(Neuf heures cinquante-cinq minutes)
Le Président (M. Kelley): Alors, si tout le monde est prêt, je constate le quorum des membres de la Commission des affaires sociales. Alors, je déclare la séance ouverte.
Alors, je rappelle le mandat de la commission. L'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale et les audiences publiques sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme L'Écuyer (Pontiac) remplace M. Sklavounos (Laurier-Dorion); Mme Leblanc (Deux-Montagnes) remplace M. Caire (La Peltrie); M. Benjamin (Berthier) remplace M. Laporte (L'Assomption); M. L'Écuyer (Saint-Hyacinthe) remplace M. Roy (Montmagny-L'Islet); Mme Dionne-Marsolais (Rosemont) remplace M. Bergeron (Verchères); Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) remplace M. Drainville (Marie-Victorin); et M. Turp (Mercier) remplace Mme Lapointe (Crémazie).
Auditions (suite)
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Pour faire changement, ce matin, il neige à Québec. Alors, notre premier témoin, j'ai compris, a fait toute une expérience pour se rendre ici. Alors, merci beaucoup de prendre l'autobus dans la neige, ce matin, pour venir ici témoigner. Je pense que c'est un bel exemple de la participation des citoyens dans notre réflexion.
Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme Joseph. Vous avez un temps de parole d'une quinzaine de minutes. Après ça, on va faire un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Voix sans frontières (VSF)
Mme Joseph (Kerline): Bonjour. Mon nom est... Est-ce que vous m'entendez? Vous m'entendez? Oui. Mon nom est Kerline Joseph. Je vais être brève puisque, je sais, de toute façon, avec la tempête de neige, j'ai perdu un peu de temps.
Le Président (M. Kelley): ...prendre votre temps.
Mme Joseph (Kerline): Je représente ici l'organisme Voix sans frontières, qui oeuvre pour la promotion et la protection des droits des femmes partout où le besoin se fait sentir, sans restriction géographique. C'est un jeune organisme, mis sur pied par des personnes ayant à coeur le bien-être des femmes et des enfants, et, depuis sa mise sur pied, il n'a pas cessé de s'impliquer et de prendre position lorsque les enjeux sont importants ou susceptibles d'avoir des impacts sur l'évolution des femmes d'ici et d'ailleurs.
Voix sans frontières remplit sa mission grâce à l'engagement de divers bénévoles et, malgré le peu de ressources dont il dispose, il collabore avec plusieurs organismes et il se fait un plaisir de partager ses connaissances et ses outils pour l'amélioration de la condition féminine là où cela est nécessaire. De ses multiples actions, Voix sans frontières vise l'autonomie des femmes au niveau social, économique et politique.
Ainsi, nous avons trouvé important de nous prononcer sur le projet de loi n° 63 ici visant à rendre explicite le droit à l'égalité entre les deux sexes dans la charte québécoise. Comme vous le savez, le droit à l'égalité entre les deux sexes fait incontestablement partie des valeurs fondamentales québécoises. Alors, on se demande qu'est-ce qui nous empêche de le mentionner explicitement dans notre charte, qu'est-ce qui nous empêche de rendre la loi explicite dans le but d'affirmer et de garantir le droit à l'égalité entre les deux sexes.
Lorsqu'on observe autour de nous, que ce soit ici, au Canada, ou ailleurs, il nous est permis de constater que la condition des femmes dans le monde entier demeure un sujet actuel et préoccupant. Aujourd'hui encore, elles expérimentent de la discrimination multiforme et sont objets de pratiques traditionnelles néfastes pour leur santé physique et mentale. Des filles, des femmes sont notamment brûlées, en Inde, par leur famille, en lien à des soi-disant commandes de la religion. Elles sont excisées et mutilées en Afrique, lapidées et tuées, dans certains endroits, pour avoir omis de porter des voiles ou tout simplement avoir eu des comportements considérés en marge des valeurs sociétales, et ce, pour les mêmes raisons. Un peu partout, les droits fondamentaux de celles-ci sont bafoués par la montée des intégristes religieux. Or, à l'époque contemporaine, nous le savons, il ne peut plus être permis que l'histoire, la religion et la tradition puissent être des excuses pour perpétuer de graves injustices contre les femmes.
Comme vous le savez, à l'instar de la plupart des défenseurs des droits de l'homme, je me suis longtemps posé des questions face à la réalité des femmes. Je ne pouvais pas comprendre les injustices et inégalités sociales que ces dernières expérimentaient. À ce moment, lorsque j'ai débuté, dans les années quatre-vingt-dix, j'étais un peu plus jeune ? certains diraient un peu plus naïve ? je voulais dénoncer haut et fort, je voulais agir, agir avec vivacité pour tout changer tout d'un coup, mais ce n'était pas évident. À travers mes discours transparaissaient mon indignation, et des fois ma colère, et ensuite mon impuissance. Je me sentais impuissante, car j'avais l'impression que les hommes et les femmes concernés étaient bornés dans leur perception et ne comptaient point modifier leur réalité. J'étais indignée contre les femmes qui semblaient se complaire dans cette réalité injuste. J'étais en colère contre l'État, le gouvernement, les autorités, qui semblaient fermer les yeux sur cette réalité en cautionnant ces états de chose à travers des vides juridiques ou encore pour rendre certaines coutumes dégradantes dans des lois internes de leur pays. Loin d'être condescendante ? je ne voudrais pas que ce soit vu ainsi ? la présence de ces sentiments mitigés ne m'ont pas empêchée de continuer à oeuvrer en collaboration avec des organismes prônant la promotion et la protection des droits des femmes.
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(10 heures)
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Toutefois, dans notre travail quotidien, nous devons conjuguer avec le doute assaillant, et c'est tout à fait normal. Le travail pour la promotion et la protection des droits des femmes peut paraître colossal, très grand et nous amener à nous questionner à l'occasion sur la pertinence de notre implication dans cette cause, à nous demander si les femmes que nous considérons en train de vivre des inégalités et des injustices sociales se sentent, elles, malheureuses.
D'ailleurs, cette question m'avait été posée plusieurs fois, et encore dernièrement, lors du lancement de mon dernier livre, Vers la construction de la liberté, ça m'avait été posé par une journaliste. Qu'est-ce qu'on répond à cette question? Elle devient encore plus pertinente lorsque les femmes revendiquent publiquement le droit de continuer dans le statu quo et vont jusqu'à marginaliser leurs congénères qui osent aller à l'encontre de certaines coutumes suffocantes. Quelle réaction faut-il avoir lorsqu'une jeune femme aspirant au poste de gardienne de prison refuse de se départir de son hidjab de façon temporaire, même lorsque sa sécurité est en jeu, en évoquant: Ce voile fait partie de moi, je ne l'enlèverai pas? Après avoir lu le journal, après avoir écouté la télévision suite à cet événement, je me suis permise de faire une introspection, de me poser la question: Est-ce que c'est nous finalement qui avons une vision erronée de cette réalité, qui voyons des femmes vivant à l'intérieur de valeurs suffocantes, alors qu'elles, elles sont très, très bien dans leur vie, dans leur réalité?
Cette remise en question personnelle m'a toutefois aidée à comprendre que cette jeune femme surtout et beaucoup d'autres entretiennent des analyses en lien avec leur réalité quotidienne, celle qu'elles considèrent être la normalité. Ça amène à avoir à peu près ce qu'on appelle lorsqu'on touche la théorie de la construction sociale, cette théorie qui explique que, notre réalité, c'est nous en tant qu'êtres humains qui avons créé notre propre réalité.
Il me vient à l'esprit, à ce moment, la métaphore d'une auteure, Sarah Longwe. Selon elle, lorsqu'on a toujours vécu dans une cage et qu'on ne connaît que cette cage, on finit par croire que cette cage, c'est la normalité, la réalité. L'être humain construit son monde et le voit en tant que la réalité objective. C'est ici que les femmes sont cantonnées dans certains rôles discriminatoires. Je ne veux encore pas qu'on me voie en tant qu'une personne condescendante qui se permette d'analyser certaines femmes, mais toutefois il faut se poser la question: Comment modifier cette notion de normalité dans les esprits des femmes et des hommes concernés? Comment procéder à un travail de déconstruction sociale?
Probablement, certains d'entre vous se rappellent qu'anciennement au Québec la religion gérait toutes les sphères de vie des individus, qui devenaient de simples exécutants. On ne se posait pas de question, il fallait tout simplement respecter les règles dictées par la religion sous peine d'être sanctionné ou d'être ostracisé. Cela me fait penser à une conversation que j'ai souvent avec une amie dans la soixantaine, Québécoise, on dit, de souche, une dénommée Yvonne, elle me répète souvent: Kerline, heureusement que tu n'as pas vécu durant mon temps, parce qu'à cette période, nous, les femmes, au Québec, on avait appris à être polies, jolies et soumises. Elles se sentaient coupables de désirer autre chose et ne se donnaient pas la permission de se frustrer contre la réalité injuste. Même dans les années quatre-vingt, lorsque cette dénommée Yvonne a voulu divorcer alors qu'elle en avait le droit, elle ne se le permettait pas. Pourquoi? Elle n'osait pas le faire, car elle avait une peur mentale qui la tourmentait: la peur de finir en enfer si jamais elle posait cet acte qui avait longtemps été considéré interdit, maudit. Vous voyez le travail de déconstruction sociale qu'il faut faire.
Comment procéder afin que notre travail en tant que défenseurs des droits puisse donner lieu à des résultats effectifs et viables? Il ne suffit pas d'agir, les efforts entrepris doivent également porter fruit à court, moyen et à long terme. Mais pouvons-nous tout simplement refuser d'intervenir? Lorsque, dans notre société de démocratie, ces injustices et inégalités surgissent et cherchent à se répéter, devons-nous tout simplement fermer les yeux et espérer que le ciel ne nous tombera pas sur la tête?
Heureusement ou malheureusement, nous faisons face actuellement au phénomène de la mondialisation qui nous demande d'être constamment alertes. Nous devons nous rappeler que l'individu est un véhicule sûr de traditions, de religion, d'éducation, bref de la culture. Donc, où que nous soyons, certaines pratiques s'exportent et nous rattrapent peu importe la forme qu'elles prennent. En se déplaçant ailleurs, nous le faisons avec nos valeurs, nos expériences, desquelles il n'est pas toujours facile de se défaire.
Comme vous avez pu le voir, plusieurs cas en lien à des pratiques religieuses ont défrayé les manchettes au Québec et au Canada, notamment ceux de jeunes filles et femmes qui sont forcées de demeurer esclaves d'un fardeau religieux, d'arborer des signes distinctifs, de se plier à des principes par peur d'être marginalisées ou rejetées dans leur propre communauté. Sans embarquer dans le cas du meurtre d'Aqsa Parvez qui est survenu le 6 janvier 2008, qui a créé la consternation, mais pourtant c'est arrivé ici, au Québec, encore, à la fin de 2007, ici, au Québec, et non à l'étranger.
On pouvait lire, sur un site Internet dont je ne citerai pas le nom, le site d'un centre communautaire, que les filles qui ne se voilent pas se mettaient en danger de se faire violer ici, au Québec. Moi, je ne suis pas voilée, mais pourtant je n'ai jamais été violée, en tout cas ça ne m'est jamais arrivé, et j'espère que ça ne m'arrivera jamais. Et c'était écrit également sur ce site que le non-port du voile pourrait entraîner des cas de divorce, d'adultère, de viol, d'enfants hors mariage et que celle qui enlève son voile verrait sa foi détruite et sera punie en enfer. On peut faire encore le lien avec ce qu'on vivait avant, ce que cette Yvonne vivait... Quatre minutes? Bien sûr, je vais finir.
Nous avons réalisé beaucoup, beaucoup de progrès depuis 1960, mais ces progrès, il faut les consolider. Le Québec doit être proactif. Nous ne devons plus nous taire devant des discours intégristes ou n'importe quelle tentative d'introduction de pratiques dégradantes à l'endroit des femmes. Il nous faut affirmer nos valeurs fondamentales et inclusives pour mieux vivre la pluralité. Rien ni personne, aucune peur, aucun compromis ne devra faire reculer le Québec sur la question du droit explicite à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Auparavant, on se permettait de regarder la télévision avec nos chips, en disant: Regardez, mon Dieu!, ce qui se passe à l'extérieur du Québec. Wo! On est en train de brûler une femme en Inde. Aujourd'hui, ce que nous regardons dans notre salon avec des chips est directement à l'intérieur de notre salon. Nous ne sommes maintenant plus des observateurs, nous faisons partie de ce monde maintenant. Qu'allons-nous faire? Allons-nous continuer à manger nos chips et ne plus réagir ou simplement nous assurer que ce qui se passe ici s'arrête ici et qu'il y a une fin pour tout? Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On est prêts maintenant à passer à la période d'échange avec les membres de la commission. Je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, Mme Joseph. Je pense que je vous aurais écoutée toute la journée, c'était absolument passionnant, ce que vous venez de nous dire, c'est très profond, c'est très philosophique. Votre nom de famille me touche beaucoup parce que je marraine une petite fille qui s'appelle Berline Joseph. Alors, je suis bien contente de voir votre nom de famille et participer surtout à cette commission parlementaire qui traite de notre projet de loi n° 63 sur l'égalité entre les femmes et les hommes et le fait de l'inscrire noir sur blanc dans le préambule de la charte. Je pense que ce que vous venez de nous dire ce matin, lorsqu'on retient certaines phrases, quand vous parlez de consolider les progrès, quand vous dites: Il nous faut affirmer nos valeurs fondamentales, vous n'avez pas parlé spécifiquement de ce projet de loi là, mais je pense que je peux comprendre que vous êtes tout à fait en accord avec la démarche qui est faite présentement.
Mme Joseph (Kerline): ...comme j'ai dit, qu'est-ce qui nous empêche de l'inclure explicitement dans notre charte? Il n'y a rien qui nous empêche. On le sait, ça fait partie des valeurs fondamentales mêmes québécoises.
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(10 h 10)
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Mme St-Pierre: Est-ce que vous pensez que c'est une nécessité aujourd'hui, avec les progrès qui ont été faits, de l'inscrire maintenant? Est-ce que c'est une démarche qui est logique, autrement dit, si on regarde tout ce qui a été fait au cours des ans pour l'avancement de l'égalité entre les hommes et les femmes?
Mme Joseph (Kerline): Oui. C'est une démarche non seulement logique, mais nécessaire, nécessaire pour empêcher toute interprétation ambiguë, que ce soit aujourd'hui ou dans le futur, toute interprétation ambiguë au niveau du droit à l'égalité des femmes que ce soit pour nous, nos filles, les autres enfants, que ce soit pour des Québécoises de souche, ou des Québécoises comme moi, ou des filles, ou des femmes qui décident bon gré mal gré de venir évoluer ici mais qu'elles doivent savoir que ce droit à l'égalité existe et que c'est explicite. «That's it.»Mme St-Pierre: Dans votre mémoire, vous dites, à la page 8: «L'oubli du passé, de la longue lutte que les femmes ont dû mener au Québec est susceptible d'entraîner du laxisme, un statu quo, voire un recul. Si la condition féminine a évolué avec les années au Québec, il n'est pas question de la voir régresser. Des législations adéquates et une application effective des lois contribueront à diminuer, voire éradiquer l'inégalité à l'endroit des femmes évoluant au Québec. La vigilance est de mise.» À votre avis, est-ce que le rôle des parlementaires dans l'adoption de lois pour faire avancer les droits socioéconomiques des femmes est davantage nécessaire que de confier ce rôle-là à des tribunaux?
Mme Joseph (Kerline): Écoutez, actuellement, c'est encore mieux de l'avoir à ce niveau-là parce qu'au niveau des tribunaux, lorsqu'il y a des balises claires, ça leur permet... ça les aide encore plus dans leur interprétation juridique. Qu'est-ce qui amène toutes sortes d'interprétations lorsqu'il n'y a pas de balises claires? Donc, à ce moment, qu'on le veuille ou non, au niveau des tribunaux, on leur donne encore une tâche beaucoup plus ardue, beaucoup plus lourde d'avoir à interpréter l'intention du législateur ou c'était quoi, l'intention, pourquoi il y a... plus ou moins on peut considérer un vide juridique.
Mme St-Pierre: Certains nous ont suggéré, dans la journée d'hier, de faire un grand chantier dans la Charte des droits et libertés pour faire encore plus de choses à leur avis. D'autres, dont Me Latour, qui est du Forum des femmes juristes est venue nous dire: Ce projet de loi, il est concis, il est clair, il vient régler une erreur historique, c'est-à-dire que ça aurait dû être inscrit dès le départ dans la charte. Êtes-vous d'avis qu'en agissant de cette manière-là c'est une façon efficace pour le législateur d'agir?
Mme Joseph (Kerline): Oui. Notre charte canadienne, là, c'est... pourtant la charte canadienne, à l'article 15, qui parle du droit à l'égalité mais encore utilise un autre article pour dire explicitement, pour mentionner explicitement le droit des femmes à l'égalité. Donc, qu'on le fasse, c'est encore mieux et c'est même pour rectifier, pour ne pas dire, comme vous l'avez dit, une erreur passée. C'est une erreur... Est-ce qu'on peut allier ça... qu'il y a un lien avec la peur ? je n'aime pas trop utiliser ce terme ? un peu de peur politique, de peur de comment les gens pourraient réagir si jamais... Mais, qu'on le veuille ou non, peu importe ce qu'on a à faire dans la vie, on a à faire face des fois à certaines confrontations, et c'est cette confrontation qui amène des changements, qui permet de sensibiliser le public. Parce que, là où il n'y a pas de confrontation, il n'y a pas de changement.
Mme St-Pierre: Vous utilisez le terme «déconstruction sociale». Ça fait penser un peu à déconditionnement ou se déconditionner. Il me semble qu'on pourrait parler de construction sociale avec cet amendement que nous proposons, plutôt que de déconstruction.
Mme Joseph (Kerline): Oui. C'est un travail... Mais il y a une chose qui est très importante. La loi en tant que telle... J'utilise souvent la loi en tant que balise claire qui dit qu'est-ce qu'il faut faire, et ça, c'est à peu près une des premières étapes. Et ensuite il y a tout le travail de sensibilisation qui encore est au niveau de la déconstruction sociale encore plus. La loi, c'est à peu près le début d'une déconstruction sociale, mais ce n'est pas tout à fait la seule chose à faire.
Mme St-Pierre: Du côté des communautés culturelles, est-ce que vous êtes en mesure de nous expliquer comment ce projet de loi n° 63 est reçu?
Mme Joseph (Kerline): Vous savez, c'est comme au niveau des journalistes, comme à peu près dans la société en général, les gens, lorsque plus ou moins ils ne comprennent pas l'enjeu de quelque chose, certaines personnes vont dire: Ça a de l'allure, d'autres vont dire: Pourquoi faire des changements, parce qu'on ne comprend pas encore? D'où la nécessité d'expliquer, d'où la nécessité de sensibiliser et de faire comprendre aux gens l'importance d'apporter ces changements.
Comment est-ce que c'est perçu? C'est sûr que certaines personnes vont dire: C'est une perte de temps, parce qu'elles ne comprennent pas l'enjeu. Et d'autres personnes vont comprendre, elles vont dire: Bravo pour ce geste. Mais il faut continuer à sensibiliser face... Parce que, même lorsque ça va être adopté, il faut maintenant expliquer, continuer à sensibiliser pour s'assurer de son intégration même, effective.
Mme St-Pierre: Mais est-ce que c'est un message qui... Sans que ce soit expliqué dans les médias, comme vous dites, mais est-ce que c'est un message qui passe dans les communautés? C'est-à-dire, il y a peut-être certaines communautés où les femmes n'osent pas trop faire valoir leur égalité. Est-ce qu'avec un message comme celui-là, qui fait consensus dans la société québécoise, elles vont se sentir réconfortées dans leur quête vers l'égalité?
Mme Joseph (Kerline): Vous savez, ça me fait encore penser à mon amie Yvonne qui disait qu'avant ? j'adore lui parler, d'ailleurs ? les gens ne se permettaient pas de se poser des questions ou ne se permettaient pas de poser des questions face à leur réalité. Mais certaines communautés actuellement, certaines femmes, dans certaines communautés, actuellement, ne se permettent pas de se poser des questions, elles vivent dans leur réalité. Est-ce que nous allons simplement continuer à les aider à vivre dans leur réalité ou à simplement leur faire des fois: Réveillez-vous!, ce travail de déconstruction sociale. Donc, si on doit attendre à ce que toutes les femmes soient en accord avec le projet de loi ou toutes les communautés soient en accord avec un projet de loi, alors nous allons attendre très, très longtemps.
Mme St-Pierre: L'idée de l'inscrire dans le préambule, est-ce que vous avez analysé cette façon... la façon dont nous avons décidé de le faire? Est-ce que vous considérez que c'est important de changer le préambule? Parce que ce sera la première fois que ce sera fait. Il y a eu beaucoup de changements dans la charte, au fil des ans, peut-être une dizaine, je pense, mais ce n'est jamais arrivé dans le préambule de la charte. Maintenant, écrire «l'égalité entre les hommes et les femmes», que ce soit inscrit noir sur blanc et que ce soit inscrit comme étant une valeur fondamentale, comment vous réagissez à ça, à cet endroit-là plus particulièrement?
Mme Joseph (Kerline): Vous savez, pour moi, l'important est que ce soit inscrit tout simplement dans la charte. Le préambule, ce n'est pas... bon, ça peut passer, bien sûr que c'est... mais ce n'est pas nécessaire. L'important est que ce soit inscrit dans la charte. Qu'on modifie le préambule, si c'est un travail beaucoup trop lourd... mais l'inscrire dans la charte, ça, c'est nécessaire.
Mme St-Pierre: Alors, pour moi, c'est terminé.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Ça met fin... S'il n'y a pas d'autres demandes à ma droite, je vais céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes. La parole est à vous, Mme la députée.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Eh bien, merci pour votre mémoire, Mme Joseph. Comme la ministre le disait, ce fut quand même... On voyait qu'il y avait beaucoup d'émotion à l'intérieur. Donc, écoutez, naturellement, vous êtes en accord avec le projet de loi n° 63. Est-ce qu'il aurait pu être fait autrement? Est-ce qu'il aurait pu être bonifié, selon vous, ou il répond quand même à...
Mme Joseph (Kerline): Bon, tout à fait. C'est clair, comme on dit, «short and sweet».
Mme Leblanc: D'accord. Puis vous estimez que la mondialisation des marchés peut faire en sorte qu'un individu porteur de sa culture propre exporte ses valeurs, ses coutumes et son histoire. Donc, de quelle manière le Québec peut-il rayonner sa culture pour mettre à l'avant-plan les valeurs fondamentales, dont, entre autres, là, vous savez, les valeurs non négociables, comme le droit justement à l'égalité, là, comme on en parle aujourd'hui? De quelle façon on pourrait articuler davantage ça?
Mme Joseph (Kerline): Vous savez, ce qui se passe actuellement ici n'est pas différent de ce qui se passe au niveau des accommodements raisonnables. Donc, j'imagine que ça va travailler ensemble. Le droit à l'égalité, oui, ça touche, ça nous touche tous, mais ça touche également beaucoup de femmes issues de plusieurs autres communautés. Donc, si on se dit... À partir d'ici, oui, on peut travailler avec certaines femmes, mais à partir de l'extérieur également, lorsque nous savons que des gens vont venir ici, nous assurer que les gens connaissent les valeurs fondamentales québécoises, ces valeurs-là.
Donc, en choisissant bon gré mal gré de venir s'installer ici ? parce que des fois on ne choisit pas nécessairement parce qu'on le veut, donc c'est pour ça que j'ai dit «bon gré mal gré de venir s'installer ici» ? on le choisit en étant conscient des valeurs fondamentales québécoises, en étant conscient que le droit à l'égalité entre les deux, entre les hommes et les femmes, ça, c'est non négociable au Québec, c'est non négociable, et de toute façon ce sera écrit noir sur blanc dans notre charte.
n(10 h 20)nMme Leblanc: Je trouve ça intéressant. Parce que c'était quand même mon autre question. Écoutez, sur ça, vous accordez beaucoup de droits aux femmes puis vous parlez beaucoup d'accommodements. On sait que ça fait le débat et, bon, on sait que la commission Bouchard-Taylor rendra son rapport prochainement. Est-ce qu'on aurait pu faire autrement aujourd'hui, vous savez, considérant que le rapport Bouchard-Taylor va être rendu incessamment?
Mme Joseph (Kerline): Pouvez-vous répéter votre question?
Mme Leblanc: Est-ce qu'on aurait pu faire autrement? Vous savez, est-ce qu'on n'aurait pas pu aller de façon plus large dans la démarche d'amender la charte? Est-ce que vous croyez que la commission Bouchard-Taylor pourrait amener à amender davantage la charte?
Mme Joseph (Kerline): Non. Parce qu'il ne faut pas non plus faire... Parce que la commission Taylor-Bouchard est en train de faire son travail, en train de faire des recommandations, et ces recommandations certainement vont être prises en compte, donc il ne faut pas faire un amalgame. Ce qui doit être fait ici doit être fait ici, et il ne faut pas le faire d'une façon large, de manière à ce que les gens se sentent désabusés ou que ça prenne trop de temps pour le faire.
La manière que vous l'avez fait, le changement clair, explicite qui doit être fait, c'était la meilleure façon de le faire, sans embarquer et faire un amalgame avec ce qui se fait actuellement avec la commission Taylor-Bouchard. Parce que de toute façon ce travail, la commission Taylor-Bouchard, a demandé beaucoup d'efforts, a demandé des consultations un peu partout, et donc les Québécois d'un peu partout ont parlé, se sont exprimés, donc on n'a pas besoin de refaire ce même travail, sinon on n'aurait pas payé Taylor-Bouchard pour le faire, n'est-ce pas?
Mme Leblanc: ...plusieurs nous ont dit jusqu'à maintenant que l'article 28 de la Charte canadienne a une portée limitée. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Joseph (Kerline): Portée limitée?
Mme Leblanc: Portée limitée, une portée limitée, oui.
Mme Joseph (Kerline): Portée limitée? Non. Là où je verrais, au niveau de l'article 28, c'est probablement la grande difficulté des femmes au niveau judiciaire parce que ça demande quand même, si jamais on doit se rendre là, ça demande quand même d'avoir un peu d'argent. Des femmes sur l'aide juridique ne vont pas commencer à se battre tout le temps pour leur égalité. Donc, ça peut demander quand même d'avoir un peu d'argent. Ou, qu'on le veuille ou non, l'interprétation peut toujours être là, mais quand même, avec cet article-là, on s'assure qu'il existe le droit à l'égalité des femmes.
On ne peut pas être parfait. À tous les jours, il y aura toujours d'autres choses qu'on va découvrir, et c'est ça, la loi, et c'est ça, le droit, ça change, ça change avec les changements de la société. Aujourd'hui, on a trouvé approprié que ce changement au niveau de la charte québécoise se fasse. Ce changement devait toujours se faire. Bien, aujourd'hui, on fait face à des réalités différentes qu'on avait voilà 10 ans. Probablement que les problèmes d'accommodements raisonnables existaient encore mais que c'était en état latent, et aujourd'hui on le vit. Donc, lorsque les moments vont arriver... On vit avec la réalité présente. On veut tout simplement s'assurer que les injustices ne se produisent pas. Mais comment? Et, à ce moment-là, on s'assoit et on essaie de prendre la meilleure décision. Donc, on ne peut pas régler d'un coup tous les problèmes.
Mme Leblanc: Vous avez bien raison. Écoutez, vous dites: Les acquis des femmes demeurent fragiles. Lesquels des acquis demeurent, selon vous, là, les plus fragiles aujourd'hui?
Mme Joseph (Kerline): Je trouve que c'est le droit à l'intégrité des femmes. Même ici, que ce soient Québécoises de souche ou pas, certaines vont vivre de la violence et n'en parlent pas, elles vont rester dans cette situation pendant longtemps. Donc, imaginez des femmes provenant de certaines communautés culturelles qui sont... qu'on le veuille ou non, malheureusement, ça ne se dit pas, mais, dans beaucoup de pays... et que même avant, en Afrique ? et j'imagine que c'était le cas avant ici, au Québec ? on réglait la longueur du bâton dont le mari pouvait se servir pour battre sa femme. Bon, c'est tellement «cute» d'avoir ça dans le code: Bien, ne la battez pas trop, mais battez-la juste un peu. Mais cette violence existe encore.
Mais ces femmes qui arrivent ici, qu'on le veuille ou non, ou ces hommes qui arrivent ici et qui ne savent pas ce droit à l'intégrité, ce droit à l'égalité entre les hommes et les femmes vont continuer à se taire. Donc, c'est très important parce que, qu'on le veuille ou non, les femmes provenant des communautés culturelles, il n'y a pas comme une division, les gens, ils font ça. Je suis née en Haïti, j'ai grandi à Jonquière, et je vis maintenant à Delson. Donc, tout se mélange, c'est tout un amalgame. Donc, nous ne pensons pas qu'on réagit tout simplement pour une communauté, nous réagissons pour nous tous. Donc, c'est tous qui sont touchés là-dedans.
Mme Leblanc: Mais c'est intéressant parce que, dans votre commentaire, vous dites: Lorsqu'ils arrivent ici... bon, leur intégrité. Vous semblez dire qu'ils continuent à ne pas savoir... Vous savez, ici, on a nos droits, tout ça. Comment vous expliquez ça? Parce que, vous savez, il y a quand même des programmes, il y a de l'insertion, tout ça. Comment vous expliquez le fait qu'on...
Mme Joseph (Kerline): J'étais en train d'écrire un article et, pour ce faire, j'ai rencontré une femme qui travaille à l'immigration au niveau de la Montérégie. Elle m'a posé une question, elle a dit: Mme Joseph, qu'est-ce qu'on fait lorsque la femme arrive ici, par exemple, avec son mari et qu'il y a tout le programme d'alphabétisation, et d'intégration, et tout le reste, mais que son mari l'empêche de participer à ça? Est-ce qu'on s'en va dans cette famille, on frappe à la porte, on tire la femme, bon, on vient la chercher? Mais ça existe encore ici, oui, ça existe toujours dans notre très cher Québec de justice et de démocratie.
Mme Leblanc: O.K. Merci. Je ne sais pas si mes collègues...
Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Une simple question, Mme Joseph. Mme Joseph, de toute façon, je vous félicite pour l'exposé que vous avez fait ce matin. Je trouve que c'est très transparent, c'est très rafraîchissant de vous entendre au niveau de cette question-là. Mais croyez-vous qu'avec l'amendement de la charte proposé par le projet de loi n° 63... Et je me réfère à la métaphore que vous avez alléguée au paragraphe 7. Croyez-vous qu'avec ce projet de loi là et avec l'amendement à la charte, égalité hommes-femmes, on va pouvoir permettre à cette jeune femme de pouvoir quitter cette normalité?
Mme Joseph (Kerline): Ce serait nous leurrer si on pense que l'amendement d'une loi peut tout simplement procéder à une déconstruction totale, une déconstruction sociale totale. On ne peut pas. Ça peut être simplement le début, un début qui est essentiel, mais il y a tout un travail de sensibilisation, parce que, oui, il faut leur dire que ça existe: Vous avez des droits. Il faut d'abord débuter par dire: Oui, ça existe, vous avez des droits, et les droits sont là, explicites. Mais maintenant il faut faire ce travail d'aller les chercher, ce travail de sensibiliser, ce travail de sensibiliser pas simplement les femmes, mais également les hommes, les enfants, ceux qui grandissent, et de dire qu'il y a autre façon de procéder. Et ce travail, il faut le faire. Ne pensez pas que vous allez voter une loi et vous allez dire: Bon, on a fini, on vient de tout changer ici, au Québec, c'est excellent. Non, vous avez encore du pain sur la planche, mais vous devez débuter avec ça.
M. L'Écuyer: En fait, cette approche d'informer, informer les citoyens du Québec au niveau de la charte québécoise pourrait être dans le fond donnée aux gens dès le bas âge, dès leur, en fait, arrivée au Québec.
Mme Joseph (Kerline): Et même avant leur arrivée. Vous savez, avant leur arrivée, ces gens rencontrent des agents d'immigration ou autres, rien ne vous empêche d'avoir un petit document dans lequel vous écrivez à peu près les valeurs. Il y a des choses qui peuvent se faire sans que ça coûte trop cher et que ça demande beaucoup de choses: les valeurs québécoises, un résumé de la charte, de ce qui est inclus et qui est essentiel au niveau de la charte québécoise, habituer les gens que: O.K., vous débarquez dans une société, une société nouvelle.
Vous savez que les gens, c'est au moment même qu'ils arrivent, au début, ils sont beaucoup plus ouverts au changement, beaucoup plus ouverts, parce qu'on est un peu perdu, hein? C'est comme moi. Si je débarque en Chine, au début, je suis un peu perdue. Je regarde un peu partout puis je vais suivre la mode. Mais, ne vous en faites pas, quand je vais commencer à m'habituer en Chine, après 10 ans, 15 ans, si on ne m'avait pas déjà moulée, maintenant c'est moi qui vais me mouler moi-même. Donc, c'est dès le début que ce travail doit se faire.
M. L'Écuyer: Merci, Mme Joseph.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je suis prêt à passer la parole maintenant à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bonjour. Vous avez fait le trajet ce matin, je vous trouve bien courageuse.
Mme Joseph (Kerline): ...les femmes.
n(10 h 30)nMme Harel: Bravo! Bravo! Travaillez-vous avec un organisme présentement?
Mme Joseph (Kerline): Avec Voix sans frontières.
Mme Harel: Avec Voix sans frontières. Voulez-vous nous en parler, de Voix sans frontières?
Mme Joseph (Kerline): Oui. C'est un jeune organisme, comme j'avais dit au début, qui travaille pour la promotion et la protection du droit des femmes. C'est un organisme qui n'a pas beaucoup de moyens, mais quand même qui utilise... qui a comme connaissance... ou outils à tous les niveaux, que ce soit pour donner des ateliers, que ce soit pour organiser des séminaires, donner de la formation, que ce soit pour la rédaction de mémoires ou la rédaction d'articles, rédaction d'un livre également sur les droits des femmes. C'est beaucoup plus... l'organisme Voix sans frontières travaille beaucoup plus avec des bénévoles bien sûr, ne pouvant pas se permettre de payer beaucoup d'employés donc, mais les bénévoles sont quand même là pour pouvoir s'assurer au niveau de l'implication de...
Mme Harel: Vous évoluez particulièrement dans la Montérégie, sur la Rive-Sud de Montréal?
Mme Joseph (Kerline): Non, on est basé en Montérégie, mais on travaille également que ce soit avec l'Afrique, actuellement on travaille en collaboration avec un organisme WAAW Foundation qui est basé au Texas, donc on travaille quand même avec des organismes qui demandent de l'aide, ou une jeune femme, par exemple, qui va demander de l'aide en France, qui veut avoir des informations, que ce soit sur les droits des femmes dans un autre pays, ou qui voudrait avoir de plus amples informations, nous faisons la recherche, bien sûr nous le faisons et nous partageons également.
Mme Harel: Écoutez, en vous entendant échanger avec Mme la ministre et avec Mme la députée de Deux-Montagnes, la question qui m'est venue à l'esprit est la suivante: Quels sont les programmes qui sont déficients, là, qu'il faut mettre en place pour rejoindre les femmes immigrantes? Je vais vous expliquer pourquoi cette question m'est venue.
Parce que vous disiez tantôt que ce projet de loi va permettre de dire aux femmes, particulièrement aux femmes d'origine immigrante, qu'il existe un droit à l'égalité des femmes. J'ai pris en note finalement votre déclaration. Cependant, ce droit existe depuis 1975, il existe, et la Commission des droits et libertés de la personne, qui était là où vous êtes maintenant, est venue hier nous dire et nous rappeler en fait, dans un mémoire qu'ils nous ont présenté, nous rappeler, et je les cite, que les modifications proposées «n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité», puisque ce droit à l'égalité existait déjà à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne depuis 1975. Mais ce que je conclus de l'inestimable contribution que vous faites à nos travaux ce matin, c'est que ce n'est pas su. Alors, c'est positif de le rappeler. C'est ce que fait le projet de loi n° 63. La Fédération des femmes du Québec, les porte-parole disaient hier: C'est positif mais insuffisant parce qu'on peut le rappeler à l'infini, mais ça peut ne pas changer la situation si rien d'autre n'est fait.
Alors, j'aimerais vous entendre sur cette question-là, comment rejoindre les femmes immigrantes, puisque, comme vous le mentionniez il y a quelques minutes, elles ne savent pas qu'il existe un droit à l'égalité des femmes et qu'il existe depuis plus que 30 ans maintenant. Alors, comment le faire?
Mme Joseph (Kerline): O.K. Elles ne le savent pas ou des fois elles n'accordent pas d'importance à ça, puisque, lorsqu'on arrive et qu'on vit dans notre propre réalité de ce qu'on considère normalité, on oublie des fois. Oui, c'est nécessaire qu'il faut se rappeler, qu'il faut se le rappeler très souvent et très longtemps. Probablement, même, avec ce projet de loi, il pourrait se faire un travail même conjoint avec ce qui pourrait se faire au niveau des recommandations Bouchard-Taylor parce que ça se touche quand même, lorsqu'on va toucher à peu près les femmes immigrantes, ça se touche quand même, pour ne pas faire plusieurs choses de deux côtés différents.
Est-ce que c'est un travail de sensibilisation qu'il faut débuter avant même que les femmes arrivent? C'est nécessaire avant même que les immigrants arrivent ici, avant même qu'ils embarquent ici, ce travail de sensibilisation doit débuter, que ce soit via des documents, via un document même explicite, dans lequel on l'explique. Mais, arrivés ici, également, il faut le leur rappeler, parce qu'un document on peut le prendre, on dit: Oui, oui, oui, on va le lire, on le flanque quelque part dans notre sac puis on ne le regarde jamais. Ce travail doit se faire ici.
On a ce qu'on appelle, au niveau de la francisation... Ce n'est pas tous les immigrants qui y vont puisqu'il y en a également qui parlent déjà français, mais quand même une grande partie y assistent. On peut inclure dans les textes à peu près... Qu'est-ce qui empêche un professeur qui donne des cours de francisation de choisir certains textes et, à travers ces textes-là, de donner des leçons de vie, des leçons de vie, de partager les valeurs québécoises? Il n'y a rien qui empêche de faire ça. On apprend le français, mais, par la même occasion, on apprend les valeurs fondamentales québécoises.
Mme Harel: C'est donc dire qu'il faut, en plus de réitérer ce droit à l'égalité qui existe déjà depuis 30 ans, il faut quelque chose de plus, si je comprends ce que vous nous dites. En fait, la Commission des droits et libertés de la personne disait la même chose hier en rappelant, et je les cite, que «la pauvreté est de loin la situation la plus corrosive pour l'exercice des droits, et particulièrement celui du droit à l'égalité», en rappelant que les femmes sont particulièrement touchées par des droits économiques et sociaux, en fait.
Et ça me ramène à votre mémoire, à la page 8, où vous nous parlez du fait que les femmes au Québec ont encore à se battre pour l'équité salariale. La semaine prochaine, nous aurons une commission parlementaire qui va débuter mardi prochain, à l'occasion justement du bilan du 10e anniversaire de la Loi sur l'équité salariale. On en connaît les effets positifs, surtout dans le secteur public et parapublic, puis on sait combien il est nécessaire de poursuivre, et en fait ce n'était qu'un début, et qu'il faut continuer la promotion de l'équité salariale dans le secteur privé. Alors, auriez-vous des recommandations à nous faire à ce sujet?
Mme Joseph (Kerline): Oui, des recommandations, il faut quand même... On sait qu'il y a eu beaucoup de choses qui avaient été faites dernièrement au niveau du secteur public. Ils ont essayé, avec certains changements pour... avec certains changements essayé d'égaliser certains salaires entre les hommes et les femmes, mais il faut continuer également au niveau du secteur privé. Pourquoi? Parce qu'à ce niveau-là, au niveau public, c'est beaucoup plus facile à analyser, c'est beaucoup plus facile à savoir, alors qu'au niveau privé on peut perdre certaines données. Donc, il faut être vigilant à ce niveau, il faut être alerte à ce niveau et s'assurer même, s'il le faut, que les gens au niveau privé, ils sachent que c'est très important de le faire, au risque d'avoir des sanctions.
Mme Harel: Écoutez, je comprends que ce que vous nous dites, c'est qu'il faut aller au-delà finalement de l'égalité formelle, juridique. J'en ai un exemple ici même dans le parlement. C'est quand même récent, la présence des femmes à l'Assemblée nationale. La première fois qu'il y en a eu plus qu'une qui a siégé en même temps, c'était en 1976 seulement. Alors, ça fait à peine, quoi, 32 ans. Il y avait eu auparavant Mme Claire Kirkland toute seule pendant 11 ans, ensuite Mme Bacon toute seule pendant trois ans, et la toute, toute première fois donc, c'est quand même très récent.
Et ce qu'on pensait être une évolution constante, on l'a vu avec la dernière élection, il y a eu une régression. On est passées de 40 à 33 députées, donc de 32 % à 26 %, donc à une diminution. Et, malgré tous les aspects formels, si vous voulez, s'il n'y a pas des gestes concrets qui sont posés en faveur de l'égalité, il n'y a rien qui peut la garantir. Alors, voilà, je pense que mon collègue, M. le Président, aurait également l'intention de poursuivre.
Le Président (M. Kelley): Il reste quatre minutes pour... Mme la députée de Rosemont, il reste quatre minutes.
Mme Dionne-Marsolais: Une petite question. Ça m'intéresse, votre groupe. On a tous la même question: Comment s'assurer que ces femmes immigrantes sachent que les conditions et les valeurs ici sont différentes? C'est peut-être... Vous avez parlé d'un travail de sensibilisation, les enfants par l'école, les hommes ça se fait par le travail, mais les femmes, elles ont souvent la langue qui est un handicap dans certains cas et leur isolement parce qu'elles sont à la maison. Et je parle dans un comté où j'accueille... nous avons beaucoup de femmes immigrantes. Et on les voit une fois par année dans des fêtes populaires. Vous avez dit: Avant leur arrivée, on pourrait leur donner certains documents. Je regardais votre groupe, Voix sans frontières, et vous avez dit que vous étiez associés avec un groupe américain, Voices Without Borders? C'est-u ça?
n(10 h 40)nMme Joseph (Kerline): Non, c'est WAAW Foundation.
Mme Dionne-Marsolais: C'est quoi...
Mme Joseph (Kerline): WAAW Foundation, c'est situé au Texas. C'est un...
Mme Dionne-Marsolais: Et qu'est-ce que c'est comme...
Mme Joseph (Kerline): C'est un jeune organisme...
Mme Dionne-Marsolais: Cet acronyme-là, c'est quoi? C'est Women... AAF, c'est quoi?
Mme Joseph (Kerline): Je l'ai toujours appelé de même.
Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Alors, quelle est la mission de cet organisme-là?
Mme Joseph (Kerline): À peu près la même mission que nous. C'est ainsi qu'on a pu collaborer, parce que c'est eux qui nous ont contactés à partir des États-Unis pour la promotion et la protection des droits des femmes mais un peu partout, que ce soit basé aux États-Unis, que ce soit aux États-Unis, mais ils travaillent beaucoup plus avec l'Afrique...
Mme Dionne-Marsolais: Avec l'Afrique.
Mme Joseph (Kerline): ...parce que cet organisme sait également que je travaille avec l'Afrique, et donc pour proposer des projets à faire au niveau de l'Afrique, comme des programmes de bourses bientôt, pour les filles, qu'on doit mettre sur pied pour s'assurer que certaines filles qui ont à peu près les moyens, le potentiel intellectuel de faire... d'avoir certaines bourses pour aller... mais également qu'on ne puisse pas simplement donner des bourses juste pour donner des bourses, mais suivre ces filles-là...
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça.
Mme Joseph (Kerline): ...suivre leur évolution, amener un changement à ce que ces filles prennent leur place, connaissent autre chose.
Mme Dionne-Marsolais: Vous avez combien de membres dans Voix sans frontières? C'est parce que vous avez parlé de membres, là.
Mme Joseph (Kerline): Oui. On a beaucoup plus de membres bénévoles. Comme j'ai dit au tout début, je ne sais pas si vous l'avez écouté, étant donné qu'on a peu de moyens, de ressources financières...
Mme Dionne-Marsolais: ...compris ça, là.
Mme Joseph (Kerline): ...on a beaucoup plus de membres bénévoles. Et les gens bien sûr, ça leur fait plaisir de contribuer, et de travailler, et de partager avec nous.
Mme Dionne-Marsolais: Mais quand même, même si elles sont bénévoles ou ils sont bénévoles, vous en avez combien? Est-ce qu'on peut connaître leur nombre?
Mme Joseph (Kerline): Sans compter tous les bénévoles qui sont de façon informelle, si on dit tout simplement les gens qui sont beaucoup plus là, ancrés là, avec qui on travaille, on dirait une dizaine, une quinzaine avec qui on travaille, vraiment ancrés. Sinon, c'est beaucoup plus large, les gens sur qui on peut compter si jamais il y a des activités.
Mme Dionne-Marsolais: Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Il ne reste pas de temps, malheureusement. Alors, il me reste que je dis merci beaucoup encore une fois pour votre présence ici, ce matin.
Mme Joseph (Kerline): Ça m'a fait plaisir.
Le Président (M. Kelley): Ce n'était pas facile mais, je pense, c'est un bel exemple des citoyennes qui viennent nous éclairer ici, devant la commission. Je vais suspendre quelques instants et je vais demander aux représentants du Conseil québécois des gais et lesbiennes de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 10 h 43)
(Reprise à 10 h 45)
Le Président (M. Kelley): Alors, on va reprendre nos travaux. Encore une fois, un autre groupe, des témoins qui arrive de Montréal dans une tempête de neige. Alors, je pense, c'est... Merci beaucoup pour votre dévouement, pour votre courage, ténacité de venir témoigner ici. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à M. Foster, qui est le président-directeur général du Conseil québécois des gais et lesbiennes. La parole est à vous, monsieur.
Conseil québécois des gais
et lesbiennes (CQGL)
M. Foster (Steve): Merci. M. le Président. Mme la ministre, MM., Mmes les députés, merci de nous recevoir aujourd'hui, en commission parlementaire. Fondé en 1992, le Conseil québécois des gais et lesbiennes assume le leadership dans la défense des droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles, transgenres au Québec. Vous me permettrez ici de préciser deux termes, au niveau de transsexuel et transgenre, pour être sûr que tout le monde comprenne ces deux mots, toujours définis par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Concernant le mot «transsexuel», on dit que c'est «une personne ayant changé de sexe ou en transition de changement de sexe, que cela soit par chirurgie ou prise d'hormones, et désirant vivre dans le sexe correspondant à cette transformation. Le changement de sexe est habituellement irréversible.» Concernant les personnes transgenres, nous disons d'elles que ce sont «une personne qui ne correspond pas aux normes de genre associées aux canons traditionnels de la masculinité ou de la féminité par son comportement ou sa tenue vestimentaire, ou dont les choix de vie ou les intérêts personnels ne se conforment pas aux modèles dominants de genre».
Le conseil agit à titre de porte-parole et d'interlocuteur privilégié auprès des instances décisionnelles, tant politiques que sociales, relativement à la qualité et aux conditions de vie des personnes LGBT et de leur communauté. Il fait la promotion des contributions individuelles et collectives de ces personnes à la société. Dans ses rapports avec ces différentes instances, le conseil privilégie une approche globale, fondée sur le respect et visant le bien commun. S'engager pour l'égalité sociale, c'est sur cet objectif que s'articulent les actions du CQGL, identifiant clairement son programme envers l'avenir de la communauté LGBT. Bien plus qu'un simple leitmotiv, c'est avant tout une vision qui permet au CQGL d'être résolument engagé dans la défense des droits et libertés de tous et de toutes.
L'égalité des femmes, un droit non négociable. Le CQGL participe à cette consultation générale pour affirmer sans équivoque que le principe d'égalité femmes et hommes est non négociable. Pour le CQGL, un tel principe fondamental doit faire partie des valeurs communes à toutes les Québécoises et à tous les Québécois. D'ailleurs, au cours des travaux de la récente Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, un nombre important d'intervenantes et d'intervenants ont signifié l'importance que ce principe soit davantage protégé, car, dans les faits, en 2008, cette valeur fondamentale ne se traduit toujours pas dans la vie quotidienne des femmes.
Ici, permettez-moi de citer un extrait du mémoire de la Fédération des femmes et de Relais-femmes Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes: «...l'égalité entre les sexes est loin d'être une réalité de fait, même au sein de la société québécoise qui est, de ce point de vue, certainement [...] les plus progressistes [...] il nous faut en effet constater que de nombreuses inégalités et obstacles subsistent toujours. De surcroît, les discriminations dont les femmes sont proportionnellement plus nombreuses à subir les conséquences se voient reconduites, voire renforcées lorsqu'interviennent ou se croisent d'autres facteurs de division et de hiérarchie, tels l'origine ethnique, l'appartenance à des communautés autochtones, l'âge, la condition socioéconomique, l'orientation sexuelle, la présence d'un handicap physique ou intellectuel.»
Si les femmes vivent les conséquences des iniquités femmes-hommes, pour les lesbiennes du Québec, ce problème est amplifié par l'hétérosexisme et la lesbophobie. Permettez-moi ici de préciser ces deux termes. On entend par hétérosexisme, l'affirmation que l'hétérosexualité est... comme norme sociale ou comme supérieure à toutes les autres orientations sexuelles. On parle de la lesbophobie en disant que c'est une «aversion ou une attitude négative envers le lesbianisme ou envers les lesbiennes ou ce qui leur est associé». En fait, l'analyse de l'impact de ces facteurs combinés sur la vie des lesbiennes laisse croire que les données relatives, par exemple, au niveau de la pauvreté, du revenu, à la violence conjugale, à la famille, à la santé sont similaires à celles que l'on retrouve chez les femmes en général.
n(10 h 50)n Aussi, à la lumière de ce constat et compte tenu de l'urgence d'agir, le CQGL croit qu'il est pertinent d'endosser la décision de la ministre de la Condition féminine de modifier le préambule de la charte afin d'établir sans équivoque la primauté du principe d'égalité femmes-hommes.
Mme Huot (Marie-Josée): L'identité de genre: en finir avec l'exclusion. Au-delà de l'égalité hommes-femmes, il existe toujours des hommes et des femmes qui sont mal ou peu protégés par la Charte des droits et libertés de la personne, car ils ne peuvent s'identifier en fonction de leur sexe de naissance. C'est le cas des personnes transsexuelles et transgenres. Cette absence de protection a pour conséquence de nuire à leur plein épanouissement. Si l'égalité entre les sexes est prévue par la charte, l'absence de discrimination fondée sur l'identité de genre n'y est pas et devrait l'être.
Il faut reconnaître que le ministère de la Justice, par l'entremise de l'État civil, a contribué à l'intégration sociale des personnes transsexuelles en facilitant le changement de prénom. Cela ne les protège pas en vertu de la charte. Il est encore difficile pour les personnes transsexuelles et transgenres de se prévaloir des différents services offerts à la population.
Pour pouvoir vivre pleinement, les personnes transsexuelles et transgenres doivent être protégées, soutenues par la charte. Il en va de leur bien-être et du maintien de leur bonne santé mentale et physique. En modifiant la charte, c'est leur accorder la reconnaissance d'être des citoyennes et des citoyens à part entière. C'est pourquoi le Conseil québécois des gais et lesbiennes recommande que l'identité de genre soit ajoutée à l'article 10 de la charte sur les motifs de discrimination interdite.
M. Foster (Steve): Le CQGL estime par ailleurs qu'il serait faux de croire que la modification au préambule de la charte afin d'inclure le principe d'égalité femmes-hommes peut à lui seul assurer l'application de ce principe dans les faits sans que des mécanismes soient mis en place. À ce chapitre, le conseil juge pertinent d'aborder brièvement d'autres droits qui, combinés aux droits humains, permettraient de soutenir davantage ce principe d'égalité. Le conseil fait référence aux droits économiques et sociaux.
Bien que la Charte des droits et libertés de la personne reconnaisse certains droits aux articles 39 à 45, force est de constater qu'ils sont nettement insuffisants et loin d'assurer la pleine participation des femmes au sein de la société, et cette triste réalité prévaut tout aussi bien pour les lesbiennes que pour les membres de la communauté LGBT. Malgré de nombreuses politiques et lois visant à enrayer toutes les formes de discrimination et d'exclusion sociale, celles-ci ne parviennent toujours pas à rencontrer les objectifs fixés.
Déjà, en 2003, la Commission des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse, dans son étude n° 5 sur les droits économiques et sociaux, se questionnait sur la place de ces droits au sein de la charte. Pour le CQGL, nous faisons nôtre la réflexion de la CDPDJ en la matière et croyons qu'il est temps de leur donner toute la mesure et la place qu'ils méritent.
Ce n'est pas tout d'accorder un droit au logement, encore faut-il que la qualité de celui-ci soit prise en compte. Le droit à la protection, à la sécurité et à l'attention des enfants ne peut s'appliquer pleinement que si le droit à des mesures de soutien à la famille est accordé. Il en est de même pour le droit à la santé, qui ne peut s'avérer efficace que si les personnes bénéficient du droit aux installations, à des services, aux produits, à des programmes et à des environnements permettant l'atteinte d'un meilleur état de santé. Ce n'est pas tout d'interdire la discrimination, encore faut-il que son incitation publique soit proscrite.
Bref, la CDPDJ, dans son bilan publié en 2003, transmettait ses recommandations, auxquelles le CQGL adhère complètement, afin de consolider les droits économiques et sociaux. Le CQGL croit que le gouvernement, dans une démarche ultérieure, devrait porter une attention particulière aux recommandations de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en la matière.
Bref, le CQGL affirme sans équivoque que le principe d'égalité femmes-hommes est non négociable. On tient à rappeler au gouvernement que, par-delà l'égalité femmes-hommes, il existe toujours des hommes et des femmes qui sont mal protégés par la charte. Le conseil juge que les droits économiques et sociaux doivent être pris en considération afin que ces derniers puissent soutenir pleinement tout principe d'égalité. Bref, c'est ainsi que l'égalité des droits humains, y compris ceux des membres de la communauté LGBD, deviendra une égalité de fait. Merci, Mme la ministre, M. le Président, messieurs dames, les députés.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Foster, Mme Huot. Je suis prêt à passer la parole maintenant à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Merci pour votre exposé. J'aurais simplement... commencer, juste une question pour savoir exactement comment ça fonctionne. Quand une personne se déclare transgenre et qu'elle remplit des formulaires, est-ce que la personne écrit, à la case Sexe, Féminin ou Masculin? Qu'est-ce qu'elle écrit, la personne?
Mme Huot (Marie-Josée): Je suis désolée, j'entends vraiment mal la question.
Mme St-Pierre: Si vous avez à remplir un formulaire et que vous vous déclarez transgenre, vous écrivez quoi aux carrés Féminin ou Masculin? Vous n'écrivez rien?
M. Foster (Steve): Le sexe de naissance.
Mme St-Pierre: Vous écrivez le sexe... Donc, vous déclarez le sexe de naissance. Donc, lorsqu'on dit égalité hommes-femmes, ça demeure quand même...
Mme Huot (Marie-Josée): La marge se situe... C'est que les personnes s'identifient souvent au sexe... pas à leur sexe biologique d'origine, puis ça amène à confusion. Chez certaines personnes transgenres, ils vont préférer avoir soit une réassignation partielle puis ils vont se sentir bien. Parce que le but d'une transition, dans le fond il ne faut pas oublier que c'est d'amener la personne dans un équilibre et un mieux-être. Certaines personnes vont trouver l'équilibre par une transition partielle, qu'on pourrait appeler, puis se sentir... Exemple, un homme né biologiquement mais qui est une femme intérieure peut arriver à dire: Bien, écoute, je me sens quand même en équilibre dans mon identité sans passer à la réassignation sexuelle.
Pour les transsexuels, c'est sûr que ça va un petit peu plus loin, mais encore là ça aurait deux volets, c'est-à-dire qu'il y a des transsexuels qui, pour des raisons de santé, ne pourront pas aller à la réassignation sexuelle mais vont quand même aller vers un cheminement de transition qui va les amener dans une féminisation ou une masculinisation assez satisfaisante pour se sentir bien et à l'aise en société.
Le problème se situe... Je n'ai absolument rien contre l'égalité hommes-femmes, c'est un principe auquel j'adhère beaucoup. La différence, c'est dans l'identité. Je ne sais pas, là, je cherche un exemple, là, puis je suis un petit peu nerveuse. Si je vous appellerais madame, monsieur à la journée longue, bien je pense que ça vous ferait mal quelque part, ça vous blesserait dans votre identité. Pour les personnes transsexuelles qui ont subi une transition, la problématique s'inscrit surtout si la personne n'a pas changé de coin, de coin de vécu.
Moi, en tout cas, exemple personnel, je viens de l'Outaouais. J'ai grandi là. Mes parents étaient des parents extraordinaires qui ont fait leur possible pour m'élever selon la norme, puis je les comprends très bien, c'est une famille respectable. Je les aime beaucoup. Puis ce n'était pas écrit dans mon front que j'étais transsexuel, mais c'était quelque chose qui dérangeait beaucoup. Ça fait que le fait de... une situation en faisant croire que ça n'existe pas si on ne la regarde pas, mais ça ne l'empêche pas d'être là. Ça a été difficile quelque part, en disant: Bien, écoute... Ce n'est pas bien, donner un exemple personnel, hein? Non.
Mme St-Pierre: Quelquefois, ça fait mieux comprendre les situations. Non, mais mon questionnement était...
Mme Huot (Marie-Josée): O.K. Ça fait que je vais prendre un exemple, là. J'ai fait ma transition dans le même milieu de travail où j'ai toujours travaillé. Les gens m'ont connue sous mes deux identités, on va dire l'identité qui est cataloguée par le sexe masculin ou cataloguée par le sexe féminin. Mais personne ne pouvait comprendre que mon identité de genre, c'était là mon cheval de bataille, c'était là la problématique de ma vie qui m'amenait dans des dysphories puis des dépressions à répétition.
Tout ce que les gens ont vu dans tout ça, c'est: Bien, écoute, c'est un homme qui est devenu une femme. Puis légalement, c'est vrai, en fait, d'un point de vue, je suis un homme qui est devenu une femme. On ne prend pas en considération mon identité de genre. Ça fait que les personnes bien intentionnées, ça leur arrive de se tromper et de dire: Il, elle, puis ça devient bien pesant à la longue, surtout quand ça fait un bout de temps que la réassignation est faite, le nom est changé, la mention de sexe est changée. Sauf que, la mémoire humaine, c'est le premier cinq minutes, qu'on dit, qu'on rencontre une personne, c'est là qu'on se fait une image. Ça fait qu'essayez d'imaginer pour les personnes qui m'ont rencontrée avant puis qui ont aimé l'image que je représentais, puis que je leur dis: Bien, ce n'est pas ça que je suis, je suis différente. Arriver du jour au lendemain ou avec un processus de temps pour dire que l'humain s'adapte, mais ce n'est pas toujours à la même vitesse. Puis il y a des gens qui se sentent mal dans cette situation, qui vont utiliser le masculin pour me démolir.
Ça fait que je vais donner un exemple qui est concret. Ma marraine s'en vient me voir sur mon milieu de travail parce que sa mère a été hospitalisée, elle avait besoin de soins. Puis, elle, elle n'a jamais accepté que j'aie fait cette transition. Premièrement, elle n'en comprend même pas le pourquoi. Je ne peux pas la blâmer, c'est son cheminement à elle. Mais elle s'en vient me dire: Écoute, moi, je n'accepterai jamais que tu sois une femme, ce n'est pas vrai. J'ai été à ton baptême, tu as un nom de gars, tu as un sexe de gars, tout ça, tu sais.
n(11 heures)n Puis tous les gens autour, là, qui ont entendu cette version se sont requestionnés. Toutes les petites bibites, les papillons que j'avais réussi à faire enlever, ils sont réapparus. Puis là les gens, sans vouloir être méchants, sans mesquinerie, ramènent l'image du passé constamment. Puis ce n'est pas par rapport à ce que j'aie eu une réassignation ou pas que les gens me voient... Ils ne m'ont jamais vue toute nue, là, tu sais ? excusez l'expression. Mais de toute façon on dirait que la bataille ne s'est pas faite sur la plan homme-femme, elle s'est faite sur mon identité. Puis je crois que cet article-là n'est pas inclus à l'article 10. Je ne me sens pas respectée, puis il y en a beaucoup de mes consoeurs et confrères qui ne se sentent pas respectés parce que ce n'est pas inclus clairement dans la loi.
Je peux donner d'autres exemples médicaux. Des personnes bien éduquées, avec un potentiel extraordinaire qui... Même sur la table de gynécologie, on m'a fait sentir comme une moins que rien parce que l'image que ce gynécologue-là avait de la transsexualité était malsaine. Tandis que la réalité, bien, la majeure partie, on travaille, on paye nos taxes, on a eu des enfants, ou on n'a pas d'enfants, ou on va en adopter, on veut une relation de couple puis vivre normalement dans la société. C'est un petit peu ça, la problématique de l'identité de genre.
Mme St-Pierre: Alors, oui, merci. Concernant ce projet de loi, vous savez que le projet de loi est clair sur la notion d'égalité entre les hommes et les femmes et le fait que ce soit inscrit dans notre charte. C'est un geste que nous posons... que nous voulons poser pour le moment dans le cadre de ce que vous avez devant vous comme projet de loi.
Vous soulignez que vous êtes en accord avec ce projet de loi et que c'est une notion qui est non négociable. Certains semblent vouloir dire ou faire comprendre aux gens qui nous écoutent que ce projet de loi aurait peu d'effets pour modifier la situation de la reconnaissance des libertés entre les hommes et les femmes. Hier, on disait même que c'était peut-être un message plus politique que juridique. Et, à cela, M. Cousineau, de la Commission des droits de la personne, des droits et libertés, a dit, et je cite: «...c'est un message juridique parce que ? l'amendement à la charte, ici ? on change une loi, on change une loi importante qui est la charte. Le préambule, n'importe quel juriste ne pourra plus passer à côté.» Alors, je pense que c'est important de le répéter aujourd'hui parce qu'il y en a qui veulent insinuer le contraire.
Dans le cas des gais et lesbiennes, est-ce que vous voyez, avec ce projet de loi, une amélioration? Je comprends votre situation tout à fait particulière. C'est clair que vous vivez quelque chose qui ne semble pas vraiment... De toute évidence, ce n'est pas facile, là. Est-ce que, du côté des communautés gaies et lesbiennes, on voit que ce changement à la charte pourrait améliorer la situation des gais et lesbiennes?
M. Foster (Steve): En fait, à la base, de le réinclure dans le préambule, nous souhaitons sincèrement que ce ne sera pas seulement qu'un message politique mais effectivement qu'il y ait une retombée au niveau de l'interprétation ou de... quand il y a des causes à juger, que le fait du principe d'égalité femmes-hommes soit vraiment pris en considération et on souhaite effectivement que ça ait une répercussion favorable, entre autres, chez les femmes et les lesbiennes. Parce que, si c'est juste un message symbolique, en fait, le principe d'égalité de fait, s'il n'y a pas d'autre chose qui vient se rattacher, ne changera rien dans la réalité des femmes et des lesbiennes. Donc, nous, effectivement, on espère que ça aura une portée plus grande que juste symbolique, que, dans le quotidien, ça puisse se traduire. Sauf que, comme on dit dans notre mémoire, c'est que ce principe-là de droits humains, d'égalité ne peut pas se faire tout seul, on a besoin...
Puis, quand on regarde la réalité des lesbiennes entre autres, malgré qu'il y a peu d'études, au niveau des statistiques, c'est qu'elles sont, elles aussi, avec des emplois mal rémunérés, des emplois à temps partiel, elles sont souvent chefs de famille monoparentale, etc. Donc, on espère sincèrement que le droit à l'égalité des femmes soit soutenu par des droits socioéconomiques, on doit renforcer ça parce que sinon ça ne servira à rien, on va se ramasser dans 10 ans et les femmes n'auront pas acquis plus leur espace qui leur est dû.
Et donc, nous, on a beaucoup d'espérance dans ce projet de loi là dans la mesure où est-ce que ça va lancer un message clair ici, à l'intérieur même du Québec mais aussi pour les gens qui décideraient de venir vivre ici. Le Québec est de plus en plus composé de gens de différentes origines, de différents horizons, et ça enrichit le développement du Québec, puis on espère que ça va continuer comme ça, mais il faut le faire aussi avec des principes clairs, dont celui de l'égalité femmes-hommes.
Mme St-Pierre: Je vous souligne que le Québec est vraiment à l'avant-garde, et souvent plusieurs... des délégations de pays étrangers viennent au Québec pour voir ce qui se fait ici, parce qu'il y a des choses importantes qui ont été faites dans le passé, ne serait-ce que le régime d'assurance parentale, la Loi sur l'équité salariale, la loi sur le partage du patrimoine familial. Il y a quand même des acquis puis des choses très, très importantes qui ont été faites dans... Alors, lorsqu'on dit que rien n'est fait, si ça, c'est fait puis que rien n'est fait à côté, je pense qu'il faut aussi clarifier les choses ce matin.
Hier, il y a Me Latour, du Forum des femmes juristes, qui a parlé du projet de loi en l'appuyant avec beaucoup de force, en disant: «Je ne le diluerais pas trop, je l'adopterais tel qu'il est.» Elle a dit: C'est une «omission historique» que l'on répare. «On arrime notre charte avec la Charte canadienne», et c'est une modification qui «bénéficie à toutes les femmes du Québec», quelles que soient leurs origines. Alors, je fais ce préambule pour vous demander, réitérer encore ma question, c'est-à-dire... Et, à la lumière de ce que la commission a dit: «...c'est un message juridique parce que ? l'amendement à la loi ? on change une loi, on change une loi importante, qui est la charte. Le préambule, n'importe quel juriste ne pourra plus passer à côté.» Alors, est-ce que vous comprenez qu'il y a vraiment un message très, très clair qui est envoyé aux tribunaux par ce projet de loi?
M. Foster (Steve): Bien, tout à fait, puis c'est ce qu'on souhaite et c'est ce qu'on soutient aussi, c'est qu'on doit vraiment... ça doit servir de balise interprétative au niveau de toutes les causes qui pourraient être entendues. Et en tout cas, nous, on souhaite effectivement que ce soit comme ça que ce soit compris et que ce soit comme ça que ce soit appliqué dans la réalité. Toute autre façon... que ça revienne juste comme un message politique, on serait déçus parce qu'il faut vraiment qu'il y ait une force, une portée dans l'application quotidienne des femmes. Quand il y a des litiges, cette valeur-là doit primer sur toutes les autres. En tout cas, nous, c'est ce qu'on espère.
Puis vous avez fait remarquer que, oui, il y a beaucoup de choses qui ont été faites pour les femmes, et c'est vrai. Mais, quand on regarde la situation actuelle, on est forcés de constater que ce sont encore elles qui vivent le plus de disparités sociales par rapport aux hommes. Tu sais, on aura beau dire qu'on est rendus en 2008, mais c'est encore les hommes qui gagnent le plus cher, c'est encore les hommes qui détiennent les plus gros postes de pouvoir, c'est encore... Tu sais, c'est le fun, là, mais ce serait aussi... Donc, il faut mettre en place d'autres choses. Oui, ce qu'on a jusqu'à maintenant, c'est exceptionnel, mais ça ne semble pas suffisant. Donc, il va falloir arrimer... trouver d'autres solutions pour que l'égalité de fait des femmes soit comparable à celle des hommes.
Mme St-Pierre: Alors, c'est effectivement pour ça qu'il y a bien des femmes qui décident de se lancer en politique et pouvoir faire avancer la cause des femmes. Et il y a également... Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve faisait référence au nombre de femmes qui avait diminué à l'Assemblée nationale au moment des dernières élections. Il y a quand même un Conseil des ministres paritaire qui a été composé, et c'est une première dans l'histoire du Québec.
M. Foster (Steve): Tout à fait.
Mme St-Pierre: Donc, je pense qu'il faut continuer dans le sens des premières, il faut continuer dans les acquis, faire progresser la question de l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais, au sein du mouvement ou au sein des gais et lesbiennes, est-ce qu'il y aura, dans ce projet de loi là, quelque chose de bénéfique? Est-ce que ça peut aider à diminuer une certaine forme de discrimination?
M. Foster (Steve): Nous le souhaitons pour les lesbiennes effectivement, on espère que ça va permettre aux...
Mme St-Pierre: Mais on parle d'égalité hommes-femmes. Donc, ça peut aussi...
M. Foster (Steve): Bien, c'est que... En tout cas, aux dernières nouvelles, les lesbiennes sont des femmes. Donc, s'il y a un impact positif, effectivement elles vont en bénéficier. Puis c'est ce qu'on souhaite qu'elles puissent en bénéficier, qu'elles puissent aussi jouir de revenus, d'une qualité de vie, de conditions de travail, etc., qui soient l'équivalent des hommes, qu'elles aient les mêmes possibilités, que les disparités qui existent puissent, elles aussi, se retrouver dans notre milieu. Parce qu'effectivement, nous aussi, dans notre milieu, les gais ont souvent un budget plus... des revenus plus élevés, ont un niveau de vie différent, des préoccupations différentes. Ce qu'on retrouve socialement, on le retrouve aussi dans notre communauté. Donc, des disparités existent aussi puis elles existent aussi pour les personnes transsexuelles et transgenres. Donc, on vit la même chose que tout le monde, là, on est des citoyens comme tout le monde, à part entière. Donc, oui, on espère qu'il y ait des bénéfices pour les lesbiennes. Et il suffira de voir ce que ça va donner dans le temps.
n(11 h 10)nMme St-Pierre: Est-ce que vous avez consulté les gens qui sont membres de votre organisation?
M. Foster (Steve): Oui, puis, entre autres, il y a Mme Diane Heffernan, qui est coordonnatrice du Réseau des lesbiennes ? qui devait être ici aujourd'hui et qui s'excuse de ne pouvoir y être ? qui a collaboré aux travaux de ce document-là. Donc, tu sais, je pense que, c'est ça, elle aussi, elle souhaite...
Mais les lesbiennes sont beaucoup impliquées à l'intérieur même du mouvement féministe. Et, aujourd'hui, on va quand même reconnaître que les lesbiennes sont quand même... on est quand même redevables aux lesbiennes au niveau de la communauté LGBT parce qu'il y a beaucoup de militantisme féministe de lesbiennes qui a aidé aussi le mouvement gai dans ses demandes. Donc, ça, il faut être capables de le reconnaître dans notre militantisme LGBT, les lesbiennes ont été un peu l'essence même, au départ, du militantisme gai.
Souvent, on focusse beaucoup chez les hommes. En fait, on a le même rapport hommes-femmes entre la société et dans notre communauté, c'est qu'on met souvent plus en valeur les hommes que les femmes. Donc, dans notre communauté, quand on parle de notre communauté, on va mettre souvent plus en valeur les hommes, les gais que les lesbiennes. Donc, c'est vraiment identique, là, donc il n'y a pas d'écart entre notre communauté et la société en général. Donc, de reconnaître la part des lesbiennes au mouvement LGBT au niveau des acquis...
Je prends juste Mme Mona Greenbaum, de l'Association des mères lesbiennes, qui a contribué de façon remarquable lors des droits de filiation, qui a fait un travail exceptionnel. Tu sais, je veux dire, mais souvent, c'est ça, médiatiquement ou en tout cas populairement, c'est qu'on focusse davantage sur les réalisations des hommes que celles des femmes. Donc, effectivement, oui, on souhaite que ça ait des effets positifs pour les lesbiennes, tu sais, qu'on reconnaisse effectivement leur apport.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup.
Le Président (M. Kelley): Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Écoutez, on comprend d'entrée de jeu que vous êtes tout à fait favorables au projet de loi n° 63, et je pense que c'est...
M. Foster (Steve): ...en douter.
Mme Leblanc: Effectivement. Par contre, on comprend aussi, vous dites: C'est comme une amorce quand même à... ce n'est pas suffisant, on doit aller encore plus loin. Entre autres, parce qu'on a parlé quand même beaucoup de la Commission des droits et libertés, en 2003, leur rapport, j'imagine que, c'est ça, vous avez dû quand même...
M. Foster (Steve): Il y avait quelques recommandations qu'on a sorties. Bien, le principe des droits socioéconomiques, c'est que, dans le concret... Je vais donner un exemple pour les gais. Exemple, quand on parle du droit à la santé, c'est quand même étrange, par exemple, pour des personnes qui sont séropositives, qu'on leur paie des médicaments pour la trithérapie, c'est tout à fait louable; cependant, les effets secondaires liés au traitement médical de la trithérapie, les médicaments pour contrer ces effets-là ne sont pas couverts, ne sont pas payés. Souvent, les personnes se ramassent dans des conditions de vie précaires, donc n'ont pas les moyens de se payer ces médicaments-là, donc souffrent davantage.
Et là on parle de principes de droits humains et d'égalité, sauf que, si on ne l'accompagne pas de droits à la santé, économiques et sociaux, il est où le droit à l'humanité là-dedans? Donc, c'est pour ça qu'on vous invite peut-être, dans une étape ultérieure, à revisiter les droits socioéconomiques, et à les réévaluer, et à voir comment on peut bonifier ces droits-là pour vraiment s'assurer que, par delà le droit humain, on puisse effectivement s'assurer que tout le monde bénéficie d'un meilleur état de santé possible, d'une meilleure participation citoyenne, en fait d'être des citoyens à part entière, que tout le monde soit égal, peu importe sa condition primaire.
Quand on regarde les lesbiennes qui ont des emplois sous-rémunérés, qui ont de la misère, qui sont familles monoparentales dont les structures... Ils habitent dans des logements, par exemple, délabrés. Il y a des politiques, mais on dirait qu'elles ne s'appliquent pas, on dirait qu'il ne se fait rien. Encore aux nouvelles récemment, puis ça ne concernait pas la communauté LGBT, mais on parlait de logements insalubres à Montréal, dans le quartier Côte-des-Neiges, où est-ce qu'il y a des trous, des coquerelles.
Je veux dire, est-ce qu'on est rendu une société où est-ce qu'on n'intervient plus, que nos lois ne sont pas assez puissantes, que nos décideurs ne mettent pas leurs pieds à terre et qu'on laisse des gens vivre dans des conditions aussi exécrables? Moi, comme représentant d'un organisme de défense de droits humains, je me questionne, ça me fait peur, je me dis: C'est-u ça, la société qu'on est en train de dessiner pour l'avenir?
Donc, oui, le principe de droits humains, mais que faisons-nous de nos principes de droits économiques et sociaux? On ne peut pas accepter qu'au Québec des gens vivent dans des conditions de vie déplorables. Puis on est conscients des impératifs gouvernementaux, les gens sont conscients, mais il y a quelque chose qu'il faut qui soit fait. Puis c'est pour ça qu'on dit qu'on doit peut-être se questionner dans une étape subséquente à ces droits-là. Je pense qu'il faut prendre le temps d'en discuter ensemble puis de trouver les alternatives qui fassent en sorte qu'on puisse vraiment dire qu'au Québec on est une société d'égalité de fait, pas juste une égalité de droits.
Mme Huot (Marie-Josée): Ça revient toujours à l'égalité hommes-femmes, ça revient toujours aux mêmes droits, le respect de chaque être humain. Je trouve un petit peu déplorable que quelque part... Je faisais allusion à une identité de genre, je sais bien que ce n'est pas le but présent de l'ouverture de la charte aujourd'hui, je voulais en faire mention afin que la communauté transsexuelle et transgenre arrête de se sentir comme des rejets de la société, qu'elle a droit aux mêmes droits de soins que tout le monde.
Il y a une image qui a été véhiculée, on parle de 25, 30 ans, où les personnes n'avaient pas le droit au travail puis se ramassaient dans des situations où elles devaient faire des choses pas nécessairement bien pour gagner leur vie. La situation a beaucoup changé. Je crois que c'est la bonne foi des Québécois et des Québécoises aussi qui a fait qu'il y a plus d'acceptation. La communauté transgenre et transsexuelle a vraiment conscience de qui ils sont, de qui ils ont été, c'est un fait. Puis, même si je suis en total accord avec l'égalité hommes-femmes, je ne pourrai pas dire que je n'ai pas été d'un sexe et je ne pourrai pas dire que je suis totalement dans l'autre parce qu'on n'arrête pas de m'identifier à une différence, qu'elle soit génétique, hormonale ou autre. Je trouve un petit peu déplorable que les soins soient si durs à avoir pour les personnes transsexuelles. On parle d'évaluation, on parle de cheminement, on parle de but de la transition, mais c'est toujours aux frais de la personne, puis ça, je trouve ça déplorable parce qu'en même temps que la personne fait ses thérapies, bien il y a...
Je vais prendre l'exemple d'une personne qui est née d'un sexe masculin mais qui s'identifie au sexe féminin. Elle va devoir soit avoir de l'hormonothérapie, on parle de thérapie en même temps, on parle de greffe de cheveux s'il en manque, si la génétique a été trop difficile, on va parler d'électrolyse, on va parler d'augmentation mammaire, on va parler d'épilation, on va parler de tout un processus puis on va parler de réassignation sexuelle, qui est aussi à défrayer si on le paie en clinique privée. C'est beaucoup de sous. Puis, en plus de vivre avec une situation qui n'est pas nécessairement claire, nette et définie dans la société, on se ramasse souvent dans des situations de manque de sous, dans le fond, de manque de pouvoir vivre une vie comme les autres monétairement dans le fond. Ça fait que je trouve qu'il y a une petite injustice de ce côté-là, mais ça n'enlève pas le fait que je suis d'accord avec l'égalité hommes-femmes, c'était juste un sous-entendu. Merci.
Mme Leblanc: Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Vous parlez d'interdiction publique à la discrimination, dans votre mémoire. De quelle façon vous... Est-ce que vous seriez prêts... ou est-ce que vous demanderiez de l'agencer à l'article 10, à ce moment-là?
M. Foster (Steve): Bien, écoutez, s'il y a une communauté qui est directement concernée par une des recommandations du rapport de la CDPDJ en 2003, c'est bien la communauté gaie et lesbienne. Quand on parle d'incitation à la haine sur la place publique, c'est qu'on reconnaît la liberté d'expression, la liberté de religion, et le fil entre la liberté de son expression religieuse sur la place publique et l'incitation à la haine est tellement mince qu'on devra peut-être se pencher à s'assurer que ça soit revisité et peut-être renforcé. Parce que, nous, sur la place publique, on s'est fait lyncher, surtout quand il y a eu le projet de loi sur le mariage et les conjoints de même sexe, et tout, sous prétexte de croyances religieuses.
Puis ici on respecte que les gens puissent croire. Moi, je viens d'une famille, il y avait des évangélistes, des baptistes, des catholiques, et ils m'ont éduqué, ils m'ont donné des valeurs, ils m'ont appris à aimer mon prochain puis à l'aider, donc je leur suis redevable. Mais, quand on va sur la place publique et qu'on incite les gens à haïr un groupe de la population, on a un petit problème avec ça, puis je pense qu'il faudra le baliser assez prochainement. Puis les femmes aussi vivent ce type de propos là un peu méprisants, et haineux, et incitant au mépris, là. Je ne nommerai pas de groupes parce que ce n'est pas l'objectif de cette commission-là ici puis ni le mien, mais je pense qu'on peut facilement trouver à l'occasion ce type de propos là sur la place publique.
Donc, effectivement, il faudra sûrement réévaluer comment on peut manifester une opinion, mais il y a une façon de le faire qui n'incite pas au mépris des autres, puis ça, c'est... En tout cas, moi, je crois à un Québec où est-ce que, comme valeurs fondamentales, on se respecte tous et chacun puis qu'on apprend à aider son prochain puis à travailler pour développer le Québec. Donc, c'est ça.
n(11 h 20)nMme Leblanc: Écoutez, c'est intéressant. Vous parlez, bon, vous parlez du mot «genre», hein, qui semble quand même très important, et qui l'est sûrement important, dans votre mémoire. Par contre, il y a certains groupes qui s'opposent, vous savez, à mettre ce mot-là dans la charte. J'aimerais peut-être avoir vos commentaires.
M. Foster (Steve): Ce pourquoi on veut que l'identité de genre soit incluse à l'article 10 contre les discriminations, c'est que, un, c'est le seul segment de la population qui n'est pas reconnu nulle part. Elles n'existent pas, ces personnes-là. Et en plus, elles ne peuvent pas utiliser la charte pour se défendre. Par exemple, une personne qui est en processus de transition ne pourra pas porter plainte à la commission pour préjudice lié à son identité de genre, puis elle ne peut même pas le faire liée à son sexe parce qu'en réalité elle est quoi? Elle est un sexe masculin, un sexe... Donc, il y a un flou et un vide où est-ce que la personne ne peut pas se défendre. On prend, en milieu de travail, où est-ce que la personne, elle est obligée de quitter son emploi, et tout ça, et elle se fait discriminer, on n'est pas capable de poursuivre l'employeur, on n'est pas capable de porter plainte contre l'employeur parce que sur quelle base on va le poursuivre? Donc, c'est là, le problème.
C'est pour ça qu'on dit: Incluons l'identité de genre dans l'article 10, en fait de discrimination interdite, pour que minimalement, s'il y a des comportements sociaux qu'on ne doit pas tolérer, bien, que ces personnes-là puissent se retourner vers la charte, dire: Bien, écoutez, je porte plainte parce qu'on ne me respecte pas dans mes droits, dans mon humanité, dans mon identité. Et donc c'est pour ça qu'il faut peut-être élargir un petit peu, là.
Parce qu'il ne faut pas oublier aussi qu'on a beaucoup des conceptions sociales pré-établies. Tu sais, on parlait, tout à l'heure, dans notre mémoire, d'hétérosexisme de... Tu sais, la société, là, elle a été conçue en fonction, au Québec, de l'homme blanc, catholique, etc. Donc, il y a beaucoup de notions qui n'existaient pas à l'époque. Tu sais, il y a bien des choses qu'on ne parlait pas il y a 50 ans, il y a 60 ans puis même il n'y a pas si longtemps. On ne parlait pas des gais, on ne parlait pas de suicide, on ne parlait pas... Tu sais, les femmes ne pouvaient pas voter, à une certaine époque, elles ne pouvaient même pas parler, elles n'avaient pas droit au compte de... Tu sais, on a changé. Donc, je pense que la charte a suivi notre évolution, et peut-être qu'aujourd'hui on est rendus à être assez évolués pour reconnaître une partie de notre population à qui on nie le droit d'être des citoyens et des citoyennes à part entière.
Mme Leblanc: C'est très intéressant. Ça nous a davantage éclairés. Est-ce qu'il reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Kelley): Il reste quatre minutes.
Mme Leblanc: Veux-tu...
Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: Alors, M. le président, quand je vous écoutais... Je vous remercie de votre présence, dans un premier temps. Quand je vous écoutais, je relisais l'article 10 de la charte, et il y a un mot en fait qui était plus éclairé et éclatant que d'autres, c'était «toute personne a droit à la reconnaissance». Et, quand on lit votre mémoire...
On dit: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe [et] la grossesse, l'orientation», etc. Alors, vous connaissez très bien cet article-là. Et, lorsqu'on regarde, dans un sens, on voit toujours que ce qui est avant tout, c'est la personne, l'être humain.
Et, quand je relis en fait votre mémoire, votre page au résumé de votre mémoire, vous dites que vous estimez par ailleurs qu'«il serait faux de croire que la modification au préambule de la charte afin d'inclure le principe d'égalité femmes-hommes peut à lui seul assurer l'application de ce principe dans les faits sans que des mécanismes d'application soient aussi mis en place». Et vous continuez en disant qu'effectivement il y aurait des modifications qui devraient être apportées, comme des modifications importantes à d'autres lois, permettant aussi que l'être humain, hommes-femmes égaux, puisse avoir droit à ces droits-là qui sont des droits garantis par la charte.
Est-ce que vous croyez que le projet de loi, c'est-à-dire l'article, présentement l'article d'interprétation aurait dû être intégré à un autre chapitre dans la charte, dans un premier temps? Et est-ce que vous croyez que c'est par des amendements à la charte qu'on peut s'attaquer à ce problème-là d'iniquité sociale ou bien, par d'autres lois, on pourrait atteindre le même objectif?
M. Foster (Steve): Dans la charte, l'article 1 à l'article 38 ont préséance sur les projets de loi gouvernementaux, ce qui n'est pas le cas des articles 39 à 45. Le gouvernement peut mettre en place un projet de loi et n'est pas tenu... ça pourrait même aller à l'encontre des articles, c'est ça, 39 à 45. Donc, quand on parle d'égalité de droits et d'égalité de fait, mais les droits socioéconomiques, c'est ça, c'est que, dans la charte, ils n'ont pas préséance sur les lois que les gouvernements pourraient emprunter. Il me semble que ça fait un peu bizarre.
Tu sais, si on veut vraiment que tout le monde ait des chances égales, aient les mêmes situations, etc., c'est que ces droits-là aussi devraient être considérés comme les articles de 1 à 38, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas laisser au gouvernement la mise en place de politiques qui pourraient contrevenir aux droits socioéconomiques, dans les limites de ce qu'un gouvernement peut faire. Mais il faut faire attention pour justement que ces droits-là soient renforcés. Quand on parle d'une égalité de fait, là, c'est dans ça que ça se joue, c'est dans les articles 39 à 45, parce que c'est ça qui se vit au quotidien. Ce n'est pas les... bien, les autres articles aussi, mais c'est que déjà, en partant, il y a déjà une prérogative où est-ce que le gouvernement ne peut pas aller à l'encontre de ces articles-là. Donc, nous, c'est pour ça qu'on dit oui. Puis, dans une étape subséquente, il faudra peut-être réévaluer tout ça. Puis on invite fortement les élus, vous, ici même, à peut-être vous pencher, dans une autre commission, sur ces droits-là.
M. L'Écuyer: Merci.
Le Président (M. Kelley): Ça met fin. Je suis prêt à céder la parole maintenant à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve ou M. le député de Mercier.
M. Turp: Merci, M. le Président. Merci aussi de votre présence, et d'un très bon mémoire. Moi, j'ai beaucoup aimé votre mémoire: du sérieux, un mémoire bien documenté et qui fait des propositions assez originales, je trouve, mais qu'on pourrait débattre.
Par exemple, sur l'identité de genre, on a eu, hier, une personne qui est venue nous parler du genre comme étant quelque chose qu'on devrait exclure parce que ça suscite de la confusion et que ça pourrait même nuire au débat sur l'égalité des femmes parce qu'il y a une confusion entre le genre et le sexe. Et donc ce que vous nous dites aujourd'hui doit nous amener à continuer de réfléchir sur cette question, sur le vocabulaire, la terminologie. Et en même temps, je pense que ce n'est pas tout à fait la même chose.
Votre préoccupation à vous est de nature identitaire. Vous voudriez qu'il y ait une protection contre la discrimination en raison de l'identité qui est celle d'une personne qui a fait un changement de sexe ou qui est dans une période de transition. Et c'est effectivement assez difficile de trouver le moyen et même les mots pour protéger cette personne qui n'est pas une femme ou un homme, surtout dans la période de transition.
En même temps, je vous dirais que peut-être la notion de condition sociale qui est mentionnée dans la charte, dans l'article 10... Je ne sais pas si vous avez, un jour, cherché à le tester par les tribunaux, parce que la condition sociale est un motif de discrimination, et c'est à l'article...
Une voix: Interdit.
M. Turp: ...interdit, interdit par notre article 10. Et on pourrait peut-être faire entrer dans la notion de condition sociale la notion d'identité, et ça vaudrait la peine peut-être de tester cette idée-là. En même temps, je sais qu'on pourrait être amenés à réfléchir sur l'inclusion d'un autre motif de distinction illicite que serait l'identité. Ce qui pose le problème, c'est l'utilisation du mot «genre» parce qu'il a d'autres connotations. Il n'est pas beaucoup utilisé dans la langue française d'ailleurs. Il est utilisé dans la langue anglaise, mais dans un sens très similaire au mot «sexe».
Alors, c'est ma première remarque. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez. J'ai une autre question sur les droits économiques et sociaux, mais j'aimerais peut-être avoir votre réaction à la façon d'assurer la protection de l'identité. Parce que c'est ce que vous réclamez, je crois.
n(11 h 30)nMme Huot (Marie-Josée): C'est que, même si... M. le ministre? M. le député? On a lu, à l'article 10, tantôt, une partie de la loi qui nous protège. C'est le manque de clarté qui est dedans qui amène encore à confusion, autant de confusion que notre genre peut l'être. Ça fait que c'est ramener de la confusion par de la confusion. Ce que les gens ont besoin d'entendre, j'ai vraiment l'impression que c'est de la clarté et intérêt qui feraient que nous serions en tout cas considérés plus comme des êtres égaux comme tout le monde. C'est une situation dans le fond, là, qui amènerait les gens à ne pas nécessairement juger par rapport à, c'est par rapport à la condition identitaire.
M. Foster (Steve): C'est ça. Moi, j'ai un peu... Si tu me permets de compléter.
Mme Huot (Marie-Josée): Oui.
M. Foster (Steve): J'ai un peu de difficultés avec le fait qu'on dise aux personnes transsexuelles et transgenres: Utilisez la section où on parle de condition sociale. Ce n'est pas une condition sociale, c'est une question d'identité, c'est une condition identitaire. Donc, moi, je trouve que je ne suis pas confortable avec l'idée d'utiliser le terme «condition sociale», parce que «condition sociale» a quand même aussi une connotation sociale où est-ce qu'on parle de gens qui ont des conditions de... qui vivent de la pauvreté, et ce n'est pas du tout dans le même schème. Donc, c'est vraiment une question de condition identitaire et non de condition sociale. En tout cas, moi, je vais vous dire, en tout cas, à votre... Mais on pourra toujours, tous...
M. Turp: En fait, vous nous donnez une piste, parce que c'est peut-être la nature davantage de la condition identitaire dont il est question ici plutôt que du genre, surtout parce que le mot «genre» pose problème, là, pour notamment les femmes, qu'on pourrait explorer d'autres moyens de dire les choses pour atteindre l'objectif de la non-discrimination à l'égard des personnes que vous représentez, là, et qui ont besoin de la protection que ne semble pas leur apporter aujourd'hui la Charte des droits et libertés.
Sur les droits économiques et sociaux, le grand débat qui mérite d'avoir lieu au Québec, et il commence de toute évidence ici, devant la commission, c'est le moyen d'assurer l'effectivité de l'égalité, parce que, vous l'avez dit, d'autres l'ont dit avant vous, hier, et d'autres nous le diront, il ne suffit pas de garantir le droit civil ou politique à l'égalité pour qu'il soit effectif. Pour qu'il soit effectif, il faut qu'il y ait des droits économiques et sociaux qui l'accompagnent et tous les programmes et le soutien financier pour assurer l'effectivité du droit à l'égalité.
Et là la difficulté qu'on a, c'est qu'il y en a toujours et il y en a qui pensent encore qu'on ne devrait pas, dans une charte, libeller des droits économiques et sociaux de la même façon que des droits civils et politiques pour leur garantir une effectivité qui passe par l'interprétation des tribunaux et ce que certains appellent le gouvernement des juges. Mais on est peut-être rendus là. Et la carence du législateur a souvent fait en sorte que les droits économiques et sociaux ne sont pas effectifs. Et on invoque la clause d'exclusion législative. J'invite mes collègues à relire leur charte, et vous allez voir que, dans ce chapitre IV, dans les articles que vous avez mentionnés, il y a toujours la mention «tel que prévu par la loi» et il n'y a de droits économiques et sociaux effectifs que si la loi le prévoit.
Ce que vous nous dites ? et est-ce que je peux vous demander peut-être de le redire pour les membres de la commission? ? c'est qu'en quelque part vous voulez qu'on enlève «tel que prévu par la loi» pour rendre ces droits économiques et sociaux effectifs.
M. Foster (Steve): Bien, en fait, ce qu'on demande, c'est que les articles 39 à 45 minimalement, à l'heure actuelle, aient le même poids que les articles de 1 à 38.
M. Turp: Et, pour faire ça, il faut enlever les clauses d'exclusion législative qui sont dans tous ces articles.
M. Foster (Steve): C'est ce que je disais tout à l'heure. Puis j'aimerais quand même apporter une précision. Je veux dire, à quelque part, on ne devrait pas être étonné de donner de l'espace aux droits socioéconomiques. Le Canada, donc le Québec aussi, on signe des traités internationaux relativement aux droits socioéconomiques, culturels, donc je comprendrais mal que l'on devienne frileux par rapport aux droits socioéconomiques. Si on n'est pas capables de les appliquer chez nous, pourquoi signer des traités internationaux?
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Sur la question de genre, je voudrais simplement rappeler que l'intervention de Me Lavigne, qui est de la chaire Simone de Beauvoir de l'Université Laval, ne portait pas du tout sur les mêmes aspects que vous introduisez ici en réflexion, ce matin. En fait, elle plaidait pour que jamais on ne remplace le mot «sexe» par le mot «genre». Mais, vous, si j'ai bien compris, vous voulez ajouter au mot «sexe» le mot «genre» et non pas le remplacer.
M. Foster (Steve): Non, du tout, du tout.
Mme Harel: En fait, elle argumentait avec conviction qu'en anglais le mot «gender» était très utile, mais qu'en français le mot «genre» ne fait référence à aucun pacte international et, utilisé pour remplacer le mot «sexe», posait problème, en tout cas introduisait une confusion. Mais, vous, ce que vous souhaitez ? je veux bien vérifier avec vous, là ? c'est qu'à l'article 10, à l'interdiction de discrimination «fondée sur la race, la couleur, le sexe», vous voulez qu'on ajoute «le genre». C'est bien cela, hein?
M. Foster (Steve): Tout à fait.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Kelley): Il vous reste quatre minutes, M. le député.
M. Turp: Alors, juste une remarque sur les traités internationaux. Parce que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel vous faites allusion, là, et autant le Canada et le Québec ont été pointés du doigt parce qu'ils ne respectaient pas les droits économiques et sociaux qu'ils s'étaient engagés à respecter, surtout pour les enfants et à l'égard peut-être de personnes défavorisées, il ne faut pas oublier que ces pactes-là disent que les États n'assurent le respect que dans la mesure des moyens dont ils disposent. Alors donc, il est là, le débat. Parce que, si on veut assurer le respect des droits économiques et sociaux, les reconnaître pleinement, comme vous le souhaitez, ça devient une question de moyens puis ça devient une question: Qui décide? Est-ce que ce sont les tribunaux, devant lesquels pourront être invoqués des droits économiques et sociaux, ou est-ce que c'est l'État?
Et là, moi, je comprends que, vous, vous souhaiteriez que l'on confère un rôle aux tribunaux sur cette question-là parce que, pour être effectifs, sans doute faut-il que les tribunaux disent à l'État parfois: Ah!, vous ne respectez pas ces droits, il faut maintenant que vous fassiez quelque chose.
M. Foster (Steve): Bien, effectivement. C'est que la protection dans la charte, c'est que ça permettrait minimalement que ces droits-là ne soient pas laissés... ne deviennent pas des enjeux politiques d'un parti ou d'un autre, ou de... tu sais, que ce soient des choses qui demeurent un consensus de tous les partis, que ce ne soit pas un outil un peu de chantage ou électoral. Tu sais, c'est plate à dire, mais c'est un peu ça. Nous comprenons la mesure où est-ce que... dans la mesure où est-ce que l'État peut contribuer.
Mais, moi, j'aimerais ramener quelque chose. Il y a un mot qu'on... On parle d'égalité, et, pour qu'il y ait égalité, il faut qu'il y en ait qui en aient un peu moins pour qu'il y en ait d'autres qui en aient un peu plus. Il y a peut-être un problème de répartition de la richesse, des ressources. Il y a donc une notion qu'il faut peut-être aller élaborer davantage, parce que, moi, je ne suis pas sûr que...
On est conscients, là, des enjeux sociaux, on est conscients de la capacité de payer du gouvernement, on est conscients de... sauf qu'à un moment donné, quand on regarde ça, c'est que: Dans ces limites-là, comment on peut agir, comment on peut transférer... Puis, moi, j'avance l'hypothèse que, bien, c'est comme quand je négocie dans mes alliances avec d'autres groupes, ou tout ça, c'est que je demande beaucoup, mais, à un moment donné, pour arriver à un consensus, puis à une égalité, puis à un avantage pour l'ensemble, c'est que je vais en laisser partir un peu.
Donc, comme société, c'est quoi qu'on est prêts à faire pour que tout le monde vive vraiment le principe d'égalité? Parce que, là, ça va plus loin que juste hommes-femmes ou transsexuels, gais, lesbiennes, de Chicoutimi ou de Montréal, c'est: comme citoyens, quelle société qu'on veut puis c'est quoi... Moi, je suis prêt à me départir pour que la personne qui est à côté de moi puisse avoir une condition de vie meilleure. Puis ça aussi, ça fait partie de l'enjeu des droits socioéconomiques.
Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci encore une fois pour votre présence.
M. Foster (Steve): Merci, Mme la ministre, MM. les députés.
Le Président (M. Kelley): Je sais, c'est l'hiver au Québec. Merci beaucoup. Je vais suspendre quelques instants. Et j'invite les représentants du Congrès juif canadien de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise à 11 h 43)
Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est les représentants du Congrès juif canadien.
Je veux souligner la présence parmi nous du député de D'Arcy-McGee. Il est le président de la Commission des transports et de l'environnement. Bienvenue.
Et maintenant je suis prêt à céder la parole aux représentants du Congrès juif canadien. Vous avez un droit de parole de 15 minutes. Après ça, il y aura un échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, M. Atlas.
Congrès juif canadien, région
du Québec (CJC-Québec)
M. Atlas (Adam): Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Adam Atlas, vice-président du Comité exécutif du Congrès juif canadien, région du Québec, et je suis ici avec Michelle Serano. Michelle.
Mme Serano (Michelle): Membre de l'exécutif du Congrès juif.
M. Atlas (Adam): Alors, je vais prendre le premier volet de notre discussion aujourd'hui, c'est-à-dire une présentation de 15 minutes au sujet du projet de loi n° 63.
D'abord, je veux faire une toute brève description de qu'est-ce que c'est, notre organisation, le Congrès juif canadien. Nous sommes le porte-parole de la communauté juive du Québec. Nous représentons la communauté juive, qui est là depuis à peu près 250 années. La communauté a eu une présence à la vie du Québec même au tout début de son histoire et continue à être une partie intégrante de la société québécoise. Le Congrès juif canadien encourage la communauté à s'impliquer dans les organismes de la vie publique et politique de la province, et c'est à travers cet intérêt-là que nous nous présentons aujourd'hui devant vous.
Le Congrès juif canadien est un organisme qui étudie les droits fondamentaux, les droits humains, les droits qui sont encadrés dans la Charte des droits et libertés. Nous avons alors suivi de très proche les discussions qui sont en train de se dérouler par rapport à la modification proposée. Nous voulons dire au début que l'égalité entre femmes et hommes est très importante pour nous et on ne veut pas être mal compris en faisant une critique de la modification proposée, on ne veut pas que cette critique-là soit interprétée comme une critique à l'égalité entre femmes et hommes. On se comprend.
Alors, ayant dit cela, on va passer à une analyse très brève, textuelle de la modification proposée. Nous croyons que la modification a deux volets principaux. Le premier volet s'articule en principe dans l'article proposé, 49.2, en disant que «les droits et les libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes». Notre présentation va se concentrer là-dessus. Il y a aussi un élément du préambule qui, nous croyons, fait partie de ce premier volet là, c'est-à-dire de faire une identification de l'égalité entre femmes et hommes dans la charte et de façon très expresse.
Le deuxième volet, c'est d'ajouter le mot «liberté» dans le préambule de la charte. Sans prendre trop de temps là-dessus, nous sommes tout à fait en accord avec cette modification. Nous croyons que la notion de la liberté s'ajoute aux notions de justice et de paix comme piliers de la société québécoise et qu'elle mérite tout à fait d'être incluse dans le préambule de la charte.
La meilleure façon, quant à nous, de faire une analyse de la modification proposée, c'est de regarder l'article 28 de la Charte canadienne, qui est en fait tout à fait semblable à la modification proposée maintenant. L'article 28 dit que les droits et libertés mentionnés dans la Charte canadienne «sont garantis également aux personnes des deux sexes». Alors, à la lecture textuelle, ça ressemble tout à fait à la modification proposée.
Et alors on doit se demander dans quelle mesure est-ce que l'article 28 a eu un effet positif sur la notion d'égalité entre femmes et hommes au Canada et au Québec. Nous arrivons à la conclusion qu'elle n'a pas fait une... elle n'a pas eu de résultat important pour les femmes du Canada et du Québec. En fait, c'est la clause 15, alinéa 1, de la Charte canadienne, c'est-à-dire la clause d'égalité dans la Charte canadienne, et l'article numéro 10 de la charte québécoise qui ont vraiment fait du chemin pour les femmes au Québec et au Canada.
n(11 h 50)n On vous cite, dans notre mémorandum que nous avons soumis, trois arrêts qui, nous croyons, sont les arrêts les plus importants sur l'article 28 de la Charte canadienne. En premier temps, c'est la Reine contre Association des femmes autochtones du Canada et consorts, [1994], 3 Recours de la Cour suprême, page 627. Dans cet arrêt, il y avait un groupe d'autochtones de genre féminin qui croyaient que leur droit fondamental d'expression, de liberté d'expression a été mis de côté en raison du fait que le gouvernement a donné des subventions à des groupes autochtones qui ne les incluaient pas, c'est-à-dire que les groupes féminins autochtones croyaient qu'ils n'avaient pas le même accès aux organes gouvernementaux pour un processus de consultation.
La cour a décidé que d'abord le gouvernement n'a pas une obligation de subventionner des groupes pour leur donner le droit d'exercer leur droit d'expression et aussi, de façon plus importante, que l'article 28 ne leur a pas aidé dans leur revendication contre le gouvernement. Dans le jugement, le juge Sopinka a souligné le problème avec l'article 28, qu'on va voir dans l'application du 49.2. C'est que, si tous les droits, de façon très rigide, sont garantis aux hommes et aux femmes, on peut avoir des résultats absurdes, c'est-à-dire: si le gouvernement fait une consultation des femmes sur la question de droit aux avortements, il se peut que les groupes d'hommes vont revendiquer le même temps devant les comités, devant les organes gouvernementaux de discuter de cette question-là. Alors, on ne veut pas qu'un tel amendement ait un résultat absurde. C'est-à-dire, le gouvernement devrait avoir le droit de décider là où il veut consulter les femmes, et là où il veut consulter les hommes, et aussi s'il veut consulter d'autres groupes dans la société, des groupes ethniques, des groupes linguistiques, des groupes culturels ou religieux.
Le deuxième arrêt pertinent, c'est Conseil national des femmes métisses contre Canada, encore une fois un programme pour création d'emplois pour des groupes autochtones dont un certain groupe d'autochtones féminines croyait être non inclus. Et puis l'article 28 a été utilisé comme la base de leur revendication, et ça ne leur a pas aidé.
Enfin, Blainey contre Ontario Hockey Association et consorts, c'est un arrêt intéressant qui discute du Code des droits de la personne de l'Ontario, qui a eu une exception au... Ça a donné droit à des associations de hockey de discriminer à la base du sexe pour l'entrée des... pour que les gens puissent faire partie des équipes de hockey. Et il y a une jeune fille qui voulait être membre d'une équipe de hockey masculine et qui a demandé à la cour de mettre de côté cette provision discriminatoire, et la cour a jugé que l'article 28 ne contribuait nullement à la détermination de la présente cause.
Alors, la question, c'est: Est-ce que l'article 49.2 va améliorer le statut d'égalité entre femmes et hommes au Québec? Nous croyons que non et nous croyons cela à la base de 20 ans d'expérience avec la clause 28 de la Charte canadienne, qui n'a pas fait d'améliorations très importantes quant à l'égalité.
Je veux citer l'expert en droit constitutionnel, Professor Hogg, et je veux citer son livre sur le droit constitutionnel du Canada, et je vais juste lire une petite citation: «L'article 28 ne parvient pas à imposer le traitement égal des personnes des deux sexes sous prétexte que la clause générale d'égalité énoncée à l'article 15 pourvoit déjà à cet objectif. L'article 28 semble simplement exiger que les autres dispositions de la charte soient appliquées sans discrimination entre les sexes. Dans la mesure où les autres dispositions de la charte s'appliquent également aux hommes et aux femmes de toute façon, l'article 28 n'est que d'une faible utilité.» Merci.
Nous croyons que l'article 10 de la charte québécoise, qui énonce l'égalité pour toute personne ? on se comprend, hommes et femmes ? donne la protection que nous voulons donner aux femmes et aux hommes au Québec. Il ne faut pas oublier que la charte est une loi souveraine, si vous voulez, dans la société et dans la loi québécoise, c'est une loi à part des autres lois. Et nous ne voulons pas qu'on fait un amendement à la charte pour répondre à un besoin contemporain peut-être politique. Je ne veux pas suggérer que c'est la motivation de la modification, mais on espère que, si cette modification est acceptée, on ne revienne pas faire d'autres modifications pour reconnaître d'autres intérêts particuliers dans la société, étant donné que l'article 10 reconnaît l'égalité entre tout Québécois et Québécoise, peu importe leur orientation sexuelle, leur sexe, leur religion, etc.
Nous croyons qu'il y a un risque significatif, malgré l'intention de ne pas le faire, qu'on va créer une hiérarchisation de droits. C'est-à-dire, un juge pourrait se dire: Eh bien, l'égalité entre femmes et hommes est identifiée à l'article 49.2, mais l'égalité entre les religions, l'égalité entre les groupes de diverses orientations sexuelles, l'égalité entre les groupes linguistiques ne sera pas mise à part de cette façon. Et alors on risque une hiérarchisation des droits, qui est à éviter, nous croyons. Alors, étant donné que la charte garantit déjà l'égalité entre hommes et femmes, nous croyons que l'amendement, la modification proposée n'ajoute pas de valeur à ce niveau.
Dernière observation, c'est qu'évidemment ces discussions se déroulent à la lumière de la commission Bouchard-Taylor, qui a vu certains moments difficiles pour notre communauté quant aux opinions xénophobes qui ont été exprimées. Nous apprécions quand même comment cette commission-là a été une espèce de baromètre de la tolérance de la population québécoise envers les communautés culturelles. Et, si la modification est proposée sur le thème de l'accommodement raisonnable des communautés culturelles au Québec, c'est peut-être un geste pour faire appui de l'identité québécoise, c'est une espèce d'appui d'une valeur fondamentale québécoise, et nous croyons que, si, ça, c'est le but de la modification, le but est déjà atteint dans la clause 10.
Alors, enfin, on veut simplement vous remercier de votre temps et nous voulons répondre à toutes vos questions que vous avez.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Atlas. On va maintenant procéder à l'échange avec les membres de la commission. Je demande le consentement pour une léger dépassement parce que, si on respecte les enveloppes des groupes, on va terminer vers 12 h 45. Mais il y a une nouvelle pour cet après-midi, il y a un désistement d'un des groupes. Alors, le groupe à 16 heures, la Fédération des médecins spécialistes se sont désistés. On va devancer le dernier témoin, alors l'après-midi va être un petit peu plus léger que prévu. Alors, sur ça, je demande votre consentement pour permettre l'échange de 45 minutes tel que prévu. Pas d'objections? Alors, je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
n(12 heures)nMme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci, Me Atlas, merci, Mme Serano, d'être ici, parmi nous, aujourd'hui. Vous comprendrez que je pense que, sur l'utilité du changement, nous avons entendu d'autres versions qui n'étaient pas tout à fait en accord avec ce que vous nous dites, entre autres Mme Langevin, de la Chaire Claire-Bonenfant, à l'Université Laval, qui a dit hier que ? et je la cite ? «certains ont qualifié les ajouts proposés d'inutiles. Pourtant, en matière d'atteinte de l'égalité réelle pour les femmes, d'autres gestes législatifs [...] auraient pu sembler inutiles [et] ne l'ont pas été.» Alors, c'est sûr que c'est une question de perception sur l'utilité et l'inutilité.
Il n'en demeure pas moins que c'est vrai que changer une charte, c'est un geste qui est important, c'est un geste qui porte évidemment à amener plusieurs discussions, mais je vous ferai remarquer que, dans le passé, la charte québécoise a été modifiée à plusieurs reprises, à au moins une dizaine de reprises, entre autres en 1978, en 1979, en 1980, en 1982, 1996, une autre fois en 1996, 1999, en 2002, en 2005 et en 2006. Et je pense que, lorsqu'il s'agit d'amender la charte, bien ce sont des gestes qui sont nécessaires. Et l'esprit derrière ça, vous avez parlé de la commission Bouchard-Taylor, vous avez parlé de xénophobie, mais je pense que le geste qu'on pose aujourd'hui, qu'on veut poser, c'est un geste qui s'élève justement au-dessus de cette notion de xénophobie et qui fait en sorte que c'est un geste qui rejoint l'ensemble des Québécois, c'est-à-dire dans le message, quelle que soit votre origine, quel que soit votre statut social, l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est une valeur fondamentale.
Vous dites que, l'ajout du mot «liberté» dans le préambule, vous êtes tout à fait en accord avec ce mot. Est-ce que je dois comprendre que, pour vous, l'égalité entre les hommes et les femmes n'a pas la même valeur, n'a pas cette valeur qui mérite également d'être inscrite dans le préambule?
M. Atlas (Adam): Merci de votre question, Mme la ministre. Dans une certaine façon, votre question donne appui à notre point de vue dans la façon que vous nous demandez si de ne pas inclure «égalité entre femmes et hommes» fait en sorte que c'est un droit que nous ne valorisons pas. De la même façon, on pourrait dire, à tout autre chapeau de droits fondamentaux, c'est-à-dire langue, religion, origine ethnique, orientation sexuelle, on doit se demander: Mais est-ce que tous ces autres chapeaux d'égalité doivent être aussi inclus dans le préambule? Et où est-ce qu'on arrête avec ça?
Alors, pour répondre à votre question, ne pas inclure l'égalité entre femmes et hommes, cette notion, exprès dans le préambule, ce n'est pas pour ne pas valoriser ce droit, au contraire c'est pour le mettre au même niveau que tous les autres droits d'égalité: égalité entre religions, égalité entre groupes d'orientation sexuelle et de langue. Alors, une fois qu'on prend un des droits dans la clause 10 et on le met dans le préambule, on dit aux juges qui vont interpréter le document: Eh bien, c'est un droit à part. Et de là vient notre consternation.
Mme St-Pierre: Vous n'avez quand même pas répondu à la question sur le mot «liberté». Pourquoi vous réjouissez-vous de l'ajout du mot «liberté» dans le préambule, alors que vous ne semblez pas attacher la même importance à l'égalité entre les hommes et les femmes? Pourtant, les femmes représentent 50 % de la population. Alors, vous savez, égalité hommes-femmes, on parle de l'ensemble de la population. Vous parlez du mot «liberté», vous dites que vous êtes satisfaits, vous vous réjouissez de l'ajout du mot «liberté». Est-ce que vous y accordez plus d'importance qu'à l'égalité entre les hommes et les femmes?
M. Atlas (Adam): Non. Le mot «liberté», je crois, ne risque pas de discriminer entre divers groupes dans la société. Si on identifie la liberté comme une valeur, d'un côté, et, de l'autre côté, on identifie égalité entre femmes et hommes comme une valeur, cette deuxième mise à part d'un droit risque de nuire au droit d'égalité entre toutes sortes d'autres groupes, pendant que la mise à part du droit de la liberté ne risque pas d'avoir le résultat de discrimination entre les droits d'égalité.
Mme St-Pierre: Sur l'ajout de l'équivalent de l'article 28 de la Charte canadienne qu'on veut voir, qu'on veut retrouver dans notre charte, est-ce que... Vous dites qu'il n'y a pas énormément de jurisprudence, ça n'a pas été souvent invoqué au cours des 20 dernières années. Vous dites que ce qu'il y a comme jurisprudence a tendance à dire que ce n'est à peu près pas utile. Est-ce que le fait... Et, moi, je ne suis pas avocate, je suis une simple citoyenne et ministre de la Condition féminine, et je me demande: Est-ce qu'en droit, parce qu'il n'y a pas de jurisprudence sur quelque chose, ça veut dire que la chose est inutile?
M. Atlas (Adam): Non. Et j'estime qu'il y a plein de lois qui existent qui n'ont pas encore été revendiquées. Mais à notre avis, quand le législateur fait une loi, il doit se demander si la loi va avoir une valeur significative pour la population. Et, dans ce cas-ci, nous croyons que la loi n'apporte pas un ajout de valeur et risque de mettre en péril, si vous voulez... mais c'est trop fort comme mot, mais ça met en jeu l'égalité entre les divers droits énumérés à l'article 10. Et on risque d'avoir le cas où un juge va décider que, s'il y a une concurrence entre, par exemple, la liberté d'expression et la liberté entre hommes et femmes, le juge va choisir la liberté entre femmes et hommes au-dessus de la liberté d'expression, et on ne veut pas donner ce préjugé, si vous voulez, aux juges. On veut donner aux juges le droit de décider pour eux-mêmes comment on va... comment est-ce que les droits vont entrer en concurrence un avec l'autre, ce qui est normal dans notre société multiculturelle et moderne.
Mme St-Pierre: Mme Serano, j'aimerais vous entendre sur le projet de loi qui est devant nous, aujourd'hui. J'aimerais savoir comment, au sein du Congrès juif, les femmes ont réagi, comment les femmes réagissent. Est-ce qu'elles ont été consultées à l'intérieur de vos instances? Est-ce qu'elles ont participé à ce mémoire qui a été préparé aujourd'hui?
Mme Serano (Michelle): Oui. Moi, je ne suis pas avocate, donc je vais vous donner une réponse d'un autre genre. Comme M. Atlas a dit, le Congrès juif représente la communauté juive. À l'intérieur de la communauté juive, il y a des organismes, multiples organismes qui sont consultés, etc. Donc, sur la structure de la consultation, la réponse, c'est oui, ce n'est pas juste nous qui parlons.
Sur l'autre question, moi, je voudrais parler pas du point de vue légal mais de la question de: Est-ce que, du point de vue des femmes juives... Je dois dire que, premièrement, nous sommes des femmes, nous sommes des femmes québécoises, canadiennes avant tout. Le fait que je sois juive, c'est une religion ? religion, identité, enfin c'est un autre débat ailleurs. Mais je pense que, pour moi, en tant que représentante du Congrès juif, c'est extrêmement important, quand on parle des femmes juives, que nous sommes des femmes et des Québécoises d'abord.
Deuxièmement, sur la question: Quel va être l'impact ou quel pourrait être l'impact de cet ajout, modification sur la condition féminine?, moi, je suis une vieille des années soixante, et donc il faut réaliser que le contexte actuel est très différent de ce qu'il était en 1960, 1965, qui a mené à beaucoup de choses, dont l'énoncé des droits des femmes. Et la question, c'est: Est-ce que cet ajout aujourd'hui va modifier, ou améliorer, ou avoir un effet quelconque sur la condition féminine?
n(12 h 10)n Je pense que, de l'avis du congrès et de l'avis des femmes du congrès, cet impact légal est douteux parce que ce serait de donner une interprétation très simplistique des conditions des femmes aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui il y a beaucoup moins d'obstacles qu'il y avait dans les années soixante, mais il y a des obstacles majeurs qui continuent. C'est pour ça que la bataille est gagnée à certains égards, je dirais, sur le plan légal, mais sur d'autres elle est loin d'être gagnée, parce que les jeunes filles d'aujourd'hui n'ont pas vécu, n'ont pas eu à se battre, n'ont pas eu à vivre au quotidien ce que c'était, une femme qui avait de l'ambition, si je peux dire ça. De se retrouver dans une salle... C'est rassurant que je voie d'autres femmes aujourd'hui, merci, mais disons qu'il y a 10 ans, ou cinq ans je me suis trouvée souvent dans des milieux où malheureusement la majorité des personnes aux tables étaient des hommes. Je n'ai rien contre les hommes, mais en fait c'est une réalité. Et donc, les femmes d'aujourd'hui, un, n'ont pas eu l'expérience de la bataille, de ce que ça veut dire, donc apprécient les droits mais sans avoir apprécié la bataille. Deuxièmement, il y a un autre élément sur la qualité de... la condition féminine aujourd'hui, c'est que les choix et la qualité de vie ne sont pas... c'est des situations complètement différentes aujourd'hui qu'elles étaient auparavant. Il y a beaucoup de femmes qui ne choisissent pas de prendre le type de chemin que certaines d'entre nous ont suivi, pour leur qualité de vie.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais c'est simplement que, moi, je considère que ce qu'on doit faire pour améliorer la condition féminine, ce n'est pas nécessairement l'ajout, ou la modification, ou la nuance qu'on veut apporter à la loi qui va avoir un effet direct sur l'égalité entre les hommes et les femmes et les droits des femmes.
Mme St-Pierre: Merci. Alors, M. le Président, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce veut poser une question, mais avant je vais juste faire une remarque avant qu'il pose la question, c'est de dire, sur la hiérarchisation, hier, la Commission des droits était très claire là-dessus, qu'ils ne voyaient pas de hiérarchisation dans ce que nous faisons aujourd'hui. Alors, je voulais être très claire là-dessus pendant votre passage.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Copeman: Merci, M. le Président. M. Atlas, Mme Serano, bonjour. J'aurais pu dire maître dans les deux cas, hein?
Une voix: ...
M. Copeman: Dans un cas, excusez-moi. Excusez-moi, je ne voulais pas vous insulter, Mme Serano.
Mme Serano (Michelle): Pas de problème.M. Copeman: Chose certaine, M. Atlas, Mme Serano, on fait face, nous, les parlementaires à un certain éventail d'opinions sur la portée du projet de loi n° 63, hein? Moi, j'ai découvert assez rapidement qu'on peut avoir autant d'opinions qu'il y a d'avocats dans la salle, hein, et même peut-être plus d'opinions que d'avocats dans la salle, n'est-ce pas? J'ai déjà entendu des avocats argumenter deux, trois différentes prises de position en même temps. Et là on a entendu, comme je vous dis, on a quasiment... ? mon anglais est, je pense, plus apte ? on a un «smorgasbord» d'opinions, hein? On se traduit mal en français: buffet d'opinions.
Hier, Mme la députée de Deux-Montagnes a suggéré, en ce qui concerne minimalement l'échéance de ça, que c'est un geste électoraliste. Il y en a d'autres qui ont suggéré que c'est symbolique. Il y en a d'autres qui ont suggéré que c'est politique. Il y a des avocates femmes qui nous disent: Bien il y a une portée juridique importante. Il y en a d'autres qui disent: Bien, la portée juridique est moins importante. Là, il y en a qui vont dire que c'est quasiment sans effet. Il y en a d'autres qui vont dire qu'il y a un grand effet. Vous pouvez comprendre que ça peut laisser quelqu'un comme moi, qui n'est pas juriste, un peu perplexe. C'est la deuxième journée de suite que je suis un peu perplexe par cette question, mais ça va continuer je peux vous le garantir, M. le Président.
Mais, sur la hiérarchisation, je pense que c'est quasi unanime, à date en tout cas. Parce que c'est une crainte que beaucoup partageaient, qu'on ne voulait pas, je pense, ni le gouvernement ni beaucoup de groupes ne voulaient pas établir une hiérarchisation des droits à l'intérieur de la Charte des droits et libertés de la personne. Et je pense qu'en tout cas à date c'est pas mal unanime qu'il n'y a pas de hiérarchisation des droits, ce qui je pense évacue une partie des préoccupations de certains groupes.
Vous argumentez, M. Atlas, et dans le mémoire vous faites un parallèle entre l'inefficacité de l'article 28 de la Charte canadienne et la portée des amendements qu'on propose avec le projet de loi n° 63. J'ai une question plus détaillée pour vous. Ma compréhension des choses est la suivante. La Charte canadienne a une portée un peu plus limitée que la charte québécoise, dans le sens que la charte québécoise applique également les liens entre les individus et le privé, ce que la Charte canadienne n'a pas. La Charte canadienne touche les institutions fédérales et la relation entre les personnes avec les institutions fédérales. Alors, l'absence de jurisprudence qui pourrait toucher de façon plus large n'est-elle pas en partie due au fait que la portée de 28 avec la Charte canadienne est beaucoup limitée que ce qu'on propose dans la charte québécoise? Pas pire, pour quelqu'un qui n'est pas juriste, hein, M. le Président? J'apprends, j'apprends. Les avocats en face ont l'air d'aimer ma question.
Le Président (M. Kelley): Peut-être, on peut laisser le temps au témoin de répondre à la bonne question. Me Atlas.
M. Atlas (Adam): Merci, M. le Président. J'apprécie beaucoup la question, entre autres, parce que ça vient du député qui me représente ici, de mon comté. Alors, merci. En fait, votre question est semblable au commentaire de la ministre tantôt au niveau de: S'il y a une loi qui n'a pas encore été appliquée, est-ce que cette loi-là vaut autant que la loi qui a été beaucoup utilisée? Et ma réponse, c'est, tout comme l'autre réponse: Peu importe la fréquence de l'utilisation de lois en particulier, toutes les lois devraient être de la même valeur. Le législateur va passer le temps seulement sur une loi si ça vaut la peine, même si ça vaut la peine pour une seule personne. Il y a des lois qui ont été adoptées, qui affectent rien qu'une personne, et des fois ça vaut la peine.
Pour répondre à votre question, effectivement, pour le citoyen ou la citoyenne québécoise, la charte québécoise a une portée peut-être plus importante, plus large, étant donné que ça s'applique aux interactions entre particuliers, pendant que la Charte canadienne s'applique seulement pour les interactions entre les particuliers et le gouvernement. Mais il faut dire qu'on a déjà 20 ans d'expérience avec l'article 28 de la Charte canadienne. Et on se demande: Si, dans 20 ans, ça n'a pas apporté un ajout aux droits d'égalité entre femmes et hommes, qui était d'ailleurs son but... on doit se demander si c'est le modèle à suivre au Québec. Et, à notre avis et avec tout respect, ce n'est peut-être pas le modèle à suivre. Alors, j'espère que ça répond à votre question.
Je veux aussi reconnaître l'intention du gouvernement de ne pas avoir une hiérarchisation des droits. Et en fait les commissions parlementaires sont, de temps à autre, citées dans les jugements. Et le fait que vous avez exprimé cette intention-là aujourd'hui va à mon avis être... pourra être important à certains moments, si jamais il y aurait un jugement sur l'article proposé, parce qu'un juge qui...
Le Président (M. Kelley): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Atlas (Adam): Pardon?
Le Président (M. Kelley): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Atlas (Adam): O.K. En conclusion, on risque d'avoir une hiérarchisation, sans la lumière de votre intention.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, merci pour votre mémoire. Écoutez, d'entrée de jeu, si je me reporte à la page 8, votre premier paragraphe, il est mention, vous savez, vous dites... bon, vous parlez... Attendez un petit peu. Vous savez, vous parlez peut-être de... «Nous estimons que l'article 49.2, dont on propose l'ajout à la charte[...], sera aussi peu utile pour les femmes du Québec que l'article 28...» Mme la ministre tantôt en a parlé.
Donc, selon vous, dans une application concrète, comment articulerait un juge, aujourd'hui... Parce qu'on comprend qu'on parle beaucoup d'accommodements raisonnables. Et j'espère que vous allez peut-être pouvoir, vous savez, mieux éclairer votre sens, ce que vous pensez, là, vers où on s'en va avec ce projet de loi là. Donc, pour des motifs d'ordre religieux, entre autres, comment s'articulerait... Vous savez, est-ce que... Parce que vous parlez aussi de hiérarchisation. On sait qu'il y a quand même certains groupes aussi qui s'inquiètent de la hiérarchisation. Toutefois, on s'accorde tous pour dire que vous avez raison et on est tous en accord avec ça, que je pense que ce n'est pas la façon de faire. Mais comment vous croyez, là, qu'aujourd'hui un juge appliquerait une telle mesure, là?
M. Atlas (Adam): C'est-à-dire, si l'amendement est adopté?
Mme Leblanc: Exact.
M. Atlas (Adam): Bien, je ne suis qu'un simple juriste, je ne suis pas juge, mais en tout cas...
Mme Leblanc: Moi, vous savez, je suis une simple citoyenne, comme on le disait tantôt aussi, donc.
n(12 h 20)nM. Atlas (Adam): On pourrait imaginer une cause dans laquelle le droit, par exemple, à la religion se met en concurrence avec le droit entre égalité de femmes et hommes, et on ne voudrait pas que le juge va nécessairement mettre de côté le droit à la religion pour mettre devant le droit d'égalité entre femmes et hommes. Il se peut que, dans la sagesse d'un juge, il y aurait une instance où un autre des chapeaux d'égalité ? par exemple, religion ? va prendre préséance sur le droit à l'égalité entre femmes et hommes. Alors, pour répondre à votre question, avec l'amendement, on risque à ce que, malgré les bonnes intentions, il y ait en effet une hiérarchisation programmée, si vous voulez, dans la charte, et nous voulons éviter ce résultat.
Mme Leblanc: Donc, écoutez, on ne peut pas passer à côté aussi, vous savez, de la commission Bouchard-Taylor. Est-ce que le dépôt de ce projet de loi là spécifique est, selon vous... Parce qu'on sait qu'on a parlé, vous savez, d'accommodements, tout ça, et on a parlé d'ailleurs que c'était en lien quand même avec la commission. Est-ce qu'il aurait été préférable, vous savez, d'attendre d'avoir...
M. Atlas (Adam): Eh bien, je ne veux pas rentrer dans la politique, le timing...
Mme Leblanc: ...autrement, est-ce qu'on...
M. Atlas (Adam): La commission Bouchard-Taylor s'est trouvée avec un mandat et un challenge d'ordre très important. De se pencher sur l'égalité entre femmes et hommes comme conclusion à la commission Bouchard-Taylor, je crois, manque un... ça détourne un peu la question fondamentale des accommodements raisonnables. L'accommodement raisonnable n'est pas un problème de droit d'égalité entre femmes et hommes, c'est un problème de tolérance et d'accommodement à toutes sortes de niveaux et toutes sortes d'échelles et d'axes, l'axe de langue, de religion, de religion... Peut-être, Mme Serano, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Serano (Michelle): Non, je pense que M. Atlas essaie de répondre de façon diplomatique. Moi aussi, je ne me mêle pas de politique. Donc, la question se pose, c'est: Est-ce que le fait qu'il y ait eu beaucoup de choses qui ont été débattues ou mentionnées à la commission Taylor a un lien quelconque avec l'amendement ou pas? Moi, je ramène toujours à la même question, c'est: Est-ce que cet amendement va effectivement avoir un effet sur les droits à la condition féminine? Et notre position en fonction des avis légaux, c'est que ce n'est pas nécessairement le cas.
Alors, la question de religion est une question vraiment complètement séparée des droits d'hommes et femmes. Dans la communauté juive comme dans toutes les communautés, il y a des gens qui sont extrêmement religieux et des gens qui ne le sont pas du tout, et ce n'est pas parce qu'on est religieux qu'on est privée de droits en tant que femme, dans la communauté juive en tous les cas. Alors, je trouve que de mélanger les deux, c'est des fois un peu problématique à ce niveau-là.
M. Atlas (Adam): On se demande, avec l'amendement, si on met en place l'amendement aujourd'hui et on refait la commission Bouchard-Taylor dans cinq ans, est-ce que les résultats vont être les mêmes? C'est ça, la question que le législateur peut-être va se demander.
Mme Leblanc: Merci. Je ne sais pas si mon collègue avait des... Je vais peut-être revenir.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous.
M. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Merci à vous d'être ici, ce matin. En fait, j'ai entendu votre mémoire, il y avait deux volets. Le premier volet quand même est assez bien documenté, concernant 49.2. Le second volet concernant la liberté, c'est un... En fait, je relisais le préambule et le troisième article, le troisième alinéa. Et vous dites, dans votre mémoire: «Pour relever les défis que pose une société toujours plus diversifiée, l'enchâssement de la liberté comme une de nos valeurs fondamentales expressément énoncées dans la charte du Québec permettra au Québec de se démarquer davantage comme un havre de tolérance et de liberté pour tous ses habitants.» Si on adoptait, hypothétiquement, seulement le préambule, est-ce que ça satisferait vos demandes?
M. Atlas (Adam): C'est-à-dire de garder cette partie-là mais de ne pas adopter le 49.2 et la référence à l'égalité entre femmes et hommes dans la... Oui, c'est notre position.
M. L'Écuyer: Et j'aimerais avoir quand même plus de précisions au sujet de la liberté, au sujet de la problématique que vous venez de soulever entre religion et aussi égalité entre femmes en étant valeur équitable.
M. Atlas (Adam): C'est qu'en tant que communauté culturelle et minorité religieuse dans la province, la question de liberté est très proche à nous, c'est-à-dire la liberté de vivre de la façon que nous choisissons à vivre au sein de la société tout en respectant les droits et valeurs de la société. Et en fait la liberté vient aider les minorités dans la plupart des cas. En tant que minorité, nous sommes alors à l'appui de la liberté.
Et la société québécoise est en transition. Je crois que le multiculturalisme, la pluralité de la société québécoise, ce n'est pas une nouveauté, c'est un fait. Quant à moi, c'est démodé de parler du multiculturalisme comme une nouveauté parce que c'est la réalité québécoise. Étant donné cela, il va inévitablement y avoir, dans la société, une variété de façons de vivre. Un individu, dans sa vie privée, vit d'une façon, son voisin vit d'une autre façon. En fait, cette pluralité-là est au coeur de la beauté de notre société.
De reconnaître la liberté dans le préambule de la charte fait comme une protection, si vous voulez, une clôture autour de cet élément de la beauté de notre société, la liberté de chaque individu de vivre comme il veut, tout en respectant son voisin, tout en respectant les droits des autres et les valeurs de la société en commun. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais, en tant que minorité culturelle et religieuse, la liberté nous est très importante.
M. L'Écuyer: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. J'aimerais poursuivre cet échange, là, que vous avez entrepris avec mon collègue en vous souhaitant la bienvenue, Me Atlas, Mme Serano. Évidemment, vous disiez «une variété de façons de vivre». Mais le fait est que ce qui transcende cette variété de façons de vivre dans une société pluraliste et cosmopolite, c'est finalement certaines ? comment pourrions-nous dire? ? valeurs. On pense à la laïcité de l'État, on pense à l'égalité des hommes et des femmes, on pense à la reconnaissance du français comme langue commune. Alors ça, c'est au-dessus finalement de cette variété de façons de vivre. Parce que le tout est différent de la somme des parties. C'est un principe physique, mais c'est un principe social aussi.
Hier, la Commission des droits et libertés de la personne nous ont dit et ont écrit dans leur mémoire que les modifications proposées par le projet de loi n° 63 ? je vais les citer, là ? «n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité». Hein? Bon. Ils ont dit ça. Puis on a reçu par la suite une juriste émérite, là, qui d'ailleurs a été clerc du juge en chef Antonio Lamarre, que tous les avocats respectent, n'est-ce pas...
Une voix: ...
Mme Harel: Antonio Lamer, excusez-moi, oui, Antonio Lamer, qui est décédé...
M. Turp: Qui est décédé il y a quelques semaines.
Mme Harel: Voilà. Et donc Me Langevin nous a dit, en citant le Pr Crépeau... Vous êtes vous-même... Vous avez étudié à McGill, peut-être?
M. Atlas (Adam): Il a été mon professeur en contrats.
n(12 h 30)nMme Harel: Bon. Voilà. Alors, moi, j'ai connu aussi le Pr Crépeau, pour avoir fait mon droit, mais à Montréal. Il disait ceci en citant Talleyrand: «Cela va sans le dire, mais cela va mieux en le disant.» Et elle citait donc Talleyrand puis le Pr Crépeau pour justifier qu'on le répète à ce moment-ci, dans le cadre du projet de loi n° 63.
Je fais juste une parenthèse pour vous dire ? mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire: Je ne pense pas qu'il faut comparer ce qui est introduit avec le projet de loi n° 63 avec l'article 28, pour toutes sortes de raisons. L'article 28 n'est pas du tout rédigé de la même façon, hein? Puis il a été introduit, on le sait, l'article 28, parce qu'il y a l'article 27, hein, qui prévoit le multiculturalisme. Et tout le mouvement féministe canadien s'est mobilisé pour faire introduire l'article 28 pour en quelque sorte justement se protéger du fait que chacun vivait cloisonné.
Alors, je me dis... voyons voir très concrètement. Vous nous avez donné des exemples concrets où, vous le dites, l'article 28 ne va pas s'appliquer. Me Langevin, là, de l'Université Laval, hier, nous a apporté des exemples où, selon elle, le projet de loi pourrait être utile. Elle nous a cité, entre autres, l'arrêt ? que vous devez sûrement connaître, là, c'est un arrêt récent ? Bruker contre Marcovitz. Et là elle nous a dit que le résultat aurait été le même, mais que la Cour suprême aurait pu se servir de l'article 49.2 pour appuyer son argument selon lequel, là, la revendication de M. Marcovitz allait à l'encontre des valeurs fondamentales de la société, etc.
Elle nous a donné un exemple encore plus récent, à savoir Gabriel contre le Directeur de l'État civil. Dans ce cas-là, il s'agit d'une femme de confession protestante qui a voulu conserver le nom de son époux, contrairement au Code civil. Et ces exemples-là nous ont été apportés pour plaider en faveur de l'adoption de l'article 49.2. Alors, j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
M. Atlas (Adam): Je ne vais pas commenter sur ces arrêts particuliers maintenant, je ne les ai pas étudiés de près. Mais je veux revenir au Pr Crépeau, qui m'a enseigné le droit des contrats et obligations, à McGill. Une de ses phrases qu'il nous a enseignées, c'est que, dans la loi, il y a le dit et le non-dit. Et, à la lecture de l'article 10, je dirais que et le dit et le non-dit, c'est que les droits sont garantis aux femmes et aux hommes. Et, pour cette raison-là, l'amendement, nous croyons, ne va pas ajouter une valeur importante pour l'égalité. Et, comme on a dit tantôt, ça risque de nuire aux autres droits, aux autres chapeaux d'égalité. Je ne sais pas si ça répond adéquatement à votre question.
Mme Harel: Le fait est que non, hein? Je pense que poser la question, c'est y répondre, là, c'est...
M. Atlas (Adam): Je m'excuse.
Mme Harel: Mais en fait mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait valoir qu'on avait ici ? c'est le propre de toute commission parlementaire ? un point de vue et son contraire, n'est-ce pas? Et c'est assez d'ailleurs satisfaisant intellectuellement d'avoir une vue d'ensemble, hein? Puis ensuite de ça le législateur arbitre, et en l'occurrence, maintenant, la majorité de ce côté. Alors, en fait, c'est quand même encore plus intéressant de participer à des commissions parlementaires. Enfin, je ferme la parenthèse.
Mais, ceci dit, il faut voir, là, concrètement comment cela peut être appliqué. Des juristes nous disent: Si tant est que 49.2, un article interprétatif... Il reste interprétatif. C'est comme si on sursoulignait. Il fait partie des droits comme les autres droits, mais un juge ne peut pas faire semblant de ne pas en tenir compte, étant donné qu'il est sursouligné, lorsqu'il a à décider quelque chose. C'est à peu près l'exemple qu'on nous a donné. Je ne sais pas si vous le voyez comme ça. Ce n'est pas hiérarchisé, mais sursouligné.
M. Atlas (Adam): J'accepte votre terminologie de sursoulignement au lieu de hiérarchisation, mais la question... Et je ne peux pas questionner les avis des autres juristes qui sont venus devant vous, je les respecte, c'est certain, mais la question, c'est que, les juges n'ayant pas ce surlignement sur les autres chapeaux d'égalité, que vont-il faire quand il y a une concurrence entre un droit, par exemple, de libre expression et un droit d'égalité entre femmes et hommes? C'est très difficile d'imaginer un contexte factuel pour faire un test de cette concurrence-là, mais de...
Alors, on se retraite au niveau théorique et on prend du confort dans l'idée que tous les chapeaux d'égalité énumérés à l'article 10 devraient être sur un niveau égal. Parce que, pour certains individus dans notre société, le droit, par exemple, à la religion est plus important que le droit d'égalité entre femmes et hommes. Je ne veux pas dire que c'est le cas de notre communauté, je ne veux pas dire que c'est le cas pour une telle ou une telle personne, mais j'estime que, pour certains parmi nous, c'est la réalité. Et alors est-ce qu'on devrait ajuster leur propre valorisation de leurs droits? Question.
Mme Harel: M. le Président, le fait est que ce qui est exprimé déjà depuis 1975, je crois, par le droit à l'égalité qu'on retrouve à l'article 10 mais dans toutes les lois subséquentes, y compris dans celle-ci, dans ce projet, c'est que le droit à l'égalité hommes-femmes doit être pris en compte quels que soient les autres droits. Puis on a vu une application très concrète dans le récent arrêt, là, concernant le Jewish. On a pris, vous savez, à la fois les préposés hommes et femmes en regard du droit ? qui est un droit légitime aussi, là ? d'un patient ou d'une patiente d'avoir des soins d'une personne de même sexe. Ce n'est pas simple, tout ça, là. Ça vaut pour quelque groupe, quelle que soit la religion. Même ma maman, là, qui actuellement vient de faire son deuxième ACV, ce n'est pas facile de se retrouver dans un établissement, dans des chambres où il y a finalement des gens de sexes différents, bon, d'origines différentes, et tout. Mais c'est vraiment cet équilibre de droits. Mais ce qu'on dit, c'est que jamais on ne doit exclure le fait de prendre en considération l'égalité hommes-femmes. C'est ça, je pense, en fait. Je le dis très modestement. Je suis juriste mais pas constitutionnaliste.
Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, il vous reste trois minutes, M. le député de Mercier.
M. Turp: Trois minutes? Bien, d'abord, pour la ministre et les membres de notre commission, c'est un mémoire très utile, où vous nous faites une belle analyse jurisprudentielle de l'article 28. Mais je pense que la ministre a raison de signaler que ce n'est pas parce qu'on n'a pas appliqué 28 qu'il ne pourrait pas être appliqué à l'avenir et que des tribunaux pourraient être un peu plus audacieux dans l'utilisation de l'article 28 ou de l'équivalent qu'on aurait au Québec.
Et, il ne faut pas oublier, par exemple ? vous le savez, vous êtes un juriste ? la Déclaration canadienne des droits adoptée en 1960 n'a pas été adoptée dans ses dispositions de l'égalité parce qu'il n'y avait pas d'audace des tribunaux, peut-être parce que ce n'était pas constitutionnel. Puis, parce qu'on a constitutionnalisé le droit à l'égalité en 1982, là nos tribunaux sont devenus beaucoup plus audacieux sur l'application du droit à l'égalité. Mais il y a des parallèles intéressants. Ça pourrait... la même chose pourrait se produire, nos tribunaux pourraient ne pas donner d'effet à l'article 49.2 si on l'adoptait, comme ça a été le cas, mais ce n'est pas nécessairement le cas.
Moi, j'ai une question très précise à vous poser parce que vous êtes un juriste: Quel pourrait être l'impact de l'article 49.2 sur l'interprétation ? si c'est une clause interprétative ? de l'article 20, qui dit et qui énonce: «Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire»? Est-ce que vous avez une idée sur l'impact que pourrait avoir l'article 49.2 sur cette disposition qui est invoquée par des institutions, y compris des institutions religieuses pour maintenir certaines pratiques dont certaines personnes diraient qu'elles sont discriminatoires?
n(12 h 40)nM. Atlas (Adam): La discussion des droits des groupes ethniques et des droits de la société en général se fait toujours à la frontière du public et le privé, et, au sein de certains milieux privés, il y a des comportements qui semblent tout à fait discriminatoires mais qui sont tout à fait normaux au sein de ces communautés-là et que les gens adoptent librement.
Pour répondre à votre question, je reprends notre thème en général: qu'on risque de nuire aux droits énumérés à l'article 20 en raison du fait qu'on fait un sursoulignement du droit d'égalité entre femmes et hommes et que ce sursoulignement ne se fait pas pour les autres chapeaux d'égalité ? religion, langue, orientation sexuelle, origine culturelle, etc. Et alors, le risque de sursoulignement et des conséquences négatives d'un sursoulignement, pour les autres droits, existe et existe tant à l'article 20 qu'à l'article 10.
M. Turp: Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps qu'il nous reste. Alors, merci beaucoup, Me Atlas, Mme Serano, pour votre présence aujourd'hui. Soyez prudents pour le retour à Montréal, dans notre tempête de neige.
Comme j'ai mentionné, on a eu avis du désistement de la Fédération des médecins spécialistes, prévue pour 16 heures, alors nous avons devancé le témoin de 17 heures à 16 heures. Alors, on a trois groupes à entendre cet après-midi.
Sur ça, je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures. Et la salle va être barrée entre-temps pour vos documents.
(Suspension de la séance à 12 h 42)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Kelley): Quatre membres, c'est le quorum, et je pense qu'on a dépassé notre quorum.
Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et le mandat, c'est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.
Notre prochain invité, c'est Québec solidaire et son porte-parole, Mme Françoise David. Alors, la parole est à vous, Mme David.
Québec solidaire (QS)
Mme David (Françoise): Merci. Mme la ministre, messieurs, mesdames, merci de nous recevoir. Je suis accompagnée de Marie Josèphe Pigeon, qui est membre du comité de coordination de Québec solidaire Montréal et membre de la commission politique. Donc, je crois que notre temps d'intervention a été réduit de 20 à 15 minutes, si j'ai bien compris.
Le Président (M. Kelley): Oui.
Mme David (Françoise): O.K. Alors, on va essayer...
Le Président (M. Kelley): Dans la mesure du possible. 15 minutes, ça laisse plus de temps pour les échanges avec les parlementaires.
Mme David (Françoise): On va essayer de faire le plus vite qu'on peut. Donc, je voudrais vous dire d'abord que le projet de loi n° 63 intéresse Québec solidaire pour des raisons évidentes. Ce jeune parti politique a pour caractéristique de s'afficher très clairement féministe, nous avons présenté 52 % de candidates lors de la dernière élection, et notre plate-forme électorale comprenait bon nombre d'engagements qui touchaient les femmes. Alors, bien sûr, nous ne pouvons qu'être d'accord avec le message que le projet de loi n° 63 veut envoyer, c'est-à-dire celui que l'égalité entre les hommes et les femmes au Québec, c'est quelque chose qui est absolument non négociable.
Cependant, nous croyons que, malgré ce message, malgré cette portée symbolique importante, le projet de loi n° 63 est loin de répondre aux préoccupations quotidiennes et concrètes de beaucoup de femmes québécoises, et c'est pourquoi nous apportons deux recommandations. La première, c'est de rendre justiciables les articles 39 à 48 de la charte. La deuxième c'est de prendre immédiatement des mesures concrètes pour mettre fin aux discriminations vécues par les femmes. Alors, moi, dans un premier temps, je vais vous parler de la première recommandation.
Alors, la question que nous avons, pour commencer, elle est assez simple. Déjà, dans le préambule de la loi, on dit que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une protection égale de la loi. Les êtres humains comprennent bien sûr les femmes. Dans cette mesure-là, pourquoi en rajouter? Quelle serait la portée réelle d'ajouter quelque chose au préambule? Nous n'en sommes absolument pas convaincus.
Par contre, ce qui serait concret et qui marquerait un avancement, selon nous, pour les femmes et, dans un certain nombre de cas, pour les hommes du Québec, ce serait de rendre justiciables les articles 39 à 48 de la charte. En ce moment, bon, dans ces articles, il y en a 11, on parle de protection des personnes âgées contre l'exploitation, on parle de sécurité des enfants, d'instruction gratuite, de niveau de vie décent, etc., mais aucun de ces articles ne peut être contesté par un citoyen ou une citoyenne en vertu de la charte. C'est-à-dire qu'on ne peut pas contester une loi québécoise, par exemple, qui à notre sens ne mettrait pas en application l'un de ces articles ? je pense, par exemple, au niveau de vie décent ? on ne pourrait pas contester une politique gouvernementale en utilisant un article entre 39 et 48. Et pourtant à notre avis il y aurait matière.
Par exemple, on sait qu'en ce moment beaucoup de personnes, particulièrement des femmes âgées, ont besoin de place en CHSLD, mais le ministre de la Santé nous annonce qu'il veut éliminer des places, ce qui nous semble poser un problème. On pense aux mères monoparentales à l'aide sociale qui ne peuvent garder que le premier 100 $ de la pension alimentaire versée par leur ex-conjoint. À ce moment-là, on n'est pas du tout dans la recherche d'un niveau de vie décent, mais pourtant on ne pourra pas le contester en vertu de la charte. Et il y aurait d'autres exemples qu'on pourrait apporter, les problèmes des locataires, etc.
n(14 h 10)n Et pourtant, en 1976, lorsque le Canada a décidé de signer le pacte international sur les droits sociaux, économiques et culturels, le gouvernement du Québec a approuvé un décret qui appuyait cette initiative du gouvernement canadien. En vertu de l'article 2 de ce pacte, le Québec s'engageait donc à agir au maximum de ses ressources disponibles en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le pacte. Et pourtant, depuis ce temps-là, malgré que l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé à Québec auraient dû sentir l'obligation d'aller dans le sens de meilleurs droits économiques et sociaux, d'un meilleur niveau de vie pour l'ensemble de la population, tel n'a pas été le cas.
Un exemple, on sait qu'en 2000, en l'an 2000, avant même que les hausses des loyers des Québécois des dernières années ne fassent sentir leur effet, 218 000 ménages locataires québécois, dont 56 % avaient une femme comme principal soutien financier, consacraient plus de 50 % de leurs revenus en loyer. Alors, on n'est pas non plus, à ce moment-là, dans l'idée d'un revenu décent.
En 2006, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU a rendu un rapport très critique à l'égard du Canada ? dont le Québec fait encore partie ? en rapport avec les obligations socioéconomiques de notre pays, et le comité des Nations unies demandait au Canada d'éliminer à titre prioritaire les inégalités économiques. Il demandait de fixer l'assistance sociale à un niveau tel qu'il garantisse la réalisation d'un niveau de vie suffisant. Il parlait aussi de problèmes de logement. Alors, ne devrions-nous pas commencer par là si nous voulons vraiment parler d'égalité, si nous voulons parler de sortir des femmes de la pauvreté?
Je vous signale aussi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dans son bilan, effectué en 2003, des 25 premières années de l'application de la charte, recommandait effectivement que les articles 39 à 48 deviennent justiciables pour permettre aux citoyennes et aux citoyens du Québec d'aller éventuellement devant un tribunal pour tenter d'avoir justice. Ce qui est extrêmement dommage, c'est que, malgré ces rapports des Nations unies, y compris celui de 2006, malgré les recommandations de la Commission des droits de la personne, il n'y a pas eu de suivi du gouvernement du Québec.
Alors, nous pensons que c'est possible de rendre justiciables les droits économiques et sociaux et nous voulons donner deux exemples, celui de l'Afrique du Sud et l'exemple français. En Afrique du Sud, dans la constitution du pays, on a inclus le droit au logement; ça nous paraît quelque chose d'intéressant. Et la France vient de rendre le droit au logement «opposable», on le met entre guillemets, c'est un terme un peu curieux, mais ça signifie que toute personne qui n'est pas en mesure d'accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant et de s'y maintenir peut l'invoquer d'abord de manière amiable puis devant les tribunaux. Si cette possibilité est réservée pour le moment aux personnes sans domicile fixe, elle va s'étendre par la suite à toute personne éligible à un logement social.
Il est donc possible de rendre justiciables les droits économiques et sociaux, et c'est ce que Québec solidaire, à l'instar d'autres groupes d'ailleurs, propose. On voudrait ajouter aussi que nous voudrions dès maintenant voir appliquer des mesures concrètes pour l'égalité entre les hommes et les femmes, et c'est Mme Pigeon qui va vous en parler.
Mme Pigeon (Marie Josèphe): Alors, si je paraphrase mon professeur de latin, je pourrais dire que le gouvernement Charest est fort en thème et pauvre en version. Dans le langage d'ordinateur maintenant, on dirait fort en doc et pauvre en tâche.
Dès le départ, en 2004-2005, on lance le plan d'action des valeurs partagées, suit ensuite la politique de lutte contre la discrimination et le racisme, on a une politique favorisant l'égalité de fait femmes-hommes qui est sortie ce printemps, enlignant la commission Bouchard-Taylor, et maintenant le projet de loi n° 63. Je vois donc le gouvernement Charest qui parle d'abondance mais qui agit peu.
On peut souligner que ce projet vise des violations potentielles plutôt que des garanties substantielles, et le choix du ministère de la Condition féminine plutôt que de la Justice et de la Commission parlementaire des affaires sociales peut être un indicateur qu'on est encore dans un vieux paradigme de femmes éternelles mineures et/ou victimes à protéger, alors que, nous, ce qu'on aimerait présenter, c'est vraiment des citoyennes à part entière qu'on soutient dans l'exercice de leurs droits. Le droit à l'égalité ne se vit pas dans l'abstrait, il exige des mesures concrètes; sinon, l'égalité est réduite à une dimension... et là on est loin de l'égalité de fait.
Si on rappelle, à titre d'exemple, des revendications des groupes de femmes, on peut en tirer quatre en particulier, qui est l'application rigoureuse des lois imposant des programmes d'accès à l'égalité et surtout l'équité salariale, qu'on dit encore souvent, trop souvent, négociée ? c'est une loi, est-ce que ça se négocie; l'adoption de modifications à la Loi sur les normes du travail visant à faciliter la conciliation famille-emploi, qui est une tendance lourde dans le monde du travail au Québec; pour les aidants et aidantes, l'instauration d'une prestation québécoise d'aide aux proches ? ça aussi, c'est une tendance lourde; et finalement la non-récupération des pensions alimentaires pour enfants auprès des familles prestataires de la sécurité du revenu, et des étudiantes qui reçoivent des prêts et bourses, qu'on a mentionné tout à l'heure comme problème fondamental.
Québec solidaire là-dedans s'est engagé depuis longtemps. Les engagements électoraux qu'on avait aux dernières élections étaient clairs, ils vont être bonifiés bientôt. J'en nomme quelques-uns comme ça: trois semaines de vacances au bout d'un an de travail continu pour faciliter la conciliation famille-travail; la hausse substantielle des prestations à la sécurité du revenu; la construction de milliers de logements sociaux; l'interdiction de toute disparité de traitement pour les personnes embauchées par des agences de placement, sur appel ou à temps partiel; l'ajout de 25 000 places dans le réseau public des centres de la petite enfance; et enfin l'abrogation des lois antisyndicales, dont les lois nos 7 et 8 qui touchent particulièrement des femmes éducatrices ou travaillant dans ressources intermédiaires.
Québec solidaire demande donc au gouvernement du Québec de poser immédiatement des gestes concrets pour lutter contre les violences à l'égard des femmes, leur permettre de sortir de la pauvreté, mettre fin aux discriminations qui touchent les femmes immigrantes et établir un fois pour toute l'équité salariale en milieu de travail.
Le Président (M. Kelley): Ça va? Merci beaucoup. On va passer maintenant à la période d'échange. Juste pour les règles du jeu, il y a 17 minutes à ma droite, 15 minutes pour les députés de l'opposition officielle et 13 minutes pour le deuxième groupe de l'opposition. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci, merci de votre présentation. Écoutez, je suis ravie que vous entériniez ce projet de loi sur le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes comme valeur fondamentale de notre société. D'ailleurs, vous l'avez noté lors de la commission Bouchard-Taylor, c'est-à-dire de reconnaître officiellement que l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur enfin non négociable. Et vous avez fait également mention, pendant la commission Bouchard-Taylor, de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour la réalisation d'une politique d'une égalité de fait entre les femmes et les hommes.
Je vous rappelle que le plan d'action qui a été rendu public par ma prédécesseure est, je pense, un exemple. Lorsque vous dites qu'on parle puis qu'on agit peu, je pense que vous... je trouve personnellement que vous allez un peu loin parce que, dans cette politique... dans ce plan d'action, il y a quand même des mesures qui sont majeures et importantes pour les femmes. Il y a 63 mesures concrètes, il y a six orientations, 24 millions de dollars pour mettre en place ces mesures. Et il y a également, au cours des années, plusieurs gestes concrets qui ont été posés dans l'avancement de l'égalité entre les femmes et les hommes. Plusieurs lois ont été adoptées, la Loi sur l'équité salariale, la loi sur le partage du patrimoine. Il y a le congé parental également qui connaît un succès assez phénoménal au Québec. Et il y a des choses quand même importantes qui ont été faites, de sorte que le Québec est quand même à l'avant-garde, et plusieurs pays viennent s'inspirer de ce qui se fait au Québec pour l'avancement de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Cet été, lors d'une rencontre fédérale-provinciale des ministres de la Condition féminine qui s'est tenue à Iqaluit, on m'a demandé de présenter le congé parental, notre congé parental au Québec, de faire une présentation, faire un exposé sur le congé parental. Et il y avait énormément d'enthousiasme au sein de mes vis-à-vis pour reprendre ce modèle-là. Donc, le Québec est un modèle. Donc, je trouve votre critique un peu injuste, là, et c'est pour ça que je voulais faire certaines mises au point.
Je voudrais connaître votre opinion sur la portée du changement sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans la société québécoise, au sein de la société québécoise, comme message. J'aimerais connaître votre opinion sur ce message qui sera... À mon avis, c'est une déclaration solennelle, c'est un pilier de la société québécoise, et je pense que le message est très fort, et j'aimerais vous entendre là-dessus, sur votre appréciation.
n(14 h 20)nMme David (Françoise): Je pense que là-dessus notre mémoire est très, très clair, en tant que message lancé à toute la société québécoise, dont nous faisons tous partie, oui, bien sûr, c'est un message qui est important; ça, c'est incontestable. Cependant la question que nous posons, c'est: Fallait-il, à ce moment-ci... Il faut se rappeler le contexte dans lequel on a annoncé qu'on ouvrait la charte pour inclure ces deux clauses, c'était le contexte de toutes les discussions autour des accommodements raisonnables. Fallait-il, à ce moment-là, ouvrir la charte pour y inclure deux articles qui ont certainement la portée d'un message fort mais qui ne nous semblent pas apporter beaucoup dans le quotidien des femmes québécoises?
N'aurait-il pas été plus judicieux d'attendre le dépôt de la commission Bouchard-Taylor, voir si les deux commissaires avaient à proposer des changements à la charte et traiter un ensemble de questions éventuellement ? je ne sais pas ce qu'ils vont proposer ? mais les traiter en même temps? Ça, c'est une question que nous soulevons aussi. Mais, si vous voulez, de façon un peu pragmatique, maintenant que vous avez décidé de mettre ce projet de loi sur la table, bien sûr que nous ne nous y opposerons pas, c'est évident.
Mme St-Pierre: Ça ne veut pas dire également, dans notre esprit, qu'on va s'arrêter ici. C'est-à-dire, la commission Bouchard-Taylor fait son travail, la commission Bouchard-Taylor va remettre au gouvernement des recommandations, et les recommandations seront traitées. Il nous a paru important d'amener ce changement à la lumière justement des témoignages qui ont été entendus, et c'était une question sur l'égalité entre les hommes et les femmes qui revenait continuellement et qui fait à notre avis consensus. Donc, le fait de l'inscrire dans la charte comme valeur fondamentale, de l'avoir dans le préambule de la charte, entre autres, ça nous apparaît fondamental. Et, hier, Me Latour, du Forum des juristes, nous disait que c'était corriger une erreur historique parce que cette notion-là aurait dû se retrouver dès le départ dans le libellé de la charte.
Pour ce qui est de l'interprétation que les juges ou que les tribunaux vont donner à ce changement, la Commission des droits et libertés a dit clairement, lorsqu'elle est venue ici, que c'était plus qu'un message, que les tribunaux allaient s'inspirer et tenir compte de ce nouveau libellé là. Je vais vous citer le rapport... le mémoire de la commission: «Dans le présent cas, l'article projeté devrait indiquer à l'interprète qu'il doit prendre en compte le droit à l'égalité ? on fait référence à l'article 49.2 ? entre les femmes et les hommes lorsqu'il doit analyser une situation juridique où une liberté ou un droit de la personne est en cause.» Donc, ce n'est pas inutile, c'est un plus à la suite de... par rapport à ce qu'on a entendu de la part de la Commission des droits de la personne.
Maintenant, j'aimerais vous entendre sur les droits socioéconomiques. Je comprends que ça fait partie de vos préoccupations, ça fait partie des préoccupations de plusieurs personnes qui sont venues ici, mais, depuis 1982, tous les gouvernements qui se sont succédé ont maintenu la même orientation, en lien avec la charte, c'est-à-dire que les questions relatives aux droits économiques et sociaux restent sous la responsabilité du Parlement.
Mme David (Françoise): Oui, je vous écoute.
Mme St-Pierre: Alors, comme ça a été le cas depuis, pourquoi il faudrait... Est-ce que vous ne croyez pas que ça relève de la responsabilité du Parlement et des députés, la question des droits économiques et sociaux?
Mme David (Françoise): Mais comme toutes les questions abordées dans la Charte des droits et libertés. C'est évident qu'étant un parti profondément attaché aux institutions démocratiques ? comment je dirais? ? on est convaincus qu'ultimement bien sûr la responsabilité de l'organisation de la vie en société, la responsabilité d'accorder des droits, de s'assurer que toute la population a un niveau de vie décent, la responsabilité de partager la richesse, elle appartient aux élus, oui. Mais, d'un autre côté, ce qu'on observe aussi depuis de trop nombreuses années ? et bien que je reconnaisse tout à fait les progrès des femmes dont vous avez parlé, bien entendu ? il y a encore trop de problèmes au niveau des droits économiques et sociaux pour qu'on ne permette pas aux citoyennes et aux citoyens à l'occasion, lorsque ça leur paraît important, d'utiliser la charte pour défendre leurs droits.
Alors, il n'est pas question pour Québec solidaire de vouloir regarder les tribunaux se substituer tout le temps au travail des élus. Non, ça, ça n'aurait pas de sens. Mais qu'il puisse arriver, à un moment donné, que des personnes, souvent parmi les plus pauvres de notre société, par exemple utilisent un article de la charte pour dire: Là, là, vous indexez nos prestations à moitié, vous n'avez pas le droit parce que, selon la charte et selon les engagements internationaux que vous avez pris, vous devez assurer un niveau de vie décent, y compris aux gens les plus pauvres, bien pourquoi pas, puisque, dans le cas dont je parle, le législateur, depuis quatre ans, a jugé qu'il était bon, de son point de vue, d'indexer des prestations à moitié.
Mme St-Pierre: Est-ce que ça devrait se faire dans un autre chantier, cette notion...
Mme David (Françoise): Qu'est-ce que vous voulez dire par «chantier»?
Mme St-Pierre: ...dans un autre contexte, dans un autre forum, ou si vous considérez que c'est dans ce forum-ci que ça doit se faire?
Mme David (Françoise): Vous parlez de la présente commission sur le projet de loi? Écoutez, on va utiliser les forums disponibles. Alors là, c'est un peu compliqué parce que vous avez décidé de rouvrir la charte sur une question, celle de l'égalité entre les hommes et les femmes, et vous avez proposé un petit projet de loi finalement où il y a seulement deux articles. Je pense que j'en ai vus des beaucoup plus longs que ça dans d'autres commissions parlementaires. Et c'est sûr qu'idéalement, je l'ai dit au début, si on doit parler de l'ensemble des questions qui sont contenues dans la charte, il pourrait être intéressant d'avoir un forum peut-être plus large. Mais on ne pouvait faire autrement que de profiter de l'occasion pour vous indiquer, comme commission, et puisqu'il y a un projet de loi sur la table, que Québec solidaire souhaite que les droits économiques et sociaux soient justiciables. Vous pourriez peut-être, si vous jugez que la commission ici n'est pas la plus pertinente pour en parler... vous pouvez quand même faire les recommandations qui s'imposent, j'imagine.
Mme St-Pierre: Vous utilisez le terme «petit projet de loi». J'espère que...
Mme David (Françoise): Petit dans le nombre d'articles.
Mme St-Pierre: J'apprécierais un autre terme. Mais la charte a souvent été... il y a eu souvent des changements, hein, qui ont été apportés à la charte au fil des ans. Je faisais encore référence à ces changements ce matin: 1978, 1979, 1980, 1982, 1996 deux fois, 1999, 2002, 2005, 2006. Donc, ce n'est pas inusité de faire un changement à la charte et d'apporter, pour une certaine... un sujet bien précis, qui est bien cerné à mon avis, dire: Bon, voilà, je pense que ça, ça fait consensus au sein de la société, et ça fait consensus au sein des différents partis politiques qui siègent à l'Assemblée nationale, et pourquoi attendre? On pourrait se faire critiquer et se faire dire: Écoutez, il y a quelque chose au Québec, là, qui fait consensus, c'est un message qu'on envoie à toute la population, quel que soit votre statut social, quelle que soit la langue, l'origine, c'est un message qui fait consensus, pourquoi, en tant que société, ne faisons-nous pas ce choix-là? On pourrait se faire dire: Faisons-le, ça presse. Et c'est ce que les juristes sont venus nous dire hier, ça aurait dû être fait il y a plusieurs années. Donc, en faisant ça maintenant, ça ne veut pas dire que tout s'arrête.
Mme David (Françoise): Non, non, bien sûr. Puis, écoutez, là, quand j'ai dit «petit», je parlais du nombre d'articles, parce qu'il y a parfois des projets de loi qui en ont des centaines...
Mme St-Pierre: Mais qui parlent moins.
Mme David (Françoise): C'est juste ça que je voulais dire. Et ? comment je dirais? ? le choix du moment n'était quand même pas à notre avis dénué de toute considération que j'appellerais politicienne. Il faut quand même se dire que ça s'est passé l'automne dernier, au moment où le débat autour des accommodements raisonnables était le plus vif, au moment où, je pense, pas mal d'esprits étaient un peu troublés, où il se disait toutes sortes de choses. On aurait pu, à tout le moins, attendre le dépôt du rapport, quelques mois n'auraient pas fait une si grande différence quand même. C'est ça, le message qu'on voulait envoyer.
Mais le deuxième message, je le répète, ce n'est pas de minimiser à outrance les deux articles que vous proposez, puisque le message qui est envoyé est un message fort, mais ce qu'on veut essayer de dire, c'est que, si vous voulez que ce message porte vraiment dans la vie quotidienne des femmes, il faut, je crois, aborder plus largement la question des droits économiques et sociaux, les rendre justiciables, mais il faut aussi... Et, malgré ce qui a été fait pour les femmes depuis 40 ans, dont je pourrais faire la liste avec vous, moi aussi, je crois que, là, il se pose quand même, pour les femmes les plus pauvres, les plus exclues, les plus discriminées, des problèmes majeurs auxquels il faut trouver des réponses concrètes que ce projet de loi évidemment n'apporte pas.
Mme St-Pierre: Est-ce que vous trouvez que le plan gouvernemental qui s'intitule Plan gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui prévoit 2,5 milliards de dollars sur cinq ans, c'est insuffisant?
n(14 h 30)nMme David (Françoise): Insuffisant?
Mme St-Pierre: Oui.
Mme David (Françoise): Oui, c'est insuffisant. J'ai lu...
Mme St-Pierre: Combien... quel serait votre niveau de confort?
Mme David (Françoise): Ce n'est pas une question d'argent. J'ai lu ce plan attentivement, j'ai vu aussi quelles étaient les réactions, par exemple, de différents groupes de femmes et du mouvement des femmes, et dans le fond on va à peu près dans le même sens, c'est-à-dire qu'il y a dans ce plan un certain nombre de très bonnes idées ? là n'est pas la question ? il y a des projets intéressants, mais il y a des sujets que le plan aborde peu, aborde moins et qu'à notre avis il devrait aborder.
Par exemple: La situation des femmes immigrantes, qui sont plus souvent chômeuses même que les hommes immigrants, quelles mesures concrètes va-t-on prendre pour régler ce problème? La question des mères monoparentales à l'aide sociale, comment ça se fait qu'on est encore obligé, en 2008, de dire que la pension alimentaire qu'elles reçoivent, elles devraient pouvoir la garder complètement? La question du rapport Bernier, remis en 2003, qui proposait toutes sortes de changements importants à la Loi des normes du travail, des changements qui, dans un certain nombre de cas, avantageraient les femmes qui sont à statut précaire, à temps partiel, occasionnelles et sur appel? Les femmes sont les championnes de la précarité. Ce rapport est resté lettre morte, on n'a rien fait avec ça. Et pourtant il pourrait y avoir des mesures intéressantes, par exemple en ce qui a trait à toutes celles qui sont embauchées par des agences de placement, pour leur donner le même statut que les femmes ou les hommes embauchés de façon plus régulière.
Autrement dit, il y aurait plus à faire. Loin de moi l'idée de dire qu'il n'y a rien de fait, mais il y aurait vraiment plus, et ce plus changerait la vie des femmes qui vivent souvent le plus de difficultés.
Mme St-Pierre: Mais revenons à ce projet de loi, ici, qui est devant nous. Je vais vous citer Mme Latour, hier, Me Latour, qui disait: «Pour une fois que les femmes passent en premier, se passent en premier et que ce projet de loi est simple, je ne le diluerais pas trop, je l'adopterais tel qu'il est[...]. Pour moi, on retourne aux assises de notre société avec ce projet, on le garde simple. On pourra ensuite, pour les 30 ans de la charte, pour d'autres décider d'élargir cette réflexion. Mais je crois que, d'y aller par étapes efficaces et de ne pas se perdre dans...», qu'il faut y aller de façon efficace et ne pas se perdre dans les tergiversations. C'est le commentaire de Me Julie Latour, qui est du Forum des femmes juristes, lors de la commission parlementaire, hier.
Alors, je pense que, si on y va, étape... À cette étape-ci, de prolonger le processus, vous, ça apparaîtrait acceptable? C'est-à-dire, d'y aller, à cette étape-ci, avec le projet qu'on a devant nous...
Mme David (Françoise): Avec le projet de loi?
Mme St-Pierre: ...est-ce que vous seriez satisfaite? Considéreriez-vous que les femmes font un pas pour l'égalité entre les femmes et les hommes, avec le projet qu'on a devant nous?
Mme David (Françoise): Alors, au risque de me répéter, je vais vous dire que, de façon très pragmatique, puisque ce projet de loi est sur la table, nous allons y souscrire bien sûr, mais nous souhaitons, nous continuons de souhaiter, oui, en tout respect pour cette dame, qu'on élargisse le débat autour de la charte pour que les droits économiques et sociaux deviennent justiciables. Nous croyons que c'est une chose possible et qu'on n'a pas besoin d'attendre trop longtemps pour le faire.
Et nous voulons surtout indiquer que, bien que ces deux articles, bon, figureront dans la Charte des droits et... dans la Charte des droits et libertés, oui, bien que ces deux articles y figureront, nous voulons surtout mentionner que, dans la vie quotidienne des femmes, il faudra adopter des mesures concrètes pour aller plus loin.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci. Bonjour, mesdames, merci pour votre mémoire. Mais, écoutez, si on comprend que, selon vous, le projet de loi n° 63 est quand même tout à fait louable mais est insuffisant pour atteindre l'égalité, l'égalité des sexes, est-ce qu'on...
Mme Pigeon (Marie Josèphe): ...que le projet de loi est intéressant au niveau de la symbolique, parce qu'il faut envoyer un message clair. Maintenant, effectivement, si on ouvrait la charte jusqu'à rendre justiciables les articles sur les droits sociaux et économiques, ce ferait une avancée déjà plus vers l'égalité de fait.
Mais ce qu'on disait tout à l'heure dans ma partie, ce n'était pas qu'il y avait juste des documents qui étaient écrits, c'était de voir que ces outils-là, ils contiennent des mesures, le plan d'égalité hommes-femmes contient des mesures qui peuvent être déjà appliquées. Alors, ce qu'on est en train de dire finalement, c'est: Pourquoi on ne les applique pas plus rapidement puis on ne les met pas en action? Il y en a beaucoup, de mesures, là. Si je prends la politique égalité hommes-femmes, mais aussi la politique de lutte contre la discrimination, qui va aider les femmes immigrantes c'est sûr, ça fait deux politiques, là, qui contiennent une foule de mesures qu'on pourrait mettre. Et donc, on les a, ces outils-là, pourquoi, à ce moment-là, réduire notre action pour l'égalité de fait des femmes à deux articles qui sont somme toute plus symboliques que concrets? C'est ça qu'on avance.
Mme Leblanc: D'accord. Puis, écoutez, si on rendait... Parce que vous parlez de rendre les articles 39 à 48 justiciables. À ce moment-là, est-ce que vous diriez que le projet de loi n° 63 ferait quand même une différence supplémentaire? Parce que vous parlez, bon, plus qu'un principe, là, vous parlez plus de principe. Est-ce ça ferait quand même une différence supplémentaire à ce moment-là?
Mme David (Françoise): Moi, je trouve que c'est difficile à dire. C'est sûr que l'adoption d'un tel projet de loi envoie un message clair à toute la société québécoise, à tous les hommes et à toutes les femmes qui habitent le Québec. Ça vient dire que, dans l'ensemble des valeurs qui nous animent, au Québec... il y en a d'autres, là, mais la question de l'égalité entre les hommes et les femmes est une des valeurs fondamentales, elle est essentielle, elle est importante. Et c'est sûr qu'une fois ce message adopté et inclus dans la Charte des droits et libertés, il est fort à parier que des femmes, par exemple, soit dans des groupes de femmes ou ailleurs, voudront à certains moments dire: Regardez, ça a été voté, c'est une des valeurs fondamentales qui animent le Québec, donc nous interpellons tel ou tel pouvoir public en disant: Bien, si c'est vrai, si c'est vrai que les hommes et les femmes sont égaux, alors vous devez faire ceci, vous devez faire cela.
Ça peut être un outil qui soit utile au moment où un groupe fait pression pour obtenir quelque chose, là. Donc, c'est pour ça que nous ne voulons pas minimiser complètement la portée du message qui est envoyé. Mais est-ce que juridiquement ça pourra vraiment être utilisé par des groupes de femmes, par exemple, qui se battront pour augmenter le salaire minimum, augmenter les prestations à la sécurité du revenu, augmenter les budgets dévolus au maintien à domicile qui servent de très nombreuses femmes âgées? Juridiquement, non, pas du tout. Ce sont des batailles incessantes que les femmes font depuis très longtemps et qu'elles vont continuer de faire.
Mme Leblanc: D'accord. Merci. Écoutez, on sait que notre gouvernement n'aime pas qu'on en parle, sauf qu'on considère, je pense, que c'est intimement relié, la commission Bouchard-Taylor, avec le projet de loi actuel. Vous en avez d'ailleurs fait mention. Puis, comme Mme la ministre le disait tantôt, il y a un groupe qui dit qu'on devrait, vous savez, complètement le traiter, vous savez, en deux parties. En quoi on aurait dû, vous savez, on aurait dû attendre et on aurait dû peut-être revoir un débat plus large? Selon vous, à quoi ça aurait abouti? Ou est-ce qu'on en serait venu...
Mme David (Françoise): Ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'on aurait pu attendre le dépôt du rapport de MM. Bouchard et Taylor parce qu'en fait, moi, je n'en sais rien, peut-être que vous vous avez plus de renseignements, mais on ne sait pas si les commissaires vont proposer, par exemple, d'ouvrir la charte sur d'autres questions. Et donc il aurait pu être utile d'attendre le dépôt du rapport, qui est promis pour bientôt, je pense, fin mars, pour faire un travail un petit peu plus global, au besoin. Peut-être que les commissaires vont dire: Ne touchez pas à la charte. Enfin, on n'en sait rien, bon. C'est tout ce qu'on dit.
Maintenant, une fois que le projet de loi n° 63 est sur la table, il me semble que ce projet de loi doit être appuyé. Il peut peut-être être modifié au besoin; enfin, ça, je n'en sais rien. Nous autres, on propose d'inclure la justiciabilité des droits économiques et sociaux, et d'autres auront peut-être d'autres suggestions. Mais on ne viendra pas dire, comme Québec solidaire, parti féministe, là, que ce qui est écrit dans ce projet de loi n'est pas bon.
Mme Leblanc: Tout à fait. Vous avez raison. Quelle action pourrait être posée pour améliorer les conditions de vie des femmes, au-delà du projet de loi n° 63, là? Ce serait quoi, votre principale priorité?
Mme David (Françoise): Bien, il y en aurait plusieurs. Je pense qu'on en a...
Mme Leblanc: Ou une de vos...
Mme David (Françoise): ...mentionné quelques-unes. Mais je pense qu'il faut de toute urgence s'occuper de tout ce qui touche la conciliation famille-travail. Et il y a des choses relativement simples qui pourraient être faites, là. Deux semaines de vacances par année alors que les enfants sont en congé, l'été, pendant deux mois, et qu'un certain nombre de leurs parents ont deux semaines de congé, je n'appelle pas ça exactement de la conciliation famille-travail.
n(14 h 40)n On pourrait parler de toute la problématique des proches aidantes, et je le dis au féminin parce que, dans 80 % des cas, ce sont des femmes. Le mouvement des femmes demande qu'il y ait une prestation québécoise pour les proches aidantes obligées de quitter un emploi parce qu'il y a quelqu'un de la famille qui est gravement malade ou qui a une maladie grave. Moi, je pense qu'on doit examiner ce genre de mesure, tout comme on doit examiner des mesures de répit aussi pour les proches aidantes.
On doit parler de maintien à domicile. On doit parler du nombre de places dans les CHSLD. Ça ne touche pas seulement les femmes, mais beaucoup, beaucoup de femmes âgées. Alors, j'ai parlé tout à l'heure de la problématique de la pension alimentaire chez les mères à l'aide sociale, mais les mères étudiantes aussi qui, dans leurs prêts et bourses, peuvent aussi garder seulement le premier 100 $ de pension alimentaire. Donc, il y a plusieurs mesures qui à notre avis devraient être prises rapidement.
Mme Leblanc: Vous avez raison, il y en a quand même quelques-unes. Je vais passer la parole à mon collègue.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. L'Écuyer: M. le Président, avec votre permission. Mme David, Mme Pigeon, merci d'être ici, cet après-midi. J'ai pris connaissance de votre mémoire. À la page 7, vous nous dites: «Le Secrétariat à la condition féminine vient de publier, [en] 2007, un nouveau rapport statistique; D'égale à égal? Un portrait statistique des femmes et des hommes. On constate qu'en 2001 80 % des parents seuls ayant la charge principale des enfants sont des femmes.» Est-ce que présentement c'est la même photo ou le même statut que vous constatez, le même...
Mme David (Françoise): Je n'ai pas regardé les chiffres récents, ça a peut-être diminué un peu, en fait je ne le sais pas. Je sais qu'au Québec il y a un certain nombre, bon, de parents seuls, et, dans la plupart des cas, ce sont des femmes. Mais je sais aussi que la garde partagée est de plus en plus utilisée au Québec. En fait, on est probablement un des endroits au monde où c'est le plus utilisé. Mais je n'ai pas les chiffres les plus récents.
M. L'Écuyer: Vous avez parlé, dans votre mémoire, de la question de l'obligation, en fait, du droit au logement. Et vous nous avez informés qu'en Afrique du Sud, dans la constitution, il y avait un droit au logement qui existait, de même qu'en France aussi, un droit au logement opposable. Est-ce qu'effectivement croyez-vous que le droit au logement, ce serait une priorité au Québec pour permettre l'égalité hommes-femmes et venir en aide aux citoyennes qui sont aux prises avec une famille et aussi avec des jeunes enfants?
Mme David (Françoise): Vous vous imaginez bien que la réponse c'est oui, oui et vraiment oui, et encore plus maintenant peut-être que lorsque... On a des chiffres, là, qui datent de 2000. Les hausses de loyer, au Québec, et pas seulement à Montréal mais dans la plupart des grandes villes québécoises, sont assez spectaculaires, et il devient vraiment de plus en plus difficile pour les ménages à faibles revenus de se loger décemment.
C'est pour ça d'ailleurs que Québec solidaire, lors de la dernière campagne électorale ? et on n'a pas changé d'idée depuis ? demandait la construction de 8 000 nouveaux logements sociaux et abordables par année, 4 000 s'il n'y avait pas d'aide fédérale, parce qu'il y a trop de gens en ce moment, et beaucoup de femmes, parmi ces gens-là, des mères monoparentales par exemple, qui ont vraiment des difficultés à se loger.
Vous savez qu'à chaque 1er juillet le psychodrame recommence. C'est moins grave que ça l'était il y a quelques années, où, là, il y avait des centaines de foyers à Montréal privés de logement. Donc, il y a eu quand même une certaine amélioration. Le taux d'inoccupation des loyers est quand même un peu plus élevé, ce qui est intéressant. Mais, avec les gens du Front d'action populaire en réaménagement urbain, ce qu'on regardait au niveau des chiffres, c'est que le taux d'inoccupation est plus élevé au niveau des loyers plus chers mais demeure très bas au niveau des loyers moins chers. Ça demeure donc difficile de se loger, au Québec, pour des gens à faibles revenus.
M. L'Écuyer: Vous faites une relation entre la famille, le logement, et aussi l'égalité hommes-femmes, et aussi une possibilité de s'épanouir dans notre société. Vous faites un lien entre les...
Mme Pigeon (Marie Josèphe): Il y a une étude qui a été faite sur l'occupation des logements à Montréal, qui est assez récente, qui montre à quel point... en particulier dans les quartiers où l'immigration est forte, avec un taux de natalité qui va avec, comme quoi les familles, majoritairement, là ? ça va presque jusqu'à 70 % ? vivent dans des logements trop petits pour la famille, mal entretenus par les propriétaires et inabordables, qui approchent les 50 % des revenus familiaux. Ça, c'est un nombre assez grand, là, de familles, et ça va dans les familles les plus vulnérables, où les femmes sont souvent les plus vulnérables aussi. Et donc, si on améliore le logement, on améliore la qualité de vie de la famille et l'espérance d'autonomie, de travail, de participation civique à part entière de cette femme-là, et la famille en bénéficie au complet. On garde notre monde à Montréal, on garde notre monde en santé, on les garde ici, au Québec. Autrement, ils vont partir en Ontario, là.
M. L'Écuyer: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. En mon nom et au nom de mes collègues, bienvenue à cette commission, Mme David et Mme Pigeon. Votre mémoire rejoint celui de la Commission des droits et libertés de la personne. Je relisais le mémoire que la commission nous a présenté hier matin, à l'ouverture de la commission, et on pouvait y lire ceci ? excusez-moi, là, que je me retrouve: «La commission est toujours d'avis qu'une meilleure reconnaissance effective des droits économiques et sociaux constitue un élément essentiel pour garantir l'exercice des droits et libertés de la personne. S'il est vrai que la reconnaissance de ces droits ne vise pas spécifiquement les femmes, il importe de rappeler que les femmes sont particulièrement touchées par l'objet des droits économiques et sociaux.» Et là ils font référence à un volume que vous connaissez peut-être, Mme David, volume écrit par Muriel Garon et Me Pierre Bosset ? non? ? alors, qui d'ailleurs, dans ce volume, eux-mêmes font référence au grand rassemblement orchestré par la Fédération des femmes du Québec en 1995 et 2000, et qui déclarent que «la pauvreté est de loin la situation la plus corrosive pour l'exercice des droits, et particulièrement celui du droit à l'égalité».
Alors, suit à cela, là, toute une démonstration à l'effet que l'égalité abstraite finalement ou symbolique est importante mais que l'égalité effective suppose des gestes concrets. Vous en recommandez un en particulier, soit celui d'étendre aux articles 39 à 48 de la charte l'application du caractère prépondérant ? c'est bien ça? ? ou justiciable... Vous dites justiciable?
M. Turp: Justiciable.
Mme Harel: C'est ça, on dit justiciable. Il faudrait peut-être...
M. Turp: Sanctionnable.
Mme Harel: ...l'exprimer en termes clairs. Ça signifie donc qu'on peut le faire appliquer devant un tribunal. Tantôt, Mme la ministre a demandé: Oui, mais est-ce que cela n'atténue pas la capacité du Parlement à décider finalement, disons, des choix de société, hein, en quelque sorte? Puis j'aimerais ça vous réentendre sur cette question-là parce que c'est toujours l'argument que l'on nous sert.
Lorsque la Commission des droits et libertés de la personne sont venus, hier, on a fait référence au bilan de la 25e année, n'est-ce pas, de la charte québécoise des droits et libertés, et, ce bilan, on ne l'a jamais étudié en commission parlementaire. Depuis novembre 2003, là, ça fera bientôt cinq ans, on n'a jamais eu un examen parlementaire de ce bilan. On le fait, là, un peu par la bande, si vous me permettez l'expression, là, durant toute la commission. Vous n'êtes pas les seuls à en parler, presque tous... le cinquième des présentations de mémoires depuis hier seulement. Alors, j'aimerais vous entendre sur le fait que ces droits économiques et sociaux ? comment dirais-je? ? n'altèrent pas la compétence des élus, en fait des Parlements.n(14 h 50)nMme David (Françoise): Mais c'est sûr que, lorsqu'on a dans les mains une Charte des droits et libertés, on consent quelque part à ce que les prérogatives des élus y soient tout de même soumises. Et je n'ai pas beaucoup entendu, certainement pas ici, mais je n'en ai pas entendu beaucoup ailleurs, qu'on remette en question les articles 1 à 38 et leur prépondérance sur les décisions des élus.
Alors, ce qui est surprenant, du point de vue de Québec solidaire, c'est que, rendu à l'article 39, où, là, on commence à parler des droits économiques et sociaux, là, il n'y a plus prépondérance, comme si subitement, là, on s'inquiétait des prérogatives des élus. Donc, pour nous, la logique voudrait que, si les droits et libertés des personnes des articles 1 à 38 permettent un recours en justice ? on va le dire comme ça ? pourquoi ne pas le permettre en ce qui a trait aux droits économiques et sociaux?
Donc, si je me pose la question, je n'ai pas de réponse d'ordre juridique, je ne suis pas juriste, j'ai envie de faire plutôt une réponse politique. Et la réponse politique, bien c'est peut-être que les élus, pour un certain nombre en tout cas, préfèrent se sentir complètement libres lorsqu'il est question d'allouer des sommes pour des programmes sociaux ou de ne pas les allouer. Ils préfèrent avoir liberté complète d'investir des sommes, je ne sais pas, moi, dans certains investissements économiques, par exemple, ou dans le soutien, disons, à certaines cliniques privées dans la santé, plutôt qu'à l'aide sociale, au droit au logement, à l'instruction publique jusqu'à l'université pour vrai, à des places en CHSLD. Et peut-être qu'un certain nombre d'élus, et pas seulement ceux qui gouvernent en ce moment, j'ose dire que je l'observe depuis quand même pas mal longtemps, préfèrent avoir les coudées franches pour décider où ils attribuent les fonds, et malheureusement, ce que j'ai observé longtemps aussi, eh bien, c'est que les fonds, ils ne vont pas très, très, très souvent aux personnes les plus mal prises de la société. Ce sont des choix politiques. Je ne détesterais pas qu'à un moment donné des citoyens puissent invoquer un article de la charte qui parle, par exemple, de l'atteinte d'un niveau de vie décent pour dire aux élus: Êtes-vous sûrs que vous faites les bons choix? Donc, ça met une sorte de pression sur les élus, c'est vrai, et pourquoi pas?
Mme Harel: C'est ce que recommandait également la Commission des droits et libertés de la personne hier. Je me réfère à leur recommandation en 2003. Je pense que c'est un effet, si vous voulez, de cette commission, l'actuelle commission parlementaire sur le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, de nous inviter finalement à examiner ce qui peut favoriser de manière plus effective l'application du droit à l'égalité. Et nécessairement, depuis que nos travaux ont commencé, là, on tombe sur les droits économiques et sociaux. Le débat ne s'est pas fait ici depuis que le bilan de la Commission des droits a été publié, en novembre 2003, mais il se fait par la bande, d'une certaine façon, là, indirectement, mais il se fait de toute façon maintenant.
Il est évident qu'il y a eu des modifications, Mme la ministre en a parlé pour la deuxième fois tantôt, là, mais souvent ce sont des modifications d'harmonisation en regard de d'autres lois. Je pense, entre autres, à la Loi sur le développement durable, qui a introduit, si vous voulez, indirectement des modifications à la charte, mais ça n'a pas été en tant que tel un examen après, si vous voulez, des décennies d'évolution et de mutation, hein, dans la société, on n'a pas vraiment fait un examen comme il se doit.
Alors, à l'époque, en 2003, c'était le 25e; là, on est déjà rendus au 32e, là, le 32e anniversaire de la Charte des droits et libertés. Alors, je comprends que ce que vous nous recommandez, c'est d'en faire...
M. Turp: ...1975.
Mme Harel: En 1975, ça a été adopté en 1975.
M. Turp: Adoptée en 1975, en vigueur en 1976.
Mme Harel: ...1976, c'est d'en faire un véritable examen qui viendrait rendre, si vous voulez... Je disais hier: C'est la vertu sans les oeuvres, le projet de loi n° 63. Et la Fédération des femmes du Québec disait: C'est positif mais insuffisant. Vous reprenez en fait les mêmes orientations, là, aujourd'hui. Je sais que mon collègue veut...
Le Président (M. Kelley): M. le député de Lac-Saint-Jean?
M. Cloutier: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Pour vous permettre de participer, j'ai besoin du consentement des membres de la commission parce que vous n'êtes pas membre. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: ...
Le Président (M. Kelley): Il n'y a pas de consentement accordé par l'opposition officielle. Alors, malheureusement, M. le député, je ne peux pas vous passer la parole. M. le député de Mercier.
M. Turp: Alors, je vais essayer de deviner ce que mon collègue du Lac-Saint-Jean voulait poser comme question. Mais je veux à mon tour souhaiter la bienvenue et dire que nous apprécions la présence de Québec solidaire et sa volonté de présenter ses vues, là, sur ce projet de loi.
Mais, je pense, c'est intéressant de continuer dans la voie des droits économiques et sociaux parce que je pense que c'est un débat qui mérite d'être fait. Si l'argument, si l'argument, bien, «il faut réserver de l'espace aux élus»...
Une voix: L'affaire Chaoulli.
M. Turp: L'affaire Chaoulli, c'est vrai. Écoutez, les élus, là, on dépense beaucoup d'argent ou on autorise le gouvernement à dépenser beaucoup d'argent pour les droits civils et politiques, hein? Quand il faut assurer des garanties judiciaires, quand il faut nous assurer que la liberté d'association, d'expression et toutes sortes de grandes libertés fondamentales soient assurées, ça suppose que l'État investisse de l'argent pour que ces droits soient effectifs. Et il est vrai que quelque part on dirait qu'il y a une espèce de blocage: parce qu'il s'agirait de droits économiques et sociaux, eh bien, là, non, parce qu'il faut dépenser effectivement beaucoup dans des programmes sociaux, alors là, non, il ne faudrait pas, tu sais, laisser aux tribunaux, par exemple, le soin d'intervenir parce que ça devrait être la prérogative exclusive de l'État, du gouvernement et du Parlement qui l'autorise à dépenser de l'argent là. Alors, il y a un blocage qui est difficile à comprendre, si ce n'est que... Je ne sais pas si ça s'explique par des raisons historiques ou...
Alors, comment concrètement devrait-on assurer la justiciabilité, là? Est-ce que vous avez des propositions? Parce qu'il y a déjà des droits économiques et sociaux dans la charte. Vous saviez que nous sommes pionniers, au Québec, là? Tu sais, le chapitre IV, là, quand ça a été adopté, en 1975, là, c'était comme unique, unique en Amérique du Nord puis dans le monde même, bien qu'il y avait certaines constitutions nationales, au Mexique et ailleurs, qui comprenaient les droits économiques et sociaux, mais en tout cas c'était quelque chose où on était pionniers. Et alors qu'est-ce qu'on fait pour l'être à nouveau, pionniers sur les droits économiques et sociaux? Est-ce qu'il suffit de dire que c'est justiciable? Est-ce que vous avez des idées de comment on le ferait, là?
Mme David (Françoise): N'étant pas juriste et experte, là, je vais simplement dire qu'il y a sûrement moyen d'écrire un article ou d'abroger peut-être l'article 52 qui en fait dit justement que ces articles-là ne sont pas justiciables. En tout cas. Mais je laisse aux juristes le soin de décider de quelle façon ça devrait être écrit.
En fait, l'idée, pour nous, c'est: la charte, de l'article 1 à l'article 49, devrait... tous les articles compris en fait entre 1 et 49 devraient être traités sur le même pied. Je me rappelle avoir lu, dans le bilan de la commission, qu'on propose même de rajouter des droits parmi les droits économiques et sociaux, dont justement le droit au logement. Ça me paraît extrêmement judicieux dans le contexte que nous avons expliqué. On n'est peut-être pas obligé d'attendre, comme à Paris, qu'il y ait des milliers et des milliers de sans-abri sous la tente, le long du canal Saint-Martin, pour agir, on pourrait être pionniers, tiens, et agir préventivement, s'assurer que toute personne vivant au Québec puisse vivre ? un homme, une femme, une famille ? dans un logement décent, chauffé, où il n'y a pas de bibites et où il y a assez de place pour loger toute la famille.
On peut parler de la santé aussi, qui est de plus en plus, je dirais, un sujet chaud. C'est le sujet chaud de l'heure. La commission propose que le droit à la santé soit inclus aussi. Donc, il me semble qu'il faut faire l'examen des droits économiques et sociaux, premièrement, pour se demander si la liste est complète, et à première vue il semble que non, et, deuxièmement, eh bien, mettre ces articles sur le même pied que les articles 1 à 38, soit en biffant l'article 52, soit en rajoutant un article.
Ça ne règle pas tout, hein, on est conscients de ça, là. Ce n'est pas ça qui va faire que, demain matin, il aura 4 000 logements sociaux de construits. Pour ça, il y aura d'autres moyens de s'en occuper. Mais ça crée une pression supplémentaire sur les élus, et ça nous apparaît important.
n(15 heures)nLe Président (M. Kelley): Sur ça, Mme David, merci beaucoup, à Mme Pigeon aussi, pour votre contribution aux travaux de la commission. Je vais suspendre quelques instants...
M. Copeman: Question de règlement, M. le Président. Sur une question de règlement, M. le Président. Je souhaite qu'en vertu de l'article 132 ce soit bien noté et bien clair dans votre esprit et dans l'esprit de tous les membres de la commission que, nous, du côté du parti ministériel, on était bien consentants à ce que le député non membre de la commission, de Lac-Saint-Jean, puisse participer à cette commission et que le refus du consentement venait bien de, minimalement, la députée de Deux-Montagnes et peut-être d'autres députés de l'ADQ.
Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Je voudrais ajouter qu'effectivement il n'y a eu aucune entente au préalable avec ma formation politique à l'effet d'autoriser un membre supplémentaire de la deuxième opposition officielle.
Le Président (M. Kelley): La présidence applique le règlement, et le règlement est clair: la participation des non-membres requiert le consentement. Il n'y a pas de consentement. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Moi, M. le Président, on m'a fait écho du fait qu'il n'y avait pas justement d'entente. Ceci dit, vous avez procédé comme le règlement le prévoit. Mais je regrette toujours qu'un parlementaire ne puisse pas s'exprimer dans le temps dévolu. Je ne dis pas, s'il fallait des consentements pour allonger la période dévolue à une formation politique, mais à l'intérieur du temps, je considère qu'on devrait pouvoir ménager les choses de telle façon. Bon. C'est ainsi fait que le règlement nous...
Le Président (M. Kelley): Non, non. Les positions sont notées. La présidence n'a qu'à appliquer le règlement qui existe. Alors, je vais suspendre quelques instants. Et je vais inviter les représentants de la Commission de l'équité salariale de prendre place à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 2)
(Reprise à 15 h 6)
Le Président (M. Kelley): Parfait. Nous allons maintenant reprendre nos travaux. Et le prochain invité, c'est la Commission de l'équité salariale, représentée, entre autres, par sa présidente, Mme Louise Marchand. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, Mme Marchand.
Commission de l'équité salariale (CES)
Mme Marchand (Louise): Merci, M. le Président. Alors, je vais d'abord présenter les gens qui m'accompagnent: alors, à ma droite, Mme Carol Robertson, qui est commissaire à la Commission de l'équité salariale; à l'extrême-gauche, Me Marie Rinfret, qui est également commissaire à la Commission de l'équité salariale; et, à ma gauche immédiatement, Me Pierre Lachance, qui est le directeur des affaires juridiques de la commission.
Le Président (M. Kelley): Bienvenue.
Mme Marchand (Louise): Alors, nous tenons à remercier la commission de nous permettre de venir ajouter notre petit jalon à cette réflexion sur le projet de loi n° 63.
Adoptée unanimement par l'Assemblée nationale du Québec le 21 novembre 1996, la Loi sur l'équité salariale est entrée en vigueur un an plus tard, le 21 novembre 1997. Nous en avons fêté récemment le 10e anniversaire, d'ailleurs. Entièrement fondée sur le droit à l'égalité des femmes en emploi, elle met en oeuvre l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui confère le droit à un salaire égal pour un travail équivalent.
Issue de cette loi et chargée de faire respecter les valeurs qu'elle véhicule, la Commission de l'équité salariale s'est vu confier l'important mandat de voir à son application et de promouvoir l'atteinte de l'équité salariale au Québec. C'est à ce titre que la Commission de l'équité salariale estime opportun de se présenter devant la Commission des affaires sociales pour appuyer le projet de loi n° 63 et le principe de la reconnaissance formelle du caractère intrinsèque du droit à l'égalité dans la société québécoise.
L'adoption de la Loi sur l'équité salariale marquait, en 1996, un pas important dans la mise en oeuvre du droit à l'égalité des femmes au Québec. De même, la Commission de l'équité salariale considère que les propositions contenues au projet de loi étudié poseraient des jalons significatifs dans l'application et la protection du principe de l'égalité entre les hommes et les femmes au Québec. Plus encore, la commission y voit un appui renouvelé à l'objectif poursuivi par la Loi sur l'équité salariale ainsi qu'un appel senti aux mesures qu'elle met en place dans la perspective de l'atteinte de l'égalité économique des femmes.
Forte de ces convictions, la commission appuie donc sans réserve le projet de loi n° 63 et souligne dans les pages qui viennent l'importance du geste qui serait ainsi posé pour l'avancement du droit à l'égalité des femmes dans la société québécoise.
La charte québécoise des droits et libertés énonce et garantit les valeurs qui sont fondamentales pour la société québécoise. De fait, elle reconnaît et protège depuis plus de 30 ans le principe de l'égalité entre les sexes dans la législation québécoise, dans les actions posées par l'État et dans les rapports privés. Pourquoi alors rechercher une plus vaste reconnaissance, une affirmation renouvelée de cette valeur déjà inscrite dans la charte québécoise?
Certes, la modification d'un texte constitutionnel ou quasi constitutionnel comme une charte des droits et libertés ne doit pas être prise à la légère, et, comme l'affirment certains, il faut résister à la tentation de résoudre les problèmes à la pièce en modifiant un document aussi fondamental. La Commission de l'équité salariale estime toutefois que ce sont ces mêmes considérations qui viennent aujourd'hui confirmer l'intérêt et l'impact des modifications proposées.
À cet égard, même si la marche des femmes vers l'égalité est bien engagée, il faut avoir assez de lucidité pour reconnaître que l'objectif n'est pas encore atteint. Il suffit d'ailleurs de replacer l'accès à l'égalité des femmes dans toutes les sphères de leur vie dans un contexte historique pour constater que les avancées en sont relativement récentes: le droit de vote n'a été accordé qu'en 1940, le droit de devenir avocate qu'en 1942, le droit à la pleine capacité juridique pour les femmes mariées qu'en 1964.
n(15 h 10)n Les discussions publiques des derniers mois nous auront par ailleurs rappelé que, si l'égalité entre les hommes et les femmes constitue indéniablement une valeur chère à la société québécoise, la place qu'elle doit prendre dans cette même société n'est pas toujours facile à définir pour tous, et certainement pas d'égale façon. Il n'est dès lors pas superflu à notre avis d'en réaffirmer le principe avec fermeté si l'on veut lui donner encore plus de chances de s'actualiser et de s'incarner dans toutes les facettes de la vie des femmes.
L'égalité entre les hommes et les femmes transcende les autres droits prévus à la charte. On ne saurait en effet concevoir un droit qui ne profiterait ou ne s'appliquerait qu'à une moitié des personnes visées par cette charte. En précisant que, je cite, «les droits et les libertés garanties dans la charte sont garantis également aux hommes et aux femmes» ? fin de la citation ? cette loi fondamentale reflétera clairement le principe intrinsèque de l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'application des autres droits protégés. En incluant de plus le principe de l'égalité dans le préambule de cette charte, la société québécoise reconnaîtra plus encore cette valeur essentielle et la nécessité de la voir intégrée dans toute analyse des droits et libertés qui y sont garantis.
Comme toujours, le droit est à la fois en retard et en avance: en retard, parce que le droit à l'égalité des femmes, bien que garanti et protégé formellement depuis 1976, n'est pas toujours acquis dans toutes les facettes de notre vie en société; en avance, parce que la charte, encore plus que les lois ordinaires, constitue un moteur puissant dans la promotion du principe de l'égalité des femmes et un catalyseur important dans la mise en oeuvre et l'atteinte de cette égalité.
Encore une fois, la commission reconnaît que la décision de modifier la charte n'est pas anodine et elle estime que c'est de ce caractère particulier que les modifications proposées tireront justement leur force comme affirmation d'une valeur fondamentale et qu'elles contribueront à changer les perceptions et à faire évoluer les façons de faire. Les modifications proposées constitueront un rappel significatif de cette valeur commune et de la place qu'elle doit occuper dans notre société. Par conséquent, loin d'en écarter la pertinence, l'importance d'une modification de la charte québécoise apparaît plutôt de nature à donner un nouveau souffle à ceux et celles qui recherchent la pleine égalité entre les sexes au sein d'une collectivité qui l'a déjà intégrée dans son tissu social.
Les modifications proposées par le projet de loi auront par ailleurs un impact significatif sur l'interprétation juridique qui doit être faite de la charte québécoise. En effet, tel que nous l'enseigne la jurisprudence, les énoncés que le projet de loi contient comportent une valeur interprétative qui guidera les tribunaux dans l'application concrète de cette charte dans le respect du droit à l'égalité.
Rappelons ce qu'écrivait le défunt juge Antonio Lamer au sujet du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Citation: «En tant que tel, le préambule est non seulement une clé permettant d'interpréter les dispositions expresses de la Loi constitutionnelle de 1867, mais également une invitation à utiliser ces principes structurels pour combler les lacunes des termes exprès du texte constitutionnel.» Fin de la citation.
Dès lors, tout comme la charte s'inscrit comme une valeur sous-jacente à toutes les lois du Québec, la valeur interprétative des modifications se transposera également aux rapports privés et conditionnera notamment l'interprétation du Code civil du Québec. Il en sera de même des conventions collectives de travail, qui, comme le souligne les tribunaux, incorporent implicitement les garanties véhiculées par les chartes des droits
Pour tous ces motifs, la Commission de l'équité ne peut que convenir du bien-fondé des propositions soumises. Elle y adhère pleinement, en plus d'y voir un appui et un appel à la mission que lui a confiée le législateur.
Nous l'avons dit, l'inclusion du droit à l'égalité comme valeur intrinsèque placée au coeur de la Charte des droits témoigne de l'importance de ce droit pour la société québécoise, et, dans la foulée de cette reconnaissance, la Commission de l'équité y voit la consécration du concept qui fonde son existence.
Par ailleurs, ne serait-ce que par leur valeur symbolique, les modifications proposées galvaniseront l'objectif recherché par la Commission de l'équité salariale. En cette période où, après 10 ans d'existence, la Loi sur l'équité salariale fait l'objet d'un regard approfondi par le biais d'une consultation générale devant la Commission de l'économie et du travail dès la semaine prochaine, la Commission de l'équité perçoit dans les modifications proposées un appui renouvelé à sa mission et au mandat qui lui est confié, tout comme elle y entend à nouveau l'appel pressant de l'atteinte de l'égalité que ces modifications placeraient à juste titre en exergue.
On le sait, le travail est l'un des aspects fondamentaux de la vie d'une personne. Selon les enseignements de la Cour suprême, l'emploi est une composante essentielle et fondamentale du sens de l'identité d'une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel. On ne saurait ainsi nier que l'égalité économique constitue un élément important de l'égalité entre les hommes et les femmes. La capacité de subvenir à ses besoins financiers et l'autonomie économique constituent par ailleurs des éléments importants de la dignité humaine que vise notamment à protéger le droit à l'égalité. Or, cette dignité peut être bafouée lorsqu'une personne est injustement traitée en fonction de caractéristiques sexuelles ou autres qui n'ont rien à voir avec sa capacité ou ses mérites réels, d'où l'importance renouvelée de la Loi sur l'équité salariale.
Entièrement dédié au droit à l'égalité économique des femmes, le droit à l'équité salariale était enchâssé à l'article 19 de la charte, et y est toujours, et, depuis le 21 novembre 1997, il voit sa mise en oeuvre assurée par la Loi sur l'équité salariale, une loi dont l'objet unique est de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique. La loi est dite proactive parce qu'elle oblige les employeurs dont l'entreprise compte plus de 10 personnes à procéder à un exercice au sein de leur organisation en comparant les emplois féminins et les emplois masculins équivalents pour évaluer les emplois, estimer les écarts salariaux et effectuer des ajustements s'il s'avère qu'il y a iniquité.
La Commission de l'équité salariale est responsable de l'administration de la loi, et sa principale mission est de voir à l'implantation de l'équité salariale pour les femmes du Québec. Pour que cette équité s'implante en effet dans tous les milieux de travail et que le concept de l'équité pénètre véritablement dans nos esprits, nos usages et, partant, dans les systèmes de rémunération de nos entreprises, la commission fait la promotion de la Loi de l'équité et, par l'information, la communication et la formation, elle fait avancer la valeur. La commission est aussi une instance décisionnelle qui dispose des plaintes et différends portés devant elle lorsqu'elle ne peut amener les parties à s'entendre.
L'histoire nous a malheureusement appris que les mesures incitatives ne permettaient pas de débusquer les inégalités salariales qui contribuent au maintien de l'inégalité économique des femmes. Composante majeure de l'égalité entre les hommes et les femmes, cette loi constitue à cet égard un outil de sensibilisation puissant auprès des entreprises et de tous les citoyens du Québec.
Il ne fait aucun doute que l'égalité des femmes passe par leur égalité économique et que cette dernière est notamment tributaire de l'équité salariale. Puisque le droit à l'égalité salariale et à l'équité salariale découle directement du droit à l'égalité des femmes, la Commission de l'équité salariale perçoit ainsi la réaffirmation de ce droit à l'égalité et son accession au statut de valeur intrinsèque au sein de la charte elle-même comme une consécration de l'importance de son mandat et de la loi qu'elle a pour mission d'appliquer. La commission partage donc pleinement la vision d'une charte où les droits des femmes constituent un fondement essentiel, une mesure d'interprétation et d'appréciation de ce droit et, dans son ensemble, une reconnaissance de la place qu'occupent les femmes dans la société québécoise.
Le Québec a déjà fait la démonstration que les hommes et les femmes doivent recevoir la même reconnaissance devant la loi et dans la société en général, il a posé de multiples jalons en ce sens, mais, comme l'histoire nous le rappelle, pour garantir l'application concrète de cette valeur dans tous les aspects de notre vie, il faut affirmer sans ambiguïté les principes auxquels nous nous référons dans des textes fondamentaux et fondateurs. En proposant de modifier la charte québécoise pour consacrer plus encore le droit à l'égalité des femmes, le projet de loi à l'étude propose d'amener la société québécoise à un autre niveau, celui de la reconnaissance formelle du caractère intrinsèque de l'égalité des sexes dans nos valeurs collectives.
Dans sa politique intitulée Pour que l'égalité de droits devienne une égalité de fait, le gouvernement affirme qu'il renouvelle de façon encore plus marquée son engagement envers l'égalité des sexes au Québec. La Commission de l'équité salariale voit de même, dans le projet de loi n° 63, l'expression d'une volonté collective de consentir tous les efforts requis pour que l'égalité entre les sexes se concrétise et que cette égalité de droit s'affermisse et soit réellement atteinte. Le geste, quant à nous, est significatif, porteur de sens et il réaffirme notre conviction.
Déjà associée à une partie importante du défi de l'égalité entre les hommes et les femmes, la Commission de l'équité salariale accueille donc favorablement le projet de loi n° 63, dont le mérite est de donner des racines encore plus solides à ce concept. Dans un tel contexte, nous apportons donc notre appui entier au projet de loi et nous nous engageons, dans la mesure de nos moyens et du mandat qui nous est confié, à contribuer au respect des valeurs que ce projet de loi désire remettre à juste titre au premier plan des objectifs les plus nobles de notre société. Je vous remercie.
n(15 h 20)nLe Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Marchand. Maintenant, je vais céder la parole, pendant notre période d'échange, à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, Mme Marchand. C'est un exposé qui est fort intéressant et qui, je pense, nous éclaire beaucoup sur la portée du changement que nous voulons faire à la charte avec ce projet de loi n° 63. Vous le qualifiez de nouveau souffle, alors je voudrais que vous nous expliquiez, en termes de relations de travail, en quoi, sur le plan des relations de travail, il y a des choses qui vont changer avec cet amendement à la charte.
Mme Marchand (Louise): Merci, Mme la ministre. Je vais l'aborder évidemment par le biais de l'équité salariale qui doit maintenant colorer, habiter et s'infiltrer, si vous voulez, dans toutes les relations de travail, pour toutes les entreprises qui ont plus de 10 personnes salariées au Québec, et ce, depuis l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, qui est une valeur non négociable, une valeur incontournable et une loi dont j'ai dit qu'elle était proactive parce que toutes ces entreprises sont tenues de la mettre en oeuvre.
Alors, c'est évident que, dans la mesure où encore une fois on vient réaffirmer le droit à l'égalité, la Loi sur l'équité salariale prend encore plus de sens, si tant est qu'elle en ait eu besoin. Mais, pour nous, elle aura de ce fait... elle pourra s'appuyer de ce fait sur la valeur interprétative que l'inclusion du droit à l'égalité au préambule de la charte obligera les tribunaux à avoir. Pour nous, à cet égard-là, comme je l'ai dit, dans les conventions collectives, que ce soit par arbitrage de grief ou que ce soit devant les tribunaux, la Commission des relations du travail, nos propres décisions à la Commission de l'équité salariale ou les tribunaux de droit commun, la Loi sur l'équité salariale devra être interprétée encore plus à l'aune du principe de fond qui est inscrit dans le préambule. Comme nous l'a dit le juge Lamer, c'est, à ce stade, un incontournable.
Par ailleurs, nous pensons également que le fait de réaffirmer dans la charte, dans le préambule et dans un article le droit à l'égalité pénétrera davantage nos façons de voir, nos façons de juger des rapports entre les gens, entre les hommes et les femmes, entre les employeurs et les personnes salariées. Alors, cette valeur sera affermie dans la pensée collective. Alors, à cet égard-là, nous y voyons, nous, une assise encore plus solide au droit à l'équité salariale.
Mme St-Pierre: La Commission des droits de la personne, hier, parlait d'un message juridique important, «n'importe quel juriste ne pourra plus passer à côté». Cependant, ce matin, un groupe a été assez critique par rapport au geste que nous voulons poser, et je cite: «Nous estimons [en parlant de] l'article 49.2 dont on propose l'ajout à la charte du Québec sera aussi peu utile pour les femmes du Québec que l'a été l'article 28 [pour] la Charte canadienne.» On disait, pour expliquer cette conclusion, que, puisqu'il y a peu de causes qui ont été portées devant les tribunaux relativement à l'article 28 de la Charte canadienne et qu'il y a peu de jurisprudence après 20 ans, donc ça fait la démonstration que l'article 28 n'est pas utile, et en fait on parle d'inutilité de poser ce geste en termes des relations de travail et d'équité salariale. J'aimerais que vous nous disiez si vous partagez cet avis.
Mme Marchand (Louise): Mme la ministre, je ne souscris pas à cet avis, notamment à la lumière de l'important jugement de la juge Carole Julien qui, en janvier 2004... et pour l'instant en tout cas la seule juge de la Cour supérieure qui a été appelée à se pencher sérieusement sur la portée de la Loi sur l'équité salariale. Je dis «un important jugement» parce que c'était un jugement qui remettait en cause... en fait qui donnait raison aux parties remettant en cause la constitutionnalité d'une partie de la loi, le chapitre IX, et qui s'est notamment fondé sur l'article 28 de la Charte canadienne et qui, s'il avait été adopté, aurait pu ? je le soumets ? probablement se fonder sur l'article prévu au projet de loi n° 63. Elle a bâti son argumentaire notamment sur cet article-là.
Par la suite, évidemment, on peut revenir au fait que les tribunaux... et ma citation du juge Lamer en fait foi, les tribunaux sont tenus de regarder un préambule parce qu'ils y voient l'esprit et la philosophie du législateur. Alors, à cet égard-là, nous, on y voit les deux côtés, tant par l'article 49.2 que par le préambule, on y voit la possibilité pour les tribunaux de trouver une ligne directrice, de trouver vraiment la pensée du législateur. Alors, à cet égard-là, je n'ai pas le jugement avec moi, mais il était clair que, pour la juge Julien, l'article 28 la guidait dans l'interprétation à donner à la Loi sur l'équité salariale, qui était fondée sur le droit à l'égalité.
Mme St-Pierre: Certains groupes sont venus nous dire qu'on devait poser des gestes pour réduire les inégalités économiques entre les hommes et les femmes. À votre connaissance, est-ce que cette loi sur l'équité salariale... est-ce qu'on trouve des modèles de cette loi ailleurs dans le monde ou sommes-nous des précurseurs, avec la Loi sur l'équité salariale?
Mme Marchand (Louise): Le Québec est la deuxième province canadienne à adopter une loi sur l'équité salariale qui s'appliquait au secteur privé et au secteur public. Il y a d'autres provinces où il y a une loi sur l'équité salariale, mais elle ne s'applique en général qu'au secteur public. Je l'ai dit tout à l'heure, notre loi a eu 10 ans d'entrée en vigueur le 21 novembre 2007, et c'est une loi dont peu de modèles... qui a peu de précédents et qui sert de modèle.
D'ailleurs, on a des délégations qui viennent nous visiter d'un peu partout. Il y a deux semaines, on a rencontré une délégation française qui est venue s'inspirer, qui est venue nous questionner sur la Loi de l'équité salariale. Il y a des professeurs d'université, notamment Marie-Thérèse Chicha, qui a fait des études pour le Bureau international du travail et qui a démontré que la Loi sur l'équité salariale québécoise est un modèle du genre, qu'elle a peu de parents qui atteignent son niveau, où que ce soit dans le monde. Il y a quelques pays scandinaves, il y a la Finlande, il y a la Suède qui en ont. Mais notre loi à cet égard est extrêmement forte, elle est extrêmement importante pour les femmes.
Et, bon, 10 ans plus tard, il y a quand même 50 % des entreprises qui ont réalisé leur exercice d'équité salariale dans une perspective où elles appliquent une loi qui change complètement les pratiques, les usages, les façons de voir la rémunération et le travail. Alors, si on replace le tout dans la perspective où les avancées pour les femmes ont été récemment acquises, comme j'en parlais tantôt, on ne tourne pas de tels navires facilement, on ne change pas des pratiques séculaires en 10 petites années. À cet égard-là, je pense qu'on peut être extrêmement fiers de la loi qu'on a au Québec.
Mme St-Pierre: Avec l'adoption des changements à la charte, si ces changements avaient été faits il y a 10 ans, est-ce que vous auriez eu plus de mordant, plus de force avec la Loi sur l'équité salariale? Vous avez parlé du jugement, tout à l'heure, là, mais est-ce qu'il vous vient à l'esprit des exemples qui vous auraient donné plus de mordant, plus de force?
Mme Marchand (Louise): Écoutez, il est difficile, à ce stade-ci, de vous dire si effectivement la loi aurait eu plus de mordant. Je pense qu'il faut regarder vers l'avenir et se dire que la réaffirmation actuelle, telle que nous la faisons comme collectivité, va donner le deuxième souffle dont nous avons besoin aux termes de l'égalité entre les hommes et les femmes puis aux termes de l'application de la Loi sur l'équité salariale. Je pense que ça vient réitérer, ça vient réaffirmer, ça vient faire prendre encore plus racine à cette loi, à cette approche générale puis à cette valeur qu'on a au Québec, qui est devenue incontournable, pas négociable, qui est devenue une valeur-phare.
Mme St-Pierre: Ma collègue...
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Gatineau.
n(15 h 30)nMme Vallée: Bien, nous avons entendu plusieurs organismes et certains collègues également soutenir que nous devrions attendre l'issue des travaux de la commission Bouchard-Taylor pour faire des modifications... pour faire plutôt un grand chantier de modifications à la charte, plutôt que d'y aller... et je reprends des termes, je les mettrais entre guillemets, «plutôt que d'y aller à la pièce». Que pensez-vous de cette approche du dépôt du projet de loi n° 63 visant principalement l'égalité hommes-femmes versus la possibilité d'y aller avec un plus grand chantier et de peut-être insérer ou inclure ces dispositions-là avec un bassin d'autres mesures? Est-ce que vous croyez que c'est précipité ou croyez-vous qu'il est opportun d'agir tout de suite?
Mme Marchand (Louise): Pour nous, évidemment, le droit à l'égalité consacré, comme le projet de loi entend le faire, vient nous rassurer, vient nous conforter, vient nous redire, à nous qui appliquons la Loi sur l'équité salariale et à tous ceux qui s'intéressent à l'équité salariale, que c'est une valeur fondamentale. Vous comprendrez que, dans la perspective où nous avons à appliquer cette Loi sur l'équité salariale, il nous semble à nous, à tout le moins, que le geste qui est posé aujourd'hui sert vraiment les objectifs que nous poursuivons.
Mme Vallée: Justement, pour revenir à votre mission, à l'instance décisionnelle sur laquelle vous êtes appelée à siéger, vous avez touché brièvement de l'impact que cette modification-là aura pour vous. Mais de quelle façon peut-être... Je vous demanderais d'être peut-être un petit peu plus précise. De quelle façon ces modifications-là permettront à votre instance décisionnelle d'effectuer un travail, d'effectuer le travail ou de décider de certains aspects, certains points?
Mme Marchand (Louise): Bien, écoutez, nous, évidemment, quand nous interprétons la Loi sur l'équité salariale, puisque c'est notre travail, nous l'interprétons avec en toile de fond les principes fondamentaux de la Charte des droits et libertés et la Charte canadienne également, évidemment. Alors, dans la mesure où il y a une réaffirmation pour nous, à ce moment-là, l'interprétation est d'autant plus fondée sur le droit à l'égalité quand nous appliquons notre loi.
Mais je pense également aux tribunaux qui sont saisis soit des appels, soit des révisions judiciaires de nos décisions, parce qu'il y a le processus, nous nous insérons dans un appareil quasi judiciaire, administratif quasi judiciaire et judiciaire, et, pour les tribunaux, ça devient une perspective additionnelle pour ce qui est de la Loi sur l'équité salariale, ça devient un guide dans l'interprétation et l'importance de la Loi sur l'équité salariale. Alors, dans cette perspective-là, pour nous, nous y voyons un ajout et un atout considérables.
Mme Vallée: Donc, je comprends, de votre prestation, que, pour vous, cette modification-là, vient consacrer explicitement une situation qui était tacite et qui donnait ouverture à des interprétations variables.
Mme Marchand (Louise): Le droit à l'égalité était déjà inscrit à la charte, comprenons-nous bien, là, il était là. Mais le fait qu'on le réitère... Ce n'est pas anodin, d'ouvrir une charte, quant à nous. C'est un geste, quand j'ai dit, porteur et significatif. Donc, nous y voyons l'expression d'une volonté de réaffirmer un principe pour que les droits des hommes et des femmes soient également traités. Alors, à cet égard-là, pour nous, c'est la préaffirmation, si vous pouvez me permettre l'expression, d'une valeur, d'une volonté nette, explicite du législateur, et, à mon point de vue, il n'y a pas un tribunal qui peut passer à côté.
Mme Vallée: Merci.
Mme St-Pierre: ...
Le Président (M. Kelley): Oui, il reste quatre minutes, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Pourquoi, selon vous, certains craignent d'inscrire dans la charte ce principe d'égalité entre les hommes et les femmes? Est-ce que vous voyez encore... Autrement dit, est-ce que dans la pratique de votre métier, vous voyez encore énormément de réticences ou si la loi sur l'égalité salariale est venue diminuer ces réticences?
Mme Marchand (Louise): La Loi sur l'équité salariale, je vous ai tout à l'heure, a ouvert la voie. C'est une loi qui était novatrice, si je peux m'exprimer ainsi, au moment où elle a été adoptée, le Québec est allé plus loin quand il a adopté cette loi que l'Ontario qui l'avait déjà fait quelques années plus tôt. Il est clair que, dans la mesure où elle change fondamentalement les pratiques, où elle oblige à faire un exercice, elle oblige les entreprises à faire un exercice, c'est une loi qu'on dit proactive, alors il ne suffit pas de respecter le principe d'équité salariale, qui par ailleurs existait déjà dans la charte... Rappelons-nous, depuis 1976, le droit à l'équité salariale était et est encore à l'article 19 de la charte. On a senti le besoin, comme collectivité, comme société, d'en faire une loi, de l'incarner, ce principe, dans une loi. C'est donc que probablement le principe lui-même n'était pas suffisant. On a voulu l'actualiser, on a voulu en faire une valeur telle qu'on oblige les employeurs à faire un exercice. Donc, on les amène à regarder, à vérifier si, dans leur entreprise, il y a de la discrimination systémique. La loi part du principe qu'il y a de la discrimination systémique et que les employeurs doivent la débusquer, doivent la corriger. Alors, on les a obligés.
Si on a senti qu'il était nécessaire de procéder par une législation, c'est donc que la seule insertion de ce principe-là dans la charte ne donnait pas les effets escomptés pour vraiment éliminer la discrimination systémique. Alors, dans cette perspective-là, il est évident que nous avons changé des pratiques par cette loi, que nous avons modifié la culture et que nous devons modifier, continuer de modifier la culture des entreprises à l'égard de l'équité salariale et donc de l'égalité des hommes et des femmes aussi, à ce titre-là, pour les catégories féminines. Il est bien évident que forcément, quand on change une culture, quand on change des pratiques, quand on oblige des gens, surtout les petites entreprises qui n'avaient aucune pratique d'évaluation d'emploi, aucune pratique de rémunération, d'échelle salariale, il est évident qu'il a fallu et il faut encore faire beaucoup de communication, de formation pour faire comprendre d'abord le principe de l'équité salariale et le faire appliquer.
C'est une loi, rappelons-le, qui a été adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale. C'était donc une volonté collective de le faire. Maintenant, dans la pratique, on a encore du travail à faire.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Maintenant, Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bonjour, félicitations pour votre mémoire et félicitations aussi pour vos 10 ans. On sait que c'est un gros travail.
Écoutez, tantôt, on parlait... Vous savez, à la page 3, là, lorsque vous dites: Une réticence à la modification à la pièce, je n'ai pas bien compris. Je comprends, là, que le projet de loi, vous y adhérez pleinement, et on comprend l'importance pour l'équité salariale. Toutefois, est-ce que vous faisiez allusion peut-être à d'autres modifications qui pourraient être apportées ou...
Mme Marchand (Louise): Non. Évidemment, on a compris que, pour certaines personnes ? on l'a entendu d'ailleurs, tout à l'heure ? il eût été préférable, comme Mme la ministre disait tout à l'heure, de faire un chantier plus large. Quant à nous, évidemment, dans le créneau qui est notre ressort, qui est celui dans lequel nous évoluons, dans lequel nous oeuvrons, la façon dont nous procédons, à ce stade-ci, nous convient parce que nous y voyons vraiment, comme j'ai dit tout à l'heure, un rappel de notre mission, un affermissement de notre mission. Puis je vous dirai que, quant à nous, l'équité salariale est une composante de l'égalité et c'est une façon d'arriver à l'égalité parce que c'est une façon pour les femmes d'arriver à leur égalité économique, et je pense qu'on ne peut pas penser à l'égalité sans qu'on passe par l'égalité économique.
Mme Leblanc: Merci. Tantôt, vous avez parlé des droits sociaux, entre autres. Parce que plusieurs groupes ont parlé de rendre justiciables les articles 39 à 48. Est-ce que, vous, l'application de rendre justiciables ces articles-là, est-ce que, vous, ça vous aiderait dans votre application?
Mme Marchand (Louise): Le droit à l'équité salariale est à l'article 19 de la charte, alors effectivement ça fait partie des droits qui sont couverts par l'article 52.
Mme Leblanc: D'accord. Merci. À la page 4: Le droit est en avance et en retard quant aux droits des femmes. Est-ce que, selon vous, le projet de loi n° 63 construit les jalons nécessaires pour passer... si on appelait ça en deuxième vitesse pour rattraper le retard?
Mme Marchand (Louise): Très honnêtement, je pense que c'est un signal important, en effet. Quand je dis que ça nous donne un second souffle, que, comme société, ça nous donne un second souffle et, nous, évidemment, dans l'application de la Loi sur l'équité salariale, ça nous donne un second souffle aussi, parce qu'encore une fois il nous semble que d'ouvrir la charte, de réaffirmer ce principe-là dans le préambule, de le mettre dans un article nommément, il nous semble que c'est à la fois une valeur interprétative et une affirmation. On renouvelle nos voeux à l'égard de l'égalité.
Mme Leblanc: C'est ça. Parce que, bien, ce que je comprends, là, c'est ça, c'est que l'interprétation juridique de cette loi-là va être déterminante en tout cas dans vos... pour arriver à l'équité, à un 100 % d'équité salariale, là, à vos...
Mme Marchand (Louise): Ça nous aidera certainement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, surtout lorsque les tribunaux supérieurs ont à interpréter notre loi, il est bien évident, puisqu'on s'appuie, on est nés, nous, du principe de l'égalité, on est l'enfant du principe de l'égalité, l'équité salariale est l'enfant du principe de l'égalité, on fonde notre naissance et notre existence sur le principe de l'égalité, alors il est évident que, dans la mesure où le législateur reprécise sa pensée, réaffirme le principe de l'égalité, pour nous, évidemment ça constitue un guide de l'interprétation de notre loi à l'équité salariale.
Mme Leblanc: Merci. Je vais laisser...
Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Hyacinthe.
n(15 h 40)nM. L'Écuyer: Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence ici. Alors, en page 3 de votre mémoire, vous semblez dire qu'«il faut avoir assez de lucidité pour reconnaître que l'objectif n'est pas encore atteint». L'application de l'équité salariale, parlez-nous un peu des premiers mouvements de l'application de l'équité salariale. Quels obstacles est-ce que vous avez rencontrés le plus souvent au niveau de l'application de cette loi-là?
Mme Marchand (Louise): Tout à l'heure, je faisais état du taux de réalisation de l'équité salariale au Québec. Dans les entreprises privées actuellement, c'est à peu près de 50 %, 10 ans donc après l'entrée en vigueur de la loi. J'ai dit tout à l'heure également, et je vais peut-être me préciser là-dessus: Il est clair que cette loi oblige à changer, et fondamentalement, certaines pratiques et l'évaluation du travail des femmes qui sont dans des catégories à prédominance féminine.
Donc, il est clair que, quand on change des mentalités, quand on change des cultures, quand on change des pratiques, surtout dans des entreprises qui, jusqu'à présent, n'avaient aucun outil de mesure pour évaluer ce travail, notamment toutes les petites entreprises de moins de 50 personnes salariées, la loi les oblige à se doter de certaines mesures, d'instruments d'évaluation pour vérifier s'il y a de la discrimination systémique, et il est bien évident que c'est difficile. Mais par contre le Québec a atteint un taux de succès qui est plus élevé que celui que l'Ontario avait atteint à peu près à la même période et plus élevé que celui que les pays scandinaves ont atteint même plusieurs années après la mise en oeuvre de leurs lois, la Finlande et la Suède, par exemple.
Alors, il y a un important travail à faire parce qu'il faut aller chercher le 50 % des entreprises qui n'ont pas encore mis l'équité salariale à leur menu, mais il faut se dire quand même qu'il y a 50 % du chemin qui est parcouru. Alors, à cet égard-là ? c'est le voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein ? moi, je me dis: Nous avons changé des pratiques et nous avons 50 % du chemin qui est fait dans un changement de culture.
Et encore une fois, quand on replace l'équité salariale dans une perspective historique puis qu'on regarde, comme je le disais dans mon mémoire, le droit de vote, ça a été acquis en 1940, le droit de devenir avocate en 1942, la pleine capacité juridique des femmes en 1964, c'est hier, ça. Alors, je pense qu'il faut le voir dans cette perspective-là et se dire qu'on est sur la bonne voie.
M. L'Écuyer: M. le Président. Mme Marchand, vous avez parlé en fait de l'application de la loi. Si je regarde l'application de l'équité salariale, vous avez une loi qui est quand même assez bien étoffée pour vous permettre de faire valoir les droits en matière d'équité salariale. Et la Charte des droits et libertés, quand même elle était présente au moment de la première application de la Loi sur l'équité salariale. Et est-ce que vous croyez que... Je vous ai entendue quand même quand vous nous avez dit qu'avec le projet de loi n° 63 ça va donner un appui supplémentaire, si je comprends bien vos propos. Mais par contre, je regarde, ici, on a parlé beaucoup de hiérarchisation au niveau de l'égalité hommes-femmes et en faire un droit, en fait un droit prioritaire par rapport à d'autres droits. Qu'est-ce que vous pensez de cette interprétation-là qui nous a été soumise ici, devant la commission?
Mme Marchand (Louise): Écoutez, nous ne le voyons pas comme une hiérarchisation nécessairement, nous voyons l'affirmation du principe de l'égalité ou sa réaffirmation comme la consécration de l'égalité comme une valeur intrinsèque, comme toile de fond des autres droits. Je vais passer la parole à mon collègue Me Lachance, qui est notre directeur des affaires juridiques.
M. Lachance (Pierre): Bonjour. À ce niveau-là, et ce n'est pas tant la hiérarchisation que, comme dit Mme Marchand, la toile de fond, un principe qui devient fondamental, qui devient une valeur sous-jacente à toute la charte dans son ensemble, y compris le droit à l'égalité des femmes et des hommes. Ce faisant, on a parlé de valeur interprétative, et c'est en ce sens-là. On ne parle pas de priorisation. Les tribunaux sauront juger et ils devront juger, en fonction des valeurs inscrites à la charte, y compris l'affirmation dont on parle dans le préambule notamment, quelle sera, en cas de conflit, si conflit il y a, la valeur qui devrait l'emporter ou sa définition en relation avec l'autre droit.
Ainsi, il n'est pas vraiment question, pour la Commission de l'équité salariale, de priorisation mais bel et bien d'établissement d'une pensée sous-jacente, d'une façon de voir qui transcende tous et chacun des droits qui de toute façon s'appliquent également aux hommes et aux femmes, et c'est ainsi qu'on l'a présenté dans le mémoire.
M. L'Écuyer: Pas d'autre question.
Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le député?
M. L'Écuyer: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous saluer, Mme Marchand, Mme Robertson, Mme Rinfret. Alors, Mme Robertson, ça va vous rappeler des bons souvenirs, n'est-ce pas? Mes collègues plus récemment arrivés dans le Parlement ne le savent peut-être pas, mais j'ai eu l'immense privilège de faire adopter la Loi sur l'équité salariale, en 1997, il y a déjà 10 ans. C'est une loi proactive. Alors, ce sont des lois proactives: la loi sur la perception automatique des pensions alimentaires, c'est une loi proactive; la loi sur le congé parental, c'est une loi proactive. C'est-à-dire que ce sont des lois qui rendent effective l'égalité.
Je voudrais y revenir d'ailleurs, notamment en regard de ce que disait la Commission des droits et libertés de la personne, qui vous a précédés hier et qui a ouvert nos travaux. J'étais contente d'entendre votre enthousiasme, Mme Marchand, Me Marchand, mais ce que la Commission des droits de la personne nous a dit, et je les cite, c'est que les modifications proposées «n'ont pas pour effet de modifier l'état actuel du droit en matière de droit à l'égalité». En fait, vous l'avez dit, on réaffirme ce qu'il y avait déjà dans la charte, hein, donc ça a plus valeur symbolique. Et la commission disait, à la page 6 de son mémoire: «La disposition interprétative proposée [confirme] l'approche appliquée par les tribunaux actuellement.» Et là ils citent une très récente décision, là, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et de l'Hôpital général juif en regard, là, de toute une problématique à l'égard des préposés et des patients.
Je dis cela parce qu'en même temps qu'on peut s'en réjouir, hein, comme la Fédération des femmes du Québec disait, c'est positif mais insuffisant. Mais on trouve, tout le monde, que c'est positif. Alors, on peut renchérir en disant que c'est positif. Mais on aimerait aussi profiter de votre contribution pour savoir en quoi c'est insuffisant pour favoriser l'égalité effective, l'égalité économique. Vous en parlez dans votre mémoire. Alors, comme vous avez parlé d'un deuxième souffle, j'aimerais vous entendre sur cette question. Alors, comment est-ce qu'il est possible de corriger une réalité dont parlait aussi la commission des droits et libertés de la personne hier, à savoir que les chiffres les plus récents... Je ne sais si vous en avez des nouveaux, là, mais, en 2003, les femmes gagnaient 71 % du revenu d'emploi moyen des hommes, et, «si l'on met en parallèle cet écart de revenu avec le statut d'emploi des femmes, davantage fragilisé que celui des hommes, il apparaît évident, ajoutait la commission des droits et libertés de la personne, que la situation des femmes sur le marché du travail accroît le risque pour ces dernières d'avoir à affronter des épisodes [...] de pauvreté».
Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce qu'on doit faire de manière proactive. Parce que, là, il y a un dispositif, dans le projet de loi n° 63, qui réaffirme un droit à l'égalité mais qui était déjà là depuis 1975. Il y a eu des lois proactives, mais, on le voit, ces lois proactives ont eu un certain résultat, mais on en est encore à 71 % du revenu d'emploi moyen.
n(15 h 50)nMme Marchand (Louise): Mme Harel, merci. Il y a plusieurs éléments dans votre question. Si vous me permettez, dans un premier temps, au titre de la valeur interprétative, il est vrai que le droit à l'égalité était déjà dans la charte, et bien évidemment. Toutefois, je vais m'en remettre à ce que M. Lamer, le juge Lamer disait: dans la mesure où on a réaffirmé dans le préambule de la charte le droit à l'égalité, il me semble que les tribunaux doivent considérer cette réaffirmation qui n'est encore une fois, et pardonnez-moi de me répéter, je n'ai pas de synonyme, mais qui n'est pas anodine, qui a un sens, qui est signifiante. Il est évident qu'au fil du temps les tribunaux vont asseoir leur interprétation à la lueur de cette réaffirmation, et dans le doute il est clair que ça devra influencer les tribunaux.
Pour ce qui est de la façon dont on peut mettre ce droit en oeuvre... Parce que c'est ce que j'ai compris de votre question, Mme Harel: Comment pouvons-nous, de façon proactive, faire en sorte que cette égalité de droit devienne vraiment une égalité de fait? La Loi sur l'équité salariale, et comme vous en êtes la marraine, vous savez très bien que c'était l'objectif de la loi, et je pense qu'effectivement cette loi est un instrument très précieux pour faire en sorte que l'écart salarial entre les hommes et les femmes diminue.
D'ailleurs, il a diminué, il a diminué. Les chiffres que nous avions au 21 novembre 2006, quand nous avions déposé le rapport sur la mise en oeuvre de la loi, 10 ans après sa mise en oeuvre, démontraient que l'écart salarial était à peu près de 13,9 % et, cette année, il est de 13,4 %. Alors, il a déjà baissé, là, de 2006 à 2007, là, en novembre, il était de 13,4 %, l'écart salarial sur la base du travail horaire. Parce qu'il est évident que, dans notre perspective, nous devons déterminer quel est l'écart en vertu du salaire horaire, c'est notre unité de mesure.
Mme Harel: ...du travail horaire, vous voulez dire travail à l'heure?
Mme Marchand (Louise): Oui, c'est-à-dire le salaire horaire, pardonnez-moi, le salaire horaire, c'est l'unité de mesure que la commission a retenue pour mesurer l'écart entre le salaire des hommes et des femmes. Puisqu'il faut, si vous permettez, expurger cette donnée de toutes les autres variables, comme le temps consacré au travail, l'ancienneté, etc., qui viendraient faire varier la donnée.
Mme Harel: Vous me permettez? Encore cette semaine, je pense, il y avait dans les médias cette réalité assez insupportable que les femmes avaient deux fois moins accès à l'assurance-emploi que les hommes et pourtant en payaient tout autant, n'est-ce pas, cotisaient en travaillant, parce que les femmes ne font que 30 heures-semaine et, les hommes, 39 heures en moyenne. Alors, quand vous prenez le travail à l'heure, là, c'est un choix, parce que les femmes, pour toutes sortes de raisons... ? j'ai les chiffres ici, ils font partie du mémoire de la commission des droits et libertés de la personne ? alors que finalement les femmes ont un travail atypique qui est beaucoup moins permanent que celui des hommes.
Mme Marchand (Louise): C'est pour ça que, nous, pour mesurer l'écart entre le salaire des hommes et le salaire des femmes, on a choisi de retenir la variable du salaire horaire, pour justement isoler toutes les autres composantes qui peuvent distorsionner notre analyse, si vous voulez, à cause justement de ce que vous venez de citer en exemple. Dès lors, quoi faire pour faire en sorte que l'égalité s'incarne vraiment? Comment faire pour qu'on y arrive? Bien, je pense que l'équité salariale est un excellent moyen.
Et, quand cette loi-là a été adoptée, l'objectif qu'elle se fixait, c'était 100 % des entreprises au Québec; 10 ans plus tard, on en est à 50 %, c'est donc signe qu'il y a du travail qui a été fait, mais qu'il y a énormément de retard à rattraper. Et, à cet égard-là, bien, la commission met tous les efforts, concentre tous les efforts, et nous avons le sentiment ? et je reviens à l'objet de nos discussions aujourd'hui ? que de réaffirmer l'égalité des hommes et des femmes peut nous aider, peut faire en sorte que cette valeur-là, socialement et sociétalement, si je peux m'exprimer ainsi, s'incarne davantage.
Mme Harel: J'aimerais bien qu'il en soit ainsi, mais, comme ce droit à l'égalité existait déjà, vous l'avez rappelé, comme en 1975 d'ailleurs existait aussi dans la charte le droit à l'équité salariale, n'est-ce pas, à l'article 19, et qu'il a fallu une loi proactive, à défaut de quoi on n'y serait même pas arrivés, juste en partie, là, de ce que vous en faites le bilan maintenant, ça veut dire qu'à défaut de loi proactive ce n'est pas le principe qui va nous y amener.
Et, moi, je relance ma question à nouveau. Tantôt, vous l'avez évacuée, je pense que c'était Mme la députée de Deux-Montagnes qui vous l'a posée. Mais la commission des droits et libertés de la personne nous a dit être d'avis que «la pauvreté ? je cite ? est de loin la situation la plus corrosive pour l'exercice des droits, et particulièrement celui du droit à l'égalité», et la commission recommandait de garantir le droit à l'égalité, particulièrement pour les femmes, par «la reconnaissance effective des droits économiques et sociaux». Alors, je repose ma question, la mienne et celle de Mme la députée de Deux-Montagnes: Est-ce que, pour qu'il y ait une reconnaissance effective, il faudrait l'application des droits économiques et sociaux de telle manière que les femmes puissent en bénéficier?
Mme Marchand (Louise): Écoutez, il est possible... Je vous avouerai que, nous, dans l'application de la Loi sur l'équité salariale, nous voyons que cette loi peut contribuer à une meilleure égalité économique des femmes, et c'est ce que nous nous efforçons de mettre en place. Nous pensons que c'est un outil précieux, un outil important. Et je pense que, quand on a adopté cette loi-là il y a 10 ans, c'était l'objectif que nous poursuivions, et c'est encore l'objectif que nous poursuivons. Et nous voyons que nous y arrivons parce que l'écart salarial entre les hommes et les femmes, qui n'est pas entièrement attribuable à la discrimination systémique, on le sait, mais la portion qui est attribuable à la discrimination systémique permettra de réduire cet écart et de donner des outils aux femmes pour justement atteindre leur pleine égalité économique.
Mme Harel: Mais, vous permettez, la loi ne s'applique qu'aux entreprises qui comptent 10 employés et plus. Quel est le pourcentage actuellement des employés qui comptent 10 employés et moins?
Mme Marchand (Louise): Écoutez, on dit à peu près... 20 %?
Une voix: ...
Mme Marchand (Louise): Oui. 20 %, peut-être.
Mme Harel: 20 % des entreprises comptent 10 employés et moins. C'est cela que je dois comprendre?
Mme Marchand (Louise): Écoutez, la statistique, nous la regardons différemment. La statistique, le nombre d'entreprises qui sont assujetties à notre loi, c'est 45 000, c'était, je vous dirai, entre 43 000 et 45 000, ça varie au fil des années selon la survie des entreprises, alors...
Mme Harel: Sur combien?
Mme Marchand (Louise): Bien, sur 200 et quelques mille au Québec.
Mme Harel: Donc, c'est 20 % des entreprises qui sont en fait assujetties, en 2008, à la Loi sur l'équité salariale...
Mme Marchand (Louise): C'est cela.
Mme Harel: ...et 80 % qui ne le sont pas?
Mme Marchand (Louise): Oui, parce que la loi exige que les entreprises aient 10 salariés ou plus pour faire l'exercice d'équité salariale.
Mme Harel: Alors, c'est un pas en avant, là, indéniablement, indubitablement, là, que je suis fière que le Québec ait franchi pour toutes sortes de bonnes raisons, y compris du fait qu'il a été beaucoup utilisé dans les commissions des Nations unies qui portaient sur l'égalité effective, mais on voit bien que c'est insuffisant, là, ça ne concerne que 20 % des entreprises dont les employés... 20 % des entreprises qui comptent 10 employés et plus. Ça veut donc dire qu'il y en a encore 150 000, entreprises qui ne sont pas couvertes. Mais est-ce que c'est par une autre loi ou simplement par l'application des droits économiques et sociaux...
Mme Marchand (Louise): Bien, écoutez...
Mme Harel: Je pense que la question se pose.
Mme Marchand (Louise): Écoutez, on se rappellera que... Excusez-moi, je ne voulais pas vous interrompre. On se rappellera que toutes les autres entreprises demeurent assujetties à la charte, demeurent assujetties à l'article 19 de la charte, et donc on peut penser que la réaffirmation du principe d'égalité va probablement nous aider à cet égard-là, comme nous espérons le fait que l'idée de l'équité salariale fasse des petits, si vous me passez l'expression, même au sein des entreprises qui ne sont pas assujetties.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, parce que...
Mme Harel: Mme Marchand, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Si l'article 19 avait été satisfaisant, on n'aurait pas eu besoin d'adopter une loi en 1997. Ça faisait 22 ans qu'ils avaient l'article.
Le Président (M. Kelley): Oui. Malheureusement, c'est tout le temps qu'il nous reste. Alors, il ne me reste qu'à dire merci beaucoup aux membres de la Commission de l'équité salariale, Mme Marchand, son président. Je vais suspendre quelques instants. Et j'invite M. Gilbert Claes d'aller à la table des témoins.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Le prochain témoin, à titre d'individu, c'est M. Gilbert Claes.
Premièrement, merci beaucoup, pour votre disponibilité. On a eu un changement d'horaire au tout dernier moment. Vous vous êtes rendu disponible à 16 heures plutôt que 17 heures. Alors, au nom des membres de la commission, merci beaucoup pour cette disponibilité. Et, sans plus tarder, vous avez un droit de parole de 15 minutes, après ça il y aura un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous, M. Claes.
M. Gilbert Claes
M. Claes (Gilbert): Merci, M. le Président, Mme la ministre et MM., Mmes les députés, merci de me recevoir ici pour exprimer une opinion, au risque de froisser certaines personnes, mais c'est une opinion, je tiens à l'exprimer.
Lorsque le projet de loi est venu, 63, je me suis posé plusieurs questions: Pourquoi soudainement? Et l'égalité pour qui? Je me suis posé la question: Assistons-nous à la mise en place d'un totalitarisme rose? En regard du projet du gouvernement de modifier la Charte des droits dans le but d'assurer la primauté de l'égalité entre les femmes et les hommes sur les croyances religieuses, nous aimerions citer un texte récent de la ministre de la Condition féministe.
Sur le site Cyberpresse, daté du 9 janvier 2008, on pouvait lire: «Il ne fait aucun doute que l'égalité entre les sexes fait partie de l'identité du Québec et qu'elle est une valeur partagée par tous», et même par moi. Plus loin, elle ajoute: «La société québécoise est une société moderne, une société dans laquelle l'égalité entre les hommes et les femmes suscite un large consensus.» Ces propositions soulèvent quelques questions. S'il y a un large consensus dans la population québécoise sur l'égalité entre les femmes et les hommes, pourquoi est-il si nécessaire et urgent de modifier la charte? Étant donné l'origine de ce projet, soit la sortie de la présidente du Conseil du statut de la femme et l'appui immédiat du premier ministre, nous sommes en droit de nous demander si nous n'assistons pas à une manoeuvre du lobby féministe, ce lobby toujours à la recherche de pouvoirs accrus, et à une réaction émotive du pouvoir politique très prompt à renifler une rentabilité électorale. Qui profiterait de cette modification de la charte? La population ou quelques zélés se sentant injustement discriminés par une quelconque situation de culture ou de comportement humain? Ou est-ce la peur de l'émergence d'un retour aux valeurs religieuses des Québécois?
Nous ne voyons ni la nécessité ni l'urgence de modifier la charte précisément parce qu'il y a un consensus des Québécois sur l'égalité. Nous croyons qu'il s'agit effectivement d'une action essentiellement dirigée par le lobby féministe. À ce propos, l'organisation gouvernementale actuelle est toute sauf ouverte à des approches complémentaires des rôles entre femmes et hommes, avec une exception, celle d'influencer les hommes au partage des travaux ménagers. Comment une ministre de la condition féminine peut-elle prétendre représenter l'autre moitié de la population québécoise, les hommes? Comment pouvons-nous croire que cette personne est en mesure de prendre en compte la problématique masculine? Serait-elle considérée avec l'enchâssement du dogme de l'égalité?
Plusieurs chercheurs, rarissimes d'ailleurs, tels que le Dr Germain Dulac, avec son livre Aider les hommes... aussi, ou Les vulnérabilités masculines du Pr Richard Cloutier, de l'École de psychologie de l'Université Laval, portant justement sur ces vulnérabilités, ont décrit le flou dans lequel la condition masculine québécoise se trouve actuellement. Peut-on croire que l'égalité entre femmes et hommes ouvrira la porte pour des approches complémentaires des rôles entre femmes et hommes.
Curieusement, les recherches sur cette condition masculine se concentrent sur l'homosexualité et la violence des hommes. Ces thèmes sont encore trop souvent exploités à des fins de recherche sur les hommes, ignorant la majorité de la condition masculine au profit d'une puissante minorité. De ce fait, on relègue l'identité d'un pan de la population, celle de la majorité, aux oubliettes.
À la suite de l'étude du professeur en sciences sociales Gilles Rondeau, Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins, le ministre de la Santé et des Services sociaux a nommé une personne pour représenter cette majorité. Ce représentant de la condition masculine se retrouve actuellement enterré quelque part dans un comité de l'éthique qui est chapeauté probablement par une représentante de la condition féminine.
Quel est le sens et l'intention du législateur de la notion de l'égalité? Est-ce limité à une notion d'égalité entre les deux sexes? Si c'est entre deux sexes, il devrait s'établir un équilibre entre les sexes par une représentabilité égale entre les sexes. Étonnamment, il n'y a pas, au sein de ce gouvernement, un ministre représentant la condition masculine. S'il faut respecter l'égalité entre femmes et hommes, ne serait-il pas logique de créer un ministère pour appuyer aussi les revendications pour l'égalité des hommes? Les conséquences néfastes de l'absence d'une telle structure se font chaque jour davantage sentir.
Questions de privilège. La modification de la charte est-elle au bénéfice d'un sexe? Il est apparent qu'au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes et à cause d'une discrimination soi-disant systémique, le lobby féministe a obtenu du gouvernement des privilèges pour les femmes seulement. C'est ce que j'observe depuis les 10 dernières années, et la manoeuvre d'aujourd'hui me semble aller aussi dans ce sens. Mme St-Pierre, dans cette lettre d'opinion, ose dire: «Il n'est aucunement question d'instaurer quelque forme que ce soit d'hiérarchisation des droits.» Voilà, le débat est clos, fin de la hiérarchie néo-libérale et machiste, bienvenue à la hiérarchie d'égalité horizontale et maternelle.
La liberté d'opinion est-elle un droit? Pourtant, je rappellerai qu'en 2005, à la suite de la consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes, en janvier, février 2005, une centaine de mémoires furent déposés. La totalité... presque la totalité des mémoires déposés, avec quelques exceptions près, venaient des groupes très fortement féminisés et subventionnés à coup de millions. Les rares groupes pas subventionnés osant émettre des commentaires opposés aux orientations féministes furent rabroués par cette même commission. Il est probable qu'ils n'avaient pas le bon ton. Si l'égalité entre les femmes et les hommes est une valeur partagée et suscite un large consensus, cet exercice de démocratie parlementaire nous a fait comprendre qu'il n'y avait pas de place pour tout individu osant critiquer l'usage partiel qu'on fait du concept de l'égalité.
Ma méfiance est renforcée par les diverses procédures politiques en vigueur au sein de l'appareil gouvernemental et de certaines législations qui vont toutes dans le même sens d'un accroissement de la prise en charge de la problématique des femmes et à la banalisation de celle des hommes, souvent sous le couvert encore une fois d'un soi-disant objectif d'obtention de l'égalité de fait pour un des deux sexes.
Nous comprenons que le nouveau contrat social dont on parle consiste à créer un nouveau monde basé sur des prémisses féministes. Pour ce faire... Et je doute qu'il sera encore une fois nécessaire d'adopter ou de modifier des lois, des règlements, des procédures, des protocoles et la charte, enfin de faire respecter les concepts de base de ce mouvement social. Malheur aux opposants!
L'ADS, un système comparatif biaisé. Prenons l'exemple de la mise en place de l'analyse différenciée selon le sexe et son plan d'action, ou l'ADS, que nous traduisons librement: l'art de la désinformation systémique. Lors d'une période de questions des affaires sociales sur l'analyse différenciée, la ministre de la Condition féminine, Mme St-Pierre, perçoit ce processus comme ceci: «Ça se définit comme un processus d'analyse qui permet de prévoir, au moment de la conception d'une loi, que toute la politique de l'égalité entre les hommes et les femmes puisse être appliquée. Donc, on agit en amont, c'est-à-dire avant qu'on voie naître le problème une fois la loi adoptée, cette analyse permet de voir où sont les problèmes avant que la loi soit adoptée, au moment de sa conception.»n(16 h 20)n Avons-nous une députée dotée de don de prévoyance? J'aimerais ça. La modification de la charte fait-elle partie de sa prévoyance? Son ministère a sûrement eu le temps de conduire une ADS sur le sujet. Peut-elle nous faire part de ses prévisions quant aux effets différenciés selon les sexes qu'aurait la modification de la charte?
Plus loin, Mme la ministre St-Pierre nous donne comme exemple cette analyse: «L'analyse différenciée génère aussi des solutions adaptées aux réalités auxquelles font face les femmes. Par exemple, dans le domaine des forces policières, on a évidemment le ceinturon...» Il y a tout l'appareil, là, des armes, walkie-talkie, etc. Bon. On a allégé l'équipement, mais c'est supposé profiter aux femmes et aux hommes. Je l'espère. Ma question est surtout aussi: Qui a vécu une discrimination systémique? Les hommes exploités en esclaves à cause de leur force physique ou les femmes à cause de leur faiblesse?
La politique de l'égalité de fait. Moi, j'appelle ça: des outillages roses pour l'égalité de fait. La politique Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait, sous le couvert d'une approche équilibrée, ne cible dans la réalité que les avancées de femmes. Dans les faits, cela ressemble à une manipulation ne dupant plus les personnes éclairées sur les objectifs du mouvement social féministe.
Le prélèvement de statistiques aux fins décisionnelles, D'égale à égal? ? le document est sorti dernièrement ? sont des statistiques descriptives permettant d'apprécier l'évolution comparée de la situation socioéconomique des femmes et des hommes au Québec. On établit quelles sont les inégalités vécues par des humains, et ce, par des représentantes de la condition féminine, ne laissant planer aucun doute sur quels seront les prochains points à égaliser pour atteindre une égalité de fait pour les femmes. Vers qui les hommes pourront-ils s'adresser pour faire connaître leur point de vue?
Les quotas. La loi n° 63 fut votée il y a deux ans, je pense, pour obliger les conseils d'administration à une forme d'égalité dans la représentation des individus selon le sexe. Nous sommes arrivés où l'égalité est devenue une notion mathématique, et non pas sur les valeurs humaines et son évolution, mais sur le sexe des individus. Quand, pour des questions d'idéologie et de philosophie dépassées, on impose des formes de quota, nous sommes très proches à une gouvernance digne des pays totalitaires. Est-ce que c'est l'image que le Québec veut imposer à la nouvelle génération ou aux nouveaux immigrants?
Le marketing des modèles égalitaires. La Norvège comme la Suède sont des pays souvent cités en exemple par le Conseil du statut de la femme comme étant très égalitaires. La Norvège vient d'imposer la parité aux conseils d'administration de toutes les entreprises privées. «La nouvelle loi sur les quotas est formidable, elle met la pression sur les entreprises et contribue à une prise de conscience», ministre de l'Égalité et de la Famille de la Suède. Ici, au Québec, le mot «quota», pour ne point porter flanc aux critiques, fut remplacé par un terme plus digérable. On utilise le mot «cible», une cible qu'il faut atteindre pour obtenir l'égalité, l'art de dire autrement «quota».
Les réactions se font sentir actuellement autant au Québec que dans des pays dits égalitaires. Alors, j'en cite quelques-unes: «Les quotas ont toujours conduit ceux qui en bénéficiaient à faire douter de leur compétence. Je serais femme, j'aurais protesté contre cette mesure disant sans le dire qu'au titre d'être inférieure il me faut un quota pour accéder au conseil d'administration. Ridicule! Demain, des quotas ethniques...» Je cite des paroles et des mots de femmes. «Quelle valeur donnera-t-on à une femme dans un conseil d'administration quand on la verra comme une obligation plutôt qu'une personne dont les qualités lui ont permis d'accéder à cette fonction?» Et vous avez quelques autres exemples.
Dans la même foulée, une auteure, Cornulier-Lucinière, dans un article daté de janvier 2008 du Magazine eurocitoyen: «40 % de femmes: la dictature de l'égalité, la balance des bêtises.» Et elle cite les effets de la loi profemme. Je cite quelques paragraphes, j'en citerai rien que deux: «Cette loi décrédibilise la féminité, qui nécessite des appuis sociaux pour se hisser à la hauteur de la masculinité.»«Elle pose une différence inébranlable entre l'homme et la femme. En cela, elle renoue avec des idées qui sont loin [d'être] qui ont construit notre modernité égalitaire.» Il y en a d'autres ainsi. Elle apporte des réflexions sur des groupes triplement discriminés ? et je pense que, ce matin, en commission parlementaire, on avait des représentants: «Elles concernent les hermaphrodites et les transsexuels.» Auront-ils leur place dans les pourcentages réservés au sein des commissions d'administration des sociétés ou seront-ils niés et réduits au rang de mal formés au titre qu'ils n'ont pas un des deux sexes agréés? «Les transsexuels seront-ils jugés par leur sexe de départ ou leur sexe d'arrivée? Le changement de sexe en vue d'une élection à un conseil d'administration sera-t-il toléré?» Merci.
C'est court, 15 minutes, je vous le dis, j'ai coupé. Je vous laisse le plaisir d'aller plus loin, puis je vais y aller vers la conclusion, ça donnera plus de temps pour poser des questions.
Il y a un volet que je tiens à souligner. Ça fait quatre ans que je surveille l'usage des fonds publics. Il y a 666 millions qui sont versés dans des organismes communautaires dont une grande majorité sont gérés par des groupes de femmes dont... gèrent une idéologie et vont pousser... et des pressions auprès du gouvernement, et ça, depuis nombre d'années.
Je le soulignais ici dans mon mémoire, pour une fois il y a eu une étude sur la condition des hommes, le rapport Rondeau. La première chose qu'on a su, les groupes de femmes, hautement financés par le gouvernement qui n'est pas supposé faire de la discrimination, ont sorti un autre rapport en disant: Comment créer un modèle... un problème? Fin, fin, le premier rapport, c'était final, le premier rapport, Gilles Rondeau, sur la condition des hommes. C'était une approche, c'était un début.
Le projet de loi, comme le mentionne la ministre, n'est qu'un exercice supplémentaire dans l'instauration que je nomme la dictature rose. Les modifications envisagées répondent aux engagements internationaux du Québec relatifs des textes fondamentaux portant sur les droits et les conditions des vies de femmes. Ces écrits encouragent les gouvernements à non seulement protéger les femmes contre les discriminations, mais aussi à promouvoir leurs droits. Nul ne peut s'opposer à la vertu, mais, dans ce contexte, l'usage de la vertu par des groupes de pression représentant un seul sexe est discriminatoire et va à l'encontre des valeurs québécoises tant vantées par la ministre St-Pierre.
Lors des études de crédits, la ministre St-Pierre, elle s'est dite inquiète des propos carrément haineux à l'endroit des femmes, des propos entendus à la radio, sur certains blogues. Si la ministre considère des propos haineux envers les hommes, pourquoi ne dépose-t-elle pas une plainte? À moins que la ministre puisse m'expliquer par exemple ce qu'elle entend par des propos carrément haineux. Est-ce haineux, ou presque, ou carrément, laquelle serait de nature criminelle?
Un simulacre de démocratie. Lors de ma dernière présence devant une commission gouvernementale, le fait de s'opposer aux orientations du mouvement féministe m'a permis de vivre une forme de bâillonnement bien orchestré par certains membres de cette commission. De plus, le manque de respect envers des citoyens ayant pris le temps et l'énergie pour exprimer une position contraire à la mouvance sociale actuelle me porte à croire que je serai encore une fois muselé ou bien mes propos seront considérés comme carrément haineux. Par ce mémoire, je tiens à déposer ma dissidence à ce projet.
Le Président (M. Kelley): En conclusion, merci beaucoup. On va passer maintenant...
M. Claes (Gilbert): J'étais dans le chrono.
Le Président (M. Kelley): Parce que c'est maintenant 16 minutes, alors je vais vous interrompre là. On va passer à la période d'échange avec les membres de la commission. M. le député d'Orford, la parole est à vous.
M. Reid: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Claes. Je dois vous dire, en commençant, que le dernier paragraphe, dont vous venez de lire une partie et que j'avais lu donc auparavant, est, pour moi, un peu surprenant, parce que, je me suis renseigné, il me semble que, lorsque vous êtes venu en commission à d'autres moments, vous n'avez pas été interrompu pendant votre présentation, et ça n'a pas été le cas aujourd'hui non plus. Et je pense que c'est le noeud de la démocratie, c'est-à-dire le pouvoir de se faire entendre. Maintenant, la démocratie, c'est évidemment, pour nous, le devoir d'entendre, de laisser la parole, même si on pourrait ne pas être d'accord ou s'il y a peut-être peu de personnes... Et je pense que c'est là où le noeud de la démocratie se trouve, ce n'est pas d'entendre ceux avec lesquels on est d'accord, c'est d'entendre aussi ceux avec lesquels on pourrait ne pas être d'accord.
n(16 h 30)n Et, en ce qui me concerne, avant de me faire ma propre idée ou d'être d'accord ou pas avec certains de vos propos, j'aimerais poser quelques questions. Et je commencerais par le projet de loi lui-même. Parce que vous ne mentionnez pas les articles du projet de loi. Donc, je préférerais, moi ? c'est une longue tradition, là, et justement de respect ? vous entendre sur les deux articles du projet de loi, si vous êtes d'accord, pas d'accord, ce que vous en pensez, plutôt que d'essayer de déduire ce que vous pensez de votre présentation et de votre rapport, qui ne les abordent pas directement.
Alors, j'aimerais commencer par une question, par cette question-là sur les deux articles du projet de loi, qui sont deux amendements en fait, finalement, à la charte, dont un ajoute donc l'égalité entre les femmes et les hommes dans le préambule et la notion de liberté également dans la préambule et l'article 49.2 qui est ajouté et qui dit: «Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Donc, c'est l'objet de nos rencontres ici, et donc j'imagine que vous avez une opinion là-dessus qui a peut-être donné lieu à votre mémoire et à votre présentation. Mais j'aimerais encore une fois et je préfère, par respect pour vos opinions, entendre exactement de votre bouche ce que vous pensez de ces deux aspects-là plutôt que d'essayer de les déduire de votre texte.
M. Claes (Gilbert): Écoutez, ma réflexion est peut-être issue de 10 années d'études, de lectures, de réflexion sur cette question-là. Où je m'oppose, c'est qu'on arrive... La société est bâtie avec des hommes et des femmes. On ne peut pas faire autrement pour se reproduire. On est en 2000... 2000, hein, dans une génération où on est très avancés. On vient encore... Et puis, là, il faudrait faire la liste de toutes les conventions, protocoles, bon, des Nations unies qui défendent et protègent les femmes sur des questions de sexe. Il y a la Charte canadienne, il y a la charte québécoise qui est déjà très explicite là-dessus. Je me suis posé la question: Pourquoi soudainement y mettre un préambule et quelle serait la portée? Je ne suis pas juriste, j'ai vu qu'il y a plusieurs juristes qui ont émis des commentaires. Ma question est: Pourquoi c'est arrivé comme ça, soudainement, dans le contexte social dans lequel qu'on est?
On ne peut pas nier qu'on est dans une période de féminisation de la société. On veut que les femmes accélèrent à quantité d'emplois non traditionnels, viennent en politique, etc. Donc, on est dans une période de féminisation. Et là je me suis dit: Pourquoi venir enchâsser ça quand il y a une quantité astronomique de lois, d'articles de loi qui protègent les femmes? Et là je vois qu'il y a un mouvement qui dit: Il faut aller plus loin parce que les femmes sont discriminées systémiques, il faut aller à l'égalité de fait, il faut enchâsser plus pour dire que tout est chapeauté par l'égalité des femmes et des hommes, entre les femmes et les hommes. Mais ma réflexion est: Est-ce que l'autre partie, les hommes vont-ils en bénéficier s'ils se sentent discriminés ou c'est une partie de la population, les femmes?
Là, je m'en vais plus loin, l'erreur qu'on fait peut-être, comme citoyens ? moi, c'est ce que je reçois ? on est en train de diviser le pays en deux en fonction du sexe. Ça fait des millions d'années qu'on se côtoie, les deux sexes se côtoient. Puis c'est pour ça que, moi, je suis là, vous, vous êtes là. La reproduction humaine se fait dans ce sens-là. Et là on va amener l'égalité entre ou pour. Et c'est là ma question: C'est-u entre ou pour ? Et puis tous, tous, tous les écrits que je vois, même le plan d'action qui est sorti encore dernièrement, c'est l'égalité pour les femmes. Et alors, en allant dans cette direction-là, une égalité pour, ce n'est plus une égalité entre. Et là c'est là que je dis: C'est biaisé, c'est faussé.
M. Reid: Mais, par rapport à votre... par rapport au projet de loi, donc est-ce que je dois comprendre que, pour vous, c'est quelque chose qui... Bon, vous avez affirmé, je pense, au début, que vous n'êtes pas contre l'égalité. C'est quelque chose qui est soit inutile ou c'est quelque chose qui ne résout pas un problème que vous voyez?
M. Claes (Gilbert): Bien non, il ne va pas résoudre un problème.
M. Reid: D'accord.
M. Claes (Gilbert): Il va en créer d'autres, problèmes. Il va y avoir d'autres personnes qui vont venir en disant: Voici le préambule, il faut défendre les femmes. Bon, il y a peut-être une personne quelque part dans la société qui a vécu une forme de discrimination, qui va trouver un avocat qui va monter ça, bon, jusqu'à la Cour suprême et puis s'en faire une jurisprudence. On sait le processus là-dessus. Mais je me dis: Pourquoi, pourquoi, là, encore, quand il y a autant de lois, de conventions, de protocoles aux Nations unies, on vient encore mettre au Québec... Il me semble que les femmes sont bien protégées.
M. Reid: Il y a un...
M. Claes (Gilbert): Je ne veux pas enlever la protection aux femmes. C'est extraordinaire, les femmes, ce qu'elles font. Ma mère, je l'aime, j'aime ma blonde, j'aime mes copines, j'aime mes ex...
M. Reid: Mais j'ai plusieurs questions à vous poser, M. Claes, alors je m'excuse de vous interrompre. À la page 5, vous mentionnez à deux reprises la notion d'approche complémentaire des rôles entre les femmes et les hommes. Dans un cas, vous dites que, bon, l'organisation gouvernementale actuelle est tout sauf une approche ouverte à des approches complémentaires et vous dites aussi un peu plus loin: «Peut-on croire que l'égalité avec "entre" femmes et hommes ? "entre", vous l'avez mis entre guillemets ? ouvrira la porte pour des approches complémentaires des rôles» entre les hommes et les femmes? Par contre, vous n'expliquez pas dans votre texte, à moins que ça m'ait échappé, là, vous n'expliquez pas ce que vous entendez par des approches complémentaires. J'aimerais vous donner l'occasion de nous expliquer ce que vous voulez dire par ça.
M. Claes (Gilbert): Bien, complémentaire, écoutez, le plus fort doit aider le plus faible, ils ne sont pas égaux, ils sont complémentaires. Je pense qu'on a dérapé un peu en disant «l'égalité», et c'est là que je l'ai dit, ça devient une notion mathématique, et, lorsque ça vient dans l'esprit du peuple, il faut que ce soit égal. Bon, tu fais le ménage, il faut que ce soit 50 % que tu fais le ménage et, l'autre, 50 %. Est-ce que ça va aller jusque dans l'interprétation des lois? Les juristes, comment vont-ils gérer ça? Les juges, comment vont-ils déposer leurs jugements? Qu'est-ce que la Cour suprême va dire là-dessus? Je pense qu'on n'est pas en Afghanistan, on respecte les deux sexes actuellement. Pourquoi encore bonifier ça?
M. Reid: Mais, quand vous dites «approches complémentaires» et «d'ouverture à des approches complémentaires», pourriez-vous nous expliquer un peu quelles seraient les approches complémentaires, selon vous, qui pourraient solutionner une partie des problèmes que vous voyez?
M. Claes (Gilbert): J'aurais beaucoup de difficultés à voir dans les lois qu'on parle d'approche complémentaire, je n'ai jamais vu ça, sauf erreur du contraire. Mais, du côté humain, humanisme, il faut être complémentaire, les sexes sont complémentaires, et il y a une mouvance entre le pouvoir des deux sexes là-dessus. C'est ça, je pense, dans le fond qu'il faut...
Comment le traduire dans la charte? Je pense que la charte le dit très bien, on ne peut pas faire une discrimination, on ne peut pas prendre un pouvoir sur l'un ou sur l'autre, mais on doit appuyer sur l'un ou l'autre pour une question d'égalité. Là-dessus, je suis très confortable. Mais le mot «complémentaire» ou «complémentarité», c'est rare que je le vois, moi, dans tous les objectifs ici, là, de la condition féminine et le mouvement des femmes. Pourtant, il faut être complémentaire entre sexes pour pouvoir quand même continuer l'évolution sociale dans laquelle on vit. Est-ce que ça répond à votre question?
M. Reid: Oui. Bien, j'aurais aimé avoir des exemples peut-être plus concrets, mais enfin ça me permet de voir un petit peu la portée de ce que vous dites dans votre page 5.
M. Claes (Gilbert): Je vais peut-être répondre à une question très terre-à-terre. Vous allez sortir d'ici, il va y avoir des bancs de neige de 3 pieds. Bien, écoutez: Chérie, tu vas pelleter la moitié, moi, je vais pelleter l'autre moitié. Non. La complémentarité, c'est quelque chose qui est humain. L'homme va mettre sa part...
M. Reid: Oui. Vous donnez un exemple de la vie privée, mais, quand on parle de l'organisation du travail, etc., c'est souvent un peu plus complexe. Et je vais devancer, parce que j'avais une autre question sur cette page-là, mais vous parlez un peu plus loin ? puis puisque vous venez d'aborder la question ? de la question de la force physique et... Bon. Mais, moi, on a vu, j'imagine, plusieurs personnes ont vu comme moi un reportage américain et d'autres reportages qui se passent ici. Mais je me rappelle d'un reportage américain où il y avait une femme qui voulait être pompier, et honnêtement elle nous aurait probablement tous levés d'une seule main un après l'autre ici, dans la salle, parce que physiquement elle était beaucoup plus forte que la moyenne. Mais ça date d'il y a une dizaine d'années, si ma mémoire est bonne, c'est dans le New Hampshire. Et ce n'était pas possible pour elle d'être pompier malgré ses capacités physiques parce qu'on n'acceptait pas, à ce moment-là, du moins, en tout cas...
Et cet exemple-là, comment est-il compatible ? et ça se reproduit ici ? avec cet élément où vous mentionnez que, bon, il y a des rôles, et la force physique est répartie? Et vous le dites dans un exemple, bien sûr, là, mais j'aimerais ça que vous nous expliquiez un peu, là, comment vous pouvez concilier ça avec une approche où il y a une personne qui aurait souhaité faire ce travail-là et qui ne pouvait pas le faire. Puis je pense que ce genre de chose là doit exister encore dans...
M. Claes (Gilbert): De mémoire, je vais vous le donner, La Cour suprême a statué sur un cas de pompière, en Colombie-Britannique, qui avait été refusée pour une question de... les paramètres d'acceptation. Et puis ça a été jusqu'à la Cour suprême, elle a gagné sa cause, et actuellement il y a des femmes pompières. Moi, j'ai vu ici, à Québec, une femme pompière. Elle doit peser à peu près 115 lb et puis elle est pompière. Toutefois, moi, j'ai eu des copains qui sont pompiers qui pèsent 195 lb tout nus et 250 lb habillés, qui ont dit: Moi, je n'irais pas dans le feu avec quelqu'un qui ne sera pas capable de me sortir du feu. Si elle est capable, ça ne me dérange pas d'aller dans le feu. Toutefois, si elle n'est pas capable d'accepter les normes qui sont établies... C'en est un...
Il y a un autre cas où il y a une dame ici qui était, disons, légèrement obèse. Elle était réceptionniste d'un hôtel. Et le propriétaire de l'hôtel a dit: Bien, écoutez, ce n'est pas la plus belle présentation pour un hôtel. Et il a déplacé la personne à une autre fonction au sein de l'hôtellerie. Elle a débattu sa cause jusqu'en Cour suprême et elle a gagné. Donc, l'exercice juridique existe. Les lois, les chartes sont déjà là, la jurisprudence est déjà là. Donc, les femmes sont protégées, ou les femmes qui se sentent discriminées pour une raison quelconque.
n(16 h 40)nM. Reid: Mais, à ce moment-là, je vais vous poser une question, parce que c'était une autre de mes questions. À la page 7, vous dites, il y a une question, vous dites: «Qui a vécu une discrimination systémique?» C'est là où vous parlez effectivement de la force physique, etc. Et là vous donnez un exemple; bon, on peut en penser ce qu'on veut. Mais ma question, c'est vraiment quand on dit: «Qui a vécu une discrimination systémique?». Et vous venez de dire: Les lois existent, les femmes sont protégées. Est-ce que vous êtes d'avis... Je veux juste que vous précisiez votre pensée, là. Est-ce que vous êtes d'avis que la discrimination systémique, à toutes fins pratiques, n'existe plus? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?
M. Claes (Gilbert): Non, non, non. Moi, je veux dire l'usage qu'on en fait. Mon arrière-pensée, bien, écoute, le mot «systémique», je l'ai vu, bon, c'est rendu un peu comme dans les années 1968-1969, Mme Harel doit s'en souvenir, la discrimination positive, est-ce que c'est une discrimination ou ça ne l'est pas? Alors là, je vois que les groupes féministes sont arrivés en disant: Bien, écoutez, la discrimination est systémique. Bon, systématiquement, les femmes ont été discriminées. C'est peut-être comme ça que je le vois, moi, quand je vois «systémique»...
M. Reid: Ah, d'accord. Parce que le sens habituel est plutôt un sens où la discrimination est à l'intérieur du système, on ne la voit pas, c'est pernicieux. Parce que, par exemple, le cas des accès à certains emplois qui traditionnellement étaient réservés à des hommes, par exemple, ou à des femmes, et cet accès-là n'était pas forcément interdit, mais il y avait une discrimination systémique qui faisait en sorte qu'on n'y arrivait pas. Mais je comprends donc que vous ne dites pas, là, votre opinion, qu'il n'y a pas de discrimination systémique. Ce n'est pas le sens de vos propos.
M. Claes (Gilbert): Il y a une discrimination systémique existant dans tous les domaines, et même auprès des hommes, elle existe. Mais, systémique, écoutez, bon, je regarde, bon, je pourrais toujours arriver... Bon, il y a une culture dans le milieu juridique où on va défendre le plus faible et taper sur la tête du plus fort. Les juges ont toujours été plus sévères vis-à-vis les hommes, et je pense qu'on est habitués à ça, il faut le vivre. Et, dans la condition sociale entre hommes, il va y avoir quand même, d'une nature, d'un élément naturel, d'être un peu plus sévères vis-à-vis les hommes. C'est systémique, ça, c'est un système, c'est systémique. Le Titanic a coulé, on a dit: Les femmes d'abord, les enfants après et les hommes en dernier. C'est un système, ça. Si on amène l'égalité aujourd'hui puis qu'il y a un bateau qui coule, qu'est-ce que les hommes vont dire? Bien, écoutez, nous sommes tous égaux, allez-y, démerdez-vous.
M. Reid: M. le Président, est-ce qu'il reste encore du temps?
Le Président (M. Kelley): Il reste trois minutes.
M. Reid: Oui. Toujours à la page 5, j'aimerais que vous nous précisiez un peu le sens... ou des exemples peut-être parce que c'est une affirmation qui, s'il n'y a pas d'exemple, on a du mal à comprendre ce que vous voulez dire. À la fin du dernier paragraphe, vous dites: «S'il faut respecter l'égalité entre les femmes et les hommes, ne serait-il pas logique de créer un ministère ? vous l'avez dit tantôt ? pour appuyer aussi les revendications pour l'égalité des hommes?» Et vous dites la chose suivante, la phrase suivante: «Les conséquences néfastes de l'absence d'une telle structure...» Donc, on parle d'un ministère pour la condition masculine. «Les conséquences néfastes de l'absence d'une telle structure se font chaque jour davantage sentir.» J'aimerais ça que vous nous expliquiez un petit peu qu'est-ce qui se fait sentir à chaque jour. Parce que vous parlez de «conséquences néfastes», donc c'est grave, «se font sentir de plus en plus chaque jour». Je lis ça puis j'essaie de comprendre où elles sont, les conséquences, là.
M. Claes (Gilbert): Écoutez, dans le mémoire, je ne suis pas appuyé par une série de gens diplômés en université, etc., et le peu de temps que j'avais pour le faire et naturellement exprimer quand même... C'est un gros volume, la condition, l'évolution sociale, entre autres, des femmes. Comme je parle, les effets, j'ai deux garçons, un de 23 et un de 20 ans. Les deux ne veulent pas faire des enfants. C'en est un, ça.
La démographie, il y a une chute démographique très grande, est-ce que c'est la faute du féminisme? Non, c'est tout simplement qu'on dit: Voilà, nous sommes égaux, les femmes ont le droit d'être libres, les hommes ont le droit d'être libres, et voilà on continue là-dedans. L'implication, la complémentarité d'un homme et d'une femme pour continuer à se reproduire ? on n'a pas le choix, on a besoin de se reproduire, on a besoin de faire des enfants ? on est en train de diviser les deux et d'en faire des produits de consommation. L'union a été rendue un produit de consommation, surtout au Québec, on pète des scores là-dessus.
Alors, où est le ciment qui va faire à long terme un pays fort, ou une nation forte, ou une société forte si toute l'approche, elle dit: On divise les deux sexes en deux, voilà les femmes, voilà les hommes, les femmes sont discriminées, elles sont victimes et, de l'autre côté, nous avons les agresseurs qui ont toujours refusé les femmes d'accéder à des métiers non traditionnels? Probablement, dans le passé, il y a des hommes qui ne voulaient pas des femmes dans les métiers d'hommes parce que c'était dangereux, parce que les femmes n'avaient peut-être pas de congés de maternité et de se retirer du travail, peut-être... C'était comme ça, la société. Est-ce que ça l'est encore aujourd'hui, au Québec? Je ne pense pas. Il y a des immigrants qui viennent, peut-être qu'ils amènent avec eux leur culture, mais ils vont s'adapter, la nouvelle génération s'adapte. Puis étrangement leurs parents ont fait cinq, six enfants, puis la nouvelle génération ne veut pas faire d'enfant, peut-être un ou deux. On a un problème démographique sur les bras.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Je dois mettre fin à cet échange pour permettre la parole aux députés à ma gauche. Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Écoutez, d'entrée de jeu, je dirais que mon collègue a fait quand même pas mal... je l'en félicite, a fait quand même pas mal le tour. Sauf qu'écoutez, en introduction, vous dites: «Nous ne voyons pas ni la nécessité ni l'urgence de modifier la charte précisément parce qu'il y a un consensus des Québécois sur l'égalité.» Est-ce que vous prétendez, à ce moment-là, qu'aujourd'hui ce n'est pas opportun mais que, dans le temps, ça pourrait l'être? Et, vous savez, le concept que vous apportez à cette...
M. Claes (Gilbert): Je vais essayer de répondre à votre question. Ce que je perçois de M. et Mme Tout-le-monde dans la rue, ou qu'on parle des jeunes... Premièrement, la nouvelle génération, ce que j'ai posé souvent à la nouvelle génération, femmes et hommes: Êtes-vous féministes? Êtes-vous pour l'égalité des femmes? Bien, ils sont pour l'égalité des femmes. On ne peut pas être contre la vertu, là, soyons honnêtes là-dessus. On ne peut pas être contre la richesse. On ne peut pas demander aux pauvres d'essayer de devenir plus riches, c'est une vertu, ça. L'usage, par exemple, qu'on en fait, ça, c'est une autre paire de manches. Mais ce que je vois parmi la jeune génération, c'est que ces débats, ces débats sur l'égalité, ça ne les intéresse plus.
Alors, y a-t-il urgence à changer le préambule? Est-ce qu'on ne pourrait pas exploiter déjà ce qui est écrit dans la charte? Il y a des articles qui pourraient être exploités et qui sont déjà là, je pense, l'article 10 puis dans d'autres conventions, il y a des articles qui parlent de l'égalité, où on ne peut pas faire la discrimination entre les sexes. Est-ce qu'on a exploré toutes les avenues avant de dire: Voilà, coucou, on se lève le matin, il faut mettre dans un projet de loi... il faut inclure quelque chose dans le préambule? C'est là où je me pose la question: Est-ce qu'on a épuré tous les moyens avant de modifier quelque chose d'aussi important que la charte? Est-ce que je réponds à votre question?
Mme Leblanc: Oui, mais est-ce que vous avez... Vous n'avez pas trouvé, si on veut, réponse à vos questions, ou vous n'avez pas de solution, mettons, que vous préconiseriez ou...
M. Claes (Gilbert): Donnez-moi 40 000 $ par année plus deux secrétaires universitaires, et puis je vous garantis, dans deux mois, je dépose une brique bien étoffée à votre question.
Mme Leblanc: D'accord. Merci. Plusieurs disent que c'est... plusieurs groupes sont venus dire qu'ils considèrent que c'est une clause interprétative. Vous semblez quand même... vous craignez beaucoup derrière, vous savez, ce projet de loi là. Vous semblez craindre ce projet de loi là. Pouvez-nous davantage nous expliquer?
M. Claes (Gilbert): Que je suis? Je m'excuse.
Mme Leblanc: C'est parce que, c'est ça, plusieurs sont venus dire que c'était une clause interprétative, mais, vous, vous craignez quand même beaucoup, vous semblez craindre beaucoup ce projet de loi là particulièrement.
M. Claes (Gilbert): Disons que je ne le crains pas parce qu'il va être approuvé pareil. Bon. Il va y avoir le dépôt, bon ? hein? la commission qui s'est promenée pendant des mois ? il va être déposé pareil. Ce que je me dis: Bon, on dépose un projet de loi, il serait au moins logique d'explorer les effets à long terme parce qu'une fois qu'il est enchâssé, il est là, on ne peut plus le changer, on va l'interpréter de toutes les façons. Il serait quand même utile de dire: Écoutez, là, quelles seraient les incidences?
Et puis pourquoi ne pas faire une analyse différenciée selon le sexe? Les outils sont là, alors faisons une analyse avant de dire: Voilà, on se réunit, on fait un projet de loi, on change ceci. Bon. Ça va coïncider avec le dépôt d'un rapport et politiquement ça va être bien perçu. Alors, moi, je me dis: Non, il n'y a pas d'urgence, il n'y a pas d'urgence. Et je pense que M. et Mme Tout-le-monde, ça ne va pas influencer M. et Mme Tout-le-monde dans leur quotidien. Avant qu'un avocat prenne la cause en délibéré... Il va dire: Écoute, ma chérie, je m'appelle Julian Green, si tu mets du cash sur la table, je vais te défendre jusqu'à la Cour suprême. Alors, non. Moi, je réponds à votre question: Non, je ne vois pas l'urgence et je ne vois pas... Ce que je vois, par exemple, c'est que, si une fois que c'est fait, bien, comment on va l'interpréter, qui va l'interpréter, et puis qui va en bénéficier, et qui va en profiter? Ça va être encore une clique très fermée.
n(16 h 50)nMme Leblanc: D'accord. C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le député de...
Une voix: Je n'ai pas de question.
Le Président (M. Kelley): Parfait. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, féliciter le député d'Orford, hein, pour l'échange consistant qu'il a eu, en sachant qu'il avait préparé les questions qui nous auront permis d'obtenir vos réponses.
J'avais en fait une question qui était la même que celle de la députée de Deux-Montagnes, à la page... Je crois que c'est la page 2 du mémoire, vous dites: «Nous ne voyons pas ni la nécessité ni l'urgence de modifier la charte précisément parce qu'il y a un consensus des Québécois sur l'égalité.» Et ça m'a fait penser à une phrase de...
Une voix: Talleyrand.
Mme Harel: ...excusez-moi, Talleyrand, qui nous a été citée ici même, en commission parlementaire, hier, à la place que vous occupez. Et cette phrase était, semble-t-il, fréquemment utilisée par un professeur de droit qui a laissé une marque indélébile, le Pr Crépeau, qui a été responsable de la réforme du Code civil pendant bien des années. Il faut dire que j'ai eu, moi, le privilège aussi, comme porte-parole de l'opposition, de procéder à la réforme du Code civil avec le ministre de la Justice Gil Rémillard. Ça, c'est des mois, des années en commission parlementaire, mais c'était passionnant, absolument passionnant. Alors, j'allais consulter le Pr Crépeau, comme porte-parole de l'opposition, et il était d'une courtoisie extrême. Et le Pr Crépeau citait toujours finalement Talleyrand, qui disait: «Cela va sans le dire, mais cela va mieux en le disant.» Et, en lisant votre mémoire, où vous nous dites que ce n'est pas nécessaire parce qu'il y a un consensus, ça m'a fait penser à Talleyrand: «Cela va sans le dire, mais cela va mieux en le disant.» On pourrait même dire que cela va mieux en l'écrivant, cela va mieux en l'adoptant et cela va mieux en le laissant aux générations qui nous suivent. Vous ne pensez pas qu'il y a quelque chose de symbolique finalement dans tout ça?
M. Claes (Gilbert): Il faut faire attention lorsqu'on utilise les symboles. Les symboles doivent être rassembleurs. Dans le cas présent, on veut faire l'égalité, bon, les femmes, parce qu'elles sont systématiquement violentées, exclues des endroits où les hommes travaillent, elles sont exclues des conseils d'administration, on est en train de créer un symbole. Mais le symbole qui doit exister, ça doit être autant pour les hommes et pour les femmes. Ce que je perçois, moi, dans cette approche-là et puis tout ce qui tourne alentour et gravite alentour de ça: le symbole touche un sexe. Et là, lorsqu'on commence à exploiter des symboles pour un sexe, ça fait quand même depuis les suffragettes des années 1900, début, lorsqu'on utilise un symbole, il y a un danger d'une reprise de symbole. C'est là que je me dis: Bon, il va y avoir un danger peut-être. Il existe une exploitation, oui, ça, c'est évident, ça existe.
Vous parlez des nouvelles générations. Écoutez, moi, je vais avoir 63 ans, donc j'ai connu votre carrière et j'ai même voté pour vous dans le temps que vous aviez des cheveux d'une autre couleur et frisés. Soit dit en passant, je tiens à féliciter la députée d'avoir soutenue aussi longtemps les affres de la vie politique. Mais, soit dit en passant...
Et je souligne une petite chose qui me revient en mémoire. Après 1995, après la fameuse réunion, à Beijing, du mouvement des femmes, il y a eu 300 et quelques recommandations. Si ma mémoire est bonne, en 1996, on vous avait critiquée à ce moment-là ? c'était The National Women Association, quelque chose comme ça ? en disant que le Québec ne faisait pas assez pour l'avancement des femmes. Et en réaction, et ça a été spontané ? c'est de là, quand on étudie tout le mouvement, on dit: À quelle vitesse les politiciens réagissent, et c'est phénoménal ? vous avez annoncé 100 millions pour l'avancement des femmes. On était en 1996, c'était en septembre, un communiqué de ça ? je creuse dans ma mémoire, là ? 100 millions pour l'avancement des femmes, hein? Formidable. On parle d'égalité de sexes. Y avait-u 100 millions aussi pour aider les hommes dans d'autres domaines où ils peuvent se sentir discriminés? Je n'ai pas vu ça.
Je reviens encore sur vous, Mme Harel. En fouillant à l'Accès à l'information, j'ai regardé sur le financement des groupes dans votre comté, j'ai été surpris de voir les petites notes qui suivaient, un petit mot avec une remise de chèque. Vous êtes teintée féministe. Je n'ai rien, là, contre. Moi, je suis teinté masculiniste. Bon, j'espère qu'on n'a rien là contre là-dessus. Mais je regarde tout le processus qui se fait et je regarde, moi, les subventions qui sont versées aux groupes féminins, et qui sont les premières à critiquer si un groupe d'hommes ose lever la tête ou qu'il y a un rapport sur la condition masculine, et tout de suite on va faire un rapport ? comment fabriquer un problème ? et là en tant qu'homme je me sens interpellé. Si on parle d'égalité, il faut qu'on soit égal. J'ai aussi, moi, des comportements humains, j'ai aussi droit d'avoir un respect. J'ai deux garçons, puis ils ne porteront pas des jupes ? pas avec le père qu'ils ont. Mais soyons égaux, soyons égalitaires, soyons raisonnés aussi dans les demandes, demandes d'égalité.
Mme Harel: Je rappelle, M. le Président, que le projet de loi porte sur l'égalité entre les hommes et les femmes et énonce que «les droits et libertés de la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes». Ce n'est pas un projet de loi, si vous voulez, juste pour les femmes. Bon. Écoutez, moi, j'ai un petit-fils de 10 ans et je trouve ça passionnant de suivre son évolution.
Ceci dit, je vous rappelle qu'il y a maintenant de plus en plus souvent des groupes d'hommes qui travaillent à l'avancement, si vous voulez, de leur implication, de leur engagement dans la société. Moi, dans mon quartier, il y a une maison, la Maison Oxygène, qui est une maison d'accueil et d'hébergement pour pères monoparentaux, qui fait un travail absolument remarquable, que j'appuie dans toute la mesure du possible.
Je crois que vraiment, parmi nous tous, membres de cette commission, je crois sincèrement que nous sommes favorables à cet engagement sociocommunautaire des hommes dans notre... disons, dans nos circonscriptions respectives, que nous sommes prêts à appuyer, à soutenir. Je ne vois pas... Je pense ? comment on dit ça devant un juge, là? ? avec tout le respect que je vous dois, j'ai l'impression que vous parlez pour le passé mais pas pour le présent.
M. Claes (Gilbert): Mme Harel, écoutez, encore dernièrement, hier, j'ai vérifié, «portrait, soutien financier», bon, «québécois», puis j'ai regardé, j'ai fait «hommes», j'ai fait «femmes», j'ai regardé «hébergement». Écoutez, moi, j'ai eu la liste des 5 000 organismes communautaires qui reçoivent des deniers, bon, nos impôts et nos taxes. J'ouvre une parenthèse, le ministre Duplessis, il doit rire dans son cercueil: au lieu de payer de l'asphalte, on paie des organismes communautaires pour aller chercher des votes. Mais en tout cas, admettons que c'est bien.
Mais, sur les 666 millions qui sont versés, j'ai essayé de regarder encore aujourd'hui combien est versé pour les maisons d'hommes et les maisons de femmes. Et il y a 62 millions pour les centres d'hébergement de femmes violentées et en difficulté. J'ai regardé les maisons d'hommes. Bon, écoutez, il y a Oxygène qui n'est pas un organisme communautaire mais est à l'intérieur d'un centre communautaire. J'ai visité ce lieu, il y a une petite chambre avec deux lits superposés puis pas beaucoup de salles. Je connais l'historique un peu de ce lieu-là. Il y a une approche.
C'est sûr que, depuis nombre d'années, les groupes d'hommes revendiquent, frappent, cognent, etc., mais on n'a pas le bon ton, à ce qu'il paraît. On veut mettre en place des ressources pour les hommes. Moi-même, quand j'ai subi un divorce, en 1995, 1996, j'ai cogné à une porte, moi, pour demander de l'aide en tant qu'homme ? j'étais suicidaire, je n'étais pas au courant ? je n'ai pas trouvé d'aide. J'ai un sale caractère, je me suis mis debout, j'ai dit: La meilleure façon de m'en sortir, c'est d'aider les autres. Pendant huit ans, j'ai fait l'écoute, j'ai écouté des gars en misère. Et je ne savais pas où les envoyer. Un centre de crise? À Lauberivière, parmi les paumés, les alcolos et les drogués? Le gars qui gagne 60 000 $, là, qui se trouve le cul à l'eau ? excusez-moi l'expression ? il n'est pas intéressé de côtoyer des paumés, il a besoin de rester avec des gens au moins de la même couche sociale, il a besoin... il va communiquer avec des gens de même niveau. Ça n'existe pas. Mais il y a 112 maisons de femmes violentées à 62 millions. Alors, je suis content, Mme Harel, vous, en tant qu'ancienne politicienne, une doyenne, vous me confirmez que...
n(17 heures)nLe Président (M. Kelley): Et actuelle, et actuelle politicienne.
M. Turp: Et actuelle. Elles n'est pas... elle est actuelle.
M. Claes (Gilbert): Oui, bien, écoutez, bon, écoutez, on se suit, là, en termes d'âge, là.
M. Turp: Expérimentée.
M. Claes (Gilbert): Alors, je prends pour acquis que, dans les mois suivants, on va pouvoir s'asseoir, invitez-moi, on va s'asseoir: Qu'est-ce que les hommes ont besoin comme ressources? Parce qu'il y a l'approche masculine et il y a l'approche féminine, ça fait qu'on fait une différence. Pas que tout le monde est horizontal, il y a une différence entre les hommes... Vous êtes grand-mère d'un petit garçon. Ça ne joue pas avec des jujupes, et puis le rose, ce n'est pas leur meilleure couleur non plus. Alors là, il faudrait accepter ça dans le social. Si on veut faire l'égalité entre les sexes, c'est correct, mais nommez-moi, quelque part au ministère, quelqu'un qui va parler pour la condition des hommes.
Mme Harel: En tout cas, il adore faire la cuisine.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Il adore faire la cuisine, vraiment. Bon, écoutez, il n'en tient vraiment, je pense, là, qu'à la mobilisation solidaire des hommes pour qu'il y ait des ressources mises à leur disposition. Je suis convaincue qu'on est tous prêts à soutenir ce type de ressources, parce que la société évolue, il y a des mutations dans les rapports hommes-femmes. C'est sûr que ça a des incidences et c'est sûr que parfois il faut accompagner ces mouvements-là de changements majeurs.
M. Claes (Gilbert): Alors, j'attends votre invitation. On va s'asseoir sérieusement: Comment on peut bâtir quelque chose?
Mme Harel: J'attends votre projet. J'attends votre projet.
Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, il me reste de dire merci beaucoup pour votre contribution originale aux travaux de la commission. Ça prend un certain courage, la dissidence. Alors, merci beaucoup, M. Claes, pour votre présence devant la commission, aujourd'hui. Et, sur ça, je vais ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle.
(Fin de la séance à 17 h 2)