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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mardi 25 octobre 1977 - Vol. 19 N° 214

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi 24 - Loi sur la protection de la jeunesse


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi 24 Loi sur la protection de la jeunesse

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Laplante): Madame et messieurs, ouverture de la commission mixte des affaires sociales et de la justice pour entendre les mémoires sur le projet de loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse. C'est un ordre de l'Assemblée nationale.

Membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron (Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M. La-berge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt (Jonquière).

J'aimerais avoir un proposeur pour nommer un rapporteur.

Une Voix: Je suggère le député de Papineau.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Papineau, M. Alfred.

Maintenant, je vais donner la liste des organismes qui seront possiblement entendus aujourd'hui. Organismes convoqués: Association des centres de services sociaux du Québec. Les représentants sont-ils dans la salle? Association des centres d'accueil du Québec. Association des hôpitaux de la province de Québec. Fédération des CLSC du Québec.

J'appelle le premier organisme: Association des centres de services sociaux du Québec.

Pour les fins du journal des Débats, voudriez-vous, monsieur, vous identifier et identifier les membres qui vous accompagnent?

M. Sabourin (Gilles): M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Approchez vos micros, s'il vous plaît.

M. Sabourin: Je voudrais vous présenter les membres de l'Association des centres de services sociaux. A mon extrême droite, Me Paule Gau-mond, du Centre des services sociaux de Québec, région 03; à ma droite Me Oscar D'Amours, responsable du contentieux au Centre des services sociaux du Montréal métropolitain, région 6A; à ma gauche, Mme Pauline Marois, responsable d'Enfance-Jeunesse au Centre des services sociaux du Montréal métropolitain, région 6A, et à mon extrême gauche, M. Jean-Guy Myre, directeur des programmes Enfance-Famille, au CSS de Laurentides Lanaudière, région 6C.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, monsieur, je vais...

M. Sabourin: J'aimerais m'identifier aussi, si vous le permettez.

Le Président (M. Laplante): Excusez-moi.

M. Sabourin: Gilles Sabourin, vice-président et directeur général de l'Association des centres de services sociaux du Québec.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Sabourin. M. le ministre Marois.

Exposés préliminaires — Le ministre

d'Etat au développement social,

M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président, très brièvement quelques remarques préliminaires, si vous le permettez. Je sais fort bien que tous les groupes qui ont demandé à être entendus sur le projet de loi 24 ont hâte de présenter leur point de vue. D'ailleurs, si nous sommes ici ce matin, c'est précisément d'abord pour les entendre. Je voudrais être le plus bref possible, d'autant plus que je sais que mes collègues, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires sociales, voudraient aussi faire part de quelques commentaires au point de départ.

Je voudrais seulement rappeler d'abord l'urgence — là-dessus, je pense que tout le monde est d'accord — de faire adopter au plus tôt une nouvelle loi de protection de la jeunesse pour remplacer la loi actuelle, qui est forcément désuète — elle date de 1950 — et qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui.

Je voudrais aussi souligner l'importance de ce projet de loi. Au fond, il cherche simplement à aider les enfants et les adolescents qui sont encore — peut-être encore trop — parmi les groupes laissés pour compte de notre société, qu'il s'agisse des enfants abandonnés ou maltraités, de ceux qu'on doit placer en institution ou dans d'autres familles ou de ceux qui ont enfreint les lois et qui doivent faire face à la justice. Il n'est pas besoin d'insister longuement sur la nécessité, pour une société qui se veut civilisée, de trouver le moyen d'aider, de façon à la fois humaine et efficace, ces jeunes qui sont en danger ou en difficulté.

Pour bien faire comprendre la portée que ce projet de loi pourrait avoir, je voudrais juste rappeler quelques conclusions d'une étude très récente faite par le criminologue Marc Leblanc et que le ministère des Affaires sociales a rendue publique en avril dernier.

Chaque année, on sait qu'il y a environ 25 000 jeunes qui sont arrêtés par les différents corps policiers pour avoir commis un délit quelconque. Là-dessus, 8,000, à peu près, d'après les chiffres qu'on m'a fournis, font l'objet d'une condamnation de la Cour du bien-être social.

Mais ça, c'est uniquement la "criminalité officielle", c'est-à-dire celle qui résulte du fait que le jeune se soit fait prendre. Il y a, à côté de ça, toute une "criminalité cachée" dont on soupçonne peut-être mal l'ampleur.

Marc Leblanc cite, à ce propos, les résultats de pas moins de sept études qui ont été faites au Québec au cours des dernières années et qui démontrent que 90% des adolescents commettraient au moins un acte illégal punissable par la loi au cours de leur adolescence. Là, ça comprend vraiment tout, soit, y compris, les infractions au Code de la route, aux règlements municipaux, alors on voit jusqu'où ça peut aller. Ce n'est peut-être pas mauvais pour chacun d'entre nous, les membres de la commission parlementaire, de nous rappeler notre propre jeunesse, dans ce sens.

Même si ceux qui commettent plus d'un délit sont relativement peu nombreux, donc potentiellement, théoriquement en tout cas, neuf adolescents sur dix pourraient, théoriquement, avoir à répondre de leurs actes devant une instance quelconque. Ces chiffres, cependant, ne doivent pas nous alarmer de façon excessive. C'est peut-être là la dimension importante dans la mesure où une certaine "délinquance" ou certains comportements, certaines attitudes deviennent, comme le fait remarquer M. Leblanc, une façon d'apprendre les normes de conduite qui doivent exister dans toute société et, au fond, de les intérioriser.

Il y a une chose que ces chiffres illustrent avec beaucoup de clarté, c'est la nécessité d'adopter une approche plus humaine des problèmes de délinquance chez les jeunes. L'esprit de cette loi vise justement à permettre, autant que faire se peut, de sortir les jeunes du monde potentiel de la criminalité, au moment où ils pourraient être en train de s'y introduire en favorisant leur intégration dans la société plutôt qu'en les bannissant. Le même phénomène existe un peu d'ailleurs dans le cas des enfants maltraités, puisqu'on s'entend généralement pour dire qu'il existe au moins deux fois plus d'enfants maltraités que le nombre de cas déclarés.

Là encore, la loi cherche à donner à chaque enfant la possibilité, autant que faire se peut, de vivre le plus pleinement possible cette période fondamentale de la vie qu'est l'enfance. Ces deux exemples au niveau des jeunes délinquants et des enfants maltraités illustrent, je crois, la nécessité que nous avons essayé de concrétiser, c'est-à-dire cette nécessité de mettre en oeuvre une approche plus humaine, plus proche des besoins des jeunes et qui limite l'intervention du judiciaire pour les cas où elle est nettement indispensable, et même dans ces cas où elle est indispensable, en essayant de faire en sorte que cette intervention soit aussi la plus humaine possible.

Ce caractère de déjudiciarisation du proces- sus, tout en reconnaissant — c'est là une clé du projet, je crois — cependant certains droits fondamentaux de l'enfant, me semble un peu un des éléments clés du projet de loi 24 que j'ai eu l'honneur de déposer en Chambre.

Pour actualiser le droit des enfants, on a essayé, dans toute la mesure du possible, d'amener les organismes sociaux et judiciaires qui existaient déjà, à mieux coordonner leur rôle respectif, et à devenir plus efficaces. En ce sens, je tiens à rendre témoignage à mes collègues de la Justice et des Affaires sociales qui ont essayé, le plus honnêtement possible, de saisir cette occasion pour placer le plus haut possible le débat et leurs interventions respectives, pour vraiment mettre au-delà des juridictions, parfois beaucoup trop fermées de chacun des ministères, cette nécessité de tout faire pour fournir aux jeunes tous les instruments et les moyens requis pour assurer leur plus plein épanouissement.

Je dois dire à ce propos que nous nous sommes largement inspirés pour ce qui est du rôle du futur comité de protection de la jeunesse, de l'expérience de l'actuel comité, qui ne s'occupe encore que des enfants maltraités, mais qui a déjà fait, à notre avis, la preuve de l'efficacité d'une structure qui reste souple et légère et dont une bonne partie du travail était justement d'amener les organismes existants à mieux jouer leur rôle. A ce niveau, je pense que le nouveau comité de protection de la jeunesse, tel qu'il existera éventuellement en vertu du projet de loi 24, pourrait jouer un véritable rôle d'ombudsman des droits de l'enfant, partout où cela pourrait être utile.

Je dois dire en terminant que je suis plutôt heureux du fait que la plupart des groupes qui ont voulu se faire entendre sont, dans l'ensemble, quant à l'esprit de la loi, quant à ses grandes lignes, d'accord avec le projet de loi. C'est le signe que nous n'avons pas travaillé inutilement au cours des derniers mois, pour compléter — parce qu'il faut être honnête sur ce plan — ce qui avait déjà été amorcé par d'autres qui nous ont précédés.

Le projet de loi dont nous discuterons au cours des prochains jours reste sûrement perfectible. Je pense que nous pourrons encore l'améliorer à la lumière des recommandations qui seront faites.

En terminant, je voudrais souhaiter la bienvenue et remercier, en même temps, tous les groupes et les citoyens qui se sont donné vraiment la peine de scruter le projet de loi, de l'examiner, de préparer des mémoires, de venir ici, devant la commission, pour témoigner, se faire entendre, afin de nous faire part de leurs commentaires et de leurs remarques, de sorte que, ensemble, on puisse essayer de faire le travail le plus constructif possible.

Voilà, M. le Président, les quelques brèves remarques que je voulais faire en guise d'introduction. Je sais que nous aurons l'occasion, dans une étape ultérieure, de débattre ce sujet beaucoup plus longuement. Pour l'instant, je voulais m'en tenir à ces quelques remarques. Je vais mainte-

nant laisser la parole à mes collègues de la Justice et des Affaires sociales.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice, M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Avant que la commission n'entreprenne cette consultation, j'aimerais, très succinctement, vous faire part des grands principes qui ont guidé l'action du ministère de la Justice tout au long de l'élaboration de ce projet de loi sur la protection de la jeunesse, travail qui a été fait solidairement avec le ministre des Affaires sociales, mon collègue des Affaires sociales, et également le ministre d'Etat, M. Marois. Ce projet de loi qui s'inscrit dans l'effort de revalorisation du processus judiciaire traduit notre conviction, au niveau du ministère de la Justice, qu'il est non seulement possible, mais souhaitable d'humaniser et de socialiser l'actuelle Cour de bien-être social. Bien que je sois convaincu qu'il faille limiter grandement le nombre d'interventions judiciaires quand il s'agit des jeunes, il m'apparaît, M. le Président, tout aussi important de s'assurer que leurs droits soient respectés non seulement lors de l'intervention judiciaire, mais également tout au long de l'intervention sociale.

L'effort de déjudiciarisation que tous ont reconnu, je crois, doit, sans ce projet de loi, à mon avis, impliquer l'appareil judiciaire de façon que l'éternelle opposition entre l'intervention sociale et l'intervention judiciaire se transforme en un équilibre productif et surtout bénéfique pour les jeunes. Même si on ne transforme pas rapidement des mentalités — je ne me fais pas d'illusion là-dessus — par des textes de loi, je suis convaincu qu'à la longue et par la pratique quotidienne, on peut parvenir à des réajustements majeurs de ces mentalités.

Lorsque l'intervention judiciaire est nécessaire, nous avons essayé d'assurer un plus grand respect du droit des enfants. C'est dans cette perspective qu'ont été élaborées, entre autres, les dispositions concernant la présence des avocats et les auditions publiques. Sur ce point, je crois qu'il y aura lieu de faire des réajustements ou de continuer une réflexion positive puisque des arguments très importants et très valables ont été soulevés dans la plupart des mémoires qui ont été acheminés à la commission.

Egalement, nous avons élaboré ces dispositions en tenant compte, par exemple, de la publication des faits et de l'appel des décisions du tribunal.

Toutes ces dispositions ont été prises en vue d'un plus grand respect du droit des enfants. Il fallait, et je termine là-dessus, aussi prendre garde qu'en privilégiant l'intervention sociale on ne donne lieu aux abus reprochés aujourd'hui à l'intervention judiciaire. Afin de s'assurer que les enfants recevront les services adéquats et que leurs droits seront respectés tout au long de l'intervention sociale, nous avons élargi le rôle de l'actuel comité de protection de la jeunesse en lui confiant, tel que l'a explicité tout à l'heure le ministre d'Etat au développement social, un rôle d'ombudsman des droits des jeunes. Nous avons également voulu profiter de l'expérience acquise par le comité, qui a amplement fait preuve de l'efficacité d'une structure souple et légère où la lourdeur bureaucratique est réduite au minimum. En terminant, M. le Président, je peux vous assurer que nous sommes prêts à examiner toutes les suggestions qui seront faites au cours de l'audition des mémoires, et ce, d'une façon solidaire avec le ministre d'Etat au développement social et mon collègue, le ministre des Affaires sociales.

Le Président (M. Laplante): Avant de donner la parole au ministre des Affaires sociales, j'aimerais faire une correction au profit du journal des Débats. M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Le Moignan (Gaspé). M. le ministre des Affaires sociales.

Le ministre des Affaires sociales M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, pour moi, c'est un jour assez important. Depuis une vingtaine d'années, j'ai eu l'occasion, d'abord dans mon rôle de praticien auprès des jeunes, de constater les déficiences de la loi actuelle, et, depuis un bon nombre d'années, plusieurs, y compris mon prédécesseur aux Affaires sociales, ont travaillé d'arrache-pied pour corriger plusieurs lacunes importantes de la loi actuelle.

Le souci principal du ministère des Affaires sociales a été, autant par efficacité que par économie, de ne pas multiplier les structures, d'utiliser au maximum les services existants dans le réseau des Affaires sociales, d'où la substitution des comités locaux d'orientation par les directeurs de protection de la jeunesse, rattachées aux centres de services sociaux.

Le deuxième souci a été de réduire le nombre des comparutions, d'une part, et aussi — ceci est fait en partie par la clause qui exempte de comparution tous les enfants de moins de 14 ans — d'autre part, de réduire les stages en institution. Au Québec, nous avons un taux disproportionné d'enfants en institutions de toutes sortes, y compris institutions, centres d'accueil pour mésadaptés sociaux.

Je suis conscient, comme responsable des Affaires sociales, que cette loi, si elle est acceptée à peu près comme telle, imposera un fardeau très lourd sur les épaules des centres de services sociaux, très lourd sur le personnel des services sociaux dans l'ensemble du Québec et très lourd aussi sur le personnel des centres d'accueil. Je me réjouis à l'avance de leur collaboration. Cette structure, plus légère que le centre local d'orientation, nous voulons aussi qu'elle utilise à son tour d'autres structures encore plus légères, et je fais allusion ici aux CLSC, aux centres locaux de services communautaires, et je fais allusion aux organismes bénévoles qui se dévouent auprès des

jeunes délinquants, des jeunes mésadaptés. Ce n'est pas parce que le texte de la loi prévoit que la responsabilité principale incombera au directeur de la protection de la jeunesse d'un CSS, que les autres organismes du réseau, qui sont encore plus rapprochés des localités, que les Centres locaux de services communautaires et les organismes bénévoles doivent s'en désintéresser, loin de là.

Je pense que dans l'esprit de personne il ne s'agit d'un monopole, et nous souhaitons que le bénévolat et les CLSC puissent se joindre à l'action des centres de services sociaux.

Enfin, je retrouve plusieurs collègues, plusieurs ex-collègues des différents secteurs, CSS, centres d'accueil, CLSC et AHPQ ici, ce matin, et, comme mes deux autres collègues, je puis assurer les représentants des groupes qui sont ici aujourd'hui, comme ceux qui viendront plus tard, que nous sommes ouverts à toute modification qui pourra bonifier ce projet de loi.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

Remarques de l'Opposition M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président.

Pour la troisième fois en cinq ans, une commission parlementaire est convoquée pour étudier une législation, un projet de loi relatif à la protection de la jeunesse.

La première réaction qu'un tel événement suscite, c'est d'abord d'exprimer un peu d'émerveillement et même de gratitude devant l'empressement et la diligence avec lesquels les nombreux groupes qui ont préparé les mémoires ont accepté, encore une fois, de remettre sur le métier leur propre conception de la protection de la jeunesse et d'en faire part à l'Assemblée nationale. Il y a sans aucun doute parmi ceux qui sont présents aujourd'hui dans cette salle, c'est certainement vrai pour votre humble serviteur, un certain air de déjà vu dans ces projets, mais je crois que tous nous pouvons convenir qu'il y a eu un progrès remarquable, une évolution remarquable entre le premier projet de 1972, l'avant-projet de 1975 et le texte qui est actuellement devant nous. Le progrès n'a cependant pas été fait seulement au niveau des textes. Ce en quoi il est le plus remarquable, c'est qu'il a également été fait au niveau des esprits. Parce que tout ce cheminement qui n'est pas seulement un cheminement législatif qui a rendu possible la formulation d'un texte comme celui que nous avons devant nous, montre combien c'était nécessaire de prendre ce temps et, en prenant autant de temps, de faire l'économie d'un certain nombre de modifications qui auraient été rapidement décevantes ou jugées décevantes et qui n'auraient pas subi très favorablement l'épreuve de même quelques années d'expérience.

Donc, tout n'est pas perdu. Je souscris sans peine aux propos du ministre au développement social quant à l'urgence de l'adoption d'un projet de loi nouveau. Il demeure que nous pouvons tous nous féliciter, je crois — en lisant les mémoires comme le projet de loi, on en a de nombreux témoignages — des progrès qui ont été réalisés dans l'élaboration de solutions. Je ne pense pas qu'il y ait eu de revirement spectaculaire chez qui que ce soit, mais il y a eu un très grand effort pour rendre explicite ce qu'on était relativement satisfait au départ de laisser implicite. Cela, en soi, est un progrès puisqu'on s'est rendu compte, par toutes ces discussions, jusqu'à quel point ce qui était implicite prêtait parfois à controverse ou à débat. Dans le texte, tel qu'il apparaît aujourd'hui — je dois le dire puisque le ministre d'Etat a ouvert la porte à cette question — il y a bien sûr un grand nombre de choses qui, encore une fois, apparaissent comme du déjà vu. Effectivement un grand nombre d'articles sont essentiellement les conclusions auxquelles moi-même et le groupe que je représente de ce côté-ci de l'Assemblée en étions venus à adopter, comme conclusions finales, mais il y a — c'est ce qu'il y a de plus remarquable — un certain nombre de changements qui portent sur des aspects essentiels de cette loi, des aspects qui sont d'ailleurs mis en lumière par le fait qu'exceptionnellement il s'agit d'une réunion conjointe de la commission de la justice et des affaires sociales. En effet, c'est sur ce point en particulier que les travaux de cette commission devraient nous aider à voir le pour et le contre des solutions envisagées — je crois qu'il est aussi honnête de le préciser — où il y a eu, au cours des derniers mois, un changement par rapport à ce qui était envisagé.

Je pense en particulier au comité d'orientation auquel on a fait allusion tout à l'heure, qui ne figure plus dans le projet de loi, et aux transformations de la cour et à certaines règles de procédure de la cour quant au caractère public ou privé des auditions, etc. Mais, essentiellement, il s'agit, pour cette commission, de s'éclairer ou d'être éclairée par ceux qui se présentent devant elle quant à la meilleure façon de concilier les considérations judiciaires, les considérations de justice, les considérations de rééducation, de réhabilitation et les considérations sociales qui doivent se retrouver présentes dans un projet de loi sur la protection de la jeunesse.

Je n'ai d'autre but que de soulever cet aspect capital, à mon point de vue, du projet de loi et l'importance que j'y attacherai personnellement au cours des travaux de cette commission, puisque, encore une fois, c'est là qu'il y a eu le plus de débats, le plus de changements et le plus de possibilités de voir les choses d'une façon ou d'une autre. Quant au reste, M. le Président, je n'ai pas l'intention de répéter, sauf peut-être pour les rappeler très brièvement, les préoccupations que je crois devoir retrouver dans une législation sur la protection de la jeunesse. Nous avons souligné, dans le passé, le besoin de faire en sorte que l'arbitraire administratif, dans ce domaine, soit réduit à sa plus simple expression, ou même éliminé complètement. Nous avons également, dans le passé, souligné l'importance d'augmenter la force du lien qui doit exister entre celui qui intervient au nom

de la société auprès d'un enfant en difficulté et cet enfant lui-même; de personnaliser ce rapport et de tout faire, dans la loi et dans la façon dont la loi est appliquée, pour que ce lien ne soit pas un lien entre un enfant et une institution anonyme, mais un lien chargé de tout le contenu humain beaucoup plus divers, beaucoup plus riche qui doit s'établir entre un enfant et un adulte qui, au nom de la société, en prend charge.

Il est bien sûr aussi important — et je crois que, là-dessus, un certain nombre de progrès ont été faits dans la formulation des droits des enfants — il est important de traiter l'enfant, en particulier devant les tribunaux, comme un sujet ayant des droits au moins égaux à ceux des adultes dans des circonstances analogues. On sait très bien que ce n'est pas le cas dans le moment, non pas par la mauvaise volonté de qui que ce soit, mais par la façon dont les relations et les fonctions sont définies. Enfin, M. le Président, je crois que ce qui doit dominer avant tout nos perspectives dans une telle tâche, c'est de faire en sorte qu'étant donné qu'il s'agit d'enfants, étant donné que, plus que dans le cas des adultes, il est permis d'espérer dans le cas des enfants que les difficultés qu'ils traversent ne sont que temporaires, il est absolument capital que la rééducation et la réadaptation de l'enfant prennent le pas dans tous les cas sur la punition ou la rétribution en fonction des stricts préceptes juridiques ou judiciaires.

Alors, M. le Président, je crois qu'il n'y a pas autre chose à dire, pour le moment.

Je n'ai certainement pas autre chose à faire qu'écouter très attentivement ceux qui vont nous adresser la parole, en espérant que nous pourrons terminer cette commission parlementaire dans l'harmonie la plus parfaite. Je crois qu'il y a de bonnes chances qu'il en soit ainsi, étant donné, en particulier, comme je l'indiquais au début, l'immense cheminement qui a été fait. Ce cheminement a amené tout le monde — du moins, c'est ma perception — à peu près aux mêmes conclusions, sauf sur certains points de détail, en tenant compte des points de vue qui sont peut-être irréconciliables concernant une certaine approche judiciaire ou une certaine approche sociale. De toute façon, c'est ce que nous allons constater au cours de ces séances.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député. M. le député de Pointe-Claire.

M. William Frederic Shaw

M. Shaw: Merci, M. le Président. Je vais être très bref, je n'ai que quelques remarques à faire sur le projet de loi que je considère comme un des plus importants que nous allons étudier durant cette session. Le but de cette commission parlementaire est d'étudier le projet de loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse, en essayant d'améliorer le système de la justice pour les jeunes du Québec. On peut constater qu'au Québec le système actuel est un des pires dans le monde occidental.

Ce projet de loi essaie de valoriser les besoins de nos enfants et l'intervention de l'Etat pour leur protection ou leur bien-être. L'esprit de la loi prévoit une meilleure définition des droits des enfants et suggère un système d'intervention par un comité de protection de la jeunesse, par l'intermédiaire d'un directeur de la protection de la jeunesse, qui veut réduire le nombre de cas devant être réglés à la cour de la jeunesse.

En respectant le fait que les pouvoirs de ce directeur de la protection de la jeunesse doivent être étudiés sérieusement pour le rendre plus responsable, l'application de cette loi implique que les outils soient à la disposition des centres d'accueil ou des autres facilités ou même que le réseau d'expertise soit disponible pour mettre en action l'esprit de cette loi.

On sait que la situation actuelle démontre la crise dans le domaine de la protection de la jeunesse. J'espère que l'étude de ce projet de loi va éclairer les faits et que le résultat ne sera pas qu'une amélioration législative, mais aussi administrative, pour la jeunesse désavantagée du Québec.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député de Pointe-Claire. M. Sabourin, vous avez environ vingt minutes pour donner un résumé de votre mémoire. Les membres de la commission poseront des questions après votre résumé. Je demanderais aussi la coopération des membres de la commission pour que les questions soient précises et courtes, afin qu'il y ait le plus de membres possibles qui puissent poser des questions sur le mémoire.

M. Sabourin.

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Sabourin: Comme l'a dit M. Forget, c'est la troisième fois en cinq ans que l'Association des centres de services sociaux du Québec comparaît devant cette commission pour commenter des projets de loi sur la protection de la jeunesse.

Nous avons déjà eu l'occasion d'indiquer nos points de vue sur un système québécois de protection de la jeunesse. Le présent projet de loi nous semble satisfaisant à bien des égards. C'est pourquoi notre intervention aujourd'hui, compte tenu de nos interventions antérieures, se veut brève mais concrète.

Dans un premier temps, nous voulons indiquer notre accord fondamental avec les deux grandes orientations de base du présent projet de loi.

Dans un deuxième temps, M. le Président, nous aimerions attirer votre attention sur certaines difficultés prévisibles d'opérationnalisation de la loi, en particulier au niveau du concept de prise en charge de l'enfant en difficulté par le directeur de la protection de la jeunesse et de ses relations avec les autres établissements du réseau.

Enfin, nous vous soumettrons des propositions d'ordre juridique concernant la compétence du Tribunal de la jeunesse et la tutelle légale pouvant être assumée par le directeur de la protection de la jeunesse.

M. le Président, nous sommes d'accord avec les deux grandes orientations de base du présent projet de loi, à savoir la volonté explicite de respecter les droits de l'enfant, la reconnaissance de l'antériorité d'une intervention sociale sur l'intervention judiciaire.

La volonté explicite de respecter les droits de l'enfant.

L'Association des centres de services sociaux du Québec est très conscients que le chapitre II du présent projet de loi ne constitue pas une véritable charte des droits de l'enfant comme nous l'avons toujours revendiqué. Cependant, le législateur s'appuiera désormais sur une affirmation des droits de l'enfant. Il identifie, comme point de référence central, le droit à la santé, le droit à la sécurité et le droit au développement dans un milieu familial normal ou s'y rapprochant.

Il établit en outre son droit à être entendu, à être consulté, à être informé. Le législateur affirme, de fait, la nécessité de respecter les droits de l'enfant dans toutes les décisions prises, tout en tenant compte des droits des parents et en affirmant leurs responsabilités fondamentales.

Le terrain gagné à ce chapitre est assez important et en particulier le fait de rendre l'enfant objet de droit, pour que l'Association des centres de services sociaux du Québec puisse considérer le projet de loi acceptable, sans pour autant abandonner sa revendication d'une véritable charte des droits de l'enfant.

La reconnaissance de l'antériorité de l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire. Un deuxième acquis de la présente législation est la reconnaissance de l'antériorité de l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire. Ce souci de déjudiciariser la prise en charge des enfants en difficulté rencontre les attentes de la majorité des organismes qui ont comparu devant vous, tant en 1972 qu'en 1975.

Ainsi, les intervenants sociaux pourront favoriser l'application de mesures volontaires de protection et privilégier une approche d'aide auprès des enfants et des jeunes en difficulté. Par ailleurs, les dispositions du présent projet de loi permettent de donner toute son importance à l'appareil judiciaire en le faisant intervenir à titre d'arbitre et garant des droits de l'individu.

M. le Président, ceci dit, il nous apparaît important d'attirer maintenant votre attention sur un second point de préoccupation, pour nous, soit les difficultés d'"opérationnalisation" de la loi, particulièrement en ce qui a trait à la notion de prise en charge au sein du réseau des affaires sociales.

En effet, on peut se poser la question, à savoir comment les principes de fond véhiculés par la loi pourront-ils s'articuler et engager l'action dans le quotidien? Bien sûr, c'est là qu'est tout le défi et en même temps toute la difficulté. Nous voudrions dégager ici un certain nombre de réalités sur lesquelles il faudra compter et sans lesquelles aucune action ne sera possible.

Au-delà et par-dessus toutes les difficultés de fonctionnement, il est essentiel de se rappeler, premièrement et d'abord, que nous sommes là pour actualiser la notion de protection auprès d'enfants ou de jeunes en besoin ou en difficulté.

Etre accessible, offrir des services continus et de qualité, encore des grands mots auxquels nous osons croire, oui, parce que nous savons que nous pourrons compter sur la présence et la disponibilité d'un réseau dont les bases existent et pour lequel un encadrement a déjà été prévu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, au chapitre 48. Cependant, dans les faits, il faudra d'abord compter sur la capacité de l'individu ou de la famille de se prendre en charge et de s'assumer, mais — nous sommes à même de le constater — certaines familles sont parfois dépassées par ces mêmes responsabilités et l'on sait très bien que les moyens que la société met à leur disposition ne suffisent pas. L'enfant, le jeune, est à ce titre celui qui risque, tout compte fait, d'être le plus malmené, celui qui a peu ou pas de moyens de défense.

Dans ce contexte, reconnaître à un organisme du réseau des affaires sociales, soit le centre des services sociaux, un rôle premier, c'est d'abord et avant tout reconnaître la vulnérabilité de la clientèle à desservir. On pourrait être tenté de sauter à des conclusions trop hâtives, lorsqu'on regarde la loi, c'est-à-dire qu'on pourrait y voir — c'est l'interprétation qu'on peut facilement faire en lisant la loi — la subordination des organismes du réseau par un superorganisme qui s'appellerait le centre des services sociaux.

Oui, bien sûr, le directeur de la protection de la jeunesse a, dans le contexte des centres de services sociaux, un rôle particulier à jouer. Il sera celui qui devra assurer l'accessibilité et la continuité dans la prise en charge au sein et dans le réseau dont les partenaires devront être tout aussi présents. C'est en ce sens que nous affirmons que le centre des services sociaux est avant tout un membre, un établissement d'un réseau complémentaire et interdépendant dont les collaborateurs sont tant les centres locaux de services communautaires et les centres hospitaliers que les centres d'accueil.

A ce titre d'ailleurs, considérer, entre autres, le centre d'accueil, comme peut le laisser voir le projet de loi sur la protection de la jeunesse, comme un pur lieu d'hébergement ou comme un établissement où le jeune va faire du temps, c'est nier la notion de complémentarité, c'est avoir une vision restrictive de sa vocation de réadaptation, c'est faire fi de l'expertise qu'il a su développer.

Notre expérience des dernières années, malgré les embûches et les faux pas, nous incite à croire, avec eux, à la mission d'un réseau dont les fins dépasseraient les débats politiques. C'est d'ailleurs, M. le Président, cette position ferme que nous comptons avoir dans le cadre de la prochaine mission provinciale d'implantation de la loi 24. Ensemble, chacun et tous — d'autres établissements vont probablement vous le dire — il importera de pouvoir compter sur le sens des responsabilités d'une collectivité représentée par les parents eux-mêmes, les groupes de bénévoles, le

volontariat et, enfin, les organismes d'un réseau qui mettront tout en oeuvre pour répondre de façon personnalisée et dans le sens de la qualité aux attentes qui lui seront exprimées.

Si la loi voulait créer un lien de dépendance entre le centre des services sociaux, son directeur et les autres établissements — c'est l'interprétation qu'on devait en faire — il y aurait sûrement un grand risque d'échec, risque que les intentions, si louables soient-elles, ne soient sapées à la base. En ce sens, nous sommes d'accord et solidaires avec nos partenaires du réseau. Par ailleurs, et dans ce contexte, il ne faudra pas non plus demander au directeur de la protection de la jeunesse d'être un surhomme ou un magicien, ni au centre des services sociaux de faire des miracles. Le directeur sera responsable de la protection de l'enfance au sein d'un centre, mais il ne pourra régler les conflits de vocation non clarifiés, ni le sort des individus qui ont tendance à toujours remettre à d'autres des responsabilités qui leur reviennent. Nous avons confiance en nos collaborateurs. Nous avons confiance en notre capacité d'établir les liens nécessaires à l'atteinte des objectifs de fond. Nous savons que nous pouvons compter sur des partenaires compétents et disponibles. Nous osons croire que ces attentes sont réciproques.

Le dernier volet, et non le moindre, sur lequel nous voulons attirer tout particulièrement votre attention consiste en l'étude des fondements juridiques de la protection de la jeunesse. Cette étude, menée par les avocats oeuvrant au sein des centres de services sociaux, nous permet d'affirmer que le cadre constitutionnel actuel autorise l'Assemblée nationale du Québec à légiférer en matière de protection de la jeunesse, à accorder au Tribunal de la jeunesse tous les pouvoirs d'application des mesures de protection, y compris celles de prononcer la déchéance de l'autorité parentale et de déterminer et la tutelle légale et son cadre. Cette option a pour effet de créer une homogénéité en matière de protection de la jeunesse, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas un tribunal unique et spécialisé pour décider les matières touchant la famille.

Pour vous livrer les fondements de nos prétentions, je demanderais à Me Paule Gaumond de vous adresser la parole.

Mme Gaumond (Paule): M. le Président, dans leur étude du projet de loi de la protection de la jeunesse, les contentieux des centres de services sociaux, comme vient de le souligner M. Sabourin, ont tenté de répondre aux questions suivantes: Premièrement, d'où nous vient le système de protection de la jeunesse et quel est son fondement constitutionnel? Deuxièmement, quelle est l'autorité judiciaire compétente pour administrer les lois édictées en vertu d'un tel système? Troisièmement, nous nous sommes interrogés, à savoir si la notion de déchéance d'autorité parentale pouvait être attribuée au Tribunal de la jeunesse. Enfin, à la question de la tutelle légale.

Le système de protection de la jeunesse est avant tout une application moderne du "Poor Law System" qui existait en Angleterre. Ce système s'est vu introduire au Canada vers 1760 et il a été consacré dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Nous avons explicité ce point dans le mémoire et nous n'entendons pas y revenir ce matin. Toutefois, nous pouvons, dès maintenant, vous expliquer que le "Poor Law System" anglais constituait un ensemble des mesures législatives adoptées par l'Etat et visant à prendre en charge des personnes ayant besoin de protection. C'était ce qu'on appelait, en droit anglais, l'exercice de l'Etat, de sa prérogative royale à titre de "parens patriae".

Avec la venue du pacte confédératif de 1967, les législatures se sontvu confier une compétence exclusive pour édicter des lois en vue de cette prise en charge par l'Etat des personnes en besoin de protection sociale. Ce champ des compétences est prévu au paragraphe 7 de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est donc au niveau de l'article 92.7 que réside le fondement constitutionnel, d'une législation visant la mise sur pied par l'Etat d'un système de protection de la jeunesse, tel que le préconise le projet de loi actuel.

Il revient donc à une Législature et à une Législature seule d'établir un tel système de protection. Cette compétence exclusive, conférée à la Législature, a d'ailleurs été maintes fois confirmée par la Cour suprême du Canada, notamment dans un arrêt de 1938 intitulé: "In re Adoption Act". Cette compétence exclusive, que possède le Québec, de légiférer sur cette matière est très vaste. Il serait trop long ici, ce matin, d'essayer de vous en donner toute l'étendue de ce pouvoir conféré au Québec par le paragraphe 7 de l'article 92.

Cependant, nous sommes toutefois en mesure de vous affirmer que le Québec jouit des pleins pouvoirs pour légiférer sur toutes les mesures à prendre pour rendre efficace le système de protection de la jeunesse, c'est-à-dire, par exemple, que vous avez le pouvoir constitutionnel de créer un Tribunal de la jeunesse pour veiller au respect des dispositions de la Loi de la protection de la jeunesse.

Vous pouvez également constituer un tel tribunal et y nommer des juges et des officiers de justice, de même que toute autre personne nécessaire pour l'application des mesures prévues par votre législation.

En effet, d'une part, ces mesures prévues dans cette législation en sont qui, de par leur nature, pourraient s'insérer dans le champ exclusif des compétences de l'Assemblée nationale et, d'autre part, l'actuel projet de loi ne vise pas à accorder aux membres du Tribunal de la jeunesse une juridiction sur des matières qui, avant 1867, relevaient de la juridiction des tribunaux énumérés à l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ce qui aura eu comme conséquence d'empêcher la constitution d'un tribunal où les juges seraient nommés par l'Assemblée nationale.

Parmi les mesures préconisées par le projet de loi de protection de la jeunesse, apparaît également la notion de déchéance de l'autorité parentale. Nous sommes d'accord avec ce principe. Toutefois, nous nous sommes interrogés pour voir

s'il était possible que cette déchéance soit prononcée par le Tribunal de la jeunesse plutôt que par la Cour supérieure. Nous sommes aujourd'hui en mesure de vous prouver que le Tribunal de la jeunesse serait parfaitement compétent pour se prononcer sur la déchéance de l'autorité parentale. Si on regarde le principe posé par la Cour suprême du Canada en 1973 dans l'arrêt du Séminaire de Chicoutimi, il a été décidé que ne peuvent être du ressort d'une cour autre qu'une cour supérieure les matières entrant dans la juridiction exercée en 1867 par la Cour supérieure. Or, rien dans le projet de loi actuel nous permet de croire que les matières traitées relevaient avant 1867 d'une cour supérieure.

Au contraire, la notion de déchéance de l'autorité parentale est un concept de droit nouveau. Cependant, malgré ce fait, il existait quand même déjà certaines formes de déchéance en droit québécois. Qu'il suffise de parler de suspension ou du retrait de certains attributs de l'autorité parentale qui étaient déjà présents chez nous. Qu'il suffise de mentionner cette notion que l'on retrouve à l'article 7b de la Loi de l'adoption. Les décisions rendues à ces fins l'ont toujours été par des juges appartenant à des cours autres que la Cour supérieure.

Il est donc clair que le Québec a le pouvoir d'attribuer au Tribunal de la jeunesse le soin de décréter la déchéance de l'autorité parentale, et nous croyons souhaitable que la responsabilité de la protection de la jeunesse incombe à une seule instance, à savoir le Tribunal de la jeunesse.

Avant de terminer, j'aimerais vous dire quelques mots sur la notion de tutelle. Contrairement à ce qu'on croit trop souvent, au Québec il n'y a pas que des tutelles datives. Bien que les auteurs comme Migneault, Sirois, Trudel reconnaissent le fait que les tutelles sont datives au Québec, ils n'en reconnaissent pas moins l'existence d'une tutelle légale. Même nos tribunaux ont sanctionné cet état de fait. Si cette tutelle légale existe, nous croyons que dans le cadre d'une Loi de protection de la jeunesse qui trouve son application dans la situation où ceux qui avaient pour mission d'assurer la protection de l'enfant, n'ont pu, pour diverses raisons, réaliser cette fin, il est important, sinon essentiel, que l'on prévoie l'existence d'une tutelle légale.

On se doit de saisir l'occasion qui nous est offerte par l'actuel projet de loi pour déterminer les tenants et les aboutissants d'une telle tutelle.

Dans cette optique, nous vous proposons que l'article 67 de l'actuel projet de loi soit remplacé de façon que le directeur de la protection de la jeunesse soit d'office désigné comme tuteur légal des enfants dans les cas suivants: Premièrement, lorsque le Tribunal de la jeunesse aura prononcé la déchéance de l'autorité parentale ou en aura suspendu certains attributs.

Deuxièmement, lorsque ce même tribunal aura déclaré judiciairement des enfants abandonnés.

Troisièmement, enfin, lorsque des enfants auront été trouvés.

Cette tutelle légale pourra être déléguée par le directeur de la protection de la jeunesse à une personne qu'il désignera. Cependant, si la personne désignée en est une qui n'oeuvre pas au sein d'un établissement, nous suggérons que pour que cette désignation soit valable, qu'elle reçoive l'approbation du Tribunal de la jeunesse.

Enfin, cette tutelle légale pourra prendre fin, soit à l'échéance de l'ordonnance de protection, soit au prononcé d'un jugement d'adoption en faveur de l'enfant, ou enfin dans les cas où il y aurait un tuteur de nommé à l'enfant par la Cour supérieure, conformément aux dispositions prévues au Code civil. Mais, dans ce dernier cas, nous souhaiterions que le directeur de la protection de la jeunesse soit mis en cause dans ces procédures.

Quant aux devoirs et pouvoirs du directeur de la protection de la jeunesse comme tuteur légal, nous croyons qu'il est possible qu'il ait les devoirs et les pouvoirs d'un tuteur nommé conformément aux prescriptions du Code civil, exception faite des responsabilités du tuteur prévues aux articles 1054 et 2030 du Code civil. Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, juste 20 minutes.

M. le ministre d'Etat au développement social.

M. Marois: M. le Président, simplement une première remarque et une première question. Je pense qu'il s'agit d'un mémoire qui — on le voit bien — a été drôlement fouillé; je pense que vous avez fait un travail remarquable, parce qu'il fallait le faire, entre autres toute cette partie, relever toute l'histoire juridique des pouvoirs constitutionnels du Québec. C'est une question sur laquelle il faut forcément s'arrêter et penser sérieusement, d'autant plus que, pour être très franc et très honnête, compte tenu de la nature du problème en question, compte tenu aussi de l'urgence d'aboutir, il n'a jamais été dans notre intention de commencer des bagarres à n'en plus finir avec le fédéral. On a essayé de ramasser les morceaux en essayant de percevoir le mieux possible les pouvoirs constitutionnels du Québec, à partir d'un certain nombre de choses qui nous semblaient être des droits fondamentaux des jeunes, des principes de paramètre clef de la loi, et il y en a sur lesquels on a déjà eu à amorcer des discussions avec le fédéral, notamment cette question de la responsabilité des jeunes de douze ans à quatorze ans, etc. Il y a eu des premières discussions avec le fédéral, mais je pense que c'est remarquable et on vous remercie de l'éclairage que vous nous apportez sur ce point.

Je voudrais cependant revenir — et ce serait la question que je poserais — à ce que vous avez évoqué, M. Sabourin, au début, et qui est au fond une clef de tout le projet de loi. Je pense que vous avez raison parce qu'on aura beau faire tous les papiers qu'on voudra, il est évident que la clef, c'est ce qu'on va être capable de faire sur le plan concret de l'application de la loi. C'est cela qui est capital; le reste deviendrait un peu du placotage et de la théorie si cela ne devait pas aboutir et déboucher de façon concrète. Mais en respectant profondément l'esprit de cette loi, vous avez, évo-

quant les difficultés d'application de la loi, fait état de la nécessité... CSS devenant un point de chute, d'une part, et une plaque tournante, en quelque sorte, autour duquel... et qui implique une collaboration de tous les éléments que vous avez appelés "les éléments du réseau". Egalement, vous avez fait état — et je crois que vous avez raison — de la nécessité de mettre à contribution les groupes bénévoles, les groupes communautaires du milieu, qui peuvent aussi, mais qui trop souvent, par le passé, ont peut-être été laissés complètement en marge et qui, dans certains coins du Québec — en tout cas d'après ce que j'ai pu voir personnellement — ont fait un travail qui est drôlement remarquable compte tenu du contexte et des difficultés que cela impliquait.

Concernant précisément cette collaboration, notamment avec les différents éléments ou agents du réseau, vous avez formulé dans votre intervention — c'est ce que j'ai cru comprendre — en vous posant la question qu'il faudra voir comment on interprétera certains articles.

Est-ce qu'à votre point de vue il faudrait, pour qu'il soit bien clair que l'économie générale de la loi ou l'esprit de la loi doit permettre au plus haut point cette collaboration de tous les agents impliqués du réseau, est-ce qu'à votre point de vue le projet de loi, tel qu'il est présentement, est suffisamment clair? Est-ce qu'il faudrait, le cas échéant, le modifier? Ou, est-ce qu'à votre point de vue, tel qu'il est formulé présentement, le projet de loi s'interprète clairement dans le sens de cette collaboration que vous avez évoquée?

M. Sabourin: Je pense que l'économie générale du texte de la loi actuelle ne s'interprète pas facilement dans le sens d'une collaboration claire. Les discussions que j'ai pu avoir avec plusieurs membres du réseau, quant à leur interprétation et à leur lecture des faits, m'amène à croire qu'il est facile de penser pour le réseau que le centre de services sociaux a une certaine domination et un certain pouvoir de s'immiscer presque dans la gérance des autres établissements.

Je pense, en particulier, à nos relations avec les centres d'accueil. Je nomme ceux-là parce que ce sont quand même quelques milliers d'enfants qui sont placés dans ces milieux. Lorsqu'on lit que le centre d'accueil est tenu de recevoir un enfant et que cela fait trois ou quatre ans que nous essayons de développer des comités régionaux d'admission pour en arriver à être vraiment complémentaires et à s'auto-influencer quant à notre fonctionnement, lorsqu'on lit que le centre d'accueil, ou même l'hôpital, est tenu de recevoir le jeune, c'est facile, à partir de là, d'interpréter qu'il y aurait une domination, jusqu'à un certain point, du centre de services sociaux. Ceci, à notre point de vue, est inacceptable parce qu'un établissement ne peut pas en subordonner d'autres.

Qu'il y ait des situations d'exception... Je pense à M. Goyer ou à son successeur, M. Pinard, qui avaient des pouvoirs presque d'urgence. Je ne pense pas qu'il soit arrivé de situations où il ait fallu imposer des décisions. On est toujours arrivé à s'entendre. Lorsque nous avons décrété des si- tuations d'urgence, nous l'avons fait avec l'accord des centres d'accueil concernés.

Alors, à mon point de vue, il y aurait lieu, dans la loi, de clarifier certains termes, ou de dire quelque part que c'est une loi d'exception et que la Loi sur les services de santé et les services sociaux s'applique préalablement. C'est un facteur important et, pour nous, c'est un facteur de succès.

M. Marois: Si vous permettez, M. le Président, je pense bien qu'il doit être clair qu'il ne s'agissait pas de récrire, dans cette loi d'exception, la loi qui régit l'ensemble des services de santé et des services sociaux. Donc, il faut interpréter ce document à la lumière de l'autre, d'une part. Je pense que c'est important.

Deuxièmement, est-ce que vous admettez quand même qu'il faut, parce que ce dont on parle, ce sont quand même des jeunes... Il me semble, en tout cas, qu'il y a une chose fondamentale. Que ce soit l'ensemble des éléments ou des agents du réseau, cela vaut d'ailleurs autant pour les groupes bénévoles, tous doivent être d'abord au service des jeunes. Je pense que c'est une clé. Si on n'accepte pas cela, je pense bien qu'on ne parle vraiment plus le même langage.

Dans des textes de loi, on accorde parfois des pouvoirs, parce que, précisément, il peut se présenter des cas d'abus, ce qui ne veut pas dire... On espère toujours, forcément, que les pouvoirs qui sont accordés à quelqu'un vont toujours être appliqués, utilisés, avec le minimum de jugement, d'à-propos et de pertinence par rapport aux problèmes qui se posent.

Cependant, de toute façon, j'ai noté vos commentaires. J'aimerais vous entendre, sur la deuxième partie de la question que je vous posais, en ce qui concerne les groupes bénévoles, les groupes communautaires.

Mme Marois (Pauline): M. Marois, je pense qu'à ce titre, effectivement, comme l'autre volet qui est les relations entre les membres du réseau, ce n'est pas très clair. Pour pouvoir répondre à votre question, je pense qu'il faut se baser sur l'histoire, si courte soit-elle, de nos expériences passées. Il faut bien avouer qu'au niveau de la collaboration avec les groupes bénévoles ou les groupes volontaires du milieu, cela n'a pas nécessairement été notre plus grande force. Par contre, il faut aussi se rappeler que notre mission, notre responsabilité en est une de seconde ligne, en est une qui intervient une fois qu'effectivement, un ensemble de dynamisme, de collectif, dans un milieu, a tenté de s'assumer, a tenté de s'assurer...

Dans ce sens, donc, l'expérience n'est pas grande, la loi non plus n'est pas nécessairement très claire et c'est peut-être aussi par un autre intermédiaire ou un autre organisme du réseau qui est la base, qui est notre porte d'entrée, qui est l'intervention de première ligne et, à ce titre, un autre partenaire qui est le centre local de services communautaires où on sent mieux logée cette capacité de collaboration, de communication, etc., n'excluant pas pour nous un organisme de deuxième ligne, mais le rendant tout de même, admettons-le, un peu plus complexe.

M. Sabourin: M. Marois, je voudrais demander à M. D'Amours de compléter ma réponse.

M. D'Amours (Oscar): M. le Président, le ministre d'Etat mentionne que la loi de la protection de la jeunesse peut être considérée comme une loi d'exception. En tout cas, entendons-nous sur le mot loi d'exception, c'est-à-dire qu'elle n'a pas pour effet de rendre inopérante la Loi sur les services de santé et les services sociaux et c'est sur ces points-là que je voudrais ajouter certains commentaires.

Dans la réglementation édictée en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à l'article 346 sont prévus des comités d'admission. Il est prévu aussi, à l'article 344 de cette même réglementation, que les centres d'accueil, dans les cas d'urgence, doivent admettre des enfants; je pense que c'est aussi une question humanitaire qui va être discutée. Ce ne sera pas tous les jours la question d'urgence. Mais les enfants qui pourront être dirigés vers des centres d'accueil, si on accepte le principe que la Loi sur les services de santé et les services sociaux continues aussi à exister, cette même loi prévoit que les centres d'accueil auront des critères. Je pense qu'il serait anormal, pour un directeur de protection de la jeunesse, de placer dans un centre d'accueil, qui s'occupe de la réhabilitation, des cas qui ne vont pas là du tout, parce que ça ne répond pas aux critères, à leur spécificité ou à leur expertise développée dans le traitement de certains enfants.

Je pense que cette loi prévoit déjà des dispositions qui peuvent compléter et, comme vous l'avez mentionné, vous ne pouvez pas reprendre les 169 articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les inclure dans la loi de protection de la jeunesse.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, ce dont on discute dans le moment, c'est la section II, à la page 11 du projet de loi, mesures d'urgence. Je rappelle aux représentants de l'Association des CSS qu'il s'agit bien de mesures d'urgence. L'article 42 dit: "Le directeur de la protection de la jeunesse peut appliquer provisoirement — provisoirement — les mesures suivantes: retirer immédiatement l'enfant du lieu où il se trouve, faire héberger l'enfant sans délai dans un centre d'accueil, une famille d'accueil, un centre hospitalier ou un organisme approprié."

Je pense qu'il est important de nuancer les commentaires qui viennent d'être faits par les représentants de l'Association des CSS. Il ne s'agit pas, dans notre esprit, d'établir un système où la règle voudrait que le directeur, d'office, place des enfants et que les établissements soient obligés de les accepter.

Il s'agit de mesures d'urgence, il s'agit de placements dans des organismes appropriés et je pense que c'est le devoir du directeur de la protection de la jeunesse, dans chaque CSS, de bien connaître son réseau d'organismes appropriés.

Enfin, je pense qu'il ne faut pas faire une ba- taille inutile. Cela n'est pas l'intention ou l'objectif de cet article, de brimer le droit de gérance ou l'autonomie de chaque conseil d'administration d'admettre les enfants. Ce n'est pas là l'objectif. L'objectif, c'est de s'assurer, qu'il s'agisse d'une fin de semaine, d'un congé férié ou de n'importe quoi, que l'enfant aura accès à un service approprié.

Nous sommes convaincus — je suis convaincu, pour avoir travaillé dans le réseau des affaires sociales assez longtemps — qu'il est nécessaire, pour des mesures urgentes, de confier à une personne ou à un organisme, le droit de décréter un hébergement provisoire, comme le texte le dit.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous une réponse, monsieur?

M. Myre (Jean-Guy): M. le Président, je suis d'accord avec l'interprétation du ministre des Affaires sociales, mais je voudrais attirer son attention sur l'article 58. L'article 42 prévoit les situations d'urgence. Je pense qu'il faut vraiment que le directeur puisse avoir le pouvoir de placer un enfant en situation d'urgence, pour s'assurer que ses droits fondamentaux seront respectés.

A l'article 58, il s'agit maintenant, à la suite d'une ordonnance du tribunal, de l'hébergement obligatoire d'un enfant, et cela peut être pour traitement. On y dit que tout centre d'accueil ou centre hospitalier, désigné par un directeur, est tenu de recevoir l'enfant visé par l'ordonnance.

Il me semble qu'on devrait, soit le signaler ici ou comprendre que cela doit être fait dans le cadre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux — l'article 3.4.4, je pense, qui prévoit... non, pas l'article 3.4.4 — mais qu'on passe par le comité d'admission du centre d'accueil.

M. Lazure: M. le Président, si on me permet de répondre. Au départ, je n'ai pas d'objection quand il s'agit de cas non urgents, qu'on recoure au mécanisme normal du comité d'admission.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais, M. le Président, être bien sûr qu'on comprend le message que nous livre le représentant de l'Association des centres de services sociaux. Dans un certain sens, je comprends que vous avez voulu, particulièrement, étant donné ce qu'on retrouve dans les journaux ce matin, rassurer vos collègues de l'Association des centres d'accueil quant à l'esprit avec lequel, quelque loi que ce soit, celle-ci ou une autre légèrement modifiée, serait appliquée. C'est quelque chose dont vos collègues de l'Association des centres d'accueil pourront peut-être vous être reconnaissants.

Mais est-ce que vous allez au-delà de cela, au-delà d'une affirmation de l'esprit de collaboration avec lequel vous voulez appliquer la loi? Est-ce que vous faites vraiment une suggestion positive d'éliminer cette capacité, dans la loi, du direc-

teur de la protection de la jeunesse, d'imposer un placement, évidemment de l'imposer quand il a besoin de l'imposer, non pas de l'imposer quand il n'a pas besoin? Est-ce que vous allez jusqu'à maintenir...?

M. Sabourin: Pour être clair sur cette question, ce que nous voulons, c'est éliminer toute confusion possible. Quant à nous, l'interprétation que nous en avons faite, c'est une interprétation de collaboration ou une interprétation où la Loi sur les services de santé et les services sociaux prédomine sur tout le reste.

Mais comme on entend des commentaires de toutes parts, j'ai voulu, d'une part, comme vous le dites, prévenir des inquiétudes inutiles et vous demander, dans la mesure du possible, de modifier certains mots, ou les déplacer, ou inscrire un article disant — je ne suis pas très fort en jurisprudence — quelque part, qu'il y a une loi qui précède l'autre, de façon à nous légitimer dans notre action.

Je pense que c'est là le message important. L'autre dimension de ce message, c'est qu'on se dit: S'il n'y a pas cela, je pense que la loi sur la protection de la jeunesse va être difficilement applicable.

M. Forget: Si je peux poursuivre ma question, une des façons de faire cela, serait de dire, dans l'article que vous visez, que le centre de services sociaux ou le directeur de protection de la jeunesse peut ordonner un placement, mais compte tenu de l'autre loi, la signification de cela, je ne suis pas sûr ce qu'elle serait. Cela pourrait vouloir dire qu'un centre d'accueil qui juge que ses critères d'admission, tels qu'appliqués à un cas particulier, interdisent l'admission de cet enfant, peut utiliser cet argument pour faire obstacle. Est-ce que vous iriez jusque-là?

M. Sabourin: Je pense qu'on pourrait aller jusque là, parce que c'est tous les jours que cela arrive, mais c'est tous les jours qu'on trouve des solutions à cela aussi.

M. Forget: Même en face de l'expérience des comités d'admission, même en face de l'expérience...

M. Sabourin: Même en face de l'expérience des comités d'admission, on pense que l'économie générale de nos activités avec les autres organismes du réseau, ce n'est pas toujours facile, on fait souvent face à des critères d'admission qui ne sont pas très larges, mais c'est la réalité de l'établissement, c'est avec cela qu'il faut composer.

Je pense que dépasser cela, c'est une intrusion un peu trop forte, à mon point de vue, dans le cadre des relations actuelles avec le réseau, c'est une relation un peu trop forte.

M. Forget: Excusez-moi d'insister, M. le Président, mais vous avez d'autres dispositions dans le projet de loi qui changent énormément le fardeau de trouver une solution. Par exemple, ce n'est plus le tribunal qui décide du placement, mais il décide s'il doit y avoir un placement, quitte à laisser au directeur de la protection de la jeunesse le choix des moyens d'effectuer le placement. Il y a un moyen d'action qui est enlevé à l'intervenant social, aux centres de services sociaux. Il ne peut plus s'adresser au tribunal pour obtenir une ordonnance de placement dans les cas où il y a une mise en échec par les circonstances, pour toutes sortes de raisons. Etes-vous confortable — voyant le problème du point de vue des centres de services sociaux — avec une situation où, d'une part, la loi vous dit que si le tribunal juge qu'il doit y avoir placement, le directeur doit l'effectuer, mais il est libre, il a le choix des moyens et, d'autre part, une situation qui vous prive d'un moyen effectif de vous assurer que le placement pourra se faire si jamais vous avez des problèmes, parce qu'il y en a eu des problèmes dans la passé? On peut espérer qu'un bon esprit de collaboration régnant, les problèmes vont être éliminés. Mais est-ce que vous êtes confortable avec cette situation où, contrairement à la situation actuelle, vous ne seriez plus en mesure de faire intervenir la cour? Vous seriez en face d'une responsabilité sans aucun pouvoir équivalent.

M. Myre: Peut-être que nous pouvons dire que notre position est sans doute ambivalente. C'est parce que nous hésitons, d'une part, entre la nécessité de voir à ce que les droits de l'enfant soient respectés; c'est-à-dire que, parfois, nous avons des enfants et il faut les placer dans un centre d'accueil, et on sait qu'il y a un certain nombre d'enfants et de jeunes qui sont identifiés dans le réseau et dont personne ne veut et c'est pour cela que, d'une part, nous aimerions conserver peut-être cette prérogative nous permettant de placer parfois, mais de façon exceptionnelle. Il ne faudrait pas que cela devienne monnaie courante, sinon nous allons brûler les ressources du milieu. Notre ambivalence tient à cela.

D'une part, nous voulons nous assurer de pouvoir placer des enfants comme cela, des enfants dont personne ne veut. D'autre part, nous ne voudrions pas parquer dans des centres d'accueil des gens qui n'y sont pas préparés. Cela explique peut-être notre ambivalence.

Si nous avions les ressources adéquates pouvant couvrir toutes les catégories de besoins que nous avons, nous ne ferions pas face à ce problème.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

Vous avez quelques mots à ajouter, M. D'Amours?

M. D'Amours: Oui, Je voudrais ajouter ceci: II n'y a rien de nouveau sous le soleil. Si l'on regarde, à l'article 49 de la Loi de la protection de la jeunesse actuelle, chapitre 220 des statuts refondus de 1964, on dit que, dans un cas d'urgence, le ministre des Affaires sociales peut prendre tous les moyens pour assurer cette protection.

M. Sabourin, le directeur général de l'association dit ceci, dans son message: II faut assurer une collaboration entre les différents intervenants dans un réseau. Je pense qu'en règle générale, la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit, à l'article 3.4.6., des mécanismes d'admission. Mais je pense qu'il est important, à un moment donné... mais il ne faut pas abuser. Les pouvoirs, c'est bon, mais c'est bon quand on n'en abuse pas trop. A un moment donné, il va être nécessaire d'utiliser un pouvoir d'urgence. Il est déjà prévu, dans les anciennes lois, 1950... mais je pense qu'il est servi à la moderne, parce que le législateur, ce qu'il veut, il me semble, dans ce projet de loi, c'est rapprocher les décisions dans les régions des personnes qui pourront répondre de leurs actes aux autres interlocuteurs dans le réseau de protection de la jeunesse, mais aussi à l'intérieur d'un réseau des affaires sociales.

L'esprit, c'est d'abord de créer cette collaboration. C'est cela qui est important, que les gens, que toutes les personnes qui ont à intervenir dans le réseau des affaires sociales sachent très bien qu'on est là pour protéger des enfants. S'il n'y avait pas d'enfants maltraités, si tous les parents étaient dans des situations ou pouvaient assumer toutes les obligations de soins, d'entretien et d'éducation des enfants, on ne serait pas là. C'est comme pour les médecins. Il n'y aurait pas de médecin, s'il n'y avait pas de maladie.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, j'ai lu tout votre mémoire et vous n'avez pas mentionné du tout le fait qu'il n'y avait pas de description dans le projet de loi, des qualifications qu'un directeur de la protection de la jeunesse devrait avoir. Vous avez la section 29 et la section 30 qui impliquent aussi ses délégués. Est-ce que vous êtes craintifs quant à donner à un centre de services sociaux le pouvoir de nommer quelqu'un? Ses qualifications ne sont pas décrites du tout.

M. Sabourin: Là-dessus, il ne faut pas aller plus vite que le violon. La loi a été déposée récemment. Chaque fois qu'on réfléchit à cela, c'est toujours en attendant qu'autre chose arrive. Dieu sait qu'on en a eu des discussions célèbres concernant le directeur de la protection de la jeunesse! M. Forget est là pour ie savoir.

Il y a un autre élément qu'il faut considérer ici. Je pense que c'est une autre façon d'aborder les choses dans une optique de réseaux. Il va y avoir une mission d'implantation de la Loi sur la protection de la jeunesse, à laquelle nous contribuerons avec la Justice, les Affaires sociales, les centres d'accueil et les centres de services sociaux.

C'est clair que ce n'est pas là qu'on va faire la description de tâche, si je comprends bien, du directeur de la protection de la jeunesse. C'est sûrement là qu'on va tenter de définir les modes d'opération ou d'opérationnalité de la loi. C'est vrai qu'on n'a pas, dans notre mémoire, défini son rôle, sa fonction, mais laissez-moi vous dire que, depuis le temps qu'on en parle, si vous nous demandiez un après-midi de vous faire une description de tâche, je pense que ce ne serait pas un problème. Si vous aviez lu nos rapports antérieurs, vous en auriez eu plusieurs là-dedans.

M. Shaw: Je ne parle pas des tâches. C'est bien décrit dans le projet de loi. Je parle des qualifications de ceux qui seront nommés, les qualifications.

M. Sabourin: La qualité professionnelle? M. Shaw: Oui, c'est cela.

M. Myre: Ce qu'on peut dire, c'est que le directeur de la protection de la jeunesse va être nommé par le conseil d'administration du centre sur recommandation du directeur général. Je ne pense pas que ce soit à la loi de prévoir les qualifications du directeur général, du directeur des services professionnels ou du directeur de la protection de la jeunesse, pas plus que la loi ne prévoit que c'est telle spécialité qu'il faut avoir pour être chef d'une salle de chirurgie. Je ne sais pas si vous saisissez le sens.

Je me dis: On prévoit ici un mode de nomination du directeur général. Il est évident que, lors de la mission d'implantation de cette loi, des précisions seront apportées quant aux qualifications du directeur de la protection de la jeunesse. Je ne sais pas si vous voudriez que les qualifications du directeur de la protection de la jeunesse soient prévues dans la loi?

M. Shaw: Alors...

M. Lazure: Si vous permettez, M. le député, l'article 29 prévoit exactement ce que vous venez de proposer.

M. Shaw: Je le sais, mais je vois que cela ne donnera pas seulement des pouvoirs au directeur de la protection de la jeunesse, mais aussi à ses délégués. On ne fait pas du tout de description de ses pouvoirs, de ses qualifications. Peut-être prévoyez-vous que cela va être dans les règlements, mais, à mon avis, je crois que c'est important de décider si ces pouvoirs vont être en règle avec ses qualifications...

M. Sabourin: Je pense que pour...

M. Shaw: Nous avons des différences partout dans la province. Les pouvoirs de ce directeur seront peut-être plus grands que ceux d'un juge, dans certaines circonstances.

M. Bédard: Je ne crois pas qu'il soit opportun de décrire cette nécessité dans la loi au niveau des qualifications. Les pouvoirs, d'accord, mais les qualifications...

M. Sabourin: Je pense que c'est une responsabilité fondamentale de l'établissement. C'est son

droit de gérance de déterminer qui fait quoi dans son établissement, et si l'individu a telle responsabilité, il devrait avoir les qualifications pour y faire face. Quant à ses délégués, n'importe qui peut recevoir une délégation directe et personnelle du DPJ, du directeur de la protection de la jeunesse. Un directeur de la protection de la jeunesse pourrait confier un enfant, et d'une façon personnelle, à un directeur de centre d'accueil, à un directeur d'hôpital ou à toute autre personne qu'il jugerait utile. Il n'y a pas de délégation, il n'y a pas de qualité spécifique à une délégation si ce n'est la capacité de la recevoir et l'intelligence pour l'exercer.

M. Shaw: Je vais continuer sur ce sujet à un autre moment.

Nous connaissons maintenant une période d'attente pour la jeunesse actuelle qui est dans le réseau. Nous connaissons une période d'attente avant que les cas soient pris en main par vos travailleurs sociaux. Est-ce que vous pouvez nous donner des renseignements à savoir combien d'enfants y sont impliqués, qui sont menacés et déjà dans une situation d'attente avant d'être servis?

M. Sabourin: J'ai le goût de vous dire que la ville de Montréal est remplie d'enfants qui sont en danger et on ne le sait pas, mais vous dire exactement le nombre d'enfants actuellement qui sont en attente de services, je pense qu'on peut dire que, dans l'ensemble, les enfants dont on a la charge, dont on a connaissance, sont globalement pris en charge. Qu'il y ait des attentes pour passer, par exemple, d'un centre d'accueil de première ligne à un centre d'accueil de deuxième ligne, qu'il y ait des attentes pour placer un enfant dans une famille d'accueil appropriée, je pense que c'est une réalité très quotidienne. Je ne serais pas en mesure de vous dire, au Québec, le nombre d'enfants qui sont en attente entre telle ou telle situation. Mais je peux vous dire qu'il y en a assez, pour ne pas dire davantage.

M. Shaw: Je pose la question parce que la loi implique que certains pouvoirs donnés au directeur de la protection de la jeunesse doivent être appliqués tout de suite avec les mesures d'urgence. Mais si nous voyons maintenant que... Je sais, que dans le secteur anglophone, il y a 212 enfants qui attendent le placement. Je ne sais pas exactement le nombre d'enfants qui attendent le placement maintenant. Cela implique, avec de nouveaux pouvoirs, un nombre d'enfants qui sera plus grand qu'actuellement. Est-ce que cela va impliquer des problèmes pour les centres de services sociaux?

M. Sabourin: Je suis convaincu que dans les 212 enfants dont vous parlez, ce n'est pas la majorité qui se retrouverait en situation d'urgence avec solution dans les 21 jours. C'est déjà une première chose. Parmi ces cas-là, s'il y a 21 jours, il va falloir que ça se fasse dans les 21 jours. Actuellement, dans la majorité des cas, surtout pour l'accueil-évaluation, par exemple, à bien des en- droits, ça se fait en moins de 21 jours pour plus de 80% des enfants. Il y a peut-être 150 enfants dans le groupe de 200 qui attendent un placement en famille d'accueil. Quand vous dites: II y a 200 enfants qui attendent, ils attendent quoi? Je ne sais pas. S'ils attendent une famille d'accueil, c'est une chose. S'ils attendent un placement en milieu sécuritaire, c'en est une autre. S'ils attendent un placement en milieu de rééducation, c'en est une autre. S'ils attendent un placement pour une hospitalisation dans un hôpital psychiatrique, c'est autre chose aussi. Ils attendent quoi, les 200 enfants? Je ne le sais pas. Mais parmi les cas où on a des mesures à exécuter, ça se fait dans les délais prévus. Dans ce cadre-là, même actuellement, on n'a pas de problèmes vraiment énormes de collaboration avec les éléments du réseau.

M. Shaw: Dans la...

M. Sabourin: Je réponds ou je ne réponds pas. Je ne sais pas exactement où vous voulez en venir.

M. Shaw: Je veux savoir, premièrement... Vous avez des cas qui sont maintenant dans une situation d'attente, pour la détention fermée ou la détention ouverte, familles d'accueil ou hôpitaux psychiatriques, et vous dites que la plupart, 90% de ces cas, sont placés en 21 jours, maintenant, dans le système actuel.

M. Sabourin: Je pense que vous mélangez des catégories — je m'excuse de devoir mettre des enfants en catégories — vous mettez les enfants... Quand je parle de ceux qui passent en accueil-évaluation, c'est ceux pour lesquels il y a eu un délit ou pour lesquels il y a une demande de protection et qui exigent l'évaluation par une équipe d'experts afin de trouver la meilleure orientation possible. C'est pour ces cas-là que je vous dis que cela se fait dans les 21 jours. A partir du moment où il y a un jugement par le juge pour placer l'enfant à tel endroit, habituellement, il y a eu des contacts préalables, et lorsque cela ne fonctionne pas, le juge va souvent utiliser l'article 347, qui a été un instrument très utile dans les années passées, pour arriver à placer des enfants au sujet desquels on avait de la difficulté à exécuter le jugement ou la décision du juge.

Mme Marois (Pauline): M. le Président, je pense que cette question rejoint un peu les interrogations que posait M. Forget, tout à l'heure. On peut avoir tous les pouvoirs, mais il demeure qu'en fin de compte, il faut aussi avoir les moyens.

Je veux bien dire, à un moment donné, à un centre d'accueil: II est nécessaire et essentiel que ce jeune bénéficie des mesures de réadaptation que vous pouvez lui offrir et ce centre peut aussi me répondre: A condition que j'aie les places et que j'aie le personnel pour le faire.

Je pense qu'actuellement, il y a des jeunes en attente, en attente d'une ressource adéquate, d'une ressource qui répond vraiment à leurs besoins. Ils ne sont pas, pendant cette période d'at-

tente... Ils sont assumés, ils sont pris en charge par des praticiens, par des intervenants; ce n'est pas une attente dans le vide sans qu'on les supporte ou qu'on les aide au niveau de cette attente. Il demeure qu'à cause des ressources limitées et du contexte de rareté dans lequel on oeuvre, je pense que cette situation existe et risque aussi de continuer d'exister.

M. Shaw: Dans le système actuel, vous avez des interventions avant que le cas ait été présenté en cour. Dans le système actuel, vous avez des travailleurs sociaux qui prennent les cas en main. Alors, comment voyez-vous la différence avec le pouvoir du directeur de la jeunesse? Prévoyez-vous que son pouvoir d'enlever un enfant à une famille va être plus efficace ou avez-vous d'autres moyens pour aller le chercher maintenant?

M. Myre: Peut-être peut-on dire qu'actuellement, quand nous faisons ce travail, nous procédons bona fide, la loi ne nous permet pas de faire cela actuellement. Nous faisons actuellement, à la cour, un certain tamisage des cas parce que les procureurs veulent bien que nous le fassions avec eux. Ce que cette loi va venir changer, c'est qu'elle va venir nous donner les pouvoirs et, deuxièmement, elle va forcer les gens... Je pense, notamment, aux policiers qui ne pourront pas prendre un cas et aller directement au tribunal pour dire: Nous portons plainte contre cet enfant-là. Ils l'amèneront au directeur de la protection de la jeunesse qui, lui, pourra évaluer la situation, au moins sommairement, avant de décider de l'envoyer, par exemple, au tribunal. Il y a au moins ceci qui changerait, c'est que la loi nous permettrait de faire des choses...

M. Shaw: Pour éviter la cour.

M. Myre: ... pour éviter la cour, pour déjudi-ciariser au maximum. Nous le faisons actuellement, plus ou moins, mais il n'y a aucune assise juridique à cette fonction que nous assumons. Nous le faisons bona fide et parce que certains procureurs acceptent que nous le fassions, mais les procureurs, à la cour, pourraient très bien nous dire: Cela ne vous regarde pas.

M. Shaw: Prévoyez-vous aussi qu'avec un avantage, et c'est l'avantage que l'on recherche d'éviter à la plupart des cas d'aller en cour... C'est un avantage que nous recherchons pour la jeunesse, mais, d'un autre côté, pour la protection de la famille ou la protection de l'enfant lui-même, avec le système que vous prévoyez, la décision pour le jeune impliqué d'aller en cour pour avoir une décision juridique sur sa situation est enlevé parce que la décision de procédure en cour ou non va être laissée au directeur de la jeunesse.

M. Myre: II y a, par ailleurs, des cas qui sont prévus où nécessairement le directeur de la protection de la jeunesse devra, conjointement avec un représentant du ministère de la Justice, notamment pour les jeunes de 14 ans et plus qui au- ront commis des délits importants et pour les enfants ou les parents qui refuseront l'application de mesures volontaires, il y aura des cas où le directeur devra nécessairement orienter le cas. Soit qu'on essaie, une autre fois, d'appliquer des mesures volontaires ou qu'on décide d'aller au Tribunal de la jeunesse. Il y a des cas qui sont prévus par le présent projet de loi.

M. Marois: En fait, M. le Président, ce sont les articles 56 et 57 du projet de loi qui sont très clairs là-dessus.

M. Shaw: Votre mémoire suggère que le directeur intervienne dans les cas d'actes criminels. Ce n'est pas prévu dans la loi. Pour quelle raison? C'est une des suggestions de votre mémoire. C'est à la section 35. Vous jugez à propos de mettre une section I qui va donner au directeur de la jeunesse le pouvoir de réagir dans les cas d'actes criminels. Pour quelle raison?

M. Sabourin: Je m'excuse, M. le Président, mais on ne comprend pas très bien la question. Nous aimerions bien y répondre, mais nous ne comprenons pas clairement votre question.

M. Myre: Je m'excuse, mais je pense avoir compris la question. Dans les libellés des projets précédents, on avait prévu que les cas de protection ne couvraient pas seulement les enfants abandonnés et les enfants privés de conditions matérielles ou d'existence appropriée, mais aussi les cas de jeunes ayant commis des délits.

Nous avons vraiment été étonnés de voir que, dans l'actuel projet de loi, on avait éliminé cette catégorie d'enfants. Nous pensons que les jeunes qui ont commis des délits — je pense aux jeunes délinquants — devraient être couverts... Cette catégorie de jeunes devraient entrer dans les cas prévus à l'article 35. Nous pensons que les jeunes, qui ont commis des délits, ne doivent pas être considérés comme des criminels. Nous pensons qu'ils ont besoin d'aide, qu'ils ont besoin d'être protégés, eux aussi. Je ne sais pas si cela répond à votre question et si j'ai bien compris votre question.

M. Shaw: Oui, c'est ce que je voulais entendre, parce que je suis totalement d'accord.

Je vois que les pouvoirs du directeur de la jeunesse sont forts. Il a des droits qui sont quasi judiciaires. Est-ce que vous êtes d'accord pour que les impliqués soient assez protégés de l'autre côté? Croyez-vous que ses pouvoirs soient trop forts? Est-ce qu'il devrait être plus responsable?

M. Myre: Nous pensons que, pour protéger certains enfants, le directeur de la protection de la jeunesse doit avoir des pouvoirs assez grands, tous les pouvoirs dont il peut avoir besoin pour protéger un enfant.

Il est évident que nous ne voudrions pas que s'introduise dans le système québécois de la protection un nouvel arbitraire, un arbitraire social qui viendrait présumément remplacer un arbitraire

judiciaire. C'est évident. Nous pensons qu'il faut éviter, bien sûr, que s'introduise un arbitraire nouveau et que le directeur de la protection de la jeunesse soit à l'abri de tout.

Nous pensons, par ailleurs, que l'actuel projet de loi réduit considérablement ce risque d'arbitraire, notamment par l'introduction du droit d'appel des décisions des différents intervenants et, deuxièmement, par l'introduction d'un système qu'on pourrait appeler d'interpellation réciproque des différents intervenants.

Il y a le comité de la protection de la jeunesse qui va avoir "à l'oeil" le directeur de la protection de la jeunesse. Il y a le tribunal aussi qui est là. Les enfants, les parents, peuvent en appeler des décisions du directeur. Je pense que les risques de cette introduction d'arbitraire et d'un pouvoir considéré comme trop grand sont diminués par ces mesures, ces dispositions prévues dans l'actuel projet de loi.

M. Shaw: Alors, vous êtes d'accord qu'il y a assez de droits d'appel à d'autres lieux pour protéger les droits de ceux qui sont impliqués.

M. Myre: Ecoutez, évidemment, on n'a pas fait l'expérience de ce nouveau système. Nous pensons que tel que prévu actuellement, il devrait y avoir suffisamment d'interpellation entre le Tribunal de la jeunesse, le comité de protection de la jeunesse et le directeur de protection de la jeunesse. Si, à l'expérience, on découvrait qu'il s'introduisait un arbitraire nouveau, nous demanderions au législateur de modifier cette loi.

M. Shaw: Une dernière question, M. le Président, ce projet de loi... excusez.

M. D'Amours: M. le Président, je voudrais simplement ajouter quelque chose. Encore une fois, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Si je me reporte à la Loi de protection de la jeunesse, qui est en application; chapitre 220, on mentionne ici à l'alinéa 2 du paragraphe 1 de l'article 15: Toute personne en autorité peut conduire un enfant devant le tribunal, la Cour de bien-être social. Toute personne en autorité, ça peut être des agences, des maires, des échevins, tout ça, des personnes qui s'occupent de l'éducation. Mais dans cette loi, M. le Président, on ne mentionne aucun délai. Alors, les pouvoirs accordés au directeur de protection de la jeunesse ne sont pas des pouvoirs nouveaux, mais mieux réglementés par rapport à ce qui existe dans la loi votée en 1950.

De cette façon, comme le mentionnait M. Myre aussi, les droits sont mieux protégés et en raison de l'interpellation des différents intervenants. C'est ce que je voulais ajouter, M. le Président.

M. Shaw: Encore ma dernière question, M. le Président. Ce projet de loi implique l'application... avez-vous déjà fait des études pour savoir si vous êtes adéquatement préparés, soit avec votre réseau de personnel ou soit avec le réseau des centres d'accueil, ou des hôpitaux, des maisons pri- vées, des maisons d'accueil, le réseau de la communauté, est-ce que vous avez fait une étude qui va peut-être accepter les pouvoirs de cette nouvelle loi?

M. Sabourin: M. le député, ça nous pend sur la tête depuis quatre ou cinq ans. Je pense qu'on est préparé à faire face à ces responsabilités. Je me souviens qu'il y a deux ans, on nous a dit: Préparez-vous, vous allez avoir besoin de services continus, 24 heures par jour. Aux dernières négociations, on a tenté des expériences avec les cadres, dans certains CSS, et on a réussi à négocier des horaires pour 24 heures. On nous a dit: Vous allez avoir besoin d'un secteur accueil-évaluation à la cour, dépêchez-vous, parce que les lois étaient toujours pour dans trois mois. Les services d'accueil-évaluation-orientation sont là.

Ce que je peux vous dire, M. le député de Pointe-Claire, c'est que les structures sont prêtes, les mentalités sont prêtes, depuis le temps qu'on en parle, on a le goût de dire: C'est le temps qu'on commence.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères, s'il vous plaît. M. le ministre.

M. Bédard: Juste une remarque; on a mentionné tout à l'heure qu'en vertu de l'article 35, l'énumération qu'on y retrouve ne fait pas état des enfants qui ont pu être accusés de délits mineurs. J'aimerais qu'on aille un peu plus loin dans le projet de loi, à l'article 56, où on spécifie: "Toute décision concernant l'orientation d'un enfant est prise conjointement par le directeur et une personne désignée par le ministre de la justice dans les cas suivants, à savoir lorsque des actes contraires à une loi ou à un règlement en vigueur au Québec sont imputés à l'enfant." Et en relation avec l'article 57, dans ces cas-là, où il peut y avoir un délit mineur, c'est à ces cas qu'on fait référence, à ce moment-là, il peut y avoir une décision indiquant de confier l'enfant au directeur, de lui appliquer des mesures volontaires, de saisir le tribunal du cas ou de fermer le dossier.

Donc, je crois que ça touche...

M. Myre: M. le Président, à la page 17 de notre mémoire, nous avions précisément indiqué qu'à l'article 56, le mécanisme d'orientation de ce type d'enfant tenait compte de ce type de situation. Dans l'avant-projet de loi de 1975, on avait indiqué que les jeunes délinquants faisaient partie de toute cette catégorisation de situations d'enfants en besoin de protection. Nous avons été étonnés de voir qu'il avait été supprimé dans l'actuel projet de loi. Nous avons simplement voulu indiquer qu'on pourrait ajouter, à l'article 35, le paragraphe suivant: S'il lui est imputé des actes contraires à une loi ou un règlement en vigueur du Québec.

Je comprends qu'il est là implicitement.

M. Bédard: Oui, ce n'est pas supprimé, il est inséré autrement.

M. Lazure: C'est dit autrement.

M. Myre: C'est simplement une réponse au député de Pointe-Claire.

M. Bédard: Peut-être que c'est conforme à l'attitude de prudence que nous avons prise au ministère de la Justice, pour éviter tout conflit juridictionnel.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent, sur le même sujet.

M. Forget: Sur le même sujet. Je crois que la réponse que donne le ministre de la Justice n'est pas une mauvaise réponse à la question que vous vous posez. Cependant, je pense que votre souci dépasse un peu simplement la question de la mécanique quant à la question d'orientation. Seule une étude mot à mot du projet de loi pourrait vraiment répondre à la question.

Il y a quand même un élément additionnel lorsque l'on dit qu'automatiquement, l'enfant que l'on soupçonne, sur lequel porte un doute qu'il a été impliqué dans une activité criminelle, etc., doit être considéré comme étant menacé dans son développement, sa santé et sa sécurité.

Selon l'avant-projet, cela peut être fait d'une autre façon, bien sûr, mais simplement le fait de coller l'étiquette sur un enfant, en quelque sorte, si on peut s'exprimer ainsi, que sa santé, sa sécurité et son développement sont menacés à cause de ce phénomène, qu'une accusation criminelle existe contre lui, pouvait avoir d'autres conséquences que simplement donner au comité d'orientation une juridiction quant à son orientation. Cela déclenche, cela lui donne une espèce de statut d'enfant qui a la protection de la loi quant à tous les articles de la loi, pas simplement quant au rôle du directeur de la protection de la jeunesse, quant à son orientation.

Il est possible qu'en substance, on ait, dans la rédaction actuelle, la même signification, mais je n'en serais pas absolument certain, à moins d'éplucher chacun des articles. Il serait peut-être possible de l'inclure sous la rubrique d'enfant menacé et, justement, de lui permettre de bénéficier de l'ensemble de la loi et non seulement des articles où c'est mentionné spécifiquement.

M. Bédard: L'important, c'est l'intention de base que nous avons exprimée tout à l'heure. Le reste, c'est peut-être une technicité légale qui pourrait avoir pour effet qu'à l'article 35, on fasse référence aux enfants qui sont visés par les articles 56 et 57.

M. Forget: Si on me permet d'ajouter ce détail, c'est le mécanisme que certaines provinces ont utilisé pour traiter, comme des cas de protection, l'ensemble des enfants qui sont mis en accusation sous la loi des jeunes délinquants. Des années avant que l'idée nous en soit venue ici, il y a certaines provinces qui ont dit: Automatiquement, un enfant qui est sujet à la Loi sur les jeunes délinquants est un cas de protection aussi, en même temps et automatiquement.

M. Bédard: On n'a pas voulu faire de référence spécifique à la Loi des jeunes délinquants...

M. Forget: Je comprends, mais en le faisant par ce mécanisme, cela avait le même effet qui est bienfaisant.

Le Président (M. Laplante): J'aimerais mettre en garde les membres de la commission à savoir que l'on n'étudie pas la loi article par article, pour que je ne sois pas obligé d'intervenir inutilement. Le député de Verchères.

M. Charbonneau: Très rapidement, M. le Président, parce que j'ai l'impression que les questions du député de Pointe-Claire ont amené certaines précisions. J'aimerais savoir si vous aviez des données un peu plus précises quant au délai en ce qui concerne les placements par le truchement des comités d'admission, avec les partenaires du réseau. Ces données existent-elles?

M. Sabourin: M. le député de Verchères, je pense qu'il n'y a pas de réponse unique à ce sujet.

M. Charbonneau: Je comprends qu'il y a différentes catégories.

M. Sabourin: Je pense que c'est directement en fonction du type d'établissement. Plus vous avez un type d'établissement spécialisé, qui est de long terme, plus il y a des listes d'attente, plus c'est long, pour un individu qui a besoin de cette ressource spécialisée, d'y entrer. Evidemment, c'est normal.

Quand on se place vis-à-vis des centres d'accueil qui n'ont pas des vocations de rééducation, qui durent dix-huit mois ou deux ans..

M. Charbonneau: Comme Boscoville, par exemple.

M. Sabourin: L'exemple que j'avais en tête était Boscoville ou Sainte-Hélène. Je pense que ce sont les plus compliqués et ils ont des critères bien précis, il y a une dynamique interne qui impose un rythme d'admission.

Quant à d'autres centres d'accueil, je pense que c'est fonction de leurs critères d'admission, que c'est fonction du statut du centre d'accueil, de sa vocation, de son programme d'action etc., de sorte qu'il n'y a pas de réponse.

Mme Marois (Pauline): En fait, M. le Président, il y a peut-être une clientèle qui, actuellement, risque de rester peut-être un peu plus longtemps en liste d'attente; ce sont les jeunes garçons, entre autres, de 12 à 18 ans qu'on identifie comme "mésadaptés sociaux affectifs" ou "jeunes en état de besoin". C'est particulièrement là qu'on retrouve, actuellement, les plus grandes listes d'attente.

M. Myre: Surtout quand il y a une incidence psychiatrique. C'est encore pire quand il y a une

incidence psychiatrique; il n'y a pas de ressources pour ce type de jeunes et là, on est vraiment mal pris.

M. Charbonneau: Cela m'amène à vous poser une autre question, un peu à la suite de l'intervention de madame. On parle de ressources qui sont inadéquates ou inexistantes dans bien des domaines. A-t-on pu évaluer, en termes des besoins... Je sais que, dans ce domaine, finalement, des besoins, plus on gratte, plus on s'aperçoit qu'ils sont considérables, mais a-t-on pu évaluer ce qui nous manque actuellement, au Québec, en termes de ressources humaines et physiques, pour donner un service, dans ce domaine, qui soit adéquat?

M. Sabourin: II y aurait deux réponses à votre question. Premièrement, il y a les missions, non pas les missions, mais les comités régionaux de...

Mme Marois: Les tables de concertation.

M. Sabourin: Non pas les tables de concertation, les commissions...

M. Lazure: Les commissions administratives.

M. Sabourin: ...administratives au niveau du CRSSS qui sont en fonction, dans la plupart des régions, pour étudier justement ce phénomène et, antérieurement à cela, il y a eu les tables de concertation régionales qui ont apporté une bonne connaissance des milieux. Je pense que cela commence.

M. Charbonneau: Cela commence.

M. Sabourin: Deuxièmement, on parlait de ressources adéquates. Je pense qu'il y en a qui me voient venir. Je sais que ce n'est pas le temps de dire qu'on a besoin de $14 millions pour faire ceci ou pour faire cela, c'est inutile, sauf que je voudrais vous informer qu'il existe une masse d'argent de $34 millions qui est à notre disposition exclusive, c'est-à-dire la masse qui sert à payer la pension des enfants en familles d'accueil. Ce que vous ne savez pas—je pense qu'il y en a qui le savent — c'est que c'est illimité, c'est qu'on pourrait en placer plus et que vous paieriez.

Ce qu'on demande, depuis un an et demi — on l'a dit au congrès à M. Lazure, il a paru très intéressé; on l'a dit à M. Forget aussi, je pense, quelques mois avant — ce qu'on aimerait, c'est qu'on puisse utiliser cette masse financière à d'autres fins que le paiement en familles d'accueil. On pourrait éliminer le placement d'enfants en familles d'accueil strictement en payant une gardienne pendant trois, quatre ou cinq mois à un père seul, chef de famille.

Il y en a qui disent: II ne faut pas développer un réseau parallèle à l'aide sociale. Je dis: Qu'ils continuent à le dire, sauf que nous savons très bien que, dans la réalité concrète, si on avait la moitié de cet argent, le tiers de cet argent, on serait en mesure de développer, avec une masse financière existante, des ressources alternatives qui nous permettraient de trouver autre chose que des familles d'accueil pour placer des enfants qui n'ont pas nécessairement besoin d'aller en centres d'accueil, où il suffirait d'un foyer de groupe, où il suffirait d'une auxiliaire familiale ou d'une gardienne à domicile de 8 heures à 18 heures à un prix X. Je pense que c'est une masse financière et, si on nous le permettait et si on travaillait ensemble avec les fonctionnaires du ministère pour trouver les modes d'utilisation, les moyens de maximiser ces montants d'argent qui existent déjà, de toute façon, dans les fonds publics et de les réorienter différemment, je pense qu'on pourrait — je pense, on n'a pas encore eu la chance de faire cet exercice — arriver à un développement de ressources alternatives qui seraient peut-être des réponses à plusieurs listes d'attente qui ne sont peut-être pas utiles.

M. Charbonneau: En tout cas...

Le Président (M. Laplante): Vous avez une remarque.

M. Lazure: Seulement une parenthèse pour réagir à ceci. Dans l'état actuel des choses, il est possible pour chaque centre de services sociaux de diminuer les investissements dans le placement des enfants en familles d'accueil et d'utiliser ces montants pour augmenter le nombre de personnel auxiliaire familial. Il y a des centres de services sociaux qui, déjà...

M. Sabourin: On ne peut pas utiliser la masse financière, M. le ministre, qui sert à payer les familles d'accueil, parce que cet argent, on le reçoit directement, c'est une autre comptabilité.

M. Lazure: Non, écoutez. Le jeu des livres de comptabilité, c'est une autre affaire. Dans la mesure où un CSS est très vigilant là-dessus et s'abstient de placer, de façon non pas inutile, mais de façon un peu superflue, un enfant en famille d'accueil et essaie plutôt d'utiliser les montants qu'il a — c'est peut-être insuffisant, ces montants — pour des auxiliaires familiales aussi, dans la même mesure, je vous dis qu'à ce moment, on dépensera moins pour le placement d'enfants en famille d'accueil.

M. Sabourin: Là, M. Lazure, vous me dites: Placez moins d'enfants en famille d'accueil, donc, vous allez avoir plus de monde pour faire autre chose. Ce n'est pas cela que je vous dis. Je vous dis: La somme d'environ $30 millions qui sert à payer, non pas les travailleurs sociaux qui placent les enfants, mais les familles elles-mêmes, c'est une somme qu'on ne peut toucher. C'est clair que si on diminue le nombre de placements d'enfants en famille d'accueil, on pourra faire des réaffectations. Je pense que l'objet de mon intervention n'est pas là. C'est une activité quotidienne de gestion. Je pense que cela se fait, compte tenu des nouveaux programmes qu'on a à assumer dans le cadre de nos budgets actuels. Cette somme existe. On ne vous demande pas de l'augmenter. On vous

demande d'envisager avec vous une possibilité d'utilisation différente et plus intelligente, de mon point de vue.

M. Shaw: Une autre question, M. le Président, sur le même sujet. Est-ce que les foyers de groupe sont encore gelés?

M. Lazure: Ils ne sont pas gelés. Le député de Pointe-Claire demande si les foyers de groupe sont gelés. Ils ne sont pas gelés. Ils sont tempérés, seulement tempérés. Ce qui a été fait pour les foyers de groupe, c'est que j'ai constaté que le per diem d'allocation variait de $10 à $50 par enfant dans les foyers de groupe. J'ai demandé aux fonctionnaires de geler temporairement le montant de l'allocation quotidienne à $20. C'est encore gelé. L'étude achève. Elle est pratiquement finie. On pourra avoir, selon certains critères, une plus grande souplesse. Actuellement, ce qui a été gelé, c'est un plafond sur le montant quotidien.

M. Charbonneau: En fait, je voulais simplement ajouter que je considérais les remarques faites par les représentants des CSS, à la fin, sur les ressources, comme extrêmement importantes. J'apprécie la clarté de vos précisions. Je voulais seulement ajouter aussi qu'il y a deux problèmes: II y a le problème d'utiliser une même masse d'argent d'une façon différente. Il y a le problème, dans une société comme la nôtre, d'essayer de débloquer et de convaincre une société que ce n'est pas superflu de mettre plus d'argent dans le social, et que ce n'est pas parce qu'on met de l'argent dans le social qu'on ne s'occupe pas de l'économique. Là aussi, il y a un rôle politique, pas seulement du gouvernement, mais de l'ensemble des intervenants sociaux, de convaincre peut-être les gens dans la société qu'un gouvernement et qu'une société qui se donne plus de soins sociaux s'occupe peut-être aussi d'autres problèmes. Actuellement, on se fait rabattre les oreilles à chaque fois qu'on a le malheur — selon certains — d'intervenir dans le domaine social. Ce n'est pas un rôle politique uniquement du gouvernement et des partis politiques, à mon sens. Vous avez un rôle considérable à jouer dans ce domaine.

Le Président (M. Laplante): Le député de Drummond.

M. Clair: Merci, M. le Président. Me Gaumond a parlé tantôt de la tutelle légale contre la tutelle dative. On voit tout de suite qu'il y aurait des avantages à la tutelle légale en termes de simplicité des procédures et d'accélération du processus. Est-ce qu'elle y verrait ou est-ce que M. Sabourin y verrait d'autres avantages que des avantages de délai simplement, parce qu'on doit situer cela également dans la dialectique de pouvoirs arbitraires ou non au centre des services sociaux, plus spécifiquement, au directeur de la protection de la jeunesse? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Gaumond: Je pourrais commencer, pour vous rassurer peut-être, par la notion d'arbitraire.

Au moment où nous avons parlé de tutelle légale, il faut bien comprendre qu'on la limite à des cas précis. Ce n'est pas nécessairement tous les enfants des services sociaux. C'est la responsabilité des centres des services sociaux qui pourront avoir le directeur comme tuteur légal.

C'est uniquement dans les cas où il y aura une déchéance d'autorité parentale de prononcée par le tribunal, dans les cas où les enfants auront été déclarés judiciairement abandonnés et, enfin, dans les cas des enfants trouvés, parce que l'actuel projet de loi abroge la Loi des enfants trouvés de 1909.

Or, c'est dans ces trois derniers cas. Déjà, je crois que la notion d'arbitraire, c'est vraiment un état de fait qui va nécessiter une prise en charge par une autorité légale sur ces enfants, dans ces trois cas-là.

M. Clair: Oui, je comprends, mais, finalement, les cas que vous énumérez sont à peu près ceux que prévoient déjà l'article 67. Ce n'était pas surtout sur l'aspect arbitraire ou de possibilités de décisions arbitraires en interprétant ce qu'est un enfant abandonné. Mais la question tendait surtout à savoir si vous voyez d'autres avantages que des avantages strictement en termes de simplicité de procédure à la tutelle légale par rapport à la tutelle prononcée par jugement de la Cour supérieure?

M. D'Amours: M. le Président, je pourrais ajouter ceci à votre question. Ce n'est pas uniquement une question d'avantages de procédure. Je vais essayer de vous placer dans un contexte et vous donner des exemples concrets.

Le Président (M. Laplante): Très court, s'il vous plaît.

M. D'Amours: Oui, d'accord. Quand un enfant est retiré de ses parents, parce que les parents n'ont pas assumé, de fait, le soin, l'entretien ou l'éducation ou les ont mal assumés, est-ce que vous croyez que ces personnes peuvent aussi être en mesure d'assumer l'exercice de la tutelle nommée en vertu des dispositions du Code civil, parce qu'il faut un conseil de famille? Je vais vous donner un cas concret.

Un enfant est placé en famille d'accueil, suite à une ordonnance de la Cour du bien-être social. L'enfant a un accident. Les parents apprennent que l'enfant a eu un accident et disent: On va réclamer l'indemnité. On va dire: II n'y a pas de problème. Même si les parents l'ont, la curatelle publique va surveiller l'administration de ces biens-là. Mais le rapport vient au bout d'un an. Dans la pratique quotidienne, des avocats de pratique privée sont venus dire: Est-ce qu'il y a possibilité qu'une tutelle légale s'exerce? Parce que je suis convaincu que si ces parents sortent avec le chèque de $3000, $5000, $10 000, $20 000, dans six mois, il n'aura plus d'argent, cet enfant, et l'enfant aura toujours le handicap. On dit: La tutelle légale, c'est un moyen de protéger les droits de l'enfant. Ce n'est pas uniquement en termes de procédure

qu'on voit des avantages, mais c'est aussi en termes de protection des droits de l'enfant. A ce chapitre, je peux vous dire que les centres de services sociaux ond déjà plus de $46 000 de récupérés dans les cas d'accident d'automobile ou de toute autre blessure au bénéfice de l'enfant, et cet argent lui est remis à sa majorité. Notamment, un enfant dernièrement a atteint l'âge de 18 ans, il n'avait plus de parents, et cela lui a permis quand même de faire son cours de CEGEP. Alors, si un oncle l'avait administré, où est-ce qu'il l'aurait cherché, son argent?

On présume la bonne foi, on présume que tout le monde est pour la vertu, mais, parfois, c'est bon de protéger, d'une façon plus adéquate, certains droits d'enfants qui ont plus de difficulté que d'autres en raison de leur situation sociale.

M. Clair: Mais l'exemple que vous donnez me semble mettre l'accent surtout sur la protection des biens ou des intérêts de l'enfant. Sur cela, je concède facilement qu'il y aurait avantage à amender certaines choses au niveau du Code civil à cet égard. Mais il n'en demeure pas moins que l'optique fondamentale du projet de loi no 24, c'est d'abord et avant tout de protéger les droits de l'enfant. Moi, je pense, par exemple' aux pouvoirs... On dit que la tutelle peut être... A l'article 67, on dit que le juge peut prononcer la déchéance de l'autorité parentale et déférer la tutelle de l'enfant au directeur ou à une autre personne que le directeur recommande. Je pense aux enfants qui sont placés en famille d'accueil, par exemple. S'il y a automatiquement tutelle légale en faveur du directeur de la protection de la jeunesse, est-ce réellement un avantage, est-ce vraiment dans l'esprit de respecter les droits de l'enfant de favoriser son maintien dans un cadre juridique le plus normal possible? Parce que si vous proposez que...

M. Sabourin: La tutelle n'est pas...

M. D'Amours: Je ne saisis pas exactement le sens de votre question, M. le Président.

M. Clair: Le sens de ma question, c'est le suivant. L'exemple que vous me donnez, c'est un exemple où les intérêts financiers de l'enfant peuvent être en cause.

Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais la tutelle, telle qu'envisagée par le projet de loi, à mon sens, ne vise pas tant à protéger les intérêts financiers de l'enfant qu'à protéger ses droits, dont le principal, selon moi, est de pouvoir s'épanouir et de pouvoir vivre dans un milieu aussi normal que possible. Si on donne une tutelle légale, automatique, dans certains cas, au directeur de la protection de la jeunesse, et qu'un enfant, par exemple, est déjà placé en famille d'accueil, est-ce que cela ne causera pas un problème pour savoir qui aura l'autorité parentale, qui assumera cette tutelle vis-à-vis de l'enfant? A mon sens, il serait de l'intérêt de l'enfant que la tutelle soit exercée, si tel devait être le cas, par la famille d'accueil plutôt que par le directeur.

M. D'Amours: D'accord, M. le Président, alors il y a deux possibilités. Si vous lisez complètement la section qui touche la tutelle légale, vous allez constater qu'on demande qu'il y ait possibilité de déléguer cette tutelle légale, soit à des gens qui oeuvrent à l'intérieur d'un établissement, soit à des gens qui oeuvrent à l'extérieur. Dans le cas où les personnes seront à l'extérieur des établissements, on demande que le Tribunal de la jeunesse puisse sanctionner cette délégation.

Si vous continuez, vous constaterez qu'il n'y a rien qui empêche une personne de demander à être nommé tuteur, conformément aux dispositions du Code civil, à savoir une tutelle dative. La seule précaution qu'il faut prendre, c'est que le directeur de la protection soit mis en cause pour voir à exprimer les objections qu'il pourrait avoir concernant le tribunal qui aura à se prononcer sur la tutelle dative.

M. Clair: Cela va. Dans un autre ordre d'idée, tantôt, M. Sabourin — ou l'un de ses collaborateurs — mentionnait qu'à toutes fins pratiques, la Loi 24 réduisait considérablement le danger d'arbitraire au niveau de l'intervention sociale. Il a bien dit "réduit considérablement".

Personnellement, je pense que trop souvent certains, par le passé, ont jugé que les centres de services sociaux avaient posé des gestes arbitraires. Je pense justement au déplacement d'enfants en famille d'accueil. Cet aspect doit être privilégié autant que faire se peut.

J'aimerais savoir — quand vous dites que cela réduit considérablement — si vous êtes vraiment allés au bout de votre pensée ou s'il y a autre chose dans la loi, telle que proposée, qui vous semble favoriser l'arbitraire au niveau de l'intervention sociale. Je pense notamment à une recommandation que vous faites à propos des pouvoirs du commissaire-enquêteur pour le directeur de la protection de la jeunesse.

Dans votre rapport, vous dites: D'accord pour l'immunité du commissaire-enquêteur, mais non aux pouvoirs du commissaire-enquêteur. Est-ce que c'est par souci de réduire les possibilités d'arbitraire ou y a-t-il d'autres problèmes de cette nature?

M. D'Amours: Concernant votre dernière question, M. le Président, il faut faire attention quand on parle de déjudiciariser. Ce n'est pas pour accorder un pouvoir judiciaire à quelqu'un qu'on le déplace sur une chaise administrative. Ce pourquoi on dit que les pouvoirs accordés au directeur de la protection... On dit qu'on ne devrait pas avoir besoin de cela, parce qu'à ce moment-là on fait du quasi-judiciaire. Les personnes qui sont nommées en vertu de la Loi des commissions d'enquête ont le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal; ils ont le pouvoir d'assigner des gens par subpoena. Je trouve cela un peu fort.

L'immunité, par ailleurs, permet aux gens de fonctionner de bonne foi dans l'étude des dossiers. Mais je pense qu'il serait contre l'esprit d'une déjudiciarisation que de donner des pouvoirs judiciaires à un organisme administratif,

parce qu'il n'y aurait pas de contrôle. Cela empêche justement, et c'est dans l'esprit d'objectivité plus grande... c'est-à-dire qu'on fonctionne suivant les principes d'une profession qui concerne les relations humaines.

M. Clair: Mais, à partir de ce que vous dites, si je reviens à la tutelle légale, n'est-il pas dangereux justement qu'en donnant le pouvoir au directeur général, avec un contrôle du Tribunal de la jeunesse, on atteigne un résultat contraire à celui qu'on recherche?

M. D'Amours: Vous me permettrez, pour la troisième fois, de dire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

Dans les dispositions de l'article 45 de la Loi de la protection de la jeunesse, le ministre est tuteur d'office des enfants placés. Dans la loi des enfants immigrants, la personne qui est responsable de ces enfants est aussi tuteur légal. Dans la loi des enfants trouvés de 1909, à l'article 4, il existe aussi une tutelle légale. Dans la loi des Indiens, du Parlement fédéral, il existe aussi ces tutelles légales. Est-ce que le fait que cela existe, c'est dangereux pour des décisions arbitraires?

M. Clair: Je pense que vous pourriez répondre à la question aussi bien que moi. Une toute dernière question, si vous le permettez, M. le Président. En ce qui concerne les assesseurs, il n'y a pas de branle-bas de combat qui est sonné par votre association. Cependant, vous dites: Peut-être, comme M. Sabourin le disait tantôt, que l'argent qu'on pourrait utiliser pour ces services pourrait être utilisé d'une autre façon et d'une façon plus productive. Est-ce que vous pensez que ce serait possible que les assesseurs soient facultatifs, sur demande du procureur ou de l'enfant ou de ses parents ou du directeur, peu importe ce qu'on pourrait imaginer, que ce soit facultatif à la demande d'un intervenant, d'une part, et que, d'autre part, tant dans le milieu juridique d'un district juri-diciaire donné que dans le milieu social des travailleurs sociaux, CSS, CLSC ou autres, on décentralise véritablement cette responsabilité et que la partie de la justice, régionalement parlant, délègue quelqu'un qui n'aurait pas à supporter des frais spéciaux puisqu'il serait déjà dans la région et qui pourrait siéger, un peu comme dans un "conseil arbitral", comme assesseur sur demande d'un intervenant? J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Sabourin: Je pense qu'on ne fera pas de bataille rangée sur la question des assesseurs. C'était notre vision des choses, on se disait: On va faire aussi notre effort de guerre et on va essayer d'économiser, mais toute formule qui rendrait possible l'existence d'assesseurs à un coût minime, pour notre société, je pense que ce serait acceptable. C'est même acceptable si cela coûtait quelque chose, mais, compte tenu du cadre d'économie et de rareté, je pensais que notre argument, sans être un argument fondamental, était plutôt un argument d'économie de sorte qu'une forme ou une autre qu'on pourrait utiliser ou toute formule, c'est pour nous très acceptable. On n'est pas contre. On dit: Ce n'est peut-être pas utile dans les circonstances si on n'a pas l'argent pour le faire. Si on a l'argent pour le faire ou si on a une autre formule économique, je pense qu'on serait pour.

M. Clair: A partir de votre connaissance du réseau, du côté social, est-ce que ce serait envisageable, selon vous, que, dans chacune des régions, plus spécifiquement dans chaque district judiciaire, il y ait, à un moment donné, une réunion des agents sociaux, des intervenants sociaux, d'une part, et des intervenants du domaine juridique, d'autre part, en vue de déléguer quelqu'un comme assesseur et que cette personne agisse à titre bénévole, simplement dans l'intérêt des enfants? Avec votre connaissance du réseau, dans le milieu social...

M. Sabourin: C'est la notion de bénévole, je ne sais pas ce que vous entendez. Si vous voulez dire que c'est quelqu'un, un employé du réseau, qui est prêté pour être assesseur, si c'est cela votre notion, je pense qu'on est pour cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aimerais, M. le Président, poser deux questions qui sont soulevées par l'organisme qui est devant nous dans la partie de son mémoire qui traite des articles particuliers. Ce n'est pas pour discuter comme tels les articles particuliers, en essayant de ne pas se mettre dans une position antiréglementaire, il reste qu'il y a un point général qui est soulevé relativement à la délégation. Je fais référence au paragraphe 4 où on dit que, dans l'article 30, on souligne la possibilité de délégation; on dit: II y avait anciennement, dans l'avant-projet de la loi de 1975, un libellé qui était plus explicite. Si je me souviens bien, le libellé utilisé à ce moment-là, c'était de dire que tous les droits, les responsabilités et les pouvoirs que la loi donnait au directeur étaient donnés à la personne qu'il déléguait. C'était très explicite, la délégation, et vous avez, un peu plus loin, au paragraphe 12, l'article 65 où vous dites: Quand cet article impose l'obligation au directeur de visiter lui-même l'enfant, c'est peut-être un peu onéreux, à moins qu'on ne parle, évidemment, de son délégué.

Pour terminer, vous suggérez qu'on enlève cette expression, "qui soit obligé de visiter". A mon avis, il y a peut-être une ambiguïté entre les deux paragraphes. Dans le premier paragraphe, vous semblez être d'accord avec leur notion d'une pleine délégation. Dans le deuxième, vous dites, peut-être que ce n'est pas ça qu'on veut dire, donc on ne devrait pas imposer au directeur, par opposition à ses délégués, une responsabilité aussi personnelle, aussi personnalisée.

Il me semble, si on me permet d'exprimer une préférence, comme Me d'Amours l'a souligné tout à l'heure, que vous avez, dans ce projet-ci, par rapport à la loi actuelle de 1950, un certain nombre d'obligations ou de pouvoirs qui sont dans les

lois traditionnelles, donnés au ministre, que le ministre n'a jamais exercés personnellement, ni de près ni de loin, donc, c'est une espèce de fiction juridique. Mais dans les textes plus récents, vous avez l'intention très claire de donner les droits et les pouvoirs à ceux qui sont en contact personnel avec l'enfant. Cela se fait par le mécanisme d'un directeur qui, ensuite, délègue; parce qu'il n'est pas possible, dans une loi, d'énumérer tous les employés de tous les centres de services sociaux, il y a un problème de gestion interne dans le fond.

Mais est-ce que ce n'est pas ça qu'il faut privilégier, c'est-à-dire cette liaison, ce lien très personnalisé qui permet à celui qui est face à face avec l'enfant, face à face avec les problèmes concrets de l'enfant, de lui donner les pouvoirs, les droits et les obligations qui vont avec...

Je serais d'accord avec votre première remarque en disant que si c'est ça qu'on veut, qu'on le dise encore plus explicitement dans la loi. On s'attend que ce soit toujours délégué à un individu qui va être chargé de cet enfant de façon très personnelle et alors, conservons l'obligation qu'il le visite. Parce qu'on sait que cela s'est produit — sans faire de reproche à qui que ce soit — dans le passé, que des chargés de cas aient été de longs moments, pour ne pas dire plus, sans visiter leur protégé. Je pense que ce n'est pas superflu de les obliger, dans la loi, à le voir au moins de temps en temps.

Est-ce que vous seriez d'accord sur le fait de renforcer, partout où on peut, cette liaison entre l'enfant et l'intervenant social? Ce n'est pas une critique que je fais au gouvernement, parce que j'ai vérifié mon dernier texte de l'automne dernier et je me suis rendu compte avec surprise que ce libellé, qui me plaisait beaucoup dans l'avant-projet, a été transformé, probablement par les légistes, qui y ont peut-être vu quelque chose d'absolument équivalent. Je pense que quand il va sans dire, il va encore mieux, dans ce cas-là en particulier, quand on le dit.

Enfin, en vous voyant opiner du bonnet, vous êtes d'accord avec moi là-dessus, on devrait peut-être essayer de renforcer cet élément.

M. D'Amours: Quant à la délégation, l'exprimer comme il l'était dans l'avant-projet de loi de 1975.

M. Forget: Si vous êtes d'accord là-dessus, ça ne pose pas de problème dans mon esprit. Mais je vous poserais tout de suite une question. De façon générale, le rôle du directeur de la protection de la jeunesse, dans l'orientation initiale de l'enfant... Voici la question que je vous pose dans le moment. Le projet actuel diffère de l'avant-projet en ce qu'il élimine le comité d'orientation. Bon. Le comité d'orientation, on s'en souvient, était constitué essentiellement de trois personnes dans chaque région auprès de chaque cour et auprès de chaque centre de services sociaux, une personne désignée ou émanant des centres de services sociaux, une autre désignée par le ministre de la Justice et une troisième qui devait être un citoyen neutre, dans le fond.

La loi actuelle conserve le même mécanisme, mais ne va pas jusqu'à lui donner un nom et une responsabilité propre, c'est-à-dire que le directeur, par son délégué, va participer à ça, le ministère de la Justice, par son représentant, dans les cas seulement où il y a bris d'une loi de la part de l'enfant et, finalement, s'ils ne réussissent pas à s'entendre, on va nommer un arbitre. Etant donné qu'en pratique, le directeur de protection de la jeunesse sera de toute manière délégué à des gens qui vont devenir assez spécialisés dans cette fonction, toutes ces responsabilités vis-à-vis de l'évaluation initiale et de l'orientation, est-ce que ça ne vous semble pas placé, sur le centre de services sociaux, un fardeau un peu embêtant, en ce sens que vis-à-vis des décisions du délégué du directeur, le centre de services sociaux, va être un peu dans la position de celui qui se voit imposer des décisions ou appliquer des décisions.

Le directeur, par un de ses délégués, va prendre des décisions, et par un autre de ses délégués, va subir la décision. C'est une autre façon de dire qu'il va être juge et partie, dans un certain sens.

Est-ce que ce n'est pas un peu injuste, surtout que cela va très loin pour déjudiciariser un tas de choses, de le placer dans une situation comme celle-là, où il va peut-être avoir de la difficulté à être cohérent tout le temps, étant donné que, de toute manière, quand il y aura des cas difficiles, on va faire appel à un arbitre? Est-ce que, dans le fond, malgré l'apparente lourdeur — je conçois que cela peut avoir l'air d'une structure de plus — on va, dans les faits, avoir la structure, mais avec les possibilités d'impasse et, quand il y aura des impasses, la nécessité de faire un appel spécial pour avoir un arbitre et engager un processus qui va quand même être plus lourd que d'avoir les gens déjà sur place, en mesure de décider immédiatement?

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez une réponse?

M. Myre: Nous sommes tout à fait d'accord avec la position du député de Saint-Laurent. Il est évident que l'avant-projet de 1975 évitait ce type de problème. Par ailleurs, il l'évitait par l'introduction d'une structure qui était très lourde et très coûteuse.

Il est évident que cela va causer des problèmes au directeur de protection de la jeunesse, mais je pense que là, il y a peut-être un problème de coordination. Peut-être qu'à certains moments, il pourra être juge et partie, par personne interposée, mais je pense que dans toute gérance, ce sont des problèmes qui se produisent.

Actuellement, le responsable, le directeur des services aux programmes qui a un praticien à l'accueil-évaluation, et qui décide d'envoyer quelqu'un dans un autre service du CSS... l'autre service peut aussi refuser de prendre ce cas-là, parce qu'il y a trop de prises en charge actuellement.

S'il décide de faire appel à une famille d'accueil, il va faire appel à un autre service. Je me dis que c'est un problème de coordination. L'arbitre,

dans ces cas-là, devrait être le directeur de protection de la jeunesse. Je me dis qu'il est là, c'est le patron de ces gens-là, il devra, à certains moments, imposer des décisions.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun, dernière question.

M. Lacoste: De Sainte-Anne.

Le Président (M. Laplante): De Sainte-Anne, je m'excuse, M. le député.

M. Lacoste: C'est pour revenir au tribunal pour l'hébergement obligatoire au niveau de l'enfant, lorsque le tribunal doit voir à l'hébergement de l'enfant dans des conditions adéquates.

Il est évident que la question de l'hébergement obligatoire pose un problème très délicat, tant pour l'enfant que pour le centre d'accueil ou autres services donnés au niveau de l'enfant, mais elle ne corrige pas qu'il est essentiel que tout enfant en difficulté, dans une région donnée, puisse trouver les personnes et les organismes qui le prendront en charge. En plus, que ce personnel en question ne rejette pas l'enfant. Première question.

M. Sabourin: Je pense que nous sommes complètement d'accord avec vous et je ne pense pas que ce qui existe actuellement soit le contraire de ce que vous me dites. Je n'ai pas l'impression, en tout cas, notre expérience quotidienne — je ne sais pas ce que les autres en pensent — ne se situe pas dans ce "range" d'interventions.

M. Myre: Peut-être que j'ajouterais qu'on ne peut pas se présenter comme des modèles de vertu, on sait très bien que dans nos établissements, il y a parfois des manques d'éthique professionnelle, mais aussi des manques de ressources.

Je pense que la situation que vous décrivez s'explique parfois par le fait que les gens n'ont pas toujours les ressources adéquates pour répondre aux besoins qui leur sont présentés. Il peut arriver parfois qu'il y ait des problèmes d'éthique professionnelle, mais on va essayer d'améliorer ces choses-là.

Le Président (M. Laplante): Merci. Une très courte question, M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Oui, une très courte question. Pour revenir, pour que ma position soit bien claire, vis-à-vis de ce qu'on pourrait appeler le placement obligatoire de l'enfant par le directeur, je vous ramène à l'article 58. On parle d'un endroit, un hôpital ou un centre d'accueil, peu importe, qui est désigné par le directeur.

Je répète encore une fois que dans notre esprit, les comités d'admission doivent continuer de fonctionner et fonctionner encore plus. Ce qui veut dire, en pratique, que le centre désigné par le directeur, j'espère qu'il sera, neuf fois sur dix, un centre où le directeur a été d'accord, le directeur du centre et le directeur se sont parlé et il y a eu un accord. Et la désignation devient une formalité pure et simple à ce moment-là.

M. Sabourin: Même, souvent, dans le rapport de l'accueil évaluation, il y a la ressource de désigner...

M. Lazure: C'est cela.

M. Sabourin: ... et, habituellement — je pense que c'est comme cela que cela se passe — il y a accord.

M. Lazure: Je voulais que ce soit bien clair. On ne veut pas freiner le travail des comités, au contraire, on veut qu'il se fasse encore mieux.

Deux de vos suggestions ont retenu mon attention, la disponibilité des juges... Je pense que les services juridiques, surtout à l'enfant, doivent, de plus en plus, devenir disponibles, sept jours par semaine, 24 heures par jour. Les services hospitaliers, malgré toutes leurs lacunes, font cela depuis des générations et des générations et je ne vois pas pourquoi les services juridiques ne seraient pas accessibles, sous un système de garde d'un juge du Tribunal de la jeunesse, les fins de semaine et les jours fériés.

Deuxième remarque, concernant les parents consultés au lieu d'être avisés. Il s'agit de l'article 52. Quand un hébergement volontaire doit continuer, je réagis positivement à votre suggestion pour que les parents ne soient pas seulement avisés, comme le texte le dit, mais consultés.

Au sujet des assesseurs, dans mon esprit en tout cas, on devrait avoir abondamment recours au personnel déjà payé, comme vous le dites M. Sabourin, dans le réseau, qui pourrait, à l'occasion, agir comme assesseur, plutôt que de dépenser des montants d'argent pour toute une série de nouveaux fonctionnaires parapublics.

Enfin, concernant les ressources, on sera prêt, M. Sabourin, d'ici peu de temps, à discuter de façon détaillée des ressources, pas seulement au sujet des économies du côté des placements en familles d'accueil, mais aussi de certaines réallocations à l'intérieur de vos propres budgets. Quant à savoir s'il y aura de nouveaux crédits, on pourra vous donner plus de précisions d'ici quelque temps. Je remercie les représentants de leurs excellentes suggestions.

Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, les membres de cette commission vous remercient du mémoire que vous avez bien voulu leur présenter. Oui, M. Sabourin.

M. Sabourin: M. le Président, compte tenu qu'on n'a pas utilisé nos vingt minutes, pourrait-on avoir le privilège d'une dernière intervention?

Le Président (M. Laplante): On n'ira pas jusque là. D'ailleurs, vos vingt minutes, vous les avez employées, mais si vous avez une dernière question, posez-la.

M. Sabourin: Une dernière intervention à l'intention de M. Marois.

Le Président (M. Laplante): Une dernière intervention.

M. Sabourin: Je la laisserai à M. D'Amours.

M. D'Amours: M. le Président, je ne veux pas de réponse, je veux seulement faire un commentaire pour clarifier quelque chose. Quand M. le ministre d'Etat a dit: Quand on a fait la loi, on n'a pas voulu toucher à des problèmes constitutionnels intéressant le fédéral, je ne voudrais pas que cette commission parlementaire reste avec l'impression que les recherches juridiques ou que le volet juridique qui a été présenté était de cette nature ou était fondamentalement axé sur l'étude historique de la juridiction, non plus qu'on disait que, d'après le partage constitutionnel, on avait tous ces pouvoirs.

M. Marois: M. le Président, sur ce point très précis, au cas où il y aurait quelque ambiguïté que ce soit en ce qui concerne ce que j'ai dit, je n'ai surtout pas voulu mentionner le fait qu'il n'était pas question, qu'on ne voulait pas toucher au problème constitutionnel, mais pas du tout. Que ce soit bien clair!

J'ai évoqué le fait que j'étais très heureux de voir qu'un groupe avait fouillé toute la perspective historique juridique pour essayer de mettre clairement en relief les droits constitutionnels qu'a le Québec d'intervenir dans ce domaine. Je lis peut-être trop entre les lignes, mais s'il faut le dire plus clairement, il est bien clair et net dans notre esprit qu'on a l'intention d'occuper normalement le champ de juridiction qui revient au Québec dans ce domaine.

Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle l'Association des centres d'accueil du Québec. Les membres de cette commission vous souhaitent la bienvenue. Si vous voulez vous identifier, de même que votre groupe et les membres qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Association des centres d'accueil du Québec

Mme Séguin-Desnoyers (Marguerite): M. le Président, l'Association des centres d'accueil du Québec vous présente les délégués à cette présentation de son mémoire: A l'extrême droite, Mme Michèle Bouchard, directeur des services professionnels à l'Association des centres d'accueil; à ma droite, M. Jean-Louis Parr, directeur des services de réadaptation...

Le Président (M. Laplante): Jean-Louis...

Mme Séguin-Desnoyers: Parr.

Le Président (M. Laplante): ... Parr.

Mme Séguin-Desnoyers: ... directeur des services de réadaptation au relais Saint-François à

Sherbrooke; à ma gauche immédiatement, M. Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil du Québec; à sa gauche, M. Gilles Langelier, conseiller aux affaires professionnelles de l'association; je suis moi-même Marguerite Séguin-Desnoyers, directeur du centre Marie-Vincent et présidente du conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du Québec. Evidemment, je ne vous présenterai pas tous les membres qui nous accompagnent et qui sont dans cette salle. Ils sont là pour appuyer les positions que nous allons défendre en leur nom. Ils ne sont certainement pas aussi nombreux que ceux qui étaient présents à la commission parlementaire sur l'assurance automobile, mais il faut dire que nos professionnels sont moins capables de laisser leurs clients que les courtiers d'assurances. Ils sont quand même bien présents et ils appuient les positions que nous apportons ce matin.

Je vous rappelle brièvement que l'ACAQ résulte de la fusion, en 1974, de l'Association des centres d'accueil pour adultes et de l'Association provinciale des institutions pour enfants, qu'elle regroupe 320 établissements, c'est-à-dire 215 d'hébergement et 105 de réadaptation, qu'elle dispense des services à une clientèle de plus de 30 000 adultes et enfants, dont environ 8000 enfants, et qu'elle a à son service, si on peut dire, 20 000 employés professionnels. Dans ce réseau oeuvrent 20 000 employés professionnels. Nous avons une permanence qui se compose de 13 personnes. L'ACAQ est dynamique et présente dans tous les domaines où les membres et établissements ont des droits à faire valoir.

Je pense que je vais répéter à peu près ce que tous les groupes qui vont défiler devant cette commission vont dire, à savoir que l'Association des centres d'accueil était très heureuse de voir renaître rapidement le projet de protection de la jeunesse et qu'elle considère que ce dernier projet de loi no 24 a de grandes améliorations sur les projets précédents. Evidemment, à force de le ramener sur la table, on finit par se perfectionner. Entre autres perfections ou perfectionnements qu'on retrouve dans ce mémoire ou plutôt dans ce projet de loi, nous voulons souligner qu'il s'appuie sur le respect des droits de l'enfant, qu'il fait moins de place à l'arbitraire dans les décisions qui concernent les enfants, qu'il marque un progrès très net en affirmant l'antériorité du social sur le judiciaire, qu'il crée une institution qui s'appelle le Tribunal de la jeunesse et qu'il tend à maintenir l'enfant dans son milieu naturel. Cependant, il semble à l'Association des centres d'accueil qu'il faut aller plus loin dans l'affirmation des droits de l'enfant, qu'on doit vraiment assurer la prise en charge de l'enfant en lui accordant une aide véritable à lui et à son milieu naturel, et ce, tout spécialement pour la clientèle qui est spécifique aux centres d'accueil. Pour ce faire, il faudrait accentuer les dimensions de prévention, protection et réadaptation qui ont été complètement ignorées par le législateur.

Enfin, il nous semble, et c'est là le point majeur de notre présentation, qu'on doit redéfinir

dans la loi le rôle des centres d'accueil, comme partenaires et comme collaborateurs, dans tout le réseau qui doit assurer la protection des jeunes en difficulté.

Il faut affirmer leur rôle de complémentarité et de participation aux décisions et la place unique que les centres d'accueil doivent jouer dans les mesures d'aido à apporter aux enfants mésadap-tés.

Les droits de l'enfant: L'article 3 du chapitre II de la loi affirme, dès le début, les droits de l'enfant en assurant qu'ils doivent être la base qui doit déterminer les décisions prises à son sujet, et l'article 4, que ces décisions doivent tendre à garder l'enfant dans son milieu naturel ou, autant que possible, à mettre sur pied des mesures qui se rapprochent du milieu familial. Une telle affirmation, M. le Président, ne peut que rallier le consentement de tout le monde. C'est une mesure de bon sens.

Il nous semble que nous sommes, avec cette affirmation brève et générale, très loin d'une charte des droits de l'enfant qui devrait inspirer cette loi et être partout en filigrane aux mesures qui sont préconisées. Les autres dispositions, en effet, du chapitre II qui s'intitulent: Droits de l'enfant, ne tendent qu'à protéger l'enfant contre les abus possibles du système et, à cet égard, je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que nous avons légèrement réagi à l'article 9. Vous permettrez que je vous le cite: "Un centre d'accueil ne peut prendre de mesures disciplinaires à l'égard d'un enfant qu'il héberge que conformément à des règles internes qui doivent être affichées bien en vue dans l'établissement et dont copie doit être remise par l'administration à l'enfant, s'il est en âge de comprendre, à ses parents, au comité, au ministre des Affaires sociales, au conseil régional et au centre de services sociaux". Pourquoi pas à la presse?

Il nous semble donc qu'il faut aller plus loin dans l'affirmation des droits de l'enfant, aller plus loin surtout en reconnaissant qu'il existe des enfants ou une catégorie d'enfants qui sont les enfants mésadaptés, qui ont droit à des services plus spécialisés. En ce sens, le rapport du comité Bat-shaw — vous avez tous en mémoire, j'imagine, les travaux de ce célèbre comité — disait ceci: "Que la Loi de la protection de la jeunesse soit une véritable charte des droits de l'enfant et définisse des mécanismes sociaux et judiciaires pour protéger ses droits".

La Commission des droits de l'enfant inadapté, au congrès mondial de Beyrouth, affirmait, de la même façon, que l'enfant inadapté a droit à toute l'éducation et à toute l'amélioration dont il est capable et que la rééducation de l'enfant inadapté doit faire l'objet d'un travail d'équipe et constituer une chaîne dont aucun maillon ne soit rompu. Et, finalement, le CQEE, dans sa déclaration des droits de l'enfant, propose, à l'article 18, que l'enfant, physiquement, psychologiquement psychiquement, mentalement ou socialement désavantagé doit recevoir le traitement, l'éducation et les soins spéciaux que nécessite son état ou sa situation.

Il nous semblerait donc de bonne guerre, M. le Président, que l'affirmation des droits des enfants mésadaptés soient énoncée clairement dans le projet de loi no 24.

La prise en charge: Le chapitre III du projet de loi no 24, M. le Président, se préoccupe beaucoup de la prise en charge des jeunes par la création d'un Comité de la protection de la jeunesse et par la création d'une direction de la protection de la jeunesse. Il y a là, bien sûr, un souci nécessaire et évident de remédier aux situations pénibles et abracadabrantes auxquelles ont été soumis les jeunes.

Nous ne ferons pas de sensationnalisme, les journaux s'en sont souvent chargés, en rappelant les changements multiples auxquels les enfants ont été soumis, le peu de stabilité dans l'approche qu'on a auprès d'eux, le manque d'unité d'action et d'approche.

Mais il nous semble que les dispositions du projet actuel n'amélioreront pas grand-chose à la situation qui est faite aux enfants mésadaptés.

Peut-on parler de prise en charge par un comité? Peut-on parler de prise en charge par un bon père de famille qui doit veiller personnellement aux intérêts de ces quelques centaines et milliers d'enfants?

C'est peu rassurant, c'est peu personnel et pas tellement unifié. Il me semble que c'est très éloigné de la notion de prise en charge que redéfinissait tantôt M. le député de Saint-Laurent en disant que cette prise en charge devait être l'établissement d'un lien significatif entre l'enfant et celui qui est immédiatement le répondant de cet enfant.

Nous sommes encore loin, il nous semble, des recommandations du comité Batshaw qui voulait que la relation soit personnalisée. Peut-être ces dispositions de la loi sont-elles suffisantes pour une certaine catégorie de la clientèle touchée par la loi, les enfants qui ont besoin d'hébergement en famille d'accueil ou en foyer de groupe d'hébergement parce que la famille naturelle est absente, les enfants maltraités, les enfants abandonnés pour adoption, mais certainement pas les enfants requérant le recours aux services d'un centre d'accueil de réadaptation.

Cette prise en charge aussi générale et aussi éloignée ne peut certes pas satisfaire leurs besoins. Quand M. le ministre des Affaires sociales nous affirmait, tantôt, qu'il y avait un trop grand nombre d'enfants en institution, croyez bien, M. le Président, que nous sommes les premiers à le déplorer. Nous sommes aussi les premiers à réclamer, depuis fort longtemps, qu'il y ait des ressources alternatives au placement en institution. Si nous sommes la province qui place le plus, nous sommes la province qui a le moins de ressources alternatives aussi.

Pour cette clientèle, nous affirmons la nécessité d'une collaboration et d'une concertation très étroite entre tous les intervenants et tous les partenaires du réseau. Le comité d'admission qui existe, de par le chapitre 48 des lois de 1971, nous semble l'organisme le mieux défini pour atteindre cet objectif de collaboration et de concertation

puisqu'il met autour d'une même table la source "référante" qui a fait l'accueil-évaluation, le diagnostic-orientation et qui est en mesure de demander une ressource pour l'enfant en état de besoin, et le responsable des centres d'accueil qui est capable ou pas d'affirmer sa capacité de satisfaire les besoins décrits pour l'enfant. Il nous semble que l'expérience dans ce domaine est fort concluante, même si elle est jeune. Il est vrai que nous avons mis un peu de temps à mettre sur pied le rouage ou le mécanisme des comités régionaux d'admission, mais depuis quelques mois ils fonctionnent un peu partout à un rythme satisfaisant et, semble-t-il, aussi à la satisfaction des différents partenaires, de manière à répondre aux besoins des enfants.

Je serais étonnée qu'on puisse dire qu'actuellement des enfants sont refusés par les centres d'accueil aux comités régionaux d'admission pour des raisons futiles ou pour des oppositions systématiques. Nous voulons aussi affirmer pour notre clientèle des centres de réadaptation, donc pour la clientèle des mésadaptés sociaux affectifs, la nécessité de la prise en charge par le centre d'accueil.

Il est vrai, M. le Président, que l'Association des centres d'accueil ne veut pas d'un pouvoir externe auquel elle soit subordonnée. Le rapport du comité Batshaw, les déclarations de M. Jacques Brunet, sous-ministre aux Affaires sociales, le rapport du comité tripartite sur la réinsertion sociale qui regroupait des membres de l'Association des Centres de services sociaux, l'Association des centres d'accueil du Québec et du ministère des Affaires sociales; donc tous ces rapports sont fort éloquents sur la nécessité de rendre le centre d'accueil premier et unique responsable de l'enfant qui lui est confié, tant pour le traitement auquel il a droit que pour sa réinsertion sociale. Il est trop facile de dire qu'il y a des abus et des refus de la part des centres d'accueil. Il faut peut-être aussi se rappeler qu'on a souvent voulu utiliser les centres d'accueil à toutes Jes sauces parce qu'on avait des enfants sur les bras dont on ne savait pas quoi faire. Il faut se rappeler que la mission des centres d'accueil n'est pas de soulager le réseau et de lui donner bonne conscience, mais bien de donner aux jeunes les services auxquels ils ont droit eu égard à leurs besoins, et les centres d'accueil ne sont pas si sélectifs qu'on veut bien le dire.

L'affirmation des droits de l'enfant et le désir — si ce mot rend bien la pensée de l'association, je devrais presque dire l'impératif — qu'a l'association de voir confier à ses centres d'accueil la responsabilité, la prise en charge réelle des enfants, nous amène, M. le Président, à parler du rôle du centre d'accueil tel que défini, ou plutôt tel que non défini dans le projet de loi qui nous intéresse actuellement. A notre avis, aucun document n'a été aussi dévalorisant pour les centres d'accueil et nous sommes très heureux que l'Association des centres de services sociaux soit d'accord avec nous sur ce point. Les termes mêmes du projet de loi considèrent le centre d'accueil comme un centre d'hébergement. Evidem- ment, on prend la précaution, au chapitre 1, de bien dire que le centre d'accueil sera entendu dans ce projet de loi au sens du chapitre 48 de la loi, mais nulle part ailleurs on n'emploie les termes de réadaptation, prévention, traitement, en parlant des centres d'accueil. On parle d'hébergement. Si on se réfère justement aux définitions du chapitre 48, l'hébergement n'était pas le fait des centres d'accueil et de réadaptation.

Il est significatif, nous semble-t-il, qu'on ne fasse aucune allusion à la fonction de réadaptation des centres d'accueil, qu'on ne donne aucune précision quant aux besoins des jeunes de recevoir des services de réadaptation, qu'on ne prévoie aucune disposition pour leur assurer les services de réadaptation requis. C'est à se demander, en lisant ce projet de loi, si nous rêvons, si une telle clientèle existe ou si on a peur de cette réalité et de ces mots.

Nous sommes aussi étonnés de voir la place qu'on a faite au centre d'accueil dans ce projet de loi. Nulle part on ne mentionne qu'il a part aux décisions. Je fais ici allusion au comité d'admission que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi 24. On aura beau dire que le chapitre 48 de la loi a prévalence sur la loi 24, il semble qu'on ne manquerait pas beaucoup en ajoutant cette petite précision que, de toute façon, les comités d'admission vont continuer à siéger et à avoir le rôle privilégié qu'ils avaient selon le chapitre 48.

De toute façon, nous savons aussi très bien que les lois sont éphémères, qu'elles sont facilement changeables. Est-ce qu'on ne nous annonce pas justement que le chapitre 48 va être complètement révisé dès janvier? Qu'est-ce qu'il en restera de ces comités d'admission au chapitre 48 révisé? S'ils étaient assurés à la loi 24, nous aussi, nous nous sentirions, plus rassurés.

On nous fait cependant beaucoup de devoirs. On ne nous met pas comme partenaires, mais on nous impose beaucoup de devoirs. Nous sommes tenus d'héberger, en cas d'urgence, lorsque le tribunal le recommande et même à l'article 52, pour exécuter une mesure volontaire. Contrairement à ce qu'on disait tantôt, ce n'est pas seulement en hébergement obligatoire qu'on oblige le centre d'accueil à recevoir un jeune. Partout, le jeune est obligé d'être reçu en centre d'accueil.

Articles 42b et c, 58 et 52. C'est ici, encore une fois, l'absence de références aux articles 3.4.3 et 3.4.4 des règlements adoptés en vertu du chapitre 48. Non seulement on nous impose des devoirs, mais on nous impose des contraintes. Les références sont faites sous forme de sentence. Le jeune aura à faire une période de six mois en centre d'accueil. Le centre d'accueil pourra avoir des visites d'inspection professionnelle, de la part du DPJ. Mais où sont nos droits, droits qui correspondent à la rencontre des besoins de l'enfant, parce que nous avons d'autres droits que de rencontrer ceux des besoins des enfants qui nous sont confiés.

Où sont reconnus nos droits à être concertés dans l'accueil d'un jeune, de façon nommée? Où sont reconnus nos droits de nous reconnaître ou

pas une compétence dans les services demandés ou requis? Où sont reconnus nos droits à établir une concertation avec les autres intervenants?

Encore une fois, c'est trop facile de dire que la bonne foi devra rencontrer ces exigences, que nous nous entendrons comme de bons partenaires, d'un bon système et d'un bon réseau, pour le meilleur bien des enfants.

Le Président (M. Laplante): A ce moment-ci, je suis obligé de vous interrompre. Il vous resterait cinq minutes encore pour faire votre exposé.

Mme Séguin-Desnoyers: En cinq minutes, je devrais être capable de terminer...

Le Président (M. Laplante): Si les membres de la commission acceptent de terminer à 13 h 5. sans que ce soit une coutume? Oui, merci. Continuez.

Mme Séguin-Desnoyers: Merci. Où sont nos droits de décider profesionnellement du laps de temps que doit passer un enfant en centre d'accueil, eu égard à ses besoins, les droits professionnels, pour répondre aux besoins de cet enfant? Et enfin, où sont nos droits face à l'appel? Nous sommes les seuls à ne pas en avoir dans ce projet de loi. Tout le monde en a, sauf nous.

Nous ne voulons pas être paranoïaques, M. le Président, mais il nous semble qu'on garde encore, à l'égard des centres d'accueil, une méfiance. Il faut protéger l'enfant contre la mesure centre d'accueil et je réfère encore à l'article 9 du chapitre II.

Il me semble qu'il faille, à ce moment-ci, tenir compte de l'évolution rapide des centres d'accueil et de leur capacité de répondre aux besoins de la population spécifique qui est la leur.

Il faut surtout qu'on arrête de considérer le centre d'accueil comme la mesure de dernière ligne, de bout de chemin, de désespoir, restante, quand on n'a plus rien d'autre chose, qu'on a tout essayé, qu'on a perturbé l'enfant, en le transpor- tant d'une place à l'autre. Il va aller en centre d'accueil.

L'Association des centres d'accueil du Québec s'élève contre ces conceptions. Les centres d'accueil sont nécessaires. C'est un mal nécessaire comme les hôpitaux, mais ils sont quand même nécessaires. Ils ont un rôle important et spécifique à jouer et ils veulent le jouer. Ils demandent que la loi leur permette de jouer ce rôle, en reconnaissant le droit des enfants mésadaptés à recevoir des services spécialisés, en conservant et en notant clairement, dans ce nouveau projet de loi, le processus d'admission comme étant conservé dans le processus de référence et en confiant aux centres d'accueil la responsabilité première, c'est-à-dire la prise en charge de l'enfant.

Il est clair que le centre d'accueil ne veut pas être une chasse gardée, fermé sur lui-même, et qu'il entend exercer tous ses droits avec les autres partenaires du réseau. Il veut l'exercer en collaboration avec la source référante. Il est même prêt à faire régulièrement des rapports périodiques sur l'évolution des jeunes qui lui sont confiés et sur les mesures additionnelles qui sont requises. Mais nous ne voulons pas être un exécutant, une gare, une salle d'attente, un parking, une filiale de quelque organisme que ce soit, une pseudo-prison d'enfants. C'est pourquoi, M. le Président, nous demandons que les recommandations qui ont trait à toutes mesures qui peuvent améliorer le rôle du centre d'accueil dans le réseau soient reprises dans le projet de loi no 24.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Vous êtes prête à revenir après la période des questions?

Je vous ferai remarquer que toute manifestation est interdite.

Nous suspendons les travaux jusqu'après la période des questions de l'Assemblée nationale cet après-midi, ce qui peut aller vers 16 heures, 16 h 15.

(Fin de la séance à 13 h 3)

Reprise de la séance à 16 h 22

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux de la commission des affaires sociales et de la justice pour la réception des mémoires en vertu du projet de loi 24. Sont membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron (Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget... Oui, monsieur.

M. Grenier: Un instant, remplacé par M. Grenier (Mégantic-Compton).

Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton)... Je m'excuse, monsieur, votre nom était déjà là.

M. Grenier: D'accord. Alors, c'est pour M. Shaw.

Le Président (M. Laplanfe): M. Shaw est ici aussi, monsieur.

M. Grenier: D'accord.

Le Président (M. Laplante): M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt (Jonquière).

Je demanderais la coopération des gens, des spectateurs et des gens autour de la table. On se plaint beaucoup de la fumée et de la chaleur. Vu qu'on est incapable d'ouvrir les fenêtres à cause de la construction, on vous demanderait — on ne peut pas vous le défendre — en guise de coopération, de ne pas fumer de l'après-midi, ou le moins possible. Mais autant que possible, ne pas fumer. M. le ministre.

M. Grenier: ... respirer.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le groupe de s'être exprimé avec, je pense bien, beaucoup de franchise — je vais le dire comme je le pense: une franchise qui a pu paraître brutale à l'occasion — pour nous faire part de son point de vue face au projet de loi no 24.

J'ai noté, quand même, qu'au point de départ vous étiez d'avis que le projet de loi, aussi imparfait qu'il puisse être, marquait un progrès par rapport à ce qui avait déjà été mis au point. Bien sûr, à force de le remettre sur le métier... Il va falloir, à un moment donné, arrêter de remettre sur le mé- tier, parce qu'il s'agit du problème de la jeunesse. Il va falloir aboutir, en acceptant qu'il y ait des imperfections et qu'en cours de route on ait, tous ensemble, à faire les efforts pour faire les ajustements qui pourront s'imposer.

Ceci étant dit, il m'a semblé, peut-être que j'ai mal compris votre mémoire, peut-être que j'ai mal saisi ce que vous nous avez dit ce matin, mais il me semble se glisser une ambiguïté qu'il m'appa-raît essentiel d'éclaircir. Vous avez fait largement état des enfants mésadaptés.

Je crois qu'il est extrêmement important, parce que vous avez accroché à ça et à l'interprétation, entre autres, du rôle que vous voyez dessiné par les centres d'accueil dans le projet de loi 24, vous avez accroché, notamment, à cette notion que vous trouvez beaucoup trop étroite, toute une série de remarques et de commentaires concernant, notamment, les enfants mésadaptés, les mésadaptés sociaux affectifs.

L'ambiguïté me semble tenir essentiellement au point suivant: D'une part, on me dit qu'il y aurait présentement entre 25 000 et 27 000 enfants qui seraient placés soit dans des centres d'accueil, soit dans des familles d'accueil. De ce nombre, 17 000 le seraient en vertu de mesures volontaires et sur la base, notamment, de l'application du chapitre 48, pour l'essentiel, en bonne partie, et inclurait, dans ces 17 000, le bloc essentiel, clé, précisément de ces enfants qui sont des cas de mésadaptés sociaux affectifs ou de déficients mentaux.

Bien sûr, il reste un certain nombre de zones grises, forcément, d'enfants qui, tout en étant des mésadaptés sociaux, peuvent aussi présenter des problèmes qui tomberaient sous la coupe du projet de loi 24, c'est-à-dire une éventuelle loi de protection de la jeunesse.

Or, ces enfants, précisément, ne tomberaient pas sous la coupe, comme tels, du projet de loi 24, sauf encore les cas qui sont des cas de zones grises ou les cas qui, précisément, pourraient tomber sous la définition de ces enfants présentant des problèmes prévus et évoqués au projet de loi 24. En d'autres termes, pour l'essentiel de ce que vous avez évoqué, sur ce plan, autour de ces questions, le chapitre 48, la Loi des services sociaux et des services de santé, non seulement demeure là, mais en plus, présentement, il y a devant l'Assemblée nationale un projet de loi, le bill 10, qui modifie la Loi des services de santé et des services sociaux, notamment, qui prévoit une nouvelle définition concernant les centres d'accueil.

Concernant cette nouvelle définition, je pense que c'est très important qu'on se comprenne bien, parce qu'il s'agit de deux temps, deux morceaux de législation qui, au fond, dans la pratique, vont devoir se recouper, dans le concret, pour le monde en vie qui est pris avec les problèmes. Il ne faut quand même pas les perdre de vue l'un et l'autre et dans l'interprétation de l'un, ignorer complètement l'autre, non plus.

Donc, non seulement le chapitre 48 va continuer à exister, mais en plus, il y a des amendements prévus, notamment en ce qui concerne la définition des centres d'accueil. Je vous inciterais

à regarder très attentivement le projet de loi 10 qui est présentement débattu, puisque, entre autres, et c'est une des choses que vous avez évoquées, sur lesquelles on est parfaitement d'accord avec vous, toute cette dimension de prévention, de plan de traitement, pour favoriser la réinsertion sociale ou la réintégration sociale des jeunes.

Dans la nouvelle définition, précisément, on utilise même cette expression comme telle, dans le projet de loi 10. Donc, cette vocation de réinsertion sociale va être très bientôt concrétisée dans le chapitre 48 tel qu'amendé par le projet de loi 10.

Cela dit, il reste forcément — et là, c'est difficile de couper les cheveux en quatre, ce n'est pas si simple que cela quand il s'agit d'humains, mais on essaie de se retrouver là-dedans — quant au bloc d'enfants, les 8000 à 10 000 qui se retrouvent placés en centre d'accueil ou ailleurs, suite à des ordonnances de la cour, il s'agit précisément de ceux-là où il nous a semblé normal dans le sens nettement de ce qui a été évoqué ce matin, lors de la rencontre avec le groupe représentant les CSS, de trouver le moyen de faire en sorte que chacun des agents se sente pleinement impliqué, s'élabore, se développe et s'amplifie, à partir de ce qui est déjà là, ce qui a été évoqué, les conférences administratives régionales, une véritable collaboration de chacun des agents. On vous demande de faire le maximum pour vous mettre à contribution et donner un coup de main là-dessus.

Cela était pour essayer d'éclaircir ce qui me semblait être une ambiguïté importante. Deuxièmement, vous avez fait plusieurs références au rapport Batshaw. Je pense qu'il faut bien comprendre que le rapport Batshaw s'adressait à l'ensemble des enfants en centre d'accueil de réadaptation. Or, ce ne sont pas nécessairement tous les enfants inadaptés qui sont forcément automatiquement des cas de protection de la jeunesse.

C'est ce que je viens d'évoquer en disant qu'il fallait faire une distinction entre ce qui relève du chapitre 48 et votre rôle qui est non seulement là, mais qui, normalement, doit continuer à se développer, précisément dans le sens que vous avez évoqué ce matin. Encore là, il semble y avoir une ambiguïté quant à la notion de protection.

Par ailleurs, je serais prêt à admettre, en tout cas, je suis certainement prêt à le regarder de très près, qu'il y a peut-être un trou dans le projet de loi 24 sur les droits des enfants. Peut-être qu'il y aurait lieu d'apporter un certain nombre de précisions ou d'ajustements. En tout cas, je crois que cela mérite d'être regardé de très près.

Une dernière remarque à ce stade-ci. Le projet de loi 24 ne touche pas, dans le détail, loin de là, comme vous l'avez évoqué, aux différentes fonctions et rôles du centre d'accueil. On est obligé de procéder comme cela. Je sais bien que, parfois c'est du jargon juridique. Seulement, il faut bien utiliser ce jargon, en essayant de le rendre le plus accessible possible, mais il doit être aussi le plus balisé possible pour ne pas prêter le flanc à toutes sortes d'interprétations devant les tribunaux, surtout si vraiment on veut que des droits soient autre chose que du papier ou du "placotage", que ce soit des droits qui puissent devenir opérationnels, applicables, surtout quand il s'agit notamment... Cela vaut pour tous les groupes, mais à plus forte raison pour des jeunes.

Le projet de loi 24 ne touche donc pas aux fonctions, en détail, des centres d'accueil. Forcément, il faut se référer à l'autre loi qu'est le chapitre 48. En ce sens, les comités d'admission vont forcément continuer à fonctionner.

J'avais dit que c'était ma dernière remarque, mais il y en a effectivement une toute dernière que je voudrais rapidement soulever au passage. Il me semble qu'il faudrait aussi... Peut-être que le texte n'est pas suffisamment clair, il faudra voir. Vous avez fait état et vous avez comme mis en opposition le fameux délai de six mois d'hébergement et — vous l'avez mis en opposition, si j'ai bien compris — ce que vous appelez un plan de traitement de l'enfant.

Au passage, je voudrais signaler une chose. Vous avez évoqué cette idée dans votre mémoire. Vous ne l'avez pas reprise ce matin, mais, dans votre document que j'ai lu, vous évoquiez cette idée que le plan de traitement devrait être soumis à l'enfant, aux parents. Je pense que c'est une chose qui mérite qu'on s'y arrête très sérieusement. Comme suggestion, je pense que c'est intéressant.

Vous avez quand même mis en opposition le fameux délai de six mois par rapport au plan de traitement. Je pense qu'il doit être bien compris, en tout cas, c'est vraiment l'esprit qui nous animait au moment où on a essayé de le formuler sous la forme d'un jargon juridique que cela prend forcément dans une loi.

Le délai de six mois est là pour faire obligation de réévaluer les cas. En d'autres termes, notre préoccupation, et je pense que c'est la préoccupation de tout le monde, est de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'enfants qui soient oubliés, laissés pour compte, et qu'il y ait constamment des réévaluations périodiques qui soient faites. Ce qui ne vient absolument pas en contradiction avec un plan de traitement qui lui, forcément, peut s'échelonner sur une période qui est plus longue pour toutes sortes de raisons que les gens de métier, comme vous autres, connaissez encore bien mieux que je ne puis les connaître moi-même. Il n'y a pas contradiction fondamentale, à notre point de vue. Je pense que c'est vraiment l'esprit. Ce qu'il faut retenir, c'est l'esprit qui nous animait au moment où on a mis au point ces articles.

Une dernière chose, et là, c'est plus une idée que je lance en l'air qu'autre chose, un élément de réflexion... Parce que vous avez semblé constamment revenir sur cette idée voulant que les centres d'accueil, à votre point de vue, à l'interprétation que vous faites, et des articles, et de l'économie générale du projet... Vous ne vous sentiez pas suffisamment impliqués, concernés. Je pense qu'une chose qu'on doit tous admettre, c'est que forcément, il y a des choses qui sont déjà là et qui sont en marche, je l'ai évoqué tantôt. Je ne veux pas revenir plus longuement, mais notamment, les conférences administratives et cela, tout le monde espère, vous autres les premiers, qu'elles vont devenir de plus en plus des tables, non seulement de

collaboration, mais presque, au sens strict de ce mot, de concertation, sans penser que le rêve va automatiquement et nécessairement se réaliser demain matin; mais enfin, il y a des étapes qui ont été franchies dans ce sens.

Une des choses qui m'apparaît très importante, c'est qu'on ne perde pas de vue, à la fois les deux pentes de législation qui, forcément se recoupent quelque part dans la pratique et dans le concret, et le fait des préoccupations fondamentales qui nous animaient au moment où on a préparé le projet de loi éminemment perfectible, j'en conviens.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Mon collègue a touché plusieurs points sur lesquels je voulais intervenir, alors, je vais faire rapidement. Au départ — le groupe qui vous a précédés, l'Association des centres de services sociaux y a fait allusion — je pense qu'on a mal interprété l'intention de ceux qui ont travaillé à ce projet; le groupe de ce matin et votre groupe, quand vous dites, et je cite l'expression de M. Sabourin: "On fait fi de l'expertise des professionnels dans les centres d'accueil", je ne vois pas où on va chercher cela.

Il y a des mécanismes qui ne doivent pas apparaître ici, qui sont déjà prévus dans le chapitre 48 et ailleurs dans le Code des professions, des mécanismes qui permettent aux institutions de se conformer à des critères, à des qualités, à des normes, à des niveaux de qualité de soins, de pratique professionnelle. Ce n'est pas à une loi comme celle-ci d'intervenir et de statuer sur le genre de programme, de traitement, la qualité des professionnels — on l'a vu ce matin dans une discussion à un moment donné — ou sur les qualifications du personnel qui doit intervenir. Cela fait véritablement partie de votre travail quotidien et de vos juridictions. Vous avez des organismes professionnels, vos corporations professionnelles à qui vous devez rendre des comptes, et aussi des organismes dans le ministère des Affaires sociales, la direction de l'agrément, la programmation, qui sont là à la fois pour vous aider et pour surveiller, au nom du public, la qualité des traitements ou des soins.

Deuxième remarque: hébergement. Je pense que c'est peut-être dommage que ce terme-là ait été utilisé et comme mon collègue le disait tantôt, on n'est certainement pas à cheval sur des mots. Ce n'est pas parce que le mot "hébergement" est utilisé ici dans un sens très, très large que vous devez ensuite l'utiliser pour faire opposition à "réadaptation". Je pense que c'est une fausse piste. Je comprends que vous ayez pu y mettre une intention, mais l'intention n'est pas là. Ce terme-là, pour autant que je suis concerné, peut être révisé. Encore une fois, on veut s'assurer que le jeune est accepté dans un centre d'accueil et on veut aussi s'assurer, par bien d'autres mécanismes que j'ai cités tantôt, que la qualité de l'attention qu'on va lui porter va être la plus élevée possible.

Troisième remarque: les programmes de trai- tement mis à la connaissance des enfants et des parents. J'en suis, et je ne comprends pas pourquoi vous vous opposiez ce matin à ce que le programme disciplinaire de l'institution soit aussi mis à la disposition des enfants ou des familles. Je pense que vous avez fait des gorges chaudes ce matin quand vous avez dit à un certain moment: Et pourquoi pas à la presse? Non. On trouve qu'une discipline normale, dans un centre d'accueil, à toutes fins pratiques, fait partie d'un programme de traitement.

On pense qu'il y a eu des abus dans le passé, qu'il y en a encore, et on ne sera jamais trop prudent pour éviter que les enfants ne soient victimes de certains abus. Au sujet des six mois en question, rapidement, j'endosse les remarques de mon collègue. Encore une fois, il ne s'agit pas d'une contrainte, le traitement peut se poursuivre par la suite. Qu'il s'agisse d'un hébergement volontaire ou obligatoire, c'est dans le but de réviser — non seulement vous, mais aussi les autres organismes concernés — l'étape où se trouve rendu le traitement.

Enfin, concernant les relations personnalisées dont vous parliez tantôt, vous reprochez au texte de loi de parler de structure, mais encore là je vous renvoie à un droit de gestion normale, sur le plan interne de chaque centre d'accueil. Bien sûr qu'on souhaite que la relation entre le personnel d'un centre d'accueil et l'enfant, comme entre une infirmière et un patient, soit la plus personnalisée possible. Je vous réponds que c'est tout à fait dans le domaine de vos attributions. La meilleure chose pour les ressources alternatives, dans la mesure des moyens financiers, c'est d'accepter de plus en plus de ressources qui ne soient pas des ressources institutionnelles.

L'obligation de recevoir l'enfant, et c'est ma dernière remarque. Je note à votre attention que ce n'est pas une obligation qui est particulière aux centres d'accueil. L'article 32 dit très bien "centres d'accueil, centres hospitaliers ou autres organismes appropriés." En somme, c'est ma conclusion: Je trouve qu'il y a une bonne part de malentendu et il n'y a sûrement pas, de notre part, une intention de rendre plus difficile le travail des centres d'accueil, on sait qu'il l'est déjà assez.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre.

Voulez-vous réagir tout de suite aux propos du ministre des Affaires sociales et du ministre d'Etat au développement social?

Mme Séguin-Desnoyers: Cela pourrait ensuite, M. le Président, orienter le reste des questions et des réponses, en effet.

Je pense bien, M. le Président, que nous serions mal placés pour dire que nous faisons un procès d'intention à ceux qui ont rédigé le projet de loi. Ce n'est pas du tout notre intention et si le ton de notre mémoire est un peu vif et si la présentation s'est voulue un peu ferme, c'est peut-être parce qu'il y a dans ce projet de loi des besoins d'enfants qui ont à être satisfaits et que nous nous sentons peut-être les défenseurs de la veuve et de l'orphelin.

Les enfants qui vont venir en centre d'accueil vont nous être confiés. Nous nous sentons une responsabilité réelle à leur endroit et nous voulons avoir les meilleurs mécanismes pour leur rendre les services auxquels ils ont droit.

Afin que tous, sachent jusqu'à quel point nous sommes de bonne volonté, ceci étant dit, si nous avons mentionné à plusieurs reprises certains articles du projet de loi 24, concernant l'hébergement des enfants, ou l'obligation qui est faite aux centres d'accueil de recevoir des enfants, laquelle minimisait le rôle propre du centre d'accueil, c'est peut-être parce qu'il y avait une différence notable avec le chapitre 48, et que nous n'avons pu, complètement, nous référer chapitre 48.

J'explique ce que nous voulons dire. Il y a trois formes de placement possibles en centre d'accueil, l'urgence, l'obligatoire et la volontaire. Dans le chapitre 48, la volontaire est faite par le mécanisme du comité d'admission, qui respecte, bien sûr, l'article 3.4.4 ou 3.4.3 et les critères d'admission des centres d'accueil. Il y a aussi placement d'urgence et placement obligatoire qui font qu'un centre d'accueil peut être obligé, temporairement, ou par ordonnance de cour, de recevoir un enfant. Mais dans la loi 24, il y a là un changement de mentalité. Tout placement d'enfant est fait sans appel pour le centre d'accueil, en tout cas, dans sa formulation, c'est ce qu'il dit. Les articles 42, 58 et 52 obligent le centre d'accueil à recevoir un enfant, que ce soit en placement volontaire, en placement obligatoire ou en urgence. Cela va beaucoup plus loin que Je chapitre 48.

C'est pour cela que nous nous sommes posés la question du respect du comité d'admission. Puisque même le placement volontaire sera imposé aux centres d'accueil ou pourra être imposé aux centres d'accueil par la loi 24, qu'advient-il des dispositions du chapitre 48? C'est de là que toute notre problématique est partie. Nous nous sommes dit: Nous ne sommes plus maintenant des gens avec lesquels on travaille à un plan d'approche pour des jeunes, à un comité d'admission qui respecte des critères d'admission, mais nous sommes toujours en état d'être obligés de recevoir un enfant. Cela a été, je pense, notre point de départ. Peut-être qu'en le disant, on éclaircira justement le climat d'ambiguïté que soulignait M. Marois tantôt, ambiguïté bien sûr qui tient aussi aux clientèles, mais nous y reviendrons un peu plus loin.

Je ne sais pas dans quelle mesure cette première mise au point peut éclaircir tout le reste du débat. Peut-être que ce qui se passe actuellement, avec le dépôt de la loi 10, qui est une réforme des services sociaux et de santé, dans une certaine mesure, va corriger cette impression que nous avons, mais nous n'en sommes pas sûrs. Nous croyons vraiment que les dispositions en vertu desquelles un centre d'accueil sera obligé de recevoir un enfant, amènent presque la mise en veilleuse, si ce n'est pas la destruction des comités d'admission. Même si on dit: On ne veut pas cela, les termes sont là. Il va falloir les changer pour dire qu'un centre d'accueil peut recevoir un en- fant, si on veut vraiment éviter l'ambiguïté à laquelle je fais allusion.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai l'impression que l'échange auquel on vient d'assister ne nous permet pas d'avoir véritablement un dialogue constructif parce qu'il y a un certain nombre de questions auxquelles les deux ministres n'ont pas, dans mon esprit du moins, répondu de façon satisfaisante.

Nous avons discuté ce matin avec l'Association des centres de services sociaux de la notion de délégation ou de prise en charge. Les représentants ont convenu, avec la commission, je pense, qu'ils attachaient une très grande importance à cette notion. Cependant, ce que nous avons envie de leur poser comme question — il y aurait peut-être possibilité de le faire ultérieurement — c'est si, dans leur esprit, cette notion de délégation, de prise en charge, est exclusivement destinée à l'usage des centres de services sociaux ou si elle peut s'étendre jusqu'à s'appliquer aux centres d'accueil.

Il y a différents niveaux auxquels on peut aborder le sujet. Evidemment, on peut l'aborder plutôt cyniquement, en termes d'une rivalité institutionnelle, et en se demandant qui va être chargé, qui va avoir le "case load" que représentent 17 000 ou 20 000 enfants dans le réseau et qui, sur la base de ce "case load", pourra faire la meilleure représentation auprès du ministère pour obtenir des crédits additionnels. C'est une façon cynique et, à mon avis, un peu superficielle de traiter le problème.

Je crois que ce que nous avons entendu de la part des centres d'accueil ce matin, c'est une inquiétude réelle qui trouve sa justification dans le fait que ceux qui sont effectivement auprès de l'enfant, pendant 80% ou 90% du temps pendant lequel il est un pupille de la loi de protection de la jeunesse, ce sont des éducateurs et, de façon générale, le personnel professionnel des centres d'accueil.

A mon avis, il est capital de savoir si, dans l'esprit des ministres du gouvernement et dans l'esprit aussi des centres de services sociaux, ils acceptent la notion que cette délégation, donc une grande partie des pouvoirs, des droits, des obligations et des pouvoirs réels d'intervention que la loi prévoit, ces pouvoirs peuvent être exercés effectivement par le centre d'accueil ou si le centre d'accueil sera sous une espèce de tutelle professionnelle du chargé de cas au sein du centre de services sociaux.

Dans toute l'immense discussion, l'espèce de roman-fleuve de discussion qui a précédé la journée d'aujourd'hui, il en a été question à plusieurs reprises. Je sais qu'il n'y avait certainement pas d'unanimité là-dessus. Mais il me semblait qu'on se dirigeait vers une situation où la prise en charge serait effectivement confiée à l'éducateur dans le centre d'accueil — c'est du moins ma ten-

dance personnelle là-dessus, je ne m'en cache pas— et il me semble que ça répondrait largement à l'inquiétude qu'expriment les centres d'accueil, à juste titre. Parce que, s'il faut constamment se référer au chargé de cas au centre de services sociaux pour des décisions quant au programme de rééducation d'un enfant confié à un centre d'accueil, effectivement, on n'aura pas fait grand-chose pour faire progresser l'humanisation et la personnalisation des soins là-dedans. Et le rôle professionnel, propre au centre d'accueil, d'être un instrument de réadaptation et de réinsertion sociale, ne sera pas atteint.

Je pense que, si l'Association des centres d'accueil nous indique que c'est bien là sa préoccupation, j'aimerais que l'un ou l'autre ou les deux ministres nous indiquent s'ils comprennent la loi de cette façon. S'ils la comprennent de cette façon, peut-être qu'au niveau de la formulation dans la loi, il peut y avoir des améliorations, mais déjà un large élément de malentendu sera éclairci. Ce sera ma première question. J'en aurai d'autres, mais je ne veux pas mélanger les choses. Je me limiterai à ça pour l'instant.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: Sur ce point, pour la compréhension; dans notre esprit, il s'agit, quand on parle d'hébergement obligatoire, de cas d'urgence. Encore une fois, comme je le disais ce matin, si on retourne à l'article 42, la section Mesures d'urgence, il dit bien: "Le directeur peut appliquer provisoirement... et à b) faire héberger l'enfant sans délai dans un centre d'accueil, une famille d'accueil, un centre hospitalier ou un organisme approprié".

Un peu comme c'est le cas dans le chapitre 48, la Loi sur les services de santé, qui oblige un hôpital, qui oblige un médecin, à porter secours, à toujours recevoir un individu qui a besoin d'un soin d'urgence, je ne pense pas que vous contestiez cela.

L'autre partie, c'est peut-être plus discutable. Ce matin, je disais aux gens du CSS, l'article 52, là où c'est volontaire, il n'est peut-être pas nécessaire de le formuler ainsi. Dans la mesure où les comités d'admission vont bien jouer leur rôle, on peut envisager une formulation différente. Dans notre esprit, c'était dans le but d'éviter que des enfants puissent non seulement être refusés dans un centre d'accueil, en cas d'urgence, mais aussi, en cas de non-urgence, un besoin quand même important, qu'ils soient refusés dans une série de centres d'accueil, à cause de critères d'admission qui, souvent, ne sont pas complémentaires d'une institution à l'autre.

Je sais qu'il y a des progrès de faits de ce côté là, mais vous allez admettre — car moi je sais que ce n'est pas encore parfait — qu'il y a encore des enfants qui sont refusés d'un centre d'accueil à un autre, parce qu'on dit: Le problème de cet enfant ne correspond pas à nos critères d'admission.

Mais dans la mesure où une commission administrative sur les mésadaptés sociaux prend l'engagement de trouver toujours une place à l'enfant, quel que soit son problème, à l'intérieur des mécanismes de la commission administrative et des comités d'admission, nous sommes prêts à envisager un changement de formulation.

M. Forget: M. le ministre, si vous le permettez, c'est peut-être un aspect de la question, mais l'autre aspect qui, je pense, est important, c'est la question de savoir qui est, en définitive, responsable, durant le séjour en centre d'accueil, de l'enfant, sur le plan professionnel. Est-ce que, dans votre esprit, le monopole de la charge de cas est donné au centre de services sociaux ou si, effectivement, le centre d'accueil doit se considérer comme le responsable du programme entier de réadaptation, de réinsertion sociale de cet enfant, à partir du moment du placement. Bien sûr que...

M. Lazure: Pour moi, c'est très clair. C'est le centre d'accueil qui est responsable, de la même façon que lorsqu'un malade mental, par exemple, est envoyé, sur un ordre de la cour, à un hôpital psychiatrique, l'organisme responsable du traitement et de la réadaptation, c'est l'équipe de l'hôpital psychiatrique. De la même façon, c'est l'équipe du centre d'accueil.

M. Forget: Donc, dans le cas où la loi parle du directeur, le directeur, pour les fins de. la cause, une fois le placement effectué, c'est essentiellement le centre d'accueil?

M. Lazure: Le directeur de protection délègue au centre d'accueil... Ma réponse est oui.

M. Forget: Est-ce que cela clarifie un peu une partie de vos problèmes?

Mme Séguin-Desnoyers: Ceci nous aide beaucoup, M. le député, parce qu'il n'était pas clair dans la terminologie même de la loi, que le directeur de l'ADPJ pouvait justement déléguer au directeur du centre d'accueil, la pleine responsabilité de l'enfant.

En fait pour répondre dans le sens de la prise en charge, à M. Forget, à M. Marois et même à M. Lazure, devant les quelques ambiguïtés qui risquent encore de subsister sur la prise en charge, quand nous résistons aux fameux six mois, je dis ceci:

Vous vous étonnez que nous résistions aux fameux six mois, c'est justement parce qu'il nous semble qu'il y a là un modèle donné d'approche et de prise en charge, un modèle qui nous est imposé.

Je veux bien redire que nous sommes prêts à travailler en collaboration. Je veux bien redire que nous ne voulons pas être un enclos fermé où personne va avoir quoi que ce soit à dire sur les enfants qui sont sous notre garde ou notre responsabilité. Mais si nous sommes les responsables de l'enfant qui entre dans nos centres d'accueil, de par les comités d'admission qui devraient continuer à exister et à jouer les rôles extrêmement intéressants qu'ils jouent depuis quelque temps, il

va falloir que nous soyons aussi responsables du modèle d'approche auprès de ces jeunes. La loi nous en impose un. C'est un modèle que nous appelons "sentenciel". L'enfant a une "sentence", mettons-la entre guillemets avec tout ce que cela veut dire, de six mois au centre d'accueil. On la lui communique. On la communique à ses parents et on la communique également au centre d'accueil.

Bien sûr que les rédacteurs des lois et les légistes vont dire "qu'il n'y a rien là", que tout ce qu'on veut, c'est protéger les droits des enfants; que tout ce qu'on veut, c'est s'assurer que des enfants ne pourrissent pas dans des situations d'attente dans des centres d'accueil, nous en sommes. Mais les cliniciens, les professionnels de la réadaptation sont tous d'accord pour dire qu'une pareille approche met grandement en danger le traitement des enfants.

Un jeune de quinze ou seize ans à qui on dit qu'il va aller faire six mois, va attendre sa sortie. L'engager dans un plan de changements, dans un plan de modifications de ses aptitudes et de ses comportements, dans son traitement, afin qu'il soit capable de retourner à l'extérieur — on n'a pas peur d'utiliser ces mots — va être beaucoup plus compliqué et beaucoup plus difficile. Même si vous dites que cette période pourrait être reconduite, ces deux notions ne vont pas ensemble, d'après nous, et c'est contre ce modèle que nous en avons.

Nous vous proposons, dans notre mémoire, un autre modèle, un modèle qui dit: Concertons-nous. Que tous les intervenants, qui sont préoccupés par les besoins des enfants et par les services que doivent recevoir ces enfants, se retrouvent autour d'une même table, au comité d'admission. Qu'après l'accueif-évaluation, qu'après le diagnostic-orientation, on fasse, tous ensemble, l'enfant étant partie prenante ainsi que ses parents, un plan de traitement auquel tout le monde acquiescera et que le centre d'accueil ait la responsabilité propre de rendre compte de ce plan de traitement, du cheminement de l'enfant à travers ce plan de traitement et des mesures additionnelles qui pourraient être indiquées. Qu'on ne vienne pas lui imposer la visite d'un grand inspecteur des PJ qui vient voir ce qui se passe. Il va aller lui-même, s'il est responsable, rencontrer les gens du CSS au comité d'admission ou au comité d'orientation et leur dire comment ça va.

C'est simplement une différence de modèle. Tout ce que nous voulons faire ressortir, c'est que, si nous voulons vraiment prendre en charge l'enfant, 0n ne peut pas avoir un modèle "sentenciel". L'enfant ne pourra pas ne pas sentir qu'il y a là une-sentence. Si on dit que oui, que l'enfant va le sentir, vraiment, tous ceux qui sont en réadaptation vont vous dire que ce n'est pas possible.

Ce n'est déjà pas facile de travailler avec cette clientèle. Mettez-lui six mois à faire, vous allez voir comment elle va réagir. Elle va attendre de sortir.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, suivant les remar- ques qui viennent d'être faites et dans cette optique, j'aimerais soulever un deuxième point concernant également les remarques initiales qui ont été faites par l'Association des centres d'accueil. Je conçois très bien qu'on éprouve une grande difficulté avec ce modèle "sentenciel". Cependant, je crois qu'il y a des limites qui sont difficiles à franchir de ce côté-là. J'y reviendrai tantôt.

Ce qui me paraît assez frappant dans ce que l'Association des centres d'accueil a dit, c'est qu'on ne semble tenir aucun compte, par exemple, des recommandations du comité Batshaw relativement au rôle du centre d'accueil quant à la réinsertion sociale, à la rééducation, à la réhabilitation, et je crois qu'effectivement c'est vrai. C'est d'ailleurs plus vrai dans la rédaction que dans l'esprit, qui se retrouve entre les lignes du projet de loi, mais cela ne veut pas dire que cela ne devrait pas se retrouver dans la lettre du projet de loi.

Il me semble que le chapitre sur les droits des enfants pourrait — c'est vraiment une question que je pose à nos invités — peut-être être complété par l'addition d'un article nouveau qui prévoirait que, lorsqu'un enfant est admis dans un centre d'accueil, le centre d'accueil devrait dresser, dès son admission et suivant dans cela les recommandations du comité d'études sur les enfants mésadaptés sociaux, un plan de réinsertion sociale, c'est-à-dire, tout de suite, essayer, de déterminer, pour cet enfant, un objectif de réinsertion sociale et d'en faire découler un certain nombre de propositions quant au programme de rééducation et de réhabilitation qu'on veut mettre sur pied pour lui. Ce serait en faire un droit de l'enfant de l'obtenir dès son admission qui renforcerait, je pense bien, le caractère exceptionnel du placement et cela situerait immédiatement le centre d'accueil dans le tableau de l'admission et dans le tableau aussi de l'aspect professionnel plutôt que de l'aspect de l'hébergement. C'est une suggestion que je fais. J'aimerais avoir les commentaires de nos invités tantôt.

Avant de leur demander leurs commentaires là-dessus, j'aimerais peut-être leur suggérer que, même s'ils se hérissent un peu vis-à-vis de l'aspect sentenciel de la loi, il ne faut pas perdre de vue une chose, c'est que cette loi est une loi d'exception dans un sens différent de celui qu'on a utilisé ce matin. Ce n'est pas seulement parce que cela fait du placement d'urgence. C'est une loi d'exception, dans le sens que ce sont des dérogations aux droits des enfants et des familles dans tous les cas, puisque l'on dit à un enfant même que l'on veut protéger que l'on va s'en occuper, de préférence à sa famille, par exemple dans le cas où on est en face d'un cas clair de protection. Il ne s'agit pas d'émettre une sentence adressée à l'enfant, mais il reste qu'on suspend les droits normaux de la famille de s'en occuper, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, bien sûr, mais c'est malgré tout une intervention exceptionnelle qui doit être limitée dans le temps. C'est un argument qui peut être utilisé, mais je pense qu'il a son poids.

D'autre part, vous avez un autre phénomène

dans le domaine de la santé, dans la loi de protection du malade mental, où, sans intervenir du tout dans le traitement — et je pense que là, la distinction est très marquée — il y a une révision périodique des dossiers qui est effectuée par la Commission des affaires sociales pour éviter qu'on oublie quelqu'un dans le processus. C'est déjà arrivé avant que cette loi existe. Du côté des malades mentaux, il y a eu des gens qui ont été, pendant 24 ans, dans des institutions psychiatriques — cela se trouve dans les rapports annuels des années antérieures — avec un mandat du lieutenant-gouverneur, soi-disant qu'ils étaient incapables de subir leur procès. Ils sont restés 24 ans dans cet état sans être accusés et sans qu'on décide de leur état de santé une deuxième fois.

Ce sont des situations, évidemment, qui ne pourraient pas durer 24 ans dans le cas des enfants — ce ne seraient plus des enfants; c'est le moins qu'on puisse dire — mais qui, malgré tout, dans les gros systèmes dans lesquelles on vit, malheureusement, sont susceptibles de se produire. C'est dans cet esprit qu'il y a certaines dispositions dans la loi. Je serais inquiet qu'on les enlève totalement. Cependant, s'il était possible d'affirmer le rôle du centre d'accueil, sa responsabilité vis-à-vis de l'enfant pour établir, dès son admission, un programme de réinsertion sociale, donc, l'impliquant nécessairement dans tout programme que le directeur met sur pied, toute décision quant à son orientation, il y aurait peut-être moyen de s'assurer que le centre d'accueil n'est pas considéré comme un simple dépotoir, un simple endroit où on laisse l'enfant pour faire du temps. Certainement, tout ce qu'on peut faire pour éviter cela, je pense que cela doit être fait, ne serait-ce que pour souligner des choses qui, encore une fois, sont dans l'esprit de la loi, de façon générale, mais qui mériteraient d'être mentionnées plus explicitement.

Mme Séguin-Desnoyers: Si vous me permettez, M. le Président, si l'Association des centres d'accueil obtenait cet après-midi que soit reconnue sa responsabilité face au traitement des enfants qui lui sont confiés, responsabilité qui veut dire prise en charge et que ce soit nommément écrit dans la loi, elle aurait déjà gagné, semble-t-il, un des points majeurs qu'elle défend devant cette commission. Evidemment, la loi qui protège le malade mental avait à préserver le malade qui ne pouvait pas se défendre — on dira: C'est aussi le cas de l'enfant — de certains abus du système. Il reste que je pense que, maintenant, il y a aussi des mécanismes qui sont prévus, qui protègent beaucoup l'enfant, ne serait-ce que les tables de concertation, les commissions administratives, les révisions périodiques qui sont faites à l'intérieur même des établissements.

M. Forget: Mais pour ce qui est de la possibilité d'avoir un article qui spécifie que, dès son admission, un enfant devrait susciter un plan d'intégration personnalisée de réinsertion sociale, croyez-vous que c'est une obligation qui serait trop lourde?

Mme Séguin-Desnoyers: Pas du tout.

M. Cloutier: Je pense que c'est une chose tout à fait achetable pour nous et je pense que, même dans la très grande majorité des cas, ce plan-là existe en ce moment. On pourrait même aller aussi loin que d'ajouter dans ce plan l'obligation qu'il y ait des périodes de révision, c'est-à-dire qu'on le regarde à nouveau et qu'il soit par exemple remis au comité d'admission qui lui, est chargé de mesurer le "output, input" des enfants.

M. Lazure: C'est vraiment l'esprit de la chose. Si cela peut vous rassurer sur nos intentions — comme M. le député de Saint-Laurent I'exprime et quelqu'un l'a soulevé ce matin — d'élaborer un peu plusdans la section II des droits de l'enfant et introduire le concept d'un plan de traitement. Pour ce plan de traitement, cependant, nous continuons de croire que le mécanisme de révision périodique est nécessaire pour la protection un peu comme le malade mental, même si c'est seulement un cas sur 1000, ce mécanisme de révision est nécessaire. Il n'empêche en rien les professionnels du centre d'accueil de continuer à administrer leur plan de traitement.

M. Marois: Une dernière remarque, je ne veux pas empêcher les autres d'intervenir, mais il y a une chose qui m'inquiète. Je veux bien, comme on le fait abondamment, faire parler l'esprit de la loi, mais faisons attention. J'ai vu de généreuses intentions dans des textes de loi qui étaient du papier et qui ne rimaient strictement à rien dans la pratique. Parce qu'on avait prévu de très belles structures, des super-comités, des super-patentes, tellement lourdes que, de toute façon, beaucoup de gens avaient de la misère à s'y retrouver. Le monde en vie, aux prises avec ces problèmes-là sur le plan humain, il faut qu'il se retrouve là-dedans.

Arriver à des choses qui demeurent le plus souples possible, et qui tiennent compte que, dans la vie, il n'y a rien de figé dans le béton. Les choses évoluent. Les plans de traitement, je veux bien. Mais si ma mémoire est bonne, le rapport Batshaw fait état, je cite de mémoire, je peux me tromper, il me semble que c'est quelque chose comme 27 écoles ou modèles de plans de traitement. Donc, à tout le moins, ce qu'on peut dire, peu importe les chiffres, c'est qu'il y a des écoles, il y a des courants, il y a des choses qui ne sont pas figées, qui évoluent avec le monde en vie. Je trouve cela très généreux et cela fait parler abondamment et largement l'esprit de la loi que de vouloir préciser "plans de traitement" dans la loi.

Mais si vous le faites déjà, si le chapitre 48 vous permet non seulement de le faire, mais que le projet de loi 10 va, en plus, dans la définition, à votre demande, préciser davantage la dimension de la réintégration et de la réinsertion sociales. Il me semble qu'il faut faire attention. Il y a un point au-delà duquel la vertu risque de devenir parfois bêtise quand on cherche à la figer dans des textes de loi. Toute la souplesse de la vie qui avance, disparaît. Je veux bien croire aux forces créatrices

du droit, mais on ne rencontre pas cela à tous les coins de rues non plus, ni à tous les jours. Quand c'est figé dans un texte de loi... On cherche à remplacer une loi qui date de 1950, des choses qui sont temporaires, mais tellement temporaires qu'elles ont la faculté de durer terriblement longtemps.

Si on se comprend sur l'approche et l'esprit, je crois qu'on pourrait de notre côté faire un effort pour voir quels ajustements peuvent être requis au texte qui est là. Il y a une dernière chose que j'ai peut-être mal comprise, mais qui me laisse perplexe. Cela fait deux fois, et je crois même que c'est la troisième fois que je vous l'entends évoquer. Je crois que je vous cite à peu près, vous me corrigerez si je me trompe. Faisant allusion à cet article qui prévoit que le directeur peut, et même a le pouvoir de se rendre sur place, vous semblez constamment, chaque fois que quelque chose du genre est évoqué à savoir que quelqu'un de l'extérieur puisse aller voir... Vous avez vous-même repris cette expression en disant: II n'a pas besoin de venir, nous allons y aller leur raconter comment cela se passe. J'avoue qu'il y a quelque chose qui m'inquiète là-dedans. Pourquoi s'opposerait-on à ce qu'un directeur de la protection de la jeunesse, s'il y a cette volonté de collaboration, tous les agents impliqués dans une région donnée... A quoi cela tient-il?

Je ne comprends pas, j'avoue que je ne comprends pas et il faudrait peut-être se poser un certain nombre d'autres questions aussi, sur, entre autres, les enfants qui sont dans les familles d'accueil. Je comprends que c'est un autre problème, mais c'est relié. Je m'excuse, ce n'est pas le ministre, mais le député qui parle. Très souvent, on entend dans nos comtés des citoyens qui viennent nous rencontrer pour nous raconter le cas de l'enfant qu'ils ont chez eux depuis huit mois, neuf mois, dix mois, un an, deux ans, l'enfant qu'on a sorti, sans qu'ils réussissent à obtenir des explications qui leur semblent satisfaisantes, où ils avaient l'impression qu'ils avaient fait un effort important comme famille d'accueil pour favoriser la réintégration d'un enfant dans un milieu familial naturel ou, en tout cas, plus naturel. Tout à coup, pour toutes sortes de raisons, c'est sorti. Il y a quelqu'un, quelque part, qui a le dossier et à peu près personne ne peut obtenir d'explications. Ce sont des cas concrets que j'ai vus dans certaines régions. Quand on met cela en cause on nous dit... Il y a des gens, ce sont des experts, qui examinent les dossiers, ils connaissent cela, cela nous mène jusqu'où cette espèce de logique? J'avoue que je me pose des questions.

Mme Séguin-Desnoyers: Malheureusement, M. le ministre, nous ne pourrons pas répondre à cette dernière question. Nous en avons plein les bras des enfants qui sont en centre d'accueil sans avoir ceux qui sont en famille d'accueil, ceux-là appartiennent aux CSS. Nous sommes, nous aussi, aux prises avec des enfants qui sont et en centre d'accueil et en famille d'accueil, nous vivons le double problème. Ce n'est pas un petit problème non plus. Je pense qu'on n'est pas rendu au bout de trouver des solutions pour aider des enfants en difficultés. Cela nous permet de vous dire qu'à ce moment on comprend difficilement que certains enfants ne soient pas inclus dans la loi 24, que des enfants soient régis par la loi 48 et d'autres, par la loi 24. Pour nous, il n'y a pas cette division; on ne l'avait pas sentie ou on l'avait mal interprétée, mais on ne l'a jamais vue; parce que, quand on lit les notes explicatives de la loi 24, elle dit ceci; "Elle vise essentiellement à assurer la protection et la réinsertion familiale et sociale de tout enfant dont la sécurité ou le développement est compromis — on peut dire en gros: Article 15 — ou qui a commis des actes contraires à une loi ou à un règlement en vigueur au Québec — en gros encore: Article 20 — Nous disons que tous nos enfants sont là-dedans, nos mésadaptés sociaux sont là, ils ne sont pas seulement dans la loi 48 et exclus de la Loi 24; les voilà bien présents, bien touchés par ce projet de loi. C'est pourquoi nous avons réagi comme étant concernés par ce projet de loi.

Pour vos autres questions, je vais laisser M. Cloutier vous répondre.

M. Cloutier (Pierre): La question de fond dans ce que vous citiez, par rapport à "l'inspecteur", ou à la personne qui vient regarder des dossiers, je pense qu'il a été suggéré dans le passé des tonnes de mécanismes pour l'inspection. Il en existe encore au ministère des Affaires sociales, la direction générale de l'agrément en assume une bonne partie.

Quant à nous, à l'association, on a déjà participé à un truc qui s'appelle le conseil de l'agrément des services à l'enfance mésadaptée, on a maintenant changé de politique, on est à la veille de proposer au ministre des Affaires sociales une façon d'évaluer nos services. Cela est fait à partir des centres d'accueil, c'est donc vous dire l'esprit positif dans lequel on s'enligne pour vous dire: Oui, venez regarder nos services; venez voir comment cela se passe dans les centres d'accueil et ne vous gênez pas, c'est ouvert. Je pense que là-dessus, l'ensemble des membres de l'association... en tout cas, on se veut un rôle moteur, d'ouvrir les portes de nos boîtes pour que les gens puissent venir voir ce qui se passe là-dedans. Il n'y aura absolument rien à cacher, soyez en sûrs. Sauf que c'est une question de prise en charge, qui est responsable des enfants placés en centre d'accueil?

A notre avis, pour éviter les dédoublements, pour éviter les surcharges au bureau du DPG — je vous cite Montréal où il y aura peut-être 2000 ou 3000 enfants et probablement pas mal plus, qui seront sous sa coupole de bon père — je pense qu'il va y en avoir déjà suffisamment. On vous dit: Ceux qui sont dans les centres d'accueil, vous disposez là des services compétents pour assumer complètement ces enfants. Ecrivons dans notre loi que les enfants placés en centre d'accueil sont la responsabilité du centre d'accueil, qu'il doit y avoir un plan de traitement ou pas et qu'il y a des systèmes de révision de prévus et le centre d'accueil prendra ses responsabilités. Vous avez, je

pense, en ce moment, tous les mécanismes pour vérifier la bonne marche de cette opération, cela se fait en collaboration avec les CSS, puisqu'ils sont, au niveau des comités d'admission, au niveau des comités régionaux d'admission, aux tables de concertation, aux commissions administratives, les CRSSS aussi sont là.

Ils sont quand même des créatures du ministère des Affaires sociales. Vous avez là, je pense, toute une série de mesures vous garantissant que les enfants ne pourriront pas chez nous, qu'ils vont faire quelque chose et qu'ils vont en sortir. C'est une notion de prise en charge. Le responsable de l'enfant en centre d'accueil a tout ce qu'il faut pour assumer complètement sa prise en charge.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui, mais j'ai été un peu précédé par madame qui a soulevé ce problème qui m'avait surpris dans les remarques du ministre d'Etat selon lesquelles il y aurait un certain nombre de mésadaptés sociaux qui ne tomberaient pas sous le coup de la loi 24.

J'allais lui poser cette question: Comment expliquer cette distinction entre des enfants qui seraient dans des centres d'accueil, en vertu seulement du chapitre 48, et d'autres qui le seraient en vertu de la loi 24? Il me semble que cette distinction ne peut pas être faite. Elle découle peut-être d'une notion ancienne d'enfants placés par la cour et d'enfants placés par les agences ou par les centres de services sociaux. Mais je ne vois pas, dans le contexte très compréhensif de la loi 24, comment on pourrait maintenir une distinction comme celle-là, à moins qu'on n'ait mal compris.

Est-ce que le ministre d'Etat pourrait éclairer notre lanterne là-dessus? Est-ce qu'il y a une distinction que le gouvernement fait entre différents types d'enfants ou cette loi vise-t-elle tous les enfants?

M. Marois: Je ne veux pas recommencer ce que j'ai expliqué au début. Il y a deux textes de loi. Le chapitre 48, c'est une chose. C'est un plan de législation qu'on ne peut dissocier d'un autre, qui est le projet de loi 24. C'est à la lumière de l'ensemble et du projet de loi 10, qui amende en plus le chapitre 48, qu'on peut, entre autres, préciser la dimension et mettre sur papier la réinsertion sociale.

Je pensais qu'il était raisonnable, au moins, d'établir clairement les choses qui relèvent de telle loi et celles qui relèvent de telle autre loi. La réalité relève d'elle-même. Les faits sont là.

Ce qui est important, c'est que le rôle, les fonctions et les pouvoirs de chacun des agents, des intervenants soient bien précisés, bien nets, bien marqués par l'une ou l'autre des lois. S'il devait subsister quelque ambiguïté, ce serait notre responsabilité comme parlementaire de trouver les formules qui s'imposent et faire les ajustements en cours de route. J'ai indiqué qu'on était pleinement ouvert, mais je ne veux pas allonger plus longue- ment la discussion. Je sais qu'il y a d'autres députés qui veulent...

M. Forget: Si c'est important pour les intervenants de savoir quelle loi s'applique, c'est important aussi pour la clientèle. La question est: Est-ce que toute la clientèle, pour employer ce mot, des centres d'accueil va pouvoir se réclamer de la loi 24 quant à ce qui est des droits, des procédures et tout, sans exception?

M. Lazure: La réponse est oui. M. Forget: Sans exception. M. Lazure: Oui.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions, qui sont pas mal importantes, je crois, sur votre mémoire. Vous avez parlé du nombre de clients présentement dans les institutions au Québec. Vous dites que le Québec a présentement plus de monde dans les institutions qu'ailleurs.

Est-ce que vous avez vu le rapport Batshaw qui a donné des renseignements pour essayer d'éviter qu'autant de personnes se retrouvent dans les institutions? Est-ce qu'on a déjà fait des changements dans la politique des centres d'accueil pour essayer d'éviter le nombre de personnes qui sont en institution?

Mme Séguin-Desnoyers: Je dois d'abord vous dire que c'est M. le ministre des Affaires sociales qui nous a dit, ce matin, qu'il y avait au Québec, plus que partout ailleurs, des enfants en institution. Cela n'est pas notre affirmation.

Nous disons qu'il y a peut-être, si M. le ministre des Affaires sociales le dit, plus d'enfants en institution au Québec et qu'il y a certainement moins de ressources alternatives pour répondre aux différents besoins des enfants.

C'est en parlant de ressources alternatives, M. le député, que je peux vous dire que nous essayons, bien sûr, de trouver des formes d'approche différentes de celle de la mise en institution.

Les tables de concertation, dans les différentes régions, qui deviendront des commissions administratives de par la loi 10, ont fait des études sérieuses dans plusieurs régions. De tous les services qui sont actuellement rendus aux enfants, compte tenu des besoins de ces enfants, il y a un mouvement très grand qui se fait depuis quelques mois vers une sortie des enfants des centres d'accueil pour les diriger vers les foyers de groupe, par exemple, vers les ressources en centre de jour.

Je pense que c'est là un mouvement qui doit s'accentuer. Ce que nous disions ce matin, c'est qu'il y aura toujours un certain nombre d'enfants qui auront besoin de leurs ressources internes, essayons de les rendre le plus thérapeutiques possibles.

M. Shaw: Je vous pose cette question pour

une raison spécifique; on prévoit un projet de loi qui va améliorer, disons, les droits des enfants, en essayant d'éviter le recours aux tribunaux pour les enfants. C'est très important. On donne plus de pouvoirs aux centres de services sociaux pour agir auprès des enfants.

Mais ça prend aussi une équipe au complet; comme centre d'accueil, vous pouvez fonctionner dans ce domaine, maintenant, après l'adoption d'un projet de loi. Est-ce que vous croyez maintenant, avec les données que vous avez, que vous travaillerez maintenant... J'ai posé la question ce matin à propos de la liste d'attente pour placement. Est-ce que vous avez des listes d'attente pour placement?

Mme Séguin-Desnoyers: Bien sûr qu'il y a des listes d'attente pour placement. Les centres de services sociaux sont encore plus en mesure que nous de vous dire qu'il existe de telles listes. Elles existent, ces listes, parce qu'il manque certainement de places-ressources pour répondre aux besoins des enfants, d'une part. Peut-être que les besoins des enfants pourraient être satisfaits par des mesures différentes de celles des centres d'accueil. Je répète que nous cherchons aussi à mettre sur pied des mesures alternatives, comme, d'ailleurs, les CSS le font depuis quelque temps. Ils mettent sur pied des foyers d'hébergement afin de pallier la carence des familles d'accueil.

Mais je pense que le nombre de places qui est assez réduit, quoi qu'on en dise, que le peu de ressources alternatives nous amènent à avoir des listes d'attente.

M. Shaw: Est-ce que vous avez d'autres renseignements?

M. Parr (Jean-Louis): Pour compléter ce que Mme Séguin vient de dire, la situation dans les centres d'accueil pourrait un peu s'apparenter à celle qu'on retrouve dans les hôpitaux. Vous pouvez mettre votre nom sur une liste d'attente dans un hôpital pour recevoir un traitement spécial qui peut être relativement long, mais qui ne demande pas une urgence. Par contre, vous pouvez entrer dans une salle d'urgence tous les jours, tous les soirs, 24 heures par jour. Dans les centres d'accueil, c'est un peu la même façon d'agir. Un policier ou quelqu'un qui découvre une situation d'urgence pour un jeune peut entrer dans un centre d'accueil. Il y a des centres d'accueil qui sont prévus pour ça; vous pouvez entrer un jeune dans un centre d'accueil 24 heures par jour.

Par contre, pour des traitements plus précis et plus en rapport avec les besoins particuliers d'un enfant, évidemment, il est possible qu'il y ait des jeunes qui soient sur des listes d'attente. Les comités d'admission régionaux, les mécanismes qui ont été mis en place par la loi 48 prévoient et essaient de réduire ces listes d'attente au minimum et les mécanismes de concertation et les commissions administratives vont avoir comme rôle de voir à ce que des ressources alternatives et des mandats de centre d'accueil soient modifiés de façon que ces listes d'attente disparaissent complètement.

Elles sont beaucoup moins longues et beaucoup moins onéreuses qu'elles ne l'étaient il y a quelques années et elles sont actuellement plus onéreuses qu'elles ne vont l'être l'an prochain.

M. Shaw: Une autre question que je veux poser. Vous avez demandé d'avoir un contrôle des clients dans vos institutions pour leur réinsertion; vous avez parlé d'une sentence, un système de six mois et vous voulez garder le pouvoir de contrôler la longueur du "client stay". Est-ce que c'est un conflit d'intérêts pour le client lui-même que le centre d'accueil ait le contrôle de la longueur de son séjour dans vos institutions?

M. Parr: Le plan de traitement qu'on propose, déjà, actuellement, et beaucoup plus à l'avenir, va être déterminé par le praticien qui va avoir identifié le problème de l'enfant; il va être déterminé — on souhaite qu'il soit déterminé — avec le centre d'accueil.

Nous ne sommes pas opposés au problème de révision de placement. Ce qu'on souhaite, c'est que la loi dise bien les intentions du législateur pour que personne ne puisse prêter d'intention à qui que ce soit et que les choses disent bien ce qu'elles veulent dire.

Si je me permets de prendre l'article 52, qui dit qu'un hébergement volontaire dans une famille d'accueil ou un centre d'accueil est fait pour une durée maximale de six mois, cela ne dit pas une révision au bout de six mois. Cela dit une durée de placement de six mois.

On voudrait et on pense être les personnes-ressources pour déterminer quels sont les plans de traitement; on voudrait que les plans de traitement soient décidés avec nous en collaboration, en concertation avec le centre de service social, et qu'ils soient révisés régulièrement, mais pas déterminés d'une façon sentencielle, comme la loi l'indique, telle que rédigée.

M. Cloutier: Si vous me permettez de compléter, c'est un peu comme si on prescrivait à un patient qui s'en va voir un médecin qu'il va se faire traiter en physiothérapie pour trois mois.

M. Lazure: Juste une correction, parce que cela risque de devenir un slogan, ce système sentenciel. C'est presque tendancieux de dire cela. Cela dit: Maximum, six mois; cela ne dit pas: Minimum, six mois, alors qu'une sentence ou une prescription, comme vous dites, de trois mois, c'est un minimum, trois mois. C'est un maximum, six mois. Surtout dans le cas d'un hébergement volontaire, si les gens se concertent, le directeur de la protection et toutes les personnes impliquées, cela peut très bien être seulement six semaines.

Ce n'est pas sentenciel, c'est prudentiel. On vous a expliqué tantôt l'intention de cela, c'est de s'assurer qu'il y ait des révisions au bout de six mois. Mais cela peut certainement être plus court ou plus long.

Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que nous en sommes là exactement à ce que nous disions tantôt, à savoir deux modèles d'approche. Cela revient exactement à cela. Même si le traitement — appelons cela autrement — même si la durée de séjour de l'enfant est de six semaines, six mois, deux fois six mois, trois fois six mois, il reste que l'enfant, dès le début, va être mis au courant de ce qui l'attend en termes de temps. C'est seulement à cela que nous nous en prenons et c'est toute la problématique que nous avons fait valoir tantôt, que je ne veux pas reprendre, pour ne pas alourdir la discussion.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le député de Pointe-Claire?

M. Shaw: Oui. Il y a différentes formes de détention, si vous voulez, car vous avez des détentions fermées, et une question comme une période de temps dans un système de détention fermée, une période de six mois, c'est peut-être trop long. Si nous voulons garder le système qui est actuellement dans nos institutions, un système qui dit que le contrôle de la durée de séjour des clients est fait par les centres d'accueil au lieu d'avoir une précision dans la loi qui soit dans l'intérêt de la jeunesse, parce que nous avons d'autres centres qui sont totalement différents, vous avez un centre de réadaptation. Cela peut être une autre situation qui peut requérir un séjour plus long, mais la loi doit maintenir le droit de chaque enfant d'avoir une révision de sa sentence, si vous voulez, parce que, pour lui, peut-être que c'était une sentence que de le soustraire à sa situation familiale ou communautaire.

Mme Séguin-Desnoyers: En fait, M. le député, il faut peut-être faire la différence avec les placements dans le centre sécuritaire, que vous appelez un centre de détention. A l'article 87e, il est fait mention que les jeunes qui vont être référés en centre sécuritaire vont l'être pour trois mois et je pense qu'il y a là une bonne garantie pour cette clientèle très particulière.

Quant aux autres, je pense qu'on ne peut que redire ce que nous avons affirmé tout au long du dépôt de ce mémoire et en réponse aux questions, il n'est pas question de ne pas réviser ce qui est fait pour l'enfant. Il faut le réviser périodiquement. C'est au modèle, encore une fois, que nous nous en sommes pris.

M. Parr: J'aimerais ajouter, concernant l'article 87e, sur les hébergements sécuritaires, qu'il y a un énorme danger que les hébergements sécuritaires de trois mois soient apparentés à des détentions en prison déguisée.

Il faut réaliser que va, dans ces endroits, ce qu'on pourrait appeler la clientèle à peu près la plus perturbée. La loi telle que rédigée risque de drôlement enfarger les professionnels qui travaillent à l'intérieur de ces centres d'accueil et qui essaient, pour une dernière fois, d'aider un jeune à s'en sortir.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Seulement une question que je voudrais essayer de préciser. En fait, c'est tout le problème fondamental. J'ai travaillé dans un centre d'accueil, au Centre Saint-Vallier, assez longtemps pour savoir ce qu'est une prison pour jeunes. Le problème qu'on se pose, actuellement, quand vous parlez d'une approche qui ne devrait pas être sentencielle est le même finalement pour les détenus adultes. Il y a deux écoles de pensée. Il y a l'école des gens qui disent qu'on devrait avoir, au niveau des adultes, des sentences indéterminées et, pour les jeunes, finalement, qu'on appelle cela autrement, ces gens perçoivent cela souvent, comme le député de Pointe-Claire le soulignait, comme des sentences. On peut bien appeler cela, nous autres, des traitements, mais eux vont le voir comme une mesure que la société leur impose, de toute façon.

La question qu'on peut se poser: Est-ce qu'on ne dénigre pas... Je n'ai pas encore la réponse. J'ai travaillé dans ces milieux. Est-ce qu'on ne brime pas les droits des jeunes de la même façon qu'on pourrait brimer les droits des adultes si on décidait d'incarcérer ou de détenir, ou de mettre des gens dans un centre d'accueil pour des périodes indéterminées? C'est cela finalement le problème. Est-ce acceptable, au niveau des droits de l'homme, par exemple?

Je suis bien d'accord au niveau du traitement, cela donnerait peut-être de meilleurs résultats, mais comment va-t-on le percevoir, comment les jeunes vont-ils le percevoir et comment la population et la société est-elle prête à accepter cela?

Mme Séguin-Desnoyers: Si vous me permettez, M. le député, on a dépassé, je pense, cette motion de placement indéterminé. Le modèle auquel nous faisons référence, qui inclut un plan de réinsertion sociale, dès l'entrée de l'enfant en centre d'accueil, doit essayer de déterminer le temps du placement de l'enfant, et cela, avec tous les intervenants. C'est la façon, encore une fois, dont on le fait à laquelle nous nous en prenons; mais il n'est pas du tout question pour nous de dire que les enfants vont venir en centre d'accueil et vont y rester tant que les professionnels vont décider qu'ils doivent y rester et l'enfant ne sera pas du tout impliqué dans ces décisions, la famille non plus ne sera pas impliquée et il y a une espèce de concertation des professionnels pour travailler quasi à l'insu de tout le monde auprès de l'enfant. Je pense que cette notion est dépassée, puisqu'on essaie, de plus en plus, d'aller vers une notion d'aide précise dans le temps et dans l'espace.

M. Charbonneau: Si, à votre avis, à votre niveau, c'est dépassé, est-ce qu'au niveau de la mentalité sociale dans la société, c'est-à-dire est-ce que les gens comprennent cela et est-ce qu'ils sont prêts à accepter cela? Est-ce que cette approche, au niveau de la société québécoise, est acceptable actuellement? Il y a beaucoup de gens, même si on est plein de bonnes intentions, qui

peuvent percevoir cela comme quelque chose de négatif.

D'ailleurs, il y a des expériences qui ont été tentées auprès d'une certaine population adulte qui est détenue et on lui a demandé ce qu'elle préférait. Elle aimait bien mieux savoir pour combien de temps. Si on faisait la même chose, si, du temps où j'étais à Saint-Vallier, il avait fallu que je demande aux jeunes s'ils étaient prêts à accepter non pas un hébergement, mais un placement dans un centre d'accueil pour une période, vous dites, qui est déterminée par un plan traitement, mais, le plan traitement, comme on le soulignait tantôt, il évolue également, il peut évoluer d'une façon positive pour faire en sorte que le type reste moins longtemps que prévu par le plan de traitement, mais il peut également évoluer d'une façon négative et va faire en sorte qu'il va rester plus longtemps que le plan de traitement original le prévoyait...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sherbrooke suivi du député de Mégantic-Compton.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais bien avoir des commentaires avant.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous posé des questions? Avez-vous compris les questions?

M. Parr: Oui.

Le Président (M. Laplante): D'accord, allez-y.

M. Parr: La réponse, M. le député, vous l'avez, parce que vous avez travaillé à l'intérieur d'un centre d'accueil et vous savez quelle est la formule qu'il faut privilégier. Ce que vous trouvez difficile, c'est de mettre, premièrement, la satisfaction du besoin de l'enfant avant l'opinion publique que vous allez avoir à affronter en présentant le projet de loi.

M. Charbonneau: Ce n'est pas seulement l'opinion du public. C'est également l'opinion des gens qui vont vivre ces situations, qui est le premier public concerné. Je comprends qu'il ne s'agit pas seulement de dire: On va se fier à l'opinion publique, mais le premier public qui est concerné, est-ce qu'il va comprendre

M. Cloutier: II est sûr qu'en regard de cette notion, les gens, les adultes aiment mieux savoir combien de temps ils ont à faire. Oui, ils font du temps très fréquemment. Vaut mieux le faire et mon problème sera réglé, je vais sortir de la boîte.

Aux centres d'accueil, on ne vient pas faire du temps. Je pense qu'on l'a suffisamment dit. On se rabat, en termes de modèles thérapeutiques, sur le plan de traitement. On dit: Avec cela, on va évoluer. C'est vrai qu'à un moment donné — ce que vous appelez la négative — on va être obligé de faire un peu plus long que prévu, dans un premier temps. Cela va arriver. L'enfant en est informé, ainsi que ses parents et tout le monde, au besoin, mais il suit le cheminement dans ce cas. Il va constater lui-même qu'il n'est peut-être pas prêt à sortir. C'est notre "job" de l'embarquer là-dedans. La détermination du temps au sens où on l'entend chez les adultes... Cette notion est très contestée dans le secteur adulte aussi. On n'en est pas à la vérité là-dessus. Nous autres, on a donné une réponse à cela qui est un plan de traitement évolutif dont l'enfant est informé.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sherbrooke.

M. Charbonneau: J'aurais seulement une question additionnelle.

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît, parce que je voudrais présenter l'autre mémoire avant. Il ne reste que trois heures d'audition et je ne voudrais pas être dans l'obligation de retourner les gens à Montréal ou ailleurs en province pour une demi-heure. Je voudrais qu'on...

M. Charbonneau: Dans ce cas, je vais faire vite. Je voudrais que vous teniez compte la prochaine fois qu'il y a des députés "back-bencher" qui aimeraient participer aussi à la commission et avoir parfois le temps de poser des questions.

Le Président (M. Laplante): Vous le direz autour d'une table, lors d'un caucus de votre parti.

M. Charbonneau: C'est seulement pour savoir si vous avez actuellement des données sur le travail, sur l'approche que vous préconisez.

Est-ce que vous avez des données qui nous permettraient de regarder ce que cela a donné, notamment chez les gens qui sont concernés, cette approche de plan de traitement, avec, au départ, un temps fixé, et qui évolue, de toute façon?

Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que ce que nous sommes à faire actuellement, c'est implanter ce modèle qui, bien sûr, nous a été proposé par le rapport du comité Batshaw, par les travaux du comité tripartite sur la réinsertion sociale. Actuellement, dans les régions, autour des tables de concertation, il y a vraiment un effort d'implantation de ce modèle, mais il n'y a pas encore de recherche qui puisse nous donner des chiffres par rapport à cela.

M. Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Je ne peux pas m'empêcher, à ce moment, de vous traduire une certaine déception, un certain agacement en regard de l'allure très fermement défensive que prend votre point de vue ou toute votre argumentation dans le mémoire que vous soumettez sur la loi 24. Vous pouvez sûrement avoir des mobiles à défendre, des choses, mais je cherche en vain l'affirmation positive et le modèle d'articulation idéal au niveau des solutions.

II y a certains droits affirmés à l'intérieur du projet de loi 24, comme le droit pour l'enfant d'être le plus possible maintenu dans son milieu naturel, d'être le plus possible écarté ou, en tout cas, le moins possible soumis à l'arbitraire de certains types de décisions. Dans la définition du mandat, dans votre mémoire, vous semblez exclure toute notion de coresponsabilité ou de partage des responsabilités. En tout cas, je ne sens pas très vivement l'affirmation de la coresponsabilité que vous entendez exercer avec d'autres intervenants auprès de l'enfant. Je ne le sens pas au point que cela pourrait vouloir dire qu'un plan de traitement, dans une institution, pourrait être modifié par la présence d'un tiers qui continuerait d'être le répondant de l'enfant.

Dans d'autres mémoires, à l'intérieur des débats qui vont suivre, et c'est une idée qui se fait de plus en plus ouverte, on parlera des accompagnateurs de l'enfant. On parlera de famille pilote pour l'enfant, au-delà du concept des familles d'accueil; on parlera d'un quasi-tutorat. On pense qu'un enfant pourrait être placé dans un centre d'accueil, mais resterait rattaché à cette personne. Cette personne pourrait rester conjointement solidaire ou conjointement responsable du plan de traitement.

On ne trouve pas l'affirmation — en tout cas je ne l'ai pas trouvée, j'ai peut-être mal lu — l'affirmation de ce principe de coresponsabilité avec quelqu'un du centre d'accueil. Vous semblez dire: Nous avons la responsabilité du plan de traitement, nous ne voulons pas voir saboter notre plan de traitement par quelque intervention. C'est ce que je sens. Je ne sens pas l'affirmation positive.

Mme Séguin-Desnoyers: M. le Président, je suis, moi aussi, doublement sidérée d'apprendre que vous percevez notre intervention dans le sens d'une fermeture sur nous-mêmes. Ce qui nous a surpris dans le projet de mémoire, c'est justement qu'on ne nous considère pas comme des collaborateurs. Ce que nous affirmons tout au long de notre mémoire, et il me semble de façon assez claire, c'est notre volonté de travailler avec le Centre de services sociaux, de travailler avec tous les intervenants. Quand on défend la notion de prise en charge, c'est simplement pour assurer qu'il y ait quelqu'un qui soit répondant de cet enfant-là et qui fasse le lien avec toutes les autres instances capables de l'aider dans son cheminement. Que ce soit sa famille naturelle, une autre famille d'accueil, l'école extérieure, le centre de loisirs, le praticien social qui l'a déjà suivi, la ressource du CLSC qui le recevra après; tout notre mémoire, me semble-t-il, est dans cette veine. Peut-être que l'approche que nous avons faite aujourd'hui a été un peu plus centrée sur nos "doléances", et que nous nous sommes sentis un peu frustrés de ne pas être suffisamment mis en valeur dans ce projet de loi. C'est possible. Mais que nous ne voulions pas collaborer, cela me renverse vraiment.

M. Gosselin: Personnellement, si vous me permettez simplement de relever, en page 24 de votre mémoire, "que l'article 9 soit reformulé ainsi", et voilà la formulation que vous suggérez: "Les mesures du contrôle du comportement doivent être prises dans l'intérêt de l'enfant et l'action des intervenants doit se faire à partir de règles internes acceptées par le Conseil d'administration de l'établissement et diffusées aux personnes concernées". Il me semble que vous auriez pu aller un peu plus loin. Il me semble que vous auriez pu dire que vous pourriez ne pas être les seuls définisseurs du plan de traitement et que l'intervenant préalable qui était le travailleur social, qui accompagnait l'enfant, ou la famille-tuteur qui, pour un temps, confie l'enfant à un centre d'accueil, pourrait rester très immédiatement rattachée au praticien dans l'établissement du plan de traitement et dans la révision du plan de traitement. Je ne sens pas cela très affirmé.

Mme Séguin-Desnoyers: Mais c'est le modèle que nous proposons lorsque nous demandons qu'il y ait concertation à l'entrée de l'enfant en centre d'accueil, justement. Nous demandons que tous les intervenants soient là et qu'ils participent à l'élaboration de ce plan.

M. Cloutier: On dit que la rampe de lancement de ce programme se fait au centre d'accueil. C'est là que l'enfant vit pendant six mois, un an. Les CSS, une fois que l'enfant est rendu au centre d'accueil, ne sont pas étrangers au problème de l'enfant, au contraire. Ils continuent à travailler avec les équipes multidisciplinaires. Ils sont partenaires dans ce processus. Ils sont aussi partenaires dans le processus de réinsertion sociale. Cela a été clairement défini dans un comité tripartite qui a siégé et ce portrait-là me semble vraiment fait en collaboration avec ces gens-là. Au contraire, une des demandes importantes qu'on a faites c'est d'avoir de plus en plus de travailleurs sociaux dans nos boîtes pour qu'ils puissent s'embarquer dans ces affaires-là. Ils continueront, au besoin, d'appartenir aux CSS. On le fera à deux. Mais on dit que l'enfant vit dans un établissement, qui est le centre d'accueil, et la prise en charge — on revient à cela et j'arrête — il faut que quelqu'un, quelque part, soit responsable. On vous dit: nous sommes capables d'assumer cela.

M. Gosselin: C'est qu'il y a une philosophie, toute la question de la philosophie des centres d'accueil est peut-être impliquée là-dedans. Personnellement, je considère le centre d'accueil — si vous me le permettez — comme une sorte d'organisation relais où, à la rigueur, je serais parent pilote d'un enfant ayant à être placé dans un centre d'accueil et j'en serais toujours responsable; même s'il est dans le centre d'accueil, j'aurais des rencontres serrées avec le praticien et je serais coauteur du plan de traitement, ou encore on définirait cela ensemble. Or, je ne sens pas cela affirmé et il me semble que ce serait affirmé si, au moins, vous reconnaissiez le principe que, quand un enfant est placé en centre d'accueil, il y a une limite de temps à être fixée ou des protocoles. Vous ne définissez pas ces protocoles; j'avoue que je persiste dans mon malaise.

M. Parr: M. le député de Sherbrooke, il ne faudrait pas voir dans ce partage, cet échange, ce mécanisme de concertation avec d'autres organismes, une critique de l'article 9; c'est tout simplement une critique de l'article du projet de loi qui parle des mesures disciplinaires à l'intérieur d'un centre d'accueil. Ce n'est pas cet article qu'on va déterminer notre intention, notre désir, et tous les mots qui ressemblent à cela, de collaborer avec tout le milieu ambiant. On travaille avec à peu près tous les milieux et de plus en plus. Cette année, avec la mission d'intégration scolaire, on travaille en collaboration avec les écoles, on est rendu dans les centres de loisirs, les gens viennent chez nous en centre de jour, on n'arrête pas d'aller constamment davantage en collaboration avec tous les organismes de la région, tous les organismes qui nous entourent. Il ne faudrait pas s'arrêtera notre remarque sur l'article 9 pour déterminer une intention du centre d'accueil de travailler en collaboration avec d'autres.

M. Gosselin: J'avoue que c'est une impression générale qui dépassait un peu l'article 9, qui se dégageait peut-être du ton dans lequel les choses sont faites, mais aussi par les formulations et par le fait que j'aurais souhaité que vous alliez plus loin dans la définition de certaines choses, de certaines attentes que vous pourriez avoir.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Forget: Pour une fois qu'on a un concours pour savoir qui va être responsable des enfants en difficulté, je pense qu'on devrait plutôt se réjouir que le déplorer. Je pense qu'un des grands problèmes qu'on a peut-être eus, dans le fond, sans faire de reproche à personne, c'est que, justement, la responsabilité vis-à-vis des enfants, on n'a jamais trop bien su où elle résidait et que, pour une fois qu'il y a des gens qui viennent devant nous nous dire: Nous, on a le goût de se sentir responsable vis-à-vis des enfants parce qu'on est avec eux et qu'on essaie de les aider, je pense qu'il ne faut quand même pas dire: Ils devraient, au nom de la collaboration avec tout le monde, ne plus se sentir responsables. Je pense qu'on devrait plutôt les féliciter de vouloir être responsables parce que, finalement, ce sont des responsabilités, ce sont des obligations qu'ils veulent assumer. De fait, qu'ils veuillent les assumer avec d'autres, je pense que cela peut les aider et ils ne refuseront pas de le faire, mais l'essentiel, c'est qu'ils se sentent responsables et je ne vois pas de quoi se décourager dans le fait qu'on se fasse dire: Enfin, on veut être sûr qu'on est responsable; au contraire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, brièvement parce que le temps achève, je voudrais remercier l'Association des centres d'accueil d'être ici et de nous fournir un rapport bien étoffé. Pour connaître plu- sieurs de ces gens qui sont devant nous... On sait que, si l'association affiliée existe depuis 1974, depuis beaucoup plus longtemps, on oeuvre dans ce secteur; on remonte à 1964, mais, bien avant cela, il y a de ces gens qui étaient déjà dans le secteur et on sait autour de cette table de quoi on parle aujourd'hui et les arguments qu'on amène sont vraiment fondés et valables.

Je voudrais remercier cette association de ce mémoire qui nous rend service et qui nous éclaire vraiment, de façon valable pour les députés autour de cette table. Vous avez affaire à une brochette de députés qui sont au courant, tant du côté ministériel que de l'Opposition, des problèmes d'ordre social au Québec. Vous le voyez, du côté libéral, du côté gouvernemental et de l'Union Nationale, cela nous intéresse. Nous sommes désireux d'entendre les explications que vous nous donnez et d'autres question additionnelles.

Je voudrais vous demander, aux articles 42, 52 et 58... les autres questions ont été posées avant sur d'autres sujets, mais c'est un point un peu brûlant. L'article 42 dit: "Faire héberger l'enfant sans délai dans un centre d'accueil, une famille d'accueil, un centre hospitalier ou un organisme approprié".

Pour avoir été directeur de deux centres d'accueil, j'aimerais que vous nous donniez un projet d'amendement à cet article, qu'on puisse débattre autour de cette table, non pas pour faire grief au gouvernement, ce n'est pas la raison, mais pour servir le gouvernement, pour aider à corriger cet ariticle. Je ne vous cache pas que tant d'autorité venant de l'extérieur d'un centre d'accueil, moi aussi cela m'inquiète. Il est difficile, à partir de là, de programmer, dans un centre d'accueil, sachant qu'il peut nous arriver plusieurs personnes recommandées par un DPJ. Cela devient difficile à contrôler pour les personnes mises en place. Alors, s'il y avait un amendement, peut-être qu'il pourrait faire l'affaire du gouvernement, aussi qu'il pourrait y avoir une collaboration avec les institutions et qu'on soit plus informé.

Evidemment, s'il arrive une personne, cela va assez bien quand il y a trois lits de prêts, mais si on décide d'en envoyer sept, et qu'on peut en recevoir trois, cela devient un problème. Quant à l'autorité qui vient d'en haut, il y aurait peut-être lieu de corriger cela et d'amener un élément de solution plus acceptable. Je ne sais pas si vous auriez des propositions. Si vous n'en avez pas présentement, j'aimerais entendre votre intervention, quitte à revenir ensuite avec une proposition écrite pour nous aider à corriger cet article 42 qui a des répercussions sur les articles 52 et 58.

Mme Séguin-Desnoyers: En fait, M. le député, dans nos recommandations de fin de mémoire, il y a là des dispositions qui pourraient corriger certaines situations, nous semble-t-il. Il reste que l'intervention que j'ai faite au début de cette période de questions s'inscrivait exactement dans le sens de votre intervention, c'est-à-dire que nous relevions que les articles 42, 52 et 58 faisaient une obligation au centre d'accueil de recevoir tous les

jeunes qui lui seraient déférés par le DPJ ou une ordonnance de la cour. C'est pourquoi nous nous demandions jusqu'à quel point les comités d'admission pourraient continuer à siéger et si les dispositions prévues au bill 48 n'étaient pas par le fait même en danger. Je pense que nous en avons parlé au début. Il nous semblait donc qu'au moins dans les mesures d'hébergement volontaire, on pourrait rendre le centre d'accueil disponible à recevoir. On pourrait dire qu'il peut recevoir un jeune si cela correspond à ses critères d'admission et s'il est capable de le recevoir, en comptant que le comité local et le comité régional d'admission vont voir à ce que les enfants entrent en centre d'accueil. On ne veut pas qu'une obligation soit faite au centre d'accueil de recevoir automatiquement tous les enfants. C'est dans ce sens-là...

M. Grenier: Le ministre d'Etat au développement social parlait tout à l'heure d'un papier large, d'un papier généreux, je ne vous cache pas qu'on a été témoin d'un papier qu'on a voulu large et qui s'appelait la loi 101. Pour l'avoir laissé large à l'article 69...

Des Voix: A l'ordre!

M. Lazure: Antiréglementaire.

M. Grenier: Pour l'avoir laissé large... Je demande votre intervention pour nous aider à préciser un article de loi, pour l'avoir voulu large, ce qui fait que bon nombre de cas sont actuellement devant les tribunaux pour régler une partie de l'article. Quand on parle, dans cet article de loi, d'un terme qui est pour moi un peu vague, qui a peut-être été précisé par des gens qui n'étaient pas des législateurs, c'est là que je fais la demande d'une collaboration pour nous aider à le préciser afin de ne pas faire face à des éventualités de ce genre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauharnois.

M. Grenier: Je n'ai pas terminé, M. le Président.

Dans ce milieu, celui des personnes âgées, on parle de 6 vieillards en hébergement par 100 vieillards, c'est une moyenne acceptable. Je sais qu'il y a des personnes — on parle d'un cas bien spécifique depuis 1 heure ou 1 heure 30 — qui ne devraient pas dépasser six mois, mais il y a quand même d'autres cas qui sont là pour leur adolescence. Quelle est la moyenne requise, au Québec, quelle est la proportion, le pourcentage pour répondre aux besoins de ces enfants?

Mme Séguin-Desnoyers: Est-ce que vous demandez la moyenne de durée de séjour, M. le député, dans les centres d'accueil?

M. Grenier: Oui.

Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que cette moyenne varie selon qu'on a affaire à un centre d'accueil qui est le dépannage ou de transition. Il est prévu que ça ne devrait pas dépasser quatre à six semaines. Les centres d'accueil, qui ont une approche à court terme, accueilleront les enfants entre un an et 18 mois. Ceux à long terme, qui sont peu nombreux, le feront pendant environ deux ans.

M. Grenier: Environ deux ans.

Mme Séguin-Desnoyers: En moyenne deux ans, deux ans et demi.

M. Grenier: Cela n'inclut pas l'autre groupe. Pour ceux de longue durée, vous parlez d'une moyenne de deux ans.

Mme Séguin-Desnoyers: Evidemment, selon l'évocation des centres d'accueil. Si vous avez un centre d'accueil de réadaptation à plus long terme, qui reçoit donc une population qui a besoin d'une approche à plus long terme — je dis bien que ce n'est pas pour la majorité de nos enfants — vous aurez une moyenne de séjour de deux ans à deux ans et demi. C'est juste.

M. Grenier: Merci. Quelle est la moyenne d'enfants, pour un pourcentage donné de population, qui a besoin de centres d'accueil?

M. Cloutier: En ce moment, on a 8000 enfants, en gros, au Québec, pour une population de 5 millions ou 6 millions. On sait qu'on manque un peu de ressources et on s'organise avec ça. Il n'y a pas de ratio officiel à travers le monde, en termes de besoins là-dessus. Il y a les alignements qu'on connaît.

M. Grenier: II y en a au niveau des vieillards.

M. Cloutier: II y en a au niveau des personnes âgées, mais, encore là, ce sont des ratios qui sont inventés à partir d'un certain nombre de théories qui sont encore très discutables. C'est encore plus discutable pour le secteur de l'enfance.

M. Grenier: J'ai, dans mon comté, une institution vraiment formidable, qui s'occupe d'enfants majoritairement mongols, je pense. Est-ce que vous préconisez leur intégration dans un milieu familial d'abord — on a cette formule en Ontario —- plus que dans des institutions à nombre élevé d'enfants?

Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que dès le début de cette commission, en présentant notre mémoire ce matin, nous avons donné notre accord total à l'esprit de la loi qui veut que l'enfant soit d'abord et avant tout dans son milieu naturel et qu'il faut faire tout ce qu'on peut pour le maintenir dans son milieu naturel et que le sortir de son milieu doit être une mesure d'exception.

M. Grenier: Vous iriez jusqu'à ce que le gouvernement intervienne dans la loi qui fait qu'un en-

tant... On voit souvent des caricatures à ce sujet-là, les femmes, à leur corde à linge, disent: Donne-moi tes enfants, je vais prendre les tiens, afin d'avoir du bien-être social, afin d'avoir de l'aide pour les enfants handicapés.

Vous préconiseriez une mesure pour que les enfants qui sont des enfants dans le besoin reçoivent cette aide du gouvernement, même a domicile?

Mme Séguin-Desnoyers: Oui.

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Laplante): Très courte question, M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je voudrais profiter de l'occasion pour apporter quelques remarques sur certaines constatations. Je ne voudrais pas faire d'un cas particulier des généralités, mais ce que je voudrais signifier ici aux responsables des centres d'accueil, c'est le choix de certains de leurs professionnels.

J'ai constaté, à quelques reprises, qu'il y a certains professionnels qui sont embauchés ou engagés dans les centres d'accueil et je pense, je ne voudrais pas le dire méchamment... Mais il m'apparaît que leurs connaissances en psychologie ou leurs études en psychologie laissent à désirer pour leur confier des enfants qui sont des mésadaptés sociaux. Chacun y va un peu de sa petite expérience personnelle, pensant que sa façon de procéder pourrait être meilleure que celle de son voisin.

Je connais un centre d'accueil où chaque moniteur a, jusqu'à un certain point, le privilège de faire des essais de redressement évolutif sur le groupe d'enfants dont il est responsable. Je me demande jusqu'à quel point c'est sérieux. Je préconiserais une espèce d'encadrement, à ce niveau-là, et je pense que c'est essentiel. Dans ce sens-là, tant et aussi longtemps... Remarquez que je ne voudrais pas jeter la pierre, parce que les centres d'accueil, c'est relativement nouveau; je ne voudrais pas minimiser tous les efforts qui ont été mis de l'avant pour corriger une lacune sociale qu'on connaît par le nombre grandissant de nos mésadaptés socio-affectifs, mais il n'en reste pas moins que l'espèce de mesure sentencielle de six mois serait une sorte de garantie en attendant qu'on puisse avoir cette assurance de la qualité du service professionnel qu'on devrait retrouver normalement dans les centres d'accueil.

Tant et aussi longtemps que ce groupe de professionnels, et je ne les mets pas tous dans le même bain, bien sûr, il y a sûrement des gens qualifiés...

Mais je connais personnellement un centre d'accueil, sans le nommer — je ne suis pas ici pour le déprécier, je viens seulement m'en servir comme exemple — sans être psychologue ou sociologue, il m'apparait, en tout cas à première vue, que ce sont des jeunes qui sortent à peine du CEGEP et à qui on confie des traitements d'en- fants qui ont des problèmes socio-affectifs. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Est-ce que j'exagère une situation ou est-ce que c'est un état de fait?

Le Président (M. Laplante): II vous reste trente secondes, madame.

Mme Séguin-Desnoyers: Qu'il existe des centres d'accueil, comme vous le dites, M. le député, où il n'y a pas de qualité professionnelle à haut standard, ce serait à déplorer. Que ce soit impossible, je ne suis pas capable de l'affirmer. Il y a une chose qui est certaine, c'est que cela ne devrait pas se continuer. Nous sommes les premiers à l'association à le déclarer, nous avons mis sur pied un comité d'étude des normes et standards de pratique dans les centres d'accueil qui auraient certainement des effets assez forts sur les centres d'accueil.

De toute façon, je trouve également que le ministère des Affaires sociales, avec sa direction générale de la programmation est là pour aider les centres d'accueil qui éprouveraient des difficultés de cette espèce. Il y a quand même des chargés de programmes qui vont dans les centres d'accueil et j'imagine qu'ils sont capables de donner un coup de main aux centres d'accueil qui auraient de pareilles difficultés. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui on ait cela.

Le Président (M. Laplante): Très bien, madame, tout est terminé. Vous avez un dernier mot?

M. Marois: M. le Président, simplement pour remercier l'association de son mémoire. On conviendra tous qu'au point de départ il s'agissait d'un document assez chargé, spontané et franc aussi. On est obligé de l'admettre. Les discussions qu'on a eues ont certainement permis de s'éclairer mutuellement, ce n'est pas mauvais, et surtout, parce que plusieurs intervenants ont utilisé passablement l'expression "derrière la lettre", parce que c'est cela essayer de voir quel était au fond l'esprit et, en un certain sens, les longueurs d'onde communes. Votre point de vue jette un éclairage particulier. Chose certaine, dans la poursuite de nos travaux, on va conserver à l'esprit vos recommandations et on va continuer à les étudier, à les gratter au mérite et prendre les décisions qui nous sembleront les mieux appropriées dans les circonstances pour assurer la meilleure protection de la jeunesse.

Une Voix: Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Merci, messieurs.

M. Lazure: M. le Président, je veux simplement ajouter un mot et relever l'invitation que l'association fait publiquement, en collaboration avec le ministère quant à l'agrément, quant à l'établissement de standards de qualité. Là-dessus, on sera très heureux de collaborer. On vous remercie.

Le Président (M. Laplante): La séance est suspendue jusqu'à 20 heures. Le prochain groupe sera l'Association des hôpitaux de la province de Québec. A 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 12

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise de l'audition des mémoires de la commission des affaires sociales et de la justice. Vous remarquerez qu'il n'y a plus de cendrier nulle part. On vient de demander de ne plus fumer parce qu'on n'est plus capable d'ouvrir les fenêtres parce qu'elles sont déjà fermées par l'extérieur avec des feuilles de plastique, à cause des travaux. Cela devient énormément chaud et les gens dans la salle se sont plaints qu'ils étouffaient, à un moment donné. On vous demande ne plus fumer. Cela se rapporte autant aux membres de la commission qu'aux auditeurs. Il y a des endroits en arrière. Vous pourrez aller, ceux qui ont envie de fumer, aux deux extrémités. Maintenant, vous avez 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Pour la période de questions, je vous demanderais d'être très courts dans vos questions et vos réponses parce qu'on aimerait aussi entendre l'autre groupe ce soir, pour qu'il ne soit pas obligé de retourner à Montréal et de revenir. Si vous voulez vous identifier et identifier votre mouvement et les membres qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Association des hôpitaux du Québec

M. Robitaille (Paul): Merci, M. le Président. Le président de l'Association des hôpitaux de la province de Québec, M. Maurice Cardinal, a dû nous quitter au cours de l'après-midi. Il m'a chargé de le remplacer. Mon nom est Paul Robitaille. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association des hôpitaux. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Louis Pagé, qui est membre de l'exécutif de l'Association des hôpitaux de la province de Québec; à ma gauche, Me André Des Rochers, de l'Association des hôpitaux, et Me André Pa-quin.

Je voudrais, en premier lieu, remercier le président et les membres de la commission de nous permettre de présenter un court mémoire au nom de l'Association des hôpitaux de la province de Québec.

L'Association des hôpitaux de la province de Québec a étudié le projet de loi sur la protection de la jeunesse et désire, dans ce mémoire, soumettre ses commentaires et recommandations quant à l'impact, sur nos centres hospitaliers, de certaines dispositions proposées.

Nous sommes conscients que l'intérêt de l'enfant justifie des prises de position radicale afin d'assurer sa protection et souscrivons à la philosophie qui anime ce projet de loi.

Toutefois, l'Association des hôpitaux a constaté que certaines mesures préconisées dans le projet de loi ne tenaient pas compte des droits et obligations énoncées dans d'autres textes législatifs et, en particulier, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui gouverne les établissements que nous représentons.

C'est pourquoi nous avons recommandé des modifications aux articles que nous jugions essentiels pour l'intérêt de nos membres, sans minimi-

ser pour autant notre préoccupation commune d'assurer une protection adéquate à la jeunesse. Notre rapport se résume à quelques recommandations qui sont, pour un certain nombre, des recommandations de concordance. Pour les présenter, je demanderais à Me André Des Rochers de le faire.

M. DesRochers: Merci, M. Robitaille. Dès le départ, avec l'assentiment du président de la commission, je voudrais soumettre une requête pour restreindre la présentation de notre mémoire à quatre recommandations sur onze, compte tenu de l'heure, de la dure journée que les membres ont dû traverser et du caractère plus spécifique de l'intérêt que nous portons à ces quatre recommandations, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. DesRochers: Merci. Ces quatre recommandations sont, dans l'ordre, la recommandation numéro 2 que vous trouverez à la page 3, les recommandations numéros 7, 8 et 9 qui sont de concordance avec les pages et porteront essentiellement sur l'accès au dossier médical; dans un deuxième temps, sur l'hébergement et l'admission, l'hébergement et l'admission obligatoires ainsi que sur l'hébergement obligatoire. Sans plus attendre, je passe immédiatement, avec votre autorisation, à la recommandation numéro 2 qui porte sur l'article 25 du projet de loi.

L'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux consacre le principe de la confidentialité des dossiers médicaux, lequel principe doit selon nous être, de toute évidence, préservé. Tout en connaissant la nécessité pour le comité, au sens du projet de loi, de recevoir l'information pertinente au cas d'un enfant, afin d'exercer les fonctions et pouvoirs prévus à l'article 22, nous suggérons que le texte proposé soit modifié afin de permettre la transmission de certains documents, sans pour autant autoriser un libre accès audit dossier. Enfin, toute information— nous en faisons une proposition là aussi — transmise au comité devrait être confidentielle et la loi devrait exiger péremptoirement une telle confidentialité. Nous croyons que la mécanique législative utilisée par le législateur dans le projet de loi 24, à l'instar des commentaires que nous avons déjà faits lors de la première étude du projet de loi concernant les handicapés, fausse les règles du jeu. En effet, le législateur, à l'article 2 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, prévoit que ladite loi et ses règlements s'appliquent nonobstant toute loi générale et spéciale.

Or, ici encore, dans une loi particulière, on fait une autre exception à la règle et, sur le plan de la pratique, il devient excessivement difficile de lire simultanément toutes les exceptions aux exceptions. Donc, notre recommandation face à l'article 27 peut se lire comme suit: Le comité peut, dans l'exercice de ses fonctions et de ses pouvoirs, obtenir sur demande justifiée de sa part et adresser au directeur des services professionnels, ou à défaut de tel directeur, au directeur général d'un établissement une copie, un extrait ou un résumé de dossier pertinent au cas d'un enfant. Les informations ainsi obtenues par le comité demeurent confidentielles.

Dans notre esprit, M. le Président, le reste de l'article et la mécanique à établir devraient rejoindre les dispositions de l'actuel article 7 selon lequel si un directeur des services professionnels ou si un directeur général d'un centre hospitalier refuse l'accès de cette information au comité, le comité aurait l'utilisation de toutes les voies de droit ordinaire qui sont ouvertes à tous les citoyens du Québec lorsqu'on refuse l'accès à un tel dossier.

Sans plus attendre, avec votre permission, je passe à la recommandation 7 qui se trouve à la page 7 du document que vous avez en main. Comme je l'ai souligné, cette recommandation traite de l'article 42 relative à l'hébergement et à l'admission. En effet, le pouvoir du directeur de faire héberger l'enfant dans un centre hospitalier nous apparaît discutable. Pourquoi? Parce que, d'une part, l'article 3.2.1.3 du règlement édicté en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit deux conditions pour l'admission d'une personne dans un centre hospitalier de soins de courte durée, à savoir: a) une demande d'admission à son sujet est faite par écrit, sur une formule appropriée — ceci est important — par un médecin ou un dentiste; et b) un diagnostic provisoire établi par un médecin ou par un dentiste conclut à la nécessité de cette admission et l'article 3.2.2.3 stipule quant à la sortie que: Lorsque le médecin ou le dentiste traitant est d'avis qu'il n'y a plus de raison d'ordre médical pour qu'une personne sous ses soins demeure au centre hospitalier, il doit en autoriser la sortie.

D'autre part, en vertu de l'article 36 de la Loi de la protection de la santé publique, la prestation de soins médicaux pour un enfant âgé de plus de 14 ans n'est possible que sujet à l'obtention du consentement de ce dernier.

En conséquence, et sous réserve des commentaires que nous formulons dans notre mémoire quant à l'article 44, nous ne nous expliquons pas qu'un tel pouvoir soit laissé au directeur si on désire respecter, en particulier, les dispositions prévues dans les lois citées ci-dessus.

Dans ce cadre d'idée, M. le Président, notre recommandation suggère de lire maintenant le paragraphe b) de l'article 42 comme suit:

Faire héberger l'enfant sans délai dans un centre d'accueil, une famille d'accueil ou un organisme approprié. Il va de soi qu'il faut lire cette recommandation en liaison directe avec la suivante sur laquelle nous avons des commentaires à faire, no 8, qui porte sur les dispositions de l'article 44 et spécifiquement les stipulations à l'article 44, deuxième paragraphe, in fine.

Ainsi, l'article 3.2.1.6 du règlement édicté en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux oblige tout établissement à s'assurer que toute personne qui nécessite des soins d'ur-

gence reçoive le traitement requis par son état sans que soient nécessairement satisfaites les conditions prévues aux articles 3.2.1.3 ou 3.2.1.4 qui ont trait aux procédures d'admission normales, soit le diagnostic préalable et ainsi de suite.

De plus, l'article 37 de la Loi de la protection de la santé publique stipule qu'un établissement ou un médecin doit voir à ce que soient fournis les soins ou traitements à toute personne dont la vie est en danger. Il n'est pas nécessaire, si la personne est mineure, d'obtenir le consentement du titulaire de l'autorité parentale. En conséquence, les CH sont déjà soumis à l'obligation de recevoir tous les patients nécessitant des soins d'urgence. Toutefois, nous vous soulignons qu'un enfant peut avoir besoin de soins médicaux durant la période où les mesures d'urgence prévues dans le projet de loi s'appliquent et peut être traité en externe, via une inscription au lieu d'une admission, sans pour autant nécessiter une admission dans le centre hospitalier.

C'est pourquoi nous demandons que l'article 44 énonce, de façon explicite, que le directeur a le pouvoir d'autoriser, durant la période des mesures d'urgence, la prestation de services médicaux, d'autres soins et l'admission de l'enfant, si nécessaire, dans un centre hospitalier. Il serait toutefois abusif selon nous de retenir que tout centre hospitalier soit alors tenu de recevoir l'enfant que le directeur lui confie, considérant que le médecin, dans un premier temps, est le seul professionnel habile, après un diagnostic provisoire, à décider de l'admission d'un patient; dans un deuxième temps, que les vocations des établissements doivent être, selon nous, respectées en termes de professionnels ayant l'autorité nécessaire pour faire une intervention, et que dans un troisième temps, tous les participants à cette commission se sont dit unanimes à vouloir promouvoir un programme de collaboration où chacun des types d'établissement oeuvre dans son secteur d'activité spécifique avec — et là c'est très important — les ressources qu'il a à gérer et rien de plus. Parce que peu importe que l'on ajoute une autre obligation au fardeau déjà existant des centres hospitaliers, il est certain que le centre hospitalier ne pourra pas plus admettre d'enfants maltraités qu'il ne pourra admettre d'autres types de patients si ses limites sont déjà poussées à l'extrême, M. le Président.

Donc, permettez-moi de vous formuler la recommandation no 8. Nous aimerions que l'article 44, deuxième alinéa, se lise comme suit: "Durant la période où les mesures d'urgence sont appliquées, que le directeur autorise, en cas d'urgence, la prestation de services médicaux et d'autres soins, de même que l'admission de l'enfant dans un centre hospitalier, si nécessaire, sans obligation d'obtenir le consentement des parents ni une ordonnance du tribunal à cet effet."

Finalement, M. le Président, quant à la recommandation no 9, cette dernière porte sur l'article 58 où nous croyons bien humblement que s'est glissée une erreur de transcription, car toute la section IV du projet de loi porte sur l'héberge- ment obligatoire. Or, hébergement, dans notre esprit, ne réfère pas du tout à une admission, au sens technique du mot, dans un centre hospitalier, compte tenu que le tribunal, au sens de cet article, demande au directeur de désigner un centre d'accueil ou une famille d'accueil lorsqu'il autorise l'hébergement obligatoire, article 58(1), et que tout le reste de l'article en découle, compte tenu que nos commentaires et notre recommandation no 7 demandent d'exclure l'expression "centre hospitalier" du paragraphe b) de l'article 42 et qu'un centre hospitalier n'a pas une vocation d'hébergement mais de dispensation de services.

A titre d'illustration de ce que nous croyons être une erreur de concordance, il est à souligner que le texte, dans sa version anglaise, ne retient pas les mots "centre hospitalier" dans le degré de latitude laissé au directeur pour donner suite à une ordonnance du tribunal.

Dans ces conditions, M. le Président, nous recommandons de modifier le deuxième alinéa de l'article 58 comme suit: "Tout centre d'accueil désigné par un directeur, conformément aux dispositions du présent article ou du paragraphe b) de l'article 42 — nous rejoignons notre recommandation antérieure — est tenu de recevoir l'enfant visé par l'ordonnance. Celle-ci peut être exécutée par tout agent de la paix."

C'est l'essentiel de nos recommandations, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Lazure: Je m'aperçois, M. le Président, que vous avez lu très attentivement, dans toutes ses versions, le texte du projet de loi 24. Pour avoir réussi à relever, peu importe la version, la non-correspondance évidente entre le texte français et le texte anglais de l'article 58. Cela démontre que vous l'avez fouillé très sérieusement et très attentivement.

Etant donné que vous avez eu la délicatesse, pour l'autre groupe qui attend de présenter aussi son mémoire ce soir, de procéder rapidement et, en plus, la délicatesse d'attendre toute une journée pour nous faire part de vos commentaires, il va de soi qu'on a noté, qu'on a pris bonne note des autres recommandations de votre mémoire et qu'on va les étudier au mérite.

M. DesRochers: Merci.

M. Marois: Je voudrais simplement, à ce stade-ci, revenir sur une de vos recommandations. Je vais laisser à mes collègues le soin d'intervenir, le cas échéant, sur les autres. En ce qui concerne les dossiers, il s'agit de votre recommandation no 2. Votre préoccupation est évidemment une préoccupation de confidentialité des dossiers.

Je me demande cependant si, dans la proposition que vous nous faites quant à une formulation d'un éventuel article 25, il n'y a pas quelque chose qui risque d'être ambigu. Il arrive, et il pourrait arriver que le comité de protection de la jeunesse,

par exemple, dans son rôle d'ombudsman que prévoit le projet de loi, ait à faire enquête sur des cas où l'établissement en question, quel qu'il soit, pourrait être en cause. Cela pourrait fort bien arriver.

Dans ces cas, est-ce que l'établissement en question qui préparerait les copies, l'extrait ou un résumé du dossier, est-ce que cet établissement, dans ce contexte, ne serait pas, en quelque sorte, en plein conflit d'intérêts, s'il a, tel que je le crois, à la lecture de la façon que vous formulez l'article 25, le pouvoir de refuser de dévoiler le dossier au complet?

Par ailleurs, si ce que je dis est exact, si ces cas-là peuvent se présenter et que cela risque de contrevenir, en quelque sorte, à l'objectif, je pense que tout le monde comprend clairement, quant au rôle qu'on voudrait voir dévolu au comité de protection de la jeunesse, au sens strict du mot, un groupe d'interpellation, de relance et d'ombudsman des droits des enfants, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'arriver... On comprend, je crois, votre préoccupation de confidentialité. C'est une chose. C'est un morceau dans la balance. Est-ce qu'il n'y aura pas moyen, pour faire le contrepoids de cela, de peut-être y arriver par un autre moyen qui pourrait — j'avoue que je réfléchis tout haut et il va falloir l'étudier de très près — peut-être qu'il y aurait possibilité de renforcer les obligations du comité de protection de la jeunesse, en matière de confidentialité.

Cela permettrait à ces gens, le cas échéant, de mettre la main sur les dossiers, si c'est légitime à leur point de vue, pour préserver les droits de ceux qui ont des droits à faire valoir, notamment les jeunes, mais de baliser davantage les règles de confidentialité en ce qui concernerait le comité. Est-ce que cela recouperait quand même votre préoccupation?

M. DesRochers: Tout à fait, M. le Président. Je partage..

M. Marois: Je m'excuse, est-ce que vous...

M. DesRochers: Je suis très sensible à vos commentaires, spécifiquement en ce qui a trait à la possibilité d'équilibrer... J'avoue que, dans notre préoccupation, celle-ci n'était pas entrée en ligne de compte et est maintenant très pertinente. Immédiatement, sur le vif, je pense qu'il y a possibilité, en prévoyant un mécanisme de réglementation qui établirait les cas pour lesquels le comité pourrait exiger...

Le point que l'on défend, M. le Président, c'est qu'il y a une loi-cadre qui garantit et qui met la confidentialité au-dessus d'à peu près tout. Il y a tellement de choses sous-jacentes à cela que, si on permet à des organismes administratifs de s'immiscer dans la confidentialité des rapports des professionnels avec leurs patients et leurs malades, je pense que ce sera très lourd de conséquences, et c'est là notre préoccupation.

C'est la raison pour laquelle je verrais acceptable d'amender notre proposition en disant que les cas où le comité peut exiger du fiduciaire du dossier, le centre hospitalier, l'accès à l'information ne devraient pas être laissés à la latitude du comité, mais devrait faire l'objet de l'assentiment du gouvernement dans un décret, dans un règlement, qui dirait que, dans tel cas, le centre hospitalier est tenu de fournir l'information, mais on ne doit pas lui laisser toute latitude. On connaît malheureusement trop les excès auxquels on a assisté, tous, dans nos expériences propres, en termes de bris de confidentialité. C'est peut-être le principal cheval de bataille de l'association, sauvegarder cette confidentialité.

M. Shaw: M. le Président, est-ce que je peux poser une question?

Le Président (M. Laplante): Accessoire?

M. Shaw: Vous avez l'article 93 qui donne un pouvoir sur la question des dossiers. Je suis d'accord avec les témoins pour sauvegarder le droit dans le système quotidien, mais sur les questions spécifiques, vous avez le pouvoir, à l'article 93, de donner au directeur ou au tribunal les renseignements du dossier confidentiel. Pour cette raison, je crois que nous pouvons accepter les propositions de nos...

M. Marois: Je voudrais simplement vous faire remarquer qu'à l'article 93, ce dont on parle, ce n'est pas le dossier médical, c'est le dossier du tribunal. Si vous lisez attentivement l'article 93, vous allez voir que ce n'est pas du même type de confidentialité qu'on parle.

M. Shaw: En anglais, c'est différent, parce qu'en anglais, c'est "every record"...

M. Marois: "Every record of the Youth Court". M. Shaw: Every record, c'est tous les...

M. Marois: ...of the Youth Court. Les dossiers du tribunal...

M. Shaw: Peut-être que nous pouvons faire des changements à l'article 93 pour donner accès aux dossiers médicaux ou à tous les dossiers pour éviter le problème qui arrive maintenant avec des dossiers, avec des centres de services sociaux, quant à la compilation des statistiques et des autres choses comme cela, qu'on vit maintenant.

Le Président (M. Laplante): Vous avez d'autres questions, M. le ministre? M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: J'endosse les commentaires de mon collègue. J'ajouterais aussi une autre remarque et le chapitre 48 le spécifie bien. C'est de plus en plus ancré aussi dans la compréhension des établissements. Le propriétaire du dossier, que ce soit un hôpital ou un centre d'accueil, c'est le bénéficiaire, ce n'est pas l'établissement. Evidem-

ment, là où cela devient litigieux, c'est dans des cas où le bénéficiaire en question, le jeune en question, par exemple, ne serait pas en mesure, parce qu'il est trop jeune, selon l'âge, ou que ses parents ne seraient pas aptes à donner le consentement. Il s'agit d'une minorité de cas. Bien souvent, ces cas tombent lorsqu'il y a nécessité d'une enquête par le comité de protection.

La deuxième observation concernant ce qui s'appelle l'hébergement, encore une fois, on l'a dit aujourd'hui à un ou deux groupes, le terme devrait peut-être être mieux défini ou changé. Chose certaine, c'est qu'on doit pouvoir, un peu comme c'est le cas avec la Loi pour la protection du malade mental et avec d'autres lois, on doit pouvoir, dans certains cas, permettre à un tribunal d'ordonner l'admission, que ce soit comme patient externe ou patient interne, d'un patient pour traitement. On doit pouvoir le faire dans certains cas.

M. DesRochers: Mon commentaire à cette remarque est que nous avons vécu par le passé des expériences assez pénibles à ce niveau, quand des centres hospitaliers de courte durée de soins aigus se voyaient contraints par une ordonnance judiciaire d'héberger un malade psychiatrique. Je suis parfaitement d'accord avec le fait qu'il y a peut-être de l'information à diffuser et un effort à faire de ce côté, mais il faut être sensible à l'application qu'entraîne un tel principe; et si on s'adresse immédiatement à la bonne ressource, il n'y a pas de problème. Nous partageons tout à fait votre pensée en ce sens que c'est une obligation sociale que doit assumer n'importe quel établissement de collaborer dans un plan d'ensemble, mais c'est lorsqu'on vient rompre l'équilibre de vocation qui s'est établi par la volonté du gouvernement en laissant peut-être trop de latitude... Pour l'histoire du tribunal, nous partageons votre avis, mais lorsqu'on arrive avec une autre instance administrative, que ce soit au niveau du CSS via le directeur ou au niveau du tribunal, je pense qu'il faut être beaucoup plus prudent dans I'octroi de pou-voirs spéciaux qui viennent, comme je dis, détruire l'harmonie d'interrelation qui s'était établie entre chaque type d'établissement.

M. Lazure: Je reviendrai tantôt, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je veux remercier et féliciter l'association des hôpitaux. Les intéressés ont fait une étude très détaillée de ce projet de loi et je dois dire que même si j'essayais de le faire avec encore plus de détermination, les points qu'ils soulèvent sont tellement clairs que je ne vois pas beaucoup de questions à poser. Sauf sur un point. Je ne sais pas si c'est une question, c'est plutôt une remarque parce qu'en général je suis assez d'accord avec l'ensemble des recommandations. Toutefois, la dernière suggère que le directeur ne soit pas tenu de produire par le tribunal des études ou des évaluations médicales et psychologiques, à moins de les avoir déjà en sa possession.

M. DesRochers: Excusez-moi, M. le Président. Avec votre permission, je fais la requête de retirer cette recommandation qui s'est glissée par mégarde.

M. Forget: Alors, si...

Le Président (M. Laplante): Laquelle, monsieur?

M. DesRochers: La dernière. M. Forget: La onzième.

Le Président (M. Laplante): La onzième? Vous demandez que la onzième recommandation soit retirée de votre mémoire.

M. DesRochers: La onzième recommandation, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): D'accord, pour les fins du journal des Débats, c'est important.

M. Forget: C'est la seule qui me créait des problèmes. Pour le reste, je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter comme question ou commentaire.

Le Président (M. Laplante): Vous avez bien scruté vous aussi.

Le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président, premièrement, est-ce que je peux adresser ma question au ministre des Affaires sociales? Y a-t-il, maintenant, des enfants de 14 à 18 ans en prison?

M. Lazure: Au moment où on se parle, je l'ignore; mais malheureusement il y en a encore un certain nombre qui y séjournent, malgré te fait que, surtout dans la région de Montréal, avec le Centre de services sociaux et certains centres d'accueil, on ait un mécanisme sur pied depuis plusieurs mois, qui fonctionne 24 heures par jour, 7 jours par semaine, pour recevoir les enfants amenés par la police. Malgré cela, il y a encore, dans la période d'environ six mois, je pense, à peu près 70 adolescents qui ont séjourné en prison, dont les deux tiers dans la région de Montréal. Je n'ai pas l'information précise. Ce qui est embêtant, c'est qu'il semble que la majorité de ces enfants et adolescents sont placés en prison sur ordre du juge et non pas, comme c'était plus souvent le cas autrefois, parce qu'on ne trouvait pas de place dans les centres d'accueil ou parce que les centres d'accueil les refusaient. Il semble que c'est presque toujours une décision du juge de la Cour du bien-être social de placer temporairement l'enfant ou l'adolescent en prison d'adultes. Il a le droit de le faire.

M. Shaw: Je ne parle pas contre la situation. Je voulais seulement être renseigné parce que je trouve qu'il doit arriver des situations où il y a des adolescents de 17 ou 18 ans, ou de 15 ou 16 ans, qui sont encore des adolescents, qui ne sont pas acceptables dans les milieux disponibles présentement. Je vois la recommandation de l'association des hôpitaux comme une proposition très valable. Si nous devons placer des enfants en prison, nous devons les garder à part des autres adultes. C'est pourquoi je voulais savoir...

M. Lazure: Evidemment nous ne pensons pas que cela soit valable, autrement on l'aurait inclus, autrement on n'aurait pas fait le travail. D'ailleurs, mon prédécesseur a fait un travail semblable avec les services sociaux pour essayer d'éliminer la présence de jeunes dans les prisons d'adultes.

Il y a maintenant suffisamment, à travers le Québec, de centres d'accueil pour mésadaptés sociaux qui ont des unités sécuritaires. Il y en a suffisamment. J'ai même vu, dans une région — pour ne pas la nommer, près des frontières de l'Ontario — un centre d'accueil pour jeunes délinquants avec des cellules à sécurité maximale non utilisées et, à côté, dans la prison des adultes de la même ville, des adolescents en prison.

M. Shaw: Deuxième question, sur la responsabilité des professionnels de donner des rapports sur les abus. Nous en avons discuté dans un petit groupe de recherche sur le projet de loi et je voudrais le demander aux responsables, aux témoins d'aujourd'hui, parce que cela arrive dans les hôpitaux que des enfants qui sont maltraités par leurs parents arrivent à l'hôpital. Mais cela implique une question des valeurs personnelles d'un médecin. Comme cela est dit dans le projet de loi, est-ce que cela implique une responsabilité civile, à part la loi, de rapporter tous ces cas d'abus? Cela est très important, à mon point de vue, parce qu'à chaque fois, un médecin doit prendre une décision sur les circonstances. Est-ce que tous les cas doivent être rapportés? Je voudrais le savoir des deux côtés; premièrement, des témoins et, deuxièmement, du ministre.

M. Marois: La loi l'exige déjà pour les enfants maltraités, M. le député, présentement. C'est la loi 78 qui réglemente les enfants maltraités.

M. Shaw: Oui, je le sais, mais ce n'est pas appliqué parce que c'est toujours la question de savoir qu'est-ce qu'un abus. Comment décrit-on un abus? Parce qu'un enfant arrive avec le nez cassé? Est-ce un abus? C'est très intéressant, au point de vue légal, dans le nouveau projet de loi, la responsabilité des abus des enfants.

M. DesRochers: C'est une responsabilité statutaire et non pas une responsabilité civile, dans ce cas.

M. Forget: Je pense qu'il serait peut-être bon de préciser — étant donné que tout cela est enre- gistré — que, dans la mesure où une loi dit qu'on ne peut pas prendre excuse du secret professionnel pour poser ou ne pas poser un acte, je crois qu'il y aurait peut-être possibilité, ouverture à une responsabilité civile, mais je pense qu'on ne peut pas affirmer aussi catégoriquement qu'il n'y a pas de responsabilité civile parce que, ce qui fait obstacle à la responsabilité civile, c'est le secret professionnel. Mais si une loi dit que le secret professionnel ne tient pas dans ce cas, cette défense-là tombant, il serait possible pour le tuteur ou l'enfant qui a éventuellement été battu par ses parents, et le fait n'ayant pas été rapporté par le médecin ou l'hôpital, de prendre une poursuite en dommages-intérêts contre le médecin ou l'hôpital. Je le pense, enfin, ce serait au moins une théorie qu'on pourrait explorer.

M. DesRochers: Avec l'assentiment du président, et ce n'est certainement pas notre intention de venir faire un exposé de droit théorique devant la commission, je pense que la commission n'a pas besoin d'un tel exposé, mais enfin, en réponse à la question qui a été posée plus spécifiquement, c'est que, dans le cas précis d'un médecin qui ne déclarerait pas un abus, la responsabilité civile ne pourrait être engagée que lorsqu'on prouverait que le défaut de déclaration a entraîné un dommage; mais quel pourrait-il être? C'est très difficile à déterminer.

M. Forget: Oui, bien sûr.

M. Shaw: Le problème est double parce qu'on ne demande pas, dans le projet de loi, de démontrer la source d'une question d'abus. A un moment donné, un médecin peut dire que le nez cassé de cet enfant est un abus. Cet enfant peut être enlevé d'une maison et les parents n'auront pas accès à la source de ces renseignements. C'est clairement indiqué dans le droit. Cela implique une question très importante pour la protection des parents. Parfois, il arrive que ce ne soit pas une question d'abus, que c'est un accident dans une famille qui implique le nez cassé de cet enfant.

Nous avons besoin de songer sérieusement à ce sujet, parce qu'à un moment donné, vous, comme professionnel, vous aurez un pouvoir et une responsabilité. Est-ce que nous avons besoin de déclarer que cette mâchoire cassée a été causée parce que le parent a abusé d'un enfant ou parce que c'était un accident, un coup de main?

M. Forget: Tout dépend du problème que vous voulez résoudre. Le problème n'est pas que l'on persécute les parents parce qu'on les accuse injustement de maltraiter leurs enfants. Il a été démontré assez abondamment qu'il y avait énormément d'enfants maltraités pour lesquels, dans le fond, la vérité ne sort pas parce que les gens en sont empêchés, soit par des questions de secret professionnel ou de responsabilité légale, si elles enfreignent le secret professionnel.

Si c'est cela le problème qu'on a à résoudre, je pense qu'il faut choisir évidemment le risque

inévitable que, dans certains cas, par malice, un professionnel accuse des parents isolément. Je pense que la question adressée par le député de Pointe-Claire est un peu injuste. L'abus qu'on essaie de réprimer, ce sont les enfants battus, ce ne sont pas les parents accusés injustement.

M. Shaw: Pour moi, on peut garder l'article 40. On peut le garder d'un côté si on enlève l'autre. Mais si on regarde les deux côtés, c'est contre les intérêts des cas... Si on dit: Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l'identité d'une personne qui a agi conformément aux articles 36 ou 38 sans son consentement...

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): II y a quelque chose là...

M. Clair: Une question additionnelle.

Le Président (M. Laplante): Une question additionnelle, d'accord.

M. Shaw: M. le Président, on parle maintenant d'une recommandation...

Le Président (M. Laplante): Je pense, M. le député de Pointe-Claire, qu'il y a une ambiguïté, quelque chose dans votre question. Il faudrait que votre question s'en tienne au mémoire. Posez votre question directement à ceux qui présentent le mémoire, pour essayer d'avoir une réponse d'eux. Après la réponse que vous aurez eue d'eux, peut-être qu'il serait sage de la refiler à un des ministres responsables pour pouvoir être éclairé plus facilement.

M. Shaw: Alors, je parle de votre recommandation no 4.

M. DesRochers: No 4?

M. Shaw: No 4. Tout professionnel, dans votre recommandation, même lié par le secret professionnel, qui, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, etc. Sur la même question, on donne un pouvoir à l'article 36 et on enlève la responsabilité qui est une partie de ce... Moi, comme professionnel, si je vois que quelqu'un a été battu par un parent et que c'est évident, je suis aussi prêt à accepter les conditions d'identification, mais si on protège ceux qui...

Le Président (M. Laplante): ... une première partie de réponse.

M. DesRochers: Oui, concernant la première partie, ma compréhension du texte est exactement l'inverse.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. DesRochers: La personne que l'on pro- tège, c'est le délateur, celui qui a porté à l'attention du comité l'existence d'un cas d'abus et non pas la personne qui a abusé. C'est l'inverse. On protège celui qui, proprio motu, va dévoiler l'existence d'un cas d'abus contre tout recours en dommages et intérêts ou statutaire.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez bien compris la réponse, monsieur?

M. Shaw: Non.

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous répéter lentement? Non, parfois, il y a des choses qui...

M. Shaw: Vous dites que c'est le parent qui...

M. DesRochers: Je vais vous donner un exemple...

M. Shaw: Oui.

M. DesRochers: L'article 40 face à l'article 44, à mes yeux, signifie que, si un policier amène un enfant qui manifestement a été victime d'abus de quelque nature, le médecin qui le reçoit à l'urgence constate l'existence d'un cas d'abus et le signale aux autorités compétentes. Ceci signifie qu'à l'occasion d'une action en dommages et intérêts contre l'hôpital, on ne pourrait pas assigner l'infirmière qui a assisté à la scène, au téléphone, pour la contraindre à dévoiler le nom du docteur qui a rapporté le cas au comité. C'est la signification de l'article 40, selon ma compréhension, M. le Président.

M. Clair: Peut-être qu'il y a une dimension du problème que le député de Pointe-Claire oublie, c'est le fait qu'en ce qui concerne la profession juridique, on a de la difficulté à obtenir que les avocats respectent l'article 36, parce qu'ils se sentent en conflit d'intérêt d'une façon bien particulière. Je pense à l'avocat qui représente un père accusé d'inceste. C'est difficile de savoir si oui ou non il est libéré de son secret professionnel au strict plan moral et peut-être que du côté médical, à certains moments, c'est le même problème qu'on connaît.

Peut-être que les délateurs ne sont pas assez nombreux. Le problème n'est pas de protéger, le but n'est pas de protéger les gens qui maltraitent des enfants, c'est de protéger les enfants et d'encourager ceux qui ont connaissance de mauvais traitements à des enfants à les rapporter, afin qu'on remédie à la situation. Les articles 39 et 40, selon moi, sont là pour encourager les gens à dé-later, à rapporter des cas dont ils auraient connaissance alors que les enfants auraient été maltraités.

M. Shaw: Est-ce que nous pouvons changer l'exemple? Disons qu'à un moment donné, vous avez un voisin et vous faites un rapport au directeur de la protection de la jeunesse indiquant que cet enfant a été abusé sexuellement par son père. Alors, le directeur de la protection de la jeunesse

vient à la maison enlever l'enfant et n'a pas besoin de donner de renseignements au père à savoir pourquoi ceci se produit. Cela donne une chance à l'abus.

M. Clair: Je ne pense pas, ils n'enlèveront pas l'enfant si ce n'est pas exact.

M. Shaw: On agit sur représentation de quelqu'un qui n'est pas responsable de son acte.

Le Président (M. Laplante): Je vais être obligé de vous arrêter là, M. le député de Pointe-Claire. Cela peut faire l'objet de l'étude article par article du projet de loi. Parce qu'on n'en sortira pas. On est entré dans un labyrinthe. Est-ce que vous auriez d'autres questions à poser, s'il vous plaît?

M. Shaw: Oui, j'ai deux autres questions à poser.

M. Clair: M. le Président, j'aurais une question vraiment sur le même sujet, pas une question pour l'étude article par article, mais bien sur le secret professionnel. Ce serait de demander aux gens de l'Association des hôpitaux du Québec, justement, si à leur connaissance, avec la loi 78 telle qu'elle existe actuellement, il y a une certaine pudeur des normes professionnelles qui ferait que des professionnels de la santé auraient trop de retenue pour rapporter justement des cas de mauvais traitements? Parce que ça existe, comme je vous le dis, à ma connaissance, chez les avocats. On se pose toutes sortes de questions sur le secret professionnel...

M. DesRochers: Je ne possède pas de renseignements à ce sujet.

M. Clair: Est-ce qu'à votre connaissance, le même problème se présente chez les professionnels de la santé?

M. DesRochers: Je ne suis pas en mesure de porter un jugement, parce que je n'ai pas d'informations pertinentes, mais la seule chose que je peux vous dire, c'est que d'un point de vue objectif, ne travaillant pas dans un hôpital, je pense que ça va à l'encontre d'une longue tradition de confidentialité qui a toujours entouré les relations patients et professionnels de la santé. C'est tout ce que je peux me permettre d'affirmer en ces lieux.

M. Shaw: ...continuer sur le sujet. Je suis allé à un colloque sur le même sujet où on a constaté que les 2/3 des abus ne sont pas rapportés, parce que les professionnels sont "out" des problèmes de représentation en vertu des déclarations qui sont faites. Cela implique les Etats-Unis, où vous avez une responsabilité sévère et si vous avez fait une constatation contre quelqu'un, vous êtes responsable pour des dommages matériels en termes d'argent. Mais si on enlève le droit de protéger les personnes qui sont impliquées sur les deux côtés, je crois que c'est important.

Je veux poser une autre question, concernant la recommandation no 7. Il s'agit du droit d'accepter des enfants dans les centres hospitaliers. Combien de vos hôpitaux ont des centres de traitement pour les enfants qui ont utilisé des drogues?

M. Des Rochers: Qui ont employé des drogues?

M. Shaw: Oui.

M. DesRochers: Des unités comme telles?

M. Shaw: Des unités comme telles.

M. DesRochers: M. le Président, la loi oblige de recevoir ces patients au même titre que des patients ordinaires, en ce sens qu'on nous force à ne plus distinguer celui qui est un toxicomane ou un alcoolique, d'un autre malade, selon la loi. Les centres hospitaliers sont contraints de les considérer comme d'autres malades. C'est la seule information que je peux vous fournir.

M. Shaw: Mais je suis convaincu que le ministre veut... Disons que vous avez un patient qui s'est cassé une jambe à votre hôpital, et que vous n'avez pas les services disponibles pour le traiter vous pouvez le transférer à un autre hôpital. Il doit être traité. C'est cela que vous voulez, je crois? Vous ne pouvez pas forcer un centre hospitalier à accepter des patients s'il n'y a pas de place disponible, selon le projet de loi?

M. Lazure: Surtout dans le cas de centres hospitaliers, peut-être que l'expression "héberger " est encore plus mal choisie. C'est peut-être l'expression "admettre ' qui serait plus appropriée. Dans le cadre d'un hôpital, "admettre" exprime en externe autant qu'en interne. "Admettre" veut dire que le médecin doit dispenser des soins d'urgence nécessaires. Il n'a pas le choix, il doit le faire.

A savoir s'il l'hospitalise ou non, s'il le garde ou non, on revient au raisonnement que l'Association des hôpitaux, tantôt, nous faisait et que je respecte. C'est une évaluation professionnelle de l'individu, à savoir s'il a besoin d'être traité comme patient interne ou comme patient externe seulement.

M. Shaw: A mon point de vue, je vois les circonstances dans lesquelles le projet de loi va être appliqué. Je vois selon le projet que nous avons maintenant, que nous avons un centre à West Island qui accepte les jeunes qui ont des problèmes, soit que leurs parents abusent d'eux, soit qu'ils sont victimes d'un "drug trip"; c'est toujours un problème qui implique un diagnostic médical.

Le directeur de la protection de la jeunesse, à mon point de vue, doit avoir accès aux hôpitaux pour avoir les renseignements désirés, avant que ces enfants ne soient placés ailleurs.

M. DesRochers: Si je peux me permettre de répondre, M. le Président, on est tout à fait d'ac-

cord, et l'hôpital est ouvert aux enfants maltraités comme à n'importe quel autre patient. Ce n'est pas contre cela qu'on en a. On en a contre le fait de laisser à un fonctionnaire autre qu'un médecin qui oeuvre au sein d'un centre hospitalier, la latitude de décréter l'admission dans un centre hospitalier. Nous nous opposons à cette formule. Que le directeur dirige l'enfant vers un centre hospitalier et demande aux ressources compétentes de faire l'analyse et l'évaluation appropriées pour décider, s'il y a lieu, à traitement médical et à admission ou inscription en externe, nous sommes 100% d'accord, il n'y a aucun problème.

Où le problème se pose, je le répète, c'est de laisser la latitude à quelqu'un qui exerce des fonctions administratives, ou un aspect professionnel autre que médical, de décider du traitement médical d'un individu.

M. Shaw: D'accord. J'accepte cela totalement. La dernière chose est les coûts payés par les parents. J'ai une expérience dans votre projet. J'ai vu une jeune fille de 14 ans avec des broches aux dents et les parents sont presque des millionnaires qui n'ont pas voulu accepter leur enfant. J'ai besoin de constater... J'étais prêt à envoyer cette enfant au Queen Elizabeth Hotel et remettre les frais aux parents, parce que forcer un centre d'accueil à l'accepter...

Je voudrais demander au ministre: Pourquoi limiter le montant qui était prévu comme responsabilité des parents?

M. Lazure: Je n'ai pas bien saisi la question.

M. Shaw: Je parle de la recommandation no 10.

M. Lazure: Est-ce une recommandation que l'association a retenue?

M. DesRochers: Nous avons retenu cette recommandation en nous basant sur le principe et sur l'incertitude, parce que, malheureusement, compte tenu de difficultés tout à fait incontrôlables, nous n'avons eu que très peu de temps... Nous nous excusons des erreurs qui ont pu se glisser, tant sur le plan rédactionnel que quant au fond, mais la base du raisonnement qui justifie cette recommandation est que, si les parents s'entendent d'un commun accord pour refuser, à ce moment-là, cela devient un hébergement coercitif et ils n'ont plus à payer.

Il y a aussi la mécanique de l'allocation familiale que les parents pourraient continuer à retirer, alors que c'est l'Etat qui assume les frais et a l'enfant à sa charge.

Le Président (M. Laplante): Posez à nouveau votre question au ministre.

M. Shaw: Je constate seulement que j'appuie la position de l'Association des hôpitaux du Québec sur la recommandation no 10.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Lazure: J'imagine que vous comprenez bien l'esprit dans lequel a été fait l'article 61 selon lequel, en cas de placement obligatoire, on ne facture pas, à ce moment-là, aux parents... Evidemment, c'est peut-être vu comme un incitatif à ce que les hébergements deviennent obligatoires. Si je comprends bien, certains peuvent comprendre cela comme cela, mais cela m'étonnerait que les gens recourent à... Enfin, on prend note de votre recommandation.

M. Forget: L'Association des centres de services sociaux a soulevé le même point ce matin.

M. Marois: C'est ce que j'allais dire, M. le Président. C'est tiré d'un certain nombre de mémoires qui nous ont été soumis; d'ailleurs, pas seulement deux, mais plus de deux. On va certainement examiner cette question au mérite.

M. Shaw: Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait d'autres questions par d'autres membres? Messieurs, les membres de cette commission vous remercient beaucoup pour le mémoire que vous leur avez présenté. Bonsoir.

J'appelle maintenant la Fédération des CLSC du Québec. Messieurs, si vous voulez identifier votre organisme et identifier les membres qui vous accompagnent, vous avez nos traditionnels vingt minutes pour présenter votre mémoire.

Fédération des CLSC du Québec

M. Wilkins (Jacques): C'est bien. Je suis Jacques Wilkins, permanent à la Fédération des CLSC du Québec. Les gens qui m'entourent sont Jacqueline Boudreault, intervenante-jeunesse au CLSC Centre-Sud, Pierre Poupart, responsable du module social au CLSC Hochelaga-Maisonneuve, et Michel Morin, intervenant-jeunesse au CLSC Sherbrooke.

La Fédération des CLSC est relativement jeune. Actuellement, on peut dénombrer 5 CLSC qui ont des projets spécifiques auprès des jeunes et 17 autres qui ont des projets au niveau de l'organisation communautaire.

Nous vous avons remis un mémoire parce qu'on croyait que notre proximité des organismes communautaires — car on est tout près des organismes communautaires — que nos préoccupations d'ajouter une dimension préventive à nos pratiques et notre position privilégiée d'être près de la population nous autorisent à vous formuler certains commentaires et à vous remettre trois recommandations précises.

C'est un fait que cette loi s'avérait nécessaire. Maintenant qu'elle est déposée comme projet, il nous semble important de vous sensibiliser à certaines de ses faiblesses. Les plus évidentes, à notre avis et selon notre expérience, se situent au niveau de l'absence d'interventions préventives. La loi s'adresse à des enfants en difficulté, à des jeunes en difficulté. Elle ne dit aucun mot des autres jeunes.

C'est le silence presque complet face à un recours possible à un CLSC et/ou à un organisme communautaire. Ces deux ressources sont pourtant pertinentes, à notre avis.

Notre mémoire souligne des expériences concrètes, comme vous avez pu le noter à la lecture, auprès des jeunes. C'est suite à ces expériences que nous vous soumettons trois recommandations précises que je reformule devant vous.

La première recommandation, c'est que le gouvernement ajoute à ce projet de loi des mesures permettant la création de ressources communautaires à partir de groupes déjà existants et/ou de centres locaux de services communautaires pour les enfants et les jeunes.

La deuxième recommandation, c'est que le travail d'accompagnateur soit reconnu comme type de travail social, qu'il soit rattaché aux ressources communautaires et qu'il serve de support pour le jeune dans ses démêlés à la fois avec la structure sociale et la structure judiciaire.

La troisième recommandation, c'est que les centres locaux de services communautaires soient les lieux privilégiés de solutions rapides et souples pour maintenir le jeune dans son milieu naturel.

Compte tenu de l'heure tardive, nous voulons laisser jouer le jeu des questions avec vous pour approfondir davantage ces trois recommandations et peut-être souligner aussi la pertinence de notre deuxième recommandation, qui est celle du type d'accompagnateur. Si nous avons formulé cette recommandation, c'est que nous avons expérimenté cette formule qui nous vient directement des organismes communautaires. Nous aussi, tous les quatre, venons d'organismes communautaires. Notre conversion au CLSC est très récente.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Marois: Je vais immédiatement enchaîner sur l'invitation que vous nous faites de procéder par questions. Il est vrai que les mots comme prévention et autres n'apparaissent pas formellement dans le texte de loi.

Par ailleurs, un texte de loi qui compte préciser des droits, des mécanismes par lesquels on puisse les exercer et les faire valoir n'exclut pas, loin de là, tout ce qui existe, les programmes qui existent, ceux qui doivent être créés, ceux qui doivent être développés, en vertu des pouvoirs qui sont conférés à des agents, à des groupes, que ce soit, par exemple, les CLSC, en vertu du chapitre 48 ou de quelque autre texte de loi que ce soit.

Pour être plus précis, recommandez d'abord que le gouvernement ajoute à ce projet de loi des mesures permettant la création de ressources communautaires à partir de groupes déjà existants, et autres centres, et le reste.

Pourriez-vous préciser cela un petit peu pour qu'on puisse voir un peu plus concrètement ce à quoi précisément vous faites référence sur la base des expériences, je présume, qui ont été déjà vécues, expérimentées aux CLSC? Vous avez fait état, je crois, de cinq CLSC qui ont déjà en marche des projets spécifiques.

Ma deuxième question concerne, et, je pense, elle pourra vraiment intéresser tous les membres de la commission, ce que vous avez évoqué en tout dernier lieu, cette notion d'accompagnateur. Est-ce que vous pourriez préciser cette notion, concrètement? Est-ce que cela existe? Comment cela se présente-t-il concrètement, sur la base des expériences vécues, et, le cas échéant, comment verriez-vous que cela puisse s'accrocher au projet de loi actuel?

M. Morin (Michel): Je vais répondre à la première question d'abord. Une chose qui nous est venue tout de suite à l'idée quand on a lu la loi, c'est qu'il y a une structure judiciaire qui existe actuellement, qui reçoit les jeunes en difficulté. On s'apercevait qu'avec la loi le jeune entrait dans une structure sociale qui nous semblait assez imposante. On se disait, entre autres: Un bureau de juge et un bureau de DPJ, cela doit se ressembler assez. Le jeune, là-dedans, va-t-il se sentir pareil?

Une chose qu'on dit, entre autres, dans notre mémoire, et je cite: "C'est une bonne chose de prévoir l'antériorité de l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire. Il y en a une meilleure, qui est de s'organiser pour minimiser le recours à l'intervention sociale.

L'intervention sociale, telle qu'on la connaît, se veut individuelle, de cas à cas. On prend les individus chacun dans son milieu.

On les évalue et on les oriente selon leurs besoins propres. Quand on parle de création de ressources communautaires, le DPJ, avec l'aide des CLSC, qui sont d'une façon très proche liés à la population dans laquelle ils sont implantés, le DPJ pourrait donc avec les CLSC et avec les organismes privés qui ont le souci du bien-être de la population et de la jeunesse contribuer à la création de ces ressources.

Je pourrais donner un exemple qui concerne un peu plus Sherbrooke où je travaille. A un certain moment, on s'apercevait qu'une des carences qu'il y avait à Sherbrooke au niveau de la jeunesse c'était que, pour les adolescents, il n'y avait pas autre chose à faire que de faire les "parkings" et enlever les pneus radiaux qu'il y avait sous les autos, etc., et toute la gamme de délits qui peut s'ensuivre.

Il y avait aussi, et on rencontre cela partout, des problèmes d'isolement. Les jeunes regardent la télévision, restent chez eux. Il y a un ennui et un problème de délits.

Parce qu'on fait du travail de rue et du travail auprès des jeunes, là où ils sont, et cela fait un peu référence à la notion d'accompagnateur, on rejoint les jeunes où ils sont et quand ils y sont, à un moment donné, j'ai été à même de rencontrer des groupes de jeunes qui ne savent pas quoi faire de leur peau, des gars et des filles de 15, 16 ou 17 ans. On s'est assis avec eux et on s'est dit: D'accord, il n'y a rien à faire, la ville ne fait rien, l'école ne fait rien. Une fois qu'on eut fait le tour des critiques qu'il y avait à faire, on s'est demandé ce

qu'on allait faire pour améliorer nos conditions. Les jeunes ont défini eux-mêmes des projets où, eux-mêmes, pourraient se donner ce qu'on a appelé aujourd'hui, à plusieurs reprises, des ressources alternatives. Au lieu d'appartenir à des choses qui existent déjà, que ce soit les cinémas, les restaurants, les centres d'accueil ou n'importe quelle institution ou entreprise privée, ils ont défini les ressources qui correspondaient à leur situation et à leurs intérêts pour pouvoir s'y impliquer.

Les jeunes ne pouvaient pas faire partie de ligues organisées de baseball ou de hockey, parce qu'ils n'étaient pas assez bons et qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour se payer les équipements que cela prenait. Ils se sont organisé des ligues, avec l'appui d'animateurs. On était là pour leur fournir une aide technique et ils se trouvaient eux-mêmes l'argent qu'il fallait. Ils ont aussi organisé un local de rencontres, etc. C'est cela parler de création de ressources communautaires. On fait en même temps référence à une question de prise en charge par le milieu, de l'amélioration de ces conditions de vie. C'est fournir à la jeunesse l'occasion de se créer elle-même — pas seulement à la jeunesse, mais aussi aux parents — ...

On a beaucoup parlé des jeunes aujourd'hui, mais on n'a pas beaucoup parlé des parents. Si on travaille avec eux, les parents peuvent beaucoup contribuer à l'amélioration de leur rôle de parents et de leurs relations avec leurs enfants. C'est en gros les moyens qui... C'est de la création très simple à partir de gens qui sont sur le terrain, qui pourraient être identifiés par le DPJ, des gens qui sont sur le terrain et qui peuvent travailler avec les forces vives du milieu, que ce soient des adultes, de bons pères de famille, et aussi des jeunes. Eux peuvent en créer des ressources.

M. Marois: Juste une remarque additionnelle là-dessus. En d'autres termes, si je comprends concrètement le concept de l'accompagnateur, c'est une personne-ressource qui est là — notamment dans le cas que vous avez évoqué, elle était rattachée à un CLSC — qui a fait son bout de chemin pour donner un coup de main aux jeunes pour qu'ils se prennent eux-mêmes en charge et se donnent un certain nombre de ce que vous avez appelé des ressources alternatives correspondant à leurs besoins ou leur façon de voir les choses.

Ce que je voulais précisément vous poser comme question... parce que vous évoquez comme recommandation: "que le gouvernement ajoute à ce projet de loi des mesures permettant la création de ressources communautaires," et dans un deuxième temps "que le travail d'accompagnateur soit reconnu". A votre avis, dans le projet de loi tel qu'il est formulé présentement, ce double aspect qui, au fond, si je comprends, se recoupe dans le concret, dans la pratique, sur la base des expériences que vous avez évoquées, y a-t-il des choses dans le projet de loi, tel qu'il est formulé, qui empêcheraient cela? Parce que je comprends que votre recommandation 3 est en même temps une recommandation que vous nous formulez à nous, à la commission; mais je comprends, si je l'interprète bien, que c'est aussi une recommandation que vous formulez à l'ensemble de tous les agents, même ceux du "réseau", appelés à intervenir dans l'ensemble du dossier de la protection de la jeunesse?

M. Wilkins: Dans la loi, rien n'empêche la création de ces ressources communautaires et rien n'empêche de travailler en complémentarité avec ces ressources, mais il n'y a rien qui l'encourage non plus. C'est là qu'est le problème et ce qui nous inquiète — à ce moment je ne me réfère pas nécessairement à mon expérience dans les CLSC parce qu'elle est très récente mais à mon expérience d'avoir mis sur pied un organisme communautaire à Montréal et de l'avoir dirigé pendant cinq ans — c'est que cette structure des affaires sociales, c'est une structure absolument étrange pour le jeune, c'est l'étrangeté même. S'il n'y a personne qui lui sert de lien entre cette structure et ce qu'il lui arrive, vous persistez dans sa "marginalisation"; c'est tout ce que fait la structure des affaires sociales actuellement.

On essaie actuellement, simplement au niveau vocabulaire, dans les CLSC, de simplifier, de ne pas dire au type, on va te donner une approche globale, mais on va s'occuper de "toé". C'est rendu au niveau vocabulaire qu'il faut recommencer, mais c'est une conversion totale qu'il faut exiger des intervenants. Quand j'ai lu le projet de loi et que j'ai vu la structure du DPJ — je connais l'expérience du Comité de protection de la jeunesse actuellement — j'étais content qu'on rattache le Comité de protection de la jeunesse parce que je calcule qu'il a fait un travail bien intéressant. Mais quand j'ai vu raccrocher cela aux CSS j'ai dit: Maudit, les jeunes ne comprendront rien là-dedans. Nous autres, on travaille avec les jeunes et cela nous prend tout pour frapper aux bonnes portes aux CSS, ce n'est pas une critique que je leur fais, c'était la même chose dans les CLSC à un moment donné. Je me dis: Ce sont des conversions. Ce matin par exemple, j'entends parler d'une mission provinciale, je me dis: Les CLSC n'ont pas encore été impliqués dans cette mission provinciale qu'on est en train de mettre sur pied; on va être encore les grands absents, mais pourtant c'est nous qui avons un pied à terre dans ie concret. D'accord, on n'est pas tellement organisé dans Je concret, on est seulement 80 CLSC à travers la province, mais quand même, on a 22 CLSC qui sont préoccupés par la jeunesse et je me dis: Profitez de cette préoccupation et c'est peut-être par là qu'il va falloir enlever toute cette étrangeté de la loi pour le jeune. Je vous le dis, le jeune ne comprendra rien là-dedans.

M. Marois: M. le Président, une dernière question. Qu'est-ce qui, à votre avis, encouragerait, pour reprendre votre expression, concrètement ce que vous évoquez?

M. Wilkins: Par exemple, je pense... cela ne sert à rien de citer des exemples concrets, mais je pense à des organismes communautaires qui exis-

tent un peu partout, mais qui doivent quêter leurs subventions d'année en année et le pire c'est qu'ils les obtiennent d'année en année. Pourquoi ne nous les donneraient-ils pas sur une base de trois ou quatre ans? Pendant cinq ans, à mon organisme, j'ai affronté six lettres de fermeture — la sixième dernièrement — c'est cela, on ne pourrait pas mettre une mécanique? Est-ce que le "réseau des affaires sociales" pourrait accepter de travailler avec des organismes qui sont un peu en marge de leur structure? Est-ce possible? M. Batshaw soulignait aussi cela dans son rapport; il citait un exemple qui avait été fait au Massachussetts, aux Etats-Unis, à savoir qu'on négocie des ententes avec des organismes populaires, des organismes communautaires, sur une base de deux ou trois ans. Je pense, par exemple, en fin de semaine, lors du discours de M. Lazure au congrès de la Fédération des CLSC, il disait qu'il était surpris de voir que très peu de CLSC ont des ententes de services. Mais cette idée d'ententes de services n'est pas encore acquise; faire des ententes de services avec des organismes communautaires, cela fait un peu peur, on ne se le cache pas, cela fait un peu peur. Mais je me dis: C'est aussi cette conversion et il faudrait, il me semble, en arriver à ce que les organismes communautaires cessent de dépendre d'une subvention au compte-gouttes, qu'ils soient subventionnés pour trois ans.

D'abord, cela va les renforcer et, pour les centres locaux de services communautaires, tout le monde sait, j'espère, depuis la fin de semaine, qu'on se reprend pas mal en main et qu'on veut, de plus en plus, appliquer des services très concrets et très près des gens. Je pense que la notion d'accompagnateur, c'est encore ce que je disais tantôt, c'est le lien entre l'étrangeté de cette structure, parce que c'est une très belle structure. On peut difficilement demander mieux, mais, pour le jeune, ce n'est peut-être pas le même style de "puzzle" qu'il aime.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires sociales, le député de Chambly; c'est un beau nom aussi.

M. Lazure: Oui. Je remercie les gens de la Fédération des CLSC pour leur présentation. Moi aussi, je retiens, peut-être comme la contribution la plus intéressante, cette suggestion de développer un rôle, une fonction qui serait non professionnelle et que vous appelez accompagnateur. Vous avez répondu tantôt à mon collègue que rien dans la loi actuelle n'empêche cela. Peut-être faudrait-il y faire allusion de façon plus positive. Quant à moi, cela me plaît beaucoup, cette notion. On a à déplorer trop souvent une professionnalisation à outrance et superflue pour des services qui peuvent être donnés par des non-professionnels. Dans la plupart des articles qui concerne le DPJ, le directeur, il est dit qu'il doit recourir aux organismes appropriés.

Je voudrais faire remarquer aux gens que le pourcentage de jeunes qui ont besoin d'aide, qui vont être touchés dans la pratique par cette loi et qui vont se rendre au directeur de la protection de la jeunesse est quand même infime et des organismes comme les CLSC ou d'autres organismes bénévoles auxquels vous avez fait allusion doivent continuer d'assumer le gros de la jeunesse qui a besoin d'aide. On espère bien, dans l'application, pour la minorité des jeunes qui auront à se rendre, par la police ou autrement, jusqu'au directeur de la protection de la jeunesse, on espère bien que ce directeur va mettre à contribution, aura des ententes, qu'elles soient écrites ou non, peu importe, avec les CLSC de sa région ou de son quartier. On ne s'attend pas que le CSS fasse tout. On espère que ces organismes vont recourir aux ressources. Quant à vos remarques sur les subventions gouvernementales aux organismes bénévoles, je pense que cela tombe pile. On a demandé — je ne sais pas jusqu'à quel point on aura du succès — aux autorités une augmentation très substantielle de ces subventions, justement parce qu'on ne veut pas miser entièrement sur les fameuses structures qui sont de plus en plus lourdes et on veut favoriser l'éclosion de services, pas seulement parce que c'est moins coûteux, mais aussi parce que c'est plus réel, c'est plus motivé et souvent plus efficace. M. le Président, c'est...

Le Président (M. Laplante): Je pense que le dialogue était bien abordé.

M. Marois: M. le Président, très rapidement, une remarque additionnelle là-dessus. Je pense qu'il y a une idée clé que vous avez évoquée et qui mérite certainement qu'on s'y arrête très sérieusement; c'est la mise à contribution, au fond, du milieu lui-même. Cela a été une tendance importante, depuis un certain nombre d'années, d'aller dans une direction carrément opposée. Quant au problème des subventions, je n'ai pas besoin de vous raconter ma vie pour vous dire que je suis personnellement très sensible à ce genre de problème, surtout quand il s'agit précisément de ces groupes du milieu qui se prennent en charge eux-mêmes et qui sont capables d'apporter une contribution. Il s'agit là de voir quelle sorte de formulation cela peut prendre, parce que vous conviendrez avec moi que les expériences varient énormément d'une région à une autre, d'une localité à une autre, les ressources communautaires sont très différentes d'un coin à un autre. Comment réussir à insérer cela dans un texte de loi? Il me semble qu'en mettant un peu d'imagination, il y a peut-être moyen d'ouvrir des avenues nouvelles et d'être plus incitatif dans ce sens, quant à la mise à contribution.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton. Vous avez une réponse à cela, monsieur?

M. Poupart: Je voulais seulement noter, M. le Président, qu'on est conscient, en vous présentant ce mémoire, qu'on ne vous donne pas de propositions, comme l'ont fait les autres organismes, aujourd'hui, très concrètes, visant des articles très concrets pour appliquer ces propositions.

Cependant, je ne voudrais pas reprendre ce que mes collègues ont dit, ce matin, vous parliez de pieuses intentions qui étaient plus difficiles à articuler dans la réalité. Pour nous, avec les moyens du bord, actuellement, souvent on est pris à articuler des réalités qui sont plus bureaucratisées dans des réalités qu'on ne retrouve pas dans un texte de loi et qu'on ne retrouvera jamais.

Mais il me vient un exemple qu'on a vécu au CLSC où je travaille, quand on parle de création de ressources alternatives ou de groupes populaires. Jusqu'à maintenant, les placements d'enfants, si on peut exprimer ainsi, sont de la juridiction des CSS. Or, il y a toutes sortes de besoins qui seraient de beaucoup plus courte durée et qui auraient avantage à trouver des solutions dans la communauté plutôt que d'avoir recours aux services continus. Je parle du CSSSM, puisque c'est là que je travaille, c'est-à-dire que c'est dans cette région que je travaille.

Si on a un enfant à placer de façon urgente, parce qu'il est vendredi, 17 heures, et il y a crise, on doit avoir recours aux services continus du CSSSM. Si on avait des ressources et si on avait les moyens de créer des réseaux d'entraide dans un milieu donné, on pourrait peut-être trouver une solution beaucoup plus locale que de faire recours à cette bureaucratie.

Quand on parlait de ressources alternatives, dans cet esprit, on commence à les créer, et la loi ne nous en empêche pas, comme vous le disiez. Ce qu'on souhaiterait, c'est que la loi permette la multiplication d'exemples comme ceux-là. C'est-à-dire qu'on ait les moyens, peut-être même juridiques à un moment donné, de placer un enfant pour de très courtes périodes, sans avoir recours à des superorganismes comme le CSS, avec lequel on fait affaires. C'est un exemple.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton. Allez-y, c'est votre tour.

M. Grenier: M. le député de Saint-Laurent... Le Président (M. Laplante): Non.

M. Grenier: Quelques brèves questions. Est-ce que vous trouvez qu'il y a un effort suffisant pour le maintien des enfants dans leur milieu naturel? Evidemment, on peut toujours en mettre un peu plus, mais je veux dire dans le contexte.

M. Poupart: Là-dessus, notre réaction a été... Il y a quelques années, je crois, dans les avant-projets de loi, on parlait du milieu familial naturel, si je ne m'abuse. Maintenant, on parle du milieu naturel. Par contre, toute la structure qui est proposée, c'est celle du CSS, alors que le CLSC, à notre avis en tout cas et ceux qui existent travaillent peut-être beaucoup plus près des milieux naturels. Or, on en parle dans la loi à un seul endroit. Eventuellement, le directeur de la protection pourrait faire référence au CLSC. Je pense qu'on sent, comme disait M. Marois, ce matin, qu'il y a une intention, mais elle est, à notre avis, non palpable comme CLSC. C'est nous qui allons devoir le faire, parce qu'on n'est pas appuyé dans ce projet de loi.

M. Grenier: Parmi les 22 CLSC qui s'occupent de jeunesse et exclusivement de jeunesse, dans les autres qui font partie de votre fédération, quel est le pourcentage de travail qui se fait, est-ce qu'on peut l'évaluer vis-à-vis des jeunes comparativement? J'étais en contact, hier, avec des gens de CLSC une partie de la soirée et on semblait s'inquiéter du fait que l'effort du CLSC était plutôt orienté vers les personnes âgées.

M. Wilkins: C'est un fait que seulement 22 CLSC ont développé des approches auprès de la jeunesse. Pour les autres CLSC, on a déposé en fin de semaine justement un rapport bilan qui explique l'activité des CLSC depuis cinq ans en termes de statistiques. D'ailleurs, il y a des copies qui ont été adressées aux membres de l'Assemblée nationale. Les autres CLSC travaillent dans les soins de santé de première ligne, les services sociaux de première ligne et, effectivement, une grosse partie des activités des CLSC regarde les personnes âgées et les handicapés, les soins à domicile pour le maintien à domicile des personnes âgées.

M. Morin (Michel): Pardon... M. Grenier: Oui, complétez.

M. Morin (Michel): ... si vous me le permettez, il arrive que dans certaines régions, il y a des CLSC qui sont très organisés et qui ont une certaine histoire au niveau de la jeunesse, ils travaillent depuis un certain temps. Il y a d'autres régions où ce sont des CLSC en implantation et il y a des coins où il n'y a pas de CLSC, tout simplement, où ça commence tranquillement.

Par contre, le DPJ va être partout; du fait qu'il est partout, il peut intervenir dans toutes les régions. A ce moment-là, tel que nous l'avons compris dans la loi, s'il intervient au niveau de l'intervention sociale, comme je l'expliquais tout à l'heure, encore là, c'est une grosse structure.

Si le DPJ avec ses intervenants, avec qui il va travailler, a plutôt un rôle d'intervention de quartier, à ce moment-là, il est beaucoup plus présent à ce qui se passe dans chaque milieu et il contribue beaucoup plus à maintenir les jeunes dans leur milieu naturel, voyez-vous? Dans la loi actuelle, d'après ce qu'on comprend, c'est beaucoup plus une structure sociale où il y aura orientation par rapport aux centres d'accueil, par rapport aux familles d'accueil, référence aux CLSC de temps en temps, là où il y en a et, là où il y a une intervention-jeunesse appropriée.

M. Grenier: Je n'ai pas les chiffres, vous les avez sans doute dans vos dossiers. Est-ce qu'il y a des chiffres pour les familles d'accueil pour jeunes? Est-ce que cela commence à être assez développé?

M. Wilkins: Quant aux familles d'accueil, disons que les CLSC n'ont pas affaire à cela actuellement. Les CLSC ne recrutent aucune famille d'accueil.

M. Grenier: Ni pour jeunes, ni pour adultes, c'est laissé aux CSS?

M. Wilkins: II n'y en a pas. C'est laissé aux CSS. On parlait tantôt des projets d'organisation communautaire. Je connais beaucoup d'expériences actuellement à travers le Québec, qui consistent, dans des petits coins de campagne, à créer un lieu d'appartenance pour les jeunes, un lieu où le jeune va aller là-dedans, décorer cela à sa façon, va pouvoir s'amuser un peu, rencontrer ses camarades, faire circuler un peu d'information, s'organiser des soirées d'information sur toutes sortes de domaines.

Les organisateurs communautaires travaillent à créer ces lieux d'appartenance. Il faut être bien conscient que cela prend bien du temps à installer un lieu comme cela, parce que d'abord, les gens sont très sévères vis-à-vis d'un cheminement de cet ordre. On commence par dire: C'est un endroit où ils vont aller fumer du "pot", c'est un endroit où ils vont aller rencontrer les filles, c'est un endroit où ils vont gueuler contre les parents, etc.

Il faut quand même gagner la population, tranquillement pas vite, pour que les jeunes puissent s'organiser un local. C'est très lent. On a vu, à certains endroits, le CLSC être obligé de retarder son projet et faire le tour des organismes sociaux, les clubs sociaux, pour leur faire comprendre que le lieu d'appartenance des jeunes n'est quand même pas un lieu de débauche, c'est un lieu où les jeunes vont s'amuser.

M. Grenier: C'est la question que j'allais vous poser. Est-ce que c'est un élément de réponse ou de définition que vous avez aux lieux privilégiés et de solutions rapides et souples pour...?

M. Wilkins: Une solution rapide et souple pour maintenir le jeune dans son milieu naturel, ce matin, l'Association des CSS l'a dit et les centres d'accueil en ont fait mention, je crois, c'est que quand il nous arrive le cas d'un petit jeune... En tout cas, je vous mets au défi ce soir d'être pris avec un jeune et d'essayer de le référer quelque part. Il n'y en a pas de ressources. Il n'y en a absolument pas. Il ne faut pas se le cacher.

A Montréal, il n'y a pas tellement longtemps qu'une maison d'accueil peut accueillir les femmes qui sont mises à la porte par leur mari, à deux ou trois heures de la nuit, avec leurs enfants. C'est très récent, ces ressources. Il n'y en a pas de ressources, ou il n'y en a pratiquement pas. Voyez-vous? Maintenir le jeune dans son milieu naturel, cela serait, autant que possible, le retourner dans le quartier où il retrouve encore un peu des liens d'amitié avec les amis et que des gens, dans le coin, puissent s'en occuper.

Cela nous a pris trois ans à faire le tour des dépanneurs dans notre coin, quand les gars fai- saient des recels et vendaient cela au dépanneur, que le dépanneur ne le "stoole" pas à la police tout de suite, mais qu'il nous le dise, pour que nous allions voir le gars. Cela a pris trois ans à faire le tour des dépanneurs.

C'est cela, retourner le jeune dans son milieu naturel, c'est avoir une ressource près et être capable de travailler en collaboration, à la fois avec les dépanneurs et à la fois avec les différents intervenants et demander à la police de ne pas trop sauter quand il arrive quelque chose. C'est cela.

M. Poupart: Cela ne se retrouvera jamais dans des structures comme les CSS, avec sa direction de protection de la jeunesse ou dans les autres structures qui sont prévues dans les lois. Ces structures ont d'autres vocations et n'auront jamais cela. Pour nous autres, le milieu naturel, ce n'est peut-être pas le milieu familial, mais le jeune, le lendemain, va devoir retourner à sa même école où il allait la veille, même s'il est sorti de sa famille pour une période de crise. Cela veut dire que nous autres, on a trouvé une autre famille, dans le coin. Le CSS va peut-être m'en trouver une famille, mais si je suis dans Hochelaga ou Maisonneuve, ils vont me la trouver à Ahuntsic. C'est dommage, parce que la famille qui est disponible, c'est celle d'Ahuntsic. Le jeune, le lendemain, n'ira pas à son école, il va végéter. Ce qu'on veut, c'est être capable de trouver des solutions là, mais il faut entre autres, avoir les moyens pour cela.

Cela nous est arrivé, en tout cas, je parle pour le CLSC que je connais, de faire des placements d'enfants, mais on se faisait un peu cogner sur les doigts, en riant, par le CSS qui nous disait: Ecoutez, ce ne sont pas vos affaires. Il avait un peu raison. Placer les enfants, ce n'est pas notre mandat.

M. Grenier: J'aurais peut-être une question à poser au ministre plus tard. Cela ne concerne pas les CLSC.

Le Président (M. Laplante): Oui, il veut répondre aussi.

M. Lazure: Seulement sur ce sujet, si vous permettez, en toute équité pour les CSS, je ne suis pas ici pour les défendre, mais il y a beaucoup de CSS qui ont de multiples points de service, des succursales, comme on les appelait autrefois qui, à toutes fins pratiques, constituent des équipes dans des quartiers. Il ne faut quand même pas parler comme si le CSS, c'était une grosse maison mère dans chacune des quatorze régions, qui n'avait pas d'attache dans les milieux, localement. Je veux seulement faire cette mise au point. On pourra peut-être enchaîner, mais tout cela nous ramène à ce que les éléments dans le réseau des affaires sociales se parlent beaucoup plus et qu'ils travaillent beaucoup plus ensemble.

Mme Boudreault: C'est surtout qu'il y ait, à mon avis, entre la grosse boîte, qu'on appelle le CSS, et le milieu qui a un élément transitoire...

pour que les gens qui connaissent, d'une part, le milieu et, d'autre part, leur réseau officiel, puissent composer avec cela pour que, de toute façon, le jeune ne se retrouve pas seul, soit dans le milieu, soit dans le réseau officiel.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: J'ai terminé. Je me suis réservé une question qui n'est pas du ressort de ces personnes, si vous me permettez.

Le Président (M. Laplante): Allez-y, s'il veut y répondre tout de suite.

M. Grenier: Cela n'intéresse pas les groupes, on y reviendra à la fin.

Le Président (M. Laplante): C'est après cela, d'accord. M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Sur ce concept des accompagnateurs qui est un peu nouveau et qui, malheureusement, n'est pas complété au point de pouvoir s'insérer très nettement quelque part dans la loi, il faudrait sûrement trouver le moyen de le faire. Je veux simplement renchérir sur un modèle d'intervention, à mon avis, qui peut sûrement être développé, qui existe déjà de facto.

Un des intervenants du côté des CLSC est un de mes compatriotes de Sherbrooke et je peux citer, dans nombre d'exemples, la situation à Sherbrooke... Non, c'est un milieu dynamique, Sherbrooke, M. le député de Mégantic-Compton, c'est la capitale de l'Estrie, Sherbrooke. Je crois qu'on est dynamique un peu dans tout l'Estrie, mais à Sherbrooke particulièrement, on a donné l'exemple au Québec dans bien des secteurs.

M. Grenier: Cela se reflète chez nous.

M. Gosselin: Je veux signaler que, quand il a existé, chez nous, des organismes-ressources, comme des centres de regroupement d'aide aux chômeurs, actuellement, il y a tous les gens qui s'occupent du placement des jeunes sans emploi, les 15-25 ans, quand on sait que la moitié de la population des chômeurs, chez nous, dans une localité comme Sherbrooke ou d'une ville comme Sherbrooke a moins de trente ans, c'est un phénomène social aigu, et quand il existe un organisme-ressource comme cela, on constate qu'il y a tout un paquet d'organisations-relais ou de lieux physiques de rencontre, de lieux récréatifs, etc., qui en fin de compte empêchent ou diminuent considérablement le taux de criminalité, les besoins de curatifs au niveau social.

On a eu aussi des infrastructures volontaires au niveau de projets communautaires comme l'Accent où des animateurs non professionnels, — en l'occurrence, il y avait le curé d'une des paroisses du centre-ville — jouaient couramment le rôle de travailleur social; je m'excuse, et, actuellement, il y a des médecins au Centre local de services communautaires à Sherbrooke qui jouent couramment le rôle de travailleur social. Ils ne sont pas payés comme travailleurs sociaux pour le faire. Il y a des gens... J'ai joué, à certains moments, à l'intérieur tout simplement de mon rôle ordinaire, le rôle d'accompagnateur qui, à toutes fins pratiques, équivalait à un rôle de travailleur social.

Je voudrais peut-être poser une question. Est-ce que vous vous êtes appliqués à regarder à l'intérieur du projet de loi les articles ou les lieux où il y aurait peut-être moyen d'insérer ce concept.

Je regarde l'article 50, par exemple, où on parle des mesures volontaires qui peuvent être prises dans les cas de protection, que l'enfant soit maintenu dans son milieu familial et que les parents fassent rapport périodiquement sur les mesures qu'ils appliquent à eux-mêmes ou à leur enfant pour corriger la situation antérieure, que certaines personnes s'abstiennent d'entrer en contact avec l'enfant, que l'enfant soit confié à d'autres personnes, qu'une personne oeuvrant au sein du centre de services sociaux ou d'un établissement apporte aide, conseil ou assistance à l'enfant et à sa famille...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sherbrooke, je ne voudrais pas tomber dans l'étude article par article. S'il vous plaît...

M. Gosselin: Ce que je veux dire...

Le Président (M. Laplante): ... si vous avez une question à poser qui se rapporte à l'article 50 et qui est dans le mémoire du groupe des CLSC... S'il vous plaît, je suis forcé de vous rappeler à l'ordre là-dessus.

M. Gosselin: Je vais poser une question insidieuse dans le sens de demander: Est-ce que, parmi les personnes reconnues aptes à agir au nom de l'enfant ou auprès d'un enfant, il n'y aurait pas moyen d'inscrire, précisément à l'article 50, par exemple, ce concept d'accompagnateur? En tout cas, c'est une question que je pose. Il y a là et il y a peut-être ailleurs. Je voudrais savoir si vous avez fouillé précisément à certains endroits du texte de loi pour trouver une manière d'inscrire cela.

M. Wilkins: Honnêtement, on n'a pas fouillé la loi pour savoir où insérer ce concept. On voulait surtout profiter de l'occasion de notre rencontre avec vous pour vous dire: Cela peut être la clef essentielle de ce projet de loi. Pour nous, c'est la clef de voûte. Alors, on le dit, on se contente de le dire, mais, peut-être par la suite, si on peut apporter notre collaboration, se retirer un peu et l'étudier plus profondément, article par article, et voir où on pourrait le situer, on est prêt à collaborer à une étude de cette envergure. Honnêtement, on n'a cherché à l'entrer nulle part.

M. Poupart: Cependant, on a remarqué, quand on a vu le projet de loi, qu'on pourrait inclure, par exemple dans l'article 50, la notion

d'accompagnateur, mais cela suppose que l'enfant est déjà rendu au DPJ et la suite, c'est-à-dire les décisions volontaires ou non volontaires. L'enfant est déjà rendu là. Alors que les interventions qu'on a faites sont plus pour éviter à la fois la structure sociale qui est là et la structure judiciaire qui, pour l'enfant, de toute façon, sont aussi complexes l'une que l'autre. Notre intervention était plus dans le sens d'éviter cela. Ce serait sûrement une bonne chose qu'on ait la collaboration, une fois que cela sera établi, du directeur de la protection de la jeunesse, et de tous les autres organismes. C'est sûr.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le député de Sherbrooke?

M. Gosselin: J'imagine que la loi pourrait également créer certaines ouvertures. Dans certains milieux, il est arrivé que les CLSC aient joué des rôles pilotes du côté de la protection de la jeunesse, du côté de la prévention, il arrive qu'en d'autres endroits, les CLSC n'aient pas joué ces rôles. Il arrive qu'en certains endroits, la dimension communautaire dans les CSS soit très forte. Il arrive qu'en d'autres endroits, elle soit pratiquement inexistante. On me signalait, à cet égard, qu'on avait tendance, actuellement, dans les CSS, dans certaines régions tout au moins, à diminuer encore, au cours des dernières années, le nombre d'emplois communautaires inscrits à l'intérieur des définitions de fonctions. On peut penser que, d'une région à l'autre, d'une municipalité à l'autre au Québec, il y a peut-être des formules différentes d'application qui peuvent s'inscrire. Il faudrait peut-être fouiller à l'intérieur du concept pour voir de quelle manière on ne pourrait pas se laisser des marges de manoeuvre pour prescrire des modes d'initiation à la formule qu'on cherche à appliquer.

M. Wilkins: C'est évident. Je pense que, d'ailleurs, tous les rapports bilans qui ont existé sur les CLSC font mention qu'il y a trois types de CLSC, le CLSC urbain, semi-urbain et rural. La notion d'accompagnateur va être vécue de façon très différente d'un endroit à un autre.

M. Gosselin: Ceci dit, je signalerais que je trouve pertinent que cette notion soit davantage fouillée. J'imagine que, sans nécessairement que vous ayez à produire un autre mémoire, parce que ce n'est plus possible devant cette commission, j'imagine que cela pourrait drôlement éclairer les ministres en titre et les membres de cette commission que de connaître les résultats d'une réflexion plus avancée.

M. Wilkins: On ne demande pas mieux que de collaborer.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Premièrement, pour clarifier quelque chose, lors de l'étude des crédits du minis- tère, nous avons vu qu'il y a 82 CLSC dans la province et seulement 15 donnent des services. Est-ce que c'est déjà changé, M. le ministre?

M. Lazure: Si vous permettez une réaction. C'est 20 ou 22...

M. Wilkins: C'est 22 CLSC qui ont une petite dimension jeunesse...

M. Lazure: Oui, pour la jeunesse.

M. Wilkins: ... mais cela ne les empêche pas de faire autre chose.

M. Lazure: J'étais tenté tantôt de réagir. Quoiqu'un a dit: On donne des services sociaux de première ligne partout, ce qui est vrai, mais des services de jeunesse seulement dans 22.

Peut-être faudrait-il appliquer aux CLSC le même raisonnement que vous appliquez aux CSS, à savoir ne pas trop se spécialiser et se compartimenter. Il y a quand même beaucoup de services aux jeunes qui devraient être donnés à l'intérieur d'une première ligne sociale.

M. Wilkins: C'est cela. Mais cela se fait aussi au niveau de la première ligne sociale. Par exemple, il y a beaucoup de CLSC qui font de la suppléance dans les écoles, alors le service social de première ligne se fait dans les écoles et il s'adresse à des jeunes, à ce moment-là. Je parlais tantôt de 22 projets spécifiques, c'est-à-dire que quelqu'un a un dossier jeunesse spécifique. Sa préoccupation, c'est les jeunes. Voyez-vous? C'est en ce sens qu'il n'y a que 22 CLSC. Mais pour les autres, c'est une préoccupation. C'est une préoccupation, mais je ne vous cache pas que les gens ont un peu de difficulté à s'ajuster à cette préoccupation. C'est alors le rôle de la fédération des CLSC de développer avec eux des approches simples. C'est ce qui se fait actuellement. On ramasse les 22 expériences sur lesquelles on peut avoir une certaine expertise et on essaie de les faire circuler pour que cela déclenche d'autres projets dans les autres CLSC. C'est ce qui se fait actuellement.

M. Shaw: Je voudrais appuyer votre position. Si nous pouvons aller chercher l'appui des réseaux communautaires, c'est bien évident que, premièrement, nous aurons la prévention, ce qui est très important, et, deuxièmement, les ressources humaines normalement gratuites. On voit l'expérience des CSS juifs, Jewish Community Services, à Montréal. On constate que, dans le secteur de la protection de la jeunesse, c'est un système efficace, effectif, parce que l'identification du service avec la population est là. Le rôle des CLSC, dans chaque région, est d'avoir l'aide de la population régionale pour donner un lieu temporaire à des services, comme une maison d'accueil, des soins au domicile même de l'enfant, pour surveiller un enfant pendant une certaine période. La question de ta protection est démontrée. Je

constate moi-même que, si vous avez autant de ressources que vous le dites, et c'est encore une question, s'il y a assez de CLSC pour faire face aux responsabilités dont vous parlez... La lacune, c'est vraiment le problème.

Si une ville a à faire face à un problème local qui est réglé par le curé ou par un autre service social régional dans la ville de Mégantic-Compton ou à Lac Mégantic, est-ce que nous avons besoin de les remplacer par un CLSC ou avons-nous à employer le système utilisé dans la ville actuellement? Mais nous devons admettre que le réseau familial, avec l'appui de la communauté, est toujours la ressource la plus valable dans les situations concernées dans le projet de loi.

Il y a deux ou trois questions que je voudrais vous poser. Avez-vous l'expertise ' dans vos CLSC pour vous impliquer avec le directeur de la protection de la jeunesse? Avez-vous cette sorte d'"expertise" dans vos CLSC?

M. Wilkins: Cela dépend des CLSC. Vous savez qu'il y a des CLSC qui fonctionnent, d'autres qui sont en démarrage, d'autres qui sont en implantation. Les CLSC qui fonctionnent ont tous une équipe de travailleurs sociaux assez réduite. Ces travailleurs sociaux sont pratiquement identiques aux travailleurs sociaux des CSS. Ils ont donc sûrement l'expertise ' pour travailler en collaboration avec la direction de la protection de la jeunesse, mais ils sont en nombre restreint dans les CLSC. Les CLSC, dans bien des endroits, sont surtout articulés pour des services de santé de première ligne et non pas pour les services sociaux.

M. Shaw: Ce n'est pas un double emploi de responsabilités si le directeur de la protection, le DPJ, devient du CSS, et si nous avons un autre organisme qui peut y être impliqué?

M. Wilkins: Non, parce qu'un CLSC est un organisme de première ligne, tandis qu'en ce moment, la DPJ, direction de la protection de la jeunesse, telle que prévue dans la loi, est un organisme qu'on appelle communément un organisme de deuxième ligne. A ce moment, il n'y a pas double emploi, mais complémentarité.

M. Shaw: Votre responsabilité est plutôt dans la prévention que dans la protection elle-même? Aucune autre question, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Quand je regarde tout cela, je trouve que plus ça va, aux affaires sociales, plus on a d'organismes. Je ne voudrais pas jeter une douche d'eau froide, aussi bien sur les CSS que sur les CLSC, que sur la direction de la protection de la jeunesse ou les CRSSS; mais, plus ça va, plus il y a de S et de C qui s'accumulent. D'abord, cela coûte extrêmement cher. Je parle très librement, comme citoyen du Québec. Moi, autant que vous, on a tous à payer cette histoire-là. Je me demande si on n'est pas en train de développer à un point exagéré des services qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours connus comme ils devraient l'être, dans chacun des milieux où ils sont implantés. Je me demande jusqu'à quel point on a rentabilisé ces services auprès de la population; je pense qu'il y a des lacunes actuellement, et je me demande, si je faisais le tour des personnes dans mon comté à tout hasard, sur le trottoir, combien j'en rencontrerais qui savent qu'il y a un CSS chez nous et ce qu'il a comme rôle social à jouer, combien il y en a qui savent qu'il y a un CLSC et quel est son rôle social, etc. Je pense que c'est une infime minorité de la population qui pourrait répondre adéquatement à ces questions. En fait, on sait très bien que cela coûte très cher. C'est une approche qui me met un peu sur mes gardes pour continuer le développement de ces services et donner des sous-champs d'action à ceux qui sont déjà existants, sans considérer que, finalement, à travers tout cela, je suis en train de me demander si on n'est pas rendu à faire que les gens faisant partie de cette société et n'ont plus rien à faire. Ils jouaient dans le passé une espèce de rôle d'agents sociaux, chacun dans leur quartier. Cela pouvait être le curé, un échevin, un commissaire d'école, un bon père de famille qui, à un moment donné, prenait en charge un club de balle molle dans son patelin et un autre, un club de poches, etc. On dirait que la vie moderne, la vie d'aujourd'hui, n'est pas tout à fait ce qu'elle était il. y a 20 ou 25 ans. On s'organisait mieux socialement, je pense, il y a un certain temps qu'on arrive à le faire aujourd'hui. C'est peut-être dû au fait qu'on a à vivre une vie bien différente de celle du passé. Je suis sûr que dans chacun de nos quartiers, il y a encore cette vie, que le potentiel est là et j'ai peur qu'en instaurant autant de services sociaux qu'on est en train de le faire, on va finir par éteindre à tout jamais les ressources humaines dont chacun a encore en lui le potentiel. Il va dire: Ce n'est plus à moi à jouer ce rôle, parce qu'on a mis tel service et tel autre service. Je ne suis pas certain que, pratiquement, tous ces services qu'on mettra sur pied seront aussi efficaces que ce qu'ils nous coûteront en argent. J'ouvre ici une parenthèse. Je suis un peu sceptique. C'est votre histoire d'accompagnateur qui m'a amené à réfléchir un peu à cela et je pense qu'à partir du moment où les CLSC sont déjà existants, on pourrait peut-être y trouver cette dimension. L'accompagnateur, je le vois dans le sens de ne pas prendre la place des gens qui pourraient encore oeuvrer au niveau des organisations sociales de leur quartier, mais de susciter un intérêt réel à y oeuvrer. Dans ce sens, la dimension d'accompagnateur, je pense, aurait un rôle important; elle aurait sa place dans ce sens. Maintenant, il ne faudrait pas — et cela je le maintiens — faire que tous ces organismes sociaux prennent la place de gens qui devraient encore avoir leur rôle social à jouer chacun dans son milieu. J'ai vécu une expérience cette année. Je demeure en banlieue de Valleyfield, je pense que vous connaissez un peu le coin, Saint-Stanislas,

ce n'est pas à la porte, et, depuis quelques années, il n'y avait rien qui se passait dans ce village. Pas seul, mais avec d'autres, j'ai suscité une espèce d'intérêt et j'ai fait en sorte qu'à un moment donné une équipe mette sur pied des activités sportives. Tout cela est fait bénévolement et cela a fonctionné.

Au champ de balle, la municipalité a participé à l'installation de lumières, le curé a participé à sa façon, et tout le monde a participé de sorte qu'il y a eu une activité...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauharnois, ce serait bon de revenir au mémoire.

M. Lavigne: Je suis toujours sur la dimension d'accompagnateur. Ce n'était pas un gars qui venait du CSS ou du CLSC qui l'a fait et il a bien joué son rôle. Je pense qu'avec cette façon de voir les choses, vous auriez un rôle à jouer dans ce sens-là.

Le Président (M. Laplante): Je m'excuse, M. le député de Papineau. Il n'y a pas de question.

M. Alfred: Je ne vous poserai pas de question.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous le goût de réagir là-dessus?

M. Poupart: Cela susciterait une ou deux réactions à ce que monsieur disait; mais peut-être très brièvement, si vous le permettez. Je pense qu'il y a une partie de ce que vous dites sur laquelle je suis d'accord et je me dis que cela fait justement partie des choses qu'on veut recréer et on n'est pas sans savoir que... Tantôt d'ailleurs, je trouvais que M. Lazure avait fait un beau lapsus; quand nous parlions de groupes populaires, il a parlé de groupes bénévoles. Je pense que ce n'est pas tout à fait le sens qu'on donne à un groupe populaire et quant à investir dans des groupes populaires, on ne parlait pas nécessairement de bénévolat. On s'est aperçu que la mise sur pied d'organismes, par exemple, de CLSC dans certains petits villages, a tué le bénévolat. Je me dis qu'il va falloir peut-être retourner à cela. Quand on parle d'accompagnateurs, c'est entre autres pour cela. Il va falloir redonner aux gens le goût de reprendre en main certaines zones de leur vie qui leur appartiennent et que peut-être...

M. Lavigne: C'est cela.

M. Poupart: ... par des choses comme vous l'expliquiez, ils ont perdu... On est sensible à cette dimension en se disant qu'en même temps, il ne faut pas tomber, non plus, 50 ans en arrière sur certaines choses.

Le Président (M. Laplante): Le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, je ne poserai pas de question à mes collègues qui viennent de faire leur exposé. Je me bornerai à faire des commen- taires. Je pense que le rapport qu'ils nous ont présenté dénote que, franchement, ce sont des gars qui travaillent. Il ne nous ont pas présenté une grande thèse théorique parce qu'ils sont déjà trop pris dans le concret pour se borner à faire des études que personne ne comprendrait. Ce que je me permets de dire, par exemple, c'est qu'ayant vu le fonctionnement des trois CLSC de mon comté, c'est-à-dire le CLSC des draveurs, le CLSC le moulin, le CLSC de Buckingham, je tiens à vous dire que d'après moi, c'est le mécanisme, l'organisme dans le réseau des affaires sociales, qui est le plus près du milieu et qui fait un travail, bien sûr, que je peux qualifier d'extraordinaire. Ce que je tiens aussi à dire publiquement, c'est qu'ayant vu le travail fait par les CLSC et leur implication dans le milieu, je me permets, bien sûr, de devenir une sorte de missionnaire auprès des ministres concernés pour appliquer aux CLSC deux concepts qui sont déjà en cours au ministère de l'Education, c'est-à-dire le concept de décentralisation et aussi de déconcentration au niveau des CLSC. Quand je vois le mécanisme bureaucratique dans lequel s'insèrent les CLSC, il y a un concept encore que je retiens pour les CLSC, pour qu'ils aient un travail plus efficace auprès du milieu, c'est ce que j'appellerais l'autonomie locale des CLSC à l'intérieur de leur territoire. Alors, c'est très important d'arriver à définir comme il faut ces concepts.

Le travail présenté ici, c'est très bien. Il y a un concept cependant que vous avez pris, ce concept d'accompagnateur que j'aimerais voir préciser davantage et que nous allons essayer de préciser et de concrétiser pour que vous soyez plus en mesure encore de rendre service à la communauté où vous êtes. Donc, mon intervention c'était de signaler l'importance du travail que je vois qui est fait par les gens des CLSC; deuxièmement, de vous dire qu'ayant vu ce travail, je me permets de parler avec les ministres qui s'occupent des affaires sociales de la capacité de donner un peu plus d'autonomie locale pour que vous puissiez fonctionner; par exemple, quand je parle d'autonomie locale, cela implique aussi l'autonomie financière et quand je pense qu'un CLSC a besoin de ressources humaines, il appartiendrait à cet organisme local de décider où il doit envoyer cette ressource humaine au lieu, par exemple, de décider soit au niveau régional, soit au niveau de Québec, que ces gars-là doivent être affectés à tel poste en particulier. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Papineau, d'accord. Je me voyais obligé de vous rappeler à l'ordre, parce qu'on ne traite pas des CLSC, on traite de la loi 24. Maintenant, le dernier mot appartient au ministre.

M. Marois: Très rapidement, M. le Président. Je voudrais remercier les membres de la Fédération des CLSC. Je pense que tous mes collègues de la commission vont admettre que vous avez été jusqu'à maintenant les seuls à attirer notre attention sur une dimension qui est peut-être en même temps la plus difficile à cerner pour les fins de ré-

daction de textes de loi, soit la mise à contribution des ressources communautaires, qu'elles soient bénévoles ou organisées, peu importe.

Je pense que vous avez nettement senti l'accueil très positif des membres de la commission. On va honnêtement faire ce qui est humainement possible pour voir de quelle façon... Si vous avez des idées là-dessus, ne vous gênez pas pour les soumettre. On a du travail à faire, on va cheminer encore pendant une couple de semaines, sûrement, je présume, avant de pouvoir passer à travers tout le projet de loi et toutes les étapes pour qu'il soit finalement adopté. C'est donc dire que, si vous avez des idées, ne vous gênez pas pour voir comment, concrètement... Le problème, au fond — peut-être que je simplifie — c'est que c'est à la fois quelque chose de nouveau et quelque chose de très ancien, la dimension communautaire au Québec, mais quelque chose qui est profondément enraciné chez nous. C'est un des éléments.

En même temps, l'autre élément, c'est comment réussir à insérer cette dimension comme préoccupation, comme incitation sans la figer dans la loi. C'est quelque chose de profondément vivant et en la figeant, on peut la tuer. C'est aussi le danger. Il y a cette espèce d'équilibre. Je n'ai pas la réponse, mais on peut dire que tous, je pense, on est plus qu'ouverts et réceptifs à une idée comme celle-là et on va essayer de trouver les formules.

Encore une fois, merci infiniment.

M. Lazure: J'ajoute aussi mes remerciements et je me réjouis de ce que cette notion que la fédération nous a laissée ce soir s'inscrit tellement bien dans la ligne de pensée que j'ai exposée en fin de semaine, à savoir des expériences innovatrices dans le domaine communautaire et je les en félicite.

Le Président (M. Laplante): ... au nom de l'Union Nationale?

M. Grenier: Je vais terminer, M. le ministre, si vous permettez de remercier les gens des CLSC qui sont ici de nous avoir fourni ce mémoire ayant une valeur vraiment humaine. De plus, j'aimerais remercier les ministres de nous avoir présenté quatre mémoires qui sont importants. Je pense que la sélection a été excellente et ça nous a permis, de connaître autant les CSS que les CLSC, l'Association des centres d'accueil et l'autre qui nous a été présentée ici, l'Association des hôpitaux. Je pense qu'on commence à avoir une lumière assez complète sur ce problème. Je voudrais vous en remercier au nom de notre parti.

Le Président (M. Laplante): C'est dangereux ce que vous venez de dire. Mademoiselle, messieurs, au nom des membres de cette commission, nous vous remercions de votre participation. Avant d'ajourner les travaux à demain, 10 heures, je me permets de vous donner la liste...

M. Grenier: Je m'excuse, je m'excuse, j'avais une question à poser au ministre avant la fin, étant donné qu'on est en commission parlementaire des affaires sociales. Est-ce que ce serait possible de demander au ministre des Affaires sociales de répondre demain en Chambre, sans que j'aie posé la question, sur l'état du CLSC Fleur de Lys de Weedon?

M. Lazure: C'est un beau nom, ça. M. Grenier: Oui.

Le Président (M. Laplante): Je crois que c'est une question qui peut être posée à...

M. Grenier: C'est pour préparer un dossier pour répondre demain.

M. Lazure: La question, c'est quoi?

M. Grenier: Pardon?

M. Lazure: La question, c'est quoi?

M. Grenier: C'est de faire l'état de la question sur le CLSC.

M. Lazure: L'état de la question sur le CLSC Fleur de Lys.

M. Grenier: C'est cela, pour demain, si c'est possible.

Le Président (M. Laplante): Les organismes convoqués pour demain.

M. Marois: On pourrait peut-être demander au président de la fédération de nous fournir la réponse.

Le Président (M. Laplante): Alors, pour demain matin, dix heures: 14, Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle; 8, Commission des services juridiques; 7, Association des psychoéducateurs. Trois, demain matin. Après la période de questions, on continuera à entendre les autres. Trois pour la journée.

C'est la liste qu'on vient de me faire parvenir pour la deuxième séance, mercredi, le 26 octobre 1977.

M. Shaw: Est-ce que la commission parlementaire va siéger en même temps que la journée des députés?

Le Président (M. Laplante): Demain, on aura la commission parlementaire en même temps que la journée des députés. Cela ira selon l'ordre de l'Assemblée nationale.

M. Shaw: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Tout ce que j'ai à faire, c'est de convoquer pour dix heures, demain matin. Ajourné.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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