L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mercredi 3 juin 2009 - Vol. 41 N° 29

Consultations particulières sur le projet de loi n° 51 - Loi sur la représentation de certaines personnes responsables d'un service de garde en milieu familial et sur le régime de négociation d'une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Onze heures seize minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, je constate quorum des membres de la Commission des affaires sociales. Donc, je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de poursuivre aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi sur la représentation de certaines personnes responsables d'un service de garde en milieu familial et sur le régime de négociation d'une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Richard (Marguerite-D'Youville) remplace Mme Lapointe (Crémazie); M. Girard (Gouin) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Avant de procéder à notre prochain témoin, nos excuses pour les personnes en arrière de la salle. Quand on organise nos activités partisanes, on est toujours très heureux d'avoir une salle qui est un petit peu trop petite, c'est une règle d'or dans le jeu politique, mais, aujourd'hui, on est en commission parlementaire. Malheureusement, on ne peut pas avoir accès au salon rouge, qui est le salon avec le plus grand nombre de places. On est en train d'organiser peut-être un écran où on peut regarder les travaux de la commission dans une salle juste à côté, mais il faut l'aménager. Alors, j'espère qu'on peut offrir une place assise pour tout le monde, mais nous nous excusons. Et merci beaucoup aux citoyens dans la salle pour votre intérêt dans les travaux de la commission.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, on va passer maintenant à notre prochain témoin, qui sont les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, représentée par sa présidente, Mme Claudette Carbonneau. La parole est à vous.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, écoutez, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je vais faire les présentations des personnes qui m'accompagnent: d'abord, à ma droite, Jeff Begley, vice-président de la Fédération des affaires sociales, à laquelle sont affiliés les responsables en milieu familial; à l'autre extrémité de la table, Mario Évangéliste, qui est avocat au contentieux de la CSN; Michel Forget, adjoint au comité exécutif de la CSN; et Nathalie Reid, qui est une responsable de services de garde en milieu familial du syndicat du Saguenay?Lac-Saint-Jean, Mini-Monde. Alors, merci de nous recevoir aujourd'hui.

Bien sûr, la CSN a toujours affiché un intérêt marqué pour la question des politiques familiales, et nous nous définissons comme étant un partenaire du réseau des services de garde. C'est un réseau à l'intérieur duquel nous sommes très présents, je dirais même majoritaires, en rappelant que 9 000 salariés des CPE sont affiliés à la CSN, et, en milieu familial, nous avions, avant l'adoption de la loi n° 8, trois syndicats d'accrédités, 25 dépôts dont plusieurs avaient été constatés majoritaires par la CRT et, depuis le jugement Grenier, nous avons déposé 21 nouvelles requêtes en accréditation.

Alors, je vous dirais, d'entrée de jeu, que, 10 ans après la première campagne de syndicalisation dans ce secteur, il est tout à fait souhaitable qu'une loi soit adoptée pour rendre justice à ces femmes et leur permettre enfin d'avoir un accès à la syndicalisation, de faire reconnaître un certain nombre de droits sociaux.

Néanmoins, je pense que les travaux que vous faites sont extrêmement importants. Il faut se donner le temps d'adopter correctement cette loi-là, le faire dans le respect des droits fondamentaux des travailleuses concernées, et, pour ce faire, je vous indique, d'entrée de jeu: ça prend des amendements.

De la même façon, je pense que l'adoption doit être respectueuse de ce qu'on a réussi à bâtir au Québec: un réseau de services de garde de qualité tourné vers les enfants, tourné vers les parents, offrant des services éducatifs tout à fait exceptionnels. Et je pense que c'est possible de préserver les qualités de ce réseau-là tout en consentant des droits fondamentaux aux travailleuses du milieu familial. Mais je vous indique que, pour ce faire, là aussi, il faudra des amendements au projet de loi n° 51.

n (11 h 20) n

D'entrée de jeu, je vous indique quatre problèmes dont nous voulons débattre avec la commission. Premièrement, la question de l'équité salariale. On le sait, c'est un droit fondamental, j'ajoute même qu'il s'agit d'une valeur partagée au Québec, et j'en veux pour preuve les votes unanimes continuellement réitérés au niveau de l'Assemblée nationale.

Je rappelle que les travailleuses des CPE ont eu accès au processus d'équité salariale. Je rappelle que le jugement Grenier a indiqué clairement comment les responsables en milieu familial étaient discriminées parce que femmes, et cette question-là, elle nous préoccupait énormément. Et, dans les échanges que nous avons eus avant la formulation du projet de loi avec les représentants du gouvernement, on a tenté de chercher une voie originale, adaptée à la situation pour faire vivre ce droit fondamental. Malheureusement, on constate qu'à l'intérieur du projet de loi rien de tout ça n'a été retenu et qu'au fond la seule prise qu'on a, c'est de pouvoir négocier la rémunération de ces femmes-là.

Par ailleurs, je vous indique que, quand on parle d'équité salariale, il s'agit d'un droit fondamental, et, pour son exercice, on ne peut pas s'en remettre aux aléas de la négociation et des éternels rapports de force. Alors, de ce côté-là, nous demandons qu'il y ait un amendement de sorte que, si on constate des impasses dans le processus, eh bien, ça puisse être référé à un arbitrage neutre et indépendant. Premier problème, premier amendement souhaité.

Deuxième problème: la question des relations du bureau coordonnateur et leur place dans les relations de travail. Je vais vous dire, quand les gens se syndiquent, là, c'est dans l'espoir de pouvoir régler leurs problèmes au quotidien. Et, de ce côté-là, nous voulons d'excellentes relations entre les responsables de services de garde en milieu familial et les bureaux coordonnateurs. Et, pour y arriver, ça suppose qu'on soit en position de combattre l'arbitraire, et qu'on puisse en quelque sorte encadrer les modalités d'exercice des pouvoirs et des responsabilités des bureaux coordonnateurs, et qu'on ait un mécanisme pour faire appliquer ce qu'on aurait négocié sur ce genre de matière là.

Ce que je constate au niveau du projet de loi, c'est qu'il va dans une trajectoire diamétralement opposée à cela. Je vous donne trois exemples: d'abord, les bureaux coordonnateurs ne sont pas partie à l'entente ? c'est consigné à l'article 29; ensuite, l'entente ne lie pas les bureaux coordonnateurs ? ce sont les articles 33 et 34; enfin, il est interdit, en vertu de l'article 32, d'encadrer l'exercice des pouvoirs du bureau coordonnateur, ce qui, à toutes fins utiles, est une négation du droit de négocier. Je considère que c'est une voie grave, c'est un déni de justice qui est grave puis c'est une voie qui est totalement improductive.

Troisième ordre de problème: la question de la reconnaissance syndicale. Et je vous dis: Dans le cadre du projet de loi n° 51, ce n'est pas un détail. On se rappellera que ce qui était au coeur du litige autour de la loi n° 8, c'était la question de la reconnaissance syndicale. Alors, je rappelle qu'avant l'adoption de la loi n° 8 il y avait des syndicats de reconnus, d'accrédités. La loi n° 8 les faisait disparaître. Il y avait, avant l'adoption de la loi n° 8, plusieurs requêtes en accréditation qui étaient devant la CRT. La loi n° 8 avait pour effet de bloquer ce processus-là, et les requêtes qui avaient été déposées, dans l'immense majorité des cas, ça interdisait que d'autres requêtes puissent être déposées. On a, suite au jugement Grenier, la loi n° 8 qui, à toutes fins utiles, disparaît. Il m'apparaît normal dans les circonstances qu'on réhabilite les syndicats qui avaient été reconnus en vertu des lois québécoises et qu'on reprenne le processus d'audition sur les requêtes qui avaient été déposées dans l'état où les choses étaient avant l'adoption de la loi n° 8.

Ce que je suis obligée de constater, c'est que le projet de loi n° 51 fait très exactement le contraire: il ordonne des votes en dehors de toute norme prévue à ce jour dans les lois québécoises. Pourquoi reprendre des votes, alors qu'il y avait des syndicats qui étaient déjà reconnus? Pourquoi reprendre des votes, alors que le guichet, en vertu de nos lois, devrait être fermé et faire obstacle à la présentation de quelqu'autre requête à partir du moment où une majorité est constatée?

Moi, je vais vous dire, faire cela, c'est une question d'ingérence du Parlement dans la liberté d'association. Faire cela, c'est absolument odieux, c'est absolument méprisant pour les salariés que nous représentons. Et c'est d'autant plus vrai que je vous indique qu'une décision récente du commissaire Garant, de la CRT, ça date du 3 avril 2009... Et il dit exactement ce que je dis, il dit que, quand une majorité est constatée, le guichet est fermé, on ne doit pas accueillir d'autres requêtes. Et c'est tellement vrai, cette prétention-là que, quand il y a eu échange entre les représentants du gouvernement et les représentants de la CSN et de la FTQ, jamais on n'a fait, je dirais, référence à la nécessité... Je m'excuse. C'est tellement vrai qu'au fond le projet de loi n° 51, il dit qu'après le 1er juin 2006, eh bien, il faudra tout simplement se rabattre sur les règles usuelles du code.

Alors, pourquoi cette exception-là? C'est parfaitement arbitraire, c'est parfaitement injuste. Et je vous dirais à cet égard-là que nous demandons qu'on revienne aux règles usuelles. Et il nous apparaît que faire en sorte que celles qui ont initié la contestation par rapport à la loi n° 8 se voient une deuxième fois refusée leur liberté quant au choix de l'association pour les représenter, c'est un véritable déni de justice.

Mon quatrième point, et il est à mon sens extrêmement majeur aussi, ça concerne la question des modifications qui sont apportées au réseau des services de garde. Je vous dirais qu'à cet égard-là il est parfaitement inutile de modifier le réseau des services de garde pour permettre à des personnes d'obtenir des droits en matière de travail. Ce que ça fait, les amendements à 77 et à 78, ça fait une chose très claire: ça crée un troisième réseau, ça isole le milieu familial et ça n'apporte rien de plus ni aux responsables de garde en milieu familial, ni aux parents, ni aux enfants.

Je veux insister, pour les responsables en services de garde, là, il ne faut pas se leurrer, ça ne leur donne pas plus d'autonomie professionnelle, ça n'allège pas d'aucune façon l'encadrement qui est fait de leur pratique professionnelle. Si on veut aller dans cette direction-là, ce qu'il faut faire, c'est permettre les amendements que j'ai soulignés dans mon deuxième point, c'est-à-dire permettre que les bureaux coordonnateurs soient présents lors des négociations, qu'on puisse s'entendre avec eux sur la façon d'encadrer l'exercice de leur pouvoir. Ça, ce serait un vrai progrès. Ce n'est pas un progrès pour les parents, ce n'est pas un progrès pour les enfants.

Et, je vais vous dire, on a le sentiment que ça ravive un débat qui avait été très vif au Québec, celui qui avait entouré la difficile adoption de la loi n° 124, où ça avait été extrêmement compliqué, orageux de trouver un consensus. Ce consensus-là, il est là depuis trois ans. C'est parfaitement inutile, pour améliorer le sort des travailleuses, d'apporter les modifications qu'on retrouve à 77, à 78, à 83 du projet de loi. Et j'ajoute en plus que nous affaiblissons des choses dans la Loi sur les services de garde en retirant aux nouveaux bureaux coordonnateurs le rôle de promotion de la formation continue, promotion du perfectionnement. Et, de la même façon, il y a une notion qui nous est chère, qui disparaît dans le projet de loi, et qui est celle au fond de s'assurer que les bureaux coordonnateurs, dans leurs efforts pour développer des nouvelles places, vont le faire en tenant compte des besoins des parents.

Alors, en ce sens-là, nous demandons le retrait de ces trois articles-là. Je pense que tout ce que ça permet de faire, c'est d'alourdir, d'enfarger l'adoption d'un projet de loi qui par ailleurs est essentiel. Alors, je m'arrêterai là.

n (11 h 30) n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la présidente. Avant de passer à la période d'échange avec les membres de la commission, j'aimerais dégager la porte. On a six places assises derrière les députés de l'opposition, alors, si je peux avoir six bénévoles juste pour dégager la porte, il y a les sièges qui sont ici, on va ajouter celui-là. Alors, au moins l'entrée... Deux autres, s'il vous plaît, on a place pour deux autres. Alors, faire attention, parce que, quand les députés à ma gauche vont poser les questions, vous risquez d'être sur l'écran de la télévision.

Alors, on va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Deux blocs de 25 minutes, en commençant avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Carbonneau, M. Forget, M. Begley, Mme Reid et M. Évangéliste, merci d'être avec nous aujourd'hui. Et, d'entrée de jeu, j'acquiesce à vos remarques préliminaires, celle qui vient dire que le processus qu'on a entamé hier est un processus qui est important et c'est un processus qui doit être sérieux. Et c'est pour ça que, lors des remarques préliminaires, je l'ai si bien dit, on est ici avec une vision d'ouverture pour en quelque sorte améliorer le projet de loi pour faire en sorte que les services de garde puissent continuer à croître dans leur ensemble. Alors, je vous remercie sincèrement du dépôt du mémoire, de vos commentaires sur différents aspects du projet de loi, qui se résument en quatre points, comme vous le disiez si bien, quatre enjeux principaux dans le projet de loi.

Je voudrais peut-être vous entendre un peu sur toute la question sur la reconnaissance du droit des anciennes accréditations qui avaient été signées, parce que c'est un élément, je crois, central de votre présentation. On a eu la chance de s'en jaser lors du 20e anniversaire de création du Conseil de l'enfance et de la famille. Vous m'en avez fait part à cette période, et c'est un élément qui est essentiel pour vous. Vous êtes consciente aussi que ces accréditations qui avaient été octroyées ou sur le point d'être octroyées suite à la loi n° 8 l'avaient été sur une base de CPE qui étaient répartis dans tous les territoires du Québec.

Par la suite, la n° 124 est venue créer des territoires de bureaux coordonnateurs. Alors, le territoire s'est agrandi. Il y a des territoires où il y a des CPE qui faisaient partie d'un regroupement qui ont été impliqués dans un autre territoire prédéterminé, peut-être pas dans les régions à l'extérieur des grands centres, mais, dans les grands centres, des fois un territoire a été jumelé à un territoire voisin où est-ce qu'on n'avait pas de similitude.

De un, c'est un peu ça, la question: Comment vous voyez ça? Est-ce que vous avez fait la répartition de ces places-là? On touche combien de personnes, selon vous, qui avaient signé un adhésion à cette reconnaissance sur les 15 000 responsables de garde en milieu familial? Puis par la suite je reviendrai avec une question complémentaire.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien. Alors, je suis très contente de votre annonce d'ouverture et je suis contente d'apporter des précisions sur ce point-là, parce que vraiment il est majeur pour les salariés que nous représentons.

Alors, je vais vous dire, oui, il y a eu des modifications à travers le temps. Notre volonté n'est pas, par exemple, s'il y a eu carrément un changement de territoire, que l'accréditation qui avait été accordée ou l'accréditation qui était sur le point d'être accordée vise un autre groupe, un autre territoire. On ne revendiquera pas à ce moment-là qu'on traite des vieux dépôts sur la base des dispositions du Code du travail.

Par ailleurs, ce qu'on a fait dans l'examen de nos vieux dépôts, trois sur trois des syndicats où on avait été accrédités, les territoires sont demeurés les mêmes et, 10 sur les 25, je crois... C'est-u ça, les chiffres? Plusieurs?

M. Forget (Michel): Sur ceux qui, à l'heure actuelle...

Le Président (M. Kelley): Je vous demande de vous identifier de nouveau.

M. Forget (Michel): Oui. Ça va. Michel Forget.

Juste pour vous indiquer qu'à l'heure actuelle, sur des territoires où le CPE-bureau coordonnateur est resté le même, il y a, sur quatre CPE-bureaux coordonnateurs, au moins quatre bureaux coordonnateurs pour lesquels le caractère représentatif avait été constaté par la CRT et sur lesquels, à ma connaissance, là, normalement, si on suit la règle du premier dépôt et tout ce que ça peut comporter, ces gens-là devraient être accrédités et un CPE-bureau coordonnateur sur lequel il y a déjà une accréditation pour couvrir ces gens-là, sur lequel ça n'a pas changé, le même CPE est resté bureau coordonnateur.

Dans les autres accréditations, il y en a une dizaine sur lesquelles effectivement elles se sont réparties dans des bureaux coordonnateurs éclatés, si on peut dire, sur lesquelles il y avait un caractère représentatif que normalement, en fonction des gens qui composent ces accréditations, il pourrait y avoir un vote.

Mme Carbonneau (Claudette): En clair, là, ce qu'on souhaite, on souhaite qu'il n'y ait pas de vote là où les territoires sont restés les mêmes. Là où il y a eu des changements, on comprend qu'une règle de vote puisse s'appliquer. Alors ça, c'est le fond de notre position.

Quand vous posez la question ensuite: la croissance naturelle. Je vais vous dire, en relations de travail, et ça, vous pouvez le vérifier auprès des gens du ministère du Travail, il n'est pas rare qu'un syndicat qui est accrédité au moment où il y a 10 salariés se retrouve, par exemple, 15 ans plus tard, avec 150 salariés, et ça ne remet pas en cause l'existence du syndicat. Alors, tout ce qu'on demande... On ne demande pas un traitement particulier. On demande que les mêmes règles... d'ailleurs, les règles qui vont s'appliquer après le 1er juin 2006, bien, qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures, qu'il n'y ait pas deux règles. O.K.?

Et ce n'est certainement pas, je dirais, l'ancienneté de ces requêtes-là qui devrait convaincre qui que ce soit qu'il faille se rabattre sur une règle particulière. Je vais juste vous donner un exemple dans les annales des relations de travail au Québec: quand les chargés de cours de l'Université de Montréal ont fait une tentative de syndicalisation, ça a pris sept années de démarches juridiques avant de pouvoir y arriver, et, quand on y est arrivé, on a repris le dépôt qui avait été fait il y a sept ans dans l'état où c'était ? égaux ? on avait levé les embûches juridiques.

Alors, on ne demande rien d'exceptionnel. On demande le respect. Là où les choses sont restées dans le même état que par le passé, ce n'est pas vrai qu'on va exiger de ces gens-là un deuxième test de représentation syndicale. Ça n'a pas de sens. C'était ça, le coeur de la contestation: laisser les gens choisir librement une association syndicale pour représenter leurs intérêts.

M. Tomassi: Vous allez répondre quoi aux gens qui vont probablement venir nous dire que les gens qui ont par la suite, librement, comme vous le dites si bien, signé une carte d'adhésion à une autre centrale syndicale pour le même territoire que vous le faites? Ils le font librement et, là-dedans, ils ont adhéré librement au choix qu'ils ont fait, vous leur répondrez quoi?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, moi, je pense que la façon dont ça a procédé, ça a procédé dans la plus grande confusion. Il y a eu d'une part... Nous, on a toujours considéré, à la CSN ? je vais parler de nous ? que nos dépôts étaient bons et qu'on n'avait pas à redéposer par-dessus nos dépôts. D'autres organisations syndicales ont fait des choix différents. Mais ça, ça ne doit changer pas fondamentalement les règles du jeu, et ce n'est pas parce que d'autres se sont pointés après avec toutes sortes de thèses à l'effet que ce qui existait par le passé ce n'était plus bon qu'il fallait reprocéder autrement. Ça a entraîné juste de la confusion. Et, nous, on a respecté les règles telles qu'elles étaient établies dans les lois québécoises du début à la fin du processus de syndicalisation.

Alors, ce n'est pas vrai, là, qu'on va profiter d'une période où s'est introduite de la confusion pour dire; Ça remet en cause le choix fondamental de ces gens-là, là. Et, moi, je vais vous dire: Autrement, c'est un peu l'injure et l'insulte par rapport à celles qui ont été les initiatrices de cette bataille-là.

n (11 h 40) n

M. Tomassi: Mme Carbonneau, le deuxième point de vos enjeux, c'est la place des bureaux coordonnateurs dans l'entente collective. Actuellement, dans le projet de loi, les bureaux coordonnateurs ne sont pas partie prenante de l'entente. Parce qu'en réalité la prestataire de services, la responsable de garde en milieu familial elle fait le même travail, en quelque sorte, d'une garderie ou d'un CPE, puis c'est elle qui est la prestataire de services, c'est pour cette raison qu'elle n'est pas partie prenante. Dans les règles d'agrément, actuellement, il y a une disposition: l'obligation de mettre sur pied un comité consultatif des responsables de garde dans chaque bureau coordonnateur.

Est-ce que cette disposition ne pourrait pas être remplacée par un comité de relations de travail qui serait instauré dans chaque bureau coordonnateur et où les gens pourraient discuter des problématiques que vous soulevez si jamais il y a problématique?

Là, on souhaite tous que... et les gens qui sont venus nous parler hier et, nécessairement, qui vont nous suivre aujourd'hui. Et vous le dites si bien, c'est un travail harmonieux qui doit exister entre les responsables de garde en milieu familial et les bureaux coordonnateurs. Et, à tous les jours, on peut le voir, ce travail est fait de façon harmonieuse et respectueuse de leurs obligations.

Est-ce que c'est un élément qui pourrait peut-être répondre à votre interrogation?

Mme Carbonneau (Claudette): Pas vraiment, M. le ministre. Je pense qu'il faut pouvoir encadrer les modalités d'exercice des pouvoirs et des responsabilités des bureaux coordonnateurs à l'intérieur d'une convention collective et il faut pouvoir avoir un droit de grief pour faire respecter ces dispositions-là. Évidemment, on ne veut pas le faire par-dessus la tête des bureaux coordonnateurs quand ça regarde leurs pouvoirs, quand ça regarde leurs responsabilités. On est du monde civilisé, on souhaite qu'ils soient présents à une table de négociation et qu'on puisse convenir avec eux de modalités d'encadrement. Peut-être puis-je vous donner un exemple pour clarifier ma pensée.

Les bureaux coordonnateurs vont, par exemple, dans les procédures d'agrément, avoir à exercer un certain nombre de pouvoirs, éventuellement faire des visites, des inspections. O.K.? Ce n'est pas tout le monde qui a la même conception, d'une façon civilisée, de faire une visite puis de faire des inspections. On peut-u convenir de modalités, comment normalement ça devrait se faire dans les règles de l'art? O.K.? Ça, on pourrait consigner ça. Il ne s'agit pas de consigner est-ce qu'il y aura une inspection ou pas, ça, c'est prévu dans la loi, mais les modalités d'exercice d'un tel pouvoir, à mon sens, ça mérite qu'on puisse en débattre à une table de négociation et convenir de modalités d'encadrement, un point c'est tout. Et, dans la mesure où ce n'est pas respecté, oui, ça donnerait lieu à un grief et éventuellement ça peut être débattu au sein d'un comité de relations de travail. Mais le seul comité sans consignation et sans débat qui nous amène à convenir de dispositions dans la convention collective, c'est malheureusement insuffisant.

M. Tomassi: Vous savez, dans les lois, et les règlements, et les instructions que le ministre émet, tous ces éléments-là sont inscrits. Nécessairement, c'est des éléments étant... Hier, il y avait une dame, je ne me souviens plus du nom, qui disait que quelqu'un du bureau coordonnateur s'était déplacé chez elle et lui avait demandé d'avoir accès au garage, et la responsable de garde s'était dit: Pourquoi il faut que tu aies accès au garage? Les enfants n'y vont pas. Nécessairement, c'est... Puis là de là tout le débat à savoir: Quand une visite est faite, quand une inspection est faite, jusqu'où on va? C'est sûr et certain que cette disposition existe aussi pour une installation ou une garderie privée. Ce sont nos propres inspecteurs qui font cette démarche-là. Nécessairement, dans un local d'entretien, les enfants ne doivent pas y avoir accès, mais c'est l'obligation de l'inspecteur d'aller vérifier, de un, si la porte d'accès à ce local est bien verrouillée et, si jamais le local est non verrouillé, les éléments qui sont à l'intérieur, est-ce que les enfants y ont accès. Les enfants sont tous des enfants.

Or, votre disposition à savoir: Est-ce qu'on implique le bureau coordonnateur? Le bureau coordonnateur, indirectement ou directement, il est impliqué. Pour quelle raison? Parce que la disposition en instructions, en règlement et la loi des services de garde imposent des obligations aux prestataires de services, le ministre, par instructions et par voie réglementaire, cède ce pouvoir aux bureaux coordonnateurs qui, eux, ont ce mandat d'aller faire ces vérifications. Là, ce que vous me dites, c'est peut-être: Est-ce qu'on peut... Et de là ce projet de loi, c'est d'essayer de... de mettre cette disposition beaucoup plus claire pour qu'on n'ait pas de différence, comme vous le dites si bien, d'un territoire à l'autre, où est-ce que, dans un territoire, les inspections sont faites d'une certaine façon et, dans un autre territoire, l'inspection serait faite d'une autre façon, parce que les humains sont les humains, et chacun, on a une vision différente. Mais c'est peut-être encadrer ça de cette façon-là, avoir des instructions peut-être plus claires et non pas de venir inclure quelque chose dans une disposition, là.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, moi, je pense que c'est des choses qu'on aurait tout intérêt à regarder à l'occasion de la négociation de l'entente. O.K.? Notre objectif n'est pas de restreindre l'existence de ces pouvoirs-là. Je peux comprendre qu'il y a des choses qui, pour des raisons de sécurité, doivent être vérifiées, mais on peut civiliser la façon dont c'est fait.

Je vais vous donner un autre exemple, toujours en prolongeant mon premier exemple. Écoutez, on pourrait, par exemple, prévoir que, quand une inspection, une vérification est faite, il y ait copie du rapport qui soit remise à la responsable si elle a des commentaires à faire... c'est juste normal, là, c'est juste civilisé d'agir comme ça dans la vie. Alors, on pourrait prévoir ce genre de modalité d'encadrement à l'intérieur d'une entente collective. Et, si c'est déjà prévu par voie de règlements ou dans la loi et que ça s'applique sans aucune difficulté, on ne prendra pas un malin plaisir à alourdir les conventions collectives, là. Mais je pense que ce genre de disposition là, ça a tout intérêt à être là, ça ne peut que faciliter et rendre plus harmonieuses les relations entre les parties.

M. Begley (Jeff): J'aimerais peut-être juste ajouter, si je pourrais.

Le Président (M. Kelley): M. Begley.

M. Begley (Jeff): Jeff Begley.

Vous n'accepterez jamais... Les responsables de services de garde, ils signent des contrats, ils ont des exigences importantes. S'ils ne remplissent pas des exigences, vous, vous avez des recours, puis vous n'accepterez pas qu'il n'y ait pas de recours. Mais comment ça se fait qu'on ne donne pas cette même possibilité aux personnes qui livrent les services? On veut que, eux autres aussi, s'il y a des affaires qui se font puis qu'ils questionnent la façon que c'est fait, qu'il y ait une convention collective et qu'ils ont recours, pour dire: Non, ça, ce n'est pas correct, ça. Vous avez des exigences, moi, je pense qu'il faut respecter aussi que le monde peut avoir recours. Parce qu'à l'heure actuelle les bureaux coordonnateurs peuvent faire la peine capitale, enlever les enfants, puis ils n'ont pas de recours. Et c'est ça, le sens.

Il faut que les responsables de services de garde, elles aussi, elles peuvent dire: Non, ça, ça ne marche pas. On a signé une entente, il y a une convention collective, ce n'est pas respecté, et on veut la faire respecter.

M. Tomassi: Vous savez que ces éléments sur les lois et règlements ne font par partie de l'entente collective qui va être signée. Les dispositions sur les conditions de travail le sont. Ces éléments ne le sont pas dans la négociation. Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est de dire: Vous devez les inclure dans les éléments de négociation. Nous, ce qu'on vous dit, c'est: Ils ne font pas partie de l'entente de négociation, sauf qu'en réalité les instructions ne pourront pas non plus venir contredire les éléments de la convention collective. Alors, si vous me dites: La disposition, c'est à l'effet de dire: Il nous faut un moyen pour que la responsable de garde puisse contester une visite ou une décision prise par un bureau coordonnateur, c'est des dispositions qui existent en quelque sorte, le Tribunal administratif du Québec est une instance qui est présente, où est-ce que les responsables de garde en milieu familial peuvent se référer s'il y a une décision dite arbitraire qui est prise.

Mais en réalité, puis ça, je veux que ce soit... je souhaite qu'on prend... Puis je crois que vous avez la même idée que moi, toute la question de santé-sécurité et bien-être aux enfants qui est mise à la disposition des règlements et des instructions du ministre, à mon avis, ça, c'est non négociable. Ce qui est négociable, c'est peut-être la façon arbitraire qu'une décision est prise, la disposition qui est faite. À la limite, ce n'est pas une disposition d'une entente collective qui devrait être... Ça devrait être indiqué, mais peut-être par instructions ou par règlements, une disposition qui pourrait être incluse.

n (11 h 50) n

Mme Carbonneau (Claudette): L'entente collective, dans notre esprit, n'est pas là pour restreindre la loi ou le règlement, elle n'est pas là pour contredire la loi ou le règlement, mais elle est là pour encadrer les modalités d'exercice de ces pouvoirs et de ces responsabilités. C'est essentiellement ça.

Alors, tu sais, je pense que vous mettez bien le doigt sur le problème. On ne veut pas se substituer au gouvernement, on ne veut pas de substituer au législateur, mais on veut que, dans l'exercice de ces pouvoirs-là, nos gens puissent avoir leur mot à dire et puissent avoir une prise pour rechercher des corrections si jamais il y a des abus ou des choses contraires aux dispositions qu'on a négociées.

Une voix: Tout simplement.

M. Tomassi: Puis je vous...

Le Président (M. Kelley): C'est une dernière question.

M. Tomassi: Oui. Je vous suis très bien, toujours avoir à l'esprit qu'en bout de ligne ce sont des travailleuses autonomes, puis il faut les respecter dans leur cadre général.

Je voulais vous parler un peu, là... Tantôt, vous avez dit «la promotion de la formation», et je pense que c'est un élément qui est important. Il y a une disposition dans le projet de loi, et, dans des discussions qu'on a eues, c'est de mettre en place un fonds dédié à la formation, qui serait administré de façon mixte entre les responsables de garde, vous et les bureaux coordonnateurs. Tantôt, vous me faisiez part où est-ce que ça devait être une responsabilité des bureaux de coordonnateurs de fournir cette formation. Je voudrais peut-être vous entendre un peu là-dessus.

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Bien, deux choses, M. le ministre. Vous revenez avec ce concept de travailleuse autonome. Je veux vous dire là-dessus, là, que le nouveau bureau coordonnateur, tel que vous le présentez dans le projet de loi, là, il n'ajoute pas à l'autonomie professionnelle des personnes. Il faut distinguer entre un statut d'emploi et l'autonomie professionnelle. Et, je regrette, là, à la CSN, on va représenter des travailleurs sociaux, des infirmières, mettez-en, là, des tonnes de professionnels, c'est nous autres qui en a le plus, des professionnels syndiqués au Québec, c'est tout du monde qui se battent pour faire respecter leur autonomie professionnelle, puis on les soutient là-dedans.

Le nouveau bureau coordonnateur qui est prévu au projet de loi, là, il n'ajoute rien à l'autonomie professionnelle. Si on veut ajouter à l'autonomie professionnelle, il faut donner des droits à ces gens-là de pouvoir faire les représentations, notamment au moment de la négociation de leur convention collective, puis pouvoir par après faire appliquer ces droits-là.

Ceci étant, vous revenez sur la question de la formation, d'un fonds de formation, c'est une excellente idée, mais, tant et aussi longtemps, là, qu'on ne l'a pas conclu, le fonds, il peut avoir 0,10 $ comme il peut avoir 10 millions dedans. Moi, je préfère un projet de loi qui se commet dans la constitution des services de garde et qui dit: Comme législateurs, nous reconnaissons que c'est un milieu qui est sensible et où il y a lieu de faire la promotion de la formation continue et du perfectionnement. On reconnaît par là que c'est un critère fondamental pour garantir la qualité.

Et, de ce côté-là, là, ça n'enlève rien au pouvoir des parties de, oui, instaurer un fonds, oui, bien le pourvoir, oui, donner une priorité à la question de la formation, mais ce n'est pas parce que le bureau coordonnateur aurait le pouvoir de... aurait la responsabilité de faire la promotion de la formation continue que ça enlève quoi que ce soit en matière de négo, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Ça met fin à cet échange. Je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle et député de Gouin, pour un temps de parole de 23 minutes.

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les gens de la CSN, Mme Carbonneau, la présidente, et les gens qui vous accompagnent. Dans votre mémoire, à la page 12, vous tenez des propos très durs à l'endroit de la décision du gouvernement de séparer les centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs. Malheureusement, je pense que je ne peux pas les citer.

Donc, j'aimerais savoir, moi: Au cours des négociations avec le Conseil du trésor, est-ce que le gouvernement vous a consultés ou informés qu'il entendait séparer les bureaux coordonnateurs des centres de la petite enfance ou vous l'avez appris au moment où le projet de loi a été déposé, le 13 mai dernier, par le ministre?

Mme Carbonneau (Claudette): Jamais, d'aucune façon, ni de près, ni de loin, ça n'a été soulevé, ni à titre de discussion ni à titre d'information. Et je comprends très bien pourquoi ça n'a pas été soulevé, parce que c'est absolument inutile pour reconnaître des droits à ces personnes-là au plan des relations de travail. Alors, on ne s'est pas souciés qu'on ne débatte pas d'une question inutile, et le gouvernement, de par ses représentants, avait l'air de considérer que c'était parfaitement inutile. Il n'a jamais posé cette question-là.

Et je vais vous dire que, oui, je l'ai constaté au moment du dépôt du projet de loi, et, mon Dieu, tout ça est tellement vrai que M. le ministre faisait référence à notre rencontre à l'occasion du 20e anniversaire du Conseil de la famille, à ce moment-là, je n'avais pas lu le projet de loi et je ne lui ai fait aucune représentation là-dessus. Je ne m'attendais pas à ce qu'on trouve ça là, ça n'avait jamais été abordé dans nos travaux en comité. Par ailleurs, je lui avais indiqué très clairement qu'évidemment on ferait un examen scrupuleux des dispositions du projet de loi.

Et là, je vais vous dire, comme dérive, là, elle est grosse: elle n'apporte rien ni aux responsables de services de garde, ni aux parents, ni aux enfants. S'il y a une chose, elles font reculer des éléments importants dans l'encadrement des services de garde au Québec. Or, ce n'est pas du tout intéressant de retrouver ces dispositions-là, puis c'est parfaitement accessoire par rapport à l'objet de la loi.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: Pourquoi est-ce si important pour vous de maintenir le lien entre les CPE et les bureaux coordonnateurs responsables de la garde en milieu familial?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, essentiellement parce que je pense que c'est un avantage au Québec de pouvoir avoir une approche large et qu'une politique publique qui subventionne généreusement un certain nombre de places puisse se déployer avec des choix pour les parents. Les parents peuvent faire le choix du milieu familial, les parents peuvent faire le choix des installations, des CPE en installation. Et je vous dirais que créer une nouvelle structure administrative, ça m'apparaît être une aberration.

Au Québec, là, ce qu'on a besoin, on a besoin de mettre de l'argent pour développer des places. Au Québec, ce qu'on a besoin de faire, on a besoin de mettre de l'argent pour payer correctement celles qui donnent les services, notamment dans le milieu familial. Au Québec, ce qu'on a besoin, c'est d'investir dans la qualité. On n'a pas besoin de mettre notre argent collectif dans une nouvelle structure administrative qui va isoler, découper, traiter en silo les affaires. C'est une aberration de faire ça à ce moment-ci. Je trouve que c'est donner dans la structurite. Ça n'a pas de sens. Ce n'est pas là qu'il faut mettre les investissements.

Et, vous savez, qu'un bureau coordonnateur puisse, par exemple, offrir autant aux installations qu'au milieu familial toute une série de services, de soutien pédagogique, d'encadrement, etc., tant mieux, ça fait des économies d'échelle, ça fait une expertise qui est plus diversifiée, c'est un plus pour tout le monde.

Pourquoi créer à côté une autre structure pour tenter de dédoubler les affaires, et cloisonner, et isoler? Je trouve que ça n'a pas de sens.

M. Girard: On apprenait hier, dans le quotidien La Presse, et j'ai eu l'occasion de déposer la lettre, que l'ex-ministre de la Famille avait pris un engagement, dans le cadre de la dernière campagne électorale, où elle s'engageait à ne pas séparer les CPE des bureaux coordonnateurs. Est-ce que vous souhaitez que le gouvernement respecte l'engagement qui a été pris par l'ex-ministre de la Famille auprès de l'Association québécoise des centres de la petite enfance à l'effet de ne pas séparer les deux entités?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, pour moi, c'est l'évidence même, je pense que c'est le genre... surtout que ça avait soulevé énormément de tumulte, l'adoption du projet de loi n° 124. Il a fallu passer par mille et une versions. Il y avait eu tout un débat impliquant toutes les parties prenantes du réseau des services de garde. Il y avait eu un consensus de trouvé.

Au moment d'une période électorale, la ministre réitère un engagement. Je pense que, comme citoyens du Québec, là, on a besoin d'avoir l'heure juste là-dessus. Et, oui, c'est un engagement que je souhaite ardemment qui soit respecté.

Et, pire encore, je vais vous dire, trouver prétexte d'un projet de loi sur les relations de travail pour remettre en cause un pareil engagement, ce serait gros, là, ce serait très, très, très gros.

n (12 heures) n

M. Girard: Vous nous avez dit au début de votre présentation que l'équité salariale, pour vous, c'était une valeur fondamentale pour votre organisation. Vous nous dites que le projet de loi, tel que formulé sur cette question-là, n'est pas à votre satisfaction.

Qu'est-ce que vous proposez au ministre comme amendements au projet de loi pour que ces travailleuses-là aient une meilleure reconnaissance de leur statut et de leur réalité?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, c'est essentiellement au moment de conclure. Qu'il y ait des discussions entre les parties, qu'on puisse faire des comparaisons avec ce qui se fait dans d'autres milieux, qu'on puisse prendre ça comme point d'appui pour faire l'évaluation complète, honnête du travail qui se fait en milieu familial, moi, ça ne me heurte pas.

Par ailleurs, s'il y a des litiges d'interprétation entre les parties, on ne peut pas se fier à la simple règle du rapport de force. Il faut avoir l'obligation de confier à un tiers indépendant le soin d'apprécier la question. Moi, je vais vous dire: Quand je regarde la Loi de l'équité salariale québécoise, la mécanique pour arriver à l'équité, là, il y en a cinq différentes qui sont prévues dans la loi: tu en as pour les moins de 10, tu en as pour les 10-50 salariés, tu en as pour les 50-100, tu en as pour les 100 et plus, puis tu en as pour les milieux où il n'y a pas de comparateur masculin. Alors, ce n'est pas une question de tuyauterie puis ce n'est pas une question de mécanique. Mais pour l'ensemble de ces groupes-là, en bout de course, il y a toujours un tribunal indépendant qui va trancher les choses parce que c'est une question de droit fondamental. Je ne demande pas plus, je ne demande pas moins pour les responsables de garde en milieu familial.

Et de ce côté-là, ce qui est prévu au projet de loi, c'est: Bien oui, si tu ne t'entends pas, au bout de la négo, là il peut y avoir un arbitrage, mais juste, juste, juste si l'État employeur y consent. Ça n'a pas de sens comme façon de disposer dans le droit fondamental.

M. Begley (Jeff): Puis, peut-être, je pourrais juste rajouter avoir participé déjà à plusieurs démarches d'équité salariale. Si on n'avait pas cette possibilité-là, moi, je ne vois pas une situation où on aurait été capables d'arriver à des ententes satisfaisantes. Ce n'est pas parce qu'on s'en est servi, c'est parce que ça existait. L'autre partie savait, donc était forcée d'arriver de bonne foi à une entente sur c'est quoi, un traitement équitable pour les personnes concernées.

M. Girard: On vient d'adopter une modification à la Loi sur l'équité salariale à l'Assemblée nationale, qui a été adoptée à l'unanimité. Vous ne trouvez pas ça étrange qu'en même temps on va... on discute d'un projet de loi sur un nouveau régime de négociation, régime de représentation, et que, quant à l'équité salariale, disons que ce n'est pas la même ouverture que dans le projet de loi qui vient d'être adopté par notre Assemblée? Vous avez participé aux consultations sur les modifications à la Loi sur l'équité salariale. Comment... comment vous percevez ça, les deux approches différentes entre celle du ministre du Travail et celle du ministre de la Famille?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, moi, je pense qu'on droit traiter de la même façon l'ensemble des citoyens québécois. Je rappelle ? des citoyennes, dans ce cas, disons-le ? je rappelle d'ailleurs que, dans la première Loi de l'équité salariale, il y avait aussi un chapitre d'exceptions. Il a fallu que les organisations syndicales s'en mêlent, qu'on aille devant les tribunaux. Les tribunaux ont... nous ont fait... nous ont donné raison de ce côté-là en rappelant qu'indépendamment du type de milieu de travail où les salariés se trouvent le droit à l'équité salariale est un droit fondamental.

Or, pour moi, je le rappelle, qu'il y ait des modalités différentes pour atteindre l'équité salariale, ça ne me pose pas de problème, c'est déjà consigné dans la loi. Tu peux y avoir des approches, il y a des exigences différentes selon la taille des milieux. C'est-u juste des milieux féminins? Bon. Ça, je vis bien avec ça, mais, en bout de course, il doit y avoir, pour résoudre les impasses, ce qui est accordé à tout le monde et, oui, de ce côté-là, je trouve ça un peu outrageant qu'à l'heure où on vient de réitérer de façon tout à fait consensuelle la nécessité de renforcer cette loi-là on ait un traitement différent.

Et je vais... j'ajoute une hypothèse. Je pense que ce qui a motivé le gouvernement à nous déposer un projet de loi de cet ordre-là, c'est la crainte que nous puissions utiliser l'existence de cette loi-là pour faire reconnaître un statut différent à ces personnes-là de celui qui est prévu à l'intérieur du projet de loi n° 51. Là-dessus, moi, je veux dire publiquement une chose: Je n'en suis pas à une question d'étymologie. Que ça s'appelle des travailleurs autonomes, que ça s'appelle des salariés, je m'en fous. Ce qui m'intéresse dans la vie, c'est que les gens aient accès à des droits: le droit de se syndiquer, accès aux législations sociales et accès à un traitement qui est complètement exempt de discrimination fondée sur le sexe. Pour moi, c'est absolument ça qui est l'essentiel. Et que même on ne me dise pas que, derrière le statut de travailleur autonome, c'est la seule façon de renforcer son autonomie professionnelle. Moi, je vous le dis: À travers des négociations, y compris pour des travailleurs salariés, c'est une valeur, et on travaille aussi dans cette direction-là. Alors, pour moi, là, c'est ça, l'essentiel.

Et si la seule crainte qu'a le gouvernement, c'est de penser que ça va ouvrir à une nouvelle contestation d'un statut nouveau qu'on vient de définir, moi, je vous le dis: On n'est pas du tout de ce voyage-là. Si les droits y sont, on va bien vivre avec le nouveau statut, d'autant plus que... on va bien vivre avec le nouveau statut, qu'il y a actuellement dans la société québécoise, là, plein, plein de travailleuses, de travailleurs qui ont des statuts d'autonomes et qui se voient, à cause de ça, brimés de plein de droits fondamentaux. Et, moi, je suis une de celles qui s'est toujours plainte que notre législation du travail puis notre législation sociale, là, on dirait qu'elle a été adoptée en 1945 puis qu'elle n'a pas évolué depuis ce temps-là. Alors, qu'il y ait une première évolution pour couvrir autrement ces gens-là, j'en suis. Arrêtons d'avoir peur et ne restreignons pas, parce qu'on a peur, l'exercice d'un droit fondamental qui, dans un forum aussi important que l'Assemblée nationale, vient de refaire un nouveau consensus.

M. Girard: J'ai une dernière question, après je vais laisser mon collègue de Vachon qui a une question. J'ai lu avec attention les annexes de votre mémoire, que vous avez jointes au mémoire que vous présentez aujourd'hui, et ça a particulièrement attiré mon attention, le chapitre 4 sur les dispositions pénales, et vous y faites référence dans votre mémoire. Vous dites que les obligations des associations et des individus devraient être similaires à celles qui sont prévues au Code du travail et que ce n'est pas le cas actuellement dans le projet de loi n° 51 et que c'est plus exigeant.

Pourriez-vous m'en dire davantage? Est-ce qu'il y a eu des représentations, dans le cadre des négociations avec le Conseil du trésor, au moment où ces articles-là ont été discutés?

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, je vais y aller d'un premier élément de réponse. Je demanderai à Michel Forget ensuite de compléter.

Je suis heureuse que vous me rameniez sur cette annexe-là. C'est faute de temps dans la présentation que j'ai dû y accorder moins d'importance, plaçant quatre autres questions en priorité. Par ailleurs, ce que je constate: quand il s'agit d'obligations pénales à faire aux syndicats, là, on devient très exigeant. Et, de façon générale, les petites différences entre les propos échangés dans le comité de travail allaient plutôt dans le sens de réduire la portée du Code du travail, puis là, curieusement, on veut faire porter davantage de responsabilités aux syndicats. Bien là, cette fois-ci, on excède à la hausse les dispositions du Code du travail.

Alors, Michel, peut-être plus directement sur les échanges. Michel nous représentait directement à cette table.

M. Forget (Michel): Michel Forget.

Bien, un peu dans la suite de ce que Mme Carbonneau disait, les échanges qu'on a eus, c'était de dire: Écoutez, on ne mettra pas des obligations supérieures en ce qui a trait... en ce qui concerne les travailleurs autonomes ou les associations autres que celles qui apparaissaient dans le code. Et, si vous faites la comparaison de un par rapport à l'autre, on se rendra compte qu'il y a des pénalités qui sont adressées aux travailleurs; il y a même une pénalité qui est adressée à la personne, l'assistante, pour des gens qui remplacent. Quand, dans l'article 1, on vient dire qu'ils sont exclus du régime, hein, dans le premier article, on dit que ces gens-là sont exclus du régime, mais, dans les pénalités, ils apparaissent, et, dans les autres pénalités, c'est des augmentations allant, quoi, jusqu'à 10 %, je crois, de certaines sommes. C'est le seul élément, à ma connaissance, dans la traduction qu'on nous a faite, de dire: On vous donne des garanties d'avoir les mêmes droits du Code du travail, puis on a plus que qu'est-ce que le Code du travail... Dans tous les autres systèmes, on a un peu moins. Pas beaucoup moins mais un peu moins. Sur chacun des articles, il y a des droits que les gens perdent, à l'intérieur de ça. Si on les prend individuellement fait de sorte que probablement... qu'on n'a pas fait de représentation sur chacun des points. Mais tous ensemble, à partir du moment où on nous dit: Vous avez l'ensemble de ces droits-là, la traduction fait de sorte que ce n'est pas le cas. Ça pose un problème.

À même titre que dans les engagements qui ont été pris. On a voulu mettre des mécaniques pour éviter que le monde exerce des moyens de pression. À titre d'exemple, on a demandé d'introduire toute la question de la médiation. La médiation, si on veut qu'elle soit efficace, qu'elle fasse l'analyse des pour, des contre, et qu'elle fasse minimalement des recommandations, ça avait l'air à poser des problèmes, on a accepté que ce soient des commentaires. La traduction, les textes... pas patronaux mais les textes qui nous ont été présentés ont pour effet de nous dire: Effectivement, on accepte qu'il y ait des commentaires. Le traduction qui en est faite: toute la notion de commentaire n'apparaît pas là. On enlève tout le sens qu'on veut donner à la médiation d'un portefeuille. Vous avez une série de petits amendements qui ont été faits qui, quant à nous, ne respectent pas les discussions ou les engagements qui ont été pris lors de nos discussions.

n (12 h 10) n

Mme Carbonneau (Claudette): Mais il y a là un bel espace pour égaliser le bâton et la carotte.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Vachon, il vous reste environ six minutes.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. C'est peut-être mieux... je n'ai pas trop de temps, parce que je dois vous avouer que je ne sais pas trop comment ça va sortir. Je suis... franchement, je suis animé par des sentiments... je suis habité par des sentiments de colère et d'indignation, M. le Président, ce matin. Puis je vais essayer d'être le plus élégant possible, là, mais je pense qu'on devrait... on aurait dû normalement aujourd'hui se rencontrer autour de la célébration d'une victoire des droits fondamentaux des travailleuses en services de garde dans notre réseau des services de garde au Québec.

Et, écoutant le témoignage de Mme Carbonneau, M. le Président, je me suis retrouvé en 2004, autour d'une bataille épique pour tenter de sauver ce qui apparaissait une menace extrêmement forte et un effort extrêmement concerté de démanteler le réseau des services de garde au Québec à l'époque. Et ça se faisait de plusieurs façons: commercialisation des services, diminution du pouvoir des parents dans les conseils d'administration et, finalement, création d'un ensemble de bureaux coordonnateurs qui se voyaient octroyés ou pourvus d'une mission, indépendamment de leur mission éducative. Parce que ça a parti comme ça. Il faut se rappeler, là, que les bureaux coordonnateurs, au point de départ, on a tout juste gagné qu'ils soient... que les CPE soient éligibles à devenir des bureaux coordonnateurs. Rappelons-nous de ça, là. Bon. Et ça me rappelle aussi les débats que nous avons eus autour des lois n° 7 et n° 8. Et l'indignation que j'entends, ce matin, de la part de présidente de la CSN est exactement la même que celle que j'ai entendue autour des projets de loi n° 7 et n° 8 où on niait le droit d'association, M. le Président.

Et, ce matin, ce à quoi on assiste, au lieu de célébrer une victoire des droits fondamentaux puis au lieu, en tant que parlementaires et en tant que société civile, de discuter de la qualité des services qu'on offre aux enfants, de leur développement, des efforts à faire en milieux défavorisés... On a de l'ouvrage à faire dans le réseau pour nos enfants, on a de l'ouvrage dans le réseau, à faire dans le réseau pour la formation de nos intervenantes et de nos intervenants. Ce qu'on est obligés de faire, encore aujourd'hui, c'est de revenir sur des dispositions qui vont nier encore une fois des droits fondamentaux, et celui-là, c'est un droit à l'équité salariale. Parce que c'est par des dispositions de 77, 78 et 83, dont personne n'avait entendu parler et qui sont présentées dans le projet de loi comme un sous-marin dans le golfe du Tonkin.

Alors, moi, M. le Président, je n'irai pas plus loin dans l'expression de mes émotions, mais, quelque part, je me dis que la réingénierie de l'État, là, on pourrait-u arrêter cela? On a oublié le nom, on a effacé le nom de l'ardoise, mais c'est la même stratégie de démantèlement d'un réseau intégré qui faisait la fierté des Québécois qui est en route encore.

Alors, je suis en colère et je m'indigne, mais je demande à la présidente de la CSN quelles dispositions... parce que là vous avez pris des dispositions en tant que formation syndicale, lors de la dernière menace à des droits fondamentaux, vous avez été devant la cour et, M. le Président, les syndicats ont gagné. Bon. Quelles dispositions entendez-vous prendre si le législateur, le gouvernement, maintient son intention de conserver, dans le projet de loi n° 51, des dispositions qui rendent à peu près impossible l'application des dispositions en termes d'équité salariale autrement que dans une convention collective où le patron a le dernier mot, un, et où on tente, encore une fois, de démanteler le réseau des services de garde et de faire deux entités: une CPE et une en service de garde en milieu familial? Quelles dispositions entendez-vous...

Le Président (M. Kelley): Mme Carbonneau.

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez. Ce que je suis obligée de constater, je suis d'accord, là, qu'on devrait effectivement se dire qu'il y a eu des très grandes victoires autour de 7 et de 8, il y a eu des progrès de faits avec le projet de loi n° 51. Par ailleurs, ce qui reste à régler demeure éminemment fondamental. Et autant je souhaite rapidement que ce projet de loi soit adopté, je vous dis, s'il devait être adopté tel quel, je préférerais qu'il ne le soit pas à ce moment-ci. Si jamais il l'était, nous prendrons tous les recours possibles et imaginables, notamment sur des questions comme l'équité salariale, sur l'intégrité du réseau des services de garde au Québec. Évidemment, je ne me fermerai pas aucune voie. Je ne pense pas que la voie juridique soit prometteuse, mais vous pouvez compter sur notre entêtement.

On n'est pas pires aussi quand on se met à mordre, et ça, on va le faire, et on va le faire avec... en développant les alliances les plus larges possible à l'intérieur de la société québécoise. Mais, en même temps, c'est un peu plate de devoir imaginer qu'il faille reprendre cette trajectoire-là. Ça n'a pas été des périodes particulièrement intéressantes ou heureuses pour la société québécoise; ça a été une période trouble qui a entouré, par exemple, l'adoption de la loi n° 124. On a trouvé un compromis. J'espère qu'on ne sera pas obligé de se relancer, là, sur le sentier de la guerre. Et, en même temps, je vais vous dire, faire intervenir ça dans un projet de loi, à ce moment-ci, c'est tout simplement en compliquer l'adoption, c'est une enfarge de plus à l'exercice d'un droit fondamental pour ces femmes-là: le droit d'avoir accès à des droits sociaux puis le droit de pouvoir se syndiquer.

Or, c'est un appel à la raison, mais je vous dis, de ce côté-là, ce n'est pas un détail, ce n'est pas une organisation qui vient vous dire ici, en marchandant: La coupe est à moitié pleine, on pourrait-u avoir... Non, non. Ce qui manque, c'est des ingrédients fondamentaux, et là-dessus nous ne reculerons pas. On prendra tous les moyens à notre disposition pour rétablir ces droits-là.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup, Mme Carbonneau et d'autres représentants de la CSN pour votre présentation, pour votre contribution à notre réflexion ce matin.

Je vais suspendre quelques instants et je vais inviter les représentants de la Centrale des syndicats du Québec de prendre place à la table des témoins. Je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

 

(Reprise à 12 h 22)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on va commencer parce que, une des règles du président, si on veut terminer, il faut commencer. Alors, il n'y a personne qui a contesté la logique incontestable de cette affirmation.

J'ai deux items d'intendance avant de procéder au témoignage du prochain groupe. Premièrement, pour les personnes qui veulent assister cet après-midi, à partir de 15 heures, il y aura les places disponibles dans la petite salle à côté, RC.161, avec un écran. Ce n'est pas en direct, mais ce n'est pas loin. Alors, ça va être plus confortable. Alors, s'il y a des personnes qui veulent rester et suivre nos débats cet après-midi, il y a toujours les chaises qui sont ici, mais il y aura une possibilité pour être un petit peu plus confortable. Deuxièmement, s'il vous plaît, fermez les téléphones cellulaires parce qu'on veut garder le zen du président.

Troisièmement, pour respecter notre horaire et le prochain témoin, on aurait besoin du consentement pour continuer jusqu'à environ 13 h 25. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Kelley): Consentement. Merci beaucoup.

Alors, sans plus tarder, on va céder la parole aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec, représentée, entre autres, par sa première vice-présidente, Mme Louise Chabot. Bonjour.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise): Merci de l'invitation. Je voulais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à mon extrême gauche, mon collègue Daniel B. Lafrenière, deuxième vice-président; Danielle Casavant, responsable et directrice à la CSQ du Service des relations du travail et juridique; et, à ma droite, Mme Sylvie Tonnelier, qui est la présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec, affiliée à la CSQ. Bien, d'abord, M. le Président, je tiens aussi à saluer, dans la salle, des personnes responsables de services de garde membres de la CSQ.

Effectivement, M. Bouchard, c'est une journée, aujourd'hui, pour célébrer, célébrer une longue lutte des responsables de services de garde en milieu familial dans leur quête de reconnaissance, dans leur quête d'une pleine reconnaissance du travail énorme qu'elles font dans le réseau des centres de la petite enfance. Puis il en a fallu, du courage, puis de la détermination, parce qu'il y en a eu, des embûches, sur leur chemin pour reconquérir des droits fondamentaux comme le droit d'association, le droit de négociation et le droit à l'égalité. Donc, ce qu'on peut vous dire, c'est que, dans l'ensemble, on salue le projet de loi n° 51 qui constitue une avancée historique pour les responsables de services de garde en milieu familial.

La CSQ, elle travaille depuis 1997 avec ces femmes-là pour reconnaître leurs droits et, aujourd'hui, ce qu'on peut leur dire ? et suite au jugement Grenier ? partout à travers le Québec, la CSQ, pour répondre à ce nouveau droit d'association, on peut dire qu'elle est essentiellement la plus représentative au Québec. On a déposé plus d'une centaine de requêtes en accréditation pour regrouper près de 12 000 responsables de services de garde. On a accepté de participer dans les travaux, quand on a été conviés, sur la base du devoir de représentation, pour s'assurer que l'esprit du jugement Grenier serait respecté mais aussi améliorer de façon concrète et à court terme les conditions de travail.

Ce qu'on déplore dans le projet de loi, c'est effectivement qu'il y a une ombre au tableau qui vient comme passer sous silence cette avancée historique là puis qui fait qu'on ne parle pas des affaires réelles, qui est les conditions de travail des responsables de services de garde. C'est les articles qui visent à modifier la structure de notre réseau des services de garde. Je pense que ça nous fait perdre de vue l'essentiel qui est un projet de loi qui vise à établir un régime de relations de travail au Québec. J'y reviendrai.

Donc, notre mémoire comporte quatre parties. Je vais y aller brièvement. C'est un vrai défi, là, 10 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): C'est appliqué avec souplesse par le président.

Mme Chabot (Louise): Ah! C'est merveilleux. Je vais essayer de ne pas en abuser. Au niveau du droit d'association, bien, le projet de loi vient transposer l'essentiel ? et ce n'est pas peu dire dans un régime de vie associative ? l'essentiel des principes qui sont contenus au Code du travail en matière de droit d'association, d'accréditation et de protection des droits des travailleurs, à notre grande satisfaction. Je pense que l'intention du législateur, depuis le début, était de transposer les dispositions du Code du travail. Cependant, certaines d'entre elles ont été disposées de façon sélective. Vous allez retrouver à notre recommandation 1 «que le projet de loi soit amendé pour que ce soit transposé», l'ensemble des dispositions du code, et dans l'annexe on fait référence, qui étaient aussi des commentaires déjà transmis au ministère, de ces dispositions.

Au niveau du régime de négociation puis de l'entente collective, la CSQ accueille avec satisfaction le régime de négo. Le projet de loi répond à nos revendications en matière de négociation. Un régime de négo national, ça permet d'exercer des moyens de pression dont le droit de grève. Il y a un mécanisme de résolution de conflits qui est important. Notre grande préoccupation dans ça, c'est que ça stipule que les bureaux coordonnateurs ne sont pas... qu'il n'y a aucune disposition qui lie les bureaux coordonnateurs. Je vais le dire comme ça: Tu as un droit de t'associer, tu as un droit de négocier, mais, à quelque part, ça te prend un vis-à-vis pour faire appliquer l'entente collective, pour faire respecter les droits qui vont avoir été négociés puis pour être reconnu comme association auprès du territoire qui couvre le BC. Ça fait que, pour nous, c'est une recommandation majeure à cet effet-là que la loi soit modifiée pour qu'il y ait une disposition qui stipule que les bureaux coordonnateurs vont être liés par les dispositions de l'entente collective.

On souhaite aussi que la liste de matières négociables soit plus explicite. D'ailleurs, durant nos travaux, pour vous donner un exemple, les régimes de retraite collective et un régime d'assurance avaient été explicitement nommés. Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une liste des matières négociables pour s'entendre sur les enjeux comme les vacances, comme les fériés, je donne des exemples, et ne pas avoir en négociation... à faire un exercice de négocier au préalable ce qui doit être négocié. Donc, notre deuxième recommandation et troisième recommandation précisent cet esprit-là.

Au niveau de l'exercice des moyens de pression et de résolution des conflits, on accueille là aussi très positivement le mécanisme de médiation et d'arbitrage de différends. On reconnaît le droit de grève. Je pense que, quand on parle de progrès en termes de régime de relations de travail et d'équilibre des forces, ce n'est pas rien. Cependant, on vous souligne qu'on a pu observer, en lisant le projet de loi, que l'encadrement est assez sévère. On définit la notion d'action concertée beaucoup plus large qu'une diminution ou une cessation de prestation de services, puis on donne des pouvoirs au ministre, de sanction, là, qui semblent nous apparenter par ailleurs à une autre loi qu'on a contestée dans le cadre de la négo du secteur public.

Je pense que ces femmes-là, il ne faut pas s'attendre demain matin... Il faut regarder dans quel type de milieu qu'elles travaillent, je pense qu'elles doivent retrouver un équilibre là-dedans. Et ce qu'on vise dans la recommandation 4, c'est que le projet de loi n° 4 soit modifié de manière à ce que l'action concertée s'assimile à une diminution ou une cessation de prestation de services. Que le délai aussi soit plus court pour respecter les droits des autres travailleurs en cette matière, puis aussi se protéger, en cas de cessation, contre un mécanisme qui permettrait au bureau coordonnateur de réaffecter les places.

Au niveau de la loi des protections sociales, il y a des progrès considérables. Quand on parle de droit à l'égalité puis quand on disait que c'est dans ce sens-là que ce projet de loi est unique puis fait des avancées, il y a deux statuts au Québec, là. On ne fera pas un débat sur les statuts, mais, quand tu es travailleuse autonome ou atypique, tu n'as pas le droit, puis là on vient leur donner un accès à des droits. C'est ça qui est important.

Il y a des progrès au niveau des protections sociales, mais ils vont être conditionnés à deux choses, ces progrès-là: un, faire en sorte que le droit soit respecté, que la cotisation, comme travailleuse autonome, soit compensée au même niveau que la cotisation d'un salarié, et que la rétribution nette d'entreprise soit assez significative pour que tu puisses te prévaloir effectivement de ces droits. Et là on nous propose de négocier le taux de cotisation. Il y a eu des pourparlers qui nous disaient que ce serait prévu dans le régime. Nous souhaitons que les compensations entre l'écart du taux travailleuse autonome et salariée soient dans le projet de loi.

n (12 h 30) n

Là, j'arrive à un chapitre, là, qui nous a heurtés un peu plus, c'est la Loi de santé et sécurité du travail et le retrait préventif. Écoutez, quand on s'est engagés dans ces travaux-là, ces femmes-là ont été reconnues comme ayant le droit au retrait préventif. Il y a eu toute une saga voulant que les BC n'étaient pas employeurs, et donc ça a privé certaines femmes des droits, et le ministre s'est engagé clairement, en termes d'avancées, qu'il y ait un régime de retrait préventif. Là où le bât blesse, c'est qu'on s'attendait à ce que le régime soit introduit dans le projet de loi et que, par règlement... qu'on ait seulement à négocier... à prévoir finalement le financement puis le mode de gestion. Là, c'est dans un règlement que sera fixé le régime de retrait préventif, mais en même temps il y a un article, qui est l'article 107, qui vient dire que la loi SST ne s'applique pas à partir du moment du dépôt du projet de loi, soit le 13 mai.

Ça fait que, là, on vient de créer un vide juridique: il y a des personnes qui pouvaient demander un retrait préventif qui ne peuvent plus le faire puis il y en a qui ont commencé un retrait préventif qui vont peut-être se voir privées de droits. Ça fait qu'en d'autres termes, sur cette question-là, on se retrouve presque dans le cadre des mêmes dispositions de la loi n° 8, puis, en termes de droit à l'égalité, je pense qu'il y a là matière à... Vraiment, il faut ? notre recommandation est claire ? il faut absolument combler le vide juridique, sans ça on va se retrouver dans une situation d'inconstitutionnalité et de perte de droits majeure pour ces femmes-là.

Là, je vous rappelle aussi que le droit à l'égalité, justement, c'est parce que c'est majoritairement des femmes qui ont été discriminées, victimes de stéréotypes, puis des droits comme ça, du retrait préventif puis de l'allaitement pour celles qui allaitent, pour nous, c'est majeur.

La rétribution juste et équitable. D'abord, on trouve intéressant de pouvoir négocier, quand on dit «le droit de négociation», de pouvoir négocier les salaires, je peux le dire comme ça, et d'avoir un mécanisme de résolution de conflits, c'est O.K., sauf que le mécanisme pour la rétribution juste et équitable, je pense qu'il faut souhaiter que ça s'inspire des principes de la Loi d'équité salariale, parce que là on tente, par le mécanisme, de nous dire: Ça va être un emploi analogue, mais on ne définit pas quel emploi.

Par exemple, si on nous disait que c'est un emploi comparable qui a déjà fait l'objet d'une évaluation en équité salariale par la commission, déjà, ça nous donne des balises. Quand on parle de la méthodologie, il y a des règles dans la loi de la Commission de l'équité salariale, sans s'empêtrer, là, dans... Mais c'est dans ce sens-là que notre recommandation va dire: Il faut que ce mécanisme-là s'inspire à quelque part des principes qui soutiennent la Loi de l'équité salariale.

Et je termine par la modification à la Loi des services de garde à l'enfance. Là, ça a été notre stupéfaction de voir dans le projet de loi les articles concernant les modifications parce que, jamais, jamais, tout au long de nos discussions, il n'a été question de notre structure, dans le fond, des services de garde. Et je pense que c'est majeur, ce qui est devant nous, de vouloir évacuer les CPE de l'administration des services de garde, et on va s'y opposer fermement pour trois raisons.

On favorise le maintien d'un seul réseau public, on s'est toujours battus pour ça. On pense qu'un réseau intégré de garde éducative au Québec et l'amélioration constante de la qualité des services rendus aux enfants passent par une mission éducative partagée de tout le réseau.

On pense que de distinguer le volet installation puis familial, ça va encore isoler encore plus. Ces femmes-là viennent de sortir la tête de l'eau. On peut-u leur donner une chance puis de faire un pas en avant pour travailler vraiment à ce qui les préoccupe, leurs conditions de travail, plutôt que leur dire: Bien, on va encore une fois changer des structures puis isoler encore plus? Puis, en termes d'équité salariale, bien, d'éloigner les responsables de services de garde de leurs collègues éducatrices qui font un travail analogue, on pense aussi que ça peut être, en tout cas, pas une bonne idée, on dirait ça comme ça, ce n'est pas la meilleure.

Et, finalement, les coûts d'une telle restructuration, pour nous, des coûts, s'il y a de l'argent, ça doit être mis pour la consolidation du réseau, et la consolidation du réseau, c'est de le confirmer dans sa mission actuelle, d'avoir des sommes d'argent disponibles pour les places et aussi d'avoir des sommes d'argent disponibles parce qu'il va y avoir un coût à donner des droits à ces femmes-là pour qu'elles puissent pleinement en bénéficier.

Il y a aussi une dernière chose qui est notre recommandation 10. C'est toute la question de l'entente de service puis de l'entente de subvention. Le ministère va pouvoir, par l'article... ? j'ai tourné la page trop vite ? par l'article 92, ça va permettre au ministre d'instituer des ententes de service qui vont influencer directement, à notre avis, les conditions d'exercice. Bien sûr, l'article 92 vient dire que l'entente de service ne peut pas contrevenir aux dispositions de l'entente collective, mais l'article 32 vient dire que l'entente collective, elle ne peut pas porter sur une règle, ou une norme, ou une mesure établies dans la Loi sur les services de garde. Puis là je ne veux pas nous rappeler tous à notre mémoire les instructions de l'automne 2008, là, où on est venu même, par... pas parce qu'on n'est pas d'accord que ce ne soit pas normé puis réglementé, ça, on comprend, mais, dans les normes et les règlements, il y a des limites à fixer des conditions d'exercice. Et, par ailleurs, l'instruction était un bon exemple. On avait fixé à 5 $ le montant qui pouvait être demandé pour des heures supplémentaires après 50 heures. En tout cas, pour nous, c'est majeur. Si on n'a pas une liste de matières négociables, si en plus on vient dire que des normes et des règlements peuvent venir insérer des conditions d'exercice, je pense que le champ du négociable va être rétréci. Ça fait que, là, on demande à ce que ce soit modifié. On comprend qu'il faut harmoniser des règles, des processus ? mais c'est un milieu très normé et réglementé ? mais que ça ne touche pas les conditions d'exercice.

Ça fait qu'en conclusion on a salué publiquement le projet de loi, on le salue encore aujourd'hui, mais il y a quatre enjeux majeurs pour que ce projet de loi soit un réel pas en avant: la question de lier les bureaux coordonnateurs au droit d'association, puis au droit de négociation, puis de l'entente collective; la question du retrait préventif, qu'il est important de combler le vide juridique; de ne pas toucher aux structures; et de s'assurer que la méthode qui nous est proposée pour la détermination d'une rémunération juste et équitable s'inspire des principes de la Loi de l'équité salariale.

Et je pense que ce qu'on demande effectivement, c'est de retirer donc les dispositions législatives qui concernent les modifications aux structures, et encenser le plus rapidement possible, retrouver un consensus autour d'un projet de loi qui est destiné à garantir à nos responsables de services de garde des vrais droits pour le présent puis l'avenir. Puis on aimerait bien ça pouvoir commencer dès l'automne à franchir ce pas-là. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Chabot. Le président a toujours plaidé pour les présentations de 15 minutes, et votre présentation était 15 minutes pile. Alors, je pense que c'est la preuve tangible de la sagesse du président dans ce domaine. Alors, on va passer maintenant rapidement à la période d'échange avec les membres de la commission, d'environ 24 minutes, les deux côtés de la table, en commençant avec M. le ministre de la Famille.

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Chabot, M. Lafrenière, Mme Casavant et Mme Tonnelier, merci d'être avec nous aujourd'hui à cette commission parlementaire où est-ce qu'on discute du projet de loi n° 51, voir les améliorations qui peuvent y être apportées.

Dans votre dernière remarque, vous nous faites part des instructions du ministre qui sont un élément important dans les services de garde. Nous avons eu, au cours de la journée hier, l'AQCPE et l'Association des cadres... du personnel-cadre des centres de la petite enfance qui sont venus nous dire que la directive, l'instruction 5, celle dont vous mentionnez, pour vous, c'est un problème, pour ces gens qui sont responsables de cette coordination des services de garde. C'est un élément qui est essentiel, de un, pour assurer la qualité des services qu'on donne aux parents et surtout c'est une réponse aux besoins des parents. Alors, comment vous conjuguez ces deux contradictions où est-ce que, d'un côté, on a les bureaux coordonnateurs qui nous disent... qui disent au ministre: Vous devez nous donner cette instruction-là pour qu'on puisse mettre en place des dispositions pour fournir le meilleur service possible aux parents, aux enfants et, vous, de votre côté, qui venez me dire: Où est-ce que c'est quelque chose qui ne fonctionne pas?

n (12 h 40) n

Mme Chabot (Louise): Je vais faire une partie de réponse. Je ne veux pas qu'on comprenne que c'est l'ensemble des éléments qui sont contenus dans l'instruction dont j'ai parlé qui ont soulevé le tollé. Là où on veut vous sensibiliser, je pense qu'effectivement le ministre peut, au niveau des ententes de subvention, puis je comprends que c'est un mécanisme important, là, mais ça ne... À notre avis, à partir du moment où ces femmes-là ont un droit d'association puis de négo, les éléments qui comptent, qui sont de l'ordre de leurs conditions d'exercice de travail, conditions d'exercice de métier ou conditions de travail, devraient faire l'objet de négociation et non par être imposées par une instruction. C'est dans ce sens-là.

M. Tomassi: Oui. Mais vous comprenez que la responsabilité du ministre, c'est d'offrir un service de garde à l'ensemble de la population du Québec, faire en sorte que ce service de garde respecte le bien-être, la santé, la sécurité des enfants. Des dispositions réglementaires par instructions ou par règlement viennent à être imposées non pas seulement aux responsables de garde en milieu familial, mais aussi au centres de la petite enfance et aux garderies privées. C'est un élément qui est dans la loi, là, on ne peut pas se dissocier de ça. La prestataire de services, qui est la responsable de garde en milieu familial, doit avoir des obligations vis-à-vis cette prestation de services.

Or, ce que vous me dites aujourd'hui, c'est de dire: Au-delà de ce que le ministre va décider avec les partenaires qui est le mieux pour les enfants puis pour les parents, mais on ne veut pas avoir cette obligation, on veut être au-dessus, en haut de ces éléments-là. Comment vous compensez les deux éléments?

Mme Chabot (Louise): Je dois être fatiguée ou m'être mal exprimée. On ne dit pas qu'on est au-dessus de ça, là, puis qu'on... On n'est pas venus vous dire qu'on n'acceptait pas. Puis, d'ailleurs, on a vu tout le débat aussi sur les questions d'harmonisation dans d'autres dossiers. Nous sommes en accord qu'il y ait un encadrement. Puis justement pour les RGS, on l'a toujours dit, c'est un milieu pour... Ceux qui s'inquiètent de la qualité ne devraient pas s'inquiéter parce que c'est un milieu très normé et très réglementé, c'est un milieu... Puis je pense qu'on peut trouver ça correct comme ça de s'assurer d'une qualité puis tout ça, mais il y a des limites, il y a des limites, et les limites viennent s'imposer au même titre que quand tu es salarié puis que tu es syndiqué dans un milieu. On vient juste dire qu'il y a une limite là-dedans. Quand ça va concerner leurs prestations de services puis leurs conditions, là on pense qu'avec le projet de loi qui est déposé, et qu'on salue, ces dispositions-là devraient... ces ententes-là devraient se retrouver dans le droit du négociable.

Écoutez, là, je vais vous donner une image, là: Quand on a décidé 5 $ de... c'est 50 heures maximum qu'elles peuvent... Ce n'est pas rien. On a même démontré en cour qu'elles travaillaient en moyenne 62 heures. Là, la loi des normes ne s'appliquera pas. Cette instruction-là, ce qu'elle prévoyait, c'est que, s'il y avait des dépassements de ce temps-là, que le maximum qu'elles pouvaient exiger, c'est 5 $ de l'heure. Moi, l'image que j'ai donnée quand j'ai vu ça, là, c'est exactement le même tarif qu'un jeune adolescent qui fait son cours de gardienne avertie dans son école, qui va demander aux parents s'il va garder, là, le soir, après l'heure du souper.

Ça fait qu'il y a quelque chose qui ne marche pas quand on parle de responsabilisation. Il va falloir sortir du dogme, là, qu'elles ne font que garder des enfants, puis qu'elles ont une responsabilité dans des services éducatifs à nos enfants puis que, ça, ça se monnaie. Dans ce genre d'exemple là, je vous le donne, l'exemple d'instruction, c'est ça qu'on ne veut pas revivre.

M. Tomassi: Je vous suis là-dessus, puis là-dessus vous avez mon entière collaboration, ma compréhension, à savoir elles ne gardent pas seulement, elles font un travail remarquable et apprécié de tous les parents des 91 000 enfants qui sont gardés quotidiennement par ces femmes à leurs maisons, et ça, là-dessus, on ne le renie pas. Ce que je veux essayer de comprendre de votre interprétation... Dans la loi, les éléments qui sont négociables dans l'entente collective sont des éléments qui ont rapport à la subvention qui va être versée aux responsables de garde en milieu familial, c'est les éléments de compensation qui vont leur devoir être octroyés en termes de vacances, en termes de Régie des rentes du Québec, de la CSST, et tout. Ça, c'est ces éléments qui sont négociables. Les autres éléments, les éléments qui sont pareils et identiques pour les services de garde en installation ou en garderie privée, les éléments qui sous-entendent le système qui fait l'envie de beaucoup de gens, c'est un système qui est universel, c'est des règles qu'on s'est données universellement vis-à-vis les parents du Québec. Il faut aller dans la même direction.

Ce que vous nous dites, et je veux comprendre, c'est de dire: Je veux avoir le droit de négocier ces éléments-là pour mes responsables de garde en milieu familial. C'est ça que je veux être sûr. Si vous me dites non, ce n'est pas ça que je vais négocier, je vais m'arrêter ici.

Mme Chabot (Louise): Oui. Puis j'inviterais... Je pense que notre recommandation 10 est assez claire, mais je vais inviter Danielle en complément de réponse.

Le Président (M. Kelley): Mme Casavant.

Mme Casavant (Danielle): Danielle Casavant.

Alors, bien sûr, notre lecture de ces dispositions-là est complètement subordonnée à l'exercice qu'on a vécu à l'automne, où elles se sont fait imposer unilatéralement et diminuer des conditions de travail. On a parlé du 5 $ de l'heure, on peut parler des congés fériés qu'elles pouvaient exiger, etc. Et l'effet combiné de l'instruction, de l'engagement et de l'entente de service avait pour effet de prévoir des sanctions. Alors, si on n'utilisait pas l'entente de service, s'il y avait des retraits de places qui étaient prévues, les RSG étaient sans recours à l'encontre de ces retraits. Ça pouvait engendrer toute une série d'abus. Alors, je pense qu'il faut distinguer ce qui est de l'ordre du règlement, de la norme, par exemple, comment les parents paient, etc., de ce qui est de l'ordre de la condition de travail. Et, au cours des consultations que nous avons eues avec les représentants du ministère de la Famille et du Conseil du trésor, les conditions de travail ont été évoquées comme étant négociables, et on parle là-dedans de vacances, de jours fériés, de conditions de garde atypiques, de comité de relations de travail, etc.

Et, avec égard, M. le ministre, je soulignerais que nous lisons dans l'article 31 qui définit les matières négociables, nous lisons bien le mot «notamment». Et notre défi au cours des négociations, ça va être de faire donner son sens à «notamment». Pour nous, le mot «notamment», il revêt les conditions de travail.

Et ce qu'on est en train de discuter là, ça amène de l'eau au moulin à notre argumentation de dire qu'il vaudrait mieux que le projet de loi comporte une annexe avec une liste des matières négociables, parce que vous comprenez que commencer les négociations sur des mois de discussion sur ce qui est négociable, ça va hypothéquer nos chances d'améliorer rapidement les conditions d'exercice des RSG que nous représentons. Alors, c'est la question de la distinction entre les conditions de travail et les normes et règlements normaux exigés dans le cadre de l'exercice de la garde. Et ça nous porte à croire qu'on a tout intérêt à définir une liste de matières négociables comme c'est le cas dans d'autres régimes de négociation. C'est le cas de celui du secteur public, c'est défini puis ça n'empêche pas les parties de négocier. Quand il y a des nouveaux objets, ça ne les empêche pas de négocier non plus.

M. Tomassi: Dites-moi, je voulais revenir... Nous avons eu la CSN qui est venue nous voir tantôt concernant cette reconnaissance d'accréditation qui avait eu lieu avant la contestation par rapport à la loi n° 7 et n° 8. La CSN vient nous indiquer ce matin qu'il faudrait revoir les dispositions prévues à la loi. Vous n'en faites pas mention. Est-ce que c'est parce que vous êtes d'accord avec les dispositions qui sont actuellement inscrites au projet de loi? Et la réponse ou le questionnement que la CSN nous disait, c'était qu'on... c'est un genre de discrimination vis-à-vis ces femmes qui avaient fait le choix avant avec la loi n° 7 et n° 8, avant la loi n° 7 et n° 8, d'avoir fait le choix d'un groupe sur un autre.

n (12 h 50) n

Mme Chabot (Louise): On n'a pas de commentaires parce que c'est des dispositions du projet de loi avec lesquelles nous sommes en accord. À partir du... il y a eu avant la loi n° 8 puis à partir du dépôt du jugement Grenier, c'est ce que je disais un peu d'entrée de jeu. La CSQ est allée définitivement partout sur le terrain chercher le... C'est une liberté d'association de chercher l'adhésion de ces femmes-là dans le droit d'association, avec des majorités. On a accepté durant les travaux de suspendre les choses devant la CRT parce qu'on se disait: On va donner libre cours aux travaux. Mais là, ce qu'on veut, on pense que les dispositions actuelles qui sont présentées viennent reconnaître le caractère représentatif et le travail qui a été fait sur le terrain, et, à notre avis, ce n'est pas discriminatoire.

M. Tomassi: Mais ? puis c'est seulement une question parce que c'est l'argument que Mme Carbonneau me faisait mention tantôt ? ces femmes qui avaient fait le choix, lors de 7 et 8, d'adhérer à la CSN, eux aussi l'ont fait de façon tout à fait libre. Alors, le questionnement, c'est: Pourquoi ces ? puis je pense que c'est trois ou quatre CPE qui seraient, CPE-BC, qui seraient touchés par cet élément ? pourquoi ces gens-là ne devraient pas avoir cette reconnaissance qui leur avait été reconnue ou en voie de reconnaître lors de la disposition de 7 et 8, celles qui ont fait les premières contestations? Je voulais savoir peut-être votre argument là-dessus.

Mme Chabot (Louise): Je vais laisser la... Mais je pense que le travail... Quand on dit: «Tu es pleinement reconnue», c'est aussi ce qui a été fait. Ces requêtes-là qu'on a déposées, c'est... Quand on dit que ces femmes-là ont fait un choix, on dit aussi que ces femmes-là ont fait un choix, puis, nous, on pense que ça respecte les règles du code actuellement. Puis quand on est... Je pense que là où il va y avoir des litiges, il y aura des votes. C'est prévu dans ça? Bien, je pense que, sur le caractère représentatif... Mais, nous, ce qu'on revendique, puis on ne pense pas que c'est discriminatoire, c'est que le caractère de représentatif, ils ont fait un choix, puis on s'attend à ce que ce choix-là soit respecté.

M. Tomassi: En ce qui a trait au retrait préventif, vous avez... vous l'avez mentionné, c'est un élément qui est essentiel. La volonté, c'est que c'est un régime qui doit être miroir à celui qui est existant. C'est pour ça que la disposition, contrairement à d'autres dispositions en ce qui a trait aux relations de travail, ne sera pas incluse dans la loi, mais nous sommes obligés, par loi, de créer cet élément, parce qu'elles n'existaient pas dans la Loi sur la santé et sécurité au travail. Cette disposition d'un régime miroir vis-à-vis à ce qui existe actuellement dans le régime de la santé et sécurité au travail ne vous convient pas. Je veux essayer de comprendre un peu plus.

Mme Chabot (Louise): Ce qui... Ce n'est pas l'intention qui ne nous convient pas. Quand on regarde l'article de loi, on est fiers, là, d'accueillir... c'est-à-dire que ces femmes-là vont avoir un retrait préventif. Ce qu'on vient vous dire, c'est qu'il y aura un vide juridique. C'est ça qu'il faut combler parce qu'il y a un article de votre loi qui vient dire que la loi SST ne s'applique plus à partir du moment de son dépôt, et que votre réglementation, plutôt que d'avoir prévu le régime dans la loi, il y a un autre article qui dit que ça va venir par règlement. Il peut être totalement conforme, mais, au moment où il va arriver ? ça peut être des semaines, des mois ? il y a des personnes qui pouvaient se prévaloir du régime qui ne l'auront pas. Je pense que...

M. Tomassi: C'est parfait. Il n'y a pas de problème là-dessus, puis je crois que c'est une disposition qui va devoir être modifiée dans la question.

En ce qui a trait à l'équité salariale, Mme Chabot, les dispositions actuellement... la CSN tantôt est venue nous dire que les dispositions actuelles dans le projet de loi leur conviennent. Le seul élément qui manque dans le projet de loi, c'est l'élément d'arbitrage, l'élément qui vient à la limite dire: S'il n'y a pas d'entente, il doit y avoir une tierce personne, qui est neutre, qui va statuer. Est-ce que c'est dans ce même sens que vous voyez votre recommandation ou est-ce que vous allez dans une position différente de celle de la CSN?

Mme Chabot (Louise): Bien, la présentation qu'on vous en a faite, c'est: Premièrement, on est heureux de pouvoir négocier une rétribution. Je pense que ça va faire partie d'un élément. Puis en plus, nous, on pense qu'il y a des mécanismes, là, qui permettent ? puis ce n'est pas rien ? médiation ou arbitrage. Ça fait que notre préoccupation, dans ce cadre-là, c'est de s'assurer que les mécanismes pour déterminer la rétribution s'inspirent de la Loi de l'équité salariale, de s'assurer que, dans la méthodologie, on se donnera les moyens de pouvoir dire qu'à terme l'exercice qui va avoir été fait, en tenant compte de la réalité de ces travailleuses-là, là, pas le même nombre d'enfants, pas le même... bon, la question aussi des compensations, donc de s'assurer que tout ça pris en compte, bien, ça va être fait selon un mécanisme qui va être exempt de discrimination ? c'est ça qui est majeur ? et de s'assurer qu'à terme l'emploi analogue... Bien, déjà, si on pouvait dire que l'emploi analogue ou comparable, c'est un emploi d'éducatrice en CPE... Je vous donne l'exemple. Déjà, on sait que c'est un emploi qui a été... qui a fait l'objet d'une étude par la Loi sur l'équité salariale. Il me semble que ça vient déjà clarifier les affaires. Si c'est ça qu'on veut dire, un emploi analogue...

C'est parce qu'on ne veut pas se retrouver en situation de se comparer à des emplois qui seraient en deçà du travail équivalent des RSG par rapport aux éducatrices. Là, déjà, ce serait une marque, de dire: Bien là, au moins on s'en va dans des travaux qui ont déjà fait l'approbation par la commission puis qui ont déjà fait un exercice d'équité. Ça fait que c'est pour ça que notre recommandation est large, mais c'est le type d'exemple qu'on vous donne pour renforcer le projet. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les gens de la Centrale des syndicats du Québec, qui est Mme Chabot et l'équipe qui vous entoure.

Je vais à mon tour saluer ? j'ai eu l'occasion de le dire dans mes remarques préliminaires ? saluer la lutte que vous avez menée pour que l'on reconnaisse votre droit d'association et votre droit de négociation. Je pense que c'est pleinement mérité. Vous faites un travail extraordinaire auprès des enfants du Québec, mais je pense que c'est un peu de justice normale que l'on reconnaisse votre travail auprès de ces enfants-là.

Plusieurs l'ont dit au cours de ces travaux qu'au fond ce projet de loi là aurait dû être une bonne nouvelle, puisque ça vous permet d'acquérir de nouveaux droits pour lesquels vous vous êtes battus pendant de nombreuses années. Cependant, vous l'avez dit dans votre présentation, on ne comprend pas la volonté du ministre de profiter de cette loi-là pour diviser les centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs. Et plusieurs sont venus nous le dire, que ce soit l'Association des cadres, l'AQCPE, la CSN, la CSQ aussi: on a l'impression que plus on avance dans les travaux de cette commission plus le ministre est isolé sur cette question-là.

Moi, j'aimerais savoir ? je l'ai posée à d'autres groupes: Est-ce qu'au cours des négociations avec le Conseil du trésor le Conseil du trésor a évoqué avec vous la possibilité de séparer les centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs? Est-ce que ça a fait l'objet de négociation, de discussions, ou vous en avez pris connaissance au moment où le projet de loi a été déposé, le 13 mai dernier?

Mme Chabot (Louise): Dans le cadre des pourparlers ? je vais corriger le terme ? ...

M. Girard: Oui, oui.

Mme Chabot (Louise): ...effectivement, les pourparlers ont porté... Puis d'ailleurs on a bien apprécié faire part de ces pourparlers essentiellement sur le jugement Grenier et les droits qu'on devait retrouver dans les dispositions législatives. Ça fait que jamais il n'a été question de toute la question de la loi des services de garde et de notre modèle de services de garde. Et effectivement ça semble faire la belle unanimité contre.

Puis, si on veut que ce projet de loi demeure une bonne nouvelle pour tout le travail qui a été fait, c'est un peu ça qu'on dit, là... On pourrait argumenter de ce pourquoi ça n'a pas de bon sens... Et, pour ne pas faire perdre de vue l'essence, je pense que la sagesse des parlementaires de se retrouver... de retirer ces articles-là, 77, 78 ? il y en a peut-être un autre, là ? puis de se consacrer à l'essentiel de la lutte puis du résultat de la lutte, c'est notre... Puis on pense qu'il n'y a vraiment pas d'avantage. Laissons le temps à ce qu'on a mis en place de faire son oeuvre. Puis, si on regarde notre réseau, il a été pas mal bouleversé avec le projet de loi n° 124, ça fait juste trois ans. Même nous, on vous plaide que l'intégration des deux missions... je pense qu'au global ça sert plus l'ensemble.

Mais je crois que je vous ai dit ça: Ça ne peut pas être juste sur du papier. Travailler à l'intégration puis travailler à ce que le monde se reconnaisse, il faut que ça se fasse en pratique aussi. On a aussi, des fois, des témoignages de nos RSG, qui ne se sentent pas totalement considérés. Mais, tu sais, ce n'est pas encore fait. Mais ce n'est pas parce qu'il y a ces difficultés-là qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain puis faire une scission dans le modèle. Mais ça, je pense que c'est l'élément que je vous disais qu'il faisait une ombre au tableau dans le projet de loi. Puis, si on veut que ça demeure une bonne nouvelle, je pense que... et qu'on puisse agir rapidement, c'est notre revendication de retirer ces articles.

n (13 heures) n

M. Girard: Vous avez donc un peu le sentiment qu'on est en face d'une espèce de... de deux projets de loi distincts qui ont été mis dans le même projet de loi, et qu'on a ajouté, à la fin, des articles qui ne concernent pas le droit d'association et le nouveau régime de négociation.

Est-ce qu'à ce titre-là vous souhaiteriez que ces articles-là soient retirés du projet de loi pour qu'on puisse faire un travail comme parlementaires et améliorer les conditions ? droit d'association, régime de négociation ? pour les travailleuses en services de garde en milieu familial? J'entends bien votre message.

J'aimerais revenir sur la question du retrait préventif. Vous nous dites, à la page 12 de votre mémoire, que, tels que formulés, les articles 57, 107 et 110 du projet de loi créent un vide juridique, et vous allez même jusqu'à affirmer que ça ramène les RSG dans la même situation que sous la loi n° 8, et que c'est donc inconstitutionnel, et que c'est contraire à la Charte des droits et libertés puis à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ça va, dans le fond, à l'encontre même du jugement Grenier. Je voulais vous donner l'occasion de revenir sur ce sujet-là parce que je pense que c'est un point qui est extrêmement important pour vous et les travailleuses que vous représentez.

Le Président (M. Kelley): Mme Casavant.

Mme Casavant (Danielle): En fait, le retrait préventif est prévu dans la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles. Cependant, il renvoie à la Loi sur la santé et la sécurité du travail quant à son application, l'indemnité de remplacement de revenu, etc., et donc, pour s'en prévaloir, il faut se qualifier comme salarié au sens de cette loi-là, et toute l'acquisition des droits passe ou passait par être salarié ou non, parce qu'au Québec c'est la porte d'entrée à l'exercice des droits. Le projet de loi, il nous sort de cette logique-là de salarié ou d'autonome. En fait, il crée une espèce de statut hybride, puisqu'il conserve le statut autonome des RSG pour une bonne part, mais par contre il transpose des droits qui normalement sont reconnus aux salariés.

Avant le projet de loi, la CSST a reconnu l'admissibilité de ces travailleuses-là au régime de retrait préventif. Autrement dit, la CSST, considérant la façon dont le métier est exercé, comment il est supervisé, etc., a considéré qu'aux fins d'application de la loi, sur cette question-là, elles étaient des salariées. Les bureaux coordonnateurs ont multiplié les contestations en prétendant ne pas être les employeurs, ce qui, dans les faits, a privé les RSG qui demandaient le retrait préventif de trois semaines, et c'est une problématique à laquelle notre organisation a sensibilisé le ministre, les gens du Conseil du trésor avec qui on a eu des travaux de consultation, et toujours on nous a dit: La question du retrait préventif, on va la régler. Bon.

Il est prévu dans le projet de loi qu'on mette sur pied un régime miroir, que M. le ministre a évoqué tantôt. Par contre, il est prévu que la loi santé et sécurité ne s'applique pas. Il y a un autre article, le 110, qui dit que cet article-là, 107, entre en vigueur au moment de la présentation du projet de loi. Alors, le moment de présentation du projet de loi, si ma mémoire est bonne, c'est le 13 mai, et l'entrée en vigueur du règlement est inconnue. Or, le 13 mai, le 14 mai, normalement, une RSG pouvait faire sa demande de retrait préventif, la CSST l'aurait déclarée admissible. Il aurait fallu se battre pour les trois semaines, là, comme on le fait. On a toute une série de dossiers dont les audiences vont commencer bientôt. Là, ces femmes-là se voient privées d'un régime jusqu'à ce qu'on adopte un règlement, règlement, là, dont on ne connaît pas les fondements.

Dans les travaux de consultation, on nous avait dit que le régime qui était mis en place par la loi prévoirait l'IRR, les conditions, etc., puis que le règlement prévoirait les modalités d'exercice, qui est le cas d'un règlement, habituellement. Donc, ce n'est peut-être qu'un problème technique, mais ce qu'on vous soumet, c'est que, d'ici l'adoption du règlement, il y a un vide, il y a des femmes qui n'ont plus accès à la loi santé et sécurité du travail et il y a probablement un litige quant à celles qui ont débuté une période, parce que le projet de loi ne dit pas que la LSST cesse de s'appliquer, il dit qu'elle ne s'applique pas. C'est toutes les questions juridiques, là, d'effet immédiat des dispositions, portée rétroactive, etc., mais...

Alors, concrètement il y a une perte de droits pour un certain temps. C'est comme s'il fallait qu'elles passent par ça pour obtenir le droit. Ça nous apparaît un recul non nécessaire, là, et il y a moyen de prévoir que la loi cesse de s'appliquer à l'entrée en vigueur du règlement, par exemple.

M. Girard: Je vais permettre à mes collègues qui ont eu l'occasion de participer à l'étude du projet de Loi sur l'équité salariale... Ils ont quelques questions là-dessus. Alors, la députée de Marguerite-D'Youville et la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames messieurs. Ça me fait bien plaisir de vous revoir. Vous comprendrez sûrement que, comme on vient de voter unanimement, à l'Assemblée nationale, le projet... la loi n° 25 sur le maintien de l'équité salariale, qui a pris racine, bien sûr, dans l'application de... l'évaluation qu'on a faite de l'application de la Loi sur l'équité salariale, des constats qu'on a faits au niveau des employeurs manquants, quant à l'évaluation, et l'importance de faire en sorte que toutes les femmes au Québec en milieu de travail puissent bénéficier de cette équité salariale, vous comprendrez donc conséquemment qu'à la page 13 de votre mémoire le point 3.3 a attiré mon attention et sûrement celui de ma collègue. On dit que «le gouvernement propose [...] un mécanisme de rétribution juste et équitable assujetti à la négociation entre les parties». Et on sait que l'équité salariale, ça ne se négocie pas, c'est un droit. C'est un principe qu'on a défendu pour l'obtention de la loi et pour l'obtention du maintien.

Moi, j'aimerais vous entendre sur le manque de moyens, je dirais, en tout cas dans le projet de loi actuel, pour faire en sorte que les femmes puissent atteindre ce qui est appelé une rétribution juste et équitable. Comment vous voyez que les travaux pourraient être menés pour faire en sorte que les femmes du réseau des services de garde, particulièrement celles en milieu familial, puissent, elles aussi, être considérées comme des travailleuses qui ont droit à l'équité salariale, donc à la juste reconnaissance de la valeur de leur travail? La valeur de leur travail est reconnue socialement, la valeur de leur travail est reconnue par les parents, la valeur de leur travail est reconnue par les parlementaires, est reconnue par notre société. Et on le voit quand il y a des revendications, comment les intervenantes en milieu familial, les réseaux des services de garde sont soutenus par la population. C'est un apport incroyable et très important, essentiel, je dirais, au mieux-être de nos jeunes qui, par le biais de vos interventions, vont chercher des acquis importants quant aux mesures d'apprentissage et tout ce qui entoure votre action quotidiennement auprès d'eux. Donc, la valeur de ce travail-là, il n'est pas discutable. Cependant, il ne doit pas faire les frais que des discours; on doit donner des moyens pour que ce travail, la valeur de ce travail soit reconnue.

Et j'aimerais vous entendre sur... que vous développiez un petit peu plus. Comment vous voyez la suite des choses pour en arriver à la reconnaissance de ce travail?

Le Président (M. Kelley): Mme Chabot.

n (13 h 10) n

Mme Chabot (Louise): Merci. Je n'ai pas de doute sur cet aspect de votre question ni du travail qui a été fait, je tiens à le souligner, dans ce dossier-là, par vos activités passées et récentes.

Bien, écoutez, on a... C'est sûr qu'idéalement, là, la Loi d'équité salariale s'applique. Cependant, en raison du statut puis du nouveau régime de relations de travail, on comprend que, telle qu'on connaît, la Loi de l'équité salariale ne s'appliquera pas. Ces femmes-là, en même temps, elles n'ont jamais pu négocier de salaire, elles n'ont jamais pu avoir une reconnaissance de la valeur de leur emploi, parce que leur salaire est... c'est la subvention des parents... la subvention du gouvernement puis la contribution, à moins de... Puis on a démontré, même, en cour, que le revenu net d'entreprise, à terme, ça pouvait être 15 000 $ à 16 000 $ annuellement. Ça fait que, là, vous comprendrez qu'il y a un enjeu majeur, là, à faire en sorte que la rétribution soit augmentée.

Mais, pour nous, qu'elle soit augmentée, ce n'est pas sur n'importe quelle base. Et effectivement, dans le mécanisme ? là, je parlais des emplois analogues ? si on pouvait préciser dans les emplois... c'est parce qu'on ne l'a pas précisé dans notre recommandation, là, mais dire que, s'il y a un emploi analogue ou comparable, qu'on prenne un emploi qui soit déjà évalué à l'équité salariale. On était dans la méthodologie aussi. On se dit: On va s'inspirer, mettons, des quatre grands facteurs de la loi, qui sont les qualifications, l'expérience, les conditions de travail et l'effort... pas l'expérience, mais ce n'est pas grave. Donc, tu sais, déjà, c'est des indices. C'est à partir de ces... Après ça, les outils... Bien, selon la taille de l'entreprise, puis tout ça, de toute façon... Mais il faut s'assurer que...

C'est ce qu'on veut dire par les principes de... Nous, en tout cas, dans la façon dont on voit le mécanisme puis, si la loi pouvait être renforcée pour inscrire ça, bien, je pense que ça vient nous donner un guide. Je veux dire, on ne pourra pas négocier n'importe quoi puis trouver un mécanisme de rétribution qui soit discriminatoire. Dans nos travaux, de part et d'autre, on doit s'inspirer de ce qui est dans la Loi de l'équité salariale. Puis on ne voyait pas ça comme un moins, le fait que ça va avoir un arbitrage sur ces questions-là, là, ce qui n'existe même pas actuellement, même en équité salariale.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Kelley): J'ai besoin d'un consentement parce que, malgré le fait que Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est membre de la commission, elle est remplacée, donc elle n'est pas membre pour la séance. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour permettre à Mme la députée de poser une question?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci. Merci, Mme le Président. Écoutez, j'aimerais qu'on me réponde à une question qui me semble être la question, en tant que telle, qui fait litige. Quel lien y a-t-il, selon vous, entre la division des CPE et des BC, la détermination d'une rétribution juste et équitable et l'application de la Loi sur l'équité salariale?

Mme Chabot (Louise): Bien, en tout cas, au niveau de la séparation des BC avec le jugement Grenier, moi, je peux vous dire qu'il n'y a aucun lien. Sur le reste, je vais laisser Mme Casavant répondre.

Le Président (M. Kelley): Mme Casavant.

Mme Chabot (Louise): Mais je pense qu'il n'y a pas lieu...

Mme Casavant (Danielle): Oui. Bien, il y a une volonté claire de sortir tout ce qui peut s'apparenter à un employeur, la fonction des BC, puis on pourrait ensuite entrer dans des considérations très techniques, là, sur la définition de «travailleur autonome» prévue dans la Loi sur l'équité salariale et qui réfère à quelqu'un qui exerce ses activités pour une seule personne puis exerce des activités similaires à celles des autres employés de cette personne. Si le BC n'a pas d'autres employés, ça ferme l'accès à la loi d'équité, ça met la ceinture, les bretelles et le velcro. Mais on n'a jamais discuté de ça, c'est une impression que ça dégage. On n'a pas voulu présumer de cette intention-là, mais, quand on lit les définitions, ça ressemble à ça.

Mme Poirier: Selon vous, la liste des matières négociables inclut-elle l'équité salariale? Et, si oui, est-ce qu'on s'en va vers un régime un peu comme au fédéral?

Mme Chabot (Louise): À notre avis, elle inclut la négociation d'une rétribution juste et équitable mais pas l'équité salariale. Je pense que la distinction entre... Là, je pense que la distinction est claire, vous avez tout à fait raison. La Loi de l'équité salariale, ce n'est pas un objet de négo, mais, dans ce qui est devant nous, cette loi-là ne s'appliquera pas, puis il y a un article qui le précise clairement. Est-ce que, parce que ce n'est pas ça puis ce n'est pas ce qu'on aurait souhaité, qu'on va décider de faire une bataille là-dessus? Bien, moi, je pense que... Laissons... Prenons acte de ce qui est là en termes de mécanismes de rétribution, qui est déjà un grand pas, puis, si, en cours de route, on s'aperçoit que, pour déterminer une rétribution qui soit juste et équitable par rapport à d'autres travailleurs, qu'il y a des éléments discriminatoires qui, en cours de route, font en sorte que ça vient faire dévier la vraie valeur de leur emploi, puis on les... ? je n'ose pas dire le mot parce que ça fait péjoratif ? puis on les compare...

Je l'ai dit tantôt, là, des fois, on a encore beaucoup de préjugés puis de stéréotypes sur la valeur de ces emplois-là puis on les considère comme des gardiennes. Elles gardent des enfants, hein? Quand elles font du ménage, bien, ce n'est pas grave, il faudrait qu'elles en fassent pareil parce que ça vit chez eux. Si elle a à préparer des repas ou à faire du lavage, ce n'est pas pire d'en faire trois brassées qu'une, tu sais. Il y a tout ce stéréotype-là, ces préjugés-là qui ont été entretenus à l'égard de personnes qui donnent des services éducatifs à la moitié, presque la moitié de nos enfants. Mais, quand on parle de rétribution juste et équitable, on n'a certainement pas l'intention d'aller négocier avec un emploi qui serait moindre que la valeur... Puis ça, je pense qu'en temps et lieu il y a toujours moyen, mais je pense que, là, ce qu'on est prêts à faire aujourd'hui, c'est dire: Donnons la chance au mécanisme, mais renforçons-le pour s'assurer que ça s'inspire des principes.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Merci. M. le député de Gouin.

M. Girard: La CSN, dans la présentation qu'elle nous a faite un peu plus tôt, proposait que l'on introduise un arbitrage neutre et indépendant en cas d'impasse pour le volet de l'équité salariale. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

Mme Chabot (Louise): Bien, tel quel, écoutez, honnêtement, on ne l'a pas abordé, là, dans notre mémoire. Si c'était ajouté, tu sais, je pense que ce n'est pas... ça peut être une bonification qui serait là, on n'a pas d'objection, là, dans ce sens-là.

M. Girard: Allez-y.

Le Président (M. Kelley): Mme Casavant.

Mme Casavant (Danielle): Au cours des travaux de consultation menés par le gouvernement, nous avons toujours insisté sur l'importance, pour nous, que la Loi d'équité salariale s'applique. Il arrive un moment où on a dit: Si vous jugez qu'elle est difficilement applicable pour toute une série de considérations, établissez un mécanisme qui compense, qu'on n'arrive pas au bout avec une perte du droit à l'égalité. Alors, s'il y a des choses qui sont non adaptées compte tenu de la nature du travail, etc., faites-en la démonstration et compensez adéquatement. Alors, l'esprit du texte, c'est un peu celui-là, alors des mécanismes qui font qu'on compense adéquatement puis qu'on arrive à l'équité. Ça va?

M. Girard: Vous avez le sentiment qu'à l'heure actuelle, dans le projet de loi, ce n'est pas le cas, tel que formulé?

Mme Casavant (Danielle): On ne le sait pas.

M. Girard: O.K.

Mme Chabot (Louise): Tel que défini, en tout cas, ça ne nous donne pas ces garanties-là.

M. Girard: Tel que défini. Vous souhaiteriez que ce soit précisé par le législateur.

Mme Chabot (Louise): C'est pour ça qu'on a fait une recommandation précise, quand on dit: Il y a quatre éléments sur lesquels... Celui-là en fait partie. On pense qu'il peut être renforcé de principes, de valeurs ou de compensations, de compensations ou de mécanismes comme... C'est ça qu'on vise, là.

M. Girard: Vous nous indiquez aussi... À l'annexe I de votre mémoire, où vous abordez la question des éléments du Code du travail à transposer, vous faites aussi référence, comme l'a fait un peu plus tôt la CSN, au fait d'«amender les articles 63 à 68 de manière à transposer les amendes prévues au Code du travail». Est-ce que vous avez le sentiment aussi que les amendes prévues dans la loi n° 51 sont plus fortes que celles actuellement prévues dans le Code du travail?

Mme Chabot (Louise): Elles le sont, c'est clair. Elles le sont tellement qu'on s'est dit: Écoutez, à certains endroits... Vous connaissez tous la loi n° 42... le projet de loi n° 42 ou la loi n° 43, là. Je pense que ça ne mérite pas des amendes de cette nature-là. Ça, c'est très clair. Puis on demande d'avoir les dispositions du code, là. Je peux laisser Danielle... Je pense que c'est... Les pouvoirs de sanction, les amendes sont trop sévères par rapport à... Puis la définition aussi, là, qu'on trouve importante, de l'«action concertée», là.

Une action concertée, tu sais, tu peux avoir des... Un, tu peux avoir des... tu peux te faire couper tes subventions si tu fais la grève, tu fermes ton service ou tu le diminues. Mais est-ce qu'on peut avoir des sanctions puis des amendes si élevées si tu décides de faire une pétition, là? Peut-être que j'exagère, là, mais je ne suis pas loin, là.

n (13 h 20) n

M. Girard: Lors des échanges avec le Conseil du trésor, que vous avez eus au cours des derniers mois, est-ce que ça a été évoqué, ça, le fait qu'il y aurait des amendes prévues plus fortes que celles au niveau du Code du travail, ou vous en avez pris connaissance quand le projet de loi a été déposé par le ministre, le 13 mai dernier?

Mme Casavant (Danielle): Les dispositions pénales n'ont jamais été évoquées au cours des travaux; le principe général de transposition du code, oui. Il y a... Les éléments que nous mettons là avaient été évoqués comme devant être transposés, pour la plupart; ils ne l'ont pas été. Puis la question des sanctions pénales n'a jamais été évoquée, et, oui, elle s'apparente davantage aux sanctions pénales qui sont prévues dans les lois spéciales qui mettent fin aux négociations dans le secteur public, puis là on s'adresse à un groupe de travailleuses qui n'ont pas l'expérience de la négociation, et on se comporte à leur égard comme si elles avaient un historique de défiance des lois du Québec, là. C'est assez particulier. Alors, on dit: L'esprit, c'était de transposer le Code du travail, on doit le faire, pas plus sévèrement puis pas moins.

Mme Chabot (Louise): Je compléterais en disant que c'est à la lecture de l'ensemble du projet de loi... Parce que, lors des pourparlers, c'étaient plutôt des textes... des intentions législatives. À partir du moment où on a un texte législatif... Puis je pense que l'ensemble des éléments qu'on vous soumet aujourd'hui, à l'ensemble, c'est des éléments qui ont été transmis de notre côté aussi, à l'attention du ministre et des légistes.

M. Girard: Je vous ai bien compris. Comme bien d'autres groupes qui sont...

Le Président (M. Kelley): Dernière...

M. Girard: ...qui sont venus nous rencontrer dans le cadre de ces consultations, vous avez eu, comme bien d'autres groupes, plusieurs surprises à la lecture du projet de loi. Merci.

Mme Chabot (Louise): C'était le défi.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup à Mme Chabot, représentant la Centrale des syndicats du Québec.

Sur ça, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, dans cette même salle, et on va essayer de trouver des chaises additionnelles à côté. Merci beaucoup, bon appétit.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

 

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales est prête à reprendre ses travaux.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): S'il vous plaît! Mesdames et messieurs, s'il vous plaît! Je vous rappelle le mandat de la commission: la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi sur la représentation de certaines personnes responsables d'un service de garde en milieu familial et sur le régime de négociation d'une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives.

On a trois témoins cet après-midi: la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante à 15 heures, le Conseil de la famille et de l'enfance à 16 heures et Mme Nancy Neamtan à 17 heures. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à reconnaître notre premier témoin, la représentante de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Mme Audrey... Azoulay?

Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Azoulay (Audrey): Azoulay.

Le Président (M. Kelley): Azoulay. Vous avez un droit de parole d'une dizaine de minutes, avec une certaine souplesse du président, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Mme Azoulay (Audrey): Merci, M. le Président. Messieurs, mesdames, membres de la Commission des affaires sociales, mon nom est donc Audrey Azoulay, je suis analyste principale des politiques à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

D'abord, laissez-moi vous présenter très brièvement la FCEI. Il s'agit d'une organisation non partisane qui représente exclusivement les opinions et les préoccupations de 105 000 PME au Canada, 24 000 au Québec, dans tous les secteurs d'activité. La FCEI représente, au Québec, 150 garderies privées subventionnées.

Une grande partie du projet de loi n° 51 traite de la représentation associative des responsables en milieu familial et leur entente collective. Ce projet de loi contient par ailleurs, en ses articles 91 et 96, des modifications législatives qui touchent le fonctionnement des garderies privées subventionnées. C'est sur cet aspect que se concentre précisément l'objet de nos commentaires aujourd'hui.

Les garderies privées subventionnées sont pénalisées par un sous-financement gouvernemental reconnu par le ministère et une rigidité réglementaire qui leur interdit de compenser cet écart de financement par l'offre ou par la tarification de services à valeur ajoutée. Cet écart de financement, dont le calcul détaillé se trouve en annexe du mémoire de la FCEI, est évalué, de manière très conservatrice, à 18,5 %. En prenant en compte, dans le calcul, les taxes foncières, les taxes scolaires, l'effet de la TPS-TVQ, l'impôt des sociétés, l'écart net de financement en défaveur des garderies privées subventionnées atteint 33,7 %.

Le gouvernement interdit à l'établissement de services de garde de tarifer plus de 7 $ par enfant, quel que soit le nombre d'heures d'ouverture de l'établissement jugé nécessaire à l'accommodation des parents. Le règlement de novembre 2008 illustre très bien l'ampleur de cette rigidité réglementaire: le ministère oblige une ouverture sur une période de 11 heures, entre 7 heures et 18 heures, alors que la subvention gouvernementale ne couvre que 10 heures de services. La loi de 2006 interdisait déjà la tarification de services enrichis au sein de la garderie. Enfin, les nouvelles conventions de subvention fixent à la place des garderies la tarification d'un certain nombre de services indépendamment du coût encouru par ces services, celui-ci pouvant varier bien sûr d'une garderie à l'autre.

Dans ce contexte réglementaire, les garderies, en particulier celles dont le modèle d'affaires s'appuie sur la qualité des services de garde éducatifs, ne peuvent tout simplement pas envisager la progression de leur activité. L'article 91 du projet de loi n° 51 cherche à mettre un point final à la réalité commerciale des garderies privées subventionnées. On apprend dans cet article, l'article, donc, 91 du projet de loi, qu'il est maintenant interdit d'inciter directement ou indirectement un parent à payer plus que la contribution fixée par règlement. Dans l'ambiguïté du terme «inciter», la FCEI comprend que le gouvernement impose aux garderies privées de renoncer à leur nature entrepreneuriale.

La FCEI défend sans détour la liberté d'entreprendre des garderies privées à l'intérieur du système de garde subventionné, et pour plusieurs raisons, d'abord parce que nous pensons que le caractère entrepreneurial et commercial des garderies privées n'est pas contradictoire avec les objectifs de la loi. Au contraire, les garderies privées permettent au gouvernement de donner une chance supplémentaire à cette universalité tant défendue et constituent ainsi un pont entre l'objectif de la loi et les capacités matérielles du gouvernement.

Deuxièmement, nous pensons que la réforme de 1997, en institutionnalisant l'aide aux familles, est la grande responsable de cette rigidité et des limites que connaît actuellement le système des services de garde, en quantité comme en qualité. J'aurai l'occasion de développer cette idée un peu plus tard.

Ensuite, parce que l'article 96 du projet de loi n° 51 rejette et annule plutôt facilement les conclusions récentes de la Cour supérieure et de la Cour d'appel. Selon les conclusions de la Cour supérieure et de la Cour d'appel, les changements d'horaire et la tarification d'heures supplémentaires qui ont été mis en application par un certain nombre de garderies privées subventionnées après le règlement de 2006, donc ces pratiques opérationnelles sont conformes à la loi. Ignorer les conclusions en changeant la loi est une méthode on ne peut plus autoritaire et montre bien comment, derrière les intentions sociales du ministère, se cache une insensibilité flagrante face aux valeurs entrepreneuriales. La sincérité du gouvernement quant à sa relation partenariale avec les garderies privées est aussi questionnable.

On est malgré tout, quand même, dans un état de droit. Il semble qu'en ignorant les décisions de la Cour d'appel et de la Cour supérieure le gouvernement envoie tout simplement le signal qu'à chaque fois que le gouvernement ne sera pas satisfait d'une décision à la Cour d'appel, bien, finalement, il va tout simplement changer la loi, et puis finalement on n'aura peut-être plus le droit de contester. Donc, c'est un petit peu autoritaire.

Revenons plus précisément sur la réforme de 1997 et sa nature. Après la réforme de 1997, les budgets de l'aide aux familles ont été déplacés d'une aide directement adressée aux familles vers des subventions venant soutenir le financement du modèle des places à 5 $. Au-delà du fait que ce transfert soit pénalisant pour les familles les plus pauvres et que les familles les mieux nanties du Québec bénéficient proportionnellement plus du modèle subventionné, remettant ainsi en cause les intentions sociales et égalitaires de la politique, cette institutionnalisation de l'aide familiale s'est accompagnée d'une normalisation du système autour d'un seul modèle de garde et d'une réduction forcée des choix des parents. Concrètement, en livrant la subvention aux établissements au lieu de la dédier directement aux familles, le ministère gère sa politique en légiférant l'offre de service de manière extrêmement stricte afin de répondre aux objectifs sociaux de la politique, alors que c'est précisément sur la flexibilité de l'offre que le gouvernement doit compter pour permettre l'évolution du système, encore une fois, en quantité comme en qualité.

Le caractère universel de cette réforme était incarné dans la faiblesse de la contribution parentale, mais la quasi-gratuité des services du côté parental n'est vraisemblablement pas synonyme d'un accès universel au système. On a en fait, d'un côté, le besoin de respecter dans une certaine mesure les possibilités financières des familles et, de l'autre, la nécessité de tenir minimalement compte de la structure de coûts associés à la livraison d'un service de garde, sans quoi l'offre publique ou privée ne peut absolument pas progresser dans ses attributs autant quantitatifs que qualitatifs.

Il faut d'ailleurs souligner qu'une politique d'éducation, puisqu'il ne s'agit pas simplement, ici, de gardiennage, ne peut être satisfaisante si elle n'est pas conçue dans l'optique de favoriser la qualité des programmes d'éducation. Il y a pourtant un réel danger que le mode de financement du système ne permettra pas, à terme, de dépasser un service de gardiennage. Un tarif plafonné est plutôt séduisant sur le plan politique, mais le gouvernement doit accepter un modèle tarifaire qui permette le meilleur arbitrage entre les possibilités financières des familles et la liberté des parents de choisir l'environnement éducatif de leurs enfants, notamment en ce qui a trait aux possibilités d'accéder à des services enrichis.

Ainsi, l'institutionnalisation de l'aide aux familles présente deux principaux effets pervers. Le premier consiste à pénaliser financièrement les familles les moins nanties, et le second rend responsables les établissements de garde de ce grand programme qui est celui de l'égalité des chances. Cette responsabilité va implicitement avec une sorte de blocage du système d'éducation à la petite enfance vers un modèle minimisé et de plus en plus coûteux, soit dit en passant, et qui se confronte naturellement avec l'idée d'une offre de services diversifiée, basée sur la diversité des besoins et des souhaits.

n (15 h 10) n

L'obstination du ministère autour de l'égalité des chances n'est pas crédible, car le modèle ne permet ni l'accès universel à un service de garde ni l'accès à un service de garde éducatif de qualité, le tout sans respecter la liberté d'entreprendre des partenaires privés. Cette obstination implique aussi que, pour éviter de pénaliser un enfant, le gouvernement préfère pénaliser tous les enfants au nom de l'égalité des chances. Il faut cependant ne pas confondre égalité et égalisation du système. Le cadre de la politique doit admettre que les services enrichis offerts par les prestataires fassent l'objet d'une demande de la part des parents. Il est également important d'admettre que cette offre de services n'est pas envisageable sans une contrepartie financière, y compris dans la livraison d'un service de garde. Et d'ailleurs, concrètement, aux propos du Procureur général du Québec, qui laissait entendre devant la Cour supérieure que le ministère n'interdisait pas aux parents l'accès à des activités optionnelles tant que les garderies les fournissaient gratuitement, permettez-nous de juger que la culture économique du ministère est plutôt faible. C'est assez déconcertant.

Par nature, la politique familiale subventionne les familles mais pas les garderies ? par nature. Au-delà de la contribution réduite, le gouvernement devrait accepter qu'il revient aux parents de décider s'ils veulent majorer cette contribution des frais reliés à un service additionnel ou à un service enrichi.

En conclusion, le sentiment de quasi-gratuité des services de garde éducatifs a suscité beaucoup d'enthousiasme. Cependant, comme le rappelait le rapport Montmarquette en mars 2008, «les services de garde à contribution réduite sont l'exemple parfait d'une politique publique dont le coût a été très mal évalué lors de sa mise en place, et dont la tarification est directement soumise à la pression politique».

La FCEI recommande: que les articles 91 et 96 soient abrogés et qu'ainsi la loi respecte les jugements de la Cour supérieure et de la Cour d'appel et permette un retour au statu quo avant la législation entrée en vigueur en 2006 ? tout évitement de ces conclusions par une réécriture de la loi est inacceptable; pour notre deuxième recommandation, qu'à défaut d'abroger les articles 91 et 96 du projet de loi n° 51, le gouvernement reconnaisse l'écart de financement défavorable aux garderies privées subventionnées et s'engage à le résorber dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission, en commençant avec M. le ministre de la Famille et député de LaFontaine.

M. Tomassi: Merci, M. le Président. Mme Azoulay, merci d'être ici. Vous allez peut-être faire consensus, parmi les deux côtés de la table, sur l'effet de votre mémoire.

Au Québec, nous avons fait le choix, en 1997, de mettre en place des services de garde à contribution réduite, la mise en place d'un programme éducatif, qui est en quelque sorte respecté, par, aujourd'hui, plus de 205 000 places de disponibles, 220 000 d'ici la fin de l'automne 2010, un rajout de 15 000 nouvelles places dans les années suivantes. Et c'est un service qui est salué non pas seulement par les familles du Québec, mais qui prend modèle à travers le monde. On peut critiquer, comme vous le faites, sur la fonction, sur le coût, en réalité, l'institutionnalisation de l'aide à la famille, comme vous le dites si bien. Au Québec, on a fait le choix d'investir dans les familles. C'est pour ça que, depuis de nombreuses années, l'aide aux familles a augmenté considérablement, et ce n'est pas une dépense, à mon avis, c'est un investissement. Et les services de garde au Québec, c'est un investissement pour les jeunes qui les fréquentent.

La liberté d'entreprise, au Québec... Puis je vous écoutais tantôt parler d'autoritaire. Si on serait dans un endroit autoritaire, vous ne seriez pas assise là, aujourd'hui, et faire votre exposé, ni les autres gens qui étaient là avant vous, aujourd'hui. La possibilité aux citoyens du Québec de venir s'exprimer lors d'un dépôt d'un projet de loi fait en sorte que la démocratie se porte mieux. Le dépôt du projet de loi est déposé, que ce soit... Des gens qui sont en faveur ou contre le projet de loi ont la possibilité de venir exposer leurs commentaires, qui vont faire en sorte que le projet de loi va pouvoir être bonifié pour qu'il soit accepté par la vaste majorité et qu'on puisse continuer à aller de l'avant avec cette aide-là.

En ce qui a trait aux garderies privées, le gouvernement du Québec a fait le choix, en 2003, de permettre... Il faut se souvenir qu'avant 2003 il y avait eu un moratoire qui avait été décrété dans l'octroi des places à contribution réduite. Le choix a été fait de permettre à des entrepreneurs privés de pouvoir ouvrir des services de garde à contribution réduite. Mais l'obligation d'avoir des places à contribution réduite, c'est de se plier à certaines conditions que tous adhérons: contribution réduite des parents à 7 $; la mise en place d'un programme éducatif et tout ce qui suit cette obligation. Si une garderie privée, aujourd'hui, désire charger plus que 7 $ à un parent, c'est son choix, c'est le choix du parent d'adhérer à cette contribution qui serait plus élevée. Il a le choix. Rien ne l'empêche de faire... qu'il puisse déposer une demande au ministère de la Famille, et la demande va être analysée comme toutes les demandes, il va devoir déposer des plans, un programme éducatif, et elle va obtenir un permis pour opérer une garderie privée non subventionnée.

Le gouvernement du Québec, lors du dernier budget, a même augmenté le crédit d'impôt admissible en services de garde à un montant de revenu familial de 125 000 $. La contribution réduite... Le crédit d'impôt permet à 125 000... à des parents qui gagnent 125 000 $ et moins... Leur participation, après les crédits d'impôt fédéral et provincial, revient à un montant de 7 $. Rien n'empêche la garderie de charger le montant qu'elle veut. Le choix qu'un entrepreneur, qu'une entreprise privée fait, au Québec, en faisant une demande de contribution réduite, c'est de suivre les règles qui ont été établies. Et les règles qui ont été établies... Puis là vous parlez de sous-financement. L'écart de financement s'est rétréci énormément. Il faut aussi dire qu'à la fin de l'année l'entreprise privée a des bénéfices qu'elle répartit à travers ses actionnaires. Elle a droit à des avantages fiscaux qu'un CPE n'a pas le droit. Tous ces éléments-là doivent être calculés.

Tantôt, il y avait la présidente de la CSQ. J'ai oublié de lui poser la question. Mais, demain matin, la responsable de garde en milieu familial, qui est travailleuse autonome, continue de garder les avantages fiscaux qu'elle a aujourd'hui en étant entrepreneur, en étant travailleuse autonome: la possibilité de déduire des dépenses de maison, des dépenses d'entretien, de téléphone, d'électricité, la commande parce qu'il y a la nourriture qui est nécessaire pour les enfants. Alors, nécessairement il y a des avantages et nécessairement il y a des inconvénients. Personne n'oblige personne à faire une demande de services de garde à contribution réduite; c'est le choix que l'entrepreneur fait. Le gouvernement lui permet de faire ce choix-là, lui permet d'offrir le service qu'il désire à la population. L'obligation que le ministère... que le gouvernement impose aux gens, c'est de dire: Si vous voulez participer au programme à contribution réduite, vous avez des obligations. Ce n'est pas un bar ouvert, là. Vous avez des obligations à respecter, et il faut les respecter.

Et, dans le jugement que vous énumérez à grands pas dans votre mémoire, si vos lisez extrêmement bien le jugement, le jugement, en quelque sorte, vient aussi donner raison au gouvernement du Québec, où est-ce que c'est tout à fait normal que le gouvernement vienne établir ce qui peut être chargé et ce qui ne peut pas être chargé. Alors, vous savez, on a eu des histoires d'horreur où est-ce que des services de garde chargeaient le papier hygiénique aux parents parce que ce n'était pas inclus dans les normes réglementaires, alors, à un moment donné, le gouvernement a fait des choix. Les choix qu'on a faits, c'est de dire: On offre des contributions réduites aux parents. Les services de garde qui veulent adhérer, c'est leur choix, là. Il n'y a pas une obligation, là. Il y a une demande à faire. Vous faites le choix, mais si vous faites le choix, vous suivez.

Et venir me dire aujourd'hui, là, que la qualité de service n'est pas présente dans le système de garde, au Québec, vous poussez un peu trop loin, je crois, parce que la qualité de service... Il n'y a pas personne qui est venu remettre en question la qualité de service des services de garde ici, au Québec, que ce soit dans une garderie privée conventionnée, que ce soit dans un service en installation, en CPE, ou à travers des responsables de garde en milieu familial. Alors, on prend un plaisir à travailler avec nos partenaires du milieu pour que cette qualité des services puisse être continuée et puisse être améliorée, parce que nécessairement on doit toujours s'améliorer. Même les gens qui sont venus nous parler, hier et aujourd'hui, ont toujours dit que la qualité, ce n'est pas quelque chose qui est statique, là, ça évolue. Il faut que ça évolue, il faut qu'on permette cette progression.

n (15 h 20) n

Le Président (M. Kelley): Des réactions, des commentaires, Mme Azoulay?

Mme Azoulay (Audrey): Merci, M. le Président. Alors, d'abord, je sais bien qu'on vit dans un pays démocratique, et on est très chanceux. Cela dit, la démocratie n'est pas toujours parfaite, et ce n'est pas... et justement la démocratie permet parfois d'être en désaccord. Donc, c'est pour ça que je suis ici aujourd'hui. Et on continue à penser qu'ignorer la décision de la Cour d'appel et de la Cour supérieure, tel que ça a été fait, on continue à penser que c'est autoritaire. Premièrement.

Deuxièmement, on ne juge pas tant les investissements, les choix, les intentions du gouvernement dans cette politique. Évidemment, les intentions sont nobles, mais... et les familles sont très contentes, mais ce n'est pas parce que les familles sont contentes que le système est viable. Et attendons quelques années avant de voir si le système québécois continue d'être un modèle comme M. le ministre l'a mentionné.

Un élément important également, c'est qu'au moment... Vous avez parlé beaucoup de choix, mais, au moment où le régime de 1997 a été proposé, a été mis sur la table, les garderies, qui étaient à ce moment-là juste privées, n'ont pas vraiment eu le choix d'adhérer. En tout cas, une grande partie n'ont pas eu le choix parce que ce qu'a proposé le gouvernement à ce moment-là, c'était que soit vous restez privées ? et là il y avait une concurrence assez difficile avec le modèle des CPE, puis ça, c'est une réalité ? soit vous devenez publiques, et alors là le gouvernement rachète les actifs des garderies, mais à des montants qui étaient jugés extrêmement bas, et donc ce n'était pas envisageable non plus, ou soit vous adhérez au système de places à contribution réduite. Donc, il y a beaucoup de garderies qui y ont adhéré.

Ensuite de ça, dans le processus législatif, là, il était bien entendu, jusqu'en 2006, que les garderies et tout... les garderies privées subventionnées étaient sous-financées mais qu'il y avait des possibilités de proposer des services enrichis pour justement pouvoir compenser ce sous-financement et faire de ces garderies privées des garderies viables. O.K.? Donc, elles n'ont pas vraiment eu le choix.

Maintenant, aujourd'hui, en 2009, sortir du système, étant donné la manière dont le marché... Permettez-moi de parler de marché, parce qu'il y a cette notion-là, toujours, dans le système. Maintenant que le marché a été structuré de cette manière-là, avec l'instauration de cette réforme-là, il est très difficile pour une garderie de sortir. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que les parents qui sont dans ces garderies-là vont devoir trouver un CPE? C'est vrai que la subvention et la politique aident les familles à avoir accès à des places de garderie. Mais maintenant, ce qu'on propose, c'est qu'elles sortent tout simplement. Ce n'est pas aussi facile que ça, maintenant que le système est structuré de cette manière-là.

Cela dit, ce n'est pas si simple que ça, mais vous remarquerez, avec les données, on l'avait mentionné, la FCEI l'avait mentionné l'année dernière, mais, lorsque vous regardez l'évolution des places de garderie, elles sont en croissance très faible pour les places subventionnées puis elles sont très élevées pour les places non subventionnées. Ça prouve bien qu'il y a quelque part, dans le système, là, un problème. Alors, je vais vous donner juste une idée, là. Entre 2004 et 2007 ? j'ai la donnée 2008, mais pas avec moi, malheureusement ? on a une croissance des places non subventionnées qui oscille autour de 30 %, alors que les places subventionnées, elles, varient entre 3 % et 0,8 %, hein, entre 2006 et 2007. Donc, on voit bien qu'il y a quand même... malgré toute la beauté du système, on voit bien qu'il y a un problème de viabilité, puis ça pousse justement à aller vers un système totalement privé et donc pas aussi universel qu'on le souhaiterait et pas aussi égalitaire qu'on le souhaiterait.

Je finirais également en disant qu'il y a quelque chose, un vocabulaire, même, encore une fois un peu autoritaire, là, parce que M. le ministre a mentionné qu'il y a des avantages, il y a des inconvénients à un système, et puis il faut se plier. O.K.? Les garderies privées ne sont pas des... subventionnées ne sont pas nationalisées, là, jusqu'ici, c'est toujours des entreprises, et que le partenariat est dans les deux sens. O.K.? Donc, il faut se plier... Je pense que c'est une question de partenariat. Dans un partenariat, il n'y a pas quelqu'un qui se plie plus que l'autre, O.K.? Donc là, il y a aussi un problème de conception par rapport à cette relation partenariale, je crois.

Et les histoires d'horreur qui ont été mentionnées, je me demande s'il y a vraiment une investigation qui a été faite sur les plaintes, parce qu'elles n'ont pas été aussi nombreuses que le ministre semble le dire. Et par ailleurs, il faut, à mon avis, faire une analyse de la nature de ces plaintes, etc. Il y a eu effectivement, peut-être, des garderies qui ont tarifé un deuxième jus d'orange, où il y a eu des abus, mais ça ne veut pas... Parce que ce n'est pas parce qu'il y a eu des abus dans certaines garderies qu'il faut jumeler tout le système. Ça, c'est un autre élément de notre position.

Ensuite de ça, au niveau de la qualité, oui, effectivement, il y a peut-être des qualités au niveau du gardiennage, mais ce n'est pas certain qu'il y a une qualité au niveau de l'éducation. Et par contre, comme vous l'avez dit, effectivement, il faut toujours la faire évoluer. Mais, à titre d'exemple, un de nos membres nous a mentionné qu'il ne peut plus faire appel à une spécialiste en théâtre qui viendrait à l'intérieur de ses locaux pour donner une activité enrichissante pour les enfants dont il a la responsabilité. C'est le genre de choses qui sont extrêmement dommages.

Le Président (M. Kelley): Merci. M. le ministre.

M. Tomassi: Oui. Bien, écoutez, ce ne sera pas long, parce que je sais qu'on ne pourra pas s'entendre sur le principe, sur le principe même, mais vous avez dit si bien ? et je le redis: Oui, c'est un partenariat, et le partenariat se fait à deux. Et le gouvernement investit des sommes importantes dans les services de garde. En retour de ce permis à contribution réduite, on s'attend à avoir un retour aussi. C'est un partenariat, c'est du donnant-donnant. Et le fait d'avoir une contribution réduite, il y a des règles et des règlements qui doivent être respectés. Et c'est ça, le partenariat, qu'il fait, hein, tout ça. Et la liberté, là... Vous l'avez, la liberté. Je ne... Il n'y a aucune demande de permis en services de garde qui est refusée, au ministère de la Famille. Si vous désirez ouvrir une garderie demain matin, vous avez la possibilité. Il y a un attachement qui est fait avec la contribution réduite.

Je vous donne un autre exemple. Le gouvernement du Québec vous octroie... Puis là j'étire l'exemple, là, mais c'est seulement pour vous dire du donnant-donnant. Le gouvernement vous octroie un permis d'alcool pour votre bar. Vous avez des obligations et des réglementations sur l'émission du permis d'alcool. Le gouvernement vous permet de vendre de l'alcool, mais vous ne devez pas vendre de l'alcool entre 8 heures et 3 heures le matin, vous devez faire en sorte que l'esprit de la loi et des règlements soit respecté. Alors, nécessairement, il y a des obligations qui viennent avec tout permis qui est octroyé. Alors, l'exemple est un peu tiré par les cheveux, là, mais c'est pour vous donner l'esprit même de ce partenariat qu'on a entre... Quand vous dites: Le partenariat n'existe pas... Le partenariat existe.

Et je ne vous convaincrai pas, puis je suis content que vous n'allez pas me convaincre, parce que je crois sincèrement au réseau de garde que nous avons ici, au Québec. Il fait l'envie de bien des gens. Et, même si vous dites: Il va falloir attendre un peu, ça fait quand même 12 ans qu'il est en place, les exemples de réussite et de bienfaits sur nos enfants se font sentir déjà, dans nombre d'institutions scolaires. Et on souhaite, avec les statistiques qui vont sortir dans les années futures... Parce qu'il faut se dire que, 1997, les enfants commencent leur école secondaire en septembre, les premiers jeunes qui sont rentrés dans des services de garde, avec tout le portrait du programme éducatif, et tout.

Mais c'est du donnant-donnant. Le gouvernement vous octroie un permis de services de garde à contribution réduite, et nécessairement il y a un retour d'ascenseur de l'autre côté, qui est celle de respecter les règles et les règlements qu'on est tous d'accord. Il n'y a pas personne qui remet ce concept-là... À moins que les gens d'en face me disent qu'on le remet en question, mais je ne pense pas qu'on remet en question ce principe de services de garde, au Québec.

Le Président (M. Kelley): Mme Azoulay.

Mme Azoulay (Audrey): Bon, bien, avec tout le respect, effectivement, vous ne m'avez toujours pas convaincue. La liberté d'ouvrir une garderie, peut-être, mais je ne vais pas l'ouvrir si elle n'est pas viable et je ne vais pas l'ouvrir, en plus de ça, si j'ai le goût, en tant qu'entrepreneur, de faire les choses bien et d'aller jusqu'au bout dans ma conception d'éducation à la petite enfance, première chose.

Donc, deuxième chose, évidemment, il y a de la réglementation...

M. Tomassi: Je veux seulement... Vous dites: Vous n'ouvrez pas parce qu'elle n'est pas viable. Vous m'avez dit tantôt une statistique pour me démontrer que le nombre de garderies non subventionnées augmente plus rapidement que les places à contribution... non subventionnées. Alors, tu sais, c'est un parallèle qui semble...

Mme Azoulay (Audrey): Bien oui, parce que les parents n'ont juste pas le choix, et ils vont forcément payer.

M. Tomassi: Bien, ça veut dire...

Mme Azoulay (Audrey): Ils vont forcément payer.

n (15 h 30) n

M. Tomassi: Ça veut dire nécessairement qu'ils doivent être viables, s'il y en a plus qui rouvrent.

Mme Azoulay (Audrey): Bien, oui, mais parce que les tarifs sont relativement élevés et puis, les parents, il faut bien qu'ils aillent travailler. Je veux dire... D'accord, il y a... l'équation est plus complexe que ça.

Alors, bon, par ailleurs, oui, effectivement il y a des... juste pour continuer sur mon commentaire, ce n'est pas parce que la réglementation, comme par exemple les permis d'alcool, sont là pour protéger le public et ont des raisons d'être tout à fait justifiées et justifiables, que toute la réglementation n'est pas contestable encore une fois, d'accord? Donc, il y a des règles, puis il y a des règles qui sont mal faites, et c'est pour ça que je suis ici aujourd'hui.

Et puis, dernière chose en ce qui concerne la qualité, en ce qui concerne la viabilité du système. La littérature ne confirme pas le fait que ce soit un modèle. Il y a plusieurs failles dans le système qui sont mentionnées dans la littérature. Je pourrais notamment mentionner l'idée de l'universalité, d'accord, celle sur quoi se base ce système. Ça ne va pas être viable. Il y a 50 % des enfants qui bénéficient d'une place à contribution réduite, là. Donc, déjà, on n'a pas atteint notre objectif.

Au niveau de l'égalité également, là, aussi qui est très... qui est mis au coeur du système. Bon, bien on n'y croit pas non plus puisque les garderies non subventionnées... pardon, les garderies subventionnées ont un financement moindre que dans les CPE et, finalement, les enfants dans les CPE bénéficient d'un système... d'un service qui est peut-être plus adéquat et moins stressé, je dirais. Alors, là aussi je ne suis pas certaine que le système est crédible dans la défense de ce principe d'égalité. En tout cas.

Donc, voilà pour mes commentaires.

M. Tomassi: Ça va être tout.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à Mme Azoulay. J'ai lu avec attention votre mémoire et écouté votre présentation, et il y a des passages de votre mémoire qui m'ont fait sursauter, troublé même. Je pense notamment à la conclusion de votre mémoire, dans lequel vous dites:

«L'obstination du ministère autour de l'égalité des chances n'est pas crédible car le modèle ne permet ni l'accès universel à un service de garde, ni l'accès à un service de garde éducatif de qualité, le tout sans respecter la liberté d'entreprendre des partenaires privés.»

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le livre de Luc Godbout et Suzie St-Cerny, dont le titre est Le Québec, un paradis pour les familles?. Ils posent la question sous forme interrogative, le ministre est allé un petit peu plus loin au salon bleu, en disant que c'était sous le Parti québécois que le Québec est devenu un paradis pour les familles...

M. Tomassi: ...il le dit, mais...

M. Girard: ...mais ce n'est pas l'objet de la discussion aujourd'hui. Je le remercie quand même pour ses bons mots. Mais je veux vous citer... Je veux vous citer quand même des passages du livre. Je me permets donc... Ce sont de chercheurs qui ont fait des analyses, je pense, qui sont fort intéressantes et rigoureuses. À la page 214 et 215 du livre, on peut y lire ce qui suit:

«On ne peut donc passer sous silence les retombées positives sur le marché du travail de la généralisation des services de garde à contribution réduite. On note particulièrement une hausse du taux d'emploi des femmes de 25 à 44 ans. Ces femmes, les plus nombreuses à avoir de jeunes enfants, ont vu leur taux d'emploi passer de 70,3 % en 1998 à 79,3 % en 2007. Une hausse de neuf points de pourcentage en moins de 10 ans, c'est considérable. D'autant que cette hausse est plus de deux fois supérieure à l'augmentation du taux d'emploi des femmes ontariennes du même groupe d'âge. Résultat: pour la première fois, le taux d'emploi des Québécoises entre 25 et 44 ans dépasse le taux d'emploi des Ontariennes.»

Et un petit peu plus loin dans le livre, encore à la page 215, on indique que «l'OCDE souligne également le lien évident entre le travail et la pauvreté des enfants, où la pauvreté infantile est environ trois fois plus probable dans les familles monoparentales sans emploi, que parmi celles où le parent travaille, ainsi que dans une famille biparentale où un seul parent travaille, en comparaison avec une famille à deux revenus. Et l'auteur ajoute: «La généralisation des services de garde a contribué, ce faisant, à favoriser l'emploi et à faire reculer la pauvreté des familles avec enfants.»

Et il y a un texte qui a été publié, un article dans le journal La Presse, le 16 novembre 2008. Le titre, c'était CPE: une mine d'or pour les femmes. Et je vous en cite quelques extraits qui sont, je pense, fort significatifs. Il y a notamment l'économiste Pierre Lefebvre, qui est auteur d'une série d'études sur la présence des mères sur le marché du travail, qui dit: «Évidemment, il ne s'agit pas du seul et unique facteur, mais la création des garderies à contribution réduite a été l'un des points déterminants de l'arrivée en masse des femmes sur le marché du travail.»

Et le texte indique: «C'est grâce à la création des garderies à 5 $, que Nathalie Fontaine a pu retourner aux études, une fois son diplôme en poche, se trouver un emploi dans un CPE ? on indique ? Selon cette mère de quatre enfants, et je la cite: "Il aurait été totalement impossible" à sa famille de se payer le luxe d'un service de garde dans l'ancien système.» Je la cite à nouveau: "Mon partenaire gagne 11 $ de l'heure et, avant d'avoir mon deuxième enfant, j'étais caissière chez Métro. L'existence des garderies à 5 $ m'a donné les moyens de retourner aux études." Et elle ajoute: "Avec les enfants en garderie, il y a deux salaires. Nous allions pouvoir joindre les deux bouts beaucoup plus facilement, c'est ce qui m'a poussée à retourner au travail."»

Je vous cite ensuite Mme Brigitte Aubé, qui est directrice du CPE Le Jardin charmant, d'Hochelaga-Maisonneuve, dans un quartier défavorisé de Montréal, elle dit: «Sur le terrain, on observe que l'arrivée des CPE a favorisé l'accès à l'emploi.» Elle dit qu'elle a «une grand partie de la clientèle de ce CPE est allophone». Et elle ajoute: «Le faible coût du service permet notamment aux mères immigrées de mieux s'intégrer. Pendant que l'enfant s'intègre ici, plusieurs d'entres elles suivent des cours de francisation et finissent par gagner le marché du travail.»

Alors, moi, j'aimerais savoir: Comment pouvez-vous affirmer, dans votre mémoire, que l'obstination du ministère autour de l'égalité des chances, ce n'est pas crédible, et que ça permet... ni l'accès à un service de garde éducatif de qualité? Alors, moi, je ne comprends pas quand vous affirmez de telles choses, alors qu'il y a des études... et ce n'est pas moi qui l'affirme, là, ce sont des chercheurs réputés qui en viennent à la conclusion que les CPE, c'est une mine d'or pour les femmes, que ça fait du bien à des enfants de milieux défavorisés.

Mme Azoulay (Audrey): Alors, premièrement... Bon. Je soupçonne d'ailleurs que, dans les statistiques que vous avez mentionnées sur la participation des femmes sur le marché du travail ne soient pas aussi un effet de rattrapage. Et puis je ne mettrais pas tout le mérite sur les CPE, quant à la possibilité... quant au baby-boom et puis quant aux différents éléments de succès qui sont mentionnés autour de la politique familiale.

Également, il faut savoir que c'est 50 % des enfants qui ont accès à un service de garde, ce n'est pas 100 %, et que, lorsqu'on regarde la proportion des enfants qui ont accès à un service de garde subventionné, bien, cette proportion diminue depuis 2006. Donc, peut-être que le modèle, d'un point de vue architectural, est très séduisant, puis il a l'air tout à fait égalitaire et va dans le sens de la politique familiale, mais il semble que le système ait des limites.

D'ailleurs, Pierre Lefebvre, que vous avez mentionné, est aussi celui qui a écrit un papier ? que je n'ai pas malheureusement avec moi, mais j'ai des notes ? et qui fait la liste des failles du système. Il parle d'abord d'un manque de transparence, il n'irait pas dans les détails. Il parle également que le modèle, justement, est très normalisant, hein, tout le même modèle pour tous les enfants, alors qu'il y a toutes sortes de besoins atypiques. Ça fait partie des critiques.

Il parle également d'inéquité pour les parents les plus pauvres qui n'ont peut-être pas besoin de services de garde mais qui n'ont plus l'aide familiale, l'allocation familiale qui leur a été délivrée avant 1997. Il parle, encore une fois, du biais en faveur des familles les mieux nanties, qui ont accès au tarif à 7 $. Il parle également des enfants vulnérables qui auraient des besoins particuliers, puis là ce n'est pas du tout pris en compte dans le système. Il parle de la médiocrité de la qualité également. Il la questionne en tout temps.

Donc, tout ça pour dire que vous avez raison, le système a quelque chose de séduisant, mais il a de nombreuses failles. Donc, voilà comment je répondrais.

n(15 h 40)n

M. Girard: Oui. Ce n'est pas juste séduisant, là, c'est que ça a des effets concrets sur beaucoup d'enfants de milieux défavorisés. Ça favorise la socialisation et le développement de l'enfant. Résultat: ceux-ci sont mieux préparés pour rentrer à l'école, et ça a un impact déterminant dans des milieux plus défavorisés. Donc, au contraire, ça favorise l'égalité des chances puis ça permet, entre autres, à des jeunes mamans ou jeunes papas de milieux défavorisés d'avoir accès au marché du travail, d'améliorer leur sort. C'est ce que les études que je viens de vous citer révèlent.

Alors, je ne comprends pas comment vous pouvez tirer des conclusions qui vont à l'encontre de tout ce qui se dit au Québec. Écoutez, le modèle des centres de la petite enfance, là, il y a bien des pays dans le monde qui nous envient. Puis, peu importe quel parti nous représentons à l'Assemblée nationale, les 125 députés, là, nous avons des histoires dans nos comtés de parents qui, grâce aux CPE à 5 $, là, qui sont maintenant à 7 $, ont pu améliorer leur sort. Il y a des enfants qui avaient des difficultés, et qui avaient besoin d'une aide ou d'un soutien particulier, qui ont pu bénéficier de l'aide d'un centre de la petite enfance ou d'un service de garde en milieu familial.

Donc, moi, je vous invite amicalement à consulter un peu plus de parents et lire un peu plus d'études sur les impacts des services de garde à 7 $, et j'ose espérer que la prochaine fois qu'on se reverra vous aurez sans doute une image un peu plus positive de ces effets bénéfiques pour les enfants et les parents du Québec.

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Azoulay (Audrey): Bien, moi, j'inviterais réciproquement le député de lire également des études, qu'il voie aussi le programme sous un autre angle. Donc, effectivement, il y a des avantages, les statistiques le montrent très bien, mais il y a aussi des désavantages, puis l'effet net, bon, il reste peut-être positif, du point de vue du gouvernement, mais il ne l'est pas du point de vue des entreprises et de la liberté d'entreprendre. Et ça nous semble important, et c'est pour ça que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est ici.

Et aussi, contrairement à ce qui a été mentionné, la FCEI ne s'oppose pas à tout ce qui s'est dit, O.K.? Elle mentionne que le principe d'égalité, tel que défendu par le ministère, n'est pas crédible parce qu'on est tellement sur cet objectif que le système oublie que le vrai objectif, c'est d'abord la conciliation travail-famille, c'est aussi l'éducation des enfants, que ce principe d'égalité là, il est d'abord utilisé dans un contexte où on dit que, si un enfant n'a pas accès à un service enrichi, bien, ce n'est pas normal; il faut que tous les enfants aient accès au même service enrichi. Nous, là, où on dit que ce n'est pas crédible, c'est qu'afin d'éviter de pénaliser un enfant, bien, le système pénalise tous les enfants. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que les garderies privées subventionnées, même à l'intérieur du système subventionné, et pourquoi pas les CPE, puissent offrir des services enrichis. Ça implique parfois des coûts; malheureusement, c'est une réalité qu'il faut savoir respecter. Si les parents les souhaitent, pourquoi pas?

Et il y a une contradiction d'ailleurs dans la conception de l'égalité, là, du ministère, qui dit qu'on n'a pas droit d'offrir des services enrichis à l'intérieur de la garderie privée subventionnée, mais, par contre, on a le droit d'offrir des services à l'extérieur ? d'accord? ? mais c'est au choix des parents. Puis si le parent ne choisit pas cette sortie à l'extérieur, ce n'est pas grave, l'enfant reste à l'intérieur de la garderie. Bien là, je veux dire, c'est exactement la même chose qu'ils critiquent lorsqu'une garderie privée offre un service enrichi à l'intérieur de ses murs et dont tous les enfants ne bénéficient pas.

Donc, il y a un paradoxe dans ce principe d'égalité et, nous, on pense que le principe d'égalité est très joli, très bien, et si ça fait partie de la politique familiale, on ne conteste pas, mais il ne doit pas stopper, dans la mise en application de la politique, le développement d'un service qui peut justement concourir à l'intérêt général. Moi, il me semble que la question de la qualité et l'enrichissement des services d'éducation n'est pas un luxe lorsqu'on parle d'enfants. Je m'arrêterai là. Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. J'aimerais demander à notre invitée de nous informer davantage sur ce qu'elle entend par qualité des services éducatifs.

Mme Azoulay (Audrey): Oui. Très bien. Écoutez, dans la politique, le programme d'éducation n'est pas des plus précis. Évidemment, on n'a pas, nous, visité toutes les garderies et tous les CPE pour voir ce qui s'y faisait concrètement, mais, a priori, et selon nos membres, les services sont coupés parce que les moyens sont limités, et donc tous les services enrichis autour, par exemple, de cours de yoga, de danse, de théâtre et autres, parce qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent être offertes, il y a beaucoup de choses qui peuvent être proposées aux parents, et puis il y a beaucoup de choses que les parents peuvent souhaiter. Bien, tous ces services-là ne peuvent pas être développés, donc, c'est ça qui est critiqué.

M. Bouchard: Ce que j'entends dans la réponse de notre invitée, M. le Président, c'est que la qualité se résume pour elle aux services supplémentaires qu'une garderie offrirait.

Mme Azoulay (Audrey): Non. Non, pas nécessairement. Cela dit, les études justement montrent aussi... certaines études montrent aussi que la qualité des services est soit questionnable, soit elle va l'être.

Je vais vous donner quelques statistiques, parce qu'il y a une réalité financière, également. Dans le mémoire qu'on vous a transmis... et c'est là où, nous, on a des craintes, parce que, je veux dire, comment on va pouvoir faire évoluer le système en quantité et en qualité? Permettez-moi de vous lire, O.K.: Entre 2002 et 2003, 2009 et 2010, le coût annuel pour le contribuable d'une place à contribution réduite est passé de 7 377 $ à 9 337 $. Donc, déjà, par place, il y a une augmentation des coûts qui est à peu près de 25 %, d'accord? À cela, évidemment, il a fallu augmenter de 5 $ à 7 $ la contribution des parents. Ça, ça représente une augmentation de 40 %. Alors, selon certaines estimations, 38 000 places manqueraient au Québec. Ça, c'est une augmentation des besoins de 19 %, O.K. Jusqu'où est-ce qu'on va aller là-dedans? Et puis, on a constaté, en 2009-2010, que 28 % de l'augmentation des revenus du gouvernement, 28 % de l'augmentation des revenus du gouvernement ont été alloués à l'augmentation des budgets du système subventionné. On voit bien qu'il y a un problème dans le financement des services éducatifs. On voit bien qu'il y a des limites dans le développement de places en quantité et on craint de ce qui peut se passer lorsqu'on va vouloir envisager l'évolution du système en termes de qualité.

M. Bouchard: M. le Président, je vais poser ma question autrement. Quand vous entrez dans une garderie ou dans un service de garde et que vous posez les questions de la qualité, quels sont les critères, quels sont les éléments ou la liste des éléments qui vous semblent les plus importants à observer?

Mme Azoulay (Audrey): On n'a pas observé, on n'a pas posé cette question.

M. Bouchard: Non, non, je vous pose la question à vous, personnellement. Parce que vous parlez continuellement de qualité et que la qualité serait quelque part menacée par une approche d'égalité.

Mme Azoulay (Audrey): Mais oui.

M. Bouchard: Alors, ce que je vous pose comme question, c'est: Quels sont les critères que vous utiliseriez pour évaluer la qualité du service offert dans un service de garde?

Mme Azoulay (Audrey): Bien, toutes sortes de services éducatifs. J'aimerais ça être spécialiste en éducation à la petite enfance, je ne le suis pas. Donc, je ne répondrai pas à la question de manière partielle et évasive. Cela dit...

M. Bouchard: Mais alors, comment... comment...

Mme Azoulay (Audrey): ...ce qu'on craint...

M. Bouchard: Comment peut-on porter crédit à votre affirmation à l'effet qu'une approche égalitaire pourrait être une menace à la qualité des services offerts, alors que vous nous dites: Je n'ai pas d'idée qu'est-ce que c'est que la qualité d'un service qui est offert?

Mme Azoulay (Audrey): Ce qui se passe, c'est qu'il y a un nivellement vers le bas, avec...

M. Bouchard: Vers le bas par rapport à quels critères?

Mme Azoulay (Audrey): Peu importe. Peu importe.

M. Bouchard: Ah bon! O.K.

Mme Azoulay (Audrey): Il y a un nivellement par le bas.

M. Bouchard: Bon. Ça va. Merci, M. le Président.

Mme Azoulay (Audrey): Ça vous va? Très bien.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir: Bonjour, Mme Azoulay. Vous avez mentionné qu'il manque beaucoup de places en garderie, qu'il y a une croissance du nombre de places disponibles de l'ordre de 30 % dans les garderies... En fait, le développement de l'offre s'est fait surtout du côté privé au cours de ces dernières années, alors que ça se situait entre quelques pourcentages jusqu'à 3 %, pour ce qui est des places en CPE. C'est ce que j'ai compris de votre rapport, ou à peu près.

D'après ce que je connais du dossier, d'ailleurs, dans notre plateforme, dans mon parti, à moi, on offrait, hein, cet engagement de 30 000 places nouvelles en garderies subventionnées, comme d'ailleurs mesure de sortie de crise, parce qu'on reconnaît qu'effectivement il manque des places nécessaires. Or, la plupart du temps, quand on s'adresse aux différents intervenants, y compris le gouvernement, ce n'est pas qu'ils sont contre le développement des places en CPE, c'est qu'ils disent: On n'a pas les moyens, dans l'état des finances de l'État québécois.

Quelle est la contribution... J'ai peur de dire «des petites et moyennes entreprises», parce que les petites entreprises, c'est une chose, les moyennes et plus grosses entreprises, c'est différent. Souvent, dans les discours que je connais de la fédération canadienne, c'est surtout le point de vue des moyennes et grandes entreprises qui est reflété. Mais quelle est la contribution, selon vous, des entreprises que vous regroupez, que vous représentez, à l'effort fiscal dont le gouvernement a besoin pour fournir les 50 000 places dont on a besoin?

n(15 h 50)n

Mme Azoulay (Audrey): Premièrement, permettez-moi...

M. Khadir: Dans un souci d'équité et d'égalité?

Mme Azoulay (Audrey): Permettez-moi de vous corriger. La FCEI représente plus les petites que les moyennes et les grandes, beaucoup plus, premièrement.

M. Khadir: Oui, mais, dans le discours, par exemple quand vous citez Montmarquette, CIRANO, bon, ce genre de...

Mme Azoulay (Audrey): O.K.

M. Khadir: ...«think tank», disons, politico-économique représente surtout les discours des grandes entreprises, d'accord, qui veulent réduire la taille... Parce que les petites entreprises, comme les citoyens, sont prises à la gorge par le poids fiscal, hein, et les contribuables moyens puis les petites entreprises paient des impôts beaucoup plus, hein, jusqu'à 88 % si vous ajoutez les petites et moyennes entreprises, et seulement 12 % de l'effort fiscal consenti par l'ensemble des acteurs dont le gouvernement a besoin pour ouvrir des places en garderie est consenti par les grandes entreprises, d'accord, alors qu'à plus de 50 % le PIB est concentré dans la main des grandes entreprises.

Alors, c'est sûr qu'il y a un problème grave là-dedans. Mais, au-delà de ça, quelle est la contribution que vous pensez que la fédération canadienne des entreprises demande à ses membres de faire pour aider l'État à rencontrer les besoins?

Mme Azoulay (Audrey): On demande tout simplement que les parents qui souhaitent avoir accès à des services enrichis puissent avoir accès à des services enrichis, parce que certains parents sont prêts à tarifer, à payer ces frais additionnels pour leurs enfants, et donc c'est ce que demandent également les garderies privées subventionnées, qui sont dans un contexte entrepreneurial et commercial et qui veulent faire évoluer leur entreprise, et il n'y a rien de mal en ça. Donc, au-delà...

M. Khadir: Non, il n'y a pas de mal. Mais ils se développent, non, ils se développent.

Mme Azoulay (Audrey): ...au-delà... Permettez, excusez-moi, je vais juste terminer. Au-delà du 7 $ de la contribution parentale, si le gouvernement se trouve dans une situation financière qu'on connaît bien, il est possible de dénouer un peu le système en accordant le droit aux parents de choisir des services enrichis et aux garderies privées subventionnées de les offrir, et je dis garderies privées subventionnées, mais pourquoi pas les CPE également?

M. Khadir: Vous avez raison. Vous avez dit que les besoins variaient, qu'il faut reconnaître la diversité des besoins. Puis vous avez dit par ailleurs que les garderies privées non subventionnées se développent, même à raison de 30 % à peu près, c'est vos chiffres, et vous plaignez du fait qu'il y a un problème d'équité, d'accès égal, parce qu'en fait il manque des places. Il y a des gens qui sont devant un non-choix, qui n'ont pas accès parce qu'ils n'ont pas les moyens. Bon. Alors, qu'est-ce que la fédération canadienne peut faire de son côté? Je ne parle pas du côté du gouvernement, parce que le gouvernement, il est prêt à le faire, mais il dit: Je n'ai pas les moyens, je n'ai pas les finances nécessaires. J'ai consenti tellement de réductions d'impôt qui ont surtout bénéficié aux plus hauts revenus depuis une dizaine d'années... C'est 10 milliards par année, d'accord. C'est 10 milliards au total. Ça veut dire: aujourd'hui, là, c'est l'équivalent de 10 milliards par année que le gouvernement se prive.

Donc, c'est sûr qu'il n'a pas les moyens d'ouvrir les 50 000 places nécessaires. Pour garantir ce que vous souhaitez, c'est-à-dire que vraiment il y ait une égalité, que ce ne soit pas juste une illusion, le principe d'universalité, qu'est-ce que vous êtes prêts à faire et à recommander à vos entreprises comme contribution ? comprenez-vous, là? ? comme généreuse contribution de leur part pour que le gouvernement ait les moyens de faire ce que vous lui demandez de faire? Parce qu'il faut des moyens, il faut des rentes fiscales. Ils ne peuvent pas créer ces...

Mme Azoulay (Audrey): Ah! O.K.!

M. Khadir: Comprenez-vous?

Mme Azoulay (Audrey): O.K. C'est un autre débat.

M. Khadir: D'accord? Quelle est votre...

Mme Azoulay (Audrey): Alors, c'est un autre débat, mais je vais répondre...

M. Khadir: Quelle est votre contribution?

Mme Azoulay (Audrey): Je vais répondre. Ma contribution... Non, la contribution de la FCEI, en soi, bon, la FCEI représente des petites et moyennes entreprises. Puisque vous parlez de fiscalité, je veux dire qu'elles paient beaucoup plus d'impôts que dans les autres provinces et que ça, c'est un problème.

M. Khadir: Ce n'est pas vrai.

Mme Azoulay (Audrey): Si, c'est vrai.

M. Khadir: Non. 11 %.

Mme Azoulay (Audrey): Oui. Bien, écoutez, on en discutera ailleurs, parce que, là, le sujet est ailleurs...

Le Président (M. Kelley): Avec tout le respect...

Mme Azoulay (Audrey): ...mais je répondrai à votre question en vous disant que...

Le Président (M. Kelley): Avec tout le respect, ça, c'est un débat pour la Commission des finances publiques...

Mme Azoulay (Audrey): C'est ça.

Le Président (M. Kelley): ...et, si je peux ramener nos discussions sur le projet de loi n° 51...

M. Khadir: Mais c'est parce que ces 50 000 places, ça coûte des sous, M. le Président, ça coûte de l'argent. Moi, j'aimerais aider le ministre, puis c'est l'argent, il faut aller le chercher quelque part. Non, c'est très central, tout est lié.

Mme Azoulay (Audrey): Absolument. Bien, l'argent, on peut aller le chercher notamment... L'argent, on peut notamment...

Le Président (M. Kelley): Le président est prêt d'avoir une interprétation assez large de la pertinence, mais... Peut-être en terminant, s'il vous plaît, Mme Azoulay.

Mme Azoulay (Audrey): En terminant, l'argent, on peut notamment aller le chercher chez les parents, qui ont une contribution de quasi-gratuité, là, par rapport aux services de garde, et je finirai en posant la question: Avons-nous vraiment les moyens de ce modèle universel?

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

M. Khadir: Ah, O.K.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre, il vous reste quatre minutes.

M. Khadir: Bien oui, on a les moyens...

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup. Ça va être...

M. Khadir: ...les paradis fiscaux, 8 000 milliards de dollars.

M. Tomassi: Madame...

Mme Azoulay (Audrey): Non...

Le Président (M. Kelley): La parole... M. le député de Mercier...

M. Khadir: Ce n'est pas les employées des garderies qui vont dans les paradis fiscaux.

M. Tomassi: Amir, je n'ai pas fini, là.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier, la parole est au ministre.

M. Khadir: Excusez-moi. Autrement dit, on n'a pas les moyens. Je dis: On peut creuser des mines dans les paradis fiscaux, 8 000 milliards de dollars du Québec.

M. Tomassi: O.K. Là, prends ton thé, là, on va se calmer un peu, là.

M. Khadir: Excusez-moi.

M. Tomassi: Alors...

M. Khadir: Ce n'est toujours pas toi qui investis dans les paradis fiscaux.

M. Tomassi: Non, non, non. Mais, écoutez, là...

Le Président (M. Kelley): S'il vous plaît, M. le ministre, il vous reste quatre minutes.

M. Tomassi: Oui. Merci beaucoup. Mme Azoulay, seulement pour vous dire: L'étude ou l'article, que vous n'avez pas trouvé, de M. Lefebvre, je vous inviterais peut-être à en trouver un plus à jour parce que, seulement pour vous rappeler, puis le député de Gouin faisait rapport du document sur Québec, paradis des familles, et on parle beaucoup des familles... il n'y a pas seulement les services de garde. On est devenu le paradis des familles depuis 2003 pour une raison, parce que l'aide qui est accordée aux familles a augmenté considérablement: 2005, la réintroduction des allocations familiales, qui s'appelle Soutien aux enfants, indépendamment, indépendamment de la place à contribution ou de non-place à contribution, l'aide gouvernementale de l'allocation familiale est versée aux familles du Québec. Plus le revenu familial est bas, plus que l'aide gouvernementale est élevée.

Alors, c'est des mesures qui ont été mises en place, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, ici, au Québec, les mesures mises en place, que ce soient les places à contribution réduite, le congé d'assurance parentale, la fiscalité Soutien aux enfants, la baisse d'impôt que le député de Mercier nous faisait part viennent faire en sorte que le revenu disponible des familles a augmenté considérablement, première section.

Deuxième chose que je veux vous dire, on parle beaucoup de places, qu'il manque des places. Je veux seulement rappeler au député de Mercier que, sur les 38 000 places que M. le député de Gouin... Mercier faisait mention...

Le Président (M. Kelley): En vous adressant à la présidence, s'il vous plaît, M. le ministre.

M. Tomassi: Oui, M. le Président, 20 000 places vont être disponibles d'ici 2010; le gouvernement du Québec a pris l'engagement de créer 15 000 nouvelles places dans une continuité qui va faire en sorte que, 38 000, 35 000, on n'est pas si loin que ça, et faire en sorte qu'on est passé de 33 % des enfants qui avaient une place à contribution réduite en 2003, à près de 57 % en 2007-2008.

Alors, nécessairement, c'est le choix qu'on a fait. On ne bloque pas, aucunement, la libre entreprise: les garderies privées qui veulent ouvrir des places en garderie non subventionnée ont la liberté de choix. Si elles font le choix d'avoir des places à contribution réduite, nécessairement il y a des règles et il y a des règlements que le gouvernement, comme choix sociétal, on a fait, et on demande à ces gens-là de respecter ces dispositions réglementaires et de loi.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, Mme Azoulay.

Mme Azoulay (Audrey): On continue à dire que ce choix d'entreprise est assez relatif. On est venu ici, la FCEI est venue ici représenter les garderies privées subventionnées qui demandent le droit de faire évoluer leurs affaires, comme n'importe quelle entreprise privée, en tant que partenaires du gouvernement, dans la livraison de services bien particuliers mais dans lesquels elles doivent rester une entreprise privée, avec la liberté de garder leur nature entrepreneuriale et commerciale.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Il me reste à vous dire merci beaucoup pour votre contribution à nos délibérations. Je veux souligner votre courage parce que le point de vue que vous avez exprimé est légèrement différent des autres opinions que nous avons entendues devant la commission, et c'est toujours un petit peu plus difficile de défendre une position un petit peu différente.

Alors, sur ça, je vais suspendre quelques instants et je vais inviter les représentants du Conseil de la famille et de l'enfance de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

 

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Notre deuxième témoin cet après-midi, c'est le Conseil de la famille et de l'enfance, représenté, entre autres, par sa présidente, Mme Marie Rhéaume. Sans plus tarder, la parole est à vous, Mme Rhéaume.

Conseil de la famille et de l'enfance (CFE)

Mme Rhéaume (Marie): Merci, M. le Président. M. le ministre de la Famille, Mmes, MM. les députés, bien, j'aimerais d'abord remercier les membres de cette commission, qui nous offrent la possibilité de nous exprimer sur le projet de loi n° 51.

Pour ce faire, je suis accompagnée de Claire Gagnon, responsable des communications, d'Isabelle Bitaudeau, secrétaire générale, et de Jacinte Roberge, analyste-conseil. Ces deux dernières pourront se joindre à moi pour répondre à vos questions à la suite de ma présentation.

D'entrée de jeu, le conseil salue la reconnaissance des droits d'association et de négociation collective des RSG que permet le projet de loi n° 51. Ce sont près de 15 000 responsables de garde en milieu familial, lesquels desservent plus de 90 000 enfants, qui vont voir leurs conditions de travail s'améliorer.

En maintenant le statut de travailleuses autonomes des RSG tout en leur accordant une part des bénéfices des régimes de protection sociale habituellement réservés aux salariés, le gouvernement a trouvé une solution pour respecter l'esprit du jugement Grenier. Le conseil est conscient qu'au coeur de cette décision se trouvent les questions juridiques de la relation employeur-employé ainsi que les attributs du statut de salarié. Nous avons toutefois décidé de laisser cette discussion aux spécialistes du droit du travail, aux organisations syndicales et aux tribunaux compétents. Nous avons plutôt souhaité, dans notre mémoire, examiner les impacts, sur les familles et les enfants, des changements proposés par le projet de loi.

Pour simplifier, disons que le projet de loi comporte deux volets. Le premier a pour but d'instituer un régime de représentation et de négociation d'une entente collective pour les RSG, incluant toutes les modalités afférentes. Le second volet prévoit, quant à lui, d'importantes modifications à la structure du réseau des services de garde. Ainsi, les bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial accéderaient à un statut juridique distinct du centre de la petite enfance, dont la plupart d'entre eux relèvent actuellement. Ils seraient gérés par un conseil d'administration formé majoritairement de parents usagers et auraient comme fonction exclusive la coordination de la garde en milieu familial. Par ailleurs, un comité consultatif de bureaux coordonnateurs serait formé pour conseiller le ministre sur tous les aspects de la garde en milieu familial.

Dans l'esprit du gouvernement, la mise en oeuvre du premier volet semble nécessiter la restructuration complète du réseau. Le conseil ne partage pas ce point de vue. Nous sommes plutôt d'avis que la séparation des deux modes de garde repose sur d'autres motifs, notamment d'éventuelles revendications du statut de salarié de la part des RSG et des coûts que ça pourrait représenter dans le futur. Pour notre part, nous préférons examiner les choses telles qu'elles se présentent aujourd'hui, à partir du point de vue des parents.

Bien sûr, il serait trop long de relater toute l'évolution des services de garde au Québec ? je vais vous épargner ? mais je vais quand même me permettre un coup d'oeil rapide dans le rétroviseur pour vous rappeler que la Loi sur les services de garde à l'enfance remonte à 1979. À l'époque, on comptait quatre modes de garde régis qui évoluaient tous en parallèle. L'année 1997 a marqué un jalon important, avec la création du réseau des services de garde éducatifs conçu comme un réseau intégré, unifié, mais cette unification ne s'est pas faite sans heurt. La loi sur les CPE et autres services de garde à l'enfance de 1997 comportait l'obligation pour tous les CPE d'offrir des services de garde en milieu familial. Dans un premier temps, l'unification des services a été imposée. En revanche, une fois ce modèle établi, la très grande majorité des RSG et des CPE ont apprécié la synergie qui en résultait.

Par la suite, en 2005, le gouvernement a estimé que le modèle en place était trop coûteux. En conséquence, il a annoncé, en déposant le projet de loi n° 124, son intention de séparer les modes de garde. La majorité des intervenants entendus en commission parlementaire n'ont pas approuvé ce projet. Pour eux, il ne s'agissait pas d'une simple réforme administrative mise en place pour corriger les lacunes des services de garde éducatifs; le gouvernement s'apprêtait à désavouer des choix faits par les parents québécois depuis près de 30 ans. Ces intervenants considéraient que le projet de loi entraînait un changement fondamental dans la façon de concevoir les services de garde.

En effet, deux visions divergentes du rôle des services de garde s'affrontent. Pour la majorité des groupes entendus en commission parlementaire, c'est tout le projet social porté par les CPE et les services de garde en milieu familial qui leur sont rattachés qui se trouvent évacués par le projet de loi, au profit d'un objectif d'économies à réaliser. Un compromis a finalement été trouvé: les CPE ont pu devenir des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial. Toutefois, ces nouvelles entités, les CPE-BC, étant moins nombreuses que les CPE, l'objectif de rationalisation des services a tout de même pu être atteint. Mais cette réorganisation des services, en décembre 2005, a entraîné d'autres conséquences pour le réseau. Mentionnons seulement la diminution des ressources consacrées au soutien, causée par la perte d'un grand nombre de postes de conseillères pédagogiques.

Les éléments du projet de loi n° 51 touchant les conditions de travail des RSG ont fait l'objet de discussions préalables avec les parties concernées. Cependant, à notre connaissance, la restructuration du réseau, qui s'avère un des changements majeurs, n'a été discutée avec aucun des partenaires. Il semble aussi que l'organisation des services proposée aujourd'hui ne semble souhaitée ni par les familles ni par le milieu des services de garde.

Le conseil ne peut s'empêcher de reprendre ici un message qu'il croyait pourtant avoir été bien compris: c'est celui de l'importance de la constance des mesures de la politique familiale et de la consolidation de ce qui existe déjà. Les changements intervenus depuis la réforme de décembre 2005 sont en place depuis à peine trois ans. Avec le compromis des CPE-BC, on construisait malgré tout. Il faut du temps pour réaliser l'intégration des services et en recueillir les bénéfices. Se pourrait-il qu'en 2009 on se retrouve, du point de vue de l'organisation des services, dans une situation comparable à celle qui prévalait en 1979?

La séparation des deux modes de garde constitue, pour nous, le principal changement à reconsidérer. À notre avis, l'article 77 du projet de loi n° 51, qui modifie les articles 40 et 40.1 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance, pose problème. Cet article vient préciser qu'«un bureau coordonnateur [...] est une personne morale à but non lucratif autre qu'un titulaire de permis de CPE ou de garderie» et indique la composition de son conseil d'administration. Ce dernier est également modifié en ce qu'il doit comprendre au moins cinq membres, dont une majorité de parents utilisateurs des services de RSG dans le territoire, un membre issu de la communauté, au plus un membre RSG. Une restriction vient confirmer la séparation complète et définitive des CPE et des BC, puisqu'aucun titulaire de permis de CPE ou de garderie, administrateur, personne liée ou employé ne peut être membre du BC ou administrateur.

n(16 h 10)n

En outre, les fonctions des bureaux coordonnateurs identifiés à l'article 78 comportent plusieurs modifications comparativement à la situation actuelle. Trois d'entre elles nous inquiètent particulièrement: en premier lieu, les BC perdent le mandat de surveillance qui leur était dévolu jusqu'à ce jour; en second lieu, leurs fonctions de soutien sont passablement affaiblies, puisque disparaît de la loi le mandat de favoriser la formation et le perfectionnement continu qu'ils détenaient, pour ne conserver qu'une offre de soutien pédagogique et technique, uniquement sur demande; en troisième lieu, la répartition des places subventionnées se fera dorénavant entre les RSG et suivant les instructions du ministre, et non plus comme auparavant, en fonction des besoins des parents.

Parce qu'elles travaillent dans leurs résidences, les RSG sont isolées. Leur seul appui, c'est la conseillère pédagogique. En perdant le mandat de formation et de perfectionnement continu, les BC perdront-ils également les conseillères pédagogiques? Et, ultimement, les RSG seront-elles privées d'un soutien essentiel?

Au sujet de la répartition des places, quel sera l'impact de la création de réseaux parallèles sur les attentes des parents? Ceux-ci expriment souvent leur souhait d'une liste d'attente centralisée, un outil réclamé depuis plusieurs années et susceptible de soulager grandement leurs démarches et la tâche des gestionnaires du réseau. L'impact de la scission ne viendra-t-il pas briser les efforts déployés jusqu'à maintenant pour créer des guichets régionaux d'accès aux places en services de garde?

Dernier élément à considérer: d'un point de vue territorial, le projet de loi, tel que proposé, entraîne un affaiblissement de la notion de service de proximité que sous-tend un réseau intégré. Dans les milieux moins densément peuplés, on risque de se retrouver avec des entités BC et CPE de trop petite taille pour être viables séparément.

En terminant, maintenant, en l'espace de deux décennies, une nouvelle problématique sociale a vu le jour dans les pays industrialisés: la conciliation famille-travail. Toujours plus sollicités par leurs obligations personnelles, familiales et professionnelles, les parents ont exprimé une demande pressante de compréhension de leur réalité et de soutien de la part des pouvoirs publics et de l'ensemble des acteurs socioéconomiques. Le conseil a toujours soutenu que des services de garde de qualité, accessibles, universels, conçus en fonction des besoins des parents et leur permettant de participer à leur gestion font partie intégrante d'une politique familiale.

Le Québec s'est doté au fil des ans d'un réseau de services de garde éducatifs envié à l'échelle canadienne. Considéré par les parents comme un maillon essentiel entre le travail et la famille, ce projet a exigé un effort collectif à plusieurs niveaux. La configuration actuelle du réseau repose sur la mixité de plusieurs modes de garde répondant à des besoins diversifiés des parents. Lors des dernières réformes législatives, les CPE, qui sont devenus bureaux coordonnateurs, se sont vu confier la responsabilité de coordonner la garde en milieu familial.

Le conseil émet des réserves quant à la restructuration proposée pour résoudre l'impasse créée par l'invalidation de la loi n° 8 par le jugement Grenier. D'une part, le projet de loi indique clairement que les RSG sont des travailleuses autonomes avec un régime particulier en ce qui a trait aux protections sociales, et d'autre part leur rémunération sera déterminée par voie de négociation entre les parties. Dans ces circonstances, nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement ne peut donner une chance au nouveau régime créé par la loi et voir évoluer la situation avant de modifier les structures existantes. Séparer dès à présent les deux modes de garde nous apparaît comme une mesure disproportionnée comparativement aux avantages réels, immédiats et possiblement permanents qu'elle entraîne. En effet, en séparant les deux modes de garde, on augmente l'isolement des RSG et on les prive de l'accès à un réseau qui, en peu de temps, a su montrer qu'il offrait toutes les conditions d'une meilleure qualité de services. La force de ce réseau repose sur une vision intégrée des services dans une perspective territoriale et une répartition des places en fonction des besoins des parents, sur la mise en commun de ressources, sur des possibilités de formation continue, autant d'atouts qui contribuent au sentiment de sécurité des parents, au développement des enfants et au bien-être des familles.

Du point de vue du conseil, l'objet du projet de loi devrait davantage être orienté vers une amélioration des conditions de travail des RSG afin qu'à part entière elles puissent être partie prenante de la vie de ce réseau. C'est pourquoi le Conseil de la famille et de l'enfance recommande que le projet de loi conserve l'organisation actuelle des services pour préserver l'intégrité du réseau des services de garde éducatifs à l'enfance. Il recommande aussi que les besoins des parents et des enfants, qui sont la raison d'être des services de garde, soient au coeur de la réflexion du législateur quant à l'avenir du réseau. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Rhéaume. On va maintenant passer aux périodes d'échange avec les membres de la commission, en commençant avec M. le ministre de la Famille.

M. Tomassi: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Rhéaume, merci beaucoup. Mme Bitaudeau ? j'ai toujours de la misère avec votre nom de famille ? Mme Roberge et Mme Gagnon, merci d'être avec nous aujourd'hui.

Vous nous indiquez dans votre mémoire certains points qui ont été repris par d'autres groupes avant vous. Certains éléments sont identiques à certains mémoires déposés par des membres qui siègent sur le Conseil de la famille.

Je voulais revenir sur la page 10. Et on va enlever l'aspect, là, de la séparation BC-CPE pour un instant. Quand vous indiquez: «En premier lieu, les BC perdent le mandat de surveillance...» Dans le projet de loi, «le mandat de surveillance» est remplacé par «assurer le respect des normes et des règlements». En réalité, c'est un terme qui est encore beaucoup plus fort que seulement «le mandat de surveillance». On vient... En quelque sorte, le ministre se donne le pouvoir qui est délégué aux bureaux coordonnateurs, d'avoir un contrôle d'une certaine façon beaucoup plus précis du mandat et en quelque sorte venir corriger certaines situations que certains groupes, dont la CSQ, sont venus nous dire que des fois, dans certains territoires donnés, les dispositions ou les demandes du ministre, par règlement ou par instruction, n'étaient pas appliquées de la même façon. Alors, d'une certaine façon, on vient uniformiser, on vient renforcer cet élément-là.

Dans le deuxième, vous indiquez que... Le soutien pédagogique et technique uniquement sur demande. Je veux seulement vous rappeler que c'est l'élément, textuellement le même qu'il existe actuellement, dans la loi actuelle. Alors, actuellement, c'est sur demande, ce n'est pas une obligation d'offrir le soutien pédagogique. Alors, c'est sur demande. On n'a rien changé dans la loi. Alors, c'est des éléments qui existent déjà dans la loi qu'on a remis dans la loi actuelle.

Et la question du mandat de formation, perfectionnement continu, ça n'a jamais été un mandat qui avait été octroyé au BC-CPE, là. C'est un élément qui était inclus dans leur mission, mais ce n'est pas un mandat direct qui leur était donné. Dans le projet de loi, la volonté... Et on a eu la CSQ et la CSN qui sont venus nous dire qu'ils étaient en accord avec l'élément de créer un fonds à la formation qui serait mis en place et dirigé par un comité mixte entre les responsables de garde en milieu familial, avec les centrales... les associations représentatives et par les bureaux coordonnateurs.

Comment voyez-vous cette application, là, en ce qui a trait à cette formation, de la mise en place de ce fonds et de ce comité mixte qui pourrait à la limite... La volonté, c'est qu'on puisse mettre sur pied de la formation dédiée spécifiquement aux responsables de garde en milieu familial.

Le Président (M. Kelley): Mme Rhéaume.

Mme Rhéaume (Marie): Merci, M. le Président. C'est certain que, par rapport aux besoins qui peuvent être exprimés éventuellement par les personnes qui travaillent au niveau des services de garde, en tout cas avec les arguments qu'on avait, c'est certain que cet élément-là de formation, on ne peut que l'approuver parce qu'on sait que c'est quand même une tâche complexe de s'occuper de jeunes enfants, puis qu'en même temps la formation, c'est aussi pour soutenir et confirmer les personnes dans leurs tâches. Donc, c'est un élément essentiel. Si vous nous parlez d'un fonds pour la formation ? je crois que ça, ça ne fait pas partie du projet de loi ? bien, je pense que le conseil ne peut qu'applaudir cette disposition.

n(16 h 20)n

M. Tomassi: Seulement une statistique pour vous tenir au courant: actuellement, dans les BC-CPE, les BC, il y a actuellement 318 ETC en ce qui a trait aux conseillères pédagogiques, et 233 en ce qui a trait... pour le monde des CPE. Alors, nécessairement le travail est fait quotidiennement et va continuer à l'être.

Vous faites une affirmation, à la page 10 aussi, concernant la répartition des places et sur l'avènement des guichets centralisés. Je vous rappelle qu'en 2008 la ministre de la Famille d'alors et actuellement ministre de l'Éducation a donné le mandat aux CRE, qui ont par la suite été en appel de propositions. Et j'avais Mme Pitre-Robin qui est ici, qui, avec le regroupement de la Montérégie, a mis sur place BILA et d'autres systèmes ailleurs au Québec. Vous dites: Quel impact que ça aura sur la création des listes centralisées? Je n'arrive pas à comprendre, un peu, votre inquiétude.

De un, actuellement, le gouvernement n'en a pas fait une obligation. On souhaite, d'ici l'automne 2009, que toutes les régions du Québec aient leur guichet centralisé. On souhaite l'adhésion des membres à ce guichet centralisé. Dans toutes les régions où est-ce qu'on fait l'annonce du lancement du guichet centralisé, il y a une hausse des inscriptions à des services de garde au guichet centralisé. La volonté gouvernementale, c'est que tous y adhèrent. On travaille actuellement sur des méthodes qui pourraient plus inciter les gens: on a décidé de reconduire l'aide financière qui se terminait au 31 mars 2009, à la hauteur de 250 $ max sur... qui représentait 50 % de 500 $, là, pour permettre aux services de garde d'adhérer. Je ne vois pas pourquoi demain matin, si la structure, telle que présentée dans le projet de loi... les bureaux coordonnateurs qui, aujourd'hui, adhèrent au guichet centralisé seraient exclus de ces éléments-là, là. Je veux seulement comprendre.

Mme Rhéaume (Marie): Je pense que c'est rassurant, les éléments que vous nous donnez ici. Je pense que la volonté est là, sauf qu'à la lecture du projet de loi tel que formulé puis avec ce qu'on comprend de ce que ça peut avoir comme impact, la séparation des réseaux, il nous semblait qu'il y avait un risque, là, que ça réduise justement les efforts qui étaient faits pour justement répondre à cette demande pressante des parents d'avoir un endroit où on pouvait aller puis où on pouvait comme être référés ou... Il nous semblait que ça affaiblissait, là, la portée de cette décision-là qui avait été prise puis qu'on estimait qui était une très bonne décision, là, en termes de guichet unique.

M. Tomassi: Vous savez, la volonté gouvernementale est de ne pas seulement faire en sorte que les bureaux coordonnateurs puissent adhérer aux listes centralisées, mais que tous les services de garde, que ce soit en CPE ou en service de garde privé subventionné, adhèrent à cette liste centralisée, parce qu'en bout de ligne la volonté gouvernementale, c'est de rendre la vie plus facile aux parents, faire en sorte que, par un clic de souris ou par un appel téléphonique, que les parents puissent avoir accès le plus rapidement possible à des places subventionnées. Alors, l'élément est porteur de bonnes nouvelles, parce que, dans les régions où est-ce que le système a été implanté, les effets se font déjà sentir, les listes diminuent rapidement, et en quelque sorte, pour le ministère, c'est même une excellente nouvelle parce que, dans le futur développement des places, on va avoir le portrait juste et équitable des besoins, où sont les besoins, pour faire en sorte qu'on maximise les places qu'on va octroyer. Alors, ne vous inquiétez pas là-dessus, l'intention gouvernementale n'est pas de les exclure, mais en quelque sorte elles vont être incluses comme les autres services de garde. Moi, ça va pour l'instant.

Le Président (M. Kelley): Des commentaires Mme Rhéaume, des réactions? Donc, ça va?

Mme Bitaudeau (Isabelle): Peut-être un dernier élément concernant les listes.

Le Président (M. Kelley): Mme Bitaudeau.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Effectivement, c'est plutôt une bonne nouvelle de penser qu'il y a des listes centralisées, mais les attentes des parents vont presque au-delà, je dirais, de savoir que leur nom est sur une liste d'attente. À partir du... Ils s'attendent aussi à ce qu'il y ait des critères de priorisation. S'ils se sont inscrits il y a plusieurs mois, ils espèrent bien passer avant celui qui vient de s'inscrire. Ils veulent aussi, évidemment, éviter de séparer les fratries. Et c'est certain que c'est beaucoup plus facile à gérer, ces demandes-là de flexibilité puis de souplesse, quand on est à l'intérieur d'une liste centralisée plutôt qu'avec des listes parallèles. Ça fait que, si on arrive enfin à obtenir des listes centralisées tenant compte aussi des besoins de flexibilité en fonction de critères familiaux, ça ne pourra qu'être une bonne nouvelle.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Tomassi: Je vous invite, tantôt, à la fin de la commission, à aller discuter un peu avec Mme Pitre-Robin, qui va vous expliquer tous les concepts que vous énumérez, qui sont mis en place pour respecter la date que les parents adhèrent sur la liste, la question de la fratrie et tout ça, là. Tout ça est mis en place, c'est d'excellents systèmes. Mme Pitre-Robin, c'est le système BILA, mais il y a un réseau et il y a Québec... EnfanceFamille, je crois, EnfanceFamille.org.

Une voix: ...

M. Tomassi: C'est ça, à Montréal. Alors, c'est des éléments qui sont pris en compte.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les gens du Conseil de la famille et de l'enfance. Mme Rhéaume, Mme Bitaudeau, Mme Roberge et Mme Gagnon, merci pour votre mémoire.

J'ai des questions. D'abord, dans l'introduction de votre mémoire, là, vous nous rappelez que votre organisme est un organisme qui a pour mission «de conseiller le gouvernement sur [toutes les questions relatives] aux familles et aux enfants», et vous nous dites également qu'il y a une quinzaine de membres de votre conseil qui sont issus, là, de différents milieux en lien avec la famille et l'enfance. Donc, vous avez un réseau de contacts extrêmement large et vous avez des liens un peu partout dans tout ce qui grouille dans le secteur, des organismes Famille, des services de garde, vous êtes très présents. Puis je lisais dans votre mémoire, un peu plus loin, que vous nous disiez que les partenaires, les parents, les services de garde, personne n'avait demandé cette séparation des centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs.

J'ai deux questions. La première: Est-ce que, dans le processus de préparation de ce projet de loi là, vous avez été consultés de la part du ministère de la Famille ou du Conseil du trésor, sur les impacts d'une telle modification? Parce que ça a un impact sur les familles et sur les enfants, puis c'est un de vos mandats.

Et la deuxième: À votre avis, est-ce qu'il y a, parmi les membres de votre conseil ou des partenaires avec qui vous travaillez... qui ont été consultés avant le dépôt de ce projet de loi, ou si le conseil, comme l'AQCPE, comme la CSN, comme la CSQ, comme l'association des cadres, comme... Tous ceux qui sont venus en commission ont eu une grande surprise, puisqu'ils ont pris connaissance de cette séparation-là le jour même du dépôt du projet de loi, le 13 mai dernier.

Mme Rhéaume (Marie): L'information qu'on a, on l'a obtenue en grande partie par nos membres qui, en effet... il y en a certains qui font partie de différents réseaux, autant des syndicats que... Mais non, on n'a pas été consultés. Bien, en fait, on l'est aujourd'hui.

M. Girard: Aujourd'hui, oui. Mais, j'imagine, un organisme comme le vôtre, quand c'est des questions qui touchent la famille et l'enfance, c'est normal ? puis des changements aussi importants, aussi fondamentaux ? que vous soyez minimalement associés. Et là, bon, je comprends que vous avez pris connaissance... de votre réponse, vous avez pris connaissance du projet le 13 mai mais qu'il n'y a pas eu de consultation préalable.

Je me permets de revenir à la page 6 de votre mémoire. Vous nous expliquez un peu la logique, là, selon votre compréhension, la logique gouvernementale derrière la séparation des centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs, mais vous nous dites que vous ne partagez pas cette logique-là puis vous nous indiquez que la séparation des modes de garde CPE-bureaux coordonnateurs repose plutôt sur d'autres motifs, sur d'autres raisons que ceux qui sont évoqués officiellement par le gouvernement et par le ministre. J'aurais aimé ça que vous puissiez élaborer là-dessus.

n(16 h 30)n

Mme Rhéaume (Marie): Bien, je crois que ce qu'on a mentionné dans le mémoire, c'est tout ce qu'on peut comprendre, ça peut être une certaine crainte par rapport à des revendications ultérieures par rapport au statut de salarié... ou on pouvait peut-être avoir l'impression qu'en séparant les deux entités ça finissait par régler ce problème-là. En tout cas, il nous semble... Je pense que le conseil affirme, depuis de nombreuses années, que, quand on met en place des mesures pour les familles, ce qui est essentiel, c'est d'avoir une certaine continuité, une cohérence et une certaine constance au niveau des mesures. Et quand on met en place quelque chose qu'on rechange trois ans plus tard, d'abord, ça représente des coûts, c'est certain, mais surtout c'est les parents qui se font un peu ballotter dans toutes sortes de nouvelles directions. Puis là, bien avant, c'était comme ça, puis ensuite, on change, puis on revient à d'autre chose, puis ça, en général, ça n'a pas un effet très positif sur la situation des familles, qui est souvent déjà assez complexe et assez touffue pour se passer peut-être de changement de structures, là, qui ne nous apparaissent pas nécessairement essentielles, à ce moment-ci.

M. Girard: Vous faites référence, dans votre mémoire, vous faites un peu un rappel historique de ce qui a mené à l'adoption, en 2005, de la loi n° 124 et des nombreux débats qu'il y a eu à l'époque. Si ma mémoire est bonne, vous avez... À l'époque, le conseil a participé et donné son avis; puis, vous nous disiez qu'il y avait un désaccord, à l'époque, de la part du conseil; vous nous dites qu'à la fin du processus on a finalement permis que des centres de la petite enfance puissent aussi être des bureaux coordonnateurs.

On sait qu'il y a un rapport d'évaluation qui a été produit à l'intention du ministre pour évaluer l'expérience depuis 2005, de l'expérience des CPE-bureaux coordonnateurs. Ce que je comprends de vos propos, c'est que vous nous dites: Il y a, de bonne foi... malgré l'opposition de plusieurs groupes et partenaires, on a été de l'avant avec la réforme, la loi n° 124, on a mis en place les CPE-BC; on s'est serré les coudes, puis on a travaillé ensemble pour que ça puisse fonctionner. Et là vous êtes étonnés de voir que le même gouvernement, en 2005, qui proposait une refonte des structures, trois ans plus tard, vient dire: Bien, on oublie tout ce qu'on a fait depuis 2005, on recommence, puis on sépare les CPE-bureaux coordonnateurs. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est mettre la charrue avant les boeufs, d'autant plus qu'il y a un rapport d'évaluation que le ministre a entre les mains? C'est pour le moins étonnant qu'on procède, trois ans plus tard, à une réforme complète des structures, alors qu'on en a bâti une en 2005, qui, à l'époque, avait soulevé un tollé et beaucoup de résistance.

Mme Rhéaume (Marie): Je pense que ça revient... Encore une fois, ce qu'on dit, trois ans, ce n'est pas très long, et il nous a semblé que ça vaudrait la peine qu'on expérimente sur une plus longue période avant d'apporter des modifications au niveau de la structure.

M. Girard: O.K. Vous nous dites aussi, dans votre mémoire, vous faites, encore là, un historique sur l'organisation des services. Et j'affirmais, lors de mes remarques préliminaires, que j'avais l'impression que le gouvernement, avec la séparation des centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs, nous ramenait une quinzaine d'années en arrière. Vous, vous allez même plus loin, et vous nous dites: On nous ramène, dans le fond, presque 30 ans en arrière; et vous faites un rappel historique.

Puisque je n'avais que 7 ans à l'époque, j'aurais aimé que vous puissiez élaborer davantage sur ce rappel historique: comment ça fonctionnait, et pourquoi, à votre avis, ce n'est pas une bonne idée, avec tout le chemin qu'on a parcouru, là, de revenir à un modèle qui existait en 1979.

Mme Rhéaume (Marie): Je ne sais pas... Peut-être que je demanderais à Mme Bitaudeau de...

Le Président (M. Kelley): Mme Bitaudeau, pour un rappel historique.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Moi, j'étais née à l'époque, mais je ne vivais pas encore au Québec. Sauf qu'à titre de parent, moi-même, j'ai expérimenté, en... Quand mes enfants sont nés, l'offre de garde, bien, elle n'était pas dans les journaux, elle n'était pas... c'était par le bouche à oreille, et il y avait effectivement toutes sortes de services parallèles qui existaient: on pouvait faire garder ses enfants dans des garderies communautaires, dans des haltes-garderies; il y avait des parents qui s'organisaient ? je l'ai testé moi-même ? des garderies cogérées. Il y avait une multitude, là, de réseaux parallèles à des tarifs différents bien sûr et, pour les parents, bien, c'était la débrouille, hein. Débrouille-toi, et puis trouve le milieu qui te convient; puis, si ça ne marche pas, bien, essaie ailleurs.

Les parents ont été des acteurs importants de l'édification du réseau des services de garde. Les luttes pour obtenir enfin le réseau de services éducatifs ont duré des années, et on a la mémoire très courte. Moi, je connais des jeunes parents, aujourd'hui, bon, qui utilisent bien évidemment les services existants aujourd'hui, et évidemment, là, leurs bébés ont six mois, un an, 18 mois, donc ils n'ont aucune idée de ce que ça pouvait être à une époque de trouver un service de garde compétent, intéressant, à tarif accessible.

Alors, je pense que c'est le résultat de ces années-là, c'est le réseau dont on dispose, qui n'est pas seulement un service de garde ? je pense que c'est important d'insister là-dessus ? qui est un service de garde éducatif, donc il a d'autres visées que de simplement garder des enfants. Alors, c'est en tout cas, à mon sens, puis je pense me faire l'interprète de la vision du conseil, c'est un réseau qui est précieux pour le Québec et qui est précieux pour les parents qui ont de jeunes enfants qu'ils doivent confier pour toutes sortes de raisons. Marie a rappelé tout à l'heure à quel point les tensions de conciliation travail-famille s'exercent, aujourd'hui, sur les jeunes parents.

Et le fait de pouvoir s'adresser, comme disait M. le ministre, à un seul guichet, de savoir que l'enfant va être en sécurité, qu'il va recevoir des services de bonne qualité et qui seront non seulement des services de garde, mais des services d'éducation, c'est très rassurant pour les parents, sans parler évidemment du coût réduit qui a permis... bien, il suffit de voir quel engouement ont eu les services de garde quand ils ont été enfin accessibles et à des tarifs intéressants. On n'est même pas encore tout à fait rendus à une offre complète sur les besoins du territoire. Alors, je pense que c'est important de revoir... c'est une histoire courte, 30 ans, mais ce n'est pas du tout sans signification, là, l'édification de ce réseau-là.

M. Girard: Ça fait que vous nous dites: On a progressé, on a cheminé, il ne faut pas revenir en arrière, mais tirer des expériences du passé et qu'il y a une expérience qui a été mise avant, depuis 2005, que les BC et les CPE travaillent ensemble. La semaine passée, c'était la Semaine des services de garde, où on nous informait qu'il allait y avoir, bon, des échanges entre différents services de garde éducatifs, des expériences novatrices, des idées, des façons de faire et finalement qui se nourrissent les uns les autres, et qu'il serait dommage de briser cette chimie qui est en train de se créer avec les deux réseaux, que ce soit en milieu familial ou en CPE, puis c'est ce que, vous, vous tenez à ce qu'ils soient conservés. Puis, c'est pour ça que vous demandez, à la fin de votre mémoire, de préserver l'organisation actuelle des services de garde pour le bien-être des enfants, mais aussi des parents et tous ceux qui travaillent dans ce magnifique réseau.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Tout à fait.

M. Girard: Parfait. Je ne sais pas... Avez-vous une question, madame?

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, j'aurais une question.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. En page 12, avant vos recommandations, le troisième paragraphe, vous parlez de «la force du réseau qui repose sur une vision intégrée des services». C'est une phrase qui me plaît énormément. Et j'aimerais que vous développiez un petit peu sur les avantages de cette «vision intégrée des services dans une perspective territoriale», qui fait en sorte que ce sont des avantages pour les parents, pour les enfants et pour les intervenantes en services de garde, peu importe l'endroit où ils se retrouvent dans cette structure-là. J'aimerais que vous développiez un petit peu plus autour de ça, parce que je pense qu'effectivement c'est un acquis du travail des dernières années. Je pense que c'est important qu'on puisse mettre des mots concrets sur cette réalité-là.

Mme Rhéaume (Marie): Puis là vous comptez sur moi pour tout vous ficeler ça, là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, convaincre le ministre.

n(16 h 40)n

Mme Rhéaume (Marie): Convaincre le ministre. Ah! Je pense que... Actuellement, là, je vais prendre un autre exemple, hein? On reproche, dans beaucoup de domaines, de travailler en silo, puis, tu sais, c'est un peu le modèle idéal de dire qu'on travaille tous ensemble dans la même direction, puis tout ça. Là, on a un système qui fonctionne de cette manière-là. Admettons que, moi, je suis un parent d'un jeune enfant, je veux avoir une place en installation, parce que je ne connais personne autour de moi. Je pense que le fait de savoir qu'une responsable de services de garde peut être rattachée à un CPE, une installation déjà existante, bien, je me dis: Bon, ce n'est pas tout à fait ce que je voulais, mais ça s'en rapproche, puis je sens qu'il y a comme des liens entre les deux puis qu'il peut se passer des choses.

Je pense que c'est en partie par ces éléments-là, puis j'imagine que, quand on a à la fois le CPE en installation et le bureau coordonnateur des services de garde en milieu familial, bien, on va essayer de développer une vision commune, on ne va pas dire: Ah oui, vous autres, allez dans ce sens-là, puis les autres allez dans ce sens-là.

Donc, c'est ça. Je pense que le sentiment que les membres du conseil avaient, c'est qu'en développant vraiment un réseau axé sur les services de garde en milieu familial, bien, il y a comme une culture qui se développait de ce côté-là; puis, de l'autre côté, bien tu as la culture des CPE, puis, bien éventuellement, peut-être que, là, au départ, ce n'est pas trop éloigné, mais, avec le temps, bien forcément il y a des distances qui peuvent se prendre, alors que tout le monde essaie de travailler pour améliorer, là, le portrait puis la vision bien intégrée, unifiée de ce réseau-là. C'est possible qu'il y ait eu comme des difficultés à harmoniser tout ça avec le temps, parce qu'il ne faut pas se le cacher, je veux dire, ça reste des êtres humains avec leurs sympathies, leurs antipathies, leurs forces, leurs faiblesses. Et, oui, c'est un défi, mais on a commencé à travailler dans ce sens-là, puis, pour le conseil, c'est important de poursuivre ce qui a été amorcé de ce côté-là.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Votre vision des choses, c'est donc que les responsables de garde en milieu familial ont leur place dans le réseau, et que l'expérience des trois dernières années, depuis la dernière loi qui a été adoptée, qui a provoqué effectivement des remous où tout le monde finalement a dû mettre de l'eau dans son vin pour faire les ajustements nécessaires, vous dites que maintenant elles ont leur place, une place réelle, qu'elles sont entendues, et pour vous c'est un plus.

Mme Rhéaume (Marie): Tout à fait.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Mercier.

M. Girard: Est-ce que j'avais encore du temps?

Le Président (M. Kelley): O.K. Oui, pardon, je n'ai pas vu. M. le député de Gouin, il vous reste quatre minutes.

M. Girard: O.K. Je veux revenir à la page 10 de votre mémoire. Parce qu'un peu plus tôt dans votre mémoire, vous nous dites que vous avez voulu examiner ce projet de loi là à partir du point de vue des parents. Et, à la page 10, vous nous dites que les craintes que vous avez par rapport à la modification de l'article 78 du projet de loi; et vous nous dites notamment que «la répartition des places subventionnées se [ferait] dorénavant entre les RSG...» plutôt qu'«en fonction des besoins des parents».

Trouvez-vous ça normal que dorénavant, tel que l'article 78 est rédigé, que la répartition des places ne se ferait plus «en fonction des besoins des parents» du Québec? En tout cas, c'est ce que vous semblez reprocher au projet de loi.

Mme Rhéaume (Marie): Écoutez, je pense que M. le ministre nous a donné des éléments, tantôt, qui semblaient indiquer que ça n'irait pas nécessairement de ce côté-là. Toutefois, nous, à la lecture du projet de loi, bien, c'est des éléments qui nous apparaissaient comme affaiblir cette volonté-là.

M. Girard: Parfait.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir: Bonjour et bienvenue. D'abord, parce que mon parti est soupçonné de soviétisme, de «tout à l'État», je vais me faire un peu le porte-parole...

Une voix: On se demande pourquoi.

M. Khadir: Ah, je ne le sais pas! Je ne le sais pas, moi non plus.

Je vais me faire un peu l'avocat a contrario, là, du milieu de services de garde en milieu familial, des garderies privées subventionnées, parce que j'imagine que s'il y a une tension, on nous l'a rapporté hier qu'il y avait... notamment l'Association des éducatrices en milieu familial du Québec qui a un peu, disons, témoigné dans ce sens-là, on sent qu'il y a une insatisfaction par rapport à l'association CPE-bureaux coordonnateurs. J'imagine que, si, en plus, vous, vous n'avez pas conseillé le ministre pour aller dans le sens d'une séparation, d'une dissociation des deux entités, ça a dû venir de quelque part. Puis, moi, ce que je sens, c'est qu'il y a une tension qui est vécue, il y a deux cultures qui peinent encore donc à se réconcilier ou à trouver tout à fait un modus vivendi qui fasse que ça se fasse à la satisfaction des deux courants ou des deux cultures.

Est-ce que vous pourriez un peu ouvrir là-dessus, c'est-à-dire expliquer qu'est-ce qui peut éventuellement faire encore problème? Quelles pourraient être les motivations qui font que certains milieux... Donc, les responsables de services de garde en famille, par exemple, une certaine partie d'entre elles veuillent qu'il y ait une dissociation, veuillent avoir leur propre... Parce qu'on m'a expliqué qu'en plus elles peuvent siéger sur les bureaux coordonnateurs, elles peuvent siéger sur les conseils d'administration de ces entités qui sont les CPE-bureaux coordonnateurs. Mais ça ne semble pas être suffisant pour permettre une pleine, j'imagine, reconnaissance de tous leurs soucis.

Mme Rhéaume (Marie): Bien, je crois que vous avez parlé de la question de culture. J'imagine que... Tu sais, si on assiste à tout le chemin qui a été parcouru depuis 1997, c'est certain que c'étaient déjà des gens qui travaillaient un peu en parallèle, donc qu'ils n'étaient pas habitués comme de se fréquenter. Il y a eu aussi des améliorations du côté des personnes... du côté des conditions des personnes en installation. Je ne sais pas, moi...

Écoutez, je ne suis pas une spécialiste, là, ce n'est pas des milieux que je fréquente au quotidien. Donc, ça peut être des difficultés... Encore là, comme j'ai dit tantôt, c'est des questions aussi d'individus. C'est des questions d'attitude, c'est des questions... Je suis certaine qu'il y a des endroits où il n'y a pas de problème, puis il y a des endroits où il y a des problèmes, hein? Ça doit à peu près être le ratio 20-80 comme toujours, hein, où on a 20 % du monde... 20 % du monde pour qui ça va très mal, 20 % du monde pour qui ça va très bien, puis le reste qui se tient entre les deux, là.

M. Khadir: Ce que j'ai entendu le plus fréquemment dans les témoignages d'hier, c'est, par exemple, l'inquiétude suscitée par le fait que parfois les responsables se sentent jugées, évaluées de manière abusive, excessive. Et là je me suis posé la question que si le ministre donnait des garanties à l'intérieur des nouvelles structures sans dissocier bureau coordonnateur de CPE, qu'il y ait un recours, qu'il y ait une instance indépendante pour... une espèce, comment on pourrait dire, de référence de conciliation à laquelle pourrait se référer le milieu privé, ça pourrait peut-être éviter de démembrer, de défaire ce qu'on a fait depuis les trois dernières années, tout en reconnaissant des besoins qui viennent du milieu de garde familial. Mais on pourra peut-être plus tard... Mais est-ce que ça pourrait être un des...

Mme Rhéaume (Marie): Bien, tout à fait. Je demanderais peut-être à Mme Bitaudeau de compléter.

n(16 h 50)n

Mme Bitaudeau (Isabelle): Bien, en tout cas, les difficultés que vous évoquez, c'est certain que nécessairement on a affaire à un réseau de travailleuses autonomes qui exercent à l'intérieur de leur domicile, et on comprend qu'il y a un équilibre à trouver entre le mandat de surveillance, que les normes soient respectées, que les enfants soient dans des conditions de santé, de sécurité et de bien-être correctes.

Eh bien, évidemment, ce mandat-là... La surveillance et le contrôle, là, ce n'est jamais très loin l'un de l'autre, et on peut comprendre que parfois la façon dont se pratique ce mandat-là puisse créer des tensions. Mais, si on se replace à nouveau d'un point de vue de parent, moi, j'ai l'impression que, pour les parents, ça peut être rassurant de penser que la personne à qui on confie son enfant, non pas dans une collectivité, bon... Les parents, de toute façon, même dans une collectivité, dans une installation, ils ont besoin d'être rassurés sur les qualités d'éducatrice de la personne à qui ils confient leur enfant. Mais le fait qu'ils le confient à une personne chez elle et que la porte se referme sur un domicile, plusieurs parents doivent trouver rassurant que cette personne-là soit en lien avec un réseau qui, de temps en temps, effectivement, a un mandat de surveillance, qui vérifie si les repas sont corrects, si l'hygiène est respectée, si les lieux sont sécuritaires, etc.

C'est sûr qu'il y a un équilibre à trouver, là, entre contrôle et surveillance. Mais, en même temps, pour les parents, moi, j'ai l'impression qu'il y a tout de même un bénéfice à ce que toute personne à qui ils confient leur enfant ne soit pas totalement autonome, je dirais, sur tous les plans, là.

M. Khadir: Très bien.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Tomassi: Oui, seulement quelques informations. Quand vous avez dit, tantôt, que les familles, les parents sont ballottés... Seulement vous dire qu'avant et après, indépendamment ? puis je ne veux pas parler de... On ne rentrera pas dans la discussion de la structure, on va avoir des heures de plaisir durant les heures... dans les journées qui viennent...

Actuellement, les parents qui sont sur les conseils d'administration, on peut penser qu'il y en a peut-être 600: à peu près 150, 160 bureaux coordonnateurs, trois, quatre parents par conseil d'administration. Les autres parents ? les autres parents, les autres parents ? 175 400, eux, le lendemain matin, indépendamment de la structure, là, le lendemain matin, leur enfant va continuer à aller vis-à-vis la même responsable de garde en milieu familial, dans la même résidence, en ayant les mêmes services. Or, tu sais, je vous comprends, là, je comprends le concept, mais il faut aller un peu doucement sur les concepts et sur les mots qu'on dit.

Et peut-être pour faire mention de cette vision intégrée de famille, je voulais poser une petite question à Mme Rhéaume: En prenant compte de cette vision intégrée famille, comment réagissez-vous à l'effet qu'un OCF, qui est un prestataire de services vis-à-vis les familles, vous offre des haltes-garderies... que pensez-vous si ces gens-là seraient sous la responsabilité d'un CPE?

Mme Rhéaume (Marie): Oh! Ce n'était pas dans le projet de loi, ça, hein?

M. Tomassi: Non, je ne vous dis pas «le projet de loi», je vous fais la suggestion.

Mme Rhéaume (Marie): Vous faites la suggestion?

M. Tomassi: Je fais... je vous lance l'idée. La vision intégrée famille que vous semblez préconiser aujourd'hui, alors je vous lance une idée.

Mme Rhéaume (Marie): Je vous dirais que je ne me sens vraiment pas qualifiée pour répondre à cette question-là au moment présent. Peut-être que, dans une autre vie, ça aurait pu, là, mais actuellement...

M. Tomassi: Ça me va bien, parce que vous dites tantôt que vous ne connaissez pas le milieu, mais vous osez poser des interrogations puis poser des questionnements. Alors, j'osais, moi aussi, vous poser un questionnement qui m'a passé par la tête. C'est tout, M. le ministre... M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Sur ce, il me reste à dire merci beaucoup à Mme Rhéaume et les représentants du Conseil de la famille et de l'enfance.

Je vais suspendre nos travaux quelques instants, et j'invite Mme Nancy Neamtan à prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

 

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! On est devant notre troisième témoin de l'après-midi. Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et j'invite maintenant Mme Nancy Neamtan de prendre parole. La parole est à vous, Mme Neamtan.

Mmes Nancy Neamtan et
Marie-Hélène Méthé

Mme Neamtan (Nancy): Bon après-midi. Bon, je me présente: Nancy Neamtan. Je suis présidente-directrice du Chantier de l'économie sociale. Je suis accompagnée par ma collègue, Marie-Hélène Méthé, qui est directrice générale adjointe et responsable aussi du lien avec les régions.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas le chantier, je prendrai juste une minute, rapidement, pour dire que nous sommes une organisation partenaire du gouvernement du Québec pour faire la promotion de l'économie sociale et assurer son développement sur tout le territoire du Québec. Et, dans ce contexte-là, notre conseil d'administration, donc, est composé d'un vaste nombre de réseaux d'entreprises d'économie sociale, d'organisations de développement local, de pôles régionaux d'économie sociale et de mouvements sociaux qui partagent une vision d'une économie plus démocratique, inclusive et, je dirais, parce que c'est pertinent pour cette discussion, qui se déploie d'une façon durable sur l'ensemble du territoire du Québec.

Alors, je vous remercie pour cette opportunité de présenter la position du conseil d'administration du chantier devant cette commission. Je dirais qu'en quelque sorte il y a quelque chose d'un peu ironique. Nous avons quitté, il y a à peu près une heure, le mont Sainte-Anne, où est-ce qu'on était réunis autour d'une grande rencontre réunissant les unions municipales, les grandes centrales syndicales, Solidarité rurale, en tout cas un grand nombre d'organisations pour parler justement de quelle est notre vision collective de l'occupation du territoire, comment assurer un développement durable et soutenable pour une qualité de vie sur l'ensemble du territoire québécois. On a dû annoncer qu'on devait quitter pour venir à cette commission parlementaire parce qu'il y avait un enjeu d'occupation du territoire qui se jouait autour de ce projet de loi, et je dois avouer que j'ai été un peu surprise que les gens n'étaient pas plus au courant, parce que les enjeux, on va les ramasser dans les années à venir, s'il n'y a pas les corrections nécessaires. Et j'invite, dans ce contexte-là, à un peu de cohérence par rapport au gouvernement, qu'au moment où est-ce qu'on met l'occupation du territoire comme un élément important dans le ministère des Affaires municipales et des Régions, qu'on puisse être... en tout cas présenter un projet de loi qui pourrait avoir des conséquences à long terme qui seront, je crois, très néfastes, notamment pour les milieux ruraux, mais même dans les milieux urbains, qui pourrait avoir des impacts néfastes. Bon.

Alors, je veux dire aussi que nous serons très brefs parce qu'évidemment ce n'est pas de notre ressort d'intervenir sur les questions qui touchent les relations du travail, les conditions de travail; c'est quelque chose évidemment qui revient aux organisations syndicales, aux employeurs, qui sont les CPE, évidemment, au gouvernement du Québec. Alors, on va concentrer... On a essentiellement deux points sur lesquels on voudrait intervenir.

Peut-être juste un peu, avant d'aller sur ces deux points, de vous rappeler pourquoi le chantier est ici pour discuter de cette question-là. Bon, on a une longue histoire autour de... et, bon, je dirais, teintée par l'expérience de Mme Méthé et moi depuis 30 ans, dans toute la bataille et toute la construction de ce bijou, ce que nous considérons comme étant un bijou et une fierté de notre société et qui donne des résultats extrêmement importants pour nous, comme parents, comme grands-parents, et aussi pour nos enfants et pour l'avenir. Nous trouvons évidemment important... Et c'est un enjeu de société, mais plus particulièrement parce que le chantier, lors du sommet, en 1996, a pu porter une proposition venant de concertations interrégionales des garderies du Québec, a regardé de nouveau comment organiser des services de garde sur un territoire, a développé la notion et le concept des centres de la petite enfance qui, comme vous le savez, a été repris et est devenu une politique familiale extrêmement porteuse pour le Québec.

Nous avons, cinq ans après cette... À cause de cette implication-là, nous avons aussi, cinq ans après l'implantation de cette politique familiale, fait le tour du Québec, fait des rencontres publiques dans toutes les régions, rencontré les élus municipaux, des acteurs, pour faire un peu l'évaluation de ça, et ça nous a donné aussi une perception de quels étaient les acquis de ce grand réseau de centres de la petite enfance. Alors, évidemment, on est intervenus, et, je dois le souligner, on dit un peu: C'est un peu comme Le jour de la marmotte, on revient, quelques années après être intervenus à la commission parlementaire, ici, pour intervenir encore sur des questions qu'on considère fondamentales pour la préservation de cet acquis important qu'on s'est construit, comme société, depuis 30 ans.

Donc, je dirais, le premier point qu'on voulait faire, c'est... Il y a quand même, dans le projet de loi ou dans les communications tout au moins du ministre Tomassi, une affirmation qu'on voudrait quand même clarifier, où est-ce qu'on prétend que la façon que la réorganisation se fera fait en sorte que les bureaux coordonnateurs resteraient des organismes d'économie sociale.

Bon, je pense qu'il y en a d'autres qui vous ont souligné cette question-là avant nous. Ça prend plus qu'un statut d'organisme sans but lucratif pour être une organisation d'économie sociale. L'économie sociale est avant tout une implication citoyenne dans l'économie, dans la création de produits et de services gérés démocratiquement, en réponse aux besoins de la collectivité. Et donc il ne s'agit pas simplement d'avoir un statut de non-lucrativité, il s'agit d'avoir un mandat qui permet aux gens qui sont dans les structures de gouvernance de ces organisations d'économie sociale la capacité, et les mandats, et la marge de manoeuvre d'utiliser leur intelligence collective pour répondre aux besoins de leurs communautés et de leurs collectivités. L'économie sociale est un outil, pas de l'État, est un outil des citoyens et des citoyennes pour répondre et développer leurs territoires, développer leurs communautés et répondre à une diversité de besoins. Donc, évidemment, on voudrait quand même préciser que, pour nous, l'enjeu de créer des OBNL qui sont les bureaux coordonnateurs mais qui ont des mandats extrêmement restreints ne répond pas à l'esprit de ce qui est pour nous l'économie sociale.

Mais les deux points, les deux articles, évidemment, les articles 77 et 78 ? et on est conscients que vous avez entendu parler de cette question-là ? nous inquiètent grandement, nous inquiètent, bon, pour deux raisons.

n(17 h 10)n

La première raison, c'est effectivement ce qui a été discuté dans la dernière discussion, c'est sur la question de la capacité de superviser et soutenir les services de garde en milieu familial et assurer une qualité. Assurer une qualité, c'est... Évidemment, et je veux être claire, on n'est pas en train de dire que la qualité qui se donne par les... surtout des femmes qui travaillent dans les services de garde en milieu familial, qui les tiennent, n'est pas adéquate au moment où on se parle. Mais il ne faut pas... Un projet de loi ne doit pas juste regarder à court terme, mais regarder les moyens, les mécanismes qu'on va avoir à l'avenir pour assurer cette qualité-là. Et de toute évidence cette séparation entre les CPE et les bureaux coordonnateurs, ce changement dans le mandat qu'on donnerait aux bureaux coordonnateurs enlève la possibilité d'assurer la formation, la qualité de... et nous ramène essentiellement à la situation que, moi, j'ai vécue comme parent quand mes enfants étaient jeunes. Ils sont maintenant des adultes. On s'en allait à l'Office des services de garde, on espérait qu'ils nous donnent une adresse, on s'en allait là, mais on n'avait aucune capacité de savoir, après ça, si les choses allaient bien se passer ou pas bien se passer. Donc, encore une fois, pour nous, on considère que ce projet de loi doit revenir sur cette orientation-là et assurer qu'on puisse avoir cette interface entre les deux sortes de services de garde et une assurance aussi qu'il y a des modalités qui permettent d'assurer la qualité.

Le deuxième point... Et c'est le point, comme j'ai mentionné, de la question de l'occupation du territoire. L'idée des centres de la petite enfance, au tout début et quand ça a été mis en place à la fin des années quatre-vingt-dix, ça a été, à partir d'un territoire, de garder l'ensemble des besoins des parents et de pouvoir planifier. Quand on a fait la tournée des régions, on a fait toutes les régions et on a entendu souvent, particulièrement dans les milieux ruraux, entre autres: Oui, mais, nous, on a un petit service de garde en milieu familial dans notre village; qu'est-ce qui va arriver, là, si cette famille-là ou cette femme-là décide qu'elle ne veut plus? Qu'est-ce qu'on va faire? Bien là, à ce moment-là, il n'y avait pas de problème parce qu'on pouvait prévoir, il y avait des instances. Il y a même eu, au début de la politique familiale, la mobilisation, les instances régionales, il y avait une... tu sais, les instances de santé, il y avait une belle mobilisation pour planifier tout le déploiement. On a vu des initiatives absolument fantastiques dans toutes sortes d'endroits. Évidemment, cette inquiétude était là, mais il y avait des mécanismes.

Avec ce qui est là, est-ce que, de la façon que c'est formulé dans le projet de loi, on perd cette capacité-là de faire cette planification-là à partir des besoins et donc toute cette question de dire: Est-ce qu'on va revenir encore? Et je pense que les gens dans les milieux ruraux, sans arrêt, reviennent toujours sur la question des services de proximité, de ces besoins. Mais c'est même vrai dans les milieux urbains, où est-ce que parfois c'est plus facile d'aller dans les milieux qui sont moins difficiles sur le plan social, peut-être moins multiculturels, parce que c'est compliqué d'adapter nos services à des réalités des gens issus de différents pays, etc., de pouvoir revenir à une situation où est-ce qu'on n'a pas cette capacité, comme société et collectivement, de planifier l'occupation du territoire. Et on le sait, à quel point tous les territoires, tous les milieux ruraux travaillent très, très fort, mobilisent leurs citoyens pour attirer des jeunes familles. C'est important pour la survie de nos villages.

Alors, je pense que, dans ce cas-là, encore une fois, il y a une lacune extrêmement importante: les dommages, on peut dire, collatéraux de cette volonté de régler le problème des... en tout cas, de situations de... des conditions de travail des personnes qui travaillent en milieu familial. On a créé des problèmes, on a ouvert la porte à des choses qui vont avoir des conséquences extrêmement graves, on pense, pour ce réseau et pour l'avenir même de nos communautés.

Donc, en conclusion, de dire simplement que... Vous avez nos recommandations dans notre mémoire. On recommande: que le lien juridique soit maintenu entre les CPE et les bureaux coordonnateurs, assurant ainsi le maintien d'une vision intégrée des deux modes de garde et du déploiement des services sur un territoire, ainsi que la préservation d'un lieu unique de gouvernance, formé majoritairement de parents de l'installation et du milieu familial, au sein des conseils d'administration; deuxièmement, le mandat de surveillance des CPE-bureaux coordonnateurs soit réinscrit dans la loi; troisième, que le mandat de planification territoriale relève des CPE-bureaux coordonnateurs, permettant ainsi de coordonner une offre de service de garde en fonction des besoins des familles sur un territoire; et finalement, que la responsabilité des CPE-bureaux coordonnateurs quant au soutien à la formation et développement professionnel soit rétablie. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Neamtan. On va procéder maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission en cédant la parole au ministre de la Famille et député de LaFontaine.

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Neamtan, Mme Méthé, bienvenue et merci d'apporter votre contribution à cette commission parlementaire, qui se veut avant tout une commission parlementaire pour répondre à un jugement. On a eu plusieurs groupes qui sont venus nous parler, et, comme vous le faites si bien dans votre mémoire, même ces groupes ont énuméré deux éléments dans le projet de loi: le un, la première partie, que tous saluent à l'unanimité, est celui de la reconnaissance des travailleuses autonomes, avec le statut qu'on leur reconnaît en travailleuses autonomes, avec tous les droits qu'on leur accorde, l'accessibilité à un filet social qu'elles n'avaient pas, le droit d'association, de choisir le regroupement qu'elles désirent avoir; et la deuxième partie, celle de la structure, des bureaux coordonnateurs et des CPE.

Dans votre mémoire, à la page 9, dans vos recommandations... Et je suis conscient que des fois des mots mal interprétés peuvent porter à confusion. Et vous indiquez dans votre recommandation 4: «La responsabilité des CPE-bureaux coordonnateurs quant au soutien à la formation et au développement professionnel doit être rétablie.» Je veux seulement vous indiquer que, dans la loi actuelle, cette disposition est identique à celle qui existait avant. On ne change rien quant à la formation et quant au soutien pédagogique. Alors, nécessairement, c'est sur demande. Et, sur la question de la formation, c'est dans la même direction.

Alors, je sais que des fois des mots portent à interprétation. C'est la même interprétation qu'on en fait dans le libellé, où est-ce que.. quand vous indiquez celle... À la question «de répartir entre les personnes responsables d'un service de garde en milieu familial reconnues, et suivant les instructions du ministre, les places donnant droit à des services de garde subventionnés», qui vient remplacer l'élément qui dit: «de répartir [...] les places donnant droit à des services de garde subventionnés» suivant les besoins de garde des parents. La définition, dans l'essence même de l'esprit de la loi, est la même. Le libellé peut-être est différent, mais, en essence même, on revient à dire la même chose, parce que le ministre, lui, octroie des places à un bureau coordonnateur qui, lui, regarde et garde le pouvoir de redistribution des places à travers les RSG qu'il a reconnus. Il ne pourrait distribuer des places à des RSG qui ne sont pas reconnus en tant que tels, là. La contribution réduite, on doit reconnaître.

Et je voulais peut-être regarder avec vous... Quand vous parlez d'économie sociale, on parle beaucoup... Vous nous indiquez: Le bureau coordonnateur ne serait pas reconnu comme une économie sociale parce qu'il perd le pouvoir de superviser. C'est l'élément clé de votre discours. S'il y a autre chose, je voudrais le savoir, parce qu'en réalité on vient en quelque sorte renforcer cet élément dans le projet de loi, qui est... À la limite, là, c'est «d'assurer le respect des normes déterminées par la loi applicables aux personnes responsables d'un service de garde en milieu familial qu'il a reconnues». Or, on va beaucoup plus loin que ce que la loi actuelle dispose.

Alors, je voudrais savoir, à votre avis, sur l'aspect de l'économie sociale, de l'entreprise d'économie sociale, si c'est seulement l'élément de supervision qui fait en sorte que...

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que c'est plusieurs éléments. Et encore une fois il y a... Bon, je vous donne l'exemple. Tu sais, vous parlez de répartition. Parce que, pour nous, c'est un enjeu, et j'ai fait l'exemple: déjà, on a retracé la mobilisation des instances locales et régionales. Au moment où est-ce qu'au Québec on est témoins de cette volonté des régions, les collectivités locales, de se prendre en main, de pouvoir planifier leur développement, où est-ce qu'il y a des efforts ? il y en a qui ont été faits aussi à travers certaines politiques gouvernementales ? on va dans le sens contraire, parce qu'on dit: C'est le ministre... Mais c'est sûr qu'à l'ultime le ministre, il doit... le gouvernement... Parce qu'il s'agit de fonds publics, d'approuver des plans, mais il reste qu'il y a un enjeu important d'imbrication dans un milieu, avec les parents, avec les agents, et ça, on le perd parce qu'on ne peut pas être proactifs, on peut répartir ce qui nous est accordé.

Sur la question, entre autres, de la formation, on dit: «offrir, sur demande, un soutien pédagogique et technique». Donc, c'est sur demande. Bien, en tout cas, on le sait, si on... Tu sais, la... Et c'est vrai encore plus, peut-être, avec les travailleurs autonomes, mais, même dans les entreprises, on ne se lève pas, le matin, en disant: Bien là, je suis sûr que j'ai besoin d'une formation. On a toujours l'impression qu'on a la compétence, on est capable de le faire. Souvent. Disons, ce n'est pas la majorité. Et donc, si on n'a pas une capacité d'être proactif... Et c'est exactement ça que je pense qu'on dit dans...

L'esprit de l'économie sociale, c'est une prise en charge où est-ce que les gens sont en réponse aux besoins d'une communauté. Et les besoins d'une communauté, c'est d'assurer que tous les enfants, qu'ils soient en service de garde, en installation ou en milieu familial... une qualité, un projet éducatif qui peut développer les choses. Et c'était ça, la beauté de ce qui s'était fait.

Bon, on a des exemples à Val-d'Or, où est-ce que le Centre d'amitié autochtone a développé un projet pour... mais pas juste pour les autochtones, pour toutes les familles et tous les enfants de la communauté de Val-d'Or, pour pouvoir enseigner la culture autochtone. Il y a plein d'initiatives qui peuvent être prises en milieu familial, qui peuvent être planifiées ensemble, de faire des liens entre tout ça. Mais là, en coupant entre deux systèmes et en réduisant, en disant: On va répondre sur demande, on va répartir les places que le ministre nous donne, en coupant d'une vision beaucoup plus globale de la communauté, c'est là où est-ce qu'on dit qu'on va en contresens de tout ce qui est en train de se passer au Québec et tout ce qu'on réclame de la part des régions et des collectivités locales, d'avoir cette marge de manoeuvre non seulement de répondre à leurs besoins, mais d'être proactifs dans leurs façons d'aborder les choses.

n(17 h 20)n

M. Tomassi: Je veux seulement vous reprendre, Mme Neamtan. Dans la loi n° 124, à l'article 42, alinéa 7°, c'est ? ça, c'est l'ancienne loi ? «d'offrir [...] un soutien pédagogique et technique [sur demande]». Sur demande. Le seul élément qu'on a disposé autrement, c'est la question de favoriser la formation et le perfectionnement par la mise en place, par la mise en place d'un fonds et d'un comité mixte géré par les associations représentatives, qui vont être les centrales syndicales, les responsables de garde en milieu familial, où est-ce qu'elles n'ont pas un mot à dire actuellement, et les bureaux coordonnateurs, pour faire en sorte de mettre en place des formations dédiées aux responsables de garde en milieu familial. Là-dessus, les deux centrales syndicales sont venues nous dire qu'ils sont amplement d'accord. Il faut faire le lien avec le bureau coordonnateur de façon plus formelle, mais on arrive à ça.

En ce qui a trait au soutien pédagogique et technique, c'est la même disposition. Le seul problème, là, la seule différence, c'est que «sur demande», à 124, est mis à la fin, et ici «sur demande» est mis au début, de un.

De deux, quand vous dites: L'occupation du territoire, actuellement, actuellement, c'est quand même le ministère qui octroie des places à un CPE-BC. Le ministre prend un nombre de places et les octroie aux CPE-BC qui, eux, font la redistribution, sur leur territoire, des places. Demain matin, avec la création du bureau coordonnateur, c'est quand même le ministre qui va octroyer les places au bureau coordonnateur qui, lui, va les distribuer dans son milieu, toujours dans le milieu familial. C'est tout à fait normal. Et c'est tellement vrai qu'à l'article 5 de la loi c'est un peu ça qu'on vient dire, là, c'est: «Le ministre agit en concertation avec les intervenants des milieux concernés par sa mission en vue de favoriser la complémentarité et l'efficacité de leurs interventions.» Alors, la distribution des places, et tout ça.

Il ne faut pas regarder seulement la loi n° 51, et laisser de côté la loi n° 124, et, comme bien d'autres l'ont fait, laisser les règlements de côté, là. Tout s'attache. Le lendemain matin, là... Puis là je ne vous dis pas qu'on prend ça et on l'adopte demain matin, mais ce que je veux vous dire, c'est que la loi n° 51, les articles que nous allons adopter vont venir s'ajouter à la loi n° 124, qui va devenir une loi refondue par la suite. Mais il faut les prendre en considération. C'est des éléments, des articles de loi qui viennent remplacer, mais c'est des éléments essentiels qu'il faut prendre en considération. Il ne faut pas voir la 51 puis oublier la 124, là.

Mme Neamtan (Nancy): Mais il reste, M. le ministre, avec toutes vos explications, c'est qu'on est encore en train de couper en saucisses: là, il va y avoir les bureaux coordonnateurs, il va y avoir les CPE. On essaie d'avoir des visions intégrées, on arrive encore une fois... Et vous le savez, je pense, que même c'est la vision de votre gouvernement, de dire: Il faut arriver dans la modulation, il faut intégrer, il faut avoir une vision intégrée. Et là, sur quelque chose qu'on avait réussi à intégrer ? et c'est vrai qu'il y a parfois des arrimages, ça fait partie de la réalité ? on recoupe en saucisses et on crée deux cultures différentes: les CPE d'un côté, en installation, et les services de garde en milieu familial, à travers les bureaux... Alors, ce que je ne comprends pas et ce que nous ne comprenons pas, c'est que ça va dans le sens contraire. On avait quelque chose qui était intégré, on le sépare au moment où est-ce que tout le monde dit qu'il faut avoir une vision intégrée.

M. Tomassi: Mme Neamtan, ce que je vais essayer de vous dire, c'est que je vous comprends. Ce n'est pas là-dessus que j'essaie de vous faire satisfaire ou non satisfaire à mes interprétations. L'élément que je veux vous dire, c'est que vous indiquez des éléments, dans votre mémoire, qui contredisent la pensée du projet de loi, parce que nécessairement, on prend en compte le projet de loi n° 51 sans prendre en compte l'élément du 154. Puis je le répète, là, enlevez l'idée de la question de la séparation, là; les éléments qui sont intégrés à 42, 42.1, 42.2, à l'article... et les autres articles dans la disposition, celui «d'assurer le respect des normes déterminées par la loi» n'est pas plus faible, est encore plus fort que l'élément qui est inscrit dans 124.

Une voix: ...

M. Tomassi: C'est-u moi, ça? Excusez-moi, là. M. le Président, I am sorry.

Le Président (M. Kelley): Amende de 5 $ pour le party de Noël.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tomassi: C'est conciliation travail-famille.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ça sonne quand tu dis la vérité.

M. Tomassi: Toujours.

Une voix: Est-ce que c'est la ministre Courchesne qui vous appelle?

M. Tomassi: Non, non, non, pas du tout, pas du tout. C'était mon petit garçon. Alors, vous comprenez un peu... Je comprends la réticence ? puis je l'ai dit depuis le début ? la réticence que les gens ont à séparer les bureaux coordonnateurs puis les CPE. Ça, je... Ce n'est pas ça que je remets en question.

Je veux seulement que vous compreniez qu'il y a des éléments... Même s'il y a des changements, il y a des changements qui sont tout à fait corrects, qui sont dans la lignée pour renforcer le rôle des bureaux coordonnateurs qui sont inscrits dans la loi n° 51. Il y a des éléments qui existaient dans 124, qui demeurent dans 51, là. On ne vient pas changer, là. Alors, c'est ça que je veux... Je comprends votre questionnement sur la question de l'intégration de cette vision unifiée, mais ce que je veux essayer de vous faire comprendre, c'est qu'à la limite le bureau coordonnateur... Puis je vous comprends, là, ce n'est pas parce qu'on enlève un bureau coordonnateur dans un territoire donné... Il y a 165 bureaux coordonnateurs... en réalité, 150 bureaux coordonnateurs-CPE et 15 bureaux coordonnateurs tout court. C'est des éléments qui sont répartis dans le territoire du Québec, et, le lendemain matin de l'adoption du projet de loi... puis là je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec le principe de la séparation, mais il va toujours rester 165 bureaux coordonnateurs répartis dans toutes les régions du Québec. Alors, votre... le discours sur la non-occupation du territoire... Vous comprenez, là?

Mme Neamtan (Nancy): Non. Bien, je vais vous donner... Je vous poserais peut-être une question.

M. Tomassi: Allez-y.

Mme Neamtan (Nancy): Puis ma collègue aussi. Mais, par exemple, quand on dit qu'on va changer le mandat du bureau coordonnateur pour «répartir entre les personnes responsables d'un service de garde en milieu familial reconnues, et suivant les instructions du ministre, les places donnant droit à des services de garde subventionnés», on est dans... Je pense toujours à ma madame au Saguenay, avec un petit village, qui dit: Bon, alors là, le bureau... Le service de garde en milieu familial dans son village, la madame est trop fatiguée puis elle le ferme. Alors, il reste des places, alors le bureau coordonnateur va répartir... Il y a d'autres femmes, dans d'autres villages, qui pourraient en prendre d'autres, mais ce n'est pas ça... En tout cas, si, moi, j'étais dans ce village-là et dans une vision d'occupation du territoire, ce qu'il faut faire, c'est peut-être... et c'est peut-être compliqué, mais c'est frapper à des portes, trouver du monde qui serait prêt pour assurer que ce service essentiel pour la survie du village soit...

Alors ça, ils ne feront pas ça. Une entreprise d'économie sociale, avec toute la marge de manoeuvre, ils... Quand il fallait développer des entreprises en aide domestique, on a frappé aux portes pour qu'on trouve du monde sur tout le territoire pour offrir ces services-là. C'est ça, c'est la réduction de ce mandat-là, cette séparation-là, comme je vous dis, qui va dans le sens contraire. Tôt ou tard, on va prendre ça au pied de la lettre puis on va se repartager les places, parce que je peux en prendre un, là, là, là, et le pauvre village et notre mairesse du Saguenay, là, elle est foutue.

n(17 h 30)n

M. Tomassi: Mme Neamtan, ce que je veux essayer de vous faire comprendre, c'est que l'interprétation que vous en faites porte à cette interprétation. L'interprétation de la loi... Et quand je vous dis: Vous devez regarder le projet de loi n° 51 avec la loi qui avait été adoptée, la n° 124, l'objet un de la loi n° 124, je vais vous le lire au complet: «La présente loi a pour objet ? et ça, ça s'applique dans la nouvelle loi ? de promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les prestataires de services de garde qui y sont visés afin d'assurer la santé, la sécurité, le développement, le bien-être et l'égalité des chances des enfants qui reçoivent ces services, notamment ceux qui présentent des besoins particuliers ou qui vivent dans des contextes de précarité socioéconomique.

«Elle a également pour objet [...] le développement harmonieux de l'offre de services de garde en tenant compte des besoins des parents, notamment en facilitant la conciliation de leurs responsabilités parentales et professionnelles, ainsi que de leur droit de choisir le prestataire de services de garde.»

Cet élément des besoins des parents est toujours présent dans la loi, là. On ne l'évacue pas, là, il est là. Le ministre dit, dans la loi n° 124: La distribution de places que le ministre va vous octroyer, aux bureaux coordonnateurs, il va devoir les distribuer parmi les responsables de garde reconnus. Qui est-ce qui reconnaît la responsable de garde en milieu familial? C'est toujours le bureau coordonnateur. Qui est-ce qui va décider où reconnaître les responsables de garde en milieu familial? Dans quel territoire? Votre exemple, c'est toujours le bureau coordonnateur.

Si votre responsable de garde qui... est rendue à un âge et elle veut prendre sa retraite dans une petite ville, ça n'empêche pas, puis c'est tout à fait normal que le bureau coordonnateur va prioriser de quelque façon que ce soit d'essayer de reconnaître un autre responsable de garde en milieu familial dans la même petite municipalité pour que les enfants qui étaient gardés par cette responsable de garde puissent continuer à être gardés dans la même municipalité. Il n'y a rien qui change, là, c'est seulement la disposition. S'il faut rendre l'article de loi plus clair pour répéter l'article 1 dans l'article 42.2, on va le rajouter, là. Mais en réalité, là, l'important, la compréhension est toujours la même. Vous comprenez?

Le Président (M. Kelley): Mme Méthé.

Mme Méthé (Marie-Hélène): Avec tout le respect que je vous dois, M. le ministre, de toute évidence, la compréhension n'est pas du tout la même. Depuis que ça a été déposé, il y a combien de personnes qui sont venues s'asseoir devant vous pour expliquer qu'elles ou qu'ils n'étaient pas d'accord avec tel ou tel article de la loi? Bien humblement, je vous dirais que je suis un parent. Comme le disait ma collègue, il y a une trentaine d'années nous avons milité pour la mise en place des services de garde au Québec. Je pense qu'on ne peut pas balayer du revers de la main le travail que les femmes ? et les hommes, mais surtout des femmes ? ont fait depuis 30 ans au Québec.

Alors, moi, je me dis... Puis c'est sûr que je ne connais pas tous les tenants et aboutissants, je ne travaille pas quotidiennement dans ce milieu-là. Mais nous sommes quand même des gens intelligents, les gens qui sont venus ici sont des gens intelligents, et vous prenez du temps à nous expliquer, c'est fort apprécié. Mais alors, moi, là, je vous écoute parler, je relis ce qu'on a écrit, je relis ça ici, et je me dis: Bonnet blanc, blanc bonnet.

Alors, pourquoi, pourquoi, mais vraiment pourquoi a-t-on refait cet exercice, qui va probablement coûter très cher au gouvernement, pour changer? Et là les mots ne sont pas neutres, M. le ministre, vous le savez, vous êtes en politique. Je relis la colonne à la page 5, je relis la colonne qui est à l'extrême droite, le 42, ensuite la colonne du milieu qui sont les modifications, et, effectivement, vous avez raison, on peut en perdre son latin parce que c'est pratiquement la même chose, c'est pratiquement la même chose. Mais dans les mots, qui ne sont pas neutres, il y a des nuances incroyables, et il faut savoir lire entre les lignes pour comprendre.

Moi, la question que je vous pose, c'est: Pourquoi le libellé a été changé où de toute évidence, au premier abord, quand on ne fait pas l'analyse critique de la chose et qu'on n'est pas dans ce milieu-là, on pourrait tout à fait constater: Bien, mon Dieu! ils n'ont rien changé? Mais ça ne se peut pas, M. le ministre, qu'il y ait autant de personnes qui viennent devant vous et qui ne saisissent pas.

M. Tomassi: Mme Méthé, de un, je veux seulement vous entendre dire, quand vous citez votre document sur les colonnes, d'où vient ce document?

Mme Méthé (Marie-Hélène): C'est un tableau comparatif de la loi n° 124 et du projet de loi n° 51.

M. Tomassi: Préparé par?

Mme Méthé (Marie-Hélène): C'est l'AQCPE.

M. Tomassi: Bon.

Mme Méthé (Marie-Hélène): Mais ça... Mais...

M. Tomassi: Non, non, non, mais c'est correct, madame. Mme Méthé, là, je veux seulement mettre en perspective que vous comparez des éléments qui sont préparés par l'AQCPE, c'est rien que ça, là.

Mme Méthé (Marie-Hélène): Oui, oui. Ah non, mais je comprends, là, mais il y a quand même le texte de la loi, là, dans la colonne, là.

M. Tomassi: Je le comprends, puis il n'y a pas de problème. Mais, moi, ce que je veux vous dire, c'est l'interprétation...

Des voix: ...

M. Tomassi: ...c'est l'interprétation, puis je veux que ce soit clair, là. Si l'interprétation doit être plus claire, on va la rendre plus claire, vous comprenez? Je n'ai pas de problème avec ça, Mme Méthé. Puis il faut aussi dire que nécessairement, dans les instructions du ministre, puis je vais vous en lire une, instruction du ministre, parce que l'important, dans l'interprétation que vous faites, c'est que ça doit être fait sous l'instruction du ministre. Dans l'instruction n° 5 qui a été publiée en 2005, qui a... même la CSQ n'a pas...

Une voix: En 2008.

M. Tomassi: ... ? 2008 ? n'a pas... «Cette politique doit...» Puis là je cite: «Cette politique doit contenir: les priorités retenues sur le territoire et les sous-territoires du bureau coordonnateur pour la répartition des places subventionnées selon: la couverture des besoins de son territoire; la description des besoins, et des attentes, et des préférences des parents; les priorités ministérielles transmises par le ministre aux bureaux coordonnateurs; et les caractéristiques de la population desservie.» Ça, là, ça demeure. Alors ça, les bureaux coordonnateurs le reçoivent et vont continuer à le recevoir.

Alors, l'élément essentiel de votre présentation, comme d'autres présentations, c'est l'élément de séparation des bureaux coordonnateurs puis des CPE. Dans ces éléments-là, les indications ministérielles par le projet de loi, la façon dont le libellé... Les légistes, d'habitude, ont la fâcheuse habitude de ne pas répéter, hein? Ils l'inscrivent une fois, à l'article 1 et, pour eux, ça s'applique pendant tout le long de la loi. En réalité, on pourrait dire, on serait... des choses qui seraient peut-être à refaire, mais l'important, pour nous, c'est que les instructions du ministre soient claires, ne soient pas interprétées, mais qu'elles puissent être prises en considération sur les éléments qui existent déjà.

Le Président (M. Kelley): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Oui, juste un commentaire. C'est vrai qu'on peut discuter longtemps sur l'article et la formulation, mais il y a l'esprit de cette loi-là, et l'esprit de cette loi-là... Là, je ne parle pas de la question de son objectif premier, je parle de l'esprit de ce que j'appelle le dommage collatéral d'une loi qui a tout son sens. Si les gens des conférences régionales des élus, puis les municipalités, et les acteurs sur le terrain que dans le milieu social, syndical, etc., développement local, entendaient cette discussion-là, je pense qu'ils seraient très inquiets. Parce que, là, on est en train de revenir même à une vision: c'est l'État, c'est le ministère qui va faire cette analyse-là à partir de je ne sais pas quoi. Tu sais, on a reculé déjà en créant des mégabureaux coordonnateurs, il y a quelques années, et on recule encore.

Et, encore une fois, je vous demande, comme gouvernement, un peu de cohérence et d'écoute envers les gens dans les régions puis dans les collectivités locales qui ne demandent... qui sont, pour toutes les raisons qu'on connaît dans le contexte actuel, assez... assez effrayés par la situation mais qui demandent d'être partie prenante des solutions. Et on a entendu parler des jeunes, l'importance des jeunes, de garder des jeunes, des jeunes familles. Et là on est en train de reculer, reculer, depuis deux lois, sur la participation des milieux dans ce vaste projet. Alors, on peut, je crois, discuter longtemps sur les articles de la loi, mais je vous dis que, par cette loi-là, le message que vous envoyez, il n'est pas, à notre avis, le bon message. Ça va dans le sens contraire de tout ce qu'on sent sur le terrain puis on sent autour des organisations. On sent qu'il y a le potentiel, et ce qu'on vous dit: Misez ? c'est ça, l'esprit de l'économie sociale ? sur l'action citoyenne, la participation locale et régionale, la participation d'une... sortir de la gestion par silo et de ne pas en créer d'autres. Puis essentiellement, c'est ce que cette loi, dans cette partie mauvaise, là ? parce qu'il y a des bonnes parties ? vient faire.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Ça met fin au temps pour le ministre et les députés ministériels. Il reste un bloc de 25 minutes. Pour le réaliser, il faut dépasser légèrement 18 heures et terminer à 18 h 4, s'il y a consentement. Alors, M. le député de Gouin, la parole est à vous.

n(17 h 40)n

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer Mme Neamtan et Mme Méthé. Merci pour votre présence et votre mémoire dans le cadre de cette commission parlementaire.

D'abord, M. le Président, je souhaiterais revenir sur les propos du ministre, rappeler que, si le gouvernement, son ministère, n'avait pas choisi de séparer les centres de la petite enfance des bureaux coordonnateurs, il n'y aurait pas un nombre important de groupes qui seraient venus en commission parlementaire dénoncer les articles 77, 78 et 83 du projet de loi. Ils seraient venus plutôt célébrer et saluer les avancées pour les responsables de garde en milieu familial. Donc... Et tous ces groupes... Et plus la journée avance, plus les consultations avancent, plus le ministre est isolé, plus son gouvernement est isolé.

Il y a l'AQCPE, l'association des cadres, la CSN, la CSQ, le Conseil famille enfance et même le Chantier de l'économie sociale qui aujourd'hui vient nous dire, au ministre: Retirez les articles 77, 78, 83 de votre projet de loi. Le ministre peut bien essayer, là, de rentrer la pâte à dents dans le tube, mais personne, personne n'est dupe. Et on comprend, et les gens sont inquiets, sont inquiets qu'on revoit les mandats populationnels de surveillance et de formation continue. Et, dans une loi, les mots ont un sens. S'il n'y en a pas, de changements, pourquoi on modifie des articles de la loi n° 124? S'il n'y rien qui a changé, pourquoi vous modifiez la loi n° 124? C'est incompréhensible.

Et ma première question à Mme Neamtan... J'ai relu une partie de votre témoignage en 2005, qui était très clair, très limpide, et qui a marqué beaucoup de parlementaires. Mon collègue député de Vachon pourrait certainement en parler. J'imagine aussi ça a marqué l'ex-ministre de la Famille, Carole Théberge, et malheureusement une partie du projet de loi s'inspire de sa vision de l'époque, avec la loi n° 124. Mais vous disiez à l'époque que vous aviez le sentiment que 124, ça trahissait les promesses du Parti libéral.

Hier, La Presse faisait état d'une lettre transmise par l'ex-ministre de la Famille, actuellement ministre de l'Éducation et députée de Fabre, dans laquelle elle s'engageait, et j'en cite à nouveau des extraits, j'ai déposé la lettre hier: «Dans toutes les solutions administratives qui seront mises de l'avant, j'entends privilégier la structure des CPE-bureaux coordonnateurs.» Elle disait également: «Je vous confirme également que la refonte de la loi et des règlements préservera la responsabilité et la structure des CPE- bureaux coordonnateurs en regard de la garde en milieu familial, tout en leur permettant d'assumer, avec qualité, leur rôle et leur mandat.» Cette lettre-là a été acheminée, le 4 décembre 2008, à l'Association québécoise des centres de la petite enfance, quatre jours avant le résultat électoral du 8 décembre dernier que l'on connaît.

Moi, j'aimerais savoir si vous avez le sentiment que le gouvernement ne respecte pas les engagements qu'il a pris à l'égard d'un partenaire essentiel et incontournable au niveau des services de garde éducatifs et si vous souhaitez que le ministre renonce à mettre en application les articles 77, 78 et 83 qui vont à l'encontre de l'engagement pris par l'ex-ministre de la Famille et actuellement ministre de l'Éducation de ce gouvernement.

Mme Neamtan (Nancy): Bon, là, écoutez, c'est sûr que... en tout cas, je pense que c'est le sens de notre mémoire, c'est qu'on doit retirer ces articles de la loi parce que, comme j'ai dit, le reste de la loi, ça nous convient parfaitement. Et on ne serait peut-être même pas ici s'il n'y avait pas eu ces articles-là parce que, comme j'ai dit, ce n'est pas notre mandat d'intervenir dans l'ensemble de ce dossier de relations de travail.

C'est sûr que c'est une grande déception, et j'avais dit à ma collègue que je serais plus calme cette fois-ci. J'ai été... bien, j'étais calme la dernière fois, mais j'ai été très fâchée. Et je dois dire que c'est vrai que c'est quelque chose qui nous prend par les tripes parce que c'est quelque chose qui s'est construit avec les années, qui est la fierté, pour laquelle... Et effectivement, ce gouvernement-là peut-être au début avait une certaine méfiance envers ce... Puis, bon, il y a toutes sortes de raisons partisanes. Nous, on est une organisation non partisane, on ne s'implique pas là-dedans. Mais, je pense, assez rapidement s'est rendu compte, auprès de la population, que ça répondait tellement à un besoin qu'il fallait continuer, et poursuivre, et rajouter des places, et on est très contents de ça.

Alors, je dois dire qu'on a été assez étonnés, et, comme j'ai dit au tout début, je pense qu'il y a beaucoup de monde qui ne se rend pas compte de ce qui est en train de se passer au moment où on se parle ? puisqu'il y a beaucoup d'autres éléments dans les nouvelles ? avec les impacts. Alors, c'est évident, pour nous, que c'est un recul: c'est un recul sur le plan social, c'est un recul sur le plan territorial, et les impacts à moyen et à long terme sont inquiétants.

Et le fait que les centrales syndicales, malgré... tu sais, ont choisi d'aller dans ce même sens-là, tout en évidemment soulignant les avancées qui sont faites, je pense que c'est une indication que, en quelque part, c'est le bien commun, c'est l'argent et c'est beaucoup d'investissements de l'État. On a un consensus social ? en tout cas presque ? sur l'investissement étatique dans... ça donne des résultats, on le voit à toutes sortes de niveaux, ce n'est pas moi, l'experte pour le dire. Et qu'on vient jouer là-dedans, on doit dire qu'on était assez étonnés puis, comme vous voyez, encore assez bouleversés par cette proposition-là.

M. Girard: Et, à la lumière des témoignages qu'on a entendus depuis hier, vous n'êtes pas seuls à être étonnés, déçus et demander des amendements à ce projet de loi.

Je veux revenir sur l'occupation du territoire, puisque vous y faites référence à la page 8 de votre mémoire. Vous avez échangé sur ce sujet-là avec le ministre. Vous nous dites que l'occupation du territoire, c'est une priorité avec la création d'une nouvelle responsabilité au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Dans le mémoire qui a été présenté par l'AQCPE hier, on donnait des exemples, là, des inquiétudes. Moi, je vous cite une responsable d'un BC, c'est un CPE-BC, et vous me direz si ça illustre les craintes que vous avez sur le plan de l'occupation du territoire, elle disait... c'est à la page 14 du mémoire de l'AQCPE: «Situé dans le Nord du Québec, notre CPE-BC ne compte que deux milieux familiaux. C'est clair qu'on ne pourrait pas supporter financièrement deux structures... Un conseil d'administration pour deux RSG et 12 enfants? Ça ne tient pas debout...»

Est-ce que c'est le sens de vos inquiétudes, quand vous dites que vous avez le sentiment que ce projet de loi là, ces articles-là tels qu'élaborés, 77, 78 et 83, que vous craignez que ça ait un impact important sur le plan de l'occupation du territoire et que ça va en contradiction avec les orientations de l'actuel ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire?

Mme Neamtan (Nancy): Bien, c'est-à-dire que c'est sûr que l'exemple que vous donnez, ça en est un, exemple. Mais je dirais un peu ce que j'ai dit tout à l'heure au ministre, c'est que tout ce qui va dans le sens de couper encore en silo, les organisations qu'on a dans nos régions vont, à notre sens, et pas juste à notre sens, parce que je pense que tous les gens, en tout cas, on fréquente, on a des pôles régionaux qui sont nos partenaires dans toutes les régions du Québec, on l'entend, les gens, ils veulent pouvoir faire l'intégration de l'ensemble des aspects.

Ça a été d'ailleurs une des choses, tu sais, du développement territorial de la façon la plus souple possible et la plus décentralisée possible. Alors là, on coupe en saucissons les bureaux coordonnateurs des CPE, on demande... le ministre qui va... on réduit le mandat du bureau coordonnateur, et on donne au ministre un peu le mandat, à partir d'études populationnelles et de conseils, sans doute, du ministère, de répartir les places. Alors, encore une fois, pour nous, la question de l'implication des milieux dans une vision intégrée et tout...

Par exemple, ce qu'on avait déploré la dernière fois, c'est qu'il y avait, en grossissant des bureaux coordonnateurs, il y avait aussi toute cette interface qu'il y avait entre les réseaux de la santé et services sociaux, d'identifier des programmes de prévention, d'aller... tout ça, au fur et à mesure que ça devient des mégastructures, c'est de plus en plus difficile d'être à la fine pointe de tout ce qui bouge puis de pouvoir réagir rapidement. Alors, déjà, on a déploré ça; là, on fait un pas de plus.

Alors, c'était effectivement l'occupation du territoire. Il n'est pas juste une question de répartir des places selon un certain nombre de chiffres; c'est d'intégrer dans la vie d'une communauté, avec toute sa culture, tout son dynamisme et tout le plus-value qui y est apporté, parce qu'on dit: Ça prend un village pour élever des enfants, mais on aimerait bien pouvoir maintenir ça, et on a l'impression, avec ça, on a oublié.

n(17 h 50)n

M. Girard: Vous avez donc le sentiment que ce projet de loi là, ces articles-là du projet de loi n'ont pas été pensés pour les enfants ni pour les parents mais pour des raisons purement administratives. Et d'ailleurs, depuis le début des travaux, on cherche à connaître l'origine de ces articles-là, puisque personne n'a été consulté, ils l'ont appris au moment où le projet de loi a été déposé, le 13 mai. Est-ce le premier ministre? Est-ce le Conseil du trésor? Est-ce le ministre de la Famille? Nous ne savons pas qui a tenu à ce que ces articles soient inscrits dans le projet de loi, mais tout le monde se pose la même question. On n'a toujours pas de réponse depuis le début de nos travaux.

Mais je voulais aussi revenir sur... après ça, je passerai la parole à mon collègue de Vachon. Vous nous dites aussi que, si les amendements au projet de loi sont adoptés, les bureaux coordonnateurs ne seront pas des entreprises... ne seront plus des entreprises d'économie sociale. Peut-être, pour le bénéfice de l'ensemble des parlementaires, nous expliquer pourquoi et, puisque vous êtes présidente du Chantier de l'économie sociale, que vous êtes... vous avez contribué à la création du magnifique réseau des centres de la petite enfance qui a été, entre autres, initié par la chef de l'opposition, actuelle chef de l'opposition officielle, j'aurais aimé vous entendre à ce sujet-là.

Mme Neamtan (Nancy): Écoutez, je pense que, comme on dit, l'enjeu est vraiment dans le mandat. Bien, entre autres, les bureaux coordonnateurs, c'est une question de mandat, c'est une question de... le principe de ce qu'est l'économie sociale puis, encore une fois, on n'est pas là pour... il n'y a pas un sceau là, ce n'est pas Coca-Cola puis on marque ça, puis vous l'êtes ou vous ne l'êtes pas, et on ne vous donne pas le secret.

L'économie sociale, c'est une entreprise collective qui répond en premier lieu... qui met l'être humain au centre, et, dans ce cas-là, évidemment que sa mission met les enfants et les familles au centre de leur mission. Ils ont une autonomie de gestion par rapport à l'État, ils sont en réponse aux besoins de la collectivité avec une gestion démocratique.

Quand on lit la limite de ce qui est le mandat de ces bureaux coordonnateurs, on peut questionner minimalement l'autonomie de gestion par rapport à l'État, la capacité d'agir et de gérer démocratiquement en fonction des besoins de la communauté. On a l'impression que le mandat est tellement restreint que, en tout cas, ce n'est pas l'esprit de ce qu'est l'action citoyenne au coeur de l'économie, ce qui est la base de l'économie sociale.

M. Girard: ...M. le député de Vachon.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vachon, il vous reste sept minutes.

M. Bouchard: Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, j'ai beau... Je fais le tour de la question depuis ce matin avec les intervenants, puis j'écoute le ministre, puis j'écoute mes collègues, puis j'essaie de faire un bilan concernant ce que j'ai entendu quant à la valeur ajoutée de séparer les deux réseaux. Là, on peut être nostalgique puis dire: Regarde, on veut conserver un seul réseau puis... Mais la vraie question, c'est que, si le législateur introduit un changement, c'est qu'il y voit quelque part un gain et qui peut se traduire en termes de valeur ajoutée ou bien pour les enfants ou bien pour les parents. À moins que ce soit pour quelqu'un d'autre? Je ne sais pas. Mais c'est évident que... puis je vois Claudette Pitre-Robin derrière, qui est là et qui suit les travaux attentivement, qui est parmi les pionnières des regroupements des centres à la petite enfance, les regroupements régionaux qui ont toujours été extrêmement actifs, proactifs dans leur capacité de débusquer l'innovation, d'interpréter les recherches, de mettre à jour les connaissances, de monter des programmes de formation continue.

Quel va être l'intérêt de ces regroupements à poursuivre ces efforts envers les ressources de garde en milieu familial si la mission des bureaux coordonnateurs est déconnectée d'un mandat de promotion de la formation? Alors ça, c'est une première question que je me pose. Je me dis: Ce n'est certainement pas de ce côté-là qu'on voit la plus-value. Bon. J'essaie de voir, du côté des responsables de services de garde en milieu familial, quelle pourrait être la plus-value de deux réseaux séparés. Je ne les vois pas encore parce que quelque part ils sont, à mon avis, condamnés à plus d'isolement que s'ils étaient dans un système intégré et participaient à une culture d'enrichissement, d'émancipation du côté de notre capacité d'offrir les meilleurs services possible à nos enfants.

Alors, il reste une couple de minutes, là, deux, trois minutes, puis vous êtes peut-être aussi curieux, curieuses que moi d'entendre le ministre là-dessus. Mais le ministre peut-il nous dire ? puis, moi, je serais prêt à disposer de mon temps: Quelle est la valeur ajoutée qu'il voit pour les enfants et pour les parents de séparer les deux réseaux?

Et là, M. le Président, je ne sais pas si c'est dans les règles du jeu, mais je donnerais le temps au ministre de répondre à cette seule question là, pas à d'autres questions, à la question de la valeur ajoutée pour les parents et les enfants. Quelle va être la valeur ajoutée de séparer les deux réseaux?

Le Président (M. Kelley): Est-ce que le ministre veut prendre la parole ou...

M. Tomassi: On va avoir les remarques finales après, on va en discuter.

M. Bouchard: Bon. Alors, je note que le ministre veut y réfléchir plus longuement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Mme Méthé.

Mme Méthé (Marie-Hélène): Bien, moi, j'aurais une autre question, mais c'est la même question que le député de Vachon. Mais j'irais d'une réponse qui est en même temps un questionnement.

C'est sûr que, quand on change les choses, c'est parce qu'on a des intérêts à les changer. Ils sont souvent secrets, ils sont souvent cachés puis, des fois, ils sont transparents. Ne pas avoir de réponse claire et transparente nous amène bien sûr à une multitude d'interprétations et une multitude de scénarios. Puis mettons que, là, moi, j'en énoncerais un, scénario ? puis je peux être, M. le ministre, tout à fait à côté de mes souliers ? mais ce serait, à mon avis, une question d'argent, une question de finances, ce qui n'est pas nécessairement mauvais en soi, de vouloir faire des économies. Mais il y a deux choses, au Québec, sur lesquelles les citoyens et les citoyennes sont excessivement à cheval: ça s'appelle la santé et l'éducation. À mon avis, les services de garde à l'enfance, c'est dans la grande famille de l'éducation au Québec.

Une voix: ...

Mme Méthé (Marie-Hélène): Oui, parce que, si on ne commence pas tôt, on a des sérieux problèmes plus tard. Et ça, je pense que les Québécois et les Québécoises ont réalisé ça, puisqu'ils se sont acharnés pendant plus de 30 ans à maintenir un réseau. Et on est finalement arrivés à avoir un réseau intégré qui n'est pas parfait, je vous l'accorde, mais de là à réinventer la roue ou à changer des mots pour d'autres mots, on peut se poser des questions, et je pense que c'est légitime, M. le ministre.

Maintenant, je reviens: santé, éducation. Il n'y a pas vraiment d'économies à faire parce que, de toute façon, quand on essaie de faire des économies de bouts de chandelles en santé ou en éducation, ce qu'on fait, c'est qu'on pellette par en avant et qu'on se ramasse 10 ans, 15 ans, 20 ans plus tard, avec des problèmes sociaux épouvantables. Alors, dans le fond, sensiblement, ce que les gens viennent vous dire ici: Ne touchez pas à la santé ou à l'éducation, si ce n'est pour faire des changements qui sont vraiment positifs, qui sont vraiment réels.

Puis, ceci étant dit, on a salué également... vous l'avez lu dans notre mémoire: il y a des choses intéressantes. On n'a pas l'habitude de jeter le bébé avec l'eau du bain ou de faire table rase, à moins que ce soit absolument épouvantable. Mais les articles... et tout à l'heure je reviendrai, M. le ministre. Parce que, moi, je suis dans le communautaire, dans Le Mouvement des femmes, dans l'économie sociale depuis plus de 25 ans. Quand les groupes, les réseaux au Québec font des analyses de ce qu'est une loi, de ce qu'elle est et des changements qu'on y apporte, ils le font avec une rigueur extrême. Alors, le document que j'ai entre les mains est un document effectivement de l'AQCPE, et je mets au défi quiconque ici de regarder la colonne à l'extrême droite et de trouver une faille dans le texte qui ne correspond pas exactement avec la loi. Ça, je tenais à le dire.

Alors, encore une fois, la santé, l'éducation: si le Québec continue à pelleter par en avant et à faire des économies de bouts de chandelles, dans 25 ans d'ici, nos enfants seront dans la misère, pour être polis...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Mercier, un dernier échange de cinq minutes.

n(18 heures)n

M. Khadir: En fait, les questionnements que vous avez... les recommandations que vous faites, notamment l'insistance sur le fait qu'il faut maintenir le lien juridique entre les CPE et les bureaux coordonnateurs, sont venus de manière répétée dans les différentes discussions, même, je dirais, en fait, de ce témoignage direct d'un parent, c'était Michel Ouellet, hier, président du conseil d'administration du CPE Vire-Crêpe ? je ne sais pas c'est où d'ailleurs, mais bon, c'est un joli nom ? qui est bénévole, un parent utilisateur...

Une voix: ...

M. Khadir: Pardon?

M. Bouchard: C'est dans une cabane à sucre.

M. Khadir: C'est dans une cabane à sucre? Eh bien! Bon, c'est une interprétation très culturellement marquée de mon collègue.

Mais, ce que j'allais dire, pour être plus sérieux, donc c'est un parent qui semblait très impliqué, qui s'était porté volontaire, qui est doté certainement d'une capacité... certainement dans la moyenne, sinon au-dessus de moyenne ? M. Ouellet fait de la recherche en virologie dans la recherche de vaccin contre le VIH ? nous parlait donc de la difficulté à recruter des parents sur les conseils d'administration, remettait en question certains mécanismes parce que, parfois, les compétences des parents à assurer la gestion, prendre des décisions, comme ils sont portés bénévoles, n'est pas toujours au rendez-vous, parlait d'un budget important, par exemple, dans le CPE sur lequel il siégeait parce que c'était quatre... trois établissements, bientôt quatre, tout ça, complexité dans l'application des directives, des instructions, tout ça.

Mais, à la fin de tout, quand il a été questionné sur le fait, est-ce que, dans le fond, ça marcherait mieux si on enlève le lien entre le CPE et le bureau coordinateur, il n'a pas été capable de dire ça, bien qu'on sentait que le groupe avec lequel il était venu penchait plutôt vers un accord. C'était un des deux seuls groupes, en fait, qui penchaient vers une espèce d'accord tacite sur le fait que ça peut bien sûr être délié. Mais, même là, ce groupe-là insistait sur le fait que, si ça se passe comme ça, dans le fond, il y aurait peut-être avantage à ce que ces deux entités là partagent la direction, une certaine partie des ressources, peut-être même les locaux. Ce qui fait qu'à la fin, on se demandait: Bien, à ce moment-là, à quoi bon diviser les conseils d'administration, puisque le parent qui était venu témoigner pour eux parlait de la difficulté à recruter des parents bénévoles déjà. Et on s'imagine que, maintenant, avec cette préoccupation supplémentaire qu'on vient d'entendre du Chantier de l'économie sociale, c'est-à-dire l'importance d'occupation de territoire et des villages où, bon, ils sont encore moins nombreux, donc là, on s'imagine le trouble.

Ceci étant dit, on a aussi entendu des problèmes de cultures qui ne sont pas tout à fait encore intégrées. D'accord? Qui fait en sorte qu'il y a des ressources en milieu familial qui se plaignent sans doute que les CPE coordonnateurs n'agissent pas toujours comme ? j'imagine, là, je vais mettre des mots dans leurs bouches ? comme bon père ou bonne mère de famille qui, malgré le fait qu'il y a une différence entre les cultures, veillent à la sauvegarde de leurs intérêts et de leurs préoccupations.

Qu'est-ce qui pourrait être fait pour aider le ministre, pour reculer en arrière... enfin, pas reculer en arrière, c'est un... je ne voudrais pas abuser de ces termes. Qu'est-ce que vous avez comme suggestion pour que le ministre puisse changer de fusil d'épaule puis garder le lien juridique, tout en tenant compte des soucis peut-être qui l'ont poussé à le faire?

Le Président (M. Kelley): Mme Neamtan.

Mme Neamtan (Nancy): Je dirais que, bon, la première chose, c'est que l'intégration, ce n'est pas juste... Je trouve, ce qui est important, c'est de voir... c'est que l'enjeu, ce n'est pas juste pour les parents au conseil d'administration.

Et là je vais donner un exemple très personnel: je suis grand-maman, et, mon petit-fils, il a commencé dans un... avant le dernier changement à la loi où est-ce que le centre de la petite enfance... il était dans un milieu familial, mais régulièrement il y avait des activités avec les enfants dans le milieu familial, tu sais, à Noël, etc., puis, avec le CPE puis les parents. Et donc, l'isolement d'être juste dans un petit service en milieu familial, il y avait tout ce lien avec la communauté plus largement d'interface, etc., qui était liée à cette intégration-là. Alors, je pense que c'est important de voir ça aussi, pas juste au niveau du conseil d'administration, mais d'une façon plus ensemble.

Et, moi, j'ai assisté par exemple, justement sur la Rive-Sud, à une soirée de prix pour les meilleures actions envers les enfants, avec notre amie Claudette Pitre-Robin. Et c'était génial, parce qu'il y avait des gens en milieu familial, il y avait des gens en installation, il y avait des parents, il y a des travailleuses, il y avait... Alors, on sentait tout ce dynamisme, et cette interface et cet apprentissage.

Alors, je pense qu'il n'y a rien de parfait, là, parce que, si on cherchait de la perfection, on fermerait l'État, on fermerait les entreprises, on fermerait tout. Il y a du travail à faire et, dans les entreprises d'économie sociale, on le fait souvent, on fait de la formation sur la gestion démocratique, on fait la formation des administrateurs. Il y a différentes façons de travailler ces questions-là pour enlever les irritants, mais c'est sûr il faut y travailler. C'est comme dans n'importe quelle organisation, mais ce n'est pas ? encore une fois, excusez l'expression ? jeter le bébé avec l'eau du bain. Pour nous, c'est... Il n'y a rien qui dit, par exemple, que, dans les bureaux coordonnateurs, la culture va être meilleure.

Alors là, on met toutes les chances de notre côté de construire sur ce qui est déjà là puis aller de l'avant plutôt que de reculer. Alors, je ne peux pas vous répondre plus que ça, sauf de dire: Regarde, on a les mêmes situations avec les entreprises en aide domestique. Ils ont commencé petits, il y en a qui sont à 200, 250 employés. Mais, les gens, ils apprennent, puis on forme le monde, puis on se donne des outils, mais, l'avantage, on le fait collectivement, on n'isole pas les gens l'un de l'autre.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup, Mme Neamtan, merci beaucoup, Mme Méthé pour le partage de vos expériences et votre perspective avec les membres de la commission.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

 

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Kelley): ...des affaires sociales reprend ses travaux. Je vais vous rappeler le mandat de la commission: la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi sur la représentation de certaines personnes responsables d'un service de garde en milieu familial et sur le régime de négociation d'une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives.

On a un groupe prévu pour ce soir... ou un individu: Mme Nathalie Bigras, qui est professeure agréée au Département d'éducation et pédagogie de l'UQAM. Elle est accompagnée par Mme Caroline Bouchard, qui est également professeure agréée du Département d'éducation et pédagogie à l'UQAM. Alors, sans plus tarder la parole est à vous, Mme Bigras.

Mmes Nathalie Bigras
et Caroline Bouchard

Mme Bigras (Nathalie): Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés et membres de la commission, M. Tomassi, ministre de la Famille et des Aînés, a récemment déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 51. En tant que chercheurs et enseignants universitaires en éducation à la petite enfance et en psychologie du développement, nous sommes heureux de participer à la consultation de la Commission des affaires sociales que la Commission des affaires sociales a organisée sur ce projet de loi.

Alors, le bref avis qui suit a été préparé dans des délais très courts. Nous avons donc choisi de concentrer notre attention sur les enjeux éducatifs du projet de loi n° 51 ainsi que les changements de réglementation qui l'accompagnent.

Ce projet soulève de nombreuses questions dont certaines nous apparaissent tout particulièrement préoccupantes, notamment en regard de la qualité des services qui seront offerts dans les services de garde en milieu familial. Alors, notre mémoire se situe au coeur de ces préoccupations. Nous y avons fait état de la recherche actuelle et des conséquences appréhendées du projet de loi n° 51 sur le développement des enfants qui fréquentent les services de garde en milieu familial, d'une part, et, d'autre part, sur l'accès des familles à ces services à la petite enfance. L'inclusion des enfants présentant des besoins particuliers, dans les services de garde en milieu familial, et les conséquences possibles suivant le détachement des bureaux coordonnateurs des CPE y ont aussi été abordés.

Pour les fins de cette présentation et afin de respecter le temps qui nous a été alloué, nous nous partagerons la présentation de trois enjeux associés aux changements qui sont annoncés ainsi que les amendements que nous proposons au projet de loi. Nous supposons évidemment que vous prendrez le temps de lire ou de relire avec attention les autres éléments de notre mémoire, qui sont particulièrement importants, puisqu'ils appuient les enjeux et propositions d'amendement que nous vous présentons ce soir.

Alors, les trois enjeux du projet de loi n° 51. Dans un premier temps, la qualité des services offerts par les services de garde en milieu familial passe par le soutien des BC-CPE. Le retrait aux BC du mandat de favoriser la formation et le perfectionnement continu auprès des responsables de services de garde est particulièrement inquiétant. Concrètement, le BC n'aurait plus le mandat d'évaluer les besoins de formation et de perfectionnement des RSG ainsi que d'analyser, de planifier et d'organiser des activités de formation ou de perfectionnement proposées aux RSG. Pourtant, cette fonction est essentielle au maintien de la qualité des services offerts par les responsables des services de garde en milieu familial.

Comme nous l'évoquons dans le mémoire, la formation continue est associée à une offre de service de qualité supérieure chez les RSG. Sans cette formation et ce perfectionnement sur mesure et adapté à leurs besoins offerts par les BC, les RSG offriront des services de moindre qualité aux enfants et aux familles du Québec.

Le retrait de la fonction de contrôle et de surveillance de la qualité aux BC aura aussi pour conséquence de diminuer le soutien offert aux RSG. De fait, une unique inspection ne permettra pas d'identifier chez les RSG les besoins de soutien ou même de contrôle minimal de la qualité des services de garde en milieu familial. Le soutien actuel peine à maintenir la qualité. Sa réduction ne peut que se traduire par une qualité encore plus faible de ces milieux.

L'intensification du soutien sur demande nous apparaît également inquiétante, compte tenu de l'importance d'un regard extérieur sur la qualité des services offerts. Ceci est d'autant plus vrai que des personnes ne possèdent aucune ou très peu de formation spécialisée à la petite enfance. Ce soutien doit être offert de façon fréquente et continue de la part des CPE-BC afin de favoriser la qualité des interventions des RSG, comme l'ont souligné plusieurs études que nous avons citées dans notre mémoire. Les modifications proposées auront pour effet de réduire significativement le soutien professionnel des CPE-BC au milieu familial. Moins de visites de soutien pourront être effectuées par les CPE-BC responsables. En retour, cela amoindrira la qualité des services offerts dans ces milieux.

Le soutien destiné aux RSG est essentiel au maintien de la qualité des services de garde en milieu familial en ce qu'il assure la poursuite du processus d'appropriation du programme éducatif et de ses applications, essentiel au développement optimal de l'enfant. Le soutien offert aux RSG permet une plus grande cohérence des interventions ainsi qu'une plus grande motivation et implication des RSG dans leur milieu. Sans ce soutien, les services de garde en milieu familial se retrouveront plus isolés et auront encore plus de difficultés à appliquer le programme éducatif et à soutenir adéquatement le développement des jeunes enfants.

Mme Bouchard (Caroline): Un deuxième enjeu concerne l'absence de législation concernant la formation des RSG en milieu familial. Compte tenu de l'association entre une formation spécialisée en éducation à la petite enfance et des services de qualité élevée, notée à maintes reprises dans les recherches internationales, nationales et québécoises, nous sommes étonnés qu'aucun article de la nouvelle loi n'aborde cet aspect. Plusieurs études recommandent pourtant une hausse du niveau minimal de formation chez les RSG. L'absence de législation à cet égard laisse croire que le gouvernement ne reconnaît pas l'importance de la formation spécifique en éducation à la petite enfance dans tous les services de garde. Cela risque de contribuer à accentuer la fracture sociale déjà présente entre les divers modes de garde, comme illustré par les résultats inférieurs, au niveau de la qualité, dans les services de garde en milieux familiaux, et nous référons en ce sens au mémoire.

En tant que professeures auprès des RSG, psychologues du développement, directrices des programmes en éducation à la petite enfance de l'UQAM qui se préoccupent de l'impact de la formation sur l'éducation des enfants, mais aussi à titre de parents utilisateurs, faut-il le préciser, nous réclamons des dispositions législatives entourant la formation des RSG.

n(20 h 10)n

Mme Bigras (Nathalie): Comme troisième enjeu, il y a aussi la question de l'accessibilité des familles vulnérables aux services de garde et un risque d'iniquité. Les résultats d'études récentes montrent que les enfants de parents moins nantis fréquentent moins les services de garde. De plus, ces enfants présentent un moins bon développement que ceux fréquentant un milieu de garde. Le fait que la RSG reconnue s'engage envers les parents des enfants qu'elle choisit de recevoir plutôt qu'à fournir aux enfants des services de garde éducatifs ouvre la porte à des situations de discrimination envers les clientèles démunies et qui ne fréquentent pas ou très peu les services de garde régis.

En outre, la diminution du soutien, du contrôle et de la surveillance ainsi que de la formation offerte aux RSG accentuera l'inaccessibilité des services de garde aux enfants des familles les plus démunies ou qui présentent des besoins particuliers. Aussi, le fait de réduire le soutien offert aux milieux familiaux, qui sont plus souvent de faible qualité, contribuera à appauvrir le développement des enfants. De surcroît, détacher ces milieux familiaux des CPE aura des conséquences néfastes à long terme pour les enfants les plus vulnérables et pour lesquels la qualité d'un milieu de garde est encore plus cruciale. Bref, cela revient à diminuer les chances de réussite offertes aux enfants les moins nantis.

Enfin, le remplacement de l'obligation du bureau coordonnateur de «répartir selon les besoins des parents» par «répartir les places entre les RSG reconnues» suggère que l'offre de services ne se fera plus en fonction des besoins des parents et de leurs enfants, mais plutôt en fonction des intérêts des RSG. La responsabilité actuelle des BC d'offrir des services en fonction de la demande régionale disparaîtra alors. Cette modification risque d'induire encore plus d'iniquités entre les familles et de défavoriser les parents qui ont le plus besoin de ces services pour accéder au marché du travail. Cette disparité et pénurie de places, déjà fortement décriée par les familles du Québec, risque de s'accroître considérablement.

Mme Bouchard (Caroline): Ces constats nous incitent à proposer les amendements qui suivent au projet de loi n° 51.

D'abord, retirer du projet de loi la séparation des bureaux coordonnateurs des CPE. La gestion et, surtout, le soutien du volet familial devraient être exclusivement réservés aux CPE-BC ou à des regroupements de CPE. Les CPE-bureaux coordonnateurs ont développé une expertise dans le soutien aux RSG ainsi qu'un lien de confiance leur permettant de soutenir la qualité des services offerts au quotidien.

Mme Bigras (Nathalie): En second lieu, s'assurer d'investir suffisamment dans le volet familial afin de soutenir l'appropriation du programme éducatif. Pour ce faire, réintroduire le mandat de contrôle et de surveillance des bureaux coordonnateurs ainsi que le mandat de favoriser la formation et le perfectionnement continu des responsables de services de garde.

Mme Bouchard (Caroline): Troisièmement, prioriser, dans la réglementation, des mesures reconnaissant l'importance des agents de soutien pédagogique dans le soutien offert aux RSG qui sont isolés, moins formés et dont le niveau de qualité des services offerts est plutôt faible.

Mme Bigras (Nathalie): En quatrième lieu, ajouter à la loi une clause portant sur la formation des RSG, inclure des mesures incitatives et transitoires menant à l'obligation de ces dernières d'acquérir progressivement une formation minimale en éducation à la petite enfance, inclure également des mesures obligeant et incitant les RSG à suivre au moins un cours de niveau collégial ou universitaire par année, dans un programme menant à une formation reconnue en vertu du règlement actuel. À cet égard, des mesures d'investissement de fonds supplémentaires devront se développer afin de compenser les RSG pour leur permettre de suivre des formations pendant la journée.

Mme Bouchard (Caroline): Cinquièmement, maintenir la responsabilité actuelle des bureaux coordonnateurs d'offrir des services en fonction de la demande régionale des parents, amender la loi en ce sens afin de remplacer le terme «répartir les places entre RSG» par le terme «répartir selon les besoins des parents».

Mme Bigras (Nathalie): Et, en sixième lieu, soutenir davantage les services de garde en milieu familial accueillant des enfants issus de familles défavorisées ou des enfants à besoins particuliers. Ce soutien devrait passer par un investissement financier massif dans ce secteur et prendre la forme d'un soutien pédagogique accru permettant une intervention précoce, intensive et continue. Cette mesure devrait se coupler d'une exigence accrue au niveau de la formation minimale pour pratiquer le métier de RSG auprès de ces populations.

Mme Bouchard (Caroline): En conclusion, partant du principe que l'enfant est à la base de notre société, qu'il est l'adulte de demain, notre priorité à tous et à toutes devrait être d'assurer son développement optimal, c'est-à-dire lui donner le plus d'occasions possible de développement. Investir dans la petite enfance permet de prévenir les difficultés que rencontrent les enfants dans leur développement, notamment sur le plan de l'inadaptation psychosociale, comme l'abandon scolaire, les troubles de comportement. Le volet en milieu familial, qui regroupe près de la moitié des places en services de garde régis, est un des milieux de vie privilégiés pour favoriser la socialisation et la communication notamment, voire l'adaptation du jeune enfant, pour ainsi prévenir bon nombre de difficultés tout au long de la vie. Ceci s'applique, bien entendu, à condition que ces milieux de garde éducatifs soient de qualité élevée.

La loi n° 51 entraînerait, selon nous, une diminution du soutien offert aux RSG par les CPE-BC, venant directement affecter le développement des enfants. Depuis les 30 dernières années, la recherche ne cesse pourtant de témoigner en faveur d'un investissement dans la qualité d'un réseau de services destinés aux tout-petits, dans la visée d'investir dans la qualité de nos citoyens futurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous voulons manifester notre désaccord envers ce projet de loi et ainsi intervenir dans le seul but de favoriser le mieux-être des jeunes enfants du Québec. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole au ministre de la Famille et député de LaFontaine.

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Bigras et Mme Bouchard, bienvenue et merci de nous avoir transmis votre mémoire et de nous faire part de vos interrogations.

Vous posez beaucoup de questions, et je crois que bon nombre de gens qui sont venus en commission parlementaire ne mettent pas en parallèle la loi n° 51 avec la loi n° 124, la Loi sur les services de garde éducatifs, et le règlement existant. Parce que vous affirmez des choses dans votre mémoire, celui sur moins de visites vis-à-vis les RSG.

Il n'y a aucune disposition... On ne vient pas toucher cette disposition-là dans le projet de loi. L'article 86 du règlement... Et l'important de prendre en considération la loi et les règlements, là tout le but. La règle parlementaire... législative qu'on fait aujourd'hui, c'est qu'on a des articles de loi qui sont énumérés un à la suite de l'autre. Nécessairement, une fois que le projet de loi va être adopté avec des modifications, avec des changements, les articles de loi qui touchent la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance vont venir s'adjoindre. On vient remplacer des articles, on vient modifier des articles, on vient biffer des articles, et il faut le voir dans son ensemble.

Alors, nécessairement, vous faites des affirmations qui ne sont pas la réalité de ce qui existe dans la loi et le règlement, actuellement. Je vous lirais seulement l'article 86, qui dit que «le bureau coordonnateur doit effectuer annuellement 3 visites à l'improviste [à] la résidence où sont fournis les services de garde pendant leur prestation, afin de s'assurer [que le] respect de la loi et des règlements, notamment du respect des conditions de la reconnaissance.

«S'il constate une contravention», etc. Ces éléments-là demeurent dans le projet de loi.

En ce qui a trait à la formation, la volonté des groupes qui sont venus nous rencontrer, surtout les associations syndicales, sont disposés et sont prêts à créer un fonds qui serait géré par un comité mixte qui serait représenté par les associations représentatives, nécessairement les syndicats, les responsables de garde en milieu familial, qui aujourd'hui n'ont pas, en quelque sorte ? je le mets entre guillemets ? un mot à dire sur la formation qu'elles désirent... qu'elles veulent avoir, sur la programmation, et par nécessairement les bureaux coordonnateurs, qui jouent un rôle important, à savoir qui est-ce qui doit donner cette formation.

Est-ce que ça doit être les bureaux coordonnateurs? C'est une question qu'on peut se poser, mais l'élément essentiel, c'est de dire: Est-ce qu'on est d'accord pour faire en sorte qu'il y ait la création d'un fonds pour permettre plus de formation?

n(20 h 20)n

Vous allez beaucoup plus loin que ça dans votre chose, vous allez jusqu'à dire qu'il faut une formation... des cours au collégial qui seraient donnés aux responsables de garde en milieu familial. Ça, c'est un débat qui est beaucoup plus large. Je ne sais pas, si on inviterait les responsables de garde en milieu familial, si elles seraient d'accord avec ce principe-là, mais on n'en est pas là, et je crois que l'essentiel du projet de loi, c'est de mettre en place, avec la collaboration des associations représentatives et avec les bureaux coordonnateurs et les RSG, les responsables de garde en milieu familial, cette volonté de créer un fonds qui serait dédié à la formation. Puis, je le répète encore aujourd'hui, l'élément que vous marquez sur redistribuer les places parmi les RSG reconnues et selon l'instruction du ministre, c'est un élément très important qu'il ne faut pas oublier. On a tendance à l'oublier. Vous êtes des professeures. Et des fois il faut lire toute la phrase au complet pour comprendre l'élément de base.

Et l'important, c'est aussi de revenir à l'essence même de la loi sur les services de garde à l'éducatif et à l'article 1. Et ça, c'est important parce que tous les services sont tenus de respecter cette loi. Et l'article 1, l'objet... puis je vais le relire:

«La présente loi a pour objet de promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les prestataires de services de garde ? alors, prestataires de services de garde, CPE, garderies privées et responsables de garde en milieu familial ? qui y sont visés [afin] d'assurer la santé, la sécurité, le développement, le bien-être et l'égalité des chances des enfants qui reçoivent ces services, notamment ceux qui présentent des besoins particuliers ou qui vivent dans des contextes de précarité socio-économique.»

L'objet: «Elle a également pour objet de favoriser le développement harmonieux de l'offre de services de garde en tenant compte des besoins des parents, notamment en facilitant la conciliation de leurs responsabilités parentales et professionnelles, ainsi que de leur droit de choisir le prestataire de services de garde.»

Alors, ce qui est important, ce que je veux essayer de vous dire: je comprends l'aspect de séparation de BC-CPE, mais les autres éléments, les autres éléments où est-ce que vous faites mention dans votre projet de loi, ce n'est pas des éléments qui sont bouleversés par le projet de loi, parce que ces éléments demeurent. Même l'aspect qui dit qu'il faut la surveillance, on vient renforcer cet élément-là, parce qu'on dit: Il faut s'assurer du respect des normes, et des règlements, et des lois, ce qui est encore beaucoup plus fort. Nécessairement, si le libellé serait à refaire...

C'est une suggestion qui a été faite, puis on va la regarder attentivement, comme on va regarder d'autre chose, mais je veux qu'on soit conscients d'une chose: il faut regarder le projet de loi avec la loi n° 124, qui existe toujours, et avec le règlement, qui n'est pas disparu, là. On ne les a pas enlevés du tableau de bord, elles sont encore là; les dispositions demeurent, elles doivent encore être respectées. Les instructions du ministre sont là et vont continuer à l'être pour faire en sorte que tous les services de garde aient la même idée et la même instruction pour qu'on puisse l'appliquer.

Mme Bigras (Nathalie): Est-ce que je peux réagir?

M. Tomassi: Oui, oui. Allez-y.

Mme Bigras (Nathalie): Merci. Donc, en fait, je vous remercie, M. le ministre, de me rappeler l'ensemble des éléments du projet de loi, dont j'ai pris connaissance, évidemment, avant de rédiger mon mémoire, comme toute bonne personne et professeure à l'université.

Je veux simplement vous dire que l'esprit dans lequel on a rédigé notre mémoire, c'est en essayant d'identifier les éléments qui sont à risque, et on a convenu, à plusieurs, qu'il y avait un risque de baisse du soutien, donc de baisse de la qualité consécutive, parce qu'il y avait des éléments qui nous laissaient croire qu'il y aurait moins de visites de soutien. Donc, la fameuse phrase de «soutien sur demande» est extrêmement importante pour nous. Et on n'a pas rédigé ça en réfléchissant et en croyant que... en ne connaissant pas la réalité, hein? On est en lien avec les bureaux coordonnateurs, on est en lien avec les responsables de services de garde en milieu familial et avec les responsables qui les conseillent, et on a de nombreux témoignages qui nous indiquent que le soutien sur demande, depuis l'implantation de 124, a fait décroître les possibilités de soutien qui sont possibles pour les RSG. Donc, évidemment, vous allez dans une direction qui me concerne particulièrement quand vous abordez la question de la qualité. Vous avez...

M. Tomassi: Mme Bigras... C'est ça?

Mme Bigras (Nathalie): Oui.

M. Tomassi: Mme Bigras, je suis complètement d'accord avec vous, là, je ne remets pas en question votre questionnement. Je veux seulement vous dire: Ce n'est pas le dépôt du projet de loi n° 51 qui vient changer cet élément. Vous seriez plus correcte en me disant: La disposition qui a été introduite à la loi n° 124 ? pas celle-là, ici ? qui dit que c'est sur demande, on voudrait que ce soit remplacé pour que ce soit plus fort que ça. Parfait. J'acquiesce et je comprends votre raisonnement. Mais vous ne pouvez pas venir me dire que la loi n° 51 vient défaire quelque chose qui existe déjà, là. Le «sur demande» est dans la loi n° 124, et vos explications, à ce que je comprends... Vous me dites: La disposition qui a été introduite à 124, «sur demande»... Puis ça, je ne suis même pas sûr si ça a été introduit à 124 ou si ça existait avant. Si vous venez me dire qu'il faut la remplacer pour que ce soit plus fort que ça, bien là, parfait, c'est une suggestion que vous me faites. Mais ce n'est pas vrai de venir me dire que c'est 51 qui vient défaire ça, là.

Mme Bigras (Nathalie): Quand je vous dis qu'on a interprété les éléments du projet de loi, c'est ce qu'on a fait. On a regardé la façon dont c'était maintenant formulé et on a compris, nous, à la lecture du projet de loi, que le soutien sur demande serait encore plus sur demande qu'avant. D'accord? Voilà. Donc, on ne s'entend pas sur l'interprétation des termes, simplement.

M. Tomassi: M. le Président, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le ministre?

M. Tomassi: Oui, oui, ça va.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. À la page 13 du mémoire, vous parlez de la formation, votre recommandation pour la formation. Je voudrais juste savoir si... Quand vous parlez de la formation, est-ce que vous parlez de maintenir la formation existante, qui est déjà là, ou si vous préconisez qu'il y ait une formation vraiment plus formelle pour les RSG?

Mme Bigras (Nathalie): En fait, dans nos recommandations à la fin, c'est ce qu'on propose, effectivement. Ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait une exigence, une hausse des exigences de formation vis-à-vis des RSG pour éventuellement, avec des mesures de rattrapage comme on en a proposé aux garderies privées pour que progressivement les garderies privées soient formées à deux sur trois, un processus semblable pour les RSG, pour qu'on exige davantage de formation de leur part, parce que, nous, on se place du point de vue de l'enfant, hein, on se place du point de vue de la qualité du développement de l'enfant, et l'enfant qui se retrouve dans un milieu familial, actuellement, est désavantagé comparé à un enfant qui est en CPE, parce qu'il y a moins de possibilités que sa RSG soit formée, hein? On regarde les taux de formation à travers le Québec, on regarde les taux de formation des RSG dans les recherches, elles ont un beaucoup plus faible taux de formation que dans les CPE.

Alors, nous, ce qu'on veut, c'est que tous les enfants du Québec, quels que soient les services de garde auxquels ils ont accès, se retrouvent avec des gens qui ont une formation reconnue. C'est dans ce sens-là que va notre recommandation.

Le Président (M. Kelley): Complément de réponse, Mme Bouchard?

Mme Bouchard (Caroline): Oui, très rapidement. En fait, ce qu'il faut comprendre, comme le dit Nathalie, c'est cette idée de soutenir le développement de l'enfant, parce qu'on le rappelle ? c'est notre idée, d'ailleurs ? c'est que la qualité de la formation est reliée au niveau de développement de l'enfant. Donc, on sait, hein, la dernière enquête sur la maturité scolaire à Montréal, qui vient de sortir: il y a un enfant sur trois qui présente une vulnérabilité sur au moins un plan du développement, de son développement. Donc, on s'est posé... J'étais au sommet la semaine passée, puis on se posait la question: Comment les aider, ces enfants-là?

Bien, une des façons dont on a trouvé... c'est d'augmenter justement la formation des gens qui s'occupent de ces enfants-là. Et la moitié des enfants qui vont en services de garde régis vont en service de garde en milieu familial. Donc, on voit là une occasion pour, par ricochet, si on veut, venir soutenir le développement de l'enfant. C'est notre principal intérêt, je vous dirais.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée.

Mme St-Amand: Hier, avec le Conseil québécois des services de garde, on a eu un peu cette discussion-là et on se demandait si les parents qui choisissent d'envoyer leur enfant dans un milieu de garde familial... Moi, je l'ai fait, je vous le dis, et le choix qu'on a fait à ce moment-là, c'était vraiment... En tout cas, il me semble que les familles étaient vraiment sélectionnées, avec des aptitudes, et que les attentes qu'on avait comme parents, c'était vraiment d'avoir une ressource de type familial, et c'était un choix, contrairement, à l'époque, à la prématernelle.

Est-ce que, d'une part... Je m'interroge, je m'interroge sincèrement, puis je veux vous entendre là-dessus. D'abord, est-ce que c'est réaliste? Parce qu'on parle de combien de RSG? On parle de 15 000 personnes. Est-ce que c'est réaliste, d'une part? Et, d'autre part, la formation supplémentaire dans le développement de ces enfants-là, considérant que... En tout cas, moi, je crois que, de façon générale, ils sont très bien choisis. Est-ce que vraiment ça ne vient pas un peu en contre-indication à ce qu'on veut dans le système de garde en milieu familial? Vous comprenez ce que je veux dire, hein? Je vous vois hocher de la tête.

n(20 h 30)n

Le Président (M. Kelley): Mme Bigras.

Mme Bigras (Nathalie): En fait, quel que soit le type de services de garde dans lequel les enfants se retrouvent, il devrait y avoir un niveau de qualité minimal... et supérieur ou minimal pour qu'on s'attende à ce que ces enfants-là se développent bien. Ce qu'on connaît actuellement, les données qu'on a entre les mains, qui proviennent principalement de la large enquête Grandir en qualité mais des autres données, d'autres études comme l'ELDEQ et d'autres études internationales, mais, au Québec, ce qu'on nous dit, c'est que le niveau de qualité est plus faible dans les services de garde en milieu familial.

Évidemment, la plupart des parents de jeunes enfants, très jeunes enfants vont choisir d'envoyer leurs enfants dans un service de garde en milieu familial. On n'est pas en train de dire que ces parents-là n'ont pas de jugement, puis qu'ils ne connaissent pas ce qu'est la qualité, mais ce qu'on dit, c'est que, quand on utilise des critères précis et qu'on évalue ces éléments-là, il y a plusieurs éléments dans... Il y a plus de chances pour un enfant qui se retrouve dans un service de garde en milieu familial de se retrouver dans un milieu où le niveau de qualité est plus faible qu'en installation, et c'est surtout parce que ces personnes-là sont moins formées, n'ont pas une formation reconnue.

Maintenant, vous nous demandez: Est-ce que c'est réaliste? C'est pour ça qu'on parle de mesures transitoires. Nous, ce qu'on propose, c'est qu'à moyen terme ou à long terme on vise à hausser le niveau de formation de base des RSG, mais on est très conscients que ça ne se fera pas demain matin. On est très conscients que c'est impossible de toute façon de décider de former tout le monde du jour au lendemain; ça va prendre un certain nombre d'années, et il va falloir que ces gens-là se préparent.

Et il y a déjà des gens, dans le milieu familial, qui sont formés, on en est conscients aussi. Et ce n'est pas non... ce ne sont pas non plus tous les milieux familiaux qui sont de faible qualité; c'est une moyenne, c'est une proportion, et, en proportion, on en retrouve davantage qui sont de faible qualité en milieu familial. C'est ce qu'on dit.

Caroline, tu voulais ajouter quelque chose?

Le Président (M. Kelley): Ça va. Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Un dernier complément, puis, je vous le dis, ça m'interroge un peu, ça m'interroge beaucoup. On voit beaucoup de parents présentement, de jeunes parents qui choisissent de rester à la maison avec leurs enfants. Est-ce que... Ce que vous êtes en train de dire, ça veut dire que ces parents-là, les enfants vont avoir une moins bonne qualité d'éducation. Est-ce que les parents qui décident de rester chez eux avec leurs enfants vont faire en sorte que ces enfants-là vont partir avec une longueur derrière les autres?

Mme Bigras (Nathalie): C'est ce qu'on a dit... non, pas du tout. La possibilité de choisir pour les parents va toujours... doit toujours demeurer, et, nous, on est vraiment pour la possibilité de choisir différents types de services qui répondent aux besoins des parents et de leurs enfants.

Mais ce qu'on dit, c'est que, lorsque les enfants se retrouvent en milieu familial, pour les parents qui décident d'y envoyer leurs enfants, parce qu'ils font des choix familiaux, parce qu'ils décident de travailler, hein, de gagner leur vie d'une certaine façon, qui ont besoin de gagner leur vie, ces enfants-là sont plus à risque de se retrouver dans des milieux de plus faible qualité. On n'a pas du tout abordé la question des parents et des enfants à la maison.

M. Chevarie: Une petite question.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Pour aller toujours dans le même sens, par rapport à l'étude que vous avez faite en milieu familial et en installation, est-ce que les critères d'évaluation de votre étude sont les mêmes pour le milieu familial que pour le milieu en installation?

Mme Bigras (Nathalie): Ce qu'on utilise, c'est une échelle d'évaluation de la qualité éducative qui a été conçue expressément pour mesurer la qualité de l'application du programme éducatif. Donc, comme vous le savez, le programme éducatif est le même pour tous les types de services de garde régis. Alors, on a une échelle qui a été adaptée au contexte des services de garde en milieux familiaux, donc au contexte du multiâge, au contexte du nombre d'enfants qui sont différents, de l'organisation qui est différente, puisqu'il y a des enfants âgés de 0 à 5 ans ? de moins en moins en bas d'un an présentement ? c'est adapté, mais évidemment les critères généraux sont les mêmes puisque l'exigence est d'appliquer le programme éducatif. Donc, c'est ce qu'on mesure.

M. Chevarie: Et est-ce qu'on mesurerait, à ce moment-là, de la même façon pour les parents qui gardent leur enfant? Est-ce qu'on appliquerait le même critère?

Mme Bigras (Nathalie): Bien, en fait, vous savez, quand cette échelle-là, l'échelle d'évaluation... d'observation de la qualité éducative a été créée, elle a été créée sur des connaissances qui sont connues universellement: Qu'est-ce qu'on doit faire pour stimuler un enfant? Donc, comment doit-on répondre aux besoins d'un enfant? Il existe également des échelles pour mesurer la qualité de l'environnement familial; nous, on ne le fait pas dans le cadre de cette étude-là, mais c'est... Il y a des gens qui le font, et habituellement, c'est basé sur les mêmes principes généraux, c'est-à-dire: Est-ce que les gens sont capables de répondre aux besoins développementaux des enfants dans toutes ses dimensions? Est-ce que les enfants sont en sécurité, que les enfants sont bien stimulés? Est-ce qu'on interagit avec les enfants de façon adéquate, avec chaleur, avec respect, en étant adapté au niveau développement de l'enfant? On n'interagit pas de la même façon avec un enfant de 12 mois qu'avec un enfant de cinq ans.

Donc, tous ces éléments-là sont présents, et il y a des éléments comme ça, dans d'autres échelles, qui existent pour évaluer la qualité de l'environnement familial aussi. Ce sont des principes connus, en développement de l'enfant, pour bien répondre aux besoins de l'enfant. Mais ça ne prend pas un doctorat en psychologie pour être capables de faire ça. Les gens qui ont une formation en développement de l'enfant, qui sont formés en éducation à la petite enfance, ont une bonne base en développement de l'enfant et en intervention éducative. Ils sont capables de le faire, quelle que soit la clientèle qu'ils ont devant eux.

Le Président (M. Kelley): Ça va, ou...

M. Chevarie: Juste un dernier petit...

Le Président (M. Kelley): Dernière question, vas-y. Vas-y, oui.

M. Chevarie: ...un dernier petit commentaire. C'est que je peux comprendre que les besoins de l'enfant sont les mêmes, peu importe où il est, mais les moyens utilisés peuvent être très différents par rapport au milieu familial, ou la famille qui garde son enfant, ou que ce soit en installation ou en milieu familial.

Mme Bigras (Nathalie): Et les instruments qui sont utilisés pour évaluer ça en tiennent compte. On ne demande pas qu'il y ait tel mot, tel mot, tel mot qui soit dit, ou on ne demande pas que tel, tel type d'objets s'y retrouvent. On demande un ensemble d'éléments qui doivent être présents. Et il y a possibilité d'interpréter au niveau de la flexibilité. Donc, par exemple, on est capables de voir si l'éducatrice en milieu familial ou en installation répond aux besoins de langage de l'enfant de la même façon, dans un ou l'autre contexte.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Gonthier: J'écoute vos explications, et vous me dites qu'il y a une grille unique pour arriver à des conclusions, c'est ce que vous semblez me dire un peu. Vous avez des critères bien précis pour évaluer. Vous avez évalué en CPE, vous avez évalué en garde en milieu familial. Comment on se compare par rapport à une personne qui décide de garder ses trois enfants, à la maison, d'âges variés... mais qui décide de garder ses enfants à la maison? Est-ce que votre grille a été testée là-dessus?

Mme Bigras (Nathalie): Elle n'est pas conçue pour ça. On ne l'utilise pas dans ce contexte-là.

Mme Gonthier: Vous ne l'utilisez pas. Donc, si, moi, comme...

Mme Bigras (Nathalie): Non. Puis je...

Mme Gonthier: ...parent, je veux reproduire un petit peu un milieu familial, puis je m'en vais dans une garde en milieu familial justement pour reconstruire, entre autres, un milieu familial, j'aurai peut-être un enfant de huit ans, six ans, trois ans, 12 mois, et tout le monde vit ensemble, et tout ça. Il n'y a aucun critère qui prend ça en considération dans votre analyse, là?

Mme Bigras (Nathalie): Oui. L'échelle d'évaluation de la qualité éducative prend ça en considération. Oui, et je me suis sans doute mal exprimée si vous avez compris que la grille est identique, mais elle n'est pas identique; elle est adaptée au contexte du service de garde en milieu familial, comme l'autre est adaptée au contexte de l'installation. Il y a des variantes.

Mme Bouchard (Caroline): Je peux ajouter...

Le Président (M. Kelley): Oui, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Caroline): ...en fait, il ne faut pas voir... On n'est pas en train de dichotomiser entre installations et milieux familiaux. Bien, en tout cas, ce n'est pas notre intention, parce qu'on croit autant dans les deux milieux.

Ce qu'on est en train de dire, c'est qu'on a constaté, de par les recherches qu'on mène, qui ont été menées aussi, on constate des faits. On n'est pas en train de dire: On préfère l'installation au milieu familial. Ça, il faut vraiment que ce soit clair. Puis, bon, on ne se prononce pas sur la maison, parce qu'on n'a pas de données à l'appui. Mais c'est important de bien comprendre ça.

Puis, par exemple, quand on soutient le langage, qu'on soit en installation ou en milieu familial, on va le soutenir de la même manière. Puis, c'est drôle, j'ai des résultats qui viennent de sortir par rapport justement au soutien langagier qui est fait des éducatrices, puis il y a des données intéressantes qui ressortent.

Mais, en fait, encore là, ce que ma recherche démontre, c'est qu'il y a un besoin de formation. Parce que dès lors que l'éducatrice sait comment, même s'il n'y a pas de guides, de méthodes, dès lors qu'elle a des éléments de formation, on constate une nette amélioration dans ses scores, puis dans les scores aussi au niveau des enfants. Les enfants sont plus habiles sur le plan langagier. Donc, voilà, il faut bien retenir l'idée qu'on n'est pas en train de séparer du tout les deux milieux.

n(20 h 40)n

Mme Bigras (Nathalie): Et pour l'information de l'auditoire, toutes les deux, on a envoyé nos enfants dans un service de garde en milieu familial quandils étaient petits.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, ça met fin à cet échange. Je suis prêt maintenant à céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle et député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président, à mon tour de saluer Mme Bigras et Mme Bouchard, merci pour votre mémoire.

Je comprends qu'il y a une voix de plus qui s'ajoute et qui s'oppose à la séparation des CPE des bureaux coordonnateurs. On en a entendu beaucoup, aujourd'hui et hier. Je comprends que vous craignez qu'il y ait une perte d'expertise si on sépare les deux entités.

Ma question porte sur la page 11 de votre mémoire, particulièrement sur l'impact de la séparation des CPE des bureaux coordonnateurs et de l'impact sur les enfants les plus démunis ou les enfants de milieux défavorisés. J'ai participé, tout comme vous, au Sommet sur la maturité scolaire, je trouve que c'est une belle initiative montréalaise, et je voulais voir avec vous, là, l'impact qu'il pourrait se passer à votre avis, dans ces milieux-là. si les CPE-bureaux coordonnateurs étaient séparés en termes de soutien à ces enfants-là.

Mme Bigras (Nathalie): En fait, notre plus grande crainte, c'est l'isolement, hein? S'il y a une séparation, nous... Comme vous l'avez bien souligné, il y a l'expertise qui est présente dans les CPE-BC, parce que, nous, on appelle ça des CPE-BC pour l'instant, ils sont ensemble. Il y a une expertise qui est présente, et cette expertise-là permet, hein, de soutenir la RSG qui, elle, soutient les enfants. Donc, le BC joue le rôle d'une communauté, hein, d'une communauté bienveillante envers les enfants, et cette communauté-là permet de soutenir les RSG qui travaillent avec les enfants dans leurs interventions.

Si on se positionne dans la perspective d'enfants vulnérables, ça veut dire des enfants qui présentent différents défis, des enfants qui peuvent avoir certains retards de développement, des enfants qui peuvent avoir des difficultés langagières, mais ça veut dire aussi et surtout des parents qui ont besoin d'aide, des parents qui ont besoin d'être soutenus, d'être accompagnés dans leur rôle de parents. Et ça, c'est un défi important pour tous les services de garde, mais c'est un défi encore plus important pour les RSG.

On mentionnait, tout à l'heure, que ? et je le mentionnais aussi dans le mémoire ? on a noté un taux d'exclusion plus élevé des familles vulnérables ou des enfants qui présentent des particularités au cours des années, c'est-à-dire que les RSG, trouvant trop exigeant d'accompagner ces enfants-là et ces familles-là qui présentent toutes sortes de défis qui peuvent être accompagnés mais qui ont besoin d'aide, décident d'exclure ces enfants-là parce que c'est trop difficile, parce que c'est trop exigeant. Donc, si le soutien est amoindri par cette séparation-là, du BC et du CPE, nous, on craint que, l'isolement étant plus grand, l'exclusion de ces enfants-là soit encore plus grand.

Également, il y a un rapport du Protecteur du citoyen, qui va sortir bientôt, qui va nous parler de l'importance de l'intégration des services pour l'intégration des enfants TED dans différents milieux, comme, entre autres, dans les CPE. Et ce rapport-là souligne très bien à quel point il y a des problèmes de cohérence entre les services, et que les services doivent mieux collaborer ensemble, mieux faire ensemble pour soutenir les enfants dans ces différents ministères là qui sont concernés par les enfants.

Donc, vous nous parliez du Sommet sur la maturité scolaire où on était la semaine dernière, Caroline et moi aussi, où on était tous des gens ensemble qui se demandaient comment mieux faire pour les enfants, et on arrivait tous à la conclusion qu'on doit mieux faire ensemble, qu'on doit se donner la main, qu'on doit s'entraider, qu'on doit sortir de nos silos.

La façon dont on comprend le projet de loi, c'est qu'on va créer un silo, on va séparer les CPE des BC, et c'est le contraire de ce qu'on doit faire présentement, c'est le contraire de ce que nous disent les recherches et de ce que nous disent tous les intervenants actuellement.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui, M. le Président. J'écoutais avec beaucoup d'intérêt les questions qui étaient posées par mes collègues d'en face tout à l'heure, et notamment les questions qui portaient sur la comparaison entre les modes d'éducation en milieu familial biologique, disons dans les familles, et en service de garde familial et en CPE. Ça me rappelait des recherches qui avaient été faites durant les années... entre les années soixante-dix et quatre-vingt, très intrigantes, ces recherches, qui faisaient la démonstration que... Parce qu'il y avait des hypothèses, à l'époque, à l'effet que les enfants qui allaient dans les services de garde pouvaient en quelque sorte montrer des signes de détresse vis-à-vis l'attachement à leurs parents, etc., et que ça pouvait, quelque part, les rendre plus vulnérables. Et les recherches, au contraire, démontraient que, même si les enfants passaient entre cinq à huit heures avec des éducateurs et des éducatrices en service de garde, leur niveau d'attachement, autrement dit dans des situations de stress, les enfants avaient beaucoup plus tendance à se tourner vers leurs parents que vers les éducateurs et les éducatrices, c'est-à-dire que leur niveau d'attachement aux parents puis leur borne de sécurité, là, ça demeurait toujours les parents.

Et c'était très intrigant comme... Et ce pourquoi ça se passe, c'est probablement, disaient les chercheurs, à l'époque, puis j'ai une tendance à croire encore, que les parents sont à la fois les sources de stress et de réconfort, alors que les éducateurs ont un programme à suivre, c'est un travail; ils doivent avoir une certaine distance avec l'enfant, leur humeur doit être à peu près toujours égale, alors que, nous autres, on se connaît bien comme parents, on sait qu'on perd les pédales des fois. Et quand on perd les pédales et que notre humeur ne correspond pas à ce que l'enfant s'attend de nous, bien, l'enfant se trouve en état de détresse et de peine, puis ensuite on va le consoler. Et ça, ça constituerait le noeud de l'attachement.

Alors, on pense... C'est sûr que ce type de relation éducative, on ne le retrouve pas dans les services de garde, et qu'on ne peut pas donc avoir les mêmes critères d'évaluation des interactions entre parents et enfants et entre RSG et enfants. Mais je comprends fort bien cependant qu'on puisse avoir les mêmes critères entre les RSG en milieu familial et les éducateurs et éducatrices en installation.

Pour revenir à la question de l'article 78 ? moi, ça m'intrigue depuis le début, pour revenir à cette question-là ? je comprends l'inquiétude que vous avez vis-à-vis de toute la question de la formation et du perfectionnement continu des responsables de services de garde. Pourquoi je comprends cela? C'est parce que je compare le mot à mot du projet de loi n° 51, article 78 qui modifie 42. Et il modifie 42, de façon très substantielle, en ce qui concerne la formation et la perfectionnement continu.

Alors, pour le bénéfice du ministre, je vais lire le septième alinéa de 124, article 42 dans 124 qui dit:

«7° [...] favoriser la formation ? donc le rôle du bureau coordonnateur ? et le perfectionnement continu des personnes responsables des services de garde en milieu familial et [...] offrir un soutien pédagogique et technique sur demande.»

Qu'est-ce qu'on a retenu dans 78... dans 42 modifié par 78? On a retenu tout simplement: «d'offrir, sur demande, un soutien pédagogique et technique».

Donc, il y a une modification majeure, là, M. le Président. Je comprends l'inquiétude de nos invités, parce que, quelque part, la fonction d'assurer une formation générique aux responsables de services de garde et d'assurer le perfectionnement continu est retirée ? est retirée dans le libellé de 42 tel qu'apparaissant dans 78 apparaissant dans 51 ? par rapport à ce qui apparaissait dans 124.

Alors, le ministre va sans doute clarifier ça éventuellement. Il me fait signe que, non, ce n'est pas ça, ce n'est pas vrai, mais...

M. Tomassi: Il y a un fonds, il faut que tu penses au fonds.

M. Bouchard: Ah oui! Le ministre avance qu'il y a un fonds, mais il y a un fonds, sauf qu'il faut être rassurés, dans l'écriture même de la loi, que ce fonds servira toujours au bureau coordonnateur dans une fonction de formation et de perfectionnement continu. C'est comme si le ministre nous disait: Ce n'est pas grave si ça a disparu, on va faire un fonds de perfectionnement. Oui, mais qui va être responsable, hein? Alors, il y a un travail minutieux à faire de ce point de vue là, et il y aurait sans doute moins de travail si 78 disparaissait.

Mais, ceci dit, moi, je comprends très bien qu'on puisse s'inquiéter, de la même façon qu'on s'inquiète d'ailleurs d'autres modifications, notamment à tout ce qui concerne la question de surveillance, de contrôle et d'inspection dans des vocables qui sont très modifiés.

Ceci dit, j'aimerais vous poser une question sur l'accès des enfants de milieux moins nantis aux services de garde en milieu familial. Bon, je constate comme vous, là, qu'il y a une sous-représentation des enfants de milieux vulnérables, puis là on a un gros travail à faire, comme société, puis comme... à la fois comme parlementaires et comme société civile aussi, pour amener plus d'enfants de milieux défavorisés dans les services de garde en milieu familial et en installation.

Mais je n'ai pas tout à fait compris la logique qui vous amenait à vous interroger sur une diminution peut-être encore plus importante de la fréquentation des enfants en milieux moins nantis, étant donné 51. Alors ça, je n'ai pas tout à fait bien compris, là.

n(20 h 50)n

Mme Bigras (Nathalie): C'est en lien avec ce que vous avez bien décrit concernant la... Compte tenu de l'interprétation que l'on fait, qui semble être la même que vous, de la diminution de la fonction de formation, donc compte tenu que, nous, on émet l'hypothèse que ça va amener un soutien moindre aux RSG, bien, ce soutien-là, il est essentiel; il est encore plus important pour accompagner les RSG qui accueillent des enfants vulnérables, compte tenu des défis et tout ça que j'ai énoncés tout à l'heure.

Donc, elle est là, notre crainte, et c'est ça, notre hypothèse: c'est que, le soutien étant moindre, l'accompagnement, la formation étant moindre, ça risque d'avoir un effet sur leur capacité à accepter d'accueillir ces enfants, parce qu'on s'entend qu'elles ont le droit de déterminer qui elles acceptent et qui elles n'acceptent pas, les listes d'attente étant tellement grandes. Donc, plus la liste d'attente est grande, et plus il y a des défis à intégrer certains enfants, bien, plus on a de risque de choisir des enfants faciles, une petite fille tranquille qui parle beaucoup. Il y a même des gens qui disent dans les milieux: Bon, la petite fille aux yeux bleus, aux cheveux blonds. Vous voyez, il y a un risque de choisir les enfants, et donc d'exclure encore plus ou de ne pas choisir ces enfants-là.

M. Bouchard: Je comprends mieux la logique qui vous a amenées à vous inquiéter à ce niveau-là, je vous en remercie.

Il y a une phrase importante, là, que vous écrivez en page 14, paragraphe 4, qui dit ceci: Il faudrait «ajouter à la loi une clause portant sur la formation des RSG». Est-ce qu'on peut en savoir plus sur la nature de cette clause?

Mme Bigras (Nathalie): En fait, on n'est pas des spécialistes de la rédaction de projets de loi, mais ce qu'on voudrait, c'est qu'on ajoute des mesures incitatives à ce que les RSG fassent de la formation ? donc soit dans la réglementation ou dans la loi, là, ce sera à vous de déterminer, mais pour inciter les RSG à suivre une formation reconnue, une formation reconnue comme celles qui sont reconnues chez les éducatrices. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Bouchard: Bien, partiellement. C'est parce que... De fait, cette phrase-là, elle est importante du fait que ce que vous dites, c'est qu'il manquerait à la loi un article ou une clause portant sur la formation. Vous parlez d'incitatifs, vous ne parlez plus d'obligation à la formation. C'est...

Mme Bigras (Nathalie): Oui, c'est ça.

M. Bouchard: Il faut faire une différence entre les deux, là, hein?

Mme Bigras (Nathalie): Bien, en fait, une obligation de formation contenant ou incluant des incitatifs pour amener les RSG à se former, donc il peut y avoir des incitatifs financiers, des incitatifs au niveau de la réglementation, là, ça, c'est à vous de voir. Mais ce qu'on aimerait, ce qu'on souhaiterait, en fait, pour améliorer la qualité des services offerts, toujours, là ? ce n'est pas une lubie ? c'est vraiment que le niveau d'exigence soit élevé.

On s'entend que, présentement, c'est autour de 45 heures de formation qui est obligatoire, et il y a un rafraîchissement, un perfectionnement, annuellement, de six heures. Pour nous, ce n'est pas suffisant, ce n'est pas suffisant pour voir toutes les dimensions du développement de l'enfant, comment accompagner le programme éducatif. En 45 heures, dans une formation collégiale ou universitaire, on voit à peine le développement de l'enfant 0-6 ans. Alors, 45 heures pour voir la loi, la réglementation, comment gérer un milieu familial, ce n'est pas assez.

Alors, nous, on voudrait que, dans un premier temps, ce soit augmenté, puis, éventuellement, si c'est possible, d'avoir une exigence d'un niveau de base, tu sais, d'un plancher pour tout le monde, bien ce serait encore plus approprié.

M. Bouchard: Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui, il reste du temps, 10 minutes.

M. Bouchard: Merci. O.K. Alors, regardez, en page 7, là, de votre mémoire, j'ai pris connaissance d'un certain nombre de résultats, là, qui illustrent plutôt, qui font la démonstration, mais qui illustrent qu'à partir d'un échantillon qui est relativement modeste, là ? et vous n'en prétendez pas autrement ? que la qualité des services qui sont offerts par des responsables de services de garde en milieu familial, entre... C'est 2003, je pense, et maintenant, 2008, 2003 et 2008; est-ce que c'est ça?

Mme Bigras (Nathalie): En fait, notre collecte de données a eu lieu, pour ces mesures-là, en 2007-2008...

M. Bouchard: O.K.

Mme Bigras (Nathalie): ...donc après.

M. Bouchard: Donc, entre 2003 et 2008, donc, une fois 124 introduite dans le système, il y aurait eu une diminution, là, de la qualité, là, significative à plusieurs égards ? significative au sens statistique du terme, là.

Mme Bigras (Nathalie): Oui.

M. Bouchard: Bon! On aurait aimé ça vous... On aurait aimé voir ça autrement, mais c'est ce que vous obtenez comme résultat. Bon, voilà la réalité. Puis, on s'entend, là, que ce n'est pas une étude à très grand échantillon, puis ça peut être seulement un indicateur à partir duquel on s'interroge sans porter de jugement définitif.

Dans le paragraphe qui suit ces résultats, vous nous dites qu'on pourrait attribuer cette détérioration de la qualité à l'encadrement qui aurait diminué depuis la loi n° 124.

J'aimerais vous entendre là-dessus. Moi, je n'ai pas de données précises, sauf que j'ai souvenir, et ça a été, je pense, souligné par le ministre et par la personne qui l'accompagne, tout à l'heure, dans 124, on a ajouté que la formation et le soutien pédagogique étaient sur demande, alors que ce n'était pas le cas auparavant. Donc, il y avait plus, à mon avis, vu d'un point de vue d'un parlementaire, une approche proactive, alors que, là, on est plus dans une approche de réaction à la demande.

Alors, je me demande... Je me pose deux questions. Est-ce qu'on ne devrait pas profiter de l'occasion pour examiner la pertinence de ce «sur demande»? Autrement dit, puisqu'on ouvre la loi, pourquoi ne pas examiner ça, puis voir s'il y a toujours lieu de maintenir cette fonction de «sur demande» en ce qui concerne le soutien pédagogique et la formation? Et deuxièmement, quelles sont les observations que vous avez faites sur le terrain qui vous amènent à dire qu'il y aurait une diminution de l'encadrement?

Mme Bigras (Nathalie): En fait, dans un premier temps, effectivement je suis d'accord avec vous, c'est selon notre interprétation ? puis évidemment toutes les limites étant situées par rapport à cet échantillon-là, on est très conscients qu'il n'est pas représentatif de l'ensemble de la situation du Québec; mais c'est une photo, c'est un portrait, puis ça peut nous donner ce qu'on appelle une lumière rouge: là, il y a quelque chose qui se passe.

Donc, selon nous, c'est probablement l'introduction du soutien sur demande qui a eu cet effet-là. Pourquoi on dit ça? C'est parce qu'on a beaucoup discuté avec le gens de bureaux coordonnateurs dans différentes formations qu'on leur offre. Les accompagnantes, les gens qui accompagnent les RSG qui nous disent que le soutien sur demande, là, ça devient vraiment: pas de demandes. C'est que celles qui demandent de l'aide, souvent, sont celles qui, déjà, n'ont pas vraiment de problèmes, puis qui veulent s'améliorer; mais celles qui ont beaucoup, beaucoup de difficultés, qui sont vraiment à la limite, demandent peu d'aide.

Donc, pour nous, ça, c'est problématique. Et beaucoup des bureaux coordonnateurs qu'on a rencontrés nous ont parlé de ça, nous ont aussi parlé de la question du soutien sur demande demandé un petit peu trop tard, dans le sens qu'on attend longtemps avant de demander de l'aide. On attend longtemps avant de demander, puis, quand on demande, c'est souvent pour valider le choix qu'on a déjà fait, d'exclure l'enfant et non pas aller chercher réellement de l'aide.

Parce qu'un soutien sur demande, ça s'établit dans une relation de confiance, ça s'établit avec la continuité, ça s'établit avec une relation régulière entre l'accompagnante, qui est la conseillère pédagogique, et la RSG, et ça va se faire s'il y a une relation, s'il y a une proximité, s'il y a une régularité des rencontres. S'il n'y en a pas, les gens n'auront pas comme réaction de demander de l'aide. Et beaucoup nous ont dit que les RSG les plus faibles sont aussi celles qui ont le plus de difficultés à demander de l'aide, parce qu'elles considèrent que demander de l'aide, ce n'est pas correct; on admet, à ce moment-là, qu'on a des limites, alors qu'on sait très bien que la capacité de demander de l'aide, c'est un signe de maturité puis de professionnalisme. Donc, vous voyez un peu notre raisonnement. Caroline, veux-tu ajouter quelque chose? Non.

M. Bouchard: Il y a eu des efforts particuliers, me semble-t-il, notamment à partir de l'initiative de l'AQCPE, en collaboration avec la fondation Chagnon, d'intervention, de types de formation auprès des familles pour les encourager à accueillir des enfants de milieux plus vulnérables et pour les soutenir dans ce qu'ils ont à composer quotidiennement, là, dans leur accueil.

Est-ce que vous avez été à même de suivre l'introduction de cette formation dans vos études?

n(21 heures)n

Mme Bigras (Nathalie): En fait, j'ai participé à certaines formations à l'intérieur de cette initiative-là. Donc, j'ai offert de la formation à certains BC pour les aider à mieux accompagner les familles vulnérables. Et c'est dans ces situations-là qu'on m'a rapporté ces éléments-là. Ce qu'on m'a rapporté aussi, c'est qu'un des éléments qui étaient un frein important à l'inclusion d'enfants vulnérables ou d'enfants présentant des besoins particuliers, c'était aussi toute la question du statut qui n'était pas clair. Donc, pendant la période où ils étaient en attente d'un nouveau projet de loi, elles avaient mis sur la glace beaucoup de choses, mais toute la question aussi du soutien sur demande était au coeur de cette problématique-là encore une fois.

M. Bouchard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Il reste le temps pour une courte question. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, rapidement. Moi ? vous me direz si j'ai raison ? mon évaluation, puis ce n'est pas basé sur une... ce n'est pas sur une base scientifique, mais c'est plus sur la base de l'expérience que j'ai auprès des enfants et pour avoir travaillé avec énormément de personnes qui ont travaillé en éducation, je pense que, même si on obtenait une clause qui amène des mesures incitatives pour la formation, à mon avis ? et ce serait très bien de l'avoir ? à mon avis, le fait de cloisonner les deux réseaux... en deux réseaux, ça aurait quand même un impact négatif.

Parce que vous disiez, tout à l'heure, les gens ne sont pas portés... vous parlez d'isolement et en plus vous dites: Les gens ne sont pas portés à dire qu'ils sont en difficulté. C'est un peu un constat d'échec qu'on fait face à soi-même, qu'on n'ose pas faire ouvertement. Et, à mon avis, quand on travaille en réseau, qu'on se regroupe, on voit qu'il y en a d'autres qui ont des difficultés, et c'est beaucoup plus facilitant d'avouer qu'on a un enfant avec lequel on a un problème ou qu'il y a une famille en difficulté et qu'on peut aller chercher de l'aide, et des conseils, et de l'appui, et une formation conséquente aux besoins qu'on a.

Alors, je ne sais pas si je fais une lecture juste mais, à mon avis, en tout état de cause, il faut faire en sorte que ce réseau-là ne se divise pas, pour être capable de garder les acquis d'un travail en commun qu'on a mis en place depuis trois ans maintenant.

Mme Bigras (Nathalie): ...tout à fait dans le même sens que vous, et je pense que c'est important de comprendre que nos propositions d'amendements forment un tout, hein? On n'a pas l'impression que seulement augmenter le niveau de formation va tout régler. Il faut aussi absolument que la séparation entre le BC et le CPE ne se fasse pas, pour maintenir, pour préserver cet encadrement-là. Parce qu'évidemment que la formation est extrêmement importante, mais les autres conditions comme le soutien et l'accompagnement doivent demeurer, surtout auprès des gens qui sont isolés, qui travaillent seuls avec des enfants toute la journée comme les RSG.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup, Mme Bigras, Mme Bouchard, pour votre contribution à notre réflexion.

Il ne reste que des remarques préliminaires. On va suspendre très, très rapidement mais revenir pour les remarques finales. Alors, je vais suspendre juste quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 3)

 

(Reprise à 21 h 4)

Remarques finales

Le Président (M. Kelley): Alors, on va passer maintenant à la rubrique des remarques finales. Il y a 7 min 30 s réservées pour le porte-parole de l'opposition officielle et le député de Gouin.

M. Girard: C'est moi qui commence?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui.

M. Nicolas Girard

M. Girard: Excusez-moi. Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir à l'occasion de la conclusion de nos travaux. D'abord, je tiens à remercier, là, tous ceux et celles qui ont participé à nos travaux pour la qualité de leur mémoire et leur intervention, et aussi saluer ceux qui ont assisté à nos travaux depuis hier. C'est des longues journées, puis je vois que ces consultations-là ont suscité beaucoup d'intérêt. Je veux également remercier ma recherchiste et mes collègues qui m'ont accompagné au cours de ces travaux et qui m'accompagneront lors de l'étude article par article de ce projet de loi.

Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, c'est que le ministre sort isolé de cette consultation-là. Il y a un consensus autour de la nécessité de maintenir le lien entre les CPE et les bureaux coordonnateurs, afin d'assurer des services de qualité pour les parents et les enfants du Québec.

De nombreux groupes, qu'ils soient du milieu syndical, patronal, Conseil de la famille, entreprises d'économie sociale, sont venus exprimer leurs craintes quant au développement de réseaux parallèles, qui entraînera la perte et le partage d'expertise et qui aura un impact sur la qualité.

Les participants sont venus nous indiquer que la création de ces nouvelles structures sont inutiles et visent une fois de plus à déstabiliser le réseau des CPE, qu'ils sont en désaccord avec les articles 77, 78 et 83 du projet de loi parce qu'ils retirent les mandats de formation et de surveillance des bureaux coordonnateurs et que, dorénavant, les places attribuées le seraient en fonction des RSG et non plus en fonction des besoins des parents.

Le ministre, M. le Président, a été incapable d'expliquer l'objectif de son gouvernement avec la séparation des CPE des bureaux coordonnateurs, incapable d'expliquer en quoi cela allait maintenir ou même améliorer la qualité des services de la garde éducative pour les enfants.

Je rappelle, M. le Président, que le syndrome de la structurite aiguë du ministre va entraîner la création de 165 nouveaux conseils d'administration, coûter 12 millions par année aux contribuables, sans aucune augmentation de services pour les parents. 12 millions, je le rappelle, c'est 1 200 places pour les parents. Ceux et celles qui gèrent et qui offrent des services de garde aux enfants, ce qu'ils souhaitent, c'est développer des places pour les parents, pas développer des structures. Plusieurs ont déploré l'ajout à la dernière minute, sans aucune consultation de qui que ce soit, de la séparation des CPE-BC.

Il y a beaucoup de parents, d'éducatrices, de directrices en services de garde qui, depuis 1997, ont développé sur un même territoire un magnifique réseau pour répondre aux besoins des parents et des enfants. Ils ont aussi travaillé de bonne foi, après les modifications à la loi sur les services éducatifs, l'adoption de la loi n° 124 en 2005, ils ont travaillé à faire en sorte que la relation CPE-BC fonctionne. Mais on se pose toujours la question: Qui est à l'origine de la proposition de la séparation des CPE-BC? Le premier ministre, la présidente du Conseil du trésor, le ministre de la Famille?

Une chose est certaine, M. le ministre, c'est que votre projet de loi, il porte votre signature. À vous de poser les gestes qui s'imposent pour ne pas passer à l'histoire comme celui qui aura voulu compléter l'oeuvre de l'ex-ministre de la Famille, Carole Théberge, qui avait fait adopter par son gouvernement, sous le bâillon, en décembre 2005, la loi n° 124.

Je pense, M. le Président, que le ministre n'a plus le choix: il doit annoncer le retrait des articles 77, 78 et 83 de son projet de loi, qui n'apportent rien de positif. Et ce qui est dommage, et plusieurs l'ont noté, c'est que la volonté ministérielle de séparer les CPE des bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial fait en sorte de reléguer au second plan les avancées des travailleuses en services de garde en milieu familial. Elles obtiennent enfin un droit d'association, de négociation, après des années de lutte et d'acharnement. Elles souhaiteraient cependant avoir un accès plus important à certaines lois sociales.

Je dois tout de même souligner qu'avec le projet de loi le ministre vient créer un régime de représentation et de négociation pour ces responsables de services de garde en milieu familial. Il vient réparer la gaffe de son gouvernement, l'abus de pouvoir qui a empêché ces femmes d'améliorer leur sort avec l'adoption de la loi n° 8, adoptée sous bâillon en 2003. Heureusement, les tribunaux sont venus rappeler à l'ordre son gouvernement. Je rappelle que ma formation politique est favorable à l'amélioration des conditions de travail des travailleuses en service de garde en milieu familial.

En terminant, nous demandons au ministre de tenir parole et respecter l'engagement pris auprès de l'Association québécoise des centres de la petite enfance le 4 décembre dernier, en pleine campagne électorale, par l'ex-ministre de la Famille, actuellement ministre de l'Éducation, de ne pas séparer les CPE des bureaux coordonnateurs. L'intégrité et l'éthique, c'est aussi respecter la parole donnée. L'ex-ministre a pris un engagement gouvernemental envers l'Association québécoise des centres de la petite enfance. Qu'elle tienne parole. Et je pense qu'en 2009 la lettre d'un ministre de ce gouvernement, ça doit valoir encore quelque chose. Si le ministre décide de ne pas modifier 77, 78 et 83, ça voudra dire que la lettre d'un ministre de ce gouvernement, ça ne vaut rien. Je vous remercie.

n(21 h 10)n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre de la Famille.

M. Tony Tomassi

M. Tomassi: Alors, merci, M. le Président. Avant tout, rappeler à mon collègue de l'opposition, d'en face, qu'il salue les travaux et les avancées qui ont été faites avec la loi n° 124 qui est venue, pour la première fois, établir des règles et des conditions de travail des bureaux coordonnateurs-CPE vis-à-vis les RSG, chose qui n'existait pas depuis 1997. Or, nécessairement, c'est des avancées qui ont été faites avec 124. Il salue cette initiative.

Je veux seulement lui rappeler qu'ils ont voté contre cette initiative de venir encadrer ces dispositions et lui rappeler aussi que, vous savez, le jugement Grenier est venu prendre en considération des éléments qui avaient été mis en place sur le statut de ces travailleuses en 1997 et qui ont été reportés par la suite, et le projet de loi n° 8 est venu en quelque sorte mettre une disposition pour faire...

M. Girard: M. le Président, question de règlement. Je voulais juste indiquer au ministre que j'ai été mal cité. Il fait référence à la loi n° 124, j'ai fait référence à la loi n° 8. Je voulais simplement le préciser au procès-verbal.

Le Président (M. Kelley): La parole est au ministre.

M. Girard: Merci.

Le Président (M. Kelley): Si vous voulez intervenir à la fin pour corriger les faits, mais la parole est au ministre.

M. Tomassi: Alors, M. le Président, il salue les initiatives de l'article 42 qui est dans la loi n° 124, qui a été introduite par la loi n° 124. Or, la question de la surveillance, et tout ça, c'est des dispositions qui n'existaient pas avant. S'ils sont d'accord aujourd'hui avec, c'est parce que nécessairement la loi était bonne.

Alors, M. le Président, je suis en quelque sorte heureux d'avoir entendu 11 groupes, 11 organismes et individus qui sont venus ici nous porter leurs points de vue sur les bureaux coordonnateurs, sur les CPE, sur les services de garde, et ce sont tous des personnes comme nous tous qui sommes engagés dans diverses sphères du réseau de services de garde du Québec, et leurs commentaires contribueront assurément à alimenter nos réflexions sur ce projet de loi conçu, je le rappelle, pour répondre au jugement de l'honorable juge Grenier.

Je tiens à remercier chaleureusement chacune des personnes qui se sont présentées à cette étape importante de l'étude du projet de loi, et j'ai écouté avec attention leurs présentations. Je retiens les réactions positives, les préoccupations et les recommandations faites. J'ai aussi pu noter, sur certains aspects, des intérêts divergents, voire opposés l'un à l'autre.

Cependant, je constate que ce qui nous rallie, c'est la recherche de la meilleure solution pour assurer le bien-être des enfants qui, chaque jour, sont accueillis par les prestataires des services des trois modes de garde, soit les CPE, les garderies privées et les responsable d'un service de garde en milieu familial.

De plus, j'ai constaté qu'en grande partie le projet de loi est accueilli favorablement par toutes et tous. Soulignons plus particulièrement tout ce qui concerne les gains importants faits par les responsables d'un service de garde en milieu familial. En effet, plusieurs ont applaudi le fait que le projet de loi permette aux responsables d'un service de garde en milieu familial le plein exercice d'un droit d'association et l'accès à un régime de négociation, car, comme vous le savez, ce projet de loi propose un nouveau modèle de représentation et de négociation d'une entente collective qui se veut unique, novateur et réellement adapté à leur réalité.

J'ai aussi entendu, au cours des deux journées de consultations, certaines personnes évoquer des craintes à l'effet que les besoins des parents et des enfants soient relégués au second plan. Je vous assure, ces craintes n'ont pas lieu d'être. À ce sujet, je rappelle, comme je l'ai fait depuis le début des audiences, qu'il faut lire le projet de loi n° 51 en complémentarité avec l'actuelle loi n° 124 et avec les règlements de notre ministère. D'ailleurs, lors de la lecture, vous pourrez constater que les parents et la qualité des services offerts à leur enfant demeurent au coeur de nos actions.

Implanter un régime de représentation et de négociation pour des personnes qui sont des travailleuses autonomes agissant dans leur résidence représente un défi de taille, et, dans cet exercice, j'espère que nous trouverons un juste équilibre qui tienne compte des diverses préoccupations exprimées. Parmi celles-ci, j'ai entendu vos recommandations concernant, entre autres, le vide juridique pour l'entrée en vigueur du retrait préventif, le lien entre les bureaux coordonnateurs et les CPE et les précisions quant au mandat des bureaux coordonnateurs.

Aussi, j'ai perçu, chez toutes les personnes qui sont venues nous rencontrer, un désir sincère de promouvoir la formation et le développement professionnel des responsables d'un service de garde en milieu familial. Sachez que j'y souscris entièrement.

De plus, le projet de loi insiste sur l'obligation qui est faite à tous les prestataires de services de garde d'assurer la santé, la sécurité et le bien-être des enfants. Voilà encore une autre preuve de notre préoccupation constante pour la qualité des services pour nos enfants.

Par ailleurs, j'aimerais aussi souligner que, dans un souci d'équité pour tous les parents utilisateurs, nous avons renforcé les dispositions déjà présentes dans le règlement sur la contribution réduite. Il s'agit là d'un autre élément essentiel pour nous.

En conclusion, je tiens à réitérer que l'ensemble de ce qui a été dit ici sera attentivement examiné. Aussi, la même ouverture démontrée lors de l'écoute des consultations des deux derniers jours m'animera dans l'analyse des arguments qui ont été présentés ? je tenais bien sûr à le préciser ? car je crois sincèrement que c'est ensemble que nous pourrons faire en sorte d'en offrir toujours plus à tous les parents et à tous les enfants du Québec.

En vous remerciant beaucoup, M. le Président, remercier les collègues qui nous accompagnent, qui nous ont accompagnés tout au long de ces deux jours, remercier les gens dans la salle, qui ont aussi bien fait en nous écoutant durant ces deux journées, remercier Jacques Robert, qui est sous-ministre adjoint aux services de garde, Mme Anne-Marie Bouthillier, qui a été ici, avec nous, tout le long, M. Breton, Me Lavigne et Me Deaudelin du Conseil du trésor, et Sylvie Barcelo, qui est ma sous-ministre.

Et, en terminant, M. le Président, je vous offre mon 5$ pour la sonnerie de téléphone cellulaire. Vous le mettrez dans le fonds pour le café des députés. Merci beaucoup, monsieur.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Gouin.

M. Girard: Vous m'indiquez de revenir à la fin de l'intervention...

Le Président (M. Kelley): Oui, je veux juste expliquer: L'article 212 ne donne pas le droit d'interrompre le député, et je vais juste le citer parce que je pense que c'est important: «Propos mal compris ou déformés. Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner des très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.

«Il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion, ni susciter de débat.»

M. le député de Gouin.

M. Girard: Je veux simplement répéter la phrase que j'ai dite. J'ai indiqué: «Il vient réparer la gaffe de son gouvernement, l'abus de pouvoir qui a empêché ces femmes d'améliorer leur sort avec l'adoption de la loi n° 8 adoptée sous bâillon en 2003.» C'est ce que j'ai dit. Je n'ai fait aucune référence à la loi n° 124.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Sur ça, à mon tour, merci beaucoup pour les personnes qui ont assisté à nos délibérations. Au nom de l'Assemblée nationale, on s'excuse parfois que vous n'ayez pas eu tous une chaise. On va essayer d'éviter ça dans l'avenir, mais merci beaucoup pour l'attention que vous avez portée à nos travaux.

Sur ça, j'ajourne nos travaux. Ayant accompli notre mandat, j'ajourne nos travaux à demain, jeudi le 4 juin, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, dans la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, pour une séance de travail. Merci beaucoup, bonsoir.

(Fin de la séance à 21 h 18)


Document(s) associé(s) à la séance