(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous... avec une certaine répétivité... Est-ce qu'on dit ça en français? Non?
M. Couillard: Répétitivité. Mais je ne vous suggérerais pas d'aller plus loin dans cette direction.
Une voix: Je dirais...
M. Couillard: Redondance.
Une voix: Répétitif?
Le Président (M. Copeman): Bien, en tout cas. De nouveau, je vous rappelle le mandat du comité, hein? C'est peut-être plus élégant aussi, hein, plus simple. Alors, de nouveau, je vous rappelle le mandat du comité. Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bouchard (Vachon) va être remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Copeman): Je suis convaincu que tous les téléphones cellulaires ont déjà été mis hors tension. Je vous donne lecture de l'ordre du jour de ce matin. Nous...
M. Couillard: ...
Auditions (suite)
Le Président (M. Copeman): Oui, je ne sais pas si les parlementaires sont hors tension, mais, moi, je ne suis pas tendu, ça fait que...
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(9 h 40)
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Nous allons débuter très prochainement avec l'Association des gestionnaires en informatique du réseau sociosanitaire, elle sera suivie, vers 10 h 30, avec la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN, et nous allons terminer la matinée avec le Conseil des aînés. La suspension habituelle à 12 h 30. Et il est prévu que nous reprenons nos travaux, cet après-midi, avec deux groupes, à partir de 15 h 30. Et nous allons écouter évidemment attentivement les avis touchant les travaux de la commission pendant la périodes des affaires courantes.
Alors, c'est avec plaisir que la Commission des affaires sociales accueille les représentants de l'Association des gestionnaires en informatique du réseau sociosanitaire. Messieurs, bonjour. Je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Compte tenu de l'ordre du jour chargé, je suis obligé d'être assez sévère dans l'attribution des temps. Je vais vous indiquer quand il vous reste deux minutes et je vais vous presque couper la parole à partir de 20 minutes. Vous n'êtes pas obligés de prendre toutes vos 20 minutes, hein, ça dépend de vous. Nous, nous allons échanger avec vous par la suite.
Je comprends que c'est M. Parent qui va au moins débuter la présentation. M. Parent, bonjour, je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Association des gestionnaires en informatique
du réseau sociosanitaire (AGIRS)
M. Parent (Mario): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission. Alors, on tient d'abord à vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de venir présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 83. Alors, je me présente, Mario Parent, je suis président de l'AGIRS, je suis aussi coordonnateur des systèmes d'information du Centre hospitalier affilié universitaire de Québec. Et je suis accompagné, à ma gauche, de M. Daniel Sirois, vice-président exécutif de l'AGIRS et aussi responsable des systèmes d'information de gestion de l'Hôpital Douglas, et de M. Yves Provençal, vice-président et coordonnateur des services informatiques des Centres de la jeunesse et de la famille de Batshaw, à Montréal.
Alors, vu que j'ai 20 minutes, habituellement, ma technique, c'est que je parle plus vite si je veux en dire dans la période de temps et, comme ça va être serré, je vais aller assez rapidement.
Alors, l'Association des gestionnaires en informatique du réseau sociosanitaire est une association axée sur la fonction plutôt que sur la profession. Alors, juste vous mentionner que tous les gestionnaires qui sont issus du domaine de l'informatique du réseau, que ce soient les CHU, les centres de santé et de services sociaux, les hôpitaux psychiatriques, les centres jeunesse, les centres de réadaptation en déficience physique ou en déficience intellectuelle et les centres hospitaliers spécialisés, sont tous... ont tous des membres dans notre association. Alors, qu'on soit directeur, chef de service, coordonnateur, analyste, technicien, les échanges que facilite l'association par le biais de ses rencontres, communiqués ou site Internet aident les participants à prendre position dans ce milieu en constante mutation. C'est un milieu propice à l'échange d'informations pertinentes, dont le but est de profiter mutuellement des expériences et connaissances de chacun.
La mission de l'AGIRS est de réunir les gestionnaires des technologies de l'information de plusieurs établissements du réseau, comme je vous l'ai mentionné, mais également d'établir des liens avec différents partenaires du secteur public et privé afin de permettre le partage d'informations entre ses membres, tant au niveau technique que de la gestion des ressources humaines, matérielles et financières, dans l'objectif de l'amélioration constante de la qualité et de l'efficacité des services offerts et rendus par nos membres aux établissements du réseau de la santé. En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on vient en appui, mais on se considère comme indispensables au réseau.
La diversité de nos implications et réalisations fait de l'AGIRS une association qui possède déjà un important bagage lui permettant d'apporter une analyse et une vision éclairées dans les dynamiques actuelles et à venir dans le milieu effervescent des technologies de l'information du réseau de la santé. Et, aujourd'hui, on va partager avec vous nos connaissances.
L'objectif de l'AGIRS, par le dépôt de ce document, est d'informer le ministère de sa vision sur le volet de la circulation de l'information du projet de loi n° 83 avec un regard plus particulier de la gestion des technologies de l'information mais en excluant volontairement les aspects traitant de la gouverne. On n'a pas la prétention de vouloir nous substituer au législateur, mais on a abordé et traité les différents thèmes qui suivent dans une optique d'appui et de renforcement aux modifications proposées. On est en accord avec le projet de loi et on pense que ce projet de loi là va amener une plus-value importante dans le réseau, cependant il y a des points qu'on aimerait donc vous faire part aujourd'hui.
Alors, les thèmes traités vont être les suivants: la sécurité, la confidentialité, la gestion du changement, la gestion des impacts, le consentement, la sensibilisation sur la circulation de l'information puis le financement, tout cela dans un esprit de complémentarité positive aux autres mémoires qui ont été déposés à votre attention.
Au niveau de la sécurité, il nous apparaît primordial que la loi précise clairement les instances qui ont le droit de déposer, accéder, modifier, véhiculer, diffuser, conserver et valider l'information du dossier de l'usager. En fait, on veut savoir qui est responsable de quoi. Alors, la loi doit aussi préciser à toutes les instances impliquées dans chacun des processus précédemment énumérés la nature exacte de l'information sur laquelle ils auront obtenu des droits d'accès. Le ministère doit s'assurer de fournir les moyens de garantir en tout temps l'intégrité et la disponibilité de cette information dans les délais requis et selon le niveau de priorité du besoin du demandeur. Le ministère doit s'assurer de la mise en place de mécanismes de vérification afin d'optimiser la pérennité de la qualité de cette information. Enfin, le ministère doit doter les intervenants sous sa responsabilité d'outils et de ressources logistiques efficientes pour leur permettre de fournir les services dans la mesure des besoins exprimés et des mandats confiés.
Afin d'en assurer le respect et d'en démontrer l'importance à tous les intervenants qui ont des accès au dossier de l'usager, il nous semble essentiel que la direction générale des établissements s'implique et en fasse une préoccupation de premier niveau en utilisant tous les moyens à sa disposition afin de garantir l'application de la loi dans leur organisation. Nous suggérons que la direction générale de chaque établissement mette en place un processus de révision et d'émission d'une ou des politiques internes régissant spécifiquement cet aspect et d'apporter les ajustements nécessaires le plus tôt possible lorsque le besoin en est démontré.
Le ministère, de par la loi, devrait imposer l'instauration de mécanismes rigoureux de vérification et de validation afin de s'assurer que la loi soit bien respectée et appliquée. Par exemple, il pourrait obliger les établissements à tenir une journalisation des consultations, des impressions et/ou le transfert d'informations contenues dans le dossier de l'usager et mettre en place une structure interne de vérification du respect des procédures en vigueur. Cette journalisation devrait permettre d'identifier qui fait quoi, quand et où.
Le ministère devrait s'assurer que le volet de la sécurité soit inclus dans les sujets de première importance et soit analysé rigoureusement. À titre d'exemple, ce volet pourrait être analysé par les vérificateurs dans le processus d'accréditation de l'agrément ou par tout autre processus de vérification de chaque organisation gouvernementale impliquée dans la gestion et/ou la manipulation d'informations contenues au dossier de l'usager.
Il faudrait mettre en place des mécanismes de contrôle afin de s'assurer de responsabiliser les compagnies privées aussi, les individus et tous les intervenants à l'extérieur des établissements de santé pouvant avoir accès à de l'information ciblée dans le projet de loi n° 83.
Il faudrait également mettre en place des mécanismes de contrôle pour s'assurer de responsabiliser les organisations gouvernementales sur les mêmes préoccupations mentionnées au paragraphe précédent en ajustant les moyens à mettre en place afin d'atteindre l'équité dans l'ampleur visée envers toutes ces entités autres que celles de nature gouvernementale. En fait, tous les gens devraient avoir une responsabilité de respecter le volet sécurité, confidentialité, accessibilité de l'information.
Le ministère devrait également préciser l'identifiant unique de référence absolue d'un usager et le mandataire de son intégrité et de sa diffusion. L'usager devra avoir la possibilité de savoir en tout temps ce à quoi il a consenti, l'échéancier associé à son consentement et la journalisation des accès à son dossier. Il doit aussi pouvoir résilier son consentement en tout temps.
Le ministère devra être sensibilisé à l'importance évidente d'avoir une structure efficiente sur la gestion des accès au dossier de l'usager et de s'assurer de son évolution. Enfin, le ministère devra s'assurer autant de la souplesse que de la disponibilité adéquate du RTSS afin que celui-ci puisse offrir les services attendus par les établissements et leurs clients d'affaires.
Au niveau de la confidentialité, le ministère devra mettre en place des procédures et formulaires d'engagement de confidentialité de toutes les instances et s'assurer de leur mise à jour adéquatement en regard des changements apportés à la loi. Ces engagements sont complémentaires aux codes d'éthique et de déontologie déjà en vigueur de toutes les corporations professionnelles impliquées.
Le ministère doit s'assurer de la cohérence des mécanismes de confidentialité avec les cadres globaux ? on fait référence ici au cadre global des actifs informationnels ? à mettre en place en regard du personnel des services informatiques. Il devrait également mettre en place des procédures dans le but de pouvoir accéder et tenir à jour en tout temps un registre local des intervenants ayant un droit d'accès à l'information de l'usager et qui en précise clairement leurs niveaux d'accès.
Quelques principes émis par l'AGIRS. La loi doit, par un mécanisme de contrôle, s'assurer de l'utilisation d'outils performants que l'évolution technologique apporte afin de garantir un haut niveau de confidentialité de l'information sans alourdir ou nuire aux interventions des professionnels de la santé dans la dispensation des services aux usagers au cours d'un épisode de soins. L'AGIRS est en accord avec la nécessité d'apporter des modifications à la loi, car celles-ci ? les modifications ? imposeront la mise en place de balises précises et structurées dans la gestion et le contrôle de l'aspect confidentialité, qui permettront d'en valider facilement le respect et de prendre action sur d'éventuels bris de confidentialité.
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(9 h 50)
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Selon l'AGIRS, il y a deux approches: l'approche a priori et l'approche a posteriori. Il est évident qu'il faut mettre en place des procédures qui couvrent ces deux approches, mais il faut être très vigilant. L'approche a priori ne doit en aucun cas entraver l'efficacité des interventions cliniques, et il ne faudrait pas sous-estimer les efforts nécessaires dans une gestion absolue de la confidentialité seulement par cette approche. En fait, dans l'approche a priori, il n'y en a souvent jamais assez pour répondre, et il faut donc davantage axer notre emphase sur l'approche a posteriori. Celle-ci procure plusieurs niveaux de suivi efficaces sans gêner les actions des professionnels dans l'épisode de soins. De plus, l'AGIRS recommande que l'accent soit mis sur la sensibilisation des intervenants cliniques à l'importance de la confidentialité. Différentes mesures devraient être mises de l'avant afin de favoriser l'imputabilité des intervenants.
Sachant que la majorité des bris de confidentialité proviennent de l'intérieur des organisations, ces mesures dissuasives contribueront à améliorer grandement la sécurité des actifs informationnels. De plus, la mise en application de toutes ces procédures tendra à démontrer un niveau de confidentialité indéniablement supérieur à la gestion appliquée par le dossier papier actuel.
Changements. Faire accepter ces changements nous apparaît le premier défi auquel le ministère sera confronté avant celui de l'application des modifications. L'AGIRS se permet de soumettre des conditions qui lui semblent favorables au succès de ce projet. Le ministère devrait démontrer une volonté politique qui se traduit par des actions concrètes, plus précisément par son implication directe, financière et dans l'assistance au milieu à promouvoir ces changements; l'importance d'une normalisation de toutes les nouvelles dynamiques de travail engendrées par les modifications à la loi; en mettant en place des conditions favorisant l'assentiment de toutes les corporations de la santé à adopter leurs méthodes de travail.
L'AGIRS suggère au ministère d'inclure au plan de communication des diffusions dynamiques et diversifiées s'adressant à la population afin de s'assurer de l'adhésion de tous et de s'impliquer positivement dans cette transition. Il faudrait donc démontrer que les modifications proposées à la loi faciliteront la disponibilité d'informations pertinentes aux professionnels qui pourront ainsi prendre action plus rapidement et efficacement dans la dispensation des soins et des services aux usagers.
Chaque établissement ou regroupement devrait avoir un chargé de projet spécifiquement mandaté pour gérer et appliquer ces changements. Chaque région devrait se doter d'un chargé de projet qui assisterait au besoin les chargés de projet des établissements et assurerait l'harmonisation avec le secteur privé et les autres ministères.
Les organisations devront disposer de différents moyens, notamment au niveau de l'appui des directions d'établissement. Pour ce faire, certaines mesures devraient être mises de l'avant afin de favoriser la reconnaissance du rôle stratégique des ressources informationnelles dans nos milieux.
Et, le plus important, le ministère devra obtenir un consensus national sur l'approbation de ces modifications pour assurer la pérennité dans le temps des changements et mesures qui seront mises en place. On ne pourra pas se permettre de faire des changements de cette envergure-là à chaque fois qu'il y aura une nouvelle organisation politique qui dirigera les destinées de la province.
Au niveau de la gestion des impacts. On n'a plus à démontrer le besoin d'avoir un accès efficace aux informations pertinentes contenues au dossier de l'usager par les professionnels de la santé. Cependant, cela ne doit pas se faire sans un encadrement rigoureux dicté et supervisé par le ministère tout en prévoyant des mécanismes d'ajustement afin d'assurer l'efficience de cette structure à répondre aux besoins actuels et futurs. Pour ce faire, le ministère devra s'assurer de continuer son processus de consultation auprès des partenaires, organismes et des établissements qui vivent la réalité quotidienne de la circulation de l'information.
L'AGIRS réitère l'importance dans la reconnaissance par le ministère de l'expérience et des compétences que les professionnels et les directions des ressources informationnelles, dans chaque établissement, possèdent déjà, ce qui en font des partenaires incontournables de premier choix dans l'attribution de rôles stratégiques à assumer dans la gestion de la circulation de l'information et dans sa gestion de changement.
Gestion du consentement, hyperimportant. L'AGIRS est d'avis de favoriser un consentement de nature globale et tient à sensibiliser le ministère sur tous les impacts technologiques et financiers à prévoir dans les processus de développement et de mise en place d'outils informatiques qui permettraient de gérer adéquatement un consensus de nature partielle de l'usager.
La loi doit prévoir des mécanismes d'exception structurés et efficients dans l'éventualité du non-consentement afin de donner la latitude nécessaire aux professionnels pour intervenir adéquatement sans engendrer d'abus. Il faudrait avoir une préoccupation particulière aux dynamiques présentes dans le milieu. À titre d'exemple, les centres jeunesse, dans le cas du retrait d'un enfant de son milieu familial par la DPJ et que l'obtention du consentement des personnes normalement habilitées est impossible, bien, la santé de l'enfant ne doit pas être affectée et ses traitements retardés en répercussion d'un non-consentement. Alors, il faut d'autres mécanismes pour l'obtenir.
Au niveau de la sensibilisation. L'AGIRS préconise une information adéquate pour l'usager de l'impact de la loi. Le ministère devra informer tout le personnel concerné des changements dans la loi, et s'assurer de la compréhension de la loi, et veiller à fournir une formation adéquate pour tout le personnel touché de près ou de loin par ces changements. Le ministère devra mandater et former au moins une ressource par établissement qui maîtrisera l'interprétation de la loi afin de répondre aux interrogations du personnel en place et aussi de conseiller les instances décisionnelles de leur établissement. Le ministère devra s'assurer de prendre en considération les impacts à tout projet en cours. Et le ministère devra établir un calendrier de transition tout en allouant un échéancier réaliste à la mise en pratique de ces modifications à la loi.
Au niveau de la circulation de l'information, l'AGIRS recommande que le ministère devra s'assurer que les formulaires de consentement soient simples, clairs et précis pour l'usager. Il devra s'assurer de la disponibilité d'un outil de validation pour tous les intervenants qui permette de vérifier en tout temps l'état de consentement de l'usager. Il est également essentiel de s'assurer que l'information soit disponible au besoin aux personnes autorisées sans restriction en regard des provinces, régions, territoires reconnus à travers le Canada, s'assurer que l'information répondant à un besoin local soit conservée localement, que l'information répondant à un besoin régional soit conservée régionalement et que l'information répondant à un besoin national soit conservée nationalement. La bonne information au bon endroit pour les bonnes personnes.
Au niveau du financement, l'AGIRS est d'avis que le ministère devra fournir aux établissements tout le financement afin de permettre la mise en oeuvre des nouvelles obligations qui découlent des modifications à la loi et aussi prévoir le financement nécessaire au maintien et à l'évolution des structures en place pour l'application de ces nouvelles obligations engendrées par cette loi dans les années à venir, autant pour le secteur administratif, le secteur des soins et des technologies de l'information.
Conséquemment, l'AGIRS propose comme suit sa résolution adoptée lors de la dernière assemblée générale annuelle tenue lors du congrès de l'AHQ du 20 octobre 2004. On parle de l'ensemble des gestionnaires, là. Celle-ci fait référence au cadre de financement des technologies de l'information.
Alors, considérant que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont ratifié une entente historique ? grâce au ministre Couillard, entre autres ? pour augmenter le financement des soins et services en santé et services sociaux dans la population québécoise;
Considérant que le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux représente 40 % du budget total de l'État, plus de 40 % maintenant, et que l'apport réservé au financement des soins de santé et de services sociaux a été en progression constante au cours des 10 dernières années;
Considérant que le vieillissement de la population exercera une pression additionnelle sur la demande de soins et de services au cours des prochaines années;
Considérant que plus de 30 % des dépenses au ministère de la Santé et des Services sociaux servent à gérer de l'information ? je serai heureux de donner des réponses là-dessus;
Considérant que la mise en place des technologies de nouveaux systèmes d'information, que la revue et la mise en place de nouveaux processus d'affaires en découlant constituent une piste de solution importante dans l'accroissement de l'efficacité du système de santé et que cette solution a été malheureusement trop souvent écartée, trop brièvement soulignée ou trop modestement financée malgré qu'elle fait l'objet d'un des sept axes d'intervention stratégique du ministère;
Considérant que seulement 1,3 % du budget d'exploitation des établissements de santé et de services sociaux est investi en technologies de l'information pour appuyer la dispensation de soins et de services à la population;
Considérant que ce pourcentage est le plus bas pourcentage des principaux pays industrialisés;
Considérant qu'en contrepartie de 3 % à 6 % du budget des établissements de santé du reste du Canada et des États-Unis est consacré aux technologies de l'information, ce qui représente de 150 % à 450 % plus élevé qu'au Québec;
Considérant que le Conseil du trésor lui-même investit 8 % de son budget d'exploitation dans les technologies de l'information;
Considérant que le Québec est mondialement reconnu pour son haut niveau d'expertise en technologie;
Considérant que les établissements de santé et de services sociaux ne disposent pas actuellement des marges de manoeuvre économiques nécessaires pour investir davantage dans les technologies;
Considérant que, dans le projet de société qui s'amorce et qui vise la mise en place des réseaux locaux de services au Québec, il faudra rendre disponible le dossier de santé électronique ainsi que les entrepôts de données contenant les informations utiles aux prises de décisions éclairées;
Considérant que les dépenses de santé et de services sociaux ne peuvent continuer à s'accroître au même rythme que dans les années précédentes et qu'il faut plutôt accroître l'efficience de la dispensation des soins et services;
Considérant que la contribution accrue du fédéral au financement des coûts du système de santé du Québec constitue une opportunité sans précédent d'investir davantage dans les technos;
Considérant que cet investissement permettrait de régler une partie de l'écart politique entre le fédéral et le provincial en rendant disponibles les outils permettant de mieux évaluer les besoins à combler dans notre système de santé et en facilitant la reddition de comptes au niveau de notre population;
Considérant que ces nouveaux investissements permettront à des firmes québécoises oeuvrant dans le secteur des technologies de l'information de se développer;
Considérant que l'exécutif de l'AGIRS a déposé un bilan de ses recommandations à la sous-ministre adjointe à la Santé, Mme Dagenais, dans le cadre du plan d'informatisation;
Considérant que les membres de l'AGIRS ont mandaté leur exécutif à les représenter auprès des instances concernées;
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(10 heures)
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Il a été recommandé au mois d'octobre qu'il soit important d'investir massivement dans les technologies de l'information et les processus d'affaires en découlant du secteur de la santé et des services sociaux afin d'accroître l'efficacité et la qualité de la dispensation des soins et services à la population.
Et on recommande plus précisément qu'un pourcentage significatif de 25 % de tout nouvel accroissement budgétaire soit attribué exclusivement aux technologies de l'information et aux processus d'affaires en découlant ? je dis bien aux processus d'affaires en découlant ? du secteur de la santé et des services sociaux...
Le Président (M. Paquin): M. Parent, je vous invite à conclure, le temps est presque écoulé, il reste quelques secondes.
M. Parent (Mario): Deux minutes?
Le Président (M. Paquin): À peine une minute.
M. Parent (Mario): Une minute. Alors, je termine.
Le Président (M. Paquin): Merci.
M. Parent (Mario): Considérant que le pourcentage récurrent du budget d'exploitation des établissements de santé soit haussé progressivement à 3 %.
Conclusion. Alors, on a été heureux de répondre à l'invitation de l'Assemblée nationale pour présenter le mémoire. On est fondamentalement en accord avec le ministère sur la nécessité des modifications. Puis, dans le but de préciser ces appuis et de sensibiliser le ministère aux impacts engendrés par les modifications proposées à la loi, on a exclu les points qui se rapportent à la gouverne et on s'est concentrés sur la circulation de l'information.
Alors, nos principales recommandations. La loi doit identifier et encadrer plus précisément, pour chacun des aspects suivants, les instances mandatées qui ont le droit de gérer l'information: Qui fait quoi? Quand? Et où? Et qui en est responsable?
La loi doit aussi préciser la nature exacte et l'emplacement de l'information autorisée. De plus, la loi doit préciser les mandataires de l'intégrité de l'information. Les mécanismes à mettre en place dans la gestion du consentement, la gestion de la confidentialité et la gestion des privilèges d'accès seront de première importance mais ne devront jamais nuire à la dispensation efficace de soins et de services par les professionnels. Puis le pilotage par le ministère d'un plan de communication dynamique et efficace autant au niveau de la population qu'au niveau des instances concernées.
Alors, le ministère doit aussi s'assurer de l'engagement de toutes les parties prenantes au projet, parce qu'on ne pourra pas recommencer dans trois ans. On doit être sensibilisé à l'effort humain, organisationnel et financier à fournir dans l'application de sa loi. Il faut prévoir un échéancier réaliste. Finalement, le financement se doit d'être à la mesure des objectifs visés, de la qualité demandée dans les mandats à remplir, des délais imposés et de l'ampleur de la transition à accomplir et les besoins technologiques.
Le Président (M. Paquin): M. Parent, le temps malheureusement est écoulé.
M. Parent (Mario): J'ai terminé.
Le Président (M. Paquin): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, on débute la période d'échange avec votre intervention.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Parent, M. Provençal, M. Sirois. Des fois, les gens autour de moi trouvent que je parle vite, mais je dois dire que vous êtes assez efficace dans ce domaine-là également.
Pour ce qui est de la sécurité, commençons à parler de la sécurité, vous savez qu'il y a plusieurs mesures qui sont énoncées dans le projet de loi en ce qui touche à la sécurité, par exemple la sécurisation obligatoire des accès, l'identification, l'authentification forte via un certificat régi par des profils d'accès des utilisateurs, la non-répudiation des actes posés ? c'est-à-dire qu'une fois qu'on a eu accès on ne peut pas effacer la trace de ce qu'on a fait dans le réseau ? et la journalisation des accès, comme vous-même vous avez suggéré.
Il me semble qu'il y a plusieurs éléments qui sont exactement ceux que vous avez mentionnés. Est-ce qu'il y en a d'autres que vous voudriez voir ajoutés à ça pour ce qui est de la sécurité? J'ai cru reconnaître, dans la description de ce que vous mentionniez, exactement des dispositions qui sont dans le projet de loi. Mais est-ce qu'il y en a d'autres qui devraient être ajoutées, à votre avis?
Le Président (M. Paquin): M. Parent.
M. Parent (Mario): Nous, ce qu'on dit, c'est que toutes les mesures qu'on peut mettre en place en mode priori, donc avant l'intervention, dont celles qui ont été mentionnées aujourd'hui et toutes celles qui vont exister dans le futur que la technologie va me permettre de mettre en place, doivent être mises en place. Par ailleurs, il faut aussi travailler sur tout le volet a posteriori. Il faut travailler sur le volet... malgré tout ce qu'on voudrait mettre en place. Malgré que, dans une maison où on barre toutes les portes, on assure une sécurité au niveau des barreaux, au niveau des... si quelqu'un veut rentrer, il pourra rentrer. Donc, il faut être capable de travailler au niveau de la sensibilisation aussi. Puis il faut être capable de travailler a posteriori, de savoir ce qui s'est fait et d'être en mesure de prendre des mesures sur ce qui s'est fait.
Donc, notre avis sur... on dit, c'est que le projet de loi travaille très bien au niveau du volet a priori, il constitue une avancée importante à ce qui existe présentement dans les outils papier puis dans l'absence de ce volet-là au niveau de la loi, donc c'est une avancée importante, le projet de loi, à ce niveau-là, cependant il manque tout le volet engagement moral des intervenants, dans la partie a posteriori, qui doit aussi être présent.
Le Président (M. Paquin): M. le ministre.
M. Couillard: Vous êtes tous les trois des gestionnaires de systèmes d'information dans le réseau de la santé. Il nous est apparu extrêmement important, et c'est la façon dont on a bâti tout ce projet d'informatisation ? en le faisant, bien sûr sous la direction de Mme Dagenais ? l'élaboration du plan d'informatisation du réseau pour que ce soit considéré avant tout comme un outil clinique, un outil qui sert aux gens qui servent les gens, pour employer un slogan à une autre organisation, et non pas un outil administratif ou de surveillance. C'est ce qui a souvent été les écueils dans le passé et souvent ce que j'appelle, moi, la dérive de la pensée technologique, c'est-à-dire qu'on présente ça comme un immense projet de machine informatique et de technologie sans lui donner d'abord et avant tout l'emphase clinique.
Vous avez mentionné que d'après vous cette avenue de l'informatisation ? qui est à mon avis incontournable, parce que, comme vous l'avez dit, au Québec on a même pris un peu de retard dans ce domaine-là ? est de nature à améliorer substantiellement ce qu'on appelle l'efficience de notre réseau. Pourriez-vous nous donner des exemples de situations où vous trouvez que les soins aux personnes, aux citoyens seraient rendus plus efficaces par un déploiement plus rapide de ces technologies-là?
Le Président (M. Paquin): M. Parent.
M. Parent (Mario): Oui, bien sûr. Il y en a beaucoup, en fait. Le premier impact qu'on peut voir, imaginez-vous, imaginez-vous un bénéficiaire qui se présente dans une clinique médicale et qui, par son cheminement, va devoir... Il y a toute une mécanique: il ne se sent pas bien, il va être rencontré, on va envoyer des demandes pour être en mesure d'établir un diagnostic. Cette personne-là va circuler à travers plusieurs organisations.
Le modèle actuel de fonctionnement avant la mise en place de la gouverne et avant la mise en place des réseaux locaux de services faisait en sorte que chaque entité fonctionnait en silo et chaque entité reprenait l'ensemble ? vous avez été médecin, hein, je ne vous apprends rien ? chaque entité reprenait l'ensemble de l'histoire de cas, faisait son propre dossier de patient, établissait ses propres interventions, envoyait dans le réseau des demandes d'information pour lui permettre de parfaire ses connaissances, et de poser un diagnostic concret, et d'offrir un traitement adéquat.
Ce que les technologies de l'information nous permettent, c'est de rendre virtuellement cette information-là disponible à l'ensemble des bons intervenants cliniques. Là, je mets de côté l'aspect sécurité, confidentialité et puis consentement qui doivent être mis en place. Puis on comprend tous que le projet de loi adresse ces dynamiques-là. Mais, bon, ça, c'est la partie contraintes qu'on doit se doter pour bien faire les choses. Mais, dans la partie maintenant gains, ça veut donc dire qu'un intervenant en milieu... mettons qui est dans un groupe de médecine familiale, qui va accueillir quelqu'un, si les mécaniques sont en place, il va être capable de disposer déjà de l'ensemble de l'information pertinente sur le bénéficiaire, de poser un diagnostic beaucoup plus rapidement, être en mesure d'éviter certaines incohérences qui pourraient subsister cliniquement, là, et sans malice entre une information qu'un bénéficiaire qui est un peu confus pourrait avoir donnée qui serait incomplète d'un intervenant clinique à un autre intervenant clinique. Alors, là, il va disposer de l'ensemble de cette information-là, il va pouvoir la partager et il va pouvoir aussi apporter un traitement qui est beaucoup plus près du besoin réel du bénéficiaire. C'en est un exemple. Est-ce que mes collègues auraient un exemple? Dans le domaine psychiatrique, peut-être?
Le Président (M. Paquin): M. Sirois.
M. Sirois (Daniel): Oui. Je voudrais ajouter que l'accès à l'information est primordial puis c'est une première étape. Et, en ce sens-là, je pense que le plan d'informatisation développé par le ministère jusqu'à présent vise bien, c'est-à-dire, enfin on a une approche étapiste dont la première étape va apporter des gains majeurs en relativement peu d'efforts.
Par la suite, il est clair qu'on va devoir viser une amélioration plus grande à travers le cheminement de travail clinique. On pense aux «workflows» cliniques comme tels, c'est-à-dire les demandes d'un établissement à l'autre ou d'un individu à l'autre qui actuellement se font toutes sur papier avec un crayon, ce qui est très malheureux dans un milieu comme la santé où on ne gère que de l'information.
Donc, on pense que la prochaine étape vise des gains importants d'efficience au niveau des «workflows», mais d'abord on doit favoriser à tout le moins l'accès à l'information en tout temps, en tout lieu pour la prestation de soins, ça va de soi.
Le Président (M. Paquin): M. le ministre.
M. Couillard: Vous avez raison que, étant donné que c'est quelque chose qui est depuis longtemps attendu dans le réseau, ce déploiement de technologies, il faut qu'il y ait des actions concrètes qui suivent le dépôt du plan d'informatisation, qui est maintenant disponible, comme vous le savez, au ministère. Et, il y a quelques semaines, on annonçait la mise à la disposition des réseaux locaux de la somme de 60 millions de dollars pour faire le premier pas dans cette direction. Et vous avez bien sûr vu l'entente avec Inforoute Santé Canada, qui va nous permettre de déployer à Laval, Montérégie et Montréal assez rapidement également les mêmes systèmes.
Donc, il me semble, comme vous avez dit, qu'il est bon de procéder par étapisme ? pour nos collègues d'en face, c'est une démarche avec laquelle ils sont relativement familiers ? où on va d'abord s'adresser à l'essentiel. Le danger là-dedans, c'est que, si on vise d'avoir tout tout de suite, on risque de n'avoir rien rapidement. Alors, l'essentiel qu'on a identifié, c'est le fichier patient, l'index, l'index patient, la requête résultat pour le laboratoire, la radiologie ? ça, ça nécessite les changements législatifs qui sont là ? et également le profil pharmacologique. Il me semble que vous avez dit qu'avec déjà ce noyau-là on fait un progrès substantiel en termes d'échange d'informations.
Le Président (M. Paquin): M. Sirois.
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(10 h 10)
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M. Sirois (Daniel): Absolument. Ce que cependant il ne faudrait pas oublier, puis c'est une grande préoccupation dans notre association, il va de soi qu'on va devoir se donner les moyens nécessaires, et, bien que le 60 millions représente une somme considérable, il y a encore beaucoup d'investissement à prévoir pour élargir la circulation de l'information de façon efficiente.
Mais, d'autre part, il ne faudrait pas non plus minimiser tout l'aspect gestion du changement qui, au niveau du terrain, dans les établissements comme tels, représente un défi quotidien pour les gestionnaires en technologies de l'information. On parle de gens qui travaillent traditionnellement, depuis des années, selon des méthodes qui, comme je le disais, sont papier ou crayon, et on doit tout à coup, là, en quelques années, changer complètement leurs façons de faire. Donc, ça va prendre un accompagnement, là, extrêmement étroit de ces gens-là, beaucoup de communication. Puis, pour ce faire, les établissements vont avoir besoin de l'appui du ministère, de développer des cadres, des outils de communication, de formation pour pouvoir relever le défi, là, tous ensemble.
M. Couillard: Parlons un peu du consentement. On en a parlé beaucoup dans cette commission. Ce qui est déjà prévu, c'était le consentement explicite écrit, conservé sur papier à l'établissement qui l'émet, conservé également sous forme d'une liste de consentements à la Régie de l'assurance maladie du Québec avec une durée limitée à cinq ans et un consentement qui est révocable en tout temps. Ça, c'est pour la constitution du dossier ou la partie du dossier qui figure dans la banque de données régionalisée.
Maintenant, la question qui a soulevé le plus de discussions ici, à la commission, c'est ce qui se passe lors du transfert d'informations à l'intérieur du réseau local, entre l'instance locale, qui est l'établissement publique, à l'intérieur duquel de toute façon l'information peut circuler légalement, et les partenaires de cette instance, par exemple un groupe communautaire ou une entreprise d'économie sociale. Et la formulation initiale du projet de loi disait que le fait de procéder à un plan d'intervention individualisé ou à un plan de services individualisé incluait un consentement implicite à la circulation de l'information pertinente et non pas à l'accès ? il faut le dire ? non pas à l'accès du partenaire à l'information, mais à la transmission de cette information par le partenaire du réseau aux groupes concernés, le tout étant lié au critère de nécessité que bien sûr les ordres professionnels connaissent.
Beaucoup de groupes nous ont fait remarquer, je crois, avec justesse, que c'était insuffisant et qu'on doit également, lors de la conclusion d'une entente avec une personne sur un plan de services individualisé, inclure également de façon explicite le fait qu'il y a consentement à la transmission d'informations pertinentes en même temps que se fait le plan de services. Est-ce que vous pensez que c'est de nature à améliorer le niveau de confiance? Parce que ce qui est essentiel dans ce projet-là, vous avez dit: Le réseau, il faut qu'on regarde le changement, vous avez raison, mais avant tout c'est là pour le monde, pour la population, il faut que les citoyens aient confiance dans cette chose-là.
Donc, comment est-ce que vous voyez ça en pratique, cette question du consentement, au moment où vous êtes, je pense, dans un milieu de santé mentale, donc c'est quelque chose qui va être particulièrement fréquent, où vous allez avoir quelqu'un qui est dans votre institution et puis qui va aller recevoir des services dans les groupes communautaires, par exemple? Comment est-ce que vous voyez la gestion de ce concept de consentement explicite lors du plan de services individualisé?
Le Président (M. Paquin): M. Sirois.
M. Sirois (Daniel): Oui. Merci. D'abord, je dois vous dire que le défi... Puis, dernièrement j'ai eu à me pencher sur justement la confidentialité de l'information et les bris de confidentialité, et étrangement j'ai contacté le Bureau du Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information, etc., pour apprendre qu'il n'y avait aucun incident de bris de confidentialité qui avait été apporté à leur connaissance. Plutôt, ce qu'on me disait, c'est qu'ils reçoivent beaucoup de plaintes justement en santé mentale à l'effet que les services des archives empêchent l'accès à l'information des familles et des proches.
En ce qui concerne le consentement puis pour répondre à votre question, l'étape la plus importante, je pense, dans toute la gestion du consentement, et la confidentialité de l'information, et la circulation de l'information, comme on disait dans notre mémoire, c'est l'imputabilité des différents intervenants. Il va falloir définir clairement les limites des responsabilités de chacun et l'imputabilité qu'ils vont avoir par rapport à cette information-là de façon très claire, de façon à ce que chacun des intervenants puisse connaître clairement ses responsabilités et quelles seront les conséquences concrètes du non-respect de ces règles-là, et ce, à toutes les instances, que ce soient les partenaires, les établissements, les intervenants, les fournisseurs de services, informatiques ou autres, le ministère lui-même au niveau des entrepôts de données. Donc, tout devra être défini très clairement pour être communiqué aussi de façon très claire à la population pour éviter toute méprise ou toute mauvaise perception tant qu'à l'accès à l'information.
M. Parent (Mario): Ça pourrait faire du pouce dans un contexte de «brain storming», là. Alors, c'est vraiment en doute. Mais ma perception là-dessus est à l'effet que les différents groupes devraient aller chercher un droit d'utilisation de certaines catégories d'informations en fonction de quel type de groupe communautaire ils sont puis en fonction de quel rôle ils jouent dans la communauté, ce qui pourrait faire en sorte ? puis je donne un exemple comme ça, banal ? que des groupes communautaires qui sont près des centres jeunesse ou des groupes communautaires qui sont près des hôpitaux psychiatriques ont des besoins très particuliers, s'ils veulent faire une intervention concertée avec le milieu public, doivent avoir accès à certaines catégories d'informations. Mais chacun de ces groupes-là... Il devrait exister une mécanique gouvernementale qui fait en sorte que ce groupe-là obtient une reconnaissance ou une certification ? je le dis de même, là ? qu'il a le droit d'accéder à telle catégorie d'information.
Et, nous, je pense que le rôle des établissements n'est pas de choisir qu'est-ce qu'on devrait permettre, mais plutôt d'encadrer ou servir de police pour s'assurer qu'on permet ce qui est bien autorisé, soit par la loi ? mais là ce n'est peut-être pas dans la loi ? mais peut-être à côté de la loi, mais par une mécanique, ou des procédures, ou des règles. Je pense que ça pourrait répondre aux besoins exprimés par la population. Puis évidemment le gouvernement aurait à se pencher sur chaque groupe communautaire en disant: C'est tel type, il doit avoir accès à tel type d'information pour répondre à ses besoins.
M. Couillard: Je vais corriger tout de suite quelque chose. Les groupes communautaires, les partenaires n'ont accès à rien.
M. Parent (Mario): Présentement.
M. Couillard: Ils n'auront accès non plus à rien.
M. Parent (Mario): O.K.
M. Couillard: Ce n'est pas ça, là, qui est prévu, là. Il n'est pas question de dire qu'un groupe communautaire peut aller piger ou qu'un partenaire peut aller piger de l'information même selon ses besoins spécifiques. L'information leur est transmise par l'établissement public sur la base d'un plan de services individualisé par le professionnel qui est à l'origine de l'établissement du plan de services et selon le critère de nécessité jugé par le professionnel, auquel on va ajouter, suite aux recommandations qui nous ont été faites ici, le consentement explicite en même temps que le plan de services est établi à la circulation de l'information. Mais je veux répéter encore une fois, puis il faut que ce soit très clair, il n'est pas question de donner accès à quiconque aux données. Les données sont transmises aux partenaires par les gens du réseau, et ce n'est pas l'inverse. Je pense que, ça, c'est excessivement important.
M. Parent (Mario): Mais, malgré ça, pour reconnaître quelle information on devrait être en droit de transmettre aux différents organismes qui ne sont pas des organismes publics, je pense qu'il devrait... en tout cas on devrait avoir des règles ou des balises très claires de ce qui peut ou ne peut pas être transmis. Et je faisais référence à la transmission et non pas nécessairement à l'accès. C'était dans ce contexte-là.
M. Couillard: Mais le critère, à ce moment-là, qui devient le critère important, outre bien sûr le consentement de la personne, c'est le critère de la nécessité. Si je suis un travailleur social, par exemple, dans un CSS puis je réfère quelqu'un à une entreprise d'économie domestique, mon rôle professionnel encadré par mon ordre professionnel est de déterminer quelles sont les informations nécessaires pour cette personne-là dans le cadre de ce plan de services là. Parce que, si on le codifie, nous, ça risque de poser des problèmes parce qu'il y aura toujours des exceptions ou des cas particuliers qui vont échapper à ce qu'on aura essayé de codifier. Je pense que le mieux, c'est de se baser, comme on le fait maintenant...
Parce que ce que je dis souvent également au sujet de l'informatisation, c'est que les gens ont l'impression qu'on part d'une situation idéale pour aller à une autre situation. On sait très bien actuellement que le phénomène de circulation de l'information papier est loin d'être idéal sur le plan de la confidentialité. Souvent, la situation actuelle, c'est que quelqu'un va griffonner ou taper rapidement un résumé qu'il va envoyer au groupe en question. Puis actuellement il n'y a pas beaucoup d'encadrement de cette question-là. Alors, contrairement à la perception ? puis je pense que vous pourriez élaborer là-dessus ? l'établissement d'un dossier médical électronique ou l'informatisation ne se fait pas aux dépens de la sécurité et de la confidentialité par rapport au mode de transmission actuel, c'est plutôt le contraire, à mon avis.
M. Parent (Mario): Si vous me permettez, notre perception est qu'au contraire vous allez avoir une meilleure sécurité et une meilleure confidentialité de l'information avec le dossier électronique parce que, à l'avantage du dossier papier, on aura constamment une image de qui a fait quoi et quand, et il y aura toujours à justifier à ses pairs pourquoi.
M. Couillard: Oui, parce que les dossiers papier actuellement quelqu'un peut aller les feuilleter.
M. Parent (Mario): Tout à fait.
M. Couillard: Et bien sûr ce n'est pas ce qui est prévu, vous me direz...
M. Parent (Mario): Dans mon organisation, mais je sais que, dans les autres, ça peut se faire.
M. Couillard: ...mais ça peut arriver à l'occasion. Et, à moins de prendre les empreintes digitales dessus, on ne saura jamais qui a fait ça. Tandis que, le système électronique, l'empreinte digitale, elle est là, elle est forte, elle est indélébile.
M. Parent (Mario): Tout à fait.
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(10 h 20)
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M. Couillard: Dès qu'on a ouvert un dossier, on a laissé une trace puis on a à répondre de la raison pour laquelle on a eu cet accès-là.
Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel? Non? C'est complet? D'accord. Donc, on va aller du côté de l'opposition officielle et Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui est aussi porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de condition des aînés. Madame, nous vous écoutons.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Parent, M. Sirois et M. Provençal, bienvenue de la part de l'opposition officielle. M. Parent, il y a combien de temps que l'Association des gestionnaires en informatique du réseau sociosanitaire du Québec, AGIRS, existe?
M. Parent (Mario): 1998.
Mme Harel: En 1998.
M. Parent (Mario): Oui.
Mme Harel: Donc, depuis déjà sept ans?
M. Parent (Mario): Exact.
Mme Harel: Depuis déjà sept ans. Vous vous étiez-vous déjà approprié le dossier de la carte santé?
M. Parent (Mario): Non.
Mme Harel: Vous ne vous êtes jamais prononcé sur la carte santé?
M. Parent (Mario): Non. L'association a commencé en 1998 comme telle, mais, je dirais, sa période forte date de 2001 à peu près, au moment où le ministère a commencé la réorganisation, là, de ses systèmes d'information. Et on s'est penchés... Non, on ne s'est pas penchés sur la carte santé.
Mme Harel: ...de la carte santé. Bon, écoutez, je trouve intéressante votre contribution, ce matin, devant la commission. Et je considère que c'est d'une grande maturité dans une société que des gestionnaires... Parce qu'en fait vous êtes très diversifiés, il y a des actionnaires, mais il y a aussi des techniciens, des analystes, des coordonnateurs, hein. Je comprends que vous regroupez large, là, dans le milieu sociosanitaire, hein?
M. Parent (Mario): Tout à fait.
Mme Harel: Alors, je trouve que c'est une grande maturité dans une société de pouvoir compter sur l'expertise de gens qui ont développé dans un secteur donné et mettent à contribution en venant ici, en commission parlementaire. Alors, je vous remercie de votre mémoire.
Dans ce mémoire, à la page 15, ça a attitré mon attention, dans le volet du consentement, que vous envisagiez qu'il puisse y avoir un consentement de nature partielle de l'usager. J'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus parce que, depuis le début de la commission parlementaire... Vous savez, ce projet de loi est fourre-tout, hein. Il pourrait y avoir cinq projets de loi différents dans un même projet de loi. Alors, avec des intervenants... Comme, aujourd'hui, on va passer d'un sujet à l'autre complètement différent. Et on ne peut pas dire qu'on a eu beaucoup de présentations de mémoires qui portaient sur cette question de l'échange d'informations et des renseignements personnels. Mais, depuis le début, on semble nous dire qu'il faut absolument bannir d'un système la possibilité qu'il y ait un consentement partiel. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce qu'il y a plus d'avantages et d'inconvénients qu'il y ait un consentement partiel ou qu'il n'y en ait pas?
M. Parent (Mario): Bien, en tout cas, nous, on recommande un consentement global. Puis, je vous dirais, la raison fondamentale en est une de gestion. C'est beaucoup plus simple de faire une gestion globale du consentement en prenant pour acquis que les gens qui accèdent à l'information... En fait, on applique la règle du papier, hein. Dans la règle du papier, si l'intervenant avait droit au dossier, bien il avait droit au dossier. Bien sûr, il allait dans les parties de dossier qu'il considérait les plus importantes pour l'exercice de ses fonctions, mais il avait accès au dossier. Et c'est la même dynamique qu'on recommande.
Le consentement partiel est beaucoup plus complexe. Moi, je qualifierais le consentement partiel au dossier parallèle. Alors, dans le milieu hospitalier, vous savez, il existe ce qu'on appelle des dossiers parallèles. Théoriquement, il n'y en a pas, mais en pratique, sauf dans mon organisation, il peut arriver qu'il y en ait. Et un dossier parallèle, c'est... Certains spécialistes vont garder de l'information qui n'est pas nécessairement de nature à être partagée par d'autres intervenants mais que soit l'intervenant ou son bénéficiaire considère que... il préfère que cette information-là ne soit pas disponible à la collectivité.
Je vais vous donner un exemple. Une fille de 14 ans qui se fait avorter pourrait décider qu'elle veut garder le plus discret possible certaines catégories d'informations pour le reste de ses jours, mais cependant elle veut rendre son dossier disponible, mais pas ce volet-là. Alors, il pourrait arriver qu'il existe des... Alors qu'un dossier papier, c'est des particularités qu'on peut travailler, puis, dans le dossier global, bien, c'est plus difficile, évidemment, là. Ça fait qu'il faut trouver des mécaniques.
Mme Harel: Bon, écoutez. Là, vous m'avez dit non au début, puis là vous me dites oui à la fin.
M. Parent (Mario): Ce que je vous dis, c'est que, nous, comme organisation, la mise en place d'un consentement partiel est extrêmement laborieuse, extrêmement complexe puis est très difficile à gérer aussi. Le ministre Couillard disait tantôt: On ne veut pas s'immiscer dans les détails du fonctionnement opérationnel de ce qui devrait être transmis. Bien, au même titre, il serait très difficile de mettre une loi qui gère un consentement partiel.
Mme Harel: Bon. Est-ce que je dois comprendre, M. Parent, à partir des propos que vous nous tenez, que, sur le plan technologique, c'est laborieux et complexe, que c'est donc plus sophistiqué, et, pour simplifier les choses, dans l'exemple que vous nous donnez, ce serait donc préférable qu'il n'y ait pas de consentement partiel et que la personne refuse son consentement pour le reste de sa vie? C'est ça qu'on comprend.
M. Parent (Mario): Il pourrait arriver que ce soit ça qui est recommandé ou qu'on exclue cette partie-là du dossier transférable.
Mme Harel: Mais, si on l'exclut, il y a donc un consentement de nature partielle.
M. Parent (Mario): Potentiellement.
Mme Harel: Ouf! C'est difficile à vous suivre, là, franchement.
M. Sirois (Daniel): Je peux peut-être ajouter...
Mme Harel: Oui, M. Sirois.
M. Sirois (Daniel): En fait, moi, je suis vraiment, comme je le disais tout à l'heure, un fervent croyant de l'approche étapiste. Et, dans un premier temps, s'il est souhaitable qu'on ait, pour faciliter la mise en place puis l'implantation de l'accès à l'information, un consentement global mais éclairé et volontaire, je pense que ça constitue une belle première étape pour démontrer à la population qu'on est en mesure de gérer adéquatement, sécuritairement leur information. Puis, dans le futur, lorsque les moyens technologiques seront plus évolués, lorsque la gestion du changement auprès des intervenants cliniques se sera amorcée, on pourra peut-être envisager à ce moment-là d'ouvrir, de réouvrir la possibilité d'un consentement partiel pour favoriser une plus grande adhésion de la population.
Mme Harel: D'autant que ce consentement de nature globale pourrait amener dans des secteurs en particulier. On pense à la santé mentale, ou à la déficience intellectuelle, ou en fait troubles de comportement, enfin, et peut-être également tout ce qui est associé à des maladies vénériennes, en fin de compte...
Mme Charest (Rimouski): Maladies à déclaration obligatoire.
Mme Harel: À déclaration obligatoire. Merci. On pourrait penser que des personnes qui en sont victimes pourraient ne pas vouloir que cela se retrouve, et ça pourrait, semble-t-il, en tout cas écarter du système d'information un assez grand nombre de personnes. Alors, merci.
À la page 12 de votre mémoire, vous recommandez, au point 5, que chaque établissement ou regroupement dans le domaine sociosanitaire ait un chargé de projet spécifiquement mandaté pour gérer et appliquer ces changements. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Parent (Mario): O.K. Bien, en fait, le projet de loi, s'il est approuvé et qu'on nous donne les outils et les moyens de le mettre en application, il va avoir un impact important sur toute la mécanique de gestion. Là, je suis parti dans mes grands signes, là, ça... Toute la mécanique de gestion de la confidentialité implique la mise en place des mécanismes d'authentification forte, différents dans certains cas de ceux qui sont présentement en fonction dans les organisations. Ça, là, c'est beaucoup de boulot, là, qui est associé à ça, et il y a des impacts.
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on cherche toujours, en milieu établissement, le juste milieu entre le droit de donner les soins et le droit à la confidentialité. Alors, l'intervenant clinique, il veut soigner puis il n'a surtout pas le goût de se faire demander son nom à toutes les deux minutes pour faire l'intervention. Vous comprenez? Puis, quand il a ses gants puis qu'il est en... ce n'est pas le temps d'aller rentrer son... d'enlever le gant pour mettre son pouce pour montrer que c'est bien lui puis remettre son gant après puis... Hein, on s'entend, là? Alors, il faut toujours faire une gestion équitable de ça. Alors, ça implique des tractations avec l'ensemble du milieu des intervenants, alors pour dire: Bien, à l'avenir, on prévoit fonctionner de telle façon, quels sont les impacts dans votre façon de fonctionner, de travailler présentement et comment on peut rendre ça le plus sain possible et le plus simple possible, le plus convivial possible, mais en même temps répondre aux critères qui vont être établis par la loi? Et, pour faire ça, c'est un exercice à temps plein.
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(10 h 30)
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Mme Harel: Je vous remercie. À la page 13 de votre mémoire, toujours dans vos recommandations, sur tout le volet, là, de la gestion du changement, vous suggérez au ministère ? et au ministre en fait, dois-je comprendre ? d'obtenir un consensus national sur l'approbation des modifications pour assurer la pérennité dans le temps des changements et mesures qui seront mis en place. Alors, qu'est-ce que ça signifie?
M. Parent (Mario): On apprécierait beaucoup que...
Mme Harel: Ça signifie que, avec le prochain changement de gouvernement, dans deux ans, ça pourrait changer. C'est ça?
M. Parent (Mario): On apprécierait beaucoup convaincre l'ensemble des intervenants autour de la table, autant le ministre et son équipe que l'opposition officielle, que l'Action démocratique, du bien-fondé du volet de la loi en ce qui regarde la circulation de l'information. Ma perception à moi, c'est que, si vous voulez réussir à donner des soins de santé dans 30 ans ? vous êtes responsables des aînés ? si vous voulez réussir à donner des soins de santé dans 30 ans, alors qu'il va y avoir 2,5 personnes à peu près qui vont payer, pour une personne qui ne paiera pas... on sera incapables d'y parvenir si on ne met pas en place les nouvelles technologies. Et ces nouvelles technologies-là, pour les mettre en place, il faut qu'on se donne une mécanique, il faut qu'on se donne des outils, il faut qu'on se donne des lois puis il faut qu'on se fasse confiance dans ces lois.
Et, nous, ce qu'on préconise, c'est ça, donc de travailler avec une loi qui va faire consensus et qui va faire en sorte que, dans deux ans, quatre ans, cinq ans, six ans, 10 ans, peu importe, lorsque... Puis ça pourrait être le même parti, en passant, là, ou un autre parti, ça n'a pas d'importance, qu'une nouvelle personne devienne responsable de ça, décide que, la circulation de l'information, ce n'était pas bon puis qu'ils veulent nous remettre en silo. Si on fait ça, on est astreints demain matin à se chercher... à travailler ailleurs.
Mme Harel: Alors, sur ces dispositions concernant la circulation de l'information, vous recommandez au ministre que...
M. Parent (Mario): En fait, nous, on recommande que le projet de loi n° 83, en ce qui regarde la gestion de l'information, fasse un consensus assez large pour tout le volet gouverne. Et, nous, on ne se mêle pas de ça, mais on est en appui à ça. Alors, choisissez la gouverne que vous voulez, choisissez les priorités que vous voulez, nous, notre objectif, c'est de mettre en place les outils pour vous permettre de faire le mieux possible votre travail.
Le Président (M. Paquin): M. Sirois.
M. Sirois (Daniel): Peut-être ajouter qu'on a vu trop souvent dans le passé des planifications au niveau des ressources informationnelles qui se sont vu complètement changées suite à la mise en place d'un nouveau gouvernement. Ce qu'on souhaite à travers ce grand projet là, hein, qui est un projet qui s'étend sur bien au-delà de quatre ans: qu'on puisse se doter d'une vision et d'un plan d'action qui va subjuguer les gouvernements en place de façon à en assurer la pérennité à long terme.
Mme Harel: Cela supposerait donc que la loi soit satisfaisante, là, pour suffisamment... en tout cas, dans cette partie-là. Mais, le fait qu'elle s'inscrive dans un cadre plus large avec beaucoup d'autres dispositions qui ne concernent pas que la gouverne mais aussi l'hébergement de personnes âgées et l'hébergement des personnes vulnérables, ça peut poser problème, à ce moment-là, d'obtenir cette unanimité que vous souhaitez, là.
À la page 10 de votre mémoire justement, vous posez comme premier principe pour une gestion efficace de la confidentialité que la loi prévoie, par un mécanisme de contrôle, s'assurer de l'utilisation d'outils performants, et ainsi de suite. Est-ce que vous trouvez que la loi actuelle le fait suffisamment?
Le Président (M. Paquin): M. Parent.
M. Parent (Mario): Oui.
Mme Harel: Y a-t-il des modifications...
M. Parent (Mario): Elle le fait suffisamment sur le volet a priori en se basant sur les outils disponibles actuellement, mais on pense que la loi devrait travailler au niveau de l'engagement des intervenants sur le volet a posteriori. Il y a de quoi là.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Paquin): Oui, M. Sirois.
M. Sirois (Daniel): Je peux peut-être ajouter que ce qui est important dans... Puis on le voit à la page 11, là. Au niveau de la sensibilisation des intervenants cliniques et aussi de l'imputabilité aussi des différents intervenants, ce qui est important ? puis je reprends un peu les propos de M. Couillard, là, du ministre Couillard dans ce sens-là ? c'est que, bien qu'on favorise l'utilisation des moyens électroniques, reste encore qu'il y a encore beaucoup de papier dans nos organisations, et les bris de confidentialité ne se font pas que seulement sur l'électronique mais bien aussi et beaucoup sur le papier potentiellement. Donc, la sensibilisation des intervenants et l'imputabilité aussi claire qu'ils ont en termes d'engagement, bien, vont couvrir non seulement l'électronique, mais aussi tout le volet papier. Donc, on fait une pierre deux coups en mettant beaucoup d'emphase sur la sensibilisation et l'engagement des intervenants cliniques.
Le Président (M. Paquin): Oui. Mme la députée de Rimouski, on vous écoute.
Mme Charest (Rimouski): Oui. Merci, M. le Président. Je vous écoute et plusieurs questions me viennent à l'esprit, mais j'espère que j'aurai le temps de toutes vous les poser. Je reviendrais sur le posteriori ? voyons, je suis en train de mal le dire ? a posteriori. Donc, c'est toute la question de la sécurité en quelque sorte que vous nous dites qui n'est pas suffisamment assurée au moment où on se parle et qui devrait être renforcée? C'est-u ça que ça veut dire?
M. Sirois (Daniel): On ne sensibilisera jamais assez les intervenants du réseau de la santé à l'importance de la confidentialité de l'information puis au respect de la confidentialité. Comme je le disais tout à l'heure aussi, d'autre part, après avoir contacté la Commission d'accès à l'information, etc., à leur connaissance, il n'y avait pas de plainte officielle de bris de confidentialité. Cependant, il faut s'assurer...
Mme Charest (Rimouski): Vous avez bien précisé «officielle».
M. Sirois (Daniel): Officielle, exactement. C'est important de le dire. C'est pour ça que la sensibilisation mais surtout l'imputabilité avec des conséquences doivent être communiquées clairement à nos intervenants cliniques. Et ce je veux revenir au niveau... Ça ne minimise pas l'importance des contrôles a priori, c'est-à-dire les contrôles d'accès, biométrie, etc. Cependant, on doit s'assurer qu'ils n'influenceront pas négativement la prestation de soins et de services de nos cliniciens, de nos intervenants cliniques, puisque ? et là il y a un danger extrêmement important ? ça pourrait empêcher l'adhésion de tous nos intervenants cliniques à ce grand projet. Puis là il y a une importante mise en garde. Si on met trop de contrôles, les gens n'adhéreront pas et on va passer à côté de nos objectifs. Donc, il faut être très, très vigilant dans la mise en place des contrôles puis dans toute la gestion du changement.
Mme Charest (Rimouski): O.K. Dites-moi, votre mémoire repose vraiment sur l'utilisation des nouvelles technologies de l'information pour favoriser la fluidité et la qualité des informations qui ont à circuler, mais vous nous parlez du réseau, hein, du réseau sociosanitaire, des établissements de santé et de services sociaux. Mais là, avec le projet du ministre, on fait référence aussi à des groupes communautaires. Avec l'épée de Damoclès sur les partenariats public-privé, des entreprises privées éventuellement pourraient être impliquées dans ces processus de transmission de l'information. Qu'est-ce que vous en pensez par rapport à la fluidité, à la qualité et surtout à la sécurité et à la confidentialité?
Le Président (M. Paquin): M. Parent?
M. Parent (Mario): Oui. Bon, au niveau de la circulation de l'information, vous savez, au Québec, le transporteur d'information, il n'y en a pas des millions, hein, il y a Bell Canada, il y a TELUS, il y a Télébec, ça s'appelle le GTQ, et le gouvernement a donné un mandat à ce groupe-là pour transporter l'information. C'est le même groupe qui transporte l'information, j'imagine, du Conseil du trésor puis transfère l'information d'à peu près n'importe quelle information qui est faite sous forme téléphonique aujourd'hui, ou sous forme de fax, ou sous forme d'information numérisée.
Mme Charest (Rimouski): Mais là je ne vous parle pas du même niveau de structure privée ou versus la structure publique. Je comprends que les... Les infrastructures de télécommunications, ça, ça va, on connaît ça, on sait que c'est eux, les grandes firmes de télécom, qui, de par leurs installations, peuvent nous donner accès à la fluidité des informations.
Mais, moi, je vous parle, là, d'une entreprise dans une municipalité ou dans une région donnée qui va répondre à un contrat de services et qui va faire affaire avec des partenaires du réseau de la santé ou des partenaires du réseau des services sociaux mais qui, eux, sont soit un organisme sans but lucratif soit une entreprise privée de très petite taille, bien souvent. Alors, c'est mon appréhension. Parce que, ça, il va y en avoir beaucoup au Québec, si on arrive à ça, là, si on concrétise ces intentions.
Le Président (M. Paquin): M. Sirois.
M. Sirois (Daniel): En fait, comme on le dit dans notre mémoire, on est aussi très préoccupés par cette question-là, et c'est pour ça que le tout va devoir se faire dans des ententes et des contrats très clairs où on aura défini clairement les attentes par rapport aux obligations de ces entreprises-là.
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(10 h 40)
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On sait, d'autre part, que, dans le domaine des technologies, déjà plusieurs entreprises privées hébergent des données ou des applications pour différents domaines d'affaires ? donc ce sont des pratiques qu'ils exercent déjà ? et ont une certaine expertise. Et, d'autre part, on suggère aussi, et c'est extrêmement important, des mécanismes de contrôle, des audits de sécurité exercés par le ministère, par le gouvernement auprès de ces entreprises-là pour s'assurer qu'ils respectent intégralement leurs ententes et les contrats qui auront été signés avec eux.
Le Président (M. Paquin): Oui, rapidement, s'il vous plaît.
M. Parent (Mario): Très rapidement, je vous ferais remarquer que, présentement, avec les dossiers papier, alors il existe des mécanismes d'archivage à l'extérieur des établissements, dans des firmes privées, où on prend des boîtes de papiers parce qu'on ne sait plus où les mettre et on les envoie pour archivage. Ce n'est pas des données électroniques, mais c'est exactement la même dimension. Et ces données-là sont sous la responsabilité des établissements. Alors, moi, ma perception face à ce que vous mentionnez, c'est que, si on décide que l'hébergeur d'une information est une entreprise privée ou plus particulièrement un OSBL mais que la responsabilité... les clés sont sous la responsabilité du gestionnaire d'établissement, je n'ai aucun problème avec ça.
Le Président (M. Paquin): Très bien...
Mme Charest (Rimouski): ...sous la responsabilité du gestionnaire du réseau.
M. Parent (Mario): C'est toujours ainsi.
Le Président (M. Paquin): Très bien, merci.
M. Parent (Mario): Parce qu'on est imputables.
Le Président (M. Paquin): M. Parent, M. Provençal, M. Sirois, l'Association des gestionnaires en informatique du réseau sociosanitaire, merci de votre présentation.
J'invite maintenant les gens qui représentent la Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec de bien vouloir s'avancer pour nous présenter leur mémoire.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux. Je sais, M. Lavigne, que vous êtes capable de nous identifier très souvent par nos voix. Alors, vous avez immédiatement su que je suis de retour à la présidence après un petit congé, un remplacement de mon collègue le député de Saint-Jean. Ça me fait plaisir de vous accueillir de nouveau devant la Commission des affaires sociales au nom de la COPHAN.
Je sais également, M. Lavigne, que vous connaissez très bien nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange de 20 minutes, d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vais vous avertir quand il vous reste deux minutes. Et on essaie de respecter l'horaire le plus possible, on a un horaire chargé. Je vais vous... pas couper la parole à mi-phrase après 20 minutes, mais pas loin. Alors, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent et débuter votre présentation par la suite.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lavigne (Richard): Merci, M. le Président. Je tiens immédiatement à vous dire que ce ne sera pas moi que vous allez couper, ce ne sera pas moi qui va parler vers la fin, alors gênez-vous pas.
Le Président (M. Copeman): J'aime ça, la collaboration que vous nous accordez, M. Lavigne. Merci.
M. Lavigne (Richard): Je voulais juste mettre Mme Leduc, à ma droite, qui est ici, à l'aise. Ve sera elle qui sera là, alors donnez-lui une petite chance quand même. Et, à ma gauche, Mme Filion. Alors, on est très heureux d'être ici une fois encore. Je commence à savoir le chemin pour venir à Québec. Bientôt, ce sera moi qui conduirai l'auto. Mais, en attendant, on va vous parler de ce très important projet de loi.
Pour ce qui est de la présentation de la COPHAN, je pense que je n'ai pas besoin... Si je reconnais les voix, c'est des voix que j'ai déjà entendues. Donc, simplement vous dire que la COPHAN, qui regroupe 39 regroupements de personnes et d'associations de personnes handicapées, est présente, via ces organismes nationaux, dans toutes les régions du Québec et a pris très au sérieux le projet de loi n° 83, qui est énorme. Je ne l'ai pas vu en braille. Je pense que, s'il n'est pas en braille, c'est parce qu'il serait trop gros. Alors, j'ai dû me contenter de me le faire lire ou de le lire en informatique pour me rendre compte, comme tous les autres membres de la COPHAN, qu'il y a énormément de choses qui sont proposées et qui touchent beaucoup de lois, une quarantaine de lois, si je comprends bien. Alors, vous comprendrez que, nous, on a dû, compte tenu du temps, concentrer nos remarques sur des aspects qu'on juge les plus importants et les plus... qui ont été soulevés par les associations et les personnes handicapées qu'on a réunies dans une assemblée générale là-dessus.
D'entrée de jeu, même si ce n'est pas dans notre mémoire, messieurs dames de la commission, j'ai entendu parler de la question de l'accréditation des centres d'hébergement. Simplement vous dire que malheureusement il y a encore beaucoup de personnes qui ont des limitations fonctionnelles qui doivent ? ils ne choisissent pas, ils doivent ? à un moment donné ou l'autre de leur vie aller résider dans des centres d'hébergement. Et pour nous c'est très important que ces centres-là, on les suive de très proche pour assurer aux résidents, qui, je répète, n'ont pas toujours le choix d'y aller, une qualité de vie et une qualité de services dignes de ce nom. Alors, je pense que ce sera très important que l'accréditation s'applique à un maximum de ces centres pour qu'on ait un contrôle ou que les gens puissent avoir une garantie de qualité. J'arrêterai là pour cet aspect-là.
Moi, je vais vous parler plus de la participation citoyenne. Par la suite, Mme Filion vous parlera de la question de la gestion des dossiers, le consentement et la conservation des dossiers, et Mme Leduc terminera par la question au niveau de la gestion et procédure des plaintes.
Je suis sûr que vous avez lu le mémoire, alors je ne le lirai pas tout au complet. Je vais simplement essayer de trouver ma place, par exemple, pour vous parler des recommandations relatives à la participation citoyenne et des usagers aux instances. Alors, il faudrait reconnaître le droit à la population et aux usagers des services de santé et des services sociaux de participer, sur le plan local, régional et national, au choix des orientations, à l'instauration, à l'amélioration, au développement, à l'administration et à l'évaluation de ces services. Bien entendu, il s'agit aussi de donner à ces personnes-là tout le soutien pour qu'elles puissent adéquatement faire leur travail. Je pense que les gens qui veulent s'impliquer sont de bonne foi, ont des compétences, des connaissances. Il s'agit simplement de leur donner un support pour qu'ils puissent être les plus avisés possible et dans la ligne des orientations pour que ça réponde de plus en plus aux besoins.
La recommandation 2 que nous avons, c'est le mode de nomination des membres des conseils d'administration des établissements de manière... des établissements, que ce soient des instances locales, ou on parle beaucoup des organismes spécialisés de réadaptation, par exemple, une participation plus importante donc et que ces personnes-là puissent siéger en ayant... ? voyons, pardon ? d'avoir plus de ces personnes-là autour de la table, hein. Je sais qu'il y a une certaine amélioration proposée. On passe de un à deux usagers dans certains... ? je parle des centres de réadaptation spécialisés entre autres, là ? et de trois à quatre au niveau de la population. On remarque cependant qu'il y a beaucoup plus de ressources internes qui sont au conseil d'administration et d'autres personnes qui sont issues de d'autres milieux, ce qui fait que globalement les usagers se ramassent avec deux postes sur 16 et, la population, quatre sur 16, ce qui fait, à un moment donné, un certain déséquilibre.
Donc, quand on parle que la représentation soit davantage proportionnelle pour permettre à des personnes usagers de services spécialisés, par exemple, d'être plus présentes, et, là où il y a plus qu'un établissement qui relèvent d'un conseil d'administration, ce serait... Nous, on considère que ce serait adéquat de permettre d'avoir plus d'usagers, c'est-à-dire qu'un conseil d'administration qui gère deux établissements, bon, on pourrait avoir, au lieu de deux usagers, ce serait deux usagers par établissement, donc ce serait quatre usagers, et de moduler le conseil d'administration de manière à ce que tous les usagers des divers établissements puissent avoir droit au chapitre dans les décisions ou les discussions.
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(10 h 50)
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La recommandation... Oui, ça, je l'ai dit déjà. Je pense que j'ai déjà terminé. Alors, je vais passer la parole à Mme Filion qui va nous parler de la gestion des dossiers.
Le Président (M. Copeman): Mme Filion.
Mme Filion (Nicole): Oui. En fait, je vais vous entretenir d'abord des modifications que le projet de loi n° 83 introduit au niveau des règles de protection des renseignements personnels. La COPHAN ne sera pas le premier organisme à venir signifier au ministre l'insatisfaction qu'on a à l'égard des modifications qui sont proposées. On modifie en effet en profondeur les règles qui visent la protection des renseignements personnels. L'obligation d'obtenir le consentement de la personne en cas d'échange de renseignements n'est plus requise. De plus, le projet de loi n° 83 élargit considérablement, hein, le nombre d'intervenants et de ressources qui vont avoir accès à ces renseignements personnels.
On remarque aussi que la qualité professionnelle de ces intervenants va varier considérablement. Il y a plusieurs dispositions, hein, dans le projet de loi n° 83 qui utilisent le même libellé général qui prévoit, par exemple, que, sans le consentement de l'usager, lorsque l'usager est dirigé vers un autre établissement, vers un professionnel de la santé ou des services sociaux, vers un organisme communautaire, vers une entreprise d'économie sociale ou même une ressource sans qu'elle ne soit plus définie que ça, une ressource privée, les renseignements qui sont considérés par l'établissement qui réfère, considérés donc nécessaires à la prise en charge de la personne, eh bien, ça implique, sans le consentement de la personne, que le renseignement va être transmis sans plus de procédure à la ressource désignée.
Ces modifications, quant à nous, ont pour effet qu'à partir du moment où une personne requiert un service de santé ou un service social elle renonce en quelque sorte à ses droits en matière de contrôle sur la circulation de ses renseignements personnels. Ces modifications ont aussi pour effet de banaliser les règles et les principes qui sont relatifs au droit à la confidentialité des renseignements personnels, au droit au secret professionnel et au droit à la vie privée. En réduisant considérablement la sévérité de ces règles, bien on banalise aussi le caractère sensible des renseignements personnels qui sont compris dans le dossier de la personne. On favorise... en tout cas, on risque de favoriser le développement d'une culture qui est contraire au respect de la vie privée.
Pour illustrer l'ampleur des chambardements qui sont proposés, les modifications viennent toucher à des droits qui sont compris dans la Charte des droits et libertés, dans le Code civil, on vient bouleverser les articles actuels de la Loi sur la santé et les services sociaux, mais ça implique aussi qu'on devra faire des modifications ? et elles ont été annoncés également ? aux lois qui protègent l'accès aux renseignements personnels, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. On modifiera aussi, j'imagine, les codes des professions. Donc, ces règles et principes qui découlent de cet ensemble législatif font pourtant l'objet d'un consensus social. À date, on a pu constater ? je l'ai dit en début de mon exposé ? que plusieurs sont venus vous dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec ces modifications-là concernant les règles du consentement, et la Commission d'accès à l'information vous a fait des représentations en ce sens.
Je pense que c'est utile de rappeler que les renseignements personnels sont objets de droits fondamentaux de la personne, ils appartiennent en propre à la personne. Avec le projet de loi n° 83, on déleste la personne de ses droits et ce seront dorénavant les établissements et les autres ressources qui en seraient maintenant les détenteurs et les possesseurs et qui pourraient en disposer selon leur propre évaluation, à savoir si ces renseignements sont nécessaires à la prise en charge de la personne. C'est dorénavant sur la base de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qu'on va disposer des renseignements personnels sans le consentement de la personne. Auparavant, le consentement, c'était la règle, maintenant ça devient une exception.
On peut aussi s'interroger sur la portée de ces modifications-là sur les relations qu'aura la personne qui requiert les services avec les intervenants qui vont les dispenser. Bien que l'article 3 de la Loi sur la santé prévoie que les prestations de services doivent se faire dans le respect d'un usager et la reconnaissance de ses droits et libertés et aussi l'article 10 qui énonce que toute personne a le droit de participer à toute décision qui affecte son état de santé ou son bien-être, on peut craindre que l'abolition de l'obligation d'obtenir un consentement quant à l'échange de renseignements va venir modifier quelque peu ces paradigmes. En ce sens, les termes «nécessaire à la prise en charge», qu'on revoit systématiquement dans les articles du projet de loi qui viennent modifier ces règles, se conjuguent aisément avec le retrait de l'obligation d'obtenir le consentement de la personne. La culture d'une prise en charge de la personne s'oppose quant à nous à celle de l'«empowerment» de la personne et celle du respect de ses droits. C'est pourquoi nous en étions venus à la conclusion, dans notre mémoire, de retirer du projet de loi n° 83 l'ensemble des dispositions qui remettent en question la nécessité du consentement.
Quant à un autre élément du projet de loi qui soulève de vives inquiétudes chez les membres de la COPHAN, ça concerne la mise en place de services de conservation des renseignements aux fins de prestation des services. On a compris que, pour la conservation de ces renseignements, on allait requérir le consentement de la personne. Ce n'est pas là que se situent nos inquiétudes; c'est davantage l'ensemble des questions qu'avait soulevées pour nous l'implantation possible d'une carte d'accès santé.
Compte tenu du temps qui passe, je vous indiquerais quelques-unes des questions qu'on a signalées dans notre mémoire. On se demandait: Est-ce que la constitution de ces dossiers vise à faciliter l'implantation de plans de services qui vont être uniformisés, de sorte qu'à chaque fois qu'il y a un diagnostic qui est établi on a un plan déterminé, mais il n'y a pas place à un choix d'intervention de la part des intervenants ou des professionnels? On se demande qui aura accès aux données qui seront produites sur la consommation de services, comment les personnes vont pouvoir avoir le contrôle sur le contenu des informations, comment on va garantir le respect du droit au consentement aux soins libres et éclairés, quelles sont les règles qui vont s'appliquer, bon, et j'en passe. Notre mémoire fait état largement des questions que soulève cette mise en place des services de compilation de données.
Alors, ce qu'on vous demande, c'est de retirer du projet de loi n° 83 les dispositions qui visent à mettre en place ces services de conservation afin de permettre à la population de prendre vraiment le pouls de la situation ou des propositions que contient le projet de loi n° 83 en cette matière et de mettre en place aussi un processus qui va permettre aux usagers de dire leur mot sur l'instauration d'un modèle approprié de transmission des informations cliniques. Voilà.
M. Lavigne (Richard): Alors, si vous voulez bien, M. le Président, Mme Leduc vous parlerait de la question de la gestion des procédures des plaintes.
Le Président (M. Copeman): Mme Leduc.
Mme Leduc (Michèle): Merci. À ce niveau-là, nous, on introduit immédiatement en disant que nous sommes relativement satisfaits de ce qui est apporté comme propositions. Cependant, dans le but d'en arriver à un changement de culture, parce qu'on sait très bien que ce sont des mécanismes qui comportaient de grandes lacunes, on aurait souhaité vraiment que ça aille plus loin, notamment en tenant compte d'un plus grand nombre des recommandations qu'avait fait le groupe de travail sur l'examen des mécanismes de plaintes du ministère proprement dit.
Alors, justement, à ce propos, au niveau des comités des usagers, on disait... le groupe de travail apportait le fait qu'on devrait donner plus de... modifier les fonctions des comités d'usagers de sorte à ce qu'ils puissent donner un avis sur le respect du code d'éthique, sur la qualité des services, sur la nature des besoins non couverts, sur le degré de satisfaction globale de la clientèle et des proches face aux relations avec les diverses instances administratives. Malheureusement, le ministère a choisi de ne pas retenir cette recommandation, ce qu'on trouve très regrettable. Et c'est pourquoi on demanderait de modifier l'article 212 du projet de loi à la lumière des recommandations du groupe de travail.
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(11 heures)
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On demanderait aussi à ce qu'on reconnaisse formellement l'autonomie des comités d'usagers et des comités de résidents. D'ailleurs, on salue l'idée de... la proposition d'introduire des comités de résidents; ça, on apprécie beaucoup. Ensuite, on aimerait que soit assuré... d'assurer que les comités d'usagers et de résidents soient représentés au sein des différentes structures et comités consultatifs de l'établissement. Et ensuite, pour que les comités d'usagers puissent bien fonctionner, il leur faudrait évidemment les ressources humaines et financières nécessaires à leur fonctionnement.
Par ailleurs, au niveau du commissaire local aux plaintes, on trouve regrettable que, la nomination du commissaire, qu'on ne soit pas allé dans le sens des recommandations du groupe de travail encore là qui suggérait que le choix du candidat pour le poste de commissaire local parte d'un processus de sélection de la part du conseil d'administration, ce qui aurait été beaucoup mieux que le fait d'être nommé. Et ensuite on trouve qu'il serait nécessaire d'affirmer clairement le pouvoir d'initiative du commissaire local et du commissaire régional d'ailleurs, et d'assurer que son champ d'intervention ne soit pas réduit. Alors, pour nous, il appert, là, que le rôle des commissaires local et régional serait passablement réduit. Et puis ce qui nous paraît extrêmement important, c'est que ces personnes-là reçoivent une formation quant aux droits des usagers, ce qui fait partie des grandes lacunes, je pense, de ce système, et puis que les usagers soient bien informés aussi de leurs droits, hein, puis des services auxquels ils ont droit.
Ensuite, ce qui nous inquiète, et vous comprendrez ? d'autant plus toutes les situations qu'on a vues dans les journaux et dans les médias ? concernant les représailles que certains usagers peuvent vivre, alors on trouve que, dans la loi, devrait être enchâssé un mécanisme de suivi quant aux dossiers de représailles lorsqu'il arrive que des intervenants ont des représailles vis-à-vis des usagers qui, avec courage, très souvent, osent exercer des recours pour faire valoir leurs droits. Et en ce qui concerne le Protecteur des usagers ? j'ai l'impression que je parle très fort ? en ce qui concerne...
Le Président (M. Copeman): Non, pas du tout, sauf que je dois vous signaler qu'il vous reste deux minutes.
Mme Leduc (Michèle): Alors, on y va rapidement. On aimerait qu'on s'assure que la présentation du rapport du Protecteur des citoyens mette suffisamment en relief la partie protection des usagers pour que l'Assemblée nationale puisse avoir une réelle écoute et une bonne présentation de la situation; ensuite, que toute plainte soit assujettie à une procédure écrite d'examen. Donc, on parle, s'il existe des plaintes verbales après que la plainte soit exprimée, qu'on retrouve le même traitement de cette plainte-là. Enfin, on aimerait vraiment que la loi affirme le droit de toute personne à être accompagnée dans ses démarches par toute personne qu'elle choisit ou organisme.
M. Lavigne (Richard): Merci, Michèle. Juste pour terminer, rapidement, il y a un élément que j'avais oublié de vous parler tantôt, c'est la question du regroupement et de la fusion d'établissements. Vous comprendrez qu'on va vous parler surtout des établissements... Vous ne m'écoutez plus? Oups! Excusez.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, allez-y.
M. Lavigne (Richard): O.K. Simplement pour vous dire que, rapidement, ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est les fusions et regroupements d'établissements de réadaptation en déficience physique ultraspécialisés. L'an dernier, on avait rencontré dans un autre cadre M. le ministre qui nous avait dit que pour lui ce n'était pas nécessairement une nécessité de regroupement. Mais simplement pour vous dire que, nous, on insiste sur l'importance qu'il y ait au moins au Québec un établissement par catégorie de clientèle, de déficience, qui est uniquement mandaté pour développer des expertises pointues en réadaptation pour cette clientèle-là, d'éviter de faire des fusions parce que, lorsqu'il y a des fusions, bien souvent, il y a des luttes de priorisation, et les clientèles moins nombreuses pourraient éventuellement risquer de voir les budgets et les préoccupations diminuer. Et je pense qu'il y a au Québec des modèles d'organisation de services spécialisés et qu'il faut non seulement préserver, mais promouvoir le développement. Je pense que ce serait une préoccupation que les membres de la COPHAN voulaient qu'on vous transmette. Merci, messieurs dames.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Lavigne. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Lavigne, Mme Filion et Mme Leduc, pour votre présentation. Juste pour enchaîner sur votre conclusion, M. Lavigne, il n'est pas question de fusionner les établissements spécialisés régionaux en réadaptation, ce n'est pas du tout dans l'horizon. Ce sont les établissements spécialisés de réadaptation qui sont en ligne, comme institutions de deuxième ligne, en relation, comme institutions de deuxième ligne, avec les établissements locaux.
Prenons d'abord la question, M. Lavigne, que vous avez abordée vous-même, les conseils d'administration des établissements et la participation des citoyens. Certains sont venus nous suggérer ici d'abandonner le mode électif comme sélection et d'aller vers la nomination. Nous, on tient plutôt au mode électif. Les arguments qui nous sont donnés pour ne pas y avoir recours, ne plus y avoir recours, c'est la faible participation des citoyens et les autres arguments que vous connaissez. Mais, nous, on croit que ce mode électif doit être préservé, particulièrement au niveau de l'instance locale. Quelle est votre opinion sur la façon de choisir ou de sélectionner les représentants de la population?
M. Lavigne (Richard): Bien, écoutez, je pense que c'est important que le mode électif demeure. J'espère que, à toutes les fois qu'il n'y a pas assez de monde qui vont voter, on ne va pas dire qu'on devrait abandonner le système d'élection, là, parce qu'il y aurait d'autres places qu'on pourrait dire la même chose, puis je ne suis pas sûr que ce serait... Bon. Je pense qu'il faut intéresser les gens. Je pense que les gens ne demandent pas mieux que de s'impliquer.
Ce qui est probablement épeurant, entre parenthèses, pour certains, c'est la complexité. Pour avoir siégé, moi, personnellement, sur des conseils d'administration, ça fait bien peur quand on est en dehors, mais, quand on est en dedans et si on est bien formé, si on est bien soutenu, je pense que n'importe quelle personne de bonne foi peut contribuer. Je pense que les gens sont... Il y a des volontaires. Il y a peut-être des fois où on voit que les gens... C'est comme on dit, ça fait que, quand on en veut des participants, on en a. Quand on n'en veut pas, on trouve le moyen de ne pas en avoir. Et je pense que, lorsqu'il y aura des élections bientôt ? je ne sais pas si ça va être en 2005 ou 2006, là ? pour les nouveaux conseils d'administration, bien, je pense ce serait important qu'il y ait de la publicité pour dire aux gens que c'est important qu'ils s'impliquent et que les groupes communautaires aussi soient impliqués.
Au moment où on se parle, il y a des postes qui sont, entre parenthèses, un petit peu réservés aux organismes communautaires qui représentent la population visée. Je pense qu'on doit continuer à favoriser ça parce que ce sont des intervenants qui sont sur le terrain et qui peuvent collaborer. Alors, je pense qu'il faut continuer au mode d'élection. Et la participation de la population et bien sûr des usagers, comme je vous disais tantôt, je pense que c'est très important pour l'établissement.
Mme Filion (Nicole): Je pourrais compléter peut-être en disant aussi que M. Lavigne a raison de dire qu'il faut les intéresser, mais il faut aussi leur apporter le soutien. Mais, quand on parle d'intérêt, il faut aussi que les personnes aient conscience qu'elles participent à des prises de position. Il ne faut pas seulement qu'ils soient là pour recevoir de l'information, mais il doit y avoir un pouvoir décisionnel à chaque niveau d'instance et ils doivent participer pleinement à ça.
C'est pour ça que notre recommandation fait état à la fois du choix des orientations, à l'instauration, à l'amélioration, au développement, à l'administration et à l'évaluation des services. Alors, quand on voit qu'il y a peu de gens qui participent à une assemblée électorale, c'est peut-être qu'aussi il y a eu aussi beaucoup de pouvoirs qui ont été... qui se sont érodés, si on peut dire, au niveau des conseils d'administration. Alors, peut-être qu'il faut penser à une participation pleine et entière mais aussi aux prises de décisions.
M. Couillard: Vous avez entièrement raison. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs la philosophie qu'on poursuit de transférer le plus de pouvoirs décisionnels au niveau de l'instance locale, qui est plus près de la population, notamment autour du projet clinique et organisationnel. Et ce qu'on veut faire pour l'élection, c'est effectivement informer, comme vous l'avez dit vous-même, la population et avoir d'autres outils tels que, par exemple, tenir les élections à date connue pour plusieurs établissements de sorte qu'on n'a pas de confusion quant au moment de se présenter.
Parce qu'on a également, il faut le dire, des exemples où le taux de participation a été beaucoup plus élevé dans certaines régions lorsqu'il y a certaines questions importantes qui suscitaient l'intérêt des citoyens autour de leur système de santé. Donc, il y a moyen d'intéresser et de motiver les gens pour à mon avis se présenter et participer aux élections. Et, vous avez raison, M. Lavigne, ce n'est pas parce qu'un processus électoral n'est pas suivi et assidu que c'est une raison pour le supprimer. C'est d'ailleurs l'argument qu'on a développé par rapport à ceux qui nous recommandaient de nous en éloigner. Maintenant...
Mme Filion (Nicole): M. le ministre, je voudrais dire quelque chose là-dessus parce que, à l'article 99.8... Parce que vous parlez des instances locales. Vous dites qu'on veut donner plus de place à la population. Mais je pense que, pour être plus clair par rapport à ce que vous nous dites, je pense qu'il faudrait modifier cet article-là parce qu'on parle de «recourir à différents modes d'information ou de consultation de la population afin de la mettre à contribution et de connaître sa satisfaction à l'égard de l'organisation des services et des résultats obtenus».
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(11 h 10)
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On est bien loin de la participation à des prises de décision. Puis, à la limite, moi, je regarde ça puis je me dis: Si vous voulez que ce soit clair pour les instances, le mode de consultation et à quoi on veut consulter, il faut que ce soit beaucoup plus précis que ça, parce qu'à la limite on pourrait faire un sondage auprès de la population et ça rencontrerait les exigences de l'article 99.8. Alors, je pense qu'il y aurait lieu, là, de préciser davantage votre pensée dans un article comme celui-là. Puis on retrouve le même libellé pour les agences.
M. Couillard: Nous, ce qu'on désire, c'est que les gens soient le plus libres possible d'innover. Et actuellement ce que les gens nous disent, dans toutes les régions, autour de l'élaboration du plan clinique et organisationnel, du projet clinique et organisationnel, c'est qu'ils sentent qu'ils ont enfin le droit d'imaginer, et d'innover, et d'adapter les services à leurs caractéristiques propres en termes de population et de région. Et ça doit être la même chose également pour le mode participation et le mode d'évaluation à notre avis de la satisfaction de la clientèle. Il faut partir des dynamiques qui sont là et des actifs qui sont là plutôt que d'imposer un modèle rigide qui s'applique mur à mur. Nous, en tout cas, ce n'est pas la philosophie qu'on suit.
Pour ce qui est des mécanismes de traitement des plaintes ? je pense que c'est Mme Leduc qui y a particulièrement fait allusion ? effectivement la grande majorité des recommandations du groupe de travail sont incluses dans le projet de loi. Certaines ne le sont pas et sont en très petit nombre parce que soit elles ont déjà été réalisées, soit il y a des problèmes à notre avis pratiques de mise en place. Il y en a une cependant qui m'intéresse beaucoup que vous avez reprise dans vos propos, c'est le choix du candidat pour le poste de commissaire aux plaintes... «soit réalisé par un processus de sélection du conseil d'administration» plutôt que le mode qui est actuellement prévu. Pourriez-vous nous expliquer la différence et l'avantage qu'un mode de sélection comporte par rapport à ce qui est prévu actuellement?
M. Lavigne (Richard): Lorsqu'on fait des nominations par un directeur général ? je pense que c'est ce qui est prévu, là, c'est la direction générale qui va nommer un commissaire local qui doit s'assurer d'un certain nombre de choses ? nous, ce qu'on dit, c'est que, si on confie au conseil d'administration... Hein, lorsque quelqu'un est nommé par une instance à la suite d'un concours ouvert, transparent, comme ça se fait, là, dans les groupes en tout cas pour lesquels, nous, on travaille ? on ouvre des postes, on reçoit des sélections et on choisit la meilleure personne ? la personne qui est choisie, elle est choisie par le conseil d'administration, donc elle se sent déjà là liée à l'instance supérieure de l'organisation, ce qui n'empêche pas qu'elle doit travailler en collaboration avec l'interne, avec le directeur général ou la directrice générale.
Sauf que, nous, on se dit qu'à partir du moment où c'est un processus transparent, que le conseil d'administration, qui lui est responsable à un moment donné... c'est le grand responsable, entre autres de la question des plaintes, et tout ça, je pense que ça donnerait une orientation et un message, un message à la population, aux usagers et à l'organisation que le conseil n'est pas là juste pour adopter des rapports mais qu'il s'implique concrètement. Et je pense que, pour la direction générale, ça pourrait éviter que la direction générale, à un moment donné, se retrouve un petit peu prise là-dedans. Je pense que ça pourrait justement donner un sens à... lorsqu'on parlait de la participation citoyenne qui décide de s'impliquer par l'embauche et les suivis au niveau du dossier des plaintes, et je pense que ça pourrait avantageusement, là, être plus satisfaisant pour tout le monde. C'est ce que les membres de la COPHAN nous disaient, que, de faire ça de cette façon-là, ce serait encore plus significatif et pour la personne qui fait des plaintes, pour celui qui gère les plaintes et pour ceux qui reçoivent et qui doivent donner suite, et à ce que le conseil d'administration se sentirait plus impliqué.
Une voix: Puis la personne...
M. Lavigne (Richard): Puis la personne serait moins... Oui. Puis on serait moins tenté aussi peut-être de choisir quelqu'un à l'interne, puis: Bon, bien, va donc t'occuper des plaintes. Il faudrait que la personne passe un concours, elle aussi, comme tout le monde, pour nous démontrer sa capacité de mettre la question de la plainte au-dessus de tout le reste, là.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Il y a des directeurs généraux d'établissements qui, eux, sont inquiets que l'approche qu'on préconise, qui est de faire dépendre le commissaire local du conseil d'administration, soit interprétée par eux comme un manque de confiance du ministère ou du gouvernement envers leurs gestionnaires d'établissements. Nous, on tient à cette dépendance du conseil d'administration plutôt qu'au directeur général pour des motifs d'indépendance et d'absence même de perception de conflit d'intérêts. Cependant, on nous suggère de permettre et de demander même que le directeur général fasse partie du comité de vigilance. Est-ce que vous seriez d'accord avec cette modification?
M. Lavigne (Richard): L'implication de la direction générale d'un établissement, je pense que la COPHAN n'a jamais voulu la tasser, entre parenthèses. C'est juste qu'il faut aussi donner au directeur général la chance lui aussi de se protéger, si on peut dire, justement d'éviter de se faire dire: Tu fais ça parce que, on sait bien, tu es en conflit d'intérêts. Je pense que c'est en même temps ce que les directeurs généraux ont pu vous dire, le contraire s'appliquerait aussi, là, c'est de dire au directeur général: Tu n'es plus le seul responsable, tu partages tes responsabilités avec le conseil d'administration. Je pense que le directeur général, dans les faits, participe à peu près à tout, mais qu'il soit le seul maître à bord, ça, je pense que c'est dangereux pour le directeur général aussi, là. Je pense qu'on a vu des choses dans le passé ? moi, j'en ai vu, en tout cas, dans mes établissements ? qui justement faisaient en sorte que le directeur général était tellement impliqué, tellement tout seul dans sa barque que ça s'est reviré contre lui, ce qui n'est pas nécessairement bon non plus pour un établissement, là.
Je pense qu'il faut que le directeur général soit impliqué, que le conseil d'administration, qui a, entre autres, des citoyens, des usagers, soit lui aussi impliqué et que l'équipe... que le conseil ne se sente pas toujours comme étant: Oui, monsieur, oui... Tu sais, je pense que les gens ont... Ce n'est pas nécessairement facile, administrer un établissement, mais je pense que les gens, quand ils sont partie prenante, sont plus intéressés et ils font les suivis, et ça, ça ne va pas nécessairement à l'encontre des prérogatives de la direction générale, au contraire.
M. Couillard: Hier, nous étions visités par la Fédération des centres de réadaptation en déficience intellectuelle, et ils nous disaient qu'étant donné le faible volume de plaintes dans leur réseau le fait de demander l'exclusivité de tâches est, à toutes fins pratiques, impraticable, là, dans leur établissement. Donc, ils nous suggéraient des assouplissements et de permettre que les tâches du commissaire local soient enrichies d'autres éléments de tâches ayant rapport aux droits des usagers et la qualité des services.
Par ailleurs, dans le groupe de travail, on tenait beaucoup à cette notion d'exclusivité, mais elle semble présenter des problèmes pratiques d'application, notamment pour les établissements qui n'ont pas une très grande clientèle ou un très grand volume de plaintes annuel. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Lavigne (Richard): On a entendu ça aussi. Et, premièrement, il n'y a pas juste des jobs à 35 heures par semaine qui existent. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, on n'est pas obligé d'être commissaire aux plaintes pour juste un établissement. Les établissements se mettent ensemble pour bien d'autres choses, hein, ils peuvent engager quelqu'un 50 % pour un, 50 % pour l'autre. Moi, je pense qu'il faut absolument que ce commissaire ne soit relié qu'à cette question-là.
C'est sûr que, si on lui donne le pouvoir d'initiative, bien ça va lui faire un petit peu plus d'ouvrage aussi, hein? Puis je pense que c'est... Je l'ai entendu l'argument, mais il y a des manières de contourner ça pour qu'on ait une personne qui puisse être habilitée, et compétente, et intéressée pour la question de la gestion et le traitement des plaintes.
Maintenant, est-ce qu'on peut avoir une personne qui travaille 15 heures-semaine pour un établissement puis 10 heures pour un autre? Ça, je pense que ça existe dans la société d'aujourd'hui, là. Je pense qu'il y a de plus en plus de gens qui ont deux, trois jobs à temps partiel. Je ne vois pas de problème, non. Je pense que c'est un faux problème, quant à moi. Mais je comprends la préoccupation, mais je ne la partage pas.
M. Couillard: O.K., M. le président, merci. Pour ce qui est de l'accompagnement au cours du processus de plainte, le projet de loi permet l'accompagnement non seulement pour le processus de plainte, entre guillemets, habituel, mais également pour le processus de plainte qui a rapport au comité de révision puis au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Ça nous semble justement ? et c'était une recommandation ? être un progrès important. Qu'est-ce que vous voudriez qu'on ajoute en plus de cette possibilité d'accompagnement?
M. Lavigne (Richard): Vas-y, Michèle.
Mme Leduc (Michèle): On trouve effectivement que c'est vraiment une bonification que les CAAP puissent suivre la personne dans le... notamment par rapport aux médecins, dentistes et pharmaciens. Cependant, ce qui n'est pas assez clair, selon nous, c'est le choix, le libre choix de la personne. Est-ce que, moi, si je considère qu'une personne ou une autre association peut m'accompagner de meilleure façon parce que connaissant mieux ma déficience ou peu importe... On reste toujours aussi dans la réalité des personnes qui ont des limitations, mais c'est vrai aussi pour tout citoyen. Alors, c'est vraiment de laisser plus de... d'être plus clair quant au libre choix.
C'est assez clair en ce qui concerne les gens qui ont des problèmes de santé mentale, où ils pourraient référer à des organismes communautaires en santé mentale plutôt qu'aux CAAP, sauf que ce n'est pas clair pour tous les citoyens. Est-ce que toute personne aura la possibilité du choix de la personne ou de l'organisme qui l'accompagnera? Nous, on considère en tout cas que le projet de loi n'est pas assez clair à ce niveau-là.
M. Lavigne (Richard): Pour compléter aussi, si vous me permettez, c'est que ce qu'on sent depuis l'instauration des CAAP, qui font un bon travail, là, ce n'est pas ça l'idée... L'idée, c'est qu'on sent certains établissements ou certains intervenants qui semblent penser que c'est le CAAP ou personne, hein. Alors, d'une part, on vous demande de préciser que le libre choix... que le CAAP existe, il n'y a pas de problème, mais que la personne a son choix de se faire accompagner par qui elle veut.
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(11 h 20)
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L'autre avantage aussi qu'on voit, c'est la question de... Certains intervenants font, dans leur mission, de la défense collective des droits. Alors, la défense collective des droits peut aider à l'amélioration des services aussi. Alors, la personne qui fait affaire avec un organisme de défense collective des droits, par exemple, pour aller défendre ses droits ou défendre sa plainte peut faire bénéficier à lui-même et à l'établissement aussi d'appréciations générales, ce qui n'est pas nécessairement mauvais non plus, là. On comprend que la plainte est individuelle, mais, des fois, lorsqu'on peut se référer à d'autres... Si on a 50 fois la même plainte, bien je pense que l'établissement, il sera bien heureux de l'apprendre une fois tout de suite au lieu d'avoir 50 plaintes. L'objectif, ce n'est pas d'avoir le nombre de plaintes, hein? L'objectif, c'est de les régler, les plaintes.
M. Couillard: Merci. Pour ce qui est de la protection des renseignements, effectivement, ce qu'il faut également mentionner, pour les éléments où le consentement n'est pas requis, comme vous le savez, Mme Filion, déjà, dans la loi de santé et services sociaux, il y a plusieurs circonstances qui étaient un peu éparses où c'était codifié que le consentement n'était pas requis. On nous a recommandé de les regrouper, ce que nous avons fait, et on a également ajouté d'autres circonstances, dont le plan d'organisation de services individualisé, et c'est lui qui fait problème.
Cependant, on a été assez rapides, je pense, en commission, lors des propositions qui vous ont précédés, pour exprimer le fait qu'on était tout à fait ouverts à rendre plus explicite le consentement à la transmission de l'information au moment où on consent au plan de services individualisé. Je pense que je voulais échanger là-dessus avec vous pour dire qu'on est tout à fait prêts à faire une modification dans ce sens-là, tel que nous l'ont suggéré la Commission d'accès et le Barreau, entre autres.
Mme Filion (Nicole): Les représentations qu'on vous a faites ne concernent pas uniquement le plan de services individualisé, ça concerne aussi l'ensemble des dispositions où on retrouve le libellé que je vous ai lu tantôt. C'est-à-dire qu'aussitôt qu'un établissement réfère la personne pour qu'elle ait ses services soit par une entreprise d'économie sociale, un organisme communautaire, une ressource privée, si l'établissement estime que le renseignement est nécessaire à sa prise en charge, il va être transféré sans le consentement de la personne. Alors, ce n'est pas seulement dans le cadre du plan de services individualisé qu'on soumet le problème, c'est l'économie générale, là, qui est présentée dans le projet de loi pour modifier complètement la règle de consentement. Alors, nous, on n'est pas du tout d'accord avec ça.
On estime en plus... Bon, l'exposé que j'avais fait tantôt sur la modification des rapports entre les intervenants et la personne, on le faisait peut-être davantage dans le cadre du plan de services individualisé parce qu'on craint que, si on n'a plus à demander le consentement pour transférer les renseignements, il y a quelque chose qui échappe, là, à la personne qui va recevoir les services, elle n'a plus totalement le contrôle sur son dossier. Mais ça, c'était peut-être davantage sur le plan de services.
Mais, du fait qu'il va y avoir maintenant des ententes beaucoup plus formelles avec des organismes communautaires, un ensemble, là, d'intervenants sur le terrain qui vont faire des... qui vont être par contrat de services avec l'instance locale ? c'est un nombre incalculable, là, d'intervenants possibles ? la qualité professionnelle de ces intervenants-là va varier de façon considérable. La personne va perdre totalement le contrôle sur les renseignements personnels qui la concernent parce qu'on ne l'informera pas du transfert d'informations.
Concrètement, je ne suis pas certaine, moi, qu'une personne qui... Bien, je ne suis pas certaine... je suis certaine qu'une personne qui a peut-être eu un suivi en psychiatrie n'a pas besoin que la personne qui va venir faire le ménage chez elle, par une entreprise d'économie sociale, ait accès éventuellement à de l'information. Vous allez me dire: Ce n'est pas nécessaire à la prise en charge de la personne pour l'aide domestique dont elle a besoin. Qu'est-ce qui me dit, moi, qu'on va transférer seulement ce qui est nécessaire, si on ne demande plus mon consentement? Si ça doit se faire très rapidement, j'ai l'impression qu'il y a plein d'informations qui vont circuler. On sait que le dossier va être informatisé, ce qui facilite davantage... Ça pourrait même... L'informatisation des dossiers, ça peut être le meilleur des mondes comme le pire des mondes, hein, si on ne permet pas au départ à la personne d'avoir connaissance des transferts d'informations qui se font à son sujet. Alors, ce qu'on demande, c'est le moindre des liens à avoir, c'est au moins le consentement à cet échange d'informations là.
M. Couillard: Mais, là-dessus, M. le Président, on est tout à fait d'accord avec le fait de rendre plus explicite le consentement. Je vais encore répéter une chose importante: Personne n'a accès aux renseignements, les groupes communautaires, les partenaires n'ont pas accès à aucun renseignement, ces renseignements leurs sont transmis sur la base des services requis. Et je pense que c'est important, lorsqu'on... Il ne faut pas laisser véhiculer l'impression que les groupes communautaires, les entreprises d'économie sociale et les cliniques médicales peuvent aller piger ce qu'ils veulent dans le renseignement.
Mme Filion (Nicole): Ce n'est pas ce qu'on dit non plus.
M. Couillard: C'est important de bien placer ça en perspective, là.
M. Lavigne (Richard): Je pense que ce n'est pas ça dont on parle. On dit: Oui, ça, on comprend que l'information nécessaire sera transmise, il n'y a personne qui va aller piger. Mais, même à ça, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait que la personne soit au moins consentante: Est-ce que tu veux que je donne tel renseignement à tel organisme où je te réfère?
Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les personnes peuvent refuser, pour les raisons qui leur appartiennent. Si, moi, mon centre de réadaptation me réfère à un organisme de lecture de mes documents, il n'a pas besoin de savoir que j'ai eu telle maladie la semaine passée puis que j'ai eu tel... Tu sais, à un moment donné, il faut... C'est ça, le problème. Puis il y a certains organismes qui n'ont pas nécessairement aussi tout ce qu'il faut pour garantir la confidentialité, ce n'est pas tout le monde qui a la même notion. Alors, là, on multiplie l'accès, on multiplie les risques que les renseignements privés que je veux garder pour moi aillent ailleurs. Puis, dans le secteur privé, on ne sait jamais où ça peut se ramasser, là. Je veux dire, s'ils apprennent que je prends tel médicament, ils vont-u m'appeler pour m'en vendre d'autres? Je ne le sais pas. On ne contrôle plus rien, à un moment donné.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue au nom de l'opposition officielle, M. Lavigne, Mme Filion, Mme Leduc. M. Lavigne, vous êtes président la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec et vous avez eu l'occasion à maintes reprises, je pense, de venir en commission parlementaire défendre les droits des personnes handicapées. Je voulais d'entrée de jeu vous dire que votre mémoire est, comme toujours, très, très bien documenté et aborde à la fois le fond des choses et puis l'exercice pratique d'application.
Sur la question, disons, de ce qu'on appelle le fond des choses, vous nous dites, en page 25 de votre mémoire, toujours être en désaccord avec la loi n° 25. Ce projet de loi n° 83 en fait introduit dans la loi générale de santé et services sociaux notamment les deux projets de loi n° 25 et... surtout 25, là, qui a été adopté avec un bâillon. Mais vous nous dites, en nous rappelant qu'à l'article 99.5 l'actuel projet de loi n° 83 soumet les projets cliniques qui seront élaborés par les centres locaux... les soumet à des critères qui ne sont plus les grands principes de la loi canadienne qui introduit notamment la question d'accessibilité, de gestion publique, de gratuité, et autres. Et je comprends aussi qu'avec les modifications apportées à la loi l'ensemble des projets cliniques ne sont plus soumis à la grande politique santé bien-être qui avait été mise en place par le ministre Marc-Yvan Côté.
Alors, sur ces questions-là, je crois qu'il serait heureux de vous entendre, peut-être sur la nécessité d'introduire dans la loi québécoise, puisqu'il y a une refonte... Vous dites même dans votre mémoire, à un moment donné, que c'est une refonte majeure de la loi québécoise, une refonte «de fond ? dites-vous, à la page 6 de votre mémoire ? de cette loi fondamentale». J'aimerais vous entendre sur la nécessité d'introduire les principes sur lesquels le système sociosanitaire québécois doit asseoir ses interventions.
M. Lavigne (Richard): Bien, merci ? j'avais oublié de vous le dire. Alors, bien sûr que les cinq grands principes de la loi canadienne, pour nous, ça demeure très pertinent. Ce n'est pas pour le fun qu'on dit ça. La mise en place actuellement de la loi n° 25 continue selon nous à susciter des grands questionnements et à créer des grandes inquiétudes, notamment pour les services de maintien à domicile, les services à domicile.
Je pense qu'on n'aura pas besoin d'en parler tellement longtemps, vous êtes tous et toutes très conscients et conscientes que les problèmes pour la mise en place et l'offre de services de maintien à domicile ne s'arrêtent pas. Là, on est rendu que, avec certaines formules, on assiste à la qualité de services qui peut être très, très, très variable, et la quantité de services aussi, pour toutes sortes de raisons. Je pense que... simplement vous dire que notamment, en faisant appel à des organismes privés ou d'économie sociale notamment, il y a un roulement du personnel terrible, il n'y a pas de formation, les gens sont mal payés, les conditions de travail... En tout cas, bon.
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(11 h 30)
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C'est toutes des choses qui nous font dire: Écoutez, là, il faut faire attention parce qu'il s'agit d'un service majeur pour le maintien de toutes ces personnes dans leur milieu. Et je pense qu'on devrait, au même titre qu'on donne d'autres services, garantir à ces personnes-là une qualité et une offre de services qui correspondent aux besoins réels. Bon.
Pour ce qui est des grands principes qui sont énoncés, si je ne me trompe pas, dans la loi canadienne, pour nous, ça demeure la pierre angulaire du rôle de l'État à s'assurer de ça. Bon. C'est-à-dire que, si l'État décide de faire des choix quant à celui qui les donne, les services, il faut qu'il s'assure que la qualité est bonne, mais qu'il s'assure aussi que l'usager ne soit pas pris pour payer en quelque part en ce qui concerne... On finit par payer pour nos incapacités, pour nos limitations fonctionnelles, et là ça devient difficile. Déjà que les personnes handicapées collectivement ne sont pas très riches, pour ne pas dire pauvres, s'il faut qu'en plus de payer le loyer, la nourriture puis... il faut qu'il paie en plus de sa poche pour pouvoir continuer à vivre chez eux, à un moment donné, vous comprendrez que ça ne marche pas, là.
Et je vous parlais tantôt que souvent les gens doivent aller en CHSLD ou en centre d'hébergement, bien, c'est par dépit parce qu'ils n'ont pas le choix souvent qu'ils se ramassent là. Et c'est pour ça que j'insistais dès le début de notre intervention en disant: Écoutez, il faut surveiller ça. Il faut que ces établissements, ces organismes-là qui accueillent des personnes, il faut absolument qu'ils soient suivis, qu'il y ait un processus d'accréditation sérieux pour s'assurer que ces gens-là ne seront pas encore une fois ou malheureusement la cible de problèmes de fonctionnement ou de problèmes de qualité de services. Peut-être que Nicole pourrait continuer, par exemple, sur la loi canadienne, je ne suis pas un expert des lois du Canada.
Mme Harel: Non, mais je comprends de ce que vous nous dites... Incidemment, là, vous nous dites ? d'ailleurs, vous l'écrivez à la page 26 de votre mémoire ? que, pour ce qui est de l'hébergement privé, vous souhaitez qu'il y ait un contrôle de l'hébergement privé et non pas simplement, comme le propose le projet de loi n° 83, une certification facultative.
M. Lavigne (Richard): Nous, on voudrait que ce soit obligatoire parce que les gens sont... J'entendais, en fin de semaine, là, j'écoutais un petit peu la télé puis il y en a qui prétendent qu'il y a un choix, là. En tout cas, il y a peut-être des choix pour certains, je ne nie pas ça, mais, chez nous, dans nos organismes, il y en a un sapré nombre de personnes que ce n'est pas un choix qu'elles font là, là, elles sont obligées pour toutes sortes de raisons de se ramasser là. Alors, là, si ça ne devient plus un lieu de résidence choisi, ça devient une... ce n'est plus une alternative.
Et, nous, à la COPHAN, actuellement, on travaille justement sur ce dossier-là, on va vous en parler à un moment donné. Mais il faut qu'on trouve une manière que ces services d'hébergement là répondent aux besoins des personnes. Souvent, on met des personnes handicapées de 25, 30 ans dans un centre où il y a des personnes qui n'ont pas les mêmes âges. les mêmes intérêts puis les mêmes problématiques. Ce n'est pas comme ça qu'on voyait l'intégration, tout à fait.
Mme Harel: Ma collègue la députée de Rimouski aura l'occasion d'échanger avec vous, là, dans quelques minutes. Moi, je voudrais, en terminant, vous entendre sur la question des services. Les organismes qui représentent des personnes qui vivent des déficiences intellectuelles ou qui ont une problématique de santé mentale sont venus nous dire que la réorganisation des services actuellement pose problème au niveau régional. C'est-à-dire que c'est au niveau des centres locaux que les services de première ligne doivent être donnés, et le danger et l'inquiétude de plusieurs, c'est qu'il n'y ait pas des priorités, un peu comme vous le disiez tantôt, concernant... un groupe suffisamment important ? pas important au sens de l'importance de leurs difficultés, mais au sens du nombre, en fait ? qui interpelle finalement ces centres locaux pour exiger d'être dans les priorités cliniques, si vous voulez. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que vous croyez qu'il doit y avoir un arbitrage de l'agence régionale, qu'il doit y avoir maintien de services? Et comment est-ce que cela peut se faire dans le cadre de la décentralisation?
M. Lavigne (Richard): Je pense que c'est important qu'on laisse aux régions leurs initiatives. Il n'en demeure pas moins qu'au Québec il y a des couches de la population qui se retrouvent un peu partout, et ces personnes-là ont besoin et ont droit à des services pour répondre à leurs besoins, à leurs attentes et surtout pour leur permettre d'exercer leurs droits. Moi, je pense que toutes les agences régionales... ? je m'excuse, peut-être que je me trompe dans les termes, là ? en tout cas, les instances régionales doivent, tout en ayant le droit de faire des priorités, être sensibilisées de façon très importante, voire même avec des directives du ministère pour dire: Écoutez, là, peu importe ce que vous faites, là, mais, pour ce qui est des besoins particuliers de clientèles particulières...
Là, vous parlez des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, des personnes qui ont des déficiences intellectuelles, et j'imagine que d'autres pourraient venir nous parler d'autre monde, là, et je pense que c'est important que toutes ces personnes-là se sentent bien accueillies et surtout bien référées lorsqu'elles font appel aux services de première ligne, et ça, c'est très important, qu'on n'invoque pas la liberté régionale pour dire: Bon, bien, cette clientèle-là, cette année, tiens, on ne s'en occupera pas, là, on va passer à d'autres choses. Moi, je pense que tous les citoyens ont droit...
Et c'est souvent la référence de la formation et de la connaissance et surtout de connaître les bonnes instances, les bons organismes qui peuvent venir en aide à ces personnes-là sur un territoire donné. Et c'est peut-être là aussi, entre autres, qu'il y a un problème. Et souvent on insiste, nous, sur la capacité d'accueil, accueillir l'individu qui fréquente un service public. C'est sûr qu'il y a toute sorte de monde dans ce bas monde, et je pense que les gens d'accueil doivent avoir de la formation, connaître minimalement ce que c'est qu'une personne qui a une déficience et être capables au moins d'y répondre sans partir à courir, ou de le prendre pour une personne qui ne comprend rien, ou de le traiter de façon plus ou moins pertinente. Je pense que, au-delà des priorités régionales, c'est important que ça demeure... Nous, on a toujours eu peur de ça. On parle beaucoup d'équité entre les régions, mais je pense qu'il y a moyen de faire les deux, il s'agit juste que ce soit clairement indiqué par les gens qui donnent des directives aux régions.
Mme Harel: Alors, merci, M. Lavigne. J'ai pris bonne note, là, de l'échange que vous avez eu avec le ministre. Il y a une question dont il n'a pas été question encore, là, dans cet échange en commission, c'est le mécanisme de suivi du dossier des représailles exercées contre les usagers qui exercent des recours pour faire valoir leurs droits. Vous insistez dans votre mémoire sur cette question-là. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Filion (Nicole): Bien, ce que Richard a exposé tantôt, je pense que c'était assez clair, dans le sens suivant: C'est que, lorsqu'il y a des représailles qui sont exercées contre un usager par un intervenant parce qu'il a porté plainte, bien ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un mécanisme plus formel que ce qui existe actuellement pour assurer que la personne... Parce qu'on veut changer la culture, hein, on veut vraiment produire des effets significatifs dans les mécanismes de traitement des plaintes. Il y a eu des cas tellement graves d'abus. Il faut aussi que les personnes se sentent à l'aise de pouvoir manifester leur... exprimer leur plainte et acheminer le tout à qui de droit.
Alors, ce que, nous, on demande, c'est... On n'a pas... je ne pense pas qu'on a trouvé la formule idéale, mais je pense qu'avec les comités d'usagers il y aurait lieu de se pencher pour s'assurer d'un mécanisme beaucoup plus formel pour protéger les personnes qui portent plainte.
M. Lavigne (Richard): Pour compléter aussi, c'est qu'on parlait tantôt d'une exclusivité de fonction du commissaire local. Je pense que... Puis moi, j'ai été témoin personnellement de ce dont on parle actuellement, là: un usager qui s'est plaint qui a reçu un appel de l'intervenant. Ça aurait mérité une deuxième plainte, mais ça, là, une plainte... Je me plains parce que l'autre m'a chicané parce que je me suis plains, là, ça, ça commence à être compliqué pour un usager, là. Alors, l'usager, ce qu'il a fait, c'est qu'il a laissé faire pour avoir son service.
Si on avait quelqu'un à l'intérieur de l'organisme qui ne fait que ça et qui ne dépend pas justement de la popularité qu'il a auprès des autres, qui a quand même une liberté d'action, bien, la personne aurait pu l'appeler. Et le commissaire local aurait été plus à l'aise d'aller voir le supérieur ou la personne, dire: Aie, qu'est-ce que c'est ça, cette affaire-là? Il s'est plaint la semaine passée, puis là, on m'appelle qu'il se fait engueuler par la personne X parce qu'elle s'est plainte. Là, c'est comme tu reviens... Dans le cas dont je vous parle, c'est le DSP qui était comme le patron de la personne. Tu sais, tu es le patron de la personne, puis là tu vas... C'est difficile d'aller voir le patron de quelqu'un, dire: Je me plains contre ton employé. Les gens, ce n'est pas ça qu'ils veulent, ils ne veulent plus avoir de problème, ils ne veulent pas faire de trouble. Mais là, si la personne n'a pas de lien hiérarchique, c'est moins embêtant. C'est un des rôles qui fait qu'il faut que ce soit indépendant, ce poste-là.
Mme Harel: Écoutez, j'ai vécu une expérience, M. Lavigne, lors de l'hébergement de mon père en CHSLD, où ma mère se fait dire très gentiment par l'infirmière en chef sur l'étage: Vous savez, ce n'est pas nécessaire d'en parler à votre fille, là. Pourquoi est-ce que vous lui en avez parlé? Dans l'avenir, ce n'est pas nécessaire, venez nous voir, on va régler ça directement. Tu sais, ce n'est pas rien, là, quand même, hein. C'est la culture du traitement des plaintes qui doit se faire d'une manière plus transparente.
M. Lavigne (Richard): Je pense que l'objectif d'une plainte, il faut que les gens comprennent que ce n'est pas personnel. Souvent, les gens qui sont l'objet de plaintes ? en tout cas, de ce que j'en connais ? c'est des gens des fois qui ne connaissent pas certaines règles ou qui... Tu sais, ce n'est pas tout le temps des gens qui sont de mauvaise foi. Des fois, c'est des erreurs. Le droit à l'erreur, on dirait qu'il y en a qui ne reconnaisse pas qu'ils l'ont, ce droit-là, hein. Tu te plains contre un service, puis ils prennent ça personnel, comme dirait l'autre. Ce n'est pas ça, souvent.
Mais c'est pour ça qu'il faut qu'on dédramatise la question, et, s'il y a des problèmes de comportement, bien, disons-le, réparons-le, le problème. Puis il faut prendre des mesures. Parce que ce n'est pas tout le monde qui a la capacité de continuer à obtenir des services quand il se fait dire, comme vous disiez tantôt, là... Il y a bien des gens qui disent: O.K., je ne le ferai plus, tu sais. Mais c'est ça qui... Puis après ça on nous dit: Ah oui, on a des grands... J'ai un établissement qui dit: Nous autres, on a une satisfaction de 99,8 % de nos usagers. C'est super. Je comprends, si tu traites tes plaintes comme ça, il n'y a plus personne qui va se plaindre.
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(11 h 40)
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Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Rimouski.
Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Bienvenue, monsieur et mesdames. Je regarde à la page 23 de votre mémoire, et vous réclamez en quelque sorte un débat public indépendant par rapport à certaines questions que vous soulevez. Et je pense que là-dessus celles qui m'interpellent et sur lesquelles j'aimerais vous entendre, c'est que le fait qu'on ait la constitution de dossiers, qui va quand même servir à contrôler les plans de services et on va donner des plans de services dépendamment des diagnostics, vous vous posez la question: Est-ce que ça va contrôler le nombre de consultations d'une même personne à un établissement entre professionnels? Cette crainte-là, elle vous vient à partir de l'obligation du plan de services ou de d'autres éléments également?
Mme Filion (Nicole): Non, ça vient du moment où on informatise les dossiers et on regroupe. Là, ça va être sur une base régionale. Mais, à ce moment-là, les questions qu'on posait, c'était au moment de l'implantation possible d'une carte d'accès santé. Mais on peut transposer, les réflexions qu'on s'était faites, les questions qu'on avait posées à ce moment-là, on peut les transposer à tout le chapitre du projet de loi n° 83 qui propose d'instaurer un service de mise en commun, là, des dossiers informatisés au niveau régional.
On nous explique, dans le projet de loi n° 83, dans la présentation que le ministre en a fait en introduction du projet de loi, que c'est strictement pour des raisons cliniques qu'on propose la mise en place de ces services. Mais, à partir du moment où on collige des informations sur un dossier d'usager on peut se demander... en tout cas, on est en mesure de se poser des questions sur quelle pourrait être l'utilisation administrative de la mise en place de ces services-là.
On sait qu'il y a actuellement des recherches qui se font pour déterminer ce que sera le panier de services, par exemple, au niveau de la réadaptation, des services en réadaptation. On sait que l'équipe de chercheurs actuellement essaie d'établir une méthodologie pour avoir les profils types de personnes. Nous, on s'inquiète vraiment de la détermination d'un profil type parce que, on se dit, il y aura toujours quelqu'un qui ne sera pas dans le profil type. Il y a des personnes qui ont des multidéficiences, il y a des personnes qui n'ont pas seulement une déficience physique mais qui ont aussi un problème en santé mentale.
Alors, on se demande comment on peut simplement croire qu'avec une méthodologie comme celle-là, la définition de profils types pour arriver à un panier de services type pour... On a toujours l'impression que finalement il va falloir rentrer dans la bonne case pour avoir le bon service. Je sais que l'idée qui était au départ, c'était de tenter de rendre le plus uniforme possible l'accès aux services, mais il faut toujours aussi être capable de voir le mauvais côté possible de l'implantation d'une mesure. Alors, c'étaient des questions qu'on posait. Ce qu'on trouve... Hein?
Mme Charest (Rimouski): Avez-vous eu des réponses?
Mme Filion (Nicole): Bien, on n'en a pas parce qu'on les pose. Puis, quand on demande que les dispositions qui concernent la mise en place de ces services-là soient retirées du projet de loi n° 83 pour qu'on puisse avoir un échange de fond sur ces questions-là, pour s'assurer que le contrôle, ce n'est pas les intervenants qui l'auront mais vraiment la personne qui doit être au coeur des services qu'on veut lui rendre, qu'elle puisse avoir le contrôle là-dessus, bien on voudrait avoir un débat là-dessus. On a besoin aussi d'avoir de l'éclairage sur d'autres moyens que les moyens qui sont proposés.
M. Lavigne a expliqué au départ que le projet de loi n° 83 ? puis on n'est pas les seuls à venir vous le dire ? il y a 40 lois qui sont modifiées là-dedans. On a fait l'analyse plus pointue de certaines dispositions, mais ce serait faux de prétendre qu'on a passé au travers en profondeur de l'ensemble des dispositions qui sont proposées. Puis je sais qu'il y en a d'autres qui sont venus vous le dire.
Alors, ce qu'on demande là-dessus, parce que c'est quand même... on parle de renseignements qui nous concernent, mais on parle aussi de la possibilité d'une uniformisation peut-être, pas nécessairement à la faveur des intérêts des personnes qu'on représente, donc on parle d'uniformisation, mais on comprend mal comment ça va vraiment être le garant d'un plus plutôt que d'un moins au niveau des services cliniques. L'administratif des fois vient contrer aussi les avancées qu'on voudrait faire sur le plan clinique.
Mme Charest (Rimouski): Et ce que j'entends, c'est que vous avez des craintes que l'administratif prenne le pas sur l'aspect clinique.
Mme Filion (Nicole): Bien, c'est un moyen qui peut mener à ça, effectivement.
M. Lavigne (Richard): Dans le fond, ce qu'on veut, c'est d'avoir l'occasion d'en discuter, de regarder ça plus en profondeur compte tenu que cette loi-là est très, très importante. On trouve que c'est un pan qui devrait être comme mis de côté puis qu'on puisse en parler avant de le mettre en application.
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, Mme la députée, c'est tout le temps qui est imparti à cette audience. M. Lavigne, Mme Leduc, Mme Filion, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN.
Et j'invite immédiatement les représentants du Conseil des aînés à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): La Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Je ne veux pas trop vous bousculer, M. le président. Mais c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Conseil des aînés. M. le président Lalande, bonjour. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Et je suis, force des circonstances, très sévère dans l'attribution des temps. C'est suivi par une période maximale de 20 minutes en échange avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Conseil des aînés
M. Lalande (Georges): Alors, merci, M. le Président. Et nous tenons, dans un premier temps, à remercier le ministre et tous les membres de la Commission des affaires sociales de nous avoir invités à transmettre nos commentaires, nos réflexions et nos recommandations concernant ce projet de loi n° 83.
Ceux qui m'accompagnent, c'est M. le vice-président Jacques Demers, vice-président du Conseil des aînés, M. Demers qui a été à la FADOQ pendant plusieurs années, plus de 20 ans, donc qui sait de quoi on parle et qui nous surveille, au Conseil des aînés. Qui nous accompagne aussi, il y a M. Daniel Gagnon, M. Gagnon qui est gérontologue puis responsable au conseil pour la documentation et la recherche dans ce dossier. Il y a Mme Annie Michaud, qui est également gérontologue et recherchiste au Conseil des aînés.
Le conseil a été créé par la loi n° 84 en 1992, donc c'est relativement nouveau. Et la mission du conseil qui a été confiée par le législateur à cette occasion, c'est essentiellement de promouvoir les droits des aînés, leurs intérêts et leur participation à la vie collective québécoise. C'est également de conseiller le gouvernement via la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine sur toute question qui concerne les aînés, notamment sur la solidarité entre les générations, les fameux ponts intergénérationnels, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel.
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(11 h 50)
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Dans le cadre du projet de loi n° 83, certains l'ont souligné, mais c'est un projet de loi majeur tant par la quantité d'articles, 282 articles en tout, que par l'importance des interventions et des répercussions ou des impacts sur la santé et les services sociaux. Dans le cadre donc de ce projet de loi n° 83, le conseil, lui, ne se prononcera que sur deux aspects du projet de loi: d'une part, en ce qui a trait au mécanisme des plaintes, et, deuxièmement, en ce qui a trait aux certificats de conformité pour les résidences privées.
D'abord, le mécanisme des plaintes. Le conseil est très favorable à la proposition du projet de loi qui confie au Protecteur du citoyen le mandat préalablement dévolu au Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. Le conseil salue le fait que la protection d'un plus grand nombre de citoyens soit regroupée sous le même chapeau, d'autant plus que cela va relever dorénavant directement de l'Assemblée nationale, qui assure ainsi une plus grande garantie d'indépendance. Le regroupement du processus des plaintes auprès d'un seul responsable, en quelque sorte un guichet unique, est de nature pour nous à clarifier auprès des citoyens des lignes d'intervention qui méritaient d'être clarifiées.
Toutefois, notre conseil demeure interrogatif et même inquiet à l'égard de deux aspects de ce nouveau processus de plaintes. Le premier, c'est relativement à la question des ressources. À l'heure actuelle, le Protecteur des usagers est, à toutes fins pratiques, submergé par un nombre de plaintes et de dossiers à traiter, hein? Que l'on pense, en 2003-2004, le Protecteur des usagers a reçu 7 760 plaintes, et seulement 560 ont été traitées, ont été complétées.
Le seul fait pour nous de réorganiser la structure est peu susceptible d'améliorer le problème, à moins que l'on compte y ajouter des ressources et modifier le processus de traitement des plaintes. D'autant plus qu'il faut savoir que le réseau élargi des résidences privées est de nature à accueillir plus du double des citoyens hébergés dans le réseau public. Voyez-vous, le réseau public, c'est quelque 42 000 personnes, et le réseau privé, c'est quelque 80 000 personnes. Toutes ensembles, on parle à peu près de 120 000 personnes en tout. Le réseau public, c'est 312 établissements, et le réseau privé, c'est 2 500 établissements. Je comprends qu'il y en a beaucoup, là, de neuf personnes et moins, mais c'est quand même 2 500 établissements. En tout, là, on arrive avec un réseau de 2 800 établissements.
Le second aspect est davantage d'ordre juridique et relatif au champ d'application de la Loi sur le Protecteur du citoyen qui ne couvre actuellement que les ministères et organismes du gouvernement. À moins de modifications législatives permettant au Protecteur du citoyen ? dans sa loi constitutive probablement ? d'élargir son mandat au secteur privé, on risque de créer un imbroglio assurément non souhaitable. Ou bien alors veut-on convertir le réseau des résidences privées au réseau public, auquel cas le conseil aurait alors de fortes réserves. La question mérite cependant d'être clarifiée. Et j'aimerais, dans la foulée de cette question des résidences privées, souligner que la mise en place de comités de résidents pourrait être d'une grande utilité dans l'accompagnement d'un résident dans sa démarche de plainte.
En résumé, donc, le conseil est favorable à l'intégration du processus de plaintes du Protecteur du citoyen mais à la condition d'y adjoindre les ressources nécessaires tout en revisitant les processus de traitement des plaintes. Rappelons-nous qu'une plainte, au fond, c'est le stade ultime, c'est le dernier recours. Il faudrait trouver des interventions qui soient plus en amont. Et ainsi le rôle du commissaire de pouvoir agir, là, proprio motu, il nous apparaît tout à fait souhaitable qu'il soit ainsi mis en place et continué.
Mais actuellement les systèmes et les processus, les cultures sont différentes au Protecteur du citoyen qu'ils le sont au Protecteur des usagers. En quelque sorte, la culture et la façon de procéder du Protecteur des usagers va beaucoup plus en profondeur, est examinée par des personnes qui s'y connaissent dans ce milieu, des spécialistes donc dans ce domaine, et les interventions sont faites directement en rencontrant les personnes qui poursuivent les plaintes. Ce n'est pas le processus de fonctionnement du Protecteur du citoyen, qui est beaucoup plus léger, si je peux m'exprimer ainsi. On sait que le Protecteur du citoyen agit sur des plaintes au téléphone et souvent agit en référé, en référant aux ministères ou organismes le traitement de ces plaintes-là dans un premier temps et n'intervient que par la suite. Alors, on a un peu peur que, dans ce processus-là et compte tenu de la rareté des ressources dans laquelle on est, qu'on ait des tendances à choisir, à aller vers le processus du Protecteur du citoyen de sorte que ça amenuiserait la protection qu'on donne aux usagers.
Le conseil recommande par ailleurs le maintien du caractère privé du réseau de résidences privées tout en favorisant bien sûr vivement la mise en place de comités de résidences. Alors, voilà essentiellement pour le mécanisme, le mécanisme des plaintes. Et, bien sûr, dans notre mémoire, on va plus en profondeur que ceci. Et, à des questions que vous aurez tout à l'heure, je pourrai tenter d'y répondre, de même que M. Gagnon sûrement ou Mme Michaud.
Maintenant, le certificat de conformité pour les résidences privées. Le conseil a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'avantage indéniable de la certification des résidences privées. Il réaffirme donc aujourd'hui sa position à l'occasion de ce projet de loi et félicite le ministre d'ouvrir sur l'introduction d'un certificat de conformité pour ces résidences. Mais ici encore le conseil pense que, si l'objectif est bon, les moyens suggérés sont insuffisants en regard des aspects suivants. Le premier, c'est le caractère facultatif du certificat, le deuxième point, c'est les critères d'accréditation et le troisième, c'est l'évaluation et le contrôle du processus.
Alors, prenons le caractère facultatif versus, je dirais, le caractère obligatoire de l'accréditation. En 1995 et en l'an 2000, le conseil se prononçait déjà sur l'importance d'assujettir toutes les résidences à l'obligation d'obtenir un certificat d'opération. Le conseil croit toujours que, sans le caractère obligatoire d'accréditation, un nombre important de résidences continueront à héberger les aînés, des personnes humaines souvent fragilisées, dans des conditions de vie, dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences élémentaires d'une qualité de vie acceptable. Même s'il s'agit d'un pas important que ce projet de loi franchit en offrant la possibilité de certifier une résidence, nous sommes convaincus qu'un grand nombre de résidences continueront d'héberger les gens sans critère d'hébergement. Et pourquoi? Parce que la demande de résidences privées est plus forte que la capacité à accueillir. Et il est pour nous un peu illusoire de penser que l'obligation créée aux CLSC, par exemple, de ne devoir référer que dans des résidences accréditées va changer la situation actuelle.
En quelque sorte donc, les résidences qui opèrent sans certificat continueront de le faire parce qu'elles n'ont pas besoin de l'aide des CLSC ? j'allais dire pour remplir leurs chambres. Le conseil comprend l'étendue et les exigences d'une telle mesure. Et je peux vous dire qu'en tant qu'ancien sous-ministre et président d'organisme je sais très bien l'impact qu'il peut y avoir, là, à avoir un système qui est étendu d'accréditation. C'est pour ça que le conseil acquiescerait volontiers à une forme de certification légère comparable, par exemple, à un programme Roses d'or amélioré. Mais encore et à tout le moins, on pourrait à cet égard rassurer les aînés et leurs familles que ces résidences ont une protection de base applicable à tous.
Le deuxième point, c'est les critères d'accréditation. L'accréditation facultative prévue au projet de loi se limite exclusivement au volet santé. C'est déjà bien, mais, pour nous, ce n'est pas assez. Parce que qu'en sera-t-il de la qualité des services de soins, des services d'aide et d'assistance? Qu'en sera-t-il de la sécurité et de la protection contre les incendies, qui est un point important? Bien sûr que tout ceci n'est pas sous le chapeau du ministre de la Santé et des Services sociaux, mais voilà une occasion de l'élargir peut-être à d'autres ministères, d'autres organismes du gouvernement pour permettre, là, vraiment une intégration de services ou de support des soins.
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(12 heures)
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Alors, pour le conseil, un certificat d'accréditation devrait éventuellement couvrir ces trois aspects absolument nécessaires pour garantir l'étanchéité du système, soit la qualité du bâtiment, la qualité des services de soins, d'aide et d'assistance, et la qualité de la sécurité et protection contre les incendies.
Le troisième point concerne l'évaluation et le contrôle du programme d'accréditation. Cet aspect est bien sûr considéré à l'article 128 du projet de loi. À 128, on parle de contrôle et de vérification mais cependant sans autre forme de soutien. On risque fort encore une fois, nous semble-t-il, d'avoir l'ambition sans les moyens. Excusez-moi.
Rappelons-nous qu'une enquête dans 47 CHSLD, les centres d'hébergement et de services de longue durée, a mis en évidence que la formation et le soutien sont les deux éléments les plus importants pour obtenir des services de qualité dans les milieux d'hébergement. D'ailleurs, un document de réflexion du CAP ? le CAP, le comité aviseur provincial du programme Roses d'or ? dont le conseil fait partie, propose à cet égard un modèle de processus d'appréciation par un organisme indépendant pouvant consulter les résidences concernant la qualité de vie, de sécurité des incendies, et tout, accompagner les résidences dans le processus d'amélioration de la qualité et dispenser une formation continue du personnel.
Enfin, l'article 128 du projet de loi demeure vague sur le mécanisme même de l'émission d'un certificat en l'absence d'un règlement à venir, mais on comprend très bien qu'il y a un pouvoir habilitant qui est créé là, où il pourra y avoir un règlement qui viendrait préciser les critères d'accréditation.
Bref, si le conseil applaudit à la mise en place d'un processus d'accréditation, il considère cependant que de l'assortir du caractère facultatif proposé n'aura que peu d'effets sur la situation actuelle, que l'on veut pourtant changer. Peut-être même aurons-nous un effet contraire en créant l'illusion d'une meilleure protection des personnes en résidence, alors que la plupart, une très grande partie des résidences en tout cas, continueront d'être exclues du processus de certification.
Le conseil recommande donc que le processus de reconnaissance des résidences privées avec services pour les aînés soit obligatoire et opéré par un organisme indépendant; que les critères de certification éventuellement recoupent l'appréciation de la qualité de la vie, la qualité des services de soins et la protection du bâtiment contre les incendies et qu'un mécanisme d'évaluation et de contrôle soit mis en place. Sans mécanisme d'évaluation et de contrôle, sans examen, on risque fort de vouloir faire beaucoup mais d'obtenir très peu. Ainsi donc le conseil applaudit à ces mesures du projet de loi relativement aux plaintes et aux certificats de conformité, mais il met certains bémols en ce qui a trait à ce que j'ai tenté d'exprimer, là, succinctement.
J'ajouterai enfin, M. le Président, que le Conseil des aînés partage l'inquiétude de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse concernant les fissures introduites par le projet de loi jusqu'à un certain point ? et l'organisme qui nous a précédé en a fait largement part ? à l'égard de la confidentialité et des renseignements personnels des personnes en résidence, notamment à l'égard du consentement de la personne impliquée qui, dans plusieurs cas, n'est plus requis. Toutefois, après avoir écouté les explications du ministre, c'est sûrement de nature à rassurer et à faire en sorte que... Mais ce danger de protection, d'une mauvaise protection des renseignements est toujours constant et il faut être absolument alerte à ceci.
Enfin, je voudrais attirer votre attention. Le conseil, à la fin de son mémoire, aux pages 9 et 10, a cru bon de vous faire part de sa réflexion relativement à l'importance du maintien et même du renforcement du réseau des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Cependant, comme cela ne s'inscrit pas dans les paramètres du projet de loi proprement dit, je m'abstiendrai de le commenter davantage, mais c'est quand même là un son de cloche qu'on voulait vous donner, que pour nous ça devient une balise absolument essentielle que les CHSLD, là, demeurent et même soient renforcés. Alors, voilà pour l'essentiel, M. le Président. J'ai respecté le temps?
Le Président (M. Copeman): Avec un peu de lousse, mais... Avant que vous le preniez, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Lalande, M. Demers, M. Gagnon et Mme Michaud. Effectivement, nous sommes tout à fait disposés à renforcer et colmater les fissures auxquelles vous faites allusion pour ce qui est du consentement explicite à la transmission de renseignements, notamment lorsqu'on se déplace à l'extérieur de l'établissement public qu'on a mentionné à plusieurs reprises, et ce n'est pas important de le répéter.
Merci pour votre présentation et votre rôle également dans la société et par rapport au gouvernement. Vous êtes probablement au courant du forum franco-québécois qui est devant nous au mois de mai, dont le thème principal sera l'impact du vieillissement. Mais, au-delà même du système de santé sur la société en général, j'ai vu des éléments du programme préliminaire, et ça me semble très prometteur, et je pense que ça va être très éclairant pour notre population.
J'irais directement sur la question du certificat de conformité parce que je pense que c'est une question des plus importantes pour votre organisme et également pour le ministère. Je dois dire que, suite aux nombreuses recommandations puis aux présentations qu'on a eues en commission, je dirais que mon opinion commence à se former et, pour employer un terme qui a déjà porté à confusion, à se cristalliser autour de cette question ? il faut bien connaître le sens des mots, hein, ça m'apparaît tellement important.
Vous avez raison, puis d'autres l'ont dit également, le problème, dans toute cette dynamique de résidences privées, c'est le déséquilibre offre et demande. Je veux dire que, si on était dans une situation où l'offre est très supérieure à la demande, ce genre de mécanismes là seraient amplement suffisants. Bon. On n'est pas dans la situation où l'offre dépasse largement la demande. C'est plutôt le contraire. Donc, on est dans une situation différente. Mais je dirais cependant que, pour cette raison, d'aller vers un processus de certification obligatoire risque d'avoir l'effet contraire à ce qu'on veut poursuivre. Et je vais me servir là-dessus du précédent du registre.
On a fait une loi, il y a deux ou trois ans, qui était un bon départ, où on disait: Bien, au moins, on va faire un registre où les résidences seront obligées de s'inscrire. Qu'en est-il deux, trois ans plus tard? On le sait, ce n'est pas par mauvaise intention initiale, la réalité, c'est qu'il y a beaucoup de résidences qui ne sont pas inscrites au registre, et, en raison même de ce déséquilibre entre l'offre et la demande, ce qu'on a, donc, c'est un phénomène de clandestinité qui existait déjà, là, qu'on n'a pas créé avec le registre, mais qui devient plus apparent avec le registre. Et ce n'est pas nécessairement une clandestinité de mauvais aloi et signe de mauvais services. On avait des gens des OSBL hier avec nous, clairement les gens ne sont pas informés encore de la nécessité de s'inscrire, et c'est une des explications du phénomène.
Alors, moi, je commence à être pas mal convaincu, disons, que, même si on peut satisfaire notre besoin de montrer qu'on fait un processus plus large et qu'on met en place un processus soit disant obligatoire de certification, le résultat va être exactement le même parce que justement, il y a ce déséquilibre entre l'offre et la demande. On a beau dire qu'il faut que la certification soit obligatoire, en raison de ce phénomène, les gens vont y échapper ou les résidences vont y échapper de la même façon qu'ils ont échappé au registre.
Hier, dans l'échange qu'on a eu avec la Protectrice des usagers, on a eu, je crois, une avenue beaucoup plus concrète et pratique d'améliorer ce problème-là. Parce que, M. Lalande, vous-même vous avez été dans l'administration publique pendant de nombreuses années et les collègues également, il n'y a rien de pire que d'annoncer un programme qui a de nobles intentions et des visées d'amélioration de services et se rendre compte rapidement que ça ne répond pas ni à la capacité de l'organiser ni aux besoins qu'on voulait remplir.
Alors, voici ce qu'on a entendu et ce qu'on a raisonné hier avec la Protectrice des usagers. C'est que, si on maintient d'une part le caractère, bon, facultatif ou... ? le mot, d'après mot, n'est pas très bien choisi parce qu'il est obligatoire si on reçoit une référence du réseau de la santé et de services sociaux ? mais qu'on y ajoute le pouvoir d'initiative et de regard du Protecteur ou de la Protectrice des usagers dans toutes les résidences privées, s'il y a raison de croire qu'il y a des activités qui normalement devraient nécessiter permis qui s'y déroulent ou raison de croire également, suite à des signalements des citoyens, que les droits des personnes sont bafoués, cette intervention a lieu. Elle pourrait mener à quoi, en pratique? À l'obligation que le certificat soit émis, à l'obligation de transférer immédiatement des personnes dans un milieu plus approprié compte tenu de la lourdeur de leur perte d'autonomie ou à des mécanismes correctifs plus ponctuels.
Alors, il me semble que, si on se fixe sur le résultat à atteindre, quel est le résultat qu'on veut atteindre? C'est que le milieu des résidences privées soit de plus en plus encadré et que les activités qui s'y déroulent qui devraient normalement être du ressort du réseau de la santé et des services sociaux soient dépistées et les abus des droits, d'atteinte aux droits corrigés.
Moi, je suis de plus en plus ? je m'excuse de ce long préambule, j'essaie de vous montrer le raisonnement que je poursuis ? je suis rendu presque... on n'est jamais totalement convaincu, il faut toujours laisser de la place à la discussion, mais je suis rendu presque convaincu que, si on allait vers un mécanisme de soi-disant certification obligatoire, on satisferait notre besoin instinctif de montrer qu'on fait quelque chose de plus important que ce qui était initialement prévu, mais, en termes concrets et pratiques, rien ne changerait, à moins qu'on ait d'autres mécanismes comme ceux que j'ai mentionnés.
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(12 h 10)
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Le Président (M. Copeman): M. Gagnon... M. Lalande.
M. Lalande (Georges): Oui, oui, je vais passer la parole à M. Gagnon, mais je comprends très bien, là, la démonstration que vous nous faites là. Toutefois, là, dans la pratique, les familles, compte tenu de ce déséquilibre entre l'offre et la demande, les familles vont continuer à référer directement ou à rechercher, que ce soit dans les annonces dans les journaux ou autrement, du bouche à oreille, dans des campagnes, un peu partout, à placer leurs parents ou à placer les gens dans des résidences qui, pour une raison ou pour une autre, n'auront aucun lien... où les CLSC, où personne n'aura de pouvoir de regard là-dessus, sauf si une plainte arrive. Or, vous savez ce que c'est, des plaintes, pour des personnes... des aînés... Les personnes aînées, une des caractéristiques qu'elles nous amènent après un certain temps, c'est cette peur qui commence à habiter les gens, peur de dire, peur de réagir, d'interdire à leurs enfants de faire des plaintes, et tout ça. Donc, on n'aura pas l'occasion d'aller saisir certains problèmes qui se passent dans ces résidences-là.
Et vous savez aussi comment ça se passe. Dans un premier temps, on place ses parents, ils sont autonomes, tout fonctionne très, très bien, mais, au fur et à mesure des années, bien il y a un processus qui s'alourdit, il y a des limitations qui s'installent, etc. Donc, vous vous retrouvez souvent dans des résidences, surtout les neuf résidents et moins, où vous allez vous retrouver avec des gens, deux, trois, quatre, des cas qui seront de plus en plus lourds mais qui sont là et aucun critère pour nous assurer d'une protection qui est minimale.
Encore une fois, je comprends, là, l'impact, et c'est vrai que d'annoncer des intentions, de dire qu'on va faire quelque chose puis ne pas être capable de livrer la marchandise, comme on dit, c'est peut-être pire encore que de ne rien faire. Toutefois, ce que le conseil se dit, il existe actuellement le programme Roses d'or que vous connaissez bien, qui pourrait être amélioré quelque peu, qui est lourd... qui n'est pas lourd, qui est léger, et qui est très léger, et qui est opéré pour l'essentiel par du personnel qui est bénévole ou qui ne coûte pas très, très cher. Mais au moins on s'assurerait qu'on a un recensement de toutes les résidences, quelles qu'elles soient, et qui nous permettrait au moins d'avoir une protection minimum. Peut-être que M. Gagnon pourrait rajouter là-dessus.
M. Gagnon (Daniel): Merci. M. le ministre, vous avez mentionné, vous avez fait un comparable avec le registre qui existe et puis vous avez absolument raison. Ce n'est pas parce qu'on fait une loi qu'on la respecte nécessairement. Ce qui manque au registre, c'est ce qui pourrait manquer à un système d'accréditation qui n'est pas bien organisé, c'est-à-dire un suivi, un soutien et un contrôle. Pour ce qui est du registre, c'est la même chose, s'il n'y a pas de suivi de la part de l'instance principale qui est le ministère de la Santé et des instances régionales, un suivi, un soutien et un contrôle, c'est sûr que le registre va avoir des failles. Donc, c'est évident que, pour avoir un registre qui réponde aux attentes qu'on avait au départ en le créant, il faut qu'il y ait un suivi, un soutien et un contrôle.
Je m'amuse des fois à dire que, si on avait juste instauré des limites de vitesse sur les autoroutes à 100 km mais qu'on n'en avait fait aucun contrôle, vous pouvez être sûr qu'on roulerait à 200 puis à 220 km. C'est la même, même chose pour ce qui est de toute loi qu'on met en place qui demande un suivi, un soutien et un contrôle, et ce serait la même chose si on instaurait un mécanisme obligatoire d'accréditation, d'agrément, peu importe, des résidences. Donc, il faudra, il faudra nécessairement se doter d'un mécanisme de suivi, de soutien et de contrôle.
Le Président (M. Copeman): M. Demers, je pense, veut ajouter quelque chose.
M. Demers (Jacques): Oui. Pour avoir travaillé personnellement sur le terrain avec le programme des Roses d'or pendant cinq ou six ans, la grosse objection qu'on nous disait: Vous êtes qui pour avoir cette crédibilité en tant qu'organisme pour venir nous voir et vous prononcer sur une, ou deux, ou trois roses ou pour nous dire qu'au point de vue qualité de vie ce n'est pas comme ça devrait l'être? Alors, je pense que le fait de mettre ça obligatoire donnerait à cet organisme-là, peu importe lequel, là, une certaine crédibilité et un pouvoir parce que, là, il serait obligé à ce moment-là. Et, pour l'organisme, bien c'est sûr qu'il va arriver là et dire: Bien, écoutez, là, j'ai quand même en arrière de moi un certain pouvoir de faire ceci ou cela et d'arriver à une certaine évaluation ou appréciation.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre.
M. Couillard: Merci. C'est une discussion intéressante. Personnellement, puis je pense que c'est le cas de la plupart sinon de la totalité des collègues, il faut comme société avoir une aversion profonde sur les changements de façade, c'est-à-dire que: Voici, on fait ça, on a réglé le problème, on a dit on a mis un article de loi, certification obligatoire pour les résidences privées, puis voilà le problème est réglé. Vous savez très bien le résultat de ça, là, deux, trois ans plus tard, on se rend compte qu'il n'y a rien qui a été réglé.
Prenons la suggestion que vous faites, vous dites... La solution au problème que je soulève, qui est un problème d'incitatif ? parce que je vais vous reposer la question ? même ce que vous suggérez, en raison du déséquilibre de l'offre et de la demande, c'est quoi, l'incitatif pour la résidence X d'adhérer à ce programme-là, même si on dit dans la loi qu'il est obligatoire, avec les précédents que vous connaissez? Ça, c'est le premier obstacle.
Deuxièmement, c'est toujours la question des ressources. Ça existe, les ressources, les limites de ressources. D'ailleurs, la loi de santé et de services sociaux les reconnaît, puis c'est un article qui n'a jamais été modifié par aucun gouvernement qui s'est succédé. Les droits, les obligations sont toutes assujetties aux ressources disponibles en termes financiers, ressources humaines, etc. Alors, encore une fois, là, ma crainte, c'est que, pour bien faire, pour montrer une volonté de faire mieux, on mette sur pied quelque chose qui ne sera pas appliqué correctement où il n'y a pas d'incitatif pour l'adhésion des résidences privées et qu'on se retrouve, dans deux ans, dans un total discrédit comme société en général parce qu'on aura fait finalement un changement de façade.
Alors, je voudrais aller plus loin dans le scénario que vous nous proposez. Ce que vous nous dites finalement, c'est: Restons avec le programme Roses d'or, qui n'est pas un programme très lourd, effectivement vous avez raison, ce n'est pas un programme très lourd, et disons, dans le projet de loi ? on ne dira pas dans le projet de loi parce qu'on ne devrait pas nommer, je crois, un programme x dans le projet de loi, on peut le faire par règlement ou par contrat ? disons donc, c'est l'essentiel de votre suggestion: Le gouvernement doit rendre obligatoire ou rend obligatoire la certification par un organisme connu pour toute résidence privée. O.K. Mais, une fois qu'on a dit ça, là ? je reviens à mon incitatif ? c'est quoi, l'incitatif dans un état de déséquilibre de l'offre et de la demande pour la résidence privée, de l'autre bord de la rue, de le faire?
M. Lalande (Georges): Bien, écoutez, il y a une sanction importante à ça. S'il y a une obligation qui est créée d'avoir une certification, d'avoir un certificat de conformité et qu'une résidence accueille des citoyens sans cela, bien, là, c'est la décertification et c'est les poursuites éventuelles. Vous avez le droit, vous avez le droit ou non, tu sais. C'est parce qu'il faut toujours se rappeler que ces gens-là... c'est contre rémunération qu'il y a des gens qui y sont. Alors, on comprend très bien qu'on ne peut pas tout couvrir en même temps, mais on a, de façon très claire, comme incitatif ? parce qu'on y revient à cela ? cette sanction extrêmement lourde de quelqu'un qui opère puis qui se fait enlever... qui se fait vérifier et qu'après vérification on se rend compte qu'il opère sans certificat, bien, là, il y a des poursuites qui peuvent être faites, poursuites civiles, etc., donc qui vont inciter les gens lentement à entrer... surtout si le programme n'est pas lourd, où la plupart des gens, avec un peu de bonne foi, sont capables d'y adhérer et, avec un peu de ressources, sont capables d'y adhérer. Ce serait la proposition d'y commencer.
Par la suite, on pourrait peut-être renforcer pour toucher les aspects de la protection des incendies, et tout ça, mais, dans un premier temps, au moins... Parce qu'il y a une espèce d'inquiétude de fond que les gens, les enfants ou parents... Enfin, nous, dans le cas, c'est souvent les enfants qui réfèrent les parents. Mais on n'a aucune espèce de certitude ou enfin de base, de commencement de preuve par écrit, comme diraient les avocats, qui nous fait croire que les personnes vont avoir les services au moins de base. Enfin. Peut-être que vous avez quelque chose à rajouter.
Le Président (M. Copeman): Brièvement, M. Gagnon, s'il vous plaît.
M. Gagnon (Daniel): Oui. Juste un élément. Si on prend le programme uniquement sur un modèle de certification, ou d'accréditation, ou d'agrément, c'est sûr que les incitatifs peuvent être plus réduits. En le rendant obligatoire et en mettant des mesures pour assurer un suivi et éventuellement enlever le droit de pratique, c'est un élément. Mais il y aurait aussi une autre avenue, c'est-à-dire de faire cette démarche avec un caractère formatif, c'est-à-dire d'accompagner les propriétaires de résidences et le personnel pour qu'ils améliorent le service. Ce qu'on vise dans le fond, ce n'est pas de dire: Tu fais bien ou tu fais mal, ce qu'on vise, c'est l'amélioration des services donnés directement à la clientèle. Et, en amenant ça sous un processus formatif, on risque peut-être d'intéresser les propriétaires de résidences. Parce que les abus qui se font souvent, ce n'est pas par malveillance, c'est par méconnaissance, surtout avec des clientèles qui présentent des déficits cognitifs importants, puis c'est de plus en plus la clientèle qu'on retrouve dans ce réseau privé là aussi, comme on l'a vécu depuis 15, 20 ans dans le réseau public. Donc, amenons ça plus en accompagnement des résidences dans un processus formatif et en même temps en un agrément de leurs services, peut-être qu'on va intéresser des gens.
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(12 h 20)
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Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de condition... pardon, et de condition des aînés.
Mme Harel: De condition des aînés. Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureuse de vous accueillir, M. le président du Conseil des aînés, M. Lalande, M. Demers, M. Gagnon et Mme Michaud. Alors, je vais vous révéler des secrets que seuls M. Lalande et moi connaissons: il m'a mariée, il m'a mariée, comme officier d'État civil, au palais de justice de Saint-Jérôme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lalande (Georges): ...l'hiver, ça, là.
Le Président (M. Copeman): ...plus chaud momentanément.
Mme Harel: Et puis l'autre secret, c'est que je l'ai démarié du comté d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Lalande (Georges): ...c'est ça, voilà.
Mme Harel: En 1981, c'est ça. Alors, je n'en attendais pas moins du Conseil des aînés. Je considère que vous êtes tout à fait fidèles à l'engagement que le Conseil des aînés a toujours témoigné à l'égard des aînés du Québec, qu'ils soient très autonomes ou qu'ils soient en perte d'autonomie. Alors, dans le mémoire que vous nous présentez, je pense qu'il y a un élément qui est sous-jacent, qui s'appelle la volonté politique. Et vous l'avez bien défini par trois mots, M. Gagnon: suivi, soutien, contrôle. Suivi, soutien, contrôle.
Voyez, par exemple, le registre. Le registre, c'est une loi qui a été adoptée, je crois que c'est en juin 2002. Cela faisait partie, si vous vous rappelez, du plan triennal des aînés, du... J'ai fait sortir mes documents. Je me suis toujours intéressée au dossier, vous le savez. Alors, ça faisait partie du plan d'action 2001-2004 et ça comprenait trois choses: la condition du registre des résidences privées devait suivre les normes et réglementations des résidences privées et devait suivre l'appréciation de la qualité des résidences privées. Ça, c'est le plan, le premier jalon étant en juin 2002, la constitution du comité interministériel pour élaborer les normes et réglementations des résidences privées ayant été faite et les rapports devant être prêts pour 2003, à l'automne, si vous vous rappelez bien, et puis ensuite l'appréciation de la qualité des résidences.
Mais il faut vouloir appliquer, il faut vouloir l'appliquer. Par exemple, le registre, bien, il y a des dispositions pénales. Et, quand le ministre demande: Quel est l'incitatif?, c'en est un, hein. Pourquoi on ne dépasse pas les limites de vitesse? Parce qu'on a peur d'avoir une contravention. Alors, tant qu'il n'y a pas application ? ça fait deux ans ? s'il n'y a pas application d'une disposition pénale, c'est bien évident que le tam-tam... Hein, parce que c'est beaucoup le tam-tam qui transmet l'information dans notre société. Bien, le tam-tam ne dit pas qu'il faut aller au registre. Alors, premier problème.
Deuxième problème, l'incitatif, c'est le même incitatif que pour n'importe quel débit de boissons d'avoir un permis d'alcool, c'est de ne pas pouvoir opérer si on n'a pas de permis. C'est l'incitatif. Ça vaut pour les dépanneurs, ça vaut pour les bars, puis ça ne vaut pas encore pour les résidences de personnes âgées en perte d'autonomie.
Alors donc le registre, c'est un premier jalon, encore faut-il l'appliquer. Le deuxième jalon, c'est l'établissement des critères sociosanitaires que le ministre nous a annoncé pour publication dans la Gazette. Puis le troisième jalon, bien, c'est l'application des critères sociosanitaires. Je pense que c'est là la séquence.
Et c'est bien évident qu'il y a quelque chose de bon dans ce que le ministre a annoncé tantôt, là. Je prends pour acquis que la loi va être modifiée dans le sens où vous en parlez aussi dans votre mémoire, pour donner au Protecteur des citoyens la possibilité, puisqu'il va intégrer le Protecteur des usagers, de continuer le traitement des plaintes dans le privé. Mais ça, c'est une amélioration du service de plaintes, ce n'est pas une amélioration des services aux aînés. Parce que sinon on s'en tiendrait là tout le monde, il n'y aurait pas dans la loi des dispositions concernant les traitements... les soins pour la longue durée et pour les personnes âgées qui sont en perte d'autonomie, comme on a dans le projet de loi. On laisserait dans le public, dans le privé conventionné comme dans le privé, le Protecteur des usagers, devenu adjoint du Protecteur des citoyens, traiter des plaintes. Mais ce n'est pas ça que l'on fait dans le public ni dans le privé conventionné et ce n'était pas ça qui était prévu non plus dans le plan d'action 2001-2004 à l'égard des personnes aînées. Bon. Alors, ce serait un changement incroyable.
Hier, mon adjointe m'a sorti... J'ai commencé à lire les discours qui ont été faits par à peu près tous les collègues du ministre, les discours qui ont été faits en mai 2002, au moment où était adoptée la loi du registre, où on disait que c'est un premier jalon, là, tout ça, là-dedans. Mais les discours pour dire: Ce n'est pas assez, puis il en faut plus, puis il faut une certification obligatoire... J'ai des discours, mais tellement convaincants, notamment de Mme Bélanger ? je nomme son nom parce qu'elle a quitté ? de M. Russell Williams, mais de tous les autres, là, de l'actuel ministre de la Justice et tous, tous, tous les autres.
Une voix: ...
Mme Harel: Oui. Mais j'espère que ça va convaincre le ministre lui-même. Mais ça l'était dans le sens où il était convenu, là ? j'ai tout retrouvé ça là-dedans ? que c'était un premier jalon. Alors, tous ses collègues disaient: C'est un premier jalon, mais il faut en faire un deuxième tout de suite. Le ministre disait: C'est un premier; le deuxième suivra et le troisième. Là, ce que je comprends, c'est que le ministre actuel dit: Je vais essayer d'éviter qu'il y en ait un deuxième jalon, je vais essayer de passer à côté.
Alors, j'apprécie que le Conseil des aînés maintienne ses positions. Vraiment, je trouve qu'il y a là une grande maturité, dans une société, quand on peut compter sur des conseils ? statut de la femme, ou aînés, ou autres ? qui sont des conseils indépendants.
Le Président (M. Copeman): Avant de susciter vos réactions, je présume, il y a consentement pour dépasser de quelques minutes 12 h 30. Très bien. Alors, qui parmi vous aimerait... M. Demers, allez-y.
M. Demers (Jacques): Oui. Jusqu'à présent, on a parlé d'incitatifs pour les propriétaires de résidences, mais on a oublié que l'aspect obligatoire est un incitatif aussi pour les résidents et les futurs résidents qui vont aller dans des résidences d'hébergement privées parce que, là, on va s'assurer qu'il y a un minimum de qualité de vie qui est donné dans chacune des ces résidences-là. Autrement, on peut aussi bien tomber dans une résidence qui va donner des services à moitié puis, après ça, bien, les plaintes arrivent, et tout ce que vous voulez. Alors, il faut regarder aussi l'incitatif du côté des résidents et futurs résidents.
Le Président (M. Copeman): M. Gagnon.
M. Gagnon (Daniel): Il faut bien comprendre que la proposition qui est actuellement sur la table d'avoir un processus obligatoire mais uniquement sous le volet, si on veut, du programme Roses d'or amélioré est un minimum.
Comme M. Lalande l'a mentionné, ce n'est pas parce qu'on a une qualité de vie et une qualité de services que la notion de sécurité, de sécurité incendie, de bâti et de qualité des relations humaines est pour autant évaluée, validée. Donc, pour nous autres, c'est évident qu'il devra y avoir d'autres pas. Mais ces pas-là n'appartiennent pas nécessairement au ministre de la Santé, ils appartiennent à d'autres ministres qui doivent s'impliquer dans cette démarche-là.
Donc, pour nous, le premier pas, ce ne serait pas une notion de commissaire aux plaintes élargie mais plutôt une base obligatoire d'appréciation sur certains éléments. Et la deuxième étape, ce sera quand les municipalités embarqueront dans le processus et aussi, je l'espère, en même temps la Sécurité publique. Donc, le premier pas, c'est de le rendre obligatoire sous certains aspects qui touchent beaucoup plus qualité de vie et soins et services. Il me semble.
Mme Harel: Oui. Alors, justement, à la page 5, là, de votre mémoire, vous abordez ces questions de travail concerté avec le ministère des Affaires municipales et le ministère de la Sécurité publique, entre autres, hein, bon, sur des questions relatives à la sécurité incendie pour le bâtiment. Ensuite, vous dites: La qualité des soins et assistance puis la qualité de vie.
La FADOQ est venue nous faire une présentation en disant: On n'est pas équipés pour évaluer la qualité de soins. La qualité de soins qui sont donnés, est-ce que ça nécessite une heure-soins, deux heures-soins, trois heures-soins? Si on va dans une résidence privée et on se rend compte que la personne nécessiterait trois heures et demie de soins puis qu'elle devrait être dans un CHSLD, nous, on n'est pas équipés.
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(12 h 30)
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Vous savez que la loi prévoit l'obligation d'obtenir un permis si on offre des soins équivalents à ceux d'un CHSLD. Alors, la FADOQ dit: Nous, on n'est pas équipés pour évaluer si la personne reçoit les soins qui sont requis à l'article 346.0.1 de la loi actuelle, qui n'est pas modifié. Alors, c'est pour ça que Roses d'or se dit: Nous, on serait prêts à collaborer mais plus sur le volet qualité de vie, hein. Mais il faut mettre en branle le volet qualité de vie mais aussi les autres volets. Alors, moi, je pense que ce qu'on a besoin de connaître, ce sont justement les résultats des travaux qui ont été menés par le Secrétariat des aînés et les ministères et organismes publics qui avaient à préparer les normes et réglementations des résidences privées. M. Gagnon.
M. Gagnon (Daniel): J'ai eu la chance et le plaisir de travailler avec le CAP, le Comité aviseur provincial, qui avait le mandat d'intégrer les standards nationaux, et en plus de travailler sur le sous-comité de travail sur l'intégration de ces standards nationaux dans la grille Roses d'or, et on en est venu à cette conclusion-là, que ce que Mme Harel vient de dire, c'est effectivement ça, c'est que le programme Roses d'or, tel qu'il est, même un petit peu amélioré, a ses limites. C'est sûr qu'on ne peut pas évaluer la qualité des soins et services d'une façon pointue ? à notre avis, seul le CLSC ou les travailleurs du CLSC sont en mesure de le faire ? comme on ne peut pas évaluer d'une façon sûre sur les normes de sécurité incendie. Elles sont très bien évaluées. On peut seulement dire: Oui, il y a des extincteurs, oui, il y a des moyens pour éteindre des feux, oui, il y a certains moyens pour que les gens puissent sortir de la résidence, mais pas plus que ça. Puis le programme Roses d'or ne veut surtout pas entrer là-dedans, ce n'est pas de son champ.
En voulant intégrer les standards nationaux, on s'est tout de suite confrontés à ces réalités-là et on a dit aux instances qui nous avaient confié le mandat: Écoutez, nous autres, là, on est prêts à aller jusque-là, on a intégré et on a validé ces nouvelles normes là dans la grille qui est actuellement en expérimentation, mais on ne peut pas aller plus loin. Le plus loin, ça appartient au ministère de la Santé, au ministère des Affaires municipales et des Régions et à la Sécurité publique. Nous autres, on peut juste faire... Mais, au moins, quand on va dans une résidence, on peut s'assurer d'un minimum de qualité de soins et de services.
Le Président (M. Copeman): M. Demers.
M. Demers (Jacques): J'ai en main ici une recherche qui a été faite par le Centre de recherche sur le vieillissement, en novembre dernier, de l'Institut de gériatrie de Sherbrooke. Vous parliez tantôt d'outils qu'on n'a pas en main. Alors, avec cette recherche, ils sont maintenant capables d'évaluer l'indice de lourdeur de la clientèle dans chacune des résidences. D'ailleurs, ils l'ont fait dans toutes les résidences de deux MRC. Alors, il serait peut-être intéressant que vous preniez le temps de regarder un peu cette recherche qui pourrait peut-être aussi donner une partie de la solution pour la qualité de vie ? je parle bien de la qualité de vie ? avec un instrument standardisé.
Le Président (M. Copeman): M. Demers, je vous assure, on l'a déjà reçue, comme commission, et ça a déjà été transmis à tous les membres de la commission.
M. Demers (Jacques): Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Il reste deux minutes.
Mme Harel: Bon. Alors, je pense bien que les deux points que vous introduisiez dans votre mémoire, le premier étant un mécanisme de traitement des plaintes qui pourrait s'appliquer également dans les résidences privées, je crois que, ça, c'est un aspect important. Mais l'un ne va pas sans l'autre, l'autre étant justement des critères sociosanitaires. Ne parlons pas de certification, parlons: Est-ce que, comme citoyens, on veut qu'il y ait des critères sociosanitaires qui soient les mêmes pour nos personnes vulnérables qui sont hébergées en résidences privées? Puis alors, ensuite de ça, on voit qui peut, comme vous dites, là, faire le suivi. Mais encore faut-il travailler sur des critères sociosanitaires. Avez-vous été impliqués dans l'élaboration des critères sociosanitaires en...
Une voix: ...
Mme Harel: ...je sais, avec Roses d'or, mais au sein même des comités interministériels? Et est-ce que le Conseil des aînés va participer, dans l'avenir, avant la publication dans la Gazette officielle?
M. Lalande (Georges): M. Gagnon.
M. Gagnon (Daniel): Oui. Mme Harel, effectivement, la semaine dernière, on a été consultés sur ces notions de critères sociosanitaires et on continuera aussi à s'impliquer, comme on nous a promis, là, lors de cette rencontre-là. Et vous pouvez vous assurer qu'effectivement les critères sociosanitaires, on les a... bien, en tout cas, pour ma part, je les ai trouvés pertinents, puisque, à 95 %, c'est des critères qui se retrouvent déjà dans la grille Roses d'or. Et il y avait certains ajouts qui étaient aussi très pertinents et qui sont, à mon avis, sauf peut-être un ou deux, là, assez facilement intégrables dans le processus Roses d'or. Donc, oui.
Mme Harel: Dois-je comprendre que ce sont là des critères qui vont quand même au-delà de Roses d'or sur la sécurité des bâtiments et sur l'aspect clinique?
M. Gagnon (Daniel): Ils vont au-delà de Roses d'or sur certains problèmes plus santé et services sociaux parce que, pour ce qui est des bâtiments, le programme Roses d'or va au maximum d'où il peut aller. Mais quand même c'est des critères qui étaient intéressants. Les propositions sont réellement, là... les ajouts sont intéressants, à mon avis, pas trop difficiles à intégrer, pour la majorité, sauf peut-être un ou deux. Mais encore là on est toujours à des niveaux de base, hein, on est toujours au niveau d'une appréciation de type Roses d'or. On n'est pas encore dans de l'appréciation de la qualité de services de soins, ni du bâti, ni de la sécurité incendie.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Lalande, M. Demers, M. Gagnon, Mme Michaud, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil des aînés. Et, en sachant que nous sommes appelés à siéger cet après-midi, quand même j'ajourne les travaux de la commission sine die. On écoute attentivement les avis de la commission.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! La Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et, comme je le fais pour chaque séance et après des suspensions, je suis sûr que les téléphones cellulaires ont été mis hors tension.
Nous avons deux groupes, cet après-midi. Nous allons débuter dans quelques instants avec les représentants de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et terminer l'après-midi avec l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Alors, sans plus tarder, en souhaitant bienvenue à M. le président Leblond. Bonjour.
Ordre professionnel des travailleurs
sociaux du Québec (OPTSQ)
M. Leblond (Claude): Bonjour, monsieur.
Le Président (M. Copeman): Bonjour, M. Richard.
M. Richard (Stéphane): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Il me fait plaisir de vous accueillir devant la Commission des affaires sociales. Vous connaissez, je le sais pertinemment bien, nos règles de fonctionnement, je vous les rappelle pour fins d'aide mémoire. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation ? je suis assez sévère dans le chronométrage du temps ? et ce sera suivi par un échange évidemment d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Sans plus tarder, nous sommes à l'écoute.
M. Leblond (Claude): Bonjour. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés membres de la Commission des affaires sociales, en tant que président de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, et je me fais le porte-parole des 6 000 travailleuses sociales et travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux que nous représentons pour vous remercier de l'opportunité que vous nous donnez de partager avec vous nos réactions, commentaires et recommandations en ce qui concerne le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur la santé et les services sociaux.
Comme beaucoup d'organismes auparavant et d'intervenants, nous avons été surpris, là, par l'ampleur du projet de loi. Présenté comme étant une simple loi d'harmonisation, le projet de loi n° 83 constitue plutôt à nos yeux une refonte en profondeur du système de santé et de services sociaux. Étant donné le peu de temps qui nous fut imparti, il a été difficile d'analyser en profondeur article par article le présent projet de loi. Nous avons donc concentré nos efforts sur certains aspects plus spécifiquement en ligne avec le champ de pratique et d'expertise de nos membres. D'ailleurs, et vous serez à même de le constater, ce sont les valeurs propres aux travailleuses sociales et aux travailleurs sociaux qui ont servi de grille d'analyse. Vous m'accorderez quelques instants pour vous redire ces valeurs: promouvoir et défendre le respect des personnes, de leur autonomie, de leur dignité et de leurs droits, ainsi que l'équité et la justice sociale.
Nous avons également tenté de situer ce projet de loi dans la logique de renouvellement et de réorganisation de l'état québécois que nous observons depuis les dernières années, et plus particulièrement en fonction d'un fil conducteur que nous traçons entre le projet de loi n° 83, la loi n° 25 sur les agences de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, le projet de loi n° 57 sur l'aide aux individus et aux familles, la politique du médicament ainsi que le plan d'action en santé mentale. Cet éclairage, croyons-nous, offre une approche plus englobante et permet de situer le projet de loi n° 83 dans son contexte réel. Selon nous, ce fil conducteur se traduit par un glissement des rapports entre le citoyen et l'État, un recul tant au niveau de la défense des droits sociaux et économiques qu'au chapitre de la promotion de la justice sociale. Nous reviendrons plus tard sur ces perceptions.
Étant donné que le Québec n'est pas à l'abri des effets pervers du nouvel ordre économique mondial, l'Ordre des travailleurs sociaux demande au gouvernement du Québec de réaffirmer clairement et sans équivoque son engagement ferme en faveur d'un système de santé et de services sociaux public, gratuit et universel. À cette fin, nous recommandons au gouvernement d'inclure dans le préambule du projet de loi n° 83 les principes que l'on retrouve dans la Loi canadienne sur la santé, notamment la gestion publique, l'intégralité, l'universalité, la transférabilité et l'accessibilité. À notre avis, et il est largement partagé au sein de notre société, les acquis sociaux concernant les systèmes de santé et de services sociaux ainsi que les principes d'accessibilité, d'universalité et de gratuité ne peuvent être écartés du paysage sociosanitaire québécois sans une consultation citoyenne large et approfondie sur le sujet.
Par ailleurs, l'Ordre des travailleurs sociaux endosse l'esprit du projet de loi, particulièrement en ce qui concerne les axes suivants: l'harmonisation de plusieurs dossiers qui ont fait l'objet de multiples travaux au cours des dernières années, notamment les fusions et les changements de vocation de plusieurs établissements du réseau, le développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux; l'effort concret pour mettre en place le virage vers des réseaux intégrés de services et ainsi contrer la tendance du réseau de fonctionner en silo; le renforcement des droits des usagers et l'obligation de suivi et de transparence des établissements à l'égard des plaintes des usagers; l'intention de mettre en place un certain contrôle de la qualité des conditions de vie et des services dispensés dans les résidences privées d'hébergement; la création de certains moyens pour faciliter la circulation des renseignements au sujet des usagers et ainsi permettre un meilleur fonctionnement des réseaux intégrés de services; et la volonté d'encadrer la sécurité et la confidentialité des renseignements cliniques biomédicaux circulant dans le cyberespace; de même que l'intégration des deux services de protection des citoyens et des usagers.
Par ailleurs, un certain nombre de mesures proposées dans le projet de loi suscitent un questionnement auprès de nos membres. Nous citerons les principales, aujourd'hui, les autres étant contenues dans le mémoire que vous avez déjà obtenu.
Tout d'abord, nous sommes inquiets des répercussions potentielles de l'article 41 en rapport aux missions et à l'autonomie des organismes communautaires. Il faut éviter, nous semble-t-il, que l'intention de partenariat et de soutien à la concertation ne se transforme en un mode de coordination des services communautaires par le réseau. La capacité d'initiative et l'autonomie des organismes ou associations communautaires doit être préservée dans toute entreprise de collaboration.
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(15 h 40)
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En ce qui concerne l'émission des certificats de conformité aux résidences privées pour aînés, nous aimerions connaître les critères sociosanitaires auxquels devront se conformer ces résidences. Nous croyons également qu'il est fondamental d'étendre l'obligation de certification à toutes les résidences qui touchent les clientèles les plus vulnérables de notre société.
Nous constatons également avec une certaine inquiétude la grille, entre guillemets, médicale avec laquelle semble avoir été élaborée la création des RUIS. Le gouvernement s'assure-t-il, par cette approche hospitalo-médicale, de la présence de professionnels provenant du secteur social pour répondre aux besoins des services sociaux, et ce, à tous les niveaux de gouverne du réseau? Pour s'en assurer, l'ordre recommande, entre autres, la création de réseaux universitaires intégrés dans le secteur social.
Dans la même foulée, l'article 108 mérite d'être précisé alors qu'encore une fois l'influence du médical semble déteindre sur l'ensemble. Ainsi, nous ne sommes pas convaincus que la définition d'«épisode de soins» englobe les services sociaux. Pour s'en assurer, nous recommandons un ajout à l'article portant sur la transmission de l'entente, à l'alinéa 1, pour inclure la notion de services, question de distinguer les épisodes de soins des épisodes de services.
Par ailleurs, en plus de nommer une personne désignée par et parmi les membres du conseil multidisciplinaire d'un établissement, que soit assurée la présence dans les conseils d'administration et aux autres niveaux d'un représentant du domaine social, c'est-à-dire un ou une travailleuse sociale.
Enfin, M. le ministre ? et là ça va différer un peu du texte que vous avez, là ? l'ordre exprime le souhait que le ministre développe pour les agences et les établissements des structures semblables à celles qui existent pour le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et le Conseil des infirmières et infirmiers. Nous vous demandons donc de voir à la mise sur pied d'un conseil des travailleurs sociaux avec les mandats prévus actuellement à la loi, dont celui sur la distribution et l'intégration des soins et services, l'accessibilité et les approches novatrices.
C'est que, voyez-vous, pour bien s'acquitter de leur mandat et afin de répondre de la qualité et de la quantité des services sociaux dispensés, les agences et les établissements bénéficieraient certainement de l'apport spécifique de conseils locaux des travailleurs sociaux ou de commissions régionales. De plus, il nous apparaît primordial qu'une travailleuse sociale ou un travailleur social puisse jouer le rôle de planificateur ou d'organisateur des services sociaux et de réadaptation à l'intérieur de chacun des établissements.
Dans un autre ordre d'idées, nous proposons le rétablissement de l'exigence de représentativité des communautés culturelles dans la composition des conseils d'administration des établissements de la santé et des services sociaux. Dans ce même esprit, nous demandons le maintien des forums de la population. Leur disparition viendrait accentuer davantage la déjà trop faible représentation citoyenne au sein des organismes et institutions mandatés pour prendre les décisions quant aux services offerts à la population.
Nous aimerions maintenant attirer votre attention sur l'article 233, qui concerne l'obligation pour les établissements de se doter d'un code d'éthique et de préciser aux usagers ce à quoi ils peuvent s'attendre en ce qui a trait aux pratiques et aux conduites jugées respectueuses de leurs droits. En effet, peut-on penser que les mêmes principes de vigilance ou d'éthique seront relayés également au réseau des services communautaires ou aux organismes privés qui seront, par le spécifique du projet de loi n° 83, dans un plus grand rapport de proximité avec les établissements du réseau sociosanitaire québécois?
À notre avis, il faut donner plus de vitalité à cette exigence éthique qui traverse la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Donc, étant donné l'importance de cet article, nous croyons que sa portée doit être étendue à l'ensemble des organisations du réseau qui sont et seront régies par le ministère, y compris les organisations nées d'éventuels partenariats public-privé.
De façon plus large, nous craignons que des pressions d'ordre institutionnel et budgétaire présentes dans le réseau fassent en sorte que la quantité des services ne soit priorisée au détriment de la qualité des services dispensés. Pour se prémunir de ce risque, nous croyons que le ministre doit mettre en place des instruments afin d'assurer une continuité à moyen et long terme dans les orientations et les priorités signifiées à l'ensemble des acteurs du réseau.
On se souviendra que le bilan de la politique sur la santé et les services sociaux 1992-2002 insistait sur l'importance d'agir sur les causes et les déterminants psychosociaux des problèmes de santé et de bien-être. Étant donné l'angle médical que nous décodons dans le projet de loi n° 83, l'Ordre des travailleurs sociaux cherche toujours les garanties à l'effet que le gouvernement s'appliquera à favoriser le renforcement du potentiel des personnes, à soutenir les milieux de vie et à développer des environnements sains et sécuritaires, à améliorer les conditions de vie, à agir pour et avec les groupes vulnérables.
Enfin et pour que cette loi permette véritablement d'agir autant sur les déterminants sociaux que sur les déterminants de la santé, nous réclamons un rééquilibrage du financement des deux missions du ministère. Pour utiliser une expression d'actualité, nous demandons ni plus ni moins au ministre de mettre fin au déséquilibre social. Ainsi, nous demandons au ministre de penser à allouer les fonds nécessaires pour que cette réforme soit porteuse d'équilibre entre les actions qui visent à agir sur les déterminants de la santé et des actions qui visent à agir sur les déterminants sociaux.
En ce qui concerne tout le débat sur la confidentialité, la sauvegarde et la gestion de l'information biomédicale citoyenne, l'ordre est d'avis que cette question soulève d'importants enjeux éthiques et par le fait même ne doit être mise de l'avant que si tous les efforts sont faits pour bien informer le public sur les mécanismes, les buts, objectifs et risques que cela implique. Il faut à tout prix garantir la sécurité, l'intégrité et la confidentialité des données biomédicales des Québécoises et des Québécois. Sur le même sujet, nous nous interrogeons également sur les intentions politiques réelles quant à la mise en place d'un numéro d'identification unique.
Vous me permettrez maintenant de conclure en reprenant les grandes lignes de la conclusion de notre mémoire. Alors, essentiellement, nous sommes en présence d'un projet de loi complexe et ambitieux. Sans aucun doute, le ministre a fait preuve de courage en s'attaquant à un tel défi. En effet, redessiner la structure du réseau n'est pas une mince tâche, nous en convenons. Cependant, nous ne pouvons cacher notre profonde déception quant à un aspect fondamental. Encore une fois, le social est le parent pauvre d'un projet de loi majeur présenté par un ministre de la Santé et des Services sociaux.
Pourtant, dans le contexte social, politique et économique qui est le nôtre, amputer une vision globale de la santé de son volet social est un exercice périlleux. Négliger le social dans une perspective de santé nationale, c'est se résigner à ne faire que la moitié du travail. Alors, on peut comprendre que, dans un contexte budgétaire difficile, le ministre doit faire des choix et qu'il soit ainsi tenté ou contraint de consacrer une large part de ses ressources pour intervenir là où les pressions sont les plus fortes, c'est-à-dire du côté de la santé et du curatif. Pourtant, négliger le social, c'est choisir de mettre à moyen et à long terme une pression encore plus forte, nous semble-t-il, sur le curatif. Négliger le social, c'est renoncer à des outils essentiels pour gagner la lutte contre la pauvreté, qui fait consensus au sein de la collectivité québécoise et qui, jusqu'à preuve du contraire, fait également consensus ici même, à l'Assemblée nationale.
Nous convions donc le ministre de la Santé et des Services sociaux à revoir le projet de loi n° 83 afin de réévaluer la dialectique des rapports entre le social et la santé, entre l'accessibilité et la qualité des services de santé et des services sociaux offerts aux citoyens du Québec et de manière à éliminer le déséquilibre social. En définitive, les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux souhaitent que les nouvelles structures et les modes de fonctionnement proposés par le ministère de la Santé et des Services sociaux permettent au volet social d'occuper la place qui lui revient et soient ainsi en mesure de donner une perspective et un visage humain à notre système national de santé et de bien-être.
Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue qui va vous entretenir davantage de la question de la confidentialité, sauvegarde et gestion de l'information biomédicale citoyenne.
Le Président (M. Copeman): M. Richard.
M. Richard (Stéphane): Bonjour à tous. Donc, moi, je vais simplement soulever des enjeux éthiques importants que nous avons relevés par rapport à toute la question de l'informatisation des données biomédicales citoyennes. Entre autres, je vais vous lancer sur quelques pistes. Entre autres, ce qu'on a ciblé, à l'ordre, c'est vraiment... à notre avis, il faudrait avoir une... que le gouvernement puisse prouver hors de tout doute que les mesures de contrôle prévues dans le projet de loi seront suffisantes pour garantir l'impossibilité d'accès à l'information médicale citoyenne. On l'avait nommée un petit peu par rapport aux compagnies d'assurance.
Un autre point. Avant que le projet de loi n° 83 soit sanctionné, il importe que soient connus les moyens qui détermineront qu'un usager consent pour la conservation de son dossier régional.
Un autre point. Afin que les citoyens puissent comprendre et maîtriser le processus qui leur permettra d'exprimer leur consentement libre et éclairé, l'OPTSQ croit qu'un travail d'information citoyenne continue doit être mis de l'avant dès maintenant. La durée de conservation d'un dossier de santé régional doit être connue des usagers et des citoyens avant que les services de conservation régionaux ne soient déployés.
Un autre. La base réglementaire portant sur les profils d'accès au dossier de santé régional doit être connue avant l'adoption du projet de loi. Ainsi, les citoyens seront en mesure d'évaluer plus lucidement les règles de confidentialité qui seront à la base du dossier de santé régional.
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(15 h 50)
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Il m'en reste quelques-uns. Au sujet de la communication de renseignements de santé dans le cadre de la réalisation d'un mandat ou d'un contrat de services, l'OPTSQ croit que la loi sur les systèmes de santé et des services sociaux doit éclairer davantage la nature des mandats de services qui autorisent l'ouverture à la divulgation de renseignements de santé à des tiers. Par exemple, en raison que le projet de loi n° 83 ne prévoit pas d'obligation pour tout établissement ou organisme détenteur d'un dossier d'un usager d'informer ce dernier du contenu et vers qui sont destinées les informations biomédicales, se pose la question du consentement à la divulgation des renseignements personnels. Dans la perspective où le dossier régional peut être accessible aux établissements publics, aux organismes communautaires, aux entreprises d'économie sociale et aux ressources privées, nous croyons que le consentement écrit de l'usager ou, dans le cas où cette personne serait considérée inapte à s'occuper d'elle-même ou de ses biens, de son représentant légal doit être requis par la loi.
J'ai quatre autres points rapides. Même si nous connaissons, par le spécifique du projet de loi n° 83, quels seront les règles appliquées aux services de conservation régionaux, nous désirons également être informés des règles de confidentialité et de sécurité qui seront actualisées aux dossiers de santé lorsqu'on passera d'un support papier à un support informatisé.
Au sujet de la cueillette et de la conservation des renseignements relatifs aux médicaments par la RAMQ, l'OPTSQ aimerait connaître les raisons pour lesquelles le gouvernement autorise la RAMQ à compiler des renseignements au sujet des citoyens qu'elle n'assure pas. Qu'un citoyen soit assuré ou non par la RAMQ, se pose la question de la légitimité de recueillir les informations cliniques ? thérapeutiques, pourrait-on dire, entre parenthèses ? relatives à la médication pour les personnes qui auront consenti à avoir un dossier régional. Quels sont les angles de légitimation du gouvernement à l'égard de l'utilisation par la RAMQ des renseignements relatifs à la médication et aux visées cliniques, thérapeutiques s'y rapportant?
Il me reste deux points. L'OPTSQ croit utile que le gouvernement se prononce avant l'adoption du projet de loi n° 83 sur les règles de confidentialité qui s'appliqueront pour les renseignements biomédicaux détenus par la RAMQ et sur le temps de conservation des renseignements colligés. De plus, l'OPTSQ croit que les citoyens qui ont consenti à ce qu'on conserve des renseignements biomédicaux à leur sujet par un service de conservation régional doivent connaître la façon dont seront traités leur profil pharmacologique et les indications cliniques, thérapeutiques par la RAMQ. Les citoyens méritent d'être avisés que ces renseignements pourront être conservés pendant plus d'un an, doivent être informés sur les raisons qui justifient de préserver ces renseignements aussi longtemps.
Un dernier point, si vous me le permettez. J'ai le temps? En ce qui a trait au numéro d'identification unique ? parce qu'on en avait parlé dans le mémoire que M. Leblond, notre président, vous a lu ? nous observons que le gouvernement manque de clarté dans son argumentaire autour de l'idée de créer ledit numéro d'identification unique. Au fait, quelles sont les intentions politiques réelles qui visent et légitiment la création d'un numéro d'identification unique? Il importe qu'avant l'adoption du projet de loi n° 83 les citoyens puissent comprendre les objectifs se rattachant à la création de ce numéro d'identification et, par le fait même, puissent s'assurer que ce nouveau profil d'identification unique n'ouvre pas à moyen ou à long terme une brèche au niveau de la protection des renseignements biomédicaux citoyens. C'est tout.
Le Président (M. Copeman): Merci, messieurs. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Richard, M. Leblond. Faire quelques remarques d'abord sur les différentes parties de votre présentation. D'abord, il semble que vous n'ayez pas été mis au courant des travaux du comité Duplantie, sur la mise sur pied d'un réseau universitaire social, qui travaille depuis plusieurs mois. Je suis surpris que... Parce que vous dites: Il faudrait le faire. Mais c'est en cours, là. Je vous suggère assez rapidement d'entrer en contact avec le comité, si ce n'est pas fait encore, parce qu'ils sont à la veille de nous donner leur rapport puis ils ont déjà les orientations pour le monde social, pour un organisme similaire au RUIS santé, mais ils veulent une organisation différente. Ils sont en train de faire ces recommandations actuellement, alors je vous suggère fortement de participer à leurs travaux.
Pour ce qui est de la protection de la mission sociale, je dois dire que c'est un peu attristant pour moi d'entendre tout ça, là, parce que, je vais vous dire... Dites-moi qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse de plus, là. Il n'y a pas une journée ou une semaine que je ne dis pas que c'est important de garder la mission sociale et la mission santé ensemble, dans la même organisation, pour les mêmes raisons que vous le dites. Et vous savez que régulièrement il y a des voix qui s'élèvent pour dire qu'on devrait séparer ça en deux ministères: ministère de la Santé, ministère des Services sociaux. Je ne suis pas sûr que la mission sociale y gagnerait nécessairement au change.
On a clarifié, dans le projet de loi, l'importance, dans les services à offrir... Ils sont nommés de façon très claire et très explicite, les services sociaux, dans les services dont le CSSS est responsable au niveau de sa population. On a fait des enveloppes budgétaires spécifiques pour les missions telles que la protection de la jeunesse et la jeunesse en difficulté. Dans les ententes de gestion entre les agences et les établissements puis avec le ministère, il y a autant d'objectifs de gestion, puis de résultat, puis de niveau de services pour les missions sociales que pour les missions santé.
Alors, évidemment, c'est un thème récurrent, hein, le virage, la domination médicale, etc. Et puis, pour quelqu'un qui essaie à toute force justement de corriger ça, je dois dire que ça m'attriste, ça me déprime presque un peu de vous entendre, là. Puis je me demande qu'est-ce qu'il faut faire de plus. Mais je veux bien en faire plus encore puis que le projet de loi en fasse encore plus, mais dites-moi qu'est-ce qu'on peut faire de plus.
M. Leblond (Claude): D'accord. D'abord, je vous reviens sur les travaux du comité Duplantie. Effectivement, nous sommes au courant, nous avons été consultés par le comité sur l'état d'avancement de leurs travaux avant le dépôt. On tenait quand même à vous redire qu'il pourrait y avoir des réseaux universitaires intégrés du niveau des RUIS, là, qui devraient se développer. Ça ne veut pas dire que ce sera une des recommandations du comité Duplantie, là. Mais, nous, on vous dit: Voici ce que nous pensons à ce niveau-là. Mais nous avons fait également nos commentaires à M. Duplantie, là.
M. Couillard: Bon. Vous avez touché la question de la RAMQ, là, puis du rôle de la RAMQ pour le profil pharmacologique. On y a déjà répondu, mais je vais vous donner cette explication-là. Vous avez certainement souvenance, il y a quelque temps, quelques années, il y a eu un autre projet d'informatisation du réseau où la RAMQ agissait comme une sorte de vaste banque de données de toutes les informations médicales. Alors, on a voulu nous éloigner de cette orientation-là, raison pour laquelle on a plutôt choisi des banques de données régionalisées. Et en général c'est une orientation qui a été saluée par la grande majorité des intervenants qui sont venus commenter sur l'aspect circulation de l'information du projet de loi.
On a cependant conservé quelques rôles à la RAMQ. Il y en a certains qui sont le registre des consentements, le registre des intervenants avec leur profil d'accès dans un but d'assurer la plus grande sécurité possible à l'accès pour les différents intervenants, dont les travailleurs sociaux d'ailleurs, qui seront des intervenants avec un profil d'accès pour disposer des informations qui seront contenues au profil.
Pour la question des médicaments, effectivement, la RAMQ, actuellement, dans ses fichiers, a les listes de médicaments des assurés mais pas ceux des gens qui sont couverts par un régime privé collectif. Par contre, si on veut un outil clinique efficace, tout le monde nous dit que c'est essentiel, essentiel que, parmi les éléments fondamentaux du dossier médical électronique, qui n'est pas un substitut, en passant, qui ne remplace pas le dossier papier, le dossier papier continue à exister dans les établissements, et qui est un condensé de certaines informations particulièrement utiles pour améliorer les services aux gens... On nous dit: Il est essentiel que le médecin, l'infirmière, le travailleur social ou d'autres personnes habilitées à avoir ces informations-là puissent voir l'ensemble des médicaments qu'une personne prend et bien sûr pas la moitié. Je pense que là-dessus on va être d'accord.
À ce moment-là, il y a deux choix. Ou bien on se sert de ce qui existe déjà. Toutes les pharmacies du Québec ? je pense qu'il y en a 1 600 ? ont toutes un lien informatique déjà avec la RAMQ, ont toutes fait la numérisation de leurs dossiers. Et on leur dit: Écoutez, vous avez déjà la facilité technologique de le faire, on va utiliser la RAMQ comme courroie de transmission qui va recevoir ces informations-là et qui va les transmettre aux banques de données régionalisées. L'alternative à ça, c'est qu'on demande à chaque pharmacien d'avoir 16 données informatiques, une au niveau de chaque banque régionale, et je vous laisse imaginer la difficulté puis la complexité que ça peut entourer.
Alors, évidemment, je comprends que toute cette question à juste titre inquiète et apporte des préoccupations. Mais on n'est pas dans un scénario de style George Orwell ici, là. On est dans la confection d'un outil qui sert à améliorer la qualité, la continuité des soins et des services, et ça inclut les services sociaux que nos citoyens reçoivent.
Dernier élément. Pour le numéro d'identification unique, la raison pour laquelle c'est là, c'est qu'il arrive que le numéro d'assurance maladie change au cours de notre vie. On pense que ça n'arrive pas, mais ça arrive, parce qu'on change de nom, des fois, parce que même à l'occasion on change de sexe. Ça arrive. Alors, ces choses-là font que le numéro d'assurance maladie change. Donc, il faut avoir une référence stable pour qu'elle demeure disponible au cours de l'existence de la personne.
Vos remarques sur le consentement rejoignent celles de beaucoup d'autres personnes. Et on a déjà exprimé notre désir d'améliorer cette question-là, de rendre le consentement explicite à la circulation de l'information, particulièrement lorsque cette information doit sortir de l'établissement public pour aller vers des partenaires.
Je pense qu'en gros c'est les réactions que je voulais avoir, et on pourrait échanger sur un de ces points, si vous le désirez.
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(16 heures)
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M. Leblond (Claude): Je vous reviendrais sur un élément, tantôt, là, sur qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus, là, je dirais. Je pense qu'effectivement vous faites un bon choix en maintenant au sein du même réseau, dans les mêmes organisations les volets santé et sociaux. Je pense que c'est un excellent choix. Il faut maintenir ça, c'est unique, c'est performant, on le sait que c'est porteur de changement. Encore faudra-t-il davantage investir sur la dimension des déterminants sociaux, sur la dimension également des services sociaux. Et il y a différentes façons, là. Je vous proposais tout à l'heure la création de commissions, des commissions des services sociaux, à l'intérieur, là, des agences régionales pour effectivement, analyser, entre autres, les pratiques de pointe, suggérer l'organisation, valider en fonction de l'intégration et de l'accessibilité, en tout cas faire en sorte qu'il y ait une structure autant au niveau des agences qu'au niveau des établissements qui vont avoir des liens de plus en plus grands et qui se préoccupent.
J'ai souvent fait... et c'est peut-être un peu limitatif, là, comme image, là, mais, en prenant un triangle, me dire: Bon, quels sont les trois axes principaux, là, de nos services de santé et de services sociaux? Alors, on a les aspects médicaux, on a les aspects liés au nursing et les aspects liés au travail social, c'est les trois grandes professions de base. Ensuite se sont greffés les autres autour qui ont... et qui parfait...
Une voix: Parfaire.
M. Leblond (Claude): ...pour parfaire, en tout cas, les services donnés à la population. Mais ces trois grands axes-là devraient être encore présents. On le voit à l'intérieur des structures au niveau des commissions médicales régionales, au niveau des commissions infirmiers et infirmières régionales, mais on ne le voit pas au niveau des services sociaux. C'est englobé à l'intérieur des commissions multidisciplinaires régionales qui sont formées...
Je vous parle juste d'un établissement où d'où, moi, je proviens: il y a 16 professions au niveau du conseil multi, et là vous ajoutez, avec la loi, semble-t-il, le fait que des infirmières auxiliaires vont se retrouver dans les conseils multidisciplinaires, donc avec un bassin de personnes important qui viennent ensuite choisir leurs officiers, qui ensuite orientent les débats. Alors, où on aura un éclairage spécifique, si, dans l'établissement X ou l'agence Y, il n'y a pas de travailleuses sociales et de travailleurs sociaux qui sont élus au sein de ces structures-là? Alors, on choisira peut-être les aspects liés au problème d'ergothérapie ou de physiothérapie. Mais où on aura l'analyse spécifique, importante, majeure détenue par les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux pour être des locomotives pour les établissements dans les orientations qui sont données à la fois à l'organisation des services, à la distribution et l'identification des clientèles qui doivent être priorisées, là? Alors, ça, c'est un des éléments que je souhaitais vous suggérer, là.
M. Couillard: Merci de cette suggestion. D'ailleurs, dans les conseils d'administration temporaires qui sont actuellement en place, si ma mémoire me sert bien, on a demandé la présence d'un clinicien des services sociaux dans les réseaux ou les ententes... pardon, les instances locales qui existent actuellement. Donc, je comprends que vous souhaiteriez également que cette disposition se retrouve dans les conseils d'administration permanents?
M. Leblond (Claude): Tout à fait, tout à fait, également, mais pas uniquement dans les conseils, parce que ça me semble plus moteur de changement et pour alimenter à la fois l'organisation de services, mais aussi le conseil d'administration qui est un conseil qui soit imputable de ses... c'est-à-dire qui ait cette responsabilité d'éclairer, qui ait le mandat d'éclairer et qui soit cette locomotive.
Moi, je pense que les conseils, au-delà de s'assurer de la qualité des services qui sont offerts, ils ont aussi la responsabilité d'éclairer en fonction des besoins de la population desservie par l'établissement ou par l'agence, là. Et il manque cet éclairage-là, je pense, dans les établissements, alors ce qui fait que, dans le développement des projets cliniques, on peut être inquiet. Je ne suis pas si certain que votre message d'intégration et de développement d'interventions sur les déterminants sociaux est entendu tout le long de la structure de distribution de services au Québec.
M. Couillard: Mais ça, on en verra les résultats, parce qu'on a donné des instructions assez claires pour la façon dont ces projets cliniques et organisationnels doivent être faits, et ça inclut certainement des obligations en ce qui a trait aux missions sociales et à justement leurs liens étroits, là. Parce que, moi, je vois une continuité entre les services sociaux puis les services de santé. Et on est d'ailleurs les seuls, au Québec, au Canada, actuellement, à avoir fait cette intégration-là. Puis, chaque fois que je vais à l'extérieur du Québec, je m'étonne de cette unicité. Première chose que je leur dis: Je ne comprends pas que, vous, vous n'ayez pas vu que c'est essentiel de faire cette intégration.
M. Leblond (Claude): Vous savez quand même que les budgets ne sont pas les mêmes, les...
M. Couillard: Ça, c'est clair.
M. Leblond (Claude): ...de masse, là. L'autre élément, c'est que je rappelais régulièrement aux milieux hospitaliers dans lesquels j'allais faire des visites qu'ils avaient également une mission sociale qui est inscrite dans la loi, ils l'avaient, alors... et elle était peu développée et... Bon. Alors, est-ce que l'intégration dans les centres de santé et de services sociaux va faire en sorte que cette culture de se préoccuper de leur mandat d'intervention psychosociale au-delà des jeunes et des clientèles à risque que vous identifiez mais pour la population du territoire, est-ce que ça va devenir aussi automatique? Permettez-moi de le souhaiter mais d'en douter un peu.
M. Couillard: Par contre, moi, je suis plutôt optimiste, hein, puis je pense que la nature humaine quand même est meilleure qu'on pense souvent. Et, justement parce qu'on veut faire cette intégration, ça supporte entièrement le concept d'un réseau intégré puis une instance locale où les gens des CLSC sont aussi responsables de la population que les gens de l'hôpital.
Mais évidemment on ne peut pas dicter un changement de culture avec une législation, un décret ou un règlement. On peut la faciliter avec ces méthodes, avec les investissements, avec des directives administratives, mais il y a un point à partir duquel la réalisation de ces objectifs-là dépend de la volonté, du dynamisme des gens sur la place de le faire ou pas, et ça, il n'y aucun gouvernement qui peut le dicter et l'imprimer dans la tête des gens par projet de loi, règlement ou directive administrative.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.
Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, monsieur, merci pour votre présence et pour la qualité de votre présentation. Moi, j'aurais une brève question par rapport à ce que vous avez mentionné, mais ce qui se retrouve aussi à la page 7 de votre mémoire, lorsque vous parlez de rétablir l'exigence de la représentativité des communautés ethnoculturelles. Alors, je suis allée, avec l'aide des fonctionnaires du ministère, retrouver les articles que je voulais comprendre où est-ce que la modification a été faite, et, d'après les informations qu'on me donne et d'après ce que je peux comprendre, effectivement il y a eu une modification à l'article 133, au paragraphe 10°, O.K., pour le libellé dont vous parlez, mais ça a été reporté à l'article 138. Alors, d'après les informations, ce que je lis et ce qu'on me donne, l'exigence, malgré que le libellé a changé, est dans le projet de loi actuel. Alors, j'aimerais vous entendre, de un, là-dessus.
Mais, de deux, aussi, on a pu rencontrer, la semaine passée, on a entendu le groupe ACCESSS, qui ont présenté leur mémoire devant nous et on a parlé d'ailleurs de plusieurs façons justement à assurer un meilleur service auprès des communautés culturelles. Puis la nomination auprès des conseils d'administration a été un point, et je sais que c'était un point que le ministre d'ailleurs tient à coeur étant donné aussi qu'il y a un comité aviseur à ce sujet. Alors, j'aimerais vous entendre aussi: Par rapport à vos membres, comment peut-on aller plus loin? Mais si je peux faire deux questions en une parce que je sais que le temps est bref.
M. Leblond (Claude): En tout cas, si on n'a pas bien compris, dans notre analyse, que c'était rendu à un autre article de loi, c'est possible. Il a fallu étudier ça rapidement. On a été dans un contexte... hein, comme tout le monde, d'une part.
Mme James: Oui. Ah, O.K. O.K.
M. Leblond (Claude): D'autre part, j'aimerais laisser la parole à mon collègue parce qu'il avait un élément qu'il m'amenait, là.
M. Richard (Stéphane): Est-ce que dans le fond la notion ethnoculturelle, on la retrouve dans la nouvelle modification? Est-ce que le mot «ethnoculturel» on le retrouve dans le... Vous me dites qu'il est relié à un autre article.
Mme James: Oui, à l'article 138.
M. Richard (Stéphane): O.K. C'est correct. Moi, je pensais qu'il était... on ne voyait plus la notion de mot «ethnoculturel».
Mme James: J'ai vérifié.
M. Richard (Stéphane): C'est correct. Je vais revérifier, moi de même. Je vous remercie.
M. Leblond (Claude): Mais ça nous semble important, effectivement, là, au sein des conseils d'administration. Et, quand on n'a plus cet éclairage-là, ensuite il est difficile pour la population de savoir si effectivement leurs intérêts et leurs droits sont défendus, là. Ça me semble important qu'on puisse éclairer les conseils d'administration sur les besoins particuliers des différentes communautés culturelles, là, si elles en ont en lien avec des éléments liés à la santé et aux services sociaux, là.
Mme James: Parfait. Est-ce que vous pensez qu'il y a d'autres mesures qu'on pourrait... Parce que je suis entièrement d'accord avec vous, vous comprendrez. Est-ce qu'il y a d'autres mesures qu'on pourrait apporter qui pourraient aller encore plus loin pour assurer non seulement la représentativité, mais l'amélioration des services?
M. Leblond (Claude): Probablement, en tout cas, le maintien des forums des populations, déjà ce serait aidant, là. Et également, je vous dirais, dans les petits milieux... Moi, je suis travailleur social au CLSC de la... au centre de santé et de services sociaux... C'est parce que ça a changé trois fois, M. le ministre, là, depuis que je suis à la présidence de l'ordre, là. C'était un CLSC, un CLSC-CHSLD, maintenant un centre de santé et de services sociaux de la Haute-Yamaska, en Montérégie, à Granby.
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(16 h 10)
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Et c'est difficile, quand il arrive des gens des communautés culturelles, de nécessairement en tout cas pouvoir avoir accès au... Il faudrait pouvoir compter sur l'expérience des autres quand on n'a pas un volume et un bassin plus importants de gens à desservir, donc peut-être des liens avec des centres universitaires qui seraient spécifiques, par exemple. On aurait, mettons, Côte-des-Neiges qui aurait un mandat spécifique par rapport au développement de pratiques de pointe avec les gens des communautés culturelles, alors s'assurer qu'on puisse être en lien dans les autres endroits du Québec avec ces pratiques novatrices qui sont développées, par exemple. Ça, ça pourrait être un élément. Des instituts universitaires, celui du Centre jeunesse de Montréal, s'ils développent des projets davantage spécifiques, qu'on puisse plus facilement être en lien d'expertise avec eux, là, quand on est dans les régions extérieures. C'est plus de l'ordre de l'organisation des services que de modifications législatives, disons, à ce moment-ci, ma pensée, là.
Le Président (M. Copeman): M. Richard.
M. Richard (Stéphane): Oui, je peux?
Le Président (M. Copeman): Oui, vous pouvez, pendant deux minutes et trois quarts.
M. Richard (Stéphane): Merci. On relève souvent dans le... On a placé au tout début du discours du président le contexte des autres... Le projet de loi n° 83 s'inscrit dans un contexte sociétal de modernisation de l'État x. Hein, on sait que c'est un système qui s'imbrique, etc. Puis, entre autres, la question, pour répondre à vous, madame, puis en même temps je vous la dis à tous ? et ça transparaît à la fois dans le mémoire qu'on a créé, de l'ordre, et le compte rendu que M. Leblond a fait aujourd'hui auprès de vous ? c'est de créer des plateformes de communication continue avec la population.
Des plateformes de communication continue, nous, on a lancé ça comme idée, dans le sens qu'il y a beaucoup de choses qui bougent, et les projets de loi transforment les structures et en font... la légitimité, comme on pourrait dire, du système de santé et des services sociaux. Donc, à mon avis, une commission comme aujourd'hui, c'est extraordinaire, où est-ce que les groupes peuvent être entendus, peuvent valider et vous parler de vive voix, vous rencontrer. Je trouve que c'est... On a une belle structure démocratique au Québec, il faut la préserver.
Mais est-ce qu'on peut innover? Est-ce qu'on peut créer d'autres formes de communication où est-ce qu'on aurait un échange continu avec la population autrement, par exemple, que par la logique sondagière, où est-ce que c'est possible d'aller chercher le pouls des communautés culturelles, le pouls des personnes vulnérables au plan psychosocial ou socioéconomique, mais d'une forme différente? Et ça, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux a beaucoup d'idées pour créer cette plateforme-là. Et, entre autres, ça pourrait... La réponse est directement dirigée vers vous. Qu'est-ce qu'on pourrait créer de nouveau? Ce serait de rejoindre les citoyens par une plateforme de communication continue. On l'a noté au moins à cinq reprises dans le mémoire. Voilà.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci. Merci, M. le Président. Alors, M. Leblond et M. Richard, bienvenue au nom de l'opposition officielle. Votre mémoire nous oblige à un examen sur des considérations autres que celles qui, jusqu'à maintenant, d'une manière générale, nous ont été présentées. Et je crois que vous avez raison, dans le sens... Le ministre n'a pas tort. Alors, voyez, ça semble être une position politique, mais rien n'est encore joué dans le fragile équilibre entre le social et le médical, rien n'est encore joué. Bon.
Le ministre nous parle d'instructions claires. Cela serait d'autant plus ? comment dire? ? influent s'il rendait publiques ces instructions claires, parce que, si cet équilibre médical et social dont il veut se faire le chantre, hein, n'est transmis qu'aux gestionnaires comment est-ce que la population, comment est-ce que les citoyens peuvent s'approprier ces instructions? Alors, je pense que ça, c'est le premier élément important, rendre publiques les instructions claires dans ce domaine-là. Parce que ? et là je voudrais vous entendre là-dessus ? il n'est pas de mauvaise volonté, le ministre, mais il est vraiment un produit du médical, il est un produit du médical.
Par exemple ? je vais vous donner un exemple ? dans la réponse qu'il a eue avec vous tantôt, il vous a dit qu'il donnait des instructions mais que ce n'était pas lui qui les appliquait, donc que, s'il en avait le contrôle, ça se ferait, mais, si ça échappe à son contrôle, ça pourrait ne pas se faire. Et c'est ça finalement, le rapport complexe qui se joue quand on donne du pouvoir aux citoyens.
Pourquoi donne-t-on du pouvoir aux citoyens? On donne du pouvoir aux citoyens soit au sein de conseils d'administration, soit au sein de forums de population, soit dans des collèges électoraux. C'était le cas dans les instances qui permettaient aux citoyens de finalement faire valoir leur point de vue, là. J'entendais M. Béland encore à la radio, à l'émission de Marie-France Bazzo, M. Béland qui était président du Mouvement Desjardins et qui faisait toute la liste des organisations dans lesquelles les citoyens avaient été mis de côté depuis deux ans. Et pourquoi cela? Parce que, que ce soient les chartes de droit, que ce soient les codes d'éthique, que ce soient les meilleures intentions du monde, s'il n'y a pas un pouvoir que les citoyens peuvent s'approprier pour élargir l'espace, si vous voulez, de débat public, de dialogue social, il se rétrécit, l'espace. Alors, ce n'est donc pas le ministre qui doit avoir un point de vue disant: Bien, si je ne peux pas le contrôler, je ne peux pas le confirmer, en fait, mais plutôt de dire, bon: Je vais essayer de donner du pouvoir aux citoyens.
Je le dis honnêtement, c'était le sens de la réforme de Marc-Yvan Côté, c'était la suite du rapport Rochon, c'était donner du pouvoir aux citoyens. Et on sent qu'il y a un glissement qui... ça, par exemple, nous a été démontré, là, qu'il y a un glissement vers une part raréfiée au citoyen et une plus grande importance à l'usager, au point même où, en commission, on a eu souvent, du côté ministériel, des questions à savoir: Pourquoi une représentation des citoyens, il y a déjà des usagers? Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Leblond (Claude): Vous me retournez presque, Mme Harel, à mes études, vous me ramenez dans ma mémoire au moment de mes études à la maîtrise, où on avait comparé... En tout cas, j'avais choisi, dans mon travail de politique sociale, de faire une analyse cybernétique des politiques sociales et la transformation à partir de l'analyse cybernétique du rapport Rochon... bon, la réforme de Mme Lavoie-Roux, le rapport Rochon et la réforme de M. Côté, et où on constatait, avec l'évolution, la disparition du citoyen. Et je ne sais pas où c'en est rendu maintenant, il faudrait que je retourne dans mes livres pour pouvoir l'appliquer, mais on avait constaté, à ce moment-là, notre groupe d'étudiants, que, dans le citoyen au centre de la réforme, jamais le citoyen n'avait été aussi peu présent. L'usager était au centre, mais le citoyen n'était plus là.
Alors, je ne sais pas où il en est rendu, le citoyen, maintenant, dans nos structures participatives. Mais le glissement, il est commencé depuis un bout de temps, hein, alors, soyons honnêtes, là, il n'est pas arrivé juste de cette année, alors, ce glissement et ce départ du citoyen qui pouvait intervenir et amener des préoccupations au-delà des problèmes de santé ou des problèmes sociaux immédiats mais dans une perspective d'intervenir au niveau des déterminants. Et je suis encore malheureux, moi, qu'on n'ait pas réussi, avec la politique santé et bien-être de 1992-2002, à agir vraiment au niveau des déterminants. Il y a eu des rapports qui nous expliquent pourquoi ça n'a pas été fait, mais souhaitons que ça puisse se faire un jour. Mais, concrètement, là, on parle, dans le projet de loi, de soins, on ne parle pas de services, et, les soins, il n'y a pas de soins sociaux. Je vais donner un autre exemple, M. le ministre.
Mme Harel: ...vous vous adressez à moi, là.
M. Leblond (Claude): Oui, excusez-moi. Mais, je dois dire, c'est parce qu'il y a un élément que vous avez amené également, qui vient... et sur lequel j'étais d'accord avec vous, mais qui illustre, là, sur la disparition, Mme Harel, du Conseil de la santé et du bien-être, qui était un instrument qui permettait à diverses bases de citoyenneté, effectivement, représentées au Conseil santé et bien-être, d'éclairer le ministre sur des aspects.
Mme Harel: Alors, revenons à la question du social, hein, parce que la perspective de l'équilibre médical-social, c'est vu dans la perspective de soins médicaux, puis le social, c'est vu comme maintien à domicile, c'est vu comme des soins de réadaptation. Ça, c'est la conception parfois très restrictive du social, soins en réadaptation, qui sont très légitimes, là. Mais le social n'est pas vu dans le sens d'une participation, disons, citoyenne, ou communautaire, ou collective, là, c'est vu dans le sens de soins.
M. Leblond (Claude): De soins de support à l'intervention médicale et de santé plutôt que de soins...
Mme Harel: Individuels.
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(16 h 20)
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M. Leblond (Claude): Tout à fait.
Mme Harel: Individuels. Je pense, ça, c'est un aspect qui a besoin d'être élargi, là.
M. Leblond (Claude): Qu'on revienne aux dimensions primordiales de l'action communautaire, le développement des communautés, favoriser... Et c'est en lien avec la politique santé et bien-être et des éléments de politique nationale de développer les... On devrait pouvoir, à partir de l'intervention auprès des groupes dans les milieux, à partir de l'intervention dans les milieux de vie, favoriser, qu'il y ait une meilleure cohésion sociale et, de là, diminuer les risques liés à des éléments des problématiques de santé, là.
Mme Harel: Vous êtes conscients que, dorénavant, avec le projet de loi n° 83, les projets cliniques des centres locaux ne sont plus en référence avec la politique santé bien-être?
M. Leblond (Claude): Tout à fait.
Mme Harel: Ça, c'est un premier élément majeur. Le deuxième élément majeur c'est le suivant. Les principes de la loi canadienne en matière de santé, qui sont des principes que les parties disent admettre, autant l'opposition que le parti ministériel, ne le sont qu'à l'égard de la santé.
M. Leblond (Claude): Ah bien, là, vous me l'apprenez, c'est gentil.
Mme Harel: Les principes de la loi canadienne ne le sont qu'à l'égard de la santé. Donc, c'est sûr qu'on va proposer, dans cette refonte de la loi fondamentale, là, que ces principes de la loi canadienne s'appliquent en santé et en services sociaux. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Leblond (Claude): Ça apporterait probablement des modifications majeures, hein. On le sait depuis 30 ans qu'il y a eu diminution, là, des services sociaux à travers... ce n'est pas une diminution, là, ce n'est pas vrai, là, je m'exprime mal, mais qu'il n'y a pas eu l'augmentation qui aurait été souhaitable par rapport à la distribution des services sociaux. On le voit par rapport aux clientèles spécifiques des jeunes en besoin de protection, mais on le voit aussi à l'intérieur des établissements de première ligne. Et, rendre accessibles et gratuits les services sociaux au Québec, ça devra dire qu'il va falloir déterminer quels sont les services sociaux qui le sont.
Et est-ce que c'est l'universalité? Alors, c'est dans l'intégralité de l'organisation des services, de la distribution à la fois de promotion, de prévention, d'intervention de première ligne, deuxième ligne et de restauration, alors de réadaptation. Si on a ça au Québec et que les budgets suivent effectivement cette orientation sur l'universalité et la gratuité des services, ce serait assez fameux, je pense, et effectivement ça devrait avoir des impacts sur la santé des citoyens, là.
Mme Harel: Et ça nous oblige, à ce moment-là, à poser la question de ce qu'on appelle, là, dans un jargon un peu technocratique, le panier de services.
M. Leblond (Claude): Tout à fait.
Mme Harel: Qu'est-ce qu'on met dans le panier de services des services sociaux et qu'est-ce qu'on met dans le panier de services médical? C'est encore une question qui est posée.
Je voyais le décret que le gouvernement actuel a adopté en décembre dernier, et, grâce à la loi d'accès à l'information, nous avons eu le contrat et le mandat qui a été octroyé à un groupe de travail qui se penche sur la question de la pérennité du financement de notre système de santé. Il n'est pas indiqué que ce soit services sociaux ? parce que je pense que la pérennité du financement en matière de services sociaux, c'est vers les citoyens que ça va s'en aller ? mais la pérennité du financement à l'égard de la santé. Alors, on a fait venir, par la loi d'accès à l'information, tout le dispositif qui est mis en place, avec le calendrier, là. Je crois que ça va devenir un élément extrêmement important.
Là, il faut encore écrire à l'accès à l'information pour avoir le nom. C'est toujours très significatif de savoir qui compose un comité. Je comprends que l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux n'a pas été invité à y participer. Alors, je pense que c'est... Pardon, excusez-moi, c'est le mandat qui s'intitule Équipe de travail sur la pérennité du système de santé et de services sociaux. Alors, vous en faites partie aussi. Vous n'avez pas été consultés encore?
M. Leblond (Claude): Il semble qu'on est de la famille avec le ministère...
Mme Harel: Ils ne vous en ont pas parlé.
M. Leblond (Claude): ...mais on est des cousins éloignés, probablement, là.
Mme Harel: Alors, c'est donc finalement un mandat qui prévoit l'étude détaillée de tout ce qu'il a pu y avoir comme groupes d'experts puis finalement la formulation de propositions sur le financement du système de santé et de services sociaux. Alors, il y a un échéancier qui prévoit des étapes, là, fin février et le rapport final en juin. Alors, je pense que c'est à suivre très, très attentivement pour savoir ce qu'il en adviendra du panier de services et du financement public du système de santé et des services actuellement dispensés dans les services sociaux. Je vous apprends quelque chose. Oui? Vous ne connaissiez pas l'existence de ce groupe de travail.
Une voix: Non.
Mme Harel: Alors, concernant les sciences humaines aussi, je crois que, dans votre mémoire, je notais, je pense, aux pages 28 et suivantes, 27, 28, vous avez fait état de la faiblesse du financement des recherches en sciences humaines. Je sais qu'il y a toute une mobilisation ? j'imagine que l'ordre en fait peut-être partie ? une mobilisation surtout au niveau universitaire pour accroître le support des gouvernements dans la recherche en sciences humaines, qui a été le parent pauvre au cours des dernières années. Est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus?
M. Leblond (Claude): C'est-à-dire, nous avons appuyé, là, ces démarches d'universitaires. Il y en a parmi eux qui sont dans les écoles de travail social. Effectivement, la recherche est... C'est difficile, le financement de la recherche, là, dans... Et, sur le développement de pratiques de pointe au niveau des services sociaux, c'est difficile également. Il y a peu d'entreprises pharmaceutiques qui s'intéressent à développer la recherche sur l'intervention auprès... ou sur les dimensions psychosociales de l'intervention auprès des personnes. Et le fait qu'il y ait un des fonds, là, qui ait disparu, qui a été fondu avec un autre, je ne me souviens jamais lequel, là, mais ça a eu un impact important sur le financement. Et la pérennité... pas la pérennité mais de pouvoir avoir des recherches longitudinales et le maintien de ces éléments-là, c'est difficile, là.
Par contre, on sait qu'avec l'établissement des instituts universitaires c'est davantage favorisant, là. Mais il y a toute la difficulté liée actuellement à la disparition du budget, là, pour les praticiens-chercheurs dans les instituts universitaires, qui alimentait beaucoup le développement des pratiques de pointe et qui va être rendu très difficile avec leur départ, là, du fait que ce n'est plus poursuivi comme subvention, là.
Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 32, vous nous parlez des clientèles vulnérables et vous nous dites qu'il faudrait clarifier le rôle de l'agence auprès des clientèles ciblées et représentées par les personnes âgées, mais aussi en rapport aux autres clientèles vulnérables, en matière d'hébergement ? santé mentale, déficience intellectuelle, itinérance. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous savez qu'il y a un débat, là, à l'effet que cette certification facultative de résidences privées d'hébergement seulement pour les personnes âgées soit extensionnée aux autres personnes démunies et vulnérables et également le choix... que ce soit une certification obligatoire.
M. Richard (Stéphane): Bien, c'est ce qu'on souhaiterait, en fait. Dans le mémoire, dans l'allocution de M. Leblond, tout à l'heure, quand on disait «toutes les clientèles vulnérables», on n'incluait pas juste les personnes âgées, on incluait les services en santé mentale. Là, on ne l'a pas marqué, mais la toxicomanie aussi on pourrait la rentrer dans la parenthèse. Donc, la vulnérabilité biopsychosociale n'est pas juste au niveau des personnes âgées. Et on sait que les mécanismes au niveau des résidences privées accréditées ou non hébergent des clientèles souvent vulnérables au niveau socioéconomique, et il va toujours y avoir un bassin pour ces clientèles un peu ? excusez-moi, le terme que je vais utiliser ? déviantes.
Donc, c'est pour cette raison-là qu'on a nommé... que M. Leblond a nommé tout à l'heure l'idée de généraliser le mécanisme de surveillance de ces résidences-là à toutes les résidences. Quand on dit «toutes les résidences» dans l'allocution de M. Leblond, c'était de cibler également ? merci de l'ouvrir pour nous le faire préciser ? la santé mentale, déficiences intellectuelles, itinérance et aussi toxicomanie. C'est des doubles problématiques.
Parce que, comme praticien, là, je suis rendu à l'ordre, mais j'en ai vu des résidences accréditées et non, et j'ai été très surpris par qu'est-ce que j'ai vu. Effectivement, il y a matière peut-être à réflexion et à travailler en ce sens-là. C'est l'objet de notre position aujourd'hui.
Mme Harel: Je vous remercie. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps?
Le Président (M. Copeman): Il vous reste trois minutes et demie.
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(16 h 30)
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Mme Harel: Trois minutes et demie. Bon. Alors, j'avais une liste de questions. J'aimerais ça vous entendre, parce que c'est quand même assez rare qu'on ait l'occasion de parler de questions d'éthique, vous parlez d'ethos dans votre mémoire, et j'aimerais ça vous entendre. Je crois que c'est à la page 15, j'avais noté que, au deuxième paragraphe, là, vous parliez d'un système sociosanitaire qui repose sur un ethos particulier, donc des valeurs. Et vous parliez que, quand on est, comme maintenant, à réviser la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il faut faire très attention. Et vous mentionnez un enjeu éthique, soit d'«éviter que cette réforme qui s'actualise crée une brèche qui provoquera une ouverture [...] du système de santé et de bien-être à la logique du marché et à la marchandisation de la vie». Alors, ça, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Richard (Stéphane): Écoutez, bon, moi, j'étudie en éthique, je suis au doctorat, etc., donc je pourrais être en mesure de vous répondre, madame, avec plaisir. En fait, le questionnement qui est soulevé là est un questionnement qui... si on se dirige vers l'ouverture, par exemple, du système de santé et de services sociaux vers un angle privé, etc., il faut le savoir. Donc, l'enjeu éthique, à la page 14, comme vous le soulevez, dans le paragraphe, si on met «la mission inaliénable de l'État démocratique est d'assurer l'intérêt général et le bien commun des personnes qui habitent»... cette idée-là était défendue par les grands philosophes de la Grèce antique, ne l'oublions pas, et on en parle encore en 2005, aujourd'hui.
Donc, en fait, l'État, c'est des manières, c'est des pratiques, c'est des valeurs que les Québécois et les Québécoises développent dans le système de santé et de services sociaux, c'est les acquis axiologiques, les acquis de la praxis, de la pratique, et ça, c'est à la fois dans le régime médical et à la fois dans le régime au niveau des affaires sociales.
Donc, nous, on a soulevé, si vous l'avez bien remarqué dans la lecture de ce mémoire, deux questionnements, plusieurs questionnements d'ordre que moi et des collègues et M. Leblond épaulons aussi comme étant des enjeux éthiques collectifs. Et, quand je parlais tout à l'heure, si vous me le permettez, de la plate-forme de communication continue, c'est que, dans la modification, dans tous les projets de loi à l'heure actuelle, on devrait peut-être instaurer un mécanisme d'échange de communication. Quand on dit «plate-forme de communication», une plate-forme, ça tourne, donc c'est un petit peu...
Pour vous répondre, on a des grandes préoccupations éthiques, à l'ordre, concernant le rapport de l'État et le citoyen au niveau des services, au niveau à la fois de l'accessibilité, de la qualité, etc. Mais effectivement c'est des questionnements qu'on soulève. Et, vous l'avez bien noté, c'est, le premier, questionnement éthique, le deuxième, c'est concernant les données biomédicales.
Mme Harel: Il y a plusieurs analystes qui pensent que la situation un peu trouble, là, qui se vit actuellement au Québec est très associée justement à cette rupture d'un dialogue sur des questions, si vous voulez, de principe, si vous voulez, sur des questions de fond. C'était ma conclusion. Merci.
Le Président (M. Copeman): C'est bien. Merci, M. Leblond, M. Richard, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec.
J'invite immédiatement les représentantes de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec à prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.
Mme la présidente Asselin, bonjour. Je vous rappelle nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange également d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et d'enchaîner avec votre présentation.
Association des pharmaciens
des établissements de santé
du Québec (APES)
Mme Asselin (Johanne): Parfait. Merci. En premier lieu, je vais vous présenter Mme Francine Lussier-Labelle, qui est deuxième vice-présidente à l'association, et Mme Manon Lambert, à ma droite, directrice générale.
M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de cette occasion que vous nous donnez d'échanger avec vous sur le projet de loi très important pour le Québec mais également très important pour les pharmaciens en établissements de santé. Je parle aujourd'hui au nom des quelque 1 200 membres pharmaciens qui exercent leur profession dans les établissements publics de santé du Québec.
Il est utile ici de souligner que 80 % de nos membres détiennent une formation de second cycle, ce qui les conduit à assumer la dispensation de soins pharmaceutiques complexes et très spécialisés. Mentionnons également que les pharmaciens d'établissements sont fréquemment cités comme modèles pour leur implication à favoriser une utilisation optimale des médicaments parce qu'ils améliorent la qualité de leur utilisation sur le plan clinique, qu'ils s'assurent que les médicaments sont utilisés de façon sécuritaire et qu'ils sont conscients que les sommes qui sont investies dans ce chapitre doivent être utilisées efficacement.
Le projet de loi n° 83. Abordons maintenant le projet de loi n° 83 en soi. L'APES considère qu'il s'agit d'un projet de loi important sous plusieurs angles, puisqu'il vise non seulement à harmoniser les dispositions de la loi des 4S avec les changements qui ont été introduits par la création des réseaux locaux, mais également parce qu'il propose diverses modifications, dont plusieurs sont fondamentales. Évidemment, l'APES s'en tiendra à des commentaires sur les dispositions législatives qui affecteront les membres de son association et laisse le soin aux autres intervenants d'intervenir dans l'entièreté du projet.
Mentionnons toutefois que de façon générale l'APES accueille favorablement le projet de loi. Par contre, nous désirons porter certains éléments à votre attention, compte tenu aussi de l'évolution de la pratique de la pharmacie dans les établissements de santé, mais également de l'évolution de la Loi sur la pharmacie dans le cadre de la réforme du système professionnel. Je ne compte pas reprendre ici toutes les questions abordées dans notre mémoire, compte tenu du temps limité dont je dispose, mais je vais vous apporter quelques points importants de notre mémoire.
Les comités régionaux sur les services pharmaceutiques. Dans un premier temps, nous abordons la question des comités régionaux des services pharmaceutiques. L'APES est heureuse de constater que le législateur, avec la création de ces comités définis à l'article 153 du projet de loi, cherche à corriger une situation qui ne permettait pas auparavant aux pharmaciens, contrairement à tous les autres professionnels de la santé, d'exprimer leur avis et d'offrir leur collaboration active aux dirigeants des agences sur des questions relevant de leur expertise propre. Bien que le projet de loi représente un pas en avant dans la bonne direction, l'association comprend mal pourquoi la loi d'harmonisation introduit des particularités dans le mode de représentativité régionale des pharmaciens lorsqu'on le compare avec les modèles de commissions régionales en place.
Les différences sont importantes et elles se situent sur deux plans. D'abord, le comité régional est distinct des diverses commissions, puisque les pharmaciens ne pourront pas donner leur avis directement au conseil d'administration de l'agence ou disposer d'un siège au sein de ce conseil. Ensuite, il est distinct, puisque sa composition n'est pas clairement définie dans le projet de loi, laissant ainsi place à une possibilité de représentation non équilibrée des divers secteurs de pratique et des centres exploités par les établissements des régions et à une représentation non uniforme non plus d'une région à l'autre. Une telle lacune pourrait conduire à exprimer des avis qui ne tiennent pas correctement compte des réalités des différents milieux et secteurs de pratique et des clientèles différentes qu'ils desservent.
L'APES croit qu'en amoindrissant le poids politique des pharmaciens au sein des agences, on amoindrit d'autant leur capacité à participer activement à la recherche de solutions au problème épineux et coûteux de l'utilisation non appropriée des médicaments. C'est pourquoi notre association recommande que le comité régional sur les services pharmaceutiques soit remplacé par la commission régionale sur les services pharmaceutiques afin d'octroyer à ce regroupement le même statut que les commissions médicales, infirmières et multidisciplinaires.
L'octroi de privilèges aux pharmaciens d'établissements. Dans un autre ordre d'idée, vous n'êtes pas sans savoir que, dans le cadre de la modernisation de son système professionnel, le Québec a considérablement modifié le champ d'exercice des pharmaciens et leur a confié des nouvelles activités. Une de ces nouvelles activités est celle qui consiste à initier et à ajuster la thérapie médicamenteuse. Bien que déjà réalisées dans de nombreux établissements, ces activités pharmaceutiques plus complexes ont fait l'objet de nombreuses discussions entre les divers intervenants concernés, notamment l'Ordre des pharmaciens, le Collège des médecins du Québec et l'APES.
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(16 h 40)
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La réalisation de ces activités demande une concertation des principaux acteurs intéressés, notamment les médecins et les pharmaciens. Cette concertation doit être réalisée dans une optique de collaboration et basée sur la présence d'un respect mutuel et d'une reconnaissance des expertises de chacun. De façon à systématiser cette reconnaissance de l'expertise particulière des pharmaciens d'établissements, l'APES suggère que des privilèges de pratique leur soient octroyés de façon à tenir compte des qualifications nécessaires à la réalisation de certaines activités pharmaceutiques, dont des activités d'initiation ou d'ajustement complexe de la thérapie médicamenteuse.
En plus de ce qui précède, un autre élément milite en faveur de la pertinence de reconnaître des privilèges aux pharmaciens des établissements de santé. En effet, le bureau de l'Ordre des pharmaciens a récemment endossé le rapport d'un comité qui a établi la pertinence de reconnaître des spécialités en pharmacie. La reconnaissance éventuelle de certaines spécialités pourrait faire en sorte qu'un établissement veuille dans certains cas préserver des activités pharmaceutiques ayant une portée clinique plus importante à des pharmaciens spécialisés ayant des qualifications et des compétences particulières.
Si des privilèges étaient octroyés aux pharmaciens, le CMDP deviendrait alors responsable, au moment de la nomination du pharmacien, de s'assurer que celui-ci possède la formation nécessaire ou l'expérience clinique pertinente pour accomplir les tâches complexes qu'on exigera de lui dans l'établissement donné. En plus, le fait de procéder à des renouvellements subséquents des privilèges donnerait également une garantie de maintien des acquis cliniques du pharmacien dans le temps.
La conclusion d'entente de services. Un autre sujet que l'association désire ici aborder est celui de la conclusion d'entente de services. En effet, l'article 47 du projet de loi n° 83 introduit un troisième alinéa à l'article 108 de la loi des 4S, qui, s'il était adopté, pourrait conduire à la privatisation partielle des départements et services de pharmacie. Or, si on considère l'efficacité largement démontrée et reconnue des pharmaciens d'établissements à favoriser une utilisation optimale des médicaments, cette proposition laisse l'APES plus que perplexe.
En effet, les établissements de santé, qui sont pourtant les premiers à introduire les innovations pharmaceutiques coûteuses, auraient dû voir leurs dépenses de médicaments augmenter beaucoup plus rapidement ou beaucoup plus fortement que celles du régime général d'assurance médicaments. Or, en raison du travail des médecins, mais particulièrement de celui des pharmaciens, les dépenses en médicaments des établissements ont longuement crû à un rythme moindre, ou sinon à un rythme équivalent à celui du régime d'assurance générale. En outre, des études ont clairement montré que les pharmaciens d'établissements améliorent la qualité clinique et la sécurité de l'utilisation des médicaments.
Dans ce contexte, nous comprenons mal, au moment où le ministre veut mettre en place une politique de médicament dont l'un des principaux objets est la recherche de l'utilisation optimale des médicaments, qu'on suggère une modification législative qui serait de nature à s'aliéner des partenaires efficaces et qu'on entrevoie une solution moins efficiente ou du moins qui n'a pas démontré son efficacité dans la documentation scientifique.
Le plan d'organisation et le département de pharmacie. Vous me permettez maintenant d'aborder la question des plans d'organisation, plus particulièrement en ce qui concerne l'organisation des activités pharmaceutiques dans les instances locales. Ces dernières, par l'effet de la loi, regroupent dorénavant un CH, un ou plusieurs CHSLD, un ou plusieurs CLSC. Il faut donc déterminer si un tel établissement opère plusieurs centres ou un seul. Il faut savoir qu'actuellement la loi des 4S définit les centres par leur mission. Ainsi, l'instance qui opère plusieurs centres aura au moins autant de centres qu'il y a de missions. Un établissement qui provient d'un CH, de trois CHSLD, de deux CLSC doit, par l'effet des missions, avoir au moins trois centres. Néanmoins, pourrions-nous considérer qu'il va opérer six centres et que son plan d'organisation doit prévoir la présence de quatre départements de pharmacie ou encore d'un département de pharmacie et de trois services de pharmacie? Cette hypothèse n'est pas contredite par le projet de loi n° 83 ou celui de la loi des 4S. A contrario, de nombreuses instances locales comportent déjà un CH et, de fait, prévoient la présence d'un département clinique de pharmacie au plan organisationnel. Est-ce à dire que l'établissement pourrait établir un plan, donc un seul département de pharmacie pour l'ensemble des centres qu'il opère?
Devant l'absence de réponses à ces questions dans la loi n° 25 nous avions cru que la loi d'harmonisation disposerait de ces incertitudes, mais ce n'est pas le cas. Dans ce contexte, nous croyons qu'il importe d'apporter des précisions au projet de loi n° 83 afin de clarifier l'organisation pharmaceutique au sein des instances locales. L'association croit donc que, compte tenu des investissements technologiques et informatiques qui doivent être consentis aux départements de pharmacie et dans le but de favoriser une allocation optimale de l'expertise pharmaceutique, le plan d'organisation des instances devrait prévoir la présence d'un département de pharmacie unifié.
Cependant, il est certain que, pour nous, cette intégration des soins et services doit être réalisée dans un contexte où l'organisation favorise le maintien et le développement des services pharmaceutiques de qualité dans chacun des centres de l'instance minimalement à la hauteur des normes actuelles. Elle doit aussi être réalisée dans le respect des clientèles de chacun. En ce sens, le déficit de ressources pharmaceutiques de certains centres, que cela soit dû à la pénurie actuelle ou encore à une sous-évaluation des besoins par les gestionnaires, constitue un défi important dans le contexte où il faudra maintenir un équilibre entre les ressources disponibles dans les différents centres d'une même instance.
Par ailleurs, toujours en matière d'organisation de services, l'association désirerait réaliser un addenda à ce qui a été présenté dans son mémoire. Ce point concerne la nomination du DSP. Actuellement, la loi des 4S prévoit que la nomination d'un DSP est requise pour tout établissement qui exploite un centre hospitalier ou pour tout établissement désigné centre de santé. De plus, la loi prévoit que ce DSP doit être médecin. Toutefois, la loi prévoit aussi que tout autre établissement peut nommer un DSP et il n'est pas précisé que ce dernier doit être médecin. Certains des établissements ont donc procédé à la nomination de pharmaciens au poste de DSP. C'est le cas, par exemple, au Centre Drapeau Deschambault, à Sainte-Thérèse de Blainville. Devant ce qui précède, nous nous étonnons que le projet de loi n° 83, à l'article 89, exclue dorénavant les pharmaciens comme candidats potentiels au poste de DSP même dans les instances locales qui n'exploitent pas de centre hospitalier. Nous recommandons donc de prévoir cette exception au projet de loi n° 83 pour maintenir le statu quo.
L'instance locale et la coordination des services pharmaceutiques. Parlons maintenant de coordination et de continuité de services pharmaceutiques. Il faut savoir que, comme c'est le cas pour les services médicaux, il existe présentement des difficultés sur le plan de la coordination et de la continuité des services pharmaceutiques. Or, ces difficultés résultent souvent en des problèmes reliés à la pharmacothérapie qui eux-mêmes conduisent à des réhospitalisations ou encore à une consommation accrue de services de santé. Le tout bien sûr cause bien des ennuis aux patients et des coûts supplémentaires au système de santé. Par exemple, combien de fois ai-je pu remarquer qu'après avoir fait le ménage de la médication d'un patient, quelque mois après, le patient revenait à l'hôpital avec les mêmes médicaments qu'on avait réussi à cesser.
Dans ce contexte et compte tenu de l'intégration des pharmacies privées au sein des réseaux locaux, l'APES croit qu'on devrait confier aux instances locales la responsabilité de créer des conditions favorables à l'accès à la continuité des services pharmaceutiques. Cela serait d'autant plus nécessaire dans le temps que l'impact de la loi n° 90 se fera sentir et que les traitements pharmacologiques seront initiés et ajustés par les pharmaciens des deux secteurs de pratique au moment où des patients seront admis, inscrits ou auront congé des centres de l'instance.
À l'article 41 du projet de loi n° 83, on prévoit l'ajout de l'article 99.7 à l'actuelle loi des 4S. Cet article édicte les responsabilités de l'instance locale en matière de coordination des services pour la population du territoire du réseau local. Il prévoit aussi le rôle de l'instance en ce qui a trait à l'accès aux services médicaux, et ce, en portant une attention particulière à l'accès à l'information, notamment aux profils médicamenteux. Malheureusement, ce même article ne prévoit rien en matière de coordination des services pharmaceutiques. Il ne prévoit pas non plus le recours à l'expertise pharmaceutique, et ce, malgré les affirmations répétées du caractère essentiel de l'expertise du pharmacien au sein des réseaux intégrés des services par les décideurs.
L'APES croit que la loi d'harmonisation doit prévoir que les responsabilités exercées par l'instance locale, telles qu'elles ont été prévues à l'article 99.7, devraient également porter sur l'accès à la continuité des services pharmaceutiques et qu'elles soient exercées non seulement en concertation avec la commission médicale régionale, mais également avec la commission pharmaceutique régionale, dont nous avons déjà proposé la mise en place.
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(16 h 50)
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De plus, à l'instar de ce que pensaient les membres de la commission Clair, l'APES est d'avis que les médecins de famille auraient tout intérêt, compte tenu de la complexité grandissante de la pharmacothérapie et des impacts sur la santé et les coûts des services de santé, à avoir accès à l'expertise spécialisée des pharmaciens d'établissements. L'article 99.7 devrait donc être revu en conséquence.
Actifs informationnels et sécurité de l'information électronique. Finalement, l'association tient à aborder la question de la transmission de l'information. Les pharmaciens d'établissements ont mis la technologie au service de leur pratique professionnelle depuis de nombreuses années. Ils ont donc été à même de constater toute l'utilité de la technologie de l'information. Toutefois, le réseau public des établissements de santé est constitué d'une mosaïque de systèmes d'information pour ce qui a trait à des logiciels propres aux départements et aux services de pharmacie. Un bref sondage de l'association nous a permis d'en répertorier une dizaine de fournisseurs différents. Il est donc aisé de comprendre le défi qui sera imposé aux informaticiens afin qu'ils rendent disponibles les renseignements sur les médicaments consommés à l'hôpital, et ce, tel que prévu dans le projet de loi.
Devant le défi technologique qui se présente, il nous apparaît important d'affirmer que la solution ne saurait résider dans la double entrée de données ou dans l'entrée de données supplémentaires par le personnel du département ou du service de pharmacie. Outre, une application informatique qui aurait pour effet de ralentir la rapidité du traitement des informations ou encore de paralyser le système de pharmacie serait inacceptable aux termes de productivité. Par ailleurs, plusieurs départements de pharmacie sont dotés d'équipements et de progiciels de pharmacie désuets. Il faudra certes prévoir un budget d'immobilisations pour rehausser le parc informatique de certaines instances locales, sans quoi les données de pharmacies hospitalières risquent de manquer à l'appel. Voilà ce qui termine notre présentation. Merci de nous avoir écoutées. Mme Lambert est prête à répondre à vos questions.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme Asselin. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Asselin, Mme Lambert et Mme Lussier-Labelle, pour votre présentation. On connaît donc l'importance et le sérieux de la situation de pénurie d'effectifs de nos pharmaciens d'établissements, on en a parlé souvent. Est-ce que l'attribution de privilèges ou d'après vous la reconnaissance de spécialités pourrait avoir un impact sur cette rétention de la main-d'oeuvre ou cette attraction de la main-d'oeuvre?
On essaie d'offrir, en milieu hospitalier, vous le savez, un plan de carrière et un milieu de pratique stimulants étant donné que, sur le plan économique, c'est difficile de suivre le rythme parfois de ce qui s'offre dans le privé. Est-ce que donc vous pensez que cette nouvelle façon de donner des privilèges, de reconnaître certaines compétences de pointe serait de nature à aller dans cette direction-là?
Mme Lambert (Manon): Alors, si vous me permettez, je vais répondre à la question. Effectivement, c'est une des préoccupations, en fait ça fait partie des échanges qu'on a eus avec l'Ordre des pharmaciens dans le dossier de la spécialisation et évidemment ça rejoint le dossier des privilèges. Or, c'est clair que, si on reconnaît l'expertise particulière par un certificat de spécialiste, on pense qu'effectivement en termes de plan de carrière, ça peut apporter une reconnaissance aux pharmaciens d'établissements, qui pourrait... En tout cas, si on réussit à jouer sur plusieurs plans, n'éliminant pas la question salariale évidemment, mais, si on réussit à jouer sur plusieurs plans, on pense qu'effectivement ça peut avoir un effet de rétention, cette reconnaissance-là, tout à fait.
M. Couillard: Pour ce qui est de la modification de l'article 108 que vous suggérez de ne pas faire, de le laisser comme il est actuellement, le but de cette modification, c'est de tenir compte des projets technologiques tels que la robotisation, par exemple, et de permettre à un établissement qui serait fort bien équipé sur le plan technologique ? il y en a quand même au Québec ? mais même d'une capacité plus grande que le nombre de lits qu'il a à desservir, de permettre donc à cet établissement de partager sa technologie avec un établissement voisin de petite taille, par exemple. Donc, c'est ça qui est le but fixé à ça. Vous auriez d'autres suggestions pour atteindre le même objectif sans aller par la modification de l'article 108? Parce que c'est ça, l'objectif qui est visé, là.
Mme Lambert (Manon): Bien, c'est-à-dire que, si effectivement c'est l'objectif visé, par rapport à la loi, ce n'est pas ce que l'article dit, dans le sens que ça n'empêche pas ça. C'est clair qu'effectivement on prévoit, à cet article-là, qu'il pourra y avoir des ententes interétablissements, et ça, on n'a aucun problème avec ça. D'ailleurs, l'association l'a toujours favorisé. Par exemple, souvent, dans les établissements où on a peu de pharmaciens, peu de masse critique d'expertise, au niveau technologique, ça permettrait effectivement de pouvoir se payer les robots, mais, même au niveau de l'expertise, ça pourrait permettre de briser l'isolement de certains professionnels qui pratiquent seuls ou en petits groupes. Donc, ça, on n'a aucun problème.
Mais la façon dont la modification est libellée, c'est qu'elle ne permet pas seulement la question des ententes interétablissements, mais elle permet aussi de faire des ententes avec des personnes ou des organisations. Alors, si ce qu'on vit, c'est seulement les ententes interétablissements, il faudrait peut-être modifier cet article-là pour le préciser que ce qu'on veut, c'est permettre effectivement les ententes interétablissements. Et ça, l'association vous suit à 100 milles à l'heure là-dessus, il n'y a aucun problème.
M. Couillard: On verra donc comment rendre ça plus explicite. Vous préconisez, au sein des instances locales, la formation d'un département de pharmacie unifié, mais vous voulez également qu'on fasse la déconcentration puis qu'on permette la pratique professionnelle dans chacune des installations, là. Comment est-ce que vous envisagez pratiquement de concilier les deux? Par des services du département? Ou comment...
Mme Lambert (Manon): Effectivement, c'est une des possibilités. Maintenant, nous, ce qu'on dit à ce niveau-là, c'est que, bon, on pense que la loi comme telle devrait prévoir effectivement l'existence d'un département de pharmacie unifié et on fait une espèce de mise en garde, qui n'est, je dirais, pas nécessairement destinée au législateur comme tel mais aux établissements, de s'assurer que, ce faisant ? même si on pense que c'est ce qui doit être fait ? que, ce faisant, on va respecter effectivement les missions propres à chacun des centres, qu'on va s'assurer, par exemple...
Et ça, il y a beaucoup de craintes au niveau de nos membres. On représente des membres qui travaillent tant dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée que dans les CLSC et les centres hospitaliers. Il y a une crainte, effectivement... J'entendais parler tantôt: le débat du médial et du social. Bien, il y a le débat des CHSLD et des centres hospitaliers, vous le savez très bien, vous avez été dans un établissement. Donc, il y a une crainte effectivement que, par exemple, les centres hospitaliers attirent toutes les ressources et le fassent au détriment des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Est-ce que cette crainte-là est réelle ou pas? Je ne peux pas me prononcer.
Ceci étant dit, ce qu'on pense, c'est qu'en termes d'efficacité et encore une fois en termes de masse critique d'expertise, on gagnerait au regroupement, mais il faut s'assurer que le message soit clair au niveau des gestionnaires, qu'effectivement, si on se retrouve avec un département qui compte un grand nombre de pharmaciens, un grand nombre de sites, que chacune des missions soit respectée. Alors, si un établissement considère que c'est par la réalisation ou la mise en place de services, allons-y. Si c'est par des délégués... On ne veut pas ici, là... et on ne veut pas aller aussi finement dans le projet de loi. Je pense que c'était vraiment une mise en garde qui s'appliquait davantage aux gestionnaires d'établissements qui tiennent ça en compte dans leur plan d'organisation, mais on ne pense pas qu'il y a une organisation unique qui peut répondre à cet objectif-là.
M. Couillard: Vous parlez des CHSLD. À mon avis, l'exemple que vous soulevez serait une fort mauvaise pratique administrative, ce serait une fort mauvaise décision, à part la philosophie, juste sur le plan de l'efficacité administrative, d'aller prendre des ressources de CHSLD puis de les ramener en centre hospitalier. C'est plutôt le contraire qu'il faut faire, là, si on veut être efficaces comme gestionnaires dans le réseau.
Mme Lambert (Manon): Je suis absolument d'accord avec vous. Ceci étant dit, il y a des préjugés tenaces de part et d'autre, et la pénurie étant ce qu'elle est, vous l'avez mentionné tantôt, quand on en déficit de ressources important d'un côté et qu'on tient le département à bout de bras, ça peut être tentant, à un moment donné, de dire: Oups! il n'y a pas de déficit de ressources du côté de l'autre centre, on va aller chercher ces ressources-là, et sans tenir compte nécessairement des besoins des clientèles. Alors, ça va être un exercice, je dirais, assez difficile en pharmacie compte tenu du contexte actuel de pénurie.
M. Couillard: Ce serait une analyse très superficielle parce que...
Mme Lambert (Manon): Tout à fait.
M. Couillard: ...c'est probablement plus rentable pour un établissement d'ouvrir une unité subaiguë, par exemple, dans le CHSLD, une unité de convalescence, que d'avoir des patients qui occupent des lits de soins aigus. Ça me semble très logique.
Effectivement, on voudrait faire un meilleur lien de continuité entre les pharmaciens d'établissements puis les pharmaciens qu'on appelle communautaires, ou d'officine, ou privés ? il y a toutes sortes d'adjectifs selon les groupes qui se présentent ici. Il y a des expériences pilotes, vous le savez, vous les connaissez beaucoup mieux que moi, qui sont d'ailleurs à l'origine de cette idée qu'on a eue de favoriser cette continuité.
Mais là on innove, hein, on innove complètement. Et l'approche qu'on suit ? puis ça rejoint également votre remarque sur la commission pharmaceutique ? c'est que c'est une première étape, cette formation d'un comité pharmaceutique régional, qui va donc nous suggérer puis expérimenter ? il faut le dire, parce que c'est nouveau ? dans plusieurs régions, des modèles de continuité ou de collaboration. Et ceci pourrait par la suite donner lieu à des modifications concrètes qui pourraient s'appliquer partout et même à la naissance éventuelle d'une commission pharmaceutique régionale. C'est un peu comme ça qu'on voit ça. Parce qu'on a l'impression qu'il faut y aller avec prudence étant donné que c'est un terrain à peu près pas défriché jusqu'à maintenant, sauf dans certaines régions où il y a eu des projets pilotes.
Comment est-ce que vous pensez qu'on peut aller plus vite sans vouloir aller trop vite puis se ramasser avec des projets qui sont mal attachés, qui n'ont pas été bien évalués et on tire la conclusion erronée que ça ne fonctionne pas, alors qu'on le sait que ça va fonctionner, la continuité, si on l'organise comme il faut?
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(17 heures)
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Mme Lambert (Manon): Bien, c'est un peu ce que... Je vous retirerais les paroles de la bouche. Je pense qu'effectivement pour avoir discuté assez fréquemment avec les collègues, entre autres des collègues de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et des collègues de l'Ordre des pharmaciens, la profession est prête actuellement à regarder des activités qui visent à s'assurer finalement qu'on va atteindre un niveau de continuité. Donc, il y a déjà des discussions.
Il y a déjà des gestes par ailleurs qui sont en place. Vous avez déjà parlé, entre autres, du projet du pharmacien de liaison; c'est un exemple concret. Mais je vous dirais qu'à Montréal il y a eu, par exemple, un établissement universitaire, à un moment donné, où, en gériatrie active, les pharmaciens et l'établissement transféraient les plans de soins pharmaceutiques à leurs collègues du privé. On commence aussi à avoir ce genre d'initiative là en anticoagulothérapie où les pharmaciens d'établissements sont en train de former les pharmaciens de pratique privée pour prendre en charge les clientèles qui sont stabilisées, qui prennent des anticoagulants oraux. Donc, je dirais, il y a déjà cette volonté-là au sein de la profession de travailler ensemble.
Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il n'y a pas d'étude ou d'analyse à faire à ce niveau-là. Il y a déjà cette volonté-là. Ce qui manque effectivement, c'est une structure régionale qui permettrait d'organiser de façon efficace ces soins-là et qui permettrait aussi effectivement ? et c'est là qu'on a le problème avec le comité ? qui permettrait que ces initiatives-là n'arrêtent pas au président-directeur général si effectivement, compte tenu des priorités de la région, bien ça passe au 12e ou au 13e rang. Donc, ce qu'on voudrait, c'est que ça puisse être débattu effectivement au sein du conseil d'administration, où on aurait des collègues médecins, des collègues infirmières, des collègues du conseil... où on pourrait tenter d'avoir un soutien régional à ce niveau-là. Parce qu'actuellement ce qu'on est en train de faire dans ces initiatives-là, c'est qu'on recommence un petit peu partout, on réinvente la roue à chaque fois. Donc, d'avoir une structure régionale qui nous permette effectivement de planifier tout ça nous serait d'une grande utilité, et d'avoir des décisions régionales nous aiderait particulièrement.
Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Ça nous fait plaisir de vous revoir, Mme la directrice générale, Mme Lambert, Mme Asselin, la présidente, et Mme Lussier-Labelle. Ça a été une des premières activités que j'ai faites, celle de participer à votre congrès, à Saint-Hyacinthe, il y a déjà un an et demi, hein?
Une voix: ...
Mme Harel: Il y a un an, c'est ça, un an. Alors, j'aimerais bien que l'on reprenne en fait cet échange que vous aviez avec le ministre, hein, sur la continuité des services en rupture. Mais il y a quand même une inquiétude que vous exprimez, là, à la page 9 de votre mémoire, sous le titre Entente de services, avec l'arrivée, là, de ce troisième alinéa qui, dites-vous, pourrait être interprété comme conduisant à la privatisation partielle des départements et services de pharmacie. Alors, comment on concilie à la fois le travail intersectoriel au sein de la profession puis en même temps cette crainte que vous avez exprimée dans votre mémoire?
Mme Lambert (Manon): Bien, la continuité des services, je pense, c'est de s'assurer que des intervenants ou des professionnels qui interviennent dans un même épisode de soins mais à des moments différents selon leur expertise puissent travailler ensemble dans le souci de s'assurer finalement que la clientèle obtient les meilleurs services. Ça, pour nous, c'est ce qui est la continuité.
L'article 108, la modification à l'article 108, ce n'est pas ça. Ce que ça pourrait permettre, c'est que des pharmaciens de pratique privée qui n'ont pas nécessairement l'expertise particulière des pharmaciens d'établissements pour agir, je dirais, davantage... L'expertise des pharmaciens d'établissements, elle se situe au niveau de l'intervention dans les épisodes de soins aigus et complexes. C'est là qu'on retrouve l'expertise particulière des pharmaciens d'établissements. Ils font une résidence en pharmacie d'établissement de 18 mois, un stage de formation pratique, et ça leur permet effectivement d'intervenir de façon adéquate.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que la continuité, c'est une chose, mais il ne s'agit pas de remplacer les gens qui offrent des services spécialisés par des gens qui offrent des services moins spécialisés ou qui ont peut-être moins la capacité de le faire. Alors, pour nous, c'est ça. Ce n'est pas un paradoxe du tout. C'est de s'assurer suffisamment que les bonnes personnes aux bons endroits sont là pour offrir les services et qu'en plus ces personnes-là se parlent, mais pas remplacer les uns par les autres quand ce n'est pas remplaçable, finalement.
Mme Harel: Les pharmaciens du communautaire ou en fait... ? c'est peut-être une expression un peu surannée, hein, mais en fait vous savez de qui je parle ? sont venus en commission parlementaire, en fait il s'agissait surtout des propriétaires, qui ont beaucoup insisté pour qu'il y ait une réciprocité entre pharmaciens et médecins et que l'intention thérapeutique soit connue de manière à ce que le pharmacien reçoive cette information dont il ne dispose pas présentement. Alors, je ne sais pas quel est votre point de vue sur ces questions-là.
Mme Lambert (Manon): Sur la question des pharmaciens communautaires, on considère que les pharmaciens qui travaillent dans les établissements, les hôpitaux... Les hôpitaux sont dans la communauté, alors on considère qu'on fait aussi partie de la communauté. Donc, habituellement, on les appelle les pharmaciens de pratique privée parce que c'est des pharmaciens qui exercent dans le secteur privé.
Pour revenir à la question de l'intention thérapeutique, les pharmaciens d'établissements actuellement ont accès à l'entièreté du dossier médical à l'intérieur de l'établissement. Et je pense qu'il y a la question de la formation, dont on parlait en termes d'intervention tantôt, qui permettait aux pharmaciens d'aller plus loin, mais le second élément qui leur permet d'aller plus loin dans leur pratique, je pense que c'est cette information-là.
C'est excessivement difficile d'intervenir comme pharmacien en disant à un médecin: Écoute, il y a une interaction entre deux médicaments qui peut faire, par exemple, augmenter le potassium sérique du patient. Tu lui fais cette remarque-là et tu t'aperçois finalement que l'interaction n'a pas eu lieu et que, le patient, son potassium est tout à fait correct. Le médecin, quand ça fait trois, ou quatre, ou cinq fois que tu lui dis ça, il va dire: Il est-u fatiguant, le pharmacien, je le sais qu'il y a une interaction. Par contre, s'il ne l'a pas vue cette interaction-là, puis que le potassium du patient est rendu à 5,8, puis que le patient va faire une asystolie bientôt, ah, là, il dit: Ça, c'est intéressant. Donc, on a cette information-là, d'une part.
D'autre part, pour ce qui concerne l'intention thérapeutique, effectivement c'est difficile d'intervenir encore une fois dans la mesure où on ne connaît pas pourquoi exactement le médicament est donné et où on ne connaît pas la cible que le médecin veut atteindre. Ça, nous, en établissement, on l'a. Et donc on pense qu'effectivement nos collègues du privé devraient pouvoir... Si on veut effectivement exploiter au maximum les compétences des pharmaciens, ces pharmaciens-là devraient aussi pouvoir compter sur cette information-là.
Par ailleurs, il faut comprendre que même nous, les pharmaciens d'établissements, allons, à titre d'intervenants habilités, pouvoir consulter le dossier de santé électronique du patient et donc pouvoir être connaissants de la médication qui est prise à l'extérieur. Ça, ça va nous éviter beaucoup de dédoublements. Nos pharmaciens qui travaillent à l'urgence pourront prendre connaissance de ces médicaments-là. Or, il est aussi intéressant pour nous de savoir, le médicament qui a été prescrit par le médecin de cabinet privé, pourquoi est-ce qu'il est prescrit. Quand j'arrive à l'urgence, quand le patient arrive à l'urgence, on a besoin de cette information-là. Donc, je dirais que l'intention thérapeutique, elle est probablement un enjeu primordial pour les pharmaciens de pratique privée, mais elle est aussi importante pour les pharmaciens d'établissements.
Mme Harel: La question me vient à l'esprit compte tenu justement que vous mentionniez dans votre mémoire, toujours à la page 9, que vous introduisiez des innovations pharmaceutiques. Vous les dites coûteuses, mais souvent elles sont gratuites quand elles sont en établissement. Et la difficulté, c'est lorsque le patient quitte l'établissement. Alors, je ne sais pas quel est votre point de vue là-dessus.
Mme Lambert (Manon): Alors, il faudrait venir dans un établissement de santé puis voir le chef du département de pharmacie se débattre pour son budget pour voir qu'elles ne sont pas gratuites, ces innovations-là.
Mme Harel: Je suis certaine, certaine. En tout cas, c'est ce que les compagnies pharmaceutiques prétendent, c'est qu'elles font souvent, elles font gracieusement l'offre de produits innovateurs.
Mme Lussier-Labelle (Francine): ...je viens de terminer ma préparation budgétaire que je peux en parler longuement. L'acquisition des médicaments en établissement est de loin non gratuite, elle est en très faible partie gratuite lorsqu'il y a des recherches, des protocoles de recherche, mais sinon elle est habituellement coûteuse. Oui, il y a des contrats, il y a de la négociation à des coûts unitaires qui sont parfois moindres qu'au régime général, mais les molécules les plus coûteuses, qui sont habituellement en oncologie, en soins critiques, la petite bouteille peut coûter 5 000 $ et 10 000 $. Donc, elle est de loin gratuite.
Mme Lambert (Manon): Et, si vous me permettez d'ajouter, quand vous rencontrerez les gens de l'industrie pharmaceutique, invitez-nous avec eux, on fera le contrepoids concernant leur discours sur le prix des médicaments.
Mme Harel: Est-ce que vous allez revenir devant la commission parlementaire pour présenter un mémoire sur la politique pharmaceutique? Il me semble que vous êtes bien placés pour le faire?
Mme Lambert (Manon): Absolument.
Mme Harel: Alors, dans votre mémoire, vous parlez d'un plan d'effectifs pharmaceutique planifié qui est archaïque, en fait, hein, et qui a été élaboré il y a déjà 15 ans, disiez-vous, je pense, dans le mémoire. J'aimerais ça vous entendre sur cette question-là.
Mme Lambert (Manon): On ne parle pas de plan d'effectifs, on parle de balises. Notre ordre, l'Ordre des pharmaciens, il y a effectivement une quinzaine d'années, a établi des balises que je qualifierais de minimales qui disent que, par exemple, pour pouvoir offrir des soins de base dans un établissement de santé, on devrait retrouver, par exemple, un pharmacien par 30 lits de soins aigus. C'est des balises comme ça. Donc, effectivement, c'est des balises qui ont été établies au moment où la spécialisation n'était pas encore très présente, au moment où les soins pharmaceutiques étaient, je dirais, à leurs balbutiements. Donc, déjà, là, on a un problème par rapport à ces normes-là.
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(17 h 10)
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Mais par ailleurs pourquoi on a amené ce problème-là dans le mémoire? C'est que, évidemment, avec la création des RUIS, il y aura une obligation des RUIS à s'assurer finalement que les établissements qui font partie de leurs territoires de desserte n'aient pas de rupture de services. Alors, ce qu'on dit, c'est: Comment en pharmacie considère-t-on une rupture de services? Est-ce que c'est l'absence totale de pharmaciens? Est-ce que, si je n'ai pas de pharmacien... si j'ai des pharmaciens partout, mais je n'en ai pas dans un secteur de pointe ou critique comme l'oncologie, est-ce que je ne suis pas aussi en rupture de services? Et ça, je dirais que, quand on parle aux fonctionnaires, quand on parle aux gestionnaires, on n'a pas toujours la même compréhension de ce que sont les besoins au niveau pharmaceutique et de ce qu'est une rupture de services.
Donc, ce qu'on pense, nous, c'est qu'il faut... La création des RUIS, entre autres, pourrait être une opportunité pour qu'on puisse effectivement discuter tous ensemble et se mettre d'accord sur ce que constitue effectivement une offre de soins et de services pharmaceutiques qui a de l'allure pour les citoyens québécois, compte tenu de l'importance encore une fois que la pharmacothérapie prend dans la place de la thérapeutique moderne.
Mme Harel: Je sais que, dans votre mémoire, vous recommandez que le doyen de la Faculté de pharmacie soit membre du RUIS. Le doyen de la Faculté de médecine l'est déjà, n'est-ce pas. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur ce qui pourrait... Le ministre dit souvent qu'il y a beaucoup de gens qui veulent faire partie du RUIS. Mais qu'est-ce qui serait une valeur ajoutée au fait de la présence du doyen de la Faculté de pharmacie?
Mme Lambert (Manon): Bien, en fait, quand on regarde les responsabilités qu'auront les RUIS, on s'aperçoit effectivement qu'elles dépassent largement la structure médicale. Le RUIS aura des responsabilités sur la formation des professionnels autres que les médecins, a, comme je vous disais, des responsabilités quant à l'offre de services autres que les soins médicaux. Donc, on s'aperçoit effectivement que, même si au départ ça se voulait être une structure très médicale, le RUIS aura son mot à dire dans beaucoup de domaines.
Et donc, dans ce contexte-là, on pense qu'effectivement le fait d'avoir le doyen de la Faculté de pharmacie pourra amener les préoccupations des pharmaciens à ce niveau-là. D'autant qu'il faut voir qu'on est à l'aube d'une refonte aussi probablement importante de la formation au niveau de la pharmacie et que les établissements de santé vont être ? particulièrement universitaires, mais probablement aussi on cherche à décentraliser la formation ? vont être appelés à contribuer de façon très, très, très importante. Et, dans ce contexte-là, je pense que ce serait tout à fait correct effectivement que les deux doyens des facultés de pharmacie participent au comité de direction des différents RUIS.
Mme Harel: On sait qu'en médecine il y a déjà un enseignement qui porte d'ailleurs le nom, là... C'est un enseignement qui se fait dans la pratique dès la troisième année à 100 % à l'hôpital. Qu'en est-il de l'enseignement pharmaceutique?
Mme Lambert (Manon): Actuellement, je dirais que l'enseignement pharmaceutique traîne de la patte à ce niveau-là. Le véritable contact avec les établissements de santé actuellement se fait en quatrième année. Mais, comme je disais tantôt, il y a une annonce, et évidemment la CREPUQ n'a pas encore donné son accord à ce niveau-là, mais il y a l'annonce d'une volonté ferme des deux facultés de pharmacie de progresser vers ce qu'on appelle, nous, le Pharm. D., le doctorat de pharmacie clinique, qui est un doctorat de premier niveau, un peu comme le doctorat en médecine, M.D. Et un des éléments, je dirais, fondamentaux de cette réforme-là, c'est effectivement l'idée, je dirais, de soumettre les candidats à l'exercice de façon précoce au milieu de pratique.
Parce que, vous le savez comme moi, en tout cas particulièrement en pharmacie, où c'est une science assez exacte, les pharmaciens sont très, très, très bien formés au niveau du savoir, mais le savoir-faire et le savoir-être, je dirais qu'on a peut-être un petit peu de problèmes à ce niveau-là. Donc, il y a vraiment une volonté d'aller plus avant. Et c'est ce que je disais tantôt. Donc, les établissements vont être mis de plus en plus à contribution parce que les stagiaires n'arriveront plus dans les établissements en quatrième année mais bien dès la deuxième année, hein, je pense.
Une voix: ...dès la première année.
Mme Lambert (Manon): Même dès la première année. Effectivement, il y aura des stages de sensibilisation et, dès la deuxième année, il y aura vraiment des stages importants.
Mme Harel: Ça va ajouter quand même à la charge de travail des pharmaciens et pharmaciennes d'établissements.
Mme Lambert (Manon): Oui, tout à fait. Et c'est pour ça d'ailleurs, dans le mémoire, on ne l'a peut-être pas abordé dans la discussion, Mme la présidente ne l'a pas adopté dans la discussion, mais on demande effectivement aussi que les résidents en pharmacie, donc les gens qui sont gradués, puissent effectivement prendre en charge une partie de la clientèle des stagiaires, un peu faire le modèle médical qui est l'enseignement pyramidal, où effectivement on retrouverait, là, des gens, le patron, le pharmacien résident et les stagiaires, donc de donner un statut aux résidents en pharmacie pour faire en sorte un peu effectivement qu'on puisse être capables de prendre en charge cette arrivée-là massive d'étudiants. Parce que, dans le contexte de la pénurie actuelle, ça va être excessivement difficile.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va. Avant, chers collègues, de saluer nos invités et de lever la séance, je vais vous demander un petit moment de votre attention. Je vous remercie, mesdames, Mme Asselin, Mme Lambert, Mme Lussier-Labelle pour votre présence ici, en commission parlementaire, au nom de l'Association des pharmaciens en établissements de santé. Je vous remercie.
Chers collègues, vous savez, parfois, à la fin de chaque, parfois, fin de séance, je sors une petite citation ou une observation. Ça fait quelques jours que je ne l'ai pas fait. Et je me suis rendu compte que c'est souvent une observation, soit sur Shakespeare, parfois une citation en anglais de Cromwell ou de Robbie Burns, le poète écossais. Et c'est normal un peu, compte tenu de ma culture, de mes origines, la famille est d'Angleterre.
Et, du fait que je suis anglophone, je pensais peut-être, par équité, vous laisser avec une citation de Georges Clemenceau qui est un... C'est un personnage que M. le ministre de la Santé et des Services sociaux aime beaucoup. Évidemment, ancien premier ministre de la France pendant la Première Guerre mondiale, et un peu après. Il a dit ceci: «Qu'est-ce que l'Angleterre? Une colonie française qui a mal tourné.» Sur ça, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain matin, à la salle du Conseil législatif. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 17)