(Onze heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Kelley): Bonjour, mesdames et messieurs. Je constate quorum des membres de la Commission des affaires sociales. Donc, je déclare la séance en rappelant le mandat de la commission.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds de développement des jeunes enfants.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Girard (Gouin) remplace Mme Lapointe (Crémazie) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Caire (La Peltrie).
Remarques préliminaires
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et bienvenue aux députés membres. Avant, on a deux items sur l'ordre du jour ce matin. On va procéder aux remarques préliminaires, et, après ça, on va continuer avec un échange avec un groupe. On a 15 minutes allouées aux remarques préliminaires. Et je vais céder la parole au ministre de la Famille pour un temps de parole de 7 min 30 s, plus ou moins.
M. Tony Tomassi
M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Chers collègues, bonjour et bienvenue dans cette commission en début de travaux. Et aujourd'hui nous franchissons aujourd'hui une autre étape du processus législatif dans lequel nous nous sommes engagés.
D'emblée, j'aimerais remercier tous les groupes et leurs représentants qui viendront nous faire part de leurs commentaires. Permettez-moi également de souligner la présence parmi nous de M. Jean-Marc Chouinard, vice-président, Développement des enfants et des communautés, de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon. Je tiens à le remercier de sa présence qui témoigne de l'ouverture et de l'écoute de la fondation face aux organismes que nous rencontrerons au cours des prochains jours.
Les consultations particulières sont un moment important dans le processus d'étude d'un projet de loi. Dans ce cas-ci, nous partageons tous l'objectif de favoriser le développement des jeunes enfants des milieux défavorisés. Aussi, je suis persuadé que nos échanges permettront d'enrichir notre réflexion sur ce sujet. Permettez-moi de préciser, M. le Président, que ce projet de loi découle d'un partenariat prometteur qui vise l'engagement de l'ensemble de la société québécoise vers un objectif commun: assurer le mieux-être des familles et offrir une chance égale à tous les enfants.
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(11 h 20)
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Dans les dernières années, le gouvernement du Québec a été un chef de file en ce qui concerne le soutien aux enfants et aux familles. D'ailleurs, les politiques publiques du Québec en la matière sont parmi les plus généreuses dans le groupe des pays développés. Le Québec fait figure de leader dans le monde pour l'aide apportée à ses familles, notamment en ce qui concerne le soutien financier, mais également en matière de services de garde éducatifs pour les enfants de zéro à cinq ans.
Malgré cela, il y a encore trop d'enfants et de familles qui vivent en situation de vulnérabilité. Le contexte social et économique dans lequel évoluent ces enfants a un impact direct sur leur développement et sur leur capacité à intégrer l'école de manière harmonieuse. En ce sens, le gouvernement du Québec continue d'agir et entend faire encore davantage pour assurer la réussite scolaire de tous les enfants, et ce, dans un esprit d'ouverture et de collaboration étroite avec l'ensemble des partenaires concernés.
C'est pourquoi, en mars 2008, dans la foulée du discours sur le budget 2008-2009, nous annoncions, en partenariat avec la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, la création d'un fonds visant à venir en aide aux enfants vivant en situation de pauvreté. Le gouvernement du Québec prévoit y consacrer un total de 150 millions de dollars sur 10 ans, soit 15 millions par année. Comme vous le savez, la totalité des fonds proviendra des revenus de la taxe sur les produits du tabac. La Fondation Lucie-et-André-Chagnon y versera un montant de 250 millions, soit 25 millions annuellement.
Ainsi, ce fonds de 400 millions de dollars étalés sur 10 ans permettra de soutenir la mise en oeuvre d'initiatives visant à favoriser le développement des enfants à la fois sur le plan physique, psychologique, cognitif, langagier, social et affectif. Il permettra également d'offrir un soutien aux parents, et ce, dès la grossesse, en leur procurant les outils les plus susceptibles de contribuer à ce développement. Finalement, il favorisera l'innovation de même que l'acquisition et le transfert de connaissances en matière de prévention et d'intervention précoce.
L'objectif est clair: soutenir, de concert avec les parents et les partenaires du milieu, le développement global des enfants de cinq ans et moins vivant en situation de pauvreté afin de favoriser leur entrée scolaire et la poursuite de leur scolarité. Nous le savons, soutenir le développement des enfants dès leur première année de vie est d'une importance cruciale. En intervenant tôt, nous pouvons influencer considérablement leur parcours et ainsi contribuer à assurer leur réussite scolaire, éducative et sociale.
Les études le démontrent, une portion importante de jeunes Québécois arrivent mal préparés pour débuter leur parcours scolaire, et c'est particulièrement le cas des enfants vivant en milieu défavorisé. L'Enquête sur la maturité scolaire des enfants montréalais est plutôt révélatrice à ce sujet. Réalisée auprès de 10 000 enfants de la maternelle, elle démontre notamment que un enfant sur trois vivant sur l'île de Montréal accuse un retard susceptible de mettre en cause sa réussite scolaire, et ce, dans l'un ou l'autre des domaines suivants: la santé physique et le bien-être, la compétence sociale, la maturité affective, le développement cognitif et langagier, les habiletés de communication et les connaissances générales.
Par ailleurs, les effets de la pauvreté des familles sur le développement des jeunes enfants sont largement documentés. Grandir dans un milieu défavorisé constitue un important facteur de risque pour les tout-petits. C'est pourquoi, M. le Président, avec la mise en place de ce fonds, nous réitérons notre volonté d'agir pour le mieux-être des familles et des enfants, qui sont au coeur même de la mission du ministère de la Famille et des Aînés. Les actions et les projets qui seront financés par le fonds devront donc contribuer à favoriser le développement harmonieux des enfants ainsi qu'à assurer leur maturité scolaire. Ce sont là des aspects importants en termes de prévention du décrochage scolaire et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Les projets admissibles au fonds devront permettre la mise en oeuvre d'actions concrètes qui s'inscriront dans un plan d'action local à l'intention des enfants de zéro à cinq ans et leurs parents.
Un tel projet est impensable, vous en conviendrez, sans une mobilisation importante des communautés locales. L'apport des différents acteurs sociaux est indispensable pour créer cette synergie. Ainsi, les organismes communautaires Famille, les services de garde, les écoles et les commissions scolaires, les établissements du réseau de la santé et des services sociaux et les municipalités pourront se regrouper ensemble pour présenter des projets et bénéficier de ce fonds. Ils sont les mieux placés pour répondre adéquatement aux besoins des familles. Telle est la stratégie d'intervention privilégiée dans le cadre de ce partenariat: mobilisation, concertation et action.
Je le réitère, M. le Président, la mobilisation des communautés locales demeure essentielle afin d'identifier des solutions globales et durables. Le développement de partenariats avec les principaux organismes oeuvrant sur un même territoire permettra, dans un premier temps, d'identifier les ressources déjà disponibles pour les familles et, dans un deuxième temps, de définir précisément les besoins auxquels les projets soumis permettront de répondre. Ces projets, réalisés de concert avec les divers partenaires locaux, permettront la mise en place de solutions concrètes pour favoriser le développement des enfants dans différentes sphères de leur vie. À titre d'exemple, il pourra s'agir d'ateliers de stimulation précoce, d'activités d'éveil à la lecture et à l'écriture. Le fonds pourra également encourager des projets visant notamment le soutien à l'exercice du rôle des parents dans la préparation des tout-petits à leur entrée scolaire, des gestes tangibles qui, nous l'espérons, offrirons des chances de réussite égales à tous les enfants du Québec.
Ce partenariat innovateur se concrétisera également à travers la création d'une société constituée spécialement pour la gestion de son fonds. Le dirigeant ou la dirigeante de cette société sera redevable à un conseil d'administration composé d'un nombre paritaire de personnes désignées par le ministre de la Famille et par la Fondation Lucie-et-André-Chagnon.
Je souligne qu'à la suite de cette consultation publique, c'est-à-dire lors de l'étude détaillée du projet de loi, je déposerai le protocole d'entente. Ce document viendra définir les paramètres de ce partenariat entre la fondation et la ministre de la Famille. Avec cette nouvelle entente, le gouvernement réitère sa volonté de soutenir les familles et de favoriser la mise en commun des diverses ressources de la communauté, de même que l'expertise inestimable développée dans toutes les régions du Québec. C'est là une force indéniable pour le développement des jeunes vivant en situation de pauvreté, une force qui contribuera, j'en suis certain, à leur offrir le meilleur pour l'avenir.
En terminant, je vous invite tous à contribuer activement à cette réflexion qui a pour but ultime le développement et le bien-être de nos enfants. Nous devons nous montrer solidaires de la situation des enfants et des familles défavorisés, transcender les allégeances politiques et unir nos forces à celles de l'ensemble de la société pour offrir une chance égale à tous les enfants. Bien sûr, nous examinerons ensemble des améliorations possibles à ce projet de loi, mais je souhaite que, tout au long de ce processus législatif, nous demeurions sensibles aux besoins des enfants et des familles défavorisés. C'est ce qui nous motive tous aujourd'hui. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le ministre. Maintenant, je vais céder la parole au député de Gouin pour un droit de parole de 7 min 30 s, plus ou moins.
M. Nicolas Girard
M. Girard: M. le Président, merci. Ça me fait plaisir de vous retrouver après les nombreuses consultations que nous avons menées sur l'itinérance à la Commission des affaires sociales. J'en profite aussi pour saluer le ministre et son équipe et l'ensemble des parlementaires qui vont participer aux travaux visant à étudier le projet de loi n° 7. J'en profite aussi pour saluer M. Chouinard, de la fondation Chagnon. J'ai eu l'occasion de le croiser à quelques reprises, au métro Beaubien, au cours de la dernière campagne électorale.
Concernant le projet de loi donc, on débute aujourd'hui les consultations particulières sur le projet de loi n° 7, la Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants, financé par la Fondation Lucie-et-André-Chagnon. On parle d'un financement à la hauteur de 250 millions de dollars. La contribution du gouvernement du Québec est de l'ordre de 150 millions, donc c'est un fonds de 400 millions sur une période de 10 ans.
Au Québec, il y a beaucoup d'intervention qui se fait auprès des enfants, auprès de la petite enfance. J'en profite pour souligner le travail extraordinaire des centres de la petite enfance, nos CLSC aussi interviennent, des organismes communautaires Famille qui font un travail extraordinaire aussi dans toutes les régions du Québec. Il y a des municipalités aussi qui sont impliquées, il y a également des écoles. Donc, il y a un travail qui se fait un peu partout à travers le Québec, auprès des jeunes enfants.
Donc, on aura l'occasion d'entendre plusieurs de ces organismes dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 7. Ce projet de loi, c'est le moins qu'on puisse dire, M. le Président, suscite de nombreux débats animés auprès de ceux et celles qui oeuvrent auprès des jeunes enfants. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'à ce stade-ci, ce projet de loi, tel qu'il est formulé, est loin de faire consensus.
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(11 h 30)
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D'entrée de jeu, M. le Président, je veux souligner la bonne foi et l'engagement de la fondation Chagnon pour l'amélioration et le développement de nos jeunes enfants. C'est une intervention qui est louable, qui est salutaire, et des mécènes comme ça, au Québec, on en aurait besoin beaucoup plus. Cependant, au cours de cette consultation, l'opposition officielle, on a un certain nombre de questions à poser. Pour ceux et celles qui participeront aux consultations, on a un certain nombre de questions qu'on veut soulever. Ce projet de loi là soulève des débats qui sont fondamentaux, autour de quatre éléments qui sont importants pour notre formation politique: la mission de l'État, la gouvernance du fonds, la reddition de comptes, parce qu'on sait que, selon le projet de loi, tel qu'il est formulé, il échappe à l'étude détaillée des crédits, il échappe également au pouvoir du Vérificateur général, et également il y a un quatrième élément, qui est la reconnaissance de l'expertise existante dans les communautés locales. Pour nous, c'est quatre éléments, quatre débats fondamentaux qui doivent être soulevés dans le cadre des consultations particulières de ce projet de loi.
L'autre aspect où on a un certain nombre de questionnements: Qui va définir les priorités pour l'intervention auprès des jeunes enfants avec des fonds publics? Est-ce que ce sera une fondation privée ou ce sera le gouvernement? Et, du même souffle, je ne peux m'empêcher de souligner que, au même moment où le gouvernement alloue une somme de 15 millions sur une période de 10 ans, les organismes famille, au Québec, réclament depuis un certain temps une bonification de leur soutien, et, simple coïncidence ou est-ce le fruit du hasard, la contribution du gouvernement est de l'ordre de 15 millions par année sur 10 ans, les demandes des organismes famille sont de 15 millions. Est-ce que le gouvernement a fait un choix en l'allouant pour cette fondation de 400 millions de dollars? Le ministre aura l'occasion de nous répondre dans le cadre des travaux.
L'autre aspect que je veux aborder dans mes remarques préliminaires, le ministre, le ministère a négocié un protocole d'entente avec la fondation Chagnon. Le ministre a indiqué qu'il allait le déposer au moment de l'étude détaillée du projet de loi. Je souhaiterais que le ministre puisse le déposer dès maintenant. Je pense que, dans un débat qui porte sur un fonds aussi important, de 400 millions de dollars, il me semble que, par souci de transparence, le ministre devrait le déposer dès maintenant pour l'ensemble des parlementaires, quelle que soit la couleur de notre formation politique, et aussi qu'il soit disponible pour les organismes qui auront l'occasion de présenter des mémoires dans le cadre des travaux de cette commission. Pour nous, c'est un débat important, fondamental, et il me semble que le plus d'information que donnera le ministre, meilleur sera le débat sur ce projet de loi. Donc, je l'invite à le déposer dès maintenant, le protocole d'entente.
Donc, en terminant, M. le Président, mes inquiétudes ne sont donc pas quant au fait que la Fondation André-et-Lucie-Chagnon investisse des fonds pour le développement des jeunes enfants; je pense que tout le monde au Québec s'en réjouit. Et, dans nos quartiers respectifs, dans nos comtés respectifs, il y a de nombreuses fondations qui interviennent, qui appuient des organismes communautaires et des partenaires. Donc, nous croyons que la fondation Chagnon pose un geste qui mérite d'être souligné, d'investir des fonds pour appuyer des projets dans des communautés. Cependant, nous avons des interrogations sur le fond, sur ce projet de loi là ? je les rappelle ? quant à la mission de l'État, quant à la gouvernance du fonds, quant à la reddition de comptes et quant à la reconnaissance de l'expertise existante dans les communautés locales.
Et je termine là-dessus. Il existe des organismes communautaires Famille, des centres de la petite enfance, des partenaires qui font un travail exceptionnel pour les jeunes enfants. Je pense, dans mon quartier, au Groupe d'entraide maternelle, à la Maisonnette des parents, des organismes qui doivent, à l'heure actuelle, réduire un certain nombre de leurs activités, faute de fonds. Alors, c'est normal qu'un certain nombre de ces organismes-là se posent des questions au moment où on étudie le projet de loi alors qu'ils doivent couper des activités pour aider le développement des jeunes enfants parce qu'ils n'ont eux-mêmes pas les ressources pour pouvoir offrir les services auxquels les communautés ont droit.
Donc, M. le Président, on aura l'occasion d'entendre beaucoup de groupes. Curieux d'entendre les points de vue sur ce projet de loi, on aura l'occasion de poser des questions à partir des interrogations que j'ai soulevées dans ma présentation. Je nous souhaite une bonne consultation.
Auditions
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. On va procéder maintenant à entendre le premier témoin, qui est le Carrefour action municipale, qui est parmi nous aujourd'hui, représenté par Marc-André Plante, son directeur général, et Marielle Lemieux, la deuxième vice-présidente. Mme Lemieux, la parole est à vous.
Carrefour action municipale et famille (CAMF)
Mme Lemieux (Marielle): M. le Président de la Commission des affaires sociales, M. le ministre de la Famille, chers membres de cette commission, bonjour. M. le Président, c'est avec un immense plaisir que le Carrefour action municipale et famille participe à une consultation particulière de la Commission des affaires sociales. Je suis accompagnée de notre directeur général, qui répondra à vos questions à la suite de ma présentation. Merci à vous et aux membres de cette commission de prendre le temps de nous écouter.
Brièvement, je profite de notre présence aujourd'hui pour vous présenter globalement la mission de notre organisation. Le carrefour est un organisme sans but lucratif qui accompagne les municipalités et MRC intéressées par le développement de politiques familiales municipales, et son expertise en ce domaine est unique au Québec. En partenariat avec le gouvernement du Québec, il offre un lieu d'échange et des services techniques dans toutes les régions du Québec. À ce jour, il compte plus de 250 membres. Sa présence dans le milieu municipal a porté fruit puisque plus de 450 municipalités ont adopté ou adopteront bientôt une politique familiale et un plan d'action.
M. le Président, le projet de loi n° 7, qui prévoit la création du fonds pour le développement des jeunes enfants, nous intéresse à plusieurs égards. En effet, le Carrefour action municipale et famille constate régulièrement les nombreux besoins en matière d'intervention précoce auprès des familles avec des enfants de moins de cinq ans et maintient depuis longtemps que des investissements à cet égard sont nécessaires. L'ensemble des municipalités du Québec sont concernées. Prenons l'exemple de Montréal, où, selon une étude de la Direction de santé publique de Montréal, un enfant sur trois fait son entrée à la maternelle dans un état de vulnérabilité qui pourrait compromettre son développement scolaire. Le décrochage scolaire est un dossier prioritaire pour toute la société québécoise, et c'est pourquoi les municipalités se sentent interpellées par ce projet de loi.
La création du fonds pour le développement des jeunes enfants est une occasion favorable aux partenariats et à l'innovation sociale pour l'ensemble de nos membres qui veulent mettre en place des environnements propices au plein épanouissement des familles québécoises, et plus particulièrement celles en situation de pauvreté. À ce titre, le Carrefour action municipale et famille aimerait souligner l'importante contribution et le dévouement de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon à l'atteinte des objectifs en devenir par le soutien d'initiatives locales en faveur des jeunes enfants, des proches aidants et en ce qui a trait à la promotion des saines habitudes de vie de la population en général.
D'entrée de jeu, le conseil d'administration du Carrefour action municipale et famille appuie la création du fonds pour le développement des jeunes enfants, cofinancé et cogéré par la Fondation Lucie-et-André-Chagnon. Le contexte économique actuel auquel sont confrontées les administrations publiques nord-américaines nécessite un tel partenariat pour le bénéfice de l'ensemble des enfants québécois. L'apport additionnel de 400 millions de dollars sur 10 ans permettra d'appuyer des initiatives locales auprès des jeunes enfants, qui favoriseront leur développement global sur les plans psychologique, cognitif, langagier, social et affectif.
Pour bien coordonner ces orientations, le carrefour souhaite que le ministre de la Famille et des Aînés, chargé de l'administration de cette loi, élabore une stratégie nationale accompagnée d'un plan d'action rassembleur pour répondre aux objectifs identifiés dans le projet de loi. Grâce à son expertise en matière d'élaboration de politiques familiales municipales, le carrefour propose au gouvernement du Québec sa collaboration à l'identification de mesures mobilisant le milieu municipal et à l'enrichissement de la stratégie d'action gouvernementale envers les familles québécoises.
Suite à la lecture du projet de loi n° 7, le carrefour estime qu'il est important de tenir compte de certaines considérations dans le déploiement des activités du fonds pour le développement des jeunes enfants.
Tout d'abord, que les activités financées par le fonds soutiennent non seulement la mobilisation et la concertation des communautés, mais également des actions concrètes auprès des familles ayant des jeunes enfants.
D'autre part, que les activités soutenues pour le fonds demeurent complémentaires aux différentes interventions des programmes gouvernementaux et qu'elles ne remplacent pas les programmes existants du gouvernement ni ne limitent l'émergence de nouvelles initiatives.
De plus, que les programmes de soutien financier du fonds respectent et soient cohérents avec les engagements pris par le gouvernement du Québec dans le cadre de ses différentes politiques nationales. Pour ce faire, le carrefour souhaite qu'il y ait une concertation entre les différentes interventions et orientations de trois fonds ? Québec en forme, Québec Enfants et les proches aidants ? afin de préserver une certaine harmonie entre les actions auprès des familles.
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(11 h 40)
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Aussi, le carrefour considère que la présence de représentants de la société civile au conseil d'administration de la société de gestion du fonds est non seulement souhaitable, mais indispensable afin d'assurer la cohérence et une saine relation avec l'ensemble des partenaires locaux et régionaux.
Par ailleurs, le carrefour suggère l'instauration d'un comité de pertinence qui se chargerait de la sélection et de l'octroi des subventions. Des représentants de la société civile devraient, encore une fois, être présents, ainsi qu'une équipe de chercheurs dans le domaine de la famille et de l'enfance. Cette équipe pourrait veiller à ce que les actions soutenues soient fondées, évaluables et crédibles et s'assurer que les expérimentations de nouvelles approches auprès des enfants et des parents soient encadrées et suivies.
En outre, il faut noter l'importance d'un processus d'évaluation externe des actions issues d'une activité du fonds et surtout de leurs retombées dans les communautés.
En conclusion, le Carrefour action municipale et famille réitère sa volonté de collaborer au succès des activités soutenues par le fonds pour le développement des jeunes enfants. La création d'environnements favorables aux familles est une responsabilité partagée, et de multiples partenaires peuvent y contribuer. Le milieu municipal s'y engage depuis déjà 20 ans par l'adoption de politiques familiales municipales. En effet, les municipalités accordent un grand intérêt au développement harmonieux des enfants et à la satisfaction des parents à l'égard des services offerts dans leur milieu. Ce sont des gages de qualité de vie pour laquelle elles sont mandatées. On peut donc affirmer que les municipalités et par conséquent le carrefour sont des partenaires du gouvernement dans le soutien des familles et des jeunes enfants, et c'est pourquoi le carrefour souhaite vivement l'adoption de ce projet de loi.
Finalement, avec l'adoption du projet de loi n° 7, le gouvernement doit clairement identifier les modalités pour assurer la pérennité des activités financées par le fonds après 2020. Les membres du Carrefour action municipale et famille s'inquiètent des répercussions d'un possible transfert de responsabilités et du financement de ces activités à l'échéance du fonds. Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Lemieux. On va procéder maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Je fais un calcul rapide: on a environ une quarantaine de minutes qui sont disponibles, alors je vais procéder à une enveloppe de 22 minutes à ma gauche... à ma droite, pardon. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Tomassi: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mme Lemieux, M. Plante, bienvenue, je suis heureux de... nous sommes heureux de vous accueillir. De un, le carrefour municipal joue un rôle très important dans la mise en place des politiques famille dans les diverses municipalités du Québec. On a un très bon taux de réussite dans les municipalités. 80 % des municipalités ont adopté des politiques famille durant les dernières années, et c'est de bon augure pour la suite des choses et pour les familles du Québec. Et je crois que vous avez été capables de faire en sorte de créer cette mobilisation locale pour faire en sorte que ces diverses municipalités, avec les acteurs locaux, puissent prendre des mesures bénéfiques pour les familles du Québec.
Je lisais votre mémoire, et vous posez quelques interrogations. Dans l'ensemble, vous êtes très positifs vis-à-vis la mise sur pied du fonds, qui nécessairement va apporter un plus aux familles et aux enfants du Québec. À la page 7 de votre mémoire, vous apportez une interrogation, interrogation qui a été soulevée aussi par mon collègue le député de Gouin, le porte-parole en matière de famille, concernant la reddition de comptes et la possibilité pour le VG, là, de vérifier la société de gestion.
Je veux mettre les choses au clair, là. La société de gestion est assimilée à une entreprise gouvernementale. Alors, selon l'article 5 du VG, le Vérificateur général a le plein pouvoir d'aller scruter les chiffres de la société de gestion. Alors, ça répond un peu à votre interrogation, là, la reddition de comptes va être mise en place.
Il faut aussi rappeler qu'il va y avoir dépôt par le ministre, là, à chaque année, là, du rapport financier et des activités du fonds, à l'Assemblée nationale, qui va pouvoir être scruté par les partis de l'opposition puis les collègues, les collègues députés. Alors, en réalité, là, ce n'est pas un ensemble clos, là, où est-ce qu'il n'y a plus personne qui a accès à ces informations. Puis je ne pense pas que c'est le but de la fondation et nous, du gouvernement, d'en faire un vase clos, là. On veut permettre à toutes les organisations, à tous les organismes du Québec d'avoir accès, pour le but ultime, là, que ça rapporte puis que ça ait un point positif pour les familles, pour les familles puis pour les enfants du Québec. Puis, à entendre parler mon collègue de l'opposition, je pense que le but ultime, là, c'est un peu ça. Puis je vais lui reparler tantôt de certains autres éléments de ses quatre points, là, d'interrogation qu'il a dans son questionnement.
À l'article 2, là, vous faites mention du mécanisme qui pourrait être mis en place, là, sur la participation citoyenne. Il y a un élément dans la loi, l'article 2, là ? vous le mentionnez, vous aussi, là ? qui donne l'importance de l'implication des parents, là, qui est nécessaire. Je voulais peut-être vous entendre un peu sur cette question, là. Comment vous voyez ça, ce mécanisme de participation citoyenne et des parents à cette mise en place?
M. Plante (Marc-André): Merci. Merci, M. le Président. En fait, sur l'article 2, nous avions soulevé une question. Étant donné qu'essentiellement le projet de loi a un caractère somme toute juridique, et notre spécialité... Comme je dis bien souvent, au carrefour on n'est pas des avocats. Donc, on ne s'est pas portés sur la question juridique du projet de loi mais davantage sur le déploiement des articles et du fonds.
Principalement, à l'article 2, il est inscrit que ce fonds sera porté «de concert avec les parents». Et la question qu'on a soulevée, c'est: Quel mécanisme souhaitons-nous mettre en place pour faciliter... sachant fort bien que les activités s'adressant aux 0-5 ans impliquent nécessairement les parents. On ne pourra pas... Il y a des intervenants, c'est certain, mais l'objectif premier, c'est que les parents s'impliquent concrètement auprès de ces jeunes enfants là. Et la question, c'est que, dans le projet de loi, on ne dit pas nécessairement de quelle façon on pourra le faire.
L'une des suggestions qu'on pourrait donner ou formuler, je pense que les organismes communautaires Famille mobilisent sensiblement, interviennent auprès des parents, côtoient quotidiennement, que ce soient les centres de la petite enfance... donc il y a une panoplie de services existants, et je pense que c'est à partir de ces organisations-là qu'on pourra faciliter la participation et la contribution des parents. Mais je vois difficilement, dans cet article, comment on va, dans le cadre du fonds, directement impliquer les parents. Je pense qu'il y a une certaine implication, et, de ce côté-là, nous croyons que les organismes des milieux ont cette facilité, étant donné leur proximité avec les familles.
Le Président (M. Kelley): M. le ministre.
M. Tomassi: Alors, votre suggestion, ce serait légalement d'inclure dans le projet de loi ? c'est ça que je comprends, là ? explicitement que ce soient les organismes communautaires Famille ou les CPE.
En réalité, le but ultime, là, on est tous conscients que, quand on fait de la concertation puis on essaie d'impliquer les parents, il va falloir aller à la base, ceux qui sont directement en contact avec les parents puis les familles. Et vous avez amplement raison quand vous dites que les organismes communautaires Famille, que ce soient les CPE ou que ce soient, à la limite aussi, les intervenants dans les CLSC qui ont un contact direct avec les familles... En réalité, là, puis je comprends votre interrogation, vous dites, vous l'avez bien dit aussi, là, vous n'êtes pas avocat ni moi, je n'ai pas... le fait peut-être de ne pas l'inscrire... En réalité, on comprend tous les deux, puis je pense que tous les gens, les intervenants arrivent à le comprendre, que c'est directement eux qui vont mettre en place. Puis je pense que la fondation, même la fondation Chagnon a cette préoccupation d'impliquer le maximum les gens du milieu pour faire en sorte que les autres puissent fonctionner.
En ce qui concerne la question du comité de pertinence que vous soulevez, c'est un dossier qui est en discussion avec la fondation. Je pense que, tous les deux, que ce soit le ministère, que ce soit la fondation, il y a une ouverture, puis, je pense, c'est dans cette direction-là qu'on va aller pour bien comprendre.
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(11 h 50)
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Vous avez une interrogation aussi sur la composition du conseil d'administration, avoir des gens de la société civile; je pense qu'il y a une ouverture de part et d'autre. Je mettrais un peu un bémol: à la limite, là, il ne faudrait pas que ce soient des gens de la société civile qui pourraient bénéficier directement du fonds, qui soient assis sur le comité de gestion ou sur le comité de pertinence. Puis je vous ai vu hocher de la tête, je pense que vous répondez par l'affirmative. J'aimerais ça que peut-être vous puissiez le dire dans votre micro quand je vais vous relancer la parole parce que je pense que c'est un élément important puis je pense que vous comprenez les incidences que ça pourrait impliquer, puis, l'année que le Vérificateur rentrerait dans les livres, peut-être que c'est une interrogation qu'il soulèverait.
M. Plante (Marc-André): Effectivement.
Le Président (M. Kelley): M. Plante.
M. Plante (Marc-André): Merci. Merci, M. le ministre. Sur la question de la présence de représentants de la société civile, cette question a été discutée à notre conseil d'administration, puis évidemment on s'est dit... C'est pour cette raison-là qu'on a gardé la formule de représentants de la société civile. On ne souhaitait pas que ce soient des porteurs d'organismes nationaux qui se retrouvent finalement dans un conseil d'administration et qui viennent finalement défendre strictement leur point de vue. On souhaitait plutôt que ce soient des représentants qui peuvent, d'une certaine façon, s'élever au-dessus de la mêlée, formuler des recommandations, mais d'avoir... excusez l'expression anglaise, mais d'avoir un feed-back de ce qui se passe sur le terrain, s'assurer, par exemple, que les municipalités, les plus petites municipalités puissent avoir accès à ces fonds, que les critères d'admissibilité puissent respecter, à tout le moins, ces grandes politiques nationales, que ce soient celle de la ruralité, des municipalités dévitalisées, donc d'avoir un point de vue qui est diversifié.
Et je pense que, nous, nous l'avons entendu, au cours des deux dernières années, au sujet de Québec en forme, mais il a été relevé que l'absence de représentants de la société civile, quant à nous, ne permettait pas à la société de gestion d'avoir un point de vue diversifié. Alors, de ce côté-là, moi, je crois que la société de gestion a tout à gagner à avoir une présence de représentants de la société civile. Je pense qu'en bout de ligne ça va être bénéfique dans le succès des interventions du fonds. Voilà.
M. Tomassi: Merci.
Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci de votre présence et de vos commentaires. Vous avez une mission qui vise l'amélioration de la qualité de vie des familles et des enfants. Évidemment, c'est un objectif que notre gouvernement partage. Et on sait que les besoins des enfants sont grands et très variés, et nécessairement il faut travailler en réseau et non en silo, chacun de notre côté, donc travailler, le plus possible ? si je peux avoir une image ? de façon horizontale et non de façon verticale. Alors, quelle est votre opinion comme organisme par rapport à la stratégie d'intervention privilégiée par le fonds, qui vise beaucoup la mobilisation des communautés et le partenariat?
M. Plante (Marc-André): Bien. Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Ayant été aussi le formateur pour la municipalité des Îles-de-la-Madeleine dans le cadre de leur politique familiale, je connais bien la réalité de votre région. Je vous dirais, d'entrée de jeu, le carrefour a toujours promu auprès des municipalités l'importance de s'allier avec l'ensemble des partenaires locaux pour identifier les priorités d'action qui touchent non seulement le secteur municipal, mais l'ensemble des partenaires du milieu. C'est à la base même des politiques familiales municipales.
J'aurais tendance à vous dire que, de ce côté-là, il y a déjà des comités de concertation locale qui existent. Vous savez, par exemple dans le Bas-Saint-Laurent, il y a encore les comités de la famille qui existent, de l'Année internationale de la famille de 1994. Donc, il y a une présence partout au Québec de participation et de mobilisation des intervenants à l'égard des familles ayant de jeunes enfants, mais de la famille globalement.
À cet effet, je dois vous avouer que les fonds sont fort importants. 400 millions sur 10 ans, c'est important, c'est intéressant, mais je ne crois pas non plus qu'on va régler tous les problèmes. Cependant, il importe, et là je reviens sur cet élément fondamental de notre mémoire, il importe que le gouvernement exerce son leadership en établissant, comme ils l'ont fait dans le cadre du projet de loi pour les saines habitudes de vie, qu'il y ait une stratégie d'action gouvernementale. On ne peut identifier à ce moment-ci sur 10 ans des fonds de 400 millions sans avoir une vision et une mobilisation non seulement d'un ensemble des ministères, mais d'un ensemble de partenaires de partout au Québec. Et ça, j'aurais tendance à dire qu'avant même qu'un seul sou sorte de ce fonds il va falloir qu'il y ait une stratégie d'identifiée, pour laquelle l'ensemble des ministères soient mobilisés. Quant à nous, c'est la prémisse de base dans le cheminement de ce fonds-là, et j'aurais tendance à vous dire qu'on l'a identifiée dès l'introduction de notre mémoire parce qu'elle nous apparaît fort importante pour mobiliser le secteur scolaire, les centres de la petite enfance, le milieu municipal et le milieu communautaire. Je pense que ça prend des actions mobilisantes et structurées, et à terme on aura du succès auprès des objectifs identifiés au projet de loi.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Plante, Mme Lemieux. Je lisais attentivement votre mémoire, également les commentaires formulés par Mme Lemieux. À la page 8 du mémoire, vous citez quelques préoccupations, quelques facteurs à considérer lors des différentes interventions du gouvernement. Vous mentionnez d'ailleurs que le fonds ne doit «pas remplacer les programmes existants du gouvernement et encore moins limiter l'émergence de nouvelles initiatives». À ma lecture même, j'ai... Évidemment, j'ai le projet de loi devant moi. À l'article 2, veux veux pas, l'article me semble assez clair ? je veux vous entendre là-dessus ? parce que l'article se lit: «Le fonds est affecté au financement d'activités, de projets et d'initiatives...» Évidemment, «d'initiatives», le même mot est employé dans le projet de loi.
Également, le dernier alinéa, qui mentionne spécifiquement que «les activités, projets et initiatives qui peuvent être financés par le fonds ne comprennent pas ceux qui résultent de programmes réguliers établis ou approuvés par le gouvernement», il me semble que ce libellé vise justement à apaiser ces possibles craintes du fait que ce qui existe déjà ne devrait pas être touché. On va respecter ce qui est en place, ce qui fonctionne. Évidemment, le but du fonds, c'est justement de financer ou d'accorder des fonds à des initiatives. Voulez-vous peut-être juste m'aider avec ce questionnement que j'ai?
Le Président (M. Kelley): M. Plante.
M. Plante (Marc-André): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. D'abord, vous savez ? et votre expérience en politique ? ce n'est pas parce que c'est présenté dans le projet de loi qu'on ne peut pas y revenir et intensifier cet élément. Vous savez, l'établissement d'un fonds sur 10 ans... Je disais, avant cette rencontre, qu'au cours des 10 dernières années, si on misait sur l'ensemble des ministres qui se sont succédé au ministère de la Famille... Je veux dire, il y a des changements, il y a de l'évolution et, d'une certaine façon, il y a des renouvellements de programmes.
Nous, ce qu'on veut s'assurer, c'est que, dans le cadre de ce fonds-là, on va soutenir de nouvelles initiatives mais qu'on ne va pas justifier ? et ça, c'est l'élément le plus important ? le développement de nouveaux programmes par le fait qu'il y a déjà un fonds. Il importe que le ministère de la Famille poursuive et exerce son leadership en soutien non seulement pour l'ensemble des familles, mais aussi auprès de la petite enfance, et que la présence de ce fonds-là ne doit surtout pas limiter l'émergence de nouvelles initiatives.
Mais ce qui est le plus important, puis, je pense, c'est la phrase qui a été ajoutée et qui n'était pas dans le discours d'introduction, c'est: «Le ministère de la Famille [...] ne peut se soustraire de ses obligations traditionnelles...» J'en conviens que l'article 2 y répond, mais il y a un mot qui s'ajoute: «...traditionnelles et futures par l'intervention du [développement de ce fonds].» Et ça, on souhaitait clairement l'identifier, non pas parce qu'on est inquiets, parce qu'on veut s'en assurer pour l'avenir. Voilà.
Le Président (M. Kelley): Il reste à peu près sept minutes, et j'ai deux demandes d'intervention. Alors, Mme la députée de Trois-Rivières, suivie par M. le député de Lévis.
Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Alors, M. Plante, Mme Lemieux, merci beaucoup. C'est vraiment très enrichissant de voir votre expérience, et de voir votre expérience qui est quand même une bonne vision du réseau québécois. Vous savez que le projet de loi montre, démontre clairement la volonté de travailler avec les organismes existants, organismes que vous connaissez bien. Vous nous avez parlé tantôt de vision, de mobilisation qui existe déjà. Quels seraient, selon vous, les axes d'intervention, les premiers axes d'intervention à privilégier avec ce projet-là?
M. Plante (Marc-André): Bien, je pense que, dans l'introduction du projet de loi, les axes sont bien identifiés. D'abord, qu'il y ait un soutien, je dirais même non pas seulement dès la naissance, mais dès la grossesse, donc qu'il y ait un soutien direct auprès des parents. Je pense que le projet de loi identifie l'importance que les parents ont dans le soutien et comment on peut développer des initiatives directes auprès de ces nouveaux parents, donc vraiment faire de la prévention auprès des 0-5 ans dans l'objectif qu'une fois arrivés à la maternelle ils aient les meilleurs outils pour réussir.
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(12 heures)
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Maintenant, j'aurais tendance à dire qu'à ce moment-ci chaque partenaire, chaque réseaux nationaux pourraient identifier, à ce moment-ci, des éléments fondamentaux qui les concernent. En ce qui a trait à les municipalités, elles n'interviennent pas nécessairement directement, c'est par des services qu'elles offrent à la population.
Vous savez que, dans notre mémoire, j'ai identifié quelques mesures qui soutiennent l'ensemble des familles, notamment ceux qui ont de jeunes enfants, mais, à ce moment-ci, le plus important, c'est que ces ressources financières là... et je reviens et je suis heureux que le ministre de la Famille, dès son introduction, l'ait spécifié qu'il y aura des sommes d'argent destinées pour des actions concrètes. Et, à notre avis, cet élément-là doit faire l'objet de mobilisation, mais il doit être un élément clé de ce fonds-là, parce que, dans nos milieux, il y a déjà des comités de concertation, vous savez que, dans le cadre des politiques familiales, il se forme des comités de la famille, des comités de suivi. Alors, il y en a dans plus de 450 municipalités. Alors, ce sont des gens qui se concertent localement. Alors, je le dis souvent, ce n'est pas des lieux de concertation que les gens ont besoin, c'est des moyens d'action. Et ça, je pense que c'est important que le fonds oriente sa stratégie vers des actions spécifiques, mais surtout des actions qui auront un impact partout au Québec, notamment dans les plus petites municipalités, dont celles dévitalisées. Voilà.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Oui. Alors, d'abord, moi, je voudrais féliciter votre organisme. Vous accompagnez au-delà de 500 municipalités dans la mise en oeuvre de politiques familiales. J'ai eu l'occasion de vivre dans une autre vie la mise en oeuvre de politiques familiales, et ce qui est intéressant de ces politiques-là, c'est qu'elles ont une influence directe dans les programmes triennaux d'immobilisation des villes. On a vu, par exemple, des développements de parcs, on a vu des objectifs qui ont été donnés, et ça amène les élus municipaux à prendre en considération ces éléments-là.
Ma question, justement, touche la concertation, parce que vous travaillez beaucoup avec les municipalités et le monde municipal, et on sait que chaque politique familiale est unique en soi, hein, il y a beaucoup de différences, et vous voulez effectivement, vous souhaitez, d'après ce que je vois, un projet de loi qui n'encadrera pas trop effectivement la façon dont... vous ne voulez pas limiter l'émergence de nouvelles initiatives.
Alors, ma question est la suivante: Par ailleurs, quel mécanisme pourrait être envisagé pour faciliter justement la concertation entre les activités qui pourraient être réalisées dans le cadre du fonds ? puis, quant à vous, il ne faut pas limiter l'émergence de nouvelles initiatives ? et celles qui sont réalisées par les municipalités, là? Comment on fait pour faire le pont entre les deux?
M. Plante (Marc-André): D'entrée de jeu, il est certain que, dans l'établissement de projets provenant du fonds qui viendront dans chacun des milieux, il est nécessaire qu'il y ait une concertation. La seule différence, c'est que, dans certains milieux, le manque de moyens financiers empêche le développement d'initiatives, alors que, dans d'autres milieux, c'est le besoin de concertation.
Et le point de vue que l'on défend, c'est l'importance qu'il y ait une flexibilité dans les programmes et qu'on s'assure que les besoins sont différents d'une région à l'autre. Ce n'est pas vrai qu'on va arriver avec des critères nationaux où on va dire: Dans chacune des régions, c'est de telle, telle, telle façon que ça va fonctionner. Et il importe aussi de s'assurer que les moyens ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre, les ressources ne le sont pas aussi. Et donc importance qu'il y ait cette vision, et, de cette façon-là, on va éviter justement que les fonds soient orientés dans certaines directions plutôt que dans d'autres.
Pour nous, le plus important, c'est qu'avec... et là je reviens pour une troisième fois, on va peut-être me trouver... Il importe qu'il y ait une stratégie gouvernementale pour laquelle on va regarder un ensemble de ministères, les Affaires municipales, la Politique nationale de la ruralité, des municipalités dévitalisées, l'accueil et l'intégration des immigrants, parce que, dans certains milieux, il y a une préoccupation auprès de la petite enfance. Alors, il importe qu'on aille chercher ces valeurs et ces orientations-là, et qu'on oriente, et qu'on précise celles-ci dans le cadre du plan d'action orienté pour ce fonds. Alors ça, pour nous, c'est excessivement important. Merci beaucoup.
M. Lehouillier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va maintenant aller à ma gauche. Il reste une enveloppe de 23 minutes, alors 18 pour l'opposition officielle et cinq minutes pour le député de Mercier. Alors, M. le député de Gouin, la parole est à vous.
M. Girard: Merci, M. le Président. Merci à Mme Lemieux et à M. Plante pour la présentation de votre mémoire. Je veux revenir justement à la page 5 de votre mémoire, parce que vous y avez fait référence, à plusieurs reprises, dans votre présentation. Vous nous dites que vous souhaitez que le ministère de la Famille élabore une stratégie nationale accompagnée d'un plan d'action pour répondre aux objectifs identifiés en introduction au projet de loi.
Est-ce que je dois comprendre de vos propos que vous avez le sentiment que, pour le moment... vous avez le sentiment que, tel qu'il est rédigé au niveau du projet de loi, les objectifs ne sont pas clairs ou qu'on a mis un peu la charrue avant les boeufs et qu'on aurait dû déposer au préalable une stratégie nationale accompagnée d'un plan d'action avant de...
Parce qu'il y a un montant d'argent de 400 millions qui est évoqué dans ce projet de loi, mais vous semblez dire que vous avez des interrogations sur la façon dont va être distribué l'argent et sur les objectifs qui vont être fixés. Vous souhaiteriez donc que le ministre dépose une stratégie, un plan avant d'aller de l'avant avec ce projet de loi? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre de vos propos?
M. Plante (Marc-André): Bien, en fait, je pense qu'il y a des choses qui peuvent se faire de façon simultanée. D'un côté, le projet de loi peut, d'une certaine façon, être adopté, mais ça n'empêche pas l'identification et la mobilisation des acteurs pour faire un plan d'action gouvernemental pour lequel l'ensemble des partenaires, dont le secteur municipal, seront mobilisés.
Je vous dirais que, pour le moment, nous n'avons pas été sollicités pour participer à ce plan d'action gouvernemental, alors je ne pourrais malheureusement pas vous dire si celui-ci est en réflexion ou en action. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que, pour nous, avant même non pas l'adoption et la création de la société de gestion, mais avant même, je dirais, l'appel de candidatures ou de projets sur le territoire québécois, il faut qu'il y ait nécessairement un plan d'action stratégique découlant des priorités identifiées en introduction. Ça, pour nous, là, ça nous apparaît important.
Et j'aurais tendance à dire que, sans planification stratégique, sans plan d'action stratégique, je n'ai aucune idée où on va s'en aller, même si on a des priorités en introduction. Mais il va falloir aller vérifier quels sont les ministères qui interviennent auprès de la petite enfance. Je crois qu'il y a Santé et Services sociaux, donc il y a plusieurs ministères qui interviennent, et il importe qu'on aille concerter ces ministères de façon à ce qu'on ne vienne pas financer des mesures déjà soutenues dans le cadre de d'autres programmes. Alors, pour ça, il faut faire un inventaire de ce que le gouvernement offre à l'égard de la petite enfance et par la suite qu'on identifie les priorités là où il y a des besoins. Et ça, ce travail-là, moi, je ne peux pas vous dire où c'en est rendu, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on n'a pas été consultés à savoir de quelle façon le secteur municipal pourrait y contribuer.
M. Girard: Mais est-ce que cette stratégie-là doit être élaborée par le gouvernement, qui conçoit les politiques publiques, ou elle doit être élaborée par une fondation privée?
M. Plante (Marc-André): Clairement, c'est le gouvernement qui doit avoir la mainmise sur l'identification et l'élaboration de cette stratégie gouvernementale. Je pense que, par sa vision latérale, sa vision d'un ensemble de programmes existants, c'est au gouvernement à clairement identifier les priorités. Ça étant dit, le gouvernement peut s'associer avec des partenaires comme le Carrefour action municipale et famille et une panoplie d'organismes, dont la Fondation Lucie-et-André-Chagnon. Et ça étant dit, le leadership revient au gouvernement sur cette question. Pour nous, c'est clair.
M. Girard: Si je comprends bien, c'est que, pour l'élaboration de cette stratégie, vous souhaiteriez que votre carrefour soit traité sur un même pied d'égalité que la fondation et que tout autre partenaire, comme les centres de la petite enfance, les commissions scolaires, qui ont une expertise particulière au niveau de l'intervention en matière de petite enfance, au niveau des enfants à travers le Québec.
M. Plante (Marc-André): Moi, j'aurais tendance à dire: Qui va être... je dirais, quel type d'importance qu'on veut accorder au secteur municipal? Moi, je dis toujours: L'importance, c'est celle que nous prenons. Et je pense que ce sera au milieu municipal de se mobiliser et à clairement identifier les priorités qui relèvent de leur secteur. Et, vous le savez fort bien, M. le député de Gouin, le secteur municipal n'a pas de difficulté à se faire entendre auprès du gouvernement.
M. Girard: Vous disiez, dans votre intervention, un peu plus tôt, que vous déploriez un peu l'absence de la société civile au niveau de l'élaboration des projets qui ont été financés au niveau de Québec en forme. On a tous entendu, peu importe le parti qu'on représente à l'Assemblée nationale, un certain nombre de témoignages sur certains projets qui, disons, n'ont pas suscité l'adhésion de tous les membres d'une communauté, qui, dans certains cas, ont eu des effets positifs, dans d'autres, ont eu un effet démobilisateur.
Vous qui êtes en contact avec de nombreuses municipalités, pouvez-vous me parler un peu d'expériences et des témoignages que vous avez eus de différentes municipalités ou de groupes que vous avez eu l'occasion de rencontrer et qui ont eu l'occasion de participer à différents projets financés par d'autres fonds qui ont été précédemment créés par le gouvernement?
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(12 h 10)
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M. Plante (Marc-André): Bien sûr, généralement, on entend plus souvent parler des expériences, disons, non pas plus difficiles, mais d'expériences qui méritaient d'être approfondies ou d'être précisées. Ça étant dit, il y a aussi d'excellentes expériences qui ont été réalisées dans le cadre de Québec en forme. J'écoutais récemment: la mobilisation des intervenants de la région de La Tuque, qui se sont mobilisés, dans le cadre de leur politique familiale municipale, à soutenir et à favoriser l'activité physique sur leur territoire.
Donc, de ce côté-là, j'aurais tendance à dire qu'il peut y avoir des éléments qui accrochent. Mais ce que j'entends aussi, à ce moment-ci: il y a une harmonisation et il y a une volonté de succès. Et je pense que, lorsque les intentions sont bonnes, je suis convaincu qu'on va trouver de bonnes solutions, que ce soit dans le cadre de Québec en forme ou dans le cadre du fonds pour les jeunes enfants. De ce côté-là ? je reviens encore avec pour la sixième fois ? quand on a une bonne stratégie gouvernementale, clairement identifiée, à ce moment-là ça facilite le succès d'un tel fonds.
M. Girard: Vous dites justement ? je ne me rappelle pas à quelle page de votre mémoire dont je vais citer l'extrait ? vous nous dites que «le carrefour souhaite qu'il y ait une concertation entre les différentes interventions et orientations des trois fonds ? Québec en forme, Québec Enfants et les proches aidants ? afin de préserver une certaine harmonie entre les actions auprès des familles. Enfin, les activités du fonds se doivent d'être universelles[...], à certains égards, [et] de prioriser des actions auprès des jeunes enfants en situation de pauvreté.» Vous soulevez ça. Est-ce que vous avez le sentiment qu'actuellement il n'y a pas de mécanisme de coordination entre les fonds qui... les deux nouvelles propositions et le fonds déjà existant?
M. Plante (Marc-André): J'aurais tendance à dire: Je présume qu'il y a effectivement une concertation entre les trois fonds, cependant, nous avons besoin de la connaître parce que rappelons-nous qu'en bout de ligne ces trois fonds-là s'adressent à une seule et même famille. On peut avoir le parent qui est un proche aidant, on peut avoir ce même parent qui a un adolescent qui a besoin de bouger et d'un jeune enfant qui a quatre ans et qui a des besoins de soutien affectif, etc. Donc, d'une certaine façon, on s'adresse toujours à une seule et même famille. Et il importe, pour nous, que cette dimension familiale transcende l'ensemble, l'ensemble des éléments provenant des trois fonds.
Et, pour nous, je ne dis pas qu'on s'inquiète, on souhaite qu'on éclaircisse, non pas dans le cadre de ce projet de loi là, mais, dans le cadre du déploiement, qu'on dise clairement comment on va s'assurer de répondre à l'ensemble des besoins des familles parce qu'on peut avoir différentes stratégies d'action, mais c'est toujours la seule et même famille à qui on s'adresse.
M. Girard: Vous nous dites: Les activités du fonds se doivent d'être universelles. Vous avez le sentiment actuellement que les trois fonds réunis ne le sont pas, ou ne le sont pas suffisamment, ou qu'il y a des... on cible certaines catégories d'enfants mais que ce n'est pas universel? C'est votre impression?
M. Plante (Marc-André): Je ne pourrais pas, d'une certaine façon, évaluer pour Québec en forme ou les proches aidants, on n'a pas pris le temps de faire nos devoirs sur ces deux projets-là. On l'a fait pour le projet de loi n° 7.
D'entrée de jeu, pour nous, nos municipalités, lorsqu'ils s'adressent... lorsqu'ils offrent des services, ils les offrent à un ensemble de populations. Et là je pourrais citer un cas, parce que M. le ministre et député de LaFontaine, nous avons la députée de Jeanne-Mance, et donc, par exemple, on prend le nord-est de Montréal. Il peut y avoir une bibliothèque municipale, la piscine municipale à Rivière-des-Prairies, différentes infrastructures présentes sur le territoire. Alors, la municipalité offre des services, mais, en bout de ligne, elle ne peut développer d'initiative qui s'adresse spécifiquement à tel type de clientèle.
D'une certaine façon, on doit avoir des services et des projets qui s'adressent aux jeunes enfants, qui sont, d'entrée de jeu, universels. Ça n'empêche pas que, dans le cadre des critères identifiés pour le fonds, elles s'adressent à des clientèles, à des quartiers, à des secteurs pour lesquels il y a des besoins. Mais, pour nous, ce qu'il est important de mentionner, c'est qu'il ne faut pas nécessairement faire la corrélation... On peut faire la corrélation entre vulnérabilité et pauvreté, mais il peut y avoir des enfants en situation de vulnérabilité pour lesquels leurs parents et leurs familles ne sont pas nécessairement en situation de pauvreté, d'où l'importance que les actions issues du fonds s'adressent à l'ensemble des enfants, ne serait-ce, à la limite, qu'il y ait des critères spécifiques pour les enfants en situation de pauvreté, vulnérables, etc. Ça, de ce côté-là, on n'a pas de problème. Mais nos membres nous disent clairement qu'on ne pourra pas... on ne peut pas identifier: Bien, telle partie de la population pourra avoir tels services et d'autres ne pourront pas. Je pense qu'il y a une importance d'une mixité de services qui mobilisent l'ensemble des enfants et des parents plutôt que d'identifier certains éléments, d'où l'importance de l'universalité.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Vachon.
M. Bouchard: Merci. Alors, bonjour, heureux de vous revoir autour de cette table, cette fois. Je vous ai bien entendu et j'ai compris que vous aviez des préoccupations du côté de la cohérence et de la concertation autour des projets ou des initiatives qui pourraient être développés à partir d'un tel fonds. J'ai compris aussi que vous insistez assez lourdement sur le fait que c'est le gouvernement ou l'État, disons l'État, qui devrait garder la mission fondamentale d'identifier les priorités et les vecteurs de développement des programmes et des activités en collaboration avec la société civile. Alors, c'est deux choses que je retiens de vos interventions, deux choses importantes. Cependant, je suis un petit peu surpris, étant donné votre mission puis vos compétences accumulées depuis de très nombreuses années dans le domaine, de ne pas vous entendre sur la question de la mobilisation des communautés.
Dans un communiqué qu'a fait paraître le commissaire scolaire de Mercier, M. Christian Giguère, on fait état désormais du fait que le Centre 1,2,3 GO!, donc qui est une plate-forme de soutien aux initiatives communautaires de mobilisation autour du développement des tout-petits, le Centre 1,2,3 GO! va désormais être niché à l'intérieur même de la Fondation André-et-Lucie-Chagnon, et ce centre est effectivement un outil de mobilisation ou de soutien à la mobilisation des communautés.
Dans les objectifs qui sont cités dans le projet de loi dans l'article 2, on voit bien qu'apparaissent très clairement des objectifs de favoriser le développement des enfants, soutenir les parents et, d'autre part, de soutenir l'innovation et le transfert de connaissances, mais on ne voit pas apparaître d'objectif de soutien à la mobilisation des communautés autour du bien-être de leurs tout-petits. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Plante (Marc-André): D'abord, M. le Président, comme le député de Vachon, qui connaît très bien les initiatives 1,2,3 GO! et... Je pense que je ne pourrais par répondre sur comment le transfert, et tout ça, s'est fait. Malheureusement, je ne suis pas au courant. Mais je pense qu'il y a peut-être des questions qui pourront être formulées à cet effet-là.
Pour ce qui est de la mobilisation des communautés, je reviens toujours à cette importance que, dans certains milieux, les moyens... il y a déjà des activités qui existent et il y a un besoin de mobilisation et de concertation dans ce milieu. Mais, dans d'autres milieux, c'est l'inverse, il y a suffisamment sinon trop de concertation, puis les gens dans le milieu disent: Là, c'est bien beau, se concerter, mais on n'a pas de moyen pour réaliser ces actions-là.
Alors, nous, ce qu'on dit finalement, dans le cadre de ce projet de loi là, c'est: Assurons-nous que les fonds destinés dans ce projet de loi puissent répondre aux besoins identifiés par le milieu. Et, si, à Mercier, c'est un besoin de concertation puis de mobilisation parce qu'il y a des activités puis qu'il y a un besoin de ce côté-là, bien, à ce moment-là, on pourra y répondre. Inversement, si, dans d'autres milieux, c'est une autre chose, bien, là aussi, les activités du fonds doivent être flexibles à cet égard.
M. Bouchard: Mais vous vous rendez compte, j'imagine, comme moi que, tel que rédigé, le projet de loi ne soulève pas cette question ni de la concertation ni de la mobilisation. Le mot «communauté», le mot «milieu», enfin, tout ce à quoi vous référez, vous, comme contexte de développement des initiatives et ce dans quoi vous travaillez depuis de très nombreuses années, cela n'est pas soulevé dans le projet de loi, ni mentionné. Alors, voilà, je voulais tout simplement...
M. Plante (Marc-André): Bien, en fait, c'est effectivement un élément que vous précisez. Peut-être, mon impression de la déclaration d'ouverture du ministre de la Famille... en tout cas, à tout le moins, j'ai senti une ouverture à cet égard. Cependant, effectivement, le projet de loi pourrait spécifier ou clairement identifier cet aspect que vous présentez. Des fois, il y a une marge entre le texte juridique qui a été déposé versus le communiqué qui accompagne et les déclarations à cet égard.
Mais, pour le moment, j'aurais tendance à dire qu'on n'a pas une inquiétude quant au fait: Est-ce qu'on va soutenir la mobilisation et la concertation des milieux? Notre importance, c'est qu'il y ait une flexibilité parce que la recette n'est pas la même d'une communauté à l'autre. Voilà.
Le Président (M. Kelley): Ça va? M. le député de Mercier.
n(12 h 20)nM. Khadir: Alors, bonjour, M. Plante, Mme Lemieux. Merci de l'excellente présentation. En fait, j'aurais des conseils à vous demander: Comment vous retenez le comté de chacun des membres présents ici? J'aimerais développer les mêmes compétences.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...parce qu'il ne s'occupe pas toujours du même comté.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Khadir: Bravo! C'est un document très bien préparé, et en fait, je dois dire, le seul mémoire qui, depuis que je suis à la Commission des affaires sociales, contextualise ce genre de fonds, ce genre de loi pour instituer des fonds dédiés avec la contribution du secteur privé à cette hauteur-là et le rôle qui lui est confié ? dans ce cas-ci, à la Fondation Lucie-et-André-Chagnon ? dans le contexte économique actuel auquel sont confrontées les administrations publiques nord-américaines, qui donc nécessite un tel partenariat. Je trouve que c'est très, très pertinent. Je voudrais vous entendre plus: C'est quoi, ce contexte? Est-ce que, d'après votre lecture, comme partie prenante de la société civile et du mouvement social et communautaire, vous pensez que ce contexte est une fatalité ou on peut l'imaginer autrement?
M. Plante (Marc-André): Merci, M. le Président, M. le député de Mercier, à notre avis, effectivement, on connaît le contexte économique actuel, sachant fort bien que les besoins et les défis envers les jeunes enfants sont nombreux, et d'abord, d'entrée de jeu, de savoir qu'à ce moment-ci, au cours des 10 prochaines années, il y aura un ajout... hein, parce que je pense qu'il y a déjà de belles initiatives actuelles qui soutiennent la petite enfance, mais, qu'il y ait un ajout de 400 millions de dollars sur 10 ans, ça apparaît quand même comme étant une bonne mesure et une mesure qui contribue à notre développement social, qui est fort important.
Quant à ce défi des administrations publiques, j'aurais tendance... Vous êtes médecin de formation, vous avez longtemps travaillé dans des hôpitaux, vous savez la présence de fondations, elle est historique, et je pense qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance et la contribution, et c'est pour cette raison-là que, dans notre mémoire, on n'a pas nécessairement un malaise, mais pas du tout, qu'il y ait un partenariat entre la fondation et le gouvernement. Ce qui importe, c'est que les orientations et les objectifs visés par un plan d'action soient déterminés par le gouvernement en collaboration avec ses partenaires.
Mais, quant à cet élément de contexte, je pense qu'il y a des défis énormes des administrations publiques, et, à ce moment-ci, l'opportunité qui se présente, et c'est de cette façon-là que nous avons abordé le projet de loi n° 7, c'est qu'il y a une opportunité, et je pense que c'est à partir de cette opportunité qu'on peut y travailler et trouver des solutions qui, en bout de ligne, feront une différence pour l'ensemble des jeunes enfants.
M. Khadir: Merci de la précision. J'en profite pour saluer le ministre de la Famille, que j'ai oublié de saluer tout à l'heure, parce qu'on se voit tellement souvent, de toute façon, en Chambre.
Bon, ça, c'est un contexte que vous mentionnez, c'est-à-dire les besoins. Les besoins deviennent souvent un problème à rencontrer lorsqu'on n'a pas les ressources pour les rencontrer, c'est-à-dire que l'État n'a pas les moyens financiers de le faire. Vous dites donc que c'est un contexte historique. C'est vrai. C'est un contexte historique de l'Amérique du Nord. On se compare malheureusement au pire, à mon avis, c'est-à-dire des endroits où le déficit démocratique fait en sorte qu'il y a beaucoup, beaucoup d'argent, des richesses produites par nos peuples, que ce soit ici, au Québec, aux États-Unis ou ailleurs, qui sont concentrées dans la main de certains individus les plus fortunés qui détiennent ces richesses-là et qui ne font pas leur juste part à la société. Si, par exemple, il y a 50 ans, aux États-Unis, les plus grandes fortunes payaient jusqu'à 90 % ? beaucoup de gens ignorent, ça aujourd'hui ? avaient des taux marginaux d'imposition de 90 %, aujourd'hui c'est 15 %. Alors, c'est sûr que ces argents-là sont dans les fondations. L'État n'a pas les moyens, donc on a recours à ça.
Maintenant, comme on est pognés avec ça ? hein, je dis «on est pognés avec ça», ce n'est pas une fatalité, mais on est dedans à cause des choix qui ont été faits ? est-ce que vous trouvez normal que la Commission des affaires sociales, qui se penche pour constituer un fonds comme ça en donnant des droits à un particulier, d'accord... Moi, je n'ai pas cet argent-là. Moi, je ne peux pas demander d'être à ce comité et de déterminer des orientations. On veut donner ce droit-là à la fondation de la famille Chagnon. Est-ce que vous trouvez normal... ou vous trouveriez plus normal que la fondation qui finance ça et qui veut décider soit au moins ici présente devant les parlementaires pour répondre à leurs questions? Est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait nous aider?
Le Président (M. Kelley): M. Plante.
M. Plante (Marc-André): Merci, M. le député de Mercier, M. le Président, il y a plusieurs éléments dans votre question, pour lesquels on pourrait pratiquement faire une conférence, sinon un colloque sur toutes les questions soulevées.
M. Khadir: ...la dernière partie.
M. Plante (Marc-André): Oui, sur la dernière, sur la question des droits. Moi, je crois, sur la question des droits, en partie et d'une certaine façon, le fonds constitué, son succès revient à la mobilisation des communautés. En bout de ligne, on a bien beau avoir un fonds de 400 millions de dollars, mais, en bout de ligne, ça revient aux communautés de se mobiliser et de participer à ce fonds-là. Et, moi, je tiens à vous dire que je n'ai pas un malaise qu'il y ait une entente entre le gouvernement et une fondation pour constituer un fonds de gestion, en autant que les priorités soient déterminées démocratiquement, donc relèvent de l'Assemblée nationale, tel que mentionné. Mais, à cet effet, le droit, et l'implication, revient aux communautés, et, pour nous, ça nous apparaît fort important. Pour le reste, bien, on pourra organiser un colloque et en débattre plus amplement.
Une voix: En espérant que le député de Mercier y soit.
M. Plante (Marc-André): Oui, effectivement.
M. Khadir: Je pense que...
Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup aux représentants de Carrefour action municipale pour lancer la consultation sur le projet de loi n° 7, M. Plante, Mme Lemieux. Et, comme ancien enseignant, la répétition, c'est un outil pédagogique bien reconnu.
Alors, sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, dans cette même salle.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 15 h 32)
Le Président (M. Kelley): Alors, j'invite tous les membres de prendre place, s'il vous plaît. La Commission des affaires sociales reprend ses travaux.
Je veux vous rappeler le mandat de la commission. La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds de développement des jeunes enfants.
Pour cet après-midi, on a deux témoins: premièrement, l'Association québécoise des centres de la petite enfance, ensuite l'Association des garderies privées du Québec. Alors, j'invite le premier témoin de prendre parole pour une dizaine de minutes, suivi par un échange avec les membres de la commission. L'Association québécoise des centres de la petite enfance est représentée par sa présidente, Mme Johanne Roy, et son directeur, M. Jean Robitaille. Alors, la parole est à vous, Mme Roy.
Association québécoise des
centres de la petite enfance (AQCPE)
Mme Roy (Johanne): Merci. Alors, j'inviterais M. Robitaille, qui va faire l'entrée en matière. Merci beaucoup.
M. Robitaille (Jean): Bien, écoutez, oui...
Le Président (M. Kelley): Pardon. M. Robitaille.
M. Robitaille (Jean): Bien, je vous en prie. Bien, merci beaucoup à toutes et à tous de nous avoir invités effectivement à exposer notre position à l'égard du projet de loi, autant donc merci aux gens de l'équipe ministérielle, l'équipe gouvernementale, qu'aux députés de l'opposition d'accueillir nos propos et nos propositions.
Vous connaissez peut-être l'association. Elle regroupe 800 centres de la petite enfance et bureaux coordonnateurs à travers le Québec sur près de 1 000 corporations. Elle regroupe les regroupements régionaux de centres de la petite enfance aussi, qui oeuvrent partout pour offrir des services afin d'assurer la meilleure qualité possible de services et la plus grande accessibilité de services aux familles et aux enfants québécois.
D'entrée de jeu, je veux vous dire d'abord que le conseil d'administration de l'Association québécoise des centres de la petite enfance considère que ce projet de loi et l'intention gouvernementale, de concert avec la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, de consacrer, au cours des 10 prochaines années, 400 millions de dollars pour intervenir auprès des jeunes enfants et notamment pour assurer leur meilleur développement, comme étant une très bonne nouvelle. Alors, que la chose soit dite et entendue par l'ensemble des gens, cette intention, nous la saluons et nous l'apprécions.
On l'apprécie d'autant plus qu'en 2002 les membres de l'Assemblée nationale de l'époque ont adopté unanimement la loi n° 112, une loi importante dans l'histoire du Québec, qui établissait des standards, des orientations. Et d'ailleurs on veut féliciter l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, qui, à ce moment-là, ont choisi d'adopter cette loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et qui venait donner des orientations, des balises fortes, claires sur la façon d'aborder ce fléau dans la société québécoise. Donc, il nous semble qu'évidemment toutes les interventions publiques que l'État doit mettre en oeuvre pour intervenir en matière de lutte à la pauvreté et d'interventions notamment auprès des jeunes enfants vivant en contexte de vulnérabilité, bien, doivent s'inscrire à l'intérieur des orientations données par cette loi-cadre.
Donc, si bien sûr on vous dit aujourd'hui qu'on est très heureux de l'intention gouvernementale et de l'intention de la fondation Chagnon d'investir 400 millions sur 10 ans dans le développement des jeunes enfants, on doit cependant, on tient à souligner qu'il doit y avoir une vigilance qui s'impose quant à la constitution du fonds. Alors, on est tout à fait d'accord sur l'intention, mais il nous semble que, quant à la constitution du fonds... puisqu'il ne s'agit pas juste de celui qui est constitué ici aujourd'hui, mais en fait on est en train, comme société, et l'Assemblée nationale est en train de fixer ici les bases d'une façon d'intervenir en partenariat avec des organisations privées dans le développement de politiques publiques.
Puis loin de nous l'idée de dire que des politiques publiques ne peuvent pas être coconstruites avec des partenaires de la société civile, on pense que ça peut être très riche. Mais en même temps les élus ont une responsabilité, les 125 élus de l'Assemblée nationale ont une responsabilité de fixer les grandes orientations gouvernementales, et, si un partenaire privé souhaite s'inscrire dans ces orientations-là, bien, nous, on est très heureux de ça, on le salue. Puis on salue ici la générosité financière mais aussi la générosité de la fondation Chagnon, qui souhaite s'inscrire dans ces orientations, mais on pense quand même qu'il faut aujourd'hui rappeler les implications d'un tel partenariat et s'assurer donc que la constitution et la gouvernance du fonds nous préservent de toute dérive qui pourrait être induite par une association avec quelque partenaire privé qui pourrait exister dans le futur et qui pourrait poser préjudice aux orientations que les élus donnent aux politiques publiques.
Donc, comme vous le voyez, on trouve important de s'assurer de se doter de certaines règles éthiques quand il s'agit de créer de tels fonds. Au fond, on considère que ce genre de partenariat ne saurait trouver sa légitimité que si les fonds investis par le partenaire privé le sont en concordance avec les orientations gouvernementales convenues par les élus et les mécanismes de saine gestion qu'il importe de mettre en place pour garantir l'exercice d'un partenariat avec un partenaire privé, mais où au fond ce n'est pas le partenaire privé qui influe sur les politiques publiques, mais c'est le partenaire privé qui vient s'inscrire en collaboration, en partenariat avec les politiques définies par l'Assemblée nationale et par le gouvernement. Au fond, on vous propose à ce titre peut-être trois modifications qui mériteraient d'être apportées, ou clarifications qui mériteraient d'être apportées au projet de loi n° 7.
Une première, il nous semble que quatre administrateurs issus de réseaux de la société civile devraient pouvoir siéger au conseil d'administration ou au conseil de gestion du fonds en plus des administrateurs qui seraient nommés par la Fondation Lucie-et-André-Chagnon et le gouvernement du Québec. À ce titre, on peut peut-être s'inspirer même de ce que vous avez convenu au moment de la loi n° 112, où le comité consultatif de lutte à la pauvreté lui-même faisait des recommandations pour nommer les membres de l'observatoire de lutte à la pauvreté. Alors, il pourrait être intéressant que deux de ces membres représentants de la société civile soient nommés sur recommandation du comité consultatif de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale et deux autres par le Conseil de la famille, sur recommandation en fait du Conseil de la famille et de l'enfance.
Deuxièmement, il nous importe que la gestion des opérations du fonds, l'ensemble de la gestion des opérations du fonds soit soumis à l'examen du Vérificateur général.
Et, troisièmement, bien, au fond, il est important que les orientations du fonds lui-même puissent s'inscrire en concordance avec la loi n° 112 et avec un plan d'action gouvernemental en petite enfance et les stratégies qui devraient être déployées en la matière.
n(15 h 40)n On attire votre attention, en conclusion de cette première partie, sur le fait qu'il est important que... À la fois, on tient à souligner que l'objet principal des activités du fonds, qui est décrit à l'article 2, nous semble pertinent, mais on tient quand même à souligner que, bien qu'on considère importante la concertation des acteurs dans une communauté, l'opportunité de pouvoir bénéficier de fonds quand même significatifs pour intervenir en matière de développement des jeunes enfants au Québec doit permettre aux acteurs sur le terrain, qui, depuis déjà de nombreuses années, se sont donné des espaces de concertation... bien, d'une part, qu'on respecte ces espaces existants puis, deuxièmement, qu'on puisse leur donner un coup de pouce pour agir.
On conclut cette partie en vous disant simplement qu'il est à la fois bien important de pouvoir soutenir adéquatement les interventions sur le terrain, mais, pour ne pas se retrouver avec une multitude de projets épars à travers le Québec, il est aussi extrêmement important de pouvoir bénéficier de stratégies d'innovation, de transfert de connaissances. À ce titre, il faut que des instances régionales et nationales qui existent au Québec, des lieux de partage, de recherche, d'échange de pratiques, de transfert de connaissances soient également soutenus adéquatement.
Alors, voici pour le propos particulier à l'égard des articles du projet de loi. Johanne Roy pourrait aussi vous apporter une présentation sur comment le réseau des centres de la petite enfance contribue effectivement à l'atteinte des objectifs.
Mme Roy (Johanne): Alors, merci, Jean.
Le Président (M. Kelley): Mme Roy.
Mme Roy (Johanne): Oui, merci beaucoup. Effectivement, nous accueillons le fonds de développement des jeunes enfants comme un élément de concordance mais de support à notre mission éducative.
Vous savez, les centres de la petite enfance, nous avons une triple mission, une mission éducative d'abord, sociale et communautaire. Nous recevons plus de 80 000 enfants en installation, 88 000 enfants en milieu familial. Alors, tout ce beau petit monde gravite dans nos services quelque part, partout au Québec, dans toutes les régions du Québec. Donc, ici, je veux attirer votre attention sur le fait que nous sommes un acteur de première ligne auprès des enfants et des familles vivant en contexte de vulnérabilité. Quand je vous dis «partout au Québec», il faut voir les petites municipalités plus rurales, les centres urbains également. Alors, nous avons une étendue par rapport à notre action.
Le CPE, un centre de la petite enfance, c'est un service de proximité. On partage au quotidien la vie des familles. Les parents entrent et sortent à tous les jours de nos services. Nous avons un contact privilégié avec ces parents et ces familles. Le centre de la petite enfance, c'est une structure d'accueil à multivolet. Vous le savez très bien, et on le vit quotidiennement, un enfant qui présente une difficulté dans son développement ou qui a une problématique, elle est rarement seule, cette problématique-là, souvent elle est reliée à plusieurs facteurs. Et le centre de la petite enfance est en mesure d'avoir une approche globale, une approche qui est plus écologique par rapport aux problèmes de l'enfant.
Donc, ici, je veux aussi faire référence à notre capacité, comme réseau, d'être en accompagnement des parents. Vous savez, la confiance, le lien de confiance, c'est le premier ingrédient d'une intervention réussie, et, lorsqu'on peut obtenir la confiance des parents, là on peut prétendre être en accompagnement avec eux par rapport à la résolution de leurs problèmes familiaux ou des problèmes de développement.
Il est important de savoir également que les centres de la petite enfance, ce sont des partenaires de premier ordre avec les services sociaux, les centres jeunesse, avec les CLSC ? on parle ici de notre protocole CPE-CLSC ? mais également, tout récemment, il y a eu tout un travail de la part des centres de la petite enfance pour participer à l'élaboration des politiques municipales familiales. On a beaucoup de centres de la petite enfance impliqués dans le développement de ces politiques. Alors, je vous expliquais tantôt notre approche, qui est plus écologique, qui est plus globale. Le centre de la petite enfance est un acteur fort important.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur tout le domaine ou tout le rôle de dépistage que les intervenants, les éducateurs et éducatrices peuvent faire en centre de la petite enfance. On est des observateurs privilégiés du développement de l'enfant. Quand on accompagne, on accueille un enfant, après son parent, bien entendu, on devient un partenaire ou un observateur privilégié et, là, on peut dépister très rapidement les enfants, dès les premières années de vie. Et on sait que c'est fort important et fondamental d'agir promptement. Donc, dans l'esprit d'un fonds national ou d'un fonds de développement des jeunes enfants, le centre de la petite enfance peut jouer un rôle primordial.
Et je pourrais également vous amener plus longuement, mais je vais vous dire, en demi-conclusion, que ce qu'on a dans le réseau des centres de la petite enfance, c'est une capacité d'action locale supportée par un regroupement régional relié à nos instances, qui sont régionales et provinciales. Et là tous les liens, je ne le répéterai pas, Jean l'a dit, mais tous les liens avec les recherches, les résultats de recherche, toutes les nouveautés, on est en mesure de s'approprier ces éléments-là et de faire tout le travail pour que ça donne une différence dans l'action et sur le terrain. C'est notre préoccupation qu'il y ait des actions qui se prennent et qui soient concrètes aussi.
Alors, je vous amènerais à la conclusion de notre rapport: Conclusion ? Un réseau mobilisé avec ses partenaires pour relever les défis actuels en matière d'intervention en contexte de défavorisation et de vulnérabilité. Le réseau de l'Association québécoise des centres de la petite enfance et des regroupements régionaux des CPE et des bureaux coordonnateurs ? hein, je pense que vous connaissez assez bien la loi et ses règlements, les bureaux coordonnateurs sont également nos membres ? sommes mobilisés pour un rehaussement important de nos interventions en contexte de vulnérabilité et de défavorisation. En ce sens, plusieurs actions ont déjà été réalisées: développement professionnel pour soutenir les interventions auprès des familles défavorisées, actions pour soutenir une plus grande accessibilité aux services pour ces familles ? on y travaille fort, à l'accessibilité ? représentations pour préserver le tarif à 7 $, le développement de partenariats. Je vous ai parlé tantôt des protocoles CPE-CLSC. C'est concluant, ces façons de travailler là en concertation avec les CLSC. Je pense que c'est un outil qui pourra s'inscrire dans le cadre d'un tel fonds.
Le mode de gouvernance des CPE reconnaissant le rôle premier du parent comme éducateur de son enfant ? 7 000 parents administrent les centres de la petite enfance, c'est toute une courroie de transmission qui part du terrain, hein? ? l'ampleur de notre réseau, qui rejoint quotidiennement plus de 60 % des enfants de 0-5 ans, les multiples initiatives que nous avons mises de l'avant au cours des dernières années en matière de recherche et développement, de qualité des partenariats tissés avec les acteurs communautaires et institutionnels intervenant en petite enfance positionnent avantageusement notre réseau comme un partenaire clé, intéressé à intégrer les meilleures pratiques et soucieux de partager et d'assurer la transférabilité de ses propres réalisations.
Alors, c'est sur cette conclusion qu'on serait prêts à prendre les questions, je pense. Et puis je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Roy. Je vais juste prendre le temps qu'il reste, diviser ça en deux. Alors, il y a deux enveloppes de 21 minutes. Je vais commencer à ma droite et céder la parole au ministre de la Famille. La parole est à vous.
M. Tomassi: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Roy, M. Robitaille, rebonjour. Nous nous rencontrons très souvent, et tant mieux, parce que, vous le disiez tantôt, vous êtes des partenaires de premier plan de la petite enfance au Québec. Et c'est quelque chose qui est reconnu et qui n'est pas remis en question d'aucune façon. Merci de votre mémoire, merci de votre présentation.
Je comprends que vous avez quand même, vous aussi, un long historique avec la fondation Chagnon dans d'autres projets. Le projet Grandir ensemble, je crois, qui est mis en place avec les bureaux coordonnateurs, qui vient en aide, je pense que c'est un élément d'histoire qu'on pourrait conter... que vous pourriez nous conter et nous partager. Le projet Odyssée aussi vient en quelque sorte être supporté par la fondation Chagnon à l'essence même.
Puis je comprenais vos inquiétudes, puis je vais y revenir point par point, parce que vous parlez de vigilance qui touche trois points précis, on va essayer d'y répondre aujourd'hui même avec certaines explications. Mais, dans l'ensemble, ce que je comprends, vous êtes en faveur de la mise en place du fonds avec la participation de la fondation pour qu'on puisse avoir besoin... pour subvenir aux besoins des enfants.
n(15 h 50)n Un point chaque fois. La question du VG, du Vérificateur général, je sais que la question a été posée aussi par mon collègue de Gouin et par le groupe qui est passé avant vous, le Carrefour action municipale, qui est venu faire sa présentation. Je veux seulement vous lire un passage de la Loi sur le vérificateur général, là, qui explique un peu où est-ce que le Vérificateur général peut aller cogner aux portes pour avoir une reddition de comptes, parce que c'est surtout ça qu'on veut permettre, là, permettre à ce que le VG puisse aller...
Alors, l'article 5 de la Loi du vérificateur général explicite c'est quoi, une entreprise du gouvernement. Alors, l'article 5: «Est une entreprise du gouvernement, aux fins de la présente loi:
«1° tout organisme, autre que ceux mentionnés aux articles 3 et 4, institué par une loi, ou en vertu d'une loi, ou par une décision du gouvernement, du Conseil du trésor, ou d'un ministre et dont au moins la moitié des membres ou administrateurs sont nommés par le gouvernement ou un ministre.»
Alors, en réalité, si on prend le fonds de gestion, où est-ce qu'il est créé par... la société de gestion est créée par une loi, et dont la moitié ? et c'est ça qui est important ? la moitié des administrateurs sont nommés...
M. Robitaille (Jean): ...au moins ou la moitié? Si vous me permettez, je n'ai pas bien...
M. Tomassi: Ça dit «au moins la moitié», «au moins». Alors, ici, on a une société de gestion qui est... cinq membres sont nommés par la fondation et cinq membres, par le gouvernement. Alors, nécessairement, 5-5. Tu veux-tu qu'on change ça en 4-4? En 5-5, le Vérificateur a le droit de... Alors ça, ça vient répondre à votre première interrogation. Alors, vigilance, on va essayer de le mettre de côté.
La question des administrateurs de la société civile. Bien, écoutez, tantôt, le Carrefour action municipale est venu faire la même représentation. C'est un élément qui est positif, je pense, ça pourrait venir bonifier les éléments et les membres du conseil d'administration. La seule interrogation que j'avais, et je souhaite que vous ayez peut-être la même que la mienne, parce que le carrefour municipal a dit oui, et j'aimerais ça que vous puissiez me répondre, c'est faire en sorte que les membres de la société civile qui pourraient être nommés sur ce conseil d'administration n'aient aucun lien avec un organisme qui pourrait être bénéficiaire du fonds, pour ne pas permettre... Alors, j'aimerais peut-être que vous puissiez me répondre à celle-là.
Le Président (M. Kelley): M. Robitaille ou Mme Roy.
M. Robitaille (Jean): Ah, tout à fait! Parce que, oui, oui, c'est une évidence pour nous effectivement...
Mme Roy (Johanne): Oui, parce que...
M. Robitaille (Jean): ...qu'il faut assurer, là aussi, tout conflit d'intérêts potentiel. Puis, à ce titre, on vous suggérait donc même une formule, qui aurait pu être de faire appel à des organismes qui existent déjà, reconnus, le Conseil de la famille et de l'enfance puis le comité consultatif, qui pourraient faire des recommandations au gouvernement et qui... évidemment, c'est le gouvernement qui ensuite...
M. Tomassi: Vous avez amplement raison, mais des fois, sur les membres qui composent le Conseil de la famille et de l'enfance, des fois il y a aussi des membres qui font partie des bénéficiaires. Alors, il faut que ce soit clair...
M. Robitaille (Jean): Oui, effectivement, il faudrait que ce soient des gens...
M. Tomassi: ...il ne faut pas qu'il y ait de lien direct avec un bénéficiaire potentiel. Parfait.
L'autre question, sur les orientations du fonds, là, concernant la lutte à la pauvreté, c'est sûr et certain qu'actuellement le gouvernement est en période de reconduction du fonds de lutte à la pauvreté. Il y a des consultations, je crois, qui sont menées. C'est sûr et certain qu'à l'essence même du ministère de la Famille on est partie prenante dans ce processus. Ça été vrai en 2002, lors de la mise en place du Fonds de lutte, de la loi, et c'est sûr et certain qu'on va continuer dans ce sens-là.
Et l'intention gouvernementale, quand l'intention gouvernementale a été de créer le projet de loi, ce n'est pas parce qu'on veut se déresponsabiliser de nos obligations, parce qu'en réalité, si la vision de la fondation n'avait pas été celle qui préconise... celle du gouvernement puis du ministère de la Famille, bien, il n'y aurait pas eu d'accord, là. Je crois qu'on en est tous conscients. Et je vous faisais part tantôt que vous avez des expériences avec le fonds... avec la fondation, qui portent à croire que la visée de la fondation est la même que celle que vous avez, c'est la même que celle que le gouvernement a, sans aucune zone grise, là, pour permettre...
Et je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous parlez de la question de la concertation puis de l'action. Le Carrefour action municipale est venu nous le dire aussi, là, il y a peut-être des communautés où est-ce que la concertation doit être faite, mais il y a d'autres endroits où est-ce que c'est l'action, c'est plutôt l'action qu'il va falloir mettre en place. Puis je pense qu'il y a cette ouverture-là avec le fonds qui permet tout ça.
Et, dans la loi, dans la loi, vous le mentionnez aussi, parce que c'est votre essence même, les parents jouent un rôle important dans ce développement des enfants. Et il y a des articles, l'article 2 du projet de loi qui vient en quelque sorte, là, dire que les parents aussi ont un rôle, un rôle primordial à jouer, comme ils l'ont aussi avec les centres de la petite enfance.
Alors, ça répond un peu à mes interrogations. J'espère avoir répondu à vos trois points que vous souleviez dans vos interrogations, là, pour essayer de clarifier certaines informations à ce sujet.
Le Président (M. Kelley): Mme Roy.
Mme Roy (Johanne): Bien, si je me permets, M. Tomassi, le lien qu'on fait avec la concertation et l'action locale, c'est qu'à notre sens, oui, c'est important, la concertation, mais on devra voir des actions concrètes s'acheminer sur le terrain. Et c'est une préoccupation qu'on a que l'argent ou que les fonds ne servent pas à mettre les partenaires ensemble, ensemble, ensemble, mais qu'on n'ait pas un aboutissement concret, là, avec une action. Et on a aussi... on parle ici d'une intervention sur 10 ans. Je pense qu'on peut prétendre pouvoir accompagner un enfant sur un long terme. Et, bon, c'était le sens de notre recommandation que l'argent soit bien investi aussi dans l'action, parce que des fois on peut se concerter longtemps avant d'arriver à une action.
Le Président (M. Kelley): M. le ministre.
M. Tomassi: Le Carrefour action municipale nous disait de mettre en place, de faire en sorte qu'il y ait la mise en place d'un comité de pertinence où est-ce que, là aussi, il y aurait des membres qui seraient nommés par la fondation, par le ministre, des membres qui pourraient provenir de la société civile, qui seraient responsables d'étudier certains projets. C'est-u un point qui pourrait être intéressant aussi de votre côté?
M. Robitaille (Jean): Bien, effectivement, on a peut-être glissé rapidement tantôt sur cette question, mais ça fait partie également des suggestions qu'on vous faisait qu'il y ait des modes de consultation avec les acteurs qui soient instaurés, là, afin justement de valider la concordance et de s'assurer que les projets qui seront soutenus s'inscriront effectivement à l'intérieur des grandes orientations gouvernementales.
Si vous me permettez aussi, M. Tomassi... D'ailleurs, je vous remercie à la fois pour vos réponses et les précisions que vous apportez. Peut-être une précision, de notre côté, qu'on souhaite amener. Nos réflexions quant à la façon de convenir de l'établissement d'un tel fonds se situaient aujourd'hui aussi dans une perspective globale, parce que je pense que ce projet de loi trace des façons de faire, indique des façons de faire pour l'avenir qu'on considère qui méritent d'être explorées dans la société québécoise, mais justement, parce qu'on trace des façons de faire, il nous apparaît important d'y mettre des balises.
Alors, effectivement, on a une collaboration, je dirais même une alliance stratégique qui a été tissée entre le réseau de l'Association des centres de la petite enfance puis la fondation Chagnon, dont on est très fiers, très heureux, puis il y a des réalisations extrêmement intéressantes qui se font puis des collaborations très positives, mais il demeure que le projet de loi trace la voie pour une série d'autres actions. Et je vous dirais que le conseil d'administration de l'AQCPE, quand on réfléchissait au projet de loi, se disait: Bon, ici, intéressant, mais qu'en serait-il si un jour une grande corporation, alimentaire ou autre, oeuvrant dans l'alimentaire venait rencontrer le gouvernement puis disait: Regardez, on a une bonne idée, on a une fondation et on vous propose un grand projet?
Au fond, il faut placer les balises correctement. Et au fond ce qu'on vous dit, c'est qu'on apprécie qu'un partenaire privé accepte de se joindre et de s'inscrire en support à des politiques publiques, mais c'est la voie qui doit être prise et non pas que dans le futur des organisations privées puissent induire, dans une direction autre que celles qui ont été convenues par les élus, des programmes ou des politiques publiques.
n(16 heures)n Puis ici je pense qu'on le sait, on reconnaît la collaboration très précieuse qu'on a eue de la fondation, ça fait qu'à la limite on n'a pas de doute dans ce cas-ci. Mais, compte tenu qu'on pose les jalons de nouvelles formes de collaboration avec des partenaires privés, il nous semble important que vous puissiez y mettre un certain nombre de balises éthiques pour convenir comment devrait s'établir ce genre de fonds, et on vous en a suggéré quelques-unes. Puis on pense qu'il serait important qu'au niveau de la gouvernance, là où se prennent les décisions stratégiques, donc sur un conseil d'administration ou un comité de gestion, qu'il puisse y avoir d'autres partenaires nommés par le gouvernement, qui seraient de la société civile. Et merci pour vos précisions.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Trois-Rivières.
Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Alors, Mme Roy et... je me rappelle... désolée, M. Robitaille, on sait le rôle vraiment primordial et important que les CPE jouent auprès des enfants 0-5 ans, particulièrement en milieu défavorisé. Moi, je suis vraiment contente de vous entendre parce que je pense qu'effectivement vous avez vraiment un rôle primordial.
J'aimerais ça savoir. Vous avez parlé... puis j'ai retenu le mot tantôt, «induire». Vous avez déjà une collaboration avec la fondation Chagnon, par le Projet Odyssée. J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus. Dans le vécu ? parce que vous avez quand même d'énormes compétences ? est-ce que vous vivez de l'ingérence ou si, ce que vous vivez, c'est en soutien?
Parce que, nous, ce qu'on a comme projet de loi, ici, on a vraiment le sentiment que la fondation Chagnon vient en soutien dans un geste qu'on juge, je pense que tout le monde en conviendra, assez noble pour venir en aide aux enfants. Vous, vous avez ce vécu-là. Ça se passe comment?
Mme Roy (Johanne): Bien, je peux vous en parler parce que, à mon centre de la petite enfance, on a un bureau coordonnateur puis on était partenaires, on avait un volet de financement avec le programme Grandir ensemble, et une portion de financement nous venait également de la fondation Chagnon et du ministère de la Famille. Alors, concrètement, ce que ça a permis de faire, c'est qu'on a donné plus de formation à nos responsables de garde, on a fait plus d'interventions dans les milieux de garde. Là, je vous parle de la garde en milieu familial, parce que Grandir ensemble était réservé pour la garde en milieu familial, donc plus d'interventions plus rapides, et on a attribué davantage d'effectifs pour faire des interventions d'aide et de soutien dans des contextes... parce que c'était attitré, là, pour les milieux défavorisés.
Donc, dans le concret, nous avons eu plus d'actions. Notre personnel a reçu des formations de la part des regroupements régionaux, qui étaient également subventionnés, pour pouvoir développer l'expertise, et elles ont... nos conseillères pédagogiques ont reçu des formations supplémentaires pour pouvoir mieux accompagner la responsable. Et tout ça était branché au niveau de... après ça de la représentation de l'association provinciale. Ça fait que, pour vous dire, tantôt, quand j'expliquais la chaîne, là, c'est comme ça.
Et, nous, notre souhait, c'est qu'un fonds comme ça ne remplace pas les structures en place, mais qu'elles les accompagnent, qu'elles les enrichissent, que ça fasse un plus dans ce qu'on peut apporter aux enfants, mais pas un remplacement de structure pour développer une structure de concertation parallèle avec des actions puis une stratégie d'intervention parallèle. Je pense qu'il y a ce qu'il faut pour agir, mais il faut bien travailler avec ce qu'on a.
Mme St-Amand: M. le Président, je veux juste être certaine que je comprends bien. Vos philosophies d'intervention ? parce que vous avez quand même l'expertise ? vous avez le sentiment qu'elles ont été respectées? On ne vous a pas imposé un mode de faire?
Mme Roy (Johanne): Non, pas dans le cas de Grandir ensemble. Mais, à la base, à la base, c'est la manière dont l'entente a été faite. On a travaillé fort pour établir une bonne entente, dans le respect de nos façons de faire.
Mme St-Amand: De vos compétences?
Mme Roy (Johanne): De nos compétences.
Mme St-Amand: Je me permettrais, M. le Président, s'il vous plaît... Quelle est la contribution que l'AQCPE pourrait mettre à profit dans le contexte du projet de loi qu'on présente aujourd'hui? On le sait, vous êtes impliqués dans le milieu, vous êtes présents. Le projet de loi... Nous, ce qu'on veut, c'est vraiment être déjà en soutien aux organismes qui sont dans les milieux, et je pense que, en lien avec ce que vous disiez tout à l'heure, on ne veut pas dupliquer puis faire d'autres organismes. De la part de votre organisation, est-ce qu'il y a des gestes, est-ce qu'il y a des choses qui pourraient s'impliquer là-dedans?
M. Robitaille (Jean): Bien, d'une part, c'est de contribuer à mobiliser l'ensemble des centres de la petite enfance et des bureaux coordonnateurs dans un tel projet. Mais je vous donnerais un exemple concret sur ce qu'on a fait avec la fondation Chagnon. À l'automne 2005, les gens s'en rappellent peut-être, on était occupés, on était occupés à venir discuter avec vous, mais on était aussi occupés à convenir avec la fondation d'une alliance stratégique autour de la recherche et développement.
Écoutez, en sciences sociales, en sciences humaines, recherche et développement, ça ne se fait pas en laboratoire, hein, avec des petites éprouvettes; nous autres, c'est sur le terrain que l'innovation se fait.
Moi, j'apprécie, quand je fais le tour du Québec... J'ai rencontré, à Malartic, des gens ? en Abitibi ? qui font des choses extraordinaires dans des contextes de très grande défavorisation, aux centres de la petite enfance, mais j'en ai vu aussi au CPE Parc-en-Ciel, à Thetford Mines, j'en ai vu à Chertsey, j'en ai vu dans Hochelaga-Maisonneuve, j'en vois aux Îles-de-la-Madeleine, sauf qu'on sait, on savait de manière anecdotique qu'on avait des gens qui faisaient des choses formidables sur le terrain, mais dans le fond, pour toutes sortes de raisons, on n'arrivait pas à ce que ces pratiques soient interconnectées et d'apprendre de ces pratiques-là.
Alors, l'aventure d'Odyssée, ça a été celle-là. Ça a été de dire: Peut-on recenser ces meilleures pratiques? Peut-on les mettre ensemble, les placer dans un processus d'interrelation avec les gens de la recherche? Et on a réuni plus de 30 chercheurs québécois dans différents domaines, allant de la gestion, du développement global de l'enfant, de l'accueil du parent, ainsi de suite, qui sont en support pour venir examiner ces meilleures pratiques là. Puis non seulement ils les examinent et on ne fait donc pas qu'admirer ou contempler les meilleures pratiques qui se font sur le terrain, mais on s'aperçoit que ces meilleures pratiques, elles-mêmes, portent des lacunes, ont des limites, des faiblesses. Et, au total de l'expérience, c'est qu'on renvoie ensuite sur le terrain ce qui a été mis entre le savoir expérimenté, les pratiques expérimentées parmi les meilleures, mises en contact avec... et, au fond, challengées, confrontées par les avancées scientifiques et reproduites dans des nouvelles façons de faire. Puis après ça le défi, c'est le transfert de connaissances, parce que c'est bien beau avoir inventé puis suggérer des nouvelles pistes, stimuler des pratiques réflexives pour nous amener ailleurs, mais encore faut-il avoir les instruments pour les transferts de connaissances.
Et ça, bien, ce processus, comme Odyssée, comme nos interventions dans le cadre de Grandir ensemble, EUREKA, qui nous amène vers de la production de ressources d'apprentissage en ligne, offertes notamment... qui seront extrêmement utiles pour les responsables de garde en milieu familial ou pour les gens qui sont dans des régions éloignées... On utilise une plateforme Web pour la production d'heures, de blocs d'heures de formation, et ça aussi, on le fait en collaboration avec la fondation Chagnon. Donc, la contribution de l'AQCPE et du réseau des regroupements régionaux de centres de la petite enfance, c'est d'être en support.
Au fond, dans notre réseau, on dit, hein: Chaque enfant est unique, chaque centre de la petite enfance, chaque milieu de garde éducatif est unique, mais on n'a pas le goût d'avoir juste des entités uniques et d'admirer ces entités uniques, il y a aussi la force d'un réseau qui accueille ? tu le disais, Johanne, tantôt ? 60 % des enfants du Québec, des jeunes enfants, 0-5 ans. Écoutez, au Nouveau-Brunswick, c'est 13 %; en Alberta, c'est 25 %. Bien, on a une responsabilité, quand on accueille 60 % des jeunes enfants du Québec, on a une chance de faire la différence. On pense qu'on le fait un peu, pas si mal, mais on oserait prétendre qu'on aimerait le faire encore beaucoup plus, beaucoup mieux. Et effectivement, avec le support du gouvernement, du ministère de la Famille et d'autres partenaires, dont la fondation Chagnon, on est capables de le faire, mais dans la mesure où effectivement on se donne les moyens, que le tout soit bien balisé et qu'on s'entende sur les cibles ensemble.
Le Président (M. Kelley): Courte question pour M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Vous avez comme... à peine deux minutes.
M. Chevarie: Ah oui? Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être avec nous et merci pour tout le travail effectué par les centres de la petite enfance. Je vous entendais parler tantôt sur le partenariat, l'approche de partenariat que vous faites avec les CLSC, avec les municipalités, et je pense que c'est... il faut vous dire bravo parce qu'effectivement cette approche de partenariat là, ce n'est pas non seulement à souhaiter, c'est nécessaire.
Et je vais aller dans le sens de ma collègue un peu, mais j'aimerais avoir un peu plus de détails par rapport à ce que le fonds peut apporter aux centres de la petite enfance en termes de plus-value, comme services directs à l'enfant. Est-ce que vous pouvez aller un peu plus loin?
Le Président (M. Kelley): Mme Roy.
n(16 h 10)nMme Roy (Johanne): Oui. Alors, peut-être pour illustrer, un exemple, puis ça fait... en continuité des propos de mon collègue. Par exemple, nous avons tous des outils de dépistage pour voir, au niveau de... Bon, on le sait, le développement, c'est le développement global de l'enfant. Nous avons des outils de dépistage où aussi on assiste le parent, même dans les observations vis-à-vis de son enfant, mais ces outils-là sont disparates. Chaque centre de la petite enfance a développé sa manière de faire, son approche, son protocole. Le fait de pouvoir peut-être les mettre en commun, puis d'aller chercher le meilleur, et de déterminer... Même si chaque CPE va déterminer sa manière, je pense que l'aspect particulier et unique du centre de la petite enfance, il faut le conserver. Mais, en termes d'expertise, la mise en commun pourrait nous amener à avoir des outils qui nous permettraient de dépister peut-être plus rapidement.
Ensuite, c'est sûr, le temps où on se met en relation avec nos partenaires et où... Le dépistage d'un enfant qui a un obstacle au développement, il y a une première étape, c'est la reconnaissance que le parent a à faire des problèmes que son enfant rencontre. Et tout ce travail-là ne peut pas se faire seulement avec le centre de la petite enfance et les intervenants, il faut le faire avec les partenaires sociaux, avec... Écoutez, là, c'est un travail de diligence, c'est un travail qui se fait à long terme, mais ça prend des ressources pour faire ça. Parce que, nous, on a des subventions pour offrir des services de garde, on veut bien faire bien plus qu'un service de garde ? parce que c'est ce qui se passe ? mais il y a une certaine limite au mandat qu'on peut prendre, et toutes les ressources d'accompagnement...
Je peux vous dire, quand, un matin, un parent ne veut plus quitter le service parce qu'il ne sait pas ce qu'il va retrouver à la maison, ce n'est pas... On ne va pas se transformer en travailleurs sociaux, mais il faut pouvoir faire appel à de l'aide. Il faut pouvoir donner les bonnes références. Il faut être ensemble pour agir autour de cette famille-là qui vit une problématique. Puis, moi, je peux vous... je le vis. Il y a des parents occasionnellement qui ne quittent plus le bureau, puis on le sait qu'il y a quelque chose, mais ça nous prend des ressources. Ça fait que ces ressources-là, sans les développer... On ne deviendra pas spécialistes de tout. Il faut avoir accès à des ressources. Parce que, tantôt, dans mon intervention, je disais: Rarement qu'un problème se présente seul, il est souvent accompagné d'un ensemble de problématiques au niveau de la famille, surtout quand on parle de défavorisation.
J'aimerais aussi peut-être vous expliquer tout le travail qu'on fait sur...
Le Président (M. Kelley): Brièvement, parce que je dois aller à l'autre côté, alors...
Mme Roy (Johanne): O.K. Parfait.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Roy.
Mme Roy (Johanne): Très bien.
Le Président (M. Kelley): On va passer la parole maintenant au député de Gouin.
M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de faire des salutations à M. Robitaille et à Mme Roy. Merci d'être venus nous présenter votre mémoire en commission parlementaire. Je trouve que c'est fort intéressant comme mémoire et ça soulève un certain nombre de questions que, nous, comme opposition officielle, nous nous posons concernant le projet de loi n° 7. Je veux aussi en profiter, là, pour saluer la contribution du réseau des centres de la petite enfance à la socialisation puis au développement des jeunes enfants. C'est d'ailleurs pour ça que vous êtes si populaires auprès des parents du Québec.
Je veux revenir sur le conseil de gestion. Le ministre nous apprend cet après-midi qu'il y aura cinq membres émanant du gouvernement, cinq qui proviendront de la fondation. Dans le fonds, sur les saines habitudes de vie, c'était 4-4 au niveau de la répartition. Je pense qu'il est de plus en plus pertinent, et je l'ai indiqué ce matin, que, dans le fond, le ministre nous dévoile petit à petit des éléments au niveau du mode de fonctionnement du fonds puis de la société de gestion. Je pense qu'il serait utile, pour le bénéfice de l'ensemble des parlementaires et de l'ensemble des organismes qui ont pris plusieurs heures pour préparer un mémoire, donner leur avis sur le fonds, que le ministre dépose dès maintenant le protocole d'entente qui a été négocié avec la fondation Chagnon, de façon à ce que nous puissions comprendre le mode de fonctionnement. Parce que ce n'est pas simplement avec 16 articles du projet de loi, ici, que l'ensemble des parlementaires et l'ensemble des organismes qui participeront à cette commission pourront se faire une idée sur le mode de fonctionnement au niveau de la société de gestion qui serait créée. Donc, je l'invite à nouveau à déposer dès maintenant le protocole d'entente pour le bénéfice de tous ceux qui participent à cette importante consultation.
Maintenant, je veux aborder avec M. Robitaille et Mme Roy... Vous semblez nous dire, dans votre mémoire, que... vous semblez craindre que la contribution, dans le fond, importante d'un partenaire privé qui investit, dans le cadre de ce fonds-là, une somme plus importante que le gouvernement du Québec puisse... vous ne voudriez pas qu'il puisse orienter ou définir des cibles ou des objectifs différents que ceux établis par des politiques publiques de l'État québécois et qu'en ce sens-là ça oriente différemment le travail qui est effectué par les centres de la petite enfance et une série d'autres partenaires, que ce soient les CLSC et les organismes, par exemple, communautaires Famille qui oeuvrent sur le terrain. Est-ce que je comprends bien le sens de votre interrogation dans le mémoire qui nous est présenté?
M. Robitaille (Jean): C'est en plein ça. Oui, bien, je vous exposais... Peut-être une précision, puis je veux la répéter. Honnêtement, on apprécie l'intention de la fondation Chagnon de s'inscrire ici et on croit que c'est le cas de s'inscrire à l'intérieur des orientations convenues par la société québécoise et par l'État québécois en matière à la fois de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale et en matière de soutien à la petite enfance, au développement des jeunes enfants. Alors, on salue ça. Mais, comme je l'expliquais au député et ministre de la Famille tantôt, il nous semble quand même important, puisque ce projet de loi balise une nouvelle façon de faire, d'établir des façons de convenir, et il y a des bonnes façons de le faire, et il pourrait y en avoir des mauvaises. À ce titre, je pense que votre demande ou votre suggestion de pouvoir prendre connaissance du projet de protocole est pertinente.
La députée de Trois-Rivières tantôt nous indiquait... nous posait la question: Est-ce que la collaboration a été fructueuse puis est-ce qu'elle s'est faite dans un rapport de partenariat qui n'en était pas un d'ingérence ou intrusif? Effectivement, ça s'est fait de manière tout à fait correcte avec la fondation Chagnon dans les expériences qu'on a eues et qu'on a encore. Mais je pense qu'effectivement ça s'est fait... des bons rapports de partenariat, ça se fait en se disant les choses clairement, en se disant, bon, quelles sont les intentions des uns, des autres et en trouvant les terrains d'entente. Alors, je pense qu'effectivement il serait utile sûrement, à la fois pour votre bénéfice, comme parlementaires, mais aussi pour les partenaires qui ont à oeuvrer puis à contribuer au développement de ce projet, de pouvoir le commenter à la lumière des intentions qui sont convenues entre le ministère de la Famille... qui seraient convenues entre le ministère de la Famille et la fondation.
Mme Roy (Johanne): Mais, moi, je voudrais quand même ajouter...
Le Président (M. Kelley): Mme Roy.
Mme Roy (Johanne): Oui. Je m'excuse. Bien entendu, pour agir, avoir une bienveillance sur les cibles qui sont en fonction de nos orientations et puis de nos politiques publiques, mais aussi attention de ne pas remplacer les structures en place. Parce que, si on remplace les structures en place, là, qu'est-ce qui va se passer dans sept, huit, 10 ans? Et il faut être vigilant de ce côté-là aussi. Donc, les alliances naturelles qui sont sur le terrain, c'est avec ces alliances-là qu'il faut travailler.
M. Girard: Je comprends de vos propos donc qu'il existe, bon, des regroupements des CPE présents dans les différentes régions du Québec, des CLSC, des organismes famille et d'autres partenaires qui agissent, qui donnent un coup de pouce au développement de l'enfant. Vous ne voudriez pas qu'un fonds vienne implanter une nouvelle structure qui vienne faire concurrence à des tables déjà existantes dans des communautés, qui ont développé une expertise, qui ont réussi à atteindre des objectifs, qui ont eu un impact, en tout cas, positif sur le développement de l'enfant. Vous ne voudriez pas qu'on crée une dynamique locale où il y a une espèce... deux structures concurrentes qui visent les mêmes objectifs, mais l'un qui a des ressources financières importantes et l'autre qui n'en a pas. Puis ça, je pense que c'est la crainte exprimée par un certain nombre d'organismes. C'est ce que je comprends de vos propos.
M. Robitaille (Jean): ...
M. Girard: Allez-y.
M. Robitaille (Jean): Oui. Si vous me permettez de poursuivre, c'est à la fois à l'égard des structures qu'il ne faut pas remplacer mais aussi des approches. Je vous donnerais... Par exemple, dans la perspective de lutter efficacement contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le gouvernement... l'Assemblée nationale a convenu, en 2002, qu'on devait opter pour une approche écologique, une approche globale où on prend à bras-le-corps le défi de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale au Québec, et que c'était fait d'une série de mesures, d'un certain nombre de stratégies, mais en même temps on n'était pas dans une dynamique... Et je me souviens que les acteurs, à l'époque, avaient réussi à convenir avec l'ensemble des parlementaires qu'il fallait éviter de stigmatiser les personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion.
n(16 h 20)n Alors, il ne faudrait pas que des interventions... En même temps, je ne suis pas en train de dire qu'il ne peut pas y avoir des mesures pointues, mais on doit avoir un équilibre. À la fois, il faut mettre... Le paradigme qu'on pense qui est pertinent, il doit être mixte. Il doit être à la fois fait d'une approche écologique qui embrasse l'ensemble du contexte de vie des gens qui sont en situation de pauvreté. On n'aurait pas le goût, là, au fond, de mesures où on va prendre les petits enfants pauvres et on va intervenir juste autour d'eux auprès d'un certain nombre de facteurs de risque. On doit venir soutenir des interventions qui aident des communautés, aident des familles.
Puis le gouvernement... puis, écoutez, on le salue, le gouvernement, à la fois du Parti québécois, dans les années quatre-vingt-dix, en créant le réseau des centres de la petite enfance, et des mesures qui ont été mises en place ensuite par le gouvernement libéral, notamment des mesures financières puis des mesures fiscales qui ont permis de rehausser significativement les revenus des jeunes familles, c'est des mesures pertinentes, mais on veut être sûr de continuer à avoir une approche qui est écologique et qui ne serait pas juste ciblée sur: On intervient sur tel élément, on intervient sur tel élément, et on a 400 millions de dollars investis pendant 10 ans qui sont juste pour intervenir sur trois facteurs auprès de x nombre d'enfants et qu'on les suit ainsi pendant 10 ans. Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir des mesures pointues, mais on pense qu'il doit y avoir une harmonisation des deux approches. Honnêtement, là, c'est ça, notre préoccupation. Et l'orientation, elle a été donnée par la loi n° 112, en disant: Approche écologique de la problématique qui peut être appuyée par des interventions ponctuelles.
Le Président (M. Kelley): Ça va?
M. Girard: Oui, je continue.
Le Président (M. Kelley): Parce que votre collègue de Groulx veut poser une question aussi. Mais avez-vous une autre question, M. le député de Gouin?
M. Girard: J'aurais une question, oui. L'entente, vous bénéficiez déjà de fonds provenant de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, est-ce que c'est une entente dans le cadre d'un fonds particulier où est-ce qu'il y a un intermédiaire entre eux et la fondation Chagnon ou vous avez négocié ça directement avec la fondation?
M. Robitaille (Jean): C'est directement. C'est un partenariat entre l'Association québécoise des centres de la petite enfance, les regroupements régionaux de centres de la petite enfance qui sont membres de l'AQCPE et la fondation Chagnon. Donc, c'est une entente contractuelle normale.
M. Girard: Ce ne serait pas plus simple de fonctionner de la même façon pour d'autres projets qu'à travers une société de gestion qui sert d'intermédiaire?
M. Robitaille (Jean): Bien, en fait, j'ose espérer qu'on pourra continuer à le faire avec la Fondation Lucie-et-André-Chagnon. Mais par ailleurs, comme on vous a exprimé tantôt, on n'est pas contre l'idée que l'État puisse établir un partenariat avec une fondation privée, mais ça doit se faire dans un cadre précis puis ce partenaire privé doit accepter de se placer en support aux orientations publiques convenues. Dans la mesure où ça, c'est exposé, dans la mesure où on s'assure qu'il n'y a pas, de quelconque façon, des conflits d'intérêts, bien, écoutez, on trouve que c'est une opportunité qui est positive. Puis, dans le contexte économique dans lequel on est, on ne boudera pas surtout 400 millions supplémentaires investis sur 10 ans, ce n'est donc pas des interventions à coup d'un an, deux ans, trois ans. On pense que c'est une bonne nouvelle, mais elle doit absolument cependant être balisée quant à la gouvernance et s'assurer que les orientations qui seront données aux objets et aux interventions du fonds s'inscriront dans des orientations publiques.
M. Girard: Je vous pose cette question-là, M. Robitaille, parce qu'à l'article 2 du projet de loi, alinéa 1° et alinéa 3°, on indique... on parle un peu que le fonds va être affecté au financement d'un certain nombre d'activités. Or, il me semble qu'à l'alinéa 1° et 3° ça décrit assez bien certaines des tâches qu'accomplit déjà le regroupement des centres de la petite enfance, les CPE, dans plusieurs milieux. Et, à la fin de l'article 2, on dit que «les activités, projets et initiatives qui peuvent être financés par le fonds ne comprennent pas ceux qui résultent de programmes réguliers établis ou approuvés par le gouvernement». Alors, je me pose juste la question: S'il y a des choses qui sont déjà accomplies par les CPE en vertu des articles 1° et 3°, allez-vous pouvoir vous qualifier pour avoir accès à des sommes d'argent du fonds? Est-ce qu'il y a eu une réflexion de votre part là-dessus? Si je me fie aux articles qui sont rédigés de telle manière que ça laisse sous-entendre que, pour se qualifier au fonds, il faut que ce ne soient pas des activités, projets ou initiatives déjà financés par le gouvernement.
Mme Roy (Johanne): Bien, à ce moment-là, certains... En fait, pour nous, le fonds devrait arriver en soutien à notre mission, mais notre mission est déjà celle-là, effectivement, là, sur le plan du développement global de l'enfant. Mais on parle d'«initiatives visant», j'imagine que c'est des initiatives qui vont être davantage ciblées, mais attention à ne pas stigmatiser, c'est fort important, parce qu'en mettant un enfant en situation d'étiquette ou en identifiant un enfant, déjà, on court déjà un risque. On veut éliminer les facteurs de risque, il ne faudrait pas les augmenter. Donc, je pense qu'il va falloir que ça... Ce qu'on dit: Ça devra s'introduire et s'ajouter à notre mission.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Groulx.
M. Gauvreau: Peut-être un peu à la suite de mon collègue de Gouin. On fera la fiction suivante sur la fin de l'article 2. Vous collaborez de façon importante à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, j'en ai été témoin, depuis 20 ans. Par contre, plusieurs enfants qui bénéficient des services de garde sont dans des familles d'accueil, familles d'accueil qui sont rémunérées, trop faiblement d'ailleurs, par un programme.
Quand je lis l'article 2, le dernier paragraphe de l'article 2, je comprends que les familles d'accueil, qui sont déjà subventionnées ? un gros 15 $ par jour notamment pour les petits enfants, pour les recevoir chez eux, les nourrir, les habiller, les consoler et bien s'en occuper ? ne se qualifieraient pas pour recevoir des aides supplémentaires sur des nouveaux projets et autres, car elles sont déjà à l'intérieur de programmes réguliers qui sont des programmes prévus à la Loi sur les services de santé et les services sociaux et reçoivent tout cet argent faramineux pour faire tout ça avec un enfant.
Le même titre d'idées, j'en arrive un peu à la même conclusion que mon collègue de Gouin, que les centres de la petite enfance, dans l'enveloppe budgétaire que vous recevez, pas le 7 mais le 22, il y a déjà un certain nombre de choses de prévues, et vous ne vous qualifiez pas, sauf si on réussit à construire, encore une fois, un ensemble de silos ou d'écrans imperméables... si j'étais... je dirais, il y aurait un syndrome du «faut pas»: Il ne faut pas que ce soit ça parce que, ça, ça ne l'est pas; il ne faudrait pas que ce soit ça, il faut que ce soit autre chose. Est-ce qu'on n'est pas en train de créer finalement, avec plein de bonne volonté, une autre structure qui va venir un peu défaire ce qui a pris tant d'années à construire?
Le Président (M. Kelley): M. Robitaille. Mme Roy.
M. Robitaille (Jean): Bien, écoutez, j'espère que les collègues de l'aile gouvernementale ou de l'aile ministérielle pourront nous rassurer sur cette question-là. Vous savez, effectivement, l'État, le ministère de la Famille subventionne à hauteur de quelque 30 $ par jour en moyenne le service de garde éducatif défini par voie de règlement, par le Règlement sur la contribution réduite. Mais les centres de la petite enfance, la beauté de la chose, c'est que ce sont des corporations privées autonomes gérées par les parents, on en a 1 000 au Québec, et leur mission, elle, déborde le strict service de garde éducatif. C'est notre prétention. On accompagne les enfants dans leurs apprentissages, dans leurs découvertes et on accueille leurs parents dans toutes leurs particularités, dans tout leur contexte de vie. Et rien n'empêche un centre de la petite enfance d'aller chercher des sommes d'argent pour l'ensemble de sa mission qui, on l'a dit, est une mission éducative, sociale et communautaire.
Donc, l'État actuellement finance l'exercice du service de garde éducatif à raison de x... 10 heures de services par jour, établis et bien balisés par une foule de règles budgétaires compliquées mais pertinentes, mais il n'empêche que les centres de la petite enfance, et c'est la beauté de la chose, ont la possibilité de déployer leur offre de services encore plus. Et, écoutez, j'ose croire qu'effectivement les gens qui ont préparé le projet de loi pourront nous confirmer que ce qui est écrit ici... ou, en tout cas, que vous saurez ensemble clarifier les choses pour ne pas y voir quelque chose de restrictif.
Le Président (M. Kelley): Dernier court commentaire, Mme Roy.
Mme Roy (Johanne): Juste un court commentaire. Parce qu'on a les enfants qu'on dessert déjà à l'intérieur de notre offre de services de garde, mais le réseau est ouvert à accueillir d'autres enfants, sous d'autres volets, avec d'autres programmes qui pourraient enrichir justement ou pourraient s'inscrire dans une optique de développement de l'enfant, là, qui serait ciblé mais qui ne concernerait pas nécessairement strictement notre clientèle, là. Mais on souhaite que... C'est comme ça... c'est là qu'est la volonté de ce projet-là.
M. Robitaille (Jean): Il y a possiblement des gens...
Le Président (M. Kelley): Très courte intervention, M. Robitaille.
n(16 h 30)nM. Robitaille (Jean): Oui. Il y a possiblement des gens au Québec dont les enfants n'ont pas besoin d'un service de garde éducatif, mais ils pourraient avoir besoin deux jours par semaine, il pourrait être opportun, utile, intéressant que, même si les parents sont à la maison ou sans besoin de services de garde, l'enfant, deux jours par semaine, puisse être accueilli, puisse vivre des expériences significatives. Et là on n'est pas dans la logique du service de garde éducatif, mais dans toutes sortes d'autres modes qui devront être financés, qui sont d'ailleurs souvent pas mal moins onéreux que le régime actuel.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Dernier bloc de cinq minutes, M. le député de Mercier.
M. Khadir: Bonjour et bienvenue.
Mme Roy (Johanne): Bonjour.
M. Khadir: Écoutez, c'est sûr que tous les groupes que je vois, dont les mémoires sont disponibles à moi, ainsi que ceux qui sont intervenus sur le projet de loi n° 6, qui est similaire, qui est un autre fonds de gestion financé en partie par l'État, en partie par la famille Chagnon, soulèvent le même enjeu central. Parce que bien sûr il y a d'autres aspects d'intégration, d'articulation, d'impliquer dans les décisions le mouvement communautaire, mais l'enjeu central semble être cette question démocratique que vous avez soulevée aussi, que les politiques, les stratégies, les plans d'action soient déterminés dans des structures démocratiques redevables aux citoyens, redevables à l'État et aux élus.
Alors, la question que je vous pose, c'est la suivante: Parce que vous avez des projets de partenariat avec la fondation Chagnon, mais, si, cette fois, c'était vous qui mettiez une partie de vos billes, moitié-moitié, mettons, avec la fondation Chagnon, vous qui êtes... Là, vous voyez, je suis novice dans tout ça, là. Dans ma perception à moi, comme directeur, vous jouez un peu le rôle du gouvernement, et madame, comme présidente du C.A., joue un peu le rôle du peuple ou du Parlement qui doit surveiller ou décider des grandes orientations.
Si vous prenez une décision avec la fondation, vous convenez d'une entente, est-ce que Mme la présidente devrait accepter que le partenaire ne vienne pas s'expliquer devant votre C.A., par exemple de son implication, de ce qui le motive, où est-ce qu'il s'en va, de répondre à un certain nombre d'interrogations? Est-ce que vous accepteriez ça?
M. Robitaille (Jean): Bien, en fait, c'est que ce genre d'entente qui a été convenue avec la fondation Chagnon est convenue entre deux organisations privées, l'Association des centres de la petite enfance étant elle-même une corporation privée qui rassemble 800 corporations privées dirigées par des parents, et c'est le conseil d'administration de l'association qui a convenu de ce partenariat avec le conseil d'administration de la fondation Chagnon.
M. Khadir: Je parle d'une hypothèse. Je ne parle pas de vos ententes.
Mme Roy (Johanne): Oui. Oui, c'est ça. Je pense que...
M. Khadir: Je veux dire, d'un cas hypothétique où vous mettriez 50-50, est-ce que, Mme la présidente, vous accepteriez que l'entente se réalise sans au préalable... si, par exemple, le partenaire avec lequel vous allez faire cette entente se refuse de venir répondre à vos questions?
Mme Roy (Johanne): Bien, selon moi, dans le cadre de la société de gestion de ce fonds-là, il y aura un protocole, une manière d'opérer où tout le monde est redevable au fonds et devra administrer avec diligence et objectivité ce fonds-là. Je ne sais pas si ça répond à vos questions...
M. Khadir: Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras. Donc, vous souhaiteriez que la personne vienne vous répondre. Je parle d'un cas hypothétique, ne parlons pas de la fondation Chagnon.
Mme Roy (Johanne): Oui.
M. Khadir: Un partenaire avec lequel vous allez travailler, le conseil d'administration, j'imagine, s'attend à pouvoir poser des questions au principal concerné. Est-ce que c'est un peu votre... Oui?
Mme Roy (Johanne): Bien, oui.
M. Khadir: Très bien. Alors...
Mme Roy (Johanne): Je pense qu'en démocratie on peut, règle générale...
M. Khadir: Je ne veux pas mettre personne dans l'embarras ici. C'est important qu'on pose ces questions-là parce qu'en plus il y a un représentant de la fondation Chagnon dans la salle, donc je ne dirai pas ces choses-là en son absence. C'est plus de clarté, plus de sincérité. Il est actuellement parmi nous, puis ils sont ici présents, et je vois souvent qu'ils ont un accès assez privilégié aux fonctionnaires de l'État qui accompagnent les ministres, alors ils pourraient aussi peut-être utiliser cet accès à la fondation Chagnon pour transmettre nos questions.
Il y a un mémoire produit par la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille qui dit: Est-ce que le passé est garant de l'avenir? Plusieurs groupes communautaires, qu'ils soient dans le secteur famille ou autre, en ont déjà long à dire sur la fondation Chagnon: non-respect des structures de concertation existantes; non-reconnaissance de l'expertise développée par les groupes; mépris des processus démocratiques de prise de décision dans les groupes. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Kelley): Mme Roy.
Une voix: ...
Mme Roy (Johanne): Oui, c'est ça. En fait, c'est ce qu'on a dit, ça ne devrait pas remplacer les structures existantes. Les actions qui seront prises dans le cadre de ce fonds-là ne devraient pas remplacer...
Moi, j'ai vécu une expérience avec une table de concertation où on a eu des offres de la fondation Chagnon. La table de concertation, délibérément, a pris la décision de ne pas adhérer au fonds ? parce qu'il y a quand même une base volontaire, hein, d'adhérer ou de souscrire au programme ? et c'était sous ce volet-là, et la région s'est limitée à ses ressources, mais les organismes communautaires, eux, se trouvaient dans l'embarras avec le fait qu'il y ait des structures parallèles à eux qui se développent et qui viennent travailler à l'intérieur de... avec leur propre clientèle. Eux éprouvent cette difficulté-là.
Quand on le regarde du point de vue des centres de la petite enfance, où nous avons une prestation de services de garde éducatifs, pour nous, la venue d'un fonds, c'est un enrichissement. On ne viendra pas jouer dans nos structures démocratiques, parce qu'elles sont là, nos structures démocratiques, nous avons des conseils d'administration, corporations privées autonomes, et, à ce titre-là, pour nous, c'est un enrichissement quand il y a un programme supplémentaire. Ça fait qu'on n'a pas la même constitution, la même manière de procéder. Alors, moi, là-dessus, je vais laisser les organismes communautaires s'exprimer.
M. Khadir: Je comprends très...
Le Président (M. Kelley): Sur ça, je dois mettre fin. Merci beaucoup...
M. Khadir: Je veux...
Le Président (M. Kelley): Non, parce que le temps est épuisé. Merci beaucoup, Mme Roy, M. Robitaille, de partager vos expériences et votre expertise avec les membres de la commission.
Je vais suspendre quelques instants et je vais demander aux représentants de l'Association des garderies privées du Québec de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Kelley): On va continuer nos travaux avec notre deuxième témoin cet après-midi. Je pense, pour respecter notre horaire, je vais demander un consentement qu'on peut aller jusqu'à 17 h 40 environ, pour un 10 minutes de plus, juste pour respecter l'heure qui est réservée pour notre prochain témoin. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Kelley): Parfait, merci beaucoup. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à l'Association des garderies privées du Québec, représentée par son président, Sylvain Lévesque, et M. Pascal Fischer, pour une présentation d'une dizaine de minutes suivie par une période d'échange avec les membres de la commission. M. Lévesque, la parole est à vous.
Association des garderies
privées du Québec (AGPQ)
M. Lévesque (Sylvain): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Tout d'abord, je veux vous présenter un employé de l'association, M. Pascal Fischer, qui m'accompagne, qui est agent des communications et agent de développement à l'Association des garderies privées du Québec. Donc, il a participé à l'élaboration du mémoire qu'on vous a présenté lundi ou hier.
Alors, l'Association des garderies privées du Québec, constituée de près de 300 garderies subventionnées et conventionnées, est heureuse de pouvoir exprimer son point de vue devant la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du Québec dans le cadre des auditions publiques tenues à l'égard du projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants. L'AGPQ tient aussi à rappeler que sa participation aux travaux de la commission se voudra, comme d'habitude, particulièrement constructive et prendra en considération tout d'abord le besoin des jeunes enfants et la spécificité du réseau des services de garde éducatifs québécois.
Les réflexions de l'Association des garderies privées du Québec quant au projet de loi n° 7 portent principalement sur diverses études, dont celle menée par le Conseil de la famille et de l'enfance qui a donné lieu au document La Politique familiale au Québec: visée, portée, durée et rayonnement, en 2008. Outre les multiples documents consultés, nous avons établi notre opinion sur l'historique, les politiques existantes, les mesures et leurs effets en fonction de quatre constituantes principales de la politique familiale québécoise, c'est-à-dire le soutien aux familles et aux enfants, le système de garde éducatif à l'enfance, le Régime québécois d'assurance parentale et les autres mesures développées en faveur des familles au fil des ans, parce que, vous savez, il y en a plusieurs.
L'AGPQ est favorable à l'adoption de ce projet de loi en autant qu'il permette aux différents acteurs de la société québécoise de disposer de fonds supplémentaires pour mettre en oeuvre des initiatives et solutions innovatrices favorisant le développement global des enfants vivant en situation de pauvreté. En effet, selon nous, le projet est respectueux des responsabilités premières incombant aux parents en ce qui a trait à l'éducation de leurs enfants; le projet tient compte de la contribution des parents au développement harmonieux et global de leurs enfants et met l'accent sur des activités et initiatives permettant de renforcer leur contribution et sollicitant leur collaboration et leur participation; le projet encourage la mise en oeuvre d'initiatives et d'activités s'adressant à l'ensemble des milieux de vie et des adultes présents à toutes les étapes de la vie des enfants âgés de zéro à cinq ans, du moment de la grossesse à celui de l'entrée à l'école; le projet prévoit la constitution d'une forme de soutien financier continu à travers le temps, à raison de 1,5 million par année sur une période de 10 ans.
Malgré ce qui précède, le projet de loi n° 7 soulève également énormément de questionnements. Les services de garde éducatifs à l'enfance du Québec sont tenus d'appliquer un programme éducatif comportant des activités qui ont pour but de favoriser le développement global de l'enfant sous toutes ses dimensions. La base de l'intervention éducative est axée sur l'apprentissage actif, c'est-à-dire l'apprentissage par le jeu, le développement des compétences par le jeu. Donc, la collaboration entre les milieux et les parents est jugée essentielle au développement harmonieux des enfants et, à ce titre, constitue la pierre angulaire du programme éducatif pour lequel il serait plus approprié d'utiliser le terme «ludoéducatif» parce que vous savez qu'en services de garde nous n'avons pas une approche scolarisante, mais plutôt une approche basée sur le développement des habilités sociales par le jeu.
Le libellé du projet de loi n° 7 semble axé sur une définition du développement global de l'enfant qui correspond en tous points aux objectifs du programme éducatif déjà en vigueur dans les services de garde éducatifs à l'enfance du Québec tout en y rattachant une dimension additionnelle, qui est celle de favoriser la réussite de l'entrée scolaire et la poursuite de la scolarité.
Par contre, le programme éducatif des services de garde du Québec ne met pas l'accent sur une approche scolarisante. La mission des services de garde n'est pas de produire des enfants performants qui peuvent compter jusqu'à 100 ou qui savent déjà lire à l'âge de deux ans. Il en est bien ainsi. L'enfant d'âge préscolaire doit pouvoir rester un enfant, et les services éducatifs ont pour finalité de lui permettre de se développer dans toutes les dimensions de sa personnalité. C'est le jeu, en tant que processus, qui constitue pour l'enfant le moyen par excellence d'explorer le monde et d'expérimenter. C'est le plaisir et non la performance qui est le moteur de ses apprentissages et de ses actions.
Par conséquent, la question se pose de savoir comment seront arrimées les exigences liées au développement global de l'enfant au sens du programme éducatif en vigueur dans les services de garde à celles de la performance scolaire aux fins d'identifier les projets, activités et initiatives admissibles au fonds et d'en mesurer la pertinence et l'impact.
Pour favoriser le développement global des enfants âgés de cinq ans et moins vivant en situation de pauvreté, afin de favoriser la réussite de leur entrée scolaire et la poursuite de leur scolarité, encore faut-il que tous les acteurs et milieux de vie impliqués dans le processus puissent fonder leurs interventions sur une définition et une mesure consensuelles de la pauvreté.
Privilégiera-t-on une définition absolue de la pauvreté, mesurée en fonction d'un panier de consommation fixé à l'avance et jugé essentiel, ou relative, c'est-à-dire basée sur l'écart ou l'inégalité des revenus et dépenses relativement à l'ensemble de la population? Ou un amalgame des deux? Ou bien utilisera-t-on les deux indices de défavorisation calculés annuellement par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, soit l'indice du milieu socioéconomique et l'indice du seuil de faible revenu, qui sont à nouveau fort différents, aux fins d'identifier les enfants vivant en situation de pauvreté? La détermination précise de la clientèle ciblée par le projet de loi n° 7 est cruciale, vous en conviendrez.
Un projet similaire ? du nom de Projet Odyssée ? à celui envisagé par le projet de loi n° 7, axé sur les services de garde en milieu familial, est déjà en cours. D'une durée de trois ans et pourvue d'un budget de 12,6 millions de dollars, l'entente entre le ministère et la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, signée en novembre 2006, vise à augmenter le soutien offert aux responsables de garde en milieu familial oeuvrant auprès des enfants de milieux défavorisés. Or, comment le fonds s'inscrit-il par rapport à ce projet? N'y a-t-il pas un dédoublement entre les objectifs de ce projet et les objectifs du fonds pour le développement des jeunes enfants que veut instituer le projet de loi n° 7? Les responsabilités de la garde en milieu familial... les responsables pourront-elles présenter des projets dans le cadre du fonds? Et les autres milieux de garde, qu'en est-il? Quel sera le rôle respectif des autres acteurs oeuvrant auprès des familles québécoises?
Le projet de loi n° 7 vise les enfants âgés de zéro à cinq ans inclusivement. À ce titre, il est susceptible d'interpeller plusieurs milieux de vie en fonction de l'âge et des diverses étapes du développement de l'enfant: la famille, dans ses diverses formes et manifestations, de la grossesse à l'entrée scolaire; le milieu des services de garde de la petite enfance, pour les enfants de la naissance à l'entrée scolaire également; les haltes-garderies; le milieu scolaire dans son ensemble; la communauté ? les organismes famille, municipalités, arrondissements ? dans laquelle vivent les enfants et leurs parents. À cet égard, des mesures devront être mises de l'avant afin d'assurer l'arrimage des orientations et des actions dans tous les milieux de vie qui influent sur le développement global de l'enfant et de sa réussite scolaire.
Bien que tous les acteurs au sein de ces milieux de vie doivent être sensibilisés, mobilisés et engagés dans l'atteinte des objectifs du fonds, certains possèdent une place prépondérante et plus centrale ou des atouts particuliers dont le gouvernement pourrait tirer profit: en premier lieu, la famille, dans sa globalité, constitue le milieu de vie principal de l'enfant; par la suite, les services de garde éducatifs à l'enfance, qui sont particulièrement bien placés et outillés pour rencontrer les objectifs du projet de loi n° 7; la communauté dans laquelle vit l'enfant et sa famille et qui joue un rôle prépondérant; et le milieu scolaire, étant donné que l'entrée scolaire et la réussite de la scolarité de l'enfant constituent le fondement sur lequel seront mesurés les résultats des projets financés par le fonds.
n(16 h 50)n Recommandations de l'association. À la lumière des points soulevés et des réflexions précédentes, l'AGPQ soumet à la considération de la Commission des affaires sociales les recommandations suivantes: que le ministère de la Famille se dote d'un document ou cadre de référence exprimant de façon claire et concise la vision gouvernementale de la politique familiale en décrivant les orientations principales, le rôle de tous les acteurs et intervenants impliqués, ainsi que l'interrelation et les objectifs spécifiques de toutes les mesures de soutien existantes; que le ministère développe des indicateurs pour mesurer les progrès et quantifie les objectifs visés par la politique familiale en général et le projet de loi n° 7 en particulier; arrime l'ensemble des mesures de soutien, services, activités et initiatives existantes en développant en fonction des objectifs spécifiés dans le cadre de référence et simplifie la compréhension par les familles des formes de soutien financier et d'aide fiscale qui leur sont disponibles en fonction de leur situation.
Dans la mesure où les enfants peuvent être considérés pauvres et se retrouvent, dans les faits, en situation de pauvreté lorsqu'ils n'ont pas accès aux ressources qui sont cruciales pour leur développement et leur inclusion sociale, nous recommandons de poursuivre, voire même accélérer le développement des places en service de garde éducatifs, à contribution réduite, en accordant la priorité aux enfants vivant en situation de pauvreté de même qu'aux enfants ayant des besoins particuliers.
Que le ministère soutienne le parent et tous les adultes en situation parentale dans leurs rôle et devoirs, ainsi que dans leurs fonctions éducatives;
Que le ministère lance une campagne nationale de sensibilisation visant à valoriser les familles, le rôle des parents, des grands-parents et des autres membres de la famille élargie afin de susciter la participation et la contribution active de l'ensemble des acteurs socioéconomiques.
Que le gouvernement accroisse l'offre ainsi que l'accès à des programmes culturels et de loisirs, particulièrement dans les quartiers défavorisés, afin de favoriser des opportunités de développement et d'apprentissage pour les parents et les enfants.
Finalement, l'Association des garderies privées du Québec est favorable à l'adoption de ce projet de loi en autant qu'il mobilise tous les acteurs du milieu, de la société, sans aucune forme d'exclusion ou de discrimination idéologique, comme le font valoir certains groupes. Le succès de ce projet de loi est tributaire d'une responsabilité collective qui incombe à tous, tant les groupes communautaires que les syndicats, les citoyens, les entreprises et le gouvernement. Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Lévesque. Je vais passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission: 23 minutes, à ma gauche et à ma droite, en commençant avec le ministre de la Famille. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Tomassi: Merci beaucoup, M. le Président. M. Fischer, M. Lévesque, on vous reconnaît toute dans votre splendeur de personnages vivants. Avant d'aller à vous, je voudrais peut-être remettre certaines pendules à l'heure, là, certaines affirmations que le député de Gouin et le député de Groulx, je crois, ont faites tantôt, lors des CPE, en prenant compte, là, du deuxième alinéa de l'article 2, paragraphe 3°, là, qui venaient... En quelque sorte, là, ils venaient remettre en question à savoir si les CPE ou les centres qui ont des personnes handicapées auraient accès au fonds. Je veux seulement les rassurer tous les deux que le fonds n'est pas là pour venir financer le service de garde éducatif ou le service de garde pour ces enfants handicapés, le fonds vient ici financer des actions pour le développement, pour l'aide.
Alors, un CPE, c'est sûr et certain que, s'il fait une demande au fonds pour son service de garde, malheureusement ce n'est pas dans cette mission-là. Si le CPE fait une demande pour une action précise pour le développement des enfants de zéro à cinq ans, c'est tout à fait... ça cadre dans le fonds. La même chose avec les gens qui gardent les personnes handicapées, c'est l'encadrement. Le fonds ne vient pas financer doublement un service qui est déjà financé par l'État dans la mission même de l'organisme. Alors, je veux que ce soit très clair, là, je voudrais qu'on ne porte pas à interrogation. Puis j'écoutais M. Robitaille, qui, lui, dans sa réponse, je voyais qu'il avait très bien compris le projet de loi, là. Vous lui avez peut-être mis un doute, mais je pense que la mise au point va le rassurer. Mais je voudrais que ce soit clair, là, puis que cette affirmation que vous en faites soit mise de côté pour la suite des choses.
Alors, M. Lévesque, merci d'être ici avec nous. Je comprends, dans votre dernière envolée, que vous êtes favorable au fonds en ayant comme conséquence que tous soient sur le même pied d'égalité. Vous jouez un rôle important dans les services de garde au Québec. Vous êtes un des trois services de garde... même en réalité, quatre, quatre piliers de services de garde, que ce soient les CPE, les services en milieu familial, les services de garderies qui sont subventionnées puis les garderies qui ne sont pas subventionnées. Alors, c'est tous les éléments où est-ce qu'on permet aux familles d'avoir l'éventail de services.
Vous avez fait mention tantôt que vous êtes favorable puis que vous voulez participer. Je voulais savoir de votre part à vous si, avec l'application de ce projet de loi, vos garderies membres, vos garderies membres seraient prêtes à la limite. Parce qu'il faut comprendre, là, tu sais, c'est la concertation, c'est une concertation locale qui doit être... qui ou est déjà mise en place ou qui sera mise en place... qui vont mettre en place des actions concrètes. Est-ce que vos membres qui sont, à ce que je comprends, un peu dans la grande région de Montréal et de Québec, vont pouvoir ou vont vouloir participer à la mise en place d'actions pour venir en aide au développement des jeunes enfants? Avez-vous tâté le terrain avec vos membres pour savoir si c'est un questionnement que ces gens-là seraient intéressés à y adhérer?
M. Lévesque (Sylvain): On nous a demandé de réagir rapidement. On a écrit le mémoire la semaine passée. Le conseil d'administration est d'accord. Vous savez qu'on regroupe des garderies au Lac-Saint-Jean, dans la région de Québec, en Outaouais, en Estrie, à Montréal, à Laval, à Longueuil, donc c'est plus étendu que seulement le milieu urbain. Et ça va de soi que le réseau va participer. On s'occupe du développement des enfants de zéro à cinq ans. C'est notre mission première d'intervenir auprès des enfants et des familles.
Et, nous, la compréhension qu'on en a eue du projet de loi, c'est que ça va nous donner plus de prise pour aider les familles. Parce que vous savez qu'on ne fait pas juste de la garde éducative à l'enfance, on s'occupe d'intégration. Les familles nouvellement arrivées, les immigrants, le premier contact souvent qu'ils ont au Québec, c'est avec leurs services de garde. Alors, comme gestionnaires de garderie, notre mission sociale est beaucoup plus vaste, à l'heure actuelle, que de ne s'occuper que du développement des enfants de 0-5 ans. On fait du soutien au rôle parental, on les oriente, on leur fait des recommandations, on participe sur des tables avec les CSSS. Donc, notre rôle est beaucoup plus large que celui de soutenir seulement le développement d'enfants. On soutient aussi les familles dans leur rôle, on les oriente quand ils arrivent au Québec, on leur donne des ressources.
Donc, effectivement, comment on a vu ce fonds-là? C'est que ça vient complémenter des services existants. Et j'ose faire la demande suivante: même si les services de garde sont déjà subventionnés par le ministère de la Famille et des Aînés, il est important que des projets puissent être menés par les services de garde en relation avec le fonds.
Je vous donne un exemple. Une garderie pourrait décider de vouloir, demain, monter un groupe de... un groupe, dans sa garderie, avec des parents, faire des ateliers de soutien au rôle parental. Il faudrait qu'à ce moment-là ça devienne un projet spécifique qui pourrait être subventionné par le fonds, parce qu'un service de garde pourrait, en relation avec les organismes du milieu comme le CSSS, développer des formations de compétence parentale, de soutien au rôle parental.
D'ailleurs, dans les années 2003, je siégeais sur un comité... ou un peu avant, je siégeais sur un comité au ministère, qui était le comité de soutien au rôle parental, où on essayait, tous les partenaires du milieu, de donner justement du soutien aux parents dans leurs fonctions éducatives. Alors, effectivement, c'est certain que le réseau va participer, c'est notre clientèle cible. Et on a à coeur le développement des enfants, c'est le futur du Québec. C'est probablement nos élus de demain aussi. Alors, il faut qu'on les aide à se développer de façon globale et harmonieuse.
n(17 heures)nM. Tomassi: Mais vous comprenez, M. Lévesque, que l'essence même du fonds, c'est de permettre, de un, cette concertation locale. Des fois, la concertation locale existe déjà; la concertation, elle est déjà présente. À certains autres endroits, c'est un travail qui va devoir être fait, même si, à la lecture du portrait du Québec, là, il y a une très grande concertation qui est déjà présente dans toutes les régions du Québec. On prend seulement l'exemple des organismes communautaires Famille, qui font un travail exemplaire en cette matière, que ce soient les centres 1, 2, 3 GO! qui ont permis cette concertation dans beaucoup de communautés. Il va falloir que même les associations... votre association mais les garderies privées entrent dans cette concertation parce que l'important, là, puis je pense que l'essence même, c'est de ne pas créer des petits éléments dans chaque endroit, mais que cette concertation-là ait un lien avec tout ce qui est fait dans le milieu pour ne pas créer des démesures.
Alors, la question que je vous posais, c'était à savoir... puis vous l'avez bien dit lors de votre conclusion, c'est de dire: Il faut que tous les partenaires soient mis sur le même pied d'égalité. Alors, ce que je comprends de votre part, c'est de dire que les garderies privées vont être partie prenante à cette concertation locale avec... qui va suivre nécessairement le plan d'action qui a déjà été établi ou qui sera établi par le milieu local pour prendre la direction où qu'on veut aller, là. On se comprend bien?
M. Lévesque (Sylvain): L'association va le recommander à ses membres. Vous savez que chacune des garderies au Québec est une entreprise privée indépendante, mais va fortement le recommander. Et vous savez, M. le ministre, qu'il y a beaucoup, beaucoup de concertation dans notre réseau, à l'heure actuelle. Je prends Ma place au soleil, l'intégration des jeunes mères en difficulté, je prends J'me fais une place en garderie, le programme existant à l'heure actuelle, les protocoles d'entente avec les CSSS sont de plus en plus signés aussi par des garderies et non seulement par des CPE. La problématique d'origine, c'est que les garderies n'avaient pas accès aux protocoles d'entente. Quand la loi a été modifiée puis nous a permis de participer aux protocoles d'entente avec les CSSS, on l'a fait.
Donc, oui, les garderies. Une garderie ne peut pas se gérer en vase clos, hein? Si on veut favoriser le développement global de l'enfant, c'est avec tous les partenaires du milieu, et ça sort des murs d'une garderie. C'est avec les CSSS et tous les organismes autour qui peuvent nous aider à le faire de façon appropriée.
Le Président (M. Kelley): Oui, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci pour votre réflexion, vous avez une bonne expertise et une belle expérience. Et je pense que vous avez également dans vos services des enfants qui sont en difficulté et qui ont besoin de soutien additionnel pour mieux traverser cette période de l'enfance et finalement intégrer le milieu scolaire avec les meilleurs outils possible.
Et je pense avoir compris dans vos propos que vous êtes non seulement à l'aise avec le fonds, mais que vous êtes également à l'aise avec l'orientation de privilégier les enfants qui vivent des situations de pauvreté. Et j'aimerais savoir d'abord si vous me confirmez si c'est exact, ce que j'avance là et comment cette orientation pourrait vous aider concrètement, surtout favoriser les enfants, le développement des enfants qui vivent des situations de pauvreté.
M. Lévesque (Sylvain): Bien, oui, on est très favorables. Et c'est vrai, ce que vous dites, on est d'accord avec le fonds dans ce sens-là. Et on le fait déjà en garderie.
Ce qui arrive à l'heure actuelle, vous savez qu'il y a eu tout un débat dernièrement sur la maturité scolaire, qui est un grand débat, l'intégration des enfants, parce qu'on se rend compte de plus en plus que la difficulté d'intégrer l'école, elle est bel et bien présente. Et il y a un enfant sur deux à peu près ou 60 %, au Québec, qui fréquentent un service de garde. Il y en a presque la moitié qui ne le fréquentent pas. Donc, les enfants arrivent en maternelle avec des compétences sociales différentes, et c'est une problématique, à l'heure actuelle.
Donc, les enfants en milieu défavorisé, vous savez que c'est important de les accueillir, mais malheureusement, avec les listes d'attente qu'il y avait dans les services de garde au cours des dernières années, veux veux pas, il y avait une sélection de la clientèle, et ce ne sont pas nécessairement les enfants de milieux défavorisés qui avaient accès aux places. Tout le monde veut une place, tout le monde est sur les listes d'attente. Mais, oui, l'Association des garderies avait fait des représentations auprès du ministère de la Famille et des Aînés à l'époque pour que justement, dans les nouveaux critères de projets qui ont été attribués l'an dernier, on réserve une partie des places, dans les critères ministériels, pour l'accueil d'enfants en situation de défavorisation.
Alors, c'est sûr que, quand on peut les intégrer en service de garde, ça leur donne un sacré coup de main. Surtout quand ils vivent en milieu défavorisé où les parents ont de la difficulté à intervenir, bien, ça leur permet de socialiser. Il y a des programmes comme Brindami qui existent à l'heure actuelle, qui favorisent le développement des habiletés sociales chez l'enfant de deux ans à quatre ans, qui est Fluppy à l'école.
Donc, il y a plein de programmes dans les services de garde. Le problème actuellement, c'est qu'on a traité ça de corollaire sur deux plans. Le fonds va servir justement à des projets spécifiques pour aider les familles dans leur compétence pour développer l'enfant au niveau global, donc le langage, le développement cognitif, le développement moteur, le développement de la créativité. Donc, nous, on travaille déjà en ce sens-là dans les garderies. L'enfant qui a accès à une place, il est heureux, il a accès à une place puis il a la chance de vivre dans un milieu de garde stimulant. Par contre, ceux qui n'ont pas accès à des places, bien, je pense que le fonds vient soutenir des projets en ce sens-là, puis c'est les gens qui sont en attente d'une place surtout en milieu défavorisé. Et j'irais plus loin que ça: les nouveaux arrivants au Québec, ils vivent une situation de défavorisation en arrivant au Québec, ça ne veut pas dire que ça va perdurer, et le premier contact, c'est le service de garde et les organismes autour. Donc, c'est important de...
Donc, c'est certain que le fonds peut servir à financer des projets qui vont permettre au gouvernement d'intervenir en dehors des garderies, mais les garderies sont des partenaires pour cibler ça et fort probablement les associations pour développer des projets spécifiques en ce sens-là. Parce que vous savez que, dans notre réseau, il y a 40 000 familles, on a 40 000 enfants à contribution réduite. Donc, c'est 80 000 parents, avec les grands-parents, avec la famille élargie. Donc, on a un rôle auprès des familles autant qu'auprès des enfants. Donc, en ce sens-là, comme association, oui, on se doit d'intervenir, parce que nos membres sont des titulaires de permis, mais notre clientèle, ce sont des parents et des enfants.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Trois-Rivières.
Mme St-Amand: Merci, M. le Président. M. Lévesque, bonjour, contente de vous entendre. Je sais que vous avez déjà une très grande expertise auprès des garderies privées, particulièrement avec les clientèles qui ont des besoins particuliers. Vous venez de dire: Ce ne sont pas nécessairement les enfants de milieux défavorisés qui ont accès aux places. Ma première question, puis ce sera à deux volets: Est-ce que, dans votre réseau, il y a des enfants qui proviennent de milieux défavorisés?
M. Lévesque (Sylvain): Oui. Oui, oui. Et je vous dirais que les... J'apprécie beaucoup ce qui a été fait l'an dernier ? bon, c'est Mme Courchesne qui était là à l'époque ? quand on a demandé d'appliquer pour des nouveaux permis. L'Association avait soumis beaucoup, beaucoup de recommandations dans le développement futur des 18 000 places qui sont en développement actuellement, et ça allait exactement en ce sens-là, l'accueil des clientèles à temps partiel, parce que les garderies avaient tendance... les garderies et les CPE, dans les deux réseaux, à favoriser la garde à temps plein. C'est beaucoup plus facile que de prendre deux, trois enfants à cinq jours-semaine. Alors, on a demandé que, dans les critères ministériels, on fasse de l'accueil à temps partiel, qu'on en fasse un critère gouvernemental pour attribuer des nouveaux projets. On a demandé qu'on intègre des enfants ayant des problèmes particuliers... je n'aime pas dire «handicapés», là, mais ayant des besoins spéciaux. On a demandé à ce qu'on intègre des enfants de familles nouvellement... des nouveaux arrivants, des immigrants. On a demandé, l'association, qu'on intègre des enfants recommandés par le CSSS. Avec le protocole d'entente, on peut donner accès à quatre places, donc 5 % des places en service de garde éducatif. Et tout ça, dans le programme gouvernemental, est apparu comme étant des critères de sélection des projets.
Malheureusement, dans le passé, ça ne s'est pas fait, et c'est pour ça que ces enfants de ces milieux-là n'ont pas nécessairement eu accès à des places. Tout le monde se chicane pour une place subventionnée au Québec. Il y avait la moitié des parents sur des listes d'attente. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'avec ces nouveaux critères là on a rétabli un peu la situation, mais il faudrait encore y mettre plus d'emphase, s'il y a du développement futur, parce que c'est ces clientèles-là qu'il faut prioriser avant tout, c'est eux qui ont besoin d'aller en service de garde avant tout et c'est eux... Parce qu'on a un rôle d'intervention précoce et de dépistage. On a des grilles ballons dans nos garderies. On fait de l'observation avec les CLSC, les psychoéducatrices. On fait du dépistage. On oriente les parents. Et plus on intervient tôt dans la vie d'un enfant, plus ses chances de réussite scolaire sont améliorées et moins ça coûte cher au gouvernement, dans les années subséquentes, en intervention sociale, parce que, quand l'enfant connaît un bon départ, bien, fort probablement qu'il ne connaîtra pas de décrochage scolaire. Donc, tu sais, ça commence de zéro à cinq ans, ça fait que notre rôle, je pense qu'il est crucial.
Et on ne veut pas suppléer le parent, mais vous savez que le réseau des garderies est rendu à 58 % à peu près de main-d'oeuvre qualifiée. C'est une autre chose que je veux souligner, le ministère a augmenté à deux sur trois, au même titre que dans les CPE. C'est important. On parle des mêmes contribuables québécois, des mêmes enfants. Ce ne sont pas des enfants de deuxième classe, en garderie privée, c'est les contribuables québécois et c'est les fonds publics qui nous subventionnent. Donc, ces enfants-là ont droit à avoir deux éducatrices qualifiées sur trois, et c'est le moteur de la qualité, la qualification du personnel.
Donc, on fait du dépistage, on remplit des grilles ballons, on rencontre les parents, on les oriente vers des services spécialisés si c'est nécessaire, et malheureusement beaucoup d'enfants en situation de défavorisation n'ont pas la chance de vivre ça, donc. Et, bien, je félicite le nouveau critère parce qu'il va améliorer la situation, mais trop lentement.
Mme St-Amand: Je peux continuer?
Le Président (M. Kelley): Oui. Mme la députée.
Mme St-Amand: Merci. Dans un deuxième temps, vous avez beaucoup parlé tantôt du soutien aux adultes, du soutien aux parents, et, moi, j'achète ça, le fait que toute la cellule familiale, tout le système familial doit être à contribution parce que, si on prend l'enfant et on le retourne chez lui...
n(17 h 10)n. Quel type de projet, vous pensez ? parce que je réfère encore à votre expertise ? quel type de projet pourrait entrer dans ce projet de loi là, pourrait faire en sorte que, dans ce programme-là, on puisse vraiment soutenir? Comment vous voyez ça, le soutien aux adultes?
M. Lévesque (Sylvain): Bien, de favoriser encore plus... Écoutez, la relation entre le service de garde et la famille est hyperimportant. Malheureusement, il faut que cette relation-là soit maintenue même en dehors du service de garde. Donc, on a beau faire... on a beau avoir toute l'expertise en service de garde, le premier agent du développement de l'enfant, c'est le parent et, si on ne le responsabilise pas, si on ne le sensibilise pas à ce qui peut se faire...
Vous savez, ce n'est pas parce qu'on est parent qu'on est expert en éducation, hein? J'ai deux garçons. J'ai eu la chance d'être éducateur, d'intervenir, donc, mais ce n'est pas la réalité de tous les parents. Souvent, ils ont besoin de soutien, ils nous consultent, ils consultent nos éducatrices dans nos services de garde. Et c'est intéressant parce que, si vous voyiez les échanges qu'il y a dans une garderie, le soir. À l'école, on ne vit plus ça, hein? En maternelle, tu le laisses à la clôture puis tu n'as pas le droit de rentrer dans l'école. En service de garde, le parent, il a un contact privilégié avec son milieu, avec ses éducatrices, avec...
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'un projet, par exemple, qui me vient à l'idée ? je réfléchis à voix haute ? ce serait de développer... Ça ne s'arrête pas à 6 heures, le service de garde, donc. Et je sais qu'il y a des projets existant ailleurs dans le monde, je suis participant au World Forum on Early Care and Education, où il y a une relation entre le service de garde et la famille, il y a du soutien qui peut se faire le soir. L'éducateur peut aller à la maison, l'éducateur...
Je prends, par exemple, je prends un cas de mutisme. Un enfant qui a du mutisme sélectif, c'est important qu'il y ait une visite de l'éducateur à la maison avant que l'enfant intègre le service de garde. Alors, c'est un cas que je prends. Donc, ça peut être des projets très spécifiques où ça ne s'arrête pas de 7 heures à 8 heures, le service de garde, où on pourrait donner du soutien le soir et où il pourrait y avoir des ateliers parents dans des services de garde. On a des locaux qui sont là. Donc, il faut donner l'opportunité et les compétences aux gestionnaires d'offrir des ateliers de soutien au rôle parental. Si c'est le service de garde qui l'offre, ils vont sûrement plus se déplacer que si c'est le CSSS, où qu'il y a plein de gens. Il y en a, des ateliers qui s'offrent comme ça, mais qui ne sont pas nécessairement populaires. J'en ai l'expérience avec le CSSS. Si le service de garde a l'opportunité d'offrir un projet comme celui-là et d'offrir des ateliers de soutien au rôle parental, avec des experts dans ses locaux, après les heures de fermeture, ça peut être des projets fort intéressants, puis les parents vont venir parce que le contact avec le milieu de garde...
À 80 places, un milieu de garde conserve des valeurs éducatives et familiales fort importantes. C'est des petits milieux. Et c'est pour ça qu'il y a eu une soulevée des boucliers face à l'intégration des enfants de quatre ans dans toutes les écoles au Québec. Tu sais, laissons vivre à l'enfant son enfance. Puis les garderies à 80 places, c'est des institutions de qualité, c'est des petits globules, et, le contact du parent, il y a une relation de confiance énorme. Donc, on a un pouvoir d'agir sur le développement de compétences parentales puis de les orienter.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Gouin.
M. Girard: Merci, M. le Président. Je veux d'abord, dans un premier temps, saluer M. Lévesque, M. Fischer. Merci pour votre mémoire, pour votre présentation. Avant de vous poser quelques questions, je voulais quand même revenir sur les propos du ministre. Le ministre nous a indiqué l'interprétation qu'il donnait à son projet de loi, à l'article 2 du projet. J'en prends bonne note. Il faudra s'assurer, au moment de l'adoption article par article du projet de loi, que des précisions, le cas échéant, soient apportées afin de s'assurer qu'il n'y ait pas un certain nombre de groupes et de partenaires qui soient carrément exclus du projet.
Cependant, je note à nouveau que le ministre n'a fait aucun commentaire sur ma demande, que je réitère pour une troisième fois, qu'il dépose le protocole d'entente signé entre le ministère de la Famille et la fondation Chagnon. Nous en sommes déjà au troisième groupe que nous recevons dans le cadre de cette commission parlementaire. Les groupes ont eu l'occasion de réfléchir sur le projet de loi, sur les orientations, mais c'est partiel, nous n'avons pas toute l'information, y compris l'ensemble des parlementaires. Et je ne comprends pas pourquoi le ministre, à ce stade-ci, ne veut pas rendre l'information disponible pour l'ensemble des parlementaires et pour l'ensemble des organismes qui participent à cette commission.
Qui sait, la nuit portera peut-être conseil, et le ministre peut-être, demain matin, à l'ouverture de cette seconde journée de la commission parlementaire, pourra sans doute, je le souhaite, déposer le protocole d'entente afin que ce débat se fasse dans la transparence. C'est un projet de l'ordre de 400 millions de dollars, c'est des sommes importantes, et je pense qu'il est essentiel, dans une démocratie, qu'un gouvernement, qu'un ministre donne toute l'information à ceux et celles... aux législateurs qui doivent se prononcer sur un projet de loi. J'espère qu'il en prend bonne note, qu'avec ses collègues députés du gouvernement il y aura une discussion et qu'on pourra avoir copie de ce document demain matin.
Ceci étant dit, je veux revenir à la présentation de M. Lévesque et de M. Fischer. Vous indiquez à plusieurs reprises dans votre mémoire, vous dites... vous souhaitez avoir une politique familiale. Vous laissez entendre que, malgré les nombreuses mesures qui existent pour les familles, il n'y a toujours pas de politique familiale.
Ce matin, on a reçu le Carrefour action municipale et famille, qui nous indiquait qu'il souhaitait que le ministère de la Famille, chargé de l'administration de la loi n° 7 dont on discute aujourd'hui, élabore une stratégie nationale accompagnée d'un plan d'action pour répondre aux objectifs identifiés dans le projet de loi. Un peu ce qu'on venait nous dire ce matin, c'est qu'il y a un fonds important, de 400 millions, un projet qui est déposé par le gouvernement, il faut s'entendre dès le départ sur les objectifs et sur les orientations.
Ne craignez-vous pas qu'on mette un peu la charrue avant les boeufs, c'est-à-dire qu'on distribue... il y a 400 millions de disponibles, mais qu'on ne s'entende pas dès le départ sur les objectifs, sur les orientations? Et ce que je comprends de votre propos, de la volonté d'avoir une véritable politique familiale, c'est que l'argent qui est disponible à travers ce fonds-là serve pour les bonnes priorités, les bonnes orientations gouvernementales et des politiques publiques qui auront été déterminées dès le départ, avant même que l'argent soit distribué.
M. Lévesque (Sylvain): Je vais répondre à la première partie de la question et je vais laisser Pascal clarifier par la suite. Parce qu'on ne dit pas qu'il n'y a pas de politique familiale. Au contraire, au contraire, elle s'est développée, et on pense que la mesure de la mise en place du fonds, c'est un prolongement justement à la politique familiale.
Ce qu'on dit, c'est que, selon ce qu'on a vérifié ? et c'est écrit dans notre mémoire de 18 pages, là, ce que j'ai présenté aujourd'hui est plus court ? c'est qu'il y a tellement de mesures existantes que les familles s'y perdent. Et ça, ça vient du conseil, du Conseil de la famille et de l'enfance.
Donc, je veux juste que Pascal clarifie justement sa position là-dessus. Il a rédigé le mémoire puis il a consulté beaucoup de documents.
M. Fischer (Pascal): En l'occurrence, c'est l'importance d'avoir un cadre de référence dans lequel on saurait exactement, par exemple, le rôle de chaque acteur dans l'exécution d'une politique familiale, qui serait défini, XYZ, en l'occurrence. À ce moment-là, on n'aurait même pas un débat, par exemple, sur savoir le but de ce fonds, on le saurait d'emblée, puisqu'il s'inscrirait dans le cadre d'une politique familiale claire et donnerait un cadre de référence. À ce moment-là, on pourrait savoir exactement, par exemple, quel rôle on peut jouer, les services de garde, la famille, les rôles de soutien parental, ainsi de suite. C'est dans ce sens-là. Et aussi ça éclairerait l'ensemble, c'est-à-dire ça mobiliserait aussi également l'ensemble de la société d'avoir un objectif comme ça, c'est-à-dire clairement défini. En gros.
M. Lévesque (Sylvain): Parce qu'on comprend que c'est un projet de loi, mais il est vaste. Quand on l'a lu, il est très, très vaste, donc on s'y perd un petit peu, là, en ce sens-là. Puis ce qu'on dit, c'est qu'il y a déjà une politique familiale existante, il y a les services de garde, il y a le Régime québécois d'assurance parentale, mais en plus il y a de multiples mesures dans la fiscalité, de programmes aux familles, qui sont inconnus. Donc, moins c'est connu, moins les familles s'en prévalent. Donc, c'est plus en ce sens-là. Et c'était d'ailleurs une recommandation dans le document, là, du Conseil de la famille et de l'enfance, quand Mme Courchesne, l'an dernier, avait commandé une étude, là, sur la portée et où on en était avec la politique familiale québécoise.
M. Girard: ...
M. Lévesque (Sylvain): Est-ce que je peux juste rajouter?
M. Girard: Oui, allez-y, allez-y.
M. Lévesque (Sylvain): Je ne veux pas m'ingérer. Bon, le Québec, c'est la démocratie, et, tu sais, je pense que les députés et les élus, les élus gouvernementaux sont assez intelligents pour faire en sorte qu'ils vont opter pour des objectifs transparents dans la gestion de ce fonds-là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que c'est au ministère de le gérer et de s'assurer que la gestion est transparente. Déjà, comme propriétaire de garderie, je déteste quand on s'ingère dans ma gestion, alors ce n'est pas moi qui va dire au ministère comment gérer le fonds. Ce qu'on veut, c'est que ce soit transparent puis qu'on sache clairement sur quel type de projet on peut travailler pour bénéficier justement d'une partie du fonds, ou en tout cas de mettre des projets spécifiques sur pied, là, pour le soutien en milieu défavorisé.
n(17 h 20)nM. Girard: Certains mémoires font référence ou certains organismes font des demandes à l'effet qu'au niveau du conseil de gestion il y ait une représentation de la société civile. Ils disent qu'il y a une expertise existante au niveau, par exemple, des services de garde à contribution réduite un peu partout à travers le Québec, les organismes Famille, les CLSC, une série de partenaires institutionnels, et qu'à ce titre-là on souhaite qu'il y ait une représentation de la société civile et que ce ne soient pas uniquement des représentants du gouvernement et de la fondation qui siègent à parts égales sur le conseil de gestion. Le ministre nous a indiqué et on a appris ce matin que ce seraient 10 membres. Est-ce que vous croyez nécessaire qu'il y ait des représentants de la société civile qui siègent sur ce conseil de gestion? Comment percevez-vous ça?
M. Lévesque (Sylvain): Je vais vous dire, je n'ai pas vraiment de position là-dessus. Je reviens sur ma réponse de tout à l'heure: C'est au gouvernement de s'assurer que le fonds est bien géré, que c'est transparent et que les fonds qui sont attribués sont utilisés... qu'il y a des règles, qu'il y a un cadre bien défini autour du fonds pour le type de projet, mais c'est au gouvernement de s'assurer que ces sous-là vont être bien dépensés puis que les règles du jeu...
Je veux dire, les ministères sont habitués de gérer des budgets. Je veux dire, en service de garde, nous, on est des corporations privées et on a des règles à respecter. Donc, on espère que ça va être la même chose pour le fonds, qu'il y ait des règles à respecter puis que ce soit transparent pour tous les citoyens du Québec, tout simplement. Je n'ai pas de...
Le Président (M. Kelley): M. le député.
M. Girard: Oui. Vous nous dites aussi, dans votre mémoire, vous souhaitez qu'il y ait des ressources supplémentaires pour accélérer le développement des places à contribution réduite destinées en priorité pour les enfants de milieux défavorisés. Est-ce que vous constatez qu'à l'heure actuelle, compte tenu qu'il y a un manque de places, il y a des enfants de milieux défavorisés qui n'auraient pas accès à des places et vous pensez que ça a un impact important sur le plan du développement et de la socialisation de ces enfants-là?
M. Lévesque (Sylvain): Ça a un impact...
M. Girard: Pouvez-vous m'en parler un peu, me donner quelques exemples, m'expliquer?
M. Lévesque (Sylvain): Oui, ça a un impact, ça a un impact important parce que ces enfants-là n'ont pas accès à un service de garde, malheureusement. Vous savez que le système de garde est universel, il est accessible à tous, donc. Et, bon, on a développé, de 1997 à aujourd'hui, près de 210 000 places. Donc, on était axé sur des critères d'accessibilité, on voulait développer des places pour les familles. On s'est moins arrêté aux critères ? on commence à le faire ? sur l'accessibilité des services pour certains groupes d'enfants, et je pense que c'est important de le faire. Il en manque, des places. Et vous savez qu'un parent en situation de défavorisation ne peut même pas le payer, le 7 $.
Donc, le régime est universel, oui, il y a des normes qui permettent d'accéder à des places gratuitement. Encore là, il faut passer par un système assez lourd, d'une recommandation par un CSSS, avec une lettre d'exemption pour le parent, avec... Alors, il y a tout un processus. Mais on a beaucoup, beaucoup appuyé les derniers critères de développement de places, et je pense que c'est important.
Et ce que je vois, à l'heure actuelle, aussi, et il faut le souligner, c'est que le ministère s'assure du respect des projets, parce que les projets qui ont été retenus favorisaient de l'accueil à temps partiel. Je prends des projets qui ont été acceptés pour des ouvertures à horaire atypique de fin de semaine, parce que ces mères-là aussi en milieu défavorisé pourraient se prévaloir d'une place, le samedi, dimanche, à contribution réduite si elles n'y ont pas accès sur la semaine. Au moins, l'enfant vivrait en situation de stimulation pendant deux jours-semaine.
Donc, il y a plein d'orientations qu'on peut prendre, et malheureusement on ne l'a pas assez fait. On commence à le faire, mais il manque encore des places. Donc, c'est certain qu'on s'est prononcés sur la poursuite du développement des places mais d'essayer d'accroître encore plus l'accessibilité pour ces groupes d'enfants là. C'est eux qui en ont le plus besoin avant l'entrée scolaire, et c'est là qu'on peut avoir un impact important de par notre expertise, de par les programmes éducatifs qui sont mis en place, de par les mesures de dépistage qui sont faites avec les partenaires du milieu. Alors, je pense que c'est un plus pour ces familles-là d'avoir accès à une place en service de garde.
Et, vous voyez, il y a des projets qui se développent à l'heure actuelle, mais encore là, 80 places, c'est vite comblé. Donc, je prends un exemple d'un membre qui a contacté Ma place au soleil pour offrir des places aux mères, aux jeunes mères en bas de 25 ans, de milieux défavorisés, qui retournent aux études, qui sont monoparentales, et déjà là, je veux dire, s'il y a cinq places de réservées puis qu'il y a 25 mères dans cette situation-là sur une liste d'attente... Et c'est ce qui se passe.
Donc, on ne peut pas encore répondre aux demandes des parents pour inciter ces enfants-là à fréquenter un service de garde et à tout le moins être stimulé dans son développement global. Parce que c'est exactement le sens du fonds, hein, on regarde, c'est exactement ce qu'on fait en service de garde, c'est le développement global de l'enfant sur cinq aspects, et c'est exactement ce que vise le fonds aussi, de favoriser le développement global des enfants de 0-5 ans.
Et on allait plus loin que ça. Ce qu'on dit aussi, c'est que, dans des quartiers défavorisés, on peut mettre en place... Il y a des centres communautaires de loisirs, des patros, des... Donc, on peut, autant au volet loisirs, donner accès à des services éducatifs aux familles et aux enfants dans des zones plus défavorisées.
Mais ce qu'on observe à l'heure actuelle, c'est qu'on ne vit pas juste de la défavorisation en secteur défavorisé, on le vit aussi en milieu... Je prends des garderies de Notre-Dame-de-Grâce où on dit: Ah! ce sont des jeunes professionnels, il n'y a pas de défavorisation. Ce n'est pas vrai, il y a toujours plusieurs familles en situation de défavorisation. Ça peut être des nouveaux arrivants au Québec, et ils vivent une défavorisation d'entrée de jeu, en arrivant ici, le temps qu'ils fassent reconnaître leur diplomation, le temps qu'ils se trouvent du travail, le temps... Ils ont besoin d'accéder à un service de garde. L'enfant apprend le français en garderie.
Alors, on a un impact majeur sur le développement de la société, et je pense que... Mais, outre les garderies, il y a peut-être d'autres façons de le faire, mais ce qu'on dit, c'est qu'il faut aussi accroître le développement des places pour ce type de clientèles particulièrement.
M. Fischer (Pascal): Et, si je puis me permettre d'ajouter aussi...
Le Président (M. Kelley): M. Fischer.
M. Fischer (Pascal): ...l'information sur les mesures existantes pour les nouveaux immigrants. Les familles défavorisées ont souvent d'autres priorités plus essentielles que de chercher de l'information. Si on peut leur donner une trousse d'information unique sur tous les services à leur disposition, on va peut-être encourager aussi cette clientèle-là à profiter des services déjà existants et futurs.
M. Lévesque (Sylvain): Et les garderies peuvent les dispenser, ces trousses-là, parce qu'on a un rôle plus vaste que l'éducation des jeunes enfants.
Le Président (M. Kelley): Continuez, M. le député.
M. Girard: Est-ce que je dois comprendre, à la lumière de vos propos, que ce que vous me dites, c'est qu'il y a des mères qui souhaitent participer à des mesures, disons, de formation à travers Ma place au soleil, qui proviennent donc d'un milieu défavorisé ou qui vivent dans un milieu défavorisé et qui ne peuvent participer à ces mesures-là faute de place pour leur enfant? C'est ce que vous êtes en train de me dire?
M. Lévesque (Sylvain): C'est exactement ce que je vous dis. Et je veux mettre mon chapeau de gestionnaire de garderie. Je suis président d'une association, mais je le vis actuellement. Je le vis actuellement dans Verdun, ville LaSalle. C'est un problème. J'ai offert des places et, écoutez, j'ai eu plus de demandes que je pouvais en donner. Donc, à un moment donné, on fait face à la situation, donc c'est important de...
On ne peut pas non plus réserver... Tu sais, il ne faut pas ségrégationner ces groupes-là, dans un service de garde, il faut qu'ils s'intègrent à la majorité puis que le programme soit appliqué de la même façon pour tout le monde. Il ne faut pas leur mettre une étiquette, je suis d'accord. J'entendais la présentation de l'Association des centres de la petite enfance tout à l'heure, je suis tout à fait d'accord, on n'est pas là pour mettre une étiquette, on est là pour intervenir tôt et donner des chances à l'enfant de réussir sa scolarité, parce que ça commence en service de garde éducatif.
Donc, effectivement, c'est une problématique actuellement sur le terrain. Tant qu'il manquera des places, on va être confronté à cette situation-là.
M. Girard: Et qu'est-ce que vous indiquez à ces mères-là qui se frappent, dans le fond, à des services de garde qui n'ont pas suffisamment de places, et, eux, ils veulent retourner, ils veulent se sortir d'une situation difficile, tenter d'avoir accès à de la formation pour améliorer leur sort? Qu'est-ce que vous leur conseillez ou qu'est-ce que vous leur proposez?
M. Lévesque (Sylvain): Bien, écoutez, Action jeunesse les appuie en ce sens-là. Je sais qu'il y a des groupes, là, qui les soutiennent. Mais il faut qu'ils pallient à leurs besoins de garde d'une autre façon, s'ils veulent retourner aux études. Et malheureusement, dans plusieurs des cas, ça les empêche de retourner aux études.
J'ai même connu des familles immigrantes qui laissent leurs enfants à l'étranger avec leurs parents parce qu'ils n'ont pas de place en service de garde au Québec, et la mère nous appelle en pleurant parce qu'elle n'a pas de place. Et, quand la garderie est complète, elle est complète, là, on ne peut pas expulser un enfant pour prioriser un autre enfant. Donc, c'est un problème actuel. Et on le voit dans le réseau, des enfants qui sont gardés par les grands-parents à l'étranger alors que les parents sont au Québec.
Alors, c'est un cri du coeur des familles. On fait ce qu'on peut sur le terrain. Mais c'est pour ça que c'est important de soutenir le développement des places, et des places de qualité. C'est essentiel parce que ? je veux faire la différence ici ? un enfant qui fréquente une garderie où le programme éducatif est désuet ou inapproprié, il n'y a pas plus d'effet positif que de rester dans son milieu défavorisé, là. Alors, c'est important que les services de garde éducatifs à l'enfance soient des services de garde de qualité où on retrouve une main-d'oeuvre de qualité et des professionnels qui peuvent intervenir, et agir auprès des enfants, et soutenir les parents dans leur rôle.
Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Lévesque, un vétéran des témoins devant cette commission, M. Fischer aussi, pour partager vos expériences, votre enthousiasme avec les membres de la commission.
Sur ce, je vais ajourner nos travaux au jeudi 2 avril, à 9 h 30, dans cette même salle, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 7, Loi instituant le fonds pour le développement des jeunes enfants. Merci beaucoup. Bonsoir, tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 30)