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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le mardi 28 octobre 2008 - Vol. 40 N° 64

Consultations particulières sur le phénomène de l'itinérance au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, je constate quorum des membres de la Commission des affaires sociales, donc je déclare la séance ouverte.

Je vais rappeler le mandat de la commission: la commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les auditions publiques tenues dans le cadre du mandat d'initiative sur le phénomène de l'itinérance.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Grandmont (Masson) remplace M. Caire (La Peltrie); M. Domingue (Bellechasse) remplace Mme Lapointe (Groulx); M. Girard (Gouin) remplace Mme Doyer (Matapédia); et M. Lemay (Sainte-Marie?Saint-Jacques) remplace M. Drainville (Marie-Victorin).

Auditions (suite)

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On a un avant-midi très chargé, alors, sans plus tarder... Le sous-ministre de la Justice est là depuis un certain temps, alors je suis prêt à lui céder la parole pour une présentation d'une quinzaine de minutes, suivie avec une période d'échange avec les membres de la commission. M. Bouchard, la parole est à vous.

Ministère de la Justice (MJQ)

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Alors, laissez-moi d'abord vous remercier de cette opportunité que les membres de la commission nous donnent de vous exposer notre participation et notre apport face à la solution ou à des solutions possibles au phénomène de l'itinérance au Québec.

Nous avons produit un document qui, semble-t-il, vous a déjà été distribué, que nous avons pompeusement appelé mémoire, mais je vous avouerai franchement qu'il s'agit plutôt d'une note d'information, mais nous avons voulu respecter les règles d'une commission. Alors, le document vous expose essentiellement... Et j'aurai l'occasion de le reprendre avec vous, vous pourrez me suivre. Mais le but de notre présence ici, ce matin, c'est de vous informer, si ce n'est pas déjà à votre connaissance, de quelques projets auxquels le ministère de la Justice est associé face au phénomène de l'itinérance. Alors, il a l'avantage, ce document, s'il n'est pas de nature à alourdir vos attachés-cases ou vos serviettes, il a l'avantage d'aller à l'essentiel.

La participation de notre ministère aux travaux sur l'itinérance s'inscrit évidemment dans ses énoncés généraux de mission, de vision et de valeurs qui sont reflétés dans notre planification stratégique, notre mission première étant, vous le savez, d'assurer la primauté du droit au sein de notre société et de maintenir, au Québec, un système de justice qui soit à la fois accessible et intègre afin de favoriser le respect des droits individuels et collectifs. La vision de ce système de justice: nous le voyons comme un système plus proche des citoyens, davantage accessible, moins coûteux, plus transparent et qui est imprégné de valeurs de respect, de confiance, d'équité et d'intégrité. Traiter avec humanité les personnes les moins fortunées de notre société n'est pas incompatible avec ce que nous appelons le maintien de l'ordre social. Notre système de justice, qui se veut évidemment, pour une part, répressif, peut à la fois défendre efficacement l'ordre social et participer activement à une approche globale et concertée de compassion face au phénomène de l'itinérance.

Vous le savez, notre système de justice est imprégné de grandes valeurs, et sa plus grande valeur, c'est l'indépendance qu'affichent les tribunaux à l'égard du pouvoir exécutif et législatif. Le ministère de la Justice ne peut pas dicter au juge la façon dont on doit traiter les personnes qui commettent des délits et qui affichent un statut d'itinérant, au Québec, ou de personne défavorisée, ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas apporter notre contribution, même si le juge a le pouvoir en dernier ressort de rendre les sentences et les décisions qu'il veut appliquer à un événement qui lui a été rapporté.

n (9 h 40) n

Même si de longue date des institutions comme la Commission des services juridiques et les centres communautaires juridiques sont décentralisées de l'État ? et plus récemment encore vous avez, l'Assemblée nationale, voté une loi qui vient créer un système où le Directeur des poursuites criminelles et pénales, au Québec, est complètement indépendant du pouvoir exécutif ? le ministère conserve quand même la responsabilité de l'administration de la justice au Québec.

Dans ce sens-là, je voudrais prendre quelques minutes pour vous expliquer le fonctionnement devant les tribunaux. Nous avons créé la fonction de Directeur des poursuites criminelles et pénales, et le Procureur général lui a conféré, avec l'assentiment de l'Assemblée nationale, dans la loi le pouvoir de décider des poursuites contre tout individu soupçonné d'avoir commis des infractions. Le ministre ne peut pas, dans un cas isolé, demander ou exiger une peine plutôt qu'une autre. Le ministre ne pourrait pas... et les gens avec qui il collabore ne peuvent pas dicter au Directeur des poursuites criminelles et pénales la façon d'agir dans une cause devant les tribunaux. Cependant, le Procureur général du Québec peut ? et c'est dans la loi ? demander au Directeur des poursuites criminelles et pénales, relativement à un phénomène qu'il identifie, peut lui demander d'agir d'une façon coordonnée, cohérente avec ce qui se fait à l'égard de d'autres partenaires du système de justice, et, lorsqu'il le fait, il le fait en édictant des mesures ou des orientations qu'il doit rendre publiques dans la Gazette officielle.

Le Procureur général a déjà utilisé ce pouvoir à l'occasion des instructions qu'il a données au Directeur des poursuites criminelles et pénales dans la conduite des dossiers en matière d'agression sexuelle notamment et de violence conjugale. Le Procureur général pourrait le faire à l'égard du phénomène d'itinérance si un consensus social se dégageait à l'effet qu'il faut, à l'égard de cette clientèle, agir de façon différente de ce qu'on agirait si l'individu ne connaissait pas ce statut de personne défavorisée et itinérante. Donc, dans ce sens-là, les travaux de la commission sont importants pour nous. Ils pourraient permettre au Procureur général d'identifier ce consensus et, à l'occasion des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, demander au Directeur des poursuites criminelles et pénales d'agir de façon précise dans l'ensemble de la poursuite des infractions commises par des gens qui connaissent l'itinérance comme statut. Il ne pourrait donc... Et, je le répète, il ne pourrait pas le faire à l'égard d'un cas particulier, mais il pourrait demander au Procureur général de considérer ce phénomène comme étant particulier avant que les procureurs de la couronne, ceux qui ont la charge de poursuivre en son nom, au Québec... pour qu'ils puissent, ces gens, savoir de quelle façon, de façon générale, on doit se comporter à leur égard.

Les orientations que nous nous donnons favorisent le traitement avec humanité et compassion de cette catégorie de contrevenant chaque fois qu'une telle façon de faire ne met pas en danger l'ordre social. Le ministère de la Justice ? et je suis au haut de la page 2 du texte ? conformément à son plan stratégique 2007-2010, favorise cette approche avec les personnes en situation d'itinérance et aussi avec celles présentant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.

Le recours de plus en plus répandu à des processus de non-judiciarisation ou de déjudiciarisation pour des délits mineurs, loin d'affaiblir notre système judiciaire, lui permet de répondre à des besoins particuliers lorsque des mesures alternatives peuvent à la fois prévenir la délinquance et remplacer ce qu'on appelle l'intervention du tribunal. C'est pourquoi, dans ses orientations et politiques, le ministère de la Justice, avec la contribution du Directeur des poursuites criminelles et pénales et avec celle du ministère de la Sécurité publique ainsi que ses partenaires municipaux, est appelé à préciser le cadre de ses approches.

Ceci dit, il ne faut pas se fermer les yeux sur les phénomènes de méfait, de violence et de criminalité parfois graves qui sont reliés à l'itinérance, de telle sorte que notre approche à l'égard de l'itinérance peut être humaine sans être naïve. Des phénomènes de violence importante et grave sont malheureusement courants dans cette sphère sociale que nous appelons l'itinérance. Juste dans les 10 dernières années, au moins à deux reprises, des meurtres d'itinérants ont été commis par d'autres itinérants. Le monde de l'itinérance n'est pas uniquement constitué de victimes innocentes de la société, c'est aussi un monde parallèle de grande misère, de détresse humaine et de violence.

Je lisais récemment un document publié par le ministère de la Condition féminine, à Ottawa, qui s'est penché sur le phénomène des jeunes femmes sans-abri au Canada, et une forte, mais très forte proportion de jeunes femmes itinérantes, au Canada, le sont parce qu'elles ont été victimes de violence à l'intérieur de leur foyer, de leur famille; elles quittent pour se protéger. Or, vous savez comme moi qu'une personne de sexe féminin qui vit dans la rue, qui n'a pas de domicile fixe, est exposée à de plus graves dangers qu'un homme qui exerce le... qui adopte la même attitude. Pour un homme, s'abriter sous un pont, la nuit, pour y dormir, il a plus de chances de se réveiller le matin sans avoir eu de problèmes graves qu'une femme qui adopte la même approche. Donc, il faut faire attention lorsqu'on traite les cas de... ce que j'appellerais de dérèglement, ou de violence, ou d'infraction à la loi, lorsqu'il s'agit de personnes qui ont été conduites à ce mode de vie en raison d'une violence déjà exercée dans leur famille.

Sur la question de l'itinérance, le ministère de la Justice est donc interpellé à double titre: d'une part, participer activement à une approche sociale de compassion face à l'itinérance en favorisant les possibilités de déjudiciarisation de certains délits mineurs commis par des personnes itinérantes et, d'autre part, maintenir l'ordre social compte tenu des phénomènes de méfaits, de violence et de criminalité reliés à l'itinérance.

Quelques mots, maintenant, sur notre participation à la table interministérielle en itinérance. La participation du ministère à ces travaux s'inscrit dans cette double approche: d'abord, adhésion et contribution aux efforts gouvernementaux, qui s'inscrivent dans le traitement social, dans la prévention et la réduction de l'itinérance, et, d'autre part, affirmation de la nécessité du maintien de l'ordre social et de la nécessité de tendre vers des solutions qui permettent la cohabitation harmonieuse et sécuritaire de tous les citoyens. C'est dans cette perspective donc que le ministère de la Justice participe aux travaux de la table interministérielle, qui a tenu jusqu'à maintenant, vous le savez, trois réunions, au mois d'avril, en juin et septembre 2008, et dont on espère être capable de livrer le résultat des travaux en 2009.

En réponse également à des demandes du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, le ministère de la Justice a participé aux travaux d'un groupe de travail sur les alternatives à l'incarcération pour les personnes itinérantes ayant fait défaut de payer des amendes pour des délits mineurs. Des représentants de notre ministère, de celui de la Sécurité publique, de la Direction des affaires criminelles et pénales et de la ville de Montréal ainsi que des membres de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse participent également à ces travaux. Je m'excuse, non pas des membres, mais des employés de la Commission des droits de la personne. Différentes pistes de solution ont été discutées pour faciliter la déjudiciarisation des délits mineurs en relation avec la réglementation municipale et éviter également l'incarcération en cas de non-paiement d'amende. Il s'agit évidemment du cercle vicieux que vous connaissez: les gens commettent des amendes pour être capables de se payer les choses minimales... commettent des infractions pour être capables de se payer le minimum, font l'objet de poursuites aux règlements municipaux, sont incapables de payer, seront repris et remis devant le tribunal. Donc, les gens n'arrivent pas et accumulent des sommes importantes au niveau des amendes, qu'ils sont évidemment incapables de payer, et la seule solution qui reste, c'est procéder à leur emprisonnement.

L'approche privilégiée, dans l'état actuel de notre réflexion, ne peut conduire toutefois à envisager l'amnistie pour ce genre d'infraction ? vous le comprendrez, évidemment. L'amnistie, une approche d'amnistie peut conduire à faire comprendre aux gens qu'ils feront l'objet d'une immunité de poursuite, ce qui ne peut pas être toléré dans notre société. Les gens pourraient profiter de ce qu'on pourrait annoncer comme étant une amnistie pour commettre à répétition des infractions et conduire à un dérèglement social important. Vous le savez, le principe d'égalité devant la loi s'accommode mal de l'amnistie ou de l'immunité, mais il n'interdit pas de recourir à des formules qui encouragent un contrevenant à réintégrer la vie en société et à mettre fin à l'accumulation de délits, même s'ils sont mineurs. J'aurai l'occasion de vous faire état, dans quelques secondes, de notre participation à la mise sur pied d'un projet pilote à la cour municipale de la ville de Montréal qui vise une partie de cette clientèle.

n (9 h 50) n

Donc, parmi les moyens qu'on peut envisager pour éviter l'incarcération, on pense spontanément à l'amélioration du système des travaux compensatoires et à sa meilleure adaptation au milieu de l'itinérance. Une des composantes du système de travaux compensatoires, c'est de permettre à un individu de s'acquitter des amendes par le biais de travaux et non pas d'emprisonnement. Or, le système actuel est en quelque sorte débordé, et les gens qui acceptent et qui souvent, dans certains cas, sont contraints de s'adonner à des travaux compensatoires doivent donc participer à... pour être admis, doivent s'engager à effectuer ces travaux, ils doivent s'engager à le faire face à des organismes qui n'ont pas toujours la disponibilité pour les intégrer dans leur système et leur permettre de s'acquitter de leurs amendes grâce à ces travaux-là. Donc, ils doivent attendre leur tour pour payer leurs dettes via les travaux compensatoires. Or, ce n'est pas une qualité première d'un itinérant, d'attendre quoi que ce soit. Lorsqu'on vit au jour le jour, les agendas sont peu importants dans leur vie, donc souvent ils oublient de se rendre à leurs rendez-vous, ils oublient de se conformer à l'ordonnance et reprennent donc le chemin du tribunal parce qu'ils ont omis de remplir leurs obligations à l'égard des travaux communautaires.

M. le Président me fait savoir qu'il me reste quelques minutes; je les utiliserai en vous résumant brièvement le projet pilote à la Cour municipale de la ville de Montréal, et, pour le reste de ce que j'avais à vous exposer, vous avez la possibilité de le lire dans le texte.

Le projet pilote en collaboration avec la ville de Montréal permet le traitement particulier d'une catégorie assez précise d'une clientèle, si vous voulez, régulière à la Cour municipale de la ville de Montréal, les gens qui sont atteints de troubles mentaux mais qui ne sont pas, au sens de la loi, à ce point atteints qu'ils pourraient échapper à toute poursuite judiciaire ou encore qu'ils pourraient être déclarés non responsables pour cause de trouble mental. Il s'agit d'individus dont le dérèglement est parfois assez important, mais pas au sens où la loi l'entend, comme étant de nature à les prémunir contre une poursuite. Ce sont des gens qui ont des problèmes mentaux mais qui fonctionnent quand même dans la société, de façon marginale, et quelquefois sont amenés à commettre des infractions qui les conduisent devant le tribunal. Dans le projet pilote qui a été mis sur pied le printemps dernier en collaboration avec la ville de Montréal, les procureurs de la ville de Montréal ainsi que notre ministère et le ministère de la Sécurité publique, le traitement particulier de... Ces individus-là qui, dans une proportion de 10 % à 15 %, forment la population itinérante de Montréal voient leurs dossiers être traités différemment par un juge spécialisé et par des procureurs spécialisés en la matière.

Nous sommes donc disposés... Je ne me rappelle pas si je vous ai présenté les gens qui m'accompagnent. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Renée Madore, qui est la directrice des orientations et politiques au ministère de la Justice, et Me Pierre Nadeau, qui est responsable de certains dossiers au ministère, dont celui de l'itinérance. Alors, nous sommes disposés à répondre à vos questions dans la mesure de nos compétences et de nos qualifications. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Bouchard. Avant de céder la parole à ma droite, je veux poser une question, parce qu'à Montréal plusieurs des groupes qui travaillent dans le domaine de la toxicomanie ont parlé de l'expérience, à Vancouver, où il y a un site sécuritaire pour les injections. Et, juste au niveau... au plan juridique, parce qu'il y a déjà l'exemple de Vancouver, c'est quoi, les enjeux qu'un projet comme ça va créer sur le plan juridique?

M. Bouchard (Michel): C'est une très bonne question, M. le Président. D'ailleurs, dans le texte, on aborde aussi le volet examen qu'on fait actuellement avec d'autres partenaires sur le phénomène de la toxicomanie, et souvent les toxicomanes sont amenés à être traités par les tribunaux.

Votre question amène de ma part deux réponses. La première, c'est qu'il y a le traitement proprement dit des infractions commises par les toxicomanes, devant les tribunaux, et ce que j'appellerais le traitement non judiciaire, soit la possibilité qu'ils auraient d'avoir des injections, que j'appellerais, dans un contexte, là, légalisé, même si le choix des mots peut être très important. Nous avons mis sur pied, avec la Cour du Québec et d'autres partenaires dont le ministère de la Sécurité publique, ministère de la Santé, un groupe de travail chargé d'étudier cette question-là, parce que, vous le savez, au Québec, il n'existe pas pour le moment, devant le tribunal, de tribunal spécialisé en toxicomanie, phénomène qui existe déjà à Vancouver, à Toronto et, si ma mémoire est bonne, dans une troisième ville dont j'oublie pour l'instant le nom. Nous allons donc, au cours des prochains mois, produire un rapport qui va nous amener à considérer la possibilité, au sein de la Cour du Québec, d'instaurer un tribunal spécialisé en toxicomanie.

L'autre volet, si j'ai bien compris votre question: Est-il possible, dans notre société québécoise, de prévoir une situation où des gens pourraient recevoir des injections dans un contexte, là, sécurisé, où on essaie de mettre de côté les dangers reliés au fait, pour les gens, de se droguer avec des seringues non stérilisées, etc.?, c'est un phénomène qui relève plus à mon avis de la responsabilité du ministère de la Santé, qui doit être au premier chef celui qui serait capable de nous exposer ce que j'appellerais les pour et les contre d'une telle possibilité, et ensuite il nous reviendrait, nous, de faire en sorte que la loi, ou la réglementation, ou même à la limite la discrétion policière puisse permettre l'instauration de ce type d'endroit. Mais pour l'instant c'est le plus loin que je peux aller sans déborder dans ce que j'appellerais le côté personnel de ce que j'aurais à donner comme conseil au Procureur général, le cas échéant. Mais je suis obligé de vous admettre que c'est une possibilité qu'on doit considérer dans le contexte actuel, des gens qui sont appelés à de graves dangers s'ils persistent à consommer et utiliser des seringues qui pourraient faire l'objet de... qui pourraient causer des maladies graves et des infections graves.

Le Président (M. Kelley): Merci. Et ce n'est pas pour vous forcer à tirer une conclusion, mais, juste dans l'expérience de Vancouver, la chose que je cherche... En soi, l'activité est illégale, la possession de ces substances est illégale, mais on a créé un havre, si vous voulez, pour les personnes qui au moins, si elles vont faire une activité criminelle, vont le faire d'une façon sécuritaire. Alors, c'est très drôle, le contexte, mais, juste sur le plan juridique, est-ce que soit le gouvernement fédéral ou le gouvernement de la Colombie-Britannique a dû poser un geste de tolérance ou... Comment est-ce qu'on peut permettre, d'une certaine façon, une activité criminelle de se passer publiquement comme ça? C'est ça, le sens de ma question.

M. Bouchard (Michel): Oui, oui, je l'avais compris. Ce qui est le problème pour moi, c'est de vous donner mon opinion personnelle là-dessus. Mais je dois vous avouer que...

Le Président (M. Kelley): Non, ce n'est pas votre opinion, mais techniquement, aujourd'hui...

M. Bouchard (Michel): Non, non, je comprends.

Le Président (M. Kelley): ...dans l'exemple concret, qu'est-ce...

M. Bouchard (Michel): Oui. Mais il est possible, il est possible, dans tout système... Vous savez, un des grands pouvoirs que possèdent les policiers dans notre société, c'est le pouvoir discrétionnaire de procéder ou non à une arrestation. Et ça, jamais, je pense, les autorités ne vont enlever ce pouvoir discrétionnaire qui est donné aux policiers, et c'est bon qu'il existe. Et il s'exerce à l'égard de toute activité, hein? Un policier peut très bien vous laisser aller si votre ceinture n'était pas bouclée, pour vous donner une chance, et puis il n'y a rien qui ne l'oblige à vous donner un billet d'infraction. Un policier qui enquête en matière de consommation de stupéfiants peut enlever le joint ou la seringue à une personne qui veut se droguer, sans poursuivre ensuite devant les tribunaux le geste. Donc, ça existe.

Une combinaison d'une politique sociale, judiciaire, juridique et policière peut amener ce phénomène où on va, sur la base de projets pilotes, permettre ce que j'appellerais des endroits où on va pouvoir s'injecter avec plus de sécurité des drogues qui sont, en passant, interdites, oui.

Le Président (M. Kelley): Merci. Mme la députée de Gatineau. J'ai mangé dans votre temps, je m'excuse.

Mme Vallée: C'était fort intéressant, cher collègue. Alors, bonjour, bon matin et bienvenue parmi nous. J'étais très intéressée par les différents projets pilotes sur lesquels vous travaillez, et je comprends que vous travaillez surtout en collaboration avec la grande ville de Montréal. Cette commission se penche sur le phénomène de l'itinérance au Québec, donc ailleurs, dans les autres régions que la grande ville de Montréal, et nous avons pu constater que les problématiques reliées à l'itinérance se retrouvent tant en Outaouais, qu'au Centre-du-Québec, qu'un petit peu partout sur le territoire.

Alors, je me demandais: Est-ce que le ministère de la Justice a des politiques, formelles ou informelles, ou des directives données aux procureurs de la couronne qui doivent avoir à traiter avec des situations reliées à la problématique de l'itinérance? Le procureur de la couronne de Gatineau ou le procureur de la couronne de Québec est-il outillé pour bien se positionner dans un dossier qui le mettrait en confrontation avec la problématique de l'itinérance? Est-ce qu'il y a des directives ou est-ce qu'il y a des paliers de communication avec les procureurs de la couronne pour leur permettre, là, de bien gérer les dossiers, outre évidemment vos projets pilotes?

n (10 heures) n

M. Bouchard (Michel): De directives à l'égard du phénomène de l'itinérance, au moment où on se parle, non. Il y en a à l'égard de d'autres phénomènes: violence conjugale, agression sexuelle. Toxicomanie, d'une certaine façon, pas encore non plus. Votre question: Est-ce qu'ils ont les outils qu'il faut? Réponse: Oui, mais ils pourraient avoir plus, plus.

Et je m'explique. Une très grande partie des gens qui oeuvrent à titre de procureurs de la couronne au Québec sont des gens, des avocates et des avocats avec beaucoup, beaucoup d'expérience ? la moyenne de pratique, au Québec, de ces gens-là est assez élevée ? et ils ont donc assez de vécu pour être capables d'aborder une situation qui concerne un itinérant de façon différente et plus appropriée que la situation que pourrait connaître quelqu'un qui commet une infraction et qui n'est pas un itinérant. Les travaux de cette commission, pour nous, je le disais tout à l'heure, sont importants, parce que vous avez eu la chance, et vous allez avoir la chance, d'entendre un nombre incalculable d'organismes et d'entendre des représentations capables d'amener des points de vue qui ne sont pas actuellement à la totale connaissance de notre ministère à l'égard du phénomène. Et nous comptons beaucoup sur le rapport de la commission, parce qu'à la lumière de ces informations-là nous serions en mesure, avec nos partenaires, face aux constats qui auront été faits, d'apporter des solutions innovatrices, différentes au phénomène de l'itinérance, lorsqu'il s'agit de traiter les cas devant les tribunaux.

Et donc je reprends le début de votre question, Nous avons des projets pilotes surtout avec la ville de Montréal parce que la population, la clientèle se trouve là. Mais j'ai eu la chance d'oeuvrer en dehors de la ville de Québec dans les dernières années, dans la région de l'Outaouais, et je dois vous dire que j'ai, à cet endroit, enjambé plus d'itinérants, le soir, lorsque je me rendais à mon domicile que je ne l'ai fait à Montréal ou à Québec. Donc, ce n'est pas un phénomène particulier à Montréal, c'est bien sûr. Certains écrits que j'ai eu l'occasion de consulter en préparation de ma participation à ces travaux m'ont appris ? je le dis bien: m'ont appris ? que le phénomène de l'itinérance se répand à travers la province.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Merci, M. Bouchard, d'avoir pris l'initiative de déposer un document à la commission.

Il a été question durant les différentes visites... On s'est promenés en région ? et ça, je pense que vous le savez ? et un des éléments qui ressortait souvent était les fameuses contraventions qui étaient données. Plusieurs éléments, plusieurs organismes, plusieurs groupes, plusieurs villes nous ont dit qu'il était question d'une concertation, que les gens se parlaient pour essayer de trouver une certaine problématique.

Moi, là, j'essaie, et je sais que je dispose de 10 minutes, donc malheureusement je n'aurai pas le temps de faire la démonstration. Ça doit être lourd. La lourdeur de tous ces billets, les tickets qui ne sont et qui ne seront souvent jamais payés, qui aboutissent malheureusement souvent à la détention, qui amène à l'État un coût supplémentaire, pour, au bout du compte, au bout de deux, trois quatre, cinq, six ans, que l'individu ressort et que finalement a payé soi-disant ? et j'utilise les termes, là, que les gens connaissent; a payé ? sa dette. Mais, quand je prends tout le processus qui est engendré autant par le ministère de la Justice, c'est-à-dire d'administrer ces billets-là pendant une multitude d'années pour qu'ils, par la suite, retombent dans un processus d'un mandat d'incarcération, pour, par la suite, et ça, on parle de cour, on parle d'avocats, on parle d'aide juridique... Moi, je serais curieux de savoir, un individu qui a cinq, six billets d'infraction, au bout du compte, là, ça a coûté combien à l'État s'il ne s'en n'est pas occupé. Et quand je dis «il ne s'est pas occupé», je veux quand même faire soin, là, parce qu'on le sait, là, que c'est souvent des gens qui sont en difficulté, des gens qui sont en détresse, des gens qui ne sont pas stabilisés, qui sont dans une période d'instabilité.

Et là je vous entends... de projets pilotes, puis je suis content de voir que le ministère de la Justice fait des efforts. Et je pense que mon collègue serait fier de m'entendre aujourd'hui, en parlant des alternatives qui se font en amont puis en aval. Là, vos projets pilotes sont en aval. Puis, en amont, là, ce qui amènerait, là, à ne pas conclure de tous ces frais-là engendrés... Et c'est l'État, là, qui en défraie le prix, là. En amont, là, puis il y a une chose, en commission, qui est revenue, et des gens l'ont exprimé ainsi: du zen, de la prévention. Le policier qui émet le constat, le billet d'infraction, là, si, la moindre des choses, il voit plus loin dans le processus, là, et vous l'avez dit vous-même, et je suis content parce que vous l'avez dit... les policiers ont un pouvoir discrétionnaire. Bien, coudon, je ne le sais pas, là, mais, quand tu as une personne vulnérable, déstabilisée, s'il y en a un qui pourrait bénéficier, je dirais, de cette chance-là, là, parce que, quand tu t'en vas puis que le policier ne t'a pas donné de billet, là, tu es tout content puis le coeur te débat, tu dis: Ouf! Puis tu fais plus attention, et j'imagine, et j'aimerais vous entendre, M. Marchand, avec l'exposé que je vous ai fait, puis là, c'est malheureux, je le dis, on ne peut pas sortir le coût que ça coûte, parce que je pense que les gens feraient le saut, là, comment ça peut coûter au bout du compte. Vous ne croyez pas, M. Marchand, que le ministère de la Justice...

Une voix: Bouchard.

M. Dorion: ... ? Bouchard, excusez-moi ? ...avec le ministère... je m'excuse, puis en collaboration étroite, en concertation étroite avec le ministère de la Sécurité publique, les villes, d'arriver à... je ne sais pas si ce n'est pas une formation que les policiers devraient recevoir, là, je ne sais pas quel axe, là, mais est-ce que mon raisonnement, est-ce que vous croyez que mon raisonnement peut être bon?

M. Bouchard (Michel): Il est très valable.

Le Président (M. Kelley): M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Il est très valable, M. le député, mais, si j'avais la réponse exacte à votre question, on n'aurait pas besoin du comité qu'on a mis sur pied puis je recevrais probablement un prix Nobel quelque part dans les prochaines années. Le problème...

D'abord, je dois vous rappeler, vous préciser que ce fardeau que vous avez décrit avec beaucoup de justesse, là, toute la mécanique qu'on met en branle pour... définitivement peut-être pour rien, parce que l'itinérant ou la personne n'a pas les moyens de payer cette amende, de s'acquitter de cette amende, c'est l'État. Mais c'est l'État dans une de ses composantes les plus proches du phénomène, ce sont les municipalités qui le subissent, parce que la plupart de ces infractions-là sont commises à des règlements municipaux, et donc les individus ont à comparaître devant les cours municipales, qui sont défrayées en somme par les municipalités. Donc, le phénomène que vous décrivez, c'est celui de la municipalité, qui a, par ses policiers qu'elle paie, par les enquêtes que ces gens-là consacrent à la répression des infractions, à la poursuite devant le juge municipal, par des procureurs municipaux qui sont payés par les municipalités, aboutit finalement à une situation où la perception des amendes s'avère presque impossible.

Le deuxième volet que je voulais préciser, c'est que les gens qui vont devant les tribunaux ne sont pas admissibles... la couverture de l'aide juridique au Québec ne comprend pas celle reliée à des infractions municipales. Donc, les coûts d'aide juridique ne sont pas si importants que ça dans le phénomène.

Ceci étant dit, les travaux du groupe de travail chargé d'examiner le phénomène relié aux amendes qui sont en fait décernées et souvent non payées visent, j'imagine, à atteindre ou à identifier le juste traitement qu'on devrait faire. C'est sûr et certain que donner amende sur amende à une personne qui ne la paierait pas parce qu'elle n'a pas les moyens financiers puis qu'elle commet l'infraction justement pour se procurer les choses minimales, par exemple des squeegees, c'est sûr que donner des amendes à répétition ne peut pas solutionner la problématique. Et en fait qui va payer? C'est l'État qui va avoir à assumer le coût d'hébergement de l'individu dans nos prisons et maisons de correction. Et l'autre volet, qui est les laisser faire, ne pas faire régner la paix et la quiétude dans le quartier, parce que les policiers agissent suite à des plaintes des citoyens qui veulent ne pas être importunés, il y a... il va falloir identifier des façons innovatrices de traiter le phénomène. Mais ce n'est pas ni dans un sens ni dans l'autre, ce n'est pas dans une forme d'immunité à leur égard et ce n'est pas dans une répression de plus en plus grande à leur égard non plus. Moi, j'ai toujours pensé que la meilleure façon pour empêcher un squeegee de commettre des infractions, c'est de lui trouver un emploi, un domicile fixe puis une raison, une raison de vivre puis d'exercer un métier, ce n'est pas en lui montrant qu'il n'a pas le droit de nettoyer les pare-brise des véhicules sinon c'est la prison, c'est en lui indiquant qu'il y a d'autres façons de vivre sa vie au Québec.

M. Dorion: Un dernier peut-être...

Le Président (M. Kelley): Tout, tout petit.

n (10 h 10) n

M. Dorion: M. Bouchard, simplement pour vous dire que les interventions qui peuvent être faites en amont, c'est de la prévention, et quitte à ce que le policier se répète 10 fois, parce qu'on le sait que, dans l'autre processus ? et vous le savez, vous le constatez vous-même ? ça n'aboutit pas, là, il n'y en a pas, de solution. Ça fait qu'entre une intervention répétitive de prévention puis de dire, de s'expliquer avec les gens pour les différents délits, je ne dis pas qu'il ne faut pas punir non plus, j'ai bien parlé de zen, là, mais, tu sais, parce que tu es assis dans les escaliers... Tu sais, il y a des cas, là, ils nous ont donné des exemples, là, fumer une cigarette dans un endroit... Bien, moi, je pense que de la prévention répétitive, bien, à un moment donné, elle porte son fruit.

M. Bouchard (Michel): Il y a des interventions policières actuelles qui sont très positives. Il y a des polices communautaires qui s'occupent de ces phénomènes-là. Je peux vous... sans vouloir faire de publicité pour aucun corps de police, mais il y a des endroits au Québec où on réussit très bien à contrôler le phénomène puis à s'entendre puis à développer des modus vivendi avec cette clientèle-là. Et ça ne passe certainement pas par le fait de les harceler.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. Je vais aller dans le même sens que mon collègue de Nicolet-Yamaska, parce que c'est vraiment ce qu'on a entendu de plus... enfin qui nous a vraiment surpris. À Montréal, par exemple, on nous a dit qu'au cours des quatre dernières années l'augmentation des contraventions, ça avait quadruplé et que 72 % des personnes qui avaient accumulé un nombre important de contraventions, comme on sait qu'ils ne peuvent pas les payer, se retrouvaient en prison. C'est certain qu'il y a un coût d'hébergement énorme, mais il y a un coût humain à envoyer une personne qui est déjà en détresse, déstabilisée, qui se sent rejetée, qui est souvent malade, en prison. Il faut faire de la prévention, on l'a dit dès le départ, hein? Moi, j'ai indiqué ça comme trois p, pas des PPP gouvernementaux, là, mais lutter contre la pauvreté, lutter contre les préjugés et puis faire de la prévention. Ça, je pense que c'est fondamental. Puis il y a tellement d'organismes communautaires, il y a des équipes dans les centres de santé et services sociaux, il y a plein de gens qui veulent faire de la prévention, qui veulent les aider, ces gens-là. On a eu tellement des beaux exemples, et aussi des exemples de personnes qui sont venues témoigner et qui s'en sont sorties.

Et je pense que, si on continue, au lieu par exemple de prendre ce jeune-là qui est squeegee aujourd'hui puis essayer de l'amener à un organisme communautaire, essayer de le convaincre, je pense que ce serait une meilleure attitude que: Envoie, un autre ticket. Un ticket parce que tu as traversé la rue puis tu n'étais pas à l'intersection, un ticket parce que tu étais assis sur un bloc ce béton, ou enfin... Moi, je n'ai jamais eu de contravention pour ces gestes-là, puis pourtant j'ai dû traverser souvent la rue ailleurs qu'à des intersections.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est tellement important. On a une réputation quand même d'être un État très ouvert, très progressiste, mais il faut faire quelque chose parce qu'on s'en va sur un mur si on continue cette façon-là. Puis c'est surtout les jeunes, hein, qui sont victimes, entre guillemets, de ces contraventions-là.

Le Président (M. Kelley): M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Mme la députée, vous avez tout à fait raison, et votre question me permet de dénoncer ce que vous soupçonnez peut-être déjà, mais je vais le répéter. J'ai été, au début de ma carrière, procureur de la poursuite et j'ai eu à traiter des cas qui ressemblent à ceux que vous venez d'énoncer, des infractaires à répétition. Il n'y a aucun exploit pour un procureur de la couronne de faire condamner à répétition quelqu'un, sachant qu'il sera incapable de payer son amende. Je pense sincèrement que le premier travail du procureur de la couronne, c'est, par son action, empêcher que l'individu ne revienne une deuxième fois ou une troisième fois devant le tribunal. Dans les représentations qu'il est appelé à faire devant le tribunal, il cherche le meilleur moyen pour faire comprendre à l'individu qu'il est sur une pente descendante et que son futur est très sombre s'il persiste dans son agir. C'est la même chose pour le juge, il n'y a rien d'emballant pour un juge d'avoir à répétition devant lui un individu, sachant très bien que la peine qu'il va lui imposer sera suivie d'une autre peine dans trois semaines parce qu'il aura continué à exercer la même... à faire les mêmes infractions.

Donc, tous ces acteurs du système de justice ne sont pas là pour le plaisir d'avoir à répétition à l'envoyer derrière les barreaux. Il n'y a aucun boni au rendement de ces gens-là qui est relié au taux d'incarcération. Ils sont à la recherche de solutions, mais ils sont aussi à la recherche d'appuis. Le juge aimerait avoir la possibilité, entre la peine de prison, l'amende importante et la possibilité de lui faire purger une forme de sentence chez un organisme ou à l'intérieur d'un projet qui aurait été mis sur pied par des partenaires... Donc, les travaux de cette commission, je l'espère, peuvent conduire à l'identification de mesures alternatives à ce phénomène qu'est l'emprisonnement à répétition des individus qui ont à défiler devant les tribunaux parce qu'ils commettent des infractions ? municipales, surtout ? mineures décelées par les policiers, qui, eux, sont à la remorque des demandes des citoyens qui veulent avoir des quartiers plus sûrs et moins de harcèlement. Donc, je pense qu'on est tous dans le même sens, on est à la recherche de solutions, et, moi, je fonde beaucoup d'espoir sur les travaux, parce que vous aurez entendu l'ensemble des personnes intéressées par le phénomène, et il n'y a rien comme pouvoir tabler sur l'expertise et les expériences vécues par les personnes et les connaissances acquises au cours de forums comme le vôtre pour permettre au ministère de la Justice de s'associer avec ces partenaires puis d'élaborer des solutions alternatives. Donc, je pense que vous serez d'une très grande utilité aux actions qu'on pourrait être amené à prendre dans le futur.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Lapointe (Crémazie): En fait, c'est intéressant, là, de voir que le gouvernement, par ses ministères, va pouvoir prendre les fruits de nos travaux. Enfin, j'espère qu'on pourra continuer cette commission parlementaire et que ça aboutira, j'espère qu'il n'y aura rien qui viendra... Enfin, on se comprend.

Le Président (M. Kelley): Je n'ai aucune idée de quoi vous parlez!

Mme Lapointe (Crémazie): Non. Je pense que ce serait dommage, après cette mobilisation, vous savez, des organismes et aussi, on le sent, des parlementaires et des ministères, je pense que ce serait dommage. En tout cas, je peux vous dire que, pour notre formation politique, il y aura certainement un suivi.

Écoutez, les choses qui nous ont été le plus rapportées, là, qui sont vraiment des choses graves, c'est cette question-là dont je vous ai parlé, c'est la difficulté d'accès à des services de santé. On parle beaucoup de personnes qui ont des problèmes de santé mentale, des problèmes de toxicomanie, des problèmes multiples aussi, puis je parle beaucoup des jeunes, là, hein, puis des jeunes familles. Vous dites avoir travaillé avec le RAPSIM, notamment. L'amnistie, c'est-à-dire une forme d'amnistie avant la prison, vous savez, trouver une solution avant qu'on perde un jeune en l'envoyant en prison... Moi, j'ai l'impression que c'est la pire des choses qui peut arriver à un jeune qui n'a pas commis de délit grave, là, hein, envoyer cette personne-là en prison, à mon sens. Alors, pourquoi une amnistie générale... Je vous dis «générale», c'est un grand mot, là. Bon. Mais pourquoi une certaine forme d'amnistie ne serait pas possible?

M. Bouchard (Michel): Je ne dis pas qu'elle n'est pas possible. J'ai un peu de réserve avec le mot «amnistie», parce qu'il pourrait donner l'impression qu'on peut continuer à commettre ce genre d'infractions là en ayant l'assurance qu'on ne sera pas poursuivi. J'ai moins de réserve avec des mesures alternatives à l'emprisonnement, parce que ce qu'on vise, c'est d'empêcher la répétition. S'il y a un règlement municipal qui existe, normalement le règlement est fondé sur le fait que la population réclame que ce règlement-là soit promulgué, parce qu'on veut vivre dans une société tranquille, libre de harcèlement, etc. Mais il y aura toujours des gens qui ne se conformeront pas aux règlements municipaux et qui commettront des infractions mineures. Moi, je pense que c'est dans la façon dont... On doit travailler sur deux plans: de retrouver une façon différente d'agir en société... S'ils font ça, c'est parce qu'ils n'ont pas d'autre alternative, c'est parce qu'ils ont un problème puis ils veulent continuer à vivre, et donc ils exercent des métiers où ils posent des gestes qui sont contraires aux règlements municipaux, mais qui leur permettent d'assumer leur survie.

Alors, trouvons des alternatives à ce phénomène-là et trouvons aussi des alternatives au phénomène de l'incarcération à répétition, et sans parler d'amnistie, mais il y a moyen de s'entendre sur des projets qui seraient mis en oeuvre ou les façons de faire qui équivaudraient à ce que j'appellerais une amnistie, mais qui n'est pas une amnistie, pour ne pas envoyer le message que, pour cette catégorie de personnes, vous autres, les règlements municipaux ne s'appliquent pas à vous, vous êtes amnistiés. Ça, j'aurais un problème avec la... Mais c'est une question de terminologie, en fait. Mais je comprends votre idée, et c'est là-dessus qu'on travaille avec le RAPSIM puis d'autres partenaires: Trouvons des alternatives.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. Bouchard.

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, merci beaucoup pour votre présence ce matin. C'était très intéressant, les précisions que vous avez apportées pour éclairer les membres de la commission.

Sur ce, je vais suspendre très rapidement et je vais demander au Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes du Québec de prendre place rapidement, parce qu'on a un horaire très serré ce matin.

(Suspension de la séance à 10 h 20)

 

(Reprise à 10 h 21)

Le Président (M. Kelley): Alors, on va continuer. Notre prochain témoin, c'est le Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec, représenté par, entre autres, leur présidente, Mme Johanne Beauvilliers. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme Beauvilliers.

Regroupement pour l'aide aux
itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ)

Mme Brisseau (Nathalie): On va faire des petites précisions. Alors, mon nom est Nathalie Brisseau, je suis la coordonnatrice du Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec. Mme Johanne Beauvilliers, qui est la présidente de notre regroupement, est absente pour raisons de santé. Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: alors, à ma droite, Mme Alexandra Côté, qui est représentante du Centre multiservices Le Complice; à ma gauche, M. Mario Gagnon, qui est représentant de l'organisme Point de repère.

Alors, tout d'abord, bonjour. Bonjour, mesdames et messieurs, membres de la commission. Bonjour, M. le Président. Nous vous remercions de nous permettre, ce matin, de partager nos expériences, l'expérience des groupes sur la réalité de l'itinérance à Québec.

Brièvement, le Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec existe depuis 1999. Nous rassemblons 27 organismes de la région de Québec, 27 organismes qui interviennent auprès des personnes en situation ou à risque d'itinérance de la nouvelle ville de Québec, mais qui rayonnent au-delà de la ville de Québec. Parmi ces 27 organismes, vous avez pu écouter plusieurs de nos membres depuis le début des auditions ici, à Québec. Nous avons des groupes qui interviennent en travail de rue, des groupes qui offrent de l'hébergement à moyen, court ou long terme, des groupes qui offrent des logements de transition ou d'insertion aux personnes en situation d'itinérance, des groupes qui offrent des repas, des centres de jour, des groupes qui interviennent auprès des personnes qui vivent avec la problématique de la santé mentale, qui vivent avec des problèmes de santé mentale.

Pour nous, pour le regroupement, la situation de l'itinérance, le phénomène de l'itinérance, c'est d'abord et avant tout un phénomène de société, un phénomène social, et on considère qu'il faut trouver des réponses au-delà de la capacité des individus qui vivent cette situation-là et aussi au-delà de la capacité des organismes qui interviennent, qui soutiennent, qui accompagnent les personnes qui vivent en situation d'itinérance.

Nous avons produit quelques documents, un portrait sur les organismes en itinérance de Québec, en 2003, avec un portrait des populations rejointes, également en 2003. Dernièrement, nous avons produit une recherche qualitative sur l'itinérance des femmes à Québec. Nous sommes membres actifs de la table de concertation en itinérance, la table de concertation intersectorielle, et nous sommes également membres actifs du Réseau Solidarité Itinérance du Québec.

Pour ce qui est de la définition de l'itinérance à Québec, je ne reprendrai pas la définition qui fait assez largement consensus actuellement et qui a été présentée dans le cadre de référence en itinérance du ministère de la Santé et des Services sociaux. Toutefois, je vous dirais que parler de l'itinérance à Québec, c'est d'abord et avant tout combattre des croyances profondes et même des résistances. Nous nous attachons autant à la réalité de l'itinérance la plus visible comme aux phénomènes invisibles de l'itinérance. Pour nous, l'itinérance et la situation de l'itinérance, c'est d'abord et avant tout le croisement de parcours de personnes marquées par les ruptures, des tentatives de survie, des stratégies de survie et certaines défaillances de nos systèmes.

Alors, le portrait à Québec. Je me permettrais... Je ne reprendrai pas les éléments qui vous ont été d'ores et déjà, plusieurs fois, énoncés en ce qui concerne la recherche de Santé Québec qui avait eu lieu en 1996-1997, où on nommait qu'il y avait à l'époque à peu près 11 000 personnes qui fréquentaient les ressources en itinérance, et, là-dessus, il y avait à peu près 3 500 personnes qui avaient connu une situation d'itinérance dans l'année.

En 2003, on a tenté de faire un exercice avec tous nos membres. À l'époque, c'étaient 25 membres, 25 organismes, et on a tenté de savoir, sur une année, combien de personnes ils avaient rejointes: 16 194 personnes en 2003. On a fait... Et, sans vouloir être des chercheurs, des statisticiens ou des professionnels de la statistique, nous avons tenté de dresser un portrait des personnes rejointes en 2003. Alors, sur les 16 000 personnes, il y avait 58 % de ces personnes-là qui avaient 30 ans et plus. Pour le reste, c'étaient des jeunes de 30 ans et moins ? et, quand on dit «et moins», ça commence à partir de 14 ans ? 42 % en 2003.

Les caractéristiques, à l'époque ? à l'époque ? de la situation. Sur l'ensemble de ces personnes-là, 64 % vivaient ce qu'on appelle de l'instabilité résidentielle. Alors, ça va de dormir dans la rue à ne pas savoir où on va dormir le soir, à avoir un lieu inadéquat; donc, 64 %. Un autre élément qui était frappant à l'époque, c'est que 82 %, presque 83 % de ces personnes-là, vivaient des difficultés socioéconomiques; on parle de pauvreté. Plus de 50 % vivaient avec des problématiques liées à la santé mentale, hein, c'est plus de 50 %. Un autre élément: 72 % vivaient de l'isolement social, la solitude. Plus de 64 % avaient des dépendances aux substances. Alors, je ne vous ferai pas toute la liste, mais bien entendu, parmi tous ces gens-là... Ils ne vivaient pas juste avec un seul problème, hein, ils vivaient avec plusieurs.

Pour nous, la question de l'itinérance à Québec... On se pose toujours la question, s'il y a des personnes en situation d'itinérance. Eh bien, oui, il y en a. Est-ce qu'il y a encore des gens qui dorment dans la rue à Québec? Oui, il y en a. Bien sûr, on ne les enjambe pas sur la rue Saint-Jean. On parle... En matière de situations que vivent les personnes, on a une certaine proportion de personnes qui vivent de l'itinérance... ce qu'on appelle une situation d'itinérance chronique, c'est-à-dire récurrente, qui fonctionnent, qui survivent dans la rue. C'est des personnes extrêmement marginalisées pour lesquelles on se pose un certain nombre de... on a de nombreuses préoccupations quant aux réponses à leurs besoins. Majoritairement, les personnes rejointes par nos groupes vivent ce qu'on appelle des situations d'itinérance épisodiques, c'est-à-dire qu'ils passent d'un épisode à la rue, dans la rue, à des périodes de stabilisation, d'amélioration de leurs conditions de vie. Par contre, on s'aperçoit que, d'épisode en épisode, plus il y a des facteurs qui interagissent, comme la pauvreté, la santé, l'isolement, on s'aperçoit que les gens sont aspirés dans la rue et restent dans la rue.

Au niveau du dénombrement, je vous ai parlé tout à l'heure des chiffres. Pour nous, c'est clair que l'itinérance, à Québec, n'a pas diminué, le portrait a évolué. On rencontre de plus en plus de femmes en situation d'itinérance; on parlait des jeunes tout à l'heure. Il y a également... Les groupes nomment de plus en plus de personnes vieillissantes, des familles, familles monoparentales.

n (10 h 30) n

Alors, à quoi... Sans qu'il y ait eu un dénombrement, sur quoi on se base pour dire qu'il y a plus de personnes? On se base sur ce que nous disent les groupes: alors, l'accroissement du nombre de repas servis, l'utilisation maximale du réseau d'hébergement ? c'est 350 lits à Québec, approximativement, 77 logements de transition, c'est plein à l'année longue ? l'augmentation du rayonnement des territoires des travailleurs de rue, l'émergence de nouvelles réalités. Alors, pour nous, c'est important. Effectivement, un recensement peut donner des éléments d'une dimension à la fois quantitative, mais surtout, en ce qui nous concerne, ce qui est important, c'est qualitatif, pour mieux cerner, mais ça ne doit pas se substituer à une volonté collective d'agir maintenant. Et, pour nous, on a suffisamment, actuellement, dans nos groupes d'information, pour dire qu'il faut agir maintenant.

En ce sens, nous appuyons la mise en oeuvre d'une politique en itinérance. Alors, pourquoi la mise en oeuvre d'une politique en itinérance? Je vais tenter de vous illustrer par quelques exemples, à Québec, des différents problèmes et des différents droits bafoués que vivent les personnes en situation d'itinérance. Le droit de cité... On parlait tantôt de la judiciarisation des personnes. S'il y a des problèmes de violence ou de criminalité, il ne faut pas confondre personne itinérante et personne criminelle. La pauvreté n'est pas un crime; la toxicomanie, les dépendants, en soi, n'est pas un crime, si la personne est dépendante. On ne nie pas qu'il y a des situations de violence, mais, ceci étant, c'est loin d'être la majorité des situations des personnes qui se retrouvent à la rue, qu'elles soient jeunes ou moins jeunes, d'ailleurs, hein?

Ce qu'on constate, nous, c'est qu'il y a vraiment une judiciarisation de l'utilisation de l'espace public par les personnes. Pourquoi on les judiciarise? C'est parce qu'elles vivent, davantage que la majorité des gens, dans l'espace public, hein? Alors, ce qu'on constate, c'est: des pratiques de répression policière ? on a des témoignages de recueillis; des constats d'infraction, on va se répéter, mais des constats d'infraction émis de façon discriminatoire pour des délits effectivement que, vous et moi, si on commettait, on n'aurait pas ces infractions-là; on vit aussi, depuis 2006, avec un arrêté municipal sur le flânage. Alors, faites attention, si vous flânez à Québec, vous risquez, mesdames, messieurs, d'avoir un ticket pour flânage.

On a exprimé, notre collectivité exprime, nos groupes expriment, depuis plusieurs années, la mise en oeuvre d'un service juridique communautaire. La Maison Dauphine en a montré un exemple concret au niveau des jeunes qu'ils rejoignent par leur mission. Et ce service qui toucherait l'ensemble des personnes ne trouve toujours pas preneur au niveau du financement, alors qu'on a une expertise à Québec. On vit aussi avec l'ostracisme des groupes qui font de la réduction des méfaits. C'est de plus en plus difficile, quand on est au centre-ville, d'intervenir auprès des personnes en situation d'itinérance. On a des groupes comme le Squat, qui vous a présenté son mémoire il y a quelques jours, qui vivent des difficultés majeures de relocalisation. Alors, pour nous, tous ces éléments-là nécessitent ? nécessitent ? une intervention.

Alors, dans le cas d'une démarche pour établir une politique en itinérance, nous recommandons de soutenir adéquatement les organismes qui adoptent des pratiques alternatives à la judiciarisation et en font la promotion. On demande aussi de susciter...

Le Président (M. Kelley): ...cinq minutes.

Mme Brisseau (Nathalie): Il me reste cinq minutes?

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Brisseau (Nathalie): Bon. Alors, j'irais plus loin, je vous dirais qu'on a aussi, à Québec, des problèmes majeurs au niveau du logement. On a un taux d'inoccupation de plus de 1 %, nos refuges sont pleins, la majorité des personnes... On demande aussi un meilleur droit à l'éducation. On demande de meilleures conditions au niveau de l'accès de la santé et des services sociaux, parce que les personnes en situation d'itinérance n'ont pas cette facilité d'accès là. Et bien entendu ce qu'on voudrait davantage aborder, c'est tout ce qu'apporte le milieu communautaire en itinérance, à Québec. Ce sont des organismes qui travaillent à la cohésion sociale, qui travaillent également à... qui font partie des solutions pour répondre aux besoins des personnes itinérantes. Par contre, ils vivent actuellement des situations de sous-financement, des financements cloisonnés qui limitent les interventions, la pérennité de ces interventions et la pérennité des résultats.

En ce qui concerne également... J'irais également... Ce que nous attendons du gouvernement. Vous savez qu'il y a eu un investissement majeur du gouvernement fédéral en itinérance. À Québec, ça a permis de créer un certain nombre d'initiatives, d'aller plus loin dans l'intervention qu'on fait au niveau des personnes. Or, ce financement fédéral là n'a pas été bonifié depuis sa mise en oeuvre, en 2001. On a de nombreux projets, notamment en matière de logements d'insertion, qui sont sur les tablettes actuellement par manque de financement. On a des interventions limitées par manque de financement. Alors, c'est sûr qu'on attend actuellement, nous, du gouvernement la mise en oeuvre d'une politique mais aussi des interventions auprès du gouvernement fédéral pour que le financement fédéral soit maintenu et bonifié. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Brisseau. Je suis prêt maintenant à céder la parole à ma collègue la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci de votre présentation, et bienvenue. Et j'ai noté que vous étiez ici depuis le début des travaux. Vous êtes très patiente et vous avez démontré beaucoup d'intérêt pour le sujet, évidemment.

Votre groupe milite en faveur d'une politique sur l'itinérance. Et, la semaine dernière, nous avons eu le plaisir d'entendre le sous-ministre à la Santé et aux Services sociaux. On lui a posé la question par rapport à sa préférence pour un plan d'action interministériel versus cette politique sur l'itinérance. Si vous me permettez, je vais vous rappeler un peu ce qu'il avait mentionné à ce moment-là, et surtout lorsqu'on reconnaît l'urgence d'agir et aussi de mieux intervenir par rapport au phénomène de l'itinérance.

Alors, M. Paquet nous disait... M. le sous-ministre:

«Lorsque l'on connaît assez bien le phénomène, lorsque les pistes d'action sont assez claires, lorsqu'il y a une volonté commune, je préfère très nettement les plans d'action, pour plusieurs raisons. D'abord, ils sont à rendement rapide. Deuxièmement, ils permettent de dégager des priorités qui canalisent rapidement les énergies. [Alors,] au lieu de travailler sur tout l'ensemble, on fait des choix et on met [des] énergies sur des objectifs à atteindre plus rapidement.»

J'aimerais vous entendre à propos de cette position-là.

Mme Brisseau (Nathalie): Absolument. Le travail du comité interministériel est important, mais pour nous il ne peut pas se substituer à une politique en itinérance. Pourquoi? Parce qu'il y a des dimensions que... Le gouvernement doit reconnaître que l'itinérance est une priorité. Et, pour nous, exclusivement, une politique va permettre d'appuyer, va renforcer aussi l'implication des différents ministères. Je pense qu'un plan d'action va peut-être permettre de réguler un certain nombre de difficultés mais ne permettra pas des actions majeures au niveau structurel, au niveau des causes structurelles de l'itinérance, au niveau du logement social, au niveau de la judiciarisation des personnes. Moi, je pense qu'une politique va donner un plus.

Ceci étant, il ne faut pas nier que ce travail-là est important. Pour nous, c'est une première étape, une étape de reconnaissance de l'importance de travailler ensemble à cette question-là et d'impliquer différents ministères, pas juste le ministère de la Santé et des Services sociaux. Pour nous, c'est un plus effectivement, mais ça ne doit pas se substituer à une politique.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Voulez-vous poser une question, Mme la députée, ou...

Mme Gaudreault: J'en ai une autre.

Le Président (M. Kelley): ...dans la lune.

Une voix: Désolée.

Mme Gaudreault: J'en ai une autre...

Une voix: Je pensais...

Mme Gaudreault: O.K. Ça va, je vais poursuivre. Alors, dans les statistiques que nous avons reçues au sujet du phénomène ici, dans la région de Québec, les femmes constituent 37 % de la clientèle. Et, vous, vous regroupez tous les organismes ici. Même le sous-ministre à la Justice mentionnait que c'était vraiment une clientèle particulière.

Et j'aimerais que vous... Est-ce qu'il y a des initiatives particulières par rapport aux femmes qui sont dans la rue ici, à Québec?

n(10 h 40)n

Mme Brisseau (Nathalie): Il y a plusieurs initiatives qui sont proposées aux femmes. Le rapport de recherche, la démarche de recherche qu'on a effectuée permettait aux femmes d'exprimer, d'exprimer et leurs réalités et leurs besoins. Ce qui a été nommé par les femmes qui ont été rencontrées, c'est que, si services il y a, ils sont insuffisants. On s'aperçoit que les femmes en situation d'errance et d'itinérance à Québec sont de toutes conditions, de toutes origines. Les femmes demandent davantage de logements sécuritaires à faible coût pour elles-mêmes et leurs enfants. Elles demandent aussi qu'on puisse les accueillir si elles ont juste un problème de pauvreté, ce qui n'est pas actuellement le cas à Québec; il faut vivre certaines problématiques associées pour être accueillie. Il y a des initiatives au niveau... il y a des logements d'insertion offerts aux femmes monoparentales à Québec, des femmes qui ont vécu l'itinérance, de jeunes mères qui ont vécu l'itinérance. Il y a des solutions d'hébergement à court et à moyen terme.

On se rend compte qu'il y a vraiment aussi des éléments en lien avec l'aidance naturelle, c'est-à-dire des femmes qui se sont consacrées à soutenir leurs familles, le réseau des parents vieillissants, et qui, lorsque ces parents sont décédés, n'ont plus rien, ne possèdent plus rien et se retrouvent perdues et se retrouvent à la rue. Alors, effectivement, actuellement, cette recherche-là va faire l'objet d'un comité de travail pour trouver des solutions à ajouter à celles qui existent présentement à Québec.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Ça va? M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: M. le Président, ce serait possible de céder la parole à ma collègue?

Le Président (M. Kelley): Oui. Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Merci. Bonjour à vous tous. On a vu, depuis le début de cette commission, la complexité du phénomène, comment il n'y a pas une solution, mais un ensemble de solutions, avec de la concertation d'un paquet d'acteurs dans le domaine. Comme vous êtes un organisme qui regroupe 27 organismes, moi... Vous parlez... Puis on a entendu ? presque tous les mémoires ? qu'il serait bien d'avoir une politique gouvernementale sur l'itinérance. On n'a jamais vraiment questionné de quelle façon vous voyez la création de cette politique-là, parce que c'est quelque chose d'envergure, qui regroupe beaucoup d'acteurs de ministères. Alors, pouvez-vous m'expliquer un peu comment? Quelle est votre vision de cette création de politique-là?

Mme Brisseau (Nathalie): Écoutez, pour nous, il semble important qu'il y ait effectivement des comités de travail de posés là-dessus. Puis on a déposé, dans le cadre du Réseau Solidarité Itinérance, on a déposé une plateforme de revendications qui comporte un certain nombre d'éléments qui pourraient alimenter cette politique-là. Donc, on espère que cet outil-là peut amener effectivement un certain nombre de réflexions.

On estime qu'il serait essentiel qu'il y ait un ministre responsable du dossier pour inciter, pour pousser et pour supporter cette réflexion et la mise en oeuvre de cette politique. C'est à peu près les réponses que je vous donnerais aujourd'hui.

Il est bien certain que l'ensemble du milieu communautaire, tant à Québec qu'au Québec, a contribué au document Pour une politique en itinérance et que les revendications qui sont tenues dans ce document s'appuient sur la réalité des organismes qui accompagnent les personnes en situation d'itinérance. Donc, je pense qu'il y a là un certain nombre de pistes qui vont pouvoir contrer le phénomène de l'itinérance au Québec.

Mme Méthé: Merci. Un ministre responsable du dossier, vous n'êtes pas la première qui en parlez, évidemment. Hier, je discutais avec une dame qui est directrice d'un organisme dans mon comté, à Saint-Jean, et puis elle m'expliquait que... Je lui disais que j'étais sur la commission; elle dit: Tu vas peut-être rencontrer ma fille, qui est itinérante. Et elle me disait que sa fille a fait le choix d'être itinérante, un petit peu en rébellion au système ou à la société actuelle. Alors, tu sais, on comprend qu'il y a un paquet de facteurs qui mènent à l'itinérance, mais là il y a celui-là. Il y en a qui vont faire des stages au Pérou, il y en a qui vont faire des stages dans la rue. En tout cas, c'est drôle comme situation.

L'autre chose sur laquelle je voulais vous entendre en tant que porte-parole pour la protection de la jeunesse: on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup de jeunes dans la rue qui proviennent de la DPJ ou qui ont fait des séjours à la DPJ. On sait que ce milieu-là est peut-être un milieu où c'est un peu défavorisé. Il y a des actions, parce que... En tout cas, il y a des actions qui ont été mises de l'avant pour aider ces jeunes-là à faire la transition vers l'autonomie, parce qu'à 18 ans on les encadrait. Puis, à 18 ans, aller... Donc, il y a beaucoup de choses qui ont été mises en place pour réduire ce phénomène-là. En ce qui concerne les jeunes, j'aimerais ça que vous m'en parliez. Peut-être que vous n'en voyez pas spécifiquement, là, mais... cette réalité-là qui prend de l'ampleur.

Mme Brisseau (Nathalie): Tout d'abord, par rapport à la situation des jeunes, être en situation d'errance et d'itinérance quand on est jeune, ce n'est pas juste une... ce n'est pas juste parce qu'on est en situation de pauvreté, hein? Effectivement, on a des jeunes qui arrivent de tous milieux familiaux.

En ce qui concerne les jeunes qui sont passés par la DPJ, on rencontre souvent... les organismes rencontrent souvent des jeunes qui ont fait des fugues, qui sont sortis du système de la DPJ. Je crois que c'est essentiel effectivement de pouvoir préparer les jeunes à leur autonomie en société, mais pas de décharger ces jeunes-là vers d'autres organismes, des organismes jeunesse.

En ce qui concerne les jeunes de la DPJ, je crois qu'il faut... On va être capables de mesurer seulement dans quelque temps les actions qu'on commence à mettre pour favoriser, mais il y a d'ores et déjà un certain nombre de jeunes qui sont issus de ce réseau-là et qui sont déjà dans le besoin. Alors, je pense qu'il faut effectivement mettre des efforts mais aussi que la société favorise l'intégration des jeunes. Quand on pense qu'au niveau du logement c'est très difficile pour des jeunes... Et je pourrais, à ce moment-là, passer la parole à Alexandra. C'est très difficile pour des jeunes de trouver un logement, hein? On se trouve face à des situations vraiment discriminatoires quand on est dans une ville comme Québec, où il y a très, très peu de logements, il y a vraiment de la discrimination à l'égard des jeunes. Donc, il va falloir effectivement aider les jeunes à devenir autonomes mais permettre à la société d'accueillir aussi ces jeunes-là. Ça va dans les deux sens. Alexandra, veux-tu ajouter quelque chose?

Le Président (M. Kelley): Mme Côté.

Mme Côté (Alexandra): Bonjour. Effectivement, quand on parle... Bien, pour brièvement vous expliquer ce que je fais au Centre multiservices Le Complice, la mission de notre organisme est de prévenir l'exclusion sociale et l'itinérance chez les jeunes adultes ? nous, on travaille au niveau des 16-30 ans puis on travaille au niveau de Charlesbourg et les environs, donc le territoire La Source ? et puis de leur permettre finalement d'accéder à une meilleure intégration sociale, en leur offrant un soutien personnalisé pour améliorer leurs conditions de vie.

Et puis, moi, je travaille sur un service d'accompagnement au logement et à l'intégration sociale qui a pour objectif d'aider ces personnes-là à se stabiliser au niveau du logement, parce que c'est quand même un besoin fondamental de tous les êtres humains. Si on revient avec la pyramide de Maslow ? nous, on utilise beaucoup ça finalement pour travailler avec les personnes ? bien une personne qui n'a pas un logement sécuritaire sur sa tête, puis qui est capable d'arriver à le payer, puis, bon, qui n'a pas toujours à être en mode survie finalement pour vivre ne peut pas commencer à penser à s'intégrer socialement, ou à aller travailler, ou à... Tu sais, c'est très difficile. Donc, on les aide à se stabiliser à ce niveau-là, pour ensuite justement les accompagner dans leurs projets de vie, que ce soit justement au niveau de la santé, du travail, retour aux études ? c'est différent d'une personne à l'autre.

Et puis ça fait... C'est tout jeune, le service, il existe depuis 2007. Mais ce qu'on se rend compte, c'est qu'on peut rencontrer environ 80 personnes, je dirais, 70 à 80 personnes par année, qui sont en demande par rapport à cet accompagnement-là, et puis, à ce niveau-là, je vous dirais qu'il y a au moins 28 % à 30 % des jeunes adultes qu'on rencontre qui ont un passé, justement: soit ils sont allés en centre de réadaptation avec la DPJ ou ils ont eu des services à ce niveau-là. Puis ça, c'est pour ceux pour lesquels on connaît l'information, parce qu'il y en a d'autres pour lesquels on n'a même pas eu le temps, parce que souvent je vous dirais que c'est... on éteint un peu des feux, finalement, là.

C'est sûr que nous, notre objectif, c'est vraiment de travailler en prévention justement pour que ces personnes-là... On essaie de leur offrir un soutien pour qu'ils puissent s'intégrer à la société, pour freiner un peu finalement la spirale de l'itinérance, qui va vers le bas. Mais effectivement ils vont être en demande envers nous: O.K., je n'ai pas de logement, ça fait quelques mois que j'erre de chez un ami à un autre, là, finalement cet ami-là, ça n'a pas fonctionné, puis, bon, là, je suis à la rue, je ne sais plus où m'en aller.

Puis, le marché locatif est très difficile à Québec. Puis on parlait de discrimination tantôt; c'est certain que la loi, la Régie du logement, ça encadre aussitôt qu'on va signer le bail, mais tout le processus avant la signature du bail, il n'y a rien qui encadre ça. Donc, les jeunes, les familles, les personnes immigrantes, pour eux, c'est très difficile d'arriver à louer un logement parce que, bon, souvent c'est certain qu'il va y avoir de la discrimination aussi au niveau du revenu, puis presque tous les propriétaires actuellement font une enquête de crédit.

On les comprend aussi, mais en même temps c'est certain que des fois une personne, dans le passé, va avoir privilégié justement payer son loyer puis peut-être va avoir laissé de côté sa facture d'Hydro ou d'autres factures, puis finalement c'est ça qui va être quand même évalué, là, au niveau du crédit. Donc, après, quand il vient pour se trouver un appartement, c'est très difficile. Donc...

n(10 h 50)n

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Côté. Malheureusement, il ne vous reste pas de... Oui, un petit commentaire très rapidement parce que...

M. Dorion: Un petit commentaire. Et, simplement, c'est pour faire suite à ma collègue, tantôt, où on parlait... Et je pense que ce que j'ai entendu, moi, tout le long de la commission, c'est qu'il n'y a aucun répondant. J'en ai eu encore la démonstration ce matin, où, tu sais, tout le monde a le ballon dans les mains, là, mais: Non, ce n'est pas moi, c'est la municipalité; non, ce n'est pas la municipalité, c'est l'agence; ce n'est pas l'agence, c'est le ministère; ce n'est pas le ministère, c'est...

On parle de politique, il a été question d'un secrétariat, il a été question d'un plan d'action interministériel. À noter que dernièrement le Protecteur du citoyen a sorti quand même... Parce qu'on sait qu'il y a différents corridors, et entre autres au niveau de la santé mentale, où est-ce qu'il y a malheureusement eu peu d'actions de faites. Et ça, ça a sorti pas plus tard qu'hier.

Alors, vous m'avez parlé de dire: Ça prend un répondant, ça prend un ministère qui leur répond. Selon vous, quel est le ministère le mieux positionné pour en être répondant?

Le Président (M. Kelley): Mme Brisseau.

Mme Brisseau (Nathalie): C'est une bonne question. Je pense que je ne me prononcerai pas là-dessus. On a tendance... Pourquoi? On aurait tendance à dire le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ce qui me préoccuperait, comme ministère répondant, c'est qu'on réduise à nouveau le phénomène de l'itinérance à une simple question de santé ou de services, non pas parce que c'est un ministère qui ne connaît pas ce dossier-là, mais parce que... pour ne pas que ce soit réduit aux simples problèmes de services de santé et de services sociaux. Donc, je crois qu'effectivement ça va être un excellent débat.

Ceci étant, pour nous, c'est essentiel qu'il y ait un ministre responsable. Puis pour dire, par rapport à tout à l'heure: on se pose la question, si cette commission va finir son mandat plus tôt que prévu. En ce qui nous concerne, et par rapport à l'ensemble des groupes, et par rapport à l'ensemble des demandes... Parce qu'on dit qu'il n'y a pas de répondant, mais si, il y a un répondant, il y a des multitudes de répondants: c'est les organismes communautaires qui sont proches de ces personnes-là. Ils sont répondants, mais ils n'ont pas toutes les réponses et tous les moyens pour effectivement vaincre et diminuer les obstacles que rencontrent les personnes en situation d'itinérance. Ils ne peuvent pas augmenter leurs revenus, ils ne peuvent pas influencer les pratiques discriminatoires policières, ils ne peuvent pas bâtir du logement, ils ne sont pas toujours aptes à donner des soins là où se trouvent les personnes et pas là où on voudrait qu'elles soient.

Donc, effectivement, pour nous, même si cette commission prenait fin demain, on va être là pour s'assurer que le mandat se poursuive ou pour s'assurer qu'effectivement le gouvernement prenne en compte cette situation-là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Bonjour. Merci pour votre mémoire. Oui, effectivement, tout le travail qui a été fait de votre côté ou du côté de l'ensemble des organismes, ça ne s'arrêtera pas là, soyez-en persuadés.

Petite... Vous avez parlé au Droit de cité, et puis on a parlé du Squat, hein, rapidement, qui a des problèmes à s'installer dans le quartier même où il est en ce moment. Ce n'est pas donc une question d'arriver dans un autre quartier. On va recevoir la Ville de Québec aujourd'hui et on va certainement poser la question.

Mais est-ce que vous sentez, comme organisme, vous sentez de la réticence à votre présence dans certains milieux? Et vous sentez-vous appuyés par les élus locaux et services, enfin en général?

Mme Brisseau (Nathalie): Je crois qu'il y a du travail qui est fait, il ne faut pas le nier, hein? Ceci étant, il y a encore du travail à faire pour l'ouverture et l'appui dont on a besoin.

On parlait du Squat tout à l'heure, mais sachez qu'en 2006 l'Armée du salut, hein, qui accueille plus d'une soixantaine de personnes, plus d'une... même 80 personnes, avait dû fermer ses portes pour rénovation, pour assurer... pour être capable d'accueillir mieux et dans des conditions de salubrité les personnes. On n'a jamais été capable de relocaliser l'Armée pendant la période des travaux, malgré l'intervention des acteurs de la ville, malgré l'intervention des différents acteurs en santé et services sociaux. Alors, il y a vraiment, effectivement, du travail à faire.

Souvent, nos répondants sont des personnes extrêmement sensibilisées, extrêmement connaissantes de la situation et des groupes et des personnes qu'ils rejoignent, mais ils n'ont pas toujours tous les moyens pour ouvrir les portes dont on a besoin. Alors, je pense, oui, on s'attend à davantage d'ouverture et davantage d'appui de la part de nos partenaires.

Mme Lapointe (Crémazie): Et j'imagine qu'en ce sens-là une politique gouvernementale claire qui inclut tous les partenaires, avec évidemment une concertation entre les partenaires de différents niveaux, paliers de décision, va être fondamentale.

Juste en passant, vous ne voulez pas vous prononcer sur le ministre qui... ou enfin le ministère qui devait avoir la responsabilité de l'itinérance ? puis ça, je vous comprends ? mais en même temps c'est tout à fait vrai que ça ne peut pas à mon sens relever du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui en a déjà plein les bras et qui est un ministère sectoriel. Il y a plusieurs avenues, mais je vous invite à réfléchir à ça parce que c'est une question qui est posée. On sait qu'à Ottawa ils ont mis en place un secrétariat, et donc ça semble fonctionner assez bien. Il faudrait peut-être les entendre, ces gens-là, dans un autre temps, M. le Président, puisque pour le moment on n'a plus de journée, là, à ajouter.

Ça m'amène à votre commentaire sur des projets de logement qui sont sur les tablettes à cause d'un financement fédéral stagnant, si on peut dire, et non... Et les gens étaient, jusqu'à il y a quelques semaines, les gens étaient très inquiets que ce financement ne revienne pas. Qu'est-ce que ce serait? Parce que vous dites qu'il manque gravement de logements sociaux. On parle de quoi? On parle de combien de projets qui seraient sur les tablettes, à Québec?

Mme Brisseau (Nathalie): Moi, je vous dirais... Approximativement, je dirais à peu près huit, huit projets approximativement, par rapport à ce qui avait été déposé comme projets au niveau de la stratégie de partenariat de lutte à l'itinérance, dans le cadre de cette stratégie, de ce financement fédéral là.

Ceci étant, je crois qu'il faut appuyer tous les projets de logement adapté avec soutien communautaire pour les personnes en situation d'itinérance, mais qui accueillent vraiment ces personnes en situation d'itinérance. Vous savez, à Québec, il y a eu une enveloppe dédiée au soutien communautaire. On avait, il y a quelques jours, la Y des femmes qui disait combien il était difficile pour elles de soutenir les femmes une fois qu'elles étaient sorties, hein, du processus d'insertion. Et cette enveloppe a été dédiée exclusivement aux personnes âgées. Or, on sait que c'est important que les personnes aient un toit lorsqu'elles sont prêtes à avoir un toit, puis il faut les appuyer puis il ne faut pas juste les lâcher, parce que c'est des personnes qui vivent de l'isolement, c'est des personnes qui vivent avec des problèmes associés.

Donc, oui, je crois que c'est important de soutenir ces projets-là mais de ne pas réduire les actions en matière d'itinérance au simple fait de construire des logements. Il y a des personnes qui sont dans la rue, qui vivent des problématiques dans la rue, il faut aller les rejoindre là où elles sont. Il y a des gens qui ne sont... qui vivent des problématiques de toxicomanie et qui ne sont pas prêts à décrocher, mais il faut aller quand même les rencontrer, il faut aller les aider, les soutenir. C'est des citoyens à part entière. Alors, il ne faut pas juste réduire la question... les réponses à l'itinérance par le simple fait de créer des logements.

Mme Lapointe (Crémazie): Vous parlez de huit projets. Et ça implique combien de logements?

n(11 heures)n

Mme Brisseau (Nathalie): Ouf! Vous m'en posez une bonne. Moi, je dirais qu'en moyenne, si on compte un projet à peu près à 10 logements, ça fait à peu près 80 logements.

Mme Lapointe (Crémazie): ...vous parlez du fait que les ressources sont débordées, donc automatiquement le phénomène a progressé?

Mme Brisseau (Nathalie): Et quand il n'y a pas de logements sociaux à faible coût, je veux dire, quand on aide des gens à sortir de la spirale de l'itinérance mais qu'il y en a autant qui arrivent, parce qu'ils vivent des situations de précarité, bien je pense que c'est comme le serpent qui se mord la queue, hein?

Mme Lapointe (Crémazie): Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et sur ça, merci beaucoup, Mme Brisseau, pour un témoignage fort éloquent, Mme Côté, pour les précisions sur l'accompagnement social dans les logements. Je vais suspendre et je vais demander à la Maison de Lauberivière de prendre place à la table des témoins. Merci beaucoup également à M. Gagnon.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

 

(Reprise à 11 h 2)

Le Président (M. Kelley): Nous allons continuer notre avant-midi avec le prochain témoin, qui est la Maison de Lauberivière, représentée par Mme Dugas, Chantale Dugas, la directrice générale, et Éric Boulay, qui est le coordonnateur en accueil et hébergement. Alors, Mme Dugas, la parole est à vous.

Maison de Lauberivière

Mme Dugas (Chantale): D'abord, bonjour, merci. Je remercie la commission de nous accueillir ici, aujourd'hui, pour partager avec vous une partie de nos connaissances et de nos expertises dans l'itinérance, le phénomène de l'itinérance à Québec.

Alors, tout d'abord, je vais faire un bref résumé de l'historique de la Maison de Lauberivière. Alors, la Maison Lauberivière offre de l'aide aux plus démunis depuis maintenant 25 ans, donc, cette année, notre 25e anniversaire. Nous sommes situés sur la rue Saint-Paul, à Québec, donc au centre de l'action du milieu.

Nous sommes une organisation qui a été fondée par une quarantaine de communautés religieuses à l'époque. Et, à cette époque-là, la maison était opérée, offrait le service principalement par les communautés religieuses elles-mêmes. Donc, les premières années d'opération de la maison étaient assurées par autour de 200 bénévoles, principalement religieux, mais également les laïcs. Je vous dirais que, depuis les 10 dernières années, nous avons perdu bien entendu les religieux en service, et nous travaillons présentement avec principalement des laïcs. Nous comptons encore une dizaine de religieuses bénévoles, à la Maison, et nous comptons bien entendu près de 70 employés, à la Maison Lauberivière.

Au niveau des services de la Maison Lauberivière ? vous avez tous en main le mémoire; donc, au niveau des services ? nous avons les services de dépannage de base. Donc, on parle des repas; on a la soupe populaire le soir et on a également les repas, déjeuners et dîners, qui sont offerts par nos résidents. On offre en moyenne 150 000 repas par année.

Au niveau des services de dépannage, on compte également l'hébergement temporaire. 80 % de notre clientèle sont des hommes, 20 % sont des femmes. On parle également d'un service de vêtements de rechange ? nous avons une friperie ? lessive des vêtements personnels. Et, au niveau des services de réadaptation et de réinsertion, nous avons également le dégrisement communautaire. Je vais revenir, un petit peu plus loin dans le mémoire, sur les différents services.

Nous avons des centres de jour, deux points de service également. Nous avons la réinsertion sociale sur deux volets: volet académique, donc nous offrons le secondaire I à V dans nos murs, à l'interne et à l'externe, ce qui veut dire que nous avons des usagers qui peuvent résider à la Maison et avoir le service volet académique par des enseignants du Centre Louis-Jolliet, qui est un centre de formation aux adultes; et nous avons, à l'externe également, donc des gens qui peuvent avoir leurs propres appartements et qui ne veulent pas s'insérer en formation le soir aux adultes, ils viennent le jour à la Maison Lauberivière. Nous avons également les groupes d'entraide, c'est-à-dire des réunions pour les AA, des ateliers occupationnels. Nous avons également les logements assistés, donc postréinsertion sociale. Je vous parlerai, un petit peu plus loin, du presbytère de la rue Saint-Jean. Nous avons également des plateaux de travail, et un secteur fiducie, ainsi qu'un volet pastorale et vie spirituelle.

La clientèle de la Maison de Lauberivière, alors c'est des personnes sans abri, des démunis et des exclus, des alcooliques, toxicomanes, joueurs compulsifs, ex-psychiatrisés, déficients mentaux, ex-détenus, chambreurs de quartier, immigrants, réfugiés. Et nous aidons en moyenne 5 000 à 6 000 personnes par année. Alors, la maison, depuis sa fondation, a rendu d'innombrables services à des milliers d'individus avec bienveillance et cordialité, bien entendu grâce aux professionnels et aux bénévoles qui forment nos équipes. Les responsables de la maison ainsi que toutes les personnes qui participent à sa bonne marche regardent quand même l'avenir avec optimisme, car l'oeuvre a été visiblement adoptée par la population de la région de Québec, qui la soutient généreusement.

M. Boulay (Éric): Peut-être rajouter au niveau de la clientèle aussi, parce qu'on entend souvent le préjugé que c'est dur de faire quelque chose quand on parle itinérance, parce que de toute façon c'est toujours les mêmes, hein, puis c'est très complexe. Une statistique qui est intéressante pour la Maison de Lauberivière, 50 % des gens qui viennent viennent de une à trois fois. Alors, il y a beaucoup de gens qui viennent de façon très précaire puis qui viennent cogner à nos portes qui, si on ne les aide pas, pourraient s'enfoncer davantage. Les personnes plus chronocisées, comme on a entendu précédemment, c'est environ 10 % à 12 % de notre clientèle, et, là, il faut avoir une approche différente, moi, je pense, qui est plus une approche de réduction des méfaits.

Mme Dugas (Chantale): Alors, comme intervenante directe auprès des personnes en difficulté, la Maison Lauberivière ne pouvait pas manquer le débat, qui nous interpelle, bien entendu, aujourd'hui. Six ans après nous avoir invités à présenter à la Commission des affaires sociales un mémoire sur la pauvreté et l'exclusion sociale, soit en octobre 2002, en plus d'un mémoire sur le projet de la loi n° 57 intitulé Humaniser les façons de faire, présenté en novembre 2004, nous nous voyons maintenant interpellés sur le phénomène de l'itinérance au Québec. Comme la Maison Lauberivière prête sa voix aux sans-voix, nous osons croire que ce troisième mémoire est celui qui ne sera pas tabletté. Vous comprendrez qu'après 25 ans de service auprès des démunis, la maison assume assez bien son rôle d'être un des plus importants organismes de la région de Québec.

Je pourrais élaborer, comme nous l'avons déjà fait dans les mémoires précédents, sur l'harmonisation des mesures financières provinciales et fédérales pour déterminer de quel palier relève l'itinérance, mais je considère qu'il s'agit d'un rôle qui vous appartient, vous, politiciens. Par contre, il nous apparaît évident que l'État ne peut se désengager de cet enjeu, mais il ne peut non plus assumer la responsabilité entière de ce même enjeu. De plus, dans un des mémoires que nous vous avons remis, il avait déjà été mentionné que les seules solutions économiques n'apportaient pas les résultats déterminants dans la lutte à la pauvreté. Vous comprendrez que ces mêmes solutions ne régleront pas à elles seules non plus l'itinérance.

La Maison Lauberivière veut se faire le porte-parole de ceux et celles qui vivent au quotidien la triste réalité de l'itinérance. Le présent mémoire identifiera les principaux problèmes en lien avec l'itinérance, et par la suite nous proposons de décrire ce que nous estimons être les pistes de solution à l'itinérance et des recommandations.

Alors, rapidement, il nous apparaît important de revenir sur le thème du mémoire, l'itinérance, et il est essentiel avant tout de décloisonner la problématique. L'itinérance est un processus, et la base de ce processus est l'exclusion sociale. Lorsque l'on parle d'itinérance, on fait souvent le lien avec la pauvreté. Il est difficile de définir l'itinérance, on en a déjà parlé dans les... mes partenaires qui m'ont précédée. Dans le milieu, on utilise souvent l'expression SDF pour sans domicile fixe. Il semble évident à première vue de faire le lien entre l'abri et les sans-abri: le sans-abri n'a pas l'abri pour se loger. Mais, après avoir procédé, pendant plusieurs semaines, à la cueillette d'information sur ce sujet et de rédiger ce mémoire, nous constatons qu'il y a autant de définitions que de recherches qui ont traité le sujet, et force est de constater l'existence de plus d'une réponse. On pourrait parler de la définition des Nations unies, je vais m'en abstenir parce qu'on pourrait en parler longtemps.

Le phénomène des grands exclus que sont les itinérants est un phénomène social complexe à gérer. Il ne s'agit pas uniquement de la pauvreté, mais surtout d'une désocialisation, d'une perte du lien social. En effet, une personne pauvre a en général des amis ou de la famille, et ceux-ci peuvent l'héberger. Si la personne se retrouve dans la rue, c'est qu'elle a coupé les liens avec ses amis et sa famille ou l'inverse, ce qui arrive le plus souvent. Cela peut être en raison d'un déracinement, une personne née à l'étranger, ou elle a longtemps vécu à l'étranger. Ça peut être également des problèmes psychiatriques, un drame familial, un rejet de la part de l'entourage ou d'une rupture voulue en raison de sévices subis. Nous n'affirmons pas que ces problèmes nous envoient nécessairement à la rue lorsqu'ils nous touchent, mais qu'une personne qui se retrouve sans domicile fixe a un grand risque d'avoir été touchée par une de ces raisons.

n(11 h 10)n

D'après nos recherches, la plupart des sociétés modernes se trouvent confrontées à ces problèmes. L'itinérance est donc mondiale. Par contre, pour contrer l'itinérance, il faut outiller le citoyen pour qu'il retrouve son autonomie; mais il ne faut pas outiller ce citoyen, mais il faut également outiller les citoyens en général face à l'itinérance.

Alors, si on regarde rapidement les facteurs de l'itinérance, même s'il semble difficile de s'entendre sur la définition, les pays industrialisés qui se penchent sur l'itinérance semblent être d'accord toutefois sur les facteurs explicatifs de l'itinérance. Nous considérons qu'il existe deux principaux facteurs explicites observés au sein de notre organisation. Ces deux groupes de facteurs sont ceux de nature structurelle, ce qui a déjà été discuté, et ceux de nature individuelle. L'appauvrissement des individus, la diminution du parc des logements pour faibles revenus contribuent à la précarité des personnes. Les facteurs en lien avec la désinstitutionnalisation et la judiciarisation font également partie, à notre humble avis, des facteurs structurels. Au niveau des facteurs de nature individuelle, ils sont principalement en lien avec les problèmes familiaux, que ce soit divorce, violence ou instabilité, déplacements aux centres d'accueil, tous des problèmes qui peuvent fragiliser la personne au point de l'amener à l'itinérance.

Alors, rapidement, nous survolerons les cinq facteurs, entre autres, l'absence du logement à faibles revenus. La problématique d'accessibilité aux logements pour personnes à faibles revenus est connue de tous. La piètre qualité des logements sociaux n'encourage certainement pas des gens à maintenir une stabilité résidentielle, et encore faut-il que nous parlions de logements, puisque beaucoup de nos usagers sont des chambreurs. Il est évident que l'instabilité du logement chez une personne augmente le risque de problèmes de santé et peut également causer des complications sur certains traitements et ainsi rendre difficile le rétablissement. Il faut également savoir que la malnutrition, en mode d'itinérance, est fréquente, causant ainsi d'autres problèmes de santé physique.

De plus, d'après une recherche que nous avons effectuée en 2006 sur les coûts d'itinérance à Québec, une stabilité résidentielle encourage et facilite la diminution de consommation de drogues et d'alcool, en plus d'avoir un effet positif sur la réduction des méfaits et la judiciarisation. Alors, depuis plus de six ans, la Maison Lauberivière est propriétaire des Résidences du Presbytère. On y retrouve 14 studios subventionnés et réservés à des toxicomanes abstinents. Depuis mars 2003, 23 locataires ont été accueillis aux Résidences du Presbytère. Elles peuvent compter sur le savoir-être et le savoir-faire du personnel de la Maison Lauberivière dans la prestation des services aux personnes en phase de réinsertion sociale. Alors, l'objectif du presbytère, c'est de développer les compétences requises pour le maintien et la stabilité résidentielle.

Le logement assisté est une voie d'avenir, à notre humble avis, en intervention psychosociale et réinsertion. Nous travaillons dans l'optique de pouvoir réunir ensemble toutes les conditions qui mèneront la personne aidée vers l'autonomie. Notre approche n'est pas rigide mais rigoureuse et structurée. Nous nous adaptons aux besoins de la personne et aussi au contexte social, étant entendu que la réinsertion sociale comme telle est ardue dans une conjoncture de crise du logement; le rythme de progression des personnes s'en trouve ainsi fortement influencé. Nous avons de très belles histoires de succès qui s'y écrivent, puisqu'après deux ans dans ces logements les gens reviennent à la Maison de Lauberivière pour nous informer de la continuité de leur stabilité et d'une vie saine.

Au niveau de la santé psychologique et la désinstitutionnalisation, les impacts sur l'itinérance. Dans les années soixante et soixante-dix, on a procédé à la désins, communément appelée. Un des motifs présentés pour justifier la sortie des patients des asiles fut celui de l'économie que pourrait ainsi réaliser l'État. Malheureusement, le transfert des patients vers des établissements plus petits, tels que les foyers d'accueil, n'a probablement pas connu le succès escompté. 40 % de cette clientèle se retrouve aujourd'hui dans les refuges comme la Maison de Lauberivière. Le problème est transféré d'endroit sans toutefois qu'on puisse y fournir les ressources humaines nécessaires. Il est évident que nos organisations n'ont pas les ressources financières pour assurer la présence d'un professionnel en psychiatrie. De plus, le personnel de nos organisations doit faire face à la lourdeur des cas, ajouté aux nombreux individus qui ont des problèmes de comportement qui ne sont pas diagnostiqués.

Au niveau de la santé physique également, près de 20 % de notre clientèle obtient le supplément d'invalidité de revenu de la sécurité sociale. Nous considérons cependant que certains ont la problématique mais n'ont pas le supplément.

Rapidement, les dépendances à l'alcool et aux drogues. Alors, nous avons les mêmes statistiques que nos collègues. 30 % de la clientèle de notre organisme possède un problème de dépendance aux drogues et à l'alcool. Nous avons quand même un service qui contribue à alléger cette problématique, c'est le dégrisement. Alors, le dégrisement, rapidement. Alors, le dégrisement est ouvert depuis maintenant 1998. Faute de financement, nous avons maintenant un secteur qui ne compte plus sur les infirmières. Et initialement le dégrisement a été fondé pour la réduction des méfaits. Donc, on avait un service avec infirmières où on accueillait les cas lourds d'intoxication. Ils étaient pris en charge chez nous pour dégriser, et par la suite ils retournaient à la Maison, ou ils étaient redirigés vers des thérapies. Pour des raisons pécuniaires et politiques, on n'a plus d'infirmières depuis maintenant un an, alors on accueille les cas légers, et les cas lourds d'intoxication sont redirigés vers les urgences des hôpitaux par les policiers, bien entendu. Alors, vous comprendrez que la lourdeur de services a été tout simplement transférée aux policiers et aux urgences des hôpitaux.

Les problèmes découlant de la judiciarisation, rapidement. Je vais passer rapidement parce que tout a été dit, je vous dirais, en lien avec la politique sur l'itinérance également. On parle beaucoup du ministère de la Santé et des affaires sociales; on parle beaucoup du ministère de la Solidarité, qui est impliqué dans l'itinérance. Mais, au niveau ministère de la Justice, ministère de la Sécurité publique, le milieu n'est pas supporté par ces ministères. Et nous croyons que la politique sur l'itinérance pourrait davantage faciliter l'accès à ce financement.

La réalité, au niveau de la Maison Lauberivière, rapidement... Je pourrais peut-être sauter immédiatement aux solutions, parce qu'il me reste très peu de temps. Concrètement...

M. Boulay (Éric): Juste peut-être résumer rapidement, là, pour bien comprendre l'impact. En 1996, 50 % des lits étaient remplis. En 2001, on a atteint 100 %. Depuis ce temps-là, on a dû même refuser des gens faute de place. On ne pense pas qu'en rajoutant des lits de dépannage supplémentaires ça réglerait la situation.

Les solutions, on va en parler aussi. On aide 4 000 à 5 000 personnes différentes par année, alors on a beaucoup de gens qui viennent à la Maison Lauberivière. C'est un peu ça, le portrait au niveau statistiques. Juste peut-être pour dire aussi: 30 % de la clientèle, nous autres, on aide des gens de 18 ans et plus, hein, que ce soit hommes ou femmes; 30 % de la clientèle, c'est 18-30 ans; 30 % de la clientèle, c'est environ 30 à 45 ans; et on a un autre 30 %, 45 ans et plus. Alors, de dire: C'est quoi, ta moyenne d'âge? Ça ne donnerait rien, parce que la brochette est très, très large.

Mme Dugas (Chantale): Alors, au niveau des recommandations... Oui, deux minutes.

Le Président (M. Kelley): Deux minutes. Ça va.

Mme Dugas (Chantale): Alors, au niveau des recommandations, la Maison Lauberivière est constamment interpellée pour les différents acteurs du milieu de l'itinérance et de la pauvreté. On nous sollicite pour partager notre expertise, que ce soit sur les tables de concertation, comme celle du réseau d'aide en itinérance, les tables territoriales, dont celle en santé mentale. Il s'agit d'endroits où on nous demande de partager ce qui est la réalité de l'exclusion sociale; entre autres, nous avons siégé trois ans sur la table territoriale en santé mentale. Et les professionnels représentant le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille- Capitale sont allés de l'avant avec une recommandation écrite à laquelle nous avons participé. Cette recommandation était d'assurer la présence hebdomadaire d'un psychiatre dans la communauté à raison de trois heures par semaine, un psychiatre qui offrirait un support au milieu communautaire et à la clientèle itinérante, ce qui est à notre avis tout à fait une solution extraordinaire. La proposition date d'octobre 2006, et on attend toujours l'entrée en poste du psychiatre.

D'autres recommandations: On suggère de doter les grands refuges multiservices de l'infrastructure nécessaire pour accompagner les personnes itinérantes dans leur transition vers un domicile sécuritaire, abordable et adéquat. On assure également... Assurer un financement récurrent aux organismes qui détiennent déjà des solutions opérationnelles et concrètes. Je vous ai parlé du dégrisement également, c'était une formule qui fonctionnait très bien, qui coûtait beaucoup moins cher que qu'est-ce qui se passe actuellement dans l'institutionnel, mais on a tout simplement décidé d'en faire autrement.

Offrir suffisamment des domiciles permanents et abordables pour les personnes vivant dans l'itinérance. Alors, on a parlé des logements sociaux, qui est une piste de solution.

Exporter les modèles de services qui fonctionnent à l'image du secteur Fiducie. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'élaborer sur le secteur Fiducie. Alors, à Fiducie, on permet aux usagers de prendre en charge leur budget, d'assurer les paiements de leur loyer, et ainsi leur permettre de diminuer leur consommation et même éliminer les dépendances au jeu.

Assurer l'existence d'un filet de secours efficace pour les clients domiciliés et veiller à ce que les personnes vivant l'itinérance obtiennent le soutien nécessaire pour vivre en toute dignité.

n(11 h 20)n

Alors, en conclusion, je voudrais aller rapide. C'est à la fin 2002 que la loi n° 112 pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale a été adoptée. Que s'est-il fait depuis? Bien peu de choses, malheureusement. L'itinérance, c'est l'affaire de plus d'un ministère, on en a parlé de façon globale. Et actuellement les deux principaux ministères, comme je vous mentionnais, sont le ministère de la Solidarité sociale et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Même les enveloppes actuellement ne sont même pas ajustées à la hausse du taux d'inflation. Alors, on parle des 1 %, 1,5 % qui sont remis aux organismes, quand on sait très bien que ça tourne toujours autour du 3 %. Une étude effectuée par une anthropologue de l'Université Laval en 2006 sur les coûts de l'itinérance à Québec révèle qu'une personne sur deux... une personne à la rue coûte deux fois plus en utilisation des services publics que lorsqu'elle est prise en charge par un organisme comme le nôtre. La judiciarisation occupe 40 % de ces dépenses en services publics.

La Maison de Lauberivière a créé des liens avec les centres de détention de Québec, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice afin de les sensibiliser au fait que leur clientèle est souvent référée et envoyée chez nous, à la Maison de Lauberivière. Nous avons été approchés pour participer à la création d'une coalition nationale des grands refuges multiservices du Canada. Il est évident qu'il s'agit d'une autre voie d'accès pour le financement. Le préalable pour faire partie de cette coalition est d'être considéré comme un refuge d'hébergement qui offre plus d'un service à la clientèle et qui offre au quotidien des solutions à sa clientèle. Nous sommes donc l'un des ces 11 grands refuges pancanadiens siégeant sur cette coalition.

Les solutions à la pauvreté et à l'itinérance, la Maison de Lauberivière les met en pratique du mieux qu'elle le peut avec les maigres moyens qu'elle obtient. Tout est question de ressources financières, et il devient difficile pour des organismes comme le nôtre de régulièrement prêter son expertise sans toutefois recevoir en retour la valeur financière de cette expertise. Il serait grand temps que le gouvernement du Québec, qui s'est doté d'une loi contre la pauvreté... qui se doterait d'une loi contre la pauvreté adopte une action concrète en lien avec cette loi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On a légèrement dépassé notre temps. Alors, je vais demander aux collègues trois blocs de huit minutes et poser des questions d'une façon la plus précise et concise possible. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bonjour. Je vous remercie de votre présentation. On sait qu'à Québec la Maison Lauberivière est une institution très reconnue qui a été une pionnière dans le domaine... par rapport au phénomène de l'itinérance. Vous avez un peu piqué, je ne sais pas comment l'exprimer... Dans votre conclusion, quand vous dites que bien peu de choses malheureusement ont été faites suite à la loi n° 112 pour lutter contre la pauvreté... Il y a beaucoup d'argent qui a été investi, là, par rapport aux investissements, pour le phénomène de l'itinérance. Le sous-ministre est venu nous dire, la semaine dernière, qu'il y avait eu près de 40 % d'augmentation des budgets. Alors, je crois qu'il n'y a pas diminution du financement, mais bien augmentation.

Mme Dugas (Chantale): Bien, j'aimerais savoir où a été injecté cet argent. Au niveau de la Maison Lauberivière, ce qui nous a permis de faire avancer certains projets, entre autres, on a parlé de l'enveloppe du fédéral ? Nathalie, qui m'a précédée, a parlé de l'enveloppe du fédéral ? qui, nous, à la Maison Lauberivière, on a injecté dans les ressources humaines pour pouvoir faciliter le travail de nos ressources humaines qui... Écoutez, la fréquentation est au maximum. Les cas sont plus lourds. Les problématiques sont plus lourdes, ce qui fait qu'au niveau du personnel, des ressources humaines, il y a énormément d'essoufflement. Donc, il est évident que, nous, au niveau des ressources humaines, on a dû augmenter nos ressources humaines, comme je vous l'expliquais.

Mais, au niveau du développement des projets, malheureusement on n'a pas pu injecter, on n'a pu obtenir aucune enveloppe de cette enveloppe-là.

Mme Gaudreault: C'est certain que nos statistiques ne présentent pas cette situation-là, mais on aura l'occasion d'y revenir plus tard. J'aimerais vous entendre au sujet du dégrisement. Vous êtes les experts du domaine. Nous, on est ici pour apprendre. Et le dégrisement, chez vous, vous offriez...

Mme Dugas (Chantale): On offre encore le dégrisement, sauf que la formule a été modifiée. Alors, pendant neuf ans, de 1998 à 2007, le dégrisement était un service 24 heures sur 24, sept jours sur sept, assuré par des infirmières, une infirmière en poste avec un intervenant psychosocial, un préposé. Alors, l'objectif était la réduction des méfaits. Initialement, l'usager intoxiqué était soit accompagné par les policiers, et, les dernières années, je vous dirais qu'il venait par lui-même. Il était accueilli par l'infirmière. Sa santé était évaluée par l'infirmière, sa santé physique, pour s'assurer de minimiser le risque. Il avait accès à notre service, où il pouvait y dormir; donc, il avait un service: douche, coucher, repas. Il rencontrait l'intervenant psychosocial, une fois dégrisé, pouvoir établir peut-être un plan de sortie. Alors, s'il refusait, il retournait à la rue, ou chez lui, en milieu, ou tout simplement on pouvait lui donner l'accès à une thérapie.

Suite à ça, il y a eu des rencontres avec les partenaires. La ville de Québec était impliquée dans ce service-là. Le réseau hospitalier était impliqué également. En 2006, nous nous sommes rassis avec les partenaires parce qu'on nous a demandé de revoir la formule. Étant donné la lourdeur, la toxicomanie, on trouvait que le risque était rendu important pour les infirmières. Toutefois, les infirmières avaient développé des partenariats avec les hôpitaux. Il y avait des communications qui se faisaient très bien avec les médecins. Alors, quand il y avait un risque, les infirmières ne prenaient pas de chance, bien entendu, par leur professionnalisme; on redirigeait tout simplement l'usager à l'hôpital, que ce soit en ambulance ou que ce soit par accompagnement. Toutefois, on a décidé quand même qu'on ne devait plus accueillir, parce que le dégrisement est financé à 100 % par l'agence, par le CRUV, si vous connaissez le CRUV, le Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve, qui se trouve à gérer l'enveloppe de l'agence. Alors, le CRUV a décidé qu'on ne devait plus accueillir les gens intoxiqués de façon modérée à lourde, on doit les rediriger directement à l'urgence. On accueille maintenant les cas légers seulement.

Ce qui fait que l'usager qui est accompagné par la police, le policier vient chez nous, il prend 15 minutes; notre intervenant a un outil de travail qui a été établi par le CRUV, un questionnaire pour évaluer son degré d'intoxication. Et, selon la consommation et les réponses de l'usager, soit qu'on le garde pour dégriser ou on le réfère immédiatement avec le policier à l'urgence, où là il doit attendre quelques heures avant d'être... de passer au tri et d'accéder à un service. Une fois qu'il est dégrisé à ce service-là, il peut nous être dirigé. Il peut revenir chez nous récupérer, une fois que sa santé physique a été rassurée; et là il est redirigé chez nous, et on l'accueille à nouveau.

Mme Gaudreault: Petit complément d'information. C'est-à-dire, le service de dégrisement, ça, c'est pour les utilisateurs qui n'ont pas accès à votre refuge, parce qu'ils sont en...

M. Boulay (Éric): On a deux volets.

Mme Gaudreault: Deux volets.

M. Boulay (Éric): Si la personne n'est pas en état d'ébriété, on a un refuge de dépannage.

Mme Gaudreault: C'est ça.

M. Boulay (Éric): Si la personne est intoxiquée de façon légère, elle va au dégrisement.

Mme Gaudreault: D'accord.

M. Boulay (Éric): Avant, on pouvait aussi prendre des cas moyens et lourds, maintenant on les dirige dans les hôpitaux. Ce qui est navrant là-dedans, c'est qu'on avait le désir et les moyens d'aider ces gens-là, on ne les a plus nécessairement maintenant.

Mme Gaudreault: Sauf qu'ici, dans la région, vous avez des équipes de liaison directement postées à l'urgence. Alors, à mon avis, ce n'est qu'un déplacement de service, mais le service est toujours là pour vos clients, si je comprends bien.

Une voix: Vas-y, laisse-toi lousse.

M. Boulay (Éric): En fait, imaginez-vous dans un...

Une voix: ...président n'aime pas ça.

M. Boulay (Éric): Oui! Bon. Imaginez-vous arriver dans une urgence, hein, tu sais, on attend pour recevoir des soins. Moi, je pense que, si on est en état d'ébriété, et en plus on est une personne itinérante, on sait qu'il y a des préjugés. Moi, personnellement, je forme les milieux hospitaliers sur ces préjugés-là le plus souvent possible, et ça améliore de beaucoup les choses. Mais, de là à former les hôpitaux et d'amener quelqu'un en état d'ébriété dégriser dans un endroit où on connaît les heures d'attente, quand tu vas dans une urgence... et un milieu comme à la Maison Lauberivière, où on s'en faisait un devoir de bien donner un service, et la personne... ? en fait, on mettait tout sur l'accueil de la personne, hein, on se définit beaucoup par ça ? bien il y a une différence entre les deux.

Mme Dugas (Chantale): C'est une clientèle désaffiliée, hein? Alors, imaginez le policier qui amène la personne, quand la personne a passé au tri ? on n'est pas capables d'avoir les statistiques, malheureusement ? mais, une fois qu'elle a passé au tri, puis le policier quitte, parce qu'il ne peut pas passer les sept, huit heures avec la personne, il y a des personnes qui quittent, carrément. Il y a des personnes même qui prennent le taxi de chez nous, O.K., parce qu'on les réfère tout de suite à l'hôpital quand ils ne sont pas accompagnés d'un policier, et, quelques minutes plus tard, ils demandent au chauffeur de taxi de débarquer. Ils ne se rendent pas à l'urgence. Alors, le risque qu'on parlait initialement, il est d'autant plus présent.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. D'abord et avant tout, je me dois de vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Vous avez eu le souci de nous présenter l'état de situation, mais d'aller beaucoup plus loin aussi dans une logique qui est des coûts reliés, ce que ça coûte. Puis, si je compare ? et prenez-le comme une fleur... L'ensemble des mémoires qui nous ont été déposés par les organismes étaient de qualité hautement supérieure à celle de quelques ministères.

Et vous avez parlé, puis j'aimerais faire suite à ma collègue, sur le dégrisement. Vous avez peut-être utilisé une façon polie et délicate d'en parler, mais, si je comprends le scénario dont vous nous avez présenté, c'est-à-dire que vous aviez et vous offriez un service qui correspondait de façon immédiate qui... où il n'y avait pas d'augmentation sur le temps d'attente à l'urgence, donc c'était très facilitant autant pour le réseau public, c'est-à-dire le milieu hospitalier. Et les services, bien, étaient assurés d'une qualité, il y avait une infirmière, et tout ça, donc le processus se faisait de façon convenable.

Là, ce que je comprends, c'est qu'on enlève une partie de ce financement-là, on vous dit, pour le redistribuer finalement à un organisme public, si j'ai bien compris le scénario.

n(11 h 30)n

Mme Dugas (Chantale): ...au coût, hein, parce que les infirmières, chez nous, gagnaient 10 $ de moins qu'un taux horaire en milieu hospitalier. Vous comprendrez que l'équation est assez facile à faire, là.

M. Dorion: O.K. Mais ce n'est pas là que je veux en venir. J'imagine que vous aviez une capacité... Parce que, moi, c'est le nombre. Vous étiez capable de correspondre à un certain nombre de personnes supplémentaires à ce que le transfert a été fait dans un autre service pour le donner. Et le fait par la suite... en disant: Bien, vous nous envoyez les plus pires, puis les moins pires ? je m'excuse d'utiliser le terme «pire», là, mais on veut bien se comprendre ? le restant, bien retournez-nous ça à l'hôpital. Mais, avant, les pires et les moins pires s'en allaient dans votre établissement, recevaient des soins de qualité, et en plus il y avait... Parce que je pense que c'est important aussi, parce que, quand je prends tout ce que vous offrez aussi comme continuité de services... Parce que, quand on sort de l'hôpital, on ressort souvent à la rue, tandis que ce que je peux comprendre, c'est que, quand vous aviez le service, bien il y avait possibilité d'un continuum de services auprès de l'individu, puis probablement, quand je regarde le pourcentage des gens qui utilisent vos services, qu'ils s'accrochaient à quelque chose, ils maintenaient leur abstinence et, bon, il y avait modification.

Vous avez mentionné que, dans le secteur Accueil-hommes ? puis je prends celle-là comme exemple, mais le secteur femmes est aussi important: troubles psychologiques, 14 % en 2007 ? je prends les chiffres mentionnés ? et toxicomanie, 29 %. Dans le «toxicomanie, 29 %», est-ce que vous avez... Parce qu'on sait que, de plus en plus, il y a double problématique autant en santé mentale et alco-toxico. Est-ce que la séparation a été faite, ou, dans le 29 %, là, on peut dire que, dans le 29 %, il y a des gens qui souffrent de santé mentale aussi?

M. Boulay (Éric): Les chiffres sont plus bas que la réalité, hein? Quand quelqu'un vient puis qu'on évalue si la personne a un trouble psychologique ou un problème de dépendance d'alcool ou de drogue, évidemment on y va avec la bonne foi de la personne qu'on accueille. Alors, il y a des gens qui sont gênés, par exemple, d'avoir un diagnostic, ou il y a des gens qui n'avoueront pas qu'ils ont un problème de dépendance. Alors, 29 % puis 14 %, c'est minimum par rapport à la réalité. Oui, il y a beaucoup de gens qui ont la double problématique, beaucoup, beaucoup, et, moi, je vous dirais que plus de la moitié des gens, à la Maison de Lauberivière, ont plus qu'une problématique. Si on ne le souligne pas toujours tant que ça, c'est parce que souvent c'est la rue qui va faire en sorte que, par exemple, on va développer un problème de santé mentale ou un problème de toxicomanie. Puis je ne voudrais pas qu'on ait le préjugé que la personne, dans le fond, c'est la personne un peu folle qui se ramasse là ou la personne qui a eu... elle n'avait juste à ne pas boire, puis elle ne serait pas à Lauberivière, par exemple.

M. Dorion: M. le Président, j'aimerais que vous cédiez la parole à mon collègue député de Bellechasse.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bellechasse, il vous reste trois minutes.

M. Domingue: Oui. Bienvenue à la commission. Moi, je vous entends... Je vais être moins doux que mon collègue, parce que ce que j'entends, là, c'est que vous avez une solution intéressante, vous accueillez des gens, je vous ai même entendu dire que vous êtes obligés d'en refuser dans vos refuges, les hôpitaux débordent, vous avez une solution gagnante, vous tendez la main puis là vous n'avez plus d'argent, on vous coupe. Pour moi, c'est inacceptable. Je suis déjà... Je vais parler d'une petite tranche de vie. J'ai passé un moment chez vous, un Noël, pour aller aider, j'ai vu ce qui se passait à Lauberivière. Et ce que je trouve aberrant, c'est que, quand des gens ont des solutions gagnantes ? vous le vivez quotidiennement ? on se retrouve à ne pas vous aider, on se retrouve à vous mettre des obstacles.

Alors, criez-le, criez-le très fort. Ça n'a pas de bon sens qu'aujourd'hui, en 2008, on se retrouve dans une situation où on va peut-être aller dépenser 100 millions puis, nos plus démunis, on n'est même pas capables de les aider, et, quand on a des solutions gagnantes, bien on vous regarde puis on vous dit: Dans le fond, là, ce que vous faites, là, c'est inutile. Moi, je tombe, là, je tombe de haut, là, de ce que j'entends. Alors, je vous invite à le crier, à le dénoncer sans gêne, à part ça, parce qu'on ne peut pas continuer dans un contexte comme celui-là. Et je souhaite que nos travaux se poursuivent et je souhaite aussi qu'on en arrive à avoir une politique sur l'itinérance. Alors, c'était mon commentaire. Et c'est vraiment aberrant pour moi, là, ce que j'entends ce matin, votre témoignage, puis je vous remercie d'amener ça à la commission.

Mme Dugas (Chantale): Merci de votre appui.

Le Président (M. Kelley): Une minute.

M. Dorion: Il me reste une minute? Merci, M. le Président. Pour un peu finaliser, est-ce que... Et là la question, elle est très, très simple, et peut-être que ce que j'ai entendu durant cette commission-là... Considérez-vous... On dit «partenaires» ? ça, c'est un mot qui est ressorti tout le long ? entre le public et le communautaire. Vous considérez-vous réellement partenaires, ou on utilise le mot «partenaire» quand ça fait l'affaire du réseau public?

Mme Dugas (Chantale): C'est drôle, parce que je pense que j'ai rêvé à cette question-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): J'espère que vous avez rêvé à une réponse courte aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dugas (Chantale): Rapidement, un partenariat, c'est gagnant-gagnant. Et, quand ce n'est pas gagnant-gagnant, ce n'est plus un partenariat, et gagnant-gagnant, toujours en tenant compte de la clientèle également, là, hein, on s'entend. Ce qu'on fait en ce moment, la nouvelle formule du dégrisement, rapidement, entre autres... On a parlé du dégrisement, et on a d'autres partenariats qui fonctionnent très bien également. Ce qu'on fait en ce moment avec le dégrisement, c'est bien, parce qu'on est une porte d'entrée pour des gens en attente d'une thérapie au CRUV, entre autres. Et ça, c'est non négligeable puis c'est positif. Toutefois, on se ramasse encore avec une clientèle abandonnée, la clientèle qui est désaffiliée, qui n'est plus... que les cas de toxicomanie sont plus lourds. Cette clientèle n'est plus servie. Alors, on se ramasse encore avec un trou de services pour cette clientèle-là, et là on considère qu'on ne fait plus... on n'est pas capables de répondre à notre mandat. Alors, le partenaire, ce n'est plus gagnant-gagnant, à ce moment-là, là.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci. Merci pour votre mémoire. Vous êtes reconnus comme un organisme exceptionnel, votre réputation vous précède. Mais merci pour toutes les statistiques que vous nous transmettez, et puis merci de votre ténacité aussi, parce que, quand on essaie de régler des problèmes et puis qu'on se fait couper l'herbe sous le pied, ça ne doit pas être facile. Moi, je me demande... S'il y a eu une augmentation, s'il y a eu des efforts pour lutter contre la pauvreté, on se demande où c'est allé, hein, parce que ce qu'on entend depuis un mois, ce n'est pas très reluisant.

Et là vous nous parlez de ce service de dégrisement pour tous les cas qui vous arrivaient. J'ai quelques questions rapidement là-dessus. Est-ce que le fait qu'il n'y avait pas de médecin sur place... Est-ce que dans certains cas il a pu y avoir risque pour la santé d'une des personnes que vous receviez? Médecins du Monde, à Montréal, nous a parlé que, si on a ces services de dégrisement, il faudrait qu'il y ait une présence médicale parce qu'il y a des choses qu'une infirmière peut-être ne peut pas détecter. Ça, c'est ma première question.

Deuxièmement, vous avez demandé à avoir accès à un psychiatre dans votre boîte, dans votre institution, et on a eu des témoignages aussi de psychiatres qui sont allés sur le terrain, et c'était vraiment formidable. Moi, je ne comprends pas pourquoi, question d'infirmières, question de médecins, on parle de coûts. Qu'un médecin qu'on paie déjà, dans le système, soit dans un hôpital ou dans son bureau ou qu'il soit une ressource dans des organismes communautaires reconnus, ça ne représenterait aucun coût, entre guillemets, et ça changerait tout. Là, on abandonne les cas les plus dramatiques, on les met dans un taxi pour les envoyer à l'hôpital. Bien, voyons donc! Hein? Excusez-moi, là, mais ça me... Alors, peut-être, ma première question, donc: médecins, ensuite psychiatres, ensuite infirmières.

n(11 h 40)n

Mme Dugas (Chantale): Oui. Alors, peut-être, médecins, infirmières, ça va être quasiment la réponse en même temps. Effectivement, le fait qu'on ait des problèmes à avoir des médecins... Initialement, le projet du dégrisement, il y avait un médecin qui venait une heure tous les matins. La balance du temps, les 23 autres heures, elles étaient assurées par l'infirmière, qui était en réseau avec ce médecin-là ou d'autres médecins du réseau. Alors, quand on a commencé les nouvelles négociations, le fait de ne plus avoir de médecin était la raison principale pourquoi on s'est rassis ensemble. Je ne connais pas assez le dossier au niveau de la loi, par rapport aux pouvoirs des médecins et des infirmières, sauf que les infirmières, qui travaillaient maintenant toutes seules parce qu'il n'y avait plus de médecin disponible, étaient très à l'aise avec la responsabilité et la relation professionnelle qu'elles avaient avec d'autres médecins. Parce qu'elles ne prenaient pas de risque, là. Sur 15 000 admissions en 10 ans, on a eu deux décès. O.K.?

Mme Lapointe (Crémazie): 15 000?

Mme Dugas (Chantale): 15 000 admissions, pas 15 000 personnes différentes, mais 15 000 admissions en dix ans. Alors, effectivement, le fait qu'il manquait de ressources au niveau des médecins a probablement joué pour notre partenaire, d'enlever le service. Toutefois, comme je vous dis, les infirmières qui étaient en poste ? on en avait une quinzaine qui étaient à l'emploi ? étaient toutes à l'aise avec la nouvelle façon de procéder, sans médecin qui passait directement à la Maison de Lauberivière.

Mme Lapointe (Crémazie): Est-ce que c'est ce que vous vouliez dire quand vous avez parlé de raisons financières et politiques?

Mme Dugas (Chantale): Oui, tout à fait. Pour ce qui est du côté psychiatres, Éric a travaillé sur ce dossier-là. Je vais vous laisser...

M. Boulay (Éric): Je pense que pouvoir aider un itinérant à sortir de la rue passe par le lien de confiance qu'on peut créer avec lui. Nous, à Lauberivière, je peux dire qu'en partie nous sommes la rue. Les gens qui viennent à Lauberivière souvent y vont à reculons, au début, hein? Tu sais, ils ne vont pas là pour dire: Bon, je vais chercher de l'aide, parce que naturellement les gens n'ont plus confiance en eux ni en personne et n'ont plus d'estime, alors souvent ils s'isolent puis ils ne vont pas chercher cette aide-là, mais ils finissent par avoir froid, ils finissent par avoir faim, alors ils viennent à Lauberivière manger ou dormir, et là il y des intervenants qui les accueillent. Et on finit, grâce à ce prétexte-là qui est manger ou dormir, par créer un lien de confiance.

Alors, quand c'est le temps d'aller plus loin, par exemple, parce que là ils finissent par me reconnaître, si ils me disent: Éric, comment ça va aujourd'hui?, tout ça, alors là on dit: Tu sais, tu devrais peut-être aller consulter, on devrait peut-être aller ensemble à l'hôpital, rencontrer un psychiatre, tu sais, ça... Ah non! Par exemple, ça, je n'y vais pas, c'est certain. Alors, d'où l'importance, quand on a réussi à créer un lien de confiance... Et, si on avait un psychiatre de milieu qui vienne, tu sais, par exemple, trois heures semaine ? et on a déjà connu ça, je pense, en 1997 ou 1998, un médecin spécialisé en santé mentale qui venait ? et que là ce n'est pas le psychiatre qu'il rencontre, de l'hôpital, mais c'est, par exemple, M. Bouchard ou M. Tremblay: M. Tremblay vient jeudi, là, fais-moi confiance, je vais te le faire rencontrer, il va te parler, il va parler avec toi, bien, moi, je pense que ce serait une solution gagnante. Et, quand on dit, depuis le début ? je pense que la commission l'a entendu, mais... ? d'agir dans les milieux et dans la rue avec les gens, bien ça, c'est un bon exemple qui ne coûterait pas si cher puis qui serait efficace, d'après moi.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci.

Le Président (M. Kelley): Très courte question, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. Vous avez 2 min 30 s.

M. Lemay: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Très bon mémoire, effectivement.

Vous avez prononcé un mot tabou, hein, qui n'a pas été entendu beaucoup, la désins. J'ai posé la question au sous-ministre de la santé, s'il y avait eu une étude qui a été faite au courant des 40 dernières années. Et je pense qu'il faut en parler, comment les choses ont été faites. Et, M. le Président, pas la désinstitutionnalisation théorique avec tous les services et... la vraie, là, où les gens sont à la rue. Parce que, si les services publics continuent à envoyer des gens à la rue, M. le Président, que ce soit au niveau de la psychiatrie, que ce soit au niveau des jeunes, on n'est pas plus avancés, en quelque part. Donc, il faut aller en amont aussi des problèmes...

Des voix: ...

M. Lemay: ...n'est-ce pas, en amont, M. le Président ? je me suis rappelé de la définition du terme.

Donc, vous avez prononcé... Et, M. le Président, moi, je suis convaincu que, dans 30 ans, malheureusement... On a eu le dossier des orphelins de Duplessis et on a vu toute la misère que ces gens-là ont eue. Je suis assez convaincu que dans 30 ans, malheureusement, on aura les orphelins de la Révolution tranquille, avec tous ces gens complètement démunis, les plus démunis d'entre nous qui se sont retrouvés sans services, à la rue.

Donc, d'après vous, sur le lot... Et ça, c'est mes commentaires, je ne dis pas que vous vouliez dire ça, ce sont les miens. D'après vous, dans tout le... Parce que les autres questions ont été posées, alors j'ouvre cet angle-là. Vous dites: 35 % des usagers ont des problèmes de santé mentale. Et vous dites: Il y en d'autres, on ne le sait pas parce qu'ils n'ont pas de...

Mme Dugas (Chantale): ...

M. Lemay: Pardon?

Mme Dugas (Chantale): Ils ne sont pas diagnostiqués nécessairement.

M. Lemay: Ils ne sont pas diagnostiqués. D'après vous, est-ce qu'on est autour du 40 %, du 50 %, du 60 %, sans parler qu'un séjour à la rue peut empirer la situation?

M. Boulay (Éric): J'irais plus loin que le phénomène de désinstitutionnalisation. Je parle, moi, aujourd'hui, quand je donne des formations, je parle du phénomène de non-institutionnalisation.

M. Lemay: Oui. Bien, c'est ça, tu sais, on ferme des lits.

M. Boulay (Éric): C'est ça, parce que, même si la personne des fois est consentante à recevoir des soins, puis qu'on réussit à créer le lien de confiance, puis: Viens, on va t'accompagner à l'hôpital, on va rencontrer tel monsieur, bien là on arrive avec... Vous savez, si je veux aller au CLSC parce que je n'ai pas d'argent pour aller chercher de l'aide psychologique, ça va être six mois d'attente pour rencontrer un psychologue et deux ans d'attente pour rencontrer un psychiatre. Alors, on comprend qu'en deux ans la problématique peut s'aggraver. Alors, pour moi, c'est un phénomène de non-institutionnalisation plus que de désinstitutionnalisation. Mais, attention, je ne voudrais pas qu'on rentre dans le... Ce n'est pas... La solution ne serait pas d'institutionnaliser tout le monde, non, mais par contre de donner un accès, par exemple, qui est adapté, ou dans la rue, ou...

M. Lemay: Le temps me manquait pour...

M. Boulay (Éric): Voilà. Alors, moi, je... C'est difficile de répondre à la question au niveau des chiffres, par exemple, parce que, comme je vous dis, on se fie à la bonne foi des gens, hein, mais c'est beaucoup plus que ce qu'on a de marqué statistiquement, c'est certain.

M. Lemay: Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci beaucoup pour une présentation fort intéressante. Je vais suspendre quelques instants, et je demande aux représentants de la ville de Québec de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 11 h 48)

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue aux représentants de la ville de Québec, une délégation. On va céder la parole sans plus tarder à M. Raymond Dion, conseiller municipal et membre du comité exécutif, et également Mme Denise Trudel, conseillère municipale, membre du comité exécutif, pour présenter l'équipe qui est avec vous.

Ville de Québec

M. Dion (Raymond): Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, mesdames messieurs. Alors, mon nom est Raymond Dion. Au comité exécutif de la ville de Québec, je suis chargé de l'habitation. Et j'ai avec moi une équipe: j'ai d'abord ma collègue Denise Trudel, qui, elle, est responsable des aspects communautaires à la ville; j'ai également M. Daniel Lemire, qui est commandant de La Cité, au Service de police de la ville de Québec; j'ai M. Desrosiers, qui est responsable du développement communautaire à la ville; et, à ma gauche, j'ai M. Claude Foster, qui est directeur général de l'Office municipal d'habitation de Québec, et j'ai également M. Mathieu, Jean Mathieu, qui est responsable du développement économique, notamment pour les programmes de volets I, II, III, en ce qui concerne l'habitation.

Alors, sans plus tarder, si vous voulez que je commence la lecture, alors donc, voici. La ville de Québec applaudit à l'initiative de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du Québec de s'intéresser à la problématique de l'itinérance au Québec. La ville de Québec remercie la commission de lui permettre d'exprimer ses préoccupations en lien avec ce phénomène.

n(11 h 50)n

Selon le dénombrement de 1996 pour la ville de Québec, plus de 11 000 personnes différentes ont fréquenté les ressources d'hébergement, les soupes populaires et les centres de jour. Ce dénombrement établit que 3 600 personnes se sont retrouvées sans domicile fixe au cours de l'année. Les femmes représentaient 37 % de la clientèle; les jeunes entre 18 et 29 ans et les jeunes de moins de 18 ans constituaient 28 % et 8 % de cette même clientèle.

La ville de Québec reconnaît que l'itinérance, même si le phénomène n'a pas l'envergure rencontrée à Montréal, elle est toutefois présente sur son territoire. Comme pour la pauvreté, nous croyons que, le plus longtemps un jeune vivra en situation d'itinérance, plus cette situation aura des conséquences tout au long de sa vie. C'est pourquoi l'itinérance des jeunes nous préoccupe plus particulièrement. De même, les interventions municipales en lien avec la pénurie de logements des dernières années nous ont grandement sensibilisés à la pénible situation des familles, notamment celle des femmes avec un ou des enfants vivant l'extrême précarité de leurs conditions socioéconomiques.

Une recherche plus récente estimait qu'au plus dur de l'hiver 250 personnes avaient besoin d'être logées, à Québec, et que 750 autres personnes, compte tenu de leurs conditions de défavorisation extrême, devaient être supportées dans leurs autres besoins quotidiens. Cette recherche soulignait également l'importance de l'accès au logement ainsi que le soutien et l'accompagnement des personnes itinérantes nouvellement installées dans un logement. Elle soulignait également le peu de facilités d'hébergement des personnes à risque de devenir itinérantes et celles qui le deviennent pour sortir de cette condition.

La ville de Québec peut profiter de l'opportunité que la Commission des affaires sociales lui offre pour faire valoir ses préoccupations notamment en lien avec les champs de compétence de la ville. Nous élaborons dans ce mémoire les contributions de la ville en matière de logement et du leadership longtemps assumé en matière de concertation. Nous faisons état de deux projets de prévention. Nous soulignons brièvement certains objectifs du plan d'action régional en itinérance auxquels nous souscrivons particulièrement. Enfin, nous suggérons quelques pistes à court terme.

Le premier est celui qui me concerne, qui est l'accès au logement. Alors, la région de Québec est le second pôle économique du Québec et le plus important de l'est de la province. De plus, la région de la Capitale-Nationale enregistre le taux de chômage le plus bas au Québec. La performance de la région sur le plan économique contribue à soutenir la demande de main-d'oeuvre. De plus, la présence dans la ville de Québec d'un réseau important d'institutions d'enseignement et de services spécialisés en santé contribue à l'évolution de la migration vers Québec et à sa demande de logements.

Il est admis qu'un marché de logements locatifs équilibré tourne autour de 3 % d'inoccupation. Depuis l'an 2000, le taux d'inoccupation des immeubles privés comprenant trois logements et plus se situe, à Québec, sous la barre du 3 %. En fait, nous avons atteint, en 2002, le creux de 0,3 %. La ville a maintenu, entre 2002 et 2006, des mesures d'urgence afin d'assurer un soutien à ses citoyens aux prises avec la pénurie de logements. Aujourd'hui, le taux se maintient autour de 1,2 %, et la région de Québec possède le plus bas taux des régions métropolitaines de recensement du Québec. La situation demeure donc préoccupante, même si elle ne nécessite pas de mesures d'urgence exceptionnelles.

Le pourcentage de propriétaires occupants a crû de 12 % entre 2001 et 2006. Pour la même période, le nombre de logements occupés par des locataires est demeuré sensiblement le même. Peu de logements locatifs privés à prix accessible ont été livrés ces dernières années parce que le montant du loyer possible pour ce type de logement n'est pas rentable, facteur fort important dans le cas de l'itinérance. Les logements à prix accessible qui se sont ajoutés le furent grâce à des programmes de logements sociaux.

Plus de 20 000 personnes habitent actuellement dans un des 9 158 logements gérés par l'OMH, l'Office municipal d'habitation de Québec, ce qui en fait le plus grand gestionnaire de logements sociaux au Québec, après Montréal bien sûr avec ses 25 000 logements. Chaque année, 470 HLM sont disponibles à la location, mais il y a 1 600 demandes qui sont évidemment présentées à l'OMHQ.

Depuis 2002, la ville de Québec est mandataire de la SHQ pour la livraison des programmes AccèsLogis et Logement abordable. Pour 2002 à 2007, 15 580 unités de logement ont été livrées par des subventions totalisant plus de 100 millions, l'apport de la ville étant de 15 millions. Donc, c'est le 15 % qui est normalement dévolu. De plus, près de 720 unités sont engagées financièrement dans le cadre de deux programmes, ce qui porte à 2 300 le nombre d'unités livrées et engagées, sur les 2 400 unités octroyées par la SHQ. Il s'agit donc d'une moyenne de plus de 300 unités par année. À cet égard, nous avons donc demandé, cette année, pour faire un clin d'oeil au 400e, de demander à la ministre de nous en accorder 400. Mais, au-delà du clin d'oeil, nous avons également demandé 400 parce que nous avons 800 demandes actuellement... en fait, nous gérons actuellement 800 demandes pour l'année, alors ce qui fait que les demandes sont très considérables.

Nous arrivons dans le vif du sujet, à l'égard du volet III, programme AccèsLogis, qui s'adresse à une clientèle nécessitant une assistance particulière: santé mentale, toxicomanie, femmes violentées. Environ 10 % des unités octroyées y sont consacrées, soit 253 unités réalisées jusqu'à maintenant. C'est donc depuis 2002. Comme ces unités s'apparentent à des projets de type institutionnel, la ville considère qu'il s'agit d'une responsabilité gouvernementale. Aucune subvention municipale n'est donc octroyée pour les projets de volet III, les organismes devant compenser autrement, par une contribution du milieu équivalant à 15 %. Par contre, le personnel de la ville procède à l'analyse et à l'application du programme. Donc, on accompagne les groupes qui nous le demandent.

Le programme Rénovation Québec comporte plusieurs volets, dont les plus importants sont la rénovation et construction de logements neufs. Le programme est partagé en parts égales entre la ville et la SHQ. De 2002 à 2007, 3 500 unités de logement ont pu bénéficier de ce programme. De ce fait, 654 nouvelles unités ont été construites. Le total des subventions octroyées par la ville et la SHQ est de plus de 37 millions. En 2008, comme en 2007, nous avons obtenu une nouvelle enveloppe de la SHQ de 4 millions, ce qui totalise 8 millions de subventions possibles, en ajoutant la participation de la ville.

Le programme Logement abordable, volet privé, qui n'a pas été reconduit par les instances gouvernementales, avait pour objectif de favoriser la construction de bâtiments de type locatif abordables en dehors des quartiers centraux. Il a permis la construction de 274 nouvelles unités de logement, pour des subventions de 3,6 millions, incluant l'apport de la ville, de 542 000 $.

Alors, la deuxième partie concerne le volet communautaire, je laisse donc Mme Trudel l'aborder.

Le Président (M. Kelley): Mme Trudel.

Mme Trudel (Denise): Merci. Bonjour. La ville de Québec veut témoigner sa reconnaissance à l'endroit de la trentaine de ressources communautaires qui au quotidien aident les personnes itinérantes à cheminer et à accéder aux services. Elle veut souligner l'essentiel du travail de réseautage que réalise le Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec afin de rendre possible une continuité de services la plus efficiente possible, notamment au chapitre de l'hébergement temporaire, des repas, de l'accompagnement, du logement social, des loisirs, de l'insertion et de la réinsertion ou de la défense des droits.

La concertation en itinérance des organismes communautaires et institutionnels existe depuis 1992 à Québec. C'est à l'initiative de l'ex-Régie régionale de la santé et des services sociaux ainsi que de la ville de Québec que s'est constituée la Table de concertation sur l'itinérance de Québec. Une quinzaine de groupes communautaires et une demi-douzaine d'institutions se rencontraient régulièrement afin de convenir des services, des partenariats et des stratégies organisationnelles à adopter. Aujourd'hui, on y retrouve une trentaine d'organismes soucieux de l'accès aux services et de la préoccupation très grande d'oeuvrer en prévention. L'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale nationale, le RAIQ, le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, Services Canada et la ville voient à supporter cette volonté de faire les choses ensemble.

La ville de Québec subventionne annuellement les ressources d'hébergement de secours pour un montant de 80 000 $. En plus de l'exonération des taxes foncières, les organismes communautaires propriétaires ont accès au Programme de soutien à l'amélioration des propriétés des organismes communautaires. Ce programme est pourvu d'un budget annuel de 200 000 $. Les politiques de reconnaissance des groupes communautaires des différents arrondissements de Québec viennent soutenir localement l'action des groupes à travers leurs activités ou les événements tels que La Nuit des sans-abri. Les arrondissements subventionnent également des projets spéciaux, tels que les motorisés de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Québec, qui vont à la rencontre des jeunes dans divers lieux publics, et la présence de travailleurs de parc.

n(12 heures)n

Le service de police a développé au cours des années une collaboration exceptionnelle avec l'organisme PECH, Programme d'encadrement clinique et d'hébergement. Cet organisme, qui a pour mission d'aider les femmes et les hommes de 18 ans et plus vivant des problématiques multiples de santé mentale, la judiciarisation, toxicomanie, l'instabilité résidentielle, offre aux patrouilleurs de la ville de Québec d'intervenir à la demande... à leur demande, 24 heures par jour, sept jours par semaine, auprès de personnes en situation de crise psychosociale ou psychiatrique. Ce protocole d'entente vise à prévenir l'incarcération et la judiciarisation des personnes qui vivent avec un problème de santé mentale sur le territoire de la ville de Québec. De plus, l'organisme contribue à la formation des patrouilleurs au sujet des problématiques de santé mentale.

Le service de police a également convenu d'un partenariat avec la Maison Dauphine, qui oeuvre à harmoniser les relations des jeunes de la rue avec les autres membres de la collectivité, en luttant contre les préjugés réciproques, en faisant la promotion des droits de la personne et de la jeunesse, en développant de bonnes relations avec les instances sociales concernées et en initiant les jeunes de la rue aux divers services sociaux. L'entente prévoit la prise en charge par un intervenant de la Maison Dauphine de jeunes contrevenants entre 12 et 24 ans afin de les diriger vers les ressources appropriées. À l'occasion, il est demandé à la Maison Dauphine de maintenir une présence dans des lieux publics, de collaborer avec la cour municipale et le service de police lorsqu'un jeune a cumulé plus de 2 000 $ en amendes et de maintenir une équipe de travailleurs de rue disponible de 11 heures à 23 heures, du lundi au samedi.

Ces deux partenariats sont assortis d'une aide financière annuelle de 50 000 $ chacun. Ces projets avec la Maison Dauphine et PECH contribuent à maintenir la cohésion sociale dans nos communautés et à contrer les préjugés et les gestes d'intolérance.

Nous voulons insister sur certains objectifs du plan d'action de la région de la Capitale-Nationale, de la table de concertation en itinérance parce qu'ils nous apparaissent particulièrement stratégiques.

Dans son axe Promotion et prévention, la cible des jeunes à risque nécessiterait, pour le motif énoncé en introduction, d'améliorer en quantité et en qualité l'intervention des travailleurs de rue ou de parc dans les quartiers centraux et en périphérie. L'expertise de la Maison Dauphine notamment auprès des jeunes décrocheurs, fugueurs ou au sortir d'une institution, acquise depuis 1992, mériterait d'être partagée plus largement, si elle en avait les moyens.

Dans son axe Situations de crise, l'accès aux services de santé est une contrainte importante notamment en santé mentale. Elle est particulièrement problématique pour les itinérants qui cumulent les problèmes personnels. Les itinérants se présentent directement aux urgences des hôpitaux du fait qu'ils attendent l'aggravation de leur problème de santé avant de consulter. Dans ces situations, l'intervention des policiers est souvent requise. L'intervention de PECH ou de centres de crise pourraient pallier en bonne partie la situation si leurs ressources financières et humaines le permettaient.

Dans l'axe de la Réadaptation, l'insertion ou la réinsertion, la disponibilité plus grande de logements de transition et supervisés a été mise en priorité parce que trop de jeunes, au sortir du centre jeunesse ou dans l'obligation d'abandonner leur famille, ne savent pas où aller et parce que le centre d'hébergement de secours ou le centre hospitalier n'outille pas nécessairement les personnes à devenir autonomes.

Enfin, à l'axe Suivi et maintien dans le milieu, l'accroissement du parc de logements sociaux et la capacité d'assurer le suivi et l'accompagnement des ex-personnes itinérantes seraient des atouts déterminants dans la lutte à l'itinérance. En effet, l'extrême pauvreté des personnes ou des familles qui sont souvent aux prises avec des situations déstabilisantes sans la capacité de les surmonter... sont à risque de retomber dans l'itinérance.

M. Dion (Raymond): Alors, je vais essayer de conclure.

Le Président (M. Kelley): ...exactement. C'est juste, je sais que les collègues veulent poser des questions, et il y a un caucus dans cette salle à 12 h 30, c'est pourquoi je dois gérer le temps d'une façon serrée.

M. Dion (Raymond): O.K. Alors, juste...

Le Président (M. Kelley): Et en conclusion, M. Dion.

M. Dion (Raymond): Très brièvement, en conclusion. D'abord, en conclusion, ce que j'aimerais mentionner, c'est d'abord que ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait reconduction des programmes et amélioration. Alors, je pense que ce qui est important, c'est... D'abord, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il y avait la reconduction du programme d'initiative de partenariats de lutte à l'itinérance. Malheureusement, l'enveloppe est demeurée la même, alors que, nous, nous souhaitons que cette enveloppe soit largement bonifiée. La même chose, on pourrait le dire également, nous souhaitons que le gouvernement du Québec, par les biais d'AccèsLogis et Logement abordable, augmente en fait l'enveloppe et augmente les unités et qu'il vienne en quelque sorte bonifier ce que, nous, on peut faire comme acteurs pour intervenir dans la... pas la solution, mais le soulagement de la pauvreté, notamment dans le domaine de l'habitation.

En fait, donc, c'est un peu... Vous avez donc eu le mémoire pour le lire. J'accueillerais plus favorablement donc les questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Dion. Et je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Hull. Il y a trois blocs d'environ huit minutes.

Mme Gaudreault: Je me ferai brève. Alors, merci beaucoup d'être ici avec nous ce matin. Dans le principe de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, c'est la première fois depuis que nous sommes à Québec qu'on entend parler de vos deux partenariats, la ville de Québec avec les organismes communautaires.

Et je crois que c'est M. Lemire qui pourrait peut-être me répondre par rapport à mes questions, surtout par rapport à la formation de vos patrouilleurs au sujet des problématiques de santé mentale: C'est là depuis quand? Et quelle est la réception de vos patrouilleurs? Quels sont les résultats, là, depuis que vous avez implanté des partenariats de la sorte?

M. Lemire (Daniel): D'abord, bonjour. D'abord, c'est un programme auquel on tient énormément, qui fonctionne très bien dans notre ville et qu'on suggère même qu'il fasse explosion à l'intérieur de la province. Ça a commencé ça fait plusieurs années. Malheureusement, je ne pourrais pas vous dire... six, sept ou huit, mais au moins ce nombre d'années là. Ça a consisté... D'abord, les gens du programme PECH venaient rencontrer chacun de nos policiers patrouilleurs sur les équipes de patrouille et leur expliquer comment réagir et comment diagnostiquer des personnes avec des problèmes de santé mentale. Et ensuite de ça, évidemment, ils nous offrent une excellente alternative: à chaque fois que nos policiers doivent répondre à des plaintes où des gens ont des problématiques de santé mentale, on peut faire appel à eux sept jours par semaine et 24 heures par jour, ce qui est pour nous très significatif.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup. J'espère que d'autres villes vont s'inspirer de votre initiative.

M. Lemire (Daniel): Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Oui. Bonjour. Nous avons, ce matin, eu la chance d'entendre les gens du RAIIQ, qui nous ont fait part de l'arrêté sur le flânage qui a été adopté en 2006 et de la problématique, évidemment, que vivent certains itinérants.

Je comprends que vous avez des partenariats visant la clientèle de santé mentale. Qu'est-ce qui est fait au niveau de la judiciarisation, ou de la surjudiciarisation que notent certains organismes qui oeuvrent auprès de la clientèle itinérante? On nous dit qu'il y aurait une surjudiciarisation, un déplacement des itinérants en dehors des quartiers où les services sont offerts, bref il semble y avoir une balle qui se lance entre les municipalités, le gouvernement et les organismes. J'aimerais connaître un petit peu votre position. Je suis certaine que nous n'êtes pas insensibles à ces commentaires et je suis persuadée que vous devez avoir quelque chose à noter, là, là-dessus.

M. Dion (Raymond): En fait, je pense, mon premier commentaire... Je vais demander à madame de compléter, puis après ça à M. Lemire. Mais je pense que la première des choses, là, c'est qu'il faut travailler en amont. Puis évidemment la première des choses, c'est de développer des partenariats qui vont faire en sorte que les... Parce que les gens, ce sont d'abord et avant tout des citoyens. Même s'ils n'ont pas d'adresse fixe, pour nous, ce sont des citoyens qui ont droit aux mêmes services que l'ensemble, la majorité des citoyens.

L'autre aspect qu'il faut aussi plaider, c'est... En plus, il faut développer des partenariats parce que, comme disait auparavant la dame de Lauberivière, évidemment c'est ces partenariats-là qui sont gagnant-gagnant, dans la formule, pour permettre à ce que ces gens-là retrouvent une certaine qualité. Alors, qu'ils soient socialement ou psychologiquement désorganisés, ces gens-là, c'est la seule façon de les réorganiser. Nous, on a une problématique évidemment d'habitation, mais ça, ça ne règle pas tout. Alors, évidemment, il faut tabler beaucoup en amont. Et, en ce qui concerne la judiciarisation, je vais demander aux gens plus du communautaire de réagir.

Mme Trudel (Denise): Je vais laisser la parole à constable Lemire. Je pense qu'il a quand même une bonne réponse à ce niveau-là.

Le Président (M. Kelley): M. Lemire.

n(12 h 10)n

M. Lemire (Daniel): Concernant la judiciarisation, d'abord c'est uniquement quelques cas qui sont judiciarisés, et évidemment c'est les cas avec lesquels nous ne sommes plus capables de travailler, ou encore... les réseaux qui nous entourent ne sont plus capables de nous donner les services auxquels on aurait droit. Je crois que, les chiffres pour l'année 2008, nous en sommes seulement qu'à quatre ou cinq cas dans l'année. Évidement, on va faire référence à des itinérants ou des personnes qui vont faire de la sollicitation sur la voie publique et qui vont recevoir ce qu'on appelle les constats d'infraction à répétition. Lorsqu'on se rend compte que la personne a reçu 10, 15, 20, des fois 25 constats d'infraction, bien il faut que ça prenne fin à quelque part.

Or donc, on modifie notre façon de travailler: au lieu de donner un constat d'infraction, on va voir des enquêteurs, on fait monter un dossier, on va le présenter à un procureur et on demande au procureur de l'accuser en vertu d'un article au Code criminel qui s'appelle Troubler la paix, lequel permet au juge d'émettre des conditions au contrevenant. Généralement, on appelle ça, dans notre milieu, émettre un quadrilatère, c'est-à-dire qu'on va défendre à la personne, généralement, je crois que c'est pour une période d'environ six mois, de se trouver sans raison à l'intérieur d'un quadrilatère. Je pense, c'est ce à quoi vous faites référence? Ça arrive que quelques cas. Je vous dirais qu'à l'heure actuelle, en l'année, je crois, 2008, là, on a très peu de cas. Il y en a eu une quinzaine en 2007. Et, même par rapport à ça, on a quand même un assez beau projet qui s'en vient: de concert avec la Maison Dauphine, on veut trouver une alternative autre, exemple, une alternative même qui serait autre que de faire des travaux communautaires ou des travaux compensatoires. On veut même, avec le ministère de la Justice, tenter de faire... des gens qui vont avoir beaucoup de travaux communautaires à faire, les changer pour faire de la scolarisation avec la Maison Dauphine. C'est un projet auquel on vient de débuter une collaboration avec la Dauphine, à l'heure actuelle. Il nous reste beaucoup de travail à faire.

Mme Vallée: Donc, si je comprends bien ce que vous nous présentez, c'est qu'au lieu... il y aurait possiblement judiciarisation contre...

M. Lemire (Daniel): Il y en a eu.

Mme Vallée: Il y aurait judiciarisation du dossier, mais, à titre de travaux communautaires, dans les faits, concrètement ça se concrétiserait par une formation? C'est ce sur quoi... Est-ce qu'il y aurait quand même judiciarisation, dans le cadre du projet sur lequel vous travaillez?

M. Lemire (Daniel): Pas nécessairement, non. Pas nécessairement.

Mme Vallée: Ce serait un accompagnement?

M. Lemire (Daniel): Non, c'est deux choses complètement différentes, là, qu'il faut voir. C'est qu'il y en a que c'est des... la suite d'avoir des constats d'infraction qui sont transformés en heures de travaux communautaires à faire. C'est qu'au lieu de faire des travaux communautaires, nous, on prétend que c'est meilleur pour un citoyen d'aller chercher une scolarisation, ce qui va lui permettre de mieux fonctionner en société par la suite.

Mme Vallée: D'accord. Actuellement, lorsque vous avez ciblé un individu parce que vous avez fiché le nombre de constats qu'il reçoit, et c'est suite à cette accumulation de constats que vous procédez avec une mise en accusation au criminel ou par voie sommaire, est-ce que les constats qui ont été accumulés sont annulés au système ou est-ce que cette personne-là non seulement fait face à une accusation dans le système judiciaire, mais a également cette collection de constats là qui le suit?

M. Lemire (Daniel): Les constats ne sont pas annulés. J'ai vu quelques cas où, même, ça s'est rendu où des personnes se sont vues à faire du temps en prison.

Mme Vallée: Donc, actuellement, ce que vous me dites, c'est que...

Une voix: ...

Mme Vallée: Oui. Ils ont leurs constats d'infraction, et en plus ces infractions-là... ou ce cumul d'infractions là est utilisé contre eux dans le cadre d'une accusation criminelle?

M. Lemire (Daniel): Le cumul, oui. Oui, tout à fait. Les constats, quand même, ils demeurent, oui, absolument.

Mme Vallée: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Saint-Jean.

Mme Méthé: Merci. Merci beaucoup pour votre mémoire. Quand vous avez dit, M. Lemire ? M. Lemire? Oui, c'est ça ? tantôt, qu'il n'y avait que quelques cas de judiciarisation, il y a eu de vives réactions gestuelles dans la salle. Il semblerait qu'il y a beaucoup plus de cas de contraventions que ce que vous venez de dire.

Moi, j'ai des questions que j'aurais souhaité poser au ministère de la Justice à cet effet-là, tantôt. Il y a un pouvoir discrétionnaire des policiers. Je crois que vous avez mis quelque chose en place de très intéressant pour réduire le nombre de contraventions.

Étant donné que c'est un pouvoir discrétionnaire, que certains peuvent en donner peut-être abusivement et d'autres non, est-ce qu'il y aurait possibilité de mettre un mécanisme en place, un mécanisme assez facile et rapide pour dénoncer ces abus-là de certains agents, peut-être? Parce que c'est ce qu'on nous a dit aussi à Montréal, qu'il y a beaucoup d'agents qui sont très... qui collaborent beaucoup de façon constructive et il y en a d'autres qui agissent de façon abusive. Est-ce qu'il y aurait une façon de mettre un mécanisme pour éviter ces abus-là de façon facile? Surtout, on parle du flânage, là, en 2006, que vous avez mis... et qui ouvre la porte encore plus grande aux policiers pour agir dans ce sens-là.

M. Lemire (Daniel): Non. Malheureusement, dans le moment présent, on n'est pas capables de faire la distinction à savoir: Est-ce qu'il y a des policiers qui en donnent plus que d'autres, est-ce qu'il y en a qui sont plus tolérants que d'autres, évidemment, et de quelle façon ils vont user de leur pouvoir discrétionnaire, non, malheureusement pas.

Mme Méthé: Ça veut dire que, quand il y a une contravention qui est émise, on ne sait pas c'est qui, l'agent qui le donne?

M. Lemire (Daniel): Oui, on sait c'est qui, l'agent qui le donne. Évidemment, il y a des statistiques dans ça qui sont tenues par des cours municipales à la ville de Québec. Mais à savoir: Le policier a-t-il utilisé de son pouvoir discrétionnaire avant, est-ce qu'il a avisé l'individu avant, une fois, deux fois, avant de lui émettre un constat d'infraction ou encore est-ce qu'on face à un individu qui ne veut absolument pas comprendre?, on n'est pas en mesure de faire ces distinctions-là.

Mme Méthé: Bien, en tout cas, c'est un sujet qui soulève beaucoup de mécontentement, c'est peut-être pour ça qu'on s'en attarde un peu. Mais ce qui est difficile justement, c'est qu'on dit...

En tout cas, on s'est promenés dans l'autobus L'Anonyme, à Montréal ? je sais, Québec est différente ? mais les intervenants nous ont vraiment fait la remarque que, quand il y a des bonnes interventions, les gens réussissent à se calmer, et tout ça. Et inversement, quand on est agressé avec une contravention, ça fait encore une fois soulever le mécontentement de la part des personnes, et avec raison.

Mais, moi, il y en a des fois, le matin, qui ne sont pas de bonne humeur juste du seul fait qu'ils n'ont pas pris leur café, puis ils vivent dans des conditions de vie extraordinaires. Alors, on peut comprendre, des itinérants peuvent manifester du mécontentement quand ils ont froid, ils ont faim, qu'ils sont seuls.

Alors, je comprends le problème qui existe, je comprends qu'il faut agir en amont, mais je pense en même temps qu'il faut trouver une autre alternative aux contraventions, d'autant plus de tous les coûts que tout cela génère. Alors, moi, je trouverais peut-être intéressant de mettre en place un système facile pour détecter les abus dans ce sens-là, ceux qui en donnent, pour pouvoir... parce que je le sais que les organismes aident les personnes itinérantes, maintenant, à pouvoir se défendre à ce niveau-là. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui serait envisageable...

M. Lemire (Daniel): Tout à fait.

Mme Méthé: ...un mécanisme pour détecter l'abus des policiers, avec réprimande? Si on est capable de donner des contraventions à des personnes démunies, pourquoi qu'on n'en donnerait pas aux policiers qui abusent?

M. Lemire (Daniel): C'est quand même tout un exercice que vous nous demandez là, là, il faut être conscients de ça.

Mais, moi, je pense qu'il y aurait une façon de faire beaucoup plus facile. Je le sais, qu'on peut même travailler à faire un partenariat, peut-être même l'élargir, avec la Maison Dauphine. C'est la Maison Dauphine, à Québec, qui s'occupe beaucoup d'aider les gens qui ont des problèmes avec de multiples contraventions. Et je le sais que, même de temps en temps, mes policiers ne donnent pas de contravention et vont même porter les gens... ou appellent la Maison Dauphine pour faire appel à leurs services pour justement retirer la personne de la rue pendant le moment de sollicitation, sauf que, je vous le dis, on a encore beaucoup, beaucoup d'éducation à faire, même auprès de nos policiers, dans ce sens-là. On en est conscients.

Mme Méthé: O.K. Parfait.

Dans un autre ordre d'idées, certains s'organisent, Québec... nous ont fait part de la difficulté à trouver un emplacement pour leur organisme du fait que: «pas dans ma cour», on ne veut pas avoir ça près de chez nous. Bien, vous êtes sans doute conscients de ça. Est-ce que vous les aidez à se réorganiser? C'était quel organisme qui...

Une voix: ...

Mme Méthé: Squat, qui n'arrive pas à se relocaliser, entre autres.

Le Président (M. Kelley): Mme Trudel.

Mme Trudel (Denise): Oui. Squat est localisé, je veux dire, il a des espaces, là, dans un édifice qui appartient à la fabrique Saint-Roch. Et ce n'est pas que ce n'est pas «pas dans ma cour», là, c'est que Squat était obligé de se conformer au niveau de la sécurité, et ça, c'était une demande au niveau des incendies. Et la conformité à laquelle il devait se conformer, c'est avec la RBQ, la Régie du bâtiment du Québec, qui est vraiment sous votre gouverne. Alors, si les règles de la RBQ sont trop sévères, c'est auprès d'eux qu'il faudrait intervenir, là. Mais, quand on parle de sécurité au niveau des incendies... Mais il y a quand même eu une entente, là, un accompagnement et une entente, et je ne pense pas que Squat soit victime du «pas-dans-ma-cour», ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. L'entente, c'est avec... Je pense que M. Mathieu avait eu plus d'information. Je ne me souviens pas, là...

n(12 h 20)n

M. Mathieu (Jean): Bien, c'est-à-dire que qu'est-ce que ce qu'il faudrait étudier par rapport à cette organisation-là, c'est: Est-ce que les difficultés évoquées dans la remise aux normes de leur bâtiment pourraient faire l'objet éventuellement d'une demande de logement social dans le cadre du programme AccèsLogis, volet 3? Ce que je disais à Mme Trudel ce matin, c'est peut-être qu'au mérite il faudrait étudier cette situation-là. Je ne connais pas ce dossier-là précisément, mais il est clair que, dans le budget que nous avons de la Société d'habitation du Québec, nous sommes en mesure d'accueillir des demandes qui sont formulées par un groupe de ressources techniques. Si effectivement ça répond aux critères du programme d'AccèsLogis, c'est peut-être une solution pour l'organisme, mais là je le dis sous toutes réserves, ne connaissant pas cette organisation-là plus qu'il ne le faut, là.

Mme Trudel (Denise): M. Desrosiers, qui est responsable des organismes communautaires, a quand même des informations supplémentaires concernant Squat Basse-Ville.

Le Président (M. Kelley): M. Desrosiers.

M. Desrosiers (Yvon): Je ne suis quand même pas spécialiste en la matière, mais mes informateurs me disaient qu'il y avait effectivement deux problématiques, une au niveau du zonage ? donc, il y a un règlement qui existe... On ne veut pas user, là, d'un emplacement pour n'importe quelle fonction. Cet aspect-là sera corrigé en 2009, compte tenu que la municipalité devait procéder à une révision, là, et à harmoniser son règlement de zonage. On nous dit qu'effectivement, dans le cas de Squat Basse-Ville, on va passer le test, comme on dit, dans le sens que ce n'est pas le zonage qui va faire en sorte de voir Squat se relocaliser.

D'autre part, l'information prise aussi auprès de la Régie du bâtiment, il y aurait des possibilités de souplesse quant aux exigences, là, du Code national du bâtiment. Ça ne libérera pas Squat Basse-Ville de certaines obligations... ou le propriétaire de l'immeuble de certaines obligations pour rendre l'immeuble sécuritaire, mais avec des exigences, semble-t-il, qui seraient facilitantes, là, pour l'organisme. Donc, oui, effectivement la ville va accompagner l'organisme et avoir toute la souplesse pour attendre les modifications au règlement, qui doivent se faire dans les premiers mois de 2009, et voir effectivement les accommodements que la Régie du bâtiment nous propose dans ce cas-ci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour ces précisions. M. Dion, 30 secondes.

M. Dion (Raymond): Pour terminer, juste pour dire que, également, dans notre charte, on a l'article 74.4 qui peut être invoqué lorsqu'il y a des projets de logement social, et notamment dans ce type... du volet 3 et où on soustrait en fait le voisinage à des référendums. J'ai terminé.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Crémazie.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci, M. le Président. Premièrement, moi, j'ai trois points que je veux traiter. Je trouve ça intéressant qu'au lieu de l'emprisonnement et des travaux communautaires on pense à un retour aux études en collaboration avec la Maison Dauphine, parce que cet organisme-là a des succès formidables. Toutefois, ce qu'on entend depuis le début de la commission, et ça ne semble pas... Vous nous dites qu'il n'y a presque pas de cas d'incarcération de personnes itinérantes qui ont accumulé un certain nombre de contraventions pour, en fin de compte, des délits mineurs, plus que mineurs. Ce qu'on nous dit, c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup d'incarcérations. Est-ce que je peux vous réentendre nous dire, M. Lemire, qu'il n'y a pratiquement pas de cas d'incarcération à Québec ces dernières années?

M. Lemire (Daniel): Lorsque j'ai dit ça, tantôt, je faisais référence à ceux qui font le commerce sur la rue, communément appelés les squeegees. Je ne faisais pas appel...

Mme Lapointe (Crémazie): ...à l'ensemble.

M. Lemire (Daniel): ...à l'ensemble, non. Oui, c'est vrai qu'il y en a qui sont incarcérés, ah, je l'avoue, tout à fait.

Mme Lapointe (Crémazie): Parce que ça, c'est une plaie. Ça, c'est vraiment quelque chose, je pense, qu'il faut que toutes les villes, tous les services de police puis toute cette commission réfléchissent à ce problème-là.

M. Lemire (Daniel): Nous en sommes conscients.

Mme Lapointe (Crémazie): Ça n'a aucun sens qu'on emprisonne quelqu'un pour avoir cumulé des tickets pour avoir traversé la rue au mauvais endroit. Je comprends qu'il faut qu'il y ait une harmonie dans un quartier puis que tous les citoyens soient bien, là. Mais, écoutez, on forme quoi quand on envoie des jeunes en prison? Qu'est-ce qu'on fait? Je ne pense pas qu'on s'aide. Mais, à moins que vous ayez quelque chose à ajouter, si vraiment il y a une volonté d'éviter ça à tout prix, pas seulement les squeegees... Les squeegees, écoutez, ils ne commettent pas un crime. Ils viennent laver des pare-brise. Puis, celui qui quête 2 $ le matin, pour une raison ou une autre, à mon avis ce n'est pas un criminel, hein?

M. Lemire (Daniel): D'accord avec vous, ce n'est pas un criminel. Par contre, il faut que vous sachiez que, comme service de police, nous, on reçoit des plaintes de la part de citoyens qui se plaignent des gens qui les sollicitent sur la voie publique, et il existe des règlements et des lois que nous nous devons de faire observer. J'aimerais peut-être faire un parallèle... Mme Dugas, tantôt, de Lauberivière, qui parlait du centre de dégrisement. Évidemment, c'est quelque chose qui nous manque. C'est une alternative qui nous manque. Si on avait un centre de dégrisement qui fonctionnait, comme il y a quelques années, bien évidemment il y a encore des personnes qui pourraient éviter d'aller en prison. Mme Dugas l'a très bien dénoté tantôt. C'est des alternatives auxquelles souvent nous avons besoin.

M. Dion (Raymond): Si je peux compléter. En fait, ce qu'il dit, M. Lemire, dans le fond, c'est: Il ne faut pas travailler en aval mais en amont, puis travailler en amont, ça veut dire mettre de l'argent dans des programmes puis mettre de l'argent également dans des ressources qui ont fait leurs preuves. Que ce soit Squat Basse-Ville, que ce soient Lauberivière et la Maison Dauphine, ce sont des organismes... puis il y en a d'autres, c'est là le nerf de la guerre. Parce que, nous, c'est sûr, on peut dire aux policiers: Bien, écoutez, soyez plus tolérants. Oui, on leur dit, puis c'est ce qu'ils font, puis je pense qu'il y a une belle collaboration, puis tout ça. Mais ce qu'il faut pour éviter ça, parce que dans le fond l'itinérance, c'est évidemment... il faut accompagner des gens. Alors, accompagner des gens, ça demande donc... et c'est ce que, nous, on veut faire, c'est d'avoir un leadership partagé autant avec les ministères mais aussi avec les organismes. Je pense que c'est ça qu'il faut toucher, c'est de financer des organismes populaires qui sont communautaires, qui sont présents dans l'espace. Et, nous, on est prêts aussi à regarder l'habitation, de favoriser peut-être ces gens-là à avoir une habitation stable, mais je pense que c'est les programmes en amont, bien sûr...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Lapointe (Crémazie): C'est clair qu'il y a une question de désorganisation des services, de trop de services, de manque de services, que tout le monde fait ce qu'il peut. Les organismes communautaires n'en peuvent plus. Vous les avez entendus. Bon. Alors, écoutez, on prend bonne note de tout ça. J'avais promis à Squat Basse-Ville de poser une question sur leurs problèmes, mais ma collègue l'a très bien fait. Après toutes vos réponses, ce que je veux savoir, c'est: Est-ce qu'un organisme qui est déjà dans un quartier... Je ne vous parle pas d'un organisme qui serait dans le quartier Saint-Roch et qui voudrait déménager à Sillery, par exemple. Mais, un organisme communautaire d'accueil qui est déjà dans un quartier, est-ce qu'il peut y avoir des problèmes, au niveau populaire, de sa relocalisation? Étant donné qu'en ce moment ils sont dans l'ancien presbytère Saint-Roch, donc qu'ils sont dans le quartier, est-ce que la ville va soutenir qu'ils puissent s'installer, dans le même quartier, ailleurs?

Mme Trudel (Denise): Vous voulez dire soutenir... C'est sûr qu'on peut...

Mme Lapointe (Crémazie): Soutenir le fait... parce qu'il y a le phénomène «pas dans ma cour», qu'on connaît bien, hein?

Mme Trudel (Denise): Disons qu'au niveau communautaire... Moi, je suis responsable du communautaire. Au niveau communautaire, je ne pense pas de faire l'autruche en disant cela, je ne vois pas vraiment... je n'ai pas senti sur le terrain... M. Desrosiers pourra peut-être aussi, là, compléter, mais je n'ai pas eu d'organismes qui sont venus nous voir, qui ont demandé l'accompagnement de la ville pour la localisation parce qu'ils avaient des problèmes, dans le milieu, là, à s'insérer, là. Je veux dire, pas à ma connaissance. Par contre, quand un organisme vient nous rencontrer et qu'il demande...

Mme Lapointe (Crémazie): Ça prend un permis. Hein, ça prend un permis, parce que, s'il se relocalise, il faut qu'il demande un permis. D'ailleurs, il vous avait demandé un permis, si j'ai bien compris, pour faire des travaux. Donc, on semble leur avoir dit: Écoutez, là, ce n'est pas zoné de cette façon-là, ou autres.

M. Dion (Raymond): Si je comprends bien ? rapidement ? votre question, c'est... Évidemment, quand on se déplace et qu'on s'en va dans la zone résidentielle et qu'on n'a pas le zonage approprié... Bon. Ce qu'on a dit tantôt, c'est que, là, actuellement, la ville de Québec est en train de procéder à l'harmonisation, parce qu'on avait comme 11 anciennes villes puis on avait 11 types de zonage. Là, on fait l'harmonisation et on règle plusieurs cas. Dans les cas souvent qui posent des problèmes, où... Par exemple, j'ai en tête un cas où on a acheté une maison communautaire pour femmes battues. On avait à changer le zonage, et c'est ce qu'on a fait. C'est pour ça que je vous dis: Nous, on est très sensibles à ça et on travaille à ce que... s'il y a, par exemple, un zonage commercial ou uniquement résidentiel puis qu'il n'est pas institutionnel... d'accompagner ces groupes-là, et c'est ce qu'on fait.

n(12 h 30)n

Mme Lapointe (Crémazie): Bien, merci de l'appui que vous allez leur accorder. C'est ce qu'on sent très bien.

Mme Trudel (Denise): Mais je voudrais rajouter une chose, Mme Lapointe, parce qu'on...

Mme Lapointe (Crémazie): Oui. Parce que j'ai...

Mme Trudel (Denise): ...touche à Squat Basse-Ville, et Squat Basse-Ville, d'après l'information qu'on a du directeur de la gestion du territoire, n'a jamais demandé de permis. Donc, on n'a pas pu refuser un permis, ils n'ont jamais déposé de demande.

Mme Lapointe (Crémazie): Non, ça n'a pas été fait encore, là. Non. La question de zonage s'est posée lorsqu'ils ont voulu faire des transformations, n'est-ce pas?

Dernier petit commentaire, très court. À la page 4 de votre mémoire, vous dites, en parlant du volet 3 du programme AccèsLogis: «La ville considère qu'il s'agit d'une responsabilité gouvernementale. Aucune subvention municipale n'est donc octroyée pour les projets du volet 3...» Hein, on parle, là, des... Est-ce que c'est répandu à travers le Québec ou si c'est Québec, ça, qui a décidé ça?

M. Dion (Raymond): Bon. En fait, la décision concernant le volet 3, c'est spécifiquement pour les personnes qui sont désorganisées, comme je le disais ? je le mentionnais plus tôt, un peu ? soit socialement ou...

Mme Lapointe (Crémazie): Les personnes dont on parle.

M. Dion (Raymond): C'est ça. En fait, c'est là le volet de l'itinérance. À Montréal, eux, ils ont privilégié... parce qu'ils ont une fenêtre beaucoup plus grande en termes de disponibilité de logements, alors que ce qu'on veut faire ressortir dans le mémoire, c'est que, nous, on a une problématique où on est déjà obligés de combler les volets 1 et 2, qui sont des personnes démunies, qui sont des personnes âgées, donc les coopératives, tout ça. Alors, dans les volets 1 et 2, la pression est tellement grande qu'on ne peut pas accorder notre aide financière pour le volet 3. Alors, c'est sûr que, quand je vous disais que c'est dans l'accompagnement monétaire, c'est donc le financement du programme. C'est sûr qu'il s'en fait, on en fait pour 10 % de tout ce qu'on développe par année. Et en conséquence ce qu'on demande, c'est qu'on accompagne... Par contre, on a le Service du logement au développement économique qui accompagne ces groupes-là, et ça a été le cas, par exemple... de mémoire, là, on avait la Maison de Job...

Le Président (M. Kelley): ...M. Dion.

M. Dion (Raymond): ...on avait Missinak, on avait PECH. Donc, on a fait beaucoup de... Lauberivière également, l'Armée du salut, ce sont tous des projets qu'on a faits dans le volet 3, mais on les a accompagnés. On a réussi à faire ça, mais on a demandé au milieu de chercher le 15 %.

Mme Lapointe (Crémazie): Sans le financement, c'est ça?

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup.

Mme Lapointe (Crémazie): Merci.

M. Dion (Raymond): Merci.

Le Président (M. Kelley): Malheureusement, il y a un caucus qui doit se tenir ici. M. Dion, Mme Trudel, les personnes qui vous accompagnent, merci beaucoup, surtout M. Lemire parce que je sais que votre tâche n'est pas facile. Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 30...

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 15 h 30)

Le Président (M. Kelley): La Commission des affaires sociales va poursuivre ses travaux cet après-midi. Intéressant, des travaux de la commission, nous avons réussi à faire une commission itinérante, mais malheureusement on ne pouvait pas visiter l'ensemble des villes du Québec. Alors, cet après-midi aura une certaine saveur régionale parce qu'on a à la fois des représentants du Saguenay et, après ça, de la région de Sherbrooke. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à reconnaître notre prochain témoin, qui est la Table Itinérance de Saguenay, représentée par Mmes Martine Martin, Lise Savard et M. Simon Labrèque. Alors, Mme Martin, la parole est à vous.

Table Itinérance de Saguenay

Mme Martin (Martine): C'est Mme Savard qui va prendre la parole.

Le Président (M. Kelley): Ah bien! Mme Savard, pardon.

Mme Savard (Lise): Pas de problème. Écoutez, dans un premier temps, on tient à vous remercier de nous avoir permis de s'exprimer ici lors de la consultation sur le phénomène de l'itinérance.

Donc, il est clair que le visage de l'itinérance dans notre région ne s'exprime pas comme les grands centres, ça, c'est clair et certain; on pourrait même croire que le phénomène n'existe pas. C'est rare, même si ce sont ceux qui quémandent dans les centres-villes, on n'a pas vraiment, là, physiquement cette présence, sur les bancs de parcs, etc. C'est parce que, entre autres, il y a des ressources communautaires comme les soupes populaires, les comptoirs vestimentaires ou les centres d'hébergement, environ une cinquantaine de lits, qu'on dirait, au Saguenay. Je dis bien «Saguenay», hein, parce qu'il n'y a rien au Lac-Saint-Jean, donc vous pourrez comprendre que ce n'est pas une question d'oublier une section, mais c'est vraiment seulement au Saguenay. Donc, environ une cinquantaine de lits qui peuvent accueillir les femmes et les hommes.

Mais dans le fond la réalité ne diffère pas du tout des grands centres. Ce sont des hommes, des femmes et des jeunes dont l'histoire de vie a fragilisé les possibilités de combler leurs besoins de base, besoins que tout individu a le droit de combler dans une société dite riche. Même si ? on va y aller un petit peu du côté culturel; si ? à l'ombre de nos clochers, la communauté saguenéenne est reconnue pour être tricotée serré, force est de constater que, nous aussi, nous créons des situations qui mènent vers la désaffiliation sociale. Il fut un temps où est-ce que les gens qu'on appelait les quêteux, les vagabonds ou les fous du village étaient laissés pour compte. L'accueil et la solidarité de tous et chacun créaient alors un filet de sécurité en tout cas à peu près naturel. Avec la désintégration du tissu social, ces gens vivent maintenant des situations de précarité qui les mènent trop souvent vers l'itinérance.

L'individualisme qui caractère notre société fait des victimes chez nous comme ailleurs. Bien évidemment, l'abandon des plus vulnérables parmi les nôtres nous touche, nous émeut. Toutefois, nous ne voulons pas les voir car ils nous renvoient l'image où la beauté, l'excellence et la performance font plutôt place à la misère, la détresse et la souffrance. Malgré les apparences, nos institutions se soucient peu de ces exclus. Ils sont considérés comme un fardeau que personne ne veut avoir dans son petit univers, le phénomène «pas dans ma cour», dans le fond. Ils sont rapidement jugés comme responsables de leurs malheurs en raison de leur apparence et de leur façon d'être.

Confrontons nos valeurs. Prenons le temps de regarder en face une résultante sociale navrante, fruit de notre inertie à agir pour que tous aient des chances égales de s'épanouir et de se réaliser. Soyons, à notre façon, attentifs aux besoins de ceux qui sont tout près de nous, sans complaisance et indifférence. Présentement, des jeunes abandonnent l'école, consomment des drogues et alcools à l'excès ou vivent l'abandon de leurs parents. Il est triste d'imaginer que, si rien n'est fait, ils risquent de se retrouver à la rue, sans espoir d'une vie décente et, comme d'autres avant eux, viendront remplacer ceux qui sont disparus dans l'oubli ou la quasi-indifférence.

Donc, le mémoire présenté par la table de concertation en itinérance, naturellement on appuie sans contredit les regroupements provinciaux, tels que le Réseau Solidarité Itinérance du Québec, dans leurs revendications et la réalité des grands centres. Cependant, notre mémoire, nous, vise à vous faire part des spécificités de notre région. Nous croyons essentiel de faire ici la distinction, car le visage de l'itinérance est différent à Saguenay que celui de Montréal. Pour ce faire, nous avons choisi quand même, notre procédure, de répondre aux 20 questions suggérées dans le document de consultation. Des organismes, en collaboration avec l'Agence de la santé et des services sociaux, ont élaboré un plan régional d'action en itinérance en concordance avec celui du provincial.

Nous avons également recensé des données quant à l'offre de services des organismes communautaires de notre territoire, qu'on vous avait mis en annexe de nos documents. Cet exercice avait pour but de mesurer l'intensité des services de même que la qualité et de faire un comparatif entre l'année 2006 et 2007 ? on avait pris spécifiquement ces années parce que c'étaient des années complétées; donc, la 2008 était en cours, ça aurait été difficile d'avoir des statistiques à jour ? pour constater l'évaluation des besoins. Ces portraits nous permettent de confirmer les besoins sans cesse grandissants de la clientèle, l'importance de maintenir les services actuels et de développer d'autres approches aux services pour y répondre. Donc, voici donc notre couleur régionale.

Présentement, la Table de concertation en itinérance du Saguenay a vu le jour en 2001 avec les programmes IPLI, IPAC, etc. Elle regroupe 10 organismes communautaires qui oeuvrent toujours dans les centres de santé et services sociaux afin d'offrir un large éventail de services. Née du programme IPAC, la table est vite devenue un véhicule de communication et de diffusion d'information entre les organismes.

Depuis les 10 dernières années, l'incertitude quant à la reconduction du programme a forcé les tables de concertation à élargir notre mandat en devenant également une table de revendication pour améliorer l'offre de services en itinérance sur notre territoire et pour faire tout d'abord reconnaître l'itinérance à Saguenay. À ce jour, la table est active sur différents dossiers: naturellement, la reconduction des financements, la prestation de services, des services de qualité, sécuritaires, continus, efficients, personnalisés, et ce, dans un court délai.

La table permet quand même la concertation et l'échange d'expertises pour aider la clientèle, car cette dernière vit des situations complexes tant au niveau de leur santé physique et psychologique que dans leur situation de vie quotidienne. Cette concertation s'exprime aussi par la consolidation de nos services et renforce notre réseau, permettant de développer des mécanismes de soutien dans leur milieu, de maintenir un suivi et une durée suffisants et continus propres à leur condition, surtout pour éviter un autre retour à la rue.

Donc, nous commencerons notre élément de réflexion avec la première question, qui nous demandait la difficulté à cerner l'ampleur du phénomène itinérance au Québec. Donc, nous, on rapporte toujours ça à notre région du Saguenay. Donc, l'ampleur du phénomène est quand même difficile à cerner, d'autant plus qu'on sait que c'est une population en mouvance. Donc, pour nous, une action publique efficace ne devrait pas être transversale, c'est-à-dire qu'on ne doit pas prendre la même d'un bout à l'autre du Québec. Il faut tenir compte des réalités respectives de chaque région. Donc, ce qu'on dit: Ce qui fait à Montréal ne fait pas nécessairement à Saguenay.

La dernière étude, d'ailleurs... Croyez-vous qu'il est nécessaire de faire un nouvel exercice de dénombrement? On croit que oui, excepté qu'on sait que c'est difficile à quantifier avec exactitude, en tout cas pour ce qui est de notre région. Puis, les ressources sont remplies à pleine capacité, ce qui, pour nous, parle beaucoup plus que des chiffres. Donc, oui, on pourrait le faire, mais, pendant qu'on fait des statistiques, on ne donne pas de services.

Seriez-vous en mesure de participer, le cas échéant, à l'effort des collectes de données? En effet, on n'est pas contre une étude. Naturellement, on aimerait que cette étude parle de l'intensité des services, puis pas seulement du nombre d'individus rejoints. Le temps accordé à cette étude devrait ne pas nous obliger à sacrifier le temps accordé à la clientèle, aux services. Et les données devraient être simples et adaptées aux types de services, donc hébergement, prévention ? hébergement, c'est facile à dénombrer: on compte les nombres de nuits; prévention, qui est beaucoup plus difficile à mesurer mais sans aucun doute important ? et naturellement le soutien dans le milieu.

À la question 4, quand on nous demande: «Croyez-vous que le gouvernement devrait prendre des moyens pour enrayer l'itinérance chronique?», on dit oui. Mais, nous, dans notre région, il y a peu d'itinérance chronique. Nous croyons que nous devrions prioriser le travail en amont du problème. Donc, on parle ici un petit peu, naturellement, de prévention. Donc, pour nous, notre région, il faudrait mettre l'accent sur l'itinérance situationnelle ou transitoire et épisodique, qui sont les plus fréquentes chez nous. L'itinérance chronique devient alors une réalité d'exception dans notre cas. Sans toutefois négliger des situations chroniques, nous devons prioriser des actions pour les autres formes.

Pour ce qui est de la question n° 5, «Quelles sont les populations les plus touchées par le phénomène?», nous, dans le fond, ce qui caractérise ces personnes est la présence de cumul de problèmes liés à des facteurs sociaux juxtaposés à des problèmes individuels. Leur parcours de vie est marqué par des ruptures, des échecs et des situations de crise. En plus, ces personnes ont souvent des antécédents judiciaires. N'oublions pas que, nous, le taux de chômage est à 8,8 %, donc l'employabilité est encore d'autant plus difficile. Et on sait fort bien qu'au Saguenay beaucoup d'industries ferment. Ces personnes, aussi, sont limitées en raison d'un faible niveau de scolarité. On a calculé qu'au Saguenay 17,5 de ces personnes ont un niveau plus bas que le secondaire III. Donc, on sait fort bien maintenant que le secondaire V est rendu un minimum et on sait que le réseau scolaire n'est pas adapté aux personnes et aux décrocheurs... en tout cas, de ce type de personnes là. Leur réseau social est presque inexistant. S'ajoutent naturellement à toutes les situations de problèmes de santé physique, les traumatismes, les hépatites B et C, le VIH, la tuberculose, etc. ? on pourrait en nommer plusieurs ? et la santé mentale, les dépendances puis la déficience intellectuelle.

n(15 h 40)n

D'un autre côté, l'incapacité d'avoir accès à un logement à prix modique et de bonne qualité est un problème majeur. On sait fort bien qu'au Saguenay il y a un taux d'inoccupation assez grand, excepté que le prix des logements fait que ces gens-là n'ont pas accès à ce type de logements là. On sait que, chez nous, le taux des ménages dont 30 % du revenu est consacré à l'habitation est de 37,2 %, ce qui est quand même beaucoup, ce qui aggrave la situation.

Naturellement, la conjugaison de tous ces facteurs augmente les risques que la personne soit entraînée dans un processus d'exclusion, de marginalisation, de désaffiliation menant à la rue. En somme, ces personnes ont de la difficulté à recevoir les services que leur état requiert, et, lorsqu'elles font la demande des services, leur situation exige beaucoup de temps et d'énergie de la part des intervenants impliqués dans le processus d'aide et de suivi. Considérant que l'itinérance est un phénomène dynamique lié davantage à un processus qui peut mener à la rue qu'à un statut catégorisant la personne, il est donc possible d'intervenir sur les facteurs de risque qui engendrent ce processus, afin de prévenir la détérioration de la situation.

Chez les adolescents et les jeunes adultes, il est prioritaire d'intensifier les services de prévention pour ceux dont le soutien familial est inadéquat, qui ont été victimes de violence familiale ou de négligence, qui ont vécu des placements ou des ruptures familiales de façon répétitive et chez ceux qui ont reçu des diagnostics de problèmes de comportement. La problématique de la consommation d'alcool et des drogues à risque et des infections transmises sexuellement est également un facteur de risque de s'engager dans le processus d'itinérance. Du côté des adultes, ce sont les personnes qui sont dépourvues du réseau social et qui présentent plusieurs facteurs de risque qui devraient, de façon prioritaire, faire l'objet d'interventions préventives. Pour les femmes, il faut également ajouter des facteurs liés à l'abandon, la séparation, la violence physique ou sexuelle dans l'enfance ou à l'âge adulte. Les personnes âgées sont davantage à risque lorsqu'elles sont victimes d'abus, de négligence et d'abandon. La population itinérante au Saguenay est homogène au point de vue culturel. Cependant, nous retrouvons une population autochtone, et ce, en raison de la proximité de leur milieu de vie ? on pense au Lac-Saint-Jean, avec Mashteuiatsh, et ces choses-là ? ce qui fait que les gens viennent vers Chicoutimi.

La question n° 6, maintenant: «Pensez-vous que les services offerts sont adaptés aux besoins de la population?» Dans l'ensemble de la région, ce sont les arrondissements de La Baie, Chicoutimi et Jonquière qui sont les mieux pourvus en ressources d'hébergement et de soutien pour les personnes à risque ou en situation d'itinérance. Comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, là, au Lac-Saint-Jean, il n'y a aucune ressource d'hébergement et il y a peu de ressources tout court qui offrent des services de soutien et d'accompagnement aux personnes à risque d'itinérance. Les personnes qui se retrouvent à la rue sont souvent référées à des organismes du Saguenay.

Le secteur Saguenay compte plusieurs ressources dont la mission première et exclusive s'adresse aux personnes itinérantes. On pense à la Maison d'hébergement Le Rivage, située dans l'arrondissement de La Baie, où on a 25 lits pour les femmes seules et avec leurs enfants aussi ? parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des enfants en itinérance ? de toutes provenances, sans égard à leurs problématiques.

Dans l'arrondissement de Chicoutimi, deux ressources offrent de l'hébergement d'urgence: donc, la Maison des sans-abri, qui a 20 lits, et la Maison Marie-Fitzback, qui a neuf lits pour les femmes. La maison d'hébergement Le Séjour offre trois lits pour répondre aux urgences, et ces places sont mixtes. Ce sont des ressources qui offrent un accès 24/7. La personne reçoit des services pouvant combler ses besoins de base, et des démarches seront entreprises afin d'évaluer et d'orienter, s'il y a lieu, cette personne vers des ressources mieux adaptées à leurs besoins. Donc, l'hébergement permet aux personnes de stabiliser leur situation et de régler des problèmes de santé physique, etc.

En termes d'hébergement transitoire, ce qu'on entend par hébergement transitoire, c'est comme un genre de deuxième étape où les gens font des acquis sociaux, financiers et autres. Donc, à La Baie, il y a trois lits pour les hommes, quatre lits pour les femmes et, à Chicoutimi, neuf lits pour les hommes, qui sont disponibles dans les hébergements dits transitoires. Deux organismes offrent aussi des services de soutien dans la communauté.

Au niveau de la prévention, il y a des organismes qui travaillent au niveau de la rue. Ils offrent du soutien et de l'accompagnement et travaillent à l'intégration sociale. Nous pouvons aussi compter sur des organismes qui offrent de l'accompagnement aux adultes et aux jeunes. Il y a, tout naturellement, les organismes de soutien aux situations et conditions de vie qui sont présents dans toute la région de Saguenay?Lac-Saint-Jean. Donc, on parle des comptoirs vestimentaires, des comptoirs de meubles à bas prix, des soupes populaires, etc. À cela s'ajoutent les aides de services budgétaires et bien d'autres services qui viennent en aide aux familles démunies et à faibles revenus.

Après avoir recensé les services disponibles, notre analyse nous amène à la conclusion que, pour répondre adéquatement aux besoins de cette clientèle, il faudrait, dans un tout premier temps: augmenter les places d'hébergement d'urgence et de dépannage de transition ? étant donné que toutes nos ressources sont remplies à pleine capacité, il y a des gens qui quand même n'ont pas accès à nos services ? avoir un fonds de dépannage d'urgence; avoir un hébergement de type alternatif autre que la Protection de la jeunesse ? on parle des jeunes de moins de 18 ans ou 16, 17 ans; offrir des services post-hébergement et suivi intensif dans le milieu; ouvrir un centre de jour; accroître le partenariat et la concertation pour établir une trajectoire de services; et enfin il serait essentiel d'avoir un service pour le dégrisement, qui est inexistant au Saguenay.

Maintenant, des mesures qui ont été prises au Québec ou à l'étranger. Dans notre région, certaines initiatives ont été mises de l'avant, étant donné les résultats positifs. Donc, le suivi dans le milieu, variable, ponctuel et intensif, la création de logements transitoires, qu'on a parlé tout à l'heure avec la maison d'accueil pour sans-abri, et Le Rivage, et Le Phare de La Baie. C'est à peu près ça.

Pour la question n° 8, les jeunes de 18 ans qui ont cessé... Bon, les jeunes qui ont des contacts avec la Direction de la protection de la jeunesse pourraient avoir accès à des appartements communautaires supervisés; et instaurer ce processus avant l'âge de 18 ans, ce qui est déjà des projets dans l'air.

Pensez-vous que le phénomène prend de l'ampleur dans votre région? Notre méthode de collecte de données ne nous permet pas de tirer de portrait fidèle sur l'itinérance au Saguenay. Cependant, nos échanges, lors de la rencontre de la table, nous indiquent une augmentation de la clientèle et, surtout, la complexification de leur situation. Les problèmes majeurs sont la difficulté d'accessibilité aux soins de santé et sociaux, la rigidité des services de santé, la fragmentation des services en santé mentale, la difficulté de l'approche des traitements de la comorbidité et de la polymorbidité, des difficultés de traitement associées à des coupures de lits, des budgets, etc., ce qui complique la tâche et contribue à l'ampleur de phénomène.

Donc, quels sont les problèmes liés à la non-récurrence? La non-récurrence du financement a pour effet la fermeture de services, les coupures de postes, le maintien des conditions de travail précaires, voire même le départ du personnel et, par le fait même, la perte de l'expertise. De plus, il est impossible de développer de nouveaux services, car nous croyons important... comme la réinsertion.

Où sont les besoins de financement qui sont les plus urgents? Les besoins les plus urgents vont à la consolidation des ressources adaptées, qui répondent de façon adéquate aux besoins des personnes itinérantes, à la prévention. Il serait aussi important d'adapter et d'augmenter des services d'urgence et de soutien disponibles 24/7. Il faut viser l'intégration.

Comment le gouvernement peut-il s'assurer que les actions des organismes sont efficaces? Nous croyons que pour répondre aux demandes du gouvernement voulant s'assurer de l'efficacité et de la qualité des actions des organismes... de se référer à l'évaluation de nos plans régionaux, qui sont toujours révisés à chaque année.

Pensez-vous que les responsables municipaux de votre région consacrent suffisamment d'efforts au phénomène? Bien que les responsables municipaux soient sensibilisés au phénomène ? en tout cas, nous, ils s'impliquent beaucoup à La Nuit des sans-abri ? ceux-ci pourraient s'impliquer davantage en publicisant les organismes pouvant venir en aide aux personnes itinérantes.

De quelle manière, maintenant, les actions gouvernementales devraient-elles mettre l'accent sur la prévention? Pour nous, la prévention est essentielle à la diminution de cette réalité. Dans notre région, le travail de rue et du travail de proximité de même que la sensibilisation, dont La Nuit des sans-abri, ont été des mesures positives. Nous avons un grand travail à faire en ce qui a trait aux logements sociaux, car ils sont quasi inexistants. Nous croyons que l'aide au logement structurée et équitable éviterait la création de ghettos, car nous avons constaté que les revenus de la population cible sont nettement insuffisants pour qu'ils puissent s'offrir un logement décent et adéquat.

Quels seraient selon vous les résultats satisfaisants de l'action gouvernementale? Au Saguenay, une réinsertion sociale satisfaisante présenterait les résultats suivants: la possibilité d'offrir un suivi préventif à la clientèle, un logement accessible et adéquat et l'observation d'une ouverture d'esprit positive de la société face à la clientèle.

Et maintenant, est-ce que vous pensez que le phénomène d'itinérance demande une politique gouvernementale? C'est sûr que nous appuyons sans contredit notre Réseau Solidarité Itinérance du Québec en ce qui a trait à la mise sur pied d'une politique gouvernementale. Quels devraient être les axes de cette politique? Le droit au logement décent, l'accès à des services de santé équitables, droit à l'éducation adaptée, droit à un revenu décent, droit à différents services pouvant répondre à leurs besoins. Pour s'assurer du suivi de la politique, donc un cadre de référence provincial serait le bienvenu.

Quels moyens devrait-on proposer pour favoriser la concertation? Il serait important de financer les tables de concertation régionales et provinciales créées par et pour l'itinérance. Cette concertation est essentielle à la dispensation des services adéquats et éviterait les vides de service.

Et pour terminer, comment améliorer la formation des intervenants? Nous pourrions offrir de la formation d'intervenant de façon continue. Cette formation devrait être adaptée et laisser place aux échanges entre l'institutionnel et le communautaire. Il serait important d'utiliser les personnes ayant une expertise dans notre milieu et connaissant la réalité.

En conclusion, vous pourrez constater que les besoins de notre milieu sont grands et pressants. Nous espérons que cette consultation amènera des moyens concrets pour répondre aux besoins des personnes itinérantes ou à risque de le devenir. Nous espérons que notre mémoire vous nourrisse dans vos décisions et que vous ayez pu découvrir nos différences, et ce, dans le but d'avoir des actions répondant à nos spécificités.

C'est ça, mon temps est écoulé, hein? Ouf!

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Nous avons trois témoins cet après-midi, alors je dois respecter le temps. Mais merci beaucoup pour cet aperçu de la situation dans la région de Saguenay. Merci beaucoup, Mme Savard.

Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Gatineau.

n(15 h 50)n

Mme Vallée: Merci. Alors, bonjour. Bienvenue parmi nous. Merci d'avoir répondu à nos questions, dans un premier temps. C'est une façon très structurée d'aborder les problèmes ou la situation de l'itinérance. Donc, merci d'avoir fait ce travail-là, parce que, nous, on avait fait un travail pour les établir. Il y a un travail qui avait été fait par les membres de la commission, ici, pour vous présenter ce document de travail là, alors ça fait toujours plaisir de voir qu'on y répond.

J'aurais quelques questions peut-être plus précises, parce qu'évidemment vous avez fait un travail théorique. Maintenant, compte tenu que vous représentez une région qui vit différentes problématiques et qui vit aussi un phénomène d'éloignement entre les différents centres, j'aimerais connaître les services et ce qui est offert par la région du Saguenay au niveau de la prévention à l'itinérance, parce que notre défi en ruralité, c'est de prévenir l'itinérance, d'éviter que des gens se retrouvent en situation précaire, pour, par la suite, parfois devoir s'exiler pour avoir recours à des services qu'on a de la difficulté à offrir. Donc, les services de prévention sont vraiment, en région, à mon avis, une pierre angulaire, là, de la lutte contre l'itinérance. Qu'est-ce qui se fait chez vous? On aime beaucoup connaître les bons coups.

Mme Savard (Lise): Donc, il y a donc plusieurs axes qui sont développés, entre autres, quand on parle d'un travail de rue... D'ailleurs, monsieur est travailleur de rue, il s'occupe de l'organisme qui fait... On va beaucoup dans la rue pour essayer de parler d'avance et aussi avant qu'ils se ramassent à la rue. Donc, on fait les écoles, on fait des visites dans les écoles, ces choses-là. On fait aussi ce qu'on appelle du travail de milieu. On va dans les appartements problématiques où on retrouve un genre de... en regardant leurs revenus. Quand tu as 500 $ par mois, la seule place que tu peux te, excusez-moi le terme, ramasser, c'est dans des appartements assez particuliers où toutes les problématiques de consommation sont présentes. Donc, il y a des intervenants qui vont sur place pour essayer de contrer ces problèmes-là et d'éviter que ces gens-là... en tout cas, il vaut mieux être couché dans un appartement qui n'a pas d'allure que dans la rue ou sur les ponts.

Il y a aussi tout ce qui est... On essaie, outre l'hébergement, il y a des associations de santé mentale qui travaillent aussi en prévention. On fait des ateliers, pour ces gens-là, de réinsertion et des plateaux de travail, et ce, dans tous les secteurs géographiques. On a de la prévention dans... On a trois secteurs à Saguenay donc: Jonquière, Chicoutimi, La Baie, et il y a des travailleurs de milieu et de rue dans chaque secteur pour le faire.

Mme Vallée: Est-ce qu'il y a de ces actions-là, de ces programmes-là qui vont au-delà des centres urbains de la région, qui vont aller dans les petites communautés rurales environnantes? Parce que, dans les petits villages, on a parfois aussi des situations problématiques, des situations de grande pauvreté, mais qui sont encore plus invisibles.

Le Président (M. Kelley): M. Labrèque.

M. Labrèque (Simon): Effectivement, au niveau du travail de rue, il y a présentement un projet à l'essai avec les municipalités de Sainte-Rose, Saint-Honoré, Saint-Fulgence et, pour la deuxième année, avec Saint-David-de-Falardeau, donc pour fournir une ressource aux jeunes dans ces municipalités-là. Donc, il y a certaines problématiques au niveau de la consommation de drogues, d'alcool, au niveau d'éloignement justement des services qu'on retrouve dans les grands centres. Donc, il y a ce projet-là qui vise justement à raccrocher les jeunes, à rapprocher les jeunes des services existants en ville.

Mme Vallée: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui.

Mme Vallée: Ce service-là m'intéresse beaucoup. Pourriez-vous élaborer un petit peu plus sur la façon concrète que ce service-là est offert aux jeunes? De quelle façon vous l'actualisez?

M. Labrèque (Simon): Donc, oui, c'est un intervenant qui est dédié ? donc la première année du projet ? aux trois municipalités, donc qui offrait une présence d'environ sept, huit heures-semaine dans chacune des municipalités, donc qui a commencé par s'intégrer par les endroits plus formels de rassemblement, les maisons de jeunes, les bars, donc pour vraiment aller chercher la clientèle, surtout 12-35, puis donc vraiment d'élaborer des liens avec les personnes de chacune des municipalités pour s'insérer puis se fondre dans le milieu, pour être capable de repérer les gens qui peuvent être susceptibles d'avoir recours aux services du travailleur de rue.

Puis, justement, donc par la présence, par les relations qu'il développe avec les gens, la relation de confiance qui s'établit, bien, quand certains problèmes font surface, le travailleur de rue est capable de référer ces personnes-là aux ressources qui sont situées plus vers Chicoutimi, Jonquière et La Baie.

Mme Vallée: Vous avez mentionné tout à l'heure l'importance, dans votre région, d'établir un pont entre les services offerts par les centres jeunesse et l'arrivée à la vie adulte. C'est quelque chose qu'on entend beaucoup depuis le début de nos travaux. Est-ce qu'il y a des organismes chez vous qui ont pris cette initiative-là ou qui travaillent dans ce sens-là?

Mme Savard (Lise): Actuellement, il y a un appartement supervisé qui est en train de se développer à ville de La Baie, avec une ressource jeunesse qui travaille avec... ce qu'on appelle de dernière ligne. Après ça, il n'y a plus de place pour ces jeunes-là. Ils sont en train de développer un appartement de trois lits pour que ces jeunes-là puissent faire les apprentissages sociaux désirés, donc budget, alimentation, etc., un peu comme on fait, nous, en hébergement avec nos adultes en deuxième étape.

Mme Vallée: Et combien de temps un jeune peut-il avoir recours à ces services-là généralement?

Mme Savard (Lise): Généralement, c'est un an.

Mme Vallée: Il s'agit de la clientèle qui faisait l'objet auparavant d'un placement en centre ou en famille d'accueil.

Mme Savard (Lise): La référence vient exclusivement du centre jeunesse.

Mme Vallée: Et est-ce que c'est réservé aux jeunes qui ont séjourné en centre seulement ou aux jeunes qui ont séjourné en centre et/ou en famille d'accueil?

Mme Savard (Lise): Les deux.

Mme Vallée: Les deux. D'accord, merci.

Le Président (M. Kelley): Parfait.

Mme Gaudreault: Est-ce qu'on a encore du temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui, il reste quatre minutes. Alors, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, merci beaucoup de vous être déplacés jusqu'ici. Depuis le début de cette commission, on cherche des façons alternatives, là, d'être plus efficaces auprès de notre clientèle, et, vous, vous avez fait une liste justement de propositions: avoir un fonds de dépannage d'urgence, l'hébergement de type alternatif, un suivi intensif dans le milieu. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus par rapport à ces propositions?

Mme Savard (Lise): C'est-à-dire que, nous, ce qu'on veut, c'est, une fois qu'on les a hébergés ? moi, je travaille en centre d'hébergement pour femmes ? ce qui compte, c'est qu'elles ne reviennent pas dans nos murs. Et ce qu'on se dit: Si on leur offre un support et un milieu de vie adéquat par la suite et qu'on crée... ces gens sont seuls, ils sont isolés, et, nous, ce qu'on veut créer, c'est des milieux de vie. En développant des maisons, ou des appartements supervisés, ou des logements transitoires, ça les oblige à se prendre en main. Et ce qui fait défaut à leur sortie, qu'ils sont seuls, ils peuvent acquérir ce qu'ils ont besoin pour vivre en société et naturellement changer leurs, entre guillemets, mauvaises habitudes de vie ou le faire de façon, je dirais, moins dangereuse pour eux autres. Donc, on ne vise pas naturellement un arrêt d'agir sur la consommation; on veut seulement une consommation qu'on dirait adéquate, qui permet de vivre en société malgré tout.

Le Président (M. Kelley): Ça va. Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, et de un, merci de vous être déplacés. Votre région n'est pas nécessairement à la porte, mais une très belle région que j'ai eu la chance de visiter dans une autre vie, ainsi que quelques ressources dont vous avez parlé dans votre mémoire, entre autres Le Séjour, de Jonquière.

À la question 15, où vous faites mention, entre autres, de l'observation d'une ouverture d'esprit positive de la société face à la clientèle cible et leurs réalités, j'imagine que vous faites allusion à ce qu'on a entendu de façon régulière durant la commission, c'est-à-dire le fameux syndrome «pas dans ma cour». On l'a entendu à plusieurs reprises, et je me pose la question et je vous la pose en même temps: N'est-il pas un mandat à la municipalité de promouvoir cette facilité d'intégration? Parce que c'est une intégration aussi d'implanter ne serait-ce qu'une ressource, que ce soit en santé mentale, que ce soit en alco-toxico. Et on sait très bien aujourd'hui... en tout cas, du moins, je pense qu'au sein de la commission ça a permis d'établir les différents corridors qui peuvent amener à l'itinérance. Donc, vous ne croyez pas que la municipalité ne pourrait pas davantage? Parce que, dans votre mémoire, vous parlez de la municipalité, mais ce n'est pas comme une grosse, grosse implication, là. Elle a un mandat, puis ça s'arrête là. Croyez-vous que les municipalités, puis je ne parle pas juste de la vôtre, à travers le Québec...

Mme Savard (Lise): Je crois que, sans contredit, il devrait y avoir une implication municipale. Mais, vous savez, quand on parle d'itinérance, c'est un constat d'échec aussi pour une société. Qui aurait cru, un jour, qu'on parlerait d'itinérance à Saguenay? Tu sais, tout le monde dit: Ah, on est en région éloignée, les gens ne traversent pas le parc. Mais, maintenant, il y a cette mouvance qui arrive maintenant des grands centres, entre autres pour la qualité de vie qu'il pourrait y avoir au Saguenay et peut-être la fausse croyance qu'il y aurait plus d'accès, chez nous, à cette population-là. En effet, il y a quand même... nous, notre gros travail depuis l'arrivée d'IPLI et d'IPAC, ça a été de faire reconnaître cette itinérance-là d'ailleurs par nos décideurs et par la population.

Et on se fait encore poser, avec La Nuit des sans-abri qui vient de passer: il y en a au Saguenay, ils sont où? Je pourrais aller leur montrer plein de places. Mais il n'y a rien de mieux qu'une personne qui ne veut pas voir. Et c'est aussi le reflet de nos municipalités, là. Oui, ils vont s'impliquer. Ils nous ont aidé beaucoup à la Nuit des sans-abri. Ils nous ont fourni de l'équipement, des choses comme ça, mais ce n'est rien vraiment de plus concret que ça. On n'a pas de logements sociaux, on n'a pas de... Donc, c'est vraiment à ce niveau-là, là, qu'il faudrait voir. Mais il va y avoir, ce que je dirais, des actions politiques peut-être un petit peu plus mitigées.

n(16 heures)n

M. Dorion: Nous avons fait l'observation, entre autres, à une question où on parle de la politique sur l'itinérance, où vous êtes en accord. Mais il y a un certain questionnement qui est arrivé durant la commission parlementaire, où on disait: Bon, doit-on avoir une politique? Doit-on avoir un secrétariat? Ou doit-on avoir... Tu sais, il y avait différentes formules, un plan d'action.

Si je vous pose la question à vous, selon vous, selon votre opinion à vous... Parce qu'on a eu comme l'impression que le ballon se promène souvent, hein. Bon, bien, ce n'est pas juste à la municipalité, c'est à l'agence; l'agence, c'est à... Bon! On se promène, puis là on ne sait pas qui doit porter le chapeau. Mais on dit: Si on veut une action concrète, ça prend un répondant; je ne pense pas plusieurs, moi, je pense que ça prend un répondant. Selon vous, là, au sein du ministère, parce qu'il faut que ça parte d'un ministère, quel est le ministère le mieux positionné pour prendre le leadership, rassembler les autres ministères pour arriver à une action concrète?

Mme Savard (Lise): Moi, j'aurais tendance à vous répondre ? et cette question ne concerne que moi naturellement, parce qu'on n'a pas consulté là-dessus ? écoutez, moi, je crois sincèrement que c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux, et, considérant toutes les problématiques touchées, on parle de santé mentale...

Bon, c'est sûr que je pourrais vous dire «le ministère du Revenu», même à ça, il faut un revenu décent, on est très conscients. Mais c'est vrai que ça devra être une concertation incroyable, parce qu'il y a tellement de paliers différents touchés, différentes problématiques. Bon, c'est sûr, si on regarde santé mentale, tout ce qui est, on pourrait dire... du ministère de la Santé, tant qu'à ça, parce que toutes les hépatites, le VIH, ces choses-là. Donc, c'est vraiment une gamme, et je crois que le ministère de la Santé et des Services sociaux est quand même assez sensibilisé pour répondre et réussir à tout rejoindre les différents ministères concernés.

Mais c'est sûr que ce n'est pas qu'une action unique, et c'est vraiment, là, une action qui va toucher plusieurs ministères, que ce soit aussi la Sécurité publique, hein? On s'entend très bien que «pas dans ma cour», on les ramasse aussi pour ne pas qu'ils soient dans les parcs, là.

M. Dorion: Un autre élément qui est ressorti souvent durant la commission, et j'aimerais savoir: Comment ça se passe dans votre région? Parce qu'il y a certaines régions où on semble que ça aille mieux que dans d'autres régions, l'accessibilité aux services. Et là, quand je dis «services», c'est dans le public, et je parle, entre autres, des centres hospitaliers, où on parle ? et vous le savez, je vous l'ai dit tantôt, vous en êtes très consciente, avec l'implication que vous avez dans les différents organismes ? du problème de santé mentale. Comment ça se passe dans votre région lorsqu'on accompagne une personne qui a besoin de services? Et là, quand je dis «hospitalier», ça ne veut pas dire hospitalisation, mais...

Une voix: Centres d'urgence.

M. Dorion: Bien, urgence, évaluation, diagnostic.

Mme Savard (Lise): Je pense qu'on est à l'image du reste du Québec, c'est très difficile. Quand on dit le phénomène «pas dans ma cour», c'est là qu'on le voit, je crois, le plus. L'accessibilité, c'est-à-dire que nous... Une chance qu'on a des intervenants qui sont faits forts puis qu'on parle fort, parce que souvent les portes seraient fermées. On va souvent les classer puis les faire ressortir: Tu es trop chaud, ressors, etc. Ils n'ont pas nécessairement... Et souvent les intervenants, entre autres ? on parle du travail de rue, Maison des sans-abri ? qui vont accompagner, et, là, à ce moment-là, ils seront peut-être pris au sérieux. Je dis «peut-être», parce qu'on n'a pas non plus toujours des succès là-dessus. Et la santé mentale est aussi taboue. On a quand même des organisations qui s'en occupent. Avoir l'évaluation, c'est compliqué. Je dois vous dire qu'il ne faut pas que ça arrive le vendredi à 3 h 30.

M. Dorion: Alors là, ce que je comprends, parce que ça semble plus clair aussi, je peux comprendre un voisin, là, qui voit un centre de thérapie, ou peu importe, arriver à côté de chez eux, d'avoir certaines craintes. Mais là vous me parlez d'un établissement qui a le mandat de soigner les gens, et c'est eux-mêmes qui ont ce... C'est difficile, là, je ne voudrais pas y apposer un mot, là, mais... D'ailleurs, c'est difficile de...

Mme Savard (Lise): Mais la cohabitation de cette clientèle-là est difficile. C'est des gens qui ont parfois des odeurs désagréables. Vous pouvez imaginer qu'en urgence, quand quelqu'un vient vous dire: Regarde, moi, cette personne-là à côté de moi, là, pas capable, sortez-moi ça. Ils vont le sortir.

M. Dorion: Oui, mais...

Mme Savard (Lise) Si on n'est pas là, ils vont le faire.

M. Dorion: ...moi, ce que je veux essayer de comprendre, là, c'est que, oui, effectivement il y en a un peut-être qui peut sentir pas bon, mais, moi, c'est le mandat, c'est le mandat que je remets en question. Si le mandat de notre réseau de la santé n'est plus de soigner, on est rendus où? Et là, bien, tu sais, j'ai entendu le cri de détresse de l'ensemble des intervenants, ce n'est pas... Puis, en plus, quand il y a un intervenant qui accompagne un individu, bien on le sait qu'on a beaucoup plus de chances à maintenir un équilibre qu'une personne qui se présente d'elle-même, exemple, puis qu'elle laisse tomber. Mais, lorsqu'elle est accompagnée, il me semble que... Et même seule, là, je ne veux pas qu'on pense que...

Le Président (M. Kelley): Peut-être, M. Labrèque, vous avez quelque chose?

M. Labrèque (Simon): Oui, je me permettrais juste d'ajouter, au niveau de l'accessibilité aux services, il y a quelque chose dans la structure aussi qui bloque parfois l'accessibilité, donc c'est les corridors de services, donc à savoir les services en santé mentale, les services en toxicomanie. Souvent, on est aux prises avec des clients qui ont de multiproblématiques. Donc, quand on arrive avec, pour les accompagner dans les centres hospitaliers, mais, à ce moment-là, ils les dirigent en santé mentale, qui disent: Ah non! ça ne relève pas de notre mandat, il a une problématique majeure en toxico. Quand on arrive en toxico, bien là, woups!, ce n'est pas notre mandat, ils ont une majeure en santé mentale. Donc, ce qui fait que ces personnes-là sont aux prises dans une partie de ping-pong, puis finalement se désistent du processus d'avoir accès à des soins, puis se désorganisent davantage, là. Donc, c'est souvent un retour à la rue suite à ces difficultés-là.

Mme Savard (Lise) Sans les soins.

M. Labrèque (Simon): Sans les soins.

Mme Martin (Martine): Parce que ce qui arrive souvent aussi...

Le Président (M. Kelley): Mme Martin.

Mme Martin (Martine): Oui. Ce qui arrive souvent, c'est que, si la personne... Parce que le moyen d'accès, c'est l'urgence, O.K. Pour aller à l'urgence, il faut qu'il soit en désorganisation totale. Bien, moi, j'ai une maison d'hébergement hommes, O.K. S'il est chez nous, qu'on sent qu'il se désorganise, tant qu'il n'est pas en désorganisation totale, qui ne nécessite par l'urgence, il ne le prendront pas. Mais, pour nous autres, le temps est long quand on sait qu'il se désorganise, là. On le voit, il est en décompensation, il a tous les symptômes, il les a tous, mais il n'a pas de médecin, il n'a pas de médecin désigné. C'est la même chose s'il a un double diagnostic, si on peut dire, avec santé mentale, toxico, santé physique, qu'il ne veut pas se soigner, ça veut dire hépatite C, où souvent ils sont en protocole de pegintron ou des choses comme ça qui demandent une hygiène de vie assez sévère, là, et qu'ils n'ont pas... Ça fait que la personne ne devient pas sympathique à la cause, puis là ils nous disent: Écoute, ton gars, il n'a pas écouté. Bien, il n'a pas écouté. Mais il faut attendre la désorganisation totale, puis ça, c'est long, hein, surtout quand on... Nous autres, c'est de la souffrance qu'on a dans nos murs, là. Puis on est 20, on a 20 personnes, on est un 24/7, ça veut dire qu'on est deux intervenants le jour, un intervenant de nuit, un intervenant de soir; ça fait que, quand tu en as une couple qui sont en phase de désorganisation, ça prend de la patience.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Gouin.

M. Girard: Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. J'en profite pour vous transmettre les salutations des députés de la région, ils m'ont demandé de vous saluer cet après-midi.

Je veux reprendre un peu sur l'intervention que vous faisiez, madame, suite à la question de mon collègue. Est-ce que vous avez l'impression au fond que les services publics ou le système de santé est peut-être mal adapté à des clientèles qui présentent des multiproblématiques, et qu'on devrait repenser l'offre de services pour faire en sorte que des gens qui ont des difficultés au niveau de la santé mentale ou des personnes itinérantes ou à risque de l'être ne se retrouvent pas oubliées, isolées ou laissées à lui-même? On a beaucoup entendu, dans le cadre de la commission, des commentaires sur l'accueil dans le réseau de la santé de ces clientèles-là. Moi, j'aurais aimé ça vous entendre un peu plus là-dessus puis sur l'expérience que vous avez dans un organisme communautaire.

n(16 h 10)n

Mme Savard (Lise) Écoutez, la compartimentation du système de santé est un problème majeur, C'est drôle, nous, les organismes communautaires, on a dû s'adapter à la multiproblématique. Et pourquoi ça ne se fait pas dans le réseau? On essaie de trouver... Tu sais, il faudrait régler une partie de leur vie, mais c'est tellement... On ne peut pas séparer quelqu'un comme ça. Ça fait que, là, regarde, va dans cette chambre-là, tu parles de toxico. Là, tu changes de place, tu vas aller parler de ta schizophrénie dans l'autre coin. Et, après ça, oups!, si tu as une chance puis tu penses au suicide, bien là il faut que tu changes de département. Ça n'a aucun sens. Et ces gens-là, déjà... N'oublions pas que c'est souvent des sans-cartes, hein...

Une voix: En plus.

Mme Savard (Lise): ...en plus, ce qui donne un délai encore un petit peu plus grand. Et c'est des gens nécessairement, un peu comme tout le monde, qui ne sont pas nécessairement patients pour recevoir les services. Ils vont signer facilement un refus de traitement parce qu'ils vont être exaspérés par tout ce qui se passe, et cette catalogation de... On catalogue les problématiques, puis on essaie de... On va prendre celle-là qui est la plus dérangeante, puis on va le calmer, puis, après ça, on le laisse sortir. Et c'est souvent comme ça que ça se passe, malheureusement, et on n'a pas de solution, on aimerait bien en avoir, mais, nous autres, on réussit à faire avec.

Mais, soyons réalistes, même dans nos milieux, faire vivre ces gens-là ensemble, je peux-tu vous dire qu'on fait de la gestion de crise quasiment heure par heure avec... Comme, moi, j'ai une ressource d'hébergement pour femmes, mais j'ai des femmes victimes de violence, j'ai celles qui sortent de prison, j'ai celles qui sont toxicomanes, j'ai celles qui sont... Et, maintenant, il faut que ça vive ensemble. Je peux-tu vous dire que les heures de repas peuvent être très particulières, et avec leurs enfants naturellement; et n'oublions pas qu'en tout cas, pour la particularité féminine, l'itinérance est un petit peu plus organisée.

Elles font les sept maisons d'hébergement du Saguenay?Lac-Saint-Jean, elles font trois mois là, trois mois là, leurs enfants dans leur sillage aussi. C'est des gens qui peuvent être deux, trois ans sans logement, parce qu'ils vont rentrer... parce qu'il y a des maisons spécifiques «violence». Ah! moi, je suis victime de violence: Ils vont rentrer là trois mois; ils vont s'apercevoir que ce n'est pas vraiment le cas, ils vont les faire ressortir. C'est ingénieux, là, mais c'est fatigant. Vous pouvez imaginer qu'avec le sac de linge, tout le kit, les enfants, là-dedans, qui... Et c'est souvent les enfants qui vont faire la différence, qui vont dire: Maman, c'est assez. Installons-nous dans un logement. Et, nous, c'est à ce moment-là qu'on est utiles aussi, c'est de les remettre en milieu avec des appartements. On est soit en suivi externe, donc le suivi externe est aussi une solution que, nous, on tend à développer. Maintenant, c'est ça qu'il faut voir aussi comme réalité. Mais, dans les hôpitaux, ils ne sont pas... Je ne sais pas, problème d'adaptation autant du réseau que de la clientèle.

M. Girard: Je veux aborder aussi avec vous la question du logement, vous y faites référence à quelques reprises dans votre mémoire. Plusieurs, dans le cadre des consultations que l'on a menées, que ce soit à Montréal, Trois-Rivières, Québec, Gatineau, on parlait de l'importance du logement social pour prévenir l'itinérance ou faire en sorte que les gens qui sont itinérants puissent sortir de la rue. Mais on a également parlé de l'importance qu'il y ait également aussi du soutien communautaire. Quel est le portrait dans votre région au niveau du logement social, l'accès à du logement, notamment pour les personnes seules, et également du logement social avec du soutien communautaire? Et quels sont les besoins que vous avez identifiés «additionnels» pour votre région?

Mme Savard (Lise): Écoutez, dans notre région, c'est quasi inexistant, ce que j'appellerais des logements sociaux avec suivi intensif dans le milieu, comme, nous, on désirerait que ce soit. Il y a quelques ressources qui l'ont fait, comme ma ressource le fait. Maison des sans-abri ont développé une deuxième étape, qu'on appelle, pour nous, qui fait plus d'encadrement. Le suivi dans le milieu permet ça, excepté que, nous, ce qu'on pense, c'est que ce n'est pas en construisant des nouvelles choses, ce serait plutôt un surplus au revenu qui fait qu'ils vont avoir un logement, être capables de se payer un logement décent.

Et, de l'autre côté, ce qu'on croit, c'est que le ministère doit voir à ce que les propriétaires n'abusent pas de cette nouvelle, peut-être, tendance qui va dire: On va augmenter nos logements, ils ont eu un revenu supplémentaire, «let's go», allons-y. Non, ce n'est pas ça, c'est qu'il faut qu'il y ait, des deux côtés, ce que je dirais, des critères qui vont faire que les gens... Et mettons-les avec tout le monde, ces gens-là. Arrêtons de les mettre tous à la même place. Pour, moi-même, avoir été élevée dans un HLM, je peux vous dire que ce n'est pas nécessairement la meilleure place pour placer tout le monde.

Maintenant, si on était capables de les mettre dans une rue normale, entre guillemets, avec des gens normaux, entre guillemets, ils seraient déjà moins identifiés, moins ostracisés et, à ce moment-là, ils pourraient développer vraiment des liens autres qu'entre eux autres et se nourrir... Et ce qu'on disait des appartements, c'est que c'est tous des gens dysfonctionnels qui se ramassent dans un bloc-appartements, et là, maintenant, à qui mieux mieux, si tu manques de drogue, tu vas aller en chercher chez le voisin. Donc, ça enlèverait cette facilité-là, cet accès aux substances illicites, entre autres, en tout cas ça l'obligerait à aller peut-être deux, trois rues plus loin. Et, chez nous, on les connaît très bien, les sites où est-ce que... On ne va pas là. Dans le fond, on essaie... On y va de telle heure à telle heure, puis on sait fort bien qu'après telle heure on n'y va plus.

M. Girard: Si je comprends bien, vous êtes favorables au principe de la mixité, comme on retrouve, là, où il y a construction de logements privés puis également du logement social...

Mme Savard (Lise): Oui.

M. Girard: ...et abordable, là. Ça se développe dans plusieurs coins du Québec.

Je voulais également aborder avec vous... Bon, vous parliez tout à l'heure du phénomène un peu «pas dans ma cour». Dans le cadre de nos travaux, autant à Montréal, Québec, Trois-Rivières, on a eu des témoignages qui ont marqué, je pense, les membres de la commission quant au fait qu'il y avait une judiciarisation de l'itinérance, beaucoup de contraventions, qu'il y a des jeunes qui se retrouvaient en prison. Et on s'entend, vous et moi, que la prison n'est pas le meilleur endroit pour insérer socialement un jeune itinérant ou un itinérant.

Donc, j'aurais aimé ça connaître un peu la situation dans votre région, vos liens aussi avec les corps de police, avec les autorités municipales sur cette question-là. Parce qu'on a entendu beaucoup de choses assez dérangeantes, là, dans le cadre des travaux de cette commission.

Mme Savard (Lise): Écoutez, chez nous, le problème avec les parcs, il y en a très peu; comme on disait, ils ne sont pas beaucoup apparents. Sauf que, soyons réalistes, c'est que souvent il y a des gens, rendus à l'automne ? moi, j'ai quelques clientes ou quelques clients que je connais, parce que je travaille dans le domaine du sida aussi dans ma vie personnelle, comme bénévole ? ça commence à être le bon temps pour rentrer en dedans, parce que tu es logé, nourri, c'est chaud. Et, chez nous, soyons logiques, hein, le moins 40, le moins 35, c'est une facteur assez dissuasif de rester dans la rue, et c'est pour ça que les gens doivent rapidement... C'est ce qui fait que parfois ça déborde dans certaines ressources. On va monter des lits de camp, on va monter... les divans vont être tous utilisés, etc. Donc, pour nous, c'est sûr qu'il y a moins de possibilités, il y a moins de bouches de métro aussi, hein, pour se réchauffer. Nous, les blocs-appartements, tout est barré, à peu près, hein, les gens n'aiment pas ça.

Il y a des tentatives qui sont faites, qui ne sont pas nécessairement heureuses, actuellement avec le milieu policier, des projets parc qui sont plus répressifs que compréhensifs. En tout cas, j'ai hâte de voir l'analyse qu'ils en font, parce qu'eux autres croient que c'est très bien. Nous, ce qu'on en voit, les résultats, ce n'est pas bien. D'ailleurs, on en parlait en montant, on a parlé deux heures et demie de temps. Donc, ce n'est pas vraiment heureux, comme actuellement, là, des... Mais, c'est clair, c'est que: Tu es chaud, tu es saoul, on te ramasse: en dedans. D'ailleurs, nos lits de dégrisement, c'est la prison actuellement. Ce qui fait que... parce que personne ne les veut, hein, quand ils sont trop gelés, ils sont trop chauds. En tout cas, moi, j'ai comme tendance à dire, chez nous: Écoute, elle fonctionne mieux quand elle est gelée, on va la prendre. Parce qu'une fois qu'ils sont en manque ils ne sont pas vraiment vivables, et c'est souvent ce qu'il ne faut pas... Mais la plupart des ressources refusent les gens qui ont consommé. Ça, c'est un problème majeur pour les régions. Tu voulais compléter...

Le Président (M. Kelley): M. Labrèque.

M. Labrèque (Simon): Oui, un autre facteur. Comme, je parlais tout à l'heure des gens qui sont pris avec des multiproblématiques, donc je parlais de la partie de ping-pong qui se terminait souvent avec la balle qui revenait à la rue, bien, justement, quand ces gens-là reviennent à la rue, bien souvent ce qui les attend, c'est la judiciarisation, étant donné qu'ils n'ont pas eu accès à des soins adéquats. Donc, ils sont désorganisés en ville puis, l'étape ultime, c'est vraiment donc de faire affaire avec le service de police, qui les ramasse puis qui les judiciarise, de par leur état. Donc, c'est là qu'on va pouvoir... C'est plate à dire, mais souvent c'est ce qui fait avancer l'accessibilité aux soins, c'est qu'il y a une obligation, justement ordonnée par la cour, de suivre un traitement. Mais c'est très dommage de se rendre jusque-là, de judiciariser une personne pour qu'elle ait accès à des soins alors qu'elle avait déjà fait la demande peut-être trois, quatre, cinq mois à l'avance, et que c'est son état de désorganisation qui l'amène jusque-là.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup pour votre déplacement. Traverser le parc, c'est toujours une aventure, alors bon retour et merci pour une présentation très terre à terre, très pratique. Votre expérience est mise en évidence pour les membres de la commission. Alors, je vais suspendre quelques instants. Je vais demander à la Table de concertation sur l'itinérance de Sherbrooke de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 19)

 

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Kelley): Alors, nous allons continuer. Après une présentation sur la situation de la région du Saguenay, on va tourner vers le sud-ouest et on va dans la région de Sherbrooke. Alors, sans plus tarder, les deux témoins qui représentent la Table de concertation sur l'itinérance de Sherbrooke, Mme Marie-Claude Vézina et M. Jean Comptois, la parole est à vous.

Table de concertation sur
l'itinérance de Sherbrooke

M. Comptois (Jean): Merci. On est de l'autre côté de la rivière, justement. Donc, on a choisi de vous présenter... Bien, d'abord, merci pour l'accueil. On a choisi de vous faire notre présentation autour évidemment de la table de concertation sur l'itinérance, parce qu'un facteur majeur pour les avancées qui ont eu lieu sur le terrain, chez nous.

À Sherbrooke, les différents acteurs sont rassemblés autour d'une large mobilisation avec la conviction qu'ensemble et en concertation multisectorielle on doit et on peut réussir à faire mieux. Nous sommes à même aussi de constater que l'ampleur du phénomène de l'itinérance sur le territoire de Sherbrooke ne pourra pas être endiguée sans le partage d'une vision commune, d'une association solide et volontaire de tous les partenaires concernés. On travaille tant à la prévention de l'itinérance qu'à l'amélioration de l'accès aux divers services requis par les personnes vivant cette situation-là.

À Sherbrooke, la table de concertation est constituée actuellement de 25 représentants de différents secteurs ciblés. Le rôle de la table est d'assurer la cohésion de l'ensemble de la démarche de concertation, de susciter la participation des différents acteurs en lien avec son plan de travail, de faire les représentations requises en lien avec l'itinérance à Sherbrooke et de poursuivre, avec l'Agence de la santé et des services sociaux de l'Estrie, l'actualisation du mandat dans le cadre du programme IPLI, dont on reparlera un petit peu plus tout à l'heure.

Je me permets de vous faire un petit survol ? évidemment, vous aviez tout ça dans le document ? mais pour vous dire qui est à la table. Ce n'est pas peu dire, donc on a l'agence, finalement, de la santé et des services sociaux, on a différents groupes, associations, là ? la majorité, je dirais ? mais vous avez aussi le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, la direction régionale, le CSSS, l'Office municipal d'habitation, la ville de Sherbrooke, les policiers, le Service de police de Sherbrooke ? le SPS ? et donc toute cette panoplie d'acteurs qui sont autant d'observateurs de la situation, ici.

Si on a cette concertation ? j'ai un peu parlé de momentum, d'un moment charnière qui a fait que ces gens-là se sont regroupés; il y a un élément de nécessité évidemment, alors d'observation concrète de besoins avant tout et ensuite de l'intérêt ? bien, une présence, il faut dire, il y a beaucoup de groupes, d'associations communautaires en territoire sherbrookois, qui est une richesse qui a énormément contribué évidemment à la mise en place de cette structure-là. Mais, au-delà de la bonne foi, du momentum, de l'intérêt et de l'ouverture de tous les acteurs qui sont là, ça prend des moyens; la concertation doit être soutenue aussi à certains égards.

Donc, on a pu bénéficier, grâce au programme fédéral IPAC, à l'origine, d'un soutien à cette concertation-là qui a permis une animation structurée et structurante, qui a permis aux acteurs de prendre parole et de se lancer dans l'action, cette action qui a mené évidemment au développement de bonification d'une prestation de services déjà en place, une consolidation pour une part, et le développement de ressources qui n'étaient pas là avant l'arrivée de ce programme-là. Donc, ça a été fort important.

Mais ça a permis aussi de restructurer ? on entendait d'un groupe précédent ? les éléments de services de santé qui ont besoin d'être interpellés par rapport au type d'accueil qu'ils font, mais ces acteurs-là étant à la table, ça a permis aussi de restructurer certaines approches, de remanier certains services pour accueillir davantage la clientèle. Il y a beaucoup de chemin à parcourir encore, mais ça a permis d'ouvrir ces portes-là. D'avoir les gens à la table, ça permet, entre autres, de faire ces entrées-là.

Et je dirais qu'il y a une convergence ? c'est une particularité dans cette mobilisation-là d'acteurs, la table de concertation ? qu'il y a une convergence d'intérêts mitoyens, je dirais. Je m'explique. Parce que c'est des gens qui ne sont pas nécessairement à la direction, bien qu'ils représentent leur établissement, mais souvent des gens de milieu, des gens qui sont sur le terrain, des agents, donc ces gens-là sont en position d'observation et d'appréciation des besoins, ce qui fait que la force de cette concertation est active.

Donc, déjà en 2002, on s'est doté d'un cadre de référence en matière de lutte contre l'itinérance à Sherbrooke ? en août 2002 ? basé sur une définition commune du phénomène en l'occurrence. Et là on a les détails dans notre document. Sur ce, je donnerais tout de suite la parole à ma collègue, qui va parler plus de la réalité terrain.

Le Président (M. Kelley): Mme Vézina.

Mme Vézina (Marie-Claude): Bonjour. Notre réalité en Estrie. Sherbrooke, c'est le grand centre en Estrie. Qu'est-ce qu'on constate? On entend souvent puis on a entendu lors de cette commission puis dans d'autres occasions que les personnes itinérantes, c'est principalement à Montréal qu'elles sont présentes. Il y en a beaucoup à Montréal, mais il y en a beaucoup également à Sherbrooke.

Qu'est-ce qu'on constate à Sherbrooke? Beaucoup des gens qui utilisent des ressources en itinérance sont des citoyens de Sherbrooke ou des municipalités environnantes. On commence à constater ? on n'a pas de chiffres là-dessus également, mais c'est des constatations par différents acteurs terrain ? on a l'impression, surtout depuis l'arrivée du programme IPLI-IPAC, qui a permis de consolider les ressources mais qui a aussi permis d'ajouter des ressources manquantes, comme on en parlait un petit peu tout à l'heure, qu'il y a de moins en moins de gens qui partent de Sherbrooke vers Montréal. Et on a comme l'impression qu'il y a de plus en plus de gens qui partent de Montréal pour revenir dans leur région d'origine. C'est ce qu'on constate.

Je parlais tout à l'heure qu'avec la mise en oeuvre des programmes IPAC, IPLI... Il y a des organismes qui existaient depuis 15, 20, 25 ans à Sherbrooke, bien ça a permis de consolider leurs ressources, ça a permis de solidifier l'ensemble de leurs activités, mais ça a également permis une concertation qui a permis de mettre sur pied les choses qui manquaient. Il y a six ans, à Sherbrooke, il n'y avait pas de refuge d'urgence qui acceptait les gens, tant hommes que femmes, en situation d'intoxication et d'ébriété. Il y a le Partage Saint-François qui accepte les hommes non intoxiqués, mais, il y a six ans, nous, à l'organisme où je travaille et dans d'autres organismes, quand on avait des gens qui se présentaient à nous et qu'ils n'avaient pas d'endroit pour dormir, bien souvent on ne savait pas où les référer. Donc, en tant que table de concertation, on a identifié que ça prenait absolument un refuge à Sherbrooke; IPAC, à l'époque, a permis de mettre sur pied ça, suite à un besoin identifié. Et on n'a pas créé un nouvel OSBL, c'est le Partage Saint-François, qui existait déjà, qui a en plus ajouté ce service-là, bonifié ses services.

Il y en a d'autres. Qualilogis, qui aide les gens à se trouver un appartement mais surtout à le conserver, donc certaines formes de suivi, ça n'existait pas il y a cinq, six ans. L'équipe Itinérance, que vous allez rencontrer après nous, puis CSSS-IUGS de Sherbrooke n'existaient pas il y a six ans. Depuis l'existence de cette équipe-là, tout le monde qui ont affaire avec l'équipe Itinérance de Sherbrooke disent: Ouf! enfin. Beaucoup moins de situations d'impasse, beaucoup de portes qui s'ouvrent plus facilement, beaucoup moins de tournage en rond pour les personnes usagères et pour les ressources également.

Notre réalité en Estrie, c'est une augmentation du simple au double dans la majeure partie des organismes depuis cinq ou six ans également. On n'a pas l'analyse sur le pourquoi de cela, probablement parce qu'on est capables de mieux répondre aux besoins. À La Chaudronnée, soupe populaire, tout a doublé en cinq, six ans; l'Accueil Poirier, qui est le refuge, accueille 600 personnes différentes par année, c'était prévu, je pense, pour 150 à peu près quand on a mis sur pied le refuge, puis on a vite constaté que le besoin était beaucoup plus grand que ça.

n(16 h 30)n

Qu'est-ce qu'on constate beaucoup à Sherbrooke? Il y a différents types d'itinérance. Oui, il y a des gens qui dorment dans la rue, pas en plein hiver, on ne croit pas, mais il y a des gens, plus en saison estivale, qui dorment à l'extérieur. Mais il y a beaucoup d'itinérance cachée, l'itinérance cachée qui peut se vivre de différentes façons. Mais citons un exemple: Une femme de 32 ans démunie et vulnérable qui accepte de vivre une relation de soumission et de compromission avec un homme, recevant comme seul tribut: le gîte. C'est des situations qu'on voit beaucoup, pas juste pour les femmes, pour les hommes, pour les jeunes également, surtout ceux qui sont très vulnérables, ne se ramassent pas dans la rue, ne se ramassent pas au refuge, mais ce serait peut-être mieux qu'ils se ramassent au moins au refuge.

Nos besoins, à Sherbrooke. Comme je le disais tout à l'heure, on existe autant, les organismes communautaires, que différentes institutions, à Sherbrooke, existent depuis de nombreuses décennies. Ça a permis de pouvoir documenter un petit peu nos besoins, d'identifier localement notre modèle de réponse par rapport aux besoins identifiés par l'ensemble... une bonne partie des partenaires, des acteurs à Sherbrooke. On veut vous passer comme message, Mmes, MM. les parlementaires, qu'il est important pour les décideurs de résister au mur-à-mur. Qu'est-ce qui fonctionne dans un endroit peut peut-être fonctionner dans un autre endroit, mais ce n'est pas un plus un égale deux nécessairement.

Le profil des besoins à Sherbrooke. Une bonne partie des besoins qu'on a identifiés avec la table de concertation il y a cinq, six ans ont été comblés, ne le sont pas tous.

L'énergie de la concertation. On identifie un besoin. Exemple, quand je parlais du refuge, tout à l'heure. Quand je parle, tout compte fait, le projet de fiducie volontaire, c'est en concertation qu'on a identifié ce besoin-là, puis c'est en concertation qu'on trouve les moyens de pouvoir arriver à les mettre sur pied, à convaincre les décideurs du besoin puis surtout à mobiliser les gens vers un même but. Puis ça, on croit que c'est très, très gagnant.

On a quelques priorités à la page 10 de notre mémoire. On a comme quatre grandes priorités, qui n'excluent pas d'autres besoins. L'hébergement d'urgence et de transition: on doit consolider le fonds d'hébergement d'urgence pour les populations féminine et masculine. Le soutien en logement: soutenir les projets qui touchent le soutien communautaire en logement.

Vous savez probablement qu'il y a un nouveau cadre de référence depuis six mois, un an, un cadre de référence sur le soutien communautaire en logement, qui a été lancé avec une enveloppe de 5 millions pour l'ensemble du Québec. En Estrie, l'enveloppe qui nous a été allouée a été d'un montant de 384 000 $ pour l'Estrie. Par contre, malheureusement, un petit peu plus que la moitié de cette enveloppe-là a été allouée ailleurs dans le réseau que pour le soutien communautaire. Donc, la somme initialement de 374 000 $ qui était allouée pour l'Estrie a diminué, a fondu à 180 000 $, pour l'Estrie. Donc, pour Sherbrooke, ça représente 90 000 $. C'est un pas vers la bonne direction, c'est une première qu'il y ait de l'argent pour le soutien communautaire, et cet argent-là n'est pas que pour les personnes en situation d'itinérance, mais pour plusieurs types d'autres personnes.

M. Comptois (Jean): Pour vous donner un exemple, dans l'appel d'offres qu'il y a eu en regard de ce programme, il y a eu pour actuellement 500 000 $, sur Sherbrooke seulement, de projets adéquats, d'expériences prêtes à partir, mais on se retrouve avec 90 000 $ d'enveloppe, et ce 90 000 $ là, c'est aussi coupé de façon récurrente. Donc, le 374 000 $ initial a été coupé de façon récurrente, sur les trois prochaines années; un petit peu dur à prendre après tous ces efforts. Mais, cela étant...

Mme Vézina (Marie-Claude) : Et on est en train de mettre sur pied une... on a mis sur pied une coopérative de logement en solidarité sociale avec soutien communautaire, plusieurs membres de la Table de concertation sur l'itinérance de Sherbrooke. Et la demande qu'on a déposée en soutien de financement est de 190 000 $, juste pour notre projet de coopérative, au niveau du soutien communautaire.

Deux autres de nos priorités, rapidement: l'accès à des services adéquats et adaptés, soutenir en priorité les ressources qui fournissent un milieu de vie aux personnes les plus marginalisées ? ça, on considère que c'est très important ? et aussi de soutenir des projets qui favorisent le développement d'un réseau social; et tout le côté du développement des connaissances et de la concertation ? c'est superimportant d'offrir des formations à l'ensemble des intervenants tant du communautaire que du réseau public ? soutenir les efforts de concertation.

Nous, par rapport à la concertation, on est convaincus qu'à Sherbrooke, via notre table de concertation et les différents acteurs qui y gravitent, on a de multiples solutions qui sont à la portée de la main. Ça nous prend parfois, souvent, juste un peu plus de ressources financières pour y arriver, puis on croit que, si cette mobilisation-là qui est capable d'identifier les besoins est bien soutenue, de moins en moins de personnes vont se retrouver à la rue ou en situation d'errance. Je laisse les quelques minutes qu'il reste à Jean.

M. Comptois (Jean): Comme solutions et recommandations, évidemment on est pour la mise en place d'une politique globale interpellant de façon transversale tout le monde, parce que tout à l'heure... c'est une question d'emploi, c'est une question de revenus, etc. Donc, on était de ceux qui ont participé à l'élaboration d'ailleurs du projet de politique qui a été porté par le Réseau Solidarité Itinérance du Québec, droit de cité, droit à un revenu décent, droit au logement, à l'éducation, à la santé, réseau d'aide et de solidarité.

Il y a un besoin au niveau de la sensibilisation, on en parlait dans le cadre du groupe précédent. Évidemment, il faut que les gens puissent suivre un peu les travaux puis les avancées qui se font sur le terrain. Donc, le phénomène «pas dans ma cour» est aussi présent malgré tout chez nous comme ailleurs. Donc, ça prend un rapprochement avec le citoyen moyen aussi pour comprendre la situation puis aller chercher son appui.

Nous, on a bénéficié évidemment de l'appui des municipalités parce qu'on a eu l'opportunité, la chance d'avoir le président de l'Union des municipalités du Québec, M. Jean Perrault, qui a porté appui à toutes les fois qu'il a eu l'opportunité. Et, maintenant qu'il est rendu sur la scène nationale aussi, il fait suivre un peu ce type d'appui là. Donc ça, c'est un point d'ancrage intéressant.

Évidemment, le rehaussement du soutien financier en itinérance, là comme ailleurs, les besoins sont plus élevés que qu'est-ce qu'on arrive à faire dans les faits. Donc, ça demande: de rehausser de façon significative les enveloppes du PSOC, le Programme de soutien aux organismes communautaires; d'allouer un financement de base adéquat permettant le maintien et la mobilisation de notre concertation locale sur l'itinérance ? je dirais même, là, évidemment, sur la scène locale, mais, sur la scène provinciale, c'est la même chose; d'intervenir au fédéral pour que le programme IPLI soit reconduit pour au moins cinq ans, ce qui semble avoir été annoncé ? mais, quoi sur cinq ans, ça, ça reste à définir, puis au moins un minimum de 50 millions par année serait un objectif souhaitable; puis obtenir des programmes et des mesures souples dans l'application et adaptées en fonction des ressources et des clientèles. Voilà, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission en cédant la parole à ma collègue la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Alors, bienvenue à cette commission. On a rencontré plusieurs intervenants au cours des nombreuses journées que nous avons consacrées à cet important phénomène, l'itinérance au Québec, on a rencontré plusieurs municipalités. Quelques-unes nous disaient que ce n'était pas... le phénomène «pas dans ma cour», c'était par rapport à l'itinérance, et il y en a d'autres pour qui il y avait des initiatives qui avaient été mises de l'avant. Et je crois que c'est le cas chez vous, avec la ville de Sherbrooke. Vous avez parlé d'une politique de développement social et communautaire.

Alors, j'aimerais en savoir un peu plus par rapport à votre partenariat avec la municipalité.

Mme Vézina (Marie-Claude): Je pourrais dire que, premièrement, il y a une personne de la ville de Sherbrooke qui est membre de notre table de concertation depuis les tout débuts du service de la vie communautaire. Il y a également le service... Il y a un membre du service de police communautaire qui est également membre de notre table de concertation. Donc, l'identification des besoins, qu'on parlait tout à l'heure, ça a été fait aussi avec eux, même que le membre du service de police... Au tout début, il y avait un comité d'implantation pour le refuge du Partage Saint-François, et le nom m'échappe, mais le policier en question était membre de ce comité-là également. Donc, ça change les choses, ça change la donne quand ces acteurs-là sont présents avec les autres acteurs; ils sont bien au courant, ils connaissent les organismes. La municipalité connaît assez bien les différents organismes de la communauté sherbrookoise, ils sont à même de voir l'excellent travail que l'ensemble des partenaires font et l'importance de soutenir ces groupes-là. Ça fait que c'est pour ça qu'ils nous appuient tout le temps, tant dans nos revendications IPAC, IPLI, tant dans la demande d'une politique en itinérance ? ils ont donné leur appui à cela également.

n(16 h 40)n

On pense qu'il y a de moins en moins de gens qui partent vers Montréal mais qui reviennent vers chez nous, donc, si on s'en occupe assez bien, qu'on a des services adéquats... Ça prend l'appui de l'ensemble des partenaires à ce niveau-là... Et la politique de développement social est en branle à Sherbrooke. Elle n'est pas encore adoptée, mais ça va se faire sous peu, dans le processus des étapes... Je ne suis pas au courant de tout, tout, tout, là, mais c'est supposé d'être en 2009, officiellement, que ça devrait être adopté. Et le comité directeur de cette politique du développement social a invité différents acteurs, dont un membre de la table de concertation sur l'itinérance, à siéger sur le comité de mise en oeuvre. Donc ça, c'est superintéressant également. On est interpellés, et c'est ce qu'on veut, pas tout seuls, mais avec l'ensemble des acteurs communautaires et publics.

M. Comptois (Jean): Je pense que c'est peut-être un travail de longue haleine, parce que je me souviens, moi, avant que la Ville de Sherbrooke adopte une politique de reconnaissance des groupes communautaires en présence sur son territoire, c'est parce qu'il y avait un nombre, une prépondérance de groupes communautaires très actifs sur le territoire, qui n'étaient pas rien que des associations bénévoles, qui étaient de tout acabit, de services, de prestations de tous genres, du sport à la santé, peu importe, à l'emploi, qui a fait qu'ils se retrouvaient devant un fait établi et devant lequel ils ne pouvaient pas reculer.

Donc, ce rapprochement-là s'est fait, ces ouvertures-là se sont faites à force de représentations, évidemment. Et c'est les groupes qui ont été, pour une bonne part, à la base, et avec le soutien aussi, il faut dire, du CSSS, actuellement, avec un noyau dur d'organisateurs communautaires résistant au virage de ces établissements qui sont devenus CSSS, santé et services sociaux, instituts universitaires de gériatrie, aussi. Ça fait que, là, la prépondérance santé prend évidemment beaucoup plus la place que tout l'aspect services, services sociaux, services communautaires. Donc, avec ces appuis-là, ça nous a permis d'avoir les bonnes entrées, faire les bonnes négociations puis revendiquer avec ouverture. Ce n'est pas avec les pancartes, nécessairement, là, c'est des discussions de corridor autant que des représentations à différentes instances.

Mme Gaudreault: Alors, merci et surtout bravo, parce que, oui, vous avez raison, il faut vraiment y aller en tant que partenaires. Tout le monde à son rôle à jouer dans cette société, et le phénomène de l'itinérance en est une belle preuve. Alors, merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Bonjour. Dans vos recommandations, dans les quatre recommandations que vous mettez de l'avant dans votre mémoire, vous amenez... vous demandez au gouvernement «d'obtenir des programmes et des mesures [qui sont] souples dans l'application et adaptés en fonction des ressources et des clientèles». C'est une recommandation qui est très large.

J'aimerais, dans le contexte très précis de la région de Sherbrooke, que vous nous indiquiez ce qui vous amène... Est-ce qu'il y a des secteurs en particulier, est-ce qu'il y a des programmes en particulier auxquels ? et je suis persuadée qu'il y en a, là; auxquels ? vous faites référence et, dans le cadre de vos actions, là, qui sont ciblés par cette recommandation-là, et qui pourraient nous amener... Parce que, nous, on a un travail aussi, un travail de concertation à faire, on aura un rapport à rédiger, et, dans ce contexte-là, c'est toujours appréciable d'avoir des exemples concrets de ce besoin-là de mesures souples.

Le Président (M. Kelley): M. Comptois.

M. Comptois (Jean): O.K., oui. Par exemple, du côté de l'employabilité et de l'insertion socioprofessionnelle, par exemple, il peut exister différentes mesures. Encore faut-il avoir le bon profil, avoir les bonnes caractéristiques, être prestataire, pas prestataire, etc. Il y a toutes sortes de conditions préalables et qui font qu'on se retrouve avec des contraintes dans l'action qui ne sont pas toujours pertinentes, à savoir... Ça ghettoïse, ça favorise plus la ghettoïsation de certains problèmes plutôt que d'y aller de façon plus globale, en incluant d'autres jeunes en situation peut-être moins grave, mais qui crée une dynamique plus intéressante dans un groupe, avoir une variété d'acteurs pouvant profiter de la même mesure pour aboutir, à son rythme, au cheminement voulu.

Plateau de travail, par exemple ? je prends celui-là parce qu'on a deux plateaux de travail chez nous. On est en restauration, cuisine, et on est à la fois en conciergerie. Ça adonne, on a un complexe d'appartements à gérer, ça fait que ça a permis de vraies jobs, qui existent, dans ce domaine-là. Puis, pour des jeunes sans formation, bien c'est des postes potentiels à 10 $, 12 $, 15 $ de l'heure, ce qui est fort intéressant pour quelqu'un qui veut se faire un fond, un peu. Mais ces mesures-là bien souvent nous obligent, par exemple, à sélectionner au moins un minimum de six candidats à la fois, de fonctionner au moins sur un 24 semaines, ce qui est... Ça va, mais là tu essaies de rouler une opération concrète, par exemple au niveau de la restauration, avec une vraie clientèle, avec des vraies situations de travail, et là il faut que tu changes ton contingent, tu en embarques un autre puis tu recommences, et là ta rentabilité, c'est ton problème. Mais il n'y a pas une entreprise qui ferait ses frais en faisant la même chose. Donc, la mission n'est pas comme reconnue, ça ne fait pas partie du processus, alors que c'est tout aussi fondamental d'avoir une vraie clientèle, de faire des vraies affaires mais d'être suffisamment... d'être capable d'essuyer les pertes qui viennent avec ça, parce que c'est ça, la réalité. Bon.

Mme Vézina (Marie-Claude): D'autres exemples, je pourrais dire ? excuse ? ...

M. Comptois (Jean): Oui.

Mme Vézina (Marie-Claude): ...de mesures souples: les gens qui n'ont pas d'adresse, exemple, pour avoir une preuve de résidence. Actuellement, à Emploi-Québec, il y a des ententes avec différents organismes communautaires à Sherbrooke, mais, il y a six, sept ans, ça ne se voyait à peu près pas, ça non plus, de... Et ça s'est fait comme en collaboration avec la direction régionale d'Emploi-Québec et les fonctionnaires qui étaient en lien avec notre table de concertation, aussi, avec un lien de confiance aussi entre l'organisme et l'institution publique. Ce lien de confiance là est superimportant à tous les niveaux.

La même chose pour l'ancien programme Insertion sociale, qui est devenu le Programme d'aide et d'accompagnement social. Ça fait longtemps que de nombreux groupes disaient que c'est trop court, une année, pour plusieurs types de personnes. Là, on peut aller jusqu'à un an et quart, un an et demi maximum. Il faudrait que ce soit encore plus souple. Pour certaines personnes, ça prend encore davantage de temps. Certaines personnes peuvent peut-être faire deux, trois mois, six mois sur une mesure d'insertion sociale et, pour différentes raisons, être obligées de l'arrêter, mais qu'ils ne soient pas pénalisés pour ça et qu'ils puissent reprendre cette mesure-là. C'est un autre type d'exemple.

Et, quand ils ont mis sur pied, à Sherbrooke, le PAAS, Programme d'aide et d'accompagnement social, ils ont également consulté certains organismes pour les fiches d'évaluation. Comment on pourrait faire pour faire un meilleur suivi? Ils ne l'ont pas fait tout seuls dans leurs bureaux, ils nous ont consultés, certains groupes. Ça permet d'adapter les mesures à la réalité.

Mme Vallée: Donc, si je comprends bien, les bons coups résultent d'une concertation, alors c'est de sensibiliser l'ensemble des intervenants à cette concertation-là afin d'améliorer finalement les services. Ça ne passe pas nécessairement par une grande politique globale, mais plutôt régionalement adaptée à la saveur locale, peut-être?

Mme Vézina (Marie-Claude): Ça dépend pour quoi. À ce sujet-là, oui, par exemple, là, mais, à d'autres niveaux, on pourrait y revenir, là, mais...

M. Comptois (Jean): Encore faut-il qu'ils aient la latitude de cette souplesse, parce que les programmes descendent des fois, puis c'est un peu mur à mur, là, ça s'appelle: C'est comme ça, puis tu as tant de temps, puis c'est fini après. Et là on pense obtenir des résultats, de reconstruire des vies en six mois; c'est un petit peu ardu, pour le moins.

Le Président (M. Kelley): C'est toujours le phénomène de... On essaie de faire du mur-à-mur au nom de l'équité, mais il y a des réalités régionales qui exigent une certaine souplesse, et on est souvent devant ces deux impératifs. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Merci, M. le Président. Bien, je me réjouis qu'à Sherbrooke ça aille relativement assez bien dans le partenariat, la concertation, et tout ça, parce que je vous avoue que c'est différent dans les autres régions. Tu sais, je suis un peu comme ébranlé à savoir qu'est-ce qui s'est passé de si magique à Sherbrooke, parce qu'à la lecture puis la compréhension de ce que j'entends de votre mémoire... Ce n'est pas ce que j'ai entendu dans les autres régions. Puis là, depuis tantôt que j'essaie de trouver, dire: Coudon, pourtant, il y a des tables de concertation dans les autres régions, il y a du partenariat dans les autres régions. J'ai dit: Coudon, ils n'ont peut-être pas le premier ministre. Je me suis dit sur le coup: C'est peut-être ça, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(16 h 50)n

M. Dorion: Mais non, mais c'est vrai. Non, mais je suis content que ça aille bien, mais je vous avoue, là, que c'est la première journée, vous êtes les premiers à me présenter un profil, autre que les ministères, mais là les ministères, on peut comprendre. Mais, comme organisme, d'avoir une concertation aussi développée... Puis je vous dirais... Et j'ai tendance, j'aurais tendance à vous poser la question, parce que vous avez des solutions, ça, c'est sûr et certain. Et si l'action est si concertée, puis les partenaires travaillent ensemble, puis ça arrive à du résultat à bien des places, bien je me dis: Coudon, qu'est-ce qui n'est pas appliqué dans les autres régions puis qui est appliqué à Sherbrooke? Ça va être ma question, ma première en tout cas. Parce que c'est magique, là, puis, je veux dire, tous ceux qui vous entendent aujourd'hui, dans les autres régions, puis qui se sont présentés devant nous, à la commission, ils vont dire: Coudon, qu'est-ce que vous faites pour travailler avec les acteurs puis que les acteurs... Parce que ? et là je recite ce que vous avez mentionné ? même les acteurs descendent puis viennent vous consulter. Moi, ce n'est pas ça que j'ai entendu ailleurs. Moi, j'ai entendu, là, qu'il n'y en a pas, d'écoute, ailleurs. Comment ça qu'à Sherbrooke il y en a une?

Le Président (M. Kelley): Expliquez le magique, Mme Vézina.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dorion: Non, non, mais je me réjouis, parce que, moi, c'est toujours ceux qui ont besoin d'aide, ceux qui... et, je vous dirais, ceux qui ont besoin d'aide, mais aussi tous les acteurs qui oeuvrent à améliorer la situation des gens. Tant mieux si ça fonctionne, mais c'est quoi?

Mme Vézina (Marie-Claude): C'est vrai qu'on a une très belle concertation à Sherbrooke, et nous en sommes fiers. C'est sûr qu'avec les liens qu'on a avec les autres régions on est conscients que ça ne se passe pas pareil d'une région à l'autre. Je suis très fière de travailler à Sherbrooke, pour ça. Travailler dans le milieu de l'itinérance, c'est déjà très dur, mais de le faire dans un contexte de chicane et de guerre de clochers, etc., ça l'est encore plus.

Pourquoi c'est comme ça? C'est un travail, je crois, comme Jean le disait tout à l'heure, de longue haleine. Mais, au début... Et il y a quelqu'un en arrière qui pourra me corriger plus tard, quand il passera à l'audition du CSSS, mais, au départ, quand IPAC a été annoncé, en 1999, 2000, il s'est formé un noyau, à Sherbrooke, de quatre, cinq organismes communautaires qui se sont concertés, et rapidement cette concertation-là a été stratégique et a ciblé les différents acteurs de la communauté, et pas que le communautaire. Oui, le communautaire fait énormément de choses, mais, dans d'autres régions, les concertations sont souvent... peut-être que c'est correct aussi, mais en tout cas ne sont souvent que des groupes communautaires, et, dans le cadre de d'autres, ils ont des comités inter, avec les villes, etc.

Quand on a eu notre premier argent IPAC, à Sherbrooke, 2000-2003, il y a l'équivalent d'un poste temps plein qui était pour la concertation, et c'est la table de concertation, qui était principalement formée de groupes communautaires, qui a décidé que l'acteur le mieux pour coordonner, pour animer cette concertation-là, que c'était un organisateur communautaire du CSSS, mais c'était avec de l'argent IPLI... IPAC, excusez, là. IPAC, IPLI, ça devient mêlant. Mais on avait un intervenant temps plein qui était responsable de la mise sur pied et de la coordination de notre table. Sans ça, on n'en serait sûrement pas où est-ce qu'on en est aujourd'hui. Par contre, de la maintenir, ça va être un autre défi, parce qu'actuellement c'est l'équivalent d'une journée-semaine qu'on a en soutien à notre coordination, et on peut voir, des enjeux, que ce ne sera pas facile de rester mobilisés, parce qu'il y a beaucoup d'enjeux importants qui ne peuvent pas être portés par des acteurs qui sont déjà débordés dans leurs organismes.

Mais il y a une magie à Sherbrooke, effectivement. C'est des bons acteurs qui étaient là au début puis qui étaient capables de se dégager de leurs propres organismes, qui étaient capables de ne pas juste voir leurs organismes, qui étaient capables de voir la communauté dans son ensemble. Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, et il y a toujours... Des fois, tu travailles pour un organisme ou une institution, tu veux tirer la couverte, mais le but ultime n'est pas ça, c'est d'arriver à essayer... pour nos concitoyens, qu'est-ce qui est le mieux à faire. Puis je pense que la majorité des gens autour de la table ont cette pensée-là, qui s'est développée au fil des ans, mais soutenue, soutenue. Puis on a réussi à mettre des projets concrets sur pied, également, qui sont des réussites. Ça fait que ça, ça aide également à rester mobilisés.

Je ne sais pas si ça répond, mais c'est tellement une belle question que ça pourrait être très long d'y répondre.

M. Dorion: Non, non, mais c'est parce que c'est une belle magie, puis, je veux dire, cette magie-là, on ne l'a pas retrouvée ailleurs, on ne l'a pas dans les autres régions. Puis, moi, je veux dire, je ne pense pas avoir été le seul à constater ça. Je veux dire, on est allés à Montréal, on est allés à Gatineau, on est allés à Trois-Rivières puis on est ici. Les gens du... Jonquière, les gens du Lac-Saint-Jean, tantôt, ne nous mentionnaient pas tout à fait le même discours, mais là, dans le fond, ce que je réalise aussi, c'est que... Puis je prenais un exemple: ça veut dire qu'une personne, dans la région de Sherbrooke, exemple, qui a des problèmes... parce que ça, c'est revenu souvent puis ça a été même blâmé pas plus tard qu'hier, là: une personne qui a une difficulté, puis qui a des problèmes de santé mentale, puis qu'elle va à l'hôpital de Sherbrooke, elle est accueillie les bras ouverts. Moi, si j'entends la magie de votre mémoire, ça veut dire qu'elle va être... elle va avoir le droit, c'est-à-dire, de recevoir ce que l'État doit lui rendre, ce qui ne se vit pas dans les autres régions.

Le Président (M. Kelley): Oui, M. Comptois.

M. Comptois (Jean): J'aimerais quand même amener un bémol, là, parce qu'il ne faudrait pas que ça devienne fleur bleue, cette affaire-là, parce que... Non, parce qu'on est quand même dans une situation de coopération conflictuelle: les acteurs plient devant la nécessité, les besoins sont là. Alors, il n'y a pas personne qui a la réponse plus que l'autre dans les poches, mais il faut faire quelque chose, et les personnes ne veulent pas porter l'odieux de ne rien faire, ça fait qu'ils ont l'intérêt à ce que les choses avancent. Et c'est ça qui caractérise plus, je pense, la situation.

Est-ce qu'on s'entend à merveille sur tous les plans? Je vous ai parlé tout à l'heure de ce qui s'est passé avec l'agence par rapport à un fonds dédié particulier qu'on attendait bras ouverts depuis des mannes; on suivait les travaux, puis tout à coup l'argent était ailleurs. Ce n'est pas très plaisant. Mais c'est le fun de l'avoir à la table pour la ramasser là-dessus puis lui dire: Bien, là, pourquoi? Puis où est-ce qu'on va avec ça? Puis, si tu veux venir chercher un partenariat, il faut que ce soit volontaire, il faut que ce soit un vrai acteur que tu considères, sans quoi ça ne marchera pas. Et c'est ça qui se passe avec la prépondérance des joueurs qui sont là.

Puis, quand tu disais: il y a une convergence d'intérêts plus milieu... Parce que c'est des gens qui sont en rapport avec la clientèle, qui fait que, bon, la décision s'est prise au-dessus de leurs têtes, là, par l'agence, là. Ceux qui sont là n'étaient pas d'accord avec cette décision, mais ils ne savaient même pas qu'elle avait été prise, ça fait que... On a un excellent rapport pour autant avec l'agence, parce que l'agence, ce n'est pas rien que la décision qui a été prise; l'agence, c'est toute la panoplie de services qui doit être mise en place, avec qui on a tout à fait intérêt à négocier une reconnaissance et des explications, se faire donner des explications plus adéquates et développer un rapport plus respectueux. Ça s'impose, ça se... à se colletailler, quoi. Ce n'est pas: on s'entend bien, puis c'est magique, là, parce qu'il ne faut pas que ce soit ça. C'est le contraire, on se débat, on se débat par nécessité.

Et Sherbrooke est dans l'ombre, foncièrement, de Montréal. Les problèmes, jadis on les prenait, puis on les shippait dans l'autobus, puis on les envoyait à Montréal, à 150 km, directement par la 10. C'est facile, c'est vite fait et ça fait partie des... ? comment est-ce qu'on appelle ça? ? des légendes urbaines. Mais jadis ça se passait. La personne qu'on ne reconnaît pas, on ne sait pas d'où est-ce qu'elle vient, sur la rue, elle traîne trop longtemps: Merci, bye, l'autobus; on t'envoie à Montréal, toi. Beaux services!

Mme Vézina (Marie-Claude): Et l'hôpital et l'urgence faisaient ça, entre autres, et les services policiers, donc ils l'avaient, la réalité, en pleine figure. Donc, ils ont considéré que c'était important de changer les choses.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame et monsieur. J'aurais deux petites questions, M. le Président... bien, une petite en fait, puis une un petit peu plus large. À la page 5 de votre mémoire, vous nous parlez de l'entente entre l'OMH et le CSSS «pour offrir des logements de transition». Pouvez-vous expliciter un peu? Je vous vois sourire, tous les deux, là.

M. Comptois (Jean): Parce qu'on se demandait d'où ça sortait. Non, ce n'est pas vrai.

M. Lemay: Ah oui? Bien là, est-ce que j'ai le bon mémoire? Est-ce que...

M. Comptois (Jean): Oui, oui, oui.

M. Lemay: Oui? C'est bien l'OMH de Sherbrooke?

M. Comptois (Jean): Oui, oui, oui.

M. Lemay: Alors, «pour offrir des logements», je trouvais ça intéressant, M. le Président. Combien de fois qu'on a entendu la difficulté d'avoir un logement de transition à court terme, pour les gens qui sont... soit qui sortent de l'urgence, ou qui sortent de l'hôpital, ou peu importe, ou d'un centre jeunesse, à la rigueur, là. Alors, pouvez-vous élaborer? Parce qu'il y a juste une ligne.

M. Comptois (Jean): Oui. Bien, ce type de... Si je regarde au Tremplin, par exemple, à l'origine, le projet, avec l'avènement du programme PACTE, a permis de repérer et de développer un projet résidentiel pour 23 unités de logement dédiées à des jeunes 16-30 ans, et ça, ça a été pour une bonne part aussi dû à l'implication de l'Office municipal, qui s'est fait porteur.

n(17 heures)n

M. Lemay: Bien, c'est-u ça que vous me parlez, là?

Mme Vézina (Marie-Claude): Oui.

M. Comptois (Jean): C'en est un, oui.

M. Lemay: De transition, là?

M. Comptois (Jean): Oui.

M. Lemay: C'est ça, vous me parlez, le 25 unités...

M. Comptois (Jean): 23 unités.

M. Lemay: ...23 unités qui a été développé par l'OMH à Sherbrooke.

M. Comptois (Jean): Oui. Il y a eu aussi avec le groupe Qualilogis, où est-ce que là c'est plutôt quatre unités, je pense, quatre ou six unités, je ne me souviens plus.

Une voix: Huit.

M. Comptois (Jean): Ah bien! tiens, on en a gagné deux.

M. Lemay: Bon! Seigneur!

M. Comptois (Jean): Huit unités qui ont été faites, effectivement...

Une voix: Les besoins augmentent.

M. Lemay: Vous avez une sécurité en arrière. C'est bien, ça. Nous autres, on n'a pas le droit.

M. Comptois (Jean): On voulait rien que voir s'il était réveillé, là.

M. Lemay: Qu'est-ce que vous entendez par «transition», parce que, quand on prend le mot, on parle beaucoup de court terme, hein. C'est soit des gens qui sortent de l'hôpital... Aïe, mon Dieu! je peux réserver ma question pour tantôt. On les voit... mais, «transition», donc je le sens à court terme. Peut-être que je me trompe dans ma compréhension, là.

M. Comptois (Jean): ...peut-être pas coulé dans le béton, encore une fois. C'est une formule avec souplesse, parce que, dans certains cas, ça peut s'étirer le temps d'une organisation, d'une réorganisation de vie, qui permet un certain laps de temps, ça peut être un an, deux ans, ça peut être six mois, ça peut être cinq ans, avec cette latitude-là.

M. Lemay: Deuxième question, M. le Président. À la page 9, vous parlez... en tout cas, tant qu'à moi, là, une grosse réflexion qu'on va devoir faire, si on a le temps de la faire, n'est-ce pas, M. le Président, renforcer, et je cite, là, le point 2, au milieu de la page, «renforcer les services et les mesures de prévention de l'itinérance auprès des personnes à risques». Mais, bon, je pense... la prévention... ou le terme consacré maintenant est «en amont». Avez-vous une petite idée, avez-vous... faites-vous des choses en ce sens-là, de prévention de soit une clientèle? Quand on parle de clientèle, on parle autant des jeunes à l'école que des gens plus âgés ou... Parce que, la prévention, en tout cas pour moi, M. le Président, on aura beau, là, développer des logements, et tout et tout, puis on sait que ça ne viendra pas en dedans de six mois, un an, peut-être deux ans, et dépendamment de la bonne volonté d'un gouvernement, quel qu'il soit, bref je vais être bête et méchant, là, si on continue à foutre le monde à la rue, on va manquer notre coup un peu. Donc...

Mme Vézina (Marie-Claude): La majorité des organismes en itinérance de Sherbrooke font de la prévention. Je pense à la Coalition des travailleurs de rue. Ils ont des équipes dans les parcs, dans les rues, ils ont des équipes dans les écoles également, donc ils travaillent au niveau de la prévention. Des organismes comme les soupes populaires, les restaurants populaires, on fait de la prévention, on évite souvent aux gens de se retrouver à la rue parce qu'au moins ils sont capables de manger et de se maintenir en logement, pour une partie des gens qui fréquentent ces organismes-là. Les ressources comme Les Auberges du coeur, La Source Soleil, la Maison Jeunesse, qui est une maison des jeunes qui a également de l'hébergement mineur d'urgence, font également de la prévention via leur volet Maison Jeunesse, et un projet d'économie sociale, Le Tremplin 16-30, est un exemple aussi de prévention via ces plateaux de travail, et je pourrais en nommer plein d'autres. Le Partage Saint-François, qui est un refuge, mais ils ont trois maisons: il y a une grosse maison pour les hommes, il y a le refuge mixte et il y a une petite maison. Mais, les gens qui passent par le processus de la grande maison et de la petite maison, ils sont soutenus par des intervenants, ils sont accompagnés dans leurs démarches.

M. Lemay: C'est des gens à problèmes.

Mme Vézina (Marie-Claude): Oui, oui.

M. Lemay: Par la prévention, ce n'est pas...

Mme Vézina (Marie-Claude): Celui-là, oui.

M. Lemay: Excusez-moi, M. le Président. Ce n'est pas ce que j'entends. Je vous donne un exemple. S'il y a une école à Sherbrooke ou dans la grande région de Sherbrooke qui voit qu'il y a un jeune en difficulté, les parents en difficulté, un divorce qui... bon, est-ce qu'il y a quelque chose qui se met en branle pour... Je parle... on n'est pas rendu, là, au centre jeunesse ou on n'est pas rendu dans... Est-ce qu'il y a quelque chose qui se met en branle à ce niveau-là, ou...

M. Comptois (Jean): Je vais vous donner un exemple d'un type d'intervention. C'est une autre concertation, mais c'est à peu près les mêmes acteurs. Cette fois-ci avec la commission scolaire, mais l'éducation aux adultes, le Centre d'éducation aux adultes, où est-ce qu'on a monté un projet mettant sur pied une ressource, mais tout ça après une analyse qui a coûté je ne sais plus combien, là, mais cher, puis, dans l'action, on a abouti avec cet élément-là, mais il est fondamental toutefois, c'est un joueur qui est là qui joue le rôle pivot avec tous les jeunes qui ont laissé l'école ou qui sont encore sur des listes mais qui ne sont pas représentés. Pour s'assurer de leur mise en action, on a quelqu'un maintenant qui gravite, qui reste en lien, ancré au Tremplin, qui fait ressource 16-30 ans pour le moment, et avec qui on essaie de prévenir justement que... s'assurer qu'il est accroché à quelque part, il est en action sur quelque chose, ou, s'il ne l'est pas, a-t-il l'intérêt de l'être?, puis ne pas l'échapper. S'il n'a pas l'intérêt tout de suite, ce n'est pas grave, peut-être qu'il va l'avoir un petit peu plus tard. C'est de garder un lien. Puis ils se sont aperçus du bien-fondé de ce lien-là. C'était la secrétaire qui relançait, à la fin de l'année, une fois, quelqu'un qui demandait: Dis donc, tu n'es pas à l'école, qu'est-ce que tu fais? Puis, elle, elle faisait rien que ça parce qu'il fallait qu'elle remplisse son questionnaire pour savoir qu'est-ce qu'était la situation de la personne. Et c'est ça. Et les jeunes qui avaient ce contact disaient: Tiens, quelqu'un s'occupe de moi. C'est pour dire, c'est souvent là que ça se passe, c'est des effectifs.

M. Lemay: Cette personne-là dont vous parlez, est-ce que c'est l'école aux adultes qui l'a embauchée, est-ce que c'est le Tremplin, l'organisme que vous avez nommé?

M. Comptois (Jean): On a manigancé des fonds de tiroir...

M. Lemay: Je comprends bien.

M. Comptois (Jean): C'est un petit peu compliqué.

M. Lemay: Non, non, non, je comprends, j'ai tout compris. Je ne voudrais pas que vous vous incriminiez vous-mêmes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Comptois (Jean): Nous autres, on gère.

M. Lemay: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une sous-question à la question de mon collègue. Est-ce que la présence de l'établissement de détention de Sherbrooke sur la table aide aussi? Parce que ça, c'est une des autres transitions qui est identifiée par d'autres groupes, que la personne sort d'un centre de détention très peu équipée pour trouver un logement, et tout le reste. À Montréal, ils ont souligné ce phénomène comme un problème. Alors, est-ce qu'il y a une bonne collaboration avec l'établissement de détention pour aider à mieux gérer cette transition?

Mme Vézina (Marie-Claude): On commence à développer des liens, «on» étant l'ensemble des acteurs, comme le Service d'aide en prévention de la criminalité a des liens privilégiés avec le Service correctionnel du Québec et la prison de Sherbrooke, mais les autres acteurs, la majorité, oui, à cause encore une fois qu'ils sont membres de notre table de concertation sur l'itinérance et, entre autres, le projet de fiducie volontaire qui a été mis sur pied et décidé collectivement, à Sherbrooke, est soutenu maintenant par le Service correctionnel du Québec. Tout petit, là, 5 640 $ par année, c'est tout petit, mais c'est un pas dans la porte. C'est déjà un gros gain en tant que concertation, à Sherbrooke, qu'enfin un acteur autre que du réseau de la santé ou de fondations s'implique, se mouille pour régler la situation.

Il y a eu beaucoup de changements du responsable du dossier au niveau de la prison de Sherbrooke, comme il y a eu un changement au niveau de la direction régionale. C'est clair que ces changements-là, des fois c'est lié à la personne. Tout ce qu'on développe est souvent lié entres personnes, entre intervenants. De là l'importance, que ce soit au niveau des décideurs, des patrons, de la direction, qu'ils soient d'accord avec ça, et ça, ce n'est pas toujours le cas. Mais, avec la prison, ça va de mieux en mieux. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour éviter le trou entre la sortie et la vie normale.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, Mme Vézina, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Comptois, pour cet aperçu de la situation dans l'Estrie. Je vais suspendre quelques instants et demander à l'équipe Itinérance du Centre de santé et des services sociaux de Sherbrooke de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

 

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Kelley): Alors, nous allons poursuivre nos travaux cet après-midi. Le dernier témoin pour aujourd'hui, c'est l'équipe Itinérance du Centre de santé et des services sociaux de Sherbrooke. Alors, merci beaucoup de vous être déplacés.

Malheureusement, quand nous avons fait le choix des villes à visiter, on voulait ajouter Sherbrooke, mais le temps est limité. Alors, merci beaucoup pour votre présence ici, à Québec, cet après-midi.

Sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à...

Équipe Itinérance du Centre de santé
et des services sociaux de Sherbrooke

Mme Dupont (Chantal): Chantal Dupont

Le Président (M. Kelley): Mme Dupont. La parole est à vous, Mme Dupont.

Mme Dupont (Chantal): Bonsoir. D'abord, c'est un très grand plaisir pour nous d'être avec vous aujourd'hui. Alors, je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent et qui vont répondre à vos questions.

Alors, je suis accompagnée aujourd'hui de l'équipe Itinérance, l'équipe locale de Sherbrooke. Alors, à ma droite, Charles Coulombe, organisateur communautaire, Marie-Claude Jacques, infirmière, et Philippe Gendron, travailleur social. N'est pas présente ici, aujourd'hui, le médecin qui est rattaché aussi à l'équipe Itinérance, qui est Dre Natasha Bird.

Alors, d'emblée, d'abord, merci de nous offrir l'opportunité aujourd'hui de témoigner des défis, des particularités et de la richesse de l'intervention auprès des personnes vivant en situation d'itinérance. Comme vous avez pu le constater, nous avons décidé de centrer notre mémoire sur la réalité vécue au quotidien, hein, d'abord par ces personnes, par les professionnels et par l'ensemble des partenaires du réseau. Nous considérons que l'ensemble de ces voix, hein, de chacune de ces personnes contribue à améliorer la santé et le bien-être de l'ensemble de la population. Mais sûrement que nous vous avons laissés sur votre appétit, parce que notre mémoire ne contenait pas de propositions. Alors, aujourd'hui, de vive voix nous allons vous partager un certain nombre de propositions.

Alors, je voudrais attirer votre attention sur certains éléments significatifs de notre mémoire. D'abord, en ce qui concerne la clientèle qui est soutenue, donc desservie par l'équipe, on vous indique que nous desservons environ 30 % de la clientèle vivant en situation d'itinérance. C'est la clientèle qui à notre avis est la plus lourdement hypothéquée, tant au plan de la santé physique que de la santé mentale, et la clientèle qui est la plus réfractaire aux services traditionnels. Alors, d'emblée, nous avons choisi de compléter l'offre de services offerte par notre communauté.

Quelques mots sur l'équipe, hein. C'est une équipe interdisciplinaire. Alors, comme vous le constatez, donc, l'expertise en santé, en soins infirmiers, l'expertise médicale, travailleur social et communautaire nous semble un incontournable pour bien desservir ces gens-là. Vous l'avez constaté, dans notre mémoire, on vous indique que cette équipe-là, hein, qui est ici est en place depuis 2005, et, si vous pouvez constater, c'est une équipe en très bonne santé mentale.

Alors, à mon avis, déjà ça va à l'encontre d'un préjugé...

Une voix: La période d'observation n'est pas longue, là, mais...

Mme Dupont (Chantal): ...mais ça va à l'encontre d'un préjugé, que souvent, hein, côtoyer des personnes en très grande difficulté, c'est très démobilisant, et on est à même de vous démontrer qu'il y a une richesse au contact de ces gens-là.

Mais cette équipe-là, bien sûr, hein, pour maintenir sa stabilité et sa bonne santé mentale, doit être soutenue de différentes façons. D'abord, bien sûr, par des ressources suffisantes, parce que, dans la mesure où une équipe est en très petit nombre, dans la mesure où quelqu'un s'absente, ça rend déjà l'équipe en précarité. Cette équipe-là doit aussi faire partie intégrante de la communauté, donc du réseau communautaire. Une équipe Itinérance d'un CSSS ne peut pas vivre sans sa communauté, sans le travail étroit avec ses partenaires. Cette équipe-là, aussi, compte tenu des particularités, doit aussi être en lien avec d'autres équipes, hein, similaires dans d'autres régions pour permettre un certain nombre d'échanges éthiques ou de favoriser, je dirais, le développement de ces équipes-là. Alors, voici donc quelques mots sur l'équipe interdisciplinaire ancrée et au coeur de sa communauté.

L'autre élément, c'est l'intervention, hein. L'intervention auprès des personnes vivant une situation d'itinérance ? et on a bien choisi nos mots dans notre mémoire ? doit être qualifiée de différentes façons, d'abord adaptée à la personne et non l'inverse. On sait, hein, que c'est un défi important de notre réseau de faciliter le parcours des gens qui se présentent à nous. Alors, c'est essentiel que cette intervention-là soit adaptée à chacune des personnes. Cette intervention-là doit être aussi personnalisée. On entre dans la vie des gens, alors c'est important de développer un lien avec cette personne-là, de bien saisir son histoire de vie. On devient souvent, pour plusieurs de ces personnes, son réseau.

C'est une intervention qui est marginale, hein. On ne peut pas faire du copier-coller avec d'autres types d'intervention. Alors, c'est sûr que c'est une intervention qui est caractérisée par la réduction des méfaits, par la gestion importante de risques et, bien sûr, par, je dirais, le «outreach», c'est une expression anglaise mais qui permet... il faut aller où se trouvent les personnes. Alors, c'est une chose que d'ouvrir les portes de notre CSSS ou de notre établissement, mais il faut aller vers les gens où ils sont. Cette intervention-là, je le redis, elle ne peut pas exister seule, elle doit être renforcée par des actions de la communauté.

Alors, l'itinérance, effectivement c'est l'affaire de tous. Alors, l'ensemble des partenaires de la communauté, que ce soit la ville, l'intersectoriel ou les partenaires communautaires, l'hôpital ? et j'y reviendrai ? doivent contribuer à améliorer la condition de vie, hein, de sa population et donc de ces personnes. Alors, si j'avais, je dirais, à conclure sur les particularités de l'intervention auprès de ces gens-là, c'est agir dans le milieu de vie de la personne et avec le milieu. Ce n'est pas désincarner la personne.

Tantôt, on posait à nos partenaires la question suivante: Mais qu'y a-t-il à Sherbrooke, quels sont les ingrédients, hein, d'un menu intéressant? Moi, je vous répondrais quelques éléments. D'abord des opportunités budgétaires. Alors, je dis souvent, dans mon langage coloré: C'est plus facile de se faire des amis quand on a une certaine richesse relative, hein. Dans la misère, ça crée aussi de la créativité, mais c'est plus difficile. Il faut aussi de nos organisations une souplesse des structures. Alors, effectivement, je suis à même ici de témoigner qu'il faut aller au-delà des façons de faire habituelles. Il faut aussi que le besoin provienne du milieu, qu'il y ait un consensus dans le milieu pour dire: Il y a un certain nombre de personnes qu'on côtoie, on n'est pas à même de les desservir, alors il faut travailler ensemble. Et, moi, je trouve la qualité aussi importante, c'est que ça repose encore sur des personnes, et tant mieux, hein. L'ensemble des défis sont inimaginables, dans notre société. Alors, que chacun de nous puisse faire une petite différence, à mon avis il faut aussi reconnaître ça.

Cette équipe-là... je dirais: Cette intervention-là, elle doit être soutenue aussi, parce que, là, encore là, ce n'est pas désincarné. Alors, je le redis, comme gestionnaire: Il faut une souplesse dans nos structures, il faut innover, prendre un certain nombre de risques. Il faut aussi s'assurer, puis particulièrement dans notre mandat de CSSS, de favoriser, je dirais, une adaptation plus importante de l'ensemble de nos services. Alors, bien sûr, il y a une particularité au niveau de l'équipe dédiée auprès de la clientèle itinérante, mais ça ne peut pas être juste la responsabilité de cette équipe-là. L'ensemble des professionnels de notre réseau doit adapter ses façons de faire et d'être pour rejoindre ces personnes-là.

n(17 h 20)n

L'autre élément majeur, et on l'a abordé très rapidement dans notre mémoire, c'est l'accès aux services médicaux, hein? On parle beaucoup actuellement de l'accès aux médecins de famille, bon, l'accès aux services de deuxième ligne. Je vous dirais que, nous, ce qui nous a permis de faciliter l'accès à ces services-là, d'abord, c'est une équipe qu'on a mise en place, on vous le mentionnait, en cogestion avec notre hôpital local, avec le CHUS, ce qui nous a permis d'emblée, je dirais, d'établir ensemble les fondements, hein, le sens de cette intervention-là auprès des personnes itinérantes. Alors, dans le fond, ça nous a liés, hein, dès le départ, en lien avec ces personnes-là, ce qui fait qu'actuellement nous avons des liens fort intéressants avec l'urgence psychiatrique. C'est sûr que c'est toujours à bonifier, mais dans le fond, je dirais, à la base, on a convenu avec notre hôpital que ce n'était pas juste l'affaire de l'urgence ou de l'urgence psychiatrique, mais qu'on avait à faire des choses ensemble.

L'autre élément majeur, et je parlais tantôt de l'équipe interdisciplinaire, le fait que nous ayons un médecin de famille au sein de notre équipe, ça favorise aussi le lien avec les médecins du territoire puis avec l'hôpital. Alors, à mon avis un incontournable, hein, en itinérance comme dans d'autres programmes, c'est se lier aux médecins; là, c'est tout un art de trouver la façon, là, pour les rejoindre.

Alors, globalement, je vous dirais que l'ensemble de l'intervention qui est particulière auprès de ces personnes-là vivant en situation d'itinérance, c'est à mon avis une volonté d'une communauté de reconnaître, de rejoindre et de soutenir sa population. Alors, je vous avais dit d'entrée de jeu qu'on allait compléter notre présentation par un certain nombre de propositions. Alors, Charles va donc vous partager nos propositions.

Une voix: M. Coulombe.

M. Coulombe (Charles): Merci. D'abord, je voudrais dire que tout l'aspect de la prévention qui a été soulevé, il peut y avoir une diversité d'actions qui sont faites, et à différents stades de désaffiliation sociale des personnes, mais la clé, c'est la recréation du lien social. L'itinérance, c'est une désaffiliation sociale qui peut être graduelle, qui peut être très rapide. Puis, quand ça marche, c'est quand on est capables, dans différents milieux, à travers différents réseaux, de remettre les personnes en lien, si petit soit-il, avec quelqu'un, à quelque part, qui peut graduellement avoir une influence sur lui ou sur elle. Alors, globalement en tout cas, c'est sûr que ça peut paraître théorique quand on le dit comme ça, mais, à travers toutes sortes d'actions, ça se fait.

Je voudrais aussi revenir rapidement sur la magie. Je pense que chacune des régions a ses espaces magiques. Effectivement, à Sherbrooke, la dynamique de concertation telle qu'on l'a développée nous a amenés à être capables de créer des liens entre des réseaux qui traditionnellement ne se parlaient pas beaucoup, nous a amenés à créer des projets collectivement, à en assurer une responsabilité collective dans le maintien.

Par contre, il y a d'autres régions qui sont beaucoup plus avancées que nous à d'autres niveaux: tout le développement de l'employabilité chez les personnes itinérantes dans le secteur de Trois-Rivières, par exemple, tout le développement du logement social avec soutien communautaire dans la région de l'Outaouais, nous, on est encore loin de ça. Ça fait que vous voyez que la magie est partagée, heureusement, puis c'est ce qui fait qu'on s'influence beaucoup de façon interrégionale.

Maintenant, je voudrais vous dire, à travers les trois propositions un petit peu plus précises qu'on veut vous amener, que ça répond à un certain nombre de questions, ce qui traduit que vous vous êtes penchés très bien sur la question de l'itinérance. La difficulté de cerner l'ampleur du phénomène, est-ce que ça entrave une action publique efficace? Je vous dirais, oh! que non, parce que les données impressionnistes, qui sont basées sur des observations au jour le jour par des intervenants, qu'on se partage dans des réseaux de concertation nous amènent à faire des constats qui sont très clairs puis qui sont très crédibles, même si, sur le plan du dénombrement, on est souvent déficitaires en termes de données, parce que, quand on fait un dénombrement, c'est toujours en fonction d'un certain nombre d'objectifs d'intervention. C'est ce qui fait que c'est difficile de comparer, d'une région à l'autre ou d'une époque à l'autre, le nombre d'itinérants dans une région, parce que: On avait quoi en tête quand on l'a fait?

Par contre, quand on y va sous l'angle territorial, des problèmes vécus par des personnes dans une communauté, on en arrive souvent à des consensus, puis c'est pour ça que ça marche bien. Donc, des actions publiques peuvent être efficaces, même si on ne connaît pas très bien le phénomène.

Ça nous amène un peu à une proposition plus précise. Ça a été abordé, l'importance d'avoir ? quatre, oui, quatre minutes? parfait! je vais faire ça en quatre minutes, très bien ? donc plus de souplesse, je vous dirais, dans les programmes. Ce qui est important pour nous, puis là on est dans le réseau de la santé, on est bien placés pour le dire, que les établissements publics disposent de marges de manoeuvre dans le cadre des programmes, que ce ne soit pas trop prescriptif, qu'il puisse y avoir un peu de lousse dans les processus de reddition de comptes, des ententes de gestion, ce qui fait que les établissements peuvent maintenir des pratiques qui peuvent être hors normes ou à la limite et qui permettent de rejoindre les personnes les plus vulnérables.

Alors, oui, ça existe, on a des mandats, que ce soit de l'agence, du ministère, mais il faut que les établissements puissent maintenir ça. On jugerait pertinent, nous, que chaque CSSS qui oeuvre dans une ville moyenne soit tenu de se poser la question, à savoir: Est-ce que ce serait pertinent de mettre en place une équipe itinérance? Quelle ampleur elle pourrait avoir? quoi que ce soit. Mais donc, ça, ce serait très pertinent que les établissements, les CSSS se posent cette question-là pour éviter de travailler uniquement par problématique spécifique.

Un autre élément, ça rejoint donc quels sont les besoins les plus urgents. C'est évident que la question du logement, ce n'est pas tous les itinérants qui voient leur réhabilitation, leur ancrage dans la société par le logement, mais c'est clair qu'un peu de stabilité, avec une diversité de mesures en logement, c'est incontournable. C'est une des clés du succès. Il est absolument essentiel que chacune des communautés puisse avoir une diversité de logements, que ce soit privé ou social, mais en particulier, nous, ce qui nous importe, c'est le logement social avec soutien communautaire. Alors, ce serait important que cette enveloppe-là soit bonifiée dans les années à venir, parce qu'il va y avoir des retombées énormes. Puis, autant les cliniciens dans le réseau public peuvent vous dire, quand on a ça, qu'on sait où sont les personnes puis qu'on est capables de travailler là-dessus, c'est gagnant.

Dernier élément. On travaille en réseau, c'est une approche territoriale, la lutte contre l'itinérance, hein, pas de mesures mur à mur. Effectivement, ça prend des grands paramètres qui sont les mêmes, on a des grandes orientations de société. Mais, de pouvoir s'assurer que dans une communauté on puisse assurer la consolidation puis le rehaussement du financement des ressources en itinérance, c'est essentiel. Si le refuge ferme, si la soupe populaire n'a plus les moyens d'agir, c'est un outil d'intervention qui disparaît pour l'équipe Itinérance puis qui perd son efficacité. Si l'équipe Itinérance disparaît parce qu'elle n'a pas de budget permanent, ce qui n'est pas notre cas heureusement ? on a quand même un budget récurrent minime, mais quand même qui est là ? bien ça va avoir un impact sur les ressources du milieu.

Donc, c'est absolument important, programme à long terme avec de la souplesse mais quand même qui permet d'avoir... Tantôt, on disait cinq ans. Tiens, moi, je vais jouer à l'encanteur, je vais dire 10 ans, un programme sur 10 ans, qui peut être revu certainement mais qui permet de dire: On focusse sur une lutte à long terme. En itinérance, c'est absolument essentiel. Alors, je terminerais là-dessus...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à la période d'échange. C'est juste qu'il faut libérer la salle pour 18 heures, il y en a un autre, caucus, dans cette même salle à 18 heures. Alors, peut-être, avant de céder la parole à ma droite, j'ai une question juste... parce que les groupes sont très divisés sur la question de dénombrement. Il y en a certains qui ont dit que c'est très important, il faut aller de l'avant avec un portrait beaucoup plus précis. Ça fait 10 ans, 11 ans que l'Institut de la statistique du Québec a fait ses études, et maintenant le temps est venu pour: est-ce qu'on met les ressources à la bonne place?, est-ce qu'on a besoin de lits additionnels pour les femmes, par exemple?, ou est-ce que c'est vraiment vers les hommes quand même que le plus grand pourcentage demeure?

Alors, il y a certaines personnes qui ont plaidé ça et il y a d'autres personnes, comme vous, qui ont dit: On n'a pas besoin, c'est vraiment mettre l'accent sur les services et les études, et tout le reste, on en a moins besoin. Pouvez-vous juste expliquer un petit peu davantage la position que vous avez prise?

M. Coulombe (Charles): Je pense que ça peut être utile, le dénombrement, mais il faut faire attention pour ne pas que ça devienne le seul passage, après ça, pour la dispensation des ressources. Il y a beaucoup de personnes itinérantes qu'on n'observe pas, qui ne vont pas aller coucher dans les refuges, qui sont en errance dans la communauté, qui ont brûlé le réseau, qui couchent chez un, chez l'autre, qu'on ne voit pas nécessairement dans les soupes populaires. Alors, forcément, les statistiques de dénombrement vont parfois introduire ou des chevauchements ou on va oublier tout un pan du groupe de personnes qui sont dans une condition de vie d'itinérance. Et être itinérant, ce n'est pas simplement ne pas avoir de place pour coucher, hein, c'est l'abandon, c'est la rupture, c'est ne pas savoir quoi faire de sa vie, aucun lien. Je pense que, nous tous, ici, si on avait juste un lit dans la vie, on serait peut-être contents de temps en temps, mais on sentirait un vide.

Alors, le dénombrement peut être utile. Effectivement, je pense que ça vaut la peine d'en faire, mais ça peut être des dénombrements locaux, régionaux, avec certains critères. L'enjeu de la comparaison entre les régions est toujours présent, effectivement.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Mme la députée de Hull.

n(17 h 30)n

Mme Gaudreault: Alors, bienvenue. Nous sommes très heureux d'accueillir une équipe interdisciplinaire en santé. Et, par rapport à la santé des intervenants, on a eu un groupe, Médecins sans frontières, à Montréal, qui nous ont exprimé la nécessité justement d'appuyer les intervenants dans le domaine... qui soutiennent les personnes qui vivent avec l'itinérance parce que, justement, c'est très exigeant. Vous avez aussi mentionné que vous souhaitiez que tous les intervenants sociaux de votre CSSS soient formés, soient sensibilisés par rapport au phénomène de l'itinérance. Je voudrais d'abord savoir, si vous avez commencé cette formation, quelles sont les initiatives que vous avez mises de l'avant par rapport à cette formation ou cette sensibilisation. On se tourne vers vous.

M. Gendron (Philippe): Oui. C'est certain que, bon, on a une pratique qui est marginale. Les gens sont souvent appelés à travailler... L'ensemble des intervenants du CSSS souvent vont intervenir auprès de personnes itinérantes, mais, bon, ils vont nous les référer par la suite. Bien, c'est sensibiliser la personne à dire, bon, bien, c'est quoi, ses conditions de vie, de plutôt regarder la personne itinérante, avec l'ensemble de ses problématiques, comme un défi, hein, au niveau clinique, de dire: Bien, comment tu pourrais l'aider dans l'ensemble de ses facettes, dans l'ensemble de ses problématiques? Mais c'est souvent de côtoyer les gens de personne à personne. Ça ne se fait pas nécessairement, là, de façon très large. Oui, c'est un peu ça.

Mme Dupont (Chantal): Mais je dirais que c'est aller au-delà des étiquettes. C'est la même chose pour la santé mentale, on dessert aussi la clientèle immigrante. Alors, dans le fond, ce qu'on tente de faire régulièrement, c'est de dire aux gens: Même si ces gens-là sont desservis par une équipe particulière, par exemple à l'Accueil psychosocial, hein, qui est la porte d'entrée, vous avez à desservir l'ensemble de la population, hein? Alors, ce n'est pas: l'ensemble de la population mais pas les itinérants, pas les gens qui ont des problèmes de santé mentale puis pas les immigrants, etc. Alors, plus nos professionnels côtoient, hein... Dans le fond, Marie-Claude et Philippe, plus, lorsqu'ils desservent ces gens-là, par exemple dans nos bureaux, ils les voient, je pense que ça contribue à situer, je dirais, la différence entre ce que l'on voit, hein, et ce qui est de la personne. Mais c'est sûr que c'est un travail régulier, mais je pense qu'il faut aussi une volonté de la direction. Alors, lorsque les deux professionnels sont en vacances, c'est le Service d'accueil psychosocial du CSSS qui dessert la clientèle. Alors, rien de mieux que de prêcher par l'exemple.

Mme Gaudreault: J'aurais aussi une question pour Mme Jacques. Vous, vous êtes infirmière. Et quelle est la journée type d'une infirmière dans une équipe telle que la vôtre?

Mme Jacques (Marie-Claude): Ça dépend de la journée. Bien, disons, quand je suis arrivée, il y a trois ans, ça n'existait pas. Moi, je ne suis pas arrivée pour remplacer quelqu'un, ils ont ouvert un poste; ça prend une infirmière, en itinérance. Donc, il fallait que j'invente qu'est-ce que j'aurais à faire dans ce travail-là, puis, après trois ans, j'ai pas mal une meilleure idée de ce que j'ai à faire, c'est certain. Et ça s'est modelé, ça, sur les caractéristiques des personnes, sur leurs besoins, sur aussi les besoins qui étaient exprimés par les organismes communautaires qui sont concernés par l'itinérance.

Donc, il y a toutes sortes de particularités. Par exemple, je ne donne presque pas de rendez-vous aux gens à mon bureau de CLSC, parce qu'ils ne viennent pas. Ça fait que je me laisse de la place dans l'agenda parce que je sais que les gens viennent sans rendez-vous à cause de leur mode de vie. Suivre un rendez-vous, pour un itinérant, ce n'est vraiment pas évident. Donc ça, c'est une façon de s'adapter. La plupart du temps, de toute façon, je ne suis pas au bureau, je suis dans les organismes communautaires. C'est le «reaching-out» dont on parlait dans le mémoire que vous avez vu. C'est vraiment important d'aller dans leur milieu, parce que c'est là qu'ils sont bien, c'est là qu'ils sont plus à l'aise, donc l'infirmière va vers eux.

Et il y a une partie dans ça qui est une espèce de clinique sans rendez-vous dans l'organisme communautaire. Comme, par exemple, à la soupe populaire, tous les mercredis, bien, moi, je vais là, puis les gens viennent me voir pour toutes sortes de problèmes de santé. Puis à quoi ça sert de faire ça? Pourquoi ils ne vont pas à la clinique sans rendez-vous, la clinique médicale, tel coin de rue? Bien, c'est qu'il y a un lien de confiance. Moi, quand j'ai commencé à aller là, ça a pris quelques semaines avant que quelqu'un vienne me parler, parce qu'ils ne me connaissent pas. Ils ne font pas facilement confiance aux gens. Ils ont vécu des mauvaises expériences dans les hôpitaux ou les cliniques médicales parce qu'ils se sentent jugés parce qu'ils sont toxicomanes, parce qu'ils ont des troubles de comportement ou à cause de l'apparence physique, par exemple, aussi. Donc, au fil du temps, développer un lien de confiance, ça fait que les gens viennent nous voir. Puis c'est intéressant aussi de faire ça, parce que les gens vont venir me voir... Par exemple, ils ont un problème de santé, ils veulent savoir: Bien, est-ce qu'il faudrait que j'aille à l'urgence? Est-ce qu'il faut que j'aille voir un médecin? Comment je fais? Puis ça évite... c'est certain que ça évite des visites inutiles à l'urgence, d'être là, parce que, moi, je peux évaluer, comme infirmière, je peux donner des conseils, je peux les aider à rencontrer un médecin, au lieu d'aller tout de suite à l'urgence. Ça fait que ça, ça aide aussi pour ça.

Il y a aussi un autre aspect de mon travail qui est le travail étroit, là, avec le médecin de famille de notre équipe. Nous, si on n'avait pas le médecin, il y a bien des choses, là, qu'on ne pourrait pas faire, là, avec notre clientèle. Ça permet beaucoup de faire avancer les choses. Mais aussi, elle, ce qu'elle dit: Si elle n'avait pas l'équipe itinérante, tu sais, le travailleur social et moi, avec elle, elle ne serait pas là, parce qu'on ne peut pas avoir une secrétaire qui donne les rendez-vous, ils n'ont pas le téléphone, ça fait que ça prend quelqu'un pour faire l'horaire, pour s'assurer qu'ils viennent au rendez-vous, ça prend quelqu'un pour vérifier, si il y a des médicaments de prescrits, est-ce qu'ils les prennent, est-ce que ça va bien. La personne disparaît; qu'est-ce qu'on fait? Il y a tout cet aspect-là qui tourne autour, là, de la vie de la personne, qui est important pour le médecin mais qui n'est pas toujours là pour le faire.

Puis c'est intéressant aussi, avec notre médecin, qu'il s'intéresse beaucoup à la vie des clients. À chaque semaine, on rencontre le médecin en équipe, puis elle ne veut pas juste savoir, bon, son bobo à la jambe, comment ça va, elle veut savoir: Bien, là, est-ce qu'il s'est trouvé une place pour rester? Est-ce qu'il va mieux? Il a une rupture avec sa blonde; comment ça va? Elle s'intéresse à tous ces aspects-là, puis ça aussi, c'est une chose, là, qui aide beaucoup au lien de confiance, puis qu'on réussit à établir des suivis, à instaurer une médication à une personne qui est psychotique depuis 15 ans puis qu'il ne s'était jamais rien passé. Le lien avec la personne, je pense que c'est le nerf de la guerre, là, dans notre intervention, puis que ça vient aider beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Dorion: Oui. Merci, M. le Président. Alors, Mme Dupont, tantôt vous avez parlé d'opportunités budgétaires. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu plus, là, opportunités budgétaires. Alors, je dis: Bon, bien, il est là, le pot, finalement, puis il n'y en a pas ailleurs, là. Mais qu'est-ce que vous entendez par «opportunités budgétaires»?

Mme Dupont (Chantal): Hum!

M. Dorion: Bien, c'est vous qui l'avez mentionné.

Mme Dupont (Chantal): Oui.

M. Dorion: Parce que je me dis: Y a-tu plus de subventions à Sherbrooke qu'il y en a ailleurs? C'est le premier point d'interrogation que j'avais, là.

M. Coulombe (Charles): Bon, bien, d'abord, ce qu'on peut dire, c'est qu'au moment de la concertation en itinérance les partenaires de la communauté ont dit: Il faut qu'on trouve une façon pour intervenir, il faut qu'on ait une forme d'équipe volante dans la communauté, etc., donc on veut développer ça. Et ça, c'était la table de concertation, qui était soutenue avec IPAC, qui a pu faire cette réflexion-là. Et ça, ça a abouti par une recommandation au CSSS et au CHU, de dire: Ça vous revient, votre mandat public, avec la responsabilité publique que vous avez d'offrir des services à l'ensemble de la population, de mettre sur pied une équipe itinérance.

Et là le travail qui a été fait après ça au CSSS ? puis, à ce moment-là, il y a une chef de programme qui avait travaillé beaucoup ça ? c'était, avec le CHU, de dire: Est-ce qu'on ne tente pas quelque chose auprès de l'agence, pour dire: On veut mettre sur pied une équipe, puis ça va dénouer un certain nombre d'impasses auxquelles on ne trouve pas de réponse actuellement puis pour lesquelles l'agence a un petit budget. Alors, c'est dans ce contexte-là que l'équipe itinérance a pu être implantée, sans aucun sou du programme IPAC ni IPLI, et avoir un budget récurrent dès le départ, parce qu'il y avait une concertation puis il y avait des partenaires qui étaient prêts à dire: Tout ce qu'on a tenté depuis un certain nombre d'années ne fonctionne pas pour... bien, en tout cas, pas tout, mais pour rejoindre les personnes les plus vulnérables, dont les personnes qui se retrouvent à l'urgence pour des raisons psychosociales; et on tente-tu quelque chose de novateur puis qui s'est fait ailleurs aussi mais qu'on... hein, soyons audacieux. Et puis là, bien cette opportunité-là a fait en sorte qu'on a été capables de le faire.

Et encore là, s'il n'y avait pas eu la récurrence dès le départ, probablement qu'on aurait eu de la difficulté, parce que, quand tu commences à créer des liens avec des personnes ? même chose pour le projet de fiducie porté par La Chaudronnée ? la gestion du budget, là, tu ne fais pas ça à coups de trois mois, puis de six mois, puis d'un an, là. Tu ne vas pas recréer une rupture de lien avec une personne itinérante que tu as réussi à sécuriser en deux, trois mois. Alors...

Ça fait que c'est des opportunités comme ça: IPAC, une ouverture de la part de l'agence, le CHU qui est d'accord puis des bonnes personnes aux bonnes places. Si, à ce moment-là, il n'y avait pas eu des gestionnaires prêts à dire: Soyons audacieux, faisons-le puis utilisons une marge de manoeuvre qu'on a pour tenter quelque chose, bien allons-y... Et je ne pense pas qu'on a les moyens de se permettre de ne pas expérimenter puis de ne pas soutenir des choses qui sont novatrices puis qui... Je pense qu'il faut essayer de faire ça tout en étant cohérent puis sans travailler à l'aveuglette non plus, là, tu sais.

n(17 h 40)n

M. Dorion: Vous avez mentionné, bon, entre autres, le partenariat et la collaboration de l'agence. Pour nous donner un ordre pour bien comprendre... Parce que, bon, durant la commission, on s'est aperçus que ce n'étaient pas toutes les agences, là, qui étaient peut-être aussi ouvertes que la vôtre. Le budget que vous recevez de l'agence et qui est récurrent... Parce que ça, c'est comme... c'est coulé dans le béton... Vous recevez combien de l'agence pour votre...

Mme Dupont (Chantal): Bien, c'est-à-dire que ce qui est au budget de notre établissement, c'est le budget, là... l'équivalent d'un travailleur social et quelques jours, là, de soins infirmiers.

M. Dorion: O.K., mais le budget de l'agence, qui est récurrent... Tu sais, moi, je veux dire...

Mme Dupont (Chantal): Bien, c'est-à-dire que...

M. Dorion: Un organisme qui est financé, exemple, comme vous... Bien, entre autres, c'est l'équipe Itinérance. Donc, quand ça a passé à l'agence, bien l'équipe Itinérance de Sherbrooke reçoit du budget de l'agence...

M. Coulombe (Charles): Alors, c'était de l'ordre de 135 000 $ ou 140 000 $ au moment de l'implantation. Ça permettait d'avoir un poste à temps plein plus deux temps-partiel, démarrer avec... pas de budget de fonctionnement nécessairement, mais de démarrer ça.

M. Dorion: Et là, présentement... Vous dites: Au début de l'implantation. Et là, présentement, le budget...

Mme Dupont (Chantal): C'est toujours le même budget, là, il n'y a pas eu de développement au niveau de l'équipe.

M. Dorion: Pas d'augmentation, c'est resté, là...

Mme Dupont (Chantal): C'est ça.

M. Dorion: Alors, vous recevez de l'agence 135 000 $.

Mme Dupont (Chantal): Bien, c'est-à-dire qu'on a reçu il y a quelques années. Maintenant, c'est au budget de l'établissement, là. Alors...

M. Dorion: C'est parce qu'un budget récurrent ça arrive à toutes les années?

M. Coulombe (Charles): C'est ça. Tu sais, maintenant, il est passé au budget de l'établissement, c'est le même montant mais qui, à chaque année, arrive, là...

M. Dorion: Vous parlez qu'en moyenne vous desservez 300... vous touchez, tu sais, pas vous desservez, vous touchez... Parce que madame nous expliquait aussi que vous allez dans plusieurs milieux communautaires. C'est parce que je connais aussi des acteurs qui ont participé à la commission, puis, tu sais, ils me disaient: Bon, la froideur un peu ou... Puis j'aime mieux dire «froideur» que dire «refus», sur l'accompagnement des personnes qui avaient une problématique au niveau de la santé mentale. Vous semblez avoir eu une façon de conscientiser ? peut-être que c'est de la conscientisation des psychiatres ou des... ? que d'autres régions ont des difficultés énormes. Et là je parlais de magie parce que, oui, je trouve que... Puis je suis content pour les gens qui reçoivent les services dans la région de Sherbrooke. Puis, vous parliez de magie, entre autres, au niveau de Trois-Rivières, et je sais très bien que vous faisiez référence à, tu sais, un mentor, qui est Michel Simard, au Centre Le Havre, là, j'ai pu le deviner. Mais ils ont des difficultés, hein? Puis pourtant c'est un homme que ça fait au-dessus de 20 quelques années, là, qu'il... Puis ce n'est pas si facile que ça, là, d'utiliser les centres hospitaliers dans la région de Trois-Rivières, et il le mentionnait, là, lorsqu'il est venu à la commission, à Trois-Rivières.

Qu'est-ce qu'il s'est passé à Sherbrooke? Puis au moins les gens... on va passer le message, puis si ça peut... Parce que tout ce qu'on souhaite... Puis, le désir de la commission, c'est entendre, aider puis trouver les solutions. Vous en avez beaucoup à Sherbrooke. Puis je me dis: Est-ce que ça existe? Est-ce qu'il y a un comité qui s'est formé, je veux dire, de prendre votre initiative, là, votre secret, parce que c'est... ? je veux dire, pas «secret», j'enlève le «secret» ? la formule, la formule ? c'est une question de formule ? qui est gagnante, là?

M. Gendron (Philippe): C'est une équipe qui était au départ, là, puis encore aujourd'hui, en cogestion avec le centre hospitalier et le CSSS, ce qui a permis de... Bon, avec... C'est certain que c'est un travail qui se fait, là, à la journée. Et, oui, il y a de la défense de droits, avec nos clients, qui se fait toujours, mais il y a quand même une bonne concertation, bon, oui, du milieu hospitalier. Il y a l'urgence psychiatrique qui nous donne un bon coup de main. Donc, on a des poteaux là-bas, des gens avec qui on transige souvent un paquet de situations au niveau des personnes itinérantes, ce qui fait qu'à la mesure des histoires qu'on a eues ensemble il y a eu comme un terrain d'entente commun où est-ce que parfois, bien, on réussit. Une personne qui a été constamment, là, rejetée de l'urgence, bien, à un moment donné, on peut s'asseoir puis dire: Bien, regarde, cette personne-là, avec ce plan-là, devrait monter sur les étages puis devrait avoir des soins. Puis généralement, bien, on a une bonne écoute de l'hôpital, à ce moment-là.

M. Dorion: Moi, là, ma compréhension... Puis ce que j'arrive difficilement à comprendre, c'est comment ça que ça se fait chez vous puis que, dans les autres régions, là, les autres ont des difficultés.

M. Coulombe (Charles): Ça, là...

M. Dorion: Il y a quelqu'un qui a une emprise, là.

M. Coulombe (Charles): Ça, ça part de... c'est circonstanciel, au départ. Puis c'est ça qui est déplorable, c'est que souvent les réussites vont être le fruit du hasard, que des individus se trouvent aux bonnes places. Il faut que ça devienne structurel, la réussite, il faut qu'on se donne un objectif que, même si quelqu'un quitte un établissement puis s'en va, que le projet ne va pas mourir. Au moment où ça a fonctionné, c'est parce que la responsable clinicoadministrative du regroupement santé mentale du CHU a dit: Oui, j'y crois. C'est ça, c'est ça, la réussite. Si elle avait dit non, ça n'aurait pas fonctionné puis on n'aurait jamais eu le budget pour démarrer l'équipe Itinérance. Alors, il y a du hasard comme ça. Elle a dit: Oui, j'y crois, puis par la suite c'est rapidement vivre des petits succès.

Je peux vous donner un exemple: quelqu'un qui a passé souvent à l'urgence, qui est connu et puis dont on escamote un peu l'évaluation parce qu'on se dit: Ah! Lui, là, ce n'est pas un problème de santé mentale, c'est psychosocial, puis il n'y a pas de raison qu'on le garde, il n'est pas dangereux pour lui-même, il n'est pas dangereux pour les autres. Le travailleur social insiste. Il l'accompagne, premièrement, et dit: J'insiste, il faut que tu le gardes; je ne te laisse pas le problème, je vais revenir. Moi, j'ai besoin de préparer sa sortie, il faut que je travaille quelque chose dans la communauté pour cette personne-là, mais il a besoin d'une évaluation puis il a besoin d'être stabilisé, puis, si tu ne le fais pas, je ne serai pas capable, puis il va revenir tout le temps. Tu insistes. Là, tu n'es pas au téléphone, à 1 km, 2 km, tu es là, ça fait que, là, c'est: O.K., d'abord. Là, tu vis un succès, tu viens le rechercher, puis ça fonctionne un petit peu. Ça fait que là, qu'est-ce qui reste dans la mémoire des intervenants par la suite, c'est: Ah! Je peux lui faire confiance; c'est vrai, ça a fonctionné; c'est vrai qu'il avait besoin d'être stabilisé, finalement, puis c'est vrai qu'on ne le connaissait plus très bien, ce type-là, que ça faisait peut-être deux ans, trois ans qu'on ne l'avait pas vu, puis son parcours, sa trajectoire avait changé un peu.

Ça fait que, plus on a des petites réussites comme ça au quotidien, rapidement, là il y a une confiance qui s'installe, puis après ça peut fonctionner, mais ça prend la volonté au départ. Là, il faut que je me la ferme, hein?

Le Président (M. Kelley): Non, il...

M. Coulombe (Charles): Ah! C'est lui? O.K.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dorion: Je lui demandais s'il restait...

Le Président (M. Kelley): Vous pouvez continuer, M. Coulombe, mais il voulait poser une autre question, et c'est la prochaine question que j'ai dû couper.

M. Coulombe (Charles): J'espère que...

Le Président (M. Kelley): On aime parlementer, dans notre Parlement. M. le député de Sainte-Marie? Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous salue à mon tour. Intéressant mémoire, intéressante présentation. Je pense, M. le Président, qu'encore une fois, si nous avons la chance de discuter ensemble, la commission, pour un plan d'action, je pense qu'on va arriver à une unanimité assez rapide en ce qui concerne les équipes itinérantes qu'il y a sur le territoire du Québec, parce qu'il y en a une couple qui font un travail vraiment exceptionnel. Ce n'est pas tout, ce n'est pas le début ni la fin de... mais ça fait partie d'un réseau plus large, là, qui est fort important. Parce que c'est beaucoup l'accès au réseau, hein? Vous l'expliquiez bien tout à l'heure, là. Donc, c'est vraiment fort intéressant.

Je vais vous reposer la question que j'ai posée tout à l'heure, l'entente entre l'OMH et le CSSS pour la transition. Tantôt, la réponse était bien, mais là le CSSS, c'est vous... bien en partie, donc... Oui, c'est vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemay: Pouvez-vous m'en dire peut-être un petit peu plus? Quelle est cette entente? Parce que les OMH, et tous gouvernements confondus, là, les règles d'attribution de logement, ce n'est pas simple, là, tu sais, tel revenu, tel ci, tel ça. Donc, qu'il y ait une entente spécifique pour une clientèle spécifique, en dehors des règles d'attribution de logement à loyer modique, qui font à peu près trois pages de règlements, je trouve que ce n'est pas inintéressant comme idée.

M. Coulombe (Charles): Je ne dirais pas qu'on a manigancé, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Coulombe (Charles): Mais je vais peut-être prendre juste 45 secondes, puis Philippe pourra en parler un peu plus. Mais au départ c'est de dire: Quand on veut travailler ensemble pour lutter contre un problème qui ne trouve pas de réponse par un seul, il faut que tout le monde accepte de repousser un peu ses frontières. Donc, l'OMH a dit: On est d'accord pour attribuer huit unités parmi notre parc de 1 600 unités, peut-être, qui seront pour du logement de transition pour les personnes itinérantes qui ne trouvent pas de logement ailleurs, pour toutes sortes de raisons. Puis dans le fond le critère, c'est: plus on est susceptibles d'avoir de troubles avec eux, plus ils sont admissibles. C'est ça, l'affaire. Alors...

M. Lemay: Qui, avoir du trouble avec eux?

M. Coulombe (Charles): Nous autres.

M. Lemay: Vous autres.

M. Coulombe (Charles): Plus ils sont susceptibles de poser un problème dans leur intégration en logement, plus c'est pertinent qu'ils aient accès à ces ressources-là, parce qu'ils ont besoin de gens qui les accompagnent.

Et là, évidemment, les critères de base, qui sont liés, par exemple, aux revenus, bon, il y a un certain nombre de critères que l'OMH s'est assuré qu'on respecte. Bien, à partir de ce moment-là, ces huit unités-là étaient gérées par nous, en quelque sorte, c'est-à-dire: on décide qui va aller là, collaboration pour ces huit unités-là, combien de temps ils vont rester. Et puis dans le fond on avait comme... Là, je ne voudrais pas incriminer l'OMH, mais... Je m'excuse, pardon, mais... En fait, on a fait un colloque là-dessus, on en a parlé dans le cadre d'un colloque.

n(17 h 50)n

M. Lemay: Non, mais, s'il faut des amendements, s'il faut qu'on propose, comme commission, M. le Président, des amendements aux règles d'attribution pour éviter justement de mettre tout le monde dans une situation un peu inconfortable à cause des règles, je pense que ce serait intéressant qu'on le fasse.

M. Coulombe (Charles): C'est sûr que ça, ça ne se substitue pas au logement social avec soutien communautaire, il faut faire attention à ça aussi, mais c'est une diversité. Peut-être que Philippe... Si tu veux dire quelques mots...

M. Gendron (Philippe): L'idée de base en arrière de ça, c'était: on observait, on plaçait des gens dans des maisons de chambres où est-ce qu'il y avait, bon, beaucoup de problèmes sociaux, il y avait de la toxicomanie. Puis, vous et moi, n'importe qui aurait perdu la tête, là, à vivre dans des endroits comme...

M. Lemay: Ça m'en prend moins que ça, moi, il y a plusieurs témoins ici qui pourraient vous le dire!

M. Gendron (Philippe): Bon. Donc là, l'idée en arrière, c'était de... Puis on trouvait parfois de bons logements pour des personnes, puis elles n'étaient pas en mesure de l'habiter, elles avaient eu un trop long parcours de rue, elles avaient de la difficulté à... On leur trouvait un logement qui avait du bon sens, mais elles avaient de la difficulté à vivre à l'intérieur de ce logement-là, à réussir à faire l'ensemble de leurs activités. Donc, avec l'OMH, ce que ça nous apporte, c'est qu'on fait vivre à la personne itinérante qui, depuis un bon bout de temps, n'a pas eu d'expérience de logement avec des conditions gagnantes... de lui offrir cette opportunité-là. Puis, pour nous, bien c'est un... le mot qui me vient à l'esprit, c'est un laboratoire, parce que parfois on dit: Cette personne-là, on doit absolument... elle doit s'en aller dans un centre de réadaptation spécialisé, elle n'est pas capable de vivre en logement, c'est sûr qu'elle ne fonctionnera pas.

Puis parfois on se trompe. Puis parfois la personne nous dit: Moi, tout ce que je veux, c'est un logement, c'est ça qui m'importe, puis on s'aperçoit avec elle, dans un cheminement, qu'elle n'est peut-être pas en mesure de fonctionner seule en logement puis que ça prendrait peut-être d'autres étapes avant. Donc, c'est très intéressant comme projet.

M. Lemay: C'est d'autant plus intéressant, M. le Président... Je sais qu'à Montréal ils ont vécu différentes difficultés, ces dernières années, avec l'apparition dans sa clientèle d'une clientèle qui était itinérante ou sur la voie de l'être, et qui se retrouvait dans les édifices de l'OMH, et qui changeait la dynamique un petit peu, hein, dans l'édifice, là. Et ça a occasionné beaucoup de problèmes à l'office.

Et je n'aurai qu'un commentaire pour terminer. Je trouve excessivement intéressant ce que vous apportez à la page 3. C'est une chose, en tout cas à ma connaissance, M. le Président, qu'on n'a peut-être pas touchée toujours, mais... Et je cite: «...débattre d'enjeux éthiques.» C'est en bas de la page, hein? «En effet, le mode et le milieu de vie des personnes itinérantes confrontent les intervenants à se questionner sans cesse sur l'acceptable et l'inacceptable, le risque nécessaire ou trop élevé et les comportements socialement acceptables ou tolérables dans ce contexte particulier.»

Alors, c'est de juger de tout ça, là, quand vous offrez une permission, quand vous jugez que ce n'est pas le temps, quand vous jugez que c'est le temps, et là on parle souvent... En tout cas, je trouve que c'est intéressant d'apporter... Parce que c'est vrai qu'il y a un conflit. Vous êtes des professionnels, là, puis il y en a d'autres aussi dans des groupes et autres. C'est vrai que les gens sont confrontés souvent avec qu'est-ce qui est acceptable, qu'est-ce qui ne l'est pas. Juste ça, là, ce n'est pas simple.

M. Gendron (Philippe): ...connaître aussi. Une personne qui a des délires psychotiques encapsulés depuis bien longtemps puis que, du jour au lendemain... Nous, parce qu'on la fréquente... pas quotidiennement, mais quasi quotidiennement, bien, qu'on s'aperçoit qu'il y a un changement dans son comportement, qu'on est capables de mettre en lien, là, certains événements dans sa vie, puis, à la suite de ça, bien, qu'on contacte son psychiatre puis qu'on lui dit: Bien là, regarde, telle personne, ça va moins bien, pour telle, telle, telle raison. Bien, l'approche de «reaching-out» intensif, bien c'est ce que ça permet aussi, mais de débattre aussi, de dire: Bon, bien, est-ce qu'on continue de le laisser aller? Est-ce qu'on ralentit la détérioration? Est-ce qu'on applique une loi pour qu'il soit évalué de force? Ça fait que c'est quotidien.

M. Lemay: Ah oui! Tout à fait. C'est intéressant que vous l'apportiez à notre attention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Oui. Et en conclusion je veux faire écho à vos propos, Mme Dupont, quant à la santé de votre équipe, l'engagement, le dévouement de votre équipe. Tout le long de nos travaux comme commission, nous avons rencontré le CSSS Jeanne-Mance, à Montréal, nous avons trouvé des travailleurs de première ligne dans plusieurs organismes communautaires, et, je pense, il y a un constat qui nous impressionne au plus haut point, c'est l'engagement, c'est le dévouement. Ce n'est pas un milieu facile. Le passage que mon collègue vient de lire quant au jugement d'«acceptable», «inacceptable»... Ce n'est pas toujours évident. Alors, je veux faire écho, au nom des membres de la commission, de votre aperçu sur la qualité des travailleurs qui sont membres de votre équipe et vous féliciter. Je pense c'est un modèle très intéressant. On a des leçons à tirer de votre exemple. Alors, merci beaucoup.

Et, sur ce, je vais ajourner nos travaux à demain, 10 heures, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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