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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 7 avril 2009 - Vol. 41 N° 8

Consultations particulières sur le projet de loi n° 7 - Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Kelley): Bonjour, mesdames et messieurs. Je constate quorum des membres de la Commission des affaires sociales, donc je déclare la séance ouverte en rappelant le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Girard (Gouin) remplace Mme Lapointe (Crémazie); M. Lemay (Sainte-Marie?Saint-Jacques) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Kelley): Bienvenue à tout le monde. Alors, nous avons trois groupes qui vont témoigner ce matin: la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, suivie par la Direction de santé publique de Montréal, et enfin le Conseil de la famille et de l'enfance. Tel que convenu, les groupes vont faire une présentation d'environ 10 minutes plus ou moins ? mais il y a une certaine latitude que le président va exercer ? suivie par un échange avec les membres de la commission.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, représentée par sa présidente, Mme Nathaly Roy, sa directrice générale, Sylvie Lévesque, et Mme Lorraine Desjardins. Alors, Mme Lévesque, la parole est à vous.

Fédération des associations
de familles monoparentales et
recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, bonjour, tout le monde. La fédération lutte depuis plus de 35 ans pour l'amélioration des conditions de vie des familles qu'elle représente. Alors, on sait déjà que les familles monoparentales sont majoritairement dirigées par des femmes et demeurent encore aujourd'hui les plus pauvres au pays. Ce sont d'ailleurs ces familles qui sont les plus souvent visées par les divers programmes d'intervention précoce qui ciblent les enfants vulnérables.

Notre fédération, aux côtés de d'autres partenaires issus du milieu de la recherche et du milieu communautaire, se préoccupe depuis plusieurs années de la prolifération de ce type de programmes et s'interroge sur les fondements théoriques et idéologiques qui en sont à l'origine. L'annonce, dans le cadre du budget de l'année dernière, 2008-2009, de la création d'un nouveau fonds public-privé visant à intervenir auprès des jeunes enfants en situation de vulnérabilité a donc fortement attiré notre attention. Nous remercions les membres de cette commission de nous donner l'occasion de venir nous exprimer sur le projet de loi n° 7. Cependant, notre propos portera moins sur le contenu du projet de loi lui-même, mais davantage sur les enjeux qu'il soulève à trois niveaux: les impacts des nouveaux modes de gouvernance dans le domaine des politiques sociales, qui consistent à recourir de plus en plus aux fonds public-privé; les impacts possibles sur les communautés et les organismes qui travaillent déjà auprès des familles, en ce qui a trait à l'apparition de nouveaux acteurs, de nouvelles structures et de nouvelles règles de concertation, et plus particulièrement sur nos groupes, chez nous, d'associations de familles monoparentales recomposées, surtout monoparentales, qui sont très ciblés par ces types de projet de loi; les impacts sur les familles elles-mêmes.

Le fait de vouloir investir d'importantes sommes d'argent afin d'améliorer le bien-être des enfants du Québec n'est pas une mauvaise idée en soi. Cependant, plusieurs questions se posent quant à la nature exacte des programmes qui seront implantés et à leur mode de gestion. Or, la formule des fonds public-privé a jusqu'à maintenant soulevé d'importantes inquiétudes et controverses chez plusieurs acteurs, dont un bon nombre de ceux qui ont déjà défilé dans cette commission, particulièrement en ce qui a trait au respect des principes démocratiques.

En plus des fonds de sources privées, un important pourcentage des sommes investies proviennent également de fonds publics puisés à même les poches des contribuables. Dans cette perspective, ne serait-il pas juste et raisonnable que l'élaboration des programmes et les objectifs qu'ils veulent poursuivre ne soient pas laissés exclusivement à la discrétion des partenaires privés? Il nous apparaît inconcevable que l'État abdique ainsi son pouvoir de décideur et de régulateur des politiques sociales au profit de riches mécènes, si bien intentionnés soient-ils.

Je laisse la parole à Nathaly Roy, la présidente de la fédération.

Mme Roy (Nathaly): Merci, Sylvie. Alors, bonjour. Il y a l'autre question qui se pose également en ce qui a trait aux impacts des initiatives mises en place sur les communautés et les organismes qui font déjà, sur le terrain, un travail qui est important auprès des familles. D'une part, le fait d'investir des centaines de millions de dollars dans la création de nouveaux projets, alors que des organismes communautaires famille déjà bien enracinés dans la communauté et bénéficiant d'un important lien de confiance, je pense, avec les familles qu'ils accueillent revendiquent depuis de nombreuses années une plus grande reconnaissance puis un meilleur financement, représente un irritant majeur.

D'autre part, bien que ces nouvelles initiatives disent vouloir faire appel à la mobilisation des communautés, la pratique a démontré qu'elles semblent trop souvent faire fi des concertations déjà existantes, soit en créant leurs propres structures de concertation, soit en imposant leur propre mode de fonctionnement aux structures déjà en place. Ces façons de faire donnent lieu à des rapports souvent difficiles entre les porteurs de projets et les organismes qui doivent composer avec ces nouveaux acteurs, et ce, rarement dans un contexte de rapports égalitaires. Nos collègues de la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille sont d'ailleurs venus vous en faire une démonstration, je pense, qui est assez convaincante.

n (9 h 40) n

Mais, par-dessus tout, ce sont d'abord, je pense, les impacts sur les familles visées par les interventions qu'on prévoit mettre en place qui doivent, je pense, faire l'objet de notre plus grande attention. Rappelons que les enfants auprès desquels on entend intervenir vivent majoritairement au sein des familles en situation de pauvreté. Or, il nous apparaît essentiel de faire un examen plus attentif des fondements scientifiques et idéologiques à l'origine de ce type d'interventions et s'assurer qu'on ne fasse pas porter le poids des problèmes sur le dos des familles sans questionner les inégalités sociales et économiques, qui jouent un rôle fondamental dans la possibilité de développement des enfants.

Il existe un danger, je pense, bien réel de stigmatisation des individus dans le fait de vouloir cibler des populations dites à risque sans remettre en question les inégalités sociales. L'approche positiviste, dans laquelle reposent les principaux modèles de prévention précoce au Québec, tend à évacuer trop rapidement la dimension politique des problèmes sociaux et à ignorer la multiplicité des solutions possibles. Dans ce genre d'approche, on a tendance à considérer la pauvreté comme une maladie ou une fatalité contre laquelle on ne peut rien faire d'autre que de limiter les dégâts.

Ici, par exemple ? je vais vous donner un exemple concret qui nous permettrait sans doute de mieux illustrer notre propos ? il y a quelques années, un projet pilote avait été mis sur pied dans le but de prévenir les naissances des bébés à petit poids. Cette initiative, sous le nom d'OLO ? pour oeuf, lait et orange ? consistait à fournir des aliments à des jeunes femmes enceintes de milieux défavorisés. Deux groupes de futures mères ont fait l'objet de cette intervention, soit: un premier groupe où on donnait seulement les aliments; et, au deuxième groupe, en plus de fournir les oeufs, le lait et les oranges, elles étaient suivies par une batterie de professionnels, des médecins, des infirmières, des travailleurs sociaux, des psychologues, etc. Or, au grand étonnement des instigateurs de cette initiative, ce sont les futures mères du premier groupe qui ont donné naissance aux bébés les mieux portant.

En conclusion, j'aimerais céder la parole à Lorraine Desjardins, qui est agente de recherche et de communication. Merci.

Mme Desjardins (Lorraine): Bonjour. Que faut-il conclure des résultats du programme OLO dont on vient de vous parler? On pourrait peut-être avancer l'hypothèse que les futures mères suivies par une batterie de spécialistes ont vécu peut-être un plus grand stress que les jeunes femmes enceintes auxquelles on avait simplement fourni des aliments.

Tous ceux et celles ici qui ont eu des enfants le savent, être parent est à la fois la tâche la plus importante et la plus délicate qui soit. Un bébé n'arrive jamais avec un mode d'emploi ou un livret d'instruction, et, qu'on soit bien nanti ou en situation de pauvreté, ça arrive de temps en temps de se sentir inadéquat. Or, quand les interventions qui vous sont destinées en tant que parent vous font refléter que, puisque vous êtes jeune, pauvre, vous êtes forcément inadéquate, cela n'aide aucunement à renforcer chez vous un sentiment d'estime de soi ou un sentiment de compétence.

Comme l'a souligné Céline Lemay, qui est responsable du dossier périnatalité à l'Association pour la santé publique du Québec, le règne des experts mène souvent à l'impression que la société est organisée entre ceux qui savent et qui donnent et ceux qui ne savent pas et qui reçoivent. L'estime de soi se développe lorsqu'on a la chance de donner et de recevoir plutôt que de se cantonner seulement dans l'un ou l'autre. Il y a une énorme différence entre veiller sur le bien-être des familles et les surveiller.

Or, nous, on croit qu'on devrait peut-être questionner les décisions politiques qui mènent à investir plusieurs centaines de millions de dollars dans des interventions qui visent à circonscrire les effets de la pauvreté plutôt qu'à réduire la pauvreté elle-même. Quand on sait que, pendant plusieurs années, les prestations d'aide sociale n'ont connu qu'une demi-indexation, que le taux annuel du salaire minimum fait en sorte qu'une personne qui travaille 40 heures/semaine se retrouve encore à plusieurs milliers de dollars sous le seuil de la pauvreté et que les pensions alimentaires pour enfants continuent d'être déduites des prestations d'aide sociale et des prêts et bourses, n'y aurait-il pas lieu de revoir les priorités gouvernementales en matière de lutte contre la pauvreté?

On peut supposer que les visées à l'origine du projet de loi n° 7 sont louables. Cependant, il nous apparaît essentiel de tenir compte de tous les impacts possibles, que ce soit en termes d'enjeux démocratiques liés au mode de gouvernance, que sur les communautés qui ont de plus en plus souvent à composer avec l'arrivée de nouveaux acteurs, ou finalement sur les familles qui sont visées par les multiples interventions mises en place. On doit impérativement s'assurer que les interventions destinées aux familles ne contribuent pas à stigmatiser encore davantage les enfants qu'elles prétendent vouloir aider ni à renforcer un sentiment d'incompétence chez leurs parents, des mères dans la majorité des cas.

Par conséquent, les recommandations de la fédération sont les suivantes: que le recours de plus en plus répandu aux fonds public-privé comme mode de gouvernance en matière de politique sociale fasse l'objet d'un véritable débat public au sein de la population, notamment en vue de dégager les enjeux démocratiques liés à l'utilisation des fonds publics dans l'adoption d'un tel projet de loi. Peut-être que tu pourrais, Nathaly, lire la deuxième recommandation.

Mme Roy (Nathaly): Oui, la deuxième: afin de favoriser et de maintenir une véritable diversité de réponses aux besoins des familles, la FAFMRQ recommande le rehaussement significatif du financement de la mission des organismes communautaires famille, les OCF, dont, entre autres, évidemment, les associations de familles monoparentales et recomposées, qui accueillent les familles qui sont prioritairement ciblées dans le programme s'adressant aux familles vulnérables.

Mme Lévesque (Sylvie): Dans une perspective de justice sociale, que la priorité soit accordée par le gouvernement du Québec à une véritable amélioration du revenu des personnes et des familles les plus pauvres plutôt qu'à des interventions visant à corriger les conséquences de la pauvreté, notamment chez les jeunes enfants.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va maintenant passer à la période d'échange avec les membres de la commission, en commençant avec le ministre de la Famille et député de LaFontaine. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Tomassi: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Roy, Mme Lévesque, Mme Desjardins, merci de vous être déplacées, de venir nous rencontrer aujourd'hui pour discuter du projet de loi qui est en discussion, celui du fonds de développement pour les jeunes enfants.

On a eu le plaisir, depuis quelques jours, la semaine dernière, d'entendre d'autres groupes qui sont venus nous parler. Je peux vous dire que la perception du fonds est à peu près d'égal à égal actuellement: les gens qui voient le bienfait de la mise en place du fonds; il y a d'autres gens qui sont venus, comme vous, nous parler de la question sur la gouvernance. Là, il y a des choses qui se sont dites. On a essayé de mettre ça en perspective.

Il y avait des interrogations à savoir si le Vérificateur général avait le droit de vérification sur le fonds. On a répondu dans l'affirmative, parce que la création du fonds... est créé par une loi qui est administrée par le ministre de la Famille. Alors, nécessairement, à chaque année, il y a un dépôt à l'Assemblée nationale du rapport qui va être fait, et par la suite les parlementaires ont le droit de vérifier, de questionner, c'est tout à fait normal. Ça vient un peu, en quelque sorte, répondre à votre préoccupation.

Puis je sais qu'on a eu la chance, la semaine dernière, de s'en parler, ce n'est pas nécessairement la fondation, ce n'est pas la fondation qui décide des projets. Il y a un comité de gestion, un fonds de gestion qui est mis... la société de gestion qui est mise en place, où est-ce que, sur cette société de gestion, il y a des membres paritaires qui sont nommés par le ministre de la Famille et par la fondation.

Il y a des groupes qui sont venus nous parler ? puis ma première question va aller dans ce sens-là ? il y a des groupes qui sont venus nous parler pour dire qu'il serait important que, dans la société de gestion, on ait des gens de la société civile qui siègent sur cette société de gestion, tout en prenant en considération qu'il ne faut pas que les gens de la société civile qui vont siéger sur cette société proviennent de groupes qui seraient bénéficiaires du fonds.

Alors, je vous donne un exemple, là. Votre organisme ou celui des organismes communautaires famille ne pourraient pas à la limite siéger à la société de gestion parce que ça va être les premiers groupes qui seraient bénéficiaires du fonds, mais on pourrait à la limite trouver des organismes qui pourraient être porte-parole.

n (9 h 50) n

J'ai même dit en commission parlementaire, la semaine dernière, qu'il y a deux autres comités qui seraient mis en place. Il y a le comité de pertinence qui va étudier les dossiers qui seraient déposés. Et, même là, la volonté de certains groupes était à l'effet qu'il y ait des gens de la société civile qui puissent y siéger, non pas des gens qui proviennent de la fondation ni des gens du gouvernement. L'AQCPE est venue nous dire que ça pourrait être des gens qui seraient nommés par... ou qui seraient suggérés par le Conseil de la famille et de l'enfance ou par le comité de lutte à la pauvreté, c'est deux organismes qui sont en place, qui pourraient suggérer des noms de gens de la société civile.

Et l'autre comité qui serait mis sur pied ? il y a eu des discussions, je pense que vous avez fait partie des discussions avec le ministère ? c'est un comité de liaison qui serait mis en place, où est-ce que tous les organismes communautaires qui seraient impliqués de près ou de loin avec le fonds pourraient siéger, où est-ce que les interrogations que vous vous posez, là... Parce qu'il y a des groupes comme vous, la semaine passée, qui sont venus nous parler de Québec en forme, les problématiques qu'ils avaient eues au début, là, parce qu'il y a même... il y a tout un débat là-dessus. Au début, oui, il y avait des problématiques. Aujourd'hui, les problématiques semblent avoir non pas toutes été réglées, mais la grande majeure partie, les choses semblent mieux aller sur le terrain. Où est-ce que c'est problématique, où ces interrogations que les groupes auraient, ça pourrait être discuté dans ce comité-là.

Alors, ma question à vous, la première, ce serait à l'effet de savoir si vous trouvez l'idée bonne et excellente. Et est-ce qu'on devrait aller dans ce sens-là, où est-ce que des membres de la société civile pourraient être choisis, là, par les gens, puissent siéger et à la société de gestion et au comité de pertinence?

Mme Lévesque (Sylvie): Bon. On s'attendait à cette question-là quand même parce qu'on a quand même suivi les débats effectivement, la semaine dernière, de ce qui se passe dans la commission, bien sûr. Comme je disais d'entrée de jeu, ça fait longtemps que, nous, on est préoccupés par tout ce phénomène-là d'intervention précoce, particulièrement auprès des familles monoparentales. Et on insiste sur «mères monoparentales» parce qu'encore aujourd'hui c'est majoritairement elles, qu'elles dirigent... malgré qu'il y a une évolution, heureusement, il y a de plus en plus de pères aussi qui s'occupent de leurs enfants, mais il reste qu'il y a une majorité de mères, et j'insiste là-dessus.

Pourquoi je fais un préambule en réponse à votre question? Je vais répondre aussi, mais je pense que c'est important, parce qu'effectivement les 10 dernières années, les différents programmes et tout ce qui se passe au niveau des enfants, notamment des enfants vulnérables, sont ciblés sur en particulier les mères monoparentales parce que bien sûr c'est souvent elles en majorité et c'est souvent les enfants qui se retrouvent aussi à la DPJ, pour toutes sortes de raisons.

Comme on disait dans notre mémoire... Et souvent ce qu'on fait à la fédération, on dit souvent: On fait des programmes. Ce n'est pas qu'on est contre le fait qu'il faut investir et améliorer la situation des enfants pauvres au Québec, mais ce qu'on dit, c'est que c'est tous ces programmes-là... Comme on disait dans notre mémoire, c'est que c'est toujours comme cibler encore une fois, le fait que tu es soit monoparental ou que tu es pauvre, que nécessairement tu es incapable justement de te sortir... puis ça te prend une batterie d'intervenants pour justement intervenir et faire du surciblage sur ces familles-là, donc.

Puis, par contre, avec ce qu'on a vu, les drames récents qu'on voit apparaître de plus en plus, à ce que je sache, ce n'est pas juste sur des familles démunies dans lesquelles ça se passe, hein? Les ruptures, c'est quelque chose d'important et c'est quelque chose sur lequel... qui provoque des souffrances. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il ne faut pas oublier que ce n'est pas juste, comme disait Lorraine dans son intervention, que ce n'est pas juste parce que... La rupture occasionne des bouleversements, et je pense qu'il faut aussi tenir compte de cette réalité-là.

Ceci étant dit, nous, par rapport à ça, on a fait un débat chez nous sur justement... Ce n'est pas pour rien qu'on a dit qu'on ne veut pas intervenir ? comment dire? ? sur le projet de loi comme tel. Nous, ce qu'on remet en question, c'est justement le fait que... Pourquoi, à ce moment-là, s'il y a des fonds privés qui sont disponibles, pourquoi on ne travaille pas plus sur les causes de la pauvreté et qu'on n'investit pas ces sommes d'argent là, comme gouvernement et comme État, pour justement améliorer cette situation-là, plutôt que de créer des fonds où les fonds privés vont justement... Même si la société civile est présente dans ces comités-là ou ces consultations-là, il n'en demeure pas moins qu'on demeure aussi consultatifs et, comme on n'a pas nécessairement les mêmes sommes d'argent à investir, on ne se retrouve pas au même niveau de pouvoir aussi.

Donc, oui, on peut influencer, oui, on peut sensibiliser, oui, on peut dire effectivement les réalités, on l'a déjà fait auprès du ministère déjà auparavant et même auprès de la fondation Chagnon, on les a déjà rencontrés. Oui, il y a de l'écoute, oui, on sait qu'il y a de l'ouverture pour que, sur le terrain, les projets ? comment dire? ? rendent compte des réalités des groupes, oui, ils vont être sensibles à ça, mais il n'en demeure pas moins que le fonds demeure le même, même si on est présents, il reste que l'orientation est quand même là. Et, nous, c'est ce qu'on dit, c'est que plutôt que de... Il faut travailler sur les causes et non pas tenter de faire ce type de projet là.

Alors, c'est pour ça qu'on n'est pas allés dans ce sens-là, on ne fait pas de bonification. Il faudra revenir chez nous là-dessus, mais il n'y a pas tellement d'ouverture, à ce moment-ci, de notre côté, pour dire... participer à ces comités-là, puisque, nous, on remet en question et on dit: Il faut faire un débat public sur les investissements de fondations privées. Les groupes, à l'époque, quand on était dans le communautaire, les fondations finançaient les organismes pour soit des choses précises, ou tout ça; maintenant on retrouve les bâilleurs de fonds autour de nos tables. Donc, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas non plus dans ce sens-là.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut aussi que les fondations laissent un peu plus d'autonomie aussi aux groupes quand, autrement dit, ils distribuent des fonds dans les groupes. Maintenant, c'est une approche qui est totalement différente. On veut à la fois donner de l'argent et à la fois orienter. Alors, nous, on dit: La communauté devrait être capable de s'organiser elle-même sans que les fondations s'en mêlent.

Le Président (M. Kelley): Ça va? M. le ministre.

M. Tomassi: Oui. Et je vous suis, puis je peux vous dire que la vision de dire: Il faut aller directement prendre le dossier de la pauvreté dans son ensemble et faire en sorte que l'aide soit apportée à ces familles, à ces gens-là, je peux vous dire que, depuis 2003, beaucoup de choses ont été faites. Est-ce que c'est suffisant? Probablement pas. Il faudrait peut-être aller encore plus loin, mais il y a beaucoup de choses qui ont été faites. La mise en place de Soutien aux enfants, qui est l'allocation familiale qui revient, où est-ce que... c'est un élément important, là, c'est de l'argent...

Mme Lévesque (Sylvie): ...

M. Tomassi: Oui. Bien, exactement, ça vient aider.

Mme Lévesque (Sylvie): ...la société civile, notamment.

M. Tomassi: Bien, écoutez, la société civile, je peux vous dire que c'est une volonté gouvernementale de l'avoir mise en place, de l'avoir réintégrée. Alors, plus que les gens gagnent moins de revenus, plus que Soutien aux enfants est plus important. La place de Prime au travail, qui fait en sorte que ça vient aider encore plus, l'augmentation du salaire minimum... Je sais que le député de Mercier va me dire: Ce n'est pas encore suffisant, mais on est dans une bonne direction, on avance, il faut faire des pas tout en tenant compte de l'aspect économie. Alors, il y a beaucoup de choses qui sont faites.

Alors, le revenu disponible d'une famille, depuis 2003, a augmenté dans toutes les strates du salaire, que ce soit vis-à-vis les familles, le couple qui a deux enfants puis qui vit au salaire minimum de 18 000 $, mais leur revenu disponible, de 2003 à 2008, a augmenté de 9 000 $. Alors, c'est assez important aussi. Est-ce que c'est suffisant? Probablement pas. Est-ce qu'il faut en faire plus? Oui, il faut en faire plus. Et, dans ce sens-là, le gouvernement prend ses responsabilités et va dans ce sens-là.

Je comprends votre position, puis je ne peux pas... c'est une façon de voir les choses. Pour nous, l'important, c'est de dire: Bon, bien, parfait, il y a des gens qui sont prêts, avec le gouvernement, à investir des sommes importantes pour venir aider, il ne faut pas leur refuser. Puis je pense que nécessairement... je pense que probablement la problématique est surtout venue du fait qu'il y a certains groupes qui probablement ont vécu des expériences pas trop réjouissantes dans la mise en place de d'autres fonds qui est Québec en forme. Aujourd'hui, on me dit que les choses se sont replacées de façon extraordinaire. Les groupes qui sont venus nous voir, qui participent et qui ont des fonds de la fondation, travaillent avec eux de façon correcte et ordonnée. Alors, je me dis, moi: On peut aller dans ce sens-là.

n (10 heures) n

Mais l'important, pour nous, c'est de dire: Il ne faut pas mettre de côté l'aide que certains groupes seraient prêts à nous faire. Puis, comme je vous dis, en bout de ligne, là, ce n'est pas la fondation qui dicte, là, le comité de gestion. C'est le comité de gestion qui va être paritaire. À la limite, je vous dis que l'ouverture que certains groupes nous ont manifestée à l'effet de dire: Il faudrait qu'il y ait des membres de la société civile qui fassent partie de cette société de gestion, c'est une excellente idée qui devra être prise en compte. Mais on s'en va dans cette direction-là pour dire: Ce n'est pas la fondation qui va édicter ses choix, là. Le gouvernement est encore là puis le gouvernement est encore responsable de la loi, va devoir répondre à l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire. Le Vérificateur va pouvoir aller voir la société de gestion, si les fonds sont bien investis pour ce qu'on a l'intention de faire. Alors, c'est un peu ça, le message que je voulais vous lancer. Puis je vais laisser la chance aux collègues de poser des questions.

Le Président (M. Kelley): Est-ce que, Mme Desjardins, vous voulez répliquer? Oui.

Mme Desjardins (Lorraine): Juste réagir rapidement. Nous, effectivement, c'est au gouvernement qu'on d'adresse quand on vient vous parler ici, ce n'est pas à la fondation Chagnon.

Je voudrais juste revenir aux améliorations qui ont eu lieu au niveau du revenu des familles. Oui, on l'a souligné, quand le Soutien aux enfants est débarqué, on trouvait que c'était une nette amélioration au soutien aux familles. Mais il ne faut pas oublier non plus qu'entre 2004 et 2006 ? j'ai pris ça du rapport du comité consultatif ? les coûts ont augmenté aussi énormément pour les familles et pour les citoyens. C'est-à-dire les coûts d'électricité ont augmenté de 11 %; il y a eu une hausse de frais de garde aussi de 40 %; une hausse de frais de transport de 18 % dans les régions urbaines et de 35,5 % dans les régions rurales, pour l'essence. Donc, oui, il y a une amélioration, mais, en même temps, il y a eu aussi une hausse énorme de prix et de coûts, ça coûte beaucoup plus cher de vivre.

Puis ce qu'on dit, nous, dans le fond, c'est: La priorité devrait être accordée à travailler sur les causes de la pauvreté, à régler les causes de la pauvreté plutôt que d'investir des centaines et des centaines de millions de dollars sur régler les conséquences. C'est aller à l'origine du problème.

Le Président (M. Kelley): Alors, j'ai trois demandes d'intervention. Alors, si on peut faire ça rapidement. M. le député de Laurier-Dorion, suivi par Mme la députée de Trois-Rivières.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. D'abord, bonjour, mesdames, merci pour votre présence ici aujourd'hui, votre présentation de votre mémoire. Il y a une partie que j'essaie de comprendre, je vais vous demander peut-être de m'aider à comprendre, la partie où vous discutez de la stigmatisation.

Lorsqu'on va chercher, on détermine, à l'intérieur, de différentes façons... D'abord, il y a eu des expertises, il y a eu des études, il y a eu le travail de M. Ménard et il y a eu le travail fait pour élaborer la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Et il y a différents acteurs qui nous ont signalé qu'il faut agir et il faut agir entre zéro à cinq ans afin de pouvoir prévenir plus tard. J'essaie de comprendre cette partie-là de stigmatisation puis ciblage qui semble vous offusquer ou qui semble... que vous voyez un petit peu questionnable.

Vous, vous-mêmes, vous êtes ici, vous êtes de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées. Et «monoparentales», on entend par ça, c'est des personnes qui sont souvent dans une situation difficile au niveau financier. Et, vous, vous-mêmes, en quelque sorte, juste votre fédération, vous ciblez une certaine partie de la clientèle qui est plus à risque ou qui est défavorisée. J'ai l'impression que vous vous ciblez vous-mêmes, puis, nous, en tant que gouvernement, j'ai l'impression qu'on veut cibler aussi, aller où le besoin est important, aller rapidement. Je comprends ce que vous dites, à l'intérieur, qu'il ne faut pas mettre de côté... remettre la question de l'inégalité sociale, la mettre de côté. Ça, je comprends. Ça, je comprends. Il y a des questions et il y a d'autres questions. Mais il faut agir, il faut agir rapidement, il faut faire ce qu'on peut. Puis, veux veux pas, il faut aller là où le problème est important ou là où on pense qu'on peut agir rapidement.

C'est cette partie-là que j'ai de la misère à comprendre. Pourquoi une stigmatisation? Moi, j'ai été élevé par une mère monoparentale. Elle avait besoin d'aide. Malheureusement, dans le temps, il n'y avait pas tout ce qui existe aujourd'hui, mais elle est allée chercher de l'aide. J'avoue, il y avait des parties difficiles. Mais pourquoi stigmatiser? Pourquoi on stigmatise? On décide de donner l'aide où les personnes ont le plus besoin, et ça, c'est une stigmatisation? J'essaie de comprendre juste ce bout-là. J'ai une autre question, mais je pense que mes collègues auront des questions pour vous aussi.

Mme Desjardins (Lorraine): Je vais commencer puis, si vous avez des choses à ajouter, gênez-vous pas. Écoutez, je pense qu'il faut... Pour vous rendre ça plus clair, je pense que l'exemple qu'on donnait des programmes OLO est un exemple assez parlant, dans le sens où, au lieu d'accompagner les personnes et de les faire sentir... de les renforcer dans un sentiment de compétence et de se sentir adéquat, souvent les interventions qu'on fait vont faire en sorte que les personnes se sentent inadéquates ou incompétentes, puis parfois même aux yeux de leurs propres enfants. Il y a une différence entre accompagner quelqu'un puis l'encadrer très, très solidement et très, très strictement.

Je pense qu'il faut se référer surtout au modèle scientifique qu'il y a derrière ces approches-là ? c'est pour ça qu'on parle de stigmatisation ? qui est un modèle positiviste qui fait en sorte que... qui va traiter, par exemple, les problèmes... au lieu d'avoir une approche plus globale, qui va traiter les problèmes de façon très, très stricte, qui va... On le disait dans notre présentation tout à l'heure, la pauvreté, à ce moment-là, devient une maladie plutôt qu'un problème social.

Il y a d'autres approches scientifiques qui ne sont pas du tout comme ça, mais l'approche positiviste est comme ça, elle isole les problèmes puis on agit sur les problèmes de cette façon-là. C'est sûr que, nous, notre fédération, on cible, bien, c'est sûr, on regroupe des familles monoparentales et recomposées, sauf que l'approche qui est développée dans les associations est bien, bien différente de ces choses-là, c'est-à-dire qu'il y a une diversité de solutions possibles et d'approches possibles, alors que, dans ces programmes-là, c'est très serré. Alors, peut-être que vous aimeriez compléter.

Mme Roy (Nathaly): Oui, je vais compléter. Il y a beaucoup de choses. Moi, je vais revenir, entre autres, sur votre non-compréhension par rapport à la stigmatisation de notre propre association, de notre propre fédération. C'est votre lecture.

Je tiens à préciser qu'on a une chose en commun. Moi aussi, je suis issue de famille monoparentale. Ma mère, à l'époque ? ça fait 30 ans ? s'était divorcée, puis, pour faire une petite partie anecdote qui est «cute» un peu, l'organisme pour lequel je travaille... Parce que, dans ma vie de tous les jours, à 95 % de mon temps je ne viens pas en commission parlementaire, je suis directrice d'un organisme famille qui reçoit des familles en situation de rupture. Donc, je suis sur le terrain, moi, dans ma vie de tous les jours, hein, ce n'est pas... C'est très inhabituel pour moi de venir ici.

Donc, au-delà de ça, une des fondatrices de l'association pour laquelle je travaille, c'était ma mère. Donc, on a ça en commun, et je comprends très bien cette réalité-là, moi aussi, je l'ai vécue. Ceci dit, 30 ans plus tard, il y a quand même des choses qui ont changé, et la façon d'intervenir dans nos organisations n'est pas ciblée, on y va vraiment avec une approche qui est globale. On est un lieu où les familles de tous genres, parce que la souffrance dans la rupture ? bon, Sylvie vous a parlé des drames, vous les connaissez, on entend, on lit les journaux, tout le monde ? n'a pas malheureusement de compte en banque. Donc, nous, chez nous, on reçoit tout type de famille en situation de rupture, qu'elle soit en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Donc, on ne fait pas nécessairement de clivage à ce niveau-là.

L'autre chose qui me vient par rapport à votre interrogation, c'est une histoire qui est assez... qui est arrivée. Vous savez, quand on intervient auprès... Nous, on est des organismes famille, hein? Puis je parlerai plus tard un petit peu de l'impact, là, sur certains propos qui ont été tenus. Donc, quand on reçoit des familles et qu'on a des programmes chez nous, des mesures de soutien pour les servir... Je me souviens, entre autres, d'une situation où il y avait, dans une organisation d'une région, un programme pour les jeunes mères, et ces jeunes mères là ne savaient pas, O.K., qu'elles participaient... parce qu'elles font partie de nos membres, nous, on les accueille au même titre que d'autres, ne savaient pas qu'elles faisaient partie d'un programme qui était pour les jeunes mères défavorisées, parce que c'est ça, le vocabulaire, là, qu'on nous demande de nous mettre en bouche... qui provenait d'un programme pour les jeunes mères défavorisées en situation de vulnérabilité, puis il y a même une partie de négligence. Et, quand ces jeunes mères là, ces parents-là sont venus à l'assemblée générale ? parce que, comme organisme, à toutes les années, on fait une assemblée générale ? et que, là, l'organisme a présenté l'ensemble des activités, et tout ça, puis il y avait d'autres membres là qui ne provenaient pas juste de ce programme-là, et qu'elles ont su qu'elles étaient dans un programme ciblé et qui s'appelait pour jeunes mères défavorisées, est-ce que je peux vous nommer que ça a été très mal reçu. Et j'aimerais que vous vous mettiez à la place de ces jeunes mères là. Alors, c'est ce qui me vient quand vous me racontez ça.

D'être ciblé comme ça, ce n'est pas nécessairement évident. L'avantage qu'on a chez nous justement, et chez nous ? je vais vous parler dans ma vie de tous les jours ? on a un projet, qui est le projet Kangourou, où on en reçoit, des jeunes mères, mais on essaie le plus possible pour ne pas les cibler parce que c'est très désagréable que d'être étiqueté défavorisé, en situation de vulnérabilité, et tout ça. On essaie de les intégrer dans l'ensemble de nos services. Est-ce que ça répond? Oui?

Le Président (M. Kelley): ...que la question est vaste, et la réponse, par définition, doit être vaste aussi. Mais malheureusement nous avons épuisé l'enveloppe de temps. Alors, désolé, Mme la députée de Trois-Rivières, mais je vais céder la parole à M. le député de Gouin.

n (10 h 10) n

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les membres de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Mme Roy, Mme Lévesque et Mme Desjardins, merci pour votre présence en commission parlementaire, la présentation de votre mémoire. Je trouve ça, entre autres, fort intéressant, le portrait que vous tracez de la monoparentalité au Québec, qui est inclus dans votre mémoire.

Avant de vous poser quelques questions, on entame aujourd'hui le jour 3 des consultations particulières, je croyais que le ministre de la Famille aurait des bonnes nouvelles pour nous ce matin et qu'il allait rendre public le protocole d'entente signé entre le ministère de la Famille et la fondation Chagnon. Malheureusement, jour 3 des consultations, visiblement, le ministre, dans le cadre des consultations particulières, n'a pas le goût de le rendre public. J'aurais souhaité que le débat sur un projet de loi qui implique 400 millions de dollars se fasse en toute transparence.

Ma première question porte d'ailleurs sur ce sujet. La Centrale des syndicats du Québec est venue nous rencontrer, la semaine dernière, et a fait référence à certains des éléments auxquels vous faites référence dans votre mémoire, sur la nécessité d'avoir un véritable débat public sur un enjeu, là, démocratique qui est important. Et la CSQ est venue nous dire que c'était essentiel pour lui, afin que le débat soit le plus démocratique possible, que le projet de loi soit plus explicite et, deuxièmement, que le protocole d'entente négocié entre le gouvernement et la fondation Chagnon soit rendu public dans le cadre des consultations particulières. Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Kelley): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, comme j'ai dit tantôt d'entrée de jeu, nous, on va au-delà de ça, dans le sens que, bon, c'est une étape. Effectivement, je pense que le problème, des fois, de ces discussions-là, c'est, moi, ce que j'appelle un discours d'initiés, dans le sens que, déjà en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, bon, bien que, oui, vous représentez la population, et tout ça, on sent, la population, surtout dans un contexte de crise, mettons, on sent ces débats-là un peu loin du monde, dans le sens que ça devient complexe et compliqué justement de... Des fois, à problèmes complexes, réponses... ou situations, solutions justement complexes. Je pense que c'est surtout ça qu'il faut dire. Donc, ce que je veux dire, c'est que, dans le sens que, effectivement, nous, quand on parle de débat public ? et d'autres partenaires ont dit ça aussi ? c'est qu'on sent que...

Parce que la nouvelle gouvernance, comme on parle, elle n'est pas juste non plus ici, elle est mondiale, et c'est dans cet esprit-là aussi. On parle de... on a parlé longuement de PPP, avec le CHUM, et tout. Donc, je pense que le PPP du social, c'est un peu ça, l'esprit aussi, ce qu'on veut dire, dans le sens qu'au moins les citoyens et les citoyennes du Québec aient le plus d'information possible pour être en mesure... Oui, il y a une commission parlementaire, oui, il y a un débat. Vous allez me dire: Le site est disponible, les gens peuvent y aller, puis tout ça. Oui, mais, en même temps, on sait très bien que souvent on est très occupés, donc c'est des choses compliquées. Donc, c'est pour ça que je pense que c'est une chose importante, oui, il faut que ce soit rendu public, je pense que oui, mais, en même temps, nous, ce qu'on dit: Ça va au-delà de ça. Je pense qu'il y a des questions importantes, comme citoyens, quand on fait des élections puis on élit des députés, c'est aussi d'être en mesure, d'être capables, comme citoyens, de comprendre ces choses-là.

Et, je pense, dans le débat qu'on a entendu depuis le début sur le projet de loi, c'est sûr que les médias ont un rôle à jouer aussi pour informer la population de ces choses-là, mais je pense qu'aussi c'est dans cet esprit-là que, nous, on dit que c'est important qu'on soit... Je pense que le CHUM a tapissé en masse les journaux, ça fait qu'on se dit: Au niveau du social, il faudrait aussi que ça tapisse autant les journaux.

Alors, dans ce sens-là, on ne dit pas non, qu'il faut rendre public le protocole d'entente, mais, nous, ce qu'on dit, c'est plus: Ça va au-delà de ça, comme on disait tantôt, ça va au-delà du projet de loi. Le projet de loi n° 6 aussi est un peu dans le même sens, je pense qu'il y a des groupes aussi qui sont venus déjà le dire, c'est un peu la même mouture. En santé et services sociaux, c'est Québec en forme aussi. Donc, c'est comme une espèce de fonctionnement qu'on a depuis les dernières années, au gouvernement. C'est sûr qu'on manque de fonds, on manque d'argent dans nos gouvernements. Donc, c'est une façon de faire d'aller s'asseoir avec le privé pour dire: On peut-u... Bien que ce soient des citoyens puis qu'on n'a rien contre leur contribution citoyenne, mais, on se dit: Est-ce que c'est ce type de gouvernance là qu'on veut, finalement? Comme société, c'est un peu la question qu'on pose.

Et, quand Nathaly puis Lorraine parlaient des impacts, tantôt, sur les familles mais aussi sur les groupes, quand on sait que les organismes communautaires, pas juste famille, mais que l'ensemble du réseau communautaire est quand même un réseau fragilisé aussi parce que, de plus en plus, l'État aussi dit qu'il n'y a plus d'argent non plus pour financer les groupes, bien, qu'on se retourne aussi nous-mêmes vers les fondations pour avoir un financement, puis, à un moment donné... puis que, quand le gouvernement dit qu'il n'a pas d'argent pour financer les groupes alors qu'il est en mesure de mettre, sur 10 ans, 150 millions, mais que les mêmes groupes... Comme M. Tomassi disait tantôt, quand le projet de loi va être adopté, ça va être nos groupes qui vont être sollicités sur le terrain, après, pour essayer de gérer cet irritant-là qui arrive. Quand on sait que nos groupes ont une moyenne de financement de 50 000 $ par année pour desservir des familles pauvres ? ils sont souvent aussi pauvres que les familles ? puis que ces projets-là débarquent, bien, c'est bien entendu que ça crée de la compétition, ça crée de l'irritant, ça crée des tensions, et que les gens vont dire: On va se mobiliser pendant quatre, cinq ans, sur ces projets-là, ou six ans... même s'ils sont étalés sur 10 ans, on va se mobiliser tout le monde là-dessus puis, après cinq ans, quand les projets vont être terminés, pour toutes sortes de raisons, peu importe la raison, on n'aura plus ce financement-là, on aura créé des besoins, on aura peut-être répondu à des besoins pendant cinq ans, sauf qu'on aura créé une situation... Le groupe, après ça, se retrouve à la case départ parce qu'il n'a pas plus de financement, et les familles qu'il aura desservies vont aller où après? On va-t-u l'avoir réglé finalement, pendant cinq ans, la situation de la pauvreté des enfants?

Alors, c'est un peu tout ça qu'on dit, qu'à la fois on fragilise un milieu qui est déjà fragilisé, on débarque avec une concertation qui... À l'époque, on appelait ça de la concertation; aujourd'hui, on a des nouveaux mots, on appelle ça mobilisation des communautés. Bon, enfin, avec les années, on change les mots, mais le fond reste le même. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que ça crée toutes sortes de tensions. Et vous savez très bien qu'au ministère de la Famille ça fait des années que les groupes communautaires famille notamment, qui est le réseau le plus pauvre du Québec, demandent un financement adéquat et ont comme réponse: Retournez-vous vers la fondation Chagnon. Alors donc... J'ai fait une longue réponse, mais en même temps, je pense que ça donne un peu le portrait de fond de notre position.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: M. le Président, vous venez de nous dire, Mme Lévesque, que justement les organismes famille, faute de moyens, font des demandes sur une base régulière à différentes fondations. J'en ai dans ma circonscription, des organismes famille qui font des demandes. Mais vous traitez directement avec ces fondations-là, vous faites une demande, et certaines vous disent oui et non, vous versent un montant. Est-il nécessaire d'ajouter un intermédiaire, à travers un conseil de gestion, là, qui est inclus dans le projet de loi ou dans le protocole d'entente? C'est difficile de s'y retrouver. Est-ce que c'est nécessaire d'avoir un intermédiaire ou est-ce qu'on ne devrait pas maintenir la méthode actuelle qui fait en sorte que les organismes communautaires qui ont des besoins font directement affaire avec les fondations qui souhaitent investir dans les communautés, sans intermédiaire?

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, en fait, c'est ça. Quand je disais: Il y a toutes sortes de tables déjà actuellement, et nos groupes sont sollicités de toutes parts... Parce que les familles, vous savez, et le ministère de la Famille aussi le sait très bien, c'est un phénomène horizontal, ça fait que ça touche finalement tous les volets de la société. Donc, nos groupes sont sollicités effectivement sur plusieurs tables et n'ont pas nécessairement plus de ressources pour participer à ces tables-là. Et, l'ensemble de ces fonds-là, bien que c'est une bonne volonté, puis je pense que tout le monde est de bonne volonté dans toutes ces affaires-là, tout le monde veut aider le bien des enfants et des familles, et tout ça, y compris nos groupes, donc, ça fait effectivement... ils doivent participer à ces structures-là qui se rajoutent.

Mais finalement, le fonds global, quand on parle de l'argent, est-ce que c'est pour mettre sur des structures finalement ou est-ce qu'on va vraiment... en bout de piste, est-ce que ça va être vraiment les enfants finalement, les enfants vulnérables finalement qu'on a identifiés comme quoi il y avait des problèmes puis qui partent plus mal que d'autres à l'école ou à la garderie, etc., parce que les parents sont pauvres, et tout ça... La recherche que le monsieur parlait tantôt, du 0-5 ans, on ne peut pas être contre ça. Mais, en même temps, est-ce que ça va... Finalement, est-ce que l'objectif qu'on se donne comme société, de dire qu'on veut aider les enfants, est-ce qu'on ne va pas le mettre sur les structures finalement, justement, comme vous parlez, de doubles structures qui existent déjà, plutôt que de le mettre directement auprès des familles? C'est une question qu'on pose.

Donc, c'est sûr que les groupes, s'ils veulent éventuellement être associés puis avoir des projets, bien ils doivent participer aux structures. Ça fait que, là, il va falloir que... Des fois, ils ont un ou deux permanentes maximum, puis c'est encore beau s'ils réussissent à avoir une personne. Ça fait que, là, il faut qu'ils mobilisent tout le personnel pour participer à des projets plutôt que... Pourquoi ils ne peuvent pas directement faire une demande de projet? Ils l'ont puis ils sont autonomes. Il me semble que... En tout cas, il me semble que ce serait pas mal moins compliqué puis il y aurait de bien meilleurs résultats.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: Vous nous dites également que vous demandez un rehaussement du financement des organismes famille. Vous nous dites que la moyenne est d'environ 55 000 $ annuellement, le financement...

Mme Lévesque (Sylvie): La fédération, chez nous.

M. Girard: La fédération. À quelle hauteur demandez-vous une augmentation du financement des organismes famille? Et, Mme Roy, vous êtes à la tête d'un organisme famille, quel est, selon vous, l'impact du sous-financement sur les activités de votre organisme ou de d'autres organismes famille que vous connaissez, l'impact sur l'aide apportée aux familles et aux communautés?

Mme Lévesque (Sylvie): Je peux peut-être répondre à la première question...

M. Girard: Oui.

n (10 h 20) n

Mme Lévesque (Sylvie): C'est sûr, je dis «la fédération chez nous», parce que c'est sûr que, nous... L'autre fédération, bon, les moyennes de financement sont un petit peu plus élevées, mais, bon, à peine, là, donc ça ne vaut pas la peine d'en parler. Mais il reste qu'il y a eu une évolution quand même, depuis la dernière année, on doit reconnaître, au ministère de la Famille, mais il reste qu'on est très loin du compte. Donc, une moyenne de 55. En fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait au moins que nos groupes puissent réussir à avoir à peu près 90 000 $ par année de financement de mission de base pour réussir au moins minimalement à avoir une permanence puis être en mesure de répondre aux besoins des familles, qui sont de plus en plus criants, de plus en plus importants.

Et, quand je nommais... bon, on avait toujours le fameux chiffre de 15 millions. Il reste qu'on l'avait demandé depuis plusieurs années; donc, avec l'inflation, on doit être rendus plus loin. Mais tout ça pour dire que c'est quand même un réseau de plus de 270 organismes qui est implanté dans toutes les régions du Québec. Donc, dans ce sens-là, on pense que la différence entre les deux, c'est sûr que tout le monde dit que 100 000 $ c'est déjà beaucoup, mais il reste qu'à notre point de vue ce serait plus adéquat comme financement.

Mme Roy (Nathaly): Pour répondre à votre question, bien, l'impact que ça a, quand on a un financement pour notre mission de 52 000 $ ?  je vais vous parler pour moi, mais c'est quand même la moyenne, je pense qu'on est dans la moyenne ? 52 000 $ de financement récurrent par année, qu'on a à recevoir annuellement 350 familles en situation de crise... Et ça, c'est la particularité de notre fédération, parce que les gens qui arrivent chez nous ne vont pas bien, donc on doit... on est un peu l'urgence, hein? Je simplifie, mais c'est à peu près ça. Donc, les gens qui arrivent chez nous, ça ne va pas bien. Moi, je disais à...

Mme Lévesque (Sylvie): Heureusement qu'ils se rendent chez vous.

Mme Roy (Nathaly): Oui, heureusement qu'ils se rendent chez nous. Mais les gens qui arrivent chez nous, donc, ne vont pas bien, donc les recevoir, des gens en situation de crise, il faut que tu sois drôlement outillé, ça prend des ressources humaines. Donc, avec 52 000 $ par année, recevoir 350 familles, faire 21 groupes, faire je ne sais pas combien d'activités, c'est beaucoup...

Mme Lévesque (Sylvie): ...des miracles.

Mme Roy (Nathaly): ...c'est plus qu'un défi. Et, nous, on est rendus au stade où évidemment c'est clair qu'on ne répond pas à tous les besoins, là, sur le terrain. On est rendus au stade où je dis souvent à la blague qu'on ferme la porte et, le stade suivant, je vais peut-être cacher ma pancarte, là. On ne répond pas à tout. Donc, c'est un réseau qui est extrêmement fragilisé, O.K. ? parce que le nerf de la guerre, c'est l'argent ? et qui va comporter, dans les prochaines années, de grands défis.

Tu sais, quand on travaille proche des familles, on est collés sur les phénomènes sociaux. Bon, je vous parle de la garde partagée qui est arrivée; ça a un impact, ça, sur nos organisations. Aussi, le défi, bien, évidemment, des ressources humaines, hein, quand on ne peut pas... C'est «basic», là, mais, quand on reçoit des familles en situation de crise ou juste dans des programmes comme... pour lesquels on est ici, ça prend des ressources humaines solides. Et, quand on n'a pas les moyens de garder nos ressources humaines faute de leur donner un salaire adéquat ? parce qu'ils s'en vont dans le réseau, et je les comprends ? comment va-t-on faire? Alors, c'est déjà fragile.

Et, moi, mon questionnement va aussi d'un point de vue, je vous dirais, d'intervention... Je l'emmène un peu croche, là. Mais, sur un réseau déjà fragile, de soutenir des familles en situation de vulnérabilité ? bon, pour parler des familles et des enfants qu'on nous demande de soutenir ? on est déjà fragiles, on n'a pas de bonnes bases, notre bâtiment, il est effrité, c'est comme de nous rajouter quatre étages. Mais notre base... Et, tantôt, je pense, ce que j'ai cru comprendre dans ce qu'on disait, de ce que j'entends, les organismes famille vont être des acteurs importants qu'on va solliciter. Ils ont une base fragile, et on leur demande d'intervenir, de soutenir des familles en situation de vulnérabilité sur des bases qui ne sont pas là.

Alors, moi, je m'interroge: Comment fait-on? Parce que, humainement, en termes de ressources, moi, je le sais, bon, on soutient ces types de familles là, ça demande beaucoup de ressources humaines, et d'encadrement, et de soutien. Ça prend un réseau solide, et pour l'instant on ne l'a pas. Alors, est-ce qu'on rend service aussi à ces familles-là? Moi, quand j'ai une intervenante chez moi, et qu'elle s'en va dans le réseau, et qu'elle a commencé à créer un lien avec ces mamans-là et tout d'un coup... ? je la comprends parce qu'elle va avoir le triple du salaire ? est-ce que c'est aidant, est-ce que c'est efficace? Moi, je ne suis pas certaine. Est-ce que tu veux compléter?

Le Président (M. Kelley): Une dernière...

Une voix: Nous sommes passionnées. C'est ça, on est passionnées.

Mme Roy (Nathaly): Oui.

Le Président (M. Kelley): Une courte question, une couple de minutes, M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: O.K., merci. Je veux vous remercier parce que, pour moi, vous constituez, tout ce types d'organismes là, le dernier rempart du droit à la dignité des familles, et, après vous, il n'y a plus rien.

Hier, j'ai constaté, puis chiffres à l'appui, que les banques alimentaires, qui sont aussi un réseau important, sont presque à sec. Dans mon coin, c'est 70 000 livres de légumes qui sont livrés chaque année à différents organismes, qui ne sont plus disponibles parce que les donateurs sont aussi plus pauvres ? situation de crise particulière ? et les besoins sont de plus en plus criants.

Quand vous parlez de l'expérience OLO, j'ai eu l'occasion de travailler pendant 20 ans, là, à la DPJ, pour savoir que les expériences de «faire avec» sont bien meilleures que «faire à la place de». Et, ce que vous racontez, on pourrait en rajouter de très, très nombreuses où ça fonctionne bien.

Mais, pour maintenir ce droit à la dignité là et ce travail-là que vous avez à faire, les besoins sont là, ils sont immédiats, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, qu'est-ce qui pourrait être fait de mieux, de rapide et d'efficace pour faire en sorte que les familles que vous représentez puissent ne pas se retrouver dans une dèche encore plus criante que celle dans laquelle elles sont présentement?

Le Président (M. Kelley): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, comme je disais tantôt, c'est de consolider notre réseau. Je veux dire, je pense que ça fait... La fédération existe depuis plus de 35 ans, l'autre fédération existe depuis plus de 60 ans, les réseaux famille existent depuis 30 à 35 ans. Donc, je pense, c'est de consolider le réseau. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'est pas non plus... comment dire, on n'est pas parfaits, là, puis ce n'est pas juste à nous à répondre non plus aux besoins des familles, c'est le message qu'on transmet; c'est l'ensemble du réseau, l'ensemble de la société. Mais par contre, ce qu'on dit, c'est que, nous, on fait une première job, et, quand on entend dans les médias justement que beaucoup de gens disent: On n'a pas de ressources... Même si aujourd'hui monsieur disait qu'il y a beaucoup plus de ressources, il y a quand même des drames qui se passent. Donc, est-ce que ce monde-là aussi irait dans nos ressources? Bonne question. Il faut la poser.

Et aussi, encore aujourd'hui, plusieurs ne savent même pas que nous existons, donc je pense que... malgré la communication, et tout, là. Donc, tout ça pour dire qu'il faut que ce soit connu, mais, pour ça, il faut consolider, il faut que ce réseau-là, au même titre que le réseau public s'effrite, de services sociaux, je dirais, là, les CSSS, la DPJ, et tout ça, c'est un réseau aussi qui est très... On avait participé, d'ailleurs, lors du projet de loi n° 125, pour dire justement: Même lui, le réseau public, est effrité depuis les dernières années. Donc, je pense que, comme société, on doit se poser des questions. On doit, en quelque part, investir aux bonnes places. Donc, nous, ce qu'on dit...

Ce n'est pas corporatiste, ce que je dis là, là. Parce qu'on peut dire: Oui, oui, c'est ça, ils veulent de l'argent, c'est pour ça qu'ils sont déçus puis c'est pour ça qu'ils sont fâchés, parce qu'il y a de l'argent pour la fondation Chagnon. Ça n'a rien à voir. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut... On a une certaine réponse aux besoins des familles, mais on n'a pas toutes les réponses, ce n'est pas juste à nous à répondre, mais, par contre, au moins, il faudrait minimalement consolider ce réseau-là, et je pense qu'on n'est pas trop exigeants.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier, dernière courte intervention, s'il vous plaît.

M. Khadir: J'ai combien de minutes, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Quatre.

M. Khadir: Quatre. Bon. Bienvenue, merci d'être là, Mmes Roy, Lévesque et Desjardins. Vous avez dit, dans votre mémoire, que vous préférez qu'on travaille sur les causes plutôt que sur les effets. Les démocraties occidentales, on le sait, par exemple, par la littérature, au XIXe siècle, on rejetait la charité, on disait: La charité, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Donc, on a introduit les notions d'égalité, donc de redistribution de richesse par l'intervention de l'État. C'est sûr que, là, l'État n'a pas beaucoup de moyens, c'est vrai. Les finances publiques sont relativement asséchées. On a su, la semaine dernière, que quand même c'est parce qu'il y a certaines richesses qui nous échappent.

Je vais en énumérer une autre. Je fais un bilan puis je vous demande qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ça pour travailler sur les causes, comment on pourrait... quelles causes on pourrait attaquer. Alors, juste dans le domaine des miniers, là, si on touchait... plutôt que de toucher 1/8 mais le quart des revenus, ce serait 800 millions pour la... ce serait 500 millions pour l'eau, 600 pour l'éolien, 600 millions. Si on ne donnait pas des bonbons aux compagnies pharmaceutiques puis qu'on négociait nos coûts de médicaments convenablement, ce serait 2 milliards qu'on économiserait. L'évasion fiscale, de l'aveu du ministère du Revenu, c'est à peu près 4 milliards par année; si on mène une lutte à l'évasion fiscale efficace, que ça pourrait rapporter la moitié de ce qu'on pense qui nous échappe. Puis une meilleure contribution des hauts revenus à l'assiette fiscale de l'État: 1 milliard, à tout le moins. On sait que, depuis les 10 dernières années, on a consenti 10 milliards de réduction d'impôt. D'après mes calculs, ça fait 9 500 000 000 $, 9,5 milliards de dollars, plutôt que, mettons, les 40 millions par année, pendant 10 ans. Donc, 9,5 milliards de dollars à la disposition de l'État, s'il voulait bien agir, plutôt que 40 millions. Qu'est-ce que, vous, vous feriez avec ça pour agir sur les causes? C'est quoi, les principales causes qu'on attaquerait?

Mme Lévesque (Sylvie): J'ai de la misère à me représenter qu'est-ce que c'est 9,5... en tout cas, 9 milliards de dollars.

n (10 h 30) n

Une voix: C'est beaucoup, beaucoup de millions de dollars.

Mme Lévesque (Sylvie): C'est ça. Peut-être, pour...

M. Khadir: ...ça, ce n'est rien d'extravagant. C'est des choses qui existent, qu'on laisse aller.

Mme Lévesque (Sylvie): Peut-être régler la dette de la Caisse de dépôt? Enfin. C'est sûr que, bon... dans le sens que c'est des choix. Je pense que ce qu'il faut dire, c'est que c'est des choix politiques, donc des orientations évidemment politiques. Donc, c'est un peu ce qu'on vient dire, nous, dans le sens que, nous, on n'a pas fait l'analyse que vous avez faite à ce niveau-là, mais c'est sûr que c'est un peu ce qu'on vient remettre sur le tapis puis, je pense, que d'autres collègues et d'autres partenaires sont venus dire à la commission, c'est de dire: On fait des choix politiques comme gouvernement et comme société, et c'est dans ce sens-là que, nous, on dit, bien: Il faut remettre ces choix-là sur la place publique puis dire: Est-ce que c'est ceux-là qu'on fait?, au même titre qu'on s'est questionné pendant longtemps sur le CHUM ou d'autres choix qu'on fait comme société.

Donc, je pense, c'est un peu ça qu'on vient dire, là, dans le sens que, si effectivement il y a de l'argent en quelque part, je pense qu'il faut effectivement le redistribuer d'une façon plus équitable pour que l'ensemble des citoyens et des citoyennes puissent effectivement avoir ce qu'il faut comme dignité puis avoir trois repas par jour, pour pouvoir manger.

M. Khadir: ...actuellement la fondation Chagnon agit sur les effets. Si, vous, vous aviez à introduire quelque chose, est-ce que c'est le salaire minimum, est-ce que c'est un revenu minimum garanti? C'est quoi pour les familles monoparentales?

Une voix: Bien, on a des propositions dans notre mémoire là-dessus.

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Desjardins (Lorraine): Oui, ça fait longtemps que je veux parler...

Le Président (M. Kelley): ...un autre débat vaste, mais si vous pouvez résumer votre pensée.

Mme Desjardins (Lorraine): On en parle déjà dans notre mémoire, c'est-à-dire qu'il y a deux choses principales, la première étant des couvertures publiques qui permettent de couvrir les besoins essentiels. Présentement, on sait qu'à l'aide sociale on est largement en deçà de ça. Évidemment, un salaire minimum qui permette de s'élever au-dessus du seuil de pauvreté. Vous savez, la fédération regroupe des associations et la fédération également est très active au niveau de la lutte à la pauvreté, est membre du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Donc, ces choses-là puis évidemment des services publics accessibles pour tout le monde, là. Ça reprend d'ailleurs ce que... la pétition du Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui va être remise, d'ailleurs, le 14 mai à l'Assemblée nationale.

M. Khadir: Donc, aide sociale, salaire minimum, meilleure couverture des services publics.

Mme Desjardins (Lorraine): Voilà.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Sur ce, je dois mettre fin à notre échange parce qu'on a deux autres témoins, et il faut libérer la salle à 12 h 30. Alors, merci beaucoup, Mme Roy, Mme Lévesque, Mme Desjardins, pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre quelques instants. Et je vais demander à la Direction de la santé publique de Montréal de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

 

(Reprise à 10 h 34)

Le Président (M. Kelley): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Notre prochain témoin, c'est la Direction de la santé publique de Montréal, représentée par son directeur, M. Richard Lessard, et Mme Isabelle Samson. M. Lessard, la parole est à vous.

Direction de santé publique
de Montréal (DSP de Montréal)

M. Lessard (Richard): Alors, merci beaucoup. M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, merci beaucoup de nous avoir invités à discuter de ce projet de loi.

Rapidement, rappeler un peu qu'est-ce que c'est, un directeur de santé publique: c'est un médecin spécialiste en santé communautaire qui est nommé par le ministre pour un mandat de quatre ans, et son mandat essentiellement, c'est de protéger la santé de la population et de la promouvoir.

Alors, ce qui nous rend un peu spécifiques dans le réseau de la santé ? parce que nous sommes une direction de l'agence de la santé et des services sociaux ? c'est que le reste de l'agence est préoccupé par la guérison, et la Direction de santé publique, son directeur et l'équipe, est préoccupée par la prévention. Alors, nous, notre rôle, c'est que, quand il y a des problèmes de santé, on essaie de trouver la cause et d'intervenir sur la cause plutôt que de mettre en place les systèmes de guérison et de prise en charge des patients. Donc, ça nous donne cette caractéristique-là.

Je fais un petit détour pour vous expliquer quand même pourquoi on arrive avec ce mémoire. C'est que, dans ma fonction de directeur de santé publique, en 1998, à Montréal, on a fait un premier rapport sur l'état de santé de la population, dont le titre était Les inégalités de la santé, et ce qu'on constaté en faisant ce rapport, comme ça avait été constaté ailleurs, on s'entend, c'est que l'état de santé ? parce que, nous, c'est la lunette avec laquelle on regarde les problèmes ? variait d'un niveau socioéconomique à l'autre, pas nouveau, mais pour chacune des tranches d'âge ou tout le long de la vie. Ainsi, on observe qu'à la naissance les bébés sont moins en santé un peu s'ils naissent de familles socioéconomiquement défavorisées, mais, à partir de l'âge de un an, déjà on voit des différences beaucoup plus grandes dans les taux d'hospitalisation dans les familles défavorisées par rapport aux autres, et ces différences-là se prolongent tout le long de la vie. Il y a même des études maintenant qui, jusqu'à un certain point, permettent de prédire la durée de la vie et la durée de la vie en bonne santé selon le niveau socioéconomique du départ.

Mais la bonne nouvelle, c'est qu'il y a des interventions qu'on peut mettre en place tout le long de la vie, mais en particulier en bas âge, qui font une différence sur le parcours de vie des individus et qui font en sorte, d'un point de vue de santé et de services de santé, que les gens vont être d'autant plus en santé que leur niveau d'éducation sera plus élevé et qu'ils seront nés dans des conditions socioéconomiques favorables.

Alors, quand on regarde ça de ce point de vue là, et je fais un rapport... je fais un lien avec le débat qui a eu lieu tout à l'heure, il y a deux façons de voir la prévention. Il y en a une, c'est effectivement de pallier les effets de la pauvreté, si vous voulez, sur la santé. Mais il y en a une autre à plus long terme, c'est, compte tenu du fait que l'éducation et le revenu font une différence par rapport à la pauvreté, diminuent la pauvreté à long terme, commencer à travailler dès maintenant pour essayer de faire en sorte que les jeunes réussissent leur apprentissage scolaire, c'est aussi une façon de prévenir la pauvreté à moyen terme.

Donc, dans ce point de vue là, évidemment, la venue d'un fonds pour le développement des enfants est une excellente nouvelle. On le souhaite, on le souhaitait. Et je pense que c'est dans cette perspective-là aussi qu'il faut voir comment le fonds sur les habitudes de vie du gouvernement, Québec en forme, Québec Enfants et Québec persévère... ou je ne sais pas comment on va l'appeler, comment il faut voir ces fonds. Donc, c'est des investissements pour le développement de nos jeunes dans une perspective carrément de lutte à la pauvreté, ça se défend très bien de ce point de vue là, avec des effets palliatifs donnés par contre par l'ensemble du réseau de santé et des services sociaux pour ceux qui ont déjà des problèmes en bas âge.

La question qui est abordée, qui a été soulevée aussi par le fonds, c'est celle du ciblage ou de réserver les fonds pour les enfants dits en situation de pauvreté. L'enquête que nous avons faite à Montréal sur ce qu'on appelle la maturité scolaire ? mais en anglais ils appellent ça «readiness to learn», donc la préparation à l'école, si on veut ? nous démontre que, bon, globalement il y a 35 % des enfants qui ont une des cinq dimensions qui fait en sorte qu'ils ne sont pas prêts pour l'école, mais ça varie selon les quartiers, à Montréal, de 20 % à 49 %.

n (10 h 40) n

Alors, dans une perspective où il y a 30 % à 35 % ou même 49 % des enfants dans un quartier qui présentent des difficultés ou vont présenter des difficultés d'apprentissage, ça devient difficile de cibler les enfants à risque, puisque l'ensemble des enfants ou presque, dans ces quartiers-là, ont des difficultés qui ont besoin, qui nécessitent une attention. Donc, c'est pour ça, on dit: Il faut voir à être prudent sur la façon dont on définit «pauvreté» ou «situation de pauvreté», parce qu'encore là il y a des quartiers à Montréal où le taux, par exemple, de non-préparation à l'école ou de problèmes de maturité scolaire apparaît plus bas que dans d'autres quartiers, mais il y a beaucoup plus d'enfants dans ces quartiers-là que dans d'autres, de telle sorte que le taux, lui, fait apparaître le quartier comme étant relativement correct par rapport aux autres, mais, quand on regarde le nombre d'enfants, il est plus élevé que dans d'autres quartiers où le taux est plus bas. Donc, ça va être difficile vraiment de faire en sorte qu'on cible ou qu'on... qu'on cible nos interventions sur les situations de vulnérabilité.

D'ailleurs, je ferais une distinction qui n'a peut-être pas été faite jusqu'à présent par rapport à ça, c'est qu'il y a déjà des interventions, peut-être pas suffisantes mais importantes, quand les enfants ont des problèmes, pour qu'on intervienne auprès des enfants qui ont des problèmes. Donc, on va appeler ça l'approche clinique, c'est-à-dire que, quand un enfant présente des problèmes de développement ou autres, il y a tout un réseau de la santé et des services sociaux pour essayer de changer le parcours. Mais ce dont on parle ici, je pense, plus globalement, c'est de donner une chance à tous les enfants et faire en sorte que tous ceux qui ont besoin d'un service, et qu'ils soient dans des classes moyennes ou même dans des classes favorisées, puissent avoir une indication ou que les parents aient une indication du niveau de développement de leurs enfants et que des services... pas nécessairement des services spécialisés ou superspécialisés soient donnés mais que des services de base soient disponibles pour la famille et pour le développement des enfants dans leur famille.

Donc, ça prend une approche assez large, à la fois peut-être pour ne pas stigmatiser, mais surtout pour faire en sorte que l'ensemble... dans notre jargon, on dirait la courbe, là, ou la moyenne, qu'on déplace la moyenne de la réussite plutôt que de travailler uniquement auprès de ceux qui ont des problèmes majeurs éventuellement de développement et de réussite scolaire.

Donc, l'idée de travailler, de cibler plus largement que les situations, quelle que soit la façon dont on les définira, de pauvreté ou de défavorisation, c'est un peu délicat parce qu'en général ça tire beaucoup plus long, plus large. Et il faut se rappeler aussi que les parents entrent dans des situations de pauvreté, et s'en sortent, et quelquefois y retournent. Donc, ce n'est pas une situation qui perdure nécessairement toute la vie, heureusement, et donc il y a des moments où les parents sont en situation de pauvreté, donc ils seraient couverts par l'argent disponible, puis, quand ils s'en sortent, ils ne seraient plus couverts, mais ça ne veut pas dire que l'enfant a nécessairement acquis tout ce que ça prend pour son développement. Donc, délicat de ce point de vue là.

L'autre chose qu'il faut regarder, en particulier à Montréal, c'est les niveaux d'intervention. On parle beaucoup de développement des communautés, et je suis tout à fait d'accord avec cette stratégie-là, mais de quelles communautés parle-t-on? À Montréal, on a, par exemple, je ne sais pas, on peut parler... On a déjà eu 29 municipalités; là on parle de 13, si je me rappelle bien. On a 12 territoires de CSSS, mais, quand on a regardé les quartiers sociaux à Montréal avec des données plus précises, on arrive à définir 111 voisinages. Bon, qu'est-ce qu'on veut dire par développement des communautés?

Et aussi, dans d'autres régions du Québec, la même réalité est présente, c'est qu'il y a un niveau régional qui a un rôle de concertation, parce qu'entre autres, par exemple, à Montréal, sur une période de cinq ans, il y a quelque chose comme... je ne me rappelle pas des chiffres précis, mais...

Une voix: 43 %.

M. Lessard (Richard): ...43 % des familles qui déménagent, et qui déménagent à l'intérieur de Montréal. Donc, le développement des communautés, oui, j'en suis, mais, quand les familles changent de place à ce rythme-là sur une période de cinq ans, il faut s'assurer que les services ou le développement des communautés, si vous voulez, est un peu le même partout, a la même capacité d'agir, parce que les familles vont s'attendre à ce que ce qu'ils ont eu dans un quartier pour les aider soit aussi disponible ailleurs. Donc, il y a une vision régionale, dont on va parler tout à l'heure, à tenir compte.

Il y a aussi un autre point dont il faut parler, c'est: en général, il n'y a pas qu'une stratégie qui fait l'affaire pour changer une situation. Il y a des stratégies individuelles, il y a des stratégies plus collectives ? le développement des communautés en est une ? il y a le niveau local, le niveau régional et le niveau provincial, pour ne mentionner que celles-là. Et une des valeurs qui est sous-jacente à ce dossier-là, c'est: Jusqu'à quel point, comme parents, on valorise le développement des enfants et on est prêts à prendre les moyens pour que ça se passe? Et ça, souvent, ça a besoin d'être soutenu par des interventions qui dépassent le niveau local et le niveau régional. Donc, ça prend un ensemble de stratégies qui visent le développement des enfants bien sûr, dans une perspective de réussite de vie, de qualité de vie et de support aux parents, mais il faut penser à des interventions à différents niveaux pour que ça fonctionne.

Là-dessus, je vais m'arrêter pour ce bout-là, parce que ça couvrait quand même deux points importants qui ont été soulevés jusqu'à présent. Je vais demander à la Dre Samson, qui est la coordonnatrice de l'opération des sommets locaux et régional, à Montréal, de prendre la parole. Vous savez probablement ? et c'est la raison probablement pour laquelle vous nous avez invités ? qu'on a fait une enquête sur la maturité scolaire il y a maintenant deux ans. Et, suite au rapport, des gens ont eu l'idée de retourner les données au niveau local pour que les gens localement nous expliquent ce que veulent dire les données pour eux et pour elles et dans une idée de s'approprier les données. Et je vais donner la parole à la Dre Samson, qui va vous parler de cette démarche.

Le Président (M. Kelley): Dre Samson.

Mme Samson (Isabelle): J'ai combien de temps? Deux minutes?

Le Président (M. Kelley): On est déjà à 10 minutes, mais un autre cinq minutes, mettons.

Mme Samson (Isabelle): Alors, c'est sûr que ces données-là qui sont sorties, ça nous donne une base explicite sur laquelle discuter, intervenants, parents, experts, pour mieux cerner un peu les besoins des tout-petits et de leur famille. Alors, ça a ouvert un dialogue. Il y a beaucoup de mobilisation dans les territoires... dans le territoire montréalais. Il y a des sommets locaux qui se déroulent en ce moment. Il y a une énorme participation, là, il y a souvent plus d'une centaine d'intervenants et de parents qui s'y retrouvent pour se questionner sur c'est quoi, les besoins des tout-petits. Parce qu'il faut d'abord se questionner sur les besoins puis regarder d'une façon critique ces besoins-là pour ensuite voir si ce qu'on fait répond aux besoins puis si on fait les bonnes choses. Alors, c'est la démarche présentement des sommets, qui va culminer au sommet montréalais, sommet montréalais qui s'inspire évidemment de tout ce qui va... tous les enjeux et les défis qui émergent des sommets locaux et des pistes de solution qui y émergent aussi.

Au niveau régional, par contre, ce qu'on constate, c'est que, dans plusieurs des territoires locaux, il y a des défis semblables qui émergent un peu partout. Alors, il y a un comité régional en place en ce moment, qui est très, très mobilisé, qui consiste des organismes Famille de l'île de Montréal, des regroupements de CPE de l'île de Montréal, la commission scolaire, le ministère de l'Éducation est là aussi, et les liens avec finalement ces personnes-là sont aussi actifs sur la table de la persévérance scolaire. Alors, il va y avoir encore du travail à faire pour tisser ces liens-là. Il y a le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles aussi qui est présent et le ministère Famille et Aînés, Centraide, fondations Québec Enfants, Québec en forme.

Tout ce monde-là est là, et on travaille présentement sur le fait qu'au sommet on voudrait capitaliser sur les défis qui sont communs à toutes les localités. On pense qu'il y a un rôle important pour le régional à ce niveau-là, puisque les enjeux sont communs, puis à cause de la mouvance justement de la population, là, tous les gens qui déménagent d'un territoire à l'autre. Puis on est en train de se centrer sur quelques pistes de solution où on veut faire travailler pour qu'ensuite on ait les assises pour des plans d'action locaux et régionaux qui sont arrimés pour qu'on puisse unir nos efforts, là. Alors ça, ça va se produire dans les prochains mois, dans les prochaines.... Oui, c'est ça, ça culmine le 28 mai, puis après ça, bien, l'étape des plans d'action et des pistes de solution va être lancée. Mais on a déjà des idées de pistes de solution, mais... Je ne sais pas, là, le temps passe.

Le Président (M. Kelley): Parfait. En guise de conclusion ou est-ce qu'on...

M. Lessard (Richard): Bien, en guise de conclusion, je pense que c'est assez clair, là, le fonds est bienvenu. La question d'enfants vulnérables ou de situation de pauvreté, ça reste à clarifier dans le sens de l'élargir pour avoir plus d'efficacité. La question du niveau local, régional et provincial, je pense que c'est quelque chose à réviser parce que, là, ça donne l'impression que ça ne se fera qu'au niveau du local, et je pense qu'il y a des actions à mener à d'autres niveaux.

Et il y a deux points qu'on n'a pas abordés, mais la question d'utiliser une partie des fonds pour l'amélioration des pratiques par l'innovation, le développement des connaissances et l'évaluation, on est tout à fait en faveur. On ne connaît pas tout ce qu'on devrait connaître, et une façon de connaître, c'est d'expérimenter et d'évaluer. Et l'idée de la complémentarité, du partenariat, bien, on n'a pas voulu en parler théoriquement, mais on a voulu démontrer qu'aux niveaux régional et local, à Montréal, ça peut marcher. Tout le monde est autour de la table, et l'esprit de mobilisation fonctionne. Donc, on pense que c'est possible de travailler en partenariat avec les partenaires, même compte tenu de la provenance du fonds. Alors, merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr Lessard. On va maintenant passer à une période d'échange, 20 minutes des deux côtés de la table. Je veux juste signaler au ministre que j'ai déjà une demande d'intervention de trois de vos collègues. Alors, la parole est à vous, M. le ministre, mais je veux juste garder une certaine...

n (10 h 50) n

M. Tomassi: Ah, je suis généreux de mon temps, M. le Président, on va permettre aux collègues de poser les questions, qui sont tout à fait naturelles.

M. Lessard, Mme Samson, merci d'être ici, avec nous, aujourd'hui pour venir témoigner sur le projet de loi créant le fonds. Merci pour l'enquête que vous avez menée en 2006, En route pour l'école!, qui est venue établir certains constats qui sont majeurs, surtout pour la grande région métropolitaine de Montréal mais aussi pour d'autres régions du Québec, là. On pourrait peut-être l'extrapoler dans d'autres régions du Québec et on aurait probablement le même résultat, de là des initiatives qui doivent être mises en place par divers partenaires.

J'ai bien compris votre message pour dire que le fonds doit permettre cette possibilité d'échange de connaissances. Il y a des choses qui se font nécessairement dans certains quartiers de Montréal, qui pourraient être reprises dans d'autres quartiers avec certaines modifications, parce que pas tous les quartiers sont sensiblement les mêmes, puis c'est tout à fait naturel. Je pense que les groupes qui sont venus nous voir durant les deux premiers jours, et ceux avant vous, et ceux qui vont vous suivre vont venir nous dire la même chose, puis c'est tout à fait naturel, là.

Les communautés locales, là je comprends un peu votre interrogation à savoir: De quel genre de communautés parle-t-on? De quelles communautés parle-t-on? Et c'est tout à fait... C'est un autre débat qui va être mis en place.

Je voudrais peut-être, parce que vous avez ouvert... Puis ça va être la seule question, je vais laisser la question... Mais vous étiez en train de nous dire: On aurait quelques pistes de solution. Alors, je voudrais peut-être vous entendre sur quelques pistes de solution qu'on pourrait échanger entre nous ici, parce que, je pense, c'est assez important. Le fonds, l'essence même du fonds, dans l'essence même, c'est pour venir aider financièrement la mise en place de projets qui vont apporter un résultat concret pour les enfants. Puis vous le dites si bien, là, le rapport Ménard sur la persévérance scolaire suit les traces que vous avez vous-mêmes établies concernant la petite enfance et la question de vulnérabilité puis pauvreté. Alors, je voudrais peut-être vous entendre un peu plus sur les pistes de solution que vous avez, entre-temps, là, été capables de découvrir ou de connaître.

Le Président (M. Kelley): Dre Samson.

Mme Samson (Isabelle): Bien, merci. Écoutez, c'est très riche, ce qui sort des sommets locaux, là, mais je vais peut-être m'en tenir aux grands constats et pistes de solution qui émergent. Et on va en... tout ça, c'est à valider le 28 mai avec nos partenaires locaux et régionaux, lors du sommet.

Mais, en gros, il y a un très grand besoin pour des espaces qu'on dit, nous, informels, autrement dit pas des espaces qui sont taggés services, où les gens doivent avoir un besoin, là, pour consulter. Alors, des espaces de proximité, le communautaire est très important, des espaces d'accueil à la famille, et particulièrement à Montréal, où on a des gens qui sont isolés, des nouveaux arrivants qui n'ont pas de réseau familial, où il y a un phénomène de pauvreté quand même assez important. Et ces gens-là n'ont pas nécessairement de besoin ou ne ressentent pas un besoin spécifique de consulter le service de santé, ou de consulter les services sociaux, ou de consulter les services éducatifs de garderie, parce qu'ils sont à la maison. Alors, ça prendrait des lieux d'accueil pour ces familles-là, communautaires, en proximité et où ça permet une mixité, un échange, tisser des réseaux sociaux, mais focussés sur la famille.

L'autre grande piste ou grande demande, c'est une espèce de guichet unique. Il y a beaucoup d'acteurs en petite enfance. Il n'y a pas un boss de la petite enfance, c'est les parents, mais il y a quand même beaucoup de ressources et de services, mais on ne sait pas trop qui qui fait quoi, du moins d'un point de vue de parent. Ce serait intéressant d'avoir un guichet unique, alors des endroits comme des maisons de la famille, des endroits comme un guichet unique qui pourrait même être logé dans les maisons de la famille ou dans ces espaces informels là.

D'autres pistes de solution, bien, on reconnaît l'importance de la qualité des interventions quand on travaille avec les tout-petits. Je pense que la qualité, c'est important dans à peu près tout ce qu'on fait, mais, au niveau des tout-petits, c'est très documenté que la qualité des intervenants en contact avec les enfants, c'est primordial.

Donc, il y a un très grand besoin de partage des connaissances, de partage des bons coups, et ça, c'est tout à fait en lien avec une des pistes dans le fonds, là, mais ça prend des investissements, des modalités pour ce partage des connaissances là, pour rehausser les qualités de pratique. Et je sens, de la part des territoires, une ouverture, là, une demande de lieux de partage et certainement une ouverture à l'évaluation, une évaluation dans la coconstruction, dans une optique de coconstruction des savoirs. Il n'y a pas juste le savoir scientifique, il y a aussi le savoir des gens du terrain. Alors, un besoin de partage.

Il y a plusieurs choses qui ressortent. Il y a un manque, quelque part dans les services, d'un premier niveau, là, de support aux parents et aux intervenants. On fait souvent rapport de besoins de services spécialisés, mais on mentionne, à ce moment-là, les orthophonistes, les ergothérapeutes. On dirait qu'il y a un manque, là, d'un palier intermédiaire pour supporter les familles et les intervenants, qui est plus réactif, plus rapide. Puis, je pense, des fois, quand j'entends ça, c'est comme si, quand on a un mal de tête, on appelait le neurochirurgien à chaque fois. C'est sûr que, là, les services ne réussissent pas, là, à fournir. Alors, il y aurait un besoin de développer comme ces réseaux de soutien aux intervenants et un réseau plus réactif aux besoins des parents.

Il y en a d'autres, là, il y a beaucoup d'idées qui ressortent. Mais l'autre grand point, c'est plus dans une optique universelle, c'est du soutien aux parents en général. Le parent, il n'y a pas... Quelqu'un disait dans le groupe précédent: Il n'y a pas de mode d'emploi qui vient avec être parent. Puis souvent, au niveau des santé et services sociaux, il y a des contacts qui se font dans les... Pendant la grossesse, veux veux pas, la mère est suivie par des professionnels, dans les premiers mois de la vie aussi il y a un soutien, mais, tout d'un coup, après le vaccin de 18 mois, c'est comme s'il y a un paquet de parents qu'on perdait. Et puis il y a même, sur le territoire, il y a des gens qui disent: Il faudrait inventer un vaccin pour les enfants de trois ans. On ne fera pas... on n'inventera pas des piqûres, mais c'est comme... il y a un manque, là, il y a une perte du contact après 18 mois, et puis ça, ça inquiète, parce qu'il y a des enfants là qui ont peut-être des besoins que les parents ne reconnaissent pas ou ne savent pas où se tourner, puis le contact, quelque part, il serait important, là.

C'en est. Je pourrais continuer longtemps, mais, bon, c'est peut-être ceux qui ressortent, là.

Ah! Il y en a un autre qu'il faut que je mentionne, c'est: on nous demande, au régional, de s'arrimer, il n'y a pas de doute, là, tous les passages: le tout-petit, de la maison vers l'école, entre la garderie et l'école ? j'en ai parlé un petit peu tantôt ? veux veux pas, entre l'école et les garderies puis les services de santé quand il y a un enfant qui inquiète. Alors, tout cet arrimage-là, on mentionne que c'est... le protocole d'entente entre les CPE puis les... entre les services de garde puis les CSSS, les centres de santé et services sociaux, ça, c'est très gagnant, on peut optimiser, mais encore plus d'arrimage, plus de passerelles pour faciliter les transitions pour les enfants, ça, c'est une grande demande aussi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Vous avez parlé des enfants de trois ans. En anglais, on parle souvent des «terrible twos», je ne sais pas si c'est le même phénomène. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Bonjour. Alors, merci pour le dépôt de votre mémoire. Moi, d'abord, je vois que vous voyez le fonds finalement comme une nouvelle forme de partenariat qui finalement offre de nouvelles opportunités de ce côté-là, et vous faites une bonne description du fait que ce fonds-là s'inscrit dans les priorités de plusieurs ministères et partenaires. Donc, de ce côté-là, je pense qu'on touche un objectif qui est reconnu à la fois au niveau gouvernemental et également dans le Programme national de santé publique. Donc ça, c'est l'aspect intéressant.

Et vous dites, vous avez bien expliqué aussi que vous souhaitez qu'on cible plus largement que les enfants vivant en contexte de pauvreté. Ça, ça m'apparaît intéressant aussi.

Mais, moi, mon questionnement portait sur un élément sur lequel j'aimerais vous entendre parce que le projet de loi vise à faire en sorte que... l'objectif, c'est de s'assurer que cet objectif-là, on l'atteigne le plus rapidement possible, et que donc les fonds soient disponibles rapidement, et on souhaite y aller de façon à respecter les structures déjà existantes dans les divers milieux. Or, vous dites, à un endroit, dans votre mémoire: «Dans le respect des lieux de concertation déjà en place et des priorités déjà établies il est plus avantageux de créer une offre de service complémentaire qui vient enrichir ce que les programmes gouvernementaux proposent.»

n(11 heures)n

Dans votre cas, les lieux de concertation, vous les voyez comment? Parce que vous avez parlé, à un moment donné, d'une espèce de nécessité de travailler à la verticale, à l'horizontale, mais concrètement vous voyez ça comment? À partir du moment où un fonds comme ça est mis en place dans votre milieu, à Montréal, comment vous voyez la mise en oeuvre de ça, tu sais, au niveau de la concertation, là? Et est-ce que vous souhaitez que cette flexibilité-là dans le projet de loi soit conservée, justement pour permettre cette flexibilité-là au niveau régional?

Le Président (M. Kelley): M. Lessard.

M. Lessard (Richard): Oui. Merci de la question. Bien, il y a une partie de ce que vous venez d'énoncer qui est un peu en réaction à ce qu'on a vécu au début, avec Québec en forme, où beaucoup d'intervenants sur le terrain ont vécu ça comme une autre affaire qui arrive en parallèle, qui établit ses propres tables de concertation. Mais ça s'est corrigé ou c'est en très bonne voie de l'être. Et il y a déjà des tables de concertation à Montréal, dans presque tous les quartiers, qui sont financées par Centraide, par l'agence de la santé et par la ville de Montréal.

Et on a voulu, au cours des années, rendre disponibles certains fonds, qui ne sont pas énormes, là, mais qui permettent une permanence pour une concertation locale dans tous ces dossiers-là. Et ces personnes-là ne veulent pas être, si vous voulez, doublées ou qu'on les évite parce qu'elles font des efforts pour se concerter, entre organismes communautaires et institutions, pour donner des meilleurs services.

Donc, il y a ces tables locales là qui disent: Bien, s'il arrive un nouveau joueur puis du nouveau fric, on veut, nous, faire partie de ce qui va se passer parce qu'on connaît bien le terrain. On a déjà des tables, on ne veut pas des tables en parallèle. Donc, c'est une façon vraiment de répondre à votre question.

M. Lehouillier: Bien, ça répond à ma question. Donc, vous souhaitez que ça demeure assez flexible pour qu'on utilise d'abord les organismes déjà existants dans le milieu et qu'on puisse travailler avec eux. C'est ça que je comprends.

M. Lessard (Richard): Bien, je pense que oui. Puis on le retrouve quand même dans le projet de loi, là. Même si ça dit que le fonds n'est pas là pour financer des programmes qui sont déjà établis par l'État, il reste qu'on comprend que les CSSS, par exemple, qui gèrent le programme SIPPE, ne rejoignent que 50 % des mères qui seraient éligibles au programme SIPPE. Donc, il y a un manque là. Et on comprend aussi les organismes communautaires qui font un travail en tout cas remarquable autour du programme SIPPE en particulier, qui verraient d'un bon oeil un accès direct à plus de financement. Ce n'est pas ça, semble-t-il, qui va être disponible.

Mais ces organismes-là, s'ils se concertent pour les enfants avec une vision commune, je pense qu'ils peuvent avoir accès au nouveau fonds dans une perspective de concertation locale avec une connaissance beaucoup plus fine du milieu, parce qu'ils viennent du milieu, pour pouvoir répondre aux besoins des parents.

À Montréal en particulier, mais c'est partout pareil, là, chaque milieu de concertation a son historique, a sa finalité, a ses particularités, ses personnes, hein, qui sont différentes, et il y a beaucoup de travail, d'énergie qui est investi avec... puis pas toujours rémunéré comme je pense que beaucoup de monde le souhaiterait. Et le respect de ces concertations et la possibilité que ces concertations-là, si elles le désirent et si elles le veulent, ensemble, aient accès au nouveau fonds, je pense qu'il faut encourager ça parce que c'est un indice de vitalité de la communauté que sa table de concertation soit active et revendique.

M. Lehouillier: Parfait. Ça répond à ma question.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Dr Lessard, Dre Samson, merci beaucoup. C'est vraiment grandement apprécié d'aborder cette problématique-là sous l'angle de la pauvreté avec le lien avec la santé. En tout cas, moi, ça me touche beaucoup, ce que vous avez amené ici, ce matin, parce que c'est une très grande réalité qu'il faut tenir compte.

Maintenant, on sait que l'importance des parents auprès des enfants est extrêmement importante. Et j'aimerais vous entendre sur quelles sont les pistes d'action qu'on pourrait prendre auprès des parents. Vous avez parlé beaucoup de concertation puis, ça aussi, c'est quelque chose qu'on parle depuis une semaine parce que, pour nous, c'est vraiment important. Il y a déjà beaucoup d'organismes dans le milieu. Mais on sait que ces enfants-là, via les organismes, on les aide beaucoup, oui, mais on les retourne dans leur milieu avec leurs parents. Des fois, on a des organismes qui soutiennent les parents, pas toujours. Qu'est-ce qu'on a comme pistes d'action? Qu'est-ce que vous préconiseriez?

Le Président (M. Kelley): Dre Samson.

Mme Samson (Isabelle): Écoutez, c'est une des grandes questions. Souvent, en santé publique, mais je pense qu'il y a beaucoup de partenaires qui ont le même modèle, on appelle ça le modèle écologique, là, alors il faut regarder l'enfant, mais il faut aussi regarder le soutien aux parents, le côté communautaire. Et puis je pense que, pour faire le lien avec les gens qui ont passé avant, il faut aussi faire la lutte à la pauvreté, la cause globale qui touche probablement entre 20 % et 25 % des enfants, malgré que la vulnérabilité scolaire, comme on l'a dit, touche beaucoup plus d'enfants.

Là, il faut que je dise qu'autant qu'on a... on veut avoir cette vision inclusive de stratégie à plusieurs niveaux, le soutien aux parents comme tel, il est capital, mais il faut vraiment le faire de concert avec le soutien à l'enfant. De toutes mes connaissances des programmes ? puis là je parle de programmes parce que c'est un peu notre champ d'action en santé publique, il y a quand même plusieurs programmes et des grandes initiatives américaines à travers le monde ? si on ne fait que supporter le parent, malheureusement l'enfant ne bénéficie pas toujours. Alors, il faut vraiment faire en sorte que... Oui, le parent, c'est l'acteur principal, mais on ne peut pas juste outiller le parent.

Alors, les parents ont besoin de savoir, ils ont besoin d'outils pour les aider, ils ont besoin de référents. Il y a des parents qui demandent, là: Comment je dois m'y prendre, où je dois me tourner? Alors, il y a un grand besoin d'information qui émerge de la part des parents. Il y a aussi un besoin qu'on facilite les passages, comme j'ai dit, pour leur enfant. Mais, tout en travaillant sur ces deux besoins parmi plusieurs, là, il ne faut pas oublier qu'il faut attacher l'enfant à ça, parce que, si on ne travaille que pour le parent, l'enfant, malheureusement, n'en bénéficie pas tant que ça.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Votre étude sur... l'étude sur la maturité scolaire des enfants montréalais, bon, qui touchait cinq dimensions, puis vous disiez, entre autres, qu'il y avait au moins 35 % des enfants montréalais qui sont vulnérables dans au moins un des cinq domaines. À votre connaissance, est-ce que cette situation-là s'applique pour l'ensemble du Québec? Est-ce que vous avez des données, par rapport à d'autres directions de santé publique au Québec, sur une étude à peu près semblable ou sur des problématiques qui se ressemblent?

M. Lessard (Richard): Au Québec, on n'a pas de points de comparaison. On en a avec Toronto ou Vancouver, donc on peut faire certaines comparaisons, parce qu'ils ont utilisé... on a tous utilisé le même instrument. Mais, pour le reste du Québec, non. Mais ça pourrait être...

L'idée de... il y avait deux raisons, en fait, derrière l'étude. Il y en avait une, c'était de... ça permettait de faire le point sur le développement des enfants, autrement dit de mettre sur la carte la question du développement des enfants. On entend souvent parler de pauvreté, puis de réussite scolaire, et puis de décrochage scolaire, mais il faut réaliser qu'il y a une grosse partie de l'affaire qui se passe entre 0-5 ans, et il n'y a pas nécessairement, en tout cas, avant les CPE, là, d'organismes structurés pour revendiquer au nom des jeunes enfants. Cette étude-là, ce n'était pas nécessairement la volonté au point de départ, mais a ramené, a fait... a rendu réelle, plus voyante la réalité du développement des enfants. L'autre chose qu'elle permet de faire, c'est de voir jusqu'à quel point les programmes qu'on a en place présentement donnent des résultats, et ça a donné ce qu'on a pu observer.

Probablement que, dans le reste du Québec, on observerait des choses similaires, c'est-à-dire des variations entre quartiers, ou entre villages, ou entre villes, et qui... Je sais que l'étude, en tout cas à Vancouver ? parce qu'ils ont fait un peu l'idée des sommets locaux puis régionaux ? faisait ressortir qu'il y avait une très grande différence dans la quantité et la qualité des services qui étaient offerts d'une région à l'autre de Vancouver. Donc, il y a un lien entre la maturité scolaire telle que mesurée par l'indicateur et la quantité puis la qualité des services disponibles. Alors ça, on sait qu'au Québec il y a des variations là-dedans aussi et qu'il y a des variations dans le statut économique qui donnerait probablement des variations d'une place à l'autre aussi.

Donc, c'était un peu expérimental, l'idée, là, c'était de voir jusqu'à quel point au Québec on était capables, en tout cas dans une région comme Montréal, d'avoir une idée précise, puis se comparer à Toronto et Vancouver en particulier, et ça nous donne des points de référence. Je pense que, quand on se mesure, on a une meilleure idée d'où on est rendus, puis ça définit des objectifs, des défis nouveaux, et ça attire l'attention sur une période cruciale de la vie, qui est cruciale pour le développement des personnes, puis le développement de la communauté, puis le développement plus large de la collectivité, là. Tu sais, je rejoins la question de la réussite scolaire. La réussite scolaire, ça commence avant l'école, et je pense qu'il faut vraiment, vraiment, vraiment attirer l'attention de tous ceux qui ont une responsabilité, les parents en premier bien sûr mais les services publics, sur le développement des enfants.

M. Chevarie: Merci.

M. Lessard (Richard): Ce n'est pas juste notre avenir, c'est leur avenir puis c'est notre avenir.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Gouin.

n(11 h 10)n

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer M. Lessard et Mme Samson. Merci pour votre mémoire. J'en profite aussi, puisque je suis député de la circonscription de Gouin et que j'ai eu l'occasion de participer à l'un des sommets locaux sur la maturité scolaire... je trouve que c'est une excellente initiative. J'ai participé à la première phase, la deuxième se déroule aujourd'hui. Malheureusement, on est retenus à Québec, on ne pourra pas y participer. Je sais que mon collègue, aussi, de Laurier-Dorion a eu l'occasion, puisque notre CSSS du Coeur-de-l'Île dessert nos deux circonscriptions électorales, d'y participer. On sera certainement là pour le sommet au mois de mai.

Ma question, ma première question. Vous nous dites, à la page 8, vous décrivez l'ensemble des interventions du ministère, des CSSS au niveau du développement des enfants. Vous nous parlez aussi du Programme national de santé publique, là, qui fixe comme objectif, d'ici 2012, là, d'augmenter la proportion d'enfants âgés de zéro à cinq ans ayant un développement moteur, langagier, cognitif et social optimal. Je vois que, dans le projet de loi, à l'article 2, alinéa un, c'est exactement les mêmes objectifs.

À la page 12 aussi de votre mémoire, vous revenez encore à la charge en posant un certain nombre de questions sur le «risque d'éparpillement qui pourrait diluer les efforts». Est-ce que vous n'avez pas l'impression que l'action du ministère et l'action qui est dans le projet de loi, c'est la même chose et qu'il y a un risque de dédoublement?

M. Lessard (Richard): Bien, on peut répondre oui et non, là. Parce que la question, c'est: Est-ce qu'il y a un risque? Je dirais oui. Est-ce qu'il y en aura un? Bien, on verra. Je ne pense pas que ce soit nécessaire qu'il y ait des dédoublements. Je pense que, en particulier dans la région de Montréal, les tables de concertation sont assez bien structurées et assez fortes pour demander qu'il n'y ait pas de dédoublement. Et je pense que le fait d'avoir vécu certaines difficultés au début avec Québec en forme fait en sorte maintenant que les gens savent un peu plus comment gérer ces situations-là.

Idéalement, là, puis je ne sais même pas si... en tout cas, on va peut-être être taxés de positivisme, mais... Il me semble que c'est une bonne idée d'être positif. Mais je sais que ce n'est pas ça que ça veut dire, là. Mais je pense que, comme parents, là ? on va le prendre de ce point de vue là ? de s'assurer que notre enfant est toujours développé de façon optimale ? puis je n'ai pas dit maximale ? mais à toutes les années de sa vie, bon, je pense que c'est une préoccupation que tout le monde a.

Il y a des services qui ont été mis en place par l'État, comme OLO et SIPPE en particulier, qui visent des clientèles très particulières: les plus en difficulté des personnes en difficulté, qui nécessitent une intensité d'intervention importante. Et je pense que ça, ça peut continuer... en fait, ça devrait... ça doit continuer, puis probablement même mieux supporté.

Dans le programme SIPPE, il y a deux volets. Il y a un volet d'accompagnement des familles, qui est un volet d'intensité avec des infirmières et du personnel professionnel, puis il y a un volet qu'on dit Environnement favorable. Le volet Environnement favorable, là, pour vous le décrire de la façon telle que je l'ai vu, bien justement, dans votre coin, au Coeur-de-l'Île, le CSSS a créé un réseau d'organismes communautaires qui ont accès au financement du volet Environnement favorable de SIPPE pour mettre en place des services ou pour les aider à mieux... à avoir plus de services qu'ils donnaient déjà. Et ça fait en sorte que, par exemple, pour les jeunes mères célibataires, il y a un organisme qui les prend en charge pour le logement, il y en a un autre pour la nourriture s'il y a des besoins, il y en a un autre pour certains services pour la mère, il y a des services aussi pour les mères qui ont besoin non seulement d'avoir un logement, mais d'être... pas supervisées, mais vraiment encadrées pendant un bout de temps.

Donc, on a vu un filet de sécurité qui s'est mis en place autour du programme SIPPE, le volet Environnement favorable, avec des organismes communautaires, et vraiment c'est impressionnant de les voir travailler, de voir les informations qu'ils s'échangent pour s'entraider et travailler en réseau. Donc, je pense qu'il y a des exemples où ça marche très bien, et c'est ces savoirs-là et ces pratiques-là qu'il faut faire connaître pour que dans d'autres milieux ça...

Donc, je répondrais: Oui, il y a un risque, mais ce n'est pas ça que les gens veulent. Les gens veulent la complémentarité, ils veulent l'argent à la bonne place. Et c'est très intéressant de voir la réaction qu'il y a autour d'une orientation du programme régional de santé publique à Montréal qu'on a suggéré, qui dit: «Que les enfants naissent et se développent en santé.» Ces simples paroles rallient beaucoup de monde. Ça rallie beaucoup de monde pour la grossesse, que les enfants naissent en santé et que les enfants se développent en santé, et c'est ça que toutes les personnes autour des sommets sur la maturité scolaire et sur le développement des enfants... Ce thème-là rallie les gens. Et je pense que, petit à petit, les interventions qui sont mises en place par différents organismes, qu'ils soient gouvernementaux ou communautaires, vont faire en sorte qu'il va y avoir davantage de cohérence et de congruence pour atteindre cet objectif-là.

Alors, c'est sûr que, quand on poursuit un tel objectif, compte tenu des moyens qu'on a, de voir arriver des moyens supplémentaires, je ne vois pas la mauvaise nouvelle. La façon de le faire, ça pose un défi, mais on sent qu'avec les tables en place elles sont suffisamment fortes pour avoir un mot à dire dans ce qui va se passer. Et je pense aussi que, du côté de Québec Enfants, il y a suffisamment d'ouverture pour s'assurer que ces situations-là se présenteront le moins souvent possible, si elles se présentent.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: Parce que vous nous dites, à la page 12 de votre mémoire, là, que vos inquiétudes sont de deux ordres: la sursollicitation des clientèles qui sont déjà peu enclines à utiliser des services; et une sollicitation trop intensive des partenaires communautaires, qui sont déjà fort occupés dans le domaine de la petite enfance. C'est ce que beaucoup d'organismes qui ont eu l'occasion de déposer des mémoires dans le cadre des consultations sont venus nous dire.

Alors, de quelle façon on peut éviter un éparpillement et de diluer la synergie et l'action de chacune des tables locales ou régionales qui intervient auprès de la petite enfance? Est-ce qu'il y a des modifications qui devraient être apportées au projet de loi pour éviter qu'une telle situation se produise, ou des précisions?

M. Lessard (Richard): Bien, ce que j'ai vu dans Québec en forme, et puis au début puis maintenant, trace quand même une voie intéressante. Je pense que, dans certains quartiers puis peut-être dans d'autres régions du Québec, il y a eu, au début, une réaction des personnes en place, quand Québec en forme est arrivé avec des fonds, avec une méthode d'intervention, avec la création des comités d'action locaux, qui a dérangé et qui a vraiment suscité des réactions, genre: Une table parallèle; c'est les mêmes clientèles; si on avait votre argent, on ferait mieux, ou on ferait pareil, ou on ferait différemment. Mais en fait il y a eu tout ça. Mais il faut quand même prendre un peu de temps, là, pour voir arriver puis se développer les choses.

La fondation et les différents fonds sont des choses complètement nouvelles, autant pour la fondation que pour les organismes du milieu. Donc, si on pense qu'au bout d'un an tout va être réglé... Même nous, quand on est arrivés avec le SIPPE, au début, là, ça a créé toutes sortes de difficultés. Les gens, bon, il fallait qu'ils s'ajustent, ils ne faisaient pas nécessairement les choses comme le SIPPE le proposait. Il y a des pratiques professionnelles et des pratiques communautaires qui ont été challengées. Donc, il faut s'attendre à ce qu'il y ait quand même une période d'ajustement.

Est-ce qu'il faut changer la loi pour ce faire? La loi est assez, je dirais... elle a peu de mots pour exprimer ce qu'on y retrouve. La loi dit: Il y a un fonds, les objectifs sont les suivants. Ce n'est pas pour financer ce que l'État fait déjà, et on pense que, pour le... Ce n'est pas marqué dans la loi, mais on le voit sur le site de la fondation, c'est le développement des communautés qui est au coeur du dossier, et le développement des communautés, ça ne peut pas se faire à l'encontre des concertations qui existent déjà, il faut qu'il se fasse avec.

Donc, je ne le sais pas, ce sera à vous à décider s'il faut rajouter du partenariat au niveau de la gouvernance. Le ministre a ouvert une porte là-dessus, ce matin. Je pense que ça pose l'enjeu, là, de qui va être membre de la gouvernance civile. Et effectivement ça fonctionnerait probablement mieux si ce n'étaient pas des personnes qui avaient accès au fonds, donc une gouvernance civile qui a une vision plus large du dossier mais qui en même temps connaît le dossier. Alors, vous verrez ce que vous pouvez faire là-dessus, mais je pense qu'il faut faire confiance au milieu.

n(11 h 20)n

Je dirais que, s'il y a une chose à faire pour... c'est de renforcer les concertations locales, de mieux financer les concertations locales, leur donner un caractère. Une force un peu plus structurée leur permettrait de dialoguer, pour ne pas dire négocier, avec les nouveaux projets qui arriveraient dans les quartiers, et c'est ce que Centraide, la ville et l'agence ont réussi à faire avec les années. Ce n'est pas toujours... Au début, on donnait 15 000 $ par table. Maintenant, je pense qu'on est autour de 50 000 $ ou 60 000 $. Dernièrement, c'est surtout Centraide qui a augmenté de façon significative le financement des tables locales. Nous, à l'agence, on n'a pas suivi parce qu'il y a 30 tables, et, si on met 15 000 $, ça fait 450 000 $, puis là, pour le réseau de la santé, là... En tout cas, ce n'est pas des budgets auxquels la santé publique a accès facilement, là. Mais, si on était capables d'augmenter cette capacité-là locale, je pense qu'on jouerait... on pourrait diminuer le risque que vous avez mentionné.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Comme M. Lessard est piégé puis qu'il va falloir qu'il m'écoute quelques secondes sans dire un mot, je veux...

Le Président (M. Kelley): Nous autres aussi.

M. Bouchard: Oui. Mais je veux, devant vous et devant mes collègues, saluer la contribution de la Direction de santé publique de Montréal au bien-être de la population de Montréal. Et dernièrement la Santé publique émettait aussi des avis concernant nos nouvelles infrastructures routières, toutes les questions de la pollution, etc. J'ai envie de dire tout simplement, devant le Dr Lessard, que, comme il n'est pas citoyen de mon comté, je ne peux pas lui donner une médaille de l'Assemblée nationale, mais je peux certainement reconnaître en lui...

Quand je vois le Dr Lessard, je pense toujours à un petit roman que j'ai lu, qui a 83 pages, qui est magnifique, qui s'appelle Une ardente patience, de Skarmeta, qui a été mis à l'écran sous le joli titre de Il postino. Et il y a quelque chose d'une obstination saine dans l'approche de cette Direction de santé publique, moi, qui me réconforte à chaque fois. Il y a une cohérence là-dedans, une capacité de conciliation et à la fois de fermeté dans les énoncés, mais de plasticité puis de flexibilité dans les solutions à mettre en oeuvre. Je trouve ça formidable que le Québec se soit doté de ces outils et que notamment ces outils soient incarnés par des personnes comme le Dr Lessard, puis on connaîtra mieux la Dre Samson dans quelques années.

Ceci dit ? il n'a pas bronché, puis c'est parfait ? ceci dit, il y a comme deux orientations que vous semblez adopter, là, dans vos desiderata sur ce que devrait faire ce fonds: d'une part, une approche plus Communities that care, une approche plus de développement par la communauté de ses atouts, de ses forces et de sa capacité de rassembler ses forces dans le développement, la promotion du développement des jeunes enfants et des familles; puis, d'un autre côté, vous ne pouvez pas échapper non plus à votre fonction de santé publique, c'est-à-dire une approche plus préventive et plus ciblée.

Ce qui me surprend dans votre... ce qui me surprend, ce qui m'interpelle, puis j'aimerais ça que vous en discutiez plus longuement, c'est votre recommandation 1: Cibler plus largement. Je trouve ça intéressant parce que la littérature dans le domaine de la santé publique fait nettement la démonstration qu'on fait des gains là où il y a des risques. On prend le Perry Preschool Project, on prend le Prenatal Project, là, qui a été développé dans les Adirondacks et duquel s'est inspiré NEGS puis ensuite SIPPE où on cible vraiment les mamans qui sont plus en difficulté puis les familles qui sont plus en difficulté, puis où on fait des... de fait, on fait plus de gains là où les risques sont les plus lourds. Je pense aux mamans qui sont plus en difficulté puis les familles qui sont plus en difficulté puis où on fait des... De fait, on fait plus de gains là où les risques sont les plus lourds.

Je pense aux résultats des cours prénataux au Québec. Louise Séguin, la Dre Louise Séguin a fait d'amples études qui font la démonstration que, quand on cible trop large et qu'on s'adresse à des gens de classe moyenne, on n'a pas d'effet parce que ceux qui devraient en profiter ne sont pas là. Alors, il y a toutes ces données qui nous indiquent quelque part qu'on doit cibler, mais, d'autre part, vous dites: Oui, mais il ne faut pas cibler de telle sorte à stigmatiser un quartier ou une population.

Alors, j'aimerais vous entendre plus là-dessus parce que ? dernier mot, là ? quand on a suivi l'opération 1, 2, 3 GO!, l'équipe de chercheurs, puis on a fait un suivi de cohortes successives à tous les deux ans d'enfants de 20 à 40 mois, on s'est aperçu qu'immanquablement, à toutes les fois, les enfants qui présentaient le plus de probabilités d'arriver en retard à l'école, donc avec un manque de maturité scolaire, ce sont les enfants dont les parents présentaient trois risques: sous-scolarisation, monoparentalité depuis trop longtemps et précarité économique. Vous soustrayez un risque, vous diminuez la probabilité, etc. Alors, il y a là, je pense, des indications très claires dans les données. Alors, j'aimerais savoir comment on arrive à concilier ces deux approches-là.

Le Président (M. Kelley): Dr Lessard.

M. Lessard (Richard): Oui. Eh bien...

Le Président (M. Kelley): Être le plus précis possible, parce que le temps file.

M. Lessard (Richard): Ah, très bien. Bien, je pense qu'il faut conjuguer les deux approches, là, l'approche des populations à risque puis la population en général. C'est l'idée de la courbe dont je parlais tantôt, là, tu sais, la cloche, là, puis il y a une moyenne, puis, à gauche, il y a les enfants qui sont beaucoup plus vulnérables, qui nécessitent des soins intensifs individuels. Mais, si tu déplaces la courbe, tu déplaces la moyenne, les enfants qui étaient dans le bas de la première courbe à gauche vont avoir tendance à joindre la deuxième courbe, donc ils vont être moins en difficulté parce que l'ensemble du groupe va avoir bougé. Donc, il faut conjuguer ces deux approches-là, parce que, si on ne se concentre que sur ceux qui sont à gauche de la première courbe, il va toujours s'en recréer qui vont arriver à ce niveau-là. Donc, autrement dit, on peut mettre... on va faire comme avec le système de santé, on va mettre constamment des soins curatifs parce qu'on sait qu'il y a toujours du monde qui vont être malades puis on traite les gens malades.

Dans cette perspective-là qui est un peu plus préventive, on se dit: Il y a moyen de travailler avec les parents, les communautés, avec d'autres approches que l'approche qui vise directement l'enfant, pour faire en sorte que notre vision, la vision des parents du développement des enfants devienne quelque chose de plus concret, plus important et que les parents y travaillent, se sentent davantage interpellés, que les communautés locales, les mairies locales, les commissions scolaires locales, les organismes communautaires le soient davantage. Donc, c'est un effort de groupe qu'il faut mettre en place pour tasser un petit peu l'ensemble du groupe. Alors, il faut conjuguer les deux.

Alors, le fonds... les approches SIPPE et puis OLO visent vraiment des populations qui sont en grande difficulté et puis les approches qui sont plus de développement communautaire visent l'ensemble de la communauté pour influer d'autres façons de voir le développement des enfants puis de mettre en place des choses comme des maisons pour la famille et des services légers d'intervention rapide pour ne pas que les enfants se détériorent parce qu'ils sont en attente de services.

Mme Samson (Isabelle): Juste un petit ajout très bref.

Le Président (M. Kelley): Dre Samson, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Samson (Isabelle): Oui, oui. C'est qu'on ne peut pas faire fi des résultats de l'enquête qui nous dit qu'il y a un très grand nombre d'enfants aussi qui sont vulnérables, là, ça dépasse largement le phénomène de la pauvreté. Et on ne dit pas, par une approche plus large, de ne pas avoir une préoccupation spécifique à l'intérieur d'une approche plus large pour rejoindre les clientèles les plus en besoin. Alors, c'étaient les deux petits ajouts que je voudrais faire, là. On ne perd pas notre préoccupation des clientèles vulnérables pour autant.

Le Président (M. Kelley): Court commentaire, court, court, parce que...

M. Bouchard: Deux petites secondes. J'attire l'attention des collègues sur le deuxième alinéa de l'article 1, là, où on dit «des enfants [...] de cinq ans et moins vivant en situation de pauvreté». Vous nous invitez à revoir cette phrase-là, dans le fond.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier, pour une courte intervention, s'il vous plaît.

M. Khadir: Bonjour, merci d'être avec nous, Dr Lessard, Dre Samson. Le député de Vachon ne nous a pas dit finalement si vous étiez le postier, là, qui apprenait des métaphores par coeur pour faire la cour où c'était... dans l'ardente patience, ou vous êtes la pulpeuse fille du... Hein, c'est dans cette histoire-là...

Mais ce qui est certain, c'est que, moi aussi, je me rappelle de l'impact qu'a eu, en 2006, votre rapport. Mais il me semble que ce que j'ai retenu dans ce rapport-là ? corrigez-moi si je me trompe ? c'est qu'on démontrait également que, malgré le fait qu'il y avait une répartition des services assez homogène sur le territoire de Montréal, c'est qu'on s'apercevait que, dans les zones où il y avait des écarts de richesse, des inégalités importantes dans les revenus, donc des problèmes de stratification économique, la vulnérabilité était plus grande. Est-ce que je me trompe?

M. Lessard (Richard): Non, vous avez parfaitement raison.

M. Khadir: Donc, à ce moment-là, est-ce que, s'il faut... Parce que vous avez mentionné tout à l'heure qu'on ne peut pas parler de développement de ces services de prévention, de cette approche communautaire... ça ne peut pas se faire sans travailler avec les communautés. Or, les organismes qui sont venus ici depuis les deux dernières semaines, il y a une constante, se plaignent d'être très largement sous-financés, en moyenne 50 000 $ par organisme. Est-ce que vous jugez que c'est suffisant, si ces organismes-là doivent, par exemple, être partie prenante de la table, pouvoir mieux négocier, comme vous l'avez dit? Est-ce que c'est suffisant comme financement?

Le Président (M. Kelley): Dr Lessard.

M. Lessard (Richard): Oui. Je pense qu'il y aurait, en tout cas, une étude, un coup d'oeil à jeter sur le financement des organismes communautaires, en particulier autour de la petite enfance et de la famille. Je pense que leur consolidation serait quelque chose à regarder, consolidation en termes de quantité d'organismes et en termes de financement des organismes.

n(11 h 30)n

Présentement, je pense que ces organismes font un travail énorme, considérable pour à peu près pas d'argent. Si on veut qu'ils fassent plus, qu'ils soient impliqués davantage dans les concertations, nous aussi, on nous dit constamment que ça prendrait plus de capacité de leur part de le faire, et leur financement vient presque totalement ou en tout cas en grande partie de l'État. Donc, cette capacité-là des organismes d'avoir plus d'influence et d'impact est fonction, tu sais, du budget qu'ils ont ou des ressources auxquelles ils ont accès. Et, dans les milieux les plus défavorisés, il y a plus de travail à faire.

M. Khadir: Donc, en filigrane de votre rapport, ce que j'en déduis, c'est que vous recommanderiez également que l'État reconnaisse mieux la contribution de ces organismes en les finançant plus adéquatement. Est-ce que je peux en déduire ça?

M. Lessard (Richard): Vous pouvez facilement en déduire. Et puis en particulier dans le 0-5 ans, même s'il y a plusieurs organismes présents, je pense qu'on pourrait, en particulier pour mettre en place, là, ce qu'on discutait tout à l'heure, là, un accès pour les parents qui n'ont pas nécessairement des enfants qui nécessitent Sainte-Justine, pour dire quelque chose, mais qui nécessitent des interventions plus légères dont l'objectif, c'est très certainement d'enlever de l'inquiétude aux parents, je pense que ça, ça pourrait être fait avec des niveaux d'intervention qui sont moins coûteux que Sainte-Justine mais qui seraient davantage répandus dans les communautés.

M. Khadir: Dernière question. Qu'est-ce qui manquait, à votre avis, mettons, à la structure qui est disponible dans les services publics, à l'intérieur du ministère de la Santé ou de ces différents services de l'État, pour que l'État ait besoin d'investir plutôt dans un fonds privé pour agir? Puisque vous avez, par exemple, page 8, énuméré tout ça, est-ce que, dans le fond, la population aurait été mieux servie si cet argent-là... évidemment avec une contribution des fondations Chagnon, en agissant avec conviction auprès de la fondation pour qu'ils donnent à l'État les moyens en finançant des gestes qui existent? Est-ce que je vous... Je ne comprends pas pourquoi, lorsqu'on voit qu'il y a une concertation puis qu'il y a toute une série de mesures qui sont déjà en élaboration, alors, pourquoi investir ailleurs?

M. Lessard (Richard): Bien, moi, dans la perspective où je me...

M. Khadir: Qu'est-ce qui vous manquait, autrement dit?

M. Lessard (Richard): ...d'où je proviens, d'où je viens, là, j'ai vu tellement peu d'argent en prévention, dans les 20, 25 dernières années, que, de voir de l'argent, quelle que soit la provenance, pour faire de la prévention, je trouve que c'est une bonne nouvelle. Si vous me dites qu'il y a trois façons de mettre 40 millions de plus dans le système, puis une c'est le communautaire, l'autre c'est le réseau de la santé, puis l'autre c'est la fondation, bien, je vais prendre les trois. Je vous réponds...

Mais, tu sais, s'il y en a une sur la table puis qu'on me dit: Regarde, il y a 40 millions pour faire de la prévention auprès des enfants dans les 10 prochaines années, honnêtement, moi, pour avoir, en tout cas, combattu ? dans un sens, là ? quelques années de ma carrière pour qu'il y ait plus d'argent dans une perspective de prévenir plutôt que de guérir, je vous réponds: Je vois plutôt ça comme une bonne nouvelle. Si le gouvernement veut faire d'autres interventions, d'autres investissements, c'est sûr que je vais être content aussi.

Le Président (M. Kelley): Alors, avant de terminer, je vais faire écho aux commentaires du député de Vachon. J'ai rencontré le Dr Lessard, il y a à peu près 14 ans, quand il y avait un incident tragique dans ma communauté, à Beaconsfield ? le député de Vachon aussi ? quand trois adolescents ont tué un vieux couple, un pasteur anglican et son épouse. Ça a été un moment très difficile. Et l'aide de la Direction de la Santé publique, vous-même, Dr Lessard, Dr Perreault aussi à l'époque, a été fort appréciée dans la communauté. Et c'est l'importance, encore une fois, le travail que vous faites.

Alors, sur ça, je vais suspendre quelques instants. Et je vais inviter les représentants... le Conseil de la famille et de l'enfance de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de céder la parole au prochain groupe, je vais juste faire appel à la discipline de tous les membres, parce qu'il faut libérer la salle à 12 h 30 pile parce qu'il y a une rencontre dans la même salle, à 12 h 30. Alors, sur ça, je suis prêt à céder la parole aux représentants du Conseil de la famille et de l'enfance, représenté par sa présidente, Mme Marie Rhéaume. Mme Rhéaume, la parole est à vous.

Conseil de la famille et de l'enfance (CFE)

Mme Rhéaume (Marie): Merci, M. le Président. M. le ministre de la Famille, Mmes et MM. les députés, j'aimerais d'abord remercier les membres de cette commission de nous offrir la possibilité de nous exprimer sur le projet de loi n° 7. Pour ce faire, je suis accompagnée de Claire Gagnon, qui est responsable des communications; d'Isabelle Bitaudeau, secrétaire générale; et de Jacinte Roberge, analyste-conseil. Ces deux dernières pourront également répondre à vos questions suite à ma présentation. Bien sûr, la famille est au coeur des préoccupations du Conseil de la famille et de l'enfance. En tant qu'organisme consultatif, nous devons nous assurer que l'intérêt des familles et des enfants soit pris en compte dans la prise de décision gouvernementale. C'est précisément à ce titre que le conseil est directement interpellé par le projet de loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants.

Du point de vue de la gestion des affaires publiques québécoises, ce type de fonds représente un modèle de gouvernance inédit. Alors que certains acteurs qualifient cette nouvelle forme de partenariat de PPP de la sphère sociale, le Conseil de la famille et de l'enfance préfère le décrire comme un partenariat en cofinancement et en cogestion dans la sphère sociale. Ici, c'est un progrès social qui est escompté par les partenaires, qui partagent à la fois le financement et le pouvoir décisionnel.

De par sa nature même, ce type d'entente modifie profondément les relations, tant sur les plans financier, administratif que politique, entre les partenaires que sont le gouvernement, les fondations privées, les milieux institutionnels et les organismes communautaires qui mettent en oeuvre les projets. C'est dire qu'il n'y a pas que deux partenaires dans cette aventure, le rôle de la société civile doit être pris en compte. Cette façon de faire ne compte au Québec qu'un seul précédent, le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie, créé en 2007. C'est donc une expérience très récente dont on connaît encore mal les implications.

Or, cette année, le gouvernement est en voie de créer deux autres fonds de même nature et, de surcroît, avec le même partenaire. Il y a le fonds de soutien aux proches aidants des aînés et le fonds de développement pour les jeunes enfants. Si le gouvernement va de l'avant, trois fonds cofinancés et cogérés avec la fondation Chagnon seront en opération en 2009, totalisant des investissements de 1 milliard de dollars sur 10 ans. Ce n'est pas rien.

En l'absence d'une législation de portée générale sur cette question, tout projet de loi impliquant la création de fonds cofinancés et cogérés avec le secteur privé oeuvrant dans le champ social exige un examen d'autant plus minutieux. Compte tenu des sommes en jeu, de la durée de vie du projet, des différents milieux impliqués et du nombre de familles visées, le conseil est d'avis qu'un débat sur le bien-fondé de cette pratique s'impose devant l'Assemblée nationale.

n(11 h 40)n

La création de tels fonds soulève un enjeu crucial, soit la possibilité que le secteur privé en vienne à identifier les problèmes, à orienter les solutions et à décider des actions à poser. Au contraire, l'action de tels fonds doit rester complémentaire à celle de l'État. De plus, il est primordial que la responsabilité ultime de l'ensemble de leurs activités revienne aux élus.

Devant la nouveauté de cette formule, les membres du conseil se sont, dès le départ, posé une question simple en apparence: Le Vérificateur général a-t-il un droit de regard sur cette nouvelle entité? La réponse, plutôt complexe, est bien illustrée dans notre mémoire. En résumé, il importe de retenir que le Vérificateur général a véritablement un droit de regard, mais la façon d'exercer ce pouvoir est plus laborieuse que dans le cas des fonds gouvernementaux habituels.

La deuxième question qui préoccupait les membres était la suivante: Par quel moyen l'État québécois peut-il garder le contrôle des activités de la société de gestion qui gère le fonds? Comme la société de gestion a la possibilité de confier à une autre personne morale l'administration des subventions des projets, on se retrouve en présence d'un troisième niveau de délégation: d'abord, du gouvernement à la société de gestion, puis de celle-ci à un mandataire. À notre avis, cette distance provoque inévitablement un affaiblissement du contrôle que peut exercer le gouvernement sur les activités du fonds. Un moyen d'assurer ce contrôle effectif serait d'assujettir le fonds à un plan d'action gouvernemental en matière de développement des jeunes enfants.

Un dernier aspect relatif à la reddition de comptes concerne le rapport d'activité déposé annuellement par le ministre. Tel que prévu dans le projet de loi, ce rapport ne concerne que la portion du fonds gouvernemental, c'est-à-dire qui rencontre uniquement des sommes consacrées par le gouvernement au fonds pour le développement des jeunes enfants. Il ne renseigne pas d'office sur l'ensemble des activités de la société de gestion. En conséquence, le conseil demande que l'article 13 du projet de loi soit modifié afin qu'à chaque année financière un rapport couvrant l'ensemble des activités de la société de gestion soit déposé par le ministre à l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne le soutien aux familles, le conseil s'est prononcé à plusieurs reprises sur le fait que l'on doive tendre vers un principe d'universalité, c'est-à-dire qu'il considère qu'il est possible d'accentuer les efforts à l'endroit des familles et des enfants des milieux défavorisés à partir d'une approche universelle. Le projet de loi, pour sa part, prévoit que le fonds sera affecté au financement d'activités ciblant les enfants âgés de cinq ans et moins vivant en situation de pauvreté.

C'est une différence fondamentale sur le plan de la philosophie d'intervention. Une approche universelle n'exclut pas la prise en compte de certaines situations et des besoins particuliers de certains milieux. Le choix de l'universalité évite les effets indésirables des actions ciblées envers une frange de la population telle que la stigmatisation. De plus, lorsqu'on parle d'enfants vivant en situation de pauvreté, on se voit obligés de définir des critères, ce qui comporte par définition des risques d'exclusion. À partir de quel seuil de revenus, de quel niveau d'incapacité va-t-on décider que tel enfant ou telle famille n'est pas admissible? En outre, toutes les familles sont susceptibles de se trouver à un moment ou l'autre en situation de vulnérabilité, particulièrement dans un contexte économique difficile comme celui dans lequel on entre.

Le conseil est d'avis que, pour être efficaces, les actions de promotion, de prévention et de protection doivent viser l'ensemble des familles. En conséquence, le conseil recommande au ministre de revoir l'article 1 du projet de loi pour refléter une approche inclusive, laquelle a une incidence directe sur les activités, projets et initiatives.

Par ailleurs, en tant que premier éducateur de leurs enfants, le conseil est convaincu que les parents ont un rôle crucial à jouer dans toutes les étapes de leur développement et, à plus forte raison, dans leur réussite scolaire. À notre avis, le projet de loi demeure vague sur la place qu'occuperont les parents dans les actions menées par le fonds. Le conseil craint qu'un contrôle social accru puisse s'exercer sur les familles en situation de pauvreté et qu'on accentue une attitude prescriptive à leur endroit. Le conseil souhaiterait avoir l'assurance que les parents occupent une place centrale dans la philosophie d'intervention du fonds. À cet effet, il aimerait que le projet de loi reflète de façon plus claire le principe de soutenir les parents dans leur rôle.

Non seulement le gouvernement du Québec pose-t-il déjà des actions majeures dans le domaine de la petite enfance, mais une aide substantielle existe aussi pour les enfants de cinq ans et moins issus de milieux défavorisés. À titre d'exemple, mentionnons l'imposant Programme de services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l'intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité, qui est géré par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

La cohérence des actions du fonds avec celles du gouvernement constitue, à notre avis, un facteur déterminant. Selon la formule proposée dans le projet de loi, cette obligation se retrouve dans une entente administrative intervenant entre les parties. Le conseil est d'avis qu'elle devrait plutôt figurer dans la loi elle-même en vue d'éliminer toute équivoque. En conséquence, le conseil préconise l'ajout d'un article dans la loi, précisant que la création du fonds pour le développement des jeunes enfants s'inscrit dans le sillage d'un plan d'action gouvernemental.

Par ailleurs, le conseil est unanime sur les inquiétudes à formuler quant à la durée de vie du fonds. Des sommes importantes vont être investies dans les projets nationaux et locaux. Qu'est-ce qui va arriver lorsque les subventions vont prendre fin? Il semble plutôt irréaliste de penser que des formules d'autofinancement seront en place rapidement. Le conseil est préoccupé par l'impact que le manque de pérennité des actions pourra avoir sur les familles.

Par ailleurs, étant donné la nouveauté de ce mode d'intervention, il serait indiqué qu'un rapport d'évaluation de l'ensemble de cette expérience soit déposé à l'Assemblée nationale lorsque le fonds cessera ses activités, dans 10 ans, et qu'on ajoute une disposition en ce sens au projet de loi. Une telle évaluation permettrait de juger de la pertinence de créer des fonds à formule mixte de financement et de tirer les leçons d'usage.

En conclusion, le conseil est conscient des nombreux besoins des familles et des enfants de milieux défavorisés. Il convient que l'on doive accentuer les efforts pour favoriser l'égalité des chances des enfants. D'ailleurs, il reconnaît que le gouvernement du Québec a agi comme chef de file dans le développement de services à la petite enfance, comme l'illustre le déploiement du réseau des services de garde éducatifs.

Dans le cas du projet de loi n° 7, c'est plutôt sur le moyen proposé pour soutenir le développement de ces enfants que le conseil se questionne. Il croit en effet que la création d'un fonds en partenariat avec le secteur privé, où l'on partage à la fois le financement et le pouvoir de décision, constitue un nouveau mode d'intervention auprès des familles. Celui-ci remet en cause des pratiques établies de longue date, et sa légitimité n'est pas encore établie. En soi, cela mérite un débat public.

En résumé, le conseil propose cinq amendements au projet de loi pour éviter les écueils qu'il présente dans sa forme actuelle. Ils ont trait à l'adoption d'une approche plus inclusive, à la clarification du rôle des parents, à l'inscription des actions du fonds à l'intérieur des priorités de l'État, à l'obligation de déposer un rapport couvrant l'ensemble des activités de la société de gestion et finalement à l'évaluation de l'expérience du fonds.

Nous croyons que ces balises permettront de mieux encadrer ce projet de loi. Nous souhaitons ainsi que le ministre dispose de tous les outils pour exercer sa responsabilité envers les familles et favoriser l'égalité des chances des enfants. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Rhéaume. On va vite passer à la période d'échange, avec deux blocs de 20 minutes. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Rhéaume, Mme Bitaudeau, Mme Roberge, Mme Gagnon, merci d'être avec nous aujourd'hui et de nous entretenir de la vision du conseil vis-à-vis le fonds pour le développement des jeunes enfants. Je vous remercie beaucoup du mémoire, des pistes d'amélioration au projet de loi qui sont importantes pour vous puis pour le conseil, puis, je pense, qui viendront bonifier en quelque sorte le fonds pour le bien-être des enfants en général.

Je voulais peut-être vous entendre un peu plus. Dans votre mémoire... Puis vous portez une attention particulière ? et tantôt la Direction de la santé publique de Montréal en a fait aussi mention ? à l'apport des parents comme acteurs principaux. La Direction de la santé publique a été un peu plus précise, pour dire: Oui, oui, il faut prendre en considération les parents, mais il faut cibler les jeunes enfants dans leurs besoins qu'ils ont de développement tout au long de la tendre enfance. Il y a d'autres groupes aussi, les gens des familles monoparentales et reconstituées sont venus nous dire la même chose, que les parents ont un rôle, puis les autres groupes de la semaine dernière aussi, la même chose.

Vous nous dites, dans votre mémoire, que ce n'est pas suffisant, on ne va pas assez loin avec l'article 2°... l'alinéa 2°, là, qui dit que c'est «soutenir les parents, dès la grossesse, en leur procurant les outils les plus susceptibles de contribuer à ce développement».

n(11 h 50)n

Avez-vous d'autres éléments qui pourraient être inclus dans le projet de loi? Vous voyez ça comment, vous, cette implication? Vous voulez que le projet de loi aille jusqu'où? Quel genre de mesures pourraient être intégrées au projet de loi pour que cette participation des parents soit beaucoup plus importante, comme vous le dites, là? À ce que je comprends, l'alinéa 2° n'est pas satisfaisant pour vous, là. Vous le voyez comment?

Le Président (M. Kelley): Mme Rhéaume.

Mme Rhéaume (Marie): Merci, M. le Président. D'abord, on n'est pas des légistes, on n'est pas en mesure de rédiger, comme tel, un article de loi qui le préciserait, mais, à tout le moins, il faudrait s'assurer que les parents sont étroitement impliqués dans le développement des projets, que ce soit de participer, au niveau du terrain, aux activités de mise en place. C'est sûr que les parents ne peuvent pas avoir une présence au niveau national, mais que, sur le terrain, on se soucie de leur implication, qu'on se soucie de les faire participer aussi aux activités.

Si on prend par exemple dans le cas de la persévérance scolaire ou du développement des enfants, on peut favoriser le développement des enfants, mais, si les parents ne sont pas associés, quand l'enfant va avoir cinq ans, ça va être autre chose, le parent ne sera pas plus habilité ou équipé pour soutenir l'enfant au moment où celui-ci va entrer à l'école. Donc, c'est important que les parents soient vraiment associés de près à toutes les activités qui vont se développer, qu'on ne se contente pas de dire: On va agir sur les enfants, mais on va laisser de côté, là, ce qui concerne le développement des habilités parentales.

M. Tomassi: En réalité, votre message, à la limite, là, ce n'est pas la réécriture d'un article de loi, mais votre message, c'est plutôt un message qui est lancé à la société de gestion et au gouvernement, qui vont être dans le comité paritaire pour la société de gestion, à mettre en place ou à favoriser aussi, dans les projets qu'ils vont soutenir, la participation des parents, là. C'est ce que je comprends, là. Parce qu'en réalité je crois que l'article 2°... l'alinéa 2° tend à aller dans cette direction-là, soutenir les enfants. On pourrait peut-être choisir un autre mot que «soutenir» pour qu'il soit un peu plus fort. Mais en réalité votre message que vous passez, c'est de dire: Bon, bien, oui, il y a les enfants, mais il faut que les parents participent aussi activement au développement des jeunes enfants. Parce que, même si on met des mesures spécifiquement pour les enfants puis que les parents ne sont pas soutenus, on ne règle pas le problème, là. Le cercle vicieux peut réapparaître à l'âge de six ans, sept ans, quand le fonds n'a plus d'activité, là. C'est un peu ça que je comprends, là.

Mme Rhéaume (Marie): Oui.

M. Tomassi: O.K. Dans votre mémoire et tout au long... dès la première journée, des groupes sont venus nous parler de cette importance d'avoir des gens de la société civile dans la société de gestion, parmi les membres qui vont former... Vous parlez aussi, vous aussi, de ce comité de... Il y a un comité de liaison qui va être mis en place, là, qui pourrait être mis en place pour permettre aux organismes communautaires à mettre sur la table des questionnements ou les difficultés qu'ils ont, par l'entremise de la gestion du fonds, là, pour essayer de peut-être ? comment je pourrais vous dire ça? ? venir compenser la difficulté qu'ils ont eue vis-à-vis Québec en forme.

Vous parlez, vous aussi, du comité de pertinence, qui est un élément qui a... Je pense, c'est l'AQCPE qui est venue nous en parler, où est-ce que c'était un élément important à intégrer au sein de la société de gestion, ce comité, qui pourrait, lui aussi, d'une manière, être... il faut qu'il soit paritaire, gouvernement-fondation et, à la limite aussi, membres de la communauté civile, c'est tout à fait naturel.

Il y avait un bémol que j'ai mis en place, que j'ai dit publiquement vis-à-vis certains groupes, c'est que les membres de la société civile ne devraient pas être des membres qui soient ou qui seraient bénéficiaires directement du fonds. La Direction de la santé publique est venue dire la même chose, pour dire: Oui, il faut des gens de la société civile, mais il ne faut pas que ce soient des gens qui viennent en quelque sorte être bénéficiaires. Est-ce que, dans votre énumération, de dire: C'est des gens de la société civile qu'il faut qu'ils soient membres et du comité de gestion et du comité de pertinence, vous allez dans le même sens, où est-ce que c'est des gens de la société civile, oui, mais il ne faut pas qu'ils aient de lien direct avec l'attribution des fonds? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Rhéaume (Marie): Mais c'est bien évident, ça nous semble une mesure tout à fait pertinente de penser qu'il ne faut pas que ce soient des gens qui bénéficient des projets. Par contre, il faut quand même que ce soient des gens qui ont une bonne connaissance des milieux parce qu'il ne suffit pas de mettre quelqu'un de la société civile, mais quelqu'un qui serait comme tellement loin de la réalité de ce que les gens, les familles, les groupes, même les milieux institutionnels vivent sur le terrain. Donc, c'est important d'avoir quelqu'un qui connaît bien la situation. Mais c'est évident que ça ne doit pas être quelqu'un qui pourrait éventuellement bénéficier des fonds, là. Ça, c'est certain.

Par ailleurs, on a parlé aussi de la question d'un mécanisme de plainte. Selon moi et selon les membres du conseil, c'est une disposition qui pourrait être tout à fait intéressante pour aider justement à surmonter les difficultés en cours d'implantation pour que justement les arbitrages puissent être faits de manière correcte, là. De la même manière qu'un comité de pertinence aussi pourrait certainement contribuer au développement de projets intéressants pour les communautés.

M. Tomassi: Écoutez, M. le Président, pour moi, ça va aller. Je vais laisser le collègue...

Le Président (M. Kelley): Parfait. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Bonjour. Alors donc, merci beaucoup du dépôt de votre mémoire. Et, par rapport au projet de loi, je voudrais juste faire une mise en contexte du projet de loi. C'est qu'au fond le projet de loi, moi, l'idée que j'en ai, c'est finalement pour maximiser les ressources disponibles. Donc, l'objectif, ce n'est pas de se substituer aux ressources existantes sur le terrain. Et également, par rapport à la cible qui est touchée dans le projet de loi, c'est que la préoccupation à l'égard des enfants des milieux défavorisés est au coeur finalement de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, mais également du Plan d'action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Et également, ce matin, la Direction de la santé publique nous a indiqué qu'il s'agissait d'un partenariat nouvelle forme mais qui offre quand même de nouvelles opportunités par rapport à la clientèle dont il est question. Et ce qu'ils disaient ce matin: Un fonds consacré au développement des enfants vivant en situation de pauvreté afin de favoriser la réussite de leur entrée scolaire et la poursuite de leur scolarité s'inscrit dans les priorités de plusieurs ministères et partenaires.

Donc, moi, ce que je voudrais que vous m'indiquiez par rapport à... pour juste m'éclairer là-dessus, c'est... Vous dites, dans votre mémoire, que le conseil souhaiterait voir la philosophie d'intervention du fonds évoluer vers une approche plus inclusive. Donc là, on élargit. Mais, en même temps, vous ajoutez qu'il faut assurer la cohérence des activités du fonds avec l'ensemble des actions gouvernementales. Pouvez-vous me dire en quoi, d'après vous, le fonds, tel que proposé, ne correspond pas aux actions gouvernementales, puisque d'autres organismes sont venus nous dire qu'au contraire, par rapport aux orientations gouvernementales, c'était fort pertinent? Et justement comment vous voyez possible cette inclusion-là par rapport à la cible qui est identifiée?

Par exemple, le programme national de santé et de sécurité publiques, leur objectif, c'est d'augmenter d'ici 2012 la proportion d'enfants de zéro à cinq enfants pour améliorer le développement moteur, langagier, cognitif et social optimal. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette affaire-là de la cohérence avec les actions gouvernementales, puisque je pense que, dans le projet de loi, il n'y a rien qui dit que... Au contraire, je pense que l'objectif, c'est que ça s'inscrit à l'intérieur des actions gouvernementales. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Kelley): Mme Rhéaume? Mme Bitaudeau.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Bien, en fait, il y a un élément... Dans le projet de loi, en fait, on a de la difficulté à cerner de quelle manière les activités du fonds vont s'inscrire dans un plan d'action gouvernemental parce qu'il y a plusieurs éléments qui sont davantage... bien, qui, semble-t-il, seront davantage développés dans l'entente administrative qui s'opérera entre le ministère de la Famille et la fondation afin de créer la société de gestion.

Dans le projet de loi lui-même, effectivement, il n'y pas d'élément qui nous laisse penser que ce ne sera pas le cas, mais il n'y a pas non plus d'élément qui l'inscrive clairement dans le projet de loi. Et c'était là-dessus que les membres du conseil trouvaient important justement que le projet de loi en fasse mention lui-même et qu'on n'attende pas la signature d'une entente administrative pour comprendre cet effet-là, que ce soit vraiment clairement identifié à l'intérieur du projet de loi lui-même.

M. Lehouillier: Donc, si le fonds s'inscrivait à l'intérieur des orientations gouvernementales et des actions gouvernementales, donc, les priorités, est-ce qu'à ce moment-là, au niveau du fonds, vous seriez prêtes à dire: Bon, bien, oui, voilà, on vient de franchir un pas intéressant? Est-ce que c'est ça que je comprends?

n(12 heures)n

Mme Bitaudeau (Isabelle): Bien, pour les membres...

M. Lehouillier: Si vous avez cette assurance-là, que ça s'inscrit à l'intérieur.

Mme Bitaudeau (Isabelle): D'après ce que j'en comprends, pour les membres, effectivement, ce serait une assurance intéressante à avoir parce que ça permettrait, en fait, de comprendre que, ce fonds-là, c'est le gouvernement qui en garde le leadership, qui décide des orientations, qui l'inscrit dans sa propre vision à l'égard des familles et des enfants.

M. Lehouillier: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci pour vos commentaires. On a fait, à partir des personnes, des organismes qui sont venus faire des représentations ici, deux grands constats: d'abord, que la période 0-5 ans est une période extrêmement importante pour le développement de l'enfant, on dit même que tout se joue à partir de 0-5 ans; l'autre élément, c'est qu'on fait le constat que les enfants qui vivent en situation de pauvreté sont plus susceptibles de rencontrer des problèmes de développement et également des difficultés lors de leur parcours scolaire.

Dans la gamme des services qui est offerte actuellement pour cette clientèle-là, autant par le réseau de la santé et des services sociaux, le CSSS, le centre jeunesse, les organismes communautaires, ainsi de suite, est-ce qu'il y a une lacune importante dans cette gamme-là ou est-ce qu'il manque un service important? Et comment le fonds pourrait corriger ou contribuer concrètement à corriger cette lacune-là, si elle existe? Et comment on pourrait aider davantage ce groupe d'enfants là, selon vous?

Le Président (M. Kelley): Mme Rhéaume.

Mme Rhéaume (Marie): Merci. C'est certain qu'il y a toute une panoplie de mesures qui ont été mises en place. C'est par plusieurs ministères aussi, autant du côté de Santé et Services sociaux, avec les différents programmes qui existent, comme celui que j'ai mentionné plus tôt. Il y a aussi les services de garde qui ont une mission éducative et dont c'était le but comme d'améliorer les chances à l'égalité pour les enfants. C'est certain qu'on se bute toujours, dans les différentes mesures qu'on met en place, au fait qu'il est possible que les familles qu'on souhaite rejoindre ne participent pas aux activités. Et d'ajouter une activité supplémentaire, avec la mobilisation des communautés, la contribution autant des organismes communautaires et de l'ensemble des partenaires sur le terrain, c'est important.

Et je pense que la préoccupation qu'on avait en parlant d'une approche inclusive, c'est de dire que, oui, on tente de rejoindre les familles et de développer une culture de soutien à la famille, de soutien à l'ensemble des familles. Parce que ce qui arrive parfois dans les programmes, quand c'est trop ciblé de manière directe ou de manière précise, ce qui se produit, c'est que les gens vont dire: Aïe! moi, je ne vais pas dans cette ressource-là, c'est les mauvais parents qui vont là, ou je ne vais pas dans cette ressources-là, c'est parce que... tu sais, si je rentre dans cet endroit-là, ça veut dire que je ne suis pas un bon parent ou encore que je pourrais me faire enlever mon enfant. Ça, c'est souvent une crainte qu'on peut rencontrer dans certains milieux.

Donc, pour nous, cet élément-là, ça plaide vraiment en faveur d'une approche inclusive qui fait qu'il y a des parents qui ont plus de difficultés, moins de difficultés, mais qu'on crée vraiment des lieux accessibles à l'ensemble des familles d'un milieu.

M. Chevarie: J'ajouterais peut-être un commentaire, puis entendre rapidement votre réaction. Souvent, en milieu scolaire, j'entends beaucoup des profs, des directions de commission scolaire nous disent: Ce n'est pas les parents dont les enfants ne présentent pas de difficulté qui se présentent aux rencontres avec les commissions scolaires, mais c'est plus les familles qui sont en difficulté, justement, où les élèves sont en difficulté, qui ne se présentent pas à ce genre de rencontres là. Alors, comment est-ce que vous réagissez à ça?

Mme Rhéaume (Marie): Bien, c'est des choses qui s'expliquent souvent par le vécu que ces familles-là ont pu avoir avec les réseaux institutionnels. Si, dans votre parcours, ça a été difficile pour vous à l'école ou ça a été difficile, je veux dire, ce n'est pas parce qu'il y a une rencontre de parents avec les élèves que vous allez vous sentir nécessairement à l'aise de participer à ces activités-là. Donc, c'est vraiment de réussir à créer des lieux où l'ensemble des parents se sentent bienvenus à participer, où il n'y a pas d'étiquette, où il n'y a pas de stigmatisation, et de créer un climat, dans les communautés, favorable au soutien des familles, à l'accueil des familles, au soutien des enfants. Donc, on pense que c'est un peu à ça qu'une approche plus inclusive va répondre.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Vous avez parlé beaucoup de l'importance du soutien aux parents. J'aimerais ça vous entendre sur les actions que vous préconiseriez pour les parents. Parce qu'on sait qu'effectivement c'est important d'intervenir auprès des enfants, mais on sait aussi qu'il faut qu'il y ait un certain niveau d'intervention auprès des parents. Est-ce que vous avez des pistes d'action à nous suggérer?

Mme Rhéaume (Marie): Bien, il y a certainement... dans la vie des familles, il y a comme des fenêtres d'opportunité, qu'on peut dire. À l'arrivée d'un enfant, c'est toujours un moment qui crée un espoir intense, tout est possible. Donc, il y a des périodes qui sont plus propices pour intégrer des parents, tu sais, avant qu'ils puissent s'identifier comme des mauvais parents, quand ils sont des nouveaux parents. Donc, ça peut être des cheminements qui vont favoriser la participation des parents, l'inclusion de l'ensemble des parents, et un travail qui peut se faire auprès d'eux, qui va comme dans la bonne direction, dans le sens où le parent apprend, développe des nouvelles choses, voit d'autres parents qui font des choses similaires. Puis c'est ça, c'est une culture en faveur des familles, en faveur des enfants qu'il faut développer. Donc, je ne peux pas aller beaucoup plus loin que ça, mais je pense qu'il y a moyen de développer vraiment, d'autant plus qu'on parle du 0-5 ans, de développer vraiment des initiatives susceptibles de bien soutenir les familles.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire.

Mme St-Amand: Est-ce qu'à votre connaissance... Parce qu'on le sait qu'il existe beaucoup d'organismes pour soutenir les enfants, on en a entendu beaucoup parler. Est-ce qu'à votre connaissance il existe beaucoup de support aux parents présentement, que ce soit dans les organismes communautaires ou de ce que vous connaissez, là, vraiment dans...

Mme Rhéaume (Marie): Bien, pour ce qu'on en sait, avec les partenaires qu'on a, c'est certain qu'il y a déjà des interventions, des activités qui se font, dans le milieu communautaire entre autres, où la philosophie, c'est vraiment d'intervenir toujours avec les parents, là, de ne pas mettre les parents de côté, dans le genre envoyer les parents au travail, puis dire: On va s'occuper des enfants. C'est vraiment d'aider aussi les parents à cheminer au niveau de leur rôle et d'enrichir leurs habiletés parentales, là. Donc, c'est des façons de faire les choses qui souvent vont donner des bons résultats, vont porter fruit.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les gens du Conseil de la famille et de l'enfance, Mme Rhéaume, Mme Bitaudeau, Mme Roberge et Mme Gagnon. Merci pour votre mémoire qui est d'une grande qualité, qui est fort inspirant pour les parlementaires.

Vous nous dites, dans votre mémoire, que vous souhaitez qu'il y ait un large débat public, que, de votre point de vue, il y a un changement d'orientation avec la multiplication des fonds qui sont créés par le gouvernement et que ça suscite des débats importants.

La CSQ est venue nous rencontrer dans le cadre de ces consultations-là et a indiqué qu'elle aurait souhaité qu'au moment des consultations particulières le gouvernement fasse connaître le protocole d'entente qui a été négocié entre le ministère et la fondation.

Est-ce qu'à votre avis c'est un élément incontournable? Et est-ce que le gouvernement aurait dû rendre public et rendre disponible pour les groupes qui préparaient des mémoires cet outil important, puisque vous disiez, madame, tout à l'heure, que vous sembliez trouver qu'il y a plus d'éléments dans l'entente administrative qu'il y en a dans le projet de loi?

Le Président (M. Kelley): Mme Bitaudeau.

Mme Bitaudeau (Isabelle): Merci. Écoutez, c'est sûr qu'avoir sous les yeux l'entente, ça aurait été facilitant pour en mener l'analyse, ça, très certainement. On s'est appuyés, en fait, nous, pour élaborer notre mémoire et récolter les éléments qui nous permettaient de produire l'analyse, sur le modèle qui nous était proposé, c'est-à-dire l'entente qui est intervenue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux à l'occasion de la création du fonds sur les saines habitudes de vie, alors ça a été à partir de ce modèle-là qu'on a poussé certains points de l'analyse.

n(12 h 10)n

Je crois que ce que les membres voulaient avant tout souligner, c'est qu'effectivement on est amenés à analyser, projet de loi par projet de loi, une nouvelle façon de faire, en fait, qui nous est proposée par le gouvernement et qui propose des alliances avec des acteurs privés. Évidemment, les membres saluaient une arrivée massive d'argent ? personne ne peut être contre la vertu ? et puis un investissement massif à la fois dans l'enfance et dans la famille. Là-dessus, les membres n'avaient pas de réaction négative, je dirais. Sauf que ce sur quoi ils voulaient mettre l'accent, c'était le fait que la multiplication des projets de loi ? on en est rendus au troisième à l'étude aujourd'hui ? ça révélait, en fin de compte, l'ampleur d'un investissement qui aurait peut-être mérité un débat public, à la fois parce que les deux partenaires qui sont... bon, qui ne sont pas forcément présents dans le projet de loi lui-même mais qu'on sait présents, c'est-à-dire le gouvernement et un acteur de la fondation Chagnon, en l'occurrence...

Les projets prévoient une grande participation de bien d'autres acteurs. Donc, en fin de compte, les deux projets prévoient l'action de plusieurs acteurs sur le terrain, mais ils ne sont pas associés, je dirais, quand on lit le projet de loi lui-même, ils sont un peu... ils sont mentionnés comme ceux qui feront les activités sur le terrain, mais ils ne sont pas associés ni à la prise de décision ni à la gestion de la société de gestion. Et c'est un peu ce que les membres voulaient souligner, c'est qu'on n'est pas réellement en présence de deux partenaires, on est en présence de beaucoup plus de partenaires. Et c'est ce qui motivait, je pense, pour les membres, la proposition que davantage d'acteurs de la société civile soient présents à l'administration de la société de gestion.

M. Girard: Est-ce que je comprends de vos propos que vous nous dites: Il y a beaucoup d'éléments dans un protocole d'entente, on ne l'a pas encore consulté, mais, pour nous, on ne veut pas donner un chèque en blanc au gouvernement, on veut qu'il y ait des modifications profondes au projet de loi n° 7 afin que les principes que vous avez énoncés dans votre mémoire se retrouvent dans la loi par l'ajout de nouveaux articles et que simplement une entente de gestion négociée à part entre le ministère et la fondation n'est pas suffisant, mais que ça prend des amendements législatifs pour que les principes auxquels vous tenez, comme conseil, se retrouvent dans le projet de loi et donnent des garanties sur le plan de la reddition de comptes, notamment?

Mme Bitaudeau (Isabelle): Je crois que là-dessus, effectivement, le mémoire est assez clair. Le conseil en est venu à proposer cinq amendements au projet de loi, à la fois pour refléter la présence effectivement d'autres acteurs, comme la discussion qu'on a eue tantôt sur la place des parents aussi, clarifier un petit peu le concept qui, dans le projet de loi, apparaît: favoriser le développement des enfants «de concert avec les parents», si ma mémoire est bonne. Donc, il y avait une demande de clarification de cet élément-là, la volonté aussi... enfin, le souhait des membres, en fait, que clairement le gouvernement imprime sa vision et que le fonds et la société de gestion soient davantage assujettis à un plan d'action décidé préalablement.

Ensuite, il y avait une proposition d'amendement touchant le rapport d'activité, pour s'assurer effectivement d'avoir davantage de contrôle étatique ou gouvernemental sur l'ensemble des activités et non pas seulement sur la part de financement amenée par le gouvernement. Et la dernière avait trait à l'évaluation, à la fin de la période du fonds, de l'ensemble de l'activité du projet. Ça fait qu'il y avait effectivement cinq amendements. Je pense que là-dessus le mémoire était assez clair.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin.

M. Girard: Vous revenez à plusieurs reprises, à la page 10, 11, à la page 21, en conclusion, sur le sentiment que le projet de loi, tel que formulé, n'offre qu'une reddition de comptes partielle. Et vous nous dites aussi que, tel qu'il est rédigé, sur le rôle que pourra jouer le Vérificateur général, par exemple, ça complexifie un peu, selon la façon dont le projet de loi est rédigé. Moi, j'aurais aimé vous entendre davantage sur la façon d'assurer une meilleure reddition de comptes puis un contrôle des activités de la société de gestion parce que vous en faites état de façon importante dans votre mémoire.

Le Président (M. Kelley): Mme Roberge.

Mme Roberge (Jacinte): Écoutez, c'est sûr qu'il s'agit d'un aspect plus technique du projet de loi. C'est un nouveau mode d'intervention, une nouvelle façon qu'on n'a pas vue... enfin, on l'a vue une fois avec le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie. Alors, si on le résume de façon simple, le projet de loi qui est soumis à l'étude, c'est un ensemble de dispositions qui concernent, en termes de mécanisme de contrôle, la reddition de comptes pour la part des fonds qui vont être versés par le gouvernement.

Maintenant, c'est la première fois qu'on voit un fonds qui est constitué avec une société de gestion qui entre en ligne de jeu un petit peu plus tard. Donc, dans les derniers fonds qui ont été constitués, par exemple sur les activités physiques ou quoi que ce soit, c'est toujours... enfin, à date, ce qu'on a vu, c'étaient des fonds gouvernementaux simplement. Là, on introduit une distance, si on peut dire, par rapport au contrôle, aux mécanismes de contrôle qu'on est habitué de voir parce que la société de gestion... en fait, le gouvernement va faire transiter des fonds vers une société de gestion qui est un organisme à but non lucratif, et la fondation va également faire transiter sa contribution à la société de gestion. Or, cette société de gestion là, c'est un organisme à but lucratif, oui. Il va y avoir des mécanismes de reddition de comptes qu'on connaît pour les organismes à but non lucratif. Mais on ne sait pas, par exemple, quelle va être la composition du conseil d'administration, de façon très précise, on ne sait pas quels sont les paramètres qui vont encadrer les actions de la société de gestion comme telle.

On sait, parce qu'on a fait des vérifications, etc., que ça va être considéré comme une entreprise du gouvernement, probablement, si la société de gestion est paritaire. Maintenant, dans les autres entreprises du gouvernement, par exemple, je ne sais pas, Hydro-Québec ou la société des alcools, il y a une loi complète qui vient encadrer la façon, le mode de fonctionnement, tout ce qu'on disait tout à l'heure, comment le conseil d'administration va être formé, comment il va fonctionner et toutes les autres obligations.

Donc, ce qui est un peu flou actuellement, c'est ce nouveau modèle qu'on met en place, et il n'est pas vraiment encadré par le projet de loi qui est sur la table actuellement. Le projet de loi prévoit qu'on va créer une société de gestion et les paramètres de contrôle vont être dessinés dans un protocole d'entente et une convention de financement, etc. Mais, pour nous, pour le conseil, c'est clair qu'il y a là un affaiblissement des mécanismes de contrôle habituels. Et c'est pourquoi, si le projet de loi, par exemple, prévoit que le ministre dépose un rapport d'activité sur le fonds, on en comprend qu'il dépose un rapport d'activité sur la quote-part qu'il investit. Il n'y a aucune garantie que les parlementaires, le gouvernement lui-même et les parlementaires en général, aient, de façon périodique et... enfin annuellement, un rapport sur l'ensemble des activités de la société de gestion.

Alors, c'est un petit peu ça qui est mis en relief dans toute cette discussion. Ce que le conseil amenait, en fait, c'était d'être prudent, d'introduire une certaine prudence et de voir: Est-ce qu'il n'y a pas lieu de mettre dans ce projet de loi un certain nombre de garanties par rapport... par exemple, que le rapport d'activité prévu soit celui de la société de gestion, ce qui ferait qu'automatiquement, à chaque année financière, il y aurait un dépôt à l'Assemblée nationale de suivi? Sinon, il y a d'autres mécanismes, effectivement, qui peuvent entrer en ligne de compte. La Commission des affaires sociales peut faire un mandat d'initiative, etc. Mais c'est un petit peu notre compréhension et les inquiétudes que le conseil avait par rapport à un contrôle un peu dilué ou une distance qu'amène la création d'une société de gestion.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Gouin.

M. Girard: J'ai une autre question. Après ça, je vais passer la parole à mon collègue de Vachon. À la page 13, vous nous dites, et je cite l'extrait du mémoire: «...aucune disposition du projet de loi, dans sa formule actuelle, ne garantit que le gouvernement conservera la maîtrise d'oeuvre des activités découlant du fonds. C'est pourtant une règle de base dans les grands projets d'infrastructure réalisés en partenariat public-privé.» Et vous nous dites, un peu plus loin, que vous craignez qu'il y ait des risques de chevauchement avec l'ensemble des initiatives existant, soit à travers les centres de la petite enfance, les CLSC et d'autres projets qui existent déjà. J'aurais aimé vous entendre davantage sur cet élément de votre mémoire.

n(12 h 20)n

Mme Rhéaume (Marie): C'est la raison pour laquelle on demande que ce soit inclus dans un plan d'action gouvernemental qui recenserait l'ensemble des activités qui ont trait au développement des jeunes enfants, là, s'il y a des mesures au niveau de la lutte contre la pauvreté, mais que tout soit regroupé pour qu'on soit en mesure de bien établir que justement on couvre l'ensemble des éléments et on le couvre de la meilleure façon possible.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vachon, il vous reste quatre minutes.

M. Bouchard: Oui. Alors, écoutez, je vais... Bonjour, d'abord. Je vous ramène à la page 15 de votre mémoire, et c'est une question lancinante, là, moi, qui me préoccupe beaucoup, toute la question de l'approche inclusive. Les enfants de 0-5 ans qui vivent dans des familles qui présentent de très hauts risques, là ? puis on ne rentrera pas dans la définition précise de ce que c'est, hein? ? sont surreprésentés parmi les enfants qui, entre 20 et 40 mois, ont des difficultés de développement langagières. C'est des enfants qui passent beaucoup plus de temps seuls devant la télévision. Ce sont des enfants qui fréquentent moins des services ou des programmes de stimulation dans leur communauté.

Si on a énormément d'argent, on vise tout le monde et en espérant en mettre plus là où ça en prend le plus. Moi, j'ai comme l'impression qu'on n'aura jamais ce type de cagnotte là. Et ce qui me préoccupe, c'est: si on approche la question d'une façon inclusive, est-ce qu'on ne va pas en donner un peu à tout le monde mais pas suffisamment à ceux et à celles qui en auraient le plus besoin?

Mme Rhéaume (Marie): Mais, quand on parle d'une approche inclusive, ça peut être une approche aussi dans des milieux où c'est identifié comme plus vulnérable. Ce qu'on veut dire, c'est de ne pas limiter l'accès seulement aux familles en très grande difficulté parce que, là, on développe des endroits ou des initiatives où les gens peuvent en venir à dire: Non, moi, je ne veux pas aller là parce que c'est stigmatisant, parce que c'est les mauvais parents qui vont là, parce que...

Donc, il faut vraiment trouver un équilibre entre, oui, donner... soutenir ceux qui en ont le plus besoin mais, en même temps, ne pas faire ça d'une manière qui ferait que quelqu'un qui en a peut-être besoin à peu près autant mais qui n'a pas le même niveau de revenus ou qui ne vit pas la difficulté de manière aussi intense que l'autre, on va dire: Bon, toi, tu restes à côté puis...

Puis il y a aussi tout un effet d'entraînement qu'il ne faut pas négliger. Si on met seulement des gens qui sont en très grande difficulté ensemble, il peut arriver que ça n'ait pas l'effet d'entraînement souhaité, non plus. Donc, c'est important, tu sais, de mélanger un peu les personnes qui vont fréquenter les activités. C'est là-dessus qu'on parle de... C'est comme une approche, bien, c'est ça, inclusive.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Un dernier échange avec M. le député de Mercier.

M. Khadir: Bonjour, mesdames, merci pour votre mémoire. Comme plusieurs, vous avez souligné les interrogations sur le fonds de gestion, sa redevabilité, la transparence de ses activités, une reddition de comptes. À date, en fait, je ne sais pas si M. le ministre va nous éclaircir un peu plus là-dessus, comme le député de Gouin, nous sommes plusieurs à penser que ce serait bien d'avoir le protocole d'entente entre le gouvernement et la fondation privée qui va investir des fonds.

Moi, j'ai insisté, pour ma part, en écrivant une lettre, que le président de la commission a reçue, à la famille Chagnon pour que la famille Chagnon ou un de ses représentants de la fondation vienne se présenter ici et répondre à quelques-unes de nos interrogations. Malheureusement, lors de l'examen du projet de loi n° 6, ils ont répondu négativement à l'invitation qui leur avait été faite par la ministre des Aînés.

Maintenant, peut-être, un moyen d'améliorer ce qui va se passer, parce que, bon, on s'en va vers là, c'est le conseil d'administration. Plusieurs fois, M. le ministre, par des questions qu'il a posées aux différents intervenants, se demandait, bon: Est-ce que c'est bien que des gens qui vont éventuellement bénéficier de ces fonds-là soient au conseil d'administration? Je suis d'accord avec lui que sans doute ce n'est pas le meilleur moyen. Mais, à travers les rencontres qu'on a eues depuis trois jours avec les intervenants, moi, je vois, par exemple, votre conseil, hein, le Conseil de la famille, la Direction de santé publique avant vous, la fédération québécoise des organismes Famille, des organismes communautaires qui oeuvrent auprès des familles, qui ne sont pas directement bénéficiaires mais chapeautent déjà un ensemble d'organismes et donc ont un devoir de neutralité. Est-ce que vous verriez... Parce que ça, c'est tous des organismes qui pourraient éventuellement siéger, mais ça ne garantit toujours pas une prépondérance de la mission de l'État parce que c'est 50-50. Comment on pourrait corriger ça?

Mme Rhéaume (Marie): Mais la question de... en tout cas, pour les membres du conseil, la question du maintien du contrôle du gouvernement, ça se réalisait encore une fois à travers un plan d'action gouvernemental en lien avec tous ces éléments-là, dans lequel le fonds va s'inscrire, une reddition de comptes en rapport avec les éléments, pour s'assurer que c'est suivi. C'est toujours le même point qui est revenu à ce niveau-là pour garantir que le gouvernement conserve le leadership, là, au niveau de ce qui va se passer dans le domaine du développement des jeunes enfants.

M. Khadir: Donc, si je comprends bien votre troisième recommandation, c'est-à-dire que l'État établisse les priorités puis là le fonds soit assujetti, est-ce que le meilleur moyen d'assurer ça, ce ne serait pas de l'inscrire dans la loi au départ, de formuler une loi qui soit un peu plus... qui détaille un peu plus là où on s'en va?

Mme Rhéaume (Marie): Mais ça fait partie de nos recommandations.

M. Khadir: D'accord. Donc, que ce soit inscrit dans la loi au départ.

Mme Rhéaume (Marie): Oui.

M. Khadir: C'est tout.

Le Président (M. Kelley): Ça va, merci beaucoup. Alors, il me reste juste à dire merci beaucoup à Mmes Rhéaume, Bitaudeau, Roberge, Gagnon pour votre contribution à notre réflexion aujourd'hui.

Je vais suspendre nos travaux à 15 h 30 en cette même salle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

 

(Reprise à 15 h 43)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des affaires sociales va reprendre ses travaux.

Je vais rappeler le mandat de la commission, qui est de... La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds de développement des jeunes enfants.

Nous avons deux témoins prévus pour cet après-midi: le Réseau québécois de l'action communautaire autonome et l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance. Et la séance de cet après-midi va être un petit peu compliquée parce que les membres devront voter d'ici environ 35 minutes. Alors, je propose qu'on va commencer d'entendre le groupe devant nous, on va continuer jusqu'au moment que les cloches sonnent, et, à ce moment, rapidement, tous les membres vont disparaître, mais nous allons revenir après.

Alors, c'est un petit peu... Ce n'est pas l'idéal pour vous autres, mais malheureusement il y a certaines choses dans la vie que le président d'une commission ne peut pas contrôler. Il y a même plusieurs choses dans la vie qu'une commission de président ne peut pas contrôler... qu'un président de commission ne peut pas contrôler. Alors, mes excuses d'avance, mais ça va être une drôle de... une séance coupée en deux un petit peu.

Mais, sans plus tarder, je vais céder la parole à vous autres pour une présentation d'une dizaine de minutes, suivie d'une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole au président du Réseau québécois de l'action communautaire autonome, M. Pierre Riley.

Réseau québécois de l'action
communautaire autonome (RQACA)

M. Riley (Pierre): Bonjour. Je suis aussi, dans mon travail quotidien, je suis directeur général de la Fédération des centres d'action bénévole du Québec et président du Réseau québécois de l'action communautaire autonome. Cet après-midi, c'est Manon Bourbeau, qui est représentante du secteur famille, qui va présenter notre mémoire qu'on vous a remis aujourd'hui, et je vais par la suite être capable, avec Manon Bourbeau, de répondre à vos questions.

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Alors, bonjour. Nous avons intitulé notre mémoire Questions de gouvernance démocratique: les organismes communautaires, l'État et les fondations privées. Et, d'entrée de jeu, dans le mémoire que vous avez entre les mains, nous avons décrit ce qu'est le Réseau québécois de l'action communautaire autonome. Je ne vous ferai pas la lecture de ça, là. Savoir par contre qu'on s'est déjà appelé le Comité aviseur de l'action communautaire autonome, pour faire mémoire, là. Il y a certaines personnes qui nous connaissaient mieux sous ce nom-là.

On a reproduit aussi les huit critères qui font d'un groupe qu'on peut dire qu'il fait de l'action communautaire autonome. Donc, sur cette page-là, vous pouvez les retrouver. Ce sont les huit critères que l'on retrouve dans la politique gouvernementale qui s'intitule L'action communautaire: une contribution essentielle à l'exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec.

Alors, sans plus attendre, je vais vraiment commencer au coeur du mémoire. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, et, comme les cloches peuvent sonner...

Donc, nos inquiétudes concernant...

Le Président (M. Kelley): Pas pendant la présentation. La présentation, ça va aller. Ça va être dans la période de questions, alors...

Mme Bourbeau (Manon): Parfait. Nos inquiétudes concernant les fonds public-privé. Le Réseau québécois de l'action communautaire autonome tient à manifester devant vous ses profondes inquiétudes sur les impacts négatifs que peuvent exercer les fonds public-privé, les FPP, sur la gouverne démocratique de l'État et sur l'autonomie indispensable des organismes communautaires. Les impacts de ce projet étant considérables, veuillez accepter que nous ne nous attardions point sur les modalités administratives à peine esquissées de ce projet.

L'abdication de l'État aux mains du privé. Le rôle fondamental des élus est de défendre, par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, le bien commun par rapport aux divers biens privés poursuivis par les différents acteurs économiques et sociaux. Il est le seul à pouvoir remplir ce rôle essentiel et à favoriser ainsi l'harmonie sociale. Il ne peut donc se désister de cette fonction ni la partager avec un acteur privé sans remettre en question sa propre finalité.

Or, c'est ce qui se produit avec les FPP, dont le projet de loi n° 7 est la dernière manifestation. Loin de nous la volonté de récuser la légitimité et les bonnes intentions des fonds privés, tels que ceux de la famille Chagnon, qui désirent lutter contre les effets de la pauvreté, mais, comme la presque totalité des fonds privés, la Fondation Lucie-et-André-Chagnon devrait investir là où elle veut sans exiger l'appui de l'État à ses propres initiatives.

Or, c'est ce qu'elle fait. La fondation définit le programme et les objectifs, tout en exigeant des représentants de l'État d'y adhérer et de contribuer à son financement. Elle exige également la parité dans la composition du comité de gestion. La fondation Chagnon se distingue ainsi radicalement des autres fondations privées qui, au Québec, au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, ne requièrent pas que leurs initiatives soient appuyées financièrement par l'État ni que celui-ci leur concède la parité de gestion. L'État québécois accepte ainsi l'intrusion d'une fondation privée dans son propre fonctionnement et dans l'élaboration des programmes sociaux dont elle est redevable devant les seuls citoyens.

Dans le système économique dans lequel nous vivons, la recherche du financement est partagée par tout un chacun, y compris par l'État. Mais cela justifie-t-il que l'État se mette à la remorque d'une fondation privée? Nous ne le pensons pas. Pourquoi la fondation Chagnon, si elle respecte la démocratie, n'investirait-elle pas plutôt dans les programmes gouvernementaux qui fonctionnent, en vue de les bonifier ou d'en étendre la portée?

La fondamentale autonomie des organismes communautaires. Les organismes communautaires ont été créés par des gens du milieu afin de répondre à des besoins identifiés par eux. C'est le lien de proximité qui définit la valeur propre et l'originalité des organismes communautaires. Ainsi, les organismes communautaires Famille, qui ont un vécu et une histoire, répondent aux demandes particulières des familles quel que soit le revenu de celles-ci, leur quartier de résidence ou l'âge de leurs enfants ou de leurs parents. L'expertise dont ils jouissent explique qu'ils soient tellement sollicités par les comités d'action locaux, qu'on va appeler les CAL par la suite.

L'État québécois reconnaît, du moins en principe, les missions spécifiques des organismes communautaires par le biais de la politique gouvernementale intitulée L'action communautaire: une contribution essentielle à l'exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec. Les organismes communautaires Famille sont toutefois nettement sous-financés et vivotent avec un soutien gouvernemental moyen de leur mission globale d'un peu plus de 55 000 $ par année. Les 15 millions annuels prévus dans le projet de loi n° 7 ne seraient-ils pas mieux utilisés en accroissant le soutien financier à la mission des organismes communautaires Famille, dont le financement global et annuel dépasse à peine 16 millions?

n(15 h 50)n

Le gouvernement a déjà reconnu l'autonomie des organismes communautaires, dont les activités sont complémentaires et alternatives à celles des organismes gouvernementaux, en soutenant financièrement leur mission globale. Tout en réaffirmant l'urgence d'un accroissement du financement de leur mission particulière, les organismes communautaires reconnaissent le rôle de l'État comme définisseur du bien commun et acceptent, en échange d'une contribution, des ententes de service par lesquelles leurs activités sont davantage arrimées aux diverses priorités et orientations ministérielles, mais ces ententes impliquent toujours un dialogue entre l'organisme communautaire et l'instance gouvernementale sur les objectifs et les moyens. Des projets ponctuels conformes aux exigences d'un programme gouvernemental peuvent aussi baliser la relation entre l'instance gouvernementale et un organisme communautaire.

Il n'en va pas de même avec la fondation Chagnon. L'expérience de plusieurs organismes communautaires qui, pressés par des contraintes financières, ont accepté de participer aux programmes de la fondation Chagnon a démontré que leur autonomie n'était pas respectée et qu'ils étaient traités comme de simples sous-traitants devant se soumettre ou se démettre. Nous ne comprenons pas pourquoi l'État devrait se subordonner à une fondation qui dénie ce qu'il reconnaît: l'autonomie des organismes communautaires.

Ce qui se passe dans les organismes communautaires Famille pourrait se dérouler ailleurs, dans d'autres secteurs de l'action communautaire. De nouvelles fondations pourraient intervenir dans d'autres champs sociaux, soit, par exemple, le logement social, en définir les objectifs et les moyens et exiger que l'État en partage le financement et la gestion. C'est évidemment une extrapolation un peu exagérée qui révèle que les engagements sociaux de l'État seraient définis par des agences privées dont les organismes communautaires deviendraient des sous-traitants corvéables et malléables à merci.

Place à un débat public. Le partenariat public-privé dont s'inspire le FPP a suscité et soulève encore de larges débats dans l'espace public. Or, sans débat public, il n'y a pas de démocratie. Comment alors justifier que des projets de FPP, qui concernent des êtres humains et non du béton, ont été adoptés par l'Assemblée nationale dans la plus grande discrétion?

Nous demandons donc aux membres de l'Assemblée nationale de surseoir à l'adoption du projet de loi n° 7 afin de permettre de larges discussions publiques sur la gouvernance démocratique et l'autonomie des organismes communautaires relativement aux FPP.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je propose... Parce qu'on m'informe qu'on va voter à 4 h 30. Alors, ça nous laisse deux blocs de 15... 17, 18 minutes chaque côté de la table. Alors, peut-être, on peut compléter le tout. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole au ministre de la Famille pour les premières questions. M. le ministre.

M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. Riley, Mme Bourbeau, merci d'être avec nous aujourd'hui et de nous entretenir de vos inquiétudes concernant la mise en place du fonds sur le développement des jeunes enfants.

On a eu la chance, depuis trois jours, deux jours la semaine dernière et ce matin, d'avoir divers groupes qui sont venus nous discuter. Les avis sont partagés concernant les inquiétudes que vous avez. Il y a des gens qui ont des inquiétudes. Il y a un groupe, le Conseil de la famille et de l'enfance, qui est venu nous apporter des éléments de bonification au projet de loi. Et c'est sur cette base-là que l'intention gouvernementale et de l'opposition, en ayant des consultations particulières, ce sont... elles se déroulent, pour faire en sorte que le projet de loi est déposé et la société de gestion va être créée une fois que le projet de loi va être adopté. Et nous sommes ici pour écouter les commentaires et des fois, comme vous le faites, vous, aujourd'hui, des inquiétudes que vous soulevez vis-à-vis la mise en place d'un fonds, qu'on comprend. Je peux comprendre vos interrogations.

Je peux aussi vous dire que nécessairement il y a, dans le milieu communautaire... la venue de la fondation a créé certains remous lors de l'introduction de Québec en forme, lors de ses tout débuts. Si on referait le même sondage aujourd'hui vis-à-vis ces groupes-là, il y a beaucoup de choses qui ont changé dans la bonne direction. Vous semblez sceptiques. Jusqu'à maintenant, les groupes qui sont venus nous voir ne partagent pas cette opinion de scepticisme. Les gens ont dit que, oui, il y avait une période d'adaptation, c'était tout nouveau, et il fallait qu'on apprenne à travailler ensemble. Et je crois que la fondation, depuis le tout début, permet ce travail de collaboration vis-à-vis les groupes.

Nous avons fait des suggestions, et des groupes sont venus nous faire des suggestions à l'effet de bonifier le projet de loi pour que les membres de la société de gestion, qui est paritaire, cinq nommés par le ministre de la Famille, cinq qui seraient nommés par la fondation... il y a des groupes qui sont venus nous dire que ce serait intéressant que des membres de la société civile puissent adhérer à ce conseil de gestion, à ce comité de gestion, pour qu'ils puissent apporter cette couleur, disons, de la société civile vis-à-vis le fonds, chose qui, je crois, est une excellente idée, la mise en place d'un comité, où est-ce qu'on choisirait ou on établirait... les projets seraient mis en place par la fondation, et, là aussi, où est-ce qu'il y aurait des gens de la société civile qui pourraient y siéger.

Et je sais que... Je ne sais pas si vous avez fait partie des discussions avec le ministère de la Famille concernant la mise en place d'un comité de liaison où est-ce que les gens du ministère de la Famille, les gens de la fondation et les gens qui représentent les organismes communautaires, organismes communautaires Famille, et peut-être même le vôtre, puissent siéger, voir si jamais entre-temps, dans la mise en place des différentes mesures et de l'octroi des projets, s'il y aurait des interrogations ou des questionnements. Bien, ce questionnement-là pourrait se passer à même ce comité et qu'on puisse trouver des réponses pour les organismes.

Parce qu'en bout de ligne l'important dans tout ça, c'est que le fonds puisse aller rapidement, être capable de financer des projets pour venir soutenir le développement des jeunes enfants. Puis, je pense, là-dessus, je pense qu'on est tous les deux d'accord là-dessus, c'est une bonne nouvelle. Le directeur de la santé publique de Montréal est venu, lui aussi, nous dire tantôt que cet apport d'argent, c'était une bonne nouvelle. L'argent est toujours le bienvenu, surtout dans votre milieu, et, pour nous, c'est un élément essentiel.

Et je crois que cette inquiétude que vous avez, qui est tout à fait légitime, s'est estompée avec le temps vis-à-vis certains autres groupes. Je souhaite que, d'ici la fin de cette commission de demain et lors de l'étude détaillée du projet de loi article par article, cette inquiétude puisse être disparue de votre discours parce que je pense que c'est assez important que vous puissiez, vous aussi, y adhérer parce que c'est des éléments importants.

Et je pense qu'on a tous la même intention: de venir en aide à des jeunes enfants. Le gouvernement fait un geste, puis je pense qu'avec l'aide de la fondation nous puissions aller encore un peu plus loin pour le développement des jeunes enfants, surtout ceux qui sont dans des situations de vulnérabilité ou de pauvreté. D'abord, le terme est à définir parce que même ce terme-là cause un petit peu un problème vis-à-vis certains groupes, puis c'est comprenable.

Alors, je voudrais savoir de votre part, concernant la question... je sais que vous n'y faisiez pas mention, vous parliez d'ordre général sur la question de la raison d'être du fonds, mais j'aimerais peut-être vous entendre aussi sur ces questionnements-là où est-ce que... si vous allez dans cette direction concernant le conseil d'administration, concernant le comité de liaison qui serait mis en place, si c'est quelque chose qui vous intéresserait. J'aimerais peut-être vous entendre plus spécifiquement là-dessus, voir si on n'a pas des choses qu'on pourrait vous permettre, là, d'avoir une meilleure compréhension du projet de loi.

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): En fait, on ne peut pas être contre la vertu puis contre la venue de sommes qui sont depuis longtemps très espérées au sein des organismes communautaires, surtout communautaires Famille. Comme je disais tout à l'heure, on est sous-financés par rapport à d'autres groupes communautaires. Donc, on n'est pas contre la vertu. Je pense que notre inquiétude, dans le fond, c'est qu'on a l'impression que le gouvernement remet de l'argent, une grosse somme d'argent, et qu'il perd la gouvernance de cet argent-là, et des priorités, et des objectifs.

n(16 heures)n

Alors, tantôt, est-ce que ça va être des fondations privées qui vont nous édicter les nouvelles normes sociales? C'est un petit peu ça qu'il faudrait se poser. Pourquoi est-ce que le fonds n'aurait pas été constitué, gardé par le gouvernement, et que la fondation Chagnon y investisse 15 millions, puis que le gouvernement le donne à qui semble remplir les priorités gouvernementales? Là, c'est plutôt le contraire qu'on fait. Et, pour nous, l'inquiétude là-dedans, c'est de laisser la gouvernance de l'État ou des normes sociétales aller vers le privé, et on trouve ça dangereux.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Tomassi: Est-ce que vous croyez que les CPE, que les organismes communautaires Famille, votre organisme et les autres organismes communautaires qui sont sur le terrain remplissent le rôle que l'État leur dit de remplir? Est-ce que la mission de ces organismes-là vient répondre à la mission... Comme vous énumérez, là, de dire, là, que le gouvernement, là, se déresponsabilise, là, est-ce que ces organismes, pour prendre ces exemples-là, est-ce que ces organismes remplissent le rôle qui semble leur être donné par la mise en place...

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Les organismes ont été construits à partir des communautés. Ce sont des gens dans les communautés qui ont décidé de se rassembler pour former des organismes qui répondaient aux besoins qu'ils avaient identifiés eux-mêmes. Et l'autonomie des organismes communautaires là-dedans est très importante. Ça n'a jamais empêché un organisme communautaire et le gouvernement de s'asseoir ensemble, et de se parler, et de faire des programmes ensemble, de remplir des projets, des ententes de service qui sont, elles, liées aux priorités gouvernementales définies par le gouvernement.

Ça fait que ça, je pense que les deux vont comme ensemble, là. Si le gouvernement a des priorités gouvernementales en quelque part, il sort un nouveau programme, et libres sont les organismes communautaires, selon leur mission, d'y adhérer et de demander un financement via ces projets-là. Mais c'est encore le gouvernement qui va avoir fixé ses priorités, qui va avoir émis des projets, dire combien qu'il y a de l'argent là-dedans, et qui va avoir donné un formulaire, puis qu'on va remplir des critères, qu'on va répondre à des paramètres gouvernementaux pour remplir ces priorités-là.

M. Tomassi: Et quelle est la différence avec le fonds?

Mme Bourbeau (Manon): Le fonds, c'est que ce n'est pas le gouvernement qui décide.

M. Tomassi: Non, non, mais quelle est la différence, sur la cédule de travail que vous avez énumérée, là, quelle est la différence avec le fonds?

Mme Bourbeau (Manon): Je ne comprends pas votre question, je m'excuse.

M. Tomassi: Bien, vous dites que le gouvernement met en place des programmes, et les organismes, libre à eux d'adhérer aux programmes, de remplir le formulaire et d'y aller de l'avant. Quelle est la différence avec le fonds?

Mme Bourbeau (Manon): En fait...

Le Président (M. Kelley): M. Riley.

M. Riley (Pierre): La différence, c'est que, présentement, effectivement, les groupes sont libres d'accepter, mais généralement, je vous dirais, acceptent. Notre inquiétude, c'est la création de d'autres organisations.

Si on regarde, dans le passé, dans d'autres programmes, il n'y a personne... donc, les groupes ne voulaient pas répondre nécessairement à des critères bien particuliers. Donc, il s'est créé d'autres organisations pour répondre aux mêmes besoins déjà... Puis on le voit souvent dans des ententes de service, on demande à des groupes... C'est des ententes de service bien particulières, donc on dédouble les services faits par une organisation, et la population, elle n'est pas mieux desservie. Au contraire, ça coûte plus cher à l'État et à la communauté parce qu'on a deux conseils d'administration, deux gestions, etc.

Donc, notre préoccupation: Est-ce qu'on va avoir d'autres créations? Et on l'a vu dans plusieurs secteurs, en action bénévole, par exemple, ou en santé, où est-ce qu'il y a eu la multiplication d'organisations de service par des ententes de service comme telles.

M. Tomassi: Bon, merci de nous éclaircir sur ce point. Je pense, c'est un point qui est majeur. Vous nous dites aujourd'hui... de dire: Il y a des organismes actuellement qui remplissent une mission vis-à-vis les groupes Jeunes, vis-à-vis les jeunes enfants et vis-à-vis les familles, pour nous, ce qu'on voudrait c'est que ce soient seulement eux qui puissent adhérer aux programmes financés par la fondation. Est-ce que... À votre limite, vous dites... Non mais, là, le monsieur disait oui, là. Je veux que ça soit clair, là. Allez-y.

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Bien, ce que vous dites, c'est que... On ne dit pas qu'on veut que ce ne soient que les groupes qui sont déjà en place qui soient financés par la fondation, ou peu importe, là, mais on ne veut pas qu'il y ait de dédoublement, par contre. On ne veut pas que... S'il y a une concertation régionale qui est déjà en place, qui est déjà forte, qui a été supportée par le milieu, sans ressources, sans ressources humaines, sur leurs propres bases et leur propre financement, elle, elle peut être carrément écartée au profit d'un autre qui va dire la bonne affaire. Puis la vraie différence, là, c'est que, quand je remplis un formulaire pour répondre à un programme gouvernemental, pour déposer un projet, je réponds à une priorité gouvernementale. Là, je vais répondre à une priorité d'une fondation privée qui a des intérêts privés.

M. Tomassi: Bien, je vais vous corriger là-dessus, là. La priorité de la fondation est la même priorité que celle du gouvernement du Québec, c'est pour ça qu'on s'associe à la fondation. Si la volonté gouvernementale aurait été complètement différente de celle que la fondation défend, je ne pense pas que le gouvernement du Québec aurait adhéré à faire en sorte... la mise en place du fonds. Alors, je veux que ce soit très clair, là: la mission même de la fondation vient en quelque sorte bonifier, bonifier la mission du gouvernement. Et, dans la mission même du projet de loi, là, les éléments du projet de loi qui sont énumérés sont les mêmes, les mêmes que ceux du ministère de la Famille. Alors, on ne vient pas dédoubler.

La question du dédoublement, je suis complètement d'accord avec vous, puis je pense que les groupes qui sont venus nous parler ont dit la même chose, il ne faut pas dédoubler, il ne faut pas faire en sorte que, dans une communauté où est-ce qu'il y a déjà une table de concertation, la concertation a déjà été faite, les priorités sont déjà énumérées, que la fondation vienne, par l'entremise du fonds, créer une autre table de concertation puis repartir le discours.

Ça, ce discours-là, je crois, nous l'avons bien compris. Les gens de la fondation qui suivent les travaux depuis le tout début l'ont extrêmement bien compris. Et je peux vous faire en sorte qu'il y a des situations puis il y a des choses qui vont devoir être bonifiées. Et on est dans cette mouvance-là. Et je suis content de vous entendre parler de ces problématiques-là qui doivent être corrigées puis je pense qu'on est dans la bonne direction. Moi, je n'ai pas d'autre question. Si mes collègues veulent...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée... Voulez-vous réagir, Mme Bourbeau? Ou Mme la députée de Trois-Rivières? Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Merci, M. le Président. Ce que je dirais, là, c'est que... Pourquoi ça n'a pas été le contraire? Pourquoi ce n'est pas la fondation Chagnon qui investit dans le fonds puis que ce soit le gouvernement qui ait les rênes de ça? Tu sais, vous laissez aller une partie, d'après moi, de votre gouvernance. Puis, aujourd'hui, vous vous entendez sur les priorités; demain, ça va peut-être être moins le cas, mais la loi va être là, ils vont avoir l'argent qui est déjà promis, donc. Mais, moi, je vous dis, ça aurait dû être le contraire qui se fasse. C'est-u parce que la fondation n'a pas confiance dans le gouvernement pour faire les choses?

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Bonjour, contente de vous entendre. Vous avez quand même une bonne expérience au niveau de la concertation, coordination. Je voudrais revenir un petit peu sur ce que le ministre a dit. Dans la mesure où le fonds respecterait la concertation qui existe déjà... On sait, dans chaque région, il existe, de façon générale, des concertations différentes, appropriées, adaptées à chaque région. Est-ce que, dans la mesure où ça ne viendrait pas dédoubler, vous seriez plus favorables à ce projet-là?

Mme Bourbeau (Manon): Bien, effectivement, plus on aplanit les obstacles, meilleur que c'est, là, c'est certain, là. Mais il y a quand même des exigences qui sont là, qui, dans certains groupes famille entre autres, avec l'expérience de Québec en forme, les obstacles n'ont pas tous été aplanis, là. On parlait, entre autres, des frais de gestion, là. Ça coûtait vraiment plus cher à l'organisme communautaire à gérer comme fonds que ce qu'il recevait pour administrer l'argent.

Donc, quand on parlait, à une époque, de 2 % de frais d'administration seulement qui pouvaient être perçus, ou 3 %, pour faire toute la comptabilité que ça représente puis la papeterie, l'ordinateur qui doit être fourni, le bureau, les locaux, donc il y avait quand même des choses qui étaient exigées en contrepartie, mais pas avec les ressources financières qui auraient dû aller avec. Donc, il y a le dédoublement, c'est sûr, mais je dirais que la véritable inquiétude à long terme, pas pour demain matin, mais à long terme, c'est vraiment de dire: Mais entre quelles mains vont être définies les nouvelles normes sociales? C'est ça.

Le Président (M. Kelley): Très courte, s'il vous plaît.

Mme St-Amand: Oui. Merci. Je voudrais juste vous entendre, parce que je comprends bien votre préoccupation. Maintenant, vous avez quand même une expertise, vos associations, vos organismes ont quand même une excellente expertise auprès des familles et des enfants. Est-ce que vous croyez que, dans la mesure où on poursuit notre réflexion puis qu'on dit qu'on respecte la concertation puis qu'on va plutôt appuyer la concertation qui est déjà là, que vos organismes pourraient contribuer au développement puis au support des enfants défavorisés de 0-5 ans? Est-ce qu'ils pourraient s'insérer à partir du moment où on respecterait ça?

n(16 h 10)n

Mme Bourbeau (Manon): Bien, en fait, ils s'insèrent... Excusez.

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Manque d'expérience.

Le Président (M. Kelley): Non, non...

Mme St-Amand: ...dans le fond, est-ce que vos organismes pourraient s'insérer là-dedans? Est-ce que vous... Parce que, moi, je pense qu'il y a une expertise extraordinaire dans les organismes communautaires, là, et...

Mme Bourbeau (Manon): Oui, c'est aussi mon opinion, puis ça serait bien dommage si la fondation devait passer à côté, parce qu'ils seraient obligés de réinventer la roue, et ça, ça coûte très cher à une société, réinventer constamment la roue, alors qu'il y a des experts dans les localités, tu sais. Mais, d'un autre côté, je me dis que, si on ne dit pas tout à fait comme la fondation le dit ou veule qu'on le dise, est-ce qu'on va être écartés aussi?

Il ne faut pas oublier que les organismes communautaires représentent un cheminement alternatif, finalement. Quand les services gouvernementaux ne répondent plus, puis c'est normal qu'ils ne puissent pas répondre à toutes les demandes parce qu'il y a des demandes aussi très particulières, parfois singulières, bien, à ce moment-là, c'est les organismes communautaires qui vont pouvoir répondre aux besoins. Donc, il y a une grande diversité, une grande expertise. Et je ne pense pas que le gouvernement puisse répondre à tout, là.

Mais je pense que les organismes, de toute façon, n'auront pas le choix de collaborer parce qu'ils sont sous-financés en ce moment. Alors, il y a beaucoup d'essoufflement dans les organismes communautaires, c'est très difficile. Et je ne vous cacherai pas qu'il y a plus de clientèles, entre guillemets, qu'on avait auparavant, il y en a plus, il y a plus de besoins qu'avant. Il y a un petit peu plus d'argent, mais il n'y en a pas assez tout à fait. Donc, avec le besoin d'argent qu'il y a déjà aux niveaux local et régional, c'est évident que les organismes communautaires vont collaborer. Ils ont toujours collaboré, de toute façon, là, que ce soit par projets gouvernementaux ou autres, là. Et, s'ils voient qu'il y a des choses qui ne conviennent pas, c'est évident qu'ils vont se sentir quand même relativement libres d'exprimer aussi...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, merci beaucoup. Je vais juste céder la parole maintenant à M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci. Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les gens du Réseau québécois de l'action communautaire autonome. M. Riley et Mme Bourbeau, merci pour votre mémoire et votre présentation.

J'aimerais, avant de poser des questions aux membres du réseau, revenir sur quelques commentaires que le ministre a faits lors de son tour de parole. Il a mentionné qu'il y avait un conseil de gestion, un comité de liaison, un comité de pertinence, fait référence à ces trois conseils ou comités. J'aimerais, au cours des prochaines interventions du ministre, qu'il puisse nous dire: À quel article du projet de loi n° 7 fait-il référence quand il parle de ces trois conseils ou comités, puisque j'ai beau avoir... j'ai relu plusieurs fois le projet de loi n° 7 et je ne retrouve pas aucun des trois conseils ou comités auxquels le ministre fait référence. Peut-être que ça se trouve dans un document que nous aurons...

Des voix: ...

M. Girard: ...que nous aurons éventuellement au moment de l'étude article par article. Bon, c'est quand même un fonds de 400 millions, je pense que ça serait intéressant que les groupes et organismes qui présentent des mémoires puissent en avoir copie.

Je veux revenir justement sur des interventions qui ont été faites dans le cadre de nos travaux, de la Centrale des syndicats du Québec, même du conseil de famille, enfance, qui nous disait, ce matin, qu'ils auraient souhaité avoir copie du protocole d'entente. Le ministre a fait référence qu'il existait un protocole d'entente qui a été négocié entre le ministère et la fondation, mais qu'il souhaitait rendre public ce protocole seulement au moment de l'étude article par article des travaux.

J'aimerais savoir de la part du réseau: Est-ce que vous auriez souhaité, avant de venir présenter votre mémoire, avoir copie de ce document afin de vous faire une idée sur les orientations, les mécanismes de gestion de ce fonds de 400 millions de dollars?

Le Président (M. Kelley): M. Riley.

M. Riley (Pierre): Effectivement, M. le Président, ça aurait été intéressant parce que peut-être qu'il y a des réponses à nos questions qu'on aurait pu retrouver dans le protocole d'entente. Donc, si c'est un jour disponible, nous en ferons la lecture et peut-être que certaines de nos craintes seront éloignées.

M. Girard: Merci. Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: Alors, M. le Président, je veux revenir à la page 5 de votre mémoire. Vous laissez entendre qu'il y a eu certaines expériences moins heureuses d'organismes qui sont membres du réseau, qui auraient participé à des programmes de la fondation Chagnon. Vous laissez entendre, dans votre document, que leur autonomie n'était pas respectée. J'aimerais savoir si vous avez des exemples concrets à nous donner d'expériences qui ont été vécues par des organismes qui ont participé à... Et est-ce qu'il y a eu des changements qui ont été apportés, au cours des années, de la part de la fondation? Puisque le ministre nous disait que, selon lui, il y a eu des améliorations et des aménagements qui ont été apportés, j'aurais aimé vous entendre.

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Il y a la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille qui m'a fait parvenir les actes de la journée de réflexion du 28 mai 2008, donc ce n'est pas si loin que ça, et il y avait une présentation qui avait été faite par la Maison de la famille Memphrémagog, à Magog. Donc, eux, il y avait eu beaucoup d'exagération finalement dans ce qui était exigé des organismes communautaires comme gestion du projet. On nous disait entre autres ce que je vous parlais tout à l'heure, du 2 % ou 3 % de frais d'administration qui était nettement insuffisant.

Donc, certains petits organismes qui ont eu à gérer des fonds se sont retrouvés très perdants d'avoir géré ces fonds-là. Étant plus petits, moins organisés, ça paraît plus sur un budget, finalement, quand le budget est petit. Les plus gros organismes ont été capables d'absorber ça, mais ils en sont restés assez amers, d'une certaine façon.

Et aussi, au niveau de la gestion toujours, les liens employeurs-employés. Comme, par exemple, il y avait une personne qui était engagée par la fondation qui, elle, a engagé de nouvelles personnes, ces personnes-là se retrouvaient sur le journal du salaire de l'organisme communautaire, mais ce n'était pas... il n'y avait pas de lien vraiment d'employeur. Mais, advenant des poursuites judiciaires de la part des employés pour une raison ou pour une autre, c'était l'organisme communautaire qui aurait pu être visé. Donc, il y a comme une part de responsabilité qui n'est pas prise au départ par la fondation, qui est assumée par les organismes communautaires, sur du personnel pour lequel ils n'ont absolument aucun contrôle. Donc, ces gens-là auraient pu faire à peu près n'importe quoi dans le cadre de leurs fonctions, et, comme le lien d'employeur était avec l'organisme communautaire, ça aurait pu être l'organisme qui a été poursuivi. Et ça, ça a vraiment joué et créé des litiges puis des frictions au niveau local, là.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: Le Conseil de la famille et de l'enfance nous indiquait, dans leur mémoire, ce matin, à la page 20, qu'il souhaitait qu'on bonifie l'approche du financement par projet, qu'il y ait des sommes suffisantes pour couvrir les frais d'opération directs du projet, mais aussi des dépenses occasionnelles, là, que ça peut occasionner. Est-ce qu'à votre avis c'est des modifications qui devraient être apportées par le gouvernement dans la loi n° 7 afin que les situations que vous décrivez ne se reproduisent pas dans cette nouvelle mouture de la Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants?

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Merci. Oui, effectivement, ça, c'est des bonifications qui sont nettement nécessaires pour ne pas exploiter finalement des organismes communautaires qui ont peu de moyens et que, eux, ils voient arriver des grosses sommes d'argent puis... Enfin, c'est des moyens financiers pour réaliser des actions. Il ne faut pas oublier aussi, là, que c'est des gens qui sont sur le terrain, qu'ils aiment être en action, qu'ils aiment être en train de faire des choses. Alors, quand ils reçoivent un certain financement, ils en sont très contents, sauf qu'ils n'ont pas les reins assez solides pour supporter la gestion de ça. Alors, bien sûr, s'il y a bonification des frais d'administration qui peuvent être pris à même le projet pour être capable de gérer le projet et de se munir d'assurance responsabilité par rapport aux employés qu'ils ne voient peut-être... dans certains cas, qu'ils ne voyaient jamais, donc ça, ce serait effectivement un point intéressant.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

Une voix: M. Riley.

Le Président (M. Kelley): Non. M. Riley. Pardon.

n(16 h 20)n

M. Riley (Pierre): Généralement, dans les projets du gouvernement du Québec, il y a toujours une possibilité d'avoir un 10 % de frais d'administration, dans tous les programmes, dans la plupart des ministères, au niveau du Secrétariat des aînés, d'autres ministères, la Santé, un 10 %, 10 %, 15 %, tout dépendant du montant, parce que 10 % de 2 000 $, ce n'est pas la même chose que 10 % sur 200 000 $. Donc, je pense que c'est important, c'est déjà reconnu par le gouvernement du Québec dans plusieurs programmes, donc je pense que ce serait intéressant qu'on retrouve dans ce fonds-là les mêmes critères utilisés par le gouvernement du Québec.

M. Girard: O.K. Vous nous dites aussi, à la page 5 de votre mémoire, que visiblement il y a des organismes communautaires Famille qui interviennent pour aider les enfants et les familles dans des communautés, des localités, et qui, faute de moyens ? bon, puis on en a eu quelques exemples au cours de ces travaux puis on en connaît dans nos circonscriptions électorales, peu importe la couleur, là, de notre formation politique ? qui ne peuvent rendre le service, peuvent ne pas desservir toutes les familles, tous les enfants qu'ils souhaiteraient dans leurs communautés, faute de moyens.

Avez-vous le sentiment que, puisque la somme que vous réclamez ? je le lis dans le mémoire ? est de 15 millions de dollars, la contribution du gouvernement est de 15 millions au fonds, est-ce que, de votre point de vue, le gouvernement a fait un choix et a privilégié de donner le 15 millions au fonds plutôt que de bonifier l'action des organismes communautaires Famille existants?

Le Président (M. Kelley): Mme Bourbeau.

Mme Bourbeau (Manon): Je ne sais pas s'ils ont vraiment eu le choix, là, parce que sinon c'étaient 15 millions que... L'autre partie, c'est la fondation aussi qui met de l'argent. Donc, je ne suis pas sûre qu'ils auraient vu la couleur de cet argent-là en ayant dit non, là. Je ne sais pas. Je ne le sais pas.

Mais chose certaine, c'est que les organismes communautaires, surtout les organismes famille, par rapport à ceux qui sont au ministère de la Santé et des Services sociaux ou par rapport à ceux qui sont à l'Éducation, c'est ceux qui ont les plus faibles subventions, présentement. Donc, c'est évident qu'on a de la difficulté à répondre à l'ensemble des besoins. Et on suscite beaucoup d'espoir quand on arrive comme organisme communautaire. Parfois, c'est des espoirs qu'on n'est pas capables de combler parce qu'on manque de ressources humaines, financières et matérielles pour le faire.

Puis une autre des inquiétudes aussi qu'on a un peu pour tous ces fonds-là qui sont en train de naître, là, c'est que ça ne fait attention qu'aux problèmes. On va faire face à des problèmes très pointus, comme le décrochage scolaire, comme l'Alzheimer, on va aller financer pour les familles démunies ou les enfants vulnérables et on oublie que la famille est un tout, que cette famille-là n'est pas toujours malade, et que même les familles qui ont un revenu moyen, qui n'ont pas de maladie spéciale ont des besoins aussi de pouvoir se rencontrer et d'échanger, comme, entre autres, ce que les maisons de la famille font.

Et la façon de fonctionner par priorité de problèmes, c'est un petit peu méconnaître les organismes communautaires, qui préfèrent faire une approche plus holistique des problèmes, c'est-à-dire de prendre les choses dans leur globalité, la famille dans sa globalité. Si on veut, par exemple, atteindre les femmes pour leur parler de certains de leurs droits, bien, on va offrir une halte-garderie pour les enfants, un café pour le papa, on va s'arranger pour s'adresser à l'ensemble de la famille et pas juste aussi aux familles qui sont démunies ou qui connaissent des problèmes, mais à toutes les familles. Et ça, ces fonds-là, bien, ça divise la population en différents problèmes, puis des fois, bien, il faut voir ça aussi plus globalement, là.

Le Président (M. Kelley): Un dernier court commentaire.

M. Girard: L'article 1 du projet de loi n° 7 indique justement que le fonds va concentrer essentiellement son financement auprès des enfants de moins de cinq ans vivant en situation de pauvreté. Est-ce que, comme d'autres organismes qui sont venus nous voir dans le cadre de ces travaux, vous souhaiteriez qu'on élargisse la définition pour faire en sorte qu'on ne concentre pas uniquement l'action en des milieux défavorisés, mais également dans des milieux peut-être plus favorisés mais où il existe des poches de pauvreté? C'est ce que je dois comprendre de votre intervention?

Mme Bourbeau (Manon): Tout à fait, M. Girard, parce qu'effectivement... Et, de toute façon, en ne ciblant que les familles démunies, là, un organisme communautaire qui ne recevrait que des familles à problèmes, bien, peut-être que la famille va avoir de la misère à franchir la porte, le seuil d'entrée de l'organisme communautaire parce qu'elle ne veut pas être identifiée comme étant une famille à problèmes. Si, par contre, il y a beaucoup de toutes les sortes de familles qui se rendent dans un organisme communautaire parce que les activités sont intéressantes, les activités sont familiales, ça promet de bons moments, bien, il n'y a personne qui est pointé du doigt puis personne ne se sent le pauvre de l'autre, parce que personne n'aime ça.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Mercier.

M. Khadir: Bon après-midi, M. Riley et Mme Bourbeau. Vous avez dit, tout à l'heure que, si le gouvernement n'investissait pas les 15 millions dans ce fonds, on ne toucherait pas peut-être la contre-partie venant de la fondation Chagnon.

En introduction, l'autre question que je voudrais vous poser, en fait, Brigitte Alepin, dans son livre Ces riches qui ne paient pas d'impôts, répond en partie à ça, parce que, selon elle ? elle en fait la démonstration, là ? «cette fondation, financée à toutes fins utiles aux trois quarts par les contribuables...» Donc, trois quarts de cet argent-là, c'est déjà l'argent des contribuables, par l'agencement financier qui a été fait.

Mais ma question est la suivante. C'est que Mme Alepin mentionne ici qu'elle s'est donnée, cette fondation, comme objectifs la lutte contre la pauvreté chronique, la promotion de la santé et la prévention de la maladie. Ça fait déjà huit ans, hein? Ça a été, en fait, implanté en 2000, si on se rappelle. Puis il y a plusieurs aspects qui ont déjà commencé, il y a plusieurs investissements, implications de la fondation dans différents milieux, avec différents acteurs. Vous, qui regroupez l'ensemble des acteurs du mouvement communautaire, quelle est votre évaluation de la rencontre de ces objectifs? Par exemple, pour la pauvreté, en 20 ans, on voulait ramener de 25 % à 10 % la pauvreté touchant les enfants. Où est-ce qu'on en est dans l'atteinte de cet objectif, après huit ans?

Le Président (M. Kelley): ...

Mme Bourbeau (Manon): Je serais bien embêtée de répondre. Je pense que ça prendrait une recherche évaluative pour faire ça, là.

M. Khadir: Mais la pauvreté était à 25 % au moment où on l'a évaluée chez les enfants. Aujourd'hui, elle est estimée à combien?

Mme Bourbeau (Manon): Je n'en ai aucune idée, présentement.

M. Khadir: Bien, je vais reposer la question dans une autre dimension. Mais elle n'est pas à 10 %, en tout cas. C'est tout.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Sur ça, je vais juste dire merci beaucoup à M. Riley et Mme Bourbeau et au Réseau québécois de l'action communautaire autonome.

Et, sur ça, je vais suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

 

(Reprise à 16 h 29)

Le Président (M. Kelley): ...aux représentants de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. On m'informe que le vote prévu pour 16 h 30 est maintenant prévu pour 16 h 45. Alors, malheureusement, on va couper la séance avec l'Association du personnel cadre.

n(16 h 30)n

Je vais vous inviter de donner votre présentation. À un certain moment, les cloches vont sonner; ce n'est pas une alarme pour un incendie mais plutôt une invitation aux membres de la commission d'aller en Chambre pour voter. Et après ça on va revenir pour la période de questions et d'échange avec les membres de la commission.

Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme Ginette Masson, présidente de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec. Mme Masson.

Association du personnel cadre
des centres de la petite enfance
du Québec (APCCPEQ)

Mme Masson (Ginette): Alors, bonjour, tout le monde. Permettez-moi d'abord de vous remercier, les membres de la Commission des affaires sociales, M. le ministre, pour cette invitation qui nous permet de soumettre nos commentaires sur le projet de loi n° 7.

L'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec existe depuis 1981. Elle regroupe les cadres du réseau des centres de la petite enfance du Québec, directrices générales et directrices adjointes.

Notre association vise à faire reconnaître le rôle et l'implication des cadres dans le développement du secteur de la petite enfance. Notre mission est de contribuer à l'amélioration de la gestion et de permettre aux cadres de réaliser efficacement et professionnellement leur mandat en lien avec la mission des centres de la petite enfance, et cela par différentes sortes d'activités.

Nous offrons ou nous faisons la promotion d'activités de formation. Nous organisons des dîners-conférences pour outiller les gestionnaires. Nous organisons des colloques pour le réseau, pour les cadres du réseau des CPE. Nous produisons aussi des guides de gestion à l'intention des administrateurs et des cadres de CPE. Donc, comme gestionnaires dans le milieu de la petite enfance, nous sommes préoccupés par les projets de développement qui concernent l'enfant, principalement sous l'angle de leur gouvernance. Les cadres du réseau des CPE sont des partenaires majeurs pour les différents organismes qui interviennent auprès de notre clientèle, la petite enfance. C'est aussi à ce titre que nous voulons aujourd'hui apporter notre contribution par la présentation de ce mémoire.

Le projet de loi n° 7 touche un aspect majeur des services de garde du Québec puisqu'il vise le développement global de tous les enfants de 0-5 ans, et cette dimension fait partie de notre quotidien en tant que gestionnaires de CPE. Il est donc important pour l'Association du personnel cadre, qui représente les acteurs qui détiennent l'expertise en gestion de CPE, d'intervenir dans ce processus, compte tenu des impacts que pourrait avoir l'application de la loi n° 7 sur l'avenir de la petite enfance.

Le but de notre intervention est de contribuer à l'amélioration des services qui sont offerts à la petite enfance et à leur gestion, que cette clientèle soit utilisatrice ou non des services de garde que nous offrons. Comme gestionnaires, nous sommes des acteurs importants de nos milieux et nous sommes en interaction constante avec les autres organismes. Nous connaissons bien les besoins de notre environnement et nous pouvons contribuer à leur amélioration en favorisant des partenariats profitables à tous les organismes intervenants.

Donc, le projet de loi n° 7 répond à un besoin pressant des enfants démunis de la province. Il n'est plus possible d'ignorer la détresse de ce groupe de citoyens qui fait partie du futur du Québec. La loi qui est proposée est un pas dans la bonne direction, et le fonds qui est créé devra avoir le maximum d'impacts pour les enfants.

L'objectif principal du fonds, c'est de soutenir le développement global des enfants de 0-5 ans qui vivent en situation de pauvreté, et ce, dès la grossesse de leur mère, par le soutien d'initiatives et d'activités. Nous estimons que les personnes qui sont les mieux placées pour intervenir sont celles qui vivent une situation de proximité avec le milieu des enfants. Ces intervenants sont présentement à l'oeuvre auprès des familles et font déjà un travail colossal. Ils sont nombreux à offrir différents services, mais ils ne parviennent pas à couvrir l'ensemble des besoins. Ils existent sous différentes formes et ils sont tous, pour la majorité, des OSBL. Certains sont en réseau, comme par exemple les maisons de la famille, les centres de la petite enfance, les centres d'action bénévole et plusieurs autres. D'autres sont des organismes uniques.

Il existe un lien qui les rattache tous: ils ont tous été fondés par des gens qui possèdent une profonde connaissance du terrain et qui agissent avec efficience auprès des démunis. Ces organismes de proximité ont la souplesse requise pour intervenir précisément et rapidement, quelle que soit la situation. Il existe déjà une collaboration entre les organismes, et celle-ci devrait être mise à profit pour bonifier l'offre de services aux familles dans le besoin ou en les supportant plus financièrement.

Rappelons que ces organismes sont tous nés d'initiatives locales par des gens impliqués dans leur milieu. Ils sont directement concernés par les besoins et oeuvrent avec coeur, en toute sincérité. Ce sont des organismes qui respectent la culture et les valeurs des gens des quartiers, et ils favorisent une ouverture à la culture générale québécoise.

Ces organismes peuvent intervenir auprès de la clientèle préscolaire 0-5 ans, qui est difficile à rejoindre et qui ne se reconnaît pas automatiquement dans les grandes structures québécoises. La pauvreté n'est pas nécessairement un élément strictement financier. Certaines familles sont démunies du fait qu'elles ne connaissent pas la langue ou qu'elles ont de faibles revenus. Nous insistons sur la souplesse des interventions, qui doivent conserver un caractère universel tout en maintenant un souci de la famille et bien sûr privilégier le respect du rôle parental.

Il y a déjà des organismes, qui sont pour la majorité en situation de survie, qui ont beaucoup d'expertise et qui sont prêts à la partager. On insiste, d'une part, sur l'importance d'utiliser les ressources déjà présentes et de les financer de façon adéquate et, d'autre part, en tant qu'association de cadres, on insiste sur la rigueur dans la gestion et sur la nécessité de s'assurer que les fonds serviront en premier lieu les enfants et non les mécanismes de gestion.

Donc, nous avons aujourd'hui cinq propositions. La première, qui est à l'article 2, alinéa 3°, c'est d'utiliser les services des organismes existants. Donc, on dit: Dans la perspective d'assurer des actions rapides et efficaces auprès de la clientèle vulnérable des 0-5 ans, nous demandons que l'article 2, alinéa 3°, soit précisé. En effet, afin d'en clarifier la portée, nous insistons sur l'importance d'y inclure des dispositions qui permettront à des organismes qui possèdent déjà l'expertise locale de soumettre des projets visant la bonification de l'offre de services déjà existante ou l'élargissement de leur gamme. Ainsi, le fonds bénéficierait de l'expertise des gestionnaires en place et rendrait sa gestion plus efficiente.

La deuxième proposition: que le fonds soit accessible à tous et non seulement aux enfants issus des quartiers identifiés comme étant défavorisés. Le fonds ne doit pas s'adresser uniquement aux enfants vivant dans des quartiers défavorisés. En effet, nous constatons que de nombreux enfants vivant sous le seuil de la pauvreté sont répartis sur le territoire québécois. Nous recommandons d'assurer l'accessibilité à toutes les familles présentant des difficultés.

Notre troisième proposition: que les projets soient à court et moyen terme, qu'ils permettent des résultats concrets auprès de l'enfant. Il est important de s'assurer que l'enfant recevra des services concrets qui l'aideront à se développer globalement: développement langagier, cognitif, affectif et social. La théorie est importante, et le fonds doit encourager des projets scientifiques ou de développement, mais ils doivent être transférables rapidement afin d'atteindre les résultats souhaités. Un accent doit être mis sur les projets qui ont, dans un premier temps, une démarche structurée mais également une finalité dans un délai à court ou moyen terme. En tenant compte que l'intervention précoce est la base de la réussite scolaire et qu'elle représente une économie pour le futur, il est urgent et pressant que les projets aient des retombées concrètes. En agissant rapidement, avec des projets accessibles, les intervenants dans le milieu seront en mesure de faire de la prévention précoce.

Notre quatrième proposition: une gouvernance équilibrée. Nous reconnaissons que la contribution au fonds provenant de fondations ou de groupes privés est une approche novatrice et une initiative qu'il faut encourager. Toutefois, nous avons des inquiétudes quant à l'influence qu'auront ces participants sur la gestion du fonds, dont la détermination des priorités. Nous suggérons d'instaurer une approche de gestion également novatrice qui assurera un équilibre quant aux possibilités de représentation des intervenants des milieux concernés, principalement en leur permettant de faire connaître leurs besoins et de les défendre. Nous proposons donc la formation d'un comité consultatif composé d'acteurs gravitant autour de la famille et des jeunes enfants, de partenaires du milieu et de représentants du gouvernement.

Notre cinquième proposition: des précisions sur des articles de loi. Selon notre association, les articles suivants nécessitent des précisions.

n(16 h 40)n

Article 9, alinéa 2°. Nous désirons insister également sur le peu de limites de cet article quant aux frais pouvant être imputés au fonds par le ministère de la Famille. Nous désirons nous assurer que les charges qui seront assumées par le fonds représentent de réels coûts directement reliés à l'existence du fonds.

Article 11. L'article ne précise pas que la cause doit être reliée au fonds. En effet, cet article indique que les jugements contre le gouvernement devront être financés par le fonds. Nous croyons qu'il serait plus clair d'indiquer que la cause doit être directement reliée au fonds.

Et, pour terminer, l'article 15 indique que le résidu possible du fonds à la fin de son existence de 10 ans ira au fonds consolidé de la province. Nous suggérons que le résiduel soit légué aux organismes liés à la petite enfance qui auront des projets en cours à ce moment afin de prolonger leurs actions dans le milieu. Merci de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Masson. Peut-être, on va demander au ministre de poser une première question. Je regarde sur l'écran ici que la ministre des Finances parle toujours en Chambre, alors il n'y a pas de vote appelé encore. Alors, M. le ministre, la première question est à vous.

M. Tomassi: Merci. Merci beaucoup, Mme Marsan... Masson, Mme Masson, et M. Tremblay, et madame...

Une voix: France Bertrand.

M. Tomassi: Mme Bertrand. Merci d'être ici, avec nous, aujourd'hui, de nous avoir présenté votre mémoire avec certaines bonifications que vous voulez voir apparaître au projet de loi. C'est rafraîchissant, puis je pense que c'est dans cette optique-là que la commission parlementaire a été lancée, pour entendre des groupes, voir s'il n'y aurait pas moyen de venir bonifier ce projet de loi qui en quelque sorte va permettre l'émergence ou la continuité de mesures qui sont sur le terrain aujourd'hui pour le développement des jeunes enfants.

Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire, il y a beaucoup de prises en considération. J'ai eu le plaisir tout au long de la première journée, même de ce matin, là, de répondre à quelques interrogations que vous aviez, que vous énumérez sur le fonds. Je sais que mon collègue de Gouin va me le rappeler. Il y a des éléments qui vont être énumérés et mis en place avec la société de gestion.

Tout ce qui a trait à votre comité consultatif, pour nous, c'est un genre de comité de liaison où est-ce que les organismes qui sont directement touchés puissent avoir encore plus de voix au chapitre dans tout le processus de sélection et de difficultés qui pourraient peut-être survenir dans l'élaboration du programme et des projets. Toute la question, à savoir l'implication de membres de la société civile dans la société de gestion et dans le comité de pertinence, c'est des questionnements que d'autres groupes sont venus nous dire, et il y a une ouverture de notre part à cet effet dans la limite où est-ce que c'est des organismes qui ne sont pas bénéficiaires directement du fonds, mais des entités plus larges qui font partie de la société civile. La Direction de la santé publique, comme le député de Mercier faisait mention tantôt, seraient des gens qui seraient intéressés à siéger au sein de ce comité de gestion et apporteraient une vision beaucoup plus large de qu'est-ce qui peut être fait. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on envisage la suite, la suite des choses.

Vous avez, lors... Dans votre mémoire, vous nous dites que l'important, c'est que les projets soient pris rapidement, qu'on puisse avoir un résultat rapidement. Dans l'essence même, vous nous dites que c'est important qu'on puisse prendre pour acquis qu'est-ce qui existe actuellement sur le terrain, les organismes. Je pense, c'est dans cette direction-là... L'intention gouvernementale et l'intention de la fondation est d'aller dans ce sens-là. Il ne s'agit pas de réinventer la roue, mais, à même les organismes qui sont sur le terrain actuellement, faire en sorte...

Il y a un organisme ? je ne me souviens pas lequel ? la semaine dernière, qui nous disait: Dans certains secteurs, ça va aller mieux parce que la concertation, elle est déjà solide, elle est implantée, et on va de l'avant. Dans certains autres, peut-être c'est des choses qui devront être mises en place. C'est des choses qui vont être à regarder avec la société de gestion. Et, comme je vous dis, la société de gestion est paritaire entre le gouvernement et la fondation. L'essence même du fonds répond à la mission du ministère de la Famille, les éléments sont identiques.

Moi, écoutez, je n'aurais pas de question, c'étaient plutôt des commentaires larges que je voulais vous faire, vous remercier encore une fois de votre présence. Vous avez travaillé très fort dans la préparation du mémoire, puis, pour nous, c'est important parce que, comme je vous le disais, là, on est ici pour bonifier, puis je pense qu'avec vos interrogations... Même à l'article 11, je vais m'interroger vis-à-vis les juristes, là, la portée de cet article que vous énumérez. Alors, merci, merci beaucoup pour votre apport à la commission.

Le Président (M. Kelley): Je ne sais pas, Mme Masson, avez-vous des commentaires, des réactions ou...

Mme Masson (Ginette): En fait, je suis contente de voir qu'on va dans le même sens. Puis, pour nous aussi, c'est sûr que ces articles-là attirent notre attention, mais on ne connaît pas tout le côté juridique qui tourne autour.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Oui. Alors, d'abord, moi, je voudrais vous féliciter pour la présentation de votre mémoire et surtout votre position. Ce que vous dites, au fond, c'est qu'«il n'est plus possible d'ignorer la détresse de ce groupe de citoyens qui fait partie du futur du Québec», et que «la loi [...] est un pas dans la bonne direction», et que «le fonds créé devra avoir le maximum d'impacts pour les enfants». Et c'est un peu la raison pour laquelle finalement vous suggérez qu'on mette à profit les organismes qui travaillent déjà dans ce milieu-là. Donc, dans ce cas-là, ce que vous dites finalement, c'est: On n'a pas à créer de nouvelles structures pour procéder. Et ce que vous voulez, c'est que l'argent soit disponible le plus rapidement possible auprès du milieu. C'est ça que je comprends de votre intervention.

Mais ma question serait la suivante par rapport à ça. Vous parlez de l'importance d'utiliser les ressources déjà présentes et de s'assurer que les fonds serviront en premier lieu les enfants, que les sommes vont servir en premier lieu les enfants et non les mécanismes de gestion. Alors, pouvez-vous peut-être juste peut-être me dire qu'est-ce que vous entendez par là plus précisément? C'est sûrement d'utiliser les organismes existants, mais est-ce que vous verriez, par exemple...

Parce que le projet de loi, justement, son objectif, c'est d'être le plus souple possible pour s'assurer que les sommes d'argent puissent être disponibles rapidement auprès du milieu. Alors, est-ce que vous souhaiteriez, à ce moment-là... Par rapport aux mécanismes de gestion, vous voulez dire quoi quand vous dites: Oublions les mécanismes de gestion puis passons à l'action? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?

Mme Masson (Ginette): En fait, c'est que souvent il y a beaucoup un côté administratif, de paperasse à produire pour arriver à offrir le service direct sur le plancher pour que les enfants en bénéficient, puis ce que... En fait, on sait qu'il y a beaucoup d'organismes, comme les maisons de la famille, tout ça, qui ont déjà cette expertise-là. Donc, que ce soit possible que les projets qui sont en place ou les services qu'ils offrent, qu'ils soient bonifiés, ou qu'ils offrent de nouveaux volets, ou qu'ils augmentent l'offre de services, mais que ce soit transférable rapidement, parce qu'effectivement ce qu'on veut, c'est que les enfants en profitent sur le terrain.

Donc, c'est sûr que, des fois, de présenter un projet, d'attendre la réponse, etc., on connaît un peu comment ça fonctionne, ça peut prendre des délais, des fois, d'attente qui sont... Je pense qu'il faut qu'on considère que, si on veut qu'il y ait un résultat immédiat sur le terrain, c'est important que ce processus-là ne soit pas trop lourd.

M. Lehouillier: Donc, mis à part les recommandations que vous nous faites, les propositions, les cinq propositions, là, qui sont très bien ciblées d'ailleurs, puis je vous en félicite, vous souhaitez que le projet de loi reste assez souple finalement justement pour permettre des interventions rapides. Est-ce que c'est ça que je comprends?

Mme Masson (Ginette): Exactement. Ce qu'on veut aussi, c'est que les gens du milieu ? c'est pour ça qu'on parle d'un comité consultatif ? siègent à une table de travail pour qu'on puisse cibler vraiment les urgences pour réagir.

M. Lehouillier: O.K. Merci beaucoup.

Mme Masson (Ginette): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, je vais suspendre nos travaux quelques instants parce que je vois que le vote est appelé en Chambre. Alors, on va revenir pour compléter l'échange. Désolé, un petit... mais c'est hors le contrôle des présidents de commission. Alors, je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

 

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Encore une fois, désolé qu'il y avait l'interruption pour les nombreux votes qui découlent du discours sur le budget.

Au moment de notre suspension, la partie ministérielle a pris 8 min 30 s de temps de parole. J'ai une demande d'intervention du député des Îles-de-la-Madeleine. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci pour votre réflexion. Je constatais tantôt, juste avant le vote, que vous étiez en accord avec le fonds. J'imagine que vous l'êtes encore.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ils n'ont pas vu le protocole.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tomassi: ...

Le Président (M. Kelley): ...des positions qui n'ont pas changé depuis les dernières 20 minutes.

M. Chevarie: Et vous êtes également à l'aise avec la clientèle visée, des enfants vulnérables. Par ailleurs, vous souhaitez que le fonds soit plus ouvert non seulement aux enfants en situation de pauvreté, mais également aux familles en difficulté. Dans cet esprit et compte tenu de votre expertise depuis plusieurs années, quel type de projets ou type d'interventions, selon vous, qui devraient être retenus par la société de gestion pour vraiment aider encore davantage les enfants qui vivent cette difficulté-là, 0-5 ans?

Mme Bertrand (France): En fait, ce qu'il est important de préciser...

Le Président (M. Kelley): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (France): France Bertrand. Ce qu'il est important de préciser, c'est qu'il y a déjà beaucoup d'organismes qui offrent des services; ce qu'on constate, c'est qu'ils n'arrivent pas à couvrir suffisamment large. Et il y a des liens entre... On est partenaires avec les maisons de la famille, avec des organismes comme les centres d'action bénévole, alors ils ont déjà des projets en place pour soutenir la famille dès l'arrivée de l'enfant, O.K.?

On constate que les problèmes grossissent plus l'enfant vieillit, plus les problématiques sont présentes. Et, bon, c'est sûr que les CPE font partie d'une partie de la solution, on les accueille, on fait du soutien parental, mais il reste quand même qu'au quotidien il y a une partie de ces enfants-là qui ne sont pas dans nos centres mais qui consultent les maisons de la famille, qui sont en lien avec des haltes-garderies qui sont offertes également de façon sporadique, donc c'est sûr qu'il y a déjà des projets qui sont en place, qui existent, sauf qu'avec des fonds supplémentaires ils vont pouvoir couvrir plus largement. Souvent, ces gens-là aussi ont des difficultés à être rejoints parce qu'ils n'ont pas de transport. Donc, le fonds pourrait permettre également d'emmener ces gens-là dans les lieux où il pourrait y avoir du soutien et de la formation.

Ce qui est important, c'est de soutenir les mères dès l'arrivée de l'enfant, parce que, les premiers jours, c'est très beau quand ça sort de l'hôpital, et tout, mais c'est là que ça se complique, et, plus les gens sont démunis, moins ils ont d'éducation, moins ils ont de connaissances et plus le problème grossit au fil des mois. Et c'est là où finalement on est appelés par les CSSS ou par la DPJ pour soutenir dans des situations de crise, alors que, si on travaillerait dès le départ avec les mères... Elles ont souvent des formations avant la naissance du bébé, mais pas sur tous les problèmes qui s'ensuivent. Alors, c'est sûr que des projets qui visent... ciblés dès le départ, dès l'arrivée de l'enfant, ça permettrait, là, à la clientèle 0-5 ans d'être mieux encadrée et d'avoir des services tout le long. Ça répond à votre question?

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): Ça va? M. le député de Gouin.

n(17 h 20)n

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les représentants de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec. M. Tremblay, Mme Masson et Mme Bertrand, merci pour votre mémoire.

Je veux justement revenir sur les propos que vous venez de tenir à l'effet qu'il y a des programmes et des organismes qui actuellement offrent des services pour les 0-5 ans, mais qui, faute de moyens, n'ont pas suffisamment d'argent pour pouvoir desservir l'ensemble de la clientèle, et vous me dites qu'avec le fonds il y aura des sommes additionnelles à leur disposition. Comment conciliez-vous ça avec le fait que l'article 2 du projet de loi, alinéa trois dit très clairement que «les activités, projets et initiatives qui peuvent être financés par le fonds ne comprennent pas ceux qui résultent de programmes réguliers établis ou approuvés par le gouvernement»?

Si je me fie à cet article-là, si ce sont des programmes déjà existants financés par le gouvernement, que ce soit dans un CPE, dans un CLSC, un organisme famille qui reçoivent des subventions de la part du ministère liées à des programmes particuliers, de quelle façon pourrez-vous qualifier un certain nombre de projets alors que ça résulte déjà de programmes réguliers qui n'ont pas suffisamment de fonds pour pouvoir répondre à l'ensemble des besoins et des services?

Mme Bertrand (France): C'est la raison, le fond de notre première proposition, qui demande qu'on couvre les organismes existants parce qu'on craint effectivement qu'on soit à réinventer la roue et de repartir de nouveaux organismes, alors qu'on considère qu'il y a... On ne dit pas que, partout sur l'ensemble de la province, on ne doit pas permettre à des nouveaux organismes à voir le jour, loin de là. Ce qu'on demande, par contre, c'est de tenir compte des organismes existants. Et c'est la raison pour laquelle on a souligné justement cet article de loi là, parce qu'on considère qu'effectivement ce serait une grande perte de temps que de recommencer alors qu'il y a déjà des choses qui sont faites sur le terrain, qui sont intéressantes. Il faut, en tant que...

Bon, comme gestionnaires de CPE, on ne veut pas nécessairement que ce soit nous qui prenions en charge tous ces projets-là. Notre but, c'est de travailler en partenariat avec les différents organismes qui existent déjà, et, si on a des besoins autres qui ne sont pas couverts par ces organismes-là, tant mieux, on pourra démarrer autre chose, d'autres projets. Mais on pense qu'en premier lieu on doit se concentrer sur ce qui existe déjà, qui est déjà fait mais qui ne couvre pas suffisamment. Alors, c'est sûr qu'au niveau de la loi, ce qu'on vient discuter avec vous aujourd'hui, c'est effectivement que cet article de loi là nous dérange effectivement et on considère qu'on ne doit pas oublier les organismes existants.

Mme Masson (Ginette): Mais ce que je pourrais rajouter aussi, c'est que...

Le Président (M. Kelley): Mme Masson.

Mme Masson (Ginette): ...on dit aussi, dans cette proposition-là, que ça peut permettre justement aux organismes existants d'élargir leur offre de services, de couvrir un plus grand bassin et aussi de pouvoir développer de nouveaux projets. Donc, pour nous autres, c'est important justement que l'expertise terrain qui a été développée serve pour ne pas que justement on reparte de zéro puis qu'on... Parce que c'est sûr qu'un projet qui repart de zéro, bien, demande beaucoup plus de temps qu'un projet qui est déjà en place et qu'on peut tout de suite bonifier pour mettre à profit... pour que les enfants en profitent.

Mme Bertrand (France): J'aimerais rajouter...

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Bertrand (France): J'aimerais rajouter qu'il y a de la clientèle qui est difficile à atteindre. Les familles défavorisées, souvent des familles immigrantes, ce sont des gens qui sont très isolés, qui ont peur des grosses structures, hein, que ce soient des centres de la petite enfance, que ce soient des centres communautaires. Alors, une fois qu'il y a une confiance mutuelle qui a été établie entre les organismes et la clientèle, ce serait dommage de mettre ça de côté et de repartir à zéro, c'est du temps perdu. Alors, on considère que c'est important, si la confiance est là et qu'on a la possibilité d'élargir avec de nouveaux projets mais par les mêmes organismes, ça peut être déjà très intéressant.

Le Président (M. Kelley): M. le député.

M. Girard: Ce ne serait pas plus simple, à ce moment-là, que directement le gouvernement, en augmentant les budgets... ou des fondations privées vous versent directement l'argent pour des projets particuliers, comme ça se fait déjà dans des projets des centres de la petite enfance, que de passer par une société de gestion puis un intermédiaire, plutôt que de le verser directement aux organismes qui ont déjà une expertise locale, plutôt que de passer par une société de gestion?

Mme Bertrand (France): Je pense que, s'il y avait énormément de fonds, ce serait peut-être une option qui serait très agréable. Par contre, il faut considérer que les fonds sont limités, et je pense qu'il doit y avoir de la gestion de priorités aussi au Québec. Il y a des endroits où les secteurs sont plus défavorisés, sont plus démunis, ils ont encore besoin davantage. Alors, je considère quand même que ça prend... il faut qu'il y ait un choix de priorités, il faut qu'il y ait un comité ? nous, on l'a appelé comité consultatif ? pour avoir une opinion des gens du terrain. Appelez-le comme vous voulez. Ce qui est important pour nous, c'est qu'il y ait une réflexion et que l'argent ne soit pas distribué... C'est des fonds publics.

Oui, il y a des fondations qui investissent, mais on considère que cet argent-là, ce qu'on veut, c'est qu'il donne des résultats concrets aux enfants et non pas que ce soit sur des choses qui prennent une éternité avant d'être en branle, parce que le décrochage, les problèmes scolaires, tout, tout, tout peut démarrer à partir de la petite enfance. On ne règle pas tous les problèmes de la petite enfance, mais on peut quand même en régler beaucoup. Alors, c'est important de le faire rapidement. Et on considère que, si vous avez un fonds, oui, il est limité, mais il est quand même important puis, s'il est bien distribué, il pourra donner des bons résultats.

M. Girard: Vous me dites aussi, à la page 7 de votre mémoire, que vous souhaitez que le fonds soit accessible à tous, non seulement aux enfants, là, qui sont issus de quartiers identifiés comme étant défavorisés. Vous n'êtes pas le seul organisme à avoir tenu de tels propos dans le cadre de cette consultation particulière. Est-ce que vous craignez, au fond, qu'on échappe un certain nombre d'enfants qui seraient dans des quartiers plus favorisés mais qui sont dans des secteurs plus pauvres?

Bon. On sait que, certains quartiers ou certaines communautés, il y a un enrichissement parce qu'il y a l'arrivée de nouveaux propriétaires qui ont des revenus, bon, plus élevés, qui donne qu'il y a un impact sur le plan du revenu moyen dans un quartier mais qu'il reste des secteurs ou des rues où vous avez une concentration de gens plus démunis. Est-ce que vous craignez donc que, si on ne modifie pas certains éléments de la loi, il y aura des enfants qui ont des difficultés qu'on va échapper?

Mme Bertrand (France): Vous savez, jusqu'à maintenant, on le vit. À chaque fois qu'il y a des projets, il y a déjà des cartes où c'est déjà prévu qu'il y a des quartiers qui sont défavorisés, il y a des secteurs, là, au Québec, qui sont déjà identifiés comme étant défavorisés. Par contre, ce qu'on constate, c'est, dans chaque municipalité, il y a toujours des poches de pauvreté. Et je vous dirais qu'un enfant pauvre dans un quartier riche est encore plus pauvre qu'ailleurs parce qu'il est différent des autres. Sa famille est jugée. Lui, il n'a pas ce que les autres ont, il n'a pas accès aux mêmes services, on le met complètement à l'écart. Alors, il vit encore la pauvreté mais en plus un effet psychologique important.

Je ne dis pas que les enfants pauvres dans des quartiers pauvres sont moins pauvres, mais il faut s'entendre. Et je peux vous donner des exemples du côté de Saint-Bruno. On est dans un secteur qui n'est absolument pas identifié comme étant défavorisé, mais par contre ces gens-là n'ont aucun service, les familles qui sont défavorisées n'ont pas de service parce qu'il n'y a pas d'aide communautaire. La communauté ne s'est pas penchée sur leurs problèmes parce qu'ils ne sont pas nombreux. Alors, c'est sûr que ces gens-là sont complètement à l'écart.

Puis, à chaque fois qu'il y a des programmes qui sont présentés, bien, si on n'est pas dans un secteur, on n'a pas de fonds additionnels, on n'est pas ciblé, et ça, c'est dommage parce qu'on a à soutenir ces familles-là quand même. Ils sont encore plus difficiles à aller chercher, à identifier. Et on le voit de plus en plus fréquemment parce que les gens, les familles achètent des maisons qui sont peut-être plus désuètes, qui sont en moins bon état, qui sont moins chères, etc. Alors, dans certains quartiers... certaines villes, il y a des quartiers qui sont vraiment plus ciblés, mais ils ne sont pas encore assez nombreux pour apparaître dans les statistiques au Québec, et ceux-là, il ne faudrait pas qu'on les oublie.

Mme Masson (Ginette): Je voudrais rajouter aussi qu'avec la crise économique qu'on vit actuellement le nombre de familles dans le besoin peut augmenter, peu importe où elles sont situées, dans quelle municipalité. Puis, nous, ce qui est important pour nous, c'est qu'on le vit. Parce que, moi aussi, je travaille dans la région de Boucherville, puis des familles démunies, il y en a partout. Puis ce qui est important, c'est justement qu'on puisse répondre aux besoins des familles et non qu'on s'adresse à des adresses, des quartiers, des poches de défavorisation, mais plutôt avec des critères préétablis qui vont toucher directement les familles dans le besoin.

Le Président (M. Kelley): M. le député, juste très rapidement. Intendance: vu qu'on est prévu de terminer à 17 h 30, j'ai besoin du consentement d'un léger dépassement pour permettre au député de Gouin de compléter ses questions. Consentement?

M. Tomassi: Oui, ça dépend s'il va...

Le Président (M. Kelley): Ah! M. le député de Gouin.

M. Girard: ...qu'en cette fin de journée, le ministre allait enfin le déposer, le protocole d'entente.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Girard: Ce sera pour une autre fois.

Le Président (M. Kelley): Vous pourrez y revenir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tomassi: ...consentement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Girard: Ce sera pour une autre fois. Mais ce problème-là auquel vous faites référence est un problème aussi qui se vit, par exemple, dans nos écoles. Moi, je suis dans un quartier que je représente à l'Assemblée nationale, qui comprend La Petite-Patrie, bon, la Petite-Italie, que le ministre connaît bien. Et il y a justement, dans ce secteur-là, eu un enrichissement, arrivée de nouveaux propriétaires. Et ça pose à chaque fois le problème: Est-ce que ces écoles-là auront droit au programme de l'école montréalaise pour soutenir les enfants qui proviennent d'un milieu moins favorisé, qui fréquentent une école et qui ont besoin aussi de services? Alors, comment... Parce que ce problème-là ne se pose pas seulement en ce qui a trait aux enfants 0-5 ans qui, par exemple, fréquentent des centres de la petite enfance, mais il se produit aussi pour nos écoles, pour une série d'autres services publics. Et, bien, à chaque fois qu'on fait des consultations sur toutes sortes de projets, cette question-là revient sur la table.

n(17 h 30)n

Alors, comment faire en sorte de modifier les règles et les pratiques pour qu'on ne laisse personne derrière, que tous les enfants qui ont besoin d'un coup de pouce, peu importe le quartier au Québec dans lequel ils vivent, puissent avoir un appui de l'État?

C'est un débat qui est beaucoup plus large, qu'on ne réglera pas aujourd'hui, à l'occasion de cette consultation particulière, mais il faut se poser un certain nombre de questions. Puis je trouve ça très intéressant, le point de vue que vous nous apportez aujourd'hui. Je me demandais si vous avez des solutions à nous proposer sur les règles et les critères qui feraient en sorte qu'on peut mieux financer ou mieux appuyer tous ces enfants, peu importe le quartier dans lequel ils vivent.

Mme Bertrand (France): Je vous dirais que déjà, de vous entendre aujourd'hui nous questionner sur ce point-là, je pense qu'on a déjà atteint un certain niveau, parce que, jusqu'à maintenant, on était complètement mis à l'écart avec cette situation-là, et déjà, qu'on se questionne, on a déjà fait un bon bout de chemin. Parce que, dans le fond, l'important, c'est qu'à l'avenir, quand on aura à déterminer des zones de quartiers défavorisés, on pourra peut-être se poser la question et aller un petit peu plus précis, un petit peu plus micro que toujours gérer macro. Parce que, si on se fie sur les belles cartes qu'on a, avec des zones qui sont identifiées, ce sont des zones qui sont déjà beaucoup trop larges, tandis que, si on demande à chaque municipalité de les identifier, elles vont toutes pouvoir vous les sortir, déjà là. Je comprends qu'on ne mettra pas tout le budget pour ces gens-là, c'est correct, mais au moins qu'on ne les oublie pas dans le partage et qu'on ne dise pas en partant que ces gens-là n'en ont pas besoin.

Dans les centres de la petite enfance, on a des pourcentages d'exemption de places à contribution réduite. Mais, si tu n'atteins pas un certain pourcentage de ta masse totale, bien, tu n'as pas de subvention pour eux, alors qu'on doit quand même s'en occuper, de ces gens-là. Je comprends que ce n'est pas tout notre budget qui doit aller là-dessus. Mais j'imagine que, pour tous les organismes, c'est la même situation, ils sont toujours complètement rayés de la carte, alors qu'on doit quand même s'adresser à cette partie de la population là, même si elle est moins grande que certains territoires à Montréal, par exemple. Mais je me dis que, si, nous, on le vit, que ce soit à Saint-Bruno, à Boucherville ou dans votre secteur, ça se vit ailleurs au Québec, et, si on met tout ce monde-là ensemble, ça en fait beaucoup, d'enfants, qu'on met de côté pour ne considérer que des territoires qui sont bien identifiés. Alors, juste le fait d'en parler aujourd'hui, que vous en soyez déjà concernés, que déjà vous vous arrêtiez à cette situation-là, pour nous, je considère que c'est déjà un grand pas.

M. Girard: Mais il existe des ententes entre des centres de santé et des CPE, bon, qui permettent à des enfants de milieux défavorisés de pouvoir fréquenter gratuitement à temps partiel un centre de la petite enfance, mais ce n'est pas tous les centres de la petite enfance qui ont des ententes avec leur centre de santé, ça varie d'une région à l'autre, puis ça varie aussi, j'imagine, en fonction du nombre de places disponibles également. Vous me dites qu'à certains endroits c'est difficile pour ces enfants-là d'avoir accès à cette entente-là?

Mme Bertrand (France): Bien, déjà, en partant, on s'entend pour dire que les places à contribution réduite, on en a besoin d'encore plus; ça, c'est certain. Si on en avait en trop, ce serait facile d'en donner encore plus à tout le monde. Dans le cas de Mme Masson et de moi-même, on a des ententes avec nos CLSC, on a des places pour les enfants qui ont des besoins, mais il y a toute la question... et c'est là que nos partenaires entrent en jeu, toute la question du transport de ces familles défavorisées là. Comme il n'y a pas des CPE à tous les coins de rue et qu'on n'a pas des places en quantité illimitée, bien, c'est évident qu'il y a des familles qui n'ont pas accès à nos services parce qu'elles n'ont pas de moyen de transport, que c'est difficile pour eux de se déplacer.

On a des familles qui se déplacent par des subventions particulières qu'elles ont eues parce qu'on sait que les enfants doivent absolument être dans nos CPE et que, là, on y va avec notre argent de poche, si vous voulez. Même chose au niveau des maisons de la famille, ils vont décider de payer pendant quelques semaines du taxi ou des situations particulières. Mais c'est évident que cette clientèle-là est difficile à emmener. Puis nos structures font peur, et c'est là que les petits organismes existants sont importants.

Les maisons de la famille, ce qu'on a fait, nous, entre autres, pour vous donner un exemple, on a invité des familles qui avaient des contacts avec la maison de la famille à venir à un pique-nique, dans un parc, au CPE, pour leur présenter qu'est-ce qu'on faisait. On leur a partagé des outils pédagogiques aussi pour soutenir le rôle parental. Alors, c'est par des petits gestes comme ça qu'on va, petit à petit, emmener ces familles-là à être plus intéressées à aller vers des structures qui font peur.

Souvent, du fait qu'ils sont défavorisés, il y a aussi des habiletés parentales qui ne sont pas toujours présentes, ils n'ont pas toujours les vêtements pour se présenter, donc ça fait peur d'arriver dans un centre de la petite enfance et de ne pas être comme tout le monde. Donc, il y a tout ça qu'il faut démystifier. Alors, il y a des activités que le fonds permettra probablement pour justement démystifier toute cette crainte-là de se retrouver dans une grosse structure. Si tu n'es pas un bon parent puis que tu vas chez la voisine, ça ne paraît pas, mais, si tu vas dans un CPE, bien, ça se peut bien qu'on t'encadre davantage puis qu'on essaie de te soutenir dans ton rôle parental. Donc, il y a tout ça qui est en... C'est tout interrelié, tous les partenaires travaillent ensemble dans ce sens-là, mais il y a encore beaucoup d'obstacles, là. Ça, on a encore beaucoup de travail à faire, là. Ça, c'est évident.

Mme Masson (Ginette): Je voudrais rajouter aussi que...

Le Président (M. Kelley): Mme Masson.

Mme Masson (Ginette): ...ce qui est important de considérer dans ça, c'est que souvent, quand c'est le milieu qui est considéré comme étant défavorisé, il y a des personnes qui ne vont pas demander d'aide parce qu'elles ne veulent pas être identifiées. Tandis que, si c'étaient des critères préétablis, en lien avec la famille, bien, peut-être que ce serait plus personnalisé et plus facile d'avoir accès à des services sans être identifié comme étant dans une zone de défavorisation.

M. Girard: Il reste encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Il reste quatre minutes.

M. Girard: Mais c'est très intéressant, vos propos, j'en prends bonne note. À la page 8 de votre mémoire, une de vos propositions, c'est sur une gouvernance équilibrée. Le ministre nous a indiqué qu'il y aurait un conseil de gestion paritaire. Est-ce que vous souhaitez qu'il y ait des membres de la société civile qui en fassent partie?

Et, deuxièmement, vous sembliez avoir un certain nombre d'inquiétudes ou de craintes à l'effet que l'expertise locale ou, à la limite, régionale ne soit pas toujours... on ne tienne pas toujours compte de cette expertise-là. Est-ce qu'à votre avis il faut trouver un espace pour que les tables enfance-famille, qui existent dans plusieurs communautés ou quartiers ou qui existent à l'échelle régionale, puissent être consultées, avoir leur mot à dire, de façon à ce que ces projets ne soient pas décidés uniquement nationalement mais qu'ils tiennent compte des réalités qui sont différentes en Gaspésie, au Saguenay?Lac-Saint-Jean ou dans certains quartiers montréalais?

Le Président (M. Kelley): Mme Bertrand.

Mme Bertrand (France): On s'entend pour dire que les gens qui travaillent au ministère ont une bonne connaissance des dossiers. Ça, on en est tous conscients. Le réseau de la petite enfance est déjà bien établi depuis plusieurs années. Par contre, comme vous faites mention, entre la Gaspésie, l'Abitibi, la Côte-Nord, la Montérégie et Québec, on a tous des particularités, et ça, on doit en tenir compte, et c'est là où on trouvait important qu'il y ait un équilibre au niveau du comité consultatif.

On ne demande pas que les CPE siègent sur ces dossiers-là, on ne demande pas qui que ce soit en particulier. Par contre, on considère que, bon, il y a les CSSS qui sont des partenaires importants, qui connaissent leur territoire, qui pourraient avoir leur mot à dire. C'est qu'on ne veut pas que ce soit... Là, on parle de la fondation, mais ça peut être d'autres organismes privés qui éventuellement se grefferaient à ce fonds-là. Et ce qu'on ne voudrait pas, c'est perdre l'expertise terrain, les connaissances terrain et que ce soit pris uniquement par des décisions administratives ou des: Bon, O.K., cette année, on en a donné tant d'un côté, on va en donner tant de l'autre bord. On ne voudrait pas que ça se fasse comme ça. Ce qui serait important pour nous, c'est que ce soit collé sur la réalité, qu'on continue à respecter les priorités. Il y a eu les CRE qui ont fait du travail énorme, au cours des dernières années ou des derniers mois, concernant les places à contribution réduite. Je pense qu'il y a beaucoup de travail qui peut être fait dans ce sens-là pour s'assurer que les projets qui soient acceptés ou que les fonds qui soient distribués le soient en fonction des réalités et des besoins du terrain.

Donc, peu importe qui vous déciderez de mettre sur le comité consultatif, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un équilibre. Et, pour nous, on s'entend, on parle d'un comité consultatif, ce n'est pas un comité qui est décisionnel, c'est un comité qui est là pour faire des recommandations. Alors, si vous faites participer différentes régions, si vous faites participer que ce soient les centres de réadaptation, que ce soient les centres... les CSSS, que ce soient des partenaires plus locaux, plus terrain, des organismes du terrain, ce sera votre choix, mais ce qu'on ne veut pas, c'est que ce soient uniquement des membres du gouvernement ou des membres de la formation, qui malheureusement n'ont pas nécessairement l'expertise aussi locale et les connaissances aussi locales.

M. Girard: Je comprends donc que, par exemple, l'expertise des conférences régionales des élus, qui, suite au mandat qu'avait confié, là, le ministère de la Famille, qui avaient évalué qu'il y avait un minimum de besoins de 38 000 places à l'échelle du Québec, vous pensez que c'est un partenaire qui est important, incontournable et qui devrait être mis à profit au niveau des comités consultatifs ou au niveau du conseil de gestion qui doit avoir une voix pour les régions pour qu'on tienne compte des particularités, puis que les conseils régionaux des élus peuvent être un bon partenaire pour faire ça.

Mme Bertrand (France): ...je vous ai donné cet exemple-là parce qu'eux ont travaillé sur les places à contribution réduite. Ce que je veux dire, c'est que n'importe quel autre organisme à qui on donnerait un mandat de connaissance du terrain pourrait faire le travail, également. Je pense que les CSSS, entre autres, ont une très, très bonne connaissance des besoins de leur clientèle parce que c'est la porte d'entrée des familles. Alors, déjà, au départ, quand l'enfant vient au monde, il y a une visite qui est faite dans les résidences, et tout, et tout. Donc, je pense qu'eux sont très en mesure d'identifier les besoins. Et là on pourrait cibler ? ce qu'on parlait tout à l'heure ? sans aller dans un territoire si vaste, on serait capable de cibler parce qu'ils vont chez les gens, ils vont directement dans les maisons privées, ils voient les besoins, ils peuvent les identifier. Donc, je pense que les CSSS sont aussi un partenaire important.

n(17 h 40)n

C'est sûr que, nous, sur mon territoire, c'est plus qu'un partenaire important, on travaille au quotidien avec ces gens-là, ils travaillent dans nos milieux, il y a orthophonistes, des ergos, tout le monde travaille avec nous, on est en partenariat, mais on ne doit pas se limiter. Chez nous, ça passe bien comme ça, peut-être que, dans un autre territoire, c'est la CRE qui est plus efficiente sur son territoire, qui a le plus de connaissances. Dans un autre secteur, c'est peut-être un autre organisme qui le fait. Je pense qu'il faut avoir de l'ouverture et de la souplesse pour permettre d'avoir une connaissance globale du territoire. On ne s'attend pas à ce que ça se fasse, là, du jour au lendemain, mais je pense qu'on ne doit pas se fermer aux connaissances du terrain et aux études qui sont faites à ce niveau-là.

C'est sûr qu'on ne voudrait pas que vous passiez plusieurs années à évaluer qui doit être sur le comité consultatif. Ça, on s'entend, là, pour nous, c'est important que ce soit réglé à très court terme. Mais je pense qu'on ne doit pas les oublier dans le choix des partenaires.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci beaucoup aux représentants de l'Association du personnel cadre des centres de la petite enfance du Québec pour votre présentation, Mme Masson, Mme Bertrand, M. Tremblay.

Sur ce, je vais ajourner nos travaux au mercredi 8 avril, à 10 h 30, dans cette même salle, afin de compléter les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants. Bonsoir, tout le monde, merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 41)


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