(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Nous sommes toujours réunis afin de poursuivre la consultation générale et la tenue des audiences publiques dans le cadre du projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, Bill 125, An Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Pas de remplacement. Je vous rappelle, comme je le fais pour le début de chaque séance, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle. Alors, je prierais tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Nous avons une journée chargée, également. Nous allons entendre et échanger avec sept groupes. Nous allons débuter dans quelques instants avec le Comité aviseur sur les mauvais traitements psychologiques, de l'Institut de recherche pour le développement social des jeunes; poursuivre avec l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, autour de 10 h 30; terminer la matinée avec les comités des usagers des centres jeunesse de la Montérégie, de Montréal et de Québec et le Regroupement provincial des comités des usagers. La suspension habituelle autour de 12 h 30, puis poursuivre dans l'après-midi.
Auditions (suite)
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons et souhaitons la bienvenue aux représentantes du Comité aviseur sur les mauvais traitements psychologiques, de l'Institut de recherche pour le développement social des jeunes. Bonjour, mesdames. Je vous rappelle nos façons de fonctionner. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Et, malheureusement, compte tenu du fait qu'on a une journée chargée, je dois être très strict dans l'attribution du temps. Je vais vous aviser quand il vous restera trois minutes, puis après ça je vais presque vous couper la parole. Puis je vais faire pareil pour mes collègues, ce qui est plus difficile, mais je vais l'essayer.
Alors, vous avez 20 minutes pour votre présentation. Par la suite, il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Malheureusement, je n'ai pas beaucoup de moyens de savoir qui est qui ? mais parfois c'est plus facile ? alors peut-être que la porte-parole principale peut s'identifier, puis par la suite présenter vos collaboratrices.
Comité aviseur sur les mauvais
traitements psychologiques, de l'Institut
de recherche pour le développement
social des jeunes (IRDS)
Mme Gagné (Marie-Hélène): Parfait. Oui, alors, bonjour. Je suis Marie-Hélène Gagné. Ça va être moi, la porte-parole, si on veut, pour le groupe. Alors, bon, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. membres de la commission, bonjour, et je vous remercie beaucoup de nous avoir invitées aujourd'hui, d'avoir invité le Comité aviseur sur les mauvais traitements psychologiques de venir vous présenter notre point de vue sur justement la question spécifique des mauvais traitements psychologiques, là, qui fait partie du projet de loi n° 125. Alors, nous sommes ici, aujourd'hui, quatre représentantes de ce comité, donc moi-même, Marie-Hélène Gagné, mais mes collègues: Claire Malo, ici, juste à côté de moi, qui est chercheure à l'IRDS; il y a aussi Nancy Houle et aussi Nicole D'Astous, qui sont de chaque côté et qui sont toutes les deux intervenantes à la DPJ, au Centre jeunesse de Montréal. Donc, on va se partager, là, le temps de parole aujourd'hui.
Donc, pour vous présenter peut-être d'abord qui est ce comité-là et qu'est-ce qu'il fait. Donc, le Comité aviseur sur les mauvais traitements psychologiques, c'est un comité qui a été mis sur pied il y a à peu près six ans et dans le but au départ d'amener des chercheurs et des intervenants à partager, à collaborer dans le cadre d'un projet de transfert de connaissances sur la question des mauvais traitements psychologiques justement, plus précisément. Et, depuis ce temps-là, les membres du comité ont élargi leur mandat dans le cadre de l'IRDS. Ils ont un mandat qui est relié à la recherche, à la formation et au développement des pratiques et ils sont souvent consultés quand il est question de mauvais traitements psychologiques. Au fil du temps puis de ses réalisations, bien le comité justement a développé une expertise qui est, je pense, assez incontournable, là, en rapport avec cette problématique-là, et c'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.
Donc, pour vous mettre en contexte, plus précisément notre position par rapport au projet de loi, nous, on est ici dans le fond pour apporter vraiment un appui, hein, au projet de loi, en ce qui concerne l'inclusion explicite des mauvais traitements psychologiques comme étant un motif de compromission du développement et du bien-être des enfants. Notre intervention va donc être spécifique sur cet aspect-là. Donc, on n'est pas ici vraiment pour discuter de l'ensemble du projet de loi, mais plus précisément de cette question-là parce qu'on trouve qu'il s'agit d'un ajout vraiment important, hein, à la loi, une modification importante. Et je vais d'ailleurs laisser Claire vous expliquer pourquoi nous avons trouvé que c'était justement important d'inclure ça dans la Loi sur la protection de la jeunesse.
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(9 h 40)
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Mme Malo (Claire): En fait ? bonjour ? il y a l'importance et il y a selon nous la nécessité de le faire. Alors, on était très contents déjà que ce soit inclus dans le projet de loi actuel. Il y a en fait quatre motifs principaux qui nous amènent, nous, à appuyer cette idée d'inclusion là, donc d'inclure les mauvais traitements psychologiques comme motif de signalement spécifique. La première raison, c'est d'abord le consensus social qui est là actuellement à travers le Québec. Nous, on le voit dans les... Il y a des recherches actuelles qui démontrent bien que non seulement les gestionnaires et les intervenants qui travaillent auprès des familles ou en protection de l'enfance reconnaissent maintenant cette forme de mauvais traitements là dans leur pratique, mais on sait aussi, dans nos recherches, que les citoyens ordinaires québécois sont capables maintenant d'identifier et ont une représentation de la violence qui inclut les mauvais traitements psychologiques, qu'ils travaillent donc ou pas dans le domaine. Comme toute loi selon nous devrait représenter le consensus social, la LPJ ne fait pas exception à nos yeux.
La deuxième grande raison, c'est la question de l'ampleur. On compte sur des enquêtes auprès de la population en général qui montrent un taux préoccupant de mauvais traitements psychologiques. Dans ces enquêtes-là, on parle surtout d'agression verbale et symbolique. Ces taux-là non seulement sont préoccupants... On avait noté, par Santé Québec, en 1999, quelque chose comme 44 % des enfants qui subissaient ce type d'agression là dans leur famille. Il y a eu une augmentation, en 2004, à 52 %. C'est sûr que ce ne sont pas tous des cas qui auraient une gravité telle pour être sujets à des mesures de protection, mais c'est quand même préoccupant selon nous. Il y a aussi une enquête récente qui a été faite auprès des intervenants des centres jeunesse québécois et qui montre que ces intervenants-là reconnaissent les mauvais traitements psychologiques dans 24 % des situations de signalement retenues. Donc, ça existe, c'est là, et on le reconnaît maintenant socialement.
La troisième raison, c'est la question des effets. On cumule 15 ans de recherches qui montrent des effets spécifiques des mauvais traitements psychologiques sur tous les aspects du développement de l'enfant. Donc, on parle d'effets négatifs au plan moteur même, au plan cognitif, au plan socioaffectif, au plan de l'attachement, chez les jeunes enfants, et aussi beaucoup de liens à faire probablement au niveau des effets, comme l'intolérance à la frustration, les comportements d'agression des enfants, qui seront rattachés plus tard probablement aux troubles de comportement. On a même maintenant certaines études qui indiquent que les mauvais traitements psychologiques pourraient même être de meilleurs prédicteurs des problèmes d'adaptation des enfants que les mauvais traitements physiques.
Enfin, la quatrième raison, qui selon nous n'est pas négligeable, comme chercheurs évidemment, c'est qu'une inclusion comme ça pourrait enfin permettre de continuer la lancée des recherches. Ça permettrait de documenter de façon plus systématique ces situations-là et bien sûr le développement des pratiques qui va avec.
Là-dessus, je retournerais la parole à Marie-Hélène qui va nous parler de la position plus en détail qu'on prend.
Mme Gagné (Marie-Hélène): Merci. Alors, d'abord, quand on a pris connaissance du projet de loi, on a été, comme Claire l'a dit, très contentes de voir qu'il y avait une préoccupation pour inclure les mauvais traitements psychologiques comme un motif de compromission. On a identifié trois grandes forces, là, qu'on voyait dans cette inclusion-là, dans la façon dont elle est présentée dans le projet de loi, et je voudrais les souligner dès le départ.
Donc, la première force qu'on trouve, c'est d'abord la terminologie, hein? Le fait de parler de mauvais traitements psychologiques, ça renvoie vraiment aux formes qui sont les plus graves, hein, de ces situations-là, quand on parle de mauvais traitements. Donc ça, je pense que le terme est bien choisi, parce qu'en protection de la jeunesse on est une loi d'exception. Ce qu'on veut, c'est vraiment prendre en compte les situations les plus graves, hein, où on a vraiment besoin d'intervenir, là, dans les familles d'une façon... pour protéger vraiment les enfants. Donc, cette expression-là, la terminologie était appropriée.
On a apprécié beaucoup aussi la refonte des anciens paragraphes a à e de l'article 38 en paragraphes, maintenant, a, b, c, c étant les mauvais traitements psychologiques. Ça permet de beaucoup mieux différencier ce qu'on entend par abandon, négligence et mauvais traitements psychologiques. Je crois qu'en discutant avec les intervenants souvent ce qu'on se faisait dire, c'est que la question des mauvais traitements psychologiques, quand on en constatait dans des situations familiales où on intervenait puis qu'on voulait que ce soit pris en compte, bien il fallait rentrer ça sous le vocable «négligence» parce que sinon on ne réussissait pas à vraiment bien faire passer nos idées au tribunal. Donc ça, je pense que c'est important de vraiment bien nommer puis de bien différencier ces notions-là.
Et une troisième force aussi qu'on a appréciée beaucoup, c'est l'inclusion de l'article 38.2 qui précise en quoi la décision de l'intervenant devrait se fonder... sur quoi la décision devrait se fonder, hein, pour déterminer le niveau de compromission. Donc, ça a trait à tout ce qu'on doit prendre en considération pour déterminer la gravité ou la sévérité de la situation.
On a quand même trouvé qu'il y avait des petites choses qui pourraient peut-être être améliorées dans la manière dont l'article est formulé, dans la formulation, entre autres, du paragraphe c de l'article 38, qui est justement le paragraphe qui parle des mauvais traitements psychologiques. Donc, il y a quelques petits points que j'aimerais vous souligner. D'abord, la structure conceptuelle, hein, qui est sous-jacente aux mauvais traitements psychologiques n'est pas toujours... n'est pas explicite dans la façon dont c'est rapporté. On sent que ça inclut... on veut inclure des actes, autant des actes qui sont vraiment commis par le parent que des situations qui ont trait davantage à de la négligence des besoins psychologiques de base et aussi des situations qui atteignent l'enfant plus indirectement, mais ce n'est pas vraiment mentionné clairement comme ça, et on pense que ça pourrait être amélioré.
L'expression, aussi, «de façon grave ou continue», pour nous, c'est quelque chose qui pose problème, parce que la gravité est déterminée par plusieurs aspects dont plusieurs se retrouvent aussi dans l'article 38.2. Donc, ça n'aurait probablement pas besoin d'être répété, d'être mentionné là, mais d'être par contre bien défini ailleurs, qu'est-ce qu'on entend par «gravité».
Aussi, un autre point, c'est que parfois la formulation peut être trop spécifique par rapport à certaines manifestations de violence psychologique. Par exemple, tout ce qui suit le «entre autres», quand on dit: «...entre autres si l'enfant est forcé à faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l'exposition à la violence conjugale ou familiale», on s'est demandé pourquoi préciser ces aspects-là et non pas autre chose qui pourrait peut-être être aussi important. Donc ça, c'est une question qu'on avait.
Il n'y a aussi aucune référence à la manière de déterminer qu'est-ce qui est préjudiciable pour l'enfant, qu'est-ce qui est un préjudice pour l'enfant. Comment est-ce qu'on va déterminer ça, hein, si c'est une situation qui cause préjudice à l'enfant ou non? Je pense qu'il y aurait de l'amélioration à apporter là-dessus aussi. Donc ça, c'est les points majeurs qu'on a soulignés.
Dans notre mémoire, on a proposé, en tout cas on a fait une tentative de reformulation, si on veut, du paragraphe c. Je ne vais pas tout peut-être le relire ici, là, parce que vous l'avez, là, écrit dans le mémoire. On pourra en discuter. On pense que cette formulation-là pourrait apporter un certain nombre de correctifs aux problèmes que j'ai mentionnés plus tôt et aussi éviter en même temps que le paragraphe c de l'article 38 devienne une espèce de catégorie fourre-tout où tout peut rentrer de façon indistincte. Donc ça, c'était au niveau des précisions qu'on souhaitait voir apporter au niveau du paragraphe c de l'article 38.
Maintenant, au niveau de l'article 38.2, on pense qu'il y a certaines précisions aussi qui pourraient peut-être être apportées à ce niveau-là. C'est un article qui est crucial, je pense, un ajout qui est crucial dans la loi. Il permet vraiment... Il pourrait être mieux précisé, notamment au niveau du terme «gravité», hein? Qu'est-ce que c'est, la gravité? D'après nous, la façon dont c'est formulé, le terme «gravité» devrait peut-être être remplacé ici par «intensité». Parce que dans le fond la gravité ou la sévérité des mauvais traitements psychologiques, c'est déterminé par plusieurs caractéristiques du comportement parental en cause, donc la nature du comportement, hein: Qu'est-ce que le parent fait, exactement? C'est quoi, les manifestations précises, la fréquence de ce comportement-là? Est-ce que c'est quelque chose qui arrive souvent, donc le nombre d'occurrences sur une période donnée, la chronicité de la situation? Hein, on parlait dans l'article, dans le paragraphe c, «d'une façon continue», alors je pense que cette idée de chronicité-là est importante, la durée dans le temps: combien de temps ça dure? Est-ce que ça a été juste transitionnel dans la vie de l'enfant ou ça a été quelque chose de plus long, qui existe depuis son souvenir, finalement? Et finalement l'intensité, hein, du comportement parental. Donc, l'intensité, quand on parle de ça, on renvoie un peu au potentiel qu'un comportement donné, en lui-même, hein, et en une seule occurrence par exemple, pourrait causer préjudice à l'enfant. Donc, on s'entend pour dire qu'il y a certains comportements qui peuvent être plus intenses que d'autres au niveau de la maltraitance psychologique. Donc ça, c'est un premier point.
Comme il est mentionné aussi dans cet article 38.2, la gravité est aussi déterminée par l'âge de l'enfant. Ça, je pense que c'était très important de le dire. On parle aussi de prendre en compte les caractéristiques personnelles de l'enfant, mais ça, ça nous apparaît un peu laissé dans le vague. De quelles caractéristiques on parle? Qu'est-ce qui va être important, hein, pour l'intervenant à considérer quand il va évaluer une situation? Donc ça, je crois que ça pourrait être mieux précisé.
Et enfin aussi je crois qu'il y a une chose qui n'est pas mentionnée puis qui serait très importante à dire. C'est qu'un des critères de gravité ou de sévérité les plus importants de pas seulement les situations de mauvais traitements psychologiques, mais de toutes les formes de maltraitance, c'est la question de la concomitance, hein, quand il y a plusieurs formes d'abus ou de mauvais traitements qui surviennent ensemble dans les familles. Alors, les enfants qui sont... Ça, il y a des recherches qui ont démontré ça assez clairement, que plus un enfant finalement cumule, plus différentes formes de maltraitance se juxtaposent ensemble, pire c'est pour ces enfants-là, et ça, c'est un critère de gravité important, et je pense qu'il devrait être mentionné explicitement, là, dans l'article 38.2. Donc, c'étaient les points qu'on voulait soulever, en gros.
J'aimerais laisser un peu la parole aux intervenantes qui nous accompagnent pour qu'elles vous disent comment elles, au niveau de la pratique, que ce soit tant à l'évaluation, orientation des situations ou encore à l'application des mesures de protection... quelles seraient les implications, hein, d'inclure finalement les mauvais traitements psychologiques dans une loi de protection.
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(9 h 50)
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Mme D'Astous (Nicole): Alors, bonjour. Mon nom est Nicole D'Astous. Moi, je travaille à l'évaluation des signalements, au Centre jeunesse de Montréal, depuis près de 15 ans. Donc, je suis vraiment, là, à la porte d'entrée, au moment où les signalements se font. Je fais partie du Comité aviseur depuis presque six ans maintenant.
Moi, je viens beaucoup appuyer la notion d'inclure les mauvais traitements psychologiques dans la loi. Et pourquoi? Parce que, dans mon rôle d'évaluateur, je suis souvent la personne qui arrive la première dans la famille suite à un signalement. Donc, c'est sûr que c'est le moment qui est crucial pour regarder l'ensemble des problématiques que peut vivre un enfant et c'est sûr que notre intervention, elle est toujours balisée par les critères que le législateur a mis. Donc, on va regarder quels sont les articles de compromission qui sont prévus dans la loi, et en ce moment, je n'apprends rien à personne, il n'y a pas d'article concernant les mauvais traitements psychologiques de façon spécifique.
Donc, c'est sûr qu'on peut déceler des choses, on peut voir des situations, mais en même temps, comme on ne peut pas les mettre en motif de protection, c'est sûr qu'à ce moment-là on ne peut pas mettre en place des mesures spécifiques à cette réalité-là que vit l'enfant. Or, on sait qu'un enfant qui vit une situation comme celle-là, ce sont des blessures qui s'accumulent avec les jours, les semaines, les mois et les années, et, plus on intervient de façon précoce, plus on peut prévenir une dégradation de situation. Donc, c'est sûr que, pour nous, à l'évaluation, et moi, comme membre du comité aviseur, je me dis qu'il y a une force qui va être là, au niveau des enfants du Québec effectivement, là, en implantant cette mesure-là.
Ça permet aussi aux évaluateurs de déjà, au départ, avoir en tête cette dimension-là. Parce que c'est sûr que, dans toutes nos rencontres avec les parents, avec les enfants, avec les différents acteurs qui sont autour de la situation de l'enfant, comme on a en tête ce motif possible de compromission, c'est sûr que dès le départ on va aller poser des questions à ces différentes personnes là, donc déjà on est à même de récolter des indices. Et encore là ce sont des raisons qui font en sorte qu'on peut, dès le départ de l'intervention, avoir des leviers cliniques et aussi des leviers légaux pour faire avancer les choses.
Maintenant, c'est sûr qu'on en voit déjà, de la maltraitance psychologique, là, dans les situations d'enfants qu'on évalue, c'est absolument certain, mais souvent elles vont être un peu occultées ou camouflées par des problématiques qui de premier abord semblent plus visibles. Je pense aux abus physiques. C'est sûr qu'un enfant qui a une fracture, ça va davantage frapper l'imaginaire de la personne que de penser que ce qu'il vit au niveau psychologique, à ce niveau-là, surtout que c'est le motif d'évaluation en protection de la jeunesse.... La négligence, c'est la même chose. Au niveau des abus sexuels, c'est la même chose. Mais le fait de l'inclure dans la loi va faire en sorte que systématiquement l'attention va être portée à l'enfant, sur cet aspect-là, quand il est vécu en même temps que d'autres formes de maltraitance psychologique.
Et en plus, et ce qui me semble très intéressant dans le projet de loi actuel, c'est que, même s'il n'y a que ce motif-là qui est donné au signalement, l'attention et l'intervention vont pouvoir avoir la même rigueur, la même intensité. Ça ne veut pas dire que l'ensemble des enfants qui ont des mauvais traitements psychologiques dans leur famille vont entrer sous la Loi de la protection de la jeunesse, mais les cas les plus sévères où on ne retrouve que cette dimension-là comme motif de protection, ceux-là, on va pouvoir aider ces enfants-là, mettre en place des mesures de protection, ce qu'on ne pouvait pas faire, là, avec autant d'efficacité, là. En tout cas, en ce moment, on ne peut pas le faire autant. Alors, voilà pour...
Le Président (M. Copeman): Mesdames, il vous reste deux minutes et demie.
Mme D'Astous (Nicole): C'est parfait, il nous reste une intervenante, alors je cède la parole à Mme Houle.
Le Président (M. Copeman): Oui. Mais je vais vous dire, là, deux minutes et demie, ça passe très vite, hein?
Mme Houle (Nancy): Oui. Alors, bonjour. Je suis Nancy Houle, intervenante en centre jeunesse depuis 13 ans. Écoutez, brièvement, dans le fond, ce que ça peut aider, à la prise en charge, donc à l'application des mesures, c'est, quand les motifs de compromission sont bien ciblés, ça permet une intervention qui est beaucoup plus, elle aussi, ciblée, des mesures de protection plus adaptées. Ça nous permet de focusser l'intervention directement quand vient le temps de faire la rédaction du plan d'intervention avec le parent, avec le jeune. Je pense qu'on est capable de nommer les choses plus clairement avec la famille puis de s'enligner, tout le monde ensemble, sur les mêmes objectifs de travail.
Rapidement aussi, bien le fait d'identifier les mauvais traitements psychologiques comme motif de compromission, bien ça permet d'offrir des services aussi qui vont être plus spécifiques à l'enfant, à l'adolescent et à sa famille. Ça fait que ça, je pense que c'est quelque chose qui... c'est un gain important.
Et, pour terminer ? on va terminer comme ça ? dans les faits, je pense que l'ajout de cet alinéa-là dans la loi, ça envoie un message clair autant aux parents qu'aux enfants, bien, que les mauvais traitements psychologiques, c'est inacceptable dans notre société. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci. Les parlementaires apprécient beaucoup votre discipline, mesdames. Alors, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Mesdames, bon matin. Merci d'être ici ce matin et de nous éclairer sur un sujet en particulier qui est quand même très important et qui est celui évidemment des mauvais traitements psychologiques. C'est vrai que, dans la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse, il était important de passer à une... Il y a eu une réflexion évidemment sur la définition des motifs d'intervention, et l'introduction des motifs touchant tous les mauvais traitements psychologiques a fait aussi l'objet d'une très grande réflexion et d'une bonne consultation aussi, puis on en a la preuve ce matin. Vous représentez quand même à la fois ce milieu-là, mais aussi l'une d'entre vous est à l'évaluation, l'autre est dans un centre jeunesse et fait de la recherche sur ce sujet-là.
J'apprécie les commentaires et l'éclairage que vous apportez à cette commission. Certains nous ont laissé entendre que... ou vont le faire, là, que le fait d'avoir été beaucoup plus spécifiques et d'avoir évidemment consacré un alinéa aux mauvais traitements psychologiques pourrait entraîner une hausse des signalements. Évidemment, vous n'avez pas de boule de cristal, c'est clair que vous pouvez me répondre ça aussi, mais est-ce que pour vous c'est un élément qui peut justifier ce commentaire ou cette crainte ou bien est-ce que finalement ça ne va pas plutôt vous aider dans votre tâche et aider aussi ceux qui ont à évaluer ces signalements-là, de mieux comprendre finalement ces enfants-là, ce qu'ils vivent, et tout ça?
Mme Gagné (Marie-Hélène): Je peux peut-être commencer à répondre, puis les autres compléteront. Je pense que la question... Effectivement, je comprends la crainte qu'il peut y avoir à ce qu'il y ait une augmentation des signalements. Parce que souvent c'est relié, hein, à une question de ressources, cette situation-là, donc je comprends les gens d'avoir cette préoccupation-là.
Pour différentes raisons ? on n'a pas de boule de cristal, comme vous dites, mais ? on n'a pas l'impression que ça va augmenter tant que ça le nombre de signalements, pour la bonne raison que souvent, dans les situations graves qui sont prises en compte par la protection de la jeunesse, peu importe le motif de signalement, ces situations-là vont arriver en concomitance, ensemble, donc souvent des situations qui de toute façon auraient déjà été signalées... bon, l'auraient été, signalées, déjà. Sauf que, là, ce que ça va permettre, d'inclure ça dans la loi, c'est de vraiment prendre en compte, comme les intervenantes le disaient, spécifiquement cette situation-là et de pouvoir en tenir compte au niveau de l'évaluation et dans l'intervention, ce qu'il n'était pas nécessairement toujours possible de faire maintenant. Ça pourrait amener une certaine recrudescence de signalements au niveau de cas très graves de mauvais traitements psychologiques, où il n'y aurait, par exemple, pas d'autres formes de mauvais traitements qui sont présentes, mais d'une certaine façon, nous, ce qu'on considère, c'est que c'est souhaitable, dans le sens que ces enfants-là ont vraiment des besoins d'être protégés. Donc, c'est un ajout qui se justifie, là, au niveau, tu sais, vraiment des besoins, des situations très difficiles que vivent ces enfants-là.
Par ailleurs, on pourrait peut-être penser que le fait de se préoccuper de ça, les mauvais traitements psychologiques, ça pourrait peut-être amener des jeunes à être signalés plus tôt, des jeunes qui seraient signalés plus tard, au niveau de problèmes de comportement à l'adolescence par exemple, hein, parce qu'on n'a pas su détecter plus tôt des situation familiales difficiles qu'ils vivaient et qu'on n'a pas pu intervenir là-dessus. Ils vont nous arriver pareil à un moment donné dans le système, là, donc ce n'est pas nécessairement économique de ne pas en tenir compte plus tôt. Je pense que c'est dans la ligne un peu de favoriser une intervention précoce auprès de ces enfants-là pour peut-être essayer d'éviter des situations qui se détériorent et qui de toute façon finissent par arriver dans le système quand même. Donc, dans ce sens-là, je pense que, moi, la question de l'augmentation du nombre de signalements ne m'inquiète pas vraiment. Je ne sais pas s'il y a, parmi mes collègues, des gens qui veulent compléter?
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(10 heures)
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Mme Malo (Claire): Tout ce que j'ajouterais, c'est qu'il y a effectivement de plus en plus d'études qui commencent à faire des liens entre la violence subie, notamment la violence psychologique, et les troubles de comportement ultérieurs, et aussi la question du message clair envoyé à la population à l'effet qu'il s'agit de violence. Et ça, je pense que ça peut avoir un effet préventif beaucoup. Il y a des comportements qui ne sont pas beaux, et ce n'est pas ceux-là pour lesquels nécessairement on veut une protection de l'État. Mais, avant que ces comportements-là ne deviennent plus sévères, je pense que c'est important de dire qu'il s'agit à nos yeux de comportements violents.
Mme Delisle: Nous allons prendre en compte la proposition de reformulation. Je ne vous dis pas qu'on va aller avec tout ça, mais j'apprécie évidemment les commentaires que vous nous apportez ce matin, puis on verra, là, si c'est possible d'être plus spécifique. Parce qu'en fait, en prenant chacun des paragraphes, des alinéas que vous nous suggérez, ce que je constate, c'est qu'on est un petit peu plus spécifique finalement par rapport à ce qu'on avait introduit à l'origine dans la loi n° 125.
Moi, j'ai une interrogation par rapport à notre capacité comme société de détecter, comme citoyens et citoyennes, comme voisins, voisines, comme amis, à détecter ce qu'est vraiment un mauvais traitement psychologique. Parce qu'évidemment je n'ai pas votre expertise et certainement pas celle de votre éminent collègue en face de moi, là, mais il me semble que c'est...
Une voix: ...
Mme Delisle: Non, non, l'éminent collègue, là, notre collègue de Vachon. C'est dit avec beaucoup d'amitié, là, et de respect, ce n'est pas dit autrement qu'avec ça. Mais il me semble que c'est peut-être le point le plus difficile à cerner, parce que, de la violence physique, vous l'avez dit tout à l'heure, c'est quelque chose qu'on voit, hein, mais la violence verbale, mauvais traitements psychologiques... Parce que ça passe par la violence verbale, la mauvaise... évidemment les jeunes qui sont incapables de développer une estime de soi, pour leur permettre de se développer sainement. Alors, le préambule se veut une question aussi. Comment on fait? Quels sont les outils qu'on pourrait donner à la population, aux éducateurs, aux éducatrices dans les centres de la petite enfance, dans nos écoles? La population a carrément besoin aussi d'être sensibilisée à certains éléments qui pourraient les allumer puis leur dire: Bien, peut-être que je devrais faire un signalement. C'est toujours difficile de le faire quand c'est ta soeur, quand c'est une voisine, une amie, mais à quelque part on a une responsabilité, comme citoyens et citoyennes, d'abord de le faire.
Puis, ce projet de loi là à mon avis, ce n'est pas juste le projet de loi du gouvernement actuel, c'est le projet de loi de tout le monde, là. On ne retouchera pas à ce débat-là pour plusieurs années, alors c'est important de le faire comme il faut, puis de se donner les bons outils, puis aussi de se sentir interpellés par ces enfants qui se retrouvent bien malgré eux avec des situations où ils sont meurtris, blessés, s'en sortiront pour certains, pas du tout pour d'autres, oui, si on est capables de détecter finalement et d'évaluer en bas âge de quoi ils souffrent puis quels sont les outils qu'on peut mettre à la disposition à la fois des familles et des enfants. Alors, d'après vous, est-ce que vous pourriez nous éclairer un petit peu sur comment on peut, nous, mieux identifier ces difficultés-là?
Mme Malo (Claire): Bien, ça me fait plaisir que vous posiez la question, parce qu'on a justement développé un outil, dans le comité notamment, un outil de soutien à l'évaluation des mauvais traitements psychologiques. C'est un outil qu'on a déjà commencé à diffuser. On a évalué sa pertinence d'abord, tant pour des intervenants, dans les charges de cas des intervenants, de la prise en charge, centres jeunesse, de l'évaluation-orientation, et aussi en CLSC. Pour des raisons différentes, cet outil-là ne permet probablement pas de vraiment tracer la ligne claire entre ce qui est de l'ordre de la maltraitance et ce qui est de l'ordre simplement de la violence, donc de l'abus ou pas, mais certainement qui soutient les intervenants actuellement dans l'identification des cas les plus extrêmes. Donc, il y a ça. Il y a aussi différents outils maintenant qui ont été... des petits vidéos. De plus en plus, on en parle.
Et j'aurais le goût de vous rappeler par ailleurs que le problème réel à l'heure actuelle, ce n'est pas l'identification des mauvais traitements psychologiques ? les intervenants savent très bien les identifier ? c'est qu'ils n'ont pas les balises, ils n'ont pas ce qui en arrière soutient leur identification. Dans les études, généralement les gens s'entendent ? qu'ils soient citoyens, qu'ils soient intervenants en protection ou auprès des familles, les gestionnaires également; s'entendent ? pour dire: Oui, cette situation-là, c'est de la maltraitance psychologique, et celle-là, bien c'est plus de l'ordre des comportements pas beaux, comme j'appelle. Donc, ce qu'on a besoin, c'est beaucoup plus un appui à ce que les intervenants sont déjà capables de faire, et il y a déjà des outils. En tout cas, il y en a un qu'on a développé, au Québec, qui va dans ce sens-là.
Mme Gagné (Marie-Hélène): Je vais peut-être compléter un peu en disant que j'ai moi-même eu l'opportunité souvent de parler avec des gens de la population, que ce soient des parents, des intervenants, et en général, quand on pose aux gens la question: Qu'est-ce que c'est, pour vous, de la violence psychologique ou des mauvais traitements psychologiques?, tout le monde est capable d'en parler. C'est rare, les gens qui nous disent: Ah! puis qui n'ont aucune idée d'à quoi ça réfère. Probablement que, si je vous posais la question, vous seriez tous capables de me répondre, tu sais, quelque chose là-dessus puis vous auriez peut-être des exemples même de choses dont vous avez été témoins qui vous reviennent à l'esprit. Je ne vous le demanderai pas, inquiétez-vous pas, mais c'est sûr que c'est présent.
Je pense qu'au niveau de l'intervention, comme Claire dit, on a déjà des outils. Au niveau de la population en général, c'est sûr qu'il va y avoir de la sensibilisation à faire ne serait-ce que pour valider les gens dans leur compréhension de ça, hein, de ce que c'est, la violence psychologique, puis dans le fond de les valider, de leur dire qu'ils ont raison de trouver que c'est effectivement violent puis qu'il y a un problème là.
Mme Delisle: Si vous permettez, entre ce que vous venez de dire et le pas à franchir qui est de dire: Je signale, ça, ce n'est pas évident.
Une voix: Non.
Mme Delisle: Puis, hier, il y a un groupe qui est venu nous parler au nom des familles. Il y avait des grands-parents qui étaient représentés, et tout ça, et il y a... M. Turcotte nous disait que... semblait trouver qu'il y avait des signalements qui étaient acceptés trop rapidement. On n'a pas fait de distinction entre les mauvais traitements, psychologiques ou autres, c'était plus «at large», mais, moi, je ramène ça sur ce plancher-là, celui des mauvais traitements psychologiques, et il y a peut-être des gens qui hésiteraient à signaler dans ce cas-là parce que la ligne est peut-être trop fine, la définition n'est pas si évidente. Elle l'est pour vous, elle l'est pour ceux qui sont dans le milieu de la protection de l'enfance puis de la maltraitance, mais elle n'est peut-être pas si évidente dans une société où la violence verbale, malheureusement, là... On n'a qu'à regarder les films qu'il y a à la télévision, les émissions de télé... On ne peut pas blâmer tout le monde, mais il y a quand même... Si vous jugez, vous nous dites qu'il y a une hausse de la prévalence des situations de mauvais traitements psychologiques, c'est dû à quelque chose aussi, là. Je veux dire, il y a un phénomène qui s'est installé depuis une vingtaine d'années où, je veux dire, il n'y en a plus, de balises, là. Je veux dire, on peut dire n'importe quoi sur n'importe qui quand ça nous tente. Alors, ça se reflète sûrement dans les familles.
Mme Malo (Claire): Je pense que vous avez raison sur cette difficulté-là, de base, du citoyen, et là on parle du citoyen non formé, par exemple, à reconnaître les formes de maltraitance, mais c'est vrai également pour la maltraitance physique. Il y a combien de citoyens qui, quand ils voient un parent donner une claque sur les fesses, se demandent: Est-ce que je dois signaler? C'est de la violence physique. Le citoyen, quand il signale, il n'attend pas qu'il y ait un bras cassé nécessairement, il va signaler avant. Ce n'est pas lui qui est sur la première ligne quand le bras est cassé. Ça, c'est le médecin. Le citoyen se pose les mêmes questions pour les abus sexuels, également. À partir de quand je dois signaler? Est-ce que le fait de photographier son enfant tout nu, est-ce que ça commence à être de l'abus sexuel? On le sait, là, il y a couramment des histoires dans les journaux.
Alors, oui, ça prend de la sensibilisation, au même titre pour les mauvais traitements psychologiques comme pour les autres formes d'abus. Et c'est clair cependant que, les formes les plus graves, on s'entend. Une menace de mort envers un enfant avec un objet armé dans la main, tout citoyen actuellement est capable de savoir que ça devrait être signalé.
Le Président (M. Copeman): M. le député d'Arthabaska, suivi par M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.
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(10 h 10)
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M. Bachand: Merci, M. le Président. Donc, bonjour, mesdames. Je vais vous interpeller plus précisément, Mme D'Astous, parce que vous dites que vous êtes une intervenante sur le signalement, et ça, c'est fort intéressant, parce qu'on a rencontré les directeurs de la DPJ hier. Mais je veux revenir très rapidement sur... Vous avez parlé rapidement des citoyens qui sont non formés, la capacité de signaler ? et, vous, vous êtes à Montréal ? mais on n'a pas parlé du niveau de tolérance de la population, hein? Parce que, moi, je peux vous dire que le niveau de tolérance à Saint-Norbert-d'Arthabaska, là, n'est pas le même que dans les quartiers, à Montréal, où il y a des gangs de rue.
Donc, si, moi, je suis appelé, comme enfant, à voir la violence à tous les jours, puis si je la vois une fois de temps à autre, mon niveau de tolérance n'est pas le même, mon niveau d'acceptabilité non plus. Chez nous, ça va, il n'y en a pas, de violence. Non, il y en a, comme partout ailleurs. Mais ce que... Vous comprenez bien le principe? Donc, c'est difficile pour le citoyen de signaler, et ça dépend à quel niveau. Donc, si, moi, je suis directeur de la DPJ ou intervenant à la DPJ, il faut que j'en tienne compte, de ce niveau-là. Est-ce que vous en tenez compte, vous, ou vous faites l'évaluation sur une base? Et là mes questions vont être sur, un, le signalement; deux, je veux vous parler de l'évaluation et de votre intervention. Donc, dans ce contexte-là, quand vous recevez un signalement chez vous, dites-moi donc comment ça marche puis c'est...
Mme D'Astous (Nicole): Vous voulez savoir comment ça fonctionne quand le citoyen téléphone?
M. Bachand: Oui, j'aimerais ça savoir comment ça marche. Oui. Il téléphone chez vous, puis il y a un signalement. Puis partez, là, d'une situation simple, là: J'ai vu ? par exemple ? la madame d'à côté traiter son enfant de pas gentil puis de pas fin... Jusqu'à la situation où elle est arrivée avec un fusil, comme vous disiez, là, puis...
Mme D'Astous (Nicole): Alors, si on fait un peu un rappel du processus... Habituellement, un citoyen qui est inquiet pour soit le développement de l'enfant ou encore pour sa sécurité physique, ce qu'il va faire, c'est qu'il va communiquer avec un service qu'on appelle de réception des signalements ? où je ne travaille pas ? et c'est un service où les intervenants sont formés à voir certains critères avant de décider de la rétention d'un signalement ou pas. Parce que ce n'est pas tous les appels qui sont retenus et que l'État va en autorité évaluer la situation d'un enfant dans son milieu.
Donc, à partir de ce moment-là, il y a déjà comme un déblayage qui se fait. Le citoyen est inquiet quand il appelle, parfois les motifs sont très sérieux, puis, à ce moment-là, très rapidement ça va être transféré à un évaluateur, donc le travail que je fais. Dans d'autres situations où le citoyen appelle, il n'y aura pas de rétention de signalement. Mais par contre il peut y avoir une intervention auprès du parent qui va se faire par l'intervenant justement de la réception et traitement des signalements ou pour discuter de la situation, peut-être référer vers un service de première ligne aussi. Il y a un travail qui se fait, là, à partir de l'alerte d'un citoyen qui se fait. Maintenant, quand le signalement est retenu, il est envoyé, à ce moment-là, dans une équipe d'évaluation.
M. Bachand: Ça peut prendre combien de temps à peu près?
Mme D'Astous (Nicole): La première étape?
M. Bachand: À partir du téléphone jusqu'au moment où vous décidez d'intervenir.
Mme D'Astous (Nicole): Ça dépend de l'urgence de la situation. Ça dépend. C'est codifié 1, 2, 3. Le code 1, ce qu'on appelle, nous, l'urgence immédiate, c'est dans la journée même, là, que l'intervenant va aller voir, parce que souvent il y a des mesures de protection immédiates à prendre. Il y a des situations où on va plus les mettre ce qu'on appelle code 2, donc dans les 24 heures, et le code 3, ça va prendre comme deux, trois jours. C'est vraiment selon ce qui nous est rapporté, là, que le code de priorité va être fait.
M. Bachand: Ce n'est pas selon la disponibilité du personnel?
Mme D'Astous (Nicole): Non. Non, le service est organisé en fonction de pouvoir répondre à ces situations-là. Et, nous, on arrive dans le travail à ce moment-là. On doit rencontrer l'enfant, on doit rencontrer les parents. Ça peut être les professionnels au niveau de l'école, les professionnels qui sont déjà impliqués. Et ce qu'on a à déterminer, c'est: est-ce qu'on a des preuves que cet enfant-là vit effectivement une situation très grave comme elle nous est mentionnée? Et, si oui, bien à ce moment-là on doit décider si à notre avis il y a une situation de compromission. Et c'est à partir de là qu'on peut mettre des mesures de protection en place.
M. Bachand: Donc, là, vous êtes à l'étape de l'évaluation. Donc, vous avez tout un groupe de professionnels avec vous pour établir, là, un diagnostic sur... et là vous allez intervenir.
Mme D'Astous (Nicole): Ce n'est pas tout à fait ça.
M. Bachand: O.K. Allez-y. C'est parce qu'il nous reste deux minutes.
Mme D'Astous (Nicole): Il n'y a pas de groupe de professionnels autour de moi. C'est moi qui vais aller évaluer la situation, en tenant compte évidemment des faits qui me sont signalés, mais on ouvre les yeux, on regarde. Et c'est pour ça que, la maltraitance psychologique, on en voit déjà, mais on n'a pas de levier pour vraiment, là, mettre des mesures de protection en place spécifiquement à cet aspect-là. Parce que c'est sûr qu'on va mettre des mesures de protection en place pour un enfant qui est abusé, par exemple, physiquement. On le sait qu'à l'intérieur de ça l'enfant peut recevoir des mauvais traitements psychologiques, mais les mesures qu'on met en place, ce sont celles qui sont balisées par la loi, donc doivent être en lien avec les motifs de compromission. Si la maltraitance psychologique existe dans la situation de cet enfant-là, qu'on peut la documenter et voir l'impact sur cet enfant-là, on ajoute, dans les mesures qu'on va mettre déjà, par exemple, par rapport à l'abus physique, des mesures spécifiques pour le protéger au plan psychologique. Donc, c'est à ce niveau-là que c'est très intéressant comme levier, là, l'ajout à la loi.
M. Bachand: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Il faudrait que ce soit vraiment un échange très succinct, M. le député. Allez-y, si vous voulez.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Ça va être très rapide. Ça va dans la poursuite de vos propos un peu en termes de signalement. Vous avez clairement indiqué que des fois les abus, les mauvais traitements psychologiques peuvent être concomitants à des traitements physiques ou autres. Puis ma question est simple: En termes de signalement, à quel âge, par exemple, qu'on peut arriver puis dire qu'un traitement psychologique va avoir des effets sur le comportement, si on prend, par exemple, un enfant de moins de un an, etc.? Puis, la question pourquoi je demande ça, c'est que quelqu'un peut arriver puis il va dire: Regarde, tel enfant subit des maltraitements psychologiques, puis la personne va dire: Bien non, à cet âge-là, il n'y aura pas de séquelles. Comprenez-vous? À ce moment-là, selon les études, à partir de quand est-ce qu'un traitement psychologique pourra être rapporté, pour dire, avoir un effet?
Mme Gagné (Marie-Hélène): Bien, je pense qu'il n'y a pas d'âge, en fait. Il n'y a pas d'âge où il n'y a pas de risque de séquelles. Mais ce qu'on remarque, c'est que souvent les très jeunes enfants, les tout-petits, vont être affectés surtout par la négligence de leurs besoins affectifs, hein? Le fait de vivre avec un parent indifférent, qui ne s'occupe pas vraiment.... qui ne donne pas beaucoup d'attention, pas beaucoup d'affection, qui n'est pas investi dans la relation avec son enfant, alors là, on va souvent voir arriver des problèmes au niveau de la relation d'attachement, et c'est des enfants qui peuvent devenir insécures ou qui peuvent devenir fuyants, évitants avec les personnes. Donc, ça peut créer des situations comme ça dès tout-petit, là, dès très jeune.
En général, quand on parle de mauvais traitements plus au niveau de la violence, donc des actes commis de dénigrement, de menaces, et tout ça, les enfants qui vont être le plus affectés sont ceux qui sont à même de comprendre les messages. C'est souvent des messages verbaux, hein? C'est sûr qu'il peut y avoir aussi des messages physiques, comme donner un coup de poing sur la table ou crier très fort. Ça peut terroriser, ça, même un jeune bébé. Mais, les messages verbaux, c'est sûr que c'est plus à partir de deux ans et demi, trois ans, là, que ça commence à avoir un impact plus grand. Et là on va commencer à voir, là, dès cet âge-là, dans les services de garde, dans les écoles, des enfants qui ont des problèmes de comportement, intériorisés ou extériorisés, importants, là. Donc, à tous les âges, il y a des conséquences, là.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Gagné. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Je trouve que votre intervention ainsi que votre mémoire est très intéressant à plusieurs points de vue. Je reviendrais, à la page 3, sur le fait que vous dites que, les mauvais traitements psychologiques, vous constatez une recrudescence, une augmentation dans la... chez les parents. Vous attribuez ça aux conditions de vie des parents, entre autres. J'aimerais que vous me disiez, dans les cas surtout des personnes qui oeuvrent déjà en centre jeunesse et qui ont à évaluer ces cas de maltraitance psychologique: Est-ce que ces parents sont de tous milieux socioéconomiques, de tous milieux économiques ou s'ils sont surtout en provenance des milieux défavorisés, très défavorisés, et...
Mme Gagné (Marie-Hélène): Je vais commencer à répondre, peut-être après laisser la parole aux intervenantes qui, elles, justement les voient, les situations. Mais, si on regarde au niveau des données, n'importe quel enfant peut vivre ce genre de situation là, O.K.? Ça transcende les classes sociales, si on veut. Sauf que la pauvreté, c'est un facteur de risque pour plusieurs formes de mauvais traitement, à cause justement du stress important que ça met sur les parents, à cause des conditions dans lesquelles ça les amène à vivre, et les enfants souvent se retrouvent un peu à être les boucs émissaires de ces situations-là. Ça, on le sait, c'est très bien documenté.
Donc, oui, il y a un risque accru. C'est un facteur de risque, là, les situations de pauvreté que les familles vivent, pour toutes les formes de mauvais traitement, y compris... C'est très vrai surtout pour la négligence, hein? Ça a été démontré beaucoup pour la question de la négligence. Tellement que des fois on se demande si négligence et pauvreté, ce n'est pas des synonymes. Mais... Pour les mauvais traitements psychologiques, c'est un facteur de risque qui joue également, mais ce n'est pas uniquement... Ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on est plus violent, là, ce n'est pas ça, l'interprétation. Mais c'est la situation de vie qui est extrêmement difficile et qui amène un paquet d'autres problèmes, incluant les situations de maltraitance.
Mme Malo (Claire): Je veux juste rajouter que, selon les études, il y a une concomitance aussi entre la pauvreté, la toxicomanie des parents, même très souvent les problèmes de dépression, santé mentale, donc c'est sûr que c'est comme une combinaison... Quand on rentre dans une famille pauvre, on a, là, une combinaison propice à l'émergence des mauvais traitements, qu'ils soient psychologiques ou pas. Mesdames.
Mme Houle (Nancy): Bien, c'est ça, on ne peut pas faire l'équation automatique que parce que l'enfant est d'un milieu défavorisé il va nécessairement... On en voit dans des milieux plus aisés aussi, là. Il ne faut pas faire l'équation trop rapide...
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(10 h 20)
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Mme Charest (Rimouski): Oui, parce que la violence n'est pas l'apanage de seulement les personnes défavorisées. La violence peut exister dans tous les milieux, et la maltraitance psychologique également.
Mme Houle (Nancy): Tout à fait.
Mme Charest (Rimouski): Mais, moi, quand je vous pose ces questions-là, c'est parce que j'ai la préoccupation de ne pas marginaliser encore plus les personnes défavorisées, compte tenu qu'ils peuvent rencontrer des problèmes majeurs dus à leur situation financière ou autre, et c'est pour ça que, quand... Oui, la maltraitance psychologique, c'est tolérance zéro, parce que, ça, on le dit pour la violence conjugale, la violence faite aux femmes, aux enfants, à toute personne, de toute façon. Et on est tous d'accord pour que la maltraitance psychologique soit reconnue de façon formelle. Mais à quelque part il ne faut pas qu'il y ait des effets pervers à cette reconnaissance, et c'est dans ce sens-là que je vous posais la question, par rapport à toute personne qui, dans le cadre des services que vous offrez, pourrait être doublement marginalisée, socialement, compte tenu de la pauvreté et de ce que ça peut avoir comme conséquences sur leurs normes de vie, là, leurs normes... ? comment je dirais? ? les normes qu'eux ont comme style de vie, et tout ça.
Mais, ceci étant dit, je voudrais quand même revenir sur un autre élément de votre mémoire qui m'apparaît intéressant. C'est aussi de considérer pas seulement la gravité, mais l'intensité. Je pense que vous touchez là un point majeur et que, dans le domaine de la maltraitance, ça m'apparaît fondamental, et ça, je pense que c'est un plus, là, que vous nous apportez, à nous, les membres de la commission.
À la page 6 de votre mémoire, vous parlez des enfants qui subissent des préjudices «sur les plans affectif, cognitif ou social» et vous parlez aussi, à la dernière ligne de ce premier paragraphe, que ces comportements «se traduisent [...] par des verbalisations, des attitudes ou des gestes humiliants[...]. Ils sont jugés [aussi] sur la base conjointe des normes sociales en vigueur et de l'expertise professionnelle.» Vous savez, moi, j'ai été sollicitée par plein de groupes, là, qui sont préoccupés par ce projet de loi, par aussi l'application de la Loi de la protection de la jeunesse, et on m'a rappelé à plusieurs reprises que certaines communautés culturelles, certaines communautés visibles sont surreprésentées à l'intérieur des services de la protection de la jeunesse. Bon, écoutez, je ne dis pas, là, qu'il y a un problème, ou une erreur, ou quoi que ce soit, mais on fait un constat. Est-ce que, quand on juge sur la base de normes sociales, on juge à partir de valeurs, de valeurs véhiculées soit par un système, une société, une communauté, etc.? Comment on peut concilier ça avec des différences qui peuvent exister dans une société comme la nôtre où coexistent des différences culturelles, des perceptions ou des appréciations de ce qu'est la cellule familiale? Bon. Et, quand je dis ça, là, ce n'est pas parce que je tolérerais ou que j'admettrais qu'on violente d'une manière ou d'une autre, que ce soit physique ou psychologique, un enfant, un adulte ou qui que ce soit. Mais comment on concilie tout ça surtout dans la pratique? Je sais que c'est un...
Une voix: Les chercheurs sont contents, ils vont refiler le pot aux intervenants.
Mme Charest (Rimouski): Je sais que ce n'est pas évident, là, puis je ne veux pas vous piéger quand je pose la question. C'est que j'essaie de comprendre comment on peut y arriver.
Mme D'Astous (Nicole): Bien, c'est une dimension qui est réfléchie même dans d'autres situations de maltraitance, pas juste dans les mauvais traitements psychologiques. Et, moi, je pense qu'à l'intérieur de ça, quand les gens ont des valeurs différentes ou des cultures différentes, on n'a pas à les juger. Par contre, on a à essayer de les comprendre davantage pour voir dans quelle dynamique familiale on a affaire. Mais il est clair aussi, en tout cas pour moi, que les normes qu'on va décider comme collectivité québécoise, elles doivent être respectées par l'ensemble de la population.
Là où ça va changer peut-être certaines choses, ça va être plus dans notre approche clinique vis-à-vis des personnes qui ont des valeurs ou des cultures différentes. Je vais juste vous donner une comparaison. Je rencontrais une personne, il n'y a pas tellement longtemps, qui me disait: Moi, dans mon pays, je pourrais, devant le professeur, casser le bras de mon enfant, et personne n'interviendrait, O.K.? C'est un extrême, je suis d'accord, mais en même temps ça nous démontre un peu la diversité dans laquelle on travaille et l'importance aussi d'avoir des messages clairs de ce qui est tolérable, de ce qui n'est pas tolérable et des choix de société qu'on fait.
À partir de là, il y a tout le défi clinique qui rentre, parce que, ces familles-là, il faut faire attention aussi comment on va les approcher. Mais c'est sûr que notre finalité, ça va toujours être de mettre fin à cette situation-là que vit l'enfant et d'éviter que ça revienne. Et, oui, pour ça, il va falloir aller peut-être dans des champs qui sont plus personnels, au niveau des personnes, mais c'est au coeur de ça qu'on va trouver peut-être des facteurs de changement pour l'amélioration des conditions de vie de l'enfant. Il faut en tenir compte, mais ça doit être une situation où malgré tout on applique, je pense, les choix qu'on fait comme société. Mais c'est vraiment dans le traitement de la situation qu'on va nuancer, mais tout en gardant le cap de mettre fin à cette situation de compromission là, si elle existe.
Mme Charest (Rimouski): Bien, je trouve que c'est très éclairant, ce que vous nous amenez comme témoignage. Je l'apprécie. J'aimerais aussi, dans un autre ordre d'idées... À la page 7 de votre mémoire, vous parlez de la violence conjugale, hein? La violence conjugale est reconnue comme tolérance zéro au Québec, est un objet aussi de compromission pour des enfants qui vivent de la violence conjugale. Par contre, vous soulignez le fait qu'il faut demeurer «conscient du risque de stigmatiser ? voyons, je ne suis pas capable de le dire ? les parents qui vivent des situations difficiles: ce n'est pas parce qu'on est aux prises avec un problème de violence conjugale» qu'on n'a pas d'habileté parentale. Et ça, je suis heureuse de vous l'entendre dire, parce que je me posais toujours la question: Une femme qui a un problème de violence conjugale, si elle veut signaler cette situation-là, est-ce qu'elle n'aura pas le réflexe de ne pas la signaler parce qu'elle va avoir peur de perdre son enfant, compte tenu que l'enfant, veux veux pas, il vit dans une famille où la violence conjugale existe? Comment vous gérez tout ça, cette problématique?
Mme Gagné (Marie-Hélène): Je pense qu'il y a effectivement un risque qui existe, puis il y a beaucoup d'exemples qui ont été rapportés de mères qui se sont senties blâmées par la protection de la jeunesse parce qu'elles ne protégeaient pas leurs enfants des situations de violence conjugale, alors qu'elles-mêmes comptaient, là, au nombre des victimes et que ce n'était pas si facile que ça, là, de...
Mme Charest (Rimouski): Double victimisation.
Mme Gagné (Marie-Hélène): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): Double victimisation.
Mme Gagné (Marie-Hélène): C'est ça. Exactement. Et je pense qu'il faut vraiment faire attention de ne pas justement stigmatiser ces parents-là. Peut-être que, dans leur contexte, ils font vraiment leur gros possible pour protéger leurs enfants aussi de ça puis peut-être que dans certains cas effectivement ils réussissent, tu sais. Donc, je trouvais que c'était une question qui était délicate. Non pas que ce n'est pas important, mais je crois qu'en tout cas dans la suggestion de reformulation qu'on a proposée les situations de violence conjugale où l'enfant est exposé sont incluses, même si elles ne sont pas spécifiquement nommées comme telles, et ça évite justement de devoir faire aussi la liste de toutes les autres choses qui peuvent indirectement atteindre les enfants, et d'en oublier des importantes, et d'en occulter, hein? Il y en a plein, d'autres situations, là, que je suis certaine que les intervenantes pourraient vous raconter où les enfants sont atteints un peu par ricochet à cause des problèmes que leurs parents vivent...
Mme Charest (Rimouski): ...toxicomanie, etc.
Mme Gagné (Marie-Hélène): Bien, exactement. Donc, c'en est, des exemples. Alors, et ça pourrait devenir un carcan, là, de devoir toutes nommer ces choses-là dans la loi. Et, à partir du moment où ce n'est pas écrit, on ne pourrait plus en tenir compte. Tu sais, la violence psychologique, les mauvais traitements psychologiques, ça a des formes multiples et presque infinies, je dirais, dans leurs manifestations. Donc, commencer à faire une liste, on risque d'exclure des choses peut-être. Donc, c'était un peu ça, là, notre réflexion là-dessus.
Mme Malo (Claire): Oui, puis je pense que de plus en plus, à partir du moment où on a reconnu l'exposition à la violence conjugale comme une forme de maltraitance envers l'enfant, on a commencé à en parler de plus en plus et, à un moment donné, on a comme des fois glissé vers: La violence conjugale est une forme de maltraitance envers l'enfant. Il ne faut pas oublier le mot «exposition», et très souvent ça va ensemble. Très souvent, quand il y a violence conjugale, il y a exposition. Mais ce n'est même pas en soi la violence conjugale, c'est l'exposition de l'enfant. De la même façon, l'exposition de l'enfant effectivement à un parent toxicomane, une exposition à des modèles déviants, par exemple, peut être de la maltraitance psychologique également.
Mme Charest (Rimouski): Et entraîner la négligence, etc. Bien. Merci. Je vais laisser du temps à mon collègue qui veut vous poser également des questions.
La Présidente (Mme James): M. le député de Vachon.
n(10 h 30)nM. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, on a fait un diable de bout de chemin, là, depuis 15 ans concernant cette notion-là ? bonjour. Peut-être vous rappeler un petit épisode de ce qui a conduit à l'époque le groupe de travail pour les jeunes, dans Un Québec fou de ses enfants, d'inclure une page et demie sur ce qu'on a appelé à l'époque «les mots qui tuent». Je vous rappelle que nous avons écrit ce rapport en 1991; il n'y avait pas beaucoup de notion, ni dans la littérature scientifique ni chez les intervenants, à ce moment-là, de l'impact et même de l'existence, si on veut, de la violence psychologique envers les enfants.
Toujours est-il que, dans les tournées de consultation que nous avons menées avant l'écriture d'Un Québec fou de ses enfants, j'ai été amené à rencontrer un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes patients dans un département psychiatrique, dans l'Outaouais, et nous avons eu une discussion sur ce qu'était un bon parent et un mauvais parent. C'était à l'époque un groupe de jeunes personnes extrêmement traumatisées. Et ce qui m'avait complètement secoué et qui m'avait vraiment bouleversé, c'est une jeune file qui a répondu à la question en disant: Bien, moi, je ne sais pas ce que c'est, un bon parent, mais un mauvais parent, là, c'est comme mon père. Et elle avait... Et là c'est facile de reconnaître quand il y a une situation de très grande violence psychologique envers un enfant; je n'avais pas hésité à le reconnaître à ce moment-là. Et, c'est ce qui nous avait inspiré cette page et demie, elle avait dit... c'est une jeune fille qui avait fait plusieurs tentatives de suicide, elle avait encore des pansements aux poignets, et elle avait dit: Quand je suis arrivée chez moi, que j'ai dit à mon père que j'étais enceinte, il m'a dit: Moi, je ne garde pas ça, de la viande avariée, dans ma maison.
Alors, vous comprenez qu'on n'a pas affaire à quelque chose qui est banal ou anodin. On a affaire à une vraie chose, importante, qu'on peut distinguer, qu'on peut identifier. Il y a des cas qui sont beaucoup moins clairs que ceux-là, mais on arriverait à identifier ces cas clairs seulement et on pourrait, je pense, intervenir de façon beaucoup plus significative au niveau de nos communautés, au niveau de nos familles, au niveau de nos enfants. Il ne s'agit pas ici d'ouvrir une porte toute grande à des signalements pour des futilités. Et je suis rassuré du fait que, dans les services et dans les instituts universitaires, on a développé une expertise dans la constructions d'outils de reconnaissance qui sont à la fois sensibles mais à la fois aussi très discriminants des situations qui seraient plutôt banales des situations qui seraient extrêmement traumatisantes.
Ceci étant dit, deux questions. La première: Il y a des juridictions qui ont adopté cette catégorisation ou ce type de mauvais traitement avant que nous le fassions au Québec, là; quelles sont les données dont nous disposons quant à la fois à l'impact sur les signalements, s'il en était, et à l'impact sur les pratiques? Est-ce qu'il y en a?
Mme Gagné (Marie-Hélène): Je ne connais pas beaucoup d'autres juridictions. Je sais qu'en Angleterre, entre autres, ils ont inclus ça, mais ce n'est pas... je pense que c'est seulement si c'est concomitant avec d'autres situations d'abus ? hein, Claire? ? ce n'est pas clairement uniquement...
Mme Malo (Claire): Tout le monde est extrêmement prudent, et c'est normal, quand il s'agit d'inclure ça. Et, oui, en Angleterre, ils ont inclus les mauvais traitements psychologiques comme motif de signalement, lorsqu'ils apparaissent en concomitance avec d'autres formes de maltraitance, donc, et il y a une série de critères aussi. Donc, c'est assez difficile actuellement de comparer puis de voir les effets, parce que c'est quand même relativement récent dans le temps, et que chacun y va de sa propre prudence et de ses propres mécanismes de prudence. Mais je pense qu'on va pouvoir répondre à cette question-là dans une couple d'années.
M. Bouchard (Vachon): Seulement pour souligner qu'on va pouvoir y répondre seulement et seulement s'il y a des dispositions dans la loi qui nous incitent fortement à faire des recherches extrêmement pointues et des suivis très rigoureux sur cette question-là.
Mme Gagné (Marie-Hélène): ...à un moment donné, une chose en entraîne une autre. À partir du moment où ce n'est pas dans la loi, on ne peut pas vérifier rien; à partir du moment où ça l'est, on peut instaurer des mécanismes de suivi, de monitoring de ces situations-là et de voir qu'est-ce qui se passe. Et je crois que ça va être très important de le faire. D'autant plus qu'au Québec on a l'outil par excellence de collecte de données, en centre jeunesse, pour le faire, avec la Plateforme informationnelle sur le bien-être de l'enfant. Donc ça, c'est clair que ça va devoir être fait.
Moi, j'aimerais peut-être terminer... continuer un peu là-dessus... terminer, peut-être qu'il y en a d'autres qui ont des choses à ajouter, mais...
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, je dois vraiment... Écoute...
Mme Gagné (Marie-Hélène): Il n'y a plus de temps?
Le Président (M. Copeman): Manifestement, à matin, là, ma capacité de contrôler le temps est défectueuse. Il faut que je... Allez, il faut qu'on aille avec Mme la députée de Lotbinière, là, afin de tenter de terminer le tout à l'intérieur de l'enveloppe.
Mme Roy (Lotbinière): Merci, M. le Président. Je vous remercie pour votre mémoire, puis c'est important qu'on s'arrête plus spécifiquement sur cet article-là, puisque c'est une nouveauté, et puis c'est vrai, qu'il faut la décortiquer et puis se poser toutes les questions, la revirer. C'est sûr qu'à l'étude détaillée on y reviendra, mais simplement pour dire que, lorsqu'il y a de la violence conjugale et que les enfants sont exposés à ça, ça devient un cas de compromission seulement si les parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation.
On revient encore à la case départ: il faut que ces services-là soient disponibles et il faut qu'il y ait d'autres intervenants qui puissent être là pour supporter les femmes ou les hommes dans ce contexte-là. Donc, c'est encore un... c'est à l'extérieur de la DPJ, ça, la violence conjugale, souvent, que les femmes vont aller chercher de l'aide, et c'est encore une démonstration que le dossier de l'enfance ne peut pas être juste traité en silo, en s'occupant seulement de la DPJ, mais qu'il faut élargir la base. C'est la première des choses.
La deuxième des choses, quand vous avez parlé de... J'ai vu dans votre mémoire, à la page 7, je pense, quand vous dites... Vous avez repris le paragraphe et vous dites que c'est le mauvais traitement psychologique, vous avez marqué «de façon grave et continue», mais la loi, c'est «de façon grave ou continue». Donc, ça va répondre à une fois très grave ou une accumulation de petites choses. Donc, pour ça, moi, ça me sécurise.
Mais je voulais aussi profiter de votre présence, parce que là on n'a pas modifié la façon dont on fait des signalements, et puis vous êtes ici, et il y a des personnes qui nous écoutent, et c'est important que les personnes sachent que les signalements sont tenus confidentiels, qu'on ne dévoile pas qui fait le signalement. Pouvez-vous nous expliquer, là, qu'est-ce qui arrive si on fait un signalement? Moi, je le sais, mais je veux que vous profitiez de votre présence pour faire un petit peu de pédagogie. Quand on fait un signalement, est-ce qu'on se retrouve automatiquement en cour? Est-ce qu'on peut se faire poursuivre pour avoir dénoncé une situation? Est-ce qu'on va être pris dans un procès à n'en plus finir? Qu'est-ce qui arrive quand on fait un signalement?
Mme D'Astous (Nicole): C'est une situation qui préoccupe la majorité des personnes signalantes à la protection de la jeunesse. Par contre, c'est sûr que dans la législation actuelle, et je ne pense pas que ce soit prévu d'être changé, d'après ce que j'ai lu, que la loi prévoit une confidentialité de la personne qui fait cet appel-là. Ce qui veut dire qu'aucun intervenant ne peut dévoiler l'identité de la personne qui a signalé.
C'est sûr que cette personne-là peut avoir des craintes par rapport aux suites. C'est sûr aussi que des fois on va faire un travail parce que parfois, oui, son témoignage va être utile pour mettre des mesures de protection de l'enfant. Mais parfois, aussi, ne serait-ce qu'en pouvant lui parler, si la personne ne s'est pas déclarée anonyme, elle peut nous guider vers des personnes qui peuvent aussi nous éclairer sur la situation de l'enfant, et, dans la majorité des situations, la personne déclarante n'aura pas à aller témoigner à la cour. Et de toute façon, nous, jamais on ne va la forcer, parce qu'elle a cette confidentialité-là qui la protège. Mais par contre c'est sûr que c'est une personne qui a souvent de l'information privilégiée, et c'est important qu'on puisse parler avec elle. Mais jamais, en aucun temps, cette personne-là va avoir des pressions pour s'identifier auprès des familles.
n(10 h 40)nLe Président (M. Copeman): Alors, Mmes Gagné, Malo, d'Astous et Houle, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Comité aviseur sur les mauvais traitements psychologiques de l'Institut de recherche pour le développement social des jeunes.
J'invite immédiatement les représentants de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, en souhaitant la bienvenue aux représentants de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. M. le président Leblond, bonjour. Je sais que vous n'êtes pas à votre première représentation devant une commission parlementaire, mais je vous rappelle simplement: vous avez 20 minutes pour votre présentation, et par la suite il y aura une période d'échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner immédiatement avec votre présentation.
Ordre professionnel des travailleurs
sociaux du Québec (OPTSQ)
M. Leblond (Claude): Certainement, M. le Président. Je vous remercie. Alors, m'accompagnent Mme Michèle Brousseau, du Centre jeunesse de Québec ? Institut universitaire; Mme Brousseau est chercheure et présidente du comité de pratique en protection de la jeunesse, à l'ordre, et elle possède de plus 25 ans d'expérience; à sa droite, il y a Mme Jeanne d'Arc Roy, travailleuse sociale au Centre jeunesse de la Montérégie, conseillère en développement; Mme Roy a travaillé au niveau de la prise en charge auprès des jeunes enfants pendant de nombreuses années, elle possède plus de 20 ans d'expérience; à ma gauche, je vous présente Mme Monique Cauchy, travailleuse sociale au Centre jeunesse de Montréal ? Institut universitaire; Mme Cauchy est travailleuse sociale à l'évaluation des situations vécues par les enfants de zéro à 18 ans, elle possède également plus de 20 ans d'expérience.
Vous avez bien fait de me rappeler la façon de fonctionner, au cas où je tente encore de dépasser un peu les limites.
Le Président (M. Copeman): Je vais vous restreindre.
M. Leblond (Claude): Oui, oui, je n'en doute pas. Alors, en tant que président de l'Ordre des travailleurs sociaux et au nom de nos 6 100 membres, je tiens à vous remercier, à remercier les membres de la commission, Mme la ministre, de nous permettre aujourd'hui de présenter notre mémoire concernant le projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.
Depuis des décennies et bien avant l'adoption de la première Loi sur la protection de la jeunesse, plusieurs centaines de nos membres oeuvrent quotidiennement sur le terrain auprès des enfants et des familles. Ainsi, le contenu de notre mémoire de même que les propos que nous tiendrons aujourd'hui devant vous reposent sur l'expertise et l'expérience acquises par nos membres par le biais de la pratique et de la recherche, lesquels membres ont joué un rôle déterminant dans la mise en oeuvre de nouvelles pratiques dans le domaine de la protection de la jeunesse.
Nos positions s'articulent autour de quelques principes de base qui nous apparaissent incontournables, et je vais vous les dire: d'abord, la primauté de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits; la primauté de la responsabilité parentale; la valeur de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des conditions de vie des enfants; l'importance de l'élaboration d'un projet de vie permanent pour l'enfant.
J'ajouterais à cette liste un autre élément sans lequel les meilleures intentions ne demeureront que des voeux pieux: il s'agit de l'attribution de ressources humaines et financières nécessaires à la mise en oeuvre des principes de la loi. Pour nous, travailleuses sociales et travailleurs sociaux, la protection des enfants et l'aide à accorder aux familles représentent des objectifs à ce point importants pour que l'État leur accorde toutes les ressources nécessaires pour répondre aux besoins.
En ce sens, et nous l'avons répété à maintes reprises au cours des 25 dernières années, nous croyons fermement qu'il est temps que notre société et le gouvernement qui la représente reconnaissent que les services sociaux constituent des besoins essentiels, au même titre que la santé et l'éducation, et que de ce fait les principes de gratuité et d'universalité doivent aussi s'appliquer à l'égard des services sociaux offerts aux jeunes et à leurs familles.
Nous sommes à ce point convaincus de la nécessité pour l'État d'offrir aux enfants et à leurs parents les services sociaux dont ils ont besoin que nous avons mis sur pied une coalition qui réclamera, dans les prochaines semaines, la mise en oeuvre d'une politique des services sociaux offerts aux enfants et aux familles.
La Loi sur la protection de la jeunesse ne peut en soi contraindre l'État à financier les services de protection à hauteur des besoins, mais, nous semble-t-il, une politique des services sociaux offerts aux enfants et aux familles qui inclurait la mission de protection des enfants pourrait, elle, permettre d'élaborer des balises qui détermineraient, chaque année, des budgets en fonction de la clientèle à servir.
Par ailleurs, lorsqu'il est question de ressources financières, je crois qu'il est important de parler du phénomène de la pauvreté, notamment de la fragilité économique que subissent les enfants. Même si cette réalité dépasse les cadres du projet de loi devant nous, il n'en demeure pas moins que la pauvreté a un impact direct sur la santé et sur la qualité du milieu de vie dans lequel les enfants évoluent. Trop souvent la détresse économique vécue par les parents vient fragiliser le fonctionnement et la stabilité de la cellule familiale.
Pourtant, l'article 39 de la Charte des droits et libertés et l'article 32 du Code civil du Québec stipulent tous deux, et je cite: «Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner.» Selon nous, et afin d'actualiser ce droit à la protection pour les enfants, l'État a le devoir de soutenir les parents en leur assurant, à eux et à leurs enfants, des conditions de vie décentes et doit donc développer une vision globale de l'ensemble de la problématique parents-enfant-famille.
Malgré l'adoption d'une loi pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale, la situation pourtant ne s'est guère améliorée, et il est clair que la non-indexation des prestations d'aide sociale a pour effet d'entraîner un grand nombre de familles dans la spirale de la pauvreté et de la perte de dignité.
Il faut savoir que les familles dont les enfants sont signalés et suivis par les services de la protection de la jeunesse vivent majoritairement dans la pauvreté. En effet, la majorité des familles des enfants de moins de 12 ans suivis en protection de la jeunesse étaient prestataires de l'aide sociale, selon une étude de Robert Pauzé en 2004. Près du tiers de ces familles, soit 29 %, déclaraient un revenu annuel de moins de 15 000 $, selon l'étude québécoise sur les signalements à la protection de la jeunesse en 2002. Faut-il également rappeler que les familles bénéficiant de l'aide sociale attendent toujours que leur soit accordée la gratuité des médicaments?
J'aimerais maintenant aborder la question du sujet de la durée maximale de placement pour les enfants retirés de leur milieu familial naturel. L'objectif de favoriser la continuité et la stabilité pour les enfants placés et d'élaborer rapidement des projets de vie permanents est certes fort louable et certainement nécessaire. Nous ne répéterons jamais assez l'importance pour les enfants de vivre dans un milieu stable et entouré de gens avec lesquels ils peuvent créer des liens significatifs. Nous comprenons que l'objectif visé par la détermination de durées maximales de placement selon l'âge des enfants est de préciser les attentes face aux parents naturels en encadrant dans le temps leur démarche devant mener à l'atteinte ou à la restauration de leurs compétences parentales.
Cela étant dit, nous croyons que c'est un faux débat que d'opposer le droit des parents à celui des enfants. Rappelons-le, le droit premier de l'enfant est de pouvoir compter sur des parents qui répondent adéquatement à ses besoins afin de lui permettre de grandir et de se développer normalement. En contrepartie, les parents ont le droit de recevoir toute l'aide nécessaire pour remplir adéquatement leurs devoirs. Cependant, d'un point de vue éthique, nous observons un sérieux danger de dérapage si l'État n'alloue pas le temps ainsi que les ressources humaines et financières pour permettre aux parents de se reprendre en main. La fixation de délais implique une capacité d'intervention plus rapide, plus efficace, plus intense et qui respecte les standards de pratique établis. En tant que travailleurs sociaux, notre lecture de la situation actuelle est à l'effet que le système est présentement incapable de fournir cette qualité et cette intensité de services aux parents. C'est également la lecture que font d'autres organisations que vous entendrez dans le cadre de vos travaux.
C'est pourquoi nous recommandons au législateur de prévoir une période de mise en application graduelle, sur une période de cinq ans, des dispositions relatives aux durées maximales de placement selon l'âge des enfants, période pendant laquelle les services nécessaires seraient mis en place.
Lorsqu'il est question de délais, il est essentiel de bien comprendre que le temps peut avoir un effet dévastateur chez les jeunes enfants. Il a en effet été cliniquement démontré qu'un contact quotidien est essentiel pour qu'un nourrisson développe et maintienne un lien d'attachement avec ses parents. La permanence des liens est un élément à la fois fondamental et fragile, et tout doit être mis en oeuvre pour le préserver. Il faut également réaliser que chaque moment qui s'écoule dans la vie de très jeunes enfants vient affecter leur développement neurobiologique. Dans le cas d'enfants qui ont été traumatisés par de l'abus psychologique, physique ou sexuel ou par de la négligence et qui ont été traumatisés par le manque de soins auxquels ils ont droit, une intervention rapide, efficace et intensive est essentielle afin de prévenir de nouvelles ruptures qui se traduiront en séquelles permanentes.
n(10 h 50)n L'intervention auprès de jeunes enfants, en particulier ceux entre zéro et trois ans, est à ce point délicate qu'on peut la comparer à la neurochirurgie. La moindre erreur peut avoir des conséquences graves et irréversibles. Il ne viendrait pas à l'idée du législateur, nous semble-t-il, d'imposer au chirurgien d'opérer deux patients à la fois, un bistouri dans chaque main, pour réduire les listes d'attente. De la même façon, on ne peut exiger des intervenants sociaux de travailler auprès de jeunes et... de jeunes et de leur famille dans des conditions de pratique incompatibles avec les objectifs visés par la loi. Autant nous croyons à l'individualisation des services, autant nous croyons à l'individualisation des délais.
Par ailleurs, nous adhérons à la définition des troubles de comportement proposée, selon laquelle un enfant manifeste des troubles de comportement sérieux lorsqu'il se comporte de manière à porter atteinte à son intégrité physique ou psychologique de façon grave ou continue. Cependant, nous craignons qu'avec un tel libellé un grand nombre de jeunes et de leur famille ne reçoivent pas les services nécessaires. C'est pourquoi nous recommandons que soit modifié le libellé du deuxième alinéa, sous f, pour inclure «des enfants de tous les âges qui peuvent représenter un danger pour autrui», et non seulement les enfants de 12 ans.
Il faut également savoir que le trouble de comportement, alors qu'il soit signalé ou pas, retenu ou pas, s'avère comme problématique beaucoup plus complexe à traiter qu'on serait porté à le croire. Les intervenants en centre jeunesse connaissent ce degré de difficulté et, grâce à l'expérience acquise au fil des années, ont développé des pratiques conduisant à des résultats intéressants. Il faudrait donc s'assurer que ceux qui offriront les services seront en mesure d'en garantir la qualité.
Dans un autre registre, nous sommes tout à fait d'accord avec l'article 36 du projet de loi, qui fait une place plus importante aux approches consensuelles de façon à mieux respecter et mobiliser le potentiel des parents et des enfants et de permettre un recours plus approprié à des mesures volontaires ou à des mesures judiciaires, selon les situations. Il faut toutefois s'assurer que les parties en cause reconnaissent les faits qui compromettent la sécurité ou le développement de l'enfant, qu'elles mesurent l'importance des engagements pris et que tous les consentements donnés l'aient été de façon libre et éclairée.
Non seulement les approches consensuelles inscrites dans la loi pourront-elles alors diminuer la judiciarisation des cas, mais elles préviendront également l'aggravation des conflits parentaux qui nuisent au développement affectif des enfants. Ces approches consensuelles, effectuées dans un contexte social, permettront également de soutenir le lien de confiance entre les parents et les intervenants, lien si souvent menacé par l'approche de confrontation propre au processus judiciaire. De fait, nous souhaitons que l'approche consensuelle soit favorisée par les professionnels avant même que ne soient effectués les signalements.
Nous l'avons évoqué un peu plus tôt, le contexte dans lequel nous nous retrouverons au lendemain de l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi sera plus exigeant que jamais pour les intervenants oeuvrant en protection de la jeunesse. La nécessité d'intervenir dans des délais fixes, souvent plus courts, exigera des habiletés particulières ainsi que des connaissances de plus en plus pointues. C'est pourquoi nous recommandons que ces mandats soient confiés à des intervenants membres d'un ordre professionnel.
En effet, seuls les ordres professionnels possèdent les pouvoirs requis pour garantir la protection du public et assurer la qualité des services professionnels. Ils doivent veiller à la compétence de leurs membres en s'assurant que ceux-ci possèdent la formation de base requise et voient à la mise à jour de celle-ci par la formation continue obligatoire. Lorsqu'un membre d'un ordre professionnel ne respecte pas son code de déontologie, il doit en répondre devant le syndic et le comité de discipline. La complémentarité et la collaboration entre les intervenants seraient à notre avis facilitées par leur appartenance à un ordre professionnel.
Pour établir peut-être une autre comparaison avec le domaine de la santé, il serait inconcevable qu'une infirmière puisse prodiguer des soins à un patient sans faire partie de son ordre professionnel. Nous croyons qu'il devrait en être de même avec les intervenants qui oeuvrent dans le domaine de la protection de la jeunesse.
Avant de conclure et de répondre à vos questions, j'aimerais attirer votre attention sur quelques-unes des principales recommandations que l'ordre faisait dans le mémoire qui vous a été présenté, afin de bonifier le présent projet de loi.
Alors, nous suggérions la mise en application graduelle, sur une période de cinq ans, des dispositions relatives aux durées maximales d'hébergement selon l'âge des enfants, période pendant laquelle les nouveaux services seraient mis en place progressivement.
Nous recommandions également la possibilité de prolonger le délai de deux ans relatif aux mesures volontaires, lorsque ça s'avère nécessaire dans le meilleur intérêt de l'enfant qui vit une situation de négligence mais où on constate du progrès.
Nous suggérions la possibilité de renouveler l'entente provisoire.
Également, nous vous suggérions la mise en place... et nous demandions ? plus que «suggérer», là ? la mise en place de toutes les ressources requises autant pour les enfants en besoin de protection que pour ceux qui sont en difficulté et leurs parents.
Et le dernier point: l'obligation pour tous les professionnels autorisés par le directeur de la protection de la jeunesse d'être membres de leur ordre professionnel.
Je veux aussi bien sûr offrir au gouvernement et à la ministre responsable du dossier toute la collaboration de notre ordre pour l'élaboration des divers règlements entourant la mise en oeuvre de la Loi sur la protection de la jeunesse.
En terminant, je me permets de revenir sur certains éléments essentiels de notre réflexion. Alors, sans l'apport de ressources humaines et financières nécessaires pour permettre une intervention rapide et efficace, cette nouvelle loi n'aura pas les effets escomptés. Si l'aide ne parvient pas rapidement, nous brimerons à la fois les enfants et les parents. Les ressources sont essentielles afin que nous puissions faire rapidement la bonne évaluation et prendre la bonne décision, en tenant compte de la notion du temps avec les enfants. Nous croyons que l'État devrait travailler au développement de services sociaux aux familles, qui incluraient la mission de la protection des enfants. Il devrait profiter de la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse pour examiner plus largement l'offre de services destinés aux enfants et à leur famille et pas seulement aux enfants en besoin de protection ni aux enfants en grande difficulté, mais à tous les enfants et leur famille, tout en reconnaissant que les services sociaux sont des services essentiels, au même titre que les services de santé: universels, accessibles, gratuits.
Alors, il faut également se préoccuper des jeunes qui ne bénéficient plus des services en protection de la jeunesse parce qu'ils atteignent l'âge de 18 ans. Il serait souhaitable d'offrir une gamme de services adaptés à leurs besoins. Le programme de qualification des jeunes visant le développement de l'autonomie en est un bon exemple.
Étant une loi d'exception, la Loi de la protection de la jeunesse ne touche que la pointe de l'iceberg. Elle propose certaines améliorations mais soulève des questions pertinentes. Nous espérons que le gouvernement exprimera clairement sa volonté politique de soutenir les enfants et leur famille et qu'il passera à l'action afin que nous puissions assurer le bien-être des enfants et célébrer leur succès. Répondre simplement à leur appel à l'aide ne suffit pas. Nous pouvons, nous devons en faire davantage. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Leblond. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, M. le président Leblond, mesdames, bienvenue. Je vous remercie de votre offre de collaboration. Je pense qu'il y en a eu une depuis plusieurs années puis je présume que ça va se continuer. Alors, si on a besoin de votre éclairage, soyez assurés qu'on ne se gênera pas pour vous consulter.
J'ai plusieurs éléments très intéressants qui sont soulevés par votre mémoire et par vos propos. Le temps ne nous permet pas de passer au travers de tout ça, mais il y a quand même certains éléments, là, qui ressortent plus... enfin qui nous interpellent davantage. Je pense, entre autres, à la proposition que vous faites de... vous appelez ça ? je l'ai pris en note ? l'individualisation des délais.
Vous savez que l'introduction des durées maximales de placement, dans la loi n° 125, reflète évidemment cette grande préoccupation que les gouvernements ? je vais dire «les gouvernements» parce que c'est quand même une réflexion qui est en cours depuis plusieurs années ? ont à l'égard justement du développement des enfants. On s'est inspiré, c'est certain, des nouvelles connaissances que nous avions; on s'est également inspiré de ce qui se fait ailleurs, entre autres au Canada, mais ça se fait aussi ailleurs, dans huit provinces sur 10.
n(11 heures)n Et je suis très interpellée par votre proposition d'y aller par étapes... ou enfin de prendre cette durée maximale là et de l'étaler sur cinq ans. J'aimerais ça que vous nous exprimiez de quelle façon vous pourriez faire ça. Je sais que vous l'arrimez évidemment avec les services qui sont disponibles, mais, quand même, dans la pratique, là, dans un monde idéal, les services sont là, comment on peut dire... comment on peut prendre un cas particulier puis décider qu'un enfant qu'on veut sortir de... qu'on a, pour toutes sortes de raisons, sorti de son milieu familial, les parents sont incapables finalement d'exercer leur capacité parentale, et on étalerait dans le temps la possibilité pour cet enfant-là soit d'être adopté, soit d'avoir un tuteur, soit d'avoir un projet de vie permanent. Je comprends ce que vous dites, là, mais j'aimerais ça que vous nous expliquiez, dans la pratique, comment est-ce que ça pourrait s'articuler.
M. Leblond (Claude): Bon, alors je vais tenter... D'abord de différencier deux éléments, là. La proposition d'étaler la mise en place de la question, là, des délais, on vous propose de le faire sur cinq ans pour vous donner le temps de mettre en place tous les services requis, nécessaires pour pouvoir...
Mme Delisle: ...ce temps-là?
M. Leblond (Claude): Bien, là, je ne le sais pas concrètement comment vous pourrez étaler ça, mais, si... à moins que vous nous disiez que... bon, si ça entre en vigueur, mettons une date hypothétique, au 1er septembre, qu'au 1er septembre sont mis en place dans l'ensemble du Québec tous les services sociaux nécessaires pour qu'on puisse donner les services non seulement en protection de la jeunesse, mais avant, donc tous les services, pour faire en sorte que, dans un délai de deux ans, six mois et... deux ans, 18 mois et un an, on puisse avoir équipé les parents correctement. Alors, c'est pour ça... Le cinq ans d'application, c'est pour vous permettre de mettre en place les services nécessaires pour pouvoir éthiquement dire aux parents et à leurs enfants que l'État aura donné les services corrects, là, avant de prendre des décisions, là. Ça, c'est la première chose.
Pour la question, ensuite, de l'individualisation des décisions, là je pourrais laisser des collègues vous répondre plus précisément. Bon, tel enfant pour lequel les parents avaient un délai d'un an, il en est rendu là dans son cheminement, est-ce qu'on ne pourrait pas individualiser le délai? Ça, pour moi, c'est une autre chose, là.
Mme Delisle: Allez-y. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut répondre?
Mme Brousseau (Michèle): Oui. En fait, vous dire d'abord que l'importance de la notion de temps pour des enfants, pour des tout-petits, et l'importance de décider rapidement, il n'y avait aucune hésitation, tout le monde est d'accord qu'il faut agir vite et qu'il faut agir rapidement. Mais, agir vite et rapidement, ça prend des ressources et ça prend donc des praticiens qui sont disponibles à partir du moment où le signalement est retenu, où on constate que la sécurité de l'enfant est compromise, son développement également, pour intervenir auprès de la famille et mettre en place des ressources pour outiller ces personnes-là. Donc, sur le principe, je pense que là-dessus il n'y a pas de difficulté. Le délai... Où on se posait des questions, c'était de se dire: Qu'est-ce qui va arriver, par exemple, si, après un an, pour un enfant, un tout-petit, la situation n'est qu'à demi ou qu'à 75 % réglée? Est-ce qu'il n'y a pas une certaine rigidité dans ces délais-là qui ne sont pas dans l'intérêt d'un enfant et de sa famille? Parce que, si la situation est presque en voie d'être réglée, il ferait sens qu'on puisse continuer à intervenir sans appliquer des mesures à long terme, là. Donc, je pense qu'il y avait cette ressource-là, et c'était le fait que le principe, si on peut l'appliquer et si on a les ressources nécessaires... les délais deviennent presque superflus, parce que les décisions vont se prendre.
Mme Delisle: Je voudrais revenir sur cette question-là parce qu'elle est très importante. C'est un gros morceau du projet de loi, c'est un pan important, et il faudrait qu'on comprenne, tout le monde, la même chose.
Lorsqu'on a introduit, dans le projet de loi n° 125, les durées maximales de placement, on l'a fait dans la perspective où les parents, dépendamment de l'âge de l'enfant évidemment, pouvaient se reprendre en main, auraient la possibilité de le faire en ayant évidemment accès aux services pour les accompagner à s'en sortir. On a maintenu le principe que l'enfant, s'il peut retourner chez lui, ira chez lui. Pas à n'importe quel prix, là. C'est sûr, si son développement et sa sécurité sont compromis, oubliez ça, là. Mais, dans des circonstances où ils ont besoin d'accompagnement pour certains services... c'est sûr que le gouvernement ne souhaite pas qu'il n'y ait pas de réunification des familles. Mais, dans la perspective où c'est impossible, les balises qui sont là ? puis on a eu cette discussion hier avec d'autres ? est-ce que c'est fermé au bout d'un an, au bout d'un an on adopte ? prenons le cas des tout-petits parce que la notion de temps est importante ? ou bien est-ce que c'est une borne? Puis, si c'est une borne, ça veut dire qu'on peut aussi tenir compte du fait que les parents, s'ils sont sur le point de vraiment s'être repris en main, s'être repris en charge, bien, ma foi, j'espère que les intervenants, que la DPJ, que le Tribunal de la jeunesse auront assez de discernement et de bon jugement, puis je le dis franchement ici aujourd'hui, pour donner la chance à ces parents-là de continuer à se prendre en main et de retarder le processus de tutelle, ou d'adoption, ou de projet de vie permanent chez quelqu'un d'autre. Évidemment, ça dépend des circonstances et ça dépend aussi de l'âge de l'enfant et d'avec qui cet enfant-là a passé les cinq, ou six, ou sept dernières années de sa vie. Bon.
Alors, dans cette perspective-là, s'il y a confusion dans l'interprétation de ce que veut dire ces durées maximales de placement, c'est le forum, ici, pour en discuter et pour essayer de s'assurer que tout le monde comprend la même chose. Dans mon livre à moi, ce n'est pas fermé comme ça. Un enfant qui, en bas de deux ans, aurait été retiré de son milieu familial, serait dans une famille d'accueil, au bout d'un an, au bout de 12 mois, c'est certain qu'il devra y avoir une évaluation. Et, dans mon livre à moi, l'évaluation ne devrait pas se faire au bout de 12 mois, il faut qu'elle se fasse en cours de route pour s'assurer que les parents ont eu accès aux services, qu'on leur a donné tous les outils nécessaires pour se prendre en charge. Si, au bout du 12 mois, il manque un deux, trois mois, un quatre mois, bien... c'est bien dommage, mais je serais très triste d'apprendre dans le futur que cet enfant-là puis ces parents-là n'ont pas eu la chance, ce petit bout-là, là, pour les aider à s'en sortir puis à reprendre contact avec la famille. Pour moi, ça, c'est très important. Donc, il faut qu'on comprenne les mêmes choses.
Alors, je comprends votre point de vue parce qu'il est associé, c'est certain, aux services que le gouvernement doit donner ou enfin les services qui doivent être donnés aux parents et aux enfants pour les aider dans ces différentes étapes là qu'ils auront à vivre.
Je vous dirais aussi que la volonté gouvernementale, elle est très claire. C'est certain que le projet de loi s'inspire énormément de cette volonté de s'assurer que les enfants ou les parents reçoivent les bons services au bon endroit au bon moment. Vous allez souvent m'entendre dire ça, mais je pense que c'est une image qui prend. Et la DPJ est souvent... est devenue au fil des ans la porte d'entrée pour l'ensemble des services qui sont donnés à la protection de la jeunesse. Les gens ne savent plus où aller. Bien, il faut absolument que les responsabilités soient assumées là où elles doivent l'être, en première ligne quand c'est première ligne, en deuxième ligne quand c'est en deuxième ligne. D'ailleurs, on a eu cette conversation-là dans mon bureau, M. Leblond.
C'est vrai qu'il va falloir que tout le monde se sente concerné puis que les services donnés aux enfants et aux familles, que ce soit dans le domaine de la protection de l'enfance ou dans tout autre domaine, il va falloir qu'on allume là-dessus puis que tout le monde se sente concerné. Et, oui, ça prendra des... il faudra que les ressources humaines et les ressources financières soient au rendez-vous. C'est une question d'organisation de travail et de réorganisation aussi au niveau... de réallocation des ressources et que les ressources soient au bon endroit. J'ai bien saisi ce que vous nous avez dit, soyez-en assuré, parce que vous n'êtes pas le premier. Hier, on a entendu sept groupes, puis je pense que les sept groupes nous ont dit à peu près la même chose: Oui, il est bon, votre projet de loi, mais assurez-vous d'avoir ce qu'il faut, que les services doivent être au rendez-vous, puis que les ressources financières doivent l'être aussi.
J'ai des collègues qui veulent poser des questions, je vais leur laisser du temps, si vous permettez, non pas que je ne me sente pas interpellée par... Mais j'aimerais que les autres collègues puissent...
Le Président (M. Copeman): Je comprends, mais il y a peut-être une réaction de la part de nos invités. Mme Roy.
n(11 h 10)nMme Roy (Jeanne d'Arc): Oui, sur la question de la durée maximale. Les durées, c'est une façon d'assurer la stabilité. Ce n'est pas la seule façon. Cependant, de mettre des balises, ça nous rappelle que le temps chez l'enfant, il est différent et que le temps, c'est aussi en lien par rapport aux parents, mais c'est aussi le temps que nous, les intervenants, nous prenons à aider les parents à les évaluer, à les accompagner, etc. Donc, la durée, ce n'est pas le seul moyen pour stabiliser les enfants.
Dans l'application des durées, là il y a des questions qu'on doit réfléchir ensemble. C'est-à-dire que, si je prends un nourrisson et que je le retire et je le place en famille d'accueil, je dois être... avant que j'aie statué si cette mère-là est adéquate ou pas, je dois tout mettre en oeuvre pour que le lien mère-enfant continue à se développer même si l'enfant est placé en famille d'accueil. Et je vous dirais qu'à ce moment-ci nous n'avons pas les ressources suffisantes pour faire ça. Alors, ce qui se passe, c'est qu'on retire l'enfant parce que les risques sont trop importants, on va le placer, mais il peut s'écouler deux semaines, trois semaines, un mois avant que ce contact-là parent-enfant se déroule, et ça, c'est un problème éthique majeur.
L'autre chose. Quand on parle au niveau des services, il faut expliquer qu'est-ce que ça veut dire. Dans ma région, il n'y a plus de services pour les mères toxicomanes avec la possibilité qu'elles soient hébergées avec leurs enfants. Ça existait, ça n'existe plus. En fait, avant, il fallait partir de Longueuil pour aller dans Lanaudière. Alors, ces services-là sont nécessaires. Tu as des parents toxicomanes qui, s'ils sont bien accompagnés, peuvent garder leurs enfants. L'autre chose, tu as des parents toxicomanes qui doivent attendre trois mois, quatre mois avant d'avoir des services. Alors, c'est ça. Si les délais, c'est automatique et qu'il n'y a pas des services qui accompagnent ces délais-là, je pense que ça pose un problème. Mais le statu quo pose aussi un problème.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. M. Leblond, mesdames, bienvenue, merci d'être là et pour la présentation de votre mémoire. Moi, j'aimerais échanger avec vous sur une question assez précise. Je ne sais pas si vous avez eu la chance d'assister à la présentation qui vous a précédés, on a eu un échange assez intéressant sur la question des mauvais traitements psychologiques. Et, en lisant votre mémoire, j'ai trouvé intéressant d'une part que, eux, lorsque la ministre leur a posé la question sur l'effet de l'introduction de cette notion au projet de loi, sur le nombre de signalements... madame nous a répondu qu'effectivement elle ne pensait pas qu'il y aurait eu... qu'il y aura un haussement du nombre de signalements, et, au contraire, le fait d'introduire cette notion va nous permettre de justement identifier et détecter des problèmes avant. Mais, à la lecture, comme je vous disais, de votre mémoire, je constate que, vous, vous semblez dire le contraire. Et je souhaite vous entendre là-dessus notamment parce que vous... Je comprends, malgré que je n'aie pas eu la chance de leur poser la question à eux, là, qu'ils semblent dire que, lorsque nous allons ou lorsqu'on aura à évaluer ce qui sera un mauvais traitement psychologique, on devrait se référer justement aux expertises professionnelles, et, de mon avis, on parle de vos membres à vous. Alors, j'aimerais vraiment vous entendre sur ça.
Mme Brousseau (Michèle): J'ai été présente... nous avons été présents seulement à la dernière partie, alors je ne peux pas référer à tout ce qui vous a été apporté pendant la première heure. Sûrement que, s'il y a un nouveau motif de compromission inscrit dans la loi... en tout cas, je pense qu'à première vue il serait assez surprenant que ça n'augmente pas les signalements. Il y avait, avec l'ancienne loi et avec l'ancien libellé de l'article 38, le mode de vie ou le comportement du parent qui était un risque pour l'enfant qui pouvait permettre d'ouvrir la porte à recevoir ces signalements-là lorsqu'il n'y avait pas d'autres motifs de compromission, comme de la négligence physique, de la négligence affective, des abus physiques ou sexuels. Donc, on peut penser qu'il y a une partie des anciens articles 38e qui seront peut-être mieux définis. L'avantage, s'il y a ce motif de compromission, c'est que ça permettra de bien identifier sur quoi on travaille, pourquoi on a retenu un signalement et par conséquent quels seront nos attentes et les objectifs qu'on travaillera avec une famille et avec un enfant, si on a retenu ce motif-là, plutôt que de travailler sur quelque chose de très large, comme le mode de vie. Donc, je pense qu'il y a peut-être une partie qui vont être des vases communicants, mais possiblement peut-être aussi parce que ça ne s'accompagne pas toujours de violence physique ou de négligence physique, selon l'expérience et selon ce qu'on voit sur le terrain.
Mme James: O.K. Merci. Il reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Copeman): Deux minutes et demie.
Mme James: Deux minutes et demie. Je vais aller avec une question assez brève. Vous avez abordé la question bien sûr des placements de durées maximales avec la ministre, mais j'ai noté également que, vous, lorsqu'on parle des ententes sur les mesures volontaires, vous suggérez que ce serait important dans certains cas de prolonger au-delà de deux ans. Vous l'avez mentionné dans votre présentation. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il ne serait pas préférable d'envisager une référence au CSSS plutôt que de maintenir l'intervention de la DPJ?
Mme Brousseau (Michèle): Je pense que les deux options sont sur la table. En fait, pourquoi on garde un dossier ouvert en protection de la jeunesse? C'est parce qu'on considère que la sécurité et le développement sont toujours compromis et qu'il est nécessaire de poursuivre un encadrement formel de l'intervention auprès des parents. Donc, oui, si des parents acceptent, s'ils peuvent être dirigés, s'ils y consentent et s'ils veulent recevoir des services, on pourrait considérer qu'ils ont les ressources pour les encadrer et pour permettre de référer au CLSC. Mais c'est aussi pour garder une souplesse. C'est qu'on est dans un contexte de situation, de relations humaines, de relations parents-enfants qui sont peut-être difficiles à mesurer dans le temps. Pour prendre des parallèles avec la santé, parfois... On sait maintenant que, si vous allez à l'hôpital pour une appendicectomie, c'est une chirurgie d'un jour; vous rentrez chez vous. Il y a des délais qui sont très fixes. Dans le cas du rétablissement d'un rôle parental, de difficulté... de faire disparaître la compromission, ça ne se tranche pas toujours au couteau. Donc, c'est pour ça qu'on demande une certaine souplesse et la possibilité, si le dossier doit rester sous la responsabilité du directeur de la protection de la jeunesse, que ça se poursuive en mesure volontaire, si, encore là, le changement est bien amorcé, et qu'on voit l'espoir au bout du tunnel, et pour éviter d'avoir à judiciariser automatiquement ces situations-là. Parce que ce qu'on constate, c'est qu'à ce moment-là ça fait nécessairement des mouvements de recul et de braquage avec les familles qui étaient bien engagées dans un contexte de collaboration volontaire.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, mesdames et monsieur. Votre mémoire est très pertinent, très instructif, et je pense qu'on aura à s'en inspirer lorsqu'on aura à étudier les articles un par un pour s'assurer de la cohérence et surtout de refléter bien la volonté du législateur.
En ce qui regarde l'article 22, sur toute la question des délais, je peux vous dire que l'opposition officielle, jusqu'à date, partage vos inquiétudes sur le fait que... tel que libellé présentement, tel que libellé. Ça ne reflète pas nécessairement l'esprit et la volonté exprimés par Mme la ministre, qui nous l'a dit clairement à plusieurs reprises depuis hier, que le gouvernement voyait ça comme des bornes et non pas des dates butoirs. Et je pense que ça fera partie de nos amendements, proposés par l'opposition officielle, de revoir le libellé de l'article 22, entre autres pour s'assurer qu'on a une obligation d'offrir des services aux parents, l'obligation d'offrir des services aux enfants, et que ces dates-là ne soient pas considérées, là, comme: c'est fini, puis on passe à autre chose. Alors, je pense que, là-dessus, là, le message est très clair.
n(11 h 20)n Et, si on peut le dire déjà à la deuxième journée de nos audiences, c'est parce qu'à la lecture des mémoires que nous avons reçus à peu près tous les organismes, tous les intervenants sont revenus ou reviennent sur cet article qui suscite beaucoup de craintes, d'appréhensions et qui a un risque potentiel quand même assez élevé de dérapage, et ceci étant dit, là, sans aucune mauvaise volonté de qui que ce soit. Mais, quand c'est écrit dans la loi, un tribunal, il prend ce que la loi lui dit, et ça, je pense que, là-dessus, c'est très clair, il faut que nous soyons très vigilants, nous, comme législateurs, pour ne pas faire d'erreur en lien avec cet article. Alors, je tenais à vous transmettre ce sentiment qui m'habite comme porte-parole de l'opposition officielle, et, avec mes collègues, soyez sans crainte, nous allons regarder à ce qu'on reflète bien l'état des discussions et la sensibilité de tous les partenaires du dossier sur cette question.
Ceci étant dit, j'aimerais qu'on revienne sur une chose qui m'apparaît quand même importante. Vous nous parlez à l'effet que vous trouvez surprenant le nombre de cas... «Le nombre et la proportion d'enfants placés demeurent élevés depuis le début de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse.» C'est à la page 18 et c'est toujours dans le cadre de votre libellé sur l'article 22. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous attribuez ça à quoi, surtout à quelles situations, à quels contextes? Et là, quand je vous pose la question, ce n'est pas pour chercher des coupables, c'est pour comprendre qu'est-ce qui existe et qu'est-ce que nous devrions corriger.
Mme Brousseau (Michèle): Écoutez, on peut avancer une explication, une explication historique. Pendant des années, ça a été reconnu que, nous, au Québec ? on était probablement, là-dessus, aussi une société distincte ? on a eu recours plus que d'autres sociétés au placement des enfants. Je pense que c'est relié aussi... Quand on vous disait tout à l'heure nos réserves et l'importance de la disponibilité des ressources, c'est que, si on n'a pas des services suffisants pour accompagner étroitement les familles qui vivent des problèmes importants et que par ailleurs un enfant est en danger sur le plan de sa sécurité ou de son développement, on n'aura pas le choix de le retirer de son milieu familial. Donc, il y a une vapeur, il y a un mouvement, je pense, à changer. On a eu cette habitude-là, on a voulu la... Depuis 1979 qu'on voulait diminuer le nombre de placements, mais les ressources font en sorte que, lorsqu'on ne peut pas accompagner de façon suffisamment étroite des parents en difficulté et que la situation perdure et compromet, bien on recourt à ce moment-là à d'autres ressources. Je pense qu'avec les développements actuels, avec les centres de la petite enfance, avec d'autres ressources qui permettent aussi de pallier à certaines limites du milieu familial, ça pourrait permettre aussi de diminuer. Mais la réponse, elle passe toujours par des ressources pour intervenir de façon suffisamment intense auprès des familles dès le début, et je dirais ? et ça, ça va faire plaisir à M. Bouchard ? aussi en amont des problèmes, comme on le demandait dans le rapport Un Québec fou de ses enfants.
Mme Charest (Rimouski): À M. Bouchard et à plusieurs de ses collègues.
M. Leblond (Claude): J'ajouterais, si vous le permettez, effectivement... Je ferais le lien avec ce que Mme Brousseau vous dit. Le commentaire qu'on fait de suggérer la mise en place de la question des délais sur une base de cinq ans, parce que, me semble-t-il, nous semble-t-il, le fait de mettre en place tout le panier de services nécessaires pour permettre aux enfants et à leur famille de progresser puis aux parents de répondre aux besoins de leurs enfants puis de favoriser le développement de leurs enfants, on a tellement de retard à faire au Québec là-dessus... à reprendre là-dessus que, nous semble-t-il, que de se donner le temps de mettre en place les bornes, décaler la mise en place des bornes plus tard serait plus sécurisant, me semble-t-il, pour tout le monde et plus respectueux du droit des enfants à être avec leurs parents et du droit des parents d'assumer la vie de leurs enfants et le développement de leurs enfants, là.
Mme Charest (Rimouski): Je comprends votre proposition.
M. Leblond (Claude): Parce qu'on place les enfants parce qu'il n'y a pas d'autres ressources, et là, quand ils vont être placés, s'ils sont à tel âge, on a une borne.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Non, non, on a compris.
M. Leblond (Claude): Alors, c'est un peu inconséquent.
Mme Brousseau (Michèle): Et dangereux.
Mme Charest (Rimouski): Bien, c'est dangereux, je pense...
M. Leblond (Claude): Oui.
Mme Charest (Rimouski): ...de la façon dont vous nous expliquez ce qui pourrait éventuellement arriver.
Écoutez, vous nous parlez aussi que les professionnels qui oeuvrent au sein de la protection de la jeunesse devraient être membres de corporations. On pourrait rapidement vous dire que vous êtes un petit peu corporatistes, mais je suis persuadée que ce n'est pas ça. L'idée que vous avez derrière la tête ? puis là je vous taquine, je vous pince un peu en disant ça, ha, ha, ha! et je me permets des libertés parfois... Mais, moi, je voudrais vous entendre là-dessus, parce qu'elle m'apparaît importante, cette suggestion que vous faites. Oui, c'est très délicat, les décisions que les intervenants et les intervenantes ont à prendre sur la vie des enfants et sur la vie des familles concernées, et ça demande des connaissances, de l'expertise et, j'allais dire, de l'expérience. Bon, mais il faut donner la chance aux professionnels aussi de l'acquérir, cette expérience-là. Quand on est bien monitoré, quand on est bien encadré, quand on est bien supervisé, je pense que ce n'est pas un handicap insurmontable, l'expérience comme telle.
Mais, justement, pour éviter que des parents, comme hier, qui sont venus nous voir et qui nous ont dit qu'ils se sentaient lésés puis qu'ils ne comprenaient pas pourquoi que des intervenants avaient pris telle et telle décision, j'aimerais vous entendre sur la question de l'importance: Est-ce que c'est parce qu'on pourrait plus revenir auprès des corporations professionnelles pour dire: Nous pensons que ce professionnel-là n'a pas agi selon les règles de l'art et on demande à ce que cette personne-là soit questionnée, enquêtée, etc.?
M. Leblond (Claude): D'accord. J'apprécie que vous me posiez la question, ça va nous permettre de clarifier effectivement que ce n'est pas du corporatisme, là. Vous savez, l'avantage... Actuellement, on peut estimer que, dans les centres jeunesse au Québec, sur peut-être les 1 000 à 1 100 personnes qui sont formées en travail social et qui interviennent dans les centres jeunesse, il y en a à peine le quart, là, qui sont membres de l'Ordre des travailleurs sociaux, les autres sont formés en travail social, exercent comme agents de relations humaines au sein des établissements et exercent avec compétence. Alors, l'apport supplémentaire de l'appartenance à un ordre professionnel, ce n'est pas d'abord sur la notion de compétence. Les gens acquièrent leur compétence dans leur formation de base, l'augmentent, là, à travers les formations continues en cours d'emploi, etc.
L'apport spécifique du système professionnel et de l'appartenance à un ordre, c'est davantage en termes de recours possible s'il y a faute professionnelle, le recours pour les clientèles. Et là, si effectivement on avait un groupe d'intervenantes et d'intervenants qui faisaient partie de façon importante de leur ordre professionnel et qui exerceraient ces responsabilités, là, de déterminer est-ce que ces enfants sont en besoin de protection, est-ce que... Parce que, vous savez, les décisions qu'on prend par rapport aux enfants et qu'on prendra par rapport... quand il sera à la question des délais, ce sont des questions qui sont à haut risque de préjudice pour les populations, et le système professionnel que le Québec s'est donné permet effectivement aux gens qui estiment qu'il y a eu faute professionnelle d'avoir des recours. Ça fait aussi en sorte que les professionnels, par leur code de déontologie, donc les travailleurs sociaux, par leur code de déontologie, s'obligent à de la formation continue obligatoire, s'obligent de maintenir et de développer leur compétence, qui devient un apport supplémentaire à ce qui est offert par l'établissement employeur dans sa mission d'assurer la qualité des services. Il y a un engagement de l'individu comme professionnel de maintenir ses connaissances, hausser ses compétences pour donner des services de qualité.
Il y aurait également la possibilité de l'inspection professionnelle dans les établissements. Alors, quand on va inspecter nos membres dans un centre jeunesse, bien on inspecte ceux qui sont membres, on n'inspecte pas la pratique de tous ceux qui seraient admissibles. Alors, si tous les travailleurs sociaux étaient... on aurait un meilleur regard sur la qualité de la pratique.
Autre chose. Nous, on n'est pas pris dans un système de gestion des relations de travail. Quand nous inspectons, quand nous portons un jugement sur la pratique d'un membre, quand nous favorisons le développement des membres, ce n'est pas en fonction des relations de travail, on n'a pas à se préoccuper en soi, là, des éléments des relations de travail, alors qu'un syndicat va défendre son membre et qu'un employeur va défendre un autre élément. Nous, on va porter un jugement en fonction du public et uniquement du public.
Mme Charest (Rimouski): Uniquement sur l'éthique professionnelle.
M. Leblond (Claude): Oui.
n(11 h 30)nMme Charest (Rimouski): Dites-moi, dans un autre ordre d'idées ? parce qu'on pourrait en discuter encore plus longtemps, là, mais je voudrais quand même aborder plusieurs questions ? l'approche consensuelle. Vous dites en quelque part dans votre mémoire que les travailleurs sociaux sont des personnes très aptes à assumer ce rôle de médiateur qui pourrait être le leur, compte tenu de leur formation, de leur expertise et de leur expérience. Par ailleurs, dans le projet de loi, c'est un mandat qui a été confié à la DPJ... au DPJ. Je ne sais pas si vous avez eu l'opportunité de lire le mémoire du Barreau, le Barreau, lui, nous dit d'autre part que, pour lui, ce mandat confié au DPJ rend le DPJ juge et partie et qu'il ne permettra pas, compte tenu de sa responsabilité première de DPJ, compte tenu aussi de son rôle à l'intérieur de l'organisation des centres jeunesse, et tout ça, ne permettra pas d'exercer vraiment la dynamique qu'il faut pour une médiation pleine et entière, pour que toutes les parties, parents, enfants, intervenants, DPJ, etc., puissent avoir cette... comment je dirais, cette relation de contre-pouvoir par rapport à l'autre pour pouvoir en arriver à une médiation juste et équitable pour tout le monde. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ou si vous ne contestez pas le fait qu'on confie au DPJ le rôle de la médiation?
Mme Cauchy (Monique): Oui. Je pense qu'il est important que soit favorisé effectivement le développement des approches consensuelles le plus possible et que c'est important que les intervenants, travailleurs sociaux et les autres intervenants qui travaillent au niveau de la DPJ soient formés et développent ces pratiques le plus possible. Sur mes 20 ans d'expérience, j'ai eu le plaisir d'être, pendant trois ans... et un petit peu plus que trois ans, médiatrice familiale accréditée, et je suis très consciente du riche apport que ça a sur ma pratique en évaluation à la DPJ. Alors, sur les 20 ans, j'ai 17 ans sur le terrain, à l'évaluation. Et je pense qu'il y a d'une part la médiation familiale comme elle est conçue au Québec, le médiateur familial accrédité, et je trouve ça très important qu'il puisse y avoir un maillage et une complémentarité étroite avec les services de la DPJ et une référence rapide à des médiateurs familiaux accrédités. C'est d'une grande utilité. À Montréal, il y a... en tout cas, c'est... il y a des choses qui se développent pour que l'accès soit rapide, et c'est très efficace. Maintenant... Il y a, d'une part, ce maillage au niveau de la médiation.
D'autre part, je trouve que, dans la loi, comme elle est proposée actuellement, et c'est intéressant, il y a l'espace pour appliquer des approches consensuelles. Le fait qu'il y ait l'ouverture à, bon, l'entente sur les mesures volontaires puis la période de deux ans, le fait qu'il y ait la mesure provisoire, et ce serait à espérer aussi qu'il puisse y avoir un prolongement de cette mesure provisoire aussi, ne serait-ce qu'au moins un délai d'une dizaine de jours, comme ça vous a déjà été proposé... Nous, on proposait qu'elle puisse être renouvelée, parce que, quand on intervient sur le terrain, par exemple, un mois, c'est souvent très court, parce que, quand on intervient immédiatement, il y a la compréhension, la connaissance des enjeux, la mesure qui se met en place, une mesure provisoire, et puis, ensuite, il y a l'adaptation à cette mesure provisoire pour qu'on puisse continuer à voir qu'est-ce qu'on veut voir à plus long terme. Et le temps passe, et ça nous laisse à peine un deux, trois semaines vraiment d'intervention. Alors, qu'il puisse y avoir la possibilité de pouvoir... que ce soit renouvelé, c'est une bonne chose.
Alors, la loi donne ces espaces-là, mais le fait que, par exemple, on dit: Oui, on peut faire une entente, il y a une possibilité d'une entente, ce n'est pas suffisant. Il faut aussi pouvoir les développer, ces approches, sur des modèles d'intervention qui peuvent être inspirés, comme par exemple des modèles de thérapies brèves, d'approches orientées vers les solutions, ça demande le développement d'habilités, de la supervision et, par exemple, des techniques de résolution de conflit. On a souvent entendu parler des techniques de négociation sur intérêt. Et, quand on parle de... Je ne nous perçois pas comme juge et partie, parce que... En tout cas, très fréquemment, je... J'ai peu souvent besoin d'aller à la cour, et souvent, quand il arrive que je vais à la cour, c'est parce que souvent on va déposer un consensus, une entente à la cour. Alors, c'est une forme de pratique qui permet de pouvoir travailler de façon consensuelle avec les gens.
Il y a aussi... parfois, on intervient, ce n'est pas nécessairement des conflits entre les parents, mais un signalement peut être à l'origine, par exemple, d'une rupture du système familial avec le système scolaire ou avec le système du CLSC, et c'est important qu'on fasse une bonne lecture des enjeux puis qu'on travaille au rétablissement du lien. Souvent, dans mon intervention, je vais faire des interventions qu'on dit terminales, qui, en l'espace, par exemple, d'un mois, on a réglé la situation puis on n'a pas besoin de référer le dossier au niveau de la prise en charge par la suite. Le fait d'avoir développé... Bon, c'est sûr que mes trois ans de médiatrice jouent beaucoup, mais je suis convaincue que, si on développe ces techniques d'intervention... il y a toute une question aussi de l'utilisation des mots, le langage, les gestes, la compréhension des enjeux, des gens qui ont une formation en médiation familiale le savent, et il y a des formations qui devraient être adaptées et développées en protection de l'enfance. Pour moi, aussi, approche consensuelle, comme je vous disais, ne s'oppose pas à processus judiciaire.
Aussi, quand vous mentionniez, au niveau des communautés culturelles, j'ai... Au niveau des communautés culturelles, il y a des... on a un programme d'aidantes naturelles qui sont issues de la communauté haïtienne et aussi d'aidantes issues de communautés musulmanes, et ça aide beaucoup. Ce sont plusieurs types de mesures qui nous aident. Voilà.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy (Lotbinière): Merci, M. le président, pour votre mémoire. Vous êtes les travailleurs sociaux, ce qu'on appelle dans le milieu les TS, qui viennent témoigner, qui sont assez au fait de ce qui se passe comme déroulement à la cour. J'ai deux points: un sur les délais, l'autre sur la médiation.
Si vous avez été médiateur accrédité comme, moi, je l'ai été, je pense que la première règle qu'on avait, il fallait avoir deux parties d'à peu près égale force. Il n'y a pas de médiation en violence conjugale ou... premièrement, puis, deuxièmement, il faut que le médiateur demeure absolument neutre, parce que... il faut qu'il abandonne son rôle de défendre ou... mais il faut absolument qu'il demeure neutre, et je pense que c'est ce à quoi faisait rapport le mémoire du Barreau. C'est les inquiétudes qu'il présente.
Deuxièmement, pour les délais. Moi, je voudrais savoir si c'est encore comme ça. Au début, il y a la réception du signalement, on le reçoit ou on le rejette. Bon, admettons que le signalement est reçu et qu'on décide de sortir les enfants du milieu familial pour les mettre en hébergement. Là, l'évaluation se fait au moment où ils sont déjà rendus à l'extérieur, parce qu'il y a des risques de sévices, admettons, corporels ou autres. À ce moment-là, on va devant la cour et on demande des mesures provisoires de 30 jours ? c'est parce que je veux que tout le monde soit à la même longueur d'onde, c'est pour ça que je refais le processus ? on va à la cour, puis on demande des mesures provisoires de 30 jours. C'est pendant ce temps-là que les travailleurs sociaux évaluent les enjeux et proposent des solutions pour la problématique qui leur a été dévoilée.
Si les parents ne sont pas d'accord, il y a alors le procès sur la compromission. Ça, ce procès-là, il faut avoir une date de cour. Je vais vous donner un cas extrême pour bien illustrer la situation, là. Une mère avec quatre enfants de pères différents, vous allez avoir quatre procureurs pour les pères et un procureur pour la mère, un procureur pour les enfants, un procureur pour la DPJ. Vous allez avoir sept avocats, sept agendas à concilier, plus la date de cour. Le procès avec sept avocats est d'autant plus long qu'il l'aurait été s'il y avait eu juste quatre avocats, comme il y en a d'habitude. Bon. Ce procès-là peut prendre six mois avant de finir ? ça, je l'ai vécu ? parce que c'est les dates de cour, les agendas de tout le monde, plus le temps disponible pour le juge de la Cour du Québec.
Au bout de ça, le procès fini, il faut avoir le jugement, il faut savoir ce que le juge a statué. Après avoir eu le jugement, vous faites le plan d'intervention, c'est ça? Je ne sais pas si c'est encore comme ça, là. Mais... là, c'est-à-dire que tout le monde s'assoit à la table puis ils disent comment on va mettre en mesure... les mesures pour aider cette personne-là en conformité avec le jugement. Ça veut dire que, là, on peut avoir un délai facilement de huit mois avant que le plan d'intervention, celui, là, final, arrive, entre le moment où cet enfant-là a été placé et le moment où on commence, là, la vraie intervention. Est-ce que ça arrive, ça?
M. Leblond (Claude): Rapidement, là. Je pense que vous avez une lecture qui n'est pas loin de la réalité effectivement, et ça, c'est seulement avec l'apport de la dimension judiciaire dans le fait qu'il y ait des délais et l'impact que ça a ensuite sur l'intervention. Il y a d'autres facteurs qui viennent ajouter effectivement d'autres questions de délais. Par contre, il y a une intervention qui peut se faire pendant ce processus-là et qui se fait aussi. Et je vais donner la parole à Mme Brousseau pour qu'elle puisse vous revenir sur la question de la médiation, là.
Le Président (M. Copeman): Très rapidement, s'il vous plaît.
n(11 h 40)nMme Brousseau (Michèle): Oui, je vais y aller rapidement. Nous avons parlé d'approche consensuelle et non de médiation. Vous avez tout à fait raison de dire qu'un médiateur doit être impartial entre deux parties.
Par ailleurs, ce qu'il faut se rappeler, c'est que les travailleurs sociaux, en tout cas particulièrement au Québec et en Europe, sont à l'origine des approches de médiation en matière familiale, ils en ont été les pionniers, c'est inscrit dans leurs traditions professionnelles. Et, quand on parle d'approche consensuelle, on le voit comme un processus clinique, comme une approche clinique qui laisse de la place à la personne et au client, qui lui donne la possibilité de donner sa lecture, de proposer ses moyens, et qui tient compte de ça et qui tient compte aussi qu'un processus de changement, c'est quelque chose de graduel, qu'il peut y avoir une certaine reconnaissance au départ qui permet d'amorcer le travail mais qui va se continuer en cours de route. Et c'est dans ce sens-là. Et je pense qu'il y a certains clients même qui vont venir vous le dire, qui sont tout à fait en faveur de ces approches-là, parce qu'au lieu de camper des personnes sur des positions ça favorise l'ouverture vers des changements en reconnaissant ce que les gens sont prêts à reconnaître dans un premier temps. Et on est tous comme ça dans la vie, on a toujours besoin d'un certain temps, quels que soient les changements dans notre vie, on a besoin d'un certain temps pour apprivoiser les moyens qu'on va prendre pour y faire face, et les clients qui sont en protection de la jeunesse ne sont pas différents de nous là-dessus.
Mme Roy (Lotbinière): M. le Président, je peux demander le consentement pour une brève question? Brève.
Le Président (M. Copeman): Bien, nous avons dépassé l'heure, à ma gauche, là. On a un horaire, on a... par souci d'équité...
Mme Roy (Lotbinière): Ça va prendre une minute.
Le Président (M. Copeman): Ce n'est pas la première fois que j'entends ça, mais allez-y.
Mme Roy (Lotbinière): Finalement, la mesure consensuelle que vous parlez, c'est ce qui donne lieu aux mesures volontaires, puis c'est grâce aux talents des travailleurs sociaux. Ça se fait actuellement, ça?
Mme Brousseau (Michèle): Il y a des expériences qui se font déjà dans le milieu, où on a adapté les pratiques de médiation, on va parler plus de négociation sur intérêt ou d'approche consensuelle. Donc, c'est de s'inspirer de la philosophie et non pas de se mettre dans des positions où il y en a un qui a plus de pouvoir que d'autres, mais de respecter le rythme de changement des personnes.
Mme Roy (Lotbinière): Parfait. Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Leblond, Mme Roy, Mme Brousseau, Mme Cauchy, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec.
J'invite immédiatement les comités des usagers des centres jeunesse de la Montérégie, de Montréal et de Québec et le Regroupement provincial des comités des usagers à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 41)
(Reprise à 11 h 45)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants des comités des usagers des centres jeunesse de la Montérégie, de Montréal et de Québec et le Regroupement provincial des comités des usagers.
M. Dumesnil, bonjour. Je sais, et vous également, vous n'êtes pas à votre première expérience en commission parlementaire, mais je vous rappelle nos façons de fonctionner. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi en principe par un échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter vos collaborateurs et votre collaboratrice et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.
Comités des usagers des centres jeunesse
de la Montérégie, de Montréal et de Québec
et Regroupement provincial des comités
des usagers (RPCU)
M. Dumesnil (Jean-Marie): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, nous vous remercions de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire. Je suis Jean-Marie Dumesnil, je suis président du Regroupement provincial des comités des usagers et président du Comité des usagers du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, communément appelé le CHUM.
Je suis accompagné de Mme Marguerite Defossé, agente de liaison du Comité des usagers du Centre jeunesse Montérégie depuis 2001. Mme Defossé a été, pendant neuf ans, un parent usager dont un des enfants a reçu des services du Centre jeunesse Montérégie. Comme usager, Mme Defossé s'est impliquée au comité des usagers, elle en a été présidente et représentante au conseil d'administration du centre jeunesse avant de devenir agente de liaison. Mme Defossé représente les comités des usagers des centres jeunesse sur le Regroupement provincial des comités des usagers.
À ma droite, j'ai M. John Brockman, qui est agent de liaison du Comité des usagers du Centre jeunesse universitaire de Montréal depuis 1997; et, à mon extrême droite, M. Yvon Pinard, conseiller au Comité des usagers du Centre jeunesse universitaire de Québec, vice-président de son conseil d'administration et membre délégué à l'Association des centres jeunesse du Québec.
Dans le cadre du projet de loi n° 125, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, les comités des usagers des centres jeunesse de la Montérégie, de Montréal et de Québec souhaitaient présenter un mémoire. Le Regroupement provincial des comités des usagers des établissements de santé et de services sociaux a accepté de les accompagner dans leur démarche. Pour mieux vous situer, siègent sur le comité provisoire de notre regroupement des représentants de comités des usagers des organisations suivantes: centres hospitaliers, centres hospitaliers universitaires, centres de santé et services sociaux, centres jeunesse, centres de réadaptation en déficience intellectuelle, centres hospitaliers à vocation psychiatrique, centres de réadaptation de dépendance et centres de réadaptation en déficience physique.
Les comités des usagers des centres jeunesse parlent principalement au nom des enfants, mais ils parlent aussi au nom de leurs parents, puisque ces derniers en sont les premiers responsables. Nous espérons que, dans nos propos, vous entendrez la voix des usagers, c'est-à-dire les jeunes et leurs parents. Nous avons étudié le projet de loi n° 125 en nous fondant sur ce que vivent les comités des usagers au quotidien. Nous espérons que notre mémoire constituera un apport à votre commission et contribuera à améliorer la qualité de tous les services offerts par la protection de la jeunesse.
Nous avons choisi de commenter les articles du projet de loi qui nous interpellent plus particulièrement. Afin de faciliter la compréhension du présent mémoire, précisons que les chiffres entre parenthèses se réfèrent aux articles actuels de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Le rôle des comités des usagers. D'entrée de jeu, nous déplorons que le projet de loi ne fasse nullement mention des comités des usagers dans les centres jeunesse. L'article 1 propose une série de définitions. Plus spécifiquement, l'alinéa d clarifie ce qu'est un organisme: «tout organisme constitué en vertu d'une loi du Québec qui s'occupe notamment de la défense des droits, de la promotion des intérêts et de l'amélioration des conditions de vie des enfants, tout organisme du milieu scolaire et tout milieu de garde.» Il est tout de même étrange que les comités des usagers des centres jeunesse ne soient pas expressément nommés dans la Loi sur la protection de la jeunesse ? je pense qu'il pourrait y avoir des explications là-dessus à nous donner ? alors qu'ils sont au service des jeunes en protection et de leurs parents. Cette absence est d'autant plus étonnante que la Loi sur les services de santé et les services sociaux oblige les établissements à mettre sur pied ces comités dont le mandat est de renseigner les usagers sur leurs droits et leurs obligations, de promouvoir l'amélioration de la qualité des conditions de vie des usagers et d'évaluer le degré de satisfaction à l'égard des services obtenus de l'établissement, de défendre les droits et les intérêts collectifs des usagers ou, à la demande de l'un d'entre eux, ses droits et ses intérêts en tant qu'usager auprès de l'établissement ou de toute autorité compétente, finalement d'accompagner et d'assister un usager, sur demande, dans toute démarche qu'il entreprend, y compris lorsqu'il désire porter plainte.
Les comités des usagers qui exercent leurs responsabilités n'ont qu'un seul objectif: défendre les intérêts de l'usager. C'est dans l'exercice de ces responsabilités qu'ils sont témoins de la réalité de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse.
La conciliation et les ententes consensuelles. Nous sommes particulièrement heureux de voir que les mots «conciliation» et «ententes consensuelles» sont désormais inscrits dans la loi. Il en est fait mention dans plusieurs articles du projet de loi.
n(11 h 50)n Les comités des usagers, dans leur rôle d'accompagnateurs, doivent rassurer, soutenir et guider les jeunes et leurs parents. Ils ne sont ni médiateurs ni partie prenante. Ils sont toutefois à même de constater que l'approche consensuelle est une formule gagnante. Elle témoigne aux parents l'ouverture et la considération d'un intervenant, évitant ainsi qu'ils se braquent inutilement, une attitude qui fait déraper la situation et conduit tout droit au tribunal. La conciliation et l'entente consensuelle permettent en effet de mobiliser le jeune et ses parents, ce qui favorise l'atteinte de meilleurs résultats.
Nous espérons que ces changements régleront l'actuelle zone grise que nous constatons lorsque vient le temps d'aider les parents à développer leurs habiletés et leurs compétences personnelles. Si un juge ordonne que du soutien soit donné à l'enfant et à sa famille, on croit généralement, à tort, que seul le centre jeunesse peut ou doit y donner suite. Or, si, en théorie, les centres jeunesse sont là pour l'enfant et sa famille, leur priorité ultime est d'assurer la protection de l'enfant. Avec la création des centres de santé et de services sociaux, les centres jeunesse sont devenus des partenaires. Il doit donc y avoir un lien étroit entre le centre jeunesse, qui donne des services aux enfants ayant besoin de protection, et le CSSS, qui intervient auprès des parents sur une base volontaire.
Les compromissions. Diverses situations peuvent compromettre la sécurité ou le développement d'un enfant. L'article 10 décrit très bien toutes les compromissions possibles. Dans l'ancienne loi, à peu près tous les jeunes qui présentaient des troubles de comportement étaient signalés au directeur de la protection de la jeunesse. L'alinéa f de cet article nous fait craindre que certains jeunes tombent «entre deux chaises» si personne n'intervient, parce que leur comportement ne les met pas en danger à court terme. Une partie de la clientèle qui reçoit actuellement des services qu'on pourrait associer à une certaine forme de prévention serait éliminée. En effet, tel que l'article est libellé, plus personne ne s'occuperait de cette clientèle. Pire encore, à l'alinéa f.1°, on parle de l'enfant de 14 ans et plus et, à l'alinéa f.2°, de l'enfant de moins de 12 ans. Qu'advient-il des enfants de 12 et 13 ans? Peut-être avons-nous mal saisi.
Un comportement proactif. Nous apprécions que certains articles du projet de loi donnent un rôle proactif au directeur de la protection de la jeunesse. Ainsi, à l'article 19, le directeur a désormais l'obligation de diriger l'enfant ? et ses parents, s'ils y consentent ? vers les ressources appropriées. Nous voyons d'ailleurs un lien très évident avec l'article 16, qui soulève une interrogation de notre part. Il arrive qu'une situation soit signalée et que l'on constate qu'un enfant n'est pas en compromission. Cependant, si tout indique qu'il s'y dirige et que lui et sa famille ont vraiment besoin d'aide, le directeur ne devrait-il pas faire le pont et vérifier s'il y a matière à prendre action sans plus tarder?
Nous sommes d'accord avec l'article 3, qui propose de maintenir l'enfant dans son milieu familial. Cependant, nous sommes inquiets que cette philosophie devienne un absolu. Il ne faut pas oublier que l'objectif premier est le bien-être de l'enfant. S'il y a compromission, il faut garantir le soutien nécessaire, avec une intensité adéquate, au jeune comme à ses parents. Si les parents se trouvent sur la liste d'attente d'un autre établissement ou organisme, la situation continuera à se dégrader. Autrement dit, nous ne voulons pas que l'article 3 reste à l'étape des beaux principes. Par expérience, nous savons que l'aide n'est pas toujours disponible.
Par ailleurs, l'article 22 précise qu'en certaines circonstances le directeur de la protection de la jeunesse doit saisir le tribunal afin d'obtenir une ordonnance. Nous tenons à vous préciser que, lorsqu'un juge ordonne qu'on apporte aide, conseil et assistance au jeune et à sa famille, ce n'est pas suffisant. Il s'agit même d'une phrase piège. S'il dit qu'il faut donner des services, l'ordonnance devrait définir ces services et préciser qui doit les fournir. Contrairement à la croyance populaire, les centres jeunesse ne sont pas responsables de tout. Si des services intensifs étaient donnés plus rapidement aux parents pour répondre à leurs besoins, on pourrait souvent éviter que la situation dégénère. Le problème, c'est que l'aide, le soutien et les services aux parents ne sont pas suffisants. Encore une fois, il faut être proactif et tenir compte des besoins de la clientèle. Il faut mettre en place des équipes et des services pour ces parents. Nul besoin de vous rappeler le manque de ressources pour répondre adéquatement aux demandes de services.
Dans cet esprit, nous appuyons tout particulièrement les ajouts c et d proposés à l'article 11. L'un tient compte du potentiel des parents, l'autre suggère d'utiliser davantage les ressources du milieu. Nous applaudissons à tout ce qui évite à l'enfant d'être happé par le système.
Quelques interrogations. Nous aimerions maintenant partager avec vous des interrogations que suscitent certains articles. Nous vous les livrons en vrac.
Nous sommes un peu inquiets de voir augmenter les pouvoirs d'enquête du directeur de la protection de la jeunesse, aux articles 6, 7 et 8. Les parents nous disent qu'ils se sentent déjà épiés au-delà du motif pour lequel ils sont interpellés.
Nous aimerions comprendre le but de l'article 9. Nous sommes d'accord avec les modifications apportées aux articles 37.1, 2 et 3 énoncés à l'article 9. Cependant, le paragraphe 37.4 nous inquiète, parce qu'on y propose de conserver les dossiers pendant cinq ans, même après que l'enfant aura atteint l'âge de 18 ans. Pourquoi prolonger cette période de conservation des dossiers? On pourra y revenir à la période de questions.
L'article 25 porte sur la révision de chacun des cas dont le directeur a pris la situation en charge. N'y aurait-il pas lieu d'être plus précis? Nous vous soumettons la réflexion suivante. Les liens sont souvent faibles entre la situation, les mesures consignées au plan d'intervention visant à corriger la situation et le suivi pour en assurer le résultat. Quand un signalement est retenu, il faut que les mesures déterminées correspondent aux éléments de compromission. Il nous apparaît important de vous signaler que cette logique n'est pas toujours présente dans la pratique. Lorsqu'il y a un signalement, c'est parce qu'il y a une situation problématique. Si le directeur de la protection de la jeunesse propose des moyens, il faut que ces moyens permettent de corriger la situation, et la révision d'en mesurer les résultats.
Lorsqu'un projet de vie est inscrit au plan d'intervention, peu de parents y consentent, parce que, pour eux, cette orientation est synonyme d'adoption ou de placement à long terme. La plupart s'y opposent même de toutes leurs forces. Le retrait permanent d'un enfant de son milieu familial devrait donc être le dernier recours après avoir investi massivement auprès de la famille.
Des nouveautés pertinentes. Enfin, nous ne voudrions pas clore cette partie du mémoire sans dire que plusieurs nouveautés s'avèrent de bonnes nouvelles pour les comités des usagers, mais surtout pour les enfants et leurs parents.
Ainsi, nous apprécions qu'à l'article 17 soit ajoutée la mention «à l'un de ses parents», dans un contexte où il y a de plus en plus de familles éclatées. Ne pourrait-on pas même ajouter «ou à un membre de la famille»? Voilà qui constituerait une certaine ouverture aux grands-parents, tout comme l'article 39 semble le faire d'ailleurs. Nous croyons qu'il est intéressant dans certains cas que des personnes significatives pour l'enfant soient entendues par le tribunal.
Nous applaudissons à l'article 27. Enfin, le plan d'intervention est formellement reconnu dans le texte de loi! C'est donc une obligation très marquée. Nous endossons aussi la mesure qui favorise la réinsertion familiale. Elle vient officialiser des pratiques établies et importantes.
Auparavant, le directeur de la protection de la jeunesse était automatiquement tuteur de tous les enfants n'ayant pas de parents, de sorte qu'il ne pouvait entretenir une approche personnalisée avec chacun d'eux. L'article 28 du projet de loi propose l'ajout de l'article 70.1 qui permet à des enfants d'être pris en charge par un adulte proche de lui. Encore une fois, nous ne pouvons qu'applaudir à cet ajout qui personnalise la tutelle. De plus, les nouveaux articles 70.5 et 6 ouvrent la porte aux parents qui souhaitent reprendre contact avec leurs enfants lorsque leur situation s'est rétablie.
Enfin, nous appuyons la conception de «conférence préparatoire» présentée à l'article 36, car tout ce qui simplifie le processus et le rend plus humain permet d'éviter l'allongement de la judiciarisation. Les comités des usagers sont là pour aider les enfants. C'est pourquoi nous endossons pleinement cette mesure qui favorise le partenariat.
Quelques éléments de réflexion. Dans cette seconde partie, nous aimerions reprendre à notre compte certains des éléments de la présentation du Comité des usagers des centres jeunesse de Montréal lors de la consultation du ministère de la Santé et des Services sociaux, en octobre 2004, toujours dans le cadre du projet de loi n° 125. Ils reflètent les propos des usagers qui ont accepté de partager leurs états d'âme avec le comité des usagers du centre jeunesse à la suite de l'intervention de la direction de la protection de la jeunesse dans leur vie et celle de leur famille. Nous sommes conscients que ceux qui sont satisfaits font rarement appel au comité des usagers des centres jeunesse.
La loi joue bien son rôle en permettant de mettre fin à une situation qui compromet la sécurité et le développement d'un enfant. Par contre, les services offerts aux parents ne favorisent pas toujours l'amélioration de l'exercice de leurs responsabilités parentales. Plusieurs parents se plaignent que l'aide et le soutien à la famille ne dépassent pas l'énoncé de principe de la loi et que le réseau des services sociaux offre peu de services à la famille.
Nous avons parlé précédemment du peu de complémentarité avec les CSSS et les centres jeunesse. C'est pourquoi nous appuyons que la primauté de la responsabilité parentale soit reconduite, à l'article 2 de la loi, mais cette approche aura peu d'effet si elle ne s'inscrit pas dans le développement d'une politique d'aide et de soutien à la famille.
Dans une société où l'on déclare que l'unité familiale se désagrège de plus en plus, il est paradoxal d'entendre des grands-parents dénoncer de ne pas avoir pu jouer un rôle lors de l'intervention de la direction de la protection de la jeunesse. Ces grands-parents sont souvent jugés incapables de protéger l'enfant ou assimilés aux difficultés rencontrées par les parents de leurs petits-enfants. Nous espérons que les modifications apportées à la loi favoriseront l'implication des grands-parents collaborateurs.
n(12 heures)n Depuis plusieurs années, les comités des usagers des centres jeunesse tentent de soutenir les parents en se faisant le porte-parole de leurs insatisfactions ou de leurs incompréhensions. Toutefois, dans certains centres jeunesse, il est difficile d'intervenir, surtout si le comité des usagers n'a pas une personne attitrée qui en assure la permanence. Notre regroupement recommande fortement que l'on s'assure, auprès des agences de développement de santé et de services sociaux, que tous les centres jeunesse soient dotés d'un agent de liaison et que les budgets soient prévus à cette fin. Nous pourrions y revenir lors de la période de questions.
Le Comité des usagers des centres jeunesse de Montréal a convenu avec le directeur de la protection de la jeunesse d'un protocole d'entente visant à permettre l'accompagnement et l'assistance d'un enfant et de ses parents par le comité des usagers dès la période d'évaluation et d'orientation. Ce protocole est actuellement en phase d'expérimentation, et certains espoirs sont permis.
Des façons de faire devront toutefois être modifiées. Nous songeons, entre autres, aux parents qui ont fréquemment le sentiment d'avoir perdu tous leurs droits lorsque leur enfant est placé dans un centre de réadaptation ou une famille d'accueil. Ils risquent alors de se désinvestir en attendant le retour de l'enfant. Nous songeons aussi à ceux qui craignent une intervention intrusive et abusive de la direction de la protection de la jeunesse. Ils paniquent lors de l'intervention, se replient sur eux-mêmes et sont sur la défensive, quand ils ne contre-attaquent pas carrément.
Dans un même ordre d'idées, les rapports de la direction de la protection de la jeunesse, souvent conçus dans le but de soutenir la recommandation faite au tribunal, creusent un fossé entre l'intervenant et le client. Nous proposons de revoir le cadre de rédaction de ces rapports de façon à favoriser une meilleure utilisation des forces du milieu familial. De même, les évaluations psychologiques ou de capacité parentale ordonnées par le tribunal sont actuellement effectuées par le personnel ou des contractuels du centre jeunesse. Les parents estiment que ces rapports manquent d'objectivité et ils craignent qu'ils soient tributaires de l'orientation proposée par l'intervenant. Les règles de l'aide juridique ou les moyens financiers du client ne favorisent pas toujours l'utilisation d'une contre-expertise.
Afin de garantir aux parents une plus grande objectivité, nous endossons la recommandation, énoncée en octobre 2004 par le Comité des usagers des centres jeunesse de Montréal, qui proposait que le tribunal désigne les professionnels qui seront chargés de réaliser ces expertises. C'est pourquoi nous appuyons fortement la recommandation d'un nouveau principe affirmant l'importance de favoriser l'utilisation d'approches consensuelles centrées sur la médiation et la conciliation. De plus, nous suggérons de prévoir dans la loi l'obligation pour la direction de la protection de la jeunesse d'informer les clients de l'existence du comité des usagers et d'en faire connaître le mandat, ce qui est loin d'être le cas dans plusieurs centres jeunesse. Soulignons qu'en Montérégie le comité des usagers des centres jeunesse accompagne la clientèle depuis plusieurs années, et ça, dès l'étape de réception et du traitement du signalement. Depuis février 2004, un protocole de collaboration a été signé entre la direction générale et le comité des usagers pour officier une collaboration existante depuis décembre 2002.
En conclusion, nous souhaitons d'abord souligner que nous applaudissons à de nombreux changements que le projet de loi n° 125 propose d'apporter à la Loi sur la protection de la jeunesse, notamment en ce qui a trait à la conciliation et aux ententes consensuelles de même qu'au rôle proactif qu'on veut confier aux directeurs de la protection de la jeunesse.
Nous apprécions également la série de nouveautés pertinentes qui figurent dans ce projet de loi: entre autres, la place qu'on accorde à chacun des parents; la tutelle qui pourrait être confiée à un proche de l'enfant; et le concept de conférence préparatoire, qui humanise le processus.
Certains changements inquiètent toutefois les comités des usagers des centres jeunesse. Il y a, par exemple, l'augmentation des pouvoirs d'enquête qu'on veut accorder aux directeurs de la protection de la jeunesse; le fait que les enfants de 12 et 13 ans semblent exclus dans le libellé des articles; et la volonté de prolonger la période de conservation des dossiers.
Enfin, nous espérons que l'augmentation des projets de vie ne se fera pas au détriment des moyens offerts aux parents pour les aider à s'en sortir. Le retrait permanent d'un enfant de son milieu familial ne devrait être fait qu'après avoir investi massivement, mais sans résultat, auprès de la famille.
Nous espérons que nos commentaires et suggestions... que vous aurez entendu la voix des enfants et des parents, dont nous sommes le porte-parole.
Finalement, ce mémoire a reçu l'appui des comités des usagers ? je pense que c'est important de le souligner ? des centres jeunesse Mauricie?Centre-du-Québec, Saguenay?Lac-Saint-Jean et de la famille Batshaw à Montréal, de Laval, Lanaudière et Chaudière-Appalaches.
Nous sommes à votre disposition, surtout mes collègues, dont les connaissances et l'expérience sont reconnues dans leur milieu, pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Dumesnil.
M. Dumesnil (Jean-Marie): Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, madame, messieurs, bienvenue. Merci de nous faire part de ce qui vous inquiète. Je pense que c'est le but de l'exercice, aujourd'hui, et hier, et dans les journées qui viendront, c'est justement de pouvoir mieux saisir finalement ce que chacun d'entre nous comprend du projet de loi qui est déposé et qui est devant vous.
Ce projet de loi là, c'est bien un projet de loi, donc on peut le bonifier. On est tous là pour une chose: c'est s'assurer d'abord de la protection des enfants dont le développement et la sécurité sont compromis, mais aussi s'assurer que les parents puissent aussi avoir accès aux services qui leur permettront de mieux vivre cette relation parent-enfant, telle qu'on la souhaite évidemment pour tous les enfants du Québec.
Si vous permettez, avant de vous poser une couple de questions, je voudrais juste peut-être reprendre certains éléments puis vous donner mes éléments de réponse. C'est débattable, c'est sûr, là.
Vous nous dites que... bon, vous faites la suggestion que le comité des usagers soit nommément inclus dans la loi. Je ne suis pas contre. J'avoue, là, qu'il faudrait qu'on voie comment est-ce qu'on peut l'inclure. Je suis à prime abord très consciente qu'effectivement, si les gens connaissaient votre existence, peut-être aussi que ça rassurerait les parents, ou les grands-parents, ou quelques personnes significatives dans la vie d'un enfant puis qui vit une situation très difficile. Je suis même étonnée de voir qu'il y a certains centres jeunesse où il n'y a pas personne à qui on a vraiment donné cette responsabilité-là. Donc, moi, je pense que c'est un élément important.
L'intrusion dans la vie d'une famille, aussi brutale ? parce que c'est ça, hein, c'est une loi d'exception... Quand la DPJ arrive dans une famille, ce n'est pas facile. Alors, quelqu'un nous disait hier: Essayez même pas de vous mettre à la place de ces parents-là ou à la place de ces enfants-là, vous ne vivez pas ça. Par contre, on essaie malgré tout, la nature humaine étant ce qu'elle est, de se mettre à la place de ces parents-là puis de s'imaginer: C'est quoi, mes recours? Qu'est-ce que je dois faire? Bon, est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut m'aider finalement à m'orienter dans tout ce système-là? Honnêtement, je trouve que c'est une bonne proposition, c'est un bon point. Ça n'a pas été oublié volontairement. Il faut voir comment ça peut s'inscrire. Alors, je reçois ça avec... positivement.
Vous dites que vous êtes inquiets de l'augmentation des pouvoirs d'enquête qui sont donnés aux DPJ. Tout à l'heure, je reviendrai avec une question là-dessus, parce que je n'avais pas l'impression que, dans le projet de loi, on augmentait le pouvoir d'enquête. On leur donne plus d'outils pour mieux effectuer leur travail. Puis je pense, entre autres, à toute la question de la confidentialité, je pense au registre, je pense aussi à l'information qui doit circuler pour justement prévenir qu'un enfant se retrouve dans des situations très difficiles et qu'il n'y a personne, d'une région à l'autre, qui puisse en parler. Mais on pourra en discuter.
La question, là, des enfants de 12 ans, en ce qui a trait aux troubles de comportement sérieux et l'impression que vous avez qu'on les a comme échappés ou oubliés à quelque part, ce n'est pas ça du tout, mais on se rend compte... on s'est rendu compte de toute façon à la lecture des mémoires, dès le mois de décembre, qu'il y avait une incompréhension par rapport à ça, puis on va le corriger, là. Quand on parle des troubles de comportement sérieux, c'est certain que les jeunes sont pris en charge habituellement par la loi sur la justice pénale pour les adolescents. Alors, on croyait que c'était clair, mais ça ne l'est pas. Donc, je pense qu'on a tout intérêt à reformuler et à revoir cet article-là.
Je voulais aussi... Vous nous soulevez que dans l'article 57, qui porte sur la révision de la situation d'un enfant, quant à la révision de la situation de l'enfant, vous vous inquiétez finalement de l'imprécision de cet article-là puis vous prétendez qu'il n'y a toujours pas de lien entre les éléments de compromission, les mesures prises pour corriger la situation et le suivi des résultats. Moi, j'aimerais vous entendre parler plus spécifiquement là-dessus.
Et j'ajouterais tout de suite: je vous ai soulevé tout à l'heure, là, mon... pas mon étonnement, c'est un peu fort, là, mais mon questionnement par rapport à la façon dont vous voyez le pouvoir, l'augmentation du pouvoir d'enquête de la DPJ. Alors, pour moi, ces deux points-là sont importants.
n(12 h 10)n Et le dernier point ? parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, et je voudrais que mes collègues puissent poser des questions ? vous suggérez que le tribunal nomme les professionnels, hein, pour... ceux qui sont chargés de réaliser les expertises. Je me questionne en fait, parce que ça touche toute la question de la partialité puis la perception que les gens ont, hein, que les familles ont: Tel professionnel peut... Ah! c'est sûr, il ne sera pas de mon bord, parce que c'est la défense qui l'a demandé; l'autre professionnel ne sera pas de mon bord, c'est sûr. Puis le juge à a trancher là-dessus.
En quoi ça, ça va changer cette perception-là qu'ont les parents ou les enfants, si c'est le juge finalement ou le tribunal qui nomme les experts? Et je vous demanderais d'y aller assez rondement, s'il vous plaît, parce que j'ai des collègues qui voudraient poser des questions. Merci.
M. Dumesnil (Jean-Marie): Il y a trois questions. Je vais laisser... je pense qu'Yvon va répondre à la première, je pense, au niveau de la révision de situation de l'enfant.
M. Pinard (Yvon): Au niveau de la révision, ce que les parents ? parce qu'on est les porte-parole des parents; ce que les parents ? nous disent, c'est que, lors de la réception du signalement, il y a des éléments qui sont retenus et qui sont présentés aux parents comme étant sujets à compromission, que ça touche l'enfant directement ou des capacités parentales. Lorsqu'arrive la dimension de l'élaboration des mesures pour venir donc corriger la situation, il n'y a pas toujours une correspondance entre les éléments et les mesures qu'on place dans le plan d'intervention.
Et c'est entendu que... tout à l'heure, on pourra peut-être revenir là-dessus, mais tout le côté conciliation et entente prend tout, là, un sens pour dédramatiser les situations. Alors, s'il y a une entente, ça va, mais, s'il y a une confrontation à cette étape-là, on se retrouve au tribunal et on se retrouve à enrichir ce conflit ou cette difficulté-là de relation. Et, ces mesures-là, quand elles ne sont pas acceptées, mêmes s'ils passent au tribunal, ils reviennent, il y a tout un travail à être effectué pour rendre l'enfant ou le parent accueillant, pour qu'il soit capable de s'investir dans cette démarche-là.
Ceci, c'est le tableau, quand il y a des lacunes, là. Quand on arrive en révision, on révise quoi? Est-ce qu'on révise les éléments qui ont été signalés, retenus, les mesures qui ont été appliquées, par qui, et comment, et avec quels résultats? Et le parent, c'est à ça qu'il est confronté. Si on modifie en cours de route, parce que la situation peut aussi se transformer, bien il faudrait également que tout le volet qu'on parlait, lors de l'élaboration du plan d'intervention, se retrouve aussi dans les modifications. Ce que les parents reprochent souvent, c'est: On part avec quelque chose; à un moment donné, ils ne savent plus où est-ce qu'ils sont rendus, et on arrive avec des révisions. Eux autres ont l'impression d'avoir amené des résultats, et on se retrouve à recommencer. Pour eux, là, ils recommencent.
Alors, vous voyez un peu, là, ça touche directement l'intervention, de son point d'origine à aller jusqu'à la conclusion, souvent. Et il y a une période de confrontation qui est très lourde.
Une voix: ...pouvoir d'enquête...
M. Pinard (Yvon): Pouvoir d'enquête, ce qu'on entend, les réactions qu'il y a eu à ce sujet-là, c'est sur tout le volet de l'accès au dossier, les rapports que la DPJ peut demander et les rapports qui peuvent être demandés en regard de tiers. O.K.? Conflit parental... Tout à l'heure, quelqu'un faisait référence... avec deux, trois puis quatre conjoints, là, O.K., pour des mêmes enfants; et là, parce qu'il y a une chicane, un conflit entre parents, alors qui va mettre dans le signalement un élément pour aller chercher le dossier de l'autre personne? Vous voyez, là? Vous allez dire: Ça ne relève pas du DPJ comme tel, les éléments sont signalés. Mais, l'appréhension des parents, c'est jusqu'où ça va, ça.
Mme Delisle: Vous me permettrez un petit commentaire. Je constate que c'est un réel problème, là. Alors, on va le regarder, et puis soyez assurés qu'on va tenir compte de ça dans la suite de nos travaux.
Le Président (M. Copeman): Mme Defossé.
Mme Defossé (Marguerite): Oui. Je fais du pouce sur ce que M. Pinard a dit, dans le sens où la raison pour laquelle l'augmentation du pouvoir de la DPJ par rapport à la confidentialité, les échanges d'information d'une région à une autre... on reconnaît que c'est très important dans le cas d'enfants dont les parents ont changé de région et déménagé effectivement pour passer à travers les mailles. Donc, on approuve vraiment le changement à ce niveau-là. Ça, je voulais l'éclaircir.
M. Dumesnil (Jean-Marie): Peut-être la dernière question à répondre, il y avait la nomination aussi des professionnels ? rapidement, John, si tu... ? par le tribunal.
M. Brockman (John): Il faut comprendre que le parent qui arrive au tribunal a peu ou pas de préparation à ce choc-là. Il a à faire face à une batterie de professionnels, là. Le centre jeunesse, il est équipé, là, tu sais, en termes d'évaluation, en termes de contentieux, etc. Donc, le fait que l'évaluation soit faite directement ou indirectement par le centre jeunesse, ça peut paraître un peu banal, parce que le juge peut quand même évaluer le rapport qu'il reçoit, mais, pour le parent, ce simple geste là ajoute à toute son insécurité qu'il peut avoir par rapport à ça.
Puis, l'autre question qu'on disait, c'est sûr que le centre jeunesse qui a des ententes avec des centres d'évaluation psychologique, ces gens-là ont des contrats, puis à quelque part il y a des parents qui disaient: Ils ont comme avantage à aller, dans l'évaluation, dans le sens recherché par l'intervenant. Donc, c'est un peu cet élément-là. Ça peut apparaître anodin, mais, pour le parent, ce serait comme un signe qu'il y a quelque chose de peut-être un peu plus objectif, là, par rapport à ça. C'est dans ce sens-là qu'on l'écrivait.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le député de Saint-Jean, suivi par Mme la députée de Chambly.
M. Paquin: Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bienvenue. Félicitations pour votre présentation, c'est très, très intéressant. Moi, j'aimerais un peu continuer dans le même sens, là, de votre inquiétude au niveau de pouvoirs d'enquête ou de fonctionnement de la DPJ et vous amener sur le côté signalement, parce qu'on en a parlé tantôt avec les groupes qui vous ont précédés, du côté signalement. Comment est-ce que vous voyez ça, vous, la façon que les signalements sont faits? Est-ce que c'est analysé de façon qui vous satisfait ou non?
Moi, j'ai eu des gens qui sont venus à mon bureau, à Saint-Jean, à quelques reprises, des gens qui étaient satisfaits de la façon que ça fonctionnait et d'autres qui ne l'étaient pas du tout, qui disaient qu'ils avaient fait des signalements, que ça avait été mal évalué et que l'enfant continuait à vivre des choses inacceptables. Tantôt, on nous expliquait un peu qu'il y avait une façon d'analyser ça, là: 1, 2, 3 ou a, b, c. Quelle est votre expérience dans ce sens-là et votre évaluation de ça? Parce que je crois que ça part beaucoup de ça, des signalements. S'il n'y a pas de signalements, bien on ne sait pas ce qui arrive; s'il y a des signalements, bien c'est important qu'ils soient bien analysés. Votre opinion là-dessus.
M. Brockman (John): C'est sûr qu'un signalement, de façon générale, ça tombe à la surprise un peu des gens. La loi permet, là, des signalements anonymes pour un peu faciliter et supporter les gens qui seraient témoins de situations où est-ce qu'un enfant peut être en danger. Donc, la personne reçoit un signalement, elle ne sait pas de qui ça vient, d'où ça vient. Deuxièmement, dans les signalements, habituellement il y a comme beaucoup d'éléments qui ont été dits par les gens, il y a des éléments que le client ou que le parent visé partage, il y en a d'autres qu'il ne partage pas.
Moi, je pense, à mon expérience à moi, que les gens qui font ce job-là d'évaluation, orientation, un, ils n'ont pas une job facile à faire, là. Ils interviennent, ils arrivent un peu dans des situations d'urgence souvent, ils ont à démêler, là, ce qui est de la rumeur populaire des faits, des impressions, des couples qui utilisent ça pour se venger du conjoint qui est parti, etc., et ce n'est pas évident à faire. Moi, je pense de façon générale qu'il y a un job, là, relativement correct qui est fait là-dedans.
Ce qui peut être difficile pour les gens ? puis c'est un peu dans ce sens-là que, nous, on a eu un protocole d'entente avec la DPJ ? c'est sûr que la personne qui arrive chez vous, tu te sens tout seul au monde, là, tu sais, puis il n'y a pas un avocat qui va arriver chez vous pour te défendre quand l'évaluation rentre, parce qu'il n'y a pas de cause, il n'y a rien de fait encore par rapport à ça. Et, dans ce contexte-là, nous, on offre un support, un encadrement. Ça nous permet de relativiser les choses. En étant présents, ça nous assure que l'intervenant est correct, entre guillemets.
n(12 h 20)n Deuxièmement, ça nous permet aussi de faire un reflet au client en disant: Bien, il y a telle chose qui a été dite; ça se peut-u que ce soit vrai? Puis on peut aussi de cette façon-là favoriser plus des ententes consensuelles. Ce que les parents disaient, avant qu'on soit là, ils avaient le sentiment d'être seuls puis de ne pas être supportés, de ne pas être accompagnés là-dedans.
Il y a aussi les clients, puis ça, vous en avez sûrement eu dans votre bureau, qui, juste le mot «DPJ», ça leur fait faire de l'urticaire, là, et déjà ils se braquent au départ par rapport à ça. Et, même notre présence avec certains clients, des fois on n'arrive pas à calmer la situation, parce qu'on est happés dans le conflit, on fait partie de la DPJ, pour eux, par rapport à ça.
Donc, en réponse, je pense que de façon générale c'est fait de façon correcte et professionnellement. C'est sûr qu'il y a toujours une évaluation humaine qui est dans le signalement, puis la personne y va avec son évaluation à partir de ses guides d'évaluation. Puis, il y a quand même un système judiciaire, un juge qui est là pour un petit peu, là, évaluer si l'évaluation a été faite de façon correcte.
M. Paquin: Merci. Je vais céder la parole à ma collègue, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Mme Defossé. Brièvement, s'il vous plaît.
Mme Defossé (Marguerite): Je voudrais vous répondre. Quand vous recevez des personnes qui vous disent qu'elles ont fait des signalements et que le signalement n'est pas retenu, quand la gravité ne nécessite pas une intervention immédiate, c'est sûr que, par exemple, pour un adolescent qui n'est pas en... qui ne risque pas sa vie ou qui ne manque pas de soins mais qu'il y a une problématique à aller évaluer, il va arriver, je vais dire, avec un délai un peu plus long pour être retenu.
Ce que je réponds, moi, à des personnes qui m'appellent et qui me disent: Écoutez, j'ai fait plusieurs fois un signalement, la situation de l'enfant est toujours la même, rien ne s'est fait, qu'est-ce que ça fait, la DPJ?, dans ce temps-là, moi, je lui dis: Écoutez, prenez une feuille, vous notez la date de votre appel, vous faites votre appel, vous faites votre signalement, vous notez le nom de la personne avec qui vous parlez; si le signalement n'est pas retenu, vous continuez vos appels si vous voyez que la situation perdure. Et, quand, dans les éléments que la personne me donne, je suis questionnée, moi-même, après cet appel-là, je communique avec la responsable du service de rétention des signalements et je la sensibilise à l'appel que je viens de recevoir. Donc, elle, elle va me dire: Bien, rappelle la personne, dis qu'elle me rappelle. Ou elle me dit: O.K., on va tenir ça à l'oeil.
Parce que, voyez-vous, à l'intérieur du projet de loi, d'ailleurs, vous prévoyez qu'on tienne dans le fond trace des signalements plus longtemps, et ça, c'est un très grand bienfait justement pour des cas comme ceci. Alors, c'est important pour celui qui note qu'il sache combien de fois il l'a fait.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Chambly, brièvement, s'il vous plaît.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Bonjour. Le projet de loi introduit des bornes à partir desquelles le tribunal pourrait fixer une ordonnance puis établir un projet de vie à long terme. Avez-vous quelque chose à nous communiquer? Vos réflexions sur ça.
M. Brockman (John): Moi, je pense qu'il faut, dans certaines circonstances, puis l'expérience puis les recherches le démontrent, là, mettre une fin à des expériences sociales qu'on fait avec des enfants, là, tu sais, puis il faut dire: Bon, là, ça n'a plus d'allure, ces parents-là, ils ne se ramassent pas. Mon inquiétude à moi, ce n'est pas tellement ces bornes-là; moi, c'est comme les services qui ne sont pas toujours présents.
Puis il faut comprendre que, quand on tombe dans des situations familiales où est-ce que des parents ont des lacunes importantes, là ? tu sais, on parle de lacunes importantes, projet de vie, là ? et souvent ces parents-là, lorsqu'on leur enlève l'enfant, ils sont dans une période où est-ce qu'ils ne sont pas nécessairement d'accord, qu'ils ont ces lacunes-là, là, puis il y a une période, là, d'acceptation. C'est comme une période de deuil, là: tu perds ton enfant, tu as l'impression d'être le parent idéal, puis là tu te fais dire par une grosse machine, puis pas toujours gentiment des fois, que tu n'es pas correct, on t'enlève l'enfant, on le place. On t'offre des moyens, on te demande des choses, et là tu es en réaction, là, puis tu n'es pas prêt à te mettre nécessairement en mouvement.
L'autre élément, c'est: la DPJ va retirer l'enfant puis elle va dire aux parents ? je caricature, là, mais: Ramasse-toi! Donc, le parent, lui, va arriver au CLSC, il va demander de l'aide au CLSC. Je ne sais pas si c'est pareil au Québec, on m'a déjà dit que Montréal, c'était particulier, mais, à Montréal, les CLSC ont tendance à dire... quand il y a un travailleur social de DPJ dans le dossier, eux, ils ont assez de clients, ils n'en cherchent pas d'autres, à ce moment-là ils ne vont comme pas investir nécessairement. Ils vont revirer, ils vont retourner le parent à la DPJ en disant: Bien, eux vont vous offrir ces services-là. Donc, le parent à la fois en réaction, à la fois à la recherche de services: l'année, elle passe vite, là!
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Brockman. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, madame et messieurs. J'apprécie votre mémoire. Dites-moi, le comité des usagers dans les centres jeunesse, comment vous réussissez à concilier le mandat que vous avez, qui est celui de la défense des droits des usagers et de leur famille, avec toute la question de la confidentialité, compte tenu que vous n'êtes pas des tierces personnes au dossier et que vous n'êtes pas nécessairement reconnus comme telles? Alors, comment ça se vit, comment ça s'articule? Parce que ce que vous avez réussi, il faut que les gens le sachent pour que ça se fasse ailleurs. Mme la ministre soulignait tout à l'heure de façon tout à fait spontanée et transparente qu'elle était surprise que les comités d'usagers n'existent pas dans tous les centres jeunesse, et, moi aussi, je partage cette surprise-là.
Mme Defossé (Marguerite): O.K. Je vous dirais qu'il existe, dans la majorité des cas, un comité d'usagers. Ou, ce qui n'est pas installé partout, ce sont des postes permanents d'agent de liaison. L'agent de liaison est la personne centrale du comité, c'est la mémoire du comité. Là où il n'y a pas de permanence, les parents, ils vont rester un bout de temps au comité d'usagers, ils vont faire tout un travail. À un moment donné, ils changent. Là, il y a un changement constant. Donc ça, c'est des comités qui tournent en rond.
S'il y a un agent de liaison, il développe d'abord des liens avec le centre jeunesse, ce qui lui ouvre des portes pour arriver à travailler plus largement à l'intérieur du centre jeunesse. Et, certains comités d'usagers, je vous dirais qu'on a une rencontre provinciale une fois par année. Il y en a qu'on ne voit jamais. On ne sait pas s'ils existent, on ne sait pas s'il y a un président ou si c'est simplement une personne du centre jeunesse, responsable du comité des usagers, qui reçoit le courrier qu'on envoie. Mais on ne connaît pas d'usagers à ce comité-là. Il faudrait plus aller voir s'il existe ou non. Mais ça, ce n'est pas notre rôle à nous.
Mme Charest (Rimouski): La conciliation de la confidentialité.
Le Président (M. Copeman): ...quelque chose. Pardon.
M. Brockman (John): ...complément à votre question.
Le Président (M. Copeman): Allez-y.
M. Brockman (John): Comment on fait pour avoir de l'information, versus la confidentialité? Ça dépend des ententes dans chacun des centres jeunesse. Moi, je suis un cadre qui a été prêté à temps plein au comité d'usagers, donc il n'y a pas d'incompatibilité avec le fait que j'aie certaines informations. Les autres comités d'usagers, qui n'ont pas cette ouverture-là, ont quand même des formulaires qu'ils font signer, et il y a des autorisations que le client donne pour qu'on ait accès à son dossier. Ça fait partie de la demande de services au comité d'usagers.
Mme Charest (Rimouski): Ce n'est pas une pratique qui est étendue à tout le réseau?
M. Brockman (John): Ça dépend de chacune des régions.
Mme Charest (Rimouski): C'est laissé à la discrétion des directions des centres jeunesse ou si c'est... pour qu'il y ait circulation, entente, et tout ça, là?
M. Brockman (John): Ce n'est pas toutes les régions qui ont des comités d'usagers. Il y a des régions, là... Côte-Nord, il n'y en a pas, c'est clair. Il y a d'autres comités d'usagers, ils ont des faibles moyens, donc ils ont des gens qui travaillent un certain nombre d'heures-semaine. Il y a d'autres comités d'usagers, c'est un cadre de l'organisation qui fait ça à l'intérieur de ses tâches. Il y a d'autres organisations qui ont confié ça à une personne soit à l'extérieur, ou soit à un cadre, ou à un intervenant qui a été prêté. En Outaouais, c'est un intervenant qui a été prêté; à Montréal, c'est un cadre qui a été prêté. Il y a toutes sortes de modalités qui se font, puis c'est dur, répondre généralement à votre question, mais je pourrais vous en parler pendant des heures.
Le Président (M. Copeman): ...des heures. Mme Defossé, allez-y.
Mme Defossé (Marguerite): O.K. Mon cas en Montérégie, je suis... Donc, je ne suis pas quelqu'un prêté par le centre jeunesse, je suis donc de l'extérieur. Moi, je fonctionne avec un papier de consentement à l'accompagnement. Donc, l'usager donne son consentement signé au personnel centre jeunesse d'échanger avec moi sur le dossier, en tout cas la partie pour laquelle j'accompagne l'usager.
Mon dossier n'est pas le même que celui de M. Brockman, à Montréal. Lui, il a accès aux dossiers par l'informatique, moi, je n'ai pas accès au dossier centre jeunesse. Donc, je bâtis mon dossier d'après tout ce qui m'est apporté comme document et comme information de l'usager seul. Mais on arrive à travailler pareil.
n(12 h 30)nUne voix: Allez-y avec l'autre question, je pense.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Bon, écoutez, moi, tout à l'heure, je vous entendais échanger avec la ministre, et vous parliez de l'inadéquation entre la situation de départ, lorsqu'il y a signalement, les mesures proposées pour... et vous disiez que ça pouvait même changer en cours de route. Alors, est-ce qu'il n'y a pas, là, un problème de ressources? À quoi vous attribuez cela?
Le Président (M. Copeman): Avant de permettre de répondre, est-ce qu'il y a consentement pour dépasser 12 h 30, chers collègues? Consentement. Allez-y.
Mme Defossé (Marguerite): S'il vous plaît, je pourrais répondre? Donc, là, tout cela tourne autour du plan d'intervention. Et je vous dirais que, d'après les milieux, d'après, on va dire, les régions, les plans d'intervention, ce n'est pas égal partout. Je sais qu'en Montérégie il y a un très gros effort et une très grande priorité, c'est même la numéro un, de la part de la direction générale, à ce qu'il y ait une augmentation et des plans d'intervention écrits, à jour, dans chacun des dossiers. Sur trois ans, le nombre a augmenté de beaucoup. Maintenant, il y a peu de dossiers où il n'y a pas de plan d'intervention écrit. Mais je ne connais pas les autres régions. Je sais qu'il y en a où ça ne se fait pas autant.
M. Pinard (Yvon): Je pense qu'à ce sujet-là il faut reconnaître qu'il y a une disparité de région en région, O.K.? Il y a quand même l'Association des centres jeunesse qui a émis une façon... pas une directive, mais un cadre de référence sur les plans, O.K.? Et ce n'est pas uniformément appliqué, mais les données de base sont là.
Mme Charest (Rimouski): Oui, je peux poser une autre question?
Le Président (M. Copeman): Bien sûr, Mme la députée.
Mme Charest (Rimouski): À la page 8 de votre mémoire, vous dites que l'ordonnance du tribunal devrait définir les services, mais j'aimerais ça que vous précisiez qui doit les fournir. Parce que ce n'est pas déjà le rôle du DPJ, ça, de préciser justement les services qui doivent être rendus aux jeunes et peut-être même aux parents, là, qui sont sous la protection?
M. Pinard (Yvon): Oui, vous avez raison, sauf que, dans l'ordonnance, ce qui arrive, c'est que le DPJ n'a quand même pas en soi au point de départ un pouvoir de contrainte. Alors, s'il a à faire appel, je ne sais pas, moi, au CSSS, O.K., il présente... Mais, de là à dire... Alors que ce qui pourrait être un ajout, et qui pourrait rendre l'ordonnance... et appuyer davantage la DPJ dans sa demande de service, d'avoir, dans l'ordonnance, nommé... Et là je parle de CSSS. Je peux parler aussi de services médicaux.
Mme Charest (Rimouski): En psychiatrie, en toxicomanie.
M. Pinard (Yvon): En psychiatrie, notamment, O.K.? Alors, il pourrait y avoir, de par l'émission d'une ordonnance, un appui pour que le service soit effectivement rendu, sinon on le sait, qu'est-ce que ça a comme impact. Il y a une ordonnance qui est en cour.
Mme Charest (Rimouski): Dans le fond, ce que vous nous dites, ce que vous nous rappelez, parce qu'on le sait aussi, là, c'est que les DPJ, même si parfois ils mettent des éléments de solution dans leurs plans d'intervention, ils n'ont pas le support du reste du réseau pour réaliser ce qu'ils voudraient qu'il soit fait dans les cas qu'ils ont sous leur responsabilité.
Mme Defossé (Marguerite): Je vous dirais que, cette partie-là du mémoire, j'avais demandé qu'on la mette parce que, quand les personnes qu'on accompagne, lorsque justement il y a des révisions ou une table d'orientation, donc après plusieurs mois, après plusieurs interventions qui ont été faites auprès des parents, c'est que, si le DPJ ou son délégué ne fait pas le pont avec justement un des partenaires, l'usager, il arrive au CSSS ou dans n'importe quel autre... ? ça peut être une centre hospitalier, ça peut être en santé mentale ? il fait la demande de service. Oui, mais qu'est-ce que vous venez chercher? Bien, lui, il n'a pas la réponse, il ne sait pas ce qu'il a à corriger. Et parfois, je l'ai entendu, certains intervenants ? heureusement, c'est une minorité ? quand l'usager lui pose la question: Mais qu'est-ce que je dois dire ? mettons ? à mon psychiatre? On ne veut pas me recevoir, donc je ne donne pas la raison. Bien ça, c'est ton problème. Bien, je suis désolée, il y a un problème réel.
Alors, si le délégué ou DPJ devait faire le pont avec un des partenaires en disant certains éléments à travailler, ce qui faciliterait, un, la priorisation sur la liste d'attente, parce que, nous aussi, on est très interpellés par les listes d'attente des parents pour recevoir des services, moi, je l'ai vécu personnellement, donc, à ce moment-là, c'est une... Bon, le DPJ fait le pont, il faut qu'il y ait une réponse. À la limite, il devrait même faire le pont pour avoir un réel papier, un document qui dise: Oui, le parent a fait une demande, mettons. Bon: Il a réussi ses ateliers de capacité parentale, mettons, ou: Oui, effectivement, il est en intervention psychiatrique ou en... ? je n'ai pas le bon mot, là, mais en ? cheminement pour un travail qu'il effectue personnellement sur lui. C'est bien parti, mais on en a encore pour un bout. Mais au moins le juge, le DPJ, de toute façon, eux, ils auraient la preuve que, oui, le cheminement est fait et le parent s'est investi.
Mme Charest (Rimouski): Mais tout ça me dit que, l'intégration des services, nous en sommes loin, et que nous n'en sommes pas encore arrivés là, et que la coordination sur le terrain, dans chacune des régions du Québec, pour l'accessibilité aux services, l'intensité des services, ça doit être une préoccupation aussi de notre projet de loi. C'est ce que je retiens de notre conversation.
Je vais passer la parole à monsieur...
Le Président (M. Copeman): Il y a M. Brockman qui souhaite... Il a été bien patient, avec le crayon en l'air. Alors, allez-y, M. Brockman.
Mme Charest (Rimouski): Ah! Excusez-moi.
M. Brockman (John): Mme la ministre, tantôt, nous questionnait un peu sur l'importance d'inclure la mention des comités d'usagers dans la loi, et ce n'est pas pour nous, parce qu'on a un support exceptionnel de nos organisations puis on n'a pas de problème, là, mais c'est pour les comités d'usagers qui ont de la misère à comme partir. Et, juste cette mention-là, je ne sais pas trop comment, là, mais juste de mentionner que ça existe puis que ça a une importance dans notre réseau, ce serait en tout cas aidant pour ces comités-là par rapport à ça.
Le Président (M. Copeman): Très bien. Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Combien de minutes?
Le Président (M. Copeman): Huit.
Mme Champagne: C'est très beau. Bien, merci, madame, messieurs. Bienvenue. Écoutez, plus on regarde et plus on lit les mémoires sur ce projet de loi là, je pense que notre intérêt grandit au fur et à mesure parce qu'on sent d'abord qu'il y a un besoin puis qu'on sent que ce projet de loi là, il n'a pas été mis là pour rien. Et vos approches en tant que parents sont des approches terrain et m'interpellent davantage. Puis un point en particulier, et je pense que mes collègues autour de la table vont en être un peu conscients, c'est tout le rôle ou le nouveau rôle qu'on semble vouloir donner aux personnes significatives, personnes plus près des enfants qui vivent des situations problématiques ou des parents de ces enfants-là, et j'identifie les personnes auxquelles je fais référence: les grands-parents, entre autres.
Présentement, avec la loi qu'il y a là... Parce que tout le monde semble louer... et dire qu'ils sont heureux de voir que, les personnes significatives, on ouvre des portes intéressantes afin que l'enfant demeure dans des milieux le plus connus possible, mais présentement, là, au moment où on se parle, il existe quoi concrètement? Exemple, demain, à quelque part dans ma famille immédiate, un adulte est dénoncé. Il y a un enfant à l'intérieur de ça, et, comme par un beau hasard de la vie, ça demeure mon petit-fils ou ma petite-fille. Alors, moi, je me sentirais, admettons, des capacités pour prendre la relève temporairement, quitte à demander de l'aide. Est-ce que j'ai bien compris, depuis le début, hier, des interventions, qu'on ne référerait absolument pas à moi, parce qu'on était comme automatiquement tassé du fait d'inquiétudes de lien parental? Qu'est-ce qui se passait sur le terrain, et qu'est-ce que vous voyez de bon dans ce qui est proposé dans le projet de loi, et comment vous sentez l'ouverture, puis jusqu'à quel point elle peut avoir des dents, cette ouverture-là?
Le Président (M. Copeman): M. Brockman.
M. Brockman (John): On va répondre à deux peut-être. Présentement, il faudrait que vous vous présentiez devant le tribunal. Je ne suis pas un avocat, là, donc ce n'est pas un avis juridique que je vous donne, mais ma compréhension, c'est que vous ne pourriez pas arriver au tribunal puis vous représenter. Il faudrait que vous soyez représentée par un avocat et que vous soyez déclarée partie prenante au dossier. Et, une fois que vous avez réussi à obtenir ce statut-là, à ce moment-là il n'y a plus de problème, vous allez être considérée, vous allez avoir le droit d'émettre, par la voix de votre avocat, votre point de vue.
Mme Champagne: Mais il faudrait que je passe par le côté...
n(12 h 40)nM. Brockman (John): Par vraiment un avocat, parce que vous ne pouvez pas arriver, juste vous avec votre bonne volonté, là, puis votre amour pour vos petits-enfants.
Mme Champagne: Puis d'instinct la DPJ n'aurait pas, si vous permettez, n'aurait pas l'idée de dire: Écoute, je vais au moins aller voir, autour de cet enfant-là, s'il n'a pas une famille? Ça pourrait se faire, aussi?
M. Brockman (John): C'est possible, là, oui, oui. Non, ça, ça ne veut pas dire que la DPJ n'aurait pas eu ce réflexe-là. Mais, si vous vouliez vraiment qu'on tienne compte de vous et de votre présence, ça vous prend un avocat puis il faut que vous alliez au tribunal. Puis, si vous ne le faites pas, vous êtes à l'extérieur de ça. Ce qui ne veut pas dire que la DPJ ne fera pas appel à votre ressource, là. Mais mettons que votre fille ne voudrait pas, pour toutes sortes de raisons, hein, là, elle ne ferait pas appel à vous.
Mme Champagne: C'est ça. O.K., je comprends.
M. Pinard (Yvon): Je pense que les amendements à la loi, c'est un apport, O.K., dans le sens que vous parlez, où le grand-parent peut être facilement reconnu. Dans le passé, c'était laissé un peu à la bonne volonté et à l'expression puis à la capacité du grand-parent de faire valoir... O.K.? Ce n'est pas un grand-parent qui fait juste une affirmation verbale. Ça pouvait s'arrêter là aussi, alors qu'avec les dispositions de la loi je pense que c'est une amélioration, O.K., c'est un apport en tout cas majeur pour que l'enfant demeure dans son milieu familial, même le milieu élargi. C'est une ouverture.
Mme Champagne: Donc, en tant qu'usagers ou comités d'usagers et de parents et même peut-être, certains d'entre vous, grands-parents, c'est significatif, dans la loi, et c'est important de tenir cette ligne-là.
Question, maintenant, sur le comité des usagers. J'ai cru vous entendre tout à l'heure en disant que certaines régions étaient bien organisées et que les centres jeunesse, la DPJ ? si je fais erreur, vous me corrigerez ? se doit d'avoir un comité d'usagers, se doit d'avoir un comité d'usagers ou est obligée, selon la loi, est obligée d'avoir un comité d'usagers. Vous dites que ce n'est pas tellement véhiculé, tellement dit, mais, une fois que c'est su ? prenons, exemple, la Mauricie, parce que j'ai pu comprendre qu'il y en avait un, comité d'usagers; une fois que c'est su ? le parent s'y réfère comment, et quels sont les moyens financiers qu'ont ces comités d'usagers là pour pouvoir fonctionner puis qu'on parle d'agents de liaison? On sait, tout le monde, que ça doit se payer, ces personnes-là, importantes. On en a même dans nos partis politiques, des agents de liaison. Ce sont des personnes qui tiennent le fort de façon permanente. Or, je sais que, quand il n'y a pas de permanence, il y a risque, là, que ça tombe à court terme. Alors, ça se passe comment concrètement, sur les références et les moyens de vivre de ces comités-là?
M. Dumesnil (Jean-Marie): Je peux répondre en partie, en tout cas. En ce qui concerne le projet de loi n° 83, maintenant, en tout cas, je sais que les directives vont, je pense... devraient être reçues la semaine prochaine ou dans deux semaines. J'ai rencontré M. André Garon, en tout cas, on a regardé, on a analysé tout ça. Moi, j'ai passé quelque temps avec lui et M. Tardif pour s'assurer de la compréhension, dans un premier temps, du rôle des comités des usagers. On parle aussi surtout au niveau des budgets. On sait qu'actuellement les budgets ne sont pas... ce n'est pas défini encore. Nous, ce qu'on propose, dans les budgets, puis j'en ai mentionné tantôt, c'est de s'assurer que les budgets donnent la possibilité d'engager des personnes ressources, que le comité des usagers engage lui-même une personne ressource comme agent de liaison, comme ça existe dans la plupart, mais pas tous, et avec l'aide de la direction du centre hospitalier ou de l'établissement, avec les ressources humaines, à titre d'exemple. Mais ça, je pense que, dans un premier temps, c'est très intéressant. Puis...
Le Président (M. Copeman): M. Dumesnil, pour être clair, là, si j'ai bien compris, les amendements apportés dans le projet de loi n° 83 à la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoient obligatoirement la création d'un comité des usagers dans les centres jeunesse.
M. Dumesnil (Jean-Marie): Obligatoire. Tout... C'était déjà là, dans la loi...
Le Président (M. Copeman): Oui, oui, je comprends.
M. Dumesnil (Jean-Marie): ...mais je pense que c'est reconduit ou confirmé, surtout au niveau des budgets en particulier, où il y avait une problématique. Moi, je vous dirais qu'il y a un endroit où il y avait un agent de liaison qui aurait aimé continuer mais que l'établissement ne voulait pas lui donner du budget. Alors, c'est ça. Ça, c'est clair.
Le Président (M. Copeman): Je fais la distinction entre les ressources qui sont à la disposition de ces comités-là et la création obligatoire selon la loi.
M. Dumesnil (Jean-Marie): La création obligatoire selon la loi, définitivement. Tous les établissements, même des unités... ce qu'on appelle les foyers d'accueil, etc., au niveau des centres jeunesse.
Mme Champagne: Donc, l'obligation, elle est là. Les argents, vous dites, ça nous en prend. Pour le moment, ceux qui en ont, des agents de liaison, comme vous, madame, vous êtes payés par les centres jeunesse?
Mme Defossé (Marguerite): En fait, je suis engagée par le comité des usagers, qui me paie à partir de ses revenus. Mais il est important de dire que, depuis... c'est la troisième année, le conseil d'administration donne l'équivalent de mon salaire au comité pour permettre que je reste.
Mme Champagne: Mais où prennent-ils les fonds?
M. Dumesnil (Jean-Marie): C'est l'établissement même qui donne...
Une voix: À partir de leur budget.
Mme Champagne: L'établissement même.
M. Dumesnil (Jean-Marie): À partir de leur budget.
Mme Defossé (Marguerite): Donc, en fait, il y a une enveloppe qui est donnée, via l'agence, à l'intérieur de l'enveloppe des centres jeunesse, qui est spéciale au comité d'usagers, mais, s'il n'y avait que ça, on ne pourrait pas payer un montant plein.
M. Dumesnil (Jean-Marie): Puis je pense qu'il y a plusieurs établissements qui parrainent avec des montants d'argent substantiels pour s'assurer qu'il y a une personne-ressource qui est engagée.
Le Président (M. Copeman): Brièvement, M. Brockman, si vous avez quelque chose de nouveau à ajouter.
M. Brockman (John): Peut-être juste pour démêler un peu. Historiquement, il y a 5 000 $ de prévus par établissement... qui étaient prévus. Selon le nombre d'établissements... Montréal, on était 12 avant la fusion. Cinq fois 12, ça fait 60 000 $. Donc, la régie donne... À l'intérieur de l'enveloppe budgétaire du centre jeunesse, il y a un 60 $ qui est réservé pour le comité d'usagers.
Le Président (M. Copeman): 60 000 $, M. Brockman.
M. Brockman (John): 60 000 $, oui. C'est clair que ce 60 000 $ là ne permet pas d'opérer le comité d'usagers, donc le centre jeunesse a décidé, à même ses budgets, de combler la différence. Et, chaque région, chaque centre jeunesse, c'est des modalités qui diffèrent.
Le Président (M. Copeman): Messieurs dames, nous avons déjà dépassé le temps imparti. M. Dumesnil, M. Brockman, M. Pinard, Mme Defossé, on vous remercie beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom des comités des usagers des centres jeunesse de la Montérégie, de Montréal et de Québec et le Regroupement provincial des comités des usagers. Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
(Reprise à 14 h 4)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Étant donné que je ne l'ai pas fait ce matin, je vais faire lecture de l'ordre du jour pour cet après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec le Mouvement SEM, Sensibilisation pour une enfance meilleure, suivi par l'Association de parents pour l'adoption québécoise, autour de 15 heures; le Dr Gilles Julien, autour de 16 heures; et terminer l'après-midi avec Mouvement Retrouvailles, Adopté-e-s, non-adopté-e-s, parents. Et l'ajournement est prévu pour 18 heures. Évidemment, ça va légèrement dépasser 18 heures, probablement.
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Mouvement SEM. Mme Bérubé, bonjour. Bienvenue à cette commission. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et par la suite il y aura une période d'échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter votre collaboratrice, et par la suite allez directement avec votre présentation.
Mouvement SEM (Sensibilisation
pour une enfance meilleure)
Mme Bérubé (Diane): Merci beaucoup. Ma collaboratrice, comme vous le mentionnez, c'est Mireille Desgagné, adjointe à la direction. Donc, au nom des enfants et de leurs parents, merci de nous accorder cette audition.
Depuis 1981, le Mouvement SEM, Sensibilisation pour une enfance meilleure, a mis sur pied cinq services de prévention, conçu trois documents de prévention de la maltraitance et publié des rapports d'évaluation de notre service d'intervention à domicile.
Afin de rejoindre plus facilement les enfants à risque d'abus et/ou de négligence, nous avons ajouté un service s'adressant directement aux parents. Ce service, créé en 1989, qu'on appelle Connexion, s'effectue à domicile, à raison d'une demi-journée ou plus par semaine, par un aidant naturel qui travaille dans un rapport égalitaire avec les parents afin de développer leurs compétences parentales. C'est par le biais de ce service que nous nous sommes trouvés sur le terrain de l'application de la Loi de la protection de la jeunesse, que nous y avons été confrontés et que nous avons acquis une expertise dans le domaine de la protection des enfants.
Dans le cadre de la loi PJ, nous avons effectué maints signalements, accompagné les parents au Tribunal de la jeunesse, au bureau de la direction de la jeunesse, etc. Nous participons à des concertations, nous sommes appelés à témoigner au Tribunal de la jeunesse et rédigeons, pour les travailleurs sociaux qui en font la demande, des rapports démontrant l'incapacité de certains parents malgré notre intervention intensive. Par ces actions, nous avons démontré amplement notre ouverture à collaborer avec ceux qui sont chargés d'appliquer la loi. Mais nous aimerions collaborer bien davantage et surtout être entendus et pris au sérieux. Nous avons nettement l'impression de déranger, et pourtant nous sommes convaincus que les intervenants institutionnels, comme ceux du communautaire, travaillent tous au bien-être des enfants.
Comment se fait-il que, d'une part, on nous fasse confiance en ce qui a trait à notre intervention dans les familles, mais que, d'autre part, il y ait méfiance lorsqu'il s'agit de signaler une situation de dangerosité ou tout simplement de participer aux prises de décision pour la protection de l'enfant? Nous croyons que le problème se situe dans l'esprit même de la loi, dont plusieurs articles véhiculent à tour de bras le principe suivant: maintien dans le milieu naturel et le retour dans le milieu familial. Malgré les amendements et réformes apportés à la loi depuis 1979, ce principe ne fut jamais remis en question, et nous croyons qu'il est le dénominateur commun des divers problèmes de notre système de protection.
Bien sûr, le principe de ne pas séparer les enfants de leurs parents est légitime en soi, et notre style d'intervention prouve que nous y croyons. Là où il se pose un problème grave, c'est le fait d'en faire le fondement de la loi de protection des enfants, et c'est selon nous la principale cause des enfants ballottés, négligés par le système tel qu'il est présentement. Est-ce qu'on oblige les victimes d'aimer leur agresseur? C'est pourtant ce qu'on exige des enfants. En prônant le retour dans la famille, les intervenants sociaux exigent de la part des enfants ce qu'ils déconseillent fortement aux adultes victimes, à savoir demeurer avec son agresseur. Puisque la Loi de la protection de la jeunesse vise essentiellement les enfants dont les parents sont jugés dangereux pour les enfants, comment peut-on appliquer une loi dont les principes sur lesquels elle se fonde sont en flagrante contradiction? De plus, ce principe du maintien ou du retour dans la famille semble guider toutes les étapes de l'intervention du DPJ, à partir des critères de rétention du signalement en passant par l'évaluation, la prise en charge et la judiciarisation.
n(14 h 10)n Qu'est-ce qu'on veut, au juste? Veut-on vraiment protéger les enfants ou sauver de l'argent en évitant le placement? Si vous croyez sauver de l'argent en évitant le placement, nous vous rappelons que la commission des droits de la jeunesse, dans son rapport d'enquête sur le cas de Beaumont, rédigé en 1998, rapporte que, malgré un nombre ahurissant de 129 intervenants, dont 50 du Centre de services sociaux de Québec, des enfants ont été maltraités pendant des années par leurs parents. Quelle économie! Le salaire de 50 intervenants pendant des années, ajouté aux coûts reliés aux problèmes de santé mentale et physique causés par la maltraitance subie pendant des années, dont les répercussions se font sentir, la plupart du temps, sur les générations suivantes. Quand mettrons-nous fin à ce cycle générationnel de maltraitance? Pour utiliser un terme à la mode, à quand un projet de développement durable pour la principale richesse de notre société?
Nous avons le regret de vous dire que le cas de Beaumont n'est pas un cas isolé. Bien que nous ne soyons qu'un petit organisme régional, nous avons dû choisir parmi de nombreux exemples semblables qui démontrent qu'on a fait du principe du maintien en milieu familial le fondement de la loi et qu'il fait dévier les interventions en faveur des parents plutôt qu'en faveur des enfants. Quel adulte pourrait tolérer d'être assis entre deux chaises pendant des jours et des mois? C'est pourtant ce qu'on exige des enfants placés, qu'ils vont sans doute retourner chez eux bientôt, dans un mois ou dans deux ans, de sorte que l'enfant ne peut s'ancrer affectivement et créer de relation véritable avec la famille d'accueil.
Autre exemple des effets pervers de l'article 4 de la Loi de la protection de la jeunesse ou de la discordance entre les deux principes fondamentaux de la loi, voici l'histoire d'une famille de trois enfants référés chez nous par la protection de la jeunesse en novembre 2000. Les enfants avaient, à ce moment-là, neuf mois, cinq ans et six ans. Dès le début, on ne comprend pas, encore une fois, que les enfants soient maintenus avec des parents dépassés: insalubrité, fils et prises électriques dénudés, mère qui admet frapper ses enfants, être au bout de sa corde, enfants sales, bébé non stimulé, etc. Plus tard, nous apprenions que le travailleur social assigné au dossier ne comprenait pas, lui non plus.
En fait, la famille était, semble-t-il, suivie depuis la naissance du plus vieux, soit depuis six ans, par un centre jeunesse situé dans une région voisine. Un rapport d'évaluation de ce centre daté du 1er mars 2000, soit neuf mois avant l'appel de la mère à nos bureaux, démontre hors de tout doute une situation de maltraitance et de grave négligence. Il est mentionné que le DPJ a rencontré huit intervenants impliqués auprès de la famille, dont trois du CLSC et deux du centre jeunesse, et que les enfants avaient déjà été placés en 1999. Toujours est-il qu'en novembre 2000 les enfants demeuraient avec leurs parents.
En mai 2001, suite un appel de détresse de la mère disant que son conjoint bat les enfants, nous effectuons un signalement. Les enfants sont placés, nous l'espérons, pour longtemps, étant donné les faits antérieurs. Mais non, les enfants reviennent au bout de 30 jours. Nous continuons l'intervention à domicile, la seule avenue possible pour un organisme communautaire, d'avoir un oeil sur les enfants et leur offrir un service d'aide aux devoirs, auquel l'enfant est heureux de participer.
En janvier 2002, l'intervenante reçoit des confidences du plus vieux disant se faire frapper à coups de ceinture par son père. Après 15 mois d'intervention intensive et avoir tenté d'amener la mère à se signaler, la situation est tout aussi précaire et dangereuse pour les enfants: négligence grave, prostitution, abus physiques, violence des deux parents. Nous faisons un autre signalement et un rapport écrit à la protection de la jeunesse, espérant que cette fois-ci nous serons entendus et que la protection de la jeunesse verrait à placer les enfants jusqu'à leur majorité. Ils furent effectivement placés, mais on ne sait pas la durée du placement, les parents ont déménagé encore.
En 2002, le plus vieux avait été suivi par les centres jeunesse pendant huit ans, connu des allers-retours famille d'accueil-famille naturelle, tout comme sa mère l'avait été, elle aussi, dans son enfance. Nous ne serions pas surpris d'apprendre aujourd'hui que les enfants sont de retour dans leur milieu familial. Nous n'en savons rien, puisque les informations ne circulent que dans un sens.
Autres suggestions de modifications. Ces exemples de situations problématiques, comme beaucoup d'autres, nous incitent à vous suggérer des modifications, entre autres aux articles 4, 38.2, 46, 91 et 32.
Article 4, il est mentionné: «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial.» Nous suggérons d'ajouter à cette phrase: «qu'à la condition que le parent démontre une réelle volonté de changement» et ajouter une seconde phrase: «Si le parent démontre plutôt une volonté de placement à long terme, le respecter dans sa volonté et l'accompagner dans ses démarches.» Dans le même article, on retrouve: «...l'implication des parents doit toujours être favorisée dans une perspective de retour de l'enfant dans son milieu familial.» D'abord, pourquoi «toujours»? Cela enlève la possibilité à certains parents de reconnaître leur incapacité parentale d'avoir le droit de dire: Je ne peux pas m'occuper de mon enfant. De plus, comment l'intervenant confronté à des parents en détresse peut-il avoir une écoute objective? En effet, cet article, comme plusieurs autres de la loi, incite à biaiser l'intervention en défavorisant à la fois les enfants et leurs parents. Quelle pression lorsqu'ils font face à des cas comme nous avons mentionnés ci-haut!
Après quelques mois d'intervention intensive, nous avons au contraire souvent encouragé et accompagné les parents à se signaler eux-mêmes, car la profondeur de leur souffrance les empêchait de s'acquitter convenablement du rôle parental, et leurs blessures sont quelquefois si longues à guérir, et, comme le comité de révision le souligne dans son rapport: «La notion de temps dans le développement de l'enfant est un élément majeur.»Mme Desgagné (Mireille): Pour continuer dans l'article 4, où on dit que c'est quasiment impossible d'entendre le discours d'un parent qui se dit incapable, on a un exemple d'une jeune maman toxicomane de trois enfants qui sont âgés de moins de cinq ans, suivie par la DPJ et par SEM. Elle exprime son désarroi à notre intervenante face au retour éminent de ses enfants. La mère exprime qu'elle ne veut pas de ses responsabilités parentales, qu'elle veut vivre sa vie, etc. L'intervenante l'encourage à être honnête avec son travailleur social, à parler ouvertement et elle l'accompagne dans sa démarche. Lors de la concertation, le travailleur social du DPJ et celle du CLSC n'ont accordé aucune écoute au déchirement de cette maman. Le travailleur social lui a rétorqué: Bien non, tu es une bonne maman. Tu vas voir, on va t'aider. En effet, le centre jeunesse lui a trouvé un logement décent, l'a aidée à déménager et à aménager son appartement, etc., enfin les autres ont tout fait à sa place. Et nous avons appris qu'un an après les enfants furent encore replacés.
Une autre maman à qui la DPJ a remis ses enfants, elle, confie à l'intervenante: Si j'avais de l'argent, j'enverrais mes enfants dans un endroit où ils sauraient s'occuper d'eux. Un autre encore, âgée de 38 ans, d'une fillette de huit ans, confie qu'elle veut placer son enfant, qu'elle ne se sent pas la capacité de s'en occuper, et elle ajoute: C'est la première fois que je peux dire ça à quelqu'un sans me sentir jugée.
Nous suggérons donc de remplacer, à l'article 4 toujours, là, au lieu de «dans une perspective du retour de l'enfant dans son milieu familial», le remplacer par «dans une perspective du bien-être de l'enfant», car, que nous le voulions ou non, l'enfant n'est pas la propriété des parents, et l'État doit se substituer à ceux-ci s'ils expriment clairement leur incapacité et/ou s'ils ne respectent pas les normes établies socialement sur la parentalité.
Notre deuxième proposition, en cas du refus de la précédente, c'est vraiment supprimer le mot «toujours» de la phrase «l'implication des parents doit toujours être favorisées dans une perspective de retour de l'enfant.» Supprimer le mot «toujours» et ajouter «qu'à la condition que les parents démontrent une réelle volonté de changement».
n(14 h 20)n Ensuite, à l'article 38.2, les facteurs à prendre en considération pour la rétention d'un signalement. Outre ceux qui sont mentionnés, ce serait important d'ajouter: s'il y a eu des signalements antérieurs pour les mêmes parents ou s'il y a eu déjà des mesures volontaires, s'il y a eu, aussi, utilisation de services antérieure, tels le CLSC, psychologue. Autre élément: le mode de vie des parents ou le trouble de comportement des parents. Ensuite, les déménagements fréquents, pour se sauver de la DPJ, par exemple. Ensuite, qui est le signalant? Est-ce l'enfant? Est-ce le parent lui-même ou un organisme? Nous suggérons, dans ce dernier cas, un répondant attitré pour les organismes afin d'accélérer et de faciliter le processus d'évaluation dans l'intérêt de l'enfant.
Un autre élément qu'on aimerait ajouter, on a entendu M. Bigras, hier, du Centre jeunesse de Montréal, qui mentionnait le développement des enfants. Je pense que le retard de développement des enfants peut être un très bon indice. Par exemple, on avait une famille de quatre enfants dont la petite fille de sept ans doublait sa première année, celle de six ans doublait sa maternelle, celle de trois ans ne parlait pas et était encore aux couches, en plus du bébé. C'est un élément important.
Ensuite, l'article 46. «Si le directeur retient le signalement, il peut, avant même de procéder à l'évaluation[...], prendre, pour une durée maximale de 48 heures, des mesures de protection immédiate.» Les mesures d'urgence sont bien en soi quand on en fait la lecture; par contre, dans le concret, c'est-à-dire dans l'interprétation de la loi par les intervenants des centres jeunesse, nous trouvons que les enfants demeurent dans des situations dangereuses.
Voici un exemple qui selon nous aurait requis des mesures d'urgence. Il s'agit d'une jeune maman de deux enfants, dont un nouveau-né de deux semaines et un garçon de trois ans. Lors de notre visite, en décembre dernier, l'intervenante constate que le bébé pleure parce qu'il est affamé, et sa couche est très sale. La mère est gelée sous l'effet de la drogue et reprend un autre speed parce que, dit-elle, son buzz embarque. L'intervenante constate aussi que celui de trois ans n'a pas pris son médicament, c'est-à-dire que la mère avait oublié de lui donner. Elle doit insister pour que la mère donne le boire au bébé. De plus, la mère projette de continuer le party de la veille. Considérant le bébé naissant, nous sommes très inquiets et signalons. La travailleuse sociale chargée de l'évaluation nous informe qu'il n'y a pas urgence. Nous insistons sur l'état de la mère qui est gelée puis qui projette de continuer, mais la travailleuse sociale juge qu'il n'y a pas de danger imminent. Par cet exemple, nous questionnons la collaboration et la considération des organismes qui oeuvrent auprès d'une clientèle commune en santé et services sociaux. Par nos interventions, nous aidons les parents, mais jamais au détriment de la santé et du développement des enfants.
Ensuite, l'article 91. On veut relever aussi, là, ce qu'on considère une contradiction de la loi. On dit: «Si le tribunal en vient à la conclusion que la sécurité ou le développement de l'enfant est compromis, il peut, afin de lui assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie, ordonner l'exécution de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes [dont la première est] que l'enfant soit maintenu dans son milieu familial.» Nous insistons encore ici sur la contradiction que comporte cet énoncé. En effet, dans la même phrase, on statue que l'enfant est en danger dans son milieu familial et on suggère comme solution qu'il demeure dans son milieu.
Dernièrement, les médias dénonçaient la maltraitance de plusieurs chiens chez un particulier de Lanoraie...
La Présidente (Mme James): Excusez, Mme Desgagné, je veux tout simplement vous aviser qu'il reste à peu près deux minutes.
Mme Desgagné (Mireille): Merci. Je vais arriver... je voulais juste donner l'exemple des chiens, là, comme possibilité de solution. Pour maintenir la stabilité des liens, a-t-on envisagé de maintenir les chiens dans leur milieu de vie avec leur propriétaire?
Je vais aller au résumé. Il nous faut accorder une réflexion profonde sur les effets pervers d'un principe qui, légitime au départ des modifications de la loi, en est devenu un principe directeur contradictoire avec l'objet même de la loi qui est celui de la protection des enfants. En effet, non seulement nous donnons trop de chances aux parents, mais nous ne voulons pas écouter leur détresse parentale et voulons leur imposer notre vision subjective qu'un bon parent, ça n'abandonne pas son enfant. Du reste, il faudrait modifier le terme «abandon» par «confier entre bonnes mains».
De plus, non seulement ce principe biaise selon nous toutes les phases d'intervention du DPJ, mais il est la source des directives gouvernementales aberrantes, telles que celles d'éviter le placement ou instaurer des quotas de placement, comme s'il s'agissait d'instaurer des quotas de lait. Comment, dans ces conditions, ne pas qualifier la situation du DPJ de situation de conflit d'intérêts? En effet, comment le DPJ peut-il à la fois répondre à de telles directives gouvernementales qui viennent en contradiction selon nous dans plusieurs cas avec la protection de l'enfant et veiller à la fois à la protection des enfants? Cela nous amène à questionner l'article 32, à savoir que la protection des enfants est la responsabilité exclusive du DPJ et de son personnel. Il faudrait selon nous obliger le DPJ à se concerter avec les organismes déjà impliqués auprès des familles avant de prendre une décision si cruciale pour les enfants.
Permettez-nous de terminer avec notre devise: Des enfants aimés, une société en santé.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, mesdames. Alors, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Merci, mesdames. Bienvenue pour ces échanges. Je suis, comme tous les membres de cette commission parlementaire, non seulement à l'écoute de ce que vous nous avez entretenu, mais on sentait dans votre voix beaucoup d'émotion et de passion, et sachez que vous l'avez transmise.
Une voix: ...
Mme Delisle: Bien, c'est correct, ça fait partie de... Quand on travaille avec des enfants ou avec des humains, c'est sûr qu'on se sent... Bien, avec des animaux aussi, pour ceux qui aiment les animaux. Mais, pour moi en tout cas, je l'ai bien senti.
Je dois vous dire que je suis très interpellée par l'interprétation que vous faites de l'article 4 et de l'article 22 ? moi, je vais les mettre ensemble. C'est des gros morceaux de notre projet de loi. Il y en a d'autres, c'est sûr, mais d'avoir décidé de maintenir le principe du maintien de l'enfant dans le milieu familial découle, c'est sûr, de nombreuses réflexions, de nombreuses discussions au fil des ans avec tous les intervenants, les partenaires, tous ceux et celles finalement qui travaillent, que ce soit dans le domaine clinique, dans le domaine de l'application de la loi, dans les centres jeunesse... Je respecte beaucoup votre point de vue. Je veux par contre vous dire que je ne comprends pas, moi, du projet de loi qu'il faut le maintenir à tout prix, l'enfant. Ce n'est pas ce que l'article dit. L'article, c'est sûr que la première phrase dit ce qu'elle dit, mais ensuite vous avez deux autres alinéas.
Je ne veux pas reprendre... pour ne pas perdre de... pour ne pas prendre trop de temps ? pas perdre, mais prendre trop de temps ? parce que j'ai un collègue qui veut échanger avec vous, alors je voudrais donner la chance au député de Saint-Jean de le faire. Mais, dans la perspective où le législateur décide que, oui, on doit mettre en place tous les éléments possibles et les services ? on l'a entendu depuis hier ? pour s'assurer que les parents et les enfants reçoivent les soins nécessaires, sinon ? ou les services, pas les soins nécessairement, ça peut être des soins et des services, toujours dans la perspective où il y a compromission au niveau du développement ou au niveau de la sécurité; sinon ? s'enclenche évidemment 22, qui est l'article où on retrouve les durées maximales de placement. En aucun temps, moi, je n'ai entendu qui que ce soit dire qu'il fallait réellement laisser l'enfant dans un milieu.
Je ne vous dis pas que les situations dont vous nous avez parlé ne sont pas véridiques. Même, ça vient nous chercher, parce que, si vous l'avez mentionné, c'est parce que c'est vrai, et vous êtes au premier chef très près de ces familles-là. Donc, ça aussi, ça vient nous questionner sur les motivations ou les raisons que les intervenants ont de ne pas répondre rapidement ou de juger qu'il n'y a pas compromission. Mais ça, je laisse ce jugement-là à ceux qui ont l'information entre les mains. Moi, je ne peux pas passer de commentaire sur ce que vous nous dites. Mais sachez que ça vient nous chercher.
n(14 h 30)n Donc, je reviens, là. Grand préambule pour vous dire que, dans une société comme la nôtre où, malgré l'évolution des connaissances, malgré l'évolution de notre société puis de la famille telle qu'on la connaissait quand, moi, j'ai grandi, beaucoup d'éclatements de famille ? puis sans porter de jugement sur qui que ce soit ? il y a de plus en plus de mères monoparentales confrontées à des situations très difficiles, toxicomanes ou autres dépendances, pas de support de personne, elles sont seules, leur propre famille des fois a de la difficulté à joindre les deux bouts ? ou ça peut arriver dans toutes les familles aussi, là, ce n'est pas juste dans des familles où il y a de la pauvreté, mais mettons que c'est quand même très difficile ? on doit encore à mon avis tendre à s'assurer que tout a été mis en oeuvre, mais pas à n'importe quel prix ? ça, j'insiste là-dessus ? pour que les parents puissent se reprendre en main. Il faut donc, c'est vrai, oui, donner les services.
Mais par contre, si ce n'est pas possible, si on juge, si le tribunal, ou l'intervenant, ou les évaluateurs, ceux qui ont évalué la situation de l'enfant, toujours dans un domaine de compromission... Parce que c'est celui-là qui est le plus probant au moment où on se parle, il y a d'autres facteurs qui peuvent se corriger en cours de route. Est-ce que vous ne trouvez pas que d'avoir introduit des mesures maximales de placement, ça ne vient pas donner le message aussi qu'on doit se prendre en charge, on doit essayer, dans la mesure où les services sont là, là, pour les accompagner? Je trouve ça très difficile d'essayer de comprendre qu'on n'aurait pas quelque chose dans la loi qui soit clairement établi. Vous dites: Il faut enlever le mot «toujours». Est-ce qu'on doit le remplacer par «d'abord»? Puis, vous avez des bonnes propositions, on va les regarder, là. Très sincèrement, là, c'est le but de l'exercice, ici, aujourd'hui et pour les prochains jours. Le projet de loi est perfectible, je l'ai dit à maintes reprises. Alors, moi, si ça peut aider, si ça peut vraiment aider à mieux aider nos enfants, je n'en ai pas, de problème.
Alors, j'ai compris ce que vous avez dit, mais si vous pouviez peut-être nous exprimer davantage votre point de vue sur 4 et 22, parce que, moi, je pense qu'ils vont ensemble. Je me trompe peut-être, là, mais il me semble que ça va ensemble, ça.
Mme Desgagné (Mireille): Peut-être qu'on risque de se répéter, mais on ne peut pas être contre le principe que ce n'est pas bien de séparer, que c'est malheureux pour les enfants et les parents de séparer les enfants des parents. On est d'accord avec ça, depuis 1989 qu'on fait de l'intervention à domicile pour justement viser ça. Mais on a eu vraiment des situations, puis ça, à chaque année, là, ce n'est pas un cas isolé, des situations où la situation a perduré, qu'il y a eu plusieurs signalements, finalement on continuait d'aller dans la famille pour pouvoir justement protéger les enfants.
Mme Delisle: Est-ce que vous ne croyez pas que d'avoir introduit justement 22, avec les durées maximales, ne viendra pas à tout le moins corriger ça pour les enfants à venir?
Mme Desgagné (Mireille): Bien, on le souhaite très fort.
Mme Delisle: Bon. Parce qu'il y a un lien avec ce que vous avez dit et ma prochaine question. Vous avez mentionné, vers la toute fin, là, que la DPJ et votre organisme ? je ne sais pas si je peux l'interpréter de cette façon-là ? vous n'avez pas les meilleures relations au monde. Peut-être que j'exagère, mais j'ai cru comprendre que c'était difficile à certains égards. Moi, j'aimerais ça savoir qu'est-ce qu'on peut faire, nous, s'il y a quelque chose à faire comme législateurs, mais quel est le message qu'on peut envoyer aussi aux centres jeunesse, aux intervenants, puis tout ça, tous ces gens-là, pour améliorer cette relation puis reconnaître peut-être l'expertise que vous avez sur le terrain. Parce qu'en fait il n'y a pas juste les intervenants des centres jeunesse: il y a les organismes communautaires, comme vous en faites partie, et il y a d'autres personnes aussi qui prennent le relais bien plus souvent qu'autrement dans la vie de ces familles-là. Est-ce qu'il devrait y avoir plus de tables de concertation? Est-ce qu'il devrait y avoir plus de travail... Chaque maillon de la chaîne doit travailler, tout le monde ensemble, ça, on en convient, mais avez-vous une proposition?
Mme Bérubé (Diane): Des tables de concertation, il y en a régulièrement pour des cas. Il y a même de nos intervenants puis les parents, ils seraient soulagés si, les enfants, ils n'en auraient plus la responsabilité. Puis, les enfants devraient sortir de certains milieux, comme on a démontré; même le travailleur assigné après mentionne ça, on l'a dit dans notre mémoire. Mais ce qui arrive, c'est: quand on est à ces comités-là, la personne réviseure de la DPJ, c'est elle qui a le gros bout du bâton, si on peut dire, puis qui a dit: Non, on maintient l'enfant. Puis, même le travailleur social assigné au dossier, lui aussi, il file croche. Mais, qu'est-ce que tu veux, ce n'est pas lui, c'est son supérieur qui a décidé ça. Mais, le supérieur, là, il n'y va pas dans la maison, il ne voit pas le petit traîner, il ne voit pas la détresse. Sauf que les travailleurs sociaux y vont, mais, pour ramasser les faits pour amener au tribunal, il faut être présent dans la famille. Pour être présent dans la famille, il faut que la famille leur ouvre la porte.
C'est sûr que, nous, la famille est en confiance, c'est des rapports égalitaires. Sauf qu'ils deviennent assez conscients, les parents, pour comprendre leurs limites, puis, quand ils comprennent c'est quoi, les besoins des enfants, c'est là qu'ils commencent à stresser parce qu'ils se rendent compte qu'ils ne sont pas capables de le donner, puis ils appellent au secours, mais sauf qu'on dit: Non, on persiste, tu vas essayer encore. Mais ce qu'on... Souvent, ils ont fait, là, d'autres organismes, ils sont allés au CLSC, ils sont allés suivre des cours dans des maisons de la famille, ils ont fait ci, ils ont fait ça, mais, à un moment donné, il y a des limites à aider des parents. C'est ça, le message.
Mme Delisle: Je comprends.
Mme Bérubé (Diane): Mais comment améliorer ça? C'est que, quand on donne notre avis à ces tables de révision là, là, qu'on considère donc le bien-être de l'enfant et non dire d'éviter le placement parce que, là, wo! on manque de familles d'accueil. Il y a peut-être d'autres solutions à trouver pour héberger les enfants, peut-être des petites maisonnées pour les enfants. Puis c'est sûr qu'il y en a, des enfants, quand ils deviennent adoptables, là ? c'est tabou, l'adoption, je vais vous dire; quand ils deviennent adoptables ? ils sont assez vieux, ils ont tellement de troubles de comportement que personne n'en veut. Bon.
Mme Delisle: J'apprécie beaucoup votre réponse. Vous dites dans le mémoire, à la page 3: «Qu'est-ce qu'on veut au juste? Veut-on vraiment protéger les enfants ou sauver de l'argent en évitant le placement???» Je peux vous dire qu'ici, là, ça n'a pas fait partie des discussions qu'on a eues. Sincèrement, là, je tiens à vous le dire. Mais, si vous jugez pertinent de le mettre, est-ce que vous vous êtes déjà fait répondre ça, que ce serait préférable que l'enfant reste dans sa famille parce qu'on n'a pas suffisamment de familles d'accueil? Puis, si c'est ça, à mon avis on a un gros problème, parce qu'on n'a peut-être pas cherché la bonne solution.
Mme Desgagné (Mireille): Oui, on l'a entendu fréquemment. Je m'excuse, là, mais on l'a entendu fréquemment: «manque de familles d'accueil».
Mme Bérubé (Diane): Il va être placé dans une région éloignée; ça n'a pas d'allure, bon, etc. On l'a entendu.
Mme Delisle: Mais êtes-vous appelés, vous, à donner votre opinion sur, je ne sais pas, moi, des grands-parents qui habitent à côté, sur un oncle, une tante, sur un voisin qui serait peut-être une personne significative puis qui pourrait, qui aurait pu peut-être dès le départ prendre l'enfant, ou bien vous êtes exclus?
Mme Bérubé (Diane): Mais ça, habituellement le parent trouve ces gens. Mais, des fois, là, le grand-parent, là, il y en a des corrects, mais, s'ils ont fait des enfants qui sont assez fuckés pour perturber leurs propres enfants, il faut se questionner aussi sur les qualités de ces grands-parents-là. Ce n'est pas juste les liens de sang qui font qu'ils sont automatiquement... O.K., il y a un contact, puis l'enfant les connaît.
Puis, les enfants, il faut dire que souvent, ces parents-là, on parle que la sécurité, le développement est compromis, on leur a chanté: Aïe! si tu n'arrêtes pas, on va te faire placer, tu vas voir, quand tu vas être placé dans la famille d'accueil, ils vont te maltraiter, puis tu vas passer par là. Ça fait que, tu sais, là, quand on dit qu'on va demander à l'enfant: Veux-tu être placé en famille d'accueil?, pensez-vous qu'il va dire: Oui, j'aimerais ça? Non. Il n'a pas la maturité pour pouvoir juger de sa propre situation puis des conséquences de ça.
Vous parlez d'une approche consensuelle; c'est une affaire qu'on n'a pas parlé dans notre mémoire, mais ça, je me questionne là-dessus: Est-ce qu'un enfant a le développement et la maturité pour être capable de décider de son sort? Puis, un enfant, de nature, il est loyal aux parents, même qui le maltraitent. Il faut que, comme société, on fasse des choix. Ça peut être déchirant, puis je n'en doute pas.
Puis il y a des parents, ils nous sont reconnaissants: Enfin, à vous autres, on peut le dire: je n'en veux pas, de mes petits. La mère toxicomane, elle était junkie avant. Elle a continué de boire puis de consommer, puis elle disait: Je n'en veux pas, de mes trois enfants en bas âge. Je suis moins pire qu'avant, je ne suis plus junkie, je suis moins pire, mais sauf que je n'en veux pas. On lui a payé même des bénévoles qui transportaient ses enfants à la garderie le matin, là. Elle ne se levait pas, parce qu'elle avait chatté sur l'ordinateur trop longtemps, elle était fatiguée. Ça fait que, quand on dit: On fait tout à la place des parents, il y a des limites. Ces trois enfants-là en bas âge, là, je vais vous dire, ils auraient mérité un meilleur sort. Puis je ne veux pas juger, parce qu'on y croit. On aide des parents qui veulent s'aider. Il y en a, des ressources. Aux CLSC, dans les groupes communautaires, dans toutes les régions du Québec, je dirais qu'il y en a.
Mme Delisle: Alors, je vous remercie beaucoup puis je vais céder, M. le Président, si vous permettez, la parole à mon collègue de Saint-Jean.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, mais je crois que vous aviez quelque chose à rajouter, madame. Si vous voulez y aller, allez-y.
n(14 h 40)nMme Desgagné (Mireille): Bien, dans le fond, c'est répétitif, là, c'est que ce que Diane vient de mentionner, c'est que, nous, on croit que la loi ne permet pas d'être ouvert à un discours parental de cette sorte-là. C'est vraiment... c'est une grosse lacune.
Mme Bérubé (Diane): Puis, moi, je vous dirais, personnellement, dans ma vie, j'ai adopté deux enfants placés en famille d'accueil, puis dernièrement, mon garçon qui a 27 ans, sa mère a décidé de reprendre contact avec lui. Il a toujours connu son histoire, puis tout ça, il a repris contact, puis par hasard on s'est croisés, puis cette dame-là, savez-vous, là, c'est par hasard qu'on s'est vus, là, elle dit: Merci, madame, d'avoir rendu mon fils heureux. Parce que ses deux autres enfants ont été placés toute leur vie.
M. Paquin: Mais, mesdames, bienvenue. Bienvenue et félicitations. Félicitations pour votre présentation et aussi félicitations parce que, M. le Président, ces dames sont de mon comté, et je suis très fier, nous sommes tous très fiers, mais moi particulièrement, de les recevoir ici, à l'Assemblée nationale, puis de nous permettre de prendre quelques secondes pour les féliciter non seulement de leur présentation, mais parce qu'ils sont un modèles chez nous, à Saint-Jean-sur-Richelieu, sont un modèle...
Leur organisme, SEM, c'est un modèle pour nos enfants, pour les enfants de notre région qui sont dans des difficultés souvent, et malheureusement il n'y a pas toujours assez d'organismes qui peuvent s'occuper de ces gens-là, de ces enfants-là qui n'ont aucune façon, eux, de s'en sortir, parce que souvent ? et je ne porte pas de jugement, moi non plus, là-dessus ? les parents sont dans des difficultés ou qu'ils ont des enfants, et ça arrive malheureusement, qu'ils n'ont pas vraiment souhaités, et ils voudraient d'autre chose. Ils vivent d'autre chose, pour différentes raisons, l'âge, etc., ou déjà qu'ils sont dans un milieu très, très difficile. Donc, ce n'est pas facile. Ça fait que les organismes comme vous, et vous le faites très, très bien, je veux vraiment, vraiment le préciser, mettent beaucoup d'emphase là-dessus, et je vous en félicite en mon nom personnel et de la part de plusieurs personnes de mon comté, parce que j'entends souvent parler de votre organisme en bien, en très bien. C'est important que vous le sachiez. Je pense que c'est très important.
Parce que vous avez parlé toujours des enfants d'aujourd'hui tantôt, et, moi aussi, je tiens à mentionner que les enfants d'aujourd'hui, nos enfants d'aujourd'hui sont nos leaders de demain. Et la vie a changé, comme vous l'avez mentionné, Mme la ministre, c'est des familles qui ne sont pas comme les gens de ma génération, les familles ont changé. C'est malheureusement des situations qui ne sont peut-être pas aussi faciles pour les gens qui ont des enfants et les familles d'aujourd'hui qu'il y a 20 ans, 30 ans ou 40 ans. Et ça fait qu'il y a des enfants qui ont plus de difficultés, et ça, il faut s'en occuper parce que, demain, ces enfants-là vont avoir de grands défis, on le sait. On sait que la société est de plus en plus demandante, et de plus en plus rapide, et de plus en plus vite dans tous les domaines, et de plus en plus stressée, j'ose dire le mot. Ça va prendre des gens avec beaucoup d'équilibre pour faire fonctionner la société de demain, et surtout qu'il y a moins d'enfants aussi.
Mais je veux vous ramener un peu sur le sujet qui vous tient à coeur, et énormément, et vous dites quelque chose qui m'a frappé beaucoup, vous mentionnez souvent... entre autres, principalement, là, quand vous parlez d'un certain article, vous parlez de bien-être des enfants, je veux vous entendre là-dessus ? et je sais que ça vient du fond du coeur, la ministre l'a constaté tout de suite avec sa grande rapidité d'esprit ? je veux vous entendre sur le bien-être des enfants en général et votre ambition là-dessus. Je veux vous entendre là-dessus, puis, si vous avez des suggestions de plus à nous rajouter, gênez-vous pas, on est là pour vous écouter.
Mme Desgagné (Mireille): Mais, le bien-être de l'enfant, je pense que tout le monde a une bonne idée de ce que c'est, le bien-être de l'enfant. Bien sûr, il y a les soins de base, essentiels, là, mais, comment dire, l'amour des enfants, une attention aux enfants, une bonne attention.
On a des parents dont, bon, les enfants ont des problèmes, des retards, par exemple, de langage, mais on sent tellement l'amour du parent envers son enfant, les gestes affectueux, qu'on n'est pas inquiets de ces enfants-là. On est inquiets des enfants qui sont rejetés à tour de bras, qui dérangent les parents. Combien de fois aussi on a entendu que l'enfant, c'était: Il va être placé 30 jours, là, il ne faut pas qu'il soit placé plus que 30 jours, parce que notre chèque va baisser. Quand c'est un discours comme ça, pour nous, là... C'est sûr, on n'est pas des juristes. C'est une question de gros bon sens. Il y a des familles qu'on a eues que c'est vraiment de génération en génération. On a eu le frère, la soeur. Il y en a même eu qu'on a eu la maman et on a eu sa fille plus tard. Le bien-être de l'enfant, là, c'est un enfant qui a une attention.
Mme Bérubé (Diane): Puis il y a des parents, si je peux compléter, des parents qui aiment assez leurs enfants mais qui comprennent leurs propres limites dû à x ? puis on serait peut-être dans la même situation, avoir vécu ce qu'ils ont vécu ? les aiment assez pour dire: Je vais les confier à d'autres qui vont bien s'en occuper. Puis il y aurait possibilité, tu sais, que des enfants soient placés... On n'empêche pas qu'ils maintiennent des liens avec les parents, puis il y a des parents qui seraient peut-être des bons parents deux jours ou trois jours par mois, puis l'enfant maintient des liens avec ses parents biologiques, on n'est pas contre ça, mais au moins qu'on assure la base.
Mme Desgagné (Mireille): Si je peux donner un autre exemple, qui est très récent: une maman qu'on suivait, puis, après quelques mois, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas d'évolution, il n'y avait pas de cheminement, la mère était au bout de sa corde. Ce n'était pas la première fois, ça fait peut-être deux ans, la première fois qu'elle est allée demander de l'aide, qu'ils avaient déjà été placés, ils reviennent. Il n'y a personne qui était capable d'entendre son discours. Quand on a vu ça, la mère, dans le fond ce qu'elle voulait, là... elle n'avait jamais eu de temps pour elle. On dit: Le bien-être de l'enfant passe ? je pense que c'était dans le rapport de M. Camil Bouchard, Un Québec fou de ses enfants; le bien-être de l'enfant passe ? par le bien-être du parent. Un parent qui a des problèmes de santé mentale, qui a des problèmes de toxicomanie, qui a des idées suicidaires, il a besoin qu'on s'occupe de son enfant.
Le Président (M. Copeman): Merci, mesdames. Malheureusement, c'est tout le temps imparti, à ma droite. Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Suite à ce que vous venez de dire, les parents ont peut-être aussi besoin qu'on s'occupe d'eux, hein, en parallèle, l'un n'exclut pas l'autre. C'est ce que je comprends de vos paroles.
Dites-moi, le député de Saint-Jean vous connaît bien, mais ce n'est pas tout le monde qui vous connaît bien comme organisme, vous êtes un organisme communautaire; j'ai vu ici que vous étiez un regroupement de familles d'accueil, au départ.
Mme Bérubé (Diane): À l'origine, le fondement.
Mme Charest (Rimouski): Le fondement de votre association.
Mme Bérubé (Diane): Ce sont des mères d'accueil.
Mme Charest (Rimouski): Et vous avez développé cinq services de prévention. Vous avez pondu, excusez l'expression, mais vous avez rédigé trois documents de prévention sur la maltraitance et vous avez publié des rapports d'évaluation, là, concernant votre service d'intervention. Moi, j'aimerais que vous me parliez, c'est quoi, les services exactement que vous offrez à la famille. Parallèlement à ça, j'aimerais savoir qui vous réfère les personnes, les familles comme telles, les enfants, et tout ça; une fois qu'ils vous sont référés, là, il se passe quoi. J'ai cru comprendre que vous alliez à domicile, etc. Mais je pense qu'il faudrait nous donner un portrait un petit peu plus juste de ce que vous faites, parce que vous ne parlez pas juste à nous, les parlementaires, vous parlez aussi à ceux qui écoutent les débats et qui veulent bien comprendre qu'est-ce qu'un organisme comme vous peut apporter de plus pour complémentariser les services qui sont déjà offerts par la protection de la jeunesse. Parce que, plus tard, je vais revenir, là, vous parlez de collaboration et de différentes autres choses. Mais je commencerais par avoir une idée.
Puis j'aimerais savoir aussi: Votre personnel, vous êtes nombreux ou nombreuses? Je ne sais pas. Quel territoire vous couvrez? Pas juste Saint-Jean-sur-Richelieu, probablement un peu plus grand que ça. La formation de votre monde qui travaille avec les familles, c'est quoi? Est-ce qu'il y a une formation spécifique ou c'est par expérience personnelle que les gens sont admis chez vous comme intervenants, intervenantes?
Mme Bérubé (Diane): Donc, il y a plusieurs questions.
Mme Charest (Rimouski): Oui.
Mme Bérubé (Diane): Donc, les références, ça vient de plusieurs portes, si on peut dire: il y en a qui viennent de la protection de la jeunesse, il y en a qui viennent du CLSC, ça peut venir des directions d'école qui ont parlé, c'est venu de professionnels privés, psychologues, travailleurs sociaux qui nous réfèrent. Mais je dirais qu'environ la moitié des références viennent de parents qui ont reçu des services, qui réfèrent d'autres parents.
n(14 h 50)n Aussi, comment ça fonctionne, c'est sur base volontaire. C'est sûr qu'au départ les parents doivent nous appeler. Sauf que des fois il y a des parents qu'on a insisté fortement à nous appeler, là, certains intervenants, mais ils font la démarche de téléphoner. On leur explique qui on est, qu'est-ce qu'on fait. On y va une fois par semaine. C'est des aidants naturels, ils n'ont pas nécessairement une formation professionnelle. C'est des gens de 35 ans et plus avec une bonne maturité, bon jugement, qui sont des accompagnateurs pour les supporter dans leur rôle de parents.
Puis c'est ça qui a été novateur, en 1989, quand on a débuté, de ne pas mettre nécessairement... parce que tout le monde, M. Mme Tout-le-monde, il peut être aidant pour ces familles-là, puis c'est des rapports plus égalitaires. Puis il se crée un lien, c'est de créer un lien de confiance avec les parents pour ensuite qu'ensemble on travaille à améliorer les soins aux enfants. Il y a des parents que leur petite fille de quatre ans n'a pas de routine. Elle se couche à 10 heures, elle envoie promener sa mère. Elle est monoparentale. On dit: Non, tu dois avoir une routine, c'est toi, la maman, c'est toi qui décides.
Il y a des situations légères puis des situations très lourdes. Ce qu'on vous a cité, c'est sûr, c'est des cas lourds. Mais, heureusement, là, on a d'autres cas plus légers, là. Mais c'est vraiment des guides pour les soins aux enfants. On accompagne vers les ressources, ne serait-ce que d'aller à l'école rencontrer tout le comité: la directrice, le professeur, la psychologue, ceux qui travaillent auprès de l'enfant en difficulté. Les parents, des fois nos intervenants servent d'interprètes parce qu'ils ne comprennent pas pantoute ce qu'ils ont voulu leur exprimer, les accompagnent vers des ressources. Certains parents, on les amène en désintox, d'autres, en centre d'hébergement pour femmes violentées.
Le territoire, c'est Saint-Jean, Iberville, Saint-Luc, mais aussi les villages environnants, à 30 minutes de nos bureaux. On est au centre-ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Vous aviez une autre question aussi: Qu'est-ce qui est travaillé? Tout est travaillé. La majeure, c'est les soins aux enfants. Mais, ensuite, des fois on valorise le parent: Oui, tu peux retourner aux études; oui, tu peux avoir accès au travail si ça t'intéresse. C'est quoi, tes rêves? Qu'est-ce que tu aimerais faire? Donc, on voit aussi ce côté-là. Beaucoup servir de médiateur. Ils sont souvent en conflit avec les membres de l'entourage, les ex-conjoints, des voisins, la parenté, donc essayer d'être modérateur, de s'exprimer sans violence, des choses comme ça. Tu veux-tu compléter, Mireille?
Mme Desgagné (Mireille): Bien, de plus en plus, aussi, c'est ça, avec le temps, avec l'expérience, on a ajouté, comme Diane, elle disait, là, un service de médiateur, même entre deux parents. C'est arrivé qu'on ait le papa et qu'on ait la maman qui étaient séparés, la maman, c'est-à-dire, et on a servi de médiateur pour essayer qu'ils s'entendent pour le bien-être de l'enfant, toujours, là.
Mme Charest (Rimouski): Alors, ce que je comprends, vous êtes un organisme communautaire qui accompagnez. Vous êtes un peu... Vous jouez le rôle de pair, p-a-i-r, de citoyens qui ont une préoccupation sociale par rapport à la famille et au bien-être des enfants. Vous accompagnez les familles en difficulté, donc vous leur offrez du support de différents ordres. Vous êtes aussi, en quelque sorte, un service d'accompagnement, un service de référence à des services plus spécialisés dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Mme Bérubé (Diane): Aussi, il y a des mères dépressives monoparentales qui vivent ça.
Mme Charest (Rimouski): Oui, tout à fait. Alors, moi, j'aimerais que vous nous parliez, compte tenu qu'on vous réfère des familles, des enfants, on vous... ou c'est du bouche à oreille, d'après ce que j'ai compris, des gens qui ont été satisfaits de vos services qui vous acheminent d'autres personnes référées. Vous nous dites, à la page 8, que, la collaboration et la considération, la reconnaissance des organismes comme le vôtre qui oeuvrent auprès d'une clientèle commune en santé et services sociaux, là, vous la questionnez. Moi, je vous demande: Comment vous la qualifiez: est-ce qu'elle est bonne, très bonne, ou très mauvaise? C'est fluctuant dépendamment des organismes, du réseau... Je parle du réseau, ça peut être autant les organismes de première ligne que les organismes de deuxième ligne. On se comprend quand on parle première et deuxième ligne?
Mme Desgagné (Mireille): Oui. Plus ou moins. Mais je vous dirais que, dans certaines situations, c'est: très mauvaise et, dans d'autres situations: excellente.
Mme Charest (Rimouski): Et ça, ça dépend de quoi selon vous?
Mme Bérubé (Diane): Ça dépend de l'intervenant comme tel. Parce qu'il y a des intervenants sociaux qui... On a vu ça, une intervenante du CLSC a pointé du doigt notre intervenante, parce que c'est un cas de santé mentale, puis on a parlé à la mère: Écoute, là, vraiment on est inquiètes, le soir, quand tu es toute seule puis que tu n'as pas tout le monde, dans le jour, pour t'aider pour tes enfants. As-tu pensé peut-être à prendre du répit, et tout ça? Puis elle s'est sentie, la travailleuse sociale, menacée elle-même pour son travail, depuis des années, auprès de cette mère-là. Non, on a dit: On a suggéré ça pour les enfants parce qu'on était inquiètes. La mère était tellement médicamentée qu'elle piétinait sur place puis elle était très insécure avec des enfants à s'occuper, elle, toute seule le soir. C'est bien beau, trouver des garderies de jour ou d'autres affaires, mais, quand elle se retrouvait seule avec les enfants, c'était difficile. Donc, elle s'est sentie menacée comme intervenante.
Puis il y a d'autres cas. Il y a une mère itinérante que les deux premiers enfants ont été placés et amenés en adoption, puis le troisième, le seul contact qu'elle avait, c'était avec notre intervenant. On a été main dans la main avec la DPJ parce qu'on savait que, comme elle était itinérante, elle parlait d'aller accoucher ailleurs, dans une autre province, etc., pour garder le bébé, parce qu'on lui enlevait son bébé à chaque fois qu'elle accouchait. Ça fait que, nous, on a été le contact, puis on travaillait main dans la main avec le TS de la DPJ.
Dans des cas, comme dit Mireille, c'est main dans la main, puis, dans d'autres cas, c'est comme: Bon, là, je statue que c'est ça, puis là... Tu sais, ça dépend, c'est des êtres humains. Puis je les comprends, les intervenants aux centres jeunesse, ils ont beaucoup de cas, ils manquent de temps pour voir les familles. Puis, nous, c'est complémentaire à ce qui se fait, on est vraiment une approche concrète avec les parents, des conseils des fois à se réorganiser, c'est inimaginable. Des fois, je conte ça à mon conjoint, sans nommer les noms, puis il dit: On ne peut pas croire que ça existe au Québec, là, certaines situations.
Mme Charest (Rimouski): La réalité dépasse la fiction, la réalité dépasse la fiction.
Mme Bérubé (Diane): Oui, c'est ça.
Mme Charest (Rimouski): Écoutez, je pense que, là-dessus, on a entendu votre plaidoyer. Moi, j'ai lu votre mémoire, j'ai lu toutes vos annexes. Des fois, on n'y croit presque pas, parce qu'on se dit: Est-ce que c'est vrai? Mais je ne mets pas en doute votre parole...
Mme Bérubé (Diane): C'est comme je vous dis, là, ce n'est pas croyable.
Mme Charest (Rimouski): Quand je réagis de cette façon-là, je ne mets pas du tout votre parole en doute, là, je veux être quand même claire, mais c'est parce que, compte tenu des situations que vous décrivez...
Mme Desgagné (Mireille): On vous comprend très bien, parce que...
Mme Charest (Rimouski): J'aurais aimé que vous décriviez aussi pas seulement des situations extrêmes, parce que ce que je comprends dans votre mémoire, c'est que vous nous parlez de situations extrêmes seulement, et vous savez que la majorité des cas qui sont à la DPJ sont, dans une très forte majorité, des cas de négligence. Vous, vous travaillez sur la négligence aussi, mais, quand vous faites référence au cas de Beaumont, c'est un cas extrême. Il me semble qu'il n'y a pas juste de ça à la DPJ, et la DPJ réussit aussi, des situations où elle réussit à prendre les choses en main, à aider, à supporter puis à amener les gens à se prendre en main puis à vivre un peu plus heureux qu'au départ, au moment où elle les a pris en main.
J'ai trouvé que votre mémoire était un peu lourd à cause de l'aspect où on ne fait référence qu'à des cas extrêmement lourds, et, dans des cas extrêmement lourds comme ça, en quoi le projet de loi n° 125... C'est quoi, les articles qui d'après vous vont permettre de diminuer ou en tout cas de répondre à la lourdeur de ces cas-là? Est-ce qu'il y a des articles, de façon...
Mme Bérubé (Diane): Bien, ce qu'il faut comprendre, c'est sûr que les cas qui nous questionnent, c'est les cas lourds. Puis, on n'était pas pour vous amener nos cas. Nous, on a des familles, c'est léger, moyen, puis lourd, puis très lourd. Il y en a qui s'en sont sortis. Puis on ne remet pas en question le travail des... C'est la loi, elle est biaisée, on vous l'a dit à maintes reprises, là. Mais qu'est-ce qui est... Comment je dirais... Vous dites: Il n'y a pas de réussite, qu'est-ce qu'on pourrait faire, là... C'est quoi, la question?
Mme Charest (Rimouski): En quoi le projet de loi actuel, qu'on est en train d'étudier ? puis on va tenir compte de votre témoignage et de vos suggestions pour réfléchir sur le libellé de chacun des articles qu'on aura à voter ? en quoi ces articles-là vont vous permettre de mieux répondre aux besoins des cas aussi lourds que ceux que vous nous présentez aujourd'hui, qui existent et auxquels il faut trouver des solutions?
Mme Desgagné (Mireille): Bien, je pense, au départ, le premier exemple qui me vient, là, c'est la famille de... On l'a mis en annexe, là, on en parle, de cette famille-là.
Mme Charest (Rimouski): Nommez-les; pas nommer la personne, mais, je veux dire, nommer le cas.
Mme Desgagné (Mireille): Non, non, je ne veux pas nommer la personne.
Mme Charest (Rimouski): Nommez le cas, là, parce que...
Mme Desgagné (Mireille): Oui, c'est ça.
Mme Charest (Rimouski): ...il y en a beaucoup dans vos annexes, des situations, là.
n(15 heures)nMme Desgagné (Mireille): Oui, mais, la deuxième annexe, c'est que, on le dit, le plus vieux avait été suivi pendant huit ans. Il y a un problème à la DPJ, il y a un problème à la DPJ dans une région puis il y en a aussi dans une autre région. Le temps qu'il a été dans notre région, la famille s'est sauvée du DPJ, disons, d'une région pour s'en venir ailleurs, pensant avoir la paix. L'enfant avait six ans, il était suivi depuis six ans. Il arrive dans notre région, disons, de mémoire, là, en mars 2000, ça avait déjà été signalé. La mère appelle à nos bureaux en novembre. Elle est suivie par la DPJ. Ce qu'on ne comprend pas, c'est: Comment se fait-il qu'une telle famille suivie par la DPJ... des enfants soient laissés dans un milieu si inadéquat, si inadéquat?
Mme Bérubé (Diane): C'est sûr, si vous faites les amendements qu'on vous recommande, ça va améliorer le sort des enfants. Bien, il y a une bonne volonté de réviser la loi, c'est bon, c'est bien. Mais il faut avoir du mordant, si on peut dire, entre guillemets, pour certains parents qui ne seront jamais aptes, on serait là jusqu'à temps que les enfants aient 18 ans. On ne peut pas être là 24 heures par jour avec ces... Puis, il y en a qui le reconnaissent eux-mêmes, les parents: Je n'en veux plus. Puis il y a un rejet affectif. C'est grave.
Mme Charest (Rimouski): Écoutez, je pense que, pour répondre en partie à votre interrogation, là: Comment ça se fait qu'un jeune, après huit ans à la DPJ, est encore là ou qu'une autre DPJ ne le sait pas nécessairement qu'il était à la DPJ dans une autre région?, le registre, je pense, des signalements va aider le travail des intervenants des DPJ par rapport à ça. C'est sûr que ce n'est peut-être pas la solution miracle, mais je pense que, là-dessus, il va quand même y avoir, là, un pas important de franchi pour avoir une mémoire sur des cas signalés. Parce que vous savez qu'au moment où on se parle je pense qu'après six mois ? c'est quelque chose comme ça, hein six mois ? le signalement est effacé s'il n'a pas été retenu dans un premier temps ? c'est ça, six mois, monsieur... Oui. Parce que des fois, là, ce n'est pas évident de retenir tout de suite, là, tout n'est pas là pour le retenir, mais peut-être que, six mois, huit mois plus tard, là il y a des indices de plus, qui fait qu'on peut mettre la main dessus et le signaler, mais on le sait pas qu'il a déjà été l'objet de premières tentatives.
Une voix: ...là aussi.
Mme Charest (Rimouski): Oui, je sais. Dans la loi, ça va changer. Ce que je disais, c'est que, quand il n'y a pas de signalement retenu, au moment où on se parle, présentement, le registre n'existant pas, ça ne permet pas, là, de s'outiller. Le registre va outiller plus.
Mme Desgagné (Mireille): Excusez-moi, c'est dans ce sens-là aussi que... Vous venez de dire: Ce n'est pas évident de retenir un signalement. Quand un organisme connaît une famille depuis 10 mois, il y aurait lieu peut-être de faire confiance à ce que cet organisme-là a observé, justement parce que ce n'est pas évident.
Le Président (M. Copeman): Il faut que j'aille à Mme la députée de Lotbinière. Allez-y, madame.
Mme Roy (Lotbinière): Je reconnais le travail que vous faites. J'ai moi-même siégé sur un C.A. d'un organisme semblable, à Trois-Rivières, Maternaide ? je ne sais pas si vous le connaissez ? qui donne du répit, de l'accompagnement et qui fait des visites à domicile. Mais, sur un même axe, là... Là, vous avez parlé beaucoup de pratique aussi, parce que finalement, quand vous parlez de décisions des travailleuses sociales, ce sont des pratiques qui se vivent sur le terrain, dont vous avez été témoins. Puis, sur un même axe, il y a deux contestations qu'on voit ici puis qu'on entend aussi. Votre intervention, c'est: la DPJ aurait dû agir, aurait dû avoir des mesures musclées et puis intervenir. Puis en même temps on a entendu, hier, je pense: Quand la DPJ rentre, il faut sortir, ils exagèrent, ils s'emballent pour rien.
On entend les deux, puis ça, c'est une question de travailleur social qui prend une décision de donner une orientation à un dossier. Puis, quelquefois, vous avez vu des travailleurs sociaux qui ont travaillé avec vous qui avaient la bonne orientation, et c'est le supérieur qui bloquait par défaut, manque de ressources; d'autres fois, c'est le travailleur social avec qui vous avez eu des difficultés. Mais, dans chacun de ces cas-là, le problème, c'est qu'il n'y a pas de contrepoids. Vous ne pouvez pas vous retourner pour avoir quelqu'un qui va intervenir dans le dossier pour le bien-être des enfants, et ce, rapidement.
Parce que j'ai vu que vous avez essayé avec la Commission des droits de la personne, et c'est excessivement long, la Commission des droits de la personne, excessivement complexe, puis il y a une grosse bataille de tranchées à chaque fois qu'on fait appel à la Commission des droits de la personne. Si on avait un ombudsman régional avec un service de conciliation rapide, qui a un bon pouvoir d'intervention pour solutionner ces dossiers-là, si on avait quelqu'un, là, qui est responsable du bien-être des enfants dans sa totalité, autant au niveau des CLSC qui doivent dispenser des services, des écoles qui doivent fournir les services, du dépistage qui se fait en CPE, si on avait quelqu'un responsable de nos enfants, à qui on peut parler rapidement, qui aurait un pouvoir d'intervention, vous ne pensez pas que, tout ce que vous avez vécu, on pourrait voir une lueur de solution à ça?
Mme Bérubé (Diane): Mais, la commission, à deux reprises on a fait appel à ça parce qu'on trouvait que les droits des enfants étaient lésés dans certaines situations extrêmes. Mais peut-être qu'ils pourraient jouer un rôle semblable à ça à la commission, je ne le sais pas.
Mme Desgagné (Mireille): Mais, quand vous parlez... Quand vous parlez d'ombudsman, parlez-vous de quelqu'un de totalement indépendant?
Mme Roy (Lotbinière): Quelqu'un qui ne fait pas partie du système. Parce que, là, quand vous faites appel à quelqu'un d'autre dans la machine, bien il y a des problèmes au niveau de... C'est sûr qu'ils sont tous dans la même boîte, c'est un petit peu plus compliqué. Ça, c'est la première chose.
Puis, deuxièmement ? parce que je sais qu'il me reste une minute ? ce que je voulais souligner: quand on a du monde qui pense que la DPJ est intrusive puis qui fait des appels... qui se rend sur place pour rien, mais c'est là toute l'importance de votre organisme, parce qu'ils ont assez peur du DPJ qu'ils ne veulent pas les laisser rentrer, puis la DPJ aurait pu les aider. Mais, grâce au fait que vous n'êtes pas aussi menaçants, bien, par chance, vous évitez, là, qu'on soit obligés de sortir l'artillerie lourde, vous permettez à ce qu'il y ait une mesure intérimaire entre la DPJ...
Mme Bérubé (Diane): Mais on encourage quand même les parents à utiliser les services de la DPJ, parce que: tu vas en avoir, du service. C'est dans notre discours, là.
Mme Desgagné (Mireille): C'est dans notre discours d'encourager les parents à collaborer avec la DPJ.
Mme Roy Lotbinière): Ça fait que finalement, ce que je pense, c'est que ça prendrait des organismes comme vous à travers le Québec pour seconder la DPJ dans les zones intermédiaires.
Mme Bérubé (Diane): Ça nous a été demandé souvent, sauf qu'il faut de l'argent pour établir des points de services ou des choses comme ça. Mais c'est unique au monde, le Mouvement SEM. Je souhaite qu'il y en ait partout.
Mme Roy (Lotbinière): Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Bérubé et Mme Desgagné, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission parlementaire au nom du Mouvement SEM, Sensibilisation pour une enfance meilleure.
J'invite immédiatement les représentants de l'Association de parents pour l'adoption québécoise à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission souhaite la bienvenue aux représentantes de l'Association des parents pour l'adoption québécoise. Encore une fois, un peu difficile pour moi de savoir qui est qui. Mme Neault? Bonjour, Mme la présidente, bienvenue à cette commission. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et par la suite il y aura un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation immédiatement.
Association des parents pour l'adoption
québécoise (APAQ)
Mme Neault (Kathleen): Je vous remercie. Bonjour, M. le Président. J'aimerais présenter les gens qui m'accompagnent pour cette audience: Mme France Labrecque, à ma droite, est trésorière au sein du conseil d'administration. Mme Labrecque est parent adoptant de trois enfants à l'international et d'un garçon en projet Banque-mixte. Elle est impliquée en adoption internationale depuis 13 ans dont six ans en adoption québécoise avec son projet Banque-mixte. Mme Katherine Léger, à ma gauche, siège au conseil d'administration en qualité de secrétaire. Elle est parent adoptant de quatre enfants de la Banque-mixte et un enfant de l'adoption régulière, puis son implication en adoption, c'est depuis sept ans. Mme Linda Frappier, à ma gauche, est parent adoptant d'un garçon issu d'un projet Banque-mixte depuis sept ans. Malgré le placement d'enfants en quelques mois, le projet n'est toujours pas complété. Et, moi-même, je suis mère adoptante d'une fille en Banque-mixte et d'un garçon issu de l'adoption régulière. Je suis impliquée en adoption québécoise depuis bientôt six ans dont trois ans à titre de présidente de l'APAQ.
n(15 h 10)n Nous sommes reconnaissants d'avoir été invités à nous prononcer à la Commission des affaires sociales afin de permettre une plus grande sensibilisation aux enjeux de l'adoption au Québec et aux conditions qui prévalent actuellement lors de projets Banques-mixtes. Nous désirons faire connaître notre position sur les articles pertinents à l'adoption et plus particulièrement sur les délais précis de durée maximale d'hébergement selon l'âge de l'enfant. C'est d'abord l'intérêt de l'enfant que nous ciblons. Malheureusement, les placements en protection sont multipliés, et les délais à l'admissibilité à l'adoption sont souvent trop longs et ne favorisent pas le lien d'attachement à la famille adoptive. Les délais précis à l'hébergement ne peuvent qu'être favorables à la réussite d'un projet permanent et donc minimiser la souffrance de ces enfants polytraumatisés et réduire l'anxiété des parents qui les accompagnent.
L'APAQ désire contribuer à faire évoluer les lois gouvernementales qui régissent le monde de l'adoption, incluant la pré et la postadoption, afin de donner l'opportunité à plus d'enfants à une deuxième chance de vie sécurisante et à l'accès aux soins constants dans un milieu stable, sain et aimant.
L'Association de parents pour l'adoption québécoise a été fondée en 1996 dans le but de favoriser l'adoption d'enfants d'ici. Notre objectif est de faire connaître les besoins particuliers des enfants du Québec et de soutenir les parents qui tentent d'y répondre. Nous souhaitons contribuer à leurs efforts afin d'assurer à chacun de ces enfants un milieu de vie familiale stable, sécurisant et accueillant.
L'adoption est un projet de vie qui exige une mûre réflexion et une bonne préparation. L'APAQ guide ses membres et postulants à travers le cheminement de la prise de décision jusqu'à la requête en adoption, et bien plus. Nos 10 années d'expérience auront permis de mieux cibler les besoins des parents et des enfants placés en adoption, dont la grande majorité provient de la Banque-mixte. C'est grâce aux ressources spécialisées, aux conférences, à la formation, à un groupe de soutien et grâce aux activités axées sur les thématiques et les enjeux de l'adoption que l'APAQ accompagne ses membres. Le cheminement trop souvent difficile pour les enfants et les parents qu'engendrent les projets d'adoption Banque-mixte est une grande préoccupation pour l'APAQ. Nous appuyons notre mémoire sur huit points différents. Le point n° 1, c'est d'appuyer les changements proposés quant aux délais d'hébergement maximaux pour rendre un enfant admissible à l'adoption; le point n° 2, appliquer l'aide financière à l'adoption en reconnaissant les services essentiels, considérant le profil clinique de ces enfants qui ont besoin d'une adoption et d'une stabilité à long terme; le point n° 3, rendre accessibles les services aux enfants et à la famille tant et aussi longtemps qu'ils en auront besoin, sans qu'ils soient limités au statut d'usager, qui prend fin à l'ordonnance de placement, c'est-à-dire l'accès au soutien en postadoption; pour le point n° 4, sensibiliser la population et le service de première ligne, incluant le personnel enseignant et la direction d'école, aux difficultés et aux enjeux que représente l'histoire de nos enfants tout en respectant la confidentialité; le point n° 5, garantir le droit à la confidentialité et à une vie familiale sereine pour la famille Banque-mixte, notamment par la législation du statut Banque-mixte; le point n° 6, permettre l'accès exhaustif aux antécédents de l'enfant avant l'ordonnance de placement afin que les parents adoptants puissent assurer les soins de l'enfant et assumer l'autorité parentale nécessaire; le point n° 7, statuer sur la déchéance parentale, qu'elle entraîne la perte de l'autorité parentale et mette fin au pouvoir de décision des parents; le point n° 8, suspendre les visites parentales dès que possible afin d'éviter perpétuellement les sévices inutiles à l'enfant.
Notre mémoire est appuyé de nos histoires d'adoption. C'est avec la généreuse participation de ses membres que l'APAQ a pu compléter son mémoire. Nous désirons toutefois préciser que l'utilisation et la publication de ces histoires demeurent très délicates, puisque certains dossiers ne sont toujours pas complétés. Afin de respecter le maximum de confidentialité à ces parents et enfants, nous demandons la plus grande diligence à cet effet à la Tribune de la presse et de ne pas publier ces histoires.
En résumé, pour notre mémoire, nous sommes des parents qui humblement ont choisi la voie de la Banque-mixte dans le but d'adopter un ou des enfants de la protection de la jeunesse pour fonder une famille. Nous avons accepté les conditions du projet à bras ouverts, avec tout l'amour de notre coeur, croyant pouvoir offrir un foyer à un enfant qui n'avait pas eu un bon départ dans la vie. Ce que nous ne savions pas, c'est que les droits des parents biologiques primaient sur l'intérêt et le bien-être de l'enfant et aussi, de toute évidence, sur le dossier de protection, à cause des lois qui prévalent en protection de la jeunesse. Pendant que le dossier se monte, l'enfant doit subir l'insécurité, l'instabilité, l'anxiété et le conflit de loyauté reliés aux délais de décision, aux visites parentales imposées, à l'irrégularité du protocole à suivre par les intervenants ou à l'absence de celui-ci, et à l'inconsistance des décisions des juges. On cite comme exemple des juges qui sont pro-parents et pro-enfants.
Nous, parents, devons être témoins muets de telles conditions. Nous devons taire nos réactions devant la souffrance de l'enfant et surtout accepter la situation, car il ne s'agit pas de nos droits de parents de coeur, de nos émotions, mais de ceux du parent naturel et quelquefois de l'enfant. En tant que parents, être témoins des réactions de l'enfant, le voir vomir sans raison apparente, constater une diarrhée inexpliquée, découvrir des réactions d'urticaire, être au chevet de ses cauchemars, contrôler ses crises d'hystérie et de révolte, s'inquiéter de son manque d'appétit ou même de son incapacité à marcher, ce n'est certes pas le beau rôle que nous avions envisagé à prime abord. Ne choisissons-nous pas d'être parents justement pour prévenir et éviter de telles réactions et souffrances?
Nous sommes tout de même là à les accompagner, à accompagner l'enfant jour et nuit. Nous apprenons à bien le connaître, le consoler, le réconforter devant l'impuissance des procédures et l'accumulation des délais. Mais, pendant ce temps, notre amour grandit et un lien d'attachement mutuel se forge. Nous vivons dans cette réalité omniprésente d'un retour possible de l'enfant à ses parents biologiques à qui une intervenante ou un juge aura encore une fois donné absolution pour divers méfaits, négligences et abus de substances.
Les délais de réalisation sont indéterminés. Nous savons tous à quel point les premiers mois, les premières années dans la vie d'un enfant sont primordiaux. Alors, pourquoi ne pas les mettre à profit dès le départ? Pourquoi ici, au Québec, pouvons-nous nous permettre des années avant de se positionner sur l'avenir d'un enfant? Est-ce que les enfants du Québec n'en valent pas la peine? Avec tant de parents en désir de fonder une famille et d'accueillir un enfant, pourquoi ne pas favoriser un placement définitif à l'adoption dans de brefs délais? Même si l'enfant est capable d'exprimer son désir profond de demeurer dans sa famille d'adoption et refuse de voir sa mère biologique ou de lui parler, on lui impose des visites, des contacts afin de monter un dossier de déchéance parentale. Où est l'intérêt de l'enfant?
À l'adoption régulière, les informations relatives au nom des parents et de l'enfant sont confidentielles, et l'adoption se fait rapidement. En Banque-mixte, l'évaluation et les suivis se multiplient avec les centres jeunesse pour s'assurer du bon développement et du bien-être de l'enfant. C'est une période durant laquelle nous devons démontrer une grande disponibilité et collaboration pour faire avancer le dossier. Cette collaboration inclut plusieurs visites à domicile, des visites parentales qui ont lieu souvent durant les heures de travail. Nous devons renoncer à notre vie privée, à la confidentialité de nos informations, de nos émotions. Nous devons demander la permission pour vacciner, autoriser un traitement médical et prendre des vacances à l'extérieur de la province à des parents dont la capacité parentale est prouvée déchue. Ne serait-il pas temps de mettre un terme à cette souffrance?
Dans ce mémoire est cité ce que nous souhaitons pour l'amour, l'intérêt et le bien-être de nos enfants et des autres petits qui auront une deuxième chance dans la vie en étant placés chez des parents prêts à les accueillir. C'est avec ces mots que nous souhaitons vous sensibiliser aux enjeux de l'adoption québécoise via la Banque-mixte et au travail effectué par l'APAQ afin d'assurer le soutien aux parents et les outils nécessaires, incluant les services spécialisés, la formation et l'aide financière aux parents et aux associations, qui sont essentiels au succès des projets d'adoption.
Notre point de vue en tant qu'association, c'est qu'on ne désire pas pointer le doigt, on ne désire pas accuser, on ne désire pas trouver la faute où ça ne fonctionne pas, c'est qu'il faut être capable de trouver... d'avoir la reconnaissance, la reconnaissance des parents, du travail, de l'implication des parents dans les projets Banques-mixtes, d'être capable d'avoir une meilleure concertation avec les différents organismes, avec les centres jeunesse entre autres, puis d'être capable d'avoir recours à de l'aide aux familles, parce qu'on sait très bien que les enfants qui sont placés en Banque-mixte, ce n'est pas des enfants issus de l'adoption régulière, c'est des enfants qui arrivent...
Même s'ils arrivent à la naissance, ils ne sont pas... Il n'y a pas de garantie qu'ils n'auront pas de séquelles, il n'y a pas de garantie qu'ils n'auront pas de difficultés dans leur développement. Puis, malheureusement, quand ils arrivent à l'âge... Plus souvent quand ils arrivent à l'âge scolaire ou suite au placement, c'est à ce moment-là que les difficultés se manifestent, puis, à ce moment-là, on n'est plus usager du système, donc on n'a plus droit aux services des centres jeunesse, puis il faut se débrouiller de nos propres ailes à trouver les services spécialisés, qu'on ne trouve pas toujours, parce que, malheureusement, même si on s'adresse à un pédiatre, à un psychologue, ce n'est pas nécessairement qu'on va trouver un psychologue qui va être spécialisé en adoption, qui va être spécialisé avec les difficultés que ces enfants-là vivent.
Le Président (M. Copeman): Ça va, mesdames?
Mme Léger (Katherine): Je pourrais peut-être rajouter un petit point par rapport à l'article 8, on n'en a pas... il parle que... Vous avez rajouté un élément qui dit que les parents de l'enfant ont également le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats. Nous serions d'accord en tout cas de rajouter quelque chose comme «les parents adoptifs aussi», à ce moment-là.
n(15 h 20)n Parce que, là, il parle que les parents biologiques de l'enfant doivent recevoir les soins de santé pour... ou les services pour se reprendre en main, pour prendre soin de leurs enfants comme il faut. Mais, après qu'on a prouvé que ces enfants-là ne devaient pas rester avec leurs parents, il faudrait que les gens qui suivent et qui prennent soin de ces enfants-là puissent recevoir aussi des soins pour prendre soin de ces enfants-là. Nous aussi, on a besoin de support en tant que parents adoptants pour continuer le travail que la DPJ voulait commencer en nous confiant ces enfants-là. Alors, je veux que les parents biologiques aient toute l'aide nécessaire pour s'en sortir, mais, une fois qu'on a prouvé que non, bien il faut que, nous aussi, on puisse avoir toute l'aide nécessaire pour s'en sortir. Parce que ces enfants-là ne guérissent pas comme par magie une fois qu'ils atterrissent dans notre famille adoptive. Ce n'est pas parce qu'ils ont un environnement sain que tout d'un coup leurs problèmes disparaissent. Ces enfants-là sont traumatisés à vie, et, malgré tout notre bon vouloir en tant que parents adoptants, il y a certains enfants qui vont garder des séquelles très graves, et on a besoin de soutien pour les aider à notre tour, si on veut les entourer convenablement.
Mme Neault (Kathleen): J'aimerais juste rajouter que, pour le cas du soutien aux enfants et aux familles, malheureusement, l'implication des familles Banques-mixtes, on peut estimer une moyenne de deux ans et demi avant qu'un projet se réalise. Il n'y a pas de garantie à savoir combien de temps ça va prendre avant que l'adoption se prononce, parce que, même des cas qui se présentent très bien, qu'il y a déchéance parentale ou il y a d'autres enfants chez le même parent, on n'a pas de garantie que le projet va se réaliser rapidement. On a des cas qui avaient été présentés, puis ça a pris cinq ans avant que l'adoption se passe; on en a d'autres que c'est sept ans; il y en a d'autres que c'est six ans.
La problématique avec les délais, et puis peut-être la faute d'évaluation, en premier lieu, de placer certains enfants, il y a quelques années, c'est que les parents ont tout investi dans la vie de ces enfants-là, avec tout l'amour qu'ils avaient, avec toutes les ressources qu'ils pouvaient trouver ? oui, ils avaient des rétributions pour supporter ces enfants-là ? puis, à un moment donné, ils ont dû lâcher prise pour sauver le bateau, parce que tout coulait. Ce n'était plus l'enfant qu'ils ne pouvaient plus supporter, c'était la famille, le couple, la dynamique familiale, et, à ce moment-là, ils se sont redirigés vers les centres jeunesse puis ils ont été jugés comme les parents qui comme, au départ, avaient abandonné leurs enfants. Puis ces mêmes parents là se retrouvent... Les enfants sont retournés dans le système, puis ces parents, après un investissement minimum de 10 ans dans la vie de ces enfants-là, se retrouvent à payer des rétributions mensuelles au centre jeunesse, puis on parle souvent de 500 $, 900 $, 1 500 $ par mois. C'est des familles qui ont déjà investi, là, des années à essayer de remédier aux problèmes, à essayer d'accompagner ces enfants-là.
Parce qu'il faut faire la distinction: les parents qui accueillent des enfants en Banque-mixte, c'est des parents qui se mobilisent, c'est des parents qui vont aller chercher les formations, c'est des parents qui lisent beaucoup et qui sont très prêts à aider ces enfants-là et à connaître les problématiques spécifiques aux enfants. Nous, à l'association, on les encourage fortement, les postulants, à se joindre rapidement justement pour leur aider à prendre une décision éclairée face au projet d'adoption. Parce que l'adoption, ce n'est pas une décision qu'on prend comme on décide de la couleur qu'on va peinturer la chambre, c'est vraiment un cheminement, il y a beaucoup d'enjeux. Nos capacités parentales sont évaluées, mais ce n'est pas les capacités parentales comme telles sinon les capacités parentales pour composer, pour faire face aux difficultés qu'un enfant adopté va apporter, quel que soit l'âge auquel il va arriver. Donc, c'est ça.
Mme Léger (Katherine): À ce niveau-là... Excusez. Est-ce qu'il nous reste encore du temps?
Le Président (M. Copeman): Oui.
Mme Léger (Katherine): À ce niveau-là, je voudrais rajouter. Entre autres, dans l'article 38, on parle que la sécurité et le développement d'un enfant sont considérés comme compromis, bon, pour différents articles, comme abandon, négligence, etc. Mais, là où des fois c'est difficile de juger, c'est que les parents adoptants parfois vont entrer en signalement parce que l'enfant présente des troubles de comportement extrêmement graves, et le parent adoptant n'est pas responsable de ces troubles-là. Alors, à quelque part, l'enfant est arrivé avec son historique, est arrivé avec son bagage, est arrivé avec beaucoup de traumatismes, et le parent adoptant tente de chercher de l'aide pour ces enfants-là, tente d'aller voir les différents professionnels de la santé et scolaires et se bute à des gens qui ne connaissent pas la dynamique de l'adoption, ne connaissent pas les problèmes spécifiques à l'adoption, et ces professionnels-là, au lieu de dire: On va vous aider à passer au travers, portent un jugement sur le parent adoptif, et, à ce moment-là, des fois ça peut mener à certains signalements parce que l'enfant est en grande difficulté.
Et ces enfants-là devraient venir avec un genre de profil, que les gens qu'on rencontre quand on veut aller chercher de l'aide, ils puissent dire... Ça, c'est quand on parle de sensibiliser la première ligne, entre autres, là, c'est que, quand on arrive avec un enfant qui a des troubles de comportement graves, ce n'est pas nécessairement notre faute. Il faut voir tout l'historique de l'enfant. Et c'est pour ça qu'ici, quand on parle, dans l'article 38, que, lorsque l'enfant présente des troubles de comportement sérieux, il faut absolument dire que la sécurité de son développement est compromise, il faut faire attention ici, parce qu'on peut parler de ça quand l'enfant est dans sa famille biologique puis qu'il présente des problèmes, mais, une fois qu'il est rendu en adoption, ses problèmes, encore une fois, ne vont pas disparaître. Alors, il continue d'avoir des troubles de comportement.
Et quelquefois les intervenants ne vont pas s'appuyer sur les bonnes réflexions pour passer à l'action. Alors, ça vient entraver notre travail en tant que parents adoptifs, parce que, nous, on veut chercher de l'aide, on veut soutenir nos enfants et on ne veut pas se faire accuser de chercher des bibites ou des problèmes à nos enfants ou d'avoir causé ces problèmes-là. Alors, je trouve que des fois, un petit peu, l'application... Le texte de cet article-là peut porter à confusion, quand on est parent adoptif, parce que l'enfant arrive avec un bagage.
Le Président (M. Copeman): Alors, merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Mesdames, bonjour. Il y a beaucoup de choses, merci de le avoir partagées avec nous, mais il y a quand même beaucoup de choses que vous dites dans votre mémoire, même si vous n'avez abordé que le volet des Banques-mixtes, ou presque, et c'est un volet dont on n'a pas entendu parler du tout à date, et vous m'apprenez évidemment aujourd'hui, comme, j'imagine, à bien des gens, les différentes étapes par lesquelles vous devez passer comme parents adoptifs par le biais de la Banque-mixte, mais aussi les difficultés que vous rencontrez sur ce terrain-là qui finalement, tout en sachant que vous allez faire face à ces difficultés-là... Ce n'est pas le petit bébé rose, naissant, qui a été mis à l'adoption dans les années cinquante, là. C'est souvent des enfants qui sont maintenant retirés des milieux familiaux et qui ont déjà un bagage très lourd, puis c'est très...
Moi, je sais que vous ne voudrez pas que je dise ça, mais je vais le dire quand même: J'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui sont aussi généreux. Il y a des parents adoptifs qui m'ont dit un jour: Ne dites pas ça, nous autres, parce qu'on a le coeur aussi grand que vous pouvez l'avoir. Mais je pense que c'est important de le dire, parce que ces enfants-là seraient sans doute encore ou même dans des centres de réadaptation, ou seraient encore ailleurs dans le système, ou n'auraient pas survécu finalement à des situations qui sont très difficiles.
Sur la question des visites parentales ? je vais commencer par celle-là ? j'ai de la misère à comprendre... c'est-à-dire que je comprends bien votre point de vue. Vous êtes évidemment en Banque-mixte, donc vous n'avez pas encore adopté l'enfant. Le parent a donné son consentement, c'est ce que je comprends, pour qu'il soit en Banque-mixte...
Une voix: ...
Mme Delisle: N'a jamais donné son consentement pour qu'il soit en Banque-mixte? Bon. Alors, je comprends mal. Je reprends. Je croyais que la Banque-mixte, c'était comme une famille d'accueil... c'est une famille d'accueil ? mais mettons que c'est un autre niveau de famille d'accueil. Alors, plutôt que d'interpréter, vous allez m'expliquer qui vous êtes, comment vous y êtes arrivés, pourquoi les parents biologiques ne devraient pas avoir accès à leurs enfants lorsqu'ils sont chez vous. Et je reviendrai par la suite avec d'autres questions.
Mme Neault (Kathleen): Pour ce qui est de la Banque-mixte, c'est que, oui, légalement, on est des familles d'accueil, mais avec un double statut. Donc, l'évaluation est un petit peu poussée, parce que le but premier, c'est une permanence. C'est en vue d'une adoption. Donc, l'enfant qui est confié en Banque-mixte, ce n'est pas un enfant qui va être confié temporairement. C'est en vue de l'adoption, donc à long terme. Puis, les parents, de la même façon, qui se dirigent vers la Banque-mixte, qui demandent d'être évalués en Banque-mixte, c'est pour une adoption. Donc, quand l'enfant rentre chez le parent en Banque-mixte, en principe c'est son enfant, là, même si légalement il ne l'est pas. C'est ce qui est convoité.
n(15 h 30)n Quand il s'agit des visites parentales, malheureusement c'est que le dossier n'est pas... Il faut faire la distinction entre un enfant qui est confié d'une jeune maman puis un enfant qui est confié d'une maman peut-être plus avancée, dans la vingtaine, la trentaine, puis il y en a déjà six qui ont été placés et adoptés. Il y a déjà un travail qui a été fait avec cette maman-là. Tandis qu'avec une jeune maman, j'imagine... «j'imagine», je sais que c'est différent, là, comme interaction, puis les chances de monter le dossier, ou le travail qu'il y a à faire pour essayer d'aider cette maman-là. Mais, certaines mamans, la déchéance parentale, elle est déchue. On s'acharne à monter le dossier parce qu'il faut qu'il y ait... il faut qu'ils prouvent la déchéance parentale, il faut qu'il y ait ces visites-là pour... est-ce qu'on peut l'appeler «favoriser le lien d'attachement»? On sait très bien qu'une visite au mois, une visite aux deux semaines ne favorisera pas un lien d'attachement, parce que l'enfant va développer son lien d'attachement avec son donneur de soins sur une période continue, régulière, qui est avec le parent adoptant. C'est le parent adoptant qui répond à ses besoins, qui est là sur une base continue.
Ces visites-là sont obligatoires pour que le parent se déplace, se manifeste, pour qu'il subvienne à ses besoins, pour qu'il soumette son chèque d'allocation familiale, pour qu'il subvienne à ses besoins, autant du point de vue éducation et... ses vêtements, et tout ça. Mais la majorité de ces parents-là sont incapables. Ils sont incapables de garder un logement, ils sont incapables de subvenir à leurs propres besoins, ils sont encore moins capables de subvenir aux besoins d'un enfant. Quand un enfant est dirigé en Banque-mixte, c'est parce qu'il y avait des fortes chances ? c'est à haut risque d'abandon, qu'ils disent ? que le parent va abandonner et ne sera pas capable. Oui, en Banque-mixte, il y a des cas où les parents signent le consentement, mais c'est un faible pourcentage. La majorité ne signent pas. C'est une ordonnance de la cour qui dit... Bon, on se dirige vers l'adoption, l'admissibilité a été acceptée, et on continue vers les procédures.
Mme Delisle: Est-ce que les parents pourraient en tout temps, s'ils ont cheminé et repris en main leur vie, s'ils ont développé leur capacité parentale... ce qui vous pend au bout de la tête... sur le dessus de la tête, c'est que ce parent-là peut revenir, tant qu'il n'est pas adopté, là, chercher l'enfant?
Mme Neault (Kathleen): Oui, mais en principe le...
Mme Delisle: Parce que vous n'avez pas de statut légal. Vous n'en avez aucun, là.
Mme Neault (Kathleen): Non. On est entre deux chaises. On est en voie d'adoption puis en même temps on est famille d'accueil, puis l'enfant, il se tient entre les deux, parce qu'il y a maman et maman. Il y a maman une et maman l'autre. Il y a le conflit de loyauté. On ne placera pas un enfant, là, dans un placement d'urgence, un signalement d'urgence, dans une Banque-mixte...
Mme Delisle: Non. O.K.
Mme Neault (Kathleen): ...à moins qu'on sache que la maman en a déjà eu six, ça n'a jamais fonctionné, puis tout indique que ça va être... le portrait va être le même. L'enfant peut être placé en Banque-mixte. Personnellement, on a eu un enfant placé à la naissance. On a d'autres familles qui ont eu des enfants placés à la naissance en Banque-mixte. Ça dépend des centres jeunesse, ça dépend des cas. C'est toujours du cas par cas. Mais, la Banque-mixte, ce n'est pas en vue d'un retour à la maison comme avec les familles d'accueil. Quand ils ont des visites, oui, le retour est convoité, oui, le retour à la maman, il est convoité, parce que c'est le but. Il faut qu'elle se remette sur pied, elle a des recommandations de la cour, elle a du travail à faire. Si elle ne le fait pas, le dossier procède. Puis c'est là, quand on parle de délais avec la Banque-mixte, que ça embarque, c'est que ça s'éternise. Parce qu'on a toujours une période d'absence, puis, woups! la maman se remanifeste, donc on recommence les visites. Tout ça est très perturbant.
Là-dessus, je vais laisser Linda préciser un petit peu, là, pour l'aspect des visites, ce que ça fait.
Mme Frappier (Linda): Les visites, aussi, les délais, les délais qui sont causés par, aujourd'hui, les lois... Parce qu'un parent peut être absent de la vie d'un enfant pendant un an, et, dès que la DPJ essaie de recontacter la mère, lui signale qu'il y a une admissibilité à l'adoption, qu'il y a une requête qui va être déposée, très souvent la mère revient et se manifeste et désire se prendre en main. Mais l'enfant, lui, son lien, là, il est ailleurs. L'enfant, dans notre cas à nous, a vécu avec nous un an, de quatre mois à un an, avant que la mère revienne. Son lien d'attachement, là, il n'est pas avec sa mère biologique. Alors, l'insécurité que le retour de la mère fait vivre à cet enfant-là... Parce que, là, on retourne une deuxième fois en cour, puis une troisième fois en cour, un placement de un an, de 18 mois, une demande de majorité qui est accordée par les juges, et ensuite l'admissibilité, et, si ça passe et... Si la mère a repris en quelque sorte sa vie un peu en main ? parce que tout ce qu'on regarde dans la loi, c'est six mois précédant le dépôt de la requête, les comportements de la mère six mois précédant la requête ? à ce moment-là, très souvent, comme dans notre cas à nous, l'admissibilité a été rejetée. On a dû aller en appel, la DPJ a été là en appel, et ça a été rejeté encore une deuxième fois.
Alors, les délais sont très, très perturbants pour l'enfant qui, lui, souhaite être adopté par les parents qui ont donné ses soins, qui ont été près de cet enfant-là toute sa vie. Et les visites, aussi, lui font vivre de l'insécurité parce qu'il a peur de perdre ses parents qui... Pour l'enfant, c'est nous, ses parents. Alors, c'est pour ça que les visites sont très perturbantes pour un enfant. L'attente aussi, l'attente du délai, là, de savoir: Est-ce que je vais être adopté par mes parents qui m'ont accueilli? Mon enfant à moi a vécu beaucoup d'insécurité et beaucoup de réactions, hein, face à tous ces délais-là.
Mme Delisle: Je voudrais revenir sur la question des délais, la durée des délais de placement, là, qu'on a introduits dans la loi avec l'article 22. En tout cas, moi, je pense que ça va peut-être venir corriger une partie finalement des problèmes que vous venez d'exposer. Je ne sais pas si vous... je sais que vous l'avez soulevé dans votre mémoire un peu. Mais est-ce que ça, c'est un outil qui peut venir enrayer une partie, là, de... j'allais dire de la frustration que vous avez, mais des situations que vous vivez? Oui?
Mme Frappier (Linda): Pas une frustration comme la douleur que l'on doit vivre. C'est nous qui vivons avec ces enfants-là, qui les voyons réagir, qui devons composer avec toutes les problématiques que tout ça apporte dans leur vie: l'insécurité, l'instabilité, la crainte de perdre maman. Quand on lui a dit, à mon petit garçon, qu'il ne pouvait pas être adopté, il a eu très peur de perdre maman: Moi, je ne veux pas changer de maman. Il pensait, lui, qu'il était pour changer de maman en n'étant pas adopté par nous. Alors, le lien d'attachement qu'il a avec nous et son lien d'appartenance qui... Cet enfant-là veut être identifié à ses parents. Alors, le lien d'appartenance est très important chez un enfant qui a été placé en Banque-mixte pendant plusieurs années. Et, très souvent, comme nous ici, c'est des cas qui ont été longs. Souvent, les projets Banque-mixte se réalisent à l'intérieur de deux ans, deux ans et demi. La mère, elle est très... elle est souvent... ou les parents sont absents de la vie de l'enfant ou sont très peu présents. Quand un enfant est orienté en Banque-mixte, quand la DPJ décide... ou le juge ordonne qu'un enfant soit placé en Banque-mixte, c'est parce qu'on est face à un parent avec des cas lourds, qui est déjà très connu des services sociaux, qui a reçu de l'aide pendant plusieurs années. Alors, remettre encore des délais, encore redonner de l'aide à ces parents-là, oui, d'accord, mais pour un certain temps. Combien de fois et sur combien de temps doit-on... combien de chances doit-on donner à ces parents? À un moment donné, je crois qu'il faut trancher pour l'intérêt de l'enfant. Alors, c'est sûr que les délais vont venir corriger beaucoup, beaucoup de situations comme la nôtre et comme d'autres parents qui ont vécu la même chose aussi.
Mme Delisle: Sur la question des services postadoption, Mme Blais, hier, Marguerite Blais, qui est la présidente du Conseil de la famille, qui a ouvert d'ailleurs les travaux, nous a soulevé cette réalité-là, que les parents adoptifs devraient avoir accès à des services pour les aider. Peu importe que ce soient des enfants adoptés à l'international ou des enfants adoptés ici, ils ont tous, ces enfants-là, un passé, et ces enfants-là ont à vivre cette brisure-là. Vous adoptez des enfants qui ont été dans des situations très difficiles, hein, de compromission, etc. Je pense qu'on a bien entendu ce message-là.
Je vous demanderais toutefois qui, d'après vous, devrait vous accompagner dans ces services-là. Parce qu'il y a... Je serais tentée de vous dire que la Loi sur la santé et les services sociaux offre des services à tout le monde... universels, mais ce n'est pas tout le monde qui adopte des enfants puis ce n'est pas tout le monde non plus, ce n'est pas tous les parents qui se retrouvent dans des situations comme les vôtres. Qui, d'après vous, devrait vous offrir cet accompagnement-là et ces services-là?
Mme Labrecque (France): Je pense qu'il y a certains CLSC qui ont développé une expertise en adoption, qui devrait peut-être être élargie à tous les CLSC du Québec, de multiplier les points pour que chaque parent, au Québec, ait accès à une aide spécialisée. Dans le moment, je crois qu'il y a trois CLSC.
Mme Delisle: Est-ce qu'il y a des organismes communautaires qui peuvent vous soutenir? Faites-vous affaire avec les organismes communautaires?
Des voix: ...
Mme Delisle: Le vôtre?
Mme Neault (Kathleen): C'est qu'on essaie de cibler les...
n(15 h 40)nMme Delisle: Non, non, mais au-delà de ça, là?
Mme Neault (Kathleen): On essaie, à même l'association, de cibler les besoins des parents, les inquiétudes qui sont manifestées, puis en participant à tous les colloques sur la maltraitance, les journées de formation avec Sainte-Justine. On est partout parce qu'on veut s'informer et on veut partager avec nos membres, puis aussi aller recruter justement le personnel spécialisé dans notre domaine, dans la maltraitance et dans l'adoption. Parce qu'il y en a, des gens qui sont spécialisés. Le CLSC Saint-Louis du Parc offre une formation pour les intervenants. Pour l'adoption internationale, là il commence un petit peu... il y a un projet, là, qui commence à ajuster avec l'adoption québécoise. Mais ce qui est dommage, c'est que c'est les... les intervenants qui sont formés avec ces formations-là, ils retournent dans leur CLSC puis ils ne chaussent pas ce rôle-là, parce le CLSC détermine, selon la région, quels services ils vont offrir. Donc, pour les parents, s'ils ont besoin d'aide, oui, nous, on recherche... on cherche toujours les ressources pour pouvoir les offrir et diriger les gens, parce que de plus en plus, entre associations, entre regroupements, on s'échange les informations, quand on trouve des ressources, puis on se les partage, on les invite en conférence. Mais, pour les trouver, les services, quand on a besoin de consulter... Tu peux aller avec un enfant pendant un an en consultation chez un psychologue, mais tu as perdu ton temps. C'est un psychologue que tu consultes, mais il ne connaît pas les problématiques de l'adoption, les troubles de l'attachement, les troubles d'opposition et les troubles d'anxiété qui sont spécifiques au bagage de l'enfant. Donc, ça ne donne rien.
Une voix: Et, à ce niveau-là...
Mme Delisle: Si vous permettez, j'aurais une autre question. Je ne veux pas vous couper la parole, mais le temps file. Sur la question du lien de filiation, hier... Puisque vous êtes des parents adoptants, je profite de l'occasion, de votre présence aujourd'hui en commission parlementaire pour vous parler d'adoption comme telle, là. Hier, le professeur... Me Alain Roy, qui est professeur à l'Université de Montréal, je crois, ou à l'université... à l'Université de Montréal, nous a parlé des différentes formes d'adoption au Québec et qu'en fait l'adoption au Québec, ses lois datent de l'Antiquité ? je ne le cite pas, mais c'était presque ça ? et qu'on devrait réfléchir sur toute la question de l'adoption simple, l'adoption plénière, l'adoption ouverte. J'ai mentionné hier qu'on réfléchissait sur la question, mais que ça va prendre une autre commission parlementaire, c'est évident, là.
Mais, vous qui adoptez des enfants, qui avez adopté des enfants qui connaissent leurs parents...
Une voix: ...
Mme Delisle: ... ? permettez-moi juste de finir ma question ? vous qui en avez adopté puis qui connaissent... Je ne sais pas si l'enfant a été adopté lorsqu'il était bébé, il y en a peut-être parmi vous ou vos membres qui en ont adopté qui avaient six ans, sept ans, quatre ans. Comment on fait pour briser ce lien filial? Même si l'attachement n'est pas avec cette mère-là ou avec ce père-là, ce sont vous, les parents, le papa, la maman ? moi, je reconnais ça, là, que c'est vous autres... Mais comment on fait pour couper ce lien-là? Avez-vous des suggestions à nous faire là-dessus?
Mme Labrecque (France): Avec l'adoption plénière, c'est au libre choix du parent adoptant de couper les liens avec les parents biologiques. Mais, dans notre cas, on a déjà eu des contacts avec les parents des enfants. Alors, si on voudrait, on pourrait très bien, de notre libre choix, continuer à avoir des contacts une fois par année, deux fois par année, envoyer des photos, si le parent n'est pas perturbant pour l'enfant. Mais, dans certains cas, ce n'est pas possible de faire ça, parce que l'enfant est en très grande détresse quand il est face à son parent biologique. On voudrait bien... moi...
Mme Delisle: On se reverra peut-être dans une autre commission parlementaire sur ce sujet-là.
Mme Labrecque (France): Oui, c'est ça.
Mme Delisle: Mais c'est assez complexe quand même, parce que...
Mme Labrecque (France): C'est très complexe.
Mme Delisle: Ce qui me vient à l'esprit, c'est qu'on ne peut pas avoir 25 façons différentes de voir les choses. Je ne suis pas avocate, donc je ne connais pas la loi à cet égard-là, ce n'est pas moi, non plus, la ministre responsable de l'application du Code civil, mais on est très interpellés par plusieurs groupes, dans les mémoires qui nous sont présentés, et on ne peut pas passer à coté de cette réflexion-là, j'en conviens parfaitement. Mais ce n'est pas si facile que ça de trancher puis, demain matin, déposer un projet de loi puis dire: Les parents... les enfants auront... certains enfants auront accès à leurs parents biologiques, d'autres pas. Alors, ce sera un autre débat. Je suis sûre qu'on va se retrouver à un moment donné. Merci.
Mme Labrecque (France): Je voudrais juste mentionner que l'adoption, ce n'est pas un échec pour l'enfant. C'est peut-être un échec, c'est souvent considéré un échec par les travailleurs sociaux, les juges ou les parents biologiques. Mais, l'enfant lui-même, dans nos cas, ce n'est pas un échec pour cet enfant-là. Il est heureux dans nos familles, il a enfin un endroit où évoluer, stable, avec un milieu stable et sécuritaire. Parce que les enfants en Banque-mixte, c'est des cas plus...
Mme Delisle: Merci. J'ai terminé.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Mesdames, bienvenue à cette commission. Écoutez, j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et, à la lumière des échanges que vous avez eus avec Mme la ministre ? je ne sais pas si je dois poser la question de cette façon-là, mais je prends la chance... Pour vous qui êtes des parents qui avez un projet d'adoption, et, à la lumière de ce que je lis à votre point 5 dans votre mémoire, quand vous dites qu'«en Banque-mixte la famille ne jouit pas de confidentialité comme la famille d'adoption régulière»? ça, c'est une chose ? ...parce que vous dites que vous êtes «souvent soumis ? et j'insiste sur le mot que vous utilisez, vous êtes souvent soumis; ce n'est pas votre décision, on vous l'impose ? à la rencontre des parents biologiques et à la divulgation de leurs coordonnées»... Et, en plus, vous dites que votre objectif premier comme familles adoptantes ? puis ça, je comprends ça et je respecte ça ? vous dites que «l'objectif premier de l'adoption [de la] Banque-mixte ayant été de fonder une famille et non d'adopter une famille ? c'est ce que vous dites ? restera toujours à combler. La réalité de la Banque-mixte impose [...] la greffe d'une famille non consentante à l'adoption qui met l'enfant et ses parents adoptants dans une position très délicate.» Ça, je constate que, de votre point de vue comme familles adoptantes, c'est des dilemmes que vous vivez, parce que vous avez à la fois un rôle de famille d'accueil, d'une part ? parce que c'est ça, la reconnaissance que vous avez au moment où on se parle en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ? et, d'autre part, parallèlement à ça, vous avez, vous, un projet de fonder une famille, donc de procéder par l'adoption pour ce projet-là.
Et est-ce qu'on devrait... Est-ce que c'est une bonne idée, les Banques-mixtes? Est-ce qu'on ne devrait pas dissocier toute la question des enfants qui sont en famille d'accueil, d'une part, et, d'autre part, les projets d'adoption de parents qui veulent adopter des enfants, comme vous le faites puis avec ? je le redis comme la ministre l'a dit ? avec beaucoup de générosité, parce que c'est très, très exigeant, adopter des enfants qui ont déjà un passé de lourds problèmes à vivre et à assumer, qui les ont marqués?
Alors, je risque cette question, parce que je me dis: L'intérêt de l'enfant dans tout ça... Parce que ce n'est pas juste l'intérêt de la famille adoptante, ce n'est pas juste l'intérêt de l'adoption comme telle pour ceux qui adoptent, puis je pense qu'on peut se dire ça tout en respectant votre projet et ce que vous êtes comme parents adoptants. C'est quoi, l'intérêt de l'enfant par rapport à tout ça?
Mme Neault (Kathleen): L'intérêt de l'enfant, c'est de se retrouver dans un milieu familial.
Mme Charest (Rimouski): Mais je pose la question: Est-ce que c'est une bonne idée d'avoir instauré les Banques-mixtes?
Mme Neault (Kathleen): Moi, je dis que la...
Mme Charest (Rimouski): Parce que les Banques-mixtes ont été instaurées pour assurer une alternative aux enfants pour lesquels on ne prévoit pas de retour dans la famille biologique, puis, comme on ne veut pas que ces enfants-là passent leur vie en centre de réadaptation, on fait le choix d'essayer de leur trouver une famille stable. Hein, c'est ça, l'objectif. Mais, en quelque part, là, compte tenu des délais, des procédures, de la lourdeur des problèmes, est-ce que c'est une bonne idée?
Mme Neault (Kathleen): C'est une bonne idée, oui, parce que, de un, c'est une alternative à l'adoption, plus rapide, je dirais, parce que, si on parle d'adoption à Montréal versus adoption Montérégie, les délais, là, ça peut être de cinq à 12 ans, pour la majorité des parents, cinq à 12 ans: Montréal, cinq ans, puis plus vers 12 ans pour la Montérégie. La majorité des parents qui se dirigent en adoption, c'est souvent des parents qui ont suivi... plusieurs années de fertilité, qui arrivent près de la quarantaine. Donc, attendre 12 ans, ce n'est pas une alternative, là, puis, à 50, 52 ans... on ne te confie pas un bébé, puis tu passes à d'autres choses dans ta vie, là, que d'être parent d'un nouveau-né, à 52 ans.
Donc, ce que la Banque-mixte offre, c'est que c'est possible d'avoir un placement plus rapidement, dans un délai raisonnable, puis ça... Je veux aussi faire la distinction entre un enfant qui est confié en famille d'accueil et en Banque-mixte. L'implication de la famille d'accueil versus la Banque-mixte... La famille d'accueil, l'implication, c'est un mandat temporaire à prime abord. Il peut être à long terme, mais c'est temporaire.
Mme Charest (Rimouski): En partant, c'est un projet temporaire.
Mme Neault (Kathleen): Pardon?
Mme Charest (Rimouski): J'ai dit: En partant...
Mme Neault (Kathleen): C'est ça.
Mme Charest (Rimouski): ...c'est supposé d'être un projet temporaire.
n(15 h 50)nMme Neault (Kathleen): Exactement, tandis que la Banque-mixte, ce qui est convoité, c'est un projet permanent, là, c'est accompagner l'enfant à l'âge adulte et au-delà. Donc, quand l'enfant arrive, l'implication émotionnelle du parent est totalement différente. On sait très bien qu'il y a des risques que cet enfant peut ne pas rester dans la famille. Puis, moi, avec l'association, j'avais ma philosophie personnelle, et je l'ai entendue et réentendue, c'est que les parents s'impliquent et se disent: À chaque jour que j'aurai donné à cet enfant-là vaudra la peine; ce sera un jour, un an, ça en aura valu la peine dans sa petite vie, considérant d'où il venait. Donc, oui, le projet Banque-mixte, il est important. Il faudrait qu'il existe d'autres façons que d'être famille d'accueil avec... d'avoir un statut spécifique.
Mme Charest (Rimouski): Parce que vous parlez aussi, dans votre recommandation, de légaliser le statut de Banque-mixte.
Mme Neault (Kathleen): C'est qu'on n'existe pas, on n'a pas de droits en tant que Banque-mixte, on est famille d'accueil mais avec un projet d'adoption. Ça fait que, quand on parle des enfants, quand on parle d'aller en cour... on n'est pas en cour, nous, parce qu'il ne s'agit pas de nous. Même si on est là 24 heures par jour avec ces enfants-là, on les connaît le mieux... Un intervenant qui vient une fois par semaine, une fois par mois pour évaluer l'enfant, est-ce qu'il connaît bien l'enfant? Pas du tout, parce qu'il va voir les réactions que l'enfant va avoir à ce moment-là.
Mme Charest (Rimouski): C'est un portrait, c'est un cliché, là, je veux dire, une photo.
Mme Neault (Kathleen): Oui, c'est ça.
Mme Charest (Rimouski): Une photo.
Mme Neault (Kathleen): C'est ça. Mais, la Banque-mixte, nous, on insiste, à l'association, que, oui, c'est important, oui, ça vaut la peine, mais tu ne décides pas du jour au lendemain, comme à l'adoption régulière, que tu vas être une Banque-mixte. Il faut que tu t'embarques de façon réfléchie. L'adoption en premier lieu, oui, mais, la Banque-mixte, il faut que tu sois préparé, il faut que tu sois formé, il faut que tu sois accompagné, il faut qu'il y ait un réseau.
Mme Léger (Katherine): Mais, si on avait juste le choix entre famille d'accueil et adoption régulière, l'enfant... il y aurait beaucoup d'enfants qui resteraient en famille d'accueil toute leur vie... bien jusqu'à 18 ans, parce que leur cas... on hésiterait toujours à aller jusqu'à l'adoption parce qu'on ne serait pas sûr d'aller jusqu'au bout du projet, à cause que la mère peut se reprendre en main, oui, toutes sortes de choses comme ça. La Banque-mixte permet d'offrir à une grande majorité de ces enfants-là qui ont un statut pas clair de peut-être, à un moment donné, avoir une famille à eux, un nom de famille qui leur appartient, dont ils n'ont pas honte, et puis des parents qui s'investissent à plein pour ces enfants-là, parce que les parents biologiques n'ont pas pu le faire, ils sont absents du portrait. Alors, c'est des enfants qu'on n'aurait peut-être pas placés en adoption régulière, parce que les parents n'ont pas signé de consentement et parce que les parents n'ont pas dit... n'ont pas lâché prise, c'est des parents qui continuent à avoir une prise sur ces enfants-là. Alors, des fois, on n'oserait pas les mettre en adoption régulière, et ces enfants-là n'auraient pas d'identité propre, ils seraient en famille d'accueil jusqu'à 18 ans sans pouvoir appartenir à une famille.
Alors, dans l'intérêt de l'enfant, je trouve que la Banque-mixte apporte un point assez positif, c'est que... Bon, c'est sûr qu'il y a un risque que, dans un 6 %, l'enfant retourne dans sa famille biologique, mais... bien un risque, c'est pour nous, là, entendons-nous, mais, dans un 94 %, bien cet enfant-là va pouvoir rester dans une famille où il va avoir une identité propre, une appartenance propre. Et, pour son développement, je pense que c'est positif.
Mme Charest (Rimouski): Rapidement, j'aimerais savoir: Combien de familles Banques-mixtes existent? Est-ce que ça augmente ou si ça diminue, compte tenu des délais pour finaliser les dossiers puis également compte tenu de ce que vous nous dites, que le support après l'adoption est très difficile pour des services spécialisés, que ce soit d'ordre psychologique, santé mentale, santé physique, etc.? Est-ce que le nombre de familles Banques-mixtes est en diminution, est en augmentation ou si ça demeure stable?
Mme Frappier (Linda): Je crois qu'il y a 50 placements en Banque-mixte par année, environ.
Mme Charest (Rimouski): Pardon?
Mme Frappier (Linda): 50 placements de Banque-mixte par année. Je crois qu'environ 50 dossiers par année sont dirigés. Je ne suis pas tout à fait sûre, mais je crois que c'est environ 50 qui sont orientés vers la Banque-mixte.
Mme Charest (Rimouski): Et ça, c'est les dossiers réglés, ce n'est pas le nombre de personnes qui sont considérées comme Banques-mixtes.
Mme Frappier (Linda): C'est en fait une banque de parents, de candidats qui...
Mme Charest (Rimouski): Oui, tout à fait.
Mme Frappier (Linda): Mais je crois qu'il y a 50 enfants qui sont dirigés vers ces placements-là, par année, par soit la cour ou la direction de la protection de la jeunesse.
Mme Charest (Rimouski): Dites-moi, quand vous parlez des services spécialisés que vous réclamez, de quel ordre ils sont surtout, de par votre expérience et de par les gens que vous côtoyez qui sont comme vous, avec des enfants qui ont des problèmes qui ne se règlent pas du jour au lendemain sous prétexte qu'ils ont été adoptés? Est-ce que vous avez vraiment pu identifier les besoins les plus criants? Si, demain matin, on devait vous donner un service ou deux que vous n'avez pas aujourd'hui, ce seraient lesquels?
Mme Léger (Katherine): Les besoins des enfants sont souvent assez bien répertoriés par les centres jeunesse. Quand les centres jeunesse parlent des enfants qui ont des problèmes, souvent les centres jeunesse sont... Ils connaissent les besoins de nos enfants. Et puis, quand l'enfant devient adopté, adoptable, là, finalement, les centres jeunesse ferment le dossier, ce qui fait que... Nos enfants, eux autres, à cet âge-là ? souvent, ils sont encore assez jeunes ? les problèmes ne sont pas encore décelables, et l'enfant va grandir et finalement vers... à l'entrée scolaire, souvent c'est là qu'on va percevoir les plus gros problèmes, qui vont être les plus visibles, là. Les centres jeunesse ne sont plus disponibles pour nous aider à ce niveau-là, alors qu'eux détiennent beaucoup de psychologues et d'outils, qui sont au courant des difficultés de ces enfants-là maltraités et abusés, etc.
Alors, les problèmes que ces enfants-là vont avoir, rendus souvent au niveau scolaire, ça va être des troubles d'anxiété, des troubles de comportement, d'opposition, des troubles de sommeil, des troubles d'hyperactivité et, dans les cas les plus graves, des troubles d'attachement qui peuvent à ce moment-là être encore plus... qui causent encore plus de problèmes à la famille adoptante. Et là, avec le dossier qui est fermé au centre jeunesse, on ne peut pas obtenir cette aide-là qui est spécialisée, à moins d'aller au privé, parce que souvent les services ne sont pas offerts. Dans les écoles, quand notre enfant rentre à l'école, les gens qui sont là pour les aider... premièrement, il manque de ressources, mais les ressources qui sont là ne sont pas sensibilisées aux besoins spécifiques de nos enfants, qui sont vraiment différents d'un trouble de comportement régulier. Oui, ils vont démontrer de l'opposition, mais souvent l'opposition va être due à d'autres effets que juste être un enfant opposant ou avec des troubles de comportement réguliers. Alors, on n'a pas le...
C'est souvent des enfants qui vont présenter des troubles vraiment spécifiques à une situation où ils ont vécu des traumatismes dans leur jeunesse, et on pourrait avoir du soutien spécifique, encore une fois, à ces troubles-là, s'il y a quelqu'un en quelque part qui reconnaissait d'avance que ces enfants-là pourraient développer ça, au lieu d'être obligés, quand on rencontre des professionnels de la santé, de recommencer au début et de dire: Bien, là... identifier... faire une évaluation de l'enfant, mais à partir de rien, alors que cet enfant-là à un historique qui parle déjà, et on pourrait partir de là.
Mme Charest (Rimouski): C'est parce qu'au Québec, une fois qu'un enfant est adopté, le parent légal, c'est le parent adoptant, et le parent légal est le parent M. et Mme Tout-le-monde qui, en vertu de la Loi sur la santé et les services sociaux, a droit à des services, mais pas de façon prioritaire parce que l'enfant a été adopté. Alors, c'est ça qu'il faudrait changer. C'est ça qu'il faudrait peut-être prévoir dans la loi pour qu'à long terme vous ayez quelque chose qui puisse vous permettre de vous supporter.
Mme Léger (Katherine): Il faudrait que les centres jeunesse puissent continuer de s'investir auprès de ces enfants-là sans qu'on reste... évaluation. Il faudrait aussi... on parle d'une aide financière qui peut être disponible à la tutelle. Bien, ça aussi, c'est quelque chose qui est important. Cette aide financière là, présentement, on en a jusqu'à l'adoptabilité, puis, une fois que l'enfant est adoptable, on perd ce droit à l'aide financière, on tombe sur nos propres moyens, puis souvent, bien, comme, dans le service public de la santé, on n'a pas accès à des soins spécialisés, on doit aller au privé, et ça coûte extrêmement cher à payer, ces soins-là. Alors, non seulement les services postadoption devraient pouvoir continuer d'être offerts à nos enfants par des spécialistes, c'est-à-dire les centres jeunesse ? ils les connaissent, ces enfants-là, ils les côtoient à tous les jours ? mais aussi une aide financière pour soutenir les parents à travers ces difficultés-là, parce que ça demande des... ne serait-ce qu'une gardienne pour un enfant de 12 ans à la maison, là, tu sais, on ne voit pas ça dans la vie régulière, là, tu sais. Mais ça, on le voit chez certains enfants adoptés, là.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui. J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne un petit peu, là. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'entre une demande d'adoption d'un enfant québécois par une famille québécoise... il y avait des délais de cinq ans sur Montréal et 12 ans en Montérégie. C'est bien ce que vous avez dit?
Mme Léger (Katherine): C'est pour l'adoption régulière, celle-là, pas la Banque-mixte.
M. Bouchard (Vachon): Oui, oui, l'adoption régulière. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, brièvement?
Mme Neault (Kathleen): Bien, le bassin, premièrement, en Montérégie est beaucoup plus large, donc la population est moindre, puis, Montréal, il y a une plus grosse population.
M. Bouchard (Vachon): Non, ça, c'est la différence entre cinq et 12, mais la différence entre zéro et cinq?
Mme Neault (Kathleen): Zéro et cinq?
M. Bouchard (Vachon): Oui. Pourquoi cinq ans?
Mme Léger (Katherine): Parce que les enfants qui sont dirigés vers l'adoption régulière, c'est des enfants que soit le parent a donné un consentement dès la naissance ou soit que... Hein?
Mme Neault (Kathleen): L'adoption régulière, normalement c'est un consentement à la naissance.
Mme Léger (Katherine): C'est ça.
Mme Neault (Kathleen): Il faut distinguer... Bon, il y a trois voies d'adoption au Québec: il y a via l'adoption régulière, qui est normalement un consentement à la naissance de la maman; il y a la Banque-mixte, qui est un placement en famille d'accueil en vue d'une adoption; puis il y a aussi la famille d'accueil, qui peut se voir confier un enfant qui devient adoptable, et, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, l'enfant peut être adopté par cette famille-là. Cette famille-là va être évaluée en fonction de l'enfant.
M. Bouchard (Vachon): Mais expliquez-moi, là: D'où vient ce chiffre de cinq ans, là?
Mme Léger (Katherine): C'est les statistiques, là.
Une voix: C'est cinq ans d'attente ou 12 ans d'attente.
n(16 heures)nM. Bouchard (Vachon): Je comprends bien que c'est une statistique, mais... Ce que je comprends, là, c'est que, entre la demande d'une adoption et l'adoption effective, il y a cinq ans qui se passent, là, et ça dépend de la rareté des enfants à adopter? ça dépend des mécanismes d'évaluation? Ça dépend de quoi, le délai dont on parle?
Mme Neault (Kathleen): Bien, on peut parler de... De un, pour adopter au Québec, il faut être d'abord évalué, donc il faut... puis, quand on décide de présenter ou de faire une demande d'adoption, l'évaluation ne se fait pas le lendemain. Donc, déjà, il y a un délai avant d'être évalué. Puis ensuite ça dépend. Il y a des listes d'attente. Les postulants qui sont en liste d'attente, qui ont été évalués et approuvés, ils sont en priorité. La distinction qui est faite avec la Banque-mixte, c'est qu'avec la Banque-mixte il y a des critères, si on peut dire, de sélection; on peut choisir d'accueillir un enfant avec des problématiques particulières, comme des enfants qui appartiennent à différents groupes ethniques, il y a des enfants de différents groupes d'âge. Tous ces facteurs-là vont jouer sur le temps d'attente d'un placement. Parce que c'est évident que, si c'est un enfant de sept ans, il va être placé très rapidement si on est prêt à l'accueillir, tandis qu'un bébé qui vient de naître, qui ne semble pas avoir de problème, il va être confié à quelqu'un qui était déjà sur la liste. On peut réduire le temps d'attente selon les critères qui ont été évalués, dans l'évaluation.
Mme Labrecque (France): Il y a aussi le fait qu'il y a seulement l'adoption plénière, au Québec, qui fait que très peu de parents biologiques confient leurs enfants en adoption.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Je vous posais la question parce qu'il m'est venu à l'esprit, là, cette préoccupation à l'effet que là on prévoit des délais de placement, on veut offrir aux enfants un projet de vie qui offre une certaine stabilité, dans ce cadre-là en tous les cas, le plus rapidement possible, et puis là on parle de temps...
Mme Neault (Kathleen): C'est la même chose, parce que...
M. Bouchard (Vachon): Non, mais c'est ça... non, c'est ça que je voudrais clarifier, là.
Mme Neault (Kathleen): C'est ça. L'adoption régulière, on parle de cinq ans à 12 ans de délai.
M. Bouchard (Vachon): Oui, je comprends. Oui, oui.
Mme Neault (Kathleen): Ce n'est pas pareil du tout, parce qu'une fois qu'on est évalué on attend qu'un enfant soit disponible, puis ça prend environ un an avant que toutes les procédures soient complétées, une fois que l'enfant est confié en adoption régulière. En Banque-mixte, en principe l'enfant devrait avoir des délais prescrits, pour dire: Bon, bien, maintenant, après tant de temps, après les recommandations de la cour, il n'y a pas eu manifestation de la mère, donc on procède. C'est là où viennent jouer les délais qui sont annoncés dans le projet de loi, qui sont hyperimportants, parce que ça va permettre: Bon, bien, tu as tant de temps pour te remettre sur pied; si tu ne peux pas prendre ce temps-là, on procède à d'autre chose. Au lieu de dire: Il faut que tu ailles en désintox... La mère fait des tentatives, elle y va, elle lâche, elle reprend, puis, six mois plus tard, on lui dit qu'on va procéder, elle se remet sur pied, on recommence à nouveau. Donc, il n'y a jamais de délai défini, on accumule les périodes, puis on se retrouve, cinq ans plus tard, on n'a toujours pas d'adoption. C'est là que c'est important, ça ne touche pas l'adoption régulière du tout, c'est vraiment la Banque-mixte.
Mme Léger (Katherine): En Banque-mixte, les délais, entre l'enfant qui arrive à la maison et l'adoption finale, varient beaucoup selon s'il y a des visites parentales, s'il n'y en a pas, si la mère se désorganise complètement beaucoup plus rapidement, si on prouve l'adaptabilité de l'enfant, etc. Ça peut aller... en dedans d'un an, l'enfant peut être adopté ou ça peut traîner jusqu'à temps que l'enfant ait 18 ans.
M. Bouchard (Vachon): Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mmes Neault, Labrecque, Léger et Frappier, merci beaucoup pour votre participation à cette commission parlementaire au nom de l'Association de parents pour l'adoption québécoise. Et j'invite le Dr Gilles Julien à s'approcher à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 4)
(Reprise à 16 h 8)
La Présidente (Mme James): Alors, la Commission des affaires sociales va recommencer, va reprendre ses travaux. Veuillez prendre place, s'il vous plaît! Bienvenue à vous, Dr Julien et Mme Brunelle, bienvenue à la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que vous aurez effectivement 20 minutes pour faire la présentation initiale de votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange, tout d'abord avec le côté ministériel et par la suite avec l'opposition officielle. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.
M. Gilles Julien
M. Julien (Gilles): Bonjour. Je suis accompagné de Christiane Brunelle, qui est une adjointe... pour nous assurer la promotion de la pédiatrie sociale et qui est aussi responsable du réseau de formation en pédiatrie sociale avec les quatre universités du Québec.
Ce que je voudrais... En guise d'introduction, je voudrais juste vous rappeler que je suis un peu né, moi, avec la loi de la protection, comme pédiatre. Je suis arrivé juste, juste avant, avec Mme Jeliu, à Sainte-Justine, sans la loi, et on avait beaucoup, beaucoup de difficultés à se débrouiller sans la loi de la protection, qu'on souhaitait avoir le plus vite possible à cette époque-là. C'était assez difficile. Mais j'ai, pendant ce temps-là, quand même grandi avec la Convention des droits de l'enfant aussi, qui est arrivée rapidement. Et ce que j'ai décidé de faire comme carrière finalement, c'est vraiment d'essayer d'assurer aux enfants, dans leur milieu, des services visant à une meilleure santé et à une meilleure protection aussi.
n(16 h 10)n Alors, ce que je veux dans le fond démontrer aujourd'hui, c'est qu'on a la chance, avec la commission, même avec les propositions de changements à la loi, de susciter un débat de société un peu plus large autour de ce sujet-là qui est extrêmement important puis qui concerne l'avenir des enfants. On entendait des membres de d'autres partis présenter à la commission... on parle beaucoup, beaucoup d'attachement, d'identité, et tout ça, puis je voudrais aussi faire un bout par rapport à ces concepts-là qui ne sont pas des concepts simples mais qui doivent toujours être considérés dans l'application de la loi de la protection.
Donc, la loi de la protection est un acquis pour la société québécoise, ça ne fait aucun doute. On y retrouve d'ailleurs, tant dans le texte de base que dans le texte qui introduit les modifications à la loi, des principes qui rejoignent la société québécoise, que ce soit l'implication du milieu familial ou la priorisation du milieu familial pour élever les enfants, que ce soit l'idée des ententes consensuelles, que ce soit la participation des enfants, des parents et de la communauté autour des projets de protection et aussi le droit de recevoir des services adéquats pour l'enfant et la famille. En fait, c'est des principes de base qui font l'unanimité puis qu'il nous fait plaisir de revoir finalement ou qu'on nous rappelle au début du préambule.
Le problème avec la loi de la protection, c'est qu'elle est âgée, aussi. Mme la ministre disait tantôt, elle parlait de lois archaïques à un autre niveau. Mais la loi de la protection est un petit peu archaïque dans le sens qu'elle a fait ses preuves, mais le processus d'application de la loi, c'est, je pense, un peu dénaturer le sens de la loi, et c'est vraiment là-dessus qu'on doit, je pense, partir la réflexion. Ce n'est pas une loi d'application facile, puis elle se fait dans un contexte qui est assez complexe et un contexte québécois qui change rapidement, surtout dans les 25 dernières années. Il faut tenir compte, dans l'application de la loi, de ces changements-là.
On a donc une société qui est en mouvement rapide au niveau de ses valeurs, au niveau culturel aussi, puis au niveau de l'augmentation de la pauvreté dans les milieux, et ça, c'est des facteurs extrêmement importants dans l'application de la loi. On le voit pertinemment à Montréal, surtout dans les deux secteurs où je travaille que sont Hochelaga-Maisonneuve, qui est un quartier extrêmement pauvre, et Côte-des-Neiges, qui est un quartier totalement multiculturel pratiquement, et ça nous amène à nous ajuster quotidiennement dans l'application de la médecine aussi, et donc forcément de la protection des enfants. Et on se retrouve actuellement avec un appareil qui est un peu lourd, un peu en vase clos, on l'a déjà mentionné, mais qui est surtout très isolé du milieu et qui malheureusement, chez les populations les plus victimisées, provoque souvent plus de peur que de bien, et ça, c'est un peu inacceptable comme... et je pense que ça va à l'encontre du sens de la loi.
C'est aussi un système qui est souvent punitif pour l'enfant qui est déjà victimisé, et ça aussi, c'est tout à fait inacceptable par rapport au développement de l'enfant. On est aussi dans un modèle où il y a absence de consensus, de consultation, d'échange d'information, et où il n'y a vraiment pas de partenariat facile avec un système qui semble se suffire à lui-même. Ça semble un peu noir, un peu négatif, mais il y a de l'espoir. C'est un système qui, je pense, peut changer, et il y a certaines conditions qu'il faudrait respecter dans ce sens-là.
Je veux aussi rappeler qu'en protection ? tout le monde en a parlé, puis probablement tout le monde va en parler ? ...mais, la protection des enfants, c'est un projet de société, et, dans ce projet-là et dans l'application de la protection des enfants, il y a des facteurs qu'il faut absolument toujours considérer: l'ensemble des besoins des enfants, la Convention des droits aussi, qui est très claire sur le sujet des droits de l'enfant, le milieu, la qualité du milieu, et l'approche interculturelle, qui est fondamentale. Puis on a vu, à Montréal aussi, des dérapages importants par un manque de compréhension interculturelle, et ça, je pense que, quand on arrive dans l'application de concept de protection de l'enfant, il faut tenir compte de l'ensemble de ces facteurs-là.
Parmi des éléments de solution que je voudrais proposer, ça pourrait s'intituler assez rapidement, disons, «Décentralisation des structures de protection et centralisation des soins globaux à l'enfant dans les communautés», comme grand titre, et je pense qu'il faut bien définir le rôle des familles, de la communauté et de l'État en protection, et ça, ce n'est pas clair. Et l'interrelation entre l'État, la famille et la société, non plus, ce n'est pas très clair et ça agit très peu en interaction en général dans des contextes de protection. Alors, il faut penser à un modèle de partenariat entre les trois secteurs, mais aussi à un modèle d'imputabilité à la famille, à la communauté autour de l'enfant et à la société. C'est une imputabilité qui serait partagée.
Il faut certainement assurer la continuité auprès de l'enfant, c'est-à-dire que l'enfant a besoin d'une continuité auprès d'adultes significatifs, et notre principe de base, c'est que la famille et le parent est habituellement le mieux placé pour assurer la continuité, et, si ce n'est pas possible, bien c'est nécessairement les plus proches de l'enfant, c'est-à-dire la famille élargie, le milieu communautaire qui devraient suivre et, en dernier recours, puisqu'on est en présence d'une loi d'exception, la société, l'État, mais vraiment en dernier recours.
Il faut aussi s'assurer, dans un projet comme ça, de garantir totalement les droits des enfants, en particulier le droit d'attachement, le droit à la sécurité, mais le droit à l'identité aussi, qu'on pourra définir plus tard, mais aussi l'ensemble des besoins de l'enfant. Pour qu'un enfant se développe de façon adéquate, il y a plusieurs besoins qui doivent être satisfaits. On connaît bien sûr les besoins psychologiques, les besoins physiques, mais les grands besoins qui sont des moteurs de développement, c'est beaucoup lié à la stabilité ? ça, on en parle beaucoup ? mais aussi à l'appartenance, à l'identité, à l'attachement et aux rêves. Les enfants ont droit de rêver, puis il faut leur permettre de rêver, et les enfants mis en prison, les enfants mis en isolement ne peuvent pas rêver.
Il faut enfin agir en prévention dans les milieux parce qu'il faut s'attaquer aux causes du problème. Pourquoi il y a tant de signalements dans les milieux plus défavorisés? Pourquoi il y a plus de placements dans ces milieux-là? Pourquoi ces milieux-là sont toujours stigmatisés, alors qu'ils sont exclus souvent de l'ensemble de nos services et qu'ils n'ont pas accès à la même quantité de biens que le commun des mortels? Les causes sont beaucoup dans cette considération, qui pourrait s'appeler l'exclusion de ces milieux-là. Puis c'est vrai en milieu homogène comme Hochelaga, puis c'est vrai aussi en milieu hétérogène, multiculturel comme Côte-des-Neiges. Et ce qu'il faut faire, c'est plutôt, au niveau de la communauté, créer des pouvoirs auprès des enfants pour se protéger, auprès des familles pour les aider à protéger leurs enfants, et, pour faire ça, dans des endroits où les familles sont dans des situations de grande pauvreté ou d'exclusion, bien c'est de créer de la confiance, c'est d'accompagner les enfants, supporter les familles, puis, quand la famille ne peut pas supporter complètement l'enfant, bien en faire une partie avec la communauté.
Et ce qui m'amène à un point important de ma présentation, c'est: Comment faire ça? Comment faire ça? C'est en assurant un virage-milieu, comme on l'a souhaité il y a 10, 15 ans, comme les centres jeunesse l'avaient amené il y a 10, 15 ans, pour vraiment décentraliser leur structure vers les milieux, mais pas seulement d'amener des bureaux des centres jeunesse ou de la DPJ dans les milieux, mais arriver dans les milieux en partenaires pour pouvoir travailler ensemble et décentraliser pas juste les structures, mais décentraliser les décisions, les prises de décision, les décisions fondamentales qui se prennent pour un enfant en particulier. Et ça, ça veut dire: pas de mur-à-mur, toujours y aller au cas par cas et toujours considérer ensemble qu'est-ce qu'on peut faire de mieux pour l'enfant si possible dans la communauté.
n(16 h 20)n C'est un principe important qu'on a essayé de mettre en application dans deux projets, qu'on essaie encore en fait: le projet d'Assistance d'enfants en difficulté, dans Hochelaga, et le projet de Centre de services préventifs à l'enfance, dans Côte-des-Neiges, qui sont en fait des structures locales intermédiaires, des espèces d'ONG locales qui regroupent des professionnels de différentes disciplines qui décident ensemble de travailler en réseau, pas seuls, avec d'autres groupes communautaires, si possible avec les CLSC et la DPJ, pour créer ce mouvement de soutien aux enfants et aux familles qui est absolument nécessaire si on veut assurer une protection importante aux enfants et si, aussi, on veut travailler sur les causes de ces problématiques de négligence, d'abus physiques, d'abus sexuels qui nous sortent par les oreilles dans ces milieux-là. Parfois... Et tout le monde est confronté à ça. Souvent, il y a des enseignants qui arrivent dans nos écoles dans ces quartiers-là, des psychoéducateurs aussi, qui, après un mois, nous disent: Dans le fond, il faudrait placer tous les enfants de ces milieux-là. Et souvent on entend ça de gens qui arrivent dans ces quartiers-là et qui y vivent, jusqu'à un certain point, toute la journée, par exemple à l'école.
Alors, oui, on pourrait très bien décider comme société de placer tous les enfants de milieux défavorisés et de leur donner une meilleure famille, mais je ne pense pas que c'est ce que la société québécoise veut vraiment et je ne pense pas que ça corresponde aux vrais besoins des enfants. Les besoins des enfants ? on l'a vu, là ? sont liés beaucoup à l'attachement. Il faut qu'ils s'attachent à des personnes significatives. Ils le font prioritairement aux parents. Quand ils ne peuvent pas le faire complètement aux parents, il faut qu'il y ait d'autres adultes qui le fassent. Dans nos projets, on crée ces attachements-là avec les enfants, même aussi avec les familles. Et ce qu'on fait surtout, c'est qu'on sauvegarde l'identité de ces enfants-là. L'identité, c'est toute la question de l'appartenance. Ces enfants-là, ils appartiennent à un quartier, à un milieu, à une famille, à une famille élargie, à une école, à des personnes références, et, quand on déplace un enfant de ces milieux-là, il faut vraiment que ce soit dans les cas les pires, parce qu'on vient déraciner complètement.
Ce qu'on souhaite, nous, puis on est en train de développer un projet d'entente avec la DPJ de Montréal justement pour expérimenter une approche qui nous permettrait de sauvegarder les identités tout en assurant la protection... Alors, c'est sûr qu'on souhaite, quand un enfant doit être déplacé de sa famille, qu'il soit dans une famille d'accueil proche de chez nous, puis on en a des excellentes familles d'accueil... En passant, tantôt, j'entendais... on parlait d'adoption, mais les familles d'accueil peuvent créer des attachements extraordinaires. J'ai des familles d'accueil dans le quartier qui s'engagent pour garder des enfants jusqu'à 18 ans, qui s'attachent énormément à ces enfants-là, qui leur procurent tout ce qu'ils ont besoin en termes d'attachement, qui lient des liens avec la famille naturelle, qui permettent à la famille naturelle de donner... même si c'est 10 % d'attachement, c'est déjà ça, ça garde l'identité et ça permet aux enfants, quand on les garde dans notre milieu, de les garder dans leur école. Ça a l'air de rien, mais l'enfant est autant attaché à l'école qu'à la famille. On l'a dit souvent, l'école, c'est le deuxième milieu d'attachement et un autre moteur de développement. Et il faut le sauvegarder, surtout quand l'enfant est dans une famille en grande difficulté qui ne peut pas s'en occuper comme il faut. Et c'est vrai aussi pour des projets comme chez nous, où les enfants considèrent souvent que c'est une deuxième famille. Ils y sont très attachés et ils se sentent en sécurité dans ces milieux-là. Et on ne peut pas les couper de ça en plus d'avoir coupé avec la famille, l'école, etc.
Donc, c'est un système, là, qui fonctionne actuellement un petit peu à l'envers, qu'on voudrait ramener à un niveau plus, disons, humain, plus près des besoins des enfants, plus près de leurs droits. Et je vous assure qu'avec les projets qu'on a entre les mains actuellement on est capables, nous aussi, d'assurer des éléments de protection importants, pas à 100 %, surtout dans les cas compliqués ? on a besoin de la DPJ dans ces cas-là, puis on la demande souvent ? mais on est capables, avec un milieu tissé plus serré, un réseau, d'assurer des éléments de protection importants. Parce qu'on les surveille à l'école, on sait exactement ce qui se passe à chaque jour: s'il arrive à l'école puis il dort sur son bureau le matin, on le sait; s'il a des ecchymoses, on le sait; si l'enfant est triste, on le sait, puis on peut intervenir rapidement, ce que ne peuvent pas faire des systèmes loin de la communauté comme la DPJ.
La DPJ est importante. Je ne veux pas vous laisser sur l'impression que je suis contre la DPJ, loin de là. La DPJ est extrêmement importante, on en a besoin. Le malheur, c'est qu'ils sont pris avec tellement de problèmes, puis de signalements, puis d'évaluations qu'ils sont complètement perdus, dans le fond, et ils n'arrivent pas, et ils ne peuvent pas se spécialiser dans les cas où ils devraient vraiment agir de façon très intensive: dans les cas d'abus physiques, dans les cas d'abus sexuels. On a des enfants qui sont abusés sexuellement. On les appelle, ils viennent un mois, six semaines après, et tout ce qu'ils peuvent faire dans le fond, c'est sortir l'enfant et le placer, donc le punir encore, le couper de son milieu et lui offrir à peu près rien comme services. Il y a très peu de services de soutien aux enfants victimes dans le système des centres jeunesse. C'est inacceptable. Il faut qu'il y en ait et c'est à eux de développer ces systèmes-là. Donc, il faut bien les outiller, les aider à s'outiller. Mais, pour faire ça, il faut les préserver de tout ce qui concerne la communauté, et une grande partie de la négligence concerne les communautés, et devrait être prise en main par les communautés, avec des systèmes organisés, où on peut mobiliser les communautés.
Je suis conscient que ça ne peut pas se faire partout demain matin dans toutes les parties du Québec. Ça se fait en partie dans Hochelaga et dans Côte-des-Neiges et ce qu'on souhaite vraiment, c'est de développer ces modèles-là qui sont maintenant des sites de formation universitaire de l'Université McGill et de l'Université de Montréal, où les résidents en pédiatrie sont obligés de faire un stage. Alors, ça devient des projets de démonstration mais aussi des projets de formation, puis pas juste pour les médecins, pour l'ensemble des intervenants qui sont nécessaires à l'enfant, que ce soient les travailleurs sociaux, les psychoéducateurs, les psychologues, etc.
Alors, c'est un peu le souhait que je vous fais et que je nous fais. Merci.
La Présidente (Mme James): Merci beaucoup. Alors, on va procéder maintenant à notre période d'échange. Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Alors, Dr Julien, Mme Brunelle, bienvenue. Lorsque j'ai lu votre mémoire, je dois vous dire franchement que j'ai poussé un très gros soupir puis que ma première réflexion, ça a été: Je pense qu'il faut changer le monde. Ça, ça a été ma... Je vous le dis bien candidement. On s'est rencontrés tout récemment, et j'ai donc eu la chance de vous entendre m'expliquer beaucoup plus concrètement, vous et Mme Brunelle, et d'autres qui travaillent avec vous dans les deux organismes que vous chapeautez, ce que vous faites et le type de travail finalement qui vous passionne ? c'est sûr, ça paraît ? mais qui permet aussi de garder les enfants dans leur milieu.
Et une autre réflexion que je me suis faite et que d'autres se sont faite sûrement, c'est que ce modèle-là peut très certainement cohabiter avec d'autres modèles. C'est: Comment on fait ça? Comment l'arrimage se fait? Vous avez déjà une bonne expertise, tout le monde vous la reconnaît. Vous parlez beaucoup d'attachement, vous parlez beaucoup aussi des enfants qui doivent non seulement rester dans leur milieu naturel, qui doivent... Vous m'avez même dit, je pense: Bon, il y a des enfants qui, quand il y a une situation un peu plus perturbante dans la famille, peuvent aller pour quelques jours dans une famille du quartier, donnant un peu de répit peut-être à la famille naturelle pour pouvoir peut-être se reprendre un petit peu plus en main.
Tout cet esprit d'entraide aussi que vous évoquez aujourd'hui devant nous m'amène à vous poser la question suivante: Comment on fait pour décentraliser, parce que c'est le mot que vous avez utilisé, mais ça peut être «cohabitation», avec des structures peut-être trop rigides, avec la vôtre qui est beaucoup plus souple et qui touche directement les enfants et les familles, qui leur permet de rester dans leur milieu naturel? Je pense qu'il n'y a pas une personne ici aujourd'hui, en commission parlementaire, ou même des gens qui nous écoutent, qui n'est pas très sensible à ce que vous avancez, parce qu'il n'y a personne d'entre nous qui souhaite voir des familles vivre des situations dramatiques, voir des enfants retirés de leur milieu familial. Il y a donc dans votre expérience... j'allais dire, dans votre modèle, mais c'est bâti sur de l'expérience que vous avez acquise au fil des ans, il y a donc une expertise effectivement dont on devrait pouvoir profiter. Mais comment, nous, on arrime ça avec les services qui se donnent, autrement, pour qu'on puisse répondre aux besoins actuels des familles?
n(16 h 30)nM. Julien (Gilles): Ce que j'ai mentionné tantôt, Mme la ministre, c'est que depuis plusieurs années on a expérimenté un modèle très, très, très près des familles. On s'est souvent fait reprocher d'être trop profamille. Bon, peut-être, là. Mais il fallait vraiment tester ce modèle-là de rapprochement pour s'assurer qu'il fonctionnait, c'est-à-dire pour s'assurer qu'il amenait des changements auprès de la famille en termes d'habitudes de vie, en termes de façons de faire avec les enfants, de diminution de sévices corporels, n'importe quoi, mais par l'accompagnement et la conviction. Ça, on est certain de ça maintenant. C'est que ce modèle de proximité, que j'appelle, avec les milieux plus en difficulté ? là, on l'a testé dans un milieu plus en difficulté que d'autres ? donnait des fruits. On l'a vu à plusieurs niveaux. On l'a vu, par exemple, quand le programme Naître égaux est arrivé, où il y avait des éléments d'une approche proximale comme ça. Tu sais... l'expérimentation des projets Naître égaux et en santé, on l'a eue dans Hochelaga, et c'était vraiment un suivi périnatal très proximal, préventif, etc. Mais, un des problèmes de ce modèle-là, dont la base était excellente, était qu'il n'y avait pas suffisamment de proximité, même si on en voulait. Parce que, pour de la proximité, il faut développer des liens de confiance puis il faut de la continuité, etc., puis il n'y a pas eu ça, malheureusement. Et les gens allaient chercher les oeufs, le lait, etc., à Naître égaux, et ils passaient chez nous pour parler des secrets puis des difficultés familiales, etc., tout de suite après. Tu sais, c'est une caricature, là, mais qui est un peu réelle.
Mais, nous, cette expérience-là nous a amenés à se dire: Bien, l'impact va être... en tout cas risque d'être important sur un ensemble de familles. Actuellement, on suit 1 000 familles en grande difficulté, qui n'ont pas accès généralement à des services suffisants et qui sont signalées trois, quatre fois plus qu'ailleurs. Donc, c'est quand même une population cible, là, très significative. Et on réussit, dans beaucoup de ces cas-là, un fort pourcentage, à protéger les enfants, à les replacer sur une trajectoire où il y a moins de problèmes de comportement, moins de problèmes de détresse psychologique, moins de tristesse, moins de colère épouvantable à l'école, etc. Ça, ça marche, là, on le sait. On ne pourra pas en prendre plus que 1 000, donc on est relativement limités.
Ce qu'on se dit actuellement, c'est qu'on a développé une espèce de mécanisme intermédiaire entre la population, qui n'a pas confiance puis qui a peur, et des systèmes qui se sont éloignés de cette population-là. On se situe entre les deux. Et c'est sûr que, nous, si on pouvait développer ces projets-là en lien beaucoup plus étroit avec les CLSC, avec la DPJ... Avec les écoles, c'est fait. Ça va super bien avec les écoles. On a comme un peu créé le concept d'école communautaire, parce qu'on est constamment en lien, on se visite à chaque jour et on s'échange l'information, puis tout le monde surveille les enfants, puis, si ça ne va pas, on le sait, etc. Ça, ça va super bien. Ce même modèle-là avec les CLSC, avec la DPJ, serait merveilleux. Mais ça, ça veut dire de mettre ensemble des ressources qui se dégagent de leur culture institutionnelle rigide ? les cultures institutionnelles, elles sont pratiquement, par définition, rigides, avec des conflits entre professionnels, avec des horaires, etc. ? et leur permettre d'inventer avec nous un modèle qui a fait ses preuves, et d'y collaborer à part entière et sur une base égalitaire.
Ça veut dire, par exemple: on pourrait très bien, avec un modèle comme ça, être le point de chute des cas de négligence... de la plupart des cas de négligence dans le quartier, plutôt que d'arriver à la DPJ, au 1001 Maisonneuve, puis avec des délais inacceptables puis avec des moyens limités. Alors, on pourrait très bien faire ça et assurer une réponse rapide et un service intensif auprès des familles, si on avait accès davantage aux ressources des institutions qui entourent... qui sont dans le quartier ou qui interviennent dans le quartier. Ça, c'est plausible, c'est pensable. Et, nous, on est prêts à développer de façon expérimentale ce type de projet là, avec les acquis qu'on a et en échangeant avec les expertises qu'on retrouve dans les CLSC effectivement et à la DPJ.
Puis, on le sait, on ne le fait pas sur une base institutions, groupes communautaires officiellement, mais on le fait beaucoup entre intervenants. Il y a plein d'intervenants du CLSC qui viennent avec nous faire les plans d'intervention, puis ils sont très contents, puis il y a plein d'intervenants de la DPJ qui viennent, puis qui sont contents aussi, puis qui y trouvent leur compte. Ça peut être des extrêmes, comme d'accompagner une travailleuse sociale de la DPJ qui a peur d'aller dans une famille, on va y aller avec elle parce qu'il n'y a aucun problème avec nous, on les connaît. Ça peut aller dans des extrêmes comme ça, partager des informations, faire un plan conjoint.
Parce qu'un plan d'intervention pour un enfant qui est négligé, abusé ou autre, c'est complexe et ça doit cibler, comme je disais, l'ensemble des besoins. Il faut s'assurer qu'il y a une qualité de vie à la maison; il faut s'assurer que la porte n'est pas barrée quand il revient de l'école; il faut s'assurer qu'il n'est pas mis dehors le soir parce qu'il y a trop de monde qui circule dans la maison. Ça, on peut l'assumer dans un quartier, quand on est près de la communauté, mais la DPJ ne peut pas faire ça de ses quartiers généraux, parce qu'ils ne sont pas là. Ils sont là une fois semaine, une fois deux semaines, une fois par mois parfois. Donc, c'est un système qui ne peut pas fonctionner, qui fonctionne de façon lourde, et malheureusement on perd l'expertise de la DPJ dans un système comme ça.
Donc, ce que je préconise, c'est un projet, expérimental effectivement, qui pourrait rapidement s'étendre ailleurs s'il fait ses preuves. Et, nous, ce qu'on est en train de préparer, bien c'est la relève médicale pour faire ça, créer des médecins sociaux, des pédiatres sociaux et des intervenants sociaux en travail social, en psychoéducation, en psychologie. Et on les a comme modèles de formation actuellement. J'espère que ça répond à votre question.
Mme Delisle: Merci. On pourrait en parler longtemps, je pense que les gens vont rester sur leur appétit, puisque la commission... votre intervention au total et la nôtre ne dureront pas plus qu'une heure.
Je voudrais revenir sur la question de l'adoption. J'essaie de le retrouver dans votre mémoire. Vous nous avez... vous faites référence, en quelque part dans votre mémoire, à l'adoption simple, si je me souviens bien, que vous privilégiez de ne pas rompre le lien de filiation et que, dans les cas où il faut absolument aller vers l'adoption, il ne faut, pour aucune considération ? là, je mets des mots dans votre bouche, mais il me semble que c'est ce que j'ai vu ? rompre ce lien avec la famille d'origine, la famille biologique. Certains vous diront que ce n'est pas ça qu'il faut faire, parce que ça peut avoir des effets pervers sur les enfants. On se le fait dire. Il y en a d'autres qui viendront nous le dire également.
Comment fait-on, dans une société comme aujourd'hui... Puis je sais que le débat actuellement n'est pas sur la révision de la loi sur l'adoption, mais éventuellement il va falloir qu'on en reparle... mais, puisqu'on parle d'adoption dans le projet de loi, il faut donc... Il y a des gens qui, comme vous, ont soulevé cette réalité-là: comment fait-on pour concilier toutes ces réalités avec lesquelles on a à composer entre la famille naturelle... Il y en a qui veulent donner leur enfant en adoption, puis pour qui ce n'est pas un problème, comprennent très bien que l'enfant va mieux évoluer dans la famille adoptive, et, pour eux autres, c'est peut-être le plus grand cadeau qu'ils peuvent donner à leur enfant. Pour d'autres, ils le donneraient sans doute en adoption, puis l'adoption se passerait peut-être plus facilement si on acceptait, si la famille adoptive acceptait ? ou adoptante ? acceptait que le lien ne soit pas rompu.
Je comprends, là, qu'il y a toute une question de droits, qu'on ne peut pas avoir 56 façons de gérer l'adoption, mais vous êtes très formel là-dessus, alors que d'autres le sont moins. Est-ce que vous pourriez... C'est à la page 14 ? on vient de me le signaler; je me rappelais de l'avoir lu ? de votre mémoire. Est-ce que vous pourriez nous exprimer pourquoi vous considérez ça si important, même s'il y a des familles... des parents qui n'ont aucun intérêt ou presque pas finalement, si ce n'est que de se dire: Bon, je suis la mère, ce n'est peut-être pas correct de laisser aller mon enfant totalement ou... Je caricature, là, mais j'essaie de comprendre.
M. Julien (Gilles); Bien, encore, c'est un champ qui me préoccupe beaucoup en fait, toute la question de l'adoption, parce que c'est une question... encore une fois, c'est une question fondamentale pour une société: Jusqu'où on permet l'adoption? C'est une mesure contre laquelle on ne peut pas... On ne peut pas être contre l'adoption en soi. Je pense que ça peut, dans des cas particuliers, effectivement sauver la vie d'un enfant, jusqu'à un certain point. Ce que je crains, c'est que l'adoption devienne trop facile trop rapidement, qu'on évacue trop rapidement vers l'adoption. C'est ça que je crains fondamentalement. Parce qu'on le fait avec le placement. Alors, si on le fait avec le placement, on va le faire avec l'adoption. On place vite. C'est sûr qu'il y a des comités de placement, avec les CLSC, etc., mais on place vite. On place longtemps.
J'ai des familles régulièrement qui demandent un mois de répit. Je voudrais bien leur donner, si j'étais capable de monter un système de familles, si on me permettait de monter un système de familles de répit dans le quartier. On ne me le permet pas. J'essaie de le faire avec l'aide de la DPJ, mais c'est tellement compliqué. Ils ont tellement de règles, ils ont des contrats d'exclusivité, ça n'a aucun bon sens. Et on ne peut pas même utiliser une bonne famille d'accueil de la DPJ pour placer un de nos enfants temporairement, pour permettre aux parents de se remettre sur pied pendant un mois, une semaine, un mois.... deux jours parfois, parce qu'ils ont ces contrats d'exclusivité là, qui n'ont vraiment pas de bon sens. Surtout...
Mme Delisle: ...exemple de ça, s'il vous plaît.
n(16 h 40)nM. Julien (Gilles); Bien, j'ai une famille, entre autres, moi, qui a quatre enfants de la DPJ, c'est quatre de mes enfants, et c'est une excellente famille, puis les quatre sont en projet de placement jusqu'à 18 ans. Et c'est une famille d'accueil qui conserve des liens assez proches des familles. Et les deux familles ? en fait, c'est deux enfants de la même famille, deux autres enfants de la même autre famille ? les parents sont incapables de les garder ? on est d'accord, on s'est entendus, tout le monde est d'accord avec ça ? mais ils ne veulent pas couper les liens. C'est leurs enfants, et la famille d'accueil accepte de garder le contact avec la famille, de favoriser, même... À Noël, les quatre enfants étaient dans une chorale, il y a eu un spectacle, on a invité les familles naturelles. C'est normal, c'est leurs enfants, ils sont fiers aussi, même s'ils ne peuvent pas les garder. Ça, c'est le modèle un peu idéal.
Et, cette famille-là, elle a une chambre de plus, une cinquième place qui n'est pas utilisée. Alors, moi, je dis: Bien, je vais négocier avec la famille. Et je l'aime, cette famille-là, c'est le modèle parfait, là: elle s'engage jusqu'à 18 ans, faut le faire! Et là, l'attachement sécure, il est là, là, il n'y a pas besoin d'adoption pour ça. Et ils leur montrent tout ce qu'il faut. Ces enfants-là, les quatre, ont changé radicalement depuis qu'ils sont là. Ils sont fiers d'être là aussi, mais ils sont fiers d'avoir leurs parents en même temps. Donc, pourquoi enlever ça, là? Et donc, cette cinquième place là, je la reluquais depuis longtemps, je m'entends avec la famille d'accueil, je paie la place avec les fonds communautaires, et, non, on s'oppose et on menace la famille de la fermer parce qu'elle n'a pas le droit, c'est incompatible, c'est trop dangereux pour les quatre autres enfants, mettez-en, toutes les raisons sont bonnes: Impossible. C'est ça qui est frustrant, c'est ça qui me fait lever tout le temps...
Mme Delisle:«On» étant la DPJ? «On» étant la DPJ?
M. Julien (Gilles):«On» étant la DPJ, bien sûr. Et c'est sûr que, si on pouvait créer ce type de réseau là dans le quartier... On leur a demandé, la semaine dernière... je ne veux pas tomber dans l'anecdote, mais: Comment vous recrutez les familles d'accueil? Parce qu'on leur a dit: Bien, écoutez, on veut que nos enfants restent dans le quartier, si vous les placez, parce qu'il faut qu'ils continuent à aller à l'école puis continuer au projet. Comment vous recrutez vos familles? On met une petite annonce dans le journal. Voyons donc! Ils ne recruteront pas de familles dans le quartier comme ça! Ils sont obligés... Les seules familles qu'ils recrutent, c'est en banlieue de Montréal. Nos parents naturels ne sont pas capables d'aller les voir, puis, au bout d'un an, deux ans, on va dire que les parents sont incompétents parce qu'ils n'ont pas été voir leurs enfants puis on va les faire adopter.
C'est de ça que j'ai peur. Je caricature, mais c'est de ça que j'ai peur. Et j'ai peur qu'on évolue vers un système trop facile d'adoption, qu'on se retrouve avec des problèmes proches de ceux qu'on a vécus au Québec avec les autochtones, avec les enfants de Duplessis, où, pour leur bien, on les a placés dans des beaux milieux, des belles familles, qu'on se retrouve, 50 ans après, puis ce monde-là, après, courent après leur identité puis leur appartenance. On n'apprend pas, là, du passé, et il y a un risque réel de tomber là-dedans.
Mais je ne suis pas contre l'adoption, mais, comme on ne pourra pas offrir vraiment de services plus intensifs aux familles, on va se retrouver avec des familles encore une fois mises de côté et auxquelles on enlève leurs droits complètement. Et c'est très, très rare, les familles... Une mère qui vous dit, à la naissance: Je ne peux pas, je suis trop jeune, ça va briser ma vie, j'aime mieux qu'il soit adopté, je vais être bien d'accord, je n'ai aucun problème avec ça. Mais là on est dans un autre contexte. Et, dans le contexte de protection, on est dans des milieux sensibles, en difficulté, exclus, et on leur tombe toujours dessus. Puis, en plus, on leur coupe leur lien avec leur enfant parce qu'ils ne sont pas des bons parents. Comment vous voulez qu'ils s'en sortent un jour? Ils ne peuvent pas s'en sortir dans des contextes comme ça.
Alors, nous, ce qu'on crée, c'est l'inverse, on essaie de les renforcer, de les retourner au travail, de les retourner aux études, de leur dire qu'ils sont des bons parents, de les aider à être des bons parents puis de faire un bout de chemin avec eux. C'est ça qu'on fait avec les 1 000 familles, là.
Mme Delisle: Merci.
La Présidente (Mme James): Ça va? Alors, Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci. Bienvenue, Mme Brunelle et M. Julien. Écoutez, nous avons lu avec beaucoup d'attention votre mémoire. Je vous ai écoutés religieusement, parce que, je pense, votre expérience étant reconnue et ayant aussi, je pense, suscité l'envie de façon positive de bien d'autres milieux qui envient Hochelaga-Maisonneuve, envient Côte-des-Neiges d'avoir la possibilité d'avoir une ressource comme la vôtre pour venir en aide à leurs enfants en difficulté et à leurs familles.
Ceci étant dit, vous savez, le projet de loi, il va consacrer, à l'intérieur de ce projet de loi là, l'approche clinique. Et, moi, j'aimerais qu'on parle de cela, parce que, vous, vous préconisez l'approche milieu. Et comment on peut concilier de la souplesse, de la... ? comment je dirais? ? une proximité d'intervention auprès des familles, des enfants, si on maintient et on confirme de façon aussi claire dans la loi cette approche clinique?
Parce que je fais référence au fait que l'approche sociale, l'approche clinique, l'approche globale, l'approche communautaire, vous savez, ce sont des types d'approches qui sont différents. Les unes peuvent aller en complémentarité; par contre, il y en a qui seront complètement dissociables, on ne peut pas les associer comme tel. Alors, j'aimerais que vous me parliez un petit peu... Comment vous voyez ça, le fait qu'on consacre l'approche clinique dans le projet de loi?
M. Julien (Gilles): Bien, moi, en fait, je suis surtout inquiet qu'encore une fois les décisions se prennent de haut en bas, là. C'est plus ça qui me tracasse. Parce que l'approche clinique, on le fait, à AED. Tu sais, j'ai un docteur en psychologie qui travaille à plein temps avec nous, j'ai une travailleuse sociale à plein temps comme adjoints, on a deux psychoéducateurs, deux éducateurs, une centaine de bénévoles. En tout cas, il y a du monde clinique, là. On a aussi une approche clinique, on a des dossiers, on a des plans d'intervention. Et, nous, dans le fond, on peut couvrir les besoins médicaux, physiques, sociaux, psychologiques, tous ensemble, comme tout, comme équipe. Donc, on est vraiment dans une approche clinique, je dirais, aussi bonne qu'à Sainte-Justine, O.K., bon, si vous voulez. Je suis relié à Sainte-Justine aussi, là.
Mais ce qui me fait peur, c'est qu'on laisse les décisions arriver d'en haut. Régulièrement, là, à chaque jour dans le fond on est confrontés avec des décisions qui viennent de la DPJ, là ? dans le cas qui nous intéresse, mais ça pourrait arriver des hôpitaux aussi ? qui ne prend pas en considération l'ensemble de l'information. Alors, à quelque part, c'est une approche clinique qui est inefficace ou inadéquate, parce que, si on se souvient des critères de l'approche scientifique, là, comme on l'a appris au séminaire, nous ? j'oublie le traité, là... Camil, tu te souviens probablement de ça, mais... la méthode scientifique, le Traité de la méthode scientifique, quelque chose comme ça ? il faut avoir toute l'information avant de prendre une décision.
Or, à la DPJ, on n'a pas toute l'information, puis on le voit au tribunal: quand on se pointe au tribunal, nous, avec nos familles, versus les spécialistes cliniques, là, si vous voulez, de la DPJ, on est confrontés à deux façons de faire complètement différentes, avec une information qui n'est pas complète souvent de la part de la DPJ, et, nous, on vient compléter l'information pour le bénéfice du juge, et souvent notre plan d'intervention va offrir beaucoup plus que ce qui est offert par le gros modèle clinique. Donc, il y a quelque chose qui ne marche pas là non plus.
Donc, ce que je crains, c'est que les décisions se prennent... Puis en fait j'ai rencontré plusieurs juges qui m'ont souvent mentionné: On prend des décisions; on le sait que parfois on n'a pas toute l'information, mais ce qu'on souhaiterait effectivement, c'est d'avoir pas juste l'information de la DPJ, mais l'information du milieu. Mais il n'y a pas de mécanisme actuellement, sauf se pointer comme experts au tribunal, ce qui est compliqué, parce que les familles ne peuvent pas se payer d'experts en général, et discuter avec les experts de la DPJ ou les experts de l'hôpital. C'est un système qui coûte une fortune, qui n'a aucun bon sens puis qui nous confronte. Puis, ce n'est pas nécessaire, on ne devrait pas faire ça sur le dos des enfants.
Donc, ce que je crains, ce n'est pas l'approche clinique. On en a une excellente, nous. C'est l'approche de haut en bas, où il n'y a pas d'échange d'information. Normalement, on devrait se présenter devant le juge avec toute l'information en main, pas un contre l'autre, avec un représentant de l'enfant qui amène au juge l'ensemble de l'information qui vient du milieu, de la DPJ, du CLSC, etc. Mais ce n'est pas ça qui arrive. Donc, c'est ça que je crains. Excusez-moi.
Mme Charest (Rimouski): Mes collègues trépignent d'impatience de vous questionner, alors je vais aller très rapidement. J'aimerais que vous me parliez des communautés culturelles, des communautés visibles. Parce qu'après avoir rencontré et lu des mémoires de plusieurs groupes, aussi d'intervenants, on me parle de la surreprésentation de communautés culturelles à l'intérieur du réseau. Ça s'explique comment, selon vous qui avez une expérience, entre autres, dans Côte-des-Neiges, où une grande variété de communautés différentes cohabitent, coexistent, et tout ça?
n(16 h 50)nM. Julien (Gilles): En fait, la prépondérance des communautés culturelles, c'est... en tout cas, ce n'est pas clair dans mon esprit, à partir de l'expérience que j'ai dans les deux communautés. Il y a beaucoup plus de signalements, puis de signalements retenus, dans Hochelaga que dans Côte-des-Neiges, où il y a une multitude d'ethnies. Ce qui est arrivé au Québec pendant un certain temps, ce que je me souviens le plus, c'est quand la communauté haïtienne a été ciblée davantage, il y a quelques années. Mais ça, on s'est réajusté depuis ce temps-là pour un peu agir de façon un peu plus adéquate avec la culture haïtienne, à ce moment-là, et les autres cultures, donc. Mais l'approche interculturelle n'est pas vraiment là.
Mais je ne peux pas dire que les communautés culturelles... Au niveau de la Loi des jeunes contrevenants, je pense qu'il y a plus de communautés culturelles. Donc, l'évolution vers la délinquance, ça, il y a probablement une surreprésentation, comme dans les prisons d'ailleurs, mais... même par rapport aux autochtones, pas juste avec les communautés culturelles immigrantes. Mais, au niveau de Côte-des-Neiges, nous, c'est surtout la DPJ Batshaw, là, anglophone, qui y travaille, où il y a beaucoup d'intervenants culturels aussi, donc où il y a une adéquation culturelle un peu plus grande.
Mme Charest (Rimouski): Je vais être obligée de laisser la parole à mes collègues, même si j'avais d'autres questions, parce qu'il reste trois minutes. Alors, vas-y.
La Présidente (Mme James): M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Bonjour, Mme Brunelle. Bonjour, M. Julien. Je connais les talents de Gilles Julien autrement que pédiatre social. Je sais aussi qu'il fait du patin aligné, c'est un virtuose du patin aligné. Et on passe nos vacances très différemment, M. Julien et moi. Moi, je suis plutôt kayak, et je fais de l'observation des bélugas durant l'été. Et je vous amène ça parce que je pense que ça peut nous faire comprendre un petit peu mieux dans quelle dynamique on est.
Les bélugas sont une espèce menacée. Les mères bélugas sont dans un environnement extrêmement toxique, et les jeunes nourrissons doivent se nourrir de façon quasiment intempestive pour pouvoir engraisser rapidement et se protéger avec une couche de graisse de la température de l'eau. Ils n'ont pas le choix. Donc, ils tapent sur la tétine, ils reçoivent un ballon, littéralement, de lait extrêmement riche en protéine, extrêmement riche en gras et extrêmement riche en éléments toxiques. La mère les intoxique.
Il ne nous est jamais venu à l'esprit de blâmer la mère et il n'est jamais venu à quiconque à l'esprit de placer ces enfants-là en famille d'accueil, évidemment, parce que tout l'environnement est toxique, et ils sont en voie de disparition ou en très grand danger de disparition. Et qu'est-ce qu'on a fait? Qu'est-ce qu'on a fait? On s'est mobilisé, comme communauté, autour des bélugas, les amis. On n'a pas blâmé les mères, on a commencé à dépolluer le fleuve. On a sensibilisé les grandes alumineries, on a sensibilisé les collectivités locales puis on en a fait un projet collectif. On a reconnu, quelque part, notre responsabilité en tant qu'intoxiqueurs ou intoxicateurs des vies des bélugas.
Et votre plaidoyer me fait penser à ça, dans sa section Prévention. Vous nous dites, dans le fond: Il y a un certain nombre de nos familles qui sont placées dans des environnements toxiques; on a développé au fil des ans un système de protection qui vous apparaît, dans votre langage, punitif. Et, lorsqu'on invite les communautés à se mobiliser autour des familles qui sont signalées pour négligence ou abus envers leurs enfants, on a un handicap de plus comme toxine, c'est le handicap du blâme du parent, ce qu'on ne fait pas envers les cétacés, n'est-ce pas? On a un handicap de plus.
Alors, il me vient à l'esprit que quelque part, un, il faut continuer à travailler très activement et expliquer les déterminants et les toxines auxquelles on expose les familles et il faut, comme vous le réclamez, qu'on s'attaque à ces éléments toxiques. Maintenant, là, je m'éloigne de votre pratique clinique et de votre pratique en réseau, mais je me rapproche plus de toute la question de la responsabilité des communautés, que vous évoquez et que vous réclamez. En même temps, vous nous dites, bon... Et, comme on a cette espèce de toxique supplémentaire dans notre système, là, il me semble que vous évoquez aussi un autre aspect qui est très important, c'est l'imputabilité, c'est-à-dire: à qui, dans une région donnée, devrait-on être imputable de la mobilisation et de la concertation dans les communautés?
Alors, ma question est double. Premièrement, dans votre pratique, quand vous avez à vous tourner vers quelqu'un et à réclamer une plus grande coordination, une plus grande concertation, une responsabilité des services offerts aux enfants qui sont placés dans des environnements toxiques dès la naissance ? hein, il y en a peut-être 8 000 à 10 000 par année au Québec, là, vraiment très menacés ? vers qui pouvez-vous vous tourner localement? Y a-t-il quelqu'un ou quelqu'une d'imputable, que vous pouvez interpeller et lui dire, à cette personne: Écoute, là, le travail en prévention ne se fait pas, le travail dans les écoles ne se fait pas, ou il se fait mal, le travail dans les groupes communautaires manque de ressources, etc.? Et, deuxièmement, si cette personne n'existe pas ou cette fonction n'existe pas, comment pourrait-on arriver à nous la donner, à nous la représenter?
M. Julien (Gilles): Elle n'existe clairement pas, l'imputabilité. On ne peut pas appeler la DPJ pour leur dire: Regarde, ils ne font pas leur travail, là, je veux dire, ce n'est pas leur affaire. On ne peut pas le faire avec le CLSC.
Ce qu'on a décidé il y a plusieurs années et puis qu'on a mis en application, c'est que, nous, on se rend imputables envers l'enfant. C'est vraiment l'imputabilité envers... Et, moi, mon imputabilité est vraiment envers l'enfant. Puis, s'il n'évolue pas bien, je me sens responsable, puis on va changer notre façon de faire. Tu sais, on peut... Avec la souplesse de ce type d'organisme là, on peut se tourner de bord du jour au lendemain, puis changer notre plan, puis s'asseoir ensemble, puis dire: Regarde, ça n'a pas de bon sens, ça ne va pas mieux; qu'est-ce qu'on fait d'autre, qu'est-ce qu'on crée pour cet enfant-là, pour cette famille-là? Et je trouve que c'est la plus belle imputabilité, parce qu'elle est vraiment fondamentale. Puis on n'y échappe pas, parce que, les enfants, on les voit aller puis on n'aime pas ça qu'ils soient blessés ou qu'ils se développent mal. Par contre, je comprends que c'est un modèle qui est un petit peu unique, qu'on pourrait peut-être reproduire en partie, mais que de façon systémique on ne peut pas le voir de cette façon-là et qu'il faut des structures d'imputabilité locales.
On pourrait très bien... j'entendais tantôt, à la télé, quelqu'un parler d'une espèce d'ombudsman local ou régional. Je pense qu'il faut une espèce de responsabilité comme ça, locale, peut-être pas régionale, parce que là on retombe dans le panneau... Ça dépend un peu des secteurs urbains et ruraux, là, aussi, bien sûr. Mais il faut qu'il y ait des gens reconnus comme étant imputables pour un secteur donné. À Côte-des-Neiges, moi, je suis imputable pour le bas de la côte, s'il y a des familles qui ne vont pas bien, puis qu'ils ont demandé nos services, puis qu'ils ne les ont pas eus.
Mais ça prend, oui, ça prend des systèmes d'imputabilité différents. Et je ne sais pas comment appeler ça, mais il faut pouvoir se tourner vers quelqu'un et dire: Ça ne marche pas. Dans Hochelaga, il devrait y avoir une personne qui dit: Ça ne marche pas. Actuellement, ce qui arrive, c'est qu'ils appellent chez nous, l'école appelle chez nous, les parents viennent nous voir, ils disent: On n'a pas les services adéquats, mon enfant ne va pas bien; qu'est-ce que vous pouvez m'offrir? C'est correct, on peut le faire pour 1 000 familles, mais là il faut le voir sur une échelle un peu plus large. C'est ça qu'on voudrait essayer d'expérimenter, mais avec un système d'imputabilité clair.
L'imputabilité de base restant toujours l'enfant, envers l'enfant, mais il faut le voir sur un plan organisationnel, de façon différente, mais avec des structures de bas en haut. L'imputabilité, il ne faut pas qu'elle soit au 1001 Maisonneuve, il faut qu'elle soit dans Hochelaga, en quelque part, pas trop loin.
M. Bouchard (Vachon): Mais je comprends par votre réponse... On s'est éloignés, là, on a glissé, dans votre réponse, de l'action préventive vers l'action d'intervention clinique, une fois que l'enfant est en très grande difficulté. Mais, moi, ma préoccupation, c'est celle que vous avez aussi dans votre mémoire à l'effet que, si on n'arrive pas à créer une communauté où il y a une imputabilité qui est déclarée, identifiée et vis-à-vis de laquelle on doit rendre des comptes à propos de notre efficacité en tant que collectivité à livrer des services de première ligne, à offrir des services de prévention autour de la naissance qui sont solides, intenses, continus, intimes, proximaux ? enfin on connaît toutes les caractéristiques que ça prend, là ? j'ai l'impression qu'on n'arrivera pas à l'objectif que vous nous fixez d'avoir un système de récupération éventuellement des enfants qui auraient encore de plus grandes difficultés et que les risques auraient amochés, à les accueillir dans un système qui est efficace et qui est de la nature ou de la qualité que vous réclamez.
La Présidente (Mme James): Dr Julien, je vous demanderais de répondre très brièvement pour qu'on puisse reconnaître la question de la députée de Lotbinière ensuite. Merci.
n(17 heures)nM. Julien (Gilles): D'accord. Brièvement, tu vois, actuellement je ne peux pas aller voir le CLSC puis dire: Comment ça que tu ne suis plus les bébés, puis que tu ne vas plus faire tes visites à domicile pour voir comment ça se passe, puis accompagner les parents, puis tout faire par téléphone puis de façon ciblée? Ça n'a pas de bon sens. Il faut aller proche du monde; ils ne le font plus en général. Pourquoi l'école, qui vit avec des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage importantes, des troubles de comportement, n'adapte pas ses méthodes à des enfants qui ont des difficulté d'apprendre, qui vont toujours en avoir, qui vont finir par décrocher parce que le système ne s'adapte pas aux besoins des enfants? Je ne peux pas le faire actuellement, personne qui me répond. Et c'est ça, là, fondamentalement: Comment on peut s'adapter pour que les enfants vivent mieux, puis adapter les structures qui sont tellement rigides qu'ils ne veulent pas changer d'un poil? Mais toutes les structures, là, tu sais. L'école, là, j'ai été obligé de placer un enfant dans une ferme parce qu'ils sont en train de me le rendre fou, à l'école. Il n'est pas capable d'apprendre, puis on essaie de lui faire apprendre, puis il ne sera jamais capable: il a un problème neurodéveloppemental. Il est superintelligent au plan pratique, mais ils ne s'adaptent pas à sa façon de faire. Je suis obligé de le médicamenter pour qu'il reste à l'école. Ça n'a aucun bon sens. Là, on lui a trouvé une ferme.
La Présidente (Mme James): O.K. Malheureusement, je dois vous interrompre. Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy (Lotbinière): Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Même avant que le député de Vachon prenne la parole, j'avais écrit sur mon papier: agir en prévention ? imputabilité. On sait que tous les organismes vont venir nous dire ? puis je peux gager, là, sans les avoir entendus ? qu'il faut agir en prévention. Tout le monde est d'accord avec ça. Tout le monde dit qu'il faut faire la détection avant le temps, qu'il faut prendre nos enfants en charge avant qu'ils arrivent à la DPJ; il n'y a personne qui va venir nous dire le contraire, mais ça ne s'est pas fait puis ça ne se fait pas. Puis ça ne se fait pas parce qu'il n'y a personne de responsable de ce dossier-là dans son ensemble. Puis, à l'ADQ, nous avons demandé... bien, Protecteur du citoyen, ombudsman régional, peu importe la forme que ça prendra, les mots qu'on nommera, c'est la fonction qu'il aura. Et puis, moi, ce dont je voudrais aussi qu'on parle, puis qu'on clarifie tout de suite cet aspect-là: ce n'est pas le surveillant de la DPJ, l'ombudsman, c'est le surveillant de l'état de nos enfants, qu'ils soient confiés à la DPJ ou non. C'est celui qui va nous donner la température de l'eau sur comment on traite nos enfants au Québec. Moi, c'est à ça que je réfère quand je pense à ce concept-là. Est-ce que c'est ça que vous parlez, vous, dans votre mémoire, à la page 12?
M. Julien (Gilles): En fait, la meilleure prévention, là, qu'on peut faire, c'est de se rapprocher des gens. Je veux dire, on a beau monter les plus beaux programmes de prévention, s'ils ne se rendent pas dans les familles, ça ne marche pas. La DPJ, c'est autre chose. C'est une intervention qui n'est pas préventive, là, qui empêche le pire. Bon. On s'entend bien. Puis on en a besoin. Parfait. Mais les approches préventives ne viendront pas de la DPJ. Elles devraient venir plus des CLSC, qui sont mandatés en prévention dans le fond dans leurs territoires. Mais, là aussi, c'est compliqué, parce qu'on a désinvesti beaucoup dans les dernières années, depuis plusieurs années, au niveau de l'enfance, dans les CLSC, pour aller plus vers les personnes âgées puis les soins à domicile, et c'est toujours les enfants qui ont écopé.
Nous, ce qu'on fait, nous, c'est un mélange prévention-traitement, on fait les deux, et la meilleure prévention, c'est quand on a réussi à s'approcher d'une famille qui nous laisse entrer dans sa maison et puis qu'on peut constater les besoins. Et là on peut agir vraiment en prévention en les supportant, pas en les blâmant, là. S'il y a des appareils défectueux électriques qui sont dangereux, on va en parler, s'il n'y a pas assez de bouffe, on va les aider, si l'enfant couche à terre puis il n'a pas de lit, on va lui en trouver un, tu sais. Mais c'est à ce niveau-là que commence la prévention. Et, sur une trajectoire, on va réussir à aider les parents à modifier leurs façons de faire. Mais ça prend du monde proche des enfants. Il y a beau avoir les ombudsmans, les surveillants, s'il n'y a pas quelqu'un qui se mouille avec les parents, proche, surtout les parents les plus en difficulté, puis qu'on ne va pas les voir chez eux, oublions ça.
Mme Roy (Lotbinière): Je comprends très bien l'efficacité de votre action. Mais je vais vous donner un exemple. Comme, moi, députée de Lotbinière, en milieu parfaitement rural, j'ai des parents qui viennent me voir, leurs enfants ont des troubles envahissants du comportement ? à l'école, on les a diagnostiqués ? mais aucun suivi. Il n'y a aucun spécialiste. Cette commission scolaire là a décidé de ne pas engager personne, de ne pas donner ce service-là, pour des questions budgétaires. Après ça, qu'est-ce qu'on fait, rendu là? Vers qui on se retourne pour dire: Vous laissez les enfants de mon comté en danger? Puis, on a des parents épuisés qui finalement, ce qu'ils font, bien vont sonner aux portes de la DPJ puis ils disent: Je n'en peux plus, prenez-le. Ça prend quelqu'un de responsable de l'état de nos enfants pour qu'on puisse agir dans des dossiers comme ça.
M. Julien (Gilles): Mais, nos projets de pédiatrie sociale sont complètement orientés dans ce que vous dites. Je vais vous donner le meilleur exemple, c'est que, dans Côte-des-Neiges, au Centre de services préventifs à l'enfance, dès qu'on est arrivés en fonctions, il y a deux ans, on a été inondés de troubles envahissants du développement justement, parce que, dans un quartier comme Côte-des-Neiges, c'est comme une épidémie, les troubles envahissants du développement, tu sais, puis, dans Lotbinière, il y en a peut-être trois ou quatre, nous, on en a un par semaine, à deux ans, trois ans, quatre ans, et il n'y avait aucun service il y a deux ans, mais aucun, et, en deux ans, on a réussi à en mettre sur pied, trois petites classes, avec les écoles, avec la participation des écoles. On les a mobilisées. Maintenant, juste dans Côte-des-Neiges, on a trois petites classes quatre ans pour des enfants TED, des classes de cinq, six élèves. À quatre ans, ils sont scolarisés toute la journée, et, nous, on commence avant même à donner des services aux enfants TED. Souvent, on ne les envoie même plus à l'hôpital...
La Présidente (Mme James): Alors, je vous demanderais: en conclusion, Dr Julien.
M. Julien (Gilles): Oui. Oui. En fait, ce modèle-là crée de l'effet préventif et des services préventifs même pour des cas aussi lourds que les TED, qui devraient normalement recevoir les services d'un centre de réadaptation ou d'hôpitaux, qui ne les donnent pas, il y a deux ans de liste d'attente. Dans un milieu, on peut se tourner de bord, puis, avec le milieu, dans ce cas-là les écoles, on a réussi à faire des miracles. Ils nous ont même prêté deux orthophonistes à plein temps pour s'occuper des troubles de communication sévères avant qu'ils rentrent à l'école. Et cet effet mobilisateur là, là, il est extrêmement puissant si on le met en branle. Moi, je suis un partisan du local, donc...
La Présidente (Mme James): Merci beaucoup, Dr Julien ? malheureusement, le temps s'est écoulé ? et Mme Brunelle, pour votre participation à cette commission parlementaire.
J'inviterais maintenant les membres du Mouvement Retrouvailles à prendre place immédiatement pour leur présentation. Je suspends les travaux de la commission pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 10)
La Présidente (Mme James): La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue...
Des voix: ...
La Présidente (Mme James): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue aux membres du Mouvement Retrouvailles, bienvenue à Mme Fortin et à Mme Genest. Je vous demanderais... D'une part, j'aimerais vous dire que vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange tout d'abord avec le côté ministériel et par la suite du côté de l'opposition officielle. Alors, sans plus tarder, Mme Fortin ? je crois que vous êtes la porte-parole principale ? la parole est à vous.
Mouvement Retrouvailles,
Adopté(e)s, non-adopté(e)s, parents
Mme Fortin (Caroline): Alors, bonjour, tout le monde. Nous, aujourd'hui... Bon, je vais commencer par une brève présentation. Alors, moi, je suis Caroline Fortin, la présidente du Mouvement Retrouvailles, et je suis une personne adoptée. J'ai avec moi Mme Réjane Genest, qui est secrétaire du Mouvement Retrouvailles et qui est une mère adoptive. Alors, on est des bénévoles au Mouvement Retrouvailles.
Donc, nous, on est ici aujourd'hui pour vous parler... Quand on a vu le projet de loi n° 125, ça nous intéressait, mais, nous, c'est plus le côté enfant, mais devenu adulte. Alors, on vous remercie, tout le monde, de nous avoir invités à présenter notre mémoire. Alors, vous avez tous, là, la version allongée, on va vous faire un bref résumé, là, aujourd'hui de ce que vous avez entre les mains.
Alors, depuis sa fondation, en 1983, le Mouvement Retrouvailles, face aux besoins ressentis dans la population, s'applique d'abord à accompagner ses membres dans leurs démarches de retrouvailles. De façon à faire respecter leurs droits, nous luttons également pour la reconnaissance du droit aux origines et à l'information relative à ces personnes. Nous travaillons ardemment à faire évoluer les lois gouvernementales qui régissent le monde de l'adoption, plus particulièrement le secteur postadoption.
L'expérience acquise au cours de toutes ces années de même que notre participation à titre d'organisme invité au comité interministériel sur la confidentialité des dossiers d'adoption et les services de retrouvailles nous ont permis d'acquérir une connaissance des plus intéressante concernant l'adoption et ses législations gouvernementales. Nous profitons donc de cette audience publique sur le projet de loi n° 125 pour faire connaître notre opinion sur certains articles contenus dans ce projet de loi et sur d'autres points qui devraient être considérés au même titre mais qui concernent plus précisément le volet sur la recherche d'antécédents sociobiologiques. Il est important de préciser ici qu'au Québec les droits de la personne majeure ayant été confiée à l'adoption en bas âge continuent d'être régis par la Loi de la protection de la jeunesse, et c'est pourquoi nous désirions nous faire entendre de la présente commission. Nous sommes reconnaissants et fiers d'avoir l'opportunité de le faire actuellement.
Alors, avant de vous présenter nos commentaires, nous désirons informer les membres de cette commission que notre organisme a, depuis 1983, présenté divers mémoires sur le sujet; on ne vous les nommera pas tous, là. Mais il y a d'autres organismes aussi qui ont déposé des documents et des recommandations pour modifier les lois qui régissent actuellement, là, le monde de l'adoption. Alors, les recommandations incluses, entre autres, dans le rapport Simard, ce qui était le comité interministériel, là, ça a été présenté le 30 novembre 1999, et ces recommandations-là étaient incluses dans les versions que vous avez entre les mains. Alors, on n'en fait pas l'élaboration ici aujourd'hui, je pense que tout le monde les a bien lues.
Alors, vous avez également, certainement, remarqué qu'on a sorti certains extraits de d'autres documents, là, qui avaient été préparés par d'autres organismes, entre autres, l'adoption au Québec: le droit de savoir, dont M. André Desaulniers était le représentant de ce comité de travail là. Et il avait également présenté un projet de loi, lui, tout monté, à l'Assemblée nationale.
Les personnes concernées par notre mémoire sont, bon, bien, naturellement les enfants confiés à l'adoption, les parents biologiques, les parents adoptifs et les personnes concernées par parenté ou filiation. Les trois premières catégories, je pense, parlent d'elles-mêmes. La quatrième catégorie, quand on parle de parenté ou filiation, nous entendons «toute personne ayant une relation de sang ou d'alliance qui les unit entre elles». On tient à le spécifier parce que souvent les gens ne comprennent pas trop, là, quand on parle uniquement de parenté ou de filiation, lorsqu'il y a adoption dans le décor. Alors, ceci s'applique tant aux parents qu'aux enfants. Alors, je laisse la parole à Mme Genest pour la prochaine partie.
La Présidente (Mme James): Mme Genest.
Mme Genest (Réjane): Les recommandations. Le projet de loi n° 125, comme indiqué dans les notes explicatives, précise, entre autres, certaines règles applicables en matière de respect de la vie privée des enfants, d'accessibilité et de divulgation de renseignements, ainsi qu'en matière de délai de conservation de l'information que le directeur de la protection de la jeunesse détient. Ce projet de loi apporte également diverses autres modifications.
Le présent mémoire vise donc principalement à démontrer que les dispositions concernant la confidentialité des dossiers de l'adoption au Québec sont une pratique qui va à l'encontre de la Charte québécoise des droits et libertés et de diverses lois canadiennes et internationales relatives aux droits et libertés de la personne. Actuellement, il y a la Colombie-Britannique, l'Alberta, Terre-Neuve et Labrador et l'Ontario qui ont apporté des modifications afin d'assurer à tous les mêmes droits et libertés.
En 1982 ? ça fait donc 23 ans, 24 ans bientôt ? dans un bulletin Droits et Libertés, la Commission des droits de la personne du Québec démontrait qu'il y avait discrimination en appliquant la confidentialité dans les dossiers d'adoption. À cette époque, la commission soulevait également que les sciences psychologiques admettent que la connaissance de ses racines biologiques est un besoin fondamental de la personnalité humaine.
La commission constatait également que, pour plusieurs personnes adoptées, la confidentialité des dossiers d'adoption suscite d'importantes difficultés d'identification, leur donne un statut à part et leur enlève la possibilité de se référer à leurs véritables origines. De plus, la commission mentionnait que, du point de vue médical, les composantes génétiques peuvent prendre une grande importance dans certaines pathologies physiques. Les personnes adoptées posent de sérieux problèmes aux généticiens, considérant la difficulté d'obtenir les renseignements utiles sur leurs ascendants biologiques.
Depuis ce temps, aucune intervention d'importance n'a été entreprise par le gouvernement du Québec. D'ailleurs, dans son rapport préliminaire du 3 octobre 2003, même le Comité des droits de l'enfant de l'ONU blâmait le Canada et ses provinces de ne pas reconnaître à un enfant adopté le droit, dans la mesure du possible, de savoir qui sont ses parents biologiques.
Notre première demande se rapporte donc à la mise en place d'un mécanisme permettant à toute personne confiée à l'adoption de connaître, le cas échéant, son statut d'adopté. Nous croyons que, dès qu'une personne adoptée atteint la majorité, elle doit pouvoir bénéficier de la pleine protection et autonomie judiciaire et sociale que le reste de la population. La divulgation du statut d'adopté laissée uniquement à la discrétion des parents adoptifs est inacceptable. La connaissance du statut d'adopté doit être un droit pour la personne adoptée majeure afin qu'elle puisse connaître ses véritables racines originelles et son bagage génétique. Pensons ici aux personnes adoptées qui font leur le bagage génétique de leur famille adoptive ou encore aux mariages consanguins, qui peuvent être possibles quand on ne sait pas si on est une personne adoptée.
Les grandes lignes des recommandations incluses dans notre mémoire se présentent donc ainsi. L'article 522 du Code civil devrait être modifié afin de prévoir que toute personne âgée de 18 ans et plus a le droit de connaître le type de filiation qui l'unit à ses parents et qui unit ses parents en ligne directe. Il y a deux types de filiation: la filiation par adoption et la filiation par le sang. Un article devrait être ajouté pour établir le libellé de cet acte de filiation: le nom de la personne, son type de filiation et le nom des parents ou des parents adoptifs, et aussi pour lister les personnes qui pourront demander un tel acte.
L'article 583 du Code civil devrait être abrogé afin de permettre l'accessibilité des dossiers d'adoption pour que l'ensemble des personnes nées au Québec ayant fait l'objet d'un consentement à l'adoption, qu'elles aient été adoptées ou non, puissent connaître le nom de leurs parents biologiques et toute autre information incluse dans leur dossier et pour que les parents ayant confié un enfant à l'adoption puissent connaître le nom de leur enfant quand ce dernier a atteint la majorité.
Au niveau de la Loi de la protection de la jeunesse, plusieurs articles devraient être ajoutés, et nous vous en suggérerons la liste dans quelques instants. Auparavant, nous aimerions soulever à nouveau qu'au Québec les droits des personnes majeures ayant été confiées à l'adoption en bas âge sont encore régis par la loi de la protection des enfants... de l'enfance et de la jeunesse, ce qui est un non-sens un petit peu.
Lors des travaux parlementaires du mardi 29 novembre 2005, Mme la députée Delisle, ministre à la Santé et aux Services sociaux, a précisé, puis nous la citons: «L'adoption, au Québec, a connu au fil des ans de profondes transformations, et elle est aujourd'hui reconnue comme l'une des mesures de protection sociale pour mieux répondre aux besoins des enfants.» Alors, nous, nos demandes ne sont pas concernant les enfants, mais bien la personne adoptée lorsqu'elle a atteint l'âge adulte.
n(17 h 20)n Alors, qu'en est-il des besoins de ces mêmes personnes qui sont devenues adultes? On n'en traite nullement dans la loi de la protection de l'enfance, pourtant ça les concerne aussi. Nos législateurs ont le devoir de réagir à ces questions. Est-ce que c'est normal que les lois établies pour la protection des enfants et des jeunes demeurent les mêmes lorsque ceux-ci ont atteint l'âge adulte? Aucun article du projet de loi n° 125 ne redonne les droits à la personne confiée à l'adoption qui est devenue adulte. Est-ce que c'est normal aussi que les parents ne connaissent pas le nom de leurs enfants lorsqu'ils sont devenus adultes?
Dans cet ordre d'idées, nous demandons donc à la présente commission que plusieurs articles soient ajoutés à la Loi sur la protection de la jeunesse. Par exemple, il devrait y avoir l'ajout d'un chapitre qui est sur l'accès, qui concerne l'accès à l'information, lequel indiquerait les dispositions permettant la divulgation des informations confidentielles incluses dans les dossiers judiciaires et administratifs. Ce chapitre devrait inclure des dispositions concernant des ententes conclues entre les personnes concernées avant ou après l'adoption, la divulgation d'information pouvant identifier les parties concernées, pour assurer la sécurité, la santé, le bien-être d'un enfant et pour permettre à un enfant d'obtenir un bénéfice.
Ça devrait aussi traiter de la liste des documents auxquels les personnes concernées devraient avoir accès lorsqu'ils sont devenus adultes, par exemple: le dossier de naissance intégral, incluant le nom des parents biologiques, le certificat de naissance original de la personne adoptée, le jugement d'adoption, les dossiers judiciaires et administratifs ayant trait à l'adoption de la personne adoptée et tous les autres documents connexes. S'ils sont décédés, ils devraient avoir accès aux dossiers médicaux de leurs parents, quand les parents sont décédés. Puis, quand les parents sont décédés, c'est les dossiers médicaux des ancêtres en lien direct des parents.
Ce chapitre devrait également inclure les dispositions concernant la déclaration de refus de contact, recevable uniquement durant une période moratoire préétablie et incluant des informations d'ordre médical mises à jour. La loi devrait aussi inclure d'autres dispositions d'ordre plus général, comme des dispositions sur la situation du décès, les rôles et les droits du directeur, des sources d'information accessibles, le non-respect des dispositions.
Nous avons également relevé, dans la Loi assurant la mise en oeuvre de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, que les articles 131.1 et 131.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse devraient être abrogés. Nous sommes en désaccord avec ces retraits, ceux-ci provoqueraient une injustice envers les personnes confiées à l'adoption ou faisant l'objet d'une ordonnance de placement. De plus, l'article 131.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse devrait préciser que tout sommaire remis à une personne adoptée de moins de 18 ans sans le consentement de son parent adoptif doit respecter l'anonymat des parents biologiques et doit être conforme aux normes prévues par règlement. Par contre, si le requérant a plus de 18 ans, ce sommaire devrait inclure toutes les informations contenues à son dossier.
Mme Fortin (Caroline): Alors, au niveau des lois, bon, comme vous avez pu le constater, il n'y a eu aucune évolution marquée, significative, là. En fait, depuis 1980, il y a eu quelques petits changements, là, mais rien de majeur. Alors, ce qu'on peut constater aujourd'hui, bon: les seuls renseignements que les enfants confiés à l'adoption peuvent obtenir sur les antécédents de leurs parents biologiques se limitent à une brève description de la mère, quelquefois du père. Donc, ça peut être son âge, son poids, sa taille, sa santé, mais tout ça à la date de notre naissance... donc à mon avis une jeune mère de 20 ans est souvent en excellente santé. C'est à peu près tout ce qu'on sait sur nos antécédents. Alors, c'est un petit peu rendu, là, à 40, 50 ans, nos mères en ont 60, 65, c'est très bref, là, comme description d'antécédent médical. Quant à eux, les parents biologiques, majoritairement des mères, n'ont accès qu'à très peu de renseignements sur la situation de leurs enfants. Donc, ils peuvent avoir à l'occasion accès, là, bon: il a été adopté dans telle région, et tout ça, il a eu tel vaccin avant l'adoption. Mais c'est très, très minime comme information. Alors, on part avec ça puis on grandit.
Alors, la législation actuelle autorise la divulgation du nom des parents biologiques, mais uniquement lorsque ces derniers donnent leur consentement concernant le dévoilement de leur identité. Dans les situations de refus, de décès ou de personnes dites introuvables, les informations nominatives demeurent confidentielles, et le dossier est fermé, donc pas moyen d'avoir plus d'information. À ce jour, les personnes concernées par la filiation ou parenté ne peuvent être contactées, à moins qu'il y ait concordance au dossier, soit que le requérant et la filiation ou parenté aient présenté une demande, mais, pour ce faire, il faut qu'il y ait eu consentement du parent biologique ou dans le cas d'un décès.
On parlait tantôt du statut d'adopté. Le fait de révéler à une personne son statut d'adopté est laissé à la discrétion des parents adoptifs. Alors, ces derniers semblent avoir un droit de regard sur les enfants adoptés, même après leur majorité. Nous pouvons constater que certains parents adoptifs n'ont pas osé révéler le statut d'adopté à leur enfant; celui-ci ne pourra donc jamais connaître la vérité sur ses origines. De plus, en tant qu'adoptée, une personne ignorant son statut ne pourra s'enquérir de ses antécédents par l'entremise, disons, de sa parenté ? des oncles, les tantes, cousins, cousines ? et véhiculera toujours un dossier médical erroné. Ça, c'est pour lui et pour ses descendants. Donc, c'est souvent à ce moment-là que les enfants adoptés devenus majeurs vont demander, là, à connaître leurs origines, c'est pour leurs enfants, assez régulièrement.
Alors, comme mentionnait Mme Genest tout à l'heure, il y a déjà quatre provinces qui ont des lois plus ouvertes, puis pour ne pas dire plus modernes et plus représentatives de notre société, et il en va de même dans plusieurs États américains. Alors, on se demande: Quand le Québec va-t-il emboîter le pas, est-ce que ce sera en 2006? On l'espère bien parce que ça fait plusieurs années qu'on se débat là-dessus.
Comme je parlais tout à l'heure, en annexe de notre mémoire, vous aviez des recommandations du rapport Simard, auxquelles on a adhéré, sauf qu'on avait quelques éléments à ajouter, et c'est des éléments qui nous apparaissaient fondamentaux, donc: prévoir la mise en place d'un procédé pour fournir un acte de filiation à tout enfant adopté, dès qu'il a atteint la majorité, en fait de savoir son statut; reconnaître à tout parent biologique le droit de connaître le nom que porte actuellement l'enfant qu'il a confié à l'adoption; toutes les informations contenues au dossier de l'enfant doivent être divulguées au requérant. La fratrie ? donc, frères, soeurs, parenté en fait ? doit être contactée en l'absence du manque de renseignements obtenus causé par le décès des parents biologiques. La définition de la fratrie devra être élargie ou tout simplement en changer le terme pour y inclure la notion de parenté de sang et/ou de lien légal. Dans le cas d'un décès, nous recommandons de pouvoir contacter les personnes mentionnées au dossier, s'il y a lieu. Une personne inscrite au dossier d'adoption peut enregistrer une déclaration de refus de contact. Ça, on l'a indiqué, parce qu'on est conscients qu'il y a des gens qui ne veulent pas dévoiler leur identité, et on se doit de respecter ça, jusqu'à une certaine limite, sauf...
Le Président (M. Copeman): Mme Fortin, je veux juste vous signaler: il reste à peu près deux minutes.
Mme Fortin (Caroline): Oui, je fais vite. Alors, ce qu'on voulait mentionner, le refus de contact, c'est que la personne pourrait mettre un refus de contact, mais dans une période moratoire. Donc, je n'élaborerai pas là-dessus, on pourra peut-être en parler tout à l'heure, mais je crois que les gens, là, sont un peu au courant de qu'est-ce qu'on demande. Et on demande aussi qu'un refus inscrit au dossier précédemment à l'entrée d'une nouvelle disposition ça ne constitue pas une déclaration de refus de contact. Des pénalités pourraient être introduites, là, en cas de non-respect.
On avait une petite parenthèse au niveau des services des centres jeunesse. Bon, en général ça va assez bien... ça va assez bien, disons, là. On a été invités à donner notre avis sur le dernier guide des procédures du centre jeunesse et on a apporté nos commentaires. Par contre, lors de la dernière mise à jour, ils ont apporté quelques changements, dont deux qui ont un impact de resserrement encore plus intense. Donc, depuis décembre 2004, on ne peut plus connaître notre nom ? et je parle de nom de famille ? qui est au dossier, nous n'avons accès qu'à notre prénom, et, dans le cas du décès de la personne que l'on recherche, on n'a seulement que l'année du décès et la cause. C'est tout ce qu'on a comme information. Donc ça, c'est des modifications qui ont été ajoutées et qui sont pour nous, là, un resserrement encore... En fait, c'est pratiquement de l'acharnement, là, contre les personnes reliées à l'adoption.
n(17 h 30)n Alors, en résumé ? je vais essayer de vous faire ça en une minute si j'ai le temps ? en plus des recommandations présentées par le rapport, on recommandait aussi que tout dossier jugé introuvable pourrait être consulté par le requérant ou ses représentants, que notre organisme ou un autre organisme soit consulté avant des modifications dans les procédures de services offerts, qu'un comité de suivi devrait assurer que le mode d'application des procédures soit respecté, et nous aimerions en faire partie avec d'autres organismes représentatifs. Chose importante aussi, que la mise en place d'une structure semblable à celle opérée à Trois-Rivières, au Centre jeunesse de Trois-Rivières, soit le Service aux origines... soit implantée dans tous les centres jeunesse du Québec et que naturellement le coût associé à l'orientation proposée demeure un strict minimum, et non pas 450 $ comme c'est actuellement le cas.
Alors, si vous me donnez un petit 30 secondes, j'aurais quelques petites questions. Juste au niveau des droits, on se demande... La personne concernée par l'adoption ignore la vérité face à ses origines. D'où vient-elle? Qui lui a donné la vie? Où sont ses frères, ses soeurs biologiques? Où sont ses racines? Quel est son bagage génétique et celui transmis à ses descendants? Alors, ce sont des questions, là, qu'on entend régulièrement, et on ne pourra pas résoudre ce casse-tête-là tant et aussi longtemps que le morceau manquant ne sera pas accessible, et ce morceau-là, c'est le gouvernement qui le retient pour respecter la soi-disant confidentialité. Alors, nous demandons au gouvernement de redonner la vérité à ces enfants confiés à l'adoption et la dignité aux parents qui ont dû poser un geste contre leur volonté, pour la grande majorité des parents. Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Fortin et Mme Genest. Alors, Mme la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse et à la Réadaptation.
Mme Delisle: Merci, mesdames. Bienvenue. Ce n'est pas facile pour vous d'être les dernières à passer, là, surtout en fin de journée, mais on a quand même... On est très intéressés par les propos que vous avez tenus. La lecture de votre mémoire nous interpelle aussi. J'ai eu l'occasion... je vous ai rencontrées, j'ai rencontré un autre groupe avec un collègue de l'opposition, le député de Joliette, je crois...
Une voix: Jonathan Valois.
Mme Delisle: ...Jonathan Valois, le député de... ? c'est parce qu'on n'est pas... je sais, je ne suis pas censée nommer le nom, là, mais enfin ce n'est pas grave, là. Pour dire qu'il y a des gens qui évidemment nous ont sensibilisés à cette réalité très difficile que vous vivez.
Je ne voudrais pas que vous pensiez que mes réponses sont le reflet d'une insensibilité à l'égard de ce que vous demandez. Ce n'est surtout pas ça. Je trouve très intéressant que vous ayez profité de la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse pour venir vous exprimer, c'est un forum pour ça et c'est... Quand on parle de l'adoption, c'est sûr, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, il est certain que les enfants qui seront adoptés aujourd'hui, évidemment ils vont l'être en fonction de l'actuelle loi, c'est-à-dire la loi qui est régie par le Code civil. Ça a effectivement une incidence autant sur vos vies à vous que sur la vie des enfants, jusqu'à ce que le gouvernement statue sur toute la question de l'adoption qui est plus ouverte, plénière, adoption simple. Puis, ce qui vous touche, vous, plus particulièrement, évidemment, c'est toute la recherche des antécédents sociobiologiques, et, moi, je comprends. J'ai toujours dit que je ne pouvais pas me mettre dans votre peau, parce que je ne suis pas une adoptée, mais je peux certainement m'imaginer, en tout cas jusqu'à un certain point, la détresse, le questionnement que vous avez, le morceau dans votre coeur qui vous manque. Je suis très sensible à ça.
Vous avez dit, presque en fin d'intervention, en faisant référence à la confidentialité, que les gouvernements ? parce qu'en fait je pense qu'on peut tous s'inclure... Vous avez fait référence à 1983, là...
Une voix: ...
Mme Delisle: Non, non, ce n'est pas... je ne l'ai pas pris, non plus, dans le sens où on accusait ou on portait le blâme à qui que ce soit, au contraire, là, mais j'ai noté, au moment où vous avez parlé, qu'on remontait, je pense, jusqu'en 1983, je pense, qui était une année peut-être de vos premières interventions à ce sujet-là. J'ai peut-être mal compris, mais enfin, moi, là, comme parlementaire et comme ministre responsable de ce dossier-là, je ne peux pas qualifier la confidentialité de soi-disant confidentialité. Je ne vous dis pas que vous n'avez pas raison de vouloir qu'on tienne le débat, ça, c'est une chose, mais, dans l'état actuel de la loi et tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas des aménagements ou des changements qui seront faits, il y a un contrat, entre guillemets, un contrat de confidentialité qui a été signé, peu importe comment ? je l'exprime comme ça, là, d'accord?, je ne veux pas qu'on me prenne au pied de la lettre, là ? mais avec des mères qui ont donné leurs enfants en adoption il y a plusieurs années, 30 ans, 40 ans, 25 ans, à une époque, quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, où...
Il y a quelqu'un aujourd'hui, je pense, ou hier, qui a mentionné qu'on faisait ça pour punir finalement les filles qui avaient eu des enfants, puis on réalise aujourd'hui que ce n'était pas correct. Je veux dire, nos filles pourraient devenir enceintes à l'âge de 15, 16 ans, puis, aujourd'hui, ça ne nous passerait même pas par l'esprit de leur dire: Tu... Peut-être que certains le donneraient en adoption, parce que c'est le cheminement à suivre, mais certainement pas de la façon dont ça s'est fait, de façon cachée, sortir les filles de leur région, les envoyer chez une tante ou en communauté religieuse, ou peu importe.
Moi, je ne veux pas porter de jugement sur ce qui s'est fait, ça s'est fait très malheureusement, et il y a des gens qui en subissent les conséquences aujourd'hui. Ce que je veux vous dire, c'est que toutes les propositions que vous faites, qui sont très légitimes, mais toutes les propositions que vous faites d'ajouts à la loi présupposent un débat qui aurait été fait sur toute la question de l'adoption. Donc, on ne peut pas recevoir vos propositions dans le but de les inclure dans 125, mais on peut certainement les recevoir comme base, si vous voulez, là, de discussion pour tout ce dossier qui vous tient très à coeur.
Et, quand j'ai lu le mémoire, puis par la suite quand je vous entendais parler, il y a quand même une série d'articles que vous suggérez d'inclure, à 72... je crois que c'est 72.9, bien j'ai comme l'impression finalement qu'il y a une partie d'un autre projet de loi... ? on vous consultera, c'est sûr, mais il y a quand même un bon bout de chemin de fait ? puis qu'il sera, j'imagine, possible de discuter dans une autre commission parlementaire. Et ce n'est pas par manque de respect à l'égard de ce que vous proposez, je veux que vous soyez assurés de ça. Ce n'est pas par manque de respect non plus à l'égard de qui vous êtes puis des droits que vous revendiquez à juste titre. Très sincèrement, vous avez une écoute très attentive à cet égard-là. Mais on ne peut pas changer comme ça, sur un vingt-cinq-sous, même si vous êtes complètement découragées du fait que ça fait peut-être 20 ans que vous en parlez, on ne peut pas quand même aujourd'hui vous dire... Moi, je ne peux pas changer ça sur un vingt-cinq-sous puis penser que c'est si facile que ça de changer les lois et d'amender le Code civil.
Vous êtes très conscientes, je le sais, que je ne suis pas responsable de l'application de la loi sur le Code civil... de l'application du Code civil, pardon. Je voudrais par contre vous dire que mon collègue le ministre de la Justice et moi en avons discuté à plusieurs reprises et que c'est un dossier qui chemine, et, quand on sera prêts, il faudra en saisir évidemment mes collègues. On n'est pas rendus là, là, mais c'est un dossier qui chemine. Je veux donc vous dire aujourd'hui que, même si je ne peux pas inclure 72.9, avec les propositions que vous faites, dans 125, parce que ça va dans une autre loi, hein, ça va dans une autre loi qui a une application qui touche directement le Code civil, sachez ? puis je sais que ce n'est peut-être pas assez pour vous, ce que je dis là ? que c'est un dossier qui n'est pas en dessous de la pile, qui est au-dessus d'une pile. C'est tout ce que je peux vous dire.
Maintenant...
Mme Fortin (Caroline): Est-ce que je peux intervenir?
Mme Delisle: Oui. Bien, oui. Oui, vous pouvez le faire. J'aurais par contre une question ? si je peux la retrouver, là, je me suis laissée prendre un petit peu par... Concernant les jeunes de 18 ans qui sont gérés par la Loi sur la protection de la jeunesse, je ne sais pas si j'ai bien compris tout à l'heure, mais que les enfants qui sont sous la Loi de la protection de la jeunesse, quand ils arrivent à la majorité, s'ils ont été adoptés ? c'est ça? ? sont encore sous cette loi-là.
n(17 h 40)nMme Fortin (Caroline): Tout enfant qui a été adopté, l'adoption est gérée par la Loi de la protection de la jeunesse, en partie. Donc, il y a des articles dans la Loi de la protection de la jeunesse qui nous empêchent d'avoir accès à nos informations même quand on est rendus majeurs. Puis ça n'a rien à voir, là, qu'on n'a pas de dossier à la DPJ, là, pour x raisons, là.
Mme Delisle: O.K. Non, non, bien, ça, je sais que c'est la responsabilité du centre jeunesse, là.
Mme Fortin (Caroline): C'est ça, c'est le service postadoption, là, des centres jeunesse. Mais c'est un peu, je vais dire, ridicule que, rendu à 18 ans puis rendu même à 45, 50, 65 ans, il faut que tu passes par les centres jeunesse pour avoir accès à ton information, quand tu peux y avoir droit si la mère consent. Combien vous pensez qu'il y a de mères au Québec qui veulent avoir de l'information qui pensent d'aller dans un centre jeunesse pour retrouver son enfant?
Mme Delisle: Bien, alors, la question que je veux vous poser, ça a été la volonté d'un gouvernement, à un moment donné, d'inclure finalement cette responsabilité-là à l'intérieur de l'organigramme des centres jeunesse, bon. Mais, si ce n'étaient pas les centres jeunesse, ça prend quand même une structure qui va être opérationnelle puis qui va permettre de faire ces recherches-là, d'aller chercher l'information. Qui ferait ça?
Mme Fortin (Caroline): C'est sûr, ça prendrait une structure quelconque, puis ça pourrait demeurer le centre jeunesse. Mais, je veux dire, moi, je soulevais la question: Comment pouvez-vous penser, là, qu'une mère de 75 ans qui veut trouver son enfant qui a peut-être 45 ans...
Mme Delisle: Elle n'y pensera pas, à ça.
Mme Fortin (Caroline): ...elle ne pensera pas à ça, elle, là, d'aller à la DPJ. Parce que, pour eux autres, c'est la DPJ, là, le centre jeunesse, là. Donc ça, c'est un peu... Mais, bon, on ne veut pas enlever les dossiers des centres jeunesse, mais on se dit qu'en quelque part c'est un peu ridicule, là, que, passé 18 ans, tu sois encore régi par la Loi de la protection de la jeunesse, là.
Mme Genest (Réjane): C'est ça, c'est que, dans la Loi de la protection de la jeunesse, on parle toujours des enfants. Un enfant, habituellement à 18 ans, ce n'est plus un enfant, c'est un adulte, et les personnes qui sont reliées à l'adoption, ils sont tous régis encore par la Loi de la protection de la jeunesse, qui, elle, est mise en place pour les enfants. En nulle part il n'y a un article qui dit, bon: Quand l'enfant a 18 ans, ça n'a plus trait, cette loi-là, là. ce n'est pas pour lui, parce qu'il est devenu un adulte.
Alors, c'est ça, là, qui n'est pas facile, là, c'est que ce n'est pas défini, là. La Loi de la protection de la jeunesse, là, c'est pour les enfants, mais ça ne définit pas: c'est un enfant, puis, rendu à 18 ans, cette loi-là, là, ce n'est pas pour lui, là. Alors, la personne qui a 19 ans s'en va au centre jeunesse, puis il dit: Ah! non, non, toi, tu ne peux pas avoir ça; regarde, c'est marqué là, la Loi de la protection de la jeunesse, là. Et, le Code civil, lui aussi, là, il prend exemple sur la Loi de la protection de la jeunesse. Alors, la personne, quand elle est rendue à 18 ans et plus, elle est devant rien, là, elle n'a plus rien. Tellement que les gens, une personne qui se présente à... non, une mère qui veut retrouver son enfant s'en va au centre jeunesse, le centre jeunesse, pour rechercher cet enfant-là, cette personne-là, à 18 ans et plus, elle ne l'appelle même pas, elle appelle ses parents adoptifs. Puis ça veut dire qu'on les infantilise juste...
Mme Delisle: Je n'ai pas compris. Qu'est-ce que vous dites?
Mme Genest (Réjane): Je ne vous dirai pas que c'est dans toutes les situations, mais, une mère biologique qui veut retrouver son enfant, l'enfant, la personne qu'elle a confiée à l'adoption, elle se présente au centre jeunesse, c'est le seul endroit. Alors, eux, ils localisent la personne recherchée et, quand ils veulent la contacter, comme je vous dis, peut-être pas dans tous les cas, mais c'est arrivé dans certaines situations, ils vont appeler les parents adoptifs, même si la personne a 25 ans. Alors, ils la considèrent encore, la personne de 25 ans, comme un enfant. C'est infantiliser les personnes du monde de l'adoption, parce que, dans justement... La Loi de la protection de la jeunesse, c'est pour les enfants, puis il n'y a pas d'âge, puis on ne dit pas: À compter de 18 ans, ce n'est plus pour vous autres, là. Vous avez droit, comme tout le monde, de vous présenter à l'État civil ou même vous présenter au centre jeunesse, c'est eux qui ont vos dossiers, mais le centre jeunesse devrait leur remettre leur dossier. Ce n'est pas comme ça que ça se passe, et c'est ça qui est une injustice.
Quand on adopte des enfants, ce n'est pas parce qu'on veut les garder enfants toute leur vie, là. Quand ils atteignent 18 ans, on veut qu'ils soient comme nous autres, qu'ils aient les mêmes droits que tous, là. Puis ce n'est pas le cas.
Mme Delisle: Je vous remercie. Je vous remercie. Alors, je terminerais juste en vous disant que je pense que vous avez compris, là, à partir de mon intervention, à partir de... Qu'est-ce qu'il y a?
Une voix: ...
Mme Delisle: Qu'est-ce qui se passe?
Le Président (M. Copeman): Tout va bien, Mme la ministre, allez-y. Tout est sous contrôle.
Mme Delisle: Bon. Je voulais tout simplement dire que j'apprécie que vous soyez venues nous entretenir de ce dossier qui vous tient à coeur, et puis on aura sûrement l'occasion de se reparler là-dessus. Merci.
Mme Fortin (Caroline): Pour finir mon intervention de tout à l'heure, vous parliez de... Bon. Moi, je parle de soi-disant confidentialité, mais je parle de soi-disant confidentialité parce que, dans les autorisations d'adoption qu'il y a eu, que les mères ont signées ? bon, sous quelles conditions, bien là on pourrait en discuter pendant une soirée ? il n'y en avait pas, de clause de confidentialité. C'est une clause qui était, on va appeler, morale. Il n'y a aucune clause écrite noir sur blanc de confidentialité. Alors ça, nous, ça nous casse les oreilles à chaque fois de nous faire dire qu'on brise la confidentialité. Il n'y en a pas, de confidentialité, sauf celle qui a été promise par les religieuses ou les personnes qui donnaient...
Mme Delisle: C'est un engagement.
Mme Fortin (Caroline): Bon, c'est un engagement, oui, sauf qu'on est rendu en 2006, là, on n'est pas en 1940, là, ou 1927. Je veux dire... Bon. Puis, l'idée derrière ça, ce n'est pas non plus ? je vois des gens peut-être à la télévision ? d'avoir l'information puis d'aller cogner à la porte, là. Ça, je pense qu'on en a déjà discuté, on veut tout faire dans le respect. Mais on veut, nous aussi, que nos droits soient respectés. On veut notre identité et on veut que le parent biologique qui veut retrouver son enfant ou, à tout le moins, avoir de l'information puisse le faire.
Mme Delisle: Je vous remercie beaucoup. J'ai terminé. Go.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Merci. J'espère que c'est un essai, un premier essai, pour avoir, après ça, à présenter ce mémoire-là bien rapidement devant la Commission des institutions pour faire une modification en profondeur du Code civil.
Mais, maintenant, puisqu'on parle de la protection de la jeunesse ici, pour bien illustrer, là, l'aberration de ce qui se passe dans le milieu des antécédents sociobiologiques, je vais vous... c'est une jurisprudence, là, c'est vraiment arrivé. C'est une femme majeure ? je ne me souviens plus de l'âge ? qui est enceinte, puis ses parents biologiques veulent avoir accès à cette femme-là, leur fille, pour leur dire: On a des problèmes de santé spéciaux dans notre famille puis on veut que tu le saches parce que tu vas accoucher d'un enfant. Les parents adoptifs refusent que cette personne-là soit au courant qu'elle est adoptée; ils vont en cour, ils vont aller au Tribunal de la jeunesse. Puis, au Tribunal de la jeunesse, tout le procès va se faire sans que cette personne-là sache qu'il y a quelqu'un à quelque part qui est ses parents biologiques qui veulent lui parler. C'est comme une perte complète de ce qui se passe autour d'elle, sur son identité, sur ses antécédents sociobiologiques. C'est l'illustration, par cet exemple-là, du système dans lequel nous vivons.
C'est aussi ? et il faut qu'on se le dise ? la convention... On est toujours en train de parler des adoptés comme s'ils étaient des enfants. La Convention de La Haye ? c'est la convention de protection des droits de l'enfance ? donne, dans son article 7, le droit à l'identité des enfants adoptés. On parle encore des enfants adoptés. Eux, ceux qui viennent de d'autres pays, ont le droit à leur identité, par le biais de l'adoption internationale, mais, pour nous, ici, au Québec, ce droit-là n'est pas reconnu, et c'est en vertu de cela qu'on a saisi l'ONU de la façon dont on traitait nos adoptés. Et on a reçu un blâme. La plupart des provinces se sont mises au travail et ont réussi à faire des modifications pour devenir plus conformes aux recommandations de l'ONU. Mais, ici, ça fait un bout de temps qu'on... Je pense que j'ai fait le tour de tout ce qui s'est fait au Parlement: on n'a jamais parlé de ce dossier-là avant que j'en parle à la période des questions.
Vous, ce que vous demandez, là, c'est qu'on arrive à une modification de la loi. Puis, quand on parle de délai puis que c'est difficile, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?
Mme Fortin (Caroline): Le délai pour mettre en vigueur? Bien, le plus tôt possible, parce que ça fait des années qu'on a des gens qui attendent, là. On a des gens, là, des enfants adoptés de 65 ans, là, qui attendent après des informations sur leur identité pour x traitement, là. Alors, ce n'est pas normal. Donc, moi, je vous dirais, là: J'espère que dans l'année, même avant la fin de l'année... Moi, je souhaiterais vraiment que d'ici la fin juin il y ait un projet de loi solide puis que les lois soient changées.
n(17 h 50)n Il y a des lois qui ont été passées pour des choses, je dirais, peut-être similaires ou qui ont passé, tiens, comme ça, là, peut-être pas sur un vingt-cinq-sous, mais sur un deux piastres, admettons, là. Tu sais, on parle de huit semaines, 10 semaines pour des projets de loi. C'est sûr que c'est un projet de loi qui est complexe, mais ça fait des années que les gens qui sont en place, peu importe le parti... Parce que ce dossier-là, dans ma tête, n'a pas de couleur. Les informations sont là, vous les avez à Santé et Services sociaux. À la Justice, ils les ont, les informations. Alors, qu'est-ce qui manque, là? Il y a une volonté politique, il semblerait, là, pour changer ça. Alors, je me demande qu'est-ce qui manque aujourd'hui, là, pour agir avec ça. On ne demande pas d'argent, on ne demande pas de... On demande un droit à notre identité, et, pour ce faire, on ne croit pas que ça va prendre trois ans pour monter un projet de loi, là. Moi, je pense que quelques semaines suffisent, mais ici ça prend une volonté, là. Donc, nous, on suit le dossier puis, cette année, on est décidées que... On ne lâche pas, là, ça, c'est sûr et certain. Il faut que ça passe.
Mme Roy: J'ai des correspondances de personnes qui recherchent leur identité biologique puis j'ai des personnes qui m'ont mentionné... Puis vous allez me dire si c'est exact puis vous allez essayer de m'expliquer, si c'est exact, comment ça. Si on demande une retrouvaille, un dossier traité à la DPJ de Trois-Rivières, on aurait 97 % des chances que ça réussisse, et puis, ailleurs au Québec, c'est 70 %. Le taux de refus est plus élevé à Montréal, dans la façon de l'application. Qu'est-ce que qui vous...
Mme Fortin (Caroline): Les dernières statistiques qu'on avait à ce sujet-là, pour faire vite, c'est qu'en général, dans la province de Québec, les dossiers, le taux de refus, bon, variait entre... on parle peut-être de 20 % à peu près, en moyenne, là, 20 %, 25 %, peut-être même un peu plus, mais, les dossiers traités à Trois-Rivières, on parlait d'à peu près entre 3 % et 7 % de refus. Pourquoi? Parce qu'ils ont établi ce qu'on appelle le Service aux origines, dont j'ai fait mention tout à l'heure. C'est un service qui est offert, et les gens qui sont en place sont des bénévoles qui ont vécu la problématique de l'adoption et qui vont contacter des gens. Bon, exemple, ils ont une mère biologique à contacter, bien c'est une mère biologique qui va la contacter. Je n'enlève rien aux travailleurs sociaux, là, qui ont des beaux diplômes, tout ça, ça, je ne veux pas qu'ils prennent ça personnel, sauf que l'approche est différente. O.K.? Donc, l'approche de Trois-Rivières est plus humaine, elle est plus... Ils sont plus humains ? il n'y a pas d'autre mot, je pense ? que dans les autres centres jeunesse. Est-ce qu'ils ont moins de dossiers? Peut-être. Mais le fait d'être directement, personnellement, concerné par la problématique, je suis certaine que ça aide énormément.
Mme Roy: Bon. Vous êtes intervenues sur le fait qu'une personne adoptée, c'est un tiers qui détient la connaissance, la notion du fait que cette personne-là a été adoptée, puis c'est un tiers aussi qui va décider de le lui dévoiler. Quand vous avez parlé de l'effet de savoir qu'on est adopté, ça, c'est à partir de 14 ou 18 ans, vous pensez, qu'on devrait l'avoir?
Mme Fortin (Caroline): On parle de 18 ans ou, s'il y a consentement du parent adoptif, on peut toujours, à 14 ans... L'enfant peut toujours le demander s'il y a consentement de son parent. Mais on trouve sincèrement, à l'adolescence, ce n'est peut-être pas la meilleure période. Mais c'est sûr que le plus tôt est le mieux. Le parent adoptif devrait lui dire d'office qu'il est adopté, là. Mais, bon, si, pour x raisons, il ne lui a pas dit, je crois que... Bon, à 18 ans, c'est son droit de le savoir, mais, avant, on trouve que, bon, ce n'est peut-être pas... Tu sais, à 14 ans, tu apprends que tu es adopté, c'est peut-être rough un peu. À 18 ans aussi puis à 50 ans aussi, c'est rough, là. Sauf qu'à 18 ans, bien, là, tu es majeur et vacciné, là. Donc, c'est pour ça qu'on s'était arrêtées sur 18 ans.
Mme Genest (Réjane): Il y a peut-être plus de personnes, dans les adoptions passées, qui ne sont pas au courant qu'ils sont adoptés que dans des adoptions actuelles.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Mesdames, bonjour. Écoutez, dans chacune de nos régions, et je suis de la région de Trois-Rivières, comté de Champlain, définitivement, on a des cas de personnes qui sont à la recherche de leurs origines, et puis on se rend compte du malaise qu'ils vivent, là. Et je suis heureuse, vous me l'apprenez, qu'à Trois-Rivières, avec ce que vous avez appris, le Service aux origines, il y a un taux de succès meilleur parce qu'il y a une volonté plus grande.
Alors, pour aller dans le même sens, à la grandeur du Québec, avez-vous des taux ? je ne veux pas parler de statistiques, là ? qui disent qu'il y a beaucoup de gens qui sont en demande, comparativement aux parents qui ont fait adopter des enfants puis qui ne veulent pas être connus? Y a-tu des pressions qui se font de part et d'autre? Je sais qu'il y a des pressions face à des enfants qui veulent savoir d'où ils viennent, c'est quoi, leurs origines. Et ce que ma collègue disait tout à l'heure sur les questions de santé, ça peut avoir des impacts énormes de le savoir: Y a-tu eu de la sclérose en plaques, y a-tu eu ci, y a-tu eu ça dans mes origines? Et que des parents veuillent dire: Je veux que mon enfant que j'ai fait adopter soit au moins au courant pour ne pas qu'il ait de troubles plus tard, il n'y a même pas moyen de faire ce lien-là. Mais, dans ma tête à moi, je suis convaincue qu'il y a également des parents qui ne veulent tellement pas que ce soit dévoilé, à cause de toute la situation vécue, là, du caché, là, de la chose, là. Alors, est-ce qu'il y a des pressions également venant de gens qui disent: Non, non, non? Et, encore plus clairement que ça: S'il y avait une commission parlementaire, demain matin, spécifiquement sur le dossier que vous avez ? parce qu'on sait que ça va aller là, là, si ce n'est pas dans le projet ici, il va falloir que ce soit placé un jour à quelque part, là ? alors, est-ce qu'on aurait autour de cette table-là autant de gens qui vont dire: Non, on ne veut pas que ce soit dévoilé, que ceux qui veulent que ce soit dévoilé?
Mme Fortin (Caroline): Sincèrement, je ne croirais pas. Il peut y avoir, oui, quelques intervenants, là, mais je ne croirais pas, là, qu'il y en ait autant, en tout cas, là. Je dirais peut-être un pour quatre ou... je ne sais pas, là. On n'a pas vraiment de pression contre nous. Il y a quelques cas, oui, mais ça, c'est normal, là...
Mme Champagne: C'est plus isolé qu'autrement.
Mme Fortin (Caroline): ...puis c'est pour ça qu'on parle du refus de contact, bon, du droit de veto, tout ça. Mais, non, je ne sais pas. Réjane, si tu as autre chose à ajouter, là?
Mme Genest (Réjane): Dans les années 1980, il y avait une association des parents adoptifs, là, qui est différente de l'Association des parents adoptants, eux autres, je sais qu'ils avaient présenté un mémoire, ils étaient contre, mais à ce moment-là les enfants, c'étaient peut-être plus des enfants... il y avait des enfants qui étaient mineurs, des enfants... Il y avait toutes sortes de raisons, là, en tous les cas. Mais, aujourd'hui, nous autres, là, les dossiers, là, pour les dossiers concernés, c'est des adoptions 1920 à 1980. Alors, ce sont toutes des personnes adultes maintenant, là, les personnes confiées à l'adoption, qui sont concernées par nos demandes. Alors, bon, les parents adoptifs ne sont plus concernés là-dedans.
Et, tout à l'heure, on parlait aussi, là, de confidentialité. C'est la même chose quand on parle de confidentialité des parents adoptifs. J'en ai signé, un contrat d'adoption pratique, et il n'y avait pas de confidentialité de promise là-dedans. Alors, il y en a moins, je pense bien, comme Caroline disait.
Mme Champagne: Une toute petite question puis une petite dernière de ma part, si vous permettez: Qui détient toutes ces informations-là? On sait que c'étaient souvent des religieuses, à cause de ces personnes qui, de façon très correcte, là, tenaient les registres dans les hôpitaux, parce que c'est elles et eux qui s'occupaient de ça. Est-ce qu'au niveau civil c'est bien consigné puis est-ce que c'est relativement facile, à travers le Québec, si on donnait le O.K. demain matin, d'avoir accès à ces informations-là, ou s'il y a beaucoup d'informations perdues, d'après vous?
Mme Fortin (Caroline): Les informations sont dans les centres jeunesse, services postadoption. Et, naturellement, à l'État civil, on est étampés gros comme ça «confidentiel, adopté», sur nos informations. Il y a des dossiers qui ont été perdus parce qu'il y a à l'époque des... un prêtre, entre autres, qu'on sait très bien: il a brûlé tous ses dossiers d'adoption. Il y a encore des cas, là, qui vont être introuvables. Mais la majorité des dossiers d'adoption sont dans les centres jeunesse. Donc, oui, ce serait assez facile, là, de rapatrier tout ça puis...
Mme Champagne: Il faut juste dédouaner tout ça, à un moment donné, dans une autre forme... dans une autre commission parlementaire, j'ai cru comprendre.
Mme Fortin (Caroline): Et j'espère qu'elle sera à très court terme.
Mme Champagne: Le message est rendu. Merci, mesdames.
Le Président (M. Copeman): Mme Genest, Mme Fortin, merci pour votre participation à cette commission parlementaire au nom du Mouvement Retrouvailles, Adopté(e)s, non-adopté(e)s, parents. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin, le 26 janvier, ici, dans cette même salle.
(Fin de la séance à 17 h 58)