(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.
Je vous rappelle notre mandat: nous sommes réunis afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 89, Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée et modifiant d'autres dispositions législatives, Bill 89, An Act respecting clinical and research activities as regards assisted human reproduction and amending other legislative provisions.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. D'abord, M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par Mme Caron (Terrebonne); Mme Champagne (Champlain) par Mme Beaudoin (Mirabel); et Mme Charest (Rimouski) par M. Côté (Dubuc). Voilà.
Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues ainsi que toutes les personnes présentes dans la salle, que l'utilisation du téléphone cellulaire et d'autres appareils semblables est défendue pendant les séances de la commission. Je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir s'assurer qu'ils ont été mis hors tension.
Étant donné que nous débutons la consultation, il y aura une période pour les remarques préliminaires de 10 minutes pour chaque groupe parlementaire, c'est-à-dire que nous allons débuter avec le ministre de la Santé et des Services sociaux, puis par la suite il y aura 10 minutes pour le représentant ou la représentante de l'opposition officielle. Par la suite, nous allons entendre, échanger et entendre avec deux groupes ou deux individus... plusieurs individus, ce matin. Nous allons débuter dans quelques instants avec le Dr Seang Lin Tan, et ce sera suivi par le Dr François Bissonnette, autour de 11 heures; la suspension habituelle autour de midi, et par la suite je ferai lecture de l'ordre du jour pour l'après-midi.
Remarques préliminaires
Alors, sans plus tarder, pour les remarques préliminaires, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. J'aimerais saluer cordialement les collègues de la commission parlementaire qui vont participer avec nous à ces travaux, et c'est donc avec grand plaisir que nous avons accueilli la demande de consultations particulières sur le projet de loi n° 89, qui est la Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée et modifiant d'autres dispositions législatives. Il ne faut pas hésiter ici à élargir le débat afin de partager nos points de vue sur cette question, on le verra, qui, quoique complexe, est de la plus grande importance. Il faut d'abord rappeler que ce projet de loi s'inscrit dans un corpus législatif et normatif plus large qui est basé sur le Code civil du Québec et qui compte, depuis 1992, des dispositions spécifiques à la procréation assistée.
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(9 h 40)
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Concrètement, le but recherché par ce projet de loi est d'encadrer les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée. Nous visons ainsi à assurer une pratique de qualité qui soit sécuritaire et conforme à l'éthique. Nous visons également à favoriser l'amélioration continue des soins et des services de santé par la mise en oeuvre de mécanismes de suivi. Nous souhaitons enfin concilier les impératifs de la protection des personnes et la responsabilisation des professionnels qui pratiquent dans ce domaine. Ce sont là, de notre point de vue, deux valeurs primordiales, deux valeurs indispensables à la mise en place et au maintien d'une culture de bonne pratique clinique et de recherche.
Enfin, les enjeux sous-tendus par ce projet de loi sont essentiellement de refléter la position du Québec en matière d'encadrement des nouvelles techniques biomédicales, dont fait partie le domaine de la procréation assistée. Plusieurs groupes d'intérêt public ont d'ailleurs des attentes élevées à notre endroit, des groupes mais surtout des citoyens qui chaque jour doivent recourir à la procréation assistée.
Pour bien comprendre les assises de ce projet de loi, il faut savoir qu'au Québec, comme ailleurs, nous assistons à une augmentation de la demande de ce type de traitement. Malheureusement, le manque de données nous empêche de dresser un portrait précis de l'ensemble des activités qui gravitent autour de la procréation assistée au Québec, ce que l'on prévoit corriger avec le projet de loi. On estime cependant que près de 600 naissances résultent de cette technique chaque année, ce qui représentait, en 2003, environ 0,8 % des 73 660 naissances que comptait le Québec pour cette année.
Bien qu'il nous soit impossible de connaître avec précision le nombre d'enfants nés à la suite d'un traitement de procréation assistée, en revanche nous savons, grâce à la littérature scientifique, que 12 % à 15 % des couples des pays industrialisés ont des difficultés à procréer sans aide médicale. Grâce aux consultations que le ministère a menées de 2002 à 2004, nous savons également que les soins dispensés au Québec en matière de procréation assistée sont empreints de professionnalisme et de respect. Nous savons aussi que la procréation assistée n'est pas sans créer des problèmes. Par exemple, bien que les études ne soient pas unanimes, certaines d'entre elles ont recensé jusqu'à 9 % d'anomalies congénitales chez des enfants nés à la suite d'une fécondation in vitro, contre 4,2 % chez les enfants conçus naturellement. D'autres études effectuées sur des cohortes internationales notent, suite à ces techniques, des taux élevés de naissances multiples, qui occasionnent à leur tour certains problèmes. Par exemple, les naissances gémellaires résultent, dans 54 % du temps, en des naissances prématurées et, dans 51 % du temps, dans des naissances de faible poids. Ce taux atteint près de 90 % dans les cas de triplés. À notre sens, ces problèmes confirment l'urgence et l'importance d'encadrer la pratique et la recherche sur la procréation assistée par un projet de loi.
Pour le bénéfice des personnes participant à cette commission, je me permets de présenter brièvement certaines notions importantes pour le projet de loi que nous proposons. Dans les faits, le projet couvre les activités cliniques et celles de la recherche qui relèvent de ce domaine. Les activités cliniques se définissent comme étant, je cite, «tout soutien apporté à la reproduction humaine par les techniques médicales ou pharmaceutiques ou par des manipulations de laboratoire qui visent la création d'un embryon dans un but reproductif». Fin de la citation. De leur côté, les activités de recherche représentent, encore une citation, «tout projet de recherche élaboré en vue d'améliorer les connaissances ou les procédés cliniques permettant un soutien à la reproduction humaine». Fin de la citation.
Il est à noter que le projet de loi se limite au domaine de la procréation assistée. Par contre, nous avons jugé que les projets de recherche qui portent sur les embryons créés dans un contexte de procréation assistée ? on les appelle les embryons surnuméraires ? doivent, même si la recherche n'a pas de lien avec le domaine, faire l'objet, pour des raisons évidentes, d'une évaluation par un comité d'éthique de la recherche.
Comme je l'ai déjà mentionné et comme le reconnaissent nos collègues de l'opposition, ce domaine est en pleine évolution, une évolution rapide qui soulève au passage beaucoup de questions de sécurité et d'éthique, des questions qui nous interpellent dans nos valeurs fondamentales, pour les uns, et dans nos croyances mêmes, pour certains. C'est la raison pour laquelle nous jugeons important d'adopter des mécanismes souples et évolutifs qui nous permettront de nous adapter aux réalités toujours changeantes de ce domaine de la science.
C'est d'ailleurs ce qui se reflète dans ce projet de loi n° 89 qui prévoit notamment d'octroyer au ministre la possibilité de demander au bureau de l'Ordre professionnel des médecins du Québec des avis portant sur la qualité, la sécurité et l'éthique des activités de procréation assistée. Projet de loi qui prévoit aussi d'établir, pour un centre où se pratiquent ces activités, une reddition de comptes et qui précise enfin que toute activité de procréation assistée devra être exercée dans un centre pour lequel un permis aura été délivré par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Un projet de loi qui prévoit également que les centres devront obtenir un agrément par un organisme reconnu tel que le Conseil canadien d'agrément des services de santé ou le Conseil québécois d'agrément. En somme, un projet de loi qui nous permettra d'exercer nos compétences dans le domaine de la procréation assistée et par conséquent d'agir dans le respect de nos valeurs, des valeurs québécoises. À cet effet, nous réitérons la position de notre gouvernement, qui est que le Québec ne saurait accepter, comme se propose de faire la loi fédérale adoptée le 29 mars 2004, un empiètement dans l'encadrement des activités de procréation assistée, des activités qui relèvent du domaine de la santé, faut-il le rappeler. Nous aurons d'ailleurs certainement l'occasion d'aborder plus avant ce volet de notre démarche.
Voilà donc, M. le Président, ce qui résume le projet de loi qui est devant nous. Je crois qu'on peut dire sans se tromper que les grandes lignes qui sous-tendent ce projet de loi sont généralement bien accueillies. Je pense ici aux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux, aux groupes d'intérêt public, mais aussi et surtout aux gens qui doivent recourir à la procréation assistée. Je comprends néanmoins que certains points de cette délicate question soulèvent davantage d'interrogations. Nous sommes précisément ici pour entendre diverses opinions sur ce projet de loi et pour trouver des solutions à nos divergences de vues. Nous serons donc heureux d'entendre les commentaires des intervenants invités à ces consultations, et bien sûr le gouvernement est tout à fait disposé à considérer des propositions qui seront faites dans l'objectif d'améliorer le projet de loi qui est devant nous et donc d'enrichir le corpus législatif du Québec en cette matière. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. Alors, au nom de l'opposition officielle, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine, de l'action communautaire, pour une période d'une durée maximale de 10 minutes.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. le Président, je vous salue. Je salue les collègues parlementaires et je salue le ministre évidemment et son personnel qui est avec lui.
M. le Président, j'ai accepté avec beaucoup d'intérêt d'être porte-parole de l'opposition officielle pour tous les travaux touchant le projet de loi n° 89, Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée, d'autant plus, M. le Président, que j'avais participé, avec ma collègue présentement chef de l'opposition officielle, députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à la réforme du Code civil, et je me souviens très bien des débats importants que nous avions eus à ce sujet et toute la délicatesse que ce sujet mérite. Avec mes collègues de l'opposition, la députée de Mirabel et le whip adjoint, député de Dubuc, nous vous assurons de notre écoute active tout au long des consultations particulières.
Concernant ces consultations, nous devons déplorer que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'ait pas pris en compte les demandes de plusieurs groupes, lors de l'adoption de principe, pour un débat public, donc des consultations générales. Le sujet aurait mérité que l'on puisse consulter l'ensemble de la population. Les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée nécessitent un encadrement éthique, nous en sommes tous d'accord. Ils exigent une acceptation sociale qui correspond aux valeurs défendues par la société québécoise. Le désir d'enfant doit être soutenu par l'État, tout en tenant compte évidemment des conséquences au niveau de la santé de toutes les personnes en cause, autant les adultes que les enfants. Il faut aussi éviter que l'on se retrouve à utiliser le corps des femmes comme cobaye. Je pense que nous en convenons tous, toutes ces questions touchant à la vie sont sensibles dans la population québécoise, et le débat public nous aurait permis de pouvoir répondre à leurs questions et de s'assurer que les règlements que nous allons adopter vont répondre aux valeurs québécoises. De plus, M. le Président, nous déplorons le court laps de temps qui a été octroyé à celles et ceux que nous entendrons au cours de ces consultations particulières. D'ailleurs, plusieurs groupes ou individus n'ont pas remis de mémoire à ce moment-ci.
Je tiens à préciser, M. le Président, que nous appuyons la contestation juridique du Québec sur les articles de loi C-13 qui empiètent les compétences constitutionnelles du Québec, et nous reconnaissons donc, en conséquence, l'importance d'un projet de loi pour définir clairement les orientations québécoises. Cependant, tel que rédigé, les inquiétudes sont grandes. Le ministre a noté quelques groupes qui donnaient les appuis. Il y a aussi des groupes qui se questionnaient fortement lors de l'adoption de principe. Les inquiétudes sont principalement relatives à la lecture même du projet de loi n° 89, où on découvre très rapidement qu'on ne peut aucunement connaître les intentions réelles du ministre pour définir et encadrer les activités cliniques de recherche en matière de procréation assistée. En effet, sur les 50 articles du projet de loi n° 89, 13 articles font référence à un projet de règlement, laissé à la discrétion du ministre, de ses fonctionnaires, des professionnels. Pour un sujet aussi sensible et délicat, nous devons connaître les intentions réelles du ministre, et ce, dans le projet de loi lui-même.
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(9 h 50)
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Nous espérons que les consultations particulières permettront d'amender sérieusement le projet de loi n° 89 pour lui donner une véritable consistance et répondre aux questionnements qu'il a suscités dès son adoption de principe. Les groupes de femmes l'avaient d'ailleurs qualifié de coquille vide. Je cite ma collègue, actuelle chef de l'opposition, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui était porte-parole en matière de santé et services sociaux au moment de l'adoption de principe, et je cite: Ce projet de loi, il est tout autant essentiel et, avant son adoption, il est essentiel qu'«il soit accompagné ou bien du dépôt des réglementations qui en permettent l'application ou de l'engagement du ministre et de son gouvernement à l'effet que les réglementations dont il est fait mention dans le projet de loi soient l'objet d'une véritable consultation parlementaire en commission, puisque le projet de loi, à dire vrai, Mme la Présidente, est en quelque sorte une coquille vide, c'est-à-dire [...] le projet de loi réaffirme la compétence législative de l'Assemblée nationale du Québec sur cette question de la procréation assistée et des activités cliniques et de recherche en [...] matière mais évacue complètement toute la question, pourtant fondamentale et essentielle, évacue toute la question des pratiques, de manière à ce qu'éventuellement... ultérieurement, plutôt, de manière à ce que les règlements qui seront publiés dans la Gazette officielle viennent définir ce que ces pratiques seront». C'est évidemment l'élément majeur sur lequel nous allons insister tout au long de ces consultations.
M. le Président, enfin je dois dire que ce débat ne peut pas être seulement médical. C'est un débat éthique d'importance, mais c'est aussi un débat social. Et, lorsque le ministre nous a présenté le nombre important d'augmentation de ces naissances ? on parle de 600 ? il est évident qu'on ne peut pas passer à côté de l'importance de la prévention ? ce que les groupes avaient également réclamé, je pense, par exemple, à la Fédération québécoise pour le planning des naissances; l'importance de la prévention ? pour réduire le nombre de couples qui se retrouvent infertiles. Et on doit aussi se questionner, compte tenu des données présentées par le ministre, sur les anomalies congénitales, qui sont plus élevées du côté de ces bébés, et aussi du côté du nombre de naissances prématurées, qui est plus élevé, et aussi toute la question des bébés de petit poids. On sait que, l'an dernier, suite d'ailleurs à un film qui avait été présenté, toute la question des bébés de petit poids nous questionnait fortement et on s'inquiétait particulièrement de cet acharnement thérapeutique que vivaient les bébés de petit poids, et je pense qu'à ce niveau-là il faut travailler au niveau de la prévention.
Donc, M. le Président, il est bien évident que, tout au long de ces consultations, nous serons en mode d'écoute active, nous questionnerons. Mais surtout nous souhaitons que le ministre soit poursuive des consultations soit nous dépose une réglementation pour les articles, pour que nous puissions faire un travail important. D'ailleurs, je termine en disant que ? simplement pour les personnes qui nous écoutent ? les principaux éléments qu'on retrouve par règlement, il s'agit des articles 6, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 19, 21, 26 et 27. Et l'article 26 à lui seul nous présente huit éléments qui touchent de la réglementation. Alors, je pense qu'on ne peut pas faire un travail sérieux si on ne sait pas véritablement les intentions du ministre. Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Étant donné que nous avons terminé l'étape des remarques préliminaires, nous pouvons passer immédiatement à présentation et échange avec nos invités. Dans un premier temps, c'est un plaisir d'accueillir le Dr Seang Lin Tan, le directeur médical du Centre de reproduction de McGill et Medical Director of the McGill Reproductive Center. Dr Tan, bonjour, good morning.
Nous avons 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Dr. Tan, you have 20 minutes for your presentation, and that will be followed by a period... an exchange with parliamentarians for a maximum of 20 minutes for the ministerial members and 20 minutes for the Opposition. I would ask that you introduce the person who's accompanying you this morning, and then you may begin your presentation.
M. Seang Lin Tan et Mme Camille Sylvestre
M. Tan (Seang Lin): Thank you. First and foremost, I'd like to thank the committee for giving me the opportunity to present the point of view of the McGill Reproductive Center on the subject of Bill n° 89. My name is Dr. Seang Lin Tan. I'm professor and chairman of obstetrics and gynecology at the McGill University and medical director of the McGill Reproductive Center. Personally, I've been involved in the field of infertility for more than 20 years, having worked for 10 years in the field of IVF when I was running a very large center in the United Kingdom together with Pr. Robert Edwards, who was inventor of IVF, before I came to Québec. I've enclosed a copy of my biography in Appendix A that you will see is part of the package of documents I've sent out.
Accompanying me today is my colleague Dr. Camille Sylvestre, who is a... certified infertility specialist working at the McGill University Health Center and will be sharing the presentation with me.
The McGill Reproductive Center is a university-based infertility clinic based within the MUHC. The McGill Reproductive Center is a highly specialized provider of infertility treatments offering a full range of fertility services, including reproductive surgery, in vitro fertilization, or IVF, reproductive endocrinology, male factor infertility and psychological counselling. We have been in existence for 10 years now and we've had the privilege of seeing more than 25 000 patients visit every year, which has increased steadily over the last 10 years. This includes approximately 600 in vitro cycles each year. We receive patients from across Canada, the United States, Europe and even South America, who come to us for treatment. We have gained a certain mention of national and international recognition based on our high success rate of about 60% pregnancy rate for cycles in young women under 35, our research and our achievements and professional commitment towards patients.
More details of our center and a list of the accomplishments can be seen in Appendix B, in the package of documents as well. In particular, I would draw your attention to our pioneering work in in vitro maturation of oocytes, and PGD, and egg freezing. As you know, normal in vitro fertilization requires hormonal stimulation to be given to the woman for between a week to two weeks, and this may cause some side effects to patients. Because of safety concerns, we have pioneered this treatment called in vitro maturation of oocytes where women can do in vitro without taking medications, and today we are one of the leading centers in the world doing this. So, since the initial publication of our results in the New England Journal of Medicine, in 1999, we have emerged as one of the world's leading centers in this technique. By doing IVM, it reduces the cost to the patient and, as importantly, it improves safety for the patient.
We also have the only laboratory in Canada which offers preimplantation genetic diagnosis, which is a technique that allows us to diagnose genetic problems in the human embryo before the woman becomes pregnant, thereby avoiding the need for terminating an abnormal baby during pregnancy, and we remain today the first center in Canada to do this procedure.
We've also achieved the first baby born after freezing human eggs in Canada, thus allowing the preservation of fertility in young women at risk of early menopause, for example those who have cancer and need chemotherapy. With our latest research in egg freezing, we can obtain a 90% survival rate of eggs and over 40% clinical pregnancy rate per cycle of treatment, which is comparable to the IVF results using fresh eggs in most North American IVF centers. Because of this expertise, we receive between 10 to 20 doctors from around the world, including major centers in the United States, who come to Montréal, in Québec, here, for training in IVM. I will turn the mike now over to my colleague Dr. Sylvestre, who will present in French.
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(10 heures)
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Mme Sylvestre (Camille): Bonjour. J'aimerais remercier la commission de nous recevoir et puis nous permettre de donner notre position sur la loi n° 89. Tout d'abord, nous voudrons exprimer notre support de la loi n° 89. Malgré que la loi fédérale C-6 est présentement celle qui prévaut et que la plupart des choses qui sont dans cette loi-là sont supportées, nous croyons, en quelques endroits, que ce n'est pas la meilleure solution pour la situation du Québec. Nous ne croyons pas non plus que la bureaucratie incluse et les coûts additionnels, lors d'une création d'une agence fédérale, sont nécessaires pour le Québec, puisque nous avons un système de surveillance qui est déjà en place. Et nous supportons également la création d'un comité ad hoc par le Collège des médecins du Québec.
Nous sommes d'accord à propos des régulations proposées par la loi n° 89 en ce qui a trait à la licence et les standards de pratique qui assureraient une meilleure qualité sécuritaire et des pratiques éthiques et qui également rassureraient le public quant aux standards de pratique que nous suivrons. Nous sommes conscients du besoin des services d'infertilité de base et nous respectons l'offre de ce traitement par les gynécologues, et spécialement en région. Par contre, l'utilisation d'injections hormonales pour stimuler le développement de plusieurs ovules devrait être faite en centre de fertilité, sous la supervision de médecins qui sont spécialisés dans ces traitements et qui peuvent faire face aux complications. Il doit être noté qu'en 2002, sur les grossesses multiples, il y en avait 299, au Québec, qui étaient dues à la fertilisation in vitro, comparé à 790 qui étaient la stimulation ovarienne sans fertilisation in vitro.
Deuxièmement, nous supportons que tous les projets de recherche sur la reproduction médicalement assistée doivent être approuvés par un conseil d'éthique et de recherche au Québec. Il n'y a pas de nécessité de le soumettre à une agence fédérale à Vancouver qui augmenterait la bureaucratie et qui empêcherait le progrès.
Nous croyons que les donneurs de sperme et les donneuses d'ovules devraient avoir un remboursement de leurs dépenses, incluant leur temps privé de travail. Et, depuis l'introduction de la loi C-6, nous avons été forcés de fermer notre banque de sperme au MUHC, et la liste d'attente pour les donneuses d'ovules est maintenant rendue à cinq ans. Pour aider les patientes qui ont besoin du don d'ovules, nous croyons que le partage d'ovules, comme pratiqué en Angleterre, devrait être promu. Ce qui se passe dans ce cas-là, c'est que les patientes qui ont besoin de faire une fertilisation in vitro, donc qui prennent des médicaments, pourraient partager leurs ovules avec une dame qui aurait besoin du don d'ovules. Dans ce cas-là, cette solution permettrait d'avoir une bonne solution, des deux côtés, pour quelqu'un qui ne pourrait pas se permettre la fertilisation in vitro en premier lieu. De plus, cette solution ne soumettrait pas des jeunes femmes qui s'exposent... à des traitements médicaux juste pour donner leurs ovules, parce que, dans ce cas-là, ce seraient des patientes qui de toute façon l'auraient pris déjà. Alors, il n'y aurait pas de risques médicaux de plus chez les deux parties.
Il est important de noter que l'infertilité est une question importante, car elle affecte 15 % des couples, et ceci va aller en augmentant parce qu'on retarde l'âge de procréer. Malheureusement, c'est souvent regardé comme une question médicale peu importante, quand en fait on sait, selon certaines études, que l'infertilité cause à la nation l'absentéisme, de la production diminuée et des ressources dépensées, en plus de la dépression, dépression morale.
Le désir d'avoir un enfant biologique est vraiment un désir inné chez les hommes et les femmes, et sans quoi la race humaine se serait éteinte il y a longtemps. En même temps, le Québec et au Canada, comme la plupart des pays développés, ont subi une diminution du taux de natalité, et maintenant, au Québec, nous sommes à 1,4, quand en fait on aurait besoin d'un taux de fertilité de 2,1 enfants par femme pour maintenir notre population. Nous encourageons toutefois fortement l'immigration au Québec et nous applaudissons aussi à l'initiative du gouvernement d'aider les familles. Par contre, peut-être qu'on aurait besoin de plus d'aide pour les Québécois qui ne sont pas capables d'avoir des enfants. Alors, je vais céder la parole à Dr Tan.
M. Tan (Seang Lin): IVF today is a very successful treatment, and more than 2 million babies have been born around the world for the last 20 years. Indeed, in many Western European countries nowadays where IVF is covered by the medicare system, up to 5 % of newborn babies are the results of IVF.
As you can see from Appendix C in the package that you have, the chances of infertile women under the age of 35 becoming pregnant at McGill after a single cycle of in vitro is approximately 56%, with a 46% chance of having a baby. It has been estimated that the need for in vitro is about 1 500 cycles per million population, per year, which mean that infertility clinics in Québec should be performing about 10 000 cycles per year and about 45 000 cycles per year in Canada overall. But in practice, there are only about 2 000 cycles per year being done in Québec and less than 10 000 a year in Canada. It is a reflection of the difficulties facing infertility patients in Canada that fewer than 8 500 in vitro cycles are performed every year in our country, compared to 30 000 in U.K. and almost 50 000 in France. The situation is anomalous since the population of the United Kingdom and France is about twice that of Canada, and therefore they should not be doing five times the number of in vitro cycles as we are doing.
Because in vitro is not easily accessible because of the costs involved, many patients in Québec resort to repeated operations for infertility, which is less successful, and they carry greater medical risks to them, but they perform it because this is covered by medicare, or they resort to other treatments such as hormonal stimulation of the ovaries to produce multiple eggs and artificial insemination. But this procedure only carries a 15% pregnancy rate per cycle, which is a quarter of in vitro treatment. And at the same time, in vitro is a controlled treatment since we only transfer a limited number of fertilized eggs or embryos back to the uterus, irrespective of the number of eggs produced. On the other hand, hormonal stimulation of the ovaries is an uncontrolled treatment with a much higher risk of high order multiple births, higher morbidity and high health care costs for the governments. For example, in 2002, in Québec, there were 299 multiple births due to in vitro, where 790 multiple births were because of hormonal stimulation of the ovaries without in vitro.
Mme Sylvestre (Camille): Le gouvernement du Québec a plusieurs programmes en place pour supporter les familles et la croissance de la population, et nous pensons qu'augmenter la couverture des frais pour les traitements d'infertilité devrait avoir une priorité plus élevée. Plusieurs pays, comme la France, la Belgique, la Scandinavie et l'Australie, couvrent en totalité les traitements d'infertilité à cause de leurs vues sur l'importance de la famille.
Nous supportons la position de l'Association canadienne de la fertilité, qui est dans l'appendice D, de la page 10, que la fertilisation in vitro devrait avoir un crédit d'impôt de 100 %. Il y a une analyse économique détaillée qui montre en fait qu'il n'y aurait pas de coûts augmentés pour le gouvernement, à cause de la réduction significative des grossesses multiples, de l'hospitalisation en néonatologie et du coût des personnes handicapées. Ceci est dans l'appendice E.
En couvrant les traitements et en permettant à la fertilisation in vitro d'être plus accessible, nous pouvons aider la population en répondant à un besoin et d'une même façon réduire le risque des grossesses multiples associé avec les traitements d'infertilité. La couverture de la fertilisation in vitro réduirait les grossesses multiples de trois façons. Premièrement, l'accès à la fertilisation in vitro, auparavant inaccessible, limiterait l'utilisation des traitements de stimulation hormonale, et du même coup les patients n'auraient plus de raisons économiques d'utiliser des traitements qui seraient moins efficaces. Cette action seule réduirait l'incidence des grossesses multiples. En plus, la fertilisation in vitro couverte éliminerait la nécessité d'utiliser des traitements plus agressifs, qui en fait créent plus de grossesses multiples. La deuxième façon, c'est que, comme les patientes pourraient avoir accès à la fertilisation in vitro, elles auraient accès aux traitements plus tôt, lorsqu'elles ont des ovules de meilleure qualité, donc ce qui nous permettrait en fait de transférer même un seul embryon, puisque le taux de grossesse est nettement supérieur lorsque les patientes sont plus jeunes. La troisième façon, c'est que la couverture de la fertilisation in vitro réduirait la pression des couples sur les cliniques d'infertilité, qui en fait poussent à transférer plus d'embryons pour augmenter leurs chances de devenir enceintes.
En Finlande, par exemple, une étude a montré que le taux de grossesses par cycle était de 22,9 % en 1994 et 25,3 % en 2002, avec un taux de grossesses multiples qui est tombé de 21,6 % à 13,9 %. Les taux de grossesses par cycle, au Québec, sont deux fois plus hauts que ceux-ci. Par contre, le taux de grossesses multiples est plus élevé également. En couvrant la fertilisation in vitro, les patients seraient préparés à accepter peut-être un taux de succès moindre parce qu'ils pourraient répéter plusieurs fois ces traitements.
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(10 h 10)
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En plus de la couverture de la fertilisation in vitro seule, il y a également d'autres problèmes importants. Nous avons quelques situations, par exemple lorsque les patientes qui sont atteintes du cancer s'attendent à avoir un traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie stérilisant, ils pourraient bénéficier de recherches récentes sur la congélation du sperme et des ovules. Notre équipe de recherche a développé une technique de vitrification, qui est une congélation rapide des ovules, qui a un meilleur succès de survie et de fertilisation par la suite. Et, pour ces patientes-là, c'est une nouvelle méthode de concevoir après la chimiothérapie. Par contre, souvent on sait qu'ils vont avoir la chimiothérapie une semaine après le diagnostic du cancer, donc ça nous laisse une fenêtre très petite pour faire ce traitement, et certaines de ces patientes n'ont pas le temps nécessaire pour ramasser l'argent pour cette congélation. D'autres patientes par contre, celles qui sont atteintes de ménopause précoce ou qui sont plus à risque, également ne peuvent pas se permettre ces traitements-là dans des courts délais.
Deuxièmement, ce qui nous a permis de progresser, ça a été la recherche. Les avances comme la vitrification, le développement de la maturation in vitro, le développement du diagnostic préimplantatoire pour détecter les anomalies chromosomiques chez les embryons nous ont aidés, au Québec, à avoir une réputation internationale dans la communauté scientifique, mais également ça nous a permis d'augmenter la fertilité, d'atteindre des taux de succès plus élevés et de diminuer la morbidité qui est associée avec les traitements de la fertilité et la grossesse. Nous reconnaissons la valeur de la recherche et nous espérons que ceci deviendra une priorité reconnue par un programme pour la couverture de la recherche. Donc, de cette façon-là, il y aurait une plus grande couverture pour la recherche de base et la recherche clinique en fertilisation in vitro, maturation in vitro, diagnostic préimplantatoire, congélation et vitrification des ovules.
M. Tan (Seang Lin): In summary, therefore we suggest the following proposals. First, the McGill Reproductive Center strongly supports Bill 89. We feel that there should be a regulatory body within Québec, governed by the Collège des médecins, to provide surveillance in conjunction with an accreditation agency. We have no necessity to resort to extra bureaucracy by having external regulatory body in Vancouver. Second, to have local ethic committees, that are recognized by the Québec Government, to approve research projects that are done in Québec. Thirdly, to increase the funding for research to further improve the results of in vitro fertilization, in vitro maturation of eggs, preimplantation genetic diagnosis and egg freezing, where Québec centers are already world leaders in the field. Four, funding for fertility preservation for women at risk of early menopause, for example, to help those who have cancer and who need to undergo chemotherapy and who may become menopaused soon, women with Turner's mosaic syndrome or Fragile X and other diseases which may make them... early menopause. And finally a proposal to fund IVF to a 100 % tax refund, which Dr. Sylvestre has explained to you. We have included a detailed economic analysis to show that the cost of doing this would be more than offset by the reduction of multiple pregnancy rates, increased hospitalization and perinatal mortality costs.
We stand today at an important crossroads for women and reproductive health in Québec. If the correct decisions are taken now, we will be able to help thousands of Quebeckers achieve the desire of a family. All of us know that there are many friends and colleagues of ours who are not able to have children, and thousands of Quebeckers every year adopt children overseas. It is time for Québec to try to help these people a bit more, ease the reduction of our population, increase safety of infertility treatments in Québec and to enhance the position of Québec as a world leader in reproductive health research. Thank you.
Le Président (M. Copeman): Merci. Thank you. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Tan, Dre Sylvestre, pour votre présentation. Je vais prendre quelques minutes au début pour réagir à certains propos, ce qui va nous permettre d'orienter les discussions des prochains groupes, parce que vous avez touché, dans votre présentation, à plusieurs éléments qui vont revenir à plusieurs reprises dans les discussions de la commission parlementaire.
D'abord, la relation entre ce projet de loi et la loi fédérale que vous avez mentionnée. Cette loi fédérale se divise en fait en deux parties. Il y a une partie qui relève du Code criminel, ayant trait aux activités de clonage reproductif et activités connexes, pour lesquelles nous n'avons pas de discussion, puisque clairement le Code criminel est de juridiction fédérale. Là où le problème se pose et pour lequel nous avons introduit bien sûr des procédures légales, c'est lorsque la loi fédérale inclut également les activités des cliniques de procréation assistée, qui à notre avis font partie des responsabilités constitutionnelles du Québec. Alors, c'est important de clarifier les choses pour que ceux qui nous écoutent voient bien de quel côté ou sur quel plan nous faisons cette contestation. Et je remarque que, dans votre présentation, vous ajoutez également la notion que l'agence fédérale proposée, ce serait une structure extrêmement lourde et bureaucratique pour encadrer une activité qui probablement n'a pas besoin de tant de lourdeur.
Deuxièmement, c'est également une question à laquelle vous avez fait allusion, puisque vous avez parlé de l'encadrement réglementaire, et tantôt nos collègues de l'opposition ont émis un souci de voir beaucoup d'articles du projet de loi qui sont plutôt de nature d'habilitation réglementaire, par rapport à des activités législatives. Je dirais que c'est volontairement que c'est le cas, puisque l'activité de procréation assistée est une activité qui change continuellement. Peut-être, vous pourriez commenter ce que je dis actuellement dans votre réponse. Nous avons choisi plutôt de faire des articles plutôt larges, avec des pouvoirs réglementaires, de façon à ce que nous puissions nous adapter constamment aux progrès de la science. Si nous étions trop étroits ou trop détaillés dans nos articles législatifs, il faudrait, à chaque fois qu'il y a un progrès scientifique, réintroduire un changement législatif et nous entraîner dans une démarche, là, comme celle que nous faisons actuellement, ce qui à mon avis ne serait pas très efficace. J'indique cependant que, lors de l'étude détaillée du projet de loi, nous serons en mesure de donner des orientations réglementaires pour plusieurs des éléments qui sont connexes au projet de loi et que nous pourrons discuter.
Et enfin vous avez parlé de la question très importante du support financier des activités de procréation assistée, et là-dessus il est important de donner à nos concitoyens qui écoutent la... et concitoyennes qui écoutent la commission parlementaire un peu de perspective. D'abord, notre système de santé québécois, à même nos taxes et nos impôts, prend déjà en charge l'interruption volontaire de grossesse, la contraception d'urgence, les services de stérilisation, l'investigation de l'infertilité, les chirurgies permettant de remédier à l'infertilité, incluant la reconnexion des trompes de Fallope et des canaux déférents, et l'insémination artificielle.
Sur le plan du support pour les activités de fertilisation in vitro, et c'est toujours comme ça, on veut bien sûr toujours élargir le panier de services assurés par les taxes et les impôts des Québécois, mais il faut le mettre dans une perspective canadienne. Au Québec, c'est ici, au Canada, au Québec, qu'on trouve le support le plus généreux actuellement au Canada, et de loin, pour ces activités-là, puisque nous permettons de déduire, de déclarer 20 000 $ maximum de frais reliés à la fertilisation in vitro, dont 30 % sont remboursés, ce qui donne un remboursement maximum de 6 000 $. Ça n'existe nulle part ailleurs au Canada. La seule province où il y a un support public des activités de fertilisation in vitro, c'est l'Ontario, qui offre les couvertures des frais, mais seulement pour les femmes présentant une obstruction bilatérale complète des trompes de Fallope, mais pas de crédit d'impôt comme, nous, nous avons.
Alors, on voit que, sur le plan du soutien fiscal, du soutien public des activités, il faut le mettre en perspective. Et bien sûr c'est moins généreux que ce qui existe dans des pays européens comme ceux que vous avez mentionnés, mais là il faut comparer société pour société, système de santé pour système de santé, et, dans tous les systèmes de santé que vous avez décrits, la France particulièrement et les pays scandinaves ont des systèmes de santé avec copaiement, avec participation de prestataires privés beaucoup plus large que ce qui existe au Canada. Donc, on ne peut pas isoler une partie de ce qui est offert dans ces systèmes de santé là sans prendre en compte l'ensemble de la société, l'ensemble du système de santé. Alors ça, c'est les remarques que je voulais faire, qui vont permettre de nous aider pour les discussions subséquentes.
Mais j'aurais un point... D'abord, vous pourriez commenter cette question d'orientation du projet de loi de façon à être plus souple, pour tenir compte des progrès de la science au cours des prochaines années. Mais je note dans votre mémoire que vous avez des relations avec plusieurs centres québécois, comme le centre, on me dit, à Sherbrooke, ou également à Chicoutimi, vous avez des liens de référence, et, comme on est très intéressés à mettre notre système de santé en réseau, j'aimerais que vous nous expliquiez comment vous faites ces liens. En pratique, qu'est-ce que ça veut dire pour les citoyens, par exemple, de Chicoutimi ou de Sherbrooke qui ont besoin de vos services? Comment on s'y prend pour avoir accès à votre centre? Quelles sont les relations?
Mme Sylvestre (Camille): Alors, la relation qu'on a, c'est avec Chicoutimi. C'est une clinique qui est satellite. Alors, ce qui veut dire, les patientes qui ont besoin de fertilisation in vitro qui sont du Saguenay?Lac-Saint-Jean vont consulter à Chicoutimi les gynécologues qui sont là, et ils nous font parvenir leur calendrier de traitement par fax, et là on voit la progression de leurs ovules pendant le traitement. Et ils font les collectes d'ovules à Chicoutimi. Et nous avons même développé un système par avion où est-ce que le mari vient à notre clinique avec les ovules de sa femme, nous fertilisons les embryons et nous renvoyons les embryons par avion. Donc, le transfert est fait à Chicoutimi. Donc, c'est pour développer un accès à la fertilisation in vitro aux patientes qui sont en région éloignée. Présentement, ça fonctionne bien surtout avec Chicoutimi, on ne l'a pas fait avec d'autres régions. Avec Sherbrooke, c'est plus pour le diagnostic préimplantatoire. Comme le diagnostic préimplantatoire est fait seulement dans notre clinique, les patientes viennent se faire traiter dans notre clinique.
Pour revenir à votre projet de loi, nous avions noté que c'était très large donc, le n° 89, et nous supportons cette vision, parce que c'est en constant changement par rapport aux années, puis, si on partait trop réglementé du départ, c'est sûr qu'on aurait besoin de revenir. Donc, nous supportons cette position.
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(10 h 20)
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M. Couillard: Et comment voyez-vous la question de l'encadrement des activités de procréation assistée? Nous suggérons que tous ces centres doivent détenir un permis et qu'il y ait un encadrement au niveau du Collège des médecins. Comment est-ce que vous réagissez à cette proposition?
Mme Sylvestre (Camille): Nous sommes parfaitement d'accord. Donc, comme on l'a mentionné, pour ce qui est des activités de fertilisation in vitro, elles doivent être faites dans un centre qui a une licence, avec un directeur médical qui est un obstétricien gynécologique spécialisé... ? gynécologue, pardon ? spécialisé en infertilité. Ça, il n'y a pas de problème avec ça.
Pour les autres traitements, comme l'hyperstimulation ovarienne, il y a plusieurs niveaux d'hyperstimulation ovarienne, mais, lorsqu'on arrive avec les injections de gonadotrophine, nous pensons que, même si c'est fait en région, il devrait y avoir une communication avec un centre de fertilité qui est licencié, pour avoir un meilleur contrôle, parce que c'est vraiment de là que la majorité des grossesses multiples sont arrivées. La seule étude qu'on a, c'est de 2002, mais c'est probablement encore le cas aujourd'hui.
M. Couillard: Avez-vous des remarques à faire concernant les statistiques que j'ai citées dans mes remarques d'introduction, sur le plus haut taux d'anomalies congénitales en rapport avec les procédures de fertilisation in vitro?
M. Tan (Seang Lin): Normally, women who have difficulty becoming pregnant have more problems when they do become pregnant. Interestingly, there was a study done 20 years ago in Australia, because, in Australia, in vitro is covered by their medicare system, so a lot of women wait to do in vitro, but they may become pregnant spontaneously while they are waiting for treatments. So, there was a very key study showing that women who became pregnant after waiting for in vitro, but who became pregnant spontaneously, their risk of preterm babies, the risk of low birth weigh babies was also as high as women who got pregnant through in vitro. But they were higher in both groups than women who got pregnant by themselves, without infertile problems. That's the first thing.
So, I think we need to recognize that infertility per se itself is a risk factor for pregnancy. And there have been some studies, one done in Canada in fact, looking at a meta-analysis of all the case control and randomized control trials of 8 700 in vitro babies that were singletons, compared to 8 400 spontaneously conceived singleton pregnancies, and they found that the... ratio of babies dying around child birth was 2.4 times higher in in vitro singleton pregnancies compared to spontaneously conceived singletons; the risk of preterm birth was three times higher; the risk of low birth weigh babies was 3.78 times higher; the risk of small-for-gestational age was 1.59 times higher and the risk of congenital malformation was 1.4 times higher. So I think this study in fact done in Canada was a very good study, because what it demonstrates is that, one, it supports the earlier work from Australia showing that babies who are born by whatever method, if they are born to women who have difficulties becoming pregnant, there are more problems during pregnancy. And obviously in vitro doesn't make a difference at that. However, when there is a multiple pregnancy, whether it is a result of in vitro or something else, the risk become even higher.
M. Couillard: I found it interesting that when you talked about Australia, you said that because the procedure is covered by the public fund, therefore people have to wait. That is quite interesting.
What are the preventable causes of infertility? Because, of course, you present us a model where you say we would save money. I must tell you I'm a little bit of a skeptic in these fields, I have yet to see one intervention and one new technology that reduces the cost of the health care system. I think prevention is what ultimately reduces the cost of the health care system. Could you guide us, within the causes of infertility, which causes are preventable, so we could decrease the number of cases of infertility rather than act when the fertility has happened?
M. Tan (Seang Lin): You are totally right, you know, and I think this is something that... we should be doing more this. Infertility has steadily increased for the last 20 or 30 years, for two reasons: the first is that the incidence of sexually transmitted diseases is higher, partly because women are having sex at an earlier age and they have more sexual partners, as a result of which blocked Fallopian tubes and tubal damage instances are going higher. And obviously, for that, you know, they are already programs that are across the country to increase awareness of using condoms and other protections against sexually transmitted diseases.
The second and even more important solution would be to encourage people to have families earlier on. So, if you look at the data from Statistics Canada, compared to 1974 to 2001, there has been a decrease of 35 % in the incidence of woman having children for the first time between the ages of 20 to 25, a reduction by about 33 % again between 25 to 29 and a corresponding increase of women having children between 35 to 39.
So, a generation ago, most women had children in their early twenties. Today, in Canada, the United States and Western Europe, most women have children in their early thirties or late thirties. And I see patients all the time who start having a baby when they are in the late thirties or early forties, and this surprises me a lot. For example... And these are not even new relationships. Last week, for example, I saw two women who have been married for 20 years, and they were using the birth control pill, and now, at 42, they try to have babies. And when I asked them why they did not try a little bit earlier, they said: Well, we read People Magazine, you see, all these actresses, like, they fall pregnant when they're 42, 43. So there's this idea that you can have children easily and safely at a later age. And that is something, I think, that we need to... public education system.
Now, along these lines, as we mentioned earlier on, we have started a new program of egg freezing. Now, this egg-freezing technique was designed to help women at risk of early menopause, for example those who may be ongoing chemotherapy because of cancer, and so on. However, there's no reason why the same technique could not be offered to young women who, for a variety of reasons, may not yet be able to have children at a certain age, in order to delay childbearing safely.
M. Couillard: Donc, les deux actions préventives principales pour diminuer l'infertilité dans notre population seraient, d'une part, des efforts soutenus de prévention des maladies sexuellement transmises, donc de l'éducation essentiellement, et, deuxièmement, d'avoir des mesures, essentiellement des mesures de société, qui encouragent les gens à avoir des enfants tôt dans leur vie familiale. Disons que la question des disponibilités de services de garde entre en jeu, l'assurance parentale, tout ça, on voit un lien étroit avec ce dont nous discutons actuellement.
J'ai également été assez intéressé de voir les développements tellement rapides, tellement rapides, pour quelqu'un qui n'est pas dans le champ d'action lui-même, c'est très difficile à suivre, les progrès techniques. D'après vous, quels sont les progrès prévisibles pour les cinq ou 10 prochaines années? Quels sont les horizons de développement technologique qu'on peut prévoir pour les cinq ou 10 prochaines années?
Mme Sylvestre (Camille): C'est sûr que ce qu'on va essayer, ça va être vraiment la préservation de la fertilité, parce que les changements de société, ça n'arrivera pas lentement, de redevenir des couples qui vont avoir des enfants très jeunes, ça va prendre quelques années. Donc, comme on a mentionné plus tôt, ça va être surtout la préservation de la fertilité, avec la vitrification des ovules, si on est capable, et également la congélation du sperme. Pour tous les patients qui vont survivre à leur cancer également, ça va être une option pour eux.
Pour ce qui est de la fertilisation in vitro standard, pour les raisons comme les trompes bloquées ou si on a une anomalie, chez l'homme, sévère, celles-là ne changeront probablement pas beaucoup dans le futur. Ça va rester au point où on est. La seule chose, c'est que probablement on va avoir des meilleurs taux de grossesse, parce que c'est toujours ce qu'on essaie de faire.
M. Couillard: Merci. Je veux juste conclure en disant qu'après vous on aura des représentants du CHUM. Et, dans cette journée où on discute beaucoup de l'avenir de nos centres universitaires, que nous allons réaliser, c'est intéressant et gratifiant, je pense, pour la population qui nous écoute de voir le rayonnement de vos services non seulement à Montréal ou dans certaines communautés, mais pour toute la population du Québec. Et on vous en félicite, de même qu'on félicitera vos successeurs du CHUM pour cela. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et de l'action communautaire autonome.
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(10 h 30)
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Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci, Dr Lin Tan, merci, Dre Sylvestre. Je vais revenir, moi aussi, dans un premier temps sur certains éléments que le ministre nous a présentés. Il est évident que, du côté des crédits d'impôt, c'est une forme de soutien. Sauf que, cela le dit bien, un crédit d'impôt, il faut d'abord et avant tout que les personnes qui y ont recours puissent avoir l'argent pour obtenir les traitements, et ce crédit d'impôt arrive après. Cela évidemment limite l'accessibilité à certaines personnes, et, quand on se parle de traitement d'autour de 20 000 $, bien c'est évident que ça limite à des personnes qui sont à hauts revenus, et on ne peut, à ce moment-là, soutenir le désir d'enfant des personnes qui ont des revenus moyens ou des revenus un peu plus faibles que la moyenne.
L'autre élément important, je pense, au niveau de la réglementation: j'apporte une nuance importante entre un projet de loi très large, et je comprends que, comme centre de reproduction, vous appuyez un projet de loi très large, qui vous donne beaucoup plus d'ouverture au niveau de votre travail puis au niveau de vos recherches. Par contre, entre un projet de loi très large, où on ne connaît aucunement les balises, et une réglementation très serrée qui ne nous permettra plus de bouger, je pense qu'il y a moyen d'adopter une réglementation de base, dans le projet de loi, qui va nous permettre de savoir exactement comment ça va se passer. Présentement, ce qu'on regarde dans le projet de loi, c'est évident, tout est par réglementation. Donc, on n'a aucune idée sur la façon dont cela va se passer, comment ça va se faire. Et l'évolution, c'est vrai dans ce domaine-là, mais c'est vrai dans tous les autres domaines, et les projets de loi sont adoptés quand même, et on révise, on revient, et c'est tout à fait normal. Moi, je préfère avoir à revenir en commission parlementaire pour modifier un projet de loi que d'adopter un projet de loi dans lequel on ne connaît absolument pas ce qui va se passer.
Je veux vous entendre sur la question du... Vous avez parlé, vous, d'un conseil d'éthique, qu'il est important qu'il y en ait un, un conseil d'éthique. Le ministre semble pencher, avoir recours beaucoup du côté du Collège des médecins, ce que vous approuvez aussi, mais il y avait des propositions de la part du Conseil du statut de la femme et de la fédération québécoise pour le planning familial, qui souhaitaient une instance centrale d'encadrement qui serait composée de scientifiques, de spécialistes des sciences sociales aussi et de citoyens et citoyennes qui pourrait regarder les principes, les normes au niveau de la loi et qui pourrait conseiller le ministre, et non que ce soit seulement le Collège des médecins qui puisse donner des conseils au ministre. Qu'est-ce que vous pensez de cette structure-là qui était proposée?
Mme Sylvestre (Camille): Alors, tout d'abord, ce que j'aimerais dire, c'est que nous avons deux comités d'éthique, à chaque fois que nous avons un projet de recherche. Donc, il y en a un qui est dans le Centre universitaire de santé McGill et il y en a un autre qui est pour l'Université McGill. Sur ces comités d'éthique, il y a des scientifiques, il y a des représentants des patients, il y a également des représentants des instances religieuses et il y a des personnes des sciences sociales, O.K.? Donc, à chaque fois qu'on a un nouveau projet de recherche, on doit passer devant ces comités d'éthique. Nous recommandons d'avoir le même genre de comité pour faire des recommandations au ministre et donc que ce ne soient pas simplement des médecins du Collège des médecins effectivement, que ce soient des représentants de toutes les personnes concernées.
Mme Caron: Je veux revenir sur une de vos propositions. Vous prônez beaucoup la fertilisation in vitro, pour qu'elle soit plus accessible en fait, parce que vous considérez qu'on diminuerait les risques de grossesse multiple. Est-ce que vous pouvez nous donner le maximum d'information que vous avez sur ce sujet-là?
M. Tan (Seang Lin): Well, across the country, I mean, multiple pregnancy risk depends a lot on the different centers doing it. So, if you look at the Appendix C in your package, you will see that, the results at McGill, for example, we have a pregnancy rate of 46 % per cycle in young women, our overall singleton-pregnancy rate was 68 %, our twin-pregnancy rate was 30 % and our triplet-pregnancy rate is 1 %. So, around the world, we accept that twins is a higher risk, but the risk is not all that much greater. But triplets is obviously a very, very serious problem, you know. So, we endeavor to try to bring triplet-pregnancy rate down to zero, if possible.
The difficulty, obviously, is that, as women get older, the quality of the embryos reduces, and the chance of the embryo being abnormal is much higher. So, in fact, I included here a paper from Belgium showing that up to 70 % of embryos in women after age of 37 are genetically abnormal and would never produce a pregnancy, so that, even if you transfer four embryos or five embryos in a woman who's 42, effectively you're transferring two embryos.
So, I think that is a major problem here. However, at McGill, we are offering now preimplantation genetic diagnosis to select out only the genetically normal embryos for transfer in order to reduce the multiple pregnancy rate.
Mme Caron: M. le Président... Je veux vous questionner concernant les régions. Vos liens semblent extrêmement étroits, là, du côté de Saguenay?Lac-Saint-Jean et en Estrie aussi. Est-ce que vous avez l'intention, dans le futur, d'avoir des liens avec d'autres régions du Québec?
Mme Sylvestre (Camille): Ça, c'est sûr que c'est un voeu, qu'on veut développer plusieurs satellites dans la province, pour les gens, par exemple, de l'Abitibi, qui n'ont aucun accès. Maintenant, c'est difficile à organiser parce que, comme le coût de l'in vitro est élevé, en plus, pour ces personnes-là, de descendre à Montréal pour avoir un traitement, c'est extrêmement élevé, malgré le crédit d'impôt de 30 %. Ça ne semble pas assez. Donc, on a très peu de demandes annuelles de ces régions. Par contre, c'est quelque chose qu'on veut absolument augmenter.
Mme Caron: Donc, c'est-à-dire que finalement les personnes que vous recevez sont surtout des personnes qui sont dans la région métropolitaine ou à Québec, peut-être, non?
Mme Sylvestre (Camille): La plupart de nos patientes viennent de la région métropolitaine, mais on a également des patientes qui viennent de l'Ontario, d'autres provinces canadiennes, et on a des patientes qui viennent des États-Unis également.
Mme Caron: Dernière question avant de laisser la parole à ma collègue la députée de Mirabel: Au niveau des femmes atteintes de cancer ? vous en avez fait un point particulier ? est-ce que c'est très fréquent que vous avez cette demande? Et vous pouvez répondre à combien de personnes finalement, compte tenu des coûts puis du peu de temps, de délai que vous avez?
M. Tan (Seang Lin): Well, basically, the incidence of cancer in young women is increasing, and young men as well. At the same time, the survival rate for patients with cancer is improving in the developed world. Because of this, there are more and more young people nowadays entering the childbearing age group who have had cancer before. And, when you have cancer and you need chemotherapy, the majority of women end up either being menopaused or they have irregular periods, and their fertility declines sharply. Until recently there was no way of trying to preserve the fertility in these women except to try to remove an ovary, freeze the ovary and then try to implant the ovary back later on. In fact, we published a paper in Nature, which is a major scientific journal, a few years ago, successfully freezing the entire ovary for transplantation. But this was in an animal model. And we subsequently published in The Lancet, a journal in the U.K., showing that we could successfully freeze eggs in women with breast cancer to preserve their fertility. So far, we have frozen eggs now for 43 women with a variety of cancers ranging from breast cancer to rhabdomyosarcoma, to lymphomas and Hodgkin's disease, and so on, for women right across Canada. In fact, this is one of the big success stories in Québec.
For example, three months ago, I had a patient who is a professor of medecine from UCLA, in California. She phoned me up and she said she checked the entire United States and she could not find a single center in the U.S. that was freezing eggs as well as we do in Québec. So, because of this, she came down to Montréal and she had treatment in Montréal. So, we were very proud because, you know, doctors in the U.S. very often think that they are much better than in Canada. And here was a situation where she was a professor of medecine, and she came to McGill to have her eggs frozen, and she published this in newspapers across California, which was quite good for us.
Now, in order to see whether this egg-freezing technique works, we have treated a group of 45 women who had fertility problems, where we froze the eggs for them, thawed it out and then transferred it for them within the next few months. Unlike the slow-freezing technique that has been used for the last 10 years, where only half of the eggs survive freezing because of the water within the eggs forming ice crystals which then damage the eggs when they are thawed, with the technique we are now using of rapid egg freezing the survival rate of the eggs is more than 90 %. And, in this group of patients we treated, 45 % of the women became pregnant, 14 of the 32 women, and this is the largest series of egg freezing anywhere in the world today. And in fact we are now currently writing up this paper for submission for publication in The New England Journal of Medicine.
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And, to take the extent of the preservation of fertility that Mr. Couillard was mentioning just now, I happen to think that preservation of fertility, not just for cancer patients but for other women as well, is very important. A few years ago, I was invited to give some lectures at Stanford University, in California. I was given some data by the dean there showing that the majority of students at the undergraduate level and even at the postgraduate level were women. At the level of assistant professors, the majority of the faculty were women, but, at the level of full professors, there were hardly any women as well. So, I had a discussion with him, and he was saying that all the top positions in the Western world were held by men, whether it is in politics, or whether it is in industry, or in academy, or whatever. And the reason is either because men are smarter, women are less aggressive, because of discrimination against women or some other social reasons.
And a number of studies were commissioned by Stanford to find out what these reasons where, and they found something quite interesting, and that is: many women in the late twenties or early thirties are sometimes forced to take a painful decision whether they want to start a family at that stage or they want to pursue a career. And then the work environment is such that, when they decide to have a few children and then come back to their career and they resume the career, they are no longer able to pursue it as well as their male colleagues. And I happen to think that this is not fair for women. And, as a country, we should be using the brain power of everyone to their best potential, whether it is a man or a woman. And men have always been able to have children, whether they are 30, or 40, or 50. But women, unfortunately, once they've reach their late thirties or early forties, their fertility rate declines sharply, their miscarriage rate increases sharply and the risk of having abnormal babies increases tremendously.
So, the research we are doing at McGill now is to see how we can freeze eggs for these young women so that, when they are 40 years old, they will have the same fertility as when they are 20 or 25. Now, we are not exactly quite near that yet, you know, but we think we are now making certain advances in the area, which would hopefully make this the reality quite soon.
Mme Caron: Je vous remercie. Je vois que j'ai posé une question sur un sujet sur lequel vous êtes intarissable. Alors, je veux laisser du temps pour ma collègue. Merci.
Le Président (M. Copeman): It certainly, Dr. Tan, from the 12 years of experience in politics, cannot possibly be because men are smarter, I can assure you of that. Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Dr Lin Tan, Dre Sylvestre, merci pour votre présence. Ma question s'adresse au Dr Lin Tan. Like my colleague of Terrebonne said, we wanted a general debate, you understand, and this is not exactly what we wanted, the official opposition, and it is a social debate. And you wrote, in your presentation, at the first page, and I would like more information, you wrote that «we also agree that the introduction of the regulations proposed by Bill 89, regarding licensing and standards of practice, will better ensure high quality, safe and ethical practices and reassure the public that proper standards of practice are being followed». We do not believe exactly the same thing. I would like to have more information.
M. Tan (Seang Lin): O.K. What we are saying is this. The majority of centers in Canada, whether it is in Québec or the rest of the country, I think, are following proper standards. The Canadian Fertility and Andrology Society has been working for the last few years with an accreditation body called the CCHSE, which inspects all IVF centers across the country on a regular basis. An accreditation of practice is necessary in order to have a license to practice, and I think this is a good system to follow. Now, we believe that Bill 89 is an important bill and we think that this will ensure the public that there will be a certain level of practice across the province that is clearly supervised. So, I think it is a good idea.
We also think that, although Bill C-6, the federal bill, overall is a good idea... And in fact the parts of criminalization that Mr. Couillard referred to just now, about cloning and so on... Obviously, no one in the world really is doing any cloning now, but there are some parts of the bill, in Bill C-6, which we think, do not serve the interests of Québec as well.
One example we gave was the reimbursement of sperm and egg donors. Under Bill C-6, you're not allowed to reimburse sperm and egg donors unless there's direct receipt of expenses, which is not the case in any other country in the world, and this poses a tremendous difficulty for us, in Québec. The reason is because the majority of centers outside Québec buy sperm from the United States, which is a bit anomalous in the sense that, in the United States, sperm donors and egg donors are paid thousands of dollars to donate sperm and eggs. So, you can buy sperm or eggs from the United States, you know, and pay a lot of money for it. But Quebeckers are not allowed to be reimbursed, even $50, to donate sperm, which we think is inappropriate. So, we are hoping that Bill 89 will address some of these issues which we feel are inappropriate in Bill C-6.
The other area we've thought about was egg sharing. In egg sharing, it happens to be a win-win situation, meaning to say that women who are not able to afford in vitro can have a free treatment cycle, but they give a proportion of their eggs to another couple who needs egg donation. At McGill, today, our waiting list for egg donation is five years, with almost 300 women now who are waiting for egg donation, because of early menopause for example.
Those who are very rich can go to the United States, where the cost of an egg donation treatment cycle is $15 000 U.S. If you go to New York today, or California, you'll see advertisements, in New York or California, advertising for eggs. And they would have advertisements, for example, for eggs from healthy young women who are in Ivy League universities. And the going rate in California now, in the U.S., in New York, now, for example, is $5 000 U.S. So, you can buy good quality eggs from women who are studying in Ivy League universities for $5 000, you know. But, in Canada, we are not allowed to even reimburse expenses for women who come for egg donation, and again we think that this is not appropriate.
Egg sharing, the advantage is that it is a win-win situation for both the donor and the recipient and, more importantly, it exposes no one to a higher risk. In our present system of egg donation, we are relying on the charity system whereby young women who are perfectly healthy are being asked to go through a cycle of in vitro in order to help other women. Now, although the risk of in vitro itself is very small, exposing a healthy young woman to even a small risk is not a good idea when there is something else that can be done, equally good, and that is to allow patients who need in vitro anyway to go to the treatment, and therefore there is no increased risk, because they need the treatment for themselves anyway. But, if they produce 15 eggs, they might give six or seven to the other woman and keep the eight for themselves, which is more than enough because, in the modern way of practice, in this younger woman you are going to really transfer two or three embryos anyway. So, they have a chance of having a baby that otherwise they don't have. The donor has a chance of having a baby that she otherwise wouldn't have, and no one is exposed to any increased risk.
Mme Beaudoin: Thank you. Also, in your summary, you wrote that you're relieved to «have local ethics committees that are recognized by the Québec Government approve research projects». Do you believe that the Collège des médecins should be part of this committee?
M. Tan (Seang Lin): Yes, I think so. I think so. What I mean is this. Seven or eight years ago, for example, you'll recall that the federal Government produced a Bill C-47. Unfortunately, in that Bill C-47, the proposal at that time was that, if you fertilize a sperm by an egg for the purpose of research, it was considered to be illegal. Now, luckily, at that time, Bill C-47, you recall, died on the order paper because the Government fell.
Now, we were doing research at that time, at McGill, to do maturation in vitro, which we believe to be a major advance in fertility treatment, and, fortunately for us, Bill C-47 did not pass through. Because, if it did, there would be no in vitro maturation of oocytes today. Why? Because any advances in IVF require us to fertilize a sperm by an egg for the purpose of research. Because, let's say, for example, you're bringing in a new culture method to improve the results of treatment. You have to examine the sperm and egg together, examine then the growth of the fertilized eggs for a few days and see whether they grow well. If they do, you can then offer that treatment clinically, because it is unethical to be experimenting on patients with a new technique without any trying out first as a research protocol. But, under the Bill C-47, it would have been illegal to fertilize an egg and sperm for the purpose of research, which meant that you would have to either fertilize them and transfer them straight away without observing its development, which didn't make any sense at all. So, Bill C-47 fortunately died on the order paper, and IVM became in existence.
So, what we are saying here is that we should be having properly constituted ethics committees. So, for example, at McGill, there are ethics committees both at the university and the hospital which are recognized all around the world, and these ethics committees are perfectly capable of examining the science and the ethics behind the performance of this research. And, if necessary, bring in the collège as well, in Québec.
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(10 h 50)
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Le Président (M. Copeman): Merci. Il reste quelques minutes à ma droite. Perhaps, to take advantage of your appearance, Dr. Tan, to ask you a little bit about the preimplantation genetic diagnosis. In a previous life, my wife did genetic screening at the Montréal Children's Hospital, so I know a little bit about a field that's close to this. I wonder if you might tell us: Is the PGD covered by medicare? And what types of genetic abnormalities are you able to screen for in the PGD process?
M. Tan (Seang Lin): Thank you for your question. Our PGD program is headed by Dr. Asangla Ao, who was part of the team at the Hammersmith Hospital, in the U.K., that did the first PGD treatments, 10 years ago, in the U.K. So we are quite proud of our PGD program.
PGD can be used for a few conditions. First, a couple who has got a history of a genetic disorder in the family. So let's say, for example, if they have a history of cystic fibrosis in the husband and in the wife, they have a one-in-four chance that the baby will be born cystic fibrosis. In our usual technique at the moment, you wait until the woman becomes pregnant, do a test during pregnancy and, if the baby is abnormal, you do an abortion. Abortion during pregnancy for genetic disorders usually has to be done quite late in pregnancy, which carries both a physical and emotional risk to the woman. So, you'll be far better if you can do this test beforehand. At McGill, today, we can do PGD for any genetic condition in which the cause of the genetic disorder has been pre-tested... determined. It might take a month to develop the probe, it might take six months to develop the probe, depending on the condition.
The second is that we can do PGD for women who have a history of repeated miscarriages. So, there are some women who miscarry again and again for no obvious reason. One of the problems could be that their embryos are genetically abnormal. So PGD allows us to select the normal embryos for transfer without them becoming pregnant first. Unfortunately, for your information, PGD, like all other assisted reproductive techniques, are not covered in Québec at all. So, to my mind, it sounds a bit silly, because we fund abortion. There's a tremendous high social cost if a genetically abnormal baby is born, so, at the very least, I would have thought that in Québec, hopefully, PGD should be covered to prevent the birth of genetic abnormal babies.
Le Président (M. Copeman): Thank you, Dr. Tan, Dre Sylvestre. Merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire. Thank you very much for your contribution to this parliamentary commission.
Et j'invite immédiatement le Dr François Bissonnette à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 53)
(Reprise à 10 h 55)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons le Dr François Bissonnette. Bonjour, docteur. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximum de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Si besoin est, je vais vous avertir quand il vous restera trois minutes, pour mieux vous aider à conclure dans le temps. Sans plus tarder, je vous prie de présenter votre collaborateur et par la suite enchaîner avec votre présentation.
MM. François Bissonnette et Robert Hemmings
M. Bissonnette (François): D'accord. Alors, nous sommes deux gynécologues-obstétriciens spécialisés en reproduction, le Dr Robert Hemmings et moi-même. Nous travaillons tous les deux à la clinique de fertilité Ovo. Nous représentons les deux universités, parce que j'ai un titre universitaire à l'Université de Montréal comme professeur agrégé, et le Dr Hemmings a le même titre à l'Université McGill.
Je suis responsable du programme d'endocrinologie de la reproduction à l'Université de Montréal, responsable du département... en fait du service de fertilité au CHUM, à l'Hôpital Saint-Luc, et j'ai une responsabilité au niveau du programme de «fellowship» à l'Université de Montréal. Robert est directeur du département à St.Mary's. Nous avons aussi des implications avec la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, et nous venons vous visiter cet après-midi à ce titre-là. Je suis président du comité pour l'amélioration de la qualité des résultats en fécondation in vitro, et Robert est directeur régional pour Ontario-Québec.
Alors, sans plus tarder, c'est avec grand plaisir que nous sommes ici, aujourd'hui, pour vous sensibiliser sur la problématique de l'infertilité et son traitement en regard du cadre législatif sur lequel on s'apprête à voter. Nous traitons des couples infertiles depuis plus que 20 ans et nous avons résumé dans le mémoire qui vous a été, j'espère, distribué la problématique de l'investigation et du traitement en infertilité, en prenant soin d'inclure un glossaire à la fin.
La clinique de fertilité Ovo rassemble une équipe de professionnels spécialisés en fertilité. Nous sommes six gynécologues, trois urologues, deux généticiens, deux psychologues, six infirmières et quatre embryologistes. La clinique est en opération depuis 2003, et nous avons réalisé, en 2005, 523 cycles de fécondation in vitro. Les résultats sont présentés au tableau à la page 26, et en bref nous avons eu 63 % de grossesses par transfert embryonnaire pour les femmes âgées de moins de 30 ans, 52 % de grossesses pour celles âgées entre 31 et 34 ans, 49 % de grossesses entre 35 et 37 ans, 27 % entre 38 et 40, et seulement 13 % pour celles qui ont plus de 40 ans. Alors, l'infertilité est définitivement reliée à l'âge maternel et affecte environ 10 % de la population en âge de se reproduire.
Il existe de nombreux traitements qui peuvent être offerts aux couples infertiles, mais moins de 10 % de ces couples devront recourir à la fécondation in vitro. Il faut noter que les progrès réalisés depuis 20 ans sont très significatifs. Le premier bébé-éprouvette, au Québec, est né en 1985. J'étais parmi l'équipe et je me souviens de ces bons moments à Québec. Depuis à peu près 1989, le manque d'espace et de financement dans le secteur public pour développer la procréation médicalement assistée a forcé le développement d'un centre privé.
À ce jour, au Québec, il y a quatre cliniques offrant les traitements de procréation médicalement assistée: le Centre de reproduction McGill, que vous avez entendu ce matin, le Centre de fertilité de Montréal, PROCREA Cliniques et la clinique de fertilité Ovo.
En 2002, Collins a évalué qu'environ 1 500 traitements de fécondation in vitro par million de population sont nécessaires, à chaque année, pour satisfaire les besoins de la population. En 2003, la population, au Canada, était de 31,5 millions, selon Statistique Canada. Il aurait dû y avoir 47 500 cycles de fécondation in vitro. En réalité, il n'y a eu que 7 415 cycles.
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(11 heures)
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Lorsque l'on fait le rapport du nombre de cycles de fécondation in vitro faits durant l'année sur le nombre d'habitants, on constate qu'en termes d'utilisation de la technologie le Canada arrive bon dernier, avec 234 cycles de fécondation in vitro par million d'habitants, parmi les pays principalement touchés comme pays industrialisés. Comme vous le constatez au tableau 2 de la page 22, il se fait presque deux fois plus de cycles de fécondation in vitro par habitant aux États-Unis, avec 384 cycles par million, presque trois fois plus en France, avec 541 cycles, et en Angleterre, avec 621 cycles, et sept fois plus en Australie, avec 1 670 cycles par million d'habitants. Pourtant, les Anglais ne consacrent que 7,7 % de leur PIB aux dépenses de la santé, par rapport à 9,6 % au Canada.
La situation est encore moins reluisante au Québec, qui est en retard sur le reste du Canada dans le traitement de l'infertilité. Bien qu'il n'y ait que quatre cliniques offrant le traitement de fécondation in vitro au Québec, par rapport à 11 en Ontario, il n'y a pas de liste d'attente pour les couples nécessitant ce type d'intervention.
Le tableau 3, à la page 23, compare le volume d'activité de la procréation médicalement assistée faite au Québec par rapport au reste du Canada. En 2003, il y a eu 171 cycles de fécondation in vitro par million d'habitants, au Québec, par rapport à 260 pour le reste du Canada. En Ontario, il se fait le double de fécondations in vitro par habitant qu'au Québec, avec 328 cycles, par rapport à 171 cycles. Cette différence s'explique en partie par des raisons économiques, car on estime l'avoir net ? c'est-à-dire l'avoir moins les dettes ? des familles québécoises se chiffrant autour de 77,7 % de la moyenne canadienne.
Le Québec n'est pas dernier partout. Le tableau 4, page 24, résume les résultats de l'enquête sur les avortements thérapeutiques faits au Canada. Le Québec se distingue comme la province qui a le plus haut taux d'avortements provoqués au Canada. En effet, il se fait 41 avortements provoqués pour 100 naissances vivantes au Québec, alors que la moyenne canadienne est de 32 %.
En résumé, les technologies et l'expertise permettant de procéder à la fécondation in vitro sont disponibles partout au Canada. Les résultats obtenus dans les cliniques canadiennes se comparent favorablement à ceux obtenus partout en Europe ou aux États-Unis. Et on constate une sous-utilisation de la procréation médicalement assistée au Canada, et de façon encore plus marquée au Québec. Cette situation contribue certainement au faible taux de natalité québécois.
Depuis la naissance de Louise Brown, il y a 25 ans, les techniques de fécondation in vitro se sont considérablement améliorées et modernisées. En même temps que le recours à la fécondation in vitro augmente, avec notamment l'élargissement des indications, des questions se posent sur le coût médical, financier, social et psychologique des différentes techniques ou des différents protocoles proposés.
Au cours d'un protocole de fécondation in vitro classique, on applique un traitement inhibiteur de la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires qui place la femme dans une situation équivalente à la ménopause: ses fonctions ovariennes sont alors stoppées. La stimulation des ovaires permet alors d'obtenir un grand nombre d'ovocytes et de maîtriser la date de l'ovulation.
Les protocoles d'hyperstimulation utilisés actuellement permettent de réduire le nombre de tentatives interrompues, mais aboutissent aussi à une augmentation des doses de médicaments utilisés, entraînant une augmentation des effets secondaires, notamment des syndromes d'hyperstimulation ovarienne, mal tolérés par les femmes. En outre, ces protocoles ne sont pas garants d'un meilleur succès.
Des études mettent en évidence certaines conséquences néfastes de la fécondation in vitro avec la stimulation ovarienne pour l'enfant et la famille, et ces inconvénients sont en partie reliés à la survenue de grossesses multiples qui entraînent des risques très importants.
Ces éléments amènent à penser qu'il est légitime d'évaluer les protocoles visant à réduire les coûts médicaux, sociaux et psychologiques de la fécondation in vitro, en revenant à l'objectif initial: produire un embryon pouvant être implanté pour aboutir à la naissance d'un enfant à terme et en bonne santé. Pour répondre à cet objectif, des équipes ont expérimenté la réalisation de la fécondation in vitro en cycle naturel. Cette pratique avait été utilisée pour les premières fécondations in vitro et avait été abandonnée en raison du faible taux de succès à l'époque. Elle a de nouveau été décrite au début des années quatre-vingt-dix. Une synthèse de plusieurs études faites en 1995 donnait un taux global de succès de 6,8 naissances vivantes par 100 cycles de fécondation in vitro.
De manière générale, les taux sont faibles par comparaison à ceux obtenus avec la fécondation in vitro classique. Cependant, il est possible, en cas de fécondation in vitro en cycle naturel, d'intervenir sur des cycles consécutifs et il semble que les taux de naissances vivantes obtenus à la suite de quatre cycles de fécondation in vitro en cycle naturel soient assez similaires, assez voisins de ceux obtenus en fécondation in vitro classique. De plus, un programme de plusieurs cycles de fécondation in vitro en cycle naturel consécutifs réduirait les dépenses médicales. En effet, le coût des traitements pour une fécondation in vitro en cycle naturel correspond à environ 20 % du coût de la stimulation en fécondation in vitro classique, sans compter les complications maternelles et les naissances multiples associées aux fécondations in vitro classiques.
La pratique de la fécondation in vitro en cycle naturel sur plusieurs cycles consécutifs représenterait donc une alternative intéressante dans le traitement de l'infertilité, mais pour l'instant les études ont souvent évalué son efficacité en considérant chaque cycle de manière indépendante et rarement en cumulant les résultats pour une femme ou en proposant un protocole de traitement répété.
Au Canada, la pratique de la fécondation in vitro en cycle naturel est très peu répandue. Nous vous présentons les résultats de la clinique de fertilité Ovo en 2005. En fait, il y a eu 112 cycles de fécondation in vitro en cycle naturel réalisés. Nous avons obtenu, dans 60 % des cycles, un ovule, et on a 24,4 % de taux grossesse évolutive par transfert embryonnaire. Il n'y a pas eu de grossesse multiple.
Par ailleurs, un des effets négatifs de la loi C-6 est l'interdiction du don partagé d'ovules, et les patientes qui ont une réserve ovarienne épuisée n'ont d'autre choix que de se tourner vers le don d'ovocytes pour avoir une grossesse. Et dans ces cas les ovocytes provenant d'une femme en santé sont fécondés avec le sperme du conjoint pour créer des embryons qui sont ensuite transférés dans l'utérus de la receveuse. Or, il y a pénurie de ces ovules, et ce type de don demande de la donneuse un effort considérable: une médication doit être prise durant environ deux semaines, elle doit visiter la clinique à plusieurs reprises en cours de stimulation ovarienne pour que l'on ajuste sa médication, et finalement qu'elle subisse un prélèvement d'ovule qui se fait sous anesthésie locale à l'aide d'une aiguille guidée par échographie. Les receveuses se tournent vers leur entourage, et, dans bien des cas, ce sont les soeurs, les amies qui subiront les traitements pour permettre à la receveuse d'avoir une grossesse.
Dans le programme de don partagé, avant la loi C-6, on offrait aux patientes jeunes qui devaient avoir un traitement de fécondation in vitro de partager leurs ovocytes, en acceptant de donner la moitié de leurs ovocytes à la receveuse qui, en compensation, assumait les frais du traitement. C'était une situation où tout le monde gagnait. Les donneuses sélectionnées pour participer au programme produisaient en moyenne trois fois trop d'ovocytes pour leurs besoins personnels, et les taux de réussite de ce programme sont parmi les meilleurs.
Une étude anglaise a démontré sans aucun doute que les donneuses qui participent à un programme de don partagé ont les mêmes chances de succès que celles qui sont dans le programme de fécondation in vitro régulier. Les receveuses ont, elles aussi, les mêmes chances de succès. Le programme avait fait ses preuves et fonctionnait à merveille. Nous avons beaucoup moins de problèmes d'éthique à traiter une patiente qui accepte de partager ses ovules, sans nuire à ses chances de succès, avec une patiente qui n'a plus d'ovaire que d'imposer à une soeur, à une amie une stimulation ovarienne pour qu'une receveuse puisse avoir des embryons. Malheureusement pour nos patientes infertiles, la loi C-6 interdit ce type de pratique au Canada.
En conclusion, l'investigation et le traitement des couples infertiles au Canada se fait dans le respect des plus hauts standards. Malgré le sous-financement chronique dans ce domaine, les spécialistes canadiens ont pu maintenir l'accessibilité aux ressources en développant des cliniques privées.
Il y a très peu de domaines en médecine où il existe un suivi des résultats aussi précis que celui qu'on observe pour la procréation médicalement assistée. Les cliniques ont mis en place des systèmes d'autoévaluation qui leur permettent de continuellement s'améliorer. Cette autocritique continuelle est indispensable au maintien des résultats. Il faut être aux aguets et chercher à s'améliorer à tous les niveaux. En comparaison, très peu de chirurgiens regardent les résultats aussi fréquemment, et les médecins en général se questionnent rarement sur leurs résultats thérapeutiques personnels dans les autres domaines de la médecine. En fécondation in vitro, nous avons des indices de performance qui nous permettent de corriger rapidement une situation qui affecterait négativement les résultats.
Il est compréhensible que, suite au scandale du sang contaminé, le gouvernement ait senti le besoin d'enquêter. Toutefois, les enquêtes gouvernementales sur l'utilisation des banques de sperme n'ont pas mis à jour de nouveau scandale, bien que certains déficits ont dû être corrigés pour s'ajuster aux nouvelles normes. Cependant, l'alourdissement bureaucratique résultant de l'application du règlement sur le sperme et de la loi de la procréation médicalement assistée a diminué la disponibilité du sperme canadien, qui a obligé les cliniques oeuvrant dans le domaine de la reproduction assistée d'avoir recours aux banques de sperme commerciales américaines principalement pour satisfaire la demande croissante, et ce, sans garantir que de tels risques seraient effectivement évités.
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(11 h 10)
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Bien qu'il n'y ait jamais eu aucune évidence d'activité illicite et que nous soyons convaincus qu'il n'y aurait jamais eu une telle activité dans les laboratoires canadiens, on peut comprendre que le gouvernement ait senti une pression politique pour légiférer et inscrire clairement dans une loi que les activités comme le clonage reproductif humain sont illégales dans notre pays, reflétant ainsi le consensus international. Par contre, il n'y a aucune justification pour réglementer la pratique médicale dans le domaine de la procréation médicalement assistée par la création notamment d'une agence fédérale composée de fonctionnaires qui ne sont pas des spécialistes de la reproduction et qui exclut même ceux qui travaillent dans le domaine.
Que dire du gouffre financier du nouveau registre fédéral proposé et des problèmes de confidentialité qu'une telle mesure engendrera? Il est à craindre que le gouvernement impose des frais... que tous les frais engendrés par ces nouvelles dispositions soient imposés aux couples infertiles canadiens, déjà pénalisés par un sous-financement chronique.
Il est possible que la faible couverture médiatique témoigne que l'infertilité est perçue comme un problème sans importance, même si cette condition affecte près d'un couple sur 10 au Canada. Il faut corriger l'injustice sociale dont sont victimes les couples infertiles québécois et améliorer l'accessibilité aux traitements. En ce sens, la loi n° 89, englobant tous les traitements de fertilité, même ceux qui sont administrés en première ligne, risque d'avoir un effet très négatif, surtout pour les couples qui habitent loin des grands centres.
Nous estimons enfin que les systèmes d'autorégulation en place, supervisés par les organismes provinciaux responsables de la qualité de l'acte médical, sont amplement suffisants pour procéder aux vérifications nécessaires afin que les abus et les erreurs médicales soient prévenus. Il s'agit d'un domaine de la médecine qui demande une autoévaluation constante. Il est peu probable qu'une vérification externe supplémentaire dévoile un problème. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Bissonnette. Bonjour, Dr Hemmings. Merci pour votre visite en commission aujourd'hui. C'est un sujet, comme vous le dites, qui n'est peut-être pas suffisamment couvert mais qui intéresse, sur le plan personnel, beaucoup, beaucoup de personnes qui nous écoutent aujourd'hui.
Je voudrais juste faire un bref commentaire sur une partie de votre présentation d'ouverture. Je suis certain que ce n'était pas le lien que vous vouliez créer, là, mais je ne pense pas qu'on puisse faire de lien entre le fait que le Québec, comme les autres provinces canadiennes d'ailleurs, ne rembourse pas la totalité des procédures liées à la fertilisation in vitro et le taux d'avortement au Québec. Le taux d'avortement, c'est dû en large partie à un choix de société, à l'accès libre, pour les femmes du Québec, aux procédures d'interruption de grossesse. Puis, celles qui y ont recours, en majorité, ne sont en général pas des femmes qui ont des problèmes d'infertilité, comme vous le savez, mais plutôt dans des circonstances sociales autres qui font qu'elles demandent ce service-là.
L'autre chose, bien je rappelle que, sur le plan de la couverture publique, le Québec, tout étant relatif, est plus généreux que beaucoup d'autres provinces canadiennes. Puis c'est l'éternel, d'ailleurs, paradoxe québécois: un panier de services publics plus généreux, avec une économie, en termes de création de richesse, un peu moins vigoureuse puis un endettement également très élevé. Et ça, ça s'applique à votre domaine comme dans bien d'autres domaines des services publics.
Vous avez insisté beaucoup sur cette question du changement de paysage que la loi canadienne, la loi fédérale C-6, introduit en termes de possibilité d'avoir des spermatozoïdes ou des ovules. Je vous dirais que l'article en question fait partie de notre contestation. Donc, je suis certain que vous allez... D'ailleurs, je crois que nous sommes en lien pour nous aider à étoffer cette contestation en cour. Mais, pour les gens qui nous écoutent, tout ça est bien technique. Pourriez-vous, en termes simples, expliquer comment c'était avant puis comment c'est maintenant, suite à l'adoption de cette loi-là?
M. Hemmings (Robert): Je pense qu'en ce qui concerne l'exemple du don partagé d'ovules, qui a déjà été décrit, ça faisait l'affaire à la fois des couples qui devaient avoir un traitement de fécondation in vitro, qui étaient souvent des couples un peu plus jeunes et qui étaient des candidats justement à produire plus d'ovules. Et ces gens-là bénéficiaient de pouvoir avoir une partie de leur traitement payé par la receveuse éventuelle. Donc, on avait vraiment une situation gagnant-gagnant. Selon les analyses légales, parce qu'il n'y a pas vraiment de règlement clairement établi encore en relation avec la loi C-6... Oui?
M. Couillard: Parce que je suis dans le souci de simplification pour les citoyens, là. En pratique, ce que vous me dites ? dites-moi si je comprends bien ? la femme qui venait pour un traitement d'infertilité recevait le traitement d'induction pour produire plusieurs ovules, et puis elle pouvait faire en sorte qu'on prélève quelques-uns de ses ovules supplémentaires, qui n'étaient pas utilisés pour sa fertilisation, son problème de fertilité à elle, qu'elle pouvait transmettre à une autre personne moyennant compensation financière, ce qui lui aidait à défrayer une partie du coût de son traitement à elle. Et c'est ça qui n'est plus possible maintenant.
M. Hemmings (Robert): Exactement. Exactement.
M. Couillard: O.K. C'est bien compliqué, tout ça, pour les citoyens qui nous écoutent.
M. Hemmings (Robert): D'accord. Pour résumer donc cette situation-là, on croit... Parce que ce n'est pas clair encore, mais, selon les avis légaux qu'on a eus, ils nous disent que cette situation-là est incompatible avec la loi C-6. Et les peines étant assujetties à cette loi-là évidemment sont très sérieuses. Et donc aucun médecin présentement ne veut prendre de risque, même si on croyait que c'était vraiment une situation gagnant-gagnant pour les patientes.
M. Bissonnette (François): Le résultat concret, c'est que, chez nous, les couples vont maintenant en Espagne, au Mexique, aux États-Unis pour recevoir des traitements qui nécessitent le don d'ovules, alors que ces couples-là pouvaient profiter du don partagé et que, lorsqu'ils profitaient du don partagé, ils en faisaient profiter aussi une autre Québécoise qui n'avait pas les moyens de s'offrir la fécondation in vitro. Et c'est dans ce sens-là que c'est une situation gagnant-gagnant. Et, au niveau éthique, de soumettre une donneuse à un traitement qui n'est absolument pas nécessaire pour sa santé, si minime le risque soit-il, c'est contre l'éthique, si on a une alternative comme dans le cas présent. Les dons partagés ? ça a été démontré et, en Angleterre, c'est utilisé ? n'ont aucun effet négatif pour la donneuse, amènent la receveuse à avoir les mêmes taux de succès que la donneuse. On est dans une situation gagnant-gagnant. Tout le monde gagne. Il est incompréhensible qu'un gouvernement mette fin à une situation aussi avantageuse pour les deux parties, pour nous laisser en plan, avec aucun autre choix que de s'exporter, que d'envoyer nos couples à grands frais à l'extérieur pour chercher des traitements qui sont nécessaires.
M. Couillard: Pour l'autre partie de l'équation, maintenant, si je peux m'exprimer ainsi, les banques de sperme. Il y a des étudiants, on le sait, qui avaient un petit revenu avec ça, là. On donnait quelques dollars, là, aux étudiants qui faisaient ces dons-là dans les banques. Maintenant, quelle est la situation dans les banques de sperme?
M. Bissonnette (François): Comme responsable de la banque de sperme au CHUM et étant donc dans le domaine depuis le tout début, je peux vous dire que le recrutement est, à toutes fins pratiques, impossible actuellement, avec la loi C-6 et le carcan qu'elle nous oblige à respecter, alors que le remboursement d'une simple compensation financière devient extrêmement laborieux, voire impossible. Il faut comprendre que ce qu'on demande aux donneurs de sperme, c'est plus qu'un petit effort, c'est vraiment un «commitment»: il y a des périodes d'abstinence à respecter, le don se fait dans des délais très prescrits, ils doivent revenir pour des tests régulièrement, ils doivent être retestés au bout de six mois. Ce n'est pas un simple don de sang, c'est un don de sperme et ça implique un énorme «commitment» de la part du donneur. Et, en ce sens-là, il est tout à fait non éthique de ne pas attribuer une compensation pour l'effort qui est fait.
Nous prétendons que la loi C-6 va amener une fermeture de tous les programmes. Nous avions avisé le gouvernement fédéral de cet état de choses et nous constatons aujourd'hui les effets extrêmement négatifs, néfastes de la loi, qui concrètement a aboli le recrutement des donneurs. Les banques de sperme vivent sur de très, très petites réserves et, même si actuellement, au Québec, on peut encore compter sur quelques spermes québécois, bien c'est en train de se tarir, et je ne voudrais pas qu'on soit contraints, encore ici, d'exporter notre clientèle, de demander à la clientèle de franchir la frontière et à grands frais d'aller chercher une insémination qui leur est nécessaire.
Le Président (M. Copeman): M. le député d'Orford.
M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous remercier de votre présence et aussi d'un texte malheureusement qu'on n'a peut-être pas eu le temps de lire avant, mais d'une présentation d'un texte qui a un attrait pédagogique pour des personnes comme moi et d'autres qui ne sont pas au courant de toute cette problématique que vous nous amenez ici...
M. Bissonnette (François): Mais nous avons eu cinq jours pour préparer ce mémoire, alors je m'excuse de ne pas...
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(11 h 20)
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M. Reid: Ce n'est pas une critique. Ce n'est pas une critique et c'est d'autant plus intéressant, si vous avez eu cinq jours pour le faire, d'arriver à quelque chose d'aussi intéressant. J'ai lu quelques pages...
Je voulais aller un petit peu plus loin que le ministre sur la question des dons partagés. Et je pense que vous avez bien expliqué les conséquences. Ce que j'aurais aimé, si c'est disponible et, si ce n'est pas disponible maintenant, si c'était possible de nous donner quelques données quantitatives. Parce qu'on comprend qu'il y a des personnes qui sont privées peut-être de possibilité d'enfanter, il y a d'autres personnes qui doivent faire un don, alors qu'elles n'avaient pas de traitement à subir, et vous avez bien expliqué, je pense, le problème éthique, et c'est extrêmement intéressant et complexe, mais par ailleurs ce serait intéressant de voir, si possible, un peu ça touche combien de personnes, ou la situation avant et après la loi fédérale.
M. Hemmings (Robert): Présentement, à la Clinique OVO, nous avons entre 50 et 75 couples qui sont en attente, dont plusieurs vont décider éventuellement et ont déjà débuté à s'expatrier à l'extérieur du Québec afin de subir des dons d'ovules. Un peu plus tôt, nos confrères du Centre de reproduction de McGill avaient mentionné qu'il y avait plusieurs centaines de couples dans leurs listes qui sont en attente de dons d'ovules. Donc, c'est un nombre important de couples. Le taux de grossesse obtenu est entre 50 % et 80 % par cycle. Donc, il s'agit d'un traitement qui a énormément de succès et qui offre la possibilité à des patientes qui n'ont aucune autre alternative, des patientes qui sont en ménopause précoce ou dans un groupe d'âge relativement avancé pour la reproduction et qui ne pourraient pas, d'elles-mêmes, obtenir une grossesse...
M. Reid: ...M. le Président. Vous avez mentionné que peut-être il peut y avoir des femmes qui ne se prévalent pas d'un traitement de fertilité parce que les coûts sont trop élevés pour leurs moyens et qui, grâce à des dons partagés, pourraient se le permettre. Est-ce que vous avez une idée... Parce que ce n'est peut-être pas des choses qu'on accumule, là, les gens qui ne viennent pas, mais avez-vous une idée, de par les contacts que vous avez avec les médecins, de femmes qui ne se prévalent pas de cette possibilité-là parce que financièrement ça cause des difficultés?
M. Bissonnette (François): Avant la loi C-6, alors qu'on avait le don partagé, l'élément limitant n'était pas les donneuses, c'étaient les receveuses. Et donc on satisfaisait aux besoins de nos receveuses, et il n'y avait aucun problème à justement trouver ces couples-là. Il y a malheureusement au Québec énormément de couples malheureux qui n'ont pas les moyens financiers actuellement de s'aventurer dans la fécondation in vitro, qui retardent en fait leur démarche, et on sait, et on l'a démontré, que le fait de retarder leur démarche va diminuer leur succès puis en fait retarde la venue d'un nouvel électeur dans la carte québécoise. C'est malheureux. Et puis encore une fois, nous, c'est probablement un des effets les plus pervers de la loi C-6, les plus immédiats, et c'est une situation qui est révoltante, révoltante à tous les niveaux. Et malheureusement l'oreille qu'on nous a prêtée, sur l'autre palier de gouvernement, n'a pas vraiment été très à l'écoute, et je pense qu'ils ne veulent pas comprendre justement l'importance d'un tel programme.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Chambly, allez-y.
Mme Legault: Oui. Bonjour. Le texte du projet de loi n° 89 qu'on a devant nous est rédigé de façon à laisser pas mal de la place à la voie réglementaire pour traduire correctement l'évolution, là, très rapide du secteur, dans le domaine dans lequel vous évoluez. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette perspective-là? Est-ce que vous...
M. Bissonnette (François): Oui, je suis d'accord avec le texte, avec le fait de rapporter au ministre les données que l'on partage actuellement et qu'on transmet volontairement à l'association canadienne de fertilité, par exemple, et qui va nous permettre ensemble de continuer de poursuivre la recherche de l'excellence et d'éviter des erreurs.
Ce qui me préoccupe dans le texte, c'est l'inclusion de tout ce qui est traitement de fertilité, en voulant même parler de l'induction de l'ovulation qui se fait en médecine de première ligne. Actuellement, au Québec, il y a des médecins non spécialistes à qui on enseigne, et on fait des gros efforts pour leur enseigner, pour essayer de rendre justement ces traitements le plus disponibles possible. Il est utopique de penser qu'on va avoir un surspécialiste en reproduction disponible, qui a un permis, pour aller donner ces traitements-là partout au Québec. Et donc pour nous il est critique que ces soins de première ligne puissent continuer et même augmenter, s'il y a quelque chose, tout en gardant la supervision qui fait qu'on a des bonnes pratiques. Je pense qu'on travaille en collégialité avec le Collège des médecins pour mettre en place de tels programmes.
Un des problèmes auxquels on fait face, c'est qu'on a un manque au niveau des statistiques. Plus tôt, on cherchait, par exemple, le chiffre exact de grossesses gémellaires issues des programmes de fécondation in vitro. Bien, nous, on a les chiffres en fécondation in vitro, mais la province n'a pas les chiffres dans ses registres. On n'a pas les chiffres non plus pour savoir quelles sont les grossesses gémellaires, les grossesses multiples issues de programmes de stimulation ovarienne. Pourtant, ce sont des chiffres qui pourraient être relativement faciles à aller chercher, même au niveau rétrospectif, si on mettait quelques dollars pour aller recruter et, à même le registre des naissances, pouvoir questionner en rétrospective les couples sur ce qui les a amenés à avoir le résultat d'une grossesse multiple. Ces chiffres-là sont précieux, et ce qu'on dit, c'est que, tant qu'on n'a pas ces chiffres-là, tant qu'on n'a pas identifié le problème, il ne nous apparaît pas correct d'imposer un carcan qui va limiter l'accès aux ressources pour nos couples infertiles.
Alors, oui, on est d'accord qu'il devrait y avoir un encadrement, oui, on est d'accord pour aller chercher de l'information pour améliorer les traitements pour les couples infertiles, mais on est contre un carcan qui va limiter l'accès encore plus à nos couples infertiles québécois et diminuer justement l'efficacité du traitement.
Mme Legault: Je vous remercie et je suis certaine que mon collègue... Nous avons tous une écoute... nous avons eu une écoute très attentive puis on apprécie beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de la condition féminine.
Mme Caron: Et d'action communautaire.
Le Président (M. Copeman): Et de l'action communautaire.
Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Dr Bissonnette, Dr Hemmings. Je veux revenir... Au niveau de votre mémoire, vous le dites avec grande justesse en page 5, que, le recours à la fécondation in vitro, évidemment il y a un coût médical, financier, mais aussi social et psychologique, au niveau des différentes techniques. Et, à la fin de cette page, vous rappelez toute la question au niveau des protocoles d'hyperstimulation, qui finalement aboutissent, là, «à une augmentation des doses de médicaments utilisés [qui entraîne] une augmentation des effets secondaires, notamment des syndromes d'hyperstimulation, mal tolérés par les femmes». Et en même temps je reçois le communiqué du Collège des médecins qui invite à bien mesurer les risques et qui dit que finalement, dans le grand désir que les couples ont parfois d'un enfant, ils n'ont pas nécessairement toute l'information et ils ne connaissent pas nécessairement tous les risques qui sont associés à une technique médicale. Le désir d'enfant étant le plus fort, on n'a pas nécessairement toujours toute l'information puis on ne pose pas nécessairement toutes les questions sur les risques qui sont là.
Au niveau de ce que vous précisez là-dessus, au niveau de l'augmentation des doses de médicaments et puis les effets secondaires qui augmentent, est-ce que vous avez certaines données?
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(11 h 30)
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M. Hemmings (Robert): En fait, on a des données scientifiques qui montrent, par exemple, que dans l'utilisation des stimulants par voie orale, comme le Clomid, le taux d'augmentation de grossesses multiples est quand même très limité, de l'ordre de 5 % pour des jumeaux. Quand on va plus à l'avant et qu'on utilise la superovulation ou l'utilisation de gonadotrophines, on sait que là le taux est plutôt de l'ordre de 25 % de grossesses gémellaires. Et donc, nous, on est souvent dans la situation où on essaie de convaincre les patientes de faire attention, parce que, lorsqu'on parle à des couples infertiles qui essaient de concevoir depuis cinq ans, qu'on leur dit: Il se peut que vous ayez des jumeaux, madame, en général la réponse qu'on a, c'est un grand sourire, en disant: C'est parfait, c'est ça qu'on aimerait. Alors, il faut constamment répéter aux patientes, et c'est ce qu'on fait en pratique, que ce sont des grossesses plus à risque, et il y a un plus grand risque de prématurité, il y a plus de coûts, de tous les coûts que vous avez mentionnés en fait qui sont associés avec ces traitements-là. Donc, dans notre pratique de tous les jours en fertilité, on est souvent ceux qui disent aux patients: Écoutez, les jumeaux, ce n'est vraiment pas l'idéal, puis évidemment les triplets, ce n'est vraiment pas à conseiller.
M. Bissonnette (François): Ce qu'il faut comprendre, c'est la pression qui est exercée sur les couples. Un couple qui investit, disons, 6 000 $ pour son traitement de fécondation in vitro, avec les médicaments, et à qui on dit: Écoutez, on pourrait replacer juste un embryon, mais vous allez diminuer vos chances d'à peu près de moitié, bien ce couple-là, peu importe comment sombre vous allez lui présenter la grossesse gémellaire, bien il n'acceptera pas la pression financière, pour la majorité. Il y en a qui l'acceptent, mais la majorité ne l'acceptent pas.
Et c'est pour ça que, nous, on est en train de justement travailler sur un document qui, on va l'espérer, va pouvoir vous être présenté, où on suggérerait un apport financier supérieur du gouvernement. Je sais que le Québec a fait un effort. Je vois le Dr Couillard qui... oh! qui confirme son accord... sur l'effort qui a été fait.
Une voix: ...
M. Bissonnette (François): O.K. Maintenant, l'équation qu'on voudrait faire, c'est que, si un apport financier est amené de la part du gouvernement, il pourrait résulter non seulement à un support pour les couples infertiles, mais aussi au résultat final d'une économie globale pour la société par la prévention des grossesses multiples conséquemment au transfert d'un seul embryon.
À ce sens, l'Alberta vient tout juste de recevoir une proposition où les centres de fécondation in vitro acceptent de replacer un seul embryon pour les patientes à bon pronostic. Et il y a toute une équation pour dire, là, déterminer le nombre d'embryons. Une étude préliminaire a démontré une diminution de plus que 50 % des grossesses gémellaires associées avec une telle pratique. Et l'équation des coûts-bénéfices sont nettement en faveur de l'application d'une telle pratique pour les coûts résultants.
Alors, l'équation que l'on faisait tout à l'heure, de quelque chose qui pourrait améliorer une économie pour la société, je pense que, même si on considère que l'application d'un financement pour la fécondation in vitro amènera une augmentation définitive de la consommation, c'est-à-dire que le Québec devrait rattraper en fait... où on est, on devrait se replacer où on devrait être et donc rattraper le retard par rapport à l'utilisation de la ressource de fécondation in vitro, même en considérant ça, l'économie faite par la prévention des grossesses multiples, qui sont actuellement rentrées dans le régime d'assurance maladie et qui occasionnent des coûts, devrait être positive et justifier l'adoption d'un tel programme. Et c'est la proposition que je m'apprête à vous soumettre.
Mme Caron: Merci beaucoup. Évidemment, quand le ministre parlait, tantôt, au niveau des pourcentages au niveau des taux d'avortement, c'est évidemment un choix de société qu'on a fait de donner le libre choix finalement aux femmes de disposer de leur corps. Mais, ce libre choix là, ça peut être aussi d'avoir un enfant. Ça peut être de considérer que la situation actuelle fait qu'on ne peut pas avoir d'enfant, qu'on ne souhaite pas avoir d'enfant, mais ça peut être aussi de dire, dans le libre choix, qu'on a un besoin de soutien parce qu'il y a un problème d'infertilité.
Vous avez parlé au niveau des banques de sperme, mais j'aurais aimé ça vous entendre aussi du côté des ovules, puisque finalement il y a eu un grand reportage, là, sur toute cette question de vente d'ovules, là, par Internet. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Hemmings (Robert): En fait, toute la notion de vente d'ovules par Internet, et tout ça, je crois, a été générée en partie par le fait que, malheureusement, les couples chez qui la seule solution, c'est un don d'ovules, après la loi C-6, n'ont nulle part vers quoi se tourner, et donc ça a créé vraisemblablement un marché au noir pour la vente d'ovules. C'est très regrettable.
L'autre aspect qu'on a touché tantôt, c'est que les femmes ont commencé à s'expatrier, donc à aller au Mexique, en Espagne, dans différents pays où il y a une accessibilité à ces traitements. Et je crois que, si le but de la loi, c'était de faire en sorte que ce soit plus sécure pour les patientes canadiennes d'avoir le don d'ovules, on note probablement que ça a eu l'effet inverse. Donc, c'est très regrettable.
M. Bissonnette (François): Comme médecin, j'ai le même problème à soumettre une donneuse qui accepte une compensation financière qu'une soeur, une amie qui va subir le traitement parce qu'elle veut plaire à quelqu'un de proche d'elle.
Maintenant, la commercialisation, le fait de mettre des sous face à un ovule, ça nous apparaît tout à fait inadmissible. Par ailleurs, une compensation financière qui est raisonnable... Parce qu'il faut comprendre que ce que la donneuse doit faire, ce n'est pas, encore là, un don de sang, c'est un deux, trois semaines de stimulation, c'est des visites régulières pour l'ajustement de leurs médicaments, c'est un prélèvement sous anesthésie locale. C'est significatif et, à notre sens, ça mérite une compensation raisonnable. Il n'y a pas personne qui va faire ça pour gagner sa vie, mais on devrait en tout cas prendre en considération le manque à gagner, les efforts que ces patientes-là doivent faire pour aller à travers le don d'ovules.
Mme Caron: J'aimerais ça que vous reveniez sur les conséquences justement, que ce soit une amie, une soeur, les conséquences pour ces femmes qui acceptent de soutenir le désir d'enfant d'amies ou de soeurs. Elles ont des conséquences, elles aussi. Il y a des risques?
M. Hemmings (Robert): En fait, il y a des risques. Heureusement, la fécondation in vitro est quand même une technique qui est utilisée couramment pour des dizaines et même des centaines de milliers de femmes à travers le monde. Le taux de complications sérieuses est faible, mais ce n'est pas zéro, c'est probablement de l'ordre de 1 %, et c'est quand même trop, comme on a mentionné, pour des femmes qui n'ont pas de besoin de ces traitements-là. Et donc c'est la raison pour laquelle la notion de partage d'ovules est beaucoup plus éthique. Et en fait c'est probablement la seule méthode vraiment éthique de faire du don d'ovules, et ce serait notre premier choix si c'était permis.
M. Bissonnette (François): Juste comme précision aussi: le fait de donner ses ovules ne vous enlève rien, vous ne serez pas ménopausée quelques mois plus tôt parce que vous avez accepté de donner des ovules. C'est en fait des ovules qui de toute façon, à cette période-là, seraient éliminés, et tout ce qu'on fait, en don d'ovules, c'est qu'on va les récupérer.
Le danger, c'est quand même que c'est une technique qui demande l'injection de médicaments, qui demande une technique simple de prélèvement. Mais, lorsqu'on rentre une aiguille dans le corps humain, bien il y a toujours un risque, si faible soit-il, d'hémorragie, d'infection, et c'est ces risques-là auxquels on soumet nos donneuses, qui, à notre sens, si elles n'ont pas d'indication médicale de recevoir le traitement, bien il y a un problème en tout cas qui se pose au niveau de l'éthique, sur la justification de soumettre un tel traitement alors qu'on a des alternatives.
Je n'ai aucun problème, par exemple, au don d'organes, même chez le vivant, où les gens, parce qu'il n'y a pas d'autre alternative disponible, acceptent de donner un poumon ou une moitié de foie pour que quelqu'un de proche puisse survivre. Et, parce que cette personne-là n'aurait aucune autre alternative de vie, parce que l'organe n'est pas disponible, j'accepte, à ce moment-là, les risques associés avec le traitement. Là où c'est inadmissible, c'est qu'on avait une alternative, et, pour des raisons encore obscures, le gouvernement a mis fin à un tel programme. Et c'est inadmissible, puis je vais me battre pour que ça change, parce que le gros bon sens devrait l'emporter sur des raisons obscures au niveau politique.
Mme Caron: Je vais laisser la chance à mon collègue de Dubuc.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Dubuc.
M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, Dr Bissonnette, Dr Hemmings, bonjour. Je vais continuer sur votre dernière phrase, là. Au mois de mai 2005, dans un reportage de La Presse, un article de La Presse, vous aviez dit justement, vous contestiez en ce qui concerne le partage des ovules, vous n'étiez pas d'accord avec la décision du fédéral par son projet de loi, et vous le manifestez encore aujourd'hui. Mais vous disiez dans ce même article que des avis avaient d'ailleurs été demandés à ce sujet-là. Je voudrais savoir: Est-ce que vous avez reçu ces avis juridiques? Et quel était le contenu des avis que vous aviez demandés? Et est-ce que vous pourriez les déposer devant cette commission?
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(11 h 40)
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M. Hemmings (Robert): Nous avions obtenu les avis juridiques à travers l'ACPM, l'Association de protection médicale du Canada, et on avait demandé de se pencher sur deux cas particuliers, et on nous avait clairement indiqué, selon les avocats qui avaient revu la loi C-6, que le partage d'ovules contrevenait au texte de loi. Comme j'ai mentionné plus tôt, on n'a pas encore de réglementation qui précise sur la loi C-6, et c'est un peu dommage parce que ça fait quand même près de deux ans et on est encore dans un flou de ce point de vue là. Mais les avis juridiques nous indiquaient qu'effectivement ça contrevenait à la loi.
M. Bissonnette (François): Dans le document adjacent à la loi, les fonctionnaires ont cru bon de très spécifiquement adresser le don partagé comme une pratique devenue illégale, interdite au sens de la loi, même si, quand on lit le texte juridique, on ne le voit pas, on ne reconnaît pas exactement spécifié le don partagé. Alors, ils ont, disons, devancé la mise en place des règlements pour donner déjà une interprétation, et, dans le guide qui nous a été fourni, ils mentionnent que le don partagé est une pratique, à toutes fins pratiques, illégale au Canada.
Par ailleurs, pour discuter assez régulièrement avec les gens qui sont actuellement à rédiger les règlements, il est impossible d'avoir des interprétations. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on nous lit bêtement le texte de loi sans vouloir se prononcer plus spécifiquement sur quoi que ce soit, et ça devient extrêmement frustrant.
M. Côté: J'aurais peut-être une autre petite question. Lorsque vous dites dans votre mémoire ? le ministre n'est sûrement pas d'accord avec ça; il l'a dit d'ailleurs tout à l'heure ? que... le manque de financement dans le secteur public pour développer la procréation médicalement assistée, est-ce que vous contestez le crédit d'impôt comme tel ou si vous préféreriez qu'il soit augmenté ou que les dépenses soient remboursées dans leur totalité?
M. Bissonnette (François): Bon. Quand je parlais du manque de financement, je le parlais dans le contexte d'organiser un centre de fécondation in vitro. Et, pour avoir vécu le démarrage d'un centre de fécondation in vitro à l'intérieur de l'hôpital, on n'aurait pas été capables de faire face à l'effort technologique, à toute l'amélioration, si on était restés avec le financement dans le système actuellement... du système public.
Et donc je dis que partout, partout au Canada et partout en général, les centres de fécondation in vitro se développent à l'extérieur, en privé. On a besoin de ce type de financement là. C'est un domaine qui progresse avec une rapidité incroyable. Il y a des choses que l'on fait aujourd'hui qui étaient du domaine du rêve il y a cinq ans, et je peux vous dire que, si on commence à réfléchir, c'est difficile de penser où est-ce qu'on va être dans 10 ans. C'est incroyable comment que ça progresse, et, pour se maintenir au niveau, on doit avoir les ressources, la capacité de bouger que le système public ne nous permet pas.
Je peux vous dire que, par exemple, dans ma clinique, lorsqu'on a besoin d'un nouvel appareil, bien on se réunit, et puis en une soirée on prend la décision, et la semaine après on a l'appareil. Pour vivre dans un futur CHUM ? ou je devrais dire «dans le CHUM» ? ce genre de délai est absolument impossible. Nous avons créé la clinique en quatre mois, la Clinique Ovo, avec 4 500 pi² de laboratoires en pression positive, virologie classe II, alors que les rénovations de la salle d'accouchement du CHUM ont duré trois ans. On a réalisé l'impossible, mais c'est tout à fait possible; dans le système public, c'est impossible de réaliser ce type de développement, et malheureusement on n'a pas d'autre choix.
Je pense que par ailleurs le partenariat privé-public est extrêmement intéressant dans ce sens-là. Et je ne voudrais pas revenir en arrière pour souhaiter une place dans le système public pour la fécondation in vitro, surtout en constatant où est-ce qu'on est, en étant des leaders nationaux et internationaux, en ayant pu se développer dans le système comme on est actuellement. Je pense que tout ce qu'on souhaite, c'est rétablir le partenariat et, pour le grand bénéfice de nos couples infertiles, d'avoir un support gouvernemental au niveau du financement, financement auquel ils ont droit. Parce qu'on ne choisit pas d'être infertile, on est infertile, c'est une maladie au même titre que n'importe quelle autre maladie et ça devrait être couvert par le système de santé.
M. Hemmings (Robert): ...d'ajouter le fait qu'on croit que les crédits d'impôt évidemment, c'est particulièrement utile et que ça augmente l'accessibilité des couples. Il y avait une étude de Collins qui avait montré qu'une diminution des coûts de 10 % augmentait la consommation ou l'accès d'environ 30 %, donc c'est quand même... c'est un impact très significatif. Si on augmente le degré de crédits d'impôt, à ce moment-là je pense qu'on va permettre à beaucoup plus de couples d'avoir accès aux traitements dont ils ont besoin.
La Présidente (Mme James): Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin: Merci. Dr Bissonnette, Dr Hemmings, merci de votre présence. Ma question va sembler dépasser un peu le fond du projet de loi n° 89. Au début de ma pratique comme avocate, on avait souvent des procédures en désaveu de paternité, puis par la suite, avec l'évolution, c'était l'inverse, on avait des procédures en reconnaissance de paternité qu'on réclamait. J'aimerais ça vous entendre sur la question de confidentialité du donneur et des éventuels recours possibles, là, concernant la paternité, et aussi le problème de consanguinité.
M. Bissonnette (François): C'est relativement simple. On se réfère au Code civil, et actuellement c'est impossible de ne pas être la mère si tu accouches de ton utérus. Et donc on pourrait procéder, par exemple, à un don d'embryon et, à ce moment-là, au niveau légal, il n'y a aucune espèce de lien légal qui lie l'embryon avec sa mère ou son père biologique. Et, au même titre, le donneur de sperme qui accepte le procédurier d'aller à travers la banque de sperme se dégage de toute responsabilité juridique, et ça, ça ne fait aucun doute.
Par ailleurs, nous tenons un registre complet et nous gardons contact avec nos donneurs. Et l'entente qu'on a avec nos couples qui profitent de la banque de sperme, c'est que, dans l'éventualité d'une problématique quelconque qui justifierait, à ce moment-là, que le donneur soit contacté ? par exemple, on peut penser à un don de moelle où le seul individu sur la terre pourrait être son père biologique ? à ce moment-là, l'entente que l'on a, c'est que l'on va contacter le donneur, on va lui expliquer la situation, mais il va être libre de choisir ce qu'il fait. Il peut décider de briser l'anonymat, il pourrait décider d'ignorer la demande, et on va respecter, à ce moment-là, sa décision. Je pense que c'est l'entente que l'on a. Les couples le savent, les donneurs le savent, et en ce sens-là je pense que la confidentialité est extrêmement importante de préserver.
Il y en a qui ont souhaité, à un moment donné, qu'on ouvre le débat et qu'on ait recours à des donneurs qui vont s'ouvrir, qui vont en fait, à un certain moment donné, ouvrir l'anonymat, et, par exemple, l'enfant pourrait avoir recours à un dossier qui va justifier, à l'âge de 18 ans, qu'il prenne connaissance de qui est son père. Je suis entièrement contre une telle procédure. Je peux vous dire que, quand on a mis en place des expériences similaires ailleurs, ça a eu une conséquence extrêmement négative sur le recrutement des donneurs.
Et aussi je me questionne beaucoup sur la motivation du donneur qui accepte, à ce moment-là, de donner. Et, pour avoir côtoyé ces donneurs-là, j'aurais beaucoup, beaucoup de préoccupations sur un individu qui vient dans le contexte de briser l'anonymat pour faire profiter à la civilisation de son extrême, disons, qualité au niveau génétique et qui veut, par le fait même, avoir une progéniture longue, multiple et reconnaissante. Alors, pour moi, c'est une avenue qui est extrêmement dangereuse, et je me suis opposé au bris de l'anonymat.
La Présidente (Mme James): Alors, merci beaucoup, Dr Bissonnette et Dr Hemmings, pour votre présentation de la part du Centre hospitalier de l'Université de McGill.
La commission ayant complété l'horaire du jour pour cet avant-midi, j'ajourne les travaux sine die, en vous avertissant de bien écouter les avis du leader concernant nos travaux de cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 50)
(Reprise à 15 h 13)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre. Alors, les travaux de la commission se poursuivent.
Je vous rappelle évidemment que, rendu à ce moment-ci, tous les téléphones cellulaires et appareils semblables auraient dû être mis hors tension pendant les séances de la commission. Cet après-midi, nous allons entendre et échanger avec trois différents groupes ou individus: nous allons débuter dans quelques instants avec M. Raymond Lambert, et ce sera suivi, autour de 14 h 15, par le Collège des médecins du Québec...
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): ...16 heures, pardon, bien sûr, pas 14 ? nous avons déjà reculé, à cette commission, mais de façon générale on aime mieux progresser ? alors, 16 h 15, autour de 16 h 15, le Collège des médecins du Québec; terminer l'après-midi avec l'Association canadienne de fertilité et d'andrologie.
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Raymond Lambert. M. Lambert, bonjour.
M. Lambert (Raymond D.): Bonjour, monsieur.
Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque individu ou groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour votre présentation ? s'il le faut, je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure dans le temps; et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Sans plus tarder, je vous invite de débuter, en vous indiquant que nous sommes à l'écoute.
M. Raymond D. Lambert
M. Lambert (Raymond D.): Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mme la secrétaire, mesdames et messieurs membres de cette commission. Tout d'abord, nous aimerions vous remercier de nous donner l'opportunité de commenter ce projet de loi, le projet de loi n° 89. Les cinq cosignataires de ce mémoire ont en commun une préoccupation majeure pour la santé des enfants, et ce mémoire a été construit de telle sorte qu'il puisse servir à la démonstration de notre thèse qui est celle qu'un changement dans les pratiques médicales du traitement de l'infertilité entraînerait une diminution des risques pour la santé des enfants et une diminution des coûts pour la société québécoise.
Nous formulons quatre recommandations principales, la première étant que, dans les programmes de fécondation in vitro, on ne devrait transférer qu'un seul embryon, dans la majorité des cas. Et cette recommandation est basée sur des données scientifiques qui s'accumulent de plus en plus, et qui ont pris une ampleur considérable à partir du début de l'année 2002, et qui sont à l'effet que les enfants venant de la fécondation in vitro sont à risque. Ces risques-là, je les ai documentés, nous les avons documentés dans le tableau 2, qui est à la page 7 de ce document. Donc, il y a une augmentation de risques de paralysie cérébrale, augmentation de risques de prématurité, de très petit poids à la naissance, de malformations multiples, de mortalité néonatale et de retard développemental de l'enfant. Alors, ces risques, si vous regardez, par exemple, les naissances prématurées, à la troisième ligne du tableau 2, ces risques de très petit poids à la naissance sont à peu près cinq fois plus grands que ce qu'on retrouve dans les populations contrôles.
Le plus grand facteur de risque en fécondation in vitro, le plus grand facteur de risque pour la santé des enfants, c'est celui des grossesses multiples. Or, vous savez très bien que les grossesses multiples en fécondation in vitro viennent du transfert de plusieurs embryons. Alors, quand on transplante plusieurs embryons évidemment on obtient, dans beaucoup de cas, dans une grande proportion de cas, des grossesses multiples, et ces grossesses multiples sont littéralement fonction, jusqu'à un certain point, du nombre d'embryons qui sont transplantés. Alors donc, notre recommandation réduirait évidemment considérablement les grossesses multiples. Aux grossesses multiples on associe la prématurité, et donc on réduirait par le fait même les risques de prématurité et on éliminerait la plus grande majorité, presque tous les cas, de fait, de grossesses multiples et donc une bonne proportion des cas de prématurité.
Notre deuxième recommandation a trait à la stimulation ovarienne, parce que, tel que nous comprenons la loi, elle couvre également la stimulation ovarienne hors FIV. Donc, en ce qui concerne les médicaments qui sont utilisés en fécondation in vitro pour la stimulation des ovaires, lorsque ces médicaments sont utilisés hors FIV, donc pour une simple stimulation ovarienne qui est suivie ou pas d'une insémination artificielle, ou encore quand on utilise des drogues et des médicaments qui sont plus doux, comme le citrate de clomiphène, mais qu'on les utilise, ces drogues-là, à des concentrations, à des niveaux qui sont inhabituels, alors ce que nous disons, c'est que, dans de tels cas, un suivi périovulatoire beaucoup plus serré que celui qui est effectué actuellement dans plusieurs cliniques de traitement de l'infertilité devrait être effectué. Et donc ce que nous recommandons, c'est qu'il y ait un suivi échographique dans ces cas-là, et, lorsqu'on se rend compte qu'il y a plus d'un follicule qui pourrait conduire jusqu'à une ovulation, se rendre jusqu'à une ovulation, on suggère l'aspiration folliculaire de sorte qu'il n'y ait qu'un seul follicule, donc qu'il n'y ait qu'un seul ovule et donc qu'un seul embryon qui soit éventuellement fécondé, qui soit éventuellement produit; le transfert de la patiente dans un programme de fécondation in vitro dans lequel on s'engagerait à ne transférer qu'un seul embryon; ou encore des relations sexuelles protégées.
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(15 h 20)
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Je vous fais remarquer ici que les deux premières recommandations que nous faisons ici sont pour ainsi dire les mêmes que celles que l'ESHRE, qui est l'Association européenne de reproduction humaine et d'embryologie... donc les mêmes que celles de l'ESHRE, et ce sont des recommandations que l'ESHRE a faites il y a déjà quelques années maintenant.
Notre troisième recommandation concerne la transparence. Alors, si vous allez au tableau, le premier tableau de ce mémoire, qui est à la page 4, vous constaterez que les taux de succès, quand ils sont exprimés en termes de naissances vivantes par cycle, varient considérablement d'un centre de traitement de l'infertilité, d'un centre de fécondation in vitro à l'autre de par le Canada. Il y a une vingtaine, 20, 22 centres de traitement de l'infertilité, de fécondation in vitro qui ont répondu, qui remplissent le formulaire, de sorte qu'on se retrouve avec ce registre canadien. Mais, si vous regardez à l'avant-dernière ligne du tableau, vous constaterez également que le taux de grossesses multiples varie également considérablement d'un centre de traitement de l'infertilité à l'autre.
Alors donc, pour les naissances vivantes, on observe une étendue de 7 % à 43 %; pour les grossesses multiples, de 14 % à 50 %. Ce que signifie ce tableau-là, c'est qu'il y a des centres de fécondation in vitro qui sont vraiment excellents. Parce que, 43 %, dites-vous bien que c'est un taux de succès qui est nettement supérieur à celui qu'on observe dans la nature. Mais 7 %, dites-vous aussi que c'est extrêmement mauvais. De fait, c'est médiocre. Je peux vous dire qu'à l'époque où j'étais dans un programme de fécondation in vitro, en 1985, lors de la naissance de notre premier bébé-éprouvette, nous obtenions à peu près ça, 7 % ou 8 % de succès. C'était ce que les gens obtenaient à l'époque. Mais il y a encore des gens, il y a encore des centres de fécondation in vitro qui obtiennent ces faibles taux de succès, qui étaient bons à l'époque mais qui sont médiocres aujourd'hui. Mais, au-delà de ça, vous observez jusqu'à 50 % de grossesses multiples dans certains centres de... dans certains programmes de fécondation in vitro. Bien, 50 %, là, ce que ça signifie, c'est qu'il y a au-delà du deux tiers des enfants qui viennent de grossesses multiples suite à une fécondation in vitro, dans certains centres, non pas dans tous les centres.
Alors, considérant cette grande diversité de résultats, ce que nous préconisons, c'est que... et contrairement à ce qui est mentionné dans le projet de loi ? je pense que c'est à l'article 39, si ma mémoire est bonne ? donc nous préconisons que les statistiques soient publiées clinique par clinique, de sorte que la patiente infertile, le couple infertile puisse choisir sa clinique. Et la conséquence de ce choix-là, de cette transparence-là fera en sorte que les mauvaises cliniques à la longue seront inévitablement, par la simple loi du marché et de la compétition, seront simplement éliminées au profit évidemment de meilleures cliniques. Mais c'est une façon simple d'assurer la sécurité dans la conception des enfants, la sécurité des enfants qui naissent de conception in vitro.
Autre dimension en regard de cette troisième recommandation, c'est à l'effet... et ça, on m'en a fait la remarque en gynécologie, c'est qu'en ce qui concerne la stimulation ovarienne, l'insémination artificielle ou... enfin tous les programmes où on fait de la stimulation ovarienne mais en dehors de la fécondation in vitro, on n'a pas les ressources actuellement pour compiler ces données et éventuellement les acheminer à un organisme qui pourra en faire une compilation globale. Alors donc, il faudra prévoir les ressources d'une façon ou d'une autre. Et, en plus, ce que nous affirmons, c'est que, lors de l'accréditation d'un centre de traitement de l'infertilité, les données fournies par les centres en question devraient être validées, ce qui serait une condition d'accréditation.
Quatrième et dernière recommandation qui est celle de l'examen par un comité d'éthique de recherche de toutes les activités cliniques de fécondation in vitro. La raison est très simple. C'est que de plus en plus, dans la littérature, on se rend compte, et ça, vous allez le voir au tableau 11 du mémoire, on se rend compte qu'il y a une tendance lourde à l'effet que même les grossesses simples de fécondation in vitro conduisent à des problèmes de santé ou peuvent conduire à des problèmes de santé chez l'enfant qui en naît. Donc, l'enfant qui vient d'une grossesse simple est plus à risque lorsqu'il naît d'une fécondation in vitro que lorsqu'il naît d'une fécondation spontanée, naturelle. Le risque est beaucoup moins grand, quand on le compare au risque associé aux grossesses multiples, mais il y a quand même un risque. Et le problème qui se pose dans ce cas-ci, c'est qu'on ne connaît pas les causes de ces risques, et ces causes-là peuvent être multiples. Alors, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas identifié les causes en question, ce que nous prétendons, ce que nous souhaitons, c'est que les activités cliniques en fécondation in vitro soient considérées comme si elles étaient expérimentales puis qu'en conséquence elles soient soumises au même encadrement rigoureux qu'on applique à l'expérimentation avec des sujets humains.
Si on appliquait ces recommandations, nous sommes persuadés que la majorité des coûts, qui ont été évalués d'une façon très sommaire ici, dans le mémoire, et la majorité des problèmes de santé qu'on retrouve chez les enfants venant du traitement de l'infertilité seraient évacués. Je vous remercie. J'espère que mon message est assez clair; puis, s'il ne l'a pas été suffisamment, je serai très heureux de répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Lambert. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, afin de débuter l'échange.
M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Lambert, merci d'être avec nous. Et également vous transmettrez nos remerciements à vos collègues qui ont cosigné le mémoire bien sûr avec vous. Je note effectivement, vous y avez fait allusion, que vous étiez dans l'équipe qui a effectué la première naissance dans le contexte de fertilisation in vitro au Québec, en 1985. On n'a que le prénom de l'enfant, mais on suppose qu'il se porte bien.
Je vais commencer avec vos recommandations sur le transfert d'un seul embryon, puis également le suivi hormonal et échographique. Mon impression, c'est qu'on est beaucoup plus là dans le domaine des lignes directrices de la pratique médicale que dans le domaine législatif. Je veux juste m'assurer que j'interprète correctement vos propos: vous ne demandez pas que le gouvernement légifère sur la pratique médicale? Est-ce que...
M. Lambert (Raymond D.): Bien, écoutez, c'est possible. Moi, je me fie un petit peu à ce que je connais de la loi fédérale, l'ancienne C-13, dans laquelle loi on prévoit l'adoption de règlements, mais des règlements quand même assez pointus quant aux pratiques. Alors, je ne sais pas jusqu'à quel point on entrera dans les pratiques médicales spécifiques au traitement de l'infertilité, mais je peux vous dire qu'en ce qui concerne la recherche avec des sujets humains on va très, très loin.
Vous savez, par exemple, en ce qui concerne les cellules souches embryonnaires humaines, soit la dérivation des cellules souches ou soit l'utilisation des lignées cellulaires qui viennent d'embryons humains, les directives qui ont été émises par les instituts de recherche en santé du Canada, qui gèrent en quelque sorte, jusqu'à maintenant et pour un certain temps encore, toute cette sphère d'activité qu'on retrouve dans la loi C-13, bien les directives vont dans le détail, là, beaucoup. Alors donc, par analogie, je me suis dit... nous nous sommes dit: Peut-être que, dans une loi, on aura une réglementation qui sera assez précise.
Mais, même si ce n'était pas précis, nos recommandations visent quand même à souligner le fait que, dans votre projet de loi, vous parlez de sécurité des interventions. Dans la loi fédérale, le premier principe qui est émis, c'est que la santé et le bien-être devraient prévaloir sur, dans le fond, toute autre considération. Donc, il y a une similitude entre les deux. Et, de notre point de vue, si les deux premières recommandations que nous faisons ne s'intègrent pas spécifiquement, directement et textuellement dans une loi, à tout le moins respectent-elles l'esprit, tel que nous le comprenons, à la fois de votre loi et celle du fédéral.
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(15 h 30)
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M. Couillard: Bien sûr, on pourra demander au Collège des médecins, qui vous suit, quelle est leur opinion, mais c'est un sujet, un terrain qui m'apparaît assez glissant. Si le gouvernement se met à légiférer sur les techniques médicales ou la façon de pratiquer la médecine, pourquoi ne pas le faire en santé mentale, pourquoi ne pas le faire en oncologie, pourquoi ne pas le faire dans d'autres domaines également? En tout cas, on aura l'occasion de poursuivre cet échange-là, mais, au moins que la question soit posée, c'est à votre mérite, là, la question de l'induction d'une seule grossesse. Et vous avez bien souligné le lien entre les problèmes de santé et les grossesses multiples.
Maintenant, pour la publication des résultats, j'ai cru comprendre que vous recommandiez, étant donné la grande variation des résultats entre les cliniques... Le tableau que vous avez, c'est des cliniques canadiennes, hein? D'ailleurs, on a très peu de données sur les... ? on a quatre cliniques québécoises ? entre autres parce qu'il y a certaines limitations. Une de ces limitations-là, c'est que bien sûr il y a des articles de loi, notamment dans la Loi sur l'accès à des documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui nous empêchent de rendre publics, de façon nominale, ces renseignements-là pour les cliniques. Alors, nous, comme gouvernement, on ne peut prendre l'initiative de dire: Bien, cliniques A, B, C, D, voici leurs résultats. Cependant, il n'y a rien qui empêche les cliniques de le faire eux-mêmes, par leur propre initiative, sur l'Internet par exemple. Et c'est probablement à leur intérêt de le faire, parce que je suis certain que nos quatre cliniques québécoises ont un bon niveau scientifique. Et de faire cette activité, de montrer quels sont les résultats par rapport aux normes ou par rapport à ce qui s'observe ailleurs au Canada, c'est probablement quelque chose qui pourrait être considéré.
Il y a également la question du comité d'éthique sur les activités cliniques. Bien sûr, les activités de recherche, tout le monde est d'accord qu'il faut que ce soit encadré sur le plan éthique, mais vous nous dites que les activités cliniques devraient être également considérées comme expérimentales ou des activités de recherche, alors que ça fait des années... Vous-mêmes, vous avez fait la première implantation en 1985, ça fait 20 ans, mais malgré ça vous nous demandez de considérer que ces activités cliniques là demeurent encore du domaine expérimental et de la recherche. Pourriez-vous élaborer là-dessus?
M. Lambert (Raymond D.): Oui. Bon, bien, effectivement il y a comme une espèce de paradoxe, parce que, bon, ce sont des pratiques, des procédures cliniques qui existent depuis très longtemps ? et il faut se rappeler qu'avant la naissance du premier bébé-éprouvette, en 1978, il y avait eu aussi beaucoup d'expérimentations, mais vraiment beaucoup ? sauf que ce qu'on observe dans le milieu est à l'effet qu'il y a des risques, un certain nombre de risques qui sont incompris, et ces risques-là sont, de notre point de vue, au-delà, au-dessus du risque minimal, au-dessus du risque thérapeutique. Un enfant qui naît, dans la population en général, est évidemment à risque, il court un certain risque, il court un certain nombre de risques, comme tous les enfants qui naissent, et c'est ça, vous le savez très bien, c'est ça qu'on appelle le risque thérapeutique ? je résume très, très succinctement ? et, à partir du moment où on observe un risque nettement supérieur suite à un traitement de l'infertilité, nettement supérieur à ce risque thérapeutique, on est en droit de questionner la sécurité de la procédure qui est utilisée.
Et je fais une petite parenthèse pour vous décrire une expérience que j'ai vécue. À un moment donné, quand j'ai soumis un article pour publication, bien ils m'ont dit quelque chose comme: Bien, l'argumentation que tu utilises, c'est une argumentation qui s'applique à la recherche avec des sujets humains, ça ne s'applique pas à des pratiques cliniques, mais tu as raison d'utiliser cette argumentation-là, parce que, dans le domaine du traitement de l'infertilité par fécondation in vitro, on en est encore au stade expérimental.
Donc, je ferme la parenthèse pour conclure qu'à partir du moment où on a des risques au-dessus du risque minimal ou au-dessus du risque thérapeutique on peut très bien en conclure que nous sommes en présence de procédures expérimentales, de traitements expérimentaux, et en conséquence l'encadrement devrait être différent que celui que l'on connaît pour la pratique clinique.
M. Couillard: Mais j'aimerais juste que vous précisiez sur quelle base vous faites cette analyse-là. Est-ce que c'est parce que votre point de comparaison est la grossesse, entre guillemets, naturelle? Vous comparez donc le taux de malformations aux problèmes de santé des enfants qui naissent dans un contexte non clinique, si vous me passez l'expression, avec ce qu'on observe lorsqu'on fait de la fertilisation in vitro. Mais là je dirais que, si on est dans le domaine d'une intervention médicale, il y a des statistiques qui sont connues, vous les avez vous-même citées, donc il me semble que les médecins dans ces cliniques-là devraient être capables de dire aux parents, ils devraient le dire ? je suis certain qu'ils le font, on pourra leur demander: Écoutez, monsieur, madame, si on fait ça pour induire une grossesse, vous avez tant de risques d'avoir une grossesse multiple et vous devez savoir que, lorsqu'on a une grossesse multiple, les risques d'avoir un bébé de petit poids sont plus élevés, etc. On a entendu plus tôt que, devant le désir majeur des parents d'enfanter, bien souvent les pressions sont énormes, malgré ces risques-là, pour procéder.
Est-ce que la comparaison n'est pas à ce niveau-là? Est-ce que, si on est dans le domaine d'une intervention médicale, la divulgation qu'on doit donner à la personne, c'est se comparer aux résultats publiés dans la littérature et non pas à une situation qui n'est pas la pathologie? La pathologie, c'est l'infertilité et son traitement, et ce que vous comparez, c'est la situation normale d'une grossesse hors procédure médicale. Est-ce qu'il n'y a pas comme un double standard là?
M. Lambert (Raymond D.): Bien, jusqu'à un certain point, je pense qu'encore une fois vous avez raison, sauf que, dans ce cas-ci, c'est une tierce personne qui est en cause. Quand un médecin offre un traitement à une patiente ou à un patient et qu'il décrit parfaitement bien les avantages et les inconvénients, les risques, les risques et les avantages d'une intervention, la personne prend une décision pour elle-même. Mais, quand il s'agit d'une tierce personne, là ça devient plus difficile. Et, à ce niveau-là, l'ESHRE, que je citais tout à l'heure, en est arrivée à la conclusion que, dans de telles circonstances, quand il y a une demande qui vient d'un couple infertile pour le transfert de plusieurs embryons, si le médecin n'est pas d'accord, il se doit de tenter à nouveau de convaincre le couple infertile de changer sa décision et d'opter pour le transfert d'un seul embryon, si c'est ce que le médecin juge comme étant la meilleure option. Et, s'il ne réussit pas... dans Human Reproduction, en 2002, ESHRE conclut que le médecin se doit de prendre la décision de ne transplanter qu'un seul embryon, parce qu'il se doit, dans un contexte de traitement de l'infertilité où on vise la naissance d'un enfant, il se doit de considérer en tout premier lieu la sécurité, la santé et le bien-être de cet enfant qui va naître. Alors ça, c'est... Et on aborde la question du paternalisme en médecine et on dit que, dans un tel cas, dans de telles circonstances, il ne s'agit pas de paternalisme, mais d'une façon de pratiquer de façon responsable la médecine. C'est très intéressant comme raisonnement.
M. Couillard: Bien, effectivement, et ce que je note donc, c'est que le raisonnement, vous l'appliquez sur le bébé à naître, essentiellement c'est l'objet de votre discussion. Mais encore une fois on est dans le domaine de l'éthique puis du choix d'une pratique médicale, c'est-à-dire que le médecin, il ou elle, est devant un éventail d'options puis fait des recommandations au patient, que ce soit dans n'importe quelle situation. Là, on parle de fertilisation in vitro, on pourrait parler également de la chirurgie. Donc, il y a un éventail de solutions possibles à travers lequel il choisit ou recommande, ou elle choisit et recommande, une solution basée sur des éléments de littérature scientifique, expliqués à la personne. Puis là, en toute connaissance de cause, la personne fait son choix. Ce que vous me dites, c'est que, si, comme médecin, la personne insiste qu'on transfère trois embryons plutôt qu'un et que je suis convaincu, comme médecin, que je dois n'en transférer qu'un, je devrais quand même en transférer un. Mais c'est de cette façon que les médecins en général procèdent.
M. Lambert (Raymond D.): C'est de cette façon...
M. Couillard: Dans toute conversation entre le patient et son médecin, c'est de même que ça fonctionne. Je peux vous dire que, par expérience personnelle, il n'y a jamais un patient qui m'a forcé à l'opérer ou à l'opérer de telle façon. Par contre, lorsque j'ai pensé que je ne répondais pas bien à sa demande, bien j'ai dit: Écoutez, moi, je ne pense pas que je suis capable de vous servir de cette façon-là. Est-ce que tout ça n'est pas finalement du domaine de la relation patient-médecin, de la pratique médicale, essentiellement?
M. Lambert (Raymond D.): Bien, vous avez raison, sauf que vous n'étiez pas dans le domaine du traitement de l'infertilité, et, dans le domaine du traitement de l'infertilité, la compétition est extrêmement forte. Et c'est vrai en particulier en Amérique du Nord, encore plus particulièrement aux États-Unis, où la compétition est telle que, quand un centre de traitement de l'infertilité ? et là c'était un des grands spécialistes de l'infertilité de Vancouver qui me disait ça il n'y a quand même pas si longtemps; quand un centre de traitement de l'infertilité ? affiche, par exemple, 45 % de taux de succès, naissances vivantes à terme, naissances vivantes, bon, comparativement à un autre qui afficherait, par exemple, 43 %, le patient, la patiente, le couple infertile va s'orienter, se diriger vers le 45 % et non pas vers le 43 %. Ça fait qu'en conséquence il y a une pression sur le médecin, il y a une pression sur la clinique de fécondation in vitro à obtenir de bons taux de succès, et ça, ça se fait au détriment des grossesses multiples, donc ça se fait au détriment de la santé des femmes, et ça se fait au détriment surtout de la santé des enfants.
M. Couillard: D'accord. Mais fondamentalement ? je vais terminer là-dessus, parce que c'est une discussion absolument intéressante que les gens du Collège des médecins vont pouvoir poursuivre; fondamentalement ? un médecin ne doit pas suggérer un traitement qui nuit à la santé de la personne qui est devant lui ou à l'enfant à naître, là. Il me semble que c'est un comportement déontologique fondamental. Mais on aura l'occasion d'échanger avec le collège là-dessus. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme James): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
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(15 h 40)
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Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup d'être avec nous, Dr Lambert. Vous remercierez aussi vos collègues qui ont participé au mémoire. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant. Mais je pense que la plus grande différence finalement dans la façon d'aborder votre mémoire, c'est que vous souhaitez... Si effectivement on considérait que ces pratiques médicales de traitement de l'infertilité sont encore au stade expérimental, cela justifierait effectivement d'adopter des mesures de sécurité plus grandes, et je pense que c'est ce qui vient justifier toutes vos recommandations. Et, quand on regarde les risques comparativement aux naissances régulières, c'est évident que les risques sont beaucoup plus élevés, et c'est passablement inquiétant pour ces enfants qui viennent au monde et qui auront à subir les conséquences toute leur vie, et les parents aussi auront à subir ces conséquences-là.
Moi, j'aurais aussi souhaité vous entendre sur... parce que vous l'avez glissé un petit peu à la fin, vous avez parlé beaucoup au niveau des conséquences sur la santé et le bien-être, la sécurité des enfants, vous avez glissé un petit peu tantôt sur le détriment de la santé des femmes. J'aimerais vous entendre sur ce sujet-là, au niveau des différentes pratiques, parce que je n'ai pas vu l'élément ressortir dans votre mémoire.
M. Lambert (Raymond D.): Bien, écoutez, premièrement, je ne suis pas la bonne personne à qui poser la question. Il y a certainement certains gynécologues qui vont se présenter ici, il y en a déjà qui sont venus d'ailleurs, le Collège des médecins sera là. Dans un contexte de traitement d'infertilité, lorsqu'on utilise des agents stimulateurs d'ovulation, le grand risque, c'est l'hyperstimulation, alors, qui peut, dans des cas très, très rares, dans un certain nombre de cas, conduire à une hémorragie interne et qui peut, dans de très, très rares cas, conduire jusqu'à la mort.
Mais, ce étant dit, j'avoue que, là, j'ai épuisé mon stock de connaissances sur le sujet. Ce qui m'a intéressé, attiré beaucoup plus au fil des années, depuis de fait que j'ai quitté le programme de fécondation du CHUL, en 1987, ça a été davantage la santé des enfants. Parce qu'on suspectait un tel résultat depuis déjà très, très longtemps, et ça, pour une raison très simple, c'est qu'on sait, je crois, depuis le début des années quatre-vingt que les grossesses multiples conduisent à des problèmes de santé chez les enfants. Or, en fécondation in vitro, pour les gens qui ont suivi le développement dans le domaine, on a suivi également l'augmentation des taux de succès puis l'augmentation des taux de grossesses multiples, et c'était inévitable. C'est une argumentation que j'ai tenue, ça, à un moment donné, dans une publication qui est parue dans Human Reproduction. Et donc j'arrête là ma réponse, parce que, bon, je n'ai pas vraiment d'information précise à vous offrir à cet effet-là.
Mme Caron: En fait, comme législateur, quand on est conscient qu'il y a effectivement des risques importants dans un type de pratique... ou si les citoyens, citoyennes étaient informés, qu'il y ait plus de mesures de transparence sur ce qui se passe réellement dans chacune des cliniques, ils pourraient probablement prendre une décision beaucoup plus éclairée.
Je veux revenir sur votre quatrième recommandation: le comité d'éthique de la recherche de toutes les activités des cliniques en fécondation in vitro, ce comité d'éthique là, vous le verriez composé de quelles personnes, votre comité d'éthique? Je sais que, du côté du Conseil du statut de la femme, on souhaite, au niveau de l'encadrement général, qu'il y ait un comité qui soit formé, mais un comité qui ne relèverait pas, là, du Collège des médecins, un comité à part. Votre comité d'éthique, qui verriez-vous sur ce comité?
M. Lambert (Raymond D.): Bon, premièrement, est-ce qu'on parle d'un comité d'éthique de la recherche qui verrait à encadrer spécifiquement les activités relatives à la procréation humaine? Oui?
Mme Caron: Oui, votre recommandation n° 4.
M. Lambert (Raymond D.): Oui. Bon. Alors donc, bien, évidemment il faut les spécialistes. Donc, il faut des gens qui sont dans le domaine du traitement de l'infertilité. Il faudrait des gens qui sont en recherche, qui font de la recherche avec l'embryon humain en particulier, donc des chercheurs fondamentalistes. Il faudrait, bien entendu, des juristes, des bioéthiciens, sans doute des sociologues, représentants du public. Comme on voit en fait dans la très grande majorité des comités d'éthique de la recherche, ce sont des comités qui sont multidisciplinaires, et le comité en question aurait selon moi... si c'était un comité central, aurait non seulement à encadrer les pratiques médicales du traitement de l'infertilité, mais aurait aussi à encadrer la recherche dans le domaine, et en particulier la recherche avec les embryons humains, la recherche sur les cellules souches embryonnaires également.
Mme Caron: Votre recommandation va dans le sens du Conseil du statut de la femme. C'est dans le même sens. Je reviendrai, parce que je sais que mon collègue a quelques questions à vous poser, et je veux être sûre qu'il ait le temps de les poser. Je reviendrai, s'il reste du temps, après.
La Présidente (Mme James): M. le député de Dubuc.
M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Lambert, bonjour. Moi, je voudrais d'abord vous dire merci pour l'apport que vous nous fournissez pour cette commission, parce que le document que vous présentez m'apparaît comme un document qui semble assez pointu, comme on dit, et très, très, très spécifique, et je l'ai lu malheureusement trop vite, j'ai essayé de le regarder de façon succincte.
Mais il y a un paragraphe qui m'interpelle. Je ne suis pas un spécialiste, là, mais je voudrais que vous me donniez un petit peu plus d'éclairage sur ça, lorsque vous dites, à la page 14 de votre mémoire: «Selon nous, toute pratique présentant un risque au-delà du risque thérapeutique devrait être cataloguée comme étant un essai thérapeutique, donc comme une expérimentation avec des sujets humains, et en conséquence devrait être soumise à un encadrement approprié. Actuellement, sans cet encadrement, le traitement de l'infertilité constitue, malheureusement trop souvent hélas, une recherche qui profite au détriment principalement des enfants et de la société.» C'est une affirmation qui est sérieuse. Est-ce que d'après vous le projet de loi n° 89 que nous avons devant nous pourrait servir de cet encadrement que vous proposez? Et quelle est justement cette sorte d'encadrement? Est-ce que le comité éthique, dont ma collègue vient de parler, pourrait faire en sorte justement d'être peut-être un acteur important pour justement évaluer ces risques-là? Parce que, là, vous parlez de risques thérapeutiques, et essais thérapeutiques, et expérimentation, alors, au-delà de ce qui est médicalement acceptable, vous considérez ça comme de l'expérimentation sur des êtres humains, donc ça prend de l'encadrement, c'est évident. Mais est-ce que le projet de loi actuel, tel qu'il est rédigé, pourrait permettre cet encadrement-là?
M. Lambert (Raymond D.): Le projet de loi, dans son préambule, dans ses principes ? mais je ne me rappelle pas exactement comment est-ce qu'il est construit ? affirme quelque chose comme: pour des raisons de sécurité, d'éthique et... bon, les pratiques se doivent d'être encadrées, hein, il y a quelque chose comme ça qui est dit dans le projet de loi...
M. Côté: ...pratique de qualité, sécuritaire et conforme à l'éthique.
M. Lambert (Raymond D.): Bien, voilà. Donc, je dirais que ce qu'on propose de ce point de vue là va dans le sens du projet de loi. Le projet de loi propose également qu'un comité d'éthique de la recherche habilité... habilité par le ministre puisse surveiller en quelque sorte, déterminer si la recherche que l'on propose, certains types de recherche qu'on propose en reproduction humaine sont acceptables ou pas. Bon. Mais le projet de loi ne va pas jusqu'à dire que les pratiques médicales actuelles devraient être couvertes, encadrées par un comité d'éthique de la recherche. Et, à partir du moment où nous affirmons que... nous démontrons ? ce n'est pas une affirmation, c'est une démonstration; que ? les risques sont plus grands pour une personne qui passe... pour une personne qui est infertile, lorsqu'elle veut se reproduire, ces risques-là sont plus grands principalement pour l'enfant, à partir du moment où on fait cette démonstration-là, nous, on dit: Bien, il faudrait que les pratiques soient encadrées correctement, qu'elles soient encadrées comme on le fait pour de la recherche avec des sujets humains. Alors, si jamais le législateur décide qu'effectivement les pratiques médicales dans le traitement de l'infertilité sont des pratiques qui sont, jusqu'à un certain point, expérimentales, bien effectivement la conclusion devrait être que ces pratiques-là devraient être encadrées par un comité d'éthique de la recherche.
n(15 h 50)n Et laissez-moi aller un petit peu plus loin dans l'argumentation. Dans les programmes de la fécondation in vitro, là, c'est très, très fréquent qu'on change les milieux de culture, hein? Pour faire une fécondation, là, ça prend des gamètes, ça prend les ovules, les spermatozoïdes, mêler ça ensemble, mais tout ça, là, ça baigne dans un milieu aqueux, puis par après on laisse l'embryon se développer pendant quelques jours, pour ensuite être transplanté dans l'utérus de la femme. Bon. Mais, quand on change un milieu de culture, qu'on ajoute, par exemple, le facteur de croissance, on fait de l'expérimentation. Tout scientifique vous dira ça, c'est de l'expérimentation. Sauf que, quand on le fait dans un contexte de reproduction humaine, de fécondation in vitro, on y va sans aucune expérimentation préalable chez l'animal. Donc, il n'y a pas de démonstration de sécurité de la procédure, ce qui est une exigence incontournable pour les gens qui font de la recherche avec des sujets humains. Mais, dans le domaine du traitement de l'infertilité, on ne fait pas ça. On passe outre à ça.
On a mis au point des méthodes de traitement de l'infertilité en fécondation in vitro qui n'ont jamais été expérimentées chez l'animal. Alors, contrairement à ce qui se passait au milieu des années soixante-dix puis fin des années soixante-dix, quand les premiers bébés-éprouvettes sont nés, où on avait clairement démontré la sécurité de la procédure telle qu'on la faisait à ce moment-là, aujourd'hui il n'y a plus ces démonstrations-là qui se font. Je peux vous donner des exemples. Aujourd'hui, on appelle les centres de fécondation in vitro FIV, ICSI. Pourquoi ICSI? Bien, parce que, dans certains centres, on a décidé de prendre des spermatozoïdes et de les injecter directement dans les ovules, de sorte que le spermatozoïde n'a plus à féconder, il y a une fécondation artificielle qui se fait. Ça, c'est une technologie qui a été développée chez l'humain, aucun essai animal préalable, pratiquement aucun essai animal préalable. Il y a des techniques de congélation d'embryons qui ont été mises au point chez l'humain.
Alors donc, moi, ce que je dis, nous, ce qu'on dit, c'est que, dans de telles circonstances, quand on fait... c'est véritablement de l'expérimentation, là, ce dont je vous parle, alors, quand on fait de telles expérimentations, on devrait soumettre les projets de recherche à un comité d'éthique de la recherche, qui verrait à faire en sorte que le respect des personnes est assuré, le respect de la dignité humaine, comme c'est mentionné dans les standards d'éthique et d'intégrité en recherche du FRSQ ou dans l'énoncé de politique des trois conseils, par exemple.
M. Côté: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme James): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir à votre première recommandation. Vous nous dites: «En fécondation in vitro, ne transférer qu'un seul embryon dans la majorité des cas.» Donc, vous iriez jusqu'à inscrire ça dans la réglementation, au niveau des pratiques, compte tenu des conséquences lorsqu'il y a plusieurs embryons, et, comme vous dites «dans la majorité des cas», dans quels cas pourrait-on en implanter plus qu'un?
M. Lambert (Raymond D.): Bon, bien, effectivement ça pourrait peut-être arriver si jamais, encore une fois, le législateur jugeait que c'est acceptable. Mais ça pourrait se présenter, parce qu'il y a des groupes, dans les populations infertiles, qui sont nettement sous- fertiles. Et, par exemple, il y a des essais, des tentatives de fécondation in vitro qui vont aboutir à très, très peu de fécondations, un très faible pourcentage de fécondation, et donc à un très faible pourcentage d'embryons qui vont se développer jusqu'au stade où on les transplante. Alors, dans de tels cas, ça pourrait peut-être, je dis bien peut-être, être acceptable.
Il y a parfois des couples qui se présentent et qui ont un âge assez respectable. Alors, on sait que la fertilité et la qualité embryonnaire vont varier, vont dépendre de l'âge. De fait, un des autres facteurs très importants, qui est un facteur confondant très important dans les études auxquelles je fais référence, où nous faisons référence dans le mémoire, un facteur confondant, c'était celui de l'âge des personnes qui se reproduisaient. Il fallait vraiment tenir compte de l'âge parce que c'est un autre paramètre qui influence considérablement à la fois la qualité de la grossesse et le devenir de l'enfant. Donc, effectivement, dans certains cas, ça pourrait peut-être être acceptable, mais, moi personnellement, j'ai des réserves par rapport à ça, parce que la meilleure façon de régler le problème ? parce que c'est un problème ? c'est de transplanter quand c'est un embryon.
Mme Caron: Puisque vous dites, Dr Lambert, qu'il y a... puis ça a été prouvé, là, les autres aussi... les autres médecins nous ont... les autres spécialistes nous ont aussi... ont été dans le même sens, à l'effet qu'avec l'âge il y a effectivement une... on augmente les possibilités de problèmes, là, au niveau des grossesses, iriez-vous jusqu'à limiter l'âge maximal?
M. Lambert (Raymond D.): Nous sommes à nouveau devant un choix de société. Est-ce qu'on devrait offrir la fécondation in vitro à des gens qui ont, je ne sais pas, 60 ans, comme ça s'est fait dans d'autres pays? C'est une chose qu'il faudra décider. Puis à quel âge faut-il arrêter? Est-ce qu'il faudrait arrêter à l'âge où normalement la femme entre en ménopause puis l'homme en andropause? Il y a une variation individuelle assez forte à ce niveau-là également, alors ce qui fait que je n'ai pas de réponse véritablement à la question. Et peut-être faudrait-il, dans un tel cas, laisser la réponse, la décision à l'équipe médicale. C'est probablement ça qui est la meilleure solution.
Mme Caron: Je vais vous poser une autre question, Dr Lambert, parce qu'on fait référence très souvent, dans le fond, que c'est une question de valeurs, une question de débat de société: Est-ce que vous pensez que le débat de société, au Québec, a eu lieu suffisamment pour qu'on en soit présentement rendu à étudier le projet de loi n° 89? Parce que dans le fond il n'y a pas eu de consultation générale. Le projet de loi n° 89, l'adoption de principe a été faite, il a été déposé en 2004, adoption de principe, 2005, il n'y a pas eu de consultation générale, il n'y a pas eu vraiment de débat public. Est-ce que vous pensez que nous devons légiférer sans aller plus loin dans le débat de société?
M. Lambert (Raymond D.): Oui, sans aucune hésitation, et pour une raison très simple, c'est que nous avons eu plein d'occasions de faire ce débat de société. Et là je vous rappelle les travaux de la commission royale, publiés... Ils ont publié leur rapport en 1991, je pense, il me semble que c'était en 1991. Écoutez, il y a eu combien... 20 millions, je pense, qui ont été dépensés dans cette commission-là. Ils ont fait le tour du Canada, ils ont rassemblé un nombre considérable de rapports. On a eu l'occasion de se prononcer il y a, bon, une quinzaine d'années, là, à peu près, ou un petit peu plus. Puis ce débat-là est dans l'air depuis déjà vraiment longtemps.
Ça fait que, s'il y a un domaine qui a été sujet de réflexion et de discussion, dans tous les domaines médicaux et dans tous les domaines de recherche confondus, je dirais que c'est celui-là. Puis en même temps je dirais aussi que c'est le domaine de pratique médicale et c'est le domaine de recherche scientifique qui est le plus encadré. Il n'y a pas d'autres domaines qui sont plus encadrés que celui-là... que ceux-là, jusqu'à maintenant. Il n'y en a pas.
Mme Caron: Par contre, vous souhaitez qu'on l'encadre davantage.
M. Lambert (Raymond D.): Oui. Moi, si c'était uniquement de la recherche, je dirais que les moyens que l'on a à notre disposition actuellement sont suffisants. Le problème qui se pose à mes yeux, à nos yeux, aux yeux des cosignataires de ce mémoire se situe non pas au niveau de la recherche: au niveau des pratiques médicales. C'est là qu'il est, le problème. Il n'est pas ailleurs que là.
Mme Caron: ...le problème est toujours au niveau des pratiques. On est en train d'étudier la loi n° 125, au niveau de la protection de la jeunesse, le problème n'est pas nécessairement au niveau de la loi, est toujours au niveau des pratiques. Je pense que le débat a eu lieu auprès des scientifiques, auprès de la médecine en général, mais, au niveau de la société en général comme telle... D'ailleurs, quand on regarde nos consultations particulières, nous allons entendre beaucoup de spécialistes, mais nous entendrons très peu de personnes de la société civile qui vont se prononcer, là, cette semaine, au cours de nos consultations particulières.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée, malheureusement il y a un autre problème.
Mme Caron: Le temps.
Le Président (M. Copeman): Il ne reste plus de temps.
Mme Caron: C'est inéluctable.
Le Président (M. Copeman): Oui, exact. Alors, M. Lambert, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire. Et j'invite immédiatement les représentants du Collège des médecins du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 1)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Collège des médecins du Québec. M. le secrétaire, Dr Robert, bonjour. Bonjour. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.
Tel que je l'ai déjà fait en privé, je vais répéter, je vous ai induit partiellement en erreur, il est fort possible, il est plus probable que, pendant cette heure de temps qui est consacrée à cet échange, les travaux de la commission seront suspendus pour effectuer une série de votes par appel nominal à l'Assemblée nationale, non pas sur le budget, comme je vous ai indiqué, mais plutôt sur le discours inaugural. Alors, c'est un devoir de chaque parlementaire d'assister à ces votes. Nous serons convoqués de la manière traditionnelle, c'est-à-dire les cloches vont se mettre à sonner. Je vais suspendre les travaux de la commission, et ça peut durer un certain temps, mais je vous rassure que nous serons de retour, on ne vous abandonnera pas, et je vais demander à mes collègues d'ailleurs qu'une fois les votes terminés on revient ici le plus rapidement possible pour qu'on puisse poursuivre nos consultations.
Alors, sans plus tarder, Dr Robert, je vous prie de présenter votre collègue et par la suite de débuter avec votre présentation.
Collège des médecins du Québec (CMQ)
M. Robert (Yves): Alors, merci, M. le Président. Alors, je vous présente Dr Marc Billard, qui est enquêteur-inspecteur à la Direction de l'amélioration de l'exercice au Collège des médecins et qui s'est intéressé de façon plus particulière à toute la question de la procréation assistée.
Je profite de l'occasion également pour excuser l'absence du président-directeur général du collège. Puisqu'on avait prévu, ce matin, rendre public, par un curieux hasard, notre énoncé de position sur les grossesses multiples, donc il est retenu à Montréal pour les tournées médiatiques qui entourent habituellement ce genre d'événement. Donc, il s'excuse de son absence à cet égard.
Donc, le Collège des médecins vous remercie, M. le Président, M. le ministre et Mmes, MM. les parlementaires, de lui permettre de vous présenter l'objet de ses réflexions relativement au projet de loi n° 89. Nous comprenons que le dépôt de ce projet de loi s'inscrit dans la foulée de l'adoption par la Chambre des communes, en mars 2004, du projet de loi C-6 visant à encadrer, au Canada, toutes les pratiques reliées à la procréation assistée et impliquant la manipulation de matériel reproductif humain.
Le projet de loi n° 89 propose pour le Québec une modalité d'encadrement des activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée de manière à assurer une pratique de qualité, sécuritaire et conforme à l'éthique. Dans ce projet, on interpelle explicitement le Collège des médecins du Québec pour qu'il participe à l'application de cette loi. Le Collège des médecins, conformément à sa mission de protéger le public par la promotion d'une médecine de qualité, assure déjà un certain encadrement en ce domaine. En effet, l'encadrement des professionnels, des médecins impliqués dans les activités cliniques reliées à la reproduction assistée sont sous notre juridiction. Mais nous sommes bien conscients du fait que la reproduction assistée nécessite un encadrement plus large. Ce domaine en pleine émergence soulève en effet de plus en plus de questions très difficiles, auxquelles la médecine et les médecins ne peuvent répondre seuls.
Tout comme il nous semblait nécessaire de nous prononcer sur l'encadrement proposé dans le projet de loi fédéral, nous estimons qu'il est de notre devoir de nous prononcer sur l'encadrement proposé ici. Voilà pourquoi nous commenterons plus particulièrement quatre aspects du projet de loi: sa pertinence, sa portée, le rôle que joue la notion de centre de procréation assistée et enfin le rôle assigné ou proposé au Collège des médecins. Tout au long des commentaires, nous utiliserons l'exemple, cité d'ailleurs par nos prédécesseurs, des grossesses multiples reliées au traitement de l'infertilité pour illustrer notre propos.
D'abord, la pertinence du projet. Avant même d'aborder le premier article de ce projet de loi, il nous semble qu'il faut se poser la question suivante: Avons-nous vraiment besoin, au Québec, d'une autre forme d'encadrement pour la procréation assistée? Le Dr Lambert faisait allusion que c'était un des domaines médicaux les plus encadrés. Donc, à prime abord, il serait tentant de répondre non à cette question, puisqu'il existe déjà un encadrement professionnel pour s'assurer du fait que la pratique médicale est une pratique de qualité, sécuritaire et conforme à l'éthique. Depuis mars 2004, il y a en plus cette loi fédérale, de nature criminelle, interdisant formellement certaines activités impliquant la manipulation de matériel reproductif et prévoyant réglementer toutes les autres.
Mais notre réponse à la question sera oui. Nous avons besoin d'une autre forme d'encadrement pour la procréation assistée, et ceci, pour au moins deux raisons: la première, c'est que la voie de la criminalisation choisie par le gouvernement fédéral nous apparaît excessive quand il s'agit d'activités cliniques; et la seconde, c'est que le seul encadrement professionnel des pratiques cliniques ne nous apparaît pas suffisant non plus, et on l'expliquera dans quelques minutes.
Comme nous l'avons déjà exprimé dans nos mémoires déposés au gouvernement fédéral en 2001 et 2002, des pratiques comme le clonage reproductif ou la commercialisation pure et simple de la reproduction sont largement considérées comme inacceptables, et elles méritent des sanctions criminelles. Là n'est pas la question. Mais toutes les pratiques de reproduction assistée ne sont pas de cet ordre. Selon nous, ce sont des activités qu'il faut encadrer comme on encadre généralement des activités cliniques ou des activités de recherche, pas des actes criminels. Les cliniciens et les chercheurs n'ont pas à être traités comme des criminels en puissance. Par contre, il faut bien admettre que, malgré des pratiques et un encadrement professionnel adéquats, des problèmes sont survenus dans ce domaine d'activité en pleine émergence.
Prenons l'exemple des grossesses multiples secondaires aux traitements de l'infertilité. Ces nouvelles technologies offrant d'immenses espoirs, personne n'a réalisé jusqu'à tout récemment les conséquences parfois tragiques qui leur sont associées. Nous réalisons maintenant que ces traitements provoquent souvent des grossesses multiples et que ces grossesses comportent à leur tour, comme ça a été cité précédemment, un risque de prématurité et de handicap chez les enfants. En rétrospective, plusieurs prétendent que le problème était prévisible et qu'il aurait pu être évité. Mais qui pouvait prévoir que l'on sauverait de plus en plus de grands prématurés? Qui pouvait anticiper le problème avant qu'il ne se manifeste comme un problème évident de santé publique? Il n'est pas certain que toutes ces conséquences étaient prévisibles. Les pratiques les plus à risque de donner des grossesses multiples ne sont pas nécessairement celles qui s'éloignent le plus des processus naturels et qui nécessitent une manipulation du matériel reproductif. La réimplantation de plusieurs embryons dans le cadre de la fécondation in vitro explique probablement un moins grand nombre de grossesses multiples que la stimulation ovarienne, plus largement utilisée. Sans le justifier, cet exemple illustre bien le fait que les risques associés à certains traitements peuvent finir par dépasser les avantages qu'ils procurent.
La façon dont les questions morales se posent en clinique est très concrète: Les avantages de nos interventions valent-ils toujours les risques encourus? D'ailleurs, les médecins ont l'habitude de s'éloigner des processus naturels et de devoir bien mesurer les risques de leurs interventions par rapport aux avantages. C'est ce qu'ils font toujours. Mais la procréation assistée rend cet exercice particulièrement difficile.
Les avantages de traiter une maladie valent habituellement les risques encourus, mais l'infertilité est-elle une maladie comme les autres? Doit-on exiger que les risques de son traitement soient minimes, sinon nuls? Déjà, les risques associés au traitement de l'infertilité sont particuliers. Ils ne concernent pas seulement les patients eux-mêmes, ils concernent aussi des tiers, en l'occurrence leurs enfants. Souvent, ces risques se manifestent tardivement chez les enfants, de sorte que ni les parents ni les médecins concernés ne sont en position de les évaluer correctement. En outre, les contextes psychologiques ? c'est-à-dire vouloir un enfant à tout prix ? et économiques ? ce service très coûteux n'est pas couvert par le régime d'assurance maladie ? entourant ces traitements portent autant les médecins que les patients à minimiser l'importance des risques. Bref, le point d'équilibre entre les avantages et les risques n'est pas facile à trouver.
Voilà au fond pourquoi il faut un autre encadrement. Il faut un encadrement assez proche de l'encadrement professionnel pour respecter cette dynamique de mise en équilibre des avantages et des risques, mais assez distant de lui pour que certains risques, qui échappent aussi bien aux médecins qu'aux patients, puissent quand même être pris au sérieux. La procréation assistée soulève des enjeux sociaux qui interpellent non seulement les patients et les médecins impliqués personnellement, ainsi que les responsables de leur encadrement professionnel, mais aussi les responsables de santé publique, les responsables politiques et ultimement l'ensemble des citoyens.
n(16 h 10)n L'encadrement proposé dans ce projet de loi nous semble reposer sur un principe moral qui est depuis longtemps au coeur de toutes les activités cliniques et de recherche, celui d'assumer les conséquences de ses actes et de devoir en mesurer les avantages et les risques. Autour de ce principe, qui ne s'applique pas seulement aux médecins et aux chercheurs, mais également aux décideurs, aux patients et aux citoyens, il est effectivement possible de rallier tous les acteurs et de mettre leurs efforts en commun. Pour nous, il est évident que cette approche est beaucoup plus pertinente que celle qui pense bien faire en ignorant les pratiques existantes.
À l'article 2 du projet de loi, on définit la procréation assistée de façon assez large, comme, et je cite, «tout soutien apporté à la reproduction humaine», ce qui inclut un très grand nombre d'activités cliniques, dont la stimulation ovarienne ? quel que soit le procédé utilisé ? ou l'insémination artificielle ? même avec le sperme du conjoint, qu'il serait sûrement plus juste de désigner comme le partenaire. Disons-le, la définition proposée est beaucoup plus large que la définition courante, qui se limite généralement aux techniques spécialisées impliquant une manipulation du matériel reproductif, comme par exemple la fertilisation in vitro.
Nous reconnaissons qu'une définition aussi élargie présente des avantages. Comme il manque de données sur plusieurs des activités cliniques de procréation assistée, nous ne savons pas encore lesquelles présentent le plus de risques, d'où la pertinence de ne rien laisser échapper. Reprenons notre exemple des grossesses multiples. Si la majorité des grossesses multiples proviennent effectivement de la stimulation ovarienne, il ne suffira donc pas pour les éviter de statuer sur le nombre d'embryons à implanter dans le cadre de la fertilisation in vitro, comme plusieurs le proposent. Ce n'est probablement que la pointe de l'iceberg.
Par contre, il y a des inconvénients à vouloir encadrer toutes ces activités, surtout si l'encadrement doit se faire en les confinant dans des centres. Il faudrait alors tout centraliser. C'est d'ailleurs ce qui est proposé dans le projet de loi, et je cite, à l'article 5: «Nul ne peut exercer une activité de procréation assistée ailleurs que dans un centre de procréation assistée», un centre étant défini comme «tout lieu aménagé pour exercer des activités de procréation assistée», que ce soit en établissement, en cabinet privé ou dans un laboratoire. Étant donné la très grande portée que l'on veut donner au projet de loi, il faut absolument clarifier cette notion de centre de procréation assistée et questionner le rôle déterminant qu'on veut leur faire jouer. C'est ce que nous aborderons maintenant.
À notre avis, plusieurs des activités de procréation assistée visées par ce projet de loi peuvent, jusqu'à preuve du contraire, continuer à se faire là où elles se font déjà. Selon nous, il faut craindre les effets pervers d'une spécialisation et d'une centralisation excessives, qui risquent finalement de pénaliser les personnes les plus démunies ou habitant les régions éloignées, et ce, sans nécessairement avoir une raison valable. Sans vouloir entrer dans la discussion du problème bien réel de l'accessibilité de ces services, il faut quand même se demander si cette centralisation, loin de régler le problème, ne risque pas de l'empirer.
En fait, certaines activités sont pratiquées à l'intérieur d'un centre de procréation assistée à cause des risques qu'elles comportent et du degré de spécialisation qu'exigent les techniques utilisées. Une intervention aussi spécialisée que la fertilisation in vitro ne peut se faire n'importe où, pour revenir à l'exemple. Mais pourquoi la stimulation ovarienne à l'aide de citrate de clomiphène, ce qu'on appelle le Clomid, ne pourrait-elle pas continuer à se faire en première ligne, dans un cabinet de médecin ne possédant pas de permis spécial? Est-il vraiment nécessaire d'exercer à l'intérieur d'un centre pour respecter le protocole de monitorage des cas de gonadotrophine exogène? De la même façon, les banques de sperme nécessitent évidemment d'être logées dans un centre pour que l'on puisse contrer certains risques, ne serait-ce que des risques infectieux. Mais les données actuelles ne justifient pas tant d'exigences pour l'insémination avec le sperme du partenaire. Certaines activités ne comportent pas de risques suffisamment documentés pour exiger qu'on les pratique dans un centre. Seules de nouvelles données justifieraient une telle exigence.
Malheureusement, au Québec, comme partout ailleurs, soit dit en passant, il n'y a pas de mécanisme de surveillance épidémiologique et de suivi permettant de bien mesurer les risques des divers traitements de l'infertilité. C'est d'ailleurs pourquoi les normes varient tant d'un endroit et d'un organisme à l'autre concernant, par exemple, le nombre d'embryons à implanter en fertilisation in vitro. Il en va de même pour la stimulation ovarienne. L'usage des gonadotrophines exogènes semble présenter beaucoup plus de risques de grossesses multiples que celui du Clomid, mais il n'y a pas d'étude permettant de dire combien de grossesses multiples sont imputables à ce médicament utilisé beaucoup plus largement.
Selon nous, il est nécessaire de procéder à ces données avant de créer de nouveaux centres, puisque c'est l'évaluation des risques qui devrait déterminer les activités nécessitant un encadrement plus strict. Le ministre s'étant réservé le pouvoir de désigner ces activités par réglementation en tout temps, articles 26 et 27, il nous semble préférable de procéder par étapes, sans vouloir tout régler d'un seul coup. Il serait tout à fait possible d'entreprendre dès maintenant certaines études, et je vous en donne quelques exemples.
Nous pensons, par exemple, à des études rétrospectives à partir des registres de naissances. On connaît qui sont les grossesses multiples, pourquoi ne pas chercher à savoir d'où proviennent ces grossesses multiples, quelle était l'origine de ces grossesses? De telles études permettraient de préciser, parmi les grossesses multiples, lesquelles sont imputables aux différents traitements de l'infertilité. Ce serait un premier repérage. Nous pensons aussi à des études longitudinales sur le développement des enfants qui ont déjà été impliqués dans ces différents traitements. Ce qu'on appelle des études de «outcome» dans notre jargon épidémiologique.
La recherche dans le domaine de la reproduction assistée, dont il est question à l'article 7 du projet de loi, peut en effet prendre plusieurs formes. Selon nous, on devrait promouvoir ce type particulier de recherche consistant à mieux identifier, analyser et documenter les problèmes. Ensuite, on pourrait mieux orienter la recherche fondamentale et les projets de recherche clinique vers des hypothèses susceptibles d'apporter certaines solutions. Cette façon de faire exigerait toutefois un assouplissement de l'article 5 du projet de loi et une réglementation à l'avenant. Les dispositions prévues dans le projet de loi concernant l'agrément des centres, l'émission de permis, l'inspection et la reddition de comptes offrent un cadre intéressant, mais l'appliquer d'emblée à toutes les activités de procréation assistée pourrait compromettre les équilibres actuels qui, sans être parfaits, ont au moins le mérite d'exister. Seule une activité structurée de surveillance comportant la cueillette et l'analyse continue de données validées permettra une meilleure analyse des risques, afin de déterminer progressivement les activités devant être mieux encadrées, au point d'exiger qu'elles soient toujours faites dans un centre, ce qui, il faut le dire, nécessite un certain temps et des ressources.
Revenons au rôle du Collège des médecins. Dans un contexte où tous les partenaires sont appelés à participer, il importe que les rôles assignés à chacun soient clairs. À cet égard, nous aimerions mieux préciser quel rôle les médecins et le collège peuvent jouer dans cet encadrement.
Plusieurs dispositions du projet de loi visent à ce que le ministre demande des avis au collège quant à la qualité des services, aux normes de pratique à respecter dans les centres et à la compétence des médecins y exerçant. L'une des premières fonctions dévolues au collège est effectivement d'assurer la compétence des médecins. Nous pouvons vous assurer d'emblée que la collaboration du collège est en ce sens déjà acquise. Il faut toutefois préciser que le collège émet des permis d'exercice et non des certificats de compétence dans un domaine particulier. Quant aux normes de pratique, il faut préciser que le collège ne les invente pas, elles s'établissent selon un processus beaucoup plus complexe, notamment par le biais des sociétés savantes, qu'il faut aussi amener à collaborer. Le collège contribue à promouvoir ces normes au niveau de l'agrément, entre autres, ou au niveau de l'inspection professionnelle, qu'il faut bien distinguer de l'inspection du centre lui-même, aux fins d'émission d'un permis d'exploitation, par exemple.
Le collège peut aussi contribuer en émettant des énoncés de position, comme il vient tout juste de le faire, ce matin, pour les grossesses multiples reliées au traitement de l'infertilité, ou des lignes directrices lorsque les normes à appliquer deviennent de plus en plus évidentes. Il faut effectivement insister sur le fait que les normes à appliquer sont loin de faire l'unanimité dans le domaine de la procréation assistée. La littérature est claire là-dessus. Aussi, nous ne sommes pas les seuls à penser que les normes trop strictes n'ont pas leur place ici, encore moins les sanctions criminelles, quand les normes sont enfreintes.
L'exemple des grossesses multiples permet de comprendre un peu mieux toute la difficulté d'imposer des normes en ce domaine. La question de savoir comment réduire les risques de grossesses multiples sans trop réduire le taux de succès du traitement n'a pas de réponse facile. Est-ce en implantant moins d'embryons en fertilisation in vitro et, si oui, combien? Est-ce par un meilleur monitoring de la stimulation ovarienne? Ce monitoring est-il nécessaire pour tous les inducteurs de l'ovulation? Nous ne le savons pas encore. Quel degré de risque sommes nous prêts à assumer comme médecins, comme parents et comme société? Nous le savons encore moins.
Il nous semble clair que le plus urgent actuellement est de colliger les données et de mieux préciser les problèmes pour pouvoir collectivement leur trouver de bonnes réponses. Selon nous, les médecins sont prêts à collaborer pourvu qu'on ne leur demande pas de rendre compte par écrit de tout ce qu'ils font, sans égard aux problèmes que l'on cherche réellement à documenter et à régler. Pour le moment, l'important n'est pas d'obliger tous les professionnels qui veulent travailler dans le domaine de la procréation assistée à le faire dans des centres et à inscrire tout ce qu'ils font dans des formulaires. L'important est de les encourager à détailler les procédures qu'ils emploient, à se préoccuper des risques, du consentement des parents, libre et éclairé, et du suivi, et à collaborer au recueil des données pertinentes. Cette approche nécessite en fait la collaboration de tous et plus particulièrement des professionnels de la santé publique, qui ne sont pourtant pas sollicités explicitement dans le projet de loi.
n(16 h 20)n Dans le même ordre d'idées, nous aimerions aussi noter que le projet de loi, s'il appelle à la collaboration de tous, ne prévoit aucun mécanisme pour assurer la coordination des efforts de chacun. Si certains problèmes sont trop longtemps passés inaperçus dans le domaine de la procréation assistée, c'est bien parce que, malgré les nombreux acteurs impliqués, aucun n'a vraiment pris sur lui la responsabilité de les soulever. C'est justement pourquoi il nous faut un nouvel encadrement ? et le projet de loi n° 89 nous en donne l'occasion ? qui ne peut se résumer à une simple juxtaposition de ceux qui existent déjà. Il faut un liant, et nous pensons que ce projet de loi est l'occasion ou jamais de le créer.
En conclusion, le collège est d'avis que ce projet de loi est pertinent parce qu'il offre pour le domaine de la procréation assistée un encadrement au sein duquel les pratiques cliniques et de recherche peuvent évoluer sans pour autant nier les problèmes qui surgissent; que le choix de s'adresser à toutes les activités de procréation assistée est le bon; cependant, ce choix oblige à distinguer en fonction des risques encourus les activités devant être pratiquées dans un centre de celles qui peuvent être pratiquées en dehors d'un tel centre; qu'il faut mettre en place des mécanismes actifs de surveillance épidémiologique et de suivi si l'on veut vraiment que les problèmes soient soulevés et les risques documentés; qu'il faut également promouvoir des activités de recherche susceptibles d'apporter certaines réponses aux problèmes soulevés; et enfin que la coordination nécessaire pour que les normes de pratique soient régulièrement ajustées à l'évolution des connaissances, des mentalités et des pratiques est ce qu'il manque le plus présentement.
Pour nous, le véritable défi dans le domaine de la reproduction assistée, comme dans beaucoup d'autres domaines en émergence, n'est pas tant de multiplier les encadrements et les normes que d'apprendre, tous ensemble, à avoir des attentes plus réalistes par rapport aux traitements médicaux. Dans la mesure de son mandat, le collège est tout à fait prêt à s'impliquer avec les autres partenaires pour relever ce défi. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Dr Robert et Me Billard, pour votre visite et vos commentaires. La première question découle un peu de la présentation qui vous a précédés ? vous étiez dans la salle, je crois. Deux éléments ont retenu mon attention ? vous avez vu qu'on a eu un échange, M. Lambert et moi ? d'abord le niveau d'encadrement nécessaire des pratiques médicales. Alors, vous dites: Oui, ça prend un encadrement. Et le projet de loi est là pour en apporter certains éléments, on verra à le bonifier. Jusqu'à quel point les pratiques médicales elles-mêmes ? combien d'embryons on transfère, quelle sorte de suivi médical qu'il faut apporter ? doivent faire l'objet de législation, à votre avis?
M. Robert (Yves): En fait, je crois que le projet de loi devra apporter le cadre à l'intérieur duquel les activités cliniques doivent se pratiquer, parce qu'au-delà des lois, au-delà des principes moraux, il y a des technologies médicales qui sont là, qui sont en émergence, et, comme tous les domaines en émergence, les normes s'établissent au fur et à mesure des recherches et de l'évolution des connaissances.
Donc, ce que je peux vous dire, pour avoir communiqué avec beaucoup de nos membres qui font de la procréation assistée, on est très préoccupés de s'assurer d'avoir le meilleur service possible en réduisant au minimum les risques auxquels on expose les mères, les couples et aussi les enfants. Et donc ces normes-là... Il n'existe pas de norme internationale là-dedans; il y a plusieurs tentatives qui sont faites, mais on a tendance à croire que, par exemple pour la fertilisation in vitro, on devrait implanter le moins d'embryons possible, et il semble y avoir un certain consensus autour de un à deux embryons, et là ça peut dépendre de l'âge de la patiente, du risque lié à ça. Il y a beaucoup de facteurs qui doivent être analysés. Et donc il doit y avoir une certaine place pour permettre d'avoir des pratiques cliniques reconnues mais qui nous permette de les évaluer au fur et à mesure, pour les ajuster avec le temps.
Donc, c'est extrêmement difficile d'établir ces normes-là. Il faut savoir qu'elles évoluent. C'est encore plus difficile de légiférer là-dessus, puisqu'il faut laisser de la place pour de l'innovation et des ajustements appropriés. Donc, on sait le temps que ça prend pour modifier des législations, donc ce serait difficile et probablement pas opportun de fixer ou de geler les choses de façon trop rigide.
M. Couillard: Je suis entièrement d'accord avec vous là-dessus. Deuxièmement, il y a une question qui a été posée tantôt, on a fait une distinction entre l'aspect recherche de la procréation assistée puis l'aspect clinique, et ce qui a été présenté comme opinion, c'est que l'aspect clinique devait actuellement être considéré comme expérimental. Est-ce que, pour le Collège des médecins, les activités cliniques de fertilisation in vitro sont des activités expérimentales?
M. Robert (Yves): Alors, c'est intéressant, parce que, la semaine dernière, si vous l'avez vu, on émettait un énoncé de position sur les traitements non reconnus. Et effectivement la médecine a évolué par plusieurs domaines en émergence, avec plusieurs nouvelles technologies, avec l'évolution des connaissances. Depuis le temps qu'il se fait maintenant de la recherche dans le domaine de la fertilisation in vitro, c'est effectivement difficile de dire qu'il s'agit là maintenant d'une technique, dans tous ses aspects, expérimentale. Plusieurs de ces techniques sont bien connues, et, à ce moment-là, l'aspect expérimental devient moins évident. Les données sont quand même présentes dans plusieurs cas, et donc, dans ce sens-là, il y a plusieurs activités cliniques qui ne relèvent pas de la recherche, et, dans ce sens-là, comme pour d'autres domaines en émergence dans la médecine, ce serait extrêmement difficile. Lorsque les sommités dans le domaine établissent ce qu'on appelle un «state-of-the-art», c'est-à-dire l'état des connaissances dans le domaine, ça devient, à ce moment-là, un traitement reconnu, une pratique relativement normalisée, dans les aspects qui sont standardisés, tout en ayant une place pour de la recherche. Donc, on imaginerait mal que, par exemple, dans des nouvelles technologies, quelles qu'elles soient, on soit obligé de passer devant un comité d'éthique de la recherche, par exemple, à chaque fois qu'on a une nouvelle technologie pour laquelle l'ensemble de la communauté médicale la reconnaît.
Donc, je pense qu'il faut essayer d'établir la distinction en ce qui est reconnu véritablement comme un traitement reconnu de l'infertilité, d'une part, des domaines de recherche clinique, et je crois que les connaissances actuellement, surtout des experts dans le domaine, nous permettraient d'assez bien distinguer les deux éléments.
M. Couillard: D'autant plus qu'il existe déjà un organisme au Québec pour évaluer les nouvelles technologies, qui est l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé. Donc, en cas d'émergence d'une technologie inattendue ou qui pose problème, comme on le fait d'ailleurs régulièrement chaque année, ce serait l'agence toute désignée pour donner un avis éclairé sur cette question-là.
Je dirais que vos remarques, compte tenu de la définition des activités de procréation dans les centres, sont bien entendues. D'ailleurs, on va proposer des amendements aux articles qui vous préoccupent pour faire en sorte de ne pas bloquer l'accessibilité, là, notamment pour les activités de niveau plus... je ne dirais pas les soins nécessairement de première ligne, mais première, deuxième ligne, nécessairement, par exemple l'induction ovarienne, et ce genre de chose là.
Quant à la nécessité de se doter d'une coordination, vous avez entièrement raison: un des buts poursuivis par le projet de loi ? ce n'est peut-être pas suffisamment clair ? c'est d'assurer cette coordination au niveau du ministère et nommément du ministre, quel qu'il soit ou qu'elle soit, dans les prochaines années, qui serait imputable de ce rôle de mobilisation et de coordination. Est-ce que vous pensez que ça devrait être mieux exprimé? J'ai l'impression que vous n'avez pas vu ce rôle-là qu'on a voulu mettre. Est-ce que vous pensez que ça devrait être plus clair dans le projet de loi?
M. Robert (Yves): C'est à vous, parlementaires, de juger de cela en fait, quel que soit le fait de le mettre dans la loi ou de le voir de façon implicite. Ce n'est pas effectivement explicite dans la loi qu'il y a un mécanisme de coordination et quel va être ce mécanisme de coordination, quels vont être les rôles de chacun. Peut-être y a-t-il lieu de le préciser, mais c'est à vous de juger, un peu de ce côté-là. Ce qui nous apparaît fondamental, c'est que cette coordination existe. Donc, qu'elle soit implicite ou que ce soit évident que le ministère prenne le relais de la coordination et de l'implantation de cette loi, nous n'avons pas de problème là-dessus, sauf qu'il faut que cette question-là soit prise en compte.
M. Couillard: Dans votre énoncé de position, vous faites un appel en fait à la prudence de la part des médecins notamment pour les procédures de stimulation ovarienne, mais vous n'êtes pas très directifs, probablement à dessein, étant donné l'émergence de nouvelles notions puis de changement de connaissances. Vous avez préféré plutôt vous en tenir à un appel, je dirais, assez large à la prudence, sans être extrêmement directifs quant aux mesures particulières à prendre ou aux techniques à éviter ou à promouvoir. Est-ce que c'est l'attitude que vous pensez garder pour le futur proche, dans cette question-là?
M. Robert (Yves): En fait, je devrais dire que l'objectif de notre énoncé de position ce matin était d'une part de s'adresser à nos membres en leur disant l'importance d'être prudents dans les tentatives d'intervention qu'ils font et de bien informer, de façon libre et éclairée, les patients, mais aussi beaucoup le public. C'est un domaine sensible où, les couples infertiles, le désir d'enfants est tellement grand que la tendance à vouloir minimiser les risques est là. Donc, ça nous apparaissait important, dans notre perspective de protection du public, de faire en sorte que les attentes face aux nouvelles technologies, et particulièrement dans le domaine de la procréation assistée, soient balisées et qu'on reconnaisse que ce type d'intervention là n'est pas une intervention banale, elle est associée à des risques, et il faut que ces risques-là soient connus. Et donc notre objectif en était un d'abord pédagogique.
Mais il faut bien comprendre également que, lorsqu'on parle de fertilisation in vitro et de techniques de reproduction assistée, il y a un très petit nombre de nos membres que ça concerne de façon très précise. On parle peut-être d'une quinzaine de fertologues au Québec. Donc, je crois qu'il n'y a pas nécessairement lieu d'être très directifs pour l'ensemble de nos membres, dans un contexte où une intervention plus ponctuelle et précise atteint le même objectif.
M. Couillard: Vous avez dit «fertologue», c'est ce que j'ai cru...
M. Robert (Yves): C'est apparemment le nouveau terme. La société... Mes collègues sont là pour en témoigner.
M. Couillard: C'est intéressant. Voilà quelque chose qu'on va ajouter à notre dictionnaire.
M. Robert (Yves): Voilà.
M. Couillard: Ah! Les cloches sonnent. Est-ce qu'on interrompt immédiatement ou on prend quelques minutes? On interrompt immédiatement?
Le Président (M. Copeman): Je pense qu'on serait mieux de suspendre, à moins que vous m'indiquiez que vous avez très peu de...
M. Couillard: C'est une question qui demande une réponse assez brève, je crois, là, mais je ne sais pas si...
Le Président (M. Copeman): Mais vous allez poursuivre par la suite de toute façon?
M. Couillard: Je vais poursuivre par la suite de toute façon.
Le Président (M. Copeman): Bien, je pense qu'on est mieux de suspendre immédiatement, puis on va poursuivre dès qu'on est libérés de nos responsabilités comme parlementaires. Alors, je suspends les travaux de la commission pour un certain temps. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous étions à la période d'échange avec le parti formant le gouvernement. Selon mes calculs, il reste à peu près 12 minutes dans l'échange. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, si vous voulez poursuivre.
M. Couillard: Oui, M. le Président. Je serai très bref parce qu'on a déjà retardé nos travaux en raison des activités de l'Assemblée. Je veux juste terminer un peu en rappelant que, s'il y a 15 fertologues, il y a quand même un grand nombre de médecins qui prescrivent des stimulants ovariens. Alors, je pense que le bassin de médecins qui doit être visé par les directions et les lignes directrices est quand même plus grand.
Et, comme les règles de consentement éclairé s'appliquent également dans ces questions-là, incluant la stimulation ovarienne, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'émettre... ou de songer à être plus directifs quant au niveau de consentement éclairé qu'on rappelle aux médecins d'obtenir, dans ces procédures-là, ou c'est déjà le cas?
M. Robert (Yves): En fait, pour faire le lien avec un des éléments qu'on avait mentionnés tantôt, ce qui va être important beaucoup pour pouvoir émettre des recommandations, c'est de savoir quelles recommandations émettre, c'est-à-dire d'avoir des données à partir desquelles on va pouvoir circonscrire là où est le problème, pour être en mesure de donner des recommandations appropriées au problème qui va avoir été identifié. Donc, d'où l'importance de mettre en place ces données qui vont nous permettre de bien conseiller et de bien orienter nos membres en fonction d'une ligne directrice qui va permettre d'atteindre l'objectif qu'on vise. Et donc c'est notre souci d'effectivement, éventuellement, lorsque ces données seront disponibles, d'émettre des lignes directrices appropriées pour pouvoir suivre ces pratiques.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que ça va, à ma droite? Oui? Alors, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et d'action...
Mme Caron: ...communautaire.
Le Président (M. Copeman): ...communautaire. Excusez-moi.
Mme Caron: Un mot de plus. C'est beau. Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Dr Robert, Dr Billard. Vous souhaitez effectivement promouvoir des activités de recherche pour avoir un meilleur portrait finalement au niveau des problèmes soulevés. Par contre, autant les spécialistes, ce matin, que celui qui vous a précédés, on a quand même des tableaux assez précis et on sait quand même qu'il y a certaines activités qui amènent davantage de problèmes. Et je pense que ça, c'est déjà connu. Alors, vous ne pensez pas que, sur la partie qui est connue, on ne devrait pas être davantage... mettre davantage de balises, vu qu'on connaît davantage les risques?
M. Robert (Yves): Ces balises-là sont en cours de définition. Il faut bien comprendre que les données qu'on a ? on a probablement des données canadiennes là-dessus; au niveau du Québec, on a probablement aussi des données, mais ? ces données-là ne sont pas colligées de façon centrale, si je peux dire, au niveau du Québec. Donc, pour pouvoir aller un peu plus loin dans le sens que vous exprimez, je pense qu'il va falloir pouvoir avoir une analyse assez précise pour savoir exactement de quoi on parle, où sont les endroits où il y a des problèmes, s'il y en a, quelle est la nature des problèmes qui sont identifiés, pour qu'on puisse émettre de façon appropriée les recommandations.
Oui, il y a des choses qui sont connues, mais il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'inconnues encore. Je fais juste allusion au nombre d'embryons à implanter, par exemple. Vous allez entendre plusieurs opinions probablement et qui doivent permettre une individualisation d'une décision, parce qu'au bout de la ligne il y a un couple, une femme, un patient et avec un médecin, puis ils doivent prendre une décision la plus appropriée pour ce couple et cette personne en particulier. Donc, on peut établir un certain nombre de normes, mais il y a, au-delà de ça, une décision individualisée qui se prendra.
Et donc il y a des limites aussi à établir des normes, mais il peut y avoir des orientations qui peuvent être déterminées par la science, d'une part, mais aussi par la société, d'autre part, c'est-à-dire qu'est-ce qui est acceptable comme risque, à un moment donné. Et ça, ce n'est pas uniquement les médecins, même s'ils vont contribuer de façon significative au débat, ce n'est pas uniquement les médecins qui vont devoir déterminer ce genre de choses là.
Mme Caron: Je suis parfaitement d'accord avec vous. D'ailleurs, quand on souhaite un comité pour encadrer, on ne souhaite pas que ce soient uniquement les médecins qui soient sur ce comité, parce que, oui, il y a effectivement des valeurs de société aussi à défendre et, oui, il y a le risque au niveau de la femme, au niveau de la patiente, mais aussi le risque pour l'enfant à naître.
Et, à cet égard-là, dans votre mémoire, vous nous indiquez: «Nous réalisons maintenant que [les] traitements ? vous parlez des nouvelles technologies ? provoquent souvent des grossesses multiples [...] que ces grossesses comportent à leur tour un risque de prématurité et de handicaps chez les enfants.» Par contre, vous nous dites aussi: «En rétrospective, plusieurs prétendent que le problème était prévisible et qu'il aurait pu être évité. Mais qui pouvait prévoir que l'on sauverait de plus en plus de grands prématurés?» Vous savez qu'il y a un autre gros débat là-dessus, hein, sur...
M. Robert (Yves): Tout à fait. Qui va faire l'objet d'ailleurs d'un colloque à notre assemblée générale, cette année.
Mme Caron: ... ? tout à fait; sur ? l'acharnement thérapeutique. Et je me souviens très bien que, l'an dernier, avec Dr Marois, on avait vu un film assez dramatique et on avait rencontré les parents, et qui eux trouvaient ça plus que déplorable que cet acharnement-là finalement compromette la vie des enfants, là, leur vie complète, et celle des parents aussi. Alors, oui, on sauve plus de grands prématurés, mais est-ce que c'est vraiment la bonne décision que l'on prend? Ça aussi, ça pourrait faire l'objet d'un grand débat.
Je veux vous remercier: aussi, on nous a remis votre énoncé de position sur le traitement de l'infertilité, les grossesses multiples et leurs risques; je pense que ça nous donne un outil de plus lorsqu'on aura à faire le travail article par article.
Une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues. Vous souhaitez... Parce que je trouve qu'il y a comme une certaine incohérence, dans le sens que... Dans un sens, quand je lis votre mémoire, je serais prête à dire que, comme il y a beaucoup de questions qui n'ont toujours pas de réponses, comme c'est un domaine en pleine émergence, je serais portée à dire qu'on est un peu à un stade expérimental. Par contre, quand le ministre vous a posé la question, tantôt, à savoir si on se retrouvait dans un stade expérimental, malgré toutes ces réserves-là qu'on sent tout au long de votre mémoire, vous nous dites: Non, parce qu'on a fait... on le fait quand même depuis 20 ans, il y a des techniques qui sont employées depuis 20 ans. Par contre, vous nous dites en même temps qu'on n'a pas le vrai portrait, qu'on n'a pas les résultats au niveau du Québec. Donc, est-ce qu'on est... on ne serait pas à un stade expérimental?
M. Robert (Yves): Je persiste à dire non, de façon globale, parce que ces techniques ont été mises en place et évoluent depuis une vingtaine d'années, comme vous le dites, donc il y a un certain nombre de choses qui sont connues. Mais tout n'est pas connu. Et ce n'est pas parce qu'on en a... Tout n'est pas clair, tout n'est pas blanc ou noir. Il y a des choses qui sont connues, et qui font partie de ce que j'appellerais des traitements dits reconnus, et qui font partie de ce que tout médecin dans ce domaine offrirait à une femme ou à un couple qui aurait un problème d'infertilité. Ça, c'est une chose. Mais, de l'autre côté, il y a des nouvelles technologies qui ne cessent d'apparaître et qui, elles, doivent faire l'objet d'une recherche particulière pour répondre aux questions qui préoccupent les gens, à savoir quels sont les bénéfices de ces nouvelles techniques par rapport aux risques qu'ils représentent.
Donc, il reste un élément à documenter, et ça va fonctionner en parallèle inévitablement. Et, plus il va y avoir des connaissances qui vont avoir été établies du côté de la recherche, plus elles vont pouvoir être intégrées, au fur et à mesure de l'évolution de ce domaine, du côté des activités cliniques, qui seront considérées, dans ce domaine spécialisé, comme étant des activités reconnues et courantes.
Oui, je comprends votre malaise à percevoir une certaine ambiguïté, sinon un paradoxe, dans ce qu'on dit, mais il y a une cohérence là-dedans comme dans tout domaine en émergence. Celui-là en est un, il y en a d'autres dans la médecine, où il y a beaucoup d'éléments nouveaux qui, au fur et à mesure que les connaissances s'établissent, entrent du côté des traitements reconnus. Et c'est comme ça que la médecine évolue dans tous ses domaines.
Mme Caron: Vous le considérez en émergence mais non pas en stade expérimental?
M. Robert (Yves): Voilà. Pour tous ses aspects. Ce n'est pas... Globalement, là. Il y a des éléments qui sont expérimentaux, il y a des éléments qui doivent être considérés comme des activités cliniques reconnues.
n(17 h 30)nMme Caron: Dernière question ? j'en avais oublié une, je m'excuse auprès de mes collègues. Dans votre mémoire, vous vous inquiétez aussi des centres de procréation assistée, où ce serait une surspécialisation finalement, ce serait concentré, et on n'aurait pas de services au niveau des régions éloignées, et vous dites que ça risquerait, cette centralisation excessive, finalement de pénaliser les personnes les plus démunies. Entre vous et moi, est-ce que vous pensez vraiment, dans le système actuel, avec la rémunération actuelle qui est offerte, de crédit d'impôt, que les personnes les plus démunies ont véritablement accès à la procréation assistée?
M. Robert (Yves): Tout dépend comment vous la définissez. M. le ministre, tantôt, faisait allusion à une certaine hiérarchisation des activités cliniques. Prescrire du Clomid, du clomiphène, si on obligeait à centraliser dans des centres officiellement reconnus la prescription de clomiphène, là on aurait un problème, parce que ce n'est pas de la très haute technologie et c'est actuellement déjà prescrit dans plusieurs régions. C'est à ça qu'on faisait allusion.
Deuxième élément, les gonadotrophines. Les gonadotrophines peuvent être prescrites par... c'est un deuxième niveau, si on veut, ou du moins des soins secondaires qui peuvent être prescrits par un médecin spécialiste ? ça, je ne verrais pas un médecin de première ligne prescrire ça; un médecin spécialiste ? dans un... mais un gynécologue-obstétricien, quel que soit l'endroit où il pratique au Québec.
Et un troisième niveau, dans un centre tertiaire, qui serait précisément le centre de procréation assistée, où là on entre dans des technologies raffinées du style fertilisation in vitro, qui demandent une infrastructure beaucoup plus complexe, si je peux dire.
Donc, c'est dans de sens-là qu'on disait que ce serait peut-être de priver des personnes démunies d'un certain niveau d'accès à des services qui est déjà disponible et que là on obligerait à centraliser. Donc, il y aurait un risque à notre avis de réduire l'accessibilité à ce type de niveau là.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Dubuc.
M. Côté: Merci, M. le Président. Petite question, ça va être très court, je vais laisser ma collègue vous poser les questions un peu plus élaborées. Au point de vue recherche, vous faites des recherches, vous dites, dans votre énoncé de position de même que dans votre mémoire: Il y a des recherches qui se font actuellement sur les techniques d'infertilité. Mais est-ce qu'il y a un lien qui se fait avec les recherches sur les causes de l'infertilité?
Parce qu'actuellement on dit qu'il y a beaucoup d'infertilité chez les jeunes causée, bon, par peut-être des maladies transmises sexuellement ou des... un paquet de choses aussi. Mais est-ce que les deux travaillent en silo ou s'il y a une symbiose qui se fait où on essaie... les gens qui travaillent dans les cliniques spécialisées communiquent avec les scientifiques qui font de la recherche sur l'infertilité? Comment ça fonctionne? Écoutez, je suis un néophyte, hein, j'ai de la misère un petit peu à tout saisir ces choses-là.
M. Robert (Yves): Je ne vous dirais pas que je suis un spécialiste non plus dans l'ensemble de ce domaine-là. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que de façon générale les médecins suivent la littérature, ce qui se publie. Et donc les recherches dans différents domaines connexes les uns aux autres, comme par exemple les recherches sur les causes de l'infertilité, comme la recherche sur la solution ou le traitement de l'infertilité, c'est évident que les médecins se tiennent au courant globalement des éléments de l'un et de l'autre.
Traiter les causes, c'est essayer de prévenir. Vous faisiez allusion aux infections transmissibles sexuellement, donc la prévention, c'est évident qu'il y a des actions à faire de ce côté-là, des actions éducatives, des actions de dépistage, de traitement, éventuellement qui peuvent avoir un effet sur l'infertilité. Mais évidemment le fertologue, pour reprendre le terme de tantôt, lui, il se concentre surtout pour solutionner quelqu'un qui est déjà devant le fait accompli d'une infertilité. Donc, il est là pour résoudre un problème déjà établi, mais il se soucie certainement de voir si on ne pourrait pas éviter l'arrivée de ce problème-là.
Mais c'est évident qu'il n'y a pas une solution simple à un problème complexe, et que la littérature est publiée, elle est accessible à l'ensemble du corps médical, et que le médecin qui s'intéresse au domaine de la fertilité va s'intéresser globalement aux causes, à sa prévention et aux solutions.
Donc, il y a un lien qui se fait, mais qui n'est pas nécessairement organique, parce qu'on peut bien comprendre que le champ de la prévention va être... va peut-être un peu moins intéresser de façon concrète et quotidiennement le médecin qui est là pour résoudre le problème une fois qu'il est apparu.
M. Côté: ...plus aussi de la Santé publique...
M. Robert (Yves): Soit de la Santé publique, soit des médecins de première ligne, soit des médecins de deuxième ligne qui essaient de prévenir, par exemple, des grossesses ectopiques ou des problèmes de cette nature-là.
M. Côté: Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Dr Robert, Dr Billard, merci de votre présence et de la présentation de votre mémoire. Moi, je voudrais revenir sur les données à colliger. Vous avez mentionné dans la page 7, là, et je cite, vous dites: «Il nous semble clair que le plus urgent actuellement est de colliger les données et de mieux préciser les problèmes pour pouvoir collectivement leur trouver de bonnes réponses.» Ma question est la suivante: Quand vous parlez... «le plus urgent», là, est-ce que vous pensez à un délai? C'est quoi, l'urgence? Et puis, le deuxième volet: Est-ce qu'à ce moment-là vous iriez jusqu'à dire qu'il faudrait surseoir à certaines pratiques étant donné que nous n'avons pas colligé les données?
M. Robert (Yves): La raison pour laquelle c'est important de colliger les données, c'est précisément pour avoir une base à partir de laquelle on peut décider si, oui ou non, il faut surseoir à une pratique. C'est d'établir le lien entre le résultat observé, qui est un problème, et la cause potentielle. C'est ce lien-là qui n'est pas toujours bien établi.
Si on sait que des interventions en procréation assistée peuvent causer des grossesses multiples, on ne sait pas actuellement, au Québec ? ça peut paraître étonnant, mais on ne sait pas actuellement, au Québec ? des x grossesses multiples, peut-être autour de 1 000 grossesses multiples que nous avons, il y en a combien qui viennent d'une fécondation normale, il y en a combien qui ont associées à l'usage de Clomid, il y en a combien qui ont été associées à la gonadotrophine, il y en a combien qui ont été associées à la fertilisation in vitro et quel à été son résultat. Donc, l'objectif, et ce qui est urgent avant d'aller plus loin, si je puis dire ? ce qui n'empêche pas la nécessité d'une législation qui peut précisément permettre, être l'occasion de mettre en place un tel système ? c'est de savoir c'est quoi, les relations, quel est le champ opératoire dont on parle, c'est quoi, le problème exactement, pour qu'on trouve la solution appropriée.
Si on s'apercevait ? ce qui nous étonnerait ? que la majorité des grossesses multiples sont associées à la fertilisation in vitro, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas, à ce moment-là, c'est au niveau de cette fertilisation-là qu'il faudrait intervenir peut-être avec le nombre d'embryons à implanter ou autre chose. S'il s'agit du Clomid, qu'on s'apercevait, en faisant cette étude, qu'il s'agit du Clomid, bien peut-être qu'il y a des mesures à faire chez les médecins qui prescrivent le Clomid, et là, à ce moment-là, c'est facile, on peut savoir quels sont les médecins qui prescrivent le Clomid, les informer des bonnes pratiques dans ce domaine et faire en sorte d'intervenir sur la portion qui apparaît la plus importante.
Et c'est cet élément-là qui nous apparaît urgent, dans le sens que... commençons par ça, c'est un élément d'information de base qui va nous permettre de savoir quelles sont les actions les plus appropriées à mettre de l'avant par la suite.
Mme Beaudoin: Mais, si on n'a pas les données, est-ce qu'on devrait surseoir ou ne pas surseoir?
M. Robert (Yves): À mon avis, non, l'un n'empêche pas l'autre, on peut très bien faire... D'ailleurs, ces études-là pouvaient se faire aussi. C'est un peu étonnant. Alors, elles auraient très bien pu se faire avant même qu'on envisage un projet de loi. Mais je pense que les deux choses sont parallèles. Mais, au contraire, moi, ce que je vois, c'est plutôt l'occasion, hein, à l'occasion du projet de loi, de mettre de l'avant quelque chose qu'on aurait peut-être dû mettre avant.
Mme Caron: Je m'en voudrais, Dr Billard, de ne pas profiter de votre présence. Vous êtes inspecteur-enquêteur. On nous dit qu'il y a environ 600 naissances, à peu près, de procréation assistée. Vous, comme inspecteur-enquêteur, est-ce que vous avez eu à visiter des centres de procréation assistée? Est-ce que vous avez eu des plaintes? Est-ce que vous avez travaillé à ce niveau-là?
M. Billard (Marc): On n'a pas visité effectivement de centres jusqu'à maintenant. On n'a pas de raisons de croire non plus que les pratiques sont déviantes dans ces centres-là. On pense que c'est des centres d'excellence, pour la plupart. Et, pour l'instant, on n'a pas eu de raisons, là, d'aller plus loin dans les visites d'inspection. Alors, c'est difficile de savoir si ces gens-là... avec les données qu'on a actuellement. Comme on disait tout à l'heure, il nous manque beaucoup de données pour savoir est-ce qu'il y aurait lieu justement d'aller plus loin en dehors de ces centres-là, parce que c'est peut-être plus là qu'est le manque d'encadrement.
Parce que les médecins qui sont dans les centres, ils sont... je pense qu'ils sont très sérieux dans le travail qu'ils font, et c'est rarement dans ces centres-là qu'on fait nos visites. On va aller plutôt dans les centres où on pense qu'il peut y avoir des problèmes, parce qu'avec 18 000 médecins à visiter on essaie de se concentrer sur les pratiques problématiques.
Mme Caron: Et, au niveau de la procréation assistée hors des centres, dans les techniques qui sont utilisées autant au niveau des régions, est-ce que vous êtes allés visiter les médecins? Est-ce que vous avez eu des plaintes?
M. Billard (Marc): Moi, je ne suis pas au courant qu'il y a eu des plaintes.
M. Robert (Yves): La question des plaintes ne relève pas de l'inspection au niveau de notre ordre professionnel mais de la Direction des enquêtes au niveau du syndic. Et, pour répondre précisément à votre question, non, nous n'avons pas eu de plaintes touchant la procréation assistée, sur l'ensemble du territoire du Québec.
Mme Caron: Jamais?
M. Robert (Yves): Jamais.
Mme Caron: Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Robert, Dr Billard, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Collège des médecins, en nous excusant encore une fois pour l'interruption bien involontaire de nos travaux.
Et j'invite immédiatement les représentants de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 40)
(Reprise à 17 h 41)
Le Président (M. Copeman): Alors, s'il vous plaît. À l'ordre! Alors, c'est avec plaisir que la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons de nouveau, si je peux me permettre l'expression, Dr François Bissonnette et Dr Robert Hemmings, représentants de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie.
Les règles n'ont pas changé depuis ce matin, c'est-à-dire: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. La parole est à vous.
Société canadienne de fertilité
et d'andrologie (SCFA)
M. Bissonnette (François): Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs. Et, cet après-midi, nous venons en tant que représentants de la Société canadienne de reproduction et d'andrologie. Et j'aimerais peut-être vous faire un petit historique pour vous situer un peu dans le rôle de la société, qui, au Canada, a un rôle prédominant pour le traitement des couples infertiles.
C'est en 1954 que la société a été formée, sous le nom de la Société canadienne pour l'étude de la fertilité, par un petit groupe de médecins qui partageaient un intérêt pour la fertilité. Le nom de la société a été changé pour l'Association canadienne de fertilité en avril 1972, et, en 1983, la société s'est unie à la Société canadienne d'andrologie. Et, aujourd'hui, l'Association canadienne de fertilité et d'andrologie représente plus de 400 médecins spécialistes, scientifiques, infirmières, psychologues qui s'intéressent au domaine de la reproduction.
Cette association est un catalyseur facilitant la communication entre les différents intervenants qui sont impliqués dans le domaine au Canada. La Société canadienne de fertilité et d'andrologie organise un congrès annuel où plusieurs communications scientifiques sont présentées. Ce congrès constitue l'occasion pour créer des interactions essentielles à l'élaboration de projets de recherche multicentriques, c'est-à-dire des projets de recherche qui sont menés au sein de plusieurs établissements. La Société canadienne de fertilité et d'andrologie génère régulièrement des guides de bonne pratique et établit des normes. Le guide de bonnes pratiques, par exemple, sur le sperme a été utilisé et a servi de référence au gouvernement fédéral pour l'élaboration de la loi sur le don de sperme.
Il y a eu plusieurs initiatives d'autorégulation. J'aimerais faire une mise au point. Les traitements d'infertilité sont des traitements médicaux qui, à l'instar de tous les traitements médicaux, doivent être administrés par des médecins compétents et consciencieux à des patients dûment informés de tous les risques et inconvénients reliés à ces traitements. En cela, ces traitements ne diffèrent aucunement de tous les autres traitements médicaux administrés pour guérir une maladie. Néanmoins, il apparaît que ces traitements soulèvent davantage de problèmes d'éthique parce qu'ils sont reliés à la procréation d'un être humain.
Dans la paranoïa qui a été suscitée par le spectre du clonage humain, il semble que l'on ait confondu clonage et procréation et que l'on ait craint que des avancées technologiques en matière de procréation médicalement assistée ne débouchent sur des technologies qui permettraient le clonage humain. Actuellement, le clonage humain s'avère impossible. Quant aux cliniques de fécondation in vitro, elles ne dispensent que des services de procréation médicalement assistée et sont soumises à différentes lois, règlements et directives qui encadrent la pratique de la médecine de la reproduction au Canada et au Québec.
En plus des normes gouvernementales et paragouvernementales auxquelles ils sont actuellement soumis, les praticiens exerçant dans le domaine de la procréation médicalement assistée se sont eux-mêmes dotés d'une autorégulation coordonnée par la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, entre autres.
Le registre des résultats en fécondation in vitro. Au sein de la Société canadienne d'andrologie et de fertilité, les directeurs médicaux de toutes les cliniques de fécondation in vitro au Canada ont formé un groupe qui se réunit régulièrement. Les 25 cliniques offrant les traitements de fécondation in vitro y sont représentées.
Plusieurs initiatives ont été prises au fil des ans pour améliorer la qualité des traitements offerts au Canada. Par exemple, un registre autofinancé de toutes les procédures de fécondation in vitro a été mis sur pied. Ce registre ne profite d'aucune subvention gouvernementale. Chaque couple participe en versant 5 $ par cycle de fécondation in vitro par l'entremise des cliniques. Cela permet d'avoir ainsi une idée plus précise de la situation de la procréation médicalement assistée au Canada. Et, depuis 2001, les résultats annuels sont publiés dans la revue Fertility and Sterility.
Les résultats des cliniques canadiennes sont tout à fait comparables à ceux publiés par nos voisins américains et aussi aux principaux centres européens. Les résultats sont publiés globalement pour éviter de rendre public un classement sur les taux de grossesses des différentes cliniques. On évite ainsi que l'accessibilité au traitement des couples ayant un mauvais pronostic soit compromise.
En 2003, il y a eu 7 415 traitements de fécondation in vitro dans 24 centres au Canada, et le taux de grossesse a été de 24 %: 31 % pour les femmes âgées de 35 ans et moins; 22 % pour les femmes de 35 à 39 ans; et 9 % pour les femmes de 40 ans et plus. Il y a eu 31 % de grossesses multiples; 95 % de ces grossesses étaient des jumeaux. Le nombre de bébés avec des anomalies congénitales n'a pas été différent de celui retrouvé dans la population canadienne en général.
Le sous-groupe pour l'amélioration des résultats en fécondation in vitro. Un comité a été formé pour l'amélioration des résultats en fécondation in vitro, et le mandat a été d'examiner les résultats de chacune des cliniques en se penchant sur celles qui présentent des résultats qui s'éloignent le plus de la moyenne nationale. Le comité regarde autant les taux de grossesse que l'incidence des grossesses multiples. Dans le contexte particulier de la procréation médicalement assistée, cette mise en commun de l'expertise et ce principe d'autorégulation sont tout à fait originaux et constituent un exemple pour la communauté mondiale.
Par ailleurs, les directeurs des cliniques de fécondation in vitro ont demandé au Conseil canadien d'agrément des services de santé, le CCASS, il y a cinq ans, de créer un groupe spécifique pour permettre le processus d'accréditation des cliniques de fécondation in vitro sur une base volontaire. Il s'agit du même organisme qui accrédite les hôpitaux partout au Canada. Le processus est dispendieux; il demande beaucoup d'énergie de toutes les équipes impliquées. Typiquement, la visite interne de l'organisme accréditeur, qui revient tous les trois ans, demande une préparation d'environ six mois de tout le personnel de la clinique. Le programme est basé sur une autoévaluation validée par des visiteurs externes et une recherche perpétuelle de l'excellence.
Le succès de la fécondation in vitro est lié à de nombreux détails qui doivent être constamment réévalués. L'expertise ne s'improvise pas. Dans le domaine compétitif de la fécondation in vitro, les pourvoyeurs de services médicaux doivent maintenir un très haut niveau de qualité. Il y a peu de domaines en médecine où les professionnels suivent d'aussi près leurs résultats.
En conclusion, l'investigation et le traitement des couples infertiles au Canada se font dans le respect des plus hauts standards. Malgré un sous-financement flagrant de cette branche médicale, les spécialistes canadiens ont pu maintenir l'accessibilité aux ressources en développement des cliniques privées. En tout, il y a 25 cliniques pour desservir le Canada en entier. Ces cliniques répondent à la demande actuelle, et il n'y a pratiquement pas d'attente pour la fécondation in vitro au Canada. Comme pour tous les soins surspécialisés, on peut se questionner sur l'accessibilité aux traitements pour les régions en dehors des grands centres.
n(17 h 50)n Les chiffres nous démontrent que l'infertilité demeure un problème de santé majeur au Canada. En considérant la tendance démographique des dernières années, nous estimons que l'action du gouvernement aurait dû être de se centrer sur l'instauration d'une politique favorisant les couples qui désirent avoir des enfants. Nous estimons qu'il est inacceptable que des traitements pour l'infertilité ne soient pas couverts par l'assurance maladie et que les couples touchés doivent faire face à un fardeau financier important, si leur condition exige qu'ils aient recours à la procréation médicalement assistée. Les autorités gouvernementales devraient réaliser qu'il est plus urgent de s'attaquer au problème de financement du traitement de l'infertilité plutôt que de dépenser des fonds pour alourdir la bureaucratie. Il faut éviter qu'une nouvelle loi rende les traitements de l'infertilité encore moins accessibles aux Québécois et aux Canadiens.
Le Québec a eu une initiative heureuse en permettant aux couples de bénéficier d'un crédit d'impôt. Ce crédit d'impôt remboursable pour des frais liés à l'insémination artificielle ou à la fécondation in vitro équivaut à environ 30 % des frais donnant droit au crédit et ne peut pas excéder 6 000 $ par année. Mais l'accès aux traitements reste limité, et le Québec demeure un enfant pauvre lorsque l'on compare l'utilisation de la procréation médicalement assistée par les Québécois par rapport au reste du Canada.
Tous les organismes impliqués dans le traitement des couples infertiles au Canada, en accord avec le groupe de support des patients, l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité, souhaitent la mise en place d'une politique favorisant le traitement de l'infertilité. Ces organismes recommandent l'établissement d'un crédit d'impôt 100 % remboursable, avec un seuil annuel de 30 000 $ par année, applicable sur tous les traitements d'infertilité. Les économies réalisées par la diminution de 50 % anticipée des grossesses multiples, avec les frais médicaux associés, couvriront amplement les coûts d'un tel programme.
Il est possible que la faible couverture médiatique témoigne que l'infertilité est perçue comme un problème sans importance, même si cette condition affecte près d'un couple canadien sur 10. Nous estimons enfin que les systèmes d'autorégulation en place supervisés par les organismes provinciaux responsables de la qualité de l'acte médical sont amplement suffisants pour procéder aux vérifications nécessaires afin d'éviter les abus et les erreurs médicales. Il s'agit d'un domaine de la médecine qui demande une autoévaluation constante, et une vérification externe supplémentaire serait, dans ces conditions, très peu pertinente.
La Société canadienne de fertilité et d'andrologie est un organisme représentant toutes les personnes impliquées dans le traitement des couples infertiles et les chercheurs qui travaillent dans le domaine de la reproduction au Canada. La société standardise l'investigation et le traitement de l'infertilité au Canada en publiant régulièrement des guides de bonne pratique pour les médecins et les non-médecins impliqués dans le domaine. La SCFA cautionne un registre annuel des résultats en fécondation in vitro et a pris des mesures pour s'assurer d'une structure de contrôle pour éviter les résultats déviants. En plus, la société offre une aide concrète aux cliniques aux prises avec des résultats plus faibles. Les structures déjà en place, les initiatives de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie assurent un traitement sécuritaire, continuellement axé sur la recherche de l'excellence pour tous les couples infertiles canadiens, y compris tous les Québécois. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Bien, merci, M. le Président. Je veux d'abord rappeler qu'il y a quand même des traitements de l'infertilité qui sont couverts par l'assurance maladie du Québec, les traitements chirurgicaux de l'infertilité, et l'investigation est en très grande partie couverte. Et effectivement tous les gouvernements successifs, incluant celui du Parti québécois et du Parti libéral du Québec, ont fait l'objet de cette demande d'inclure dans le panier de services, et la réponse est à peu près chaque fois la même, c'est que le panier de services, comme il est, est difficile à maintenir, et on voit difficilement comment on peut l'augmenter ou l'élargir.
Il est bon de rappeler également que le crédit d'impôt fait preuve un peu d'innovation au niveau canadien, qu'on regarde également dans les autres provinces. Et j'espère que les autres provinces également pourront suivre la trace qu'on a faite.
Est-ce que la société que vous représentez a l'intention de présenter des guides de bonne pratique ou des normes quant à la prévention, par exemple, des grossesses multiples?
M. Hemmings (Robert): Présentement, la Société canadienne de fertilité et d'andrologie est en train d'élaborer des guides qui vont être des suggestions au niveau, par exemple, du nombre d'embryons qui peuvent être transférés. Évidemment, ça varie, comme ça a été mentionné plus tôt, avec l'âge de la patiente, la qualité embryonnaire, les échecs antérieurs. Alors, c'est toujours des guides qui offrent une flexibilité, parce qu'évidemment ce qu'on traite, c'est des patientes, ce n'est pas un ensemble. Alors, il faut s'ajuster dans la pratique, et on pense que les médecins qui sont dans ce domaine-là, en général, s'ajustent de façon assez appropriée, à travers le Canada, pour donner les meilleurs résultats, tout en n'augmentant pas de façon indue le nombre de grossesses multiples. Mais je pense que les guides... les lignes directrices de la SCFA sont en train d'être élaborées.
M. Bissonnette (François): À ce sujet-là, le comité que je préside, le Comité pour l'amélioration des résultats en fécondation in vitro, regarde de façon annuelle tous les résultats qui nous proviennent du registre. Et, je pourrais partager avec vous, ceux qui auraient des inquiétudes sur le nombre d'embryons, il est clair, d'après les résultats canadiens, qu'en augmentant, si on considère... on va comparer deux embryons, trois embryons, quatre embryons et plus que six embryons, les taux de grossesses multiples ne progressent pas, ils restent toujours à peu près égaux, à 30 %. Ce que ça nous fait dire, c'est que les gens actuellement savent sélectionner les couples qui ont besoin de plus qu'un embryon, qui ont besoin d'avoir trois embryons ou quatre embryons, et que cette pratique-là n'est pas responsable d'une augmentation si considérable des grossesses multiples.
M. Couillard: Lorsqu'on met en parallèle la législation canadienne qui a été adoptée à la Chambre des communes et ce qu'on propose ici, évidemment, de notre côté, on y voit nécessairement un enjeu constitutionnel qui est important, et c'est la raison pour laquelle on est devant les tribunaux actuellement. Mais je remarque que, du côté des professionnels que vous représentez, on est inquiet également de la lourdeur de la structure bureaucratique que ça peut représenter. Puis, lorsque vous utilisez le terme «registre», je vois que vous avez déjà, vous, un registre; la loi fédérale prévoit d'en ajouter un autre avec une agence canadienne. «Registre» évoque des précédents dans d'autres domaines, qui n'ont pas été nécessairement des succès d'ailleurs. Dr Bissonnette, vous êtes le représentant, je pense, selon nos renseignements, de la section Québec-Ontario. Non?
M. Bissonnette (François): Dr Hemmings.
M. Couillard: Dr Hemmings, pardon. Quelle sera votre attitude si on vous invite à siéger au conseil d'administration de cette agence et d'intervenir, au Québec, dans la régulation de cette activité? Est-ce que les représentants québécois de l'association vont accepter de participer au travail de l'agence canadienne et d'intervenir au nom de cette agence canadienne sur le territoire québécois?
M. Hemmings (Robert): Je crois que ça demeure... les conditions dans lesquelles on pourrait participer demeurent à être définies. Comme l'agence est en train d'être mise en place et qu'on n'est pas sûrs vraiment de la structure, c'est difficile, à l'avance... C'est sûr qu'on va collaborer avec l'agence, mais je pense que ça reste... dépendamment de la structure, on pourrait évidemment accorder notre expertise à cette agence-là. Mais la structure, les membres de l'agence ne sont pas encore clairement définis, donc c'est difficile à l'avance d'acquiescer ou non à cette demande.
M. Couillard: Mais, quand vous vous êtes préoccupés de l'aspect bureaucratie, l'aspect lourdeur, est-ce que... donc, vous devez déjà avoir des idées comment ça fonctionnerait.
M. Hemmings (Robert): Bien, je pense qu'il n'y a pas d'avantage à avoir une duplication indue du nombre de niveaux, si on veut. Nous, idéalement, je crois, au niveau de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, on aimerait faire reconnaître le recueil des données et les faire valider si nécessaire, mais on aimerait ne pas avoir à dupliquer de façon indue le nombre de formules à remplir, si on veut, à chaque année sur les résultats, le nombre de grossesses multiples, etc. Je pense que, si on le fait à un niveau, ça devrait être acceptable pour chacun des niveaux.
M. Bissonnette (François): Moi, je pense qu'aussi... j'aimerais ajouter que c'est quand même un exploit d'avoir réussi à convaincre toutes les personnes impliquées dans le traitement en procréation médicalement assistée de participer à un tel registre sur une base volontaire. Tu sais, je pense que c'est un exemple. Et l'effort que l'on fait par le comité pour l'amélioration de l'acte médical, c'est quand même, je pense, une démonstration du principe d'autorégularisation qui nous régit. Bien que des gens pourraient voir nos manques de principes, et tout ça, ce qu'on recherche, c'est vraiment l'excellence et améliorer le traitement des couples infertiles, et c'est notre préoccupation principale.
Le Président (M. Copeman): Merci. Avant de céder la parole à Mme la députée de Terrebonne, je présume qu'il y a un consentement afin de permettre à la commission de poursuivre nos travaux au-delà de 18 heures. Consentement? Consentement. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et d'action communautaire.
Mme Caron: Vous l'avez, M. le Président.
n(18 heures)nLe Président (M. Copeman): Ça m'a pris trois fois, mais je l'ai eu.
Mme Caron: Mais vous l'avez eu la première fois, ce matin.
Le Président (M. Copeman): Ah, bien...
Mme Caron: Merci. Très heureuse de vous revoir, Dr Bissonnette, Dr Hemmings, mais sous un autre chapeau, celui de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. J'ai plusieurs questions parce que... En fait, tantôt, le Collège des médecins nous disait qu'on n'a pas de données, hein, qu'il faudrait avoir des données, on manque de connaissances, tout ça. De votre côté, vous nous dites que vous tenez un registre sur une base volontaire, il est autofinancé, vous avez des données, vous avez un portrait. Le Dr Lambert nous a donné des chiffres aussi, assez impressionnants, différents des vôtres. Il a des données de ce côté-là aussi. Bon.
Et c'est évident que toute la question d'un système d'autorégulation... C'est sûr que les spécialistes, c'est ce qu'ils préfèrent, que ce soit un encadrement le plus léger possible, mais c'est bien évident qu'au niveau de la société québécoise ce n'est pas ça qu'on attend. Je pense qu'on souhaite un véritable encadrement, qu'on ne souhaite pas seulement un système d'autorégulation, qu'on veut des données précises. Et, parmi les données précises, vous dites bien que vos résultats sont publiés sans préciser le résultat de chacune des cliniques. On comprend pourquoi. Mais, quand on regarde les données du Dr Lambert, il y a des écarts majeurs d'une clinique à l'autre, et des écarts vraiment considérables, assez pour se dire que les personnes qui se retrouvent dans certaines cliniques, malgré un investissement de temps, un investissement, je dirais, aussi émotif, hein ? parce que c'est de l'espoir qu'on cultive, et on espère ? puis avec très peu de résultats et... que ce serait vraiment variable d'une clinique à l'autre. Pourquoi on arrive à ces deux versions tout à fait différentes?
M. Bissonnette (François): Bien, je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire sur la présentation du Dr Lambert, si ce n'est que dire que c'est vraiment qu'il a des données tout à fait différentes des nôtres, et je vous laisserai juge d'évaluer ces données.
Pour ce qui est des différences de résultats dans les différentes cliniques canadiennes, oui, il y a des écarts, et c'est pourquoi on a mis sur place un comité qui regarde justement ces écarts. Et, quand on regarde les résultats, il faut comprendre que les populations peuvent être différentes d'un centre à l'autre, les protocoles peuvent être différents, un centre peut avoir à traiter des patientes plus âgées, peut avoir toutes sortes de raisons pour expliquer la différence dans les résultats.
Le rôle justement des experts dont je fais partie, c'est de regarder de façon très critique ces résultats-là et non seulement de les regarder, mais de voir comment on pourrait les corriger. Et l'effort qui est fait à même ce comité pour l'amélioration des résultats en fécondation in vitro, c'est de fournir à ces cliniques-là ? je peux vous rassurer, il n'y a pas de cliniques québécoises qui sont impliquées dans ce processus-là actuellement, en tout cas pas cette année; et c'est de fournir à ces cliniques-là ? la possibilité d'avoir recours à d'autres spécialistes qui pourraient avoir des idées pour les aider à améliorer le résultat. L'idée, c'est qu'on cherche à améliorer le traitement pour tous les couples infertiles au Canada dans son entier.
Pour ce qui est de votre intervention sur le collège, tout à l'heure, vous dites: Le collège ne semble pas avoir de résultats, etc. Nous partageons l'inquiétude du collège, mais ce n'est pas face aux résultats de la fécondation in vitro. C'est le domaine, en médecine, peut-être où on a le plus de connaissances au niveau des résultats. Chaque grossesse est colligée, etc. C'est dans le reste, les grossesses après les stimulants de l'ovulation orale, les grossesses après la simple induction de l'ovulation, et qui se fait en dehors des centres et sur une grande échelle, c'est ces résultats-là qu'on est incapables en fait d'évaluer au Québec, mais pas juste au Québec, partout en fait. De façon globale, c'est des résultats qui sont très difficiles à obtenir.
Et la suggestion que l'on a faite quand on a eu des discussions avec le collège, quand on a eu des discussions avec le ministère, la suggestion, ça a été: Écoutez, c'est du domaine de la santé publique. On devrait être capable d'aller colliger ces résultats, on devrait relativement facilement avoir accès à ces résultats-là et pouvoir arriver avec des réponses, face au nombre de grossesses multiples associées avec l'induction de l'ovulation, de tel ou tel médicament, qui pourraient nous aider, après ça, dans notre réflexion, à l'établissement de recommandations face à la population en général, face aux médecins qui prescrivent ces médicaments-là.
Et ce n'est pas la fécondation in vitro qui est un problème. Je pense que l'on partage avec le collège les données et, de ce côté-là, on est quand même prudents sur l'établissement d'un registre qui identifierait trop clairement les cliniques et qui pourrait, disons, être un élément qui ferait que les cliniques pourraient changer leurs façons de traiter, avoir tendance à traiter juste les bons cas. Personne ne voudrait traiter les cas avec mauvais pronostic, parce qu'ils se disent: Ça va affaiblir mes résultats. Et là on crée, à ce moment-là, une situation qui, dans d'autres pays, a vraiment été très, très, très négative pour les couples infertiles. Alors, c'est les erreurs des autres pays qu'on veut éviter, et c'est pour ça qu'on a pris en fait l'idée d'un registre central mais qui est examiné, autocritique et qui est évalué. Et donc on s'inquiète des résultats et on améliore les résultats pour les cliniques déviantes.
Mme Caron: Merci, docteur. Je suppose que vous êtes contre effectivement aussi les bulletins des hôpitaux ou le palmarès des écoles secondaires, qui ont le même effet.
Vous comprenez qu'au niveau des anomalies congénitales, dans votre mémoire, nous n'avons qu'une petite phrase, hein: «Le nombre de bébés avec des anomalies congénitales n'a pas été différent que celui retrouvé dans la population canadienne en général.» Alors que, dans le mémoire du Dr Lambert, on a plusieurs tableaux qui ne nous disent pas ça du tout.
M. Bissonnette (François): Bien, pour répondre...
Une voix: ...
M. Bissonnette (François): Ah, O.K. Bien...
M. Hemmings (Robert): En fait, il y a plusieurs niveaux à considérer. D'abord, comme ça a été mentionné tôt ce matin, le taux d'anomalies chez les couples infertiles qui conçoivent spontanément est plus élevé que dans la population en général. Les taux d'anomalies chez les gens qui conçoivent en fécondation in vitro pour une grossesse sont équivalents aux taux d'anomalies des couples infertiles qui conçoivent spontanément. Donc, la technologie n'augmente pas le taux d'anomalies. En ce qui a trait aux grossesses multiples, dans les grossesses multiples spontanées, on a un taux plus élevé d'anomalies, comme on le retrouve en fécondation in vitro, mais c'est juste à cause de l'augmentation du nombre de grossesses, autrement dit. Que ce soit conçu spontanément ou que ce soit conçu en fécondation in vitro, le taux d'anomalies pour les enfants conçus en grossesse multiple est le même.
Mme Caron: J'avoue que, pour me convaincre, en ayant d'autres tableaux devant les yeux, j'aurais besoin d'avoir vos propres tableaux.
M. Hemmings (Robert): Je fais référence à la littérature récente publiée...
Mme Caron: Oui, mais...
M. Hemmings (Robert): Ça a été un débat qui est très, très d'actualité, et je peux vous assurer que c'est le consensus présentement.
Mme Caron: Dans votre mémoire, vous dites, en dernière page, que «la société cautionne un registre annuel des résultats en fécondation in vitro et a pris des mesures pour s'assurer d'une structure de contrôle pour éviter les résultats déviants». Donc, si vous voulez les éviter, c'est parce qu'il y en a.
M. Hemmings (Robert): Ce sont des résultats déviants en termes de taux de grossesse. Et effectivement il y a des variations, comme le Dr Bissonnette a mentionné et comme le Dr Lambert avait mentionné aussi, il y a des fluctuations importantes entre les cliniques, au niveau du taux de grossesse, au Canada comme ailleurs.
Mme Caron: Du côté des cliniques au Québec, est-ce qu'il y a des gros taux de variation?
M. Bissonnette (François): J'ai accès à toutes les données des cliniques, de par mon statut, et je ne peux pas partager ces résultats-là. Je peux vous dire qu'il n'y a aucun problème au Québec, actuellement.
n(18 h 10)nMme Caron: Dans un article du Devoir, en mars 2006, à la fin de l'article, Dre Louise Lapensée, gynécologue-obstétricienne à la clinique de fertilité Ovo, bon, se voulait rassurante. Elle disait qu'«aucune donnée n'indique que la fécondation in vitro pourrait poser des risques pour la santé des femmes. Quand ils viennent en clinique, les couples sont informés [et savent] à quoi ils s'exposent. Bien sûr, il ne faut rien prescrire sans évaluation appropriée. Par exemple, il ne faut pas donner de stimulation ovarienne sans raison. Mais je sais que, malheureusement, certains médecins le font». Vous nous dites qu'il y a une pratique d'autorégulation chez vous. Est-ce que c'est vrai que certains médecins le font? Et comment vous arrivez à autogérer ces comportements?
M. Hemmings (Robert): La stimulation ovarienne à un niveau primaire, si on veut, se fait de façon... est très répandue. Alors beaucoup même de médecins de famille vont prescrire, par exemple, du clomiphène. Est-ce que l'investigation a toujours été complétée avant de prescrire le clomiphène? Possiblement pas. Cependant, je crois qu'ici on faisait référence à la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, dont les membres sont en général impliqués... sont des fertologues, sont des gens qui sont surspécialisés ou spécialisés, à tout le moins, pour traiter la fertilité. Est-ce qu'au niveau primaire les indications sont toujours suivies? On ne peut pas l'assurer. On ne peut pas l'assurer, mais je pense que ça, ça irait dans le sens de lignes directrices peut-être plus précises du Collège des médecins, si vraiment c'est identifié comme étant une cause de problème.
Mme Caron: Dernière question. Vous nous dites qu'au niveau du processus d'accréditation, sur une base volontaire, vous faites des visites. Visites externes de l'organisme accréditeur qui revient aux trois ans. Comme c'est un domaine qui évolue quand même assez rapidement, vous ne pensez pas que ce n'est pas très, très rigoureux comme suivi, seulement aux trois ans?
M. Bissonnette (François): Écoutez, pour rester dans le domaine de la procréation médicalement assistée ? puis je vous écoutais tout à l'heure parler de la recherche et de la clinique, et tout ça ? je peux vous assurer qu'il n'y a pas une clinique qui n'est pas impliquée dans la recherche. On doit perpétuellement faire de la recherche. On doit rechercher les meilleurs milieux de culture, comment s'améliorer, etc. Il faut comprendre la dynamique. Le processus de la fécondation in vitro, même s'il peut paraître simple, est un processus extrêmement... Le moindre détail compte, et la clinique qui aurait le moindre petit laxisme dans la procédure serait rapidement éliminée faute de résultats. À peu près 30 % des activités que l'on fait en fécondation in vitro, c'est de la recherche. C'est de la recherche de l'excellence, c'est de la recherche de l'amélioration, et on regarde toujours pour s'améliorer. Alors, on n'est pas dans un centre où, en fécondation in vitro, on peut se permettre de tout simplement avoir une attitude un peu de suivi sans avoir cette attitude proactive pour la recherche de l'excellence.
Mme Caron: Dernière question, puis, si ma collègue a d'autres questions... Au niveau des traitements, vous dites: «En 2003, il y a eu 7 415 traitements de fécondation in vitro dans [les] 24 centres au Canada.» Puis: «Le taux de grossesse par cycle a été de 24 %.» On donne d'autres chiffres, différents selon les âges, mais, là-dessus, «il y a eu 31 % de grossesses multiples», ça veut dire presque le tiers. C'est beaucoup.
M. Hemmings (Robert): Ça correspond au taux de grossesses multiples rapporté en général dans la plupart des registres, que ce soient américains ou européens. Mais on parle de la majorité: 95 % de ça, c'est des jumeaux, qui sont évidemment des grossesses plus à risque mais qui ne sont quand même pas... en général qui ont un très bon résultat, évidemment.
Mme Caron: Et, du côté des bébés prématurés et de petit poids, tantôt le Collège des médecins nous disait: Bon, jamais on n'aurait cru qu'on pourrait sauver autant de bébés prématurés. Mais votre opinion, vous, du côté de cet acharnement que certains considèrent comme de l'acharnement thérapeutique? Parce qu'en fait des bébés prématurés... Certains ont été sauvés très, très, très prématurés et ont des conséquences extrêmement pénibles pour le reste de leurs jours.
M. Hemmings (Robert): Votre question en ce qui concerne l'acharnement thérapeutique, je crois qu'il faut d'abord remettre les choses en perspective. Quand on parle de prématurité, on parle de l'accouchement avant 37 semaines de gestation. La grande majorité, fort heureusement, des bébés prématurés se situent dans un groupe d'âge gestationnel qui est au-dessus de 32 semaines, donc entre 32 et 37 semaines, et en général le résultat chez ces bébés-là est tout à fait satisfaisant et n'engendre pas des conséquences aussi sérieuses que celles auxquelles vous faites référence chez les grands prématurés, qui sont des bébés qui sont nés autour de 26 semaines de gestation. Alors, je pense que...
Mme Caron: Est-ce qu'il y en a beaucoup...
M. Hemmings (Robert): Pardon?
Mme Caron: ...des bébés dans la zone plus dangereuse finalement qui sont le résultat, là, de procréation assistée?
M. Hemmings (Robert): Il y a sûrement des bébés qui se situent dans cette zone-là. C'est un petit pourcentage donc des bébés prématurés, heureusement, qui se situent dans cette période de gestation, mais ce n'est pas différent de la prématurité associée avec une conception spontanée de jumeaux. Autrement dit, si vous avez...
Mme Caron: Malgré les chiffres du Dr Lambert, vous dites que c'est pareil?
M. Hemmings (Robert): Par rapport à une conception spontanée de jumeaux, il n'y a pas de différence.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Mirabel.
Mme Beaudoin: Alors, Dr Bissonnette, Dr Hemmings, cette fois-ci, c'est bonsoir au lieu de bonjour.
Je voudrais d'abord féliciter la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, puisque c'est en 1954 qu'il y a un groupe de médecins qui ont partagé l'intérêt pour la fertilité. Alors, chapeau à ces gens-là! Aujourd'hui, on est...
Une voix: ...
Mme Beaudoin: Pardon?
M. Bissonnette (François): Et c'est un Québécois qui est à l'origine.
Mme Beaudoin: C'est un Québécois? Alors, c'est encore mieux.
M. Bissonnette (François): Ça s'est réuni ici, au Québec, pour la première fois.
Mme Beaudoin: Alors, je les félicite. Ma question est la suivante. Vous mentionnez dans votre mémoire, là, que... C'est à Mise au point: «Les traitements de l'infertilité sont des traitements médicaux. À l'instar de tous les traitements médicaux, ils doivent être administrés par des médecins compétents et concienscieux à des patients dûment informés de tous les risques ou inconvénients reliés à ces traitements.» Tantôt, il y a eu des représentants des médecins, du Collège des médecins du Québec, et il y avait un inspecteur-enquêteur, le Dr Billard. Ma collègue de Terrebonne a posé des questions quant à l'inspection, s'il y avait eu des plaintes, ou quoi que ce soit. Ma question est la suivante: Est-ce qu'actuellement il y a des poursuites? Et, si oui, on se situe à combien environ, concernant tout ce débat-là, des patients insatisfaits, par exemple?
M. Bissonnette (François): À ma connaissance, il n'y a aucune poursuite au Québec. Je crois qu'il n'y a pas de poursuite, à ma connaissance en tout cas, au Canada dans le domaine de la procréation médicalement assistée.
Mme Beaudoin: Vous mentionnez également dans votre mémoire, à la page 3... On parle du sous-groupe pour l'amélioration des résultats en fécondation in vitro. Vous dites que finalement, «dans le contexte particulier de la procréation médicalement assistée, cette mise en commun de l'expertise et ce principe d'autorégulation sont tout à fait originaux et constituent un exemple pour la communauté mondiale». Est-ce que vous pouvez expliquer où on se situe dans la recherche, là? On va parler du Québec. Est-ce que, mondialement, nous sommes reconnus? Est-ce que nous sommes avant-gardistes ou si nous sommes... Pas pour employer votre terme, là, parce que vous parliez de finances, vous avez mentionné que le Québec est un enfant pauvre, lorsqu'on compare l'utilisation de la procréation médicalement assistée par les Québécois par rapport au reste du Canada.
M. Bissonnette (François): C'est vrai qu'on est un enfant pauvre, quand on regarde les chiffres, mais je peux vous dire que le programme de subventions du gouvernement du Québec, avec le 30 %, il est cité au niveau international comme un programme exemplaire, et là-dessus on en est bien fiers. C'est sur les chiffres de, disons, l'utilisation de la fécondation in vitro que là on est un peu plus réticents.
Au niveau international, je pense que le Québec se situe comme leader. Les chiffres que je vous ai fournis ce matin nous comparent très positivement quant aux résultats. Et, dans ce sens-là, on a pu maintenir un niveau d'excellence pour offrir aux Québécoises et aux Québécois des traitements à la fine pointe de la technologie.
Il y a la criminalisation qui nous embête, qui nous embête parce qu'elle nous limite dans l'accès aux traitements, mais, au niveau de la technologie, je pense qu'on a l'expertise au Québec pour ne pas être jaloux de nos voisins américains ou des Européens.
n(18 h 20)nLe Président (M. Copeman): Une courte dernière, Mme la députée.
Mme Beaudoin: Oui. Est-ce qu'il y a des patients qui viennent de l'extérieur du Québec ou du Canada, chez nous, pour utiliser ces services?
M. Bissonnette (François): Définitivement. Définitivement, mais ce n'est pas une pratique qui est encouragée. Nous limitons l'accès. Que ce soit au Canada ou au Québec, principalement au Québec, je dirais, nous ne faisons pas d'annonce. Et, malgré que certains pourraient être bien tentés d'utiliser nos services, c'est une catégorie relativement minime qui a accès à ces traitements-là au Québec.
Mme Beaudoin: Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Bissonnette, Dr Hemmings, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 18 h 21)