(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bachand (Arthabaska) va être remplacé par Mme Hamel (La Peltrie); Mme Champagne (Champlain) par Mme Caron (Terrebonne).
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, je vous donne une idée de l'ordre du jour de ce matin. Nous allons débuter dans quelques instants avec la FCADEQ, le Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec; deuxième groupe, les directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux du Québec; terminer la matinée avec la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec; et suspendre autour de 12 h 30, pour reprendre autour de... pour reprendre à 14 heures.
Auditions (suite)
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Paquette, directeur général de la FCADEQ, le Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec. Bonjour, M. Paquette.
M. Paquette (René): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Bienvenue à cette commission parlementaire. Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour... une période d'une durée maximale de 20 minutes pour votre présentation, et ce sera suivi par un échange, également d'une durée maximale de 20 minutes, avec les parlementaires des deux côtés de la table. Encore une fois en vous souhaitant la bienvenue, nous sommes à l'écoute.
Fédération des clubs de l'âge d'or de l'Est
du Québec (FCADEQ)-Carrefour
des 50 ans et plus de l'Est du Québec
M. Paquette (René): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, notre organisme est la FCADEQ-Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec. On est un organisme qui regroupe 36 000 membres de 50 ans et plus dans les régions du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Alors, on vient au nom de ces 36 000 membres et des 158 clubs qui nous sont affiliés.
n
(9 h 40)
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Avant d'aller dans le sujet de mon mémoire en tant que tel, j'aurais un petit préambule. Au début du mois de décembre, nous avons eu des échanges avec l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec, qui sont à l'ordre du jour aujourd'hui, et, suite à une présentation qu'ils nous ont faite, on a jugé bon, nous, de faire circuler une pétition auprès de nos membres, aux mois de décembre et janvier, et c'est l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec qui la déposera. Nous leur avons fait parvenir 5 975 signatures provenant de 104 de nos clubs affiliés, et cette pétition se lit ainsi:
«Attendu que la FCADEQ-Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec représente 36 000 membres au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine dont la majorité sont des grands-parents;
«Attendu que la FCADEQ-Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec reconnaît que la défense des droits des aînés comprend la défense des droits des grands-parents, des enfants et ceux de la famille;
«Attendu qu'il est primordial d'amender la Loi de la protection de la jeunesse pour que les grands-parents et la famille élargie soient considérés comme première ressource avant tout placement dans une famille étrangère;
«Attendu la nécessité pour le gouvernement du Québec de reconnaître l'importance de la famille élargie et d'empêcher les adoptions et les placements à long terme au détriment des enfants, de la famille élargie et des grands-parents;
«Attendu que la FCADEQ-Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec appuie l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec dans ses démarches et déposera en conséquence un mémoire, en janvier 2006, à la commission parlementaire sur la santé et les services sociaux concernant l'étude de modification à la loi n° 125:
«Pour l'amour de nos enfants et de nos petits-enfants, la FCADEQ-Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec et l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec et les cosignataires de cette pétition s'adressent à M. le ministre Philippe Couillard ainsi qu'à Mme Margaret Delisle, ministre déléguée, responsable de la santé, des services sociaux et de la protection de la jeunesse, pour réclamer une enquête publique et une évaluation en profondeur de tout le fonctionnement du système de protection de la jeunesse.» Alors, pour cette demande d'une enquête publique et d'une évaluation en profondeur, nous allons laisser le soin à nos collègues de l'Association pour le respect des droits des grands-parents de vous démontrer noir sur blanc que la situation passée et actuelle exige une étude en profondeur. Alors, nous, nous ne le traiterons pas dans le mémoire que je vais présenter ce matin. Cependant, veuillez avoir à l'esprit que nous appuyons dans le fond de vouloir faire, là, une évaluation en profondeur. Parce que, vous savez, quand on fait de la peinture... à un moment donné, avant de mettre une couche de peinture, bien il faut bien gratter, bien nettoyer notre surface avant de mettre de la peinture. Si on ne fait pas ça, bien on se rend compte, après quelques mois ou un an plus tard, que le travail est à refaire.
Alors, je ne voudrais pas que... les suggestions positives qui vous sont faites par les nombreux organismes ici, à la commission, que vous en teniez compte pour améliorer votre projet de loi, mais que, d'un autre côté, vous ne preniez peut-être pas la peine à ce moment-ci de peut-être investir du temps pour une enquête publique et une évaluation en profondeur du fonctionnement du système. Alors, si cela ne se fait pas, il est probable que les modifications au projet de loi, aussi bonnes qu'elles puissent sembler... peut-être ne régleront pas les problèmes que, nous, pour le moins, nous allons soulever dans notre mémoire.
Alors, ceci étant dit, je vais passer à notre mémoire en tant que tel, qui s'intitule Les grands-parents, racine de la famille élargie.
Alors, c'est pour se porter à la défense des droits des grands-parents et, par extension, à la famille élargie que la fédération présente un mémoire à cette commission. Notre organisme a déjà fait par le passé des représentations pour défendre avec énergie les droits des grands-parents. En effet, en 1995, la fédération avait déposé un mémoire au ministre de la Justice sur l'obligation alimentaire des grands-parents au Québec. Il en avait résulté une modification de l'article 585 du Code civil abolissant enfin l'obligation alimentaire des grands-parents. Le présent mémoire concerne encore une fois les droits des grands-parents, qui sont les racines de cet arbre qu'est la famille élargie. L'objectif est de convaincre les membres de cette commission de recommander des amendements au projet de loi n° 125.
Alors, premièrement, il faut maintenir à tout prix le lien grands-parents?petits-enfants adoptés. Par leur relation avec leurs petits-enfants, les grands-parents participent activement au développement socioaffectif de leurs petits-enfants. Lorsqu'on en parle à nos membres, la conversation dévie souvent sur des anecdotes, où les grands-parents nous racontent qu'ils sont allés dépanner leurs propres enfants en allant garder et chérir leurs petits-enfants. Les parents étant souvent confrontés à un marché du travail exigeant, le nombre de familles monoparentales étant beaucoup plus important que par le passé, les grands-parents à la retraite sont devenus des dépanneurs de qualité pour les familles en tant que gardiens et gardiennes. L'implication des grands-parents auprès des petits-enfants dans ces circonstances à quelques reprises dans l'année permet d'approfondir davantage les liens des grands-parents et des petits.
Il faut que la loi n° 125 permette aux grands-parents de pouvoir exercer leur droit de visite des petits-enfants et en particulier lorsqu'il y a adoption d'un enfant, d'un préadolescent ou d'un adolescent. Comme vous le savez, l'adoption dite plénière qui a cours présentement au Québec fait en sorte qu'on émet un nouvel acte de naissance pour l'enfant adopté. Le nom des parents biologiques disparaît de l'acte, l'enfant change souvent de nom pour prendre celui des parents adoptifs. Il devient alors difficile pour les grands-parents d'invoquer l'article 611 du Code civil et d'avoir au moins la présomption en leur faveur devant le tribunal afin d'avoir des droits de visite auprès des petits-enfants. Dans le contexte actuel, les grands-parents ont peu de droits durant les procédures d'adoption au tribunal. La fédération demande en conséquence de modifier le cadre législatif pour instaurer l'adoption simple, qui est en vigueur dans plusieurs pays. Dans ce cas, l'acte de naissance original demeure. Ainsi, les grands-parents biologiques restent alors des grands-parents biologiques et donc conservent les droits que leur accorde l'article 611 du Code civil.
Le deuxième point que nous voulons vous faire entendre, c'est la famille d'accueil et adoption: priorité à la famille élargie. Lorsque la situation familiale le justifie, le directeur de la protection de la jeunesse doit retirer un enfant de sa famille d'origine pour le confier à une famille d'accueil. La fédération demande que le directeur de la protection de la jeunesse initie à ce moment-là une démarche auprès de la famille élargie: grands-parents, oncles, tantes, frères, soeurs des parents. La démarche vise à signifier à la famille élargie qu'un enfant, préadolescent ou adolescent a été retiré de sa famille d'origine. L'avis doit signifier que les membres de la famille élargie intéressés à devenir famille d'accueil doivent en informer le directeur de la protection de la jeunesse dans les plus brefs délais et être prêts à devenir famille d'accueil dans une période n'excédant pas un an. Donc, si, par exemple, les grands-parents sont prêts à être famille d'accueil après six mois, alors leur petit-enfant est transféré de la famille d'accueil intérimaire depuis six mois aux grands-parents. Comme c'est souvent le cas, le petit-enfant aura peut-être à retourner dans sa famille d'origine si le directeur de la protection de la jeunesse juge que la situation est redevenue convenable. Cependant, il est aussi possible que l'instabilité s'installe à nouveau dans la famille d'origine. Alors, au cours des années, le petit-enfant aura peut-être à déménager à quelques reprises. Cependant, il est fort probable que le petit-enfant retournera à chaque fois chez ses grands-parents plutôt que de changer de famille d'accueil à chaque fois que l'instabilité s'installe dans la famille d'origine, comme on a vu plusieurs cas par le passé.
En privilégiant les grands-parents et la famille élargie, on vient ainsi corriger les situations déplorables qui ont amené des enfants à vivre dans plusieurs familles d'accueil avant leur majorité. De plus, le lien affectif et identitaire des enfants demeure intact, puisqu'ils continuent de vivre et s'épanouir au sein de celle-ci. Cette façon de procéder créerait aussi une situation propice lorsque le directeur de la protection de la jeunesse juge que le moment est venu de recommander l'adoption. Les grands-parents famille d'accueil seraient alors la solution la plus appropriée pour adopter leurs petits-enfants. Si jamais les grands-parents se désistaient pour l'adoption, le directeur de la protection devrait alors privilégier d'autres membres de la famille élargie, par exemple une tante, qui se seraient montrés intéressés au cours de la période de la première année du placement de l'enfant dans une famille d'accueil. Évidemment, si aucun membre de la famille élargie ne signifie son intérêt durant la première année de placement de l'enfant en famille d'accueil, le directeur de la protection de la jeunesse et le tribunal n'auraient plus à donner priorité à la famille élargie lors d'un placement dans une famille d'accueil ou d'une adoption simple.
n(9 h 50)n Alors, en conclusion, faisons en sorte que le projet de loi n° 125 prévoie des dispositions privilégiées à l'égard des grands-parents et de la famille élargie pour les placements en famille d'accueil et l'adoption simple. Dans le contexte de la société québécoise, les enfants adoptés ont généralement plus de deux ans. Ces enfants ont été en lien et en contact direct avec leurs grands-parents et autres membres de la famille élargie. Souvent, les enfants ont entretenu des liens affectifs très significatifs avec leurs grands-parents biologiques. Les grands-parents jouent donc un rôle déterminant dans le développement socioaffectif de leurs petits-enfants. La famille et la famille élargie sont les fondements les plus importants de notre société. Faisons en sorte que le projet de loi n° 125 renforce les droits de la famille élargie. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Paquette. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, bienvenue, M. Paquette, merci d'être là. Vous commencez notre dernière semaine d'audiences publiques, alors j'ai un petit préjugé favorable à l'égard des grands-parents, en étant une moi-même, alors je comprends très bien ce que vous nous soulevez comme réalité vécue par plusieurs de vos membres.
Je voudrais vous dire que, avant de... j'ai quelques questions à vous poser... Lorsqu'on entend les grands-parents, l'Association de défense des droits des grands-parents et votre organisme ? et il y a un autre organisme aussi ? soulever cet irritant puis cette difficulté que vivent les grands-parents, on a souvent l'impression que c'est l'ensemble des grands-parents dont les enfants sont dans le système de protection de la jeunesse qui sont exclus de la décision ou de la démarche prise par la DPJ de leur confier leur petit-enfant. Je voudrais juste rectifier, là, je ne veux pas qu'on soit en porte-à-faux, vous et moi, parce qu'on est là pour les mêmes raisons, on est là parce qu'on pense que c'est important qu'un enfant dont la sécurité et le développement sont compromis, l'enfant qui est retiré de sa famille puisse pouvoir évoluer dans un milieu qui va lui permettre d'avoir une vie normale, une stabilité, de l'affection, hein, se sentir bien dans sa peau, là, jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la majorité, et, je dirais même, ça a des conséquences sur sa vie adulte. Mais il y a quand même une moyenne d'enfants actuellement, il y a 15 % des enfants au Québec qui sont sous le régime de la protection de la jeunesse et qui sont chez des membres de la famille élargie. Ça peut ne pas être des grands-parents, ça peut être un oncle ou une tante, mais c'est déjà... il y a déjà 15 %.
Moi, j'aimerais, puisque vous soulevez cette réalité-là, vous n'avez parlé que de ça finalement dans votre mémoire... Pourriez-vous me parler des démarches, comment ça fonctionne, qu'est-ce que vos membres vous disent: J'ai un petit-fils, ou une petite-fille, qui est retiré de chez mon enfant adulte, j'ai voulu m'en occuper... Pourriez-vous nous faire cheminer pour que, nous, on puisse comprendre, ici, comme commission, qu'est-ce qui accroche puis pourquoi on n'offre pas aux grands-parents, dans la majorité des cas, de prendre les enfants?
M. Paquette (René): C'est que normalement, quand arrivent des situations où les enfants sont retirés de la famille d'origine, ça prend un peu tout le monde par surprise. Alors, ça prend un peu tout le monde par surprise, et, à ce moment-là, les grands-parents sont face à une bureaucratie, ils ne sont pas habitués de composer avec des démarches bien encadrées, ce qui fait qu'à un moment donné, s'ils ne réagissent pas assez rapidement, bien les enfants après ça ont peu de chances de revenir dans la famille élargie d'origine. Et le sens de notre mémoire, c'est un peu ça, c'est qu'on voudrait que la famille élargie au grand complet puisse être avisée qu'ils ont un délai, et, nous, on suggère un délai d'un an pour dire: Bien, écoutez, là... Peut-être qu'il y a des grands-parents, au moment où ça se produit, qui ne sont pas dans un contexte pour accueillir immédiatement leur petit-enfant ou leurs petits-enfants, au pluriel. Alors, sur le coup, non, leur vie n'est pas faite en conséquence, peut-être que la résidence ne convient pas, ils ont peut-être déménagé dans un endroit qui ne peut pas accueillir des enfants, etc. Alors, souvent pour des contraintes des fois matérielles, conjoncturelles, ils laissent filer l'occasion en or qu'ils ont à un moment donné de pouvoir récupérer ces enfants-là. Alors, c'est plus cela, le contexte, où on a entendu des membres dire: Bien, à un moment donné, finalement, là, on ne peut plus le récupérer, il est trop tard; là, on voudrait bien, mais... Tu sais, ils sont rendus deux, trois ans, quatre ans plus tard, puis là ils le regrettent. Alors, c'est ces cas-là.
Je crois que vous êtes bien documentée pour dire: Bien, il y a quand même un pourcentage de cas où les enfants sont quand même dans les familles élargies et que ça s'est déroulé assez bien. Nous, ce qu'on dit, c'est que de façon systématique on devrait pouvoir, là, avertir ces gens-là, leur donner un délai en disant: Bien, après tel délai, notre nouvelle loi va faire en sorte qu'on veut assurer la sécurité de l'enfant, donc on va accélérer pour que l'adoption légale se fasse le plus rapidement possible. Cet aspect-là, on peut le comprendre, mais je crois qu'en dedans d'un an, là, on devrait d'abord privilégier ces...
Mme Delisle: O.K. Je vois deux choses dans ce que vous dites puis j'aimerais que vous éclairiez notre lanterne. La première, vous nous dites, si je vous comprends bien: au bout d'un an de placement de l'enfant, vous aimeriez qu'on considère les grands-parents comme étant ceux qui pourraient prendre la charge de leur petit-enfant. C'est ce que vous nous dites. Pour vous donner le temps, aux grands-parents, de s'organiser.
M. Paquette (René): C'est ça, c'est qu'il y aurait un an pour signifier au tribunal...
Mme Delisle: Oui, oui, mais c'est... Je comprends.
M. Paquette (René): Soit eux ou soit d'autres membres de la famille élargie.
Mme Delisle: Est-ce que vous ne pensez pas qu'en amont de ça les grands-parents pourraient être immédiatement impliqués, ceux qui le souhaitent, là? Parce que ce n'est pas tous les grands-parents qui veulent ça, ce n'est pas tous les grands-parents qui ont la capacité, non plus, parentale; ils ne l'ont pas eue pour leurs propres enfants ? je ne passe pas de jugement de valeur, mais c'est quand même vrai, là ? et ce n'est pas tous les grands-parents qui... Ce n'est pas parce qu'on est un grand-parent, qu'on a un lien biologique avec un enfant, qu'on a nécessairement un lien de compétence. On a entendu l'Ordre des psychologues. Ce n'est pas moi qui dis ça, là, je répète presque textuellement ce que l'Ordre des psychologues nous a dit.
Je veux revenir à ma question parce que je pense qu'elle est importante. On a introduit dans la loi l'obligation pour le DPJ de s'assurer qu'il y ait... si on parle de famille d'accueil ou même de tutelle, qu'on regarde d'abord la filière famille élargie, une personne significative ? on peut s'entendre sur ce que ça veut dire. Mais, dans notre esprit à nous, ça voulait dire les grands-parents, les oncles, les tantes, ça peut être une voisine qui s'est occupée de cet enfant-là pendant que la mère avait des gros problèmes puis qui pourrait prendre la charge de cet enfant-là. On se comprend.
Moi, ce que je veux vous demander: Est-ce que, dans les circonstances où les grands-parents vraiment ont une présence quand même dans la vie de leur petit-enfant, comme les grands-parents ont en général, ils ne devraient pas être partie prenante dans les circonstances où il y aurait des... on parle d'approche consensuelle, on parle de mesures volontaires, on parle d'adhésion de son fils ou de sa fille à ces mesures-là pour essayer de s'en sortir... J'aurais plutôt pensé que vous auriez souhaité ça.
L'autre chose, c'est que... Vous ne trouvez pas que, si on retire l'enfant... pendant un an, on l'envoie dans une famille d'accueil, de faire la démarche par la suite pour voir si les grands-parents veulent s'occuper ou non de l'enfant... il me semble qu'il y a une année de perdue dans la vie de l'enfant. Je ne sais pas si c'est moi qui trouve ça difficile, mais sincèrement on a déposé des amendements... justement, on propose cette révision-là pour éviter le ballottement des enfants d'une famille à une autre.
n(10 heures)n Alors, moi, je considère que les grands-parents devraient, je pense, se faire connaître, faire connaître tout de suite leurs intentions. Ça ne veut pas dire... C'est sûr que la DPJ puis les intervenants vont devoir évaluer aussi les capacités parentales des grands-parents, puis ça, je trouve ça parfaitement normal dans les circonstances, et, si les grands-parents souhaitent prendre charge de leur petit-fils ou de leur petite-fille, moi, je pense qu'il faut que ça se fasse à ce moment-là et non pas un an après, pour ressortir l'enfant, surtout un jeune enfant, d'une famille d'accueil pour le renvoyer chez le grand-parent qu'il n'aura jamais vu. Est-ce que c'est moi qui comprends mal? Je veux juste qu'on s'assure que les enfants... que l'exercice qu'on est en train de faire ne protège pas, puis là je vais dire quelque chose de gros, là, mais je... on est ici pour ça, je ne veux pas que personne le prenne mal... ce n'est pas une loi pour protéger les grands-parents, là, c'est une loi pour protéger les enfants puis s'assurer qu'ils évoluent normalement puis qu'ils puissent se développer normalement.
M. Paquette (René): Alors, peut-être... je vous amène un exemple concret. Alors, c'est évident... Dans cette recherche du directeur de la protection de la jeunesse, c'est que la famille, les grands-parents, la famille élargie doit le plus rapidement possible faire savoir leur intention. Mais, si on prend des grands-parents qui ont déménagé puis qui demeurent dans un un et demi et qu'ils ont trois enfants à adopter, ils vont peut-être signifier au bout d'une semaine ou deux semaines, dire: C'est notre intention d'être famille d'accueil pour nos petits-enfants, sauf que laissez-nous le temps, peut-être trois mois, six mois, de pouvoir déménager et être dans un espace plus convenable pour pouvoir accueillir. Alors, c'est dans... Mais nos revendications sont dans ce sens-là, ce n'est pas dans le sens de dire: Bien, on a jusqu'à un an, hein? Mais... c'est-à-dire, évidemment ? c'est toujours l'esprit ? le plus rapidement possible. Et ça vient concorder un petit peu avec le point qu'on fait dans notre mémoire, que, s'il y avait de l'adoption simple, bien ce serait plus facile pour les grands-parents, le temps qu'ils soient prêts. Si ça prend trois mois, six mois, s'acheter un condo ou louer une maison, quelque chose pour pouvoir les accueillir, qu'ils puissent aller les visiter dans la famille d'accueil où ils sont et garder le lien, le cultiver. Alors, c'est davantage dans ce sens-là, Mme Delisle.
Mme Delisle: Mais je le reçois bien, là. On n'est pas en désaccord, là. Je reçois bien ça.
Je voulais vous demander... Nous avons introduit une mesure touchant la tutelle. Il y a beaucoup de gens dont les grands-parents qu'on avait rencontrés qui nous disaient: C'est difficile pour nous d'adopter, parce que les enfants, nos enfants sont les parents, puis nos propres enfants sont là. Bon. On est conscients... Les grands-parents sont également conscients, dans certains cas, que leur fils ou leur fille est en train de se reprendre en charge, et tout ça, et qu'ils auraient souhaité, sans adopter, prendre la responsabilité parentale le temps que le parent se reprenne en charge. Votre mémoire est muet là-dessus. Est-ce que c'est une notion que vous avez regardée? Parce que ça donne la responsabilité... le tuteur, c'est-à-dire, va avoir les responsabilités parentales, va pouvoir les exercer, il a donc des droits parentaux, mais ça ne brise pas le lien familial, ce qui veut dire que... Ce que je veux aussi ajouter, c'est que le tribunal peut, si les circonstances le permettent ? c'est «révoquer» qu'on dit? ? la tutelle, j'oublie le... c'est ça, peut révoquer la tutelle et remettre la responsabilité aux parents naturels. Est-ce que c'est un élément que vous trouvez intéressant pour votre organisation?
M. Paquette (René): Oui, c'est un aspect qui est intéressant en ce sens que justement on va peut-être protéger davantage le ballottement des enfants d'une famille d'accueil à l'autre. Nous, ce qu'on prend pour acquis, c'est que, s'il y a stabilité dans la famille et que le directeur de la protection de la jeunesse dit: Bon, je pense que les enfants peuvent retourner avec leurs parents, et, si ça se gâte une deuxième fois, fort probablement que les parents qui ont eu la tutelle ou qui ont eu la garde des enfants... si ça va mal encore une fois, ils vont les reprendre. Alors, ils ne seront pas ballottés dans différentes familles d'accueil. Alors, c'est pour ça qu'on insiste un peu pour qu'il y ait vraiment, là, un aspect pour privilégier la famille d'accueil au début et leur donner quand même une certaine période de temps avant de se manifester et de pouvoir agir. Parce qu'à moyen terme, pour l'enfant, ça peut être un moyen d'assurer la stabilité, parce que, si l'enfant est ballotté deux, trois fois, il va peut-être revenir deux, trois fois chez ses grands-parents.
Mme Delisle: J'aurais une autre question à vous poser, concernant l'implication de la famille élargie soit comme tuteurs ou même comme parents adoptants, mais... Je voudrais vous demander: Est-ce que vous considérez qu'il serait important que ces grands-parents-là ou ces membres-là qui deviennent tuteurs ou adoptent des enfants aient un suivi pendant un certain temps pour les aider à cheminer? Parce que ce n'est quand même pas une démarche facile, là, on a sorti un enfant de son milieu familial, on l'a peut-être envoyé en famille d'accueil, ce n'est peut-être pas nécessairement la famille d'accueil qui va devenir tuteur ou tutrice de cette enfant-là. Est-ce c'est quelque chose que vous pensez qui pourrait être souhaitable?
M. Paquette (René): Qui est souhaitable non seulement pour les grands-parents, mais, dans les cas où les enfants vont dans une famille étrangère, je pense qu'il doit toujours se faire un suivi.
Mme Delisle: Est-ce que ce sont des éléments que vous discutez dans votre organisme? Est-ce que les grands-parents vous soulèvent ces points-là?
M. Paquette (René): Bien, nous, ce qu'ils soulèvent, c'est qu'ils veulent vraiment s'assurer que ça ne leur glisse pas entre les mains, là, que ce soit clair qu'ils ont une période de temps où ils peuvent s'organiser puis finir par être tuteurs, là, pour des raisons des fois d'aménagement et des raisons matérielles.
Mme Delisle: Moi, ce que je retiens de notre entretien, de notre discussion, M. Paquette, c'est que... Moi, je pense qu'en amont il faut que les grands-parents signalent, signifient dès le départ qu'ils ont l'intention d'être très impliqués dans cette démarche-là et qu'ils souhaitent faire partie, là, des décisions. C'est pour ça que je vous ai posé la question au début, et je reviens là-dessus... C'est vrai que les gens... Vous l'avez dit au début, vous avez dit: On se fait prendre par surprise. Mais les grands-parents ne sont quand même pas aveugles, là. Il se passe des choses dans une famille. Notre fille ou notre fils est toxicomane, il y a de l'abus. Il y a certains abus qui sont plus difficiles à détecter, mais, sur la négligence et l'abandon des enfants, la malnutrition, on ne s'en occupe pas, je pense que les grands-parents ne peuvent pas être si aveugles que ça, à moins qu'ils ne voient jamais leurs petits-enfants. Donc, ceux que vous représentez sont beaucoup plus ceux qui ont une relation significative dans la vie de leur petit-enfant. C'est ce que je comprends, là.
M. Paquette (René): Dans la très grande majorité des cas, oui. Ça fait toujours partie des conversations quotidiennes.
Mme Delisle: Bon, puis qui sont prêts à changer leurs habitudes de vie, changer même de milieu de vie, alors qu'ils avaient droit à une retraite intéressante.
Donc, je pense qu'il faut faire des... Moi, je pense qu'il faut que vous développiez ça, cette sensibilité-là qu'ils doivent avoir. Puis je sais que ça arrive très brusquement, mais... En tout cas, je laisse la balle dans votre camp, mais ce n'est pas juste au gouvernement, ce n'est pas juste à nous, les parlementaires, que ça appartient, cette responsabilité-là. On peut bien mettre tout ce qu'on voudra dans un projet de loi, on a à se responsabiliser aussi à cet égard-là.
Puis, à mon avis, même si on est très surpris et meurtris par ce qui se passe dans la famille de nos enfants, à quelque part, là, on a une espèce d'adrénaline qui devrait repartir pour nous dire: Non, non, non, je ne laisse pas faire ça. Mais ça dépend, c'est sûr, des circonstances puis des capacités parentales des grands-parents. Ça, c'est clair dans mon esprit que ce n'est pas tous les grands-parents qui ont la capacité d'élever leurs petits-enfants. Ce n'est pas nécessairement une question d'âge, soit dit en passant, parce qu'il y a des grands-parents qui sont plus âgés puis ils sont très capables de subvenir aux besoins puis de transmettre les valeurs à leurs petits-enfants. Mais c'est pour l'infime...
M. Paquette (René): Je dirais que je pense que... Vous semblez dire que c'est important qu'ils signifient le plus rapidement possible leur intention. Alors, je peux comprendre que peut-être, dans une période de deux, trois mois, ils pourraient avoir à le signifier, mais des fois, comme je vous dis, là, le temps de se revirer de bord, ça peut leur prendre six mois. Mais qu'ils signifient leur intention dans les 10, 12 premières semaines, je peux comprendre aussi, là, que c'est important pour l'enfant et important aussi pour le système de dire: Bien oui, ah! il y a de l'espoir de ce côté-là, les grands-parents nous ont signifié qu'ils sont intéressés, donc on va déjà faire des démarches pour voir s'ils ont les aptitudes, etc.
Mme Delisle: Je terminerais en vous disant que j'ai abordé ce projet de loi là puis cette commission-ci avec une très grande ouverture d'esprit, tout le monde d'ailleurs, tous qu'on en est, là ? ce n'est pas juste moi, là, c'est tout le monde ? et un des corollaires importants, à mon avis, à cette loi-là, à cette révision de loi là, c'est qu'il faut aussi changer nos façons de faire, il faut changer notre façon de voir la pratique. Et il y a de multiples exemples, qui ne sont malheureusement pas connus, qui se passent dans l'ensemble des régions du Québec ? j'en ai fait plusieurs, j'en ai fait 13 ? qui sont des bijoux d'exemples et d'interventions directes dans le milieu, et ça touche autant le champ de pratique des intervenantes, des DPJ, des CSSS, de tout le monde.
Alors, je souhaite ardemment, sincèrement qu'on puisse... que ce ne soit pas si compliqué que ça d'inclure les grands-parents quand c'est possible de le faire. C'est peut-être le message que je voulais passer ce matin. J'ai terminé. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
n(10 h 10)nMme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Paquette. Vous avez changé de nom comme organisme, mais je vois que vous défendez toujours avec fougue les personnes âgées de 50 ans et plus qui font partie de votre organisation, parce que c'était l'ancienne Fédération des clubs de l'âge d'or de l'Est du Québec, et qui s'appelle maintenant Fédération des carrefours des 50 ans et plus.
Ce que je retiens dans votre mémoire, honnêtement, et que je trouve très intéressant, c'est que vous demandez que le directeur de la protection de la jeunesse initie une démarche auprès de la famille élargie par un avis, qu'on donne un avis de façon concrète. Je pense qu'il y a quelque chose là à explorer. Honnêtement, vous n'êtes pas le premier qui nous parlez de la famille élargie. C'est sûr que ce n'est pas automatique, ce n'est pas parce qu'on est grand-papa, ou grand-maman, ou matante qu'on est adéquat pour la sauvegarde de l'intégrité et de la protection de l'enfant. Mais, en partant, disons qu'on a des préjugés favorables par rapport à la famille élargie, et ça, il faut qu'on le sente plus dans la pratique du réseau comme tel. Jusqu'à date, ça se passe dans plusieurs cas, mais parfois ce n'est pas toujours le cas, et la famille élargie a beaucoup de réticences pour la suite des choses.
Moi, j'aimerais savoir... Une fois que je vous ai dit que cet avis-là m'apparaît une piste à explorer, une piste intéressante, je voudrais vous rappeler que la loi, c'est une loi d'exception, donc ça veut dire que ce n'est pas à tous les cas d'enfants qui ont des problèmes ou des difficultés qu'elle s'adresse mais à des cas bien particuliers, et que le temps, le temps compte pour les enfants. Un enfant de deux ans, si on le met en attente que quelqu'un prenne une décision pour s'en occuper et qu'on donne un délai d'un an, là, bien c'est presque... c'est la moitié de sa vie. Alors, ce n'est pas la même chose qu'une personne de 50 ans; la moitié, c'est 25. Je veux dire, on ne parle pas de la même affaire. Et, si je vous rappelle ça, c'est parce que je suis d'accord avec la ministre quand elle dit qu'il faut vraiment que les choses soient claires. Bon, 15 % des enfants de la DPJ sont dans leurs familles ou dans la famille élargie, dans la famille immédiate, et que l'on donne une chance aux grands-parents de s'organiser, je suis tout à fait d'accord, mais il ne faut pas que ça s'éternise dans le temps. Parce que la loi, elle est là pour les enfants, elle n'est pas là pour les parents stricts au sens de la loi comme telle puis elle n'est pas là non plus pour les grands-parents, ce qui n'exclut pas d'avoir des mesures qui vont aussi s'adresser à la fois à l'enfant en priorité mais aussi aux parents et aux grands-parents en corollaire.
Ceci étant dit, moi, je voudrais vérifier avec vous: Est-ce que les grands-parents que vous côtoyez sont pour ou contre l'adoption? Parce que j'avais le sentiment, à la page 4 de votre mémoire, que l'adoption, c'était plus ou moins clair si vous étiez... si vous étiez en accord avec cette mesure-là.
M. Paquette (René): En général, ils sont pour l'adoption. Je pense que le gros bon sens les fait réfléchir à l'effet que justement il ne faut pas ballotter les enfants. C'est quand même leur vie à eux, et les premières années sont importantes. Alors, je pense que là-dessus il y a un fort consensus qu'il faut trouver une situation la plus stable possible, le plus rapidement possible, et, si ça mène vers l'adoption, bien ça devrait mener vers l'adoption.
Mme Charest (Rimouski): La tutelle, vous en avez parlé avec la ministre. Moi, j'aimerais revenir sur... Vous ne l'abordez pas dans votre mémoire, mais vous savez, vous êtes au courant sûrement que, dans le projet de loi, on prévoit qu'«à l'intérieur de la durée maximale prévue à l'article 53, une ou plusieurs ententes comporte une mesure d'hébergement», et on parle des délais: «12 mois si l'enfant a moins de 2 ans; 18 mois si l'enfant est âgé de 2 à 5 ans; 24 mois si l'enfant est âgé de 6 ans et plus»... Donc, à l'expiration de la durée totale de l'hébergement, on pourrait s'enligner sur un projet de vie permanent qui pourrait être la tutelle, l'adoption, et tout ça. Est-ce que, sur la durée, là, sur ces modalités-là, est-ce que vos membres en ont discuté et qu'est-ce qu'ils en pensent?
M. Paquette (René): Bien, là-dessus, on est d'accord sur les délais qui sont proposés par groupe d'âge d'enfants, que vous venez d'énumérer, et, nous, notre mémoire dans le fond, c'est ça, c'est pour ça qu'on dit: Donnez-nous, là, jusqu'à un maximum d'un an, quitte à signifier le plus tôt possible pour que la famille élargie qui veut adopter l'enfant... le temps qu'elle s'adapte. Alors, c'est dans ce sens-là que notre mémoire a été proposé: privilégions et dépêchons-nous, en dedans d'un an, de privilégier la famille élargie et, après ce délai, si la famille élargie ne s'est pas manifestée ou si encore on a jugé que les parents proposés ne conviennent pas, bien on passe à autre chose.
Mme Charest (Rimouski): Mais ce n'était pas de ça qu'il s'agissait. Moi, j'ai compris ça dans votre mémoire, que vous vouliez un maximum d'un an, là, pour donner la chance aux grands-parents ou à la famille de pouvoir s'organiser pour recevoir l'enfant, et les délais qui sont ici, ceux qui sont prévus à l'article 22 qui modifie l'article 53.0.1, là, c'est dans le sens de dire qu'après qu'un enfant a été retiré de sa famille, si l'enfant a moins de deux ans, on donne un délai de 12 mois aux parents pour se reprendre en main, et c'était sur ces éléments-là que je voulais vous entendre. Est-ce que les grands-parents ont réagi?
M. Paquette (René): Bien, c'est dans cette période-là que, si les parents ne peuvent pas accueillir l'enfant, que les grands-parents puissent le faire ou la famille élargie puisse le faire...
Mme Charest (Rimouski): Qu'il soit signifié.
M. Paquette (René): ...on est dans le même délai d'un an.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, vous voulez que les grands-parents puissent avoir l'autorisation d'exercer leur rôle parental auprès de leurs petits-enfants. Par contre, si les enfants sont retirés de leur famille d'origine, c'est parce que les parents ont des problèmes, des problèmes sérieux, hein, d'alcoolisme, de toxicomanie, ça peut être le jeu pathologique qui amène des situations de négligence, ça peut être plein de... violence conjugale. Par contre, on sait très bien que ces enfants adultes qui se voient retirer leurs enfants, en sachant que c'est les grands-parents qui s'en occupent, il n'y aurait pas un danger réel ou en tout cas appréhendé à l'effet que ces enfants adultes dysfonctionnels qui ne peuvent pas assumer leurs responsabilités parentales, comment je dirais, retournent chez les grands-parents parce que, les grands-parents ayant les enfants, là, c'est un bon prétexte pour retourner, et fassent un peu de la misère aux grands-parents, là? Et comment les grands-parents vont pouvoir gérer ça sur une période quand même assez importante en termes de temps?
Parce que, vous savez, des grands-parents, on le sait, là, ils ont même... les enfants ne sont même pas retirés des familles, puis il y a des adultes qui retournent chez leurs parents chercher de l'argent pour assumer leur toxicomanie et non pas pour nécessairement payer l'épicerie, alors... Et ça, là, est-ce qu'on ne mettrait pas les grands-parents aussi dans des situations très difficiles? Non seulement on leur donnerait la responsabilité parentale de leurs petits-enfants, ce qui en soi est déjà important compte tenu que... on est capables, peu importe notre âge, là, même si on est des personnes âgées, mais ça demande quand même de l'énergie et beaucoup d'efforts, et en plus ils auraient leurs enfants adultes sur le dos ? je m'excuse de l'expression ? parce que celui-ci est dysfonctionnel puis revient à la charge régulièrement.
M. Paquette (René): Bien, je crois que, quand on est parent, on est parent pour le reste de nos jours. Et on entend quotidiennement des collègues, des membres qui ont 60, 65, 70, 75 ans et qui n'en reviennent pas, ils sont encore en train de prendre soin de leurs enfants qui ont 40, 45 ans et qui ne sont pas nécessairement dysfonctionnels, mais... qui ont encore des interventions importantes. Alors, je me dis, que ces interventions-là soient avec des enfants qui sont normaux, entre guillemets, ou dysfonctionnels, je crois que cette relation-là se doit de continuer, elle est naturelle. Et, justement, les grands-parents ayant une expérience de la vie, bien, je pense, peuvent davantage composer avec ça. Alors, moi, je n'en vois pas... que ce soit un risque ou une situation, moi, je suis convaincu que les grands-parents préfèrent avoir des enfants et avoir peut-être une vie plus difficile que d'avoir une vie mélancolique et d'être privés de leurs petits-enfants parce qu'ils n'en ont plus accès, alors.
Mme Charest (Rimouski): Je vais laisser la parole à ma collègue.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Terrebonne.
n(10 h 20)nMme Caron: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Paquette. Moi, je voudrais revenir sur un des aspects qui m'apparaît important, lorsque vous dites que l'enfant pourrait faire ? puis je reprends l'expression que vous avez utilisée, là ? du ballottage à plusieurs reprises entre une famille d'accueil et les grands-parents ou quelqu'un de la famille élargie. Au niveau de ces transferts à plusieurs reprises, vous n'avez pas une certaine inquiétude par rapport à ça? Vous ne voulez pas mettre une certaine limite? Parce qu'à chaque fois que l'enfant est retransféré, même si c'est dans le milieu de la famille élargie, c'est évident qu'il a à retravailler au niveau de nouvelles habitudes de vie, il a à revivre autre chose, c'est complètement autre chose, et chaque transfert, c'est quelque chose de pénible pour l'enfant, même si c'est au niveau de la famille élargie. Donc, vous aviez l'air à laisser la porte ouverte à beaucoup de transferts. Je vous ai mal interprété ou...
M. Paquette (René): Bien, disons que, nous, on a quand même confiance au directeur de la protection de la jeunesse et à son jugement, de juger si des parents sont aptes à ce qu'il y ait un retour des enfants. Alors, dans plusieurs cas, les parents ne seront plus jamais aptes à ravoir leurs enfants, et, dans ces cas-là, c'est réglé. D'un autre côté, vous savez que, dans bien des domaines, à un moment donné, on dit: Bien... dans le domaine pénitencier, on a dit: À un moment donné, il y a de la réhabilitation. Alors, si le directeur de la protection de la jeunesse juge que les parents peuvent avoir une chance parce que c'est stabilisé, il faut prendre cette chance-là, mais sans doute que le directeur de la protection de la jeunesse, il n'en laissera probablement pas trois, quatre, là. Si on voulait inscrire dans la loi ou dans les règlements que les parents auraient juste une chance, je ne serais pas contre qu'il y ait une disposition plus restrictive en disant: Bien, ça peut arriver une fois, puis, si ça ne fonctionne pas cette fois-là, bien, écoutez, vous venez, en tant que parents, de perdre à vie accès à vos enfants. On ne serait pas contre cette affaire-là. Mais, nous, on juge que c'est mieux que la situation passée, là, qu'on a pu vivre, où les enfants ont fait plusieurs familles d'accueil. C'est mieux au moins de retourner dans la même que de changer de famille d'accueil à chaque occasion.
Mme Caron: Question bien pratique: Dans votre groupe, dans le Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec, est-ce que vous avez beaucoup de vos membres qui ont vécu des situations où leurs petits-enfants se sont retrouvés, au niveau de la DPJ, près d'eux ou près de leur entourage? En fait, est-ce qu'ils ont une expertise concrète de ce qui se vit présentement pour des enfants qui sont à la DPJ?
M. Paquette (René): Bien, évidemment, on a porté à notre attention des cas où les grands-parents ont laissé filer la possibilité de pouvoir avoir la tutelle ou la garde de leurs petits-enfants. Ça, il en existe des cas dans notre région comme partout au Québec. Mais je dois vous dire qu'en général les témoignages que nous avons ? comme disait Mme Charest tout à l'heure, c'est une loi d'exception ? les jeunes parents, les jeunes grands-parents, qui sont baby-boomers, je crois, sont, je dirais, plus près de leurs petits-enfants que peut-être, nous, les baby-boomers, on l'a été par rapport à nos grands-parents; alors, des retraites plus tôt, un marché du travail qui fait en sorte que les deux parents travaillent. Alors, je le sais, moi, j'ai un conseil d'administration dans deux semaines, et mes administrateurs m'ont dit, là: Plus jamais tu dois faire un conseil d'administration durant la relâche, parce que je dois aller garder mes enfants à Montréal à toutes les semaines de relâche, etc. Alors, je crois que les grands-parents sont beaucoup plus près. Alors, on a beaucoup plus de témoignages positifs de relations grands-parents? petits-enfants, et ça, c'est la majorité des témoignages qu'on a. Alors, dans des cas difficiles, je me dis, bien, qu'il faudrait privilégier les grands-parents.
Mme Caron: Cet aspect-là, je l'avais bien compris. Ma question n'est pas vraiment dans ce sens-là. Est-ce que parmi vos membres il y a effectivement des personnes qui ont des petits-enfants qui ont vécu dans des familles dysfonctionnelles et qui ont dû faire appel à la DPJ, donc qui ont une expertise vraiment, pas là où il n'y a pas de problème, là où les liens sont très bons avec les enfants, les grands-parents, mais là où il y a eu une difficulté réelle, où il a dû y avoir un signalement et où les petits-enfants ont vécu ce signalement-là et qu'il y a eu des gestes qui ont été posés, des décisions qui ont été prises au niveau de la DPJ? Parmi vos membres, est-ce qu'il y en a un certain pourcentage qui ont cette expertise-là?
M. Paquette (René): Je n'ai malheureusement pas ces données, madame. Ce que je peux vous dire, c'est que, nous, dans la prochaine édition du magazine ? notre magazine qu'on publie deux fois par année ? au mois de mai, on va avoir un témoignage d'un cas de grands-parents qui justement, là, à cause de la bureaucratie, se sont retrouvés qu'ils ont perdu la trace de leurs petits-enfants. On va profiter de notre magazine pour faire un appel à tous en disant: Bien, on aimerait, dans le numéro suivant, avoir des témoignages de grands-parents qui se sont occupés de leurs petits-enfants, que ce soit légalement ou tout simplement de façon informelle, parce que les parents étaient dysfonctionnels pendant une certaine période. Alors, vous devancez un petit peu, là. Alors, on n'a pas fait une étude là-dessus, mais c'est quelque chose qu'on veut avoir un témoignage là-dessus. Alors, je peux vous assurer que nous ferons parvenir aux membres de la commission l'édition du magazine du mois de mai et celle du mois de décembre suivant, où on aura un cas de chacun.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Paquette, merci beaucoup pour votre présence lors de cette commission parlementaire.
M. Paquette (René): J'aurais une dernière question, peut-être, pour m'éclairer. Est-ce que c'est possible?
Le Président (M. Copeman): Bien, normalement, c'est nous autres qui posons les questions, M. Paquette, mais allez-y, on verra.
M. Paquette (René): Bon. Alors, voilà. C'est tout simplement que... J'ai ma fille qui a 13 ans, et il y avait des camarades qui étaient chez elle il y a deux semaines et il y avait un enfant, tiens, que j'ai su qu'il était en famille d'accueil. Alors, la première chose, c'est que cet enfant-là, aussitôt qu'il est rentré dans la maison, sentait le tabac, son linge, tout ça. Alors, j'ai demandé à ma fille: Mon Dieu! il sent le tabac, ça n'a pas de bon sens; mets son linge dans le garde-robe, ou on va le laver pendant qu'il n'est pas là. Mais elle disait: Bien, dans cette famille d'accueil là, ça fume comme des cheminées. Alors, c'était juste la question que je voulais apporter: Est-ce qu'encore aujourd'hui, alors qu'on sait que dans les restaurants et les endroits publics, à compter du 31 mai, il n'y aura plus l'usage du tabac, est-ce que, dans les normes de la protection de la jeunesse, on s'assure que les familles d'accueil soient des familles non fumeurs?
Le Président (M. Copeman): La question est posée et va demeurer sans réponse pour l'instant. Merci, M. Paquette, pour votre participation au nom de la FCADEQ-Carrefour des 50 ans et plus de l'Est du Québec.
J'invite les directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 28)
(Reprise à 10 h 32)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants des directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux du Québec. Et, Dr Desbiens, Dre Sauvé, bonjour. Je ne sais pas qui... Mme Poissant, Mme Paquet, je ne sais pas qui est le porte-parole principal. C'est le Dr Desbiens, ça? Bonjour.
M. Desbiens (François): Bien le bonjour.
Le Président (M. Copeman): Alors, comme je le fais pour chaque groupe, je vous avise que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Je vais vous aviser quand il reste trois minutes, pour mieux vous aider à respecter le temps, et, si besoin est, je vais vraiment vous aider, autour de 20 minutes, à terminer. Par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires, d'une durée maximale de 20 minutes, de chaque côté de la table. Alors, peut-être pour les fins de l'enregistrement, Dr Desbiens, si vous pouvez présenter vos collaboratrices et par la suite débuter votre présentation.
Directeurs de santé publique des agences
de développement de réseaux locaux
de services de santé et de services sociaux
du Québec (ADRLSSSS)
M. Desbiens (François): Merci beaucoup, M. Copeman. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Mme Delisle. Je suis François Desbiens, directeur de la santé pour la région de la Capitale-Nationale. Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Jocelyne Sauvé, qui est directrice de la santé publique pour la Montérégie; à sa droite à elle, Mme Ginette Paquet et Mme Julie Poissant, qui sont conseillères scientifiques à l'Institut national de santé publique dans le domaine du développement de l'enfant. Dre Sauvé et moi allons nous séparer le 20 minutes, M. Copeman.
En ce qui concerne l'intérêt des directeurs de santé publique en ce qui concerne ce projet de loi, c'est que les directeurs de santé publique doivent intervenir afin de prévenir les maladies, les traumatismes et les problèmes sociaux ayant un impact sur la santé. Pour ce faire, nous devons, entre autres, promouvoir la mise en oeuvre de lois et de politiques publiques favorables à la santé et au bien-être de certains groupes particuliers ou de l'ensemble de la population. En fait, par nos interventions, nous voulons contribuer à l'élaboration de politiques publiques reposant sur une solide connaissance des facteurs influençant les parcours de vie des citoyens afin d'instaurer une véritable égalité des chances de réussite tant sociale que sanitaire.
L'éclairage de santé publique sur les enjeux que pose la présente réforme de la loi apparaît un point de vue utile. C'est en raison de l'importance que nous accordons aux conditions nécessaires au développement optimal de l'enfant et en reconnaissant que certaines façons de faire sont porteuses d'une plus grande efficacité que les directeurs de santé publique souhaitent intervenir dans le présent débat. Le mémoire qui vous a été déposé a été appuyé par les 18 directeurs de santé publique de chacune des régions du Québec.
Par ailleurs, l'Institut national de santé publique a pour mandat de soutenir la prise des décisions des directeurs de santé publique ainsi que du directeur national de santé publique en élaborant et en documentant des points de vue d'experts. C'est pour cela que l'institut a collaboré à la rédaction de notre mémoire par l'implication de Mme Poissant et de Mme Paquet.
Avant de vous faire part plus spécifiquement de notre position face au projet de loi, permettez-moi une courte introduction sur certaines conditions favorisant le développement des enfants. Notre position étant largement teintée de la compréhension que nous avons de ce qui favorise ou nuit au développement de l'enfant, il nous apparaît pertinent à ce moment-ci de partager cette lecture avec vous afin que vous puissiez mieux saisir les fondements mêmes de notre position.
L'une des dimensions importantes du développement de l'enfant est le lien d'attachement qu'il développe dès son plus jeune âge. Le jeune enfant apprend petit à petit, par des réponses qu'il reçoit, qu'il peut ou non compter sur son parent. Il se fait graduellement une représentation de la disponibilité de ses parents en cas de besoin et de l'efficacité de ces derniers à l'aider à maîtriser ses émotions. Si l'enfant développe une confiance envers son parent, il développera un attachement sécurisant. Ainsi, l'attachement s'organise en un type particulier, soit un attachement sécurisant ou insécurisant, entre 12 et 18 mois.
Pour l'enfant, les effets de l'insécurité de l'attachement peuvent conduire à une image négative de soi et engendrer des difficultés dans la maîtrise des émotions et dans la gestion des demandes venant de son environnement. Ces enfants souffriraient plus souvent de malaises physiques et mentaux. Les types d'attachement insécurisant seraient plus souvent associés à des troubles externalisés d'agressivité, d'hyperactivité ? à l'âge autant préscolaire qu'à l'âge scolaire ? à la dépendance aux adultes et au retrait social.
Les parents qui vivent dans la pauvreté, qui présentent des problèmes de santé mentale, de toxicomanie ou qui sont de jeunes parents ont plus souvent des enfants ayant un attachement que l'on qualifie d'insécurisant. Dans les classes moyennes, environ 40 % des enfants développent un attachement insécurisant, comparé à 52 % pour les enfants de milieu défavorisé, à 59 % pour les enfants dont la mère souffre de dépression majeure, 60 % pour les enfants de jeunes parents et 74 % pour les enfants dont la mère est toxicomane. De plus, un trouble d'attachement peut s'installer notamment lorsque la figure parentale n'offre pas les soins adéquats, disparaît ou change fréquemment. Soulignons toutefois que le style d'attachement peut être changé, mais cela devient plus difficile à mesure que l'enfant vieillit.
En ce qui concerne les compétences parentales, pour que le lien affectif de l'enfant à son parent se transforme en un attachement sécurisant ? c'est ce qu'on doit viser ? et qu'il devienne un facteur de protection pour le développement futur, certaines conditions sont nécessaires: des soins de qualité offerts par une personne présente, stable et compétente, un environnement familial et social aimant et stimulant. En effet, une relation de qualité entre un parent et un enfant est reconnue comme un facteur important pour le développement de l'enfant. Les expériences socioaffectives précoces d'un enfant dans son milieu familial n'influencent pas uniquement le contexte de ses apprentissages, mais directement la construction du cerveau.
Des résultats obtenus dans le cadre de l'enquête longitudinale nationale sur des enfants et les jeunes indiquent que les parents qui surveillent étroitement le développement de leur enfant, qui lui procurent un milieu chaleureux et qui favorisent son autonomie ont des enfants qui affichent moins de problèmes de comportement. Inversement, les pratiques parentales négatives sont associées à des problèmes relationnels et comportementaux chez l'enfant. Les enfants exposés à des pratiques parentales négatives sont neuf fois plus à risque d'avoir des problèmes de comportement plus tard.
Cette enquête montre aussi que les enfants à risque en raison du faible revenu ou de la faible éducation de leurs parents ont moins de problèmes de comportement si leurs parents utilisent des pratiques parentales positives. Ces résultats fort importants indiquent que le bon parentage peut contrer, dans une certaine mesure, les effets négatifs de la pauvreté.
Tout comme l'environnement familial, l'environnement social est essentiel au développement de l'enfant. Plusieurs études longitudinales ? par exemple, celle des enfants de Kauai ? confirment l'importance de la qualité des relations sociales et communautaires dans les parcours de vie des individus. Elles révèlent que plusieurs jeunes de milieux très pauvres qui, tout en présentant un nombre considérable de facteurs de risque dans la famille immédiate, connaissent un développement normal et harmonieux, ces jeunes ont, entre autres, comme point commun de pouvoir compter sur la présence et le soutien d'un adulte significatif à l'extérieur de la famille immédiate, adulte qui semble agir comme un guide. Cet adulte fort apporte un soutien émotif à l'enfant, en plus bien souvent de représenter un modèle à suivre.
n(10 h 40)n Même les mères toxicomanes peuvent souvent compter sur un membre de la famille élargie pour les soutenir. L'arrivée de l'enfant rapproche la mère de la famille avec qui elle avait fréquemment coupé les liens. Pour ces mères toxicomanes, l'arrivée de l'enfant, rarement planifiée, constitue un moment privilégié pour inverser une trajectoire de vie difficile. Cependant, leur volonté de changement a besoin d'être soutenue par un véritable accompagnement nécessitant des ressources humaines et financières importantes. «Un tel accompagnement ? et c'est une citation d'une recherche; un tel accompagnement ? soutenu pourrait avoir des résultats très positifs en permettant à ces femmes de développer avec leurs enfants une bonne relation et de leur donner les soins dont ils ont besoin.» Fin de la citation. Selon ces chercheuses, certains de ces enfants pourraient peut-être échapper à ce qui trop souvent apparaît comme une transmission intergénérationnelle de difficulté de vivre attribuable à un passé vécu à l'enseigne d'abus et de négligence.
En plus des conditions personnelles et communautaires, il y a aussi des conditions sociales et économiques favorables. En plus de soins de qualité, des conditions sociales et économiques favorables sont nécessaires au développement de l'enfant. Puisque les enfants ne naissent pas dans des familles disposant d'un accès égal aux ressources économiques, affectives et sociales, on doit s'intéresser aux conditions de défavorisation sociale transmises aux enfants lors de la première socialisation, c'est-à-dire aux chances inégales de départ dans la vie. Plus le milieu est pauvre, plus augmente le taux de fécondité chez les adolescentes. On observe des différences similaires pour les taux de jeunes de moins de 18 ans ? lorsqu'on compare des milieux favorisés et défavorisés ? dont le signalement a été retenu pour évaluation plus approfondie par les directions régionales de la protection de la jeunesse, pour cause de mauvais traitements ou des troubles de comportement, des différences de taux aussi importants de 4,4 contre 37,7 pour 1 000.
Ces résultats nous rappellent que la pauvreté est comme une courbe dangereuse dans laquelle tous n'ont pas un accident mais où il se produit plus d'accidents qu'ailleurs. Néanmoins, au bas de l'échelle sociale, tout n'est pas joué pendant l'enfance. Certes, un enfant risque davantage de voir sa santé et son développement compromis s'il vit depuis sa naissance au sein d'une famille située au bas de l'échelle sociale, mais la vapeur peut être renversée si certains facteurs de protection entrent en jeu. En effet, certains facteurs peuvent protéger les enfants défavorisés des risques auxquels leurs conditions les exposent. S'en sortent beaucoup mieux les bambins qui, par exemple, ont été allaités, ceux qui bénéficient du soutien de leurs grands-parents, ceux qui vivent avec leurs deux parents et ceux dont la mère est en très bonne santé.
Pour contrer l'influence sur la santé et l'adaptation sociale d'une difficile trajectoire de vie, il importe de trouver comment favoriser chez les tout-petits et leurs parents le développement d'un sentiment d'emprise sur leur destinée. Plusieurs études ont déjà démontré les effets positifs de programmes basés sur l'appropriation du pouvoir d'agir. Ces programmes avaient pour ambition d'accroître les chances des individus de développer des attentes positives, des espoirs, une estime d'eux-mêmes et une confiance dans leurs capacités d'avoir une emprise sur leur destinée. Une meilleure intégration sociale, davantage de débrouillardise et de confiance constituaient les principaux effets positifs de ces interventions chez les participants.
Une fois qu'on a brossé cet élément de nature plus théorique à notre position, Dre Jocelyne Sauvé va vous faire part des commentaires plus précis en ce qui concerne le projet de loi.
Mme Sauvé (Jocelyne): Merci. Alors, tout d'abord, nous nous réjouissons de constater que plusieurs articles s'inspirent des connaissances actuelles sur le développement de l'enfant et sur le soutien aux pratiques parentales, tel que présenté dans notre introduction. Donc, reprenons brièvement chacun des articles qui a été commenté dans notre mémoire.
Tout d'abord l'article 4. Celui-ci précise que les parents ont le droit à des services adéquats. Cet ajout est conforme aux écrits scientifiques qui montrent que seule une intervention soutenue et adaptée aux besoins des familles peut avoir un effet bénéfique sur le développement des enfants. Les différentes recherches évaluatives démontrent bien que les programmes qui permettent aux parents vulnérables de recevoir un soutien social personnalisé par un intervenant de confiance, ça va influencer positivement tant leur santé que leur pratique parentale.
Maintenant, au chapitre de la primauté des besoins de l'enfant, c'est aussi un aspect important du projet de loi. Cet article reconnaît l'importance des expériences précoces de l'enfant et de ses premières relations sociales sur son développement ultérieur. Bien que nous soyons d'avis que le maintien de l'enfant dans son milieu familial est largement souhaitable, nous convenons que dans certaines circonstances le respect du droit des parents peut nuire parfois à l'intérêt de l'enfant. Bien qu'il soit important d'investir dans le soutien aux parents, le temps requis pour obtenir des résultats est parfois un peu long. En comparaison, le temps qui s'écoule a beaucoup plus d'importance pour le développement de l'enfant, qui se déroule sur une échelle de temps bien plus rapide. On vous a parlé tantôt, là, qu'il y a quelque chose de fort important qui se passe dans l'attachement autour de 12 à 18 mois. Donc, le temps, pour l'enfant, est beaucoup plus court.
Par ailleurs, toujours au chapitre de la primauté des besoins de l'enfant, la recommandation du rapport Dumais pour que la loi établisse clairement que le principe de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits constitue le principe premier de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ayant préséance sur tous les autres, dans le rapport Dumais, ce principe avait l'avantage d'être positionné un peu plus clairement.
Maintenant, pour les articles 22 et 52 de la loi, qui traitent de la durée maximale des mesures d'hébergement selon l'âge de l'enfant. Ces articles, d'après nous, mettent l'emphase sur l'importance d'assurer à plus long terme une continuité dans les soins de l'enfant et une stabilité dans ces soins. À notre avis, ces articles illustrent un compromis satisfaisant pour l'enfant, tout en laissant la possibilité et le temps aux parents de se reprendre en main. Bien qu'on ne puisse pas actuellement statuer sur la justesse des délais suggérés faute de recherches évaluatives, nous sommes d'avis que de circonscrire dans le temps la durée des placements va permettre à l'enfant de grandir plus rapidement dans un milieu propice à son développement. Nous espérons néanmoins que les libellés de ces deux articles évidemment n'excluent pas l'exercice du jugement des professionnels qui oeuvrent auprès des familles.
Maintenant, par rapport à l'approche consensuelle. Cette approche préconisée par le projet de loi nous semble judicieuse parce qu'elle repose sur la notion de pouvoir d'agir, qui est largement utilisée en santé publique. Cette approche permet de s'allier les parents et de s'inscrire dans une perspective positive par rapport au changement. Le pouvoir d'agir fait référence à la possibilité pour les personnes de mieux contrôler leur vie, d'avoir un plus grand contrôle sur l'atteinte d'objectifs importants pour elles. Afin d'accompagner les familles dans leur cheminement, il faut éviter les attitudes qui les jugent, qui les culpabilisent ou qui les dépossèdent de leurs pouvoirs.
L'expérience a clairement démontré qu'une approche centrée sur le contrôle social ne réussit qu'à accentuer la méfiance des familles envers les ressources, et ça accentue le refus d'utiliser les ressources du système public. D'autant plus que les services d'aide qui leur sont destinés ont souvent bien mauvaise réputation dans les milieux plus défavorisés. À titre d'illustration, il est bien connu que des actions seront nécessaires pour atténuer la méfiance de nombreux parents sans emploi et en situation de pauvreté à propos des services qui leur sont offerts. Ces parents ressentent couramment la crainte d'être jugés comme de mauvais parents. On doit aussi composer avec une autre peur, c'est-à-dire celle pour les parents d'être jugés et de penser que les actes qu'ils posent avec leurs enfants sont possiblement des mauvais traitements. Donc, certains parents ne vont pas consulter, de peur de se voir retirer leurs enfants sous l'angle de la protection de la jeunesse.
À notre avis, l'un des défis que pose l'approche consensuelle à notre réseau est de revoir nos pratiques actuelles quant au recours au tribunal. Nous avons été fort étonnés de constater l'augmentation majeure de la proportion des situations qui sont soumises au tribunal. Dans le rapport Dumais, on parlait, entre 1993-1994 et 2000-2001, d'une proportion qui est passée de 32 % à 47 % des cas qui ont été soumis au tribunal. Il faut donc réfléchir à l'impact d'une judiciarisation disproportionnée des cas, des impacts auprès de la famille, stress, délais d'attente et aussi un impact sur la pratique clinique et, conséquemment, sur le bien-être des enfants.
Il nous apparaît important de souligner l'importance de la formation continue de tous les acteurs concernés, entre autres pour être en mesure d'appliquer l'approche consensuelle tout en donnant priorité aux besoins de l'enfant. De plus, il nous apparaît essentiel qu'il y ait une certaine stabilité aussi dans le personnel pour établir un climat de confiance mutuelle tant nécessaire à ce type d'approche.
Alors, voilà pour nos commentaires plus spécifiques sur les articles de loi. Et on voudrait compléter en vous parlant un peu de nos inquiétudes quant à l'application du projet de loi. Donc, nous désirons formuler certaines préoccupations. Ces inquiétudes concernent plus spécifiquement la disponibilité et l'accessibilité des services d'aide. Ces préoccupations évidemment ne relèvent pas toutes directement de la présente loi mais font partie du continuum des actions allant de la promotion à la protection de l'enfant.
D'abord, comme plusieurs l'ont déjà dit avant nous, depuis le début des travaux de cette commission, il faut impérativement, si on veut mettre de l'avant les articles 22 et 52, donner aux parents les services et les moyens nécessaires pour qu'ils reprennent confiance en eux, assument leurs responsabilités parentales et offrent un environnement propice à leurs enfants. Parmi les services qui peuvent être requis, nommons par exemple une évaluation et un suivi psychologique pour le parent tout comme pour l'enfant, l'accompagnement de psychoéducateurs à domicile et le recours à un intervenant de confiance même après les heures normales de bureau.
n(10 h 50)n Le réseau public offre peu de disponibilité à ces égards et ses ressources sont largement insuffisantes pour répondre à la demande. Évidemment, il y a toujours des services qu'on peut se payer, mais vous aurez compris par le début de notre propos que les familles les plus vulnérables ont nécessairement beaucoup moins d'argent, et donc l'accès aux services privés n'est pas nécessairement à privilégier.
Le Président (M. Copeman): Dre Sauvé, il vous reste trois minutes.
Mme Sauvé (Jocelyne): Parfait. Nous sommes également préoccupés par les familles dont les signalements n'ont pas été retenus mais qui vivent des situations difficiles. Ces parents, tout comme ces enfants, ont besoin d'aide. Ils ont besoin d'un accès précoce à des services et à un soutien intensif.
Dans une récente étude effectuée par le GRISE, on peut lire qu'une forte prévalence du taux de placement en réponse aux situations de crise et d'urgence était en bonne partie attribuable à l'absence de services de première ligne disponibles en dehors des heures régulières d'ouverture et à l'absence de services spécifiques pour intervenir dans des situations de crise. Dans ce même rapport, on pose l'hypothèse que, par rapport aux situations de signalements non retenus, notamment chez les ados, que l'existence de nombreuses situations de besoin d'aide, à défaut de recevoir une réponse adéquate... allaient se détériorer et dégénérer en besoin de protection. Il nous semble donc que l'article 16 va dans le sens d'orienter les familles vers les réseaux de services vers la communauté; encore faut-il que ces milieux soient bien outillés et aient les ressources nécessaires.
Je passe vite, compte tenu du temps. Actuellement, il y a quand même un programme qui est déployé à la grandeur du Québec, sous l'appellation de Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance, à l'intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité. Grâce, entre autres, à un suivi intensif, continu et individualisé de la période prénatale jusqu'à ce que l'enfant entre à l'école, les parents peuvent accroître leur sensibilité parentale, ce qui renforce le lien d'attachement. Ce programme fixe des objectifs de résultat exigeants. Toutefois, actuellement, dans le réseau de la santé, nous n'avons pas les ressources humaines ni financières pour rencontrer l'ensemble des objectifs du programme.
Bref, tous ces services sont nécessaires. Il en va de l'équité sociale fondamentale qui est d'offrir à tous les parents la chance d'accompagner leurs enfants dans leur développement.
En terminant, disons que la lutte à la pauvreté chez les enfants devrait se trouver au coeur des préoccupations du ministère qui cherche non seulement à mieux intervenir auprès des enfants victimes de violence et de négligence, mais aussi a la responsabilité d'améliorer la santé et le bien-être des groupes les plus vulnérables.
Donc, en conclusion, il est clair qu'une loi telle que celle proposée, qui se veut une loi d'exception, ne peut pas, à elle seule, encadrer la pratique autant en prévention des problèmes des jeunes qu'en protection. Mais il nous semble important de mentionner, au moment où l'on réfléchit à l'amélioration de nos pratiques et de nos interventions en matière de protection de la jeunesse, que, sans de solides interventions bien en amont de celles proposées par la présente loi, actions qui touchent tout à la fois l'amélioration des conditions de vie, le développement des compétences parentales et l'accès facilité à des services sociaux de première ligne, sans ces différentes interventions plus préventives, la Loi sur la protection de la jeunesse ne réussira qu'à mitiger bien timidement les impacts dévastateurs qu'ont sur nos enfants certaines conditions sociales et économiques fort difficiles. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, mesdames, messieurs, merci d'être ici, ce matin. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire; je l'ai même relu deux fois parce que je pense que vous l'avez bien fouillé. Vous êtes aussi au premier chef ceux et celles qui quotidiennement travaillez avec ces clientèles à risque, ces clientèles vulnérables.
Je comprends de votre mémoire qu'il y a des éléments avec lesquels vous êtes en accord. Je comprends également vos inquiétudes, et je relis en fait votre point 7, qui est: «Nos inquiétudes et nos devoirs en regard de la prévention de l'abus et de la négligence»; vous avez piqué ma curiosité. Vous nous dites, à la page 10 de votre mémoire, bon, je vous cite: «Pour conserver le caractère d'exception de la Loi de la protection de la jeunesse, nous attirons l'attention du législateur sur l'importance d'agir précocement, voire de façon préventive.» Vous considérez qu'à cet égard les articles traitant de la prévention vous apparaissent timides. «D'autres législations, notamment celles de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, ont su intégrer des recommandations portant sur l'importance d'offrir des services préventifs aux enfants et aux familles, services qui incluent une participation de la communauté.» Je serais intéressée d'en connaître un petit peu plus sur ces législations-là. Est-ce que vous pourriez, en quelques minutes, nous dire en quoi elles diffèrent finalement de la Loi sur la protection de la jeunesse et, par ricochet, des services qu'on donne, nous, que la santé publique quand même... que le système de santé, pardon, offre? J'en conviens qu'il n'y en a peut-être pas assez, mais il y a quand même des services qui sont disponibles pour les familles, là. Je ne voudrais pas que les gens qui nous écoutent pensent qu'il n'y a aucun, aucun programme de prévention, qu'il n'y a aucun programme pour aider à développer les capacités parentales chez les jeunes mamans enceintes; il y en a beaucoup, de programmes, dans l'ensemble des régions du Québec. Ce que je comprends, c'est qu'il n'y a peut-être pas assez. C'est ce que vous nous dites. Mais je suis intéressée à vous entendre sur ce qu'ont fait la Colombie-Britannique et l'Alberta.
Mme Sauvé (Jocelyne): Tout d'abord, peut-être, je prendrais la fin de votre allocution. Quand vous parlez des différents programmes préventifs, vous avez tout à fait raison, il y a beaucoup, de programmes préventifs qui sont mis de l'avant au Québec, très, très bien supportés à la fois par le ministère, par les directions de santé publique et les CSSS. Toutefois, dans certains de ces programmes préventifs, ce qu'on dit un petit peu et dans l'allocution et dans le texte, c'est qu'on a de très beaux objectifs, mais actuellement le financement n'est pas toujours au rendez-vous.
Entre autres, dans les programmes qui sont reconnus comme étant fortement efficaces au niveau de la petite enfance, on vise à joindre 75 % des jeunes familles en difficulté et 90 % des femmes de moins de 20 ans qui ont un enfant, avec une intensité suffisamment importante pour que les services qu'on rend aient un impact. Et ce qu'on se rend compte dans la plupart des régions du Québec, c'est qu'on est très loin de cet objectif-là, autant en termes de pourcentage de familles rejointes que d'intensité des services.
Donc, je crois qu'on a toutes les connaissances sur ce qu'il nous faut faire. Malheureusement, l'ensemble du système n'étant pas toujours financé à la hauteur des attentes de tout un chacun, évidemment, dans certaines régions et pour ne pas dire dans la majorité des régions, on a un peu de difficultés à livrer les services qu'on considère efficaces.
Maintenant, si on revient à votre question sur la législation, évidemment, on n'est pas des experts des législations de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Ce qui nous apparaissait être intéressant dans ces autres législations là, c'était que, même dans la Loi de la protection de la jeunesse, on faisait un clin d'oeil assez bien structuré sur le fait que c'est beau, la Loi de la protection de la jeunesse, et il y a une législation qui tente de donner des balises pour encadrer la pratique en protection de la jeunesse, mais ceci n'est pas suffisant, il nous faudrait intervenir en prévention.
En prévention, au Québec, on a une loi, hein, qui balise les services offerts en prévention, c'est beaucoup la Loi sur la santé publique, et dans le fond notre propos, c'est de dire: Peut-être serait-il intéressant de concocter un ou deux articles, dans la Loi sur la protection, qui viennent mettre un peu d'emphase, qui disent: Très important de protéger les enfants, mais cette protection-là n'aura pas tous les impacts voulus si on ne travaille pas en prévention. Et là de nous ramener au fait que le législateur a beaucoup de... a une responsabilité, ou le gouvernement a une responsabilité non seulement de protéger les enfants en difficulté, mais, quand ils sont en difficulté mais pas encore soumis sous la Loi sur la protection de la jeunesse, probablement que les services... il devrait y avoir un clin d'oeil qui est fait dans la loi pour s'assurer que ces services-là sont disponibles, et ensuite nous référer à la Loi sur la santé publique, qui dit, évidemment très amont: Il y a des choses qui peuvent être faites.
Donc, sans vouloir présumer de ce que le législateur devrait mettre dans sa loi, dans certaines autres législations, on vient insister un peu davantage sur la responsabilité d'agir en amont et surtout d'agir auprès des enfants qui ne sont pas suffisamment en difficulté pour être retenus par la protection de la jeunesse. Mais là, il y a comme un trou dans les services qui ne sont pas très en amont, prévus dans la Loi sur la santé publique, ni très en aval, prévus sur la protection de la jeunesse, mais les services intensifs juste avant que la situation soit suffisamment détériorée pour être soumise à la protection de la jeunesse.
Donc, il y aurait peut-être quelque chose à réfléchir, et dans le fond on vous le proposait plus en guise de réflexion qu'avec des libellés très précis. Est-ce que ça répond à votre question?
Mme Delisle: Oui, oui, oui. D'ailleurs, on est là pour ça, pour recevoir les suggestions, regarder l'ensemble des préoccupations que les divers organismes ont à l'égard du projet de loi. Vous sembliez un peu déçus que nous n'ayons pas utilisé le libellé du rapport Dumais en ce qui a trait à l'article 4. Pourriez-vous m'en parler un petit peu plus? Le maintien, en fait, le principe de maintenir l'enfant dans son milieu... Mais vous y avez quand même référé dans votre mémoire ? je vais le retrouver, c'est au tout début de votre mémoire, je crois ? page 6. Est-ce que c'est parce que vous croyez qu'il peut y avoir confusion entre les droits... En fait, c'est ça, à la page... La primauté...
Mme Poissant (Julie): ...
Mme Delisle: Oui. Oui, c'est la page 7...
Mme Poissant (Julie): Oui, c'est ça. Ce qu'on voulait...
Mme Delisle: ...6 et 7.
n(11 heures)nMme Poissant (Julie): On voulait attirer votre attention en fait. C'est que, comme on n'est pas des avocats ni des juges, tout le monde légal, ce n'est pas notre expertise, on trouvait que la formulation du rapport Dumais avait l'avantage d'être limpide et ne permettait pas l'interprétation, ce qui nous semblait un petit peu plus difficile dans le libellé de la loi. Mais c'est vraiment à titre de non-connaisseurs, là, de l'interprétation de la loi que...
Mme Delisle: Mais je trouve ça très intéressant que vous l'ayez soulevé, parce qu'il y en a qui nous ont soulevé à peu près la même réaction mais pour des raisons différentes, là. Alors, ce que je comprends, c'est que vous reconnaissez que la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est une loi qui doit reconnaître la primauté des droits de l'enfant, et qu'en y ajoutant ? là, j'interprète, là, ce que vous venez de me dire; qu'en y ajoutant ? qu'évidemment, si les parents reçoivent les soins, l'enfant peut retourner chez lui. C'est comme si on voulait donner un petit peu à un puis un petit peu à l'autre. Est-ce que je vous interprète bien?
Mme Poissant (Julie): Oui, tout à fait.
Mme Delisle: O.K., parfait. Je ne sais pas si j'ai des collègues qui ont des questions. Non?
Je voulais vous demander aussi, parce que vous avez quand même soulevé plusieurs points dans votre mémoire... Vous reconnaissez l'importance du soutien qui doit être offert aux parents, mais vous pensez que la Loi sur la protection de la jeunesse doit d'abord accorder en priorité une réponse aux besoins des enfants. Quelles sont les modifications que vous croyez que nous devrions apporter à la loi?
Puis là je vais vous poser... Ce n'est pas une colle, mais peut-être... On parle beaucoup des pratiques cliniques. Est-ce qu'il y a des choses qui devraient être changées? Parce que, moi, je considère, puis je pense que l'ensemble des membres ici, après avoir entendu... C'est notre troisième semaine, là, on a entendu toutes sortes de choses, des bonnes, des moins bonnes, mais c'est clair dans mon esprit qu'il va falloir qu'il y ait un changement au niveau de la pratique. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, il n'y a personne qui va penser qu'après l'adoption de la loi, le lendemain, tout va changer du jour au lendemain, là. Mais il y a un message qui est sous-entendu, qui est clair, de la part des interventions, c'est qu'on a une bonne loi, elle protège les enfants, mais il faut aussi changer nos façons de faire. Alors, est-ce que votre remarque était plus à l'effet de modifier la législation ou peut-être de changer certaines pratiques?
Mme Sauvé (Jocelyne): Évidemment, dans une législation, il nous apparaît qu'on ne peut pas tout baliser, hein, et, probablement, plus on en met ? et puis ça, c'est une réflexion très personnelle ? plus on met de détails dans une loi, et plus ça va être interprété en général de façon très restrictive, et je ne suis pas sûre qu'il y a des choses à mettre davantage dans la loi. Mais le sens de notre message était de dire évidemment: La loi, dans l'ensemble, nous, on est confortables avec la loi. Il y a peut-être des petites choses à préciser. Mais, évidemment ? et on y faisait allusion dans notre mémoire; évidemment ? il y a la pratique au quotidien des intervenants de première ligne, une pratique qui actuellement... Nous, comme on vous le disait tantôt dans l'allocution, on a été surpris par le recours fréquent, possiblement, à notre avis trop fréquent, au système judiciaire, ce qui fait en sorte que ça crée des délais d'attente importants, ça intimide les familles. Ça permet mal une discussion avec les familles sur un pied un peu plus d'égalité, hein; quand on se présente devant le juge, devant l'avocat, c'est une situation qui est fort impressionnante. Et donc, de ce côté-là, nous, on avait des préoccupations sur la grande judiciarisation des services.
Par ailleurs, on sait aussi que les pratiques en service social ont beaucoup évolué au travers les années. Mais on sait aussi que l'ensemble des intervenants en jeunesse actuellement sont supportés par un programme national de développement, et ça, là-dessus, nous, on pense que c'est hautement prioritaire d'y accorder beaucoup d'importance, et ce programme de développement des pratiques a d'abord visé les intervenants des centres jeunesse, ensuite s'est élargi aux gens de la première ligne, et à notre avis il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire aussi auprès des gens de la première ligne, qui peut-être sont moins connaissants que les gens qui travaillent, là, au quotidien en protection de la jeunesse.
Donc, oui, on a des pratiques à changer aussi au niveau local des services de santé et services sociaux, et ce qu'on pense, c'est qu'il y a aussi une pratique qui doit évoluer du côté du judiciaire, chez nos juristes, chez nos avocats, pour qu'ils viennent bien balancer les besoins des enfants, les difficultés que posent les interventions, toute la question des délais, et tout ça. Donc, notre propos est plus à l'effet de s'assurer que cette loi-là, qui est une bonne loi, ne peut pas se faire sans une solide formation de tous les intervenants, autant de la santé que les intervenants au niveau du système judiciaire.
Mme Delisle: Je pense qu'il reste quelques minutes, je laisserais ma collègue...
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Chambly.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Pour continuer dans le même sens la conversation qu'on vient d'avoir sur les changements de pratiques, c'est assorti évidemment d'un changement de culture, me semble-t-il, qui doit sous-tendre tout ça. On a parlé du nécessaire besoin de formation des intervenants. Vous avez fait aussi référence, dans l'allocution, au taux de roulement des intervenants, qui, on en comprend, est peut-être un peu trop important, j'imagine, pour assurer une stabilité dans les changements qui sont nécessaires. Y a-t-il d'autres facteurs d'après vous qui pourraient contribuer d'une façon positive à ce changement de culture?
Mme Paquet (Ginette): Peut-être à l'image du programme de services intégrés en milieu vulnérable, là ? tu peux en parler... Mais l'intensité et avoir un intervenant ou une intervenante, là... On sait qu'en milieu vulnérable, en milieu de pauvreté, ce que d'autres programmes, là, ont donné de bons résultats, c'est quand l'intervention, elle est soutenue, elle est intensive et que l'intervenant est privilégié, c'est-à-dire que c'est toujours la même personne qui, si nécessaire, va faire la référence à d'autres types de services. Et ce que certaines recherches démontrent, c'est souvent que les crises ont lieu après les heures normales de bureau, et parfois ? bon, on peut prendre l'exemple de mères toxicomanes, là ? s'il y avait eu... l'intervenante de confiance avait pu être rejointe à 3 heures du matin, peut-être que la rechute... Enfin, c'est l'intensité. Et je crois que ça, il y a beaucoup de recherches... Enfin. Et le programme de périnatalité pour les femmes ou les enfants en milieu vulnérable démontre que c'est efficace s'il y a de l'intensité et beaucoup de...
Mme Sauvé (Jocelyne): Peut-être en complément vous dire aussi qu'on parle beaucoup d'avoir des services soutenus, intensifs, avec des gens bien formés. Toutefois, intervenir auprès des familles vulnérables ? et là je parle pour, entre autres, ce qu'on connaît bien, nous: les services en santé publique ? donc intervenir en prévention dans des communautés ou auprès de gens qui sont en grande difficulté, c'est très difficile pour nos intervenants, aussi bien formés soient-ils. Donc, il faut aussi penser à soutenir les intervenants par des services qu'on pourrait peut-être appeler même d'aide, compte tenu du haut niveau de stress.
Et vous savez qu'un intervenant bien formé, qui en général a un bac, travailler avec des gens qui sont très sous-scolarisés et qui vivent en milieu de pauvreté, et tout ça, c'est une question de cultures tellement différentes que ces gens-là doivent être supportés autant pour la difficulté de la tâche que pour bien comprendre avec qui ils ont affaire, comment ne pas juger. Donc, ce n'est pas suffisant de les former, mais il faut aussi soutenir nos intervenants.
Mme Paquet (Ginette): On parle souvent d'une distance culturelle à réduire.
Mme Legault: O.K., une distance culturelle, merci. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames et monsieur de la Direction de la santé publique. C'est un milieu qui ne m'est pas totalement inconnu, parce que dans ma vie antérieure j'ai oeuvré au sein de la Santé publique.
Si je résume bien votre mémoire ? et vous me corrigerez, ne soyez pas gênés de le faire ? si je comprends bien, c'est sûr que vous faites la promotion, oui, de l'intervention en amont, c'est-à-dire des interventions préventives accouplées avec l'intervention précoce auprès des familles et des enfants, pas seulement auprès des enfants, ce que je comprends, c'est aussi auprès des familles également. Vous affirmez la primauté de l'enfant, des droits des enfants, et ce, au-delà des droits des parents et de tout autre type de droit. Vous faites aussi... Vous donnez une préséance au social sur le juridique et vous donnez comme une condition pour que notre projet de loi ait sa signification à long terme, la lutte à la pauvreté comme étant un des éléments déterminants pour améliorer les conditions de vie, donc améliorer aussi les conséquences, là, qu'il pourrait y avoir sur la famille et les capacités parentales.
n(11 h 10)n Et ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est que, malgré le fait que vous donnez la primauté des droits des enfants sur la primauté du droit des parents, vous ne dissociez pas famille et enfants. Et, moi, dans le projet de loi n° 125, j'ai souvent le sentiment qu'on dissocie, parce qu'on donne la primauté des droits des enfants par rapport aux droits des parents, qu'on dissocie complètement l'enfant de la cellule familiale, et, ce qui me frappe dans votre mémoire, vous ne faites pas cela, et j'ai pu constater ça à quelques endroits, à la page 7 et même à la page 10. Enfin, il y a plusieurs éléments, là, où... J'aimerais vous entendre par rapport à ça.
Mme Sauvé (Jocelyne): Écoutez, nous, on croit fermement que le développement de l'enfant, ça se passe à tous les âges et que ça se passe dans la famille. Ce qu'on valorise d'abord et avant tout... Et, dans nos programmes très préventifs, on travaille beaucoup, beaucoup à développer les compétences des parents, parce qu'idéalement le parent qui décide d'avoir un enfant, qui a un enfant, l'idéal, c'est que cette petite famille là demeure ensemble.
Évidemment, quand on parle, nous, de la primauté des droits des enfants par rapport aux parents, c'est advenant une situation fort complexe, que personne ne souhaite, mais où on arrive à un moment où de choisir pour le parent va nuire à l'enfant, entre autres dans les situations de placement ou d'adoption, donc, qui sont, on ose le souhaiter, de grandes exceptions. Au moment où on est rendus dans des situations où la situation est tellement détériorée qu'il nous faut choisir, nous, ce qu'on dit, c'est qu'au moment du choix il faudra choisir l'enfant.
Mais, en amont, nous, on ne dissocie pas du tout une intervention auprès de l'enfant versus le parent. Il faut dire qu'on est des gens de santé publique, et on tente de travailler auprès des familles, et la vaste majorité de nos programmes en toute petite enfance ciblent beaucoup, beaucoup, beaucoup la mère, de plus en plus le père, la cellule familiale, l'attachement mère-enfant, père-enfant. Donc, nous, on considère que c'est une unité, hein, la famille, et on tente de travailler pour que la famille demeure un milieu de développement sain. Mais ceci ne veut pas dire qu'en bout de ligne on va trancher pour le parent et maintenir un enfant coûte que coûte dans son milieu, advenant que le milieu soit défavorable au développement de l'enfant. Mais peut-être que ma collègue Mme Poissant pourrait en remettre là-dessus, c'est notre experte en attachement.
Mme Charest (Rimouski): Bien, justement, allez-y.
Mme Poissant (Julie): Oui, bien je peux juste abonder dans le même sens que Dre Sauvé. C'est tout à fait ce qu'on a voulu exprimer dans le mémoire.
Mme Charest (Rimouski): À ce moment-là, j'en viens justement sur l'approche clinique qui est privilégiée par le réseau des centres jeunesse versus cette approche plus sociale, si je ne me trompe, que vous privilégiez. Est-ce qu'il n'y a pas discordance ou dissonance par rapport à cette approche, là, que vous favorisez qui est celle de, bon, considérer l'enfant de façon globale et non pas comme lui seul et unique, mais dans son environnement familial?
Mme Sauvé (Jocelyne): À ma connaissance, même les milieux cliniques ? pour connaître des gens qui oeuvrent dans les centres jeunesse ? l'approche ne se veut pas ? là, il y a toujours des exceptions; mais l'approche ne se veut pas ? une approche centrée uniquement sur l'enfant, hein? Mais évidemment, quand c'est rendu en protection de la jeunesse, on est en général dans une situation où l'enfant a, d'une certaine façon, besoin d'être protégé. Et là où il faut beaucoup, beaucoup travailler sur la famille, et on le dit un petit peu dans notre mémoire et dans notre allocution, c'est au moment où ça se détériore passablement. Parfois, les jeunes sont signalés, la protection de la jeunesse ne les retient pas, hein, elle va dire: Ce n'est pas suffisamment détérioré pour qu'on mette cet enfant-là sous la protection de la jeunesse. Donc, on le retourne dans les services de première ligne, et ces services-là doivent continuer coûte que coûte à travailler très, très en harmonie avec le parent et avec l'enfant. Mais bien sûr, quand c'est rendu un cas de protection, d'abus, de négligence importante, et tout ça, là c'est sûr, probablement que la pratique va viser à essayer, autant que faire se peut, de protéger l'enfant. C'est pour ça que c'est une loi d'exception.
Mais je ne les mettrais pas en opposition, je les mettrais sur un gradient ou très en amont. On travaille beaucoup, beaucoup, beaucoup au développement des compétences parentales et au développement des facteurs de protection dans la communauté. Quand ça commence à aller un petit peu plus de façon difficile, on va travailler plus sur la famille, peut-être un peu moins dans la large communauté, mais tenter, là, de travailler auprès du parent qui est en difficulté de son enfant. Et là, quand vraiment on est en protection de la jeunesse, là, on n'a pas beaucoup de choix que d'essayer de protéger le plus possible l'enfant, mais toujours en pensant que, dans des approches consensuelles, si on veut réintégrer l'enfant dans sa famille, et tout ça, il faut supporter la famille, sinon la famille qui était en difficulté, sans aide, on ne peut pas nécessairement penser qu'elle va s'en sortir toute seule. Donc, nous, on pense qu'à tous les moments il faut travailler et avec la famille et avec l'enfant, mais il y a une question de gradient.
Mme Charest (Rimouski): Justement, par rapport à la théorie de l'attachement, qui est à la base de plusieurs articles du projet de loi n° 125, ce que je conviens, et je pense que tout le monde ici en a été témoin, bon, la connaissance scientifique fait la démonstration, là, à plusieurs égards de l'importance du temps pour l'enfant et de son développement à la fois affectif, cognitif, etc. Moi, j'ai un problème, parce que, quand j'entends les partenaires qui viennent ici nous parler de cette théorie ? je pense qu'ils ont raison de faire connaître ce que la science démontre, par contre la connaissance populaire n'est pas au même niveau ? il y a un décalage entre la connaissance scientifique et les pratiques, j'appelle ça, populaires, ou la connaissance populaire. Et, vous qui travaillez dans les changements, hein, les changements sociaux, les changements d'habitudes de vie, etc., vous faites la promotion aussi de ce que devrait être la santé, comment vous feriez pour travailler le niveau d'acceptabilité de la population par rapport à ces connaissances scientifiques là qui ne sont pas nécessairement acceptées et reconnues par l'ensemble de M. et Mme Tout-le-monde, dans la population?
Mme Poissant (Julie): Bien, il y a deux initiatives qui sont mises de l'avant. Les services intégrés en sont un exemple de programme où on tente, dès la grossesse, de favoriser les liens d'attachement, et là on travaille avec les parents sur les compétences parentales, à créer une qualité de soins propices au développement de l'enfant. Donc, on leur parle de sensibilité aux signaux de l'enfant, on leur parle de l'importance d'avoir des soins proches, de prendre leur enfant. On essaie de défaire, par exemple, les anciennes croyances qui disaient que prendre son enfant va le gâter, par exemple, hein? Donc, on travaille avec les parents qui vivent dans des contextes d'extrême vulnérabilité ou qui sont des parents très sous-scolarisés, justement de leur enseigner qu'est-ce que c'est, l'attachement, hein, par des soins de qualité, et ça passe par la sensibilité aux signaux de l'enfant, ça passe par des soins proches, de prendre l'enfant, de vouloir s'engager aussi auprès de l'enfant, de connaître c'est quoi, les étapes de son développement. Donc ça, c'est dans les services intégrés qui s'adressent à une population plus vulnérable.
Mais on a aussi, à l'institut, une publication qui s'appelle Mieux vivre avec son enfant qui est offerte à toutes les femmes qui accouchent dans les hôpitaux du Québec et qui donne des connaissances de base sur le développement de l'enfant, sur les habitudes de vie, sur l'allaitement, sur plein de domaines, mais dont l'attachement, qui est traité aussi dans ce petit guide là, mais plein, plein, plein d'autres aspects de santé publique aussi.
Mme Charest (Rimouski): En parlant de programme, ces programmes que vous avez déployés, que vous avez appliqués à des familles plus défavorisées, est-ce que vous avez... Mais, vous savez, les problèmes de négligence, et tout ça, ce n'est pas juste une question de pauvreté, aussi. Il y a des familles très aisées où, pour toutes sortes de raisons ? maintenant c'est la carrière qui parfois prend toute la place ? on a aussi ce type de problème. Alors, je suis un petit peu... pas agacée, mais je ne voudrais pas qu'on stigmatise strictement les personnes pauvres, parce que c'est déjà quelque chose que d'être pauvre. Alors, je pense qu'il faut aussi nuancer, là, le fait que, les familles qui ont des difficultés, une très forte majorité sont dans des situations financières très difficiles, mais il y a aussi des enfants négligés, même abandonnés probablement dans certains cas, par des familles qui financièrement, même en termes de scolarisation, auraient tout ce qu'il faudrait pour soutenir une famille, et ils ne le font pas, pour d'autres motifs qui leur sont propres.
Je m'excuse, Mme Roy, pouvez-vous vous reculer, je ne vois pas l'intervenante et je voudrais m'adresser à cette personne pour vérifier: Les programmes que vous avez déployés pour ces clientèles, est-ce que vous les avez évalués? Et quels en sont les résultats? Est-ce que vous les avez évalués, là, de façon systématique?
Mme Poissant (Julie): Pour les services intégrés, il y a une évaluation qui est en cours en ce moment. Donc, pour cet aspect-là d'un programme qui s'adresse aux clientèles vulnérables, ça s'en vient, hein, ça s'en vient. Par contre, le programme s'appuie sur des recherches évaluatives américaines qui sont très bien documentées. Donc, le programme a été très inspiré de Naître égaux ? Grandir en santé, qui était un programme qui a été évalué aussi, d'abord, et sur des études américaines. Mais, celui des services intégrés, l'évaluation est en cours de processus.
Mme Charest (Rimouski): Et ces programmes-là, ils sont bâtis sur des cohortes... Parlez-moi-z-en un peu, là, c'est quoi, là, les cohortes de parents. Vous les suivez sur combien de temps? Et le programme dure combien de temps et...
n(11 h 20)nMme Poissant (Julie): Le programme dure sur cinq ans. On suit les enfants... on suit les mères en fait enceintes jusqu'à temps que l'enfant entre à l'école et avec une très... Le programme prévoit une intensité importante. Dans la première année, on parle d'à peu près... plus de 20 visites à domicile, entre autres. Donc, c'est énorme, l'intensité qui est recommandée pour avoir un impact sur le développement de l'enfant et sur les compétences parentales. C'est ce que la littérature scientifique recommandait.
Mme Charest (Rimouski): ...au Québec, ce type de programme, est-ce qu'il existe partout?
M. Desbiens (François): Oui, depuis, je dirais, le milieu des années quatre-vingt-dix, il y a le programme Naître égaux ? Grandir en santé qui existait et le Programme de soutien aux jeunes parents, je pense que ça fait quatre ans, depuis 2001, qu'il y a un financement pour les jeunes mère de moins de 20 ans, qui roule dans l'ensemble du Québec, avec un pourcentage de desserte, de rejoindre la clientèle qui est plus élevé que pour les clientèles de 20 ans et plus, là. On a une bonne performance. Mais il y a encore une intensité d'intervention qu'on ne réussit pas à faire. On rejoint presque toutes... mais environ 89 % à 90 % des jeunes mères de moins de 20 ans...
Mme Charest (Rimouski): À la grandeur du Québec?
M. Desbiens (François): À la grandeur du Québec, sauf que les CSSS ont fait le choix d'en prendre beaucoup, même s'ils n'avaient pas toutes les ressources pour l'intensité. Mais c'était bien, là, comme choix, mais sauf qu'il faut augmenter l'intensité d'intervention, puis il faut se préoccuper aussi d'avoir de nouveaux sous pour le développement des nouvelles cohortes, parce qu'il faut qu'on les amène jusqu'en cinquième année, là, jusqu'à cinq ans d'âge, avant qu'ils ne rentrent en maternelle. Donc ça, ça roule.
Mme Charest (Rimouski): Dans le fond, ce que je comprends, c'est qu'on sait qu'est-ce qu'il faut faire, on est prêt à le faire, dans le sens qu'on a les ressources humaines spécialisées qui peuvent l'appliquer auprès des clientèles. Là, on est à la remorque, si je peux utiliser le terme, des budgets, c'est ça que je comprends, parce que l'intensité peut varier, mais aussi, le faire ou ne pas le faire dépend des budgets alloués.
M. Desbiens (François): Pour les moins de 20 ans, ça roule dans tous les territoires du Québec. Il y a eu du financement qui a été donné par le ministère de la Santé dès le début du programme, voilà quatre ans. Il y a eu des ajouts financiers les deux, trois années subséquentes. L'an passé, il y en a eu aussi de spécifiques dans les ententes de gestion. Donc, il manque un peu d'argent pour l'intensité, mais, au niveau de la desserte, pour la prise en charge des jeunes mères de moins de 20 ans, on a 90 % dans les ententes de gestion qu'on a signées avec le ministère, en moyenne. Pour le programme Naître égaux ? Grandir en santé, qui vise une clientèle plus de 20 ans sous-scolarisée, et tout ça, qui a aussi des besoins, là on est plus autour de 57 %, 58 % de rejoindre la clientèle, avec aussi le même problème d'intensité. Donc, on est beaucoup meilleurs pour la clientèle la plus vulnérable, j'oserais dire, qui est les moins de 20 ans, et on a encore du chemin à faire pour les plus de 20 ans.
Mme Charest (Rimouski): Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais avoir une idée c'est quoi, les liens qui existent ou qui peuvent exister entre le réseau de la santé publique et celui des centres jeunesse. Et, quand je pose la question, c'est autant en termes de qualité que d'intensité: Est-ce que les liens sont là ou s'ils sont à travailler?
Mme Sauvé (Jocelyne): Dans la plupart des régions...
Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, ce serait la dernière question, une dernière réponse avant d'aller à Mme la députée de Lotbinière.
Mme Sauvé (Jocelyne): Dans la plupart des régions, il y a des liens entre les centres jeunesse et les directions de santé publique. Toutefois, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les services au quotidien ne sont pas donnés par les directions de santé publique. Les services au quotidien sont donnés par les centres de santé et de services sociaux, et, nous, on est beaucoup plus en support à l'intervention au niveau local. Donc, la majeure partie des liens se passent entre les centres de santé et de services sociaux et les intervenants des centres jeunesse, mais, nous, on a quelques liens sur différents types de programmes particuliers, entre autres pour les jeunes hébergés, sur la vaccination, l'alimentation, les ci, les ça. Mais vraiment, dans les services sociaux courants, ça ne se passe pas tellement entre la Direction de santé publique, mais entre les services de santé publique au niveau local. Mais en général ces liens-là sont de plus en plus serrés.
Mme Charest (Rimouski): Au niveau de la planification, quand même?
Mme Sauvé (Jocelyne): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): Au niveau de la planification?
Mme Sauvé (Jocelyne): Oui.
Le Président (M. Copeman): Brièvement, Dr Desbiens.
M. Desbiens (François): Très brièvement. Puis, pour la région de la Capitale-Nationale, et probablement dans d'autres régions, il y a des mécanismes de suivi de dossiers spécifiques entre les CSSS, les intervenants des centres jeunesse, les intervenants du milieu scolaire pour assurer une continuité de soins, pour faire en sorte que l'ensemble des intervenants des trois grands ministères qui donnent des... sont présents. Et ça roule, je pense, dans toutes les régions, ces mécanismes de concertation pour des dossiers spécifiques d'enfants. Alors, je veux dire, au niveau local, pour les soins, il y a une très forte concertation.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy (Lotbinière): Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre intérêt à venir présenter votre mémoire, votre intérêt pour les enfants du Québec. Dans le cadre de l'étude de ce projet de loi là, il faut bien replacer le contexte de ce projet de loi là. Il y a des centaines de projets de loi qui ont été ici présentés, à l'Assemblée nationale. Il y a des projets de loi qui visent plutôt l'organisation de structures, par exemple je pourrais faire un parallèle avec le projet de loi n° 126 sur les CPE, comment on organise les structures. Mais la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est une loi différente parce que c'est une loi qui est testée quotidiennement, des centaines de fois par semaine, devant les tribunaux. C'est donc que le libellé, le texte est excessivement important, parce que c'est comme notre Code civil, notre Code criminel, là, c'est toujours, toujours devant les tribunaux.
En raison de ça, on a eu plusieurs avocats qui sont venus nous dire que, dans le libellé des délais au niveau de l'adoption, il n'y aura pas de marge de manoeuvre, parce que le juge «doit», c'est donc un impératif, et puis des mesures exceptionnelles, c'est très rare. Vous êtes en faveur de ce... Je veux bien qu'on comprenne, là, vous êtes en faveur des délais, là, d'hébergement puis qu'il y aura, à ce moment-là, après, une prise en charge pour aller vers le processus d'adoption. Mais il faut que le libellé respecte ce que vous dites, que les professionnels, autant les spécialistes en psychologie, des travailleurs sociaux que le juge, aient une marge de manoeuvre pour certaines situations.
Parce que, dans le libellé actuel, on pourrait avoir un procès qui a duré huit mois, un enfant qui est adoptable quatre mois après la fin du procès ? puis vous savez que, quand on est en procès, bien on ne s'investit pas dans le changement, on s'investit plutôt dans la confrontation ? et puis qu'il aurait un frère ou une soeur plus vieille qui serait adoptable, lui, dans un délai différent, ce qui va donner comme résultat qu'on va séparer les frères et soeurs d'une même fratrie, ce qui va aussi aller à l'encontre de la stabilité des enfants, là. Moi, je comprends votre acceptation du projet de loi, mais vous le lisez pour qu'on ait une marge de manoeuvre.
Mme Sauvé (Jocelyne): Comme on le mentionnait tantôt dans l'allocution, évidemment il ne faut pas être fermé, hein, il faut être capable d'interpréter les articles de loi de façon raisonnable. Toutefois, l'avantage de mettre des délais, c'est d'essayer de contrer ce qui se passe actuellement: des délais qui n'en finissent plus. Alors, quand on parle de la primauté des droits de l'enfant, ça veut dire qu'en bout de course, si on a une situation fort détériorée et qu'il nous faut prendre action pour protéger l'enfant, ça ne peut pas prendre cinq ans, pour toutes sortes de raisons, que la cour remet, reprend, revient, les intervenants ne s'entendent pas, et tout ça. Donc, on est très préoccupés par les très longs délais qui font en sorte que des enfants sont ballottés dans certaines situations.
Mais, vous avez raison, une fois qu'on réalise, dans une situation x, que les parents sont en train de se reprendre en charge, qu'il y a les services pour les soutenir, que les choses évoluent correctement et qu'on arrive au délai, au jour y, évidemment le jugement doit s'exercer. Si on a besoin d'un mois, deux mois, trois mois, c'est quelque chose qu'il nous faut permettre dans l'exercice ou dans l'application de la loi.
Mais, pour nous, c'est aussi important de mettre une certaine pression dans le fond sur le système, notamment judiciaire, et sur nos intervenants pour s'assurer que les choses se font au moment où ça compte pour l'enfant, hein? On vous le disait, il y a des choses qui se passent quand l'enfant est petit, sur une fenêtre d'opportunités qui est très courte, et, si on laisse aller, pour toutes sortes de contraintes qui dans le fond sont des contraintes de système, on nuit à l'enfant. Donc, le fait de mettre des délais, ça va forcer probablement le système à s'organiser différemment, et là effectivement, en bout de course, il faut qu'on ait un peu de marge de manoeuvre puis qu'on soit capable d'exercer un jugement raisonnable.
Mme Roy (Lotbinière): Certainement qu'un délai va devenir un incitatif pour des parents ? je ne dis pas seulement la mère, les parents ? à se reprendre en main. Ça, c'est un côté des choses. Mais il faut que les services soient là, aussi. Puis, il n'y a aucune obligation de fournir les services, et, dans la loi actuellement, dans l'état du droit puis dans l'état du projet de loi, le juge ne peut que recommander que les parents aient les services requis, il ne peut pas ordonner que les services soient disponibles, et il n'y a personne qui est imputable du fait que les parents n'auront pas reçu les services adéquats. Ça fait qu'il faudrait, je pense, qu'il y ait un balancier égal, là, que les parents aient des obligations, j'en conviens, mais qu'on leur fournisse le support nécessaire. Je pense que ça devrait être inscrit au projet de loi. Êtes-vous d'accord?
Mme Sauvé (Jocelyne): Le sens de notre proposition, c'est de dire... entre autres pour les délais, ce n'est pas de mettre de la pression sur les parents. Les délais, c'est pour mettre de la pression sur le système. Il faut que le système s'organise pour offrir des services en temps opportun. Évidemment, ça va mettre un peu de pression sur le parent, mais, comme je le disais tantôt, si le parent n'a pas accès à des services pour l'aider et que c'est un parent qui est en difficulté, on ne peut pas penser que, par pensée magique, il va se ramasser tout seul. Donc, il va avoir besoin d'aide, et, si cette aide-là n'est pas disponible, on est un petit peu en difficulté. Donc, pour nous, les délais viennent baliser un peu l'ensemble du système judiciaire et viennent forcer aussi le système de services de santé et services sociaux à offrir les services au moment opportun, et les bons services au parent et à l'enfant pour qu'il puisse se sortir de sa situation difficile.
n(11 h 30)n Maintenant, est-ce qu'il doit y avoir quelqu'un qui a cette obligation de prescrire les services, et tout ça? Honnêtement, là-dessus, on aimerait mieux refiler la réflexion à nos collègues des centres jeunesse, qui sont pas mal plus articulés et ont une réflexion. Nous, hein, on est beaucoup plus en prévention, on ne voudrait pas mettre un pied, là, dans un domaine qui nous appartient moins.
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, nous avons déjà dépassé le temps imparti pour l'opposition. Alors, Dr Desbiens, Dre Sauvé, Mme Paquet, Mme Poissant, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom des directeurs de santé publique des agences de développement de réseaux locaux des services de santé et des services sociaux du Québec.
J'invite les représentantes de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec à prendre place à la table, et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 31)
(Reprise à 11 h 33)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Je ne sais pas qui est la porte-parole principale.
Mme Lévesque (Sylvie): En fait, on n'a pas de principale, on va être les trois en...
Le Président (M. Copeman): Parfait. Alors, mesdames, bienvenue. Je vous avise que vous avez droit à une présentation de 20 minutes. Je vais vous aviser quand il en reste trois. Par la suite, il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de vous présenter à tour de rôle et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.
Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées
du Québec (FAFMRQ)
Mme Lévesque (Sylvie): Merci. On va le faire en collégialité. Alors, nous sommes trois, alors on va, chacune notre tour, présenter. Alors, mon nom est Sylvie Lévesque, je suis directrice générale de la fédération ? je vais éviter le nom au long parce qu'il a déjà été dit à plusieurs reprises, donc je veux économiser du temps; Nathaly Roy, qui est à ma gauche, qui est membre du conseil d'administration de la fédération et aussi coordonnatrice d'un groupe de base dans la région de Drummondville; et Lorraine Desjardins, qui est aussi à la fédération, qui est agente de recherche et communication, qui a particulièrement travaillé sur ce dossier-là.
Alors donc, la fédération existe depuis plus de 30 ans et, si à l'origine elle fut mise sur pied pour regrouper les familles monoparentales, depuis 1995, on intègre aussi, à la fédération, les familles recomposées, d'où notre nom qui s'allonge sans arrêt. Aujourd'hui, la fédération regroupe plus de 60 associations provenant de toutes les régions du Québec. Depuis notre création, la fédération lutte pour améliorer les conditions de vie des familles monoparentales. Notre volonté de voir cesser les souffrances vécues par les familles en difficulté, notamment celles qui, pour une raison ou pour une autre, se retrouvent un jour sous la protection de la jeunesse, s'inscrit en continuité des actions que nous avons posées jusqu'à maintenant. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissance du projet de loi n° 125, et nous tenons à remercier les membres de cette commission de nous permettre de venir présenter notre point de vue.
Dans le temps qui nous est alloué ce matin, nous allons tenter de démontrer à quel point selon nous la pauvreté et les préjugés sont les premiers véritables voleurs d'enfance, et nous soulignerons l'importance d'agir en amont des problèmes vécus par les familles, notamment en combattant les inéquités sociales et en travaillant collectivement à éliminer la pauvreté. Il n'est ici aucunement question de nier la nécessité pour les services de protection de la jeunesse d'agir rapidement afin de protéger les enfants qui vivent des situations d'abandon, d'abus ou de négligence grave. D'ailleurs, à ce titre, nous croyons que davantage de ressources devraient être mises à la disposition et investies dans le réseau pour soutenir l'ensemble de ces familles.
Cependant, à l'instar de nombreux groupes, d'organisations qui sont venus tout au long de la commission, nous nous inquiétons de l'impact des durées maximales de placement introduites dans le projet de loi. En effet, si certaines situations nécessitent clairement une action rapide de la part de la protection de la jeunesse, on sait très bien que dans la vraie vie tout n'est pas toujours tout noir ou tout blanc. Ce sont donc des situations où il subsiste des zones grises qui retiendront davantage notre attention, puisqu'elles soulèvent de graves questions d'ordre éthique et moral.
Quand un enfant est mis en adoption, qu'en est-il de son droit de conserver des liens de filiation avec les membres de sa famille naturelle? Quels services et quel accompagnement entend-on fournir aux parents en difficulté afin de leur permettre de démontrer ou de rétablir leurs capacités parentales? Une jeune mère monoparentale prestataire de l'aide sociale et peu scolarisée peut-elle vraiment se battre à armes égales pour conserver la garde de son enfant lorsque l'alternative est de confier celui-ci à un couple qui a satisfait aux critères élevés d'éligibilité pour les familles d'accueil en Banque-mixte? D'ailleurs, qu'en est-il de la capacité réelle de ces familles d'accueil en désir d'enfant de mettre en veilleuse leur projet d'adoption, c'est-à-dire jusqu'à la preuve de l'incapacité parentale de la mère naturelle? D'autre part, de quelle façon peut-on garantir une véritable objectivité dans les décisions qui sont prises au quotidien par les divers intervenants du réseau de la protection de la jeunesse, à commencer par le directeur de la protection de la jeunesse lui-même? N'y aurait-il pas lieu d'assurer à ce dernier une plus grande indépendance, notamment vis-à-vis du directeur général du centre jeunesse, de façon à ne plus subordonner ses décisions de protection à des décisions budgétaires et administratives prises par d'autres?
On sait que la pauvreté est, à notre point de vue, un facteur déterminant et majeur quand on parle de la protection de la jeunesse, puisqu'il y a beaucoup de ces familles qui se retrouvent à la protection de la jeunesse. Donc, les statistiques des dernières années le démontrent clairement, les familles monoparentales, particulièrement celles dirigées par une femme, sont parmi les plus pauvres. Selon les données du Conseil national du bien-être social, le taux de pauvreté pour les familles monoparentales constituées de la mère et de ses enfants demeure encore entre cinq à six fois plus élevé en moyenne que le taux de pauvreté des couples avec ou sans enfant. Quand on sait que 42 % des enfants suivis par la protection de la jeunesse viennent de familles dont les revenus sont inférieurs à 12 000 $ par année, dont plusieurs d'entre elles sont prestataires d'aide sociale, on peut facilement s'attendre à ce que plusieurs de ces familles soient monoparentales. D'ailleurs, dans les exemples qui sont plus souvent cités par les médias, depuis que la protection de la jeunesse est remise à l'ordre du jour, on parle toujours des mères seules, mais jamais des pères. Pourtant, jusqu'à preuve du contraire, il faut être deux pour faire un enfant. Lorraine.
n(11 h 40)nMme Desjardins (Lorraine): Alors, même si on sait que le nombre de familles monoparentales a grimpé de façon assez importante au cours des dernières années, ces familles-là continuent à faire la cible de préjugés tant dans les médias, dans la population en général et parfois même auprès des professionnels qui s'occupent d'eux. On entend souvent dire, par exemple: Cet enfant-là va mal à l'école, c'est sans doute parce qu'il vient d'une famille monoparentale, il n'a pas de père, il est trop pauvre, puis ça ne va pas bien. Or, les intervenants de la DPJ, même si on croit que la majorité font un excellent travail, ne sont pas imperméables à ces idées préconçues là.
De leur côté, les parents qui sont dans une situation où l'enfant est sous la protection de la jeunesse sont souvent mal équipés pour faire valoir leur point de vue. Alors, comme on sait, pour devenir parent, il n'y a pas de diplôme, hein, on devient parent en donnant naissance à un enfant, alors que, quand on devient intervenant de la DPJ, bien on a un diplôme, ou, dans le milieu scolaire, quand on devient professeur, on a un diplôme. Alors, c'est officiel que, quand on devient parent, il peut nous arriver de faire des erreurs de parcours. Alors, il n'y a pas de parents qui peuvent vraiment se vanter de n'avoir jamais perdu patience ou de n'avoir jamais eu une minute d'inattention auprès de leur enfant, ce qui aurait, mettons, provoqué un incident. Ces erreurs de parcours là, cependant, on dirait qu'elles pèsent plus dans la balance quand il s'agit d'une mère monoparentale sur l'aide sociale. Quand, par exemple, un enfant se promène tout nu dans la rue, un petit enfant se promène tout nu dans la rue, dans un beau quartier, on trouve ça «cute», puis des fois, quand on voit ça dans un quartier plus défavorisé, on lève les sourcils un peu, là.
Alors, ce genre de questions là, on en parle parce que ça revêt une importance particulière, particulièrement à la lumière d'un des articles du projet de loi, celui qui définit maintenant la négligence. Alors, je vais vous le citer, la négligence, c'est «lorsque les parents d'un enfant ou la personne qui en a la garde ne répondent pas à ses besoins fondamentaux: soit sur le plan physique, en ne lui assurant pas l'essentiel de ses besoins d'ordre alimentaire, vestimentaire, d'hygiène ou de logement compte tenu de leurs ressources». Or, quand on sait que, comme disait Sylvie tout à l'heure, un grand nombre de familles, notamment celles qui vivent de l'aide sociale, ont des revenus qui ne leur permettent même pas d'assurer leurs besoins essentiels, on se demande s'il n'y aurait pas lieu de faire plus de signalements à la DPJ, là. Quand on sait aussi qu'il y a 71 % des ménages québécois qui ont des revenus inférieurs à 10 000 $, consacrent plus de 60 % de leurs revenus au paiement de leur loyer, on se demande ce qui leur reste, hein, en poche, pour assurer les besoins essentiels de leurs enfants.
Alors, imaginez un peu ce que ça peut représenter en termes de stress, mois après mois, d'avoir à choisir entre la facture d'électricité, le loyer, la facture de téléphone ou le «bill» qu'on s'est monté à l'épicerie ? excusez mon chinois. Essayons aussi de nous mettre dans la peau d'une mère qui à toutes les fins de mois doit se priver littéralement de manger pour s'assurer que ses enfants qui vont à l'école n'y aillent pas le ventre vide. C'est des choses qui arrivent. Alors, on peut comprendre, dans ces circonstances-là, qu'on puisse ne pas être au top de ses compétences ou capacités parentales. Pourtant, il y a un grand nombre de familles qui parviennent... de familles en situation de pauvreté qui parviennent à faire des tours de force, mais souvent c'est parce qu'elles sont entourées, c'est parce qu'elles ne sont pas isolées puis c'est parce qu'il y a des gens qui les accueillent et qui les aident.
D'ailleurs, à ce titre-là, on aimerait profiter de notre présentation devant la commission pour revenir sur l'importance pour les organismes qui travaillent auprès des femmes, des familles, des jeunes aussi de préserver l'autonomie de ces organismes-là. Je vais vous donner un exemple. Il y a une jeune mère qui est arrivée dans un de nos organismes, à Montréal, et avec son enfant de deux ans. Elle l'avait soulevé du sol, puis, en le soulevant du sol par le bras, l'épaule s'était déboîtée, était sortie de sa cavité. Donc, elle est arrivée en pleurant à l'organisme en disant: Si je vais à l'hôpital avec mon enfant, à l'urgence, ils vont me l'enlever. Alors, les personnes qui travaillent à l'organisme ont dit: Non, regarde, on va t'accompagner à l'hôpital, puis, tu vas voir, ça va bien se passer. Elles l'ont accompagnée, et finalement l'infirmière qui a reçu l'enfant, qui s'est occupée de l'enfant a dit à la mère: Écoutez, madame, ce genre de blessures là, elles sont assez courantes. Regardez, si ça se produit... Premièrement, elle lui a montré comment lever son enfant du sol, de ne plus le faire comme ça, puis elle a montré comment replacer si ça se reproduit. Ce que j'essaie de vous présenter dans cet exemple-là, c'est que des organismes comme les nôtres, si on fonctionne comme dans le réseau, les parents hésiteront peut-être davantage à venir chercher de l'aide. Dans le cas où ils viennent chez nous, on ne tient pas de dossier. Ils viennent sur une base volontaire, on ne tient pas de dossier particulier. Donc, elles hésitent moins à venir chercher de l'aide, là.
Dernière chose ? est-ce que j'ai pas mal dépassé mon temps, là?, non, je peux y aller? ? alors, la dernière avant de passer la parole à ma collègue, la dernière chose que je voudrais vous parler ? on pourra peut-être y revenir, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, lors de la période de questions ? c'est la contribution des parents. Alors, on sait qu'un enfant qui est placé en centre jeunesse, les parents, qu'ils soient ensemble, séparés, divorcés ou unis civilement, doivent contribuer, chacun d'eux doit contribuer. Alors, cette situation-là pose des problèmes particulièrement pour les familles qui n'ont pas beaucoup de revenus.
Par exemple, un parent qui est à l'aide sociale... Maintenant, vous savez, l'aide sociale, les enfants ont été sortis de l'aide sociale, c'est maintenant la mesure Soutien aux enfants qui couvre les besoins, en tout cas difficilement, mais qui essaie de couvrir les besoins. Alors, un parent dont l'enfant serait placé et qui serait à l'aide sociale doit payer à même sa prestation d'adulte les frais pour quand son enfant est placé.
Ça pose également problème quand un parent est débiteur de pension alimentaire. Il donne une pension alimentaire pour l'enfant, et on lui demande aussi de payer un certain montant au centre jeunesse. Et, comme on le sait, la pension alimentaire est calculée à la limite de la capacité de payer des parents débiteurs, donc c'est environ 17 % du revenu. Donc, ils se retrouvent, ces parents-là, à payer à deux endroits à la fois. Alors, on pourra y revenir peut-être à la période de questions. Je vais passer la parole à Nathaly.
Mme Roy (Nathaly): Alors, bonjour. Moi, je viens ici beaucoup pour partager avec vous, je vous dirais, nos interrogations, moi, comme directrice, aussi par rapport à notre équipe d'intervention. Comme vous l'avez compris, on est un organisme communautaire qui intervient auprès des familles monoparentales et recomposées et on est, depuis, je vous dirais, nous, quelques années, confrontés à cette situation-là beaucoup dans le cadre, je vous dirais, d'un projet chez nous qui s'appelle Kangourou, où on reçoit des jeunes mères monoparentales ayant des enfants souvent en bas de cinq ans qui ont, je ne vous cacherai pas, souvent aussi un suivi avec les centres jeunesse, avec la DPJ.
Donc, dans le mémoire qu'on vous a donné, à la page 10, on vous cite le cas d'une jeune mère. Donc, dans le processus, nous, d'accompagnement de cette jeune mère là, on eu plusieurs interrogations sur le comment s'est fait, entre autres, ce suivi-là. Cette mère-là avait, entre autres, des visites supervisées pendant le processus, avec son suivi avec les centres jeunesse. Donc, quand elle arrivait au bout pour voir son enfant lors des visites supervisées, un enfant qui était très jeune à l'époque, quand il voyait sa mère, le premier réflexe qu'il avait, c'est qu'il reculait, puis il continuait à jouer avec les jouets qui étaient en place. Il poursuivait son jeu. Lors, aussi, d'un autre fait qui a été noté à son dossier, O.K., lors d'une rencontre qu'il y a eu avec la famille d'accueil Banque-mixte, la mère, tout le long de la rencontre, l'intervenante des centres jeunesse était présente, la mère est demeurée silencieuse. Donc, on a inscrit à son dossier qu'elle avait une attitude qui était renfermée puis peu communicative. Je ne vous cacherai pas que, cette mère-là, un an plus tard, un an et quelques mois plus tard, on lui a retiré son enfant pour fins d'adoption. Et cette mère-là, un an plus tard aussi, autre fait qui nous questionne beaucoup, a eu un autre enfant, et, dans le cas de cet enfant-là, il n'y a aucun suivi des centres jeunesse, et tout est correct.
Dans ce qui nous questionne dans ces deux faits-là, nous, comme équipe d'intervenantes, c'est le fait qu'on interprète... comment on interprète la réponse de l'enfant, que, quand il a vu sa mère arriver, quand il a continué à jouer avec ses jeux, on l'interprète comme: il n'y avait pas de lien avec la mère, de lien d'attachement. J'ai le goût de vous dire que, moi, à la même époque, je partais quelquefois justement, à ma fédé, dans des rencontres de deux, trois jours, et, quand je revenais à la maison ? et j'avais une petite fille du même âge ? quand j'arrivais les bras grand tendus, le premier réflexe de ma fille, c'était souvent la même chose: elle se retournait puis elle continuait à jouer avec ses jouets.
n(11 h 50)n Il y a aussi le fait que, dans la rencontre avec la famille d'accueil Banque-mixte, comment peut-on interpréter le fait... comment est-ce qu'on aurait pu, nous, réagir comme parents quand on sait que cette famille-là va sans doute s'occuper de notre enfant? C'est quoi, la réaction adéquate à avoir à ce moment-là? Si elle aurait montré justement une attitude un petit peu plus heureuse, est-ce qu'on n'aurait pas dit justement qu'il n'y a pas de lien parce qu'elle est peut-être contente de se débarrasser de son enfant? Alors, là-dedans, il y a comme place pour nous à de l'interprétation. C'est quoi, l'analyse aussi de cette jeune mère là ? qu'on continue, je ne vous le cacherai pas, nous, de recevoir et d'accompagner? Peut-elle juger de son expérience, pourquoi elle est compétente dans le cas de un... incompétente dans le cas de un, plutôt, je devrais dire, et compétente dans le cas de l'autre, à peine un an plus tard?
On constate aussi qu'il existe ? puis je pense que, bon, Lorraine l'a nommé ? des préjugés encore envers les familles monoparentales, et ça, même chez certains intervenants. Est-ce qu'on peut se questionner à savoir: Est-ce qu'une jeune mère peut se permettre d'avoir un post-partum ? ce qui est peut-être normal quand on accouche ? et se sentir moins en possession de ses moyens sans pour autant risquer de perdre la garde de son enfant? C'est un peu ce qui nous questionne. Il y a aussi, je ne vous le cacherai pas, dans notre milieu, de la part de certains intervenants et même, des fois certains jeunes parents, certaines jeunes mères, un «running gag» qui court, qui est un peu celui du genre: Promène-toi pas en avant de la DPJ avec ton enfant en bas de deux ans parce que tu vas te le faire enlever. Alors, quand on est rendu là, c'est un petit peu questionnant.
Le Président (M. Copeman): Moi, je veux juste vous signaler, il reste trois minutes.
Mme Roy (Nathaly): Oui. Et, pour finir, bon, tout le dossier aussi des familles d'accueil Banques-mixtes, en désir de maternité, qui sont quasi parfaites. Comment une jeune mère qui est plus en difficulté peut rivaliser avec ces familles-là? Et je ne vous cacherai pas aussi tout l'aspect de la confidentialité reliée aux Banques-mixtes et versus les jeunes mères où... Moi, je ne vous le cacherai pas, on a déjà eu, nous, une situation où, en plein Wal-Mart, on a eu les deux parents, la mère biologique et la mère d'adoption, en présence de l'enfant, qui se sont rencontrés. Est-ce qu'il y a déjà quelqu'un qui a pensé à cette situation-là? Parce qu'à tort ou à raison d'enlever un enfant, de retirer un enfant à une mère, c'est ce qu'il y a de plus souffrant, selon nous. Et cette situation-là, nous, on l'a vécue et on a dû accompagner cette jeune mère-là suite à cette situation-là.
Pour finir, bon, on l'a un peu soulevée, toute la notion aussi des droits des grands-parents, où on retire aux grands-parents tout lien, toute possibilité de voir leurs petits-enfants. Et on s'est retrouvés, nous, dans notre municipalité, avec une lettre ouverte dans le journal local où la grand-mère demandait à continuer à voir, même si elle ne pouvait pas s'en occuper à temps plein, de continuer à voir son petit-enfant, et elle ne le pouvait pas parce que le DPJ avait retiré l'autorité parentale à la mère. Bref, c'est, nous, des interrogations qu'on a dans le milieu sur le comment peut se vivre une situation comme ça. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, merci, mesdames, d'être venues aujourd'hui en commission parlementaire. Avant d'aborder les éléments que vous soulevez dans votre mémoire, si vous me permettez, j'aimerais corriger certaines affirmations du regroupement qui a fait une conférence de presse hier et dont vous faites partie. Je trouve ça important, là. Je ne veux pas qu'on se retrouve d'un côté ou d'un autre, mais je pense qu'il est important d'expliquer et de corriger certaines choses.
D'abord, dans le communiqué de presse qui a été diffusé hier, on dit que «l'absentéisme scolaire et la fugue ont été éliminés de la loi». C'est totalement faux. Vous ne le retrouvez pas dans la nouvelle... dans la révision de la loi parce que nous n'y avons pas touché, à l'article 38.1, qui est l'article existant déjà dans la loi actuelle. Et je suis assez étonnée qu'on revienne avec ça, parce que la CSQ avait fait un... avait envoyé un communiqué de presse en tout début, lorsque j'ai déposé le projet de loi, et on avait corrigé... On les avait appelés pour corriger cette affirmation-là. Donc, je tiens à vous rassurer puis j'espère que vous allez pouvoir rassurer toutes vos collègues qui se sont inscrites en faux hier quant à l'absentéisme scolaire et la fugue.
Je peux même vous lire, si vous le souhaitez, qu'est-ce qu'on dit: «La sécurité ou le développement d'un enfant peut être considéré comme compromis s'il quitte sans autorisation son propre foyer, une famille d'accueil ou une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre de réadaptation ou un centre hospitalier alors que sa situation n'est pas prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse; s'il est d'âge scolaire et ne fréquente pas l'école ou s'en absente fréquemment sans raison.» Alors, je pense que c'est clair, là, c'est dans la loi. Alors, je tiens à vous rassurer là-dessus.
Vous dites également: Accessibilité de l'adoption et assistance des parents en détresse. Par exemple, ce projet de loi raccourcit les délais pour adoption, la rendant systématique. J'aimerais que quelqu'un me trouve l'article de loi dans 125 qui dit qu'on rend systématique l'adoption après un an de placement, pour un enfant de zéro à deux ans. Ce qu'on a souhaité faire, et je suis d'accord avec... Je souscris à bien des éléments que vous avez soulevés, je vous le dis franchement. Mais ce qu'on a cherché à faire, c'était, dans les circonstances ou dans des cas où c'était absolument impossible pour les familles d'exercer leurs capacités parentales, de mettre en place des bornes, des balises qui permettent finalement à cet enfant-là de vivre une vie normale malgré toutes les circonstances, parce que c'est sûr que ces enfants-là vont rester avec des séquelles. Et je suis d'accord avec vous qu'ils n'ont pas demandé à naître dans des situations comme celles-là et puis que, s'ils vivent dans des conditions à risque et dans des conditions de pauvreté, ce n'est pas facile non plus puis ce n'est pas évident. Mais je pense qu'il faut aussi être honnête et comprendre que le projet de loi n'est pas un projet de loi qui veut enlever les enfants aux parents. On veut juste que cette loi-là qui s'appelle la Loi de la protection de la jeunesse protège ces jeunes et leur permette un développement sain et un développement sécuritaire.
Sur la question des services qui doivent être donnés aux parents, je voudrais juste interpeller ma collègue de Rimouski. Je ne sais pas si j'ai mal entendu tantôt, lorsqu'elle a dit que le projet de loi dissociait les parents des enfants. Sincèrement, là, ce n'est pas non plus le but de l'exercice. Ce qu'on souhaite beaucoup, et on le dit dans l'article 4: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.» On a fait le choix d'accompagner les parents. On a fait le choix de donner la chance. Quand je dis «la chance», là, je ne veux pas vous faire sursauter, franchement, mais ce qu'on souhaite, c'est que les parents puissent trouver les moyens, les services pour pouvoir s'en sortir.
Et j'ai dit à plusieurs reprises pendant cette commission que j'ai eu le privilège de rencontrer, dans 13 régions du Québec ? il m'en reste trois à faire ? des modèles d'intervention hors des sentiers battus, des régions qui ont décidé d'aider et d'accompagner les parents par le biais des organismes communautaires comme les vôtres, d'associer des intervenantes du réseau de première ligne, donc du CSSS, avec des intervenantes ou des intervenants du réseau de la protection de la jeunesse, d'aller travailler carrément dans des lieux, dans des secteurs... ? malheureusement, c'est des secteurs où il y a énormément de pauvreté ? puis, plutôt que de prendre de front les parents, aller travailler avec les parents pour éviter les placements. Je souhaite ardemment, ardemment qu'à la fin de cet exercice, et lorsqu'on étudiera le projet de loi article par article, et qu'on l'adoptera, on aura au moins convaincu ? et quelqu'un l'a dit tantôt, puis je suis entièrement d'accord avec ça ? les intervenantes, les centres jeunesse, les DPJ, les juges, les avocats, tout le monde qu'il faut changer nos façons de faire, que ce n'est pas parce qu'une mère de famille se signale elle-même et qu'elle signale ses enfants parce qu'elle est victime de violence conjugale qu'elle doit se faire enlever ses enfants. Je suis très sensible à ça. Par contre, je ne suis pas évidemment une intervenante. Vous êtes beaucoup mieux placées que moi pour pouvoir nous dire, comme vous le faites aujourd'hui: Écoutez, là, il y a des situations qui commandent qu'on se serve de notre jugement puis qu'on fasse preuve de discernement. C'est ce que je reçois.
n(12 heures)n Vous avez parlé de pauvreté. Il y a des organismes qui vous ont précédées, il y en a d'autres qui viendront, qui ont soulevé toute la question de la lutte contre la pauvreté. Je ne peux pas laisser passer non plus l'impression qu'on laisse, que laissent les organismes communautaires qu'il ne se fait absolument rien, qu'il n'y a pas de programme, il n'y a pas d'investissement pour lutter contre la pauvreté. Le gouvernement précédent avait voté une loi, elle a été unanime. Nous avons décidé d'y investir 2,5 milliards sur cinq ans. On a augmenté le tarif horaire du salaire minimum. On a investi davantage et de façon plus rapide dans le logement social. Nous avons indexé les prestations d'aide sociale. Je conviens avec vous tous et toutes qu'il faut en faire plus, mais il ne faut pas laisser comprendre aux gens qui nous écoutent qu'on ne fait jamais rien. Moi, je n'accepte pas ça comme législateur puis comme députée. Ça fait 11 ans et demi que je suis députée, et j'ai vu les efforts qui ont été faits, tous gouvernements confondus, pour tenter d'enrayer, travailler... Les pas pourraient être des pas de géant, je conviens avec vous, mais on y va aussi avec la mesure de nos moyens.
Alors, si le projet de loi vous donne l'impression qu'il n'aidera pas les familles, qu'on cherche uniquement à se décharger de nos responsabilités, à faire adopter les enfants parce que les enfants, ça va nous coûter moins cher, sincèrement je suis en total désaccord avec vous. On l'a déposé en ayant les enfants à coeur mais aussi en les mettant au centre de nos décisions. C'est une loi sur la protection de la jeunesse, et nous avons aussi inscrit dans la loi que les parents devaient être accompagnés, que les parents doivent recevoir les services, doivent les recevoir, et le tribunal va devoir, au bout d'un an, au bout de deux ans, dépendamment de l'âge de l'enfant, déterminer si, oui ou non, l'enfant doit retourner dans sa famille. Il y a 50 % des enfants qui sont sous la protection de la jeunesse qui reçoivent les services dans leurs familles. Il y a un autre 50 %, qui se divise en 25 %: 25 %, dont les services leur sont donnés en centre de réadaptation, mais qui vont retourner dans leurs familles. Il reste 25 %, je vous concède, où c'est plus problématique. Il faut beaucoup travailler là-dessus.
J'ai bien compris ce que vous m'avez dit, mesdames, et j'aimerais vous entendre sur des propositions que vous pourriez nous faire quant à l'application de certains éléments qu'il y a dans la loi. Vous nous dites que le statut du directeur de la protection de la jeunesse doit faire l'objet d'une révision importante. Est-ce que vous pourriez... Parce que, j'imagine, si vous l'avez dit, vous y avez réfléchi. Comment cette révision-là doit être faite? Où doit-il se situer? Qu'est-ce qui vous amène à nous faire cette proposition-là?
Mme Desjardins (Lorraine): Ce qui nous amène à faire cette proposition-là? C'est sûr qu'on ne l'a pas lancée gratuitement, mais ce qui nous amène, c'est, entre autres, une réflexion que les travailleurs sociaux font également là-dessus. C'est que, quand on est dans une situation où les décisions du directeur de la protection de la jeunesse dépendent de décisions budgétaires... C'est sûr que je ne connais pas l'ensemble, là, des structures et du fonctionnement, mais on sait ça, on sait que, le directeur de la protection de la jeunesse, ses décisions évidemment sont alliées avec des décisions budgétaires. On pense que ce serait peut-être plus intéressant s'il pouvait avoir une indépendance un peu plus grande, d'autant plus quand on parle de situations où on a beaucoup de... Dans le cas des délais maximaux de placement, on est vraiment dans une situation d'éthique, de questions d'ordre éthique et moral. Je pense que c'est intéressant que ce soit indépendant de considérations budgétaires, là. On voulait bien séparer les deux choses.
Mme Delisle: Sur la question de... Bon, je connais votre opinion sur la question de l'adoption, là. On a introduit la notion de tutelle... cette disposition-là. Est-ce que vous considérez que cette mesure-là pourrait être bénéfique pour certaines familles qui se verraient retirer leur enfant de façon temporaire, pour toutes sortes de raisons, là? Puis, vous l'admettez vous-mêmes, il y a des situations où c'est tellement problématique qu'il faut vraiment préserver les droits de l'enfant. Mais la tutelle va permettre à des membres de la famille élargie ou à une personne significative de pouvoir prendre le relais en termes de droits parentaux. Les parents ne sont pas déchus de leurs droits, c'est-à-dire qu'ils vont garder le lien de filiation. Est-ce que vous avez réfléchi aussi sur l'impact que ça pourrait avoir sur certaines de vos familles, cette tutelle? Est-ce que vous voyez ça comme un outil qui serait peut-être même plus intéressant que l'adoption?
Mme Desjardins (Lorraine): C'est certain que c'est une avenue qui est très intéressante, dans le sens où ça permet à l'enfant de garder des liens avec sa famille naturelle. Maintenant, si on parle de tutelle et qu'il n'y a pas plus de soutien financier...
Une voix: ...
Mme Desjardins (Lorraine): Il y en a. C'est ça. Bon, s'il y a des soutiens financiers adéquats, c'est certain que c'est une avenue, là, qui est préférable à la mise en adoption, là.
Mme Delisle: Parce que c'est important de le relever. J'insiste là-dessus parce que le débat a bifurqué ? mais ce n'est pas juste avec vous autres, là, avec bien des gens ? sur la question que ce serait une adoption obligatoire, à partir du moment où le tribunal aurait à ordonner un projet de vie permanent. Puis ça m'a énormément surprise, puis sincèrement, parce qu'il se fait déjà 200 adoptions, au Québec, par le biais de la Loi sur la protection de la... des enfants qui sont sous la protection de la jeunesse. Et, bon, c'est sûr qu'il va peut-être y en avoir plus. Je ne peux pas, moi, vous dire qu'on a rédigé la loi en fonction d'avoir plus d'adoptions au Québec, parce que ce n'est pas pour ça qu'on l'a fait. On l'a surtout fait pour s'assurer que les enfants et les parents puissent ? surtout les enfants en fait; puissent ? avoir droit à une stabilité plus que certaine, là. Puis, en introduisant la notion de tutelle, on croyait que ça viendrait... je vous dis franchement, je pensais que ça reviendrait sur le dessus de la liste comme étant un outil qui permettait de protéger l'enfant, mais aussi les droits des parents. Et, en tout cas, si on peut, moi, j'aimerais réussir à faire revenir cet outil-là qui n'était pas dans la loi puis qui m'apparaît quand même très important.
Mme Desjardins (Lorraine): En ce qui concerne la question de tutelle, je pense que c'est important aussi de reconnaître que ce n'est pas dans tous les cas où ça peut être intéressant.
Mme Delisle: ...plus, là.
Mme Desjardins (Lorraine): Quand on pense, dans les cas de violence familiale, par exemple, où, pour une raison ou pour une autre, l'enfant serait placé puis qu'on déciderait de placer l'enfant chez le père alors que le père s'est rendu coupable de violence familiale, là, mais que ça n'a pas été nécessairement... il n'y a pas eu de jugement nécessairement là-dessus, il faut faire attention, là.
En ce qui concerne votre surprise par rapport au délai d'adoption, le fait qu'on en ait tant parlé, c'est parce que c'est l'impression très forte que ça nous donnait. C'est-à-dire, si autant de gens ont commenté cette chose-là et s'inquiètent de cette chose-là, c'est probablement parce que c'est l'impression que le projet de loi donne, là, que c'est quelque chose d'assez définitif.
Mme Delisle: Parce que vous savez comme moi qu'il y a des... le tribunal, lorsqu'il aura à déterminer un projet de vie permanent pour l'enfant, il peut très bien décider que l'enfant qui est en famille d'accueil reste dans cette même famille d'accueil là jusqu'à sa majorité. Il peut aussi déterminer, au bout d'un an ou de deux ans, que l'enfant doit retourner dans sa famille. Je pense que c'est important de la faire, la distinction. La crainte, je la trouve, honnêtement, légitime. Mais d'un autre côté il faut aussi voir que le tribunal aura à déterminer, avec les familles puis aussi avec évidemment la direction de la protection de la jeunesse, quel est le moyen le plus efficace, là, pour assurer la stabilité des enfants.
Sur la question des approches avec les familles, vous avez soulevé, madame ? je ne sais pas combien il me reste de temps, là, mais vous avez soulevé ? un cas qui est quand même intéressant. Je ne veux pas le commenter, parce que je ne le connais pas, mais ça m'amène quand même à vous poser la question suivante: Qu'est-ce que vous auriez changé dans la dynamique entourant ces approches-là? Vous parliez de la Banque-mixte, que finalement c'était comme si c'était décidé d'avance que cet enfant-là serait adopté par la famille. Qu'auriez-vous changé? Qu'est-ce que votre organisme peut nous recommander ou peut recommander finalement à ceux qui interviennent sur le terrain puis qui sont là au premier chef?
Mme Roy (Nathaly): Bien, ce qu'on aurait changé effectivement ? je pense que je l'ai bien nommée, cette jeune... ? c'est peut-être dans le temps. Nous, on a vu cette jeune ? et dans d'autres, là, parce qu'il y en a eu d'autres; cette jeune ? mère là, avec le temps, qui s'est outillée correctement et à laquelle, je pense, le temps a fait un peu son oeuvre. Donc, c'est peut-être dans la façon évidemment de faire, de donner des outils et de venir aussi en même temps... J'ai voulu vous dire que, nous, on était, je pense, un intervenant qui accompagnait cette jeune mère là, mais qui n'a jamais été ? comment je vous dirais ça, donc? ? concerné ou interpellé. Peut-être qu'on aurait pu amener des éléments intéressants dans cette... On avait une vision de cette jeune mère là, et dans le cas de d'autres aussi, peut-être différente de certains intervenants.
n(12 h 10)nMme Delisle: Est-ce que je comprends que vous auriez aimé faire partie finalement de la discussion puis de la décision? Et, puisque vous accompagniez cette maman-là dans cette démarche-là, est-ce que vous iriez jusqu'à dire que c'est important que vous, comme intervenantes, donc accompagnant la mère, auriez souhaité faire partie de la discussion?
Mme Roy (Nathaly): Je vous dirais oui. C'est sûr qu'à quelque part ? puis je pense que Lorraine l'avait nommé ? l'avantage peut-être qu'on a, chez nous, c'est qu'on n'a pas de tenue de dossiers. On a un lien privilégié avec ces mères-là, qu'on veut maintenir par contre à tout prix. Ça fait que d'avoir une distance, je pense que ça peut être correct dans certains cas. Mais c'est vraiment peut-être, c'est ça, dans la façon de faire, d'intervenir auprès des familles, de laisser le temps. Ce qui, nous, nous questionnait, c'est qu'elle a été en même temps, chez nous, dans un programme, et on voyait, nous, des pas. Qu'est-ce qui fait que ça n'a pas été nommé? C'est ça, c'est peut-être d'avoir...
Une voix: ...
Mme Delisle: Vous pourrez répondre après. Est-ce que vous avez des rencontres sur une base régulière avec les intervenants des centres jeunesse pour vous parler, là, de ces situations-là, comment vous pourriez mieux améliorer, l'un et l'autre, les pratiques? Moi, je suis vraiment, là... Je sais que je suis sur le plancher des vaches, là, mais c'est de ça dont on parle aujourd'hui, là, comment on peut mieux améliorer les pratiques. Est-ce que c'est...
Mme Roy (Nathaly): Bien, avec certains partenaires locaux en tout cas, oui. Si je pense, entre autres depuis l'arrivée de certains programmes, vous en avez parlé tout à l'heure, le PSJP, et tout ça...
Mme Delisle: Les centres jeunesse, est-ce que vous vous parlez?
Mme Roy (Nathaly): Un peu moins, mais je pense que ça, c'est...
Mme Delisle: Pourquoi?
Mme Roy (Nathaly): J'ai le goût de vous dire que c'est une affaire de temps, hein? Souvent, on est, tout le monde, occupés dans nos boîtes. C'est aussi bête, je pense, que ça. C'est sûr qu'on a des liens privilégiés, par contre ça se passe beaucoup d'intervenant à intervenant, O.K.? Alors, un intervenant, on a un contact chez eux, ça se passe beaucoup plus comme ça, je vous dirais, que de façon formelle. On en a très peu comparativement peut-être à d'autres instances, là. Mais ça, je pense que c'est à la longue. On commence à en avoir.
Le Président (M. Copeman): Mme Lévesque.
Mme Lévesque (Sylvie): J'aurais beaucoup de choses à dire, mais, bon, je vais essayer d'être brève. Je pense qu'un des éléments majeurs... Puis on parlait des programmes tantôt, intensifs, la Santé publique en parlait tantôt. Parce qu'on pourrait en parler longtemps, on les connaît un peu, ces programmes-là, de PSJP, Naître égaux... en santé, et tout ça, des programmes intensifs auprès particulièrement des jeunes mères monoparentales. Moi, je n'appelle pas ça intensif. J'appelle ça quasiment de l'acharnement, dans le sens que, quand on parlait, nous autres, dans notre mémoire, par rapport à des préjugés, bien il reste qu'il y a des intervenants dans... ? je ne veux pas mettre tout le monde dans le même paquet, mais des intervenants ? sociaux qui au départ effectivement, de par leur culture, leur approche et leur peu d'expérience aussi ? parce que souvent c'est des jeunes qui sortent de l'université, là, je n'ai rien contre ça, mais en même temps qui n'ont pas nécessairement un bagage d'expérience ? bien, des fois, arrivent dans des milieux ou dans des maisons... comment les mères monoparentales ou comment les familles sont avec leurs enfants, puis ils vont déjà avoir des préjugés sur la façon de faire. Donc, en quelque part, il y a comme... il y a comme...
On parle beaucoup des enfants, des enfants, des enfants, mais, moi, ce que je déplore depuis quelques années, c'est que justement on met les enfants par-dessus, bien qu'ils ont des droits, je n'ai rien contre ça... Mais il reste qu'on ne supporte pas. Est-ce que le support... est-ce que les investissements vont être faits? On sait qu'on parle de la Loi de la protection de la jeunesse, là, mais en même temps est-ce qu'en amont, justement quand on parle d'en amont, est-ce qu'il va y en avoir, des services et des investissements importants pour offrir des services?
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Vous êtes quand même un deuxième groupe, là, qu'on reçoit au nom des familles monoparentales. Vous avez 60 organisations, mais ça veut dire à peu près combien de membres?
Mme Lévesque (Sylvie): Bien, ça varie selon chacun des groupes au niveau local. Ça dépend, il y a des groupes qui peuvent avoir 100 familles, d'autres 100 membres. Donc, c'est difficile à dire, d'un groupe à l'autre, mais, bon, ça peut être, je ne sais pas, moi...
Mme Desjardins (Lorraine): On ne tient pas de dossiers, hein? Donc, c'est un petit peu...
Mme Lévesque (Sylvie): On ne tient pas de dossiers là-dessus, parce que des fois il y a des familles qui arrivent dans des groupes... monoparentales qui, à un moment donné, vont aller chercher un service, ensuite ils ne le sont plus. Donc, ça varie d'un groupe à l'autre, mais je ne sais pas...
Mme Charest (Rimouski): O.K. Et ceci n'est pas pour être négatif...
Mme Roy (Nathaly): ...une couple de mille familles, disons.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Mais c'est pour avoir une idée, là, du type ou de la quantité de cas auxquels vous êtes confrontés. En sachant un petit peu combien de membres vous avez, ça nous aurait donné un portrait un petit peu plus juste. C'était le sens de ma question. Mais ce n'est pas ça le plus important.
Je reviendrais sur toute la question, dans votre mémoire, Morale, éthique et doubles standards, dans lequel vous décrivez des situations, à la page 10 entre autres, là, des expériences qui ont été vécues par certaines personnes que vous êtes en contact avec, une mère, entre autres, avec une Banque-mixte, et la jeune maman, là, qui a un silence parce qu'elle est inconfortable dans la rencontre entre l'intervenante, la famille adoptante et elle-même. Écoutez, j'aimerais bien dire à cette maman que, nous aussi, pour avoir élevé des enfants, s'être absentées quelquefois deux, trois jours, revenir, et nos enfants ne s'occupaient pas de nous, hein, ils allaient vers la personne qui les avait gardés durant ce temps, que ça ne peut pas être un critère pour dire qu'une mère n'est pas coopérante, là. Et ça, je pense qu'il faut le réaffirmer très fort. Parce que c'est vrai que, dans l'application de toute loi, il y a de la place à l'interprétation, et parfois il peut y avoir des erreurs. Ce qui ne veut pas dire que tout ce qui est fait n'est pas bon. Au contraire, je pense qu'il y a de très bonnes choses qui se font, mais il y a aussi des erreurs, parce que c'est un gros système, 13 000 employés et beaucoup de structures de fonctionnement, beaucoup de professionnels de différents horizons. C'est certain qu'il peut y avoir des erreurs.
Mais je reviendrais sur cette question d'intervenante qui est à la fois responsable du bébé et de son plan de vie à long terme et qui est également responsable du dossier d'adoption de la famille d'accueil. Est-ce que vous avez des suggestions concrètes, des recommandations concrètes pour éviter ce genre de conflit de loyauté? Appelons ça comme ça pour l'instant parce qu'on ne connaît pas l'autre côté de la médaille. On a la version que, vous, vous avez eue avec la mère, et, compte tenu qu'on n'est pas partie au dossier, on ne connaît pas la version de l'intervenante. Alors, avec toutes ces précautions et malgré cela, est-ce que vous avez des recommandations bien précises par rapport à ça? Êtes-vous d'avis qu'une famille adoptante ne devrait pas être à la fois famille d'accueil ou si, non, vous n'avez pas d'inconvénient à ça?
Mme Desjardins (Lorraine): Non, mais c'est parce que c'est un petit peu... Il faut se mettre dans la peau de ces humains-là qui sont des humains par ailleurs très méritants, parce que de vouloir adopter un enfant en difficulté, je pense que c'est vraiment ? on ne peut pas être contre la vertu, là; c'est vraiment ? quelque chose de bien. Il faut juste se mettre dans la peau de ces personnes-là qui sont en désir d'enfant, qui quand même sont prêts à mettre en veilleuse ça, cette chose-là, c'est-à-dire de dire: O.K., on va l'accueillir comme famille d'accueil. Puis ils s'attachent, là, on comprend. Ça doit être extrêmement difficile à vivre, ces situations-là.
Je ne pourrais pas vous amener de solution miracle là-dessus, mais c'est sûr que bon, en tout cas, en partant, si on a une même intervenante qui s'occupe du dossier de placement de l'enfant et qui s'occupe du dossier de l'adoption, là, on va vraiment s'attendre à ce que tous les efforts soient faits dans le sens de l'issue souhaitée, là, hein, on s'entend là-dessus? En plus, ce qu'on avait entendu là-dessus, c'était que cette intervenante-là de la DPJ disait aux parents: Pas de problème!, assurait presque que cet enfant-là allait devenir disponible pour adoption, là. C'est assez difficile à entendre, là, comme situation, puis ça existe, hein? Je ne pense pas que ce soit une majorité de situations qui sont comme celle-là, mais c'est quand même des choses qui existent, là. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Hum, on glisse dans l'éthique, dans la morale. C'est glissant, là.
Mme Charest (Rimouski): Bien, justement, moi, je vous dis: J'ai très bien compris ces explications que vous nous avez données et que j'ai lues dans votre mémoire, mais, si on va plus loin, qu'est-ce que vous nous proposez? Parce que, nous, là, comme législateurs, la ministre et moi, comme parti de l'opposition, on se doit de légiférer. Donc, dans les articles de loi, pour éviter ce genre de situation, qu'est-ce que vous nous suggérez? Parce que ce n'est pas tout de faire le constat ou de dénoncer des choses. Mais, moi, je veux des solutions. Aidez-nous à avoir des solutions à ce genre de situation. Proposez-nous des choses pour qu'on puisse les évaluer en termes de faisabilité, et tout ça, puis tout en respectant le désir bien légitime des familles adoptantes, d'une part, puis le désir aussi de la mère naturelle de maintenir son lien avec son enfant, qui est aussi légitime et qu'on se doit de faire tout pour maintenir ce lien. Alors, vous voyez, il y a les intérêts de l'enfant et il y a aussi les intérêts, là, des parties dans le dossier qu'il faut tenir compte. Alors, comment on fait ça, là, d'un point de vue législatif?
Parce que la loi, quand elle parle, elle ne parle pas pour rien dire. Alors, si elle ne dit rien, elle ne dira rien. Si elle dit quelque chose, ça va vouloir dire quelque chose. Alors, c'est pour ça que j'aimerais ça que vous me disiez... Avez-vous quelque chose à proposer par rapport à ça?
n(12 h 20)nMme Desjardins (Lorraine): Moi, je verrais que ? bien, en tout cas, on l'a mis dans nos recommandations ? ...qu'il y ait dans la loi l'obligation pour le gouvernement d'offrir des services, d'assurer une disponibilité de services pour les parents en difficulté. Et d'autre part... Il y avait une autre chose sur laquelle je voulais revenir. Woups! ça m'échappe. Bon, c'est sûr que la disponibilité de services, c'est une chose qui est très importante. Si on a des enfants en besoin de protection, si on offre d'abord des services à cette mère-là, il y a peut-être moins de chances que son enfant soit placé.
Puis il y a aussi peut-être... Une autre des solutions qui seraient intéressantes, une autre des avenues qui seraient intéressantes, ce serait d'offrir un accompagnement à cette mère-là, c'est-à-dire que, quand elle va se présenter dans les rencontres, ce serait peut-être bien d'avoir un accompagnement. Parce que, comme on le disait dans notre mémoire, les parents souvent qui sont en situation de pauvreté, qui n'ont pas beaucoup de scolarité, et tout ça, sont mal équipés pour défendre leur propre point de vue, ce qui crée des situations un peu comme celles qu'on vous a décrites. C'est-à-dire que, bien oui, je comprends, la pauvre jeune mère est là, puis elle est devant un jeune couple de professionnels, puis, elle, elle est sur l'aide sociale, puis elle est dans un un et demi mal chauffé. Ça fait que c'est sûr qu'elle se sent extrêmement inférieure. C'est une situation qui est très difficile, là. Ça fait que peut-être avoir un accompagnement, là, adéquat, ça pourrait être une avenue.
Mme Charest (Rimouski): C'est un moyen qui nous a été suggéré aussi par un ou deux autres groupes, par d'autres groupes, que les parents qui font affaire avec le réseau aient soit une personne qui les accompagne pour les aider ou qu'on prévoie, dans la loi, l'obligation de donner aux parents la liste... ou enfin leur rappeler leurs droits aussi, là, comme parents, tout en rappelant les droits de l'enfant, naturellement, là. Ça, c'est la primauté. Alors, je vois qu'il y a quand même une possibilité. Vous avez une ouverture pour ce genre de moyens qui pourraient être pris pour accompagner les parents lors de situations de ce type-là.
Moi, j'ai une question qui me brûle les lèvres depuis un certain temps, que j'ose aborder ce matin. C'est les valeurs véhiculées par le réseau, hein? Et vous en faites état dans votre mémoire. Vous parlez, entre autres, des Banques-mixtes, les critères que l'on a pour le type de famille recherchée. Et, si on n'avait pas de critère, vous seriez peut-être les premières à nous reprocher de ne pas en avoir. On se parle franchement, là. Et, le fait qu'on a des critères de ce type-là, avoir un réseau social supportant pour une personne seule, plutôt qu'un couple harmonieux, là, compte tenu que vous avez une clientèle de familles monoparentales, la capacité de faire face à l'imprévu, est-ce que c'est strictement une question de sous ou si c'est aussi plutôt au sens de la débrouillardise, le sens... enfin de pouvoir travailler ou de pouvoir se référer à ce qui existe déjà comme source de dépannage, et tout ça, et la capacité d'assumer des risques et de tolérer les délais. Enfin, c'est de valider en quelque part la capacité de faire face à des situations difficiles, en termes de stress, en termes émotifs, etc. Bon, vous les avez énumérés, je ne veux pas insister là-dessus.
Et ça m'amène à vous poser la question: Est-ce que les valeurs véhiculées par le réseau ? puis là je fais abstraction de qui que ce soit, là ? sont les mêmes que celles de la population en général, selon vous? Et, si le décalage existe, en quoi ça brime la compréhension des parties en cause? En quoi ça influence la suite des choses?
Mme Lévesque (Sylvie): Ce que j'aurais le goût de répondre là-dessus, on en a parlé un peu tantôt, quand... Nous, un des volets importants de notre mémoire est axé aussi sur tout le volet des préjugés. Bien, les valeurs là-dedans, ça en est. Alors, quand on parlait, tantôt, un peu de choc de cultures, ou quand tu as des intervenants ou des gens de bonne volonté, là, qui ont de la bien bonne volonté, comme intervenantes, de vouloir aider les familles, je pense qu'on ne remet pas ça en question, là, de la part des intervenants. Je pense que tout le monde veut tenter d'améliorer la situation, puis que les enfants soient mieux, puis que les parents... bon, etc. Je pense que tout le monde veut ça.
Mais, au-delà de ça, il reste que, quand on parle de ces valeurs-là, comment se débrouiller, bien en même temps tout est relatif. Je veux dire, quand... Je veux dire, je pense qu'entre autres les familles monoparentales qui sont pauvres, je pense qu'ils sont capables de faire de l'imprévu puis je pense qu'ils sont capables de se débrouiller. Donc, ça dépend toujours d'où on se place quand on parle de valeurs puis quand on parle d'intervention.
Donc, la personne qui arrive dans une maison arrive avec son bagage culturel, comme intervenante. Elle n'est pas en dehors de ça. Je veux dire, elle ne vit pas sur une autre planète, là. Elle n'est pas désincarnée parce qu'elle a fait un bac en travail social ou... etc. Donc, elle a ses propres valeurs. Donc, quand elle voit une famille qui soit de telle façon ou de telle façon, elle a déjà sa propre subjectivité. Personne n'est neutre. Moi, je ne le suis pas. Personne ne l'est. Donc, en quelque part, on essaie de le faire avec le mieux qu'on peut. Je pense que c'est ça, le départ.
Mais, après avoir dit ça, bien il reste que, là-dessus, est-ce qu'on a des préjugés, est-ce qu'on n'en a pas? Est-ce que de voir une famille monoparentale avec un enfant de ce type-là, pour moi comme intervenante, est-ce que ça fait que, non, ça n'a pas de bon sens, il faut absolument que ce soit une famille avec un père, une mère, ou etc.? Donc, c'est tout ça qui rentre derrière ça. Ça fait que, les critères, on ne dit pas qu'il ne faut pas en avoir, sauf qu'en même temps il faut aller au-delà de ce qui est ça. Puis, est-ce que ces familles-là ne peuvent pas aussi, avec un support et un soutien, être capables de s'en sortir aussi, plutôt que de tout de suite intervenir et dire: Non, il faut... Je ne dis pas qu'il ne faut pas sortir les enfants quand c'est le temps, là, je ne suis pas en train de dire ça...
Mme Charest (Rimouski): L'étude dit ça.
Mme Lévesque (Sylvie): Mais, au contraire, est-ce qu'il y a... Aussi, on peut tenter de travailler avec eux comme les groupes communautaires travaillent avec eux. Et je tiens à dire que, quand on parlait, tantôt, est-ce qu'il y a des ressources pour le faire?, nous, on en a, dans le communautaire, sauf qu'on est souvent aussi pauvres que les familles. Donc, dans le sens que les groupes communautaires... Je ne suis pas en train de faire du corporatisme ici pour demander du financement, mais il reste que, si on veut aussi accompagner les familles, ça prend du support pour le faire, et les groupes ne l'ont pas.
Mme Charest (Rimouski): Ce que je retiens de votre intervention, c'est que ce n'est peut-être pas nécessairement les valeurs qui posent problème comme les façons de faire, et ça rejoint ce que la ministre a comme préoccupation, là, de revoir les façons de faire. Des fois, toute la différence repose dans le respect qu'on a pour les personnes qu'on rencontre, et, dépendamment si on sent qu'il y a respect ou si on ne sent pas qu'il y a respect, là, tout le reste peut être positif ou négatif, et c'est ce que je retiens de votre intervention.
Rapidement, parce que ma collègue veut intervenir et je veux lui laisser du temps, est-ce que, vous, comme intervenantes, vous faites confiance au réseau? Parce que c'est important, cette question de confiance, et des organismes comme les vôtres, là, jouent un rôle majeur dans cet élément-là, et j'aimerais ça savoir si un organisme comme le vôtre fait confiance au réseau.
Mme Lévesque (Sylvie): ...comme intervenante. Peut-être que Nathaly peut répondre, mais, moi, je pense que oui, dans le sens que je pense que c'est important qu'il y ait un réseau. Je pense qu'il est nécessaire, et il faut se le faire. On est dans une société démocratique, et je pense qu'il faut en quelque part qu'il y en ait. Par contre, je pense qu'il y a des améliorations... C'est un peu ce qu'on vient de dire, c'est qu'il y a des améliorations importantes, et des fois on a plutôt tendance à s'acharner sur les familles plutôt que de les supporter. J'aurais plus tendance à dire ça, mais peut-être que...
Mme Roy (Nathaly): Bien, je vais corroborer ce que tu dis. Je pense qu'on apprend ? tout à l'heure la madame a posé une question ? à travailler ensemble de plus en plus, et on se fait confiance, et ça va, je pense, beaucoup par des petites réussites qu'on peut avoir en commun, hein, et ça, il faut le nommer. Mais c'est de plus en plus. On se fait confiance, et ils nous font confiance, et on apprend à leur faire confiance aussi de plus en plus.
Le Président (M. Copeman): Alors, il reste cinq minutes, et je présume qu'il va y avoir consentement pour dépasser de quelques minutes 12 h 30. Consentement? Allez-y, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Lévesque, Mme Roy, Mme Desjardins. Peut-être, si la ministre se demande pourquoi il y a autant de personnes qui reviennent beaucoup sur l'obligation de l'adoption après les délais, bien je pense que c'est la rédaction même de l'article 22, qui vient modifier l'article 53.0.1, qui n'est peut-être pas son intention, mais la rédaction même fait en sorte qu'effectivement les gens réagissent à la rédaction de l'article tel qu'il est stipulé. Je veux revenir à vos recommandations. Je pense que toutes les recommandations en amont, c'est-à-dire les recommandations 5, 6, 7, 8, sont essentielles pour nous permettre, sur du court, moyen et long terme, d'avoir beaucoup moins d'enfants qui vont se retrouver signalés à la DPJ. Et, moins nous aurons d'enfants qui vont se retrouver signalés à la DPJ parce qu'il va y avoir un support, plus on va être capables et plus les intervenants et les intervenantes de la DPJ vont être capables d'intervenir d'une manière plus efficace, plus humaine, je dirais, plus en lien avec les besoins réels de l'enfant, parce qu'elles ne sont pas précipitées avec une pile de dossiers à suivre, à faire, et ça aussi, ça joue. Et, au niveau de ce que vous disiez tantôt, toute la question des coûts, bien ça aussi, ça va jouer moins parce qu'on va avoir à travailler avec beaucoup moins d'enfants.
n(12 h 30)n Moi, je suis aussi inquiète de la rédaction, en page 9, de tout ce qui touche les différences au niveau des abus sexuels puis des abus physiques, parce que j'ai l'impression, de ce que j'entends beaucoup, qu'on parle presque toujours plus de négligence. Mais il y a vraiment une différence fondamentale pour moi quand il est question d'abus sexuels et d'abus physiques. Et, dans la rédaction même du texte, on parle toujours... «de la part de ses parents ? hein ? ou d'une autre personne», mais «de ses parents». Mais c'est très souvent un des deux parents, mais pas toujours «ses parents». J'ai une difficulté au niveau de cette rédaction-là.
Et ça m'amène à ma question sur votre recommandation, la troisième. Vous dites: «Lorsque l'adoption d'un enfant est inévitable, s'assurer, dans la mesure du possible, que les liens de l'enfant avec sa famille naturelle ? parents, grands-parents, frères, soeurs, oncles, tantes ? soient maintenus.» Deux questions: Qu'est-ce que vous considérez comme situation, par votre expertise, votre expérience, où l'adoption d'un enfant serait inévitable? Et comment, concrètement, on pourrait maintenir les liens avec la famille naturelle?
Mme Desjardins (Lorraine): D'abord, c'est sûr que le premier cas d'adoption inévitable, c'est l'abandon, hein, pur et simple. Quand un parent abandonne son enfant, c'est évident que c'est assez inévitable. Il y a aussi des cas où... C'est pour ça que, nous, on disait en début de présentation: Il y a des cas où c'est assez clair que, dans l'intérêt de l'enfant, c'est préférable de le retirer de sa famille naturelle. Dans nos associations, c'est arrivé, des cas. Une jeune mère, entre autres, toxicomane qui était vraiment en grande difficulté et qui ne parvenait pas à se défaire de sa dépendance aux drogues. Je pense que, dans ce cas-là, c'était assez inévitable. Alors ça, c'est une des façons, là, de pouvoir décrire une situation inévitable, où l'adoption est inévitable. Maintenant, la deuxième partie de votre question, c'était?
Mme Caron: Comment vous voyez, concrètement, qu'on peut maintenir les liens avec la famille naturelle dans ces cas-là?
Mme Desjardins (Lorraine): Ce qui arrive souvent, quand on empêche ou on va... Au Québec, on a encore... Il faudrait changer, premièrement, la Loi de l'adoption. C'est-à-dire qu'on a ? il y a plusieurs personnes qui sont venues vous en parler ici ? l'adoption simple. C'est la... Ce serait une avenue intéressante. On a juste l'adoption plénière. Je pense que ça pourrait être une avenue intéressante, un peu comme les groupes autochtones vont venir vous en parler aussi parce que ça existe dans leurs communautés. Ça permet, à ce moment-là, pour l'enfant, de garder un lien à la fois avec sa famille élargie et même avec sa fratrie, à la limite. Parce qu'il arrive des fois où l'enfant est complètement coupé de sa fratrie. Donc, dans ces cas-là, ça pourrait être intéressant. Il faudrait donc, de pair avec le ministre de la Justice, changer la Loi sur l'adoption, là, pour permettre ça, là. C'est ça.
Alors, maintenant, c'est... il y a des cas qu'on a entendus où les parents... les grands-parents étaient coupés de la vie du petit-enfant parce que les services sociaux disaient: Tu n'es pas assez ferme par rapport à ton enfant ? mettons que c'était une mère qui avait des problèmes de toxicomanie; tu n'es pas assez ferme avec ton enfant ? ...qui est la mère du petit-enfant, donc tu n'es pas en mesure de t'occuper de ton petit-enfant, là. Ça aussi, là, il faudrait faire attention un peu, dans ces cas-là, offrir du soutien et tenir compte de toutes ces composantes-là.
Le Président (M. Copeman): Mesdames, malheureusement, c'est tout le temps qui est imparti, nous avons déjà dépassé de quelque peu. Alors, Mme Lévesque, Mme Roy, Mme Desjardins, merci beaucoup pour votre participation à notre commission parlementaire au nom de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.
Sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Je vous fais lecture de l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. Ce sera suivi, autour de 15 heures, par les Femmes autochtones du Québec et le Regroupement des centres d'amitié autochtone du Québec. À 16 heures, la Confédération des syndicats nationaux; pour terminer l'après-midi avec l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec.
Je vous rappelle, chers collègues puis également à tous ceux qui sont présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite. Alors, je prierais tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Et, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au chef Picard ainsi qu'aux autres représentants de l'association... de l'Assemblée, pardon, des premières nations du Québec et du Labrador et la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador, un regroupement de deux organismes qu'on connaît bien pour les fins de cette présentation. Alors, chef Picard, bonjour.
M. Picard (Ghislain): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Comme je le fais pour chaque groupe, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vais vous avertir quand il restera trois minutes, pour mieux vous aider à terminer dans le temps. Et, s'il le faut, malheureusement, autour de 20 minutes, je vais vraiment vous aider à terminer à temps. Compte tenu de l'ordre du jour de cet après-midi, il faut être rigoureux dans le respect des temps impartis pour les présentations et les parlementaires. Alors, je vous prierais, chef Picard, de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.
Assemblée des premières nations du Québec
et du Labrador (APNQL) et Commission
de la santé et des services sociaux
des premières nations du Québec
et du Labrador (CSSSPNQL)
M. Picard (Ghislain): Merci beaucoup. Donc, si je comprends bien, si on doit parler de rigueur, le 20 minutes reste intact même s'il est 14 h 10?
Le Président (M. Copeman): Oui, exact.
M. Picard (Ghislain): D'accord. Merci beaucoup. Donc, à ma droite, Mme Guylaine Gill, qui est la directrice exécutive de la Commission de la santé et des services sociaux pour les premières nations du Québec, Labrador; à mon extrême gauche, Mme Anne Fournier, qui est avocate et qui a étroitement collaboré à la réflexion sur le projet de loi n° 125; et, à ma gauche immédiatement, Jules Picard, qui est au service de la Commission de la santé et des services sociaux également, qui est coordonnateur des services sociaux, plus spécialement attitré à la stratégie politique.
Donc, M. le Président, MM. Mmes membres de la commission, Mme la ministre, M. le ministre, bonjour. D'abord, nos remerciements pour nous permettre d'être entendus aujourd'hui dans le cadre de vos travaux sur le projet de loi n° 125. Et c'est avec beaucoup de plaisir mais beaucoup d'espoir également, fondé à notre niveau, qu'on a accepté de participer à ces travaux-là.
Et peut-être en guise d'ouverture j'aimerais, de façon assez rapide, vous présenter un peu l'Assemblée des premières nations du Québec, Labrador, à laquelle est affiliée la Commission de la santé et des services sociaux, qui est en quelque sorte une entité plus administrative mais qui, sur le plan de la représentativité, représente les mêmes communautés que nous représentons d'un point de vue beaucoup plus politique.
Donc, on parle de 10 nations. On parle de près d'une quarantaine de communautés. On parle d'au moins neuf langues autochtones qui sont toujours parlées aujourd'hui parmi les communautés. Et, dans le cas d'une population qui se chiffre autour de 80 000, on parle de l'utilisation de l'anglais et du français comme langues secondes. C'est à peu près divisé en égales portions.
n(14 h 10)n Ce qu'il est sans doute important de faire, là, en guise d'introduction également, c'est parler un peu du contexte social et économique de nos communautés qui, comme on ne le répétera jamais assez souvent, je veux dire, est victime d'un écart important par rapport à la société québécoise et par rapport à la société canadienne en général. Une quarantaine de communautés qui sont situées en régions semi-éloignées ou éloignées. 15 % de l'ensemble de nos communautés qui sont situées en régions isolées, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de route d'accès ouverte, donc difficilement reliables ou reliées à un centre de services. Donc, comme je le disais plus tôt, premières nations, au niveau de l'ensemble de la quarantaine de communautés à laquelle je référais un peu plus tôt, on parle peut-être d'entre 75 000 et 80 000 individus.
Contrairement à ce qui existe ailleurs au pays, il est sans doute utile de noter qu'au Québec il y a encore 60 % environ des membres qui sont rattachés directement ou qui vivent sur une communauté, alors qu'à l'ouest de l'Ontario... à partir de l'Ontario jusqu'aux Rocheuses et même sur la côte du Pacifique, c'est le contraire, il y a une plus grande présence autochtone en milieu urbain, hors des communautés. L'âge moyen: 24,7 ans pour la population autochtone, comparativement à 37,7 pour la population non autochtone.
Les communautés des premières nations sont soumises au régime administratif des réserves. Chaque communauté dispose d'un conseil de bande, qui est composé du chef et de conseillers.
Des chiffres peut-être un peu moins réjouissants, 25,7 % de la population adulte des premières nations a été traité en raison d'un problème d'alcool ou de drogue. 39 % des adultes ont déjà pensé au suicide. 18,4 % ont tenté de se suicider. Le taux de suicide chez les jeunes autochtones est de cinq à six fois plus élevé que chez les jeunes Canadiens. Concrètement, cela veut dire que, si le taux de suicide devait être projeté sur la population de la ville de Québec, par exemple, on atteindrait environ un décès par jour. 40 % des membres des premières nations n'ont pas complété leurs études secondaires. Et ça, c'est quelques chiffres seulement. On vous fait grâce des autres statistiques qui nous sont particulières, mais c'était quand même important de vous les rappeler.
Au niveau des constats qu'on fait, d'un point de vue social et économique, et ça, évidemment on n'apprend rien de nouveau à qui que ce soit autour de la table aujourd'hui, on parle de conditions de vie qui sont inacceptables et qui prévalent dans plusieurs communautés, dans la majorité des communautés, et des conditions qui s'apparentent beaucoup à celles du tiers-monde: pauvreté endémique, manque de logements, surpopulation des maisons, taux de suicide alarmant, violence familiale, toxicomanie, agressions sexuelles, et j'en passe. En 1996 d'ailleurs, le rapport Erasmus-Dussault, la commission royale d'enquête au niveau national qui s'était penchée sur ces questions-là, a une fois de plus confirmé les écarts importants entre nos communautés et la société canadienne en général.
Les enfants et leurs familles ont des besoins énormes. Souvent, la communauté manque de ressources professionnelles et traditionnelles adéquates. Faute de ressources efficaces, les problématiques s'installent et se transmettent à la génération suivante, et c'est évidemment vrai pour la question qui nous intéresse aujourd'hui. Il faut souvent faire appel aux ressources extérieures, si ce n'est pas tout le temps, et cela implique des considérations de deux ordres: l'aspect culturel, qui est incontournable, qui doit être considéré, encore vrai pour le dossier qui nous intéresse aujourd'hui, et évidemment la question des ressources financières.
Sur le plan culturel, il faut savoir que les autochtones vivent selon un principe de non-intervention, non-intrusion dans nos relations interpersonnelles. Pour cette raison, nous favorisons la coopération, le volontariat et la prise de décision selon le consensus. Le partage est une norme de comportement. Ce qu'il est important de savoir sur notre conception de la famille ? parce qu'on va beaucoup insister aujourd'hui sur la différence ? c'est que les pratiques d'éducation des enfants s'articulent sur des systèmes de parenté étendue qui dépassent de loin la famille nucléaire. Les oncles, les tantes, les grands-parents vont souvent partager une partie des tâches parentales. Les cousins sont considérés souvent comme des frères. Les grands-parents, les grandes-tantes, les grands-oncles occupent également un rôle aussi important pour l'enfant que ses parents biologiques.
Évidemment, pour nous, notre démarche, aujourd'hui, et on l'a souvent exprimé au cours des dernières années, c'est une démarche qui s'inscrit dans une démarche visant l'autonomie de nos communautés. Et la question peut-être que je pourrais vous laisser avant de passer la parole à M. Jules Picard, et c'est dans le cadre de ce qui est possible en vertu de la loi actuelle, bon: À quoi bon prévoir la possibilité de conclure des ententes avec un certain nombre de communautés si nous n'avons pas les moyens de nous en prévaloir? Et ça, c'est un aspect qui est extrêmement important pour nous, et on va souvent insister sur cet aspect-là aujourd'hui. Il faut viser l'autonomie en matière de prestation et d'organisation de l'ensemble des services dispensés aux enfants, à leurs parents et à leurs familles. Et, pour entrer peut-être un peu plus précisément dans le cadre de vos travaux, je vais laisser à ce moment-ci la parole à M. Jules Picard.
M. Picard (Jules): Merci beaucoup, M. Picard. Je suis fier d'être ici. En même temps, je veux remercier la commission de nous avoir invités et en même temps pour réagir sur ce projet de loi, la loi n° 125.
Ma présentation du mémoire. Comme vous l'avez constaté, le mémoire est divisé en cinq, en cinq chapitres. On traite des principes généraux des droits des enfants et de leurs parents. Le chapitre II, c'est la sécurité et le développement compromis, les motifs d'intervention. Le chapitre III, c'est les projets de vie permanents. Le chapitre IV, c'est les rôles et responsabilités du directeur. Et évidemment, en dernier lieu, ça va être, chapitre V, le régime de confidentialité.
Mais, avant de passer à la présentation de ces chapitres-là, j'aimerais vous faire un court historique. En 1977, je pense, la loi a été adoptée par la Chambre... pas la Chambre, mais l'Assemblée nationale... et qui est rentrée en vigueur. Évidemment, de 1979 à 1980, la loi a subi diverses transformations, tant au niveau de l'intervention et évidemment aussi au niveau, comment je pourrais dire, plus au niveau du droit. Mais évidemment, avant qu'on se penche sur la question autochtone, je pense qu'il y a eu plusieurs interventions qui ont été faites évidemment au niveau de l'Association des centres des services sociaux à l'époque et qui recommandaient au gouvernement du Québec d'aller vers une véritable autonomie des premières nations en matière de services sociaux. C'était le début de la prise en charge des services sociaux aussi par les premières nations.
Et évidemment ce que je pense important de vous souligner, c'est le rapport Jasmin, qui a examiné et qui a évalué l'application de la Loi de la protection de la jeunesse et qui a fait des recommandations, qui recommandait au gouvernement la création d'un groupe de travail des premières nations. Et évidemment le gouvernement du Québec a acquiescé à cette recommandation-là par la création d'un groupe de travail des premières nations et évidemment en collaboration avec divers ministères du gouvernement, tels que Justice Canada et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce qu'elle visait évidemment, c'était de consulter les premières nations du Québec sur l'application de la Loi de la protection de la jeunesse et, à l'époque, la Loi des jeunes contrevenants dans les communautés.
Évidemment, on a consulté la majorité des communautés. On a consulté plusieurs groupes des premières nations. On a consulté aussi les établissements du Québec, tels que les centres jeunesse, à l'époque. Évidemment, il y a eu divers positionnements, il y a eu diverses recommandations et évidemment aussi il y a eu des recommandations très spécifiques sur les types d'appropriation de pouvoirs en matière de protection de la jeunesse et aussi en matière de services sociaux. Mais on ne s'attardera pas à ça. Je pense que le rapport finalement a été déposé en 1998 au ministre Rochon. Évidemment, le rapport constituait 180 recommandations, qui allaient de l'intervention clinique et évidemment qui allaient jusqu'au niveau du financement.
n(14 h 20)n Évidemment, suite à ce dépôt-là, il y a divers groupes autochtones, premières nations, qui ont envisagé d'aller vers une plus grande autonomie dans la prestation des services, incluant la Loi de la protection de la jeunesse. Et là-dessus la nation attikamek a développé un système d'intervention de l'autorité attikamek. Mais évidemment ça touchait l'ensemble des pouvoirs du directeur de la protection de la jeunesse. Et, pendant cette période-là, la nation attikamek a négocié avec le gouvernement du Québec de reconnaître, dans un premier temps, leur système. Mais finalement ça s'est traduit, en 2001, par la modification de la Loi de la protection de la jeunesse et l'ajout de l'article 37.5, qui permet au gouvernement de conclure des ententes pour le développement de régimes particuliers avec une nation, une communauté ou un groupe de premières nations.
Évidemment, je pense que c'est ce qui a marqué l'historique, en tout cas pour nous, au cours des 15 dernières années, l'historique au niveau de la protection de la jeunesse évidemment, les relations avec le gouvernement du Québec ainsi que les établissements.
Comme je le disais tout à l'heure, le premier chapitre traite des principes généraux. Évidemment, l'intérêt de l'enfant. Et l'intervention de l'État, elle se situe strictement au niveau de l'enfant et évidemment au niveau de ses parents légaux. Nous, ce qu'on privilégie en termes d'intervention, c'est que c'est sûr qu'on doit protéger l'enfant, c'est sûr qu'on doit demander la collaboration de la famille immédiate, la collaboration de la famille élargie et de ses membres et aussi évidemment la communauté. C'est de cette façon-là qu'on privilégie cette approche-là. C'est sûr que ça peut n'être pas la même intervention que vous privilégiez dans votre loi, mais, nous autres, on veut étendre notre intervention à cette famille-là.
Évidemment, l'approche consensuelle, nous autres, on favorise ce type d'intervention là évidemment avec l'enfant, sa famille et évidemment aussi avec les membres de sa famille élargie et sa communauté. Mais évidemment, cette approche-là, évidemment il va falloir y penser, aux étapes d'intervention, évidemment aussi avec les moyens comment qu'on va favoriser ça, les moyens surtout en termes de ressources humaines et aussi en termes financiers.
L'autre principe qu'on a réagi, c'est la continuité des soins, la stabilité des lieux et des conditions de vie de l'enfant. Je pense que c'est un principe, pour nous, qui est très favorable. Mais on se pose des questions. On se pose encore des questions. Évidemment, dans une communauté autochtone, la réalité n'est pas la même que dans le quartier Saint-Henri ou dans le quartier de Limoilou, ici. C'est autre chose. Quand on parle de continuité de soins, je pense qu'on est très limités, surtout par rapport aux programmes sociaux du fédéral. Évidemment, nous autres, on trouve que c'est favorable, mais cependant il va falloir y penser, aux moyens. Quels sont les services qui seront disponibles aux parents des premières nations, aux membres des premières nations? Et ce sera à quel prix? Pas juste en termes monétaires.
Évidemment, une des difficultés qu'on appréhende, faute de pouvoir donner les services adéquats au bon moment, les parents ne pourront être aidés à recouvrer et à développer leurs capacités parentales. Et on va revenir un petit, peu plus loin, qui pourrait enchaîner, à ce moment-là.
Au chapitre II, on a surtout réagi sur les motifs d'intervention. Évidemment, l'ajout de... Excusez, j'ai un blanc de mémoire.
(Consultation)
M. Picard (Jules): Excusez, j'avais un petit blanc de mémoire. Ce qu'on disait... ce qu'on trouvait que c'était très bon, c'est l'ajout à la loi, sur l'abus psychologique au niveau... fait aux enfants. Mais évidemment ce qu'on réagit aussi, ça fait plusieurs années, je pense, que... la notion d'abandon. Nous, les premières nations, la notion d'abandon, je pense qu'elle n'est pas la même telle qu'elle est traitée dans le droit québécois.
Je vais vous donner un exemple. Dans la vie de parents, ils ont des décisions à prendre face à des difficultés qu'ils vivent. Il se peut que ce parent-là, que ce soit femme ou homme, décide de confier son enfant, les soins de son enfant à un membre de sa famille immédiate. Ça peut être la mère, les grands-parents, ça peut être un membre de la famille élargie. Évidemment, c'est une entente entre deux personnes qui confient l'enfant. Et ça, je pense que c'est une pratique qui a été coutumière.
Le Président (M. Copeman): M. Picard, tel que promis, je vous avise: il reste trois minutes.
M. Picard (Jules): Oups! Je vais essayer d'être très bref. Donc, j'étais rendu au chapitre... Donc, nous, ce qu'on dit, au niveau de la notion d'abandon, elle n'est pas la même au niveau du droit québécois. Parce qu'on dit, au niveau de la notion de l'abandon, que, quand une mère confie le soin de son enfant à un membre élargi, nous autres, on vous dit que c'est une pratique qui a tout le temps été coutumière chez nous. Mais le droit québécois dit le contraire, qu'on ne peut transférer l'autorité parentale à une autre personne.
Les projets de vie permanents, c'est sûr qu'une des dispositions... Je pense que les groupes, la majorité des groupes qui ont passé ici ont réagi fortement aux durées maximales d'hébergement. C'est sûr qu'à l'expiration de ces délais-là la DPJ, elle doit retourner ou demander au tribunal de se prononcer sur une ordonnance à long terme pour assurer évidemment la continuité et la stabilité des soins à l'enfant. Mais, au niveau des catégories d'âge... Admettons... on va prendre de 0 à 2 ans, tel que prescrit, je pense que la durée, c'est 12 mois.
C'est sûr que, nous, dans la communauté, M. Picard l'a très bien exprimé dans son introduction, on a une panoplie de problématiques qu'on vit dans les communautés. On va se donner juste un exemple très concret: une mère ou un parent homme qui a de la difficulté au niveau de la toxicomanie. Ce n'est pas le fait qu'il y a une ordonnance du tribunal pour ordonner l'hébergement de son enfant que le rétablissement des parents va se faire automatiquement. Et, vous le savez, dans la communauté autochtone, c'est une réalité, c'est une autre réalité. Le rétablissement peut prendre un certain temps, plus que 12 mois. Évidemment, ce qu'on peut faire, au tribunal, c'est de demander au tribunal de prolonger l'hébergement de cet enfant-là sur une période qui pourrait être déterminée. Mais il y a des problèmes pareil. Comment qu'on fait pour soutenir le parent, en termes de moyens, en termes financiers et humains?
Et ça, évidemment, nous, au niveau des soins, ce qu'on pose, à l'intérieur de la loi évidemment ? je pense que le temps achève ? c'est les moyens d'application. Il y a des bonnes intentions au niveau de la loi, mais il va falloir qu'on trouve des moyens, au niveau des premières nations, au niveau des communautés, car, vous le savez, les conditions sociales ne sont pas les mêmes, les problématiques sont plus... davantage plus grandes et plus graves aussi.
Aussi, au niveau de l'adoption, c'est une des mesures qui va être privilégiée, admettons, dans l'établissement d'un projet de vie permanent. Qu'est-ce qu'on fait de l'adoption coutumière dans cette pratique-là? Nous, dans la recherche qu'on a faite à travers les 10 ou 11 législations du pays concernant... en matière de services sociaux, il y a deux provinces qui ont statué sur l'adoption coutumière: la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest. Nous, c'est sûr que c'est une pratique qui est assez régulière dans les communautés des premières nations. On ne dit pas qu'on s'échange des enfants, mais, quand la situation l'exige, la situation d'un enfant ou d'un parent, des fois c'est des décisions qui doivent être prises. Mais évidemment c'est des décisions qui ne sont pas prises à la légère.
Au niveau des rôles et responsabilités, dans le fonctionnement actuel, dans l'application de la Loi de la protection de la jeunesse dans la communauté, c'est basé sur les articles 32, les responsabilités exclusives du DPJ. Et évidemment, pour nous, les communautés, on a eu une délégation en vertu de l'article 33, les personnes autorisées. Évidemment, les communautés qui exercent en vertu de l'article 32, il en reste quatre ou cinq. Évidemment, au niveau de la délégation en vertu de 33, les responsabilités peuvent varier. Il y a des communautés qui ont les deux responsabilités, telles que l'évaluation et la mise en application des mesures, ou il y a certaines communautés, à ce moment-là, qui ont juste l'application des mesures. C'est sûr qu'à l'intérieur de l'application de la loi, c'est à l'intérieur de ces deux articles-là.
n(14 h 30)n Évidemment, ce qu'on veut aussi là-dedans, c'est qu'il ne faudra pas perdre à l'esprit l'article 37.5, qui permet au gouvernement de négocier avec les premières nations pour se donner une plus grande autonomie dans l'intervention qui doit être faite aux enfants qui sont en situation de protection. Évidemment, nous, il y a plusieurs années, il y a deux... à peu près deux années, on a eu un mandat de notre assemblée générale d'aller de l'avant pour le développement d'une autorité évidemment qui inclut le régime particulier en vertu de l'article 37. C'est sûr que, nous, il ne faudrait pas que les travaux de la commission affectent cet article-là. Je pense qu'on voudrait qu'on puisse l'avoir intact.
Le Président (M. Copeman): M. Picard, nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps. On peut continuer, mais je vais être obligé d'écourter la période d'échange. C'est vraiment aux parlementaires de décider comment vous voulez procéder.
M. Picard (Jules): Merci beaucoup, monsieur. Il me restait juste un chapitre, je pense que je vais aller très brièvement.
Évidemment, le régime particulier. Évidemment, la loi n° 125 prévoit restreindre l'accès aux informations confidentielles au niveau d'un enfant. Évidemment, comme je l'exprimais tout à l'heure, la loi va restreindre l'accès aux informations confidentielles aux personnes qui agissent en vertu de 32, au niveau des responsabilités. Ce qui va causer problème, c'est au niveau de la délégation en vertu de 33. Donc, on va être obligé de demander une requête au directeur pour aller chercher une information concernant l'enfant, surtout dans un établissement de santé. Donc actuellement les délégations en vertu de 33, aujourd'hui, sont capables d'aller chercher ce type d'information, mais, dans l'application de 125, tout va être restreint concernant les premières nations, surtout la délégation.
Je demanderais peut-être madame...
Le Président (M. Copeman): Moi, je pense, M. Picard, on va être obligés de passer aux échanges avec les parlementaires afin de tenter d'éclaircir certains points. Ça vous convient? Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, messieurs, M. le chef, bonjour, mesdames. On va vous donner du temps pour répondre, soyez-en assurés. Vous pourrez, dans le cadre de vos réponses, inclure ce dont vous souhaitez nous informer. Mais soyez assurés qu'on a tous lu votre mémoire et qu'on en prend bien compte. On va tenir compte évidemment des recommandations que vous nous faites et des interrogations que vous avez.
Moi, j'ai une petite, courte intervention, puis, avec la permission des collègues, j'aimerais que mon collègue ministre responsable des Affaires autochtones puisse engager un dialogue avec vous, si vous êtes d'accord, là.
D'abord, je voudrais répondre à une question, rapidement, que vous posez rapidement dans votre mémoire, à la page 14, concernant la juridiction de la Cour du Québec en matière de tutelle. C'est une bonne question, je l'ai moi-même posée lorsqu'on a travaillé le projet de loi. Et je vous cite: «La question qui se pose est donc celle de savoir si, en vertu du projet de loi n° 125, il est attribué exclusivement à la Cour du Québec le devoir d'entendre les demandes du DPJ en matière de tutelle. La réponse étant certainement négative ? je vous cite toujours ? il faut donc en conclure que dorénavant la Cour supérieure et la Cour du Québec exerceront la même juridiction à l'endroit des demandes de [la tutelle présentée] par la DPJ.» Je veux juste vous dire que nous avons une opinion juridique. Pour ce qui est des enfants pris sous la protection de la jeunesse, lorsqu'il sera question de trouver un tuteur, de nommer un tuteur, c'est la Cour du Québec qui aura la juridiction de le faire pour ces enfants-là. Pour ce qui est des autres enfants, je ne sais pas, moi, dont les parents décèdent, qui n'a rien à voir avec la Loi sur la protection de la jeunesse, bien c'est la Cour supérieure qui sera évidemment... qui aura l'intervention à faire.
Mme Charest (Rimouski): ...
Mme Delisle: Il faudra peut-être poser ça quand on sera dans l'article par article, Mme la députée Rimouski. Je voulais vous entendre sur toute la question de l'adoption. Je comprends que c'est une réalité qui est très différente, chez vous, de chez nous. Puis j'inclurais même la tutelle là-dedans, parce que finalement ce que vous nous dites, c'est qu'on doit ? et je pense que vous avez raison; on doit ? tenir compte évidemment de votre culture, de vos moeurs, de vos habitudes.
Je pense que votre mémoire transcende très bien ce que vous vivez, la réalité qu'est la vôtre. Mais j'aimerais, rapidement, que vous nous traciez les problèmes que vous avez avec la direction de la protection de la jeunesse par rapport à cette dynamique, là, lorsqu'un enfant est retiré, là, pour des raisons que vous jugez très correctes aussi, là, une situation qui est dramatique, l'enfant ne veut pas retourner chez lui ou chez elle. Je vous laisse prendre la balle au relais, là. Comment vous voyez ça puis pourquoi ça doit être... Comment on peut changer les pratiques aussi et les façons de faire de la part des intervenantes, qui sont, plus souvent qu'autrement, des gens qui ne sont pas de vos communautés ? c'est ce que je comprends, là ? sur le terrain?
M. Picard (Ghislain): Bien, je pense que, de la façon... Je vais laisser le soin sans doute à M. Jules Picard de répondre, et Mme Fournier également, mais c'est un peu l'héritage qu'on a, là, des dernières années, où on a tenté d'adapter le cadre législatif à la réalité des communautés chez nous. Tout en reconnaissant l'effort qui a été fait, les énergies qui y ont été consacrées, il faut aussi constater que tout n'est pas parfait. Sans ça, on ne serait pas ici, aujourd'hui. Et donc, c'est peut-être à partir d'exemples très concrets qu'on peut plus facilement, là, refléter cette réalité-là. Jules Picard va y répondre.
M. Picard (Jules): On va essayer de rester au niveau sécurité et développement compromis. C'est sûr, dans la pratique, ce qui est privilégié, qui est préconisé dans la loi: on doit intervenir pour l'intérêt de l'enfant et évidemment, en deuxième lieu, les droits des parents, évidemment avec la continuité des services.
Comme je le disais, il y a des responsabilités qui sont variables au niveau des communautés. Quand il y a une décision qui est prise pour sécurité et développement, tout dépendant des responsabilités, PJ, en vertu de 32, décide, sécurité et développement; en vertu de 33, il y a des modalités qui sont prévues en vertu des ententes de partage de responsabilités.
Évidemment, quand il y a une évaluation qui est faite, que ce soit par les centres jeunesse et les CPEJ, il y a tout le temps un travail de concertation qui se fait avec les intervenants. Évidemment, quand on doit poser un jugement sur sécurité et développement compromis, il y a un travail de collaboration qui se fait, et vice versa. Ce n'est pas arbitraire que le DPJ va prendre une décision sur la sécurité d'un enfant compromise à l'intérieur d'une communauté, il y a un travail de collaboration qui se fait évidemment avec les intervenants du milieu.
C'est sûr qu'au niveau de l'adoption, quand je disais tout à l'heure qu'une mère ou un parent confie son enfant à un membre de la famille immédiate ou élargie, évidemment c'est des décisions qui sont prises entre deux personnes, et ça, je pense que l'enfant peut vivre là pendant bien des années jusqu'à l'âge de sa majorité, soit chez sa grand-mère. Mais des fois il y a des signalements, et ça peut arriver, dans une famille, qu'il y a des problèmes sociaux puis qu'on signale cet enfant-là. Mais des fois, quand on fait une évaluation, on s'aperçoit que cet enfant-là, le parent, ce n'est pas le parent légal, c'est la grand-mère; le parent légal reste encore le parent qui avait confié son enfant. Donc, c'est là, là qu'on dit: Il y a un abandon en vertu de PJ sur... 38. Donc, nous, on dit: Il n'y a jamais eu d'abandon. La mère, de façon lucide, a confié son enfant à un membre de sa parenté. Donc, il y a un conflit de valeurs. Et c'est sûr que nous, avec l'exercice qu'on mène, c'est que je pense que c'est très important qu'on puisse reconnaître cette pratique-là.
Évidemment, quand on poursuit plus au niveau de l'intervention PJ, il y a des processus de révision, hein? Quand un intervenant, via une délégation, article 33, fait une évaluation ou fait un rapport d'évaluation sur les mises en application des mesures ordonnées ou volontaires, évidemment il tient compte de la situation familiale de l'enfant, et ainsi de suite, de la capacité du milieu de prendre en charge l'enfant. C'est sûr qu'il y a un travail de collaboration qui se fait avec les intervenants qui sont des centres jeunesse. Évidemment, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas arbitraire que le PJ dise: Sécurité et développement compromis. Évidemment, c'est suite à un exercice d'évaluation, à un exercice de suivi.
n(14 h 40)n Et ça, je pense qu'on va être obligé... bien, on va être obligé, je ne veux pas dire ça, «on va être obligé», je pense qu'on va privilégier cette approche-là, puis je pense qu'il va falloir aussi privilégier l'approche que c'est l'enfant, sa famille immédiate, la famille élargie et la communauté. Je pense que c'est dans cet esprit-là qu'on doit intervenir, en tout cas nous, à l'intérieur de la communauté. Est-ce que ça vous répond?
Mme Delisle: Oui. Puis je vais laisser le temps à mon collègue de vous poser des questions. Merci.
Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a consentement pour que le ministre délégué aux Affaires autochtones puisse prendre part à nos travaux?
Des voix: ...
Le Président (M. Copeman): Consentement. M. le ministre délégué.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Merci aux membres de la commission. Merci beaucoup à l'Assemblée des premières nations du Québec et Labrador pour la qualité de votre mémoire que vous avez présenté aujourd'hui. Et, vu que le temps file, peut-être je vais essayer de rassembler mes questions dans une grande question.
Nous avons amendé la loi il y a cinq ans pour permettre les ententes selon le régime 37.5 pour avoir une plus grande reconnaissance des valeurs et les façons de faire autres, les cultures autres, dans la loi. À ma connaissance, c'est les Atikamekw et Kahnawake qui ont pris la voie des ententes. Pour le moment, ça demeure toujours là.
En attendant, dans les grands principes, on a parlé du libellé de la loi. Je vais essayer de distinguer entre les problèmes liés à l'application de la loi, qui sont très importants, et les problèmes strictement sur le libellé des concepts. Ma collègue a parlé de l'adoption, de la question des familles d'accueil et la façon qu'on va intervenir dans un moment de crise, les projets de vie permanents. On a tous ces grands principes dans la loi. Est-ce qu'il faut amender la loi pour une plus grande reconnaissance, ou est-ce que c'est plutôt dans l'application où on a vraiment un problème de... On a parlé des arrangements informels, une plus grande reconnaissance de la famille élargie. Est-ce que ça, c'est les principes qui, comme législateurs... il faut changer la loi, ou est-ce que c'est plutôt dans l'application qu'on peut trouver des solutions à ces questions?
M. Picard (Ghyslain): Alors, on va tenter une grande réponse à une grande question. Je pense qu'on dispose d'une heure aujourd'hui, puis c'est très peu de temps pour l'importance du dossier, en ce qui nous concerne, parce que je pense que, plus souvent qu'on le souhaite, on se retrouve un peu coincés, là, entre deux autorités, si on veut: une qui établit les normes, votre gouvernement, et une autre qui finance finalement nos activités dans le secteur. Et on est, je veux dire, plus victimes que partenaires, en réalité.
Et, cela étant dit, on reconnaît quand même les efforts qui ont été faits, d'un point de vue strictement législatif, par le gouvernement du Québec d'essayer de se coller à notre réalité. Mais il faut savoir... et ce n'est pas du tout pour remettre en question les pourparlers avec la nation attikamek et la communauté de Kahnawake, c'est qu'en bout de ligne la grande question qui va se poser, c'est la question des ressources, la formation adéquate de nos individus.
Parce que, je veux dire, n'importe qui de n'importe quelle communauté pourra vous dire que le secteur des services sociaux, c'est le secteur le plus achalandé dans nos communautés et c'est un secteur qui interpelle, je veux dire... Qu'on soit chef ou pas, je veux dire, on est interpellé, tout le monde est interpellé, et donc avec le résultat qu'on est toujours un peu dans une situation de rattrapage. Donc, cette question-là va également se poser.
Et ce n'est peut-être pas le forum approprié pour en parler, ici, mais il faut savoir que les ententes sont tripartites, donc impliquent, je veux dire, les communautés autochtones en plus du Québec et du fédéral. Et je pense qu'on aura... on sera confrontés également à cette réalité-là, et ça, sans enlever la nécessité de peut-être une meilleure adaptation du cadre législatif. Et la question se pose aujourd'hui. On aurait pu parler de n'importe quelle loi puis on aurait pu relever la même question. C'est une question importante qui demande aussi une attention de la part du niveau politique.
M. Kelley: Non, non. Et effectivement c'est pourquoi le premier ministre a soulevé la question de la protection de la jeunesse, à Kelowna, où il y avait l'argent sur la table. Le dernier gouvernement a pris des engagements importants à Kelowna, pas uniquement dans le domaine des services sociaux, également dans la question de logement, parce que, je pense, souvent des problèmes qu'on discute aujourd'hui sont dépendants d'une question de logement dans les communautés.
Et, moi, je m'engage de mettre la pression sur le nouveau gouvernement à Ottawa, parce que, quand je rencontre, entre autres... je ne veux pas cibler une communauté, mais je viens de rencontrer Thaddee André, le chef de Matimekosh, qui est une des communautés qui a des grands problèmes quant à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, et, si j'ai bien compris, il y a très peu de liens entre le financement et les besoins. Alors, il y a une formule qui est adoptée au niveau fédéral, que c'est par tête de pipe, alors ça ne tient pas en le fait que ça, c'est une communauté qui traverse un moment particulièrement difficile au niveau des signalements, au niveau des tentatives de suicide, et tout le reste. Et le résultat de tout ça: il y a maintenant une facture non payée très importante au Centre jeunesse de la Côte-Nord. Et, je pense, d'avoir les enfants pris à l'intérieur d'une situation comme ça, il faut corriger la situation.
Alors, je peux vous assurer, dans ma première rencontre avec mon nouvel homologue à Ottawa, M. Prentice, ça va être un des enjeux que nous allons regarder de très près. Parce que de toute évidence, au niveau de l'application, au niveau des moyens, on n'est pas au rendez-vous quant aux besoins qu'on voit dans plusieurs communautés. J'ai rencontré Thaddee André récemment, là, je peux citer Matimekosh, mais, je sais, ce n'est pas la seule communauté où ce phénomène est en place, mais je pense que c'est un point qui est très important quant au financement de ces ententes.
M. Picard (Ghislain): Vous permettez, M. le Président, en complément à ce que M. le ministre vient de dire. Je pense que c'est un constat tout à fait exact. C'est que la demande est là; l'offre ne réussit pas à suffire. Et, je pense, pour nous, c'est très clair que, je veux dire, au-delà de l'étude, au-delà de vos travaux, il sera extrêmement important qu'on puisse faire, de façon peut-être plus élargie, le constat que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a fait il y a quelques années dans le cas d'un dossier spécifique touchant les communautés algonquines, trois en particulier, et c'est évidemment l'écart entre la demande, et les besoins, et la capacité d'y répondre qui a fait que, je veux dire, il y avait là un outil approprié pour trois communautés, on s'entend, et, je veux dire, on a dû fermer boutique, et c'est malheureux.
Et vous venez également de faire référence aux nouvelles qui ont circulé récemment à l'effet qu'il y a une dette qui est en train de s'accumuler au niveau des communautés innues, également. Donc, on court carrément à la faillite ici, là, dans ce dossier-ci. Alors que, je veux dire, on ne le dira jamais assez souvent, la courbe démographique, de notre côté de la clôture, est le contraire de ce que vous vivez au Québec, donc le défi est double, triple, et j'en rajoute.
Le Président (M. Copeman): Ça va?
M. Kelley: Ça va.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames et messieurs. Oui, votre mémoire est étoffé, il est très intéressant à plusieurs points de vue. Je vais aborder toute la question de l'application de la loi. Moi, j'aimerais qu'on aille sur les choses très concrètes. Je veux savoir qu'est-ce qui se passe dans vos communautés lorsque la DPJ intervient et comment ça se passe.
Et, à cet effet, je lis, à la page 21 de votre mémoire, que «ce sont des intervenants autochtones qui procèdent à l'évaluation de la situation et proposent une orientation au PDJ». Parce que vous avez certains intervenants qui sont autochtones; ils ne le sont pas tous. Ils ne sont pas tous reconnus aussi comme des travailleurs de la DPJ, c'est ce que j'ai lu dans votre mémoire. Mais, pour ceux qui le sont, j'aimerais savoir, est-ce qu'il y a une différence dans l'évaluation et les propositions d'orientation pour les enfants en cause lorsqu'il s'agit d'un intervenant autochtone par rapport à un intervenant non-autochtone, pour la même situation donnée?
M. Picard (Jules): C'est une question très, très, très importante. Évidemment, ça prend une réflexion avant d'y répondre. J'ai envie de vous répondre oui. Évidemment, l'intervenant...
n(14 h 50)nMme Charest (Rimouski): Je veux vous rassurer: ici, là, vous êtes devant l'Assemblée nationale, vous n'êtes pas devant un tribunal, vous n'êtes pas devant un parti politique donné, vous êtes vraiment devant des représentants de la population qui ont un mandat de légiférer pour améliorer la situation. Alors, moi, j'aimerais bien qu'on se parle franchement. Si c'est oui, dites-moi-le le plus facilement possible, parce que je vais pouvoir apprécier de façon... le plus adéquatement la situation que vous vivez par rapport à ce que d'autres enfants de d'autres communautés...
Parce qu'on a aussi des questions pas juste pour les autochtones, mais aussi pour des communautés culturelles, et je pense qu'il y a des parallèles qui peuvent être faits; quoique ça peut être très différent à la base, mais il y a quand même des similitudes qui pourraient se rejoindre sur certains points. Alors, les questions que je vous pose, je les ai déjà posées à certaines communautés culturelles, même si ce n'est pas exactement la même chose. Mais je voulais vous rassurer, là, sur: il faut être à l'aise pour dire ce que l'on a à dire.
M. Picard (Jules): Merci beaucoup, madame. Parce que j'apprécie en même temps... vous faites cette mise au point là. Oui, je pense que oui. Évidemment, l'intervenant non autochtone va appliquer les valeurs qu'il a apprises à l'école. Évidemment, après un certain temps de pratique dans un milieu autochtone, l'intervenant non autochtone va certainement faire des apprentissages en fonction du milieu, en fonction de la culture, évidemment aussi en fonction de la langue.
Et je pense que, dans un premier temps, je suis prêt à vous dire oui, madame, évidemment avec les valeurs qu'ils ont acquises au niveau de l'école, évidemment aussi l'esprit de la loi. On intervient pour l'intérêt de l'enfant et on intervient sur les parents, des bouts. C'est sûr que, dans la pratique, l'intervenant autochtone va évoluer aussi avec le milieu. Et ça, je pense que, dans un certain sens, comme je vous dis, j'essaie de vous répondre le plus précisément que possible, c'est oui, avec leurs valeurs à eux autres qu'ils ont apprises à l'école.
Mme Charest (Rimouski): Qu'est-ce qui distingue que... Avez-vous des cas où vous pourriez nous illustrer ces distinctions? Est-ce qu'un intervenant autochtone va choisir le même type d'orientation qu'un intervenant non autochtone, lorsqu'il s'agit d'un cas de négligence ou d'un cas de, je ne sais pas, moi, de violence, violence conjugale, et tout ça? Est-ce que les recommandations sont... sont de quel ordre, là, en termes de différence?
M. Picard (Jules): Quand il y va de l'intérêt de l'enfant, je pense que les yeux d'un intervenant non autochtone, quand ça concerne une situation d'un enfant, c'est les mêmes que les yeux d'un intervenant autochtone. Je pense qu'on n'applique pas des jugements de valeur dans des situations très précises en matière d'application de la loi, à la protection de la jeunesse. C'est sûr qu'on ne minimise pas... Il n'y a personne qui minimise ce type de situation là, que ce soit autochtone ou non autochtone. Et ça, je pense, je tiens à le préciser parce que, pour nous, c'est très important. Je pense qu'il ne faut pas minimiser des situations de protection. Et je ne crois pas que dans un jugement, ou dans une décision, ou dans une orientation d'un dossier... pouvoir faire la différence entre un intervenant autochtone ou non autochtone. Je pense que la gravité d'une situation, c'est là-dessus, je pense, qu'on doit baser notre jugement et baser notre orientation.
Mme Charest (Rimouski): Tout à l'heure vous nous avez fait la distinction entre comment vous percevez une situation d'abandon versus ce que la protection de la jeunesse et la loi décrit comme étant un abandon. On ne vous a pas entendus sur la tutelle comme telle. Est-ce que les communautés sont en accord, plus ou moins en accord avec toute la question de la tutelle? Et est-ce que la tutelle ? pas seulement au point de vue juridique, mais de par votre définition ou de par votre façon de l'appréhender; est-ce que la tutelle ? pour vous, est plus proche de ce que vous appelez l'adoption traditionnelle, l'adoption coutumière?
M. Picard (Jules): Il y a une distinction à faire. C'est une adoption coutumière dans laquelle un parent confie son enfant à un membre de sa famille immédiate ou élargie. La tutelle...
Mme Charest (Rimouski): D'un point de vue juridique, c'est différent, là.
M. Picard (Jules): C'est très différent. La tutelle, c'est autre chose, je pense, pour nous, il n'y a aucune similarité, là, par rapport à ça. Je pense que c'est très législatif; l'autre, c'est très coutumière. C'est sûr, dans l'application de la loi n° 125, la tutelle, ici, elle doit être privilégiée, hein, dans une orientation qu'on parlait tout à l'heure. Il va falloir que ça reste à l'intérieur de la famille élargie, à l'intérieur de la famille immédiate. Je verrais très mal qu'on recommande la nomination d'un tuteur d'un enfant x, que ce soit à l'extérieur d'une communauté. Ce qu'on privilégie en termes d'intégration puis l'esprit de l'intervention, c'est l'enfant, ses parents, sa famille immédiate et la famille élargie et la communauté.
C'est sûr qu'évidemment c'est pour stabiliser l'enfant. Si on doit recommander cette mesure-là, en terme de tuteur, pour l'enfant, je pense que, nous... je pense que ça peut être une excellente mesure, du moment qu'on respecte la famille, qu'on puisse intervenir au niveau de la famille pour nommer un tuteur.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, à la page 27 de votre mémoire, vous parlez, au chapitre des projets de vie permanents... la question des délais maximaux d'hébergement, votre association se dit favorable à cette initiative dans la mesure où elle ne favorise pas la rupture des liens entre l'enfant et sa famille. Selon vous, est-ce que vous avez cette assurance avec l'article 22 du projet de loi n° 125?
M. Picard (Jules): Oui. C'est sûr qu'au niveau des projets de vie on doit favoriser évidemment de ne pas couper aucun lien, aucun lien familial par rapport à l'enfant. Et ça, je pense que c'est très important de ne pas perdre de vue ce lien-là qui est créé. Mais je pense que dans toute application il va falloir être très vigilant, très vigilant puis évidemment avoir recours aux ressources du milieu.
Mais évidemment ça peut aussi... Comment je pourrais dire ça? M. Picard parlait de modalités, de ressources, hein? C'est sûr, dans l'autre ordre de gouvernement, ceux qui s'occupent des formules de financement, évidemment, ça peut limiter les interventions qui pourraient être faites au niveau de la famille. Et ça, je pense que, nous, c'est des questions qu'on doit se poser: Comment qu'on va y arriver pour ne pas couper les liens au niveau d'un enfant?
Mme Charest (Rimouski): Mais est-ce que la loi vous donne... le projet de loi n° 125 vous donne cette assurance que tout va être fait en fonction de ce que vous venez de nous dire?
M. Picard (Jules): C'est mitigé, là. Moi, je pense qu'il va falloir penser aux modalités. À l'intérieur d'une communauté, je pense que c'est autre chose. On n'a pas les ressources que Roberval pourrait détenir, en termes de services sociaux, en termes de services psychosociaux. On est très limités au niveau des ressources de type de CLSC. Donc, nous, il va falloir qu'on nous rassure au niveau des modalités: comment on va être capables de maintenir l'enfant puis comment on va être capables, et supporter le parent à recouvrer puis à développer ses... à maintenir ses habilités parentales.
M. Picard (Ghislain): Si je peux me permettre peut-être.
Mme Charest (Rimouski): Oui.
Le Président (M. Copeman): M. Picard, allez-y.
M. Picard (Ghislain): Bien, je pense qu'il y a là sans doute un exemple très concret de la réalité qui se pose peut-être différemment de part et d'autre. Entre ce que prescrit une loi, son application et la façon qu'elle a des conséquences sur le terrain, bien il peut y avoir une distance énorme. Et on met ici en évidence peut-être des définitions un peu... pas contradictoires, mais pas nécessairement semblables par rapport au concept même de projet de vie, famille immédiate, à la limite la réhabilitation aussi, parce que c'est un aspect important, je veux dire, de la représentation que nous faisons aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on puisse avoir une marge de manoeuvre suffisante pour permettre à l'enfant, je veux dire, évidemment de jouir de tous ses droits, mais aussi aux parents de pouvoir en avoir autant, dans le sens qu'ils puissent également avoir une opportunité de se refaire une vie, de se réhabiliter et peut-être éventuellement, je veux dire, avoir la chance de se reprendre en quelque sorte. Et on trouve qu'il y a peut-être des éléments là qui méritent une certaine réflexion.
Mme Charest (Rimouski): Selon vous, rapidement, est-ce que les enfants autochtones sont surreprésentés dans la population des jeunes en centres jeunesse?
M. Picard (Jules): Surreprésentés? C'est sûr qu'ils sont présents dans les centres jeunesse...
Mme Charest (Rimouski): Mais c'est différent, là, être présent puis être surreprésenté.
M. Picard (Jules): Je ne pense pas qu'ils soient surreprésentés, mais évidemment il y a un grand nombre d'enfants qui sont en centres de réadaptation actuellement, à l'heure où est ce qu'on parle. Évidemment, les chiffres sont là pour le prouver.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Donc, s'ils ne sont pas surreprésentés, il y a quand même des évaluations qui sont tout à fait appropriées. On n'a pas fait d'erreur dans l'évaluation, dans l'interprétation de ce qu'on entend par «abandon», de ce qu'on entend par «négligence», de ce qu'on entend par «abus», soit physique, psychologique ou autre. C'est ce que je comprends de votre réponse?
n(15 heures)nM. Picard (Jules): Je ne sais pas, moi, je n'ai pas les données en termes de surreprésentation dans les centres d'accueil...
Mme Charest (Rimouski): Mais ce n'est pas un sentiment que vos communautés ont.
M. Picard (Jules): Non, j'essaie de vous répondre, madame.
Mme Charest (Rimouski): Oui.
M. Picard (Jules): J'essaie de vous répondre. Je n'ai pas les données exactes en termes de ce que vous considérez comme surreprésentation dans les centres jeunesse ou dans les centres de réadaptation. Ce qu'on dit: Oui, il y a un grand nombre de jeunes qui subissent... pas qui subissent, qui bénéficient des services de réadaptation au niveau des centres jeunesse. C'est ce qu'on dit. Mais on n'a pas les données de ce que vous considérez comme surreprésentation.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Merci beaucoup. Je vais laisser ma collègue...
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy (Lotbinière): Merci, M. le Président. Merci de votre présence, merci de votre éclairage. J'ai moi-même pratiqué à La Tuque avant que l'entente pilote vienne... au niveau de la DPJ, j'ai représenté des enfants d'Obedjiwan et de Wemotaci, ça fait que ce que vous dites, ça sonne à mes oreilles comme des réalités, là, dont je me souviens, avant justement qu'on mette en place un autre système.
Il y a quelque chose que je me souviens, c'est l'adoption traditionnelle. Je me souviens d'une... Parce que vous savez que les femmes autochtones ont souvent plusieurs enfants. En tout cas, celle que j'ai rencontrée dans le cadre de ma pratique m'avait raconté... Bien, l'adoption traditionnelle, ça a été le premier contact que j'ai eu avec ça. Elle m'a raconté qu'elle avait plusieurs enfants, et puis que, pour son cinquième, elle n'était pas sûre d'y arriver, puis que, comme elle connaissait un couple de personnes qui n'avaient pas d'enfant, elle leur a confié. Mais on n'appelle pas ça un abandon, dans ce cas-ci, on appelle ça un don. Puis je pense que, moi, ça a été la meilleure leçon que j'ai eue.
Parce qu'on parle souvent des autochtones en termes d'alcoolisme, de violence, mais il faut aussi parler de leurs bonnes pratiques, puis je pense que ça, c'est une pratique louable, parce que, premièrement, quand cette femme-là s'est posé la question, elle s'est posé la question pour son enfant et non elle, en tant que mère propriétaire d'un enfant, et, deuxièmement, bien ça l'a amenée à... comme ce n'est pas une pratique qui est aussi dévalorisée que l'adoption a pu l'être dans les années cinquante, ici, au Québec ? tu sais, là, les filles-mères ? bien ça l'a amenée à voir le meilleur intérêt de cet enfant-là puis laisser aussi les liens. Cet enfant-là, il n'a jamais pensé qu'il a été abandonné, là. Ce n'est pas dramatique dans la communauté.
Moi, je pense que vous êtes l'exemple concret qu'il faudrait se repencher, au Québec, sur notre adoption plénière puis regarder comment on adopte, au Québec, parce que ça fonctionne depuis longtemps chez vous, et je pense que c'est dans le grand intérêt des enfants. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Picard (Ghislain): Bien, je peux tenter d'y répondre. Et je pense que vous avez réussi à cibler sans doute le coeur de la raison finalement ou le bien-fondé de notre présence ici. Et je pense qu'il y a encore fort à faire pour permettre une éducation, là, d'un processus législatif qui est souvent loin de notre réalité. Et, pour nous, je veux dire, on ne perd pas nécessairement espoir. Je pense qu'on a toujours essayé de trouver une façon de concilier un environnement finalement sur lequel on a peu de contrôle pour l'ajuster en fonction de notre réalité dans notre milieu, parce qu'on s'est souvent retrouvés dans la situation où on était obligés de s'adapter, et rarement il nous a été donné, je veux dire, de permettre finalement à la majorité de s'adapter à notre réalité à nous comme minorité, et je pense que c'est peut-être ça, l'objectif qu'on devrait poursuivre, là, dans le cadre de vos travaux mais aussi suite aux études que vous faites présentement.
Mme Roy (Lotbinière): Dans cette optique-là, le délai qu'on a imposé, là, pour si un enfant est pris en charge, le délai de un an pour un enfant plus jeune, les délais qui sont prévus à l'article 54 doivent vous inquiéter?
M. Picard (Jules): Ça nous inquiète, évidemment. Ça nous inquiète surtout au niveau des ressources qu'on aura à la disposition surtout au niveau des parents. Comme je vous l'ai dit au début de la présentation, sur les éléments de compromission, ce n'est pas que le fait qu'il y a un jugement qui est prononcé pour l'hébergement d'un enfant sur une période de 12 mois... qu'automatiquement il va y avoir une réhabilitation au niveau des parents. Vous le savez, vous êtes intervenants au niveau social, qu'une réhabilitation, c'est sûr que ce n'est pas sur une période de 12 mois, ça peut aller au-delà de 12 mois et peut-être au-delà de 18 mois, des fois davantage. Donc, moi, je pense qu'il faudrait tenir compte de cet aspect-là au niveau des durées d'hébergement qui sont prescrites dans la loi, tenir cet aspect-là au niveau de la communauté, parce que je pense que, si on n'a pas les moyens d'aider ce parent-là via les programmes sociaux ou la formule de financement du fédéral, ça va causer des problèmes.
Mme Roy (Lotbinière): Pour ma part, moi, j'ai vraiment l'impression que la différence entre, bon, la réalité de ce qu'on voit, là, ce qu'on voit en milieu urbain, pour les autochtones, ce qu'on voit en milieu rural, comme il y en a pas loin de mon comté, là, dans le comté de Nicolet-Yamaska, et puis ce qu'on voit en région éloignée, ce qu'on vit en région éloignée, comme Weymontachie, Obedjiwan, Manouane, là, là, il y a vraiment trois mondes différents. Et puis, quand on arrive dans les régions éloignées, on n'arrive pas à la barre minimum des services, parce qu'on n'a pas de réseau, on ne peut pas demander de l'aide, on n'a pas de ? un mot anglais là ? «back-up», nulle part. Je pense que c'est vraiment là que se situe le problème au niveau des régions éloignées.
M. Picard (Jules): J'aimerais réagir là-dessus, je pense, au niveau des régions éloignées. Je pense que M. André, le chef André a rencontré le chef... pas le chef, excusez, M. le ministre Kelley. Évidemment, le service en région éloignée, c'est très compliqué. Je pense qu'on n'a rien prévu à l'intérieur de la loi. Même dans l'application des mesures d'urgence, des mesures de protection, des mesures d'hébergement, on va se donner, admettons, un 0-24 heures. Et il n'y en a pas, de ressource à l'intérieur de la communauté, et on vit à peu près à 500 kilomètres de la première ville, et, pour évacuer, ça prend l'avion. Donc, je pense qu'en région éloignée, c'est de plus en plus difficile à appliquer évidemment des mesures qui sont prévues dans la loi. Donc, je vous dis, le meilleur exemple, c'est les mesures d'urgence, les 0-24, les 0-5. Des fois, il faut aller au tribunal et revenir avec une ordonnance, et, revenir dans la communauté, ton ordonnance de cinq jours est quasiment échue. Donc, il faut que tu retournes pour aller chercher un autre 30 jours. Donc, c'est tous ces éléments-là qu'on doit tenir compte au niveau de l'intervention en région éloignée.
Mme Roy (Lotbinière): Il n'y a pas de ressource dans votre milieu, puis, au niveau du tribunal aussi, il siège une fois par mois, en plus, là, je dois vous dire.
M. Picard (Jules): Oui, puis il faut aller souvent... Pour Schefferville, on doit aller à Sept-Îles. Pakuashipi, c'est la même chose. À Weymontachie, on doit se rendre à...
Mme Roy (Lotbinière): Shawinigan.
M. Picard (Jules): ...Shawinigan, c'est à trois heures de route. Donc, c'est tous ces éléments-là que je pense que... c'est tous ces aspects-là qu'on doit considérer en termes d'intervention en milieu éloigné.
Le Président (M. Copeman): M. le chef Picard, Mme Gill, M. Jules Picard, Me Fournier, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador.
J'invite les représentantes des Femmes autochtones du Québec et le Regroupement des centres d'amitié autochtone du Québec à prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 8)
(Reprise à 15 h 14)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes des Femmes autochtones du Québec et le Regroupement des centres d'amitié autochtone du Québec. Mme Gabriel, bonjour. Mme Cloutier, bonjour. Si j'ai bien compris, vous souhaitez peut-être partager les 20 minutes entre vos deux organismes. Est-ce que c'est... Puis par la suite l'échange, on va simplement procéder les échanges conjointement. Alors, dans ce cas-là, bien vous avez globalement 20 minutes pour les deux présentations. Si vous souhaitez 10-10, je vais peut-être indiquer quand il reste quelques minutes avant 10, les deux fois, et par la suite ce sera un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Est-ce que c'est Mme Gabriel qui commence? Welcome, bonjour, bienvenue.
Femmes autochtones du Québec inc. (FAQ)
et Regroupement des centres d'amitié
autochtone du Québec inc. (RCAAQ)
Mme Gabriel (Ellen): (S'exprime dans sa langue).
Bonjour, good afternoon to everyone. To my right, I would like to introduce, from Femmes autochtones du Québec, Martine Côté, who is our «conseiller juridique et politique» and is also in charge of justice and public security; to Édith's left is Mme Andrée Dionne, «ex-directrice des services sociaux Minokin et coordonnatrice Mamit-Innuat».
My presentation will be in English, the rest will be in French. So, I apologize for those of you who were expecting a French presentation.
Since the beginning, when our two cultures, our two nations met, indigenous cultures have always seen... I guess, the old adage of «it takes a community to raise a child» has never been more true in indigenous communities as it is today. We know about oppression, we know about colonization and the effects, the detriment that it's done to indigenous communities in Canada. But, in spite of all that, in spite of things that happened, such as the residential schools... ? excuse me, is it okay? ? ...in spite of the residential schools, in spite of everything that has been done to try and take away our identity, the values that our ancestors had in regards to raising a child still are pertinent today. In my parents' times, when a person had too many children, in the sense that they weren't able to feed them or clothe them as well, the aunts or the uncles would take those children into their own home, and this was done because all children are seen as the community's responsibility.
And I think one of the things that has happened over the years, because of oppressionism, because of the devaluing, the taking away, the undermining, if you could say, of the jurisdiction of aboriginal people in regards to the control of their destiny and control of their families... There are many situations that we will hear of today, there are many situations that don't relate only to community, but to the urban sections as well. And so, I will pass on next the speaker to Édith Cloutier.
Mme Cloutier (Édith): Merci, bonjour. Je vous remercie de cette opportunité qui nous est offerte de justement mettre en perspective nos réalités. Et de prime abord j'aimerais préciser que je n'ai pas la prétention, aucunement, d'être juriste, d'être une experte ou une professionnelle en la matière d'application de la Loi de la protection de la jeunesse. Toutefois, je me considère comme une citoyenne de première nation qui utilise cette tribune afin de mettre en perspective les réalités des premières nations et de partager avec vous la désolation que vivent nos enfants, que vivent nos familles et nos communautés, et nous voulons donc par notre message transmettre l'espoir d'une vie meilleure pour nos nations.
Après plus de 20 ans de consultations, d'études, de recherches et d'enquêtes auprès des premières nations au Québec, et ce, en matière de santé et services sociaux, et plus particulièrement en regard de l'application de la Loi de la protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants, il y a eu un rapport, en janvier 2003, qui a été émis par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, et ma courte présentation va référer à quelques reprises à ce rapport-là, que je considère comme extrêmement pertinent, et ce rapport-là dégage le constat suivant, et je cite: «La dualité et le chevauchement qui perdurent entre les gouvernements fédéral et provincial ainsi que les nombreux changements apportés par les différentes réformes ont eu des impacts significatifs, voire insoupçonnés chez ces nations.» Fin de la citation.
n(15 h 20)n Il est tout de même intéressant de voir ? justement, je faisais référence aux études ? que ces études et enquêtes qui ont été conduites au Québec dégagent une constante, et la constante est celle-ci: qu'il est primordial de tenir compte de la réalité autochtone dans l'application de la Loi de la protection de la jeunesse et que les interventions doivent être adaptées à ce contexte particulier. Il y a plusieurs rapports, que je ne citerai pas, mais que le rapport de la commission cite: il y a le rapport Harvey, en 1990; en 1991, il y a eu le rapport Bouchard qui fait état de cette particularité; le rapport Jasmin, en 1992; le rapport Coutu, en 1995, la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, en 1996, et je pourrais en nommer d'autres qui font état de cette situation depuis maintenant 20 ans. Et donc, 20 ans plus tard, le message n'est pas différent, c'est toujours le même: on a un contexte qui est particulier, qui est différent, et donc l'application d'une loi comme la Loi de la protection de la jeunesse devrait tenir compte de cette réalité.
Donc, ce contexte particulier et complexe de la gestion des services sociaux aux autochtones a été décrit comme suit dans le rapport de la Commission des droits de la personne, et je le cite à nouveau, qu'on dit: «En raison du partage des compétences dans la Constitution canadienne, les relations entre le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les communautés autochtones ont été comparées à un "ménage à trois."» C'est d'ailleurs dans un document émis par le Secrétariat au Affaires autochtones du Québec que le gouvernement du Québec caractérise ce fameux ménages à trois par, et je cite, «des relations complexes et difficiles du fait que ses acteurs établissent des positions souvent divergentes, posent des gestes qui ont un impact sur les autres et manifestent des aspirations parfois difficiles à concilier».
Ceci étant dit, on peut se poser la question: Est-ce que la conciliation est possible sur le sujet qui nous préoccupe? Alors, nous allons entrer dans le concret. Concrètement, que proposons-nous afin que nos deux solitudes puissent se rejoindre sur cette question? Alors, malgré un héritage de souffrance et de douleur, les premières nations aspirent à un mieux-être et oeuvrent inlassablement à l'amélioration de la qualité de vie des siens, et donc le gouvernement du Québec doit reconnaître ce contexte particulier et donc agir sur cette base. Et nous avons à partager une histoire de réussite devant la commission pour vous démontrer qu'il peut y avoir un ménage à trois modèles, qui n'est certainement pas parfait mais qui peut servir de point de départ et qui peut toujours... Ce qui nous lie ensemble, c'est de mettre au coeur de nos préoccupations le bien-être de nos enfants. Alors, je vais demander à Mme Dionne de vous faire part de ce modèle.
Mme Dionne (Andrée): Alors, bonjour. Il m'a été demandé de partager avec vous mon expérience en milieu autochtone. Pour ce faire, je vous parlerai donc des services sociaux Minokin. Vous avez sans doute constaté à la lecture de notre mémoire que nous ne sommes pas en désaccord, du moins en très grande partie, avec le projet de loi n° 125, mais très, très inquiets quant à son application. Alors, je vais vous présenter les services sociaux Minokin et vous parler de son quotidien. Vous serez à même de constater une façon de faire et qui semble, à bien des égards, avoir été bien appréciée dans son fonctionnement par la population des communautés desservies.
Alors, je vais quand même vous faire une présentation un petit peu de Minokin. En novembre 1995, les trois communautés algonquines de l'Abitibi, Pikogan, Lac-Simon, Kitcisakic ? ou Grand-Lac-Victoria aussi ? décidaient d'entreprendre le processus de la prise en charge de leurs services sociaux. Les services sociaux Minokin sont alors fondés en 1997. Le mandat des services sociaux Minokin en était un de taille, puisque l'organisme rejoignait une clientèle de tout âge, que ce soit pour l'obtention de services psychosociaux se référant à la loi des SSSS, de la protection de la jeunesse ou des jeunes contrevenants, et, pour mieux vous situer, cela voulait dire concrètement, en termes de services, l'évaluation des signalements reçus de la direction de la protection de la jeunesse, le suivi psychosocial des signalements retenus, les suivis psychologiques et psychoéducatifs, le recrutement, l'évaluation, le suivi et la formation des ressources de type familial et la dispense de certains services facilitant le soutien à domicile des personnes en perte d'autonomie temporaire ou permanente. Dans l'ensemble, les problématiques traitées aux services sociaux Minokin faisaient référence au mode de vie déficient des parents, aux abus sexuels, toxicomanie et aux troubles de comportement.
L'approche préconisée par Minokin était une approche de type holistique, ce qui signifie la prise en considération de tous les aspects de la vie de l'usager dans son environnement global. En fait, cela veut dire que toute intervention clinique devait tenir compte à la fois des particularités intrinsèques de l'usager, fonctions cognitives, histoire personnelle, etc., de la problématique à traiter, négligence parentale, toxicomanie et autres, et des différentes composantes de son milieu de vie, valeurs culturelles, familiales et sociales, mode de vie. L'intervention étant personnalisée, donc ajustée au besoin d'aide de l'usager, nous avions très rarement, chez la clientèle, des réactions négatives envers la dispense de nos services. Au contraire, même dans un contexte d'autorité, nous avions une très bonne collaboration de la part des parents et des enfants concernés.
Je pourrais vous donner plusieurs exemples de parents qui se sont repris en main. Je me souviens, entre autres, d'un couple de parents qui a vu leurs enfants placés suite à un signalement à la direction de la protection de la jeunesse pour mode de vie déficient, et aujourd'hui ils se sont non seulement repris en main, mais ils sont devenus un modèle pour leur communauté en recevant leur accréditation comme famille d'accueil. Donc, il y a espoir.
Il n'est pas facile de se rétablir lorsqu'on a une histoire de vie marquée par de nombreux sévices et que son entourage peut à peine être supportant, étant soi-même souffrant. Le rétablissement est autant long et difficile lorsque l'agresseur vit dans la même communauté, phénomène courant. Un contexte social et économique difficile ralentit aussi le processus de guérison chez les gens. Les histoires de femmes et d'hommes luttant pour leur rétablissement sont nombreuses. Toutefois, pour que ces efforts se soldent par de belles victoires, il faut sans contredit des ressources professionnelles compétentes, variées, en nombre suffisant, et du temps, beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps.
La Loi de la protection de la jeunesse confère aux intervenants un pouvoir d'autorité. En milieu autochtone, un intervenant qui arrive dans une communauté en se préoccupant davantage d'appliquer une loi que d'accompagner les enfants et les parents en détresse fait fausse route. Une telle façon de faire éloigne la famille immédiate, la famille élargie et la grande famille qui est la communauté. Intervenir auprès d'une personne autochtone, c'est intervenir auprès de l'ensemble de la communauté. Dans toute action, il faut penser communautaire, réseau.
Maintenant, aussi, il y a toute l'organisation des services, hein? On a parlé, on a effleuré évidemment l'aspect clinique, là, très rapidement, mais il y a aussi l'organisation des services. Cette approche de type holistique se reflétait également dans l'organisation des services. Nous faisions régulièrement appel aux membres des communautés afin d'obtenir non seulement leurs opinions, mais également leur support dans la mise en place et dans l'ajustement des services et/ou des programmes. Pour nous, tout processus de guérison devait obligatoirement passer par la volonté des communautés à se prendre en charge, et ce, en faisant appel dès le début du processus à leur mobilisation et à leur implication. Les réponses à leurs besoins venaient donc de l'intérieur des communautés, elles n'étaient pas imposées, donc pas menaçantes, du moins pour la majorité.
n(15 h 30)n Les pistes de solution et les solutions avancées étaient comprises et acceptées comme faisant partie prenante du processus de guérison. Elles n'étaient pas parachutées de l'extérieur. Je vais vous donner des exemples, hein, parce qu'on comprend bien avec du concret. Dans une communauté, nous avons dû réagir suite au dévoilement de jeux sexualisés entre enfants. Dès l'annonce de cette information, nous avons interpellé les membres de la communauté et la direction de la protection de la jeunesse. Tout en respectant l'expertise de chacun, nous avons monté conjointement un programme d'aide. C'est à partir de la volonté de l'implication du milieu que ce programme d'aide a vu le jour et continue d'exister. Ce programme est chapeauté par un comité essentiellement composé par des membres de la communauté. Ce programme comprend deux volets thérapeutiques, l'un d'ordre clinique et l'autre, communautaire. Il reflète bien l'esprit de la communauté, car il a été pensé, il est supporté et réalisé en grande partie par les gens de la communauté. D'ailleurs, ce programme-là a reçu le prix Marie-Vincent. Alors, ce n'est quand même pas un petit programme, mettons.
Un autre exemple: le choix des ressources de type familial se faisant en collaboration avec des personnes vivant dans la communauté. Suite à notre évaluation, nous demandions l'opinion de trois personnes avant de proposer l'accréditation d'une famille d'accueil potentielle. Elles étaient consultées sur une base individuelle et sous le couvert de la confidentialité. Nous prenions soin d'avoir des personnes-ressources de clans différents afin d'avoir une information la plus juste et équitable possible. Il est arrivé que notre évaluation ne reflète pas la réalité de la famille évaluée, la collaboration de ces personnes a été d'une aide fort précieuse.
Le choix du personnel était la responsabilité de la communauté. Des membres de la communauté concernée participaient à tout le processus d'embauche, et la décision finale quant au choix du ou des candidats retenus leur revenait. Chaque communauté ayant sa couleur propre, cela se reflétait dans le choix du personnel. Le fait que les membres de la communauté participaient au processus de sélection et fassent le choix des employés facilitait le développement du lien de confiance entre le travailleur et la population, donc le travail sur le terrain en était facilité, un lien de confiance bâti plus rapidement et moins de résistance quant à la mise en place de plans d'intervention ? rapidement ? et c'est le travail de construction qui a été fait à Minokin au cours des années de son existence. Voilà.
Vous parliez un petit peu au niveau de l'application, là, ça donne quand même des petites pistes. C'est sûr qu'en quelques mots on ne peut pas en dire beaucoup, mais au moins ça donne des avenues...
Le Président (M. Copeman): En vous signalant qu'il vous reste trois minutes.
Mme Côté (Martine): O.K. L'une des questions préoccupantes pour nous quant à l'application de la loi n° 125, c'est la question qui entoure les délais pour la reprise en main des parents, en vue d'un placement à long terme.
Mme Gabriel (Ellen): In conclusion, I would like to emphasize that, I think, we both, you know, the Québec Government and the aboriginal communities, are looking for the best interest of the child. We want to work together to participate in creating solutions and not making more problems. So, we would ask that we be included in the solutions to the problems that we see for the future of our nations. And we will be presenting a complementary to our memoir for your information, for additional perspectives of our respective organizations. Thank you very much for your attention to our presentation.
Le Président (M. Copeman): Merci. Thank you. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Merci, mesdames. Welcome, Mrs. Gabriel. I was sort of hoping that you would maybe emphasize a bit on the maximum lengths of stay. Your colleague sort of opened the door, but then she gave you... you're the one that spoke afterward, so I was wondering whether you had anything to say on that, or maybe someone else would have something to say on it.
Mme Gabriel (Ellen): I prefer to defer that to...
Mme Delisle: No, you'd rather... someone else did?
Mme Gabriel (Ellen): Yes.
Mme Delisle: O.K. Ce que je disais, Mme Gabriel, c'est que j'étais restée un peu sur mon appétit. Madame, vous nous avez dit que vous étiez inquiète par rapport aux durées maximales de placement, aux durées de placement, mais vous avez juste dit ça, vous n'avez rien dit d'autre après. Vous aurez l'occasion d'en reparler, j'en suis certaine.
Je voudrais vous dire que, moi, j'avais lu le mémoire que vous nous avez envoyé, comme tout le monde, d'ailleurs. Alors, celui que vous nous avez présenté aujourd'hui est beaucoup plus ? je vais utiliser une expression un peu populaire, là ? soft que ce qu'il y a dans ce mémoire-ci. Moi, je le considère comme un mémoire-choc. Ça m'a beaucoup touchée, c'est, honnêtement, venu me chercher, et on n'aura malheureusement pas le temps d'aborder l'ensemble des réalités que vous vivez. Mais vous dites des choses qui... puis je n'ai aucune raison de croire que ce n'est pas vrai, là, sincèrement, là, mais vous nous dites... vous soulevez des... Même en annexe, vous avez des exemples de situations que vous considérez vraiment comme inacceptables.
Vous nous dites, à la page 8 de votre mémoire: «Il est grand temps que le gouvernement du Québec reconnaisse que nous avons dans nos communautés des professionnels qui peuvent agir pour le bien-être et l'intérêt de nos enfants, dans le respect de notre culture et de notre identité!» Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je pense qu'il faut continuer à travailler dans ce sens-là. On a quand même des articles dans la loi actuelle qui donnent... permettent finalement ces pratiques, mais, d'après ce que je peux voir, ce n'est pas si facile que ça à mettre en application, et puis vous vivez quand même des grandes difficultés.
Vous nous dites: «Il faut une application différente de la Loi sur la protection de la jeunesse dans la façon de juger les dossiers concernant les familles autochtones. Il faut [...] tenir compte de la communauté, de l'aspect culturel et de l'identité autochtone, sans quoi nous assisterons peut-être dans 10 ou 20 ans à des recours collectifs [pour] de jeunes adultes autochtones ayant perdu leur identité, leur langue et leur culture suite à un "placement de vie à long terme". Assistons-nous là à une nouvelle tentative d'assimilation des peuples autochtones?» J'espère que non, parce que ce n'est pas le but de l'exercice, ce n'est certainement pas le but d'avoir inclus les durées maximales de placement.
Je suis très intéressée par le projet dont vous nous avez parlé, madame, le projet Minokin. Je pense que tout le monde a compris ce qu'était le projet. Je trouve ça extraordinaire que trois communautés se soient concertées, aient mis en place ce programme-là. Je suis très curieuse de savoir pourquoi ça n'a pas fonctionné. Est-ce que vous pouvez me répondre? Parce que c'est quand même une façon alternative de voir les choses, c'est une autre façon de travailler. Puis il faut sortir, je l'ai dit depuis le début de la commission, il faut sortir des sentiers battus puis il faut aller travailler sur le terrain. Que ce soit dans vos communautés ou dans les nôtres, il faut absolument qu'on trouve des façons de faire qui vont faire en sorte qu'on travaille... On parlait beaucoup de la pauvreté, il faut aller travailler sur ce terrain-là avec les gens, essayer d'éviter les placements puis développer les capacités parentales des parents sur le terrain avant d'en arriver à un placement qui peut être dramatique à la fois pour l'enfant et pour la famille.
Mme Cloutier (Édith): Merci. D'abord, je suis heureuse de voir les réactions sur le mémoire, parce qu'effectivement nous avons apporté des compléments qu'on considérait importants, parce qu'il y a effectivement la Commission des droits de la personne qui a un rapport assez étoffé, ils ont cru bon de faire une enquête sur le contexte qui a mené à la fermeture des Services sociaux Minokin. Et je parlais d'un ménage à trois qui n'est pas évident, vous avez le meilleur exemple d'un modèle qui est un «success story», mais la complexité des relations, et là il faudrait qu'on prenne encore plus de temps pour pouvoir aller en détail... Mais il y a eu un rapport d'enquête déposé qui fait état de long en large des conséquences, d'abord auprès des enfants des bénéficiaires et des communautés, de la fermeture des Services sociaux Minokin et aussi de toute cette question complexe des relations et des ambiguïtés juridictionnelles.
Mme Delisle: ...autrement. Qu'est-ce qu'on pourrait changer aujourd'hui à ce projet-là? Qu'est-ce que vous changeriez, là? Aujourd'hui, on vous donne la possibilité de partir ce dossier-là, qu'est-ce que vous changeriez? Qu'est-ce que, nous, on a fait qu'on n'aurait pas dû faire, que le fédéral a fait qu'il n'aurait pas dû faire et que les communautés autochtones ont peut-être fait puis qu'ils n'auraient pas dû faire?
Mme Dionne (Andrée): Je dirais qu'au niveau du projet comme tel il n'y avait absolument rien à changer. Je suis assez critique de nature, c'est sûr que je suis mal placée pour le dire, mais c'est un bijou. C'était une expérience extraordinaire. D'ailleurs, il y avait des résultats, des résultats sur le terrain. Mais je vous répondrais tout simplement, parce que je pense que ce n'est peut-être pas la place... enfin je ne le sais pas, mais c'est très politique, tout ça. Vous savez, en quelque part, bon, c'est plus ça.
Pour ce qui est du projet comme tel, la qualité du projet, l'aspect clinique du projet, il y avait... en tout cas, je pense que partout c'est unanime, c'était vraiment quelque chose d'assez bien. C'est sûr qu'on pouvait toujours améliorer, mais ça n'a pas été fermé à cause de la qualité des services. Absolument pas. Au contraire, il y avait vraiment de très, très bons services.
Mme Delisle: Merci. Je vais céder la parole à mon collègue responsable des Affaires autochtones.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.
n(15 h 40)nM. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, welcome, Mrs. Gabriel. Bienvenue, Mme Cloutier et les autres membres de votre délégation. Moi aussi, j'étais troublé par le premier mémoire. Je lis en diagonale le complément qui a été déposé aujourd'hui, et, peut-être, c'est dans cet esprit que je veux poser mes questions, parce qu'on est... Très brièvement, les exemples et les pistes de solution, qu'est-ce qu'on peut faire, parce que les objectifs sont partagés? We're looking for the best interest of the children, no one here questions that, but it's how to do it, how can we put into place... Et c'est ça que je vois dans vos exemple et piste de solution n° 1, sur la page 9 de votre document complémentaire.
Quand on a un moment de crise où il faut faire une intervention, comment est-ce qu'on peut faire pour encourager les familles d'accueil? On me dit que peut-être les critères pour les familles d'accueil sont trop sévères, trop stricts. Alors, est-ce qu'il y a des choses que la protection de la jeunesse peut faire, pratico-pratiques? Parce que je pense que le but cherché, c'est de garder le jeune dans la communauté, dans sa culture, dans sa langue, et tout le reste. C'est toujours plus difficile d'agir dans les petites communautés parce qu'il y a moins de ressources disponibles, si on parle d'une petite communauté très éloignée. Mais, est-ce qu'il y a, pratico-pratique, des choses qu'on peut faire avec le concept de famille d'accueil pour rendre un meilleur service dans les communautés concernées?
Mme Gabriel (Ellen): I would like to answer the question. In our discussions we talked about this because it was mentioned in the APNQL memoir as well. One of the things we would like to see and one with the successes that we were talking about earlier is that there was a sense that the community was participating in something. So, we would like to propose something that involves a council. It could be a council of elders, it could be a council that includes elders of the community who have wisdom, who have the cultural identity, and we have people who are aunts, uncles and who participate to develop that criteria of who can be a foster parent, and how do we help also the parents who are in trouble, how do we keep the child within the community. Because, as we mentioned in our memoir, we're going to be repeating the residential school phenomenon again, and that was a mistake, I think, the Government of Canada doesn't want to repeat again, and I am sure the Government of Québec doesn't either.
But, you know, this kind of solution that we are proposing or offering demands more than the time that we are alloted here, that's for sure. But it is definitely something that really needs to have direct involvement of the communities in the criteria, using the cultural values, using language, using identity, and that talks about the extended family and what their role is in the raising of a child and in the support of the family that is in trouble. That's just a bit of the solution of the question you've posed.
M. Kelley: And because... the same thing, in the previous presentation, I didn't get a chance to ask Ghislain Picard, but a lot of these informal arrangements, how formal should we make them? Because I understand that the examples who were given by the previous group, that a family of four has a fifth child, feels that they can't provide for a fifth child, they have an aunt, or an uncle, or someone else in the extended family who perhaps can take that child in. Do we need to make those relationships formal? Should there be, you know... or can we leave it in a more informal... so the traditional adoption setting for those kinds of arrangements, or is there a need, in the interest of the child, to make those arrangements more formal?
Mme Gabriel (Ellen): Well, I will do my best to answer, and I invite my colleagues to answer as well. I think we need to have a formal agreement that is from community to community members, and, as we mentioned, there should be a criteria, there should be something that insures the safety of the child, ensures that there is going to be a solution to the problems that the parents are facing. So, yes, there should be a type of formal agreement. But again that agreement should be based upon our perspective, on our values, and, I guess, with assurances to the Government's... I don't want to say bureaucrats, but there be some kind of checks and balances in regards to this, because we also want to have the best possible solution to these problems.
M. Kelley: Parce que, qu'est-ce qu'on cherche, on ne veut pas être accusés de négliger ces cas, mais je pense qu'il faut avoir un esprit d'ouverture aussi pour chercher des relations qui respectent les coutumes, qui respectent les façons de faire. Alors, moi, qu'est-ce qu'on cherche, ce sont des choses qui sont bien... qui protègent bien les intérêts des enfants. Mais, s'il y a des coutumes, s'il y a des pratiques existantes, je ne sais pas s'il faut modifier la loi. Peut-être qu'il y a déjà assez de souplesse dans la loi et que c'est une question d'application. Je ne sais pas, mais je pense qu'on a tout intérêt de trouver des solutions pratiques, surtout dans les communautés éloignées, parce que, comme, je pense, ma collègue a évoqué précédemment, dans les communautés éloignées, on n'a pas des réseaux, on n'a pas des voisins à côté, alors il faut trouver à l'intérieur de la communauté la solution, et ce n'est pas toujours évident. Alors, je ne sais pas s'il y a moyen de renforcer ces pratiques, parce que je pense que c'est dans l'intérêt de la communauté et de la famille qui est en détresse qu'on peut trouver des solutions autres.
Mme Gabriel (Ellen): Well, I think we have to also think about the community as being also the nation, nation that has similar language, similar customs and values. I certainly believe that there should be some kind... I guess we're asking for an exception, some kind of unique exception to the application of this law. Because of the history, the realities that we have lived and endured through, we want to overcome any kind of feeling of victimization, that's for certain. So it's best that this kind of thing be done in consultation with the nations, the communities, and that's not just based upon our word, but that there be inclusion of other perspectives of aboriginal people.
M. Kelley: Certainly two things, I mean, the first, with my colleague, I know an hour goes by very quickly, and certainly a pledge on our part, if there are specific things or projects that we can look at in an ongoing basis, if it's a question of how the language of the law is written, we can look at changing that. I have a hunch that it's more a question of how the law is put into application and that we need... because when we put article 37.5 into the law, five years ago, the idea was to permit a greater openness, to find other ways to do things. So, certainly the message is there.
Peut-être, le deuxième message que je veux répéter, que j'ai dit au groupe précédent, c'est que je suis très conscient de la question du ménage à trois, je suis très conscient ? j'ai cité l'exemple de Matimekosh, mais on peut répéter l'exemple avec plusieurs autres communautés aussi ? qu'il faut avoir un beaucoup meilleur lien entre les besoins et le financement. Et, quand on a une formule qui est juste aveugle, avec un per capita, ça ne prend pas... certaines communautés qui vont traverser des moments de très grandes difficultés, où il faut des ressources additionnelles...
Et le résultat, si j'ai bien compris, de votre exemple de Mikogan, il y avait un manque à gagner très important. Dans la situation de Matimekosh, ils sont très endettés envers la protection de la jeunesse. Et ça, c'est des choses qu'il y a une obligation pour les gouvernements de trouver des solutions et de mieux lier les services aux besoins, et le financement pour. C'est quelque chose que le premier ministre a soulevé à Kelowna, avec le gouvernement précédent. Je n'ai pas eu l'occasion encore pour rencontrer mon nouveau homologue, M. Prentice, mais vous pouvez compter sur moi de soulever ces questions au moment de cette prochaine rencontre avec le nouveau ministre des Affaires indiennes à Ottawa.
Le Président (M. Copeman): Ça va?
Mme Gabriel (Ellen): Oui. Merci, Mr. Kelley.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Lotbinière.
n(15 h 50)nMme Roy (Lotbinière): Merci, M. le Président. Je lisais... Merci de votre présentation. C'est bien qu'on ait cet éclairage-là, et ça prend votre témoignage pour l'avoir. Donc, vous faites un grand pas, vous nous faites connaître votre population et puis vous nous donnez un éclairage qu'on n'aurait pas sans votre présence.
Je lis le constat dramatique, à la page 10, comme de quoi les habitants de vos communautés sont terrorisés par la protection de la jeunesse, qu'ils ont peur de dénoncer les choses, qu'ils ont peur d'être identifiés encore plus. Que ce soit une crainte subjective ou objective, peu importe, la crainte est là et ça empêche le travail en équipe. Qu'est-ce que vous pensez de l'approche consensuelle qu'on veut promouvoir dans la loi? S'il y a une si grande méfiance à l'égard de la DPJ, pensez-vous que ça va être possible de faire des ententes, de la médiation, des ententes consensuelles avec le directeur de la protection de la jeunesse? Je ne parle pas dans le cadre de l'application de la loi, mais dans le cas-par-cas, la famille qui se voit investie par la DPJ, trouver des solutions de façon consensuelle avec l'intervenant qui va recevoir et évaluer le signalement?
Mme Côté (Martine): Je pense qu'il est important de pouvoir travailler en collaboration avec tous les intervenants de la communauté, avec les intervenants sociaux, mais surtout avec la famille, pour connaître vraiment les besoins de ces gens-là, mais surtout d'être en mesure de leur expliquer vraiment et de vulgariser pour eux, parce que souvent on va leur expliquer des choses en termes juridiques qu'ils ne comprendront pas nécessairement, on va leur expliquer des choses aussi dans une langue qui n'est pas la leur, parce que souvent le français, pour eux, va être une langue seconde, de même que pour l'anglais. Je pense que c'est important de pouvoir adapter les services puis d'en venir à une collaboration entre les parties, mais peut-être avec les services d'un interprète qui parlerait la langue, de façon à vulgariser le plus simple possible pour qu'ils puissent bien comprendre l'implication des mesures qui seront prises sur une base, par exemple, de médiation ou de conciliation.
Mme Roy (Lotbinière): Pour en avoir vécu l'expérience, il n'y a souvent, aussi, aucune correspondance dans la langue autochtone de réalités qu'on peut nommer en français. Donc, ça prend... Quand on va s'attaquer à tout le volet médiation, approche consensuelle, je pense qu'une de vos revendications devrait être qu'il y ait une personne qui connaisse bien le système juridique québécois de la Loi sur la protection de la jeunesse et qui apporte éclairage à la famille qui va se voir rencontrée par la DPJ, afin que, quand il va donner son consentement, ce soit vraiment un consentement libre et éclairé. C'est ça? Je pense que vous vouliez intervenir?
Mme Dionne (Andrée): Lorsqu'on travaille avec la Loi de la protection de la jeunesse, c'est sûr qu'il faut avoir... D'abord, il y a une question d'attitude, hein? Quand on arrive dans le milieu, si on arrive jugeant, si on arrive avec notre pouvoir d'autorité, puis on l'a sur la tête, et puis c'est bien marqué, c'est bien évident qu'on ne sera pas bien reçu. Je pense qu'il faut d'abord... L'évaluation doit se faire en collaboration avec la famille, mais, la famille, il faut voir la famille comme étant un réseau, hein, pas voir strictement le parent ou les parents de l'enfant, mais aussi son réseau. Ça, c'est extrêmement important d'arriver avec ces lunettes-là. Alors, si on arrive puis on dit: Bon, le parent en difficulté, bon, là, on va... on fait l'évaluation le concernant et on ne tient pas compte de son environnement, à ce moment-là, l'évaluation, elle est comme biaisée parce qu'il manque des éléments. Parce que cette personne-là est rattachée à un réseau, hein, et ça, c'est important.
Aussi, il y a dans le rite. On n'évalue pas un signalement en milieu autochtone comme on évalue un signalement en milieu non autochtone. Ça n'a absolument rien à voir. Il y a tout un rite, il y a toute une façon de faire, un temps. Quand on discute, par exemple, de mesures avec un parent ou une famille, on fait une première discussion, mais ce n'est pas la discussion, c'est une première, et jamais, et c'est un détail, mais, vous allez voir, c'est un détail extrêmement important, là, mais peut-être que ça va vous paraître un détail, mais jamais on ne prend des décisions à ce moment-là. On dit: Regarde, veux-tu réfléchir? Voulez-vous réfléchir? Puis on revient là-dessus. Quand voulez-vous qu'on revienne: dans deux, trois jours, quatre jours? Le feu n'est pas pris, là, hein? Je veux dire, à un moment donné, il y a des limites aussi, là, hein? D'abord, ça, on prend des mesures de toute façon, la famille nous aide, est supportante, la famille élargie, voyez-vous, le réseau. Alors, bon, à ce moment-là... et, quand on prend des mesures, les mesures, c'est vraiment appuyé. Mais ça se fait dans le temps. Alors, on ne peut pas travailler un dossier de la même manière et avec le même temps en milieu autochtone qu'en milieu non autochtone. Alors, il y a toutes sortes... Oui?
Mme Roy (Lotbinière): Mais la personne qui rencontre l'intervenant du DPJ, celui qui arrive, l'intervenant du DPJ, il ne sait pas ce qu'il ne sait pas. Si on a un autochtone qui ne sait pas non plus à quoi il a à faire face, il faut qu'il puisse le verbaliser, il faut qu'il puisse...
Mme Dionne (Andrée): D'abord, quand on arrive en milieu autochtone, il faut arriver humblement et modestement, lorsqu'on ne fait pas partie de la communauté, premièrement. Donc, on n'arrive pas, dire: Bon, bien, je vais aller évaluer, puis là... Le secret, vous savez, toute la confidentialité, ça a toute une autre notion aussi, là. Alors, il faut d'abord savoir à qui on va s'adresser, hein? Alors donc, il y a des intervenants d'un milieu, parce qu'il y a différents types d'intervenants dans le milieu, alors on veut connaître un peu aussi cette personne-là avant pour savoir stratégiquement comment aussi aller vers ? on n'arrive pas, là, sans savoir, sans rien ? c'est qui, son milieu, alors pour qu'on puisse... Alors, c'est qui, ses alliés, hein? Avec qui on pourrait, aussi, là, pouvoir aller chercher de l'aide? Parce qu'on pense toujours réseau. Alors, on n'arrive pas de la même manière...
Le Président (M. Copeman): Malheureusement... Il faut que j'aille à Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Moi aussi, j'ai lu votre mémoire, celui que nous avions reçu. C'est vrai que, comme dit la ministre, le langage est très direct, très franc, mais je dois vous dire que j'apprécie cette franchise parce que... C'est vrai que parfois on se fait dire des choses qu'on n'aime pas nécessairement entendre, mais au moins on sait à quoi s'attendre, et je pense que là-dessus l'objectif est atteint, on comprend ce que vous nous transmettez comme message, et le message est à l'effet que la loi pose de sérieux problèmes dans son application à l'intérieur des communautés autochtones. C'est ce que je comprends de votre mémoire. Je retiens aussi cette méfiance, cette peur et, j'ose même dire, non-confiance, là, qui s'est développée au cours des années dû à des maladresses ou à des gestes d'autorité qui n'ont pas été bien préparés sur le terrain.
Alors, quand vous dites: Dans le passé, il y a eu les pensionnats indiens, aujourd'hui, doit-on absolument répéter l'histoire?, moi, je vous dis non, il ne faut surtout pas répéter l'histoire. Il faut s'inspirer du passé pour éviter des erreurs dans l'avenir. Et je vous dirais que l'esprit dans lequel on aborde le projet de loi n° 125, c'est celui-là, c'est d'essayer de faire mieux en tenant compte des différentes situations qui se posent aux intervenants et de leur faciliter le travail par une loi qui peut se permettre, là, de... comment je dirais, qui peut permettre des interventions adaptées aux communautés différentes. Parce que tout à l'heure j'ai dit qu'il y avait les autochtones, mais il y a aussi les communautés culturelles, et eux aussi ont des récriminations contre l'application de la loi comme telle, et je trouve que c'est suffisamment sérieux pour qu'on en tienne absolument compte.
Vous avez aussi dit que «l'avenir de nos collectivités réside dans nos enfants; il faut donc que ceux-ci bénéficient de l'influence nourricière de leurs propres familles et collectivités». Je pense qu'on peut faire nôtre cette citation de Charles Morris, là, qui est votre directeur exécutif de Tikinagan Child and Family Services. Je pense qu'il le traduit beaucoup, le sentiment de votre communauté. Mais, si je regarde les communautés blanches, comme vous nous appelez, je pense que ça aussi, cette... Elle s'applique autant à une communauté comme à l'autre, cette citation, et je pense que c'est bien qu'on le partage, qu'on puisse se dire ce genre de choses.
Ceci étant souligné, je reviendrais sur vos recommandations, parce que, quel que soit le document que vous nous avez remis, vos recommandations n'ont pas changé. Le ton a peut-être changé d'un document à l'autre, mais les recommandations sont les mêmes, et la première, c'est que vous demandez que le gouvernement ordonne une commission d'enquête mise en place afin d'évaluer toute l'ampleur de la situation concernant les services offerts par la DPJ dans les communautés autochtones du Québec. Vous voulez que le mode d'intervention, le fonctionnement et l'efficacité des services offerts ainsi que les résultats de ces services, le taux de placement des enfants autochtones de même que la durée de vie des placements doivent faire partie des éléments sous enquête. À partir de quoi? Parce que, moi, j'ai lu votre mémoire, mais ce n'est pas tous les citoyens qui écoutent ? parce que les gens écoutent la commission ? qui savent de quoi vous parlez et pourquoi vous en êtes venus à cette recommandation.
n(16 heures)nMme Cloutier (Édith): Je vais commencer. Vous savez, l'ampleur des problèmes est à un point tel qu'on ne fait que lever le voile actuellement sur les réalités qu'on rencontre dans le quotidien, au jour le jour, dans la vie des enfants. Je pense que vous avez vu par le mémoire, vous avez vu également par la présentation de l'Assemblée des premières nations que les populations autochtones, les nations autochtones vivent dans un contexte social où il y a des disparités profondes entre les autochtones et les non-autochtones. Nous croyons qu'il est nécessaire d'aller en profondeur pour justement démontrer... Nous, nous n'avons que levé le voile, on avait ajouté des statistiques qui démontrent quand même de façon très, très claire le pourcentage élevé de placements qu'on retrouve, et on n'a fait que lever le voile et on a essayé d'aller, dans le concret, à aller chercher justement des exemples, et les gens effectivement ont craint de parler à haute voix. Donc, ça en dit long, et nous croyons qu'il faut aller en profondeur pour vraiment aller dresser un portrait.
Vous faisiez référence, vous compariez les communautés culturelles, avec ce qu'elles vivent. Mais la différence avec les communautés culturelles et les premières nations, ils ne sont pas sujets à la Loi sur les Indiens, ils ne sont pas sous une tutelle et ils ne vivent pas dans une réserve, et ça, ce sont des distinctions...
Mme Charest (Rimouski): Majeures.
Mme Cloutier (Édith): ...extrêmement importantes qu'il faut tenir compte.
Mme Charest (Rimouski): Je trouve important que vous le souligniez et c'est tout à fait pertinent. Merci. Je trouve que c'est pertinent, ces références à la tutelle, etc.
Je voudrais revenir sur le projet à trois que vous avez expérimenté ? à la page 7, je pense ? Minokin, le projet Minokin. C'est un projet qui est basé, si j'ai bien compris, sur la communauté. Et, vous savez, les centres jeunesse réclament que la protection des enfants au Québec ne soit pas la seule responsabilité des centres jeunesse ? ils ont tout à fait raison ? que la communauté participe, que la communauté se sente responsable de la protection des enfants; quand même ce n'est pas le mien, c'est l'enfant du voisin, c'est l'enfant de quelqu'un de la famille, alors qu'on se sente tous responsables. Moi, j'aimerais que vous me disiez qu'est-ce qui distingue le plus la façon Minokin de la façon DPJ d'intervenir dans un milieu, à part de celui, là, basé sur la communauté, là, «at large».
Mme Dionne (Andrée): Les solutions viennent de l'intérieur, c'est ça que je vous dirais. Vous savez, c'est une question d'accompagnement et c'est une question d'accompagnement, nous, dans le temps. Le temps n'a pas d'importance, façon de parler, là ? c'est parce que je parle rapidement, puis tout ça ? dans le sens que, vous savez, des délais de six mois, une mesure de six mois, une mesure d'un an... On ne bouscule pas les gens, parce que les gens sont d'abord très, très souffrants. Ils ont souvent très peu de support de la famille, parce qu'ils sont également souffrants, hein? Alors, tout le monde est souffrant finalement, ou en tout cas plusieurs. Donc, c'est sûr qu'un processus de guérison est beaucoup plus lent. Alors, si vous limitez puis dites: Bien là, toi, tu dois rentrer dans un cadre x dans un an ou dans six mois, là... avec, vous savez, les souffrances que ces gens-là vivent puis les luttes qu'ils mènent pour tenter de s'en sortir, c'est incroyable. Alors, si, au bout de six mois ou un an, les objectifs ne sont pas atteints... Il a déjà très peu d'estime de lui-même, hein, alors il faut partir des forces, et on part... Bon, évidemment, il y a différentes approches aussi à l'intérieur de ça, là, thérapeutiques, dépendamment évidemment de la personne, et tout ça, sauf que, vous savez, le temps, on sait très bien que... Quand vous avez été brisé pendant 25 ans, pensez-vous d'être capable de revenir, de récupérer dans un an? Ça n'a pas de bon sens de penser comme ça. En tout cas, moi, je trouve que ça n'a pas de bon sens.
Alors, vous savez, ça prend du temps, ça prend des ressources, et des ressources compétentes et selon les problématiques. Vous savez, il y a différentes formules et... différentes personnes, différentes formules, hein, différentes approches, sauf que... Donc, ça prend du temps. Moi, je n'ai jamais vu, en tout cas en 15 ans, j'ai travaillé 15 ans en milieu autochtone, je n'ai jamais vu, en 15 ans, au cours de ces 15 années... très rare qu'on a réglé des... qu'on a bouclé, si vous voulez, des dossiers en bas de trois, quatre ans. Enfin, je ne m'en souviens pas vraiment. Mais, quand on les bouclait, les gens étaient renforcés dans ce qu'ils étaient. Mais quelqu'un qui a été brisé toute sa vie, je ne peux pas le réparer dans une année. Alors, voyez-vous tout ça? Donc, pour nous... alors, c'est très, très différent en termes d'approche, voyez-vous, déjà là, là. Alors, les frontières ou les barrières, c'est beaucoup plus large.
Mme Charest (Rimouski): Et comment concilier? Parce que vous parlez du temps, et une multitude d'intervenants ainsi que de chercheurs sont venus nous parler de l'importance du temps pour les enfants, pour avoir de la stabilité dans leur vie, d'avoir des parents affectueux et aimants qui s'en occupent adéquatement, et tout ça. Et comment concilier ça? Parce que la théorie de l'attachement fait partie d'un des enjeux qui est à la base de justement les délais qui sont fixés par l'article 22 dans le projet de loi n° 125. Comment concilier tout ça? Parce que vous n'oubliez pas, là, que la loi n° 125, c'est une loi d'exception, c'est un mandat d'État que le directeur de la protection de la jeunesse ? ce n'est pas la direction, mais le directeur ? a pour protéger les enfants, au-delà et avec préséance sur tout autre droit de parents ou... Comment on concilie, là?
Mme Dionne (Andrée): Je vous dirais que, quel que soit le parent, l'enfant aime son parent, hein? Alors donc... et ça, déjà en partant, je pense qu'il faut tenter de conserver ce lien d'attachement là, en tout cas le développer et le conserver s'il est développé. Mais c'est... Justement, c'est de regarder... Quand le parent est trop souffrant, par exemple, pour garder son enfant près de lui, il faut trouver des mécanismes, mais il ne faut pas le couper de ses parents. Comprenez-vous? Il y a des façons de faire. Regardez, nous, des fois... Il est arrivé, parce que, écoutez, en 15 ans, là, on en a vu aussi, hein, des... Et puis il y a des parents qui ont repris leurs enfants après quatre ou cinq, six ans, et puis ça a été des succès. Je ne vous dis pas que les enfants n'ont pas souffert aussi cette période-là, mais au moins, aujourd'hui, ils sont avec leurs parents, parce que leur identité, elle est là, hein, elle n'est pas partagée entre une autre communauté ou une autre culture. Au moins, ils sont revenus avec leurs parents.
Par contre, ce qui arrive, c'est que la famille d'accueil ne doit pas être une menace pour la famille naturelle, mais une alliée. Alors, quand on place un enfant, bien il y a des liens. D'abord, il faut qu'ils se rencontrent; la famille d'accueil rencontre la famille naturelle. La famille naturelle raconte aussi ce qu'est l'enfant. Ce n'est pas parce que le parent est subitement... pas subitement, mais il est incompétent, pour x chose, qu'il ne connaît pas son enfant, hein? Bon. Et on crée des liens entre la famille d'accueil, qui devient une famille soutenante et aidante, et les visites peuvent se faire de façon très régulière. Il y a toutes sortes de façons de faire. Je ne vous dis pas qu'il y a des formules parfaites, c'est des formules à partir de difficultés vécues, mais on essaie de faire en sorte qu'il y ait le moins de répercussions négatives à long terme. Parce qu'aussi... il faut penser aussi long terme.
Moi, j'ai vu des enfants qui ont été adoptés et qui... j'ai vu des enfants qui ont été adoptés, par exemple, en milieu non-autochtone, pour donner un exemple, et, quand ils sont revenus dans leur milieu, à 18 ou 20 ans, bien il n'y avait pas de place, il n'y avait plus de place, puis il n'y en avait pas plus en milieu allochtone, donc, à quelque part, il y a une perte d'identité. On retourne dans sa communauté, mais ça fait 16 ans qu'on n'y est pas allé, ou 18 ans, on n'a pas la langue, on n'a plus les valeurs, on n'a plus la façon de faire, la façon d'être, etc. Ça fait qu'on le traite un peu comme un Blanc. Puis, quand il est chez les Blancs: Bien, tu n'es pas tout à fait Blanc, toi, là, là; ça fait que, tu sais... Alors, il se retrouve entre deux. Il faut penser court terme, je comprends, mais il faut aussi penser long terme. Et, entre ça, je pense qu'il faut surtout penser ressources, il faut penser de mettre des gens au service de ces gens en difficulté, d'avoir des professionnels, des... et sur du temps. Alors, voyez-vous, pas juste occasionnel, et tout ça, là, mais vraiment avoir une continuité dans les services pour un laps de temps donné.
Le Président (M. Copeman): En parlant de temps, malheureusement c'est tout le temps qui est imparti à cet échange. Alors, Mrs. Gabriel, Mme Cloutier, Mme Côté, Mme Dionne, merci pour votre présentation devant cette commission parlementaire au nom de Femmes autochtones du Québec et le Regroupement des centres d'amitié autochtone du Québec. Thank you for your participation in this parliamentary commission.
J'invite immédiatement les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 10)
(Reprise à 16 h 15)
Le Président (M. Paquin): Bonjour. La Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant la Confédération des syndicats nationaux, et je crois que la représentante officielle, c'est Mme Denise Boucher. Donc, Mme Boucher, je suis certain que vous connaissez les règles, ce n'est pas une première pour vous. Je vous invite à présenter vos collaborateurs et à nous faire valoir votre vision sur le projet de loi n° 125.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
Mme Boucher (Denise): Merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de la députation. Alors, avec moi, à ma gauche, extrême gauche, Andrée Lapierre, qui est du Service de recherche; à ma gauche près, Marie-Josée Brière, qui est responsable de la mission Jeunesse à la Fédération de la santé et des services sociaux mais qui est aussi agente de relations humaines au Centre de jeunesse Laurentides; et, à ma droite, Vincent Couture, vice-président de la Fédération des professionnèles et qui est aussi agent de relations humaines au Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent.
Alors, pour la CSN, nous avons à coeur les enfants, mais nous avons fait, je dirais, le choix d'entendre et de vous faire entendre les intervenants et les intervenantes du milieu pour qu'ils puissent vous donner leur point de vue. Nous ne les entendons pas assez souvent, ils sont au coeur de l'action et ils sont très préoccupés par les besoins des enfants, des jeunes et de leurs familles.
Alors, la CSN est d'accord avec l'actualisation des principes, des motifs et des visées du recours à la Loi de la protection de la jeunesse qu'on retrouve dans le projet de loi. Nous apprécions l'ouverture aux approches consensuelles. Nous saluons également l'insertion explicitant le droit des parents à recevoir des services adéquats, conformément à la loi sur la santé et les services sociaux et à sa version adaptée aux autochtones cris.
Au niveau des visées, nous apprécions le fait de conserver dans la loi l'objectif du maintien de l'enfant dans son milieu familial. Lorsque cela n'est pas possible, nous reconnaissons cependant la pertinence de nous tourner vers la recherche d'un projet de vie alternatif permanent, assurant des liens d'attachement et des conditions propices à la sécurité et au développement continu de l'enfant.
Nous saluons la réécriture de l'article 38 venant définir avec précision chacun des six motifs justifiant d'intervenir d'autorité pour protéger la sécurité ou le développement d'un enfant: abandon, négligence, mauvais traitements psychologiques, abus sexuels, abus physiques et troubles de comportement sérieux. Outre ces définitions, l'ajout d'autres facteurs vient utilement compléter l'appréciation des risques d'une situation, soit: nature, gravité, chronicité et fréquence des faits; âge et caractéristiques personnelles de l'enfant; capacité et volonté des parents de s'amender; ressources d'aide du milieu pour enfants et parents. Ces motifs et facteurs deviennent uniformisés... viennent plutôt uniformiser la compréhension de la portée de la loi et facilitent son application dans l'intérêt des enfants.
Nous saluons particulièrement ici l'inclusion des mauvais traitements psychologiques parmi les motifs de recours, comme plusieurs le réclamaient avec nous, à l'instar de ce qui prévaut dans la plupart des autres provinces canadiennes.
Une réserve cependant. Nous remarquons au passage que, lorsqu'un enfant présente de façon grave ou continue des troubles de comportement sérieux susceptibles d'être dangereux pour autrui, s'il a 12 ans et plus, il sera désormais orienté et traité plutôt en jeune contrevenant, selon le cadre d'application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il y a là un réel appauvrissement de l'approche pour l'enfant, qui sera alors vu à travers son strict délit, sans grande considération de son histoire et son milieu.
Alors, pour ce qui est des nouvelles mesures de protection immédiate et des nouvelles dispositions pour simplifier et déjudiciariser les services, de même que pour favoriser les approches consensuelles et obtenir l'adhésion de l'enfant et des autres parties aux mesures, nous apprécions ces nouvelles dispositions venant souvent reconnaître des pratiques réclamées par plusieurs depuis un bon moment. Cependant, l'effet des dispositions reste incertain pour réduire les listes ou les délais d'attente, encore trop longs.
n(16 h 20)n Alors, en ce qui a trait... pour le meilleur accès, les meilleure transmission et meilleure conservation d'information pertinente aux dossiers. Du côté de la transmission et de la conservation d'information au sujet des enfants dont les signalements sont retenus, la CSN avait déjà donné, et ça, en novembre 2004, dans une préconsultation, son accord au principe et aux modalités d'une banque de renseignements personnels les concernant. Alors, le projet de loi y donne suite. Cependant, il se contente d'indiquer que le gouvernement peut, par règlement, instituer un tel registre des enfants signalés et y préciser quels renseignements seront inscrits et dans quelles conditions.
Alors, c'est pour ça que nous recommandons que l'article 72.9 soit amendé pour écrire plutôt que le gouvernement «doit», par règlement, instituer ce registre des enfants signalés. Car il faut aller plus loin de façon à ce que le gouvernement s'engage à créer ce registre centralisé, gage d'actions plus efficaces pour la protection des enfants. Bien sûr, il faudra s'assurer que les paramètres de ce registre soient bien ciblés et qu'ils précisent ce qui doit y être inscrit, alors comment et à quelles personnes ces renseignements sont accessibles. En outre, toute cette gestion d'information sensible devra être sécurisée et surveillée afin de garantir la confidentialité et l'utilisation des renseignements détenus aux seules fins autorisées.
Pour l'obligation explicite d'accompagner les familles/parents en difficulté plutôt que de simplement les orienter vers d'autres établissements et pour l'obligation de prendre tous les moyens à leur disposition pour fournir les services requis pour l'exécution de mesures volontaires visant tout établissement ou organisme du milieu scolaire, ces dispositions prévoyant l'accompagnement des familles/parents avec un enfant en difficulté, avec une transmission d'information pertinente auprès d'un établissement obligé de fournir les services requis, nous semblent des mesures d'arrimage intéressantes. Cependant, cette obligation de fournir les services requis soulève un questionnement en raison du manque de ressources pour les services jeunesse. Il faut craindre que cette obligation de la loi, sur le terrain, mène les CLSC à diluer les services ou à développer une double liste d'attente pour prioriser les personnes accompagnées de la DPJ au détriment des autres clientèles jeunes. Plutôt que d'astreindre les établissements par de nouvelles obligations, le gouvernement devra surtout s'engager à financer adéquatement les établissements.
Rappelons à ce sujet que depuis plusieurs années les CLSC réclament des ajouts substantiels pour accroître de 33 % leurs effectifs des services jeunesse, pour porter de 3 000 à 4 000 le nombre de postes et mettre à niveau des services encore trop variables selon les régions. À l'occasion de cette révision de la loi, il est clair que le gouvernement doit donner les moyens de ses mandats aux CLSC. Il devra aussi s'assurer que les centres de la santé et des services sociaux, où sont maintenant intégrés les CLSC, constituent, préservent et bonifient une enveloppe budgétaire dédiée au social.
Maintenant, nos inquiétudes et réserves à l'égard du projet de loi. Alors, d'entrée de jeu, nous reconnaissons l'importance d'assurer un milieu de vie stable aux enfants abandonnés ou à risque d'abandon afin de valoriser pour chacun un lien d'attachement sécurisant comme base de développement et de socialisation. Reconnaissant également que la notion de temps est aussi différente pour un nourrisson que pour un enfant ou un adolescent, nous comprenons que la révision actuelle veuille améliorer la réponse au besoin fondamental d'un enfant de faire partie d'une famille stable.
Nous estimons que ces placements fixes sont trop restreints, arbitraires et dangereux, entrevoyant que ces courtes échéances vont rapidement disqualifier plusieurs parents et augmenter le nombre de placements d'enfants à long terme auprès de tuteurs ou de parents adoptifs. En fait, les dates butoirs sont menaçantes pour les parents comme pour les intervenants et intervenantes sommés d'atteindre des résultats rapides avec eux. Nous redoutons que des durées uniformes en fonction de tranches d'âge soient difficiles d'application face à la diversité et à la lourdeur des situations et des besoins des personnes en cause. Pour les intervenants et les intervenantes sur le terrain, des durées fixes de placement tombent plutôt comme un carcan supplémentaire sur un travail déjà trop lourd, comme vous le reconnaissiez d'ailleurs durant la campagne électorale de 2003, promettant d'agir pour réduire la charge des intervenants de 27 à 16 dossiers. Comme si ce n'était pas assez, il faut comprendre que les délais fixes ne font pas qu'alourdir la tâche, ils viennent également la compliquer d'un dilemme déchirant, celui d'un accompagnement de qualité qu'il faut orienter vers l'une ou l'autre des perspectives proposées, la réinsertion dans la famille naturelle d'abord ou sinon la quête d'un projet de vie permanent pour l'enfant.
En contexte d'insuffisance, d'instabilité et de précarité des ressources comme c'est la réalité constante des services à la jeunesse, nous craignons que l'application de normes bureaucratiques de ce genre serve davantage à justifier des décisions rapides au regard des enfants en ballottage, favorisant des placements permanents et réalisant des économies, plutôt qu'à mobiliser vers des réinsertions réussies à l'aide de soutiens diversifiés et consistants, adaptés aux besoins particuliers des enfants et de leurs familles. Car, si les moyens manquent pour d'abord favoriser la réinsertion, l'introduction de durées fixes nous semble vouée à l'échec. Avec de telles contraintes sur les placements, le risque est grand de baisser rapidement les bras devant les difficultés de réinsertion et de plutôt multiplier et hâter des projets de vie permanents pour nombre d'enfants. En outre, cela multiplie aussi le nombre d'échecs parentaux, avec la détresse, les résistances et les aggravations qui les accompagnent, constituant ainsi des coûts sociaux et financiers certains.
Du côté des intervenants et intervenantes, avec déjà plus de 50 % des placements réalisés dans un contexte d'urgence suite aux signalements retenus, avec diverses lacunes comme des évaluations partielles, des manques d'encadrement et de formation, des justifications incomplètes, des pénuries de familles d'accueil, etc., le projet de délais fixes risque d'entraîner une précipitation des sorties de placement sans vraiment fournir les moyens de faire autre chose que de la pratique d'urgence. En outre, il faut garder à l'esprit qu'il y a constamment un manque de familles d'accueil et que celles-ci manquent souvent de soutien et de formation, entraînant une instabilité des conditions de vie des enfants et des placements eux-mêmes.
Comme l'écrivait André Lebon la veille de la présentation du projet de loi, rappelant qu'en 2003-2004 72 % des situations d'enfants où la sécurité ou le développement sont compromis mettent en cause des adultes problématiques, il faut s'attaquer au véritable abus de pouvoir que constituent le morcellement des services et l'instabilité des intervenants pour enfin reconnaître, valoriser et soutenir les travailleuses et les travailleurs. Il faut d'urgence les associer plus étroitement, avec leurs syndicats, aux changements dans l'organisation du travail et dans les rapprochements entre les types d'établissements et avec les autres acteurs locaux. Le rapport Lebon suggérait justement d'élargir la taille des équipes pour permettre d'absorber le fort volume de travail et stabiliser des équipes auxquelles il faudrait fournir du soutien professionnel à un vrai travail clinique à partir et avec une histoire sociale.
Dans la perspective de rechercher un projet de vie permanent pour chaque enfant sous la protection de la loi, c'est pourquoi nous recommandons que l'on fasse de ces délais fixes des balises raisonnables de placement venant guider les personnes en cause et laissant une marge de manoeuvre au jugement clinique des intervenants.
Nous recommandons aussi que la loi, en appui aux principes de responsabilité parentale et de participation aux mesures pour mettre fin aux éléments qui compromettent la sécurité ou le développement d'un enfant, précise les appuis publics spécifiques sur lesquels peuvent compter les parents pour s'amender. À titre d'exemple, le Programme de soutien intensif aux familles pourrait expliciter les conditions d'accès à une gamme d'appuis tangibles: accès aux services spécialisés, formations spécifiques pour accompagner l'enfant, accompagnement intensif visant des objectifs précis, ressources additionnelles auprès des familles, etc.
Enfin, autre recommandation, que la loi, en concordance avec sa visée de valorisation et de prépondérance de l'intervention sociale, prévoie la mise en place de mécanismes de soutien et de concertation des intervenants des services jeunesse pour leur allouer un rôle pivot dans la reconnaissance et l'évolution des pratiques professionnelles.
n(16 h 30)n Par le nouvel usage de la tutelle, le projet de loi vient offrir une alternative à l'adoption formelle comme perspective de projet de vie permanent pour l'enfant. Moins radicale que l'adoption, la formule de la tutelle permet à la fois de préserver les liens de l'enfant avec ses parents naturels et de le stabiliser dans des conditions de vie normales auprès des personnes tutrices. En instaurant cette tutelle, le gouvernement vient évidemment transférer les responsabilités parentales aux nouvelles familles ou aux personnes tutrices. Celles-ci héritent alors des pleines responsabilités à l'égard de la sécurité et du développement de l'enfant dans un projet de vie permanent qui survient au terme d'un placement qui exclut toute possibilité de retour dans la famille naturelle, sauf si un tribunal rétablit un parent dans sa charge de tuteur, comme le prévoit l'article 70.5.
Notre inquiétude porte sur le transfert qui s'opère quand une famille d'accueil ou une personne devient tutrice et que la DPJ se retire. Sachant que les enfants en cause auront vraisemblablement besoin de services spécialisés toute leur vie durant, le projet de loi semble ne prévoir qu'une aide financière pour l'entretien de l'enfant. C'est tout à fait insuffisant. Nous jugeons inacceptable que l'État se désengage de la sorte sans fournir de mesures pour soutenir l'exercice des lourdes responsabilités d'une tutelle.
Nous recommandons que le projet de loi introduise une période de transition durant laquelle les DPJ et les centres jeunesse conservent certaines responsabilités à l'égard des instances de tutelle, notamment quant au suivi à offrir et à l'orientation des familles tutrices vers les ressources appropriées.
Sur la vie privée des personnes dans le contexte de la conservation des renseignements aux dossiers, du registre des enfants signalés et des audiences reliées à la loi. Nous identifiions plus tôt l'élargissement de la circulation de l'information comme progrès pour améliorer la protection des enfants. Les durées prévues de conservation de l'information au projet de loi semblent raisonnables et appropriées à la visée de protection de la loi. Nous semblent également appropriées à la visée de protection les nouvelles dispositions prévues pour la divulgation de renseignements confidentiels à une personne qui tient lieu de directeur à l'extérieur du Québec, ou à un corps de police, un établissement ou organisme exerçant une responsabilité à l'égard de l'enfant concerné. Cependant, un questionnement subsiste au sujet d'éventuelles divulgations à tout organisme exerçant une responsabilité auprès de l'enfant concerné, puisque cela semble ouvrir sur le très vaste ensemble des organismes communautaires pertinents, si l'on se réfère à la définition de l'article 1d, «organisme», de la loi. Certaines balises pourraient être envisagées de manière à préciser les critères pour limiter le nombre de divulgations d'information dans des organismes plus vulnérables au niveau de la protection des renseignements confidentiels.
Pour un autre volet, entre autres, l'obligation d'admettre d'emblée tout journaliste qui en fait la demande, soit l'article 82, aux audiences reliées à la loi, cela nous pose problème aussi. Alors, c'est pourquoi nous recommandons que l'on retire l'obligation d'admettre d'emblée tout journaliste aux audiences, prévue à l'article 82, pour plutôt lui substituer un libellé comme: «Le tribunal peut également admettre tout journaliste qui en fait la demande, à moins qu'il ne juge sa présence préjudiciable à l'enfant.» Alors, pour ce qui est des risques associés aux nouveaux processus judiciaires, comme la conférence préparatoire, malgré les avantages reconnus à ces nouvelles mesures d'allégement du processus judiciaire, l'arrivée des procureurs comme nouveaux acteurs auprès des enfants et familles en difficulté présente néanmoins le risque d'un alourdissement et d'une rejudiciarisation des dossiers, avec un effet de banalisation de l'intervention sociale.
Enfin, pour conclure, la CSN reconnaît la nécessité de cette révision de la Loi de la protection de la jeunesse et elle souscrit au consensus qu'il faut, d'une part, ramener l'intervention sociale au premier plan en matière de protection de la jeunesse et, d'autre part, réaffirmer et préciser le caractère d'exception de l'intervention d'autorité auprès des enfants et de leurs familles.
Quant à ces deux objectifs, la CSN constate que le projet de loi n° 125 s'attarde davantage à l'objectif de circonscrire et limiter l'intervention d'autorité, dans l'optique de traiter plus efficacement les signalements et les placements, qu'à l'objectif de renouveler et revaloriser l'intervention sociale, se limitant à référer à d'autres acteurs et organismes pour l'obtention des services jeunesse.
Bien qu'en accord avec plusieurs visées du projet...
Le Président (M. Paquin): Mme Boucher, le temps est déjà dépassé d'au-delà d'une minute. Je vous invite à conclure, s'il vous plaît, parce qu'on doit respecter le temps. Je pense que vous êtes familiers...
Mme Boucher (Denise): Je conclus. Nous sommes prêts pour les questions.
Le Président (M. Paquin): D'accord. Merveilleux. Merci. Merci beaucoup. Mme la ministre à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation, on vous écoute.
Mme Delisle: Alors, Mme Boucher, mesdames, monsieur, bienvenue. Je ne lirai pas le reste de votre page, mais je vais d'abord commencer par un commentaire que vous venez tout juste de lire, qui m'étonne, mais ce n'est pas négatif, là, je veux juste comprendre. Vous dites, à la page 18 de votre mémoire, dans le deuxième paragraphe, que l'objectif... que vous constatez finalement «que le projet de loi n° 125 s'attarde davantage à l'objectif de circonscrire et limiter l'intervention d'autorité, dans l'optique de traiter plus efficacement les signalements et les placements, qu'à l'objectif de renouveler et revaloriser l'intervention sociale, se limitant à référer à d'autres acteurs et organismes pour l'obtention des services jeunesse». Je suis un peu surprise de cette remarque-là puis je m'explique.
S'il y a une chose qui nous a guidés, sincèrement, là, dans l'élaboration du projet de loi, bien avant que, moi, j'en devienne la titulaire, parce que vous savez qu'il y a quand même eu des propositions qui ont été faites, il y a eu le rapport Dumais, le rapport Turmel, il y a eu des consultations, je pense même que votre organisme a été consulté aussi... Il me semble que la pierre d'assise, c'était justement de revenir à la mission première de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui était à l'époque une loi d'intervention sociale et, si nécessaire, une loi d'intervention judiciaire. On a essayé d'inclure dans la loi des dispositions qui ramenaient la loi à son sens premier; on parle d'approche consensuelle, on cherche... C'est sûr que ce n'est peut-être pas inscrit dans la loi, mais, dans les discussions que nous avons eues avec la plupart des hommes et des femmes, des groupes qui sont venus devant nous, on nous a fait état de certaines pratiques qui devaient changer, et je pense qu'on a pas mal, tout le monde, entendu, là, qu'il fallait adapter nos pratiques cliniques à l'évolution des connaissances, et tout ça.
J'aimerais que vous m'expliquiez rapidement qu'est-ce qui vous a amenés à tirer cette conclusion-là. Pour moi, c'est comme si on avait raté notre cible, puis il me semble que ce n'est pas tout à fait ce qu'on cherchait.
Le Président (M. Paquin): Mme Boucher.
Mme Boucher (Denise): En tout cas, probablement que ce n'était pas suffisamment clair, vous l'avez vous-même dit. En même temps, l'idée n'est pas qu'on... Je pense qu'on est assez en accord avec les modifications apportées. En même temps, je pense qu'il faut qu'on soit capables aussi de renforcer ce qu'on voulait dire, revaloriser l'intervention sociale, et ça, pour nous, ça apparaît peu ou pas beaucoup à l'intérieur. Je pense que c'est comme ça qu'il faut le voir. Et quand on parlait, entre autres, de traiter les signalements et les placements, bien tu sais, sur la question des délais, et tout ça, je pense que c'est plus dans cette vision-là, et il faut... Mais il ne faut pas voir là le fait que vous avez manqué votre coup, au contraire; vous savez qu'on était en demande là-dessus, on a participé à presque toutes les consultations qui ont eu... soit chez vous ou même avant, antérieurement, avec les ministres qui ont été en place, je pense à Agnès Maltais, entre autres. Donc, on est là, on veut... on a travaillé là-dessus, on a fait une brochure aussi sur cette question-là. Donc, je pense que l'idée n'était pas là. Mais ce qu'on voudrait, c'est qu'on puisse aussi revaloriser l'intervention sociale. Mais peut-être qu'Andrée pourrait...
Mme Delisle: Mais alors qu'est-ce que vous suggéreriez que nous incluions qui n'est pas là dans la loi?
Mme Boucher (Denise): Je vais demander à Andrée de répondre.
Mme Lapierre (Andrée): Bien, c'est ça, c'est-à-dire que la question du cadre de loi... la Loi de la protection de la jeunesse, tel que le projet n° 125 le fait, effectivement elle vient préciser que c'est vraiment un service de deuxième ligne. C'est ça qu'on veut faire. On a précisé les motifs, on fait en sorte qu'il va y en avoir moins, hein, de recours, c'est un peu ça qui devrait se produire. Ça ne dit rien du tout de comment ça va se passer en première ligne, et c'est toute l'inquiétude qu'on a. On est déjà, et on vient ici pour témoigner de ça... la réalité terrain quotidienne du travail social auprès de la jeunesse est déjà à la course, est déjà complètement en lambeaux, comme l'a dit le premier ministre pour parler de tout le système de santé, mais, dans le secteur jeunesse, c'est criant. Ça, on vient de resserrer l'accès en deuxième ligne, comme on le fait dans les hôpitaux, puis qu'on veut que ça aille en première ligne. On a vécu le virage ambulatoire dans les autres services. Dans la jeunesse, on n'a pas de garantie du tout qu'on ne va pas vivre le même dérapage.
n(16 h 40)nMme Delisle: Sur la question des délais de placement, les durées maximales de placement, vous faites une recommandation, à la page 14, vous dites que, «dans la perspective de rechercher un projet de vie permanent pour chaque enfant», vous recommandez, et c'est la recommandation 2: «Que l'on fasse de ces délais fixes des "balises raisonnables de placement" ? je vous cite, là ? venant guider les personnes en cause et laissant une marge de manoeuvre au jugement clinique des intervenants.» Certains oseront peut-être dire que c'est justement ce qui se faisait à partir de la loi actuelle, qu'il n'y avait pas suffisamment... que le cadre n'était peut-être pas suffisamment serré, si vous voulez, pour que le tribunal et même les intervenants puissent agir... je ne veux pas dire «le plus rapidement possible», parce que ce n'est pas ça, l'exercice, ce n'est pas ça, le but de la loi, mais se donner des balises pour permettre finalement à la fois aux parents, s'ils sont capables de... évidemment s'ils souhaitent reprendre leurs capacités parentales, s'ils veulent évidemment accéder aux services qui sont disponibles... Quand vous parlez de «balises raisonnables de placement», on articule ça comment dans un projet de loi?
Mme Boucher (Denise): Je vais demander à Vincent de vous répondre, puis c'est pourquoi j'ai demandé à être avec des intervenants, parce que je pense qu'eux, ils ont une...
Mme Delisle: Bonne idée.
Mme Boucher (Denise): Oui, une bonne idée de... peut-être du réel, d'un autre réel.
Le Président (M. Paquin): M. Couture, on vous écoute.
M. Couture (Vincent): Bien, dans la réalité, ça se fait déjà, de telles pratiques, on appelle ça une clarification de projet de vie. Les intervenants sont formés pour intervenir dans ce contexte-là. Là, ce que ça implique, c'est notamment que toutes les situations devraient faire l'objet, ou à peu près, d'une clarification de projet de vie. Mais, avant de peut-être répondre à votre question, j'aimerais vous expliquer ce que ça représente, une clarification de projet de vie.
Dans le fond, ce sont des dossiers qui sont fort exigeants puis qui demandent une grande implication de toutes les parties, à savoir les parents, l'enfant, son milieu d'accueil et l'intervenant. C'est une intervention qui doit se dérouler généralement sur une base de six à 12 mois, parfois davantage, et ce, de façon intensive. Par «intensive», j'entends une rencontre avec chaque partie sur la base d'une fois par semaine ou par 15 jours. Puis généralement c'est tellement exigeant qu'un intervenant oeuvre dans pas plus de deux ou trois clarifications de projet de vie à la fois, et ce, dans une charge de cas de 22 dossiers ou plus. On est convaincu que, si une clarification de projet de vie est nécessaire dans chaque dossier, bien les intervenants vont être davantage surchargés puis risquent de ne pas dispenser les services adéquats.
On parle souvent de la surcharge de travail, qu'est-ce que ça peut représenter. Bien, les praticiens sont unanimes à cet effet-là, hein? Ça devient presque impossible de bien assurer la protection des enfants avec le fardeau de tâches qu'ils ont actuellement, dans le cadre législatif qu'on connaît. Bon. Écoutez, il y a peu de gens qui peuvent réellement comprendre ce que c'est que la charge de cas de 25 dossiers, qu'est-ce que ça peut comprendre. Admettons qu'un «case load» de 25 dossiers comporte 20 situations, par exemple, 20 situations familiales. Bien, généralement, chaque enfant a à peu près deux parents. Il y a des situations qu'on connaît qui sont tout autres, hein, des situations de famille recomposée, mais partons sur la prémisse qu'on considère qu'il y a deux parents. Environ 50 % des situations font déjà l'objet de placement. Donc, les intervenants doivent composer aussi avec ces milieux d'accueil, que ce soient des centres de réadaptation ou des familles d'accueil. Ils doivent aussi composer avec les écoles, avec les garderies et les différents spécialistes impliqués dans la situation de l'enfant et de ses parents: des psychologues, des médecins, les intervenants de première ligne, des intervenants en déficience intellectuelle, en toxicomanie, des organismes communautaires. Ça fait que globalement un intervenant en application des mesures a à peu près 65 usagers auprès de qui il doit intervenir à tous les jours, et, quand on inclut les collaborateurs, bien ça implique plus d'une centaine de personnes qui peuvent nous interpeller dans le cadre de notre travail. Donc, c'est énorme. Déjà, on doit établir, dans un contexte d'autorité, un lien de confiance avec eux, alors qu'on a à peine le temps de les voir dans le contexte actuel de surcharge.
Mme Boucher (Denise): Alors, ce que ça veut dire, c'est que...
Mme Delisle: Il n'a pas répondu à la question.
Mme Boucher (Denise): ...quand on a tout fait le détail du parcours qui est à faire, on se rend compte que dans les faits on va manquer de temps et que, si on manque de temps, on va donc devoir, si on suivait la règle telle que prescrite dans la loi, là, avec les nouveaux délais... bien il y a des gens qui seraient placés sans qu'on ait fait tout le cheminement, et peut-être qu'il n'y aurait pas nécessairement ce type de placement là à avoir. C'est pour ça qu'on dit qu'«une marge de manoeuvre au jugement clinique des intervenants»... c'est que, dépendamment du cas ou comment il se place, qu'il puisse avoir cet espace-là. Je pense que ça place bien le cadre dans lequel ils ont à intervenir.
Mme Delisle: Mais alors, à ce moment-là, est-ce que c'est juste de conclure que vous préféreriez ne pas voir les durées maximales de placement introduites dans la loi?
M. Couture (Vincent): Bien, c'est-à-dire, ce n'est pas qu'on ne préférerait pas, c'est qu'on préférerait que ce soit sur une base indicative qui doit être considérée... sur laquelle les intervenants peuvent déroger ou outrepasser cette mesure-là sans que ce soit excessif. Mais en même temps ce qu'on dit, c'est qu'actuellement, avec les standards de pratique qui sont établis, ce ne serait actuellement pas possible, on pense, que les intervenants puissent concrétiser ça dans les délais requis avec les ressources qui sont en place présentement.
Mme Delisle: Parfait. Vous êtes conscients qu'on a introduit une disposition qui permet au tribunal d'allonger finalement le délai dans les circonstances où la famille est sur le point de se reprendre en main et... Mais je comprends ce que vous me dites là, sincèrement, là, le temps étant une denrée rare pour tout le monde, là, mais il faut aussi penser que le temps, pour les petits, est aussi important, des fois même plus que pour nous.
Dans le mémoire, à la page 13, vous faites référence en fait à André Lebon. Vous nous parlez que «72 % des situations d'enfants où la sécurité ou le développement sont compromis mettent en cause des adultes problématiques, il faut [donc] s'attaquer au véritable abus de pouvoir que constituent le morcellement des services et l'instabilité des intervenants pour [...] reconnaître, valoriser et soutenir les travailleuses et les travailleurs. Il faut d'urgence les associer plus étroitement, avec leurs syndicats, aux changements dans l'organisation du travail et dans les rapprochements entre les types d'établissements et avec les autres acteurs locaux». Je sais ce que vous dites, je comprends, là. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez... Est-ce que je dois conclure que ça ne se fait pas, ça, que chacun travaille encore en silo? Puis je pense que ma collègue de Rimouski a dit tantôt: On va se parler franchement, là, on n'est pas dans le fond d'un garde-robe, on ne se conte pas de... on n'est pas en cachette, on a un seul objectif, je pense que tout le monde l'a.
Mme Boucher (Denise): ...de soir qui nous écoute.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Delisle: Non, mais il y a du monde qui écoute. Sérieusement, il y a des gens... Vous seriez surprise de voir le nombre de personnes qui écoutent nos échanges, et d'autres aussi, il y a d'autres commissions parlementaires.
Si j'avais un souhait, je l'ai déjà exprimé, c'est qu'au terme de cet exercice, lorsqu'on aura adopté la loi, qu'on puisse retourner dans nos milieux de travail, tout le monde, tous qu'on en est, ça m'inclut, mais ça inclut les citoyens et les citoyennes, ça inclut les communautés autochtones, ça inclut les intervenants et les intervenantes que vous représentez ici aujourd'hui, les avocats, la magistrature, et qu'on se donne comme mandat vraiment de, je vous dirais, même d'essayer de tourner l'éléphant un petit peu. Parce que c'est gros, c'est gros, la protection de la jeunesse. Je ne veux pas blâmer ici qui que ce soit, là, mais on a tous une responsabilité. Et, pour ce faire, pour changer les choses, il va falloir qu'on change aussi nos façons de voir, nos façons de penser, nos façons d'intervenir, changer les pratiques cliniques. Non pas qu'il ne se fasse pas du bon travail, au contraire, mais ce qui a été le plus positif finalement dans l'ensemble des interventions qu'on a eues et dans les rencontres que, moi, j'ai pu faire en faisant ma tournée des différentes régions du Québec, ce sont tous ces exemples que j'ai vus dans différentes régions où les gens sont sortis du cadre... sans sortir du cadre réglementaire, ils sont quand même sortis, ils sont allés dans le milieu, ils travaillent actuellement avec les familles. Souvent, malheureusement, c'est dans des milieux qui sont beaucoup plus à risque, des milieux plus vulnérables, donc des milieux où il y a de la grande pauvreté. Et je suis d'accord avec l'ensemble des gens qui disent ici: Ce n'est pas parce que tu es pauvre que tu n'es pas un bon parent. Puis, je veux dire, il y en a que c'est... Malheureusement, il y en a qui n'ont jamais appris à s'organiser, et il faut leur apprendre ça.
Alors, est-ce qu'on est prêts, tous qu'on en est, à changer nos façons de faire? Puis je vous demande à vous, pas nécessairement parce qu'il faut que vous les changiez plus spécifiquement, mais... Puisque vous l'avez inscrit dans votre mémoire, qu'il fallait que les acteurs travaillent ensemble, c'est parce que ça doit donc pas se faire nécessairement. Comment on fait ça? Comment on organise le travail?
n(16 h 50)nMme Boucher (Denise): C'est exactement ça, et souvent à cause d'une lourdeur administrative, hein, de formulaires à remplir, que, le temps qu'on répond à ça, bien on n'a pas le temps de regarder à côté puis de voir qu'est-ce qu'on pourrait faire. Et je pense que c'est le défi auquel on est appelés. Et souvent, dans l'organisation du travail, bien l'organisation du travail, ce n'est pas juste une personne qui doit réfléchir à ça toute seule. Il me semble que les gens qui sont au quotidien sont capables de dire: On est mal organisés, on fait une mauvaise planification, on met trop d'énergie à tel endroit, pas assez à tel endroit, on peut-u rebrasser les cartes?
Je suis d'accord avec vous, c'est vrai que c'est un gros éléphant, mais en même temps il y a une volonté. Et ça, à chaque fois que, nous, on a fait des consultations avec les gens qui sont soit dans les CLSC, parce qu'il y a de l'intervention là, il ne faut pas l'oublier, soit les gens en deuxième ligne, on a toujours dit: Oui, mais il faudrait qu'on soit capables de se parler puis de voir qu'est-ce qu'on peut faire de mieux et de plus.
Mme Delisle: Je la vois hocher de la tête, je m'excuse, je... il faudrait que je reprenne la carte pour savoir votre nom.
Mme Boucher (Denise): Marie-Josée.
Mme Delisle: Mais vous hochez la tête, c'est parce que vous considérez que c'est... il y a des choses à faire? Vous êtes une intervenante sur le terrain?
Mme Brière (Marie-Josée): Oui, je travaille à l'évaluation.
Mme Delisle: Alors, vous, là, qu'est-ce que vous changeriez? Dans un monde idéal. Mme Boucher parlait de brasser les cartes. Aujourd'hui, là, on ne repart pas à zéro, mais on s'organise, là. Qu'est-ce que vous feriez pour que ça aille mieux?
Le Président (M. Paquin): Mme Brière.
Mme Brière (Marie-Josée): Bien, premièrement, pour que ça aille mieux, pour changer nos façons de faire, il faudrait à tout le moins que notre charge de travail...
Mme Delisle: Soit diminuée.
Mme Brière (Marie-Josée): ...soit diminuée de beaucoup. Parce qu'on ne peut pas assurer la continuité, on ne peut pas donner des services de qualité à nos clients quand notre charge de travail, elle est trop élevée. Vincent l'a dit tantôt, ne serait-ce que pour les projets de vie, on le sait, ça demande beaucoup, beaucoup de temps, et de donner des services de qualité quand on a... Bon, que ce soit à l'évaluation, 19 dossiers alors qu'on en prévoit 12, on ne peut pas faire des évaluations de qualité non plus, donc on va aller, sans dire nécessairement au strict minimum... Notre histoire sociale va être ? excusez le terme ? mais va être un petit peu bâclée. Ça va être un petit peu la même chose à l'application des mesures. Quand on a trop de dossiers, on n'a pas le temps de voir nos clients suffisamment, donc on ne les accompagne pas nécessairement dans ce dans quoi ils ont besoin. Ça fait que la loi, tu sais, l'ancienne loi, ce qu'on dit toujours, c'est: Elle est belle; le projet de loi actuel, il est tout aussi beau, mais il faut nous donner les moyens aussi de l'appliquer, cette loi-là.
Mme Delisle: Dernière question...
Mme Boucher (Denise): Parce qu'en même temps, quand vous vous retrouvez... excusez-moi, Mme la ministre, quand vous vous retrouvez avec des cas qui sont plus lourds, vous négligez vos cas qui sont moins lourds, pour être capables de désengorger, finir par désengorger. Et, avant qu'on commence, tout à l'heure, on parlait... dans le texte, je parlais du ballottement des enfants, mais, chez nos professionnels, il y a énormément de ballottement aussi. Alors, c'est beaucoup des jeunes qui... quand ils ont l'occasion de quitter le réseau et d'aller ailleurs, ils y vont. Tu sais, c'est une tâche qui est dure. Voir la souffrance des enfants, des familles au quotidien, je ne suis pas sûre qu'on vivrait ça, nous autres, hein? Alors, tu sais, c'est une grande responsabilité en regard de notre, je dirais, de notre société, tu sais.
Mme Delisle: J'aurais une autre question. Je m'excuse, Mme Boucher, de vous couper la parole, il me reste juste deux minutes. Je voudrais parler de votre recommandation qui est la recommandation 6, à la page 17 de votre mémoire: «Que l'on retire l'obligation d'admettre d'emblée tout journaliste aux audiences, prévue à l'article 82, pour plutôt lui substituer un libellé comme: "Le tribunal peut également admettre tout journaliste qui en fait la demande, à moins qu'il ne juge sa présence préjudiciable à l'enfant."» Pourriez-vous expliciter? Parce que vous craignez qu'il y ait de l'information qui soit utilisée...
Mme Boucher (Denise): En fait, on fait référence, entre autres, à l'affaire Hilton, dans le haut de... dans notre mémoire, où là les journalistes auraient bien aimé faire... Hilton, le boxeur ? je vous vois avec les points d'interrogation, là. Alors, tu sais, des fois ce n'est pas facile pour les victimes de témoigner devant un tribunal, ça, c'est déjà, hein, assez complexe. De venir, en plus, et de savoir qu'il y a des journalistes qui vous épient d'une certaine façon dans votre vie encore plus intérieure qu'intérieure, si vous me permettez l'expression... Alors, tu sais, dans le fond, est-ce que c'est, pour nous, nécessaire? Puis en même temps on trouve qu'ils souffrent déjà passablement. On peut-u faire en sorte que ce soit moins un accès facile et puis qu'on soit capables de filtrer, si vous me permettez l'expression, leur présence?
Mme Delisle: On me souffle à l'oreille que c'est une disposition qui existe depuis 1979 et qui n'a jamais causé de problème, mais, puisque vous l'avez soulevée, je pense qu'on va... en tout cas, j'ai entendu ce que vous aviez à dire sur le sujet. Je pense que j'ai écoulé tout mon temps?
Le Président (M. Paquin): Malheureusement, Mme la ministre.
Mme Delisle: Bon. Alors, merci beaucoup.
Mme Boucher (Denise): Au plaisir.
Le Président (M. Paquin): Merci à vous. On poursuit du côté de l'opposition et Mme la députée de Rimouski, porte-parole officielle de l'opposition... porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Alors, mesdames, monsieur, bienvenue. Vous êtes ce que j'appelle les employés terrains du réseau, et je pense que c'est très important d'avoir votre point de vue.
Je reviendrais, moi, sur votre recommandation concernant les balises raisonnables de placement, qui est votre recommandation 2. Est-ce que c'est à dire qu'on devrait retirer ces délais du projet de loi comme tel, qu'ils ne devraient pas apparaître du tout dans le projet de loi, qu'on devrait plutôt garder ça au niveau des règlements ou si... même pas au niveau des règlements, mais plutôt dans le cadre de la pratique ? vous avez des guides de pratique ? et, à ce moment-là, ce serait plus à ce niveau-là qu'on devrait faire référence à des délais?
Mme Brière (Marie-Josée): Écoutez, pour les balises, je crois qu'elles sont quand même importantes, mais il faudrait permettre une latitude aux intervenants, c'est sûr, pour voir quand le délai peut peut-être être prolongé. C'est sûr que, pour nous, c'est fort important d'assurer un milieu de vie stable pour éviter le ballottement des enfants, mais il reste quand même des petites inquiétudes pour nous, parce qu'on se dit qu'il va y avoir des évaluations ou des interventions qui vont peut-être se faire beaucoup trop rapidement. Il va y avoir disqualification de parents qui mettent un petit peu plus de temps pour se prendre en main mais qui le font finalement, en bout de piste, sans prendre nécessairement cinq à six ans. Il ne faut pas oublier aussi qu'on a des pénuries de familles pour les 0-5 ans. Alors, il va falloir aussi, ça, le prendre en considération. Et on va revenir tout le temps aussi avec la surcharge de travail pour les projets de vie, pour les délais fixes. Il faut donner du temps pour pouvoir y arriver, aux projets de vie. Alors, il va falloir revoir aussi la charge de travail à ce niveau-là.
Mme Charest (Rimouski): Ça, j'avais bien compris, parce que c'est ce que vous avez dit à la ministre, que les charges de travail actuelles ne vous permettront pas d'assurer en tout cas l'intensité et le suivi que ça requiert pour certaines problématiques. Ça, j'ai très bien compris. Mais, moi, ma question, c'est: Est-ce qu'on les retire du projet de loi ou si on les maintient?
Mme Boucher (Denise): À cette question, je vais vous dire, les gens ont dit: Les balises sont là, ça en prend. Vincent l'a dit tout à l'heure, Mme Brière l'a dit tout à l'heure, ça en prend.
Mme Charest (Rimouski): Vous les maintenez dans le projet de loi?
Mme Boucher (Denise): Ce qu'ils demandent, c'est: Est-ce qu'on peut avoir une souplesse, un espace qui nous permet de faire notre intervention jusqu'au bout? Peut-être qu'il y a dans des cas, dans le cadre actuel, ce serait tout à fait parfait. Mais peut-être que, dans un autre cas, à cause de l'évaluation, à cause du contexte particulier, du jeune plus problématique, pour toutes sortes de petites raisons qui deviennent des grosses raisons, on pourrait-u juste avoir l'espace qui nous permettrait de pouvoir le... Moi, c'est comme ça que j'ai compris les débats qu'on a faits. Ils ne sont pas contre, mais ils se disent: Donnez-nous l'espace. Parce que, tu sais, si on dit... Je vais vous dire, c'est comme à l'école, hein, tu sais, quand on arrivait pour arriver à la première année, on est tanné la semaine d'après, on était mal pris pour attendre, tu sais. C'est juste dans le sens: On peut-u? Puis tout le monde disait: Si on avait une dérogation, ça nous permettrait de. C'est un peu l'idée. Est-ce que ce n'est pas...
Mme Charest (Rimouski): On comprend tous ça, madame.
Mme Boucher (Denise): Ah! tiens, j'ai utilisé le mot «dérogation». Tiens, peut-être que ça pourrait être intéressant, le mot «dérogation», en se donnant cet espace-là, même si la loi est là, mais qu'on puisse en... Mais Andrée... Mme Lapierre va faire un bout là-dessus, aussi.
Mme Lapierre (Andrée): Bien, juste par analogie, là. On commence le débat, là, sur ce qui s'appelle les garanties de soins. On se donne un délai. La vraie question, c'est: Est-ce qu'on va mettre l'intensité des ressources pour que personne n'atteigne le délai? On voudrait bien de ces balises-là. Personne est contre la vertu. Tout le monde voudrait que ce soit réglé: un an, 18 mois, deux ans. Combien ça coûte? Hein? Déjà, l'Association des centres jeunesse a fait des demandes, un certain nombre de projets, là, il y en avait pour 21 millions la première année. Le gouvernement a mis 15. Bien, on ne fait pas tout, puis on peut bien penser que l'Association des centres jeunesse, ça ne faisait peut-être pas un décompte total de tout ce qui était vraiment requis pour ce que ça fonctionne. Alors, il n'y a pas de magie, là, puis ça, c'est avant la révision du projet de loi jeunesse, là. C'était ce qu'on demandait juste pour soutenir les équipes. Alors, il faut prendre conscience que, si on met ce carcan-là... Puis on a utilisé des mots comme ça dans le mémoire pour bien dire: Bien là, c'est une contrainte additionnelle, il faut le comprendre, là, les intervenants, demain, ils se retrouvent avec ça, bien, à chaque fois qu'ils voient quelqu'un, il faut opérer plus vite. C'est ça qu'on vient leur dire. Quels sont les outils qu'on leur donne pour fonctionner? C'est ça, la question.
Mme Boucher (Denise): Puis est-ce qu'il n'y aurait pas un risque d'erreurs? Puis je pense qu'il faut éviter qu'il n'y ait pas trop d'erreurs avec nos jeunes.
n(17 heures)nMme Charest (Rimouski): Enfin, moi, ce que je comprends de votre intervention, c'est que vous nous mettez en garde contre les risques potentiels d'erreurs qui pourraient découler de ces délais, compte tenu des ressources que vous avez pour répondre à l'ensemble de la clientèle et des besoins. Je comprends ça, j'ai très bien saisi ça dès le départ, mais, moi, je vous dis que, quand c'est écrit dans une loi, là, puis qu'on arrive devant le tribunal, bien le juge, il dit: C'est écrit dans la loi, puis la loi dit ça. Ça fait que, là, on a beau dire ici, en commission parlementaire, que c'est des balises, qu'on doit laisser une marge de manoeuvre, mais, quand je vous pose la question: On doit-u le maintenir dans la loi ou si on doit l'enlever?, c'est parce que, moi, comme législateur, ça veut dire qu'une fois qu'on va l'avoir adopté dans la loi, là, tous ces espaces-là à la discrétion des intervenants, ça n'existera pas, là. La loi va dire: Tant, tant et tant.
Alors, c'est pour ça que je vous posais la question, mais je comprends votre réponse et je l'accepte, je n'ai pas de problème à l'accepter, sauf que je trouve que vous n'avez pas répondu vraiment à ma question, parce que, comme législateur, je veux savoir qu'est-ce que vous préférez, comme intervenants sur le terrain. Puis je comprends votre problématique et votre dynamique.
Mme Boucher (Denise): Je vais vous répondre, si vous me permettez, en très peu de temps: Si vous voulez que les intervenants atteignent les balises qui sont présentes dans le présent projet de loi, donnez-nous les ressources. Si vous ne donnez pas les ressources, ça ne marchera pas.
Mme Charest (Rimouski): Parfait. C'est parfait, c'est clair.
Mme Boucher (Denise): C'est-u clair, ça?
Mme Charest (Rimouski): C'est clair. Dites-moi, dans le projet de loi, on parle d'approches consensuelles, et, comme vous êtes des intervenants qui avez à transiger avec les enfants et leurs parents, j'aimerais que vous nous parliez des approches consensuelles, parce que, dans le mémoire, je ne vous ai pas vu aborder cette question-là. Est-ce que c'est vraiment un plus pour permettre aux parents d'être consultés tout au long du processus, et de s'assurer que les gens se comprennent bien, puis, quand un intervenant parle aux parents et à l'enfant, le récepteur a le bon discours de l'émetteur, là? Est-ce que j'ai une bonne image?
Une voix: M. Couture va vous répondre.
M. Couture (Vincent): Bien, oui, je pense que vous avez une bonne image. En même temps, c'est bien certain que, même actuellement, avec les balises actuelles, on tente le plus possible d'avoir la collaboration des gens. C'est beaucoup plus facile de travailler sur une base volontaire que sur une base judiciaire. C'est bien certain qu'on accueille favorablement cette mesure-là, de devoir travailler davantage sur une base consensuelle. Je pense que c'est plus facile d'arriver à de bons résultats. Maintenant, il va falloir avoir le temps aussi de le faire, ça, ça va être un autre défi, et j'imagine une formation aussi appropriée, parce que, les intervenants, bon, ce n'est pas actuellement nécessairement toujours sur cette base-là qu'ils interviennent, mais je pense que ça va être important.
Mme Charest (Rimouski): Dans votre mémoire, à la page 13, vous dites qu'il faut s'attaquer au véritable abus de pouvoir que constituent le morcellement des services, l'instabilité des intervenants, pour reconnaître, valoriser et soutenir les travailleurs et les travailleuses dans leurs tâches. Et, soit dit en passant, moi, je suis très consciente que ce n'est pas toujours très évident de desservir la clientèle que vous avez. Écoutez, quand ça arrive à la protection de la jeunesse, ça veut dire que les problèmes sont lourds. Alors ça, je pense que... J'en profite pour souligner cet élément-là.
Quand on parle de la stabilité des enfants et qu'on parle du ballottage des enfants de la famille d'origine aux familles d'accueil, de famille d'accueil en famille d'accueil, de famille d'accueil en centre de réadaptation, etc., ça joue sur la stabilité des enfants. Mais j'aimerais que vous me parliez... est-ce que ce morcellement des services, cette instabilité des intervenants ne jouent pas franchement aussi un rôle dans l'instabilité des enfants? Et ça, ce n'est pas pour vous rendre coupables de quoi que ce soit, là, c'est pour bien saisir tout ce qui se passe et tout ce qui entoure la question de la stabilité.
M. Couture (Vincent): Bien, effectivement, il y a beaucoup d'instabilité dans le personnel. Ça, c'est remarqué. On a fait des vérifications, chacun de notre côté, dans l'ensemble des centres jeunesse au Québec. On invoque souvent la gestion des ressources humaines ou la complexité des conventions collectives pour expliquer l'instabilité du personnel, mais ce n'est pas nécessairement toujours ça qui est en cause. Mme Boucher vous l'a indiqué tout à l'heure, les jeunes intervenants viennent d'abord chercher de l'expérience dans les centres jeunesse, et ils s'en vont. On a beaucoup de congés de maternité pour expliquer les absences, mais pourquoi on a beaucoup de congés de maternité? On a beaucoup de jeunes intervenants. Les jeunes intervenants, quand ils ont, comme je vous disais tout à l'heure, plus d'expérience, ils quittent. Quand ils ne quittent pas pour des congés, souvent ils vont quitter pour des absences maladie. Ça, c'est des choses... Le taux de roulement du personnel en centre jeunesse est assez élevé.
Mme Charest (Rimouski): Il est de quel ordre?
M. Couture (Vincent): Il est de quel ordre? Bien, moi, j'ai les données du ministère devant moi, là, dans le réseau en général, les absences maladie pour cause de problèmes psychologiques, ça s'élève à 41 %, alors que, dans les centres jeunesse, ça grimpe à 53 %.
Puis aussi je vous mentionnerais que, toujours selon les données du ministère, le recours à l'assurance salaire a augmenté de 24,2 % de 1997 à 2004, dans les centres jeunesse. Donc, c'est des données qui sont importantes aussi pour expliquer le roulement du personnel, et ça, c'est, entre autres, lié à toutes les difficultés que vous mentionniez tout à l'heure: la difficulté d'intervenir auprès de ces familles-là, la surcharge de travail aussi et le manque de ressources, le manque de moyens, le manque de support parfois, ce qui fait qu'on observe qu'il y a beaucoup d'intervenants qui quittent, et on est actuellement, dans plusieurs centres jeunesse, à une pénurie de personnel. Il y a des chaises ? excusez-moi l'expression; des chaises ? qui ne sont pas comblées pendant plus de deux mois parfois. Donc ça, c'est quelque chose qui amène une surcharge sur les collègues, hein? Donc, quand il n'y a pas de remplacement, et ce n'est pas parce qu'on ne veut pas remplacer, à bien des égards, ça a déjà été ça, mais maintenant c'est qu'on ne trouve plus de remplaçants.
Mme Charest (Rimouski): Merci. J'aurais bien d'autres questions, mais j'ai une collègue qui veut aussi vous poser des questions, et le temps est limité. Merci.
Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup. Moi, j'ai ajouté dans vos recommandations finalement qu'au point de départ il faudrait travailler au niveau de la réduction de la charge de travail, aussi toute la question de la pénurie, qui augmente votre surcharge de travail, et que finalement le ballottage, il est là du côté des intervenants aussi. Donc, peu importe ce qu'on va mettre dans la loi, si on ne travaille pas à ce niveau-là, on ne pourra pas obtenir de résultats. Ça, ça m'apparaît clair. Donc, moi, je remets ça comme première recommandation à vos recommandations.
L'autre questionnement que j'ai, c'est par rapport justement aux enfants, pour qui on veut assurer une stabilité. À partir du moment où on veut leur accorder une stabilité, s'il est défini que l'enfant ne peut pas rester dans son milieu familial... J'aurais aimé ça vous entendre sur cette stabilité-là. Vous la voyez, vous, comme intervenants, comme intervenantes, davantage d'abord auprès de la famille élargie ou pas, vous la voyez auprès des familles d'accueil, toute la question de l'adoption, de la tutelle? Je ne vous ai pas entendus là-dessus puis j'aimerais profiter de votre expertise là-dessus, parce que, toute la journée, beaucoup se sont prononcés à ce niveau-là. Mais, vous, vos recommandations à ce niveau-là, ce serait quoi?
Une voix: Andrée? Vincent?
Une voix: Je voulais vous laisser aller, comme intervenants terrains. Marie-Josée?
Une voix: Vas-y.
Le Président (M. Paquin): Mme Brière.
Mme Brière (Marie-Josée): Au niveau de la stabilité de l'enfant, c'est sûr que ce qui est important pour nous au départ, c'est de voir à le maintenir dans son milieu familial, O.K., en autant que faire se peut. Sinon, oui, on pense souvent aussi à la famille élargie. Quoiqu'il faut faire attention aussi à la famille élargie, parce que, surtout dans des situations un petit peu plus problématiques, entre autres, bon, dans les situations d'abus sexuel ou d'abus physique par un des parents, d'aller dans la famille élargie, des fois c'est un petit peu compliqué pour l'enfant. Et il faut aussi prendre en considération que souvent l'enfant va se retrouver, pour lui, en conflit de loyauté autant envers son parent que l'oncle ou la tante de la famille. Pour ce qui est de la stabilité en famille d'accueil, bien il faut aussi leur donner le support et le soutien dont ils ont besoin pour que l'enfant soit stabilisé dans la famille d'accueil aussi à ce niveau-là.
M. Couture (Vincent): Bien, peut-être en complément sur la stabilité dans les familles d'accueil, ce qu'on remarque pour les intervenants au niveau des problèmes de recrutement, au niveau des problèmes de maintien, on le remarque aussi chez les familles d'accueil, hein? Il y a de moins en moins de mères Teresa malheureusement dans notre société, et, des gens qui sont prêts à s'engager auprès d'un enfant pendant de nombreuses années, bien c'est malheureusement une denrée rare. Souvent, ces gens-là, les enfants qu'on envoie chez eux, c'est des enfants qui sont difficiles à aimer, hein, c'est des enfants qui, quand ils ont des problèmes d'attachement, par exemple, provoquent le rejet eux-mêmes parce qu'ils n'ont pas appris à faire confiance, ils se méfient fondamentalement de l'adulte. Qu'elles veuillent être tutrices, qu'elles veuillent être familles d'accueil, pour ces familles-là, c'est difficile de s'occuper de ces enfants-là, et, je pense, elles ont besoin d'un grand support pour comprendre pourquoi cet enfant-là agit comme ça dans une telle situation, parce que ce n'est pas des enfants comme les autres, malheureusement.
n(17 h 10)n Et, par rapport à la tutelle, bien, oui, il y a... Dans notre mémoire, oui, on en parle, on en fait mention. Ce qu'on pense, ce n'est pas une solution miracle, c'est peut-être, oui, qu'on s'en serve plus souvent, c'est une bonne chose, mais en même temps on pense que les gens devront avoir non pas qu'un support financier, mais aussi un support réel pour être capables de maintenir cet enfant-là le plus longtemps chez eux, ce qui n'est pas toujours évident dans un tel contexte.
Mme Boucher (Denise): En fait, c'est que, dans le projet de loi, il faudrait qu'il y ait du bonheur...
Une voix: Du bonheur.
Mme Boucher (Denise): ...et ça, ça aiderait, mais ça, c'est difficile d'en mettre.
Mme Caron: Mais vous ne pensez pas...
Mme Boucher (Denise): Et de l'amour, ça aiderait.
Mme Caron: Mais justement, pour qu'il y ait du bonheur puis de l'amour, on va en parler, est-ce que justement l'enfant, puis qu'il ait moins de problèmes de méfiance, puis tout ça, ce n'est pas auprès de personnes qu'il connaît? Cet après-midi, moi, j'ai appris en lisant les mémoires des autochtones que l'adoption traditionnelle, bien c'est ça que j'avais vécu, moi. Je ne l'appelais pas de même, là, en tout cas. Oui, volontairement mes parents ont décidé ? puis j'étais la plus vieille de la famille, ils n'en avaient pas eu d'autres, ils en ont eu d'autres après, là; ont décidé ? de me confier aux grandes-tantes puis aux grands-oncles, les mêmes que ma grand-mère avait confié ma mère, en tout cas. Donc, l'adoption traditionnelle, elle s'est faite traditionnellement effectivement dans la famille, et j'ai toujours dit, je suis arrivée là à deux ans, j'ai toujours dit: Ça a été la chance de ma vie, la chance de ma vie. J'ai eu la stabilité, la confiance en moi, j'ai tout développé, en tout cas je n'ai pas trop mal réussi, un équilibre, et, si j'avais été ailleurs ou même si j'étais restée dans ma famille, je ne sais pas du tout ce qui me serait arrivé, je n'en ai aucune idée, mais c'est sûr que je n'aurais pas eu le même cheminement ni la même stabilité.
Alors, c'est pour ça que je vous posais la question, parce que cet élément-là d'amour puis de lien, ces enfants-là... Puis j'ai des neveux et nièces qui ont aussi connu le système, et le lien le plus fort pour eux autres, il était beaucoup du côté de la famille. Puis je trouve que cet aspect-là, je ne l'ai pas vu. Puis, quand je vous ai questionnés, j'espérais l'entendre, puis vous m'avez plutôt répondu par la question de problème de loyauté. Mais il y a un problème de loyauté pareil si l'enfant se retrouve dans carrément une autre famille, vous ne pensez pas?
Le Président (M. Paquin): Mme Lapierre, permettez-moi de vous signaler que malheureusement il reste juste une minute, ça fait que je vous invite à essayer d'être le plus bref possible.
Mme Lapierre (Andrée): Bien, c'est ça, en fait, c'est une question intéressante. Moi, je me disais, quand ça s'en venait, ce projet-là: On va parler des théories, la psychanalyse, l'adoption versus la tutelle, et tout ça, puis, les gens terrains, ils n'étaient pas là-dedans, ils étaient dans les réalités immédiates de ça, ce que vous parlez. Dans votre cas personnel, ça me semble être une approche consensuelle parfaite, qui s'est faite sans même recours à un système. Dans le cas qui nous occupe puis dans les réalités concrètes, je pense, des centres jeunesse, l'affaire, c'est qu'ils se retrouvent avec des choses beaucoup plus chaotiques que ça. Et le système lui-même, il faut voir à le rendre plus lisse, plus accueillant, plus cohérent dans ses mesures.
Malheureusement, le projet de loi, il ne nous donne pas complètement satisfaction par rapport à ça. Et, surtout, on est habitués à des traitements bureaucratiques, etc., puis en insuffisance de ressources, et on dit: Si c'est cette combinaison à nouveau qui est là-dedans, ça n'ira pas.
Pour ce qui est de la tutelle, on dit que c'est mieux que l'adoption, on dit que c'est mieux que l'adoption parce qu'il y a une certaine réversibilité dans ça, mais on dit: Si on s'en va par là pour essayer de réduire ces coupures additionnelles, il faut encore une fois donner des soutiens. Je crois que c'est le sens de ce qu'on a mis ensemble, nous.
Mme Caron: Merci.
Le Président (M. Paquin): Merci. Mme Brière, Mme Lapierre, M. Couture, de la Confédération des syndicats nationaux, on vous remercie beaucoup de votre présence cet après-midi. Et j'invite maintenant les représentantes de l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
On va suspendre les travaux de la commission pour environ, maximum, deux minutes, d'accord?
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec. Mme de Sève, bonjour.
Comme je le fais pour chaque groupe, je vais résumer nos façons de fonctionner: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, je vais vous aviser quand il vous reste trois minutes pour mieux vous aider à conclure, et ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.
Association pour le respect des droits
des grands-parents du Québec
Mme de Sève (Francine): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre déléguée, Mmes, MM. les députés. Alors, on vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Alors, je vous présente, à ma droite, Mme Marie Bouchard, qui est membre de l'association et qui a été la collaboratrice à la rédaction du mémoire qu'on vous a présenté, et Mme Bouchard s'occupera spécifiquement du côté législatif; Mme Luce Bouchard, qui est la secrétaire de l'association, qui, elle, vous entretiendra des jeunes mères et des grands-parents; et, à ma gauche, Mlle Valérie Houle, qui, elle, témoignera de son vécu en centre de réadaptation.
Alors, comme vous le savez, notre association a pour but de venir en aide aux enfants et à leurs familles dans la défense de leurs droits. Je vais dépasser un petit peu le cadre de notre mémoire parce qu'on aimerait définir certains points. Alors, nous confirmons pouvoir étayer tous les propos que nous tiendrons aujourd'hui à cette audience.
Mme la ministre, aujourd'hui nous nous adressons à la mère et à la grand-mère en vous ainsi qu'à la personne responsable du dossier de la protection de la jeunesse. Comme vous l'avez mentionné, nous ne sommes pas ici pour faire un procès, mais, vous le dites aussi, il ne faut pas se cacher la vérité ni se voiler les yeux. Les problèmes qui sont soulevés par les familles et les enfants que nous rencontrons ne sont pas d'ordre législatif. Ces victimes du système ne jouent pas avec les mots, elles n'ont pas de phrases passe-partout, elles racontent simplement leur vécu. Il faut se souvenir que nous parlons d'enfants, donc de personnes à part entière, que les droits et le meilleur intérêt de l'enfant sont indissociables.
n(17 h 20)n Il nous apparaît dans le moment que la DPJ a des droits, beaucoup de droits, et très peu d'obligations. Elle a le plein contrôle sur tout: elle fait... il fait l'analyse de la famille et de l'enfant, il suggère les solutions, il applique les décisions et il ne répond à personne de ses actions. Il utilise ses propres experts pour évaluer enfants et parents, et, quand un expert prend 40 minutes pour l'évaluation d'un enfant, nous, on se pose de sérieuses questions.
Que le DPJ ne respecte pas les ordonnances du tribunal nous interpelle aussi. Un juge qui ordonne de favoriser les contacts parents-enfants et que la DPJ les diminue ou les interdit, c'est de quel droit? Que l'on interdise à une mère de conserver l'esprit de fratrie de ses trois jeunes enfants en interdisant la présence d'une demi-soeur aux visites supervisées n'est pas vraiment ce que l'on peut qualifier de favoriser les liens familiaux. Des parents ont demandé du support, et on s'est approprié leurs enfants. Les enfants sont promenés de famille d'accueil en famille d'accueil et de centre en centre. Le ballottage es enfants est davantage une résultante de mesures administratives, beaucoup plus que judiciaires. Il est inexact de mettre cela toujours sur le retour aux parents naturels.
Il est utopique de croire que ce projet de loi réglera le problème. Ce projet de loi nous semble d'ailleurs fortement suggéré par les représentants du DPJ. Les responsables de cet organisme clament la stabilité et le respect, les liens affectifs significatifs, mais ce sont les deux priorités les plus bafouées à l'heure actuelle. Pour les jeunes qui ont connu de vivre en centre de réadaptation, leur expérience se résume la plupart du temps ainsi: prison, isolation, contention, médication, recul académique, manque de respect et désespoir. La protection et la délinquance se côtoient dans les mêmes unités, et les jeunes sont âgés entre 12 et 18 ans.
Que signifient exactement les troubles de comportement pour la DPJ? Parce que cette étiquette est apposée facilement, trop facilement. Les enfants n'ont plus le droit d'être des enfants, ils doivent se conformer. Personne ne semble avoir compris que ces jeunes ont mal à l'âme, qu'ils vivent du rejet et de ce fait refusent toute forme d'expression d'amour ou d'attention afin d'éviter de souffrir à nouveau un abandon. On encourage les antidépresseurs parce qu'il est plus facile de masquer le problème que de le solutionner.
Quand on parle d'isolation ou d'isolement, c'est un mensonge de dire que les seuls les jeunes en état de crise vont en chambre et que c'est un séjour de courte durée. L'isolement est une épée de Damoclès sur la tête des jeunes et elle prend plusieurs formes, parce que, pour un oui, pour un non, un désaccord, une impatience, ils se retrouvent en isolement. Que ce soit dans une chambre avec porte verrouillée ou dans une pièce qui porte le nom de salle d'isolement, l'effet demeure le même chez l'enfant et l'adolescent. Quand, dans une chambre, il n'y a qu'un matelas, ni draps, ni couvertures, rien, et que les jeunes y passent 23 heures sur 24 durant plusieurs jours, voire semaines, c'est inquiétant et c'est même horrifiant. Lors des changements de quarts de travail, il y a plusieurs centres qui isolent les enfants dans leurs chambres avec la porte verrouillée. Peu importe le nom que l'on donne: arrêt d'agir, relance, diapason, goéland, quand la porte est verrouillée et le nombre d'heures infligé, c'est toujours de l'isolation.
Quelqu'un n'a-t-il jamais réalisé les impacts de ces traitements sur ces enfants? Ne parle-t-on pas ici de violence psychologique? Une personne de la qualité de Me Lucie Lemonde qui porte plainte à l'ONU pour les abus qui se produisent dans les centres devrait interpeller sérieusement notre gouvernement. Qu'un avocat comme Me René Binet, qui est spécialisé en défense des droits de l'enfant, se débat pour faire connaître les lésions en droit des enfants depuis tant d'années, ne soit pas écouté, ne soit pas écouté, ceci dépasse tout entendement. Personne ne peut prétendre que les faits sont exagérés, et nul ne peut faire semblant et nier ces situations. Ces abus existent, les menaces sont omniprésentes. Brimer les droits et l'intérêt d'un enfant, c'est lui faire subir de la violence. Ces jeunes, bien que sous protection, sont privés de leur liberté et vivent dans un système punitif.
L'enfant en protection est en droit d'attendre de la compréhension, du respect, du soutien, un suivi et une aide psychologique. Nul besoin d'avoir un doctorat en psychiatrie pour comprendre que ces enfants ont une détresse morale à soulager. Je m'excuse, juste un instant. Merci.
Les grands criminels ont des droits et de puissants syndicats pour les faire respecter. Nos enfants ont des droits, mais leurs droits sont bafoués par ceux-là même qui doivent les protéger, et c'est la loi de l'omerta qui règne sous le prétexte de la confidentialité. Les parents et les enfants n'osent parler car ils craignent les représailles, et ces représailles sont présentées très souvent de façon subtile, parce que c'est le bris de contact entre parents et enfants.
Les réponses aux plaintes sont, dans la plupart des cas, des formules polies pour refuser d'approfondir, que nous recevons comme réponse. Certains intervenants sont dans ce domaine par amour pour les enfants, et ils veulent profondément et sincèrement leur venir en aide, et, quand ceux-ci sont conscients de certains faits ou encore d'erreurs décisionnelles, ils sont vite ramenés à l'ordre, et ils doivent se taire.
Dans la loi, à l'article 38c, où il est question des situations de compromission, nous parlons de mauvais traitements psychologiques. Je vous cite juste un petit extrait: «Lorsque l'enfant subit, de façon grave [et] continue, [les] comportements [...] qui se traduisent notamment par de l'indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, de l'isolation [et] des menaces...» Alors, à qui pourront-ils signaler qu'ils sont en état de compromission, même sous la tutelle de la protection de la jeunesse?
Comment pourront-ils subvenir à leurs besoins en sortant du centre, à leur majorité, puisque la scolarisation y est déficiente, puisqu'ils ne sont pas préparés à faire face à une vie en liberté? Est-ce en devenant «squeegees»? Les cours académiques ne comportent que les trois matières obligatoires. Une minorité d'entre eux auront pu aller à l'école régulière, les autres sont dirigés vers un métier dès l'âge de 12, 13 ans et sans égard à leurs capacités intellectuelles. Le certificat qui leur est remis n'est pas reconnu par le ministère.
Si nous ne réagissons pas en donnant aux jeunes la formation, le respect et l'amour nécessaires à leur équilibre, quelles sortes d'adultes seront-ils? Ces jeunes qui ont besoin de protection et qui vivent tous ces cauchemars ne peuvent plus faire confiance aux adultes, au gouvernement, à la société et encore moins à des représentants du DPJ. Sommes-nous conscients du nombre de jeunes qui se sont suicidés ou qui ont tenté de le faire à cause du contexte de vie en centre?
Alors, je cède la parole à Valérie qui va tenter de nous expliquer un peu son vécu ou du moins comment elle se sent face au vécu qu'elle a eu.
Mme Houle (Valérie): Bonjour. Pour que ce soit plus facile, je l'ai fait en lettre. Ce que je vais vous dire aujourd'hui, ce n'est vraiment pas facile pour moi, parce que j'ai peur: j'ai encore peur du centre même si j'ai aujourd'hui 21 ans; j'ai encore peur des conséquences même si je suis grande. Penser à ce temps-là, ça me fait mal. J'ai peur de l'injustice, peur de la solitude, peur de l'abus de pouvoir. J'ai souvent été de force en isolation même si je n'étais pas en crise. Parce que les gars de la sécurité se déplacent; quand les gars de la sécurité se déplacent, ils ne viennent pas pour rien, puis souvent ils filent malins, ils s'imposent, ils provoquent. Ils arrivent en gang, des fois deux puis en général six, sept, pour seulement une fille. Plus ils te connaissent, moins ils se gênent pour utiliser la force, plus tu te plains que ça fait mal, plus ils serrent.
À l'isolement, il fait frette, vraiment frette. Souvent, tu arrives en boxer puis en camisole, pas de couverture, pas le droit de veste, mais un coton ouaté, ça, ça va. Des fois, tu as le droit à tes bas. Plus je me plains, plus on m'ignore. L'hiver, c'est l'enfer. Il y a une fenêtre avec un plastique dur, grafigné exprès pour ne pas qu'on puisse voir à l'extérieur. Puis, la fenêtre évidemment n'est pas isolée. Tout ce qu'il y a, c'est une base de bois, mais pas de matelas. J'arrive les bras dans le dos, il me pitche sur la planche, me ramène les jambes sur les fesses et met tout son poids pour m'écraser cinq à 10 secondes. Il repousse un dernier coup avant de sortir. Des journées ou des soirées entières à l'isolement, c'est fréquent. J'ai même couché là quelques fois. Dans les chambres d'unité, quand tu fermes la porte, elle se barre automatiquement, puis, eux, bien ils ont une clé pour barrer à double tour. C'est arrivé des semaines complètes en réflexion intense; ça aussi, c'est fréquent.
On n'a pas le droit de se créer des liens, pas le droit d'être amie avec les filles, pas le droit de se confier. J'ai passé six ans de ma vie à NDL, je suis rentrée à 11 ans. Quand je suis sortie, je n'avais pas d'amis, j'étais démolie psychologiquement, puis ma santé, bien elle s'en allait en dégradant.
Maintenant, j'ai envie d'apprendre l'amour. J'ai envie d'apprendre la vie, la vie avec toute sa beauté, ouvrir grand les yeux sans le brouillard. J'ai envie d'apprendre à m'abandonner, apprendre à abandonner mon passé pour enfin apprécier maintenant. Merci.
Mme de Sève (Francine): Je vais céder la parole à Mme Marie Bouchard.
n(17 h 30)nMme Bouchard (Marie): Je vous avouerai que c'est difficile de parler après Valérie. Je suis professeure retraitée de l'administration scolaire de l'Université de Sherbrooke. Il y a seulement deux ans, j'étais encore en salle de cours et je disais aux étudiants qu'il fallait qu'ils réfèrent, parce qu'en même temps que j'enseignais la Loi sur l'instruction publique on enseignait aussi les lois afférentes, Loi sur la protection de la jeunesse, etc. Et d'entendre ce que j'ai entendu depuis les 25, 26 janvier et depuis que je suis à l'association me laisse assez brisée. Je n'ai pas d'autres mots. Et, si j'étais à la place du législateur aujourd'hui, je me demanderais, un: Est-ce que la mission de la protection de la jeunesse est bien définie?
Mme la ministre a dit l'autre jour que c'était un gouffre sans fond, et les intervenants viennent de nous dire et nous ont répété, depuis le 24 janvier, qu'ils n'ont pas de ressources. Bien, si on n'a pas de ressources et qu'on n'arrive pas à atteindre la mission, peut-être que la mission est trop large. Est-ce qu'on ne pourrait pas la restreindre? Là, je me situe comme législateur ou administratrice. Par exemple, se pourrait-il que les services de première ligne, ce ne soit pas la DPJ? Il y a peut-être une erreur fondamentale, là, que ce soit la DPJ. Voilà.
Et, si on ajoute des éléments dans la loi mais on sait qu'on n'aura pas les ressources, comment va-t-on fixer un délai? Les intervenants demandent la possibilité d'avoir ce délai, mais le juge, il va trancher sur la base de la loi ? Mme Charest le disait tout à l'heure. Il va prendre la loi, il va dire: C'est ça. Alors, il ne faut pas qu'il y en ait, de délai dans la loi, si on veut qu'il y ait une certaine latitude.
Et je regarde dans la Loi sur l'instruction publique... D'ailleurs, dans la loi, moi, un des regards que j'ai posés avant même de faire le mémoire, c'est qu'on dirait que la loi sert à tout. Moi, je n'ai jamais vu, dans la Loi sur l'instruction publique, qu'on dise comment doit se comporter un professionnel de l'éducation. Ici, dans cette loi, on dit qu'il faut qu'un professionnel se comporte ainsi, doit être poli, doit être... «traiter l'enfant et ses parents avec courtoisie, équité [...] compréhension, dans le respect de leur dignité et de leur autonomie». Mais la loi, ça ne garantit rien. Quand même qu'on mettrait ça dans la loi, qu'est-ce que ça va changer si ce n'est peut-être la bonne conscience du législateur ou son insouciance. Alors, ce n'est pas la place de la loi. Les délais, c'est dans des réglementations, ce n'est pas dans une loi. Je n'arrive pas à comprendre.
Mais enfin ce n'était pas l'objet. J'ai réagi rapidement avec ma profession, maintenant je vais rentrer dans le mémoire pour vous dire essentiellement, dans une page, ce avec quoi nous sommes d'accord, ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord et ce qu'on demande. Au moins une chose, s'il y avait une seule chose à changer dans la loi... On va vous en proposer.
Alors, nous sommes d'accord avec la stabilité des liens, continuité des soins, c'est bien certain, la volonté de maintenir le plus possible l'enfant dans sa famille. Et j'étais tellement fière d'entendre la députée de Terrebonne parler de la famille élargie, parce que c'est la famille aussi. Le grand-papa... Moi, je suis grand-mère de trois bientôt, le troisième s'en vient, là, il va arriver. S'il fallait que je perde ces trésors, ce serait le désespoir. C'est incroyable qu'on enlève des enfants, qu'on les enlève à l'amour de leurs grands-parents. Toutes les formes d'aide véritable accordées aux familles, on est d'accord: volonté de diminution de recours au tribunal, bravo; recours à des approches consensuelles, bravo; tout ce qui sera comme médiation, conciliation, s'entendre, faire consensus, allez-y, on est d'accord pleinement; la tutelle, mais dans la mesure où on offre à la famille élargie la possibilité, qu'on le note et qu'on le note dans la loi, parce que ça ne se fera pas.
Actuellement, on nous dit que c'est possible qu'on ait recours à la famille élargie, mais on n'a pas recours à la famille élargie. Et on pourrait vous en demander... Il y en a, des preuves, là, on en a, des preuves vivantes, on pourrait vous en amener une quantité phénoménale.
Ce avec quoi nous sommes en désaccord: en désaccord avec tous les changements qui donnent davantage de pouvoirs à la DPJ. Et, selon moi ? puis là je me situe comme ex-professeur en administration scolaire ? si on donne des moyens qui contredisent les buts... Le but, c'est d'aider, et le moyen, c'est la force. Il n'est pas certain qu'il y ait une adéquation entre les moyens qu'on donne et les buts. Alors, attention. En désaccord donc avec plus de pouvoirs, donc; en désaccord avec l'augmentation des exigences par rapport aux parents; en désaccord avec les délais fixes pour l'adoption ? ça ne va pas dans une loi, ça va dans une réglementation, ça va dans des suggestions aux intervenants, mais pas dans la loi; en désaccord avec l'adoption plénière, vous comprendrez, pour éviter qu'on enlève les enfants aux familles. Donc, adoption simple, oui, lorsque c'est absolument nécessaire.
Qu'est-ce que nous souhaitons? Que le libellé de l'ensemble de la loi donne une place explicite à la famille élargie et, si possible, aux grands-parents, mais au moins à la famille élargie. Et ça corrigerait énormément d'injustices, ça protégerait les enfants, ça leur donnerait l'amour, vous l'avez si bien dit, et ça restreindrait le coûts économiques et sociaux, hein? Quand Valérie dit: Je suis devant rien, je n'ai rien, zéro...
Alors, nous demandons, s'il y avait une seule chose, que l'article 4 dise ceci, bon: Toute décision doit tendre à maintenir l'enfant dans sa famille. Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer, par les personnes de la famille élargie qui lui sont les plus significatives ou par d'autres personnes significatives ? on s'entend ? la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie appropriées à leur âge. Mais le plus possible, chaque fois que c'est possible, dans la famille élargie, pour préserver l'enfant. J'ai terminé.
Le Président (M. Copeman): Mme Bouchard, je vous indique qu'il reste un peu moins que trois minutes.
Mme Bouchard (Luce): Très bien. Je vais aller au plus court. Le projet de loi n° 125, plus de pouvoirs pour la DPJ. Nous remarquons que le projet de loi n° 125 accorde encore plus de nouveaux pouvoirs à la DPJ: possibilité de faire adopter des enfants dans des délais fixes même si les parents sont en train de se réhabiliter; accès à des renseignements confidentiels sur le passé des parents; élargissement de la notion de développement compromis jusqu'aux troubles de comportement, etc. Considérant que la loi actuelle attribue déjà des pouvoirs trop importants à la DPJ, nous ne pouvons accepter les nouvelles dispositions du projet de loi n° 125 qui augmentent ce pouvoir. Ces dispositions permettront encore plus d'interventions autoritaires de l'État, des situations d'abus et d'injustice qui se perpétueront dans le futur.
Le ministre Couillard a promis de donner une place aux grands-parents et à la famille élargie. Au mois de novembre 2004, nous avons entendu la réponse de M. le ministre Couillard à une journaliste de Radio-Canada qui lui demandait pourquoi la DPJ refusait de considérer les grands-parents comme la première ressource en cas d'incapacité des parents. M. Couillard a déclaré: Il existe des dispositions dans l'article 4 de la présente loi qui permettent de tenir compte de la famille élargie et en l'occurrence des grands-parents. Il est vrai que la famille élargie devrait être considérée comme première ressource. Il ajouta: Cet aspect n'étant pas affirmé, il faudra le rendre obligatoire dans le futur projet de loi.
Nous avons scruté le projet de loi n° 125 article par article. Nous espérions retrouver des dispositions pour que les membres de la famille élargie et les grands-parents soient considérés comme première ressource. Aucune allusion aux grands-parents ou à la famille élargie dans ce projet de loi. L'absence dans la loi de ces ressources précieuses nous trouble. La machine à fabriquer des orphelins poursuivra sa destruction de la cellule familiale au Québec. Ce n'est pas un Québec qui aime ses enfants, mais un Québec qui brise ses enfants.
Une confidentialité qui protège la DPJ plus que les enfants. L'article 41 du projet de loi n° 125 propose de transformer ainsi le deuxième alinéa de l'article 83: «Le tribunal peut, dans un cas particulier, interdire et restreindre, aux conditions qu'il fixe, la publication ou la diffusion d'informations relatives à une audience au tribunal.» Nous suggérons que, si les noms des enfants et des parties ne sont pas dévoilés, le tribunal ne puisse interdire la dénonciation publique des abus dont un enfant et ses proches sont victimes. La DPJ a trop facilement tendance à vouloir bâillonner les médias.
Un exemple: au mois de mars 2005, la DPJ a porté plainte à l'ombudsman de Radio-Canada contre la journaliste et les concepteurs de l'émission Enjeux diffusée sur les ondes de Radio-Canada le 16 novembre 2004. La DPJ n'aime pas que les journalistes examinent de près leur système. Si la DPJ n'a rien à cacher, pourquoi se réfugie-t-elle derrière les murs de la confidentialité? Les journalistes ne sont-ils pas souvent les gardiens de la démocratie?
n(17 h 40)nLe Président (M. Copeman): Merci, mesdames. Nous avons déjà dépassé de quelque peu le temps imparti. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Mme la présidente, mesdames. Valérie, ça prend beaucoup de courage pour venir ici aujourd'hui. Sincèrement, je pense qu'on peut tous témoigner... Je ne suis pas sûre que j'aurais été capable de le faire. Alors, je pense que vous êtes sur la bonne voie, je vous souhaite plein succès. Vous vous en êtes sortie, d'après ce que je peux comprendre. Ce n'est pas...
Une voix: ...
Mme Delisle: Peut-être pas parfaitement, mais d'être venue ici aujourd'hui, à mon avis, c'est déjà un signe que vous êtes sur la bonne voie, puis je vous souhaite plein succès.
Mme Houle (Valérie): Bien, je voudrais peut-être rajouter quelque chose.
Mme Delisle: Oui, sûrement.
Mme Houle (Valérie): O.K. Oui, je passe au travers à chaque jour, c'est un combat à chaque jour, mais je n'en ai pas eu plus, d'aide, puis j'en aurais encore besoin, de l'aide, puis il n'y a aucune ressource à ma valeur, à ce que, moi, j'ai besoin. Puis, où est-ce que je suis rendue aujourd'hui, ce n'était pas comme ça il y a quatre ans, quand je suis sortie. J'étais agoraphobe, je n'arrivais pas à sortir. J'ai été chercher mes ressources, je me suis instruite moi-même, parce que j'ai appris... Depuis que je suis toute petite, c'est comme ça que j'ai fait, tu sais. Mais ce n'est pas tout le monde qui est capable de faire comme, moi, j'ai fait. Ce n'est pas tout le monde qui va aller chercher dans les journaux, qui vont aller à la bibliothèque, qui vont s'instruire sur la psychologie pour savoir, crime, qu'est-ce qui se passe, pourquoi je suis de même, pourquoi je ne vais pas bien de même, pourquoi je ne me sens pas bien, pourquoi je ne suis pas capable de parler au monde, pourquoi je suis renfermée de même, tu sais.
Mme Delisle: Bien, moi, je pense que... Il y a beaucoup de gens qui nous écoutent, là, il n'y a pas juste des parlementaires, il y a aussi des gens qui travaillent dans les centres jeunesse, il y a des intervenants, des intervenantes, et je pense que l'exercice qu'on fait depuis trois semaines permet... Comme le dit ma collègue de Rimouski, ce n'est pas un procès, on n'est pas ici pour juger personne, mais on est certainement ici pour regarder comment se passent les choses, et, s'il y a des pratiques qui...
Mme Houle (Valérie): Bien, c'est une enquête approfondie.
Mme Delisle: ...sont complètement décrochées de la réalité, bien il va falloir que les gens qui en sont responsables en portent non seulement le fardeau, mais changent aussi leurs façons de faire. Je l'ai bien dit à plusieurs reprises puis je le répète encore aujourd'hui, ce n'est pas parce que je suis assise ici, dans ce fauteuil comme ministre responsable de la Protection de la jeunesse qu'il faut tout accepter. Alors, bon courage.
Si vous permettez, Mme de Sève, moi, je me suis inspirée du mémoire que vous nous aviez envoyé. J'ai par contre écouté avec beaucoup d'attention ce que vous nous avez lu et communiqué. Sachez que de toute façon, avec les procès-verbaux, on va faire imprimer votre texte puis on va regarder, là, qu'est-ce qui peut être introduit ou pas dans la législation.
Moi, je voudrais, si vous permettez, passer certains commentaires, puis j'aurais une couple de questions à vous poser. Sur la question de la famille élargie, j'ai eu l'occasion de rencontrer d'autres groupes de grands-parents qui m'ont dès le départ signalé que l'utilisation du terme «personnes significatives», qu'on trouve dans la loi à l'article 3... en fait, le nouvel article 3, mais qui réfère à l'article 4: Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial... Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien dans son milieu familial n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer, dans la mesure du possible auprès des personnes qui lui sont les plus significatives, la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie, etc., là. Moi, je n'ai pas de problème à ajouter «notamment la famille élargie». Nous, ce qu'on nous avait fait valoir, c'est que le terme «significatifs» était beaucoup plus large, parce que ça peut très bien être, je ne sais pas, une famille d'accueil chez qui l'enfant est allé pendant trois, quatre ans ? on a une collègue qui nous a soulevé ça ? et qui peut être la personne la plus significative au moment de prendre la décision.
Et je suis d'accord avec vous, ce doit être les grands-parents, l'oncle, la tante, les gens qui... s'ils sont prêts à assumer cette responsabilité. Mais je voudrais vous dire que ce n'est pas tous les grands-parents, puis je pense que vous conviendrez avec moi, ce n'est pas tout le monde qui a développé ces capacités parentales là. Il y en a qui ne les avaient pas au moment où ils ont élevé leurs propres enfants et qui ne les ont pas plus aujourd'hui pour élever des petits-enfants.
Ce que je comprends de ce que d'autres grands-parents nous ont dit, de ce que vous nous avez dit dans le mémoire puis ce qui était sous-entendu aussi dans vos propos, c'est que vous souhaitez que soit inscrit dans la loi de façon très spécifique qu'il faut non seulement offrir à la famille élargie, mais qu'il faut aussi travailler avec la famille élargie.
Moi, j'ai une question là-dessus. Dans les circonstances où les enfants de ces grands-parents-là, là ? je ne parle pas des petits-enfants ? ne souhaitent pas voir les grands-parents là... Parce que j'imagine que vous en avez, des gens qui, dans vos membres ? je ne le sais pas, je pose la question ? qui auraient souhaité peut-être être consultés au moment où il y a un retrait pour des raisons de compromission de développement ou de sécurité de l'enfant. Parce qu'il y en a des... On ne peut pas se leurrer ici puis se faire croire qu'il n'y en a pas, des situations. Il y en a beaucoup, de situations. Puis je le sais que ce n'est pas ça que vous dites. Mais qu'est-ce que vous répondez à ces parents qui disent: Moi, je ne veux pas que ma mère soit impliquée, je ne veux pas que ma mère ait mes enfants? Comment les intervenants des centres jeunesse ou les intervenants des organismes communautaires qui veulent les accompagner, comment on gère ça? C'est ma première question.
Mme de Sève (Francine): Moi, ce que je répondrais là-dessus au départ, c'est qu'habituellement le grand-parent qui veut prendre le petit-enfant, c'est déjà parce qu'il a un lien avec son propre enfant. Sinon, pour qu'un enfant arrive à dire à son propre parent: Je ne veux pas que tu prennes mon enfant, généralement c'est parce qu'il est déjà en conflit. O.K.? Ce qui fait que c'est pour ça que, nous, on insiste énormément pour que ce soit bien mentionné «les grands-parents», parce qu'il faut être conscient aussi, là, qu'il y a très grand nombre de grands-parents qui prennent déjà soin... qui prennent déjà la relève comme substitut parental pour... Des fois, ça peut être que la maman est en dépression post-partum, il y a différentes situations qui se sont posées. On a plein de membres qui ont vécu ça, et les petits-enfants se sont retrouvés chez les grands-parents, une grande...
Si on regarde un exemple, là, pour faire des chiffres plus faciles à visualiser, un enfant de cinq ans qui aurait déjà vécu deux et trois ans chez les grands-parents, je pense qu'on peut parler de lien significatif. Et dans le moment, même dans ces situations-là, le DPJ n'en tient pas compte. Alors, c'est pour ça qu'on veut absolument que ce soit vraiment, là, vraiment très spécifié que les grands-parents doivent être avisés s'il y a une situation de compromission, un signalement, pour qu'ils aient l'opportunité de prendre la relève.
Pour répondre plus précisément à votre question, advenant le cas où une situation se présente que, là, soudainement la mère est frustrée, ne veut pas que ce soit sa mère parce que pour elle ça peut être un synonyme d'échec plus grand... Parce que ça ne doit pas être facile, là, quand on se fait enlever notre enfant par le service de la protection de la jeunesse, d'admettre qu'on a fait des erreurs ou qu'on n'est peut-être pas le parent qu'on pensait être. O.K.? Alors, ça peut arriver, des situations comme ça, je ne dis pas que ça n'arrive jamais, c'est des possibilités. O.K.? Mais je pense que le DPJ, qui est là pour voir au meilleur intérêt de l'enfant, doit, lui, aller vérifier beaucoup plus à fond pour s'assurer que c'est peut-être quand même là l'endroit idéal.
Et je pense que très souvent le parent qui n'est pas... pour une raison x, y, qu'on enlève son enfant, ça ne veut pas nécessairement dire que c'est un mauvais parent. Il peut avoir des difficultés à soutenir des efforts, il peut avoir des difficultés de différents ordres sans être nécessairement ce qu'on appelle un mauvais parent. Moi, je pense qu'au contraire, si le grand-parent pouvait prendre soin du petit-enfant, ça pourrait peut-être faciliter un contact.
Mme Delisle: Je vous remercie. Oui, madame, vous vouliez intervenir?
Mme Bouchard (Marie): Oui, je voudrais ajouter là-dessus. C'est parce qu'en tout cas ce avec quoi, moi, j'ai été en contact depuis que je suis à l'association des grands-parents, c'est les enfants... ou, par exemple, la fille veut que ses grands-parents s'en occupent, et la DPJ dit non, au nom du fameux conflit de loyauté ? vous nous avez sans doute entendu rire tout à l'heure ? le fameux conflit de loyauté ou la recherche d'un milieu neutre.
Puis, moi, j'aimerais ça, là, juste peut-être donner quelques indications là-dessus parce que je trouve ça très grave. Le fameux milieu neutre ou le conflit de loyauté... Commençons par le conflit de loyauté, hein? L'enfant vit un problème, il se peut que le parent soit en cause, il se peut que, bon, les deux parents ne s'entendent pas. C'est sûr que c'est plus simple pour la DPJ de le placer dans un milieu complètement neutre, ils ne se bagarreront pas. Mais est-ce que c'est la bonne solution? Parce que l'enfant, il devient un orphelin, là, il vient de tout perdre. Il a perdu ses parents, mais là il vient de tout, tout perdre. Alors, si c'était la bonne solution, il me semble que les juges du tribunal de la famille l'utiliseraient plus souvent.
n(17 h 50)n Lors des séparations, là, est-ce qu'il n'y en a pas, des conflits de loyauté? Il y en a un des deux qui va avoir la garde des enfants ou les deux une semaine chacun leur tour ou... mais le conflit de loyauté va être là, et ils continuent quand même à les garder dans leurs familles. Ils n'en font pas des orphelins. Comment ça se fait qu'à la DPJ on en fait des orphelins?
Alors, ce n'est vraiment pas une bonne recette. Et le milieu neutre n'est jamais neutre, et ensuite les conflits de loyauté, ils se multiplient. Parce que, là, la DPJ est en lien avec la judiciarisation; le grand-père, la grand-mère poursuivent; et là ce n'est pas un ou deux conflits de loyauté, c'est quatre ou cinq conflits de loyauté auxquels l'enfant fait face. Alors, c'est pire encore.
Mme Delisle: Je sais que vous décriez beaucoup la DPJ et puis que vous avez demandé...
Mme Bouchard (Marie): Mais ce n'est pas contre la DPJ que je dis ça, là.
Mme Delisle: Non, non, pas vous personnellement, je parle de votre organisme, là. Mais, non, mais je me réfère au document que nous avons lu, là.
Mme Bouchard (Marie): D'accord. Oui.
Mme Delisle: Attendez un petit peu, là. Je voudrais juste finir mon commentaire. Je voudrais juste quand même qu'on soit conscient que c'est un des organismes les plus contrôlés. Vous dites dans votre mémoire, à quelque part: À qui la DPJ est-elle imputable? Vous le dites dans votre mémoire, là, bon. Vous ne l'avez peut-être pas dit aujourd'hui, mais vous l'avez quand même dit. Je voudrais rappeler aux gens qui nous écoutent, et aux parlementaires, et les gens qui sont ici aussi, qu'il y a la direction de l'établissement qui a un contrôle dessus, il y a le commissaire aux plaintes, le Protecteur du citoyen, la commission des droits de la protection... voyons, la Commission de la protection des droits de la personne et de la jeunesse et à la limite le Tribunal de la jeunesse.
Je le dis, parce que sincèrement, là, il y a dans votre mémoire... Puis, vous avez le droit de penser ça, vous avez des raisons de le penser ? quand je dis «des raisons», vous les énumérez ? mais je pense qu'il faut aussi qu'on comprenne que le DPJ n'agit pas seul. Le DPJ n'agit pas juste pour le plaisir d'agir, il a une situation de compromission dans la famille. Est-ce qu'on peut changer nos façons de faire? Moi, je pense que oui. On en a parlé tantôt. Vous êtes assises depuis un bon bout de temps. Vous savez, je n'ai pas changé d'idée entre chacun des intervenants qui s'est présenté devant nous aujourd'hui. Moi, je pense qu'on a un exercice extraordinaire, on est en train d'en faire un. Il faut que tout le monde comprenne qu'il y a des changements qui doivent s'opérer. Il faut trouver le temps... Il va falloir qu'on trouve les moyens puis il va falloir qu'on change aussi nos pratiques.
Vous me permettrez, parce qu'on en aurait pour longtemps... Je voudrais juste vous demander, vous vous interrogez dans votre mémoire, à la page 3, sur... Vous nous dites, et je vous cite: «De plus, comme il y a déjà des abus de pouvoir importants, ce n'est pas en renforçant ces pouvoirs que nous corrigerons la situation ? vous faites référence à la DPJ. Surtout si nous introduisons dans la loi des mesures qui permettent davantage d'abus de pouvoir. Par exemple, que signifie "un risque sérieux [...] d'être soumis à des méthodes éducatives déraisonnables"?» Je vous dirais qu'on a rencontré, la semaine dernière, un groupe sur les nouvelles religions, si je me souviens bien, qui était très, très, très préoccupé par les sectes religieuses, mais les sectes, là, les enfants qui sont retirés du milieu scolaire, qui sont retirés de toutes formes de socialisation. Dans leur livre à eux et dans ma perception à moi, c'est qu'un risque sérieux d'être soumis à des méthodes éducatives déraisonnables, c'est ce que ça veut dire, entre autres.
«Que veut dire ? je vous cite: "Sur le plan éducatif, en ne lui fournissant pas une surveillance ou un encadrement appropriés ou en ne prenant pas les moyens nécessaires pour assurer sa scolarisation"? ? vous faites référence à l'article 10, et je vous cite: Est-ce que cela veut dire que tous les parents qui n'ont pas la même vision et les mêmes méthodes éducatives que le directeur ou l'employé de la DPJ sont à risque?» Ça, là, c'est pour prévenir l'abandon scolaire. Peut-être que ça devrait être dit plus clairement, mais sincèrement c'est dans la loi et c'est ce que ça veut dire. Il y a des parents qui ne considèrent pas ça important, la scolarisation des enfants. On s'est donné un système au Québec qui oblige les jeunes à se scolariser jusqu'à la fin de leur secondaire ? s'ils ne veulent pas aller au cégep ou à l'université, ça, ça demeure leur choix ? mais c'est justement parce qu'on veut en faire des citoyens à part entière, pour qu'ils puissent avoir un emploi puis vivre dignement. C'est parce qu'il y a plein de petits exemples là-dedans. Je ne veux pas tous les prendre. Mais je veux juste que vous ne pensiez pas qu'on s'est levé un bon matin pour dire: Qu'est-ce qu'on pourrait bien mettre dans la loi pour s'empêcher de protéger les enfants? Je vous le dis franchement.
On a introduit des durées maximales de placement parce qu'on considère que ça va assurer une meilleure stabilité aux enfants. Vous n'êtes pas d'accord avec ça, puis je respecte ça sincèrement. Il y en a qui nous ont dit qu'ils étaient d'accord avec ça. Dépendamment de quel côté du travail on se situe... On aura, nous à... Puis il y en a d'autres qui nous disent qu'ils sont d'accord, d'autres disent qu'ils ne sont pas d'accord. On aura, nous, comme législateurs, à s'asseoir puis à décider si on va de l'avant avec ça ou si on ne va pas de l'avant avec ça. Ça, c'est un exercice pour nous qui est primordial.
Je vais terminer pour donner la chance à ma collègue de l'opposition officielle de poser des questions, mais je veux que vous sachiez qu'on va prendre bonne note de vos commentaires. Et je sais pertinemment que, comme grands-parents, vous êtes très préoccupés. J'ai joint votre club il y a quelques années déjà et, quand on se met dans cette position-là puis qu'on essaie d'imaginer qu'est-ce qu'on ferait si ça nous arrivait, je pense qu'on arracherait quelques têtes aussi si on était convaincus d'avoir raison.
Le Président (M. Copeman): Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Marie): Mme la ministre, juste peut-être une petite remarque concernant, entre autres, la scolarisation. Moi, je connais une école en Estrie où la moitié des enfants n'allaient pas à l'école, et la directrice n'a pas référé à la DPJ, mais elle a travaillé sur les causes, et tous les enfants sont revenus à l'école dans la même année, mais il n'y a pas eu de référence à la DPJ, mais elle a travaillé avec les personnes qui avaient de l'influence sur ces familles. Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas penser à d'autres formes d'action et laisser la DPJ dans son rôle, avec les enfants maltraités, les enfants abusés, qu'on rétrécisse le mandat, mais qu'elle puisse bien le faire?
Mme Delisle: Vous avez quand même raison, il faut trouver d'autres façons de faire. Il faut éviter, c'est sûr, des placements quand on peut maintenir l'enfant chez lui, quand on peut...
Une voix: ...
Mme Delisle: Oui, mais pas à n'importe quel prix et pas avec n'importe qui.
Mme Bouchard (Marie): On est tout à fait d'accord.
Mme Delisle: D'accord.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames, Mme de Sève, Mme Bouchard, et à Julie également. Écoutez, ce que vous nous dites, moi, je le prends très au sérieux. Je pense que la souffrance dépasse les mots écrits, les écrits. Elle s'est exprimée sous différentes formes tout à l'heure, et je pense que ce n'est pas juste, là, un moment d'émotion. Ce moment d'émotion là doit nous accompagner jusqu'à la fin de notre mandat, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la rédaction du projet de loi, et là-dessus vous pouvez compter sur nous pour être vigilants. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait pas d'erreurs, ça ne veut pas dire qu'on est parfaits, là. Moi, je sais la responsabilité que nous avons et je dis toujours à mes collègues que je ne me prends pas au sérieux, mais j'essaie de travailler le plus sérieusement du monde. Alors, j'aimerais vous réconforter un petit peu en vous disant que la vigilance, l'esprit critique m'habitent par rapport à ce projet de loi là que je vais tenter de faire du mieux qu'on peut pour représenter les intérêts des enfants.
Je m'adresserais à Julie parce que j'aimerais savoir... pardon, Valérie. J'aimerais savoir, Valérie, comment le centre de jeunesse t'a préparée à sortir du réseau, parce que je suppose que tu as sorti à l'âge de 18 ans.
Mme Houle (Valérie): J'ai sorti à 17 ans, plus ou moins une semaine avant ma fête. J'ai travaillé pendant cet été-là puis je suis tombée en dépression, j'ai été voir le médecin. J'avais trois emplois puis je commençais l'école. Puis, bien, c'est ça, j'avais encore mon père qui prenait mes sous. Ça fait que... À qui j'en prêtais beaucoup. Puis ils avaient besoin d'une place, ils m'ont laissé partir.
Mme Charest (Rimouski): Ils avaient besoin d'une place pour te...
Mme Houle (Valérie): Oui, il n'y a pas eu de question. J'ai été chez le médecin, elle a juste écrit: Elle est fatiguée, elle est à bout, puis j'ai eu l'autorisation de sortir. J'ai été habiter chez ma mère adoptive. Bien, elle, je l'appelle ma mère adoptive parce que, depuis que je suis jeune, elle a tout le temps été là pour moi, puis... Parce que ma mère biologique, elle est disparue du portrait il y a bien des années. Puis, c'est ça, j'ai été habiter chez eux. Puis ça s'est fait comme ça, là, sans le moindre effort.
Mme Charest (Rimouski): Moi, ce que je voulais savoir, c'est aussi: Bon, est-ce que tu as eu de la formation scolaire? Est-ce qu'au niveau de comment t'organiser, là, assumer un budget, des choses comme ça, est-ce que tu as entendu parler de ça durant tes années...
n(18 heures)nMme Houle (Valérie): Non, il n'y en a pas eu. Il n'y en avait pas, il n'y en a pas eu. J'en ai parlé. Quand je suis sortie, je ne m'en allais pas en logement, ils n'ont peut-être pas jugé concret de me le donner, sauf que j'ai vu... Ils ont passé, à l'émission Enjeuxjustement, Cynthia Picard, que je connaissais, qui était dans mon unité, qui, elle, en a bénéficié, tu sais. Puis... En tout cas, c'est ça. Ça devrait... c'était comme un essai. C'était plutôt comme montrer un essai avec les étapes. Mais, non, ce n'était pas ancré.
Mme Charest (Rimouski): Il n'y avait pas un programme...
Mme Houle (Valérie): Je n'ai rien eu, je n'ai pas eu de trousseau de base, rien eu de ça. Je suis partie, puis c'est tout.
Le Président (M. Copeman): Je présume, chers collègues, qu'il y a consentement pour dépasser 18 heures, pour terminer les auditions? Alors, Mme la députée, allez-y. Consentement.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Dans le fond, ce que vous nous confirmez, Valérie, c'est qu'il n'y avait pas de programme spécifique pour vous aider à faire l'étape entre vivre en institution avec des règles et se retrouver sur le trottoir, là ? c'est une image que je fais ? mais se retrouver dans la vie de tous les jours, ce qui est différent.
Mme Houle (Valérie): J'ai eu droit à une psychologue. J'ai été à quelques rendez-vous, puis il n'y a pas eu de poursuite. C'est tout ce que j'ai eu finalement, là.
Mme Charest (Rimouski): Je ne veux pas insister sur votre vie en centre jeunesse, parce que j'en déduis que ça n'a pas toujours été facile, pour toutes sortes de raisons, et là je ne cherche pas qui était en tort sur quoi que ce soit, mais, dites-moi, quand vous avez fait de l'isolement, est-ce que c'était à titre punitif ou si c'était vous qui aviez des problèmes de comportement...
Mme Houle (Valérie): Il y a eu les deux, les deux.
Mme Charest (Rimouski): Les deux?
Mme Houle (Valérie): Il y en a eu à titre punitif, puis il y en a eu à problèmes...
Mme Charest (Rimouski): O.K. Je ne veux pas de détails. C'est parce que beaucoup de gens sont venus nous dire que les salles d'isolement étaient utilisées à des fins punitives, et le Barreau et les bureaux juridiques nous ont rappelé qu'à des fins punitives ça allait à l'encontre des droits des jeunes en centre de détention. Alors, c'est pour ça que je vous posais la question. Parfois, c'était parce que vous n'aviez pas respecté les règles de vie du centre, de l'unité dans laquelle vous étiez?
Mme Houle (Valérie): Oui. Mais, tu sais, quand ils disent qu'on t'envoie à l'isolement, c'est parce que justement, oui, tu peux faire du grabuge, oui, tu peux sacrer, sauf que, de là à te faire mettre à l'isolement... Puis c'est sûr que, rendu à l'isolement, bien là tu vas sacrer, tu veux sortir. Comme je te dis, il fait frette. Ça fait que là ça devient... Même s'il y aurait eu une situation minime qui aurait pu faire que tu pourrais être arrêtée, c'est que ça ne finit plus.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Ce n'était pas pour vous protéger contre vous-même ou pour protéger les gens qui vous entouraient de violence physique ou de choses comme ça, c'était autre chose. C'est bien, parce que ça confirme que les mesures d'isolement, on devra s'assurer d'encadrer pas seulement la salle d'isolement, mais peut-être les chambres qui barrent à clé et toute autre pièce...
Mme Houle (Valérie): Je voudrais rajouter quelque chose là-dessus. Moi, je suis rentrée, j'avais 11 ans, puis... il y a NDL à Laval, puis il y avait Sainte-Do, puis c'est un ancien couvent. Moi, quand je suis rentrée en centre d'accueil, les groupes de bannissement, ils étaient à Sainte-Do, qui est la bâtisse d'à côté. On allait dehors, il y avait des retraités à côté, on n'avait pas de clôture, il n'y avait pas de salle d'isolement, on ne connaissait pas ça. Six mois plus tard, on a été transférés pour des bureaux de travailleurs sociaux qui ont pris, eux, notre emplacement, puis on a été à NDL prendre un étage. Puis, à partir de ce moment-là, on a connu tout ça, toute la gang, puis on ne connaissait pas ça. Puis notre vie a changé à partir de ce jour-là.
Puis je vais te dire que, les six premiers mois que j'ai été en centre d'accueil, j'ai appris beaucoup de choses. Les éducatrices, malheureusement, elles ont quitté toutes graduellement une après une après le transfert, mais on pouvait parler entre nous. Quand il y avait quelque chose, on s'assoyait, tout le monde, on jasait, on prenait le temps de comprendre puis de s'apprécier. Parce qu'il faut que tu connaisses tout le monde, tu sais, il faut que tu vives en commun. Ça fait qu'il y avait des moyens. Il y en a, des moyens, tu sais, puis ce n'est pas les clôtures, puis ce n'est pas la salle d'isolement, parce qu'avant de connaître ça je n'avais pas besoin de ça.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Et vous l'avez connu aussi jeune qu'à l'âge de 11 ans...
Mme Houle (Valérie): À l'âge de 11 ans.
Mme Charest (Rimouski): ...ou c'est venu plus tard?
Mme Houle (Valérie): Je suis rentrée en centre d'accueil à l'âge de 11 ans. Pourquoi...
Mme Charest (Rimouski): Mais, les premières fois... Non, je ne veux pas savoir pourquoi, mais...
Mme Houle (Valérie): Ah! Les premières fois d'isolement, je devais être sur le bord de mes 12 ans.
Mme Charest (Rimouski): 12 ans?
Mme Houle (Valérie): Oui.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Alors, c'est bien, dans le sens que ça me donne une idée. Dans le fond, les salles d'isolement peuvent être utilisées peu importe l'âge du jeune?
Mme Houle (Valérie): Bien, c'est que, moi, regarde, je suis rentrée en 1996, là, ça fait quand même 10 ans de ça, puis ce n'était pas fréquent qu'une fille rentre à 11 ans, là, c'était même très surprenant. À partir de ce moment-là, ils ont commencé à faire entrer des jeunes de plus en plus jeunes puis instaurer une unité justement pour les plus jeunes.
Mme Charest (Rimouski): Je vais m'adresser maintenant à vous, les dames, par rapport aux plans de vie à long terme et aussi par rapport aux délais qui sont inscrits dans la loi. Nous savons en tout cas de par votre mémoire et vos réactions que vous êtes contre ces mesures.
Ce matin, il y avait la fédération des familles monoparentales qui est venue témoigner également, et il me semble que c'est eux qui proposaient que, dans le cadre de l'établissement d'un plan de vie à long terme, que les familles élargies soient informées... Ah non! c'est l'autre association. Enfin, peu importe qui, là, mais il y a quelqu'un qui est venu nous dire... Vous savez, je pense que j'ai lu 75 mémoires en date d'aujourd'hui, alors je ne sais pas si c'est les gens de ce matin ou d'hier qui sont venus nous dire ça, mais il y a quelqu'un qui est venu nous dire: Si on obligeait les centres jeunesse, les DPJ à informer la famille élargie qu'il y a un plan de vie qui se prépare pour l'enfant et que ce plan de vie là peut éventuellement, ce n'est pas automatiquement, mais peut éventuellement se conclure par une adoption... Et, compte tenu qu'on connaît qu'au Québec, au moment où on se parle et au moment où va probablement être adopté le projet de loi n° 125, c'est l'adoption plénière, donc on coupe tout lien avec la famille naturelle, la famille biologique, est-ce que l'avis à la famille élargie, pour que la famille élargie puisse signifier son intérêt à être tuteur, à être famille adoptante, et tout ça... comment vous réagiriez à une mesure de ce type-là? Ah! je me souviens, c'est la fédération des clubs de 50 ans et plus, de ce matin, qui est venue nous dire ça.
Mme de Sève (Francine): Nous, on abonde vraiment dans cette optique-là. C'est d'ailleurs un peu notre demande, que la famille élargie, les grands-parents soient avisés dès l'instant où il y a un signalement, où un signalement est retenu, et encore plus spécifiquement quand il y aura un projet de vie, effectivement. Mais, moi, je vais peut-être un petit plus loin ? je vais vous admettre que je dis «moi», mais je pense que c'est «nous», parce que tu n'en as pas parlé ? moi, je pense que c'est dès qu'il y a un signalement, en ce sens que ça peut éviter... Le temps est tellement précieux. Le temps est précieux pour tout le monde, mais, pour l'enfant, il est vraiment, vraiment incalculable. O.K.? Alors, je pense que, pour éviter aussi, pour l'enfant, de devoir attendre des paquets, si les grands-parents ou la famille élargie est avertie, ou du moins les grands-parents, avertis immédiatement, il se peut que, dès le moment où ils sont avertis, une grosse partie d'entre eux pourraient les prendre tout de suite. Ça éviterait justement d'aller les mettre en famille d'accueil, les ramener aux grands-parents ou de faire encore... Parce qu'un jeune enfant qui est enlevé de chez lui, c'est comme un deuil. C'est une rupture qui est très vive et qui est très cruelle à vivre, c'est très pénible. Et je pense que déjà le fait de vivre des choses qui ont été pénibles pour lui au point qu'on doive l'enlever, bien je pense que c'est un minimum de sécurité à lui donner que d'aller vers des gens qu'il connaît.
Puis, le plan de vie, c'est doublement important, s'il est question d'un plan de vie, que là on vise la famille élargie, parce que le grand-parent, dans certains cas, peut prendre l'enfant à plein temps; dans d'autres cas, il faut être réaliste, ce n'est pas tous les grands-parents, comme on le dit. Cependant, c'est important que le lien se conserve. Alors, si quelqu'un de la famille élargie peut prendre l'enfant et que le grand-parent, bon, dit: O.K., on les prend une couple de jours... Mais que ça reste le noyau de famille quand même pour le sortir le moins possible, l'enfant, de tout ça.
Une voix: Vas-y donc.
Mme Bouchard (Luce): Moi, j'aurais un exemple à donner de grands-parents... d'enfants qui avaient été enlevés en fait... deux enfants qui ont été enlevés d'une mère qui travaillait, puis un conjoint, puis l'enfant n'avait pas déjeuné, mais la mère avait pris soin de mettre un petit lunch parce que cet enfant-là ne déjeunait pas. Alors, l'éducatrice à l'école dit: Bien, pourquoi tu manges? Bien, il dit: Je n'ai pas déjeuné. Alors, qu'est-ce qui s'est passé? La personne a avisé la DPJ, ont ramassé les deux enfants. Puis la DPJ a enlevé les enfants, la mère est arrivée le soir, puis elle a comme eu un choc absolument difficile à gérer. Alors, elle est en dépression.
n(18 h 10)n Alors, les grands-parents, qui voulaient aider la mère, se sont dit: Nous autres, en attendant que tout se règle, on va les prendre, les enfants. Alors, la grand-mère, qui n'avait pas beaucoup d'argent, s'est approchée ? et c'était dans la région de Montréal; s'est approchée ? pour prendre les enfants. Alors, elle a loué une pièce de plus pour prendre la petite fille, puis l'autre grand-mère prenait le petit garçon. Alors, la DPJ est allée là... Elle s'est manifestée à la DPJ, la DPJ a dit: C'est correct, vous avez une belle chambre. Pas dit un mot. La DPJ est allée au tribunal, il y a eu une ordonnance, on a placé l'enfant à long terme. La grand-mère ne le savait pas, elle l'a su trois mois plus tard. Alors, les visites coupées, les grands-parents n'ont pas pu voir les enfants. Alors, les deux grands-mères, j'ai parlé aux deux grands-mères, c'est le même scénario, on me raconte, les deux, la même chose. Alors, je pense que ça, c'est des aberrations, là, qu'il faut soulever. Puis ça, des cas comme ça, nous en avons.
Mme Bouchard (Marie): Justement là-dessus, moi, ça a amené à dire: Depuis 10 ans, à l'Université de Sherbrooke, on enseigne justement l'importance de la référence, et maintenant je me rends compte qu'on a beaucoup trop insisté, sauf à Montréal, où là on n'a pas eu de lien. À Montréal, on n'intervenait pas. Sherbrooke intervenait partout au Québec, sauf à Montréal. Et on a bien insisté sur la référence et, dès qu'il y a un doute... Et les gens de la DPJ notamment sont venus dans nos cours dire: Vous ne devez pas faire d'analyse interne à l'école; quand vous avez un doute sérieux, vous référez. Il n'y a pas d'analyse interne au sein de l'établissement. Mais ça, de mon point de vue, c'est une erreur magistrale, parce qu'il y a des cas qui ont été référés qui n'auraient jamais dû être référés. Et, si j'avais à redonner à nouveau les cours, je les donnerais autrement et je ne suis pas sûre que je permettrais aux intervenants ? même, j'ai des juges du Tribunal de la jeunesse, j'ai divers intervenants ? de dire tout ce qu'ils ont dit, parce que je pense qu'il y a trop de références maintenant. Parce qu'il faudrait qu'il y ait une étude préalable dans l'établissement, et, s'il y a lieu, le jour même, les moments mêmes, s'il y a lieu, on réfère, mais, s'il n'y a pas lieu, on ne réfère pas, alors qu'il y a des références...
Quand on dit: C'est une loi d'exception, je dirais: Dans la pratique, c'est faux, la façon dont ça s'applique maintenant. Et ce n'est pas ça non plus que les gens venaient nous dire lorsqu'ils venaient, de la DPJ, dans les cours qu'on donnait. Donc, ce n'était pas une loi d'exception, et voilà pourquoi ça a touché autant de gens qui n'auraient jamais dû se retrouver à la DPJ.
Mme Charest (Rimouski): J'aimerais savoir, vous recevez beaucoup de gens qui vous racontent ce qu'ils ont vécu, vous nous avez transmis des témoignages de cas, et tout ça, est-ce que vous avez de ces gens qui peuvent vous dire... Mon Dieu! j'ai perdu mon idée. Je vais y revenir. Ah! c'est plate, j'avais une idée, puis là, en touchant le livre, j'ai perdu le fil de mon idée.
Je vais vous parler, à ce moment-là, des Banques-mixtes. Vous savez, les familles d'accueil qui ont des projets d'adoption et pour lesquels un enfant est placé. Parfois, il est en contact avec sa famille naturelle, mais il y a aussi en parallèle le fait que la famille d'accueil a un projet d'adoption. Et ça peut arriver que cet enfant-là soit définitivement placé dans la famille d'accueil, mais adopté par la famille d'accueil. Alors, d'une part, il y a le projet d'adoption qui est tout à fait légitime et que des parents qui ont un projet de ce type-là, on ne peut pas aller à l'encontre d'un désir de ce type-là, puis, par ailleurs, il y a aussi la famille naturelle qui n'est pas prête et qui n'accepte pas de donner son enfant à l'adoption.
Alors, je ne sais pas, est-ce que le fait que les centres jeunesse ont à la fois la responsabilité de protéger les enfants dans des situations de compromission et ont également le mandat de l'adoption, est-ce que... Tout à l'heure, vous disiez que la DPJ avait trop de mandats, elle faisait tout, elle a beaucoup de choses, elle a beaucoup de responsabilités. Est-ce que l'adoption ne devrait pas être traitée ou en tout cas... par une autre instance? Et je ne sais pas comment... Parce que je ne veux pas vous souffler des moyens ou des choses, là, mais je ne sais pas qu'est-ce que vous pensez de ça.
Mme Bouchard (Marie): Il y a beaucoup d'éléments dans ce que vous soulevez. Parce que est-ce qu'on ne pourrait pas dire qu'il n'y a pas de multiples conflits possibles? La famille qui veut adopter l'enfant, est-ce qu'elle n'a pas tout intérêt à discréditer et à faire que soit discréditée la famille, la famille naturelle de l'enfant? Est-ce que les doubles fonctions contradictoires de la DPJ, puis vous en soulevez une ? c'en est une, on en parle, les familles d'accueil, c'est la même chose ? est-ce que ça n'a pas provoqué des trahisons permanentes qui ont amené, hein, une condamnation en bloc de la DPJ, puis sans qu'elle soit responsable, je dirais? On lui donne des mandats qui sont contradictoires, on donne des fonctions contradictoires.
Alors, moi, je n'accuse pas a priori la DPJ, je dis qu'elle est aussi victime du système qu'on a instauré, et c'est au législateur à bien réexaminer. Est-ce que l'adoption ne devrait pas être dans un autre... Là aussi, il y a un problème, comme les services de première ligne. Si on avait de bons services de première ligne autres que spécialisés, comme ceux de la DPJ, qui réfèrent à la DPJ et où la DPJ vraiment s'occupe de son monde, d'après moi on aurait un véritable service, et les gens diraient qu'ils sont servis. Et là vous posez des questions d'après moi fondamentales, là.
Mme Charest (Rimouski): Je reviendrais sur une analogie que vous avez faite tout à l'heure. Vous avez parlé d'enfants de parents séparés et de toute la question du conflit de loyauté. Et, moi, quand je réfléchis sur toute la théorie de l'attachement, qui est à la base de plusieurs articles dans le projet de loi et qui est même un des enjeux de la stabilisation des enfants, je pense aussi à toute la question de cas où les enfants sont en garde partagée. On a vu des reportages là-dessus qui posaient aussi le problème de l'attachement des enfants parce que les enfants sont une semaine chez papa puis une autre semaine chez maman. Ils ne sont pas chez eux, ils sont chez l'un ou chez l'autre, mais ils ne sont pas nécessairement chez eux. Il y a aussi le fait qu'en service de garde les poupons très jeunes sont confiés à des mains expertes qui leur donnent des soins tout à fait adéquats, en service de garde. Et, moi, quand je regarde tout ça, là, tous ces services que la communauté, hein, que l'État offre et supporte aux enfants du Québec et qu'en parallèle on vienne parler de la théorie de l'attachement je me dis: Bien oui, mais, si on l'a pour les enfants de la DPJ, est-ce qu'on ne devrait pas aussi le considérer pour tous les autres enfants qui ont des situations, là, où il y a d'autres intervenants que leurs parents biologiques qui interviennent, et tout ça?
Je ne sais pas si vous me suivez dans ma réflexion, je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez, de cette théorie de l'attachement, et comment vous l'interprétez par rapport aux enfants qui sont éloignés de leurs familles biologiques et même de leurs familles élargies.
Le Président (M. Copeman): Mesdames, nous avons déjà dépassé le temps imparti. Je vais vous permettre, une personne, de livrer vos réflexions là-dessus. Après ça, on va être obligé d'ajourner.
Mme Bouchard (Marie): Bon. Je pense que les théories de l'attachement ? d'ailleurs, vous avez dû remarquer que notre mémoire est beaucoup basé, entre autres, sur cette théorie de l'attachement ? on ne peut qu'être en accord. Je veux dire, les preuves sont faites actuellement que c'est fondamental. Mais attachement aux parents ne veut pas dire absence d'autres intervenants, hein, en autant que la famille demeure le pivot, si la famille demeure vraiment ce pivot qui accueille tous les jours, qui est présent, qui est là pour le dodo, qui est là pour... Alors, ce qui est important, c'est la continuité des soins et une stabilité du lien affectif. Alors, si ça c'est là, tous les autres intervenants, la matante, l'intervenant scolaire, tout ce qu'ils viennent apporter, c'est du plus. Ils viennent apporter de la tendresse, de l'attention, des soins supplémentaires que le parent, lui, n'arriverait pas à donner.
C'est le cas de la grand-maman qui donne un répit à papa et maman qui s'en vont au cinéma, puis elle s'occupe du bébé. C'est sûr que ce n'est pas papa et maman qui bercent, mais je suis persuadée que bébé, il se sent très bien bercé, puis les ondes, il les sentait quand il était dans le ventre de maman puis il les sent encore. Ça passe, il y a un circuit qui passe, et il sait très bien que la personne qui l'a dans ses bras, elle l'aime, elle en prend soin, puis il peut s'y fier.
Le Président (M. Copeman): Là, c'est les parlementaires qui ont besoin un peu de répit. Alors, Mme de Sève, Mme Bouchard, Mme Houle, Mme Bouchard, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association pour le respect des droits des grands-parents du Québec.
Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30 demain matin. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 20)