est-ce que c'est dans ce
sens que...
M. Beaulieu: Oui, le danger, c'est le renouvellement de ces trois
mois. C'est cela, le danger. C'est cette lacune qu'on a connue par le
passé. De trois mois en trois mois, un jeune se rend jusqu'à 18
ans, et enfin, lorsqu'il est rendu au pénitencier, là, on
s'occupe de lui.
M. Charbonneau: C'est-à-dire que de trois mois en trois
mois... Parce que c'est une période de trois mois, il n'y a rien de
prévu en termes de traitement. Ce n'est finalement que du temps, c'est
cela?
M. Lapalme: Cela nous apparaît, dans le texte de loi, et
j'aimerais que le ministre Marois nous dise si on se trompe, mais il nous
semble...
M. Charbonneau: C'est l'article 58?
M. Lapalme: Oui... Qu'un enfant, un adolescent de 17 ans qui a
fait un vol avec effraction, passe en cour et est reconnu coupable de son
geste; le juge, au maximum, peut lui donner trois mois de détention.
Alors, si c'est une peine donnée par le juge, je ne pense pas qu'au bout
de trois mois, il puisse le condamner à nouveau à un autre trois
mois. Il m'apparaît que le jugement rendu est définitif. Quand on
donne les décisions que le juge peut rendre, il peut rendre tout ce qui
est contenu à l'article des mesures volontaires. En outre, il peut
donner trois mois en milieu sécuritaire. Cet aspect nous semble un
aspect terminal, parce que c'est le jugement rendu à la suite d'une
reconnaissance de culpabilité, si on comprend bien. Il y a aussi avec
cela le fait que l'enfant peut aller pendant cinq jours en milieu
sécuritaire, avant de passer... Il y a cinq jours de mesures d'urgence.
On s'est beaucoup demandé si ces cinq jours de mesures d'urgence
étaient renouvelables. C'est un peu ce qui arrive avec les 21 jours
actuellement.
M. Charbonneau: Est-ce que...
M. Lazure: M. le Président, je lis l'article 59 et ce
n'est pas terminal, pour utiliser votre expression. Ce n'est pas terminal,
c'est toujours renouvelable. C'est le principe d'une révision du cas
périodiquement. On en a discuté beaucoup hier. On faisait le
parallèle avec les révisions pour la Loi de la protection du
malade mental. C'est renouvela- ble, après révision du cas. Ce
n'est pas terminal du tout.
M. Charbonneau: Non, c'est un fait.
M. Lazure: II n'y a rien qui dit que c'est terminal,
d'ailleurs.
M. Lapalme: C'est parce que c'est une décision... Nous, on
voyait cela un peu comme un procès d'adulte. Quand il y avait une
reconnaissance de culpabilité, il y a le jugement rendu. Là,
c'était...
M. Beaulieu: Parce que si c'est vu comme un arrêt dans le
traitement ou dans l'intervention en vue d'évaluer si on peut la
continuer ou si on doit la changer, à ce moment, nous sommes d'accord
avec cette interprétation.
M. Lazure: C'est cela.
M. Charbonneau: Une précision: Est-ce que vous pouvez me
dire si, dans les unités sécuritaires que vous connaissez,
actuellement, la plupart sont munies de plans de traitements ou de programmes?
Est-ce qu'il y a encore de ces institutions où on fait du temps? Moi,
j'ai travaillé...
M. Beaulieu: Oui. Il y a encore beaucoup d'unités
sécuritaires où on fait du temps. On fait du 21 jours en 21 jours
en se promenant à travers la province.
M. Charbonneau: II n'y a aucun...
M. Beaulieu: Cela existe encore, malheureusement.
M. Charbonneau: Plusieurs de ces... Parce que moi, j'ai
travaillé à Saint-Vallier. Je sais que c'est fermé. Mais
est-ce qu'il y a d'autres Saint-Vallier à Québec?
M. Beaulieu: Ecoutez! Il y a des petits Saint... Je ne voudrais
pas appeler ça des petits Saint-Vallier, parce qu'on reconnaît,
nous, en tant que psycho-éducateurs, l'utilité des unités
sécuritaires qui sont réparties. C'est utile.
M. Charbonneau: Moi aussi, d'ailleurs.
M. Beaulieu: Mais c'est utile pour certains cas, pour
éviter qu'un jeune se soustraie à la justice, pour éviter
qu'un jeune mette sa vie en danger ou la vie d'autrui en danger. Nous sommes
d'accord pour ça. Mais, ce que l'ont veut, c'est que ces jeunes, qui ont
besoin d'un encadrement sévère, un encadrement assez important,
puissent être aidés autrement que par de la détention.
Nous, on prétend que c'est possible de le faire. Il faut le faire, parce
qu'on n'aura pas le choix tout à l'heure, parce que nos jeunes vont
être déférés. C'est malheureux. Il y a des jeunes
qu'on ne peut pas aider parce qu'on n'a pas l'équipement. On a peur de
payer une clôture. Cela paraît mal, socia-
lement, de mettre des enfants derrière une clôture, mais on
s'est toujours demandé si ça paraissait mieux...
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse, monsieur. C'est
le vote, actuellement, à l'Assemblée nationale. Lorsque nous
reviendrons, il sera 18 heures. Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que, d'un commun
accord, on revient finir avec ce groupe? Il resterait environ cinq minutes
de...
M. Marois: On pourrait peut-être prendre... M. Lazure:
... quatre ou cinq minutes encore.
M. Charbonneau: ... avant que les députés
soient...
Le Président (M. Laplante): On peut prendre quatre ou cinq
minutes encore êtes-vous d'accord? avant d'aller voter pour
terminer. Il y a Mme Lavoie-Roux... Excusez.
M. Charbonneau: Je veux simplement terminer, M. le
Président, très rapidement, pour souligner, à la suite de
ces remarques, au ministre des Affaires sociales et au ministre d'Etat au
développement social que j'espère qu'à la suite de cette
loi, on aura les moyens de faire en sorte que, dans des unités de
sécurité, on fasse autre chose que de la détention ou de
faire du temps. Moi, j'ai connu ce que c'était. Je suis bien d'accord
avec vous pour dire que c'est essentiel d'en avoir dans une
société, mais qu'à l'inverse, ça ne règle
pas les problèmes. Ce sont des écoles de crime, finalement. Quand
tu sors de là, tu es encore pire. Tu es encore plus en maudit, encore
plus révolté.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député.
Mme le député de L'Acadie.
M. Marois: M. le Président, si vous permettez. C'est parce
que la question a été posée et il est 18 heures, pas loin,
pour tout le monde. Quant à la question des trois mois, je vous invite
à lire bien attentivement les articles 58, 59 à la lumière
des articles 87, 88. Lorsque les trois mois sont terminés, pour qu'il
puisse y avoir quelques nouveaux trois mois que ce soit, il faudrait qu'il y
ait une nouvelle décision du tribunal; autrement, non, c'est un autre
type d'hébergement qui suivrait. Je m'excuse, mais...
Le Président (M. Laplante): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais être très brève.
C'est simplement une question et un commentaire sur l'introduction.
Dans l'introduction, lorsque vous parlez des limites de la loi, la
première, elle est évidente pour tout le monde; la
deuxième, les écueils d'un système si bien
intégré qu'il risque de happer indûment ceux qui auraient
pu bénéficier de services dans un cadre moins
réglementé. J'aimerais que vous... Pour ma part, c'est aussi une
inquiétude que j'ai. Par exemple, quand je regarde les catégories
qui sont dans l'article 35 ou 36, par exemple, en relation avec les enfants qui
s'absentent de l'école, quelle interprétation sera donnée
à ça et, ensuite, je me demandais si vous pouviez
développer les raisons qui vous ont motivés à signaler cet
écueil du système?
M. Lapalme: Si, moi, j'ai de la difficulté avec mon
enfant, on peut dire que je suis quand même apte à pouvoir
l'aider. Je m'en vais au CSS, on me dit: En effet, vous avez des
problèmes, mais votre enfant n'est pas en danger. Il n'a pas besoin
d'une protection, parce que vous avez même fait la démarche, cela
prouve que vous êtes aux aguets. L'enfant peut avoir des problèmes
de croissance qui ne mettent pas son développement en danger. A cause de
la façon dont les CSS sont structurés actuellement, à
cause de cette loi qui s'en vient, il n'y a pas moyen d'avoir accès aux
services de l'enfance sans passer par le service de la protection. Je pense que
ce n'est pas une faute de la loi, mais on dit que, si c'était explicite
dans la loi, cela aiderait probablement.
L'autre cas, c'est l'enfant qui faisait un vol à
l'étalage. Quand il y a un vol à l'étalage, il faut
absolument que cela aille à la protection, tout d'abord. Il risque d'y
avoir une escalade de services alors qu'antérieurement, à la
suite des vols à l'étalage... Dans bien des cas, une seule
remontrance du juge et l'enfant ne recommençait jamais, tandis que
là il peut y avoir une trop grande...
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec vous et, comme je vous le
disais, je partage cette même inquiétude. Je sais qu'il s'agit
d'un projet de loi qui avait déjà été mis sur la
table par l'ancien gouvernement et qui est repris, avec certaines
modifications, par le gouvernement actuel. Etant un peu plus de
l'extérieur, c'est quand même une préoccupation qui demeure
importante. A un moment donné, il ne faut pas qu'on se retrouve avec un
tas d'enfants qui vont devoir recourir à la Loi sur la protection de la
jeunesse. Avez-vous des suggestions à faire pour contourner cette
difficulté qui, je pense, est réelle?
M. Lapalme: II faudrait que, quand l'enfant entre à
travers le réseau de la protection de la jeunesse. Le directeur a le
choix entre fermer le dossier ou prendre en charge. Concernant la prise en
charge, on veut souligner le fait que cela peut être fait par son oncle
ou par sa tante, même s'ils sont en dehors du territoire du directeur. Il
y a plusieurs mesures pratiques qui viennent là pour avoir recours
à des services. Si on me dit: Votre enfant aurait besoin d'un
psychologue mais que je n'ai pas d'argent... Qu'est-ce que le CSS fait s'il me
dit: "Votre enfant n'a pas de protection"? Je pense que c'est le contrôle
du CSS qui va éviter une escalade au niveau de la protection.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous croyez qu'il puisse y avoir, par
exemple, du côté des en-
seignants, un recours trop facile à cette loi pour des enfants,
par exemple, qui fréquentent l'école ou qui s'absentent de
l'école; une absence peut-être mesurée en termes bien
relatifs compte tenu d'autres conditions familiales.
M. Lapalme: La question que vous posez demande un
développement de plus de cinq minutes, je trouve.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de votre
mémoire. Nous ajournons sine die; demain matin, on ne siège pas,
on ne siège que demain après-midi.
Les organismes qui vont être entendus demain, par ordre: Le Gentre
d'accueil Berthelet Inc., soit le premier organisme; Lucie Joyal, Louise
Mi-ron, Réjeanne Rancourt, Fernand Tremblay. Je m'excuse, le
numéro des mémoires: No 6 pour le centre Berthelet, no 20 pour
Lucie Joyal, no 17 pour le Centre de services sociaux Ville-Marie, no 4, la
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, no 12,
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Alors, 6, 20, 17, 4, 12. C'est cela?
Le Président (M. Laplante): D'accord. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 56)