(Neuf heures trente-six minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que, ce matin, nous débutons un nouveau mandat, c'est-à-dire nous procédons à la consultation générale et la tenue des auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) va être remplacée par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues ainsi que tous ceux qui sont présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite et je prierais en conséquence tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension.
L'ordre du jour pour ce matin est le suivant: nous allons débuter dans quelques instants avec des remarques préliminaires: 20 minutes pour les députés ministériels; 20 minutes pour l'opposition officielle; cinq minutes pour la députée indépendante.
Ce sera suivi avec la présentation et l'échange avec l'Ordre des pharmaciens du Québec, et par la suite c'est l'Ordre des optométristes du Québec. Une suspension autour de 12 h 15, 12 h 20, peut-être 12 h 30, et il est prévu que nous siégions cet après-midi avec trois groupes, et je ferai lecture de l'ordre du jour à ce moment-là.
Remarques préliminaires
Alors, sans plus tarder, je donne la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour vos remarques préliminaires.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour à tous et à toutes, collègues de l'Assemblée nationale, de même qu'aux personnes dans la salle. Vous savez que la consultation d'aujourd'hui était attendue depuis quelques temps déjà, et on se souvient du symposium de mai 2004 sur l'utilisation optimale du médicament, qui avait, je crois, démarré un processus de réflexion qui nous amène à cette première journée de consultation. Le consensus qui a émergé de l'exercice ? Il faut agir comme d'autres ailleurs l'ont fait ? est aujourd'hui une réalité. Donc, nous voulons passer à l'action.
Quelle est d'abord la réalité du système actuel? On sait que l'approche pharmacologique fait de plus en plus partie intégrante des soins, d'où l'importance de l'accessibilité des médicaments. Depuis 1997, tous les citoyens du Québec sont couverts par une assurance médicaments. Le gouvernement, par l'intermédiaire de la partie publique du régime général d'assurance médicaments, est responsable d'offrir la couverture des médicaments pour les personnes âgées, les prestataires de l'assistance-emploi et pour près de 1,8 million de Québécois qui n'ont pas accès à un régime collectif privé d'assurance médicaments.
De 1997-1998 à 2003-2004, le coût total des médicaments achetés par les assurés du régime public a connu une croissance annuelle moyenne de près de 15 %, passant ainsi de 1 164 000 000 $ à 2 635 000 000 $. Cette hausse a été de 11 %, au terme de l'exercice 2003-2004.
Le gouvernement a modifié les paramètres relatifs à la participation financière des assurés du régime public et a également instauré un processus annuel d'indexation des paramètres. En 2003-2004, plus de 10 % des ressources financières du budget alloué à la santé ont été consacrés aux médicaments, tant à l'intérieur du régime public d'assurance médicaments que pour ceux administrés ? les médicaments ? dans les établissements du réseau sociosanitaire. La croissance annuelle moyenne du coût des médicaments dans les établissements s'est établie à 11,4 % de 1999-2000 à 2002-2003. Il est à noter que, malgré l'application dans les établissements de santé de mesures de contrôle de l'utilisation des médicaments par les médecins et pharmaciens, le taux de croissance a rejoint celui du régime public en 2002-2003. Le coût de médicaments en établissement atteignait alors 384 millions de dollars.
Le poste budgétaire des médicaments est celui qui présente la plus forte croissance de coûts annuels depuis déjà quelques années, et cette tendance risque de se maintenir pour les années à venir avec le vieillissement de la population, l'arrivée de nouveaux médicaments sur le marché et l'augmentation observée du nombre d'ordonnances et du coût moyen par ordonnance. La tendance, il faut le dire, est semblable pour les régimes privés. Selon l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, la hausse moyenne du coût remboursé par les assureurs privés a été, de 2000 à 2003, de 13,3 %. Là aussi, on remarque un ralentissement, puisque cette dernière n'a été que de 9,8 % entre 2002 et 2003.
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(9 h 40)
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Le Québec est riche d'une industrie pharmaceutique innovatrice. Cette industrie est un moteur économique important qui permet à notre société de créer la prospérité pour ensuite la redistribuer dans les programmes sociaux et de protection dont nous nous sommes dotés. En retour, Québec, le gouvernement, tous les gouvernements successifs ont appuyé et appuient directement cette industrie. Le Québec profite de retombées économiques directes et indirectes de la présence de cette industrie. Depuis quelques années, de très nombreux médicaments ont été commercialisés. Toutefois, il faut le dire franchement, très peu d'entre eux ont été de véritables innovations sur le plan thérapeutique.
L'utilisation optimale des médicaments est aussi un enjeu incontournable, et ici nous parlons autant de la surutilisation que de la sous-utilisation. Une étude du Groupe interdisciplinaire en santé, de septembre 2004, sur l'incidence d'événements indésirables dans les hôpitaux québécois indique que 19,5 % des événements indésirables résultent de l'utilisation des médicaments et des solutions intraveineuses. Un pourcentage élevé des hospitalisations serait dû à une utilisation non optimale des médicaments, encore une fois soit une surutilisation, soit une sous-utilisation. Confrontés à cette réalité, nous devions et nous devons agir.
Le projet de politique qui est déposé pour consultation se divise en quatre chapitres: l'accessibilité aux médicaments; l'établissement d'un prix juste et raisonnable pour ceux-ci ? les médicaments; l'utilisation optimale des médicaments; et le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec.
La consultation qui s'amorce va permettre aux intervenants invités de nous faire connaître leurs positions, et je crois donc utile de vous faire un survol de chacun des quatre axes.
D'abord, l'accessibilité aux médicaments. Il y a un consensus dans notre société sur la nécessité de rendre les médicaments accessibles aux citoyens, et on fait de l'accessibilité donc la pierre angulaire du projet de politique, accessibilité dans un sens large qui inclut tant la dimension financière, qui est directement liée à la capacité de payer du citoyen et de l'État, que ce qui a trait à la variété des médicaments rendus disponibles. Actuellement, nous avons accès à une large gamme de médicaments dans le régime général et dans les établissements. Et soyez assurés qu'il n'est pas prévu de restreindre l'étendue de cette gamme, mais les choix doivent être faits, et nous devons nous assurer de faire les bons.
Dans le projet de politique, le chapitre sur l'accessibilité aux médicaments se divise en trois parties. D'abord, l'accessibilité dans le cadre du régime général. Le projet de politique du médicament propose d'abord l'assouplissement du processus administratif lié à la liste, la valeur thérapeutique comme critère incontournable et le fait d'assurer la transparence des décisions reliées à l'inscription.
Deuxième chapitre: l'accessibilité aux médicaments dans les établissements de santé. Le projet de politique propose de définir les circonstances où un patient traité sur une base ambulatoire pourrait se faire administrer en centre hospitalier un médicament acquis en milieu communautaire, et également de définir ou réaffirmer certaines règles concernant les médicaments de recherche.
Troisièmement, l'accessibilité dans des circonstances particulières. À ce sujet, nous proposons d'assurer le financement public des médicaments utilisés dans le traitement des maladies métaboliques héréditaires uniquement pour ceux dont la valeur thérapeutique est démontrée, d'assurer l'accessibilité financière aux médicaments en tenant compte de la capacité de payer des citoyens, et de rendre gratuit l'accès aux médicaments pour les personnes âgées qui bénéficient de la prestation maximum du supplément de revenu garanti.
Deuxième axe de la politique, l'établissement d'un prix juste et raisonnable pour les médicaments. Dans ce domaine, l'objectif de la politique est de mettre de l'avant des moyens adéquats pour assurer un juste prix au régime général d'assurance médicaments, compte tenu des conditions imposées par le marché. Actuellement, notre régime fait face à des défis de taille, principalement pour ce qui est du prix des médicaments et de la croissance des coûts. Dès l'automne 2003, nous avons été confrontés à un nombre considérable de demandes de hausse de prix, ce qui allait totalement à l'encontre de la Politique québécoise de non-augmentation du prix des médicaments, en vigueur depuis 1994, et ces difficultés, nous ne sommes pas les seuls à y être confrontés.
En effet, en observant ce qui se passe dans le reste du Canada et du côté des pays européens, on s'aperçoit rapidement que la majorité des régimes publics d'assurance médicaments connaissent une croissance similaire, ce qui a poussé plusieurs d'entre eux à explorer des avenues nouvelles.
Au Québec, un comité tripartite formé de représentants du ministère, de la Régie de l'assurance maladie du Québec et du Conseil du médicament a été chargé d'étudier ces problématiques, et les recommandations de ce comité sont intégrées au projet de politique du médicament.
Au Canada, les fabricants font appel à différentes stratégies commerciales, qui vont de la publicité auprès du grand public à la promotion auprès des professionnels de la santé, en passant par le financement de l'éducation médicale continue et la distribution d'échantillons. Ces pratiques sont très répandues, et il est impossible de nier que plusieurs d'entre elles ont un impact tant sur le prix que sur le coût des médicaments.
Dans le projet de politique, pour remédier à ces problèmes, nous proposons de mettre fin à la Politique de non-augmentation du prix des médicaments et d'instaurer un mécanisme pour encadrer l'augmentation des prix; de permettre la conclusion d'ententes prévoyant la mise en place de mesures compensatoires; de réglementer le prix des médicaments génériques; et de resserrer les règles qui régissent les grossistes.
Troisième axe de la politique: l'utilisation optimale des médicaments. Qu'est-ce qu'on veut dire par l'«utilisation optimale»? C'est l'usage qui maximise les bienfaits et minimise les risques pour la santé de la population, en tenant compte des diverses options possibles, des coûts et des ressources disponibles, des valeurs des patients et de la société. L'objectif est d'assurer aux personnes une thérapie de qualité qui soit réellement adaptée à leurs besoins et n'est pas en soi une mesure de réduction des coûts, mais elle vise cependant à maximiser l'ensemble des ressources investies, de façon à assurer la pérennité de notre régime de protection d'assurance médicaments.
Le coût est certes un élément à considérer, il faut le dire, mais pas le premier et surtout pas le seul. Plusieurs moyens peuvent être utilisés pour améliorer l'utilisation optimale du médicament, le plus important est d'adopter ensemble une stratégie qui sache rallier les professionnels de la santé, les patients et l'industrie, parce que tous sont concernés par l'utilisation optimale, et chacun, chacune a un rôle à jouer à cet égard. Le gouvernement peut créer les conditions qui favorisent cette utilisation optimale, mais ce sont les professionnels et les patients qui contribueront à l'atteinte de l'objectif.
Dans notre projet de politique, nous proposons de confirmer le mandat du Conseil du médicament au regard de l'utilisation optimale afin de favoriser une action concertée; de revoir le mandat et de statuer sur la composition de la table de concertation et de clarifier son rôle et ses responsabilités; de favoriser l'utilisation optimale en mettant en place des moyens tels que la transmission de l'intention thérapeutique, l'envoi de profils de prescription et la révision de la médication à domicile; de mettre en place un service d'info-médicament en seconde ligne; d'améliorer la circulation de l'information clinique entre les professionnels; de faciliter la mise en place d'outils informatisés pour les cliniciens; de mettre en place des mesures de sensibilisation auprès des citoyens; de mettre en place un fonds particulier pour la formation des professionnels de la santé; d'établir des règles claires entourant les pratiques commerciales des industries pharmaceutiques; et d'obliger les pharmaciens à facturer selon le prix réel d'acquisition.
Le dernier axe, c'est celui du maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec. Par ses activités de recherche et de développement, l'industrie pharmaceutique produit un impact sur l'économie générale du Québec autant que sur la santé de la population. Et pour le Québec il est important que la politique reconnaisse aussi cet apport bénéfique et réaffirme la nécessité de créer la prospérité chez nous pour ensuite la redistribuer au moyen des programmes sociaux dont nous nous sommes dotés au cours des années.
Les fabricants de médicaments sont les partenaires incontournables, que leurs produits soient d'origine ou qu'ils soient génériques. Aussi essentiel soit-il cependant, le maintien d'une industrie dynamique ne doit toutefois pas se faire au détriment de l'utilisation optimale des médicaments et de l'accessibilité, parce que les fabricants ont aussi des responsabilités envers les autres partenaires gouvernementaux, les professionnels et les citoyens. Par exemple, leurs activités de marketing devraient se faire en accord avec les principes d'utilisation optimale et non pas en contradiction avec ceux-ci. Après entente, le fabricant pourrait alors être appelé à verser une compensation à l'État dans les situations où ses activités de promotion auraient entraîné des dépenses incontrôlées. C'est ce que nous avons nommé, dans le projet de politique, les ententes de partage de risques.
Dans le projet de politique, nous proposons de maintenir la règle de 15 ans; de conclure des ententes générales et spécifiques avec l'industrie; de conclure des ententes de partage de risques; et de mettre en place un forum permanent d'échange avec l'industrie.
Voilà en gros ce qui résume le contenu du projet de politique, et bien sûr la seule volonté gouvernementale ne saurait être suffisante pour garantir le succès de la politique une fois qu'elle sera mise en oeuvre. Tous les intervenants des milieux concernés doivent s'investir activement pour remplir le rôle qui leur est propre. Il importe que ce rôle soit joué en collaboration et en complémentarité, cela favorisera un partage des objectifs communs, notamment sur l'utilisation optimale des médicaments. La collaboration entre les professionnels de la santé passe par une nouvelle organisation du travail qui privilégie l'interdisciplinarité. Je crois que cette collaboration est le principal gage de succès de la mise en application de cette politique du médicament depuis longtemps attendue.
Nous aurons plusieurs jours pour entendre des groupes issus de différentes sphères du monde du médicament et de la société. J'ai hâte d'entendre leurs positions mais aussi leurs suggestions de bonification de ce projet de politique. Nous comptons donc sur eux, tous ensemble, pour travailler à cette bonification puis par la suite faciliter sa mise en oeuvre, garantir le succès de la politique et, en fin de compte, l'amélioration continue de l'état de santé de notre population. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. le ministre. Chers collègues, évidemment nous avons quelques difficultés, avec le nombre de personnes qui veulent assister à nos travaux. Il y a quelques aménagements qui doivent être faits.
Je vais suspendre les travaux de la commission cinq minutes. On va procéder au réaménagement de la salle, puis nous allons reprendre à ce moment-là. Alors, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 9 h 55.
(Suspension de la séance à 9 h 50)
(Reprise à 9 h 56)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est la fin de la récréation. Messieurs dames en arrière, je ne sais pas si, vous, vous m'entendez, mais, moi, je vous entends très bien.
Alors, c'est la fin de la récréation. La commission poursuit ses travaux, et je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle pour les remarques préliminaires, d'une durée maximale de 20 minutes pour l'opposition officielle.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission parlementaire, mesdames et messieurs, c'est une consultation générale qui a suscité beaucoup d'intérêt. Je constate que le secrétariat de la commission a reçu à date 82 mémoires, qui seront présentés et entendus devant cette commission. C'est donc, M. le Président, un travail, lors de ces audiences, qui certainement exigera plusieurs semaines, et par la suite il est entendu qu'une partie de la... une partie de la suite des choses devra se traduire en une législation. Alors, c'est donc dire que, ce matin, c'est le début d'un long processus durant les prochaines semaines et les prochains mois.
D'abord, M. le Président, rappeler à quel point le régime d'assurance médicaments est un acquis social québécois à conserver, en signalant qu'avant la création du régime public d'assurance médicaments, avant 1997, c'est 1,5 million de Québécoises et de Québécois qui ne bénéficiaient d'aucune assurance médicaments, et ces personnes pouvaient être confrontées à de très graves difficultés financières si la maladie les contraignait à consommer des médicaments coûteux.
J'ai, moi-même, comme députée d'Hochelaga-Maisonneuve, reçu des parents éplorés devant la gravité d'une maladie pour un enfant, gravité d'une maladie dont la médication était très coûteuse, et qui jonglaient avec l'idée de quitter leur emploi ? qui ne bénéficiait pas d'une couverture d'assurance ? pour finalement avoir recours à l'aide sociale, où cette couverture d'assurance médicaments était possible. Ou faut-il encore rappeler les personnes qui, après un diagnostic d'infection au VIH, éprouvaient de grandes difficultés à se procurer les médicaments, et plusieurs d'ailleurs devaient quitter leur emploi pour obtenir, comme bénéficiaires, cette couverture de médicaments. Alors donc, M. le Président, il faut voir ce régime d'assurance médicaments comme un acquis social extrêmement important.
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(10 heures)
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D'autre part, évidemment, l'industrie pharmaceutique a bien mauvaise presse; mais, cependant, les médicaments constituent un élément central des soins prodigués aux Québécoises et aux Québécois. Alors, il en arrive d'ailleurs de cela comme de la politique, c'est-à-dire qu'en général la population aime son député mais a mauvaise opinion de l'ensemble de la députation. Ça vaut pour l'industrie pharmaceutique, mal aimée, mais les Québécoises et les Québécois apprécient les traitements qui leur permettent d'éviter et même souvent de réduire les recours aux soins hospitaliers. Je crois que c'est là un aspect extrêmement important.
La médication, une médication adéquate, même coûteuse, permet d'éviter des rechutes, permet d'éviter des hospitalisations à répétition, qui sont très onéreuses. Et en fait ça peut constituer une très nette économie pour les fonds publics. Ça, c'est un élément sur lequel malheureusement nous n'avons pas encore suffisamment d'information. Je remercie le ministre de ce document qu'il a fait distribuer aux membres de la commission, mais je souhaiterais qu'on puisse, de manière beaucoup plus approfondie, mieux connaître les économies que les médications nous permettent d'enregistrer au chapitre des traitements et des hospitalisations.
Alors, quand on regarde de près les raisons de la hausse du coût des médicaments dans le régime public, notamment les informations qui nous ont été transmises lors du symposium de juin dernier, on se rend compte, par exemple, là, entre 2002 et 2003, pour prendre ce cas de figure, la hausse ayant été de 10... un peu plus de 10 %, qu'il y a 6 % de cette... La hausse de 10 % se décline ainsi: 6 % dû au nombre moyen d'ordonnances par participant, 2,8 % dû au nombre moyen de participants et 1,2 % qui est dû à la hausse du coût de l'ordonnance.
En d'autres termes, pour simplifier les choses, il y a plus de médicaments qui sont prescrits à plus de personnes, et cependant il y a une stabilité dans le coût du médicament. En fait, c'est les informations qui nous ont été communiquées à ce moment-là, et on aura certainement l'occasion d'y revenir tout au cours de la présente commission parlementaire.
Évidemment, M. le Président, je voudrais modestement contribuer à ce qu'il n'y ait pas d'amnésie gouvernementale à l'égard des promesses libérales. Il y a une tentation d'amnésie ? je ne sais pas s'il y a de la médication contre l'amnésie, mais il y a forte tentation ? et je rappelle cet engagement du premier ministre dans une lettre datée du 7 avril 2003, sept jours avant l'élection d'il y a deux ans, donc par laquelle le chef du Parti libéral du Québec d'alors, chef de l'opposition officielle maintenant premier ministre, s'engageait, et je le cite: «Nos engagements prévoient l'adoption de certaines mesures urgentes, écrivait-il, dont la gratuité des médicaments pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu et les personnes assistées sociales.» Alors, on comprend, M. le Président, qu'une obligation de résultat qui était signée par le premier ministre est devenue une obligation de moyen ici, dans la politique du ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors: Si on peut, quand on pourra... Je crois, M. le Président, qu'il y a eu un engagement très public, très clair, très ferme. Et, si on ne veut pas augmenter le cynisme de la population, quand on prend des engagements, à ce moment-là il faut accepter de les réaliser. Et je ne pourrais pas accepter comme argument celui qu'on retrouve dans le journal Le Soleil de ce matin, qui a été donné par l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux sur le fait que, et je cite: «"Les médicaments augmentent plus que le coût de la vie" ? alors ? prévient le ministre de la Santé», pour justifier le fait que cet engagement que le premier ministre considérait comme urgent n'ait pas encore été réalisé.
M. le Président, je crois sincèrement et je présume que le ministre savait que les médicaments augmentent plus que le coût de la vie. Je suis sûre qu'il sait beaucoup de choses et qu'il savait cela également au moment où il a... où il a associé sa crédibilité personnelle à son parti politique pour prendre cet engagement.
D'autre part, M. le Président, je dois vous faire part d'une certaine inquiétude qui m'est venue à la lecture du message contenu par le ministre dans la Politique du médicament. Cette inquiétude me vient du fait d'un glissement dans l'affirmation des objectifs de la Politique du médicament. Ça se lit comme suit. Dans le message qu'il publie dans sa politique, le ministre nous rappelle que «le régime général d'assurance médicaments a été mis en place en 1997 afin d'assurer à l'ensemble de la population québécoise un accès économique raisonnable à la thérapie médicamenteuse requise par son état de santé».
M. le Président, alors que l'objectif de la loi, à l'article 2 de la Loi sur l'assurance-médicaments, dit ceci: «Le régime général a pour objet d'assurer à l'ensemble de la population du Québec un accès raisonnable et équitable», le mot «équitable» est disparu de la Politique du médicament et a été remplacé par le mot «économique». Et il y a... à l'évidence, on... de toute évidence, il y a une dénaturation de l'objectif de la Loi sur l'assurance-médicaments, il y a un détournement du sens de cette loi. La loi parle toujours... à moins qu'elle ne soit modifiée un jour, mais la loi parle toujours d'un accès «équitable et raisonnable», alors que la Politique du médicament du ministre prétend que l'objectif de cette loi est un accès «économique raisonnable». Je crois que... certainement, je demande au ministre de s'expliquer sur ses intentions. Est-ce que c'est là finalement un détournement pour introduire une nouvelle façon de voir les responsabilités qui lui incombent à l'égard de la Loi sur l'assurance-médicaments?
D'autre part, je signale également qu'encore tout récemment, dans un document intitulé Briller parmi les meilleurs, document publié par l'actuel gouvernement il y a à peine un an ? c'était en mars 2004 ? et qui propose une vision et des priorités d'action du gouvernement du Québec, on peut retrouver, au chapitre des médicaments, cette affirmation à l'effet qu'il s'agit donc d'une politique du médicament qui comportera trois axes. On y lit donc, à la page 86: «Pour assurer la pérennité du régime, le gouvernement présentera une politique du médicament. Cette politique comportera trois axes principaux», et on les énumère.
Il faut comprendre qu'il y a un an on parlait de trois axes; quelques mois plus tard, dans la politique que le ministre a déposée, il y a maintenant quatre axes. Alors, qu'est-ce qui justifie, en quelques mois seulement, ce changement d'orientation?
Je sais qu'il a été applaudi par l'industrie, mais qui peuvent le regretter un jour, puisque ce quatrième axe ? aux trois autres, étant évidemment l'accessibilité, le prix et l'utilisation optimale ? ce quatrième axe, sur le développement d'une industrie pharmaceutique, devrait toujours relever du ministre du Développement économique. Et le fait que dorénavant ce quatrième axe ait été relocalisé au ministère et sous la responsabilité du ministre de la Santé et des Services sociaux indique un déséquilibre sur lequel j'aurai certainement l'occasion de revenir, M. le Président.
Je sais que le temps court, alors je voudrais parler également d'un autre aspect important qui est celui du Conseil du médicament. Le ministre a élevé au rang d'infaillibilité le Conseil du médicament. Alors, en fait, c'est comme la pratique d'une nouvelle religion qui consiste à plaider l'évidence scientifique. Mais je vous donne un exemple. Par exemple, le médicament Zometa, c'est un médicament qui est utilisé dans le traitement du cancer de la prostate et qui n'est pas sur la liste des médicaments remboursables. Alors, c'est l'évidence scientifique qui est alléguée, mais, au même moment, ce médicament est remboursé en Ontario et en Colombie-Britannique. Alors, la question se pose: Est-ce qu'il y a une évidence scientifique dans le Canada anglais puis une autre évidence scientifique au Québec?
n(10 h 10)n C'est bien sûr, M. le Président, que de nombreux intervenants dont la Fédération des médecins spécialistes du Québec ont, et je les cite, hein, ont, dans leur mémoire, déclaré que «la perception générale du Conseil du médicament est celle d'un groupe agissant dans un but de contrôle du budget». Ça, le ministre va aussi avoir à s'expliquer sur cette infaillibilité du Conseil du médicament, qu'il brandit très souvent notamment pour expliquer un fait d'évidence présentement, c'est qu'il y a une réduction de l'accessibilité. Plus cela va, plus nous nous retrouvons dans un système à deux vitesses: accessibilité des nouveaux médicaments dans le système privé et non-accessibilité des médicaments nouveaux dans le système public, avec un transfert des médicaments qui étaient auparavant sur la liste générale vers la liste d'exception et des médicaments qui finalement, de la liste d'exception, finissent nulle part, dans les limbes, en fait.
Alors, j'ai de nombreux exemples, on aura l'occasion d'y revenir. Mais il y a... d'abord, il y a moins de listes. La liste, auparavant, était publiée à tous les trois mois; ensuite à tous les quatre mois. Mais là il y a moins de listes, il y a moins de nouveaux médicaments, il y a moins de possibilités, pour des patients qui ont développé des résistances à des médicaments, comme dans le cas du VIH par exemple, à pouvoir bénéficier des nouveaux médicaments, et puis il y a finalement moins d'économies notamment liées à des médicaments génériques qui auraient pu être introduits sur les listes.
Alors, tout cela évidemment nous fait comprendre qu'il y a une sorte de période d'incohérence actuellement, M. le Président, et c'est sans doute la raison pour laquelle beaucoup d'inquiétudes ont été soulevées sur cette question, parce que ce n'est pas clairement exprimé. Par exemple, le dégel. On entendra des dizaines d'intervenants qui protesteront contre le dégel du coût des médicaments, puis, au même moment, cependant, d'autres viendront nous expliquer que ce qui est proposé, c'est que ce soit à coût nul. Alors, c'est comme si la politique contenait une chose et son contraire, ce qui certainement sera au coeur, là, du débat qui se fera ici même, en commission.
Alors, mon Dieu! M. le Président, je ne voudrais pas terminer sans parler des maladies orphelines. Je reçois presque tous les jours des courriels de parents qui s'inquiètent notamment de ce qu'on retrouve dans la Politique du médicament à l'effet... à la proposition 10 à l'effet que «le financement public des médicaments utilisés dans le traitement des maladies métaboliques héréditaires [ne le sera qu'] uniquement pour [ces médicaments] dont la valeur thérapeutique est démontrée lors de l'évaluation par le Conseil du médicament».
Mais, évidemment, ces maladies évoluent souvent lentement. Le nombre de patients qui en souffrent parce que... On les appelle les maladies orphelines finalement parce qu'elles... un certain nombre restreint de personnes en sont atteintes, et souvent la cohorte est trop faible pour s'assurer de la validité d'une étude, mais ça prive, à ce moment-là, les patients d'une pharmacothérapie qui peut être efficace. Je pense à la maladie de Fabry, à la maladie de Gaucher notamment, sous le Parti québécois, sous le gouvernement précédent, qui avaient été administrées par une décision ministérielle. Je pense que toute cette question de maladies orphelines va être aussi au coeur des débats de notre commission parlementaire.
Également, ce qui heurte énormément d'intervenants qui viendront devant nous est le transfert vers la responsabilité du patient, le transfert des médicaments dans le... lors de l'ambulatoire. En d'autres termes, il s'agit de la proposition 7 qui, d'une façon pudique mais sans révéler exactement les orientations ministérielles, indique que dorénavant le ministre pourra «définir les circonstances où un citoyen, traité sur une base ambulatoire, pourrait se faire administrer en [centre hospitalier] un médicament acquis en milieu communautaire».
Que de façon élégante cette chose est dite! Mais ce que ça signifie, c'est que dorénavant le citoyen va devoir apporter son médicament pour se faire soigner à l'hôpital. À cet effet, plusieurs mémoires... mais plusieurs mémoires rappellent les conséquences inquiétantes des gens qui sont à mobilité réduite et qui vont avoir des difficultés à se présenter pour des traitements ambulatoires, alors qu'ils auront finalement... Souvent, maintenant, dans les centres hospitaliers, malgré tout, ils poursuivaient la prescription de médicaments pour les patients en centre ambulatoire.
Alors, je conclus, M. le Président, en vous disant que cette commission soulève énormément d'inquiétudes aussi de la part de ceux et celles à qui ont a promis la gratuité des médicaments. Ils sont nombreux. On comprend que la politique ne les confirme qu'à 5 % d'entre eux et elles, mais 95 % sont toujours en attente de cet engagement qu'avait pris à leur égard le Parti libéral du Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée de Lotbinière, pour une intervention d'une durée maximale de cinq minutes.
Mme Sylvie Roy
Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'ADQ, de participer à cette commission. Je salue M. le ministre et Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, critique officielle, et chacun des intervenants qui vont venir défiler devant nous.
Vous savez, tous les enjeux du médicament, quand on regarde ça de l'extérieur, ce qu'on a l'impression, c'est que c'est un cheval sur lequel on a laissé la rêne sur le dos et il s'est emballé. Lorsque, de l'intérieur, on regarde un peu qu'est-ce qui est l'univers du médicament, on se rend compte qu'il y a beaucoup d'intervenants, beaucoup de questions, et ça se situe dans un monde encore plus grand qui est celui de la santé.
Il me semble par contre qu'un enjeu important ici, c'est celui de la transparence, la transparence... à chacun des critères de la Politique du médicament. L'accessibilité: comment le Conseil du médicament prend ses décisions, quel est le mécanisme prévu pour aller en appel, à quelle vitesse les décisions sont prises? Je crois que l'enjeu de transparence va forcer ou en tout cas redonner confiance et permettre aussi au public d'avoir plus de confiance en l'intégrité du processus.
Le prix, l'établissement du prix juste. Les pharmaciens et pharmaciennes ont eu mauvaise presse, ils ont tout à gagner à ce que le processus soit le plus transparent possible afin de rétablir la confiance du public. Comme dit si bien ma collègue, notre pharmacien, on l'aime, par contre les pharmaciens en général ont eu mauvaise presse dernièrement, et je pense que le meilleur chemin pour se rendre à votre reconnaissance, c'est la transparence des pratiques commerciales. Autant au niveau du médicament novateur qu'au niveau du médicament générique, la transparence sera le meilleur chemin pour arriver ensemble, en tant que société, à de meilleurs résultats.
L'utilisation optimale du médicament. Il est encore question de transparence lorsqu'on parle de la transmission de l'intention thérapeutique, afin que l'on sache pourquoi on est traité et comment on serait mieux traité. Si chacun des intervenants se donne la main ? et je pense que la présente commission peut devenir un peu le mécanisme, le moteur de cette coopération ? chacun des Québécois et Québécoises qui prennent des médicaments seront mieux traités.
Tout le maintien de l'industrie pharmaceutique est aussi au coeur de ces décisions. Il importe de se dire les vraies choses ici, M. le Président. Il importe que chacun des intervenants qui vit sa réalité le dise et, au fur et à mesure que la consultation ait lieu et que les intentions ou les propositions qui sont dans la Politique du médicament se modifient, qu'on le sache et qu'on puisse discuter des vraies choses.
Bien entendu, j'ai entendu... plusieurs intervenants m'ont rencontrée, puis tous ont peur de commencer parce qu'ils ont peur que le projet évolue et qu'ils n'aient pas leur mot à dire. Je pense que le gage, le meilleur gage de cette consultation pour qu'elle soit réussie, c'est qu'on prenne le temps d'écouter tout le monde, qu'une vraie et sereine discussion s'amorce, et je vous donne toute la collaboration de l'aile parlementaire de l'ADQ afin que nous fassions de cette consultation un succès.
Auditions
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, sans plus tarder, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. M. le président Julien, bonjour. Je vous rappelle nos règles de fonctionnement. Vous êtes, je sais, déjà au courant: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, et ce sera suivi par un échange, également d'une période maximale de 20 minutes, avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite d'enchaîner avec votre présentation.
Ordre des pharmaciens
du Québec (OPQ)
M. Julien (Jean-Yves): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, l'Ordre des pharmaciens est évidemment heureux de présenter ce mémoire, et c'est avec enthousiasme... et là je comprends que c'est peut-être avec un peu de témérité même, en étant les premiers, mais ça nous fait plaisir d'être ici.
n(10 h 20)n Je suis accompagné ce matin de M. Clément Tremblay, qui est à ma gauche, qui est un membre externe, désigné par l'office, de notre bureau de l'Ordre des pharmaciens; M. Reynald Tremblay, pharmacien en milieu hospitalier qui est vice-président de la corporation;; et M. Jean Provost, trésorier, qui est un pharmacien communautaire, qui est membre de l'Ordre des pharmaciens du bureau; et Jean-Yves Julien, je suis le président.
Alors, d'entrée de jeu, un élément qui a fait surface déjà dans les commentaires, ce qui va transcender dans ma présentation, c'est de signaler qu'on parle de médicaments et de services pharmaceutiques. Pour nous autres, c'est clair que les problèmes pour solutionner la bonne utilisation, ça tourne autour des services, et je vais revenir sur ça.
Alors, nous attendions cette politique depuis longtemps. Déjà en 1996, à la même commission, l'ordre avait insisté sur l'importance d'adopter une politique de médicament et services pharmaceutiques, et nous avons eu l'occasion d'y revenir à plusieurs reprises, car en effet il nous semble clair que les bénéfices attendus de l'usage des médicaments doivent être maximisés par une approche cohérente et globale incluant ces services. Dans cette optique, l'Ordre des pharmaciens du Québec salue le projet qui est présenté par le ministre, M. Couillard, parce que ce projet-là met sur la table la majorité des préoccupations qui sont essentielles dans ce dossier-là, et c'est dans ce sens-là qu'on va présenter nos commentaires. Par souci de concision évidemment, vous avez reçu un mémoire élaboré, alors on va revenir pour chacun en mentionnant le numéro de la recommandation, donc à ce moment-là ça vous permettra, après un petit mot d'entrée, de suivre plus facilement.
La profession de pharmacien s'est construite autour d'un paradigme qui est la bonne utilisation des médicaments: bon médicament à la bonne personne, bon dosage, bon moment et de la bonne façon, et le ministre, dans sa proposition, ajoute «de bon prix». On est d'accord avec ça. Je pense qu'il faut tenir compte des aspects économiques autour de l'utilisation des médicaments et services.
Dans un souci de protection du public et du maintien de la qualité des actes professionnels, l'Ordre des pharmaciens entend insister sur l'importance du rôle du pharmacien à l'égard de l'utilisation optimale des médicaments. On n'enlève rien à personne en disant que le pharmacien possède une expertise unique qui lui vient de sa formation scientifique et clinique autant que de sa gestion quotidienne des problèmes reliés à la pharmacothérapie. Cette expertise constitue à notre avis la pierre d'assise sur laquelle la nécessaire préoccupation de l'utilisation optimale des médicaments doit se construire et se développer. Le législateur l'a reconnu, puisqu'il a confié récemment, avec la loi n° 90, la responsabilité aux pharmaciens de surveiller la thérapie médicamenteuse. Donc, tout le reste doit se faire en cohérence avec cet aspect-là.
D'emblée, nous approuvons les quatre axes de la politique, qui s'appuient sur le projet. Les trois premiers: accessibilité, juste prix, utilisation optimale abordent les dimensions qui sont essentielles et qui sont reliées aux services. Le quatrième axe, à savoir le maintien de l'industrie dynamique, qui est introduit, ça dépasse le seul volet de la santé, et c'est une préoccupation gouvernementale avec laquelle on est d'accord. C'est davantage un choix de société et non seulement un choix de santé. Alors... Mais, attention, ceci ne veut pas dire pour autant que tout ce qui est bon pour l'industrie est bon pour notre société, il faut être attentif à cet aspect-là.
Donc, si on passe au premier axe de la... et j'irais à la proposition 1, sur le maintien de l'accessibilité balisé par une liste de médicaments comportant des indications précises. Il faut reconnaître que la liste a toujours visé à la fois un but éducatif et économique depuis le début. Et il y a un historique au Québec, c'est 30 ans, oublions-le pas. Elle constitue un support au choix thérapeutique du médecin et du pharmacien en statuant et en informant sur la valeur thérapeutique et sur les coûts des médicaments; elle maximise ainsi l'efficience du choix. Et je pense que le conseil, il est extrêmement important à maintenir, protéger et renforcer.
En ce qui concerne la proposition 6, sur le maintien de la liste de médicaments-établissements, là je pense qu'on dénote des problématiques, et on l'a déjà soulevé, on pense qu'on devrait avoir une seule liste qui est intégrée pour l'ensemble du régime et des établissements, avec les modalités dans chacun des secteurs d'utilisation, mais la liste étant la même.
À la proposition 7, qui définit les circonstances où un citoyen traité sur une base ambulatoire pourrait se faire administrer, à l'hôpital ou dans les nouveaux réseaux... il faut penser, parce qu'on utilise souvent le mot «hôpital», mais c'est les nouveaux réseaux, un médicament acheté en communautaire, ceci entraîne la modification des directives actuelles ? c'est urgent de le faire ? pour faciliter la circulation de l'usager au sein des réseaux locaux et des corridors de services, et on va favoriser, avec ça, la continuité des services, parce qu'il y a des dispositions aussi qui parlent de la transmission d'information. Son application par contre pourra s'appuyer avantageusement sur les nouvelles commissions pharmaceutiques qui seront créées par l'intermédiaire de la loi n° 83.
La proposition 9... 8 et 9 du projet de politique du médicament nous interpellent plus particulièrement en ce qu'elles touchent le rôle-conseil des pharmaciens en établissement. Ainsi, nous sommes en faveur de la proposition 8, qui vise l'assistance aux établissements dans l'évaluation des médicaments. Dans ce sens, on rappelle que, déjà, dans les milieux universitaires, les pharmaciens, en collaboration avec tous les autres professionnels, ont institué des programmes qu'on appelle Programme de gestion thérapeutique des médicaments, et je pense que c'est des structures qui permettent une efficience et une efficacité sur les choix.
De même, la proposition 9 et ses sous-propositions, sous la responsabilité des conseils d'administration des établissements et des fabricants à l'égard de la recherche des médicaments, illustrent clairement l'importance de considérer l'implication de tous les partenaires dans la recherche de solution, et, quant à nous, le pharmacien fait partie de cette solution-là.
Nous appuyons l'idée de préciser l'imputabilité des conseils d'administration. C'est un élément extrêmement important qui est mentionné, et on l'appuie dès l'approbation d'un projet de recherche, par exemple. On doit prévoir les montants d'argent qui vont être nécessaires jusqu'à temps que le médicament soit couvert par le régime d'assurance médicaments. Autrement, on va toujours se retrouver dans des conflits politiques.
Toujours en ce qui concerne les médicaments de recherche, nous souhaitons ici rappeler l'importance d'en confier la distribution au département de pharmacie des établissements, comme pour tout autre médicament, et, dans ces cas-là encore plus, on a eu des cas patents qui ont fait l'objet de publicité et de recours juridiques. Il faut que ce soit inscrit au dossier, il y va de la responsabilité et de l'imputabilité de tout le monde.
L'établissement d'un juste prix raisonnable ainsi... sans égard à l'efficacité des moyens, suggéré par la proposition 12 du document: il nous apparaît évident qu'un mécanisme d'indexation ne peut être acceptable que s'il est assorti de contrôles adéquats. Ceci pourrait présenter même des avantages, dont celui de stimuler une discussion sur les coûts de production et les frais de mise en marché, ce qu'on n'a pas dans le moment, dans le fond. Parce que dire «on n'augmente pas», on se prive d'une discussion objective. Alors, c'est un élément important.
Par ailleurs, le ministre veut atténuer les impacts possibles de l'application de cette proposition en permettant, en vertu de la proposition 13, la conclusion d'ententes compensatoires. Nous soulignons que, sur le plan professionnel, la conclusion de telles ententes affecterait grandement la capacité des médecins et des pharmaciens à faire des choix thérapeutiques éclairés, parce qu'on ne connaîtrait pas exactement comment ils seront répartis. Alors, il faut analyser cet aspect-là pour s'assurer que, s'il y a des compensations qui sont soumises ailleurs, qu'on puisse en tenir compte au moment où on fait nos choix, parce qu'autrement on priverait sur le terrain les professionnels d'une capacité de choisir en tenant compte des coûts.
Nous pensons que la proposition devrait aussi se lire ainsi: Permettre la conclusion d'ententes prévoyant la mise en place de mesures compensatoires afin de minimiser, voire d'annuler l'impact sur le régime général de la hausse des prix, pas seulement sur le régime public. Comme organisme, comme Ordre des pharmaciens, on s'intéresse à l'ensemble de la population. Comme décideurs aussi, on doit considérer l'ensemble et non pas seulement les économies sur le régime public, parce qu'on en demande beaucoup aux citoyens dans le cadre des régimes privés.
En ce qui a trait à la proposition 14 visant à réglementer les prix des médicaments génériques, nous l'appuyons. On ne se prononce pas sur les moyens, ils ne sont pas détaillés, mais on sera disponibles pour les commenter au moment où ça se discutera.
La proposition 16, dont les objectifs sont à la fois de resserrer les règles qui régissent les grossistes et d'assurer une équité entre eux: pour nous, les grossistes jouent un rôle essentiel dans le processus de distribution des médicaments notamment en assurant aux pharmaciens de tous les milieux de pratique un accès rapide à une vaste gamme de médicaments souvent coûteux et de ce fait permettant aux fabricants de réduire leurs frais de distribution.
Nous estimons normal que les grossistes disposent d'une marge bénéficiaire suffisante non seulement pour subsister, mais également pour développer leurs services. Nous croyons que cette marge doit être déterminée en tenant compte des services offerts et non pas uniformisée, laissant aux entreprises le soin de se distinguer par la suite sur leur efficacité. Toutefois, nous ne nous prononçons pas sur le niveau précis de cette rémunération pour le service.
Nous sommes d'avis que la notion de «grossiste» doit être correctement définie et mieux encadrée. Les grossistes sont des organismes qui offrent des services aux pharmaciens et aux établissements. Il n'est pas de leur mandat d'offrir directement des services aux patients, et on a cette tendance à l'ingérence. On vous met en garde de bien regarder cet aspect-là; on va revenir, ça fait partie d'une problématique qui nous préoccupe.
n(10 h 30)n Utilisation optimale des médicaments. Précisons que nous adhérons entièrement au long préambule de cette section du document. Nous croyons que, mal employé, tout médicament, même peu coûteux, est toujours trop cher. Par contre, bien utilisé, un médicament coûteux peut s'avérer un choix autant pour l'individu que pour la société. On n'a seulement qu'à penser à la réduction du nombre de lits rendue possible par l'utilisation de médicaments en ambulatoire. L'utilisation optimale du médicament, selon la définition adoptée par le Conseil du médicament, doit donc être une de préoccupation constante des professionnels de la santé, en particulier du pharmacien, à qui le législateur confie un mandat spécifique à cet égard.
À la proposition 18, on parle de la table de concertation et son mandat. Nous sommes favorables à cette proposition. Mais, si la table de concertation constitue un forum incontournable... elle ne le sera que dans la mesure où les organismes présents endosseront un objectif clair, soit de contribuer à l'utilisation optimale, et partageront une même vision des moyens à mettre en place.
Par contre, les modalités de financement de cette table de concertation et des actions qu'elle pourra entreprendre méritent réflexion. Le document fait référence à un financement tirant son origine des ententes conclues avec le ministère de la Santé et l'industrie. Si cette formule fait référence à un partage à parts égales des coûts, elle peut être acceptable; si, au contraire, le financement n'est assuré que par l'industrie, la formule comporte des risques significatifs, notamment sur le plan de la crédibilité auprès du public.
En ce qui concerne la proposition 19, sur la transmission de l'intention thérapeutique, le profil de prescription et la médication à domicile, nous vous proposons quelques nuances qui pourraient bonifier les moyens suggérés. Mais en particulier nous insistons sur l'importance d'encadrer la transmission de l'intention thérapeutique, mais c'est la seule façon d'avoir un avis éclairé sur l'utilisation optimale. L'accès à l'intention thérapeutique nous paraît donc à cet égard un moyen très simple de favoriser rapidement une meilleure utilisation des médicaments. Cet accès lui permettra de disposer d'une information essentielle notamment à l'exercice de l'activité qui est réservée au pharmacien par le législateur, à savoir la surveillance de la thérapie. Nous croyons que ceci tombe sous le sens. C'est pourquoi, si les projets pilotes sont jugés nécessaires, ils doivent l'être non pas pour évaluer la pertinence, mais plutôt pour trouver les moyens de faciliter la transmission au pharmacien de cette intention thérapeutique. Ça nous paraît bien important de nuancer cet aspect.
Nous arrivons maintenant à la proposition 21 portant sur les améliorations de la circulation de l'information entre les professionnels de la santé, notamment les médicaments et l'intention. Alors, on supporte les aspects qui sont dans le document à cet effet-là, et c'est en cohérence avec le commentaire précédent.
La proposition 26 du document de consultation porte sur une question qui a soulevé beaucoup d'intérêt au cours des dernières années, soit les règles entourant les pratiques commerciales pour l'ensemble de l'industrie pharmaceutique. Notre ordre est d'accord avec une proposition visant l'établissement de règles claires à l'égard des pratiques commerciales des fabricants de produits pharmaceutiques. Il importe aussi de noter que le dispositif administratif, l'engagement du fabricant, sous le contrôle du Conseil du médicament, doit aussi être mis à jour, et ça, c'est une priorité qui ne peut pas attendre, compte tenu des autres éléments qui sont en discussion. Nous pensons en particulier au mode de fixation du prix dans la liste et à l'engagement du fabricant et du grossiste.
Cela dit, nous observons que les règles en place actuellement n'ont pas empêché un glissement des stratégies commerciales nuisant ainsi à l'application, et ce, notamment à cause de leur caractère trop absolu. L'absence de consultation de notre ordre au moment stratégique, de même que sur des aspects essentiels liés à la réglementation professionnelle, n'a pas aidé non plus à contrôler ces débordements.
L'énoncé de la proposition 26 souligne que les règles d'encadrement des pratiques commerciales doivent être non seulement claires, mais également être aussi simples, et possibles, et contrôlables, en distinguant ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas. Plus fondamentalement, nous sommes d'avis qu'elles devraient également avoir pour effet de ne pas placer le professionnel en conflit d'intérêts ou affecter son indépendance. Le citoyen doit être assuré que les professionnels qui procurent des soins reliés à la pharmacothérapie le font en toute autonomie, en mettant au premier rang son intérêt et non le leur. Permettre à l'État de rendre accessibles au citoyen des soins et services au meilleur coût possible, ceci impliquant une rémunération adéquate pour les professionnels offrant des soins et services, tout en prenant en compte les coûts administratifs et financiers, ça s'applique pour le milieu communautaire, ça s'applique pour les pharmaciens propriétaires, mais n'oubliez pas qu'il y a près de 7 000 pharmaciens au Québec, on doit s'occuper de l'ensemble. Il y a 2 000... plus, près de 3 000 pharmaciens et salariés dans les milieux communautaires et il y a plus de 1 000 pharmaciens dans les centres hospitaliers, et, si on ne s'occupe pas de toutes ces choses-là, c'est ce qui fait qu'on a des problèmes de pénurie dans le milieu hospitalier, à cause des écarts.
Donc, négociation, ici ? important ? pas seulement en regardant des aspects qui touchent le réseau privé, mais aussi le réseau public, parce que c'est des liens, c'est des vases communicants. Assurer la transparence de l'ensemble du processus. Certaines pratiques commerciales peuvent être acceptables et elles doivent être connues de tous, c'est le sens de la proposition qui est faite dans le document.
La transparence doit s'accompagner de cohérence. Le document de consultation souligne avec raison, et nous citons, «que plusieurs législations, réglementations et directives, [encadrant] certaines pratiques commerciales...», parmi lesquelles la loi de pharmacie et le code de déontologie sont cités. Notre ordre a entrepris il y a quelques mois une vaste réflexion à ce sujet. Il est prévu que la révision de notre code, dont l'échéancier a été fixé par notre bureau au mois de juin prochain, identifie les pratiques dérogatoires à l'intégrité professionnelle et à la dignité de la profession ou, si cette option est retenue, celles qui sont acceptables à ce niveau. Notre engagement est ferme, mais nous nous devons d'être clairs: une décision ministérielle sur le dispositif administratif est essentielle pour assurer la cohérence dans ce domaine-là.
Soulignons, en passant sur ce sujet, qu'une collaboration est aussi importante entre le ministre responsable de l'application des lois professionnelles et le ministre de la Santé. De la même façon qu'on est en train d'ouvrir un chantier sur le plan économique, si on veut faire de l'utilisation optimale et régler les problèmes dans lesquels on est, il faut qu'il y ait un chantier sur le plan aussi de la réglementation qui touche cet élément-là.
Par ailleurs, le document de consultation propose d'inclure dans l'engagement du fabricant l'interdiction de la distribution des échantillons de médicaments. Cette proposition est pertinente, on l'a dit à maintes reprises; je pense qu'il est temps de passer à l'action. De toute façon, c'est assumé... les frais d'échantillonnage sont assumés par les utilisateurs à la fin. La distribution d'échantillons, c'est une stratégie de mise en marché coûteuse pour l'industrie et pour le système de santé, puisqu'elle vise généralement à stimuler l'utilisation de nouveaux médicaments; elle est même parfois dangereuse si on n'a pas toute l'information sur cette utilisation-là.
Pour la proposition 27, sur l'encadrement des pratiques commerciales des fabricants génériques, les commentaires que nous avons émis précédemment s'appliquent également à cette proposition, à ceci près: pour un même médicament, les diverses formulations génériques sont similaires. Dans ce contexte, il faut donc trouver des aménagements qui permettent à l'industrie de se distinguer dans la promotion, si on veut qu'elle continue à exister et avoir une certaine compétition dans le marché.
Le Président (M. Copeman): M. Julien, je veux juste vous signaler qu'il reste deux minutes.
M. Julien (Jean-Yves): Oui. En terminant, le point le plus important que je veux amener, l'aspect de promotion de l'utilisation des médicaments. Quand je mets «service» et que je passe d'une proposition gouvernementale, un acquis social à préserver, à une autre proposition gouvernementale qui dit: Pour de meilleurs services à la population, une politique du médicament, je fais le lien «service» et je vous ramène que, dans le domaine des services, on dépense 1,5 milliard par année. Les stades olympiques, qui sont populaires de ce temps-là, c'est un stade olympique...
C'est, avec l'augmentation dans les prochaines années, ce qu'on va dépenser de plus dans les médicaments et les services, en ajoutant un 8 %, ce qui paraît raisonnable, on va dépenser un autre 2 milliards de plus pour nos... on va demander à nos citoyens de dépenser 2 milliards de plus en médicaments et en services.
La clé pour l'utilisation optimale, c'est dans le domaine du service. Il faut le regarder de façon précise. Il n'est pas question de comprimer, de rationner, ou autres, mais je pense que, si on ne peut pas parler de faire plus avec moins, on doit ensemble dire qu'on va faire mieux avec ce qu'on a, et c'est le défi collectif, d'après moi, auquel on est conviés et sur lequel tous les autres intervenants vont avoir à commenter. Merci, et je suis disponible pour les questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président Julien. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Julien, M. Provost et MM. Tremblay, si je peux m'exprimer ainsi. Merci d'abord pour votre assez large soutien aux propositions qui sont incluses dans la politique qui est devant la commission.
n(10 h 40)n Vous avez fait allusion, avec justesse, au fait que ça a été une politique depuis longtemps attendue, et on parlait un peu plus tôt d'amnésie. Effectivement, l'amnésie semble avoir également gagné les rangs du Parti québécois lorsqu'il était au gouvernement, puisqu'à partir de 1997 on devait avoir une politique du médicament, et nous n'en avons trouvé nulle trace, même pas de l'élaboration des principes généraux d'une politique du médicament. Et il était temps que ça se fasse. Maintenant, je comprends ça, M. le Président, que ça a été difficile à faire. Ça prend de la détermination, du courage politique, de la capacité de discuter franchement avec les groupes d'intérêts, qui, dans le milieu du médicament, sont assez fortement présents, comme vous le savez.
Et je remarque d'ailleurs certaines remarques, dans le discours d'introduction de la députée, qui sont inquiétantes, je crois, pour l'avenir de notre régime d'assurance médicaments. Elle semble entonner avec assez d'enthousiasme certaines positions des divers groupes d'intérêts, que ce soient les groupes industriels ou professionnels, qui visent essentiellement à diminuer l'influence du Conseil du médicament. Et ça, ça a été fait autant aujourd'hui, en commission, que lors de questions à l'Assemblée nationale. On voudrait revenir, il me semble, de l'autre côté de la Chambre, à cette époque où on décidait un peu, dans un bureau de député ou dans un bureau de ministre, quels médicaments on mettait sur la liste puis quels médicaments on ne met pas sur la liste. Et je la mets en garde et je mets en garde la population qui nous écoute: L'affaiblissement, même léger, du Conseil du médicament et de son rôle dans l'inscription des médicaments portera un coup fatal au régime général d'assurance médicaments. Et, si on me reproche d'utiliser la rigueur scientifique et l'évidence clairement établie pour prendre des décisions, je plaide avec enthousiasme coupable, M. le Président, parce qu'il n'y a pas d'autre façon de gérer le régime d'assurance médicaments.
Maintenant, vous avez fait plusieurs remarques très intéressantes quant aux propositions qui sont sur la table actuellement. Je commencerais par probablement l'élément qu'il est urgent de démontrer et de clarifier, la question de l'intention thérapeutique, parce que c'est probablement un élément où les opinions des médecins et des pharmaciens vont à certains égards différer. J'aimerais ça que vous nous expliquiez qu'est-ce que vous entendez, vous, par l'«intention thérapeutique», et que pensez-vous de la crainte qu'ont les médecins que ça permettrait, par exemple, à un pharmacien de remettre en question le diagnostic ou de changer le traitement que le médecin a prescrit. Comment est-ce qu'on fait l'équilibre? Comment est-ce qu'on définit d'abord l'intention thérapeutique, et ensuite comment est-ce qu'on fait l'équilibre?
M. Julien (Jean-Yves): Je pense qu'il y a deux éléments, et je vais vous donner mon opinion personnelle et le suivi, mais je pense aussi qu'il y a une décantation à faire entre les revendications syndicales des groupes et les revendications professionnelles. Ça, c'est bien important.
Deuxièmement, l'intention thérapeutique, pour moi, quand un patient vient me voir avec une prescription, qu'est-ce que je fais en premier? Je lui demande: Pourquoi vous prenez ça? C'est ça, l'intention thérapeutique. Pourquoi, aujourd'hui, on lui a prescrit de l'aspirine? Pourquoi, aujourd'hui, on lui a prescrit un médicament ou tel autre médicament pour le coeur? Spécifiquement, qu'est-ce qu'il attend? On a besoin d'un minimum d'informations, le sens. Quand on est en milieu d'établissement, habituellement ces partages d'informations là se font facilement. Mais l'intention, c'est la rationnelle, et dans le fond c'est positif. Pourquoi on devrait l'avoir? Même pour le médecin. Le médecin, au lieu de se faire déranger pour dire: Pourquoi il a prescrit telle chose, on va être sûr qu'on comprend le même élément. Il y a rupture de service, de communication, quand je demande l'information au patient, il me l'explique dans ses mots, ensuite je communique avec le médecin et j'ai un autre terme. Il y aurait un avantage.
Ça permettrait aussi aux professionnels, tous les prescripteurs, pas seulement les médecins ? il y a d'autres prescripteurs ? et c'est important, quand on pense aux podiatres, aux optométristes, de nous donner une intention thérapeutique, si on veut surveiller la thérapie. À ce moment-là, ça permet d'aller chercher et de conseiller le patient en ayant en tête l'objectif du prescripteur. C'est important, l'objectif du prescripteur. Comment ça se fait qu'ils sont gênés de le transmettre? Je ne comprends pas.
M. Couillard: Mais certainement que ça va être... Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on sorte de la commission avec une compréhension commune de ce que c'est, l'intention thérapeutique, de la façon de la transmettre et du maintien de l'indépendance professionnelle requise, là, pour les deux ordres professionnels. Mais je pense que c'est... un de mes objectifs principaux, c'est qu'on ait une meilleure compréhension de ce concept-là.
Autre élément, parmi les nombreux éléments intéressants que vous touchez, M. Julien et vos collègues, c'est la question des programmes de recherche pour les médicaments coûteux. Et je dois dire que j'aimerais entendre votre avis là-dessus pour éclairer la commission et le public. Il s'agit d'une pratique par laquelle on introduit dans un hôpital, dans un centre hospitalier, un médicament extrêmement coûteux par l'intermédiaire d'un projet de recherche clinique, et, pendant la durée du projet de recherche, en général le manufacturier propose de défrayer le coût du médicament, et, lorsque la recherche se termine, le Conseil du médicament prend une décision basée sur la valeur probante de cette recherche qui parfois peut en arriver à la conclusion qu'il n'y a pas de valeur ajoutée qui justifie l'inscription à la liste, et là le centre hospitalier et le régime d'assurance médicaments sont pris avec le bébé, si vous me passez l'expression. Donc, il me semble extrêmement important, et notamment pour la question des maladies orphelines, à laquelle, avec justesse, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve faisait allusion, notamment dans ces cas-là, qu'on ait un encadrement extrêmement strict de l'autorisation de ces programmes de recherche et une compréhension très nette de tous les intervenants, incluant les patients qui participent aux programmes, les administrations hospitalières, les manufacturiers, que l'autorisation d'un tel programme de recherche ne garantit et ne promet en rien l'inscription éventuelle à la liste d'assurance médicaments.
Quels seraient les mécanismes que vous nous suggéreriez d'adopter pour cette question?
M. Julien (Jean-Yves): Quand on parle d'une liste unique, là, on parle de... le principe d'organisation, parce qu'actuellement il y a deux listes sous l'empire de deux lois différentes. Dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à l'article 116, on prévoit un certain nombre de conditions, qui ont rarement été appliquées, où on prévoit que, dans certaines situations, le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, s'il veut utiliser... donc, l'établissement doit aviser le Conseil du médicament pour certains produits dans ces situations-là. Si on le faisait tout de suite, au départ, déjà on éliminerait une grosse partie de l'incertitude qui arrive.
Au fur et à mesure qu'on avance dans un projet de recherche, c'est qu'on s'approche, selon les données scientifiques, de l'autorisation par Santé Canada, il devient encore plus important de prévoir ces dimensions-là pour éviter qu'on l'apprenne trois jours après, que le ministère reçoive une lettre puis dire: Bien, là, c'est fini, le programme de recherche. Et ça, je pense, la responsabilisation des conseils d'administration est importante dans cet élément-là, et c'est prévu dans la disposition de la politique.
M. Couillard: Donc ? si je résume vos suggestions: que le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et le conseil d'administration soient informés dès le début du programme de recherche et que le Conseil du médicament soit informé également du début de ce programme-là dès son début et non pas qu'on se retrouve en fin de course avec le problème. Et en fait la maladie de Fabry, dont parlait la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est le meilleur exemple de ça. C'est exactement ce qui s'est produit, et il faut dire qu'actuellement c'est un problème éthique et moral considérable, là, parce qu'il n'y a aucune province canadienne actuellement qui défraie le médicament, c'est tout fait via le programme de recherche, où actuellement le manufacturier qui défraie le produit, dans une situation où effectivement, compte tenu du faible nombre de patients, c'est très difficile d'avoir des données probantes de niveau suffisant.
Avez-vous réfléchi à cette question des maladies orphelines et des circonstances où le nombre de patients est très petit, sur la façon d'autoriser ou de financer ces médicaments?
M. Julien (Jean-Yves): Dans les éléments, il y a deux... il y a l'aspect de l'utilisation de la qualité de l'information pharmacologique, mais «réfléchi» dans le sens que, dans les propositions qui ont été faites antérieurement, on a supporté la modification du conseil de pharmacologie pour intégrer aussi une notion des aspects éthiques dans les choix, parce que les choix ? et je vous ai entendu récemment parler de ça, M. le ministre, et puis je suis d'accord ? dans les choix, c'est beau d'avoir l'air magnanime puis de dire: On va tout payer à tout le monde. Il faut voir, de l'autre côté aussi, que, si on paie des choses pour lesquelles on n'a aucune garantie que c'est efficace, on n'a pas l'air plus intelligent. Alors, excusez le terme, mais je pense qu'il est très important que les choix éthiques soient discutés. C'est ce qu'on a mis au niveau du conseil, on supporte ça. Il n'y a pas de réponse facile pour des petits groupes. Il restera des places pour des choix... des cas particuliers... on doit, dans le cadre d'un régime aussi important, être capable de gérer quelques cas particuliers. Et probablement qu'il en restera dans ce domaine-là, mais, si on a fait la bonne démarche, on va le savoir, quand on est dans un cas particulier ou quand on est dans une décision purement politique.
M. Couillard: Oui, c'est une excellente remarque, M. Julien. D'ailleurs, j'en profite pour mentionner, comme vous venez de le faire un peu indirectement, que, contrairement à certaines perceptions, le conseil d'administration du Conseil du médicament n'est pas ce que je pourrais appeler un repaire de technocrates, là. Il y a des gens de tous les horizons qui y siègent, incluant des éthiciens, incluant des gens du milieu, des représentants des usagers. Alors, il ne faut pas non plus donner l'impression qu'il s'agit d'un endroit qui est désinformé et déconnecté de la réalité quotidienne. Mais les considérations éthiques sont excessivement importantes dans un cas comme celui-là.
Je ne suis pas sûr que vous l'avez abordé dans votre présentation verbale, M. Julien, la question de la proposition qui permette ou qui demande aux pharmaciens de facturer selon le prix réel d'acquisition. Vous nous mettez en garde contre l'application de cette proposition-là. Pourriez-vous... Parce que, pour le public qui nous écoute, ça semble logique, hein, qu'on facture le prix réel d'acquisition.
M. Julien (Jean-Yves): On met en garde parce que ce qui s'est fait antérieurement, ça s'est fait de façon unilatérale, sans véritable négociation formelle, donc sans transparence avec l'Association des pharmaciens propriétaires. Les mécaniques de remboursement, ça fait partie indirectement de la rémunération, bien que la loi dit que le niveau de remboursement est non négociable. La mécanique, encore une fois, si on veut que ça marche, il faut que ce soit discuté. Quand ça a été fait, ça a été imposé unilatéralement et en pensant qu'on va avoir la solution miracle avec ça. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Attention!
n(10 h 50)n Il y a déjà eu des recours judiciaires, dans cette situation-là, qui ont fait que ça a donné l'impression qu'on a pris quelques pharmaciens puis on a fait une poursuite sur tout le monde, comme si, moi, je dépassais la vitesse sur la route 20, et puis on arrête un autre qui me suit, derrière moi. Alors là il y a des difficultés d'application dans ce sens-là. Mise en garde: il faut le négocier. S'il y a des impacts sur l'aspect éthique, consultez l'Ordre des pharmaciens. À date, ça fait des années, des années que l'ordre a toujours demandé, quand il y a des considérations éthiques et de déontologie, si on est pour s'appuyer sur un code de déontologie pour faire appliquer une convention collective. Et, au moins, consultons l'Ordre des pharmaciens avant de la mettre en place.
M. Couillard: Merci, M. le Président. La question de la liste unique, je voudrais que vous clarifiiez ça. Ma compréhension, c'est que vous demandez une liste unique, médicaments... pardon, établissements, régime général, pas une liste unique locale par établissement, là. Pourriez-vous...
M. Julien (Jean-Yves): Non, c'est les principes, les principes. Prenons l'exemple des médicaments d'exception. Pourquoi, les médicaments d'exception, on aurait des critères différents d'une place à l'autre ou des groupes différents qui les appliquent? On se retrouve dans des situations ambiguës à ce moment-là. Un patient ou la famille qui fait affaire avec un CHSLD ou avec un centre hospitalier, il obtient un médicament, tout à coup le patient est déplacé. Prenons un exemple, pour le médicament d'Alzheimer, là, ce n'est plus les mêmes règles qui s'appliquent. Alors ça, c'est cette cohérence-là. C'est certain que les modalités d'application, la conservation, gestion d'inventaire, ce sera différent. Donc ça, c'est un élément important. Sur des applications aussi. Si on met des conditions de médicaments d'exception ? je pense qu'on a imposé au régime privé des conditions pour la couverture ? bien on pourrait avoir sérieusement des modalités qui sont uniformes sur les médicaments d'exception, pas les voir seulement comme un aspect d'embarras administratif pour en ralentir la prescription. Donc, il y a un aspect là.
Et il y a l'autre élément: indirectement, la liste de médicaments, ça a un impact sur la gamme de services qui est offerte. Donc, je pense au refus, l'information qu'on est obligé de donner sur différentes choses. C'est le système qui doit être, dans son ensemble... couvrir aussi bien le privé, le public et les établissements de santé sur la base des principes.
M. Couillard: Le mécanisme ? vous venez d'y faire allusion ? le mécanisme de la liste d'exception, c'est un mécanisme fondamental dans toute liste de médicaments qui vise à s'assurer justement de bonifier ou d'amplifier les recommandations d'utilisation optimale où, par exemple, un médicament réservé à une deuxième et troisième ligne ne soit pas utilisé de façon massive en première ligne, ce qui est une utilisation non optimale. On veut assouplir cette disposition cependant, rendre la procédure moins lourde pour les médecins notamment. Quelles seraient vos recommandations pour la meilleure façon de gérer cette disposition ? encore une fois j'y reviens ? essentielle qui est la liste d'exception? Et comment pensez-vous qu'on pourrait améliorer son fonctionnement?
M. Julien (Jean-Yves): Je pense que, quand, la liste d'exception, c'est basé sur une décision économique, puis il y a des cas où ça doit être basé sur une décision économique, quand on a des médicaments qui coûtent 25 000 $, 30 000 $, 100 000 $ par année pour un patient, donc il ne faut pas avoir peur de le dire et l'appliquer. Puis je pense que les professionnels vont bien vivre avec ça. Quand s'ajoutent des critères pharmacologiques, par exemple, là c'est important de revoir. Et actuellement on a l'impression que, dans certains cas, on veut appliquer des guides ou des règles d'utilisation par l'intermédiaire d'un mécanisme économique. Je vous donne un exemple. Si on appliquait la même rigueur, probablement qu'on mettrait les hypnotiques sur la liste d'exception, si on voulait viser des aspects pharmacologiques, puis on ne pense pas que ce serait nécessaire. Donc, il faut avoir des guides, des règles. C'est ce qui est proposé avec l'intermédiaire des tables de concertation. La loi prévoit que, sur ces mécanismes-là, l'Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins doivent être consultés sur tous ces aspects-là. Je pense que c'est à ce niveau-là qu'on peut structurer un élément et s'entendre sur des règles, c'est, là, l'intérêt du partenariat et des mécaniques proposés. Quand c'est vraiment économique, qu'on distingue, qu'on n'ait pas peur de le dire à la population que, pour des raisons économiques, ce médicament-là, on le met sur une liste d'exception.
M. Couillard: Merci. La question des grossistes, vous avez fait une allusion, que je trouve intéressante, que je vous demanderais de préciser. Vous avez dit: Il faut faire attention que les grossistes... il faudrait clarifier leur mission, c'est-à-dire, vous dites: Ce sont des gens qui sont là pour distribuer des médicaments aux détaillants finalement, c'est ça, la définition d'un «grossiste». Mais vous dites qu'il ne faudrait pas qu'il s'y ajoute un versant de services directs aux patients... ou aux citoyens. Pourriez-vous expliquer?
M. Julien (Jean-Yves): Oui. Oui. C'est une préoccupation. D'abord ça, c'est un élément, s'il y avait une modification au conseil de pharmacologie... au Conseil du médicament, peut-être à revoir, c'est se dire: Est-ce que c'est le meilleur organisme pour s'assurer de toute cette mécanique-là, qui est très administrative, des grossistes? Ça, là, ça mérite d'être regardé. On a mis, il y a quelques années, au moment de l'implantation, je pense, là, du régime, on a mis un montant maximal de rémunération du grossiste pour des produits qui sont dispendieux, 20 $ maximum, au-dessus de 400 $. Je vais vous donner une référence exacte. Il y a un médicament, le Flolan, qui peut coûter plusieurs dizaines de milliers de dollars par année, dans la liste, pour un patient. Ce n'est pas un médicament cher, parce que chaque fiole coûte 30 $. Donc, il y a des ajustements à faire.
L'autre élément, qui est plus préoccupant, c'est qu'en mettant les médicaments chers de façon particulière, qu'est-ce que les compagnies pharmaceutiques ont tendance à faire, il devient non intéressant pour les pharmaciens d'assumer les frais de ces distributions-là. C'est pour ça qu'on parlait de négociation de services. Donc, qu'est-ce qui se passe? Les compagnies pharmaceutiques ont tendance à vouloir se créer des réseaux spécialisés et des pharmacies dédiées, ce qui va à l'encontre... et ce qui risque des problèmes de dirigisme, et d'intervenir directement auprès des patients. Et il y a des sites... Si on regarde ce qui se passe dans le reste du Canada, puis que certains ont tendance à vouloir implanter au Québec, bien c'est ça... que ça nous mène, c'est cette préoccupation-là.
Donc, quand on regarde le service du grossiste... N'oubliez pas que c'est plus de 200 millions de dollars en services pour les grossistes. On a l'expérience au Québec pour être capable de négocier des services, ça s'est fait dans le milieu hospitalier, on est capable de le faire dans le milieu privé. Et ce qu'on a comme grossistes reconnus par le Conseil du médicament, bien c'est des grossistes qui sont disparates. Certains sont dédiés juste à une clientèle captive, par l'intermédiaire des chaînes à bannière, d'autres sont ouverts et peuvent servir l'ensemble. Donc, ces distinctions-là, à ma connaissance, n'ont jamais été faites. On ne l'a jamais abordé sous l'angle d'un service, on l'a toujours abordé sous l'angle... La preuve, c'est que, dans l'engagement du fabricant, du grossiste, on parle du prix du médicament qu'ils vont vendre, alors que c'est beaucoup d'autres choses pour le grossiste.
M. Couillard: Dernière question, M. le Président. Je pense que le temps file vite. On a une proposition qui à notre avis vise à rendre plus transparente et indépendante la question du financement des activités d'éducation médicale continue par l'industrie, qui est la constitution d'un fonds particulier pour ces activités à distance, donc qui serait géré de façon autonome pour financer ces activités d'éducation médicale continue. Vous semblez avoir des réserves pour la création de ce fonds. Pourriez-vous nous les expliquer ou nous donner des éléments qui nous permettraient d'améliorer cette proposition?
M. Julien (Jean-Yves): Je pense que les réserves, là, c'est comme toute situation où on a des nouvelles structures, ça risque d'alourdir. Par contre, on est bien conscient que, dans le cadre des autres propositions économiques avec l'industrie, il y a des échanges à faire et il y a des compromis à faire, alors on est ouvert à ces éléments-là. Donc, quand on met en réserve, il faudrait trouver des mécaniques qui seraient assez souples quand même, où on ne se retrouverait pas que les organisations professionnelles, actuellement qui font beaucoup de développement, qui en font en collaboration avec l'industrie aussi et qui en font par leur propre initiative, il faudrait qu'elles aient accès facilement à ces sources financières là pour être capables de continuer leur action et ne pas voir tout simplement transférer des fonds qui s'en iraient au niveau gouvernemental, qui disparaîtraient, là. C'est un peu dans ce sens-là. Ça nous apparaît extrêmement important.
Je vous donne un exemple concret. J'ai vu, à un moment donné, où, suite à la révision par le conseil d'examen des prix, il y avait un montant de pénalité qui a été imposé, ça a été transféré au Québec, et ici on l'a mis dans les fonds généraux, au lieu de le laisser dans le cadre de l'utilisation. C'est cette préoccupation-là qu'on a: que ça serve à l'éducation continue, collaboration avec les professionnels, toujours près du milieu des professionnels qui ont un mot à dire, des fois hésitants. Mais je pense que c'est essentiel, on est obligé de composer avec ça. Il faut que ça se fasse avec eux autres.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Julien, bienvenue, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Oui, merci. Alors, le ministre parlait de courage tantôt. En fait, il faisait un peu d'autocongratulation. Je voudrais lui rappeler le courage de ceux qui ont fait adopter la Loi sur l'assurance-médicaments et lui dire, en toute bonne foi, que je pourrai apprécier le courage qu'il aura quand il aura la capacité de mettre sa politique dans une loi. Mais je comprends qu'il a brandi le bonhomme sept-heures... lorsqu'on fait des critiques sur le fonctionnement du Conseil des médicaments. Ce n'est pas le Sacré Collège, là, ni le comité de gardiens de la doctrine et de la foi, là. Il n'y a pas...
Le Président (M. Copeman): Pourquoi vous me regardez de même, là, Mme la députée!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Copeman): Ce n'est pas excessivement pertinent!
n(11 heures)nMme Harel: Ha, ha, ha! Je sais que vous vous intéressez à tout l'aspect religieux des choses de la société. Enfin! M. le Président, je pense que le ministre aurait vraiment intérêt à prendre connaissance des mémoires, de plusieurs mémoires qui nous sont venus d'associations, de familles ou de patients, de même que de la Fédération des médecins. Parce que vous avez compris le processus. Il s'agit en fait de brandir l'industrie comme bonhomme sept-heures et de dire que, si l'industrie est pour, il faut être contre, si l'industrie est contre, il faut être pour. Ça revenait à peu près à cela. Alors que la Fédération des médecins spécialistes du Québec disent, à propos du Conseil des médicaments, qu'il devrait recourir beaucoup plus souvent aux experts, qu'il devrait mettre en place un processus transparent et qu'il devrait maintenir des audiences publiques. Parce que la perception, je le rappelle, générale du conseil est celle d'un groupe agissant dans un but de contrôle du budget. Peut-être que le ministre n'aime pas se le faire dire, mais ce n'est pas que la méchante industrie qui l'a écrit, il y a aussi des médecins spécialistes de même que des nombreuses associations de patients.
M. Veilleux, votre mémoire est extrêmement intéressant, votre franchise tout autant, alors je vais y faire appel...
Une voix: M. Julien.
Mme Harel: ... ? M. Julien, excusez-moi ? je vais y faire appel.
Il est discuté présentement ? c'était même dans les journaux aujourd'hui ? qu'il y aura des recommandations pour revoir la règle de durée des prescriptions, étant entendu que le nombre d'ordonnances est un facteur majeur, comme vous le savez, n'est-ce pas, dans le coût du médicament. Le conseil, par exemple, pourra établir une liste des médicaments qui pourraient être prescrits pour des périodes de trois à quatre mois sans risque pour le patient. Vous pensez quoi de ça?
M. Julien (Jean-Yves): Écoutez, on pense... Je vous ai dit: On dépense 1,5 milliard en services pharmaceutiques, on doit faire mieux avec ce qu'on a. S'il y a des ajustements qui doivent être faits à ce niveau-là, en ce qui nous concerne il n'y a pas de problème, ça fait partie d'une négociation. Mais je vous souligne que ce n'est pas une solution administrative sur un produit qui va régler le problème. Demain matin, si on décidait de faire la distribution des médicaments, comme ça se fait à l'extérieur pour certains, dire: On va faire 90 jours, on investirait 500 millions de médicaments en inventaire qui circuleraient un peu partout dans le public sans aucune garantie d'économies.
L'autre élément qu'il faut reconnaître dans les négociations, c'est qu'on a des honoraires qui sont fixés à 8 $ ou 9 $, ou quelque chose comme ça. Si c'est basé sur un système de renouvellement, c'est pour payer des services, ça. Quand, moi, je réponds, le soir, à 10 heures, le soir, à un patient, là, je n'ai pas un honoraire particulier. Si on me donne un honoraire 90 jours, on va renégocier d'autre chose. Il faut le faire dans une ouverture d'esprit sur la base de service. On n'achète pas nos carottes pour 90 jours, on n'achète pas nos conserves pour 90 jours. Pourquoi on achèterait les anovulants pour 90 jours, les médicaments pour les hémorroïdes ou les médicaments pour le coeur... Alors ça, il faut qu'objectivement on le regarde, pas sur une base économique à court terme, une organisation de services.
Mme Harel: Cette organisation de services existe chez nos voisins ontariens, et autres, je pense. Alors, c'est une organisation de services qui prévoit une durée beaucoup plus longue, une durée moyenne beaucoup plus longue que celle des ordonnances que l'on prescrit au Québec, que l'on connaît au Québec.
M. Julien (Jean-Yves): C'est ça. Et il n'y a pas d'objection, sur certains éléments, à le faire, sans aucun doute, et je pense que, dans les cas où ça se fait, dans les provinces où ça se fait, il y a aussi des ajustements sur l'aspect des honoraires, même si ce n'est pas notre mandat, là, mais je vous souligne qu'on est là pour avoir un système qui fonctionne réellement. C'est pour ça que je fais la référence à ça. Mais le point le plus important... La question se pose, par exemple, quand on est dans un centre hospitalier, particulièrement longue durée... Et puis souvent, moi, je me souviens, mon directeur venait me voir puis il disait: Bon, on pourrait... oui, ça prendrait moins de techniciens si on distribuait les médicaments pour 90 jours. Mais allez voir, sur les unités de soins, l'espace que ça prenait pour ranger ça, par exemple! Alors, il y a des considérations très, très techniques sur ça.
Mme Harel: Sur la question des choix thérapeutiques éclairés, dans votre mémoire, à la page 21, vous dites... vous avez beaucoup de réserves sur les ententes, là, qui prévoient les mesures compensatoires, s'il y a dégel avec... quasi à coût nul finalement avec ces ententes possibles, là. Vous dites: Cela pourrait vraiment être confondant. En fait: Ça pourrait affecter «la capacité des médecins et des pharmaciens à faire des choix thérapeutiques éclairés». J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Julien (Jean-Yves): Bien, on a dit qu'on supportait l'idée de tenir compte de l'aspect des coûts de médicaments. Mais, si le prix qui est marqué dans la liste correspond à une donnée, mais que le prix réel, le coût réel pour le gouvernement est différent, ou pour l'assureur, compte tenu qu'on donne une compensation et que cette compensation-là ne m'est pas connue, de quelle façon je vais pouvoir discriminer entre deux médicaments si les compensations ne sont pas égales d'un produit à l'autre? C'est cette notion-là, là, qui nous apparaît difficile. L'autre chose, c'est que, si on l'applique juste pour le secteur du régime public, bien là le régime privé, comment on va faire pour faire cette discrimination-là?
Donc, d'une part, on s'attend à ce que les professionnels s'impliquent dans les coûts, il faut que la mécanique leur permette de pouvoir avoir une influence, donc connaître ce coût-là, et c'est dans ce sens-là, sans rejeter l'idée de compensation.
Mme Harel: C'est que finalement, peut-être à mots couverts, mais vous remettez en question ? je crois que c'est à la proposition 12, là, à la page 19 ? le fait qu'il y a dégel. Parce que vous plaidez finalement que, d'une façon assez générale, le coût très élevé au début se maintient ensuite au même niveau et même peut être réduit. Alors, j'aimerais bien me retrouver là-dedans, là, s'il n'y a pas compensation, parce que, tout ça, ces mesures compensatoires qui dans le fond viendraient vraiment perturber, là, le fonctionnement des prescriptions, comment réagissez-vous au fait qu'il y a dégel?
M. Julien (Jean-Yves): Bien, je pense qu'il faut faire deux distinctions, puis là c'est là qu'il est intéressant d'avoir le volet économique. Parce que d'après moi l'aspect du dégel, il est essentiel de l'examiner parce qu'on a une situation internationale. Si on était dans un milieu fermé, sans compétition internationale, un médicament qui arrive sur le marché, historiquement il n'augmente pas de prix ou très peu, parce que le prix, compte tenu de la consommation, de la compétition qui s'installe, il y a une diminution. Au Canada, avec les mesures qui ont été prises et dans chacune des provinces avec un gel des produits, là on se retrouve avec un écart international; je pense que ça doit être considéré. Mais, une fois qu'on a dit ça, si on fait un changement puis si on crée une mécanique, et qu'à l'interne, par rapport à nos décisions, on a besoin que les professionnels s'impliquent dans les coûts, bien il faut qu'on leur donne toute l'information qui sera disponible à ce moment-là et qui influencera sur le coût.
Mme Harel: Je comprends de ce que vous nous dites, dans le fond, c'est qu'il faut dégeler pour le transfrontalier, mais, à l'intérieur, dans votre mémoire, vous dites même: Ou bien la hausse du prix d'un médicament justifie, alors il est difficile de comprendre pourquoi il faudrait l'annuler, ou bien elle ne se justifie pas et elle ne devrait pas être accordée.
M. Julien (Jean-Yves): C'est de même que le public va le percevoir, hein? C'est pour ça qu'on a cité de cette façon, là, parce que, si on essaie de l'expliquer au public, sans avoir la dimension internationale, je pense qu'on se dit: Si elle est justifiée, pourquoi je redemanderais qu'on me rembourse la différence. Si elle n'est pas justifiée, bien on ne la donne pas. Alors, c'est la complexité. C'est pour ça que, dans l'aspect de présentation telle qu'elle est là, il faut la rendre compréhensible pour le public en général, et une des façons, c'est de bien situer ce volet-là avec toute la complexité qu'on doit prendre en considération. C'est un peu comme la règle des 15 ans. La règle des 15 ans, on permet un avantage parce qu'on a des intérêts, au Québec, de le faire. C'est ce que les gouvernements ont fait depuis plusieurs années.
Mme Harel: Alors, M. Julien, dans votre mémoire, à la page 33, vous nous parlez de glissements de stratégies commerciales qui finalement ont nui à l'application de règles claires. Quelles sont ces stratégies commerciales?
M. Julien (Jean-Yves): Bien, je pense que c'est ce qui a fait l'objet de débats publics, où le fait qu'un produit était fixé à un prix trop élevé dans la liste, ça a donné une marge de manoeuvre à certaines industries en particulier qui se sont retournées et qui ont commencé à donner certains avantages qui ont fait l'objet ? cachons-nous pas ça ? qui ont fait l'objet de discussions. Certains aspects étaient acceptés antérieurement, mais, à un moment donné, bien on a eu des débordements, et c'est des sujets qui sont toujours sous enquête, autant par la Régie de l'assurance maladie, l'Ordre des pharmaciens et d'autres organismes publics qui travaillent sur ça.
Mme Harel: Est-ce que, M. Julien, vous concevez que le Code de déontologie de l'Ordre des pharmaciens doit contenir des prescriptions très claires interdisant de recevoir cadeaux, ristournes, bonis ou autres gratifications?
n(11 h 10)nM. Julien (Jean-Yves): Absolument. C'est le sens de l'orientation et c'est ce qu'il y avait dans notre code de déontologie antérieurement. Le Code de déontologie des pharmaciens... quand on dit que c'est important, là, nous, on n'a pas changé les mécanismes de remboursement. On n'a pas signé l'engagement du fabricant. On a un code de déontologie qui est là depuis 1972, ce sont les gouvernements qui, sans jamais consulter l'Ordre des pharmaciens, ont modifié ces dispositions-là, et, à un moment donné, bien on s'est retrouvé dans une difficulté d'application qui a eu des débordements que personne n'a été capable de contrôler, pour toutes sortes de raisons, et tentatives qui ont été faites. Alors, nous, dans les ajustements qu'on est en train de faire, on propose des ajustements qui vont permettre ça, et la disposition 30, dans la politique, dit: On va reconnaître... on va interdire, sauf ce qui est reconnu. Je pense qu'il y a une cohérence et je dois vous dire que, comme je l'ai dit à plusieurs, des fois, les gens, en cours d'année, ils ne nous croyaient pas, mais on a travaillé en concertation, autant en échange avec des intervenants du ministère de la Santé que de l'Office des professions, pour essayer de trouver les solutions et les appliquer le plus rapidement possible dans ce domaine-là. Et puis il y a une cohérence dans cette disposition-là.
Mme Harel: Sur la distribution d'échantillons de médicaments, j'aimerais vous entendre clairement là-dessus.
M. Julien (Jean-Yves): Bien, la distribution d'échantillons, là, à tous les niveaux, c'est que ça devient d'abord des questions de sécurité. Si vous allez dans une salle d'urgence, puis qu'on ne confie pas ça aux pharmaciens, on le voit, il y en a un peu partout, ce n'est pas inscrit au dossier du patient.
On a eu des études sur les pompes, les médicaments pour l'asthme, on n'a pas considéré, dans ces études-là, les échantillons. Donc, on peut mettre en doute la valeur des études qui ont amené à prendre des recommandations.
Quand on s'en va dans des domaines où on a des échantillons qui sont remis, les passés date, est-ce que ça a été transporté dans des autos?, et tout ça. On peut penser à toutes sortes de problématiques. Et la plus importante, la plus importante, c'est que le Conseil canadien d'examen des prix des médicaments, quand il permet la distribution d'échantillons, si j'ai le droit de donner un verre d'eau puis j'en donne un en échantillon, le prix, 1 $, ça, ça vaut 0,50 $, on va me permettre de le vendre 1 $ parce que j'en donne 2. Autrement, c'est que chacun coûterait 0,50 $. Alors, les coûts des échantillons, on les assume. Et là il y a du monde qui nous disent: Ça vient... Ça aide les gens dans ça. Les échantillons, c'est pour aider le monde, c'est pour avoir l'air magnanime. On a un régime qui couvre tout le monde au Québec, il n'y a plus de raison d'avoir d'échantillons, autrement que de faire plaisir. Si je veux donner un cadeau à quelqu'un puis avoir l'air de dire: O.K., je vais te donner un livre quand tu viens me voir, parfait! Mais c'est un autre objectif, ça. Donc, les échantillons, regardons ça pour le contrôle. Et c'est une responsabilité sociale, parce qu'on le paie.
Mme Harel: Mon collègue le député de Vachon voudrait d'ailleurs... voudrait échanger avec vous.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. J'aimerais évoquer avec vous, M. Julien, en page 18 de votre mémoire, vous affirmez: «Nous favorisons toute mesure qui assure aux catégories de citoyens plus démunis un accès qui tienne compte de leur capacité de payer ou, pour mieux dire ? dites-vous, c'est très élégant ? de leur incapacité de payer.» Il y a une hypothèse qui circule, et j'aimerais vous entendre là-dessus, à l'effet que la gratuité induirait une surconsommation de médicaments chez ces groupes visés par la gratuité. J'aimerais vous entendre à partir de vos connaissances de données probantes, si elles existaient, là, d'essais cliniques et sociaux sur le mode expérimental, mais peut-être aussi à partir de vos données empiriques d'expérience de pharmacien, de telle sorte à ce qu'on puisse discuter un petit peu de la validité de cette hypothèse-là, de son bien-fondé.
M. Julien (Jean-Yves): Bien, écoutez, je pense que, d'une manière générale, là, notre comportement quand on va à l'épicerie puis qu'ils nous offrent de goûter un verre de vin, ou à la régie, on a tendance à en prendre un, puis, s'ils nous chargent 5 piastres, il y aura moins de monde qui va en prendre. Ça, il y a un élément anecdotique pour tout le monde qui est du sens commun.
Mais je vais vous donner une référence qui est extrêmement importante. Dans le cadre des remboursements des régimes privés ? parce qu'on a beaucoup à apprendre des régimes privés ? dans le cadre des remboursements des régimes privés, lorsqu'on négocie la prime, si on offre un système qui fait que je paie 100 % du médicament et service et je me fais rembourser, versus un système qui est un paiement direct par un tiers, ça coûte 1 % à 2 % plus cher parce que les gens consomment plus. Alors, c'est peut-être, sur le plan économique, la meilleure démonstration qu'on puisse dire: quand on n'a pas à débourser le montant, on va plus... Puis des fois, bien c'est sûr qu'il y a l'élément qu'on peut perdre nos factures puis qu'on ne le réclame pas, mais la consommation est plus facile. Et je pense que... en termes de valeur. Autrement, on n'a pas vraiment de recherche, mais ça mérite d'en faire. Mais je pense que le consensus est à l'effet que, quand c'est gratuit, on consomme.
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, si vous permettez, ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'on a des indicateurs, on a des indices économiques d'une augmentation de la signification... de la consommation, mais on n'aurait pas de données probantes quant à l'impact de la gratuité, sur un changement qui apparaîtrait comme significatif au niveau clinique, autrement dit, sur les impacts cliniques d'une telle augmentation. Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de dire?
M. Julien (Jean-Yves): Non, bien, là, je n'ai pas répondu sur l'aspect clinique, parce que c'était plus sur l'aspect: est-ce qu'on a... est-ce que ça va augmenter?
M. Bouchard (Vachon): La préoccupation derrière cette hypothèse-là évidemment, c'est à l'effet que l'augmentation de consommation pourrait avoir des effets pervers ou des effets délétères sur les personnes... chez les personnes en question. Ma question, dans le fond, visait cela.
M. Julien (Jean-Yves): S'il y a une sous-consommation, il y a des effets pervers. Ça doit être considéré, ces éléments-là.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Et, quant à l'augmentation qui serait attribuable à la gratuité, est-ce que cette augmentation-là, selon vous, aurait... Est-ce qu'on a des études qui démontreraient les effets délétères chez les groupes en question?
M. Julien (Jean-Yves): Non. À ma connaissance, non. Je ne pense pas. Je ne sais pas s'il y a de mes collègues qui ont des éléments, mais je ne penserais pas. M. Tremblay.
M. Tremblay (Reynald): Il y a peu d'études qui ont démontré que les patients consomment des médicaments parce qu'ils aiment consommer des médicaments. Ça, c'est un peu comme le mythe associé aux personnes âgées, qu'on décrète qu'elles consomment trop de médicaments. Les personnes âgées consomment beaucoup de médicaments parce qu'elles sont plus malades que les autres, elles ont une probabilité plus grande d'être malades, donc plus grande de consommation. Donc, il n'y a pas...
M. Bouchard (Vachon): On pourrait dire la même chose chez les personnes les plus démunies, sans doute, aussi.
M. Tremblay (Reynald): Exactement. Puis je pense qu'il n'y a pas beaucoup de groupes de recherche qui, au Québec, se sont attardés à cette problématique-là.
M. Bouchard (Vachon): Merci, monsieur.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Lotbinière.
Mme Roy: Pour le court moment qui nous reste? Il y a quelqu'un qui me faisait réaliser dernièrement que, c'est vrai, quand on fait le décompte des professionnels, peu de professionnels sont aussi accessibles que les pharmaciens. Un avis médical sur un médicament est assez facile à obtenir. Je ne vous ai pas entendu parler quant à la ligne Info-Santé, qui est habituellement pour les problèmes de santé. On parle d'une autre ligne pour le médicament, des appels acheminés à des pharmaciens. Normalement, je pense que, de réflexe, les citoyens appellent directement à la pharmacie du coin. Qu'est-ce que vous pensez de cette mise en place de ce système-là?
M. Julien (Jean-Yves): Bien, je pense qu'on supporte l'idée d'avoir en seconde ligne un élément d'info-médicament. Mais je pense que le système central qui a été organisé, c'est la ligne Info-Santé. Les expériences qui ont été faites au cours des dernières années notamment, c'est en deuxième ligne. Le personnel d'Info-Santé répond et, lorsqu'ils ont besoin d'un complément d'information, ils peuvent soit consulter un pharmacien pour être ensuite en mesure de répondre ou soit transférer la personne qui demande directement à un pharmacien pour répondre à cette question-là. C'est en deuxième ligne. Je pense que c'est un élément qui est très important. On le commente dans notre rapport. On est d'accord avec l'idée à ce sujet-là.
D'ailleurs, les pharmaciens ont été parmi les premiers à s'impliquer, ça fait plusieurs années, dans des centres d'information sur les médicaments, bien avant qu'il y ait la ligne Info-Santé. Autant ici, à Québec, il y avait eu un départ avec tout le milieu privé, avec la Faculté de pharmacie, il y a deux... il y a le Centre hospitalier universitaire qui en a un, il y a le centre Sacré-Coeur qui en a, des services, et il y a des projets pilotes qui ont été faits en Gaspésie, justement pour le principe qui est présenté où on aurait Info-Santé deuxième ligne, les pharmaciens qui interviennent. Je pense que c'est tout à fait pertinent, et là, encore une fois, les commissions régionales vont permettre de probablement, oui, coordonner ces aspects-là, assurer la participation.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Julien, M. Provost et M. Tremblay, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre des pharmaciens du Québec.
n(11 h 20)n Et j'invite les représentants de l'Ordre des optométristes du Québec à s'installer à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, messieurs dames! Messieurs dames, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Voyons, j'imaginais... on pouvait s'attendre à un peu plus d'ordre avec les désordres, mais à l'ordre!
C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Ordre des optométristes du Québec. Dre Chassé, Mme la présidente, bonjour. Vous connaissez déjà nos règles de fonctionnement, je vous les rappelle brièvement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je perçois la présence, à côté de vous, de Me Laverdière, le secrétaire de l'ordre. Bonjour. Étant donné que nous avons pu identifier les deux personnes, la parole est à vous.
Ordre des optométristes
du Québec
Chassé (Lise-Anne): Alors, bonjour, tout le monde. Merci de nous recevoir, l'Ordre des optométristes du Québec, qui venons vous apporter notre humble point de vue sur la Politique du médicament. Vous avez eu l'occasion de le recevoir dans le cadre de notre mémoire qui a été déposé en février dernier, évidemment.
Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis... nous sommes, à l'Ordre des optométristes, juste pour... il y a quelques personnes qui n'étaient pas là, à la commission sur la loi n° 83, alors Lise-Anne Chassé, présidente de l'ordre, et Me Marco Laverdière est secrétaire et directeur général, et il sera disponible pour répondre à toutes vos questions sur les aspects réglementaires et juridiques après mon allocution.
Alors, l'optométriste, comme je vous l'exposais il y a deux semaines, est un nouvel intervenant au point de vue du médicament. Alors, on conçoit bien que, quand on parle du médicament, on parle en général des pharmaciens, infirmières, médecins qui administrent à la population la plupart des médicaments requis pour fins de traitement. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il faut identifier par ailleurs d'autres professionnels qui, de façon évidemment beaucoup moins fréquente, utilisent cependant régulièrement des médicaments dans le cadre de leur pratique de tous les jours. C'est le cas des optométristes, puisque depuis 1995 les optométristes peuvent maintenant administrer des médicaments pour fins d'examen des yeux et, depuis 2003, ils sont autorisés à administrer et à prescrire des médicaments dans le cadre de leur pratique, que ce soit pour des examens ou encore pour le traitement de certaines conditions pathologiques oculaires. On ne peut pas évidemment prétendre à un rôle prédominant, mais notre apport est sûrement significatif, et il est facile de penser que dans le futur d'autres professionnels de la santé pourront possiblement prescrire des médicaments. Alors, dans une nouvelle politique du médicament, je pense qu'il faut penser à tous les prescripteurs sur le terrain au Québec.
Alors, pour une politique du médicament qui soit tout à fait inclusive, bien que le document de consultation fasse référence à des récentes modifications législatives apportées aux lois professionnelles qui permettront une participation plus active des professionnels, on n'y retrouve pas de référence spécifique aux autres professionnels ? parfois un «notamment» ? dans le règlement, autres que les pharmaciens, infirmières et médecins. On conviendra bien sûr qu'une de nos propositions sera d'inclure la notion de «autres professionnels». À notre avis, on aurait tort, dans une perspective dont on souhaite doter le Québec, pour qu'elle soit complète et qu'elle ait aussi une certaine pérennité dans l'avenir, il ne faut pas négliger le rôle de ces autres professionnels, comme je le disais, qui ont un fort potentiel de développement.
Un des dossiers sur lequel je vais me porter tout de suite, c'est les médicaments d'exception. À première vue, ça nous semble être un simple oubli administratif, mais je veux porter à l'attention de la commission que, tant au niveau de la partie 7.6 sur la liste des médicaments que sur le formulaire afférent qui est proposé par la Régie de l'assurance maladie du Québec, on fait mention seulement des médecins, des résidents en médecine, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, qui peuvent soit prescrire un médicament d'exception ou inscrire un patient d'exception. Alors, on constate qu'à l'article 88 on n'a pas oublié de modifier la Loi de l'assurance maladie ? elle a été modifiée en 2002 ? pour permettre la couverture, dans le cadre du régime général de médicaments prescrits, par tout autre professionnel habilité par la loi. Alors, je crois que ça devrait aussi être le cas pour qu'un patient puisse se qualifier à titre de patient... pas de patient d'exception, mais plutôt de médicament d'exception.
On conçoit que «patient d'exception», dans le domaine où on pratique, c'est très peu probable, en tout cas dans le cadre actuel de la législation, mais qu'un de nos patients nécessite un médicament d'exception, ce n'est pas impensable. Je vais vous donner un exemple. On a l'autorisation d'enlever des corps étrangers de surface. Alors, quand il y a une douleur oculaire qui n'est pas atténuée suffisamment en mettant une lentille pansement sur l'oeil après avoir enlevé le corps étranger, comme on n'a pas le droit de prescrire des médicaments par voie orale, on doit forcément prescrire des médicaments topiques par gouttes, comme par exemple l'Acular ou le Voltaren, et ce médicament-là n'est pas couvert par le régime, il est sur la liste des médicaments d'exception.
C'est aussi le cas d'au moins un médicament, en tout cas, pour le traitement du glaucome. On sait que, déjà dans plusieurs régions du Québec, les optométristes qui ont un permis spécial peuvent renouveler ou modifier une ordonnance pour les médicaments contre le glaucome, avec l'accord verbal ou écrit de l'ophtalmologiste, mais il y a au moins un médicament, le Probeta, qui est sur la liste des médicaments d'exception. Alors, ça pourrait causer un problème, là, au moment du renouvellement de l'ordonnance.
Alors, textuellement, là, on voudrait qu'il soit précisé au sein de la liste des médicaments, et des formulaires, et documents administratifs afférents, qu'un professionnel habilité par la loi à prescrire des médicaments, incluant donc l'optométriste, puisse requérir qu'un médicament soit couvert à titre de médicament d'exception ou... et comme c'est le même formulaire, ou l'inscrire à titre de patient d'exception.
Concernant la table de concertation, qui relève du Conseil du médicament, ainsi, dans la mesure où il est indiqué dans le document de consultation, on conçoit que cette table-là, qui relève du conseil, je le dis, est appelée à être le lieu où seront émis les moyens à mettre en oeuvre dans les milieux de pratique pour favoriser une utilisation optimale du médicament. Alors, je crois qu'il serait essentiel qu'il soit précisé que la table de concertation, qui relève du Conseil du médicament, soit composée notamment d'un professionnel désigné par tout ordre professionnel dont les membres ont des prérogatives relatives à la prescription des médicaments, incluant donc les optométristes, et qui est désigné par l'ordre professionnel dont il est membre.
L'intention thérapeutique. J'ai écouté attentivement ce qui s'est dit auparavant. Bien sûr, les optométristes se sentent interpellés par la proposition relative à l'inscription de l'intention thérapeutique sur les ordonnances. On comprend ici que l'objectif poursuivi est plus que valable et on a été à même, avec toute notre nouvelle législation, de bien comprendre et de travailler avec les pharmaciens pour comprendre tout leur rôle essentiel, leur rôle conseil. Et, quand je fais relation au fait que de plus en plus de professionnels vont prescrire des médicaments, on peut comprendre que le rôle conseil du pharmacien va être appelé à être élargi aussi, puisque le même patient peut recevoir des ordonnances de plusieurs types de professionnels, et probablement de plus en plus dans l'avenir.
Alors, l'Ordre des optométristes n'est pas contre son inscription sur l'ordonnance. Cependant, l'ordre estime souhaitable de procéder selon la proposition ministérielle n° 19, en sorte que la mesure soit d'abord évaluée dans le cadre d'un projet pilote dans le but que, si des répercussions négatives à une telle pratique étaient observées, qu'on puisse déjà trouver les aménagements nécessaires afin qu'au moment où cette... si la décision gouvernementale était d'élargir à tous les prescripteurs cette éventuelle application, que les aménagements auront déjà été faits.
Alors, ce qui est essentiel pour l'Ordre des optométristes, c'est évidemment que cette application-là soit uniforme pour tous les prescripteurs, qu'elle vise les optométristes, comme les dentistes, comme les podiatres, comme les sage-femmes, comme les médecins, de la même façon. Il faut par ailleurs souligner que l'introduction d'une exigence relative à l'inscription doit passer aussi par la modification de dispositions réglementaires dont l'adoption et l'application sont sous la responsabilité des ordres professionnels. C'est ce qui est prévu dans le Code des professions et dans les lois particulières à chacune des professions. Et il nous semble d'ailleurs qu'ils sont particulièrement bien placés pour faire un tel exercice, les ordres, de par la connaissance qu'ils ont de la réalité clinique et des autres enjeux auxquels leurs membres sont confrontés.
Dans ce contexte, nous proposons que l'Ordre des optométristes et les autre ordres professionnels concernés qui ont des prérogatives de prescripteurs soient associés à la détermination des modalités du projet pilote évoqué, de même que dans l'analyse de ses résultats.
n(11 h 30)n Concernant la possibilité d'inscrire le diagnostic ou le symptôme, l'Ordre des optométristes est d'accord pour avoir des modalités, ou des possibilités, ou une certaine latitude à ce niveau et est donc certainement en accord pour avoir une marge de manoeuvre appréciable concernant le respect de la posologie de l'ordonnance aussi, c'est-à-dire qu'il peut y avoir des cas particuliers où l'ajustement thérapeutique devra être tout comme dans le cas d'une prescription par un médecin, par exemple. Il faut qu'il y ait une marge de manoeuvre où le prescripteur peut exiger qu'il n'y ait pas une modification du plan de traitement pour un cas particulier, comme quand il y a des allergies particulières à un médicament. Mais en tout cas je pense que ce dossier-là est beaucoup plus grand que l'optométrie, mais on veut que les mêmes choses s'appliquent en optométrie comme avec les autres ordres professionnels qui peuvent prescrire.
Concernant l'utilisation des renseignements qui pourraient être véhiculés sur l'ordonnance, parce qu'il faut être conscients que cette intention thérapeutique là qui serait inscrite sur l'ordonnance va forcément donner des informations supplémentaires au pharmacien, ce qui est bien, parce que son professionnalisme est reconnu de tous, mais va aussi donner des informations supplémentaires à certains tiers ? je vais les appeler comme ça ici ? qui pourraient faire de ces renseignements en question d'autres utilisations. On sait, par exemple, que certaines entreprises commerciales dans le secteur pharmaceutique profitent d'une ouverture créée suivant une modification de la Loi d'accès pour le secteur privé, intervenue en 2001, et qui peut donc depuis recueillir des informations relatives à chaque prescripteur qui n'a pas cru bon de se prévaloir du mécanisme de retrait.
Déjà, on sait que les informations relatives aux médicaments prescrits par chaque prescripteur permettent à ces entreprises de déterminer avec manifestement beaucoup d'efficacité les moyens à privilégier pour inciter ce dernier à prescrire davantage un produit donné. Ils appellent ça de la mise en marché. Si on devait ajouter l'intention thérapeutique inscrite par chaque prescripteur aux renseignements accessibles à ces entreprises, ne vient-on pas de leur permettre d'être encore plus efficaces en regard de leur stratégie visant à accroître la prescription et les ventes de certains de leurs produits? Nous n'avons pas de réponse précise à cette question, mais nous croyons opportun de vous la soumettre, puisqu'il s'agit ici, dans le cadre de cette politique du médicament, de s'assurer que les mesures mises de l'avant vont dans le sens d'une utilisation optimale des médicaments.
Alors, il y a selon nous certaines limites à l'intention thérapeutique. Et, comme je le disais précédemment, il faut que le prescripteur, dans certaines circonstances précises, puisse s'assurer que l'ordonnance qu'il émet sera intégralement respectée. Alors, notre proposition serait que toute mesure définitive relative à une telle exigence s'applique uniformément d'abord à l'ensemble des prescripteurs, dont les optométristes, et qu'elle permette aussi au prescripteur, dans certains cas particuliers, de bénéficier de la marge de manoeuvre requise à l'égard des informations qu'il est ainsi appelé non seulement à inscrire, mais aussi à la pharmacothérapie qu'il propose lors de l'ordonnance.
Concernant les profils de pratique, nous avons souligné que nous les percevions, dans notre mémoire, de façon positive dans la mesure où il s'agit de les utiliser afin de permettre une rétroaction auprès des prescripteurs et non pas un moyen de contrôle. Par ailleurs, nous soulignons qu'en plus des médecins les optométristes et les autres prescripteurs auraient avantage à pouvoir compter sur un tel outil destiné à favoriser l'amélioration de la pratique professionnelle. Alors, nous recommandons que tous les ordres professionnels qui regroupent les prescripteurs de médicaments, comme nous, les optométristes, soient mis à contribution dans la conception et le déploiement d'un projet de transmission des profils de prescription.
Concernant, maintenant, l'informatisation du réseau et la circulation de l'information, je crois qu'il serait opportun, tout comme nous l'avons exprimé lors de nos représentations sur le projet de loi n° 83, que tous les professionnels, les autres professionnels de la santé, tels les optométristes qui exercent actuellement pratiquement en cabinet privé mais qui pourraient signer des ententes avec des centres locaux de services, puissent non seulement communiquer des informations, particulièrement sur la prescription des médicaments, dans la banque de données du patient, mais qu'ils puissent aussi accéder à ces informations par le mécanisme... le même mécanisme qui est prévu, là, pour les médecins et infirmières. On comprend bien sûr, comme le souligne le document de consultation, qu'il s'agit d'une question qui ne relève pas a priori de la politique du médicament et qui devrait donc être traitée dans un autre contexte. Nous proposons quand même que les interventions visant à améliorer la circulation de l'information clinique et la mise en place des outils informatisés soient conçues de façon à viser tous les prescripteurs de médicaments, incluant les optométristes.
Concernant, maintenant, le rôle de l'industrie. Sur la question des relations avec l'industrie, nous avons, comme bien d'autres intervenants, certaines préoccupations, voire même certaines appréhensions. Abordons d'abord la création du fonds de formation continue. Je veux peut-être juste rappeler aux gens que nous avons une expérience... un des premiers ordres de la santé qui avons imposé la formation continue à nos membres pour le maintien des permis afin d'utiliser les médicaments et de les prescrire. Donc, nos membres doivent suivre actuellement 30 heures de formation sur trois ans, qui est obligatoire. Et, comme je disais, nous croyons en la formation continue, parce que c'est comme ça, et surtout, en la rendant obligatoire, vous seriez surpris à quel point les gens sont beaucoup plus assidus, même si leur code de déontologie auparavant les obligeait à se tenir à date et à suivre de la formation. Quand elle devient obligatoire et comptabilisée, elle est évidemment beaucoup plus efficace.
Mais, en plus, notre expérience est plutôt unique. Nous avons développé un guichet unique pour la formation continue, c'est-à-dire que nous avons créé une corporation où siègent l'École d'optométrie de l'Université de Montréal, l'Ordre des optométristes du Québec et l'Association des optométristes et qui prépare tous les programmes de formation continue de l'année, qui sont ensuite accrédités par l'Ordre des optométristes du Québec.
C'est par ce partenariat et au moyen de ce groupe que nous avons développé une possibilité de résistance, je dirais, plus efficace et plus concertée en regard des tentatives, souvent très subtiles, de l'industrie d'influencer parfois les contenus de formation afin de parfois permettre de mettre en valeur certains produits plutôt que certains autres. Évidemment, d'avoir un contrôle sur le contenu de la formation n'exclut pas un financement de l'industrie privée. Nous avons effectivement des industries privées qui peuvent financer ce fonds-là que nous appelons le Centre de perfectionnement et de rayonnement en optométrie.
En définitive, notre succès a été tel que nous avons maintenant demandé au gouvernement de nous permettre d'augmenter les heures de formation obligatoire à 45 heures sur trois ans pour le permis général de pratique. J'encourage tous les ordres professionnels à faire la même chose parce que c'est la seule façon de protéger le public, d'abord, et d'informer aussi tous les décideurs que, quand... Par exemple, un groupe de professionnels comme le nôtre qui a des nouvelles prérogatives de prescription de médicaments, on le fait sérieusement, on suit l'évolution, et c'est comme ça que d'autres ordres professionnels devront faire s'ils veulent convaincre tout le domaine de la santé que le patient québécois est bien traité.
C'est dans ce contexte que ça nous amène à vous indiquer que la proposition de la création éventuelle d'un fonds de formation continue où il y aurait des fonds où contribueraient le gouvernement, l'industrie et les grossistes, nous ne sommes pas contre, mais nous pensons qu'à tout le moins il ne faudrait pas oublier les autres prescripteurs que les médecins et les pharmaciens, qui pourraient bénéficier de ce fonds de formation continue. Et, comme les besoins d'une profession peuvent être différents des besoins d'une autre profession prescriptrice, nous suggérons que la gestion, à tout le moins, soit décentralisée ou qu'il y ait des fonds distincts pour chaque professionnel, chaque groupe de professionnels prescripteurs.
Alors, nous recommandons que...
Le Président (M. Copeman): Mme Chassé, je vous rappelle qu'il reste deux minutes.
Mme Chassé (Lise-Anne): Oui, mais le dernier sujet intéresse beaucoup de gens autour de la table.
Le Président (M. Copeman): Je n'en doute pas, mais il reste deux minutes pareil.
Mme Chassé (Lise-Anne): Deux minutes, je vous sors ça en deux minutes. Alors, que les sommes recueillies soient accessibles à tous les intervenants autorisés, y compris les optométristes.
n(11 h 40)n Alors, dans le cas des initiatives promotionnelles indésirables de l'industrie, il y a beaucoup de potentiels d'invention qui peuvent exister dans l'industrie. Alors, nous retenons, dans le mémoire, qu'on voudrait que les programmes de gestion thérapeutique connaissent un encadrement plus strict. Mais je voudrais souligner au ministère de la Santé de ne pas oublier les journées santé. Nous vivons une expérience particulière dans notre cas actuellement dans le cadre du dépistage de la rétinopathie diabétique. Il y a des industries pharmaceutiques qui financent des caméras de fond d'oeil à l'intérieur de lieux x qui sont, comme je le disais, financés par l'industrie pharmaceutique. L'analyse des résultats est faite par un professionnel habilité qui est par ailleurs rémunéré par la compagnie pharmaceutique, et nous considérons ceci comme un avantage, tout comme ? le fameux mot qui est «dis grata» et que personne ne veut utiliser ? une ristourne, parce que la compagnie pharmaceutique favorise une pharmacie X dans un milieu donné. Alors... Et, par hasard, la compagnie qui finance les caméras de fond d'oeil évidemment vend aussi le produit pour le traitement, donc les médicaments pour les diabétiques.
Alors, le message qu'on veut livrer, c'est: C'est quoi, une journée santé ? qui semble être exclue du contrôle gouvernemental? D'abord bien le définir. Et ces journées-là se présentent comme des journées santé, alors ce serait une erreur de ne pas les contrôler, comme tout autre moyen qui est prévu, de contrôle, là, au niveau de la politique du médicament. Alors, j'ai complété mon deux minutes, je crois. J'ai bien fait ça, j'en avais pour...
Le Président (M. Copeman): Très bien, madame.
Mme Chassé (Lise-Anne): Alors, on vous écoute. Me Laverdière répondra beaucoup mieux que moi sur les points précis, avec les articles précis, répondra à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup de votre collaboration. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Chassé, M. Laverdière, pour votre présence avec nous aujourd'hui. Tiens, prenons le dernier élément que vous avez apporté, la question des journées santé.
Mme Chassé (Lise-Anne): En deux minutes.
M. Couillard: Bien oui. Parce qu'on connaît ce phénomène dans plusieurs domaines. Mais proposez-nous une solution. Comment est-ce qu'on réglemente? Vous dites que le gouvernement, l'État devrait réglementer ces activités, de quelle façon?
Mme Chassé (Lise-Anne): Je pense que, d'abord, les sommes qui sont investies pour le financement d'appareillages ou de services qui sont offerts à la population devraient être comptabilisées, tout comme tout autre financement, dans le coût final du médicament. Alors, c'est déjà un contrôle, parce qu'à partir du moment où on connaît les sommes, où le gouvernement connaît les sommes investies, il peut le déduire du coût final du médicament. Vous avez forcément un moyen de contrôle sur la chose.
Je dois dire qu'à ce stade-ci on a interpellé l'Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins, on est à travailler sur ce dossier-là, là, parce qu'il y a beaucoup de côtés déontologiques qui ne sont pas respectés. Mais ça, ce sont les outils que les ordres professionnels ont à eux seuls. Mais, si le ministre de la Santé ? et je reprends les propos du président de l'Ordre des pharmaciens précédemment ? si le ministre de la Santé est en... si le ministère de la Santé est aussi en relation avec le ministre des lois professionnelles, en conjonction avec les ordres, on va trouver des éléments de solution, là. À plusieurs ordres, on va avoir plus d'idées à vous soumettre, M. le ministre.
M. Couillard: Vous êtes, avec justesse, très concrète dans vos exemples et vos suggestions. Continuons sur le même mode, sur la question d'intention thérapeutique. Je veux essayer, comme avec nos interlocuteurs précédents, d'avoir une compréhension concrète de ce que c'est, l'intention thérapeutique.
Disons que vous voyez, à votre bureau, quelqu'un qui a un oeil rouge, qui a une conjonctivite, puis vous prescrivez des antibiotiques. Quand la personne se rend avec sa prescription d'antibiotiques à la pharmacie, qu'est-ce que vous marqueriez comme intention thérapeutique?
Mme Chassé (Lise-Anne): Bien, je vais peut-être vous faire sourire, j'ai d'abord un problème à savoir si je marque le diagnostic ou pas.
M. Couillard: C'est ça, la question.
Mme Chassé (Lise-Anne): Alors, moi, je vous dirais que j'inscris, je pourrais inscrire le symptôme ou le diagnostic, en autant que le Québec me permet d'utiliser le terme «diagnostic». Alors, c'est un autre débat, peut-être.
M. Couillard: Mais vous diriez: Oeil rouge, ou bien écoulement oculaire, ou...
Mme Chassé (Lise-Anne): Il y aurait des chances que j'inscrive le diagnostic...
M. Couillard: Oui.
Mme Chassé (Lise-Anne): ...ou effectivement le symptôme, là, hyperémie, et tout, là. Et vous savez qu'on a des conditions particulières pour certaines pathologies, nous, dans notre réglementation, qui est pour la sécurité du public, où, quand une pathologie... on a quelques exclusions, là, qui sont à plus... à moyenne morbidité plutôt qu'à faible morbidité. Le patient doit voir le médecin dans les délais, au bout d'une semaine. Donc, ce sont des diagnostics très précis.
Si on veut nous... on nous demande d'inscrire comme intention thérapeutique le diagnostic, il faudra nous donner aussi le droit de l'appeler «diagnostic», là. Je ne sais pas si c'est un autre débat, là, mais ce n'est quand même pas un débat minime, là, c'est important. Parce que, s'il faut marquer «oeil rouge», c'est assez limitatif de ce que c'est. Un oeil rouge, c'est plein d'affaires. Alors, on voudrait peut-être mettre autre chose. Mais il faut que notre évaluation soit reconnue à l'effet qu'on peut l'inscrire aussi au niveau de l'intention thérapeutique. Alors, c'est un peu imbriqué, tout ça, là. Mais c'est ça, c'est quelque chose d'assez simple. Dans notre cas, c'est quand même assez limité, on l'admettra, là. Ça va être un oeil rouge ou une paupière rouge, alors... Ou bien c'est plus précis, c'est un diagnostic, ou bien ce qui est évident à l'oeil nu va être écrit au niveau de l'intention thérapeutique. C'est plus... Je pense que les médecins vont vous décrire ça beaucoup mieux.
M. Couillard: C'est pour ça qu'avant de rêver on parle aux autres interlocuteurs.
Mme Chassé (Lise-Anne): Vous voulez que je vous donne des idées? Alors, le symptôme serait sûrement beaucoup plus acceptable... bien, pas acceptable, mais tout aussi utile pour le pharmacien que le diagnostic précis, je crois.
M. Couillard: Oui, parce que possiblement que l'ensemble ou la majorité de nos concitoyens ne voudraient pas se promener avec un document sur lequel un diagnostic est inscrit, là.
Mme Chassé (Lise-Anne): ...du genre VIH, tu sais.
M. Couillard: Exactement, ou d'autres également.
Mme Chassé (Lise-Anne): Chlamydia.
M. Couillard: C'est ça.
Mme Chassé (Lise-Anne): On en voit dans les yeux, de ça, hein?
M. Couillard: Alors, les solutions, c'est soit le symptôme, soit une codification. Il y a des suggestions de codification également qui sont amenées. On verra ce que les médecins en pensent, plus tard aujourd'hui.
La question des médicaments des patients d'exception. Vous avez demandé que ce soit élargi à votre ordre professionnel. J'ai de la difficulté, dans l'état actuel des choses, à voir quelles seraient les circonstances où cette disposition s'appliquerait. Mais pourriez-vous me donner un exemple?
Mme Chassé (Lise-Anne): Bien, l'exemple simple: dans le cas d'enlèvement de corps étrangers, par exemple, ça peut être assez douloureux pour la journée qui vient, alors il faut prescrire... Comme je vous disais, on ne peut pas prescrire des oraux, donc il faut prescrire des gouttes, et les deux médicaments... On ne peut pas prescrire de stéroïdes dans ces cas-là parce qu'il y a une lésion cornéenne, on peut causer d'autres problèmes plutôt que des avantages, alors il faut prescrire un anti-inflammatoire non stéroïdien. Et les choix qui sont devant nous ne sont pas sur la liste couverte par la Régie de l'assurance maladie. Ils doivent être des médicaments d'exception.
M. Couillard: Je ne suis pas sûr que ça correspond nécessairement à la définition de ce que c'est, la règle du patient d'exception, mais on va prendre en...
Mme Chassé (Lise-Anne): C'est ça, du médicament d'exception. Je soulignais que, dans les cas de patients d'exception, ça ne se présente pas tellement pour nous, là. Dans le cas des pathologies qu'on peut traiter actuellement, on n'a pas besoin d'hospitaliser un patient. Donc, ce n'est pas un médicament qu'il n'aurait pas besoin d'utiliser, parce qu'on devrait l'hospitaliser. Mais, dans le cas du médicament d'exception, il y a des cas où c'est nécessaire. Autrement, notre patient, actuellement il paie de sa propre poche parce que c'est nécessaire.
M. Couillard: La question de l'éducation continue, on pourrait l'appeler l'éducation optométrique continue, par opposition à l'éducation médicale continue. Comment est-ce qu'on pourrait réformer ce domaine-là de façon à ce qu'il bénéficie de la confiance de la population et également que chacun y apporte sa participation, autant l'industrie, d'ailleurs, que les professionnels concernés? Le fonds, nous, on propose un fonds dédié indépendant, financé de plusieurs sources. Là, vous ouvrez la porte à une décentralisation. Pourriez-vous nous expliquer davantage?
Mme Chassé (Lise-Anne): Comme je vous l'exprimais, on a développé, nous, un fonds de formation continue actuellement qui est basé sur une cotisation obligatoire de notre ordre professionnel. Alors, le fonds de roulement de cet organisme-là vient d'un montant x qui est payé par tous les optométristes au Québec et il développe un plan de formation continue pour l'année, donc une gestion complètement indépendante de l'Ordre des optométristes. Il y a des frais évidemment d'inscription qui peuvent permettre de diminuer, mais il y a aussi du financement de l'industrie, là, au niveau de la papeterie, des documents, comme à peu près tous les congrès, là, où les gens sont allés, actuellement. Sur un fonds de formation continue de la province, je vous avouerais que mes contributions vont être plutôt limitées pour vous donner des solutions pour toutes les avenues. Ce que, moi, je vous dis, c'est: N'oubliez pas les optométristes. S'il y a des fonds disponibles pour la formation des professionnels habilités à prescrire, ne faites pas un fonds pour les médecins puis les infirmières ? c'est l'exemple qui me vient rapidement ? pensez aux autres professionnels prescripteurs aussi. Subventionnez-nous.
M. Couillard: Je pense qu'à travers ces nombreuses interventions dans le débat public votre ordre contribue à ne pas nous faire oublier les optométristes. Et je pense que vous le faites avec beaucoup de talent. Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Dre Chassé, M. Laverdière, bienvenue, au nom de l'opposition officielle. Vous voyez, M. le Président, Mme Chassé, il arrive qu'on soit parfois d'accord avec le ministre. Alors, il disait tantôt... il rappelait tantôt que votre contribution est importante, et je souscris à cela. Vous nous rappelez le rôle des autres professionnels; vous l'avez fait dans le cadre du projet de loi n° 83, vous le faites maintenant, et vous le faites d'une manière très convaincante. Je vous en remercie.
n(11 h 50)n J'aimerais poursuivre avec vous l'échange sur... pas tant l'intention thérapeutique que sur l'utilisation qui peut en être faite si, par exemple, un tiers peut obtenir ces renseignements. On retrouve cela à votre mémoire, à la page 8. Et, comme ce sera dans le cadre d'une expérience pilote, en fait c'est ce qui est proposé dans la Politique du médicament et c'est ce que vous appuyez également, vous nous dites qu'il va falloir, avec beaucoup de vigilance, là, s'assurer ? que ce soit le symptôme ou le diagnostic, là, ça, on y reviendra ? mais que ce qui sera finalement mentionné ne soit pas détourné, si vous voulez, des fins pour lesquelles c'est inscrit mais utilisé donc par des tiers. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
En fait, ce que vous nous dites, c'est ? au troisième paragraphe de la page 8: Si le prescripteur... Non, c'est-à-dire au deuxième paragraphe. Si un prescripteur n'a pas cru bon de se prévaloir du mécanisme de retrait, automatiquement sa prescription se trouve à pouvoir être utilisée, enregistrée, là, par un tiers. J'aimerais ça que vous nous parliez de ça.
Mme Chassé (Lise-Anne): Je vais laisser Me Laverdière vous répondre sur ce sujet parce que...
M. Laverdière (Marco): Enfin, ça découle d'une modification qui a été apportée à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, en 2001, et qui permet effectivement aux pharmaciens de communiquer à des tiers, qui sont des gens de l'industrie... enfin il y a des firmes spécialisées dans la collecte de ce genre d'information là, donc des informations sur les ordonnances qu'ils exécutent. Alors, jusqu'à maintenant, le système permettait donc à ces tiers-là de colliger des informations sur... en fait qui portaient essentiellement sur le nom du médicament ou le nom de la molécule qui avait été prescrite.
Si on va de l'avant avec l'intention thérapeutique ? et le Dr Chassé a précisé, là, qu'on n'avait pas d'objection de principe, là, au départ ? il faut quand même comprendre qu'on vient d'ajouter sur les ordonnances un élément d'information qui va se retrouver ? de par le mécanisme qui a été introduit en 2001 ? donc qui va se retrouver entre les mains d'un tiers. Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise idée? On vous laisse l'apprécier. Chose sûre, ça donne une information de plus à ces tiers-là qui jusqu'à maintenant ont su utiliser les informations qu'ils avaient pour finalement développer des stratégies de mise en marché ou des stratégies pour rejoindre les prescripteurs. Alors là, ils auront une information de plus pour les rejoindre peut-être de façon encore plus performante. C'est peut-être une bonne idée, mais peut-être que ça ne l'est pas aussi, là, si on est soucieux du rôle que l'industrie peut jouer de façon des fois, là, trop excessive pour certains en termes de mise en marché, là, ou de ciblage de prescripteurs pour les amener à prescrire davantage ou prescrire autrement.
Mme Harel: Et ça se traduit comment, ces stratégies de mise en marché?
M. Laverdière (Marco): Écoutez, en ce qui nous concerne, on n'est pas dans le secret des dieux, parce que d'abord on est des ? enfin, je dis «on» et je m'exclus, là ? on est des nouveaux prescripteurs, d'une part, et, d'autre part, évidemment ces stratégies-là, j'imagine, à moins d'être un intervenant de l'industrie, de l'intérieur, on les connaît peu ou pas sinon que pour les voir se dérouler à l'occasion, là, d'événements qui visent à rejoindre des professionnels, des événements, là, qui sont des conférences, justement de la formation continue ou d'autres activités semblables.
Mme Harel: Alors, actuellement, dans l'état du droit, la seule façon de s'assurer que ce que l'on prescrit ne se retrouve pas utilisé, par exemple, dans ces types de stratégies, ce serait donc de se retirer. Le prescripteur pourra lui-même se retirer.
M. Laverdière (Marco): C'est ce qu'on appelle, en latin, de l'«opting out», en ce moment.
Une voix: En latin.
M. Laverdière (Marco): Effectivement, c'est la solution qui a été retenue, là, en 2001 et qui fait en sorte que, par exemple, les médecins ou les optométristes qui ne veulent pas que les informations... ? enfin, ça, on l'appelle comme ça ? leur profil de prescription soit communiqué à des tiers, bien ils peuvent se retirer du régime, et l'article 21.1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels traite de cette question-là.
Mme Harel: À ce moment-là, c'est un «opting out» qui est transmis à la Régie de l'assurance maladie du Québec? À qui cet «opting out» est transmis?
M. Laverdière (Marco): Non, ça se fait en lien... Le principal intervenant de contrôle, si vous voulez, c'est la Commission d'accès à l'information, dans ce cas-là, qui travaille de concert avec les ordres professionnels concernés pour aviser, dans le fond, les professionnels qu'ils ont la possibilité de se retirer, d'opter donc pour un retrait. Donc, ça se fait à ce niveau-là. Ça n'interpelle pas la Régie de l'assurance maladie.
Mme Harel: Mais comment est-ce qu'ils peuvent exprimer ce désir de retrait?
M. Laverdière (Marco): On dit, là... Je vous cite l'article 21.1, là, qui est le paragraphe 2° du... ça ressemble au troisième alinéa. Alors, on dit: «Les professionnels concernés ont périodiquement une occasion valable de refuser d'être visés par cette communication.» Alors, on va voir régulièrement... Dans les publications, là, du Collège des médecins ou de d'autres organismes qui peuvent rejoindre les médecins, par exemple ? je parle des médecins car ce sont les plus gros prescripteurs, là, jusqu'à maintenant ? on les avise de cette possibilité-là de retrait. On le fait sur une base régulière qui n'est pas... La fréquence n'est pas précisée dans la loi. Il y a peut-être des pratiques qui se sont développées mais dont je ne suis pas au fait.
Mme Harel: Bien, je vous remercie, Me Vallières... Laverdière. Je vous en remercie. Je pense que ça va être un aspect important lors de l'étude du projet de loi n° 83, qui prévoit aussi un profil pharmaceutique en fait de... Le dossier client, c'est un dossier clinique, mais un dossier pharmaceutique aussi.
Sur l'intention thérapeutique, alors vous faites mention donc de votre appui de principe et puis de l'examen auquel vous voulez être associés dans un projet pilote, et puis, troisièmement, du fait que vous vous interrogez si cela doit se traduire par une inscription du diagnostic ou du symptôme. Est-ce qu'il y a des discussions qui se poursuivent actuellement, sur cette question-là, avec d'autres ordres ou avec notamment des ordres professionnels comme le Collège des médecins ou l'Ordre des pharmaciens?
Mme Chassé (Lise-Anne): Non. À ce stade-ci, le dossier est bien connu de tous, mais il n'y a pas de discussion inter-ordres à ce sujet.
Mme Harel: Très bien.
M. Laverdière (Marco): Peut-être une précision... bien, en fait pas une précision, mais réitérer ce qu'on a mentionné dans le mémoire, que la détermination de ce qu'on appelle, là, communément, là, de la forme et du contenu des ordonnances, ça relève des ordres professionnels. Alors, évidemment, toute mesure qui vise à faire en sorte que l'intention thérapeutique doive être inscrite sur les ordonnances passe nécessairement par des modifications réglementaires, là, qui interpellent les ordres, l'Office des professions aussi, également, et ? M. Julien l'a souligné, là ? le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.
Mme Harel: Très bien. Je comprends que le mémoire repose aussi sur la volonté que vous exprimez de ne plus être simplement mentionnés dans les «notamment». Vous souhaitez que ? ça revient à ça, là ? que le «notamment» soit plus précis, vous concernant.
Mme Chassé (Lise-Anne): Tout à fait, tout comme le premier projet de loi, il y a quelques années.
M. Laverdière (Marco): Peut-être préciser là-dessus ? enfin, le Dr Chassé l'a fait. Ces autres prescripteurs là, bon, il y a évidemment les optométristes, là, c'est notre propos aujourd'hui, il y a les podiatres, il y a les dentistes, il y a les sages-femmes, il y a les infirmières. Tout ça est en développement constant, en développement en ce sens qu'il y a des intervenants qui s'ajoutent, là, année après année, ou enfin, là, de décennie en décennie, d'une part. Et, deuxièmement, les prérogatives de prescription sont appelées aussi en quelque sorte à s'élargir au fil des expériences, au fil du temps. Alors, la part de ces autres prescripteurs là, comme les optométristes, est appelée à être... enfin qui est marginale peut-être pour l'instant en termes statistiques, est appelée à être plus grande dans l'avenir. Alors, si on veut se doter d'une politique du médicament, là, qui a un peu de chances d'avoir une certaine pérennité, je pense qu'il faut... il faut les mentionner, là, en comprenant bien que pour l'instant, par ailleurs, là, c'est beaucoup les médecins qui sont les principaux prescripteurs.
Mme Chassé (Lise-Anne): C'est pour ça que la notation «tout professionnel habilité par la loi» nous semblait très appropriée.
n(12 heures)nMme Harel: Très bien. Et alors une dernière question. Dans votre mémoire, vous abordez la question des initiatives promotionnelles indésirables. Vous introduisez la réflexion sur cet exemple précis, concret, là, de rémunération directe par une compagnie en fait pharmaceutique, là, dans le cadre de journées de santé où il y a examen ou dépistage, je pense, de problèmes oculaires, là, pour des personnes diabétiques, je crois.
Mais doit-on comprendre que ces journées santé peuvent mettre à contribution aussi d'autres professionnels, tels les infirmières et autres professionnels, qui peuvent aussi être salariés d'une entreprise pharmaceutique?
M. Laverdière (Marco): Oui, effectivement. Et le ministre posait la question d'ailleurs de la façon d'encadrer ou d'intervenir à l'égard de ces initiatives-là. Nous, ce qu'on observe pour l'instant avec cet exemple-là des caméras rétiniennes pour le dépistage de la rétinopathie diabétique, c'est que d'abord ça introduit de la confusion dans le public, à savoir que ces initiatives-là sont présentées dans différents lieux, dans les pharmacies communautaires notamment, et, pour le patient, ce n'est pas toujours évident de savoir avec qui il transige quand la compagnie XYZ, qui est une compagnie pharmaceutique, subventionne le projet de dépistage, a ses logos, enfin son affichage qui est présent sur place, mais que c'est le pharmacien qui accueille le projet dans ses locaux et qu'il y a un technicien qui est sur place et qui procède, là, aux éléments, enfin aux activités techniques, pour ensuite qu'il y ait un professionnel, qui est un médecin dans ce cas-là, ou ça pourrait être un optométriste aussi, qui émet une forme de... ? je ne sais pas si on peut appeler ça un diagnostic ? mais enfin un avis sur la présence ou non d'une rétinopathie diabétique. Alors, il y a... d'abord, il ne sait pas très bien avec qui il fait affaire et, deuxièmement, il ne sait pas très bien qu'elle est la portée, ou la valeur, ou la... enfin appelons ça la portée de l'opinion qui est émise.
Deuxième chose qu'on observe et qui nous semble poser un problème, c'est que tout ça se fait de façon pas très intégrée avec le médecin de famille, ou l'optométriste, ou, s'il y a lieu, l'ophtalmologiste du patient. Ça se fait au gré d'une petite campagne de promotion d'une industrie X, Y ou Z qui décide d'aller, cette semaine-là ou cette journée-là, dans telle ou telle pharmacie, ou ça peut être un centre commercial, enfin on a vu différents modèles. Alors, ça se fait de façon désintégrée, là, si on peut utiliser le terme, en fait ce n'est pas intégré à la trame des services et du suivi que le patient a généralement auprès des professionnels.
Alors, c'est surtout ces deux éléments-là qui nous préoccupent. Comment on intervient là-dessus? Il y a différentes façons. Ça peut se faire par la réglementation professionnelle d'une part, mais ça doit nécessairement se faire aussi par d'autres intervenants auprès de l'industrie, je pense.
Mme Harel: Je m'en voudrais de ne pas vous poser une question concernant le prix des gouttes pour les patients qui vont chez l'optométriste. Encore tard hier soir, ici, au bureau, je lisais les courriels de la journée et j'avais un courriel d'une personne qui reçoit de l'assistance sociale et qui se plaignait du fait d'avoir eu à payer 10 $, bon, qui expliquait ? j'ai du regret de ne pas pouvoir la citer ? ...mais qui se plaignait du fait que c'était, pour une personne à faibles revenus, un coût qu'elle jugeait très élevé d'avoir à payer, c'étaient 5 $ par goutte, là, puis d'avoir à débourser.
Mme Chassé (Lise-Anne): Vous parlez des gouttes au moment de l'examen des yeux?
Mme Harel: C'est ça, oui.
Mme Chassé (Lise-Anne): Oui. Bien, écoutez, c'est un service qui n'est pas couvert par la Régie de l'assurance maladie du Québec, et les gouttes en question doivent être facturées au patient tant et aussi bien chez l'ophtalmologiste que chez l'optométriste. Alors, c'est peut-être triste ou particulier pour une personne sur l'aide sociale, mais, pour tout citoyen québécois aussi, ce n'est pas couvert, même chez les 0-18 ou les 65 ans et plus.
Mme Harel: Donc, pour les enfants également, c'est bien ça?
Mme Chassé (Lise-Anne): Oui. Oui. Il peut y avoir des frais de facturés pour les gouttes qu'on administre au moment de l'examen des yeux.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Dre Chassé, Me Laverdière, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre des optométristes du Québec. Et, malgré le fait qu'il est prévu que nous siégeons cet après-midi, on écoute attentivement les avis touchant les travaux des commissions. J'ajourne la commission sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 15 h 45)
Le Président (M. Copeman): Alors, chers collègues, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et je vous rappelle que nous sommes toujours réunis afin de continuer la consultation générale et la tenue des auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.
Nous allons, dans quelques instants, débuter l'après-midi avec un échange... c'est-à-dire la présentation et un échange du Collège des médecins du Québec, qui sera suivi par l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec, pour terminer l'après-midi avec l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.
En s'excusant à nos invités... Vous savez, messieurs dames, que les travaux de la commission sont tributaires aux travaux de la Chambre, et il faut attendre que les avis soient donnés. Aujourd'hui, exceptionnellement, nous sommes peut-être même plus en retard que d'habitude. On s'excuse, on demande votre compréhension.
Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Collège des médecins du Québec. Dre Leblanc, bonjour.
Mme Leblanc (Marie-Hélène): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle comment ça fonctionne. Je suis convaincu que vous le savez déjà, mais vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Je vais vous avertir quand il vous reste deux minutes, et, compte tenu des délais, je suis obligé d'être très sévère dans l'attribution du temps. Ce sera suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les collègues qui vous accompagnent et de débuter votre présentation par la suite.
Collège des médecins
du Québec (CMQ)
Mme Leblanc (Marie-Hélène): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, je suis Marie-Hélène Leblanc. Je suis cardiologue à l'Hôpital Laval et je suis administratrice au Collège des médecins pour la région de Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui du Dr Yves Robert, à ma gauche, qui est directeur général adjoint et secrétaire adjoint au collège, de même que du Dr André Jacques, qui est directeur de l'amélioration en exercice.
Alors, le Collège des médecins du Québec vous remercie de lui permettre de vous présenter le résultat de ses réflexions relativement au document intitulé Politique du médicament, qui a été rendu public le 16 décembre dernier. Nous saluons le dépôt de cette politique qui se faisait attendre et dont la mise en place était déjà requise par la loi instaurant l'actuel régime général d'assurance médicaments, en 1997. L'augmentation du coût des médicaments et de leur utilisation menace de plus en plus la survie même du régime et rend urgente l'adoption d'une telle politique pour sauvegarder l'objectif principal: que tous les Québécois aient accès aux médicaments dont ils ont besoin. Tous reconnaissent, y compris le Collège des médecins du Québec, que le régime d'assurance médicaments est un acquis social important du Québec et qu'il faut le préserver.
Lors de sa création, le Collège des médecins du Québec avait exprimé son accord avec les principales caractéristiques du régime: une accessibilité générale aux médicaments, avec une attention toute particulière aux plus démunis, un financement mixte privé-public et l'appel à une certaine contribution des usagers. Tout en réaffirmant la nécessité de préserver l'indépendance professionnelle des médecins, le collège suggérait des moyens pour favoriser leur collaboration. Lors des réévaluations du régime réalisées en 2000 et en 2002, nous commencions toutefois à percevoir un certain sentiment d'impuissance quant au contrôle des prix dans le libre marché. Dans ses mémoires de l'époque, le collège exprimait déjà ses préoccupations face à la perspective que le contrôle des coûts se fasse à coups de mesures administratives davantage axées sur des objectifs comptables que sur la qualité des services. Heureusement, la qualité des services est une idée qui a quand même fait son chemin et que l'on retrouve maintenant sous le thème de l'utilisation optimale des médicaments.
Il est intéressant de constater que les quatre axes proposés reprennent, dans leur séquence, l'historique du régime. Celui-ci est né en 1997 de la volonté de rendre universelle l'accessibilité des médicaments à la population. Cependant, l'augmentation constante de l'utilisation et du coût des médicaments a rendu nécessaires les ajustements législatifs de 2000 qui permettaient de hausser la contribution des usagers tout en gelant le prix des médicaments. La notion d'une utilisation optimale des médicaments est apparue plus tardivement, mais elle constitue maintenant selon nous la seule voie d'avenir, d'autant plus que le gel des prix ne peut durer.
n(15 h 50)n Dans cette perspective, et ce sera notre première et principale suggestion, nous croyons qu'une hiérarchie s'impose parmi les axes proposés et que les trois autres axes doivent être assujettis à celui de l'utilisation optimale des médicaments. Voilà en effet un objectif mobilisateur qui peut rallier tous les acteurs, comme l'a démontré le colloque tenu sur ce thème en mai 2004 à Québec. Que cela soit dit clairement: Pour faire face à l'augmentation inévitable du coût du régime d'assurance médicaments, il faudra beaucoup plus qu'une opération comptable, un gel des prix, une liste de médicaments et un contrôle administratif du prescripteur. Cette responsabilité doit être partagée et assumée par tous, et elle doit être basée sur une logique qui respecte à la fois les données scientifiques, les besoins individuels et le bien commun.
On le dit dans le document de consultation, l'utilisation optimale des médicaments ne concerne pas seulement les professionnels qui les utilisent, elle concerne également les compagnies qui les produisent, les gestionnaires qui les paient et finalement les patients qui les consomment. En fait, l'utilisation optimale des médicaments est la seule issue possible pour tous les acteurs, même si ceux-ci ne le réalisent pas toujours. Cet objectif devrait permettre d'atteindre les trois autres: l'accessibilité aux médicaments vraiment requis, le contrôle des coûts en fonction d'objectifs de santé et le dynamisme de l'industrie pharmaceutique en tant que partenaire social.
Qu'il soit d'abord clairement établi que ce n'est pas parce que le médecin prescrit des médicaments qu'il est la source des problèmes auxquels le régime est confronté. Peut-être existe-t-il des préjugés à cet égard. Le médecin prescripteur se préoccupe non seulement de la santé de son patient, mais aussi de celle de la population dans son ensemble. À cet égard, il fait partie de la solution et doit être supporté dans son rôle. S'il y a place pour l'amélioration de la qualité des pratiques professionnelles pour favoriser l'utilisation optimale des médicaments, c'est d'abord aux ordres professionnels, dont le Collège des médecins du Québec, qu'incombe cette responsabilité.
Nous aborderons maintenant plus en détail les propositions soumises sous l'angle professionnel, qui est toujours celui que privilégie le Collège des médecins du Québec. Les propositions 17 et 18 portent sur les rôles respectifs du Conseil du médicament et de la Table de concertation sur l'utilisation optimale du médicament. Nous devons exprimer notre profonde insatisfaction quant au rôle actuellement joué par la Table de concertation sur l'utilisation optimale du médicament et sur ses relations avec le Conseil du médicament. L'expérience a montré, à plus d'une occasion, que le Conseil du médicament soit ne consulte pas soit ne tient pas compte des avis de la Table de concertation. En effet, celle-ci n'a pas été consultée, par exemple, lorsque le médicament Advair a été retiré de la liste des médicaments, pas plus que ne l'ont été les médecins cliniciens susceptibles de prescrire ce médicament.
À d'autres occasions, le Conseil du médicament n'a tout simplement pas tenu compte des avis exprimés à la table de concertation, à commencer par la définition même de l'utilisation optimale des médicaments, que l'on retrouve dans la politique et qui avait fait l'objet d'une recommandation unanime de la table demandant de déplacer les éléments de coûts et de ressources à la fin de la définition. La table était alors d'avis que les valeurs des patients et les valeurs sociales avaient prépondérance sur les coûts et les ressources disponibles. Le Conseil du médicament n'a pas retenu cette recommandation unanime. Une telle attitude de la part du Conseil du médicament a considérablement refroidi l'enthousiasme de plusieurs médecins appelés à collaborer. Il y a là un contentieux à régler.
Selon nous, la responsabilité de l'utilisation optimale du médicament ne peut être confiée au Conseil du médicament, puisqu'elle relève aussi d'autres acteurs, dont au premier titre les ordres professionnels. Le Conseil du médicament doit bien sûr s'en préoccuper, particulièrement dans l'établissement de la liste de médicaments, mais il ne peut certainement pas le faire seul, surtout que la politique propose de lui confier certains mécanismes de contrôle professionnel. Si le gouvernement souhaite confier la responsabilité d'assurer l'utilisation optimale des médicaments au Conseil des médicaments en plus de la mise à jour de la liste des médicaments, il devra lui imposer un cadre l'obligeant à demander des avis aux autres acteurs, notamment à la table de concertation, où les sociétés savantes et les ordres professionnels sont représentés, et à tenir compte de ces avis dans ses décisions. Les décisions du Conseil du médicament ne sont pas à ce point urgentes qu'elles ne puissent faire l'objet de consultation préalable des principales personnes concernées.
D'ailleurs, la volonté ministérielle semble aller dans le sens de faire de la table de concertation le forum privilégié en matière d'utilisation optimale des médicaments. Leurs perspectives étant différentes, tous les acteurs devraient selon nous s'y retrouver, y compris la population. Voilà pourquoi nous proposons d'y nommer un représentant du public.
Dans la proposition 19, on avance en bloc plusieurs moyens devant favoriser l'utilisation optimale des médicaments. Nous aimerions y apporter quelques précisions.
Depuis quelques années, l'Ordre des pharmaciens du Québec et le Collège des médecins du Québec entretiennent, par le biais d'un comité conjoint, des relations formelles permettant des échanges sur des sujets d'intérêt commun. Depuis l'adoption, en 2002, du projet de loi n° 90 modifiant le Code des professions et d'autres lois, les relations entre professionnels dans le domaine de la santé se réaménagent. C'est dans ce cadre que le Collège des médecins du Québec inscrit dans son projet de règlement sur les normes relatives aux ordonnances faites par un médecin une disposition visant à ce que ce dernier indique, s'il le juge à propos, l'intention thérapeutique sur son ordonnance à l'intention du pharmacien. Il s'agit là en effet d'un moyen pouvant permettre une meilleure collaboration interprofessionnelle et une meilleure utilisation des médicaments, mais cette pratique doit être faite à l'intérieur de certaines balises précises pour ne pas nuire aux patients. Il faut d'ailleurs distinguer cette proposition concernant le travail interprofessionnel d'une autre proposition qui voudrait confier aux pharmaciens la responsabilité de réviser tout le profil médicamenteux d'un patient. Nous sommes encore loin d'en être rendus là dans nos discussions avec les pharmaciens.
L'utilisation des profils de prescription des médecins soulève toute une autre question. Il s'agit ici de l'évaluation et de la surveillance de la qualité de l'acte professionnel des médecins, un domaine qui relève entièrement de la responsabilité du Collège des médecins du Québec. Le profil de prescription est un outil qui peut être utile dans l'évaluation de la qualité des activités professionnelles d'un ou de plusieurs médecins. Notre expérience a toutefois démontré que pour être efficace cet outil ne doit pas être utilisé isolément. Le profil doit être interprété adéquatement et jumelé aux autres activités de développement professionnel déjà sous l'égide du Collège des médecins du Québec. À notre avis, l'utilisation des profils de prescription ne relève pas de la responsabilité du Conseil des médicaments, leur diffusion encore moins.
Par contre, nous souscrivons entièrement aux propositions 21 et 22 qui visent à mettre en place les conditions permettant une meilleure transmission de l'information aux citoyens et une meilleure circulation de l'information entre les professionnels. Sur ce dernier point, nous exprimons à nouveau notre impatience. Quand ces fameux outils informatiques, annoncés depuis plus d'une dizaine d'années, seront-ils mis à la disposition des cliniciens? Alors que le pharmacien a accès depuis plusieurs années déjà au profil de médicaments de ses clients par une base de données de la RAMQ, le médecin, lui, n'y a toujours pas accès. Combien de temps devrons-nous encore attendre? Non seulement cette mise en réseau favoriserait-elle une utilisation optimale des médicaments et un bénéfice direct pour le patient, mais le seul accès à cette information pourrait générer des économies importantes en évitant le dédoublement d'ordonnances, par exemple.
Nous souscrivons pleinement à la proposition 23 visant à inclure dans la formation des futurs professionnels de la santé une préoccupation pour l'utilisation optimale des médicaments. Pour nous, le défi est cependant plus large: il s'agit de mieux former les futurs médecins à la pharmacologie alors que celle-ci se développe de façon extrêmement rapide et qu'elle demande des connaissances de plus en plus sophistiquées. Le Collège des médecins du Québec a déjà interpellé les facultés de médecine à cet égard, et nous nous engageons à le faire à nouveau.
Nous sommes également favorables à la constitution d'un fonds de soutien à la formation professionnelle continue sur l'utilisation optimale du médicament, tel que décrit dans la proposition 24. Nous croyons cependant que la gestion de ce fonds devrait être confiée au Conseil de l'éducation médicale continue du Québec, où sont représentés les facultés de médecine, les fédérations médicales, le Collège des médecins du Québec et l'industrie pharmaceutique. Ce conseil, donné en exemple dans la Politique du médicament, s'est doté d'un code d'éthique et pourrait agir en partenariat avec les autres ordres professionnels concernés.
Les propositions 25 à 28 ont trait à la clarification des règles relatives à la contribution de l'industrie pharmaceutique à l'utilisation optimale du médicament. Disons tout de suite deux choses.
La première a trait aux programmes de gestion thérapeutique; ceux-ci nous semblent l'outil à privilégier pour viser une utilisation optimale des médicaments qui intègre aussi les aspects cliniques. Le fait que ces programmes soient proposés par l'industrie soulève toutefois plusieurs questions, en particulier quant à la possibilité de conflits d'intérêts, d'où la pertinence de préciser les conditions à respecter pour que ces programmes puissent être soutenus, comme le souhaite la proposition 25. Parmi ces conditions, on devrait au moins obtenir un avis favorable de la part de la table de concertation sur l'utilisation optimale des médicaments.
n(16 heures)n La deuxième a trait aux pratiques commerciales des compagnies pharmaceutiques. Nous sommes heureux de voir reconnue, dans les propositions 26 à 29, la pertinence du Code d'éthique des intervenants en éducation médicale continue récemment adopté par le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec et auquel ont souscrit les principales compagnies pharmaceutiques faisant de la recherche et du développement. Nous croyons que toutes les compagnies pharmaceutiques, y compris celles fabriquant des médicaments génériques, devraient adhérer à ce code d'éthique. Un des moyens pour le faire serait de rendre conditionnelle à l'adhésion du fabricant au code d'éthique l'inscription d'un de ses médicaments à la liste de médicaments.
Concernant la proposition 28, nous aimerions préciser que le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec n'a pas de comité d'examen des plaintes. Si une plainte est portée à son attention, elle est transmise au Comité de développement professionnel continu du Collège des médecins du Québec qui en assure le suivi approprié.
Nous souscrivons entièrement au principe énoncé dans les propositions 1 et 2 et voulant qu'une liste de médicaments couverts par la partie publique du régime soit établie à partir de données probantes démontrant leur valeur thérapeutique, mais il est généralement admis que la valeur thérapeutique est difficile à établir.
D'une part, la valeur démontrée dans les essais cliniques ne correspond pas toujours à celle qui est obtenue dans les conditions réelles de la clinique où plusieurs conditions particulières viennent interférer. Il suffit de penser au fait que les patients sont souvent porteurs de plusieurs pathologies, aux interactions médicamenteuses, à l'adhésion aux traitements, à la disponibilité de traitements alternatifs, aux traitements déjà essayés sans succès, etc. Quand un médecin doit faire un choix, ces éléments sont au moins aussi importants que le rapport coûts-bénéfices.
Soulignons d'autre part l'existence de facteurs importants qui sont hors de la juridiction du gouvernement du Québec. Parmi ceux-ci, notons la difficulté d'évaluer la justesse du prix, c'est-à-dire la relation entre la valeur thérapeutique du médicament et son prix.
À cela s'ajoutent les difficultés de juridictions intergouvernementales. Si l'homologation des médicaments, au Canada, relève du gouvernement fédéral, les gouvernements ont peu de pouvoirs sur le prix de lancement d'un nouveau médicament.
Selon nous, le problème de la liste des médicaments n'est pas simplement un problème de lourdeur administrative et de transparence quant aux décisions prises par le conseil, comme le soulignent les propositions 3 à 5. Il s'agit plutôt d'améliorer le climat de confiance entre les personnes concernées, en particulier les médecins qui ont à prescrire, pour favoriser leur participation notamment par des mécanismes de consultation appropriés. Diffuser plus largement une décision qui n'a pas fait l'objet de consultation des principaux intéressés ne doit pas être le modèle de transparence recherché.
Au fond, nous pensons que la liste de médicaments devrait, elle aussi, être assujettie à une logique d'utilisation optimale du médicament. Il faut sortir de la logique actuelle centrée sur le contrôle des coûts et des pratiques professionnelles et qui se traduit par une escalade des demandes d'exception au fur et à mesure que la liste se restreint. Nous n'arriverons jamais à une utilisation optimale de cette façon.
La liste de médicaments devrait pouvoir s'harmoniser aux guides de pratique professionnelle et non l'inverse. Par ailleurs, est-il imaginable que le Conseil du médicament puisse identifier des besoins à combler et qu'il puisse passer des commandes avec des paramètres précis à l'industrie plutôt que d'avoir une attitude passive et d'attendre que l'industrie fasse ses propositions? Il est bien connu que la grande majorité des nouveaux médicaments mis en marché ne présentent qu'un gain thérapeutique marginal pour un prix généralement plus élevé, ce qui les destine nécessairement à la liste des médicaments d'exception, qui ne cesse de s'allonger.
La proposition 6, relative aux listes de médicaments-établissements, soulève d'ailleurs la question importante de l'harmonisation des critères servant à l'élaboration des listes de médicaments en établissement et dans la communauté. Récemment, un médecin a porté à notre attention le fait aberrant qu'un patient souffrant d'une maladie pulmonaire s'est retrouvé avec quatre pompes différentes à la suite d'hospitalisations. Les listes de médicaments dans l'établissement et dans la pharmacie communautaire étaient différentes et personne n'avait pris la peine de vérifier. Compte tenu du prix des pompes, une meilleure gestion de l'ordonnance aurait permis une économie significative pour ce seul patient. Cet exemple illustre éloquemment les graves problèmes de gestion et de circulation de l'information dans le système.
Nous partageons les préoccupations exprimées relativement à l'accessibilité des médicaments utilisés pour des activités de recherche une fois la recherche terminée, que ce soit en établissement ou en cabinet privé. Nous exprimons cependant quelques réserves sur les moyens suggérés dans la proposition 9 pour y répondre.
Nos réserves portent sur les deux derniers paragraphes de la proposition 9, relative à l'obligation des conseils d'administration d'informer le ministère des activités de recherche visant les médicaments coûteux et d'informer les participants à des activités de recherche des critères d'inscription utilisés par le Conseil du médicament. Ces deux solutions nous apparaissent peu fonctionnelles et difficilement applicables.
Le Président (M. Copeman): Dre Leblanc, je veux juste vous signaler qu'il reste deux minutes.
Mme Leblanc (Marie-Hélène): Oui. Je vais aller à la conclusion. Alors, en résumé, le Collège des médecins du Québec appuie le gouvernement dans sa volonté de prendre les mesures nécessaires pour préserver la pérennité d'un régime général d'assurance médicaments; recommande que l'objectif principal de la politique du médicament soit l'utilisation optimale du médicament et que les autres objectifs poursuivis, d'accessibilité, de contrôle des coûts et de maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique, y soient assujettis; souhaite que cet objectif primordial mobilise tous les intervenants à participer à sa réalisation et réaffirme la responsabilité première des médecins à cet égard; recommande d'impliquer davantage les médecins prescripteurs dans l'établissement de la liste de médicaments du point de vue de l'utilisation optimale de ceux-ci; recommande de clarifier le mandat de la Table de concertation sur l'utilisation optimale du médicament pour en faire le véritable forum décrit par la politique et de préciser les obligations du Conseil du médicament envers cette table; demande à nouveau la mise en place urgente des outils informatiques donnant aux médecins cliniciens accès aux informations pharmaceutiques concernant leurs patients; demande de maintenir la reconnaissance de la responsabilité exclusive des ordres professionnels en matière d'évaluation et de surveillance de la qualité de la pratique professionnelle, incluant l'utilisation de profils de prescription; s'engage à interpeller les facultés de médecine pour rehausser les programmes de formation universitaire des étudiants en médecine en matière de pharmacologie, incluant l'utilisation optimale des médicaments; soutient la création d'un fonds visant la formation professionnelle continue en matière d'utilisation optimale des médicaments et recommande qu'il soit géré par le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec en partenariat avec les autres ordres professionnels concernés; recommande que l'ensemble de l'industrie pharmaceutique et les autres professions de la santé adhèrent au Code d'éthique des intervenants en éducation médicale continue; recommande que les mécanismes de mise à jour de la liste de médicaments et les critères d'inclusion et d'exclusion soient revus et fassent appel aux avis de la Table de concertation sur l'utilisation optimale des médicaments; recommande une meilleure harmonisation des critères permettant la constitution des listes de médicaments en établissement et dans la communauté; et souhaite la mise en oeuvre d'une véritable politique de la recherche dans le domaine de la santé, permettant de répondre de façon plus globale et plus intégrée aux questions soulevées par la recherche sur les médicaments.
Nous vous remercions de nous avoir permis d'exprimer l'opinion du Collège des médecins sur les propositions contenues dans la Politique du médicament et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci, docteure. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Leblanc, M. Jacques, M. Robert, pour votre présentation d'aujourd'hui. Je vais brièvement faire quelques commentaires sur votre présentation, pour par la suite aller à des échanges plus directs sur certains points que vous avez touchés.
Vous avez entièrement raison, le médecin n'est certainement pas la source du problème. Par contre, il ne peut ou elle ne peut échapper à sa responsabilité sociale dans la matière. C'est tout aussi simpliste de dire que c'est l'industrie qui est responsable que de dire que c'est le médecin qui est responsable. Et, si le médecin veut exécuter son mandat, je dirais, de participant aux bénéfices sociaux dont la société se dote, il faut espérer qu'effectivement on préservera notre régime d'assurance médicaments par des prescriptions qui sont basées sur les données probantes de la littérature médicale. Je vais vous dire, si je n'avais jamais pratiqué la médecine, je serais très prudent avant de vous dire ça, mais, l'ayant pratiquée pendant plus de 20 ans, je peux vous dire que c'est souvent le cas, mais pas toujours le cas, et je pense qu'on reconnaît qu'il y a beaucoup d'efforts à faire de ce côté-là.
La table de concertation, on vise à la bonifier. Votre suggestion d'ajouter un représentant du public, je crois, est intéressante, on va certainement l'envisager. Mais il faut rappeler que la table de concertation ne lie pas le gouvernement quant à sa décision finale, ni celle du Conseil du médicament, pour inscrire un médicament à la liste ou modifier son type d'inscription. Je pense qu'il faut être très clair à ce niveau-là.
Effectivement, on veut également améliorer le fonctionnement du Conseil du médicament, surtout en termes de souplesse de fonctionnement et de transparence, deux aspects que vous avez touchés, mais il faut rappeler que déjà le conseil a recours en grande partie à des consultants externes. Ce n'est pas un exercice interne encapsulé qui se fait, il y a 120 experts externes, dont 78 médecins spécialistes qui sont régulièrement mis à contribution pour les différents avis que le Conseil du médicament émet. Il s'agit donc de mieux coordonner tous ces intervenants, dont les médecins, l'industrie, les facultés. Vous avez raison, c'est les acteurs très importants de ce côté-là.
Juste corriger brièvement quelque chose qui a été mentionné: le pharmacien n'a pas accès au profil de médicaments des patients par l'intermédiaire de la RAMQ actuellement. Ce n'est pas le cas, le pharmacien n'a accès qu'à son propre dossier patient. Il ne peut pas aller piger dans la base de données de la RAMQ pour avoir des profils de médicaments.
n(16 h 10)n La valeur thérapeutique ajoutée. Vous avez raison, en fait, c'est un des exercices principaux ou un des critères principaux que le Conseil du médicament utilise. Donc, quand on dit que ce n'est pas dans la juridiction du Québec, ce n'est pas tout à fait exact. Le Conseil du médicament utilise cette question de la valeur thérapeutique ajoutée, de la justesse du prix pour prendre sa décision quant à une recommandation.
Je vous donne un exemple que j'utilise souvent: Si on a un médicament qui se prend, disons, trois fois par jour pour une condition pathologique x et qu'un fabricant arrive avec le même médicament, mais de façon combinée, qui ne se prend qu'une fois par jour, on convient que c'est avantageux pour le patient, et, si le prix demandé est 10 fois le prix du médicament qui se prend trois fois par jour, là le problème de la justesse du prix se pose. Et je pense que c'est comme ça qu'il faut l'expliquer, de façon très claire.
La liste d'exceptions, on veut également... je sais que c'est un facteur irritant pour les médecins, la liste d'exceptions. Je ne connais pas beaucoup de systèmes d'assurance médicaments qui ne se sont pas dotés de ce mécanisme. On veut le rendre plus transparent, plus facile, plus convivial pour nos médecins, et on va certainement faire des efforts en ce sens-là.
Enfin, quant à votre question sur l'accessibilité à des outils informatiques, bien, comme vous le savez, il y a déjà une dizaine de projets pilotes en cours dans autant de groupes de médecine de famille. On a, avec Inforoute Santé Canada, un projet de partenariat majeur qui permet d'étendre le volet pharmacologique à l'ensemble des réseaux, mais ça nécessite dans un premier temps l'adoption des mesures législatives contenues au projet de loi n° 83 et qui garantissent la libre circulation.
J'aimerais maintenant vous parler de certains points auxquels vous faites allusion dans votre présentation. Vous abordez l'idée d'un remboursement différentiel des médicaments inscrits à la liste; on voit ça dans le mémoire. Est-ce que vous pouvez nous donner des détails sur ce que vous entendez par remboursement différentiel des médicaments inscrits?
M. Robert (Yves): En fait, il s'agissait d'une recommandation du comité Montmarquette qui faisait en sorte de regrouper les médicaments par classes et faire en sorte que, selon les classes de médicaments qui sont abordées, on puisse avoir des tables de prix, dans ma compréhension de la chose, qui permettent justement de différencier en fonction des classes de médicaments. C'était donc en fait une référence à ce rapport.
M. Couillard: Le profil de prescription... Le profil, oui, de prescription, pour le médecin, je comprends vos craintes, légitimes, à ce sujet-là. Notre intention n'est absolument pas d'en faire un outil d'examen ou un outil administratif, mais plutôt un outil d'autoévaluation pour le médecin. Parce que je donne souvent également le même exemple: Si un médecin travaille et donne beaucoup de services dans une résidence de personnes âgées, personne ne sera surpris que son profil de prescription soit très différent d'un autre ou d'une autre qui fait de la médecine sportive. Donc, il serait tout à fait artificiel et impossible de porter un jugement extérieur là-dessus. Mais il nous semble important que le médecin puisse avoir conscience, année après année, de son profil, non pas pour le changer, mais au moins en avoir connaissance et s'autoévaluer. Et c'est certain que le Collège des médecins, là-dedans, a un rôle potentiel important. Comment est-ce que vous voyez, là, la mise en place de ce mécanisme qui semble utile dans d'autres juridictions?
M. Jacques (André): Écoutez, on est tout à fait d'accord avec ça. D'ailleurs, on l'utilise déjà, depuis plusieurs années. Si vous regardez un peu, la façon que la direction de l'amélioration de l'exercice, qui surveille l'exercice professionnel, a mis en place un système à trois niveaux... et le premier niveau, ce sont des indicateurs de performance, et, dans les indicateurs de performance, il y a parfois des profils de prescription dans le but ultime de fournir au médecin de l'information sur sa pratique de façon globale. Parce qu'on est tous des médecins, et vous aussi, M. le ministre: on traite un patient à la fois, et c'est notre patient, c'est même des fois exagéré que ce soit notre patient, on devrait le partager avec d'autres professionnels, mais c'est quand même un patient, et souvent on n'a pas l'idée générale de la forêt; c'est comme si on traitait un... on voyait un arbre, on ne voyait pas la forêt.
Si je demande à un chirurgien... et puis je n'ai pas d'exemple en neurochirurgie, mais, si je prenais un chirurgien général puis je lui demandais combien d'appendicites blanches ou d'appendicites sans pathologie il a enlevées durant la dernière année, je suis convaincu qu'il n'y a aucun chirurgien qui est capable de me donner de façon précise le taux d'appendicites blanches qu'il a réussies.
Alors, nous, on a fait cet exercice-là, je vous donne cet exemple-là. Il a été envoyé à chaque établissement pour dire: Voici, votre taux d'appendicites blanches, pour cette période de l'année, a été tant, comparé à des hôpitaux du même genre. C'est comme ça, à mon avis, qu'on doit utiliser les profils de prescription, et il faut que ce soit fait par un organisme, j'allais dire, neutre, s'il y en a un, et que ce ne soit pas à visée de coût uniquement. Et c'est dans ce contexte-là qu'on croit que les profils de prescription devraient être utilisés, et, nous, on est prêts à collaborer avec ça. D'ailleurs, on a un projet avec le Conseil du médicament. Ça tarde un peu ? des argents à débloquer ? mais on a bon espoir que ça va finir par aboutir, pour justement améliorer l'utilisation des antibiotiques chez les trois mois à six ans dans les pathologies des voies respiratoires supérieures, pour ne pas dire dans la grippe.
M. Couillard: Bien je dirais que, dans ce domaine des profils de prescription, c'est le résultat qui compte. Si on s'entend que c'est un outil important et utile, la personne ou l'organisation qui le met en place, tant qu'on en est imputable, de sa mise en place, ce n'est pas un problème. Mais il faut qu'on s'entende sur le fait que c'est nécessaire et qu'on veut le faire, parce que, si on fait juste dire: Bien, éventuellement on pourrait le faire, bien on sait bien que, compte tenu de la nature humaine, on risque de se retrouver dans cinq ans, 10 ans, il n'y a toujours pas de mesures mises en place. Alors, là-dessus, on pourra collaborer, et je vous assure de notre ouverture à ça.
M. Jacques (André): Mais comprenez-moi bien. On en a fait, des profils de prescription. Que ce soient les benzodiazépines chez les personnes âgées, dans la région de Québec, qui a été faite il y a déjà cinq, six ans, l'utilisation des médicaments dans l'angine stable, pour le cholestérol... les anti-angineux, etc., il y a les antibiotiques qu'on va commencer, donc il y en a eu, des projets.
Ce que je dis, c'est que ça ne devrait être pas fait par quelqu'un qui a un chapeau ministère ou un chapeau gouvernemental, parce qu'à mon avis le message livré aux cliniciens, c'est le mauvais message: qu'on contrôle, on te surveille sur les coûts, alors que l'idée, elle est noble, c'est l'utilisation optimale des médicaments et une autoréflexion et une autoanalyse de sa propre pratique. C'est là-dessus qu'on est d'accord, puis ça ne devrait, malheureusement, pas être fait uniquement ou seulement avec un chapeau ministériel ou du Conseil du médicament.
M. Couillard: Moi, je suis plutôt d'accord avec vous sur cet énoncé-là. L'autre proposition qu'on a, qui est la révision de médication à domicile, je voudrais juste clarifier: Ce n'est pas prévu que ce soit fait uniquement par le pharmacien. Ça a été introduit en Australie, cette mesure-là, et nous en avons parlé au dernier symposium, et c'est commun, c'est le médecin traitant et le pharmacien ensemble qui font l'exercice et non pas l'un isolé par rapport à l'autre.
J'aimerais que vous clarifiiez, si possible, la position du collège quant à l'intention thérapeutique, parce que, lors de l'utilisation optimale, là... du symposium d'utilisation optimale, on avait eu un support assez explicite du représentant du collège, à l'époque, pour cette notion-là; dans votre mémoire, c'est moins affirmatif. Et c'est certain qu'il y a des balises à identifier, il y a des précautions à prendre, on en parlait ce matin avec le président de l'Ordre des pharmaciens. Quelle est donc votre position là-dessus, sur l'intention thérapeutique?
M. Robert (Yves): Bien, écoutez, comme vous le savez, on a un règlement qui vient d'être mis en vigueur, le 24 mars dernier, sur les ordonnances faites par un médecin, où il est spécifié, comme on le mentionne dans notre mémoire, que, lorsqu'il le juge pertinent, le médecin doit indiquer ou peut indiquer l'intention thérapeutique sur son ordonnance. Maintenant, entendons-nous bien: il y a des médicaments où les usages sont relativement restreints, les indications sont restreintes, donc la pertinence devient moins grande. Lorsqu'un médicament donné n'a qu'une seule intention thérapeutique, elle est donc implicite dans ces cas-là.
D'autre part, à l'autre extrême, si l'objectif était, par exemple, de mettre sur une ordonnance: dépression, et puis le patient part avec son ordonnance, va faire remplir par... obtenir n'importe quel type de médicament, c'est là où on a des réserves, puis il faut mettre certaines balises. Donc, je prends des exemples extrêmes pour illustrer en fait le cadre dans lequel ce type d'intention thérapeutique devrait être utilisé.
Donc, l'objectif, c'est le bien du patient. Puis on a plusieurs... on a un exemple très concret: celui de l'anticoagulothérapie, le suivi d'anticoagulothérapie, pour lequel il y a une ligne directrice qui a été produite par nos deux ordres professionnels, pharmaciens et médecins, et qui permet justement d'identifier un cadre bien précis dans lequel l'ajustement des médicaments peut être fait.
M. Jacques (André): D'ailleurs, si vous me permettez de rajouter: Lorsqu'il y aura des ordonnances collectives, qui est une nouvelle façon, avec les autres professionnels, de mieux travailler, l'intention thérapeutique devrait être indiquée, de même... en plus de l'ajustement, que le Dr Robert parlait, dans l'anticoagulothérapie, mais, dans l'initiation également d'une thérapie, l'intention thérapeutique va être mentionnée.
Et c'est dans les autres cas qu'on dit qu'il faudrait peut-être qu'entre le médecin et le patient il y ait un dialogue pour le bien-fondé d'émettre un diagnostic. Je ne voudrais pas, et c'est un exemple loufoque, que j'aille à la pharmacie avec ma prescription d'antibiotiques et que ce soit marqué «MTS». Je ne suis pas sûr que je voudrais que mon pharmacien, pour lequel j'ai confiance parce que c'est le même que j'ai depuis longtemps, soit au courant d'un accident de parcours. Je vous l'ai dit, c'est un exemple loufoque.
M. Couillard: C'est dit en termes très élégants!
Il y a un point également sur lequel j'aimerais revenir, parce que j'en ai parlé ce matin avec M. Julien, de l'Ordre des pharmaciens, c'est la question des protocoles de recherche dans les hôpitaux pour des médicaments très coûteux. Moi, je trouve qu'il y a là une situation à laquelle, d'une façon ou d'une autre, il faut apporter un correctif.
La situation est la suivante: une compagnie X introduit un médicament y très, très coûteux, souvent pour des maladies très rares, dans un centre hospitalier, sous couvert d'une étude clinique de niveau III ou IV, et là les patients donc sont enrôlés dans cette étude qui dure un an, deux ans. L'étude se termine, on en vient à la conclusion, par revue indépendante, que l'étude n'a pas démontré d'effet bénéfique. Mais là le problème, c'est qu'il y a au moins la moitié des cohortes, si on a une bonne étude, bien faite, à double insu, qui ont reçu le médicament et qui, eux, ont l'impression que c'est un nouveau médicament, donc ça les a aidés ou ça les aide. Là, à ce moment-là, le manufacturier nous dit: Écoutez, nous, dans ces conditions-là, on ne paie plus, on se retire, et là c'est le contribuable qui reçoit le bébé.
n(16 h 20)n Alors, il me semble que de demander que minimalement, comme on l'a entendu ce matin, le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, que le conseil d'administration de l'établissement et les participants à l'étude soient informés des conséquences possibles et de la façon dont on prend les décisions sur l'inscription des médicaments, ça m'apparaît excessivement important, parce que souvent, de bonne foi, les gens qui sont enrôlés dans ces études se disent: Bien, moi, je participe à... c'est une étude qui est autorisée. Ils ont, entre guillemets, autorisé l'étude. Donc, c'est une étape préalable à l'inscription puis à la disponibilité du médicament. Il y a quelque chose là qui manque. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait mieux encadrer cette pratique?
M. Robert (Yves): Bien, pour répondre à votre question, je pense que votre exemple est... on est tout à fait d'accord avec l'exemple que vous donnez, où il devrait y avoir un cadre précis dans un exemple comme celui-là. De façon plus large, on est préoccupés par l'encadrement général de la recherche particulièrement. En établissement, c'est une chose. Est-ce que c'est le conseil d'administration qui devrait faire ça? Ou quelle est l'instance exacte qui devrait assurer l'opérationalisation de cet élément-là? Ça, c'est une question qu'on soulève sur l'aspect de l'application.
On n'a pas de problème sur le principe. En pratique, on dit: Est-ce que ça va être applicable? Et donc, c'est la question qu'on pose. Donc, je n'ai pas de problème à ce que les personnes responsables soient prises en charge ou prennent en charge ce genre de question là. La question, c'est de savoir qui va le faire en pratique. Un conseil d'administration, c'est beaucoup de monde, et qui va le faire, sur le plan opérationnel, pour le bien du patient et le bien de l'établissement, qui va prendre la décision? C'est ce genre de question là qu'il faudrait préciser et la nature du mandat qui est donné au conseil d'administration.
Par ailleurs, il y a toute la question aussi de la recherche qui se fait en dehors des milieux d'établissements qui nous préoccupe, nous, et on sait qu'on est en pourparlers avec des gens de votre ministère actuellement pour établir un cadre de recherche. Il y a une réflexion sur la recherche clinique, particulièrement en cabinet privé. Les études de phase IV, auxquelles je fais allusion particulièrement, qui nécessiteraient aussi un type d'encadrement particulier... Mais, pour l'exemple que vous donnez, je pense qu'on est d'accord sur le principe, on s'interroge sur le moyen.
M. Couillard: Il reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Copeman): Il reste six minutes, M. le ministre.
M. Couillard: Il y a une question qui, parmi la communauté médicale, est très sensible, c'est tout cet aspect du médecin prescripteur, par rapport aux décisions du Conseil du médicament, où on se dit: Bien, c'est moi qui prescris ça sur le terrain, comment ça se fait que je ne peux pas participer ou donner mon avis sur le médicament en question? Je suis très conscient de ça, ayant moi-même été pendant plusieurs années en pratique.
Cependant, je dirais la chose suivante: Pendant 20 ans ou même plus que ça avec la résidence, 25 ans, disons, j'ai prescrit des anticonvulsivants. Ça ne fait pas de moi un expert en pharmacologie sur les anticonvulsivants ni en évaluation pharmacoéconomique de la valeur d'un nouvel anticonvulsivant. Donc, oui, j'ai une expérience vécue d'avoir prescrit des anticonvulsivants, mais de facto il n'est pas sûr que cette expérience vécue me donne une autorité particulière pour éclairer le Conseil du médicament dans sa décision.
Alors, il existe des experts au Québec puis des médecins spécialistes dans les différents domaines, auxquels on a accès. Et là on se pose la question toujours, vous le savez, qui n'est pas facile: Il faut trouver des experts indépendants qui n'ont jamais eu de relations préalables avec l'industrie pour tel ou tel médicament; il y a des fois où ce n'est pas évident, parce que c'est comme ça que la recherche est constituée, mais comment est-ce qu'on communique aux médecins cette chose-là? Moi, c'est important, parce que la profession médicale se sent parfois mise de côté ou presque traitée de façon inadéquate à cause de ce mécanisme-là qui m'apparaît cependant correct à sa base même.
Comment est-ce que vous réagissez à ça? Comment est-ce qu'on dit aux médecins prescripteurs: Bien oui, c'est important, ce que vous faites sur le terrain, mais ce n'est pas ça, la seule... la seule donnée qui va nous aider. Qu'un médecin parle dans les journaux et dise: Bien, moi, j'ai prescrit ce médicament-là, puis c'est bien bon pour mes patients, bravo! c'est bien, mais ce n'est pas sur cette base-là qu'on prend les décisions d'inscription.
M. Jacques (André): Tentative de réponse, M. le ministre: Je ne crois pas que, même si vous consultez les experts individuellement, vous avez le vrai pouls de la population prescripteur, et c'est là-dessus, je pense, qu'il faut consulter davantage.
D'abord, il y a une table de concertation où là la majorité des joueurs majeurs sont autour de la table. Même si on n'est pas des experts en pharmacoéconomie ou en pharmacologie ou en études probantes, on a quand même un peu les pieds sur le terrain et on peut retourner à nos instances décisionnelles, consulter les membres.
Je ferai le parallèle avec nos lignes directrices. C'est ma direction qui produit l'ensemble presque des lignes directrices du collège, et, avant de sortir une ligne directrice, même si on a pris les meilleurs experts pour la produire, puis on a recensé la littérature, puis on a fait toutes les études, parce qu'avant... Parce que ces lignes directrices là, même si c'est des guides de pratique, elles sont utilisées en cour après ça, puis là, bien, on est... des fois, certains médecins sont mal pris avec ça.
Alors, avant de la publier, on consulte les différentes associations professionnelles, les différentes fédérations, les sociétés savantes pour avoir une idée générale. Eux vont nous dire si on a oublié un petit pan de mur ou on a oublié quelque chose d'important, que ce soit le volet... et par la suite ces gens-là peuvent nous aider dans la diffusion, dans l'implantation et dans le renforcement. Si on les braque, c'est sûr qu'ils n'aident pas, ils nuisent. Alors, c'est un peu le modèle que, nous, on utilise sur nos lignes directrices, qui, à mon avis humble, seraient applicables au niveau des décisions du Conseil du médicament.
M. Couillard: Bien, il s'agit de voir dans quelle mesure. Parce que, moi, je vois déjà le scénario, je prends quelques décisions récentes, des recommandations récentes du conseil, c'est certain que, si on dit aux médecins prescripteurs d'un domaine en particulier: Bien, votre habitude de prescrire ce médicament-là plutôt que cet autre ne correspond pas aux données probantes, ceux qui ont pris l'habitude de le prescrire vont dire que ce n'est pas une bonne nouvelle puis que ça n'a pas de bon sens, là; c'est la réaction naturelle qu'on va obtenir.
Alors, oui pour l'information, d'accord. Mais je reviens toujours à mon point précédent, là: il faut bien cibler l'expertise puis bien déterminer de quel type d'information on a besoin pour prendre des décisions, et ça, dans le but même de préserver notre régime d'assurance médicaments. Si on avait un régime entièrement privé où, si tu as de l'argent, tu paies tes médicaments, le problème ne se poserait pas, mais le gouvernement serait complètement désengagé de cette affaire-là. Et puis là, bon, c'est les lois du marché qui jouent. Et ce n'est pas le cas, on a pris ça en charge collectivement, donc il faut exercer notre responsabilité.
Par quel mécanisme, vous pensez? Je ne vois pas qu'on puisse donner un rôle de veto, par exemple, à la communauté de médecins prescripteurs sur une décision du Conseil du médicament. Mais donnez-nous un exemple du mécanisme concret que vous verriez, là, qui permettrait de répondre un peu à cette inquiétude ou à cette mauvaise humeur qu'on ressent parfois.
M. Jacques (André): Je ne pense pas que c'est un droit de veto que, moi, je réclamerais à cette table-là. Par contre, la moindre des choses, ce serait de la consulter, premièrement. Deuxièmement, si je regarde le parallèle que je fais avec les lignes directrices qu'on publie, ce n'est pas en publiant un document, un avis ou une décision que ça va changer le monde, comme on dit. Il faut aller l'implanter, il faut aller la diffuser de façon profonde, la faire comprendre, faire que les gens adhèrent à cette ligne-là ou à cette orientation-là et la partagent, et ils deviennent des agents multiplicateurs.
Bon, vous le savez peut-être, là, je suis en formation continue depuis 30 ans, c'est la façon que, moi, je pense qu'on peut modifier les pratiques. On a publié un guide d'éthique, on y a fait allusion tantôt, le Guide d'éthique de l'industrie des relations avec l'industrie en éducation continue. On savait qu'en publiant un guide comme ça ça ne changerait pas le monde, mais je peux vous dire que, depuis 2003 qu'il est sorti, ça a changé le monde, mais ça a pris du temps, ça a pris un changement culturel, ça a pris des rencontres, des réunions, des présentations, des jeux de rôles, toutes sortes de situations qui font que les gens vont s'en approprier. Là, maintenant, on parle que c'est le guide du collège, alors que ce n'est pas le guide du collège, c'est le guide du Conseil de l'éducation continue, qui regroupe les quatre universités, les deux fédérations, les associations professionnelles et Rx & D.
Je crois que c'est dans cette... bon, vous allez dire que c'est trop long, on a des décisions à prendre, mais le fait de consulter puis d'adhérer les gens, de les faire embarquer dans la décision, à mon avis, c'est, comme on dit, gagnant.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Dre Leblanc, Dr Robert et Dr Jacques, bienvenue, de la part de l'opposition officielle. J'écoute avec énormément d'intérêt l'échange que vous avez eu avec le ministre.
D'abord, j'apprécie que vous n'avez pas été excommunié parce que vous remettiez en question le dogme de l'infaillibilité du Conseil du médicament.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...protège.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: C'est toujours une menace qui plane, il y a une menace qui plane au-dessus, n'est-ce pas, de tous ceux et celles qui élèvent la voix pour faire valoir qu'il n'y a peut-être pas infaillibilité totale et que le Conseil du médicament aurait intérêt, comme vous le dites dans votre mémoire, à consulter ou au moins à faire peut-être un processus plus transparent. Certaines fédérations viendront plaider pour que ce soit même un processus public.
Mais, quoi qu'il en soit, je comprends de ce que vous nous présentez aujourd'hui qu'il peut y avoir d'autres considérations que la considération d'utilisation optimale. Elles ne sont pas illégitimes, les considérations, disons, pharmacoéconomiques, là, mais que la considération principale doit être l'utilisation optimale du médicament, c'est ce qu'on doit retenir, je crois, de votre mémoire. C'est bien le cas?
M. Jacques (André): Tout à fait.
n(16 h 30)nMme Harel: Alors, j'aimerais bien qu'on examine... même si vous vous considérez comme n'étant pas des experts en ce domaine, que nous regardions la question du prix. Dans le mémoire que vous nous présentez, vous faites valoir que... vous avez noté, c'est à la page 15, ça, de votre mémoire ? vous nous dites ceci: «Nous avons déjà noté que l'inscription à la liste a un effet sur l'ensemble du régime. Or, cette possibilité a été écartée pour faire place à des ententes de partenariat de toutes sortes entre le [ministère] et les compagnies pharmaceutiques ? propositions 32 et 33. Nous ne comprenons tout simplement pas pourquoi.» Alors, résumé en cinq lignes, là, ce que vous nous dites, est-ce que je l'interprète bien? Vous nous dites ceci: Dorénavant, il y aura éventuellement un dégel, mais il devrait être à coût nul au Québec. Ce dégel est surtout fait pour le commerce transfrontalier. Alors, étant à coût nul, ça va faire une extrême pression sur toutes les classes de médicaments, qui vont successivement faire des pressions auprès du ministre, de ses collègues, du Conseil des ministres, des députés, etc., alors que finalement l'inscription à la liste permettait d'ajuster en modulant le contrôle des prix, et ça introduisait finalement un équilibre. Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre?
M. Robert (Yves): En fait, comme vous l'avez souligné, on n'est pas des experts en économie. Ce qu'on essaie de mentionner là-dedans... Bon, je veux dire, si vous me permettez, juste revenir sur le Conseil du médicament, je dois vous dire qu'il y a peut-être juste des ajustements à faire. C'est un organisme relativement jeune, on parle d'environ trois ou quatre ans, et donc, de ce côté-là, ils ont un travail difficile à faire, celui de concilier, et j'allais presque dire «l'inconciliable», entre une augmentation effrénée des coûts et, de l'autre côté, d'ajuster en fonction de ça. Donc, je voulais juste dire qu'effectivement, de ce côté-là, il y a des ajustements à faire, et je pense qu'on est des partenaires naturels de ces ajustements.
Pour ce qui est de votre question relativement aux propositions 32 et 33, en fait notre interrogation première, c'est de s'assurer que des ententes ne pourraient contrecarrer les effets positifs d'une utilisation optimale des médicaments, donc aller dans le même sens et faire en sorte qu'il y ait cette préoccupation-là. A priori, on n'a pas de préjugé, défavorable ou favorable, dans un sens ou dans un autre, c'est plutôt un questionnement que nous avons, et nous attirons l'attention sur ce genre de décision ou d'orientation.
Mme Harel: Lors de sa présentation ici même, ce matin, l'Ordre des pharmaciens, dans le mémoire qu'ils nous présentaient, disait ceci: «Au plan professionnel, nous soulignons [...] que la conclusion de telles ententes, s'il devait y en avoir, affecterait grandement la capacité des médecins et pharmaciens à faire des choix thérapeutiques éclairés. En effet, les paramètres de ces ententes modifiant [les] prix d'acquisition des médicaments, donc le rapport coût-efficacité, leur échappaient nécessairement». Est-ce que vous partagez cette même opinion?
M. Robert (Yves): C'est une bonne question. Je dois vous dire qu'en fait la question, c'est: Jusqu'à quel point est-ce que les ordres professionnels ou les professionnels eux-mêmes seraient liés par les ententes et quelles seraient les implications sur l'encadrement professionnel de leurs choix thérapeutiques? C'est ça, la question.
Mme Harel: Dans un autre ordre d'idées, ce matin, l'Ordre des optométristes du Québec nous ont fait valoir leur inquiétude quant à l'utilisation par des tiers des renseignements qui sont inscrits, si vous voulez, sur les renseignements des prescripteurs. En fait, ce qu'ils nous ont fait valoir, c'est que, depuis l'adoption de... les modifications, plutôt, à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ? moi, j'ai appris ça, là, ce matin, mais je pense que c'est un aspect important ? il y aurait eu une brèche, là, qui permettrait, par interprétation, à des tiers, enfin des firmes, là, et on en a nommé une en particulier dans le mémoire, IMS, là, que... de recueillir de l'information sur les ordonnances. Et donc, à moins que le prescripteur ne se prévale de mécanisme de retrait, «opting out», là, ces prescriptions, là, font déjà partie, si vous voulez, de profils de prescripteurs. Est-ce que, le collège, vous êtes informés de cela?
M. Robert (Yves): Nous sommes très au fait de cela, c'est l'article 21 de cette...
Mme Harel: Voilà! Oui.
M. Robert (Yves): ...la loi d'ailleurs qui avait été votée et proposée par le gouvernement du Parti québécois à l'époque, et qui effectivement nous préoccupe jusqu'à un certain point. Actuellement, il y a trois compagnies qui ont eu l'autorisation de la Commission d'accès à l'information pour pouvoir recueillir des informations sur les prescriptions, mais, attention, c'est des informations qui sont dénominalisées. Donc, il faut être... D'abord, un, c'est clair qu'il n'y a aucun nom de patient là-dedans. Il y a des regroupements de... Les données sont représentées par groupes de 30 médecins. Par exemple, alors quels sont les 30 médecins qui ont prescrit le plus de types de médicaments, et ainsi de suite.
Donc, c'est autorisé actuellement par la loi. C'est géré par la Commission d'accès à l'information, qui est en train justement de procéder à un audit de l'application de cet article par IMS, présentement, auquel nous participons. Donc, oui, nous sommes au courant de ça. Oui, nous avons des préoccupations sur l'usage qui peut être fait de ces données-là, notamment par des utilisateurs, notamment par l'industrie pharmaceutique, pour pouvoir éventuellement influencer ou identifier le profil de prescription d'un médecin par rapport à la moyenne de son groupe ou des gens de son domaine de pratique. Donc, on est tous conscients de ça, mais il n'y a pas d'information nominative de patients qui circule. Il n'y a pas d'information nominative sur des médecins qui circule non plus. Et on est très soucieux et préoccupés de suivre ça. Et je dois dire que la Commission d'accès à l'information est extrêmement rigoureuse dans le suivi de ses autorisations. Nous l'avons sensibilisée au potentiel effet d'influence que ça pourrait avoir sur le type de prescriptions que le médecin peut faire. Et nous suivons aussi ces dossiers de très, très près. Donc, actuellement, il y a trois compagnies: il y a IMS, il y a Pharma Communications et un autre groupe également qui vient d'avoir une autorisation.
Mme Harel: Je vous remercie. Alors, je pense que ce pourrait être certainement utile, là, dans la poursuite des travaux de la commission, d'entendre la Commission d'accès à l'information précisément sur cet aspect.
Vous n'avez pas abordé dans votre mémoire... Remarquez qu'il est très consistant sur d'autres aspects, mais vous n'avez pas abordé l'aspect des pratiques commerciales, l'aspect des ristournes, la question des échantillons. Est-ce que le collège a un point de vue là-dessus?
M. Robert (Yves): Il est très clairement exprimé dans notre code de déontologie, qui défend l'indépendance professionnelle et qui identifie trois situations clairement établies de menace à l'indépendance professionnelle: la ristourne, le dirigisme et la prescription intempestive à des fins de pouvoir avoir des bénéfices secondaires par l'une ou l'autre de ces pratiques. Ces pratiques-là sont connues de nos membres. On a justement... on continue à informer de façon continue nos membres, et c'est clairement inscrit dans notre code de déontologie, adopté et mis en vigueur depuis 2002.
Mme Harel: Est-ce que vous faites référence au fait que le code n'interdit plus de recevoir des cadeaux, de ristournes ou des avantages, mais que vous demandez une modification pour qu'il y ait renversement du fardeau de la preuve; en l'occurrence, qu'on ait à démontrer que cela influence la pratique, plutôt que de simplement avoir à démontrer qu'il y a eu de tels cadeaux, avantages pécuniaires, ristournes et autres?
M. Robert (Yves): Il n'y a pas eu de...
Mme Harel: ...de demande de modification.
M. Robert (Yves): ...de diminution. Au contraire, le nouveau code de déontologie est plus large qu'il ne l'était auparavant en termes de couverture et de demande de rigueur de la part du professionnel, pour préserver et protéger son indépendance professionnelle. Et ces outils-là avaient été demandés notamment à l'exercice qui avait été... qui a duré quelques mois, auquel le syndic a participé, pour pouvoir justement intervenir lorsqu'il y avait un soupçon de menace à l'indépendance professionnelle du médecin, et donc ils ont été très soucieux d'élargir la portée du code de déontologie en cette matière.
Mme Harel: Enfin, je comprends que c'est l'Ordre des pharmaciens qui demande des modifications à son code de déontologie quant à la disposition qui prévoit qu'ils ne doivent pas donner d'avantages pécuniaires ou autres ristournes à des prescripteurs.
M. Robert (Yves): Exact.
Mme Harel: C'est toujours en suspens, ça.
M. Robert (Yves): Bien, c'est-à-dire qu'eux autres, ils sont en processus de révision de leur code de déontologie, et ils s'inspirent du nôtre d'ailleurs.
Mme Harel: Oui. Vous alliez dire quelque chose, M. Jacques?
M. Jacques (André): Mais, je veux dire, ce n'est pas notre ordre professionnel. Alors, je ne sais pas où c'est rendu dans les débats.
Mme Harel: C'est ça. Très bien. Alors, je pense que, là... Alors, je crois que, sur la question de la table de concertation, vous proposez qu'il y ait un représentant du public. C'est un aspect important. Cette table de concertation, vous voulez la consolider, la solidifier, si je comprends bien?
M. Jacques (André): Oui.
Mme Harel: Et ce représentant du public serait nommé par le ministre, par...
n(16 h 40)nM. Jacques (André): Oui, en fait, comme on discute, autour de cette table-là, de l'utilisation optimale des médicaments, hein, c'est la Table sur l'utilisation optimale des médicaments, un des partenaires de l'utilisation optimale, c'est le patient qui prend ses médicaments, hein? Vous savez que 30 % des patients ne prennent.... 30 % des médicaments ne sont pas bien pris par les patients. Ça fait partie, à mon avis, de l'utilisation optimale: il y a le prescripteur et il y a celui qui le prend. Alors, si je vous prescris le bon médicament, c'est une chose, si vous ne le prenez pas, c'est une autre chose, et pourquoi vous ne le prenez pas. Alors, il s'agit de voir comment on peut intervenir. D'ailleurs, la campagne de sensibilisation était beaucoup axée sur ça; d'ailleurs, on a vu des retombées positives. Mais je pense que ce serait intéressant qu'il y ait un représentant du public autour de la table pour donner des avis qui pourraient être partagés par les professionnels autour de la table.
Mme Harel: Vous recommandez également qu'il y ait une seule liste, hein, de médicaments, à la fois dans les établissements et hors établissements, dans la communauté.
M. Robert (Yves): À tous le moins une harmonisation entre les listes. Parce qu'un des problèmes, c'est que, jusqu'à maintenant, pour des raisons qu'on comprend très bien, là, qui sont liées entre autres au mode de budgétisation de ces médicaments-là qui ne dépendent pas des mêmes lois, des mêmes budgets, etc., donc on peut comprendre qu'il peut y avoir effectivement des listes qui varient non seulement entre le secteur communautaire et l'établissement, mais entre établissements eux-mêmes. Et donc notre appel, c'est surtout d'être conscients qu'il peut y avoir des problèmes liés à ça et qu'on a intérêt ? et je crois que c'est la préoccupation de la politique présentée actuellement ? d'harmoniser ces listes-là pour éviter de se retrouver avec des dédoublements et de l'incompréhension de la part du patient.
Mme Harel: Et, vous qui en fait êtes responsables de l'amélioration de l'exercice, vous mentionniez tantôt les initiatives prises par le collège. Finalement, on voit se développer depuis peu une pratique différente dans l'assurance privée et l'assurance publique. Finalement, on comprend qu'il y a de plus en plus de médicaments d'exception, votre mémoire en fait mention d'ailleurs: «Il faut sortir ? dites-vous ? de la logique [...] centrée sur le contrôle des coûts [...] qui se traduit par une escalade des demandes d'exception au fur et à mesure que la liste [générale] se restreint». C'est les vases communicants finalement, ce qui est le cas dans le secteur public, mais on m'indique que, dans le secteur privé, la situation est restée celle qui prévalait il y a quelque temps. Donc, cette liste d'admissibilité générale est restée légèrement... elle a légèrement diminué, mais elle est beaucoup plus importante que la liste du secteur public. Est-ce qu'il vous semble apparaître, là, un système à deux vitesses quant à l'accessibilité des médicaments?
M. Jacques (André): Je ne suis pas capable de répondre, vous demanderez peut-être cette question-là aux assureurs privés, qui vont sûrement venir parader ici. Mais, nous, au niveau de la qualité de l'exercice, on ne voit pas de différence, en termes de prescripteurs ou de qualité de prescription. Évidemment, c'est celui qui va chercher son médicament qui a à payer, ou qui a une assurance qui paie, ou qu'il faut qu'ils paie une franchise, c'est là que ça se joue. Mais, au niveau de la qualité, ce dont je m'occupe, je ne vois pas de différence actuellement.
Mme Harel: Mais vous ne pensez pas que le prescripteur, la ou le prescripteur, là, va être tenté de prescrire un médicament qui est couvert par une assurance pour que la personne à qui la prescription est faite n'ait pas à débourser?
M. Jacques (André): Sûrement.
Mme Harel: Ça influence.
M. Jacques (André): Ça influence, mais, tant que ça n'influence pas sur la qualité, moi, je n'ai pas de problème.
Mme Harel: Ça n'influence pas sur la qualité, mais, si les médicaments nouveaux ne sont pas inscrits sur des listes assurées, est-ce que ça influence?
M. Jacques (André): Je vais prendre l'exemple du ministre, tantôt. Si je vous prescris un médicament trois fois par jour puis que j'ai le choix, comme prescripteur, en médicament à une fois par jour mais que ça coûte, comme il dit, 10 fois plus cher, si vous avez une assurance, je vais vous prescrire celui qui coûte plus cher, parce qu'à une fois par jour je suis plus confiant de votre «compliance», je suis plus certain que vous allez compléter le traitement, je suis plus certain que vous allez guérir et que vous n'aurez pas arrêté votre traitement dans le milieu et que vous n'allez pas faire une pneumonie, vous allez être hospitalisé, vous allez attraper le C. difficile. Ça, ça coûte pas mal plus cher que 10 fois le médicament.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Merci, docteur. Je sais que mon collègue le député de Vachon veut également vous poser des questions.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon, il reste quatre minutes.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Ce ne sera pas long, M. le Président. Bonjour. Je ne pense pas que vous ayez commenté ? à moins que je fasse erreur ? dans la lecture de votre mémoire, la proposition ministérielle n° 11, en page 23 du document, concernant l'accessibilité financière aux médicaments, notamment la question de la gratuité pour les personnes âgées qui bénéficient de la prestation maximale du SRG.
J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'évidemment le Collège des médecins doit avoir un poste d'observation assez unique en ce qui a trait au risque de sous-utilisation, si la capacité financière des patients n'est pas au rendez-vous en ce qui concerne leurs obligations financières au régime. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que je ne pense pas que vous vous soyez prononcés, mais j'imagine que vous avez quelque chose à dire.
M. Robert (Yves): On n'a rien de particulier à dire sinon que l'objectif visé par la politique du médicament, c'est l'accessibilité aux soins. C'est clair que nous sommes dans une conjoncture démographique qui fait en sorte que le Québec, implacablement, sa moyenne d'âge va augmenter au cours des prochaines années, et je ne vous apprends rien. Donc, la question, c'est de savoir, oui, ces personnes âgées vont avoir besoin de médicaments; nous sommes tous des personnes âgées potentielles qui vont en avoir besoin, et donc la question, c'est de savoir comment va-t-on pouvoir faire en sorte que ces personnes âgées vont pouvoir se payer, et nous allons pouvoir nous payer collectivement ces médicaments dont nous aurons besoin et dont le prix ? on l'observe depuis les dernières années, on l'observera dans le futur aussi ? va augmenter.
Donc, la question qui se pose ici... je ne connais pas les programmes particuliers qui permettent de faciliter l'accès aux médicaments aux personnes âgées. Ce que je vois, là, je ne peux pas le commenter, ça, je n'ai pas d'opinion particulière là-dessus et je ne pense pas que le collège en ait non plus. Ce qu'on dit de façon plus générale, c'est que les personnes âgées vont augmenter au cours des années, et la question qu'on se pose, et c'est la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui, c'est: Comment va-t-on pouvoir faire survivre le régime d'assurance médicaments pour que les personnes âgées, que nous serons et celles qui sont déjà là présentement, puissent avoir accès aux médicaments auxquels ils ont droit et dont ils auront besoin pour la qualité de leur vie et qui aura un bénéfice collectif?
Je reprends un peu l'exemple de mon collègue le Dr Jacques: Dans la mesure où ces personnes-là vont prendre adéquatement leurs médicaments, ils vont moins décompenser, ils vont être plus autonomes, ils vont être capables d'être plus actifs dans la société et faire en sorte de consommer moins de soins médicaux qui, eux, peuvent être plus coûteux parce qu'ils auront décompensé, parce qu'ils auront été hospitalisés, parce qu'ils auront nécessité des chirurgies ou d'autres manoeuvres thérapeutiques plus coûteuses. Donc, c'est ça, la question, et je n'ai pas de régime ou de mécanisme miracle à proposer pour dire que les personnes âgées, plus que d'autres personnes démunies, pourraient avoir accès à ces médicaments-là. C'est l'objectif général du régime. Je crois que les personnes âgées doivent s'inscrire dans ces clientèles démunies.
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Alors, Dre Leblanc, Dr Jacques, Dr Robert, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Collège des médecins du Québec. Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre! Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons l'Association des conseils de médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Là, on place les «s», ce sont... c'est bien important. Alors, monsieur... Dr Bolduc, M. le président, bonjour.
M. Bolduc (Yves): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation par la suite.
Association des conseils des médecins,
dentistes et pharmaciens
du Québec (ACMDP)
M. Bolduc (Yves): Dans un premier temps, moi, je suis Dr Yves Bolduc, médecin généraliste à Alma, et puis je suis président de l'Association des CMDP du Québec; à ma gauche, j'ai Mme Françoise Cloutier, qui est directrice générale de l'association; et, à ma droite ? je suis bien entouré ? c'est Mme Cécile Lecours, qui est vice-présidente de l'association et qui est également chef du Département de pharmacie de l'Hôpital Sacré-Coeur, à Montréal.
n(16 h 50)n M. le Président, M. le ministre, Mme Harel, MM. et Mme les députés, dans un premier temps, notre mémoire va porter sur deux points essentiels: l'accessibilité aux médicaments et l'utilisation optimale des médicaments. Il y avait quatre axes, notre association se sentait concernée surtout par deux axes.
Dans un premier temps, on voudrait quand même féliciter le ministre de nous avoir apporté cette politique assez rapidement, puis on pense que c'est un bel avancement au Québec, là, si on peut l'adopter dans l'ensemble. C'est sûr que, comme dans toute politique, je pense qu'il y a quelques corrections à apporter, et puis on va en jaser un petit peu, mais je pense que globalement c'est un avancement pour les soins de santé au Québec.
Dans un premier temps, l'accessibilité aux médicaments. L'accessibilité est balisée par une liste. Tel que mentionné, l'inscription à la liste du régime général d'assurance médicaments est déterminante afin que l'assuré ait accès aux médicaments même en établissement de santé. C'est pour cette raison que l'ACMDP juge important l'ajout des critères de décision 3 et 4 à compter d'octobre 2005, tel que préconisé, pour mieux guider le Conseil du médicament dans ses décisions d'inscription. Les critères 3 et 4 élargissent la portée du critère 2, qui est la justesse de prix, en s'attardant à l'impact sous les autres composantes du système de santé et en focalisant sur les bénéfices pour la personne et la population, ce qui nous apparaît cohérent avec l'orientation ministérielle d'approche populationnelle en santé.
Élément 2: l'inscription à la liste sur la base des données probantes, la transparence et l'accès à l'information. L'ACMDP valorise l'importance de l'utilisation des données probantes pour évaluer la valeur thérapeutique d'un produit et décider de l'inscrire ou non à la liste. Elle en fait d'ailleurs la promotion et l'enseignement dans le cadre de ses formations. Le projet de politique mentionne que seuls les médicaments commercialisés et disponibles sur le marché canadien seront considérés par le Conseil du médicament. Il est cependant important pour les établissements de santé que le Conseil du médicament, en plus de prendre position concernant les médicaments qui ont reçu un avis de conformité, prenne aussi position en temps opportun concernant certains médicaments non commercialisés au Québec qui deviennent de plus en plus des traitements de première ligne ou deuxième ligne dans certaines maladies. Il s'agit ici d'encadrer ces pratiques et d'assurer une accessibilité équitable à la population d'un établissement à l'autre.
Il en va de même pour les médicaments orphelins et les médicaments pour traiter les maladies métaboliques. Ces médicaments posent des problèmes pratiques, financiers et éthiques. Il devrait exister un lien de communication entre le Conseil du médicament et les établissements qui permettrait d'échanger des informations pertinentes au moment opportun. Les établissements devraient pouvoir s'appuyer sur des avis, directives et décisions du conseil, en temps réel, concernant les médicaments sans avis de conformité, les médicaments orphelins et les médicaments destinés à traiter des maladies métaboliques rares.
Dans tous les cas, il serait très utile pour les cliniciens d'avoir accès aux motifs de refus ou d'ajout d'un médicament à la liste et à de l'information concernant l'état d'avancement des évaluations en cours par le conseil, et ce, à jour et sur leur site Internet. En plus d'assurer une plus grande transparence, cela réduirait le temps requis dans chaque établissement pour évaluer les nouveaux traitements médicamenteux.
Le troisième élément: l'assouplissement du processus administratif lié à la liste de médicaments. Ça, je pense que tout le monde va en parler, là. Je peux vous dire qu'en clinique, c'est un gros problème, là, tous les médicaments d'exception qu'on a, et puis je dois vous avouer, souvent on ne le prescrit pas parce que c'est trop tannant de remplir les formulaires.
Le recours au statut de médicament d'exception est certainement utile dans certains cas pour contrôler les coûts. L'ACMDP recommande cependant d'utiliser cette approche avec parcimonie et de veiller à minimiser la lourdeur administrative qu'elle peut occasionner, afin de ne pas limiter l'accès aux médicaments et d'éviter de surcharger les professionnels. En ce sens, toute mesure pour assouplir le processus lié à la liste est grandement souhaitée.
De plus, il serait utile de permettre aux pharmaciens de pouvoir compléter les modalités administratives concernant une demande de médicament d'exception dans un contexte de pratique interdisciplinaire et de possibilité d'initiation de la pharmacothérapie par le pharmacien ? et éventuellement par les infirmières de pratique avancée ? en conformité avec le renouveau des lois professionnelles.
Quatrième élément: le financement des médicaments en établissement. Le projet de politique du médicament souligne que les autorités gouvernementales doivent envisager une allocation annuelle propre aux établissements afin de tenir compte de l'augmentation du coût des médicaments. Il est important que le gouvernement passe à l'action afin d'éviter que certains soins et services offerts par un établissement dépendent de la plus ou moins bonne santé financière du poste budgétaire des médicaments.
De plus, à cause de la coexistence de deux régimes, le régime général et le régime de l'assurance hospitalisation, les établissements et les patients vivent plusieurs problématiques reliées au financement de la médication administrée sur place pour la clientèle ambulatoire. L'ACMDP est d'avis que la possibilité pour les établissements d'administrer sur place, en établissement, un médicament acquis par le patient en milieu communautaire est essentielle dans certaines circonstances pour un continuum efficient des soins pharmaceutiques.
Ce que ça veut dire en pratique, c'est que présentement on fait plein d'entourloupettes pour que le patient aille chercher sa médication en pharmacie, et puis on s'organise pour le donner, mettons, en CLSC plutôt que de le donner à l'hôpital. C'est qu'on crée plein de processus compliqués: il faut que le patient se le paie, alors que ce serait beaucoup plus facile de le donner en établissement ou parfois on pourrait même le donner à l'extérieur mais fourni par l'hôpital.
Cinquième élément: la responsabilité des établissements versus les médicaments de recherche. Le projet de politique soulève un problème important quant aux médicaments de recherche et à différentes pratiques commerciales qui permettent à un médicament d'être introduit dans un milieu sans être soumis aux contrôles habituels. Cependant, parmi les solutions proposées, celle de s'en remettre essentiellement à chaque établissement ne favorisera pas l'atteinte d'objectifs visés. L'Association des CMDP croit qu'un comité formé d'intervenants du milieu, chapeauté par le Conseil du médicament, devrait être chargé d'identifier des mesures requises et applicables par les gestionnaires des établissements, permettant ainsi l'atteinte des objectifs tels que définis dans la politique. Il faudra réussir à bien encadrer la fourniture des médicaments d'expérimentation sans nuire à la recherche.
Le sixième élément: le mandat et la composition du Conseil du médicament et le mandat de la table de concertation. Il nous apparaît que le rôle du conseil est d'utiliser davantage les expertises des professionnels oeuvrant dans le milieu afin de bien orienter en plus de soutenir les initiatives du conseil. Une combinaison optimale de professionnels, médecins experts, pharmaciens experts et d'autres professionnels, selon le cas... doivent participer à l'ensemble des travaux du conseil.
À cet égard, il serait utile de répertorier les experts externes potentiels; en d'autres mots, de repérer les individus et les équipes qui sont à développer et à valider des interventions en matière de suivi et d'utilisation optimale des médicaments. Il serait souhaitable que la table de concertation suive l'évolution des travaux de l'ensemble de ces équipes et supporte au besoin leurs initiatives. De plus, selon les champs thérapeutiques choisis pour étude par le conseil, des médecins experts et pharmaciens experts devraient se joindre ponctuellement aux équipes de travail. On recommande qu'une combinaison judicieuse d'experts reconnus en savoir et en savoir-faire en matière d'utilisation optimale de médicaments soit mise à contribution par le conseil.
Le septième élément: les moyens en vue de favoriser l'utilisation optimale des médicaments. Nous attendons avec impatience le résultat des travaux du ministère visant à élaborer des orientations ministérielles concernant les technologies dans l'ensemble du processus de distribution des médicaments. Les actions qui en découleront seront primordiales, entre autres, l'accès à une information utile par les professionnels au moment de leur intervention auprès du patient est un prérequis incontournable à l'utilisation optimale des médicaments.
Il nous apparaît important d'y consacrer l'énergie et les sommes requises dans les meilleurs délais. Pour les cliniciens, la disponibilité d'un logiciel de prescription assistée par ordinateur donnant accès à la fois à l'information utile concernant le patient et à l'information clinique à jour concernant le traitement médicamenteux pressenti donnera plus de portée à l'ensemble des autres mesures mises de l'avant par le conseil en matière d'utilisation optimale.
Là-dessus, je vous dis que l'expérience en GMF... là, moi, je fais partie d'un GMF, et le ministère fournit gratuitement un logiciel de prescription qui fait que c'est facilement lisible. Puis vous avez devant vous quelqu'un qui est convaincu: je l'utilise 100 % du temps. C'est beaucoup plus facile, beaucoup plus de compréhension, et ça nous permet d'éviter beaucoup d'erreurs au niveau des médicaments. La problématique, malgré que ce soit gratuit, malgré que les ordinateurs sont fournis, très peu l'utilisent, par habitude, parce que c'est plus facile de prescrire à la main que par informatique.
En ayant à sa portée, au moment de la consultation et de la rédaction d'une ordonnance de traitement médicamenteux pour un patient, à la fois des données à jour sur le profil de la médication du patient ? ceci va des dernières années de traitement, qu'il ait été hospitalisé ou qu'il ait reçu sa médication d'une pharmacie communautaire ? et un rappel des dernières données probantes ou lignes directrices ? ce sont des données sélectionnées, maintenues à jour par un comité d'experts chapeauté par le Conseil du médicament ? le professionnel pourra réellement optimiser la pharmacothérapie du patient. En outre, le professionnel pourra intervenir plus judicieusement auprès du patient afin d'obtenir sa collaboration, combien nécessaire à l'atteinte des résultats thérapeutiques visés. La production par le Conseil du médicament du guide de pratique sur l'utilisation des antibiotiques est une excellente initiative. Et je peux vous dire que, parmi les cliniciens, on a considéré que c'était un bijou de document, et puis c'est très utile, et puis ça permet de standardiser la pratique. Son impact en pratique serait maximisé en l'intégrant à un logiciel de prescription informatisée avec aviseur thérapeutique intégré.
Les outils existent et une bonne partie de l'information utile en matière de gestion optimale du médicament est déjà intégrée dans les banques de données des pharmaciens d'établissements de santé et des pharmacies communautaires. Le défi est cependant de taille afin de rendre cette information disponible pour un usage convivial. Plusieurs projets pilotes tracent la voie à cet égard.
Le temps consacré actuellement par les professionnels dans nos établissements à rechercher, à colliger et à transcrire souvent manuellement des profils médicamenteux pourrait alors être consacré avantageusement à l'élaboration de plans d'intervention et de suivi médicamenteux individualisés.
n(17 heures)n La portée de la transmission de l'intention thérapeutique serait alors accrue, et il serait certainement plus facile de susciter l'effort additionnel requis de la part des prescripteurs pour donner l'accès à cette information à l'ensemble des intervenants. Il va de soi que cette information serait particulièrement utile au pharmacien en vertu du rôle et des responsabilités qui lui sont attribués par les lois professionnelles. Le profil de prescription pourrait à son tour être un outil utile pour favoriser l'utilisation optimale des médicaments. Il doit cependant se concrétiser avec doigté et en concertation avec les ordres professionnels concernés.
La révision de la médication est déjà un mode utilisé par plusieurs équipes interdisciplinaires oeuvrant en établissement de santé pour certaines clientèles hospitalisées et ambulatoires ciblées. En général, le pharmacien y assume un rôle clé. De plus, les pharmaciens oeuvrant en CLSC effectuent déjà des visites à domicile pour certains clients plus à risque et veillent à l'application du plan de soins pharmaceutiques élaboré avec l'implication des autres intervenants oeuvrant auprès du patient. Cette pratique n'est cependant pas répandue, les pharmaciens étant peu présents en CLSC. L'expérimentation de mécanismes permettant au médecin de famille d'avoir recours à un pharmacien pour fin de révision de sa médication nous apparaît prometteuse, d'autant plus si le plan d'action mis de l'avant par le médecin suite à cette intervention du pharmacien est accessible aux autres intervenants par la suite.
Dans le contexte actuel des pénuries de professionnels, tout outil convivial permettant l'accès à de l'information utile en temps réel aux cliniciens en matière de thérapie médicamenteuse est un facteur déterminant dans l'optimisation de la pharmacothérapie des Québécois en termes de résultats et de prévention des risques associés à l'usage des médicaments.
Huitième élément, l'info-médicament en seconde ligne à l'Info-Santé/CLSC. L'info-médicament en seconde ligne à l'Info-Santé en CLSC est une des mesures que l'ACMDP appuie en matière d'utilisation optimale, puisqu'elle permet de répondre sur-le-champ, de manière structurée, à une interrogation d'un citoyen. Le projet pilote réalisé à petite échelle, chapeauté par l'APES, a déjà démontré le bien-fondé de ce service. Par ailleurs, nous recommandons au ministère de miser sur des initiatives déjà existantes, comme les centres d'information pharmaceutique, pour la mise en oeuvre de ce projet. Le canal devrait être centralisé, puisque la technologie le permet et qu'une masse critique de professionnels bien outillés est garante de la qualité et du succès d'un tel programme.
La formation des professionnels. L'ACMDP croit à l'importance de former adéquatement les professionnels, et la contribution de l'ACMDP est reconnue en ce sens. L'aide financière de l'industrie pharmaceutique est actuellement nécessaire pour permettre la tenue de la majorité des ateliers de formation continue destinés aux professionnels de la santé. Dans le cadre d'une politique du médicament, il serait opportun de dicter les règles de conduite pour la participation financière de l'industrie à de tels événements afin d'en protéger l'impartialité. Cependant, nous ne pensons pas qu'un fonds particulier de formation continue pourrait se substituer avantageusement aux mécanismes actuels de subvention des associations professionnelles ou autres groupes par l'industrie pharmaceutique pour des fins de formation continue. Ce qui n'empêche pas qu'il faut absolument que le médecin soit un professionnel indépendant et ne soit pas biaisé dans sa prescription.
Le 10e élément, les programmes de gestion thérapeutique. L'ACMDP est d'avis qu'une politique du médicament devrait être le prétexte pour mieux encadrer les programmes de gestion thérapeutique mis de l'avant par des fournisseurs ? en général, l'industrie pharmaceutique ? même si ces programmes ne visent pas exclusivement la gestion du médicament. La crédibilité de ces programmes n'en serait que meilleure et favoriserait l'implication de tous les acteurs clés en assurant une approche impartiale dans le but d'optimiser les résultats de nos interventions auprès de la clientèle. Le Conseil du médicament pourrait élaborer, avec l'implication des cliniciens experts, les règles de fonctionnement garantissant l'impartialité des programmes en gestion thérapeutique.
Puis, en passant, je pense que le terme «gestion thérapeutique» est un mauvais terme, parce que l'objectif, ce n'est pas nécessairement de traiter, mais d'offrir des soins appropriés qui vont du diagnostic jusqu'au traitement, et parfois le traitement, c'est de ne pas en faire, de traitement.
En conclusion, l'initiative du ministre de la santé et des services sociaux de proposer cette politique du médicament nous apparaît un geste important. Nous apprécions le souci de transparence qui est véhiculé dans le projet. De même, nous souscrivons à l'importance d'impliquer le patient et de sensibiliser l'ensemble de la population à prendre une part active à l'optimisation de leur pharmacothérapie. Nous sommes de plus confiants que ce projet, bonifié suite aux consultations actuelles, permette de doter le Québec d'une véritable politique du médicament, politique qui servira d'assise aux actions requises pour permettre un accès raisonnable et équitable aux médicaments à l'ensemble des Québécois et pour guider et mieux outiller les professionnels de la santé dans leurs décisions et leur prestation de soins. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme James): Merci beaucoup, M. Bolduc. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous pour 20 minutes.
M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Bolduc, Mme Cloutier, Mme Lecours. Comme d'habitude, une présentation très éloquente et très complète. Je fais juste une petite remarque, que ça m'a rappelé des souvenirs quand vous avez dit: Des fois, le meilleur traitement, c'est de ne pas faire le traitement. Vous avez entièrement raison. Quand je faisais les examens de spécialité et quand je demandais la liste d'options aux candidats pour telle ou telle situation, si, parmi les options, on n'avait pas au moins envisagé de ne pas faire de traitement, en général le candidat perdait des points, et souvent on oublie ça.
Et, quelques éléments d'information, je veux juste revenir un peu en arrière sur la question de l'accessibilité aux médicaments. Il faut noter, puis on le fera à quelques reprises au cours de la commission, parce qu'il faut toujours revenir en arrière et se comparer, au Québec, par rapport à ce qui existe ailleurs au Canada... Et je prends juste soin de noter que c'est au Québec encore, et par une marge assez nette, que la rapidité d'inscription des médicaments est la plus grande, qu'il y a le plus grand nombre de médicaments inscrits et qu'il y a la plus grande proportion de médicaments inscrits sur la liste régulière, ce qui nous ramène à votre remarque sur la liste d'exception.
Vous avez également touché un point très intéressant ? puis je me permets de l'utiliser pour faire de l'information également aux citoyens, citoyennes qui nous écoutent ? vous avez parlé des quatre critères du Conseil du médicament. Et, pour des gens, c'est peut-être un peu confus, parce qu'ils savent qu'il y a quatre axes dans la politique, et ils se demandent c'est quoi, ces quatre critères-là. Et je veux juste brièvement les nommer parce que c'est important qu'on les connaisse, c'est des critères qui ont été déterminés lors de l'adoption de la Loi d'assurance-médicaments, qui sont les suivants: la valeur thérapeutique de chaque médicament; le deuxièmement, c'est la justesse du prix et le rapport entre le coût et l'efficacité de chaque médicament ? et j'arrête tout de suite là pour dire qu'actuellement, depuis 1997, les seuls critères qui sont véritablement utilisés sont le premier et la moitié du deuxième, c'est-à-dire la valeur thérapeutique et la justesse du prix, le rapport entre le coût et l'efficacité de chaque médicament; troisièmement, l'impact de l'inscription de chaque médicament à la liste sur la santé de la population et les autres composantes du système de santé ? par exemple, si on donne un médicament qui empêche d'avoir recours à la chirurgie; et, quatrièmement, l'opportunité de l'inscription d'un médicament à la liste en regard de l'objet du régime général qui est d'assurer un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes.
Alors, on voit que c'était très complet. Pour plusieurs raisons, tous ces critères ne sont pas utilisés actuellement. On a des travaux en cours pour les mettre en action, et plusieurs associations seront consultées d'ailleurs pour la façon de les interpréter. Et c'est très important qu'on le rappelle que l'évaluation du Conseil du médicament, telle que prescrite par la loi, va beaucoup plus loin qu'uniquement la question de l'efficacité thérapeutique ou de la valeur thérapeutique ajoutée.
Ne vous en faites pas, j'en arrive maintenant à votre présentation pour d'abord parler de la question des projets de recherche, des médicaments orphelins ou médicaments pour maladies rares. Vous savez, vous l'avez dit, c'est un problème éthique et humain très, très difficile. Je trouve intéressante votre suggestion, mais j'aimerais qu'on aille un peu plus loin. Vous suggérez qu'on forme un comité d'intervenants du milieu sous l'égide du Conseil du médicament pour identifier les mesures requises et applicables. Pourriez-vous nous donner une idée des personnes ou des organisations qui devraient être consultées ou être mises à contribution pour cette démarche-là?
Mme Lecours (Cécile): Je peux peut-être répondre. En fait, pour pratiquer aussi dans un établissement à soins ultraspécialisés avec des projets de recherche, ce qu'on souhaiterait du Conseil du médicament... Évidemment, il y a beaucoup de travail à faire à l'interne, dans l'établissement, comme c'est mentionné dans le projet de politique, mais au moins s'il y avait un encadrement pour vraiment, là, structurer puis de travailler aussi avec l'industrie, dans le cas de projets de recherche, après le projet de recherche: est-ce qu'il y a une obligation de poursuivre le traitement pour les patients qui auront reçu le médicament?, tout encadrer cette notion-là. Il m'apparaît que, si c'est laissé entièrement à chaque établissement qui aura pour tâche d'informer le conseil de ce qu'il préconise puis comment il fait les choses, il nous apparaît que ça va susciter des disparités d'un milieu à l'autre, ça peut devenir inéquitable et ça peut être très difficile s'il n'y a pas un minimum d'encadrement gouvernemental, qui aurait à être élaboré avec des experts de différents milieux qui sont confrontés aux problématiques.
Puis, quand je parle des experts, je parle des chercheurs, mais je parle des directeurs des services professionnels aussi, je parle des gens au comité d'éthique, des gens au comité de la recherche et des gens au Conseil du médicament. Pour moi, c'est ces personnes-là qui... et possiblement même l'industrie ou, dans un... temps, indiquer l'industrie, par rapport à ce qu'on voudra avoir comme engagement de leur part quand ils subventionnent des recherches de phase III ou IV, de sorte qu'on ne se retrouve pas dans des situations, surtout au niveau des médicaments qui traitent les maladies métaboliques... pour plusieurs années, on ne sait pas où on s'en va, et c'est une perte d'efficience et d'efficacité dans les milieux. Alors, on souhaiterait qu'il y ait quand même une orientation générale qui soit donnée au niveau du Conseil du médicament.
n(17 h 10)nM. Couillard: Vous avez raison, je pense qu'il y a une certaine urgence... bien, pas une urgence du jour ou lendemain, mais une certaine urgence de statuer sur ce problème-là, parce que l'avenir va nous apporter plein de situations semblables compte tenu du progrès dans l'industrie pharmacologique. J'écoutais, l'autre jour, un expert qui nous disait: Écoutez, ce qui s'en vient pour la prochaine décennie, c'est la génétique, c'est-à-dire le profil génétique de chacun d'entre nous, qui nous rend susceptibles à telle ou telle maladie éventuellement, peut-être, et là on offre à la personne un médicament pour empêcher, par action génétique, cette maladie de se produire. Quel problème éthique énorme va être devant nous à ce moment-là! Alors, je pense qu'il faut maintenant s'attarder à cette question-là.
Problème important pour les CMDP des établissements, vous y avez fait allusion, c'est la question des médicaments ambulatoires, par rapport au niveau hospitalier. J'ai expliqué aux collègues et à la population quelle situation on vit actuellement. En fait, il y a deux problèmes dans un. Il y a le problème budgétaire, qui fait que certains médicaments très chers, pour ne pas grever le budget de l'établissement, sont acquis en communauté, et là ils deviennent acquis sous le régime général de l'assurance médicaments. Et le résultat pratique de ça ? et c'est ça qu'on veut corriger ? c'est que vous avez, par exemple, quelqu'un qui vient avoir un traitement d'hémodialyse dans l'hôpital, qui doit avoir un médicament pour remonter ses globules rouges, puis là qu'on l'envoie de sa chaise d'hémodialyse au CLSC pour recevoir son, bon... Alors, c'est ça, la situation qu'on veut corriger.
Comment est-ce que vous voyez la façon, là, de... On veut mettre fin à ça. On veut que ce soit plus facile pour le patient maintenant, que ce soient ses besoins à lui ou à elle qui soient pris en priorité, mais le problème budgétaire demeure entier, là.
M. Bolduc (Yves): Le problème budgétaire demeure entier, mais le problème de fond, c'est que, quand il est à l'hôpital, l'assurance ne paiera pas, puis, quand vous l'envoyez dans la communauté, il est pris soit par le régime gouvernemental... Donc, c'est le même coût qu'à l'hôpital, mais là on envoie la facture au niveau de l'assurance. Je pense que c'est ça, la problématique de fond qu'on a, puis je pense que c'est là qu'il faut corriger. Puis ça pourrait aller... à la limite, plutôt que de tout faire ces entourloupettes-là, si quelqu'un a des assurances, il vient à l'hôpital, l'assurance devrait en assumer une partie également. Là, je pense, peut-être que la loi canadienne peut nous empêcher de le faire, mais c'est cette partie-là. Puis, comme de fait, c'est... Puis, ce que vous dites là, Mme Lecours m'avait donné le même exemple avant qu'on rentre ici ? vous lui avez volé son exemple, là ? c'est en plein ça, c'est qu'on fait plein d'entourloupettes pour que... ça devient compliqué pour le patient. À la fin, ça nous coûte plus cher dans le système pour, en fin de compte, une problématique de politique où: qu'est-ce qui pourrait être donné où? Moi, je pense qu'une des solutions, ce serait de regarder ? je ne sais pas si c'est possible ? ...si quelqu'un a un régime d'assurance, plutôt que l'envoyer dans la communauté, que de toute façon l'assurance va l'assumer, est-ce qu'ils ne pourraient pas quand même l'assumer en établissement? Parce que le résultat est le même à la fin. Ça, ça pourrait être des négociations avec les assurances.
M. Couillard: Oui, puis effectivement il peut y avoir un problème éventuel de conformité avec les critères de la Loi canadienne sur la santé, parce que, là, on fait une différence d'accessibilité selon qu'on a une assurance privée ou pas.
M. Bolduc (Yves): Donc, on va vous souhaiter bonne chance pour régler ça.
M. Couillard: Bonne chance! C'est ça. Par contre, ce qu'il faut dire pour être complet dans la discussion ? c'est un sujet important, sur lequel on reviendra souvent au cours de la commission ? c'est que, si la personne acquiert son médicament en communauté sous le chapeau du régime général de l'assurance médicaments, en général il s'agit de situations où les personnes sont plus âgées et ont de multiples pathologies, de sorte qu'ils ont en général atteint de toute façon leur plafond de contribution personnelle maximale. Alors, il n'y a pas de déboursé additionnel pour le patient ou la personne, il y a surtout un inconvénient majeur d'avoir à se déplacer. Puis, franchement, comme vous dites, c'est un peu loufoque comme organisation.
M. Bolduc (Yves): Je vais vous conter une situation ridicule. Alors, vous savez qu'on est maintenant fusionnés avec... les CSSS, CHSLD, CLSC, CH sont ensemble. Ça fait qu'on rentre les CLSC... partie des CLSC dans les hôpitaux, mais on met une pancarte à un endroit dans l'hôpital pour dire que ça appartient au CLSC, pour que le régime puisse être payé à l'extérieur. Je veux dire, je pense que c'est des choses à corriger. Et puis c'est important, parce que c'est des problèmes sur le terrain qui sont réels, là.
M. Couillard: Absolument. Et puis d'ailleurs c'est toute la question de la loi canadienne, là, c'est pour cette raison que ces choses-là sont faites.
La liste d'exception, comme je l'indiquais tantôt, est là pour rester, n'est pas là pour disparaître mais est là pour rester, parce que c'est un mécanisme de gestion fondamental qui est très utile, là, pour un régime d'assurance médicaments. Ce qu'on voudrait faire, nous, cependant, c'est diminuer l'inconvénient puis l'irritation pour les prescripteurs surtout, parce qu'effectivement il faut remplir un formulaire, puis, même si ce n'est pas très long, ça demeure un problème. Alors, ce qu'on voudrait faire, c'est ? on a commencé ? rendre le formulaire disponible en ligne. Et puis on a suggéré d'autres modifications dans la politique, peut-être les avez-vous parcourues, par exemple des classes d'autorisation automatique pour certains médecins, pour certains types de médicaments. Est-ce que ça va dans la bonne direction?
M. Bolduc (Yves): Je pense que c'est dans la bonne direction. Je vais donner un exemple. Un pneumologue, qui ne peut pas prescrire certaines pompes, il faut qu'il remplisse le médicament d'exception... Un, on a besoin de leur temps pour du clinique puis on leur fait faire de la paperasse. Puis je ne suis pas tellement d'accord avec vous pour dire que ce n'est pas long. C'est que ce n'est pas que c'est long, c'est qu'il faut remplir la formule, la prendre, la donner à notre secrétaire, qui doit la faxer à la RAMQ ou l'envoyer par la poste. Quand vous regardez tout le processus, c'est assez tannant pour dire qu'on ne le prescrira pas, alors que le patient peut en avoir besoin. Mais je suis d'accord avec vous, ça prend une liste d'exception, mais facilitons-nous pour s'assurer que le bon patient reçoive la bonne médication, et puis je pense qu'à ce moment-là ça va devenir beaucoup plus facile.
M. Couillard: Mais rendre le formulaire disponible en ligne, par exemple, ça peut...
M. Bolduc (Yves): Ça, oui, ça va aider quelques personnes, mais je peux vous dire que... je vais vous donner un exemple. Dans notre GMF, on est 11 médecins, on a eu des ordinateurs fournis gratuitement, dans le GMF, avec tous les logiciels pour le faire, on a la ligne Internet, puis je vous dirais que, sur 11, on est deux à l'utiliser. Ça va changer avec les années, mais, pour les prochaines années, même si on a l'outil, ça ne veut pas dire qu'on va l'utiliser. Mais je pense qu'il faut quand même le rendre disponible.
M. Couillard: J'ai l'impression que vos prochaines recrues vont être pas mal compétentes ou compétents en informatique.
M. Bolduc (Yves): Oui, puis on les travaille pour qu'ils soient encore meilleurs.
M. Couillard: Vous avez des suggestions pour la table de concertation, la relation entre la table de concertation puis les équipes de travail qui collaboraient avec le Conseil du médicament dans le but d'instaurer des propositions d'utilisation optimale. Comment vous voyez le lien, là, entre la table de concertation puis ces équipes-là?
Mme Lecours (Cécile): Peut-être que je peux me permettre de répondre. Il nous apparaît qu'il y a de plus en plus de groupes au Québec ? et ces gens, la plupart du temps, publient ? qui travaillent autant au niveau du savoir que du savoir-faire en optimisation de la gestion de la médication, et il y a aussi regroupement des CHU pour ce qu'ils appellent de la gestion thérapeutique. Alors, il y a des groupes d'experts, là, qui vont dans le même sens de ce qui est souhaité dans la politique, optimiser, prévenir les risques, une utilisation judicieuse et sécuritaire du médicament.
Alors, à ce moment-là, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait quand même un éventail de ces groupes qui travaillent en équipes interdisciplinaires et qui visent à développer le savoir-faire, qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui marche, quelles sortes d'interventions, quels sont les modèles de pratique, les modèles d'intervention interdisciplinaires qui apportent des résultats. Alors, des projets de démonstration, il y a des gens qui font des projets de démonstration, il y a des gens qui font des projets de recherche, et ces gens-là, qu'ils soient aussi mis à contribution, qu'on se préoccupe de leurs travaux, qu'on les aide, qu'on les répertorie pour commencer puis qu'on les aide à aller dans le sens du conseil.
Puis, tout à l'heure, vous vous adressiez au Collège des médecins, puis on a le souci que les professionnels embarquent dans toute cette optimisation de la pharmacothérapie, puis il m'apparaît que ce serait une façon que de rapprocher les experts du conseil avec des experts du milieu qui ont ce souci-là de développer autant le savoir-faire que le savoir en termes d'optimisation de pharmacothérapie.
M. Couillard: C'est bien, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, Dr Bolduc, Mme Lecours et Mme Cloutier. Au nom de l'opposition officielle, il nous fait plaisir de vous revoir avec votre franc-parler, Dr Bolduc. Vous étiez en commission parlementaire, devant cette commission parlementaire, sur le projet de loi n° 83.
Alors, vous développez dans votre mémoire toute la question de l'utilisation optimale. Je pense que je vais attendre que le ministre revienne pour vous poser ma question, parce que j'aimerais ça qu'il entende votre réponse. Je veux juste savoir si l'usage qui est fait du transfert de la liste générale vers la liste d'exception pour des motifs d'utilisation optimale est fondé. Est-ce que ce transfert vers la liste d'exception, qui est souvent utilisé pour des motifs d'utilisation optimale, est-ce que c'est la bonne façon de faire ou est-ce qu'on doit prévoir des ententes autres sur l'utilisation optimale qui ne nécessiteraient pas... et qui seraient préférables à cette politique qui, depuis en tout cas deux ans, est appliquée assez systématiquement, de transfert vers la liste d'exception?
M. Bolduc (Yves): La réponse, c'est: partiellement. C'est-à-dire que, oui, ça nous prend une liste d'exception pour gérer certains cas, mais actuellement on a l'impression que la liste d'exception, ça sert surtout à gérer un problème budgétaire. Je vais vous donner un exemple...
Mme Harel: ...
M. Bolduc (Yves): On va revenir?
Mme Harel: Gardez votre exemple.
M. Bolduc (Yves): O.K. On va l'attendre, on va l'attendre.
Mme Harel: Gardez, gardez, gardez votre exemple. Bon, sur les maladies orphelines. Vous êtes à Sacré-Coeur, hein? Je recevais un courriel d'une parente ? c'est le 18 avril, vous voyez, c'est quand même récent ? Mme Saulnier, elle m'a autorisée à en parler. Je crois que l'adjointe du ministre est au courant aussi parce qu'on a reçu le même courriel. Et là elle s'inquiète beaucoup sur finalement... Elle est parente, elle est mère, hein, je crois, là, d'un garçon, là, qui vit cette situation particulière. Alors, elle posait la question: Est-ce qu'à travers tous ces revirements quelqu'un a pensé à protéger les infusions des patients sur le programme compassionnel? En tout cas, pour le mois d'avril, c'est l'hôpital qui l'assume, mais pendant combien de temps? En ce moment, c'est de deux semaines en deux semaines. Pour l'instant, il y a trois personnes sur le programme compassionnel, mais, au mois de juin, il s'y rajoutera trois autres personnes qui étaient en attente. Que se passera-t-il? Seront-elles soignées? Bon, etc. Elle dit: Vous voyez, là, on est... Ce n'est pas peu, hein? C'est le 18. On est quoi, le 19, aujourd'hui?
n(17 h 20)nUne voix: Le 20.
Mme Harel: Le 20. Alors, c'est donc de deux semaines en deux semaines, et là cette dame-là fait part de la rumeur, là, qui circule dans les rangs de son association à l'effet que les provinces demanderaient au fédéral de se doter d'une loi concernant les maladies orphelines. Et là, entre-temps, elle se demande: Qu'est-ce qui va se passer pour les patients entre-temps que ces décisions se prennent, entre les gouvernements des provinces et du fédéral? Ça peut prendre des années. On peut perdre des patients, car, pour eux, leur état est déjà jugé critique, sévère. «N'ayant plus de médicaments, combien de temps leur restera-t-il à vivre? J'aimerais, si c'est possible, leur donner l'assurance qu'ils seront soignés.» Elle poursuit alors: Les provinces de l'Alberta et de Colombie-Britannique seront les premières provinces à continuer d'assurer les traitements enzymatiques en attendant la politique du médicament sur les maladies génétiques orphelines ? fédérale.
Bon. Ça, c'est un juste exemple, mais on ne peut pas imaginer la détresse des personnes qui elles-mêmes... ou bien de parents de personnes qui sont atteintes de maladies héréditaires. Alors, je sais que ce sont... Ce que, vous, vous proposez, c'est qu'il y ait un protocole qui fasse en sorte que, du début à la fin, ces personnes sachent quel est le sort qui leur est réservé. C'est ça qu'il faut comprendre?
Mme Lecours (Cécile): Dans notre mémoire, ce que nous recommandons d'abord, c'est d'encadrer, d'une part, la question de la recherche, comme je l'ai échangé tout à l'heure, mais aussi de développer une position par rapport au traitement des maladies... autrement dit, les médicaments dits orphelins, là, de développer un encadrement au niveau provincial, parce que c'est sûr que les hôpitaux sont souvent laissés un peu à eux-mêmes entre... Ça débute par des projets de recherche. Donc, il faut encadrer la recherche, il faut informer les patients, il faut se positionner: qu'est-ce qu'on devrait faire comme société par rapport à ces projets de médication. Parce qu'au départ ce sont des projets de médication, on ne sait s'ils vont être efficaces. Et on sait très bien, dans le cas de ces maladies métaboliques, que c'est quand même très difficile de prouver avec des faits probants l'efficacité au point de vue diminution de morbidité ou de mortalité de ces thérapies-là.
Alors, ce qu'on recommande, c'est que le conseil, avec des experts, se penche pour au moins positionner le Québec par rapport à ces thérapies médicamenteuses là, pour aussi, je dirais, aider la population à évoluer dans le sens d'une accessibilité adéquate basée sur des faits probants. Parce qu'il y a aussi ça qui est à faire. Je pense qu'avec la publicité qu'on a faite sur le bon usage, là, c'est déjà un pas. Je pense qu'il y a un travail à faire au niveau de la population, et on a besoin d'un encadrement provincial pour que dans les milieux on ne soit pas pris, nous aussi, face à la détresse des personnes. Bien, c'est quand même des traitements dont l'efficacité n'est pas appuyée sur des faits probants. Donc, ce qu'on souhaite, c'est que le Québec se dote d'un encadrement par rapport à l'approche de ces médications-là.
Mme Harel: Et ce sont aussi des traitements dont il est difficile, comme vous venez de le mentionner, d'offrir des résultats probants du fait qu'il n'est pas simple, là, d'organiser des cohortes de personnes atteintes pour s'assurer qu'il y a le nombre voulu et suffisant. Et, dans la politique telle qu'elle est rédigée présentement, on ne fait pas un examen très attentif de ces questions-là. Je pense que ça, ça va mériter certainement un regard plus approfondi, à moins que ce soit le fédéral finalement qui, par une loi concernant les maladies orphelines, là, une loi fédérale, s'en occupe. Je ne sais si c'est ce que le ministre envisage. En tout cas, il est imperturbable, on verra.
M. Bolduc (Yves): Une chose qui est certaine, que ce soit fédéral, ou provincial, ou local, il faut répondre à la détresse des personnes. Je pense, la première base, c'est répondre à la détresse des personnes, puis ça prendrait quelque chose de clair pour pas que les gens... Ça, c'est une situation qui est quasi inacceptable, de deux semaines en deux semaines, tu ne sais pas qu'est-ce qui va se passer. Donc, il y a peut-être des choses à clarifier à ce niveau-là. C'est plus que la politique, c'est vraiment la gestion au quotidien de ces cas-là.
Mme Harel: Alors, je reviens avec ma question sur les listes d'exception, n'est-ce pas? Est-ce que, comme je vous le mentionnais, est-ce que c'est une bonne façon de gérer l'utilisation optimale des médicaments? Est-ce qu'il ne serait pas préférable d'avoir une politique sur l'utilisation optimale qui ne consiste pas à transférer de la liste générale à la liste d'exception?
M. Bolduc (Yves): Bien, comme je vous le disais tantôt, la liste d'exception est là pour rester, c'est la façon dont on l'utilise. C'est qu'actuellement, à toutes les fois qu'un nouveau médicament coûte un peu cher, il passe quasiment toujours par la liste d'exception, puis on nous fait des algorithmes... avec médicaments recommandés, mais, quand on arrive au troisième... exemple, dans le diabète, à un certain médicament, là il faut remplir un formulaire d'exception, ce qui est une barrière souvent.
Mais je pense que, comme M. le ministre l'a dit tantôt, il y a peut-être des solutions autres que d'enlever la liste, mais de la rendre plus facile, plus accessible. Puis c'est vraiment, vraiment tannant pour un professionnel, dans ta journée de bureau, que là tu vois que ce médicament-là, pour ne pas en nommer un, au niveau du coeur, il faut que tu leur prescrives, puis là tu le fais. L'autre affaire, c'est qu'il y a des médicaments, il faut que tu le refasses à chaque année. Donc, le patient te téléphone pour le faire, il prend un rendez-vous pour le faire faire. C'est des embêtements que je pense qu'on pourrait s'éviter.
Par contre, de vivre avec une liste d'exception, oui, de la rendre plus conviviale. Puis, à la fin, il ne faut pas oublier que c'est de répondre à un besoin d'un patient. Je vais vous donner un exemple. On a un médicament qu'on donne pour le cholestérol, puis, quand on arrive à un niveau, l'autre médicament qu'il faut donner, là il faut remplir des formulaires d'exception. Il y a des médecins qui vont le remplir, mais il y en a d'autres, là, tout simplement ils vont dire: On ne le remplira pas, puis ça va rester comme ça. Est-ce qu'on a atteint notre but de traiter l'hypercholestérolémie de façon adéquate pour éviter plus tard des maladies cardiaques?
Parce qu'il ne faut pas oublier, un des meilleurs outils qu'on a encore au niveau de la médecine, il y a la chirurgie puis il y a la médication, hein? C'est vraiment des outils, pour nous autres, pour nous permettre d'avoir une meilleure qualité de vie mais également, plus tard, nous empêcher d'avoir des coûts supplémentaires au niveau de la société. Un ACV dans un lit de longue durée, ça nous coûte 50 000 $ par année. Prendre une médication à chaque jour pendant un an, c'est beaucoup moindre. Mais pense que c'est des choses que, dans la politique du médicament, les gens étaient sensibles à ça.
L'autre élément peut-être que j'insisterais aussi, c'est qui choisit de mettre les médicaments sur la liste, là. Je pense que ça devient important. Si on a des gens qui sont orientés budgétaire... Je peux vous dire, je suis également directeur des services professionnels en établissement; comme clinicien, des fois je prends une décision, mais, comme DSP, je la prendrais peut-être différemment. Je ne pense pas qu'il y en a un qui a nécessairement préséance sur l'autre, mais ça prend un équilibre. Ça fait qu'à un moment donné, si vous mettez un groupe qui ont plus une tendance budgétaire, bien il n'y a aucun médicament qui va entrer; si vous mettez plus des cliniciens, bien peut-être que tout va trop rentrer. Donc, moi, je pense, c'est l'équilibre. Puis, comme je dis toujours, la vérité finit toujours par triompher, parfois ça prend du temps.
Mme Harel: Bien, des fois, ça aide d'avoir des changements de gouvernement.
M. Bolduc (Yves): Bien, je pense que ça aide d'avoir un gouvernement et une opposition. Mais, Mme Harel, je répète, ça aide d'avoir un gouvernement et une opposition. Puis, comme je l'ai toujours dit, moi, je ne fais pas de politique.
Le Président (M. Copeman): Ça allait très bien jusque-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bolduc (Yves): ...d'accord, comme disait M. le ministre récemment, au niveau noble de... côté noble de la politique, là.
Mme Harel: Parce qu'ils sont prêts à accepter l'alternance juste quand ça joue en leur faveur. Alors, bon, sur l'ensemble de votre mémoire, concernant l'ambulatoire, je pense que c'est là un autre aspect extrêmement important. Vous nous dites: Il faut simplifier la vie des gens qui souvent sont à mobilité réduite aussi et qui... Mais c'est la confusion qui règne, hein? Parce que, vous voyez, moi, il y a encore des personnes atteintes par des maladies nosocomiales qui me demandent des rendez-vous au bureau, qui ne sont pas nécessairement d'Hochelaga-Maisonneuve et qui, là, viennent m'expliquer que, si, par exemple, elles vont à tel hôpital, leur médicament sera payé... pas payé, mais en fait offert par l'établissement, alors que, si elles vont en CLSC... Et donc, à ce moment-là, ils vont... parce que ça coûte très, très, très cher.
Aussi, évidemment, on va me dire que... on ne peut pas se fier sur le fait que la majorité ont déjà couvert, disons, le coût de base, là. Je pense qu'il faut trouver une façon où la population n'a pas l'impression d'être déplacée simplement pour faire l'affaire des systèmes de gestion. Je pense que vous devez avoir quelques exemples sur la situation qui entraîne des difficultés.
n(17 h 30)nMme Lecours (Cécile): Bien, comme il est proposé de baliser la possibilité que, dans les établissements de santé, on puisse administrer une médication qui est acquise par le patient dans le cadre du régime général d'assurance médicaments ? on pense à la clientèle hémodialysée, c'est la clientèle par excellence... Elle passe trois heures, trois fois par semaine, dans notre établissement. Leurs médecins traitants sont les néphrologues de l'établissement. Souvent, ils n'ont pas d'autre médecin traitant. Leurs pharmaciens, leurs infirmières, ils sont là. Alors, pourquoi auraient-ils besoin d'aller ailleurs pour recevoir une médication pour laquelle ils ont besoin d'un support, un plateau technique dont on... Alors, à ce moment-là, je pense... Puis, même un plateau technique qui pourrait être à la limite disponible en CLSC, là. Donc, c'est ces clientèles-là, je pense, pour qui il faut faciliter leur vie. Déjà, ils passent suffisamment de temps à s'occuper de leur santé.
On parle aussi de certains traitements de support en oncologie qui peuvent être... On peut faire en sorte que les patients aient besoin d'aller ailleurs aussi, dans les CLSC, dans la situation actuelle, et effectivement ça donne place à des situations qu'on pourrait qualifier d'inéquitables, parce qu'occasionnellement, un peu «compassionate», une infirmière va dire oui à une demande, et c'est... Parce que ça ne fonctionne pas, ce n'est pas logique, puis on n'a pas parlé d'inefficience aussi, d'inefficience en termes d'utilisation des ressources du système de santé. L'infirmière qui administrerait les traitements requis à un patient hémodialysé pendant qu'il est là, je ne pense pas qu'on rajouterait nécessairement des infirmières pour faire... Mais, si le patient va en CLSC, ça prend du temps d'une infirmière de CLSC parce qu'il faut qu'elle l'accueille, le patient, le temps de lui administrer... Alors, c'est une question d'efficience, puis je pense que tous les gains d'efficience dans notre système doivent être considérés à l'heure actuelle.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Copeman): Alors, Dr Bolduc, Mme Lecours, Mme Cloutier, merci beaucoup d'avoir participé, d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire au nom de l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec. Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Mme la présidente Lussier-Labelle, bonjour.
Mme Lussier-Labelle (Francine): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Ça me fait plaisir de vous accueillir. Je sais, vous connaissez probablement nos règles de fonctionnement. Je les répète quand même pour dissiper toute confusion possible, potentielle. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. C'est suivi par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, d'enchaîner avec votre présentation.
Association des pharmaciens des
établissements de santé
du Québec (APES)
Mme Lussier-Labelle (Francine): Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais commencer par vous présenter M. Patrick Boudreault, premier vice-président de l'association, Mme Johanne Asselin, présidente sortante de l'association, et Mme Manon Lambert, à ma droite, directrice générale de l'association.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous donner cette occasion d'échanger avec vous sur le document de consultation sur la politique du médicament.
Je tiens à préciser que je parle aujourd'hui au nom des quelque 1 200 pharmaciens membres de notre association. Ces derniers exercent leur profession dans les établissements publics de santé. Nos membres détiennent, dans une proportion de 80 %, une formation de second cycle. Cela les conduit à assumer la dispensation de soins pharmaceutiques complexes et très souvent spécialisés. Les pharmaciens d'établissements sont fréquemment cités en modèle pour leur implication à favoriser une utilisation optimale des médicaments parce qu'ils améliorent la qualité de leur utilisation sur le plan clinique, qu'ils s'assurent qu'ils sont utilisés de façon sécuritaire et qu'ils sont conscients que les sommes importantes qui sont investies dans cette enveloppe doivent être allouées efficacement. Pour l'APES, l'utilisation optimale des médicaments représente donc le coeur d'une éventuelle politique du médicament. Serions-nous en présence d'un accès très élargi aux médicaments et d'un prix juste et raisonnable pour leur acquisition qu'il en coûterait toujours trop cher en effets indésirables, en vies humaines et en dollars si les médicaments sont mal utilisés.
Le médicament porte en lui-même le meilleur et le pire. Le meilleur sans doute si on considère les avancées thérapeutiques phénoménales réalisées au cours du XXe siècle. Durant cette période, de grandes découvertes pharmaceutiques ont révolutionné la médecine et permis de sauver des millions de vies. Les pharmaciens d'établissements considèrent qu'il est vital de maintenir pour les citoyens québécois un accès raisonnable à cette ressource thérapeutique de premier plan. Le caractère essentiel des médicaments et des services pharmaceutiques doit être à l'origine même de la volonté d'adopter une politique du médicament.
Malheureusement, les médicaments peuvent aussi s'avérer le pire des remèdes lorsqu'ils sont insuffisamment évalués, mal prescrits ou mal consommés. Hélas, aujourd'hui, on réduit trop souvent les médicaments à de banals biens de consommation. On les considère comme une solution facile et sans conséquence à des maux qui pourraient souvent trouver réponse ailleurs. Compagnies pharmaceutiques, médias, professionnels et malades eux-mêmes sont responsables de cette situation. Tous doivent sérieusement prendre conscience que les médicaments doivent être utilisés avec précaution et faire l'objet d'un suivi professionnel attentif et minutieux tant pour s'assurer de leur efficacité que de leur usage sécuritaire.
Le document de consultation qui nous a été soumis pour commentaires par le ministère de Santé et Services sociaux répond à des demandes répétées de l'APES d'adopter une politique québécoise du médicament. Cette politique doit servir de cadre de référence pour permettre aux divers intervenants d'adopter une vision commune ou du moins de regarder dans le même sens, quel que soit leur intérêt, lorsqu'il est question de pharmacothérapie au Québec. L'APES croit que le document de consultation représente une excellente synthèse des problématiques rencontrées jusqu'à maintenant. Il s'agit là d'un effort qui mérite d'être souligné, puisque personne auparavant n'avait eu le courage politique d'étaler aussi largement sur la place publique toute la problématique relative à l'utilisation des médicaments.
Par contre, et bien que le document offre quelques solutions intéressantes à des problématiques précises, l'APES considère que les moyens d'action proposés sont souvent timides ou imprécis. En outre, le document laisse peu d'indices sur la vision d'avenir qui sera adoptée au Québec par rapport aux défis qui attendent la société relativement à la pharmacothérapie, que l'on parle ici de biotechnologies, de thérapies géniques et d'autres alternatives médicamenteuses.
L'adoption d'une politique du médicament par le Québec présente un caractère incontournable pour l'association. Les pharmaciens d'établissements, compte tenu de leur expertise particulière, souhaitent contribuer à sa mise en place et à son suivi. Les membres de notre association souhaitent l'adoption d'une politique du médicament au service de la santé des personnes d'abord. Ils veulent également que la politique garantisse le maintien du médicament au coeur d'une logique de santé publique malgré les enjeux financiers majeurs dont il fait l'objet. Pour ce faire, l'APES croit qu'il faut favoriser l'indépendance et la transparence, et ce, à tous les niveaux. Finalement, nos membres souhaitent que la politique du médicament favorise l'articulation des actions des divers intervenants et la persévérance dans la mise en oeuvre des différents outils qui permettront d'avancer sur la voie de l'optimisation de l'utilisation des médicaments.
Compte tenu du temps qui est mis à ma disposition, je ne pourrai reprendre l'entièreté des propos et des recommandations de notre mémoire. Je m'en tiendrai donc aux aspects qui sont particulièrement importants pour les pharmaciens d'établissements.
J'aimerais d'abord aborder l'utilisation d'une liste de médicaments. L'APES croit que la présence d'une liste de médicaments peut permettre de responsabiliser les acteurs du système de santé en matière de sélection et de consommation des médicaments. Pour ce faire, il faut toutefois que la liste soit adéquatement conçue et utilisée. Dans ce contexte, nous croyons que deux conditions essentielles doivent être satisfaites.
Premièrement, la liste doit être employée comme un outil de gestion intégrée, considérant les autres composantes du système de soins. Si c'est le cas, son utilisation peut alors se traduire par de meilleurs résultats cliniques et des économies plus substantielles, puisqu'on envisage alors les dépenses pharmaceutiques sous l'angle d'une diminution globale des dépenses médicales, conséquence d'une meilleure gestion des traitements médicamenteux. En ce sens, l'obligation de mettre la liste à jour en tenant compte de l'impact de l'inscription de chaque médicament sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé, nouvel aspect dont le Conseil du médicament doit dorénavant tenir compte, représente pour l'APES une réelle avancée au Québec.
n(17 h 40)n Deuxièmement, la liste doit revêtir un caractère éducatif pour les professionnels de la santé qui la consultent. En ce domaine, des améliorations importantes sont à apporter au Québec. La venue des supports informatiques peut aider considérablement dans ce domaine. L'APES croit que la liste devrait être constituée d'un ensemble de fiches signalétiques qui fourniraient au lecteur des renseignements pertinents. Donc, contrairement à la situation actuelle où le lecteur consulte la liste dans un format statique, non convivial, l'APES suggère de créer une base de données dynamique où le lecteur pourrait appeler à l'écran les renseignements qu'il juge pertinent de consulter.
Passons maintenant à la question de la valeur thérapeutique des médicaments. Mentionnons qu'à l'instar de plusieurs autres professionnels de la santé les pharmaciens ont été formés pour exercer leur profession avec une grande rigueur scientifique. Dans ce contexte, l'APES ne peut être en désaccord avec l'utilisation de données probantes pour évaluer la valeur thérapeutique d'un produit au moment de faire le choix de l'inscrire ou non à la liste de même qu'avec la préséance de ce critère sur les autres critères d'inscription.
Par contre, les pharmaciens d'établissements ne peuvent demeurer indifférents devant la problématique posée par les médicaments orphelins. Plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Australie et le Japon, ont adopté une politique sur les médicaments orphelins. Cette politique permet d'encadrer et de soutenir la recherche, le développement et la distribution de ces médicaments. Ce genre de politique donne des signaux clairs aux professionnels et aux fabricants quant à la volonté des décideurs de rendre accessibles ces médicaments à la population. Au Canada, nous ne disposons pas d'une telle politique. Dans ce contexte, l'APES croit qu'à l'aube de l'adoption d'une politique du médicament au Québec le gouvernement ne peut se limiter à affirmer que ces médicaments seront exclus de la liste des médicaments remboursables faute de démonstration de leur valeur thérapeutique. La politique du médicament doit donner des orientations claires aux professionnels sur cette question.
Je tiens maintenant à aborder la question de la concordance entre la Loi sur l'assurance médicaments, et les fonctions administratives de la RAMQ, et les changements apportés à la Loi sur la pharmacie. Vous le savez, maintenant les pharmaciens peuvent désormais initier ou ajuster selon une ordonnance la thérapie médicamenteuse. Rappelons que ces modifications ont été apportées dans le cadre de la révision générale du système professionnel québécois. Les pharmaciens d'établissements initient depuis longtemps des thérapies médicamenteuses dans le cadre de consultations externes, par exemple en oncologie ou en néphrologie. Puisqu'ils sont vus en externe, les patients doivent se procurer la majorité des médicaments initiés par nos membres en pharmacie privée. Naguère, au moment d'initier un médicament, le pharmacien devait demander au médecin de contresigner l'ordonnance pour que l'initiation soit valide. Désormais, étant donné l'existence d'une nouvelle activité réservée aux pharmaciens, il n'est plus nécessaire de procéder ainsi. Toutefois, rien dans l'encadrement administratif actuel ne permet aux pharmaciens de pratique privée d'honorer une ordonnance qui ne comporterait pas la signature d'un prescripteur habilité.
Devant ce qui précède, des problèmes sont à prévoir et des difficultés d'accès pour les patients risquent de survenir en réponse à cette situation. L'APES demande donc que l'encadrement juridique et administratif qui concerne l'exécution des ordonnances soit en concordance avec les nouvelles responsabilités que le législateur a confiées aux pharmaciens.
Dans le même ordre d'idées, l'APES accueille favorablement la proposition d'alléger par divers moyens les contraintes entourant l'utilisation des médicaments d'exception. Par contre, la liste des moyens proposés élude encore ici une question de concordance avec les nouvelles dispositions prévues à la loi.
Dans un contexte d'initiation, les pharmaciens d'établissements peuvent être appelés à choisir un médicament d'exception. Prenons l'exemple courant de l'initiation, au moment d'une consultation externe en oncologie, d'un antagoniste des récepteurs 5HT3, ondansétron, granisétron, dolasétron, qui sont inscrits à la liste des médicaments d'exception. Considérant les nouvelles responsabilités confiées au pharmacien, il serait paradoxal que ce dernier, à qui un médecin ou un groupe de médecins a confié l'initiation du traitement, soit dans l'obligation de quérir la signature dudit médecin ou des médecins pour obtenir l'autorisation de la RAMQ de pouvoir initier ce médicament. Dans ce contexte, l'APES désire aussi que les mécanismes administratifs reconnaissent la responsabilité propre aux pharmaciens d'établissements et permettent à ces derniers de requérir auprès de la RAMQ les autorisations nécessaires à l'utilisation de médicaments inscrits sur la liste de médicaments d'exception, et ce, lorsqu'ils en sont les initiateurs.
Je désire maintenant aborder la question du contrôle des médicaments d'investigation. Dans le contexte où des ratés surviennent encore dans les établissements publics et où le contrôle des médicaments d'expérimentation semble échapper aux pharmaciens de pratique privée, l'élaboration d'une politique du médicament nous semble receler une opportunité de renforcer les recommandations du plan d'action ministériel en éthique de la recherche et en intégrité scientifique. Selon nous, cette question devrait se solder par l'élaboration d'une circulaire précisant les modalités suivant lesquelles un établissement doit fournir les médicaments d'expérimentation qui sont utilisés auprès de clientèles admises, hébergées ou inscrites. Parallèlement à cette action et dans le but d'assurer la sécurité du public, il est essentiel selon nous d'étendre l'application du plan d'action ministériel au contexte hors établissement.
Maintenant, en ce qui concerne l'accès aux médicaments dans les établissements de santé, le document de consultation cerne bien la problématique financière. Dans un contexte où les établissements doivent fonctionner à l'intérieur de la Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux, la gestion de la croissance du volume des médicaments et de leur coût devient un véritable casse-tête pour les établissements. Cela est d'autant plus vrai que les établissements sont des lieux d'introduction de nouvelles molécules excessivement coûteuses et qu'il s'agit d'un phénomène qu'on observe moins fréquemment au sein du régime général. Cette situation n'est pas sans entraîner des répercussions directes pour les malades, puisque les sommes qui sont englouties dans le poste budgétaire des médicaments sont soustraites des montants qui pourraient être dédiés à d'autres services offerts à l'établissement.
À la lecture du texte qui nous a été soumis pour consultation, nous notons que les auteurs font allusion au fait que les autorités gouvernementales seront peut-être encouragées à envisager une allocation propre aux établissements de santé et de services sociaux afin de tenir compte de l'augmentation du coût des médicaments. Pour les pharmaciens d'établissements et pour les gestionnaires d'établissements, on en est convaincus, il s'agit d'une affirmation timide, puisque, contrairement à plusieurs autres points soulevés, elle ne fait pas l'objet d'une proposition ministérielle. Devant les efforts démontrés ? et objectivés dans la documentation scientifique ? par les pharmaciens d'établissements et les autres intervenants du réseau public à s'assurer de l'utilisation optimale et sécuritaire des médicaments, il nous apparaît paradoxal qu'aucun mécanisme d'indexation particulier ne vienne accompagner la dépense en médicaments des établissements publics de santé.
Toujours en matière d'accès aux médicaments, le Québec doit fonctionner avec deux grands régimes d'assurance: le régime d'assurance hospitalisation et le régime général d'assurance médicaments. L'un comporte une contribution de l'usager, et l'autre pas. Qui plus est, ces deux régimes sont délimités par des frontières imprécises. Le passage de l'une à l'autre des couvertures n'est pas une chose simple, ni pour le malade ni pour le professionnel de la santé. En outre, le système est compliqué davantage par la présence d'assureurs privés, qui semblent peu pris en compte dans le document de consultation.
Finalement, les centres, CH, CHSLD, CLSC, CSSS et autres, exploités auparavant par des établissements, sont dans beaucoup de cas maintenant réunis sous la gouverne d'une instance locale. Or, dans un même établissement, les lois et les directives actuelles font en sorte que les médicaments administrés sur place aux patients ambulatoires dans les CH et CHSLD doivent être fournis gratuitement à l'usager, mais ils doivent être obtenus dans le cadre du régime général dans les CLSC. La situation est telle que des problèmes de couverture de médicaments gouvernent, dans certains cas, l'organisation des soins et services offerts par les établissements.
Pour notre association, il est clair que plus les modalités d'accès aux médicaments et aux soins pharmaceutiques seront différentes entre le réseau sociosanitaire et les autres secteurs, plus nous rencontrerons des problèmes de fluidité et de continuité d'accès. Il est aussi évident que, lorsque les modalités d'accès aux soins et services pharmaceutiques varient entre les centres opérés par une même instance, le système se complique davantage. Dans ce contexte, nous croyons que tous les établissements du réseau, quels que soient le type et le nombre de centres qu'ils opèrent, devraient être astreints aux mêmes règles quant à la couverture des médicaments administrés sur place.
Le document de consultation suggère d'utiliser les médicaments des patients dans ces cas. Pour différentes raisons que nous exprimons dans notre mémoire, nous ne croyons pas qu'il s'agit là d'une solution très intéressante. L'APES recommande plutôt que les établissements facturent eux-mêmes le régime dans certains cas et conditions pour lesquels les départements de pharmacie auraient fourni les médicaments. Pour ce faire, l'article 8 de la Loi sur l'assurance-médicaments prévoit déjà que le gouvernement peut adopter un règlement pour couvrir des médicaments qui sont fournis dans le cadre des activités d'un établissement. Nous suggérons au gouvernement d'utiliser ce pouvoir réglementaire. Bien que l'association comprenne très bien les barrières corporatives qui pourraient être érigées à l'encontre de cette proposition, nous croyons que ces motifs ne peuvent tenir la route devant les problèmes évidents vécus par les patients et les organisations à cause de cette situation.
J'aborde maintenant la question de l'utilisation optimale des médicaments, qui, pour nous, représente la pierre angulaire de tout projet de politique du médicament. Je tiens d'abord à assurer le ministre de la pleine collaboration de l'APES dans la poursuite de l'objectif de favoriser l'utilisation optimale des médicaments. Nous tenons toutefois à rappeler par la même occasion que l'importante pénurie de pharmaciens dans les établissements de santé du Québec va présentement à l'encontre de l'atteinte de cet objectif.
n(17 h 50)n Dans les hôpitaux, plusieurs études canadiennes et américaines ont démontré les impacts positifs de la prestation de soins pharmaceutiques sur la santé des patients et ont permis d'en mesurer l'impact économique. Des études ont également démontré que la présence d'un pharmacien au sein d'une équipe de soins était de nature à réduire la fréquence des accidents évitables liés aux médicaments. Mais force est de constater que la gravité de la pénurie de pharmaciens d'établissements qui prévaut actuellement au Québec tend à diminuer le niveau d'encadrement fourni par les pharmaciens. C'est pourquoi l'APES ne peut que presser le gouvernement de prendre des mesures énergiques pour régler la pénurie d'effectif.
Concernant la mission du Conseil du médicament, maintenant, la présence d'une organisation qui intègre à la fois des fonctions d'inscription et de suivi de l'utilisation des médicaments nous apparaît essentielle. Comme le conseil regroupe ces deux fonctions, nous croyons qu'il faut en confirmer le mandat. Il nous apparaît même important d'aller plus loin et d'établir un véritable pont entre la fonction d'inscription et celle du suivi. En effet, le processus d'inscription à la liste devrait être, dans certaines circonstances, identifié par les études de phase IV, suivi de stratégies correctives utilisées seules ou en combinaison. Ces mesures pourraient elles-mêmes faire l'objet d'un suivi de leur efficacité. En cas d'échec, de nouvelles mesures ou une réévaluation du statut d'inscription pourraient être entreprises. Il s'agit donc d'utiliser un processus continu et cyclique de suivi et de révision de l'inscription pour certains médicaments, à l'instar de ce qui est fait dans le cadre d'un programme de revue d'utilisation.
En matière d'initiatives visant à améliorer l'utilisation des médicaments qui sont proposées dans le document de consultation, je tiens à discuter de quelques-unes d'entre elles. S'appuyant notamment sur une expérience positive menée en Australie, le ministère de la Santé et des Services sociaux propose l'implantation d'une mesure qui vise à faire réviser par un pharmacien et un médecin la médication à domicile de certains patients. L'APES reconnaît le succès de l'étude australienne, lors de laquelle les interventions des pharmaciens ont permis de soustraire un médicament de la thérapie médicamenteuse des 275 sujets participants, en moyenne. Cela dit, d'autres études analysant l'impact d'une telle mesure sur la consommation d'autres services de santé ont conduit à des conclusions moins encourageantes. C'est pourquoi l'APES croit sage de procéder à l'expérimentation d'un programme de révision de la médication à domicile dans le cadre d'un projet pilote.
Le Président (M. Copeman): Mme Lussier-Labelle, il vous reste deux minutes.
Mme Lussier-Labelle (Francine): Oui, ça va. Ce faisant, elle recommande que l'expertise des pharmaciens qui exercent en CLSC soit mise à profit dans ce contexte.
Par ailleurs, concernant la sensibilisation des citoyens au bon usage des médicaments, l'APES tient à mentionner que les soins pharmaceutiques prodigués par les pharmaciens sont centrés sur les patients d'abord. La participation active de la responsabilisation des patients est donc au coeur de ce concept, et les pharmaciens d'établissements sont des partenaires de cette perspective.
Dans le même esprit, l'APES appuie la proposition ministérielle visant à mettre en place un service téléphonique Info-Médicaments, une source d'information objective et sanctionnée par les autorités publiques rattachées aux services offerts par Info-Santé. L'association avait d'ailleurs réclamé la mise en oeuvre d'un tel service, s'appuyant sur des résultats concluants des projets pilotes qu'elle avait menés en 2001 et 2002 dans les régions de la Gaspésie et Îles-de-la-Madeleine et de Québec. Pour l'APES, il est clair que ce service spécialisé devrait s'appuyer sur l'expertise reconnue des pharmaciens d'établissements.
Dans un autre ordre d'idées et sous réserve de préserver la confidentialité des renseignements médicaux donnés, données sensibles s'il en existe, et d'assurer le droit des citoyens à la vie privée, l'APES appuie le principe de la circulation de l'information mais aussi celui du partage de l'expertise entre les professionnels de la santé pour améliorer la prise en charge de la thérapie médicamenteuse des patients. Notre association recommande ainsi de soutenir les interventions pour améliorer le partage de l'information clinique entre les professionnels, notamment pour les médicaments et ? particulièrement dans les cas des pharmaciens d'officines ? sur l'intention thérapeutique.
Finalement, notre association, en plus d'encourager toute action qui tend à clarifier les relations, quand même essentielles, entre les professionnels de la santé et les fabricants de médicaments, appelle les autorités ministérielles à réfléchir sur la pertinence d'encadrer les pratiques commerciales des fabricants auprès des malades eux-mêmes. Cette stratégie peut viser indirectement à faire pression sur les décideurs en vue de l'ajout de médicaments à la liste des médicaments remboursables ou à inciter des professionnels à prescrire ou à initier des traitements particuliers. Or, pour l'APES, il est impératif de favoriser l'objectivité des décisions concernant le choix des médicaments, notamment en s'appuyant sur des données probantes et sur le ratio coûts-avantages que représentent ces médicaments.
En conclusion, la volonté du ministre de la Santé et des Services sociaux de doter le Québec d'une politique représente un geste important. Pour ce faire, il doit considérer les intérêts, qui convergent parfois mais qui divergent souvent. La complexité des enjeux et des intérêts en cause ne doit pas faire oublier à personne l'objectif principal de la démarche. L'APES croit, encore une fois, qu'un seul élément peut être le moteur de cette politique: la volonté de maintenir une accessibilité raisonnable aux médicaments pour les citoyens québécois. Je désire vous remercier de votre écoute. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci. Avant de céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux, je présume, il y a consentement pour dépasser 18 heures? Consentement. M. le ministre.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Lambert, Mme Lussier-Labelle, M. Boudreault et Mme Asselin, pour votre présence avec nous aujourd'hui.
J'ai une petite remarque en passant: Vous avez raison, on a, dans notre politique, évoqué la possibilité qu'une allocation spécifique pour les médicaments soit donnée aux établissements. Cependant, j'indique que ça existe déjà en partie, depuis juin 2003 en fait. Les années précédentes, ça n'avait pas été fait, mais, depuis ce temps-là, il y a une indexation. Dans le coût d'indexation, il y a une indexation spécifique donnée aux établissements qui tient compte des coûts des médicaments, des technologies et de la pression due au vieillissement de la population. Maintenant, ce qui est suggéré peut-être, c'est d'envisager qu'à l'intérieur de cette indexation spécifique on isole l'aspect médicaments, et c'est quelque chose qu'on va certainement envisager et voir quelle est l'utilité, le bien-fondé de cette mesure-là.
Avez-vous une position sur les échantillons? On en a parlé ce matin avec l'Ordre des pharmaciens, les échantillons dans les... J'en ai vu beaucoup, moi, de ces cabarets d'échantillons dans les établissements de santé. Quelle est votre position là-dessus? Mme Lambert (Manon): En fait, on l'a effectivement indiqué dans notre mémoire, les pharmaciens d'établissements tentent depuis des années de mettre en place des... de faire appliquer, je dirais, pas de mettre en place... les politiques et procédures ont été mises en place, mais donc de faire appliquer des politiques à cet égard-là, et je dois dire que c'est excessivement difficile. Ça fait en sorte effectivement ? j'écoutais nos collègues de l'Ordre des pharmaciens ce matin ? que souvent les dossiers sont incomplets. Ça fait en sorte... Dans les établissements, par exemple, j'ai souvent vu que ça pouvait permettre de déroger au formulaire thérapeutique. Alors, un médicament n'est pas inscrit à la liste de l'établissement, oups! ce n'est pas grave, on prend les échantillons de l'autre côté. Et il y avait souvent de bonnes raisons pour lesquelles ce médicament-là n'était pas inscrit.
Donc, devant, je dirais, les échecs répétés des pharmaciens d'établissements à faire respecter ces politiques et ces procédures là ? qui ne sont pas des procédurites, c'est vraiment pour s'assurer finalement que les patients vont recevoir les bons médicaments pour eux ? l'APES recommande carrément, pour ce qui est des établissements de santé, d'abroger les échantillons.
M. Couillard: Il y a plusieurs, M. le Président, il y a plusieurs recommandations très intéressantes dans votre mémoire. Une d'entre elles est d'encadrer les pratiques commerciales des fabricants qui s'adressent aux groupes de malades. Et là j'explique, et vous connaissez la réalité très bien. Il y a des groupes qui sont constitués de bonne foi et qui sont représentés de bonne foi également, des personnes sur la place publique, dont on s'aperçoit, soit avant, pendant ou après la représentation, qu'il s'agit de groupes qui sont très largement financés, sinon parfois en totalité, par la partie de l'industrie pharmaceutique qui est à l'origine du produit X qui est discuté. Comment est-ce qu'on peut encadrer cette pratique, à votre avis?
Mme Lambert (Manon): Bien, vous êtes venu à notre congrès sur l'éthique la semaine dernière. En fait, ce que l'association... Autant pour les professionnels que pour les groupes de malades ou tout autre intervenant qui a à agir dans le domaine du médicament, je pense que la clef de voûte, c'est la transparence. C'est la transparence. Donc, si un groupe de malades est financé d'une façon ou d'une autre par l'industrie pharmaceutique, bien je pense que ça devrait être déclaré. Les choses qui sont sues ont toujours, je dirais, le bénéfice d'être claires pour tout le monde. Donc, je pense que c'est une politique de transparence.
Il ne s'agit pas de couper le financement de l'industrie pharmaceutique à cet égard-là. Je ne pense pas que la solution réside là-dedans, de la même façon que je ne pense pas que la solution réside de couper carrément les liens des professionnels avec l'industrie pharmaceutique, c'est... On a décidé, au Québec, de donner le développement et l'innovation thérapeutique en pharmacologie au secteur privé. Bien, la conséquence de ça, c'est qu'il faut effectivement qu'il y ait des liens entre le secteur privé, donc l'industrie pharmaceutique, et les professionnels. Donc, ce qu'il s'agit de faire comme société responsable, c'est que ces pratiques-là soient encadrées pour s'assurer que les choses sont faites de façon transparente.
Mme Lussier-Labelle (Francine): Je pense que je pourrais ajouter qu'on ne veut pas nécessairement encadrer l'accès à l'information aux citoyens du Québec. Ce n'est pas ce but-là, mais je pense que d'avoir à diffuser ou à déclarer les sommes investies par les fabricants pourrait être une mesure intéressante.
M. Couillard: Ça m'apparaît intéressant comme suggestion, et au moins faire preuve de prudence, et faire la démarche de demander d'où vient le financement.
Dans plusieurs mémoires, il y avait une recommandation que la liste locale des médicaments des établissements soit en fait la liste des médicaments du régime général. Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation?
n(18 heures)nMme Lambert (Manon): En fait, on l'indique effectivement dans notre mémoire également, les clientèles locales méritent parfois des choix locaux. Ce n'est pas vrai que toutes les clientèles, compte tenu du niveau socioéconomique des gens qui environnent l'établissement, donc qui sont desservis par l'établissement, compte tenu des spécialités qui sont présentes à l'intérieur de l'établissement, compte tenu effectivement de particularités de choix thérapeutiques de par les professionnels qui sont en place, on ne pense pas que la recette du tous-pour-un est nécessairement intéressante.
Le fait d'avoir un formulaire thérapeutique à l'intérieur de l'établissement, on y voit à peu près les mêmes avantages que ce qu'on disait tantôt pour la liste générale, donc qu'il y a un caractère éducatif. Quand on restreint, à l'intérieur de l'établissement, l'utilisation de médicaments à un certain nombre de molécules, bien ça devient d'autant plus facile pour les médecins d'apprivoiser l'utilisation de ces molécules-là. Ça prévient les accidents évitables, ça prévient les erreurs, parce qu'on diminue le nombre de principes actifs auxquels les gens ont à faire face, et finalement ça permet aussi, jusqu'à un certain point, sur le plan administratif, de diminuer les inventaires, diminuer les coûts. Donc, il y a à la fois des raisons financières et des raisons cliniques.
Donc, dans ce contexte-là, dire que... élargir à tout... Parce que nos formulaires... Ce qu'il faut comprendre, c'est que nos formulaires hospitaliers sont souvent plus étroits que ne l'est la liste générale. Alors, on ne pense pas que de dire... élargir à tout ça, élargir à la liste du régime général permettrait d'être productif dans nos établissements, tant sur le plan clinique que sur le plan financier.
Mme Lussier-Labelle (Francine): Mais, d'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas que les établissements se cachent derrière l'excuse de dire: Le médicament n'est pas au formulaire local, donc on ne peut pas le donner au patient. Donc, il faut traiter nos patients selon les maladies et selon les demandes, mais on peut aussi gérer ça de façon plus correcte.
M. Couillard: Dans les situations que j'ai vécues en établissement, où c'est difficile de prendre ces décisions en général, une belle démarche de revue d'utilisation est en général un prérequis, et souvent c'est une démarche qui est oubliée. Pourriez-vous expliquer, pour le bénéfice des citoyens, qu'est-ce que c'est qu'une revue d'utilisation du médicament? On appelle ça un RUM, dans le jargon, là. Comment est-ce qu'on fait ça?
Mme Lambert (Manon): Alors, dans une vie antérieure, j'ai été coordonnatrice du Réseau de revue d'utilisation des médicaments, alors je suis à même de vous parler de ce processus-là. En fait, c'est un processus de recherche évaluative qui vise à s'assurer que le médicament est bien utilisé. Alors, ce qu'on fait dans un premier temps, c'est qu'on va réunir des experts et on va leur demander de revoir la documentation scientifique, donc de revoir la documentation scientifique en fonction de données probantes et d'établir des critères d'utilisation. Donc, grosso modo, ce que ça veut dire, c'est: J'ai un médicament A, ce médicament-là va être utilisé dans telle, telle, telle indication, je vais le donner à telle dose. Si mon patient est âgé et qu'il a une fonction rénale diminuée, donc que le médicament est moins bien éliminé par les reins, je vais l'ajuster de cette façon-là. Donc, il y a une série de critères.
Et ce qu'on fait par la suite, c'est qu'on va vérifier dans les dossiers... Ça peut être fait en rétrospectif ou ça peut être fait de façon concomitante ou prospective, mais, par exemple, en rétrospectif, c'est qu'on va aller vérifier dans les dossiers médicaux et s'assurer de vérifier: Est-ce que l'utilisation concrète par les cliniciens qui a été faite correspond effectivement à cette utilisation idéale là? Et, dans la mesure où effectivement on trouve, je dirais, des écarts, on va tenter d'expliquer ces écarts-là, parce que ce n'est pas vrai effectivement que la médecine et la pharmacie se pratiquent comme un livre de cuisine. Donc, parfois il y a des critères, mais parfois il y a de bonnes raisons de dévier à ces critères. On va aller chercher les raisons de ces écarts-là.
S'il n'y a pas de motifs, je dirais, cliniques pertinents pour justifier ces écarts-là, on va appliquer par la suite des mesures correctives. Habituellement, ça peut être de l'information, de la formation, ça peut être de l'encadrement dans le cadre de règles d'utilisation. Donc, on va venir corriger le tir pour s'assurer finalement que l'utilisation qui est faite dans les faits, sur le terrain, correspond le plus possible à l'utilisation qu'on décrit comme étant, je dirais, idéale, entre guillemets, parce qu'il n'y a pas vraiment d'utilisation idéale, mais idéale par rapport à la documentation scientifique. Et on va refaire la boucle.
Donc, si effectivement ces mesures-là ne donnent pas d'effet, on va aller voir pourquoi et on va recommencer. Donc, c'est une boucle continuelle. C'est un processus qui est assez lourd à faire en établissement de santé, par contre, qu'on va réserver à certaines situations où effectivement on a un doute que le médicament est mal utilisé, ou encore on a des indications dans la documentation scientifique, qui nous viennent d'ailleurs, qui nous disent aussi que les médicaments sont mal utilisés, donc on va aller vérifier, dans ce contexte-là.
M. Couillard: Bien, c'est une bonne pratique qui souvent aide à faire le difficile équilibre entre les considérations budgétaires et les considérations d'accès aux médicaments.
Il y a une de vos recommandations qui me semble présenter des difficultés, c'est celle où vous dites, si on vous comprend bien... où vous suggérez que le Conseil du médicament fasse l'évaluation de médicaments qui n'ont pas reçu d'avis de conformité. Je vais expliquer, pour le bénéfice des collègues et du public, que le processus d'approbation des médicaments se déroule en deux temps. Le premier temps, c'est l'émission d'un certificat de conformité par Santé Canada et qui est sur la base de certains critères: critère d'efficacité par rapport à un médicament neutre, ce qu'on appelle un placebo; critère d'innocuité en termes d'effets secondaires; et qualité de fabrication. Alors, il y a des éléments là-dedans pour lesquels, un, le Québec n'a pas juridiction, deux, n'a pas nécessairement les ressources nécessaires.
La deuxième étape, c'est celle du Conseil du médicament, où l'on vérifie la valeur thérapeutique ajoutée, la justesse du prix et les autres critères que vous connaissez. Et, comme le Conseil du médicament s'appuie forcément sur la base d'études probantes, je vois difficilement comment on pourrait permettre l'utilisation d'un médicament qui n'a pas de certificat de conformité, donc qui en pratique ne peut pas être distribué, n'a pas de prix déterminé. Ça me paraît un problème assez important, là.
Mme Lussier-Labelle (Francine): C'est sûr que c'est un problème important, mais, selon les rapports financiers que les établissements vous remettent, vous êtes en mesure de savoir la somme qui est investie, d'achat de ces médicaments qui n'ont aucune conformité de commercialisation au Canada mais pour lesquels, dans plusieurs traitements, c'est devenu le standard de traitement. Avec les années, je pense qu'il faut que quelqu'un s'y penche et guide les professionnels qui doivent prendre des décisions entre le fait d'utiliser un médicament qui n'est pas commercialisé au Canada mais qu'on retrouve dans la littérature scientifique de façon très importante... Les preuves sont là, c'est un médicament qui est efficace, mais, d'un autre côté, il n'a pas... c'est un médicament qui n'est pas commercialisé, on n'a pas de monographie pour nous appuyer, et les professionnels sont obligés de faire l'équilibre entre ces décisions-là. Et avec le temps il y a des situations qui perdurent depuis trois ans, quatre ans, cinq ans, et il n'y a personne qui s'en occupe, ni le gouvernement fédéral ni les décideurs provinciaux. Et on est pris, dans le local, avec ces médicaments-là.
Mme Lambert (Manon): Et j'ajouterais, M. le ministre, si vous me permettez, que notre proposition ne vise pas à encadrer tout ce qui se passe via le... ? parce que ces médicaments-là sont obtenus via le Programme d'accès spécial du fédéral ? ne vise pas à encadrer tout ce qui vient du PAS, là, ce n'est vraiment pas ça. Mais c'est vraiment qu'on puisse... Et notre recommandation est claire, c'est qu'on puisse déterminer quelles sont les situations qui posent problème. On vous a donné plusieurs exemples au niveau du mémoire. Il y a des situations qui posent problème. Et, encore une fois, ces problématiques-là qui sont vécues à travers tout le réseau, par tous les établissements, sont laissées, je dirais, au bon vouloir local, quand je pense que ce sont devenus des problèmes provinciaux.
De notre point de vue, le Conseil du médicament devrait être un carrefour, au niveau du Québec, pour tout ce qui concerne l'utilisation des médicaments, que ce soit au niveau de l'inscription ou de l'utilisation optimale. Donc, il nous apparaît que c'est probablement le meilleur lieu, imparfait on en convient, mais le meilleur lieu pour discuter de la situation.
M. Couillard: On conviendra cependant qu'il faudrait s'abstenir d'établir des politiques qui inciteraient directement ou indirectement le palier fédéral à ne pas utiliser ses responsabilités et les assumer, hein? Je pense qu'il faut être conscient de ça, parce que l'autre côté de cette question, c'est justement la question des médicaments orphelins, des maladies rares. Une des origines du problème, entre guillemets, c'est que c'est des médicaments qui ont le certificat de conformité, mais les gens ne savent pas la différence entre le certificat de conformité et une valeur thérapeutique démontrée. Alors, ce n'est pas parce qu'un médicament a le certificat de conformité qu'il a une valeur thérapeutique démontrée, et ça, je pense que c'est très, très important de faire la distinction. Mais je pense qu'il faut s'assurer que nos collègues de Santé Canada prennent conscience de leurs responsabilités, qu'on ne leur fournit pas nous-mêmes de moyen d'y échapper, de passer outre.
Mme Lussier-Labelle (Francine): L'utilisation de ces médicaments-là qui n'ont pas l'avis de conformité peut être très justifiée pour des patients d'exception, pour des échecs thérapeutiques avec les médicaments qui sont commercialisés. Mais, quand ça devient une pratique, que le fabricant ne dépose aucune demande de commercialisation au Canada, et à ce moment-là le produit est accessible, il y a un problème à ce propos-là.
M. Couillard: Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Je pense que mon temps achève. Sur la question de l'intention thérapeutique ? vous avez peut-être été témoins des discussions depuis le début de la journée ? tout le monde s'entend sur le bénéfice de cette mesure-là. Par contre, tous ne s'entendent pas sur la diffusion de la mesure, comment elle doit être administrée, comment elle doit être gérée. Je suppose que vous avez une position établie sur cette question, et peut-être pourriez-vous illustrer les bénéfices, autant pour les patients que pour les professionnels de la santé, de mettre en place une telle mesure.
n(18 h 10)nMme Lambert (Manon): Bien, dans un premier temps, l'intention thérapeutique est peut-être discutée parce qu'effectivement peut-être qu'on ne s'entend pas tous sur la même définition, mais peut-être que finalement il n'y a pas juste une définition de ce que serait l'intention thérapeutique. À notre point de vue, l'intention thérapeutique peut être autant l'indication, qu'une cible thérapeutique, qu'un symptôme. Alors, pour le pharmacien principalement, dans la mesure où, dans certains cas, le symptôme qui est inscrit, ça peut être adéquat, dans d'autres cas, ça peut être la cible, et, dans d'autres cas, le diagnostic.
Je vous donne un exemple. Comme pharmacien, si je vois arriver un bêtabloqueur, qui est un médicament utilisé en cardio principalement, bien je vais vouloir probablement savoir l'indication: est-ce qu'il est utilisé pour traiter l'hypertension ou il est utilisé pour traiter l'angine instable? Si je vois arriver ? bon, c'est un exemple qui n'est peut-être pas à propos, mais en tout cas ? si je vois arriver du Tylenol, bien je vais vouloir savoir: Est-ce qu'il est utilisé pour les céphalées ou il est utilisé pour les douleurs? Si je vois arriver une prescription d'anticoagulant, bien peut-être que ce que je vais vouloir savoir, c'est: Quelle est la cible thérapeutique que le médecin veut atteindre, à quel niveau est-ce qu'il veut que mon patient soit anticoagulé? Donc, l'intention thérapeutique peut prendre différentes définitions, je dirais, selon le médicament.
Par ailleurs, en termes d'utilité pour les pharmaciens, puisque nous sommes des pharmaciens et que c'est en leur nom que nous parlons, c'est clair que, si on n'a pas l'intention thérapeutique, dans certains cas ça nous empêche de faire les interventions qui sont à propos. Par exemple, je reprends mon exemple de bêtabloqueur, bien les doses qui sont utilisées dans le traitement de l'hypertension et dans le traitement de l'insuffisance cardiaque ne sont pas les mêmes. Donc, si je veux intervenir adéquatement et savoir si la bonne dose est prescrite, bien je dois savoir effectivement dans quelle indication c'est prescrit. Dans l'éventualité de l'application de la nouvelle loi, évidemment, si on me demande d'ajuster ou d'initier un médicament, bien c'est clair que je vais avoir besoin de cette information-là. Donc ça, c'est du point de vue des pharmaciens.
Maintenant, il ne faut pas oublier ? et je pense que certains l'oublient ? que cette attention-là n'est pas utile que pour les pharmaciens. Je suis un médecin à l'urgence, je reçois un patient à minuit, le soir; le patient arrive avec son sac vert de médicaments ? dans bien des cas, si c'est une personne âgée, souvent, là, c'est un peu le scénario qu'on a, puisqu'ils prennent de multiples médicaments ? le médecin qui est à l'urgence va se demander, comme le pharmacien le lendemain matin, ou le pharmacien qui va être appelé de garde, pourquoi ce patient-là prend ces médicaments-là, pour s'assurer finalement de represcrire adéquatement les médicaments durant son séjour hospitalier. Donc, je pense que c'est une donnée qui est utile non seulement pour les pharmaciens, mais qui est utile aussi pour les médecins. Et tout ça dans un souci de bien traiter les patients, de s'assurer finalement qu'on va donner les bons médicaments pour les bonnes choses, aux bonnes doses, et s'assurer finalement d'éviter les accidents évitables.
Donc, dans ce contexte-là, j'avoue qu'on comprend difficilement la résistance de certains par rapport à cette diffusion-là. On comprend les problèmes de confidentialité; par contre, les professionnels de la santé sont habitués de jouer avec des données sensibles. Les pharmaciens, de toute façon, dans une bonne proportion des cas, sont déjà capables de deviner l'intention, dans un certain nombre de cas; il ne s'agira pas de le marquer nécessairement dans tout, mais il y a probablement un certain nombre de thérapies pour lesquelles effectivement il serait très utile d'obtenir cette information-là.
Le Président (M. Paquin): Merci, M. le ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Lussier-Labelle, Mme Asselin, M. Boudreault et Mme Lambert, de la part de l'opposition officielle. C'est avec extrêmement d'intérêt que je prenais connaissance, ainsi que mes collègues, du mémoire que vous nous présentez. Vous avez une expertise bien particulière, et je comprends que vous êtes, je crois, parmi les seuls qui traitez de cette question du traitement d'exception, selon l'article 116 de la loi sur la santé et les services sociaux, sur lequel je reviendrai.
Dans votre mémoire, vous faites état de la nécessité, à la veille de l'adoption d'une politique du médicament, d'aborder des questions comme celles des biotechnologies, des thérapies géniques ou d'autres alternatives médicamenteuses. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Lambert (Manon): En fait, ces nouvelles thérapies là vont poser des défis, je dirais, sur plusieurs plans, sur des plans éthiques. Thérapie génique, on parle de personnalisation de thérapies en fonction de caractéristiques génétiques des patients. Donc, ça implique la circulation d'informations génétiques qui peuvent en elles-mêmes impliquer une connaissance, par exemple, de certains risques de maladie, donc des données qui sont effectivement sensibles et intéressantes pour certains groupes de pression dans nos sociétés.
Ça implique aussi, je dirais, des enjeux sur le plan de la prescription de ces médicaments-là, donc de connaissance de ces... Ça va être une révolution au niveau de la pharmacothérapie. Donc, il va falloir effectivement... On sera face à un défi de formation des professionnels par rapport à ces nouvelles thérapies là. On est face à une coupure, vraiment, là. Si ces thérapies-là amènent les bénéfices qu'elles sont supposées amener... Par ailleurs, elles sont toujours en recherche pour la plupart, là, donc on n'a pas encore nécessairement de résultats probants. Mais donc ça va être une coupure par rapport à la façon traditionnelle qu'on a de traiter les patients. Donc, une demande de formation importante tout autant des jeunes praticiens que des gens qui sont déjà en place, qui ont déjà un peu de cheveux gris comme moi maintenant.
Et ça va poser, je dirais, aussi des défis sur le plan de la distribution des médicaments. Dans certains cas, ces médicaments-là demandent des préparations particulières, des conditionnements particuliers, l'utilisation, par exemple, de reconstitutions dans le cadre de températures très faibles. Donc, ça va poser toutes sortes de défis. Et, en tout cas à notre connaissance puis à notre lecture attentive du document ? et je peux vous garantir qu'on l'a lu attentivement ? ces questions-là ne sont pas abordées.
Mme Harel: Par ailleurs, dans votre mémoire, vous exprimez des réserves sur les recours à la liste des médicaments d'exception. Vous le dites en termes très clairs, hein, à la page 4: «Il s'agit clairement d'un mécanisme qui vise strictement à réaliser des économies ou, du moins, qui est utilisé comme tel. En ce sens, il s'agit d'un mécanisme fort efficace puisque l'on inscrit un médicament sur cette liste, on en diminue l'utilisation et la dépense associée. Néanmoins ? ajoutez-vous ? utiliser cette mesure peut [...] conduire à priver certains patients de médicaments dont ils ont réellement besoin en érigeant des barrières administratives indues.» Alors, je crois que vous posez un jugement assez net. Est-ce que c'est à partir d'expériences qui... cette expérience que vous avez sur le terrain qui vous amène à conclure cela?
Mme Lambert (Manon): Oui. C'est clair. Et d'ailleurs on n'est pas les seuls. Notre collègue de l'ACMDPQ l'a mentionné tantôt. Effectivement, souvent... Alors, de deux choses l'une: Ou on n'ira pas vers le médicament optimal, parce qu'effectivement on ne veut pas remplir le papier ? c'est très plate à dire, mais c'est comme ça que ça se passe dans certains cas ? ou encore la responsabilité va échoir au pharmacien. Dans le cas des pharmaciens d'établissements, on a effectivement... Par exemple, dans les cliniques externes en oncologie, quand on veut utiliser un médicament d'exception, on a une pile de papiers avec pratiquement ? et là je ne devrais pas dire ça, mais je vais le dire quand même ? avec une pile d'indications «préapprouvé» là-dessus. On fait juste signer le médecin, puis on envoie ça, parce qu'effectivement, si on ne fait pas ça, le patient n'aura pas accès à son médicament.
Ceci étant dit, ça ne veut pas dire qu'il faut éliminer ? et ce n'est pas ce qu'on dit ? on ne dit pas qu'il faut éliminer complètement le processus. Par contre, le ministre tantôt m'a fait décrire, en plus, le processus de revue d'utilisation des médicaments, et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait d'abord miser sur les processus qui vont aider à optimiser l'utilisation des médicaments.
Quand on aura eu l'assurance que tout a été fait en matière d'utilisation optimale et que là ça ne fonctionne pas, là, à ce moment-là peut-être que le mécanisme de médicaments d'exception pourrait être celui qui soit utilisé, donc un mécanisme de dernier recours. Ce qui nous fait dire que c'est un mécanisme qui est purement économique, c'est qu'il y a plusieurs autres médicaments, quant à nous, si on regarde juste au niveau de l'utilisation clinique, qui pourraient être mis sur la liste d'exception, sur le plan strictement clinique. Mais, quand ce n'est pas des médicaments coûteux, ils ne vont pas sur la liste de médicaments d'exception.
Donc, c'est ce qui me faire dire que le mécanisme effectivement a une portée économique. Il ne s'agit pas par ailleurs de se libérer totalement, comme professionnels, des contraintes économiques. Et, comme je dis, je pense que ça a sa raison d'être. Mais je pense qu'on a constitué un Conseil du médicament, on lui a donné une fonction de suivi, et il faut effectivement que cette fonction de suivi là soit intégrée à la fonction d'inscription, de façon à faire un pont et de façon à faire en sorte qu'effectivement, en matière de suivi, si les choses ont été bien faites, on n'ait pas besoin de revoir le statut d'inscription. Si les choses sont mal faites et qu'on a tenté de corriger le tir puis qu'on est incapable de le faire, à ce moment-là la liste de médicaments d'exception pourrait être utilisée.
Mme Harel: Donc, il faudrait d'abord un protocole pour corriger le tir, comme vous dites, avec des façons de faire qui favorisent l'utilisation optimale avant qu'on transfère sur la liste d'exception.
Dans votre mémoire, à la page 7, vous mentionnez également ? vous en avez parlé avec le ministre, là ? l'existence de listes distinctes. Et votre recommandation est à l'effet que ces listes soient fusionnées. Alors, ce que vous recommandez, c'est que la liste des médicaments de la régie et la liste des médicaments établissements soient fusionnées. Mais, si je comprends bien, vous souhaitez qu'il y ait un élément distinctif, dans cette liste fusionnée, pour les médicaments qui sont exclusivement d'usage hospitalier?
n(18 h 20)nMme Lambert (Manon): Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'actuellement on a comme trois séries de listes. On a la liste du régime général d'assurance médicaments, qui est la liste finalement qui sert au remboursement des patients qui sont ambulants; on a la liste établissement, qui est l'espèce de guide, je dirais, de liste d'épicerie dans laquelle les établissements peuvent piger pour constituer eux-mêmes leur propre liste. Alors, tantôt, quand j'échangeais avec le ministre, c'était sur les listes qui sont propres aux établissements.
Par ailleurs, ce qu'on dit, c'est qu'actuellement on a deux listes différentes. Nos professionnels sont obligés de traîner les deux listes. Parce qu'il faut voir que le temps d'hospitalisation d'une personne, c'est cinq, sept jours, huit jours, donc inévitablement cette personne-là va être appelée à sortir. Et, comme professionnels de la santé, on doit se préoccuper de ce qui va se passer à la sortie de l'établissement; on appelle ça la continuité des soins. Donc, nos professionnels sont toujours en train de feuilleter deux listes et...
Mme Harel: Il n'y a pas de plus en plus trois listes, avec une liste différente pour l'assurance privée?
Mme Lambert (Manon): Ah! Bien, en fait, là, si on entre ça, on en a une multitude. Ce n'est pas trois listes. Chaque groupe d'assurés peut avoir sa propre liste. Alors ça, c'est encore pire, on n'en parle même pas. Mais parlons du régime général, qui couvre quand même 60 % de la population. Bien, nos pharmaciens doivent feuilleter effectivement les listes et parfois font des choix qui ne sont pas nécessairement appropriés. On en parlait un petit peu plus tôt, je ne sais pas quel groupe. Effectivement, si on choisit un médicament qui n'est pas couvert par le régime général, il y a peut-être des bonnes chances que, si la personne n'a pas les moyens de s'acheter le médicament, elle ne le prendra pas. Donc, pour nous, c'est une question de facilité, d'efficience pour les professionnels de la santé.
Mme Harel: On m'indique que, parmi, si vous voulez, les nouvelles molécules, là, les médicaments nouvellement arrivés sur le marché, dans le privé, je ne sais si c'est confirmé, mais, à 95 %, ce serait inscrit dans la couverture des assurances privées, alors que ça l'est de moins en moins ? on m'indiquait 30 % à peine, là, au cours de la dernière année ? dans le régime d'assurance public. Vous n'avez pas d'indication à cet effet?
Mme Lambert (Manon): Non. Je dirais que ça touche plus le régime général que la portion établissements de santé.
Mme Lussier-Labelle (Francine): Ce que l'on sait par contre ? parce que j'ai des téléphones, moi, à mon bureau ? c'est que les médicaments peuvent être, oui, sur la liste de l'assureur privé, mais, à un moment donné, s'il y a un patient, s'il y a un client qui coûte trop cher, là il y a des pressions pour qu'il soit exclu du groupe assuré. Et là le patient se retrouve sans aucune couverture d'assurance. Et ça, on le vit dans les établissements, on a de la pression des patients. Donc, ce n'est pas les médicaments qui sont exclus de la liste, mais, à un moment donné, s'il y a un patient, parce qu'il a telle, telle, telle maladie, il coûte très cher, il y a énormément de pression par le groupe même de ses collègues, qui paient la même cotisation que lui, de dire: Bien, à cause de toi, on paie trop cher. Et ça, on en entend parler.
Mme Harel: Mais est-ce qu'il y a possibilité de l'exclure de la couverture, s'il est maintenu à l'emploi de l'employeur?
Mme Lussier-Labelle (Francine): En tout cas, moi, j'ai des cas où ils l'ont fait. Est-ce que c'est légal ou pas légal? Mais ça a été fait.
Mme Harel: Je crois que ce seraient des cas pour la Commission des droits de la personne, hein?
Mme Lussier-Labelle (Francine): Oui, effectivement, c'est ce qu'on recommande de faire, c'est d'appeler et de vérifier.
Mme Harel: Mais évidemment, à 65 ans, c'est automatique. Alors, c'est souvent au moment d'ailleurs où la personne recourt le plus aux médicaments, c'est à ce moment-là qu'elle se trouve sur la liste du régime public.
Vous parliez, dans votre mémoire, d'interdire, de maintenir l'interdiction, là, de publicité. Vous avez peut-être vu dans les journaux, hier et avant-hier, là, ces articles décrivant les messages publicitaires qu'on retrouve, on dit, dans 90, je pense, lieux publics: dans les hôpitaux, dans les salles d'urgence, dans les cliniques et dans les salles de CLSC, entre autres. En fait, ce sont des messages publicitaires qui apparaissent aux 15 minutes sur des panneaux électroniques. Bon. Ils donnent quelques exemples d'hôpitaux: l'Hôtel-Dieu de Lévis et quelques autres, Saint-François d'Assise, le CHUL et quelques autres, là, dépendamment des articles, s'ils sont publiés à Montréal ou à Québec. Est-ce que cette publicité vous est connue? Est-ce qu'elle est diffusée dans les établissements où vos membres se retrouvent?
Mme Lambert (Manon): Vous parlez des publicités concernant les pharmacies, donc le recours à des pharmacies? Ce qu'il faut comprendre sur les médicaments... Parce que, moi, je comprenais que c'était sur les pharmacies, c'est donc des pharmaciens qui s'annonçaient. On parlait effectivement, dans un des articles, que certains songeaient... je pense que la compagnie qui installait les panneaux songeait à diffuser de la publicité sur les médicaments. Si c'est celle-ci, c'est de...
Mme Harel: Il y en a déjà.
Mme Lambert (Manon): O.K.
Mme Harel: Ça dépend, là, mais, par exemple, dans les hôpitaux et cliniques médicales, des secteurs... On dit ceci: «Des secteurs sont ciblés ? gynécologie, obstétrique, dermatologie ? pour la promotion de produits spécifiques qui s'adressent soit à certains types de clientèles ou aux familles. Il peut s'agir de Tylenol pour enfants», etc.
Mme Lambert (Manon): Pour nous, la situation est la même que la publicité, notre position est claire là-dessus, claire et nette. La publicité directe aux patients devrait continuer d'être interdite au Canada. Je comprends que ce sera une décision canadienne, mais on tenait à exprimer dans notre mémoire notre appui à la position du ministre là-dessus. C'est que toute publicité directe aux patients pourrait être... devrait être interdite.
Déjà, comme professionnels de la santé, écoutez, les pharmaciens en établissement ont six années d'études universitaires; on y perd déjà notre latin parfois quand on regarde la documentation et quand on regarde... qu'on tente de regarder d'un oeil critique l'utilité relative d'un médicament à un autre, alors on voit mal comment, à grands coups de publicité, la population pourrait avoir un esprit critique. Je sais qu'il y a des gens qui vont dire qu'on se met la tête dans le sable, qu'on a déjà des publicités américaines, que de toute façon on est déjà envahis sur Internet, mais je pense que c'est une question de principe.
Les médicaments, ce ne sont pas des biens de consommation ordinaires, ça prend des intervenants spécialisés entre le patient et le... entre, je dirais, le médicament et le patient. Ces intervenants-là, ils sont bien formés, ils sont formés de façon objective, donc je pense que, juste au niveau du principe, on devrait maintenir cette interdiction-là, d'autant plus qu'on pourrait effectivement avoir un impact, en plus, de surutilisation de médicaments par la suite.
Mme Harel: Je pense que, là, il va y avoir certainement une intervention ministérielle souhaitée, parce qu'on indique ici que les panneaux sont installés de telle manière qu'ils puissent favoriser certains produits pharmaceutiques, et c'est quand même dans 31 hôpitaux à date. Alors, c'est bien évident. On indique aussi qu'il y a 1,4 million de patients chaque année qui circulent dans les salles d'attente où les panneaux sont installés. Dans la mesure où ça se déroule dans un lieu qui est dit de traitement, les personnes pensent que le produit pharmaceutique présenté est encore plus, si vous voulez... pas nocif, et certainement encore plus efficace.
Le Président (M. Paquin): Cinq minutes.
Mme Harel: Oui, cinq minutes. Bon. Revenons à la question du traitement d'exception. Vous l'abordez en rappelant que la loi le permet, n'est-ce pas? L'actuelle loi de santé et services sociaux, comme vous l'indiquez, permet, dans des situations particulières, de traiter de situations qui devraient rester temporaires et ponctuelles. Mais ce que vous mentionnez, c'est que de plus en plus ces situations deviennent courantes, n'est-ce pas, puisque la loi permet l'utilisation de médicaments hors liste qui ont reçu l'avis de conformité et de traitements d'exception qui n'ont pas reçu l'avis de conformité.
Et, en lisant votre mémoire, je me posais la question: Du fait que c'est un financement dans le cadre d'un programme d'accès spécial du fédéral, est-ce qu'il n'y a pas une tentation d'aller du côté où il y a un financement?
Mme Lambert (Manon): Je ne sais pas ce que vous entendez par «financement», parce que certains de ces médicaments-là sont fournis gracieusement par les fabricants, mais dans d'autres cas ils sont vendus, carrément vendus. Évidemment, ils échappent ainsi au mécanisme d'examen du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Donc, en termes de financement, les établissements ne vont pas vers ces molécules-là nécessairement parce qu'elles sont gratuites. Dans plusieurs cas, les exemples qu'on donnait, c'est parce qu'elles ont une utilité clinique qui a été démontrée dans la littérature.
Le problème, c'est que, pour différentes raisons, les fabricants ne demandent pas ou ne demanderont même jamais l'avis de conformité. Alors, nous, ce qu'on dit et ce qu'on demande, c'est que, dans ces situations-là qui ne sont plus des cas d'exception mais qui deviennent des standards de traitement, il faut, à un moment donné, que quelqu'un se pose la question. Je comprends qu'il y a un devoir du fédéral à ce niveau-là. On a tenté différentes interventions, de notre point de vue, mais c'est clair que, comme association, quand j'essaie de cogner à la porter du fédéral, premièrement, il faut que je trouve la bonne porte, puis il y en a plusieurs. Et, deuxièmement, on n'a pas nécessairement l'écoute qu'auraient, par exemple, les gens du ministère de la Santé ou les gens du Conseil du médicament à ce niveau-là.
n(18 h 30)n Alors, dans le fond, ce qu'on demande comme professionnels, c'est de l'aide dans ces dossiers-là, parce qu'on trouve inacceptable que les médicaments qui n'ont pas reçu leur avis de conformité, qui n'ont pas subi effectivement les évaluations concernant l'efficacité, l'innocuité et la sécurité, qui ne subissent pas effectivement les mécanismes qui sont prévus au niveau de l'examen des prix, au niveau de l'inscription... on trouve ça inacceptable effectivement que ça devienne des traitements de première ligne. C'est une demande d'aide qu'on fait finalement.
Mme Harel: Vous notez également qu'en vertu de la Loi de l'assurance-médicaments, à l'article 8, il serait possible de facturer le régime public. Je comprends qu'il n'en est pas ainsi pour les régimes privés?
Mme Lambert (Manon): C'est-à-dire...
Mme Harel: Il serait possible de facturer... qu'un établissement puisse facturer pour un malade ambulatoire qui finalement pourrait obtenir ses médicaments sur place?
Mme Lambert (Manon): Ça dépend du contrat, du contrat d'assurance privée. Chaque groupe gère son contrat d'assurance collective. Il y a effectivement des groupes qui ont des clauses d'exclusion par rapport aux médicaments qui sont administrés sur place et d'autres qui n'en ont pas, sauf que, si on réussit à régler la situation, je pense, avec le régime général, j'ai l'impression que ça peut avoir un effet d'entraînement au niveau des assureurs privés.
Notre demande... En fait, vous avez vu les raisons pour lesquelles on ne veut pas que les patients amènent leurs médicaments. Ça nous apparaît important comme motifs. Et notre demande vise un peu... Et j'ai bien aimé la présentation des gens de l'ACMDP. On fait courir les patients d'un endroit à l'autre, et ça, sans égard, je dirais, à leurs difficultés propres, à leur vie propre. Quand ces gens-là viennent trois ou quatre fois par semaine dans l'établissement, bien on ne voit pas pourquoi on devrait leur ajouter une cinquième, puis une sixième, puis une septième fois pour aller au CLSC parce qu'on ne veut pas payer le médicament.
Mme Harel: Puis vous ajoutez des raisons professionnelles, hein?
Mme Lambert (Manon): Oui, tout à fait.
Mme Harel: Dans votre mémoire, là, vous dites: En plus de ça, est-ce que le médicament correspond à l'étiquette, à la description plutôt qu'à l'étiquette, là? Est-ce qu'il n'y a pas eu détérioration en raison du bris, par exemple, de la chaîne de froid pour certains médicaments, etc.? Et ça vous met dans une position de malaise, hein, par rapport à votre responsabilité professionnelle.
Mme Lambert (Manon): Absolument, absolument. Qu'est-ce qui dit, par exemple, que le patient qui vient subir sa dialyse, le soir, qui va prendre de l'épo, par exemple, bien qu'il n'aura pas mis son médicament dans l'auto puis qu'il ne l'aura pas conservé à 37 ° dans la valise de l'auto et qu'on doive le lui administrer le soir? La même chose si le médicament n'a pas gelé dans la journée. Donc, effectivement, il y a des raisons éthiques. Il y a des raisons de double emploi de ressources.
Dans le fond, ce que notre ordre nous demande dans cette situation-là, c'est carrément de revérifier ce qui a été fait par le pharmacien de pratique privée. Et, d'autre part, dans bien des cas, c'est le pharmacien d'établissement, quand on parle de médicaments qui doivent être injectés à l'établissement et qui demandent le recours au plateau technique et à l'expertise, c'est le pharmacien d'établissement qui a cette expertise-là. Et de toute façon, souvent, les informations qui sont sur les étiquettes doivent être complétées, en termes de mode d'administration, par le pharmacien d'établissement, puisque c'est lui qui détient l'expertise dans l'administration de ces médicaments-là plus complexes. Donc, effectivement, il y a des raisons professionnelles.
Le Président (M. Paquin): Donc, mesdames, monsieur de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, merci de votre présentation de votre mémoire.
La commission ajourne ses travaux au jeudi 21 avril 2005, à 9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 33)