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Version finale

38e législature, 1re session
(8 mai 2007 au 5 novembre 2008)

Le jeudi 14 février 2008 - Vol. 40 N° 25

Consultation générale sur le projet de loi n° 63 - Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

M. Geoffrey Kelley, président

Mme Christine St-Pierre

Mme Louise Harel

Mme Lucie Leblanc

M. Claude L'Écuyer

M. Alexandre Cloutier

M. Daniel Turp

M. Pierre Reid

* Mme Mariette Gilbert, AFEAS - Femmes en mouvement

* Mme Hélène Corneillier, idem

* Mme Christiane Pelchat, CSF

* M. Henri Brun, idem

* M. Henri Laberge, MLQ

* M. Réjean Couture, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, bonjour, mesdames et messieurs, bienvenue aux travaux de la Commission des affaires sociales, cette journée de Saint-Valentin. Grâce à la députée de Gatineau, on peut mettre notre coeur au travail.

Et je constate le quorum. Donc, je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission. L'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace M. Sklavounos (Laurier-Dorion); Mme Leblanc (Deux-Montagnes) remplace M. Caire (La Peltrie); M. Benjamin (Berthier) remplace M. Laporte (L'Assomption); M. L'Écuyer (Saint-Hyacinthe) remplace M. Roy (Montmagny-L'Islet); M. Turp (Mercier) remplace M. Bergeron (Verchères); Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) remplace M. Drainville (Marie-Victorin); et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) remplace Mme Lapointe (Crémazie).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va commencer tout de suite. On a trois groupes... Pardon, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: ...pour remercier Mme la députée de Gatineau pour cette pensée très aimable à l'occasion de la Saint-Valentin. Alors, tous les membres de la commission ont hérité d'un coeur. Alors, je la remercie, je pense, au nom de tous.

Auditions (suite)

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je pense que c'est adopté à l'unanimité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup, pour cette pensée, Mme la députée. Et merci beaucoup, Mme la députée de Gatineau. On a trois groupes pour ce matin, une demi-journée de travail pour les membres de la Commission des affaires sociales. Le format, c'est une quinzaine de minutes pour la présentation des témoins et 45 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à l'AFEAS et sa présidente, Mme Mariette Gilbert. La parole est à vous, Mme Gilbert.

AFEAS  ?  Femmes en mouvement

Mme Gilbert (Mariette): Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, merci de nous recevoir pour vous présenter nos recommandations sur le projet de loi n° 63. Depuis sa fondation, en 1966, l'AFEAS a pour mission de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société. À ce titre, l'AFEAS défend les droits des femmes à l'égalité pleine et entière, soit l'égalité de droit comme l'égalité de fait, dans tous les grands débats au Québec qui peuvent avoir un impact sur les droits des femmes et sur les multiples aspects de leur vie.

Dans le cadre de la consultation générale de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, l'AFEAS appuie les modifications apportées tout en suggérant des ajustements pour garantir la pleine égalité entre les femmes et les hommes. Rappelons d'abord que, jusqu'en 1960, l'histoire et la culture du Québec sont celles d'un peuple monolithique, un peuple de culture francophone et de religion catholique. Durant cette période, la religion catholique contrôle les institutions civiles, dont celles de la santé et de l'éducation, et l'ensemble de la société canadienne-française. Cette collusion entre l'Église et l'État ne permet pas de dénoncer et de contrer les discriminations envers les femmes.

À compter de 1960, le Québec change de façon drastique. Avec la Révolution tranquille, la séparation entre l'Église et l'État permet au Québec de devenir une société où l'égalité des femmes, la non-discrimination et l'équité dans les programmes jouent un rôle majeur. On assiste, entre autres, à la transformation des familles, du marché du travail et l'intégration massive des femmes comme travailleuses régulières, de même qu'à la croissance du rôle de l'État dans la sphère publique et au recul de l'Église vers la sphère privée.

Durant cette même période, le Canada et le Québec mettent en place des chartes qui rendent obligatoire le respect des droits et des libertés pour et par tous, et ce, dans toutes les sphères de la société. Parallèlement, pour composer avec la nouvelle réalité apportée par l'arrivée de femmes et d'hommes de diverses communautés culturelles, le Canada a choisi la formule du multiculturalisme, qui favorise la liberté individuelle aux dépens des droits collectifs. Le Québec, quant à lui, choisit un mode d'intégration de vivre-ensemble. Pour cela, il construit un projet sociétal fondé sur des valeurs communes, tout en profitant de la richesse de ces cultures au fur et à mesure de leur intégration au Québec.

n (9 h 40) n

Cette réalité se reflète dans les propos du premier ministre du Québec il y a un an, lors de la création de la commission Bouchard-Taylor. Rappelant que les valeurs fondamentales du Québec sont l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion, il dit: «Elles sont à prendre avec le Québec. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun accommodement. Elles ne peuvent être subordonnées à aucun autre principe.» Fin de la citation.

Sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, le Québec a fait des pas de géant. À titre d'exemple, pensons au chemin parcouru entre l'obtention du droit de vote au fédéral en 1918 et au Québec en 1940 et la mise en place d'un Conseil des ministres paritaire en 2007. Cependant, la pleine égalité ou égalité de fait reste encore à faire, comme le souligne la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes rendue publique en décembre 2006.

Malgré cela, certains croient toujours qu'il est inutile ou négatif de promouvoir et de construire l'égalité entre les femmes et les hommes. L'AFEAS, quant à elle, réitère l'importance de préserver et de renforcer les acquis des femmes au Québec. À son avis, il est essentiel de s'assurer que rien ni personne ne puisse faire reculer le Québec sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette démarche du Québec est irréversible et incontournable.

À ce point-ci, je vous présente l'analyse et les recommandations de l'AFEAS en lien avec le projet de loi n° 63, par lequel le gouvernement du Québec vise à modifier la Charte des droits et libertés de la personne. Il veut affirmer expressément que les droits et les libertés qui y sont énoncés sont garantis également aux femmes et aux hommes. Par cette décision, le Québec pose un geste de plus pour se conformer aux ententes internationales qui reconnaissent l'égalité entre les femmes et les hommes comme une obligation pour les États membres des Nations unies.

Depuis plus de 30 ans, le Québec et le Canada ont signé de nombreuses ententes internationales. Ils ont entériné les recommandations de différentes conférences internationales sur les droits des femmes. Sur le plan national et provincial, ils ont posé des gestes conséquents. Ainsi, avec l'insertion de l'article 28 dans la Charte canadienne des droits et libertés, le Canada a fait en sorte de créer une obligation en regard de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Malgré cela, le travail n'est pas terminé. À titre d'exemple, en 1995, les pays participant à la conférence internationale sur la situation de la femme, à Beijing, ont adopté un programme d'action. Celui-ci a pour but de reconnaître que les droits fondamentaux des femmes et des fillettes font partie intégrale des droits universels de la personne. De ce fait, les pays s'engageaient à traduire ce plan d'action dans toutes leurs politiques et tous leurs programmes. Dans le même esprit, la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes réitère les valeurs communes à la société québécoise et met en place diverses actions concrètes pour faire avancer cet objectif d'égalité.

Rappelons que, dans le rapport final de la Commission des affaires sociales à la suite des consultations sur cette politique, les membres soulignent l'importance d'une volonté politique clairement affirmée pour continuer de faire avancer le Québec vers une véritable égalité entre les femmes et les hommes. En ce sens, l'adoption du projet de loi n° 63 ajouterait un ancrage de plus aux outils existants pour rendre formelle l'égalité sous-jacente au texte actuel de la Charte des droits et libertés.

Rappelons maintenant que l'AFEAS prend position pour l'égalité entre les femmes et les hommes comme valeur fondamentale de la société québécoise. Rappelons aussi que les accommodements raisonnables ou ajustements concertés, médiatisés à l'hiver 2006-2007, ont soulevé de nombreuses questions et préoccupations au sein de la société, avec raison, car les décisions prises par différentes institutions pour accommoder ces demandes touchaient des droits gagnés de haute lutte par les femmes. De cela, découle la position que les membres de l'AFEAS, en août 2007, ont adoptée et qui a été déposée à la commission Bouchard-Taylor en novembre dernier.

Alors, je vous lis cette position que nous avons adoptée: «Dans le but de conserver l'identité sociale et culturelle des Québécoises et des Québécois, l'AFEAS demande au gouvernement du Québec une législation provinciale ferme qui permettrait la protection des droits et coutumes de notre collectivité, l'égalité entre les sexes et obligerait toutes les Québécoises et tous les Québécois à respecter ces principes.» Face à cette demande de nos membres, le projet de loi n° 63 constitue une réponse concrète, car il affirme clairement que l'égalité entre les femmes et les hommes est incontournable.

Regardons maintenant en détail les modifications proposées. Dans un premier temps, l'inclusion, au troisième alinéa du préambule de la charte, des mots «l'égalité entre les femmes et les hommes» précise l'importance dévolue par le gouvernement du Québec à cette valeur fondamentale de notre société.

Alors, l'AFEAS réitère qu'il est nécessaire d'affirmer expressément que l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un des fondements de la justice, de la liberté et de la paix, tel qu'énoncé dans ce même alinéa. En effet, depuis l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme, de nombreux instruments internationaux et nationaux ont défini et répété l'engagement nécessaire des États à l'effet que l'égalité entre les femmes et les hommes fait partie des droits humains et, à ce titre, doit être préservée. Malgré ces multiples engagements, l'égalité des sexes reste encore à obtenir dans beaucoup de pays et dans beaucoup de domaines. Ainsi, cette affirmation dans notre charte rend visible une notion sous-jacente à d'autres valeurs, comme celle de la dignité.

Dans un deuxième temps, l'insertion d'un article 49.2, introduit dans la charte à la section des dispositions spéciales et interprétatives, servira de référence en cas de conflit entre l'égalité et un autre droit ou liberté. Bien que le gouvernement ne souhaite pas créer une préséance de droit, l'AFEAS croit que l'ajout de la notion d'égalité entre les femmes et les hommes dans les dispositions interprétatives permet de guider toute décision future ayant pour but de trancher entre une valeur collective, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, et un droit individuel, comme la liberté de religion ou la liberté d'association. Par ailleurs, si un tel conflit apparaissait dans un cas de discrimination, son analyse devrait tenir compte du quatrième alinéa du préambule de la charte, qui prévoit que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général.

Bien qu'appuyant la démarche du gouvernement dans le projet de loi n° 63, l'AFEAS se questionne à savoir si les modifications telles que proposées sont suffisantes pour atteindre l'objectif visé. La brève note explicative du projet de loi ne nous éclaire pas en ce sens. Sur le plan de la reconnaissance formelle ou de droit de l'égalité entre les femmes et les hommes, ne serait-il pas mieux d'inclure un article similaire à l'article 28 de la charte canadienne dans la charte québécoise? La portée d'un tel article serait-elle plus forte en cas de litige entre l'égalité entre les femmes et les hommes et un autre droit ou liberté garanti par la charte? C'est pourquoi l'AFEAS suggère de mieux préciser les intentions du gouvernement à l'égard de ce projet de loi et d'insérer dans la charte québécoise un article similaire à l'article 28 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Maintenant, sur le plan de la reconnaissance concrète ou de fait de l'égalité entre les femmes et les hommes, il faut que les droits économiques et sociaux prévus par la charte soient reconnus au même titre que les droits civils et politiques. C'est pourquoi l'AFEAS suggère d'inclure, à l'article 52 de la charte, une référence aux articles 39 à 48 portant sur les droits sociaux et économiques, comme c'est les cas pour les articles 1 à 38 sur les droits civils et politiques. Par cette inclusion renforçant la portée de ces droits, le Québec répondrait à son obligation comme signataire du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux.

En conclusion, l'AFEAS tient à souligner que des valeurs claires et affirmées fermement favorisent l'évolution des mentalités pour toutes les Québécoises et tous les Québécois, entre autres auprès des jeunes générations, favorisent l'intégration des nouveaux arrivants et favorisent la paix sociale en diminuant les risques de confusion, de friction et d'accrochage entre les citoyennes et citoyens de diverses tendances. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Gilbert. Je suis prêt maintenant à passer à la période d'échange avec les membres de la commission et céder la parole à Mme la ministre.

n (9 h 50) n

Mme St-Pierre: Merci, Mme Gilbert, merci pour votre exposé fort intéressant, qui nous éclaire beaucoup. Depuis quelques jours, nous siégeons ici, comme vous le savez, et nous continuerons la semaine prochaine. Et, du côté de l'opposition officielle, à peu près toutes les fois que l'opposition officielle peut poser des questions... est appelée à poser des questions, on rappelle souvent que le gouvernement n'a pas attendu les conclusions de la commission Bouchard-Taylor, et ça me fait plaisir d'entendre ça, puisque l'opposition officielle n'a même pas cru bon de déposer un mémoire à la commission Bouchard-Taylor. Donc, c'est intéressant de voir que l'opposition officielle s'intéresse maintenant à la commission et aux recommandations que la commission Bouchard-Taylor va déposer bientôt.

Ceci étant dit, je vous demande: Vous, du côté de l'AFEAS, est-ce que vous voyez un problème à agir maintenant à ce chapitre de l'égalité entre les femmes et les hommes au Québec comme valeur fondamentale et à procéder maintenant sur cette question?

Mme Gilbert (Mariette): On ne voit pas de problème parce que déjà, suite au plan d'action de la politique de l'égalité, nous avions continué de faire des interventions en trouvant que la politique n'allait pas assez loin. Alors, ce projet de loi dans le fond, pour nous, c'est un pas supplémentaire. Et, comme vous avez pu le constater, nous avons aussi d'autres revendications et nous allons continuer à faire d'autres revendications pour aller plus loin, en lien avec les dossiers que nous défendons. Donc, pour nous, chaque pas, c'est un gain, et on les prend au moment où ils se présentent. Alors, si ça se présente maintenant, on ne crachera pas sur la possibilité de faire ce pas-là de plus, qui de toute manière, pour nous, est essentiel.

Mme St-Pierre: Certains... un groupe en particulier est venu nous parler de l'utilité de ce projet de loi, on a parlé d'inutilité et de peut-être même dangerosité. Alors, toute la soirée, hier soir, je me suis demandé comment quelque chose qui est inutile puisse être dangereux. Je n'ai pas encore trouvé ma réponse, mais probablement que ça va venir à un moment donné.

Considérez-vous que ce projet de loi est utile dans cet édifice que nous bâtissons au Québec, depuis plusieurs années? Et je pense que l'AFEAS en a été témoin puisque l'AFEAS est là depuis de nombreuses années. L'AFEAS a accompagné aussi des changements, l'AFEAS a été témoin des changements qui ont été faits concernant l'égalité entre les femmes et les hommes. Alors, sur la question de l'utilité, est-ce que vous pourriez élaborer?

Mme Gilbert (Mariette): Moi, je pense que, tant que nous n'aurons pas atteint l'égalité de fait, la place équitable et juste qui revient aux femmes dans la société, il y a du travail à faire. Et je verrais une dangerosité à des privilèges. Mais nous n'avons même pas encore l'égalité de fait, alors nous sommes loin d'avoir des privilèges indus.

Je vais prendre un exemple qui s'est présenté il y a quelques mois, au niveau des conseils d'administration des banques, quand on a sorti des statistiques où, dans les conseils d'administration des banques, il y a seulement 17 % de femmes qui sont sur les conseils d'administration. Il y a une assemblée générale d'une banque qui a proposé d'essayer d'atteindre 30 %, et ça a été rejeté. Alors, je pense qu'il y a énormément de travail à faire.

Lorsque nous serons... si, par hasard, nous atteignions 83 % de présence dans des instances de ce genre, on pourrait parler de privilège et on pourrait peut-être parler de dangerosité, mais, en attendant, je ne pense pas qu'on puisse parler de dangerosité nulle part, puisque nous n'avons atteint nulle part la moitié de la place que nous devrions occuper en toute justice.

Mme St-Pierre: Sur la question également du message qui est véhiculé avec ce projet de loi, certains ici parlent d'un message politique plutôt que d'un message juridique. Et je vous citerai la Commission des droits et libertés, à une question sur le message ? est-il un message politique ou un message juridique? ? la commission a bien dit qu'il s'agissait d'un message juridique, et je cite, parce que, l'amendement à la loi, on change une loi, on change une loi importante qui est la charte, le préambule, n'importe quel juriste ne pourra plus passer à côté.

L'expérience de l'AFEAS, à la lumière de l'expérience de l'AFEAS, est-ce que vous voyez des secteurs ou des endroits plus particuliers où on verrait que ce changement à la charte pourrait donner plus de mordant ou plus de pouvoirs aux femmes?

Mme Gilbert (Mariette): Mon Dieu! il ne m'en vient pas à l'esprit. Je ne sais pas si Mme Corneillier voit plus, étant donné... Mme Corneillier est responsable du plan d'action et des communications à l'AFEAS. Peut-être, je ne sais pas s'il y a un exemple que...

Mme Corneillier (Hélène): Je ne suis pas sûre que c'est dans un secteur particulier parce que, la charte étant la loi... disons, la première loi au Québec, et jusqu'à quel point tout le monde la connaît? Malgré que c'est notre première loi, on est supposés la connaître. Je ne sais pas jusqu'à quel point, dans les écoles, on familiarise les enfants avec ça. Mais je pense qu'avec le temps le fait que c'est dit dans la loi que l'égalité entre les femmes et les hommes est une de nos bases fondamentales, en le mettant dans le préambule, entre autres ? puis la valeur interprétative, bien ça, c'est pour les juristes ? donc, le message est à la fois politique puisque le gouvernement prend position. Il aurait pu ne pas le faire, mais c'est à lui de prendre position dans cette discussion-là.

Et je pense que c'est l'utilité, si je reviens sur cette question-là, c'est utile de dire, dans une société: Voici ce sur quoi on fonde notre société, pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde ? hypothétiquement, là ? et ce n'est pas dangereux. Et, moi, quand j'entends ce discours-là, pour l'avoir entendu à la télévision, qu'il y aurait peut-être des pertes de droits, je n'ai pas compris comment les hommes pourraient perdre des droits parce qu'on vient dire que l'égalité est dans la charte et comment ça peut être dangereux pour eux. Si l'égalité est atteinte ? parce que c'est ce qu'on se fait répéter depuis des années, elle est atteinte ? bien, qu'est-ce que ça a de dangereux et inutile de le mettre puis de dire: Bien, nous, c'est ça, puis, oui, on l'a atteinte? Ce qui n'est pas vrai, là, on l'a atteinte dans les droits mais pas dans les libertés.

Je pense que c'est plutôt l'entièreté de la société où ça va être utile, et, avec le temps, dépendant quand on demande que les droits sociaux et économiques soient aussi un peu plus renforcés dans la charte, c'est avec ça aussi que ça va donner un prise, bon, qu'on parle de l'équité salariale, qu'on parle de la pauvreté, qu'on parle du droit au logement, etc., que ça donnera une emprise plus grande après ça sur les autres dossiers plus particuliers.

Mme St-Pierre: Plusieurs groupes ont également souhaité que nous fassions, en plus de ce travail... qu'on rende beaucoup plus large, et qu'on parle de droits socioéconomiques, et qu'on fasse un grand chantier sur les droits socioéconomiques. Quelle est votre position là-dessus par rapport à agir maintenant sur cette question? Est-ce que vous souhaiteriez que ça s'élargisse, que ça prenne plus de temps puis qu'on se penche davantage ou qu'on invite d'autres groupes qui pourraient parler de droits socioéconomiques aussi? Cette démarche présentement, cette démarche-là, vous la considérez comme une démarche qui est complète mais sans non plus dire que tout est parfait puis que tout est complet dans la société?

Mme Gilbert (Mariette): Comme je disais tout à l'heure, c'est un pas, je pense qu'il faut le faire, il faut le compléter, ce pas-là, mais il faut continuer les autres aussi, il ne faut pas les abandonner. Mais en même temps je ne voudrais pas risquer qu'on perde ce pas-là parce qu'on veut prendre la bouchée très, très grosse en même temps. Alors, on prend celle-là, on la fait, mais je vous assure que, comme je l'ai mentionné, on souhaite qu'on aille plus loin, et, nous, on va continuer aussi dans le sens de demander d'aller plus loin. Mais ce pas-là, il est là maintenant, on le fait et on en fait un autre. Et, bien, peut-être reprendre... pour ceux qui sont de ma génération, on se rappelle La poule aux oeufs d'or, «un tiens vaut mieux que deux tu l'auras». Alors, commencer avec celui-là et puis on continue avec l'autre, les autres pas à faire face aux droits économiques et sociaux. Je ne sais pas si, Hélène, tu veux ajouter quelque chose là-dessus.

Mme Corneillier (Hélène): C'est sûr que, si, en commission, article par article, vous amendiez l'article 52 pour ajouter les articles 39 à 48, on ne serait pas contre du tout, du tout, si tout le monde est d'accord. Si évidemment ça ne pouvait pas, pour des raisons x, se faire là, à ce moment-là, est-ce qu'il n'y a pas lieu de penser, puisque la Commission des droits et libertés a proposé elle-même ? semble-t-il, là, on ne connaît pas ce dossier-là parfaitement ? certains ajustements, à ce moment-là, que peut-être c'est la Commission des institutions qui devrait se pencher sur une relecture de la charte à la lueur des années 2008-2010, parce que ça ne se fait pas en deux jours, et donc regarder ce qui est suggéré par la commission et ce qui ressort d'ici, à ce moment-ci, outre la question de l'égalité? Mais il faut aussi régler la question de l'égalité.

Mme St-Pierre: Vous dites que le projet de loi ajoute un ancrage de plus aux outils existants, comme la politique gouvernementale. Vous avez parlé de la politique Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait. Pourriez-vous préciser cette affirmation? Donc, on est dans la logique du plan d'action.

Mme Gilbert (Mariette): En lien avec le plan d'action, parce que j'ai dit que je trouvais que le plan d'action n'allait pas assez loin?

n (10 heures) n

Mme St-Pierre: Non. Vous dites que c'est un ancrage, là, on est dans une... on est dans... Autrement dit, ce que je comprends de ce que vous avez déclaré tout à l'heure, c'est que nous sommes dans une logique de cette politique.

Mme Gilbert (Mariette): Oui, alors c'est un ancrage supplémentaire parce que je pense que c'est très important d'affirmer clairement l'égalité comme valeur. Ça va faciliter toutes les autres possibilités de faire des actions, des programmes ou de voir là où il y a des modifications à faire si c'est très clair qu'on doit toujours viser l'atteinte de l'égalité, on doit toujours se questionner sur l'atteinte de l'égalité, et, à ce moment-là, de penser aussi à utiliser plus fréquemment l'analyse différenciée selon les sexes pour... Et ça va peut-être amener aussi ça, parce qu'on trouve qu'on n'utilise pas... C'est-à-dire, nous trouvons que l'ADS n'est pas suffisamment utilisée alors pour permettre l'atteinte de l'égalité de fait. Alors, de l'écrire, de le véhiculer, de le dire clairement, que tous nos représentants politiques le disent haut et clair aussi, à ce moment-là, je pense que c'est important.

Mme St-Pierre: Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

Une voix: Cinq minutes.

Mme St-Pierre: Cinq minutes.

Mme Corneillier (Hélène): Mme la ministre, un ajout.

Le Président (M. Kelley): Mme Corneillier.

Mme Corneillier (Hélène): Oui. En 2006, je pense, le premier ministre a nommé une ministre titulaire vraiment du poste de la Condition féminine. C'était un pas même avant la sortie de la politique. Ce genre de geste là qui était important... Il y a eu une évolution sur le titre de la ministre responsable de la Condition féminine avec les années. Il y a même eu une année où il y a eu un oubli, là, mais c'est revenu. On a un Conseil des ministres paritaire. Bon, ça, c'est venu après la politique. Ce genre de gestes là, concrets, le projet de loi n° 61 en est un autre...

Une voix: 63.

Mme Corneillier (Hélène): 63. J'amènerais un autre exemple qu'on veut voir résoudre: l'Ordre national du Québec, leur titre n'est pas féminisé. Ça fait des années que l'AFEAS demande ça. Il y a eu des recommandations de l'ordre. C'est au premier ministre à agir sur cette question-là parce que ça relève de lui. Ce genre de choses là ? on souhaite que, cette année, là, pour juin, ce soit réglé ? ce genre d'éléments là qu'on peut considérer petits, hein, mais ce n'est pas petit parce que ce sont toutes des actions... Quand on a féminisé, au Québec, les titres, «la ministre» au lieu de «le ministre», même si les projets de loi sont masculins, je pense qu'on a fait un grand chemin que même France et l'Europe n'ont pas fait. Alors, il faut continuer ce genre... Et le projet de loi n° 63 est un élément parmi d'autres assez majeur, parce qu'on touche la Charte quand même là, mais assez majeur pour ancrer.

Mme St-Pierre: J'ai bien aimé votre conclusion parce que je pense que cette conclusion est vraiment... c'est ce qui décrit très, très bien le projet. J'aimerais la reciter. C'est-à-dire, vous dites: «L'AFEAS tient à souligner que des valeurs claires et affirmées fermement favorisent tout d'abord l'évolution des mentalités pour toutes les Québécoises et tous les Québécois, entre autres auprès des jeunes générations, et l'intégration des nouveaux arrivants.»

Deuxièmement, vous avez parlé de «la paix sociale en diminuant les risques de confusion, de friction et d'accrochage entre les citoyennes et les citoyens de diverses tendances».

Est-ce que ma lecture est exacte si je vous prête l'intention de vraiment décrire l'esprit de ce projet de loi avec cette conclusion?

Mme Gilbert (Mariette): Bien, en tout cas, nous, ce que nous croyons, c'est que, quand on exprime clairement les choses, ça démontre une volonté et ça démontre aussi... au niveau de l'évolution des mentalités. Quand on n'est pas capable de nommer les choses, c'est qu'il y a un problème d'intégration dans ce qu'on vit, dans ce qu'on fait, dans ce qu'on véhicule. Si on est capable de le nommer, de ne pas en rougir de le nommer, d'être fier de le nommer, à ce moment-là, c'est comme... ça va avec l'ancrage de tout à l'heure, c'est quelque chose qu'on intègre, et, si on n'est pas capable de le nommer, il y a un problème, je pense.

Mme St-Pierre: Alors, vous allez dans le sens de Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, hier, qui a cité à plusieurs reprises Talleyrand. Et vous aviez dit: «Cela va sans le dire, mais cela va mieux en le disant.» Et je vais vous citer davantage parce que c'était assez succulent: «On pourrait même dire que cela va mieux en l'écrivant, cela va mieux en l'adoptant et cela va mieux en le laissant aux générations qui nous suivent.» Alors, c'était une...

Mme Gilbert (Mariette): ...pas ça de Talleyrand, mais c'est...

Mme St-Pierre: Alors, dorénavant, nous allons vous citer, en plus. Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Parfait, merci beaucoup, Mme la ministre. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes. La parole est à vous.

Mme Leblanc: M. le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais souligner que nous sommes heureux de voir que la ministre est maintenant, disons, très ouverte à parler des droits sociaux. Je pense que dès le départ les deux partis de l'opposition, on l'a quand même bien exprimé. Malheureusement, on aurait peut-être pu faire l'approche du projet de loi en parallèle avec les droits que tant de groupes viennent souligner aujourd'hui.

Donc, mesdames, bien, merci pour votre présentation, d'entrée de jeu, très, très intéressante. Et je comprends que le projet de loi, je pense que c'est un grand pas vers l'avant. Toutefois, lorsqu'on parle de droits sociaux et de droits économiques, qui sont revenus amplement ici, à la commission, naturellement, vous auriez préféré peut-être aller également de l'avant pour que concrètement, sur le terrain, on voie quand même l'avancement important dans la reconnaissance des droits des femmes. C'est bien ce que je comprends?

Mme Gilbert (Mariette): Oui, oui. C'est sûr que, comme on l'a mentionné, bien ce serait important d'aller plus loin. Mais je pense qu'en même temps, chaque fois qu'on parle d'égalité, on se donne aussi la possibilité d'aller plus loin dans nos revendications. Mais, comme je l'ai mentionné, si ce n'était pas inclus maintenant, nous, on va continuer aussi à revendiquer sur les droits socioéconomiques, et, si ce n'est pas fait maintenant, il faudra y revenir.

Mme Leblanc: Puis qu'est-ce que vous pensez... Parce que plusieurs groupes sont venus... C'est ça. Bien, je pense que vous avez parlé quand même tantôt, l'article 39 à 48, de le rendre justiciable. J'imagine que vous iriez de l'avant avec une telle démarche.

Mme Corneillier (Hélène): Oui. C'est notre proposition, et je pense qu'il y a plusieurs groupes de femmes qui seront ici ? ou ne seront pas ici, faute de pouvoir présenter des mémoires ? qui vont demander cela parce qu'après discussion avec des juristes ce qu'il nous semble, c'est que ce sont ces droits-là qui permettent l'ancrage de fait. On le sait, l'équité salariale de fait, c'est l'égalité de fait. On est égales au niveau du travail, c'est beau dans la loi, mais, quand on est sur le terrain, ce n'est pas exactement ça. Et, si on n'a pas un pouvoir de recours et de faire changer les choses éventuellement, donc, quand il y a des droits qui ont moins de prise, c'est plus difficile de venir, surtout au niveau de chartes... Ce n'est pas comme la Loi de l'équité, mettons.

C'est plus facile d'aller dire, bon, peut-être ? puis «plus facile», je nuance: Telle entreprise ne fait pas ce qu'elle devrait faire. Pour un employé, ce n'est pas évident, aller contester la charte, pour un employé, ou une femme, ou un groupe même, avec les ressources qu'on a, l'expertise qu'on a, nous ne sommes pas des juristes. C'est sûr qu'avec le temps on apprend à lire des projets de loi en regard de nos propres revendications et nos dossiers, mais nous ne sommes pas des juristes pour voir comment acheminer les choses, et ça, ça prend de l'aide pour ça. Et donc, pour les femmes, ces droits-là sont les droits qui permettent l'ancrage, au-delà du droit civil de voter, les libertés d'association, de religion, etc., ce sont ceux qui permettent l'ancrage, donc il faut donc qu'on ait la possibilité d'y recourir réellement. Et c'est dans ce sens-là. Alors, plusieurs groupes qui même ne seront pas ici souhaitent cet ancrage-là.

Mme Leblanc: D'accord. Puis, écoutez, bon, entre autres, la Commission de l'équité salariale, qui est venue nous déposer leur mémoire, eux parlaient aussi que, vous savez, l'application d'une loi, quand même, vous savez, c'est ardu dans le temps, ça prend quand même... là, on parle de 10 ans dans le cas de l'équité salariale, et qu'il y a encore, vous savez, il y a encore beaucoup à faire. Le projet de loi n° 63, comment vous le voyez dans le temps, là, vous savez, dans 10, 15, 25 ans, là, les acquis des femmes face à un tel projet?

n(10 h 10)n

Mme Gilbert (Mariette): Bien, je pense que, si vraiment la société québécoise s'entend pour dire que l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est une valeur fondamentale et que tous les nouveaux arrivants, entre autres, le savent en arrivant et savent que c'est ce qui se passe dans la société québécoise, alors j'espère que, dans 15, 20 ans, ce sera plus facile, mais qu'en même temps ça nous aura permis d'aller plus loin dans l'atteinte de l'égalité de fait.

Maintenant, je vous avouerai que je n'ai pas vraiment fait l'exercice de me projeter dans 15 ans. Mais ce que je souhaite, autant pour ma fille ou pour ma petite-fille, pas juste ma petite-fille mais mes petits-enfants, les garçons aussi, c'est que, pour eux, la question ne se pose même pas, à savoir est-ce que c'est juste ou ce n'est pas juste, que les choses soient tellement atteintes réellement qu'il n'y ait plus de question qui se pose. Mais je ne rêve pas en couleur, je pense que les changements de mentalité, ça prend plusieurs générations pour les ancrer. Mais il faut se donner des moyens. Et je pense que des moyens comme la charte et d'autres projets de loi sont nécessaires aussi pour effectuer cette intégration-là de ces valeurs et de la valeur de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Leblanc: Dans votre présentation, vous avez parlé de la politique de Beijing. Pouvez-vous élaborer davantage? Parce que je trouvais ça quand même intéressant.

Mme Gilbert (Mariette): Beijing, oui, je vais laisser Mme Corneillier... parce que, moi, j'ai peut-être un peu moins potassé ce dossier-là.

Mme Corneillier (Hélène): Disons, sans être une spécialiste de Beijing et de toutes les conférences internationales, c'est clair que Beijing, qui était une des conférences internationales des femmes, où l'AFEAS était, les pays ont réitéré dans le fond le fait que, les femmes et les fillettes, leurs droits font partie des droits humains. Donc, si les pays participants, en 1995, on pu penser qu'ils devaient préciser cela, on peut imaginer ? là, évidemment, on est au niveau mondial ? quelle est la situation dans plusieurs pays pour qu'on soit obligés de penser ça. Alors, quand on ramène...

Bon, nous, je pense qu'en 1995 on avait quand même fait un bout, la charte était là, on avait une démarche vers l'égalité; ceci dit, on ne le disait pas clairement. Ce qu'on fait maintenant, avec le projet de loi n° 63, c'est qu'on va le dire, l'énoncer. Je ne reciterai pas, Mme Talleyrand-Harel ? excusez! ? ce que vous avez dit hier, mais ce qui est dit... L'AFEAS travaille sur le travail invisible, vous le savez probablement toutes, l'invisibilité du rôle des femmes. On veut que ce soit visible. C'est la même chose pour l'égalité: tout ce qui va rendre visible l'égalité, les rôles des femmes... pas pour dire d'occulter les hommes, mais rendre ça vraiment, là, conscient pour les immigrants, mais pour nos jeunes qui poussent, pour nos adultes qui n'ont pas encore rentré ça dans leur petite tête aussi que la discrimination, c'est une chose, puis la perte de privilèges, c'est autre chose...

Donc, si Beijing a dû redire que les droits des femmes et des fillettes étaient partie des droits de l'homme, hein, on pense que le chemin est loin d'être parcouru, qu'il fallait un plan d'action. Si on regardait en 2005 ou en 2015 où c'est rendu, cette situation-là, je suis sûre qu'il y a encore beaucoup de pays où ce n'est pas là encore. Donc, il faut faire le chemin. Et, nous, dans 25 ans, on aura peut-être le plaisir de dire qu'on a été précurseurs sur certains pays, mais en retard... J'entendais, je pense, à l'occasion de votre rencontre avec la FFQ, qu'il y a des pays européens qui ont déjà ça dans leur charte, l'égalité. Bien, là-dessus, on est peut-être en retard. Puis on ne fait que se mettre à jour, en quelque part, puis à l'ancrer pour notre avenir.

Mme Leblanc: D'accord. Merci.

Mme Gilbert (Mariette): Et il y a des rapports aussi qui sont sortis, d'organismes de l'ONU, qui démontrent que le Canada a reculé dans certains dossiers. Alors, je pense qu'on ne peut rien négliger. Et il est beaucoup plus facile de reculer que d'avancer, donc il ne faut vraiment pas relâcher notre attention dans ce dossier-là.

Mme Leblanc: ...

Mme Gilbert (Mariette): Là, je n'ai pas le nom du rapport par coeur, là, je m'excuse, mais...

Mme Leblanc: D'accord. Merci.

Mme Gilbert (Mariette): Je pense que c'est la CEDEF, oui. Oui, effectivement, c'est ça.

Mme Leblanc: À la page 4 de votre mémoire, j'ai trouvé ça intéressant, vous avez un tableau, avec les membres, là, tout le détail, les âges de vos membres. Donc, je trouve ça très intéressant. Est-ce que vous constatez une différence de perception, vous savez, au niveau de vos membres, selon les âges ou... envers le droit des femmes? Est-ce que...

Mme Gilbert (Mariette): Une différence de perception, non, parce que celles qui sont là depuis le début, dans le fond celles qui sont impliquées à l'AFEAS depuis le plus longtemps se sont beaucoup démenées pour gagner des droits, mais elles se rendent compte qu'elles n'ont pas tout gagné. Et, parmi les tranches plus jeunes, de jeunes femmes, quand elles sont plus autour de la vingtaine, au début de la vingtaine, parfois elles ne prennent pas encore conscience des difficultés, mais, quand elles sont sur le marché du travail, qu'elles sont confrontées à diverses réalités dans leur carrière, et tout ça, elles se rendent compte des injustices qui existent et elles prennent conscience assez rapidement de ce qu'elles doivent vivre. Et, quand elles ont à faire face à la conciliation famille-travail-études, là elles se rendent vraiment compte qu'il y a beaucoup de travail à faire pour que les différents rôles occupés par les femmes soient reconnus à leur juste valeur. Alors, elles en sont conscientes.

Et je l'ai vécu vraiment personnellement avec ma fille, qui, autour de 16, 18 ans, me disait: Bien, maman, pourquoi tu te débats comme ça?, c'est gagné, il n'y a plus de problème. Et mademoiselle est allée étudier en arts visuels et médiatiques, et, s'il y a un domaine où il y a de la discrimination... c'est un de ceux où il y en a beaucoup. Elle a été très rapidement confrontée à cette réalité-là et elle ne dit plus: Pourquoi tu travailles dans l'AFEAS? Et même elle m'appuie concrètement.

Mme Leblanc: O.K. C'est bien intéressant. Je vais laisser la parole à...

Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Merci, Mme Gilbert et Mme Corneillier. Dans votre, en fait, mémoire, je suis à la page 10 de votre mémoire, et vous nous dites que... d'entrée de jeu, vous nous donnez des termes d'accommodements raisonnables et d'ajustements concertés, c'est-à-dire que c'est à cette époque-là que vous avez, que l'AFEAS a réagi le plus à ce qui se passait dans la société.

Simplement, à titre d'introduction, je voudrais savoir: Ce mémoire-là, comment est-ce que vous avez travaillé pour l'élaborer? Est-ce que vous avez consulté vos membres? Et comment s'est fait ce processus de consultation? Et est-ce que le mémoire que vous nous présentez est accepté ou a été adopté par l'ensemble de vos membres?

Mme Gilbert (Mariette): Bon. D'abord, ce n'est pas un sujet nouveau à l'AFEAS. Il y a trois ans, nous avons eu une formation sur la situation des femmes au Québec... c'est-à-dire, avant le mémoire sur l'égalité. Alors, pour la commission de l'égalité, nous avions présenté un mémoire, à ce moment-là, nous avions des positions. Et, lorsqu'il y a eu les événements de l'année dernière, les femmes se sont encore plus inquiétées de ce qui se passait. Elles avaient pris conscience de la réalité, mais là elles réalisaient que, malgré tout le travail qu'on faisait, il y avait encore des risques de recul, ou en tout cas des choses qui avaient été gagnées risquaient d'être remises en question. Alors, c'est pour ça qu'au mois d'août on est arrivées avec la position qui est inscrite dans notre mémoire. Alors, c'est la position de nos membres. Et, cette année, dans nos groupes locaux, nous avions une formation qui a été développée justement sur les accommodements raisonnables et sur... bien, c'est ça, Les femmes et les religions, le titre...

Une voix: ...je pense.

Mme Gilbert (Mariette): Oui, c'est ça. Alors, on avait un sujet d'étude, on avait une formation. Alors, nous avons rencontré aussi la majorité de nos groupes sur ce sujet-là. Il y a eu des articles dans la revue et il y a eu... On a un blogue sur le sujet. Alors, nos membres ont été très partie prenante, au cours des dernières années, pour ce qui touche la situation de l'égalité de droit versus l'égalité de fait et les risques, les enjeux de toutes ces situations pour les femmes.

M. L'Écuyer: Je remarque aussi...

Le Président (M. Kelley): Court commentaire?

M. L'Écuyer: Oui. Je remarque que vous avez présenté à la commission... Est-ce que vous vous êtes présentées à la commission Bouchard-Taylor?

Mme Gilbert (Mariette): Nous avons présenté un mémoire, malheureusement nous n'avons pas été retenues pour aller le... Nous avons déposé un mémoire, mais nous n'avons pas été retenues pour le présenter à la commission. Mais nous avons des groupes régionaux qui ont eu la chance d'être entendus.

n(10 h 20)n

M. L'Écuyer: Et l'accommodement raisonnable que vous proposiez, que je vois à la page 10 de votre mémoire, c'est que vous demandiez, à ce moment-là, «une législation provinciale ferme qui permettrait la protection des droits et coutumes de notre collectivité, l'égalité entre les sexes et obligerait toutes les Québécoises et tous les Québécois à respecter ces principes». Est-ce que cette résolution-là a été amenée devant la commission Taylor-Bouchard?

Mme Gilbert (Mariette): Elle était dans notre mémoire à la commission.

M. L'Écuyer: Elle était dans votre mémoire?

Mme Gilbert (Mariette): Oui. Oui. C'était d'ailleurs, dans le fond, la base de notre mémoire. C'est ce qui nous a permis d'ailleurs, c'est ce qui nous a permis de présenter un mémoire à la commission Bouchard-Taylor, cette position que nos femmes avaient adoptée en assemblée générale au mois d'août.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Ça met fin à cet échange. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et, si j'ai bien... ancienne conjointe Talleyrand.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: N'en mettez plus, là.

Une voix: Réincarnation.

Mme Harel: Alors, Mme Gilbert, Mme Corneillier, bienvenue en mon nom, au nom de mes collègues. En recevant votre mémoire, je me disais qu'il y a tout un historique des modifications que l'AFEAS a obtenues au cours de son existence, là, depuis 42 ans, tout un historique des modifications au Code civil, y compris également à la charte. Est-ce que vous avez déjà fait un inventaire de tous les succès que vous avez obtenus, notamment à l'égard des femmes collaboratrices? Je me rappelle cette campagne que vous avez menée, qui a permis de modifier le Code civil notamment. Est-ce que vous avez un document qui pourrait être transmis au secrétariat de la commission et qui bénéficierait à tous les membres?

Mme Gilbert (Mariette): Oui. Dans le cadre de la formation Femmes vers l'égalité que nous avons donnée il y a trois ans, en préparation de la commission sur l'égalité, nous avions listé vraiment tous les succès, oui, qui passaient, entre autres, par le patrimoine familial, et tout ça. Oui, nous avons...

Mme Harel: Par le patrimoine, par l'équité, par les congés parentaux, par la perception des pensions alimentaires...

Mme Corneillier (Hélène): La responsabilité parentale au lieu de paternelle dans la famille.

Mme Harel: La responsabilité parentale à l'époque de Mme Payette. Moi, je le dis, là, parce qu'on a quand même de jeunes collègues ? pas nécessairement en âge, là ? mais c'est assez formidable, la contribution que l'AFEAS a eu à l'intérieur du mouvement des femmes et pour favoriser les progrès que les Québécoises ont connus au Québec. Je voulais le dire ce matin.

Mme Gilbert (Mariette): C'est ça. Et ça a été au Québec et ça a été aussi au niveau du Canada aussi, au niveau du gouvernement fédéral. Juste un exemple, la sécurité de la vieillesse, quand il a été question de faire des modifications pour enlever l'universalité et l'individualité sur la sécurité de la vieillesse, que ça devienne sur le revenu familial, on avait fait un mouvement pancanadien à ce sujet-là pour éviter justement que les femmes soient pénalisées par cette loi-là. Et ça, ça touchait l'égalité.

Mme Harel: Parce qu'il va falloir rester vigilantes sur les modifications qui ont été annoncées à l'égard de la Régie des rentes du Québec. Je me rappelle vos positions...

Mme Gilbert (Mariette): Nous serons présentes.

Mme Harel: ...concernant les conjoints, conjointes survivants. Alors, évidemment, votre mémoire me plaît beaucoup, là, je pense que tous les membres de cette commission le reçoivent. Nous sommes les derniers à intervenir, mais ça semble assez évident que tous les membres de la commission le reçoivent, l'accueillent très positivement. Bien évidemment, comme l'a dit la Commission des droits et libertés de la personne, les dispositions contenues dans le projet de loi n° 63 ne changent pas le droit, le droit à l'égalité, il était déjà prévu depuis 1975, un peu comme le droit à l'équité salariale, à l'article 19. Mais, s'il n'y a pas eu de loi proactive, vous l'avez mentionné tantôt, on en serait resté à un droit dont la valeur est certaine mais qui ne trouvait pas application. Alors, tout est une question d'application.

C'est bien évident, mon collègue du Lac-Saint-Jean, ici présent, mon voisin, l'a dit d'une manière assez simple, et j'apprécie beaucoup parce que c'est un constitutionnaliste distingué, mais de manière simple, c'est comme si on sursoulignait, hein, avec un marqueur. Le droit reste un droit qui est énoncé parmi d'autres droits, mais celui-là est sursouligné, ce qui fait que, quand ils auront à l'appliquer, même des juges avec une vue basse ne pourront pas l'éviter. Disons que je résume la chose, hein? C'est un peu résumé. Je ne sais pas si ça satisfait mon élégant collègue.

M. Cloutier: Je regarde moi-même mon professeur, à l'arrière, pour être...

M. Turp: On est sous surveillance...

M. Cloutier: Ça devrait être correct.

Mme Harel: Bon. Ça ne change pas de droits, donc ça n'en fait pas perdre, mais ça n'en ajoute pas comme tel, c'est dans l'interprétation finalement.

Ceci dit, dans votre mémoire, vous nous mentionnez les limites aussi du projet de loi n° 63. Mme la députée de Deux-Montagnes tantôt en a parlé en échangeant avec vous sur la question des droits économiques et sociaux, il y a cette idée que certaines et certains voudraient répandre que les droits économiques et sociaux, s'il fallait faire en sorte que les articles 39 à 48 soient justiciables, hein, selon l'expression communément utilisée, ça enlèverait du pouvoir au Parlement, donc aux élus, donc ça réduirait la démocratie. C'est un peu, disons, simplifié, là, mais c'est un peu le point de vue qui est apporté.

Vous, je réfère à la page 11 de votre mémoire, ce que vous dites, c'est que vous suggérez de changer le libellé de l'article 52 de la charte québécoise ? c'est le dernier paragraphe ? pour qu'on le lise comme suit: «Aucune disposition d'une loi, même postérieure à la charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38 et 39 à 48, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que la loi n'énonce expressément que cette disposition s'applique malgré la charte.»

Alors, c'est le cas pour 1 à 38 présentement, vous proposez une modification qui consiste, 32 ans après l'adoption de la charte, d'introduire les droits économiques et sociaux comme droits justiciables. Et on maintient le fait que le Parlement a toujours le dernier mot parce qu'il peut toujours, lorsqu'il adopte une loi, expressément énoncer que cette loi, si tant est qu'elle serait controversée, s'applique malgré la charte.

Alors, je pense que votre mémoire à cet effet est clair, puis tantôt votre propos l'était aussi, pour rendre effective l'égalité il faut plus que des dispositions juridiques, il faut aussi des dispositions proactives. Alors, je comprends que vous nous recommandez, à ce moment-ci, de faire en sorte que les droits économiques et sociaux soient des droits reconnus justiciables, en fait, au même titre que les droits qui sont contenus à l'article 1 à 38. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Gilbert (Mariette): Je vais laisser répondre Mme Corneillier sur cet aspect.

Mme Corneillier (Hélène): Sans être une constitutionnaliste ni une juriste, sur ces questions de charte qui sont assez complexes, je ne pense pas que l'ajout... et là, je vous dis ça de ma connaissance minimaliste du droit et des dossiers de femmes, je ne pense pas que l'ajout de ces articles-là à l'article 52 enlève du pouvoir au gouvernement. Il va peut-être à certaines occasions cadrer un pouvoir, mais le gouvernement est là pour représenter les citoyennes et citoyens.

C'est sûr qu'on vote aux deux ans ou aux quatre ans, là, dépendant si on est minoritaire ou majoritaire, mais on donne donc un mandat qui, en soi, ne devrait pas être un chèque en blanc. C'est pour ça qu'il y a des commissions parlementaires publiques aussi, pour qu'on vienne donner notre avis. Et c'est sûr que nos avis ne sont pas toujours suivis et à l'occasion le sont. La preuve, vous parliez de nos gains; il y en a eu, et pas juste les nôtres. Ce que ça donne par ailleurs, c'est un pouvoir plus grand aux citoyennes et citoyens et aux groupes qui travaillent pour la mise en place de ces droits-là. On pense à l'équité salariale, s'il n'y avait pas eu des groupes qui ont travaillé là-dessus, on n'aurait pas eu une loi.

n(10 h 30)n

C'est sûr que le gouvernement est à l'occasion, pas toujours, mais proactif et d'avant-garde. Dans la question de l'égalité, il l'a été. Moi, j'ai vu, dans le dossier des sages-femmes, il a fini par s'y mettre aussi, et dans d'autres dossiers. Puis je pense qu'au Québec, sur la question de l'équité, on a avancé plus vite que le fédéral, me semble-t-il, sans être une pro de ce dossier-là. Et donc ça donne des prises à des groupes comme le nôtre pour pouvoir revenir dire aux députés et au gouvernement: Voici ce à quoi vous êtes tenus, est-ce qu'on peut travailler là-dessus?

C'est certain qu'on ne change pas l'univers d'une société en deux ans. L'équité salariale, je pense qu'on fête ? c'est quoi? ? le 10e anniversaire. Ce n'est pas complété, il y a des mesures d'implantation parce qu'il faut, au-delà de la loi, mettre une mécanique et faire des suivis de la mécanique parce que, s'il n'y a pas suivi... et, moi, j'en ai vu dans d'autres dossiers, s'il n'y a pas de suivi, oublions ça, il n'y a pas de prise, sans donner des amendes nécessairement mais en étant vraiment fermement... Moi, je pense qu'on a dépassé le temps de laisser le choix de la personne de brûler ses pneus, par exemple, au niveau environnemental, ou de ne pas les brûler. C'est comme il y a des règles qu'on ne devrait plus accepter. On est en 2000, je pense qu'il y a des choses...

Et ça, ça nous donne à nous et ça donne aux députés aussi des poignées pour faire avancer ça au sein de l'Assemblée et du gouvernement, le gouvernement étant le parti au pouvoir, on en convient, ce n'est pas l'Assemblée nationale. Donc, je pense que ça donne des prises. Si Mme la ministre veut faire avancer un dossier puis qu'elle a une prise, ça l'aide face à ses collègues ? moi, j'ai eu souvent ces messages-là ? comme l'appui de groupes comme les nôtres, puis quel que soit que vous changiez de bord de la Chambre, c'est aussi vrai pour tout le monde. Donc, ça vous donne des prises. Et, moi, je pense, dans ce sens-là, c'est le temps d'avancer. Parce qu'on veut l'égalité de fait. La politique nous le dit, on a les droits ici, mais, les faits, là, on a encore du chemin à faire.

Mme Harel: M. le Président, merci. Moi, je pense que c'est la combinaison gagnante, c'est la combinaison à la fois, comme vous le dites bien, d'une mobilisation, disons, du mouvement des femmes, une mobilisation de ce qu'on appelle maintenant, là, à tort ou à raison, la société civile puis avec un relais qui se fait dans les Parlements. Et tout ça a conduit, je pense, au succès que l'on connaît.

J'avais en tête, quand vous parliez, le 100 000 signatures en faveur de l'équité salariale, là, qui avait été déposé à l'Assemblée nationale. C'est ce qui a ouvert la voie royale finalement à une loi sur l'équité. Alors, c'est un relais, un peu comme course aux flambeaux, en fait c'est comme une course à relais. Et je vous remercie de ce mémoire que vous nous apportez. Mon collègue du Lac-Saint-Jean aimerait aussi échanger avec vous.

Le Président (M. Kelley): Alors, il doit faire ça très rapidement. Il vous reste une minute, alors très court commentaire, s'il vous plaît.

M. Cloutier: Oui, merci. Alors, bon, bien, ça va, alors je vais me contenter justement d'un commentaire. Vous avez parlé de l'obtention du droit de vote en 1918, première femme élue à l'Assemblée nationale, et ainsi de suite. Il y a plusieurs groupes qui ont fait la mémoire dans le fond des gains pour les femmes. Alors, ce matin, s'est ouvert le 6e Parlement des jeunes, ici, à l'Assemblée nationale, derrière les portes, et je peux vous dire que les femmes sont nettement majoritaires à ce Parlement. Alors, si on se fie sur cette expérience qu'on vit au moment où on se parle, bien ça augure bien pour la suite des choses, ou du moins on l'espère.

J'étais curieux de vous entendre sur les propositions que suggère la Commission des droits de la personne en ce qui a trait aux articles 39 à 48, les fameux droits économiques et sociaux. Dans leur rapport sur le 25e anniversaire, ils proposent plusieurs modifications à ces articles. Je me demandais si vous vous étiez penchées sur ces modifications-là et si vous suggériez à cette commission l'intégration, tel que la formulation est utilisée au moment où on se parle, dans la charte québécoise?

Mme Corneillier (Hélène): ...accès à ces documents-là avant notre mémoire, donc on n'a pas pu en tenir compte, puis je ne pourrais pas me prononcer dessus. Il faudrait faire l'exercice mais par la suite.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup.

Mme Gilbert (Mariette): Je voudrais revenir...

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, Mme Gilbert.

Mme Gilbert (Mariette): Juste, regarde, 30 secondes. J'aimerais revenir sur votre premier commentaire sur le Parlement des jeunes. C'est formidable s'il y a beaucoup de filles, mais ce qui est à espérer, c'est que, lorsqu'elles atteindront l'âge adulte, les mesures de conciliation travail-famille-études leur permettront de poursuivre dans ce sens, et ça, c'est avec des mesures pour l'égalité. Et je pense que ce genre de mesure peut bénéficier... bénéficie, bénéficie autant aux hommes qu'aux femmes.

Le Président (M. Kelley): Sur ce commentaire, merci beaucoup, Mme Gilbert, Mme Corneillier, pour votre contribution aux travaux de la commission. Je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentants du Conseil du statut de la femme de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 35)

 

(Reprise à 10 h 39)

Le Président (M. Kelley): Alors, on va continuer notre matin avec la présentation du Conseil du statut de la femme et sa présidente, quelqu'un qui est bien connu comme ancienne membre de cette Assemblée. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à Mme Pelchat pour une présentation d'une durée de 15 minutes, suivie par un échange avec les membres de la commission. Mme Pelchat, la parole est à vous.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Pelchat (Christiane): Merci, merci, M. le Président. Vous dire à quel point ça me fait plaisir d'être ici, ce matin... Je pense que vous le sentez. Je suis ici au nom du Conseil du statut de la femme, à titre de présidente depuis bientôt un an... depuis plus d'un an, pardon.

n(10 h 40)n

Je suis accompagnée de Caroline Beauchamp, qui est avocate constitutionnaliste, qui a rédigé notre avis, notre mémoire... notre avis et notre mémoire, mais l'avis qui a été déposé au gouvernement au mois de septembre 1980... 2007 ? c'est un lapsus ? Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse, et M. le professeur émérite Henri Brun, constitutionnaliste, bien connu aussi, qui a sûrement enseigné à plusieurs juristes dans cette salle, dont moi, dont Alexandre, et qui a été aussi le maître de Caroline. Donc, M. Brun nous a aussi accompagnés depuis le début de la rédaction de notre avis, ses judicieux conseils constitutionnels, et bien sûr aussi la rédaction de notre mémoire.

Donc, le projet de loi qui est devant nous fait écho à la recommandation du CSF d'amender la charte québécoise pour mieux protéger le droit des femmes à l'égalité face à l'augmentation du nombre des demandes d'accommodements au nom de la liberté de religion susceptibles de porter atteinte au droit à l'égalité des femmes. Dans cet avis, le conseil a soutenu que le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes devrait être respecté et qu'on ne devait pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion. Nous considérons toujours qu'un accommodement qui porte atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes est un accommodement déraisonnable.

D'ailleurs, lors des auditions de la commission Bouchard-Taylor, l'importance de protéger l'égalité entre les sexes a fait l'unanimité. À ce jour, les tribunaux n'ont pas eu à arbitrer un conflit entre la liberté de religion et le droit à l'égalité entre les sexes. Lorsqu'une telle situation se présentera, il nous apparaît primordial qu'ils aient une indication claire de l'importance que le législateur, vous, mesdames et messieurs, accordez à l'égalité entre les sexes. Cet indice n'est pas présent dans la charte québécoise, c'est pourquoi les modifications proposées sont fondamentales. Ces modifications sont utiles.

Malheureusement, je suis en désaccord avec l'interprétation que fait mon ex-collègue Louise Harel, la députée de Maisonneuve, que je salue particulièrement puisque c'est la doyenne des femmes de l'Assemblée nationale, comme vous le savez, non pas qu'elle est vieille, elle a été élue très, très, très jeune. Je me souviens d'elle lorsque moi-même j'étais une très jeune députée, à 26 ans, comme étant, je le dis en toute amitié pour mes autres collègues qui siégeaient avec moi à ce moment-là, un modèle de députée. Mme Harel était une femme d'une rigueur, elle l'est toujours d'ailleurs. Et, quand j'arrivais en commission parlementaire et Mme Harel était là, je vous dis qu'on se préparait parce que, comme critique de l'opposition... Les ministres aussi avaient d'affaire à se préparer. Mais malheureusement je ne suis pas d'accord avec l'interprétation qu'elle fait du mémoire de la Commission des droits et de la présentation de la Commission des droits de la personne, mardi, puisque j'étais ici. On a relu les propos de M. Cousineau et Me Dowd.

La Commission, d'abord, des droits de la personne s'est prononcée en faveur du projet de loi et la commission a dit que ce projet de loi et ses deux articles changeaient le droit. Nous endossons les propos de la Commission des droits quand elle dit que le projet de loi est fort utile autant du point de vue de l'expression des valeurs que du point de vue juridique. Celles et ceux qui affirment qu'il est inutile de modifier la charte pour y inclure que l'égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale qui est le fondement de la justice, de la liberté et la paix ne vivent pas sur la même planète que les membres du CSF.

La charte est le réceptacle des valeurs chères aux Québécoises et aux Québécois. Dans notre avis, nous avons démontré combien la valeur d'égalité entre les femmes et les hommes est devenue valeur collective depuis environ 20 ans. Cette valeur est mentionnée dans la politique gouvernementale d'égalité entre les femmes et les hommes comme une des valeurs qui soutient la cohésion sociale au même titre que les valeurs de la charte.

La commission Bélanger-Campeau ? ça aussi ça nous ramène loin, Mme la députée de Maisonneuve ? affirmait que l'égalité entre les femmes et les hommes représente même un trait associé à la spécificité du Québec. De plus, les gouvernements du Québec, depuis les derniers 60 ans, ont choisi de consacrer certaines valeurs collectives pour protéger notre identité propre en Amérique du Nord. Au nom du bien-être général et de la survie collective, nous avons choisi de protéger la primauté du français, par exemple.

L'Assemblée nationale doit maintenant affirmer haut et fort que l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale et structurante pour notre société. Comme l'a dit le professeur Taylor, l'État est l'expression politique d'un peuple. Il doit pouvoir trouver un équilibre entre l'intérêt général et les droits des particuliers. Il revient aux législateurs et aux législateures et au gouvernement d'exprimer la volonté politique du peuple. La charte exprimera donc pour la première fois cette valeur qui conditionnera l'exercice des droits en plus du respect de l'ordre public et du bien-être général. Il est utile d'inclure pour la première fois dans la charte le mot «femme» et l'expression «égalité entre les femmes et les hommes». Cela rend compte de l'évolution réalisée dans notre société, comme l'a bien dit Me Julie Latour, du Forum du Barreau canadien.

Il est toujours très utile et approprié d'entendre les élus énoncer ce que sont les valeurs du Québec. Les tribunaux dorénavant devront tenir compte du fait que cette valeur est exprimée explicitement dans le préambule et qu'elle conditionne l'interprétation de la charte et de tous ses articles, dont l'article 10 et/ou l'article 43 ? qui fait naître en nous une certaine crainte, dans les circonstances, en absence de la disposition proposée ? et des autres lois comme le Code civil du Québec.

Certains prétendent que l'égalité entre les sexes est déjà protégée dans la charte. Comme le législateur, pour qui j'ai un énorme respect, ne parle pas pour rien dire, vous me permettrez de souligner que l'égalité des droits des femmes n'apparaît pas dans la charte, alors qu'elle y est dans la Charte canadienne.

D'aucuns pourraient croire, et ça pourrait se plaider, que l'absence d'une protection expresse, contrairement à la Charte canadienne, est révélatrice de la volonté d'y accorder une moindre valeur. Tous les mots ont leur valeur.

Par exemple, si je vous disais: Est-ce que le mot «personne», pour vous, inclut les hommes et les femmes?, je suis certaine qu'unanimement vous me direz: Certainement, bien oui, ça va de soi. Mais non, ça ne va de soi. La Cour suprême du Canada a jugé que le mot «personne» n'incluait pas les femmes et donc que les femmes ne pouvaient être éligibles au poste de sénatrice. Imaginez, ça, c'est une requête qui avait été faite par une juge, Mme Murphy, quand même pas... Et ses pairs, les juges, ont décidé que le mot «personne» n'incluait pas les femmes. Et ça, ce n'est pas en 1744 ou en 1812, non, c'est 1930. Il a fallu l'intervention du Conseil privé de Londres... Et des fois je me dis: Une chance que c'était avant 1931, comme ça on n'était pas encore un pays dit indépendant, et que le Conseil privé avait encore un mot à dire, puis les Anglais étaient assez influencés par leur reine pour dire qu'une femme est une personne, heureusement, parce que finalement les femmes ont été rétablies dans leur droit d'être une personne.

Est-ce que la grossesse est un motif de discrimination en raison du sexe? Ça va de soi, mais oui. Bien non, la Cour suprême a dit que, non, la grossesse n'est pas un motif relié au sexe. Ce n'est pas pire quand même, c'est assez extraordinaire. Je n'ai pas vu encore un homme enceint. En tout cas, si vous en connaissez, faites-moi signe parce que... Il a fallu modifier la charte québécoise, en 1982, pour inclure la grossesse comme motif de discrimination.

La Cour suprême a interprété le droit à l'égalité... Et l'article 10 existait toujours, et la Déclaration canadienne aussi existait toujours, je pense que c'était l'article 10 aussi de la Déclaration canadienne des droits qui existait. La Cour suprême a interprété le droit à l'égalité ? avant l'adoption de l'article 28 de la Charte canadienne ? comme permettant une discrimination odieuse contre les femmes autochtones. Les femmes autochtones n'étaient pas discriminées parce qu'elles étaient toutes traitées pareilles dans la Loi sur les Indiens. Ainsi, toutes les femmes autochtones perdaient leur statut d'Indien avec les privilèges associés, alors que les hommes, eux, les gardaient. Il n'y avait pas de discrimination parce que toutes les femmes autochtones étaient discriminées.

Est-ce que la Déclaration universelle des droits de l'homme garantit l'égalité entre les femmes et les hommes? Oui, me direz-vous ? je vois le Pr Turp, en droit international, qui connaît bien ses instruments. Mais les Nations unies ont quand même pensé... ils ont quand même fait adopter le pacte des droits civils et politiques, qui précise, à l'article 3, que les États s'engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques. On croirait cela suffisant, mais non, l'ONU a fait adopter la convention contre l'élimination de toutes les formes de discrimination faite aux femmes, la CEDEF. Un peu plus tard, l'ONU a fait adopter la convention contre l'élimination de la violence faite aux femmes. Déjà, la Déclaration universelle des droits de l'homme existe, le pacte relatif aux droits civils et politiques existe. Si l'égalité... Excusez-moi, j'ai sauté une partie importante.

n(10 h 50)n

La convention contre l'élimination précise ? et le Québec s'est déclaré lié, en 1981, à cette déclaration ? que les États doivent se débarrasser des lois iniques envers les femmes et adopter des lois qui assurent que les coutumes et les croyances ne portent pas atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes. Si l'égalité entre les femmes et les hommes était déjà protégée, pourquoi avoir eu besoin de la Loi sur l'équité salariale pour faire disparaître la discrimination systémique faite aux femmes, malgré l'existence de l'article 19 dans la charte, qui prévoyait déjà cette obligation? Comment expliquer que le législateur ait adopté la loi sur le patrimoine familial, auquel... Mme la députée le mentionnait tout à l'heure, l'AFEAS a grandement participé à son adoption. Comment se fait-il que le gouvernement a cru bon d'adopter la loi sur le patrimoine familial même s'il y a une disposition dans la charte, la disposition à l'article 47, qui prévoit déjà l'égalité des conjoints dans le mariage?

Dans son projet de réaliser une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans notre société, le gouvernement et le législateur... Je vous rappelle que cette commission a adopté unanimement, les trois partis politiques ont adopté un rapport qui disait que le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que l'égalité entre les femmes et les hommes est réalisée. Vous ne pouvez vous contenter de dire que, ah!, c'est déjà protégé par l'article 10.

Vous savez, parfois, on s'est opposé à des modifications qui ont été finalement jugées utiles. M. Herbert Marx, député de D'Arcy-McGee, en 1982, s'était objecté à M. Bédard, en 1982, lorsque M. Bédard, le ministre de la Justice, a très judicieusement incorporé l'article 9.1 de la charte. M. Marx, grand juriste s'il en est un ? excusez-moi, mais je pense que vous êtes d'accord avec moi ? il a dit: Il est inutile d'introduire cette clause de limitation, les juges ont assez de jugement pour ne pas déclarer que tous les droits sont absolus. Bien, heureusement que le gouvernement d'alors, majoritaire ? ça sert, des fois ? a adopté cette modification qui s'avère encore aujourd'hui d'une extraordinaire utilité pour, entre autres, interpréter et définir ce qu'est une société libre et démocratique. Les tribunaux auront une indication claire.

La charte, c'est un document fondamental, quasi constitutionnel, supralégislatif, c'est le réceptacle de nos valeurs. Le préambule est utilisé... j'allais dire quotidiennement, mais c'est le pain et le beurre des juges pour interpréter la charte et tout son contenu. C'est grâce au préambule que la Cour suprême a même renforcé l'article 4, le droit à la dignité, en disant que non seulement le droit à la dignité était protégé par l'article 4, mais il est dans le préambule, ce qui en fait un fondement de la justice. Le préambule donc est extraordinaire, et c'est important encore une fois d'y mentionner le mot «femme» et que les femmes et les hommes sont égaux en droits.

L'article 49.2. Et c'est là que le droit change, comme l'a dit la Commission des droits de la personne. L'article 49.2 est directement inspiré par l'article 28 de la Charte canadienne. Il s'agit d'une clause interprétative qui commandera que l'interprétation des tribunaux soit conforme au droit égal des femmes et des hommes de jouir des mêmes droits. Vous reconnaissez, j'en suis certaine, quand vous lisez l'article 28 et l'article 49.2, vous reconnaissez ? M. le député de Mercier, certainement ? la rédaction du pacte, de l'article 3 du pacte des droits civils et politiques. La présence de l'article 28 dans la Charte canadienne renforce l'égalité entre les femmes et les hommes, comme l'a affirmé le juge Julien dans le jugement sur l'équité salariale, qui a rétabli le chapitre IX de cette loi qui avait été contestée par le gouvernement, le gouvernement voulant se soustraire à l'équité salariale. Le conseil juge que l'article 49.2 combiné au préambule aura le même effet dans la charte québécoise.

Le droit international, je pense que le projet de loi n° 63, et vous le savez, est conforme à tout ce qui est fait dans le droit international, à tout ce qui a été... les instruments juridiques. J'ai parlé du pacte des droits civils et politiques, la CEDEF, etc.

La formulation maintenant. M. le Président, je termine avec ça. Le conseil est d'accord avec les modifications telles qu'elles sont libellées dans le projet de loi. Toutefois, il nous semble que la formulation suivante pourrait être aussi considérée, étant plus explicite: Toute interprétation et application de la présente charte doit concorder avec l'égalité entre les femmes et les hommes.

Notons que cette formulation se rapproche de celle du Parti québécois proposée dans son projet de loi n° 196, à l'article 8, sauf évidemment pour les autres valeurs qui pourraient servir d'interprétation, dont la laïcité.

En terminant, M. le Président, je le redis, il revient aux élus d'exprimer haut et fort combien la valeur d'égalité est fondamentale et structurante pour protéger l'égalité entre les sexes devant les demandes croissantes d'accommodements faites au nom de la liberté de religion. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la présidente. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Et je vais céder la parole à Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, Mme la présidente, merci pour cet exposé. Sur la question du film des événements, vous l'avez fait dès le départ, vous avez parlé de ce dépôt, de cet avis que vous avez déposé au mois de septembre, et vous faisiez cette recommandation de modifier la Charte des droits et libertés. Bien sûr, nous étions dans le contexte de la commission Bouchard-Taylor. Certains, ici, depuis trois jours, dont l'opposition officielle, semblent dire qu'on devrait attendre les conclusions de la commission Bouchard-Taylor. Et ça me fait plaisir de voir que, du côté de l'opposition officielle, on s'intéresse à la commission, puisque l'opposition officielle n'a pas jugé bon de se pencher sur un mémoire, et de déposer un mémoire à la commission Bouchard-Taylor, et d'aller présenter un mémoire. Donc, c'est un grand pas pour cette question qui intéresse et interpelle tous les Québécois. Est-ce que vous voyez un problème de procéder maintenant?

Mme Pelchat (Christiane): Pas du tout. Écoutez, j'ai déjà répondu à cette question-là plusieurs fois lorsqu'on a déposé notre avis. La commission Bouchard-Taylor est arrivée dans un contexte électoral. Et, bon, on laisse la politique aux politiciens. Au Conseil du statut de la femme, on s'est penchés sur cette question-là depuis 1995 et, 1997, un avis. 2006, nous avons tenu un colloque, Diversité de foi, Diversité de droits, qui nous a amenés à rédiger cet avis parce qu'on a vu que les accommodements raisonnables, dits raisonnables, avaient tendance à empiéter le plus souvent sur les droits des femmes, en tout cas ceux dont on avait connaissance par la voix des médias. Donc, on a décidé de se pencher sur cette question-là.

On a commencé à rédiger cet avis, Caroline et moi... Moi, je suis arrivée... Caroline a commencé à rédiger l'avis à peu près au mois de février l'an passé, et la commission Bouchard-Taylor n'était pas encore mise sur pied, de un. De deux, écoutez, le gouvernement n'est pas pour se lier, s'empêcher d'agir parce qu'il nomme des commissions, et le mandat de la commission Bouchard-Taylor, n'oubliez pas que ce n'est pas seulement sur les accommodements raisonnables de type religieux, on parle même de la diversité culturelle, etc., c'est beaucoup plus large que l'égalité des sexes.

Et j'entendais, tout à l'heure, à ma grande stupéfaction, que l'AFEAS n'a pas été entendue à la commission. Ça doit être parce qu'il devait y avoir trop de groupes de femmes qui se sont présentés, je suis sûre de ça. Ils ont dû avoir des tonnes de groupes de femmes. Je n'en reviens pas. Donc, ils n'ont absolument pas un oeil féministe. Et, juste à lire leur document, non seulement il n'a pas fait l'objet d'ADS, mais c'est un document d'une neutralité symétrique épeurante. D'ailleurs, je l'ai signalé aux deux commissaires.

Non, madame, vous faites bien. Et je dirais comme Lise Payette: Pour une fois que le gouvernement se grouille pour agir et pour donner des droits aux femmes, ne boudons pas notre plaisir.

Mme St-Pierre: Alors, c'est un plaisir de vous entendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat (Christiane): J'espère que vous savez que ce ne sera pas toujours comme ça, Mme la ministre, malheureusement.

Mme St-Pierre: Non, non, je le sais, je le sais.

Mme Pelchat (Christiane): Ceux qui me connaissent le savent.

Mme St-Pierre: Oui. Je tiens maintenant à rectifier une perception qui semble vouloir se dégager depuis le début des travaux. C'est-à-dire que le projet de loi que nous déposons, il y a des juristes qui l'ont dit, est simple et clair, il s'agit d'amender la charte afin d'y inclure l'égalité entre les femmes et les hommes. Le fait d'ajouter les droits socioéconomiques modifierait considérablement ce projet de loi. Les implications sont importantes, on ne le nie pas, mais doivent être bien évaluées et étudiées. La majorité des gens qui se sont exprimés jusqu'à présent sont d'accord avec notre projet de loi tel que présenté. Son adoption telle quelle par tous les partis sera une étape évidemment importante, je pense, pour tous les Québécois et toutes les Québécoises. J'aimerais cependant vous entendre sur cette question des droits socioéconomiques.

n(11 heures)n

Mme Pelchat (Christiane): Mme la ministre, lors de la réflexion du Parlement sur les modifications à faire, en 1981 et en 1982, sur la charte, M. Bédard, à ce moment-là, avait invité des organismes à venir produire des mémoires. Le conseil ne s'était pas prononcé en faveur de rendre les droits socioéconomiques justiciables, on ne l'a jamais fait et... En tout cas, on ne s'est pas penchés là-dessus. D'ailleurs, Marc-André Bédard, en 1982, lorsqu'il a déposé le projet de loi n° 86, n'a pas retenu de rendre justiciables les droits économiques et sociaux.

Pour nous, le conseil, et comme... à titre d'ancienne élue, la souveraineté parlementaire, c'est un principe ? et je vais laisser M. Brun répondre un peu plus sur cette question constitutionnelle ? la souveraineté parlementaire, c'est fondamental. Je ne comprends pas comment on peut lier pieds et mains un gouvernement et un Parlement avec des chartes et dire: Vous êtes obligés d'investir dans la santé, vous êtes obligés... Moi, je vous dirais bien plus, j'aime mieux voter pour un parti politique ou des représentantes qui vont investir... dont leur engagement est le programme des garderies, et justement de l'équité salariale, et etc.

En plus, je vous dirais bien humblement, et il faudrait pousser plus loin la réflexion ? Caroline me signale de référer au projet de loi ? nous pensons que, le projet de loi tel qu'il est libellé, particulièrement avec le préambule et l'article 49.2, il y aura, en tout cas, si ce ne sont pas les droits économiques et sociaux comme tels qui sont dans la charte, il y aura certainement des mesures sociales pour réparer certaines iniquités faites aux femmes beaucoup plus facilement avec le droit qui sera dans la charte. Et je pense même, et Louise Béchard travaille là-dessus, de la Chaire Claire-Bonenfant aussi, je pense même qu'en invoquant le droit à la dignité, l'article 4, on pourrait peut-être même faire jouer les articles des droits économiques et sociaux. J'aimerais que M. Brun complète sur l'utilité de mettre ça dans un instrument comme la charte québécoise... en fait de les rendre justiciables plutôt, parce qu'ils y sont déjà.

Le Président (M. Kelley): Professeur Brun.

M. Brun (Henri): Si on me permet, évidemment, c'est un petit peu en mon nom personnel, à ce moment-là, puisque le conseil comme tel n'a pas pris de position officielle.

Mme Pelchat (Christiane): Je vais endosser ça, je vais endosser ça, M. Brun.

M. Brun (Henri): Mais, bon, je m'attendais un petit peu à ce que cette question-là revienne, elle m'est apparue tellement omniprésente dans les mémoires, là, que j'ai lus.

Personnellement, je suis tout à fait heureux de voir que la question des droits socioéconomiques intéresse, soulève un débat et qu'on s'y intéresse parce que ça confine à l'égalité beaucoup plus réelle souvent que les droits civils et politiques ou les droits purement individuels. Je n'ai aucun problème avec ça, au contraire. Mais je pense qu'il faut être conscient que d'autre part les droits civils et politiques, ceux qui sont dans les chartes généralement, sont des droits qui peuvent peut-être empêcher le pire, hein, empêcher la torture à la limite, mais qui ne sont pas de nature à favoriser tellement le mieux, c'est-à-dire le progrès social. Il faut compter sur le pouvoir politique, il faut compter sur le pouvoir politique, le législateur pour faire avancer les choses. Bon.

Déjà, que les droits socioéconomiques soient mentionnés dans la charte québécoise, c'est presque un cas unique, c'est relativement rare que ça se trouve, et ça, c'est très bien, pour moi, quant à moi, à titre déclaratoire, à titre programmatoire, un petit peu comme les clauses d'interprétation comme celles que nous apporterait le projet de loi n° 63. Mais la question qui se pose maintenant et de façon, là, un petit peu récurrente, répétitive, et ça m'étonne, c'est l'idée de rendre ces droits socioéconomiques formellement constitutionnels, c'est-à-dire, en pratique, les rendre justiciables, comme on a dit, c'est les confier aux tribunaux. Là-dessus, je dois dire que j'ai des gros doutes.

Bien sûr, dans la partie de la charte, le chapitre IV qui porte sur les droits socioéconomiques, il y a un peu de tout, hein, c'est un pot-pourri. Il y a des dispositions, je pense, la plupart même d'entre elles ne portent pas sur les droits socioéconomiques, et plusieurs d'entre elles pourraient effectivement être formellement constitutionnalisées, être rendues justiciables. Je n'ai pas de problème avec ça.

Mais, pour ce qui est des véritables droits socioéconomiques, je pense tout simplement que de prétendre les confier aux tribunaux, les rendre justiciables, c'est les mettre entre mauvaises mains. Les tribunaux ne sont pas faits pour ça. Par nature, les tribunaux sont là pour arrêter l'État, pour arrêter le gouvernement, arrêter le législateur au nom de certaines balises, prenant pour acquis qu'on ne puisse pas faire n'importe quoi pour le bien commun sur le dos d'individus. Mais, si l'on veut le progrès social, ça repose tout au contraire non pas sur un pouvoir de veto, un pouvoir d'arrêter, c'est sur un pouvoir politique, un pouvoir de faire avancer les choses. Et ce qui me dérange un peu dans cette idée, c'est qu'on fera naître... je ne voudrais pas employer d'expression trop forte, je vais en employer une plutôt drôlette, je pense que ce sera le miroir aux alouettes, hein? On va faire accroire aux gens qu'ils peuvent accéder à un progrès social, à des régimes sociaux, à des dépenses qui seront faites dans l'État pour une fin sociale ou l'autre en passant par les tribunaux, hein, en s'épuisant plus ou moins en faisant des procès, et ça, je pense que c'est trompeur, enfin, somme toute.

Pour moi, un droit à la santé, le droit au travail, le droit à l'éducation, ça ne peut pas être sérieusement mis en oeuvre par les tribunaux. À la limite... Je sais que la Commission des droits de la personne s'efforce de délimiter ça pour qu'une partie de ces choses-là puissent relever des tribunaux. Bon, peut-être, mais je pense que ça restera toujours la portion congrue. On pourra peut-être, de cette façon-là, freiner une régression sociale ou en tout cas sauver un minimum vital, mais je pense que, pour ce qui est de l'essentiel, ce n'est pas vrai que le progrès social va se faire par ordonnance judiciaire. Et puis, au fond du fond du progrès social, c'est l'imposition, c'est la taxation, hein? Ce n'est quand même pas les juges, ce n'est quand même pas sa seigneurie sur le banc qui va déterminer les taux d'imposition.

Alors, c'est pour ça qu'à mon avis il me semble qu'en ce qui regarde les vrais, les vrais droits socioéconomiques, le progrès social, la justice sociale, par rapport aux chartes, à mon humble avis, ce qu'on peut faire de mieux, c'est de prévoir peut-être une autre clause d'interprétation qui, elle, pourrait se lire à peu près comme ceci: Dans l'interprétation et l'application des droits et libertés de la charte, il doit être tenu compte des valeurs fondamentales de la société, dont la justice sociale. Ce qui est déjà présent dans le rôle des tribunaux dans l'arbitrage judiciaire, mais n'est pas dit encore aussi expressément que ça. C'est un peu comme l'égalité hommes-femmes, il n'y a pas de déclaration, de valeur fondamentale déclarée, et là il pourrait y en avoir une qui dépasserait de beaucoup ce qui est dit dans le préambule et ce qui est dit à l'article 9.1, où on parle d'intérêt général, ce qui est beaucoup plus flou à mon avis.

Alors, moi, c'est mon avis. C'est que c'est plutôt en encadrant les droits fondamentaux, les droits civils et politiques, les droits individuels qu'on va servir le progrès social, la justice sociale plutôt qu'en prétendant les constitutionnaliser, les rendre justiciables et à mon avis un peu tromper la population, qui va croire à des choses qui n'existent pas sérieusement.

Mme Pelchat (Christiane): Si vous me permettez, Mme la ministre, j'ajouterais que, dans notre communiqué de presse, ce matin, on convie les députés qui le désirent de déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale, parce que chacun des députés ici, vous avez le pouvoir et le privilège de déposer un projet de loi pour rendre justiciables ces droits économiques et sociaux.

Ce que, nous, le conseil, on déplore, c'est qu'on assiste à un détournement du projet de loi et à un détournement de l'égalité entre les femmes et les hommes en ce moment, et ça, moi, je vous dirais que ça me choque beaucoup. Alors, comme dirait Yvon Deschamps, «quossa donne» ? pour dire en langage un peu plus vulgaire ce que M. Brun vient d'expliquer ? que les droits économiques et sociaux, c'est: Vous avez droit au bonheur? Que le gouvernement ou qu'un gouvernement modifie le système de santé pour en rendre un système privé, vous allez voir que les groupes vont s'unir et vont demander que cette chose... le Conseil du statut de la femme va venir dire que c'est inacceptable, ce que l'on... Le conseil viendra peut-être même commenter, on le souhaite, le rapport Castonguay. En tout cas, ce qu'on en lit dans les journaux, nous sommes très inquiètes. Ça, nous allons le dire. Et ça, ce sont des droits politiques, économiques et sociaux qui ont beau être dans une charte, mais ça, c'est des obligations du gouvernement qu'on viendra dire qu'il est obligé de remplir.

Déposez un projet de loi, Mmes, MM. les députés, là-dessus, nous viendrons témoigner. M. Turp, vous avez déjà à votre actif plusieurs projets de loi déposés, vous êtes un rédacteur émérite, je vous invite à le faire. Et on viendra, probablement accompagnée du professeur Brun et Caroline ? et, pour avoir vérifié, qui partage entièrement l'opinion de M. Brun et la mienne là-dessus ? on viendra témoigner sur les droits économiques et sociaux.

Ne boudons pas notre plaisir. On a devant nous un projet de loi qui, pour la première fois, nomme le mot «femme», dans la Charte québécoise des droits et libertés, et l'égalité entre les femmes et les hommes. S'il vous plaît, c'est un gain extraordinaire, laissons la partisanerie politique de côté et votons ce projet de loi à l'unanimité... votez ce projet de loi, excusez-moi, votez ce projet de loi à l'unanimité. J'ai des vieux relents de... 10 ans de politique, ça ne sort pas de même de...

M. Turp: ...

n(11 h 10)n

Mme Pelchat (Christiane): Ah, moi, vous savez, une des choses que j'apprécie le plus depuis que je ne suis plus en politique, c'est la non-partisanerie. J'aime beaucoup ne pas être partisane parce que j'aime autant... Les députés et la politique, j'aime les gens de tous les partis ou à peu près, particulièrement les femmes qui sont en politique parce que ce sont des battantes et elles sont là pour nous représenter.

Le Président (M. Kelley): Mme la ministre.

Mme Pelchat (Christiane): Nous le souhaitons, de plus en plus.

Mme St-Pierre: Est-ce que j'ai encore du temps?

Le Président (M. Kelley): Mme la ministre, il reste deux minutes.

Mme St-Pierre: Il me reste deux minutes.

Mme Pelchat (Christiane): Excusez-moi. Excusez-moi, Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Moi, j'aimerais... Il y a un débat, là, entre évidemment moi et Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve sur le mémoire de la Commission des droits et libertés et l'utilité juridique de ce projet de loi. D'un côté, on dit que ça ne changera pas le droit; ce n'est pas mon opinion. Je sais que vous avez peu de temps pour répondre à la question, vous pourriez peut-être, tout à l'heure, dans les autres questions, répondre à ma question en même temps, parce que, j'imagine, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve va certainement vous amener là-dessus.

Mme Pelchat (Christiane): Je l'ai déjà dit que je n'étais pas d'accord avec Mme la députée. Et j'étais là quand M. Cousineau a répondu à Mme la députée, il a dit: Non, non, non, ça change le droit. L'article 49.2, c'est un nouvel article, c'est un article de droit substantif dans le sens qu'il dit au juge pour la première fois... Et même Marc-André Dowd a donné l'exemple: Qu'est-ce qui aurait été l'effet nouveau de cet article-là? C'est que, comme il n'a pas été plaidé dans l'affaire Gabriel, le juge... la juge, dans ce cas-là, aurait été obligée d'en prendre compte et de vérifier si l'égalité entre les femmes et les hommes dans sa décision était respectée. Elle ne l'a pas fait parce que ça n'était pas dans la charte, c'est ce que...

Alors, la Commission des droits, elle dit: «Pour la commission, l'introduction de cet article au chapitre des dispositions spéciales et interprétatives de la charte devrait avoir pour effet de renforcer une interprétation de celle-ci qui tienne compte de l'égalité entre les femmes et les hommes. En effet, selon la jurisprudence, le concept du droit à l'égalité formulé à l'article 10 [...] fait partie intrinsèque de chacun des droits et libertés...» Ce n'est pas mentionné: hommes et femmes. Et je le répète, comme je suis tout à fait d'accord avec le juriste Marc-André Dowd, le vice-président de la commission, ça change le droit et ça aurait eu un impact, et on pense que ça pourrait même avoir un impact sur l'application de l'article 43. Et peut-être que quelqu'un pourrait même poser une question là-dessus. M. Brun, voulez-vous ajouter quelque chose...

Le Président (M. Kelley): Je pense à mettre fin à cet échange. On va laisser les commentaires du professeur Brun à un autre moment. Et je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Leblanc: Mesdames, messieurs, bravo. On connaît Mme Pelchat pour être une femme qui, disons, va quand même loin dans les réflexions des mémoires qu'elle dépose avec son équipe. Donc, félicitations. Puis je pense que vous avez réussi à faire un beau gain. Écoutez, on est tous en accord avec un tel projet de loi, ça c'est bien évident. Donc, bravo.

Mme Pelchat ou les gens de votre groupe, aux pages 18 et 19 de votre mémoire, vous parlez que le futur risque de lever le voile sur des cas qui sont aujourd'hui inimaginables. Donc, en quelque sorte, il faut prévoir l'imprévisible.

J'adore, vous savez, cette formulation-là, disons, c'est profond. Il y a des groupes, vous savez, qui sont venus, disons, qui ont taxé le gouvernement de laxisme parce qu'ils disent qu'ils auraient dû... vous savez, en ayant laissé dormir ? entre autres, ce qu'on vient de parler ? sur les tablettes le rapport de la commission des droits et libertés. C'est parce qu'on comprend qu'il y a quand même des... Vous savez, il y a des brèches, hein, actuellement. Et comment on peut concilier ça, là? Vous savez, tu sais, les brèches du passé, elles ne sont pas encore colmatées, donc... Mais vous avez entièrement raison dans votre réflexion.

Mme Pelchat (Christiane): Vous savez, le droit c'est une chose, et je pense que c'est, comme je l'ai dit, c'est l'expression... la charte est l'expression juridique un peu des valeurs du Québec. On vient corriger, par ce projet de loi, certaines brèches dont beaucoup de groupes parlent, ne serait-ce que de reconnaître l'existence des femmes et le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Quand on parle du futur, avec ce commentaire-là en conclusion, c'est tout simplement pour faire référence... Écoutez, les plaideurs ont débordé d'imagination pour exclure les femmes dans beaucoup de dispositions. Écoutez, aller jusqu'à exclure les femmes de la définition du mot «personne», c'est quelque chose. On pense que cette disposition-là va nous servir dans le futur pour éviter beaucoup de choses, d'atteintes à l'égalité entre les femmes et les hommes, pas seulement en regard du droit à la liberté de religion, mais en regard de la liberté d'expression qui pourrait et qui a déjà été... qui pourrait être attentatoire à l'égalité entre les femmes et les hommes, aux droits des femmes, c'est le cas. Donc, ces brèches-là pourraient être... Mais ça n'empêche pas et ça ne règle pas tout, cette modification législative. Je ne sais pas trop...

Vous savez. je lisais un chroniqueur, je pense que c'est La Presse, Vincent Marissal, qui disait: Ça n'aurait pas empêché le père, en Ontario, de tuer.... La modification à la Charte ? grande, grande réflexion extraordinaire ? n'aurait pas empêché le père de tuer la pauvre petite fille en Ontario. Mais non, c'est vrai, vous avez très raison, M. le chroniqueur, c'est un fait, bravo! Mais non, ce n'est pas ça qui est le but, l'objectif de cette modification-là. Sauf que la chose qu'avait en commun cette jeune fille et la femme qui a été tuée par son mari violent quelques mois avant, la seule chose que ces deux femmes avaient en commun, c'est le fait d'être femmes, c'est tout.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que cette disposition, telle qu'elle est libellée ? peut-être avec notre suggestion de formulation que l'on a faite à la fin de notre mémoire ? va sûrement révéler des utilisations qui vont vraiment dans le sens de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Leblanc: D'accord, merci. La Fédération des femmes du Québec, vous l'avez sûrement entendue aussi?

Une voix: ...

Mme Leblanc: Oui? Bon. Écoutez, elle estimait que le projet de loi était louable mais incomplet. Comment vous... Tu sais, pouvez-vous les rassurer ou... Parce que c'est quand même intéressant, là.

Mme Pelchat (Christiane): En fait, la Fédération des femmes du Québec, on a eu... Vous savez, ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'il y a en ce moment un courant «politically correct»... de rectitude politique, je devrais dire, dans notre société, à Montréal particulièrement, et ça se sent dans le mémoire du Barreau, ça se sent dans certains mémoires que j'ai lus, la Ligue des droits. Il y a un courant de droits individuels très, très fort en ce moment. Tous les droits sont égaux, les hommes et les femmes ? on ne dit pas ça nécessairement en ce qui a trait au Barreau, on parle plus de gars ? ont les mêmes droits, puis c'est des droits individuels, tous, tous, tous égaux, puis on est tous pareils, pareils, puis... Nous, on n'est pas... on ne fonctionne pas comme ça au conseil. Nous pensons que le législateur a raison d'évaluer que les droits collectifs sont importants, les valeurs collectives sont importantes pour guider le législateur mais pour guider aussi les femmes et les hommes dans notre société.

La Fédération des femmes du Québec aimerait bien avoir les droits économiques et sociaux. C'est une demande de la commission. Mais encore une fois, comme je vous l'ai dit, j'ai eu cette discussion-là avec la fédération... Vous savez, la Fédération des femmes du Québec, c'est aussi un organisme qui a des membres, beaucoup de membres ? je ne me souviens pas ? des centaines de membres et qui sont liés par leur assemblée générale. Alors, ce n'est pas facile pour un organisme militant de dire au gouvernement: Bravo, vous avait fait une bonne chose! Ce n'est pas facile. Le Conseil du statut de la femme n'est pas un organisme militant, on est... On devient un organisme très lobbyiste quand on aime avoir des modifications législatives, mais on n'est pas tenus, alors, nous, on est vraiment plus libres que la Fédération des femmes du Québec. Mais encore une fois nous avons demandé à la fédération, Louise Beauchamp et moi, de les rencontrer parce qu'on a... Lorsque Mme Asselin a dit qu'il fallait peut-être prendre en compte de la diversité dans les droits à l'égalité et quand on lit le mémoire du Barreau, qu'il parle de pluralisme, eh, qu'on est inquiètes, on voit là poindre la venue du multiculturalisme de l'article 27.

Le Barreau, je ne sais pas s'ils sont conscients de ce qu'ils ont écrit quand le Barreau dit: «Devant cet état de fait et dans le but de préserver notre capacité de vivre ensemble, il est crucial que l'interprétation des principes d'égalité tienne compte notamment du pluralisme tout en préservant les principes quasi constitutionnels.» Non mais, vous vous rendez compte que le Barreau du Québec, majoritairement une gang de bonhommes à la... ? excusez-moi, là, mais c'est parce que je suis un peu comme Julie Latour, on est un peu frustrées comme membres qui paient des cotisations au Barreau ? de dire que l'égalité doit tenir compte du pluralisme, mais, écoutez, c'est dangereux. Ce qu'on dit: À la lumière de ça, c'est encore plus important d'avoir la modification qui est là justement à cause de la présence de l'article 43 dans notre propre charte, article 43 qui se lit ainsi: «Les personnes appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe.»

Quand la Fédération des femmes du Québec vient ici me dire qu'il faut tenir compte, dans l'égalité, de la diversité et quand le Barreau du Québec parle de la définition de l'égalité entre les femmes et les hommes pour tenir compte du pluralisme, j'ai très, très, très peur, à cause de l'article 43. Et je m'arrête ici, Mme la députée de Deux-Montagnes, comme vous le savez, je peux parler longtemps, alors... Merci.

Mme Leblanc: Oui, puis c'est toujours intéressant de vous entendre, Mme Pelchat. Les motifs religieux ont été identifiés, hein, par plusieurs intervenants à la commission Bouchard-Taylor comme un irritant aux acquis des femmes. De quelle manière pouvons-nous atteindre un équilibre? Est-ce que vous considérez que le projet de loi n° 63, là, fait... Je ne sais pas si...

n(11 h 20)n

Mme Pelchat (Christiane): Oui, parce que, écoutez, c'est sûr que le projet n° 63 ne hiérarchise d'aucune façon les droits qui sont inclus dans notre charte, pas plus d'ailleurs que le fait... En tout cas, puisqu'il ne s'agit pas de la création d'un nouveau droit, l'article 49.2, c'est une disposition interprétative, donc il n'y a pas de hiérarchie. Donc, il y aura un équilibre qui sera toujours ? et le pouvoir discrétionnaire de la justice s'appliquera ? qui sera toujours là pour dire: Le juge est toujours maître pour savoir: Est-ce qu'il y a vraiment une atteinte aux droits à l'égalité des femmes, par exemple devant la liberté de la religion? Si oui, à ce moment-là, il devra toujours juger de quelle façon... si on accordait, par exemple, un accommodement dit raisonnable: Est-ce que cet accommodement-là vient atteindre le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes? Mais ça se fera cas par cas. Donc, oui, je pense que le projet de loi, tel qu'il est proposé, réussira à ce que l'on atteigne cet équilibre.

Mme Leblanc: Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Il reste six minutes.

M. L'Écuyer: Combien?

Mme Leblanc: Six minutes.

Le Président (M. Kelley): Six minutes.

M. L'Écuyer: Avec votre permission.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Bonjour, Mme Pelchat. Bonjour, maître. Bonjour, Me Brun. Simplement, dans votre mémoire, vous dites qu'en septembre dernier le conseil a présenté au gouvernement un avis intitulé Droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et liberté religieuse. Et vous avez en fait formulé l'une de ces recommandations se lisant ainsi, en fait: «Le conseil recommande d'ajouter dans la charte québécoise un article analogue à l'article 28 de la Charte canadienne...» Croyez-vous que le projet de loi, en fait l'article 49.2 est analogue à celui de l'article 28 dans sa rédaction?

Mme Pelchat (Christiane): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Oui, effectivement, nous croyons que cet article est analogue à l'article 28 de la Charte canadienne. Il reprend mot pour mot, sauf pour le mot «indépendamment» qui n'est pas présent dans celui de l'article 49.2. Nous pensons que, oui, il reprend...

M. L'Écuyer: Est-ce qu'il aurait été sage d'ajouter, comme le texte de la Charte canadienne, «indépendamment des autres dispositions de la présente charte»?

Mme Pelchat (Christiane): Nous nous sommes penchés sur cette question, on a analysé ça de long en large pendant... à partir du... aussitôt que le projet de loi a été déposé. Je vous dirais qu'à première vue on aurait été tentés de demander au gouvernement d'ajouter le mot «indépendamment». Après discussion aussi avec certains juristes, dont aussi des membres de la Commission des droits de la personne, nous avons convenu que non, il était préférable de ne pas ajouter le mot «indépendamment», qui est venu...

J'ai parlé à Beverley Baines, qui est l'auteure de l'article 28 et qui est la féministe anglaise qui a mené ? une de vos collègues qui était à l'Université de Queen's ? la bataille pour inclure l'article 28 dans la charte, et elle me disait que le mot «indépendamment» est venu par la suite, lorsque l'article 33 a été proposé par les provinces et que c'est pour ça qu'ils ont introduit le mot «indépendamment», à sa grande...

Elle me disait aussi qu'elle était très déçue... Mais elles ont finalement, les féministes canadiennes-anglaises, après deux ans de lutte, bon, elles ont lâché du lousse un peu. Elle était très déçue que ce soit dans le chapitre des dispositions interprétatives parce que, pour elle, ça n'avait qu'une valeur interprétative, et non pas créer un nouveau droit. Et alors ce qu'elle voulait, elle, c'était vraiment avoir une primauté de droit et qu'il y ait une hiérarchisation, donc que l'article 28 soit un article de droit substantif qui dise que le droit à l'égalité est plus important que les droits qui sont des attributs de la personne et non pas comme telle l'égalité entre les femmes et les hommes. Malheureusement pour elle, nous, on est d'accord avec l'endroit où le gouvernement a placé cette disposition, dans le chapitre des dispositions interprétatives. Mais elle me disait que, pour elle, elle aurait préféré que ce soit un droit substantif et qui, comme ça, ait une hiérarchie, ce qui n'est pas le cas dans notre...

Donc, oui, pour faire une réponse courte à votre... longue à votre question, oui, ça répond à la rédaction de... à la façon dont est libellé l'article 28.

M. L'Écuyer: Sauf que le Conseil du statut de la femme n'aurait pas aimé justement que ce soit intégré dans le droit substantif?

Mme Pelchat (Christiane): Écoutez, le Conseil du statut de la femme estime qu'il y a 50 % de la population, dépendamment des pays, 51 %, 52 %, qui sont des femmes. Nous pensons que, tel que le projet de loi est libellé et comme la juge Claire L'Heureux-Dubé l'a très bien dit, il serait illogique de définir un droit et une liberté comme étant attentatoire à un autre droit. Donc, par le fait même, la liberté de religion ne pourrait pas, in se, atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nous sommes heureux, nous sommes heureuses du projet de loi comme tel. Personnellement, comme Christiane Pelchat, avocate, moi, j'aurais aimé ça que ce soit, après l'article 1, dire: Le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes prime sur tous les autres droits. Mais on me dit que je suis un petit peu fasciste dans cette façon de voir, dogmatique ou...

Une voix: ,,,

Mme Pelchat (Christiane): Excessive? Ah, excessive... En tout cas, j'ai toujours été un peu rebelle, donc ce n'est pas un problème. Mais on me dit que j'exagère. Alors, les membres du conseil m'ont ramenée à l'ordre et m'ont dit: Non, non, un article interprétatif, Mme Pelchat, c'est bon, ça suffit. Et même M. Brun puis Caroline. Ces deux là, je vous jure que ça ramène quelqu'un à l'ordre assez vite.

M. L'Écuyer: Cependant, on a un ajout au niveau des considérants. Et, cet ajout-là, selon vous, est-ce qu'il était nécessaire d'adopter aussi 49.2 même si on avait, dans les considérants...

Mme Pelchat (Christiane): Oui. Parce que ? et c'est une excellente question ? dans les considérants, et comme la Cour suprême l'a dit, le préambule de la charte aide à définir quelles sont ces valeurs qui sous-tendent les droits et libertés ? 1 à 9 ? les droits et libertés supralégislatives, les articles 1 à 9, aide aussi à définir ce que veut dire, à l'article 9.1, la société libre et démocratique, le bien-être général, donc ces valeurs-là servent à définir la portée de ces droits, mais l'article 49.2, ce qu'il vient faire, et c'est là où le droit est changé, l'article 49.2 vient dire qu'à partir de maintenant on doit tenir compte que chacun des droits qui sont donnés, à partir des droits, disons, supralégislatifs, 1 à 9, sont donnés également aux hommes et aux femmes et l'interprétation qu'un tribunal devra en faire doit en tenir compte. On préférerait que ce soit «doit concorder», mais ça, le législateur étant libre d'adopter les lois qu'il souhaite, je laisse ça à votre bon jugement.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Maintenant, cet échange...

M. L'Écuyer: Merci. Est-ce que c'est terminé?

Le Président (M. Kelley): C'est terminé, malheureusement.

M. L'Écuyer: ...M. Brun.

Le Président (M. Kelley): Très rapidement.

M. L'Écuyer: Très rapidement. En fait, c'est certain qu'on peut légiférer, et par contre je pense que ça prend une volonté politique au niveau des différents droits, tel que le droit au logement, le droit en fait aux droits sociaux, je pense que ça prend beaucoup plus une volonté politique...

Mme Pelchat (Christiane): Je ne vous entends pas bien, M. le député, excusez-moi.

M. L'Écuyer: Excusez-moi. Ce que je veux dire, c'est qu'au sujet des propos de M. Brun, je voulais simplement ajouter que nous sommes en accord avec ce qu'il a dit. C'est-à-dire que je crois que c'est beau d'adopter quelque loi que ce soit, si effectivement il n'y a pas une volonté politique de mettre en application des lois beaucoup plus précises au sujet du logement, au sujet d'un salaire garanti, au sujet de tous ces points qui sont nécessaires à la vie de tous les jours...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Ça met fin à cet échange. Je suis prêt à passer la parole maintenant à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Pelchat et aux personnes qui l'accompagnent, dont le professeur Brun, qui fut directeur de thèse, je crois, de doctorat de mon voisin le député du Lac-Saint-Jean. Alors, bon, je connais...

Je voudrais juste, M. le Président, faire une remarque, d'entrée de jeu, là. On n'inclut pas un droit à l'égalité avec le projet de loi n° 63. Je suis certaine que ces propos ont dépassé la pensée de la ministre, qui a parlé d'inclure le droit à l'égalité. Le droit à l'égalité, dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, est inclus depuis 1975. Alors, on vient le renforcer, mais on ne vient pas l'inclure. C'est en fait la première remarque.

n(11 h 30)n

Je voudrais m'adresser à la présidente du Conseil du statut. Je la sais passionnée, engagée, courageuse, mais je lui dis, d'entrée de jeu, qu'elle n'a pas à jouer Don Quichotte qui fabriquait ses adversaires imaginaires. Nous sommes ici des formations politiques qui avons, d'entrée de jeu, souligné que nous allions adopter ces dispositions contenues dans le projet de loi n° 63. Alors donc, ça va de soi. Mais nous jouons avec tout le sérieux qu'on attend de nous ce rôle de parlementaires qui consiste à bonifier des projets de loi, à améliorer des projets de loi. Alors, je le dis avec conviction, comme je pense que c'était mal à propos de laisser entendre que la Fédération des femmes du Québec avait moins de liberté d'opinion du fait d'avoir un membership assez large.

Écoutez, je pense que la présidente du Conseil du statut de la femme et les membres du conseil sont nommés par le gouvernement ultimement, alors que la Fédération des femmes du Québec relève de son membership, qui est très large justement. Et je crois que les propos qui ont été prononcés ici par les groupes de femmes, ils ont été nombreux, le Pr Brun a dit que toute cette question relative aux droits économiques et sociaux était omniprésente dans les mémoires, alors je crois que ce point de vue est aussi légitime et mérite tout autant d'être entendu.

Alors, c'étaient mes premières remarques, la deuxième étant que j'ai le mémoire de la Commission des droits et libertés de la personne. Alors, je sais que parfois, dans le Parlement, on voudrait que le cheval blanc de Napoléon soit noir, mais en l'occurrence le cheval blanc de Napoléon est blanc, à savoir que la Commission des droits et libertés de la personne conclut son mémoire par les mots suivants, et je cite: «La commission estime que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité et elle est d'accord avec cette approche.» Bon. Alors, si on veut dire autre chose, que le cheval blanc de Napoléon est noir, je le regrette parce que je pense que le point de vue de la Commission des droits et libertés de la personne du Québec vaut d'être entendu pour ce qu'il est.

Alors, que nous dit la Commission des droits et libertés? Elle nous dit que les dispositions viennent «renforcer», c'est le terme même utilisé à la page 5 du mémoire: «...avoir pour effet de renforcer une interprétation de celle-ci qui tienne compte de l'égalité entre les hommes et les femmes.» Alors, c'est un renforcement d'une interprétation. Et là, en fait, ils le décrivent dans toutes les règles, en disant notamment que «la charte reconnaît des droits et libertés à tous» et que «la commission estime que l'article 49.2 tel que formulé ne devrait pas avoir pour effet de modifier cette situation».

Bon. On peut avoir un point de vue différent, on est ici pour les entendre, les points de vue. Et ici, vous savez, Mme la présidente du Conseil du statut, comme tous mes collègues, que c'est le lieu où on entend un point de vue et son contraire, et finalement on en fait l'arbitrage comme législateurs. Mais le point de vue de la Commission des droits et libertés de la personne était clair, et je souhaitais pouvoir le rappeler, à savoir que ça renforce l'interprétation qui est celle de l'égalité des hommes et des femmes.

C'est intéressant, l'introduction du mot «femmes»; moi, ça me plaît. Alors, c'est aussi une des raisons pour lesquelles on a donné notre aval à cette disposition. En même temps, il y a des points de vue différents aussi, notamment sur les droits économiques et sociaux. Le Pr Brun est très connu pour ne pas aimer le gouvernement par les juges et pour privilégier celui des Parlements. Par ailleurs, on sait aussi que, n'eût été de lois proactives, les dispositions de la charte, notamment l'article 19 en matière d'équité salariale aurait donné moins, si vous voulez... je ne veux pas dire qu'il aurait été inutile, mais il aurait donné moins de résultats qu'une loi proactive adoptée par le Parlement il y a 10 ans, telle la Loi sur l'équité salariale.

Cependant, il faut reconnaître que le Parlement n'abdique pas non plus sa compétence, puisque le Parlement peut aussi déroger; explicitement, je le souhaite évidemment autant pour les droits économiques et sociaux, mais il n'abandonne rien, le Parlement n'abandonne rien. Ce n'est pas facile, il faut avoir du «guts» politique, du courage, mais ça existe, ça existe. Ça a existé dans les lois proactives puis ça peut exister aussi... et ça permet d'expliquer à la population pourquoi, par exemple, ce que l'on considère comme tel droit ne peut pas être mis en vigueur ou est écarté, si vous voulez, par une loi qui est déposée devant le Parlement.

Alors, ces remarques étant faites, je ne pense pas que ce soit le lieu pour le Conseil du statut de la femme de venir faire le procès des organismes nombreux... je dirais plutôt de nombreuses organisations ? parce que c'est au féminin souvent que ça a été plaidé devant nous ? qui ont plaidé pour qu'on examine l'ajout des droits économiques et sociaux par une disposition à l'article 52 de la charte. Il y a le Conseil des aînés qui est venu également et qui est venu plaider aussi pour qu'on cesse d'identifier dans la charte les personnes aînées ou personnes handicapées, et c'est tout à fait légitime.

Alors, je ne pense pas qu'on doive faire le procès de ce qu'on nous propose ici. Qu'on nous donne un point de vue contraire, je peux le comprendre. Qu'on nous fasse un procès sur les points de vue des autres, ça, non. Ça, là, je pense que ce n'est pas ni souhaité ni souhaitable.

Mme Pelchat (Christiane): Alors, M. le Président, je voudrais... Je reconnais bien mon ex-collègue la députée de Maisonneuve, qui à l'occasion m'a fait souvent la leçon puisque j'étais non seulement plus jeune en temps mais en âge donc, et je la reconnais là, et je la remercie. Vraiment, Mme la députée de Maisonneuve, vous me donnez l'occasion de rectifier une chose que j'ai dite qui, semble-t-il, a pu offusquer certaines personnes, quand j'ai parlé des bonhommes du Barreau. Je m'excuse si ça a offensé certaines personnes.

Il reste que le Barreau du Québec s'est objecté, comme l'a dit ma collègue Julie Latour, à l'accession des femmes à la profession pendant longtemps. Et nous avons lu les derniers mémoires du Barreau sur les quatre dernières modifications de la charte, en aucun temps le Barreau n'a dit qu'il en avait assez des modifications à la pièce; au contraire, il approuvait toujours les modifications. Et là, parce qu'il s'agit d'inclure le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, le Barreau va dire: Ah, nous, on n'est pas contre l'égalité entre les femmes et les hommes, mais on est contre les modifications à la pièce.

Cela étant dit, Mme la députée de Maisonneuve, concernant la Fédération des femmes du Québec, j'ai eu une discussion avec la Fédération des femmes du Québec après leur présentation et elles m'ont dit que leur présentation devait prendre en compte leur membership. Alors, parce que, vous savez, sur mon avis... sur l'avis du Conseil du statut de la femme, il y a... La Fédération des femmes du Québec a siégé sur cet avis, elle était représentée par Mme Yasmina Chouakri, de la Fédération des femmes du Québec. Cet avis dit que le gouvernement a demandé au gouvernement de modifier. Il y a d'autres recommandations, par exemple sur... qui ont été adoptées et dont Mme Yasmina Chouakri s'est dite d'accord avec, c'est-à-dire la modification sur les signes religieux pour les fonctionnaires.

Donc, quand même, on a des discussions avec les groupes de femmes. Et je ne fais pas le procès des groupes. Ce que je dis, c'est que nous avons l'impression, au conseil, qu'alors qu'on devrait vraiment s'attarder à l'égalité entre les femmes et les hommes, on est rendus là, qu'on essaie d'introduire par la porte d'en arrière un débat qui devrait se faire de manière peut-être plus large et plus étendue, peut-être prendre le rapport de la Commission des droits de la personne qui a été déposé, suite à un projet de loi qui serait déposé sur les droits économiques et sociaux et qui convierait...

Parce que nous n'avons pas été... Dans l'invitation de la Commission des affaires sociales, il n'a jamais été question de se prononcer sur les droits politiques et sociaux, il a été question de se prononcer sur le projet de loi. Donc, pour nous, il est essentiel de s'attarder au projet de loi qui est là. Et, écoutez, comme ça devient... ça découle de l'avis du Conseil du statut de la femme, vous me permettrez de dire que c'est certain qu'on est d'accord avec le projet de loi et qu'on aimerait qu'on s'en tienne au projet de loi, tout simplement.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve...

Mme Harel: Ce sera très, très, très court parce que mon...

Le Président (M. Kelley): ...il vous reste deux minutes et demie.

Mme Harel: Deux minutes et demie? Alors, je prends seulement 10 secondes pour dire que, depuis 2003, la Commission des droits et libertés de la personne a déposé un bilan, lequel bilan des 25 ans de la charte commandait, selon la Commission des droits, d'introduire, comme éléments essentiels pour garantir l'exercice des droits et libertés, les droits économiques et sociaux. Il n'y a pas eu aucun examen parlementaire. Le gouvernement, depuis 2003, n'a pas amené cette question. Alors, il ne faut pas s'étonner qu'il en soit question maintenant. Moi, je pense que c'est au gouvernement qu'il faut adresser le fait que la seule intervention qui est faite, elle l'est à ce moment-ci, à la Commission des affaires sociales, et sur un projet de loi qui n'a pas une vue d'ensemble de la situation.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Lac-Saint-Jean, il vous reste deux minutes.

M. Cloutier: Merci. Vous avez eu la gentillesse de nous proposer d'autres formulations afin de bonifier le projet de loi actuel. M. Brun, tout à l'heure, j'ai noté: «Toute interprétation et implication de la charte doit se faire en fonction des valeurs québécoises, dont l'égalité entre les hommes et les femmes.» Je voulais juste m'assurer que j'avais bien noté la suggestion que vous nous aviez proposée, M. Brun.

Le Président (M. Kelley): Pr Brun.

n(11 h 40)n

M. Brun (Henri): Bien, cette formulation que j'ai énoncée tout à l'heure était en rapport avec la justice sociale. Mais, bien sûr, dans mon esprit à moi, le même énoncé, à partir de la mention générale des valeurs fondamentales de la société, pourrait tout aussi bien inclure d'autres valeurs fondamentales: l'égalité entre les hommes et les femmes, justice sociale, peut-être la séparation de la religion et de l'État et peut-être autre chose aussi.

Mme Pelchat (Christiane): Mais, vous me permettrez, le mandat du Conseil du statut de la femme... Et, dans le mémoire, le Pr Brun... sur la disposition ou la nouvelle formulation pour peut-être renforcer l'application des droits économiques et sociaux est vraiment personnelle au professeur Brun, et, en ce qui me concerne, c'est la proposition qui est très proche de celle du Parti québécois, je le souligne: «Toute interprétation et application de la présente charte doit concorder avec l'égalité entre les femmes et les hommes.» C'est celle-là à laquelle nous tiendrons de manière singulière.

M. Cloutier: Vous avez quand même une phrase magnifique dans votre livre, permettez-moi de vous citer: «La primauté de la langue française, la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes se trouvent à la base du vivre-ensemble qui assure la cohésion sociale au bénéfice de la protection des droits humains.» Alors, ma...

Mme Pelchat (Christiane): C'est moi-même qui ai écrit ça, M. le député.

M. Cloutier: Oui? Bien, je vous en félicite. Est-ce que vous croyez également à la bonification des deux autres valeurs que vous énoncez dans cette phrase?

Mme Pelchat (Christiane): Certainement sur la laïcité. Et d'ailleurs c'est une des choses qu'on aimait dans le projet de loi du Parti québécois, c'est qu'il y avait la laïcité, comme nous avons proposé que le gouvernement interdise le port de signes religieux pour les fonctionnaires de l'État, nous sommes tout à fait d'accord et, si jamais cette modification venait, qu'il y ait peut-être une modification législative en faveur de la laïcité. Étant donné qu'on s'est prononcés sur la laïcité comme telle des fonctionnaires de l'État, ce serait difficile de l'étendre à toute la laïcité parce que, telle qu'elle est dans votre mémoire ou votre constitution, il y aurait un impact plus grand, c'est-à-dire les élèves ne pourraient plus porter de signes religieux, le kirpan, et tout ça. Donc, pour nous, c'est trop large. Mais quand même la laïcité, c'est quelque chose qu'on... On a une recommandation à cet effet.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, malheureusement, je dois mettre fin à l'échange. Merci beaucoup, Mme la présidente, pour votre contribution enthousiaste aux travaux de la commission. Sur ça, je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentants du Mouvement laïque québécois de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

 

(Reprise à 11 h 46)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demande aux membres de la commission de prendre place. On va faire notre troisième groupe. Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît prendre place. Parce que je vais demander... Compte tenu de l'heure, il y aura un léger dépassement pour respecter l'heure qu'on veut donner au Mouvement laïque. Alors, est-ce qu'il y a consentement?

On va procéder comme prévu: une heure de temps avec le Mouvement laïque. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole au président, M. Henri Laberge, pour une présentation de 15 minutes, suivie par une période d'échange avec les membres de la commission. M. Laberge, la parole est à vous.

Mouvement laïque québécois (MLQ)

M. Laberge (Henri): Bon. Alors, je vais vous présenter d'abord les deux personnes qui m'accompagnent: Réjean Couture, directeur général du Mouvement laïque, et Julien Levac, qui est étudiant, qui est membre de la région de Québec, qui est membre... qui est étudiant à l'Université Laval en philosophie.

Le Mouvement laïque Québécois est d'accord avec l'essentiel des intentions exprimées dans l'avis du Conseil du statut de la femme sur les rapports entre l'égalité hommes-femmes et la liberté religieuse.

Le Mouvement laïque est d'accord sur l'importance de réaffirmer clairement que l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français comme langue d'usage public et la séparation de l'État d'avec les religions sont des valeurs fondamentales de la société québécoise qu'il est légitime de vouloir maintenir et promouvoir. Nous croyons que, si les libertés d'opinion, de croyance et de conviction, au sens strict, sont en principe sans limites, les libertés d'expression et de manifestation de ces opinions, croyances et convictions sont nécessairement limitées par les droits et libertés des autres humains ainsi que par les exigences de l'ordre public et de la paix sociale. Par exemple, fusse au nom de la liberté religieuse, un état démocratique ne pourrait pas tolérer la pratique de sacrifices humains, ne pourrait pas tolérer des atteintes à l'intégrité physique des personnes et ne pourrait pas tolérer des situation de risques inutiles pour la vie des individus.

Il est légitime par ailleurs pour une société démocratique de défendre, de promouvoir les valeurs démocratiques fondamentales, parmi lesquelles doivent se retrouver le principe et la pratique de l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la neutralité de l'État en matière de croyances religieuses ou de convictions métaphysiques et la valeur de la laïcité des institutions publiques. Pour la société québécoise, il est également légitime de compter la primauté du français langue nationale parmi ces valeurs à protéger et à promouvoir. L'objectif de clarifier ces choix de société dans un instrument tel que la Charte des droits et libertés de la personne est hautement légitime.

Nous sommes d'avis cependant que le contenu actuel du projet de loi n° 63 n'est pas un moyen adéquat et efficace pour atteindre les objectifs visés. Avec la clause interprétative proposée par la ministre de la Condition féminine, il ne faut surtout pas craindre une forte hiérarchisation des droits au profit de l'égalité des femmes et des hommes au détriment de la liberté de pratique religieuse. Alors, ceux qui craignent une hiérarchie, nous sommes d'avis que ça n'établit aucune hiérarchie. Si on interprète de façon littérale la clause interprétative projetée, article 49.2, celle-ci ne donne priorité à quoi que ce soit sur quoi que ce soit. Ce qu'elle dit, et elle ne dit rien d'autre, c'est que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux hommes et aux femmes. Ce n'est rien de bien nouveau, ce n'est rien de bien méchant, c'est inoffensif, mais à notre avis c'est vain.

n(11 h 50)n

Comment pourrait-on raisonnablement prétendre que cette garantie n'existe pas déjà? L'article 10 ne déclare-t-il pas très clairement que «toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur [...] le sexe»? Comment peut-on raisonnablement prétendre que les articles énonciateurs de droit qui commencent par les mots «tout être humain» ou «toute personne» ne visent pas aussi bien les femmes que les hommes? Et la plupart des articles attributifs de droit commencent par ces mots, «toute personne» ou «tout être humain».

Comment peut-on raisonnablement prétendre que le recours prévu à l'article 49, interprété par l'article 10, ne concerne pas aussi bien les hommes que les femmes? Et prétendre qu'il n'est pas sûr que le mot «personne» inclut les femmes, je pense que c'est très dangereux d'avancer une pareille chose aujourd'hui. Et surtout comment pourrait-on raisonnablement prétendre que les droits et libertés de la personne en général, c'est-à-dire l'ensemble de tous les droits et libertés de la personne, ne comprennent pas les droits et libertés énoncés dans la charte?

Or, l'article 10 parle bien de tous les droits et libertés de la personne, alors que l'article 49.2 projeté parle spécifiquement des droits et libertés énoncés dans la charte. L'article 10 couvre donc plus large que le nouvel article projeté et ne perd en rien de ce que celui-ci contient. L'article 49.2, tel que rédigé, n'ajoute absolument rien, il est complètement inutile, c'est du bégaiement législatif. L'ajout est d'autant plus inutile qu'il n'est même pas prévu qu'une loi qui y déroge doive le mentionner expressément, comme c'est le cas notamment pour l'article 10. Alors, le nouvel article 49.2 n'aurait pas priorité sur les autres lois.

Plutôt qu'une répétition de ce qui est déjà dit, ce que nous voulons, c'est une vraie clause interprétative susceptible de guider les tribunaux dans l'interprétation qu'ils doivent donner à l'ensemble des droits et libertés en les situant par rapport aux valeurs fondamentales de la société québécoise. Le Mouvement laïque québécois propose donc de reformuler l'article 49.2 projeté de la façon suivante: «49.2. Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de maintenir et de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes, la neutralité de l'État en matière de croyances religieuses ou de convictions métaphysiques, la séparation de l'État d'avec les religions et la primauté du français langue nationale comme langue d'usage public.»

Puisqu'il y a lieu de rouvrir la charte, nous proposons qu'on en profite pour raffermir son caractère de loi fondamentale et pour la mettre en meilleure concordance avec les valeurs communes de notre société qui n'y sont pas déjà énoncées. Nous proposons donc les reformulations suivantes aux articles 52, 54 et 55.

Pour 52: «Aucune disposition d'une loi, même postérieure à la charte, ne peut déroger aux articles 1 à 55, sauf dans la mesure prévue par ces articles.» Il y aurait au moins cet avantage, si on corrigeait l'article 52, que d'inclure 49.2 comme étant une clause à laquelle une autre loi ne peut pas déroger sans le mentionner explicitement.

Et, deuxième paragraphe de l'article 52, nous proposons: «La disposition qui déroge, visée à l'alinéa précédent, ainsi que la disposition qui énonce la volonté de dérogation doivent être adoptées avec l'appui de la majorité des membres de l'Assemblée nationale s'exprimant par vote nominal enregistré.» Je pense que ça donnerait un caractère de loi plus fondamental en exigeant cette procédure. Et: «La dérogation n'est valide que pour un maximum de cinq ans. Elle peut cependant être renouvelée aux mêmes conditions.»

Au-delà des énoncés des droits et libertés fondamentaux promus par la charte, nous estimons que le comportement laïque d'une société est la meilleure garantie du libre exercice de ces droits dans l'égalité. Et le fonctionnement laïque de la société, c'est la meilleure garantie de la liberté religieuse. C'est dans cet esprit que le Mouvement laïque québécois propose l'adoption d'une charte de la laïcité en 12 articles de base. Et nous n'aurions cependant aucune objection à ce que ces 12 articles soient incorporés à la Charte des droits et libertés de la personne et constituent un chapitre qui pourrait s'intituler Droit des citoyens à la laïcité de leur État et de leurs institutions publiques.

Alors, je vous cite les articles que nous proposons pour une charte de la laïcité. Ce n'est pas nécessairement un charte complétée, ça aurait besoin d'être complété et discuté, mais c'est comme un point de départ.

Article 1: «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions et croyances ? y compris religieuses ? pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

«2. Nul ne doit être requis de révéler ses opinions ou croyances pour exercer ses droits civils et civiques ou pour obtenir quelque avantage prévu par la loi.»

Article 3: «Nul ne doit être autorisé à s'enquérir des croyances religieuses ou des convictions métaphysiques d'une personne pour lui accorder ou refuser quelque avantage ou pour lui permettre de déroger à une norme publique démocratique.»

Article 4: «Tous les citoyens et citoyennes sont égaux devant la loi, sans distinction d'origine, de race, de sexe, d'orientation sexuelle, de langue maternelle ou de religion, et tous, sans discrimination, ont le droit de contribuer à l'élaboration de la loi.»

Article 5: «La liberté de manifestation publique de ses opinions et croyances doit être assortie de limites propres au respect du pluralisme religieux et idéologique, à la protection des droits et libertés d'autrui, aux impératifs de l'ordre public et au maintien de la paix civile.»

Article 6: «L'État ne reconnaît, ni ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ? ce qui ne devrait pas lui interdire d'aider à la préservation du patrimoine religieux sur la base de sa valeur patrimoniale.»

Article 7: «L'État ne subventionne pas l'enseignement confessionnel des religions et ne subventionne pas les institutions privées à caractère confessionnel.»

Article 8: «Tout agent public et tout collaborateur du service public ont un devoir de stricte neutralité ? et d'apparence de neutralité ? religieuse et politique ? au sens partisan de ce mot.»

Article 9: «Les directions d'institution publique et les administrations ne font des règlements, au-delà de ce que prescrivent les principes précédents, que s'il y a utilité sociale démontrable à le faire, et les règlements qu'elles font s'appliquent alors à tous leurs administrés et usagers, sans distinction.»

Article 10: «Les serments faisant appel à une puissance surnaturelle ou à des êtres surnaturels pour confirmer un témoignage, un engagement ou une promesse sont nuls et de nul effet.»

Article 11: «Il est interdit aux tribunaux de tenir compte des croyances et convictions intimes des personnes pour moduler un jugement ou une sentence relatifs à leurs actes ou encore pour leur accorder ou leur retirer quelque droit ou avantage.»

Et article 12: «Ni le législateur, ni les agents de l'Administration, ni les tribunaux n'ont la moindre compétence pour se prononcer sur la validité des croyances à un monde surnaturel.»

Nous sommes bien conscients toutefois que notre Charte québécoise des droits et libertés aussi bien que notre Charte de la langue française et une éventuelle charte québécoise de la laïcité demeureront soumises à la Constitution canadienne et à l'interprétation que les tribunaux canadiens en donnent. C'est pourquoi nous demandons à l'Assemblée nationale de prendre l'initiative de proposer des modifications à cette Constitution canadienne et notamment à la Charte canadienne des droits et libertés.

Il faudrait, par exemple, corriger le préambule de la Charte canadienne pour enlever la référence à la suprématie de Dieu, car cette référence peut très bien être interprétée comme donnant aux prescriptions religieuses propres à chaque confession une priorité sur les lois d'application générale adoptées démocratiquement par nos législateurs civils.

Il faudrait corriger l'article 27, qui fait de la promotion du multiculturalisme la valeur suprême, le critère par excellence pour l'interprétation de la charte, ce qui est abusif.

Il faudrait corriger l'article 33 pour que les lois québécoises puissent déroger aux dispositions constitutionnelles relatives à l'éducation, à la langue et à la culture et pour qu'il soit plus difficile de déroger aux articles 7 à 15 de la Charte canadienne.

Il faudrait faire en sorte que l'article 15 de cette charte soit dit s'appliquer de façon rigoureuse à la désignation du chef de l'État, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Il faudrait enfin abolir la royauté, une institution surannée, antidémocratique, discriminatoire et symbolisant la primauté de l'anglicanisme sur les autres religions et convictions métaphysiques. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Laberge. Sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, merci pour cet exposé, merci d'être ici. Je vois que vous êtes accompagné de plusieurs personnes. C'est le plus gros groupe qu'on a depuis le début des audiences de la commission. Alors, je vous souhaite la bienvenue au Parlement et espère que vous passerez un beau moment ici.

Des voix: ...

n(12 heures)n

Mme St-Pierre: Ah, je pensais que c'étaient des gens qui vous accompagnaient. J'ai demandé tout à l'heure...

Une voix: ...

Mme St-Pierre: Oui? Bon. Voilà. J'avais posé mes questions quand je suis allée leur donner la main. Alors, merci beaucoup d'être ici et de vous intéresser à cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 63. C'est un projet de loi, comme vous le savez très bien, un projet de loi qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes et cette notion de valeur fondamentale dans la société québécoise qui, je pense, fait un consensus tant dans la société québécoise qu'ici à la commission. Et ce que nous voulons, c'est inscrire dans la charte, noir sur blanc, cette notion d'égalité, l'égalité entre les hommes et les femmes comme valeur fondamentale de la société québécoise.

Vous parlez de laïcité, c'est un sujet qui est très, très, très intéressant. Cependant, je pense qu'il ne faut pas faire dévier le débat, puisqu'il porte sur l'égalité entre les hommes et les femmes. La consultation porte sur le projet de loi n° 63. Et l'insertion d'autres mesures ne peut pas se faire non plus dans l'improvisation. Et les groupes qui sont venus parler ici ont parlé abondamment d'égalité entre les hommes et les femmes, ont parlé de d'autres sujets également, on les a écoutés, c'était fort intéressant.

Dans votre... lorsque vous parlez de notre projet, vous dites, et ça, je trouve ça très intéressant... Parce qu'il y a eu quand même des inquiétudes dans les médias et certaines personnes ont manifesté des inquiétudes sur la question de hiérarchisation. Nous avons abondamment discuté de la question de la hiérarchisation en disant que ce n'était pas de notre volonté d'introduire une hiérarchisation. Et les études juridiques qui ont été faites font en sorte qu'on s'assure qu'il n'y ait pas de hiérarchisation. Donc, vous dites que nous ne craignez pas de hiérarchisation. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage?

M. Laberge (Henri): Bon. Je pense que le mémoire est très clair. Tel que rédigé, l'article dit très, très, très clairement les choses suivantes: Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux hommes et aux femmes. Je ne crois pas qu'il y ait aucune hiérarchie là-dedans. On ne dit pas que l'égalité entre les hommes et les femmes prime sur tous les autres droits, on dit que les autres droits sont appliqués de façon égale aux hommes et aux femmes. Mais c'était déjà dit dans l'article 10. Alors, non seulement ce n'est pas dangereux, c'est tout à fait inoffensif, mais à notre avis c'est vain, ça n'ajoute pas vraiment.

La seule chose qui serait ajoutée, d'après certains discours, c'est que c'est la première fois qu'on dit «hommes et femmes». Bon. Mais, quand on dit que tout être humain a droit d'être traité de façon égale devant la loi, quel que soit son sexe, je pense que ça veut dire ça. Mais, nous, on est d'accord pour qu'on introduise dans la charte les mots «hommes et femmes» et qu'on parle de l'égalité entre les hommes et les femmes comme une valeur fondamentale, mais ce n'est pas ce que votre article dit. Il faudrait dire que toute interprétation de la charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Là, on ajouterait quelque chose. On établirait l'égalité entre les hommes et les femmes comme une valeur fondamentale de la société québécoise et puis on lui donnerait du mordant. Alors, plutôt que de répéter ce qui est déjà dit à l'article 10, on ajouterait quelque chose qui donnerait plus de valeur.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous pensez que le... On va parler aussi énormément du préambule. Est-ce que vous êtes en accord avec ces modifications?

M. Laberge (Henri): Le préambule, oui, on est d'accord avec l'ajout au préambule. On pourrait même ajouter dans le préambule que la neutralité de l'État en matière de croyances religieuses est aussi une condition pour la liberté et la paix. Je pense qu'on pourrait très bien ajouter ça. Mais on est d'accord pour l'ajout que vous faites dans le préambule, de l'égalité entre les hommes et les femmes comme une condition de la liberté et de la paix, ça, on est d'accord, mais on aimerait que vous ajoutiez aussi la neutralité de l'État.

Mme St-Pierre: Vous allez dire que je suis en contradiction avec ce que je vous ai dit au point de départ, je vous ai dit qu'on parlait du projet de loi n° 63, l'égalité entre les hommes et les femmes, mais il y a quelque chose ici qui attire mon attention dans votre mémoire, et, puisque c'est dans le mémoire, donc c'est quelque chose de public et d'officiel, vous dites: «L'État ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne ? en fait, c'est une de vos volontés ? aucun culte.»

M. Laberge (Henri): Dans la charte de la laïcité.

Mme St-Pierre: J'aimerais vous entendre sur la question justement de la protection du patrimoine religieux québécois. Alors, si vous dites que l'État ne subventionne aucun culte, lorsque l'État procède à la restauration d'églises, la protection d'églises, est-ce que vous êtes en désaccord avec ça?

M. Laberge (Henri): Oui. Je pense que... Vous avez lu la parenthèse, j'imagine, que nous mettions: «L'État ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ? entre parenthèses ? ce qui ne devrait pas lui interdire d'aider à la préservation du patrimoine religieux sur la base de sa valeur patrimoniale.»

Bon. Alors, il n'est pas question de subventionner les cultes, mais on peut récupérer des objets qui ont une valeur patrimoniale, que nos ancêtres, nos pères ont payés et pour que ça serve. Par exemple, j'ai trouvé très, très bien que les funérailles de Pierre Bourgault se fassent à la cathédrale, à Montréal. Je pense que c'est une façon de rendre à la population l'usage d'un bien qui a été payé par la population.

Alors, il pourrait y avoir, dans certaines églises qui servent une fois par semaine ou même souvent ne servent pas du tout, il pourrait y avoir soit des bibliothèques, soit des musées ou des salles de spectacle, et là, à ce moment-là, ça justifierait l'État de contribuer à l'entretien de ces lieux publics qui ne seraient pas affectés uniquement à la pratique d'un culte mais qui pourraient servir à l'occasion pour d'autres activités ouvertes au public en général.

Mme St-Pierre: M. le Président, mon collègue le député d'Orford voudrait poser une question.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. L'article 49.2 est très, très simple, il tient dans deux lignes, dans le projet de loi, et on nous a dit à plusieurs reprises que c'était peut-être quelque chose de simple, tout le monde comprend que ça permet de faire un pas en avant. Évidemment, on a beaucoup de suggestions de faire plus, et vous en faites une.

Et, moi, j'ai toujours un petit peu peur quand, tu sais... On a parlé beaucoup de Talleyrand, ce n'est pas lui qui a dit ça, mais il y a un dicton qui dit: Qui trop étreint mal embrasse. Et ça me fait toujours peur un peu... Et je voudrais vous donner un exemple, ici, d'éléments qui, dans le texte que vous proposez, de 49.2, montrent jusqu'à quel point il faut faire attention et peut-être profiter du fait qu'on a quelque chose de simple et qui amène un large consensus pour aller dans ce sens-là et prendre tout notre temps si on veut ajouter autre chose.

Par exemple, ici, on parle, dans votre texte, de «Toute interprétation», etc. Bien je vais la lire, là: «...de la présente charte doit concorder avec l'objectif de maintenir et de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes ? et c'est la prochaine partie qui m'intéresse ? la neutralité de l'État en matière de croyances religieuses ou de convictions métaphysiques...» Et c'est là-dessus que je veux m'arrêter une seconde.

Celui qui parle est quelqu'un qui a une formation scientifique, qui s'est intéressé depuis ses études scientifiques, il y a longtemps, à tout ce qui est évolution et la théorie de l'évolution, qui croit profondément que c'est une science qui est bien appuyée sur des faits et qui ne croit pas du tout que la théorie de l'évolution soit une conviction métaphysique. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de penser, à la lecture de votre texte, à toute la saga américaine sur le créationnisme versus la théorie de l'évolution et son enseignement dans les écoles. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que, si une telle clause, comme vous la présentez, existait aux États-Unis, les créationnistes s'en serviraient, parce qu'ils sont très habiles, et c'est surprenant jusqu'à quel point ils réussissent à transformer les réalités, là. Et loin de moi l'idée que...

Bon, le créationnisme, s'il y en a qui veulent y croire, etc., ça va, par respect pour les individus comme par respect pour la religion, mais la théorie de l'évolution ce n'est pas une conviction métaphysique, c'est de la science, c'est de la science bien appuyée, etc. Or, on a vu souvent, aux États-Unis, dans la saga, les créationnistes tenter de déguiser et de se servir de cette vision que la théorie de l'évolution n'est qu'une autre conviction métaphysique... ce n'est pas une religion bien sûr, ils ne peuvent pas dire que c'est une religion, il n'y a pas de rite, etc., lié à la théorie de l'évolution, mais de se servir du fait que ce serait une conviction métaphysique de ceux qui pensent qu'effectivement la théorie de l'évolution, c'est ce qui est arrivé sur des bases scientifiques.

n(12 h 10)n

Alors, je ne peux pas m'empêcher de voir que, s'il y avait une telle clause à un niveau de charte, les créationnistes, si on était aux États-Unis, se serviraient de ça pour dire: Bien, voici, l'État doit être neutre en matière de convictions métaphysiques et donc l'État ne doit pas enseigner la théorie de l'évolution. À la limite, ça ne leur permettrait peut-être pas d'enseigner le créationnisme, mais ça leur permettrait de bloquer l'enseignement de la science, de la connaissance humaine qui nous a amenés dans la théorie de l'évolution.

Et donc je veux simplement ici vous demander de réagir à cette crainte qui me... C'est une crainte évidemment, là, qui me vient à brûle-pourpoint, en lisant, ce matin, puis en relisant votre texte, cette crainte que... ici, de vouloir aller trop loin, et il y a des dangers qui n'ont pas été examinés, soupesés, et que nous sommes ici pour étudier un projet de loi dans lequel il y a deux lignes très simples, «les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes», et que de vouloir aller plus loin est peut-être dangereux, sans qu'on ait eu l'occasion de traiter des éléments comme celui que je viens de vous mentionner, qui m'apparaît pourtant uniquement, disons, à première vue, là.

M. Laberge (Henri): Bon. Premièrement, clarifions les choses. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'on ouvre plusieurs fois la Charte des droits de la personne pour y introduire de nouveaux éléments. Nous profitons du moment où nous sommes ici pour dire ce que nous aimerions voir aussi dans la Charte des droits et libertés de la personne, et nous sommes ici aussi pour dire que nous aimerions avoir une charte de la laïcité qui précise très clairement ce que c'est que la laïcité.

Mais je suis d'accord avec ce que vous avez dit, j'espère que vous vous êtes entendu quand vous avez dit: La théorie de l'évolution n'est pas une conviction métaphysique. C'est tout à fait notre conviction que ce n'est pas une conviction métaphysique, et donc ce n'est pas touché par l'article que vous avez cité. Parce qu'on ne dit pas: L'État doit être neutre entre la science et la non-science, ce qu'on dit, c'est que l'État doit être neutre sur les convictions métaphysiques et sur les religions.

M. Reid: Mais on est d'accord là-dessus, M. le Président. Je ne dis pas que la conviction métaphysique, ça ouvre la porte, je dis: Si on était aux États-Unis... On n'y est pas. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens ici qui abusent des lois et qui essaient de faire interpréter des clauses de différentes façons. Mais, aux États-Unis...

M. Laberge (Henri): Tout à fait, il y aura toujours des gens pour interpréter les lois.

M. Reid: Aux États-Unis, pendant les cinq dernières années, si ce n'est pas plus, enfin, à des moments plus critiques, ça a été plus fort, mais les créationnistes ont tenté de faire passer... Et ce n'est pas si évident dans un pays, aux États-Unis, où plus de la moitié de la population croit, je pense ? enfin, c'est le sondage que j'ai vu il n'y a pas si longtemps ? à moins que je me trompe, là, croit que le monde a été créé il y a un peu plus de 4000 ans, en sept jours. Pour beaucoup de ce monde-là...

M. Laberge (Henri): Et qui croit qu'Elvis Presley est encore vivant. Oui.

M. Reid: Possible aussi. Ce n'est peut-être pas les mêmes personnes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Reid: Mais, à ce moment-là, vous imaginez le genre de débat social que pourrait entraîner une telle ouverture si on y allait? C'est dans ce sens-là que je dis: Quand on fait des lois, et là, quand on parle de charte, qui est encore plus important, si on ouvre une porte, aussi petite la lumière soit-elle qui passe, on a des risques qu'on ait des interprétations. Et donc, si on veut aller plus loin à ce stade-ci ? et c'est le sens de mon intervention, vous l'avez bien compris, vous avez bien compris le sens ? il faut faire attention de ne pas embrasser trop parce que, si on veut aller plus loin, juste deux lignes donnent lieu à un débat important dans la société québécoise, aller plus loin, ce sont des débats passionnants, et vous pouvez compter sur moi pour y participer si on parle de ça, mais je pense qu'à ce stade-ci «qui trop étreint mal embrasse» s'applique bien.

M. Laberge (Henri): Et non pas qui trop embrasse mal étreint... Qui trop étreint mal embrasse, que vous avez dit? C'est le contraire: Qui trop embrasse mal étreint.

M. Reid: Enfin. Je ne sais pas...

M. Laberge (Henri): Mais on a atteint un objectif...

M. Reid: Le sens de toute façon est clair, ça veut dire: quand on en prend trop, on risque de ne pas faire aussi bien, quoi.

M. Laberge (Henri): Oui, oui, oui. On a tout compris ça. Mais je pense qu'on a atteint un objectif parce que vous vous intéressez aux articles qu'on propose, et c'est ce que nous souhaitons que l'Assemblée nationale fasse. On ne voudrait pas que l'Assemblée nationale, par un coup de tête, décide d'adopter du jour au lendemain la charte de la laïcité ou les articles qu'on propose. On voudrait qu'ils soient examinés et puis, s'il y a une reformulation de certains articles pour les rendre plus utiles et moins dangereux, bien on est tout à fait d'accord avec ça. Alors, on est très heureux que vous vous intéressiez aux formulations que nous avons proposées.

M. Reid: Est-ce qu'il reste encore une minute, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Deux minutes.

M. Reid: Bien, écoutez, c'est juste une remarque. Parce que je m'y suis intéressé, et au point où j'ai une petite remarque à faire sur la proposition 8 que vous faites dans la charte de la laïcité. Et je vais juste vous poser une question, vous allez voir que ça nécessite probablement une réflexion importante.

Vous dites: «Les directions d'institution publique et les administrations ne font des règlements, au-delà de ce que prescrivent les principes précédents, que s'il y a une utilité sociale démontrable à le faire, et les règlements», etc. Le vrai objectif évidemment, c'est de s'assurer, quand il y a des règlements, que ce soit appliqué à tous, etc. Mais, quand on dit «a une utilité sociale démontrable» ? je vous pose la question ? qui va décider que cette démonstration est faite? Alors, évidemment, c'est des juges ou si c'est le Parlement? Jusqu'à maintenant, c'est le Parlement. Mais vous ne répondez pas à la question à savoir si c'est des juges ou non, mais la question se pose ici, et c'est une question fondamentale également dans notre société. Alors, je veux simplement vous dire que votre texte est très intéressant, au point où, en l'analysant, on trouve des bonnes questions, je pense.

M. Laberge (Henri): Oui, oui. Alors, je suis très intéressé. Mais c'est pour répondre à ceux qui disent: Le droit à la liberté de religion implique qu'on puisse être dispensé d'un règlement, comme par exemple, dans une école où on avait interdit le port du couteau, et les tribunaux ont décidé qu'au nom de la liberté de religion un élève avait le droit de porter un couteau. Alors, nous, nous disons: Non, les règlements doivent... à condition qu'ils ne soient pas abusifs. Et la formulation, vous pourrez la retravailler si vous en avez le loisir.

Mais c'est qu'il ne faut pas que les règlements soient abusifs, qu'on fasse des règlements pour faire des règlements, par goût de réglementer, et qu'on ne fasse pas des règlements qui soient discriminatoires ou qui soient tournés contre un groupe en particulier. Mais, si le règlement a été adopté pour des raisons valables, pour des raisons démocratiques puis qu'il a été adopté démocratiquement, à ce moment-là, il s'applique à tous les usagers, et on ne doit pas, au nom d'une opinion, au nom d'une croyance, au nom d'une conviction métaphysique interne, demander d'être exempté d'une loi qui a été adoptée démocratiquement ou d'un règlement qui a été adopté en vertu de cette loi.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Laberge. Je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. J'ai pris connaissance avec intérêt de votre mémoire. Et bienvenue également à votre groupe. Écoutez, quand même, vous semblez prôner une... ? j'ai de la difficulté aujourd'hui ? laïcisation de l'État forte. Comment percevez-vous le jugement... Vous savez, la commission Bouchard-Taylor, hein, qui vient de se terminer, on a parlé longuement justement pour les motifs religieux qui pourraient porter atteinte à l'égalité des femmes. Donc, votre proposition ne ferait-elle pas en sorte, vous savez, de relancer ce débat-là? Comment vous voyez l'articulation... votre position face à la commission Bouchard-Taylor?

M. Laberge (Henri): La commission Bouchard-Taylor a été créée en période spéciale, parce qu'il y avait un bourdonnement qui semblait se faire dans la société québécoise, puis on approchait des élections, et ça a été une façon de régler... de donner l'occasion de régler d'une façon plus rationnelle cette question-là plutôt que par des approximations. Alors, nous, on est d'accord avec la création de la commission Bouchard-Taylor. On a mis des réserves sur certains paragraphes du décret qui crée la commission, mais nous sommes en général d'accord avec la création de la commission comme telle.

Mais, relancer le débat, c'est bien sûr, il faut relancer le débat dans la mesure où il y a un véritable problème, mais il ne faut pas exagérer les problèmes. On a parlé d'accommodements raisonnables qui étaient à la tonne, puis ce n'est pas vrai. Il y en a un certain nombre, d'accommodements, qui sont déraisonnables, et ça, là, il faut les dénoncer, mais sans laisser entendre que les dérogations sont multiples et qu'on est envahis par des religions bizarres. Je pense que la commission Bouchard-Taylor, j'espère, ils vont ramener les problèmes à leur juste dimension. Et puis, moi, je n'attends pas des miracles de cette commission-là, mais j'espère que, si au moins ils ramenaient cette question-là à ses véritables dimensions, ce serait déjà très intéressant.

n(12 h 20)n

Mme Leblanc: Merci. À la page 2 de votre mémoire, vous dites que le projet de loi n° 63 n'est pas un moyen adéquat et efficace pour atteindre les objectifs visés. Plusieurs groupes sont venus nous parler des droits sociaux, des droits économiques, hein, qui touchent fortement les femmes, entre autres. Est-ce que vous... Je ne sais pas, j'aimerais connaître votre position, je ne sais pas si vous avez suivi un petit peu, là... de judiciariser l'article 39 à 48. Je ne sais pas si...

M. Laberge (Henri): Oui. C'est qu'actuellement la Charte des droits et libertés donne priorité aux articles 1 à 38, et, nous, on propose que la charte ait priorité jusqu'à l'article 55, que tous les articles 1 à 55 aient priorité sur les lois ordinaires et que, si on veut y déroger, on doit le mentionner de façon explicite dans la loi concernée.

Mme Leblanc: O.K. D'accord. Écoutez, dans le mémoire de la CSN, qu'on n'a pas encore entendue, eux aussi proposent une charte de la laïcité. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance, donc je ne sais pas si... Est-ce que vous êtes en accord ou... Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance même.

M. Laberge (Henri): Bien, on est d'accord, on est d'accord avec le principe d'une charte de la laïcité. Je pense que le débat est lancé. La CSN a proposé certains éléments, nous en proposons un certain nombre, la plupart se recoupent ou se complètent. S'il y a des divergences, bien, je pense que ce n'est pas le moment ici, là, d'en parler.

Mme Leblanc: Non, c'est ça. Mais, c'est ça, vous êtes quand même...

M. Laberge (Henri): Oui, on est d'accord, sur le principe, avec la CSN.

Mme Leblanc: O.K. Puis, dans votre mémoire, écoutez, dans votre proposition, là, de la charte, au quatrième, vous commencez en disant: «Tous les citoyens et citoyennes sont égaux devant la loi...» Est-ce qu'il y a une raison? Pourquoi utiliser «citoyens et citoyennes», est-ce qu'il y a une raison particulière, puis non pas «femmes, hommes»?

M. Laberge (Henri): Je pense qu'on exagère peut-être un peu le fait que, si on utilisait uniquement le mot «citoyens», ça ne voudrait pas dire aussi les femmes. Je pense que ça inclurait les femmes à cause de l'article 10, mais disons qu'on le met parce qu'on veut insister sur le fait que... les citoyens et citoyennes.

Mme Leblanc: Moi, je voulais juste connaître peut-être s'il y avait un motif ou quelque chose.

M. Laberge (Henri): Mais on ne ferait pas un drame si on enlevait le mot «citoyennes», là.

Mme Leblanc: Non, je comprends bien, je comprends bien. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance aussi, il y a une charte de la laïcité aussi qui est proposée en France. J'aimerais peut-être connaître votre position, vos commentaires, là.

M. Laberge (Henri): Oui. Bien, on l'a regardée, mais c'est beaucoup plus limité que ce qu'on propose. En France, ils ont déjà le principe de la laïcité inscrit dans la Constitution de la République. La République française est une, indivisible, laïque et sociale. Alors, l'idée de laïcité est déjà présente à la fois dans la constitution puis dans les lois scolaires, etc. Alors, ce qui avait besoin d'être précisé, pour ce qui est de la laïcité, en France, c'était, par exemple, à quel endroit se limite... passe la frontière où on peut exiger la neutralité religieuse, par exemple dans les vêtements, dans les costumes qu'on porte, etc., à quel moment les fonctionnaires ne doivent pas manifester leurs croyances religieuses par des comportements ou par leur façon de se vêtir. Alors, c'était beaucoup plus limité. C'était une précision à l'intérieur d'un principe qui est déjà admis en France.

Tandis qu'au Québec, si on adoptait une charte de la laïcité, il faudrait définir ce que c'est que la laïcité et puis, par plusieurs articles, définir que, par exemple, on n'a pas le droit de s'informer des convictions intimes d'une personne pour lui accorder ou lui refuser un droit ou un avantage quelconque. Et, bon, ça, c'est des choses qui doivent être précisées dans une charte québécoise de la laïcité.

Mme Leblanc: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Alors, merci d'être venus, ce matin, en commission parlementaire. Alors, M. Laberge, j'aimerais simplement... Je vois qu'à votre propos principal vous nous dites que l'article 49.2... En fait, vous dites: «...celle-ci ne donne priorité à quoi que ce soit sur quoi que ce soit. Ce qu'elle dit, et elle ne dit rien d'autre, c'est que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Et vous faites allusion à l'article 10 de la charte. C'est l'article quand même, 10 de la charte, à mon sens, qui est un peu la substance même de la Charte des droits, entre autres, un article important. Vous semblez, en fait, prétendre qu'effectivement l'exercice que le législateur fait au niveau du projet de loi n° 63 serait inutile. C'est ce que je dois comprendre de votre propos ou bien si effectivement vous avez des réticences à ce que je dis?

M. Laberge (Henri): C'est très utile de réouvrir la charte pour y introduire la valeur fondamentale de l'égalité entre les hommes et les femmes, mais, si on s'en tenait, comme seule modification, à l'article 49.2 tel qu'il est rédigé, à ce moment-là c'est inutile. Nous préférons une formulation qui d'ailleurs concorde avec ce qui est dit dans le dernier paragraphe du mémoire du Conseil du statut de la femme, une formulation qui dit: Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec la nécessité de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Ça, à ce moment-là, on ajoute quelque chose, on donne à l'égalité entre les hommes et les femmes la valeur d'une valeur fondamentale, la portée d'une valeur fondamentale.

Mais simplement dire: Les droits et libertés inscrits dans la présente charte s'appliquent aussi bien aux hommes et aux femmes, ça n'ajoute rien. Il est déjà sûr que la liberté de religion, par exemple, c'est pour les hommes et pour les femmes. L'article 10 est très clair. Est-ce qu'on devrait aussi avoir un article pour dire: Les handicapés et les non handicapés ont les mêmes droits? Un autre article pour dire: Les homosexuels et les hétérosexuels ne doivent pas être discriminés? L'article 10 dit déjà tout ça.

Alors, ce qu'il faut, ce n'est pas répéter ce qui est déjà à l'article 10, c'est de donner vraiment à l'égalité hommes et femmes la portée d'une valeur fondamentale dont on doit tenir compte chaque fois qu'on interprète ou qu'on applique la loi.

M. L'Écuyer: Alors, M. Laberge, je dois vous dire aussi que le projet de loi comporte un considérant, et le considérant qui dit que «le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix». Vous ne croyez pas qu'avec simplement ce considérant-là ça serait suffisant pour atteindre les objectifs que vous souhaitez?

M. Laberge (Henri): Non.

M. L'Écuyer: Et pourquoi?

M. Laberge (Henri): Non, non, pas du tout. Ce considérant-là, on est d'accord, on est d'accord pour ajouter dans ce considérant-là l'égalité entre les hommes et les femmes, mais, si on n'avait que ça, je pense qu'on n'aurait pas ajouté grand-chose. Ça serait vain que d'avoir tenu une commission parlementaire de plusieurs jours puis un débat à l'Assemblée nationale pour ajouter simplement ce considérant-là. Ça nous semblerait un peu faible.

Nous pensons qu'il doit y avoir un article interprétatif, un article interprétatif qui dise que l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale de la société québécoise. Il faut le dire. Le considérant ne le dit pas. Il dit simplement que l'égalité entre les hommes et les femmes est une condition pour la liberté, la justice et la paix, ce avec quoi on est d'accord, mais ça ne fait pas de l'égalité entre les hommes et les femmes une valeur fondamentale. Il faut le dire quelque part dans un article, et le meilleur endroit c'est 49.2, mais pas tel que rédigé actuellement. Il faudrait qu'on dise très clairement que l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale dont on doit tenir compte pour interpréter la loi et pour l'appliquer.

M. L'Écuyer: M. Laberge, j'aurais aussi une question. Vous connaissez l'article 28 de la Charte canadienne. Et, si effectivement l'article 49.2 ajoutait à son libellé «indépendamment des autres dispositions de la présente charte», est-ce que vous croyez que ça atteindrait les objectifs que vous souhaitez?

n(12 h 30)n

M. Laberge (Henri): Vous me demandez si...

M. L'Écuyer: Si, au niveau de la formulation de l'article 49.2, on ajoutait le même libellé qu'à 28 de la Charte canadienne, c'est-à-dire «indépendamment des autres dispositions de la présente charte», alors, ce que je vous dis: Est-ce qu'effectivement ça pourrait satisfaire votre demande intellectuelle?

M. Laberge (Henri): Non. Non, pas du tout. Ça ne nous satisferait pas du tout.

M. L'Écuyer: Et pourquoi?

M. Laberge (Henri): Nous, on aime mieux utiliser l'article 28 de la Charte canadienne, qui dit... non, l'article 27: «Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel...» Nous, on pense que ce n'est pas cette valeur fondamentale là qui doit primer. L'égalité entre les hommes et les femmes devrait primer mais avec une formulation s'inspirant de l'article 27 de la Charte canadienne, alors...

M. L'Écuyer: Je fais allusion à l'article 28.

M. Laberge (Henri): Oui, je sais que vous me parlez de 28, mais l'article 28 ne nous apparaît pas suffisant. Même s'il y avait les mots «indépendamment», là, il ne nous apparaît pas suffisant pour assurer vraiment à l'égalité entre les hommes et les femmes la portée d'une valeur fondamentale.

M. L'Écuyer: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Merci, M. le Président. M. Laberge, votre groupe, permettez-moi d'abord de vous souhaiter la bienvenue au nom de notre formation politique. Vous nous avez dit que l'article 49.2, «ce n'est rien de bien nouveau et de bien méchant. C'est inoffensif mais vain. Comment pourrait-on raisonnablement prétendre que cette garantie n'existe pas déjà?» Dois-je comprendre que vous partagez l'opinion de la Commission des droits de la personne dans sa conclusion, où la commission écrit: «La commission estime que ces modifications n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité»?

M. Laberge (Henri): Je n'ai pas étudié le mémoire de la commission, mais la citation que vous me dites, on est tout à fait d'accord avec ça, ça ne modifie pas le droit, puis ça ne renforce même pas, à moins que... C'est-à-dire que, si on interprète de façon littérale l'article 49.2 tel qu'il est là, ça n'ajoute rien, mais il y a quand même un danger. Le danger, c'est que les tribunaux se disent: Le législateur n'est pas censé parler pour rien dire, donc, quand il se répète, ça doit vouloir dire quelque chose. Mais, à ce moment-là, on donne aux tribunaux le pouvoir de donner une interprétation au fait que le législateur a bégayé, alors que c'est le rôle du législateur et non pas le rôle des tribunaux que de déterminer quelles sont les valeurs fondamentales qui doivent servir à interpréter les lois. Alors, c'est un danger auquel il faut penser. Mais, à première vue, si on interprète littéralement la formulation «les droits et libertés qui sont mentionnés dans la présente charte s'appliquent à la fois aux hommes et aux femmes», c'est déjà le cas. Alors, le seul problème, c'est celui que les tribunaux pourraient intervenir en disant: Si le législateur a bégayé, ça devait être parce qu'il voulait dire quelque chose.

M. Cloutier: Vous proposez de modifier la clause actuelle pour la rendre... en fait, donner une obligation plus stricte, je dirais, aux tribunaux en indiquant clairement que «toute interprétation de la charte...» Vous êtes le deuxième groupe à nous faire cette suggestion. Maintenant, vous êtes le premier à vouloir élargir sur la primauté de la langue française et la laïcité des institutions publiques. Tout à l'heure, le député d'Orford a probablement mis en relief l'élément le plus problématique, mais toutefois, sur la primauté de la langue française et la laïcité des institutions publiques, il m'apparaît qu'il s'agit là de deux éléments sur lesquels le consensus serait plus facile à obtenir. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Laberge (Henri): Vous me dites qu'il est plus facile d'obtenir un consensus sur les deux autres éléments que sur le premier?

M. Cloutier: Bien, en fait, il me semble qu'il serait plus facile d'obtenir un consensus sur les deux éléments, la primauté de la langue française, la laïcité des institutions publiques. Mais ma question était surtout sur la proposition de modification que vous suggérez pour modifier le libellé actuel pour y inclure plutôt «toute interprétation», donc le début du libellé. Quelles en seraient, selon vous, les conséquences de cette modification?

M. Laberge (Henri): Bon, bien, ça obligerait les tribunaux à en tenir compte quand ils interprètent la loi, tandis que, là, actuellement, la formulation, telle qu'elle est, n'oblige pas les tribunaux à tenir compte de l'égalité des hommes et des femmes. Il se peut que les tribunaux se servent de ça pour dire: Puisque le législateur l'a répété une autre fois dans d'autres mots, ça doit vouloir dire qu'il veut qu'on donne une priorité. Mais ça, c'est l'interprétation que les tribunaux donneront, ce n'est pas une interprétation littérale. L'interprétation littérale, c'est de la répétition. Alors, nous, nous préférons que ce soit le législateur qui dise clairement ce qu'il veut, plutôt que de laisser aux tribunaux le soin d'interpréter le fait qu'on a répété deux fois la même chose puis que ça doit vouloir dire telle chose.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Mercier.

M. Turp: M. Laberge, merci d'être là. Je vais vouloir évoquer la question du lien entre l'égalité hommes-femmes et la laïcité des institutions, parce qu'il y a un lien qui peut être fait. Mais là ça fait quand même deux jours et demi que nous sommes réunis, il se dessine une ou deux alternatives dans la façon de présenter une clause comme celle que le gouvernement souhaite adopter. Alors, il y a ce que d'ailleurs le Conseil du statut de la femme décrivait, à mon avis justement, comme une clause de sûreté, moi, pendant les travaux, au début, j'ai parlé d'une clause de garantie, parce que le libellé actuel de 49.2 n'est pas le libellé d'une clause d'interprétation.

Ce que vous proposez, c'est une clause d'interprétation, ce que le Conseil du statut de la femme proposait, à la fin de son mémoire, c'est une clause d'interprétation, «toute interprétation», comme les articles des dispositions spéciales interprétatives actuels de la charte. Alors donc, il y a la possibilité de choisir cette option de la clause d'interprétation de façon plus explicite.

Il y a l'idée, qui est dans le projet actuel, d'une clause de sûreté ou une clause de garantie qui pourrait avoir des effets de renforcement, qui pourrait être utilisée par un tribunal et qui pourrait être utilisée d'office par un tribunal. Alors, c'est ça, le jeu qui pourrait être celui d'un tribunal appelé à examiner d'office 49.2 s'il devait être adopté ou si on plaidait sur la base de 49.2. Et il y a l'autre option qui a été évoquée aussi tout à l'heure par une référence au pacte sur les droits civils et politiques, d'une clause qui se situerait au début d'une loi et qui dirait que ces dispositions s'appliquent également aux hommes et aux femmes, qui serait de nature plus substantive.

Moi, je comprends que vous voulez que ce soit une clause d'interprétation et que vous souhaiteriez qu'elle ait une portée plus vaste. Et vous ajoutez deux autres valeurs fondamentales, la laïcité et la prédominance... ou en tout cas quelque chose qui concerne la langue française.

Alors, j'ai donc deux questions: Pourquoi est-ce que vous croyez qu'on devrait saisir l'occasion qui nous est donnée d'ajouter d'autres valeurs dans une clause d'interprétation? Et, deuxièmement, peut-être que vous pourriez nous illustrer le lien entre l'égalité hommes-femmes et la laïcité parce qu'il me semble qu'il y a un lien entre ces deux choses. Et donc, votre présence ici peut être utile lorsqu'on débat même de la question de l'égalité hommes-femmes.

n(12 h 40)n

M. Laberge (Henri): Oui. D'ailleurs, le Conseil du statut de la femme, dans son premier avis sur la nécessité d'une clause interprétative en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, mentionne des contradictions entre certains droits, et c'est toujours la liberté religieuse qui est le plus problématique par rapport à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Nous, on dit: La liberté religieuse, quand il s'agit de la liberté de croire ou de ne pas croire, ça, c'est une liberté absolue qui ne doit pas avoir de limite. La liberté de choisir ses croyances et la liberté de ne pas en avoir, ça, ça fait partie de la liberté fondamentale. Mais, quand il s'agit de l'expression de ses convictions internes, intimes, à ce moment-là, il doit y avoir des limites. Et une des limites, ça pourrait être justement la laïcité de l'État, la laïcité de toutes les institutions publiques, et ça enlèverait une des contradictions entre la prétendue liberté religieuse qui actuellement tend à être interprétée comme un droit absolu et qui pourrait entrer en contradiction avec l'égalité entre les hommes et les femmes. Alors, il faut que la liberté de religion soit considérée comme absolue quand il s'agit des croyances. Mais, quand il s'agit des actes et des manifestations, bien la liberté de religion est soumise à la loi comme la liberté d'opinion. Quelqu'un ne peut pas dire: Parce que j'ai une opinion différente, je demande à être dispensé des lois qui s'appliquent d'une façon générale. Je ne sais pas si j'ai répondu, hein?

M. Turp: Oui. Je pense que ça donne une partie de la réponse. Mais en tout cas il y a une partie de la réponse au débat sur le lien entre la laïcité et l'égalité hommes-femmes et donnée dans l'avis du Conseil du statut de la femme lui-même, parce que l'avis, à la page 100, nous parle des situations des accommodements pour motif religieux... ne devraient pas être consentis parce qu'ils compromettraient le droit à l'égalité. Et on se rend bien compte que, si la valeur de la laïcité devait être incorporée dans une clause d'interprétation, cette valeur pourrait permettre à un juge justement de mieux mettre en oeuvre le principe de l'égalité hommes-femmes, parce qu'il dirait: Parce que nos institutions sont laïques, ces institutions et les personnes qui les servent ne peuvent pas avoir des comportements qui compromettent l'égalité des personnes à qui on rend des services.

Alors, Mme la ministre, ce n'est pas tout à fait incompatible, l'idée, même dans le contexte de l'égalité hommes-femmes, qu'on puisse envisager d'examiner l'opportunité d'inclure une valeur de laïcité dans la clause de sûreté et de garantie ou la clause d'interprétation. Le débat devient comme le député d'Orford l'a évoqué, c'est que la laïcité va bien au-delà de l'égalité hommes-femmes, elle a une portée beaucoup plus grande au plan des institutions, au plan de certains autres droits, et là, on a confiné le débat, ici, à la question de l'égalité hommes-femmes. Mais il y a un lien évident entre ce que vous souhaiteriez avoir dans notre charte et la question de l'égalité hommes-femmes, parce que, reconnaître la laïcité des institutions, moi, j'aurais tendance...

En tout cas, nous, dans notre projet de modification de la charte et le projet de constitution québécoise, on a plutôt parlé de la laïcité des institutions, parce que la neutralité de l'État, à la lumière des convictions métaphysiques, ça nous amène dans des débats qu'a soulevés le député d'Orford. Et on aura, quand on fera ce débat, un jour, je le pense, des créationnistes, là, ici, devant nous, qui nous diront pourquoi ils sont bien contents d'une disposition comme celle-là et quels effets elle pourrait avoir et dont ils bénéficieraient.

Mais, moi, je ne sais pas, j'aurais tendance à vous encourager à continuer de plaider pour l'inclusion dans la charte d'une valeur de laïcité et je crois qu'à terme, peut-être après les travaux de la commission Bouchard-Taylor, ce sera un débat qu'on devra faire. Mais, nous, on pense qu'une clause comme celle que propose le parti gouvernemental, le parti ministériel, devrait comporter une référence à la laïcité parce que c'est une valeur importante qui devrait être enchâssée dans nos lois fondamentales.

Le Président (M. Kelley): Un commentaire, M. Laberge?

M. Laberge (Henri): Oui. Nous sommes d'accord avec l'essentiel, sauf évidemment le clin d'oeil qui est fait au député d'Orford comme quoi le créationnisme serait une conviction métaphysique. Je pense que, là, pour nous, c'est très clair que la théorie de l'évolution est fondée scientifiquement et qu'elle doit être enseignée dans les écoles.

M. Reid: ...

Le Président (M. Kelley): 30 secondes.

M. Reid: C'est un malentendu. Je suis un scientifique de formation et j'ai dit et je redis: La théorie de l'évolution, c'est de la science, c'est ce que la connaissance sait. Le reste, c'est métaphysique. Il ne faut pas donner d'ouverture et de munitions à ceux qui voudraient faire en sorte que cette théorie-là soit vue et perçue comme une notion métaphysique ou du moins une croyance, ce n'est pas du tout le cas.

M. Laberge (Henri): Je pense que j'ai bien compris. Et je vous félicite de vous intéresser à cette formulation, ça me laisse penser que l'Assemblée nationale va vouloir éventuellement étudier ce que pourrait être une charte de la laïcité. Et puis, avec les bonifications que vous suggérerez, nous serons probablement d'accord. Mais, pour le moment...

Le Président (M. Kelley): Il nous reste...

M. Laberge (Henri): ...pour le moment, je serais très intéressé à ce que l'Assemblée nationale inclue les valeurs fondamentales, au moins les trois principales, celles qui sont mentionnées par le Conseil du statut de la femme et mentionnées aussi par le décret gouvernemental qui a créé la commission Bouchard-Taylor, alors que ces trois valeurs fondamentales soient incluses dans la clause interprétative que nous proposons. Mais il est aussi très important qu'on commence l'article en disant: «Toute interprétation de la présente charte...» Ça, ça nous apparaît important.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Laberge, merci beaucoup pour votre présentation qui va alimenter notre réflexion. 30 secondes...

M. Couture (Réjean): ...tout à l'heure, vous avez parlé du groupe qui accompagnait M. Laberge. Alors, ce sont tous ses parents qui sont venus voir M. Laberge aujourd'hui parce que c'est son anniversaire.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Bon anniversaire, M. Laberge. Et, sur ça, je vais ajourner nos travaux à mardi le 19 février, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci beaucoup aux membres de la commission.

(Fin de la séance à 12 h 47)


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