L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 17 février 2005 - Vol. 38 N° 100

Consultation générale sur le projet de loi n° 83 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez. Je constate qu'il y a quorum. La Commission des affaires sociales reprend ses travaux et entendra des mémoires concernant le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, bon anniversaire!

Des voix: ...

La Secrétaire: Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, il y a des remplacements.

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, mais je constate que Mme la secrétaire ne s'est pas fait remplacer même le jour de son anniversaire. Mais y a-t-il des remplacements autrement que ça?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, il y a M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue) qui va être remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); Mme James (Nelligan) par Mme Perreault (Chauveau); et Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve). Voilà.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, j'invite les gens à faire comme Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est-à-dire mettre son cellulaire hors tension. Et j'invite les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à nous présenter son mémoire durant les 20 prochaines minutes. M. Louis Roy, vous allez sans doute nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, puis ensuite deux blocs de questions et d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Confédération des
syndicats nationaux (CSN)

M. Roy (Louis): Alors, merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, MM. les députés, Mmes les députées. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent dans cette présentation de la Confédération des syndicats nationaux. À ma droite, c'est Mme Marielle Davidson, qui est vice-présidente de la Fédération des professionnèles; un peu plus loin, à droite, c'est Mme Andrée Lapierre, du module de recherche du Service des relations de travail de la CSN; et, à ma gauche, M. Simon Tremblay, qui est secrétaire général de la Fédération de la santé et des services sociaux.

Alors, évidemment, ces deux fédérations représentent plus de 100 000 membres dans le secteur de la santé et des services sociaux, alors vous comprendrez qu'un projet de loi tel que celui qui est devant vous aujourd'hui nous intéresse au plus haut point, puisqu'il constitue l'assise du fonctionnement du réseau de la santé pour plusieurs années à venir, j'imagine. Et la CSN a toujours fait des contributions importantes sur ces questions-là, elle a toujours été préoccupée à la fois du bien-être des travailleuses et des travailleurs qui y oeuvrent mais aussi de la population qui utilise ces services-là. Et évidemment toutes les questions de qualité de service, de qualité du fonctionnement interétablissements nous ont toujours préoccupés au plus haut point.

D'entrée de jeu, je vous dirais que nous avons été un peu étonnés du peu de temps qui nous était alloué sur un projet de loi aussi majeur, un projet de loi qui touche 282 articles de la loi de la santé et des services sociaux, qui en comporte 662. Ce n'est pas rien. Malheureusement, on n'a pas les caméras, mais, si vous voulez regarder, ça, c'est la somme de travail qu'il a fallu fouiller en très peu de temps. Un dépôt, si ma mémoire est bonne, autour du 10 décembre et une commission parlementaire début février, avec des dépôts de mémoire en janvier, même si on a pu extensionner un peu ce délai-là, c'est très court. Et, au départ, ça, ça nous inquiète un peu parce que la loi de la santé et des services sociaux est une loi extrêmement importante, une loi très peu connue dans la population, quoi qu'on en pense, les gens sont très préoccupés par les services mais souvent peu préoccupés par la loi qui constitue la base même de ces services-là, et le peu de temps consacré à la préparation de mémoire fait en sorte qu'on n'amplifie pas, comme disent nos amis anglophones, l'«empowerment» de la population sur ces questions-là. Ceci dit, on est devant le projet de loi, donc nous allons y réagir, mais nous tenions à vous souligner que le délai nous apparaissait un peu court.

Je voudrais d'abord intervenir... On va faire une présentation en quatre volets. Mes camarades qui sont avec moi auront l'occasion de travailler sur certains volets. Je ferai l'ouverture et la conclusion.

Donc, d'abord, dans le projet de loi nous allons d'abord toucher la question de la gouverne, ce qui nous amène, là, si vous avez le document qu'on vous a produit, autour de la page 10. Alors, le partage, le nouveau partage des rôles entre les établissements nous apparaît une question importante. Ça a toujours été à la base de luttes de pouvoir ? je le mettrais entre guillemets, mais c'est quand même quelque chose qui est assez important dans le réseau. Et toute la question du pouvoir présentement nous semble se déplacer vers les réseaux locaux et les réseaux universitaires.

Donc, la question du pouvoir des agences, qui se voit transféré vers d'autres, ce n'est pas tellement que ça nous déplaît, mais ça nous préoccupe, dans le sens où, au niveau local, il nous semble qu'il y a une difficulté de planification intégrée de l'organisation des services, qui doit revenir à un niveau plus élevé, ministériel, niveau régional. Et le déplacement de pouvoir vers de nouveaux réseaux plus locaux ou enfin, au niveau universitaire, un peu plus régionaux, nous apparaît comme quelque chose qu'il faudra surveiller de très près parce que ce déplacement de pouvoir là pourrait faire en sorte d'atteindre ce qu'on essaie d'éviter, c'est-à-dire un fonctionnement encore plus en silo de certains établissements ou enfin de certaines régions, même. Je reviendrai tout à l'heure sur la question de la planification de la main-d'oeuvre.

n (9 h 40) n

Et nous avons toujours, nous, à la CSN... nous avions été ceux qui avaient défendu le plus, je pense, l'existence des régies régionales, même si, dans la vraie vie, nous avons été parmi ceux qui les avons critiquées le plus. Mais, sur le principe même des régies régionales, nous avons toujours été d'accord avec cette organisation des services où il y a, dans les régions, un espace pour organiser les services santé et services sociaux en fonction des besoins de populations qui n'ont pas les mêmes besoins d'une région à l'autre, dans un Québec si diversifié, si grand. Donc, cette préoccupation-là du ministre, oui, on pense que les réseaux locaux doivent avoir une certaine autonomie, mais le glissement de pouvoir, on a de la difficulté à mesurer, là, jusqu'à quel point il n'amènera pas un peu plus de travail en silo.

Sur la question de la planification de la main-d'oeuvre, là, on est un petit peu plus inquiets parce qu'on a travaillé, au cours des cinq dernières années, sur des volets de pénurie de main-d'oeuvre, sur des questions de planification de la main-d'oeuvre, formation, mise à jour de la main-d'oeuvre et nous percevons dans le projet de loi une possibilité que cette notion-là de planification de la main-d'oeuvre finisse par faire en sorte de mettre en opposition les régions, en concurrence les régions pour du déplacement de main-d'oeuvre. On parle beaucoup des infirmières, là, des pénuries qui sont quand même amoindries un peu, là, mais on ne voudrait pas que le ministère se dégage de sa responsabilité de planification territoriale de la main-d'oeuvre et tenter d'éviter le plus possible que des régions se lancent en concurrence en offrant, qui des DVD, qui des TV, là ? en caricature, là ? pour attirer des gens dans leur région au détriment de d'autres régions.

Et on voudrait rappeler rapidement ? vous avez ça dans le bas de la page 10, là ? qu'il y a un essentiel dans toute réforme, quand on parle de la santé et des services sociaux... Remarquez qu'on parle beaucoup plus de la santé; on va y revenir, là. Mais la disponibilité de médecins et la question de la rémunération des médecins nous a toujours préoccupés, nous, à la CSN. Et on pense que, malgré des ajustements faits par les lois n° 25 et n° 83, on ne règle pas ce problème-là de disponibilité et de rémunération, alors que ça aurait pu être une occasion assez intéressante pour le faire.

Nous, nous aurions aimé que le ministère profite de l'occasion qui lui est donnée de revoir une loi si fondamentale pour écrire les principes fondamentaux de la loi de la santé canadienne dans la loi québécoise. Je sais que le ministre, le gouvernement et même les différents gouvernements ont toujours réaffirmé qu'ils étaient d'accord avec ces principes-là, qu'ils les réaffirmaient, occasionnellement totalement et parfois partiellement, mais on pense qu'il y aurait eu une occasion, là, intéressante d'utiliser cette réforme-là pour intégrer dans la loi toutes les questions de gestion publique, universalité, transférabilité, intégralité, accessibilité, etc., donc de redonner à la population du Québec un espoir de voir enfin la loi de la santé et des services sociaux canadienne arrêter d'être contestée, qu'elle soit confirmée et qu'ensuite le projet de loi n° 83 vienne organiser correctement, en fonction de ces principes-là, les services à la population.

Sur les réseaux universitaires, nous, on l'a qualifié d'un espoir, on n'est pas du tout fermés à cette question-là, cependant il y a quand même des préoccupations, hein? Le réseau est un énorme champ de discussion, pour ne pas dire de bataille, entre divers intervenants de diverses professions. Et je ne pense pas ? en tout cas ce qu'on a perçu du projet de loi ? je ne pense pas qu'on ait clarifié, là, complètement qui, au bout du compte, va finir par prendre certaines décisions. Alors, peut-être qu'on a mal lu, mais en tout cas on a une inquiétude, là, sur une certaine confusion de rôles qui pourrait se dégager entre les agences, les réseaux et le réseau universitaire.

On reviendra plus loin sur la question de la place du social, c'est Mme Davidson qui y reviendra, là. On a là une inquiétude très forte.

Je voudrais terminer ma première partie de présentation en disant qu'il y a un volet qui nous déçoit, c'est celui qu'on ne fait plus référence du tout à la politique Santé et bien-être. Et le gouvernement lui-même, dans ses analyses, nous a toujours confirmé l'utilité de la politique Santé et bien-être, ne serait-ce que pour se donner collectivement des objectifs, identifier des problèmes de santé et tenter d'y trouver des solutions. Je ne dirais pas que la politique Santé et bien-être nous a permis de régler tous les problèmes qui avaient été identifiés. En même temps, ça sert un peu comme de point de repère à l'horizon, pour l'ensemble des services qu'on doit organiser, de toujours avoir une vision de qu'est-ce qu'on veut développer comme politique santé et bien-être au Québec. Et l'absence de référence à la politique Santé et bien-être dans le projet de loi nous inquiète. C'est peut-être juste un oubli, c'est peut-être juste une façon de réorganiser des textes fondateurs, mais, pour nous, la politique Santé et bien-être doit demeurer un élément de référence constant dans l'organisation des services de santé et services sociaux.

Alors, si vous permettez, M. le Président, je vais demander à Mme Davidson de nous faire un petit bout sur la question du social et ensuite je demanderai à M. Tremblay d'aborder le volet des centres hospitaliers de soins de longue durée, là, les CHSLD.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien, M. Roy. Mme Davidson... Simplement à titre indicatif, je sais que vous avez quatre blocs à présenter, il vous reste neuf minutes, simplement pour vous permettre de planifier votre temps.

M. Roy (Louis): Votre montre va plus vite que le cadran derrière vous, c'est quand même assez curieux.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ah, c'est celle-là qui compte. Merci. Mme Davidson, s'il vous plaît.

Mme Davidson (Marielle): M. le Président, je vais tenter de faire rapidement. Mais nous avons une inquiétude majeure quant au maintien de services sociaux suffisants pour les besoins de la population à l'intérieur des transformations que subit le réseau actuellement. Je ne peux pas vous parler des lacunes, à strictement parler, du projet de loi, puisqu'il n'y a pas de paramètres prévus pour l'établissement de maintien de l'intervention sociale, soit en quantité suffisante ou à l'intérieur de chacune des sphères, auprès de la population, le sujet n'est pas traité.

Vous savez, dans les réseaux locaux de services ou dans les centres de santé et services sociaux, avec la fusion des CLSC à l'intérieur d'un ensemble, on grossit les institutions et les gestionnaires nécessairement seront impliqués d'une façon plus globale à l'intérieur des missions auprès des services et des programmes, ce qui fait que la logique médicale nécessairement prévaudra. Les besoins en santé, que ce soit autant physique et mentale, mais surtout physique, auront une place prépondérante. Et, à l'intérieur de ça, il est très risqué que l'intervention sociale soit mise en compétition, souvent au niveau budgétaire, avec plein d'autres besoins qui sont réels mais avec lesquels on est peut-être appelés, sans disparaître, à être réduits au strict minimum ou à une fonction qui est beaucoup plus instrumentale par rapport aux objectifs des différentes spécialités médicales.

Donc, à l'intérieur des réseaux locaux, on ne retrouve aucune protection de ce qui demande, à mon sens, à cause de la logique différente de l'intervention sociale, des budgets protégés ou des choses... sauf l'énoncé de politique où l'intervention sociale doit être présente dans ces institutions.

À cette donnée ajoutons, ce qui est vrai autant pour les institutions universitaires ou les réseaux affiliés... c'est une approche clientèle qui se développe, avec laquelle d'emblée nous sommes d'accord. Mais cette approche clientèle ou ces nouvelles formes de distribution des budgets dans les cadres où seront donnés les services amènent de nouveaux... souvent c'est la composante médicale, et nursing, et... qui vont déterminer les grands paramètres où les services vont être donnés. Ça veut dire que l'intervention sociale est encore là mise en compétition, à l'intérieur des programmes, avec d'autres besoins qui sont très grands, des besoins de soins, des besoins... Mais tu n'as aucune protection à l'intérieur de ces nouvelles formes de gestion quant à la rencontre du rôle qui est donné aux institutions de desservir la population sur le plan de l'intervention sociale.

n (9 h 50) n

Et, vous savez, l'intervention sociale, c'est souvent vu comme étant l'intervenant qui amène les problèmes dans l'équipe, hein, parce que c'est l'intervenant qui fait affaire avec les cas marginaux, les cas où on a de la difficulté. Donc, à partir du moment... Et ce n'est pas des nombres de salariés qui sont majoritaires dans les institutions. Donc, la capacité de faire valoir, face à des fois un nursing prépondérant, leurs besoins, s'il n'y a pas de paramètres qui indiquent au médecin directeur de programme dans quelle sphère et comment se bâtit une évaluation de besoins de la population, bien on se retrouve liés à un arbitraire où l'intervention sociale habituellement est perdante.

M. Roy (Louis): Je vais être obligé de t'arrêter.

Mme Davidson (Marielle): Oui. On me dit qu'on va être obligé de m'arrêter.

M. Roy (Louis): Je suis obligé de jouer votre rôle, M. le Président.

Mme Davidson (Marielle): Écoutez, je vais vous dire que, même si certaines institutions sont un peu plus chanceuses que d'autres ? les institutions reliées à la jeunesse ou les centres de réadaptation ? il reste qu'avec les nouvelles transformations tout le pan de la santé, à proprement parler, est un terrain où l'intervention sociale est en risque, si ce n'est pas de disparaître, d'être minimisée, alors que les situations contemporaines nous déterminent que des situations importantes s'aggravent. Et là je vous laisse, à vos connaissances que vous avez déjà sûrement sur le sujet, faire des tableaux où on pourrait peut-être établir des paramètres. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, Mme Davidson. M. Tremblay, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Simon): Alors, merci, M. le Président. Pour faire très, très rapidement, je veux d'abord vous référer à la page 15 du mémoire pour attirer votre attention sur deux aspects qui sont soulevés dans la page 15 et 16. D'abord, sur la question de la certification volontaire des établissements d'hébergement pour personnes âgées, on pense que l'idée même du volontariat fausse à quelque part la donne et ne permet pas d'atteindre les objectifs poursuivis par le législateur, et ce, particulièrement dans la mesure où ça vise et ça atteint les personnes les plus démunies. Alors, cet aspect-là à notre avis devrait être corrigé. C'est d'autant plus vrai que les critères d'attestation ou les critères d'appréciation ne sont pas précisés dans le cadre de la loi, ce qui nous laisse encore une fois redouter des situations problématiques, voire discriminatoires pour les personnes âgées. On pense que l'amélioration des conditions de vie des personnes âgées ne passe pas nécessairement par le volontariat. Le volontariat, dans ce cas-là, à mon avis, est une forme de renonciation finalement à notre devoir social d'intervenir auprès des personnes les plus démunies.

Pour faire très rapidement, je vais passer tout de suite au deuxième point pour attirer votre attention sur le glissement qui se fait depuis des années vers la privatisation du réseau d'hébergement, qui n'est pas sans conséquence, puisque, on le voit, dans le secteur privé, près de 75 000 personnes sont hébergées et que 87 % de ces gens-là sont hébergés dans un réseau privé qui aura la possibilité ou non de profiter de... c'est-à-dire de s'inscrire dans le certificat d'agrégation ou d'attestation. On a donc des inquiétudes.

Et je conclus tout de suite en vous disant qu'en ce qui concerne l'hébergement privé il y a une discussion qui doit avoir lieu pour l'ensemble de cette question-là. C'est d'autant plus vrai que le secteur privé, il évolue dans un système hors normes, complètement différent des normes qui sont pour le public, et qu'en conséquence on ne peut pas se fier sur les normes de la construction pour assurer la qualité d'hébergement, la qualité de services des personnes âgées dans les établissements.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Tremblay. M. Roy.

M. Roy (Louis): Oui. Alors, M. le Président, j'imagine que, d'après votre montre, il me reste environ deux minutes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il vous reste 1 min 30 s.

M. Roy (Louis): Bon. Alors, je résumerais tout simplement la présentation. D'abord, nous pensons que la question des principes, là, qui sont contenus dans la loi canadienne devraient être insérés dans la nôtre.

La question de la protection des missions et surtout de la place du social nous préoccupe énormément. Évidemment, le projet de loi ne couvre pas l'ensemble de ces préoccupations-là.

La certification des établissements, comme le disait M. Tremblay, ça nous apparaît être quelque chose d'intéressant mais qui devrait être obligatoire.

La question de l'informatique maintenant du dossier, de l'information nous préoccupe. On pense qu'il y a là des pistes de discussion intéressantes, mais c'est une discussion qui devrait se poursuivre. Il y a une raison fondamentale à ça, c'est que les dossiers, dans le secteur de la santé et des services sociaux, après un certain temps, atteignent une certaine épaisseur, au sens véritablement physique du terme, et, quand on fait de la distribution ou du transfert de dossiers, compte tenu de l'épaisseur, on a tendance à être beaucoup plus attentif à qu'est-ce qu'on transfère au bout de la ligne. Quand ce n'est qu'un seul fichier informatique, on pense qu'il va se développer un principe de paresse, entre guillemets, et que la discrimination, à l'intérieur du dossier, de qu'est-ce qui serait transféré éventuellement à d'autres va finir par être complètement oubliée, et que c'est l'ensemble du dossier qui va finir par circuler, malheureusement, compte tenu aussi de la pression que les gens subissent en termes de temps, de disponibilité, d'avoir la capacité de résumer ça.

Et, finalement, je vous dirais, sur ce volet-là, la question des plaintes, le dernier volet, on est ouverts à des modifications. Il y a quand même des éléments qui nous préoccupent, par exemple, que les plaintes soient différentes pour les médecins que pour tout autre professionnel. La question que ce soit médecin versus médecin, ça, ça nous inquiète. Les comités qui sont mis en place, ça nous intéresse, les comités d'usagers, qu'il y ait plus d'espace pour ces gens-là. En même temps, pour l'avoir vécu depuis plusieurs années, on sait que ces comités-là sont souvent sous la férule de la direction. Là, on les met sous la responsabilité du conseil d'administration, mais, au conseil d'administration, la direction a un pouvoir énorme et il faut s'assurer que, si on les met en place, ils aient une autonomie la plus grande possible. Alors, voilà, M. le Président, la présentation résumée de notre mémoire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie de votre collaboration. Je sais que c'est particulièrement frustrant, étant donné la densité de l'information qu'il y a dans votre mémoire. Alors, on ouvre ce premier bloc d'échange avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.

M. Couillard: C'est bien, je vous remercie d'avoir incorporé «services sociaux» parce que souvent on l'oublie, hein, vous l'avez remarqué.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): On vient de vous le rappeler, M. le ministre.

M. Couillard: Alors, moi aussi, je vais être un peu chagriné par le temps qui est devant nous parce que... D'abord, merci pour votre présentation. Vous avez touché des points extrêmement intéressants. Chacun d'entre eux pourrait nécessiter des discussions entre nous pour le 20 minutes qui nous est alloué. Alors, je vais essayer de les prendre, du moins les principaux, puis de vous présenter mes points de vue, puis d'échanger avec vous en essayant de se garder du temps, là, dans les réponses, si possible. Moi, je vais essayer d'écourter mes questions pour que les réponses également soient proportionnelles, qu'on puisse essayer de couvrir l'ensemble des points.

D'abord, sur la question de la gouverne, vous avez fort bien vu quelle est l'économie générale du projet de loi, qui était effectivement un déplacement du pouvoir décisionnel vers le niveau local, sur la base où on veut que les besoins de la population soient définis le plus près possible de cette population. Le rôle régional n'est pas effacé, il est concentré en termes d'arbitrage, de financement et de cohérence parce qu'il faut que tous ces plans, ces projets cliniques soient cohérents les uns avec les autres. Et vous avez fort bien dit quelque chose d'intéressant et d'important, que le rôle régional veillait à ce que les différences entre les régions soient reflétées dans la façon dont les soins sont organisés.

Mais la question que je me suis posée, moi, quand j'ai préparé ça et que j'ai accepté de me joindre, je dirais, de façon enthousiaste à ce déplacement vers le niveau local, et la question que je vous pose, c'est: Comment est-ce qu'on prend compte des différences intrarégionales? Prenons la région de Montréal, par exemple, et vous allez voir que, si vous faites le tableau des espérances de vie ou des états de santé de la population, si vous comparez, par exemple, le centre-sud de Montréal avec la partie ouest de l'île de Montréal, vous avez des différences d'années en espérance de vie, donc un état de santé, avec la signification globale du mot «santé», qui est certainement différent. Comment est-ce qu'on reflète ces différences-là? Est-ce que ce n'est pas justement de donner à chaque territoire local la capacité de définir les besoins et la façon d'organiser les services, est-ce que ce n'est pas de cette façon-là qu'on va mieux réussir à prendre en compte ces différences-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Roy.

M. Roy (Louis): Oui. Je dois vous dire, M. le ministre, c'est une préoccupation que nous avons à la CSN, mais en plus, moi, je travaille depuis 30 ans dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, alors ce que vous soulevez me préoccupe depuis nombre d'années. Et la réponse qu'on a tenté, pendant toutes ces années, à implanter, ça a été justement d'insérer la population dans les choix administratifs et dans les choix organisationnels des services de santé et de services sociaux. Et malheureusement on n'a pas eu le temps de l'aborder, mais c'est écrit aussi dans notre mémoire, le projet de loi fait en sorte qu'il y a moins de personnes en provenance de la population qui vont être intégrées. Bon, je sais que la qualité ne dépend pas du nombre, mais en même temps nous avons une certaine inquiétude à ça.

Et, moi, je vous dirais, si on veut, dans des quartiers montréalais ou même dans des sous-régions... On parle de Montréal, mais on pourrait très bien parler de la Gaspésie, où les problèmes aux Îles-de-la-Madeleine ne sont pas nécessairement les mêmes qu'à Chandler ou à Sainte-Anne-des-Monts. Alors, si on veut faire en sorte d'ajuster, il faut qu'on sorte d'une certaine bureaucratie ? je vais le mettre en guillemets ? de fonctionnement par programmes et permettre des ajustements à l'intérieur de ces programmes-là. Et, pour refléter la réalité des régions, nous, on pense que les mieux placés pour le faire, c'est la population. Alors, d'où notre inquiétude de voir de moins en moins d'espace ? à l'exception, si ma mémoire est bonne, des centres jeunesse ? de moins en moins d'espace pour la population pour siéger sur ces conseils d'administration.

n (10 heures) n

Ça fait 30 ans que je travaille dans ce réseau-là, je ne vous dirai pas que toutes les expériences de participation de la population ont été réussies. En même temps, ça ne nous apparaît pas une raison pour baisser les bras. Et il faut qu'on trouve le moyen d'insérer dans les processus décisionnels, organisationnels des services des gens qui reflètent la réalité des régions, des sous-régions ou des quartiers, et c'est comme ça qu'on pense qu'on peut réussir à faire ça.

Si on essaie d'implanter, même régionalement, des programmes tous azimuts, on ne réussira pas à aller faire ce que vous dites, faire en sorte de travailler sur certaines problématiques particulières. La pauvreté en est un exemple; il y en a d'autres. On pourrait parler de violence, on pourrait parler d'alcoolisme dans certaines régions, par exemple dans le Grand Nord. Il faut qu'on trouve le moyen d'insérer la population, pas juste pour identifier les problèmes, mais pour la faire participer au niveau communautaire à la résolution de ces problèmes-là. Donc, il faut aussi éviter d'embrigader le communautaire comme des sous-traitants de programmes provinciaux ou régionaux.

M. Couillard: Effectivement, vous avez raison, le nombre d'établissements diminuant, le nombre absolu de personnes sur les conseils d'administration diminue, puis c'est vrai également pour les représentants des médecins, des infirmières et des autres catégories. En passant, il y a un employé non membre de conseil qui est membre du conseil d'administration, ce qui était une demande depuis plusieurs années du milieu syndical. Je suis certain que vous l'avez remarqué.

Mais, sur le plan de la population, au niveau des centres de santé et de services sociaux, en fait la proportion de représentation populationnelle est bonifiée. C'est-à-dire qu'il y a quatre personnes élues, et on ajoute deux membres du comité des usagers. La définition d'«usager», comme vous le savez, c'est très large. Les gens qui ont utilisé les services sociaux et ceux des soins de santé, finalement c'est la population du territoire. Alors, en fait, la population a certainement son mot à dire là où c'est le plus important, là où les programmes s'organisent.

Vous avez également touché un point important, c'est la question des relations avec le corps médical. Après vous, c'est la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec qui va converser avec nous. Moi, c'est un sujet qui me préoccupe également, de faire ce que j'appelle la resolidarisation entre le corps médical et le réseau de santé publique au Québec. Il y a des dispositions là-dedans qui à mon avis vont dans cette direction: la participation d'un médecin du territoire au conseil d'administration pour mieux coordonner les services; les groupes de médecine de famille ? quoiqu'on va entendre tantôt, possiblement, qu'il y a des difficultés dans l'implantation et dans l'incarnation de ces groupes-là. Mais quelles sont les suggestions... Vous, vous parlez de mesures touchant la disponibilité et la rémunération des médecins. Pourriez-vous nous dire concrètement à quel genre de mesures vous songez, de façon à rendre cohérent tout ce qu'on fait?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Roy.

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, sur la question de la rémunération des médecins, nous, ça fait plusieurs années qu'on dit que la rémunération à l'acte des médecins fait en sorte de créer une distorsion dans la question, par exemple, de participation à des travaux d'équipe ou à des travaux multidisciplinaires. À partir du moment où on impose... ou enfin je ne sais pas si on leur impose ou si c'est ça qu'ils veulent, là, ils vous le diront, mais, si on organise la rémunération médicale sur des bases acte, au niveau de l'acte, je pense qu'on vient fausser la capacité des médecins de dépasser la question même de l'acte. Il est extrêmement important que les médecins soient impliqués dans les réseaux, ça, c'est très, très clair pour nous. Mais en même temps on remarque que le projet de loi leur fait beaucoup de place, je ne dirai pas au détriment du social parce que le social n'a pas nécessairement plus de place maintenant qu'il en aura, mais en même temps les médecins ont une pratique qui est assez lourde, hein, ils ont beaucoup de clients, etc., alors insérer dans ça des préoccupations autres que celles de poser des actes médicaux exige une transformation du mode de rémunération.

On est en accord, nous, avec ce que vous proposez sur la question de la rémunération en milieu universitaire, par exemple. Alors, sur ces questions-là, il me semble qu'il y a là une piste intéressante de rémunérer des médecins qui interviennent mais en même temps de permettre à d'autres qui n'interviennent pas, qui font de la formation, dans le cas des universités, de recevoir une rémunération. C'est extrêmement important. Pourquoi ne pourrait-on pas trouver une manière de permettre aux médecins d'avoir un espace qui, sans être rémunéré comme tel, mais ne changerait pas leur rémunération et leur permettre de s'impliquer dans autre chose que le médical à l'acte?

Je ne veux pas dénigrer le médical à l'acte, mais l'espace qu'on donne aux médecins, combiné avec le médical à l'acte, fait en sorte que, nous, ce qui nous inquiète, c'est qu'on se dirige de plus en plus vers des préoccupations des réseaux locaux comme des agences ou comme des réseaux universitaires, de plus en plus vers le médical à l'acte, alors qu'il faut qu'on dépasse ça. Et c'est en lien avec ce qu'on disait sur la Politique de la santé et sur la question d'une vision plus large qu'uniquement le soin mais aussi les questions comme la prévention, etc. Vous connaissez bien ces concepts-là.

Alors, la question de la rémunération, pour nous, ce n'est pas une punition qu'on veut donner aux médecins, c'est une ouverture qu'on veut permettre à certains médecins de faire, de pouvoir travailler sur autre chose qu'uniquement l'acte. Et ça, si on ne fait pas cette ouverture-là, nous, on a l'impression que le réseau va se diriger dans un entonnoir qui va redonner un espace très médical au réseau. Et, même si on en a besoin de cet espace médical là, nous, on a toujours dit qu'il faut qu'on développe, parallèlement à ça, un espace qui est plus social, qui est plus communautaire, qui est plus ouvert sur les besoins de la population en termes de prévention.

M. Couillard: Oui, je pense qu'on est d'accord sur ces objectifs-là. Je fais des commentaires brefs sur certains points pour arriver à des points plus importants. La question des réseaux universitaires intégrés de santé, on l'a corrigée au fil de sa création, c'est-à-dire qu'on a d'abord créé ça sur le plan administratif, dans l'esprit de créer une coordination des activités suprarégionales, et on y a joint non seulement le soutien académique, la formation continue ou le ressourcement, etc., mais également le support organisationnel, c'est-à-dire que le réseau universitaire intégré de santé doit supporter la région dont il est responsable, même dans les périodes difficiles, lorsqu'il y a, par exemple, une crise d'effectifs ou d'autres situations de ce genre-là, et ça nous apparaissait important de toucher les deux aspects.

La correction et l'amélioration qu'on a faite, je dirais qu'elle vient des remarques qu'on a eues initialement, lors de la formation de ces réseaux-là, où on avait beaucoup l'impression que c'était quelque chose qui venait du haut, c'est-à-dire que les réseaux universitaires intégrés de santé se présentaient dans les régions et au niveau des réseaux locaux en leur disant: Voilà ce qu'on vient vous offrir, alors qu'on veut faire en sorte que la relation soit double, c'est-à-dire qu'ils prennent également compte des besoins qui leur sont exprimés par les gens des réseaux locaux et des régions pour ajuster leur offre. C'est un commentaire que je vous fais pour vous montrer dans quel espace on est.

Sur le plan du processus décisionnel, il y a une table ministérielle qui est faite de ces quatre réseaux universitaires intégrés de santé, et c'est là que l'arbitrage et les décisions se prennent, sur, par exemple, des zones d'influence, ou la coordination des activités médicales, ou par exemple les nouvelles technologies, toutes ces questions qui ont rapport avec la médecine, disons, hautement spécialisée.

Pour ce qui est de la politique Santé et bien-être, vous avez raison. Vous avez inséré dans votre commentaire, je dirais, une appréciation mitigée des résultats concrets de cette politique-là. Comme vous le savez, il y a des organismes qui font le même constat que vous avez fait, qu'il est très difficile de pointer sur des résultats concrets de cette politique Santé et bien-être.

Mais il y a d'autres éléments qui sont ajoutés maintenant, je dirais, à l'organisation ministérielle, qui ne sont pas nouveaux, qui datent de quelques années déjà, notamment la question de la planification stratégique trisannuelle, qui devient une façon pour un ministère de montrer clairement quels sont ses objectifs dans tous les domaines, pas seulement les domaines des soins de santé, mais également les domaines de services sociaux et de santé publique, de façon très explicite, avec des objectifs et des résultats qu'il est plus facile de mesurer parce qu'ils sont dans un horizon qui est plus proche que faire une politique sur 10 ans ou sur cinq ans qui dépasse parfois et qui chevauche des mandats de gouvernement, par exemple.

Prochainement, va être publié par le directeur de la santé publique et moi-même le premier bulletin de santé de la population québécoise, santé dans son sens le plus large, incluant la question des démissions sociales et de la détresse des gens, par exemple, et ça, je pense que c'est un événement annuel qui va être très intéressant parce qu'il sert également de baromètre ou d'indicateur quant à l'atteinte des résultats et des moyens d'agir.

Passons maintenant à la préoccupation de Mme Davidson, je pense, sur la question des missions sociales. Je vous indiquerais d'emblée que pour moi ces missions sont très importantes. Je l'ai indiqué à plusieurs reprises que je vois la question sociale et la question santé comme étant étroitement imbriquées les unes dans les autres. Et je suis assez fier de dire, lorsque je vais à l'extérieur du Québec, que le Québec est le seul endroit au Canada où, en fait, dans le même ministère, se trouvent regroupés les missions sociales et les services de santé. Vous savez qu'à l'extérieur du Québec c'est deux ministères qui sont complètement différents, ce qui cause de grands problèmes.

Moi, je ferais l'hypothèse, qui va vous sembler peut-être provocatrice, là, qu'en fait ces missions-là sont mieux protégées qu'elles l'étaient auparavant, de plusieurs façons: d'une part, par la description très claire des services qu'ont à offrir les centres de santé et de services sociaux, qui incluent les services sociaux; d'autre part, dans le mode de gestion que nous avons mis en place et le mode d'attribution des ressources, où la gestion se fait par programmes bien identifiés et protégés budgétairement. Et il y a des programmes qui sont clairement, comme vous le savez, associés aux missions sociales, notamment le programme jeunesse et le programme santé publique, qui ne sont pas ? pour le programme jeunesse certainement ? dirigés par les médecins. En fait, la majorité des programmes à mon avis ne sont pas dirigés par des médecins. Je n'ai rien contre les médecins, remarquez bien, là, mais je pense que le pouvoir décisionnel doit être réparti, là, à travers tous les corps professionnels.

n (10 h 10) n

D'autre part, on en avait parlé lors de la loi n° 25, l'expérience concrète, terrain des centres de santé et de services sociaux qui existaient déjà ? on n'a pas innové, ça existait déjà, au Québec, ces centres-là ? lorsqu'on a fait le relevé de la part budgétaire des missions sociales, elles ne s'étaient pas seulement préservées dans les CLSC regroupés, elles s'étaient même bonifiées, en termes de pourcentage, par rapport aux autres missions, alors que paradoxalement, ce qui va un peu contre les idées reçues, dans les CLSC qualifiés à l'époque d'isolés, la part des missions sociales et des missions gardiennes avait diminué par rapport aux autres missions. Voilà un commentaire qui montre que parfois il y a des constatations qui montrent que les résultats attendus ne sont pas toujours au rendez-vous.

Alors, moi, j'ai l'impression que, ces missions sociales là faisant partie de la description des services qui doivent être offerts, étant protégées de façon budgétaire de façon assez nette et très précise dans les règles de gestion ? il est absolument interdit de faire des transferts budgétaires d'un programme à l'autre, à moins que les résultats aient été atteints, et les résultats sous forme d'ententes de gestion formelles et écrites sont disponibles, vous pouvez avoir accès dans toutes les régions aux ententes de gestion, en termes de résultats souhaités ou escomptés, dans tous les programmes, incluant les programmes sociaux ? il y a, me semble-t-il... Évidemment, la perfection n'est pas encore là, j'en suis certain, mais il y a un progrès notable à mon avis de la protection des missions sociales et de la santé publique.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Davidson, je pense.

Mme Davidson (Marielle): Il ne s'agit pas de réduire, vous savez, la mission sociale à l'intervention sociale. Et c'est vrai que peut-être, quand vous m'amenez l'expérience, qui a été vue avant, de certains réseaux où c'était intégré, où l'intervention sociale avait une meilleure place, il faut peut-être considérer que très souvent les expériences passées étaient dans des régions très spécifiques. Les centres de santé se sont retrouvés... Et là on n'est pas du tout dans le même tableau.

Quand je vous parle... Et, quand vous me dites qu'il y a des protections à l'intérieur de cette division-là de programmes, j'ai quelques appréhensions. C'est vrai que les objectifs doivent être atteints mais à l'intérieur de la distribution. Et c'est vrai qu'il y a des institutions qui sont mieux protégées que d'autres. La mission jeunesse a au moins la qualité d'être identifiée, hein: centre de réadap. C'est ce que je disais tout à l'heure, c'était un petit peu à l'écart du problème.

Mais, quand la conjoncture santé et besoins sociaux se rencontrent et que tu as une grosse dominante, ce n'est pas vrai que les paramètres protègent autant. Puis on le constate dans certaines spécialités médicales. Vous connaissez la neurochirurgie de près, on peut se parler d'orthopédie, on peut se parler qu'en règle générale les besoins en santé qui relèvent de la chirurgie, ces clients-là sont moins bien desservis en intervention sociale que, par exemple, les besoins de la médecine à proprement parler.

Et ce qu'on a peur... Parce que, la nouvelle structure des réseaux locaux à la grandeur de la province, on ne l'a pas connue, on est en expérience. Et le fait que la dominante devienne, dans beaucoup de cas, l'hôpital... Il y a des réseaux chanceux qui ont peut-être, à ce niveau-là, au niveau de l'intervention sociale, qui vont avoir, parce qu'ils n'ont pas d'hôpital, peut-être une meilleure liberté. Mais, moi, je pense que, quand on instaure cette promiscuité-là entre les deux logiques, on a danger que les budgets soient malmenés, O.K.? Mais je vous dirais que c'est parce que, sur le terrain, les intervenants nous disent qu'ils sont en compétition.

Puis, quand je vous disais, la recherche médicale, on peut se parler du VIH, O.K., où, par exemple, les médecins, ils ont des budgets protégés, hein, les UHRESS, puis tout ça, depuis des années. Mais, à l'intérieur de ces UHRESS là, tu peux retrouver un peu cette compétition. Puis ont sait que c'est une thématique qui est privilégiée au niveau de l'intervention sociale parce qu'on sait quelle clientèle on traite et qu'ils ont besoin de nous. Mais, dans ce sens-là, je suis portée, là, malgré les assurances que vous voulez nous donner, à vous dire: Soyez vigilant, on a besoin d'un meilleur chien de garde que ça pour s'assurer que les besoins sociaux vont être protégés.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Votre petite lumière ne s'allume pas, hein? Malheureusement, le temps file. Comme tantôt, il y aurait lieu de continuer longtemps cette discussion également.

Maintenant, sur la question que monsieur a posée, M. Tremblay, je crois, sur la question des certifications des résidences de personnes âgées, effectivement je dirais que l'approche qu'on a suivie est une approche de volontariat que je qualifierais de modulée. Je m'explique. C'est que, dans les résidences pour personnes âgées qui offrent des services se trouvent souvent des personnes qui sont à des degrés variables de perte d'autonomie, rarement en perte sévère d'autonomie, parce que ces gens sont en général en CHSLD ou dans des milieux de soins intensifs à domicile, par exemple. Il y a un registre qui a été créé d'abord par l'ancien gouvernement, qui existe maintenant, où les résidences, d'après la loi, doivent être inscrites au registre. On a fait l'hypothèse que compléter ça par un mécanisme qui fait, par exemple, que le réseau de santé et de services sociaux ne peut référer ou retourner une personne que dans une résidence qui a été l'objet d'un certificat de conformité nous donne quand même une certaine assurance qu'un grand pourcentage ou une grande partie de ces résidences-là vont être couvertes par le processus de certification.

Et, pour vous laisser le temps de terminer l'échange, dans les dernières minutes qui vont rester, je ferais juste un petit commentaire sur les milieux d'hébergement privés. Il faut faire la distinction entre les CHSLD, qui soit sont privés, soit privés conventionnés, qui ont des permis, donc qui sont normés, et la question des résidences, qui est effectivement un problème de résidences privées où il y a des personnes en perte d'autonomie. Je dirais qu'une constatation qu'on peut faire, au Québec et à Montréal en particulier, c'est le haut taux d'hébergement institutionnel des personnes âgées par rapport à d'autres pays ou d'autres territoires. On a un taux d'hébergement institutionnel, au Québec, qui atteint 4 %, alors que, dans des pays comme le Danemark et le Japon, c'est plus élevé, avec une pyramide d'âges qui est pourtant au moins aussi vieille que la nôtre, parce qu'on n'a pas assez fait d'efforts en, je dirais, soins à domicile puis en ressources alternatives autres que l'hébergement institutionnel.

Parce que ce qui se produit ? ça se produit à Montréal actuellement, qui est une des régions où les gens âgés sont institutionalisés à une perte d'autonomie moins grande qu'ailleurs ? le jour où vous rentrez une personne âgée qui est en perte d'autonomie, je dirais, moyenne dans un milieu institutionel, quelle que soit la bonne volonté des gens qui y travaillent, quelle que soit la qualité des soins qui sont donnés, ce qu'on voit, à ce moment-là, c'est une accélération de la perte d'autonomie. Donc, je pense qu'il faut beaucoup plus miser dans l'avenir, pour se rapprocher des taux d'institutionnalisation que d'autres pays ont réussi à avoir, vers des solutions comme les soins à domicile, maintien à domicile et l'hébergement alternatif. Je vais vous laisser terminer. Malheureusement, je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps.

M. Roy (Louis): J'espère que vous allez en parler à votre collègue M. Séguin, de ce que vous venez de dire sur les soins à domicile.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y, M. Tremblay.

M. Tremblay (Simon): Oui. Alors, d'ici là, d'ici au moment où effectivement ces bonnes intentions se seront transformées en réalité, il faut considérer aussi, il faut constater que, pour beaucoup de personnes âgées, particulièrement qui proviennent d'un milieu démuni où les réseaux d'entraide sont non disponibles, ou qui n'ont pas de réseau d'entraide, ou encore que les réseaux d'aide sont épuisés, ce type d'hébergement là constitue pour eux un refuge. C'est un refuge où on va en dernier recours, parce qu'on n'a pas de ressources bien sûr, ressources personnelles mais aussi ressources financières.

D'autre part, l'état de santé des personnes, quand elles se dirigent vers ce type de ressources là ne commande pas, heureusement, l'hébergement dans le réseau public. Mais progressivement leur état de santé se détériore, et ces gens-là ne vont pas nécessairement rapidement vers le réseau public et ils ne sont pas nécessairement intégrés rapidement dans le réseau public, de telle sorte que ces personnes-là sont ni plus ni moins condamnées ? permettez-moi l'expression ? à survivre dans ces établissements-là, qui sont finalement des établissements, si on ne les norme pas, qui correspondent à des hôtels sans normes finalement, et vous connaissez comme moi ce que c'est qu'un hôtel sans normes.

Alors, je pense que ce n'est pas les intentions du ministre ni du projet de loi que des gens continuent de vivre dans ces conditions-là, d'où l'importance d'établir une certification obligatoire et des critères de certification qui évitent ces situations-là pour les personnes qui n'ont pas les ressources pour se permettre un hébergement, disons, cinq étoiles.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Je me vois dans l'obligation de mettre fin à ce premier bloc et je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mais ce n'est que pour mieux continuer.

Une voix: J'espère.

Mme Harel: Oui. Bienvenue, au nom de l'opposition officielle. Alors, vous aviez raison de dire tantôt que c'est un projet de loi qui n'en est pas qu'un d'harmonisation, mais qui aurait pu résulter en plusieurs projets de loi distincts, ce qui fait que ça ne rend pas justice à votre mémoire, puisque finalement le temps imparti ne permet pas d'aborder tous les aspects qui auraient pu donner lieu selon nous à cinq projets de loi différents. Bon.

Ceci dit, moi, je vous félicite pour la hauteur avec laquelle vous envisagez ces questions. Je trouve que vous avez pointé les aspects les plus névralgiques: la question de la gouverne et de la confusion qui semble en résulter, celle des protections des missions, notamment de la place du social, celle de la confirmation québécoise des principes fondamentaux en matière de santé et la question de l'informatisation des dossiers patients.

n (10 h 20) n

Alors, si vous voulez, parce qu'on est un peu dans la suite de ce que vous avez entrepris, peut-être poursuivre sur la question de la protection des missions et de la place du social. Le ministre disait tantôt ? et je le pense sincère, là, tu sais, je le présume puis je le crois: Les missions sont mieux protégées qu'avant. Bon. Mais ça, là, je ne peux pas faire un acte de foi.

D'abord, il n'y a plus de conseil d'administration, il n'y a plus de budget, mais il nous dit: Oui, mais les règles budgétaires vont interdire de faire des transferts ? par exemple, pour que tout s'en aille au médical. Bon. Mais les règles budgétaires, c'est celles que le ministre réussit à négocier avec le Trésor, mais... Je sais que le ministre, disons, aime la politique, mais il pourrait se produire qu'il n'y soit plus. En fait, la vie est ainsi qu'on doit prévoir que les choses continuent après notre passage dans une fonction, qui n'est qu'une fonction et non pas une carrière, n'est-ce pas? Alors...

Mme Delisle: ...

Mme Harel: Oui, c'est ça, exactement, qu'on ne peut faire qu'un jour à la fois, hein, en n'oubliant pas que, dans le mot «carrière», il y a le mot «arrière», donc. Bon. Alors, comment on fait? Comment vous nous proposez, comme législateurs, de faire pour justement protéger les missions puis la place du social? Vous faites des recommandations dans votre mémoire, notamment ? et je pense que j'aimerais vous entendre là-dessus ? la représentation du social dans les diverses instances créées où ils sont complètement absents.

M. Roy (Louis): Oui. D'abord...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Roy.

M. Roy (Louis): Oui. Merci, M. Bouchard. Vous savez, Mme Harel étant ma députée, la députée de mon comté, je suis heureux de l'entendre parler qu'elle ne veut pas faire une carrière nécessairement en politique, depuis le nombre d'années qu'on l'élit dans notre coin.

Plus sérieusement, sur la question de la place du social, c'est un peu compliqué. On a réfléchi, nous, avec le temps dont on disposait: Est-ce qu'on doit, par exemple, demander des postes réservés sur les conseils multidisciplinaires, sur les conseils d'administration, et tout ça? C'est sûr que c'est une piste qui pourrait être intéressante, mais en même temps la place du social, au ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est toujours un jeu de pouvoir, entre guillemets, entre le développement des priorités les plus flagrantes, par exemple en termes de santé... en termes de maladie plutôt que de santé, et la question du support qu'on veut donner comme gouvernement à une société pour son mieux-être. Et je sais qu'il y a plusieurs experts ici qui se sont déjà préoccupés de ces questions-là, mais la question du social ne peut se résumer qu'à l'espace qu'on donnerait éventuellement sur des conseils d'administration ou des conseils multidisciplinaires à des gens qui auraient la mission, eux, de soutenir le social.

Prenons un exemple. Dans un conseil d'administration de 13 ou de 17 personnes, rajouter une personne du social, est-ce qu'on viendrait automatiquement soutenir le volet social? Je ne pense pas. Mais en même temps le fait qu'il n'y ait personne du social de façon automatique... Parce que, les conseils multis, il faut comprendre que, dans la réalité, c'est très souvent des gens du médical qui sont là, pour toutes sortes de raisons, mais ça ne garantit en rien la présence d'une préoccupation sociale. Alors, il faut trouver une autre manière. Et, pour nous, le fait qu'il n'y ait pas d'inscription du social à l'intérieur de la loi comme telle sur la protection du social, même si elle peut éventuellement être intégrée dans les programmes, fait en sorte de lancer un message qui est neutre ou peut-être même négatif par rapport à l'espace social qui devrait être occupé selon nous par cette préoccupation-là.

Alors, il n'y a pas de solution magique à ça. Ce sont des préoccupations ministérielles qui dépassent le ministre, qui dépassent le sous-ministre, qui dépassent les agences, mais ce doit être une préoccupation. Et selon nous l'inscription garantit minimalement une certaine référence pour le futur, là, pour ceux et celles qui viendront après nous, là.

Mme Harel: Merci beaucoup. Juste une remarque en passant, vous savez, en fait, l'expérience de la vie m'a appris qu'on ne peut rester en politique que si on est prêt à y partir chaque jour, hein? En passant, c'est un conseil au ministre aussi.

M. Couillard: ...femme d'expérience.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 6, vous dites justement que dans le fond on postule que chaque établissement du centre local, là, de santé et services sociaux va continuer d'offrir les mêmes services, mais c'est un postulat qui n'est renforcé par aucun dispositif confirmé dans le projet de loi, sauf peut-être à l'article 99.5, où on explique ce que devra contenir le projet clinique et organisationnel. Mais c'est peut-être justement là, là, où je vois qu'il va falloir renforcer par la législation cet aspect-là. On aura l'occasion, lors de l'étude article par article, d'y revenir.

J'aimerais également profiter de votre présence, là, pour vous entendre sur les recommandations que vous faites en matière d'introduction des principes de la Loi canadienne sur la santé, soit la gestion publique, l'intégralité, l'universalité, l'accessibilité ? la transférabilité, ça, je demande à voir, mais en tout cas c'est une autre chose ? face au risque de privatisation. Je pense qu'on est dans un contexte, là, où ça se prête à ces questions-là. Vous avez dit avec raison: Les gouvernements, celui-ci comme les précédents, ont dit: C'est dans la loi. Mais je comprends que vous nous dites: Il faut les renforcer, ces principes, nommément, parce que le paradoxe, c'est qu'ils sont adoptés à Ottawa, qui ne gère pas le réseau, et puis ils ne se retrouvent pas dans la loi québécoise qui gère le réseau, hein... ou qui gère... pas le réseau, disons plutôt qui a cette responsabilité à l'égard de la santé, c'est peut-être plus large même que gérer un réseau.

Et je pense que les... Je ne sais pas si vous avez suivi la série de reportages dans le journal la Gazette. Encore ce matin, c'est Roy Romanow, l'ancien premier ministre de la Saskatchewan mais qui a présidé la commission royale d'enquête, qui interpelle le premier ministre Charest en lui demandant de renforcer la loi concernant la violation en fait des principes, notamment la double facturation, là, qui a été démontrée dans les reportages de la Gazette, facturation au patient, si vous voulez, et facturation à la Régie de l'assurance maladie. Ça, c'est la double facturation pour un même geste posé. Mais il y a aussi ce qu'ils appellent les «extra billings», c'est-à-dire les facturations supplémentaires pour toutes sortes de choses, là. Alors, et il réitère la nécessité notamment d'inclure le maintien à domicile parmi les protections que donne la loi actuelle, la loi fédérale de la santé.

C'est d'autant plus important... On voit bien que des règles budgétaires, ça se change, hein? Vous voyez, par exemple, jusqu'à maintenant, le maintien à domicile, les soins personnels à la personne étaient assumés par les CLSC, en grande partie, c'étaient les travaux domestiques qui l'étaient par l'économie sociale ou les firmes privées, alors que, juste par une modification de la règle budgétaire, cet été, on a, au ministère, le ministre, changé les règles du jeu: les soins personnels et les travaux domestiques ? sauf quelques exceptions, trois mois après l'hospitalisation, etc. ? maintenant ça va être tarifé et à la charge des usagers, qui vont les recevoir des agences privées ou des entreprises d'économie sociale. Donc, des règles budgétaires, moi, ça ne me rassure pas de me faire dire que c'est dans les règles budgétaires, qu'il n'y a pas de transfert du social vers le médical. Une règle budgétaire, on l'a vu, ça se change facilement.

Alors, je voudrais vous entendre sur toutes ces questions et sur peut-être l'urgence, d'autant plus que l'attaché de presse du ministre disait hier encore dans la Gazette que, si c'est nécessaire ? là ils veulent qu'on prouve que ça l'est, il me semble que c'est évident que ça l'est devenu, avec cette privatisation accrue ? mais, si c'est nécessaire, le gouvernement va changer la loi pour empêcher ce genre de comportement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Roy.

M. Roy (Louis): J'espère qu'on a une heure pour s'en parler, c'est une question à déploiement. Moi, je vous dirais, Mme la ministre, ces préoccupations-là nous interpellent énormément. Et je vais le reprendre dans le volet qui est peut-être plus contenu dans notre mémoire, qui est celui du secteur privé en hébergement. Nous pensons, nous, que, quand on décide collectivement de transférer au privé d'une manière ou d'une autre, là, clairement ou encore en étranglant le secteur public et en laissant le secteur privé se développer, on doit faire en sorte de donner au secteur privé une obligation de démonstration beaucoup plus grande qu'on le donne au secteur public.

En hébergement, quant à nous, la question de la certification doit être quelque chose d'extrêmement difficile pour le secteur privé. Pourquoi? Bien, parce que le privé n'est pas soumis aux mêmes règles, par exemple, des ordres professionnels, des actes réservés, etc., donc il faut que le secteur privé démontre qu'il fait partie d'une volonté collective d'offrir des services à meilleur coût. Parce que c'est ça qu'on nous propose, hein? On nous dit: Le secteur privé va venir compenser, faire mieux, etc. Nous n'en sommes absolument pas convaincus. Au contraire.

n (10 h 30) n

En même temps, quand on est dans une loi comme celle de la loi n° 83 qui vient édicter les règles de conduite et les règles de vérification, bien il faut qu'on se donne collectivement des règles qui soumettent le secteur privé à plus d'obligations que le secteur public, parce qu'à l'intérieur du secteur public il y a déjà des ordres professionnels, il y a déjà des surveillants, si on veut, des administrateurs, qui sont des administrateurs publics, qui sont là pour appliquer les règles du ministère, alors que, dans le secteur privé, on ne les retrouve pas. Bien, c'est la même chose quand on parlera de l'imagerie médicale ou qu'on parlera de tout autre service privé.

Au-delà de la question du principe... nous, on est contre la privatisation des services publics, là, mais, au-delà de ce principe-là, la question des coûts, la question de la qualité, la question de comment s'organisent ces services-là, comment ils viennent s'intégrer dans des réseaux, là, qu'on a créés, c'est le privé qui doit faire la preuve de son rendement et de son intégration dans un supposé partenariat public-privé sur des services que nous considérons qui devraient être rendus par le public. Moi, je pense qu'il faut inverser le fardeau de la preuve. Et, si le privé veut prendre une place ? quoique nous ne soyons pas d'accord avec ça ? bien, que ce soit lui qui fasse la preuve qu'il est capable de nous soutenir collectivement à des meilleurs coûts. Je ne le crois pas, moi, ma centrale non plus. Mais, en même temps, s'il faut démontrer, bien démontrons correctement les choses, que ce soit dans l'hébergement, que ce soit dans des services parallèles...

La question des soins à domicile est très préoccupante ? on n'aura pas le temps de s'en parler. La question du dossier médical informatisé, là, on le voit qu'à un moment donné c'est le secteur privé qui finit par gérer ces dossiers-là d'une manière ou d'une autre. GIRES, ça n'existera pas, là. Qui va gérer les dossiers, à un moment donné? Comment s'assurer que le gouvernement ne sous-contractera jamais la question informatique du transfert des dossiers médicaux? On peut bien nous le garantir aujourd'hui, mais on ne pourra jamais se donner des garanties sur 20, 30, 40 ans de ces choses-là. Alors, on ouvre des portes sur des questions préoccupantes pour l'ensemble de la société dans un projet de loi qui est quand même très peu préoccupant dans la société. Je n'ai pas vu de «front page», comme on dit en bon français, sur la loi n° 83. Pourtant, on est en train de changer certains paradigmes qui vont faire en sorte que l'ensemble des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux vont être dirigés dans une nouvelle façon de faire, que les informations vont circuler autrement, que le pouvoir médical va reprendre une place qu'il avait peut-être dans les années soixante.

Vous savez, on n'a rien contre le fait d'être dirigés par un médecin, là. On a déjà été dirigés par une travailleuse sociale, Mme Lavoie-Roux, et on s'en portait aussi bien, là. Ce n'est pas ça, la question. La question, c'est: Comment pourrait-on faire en sorte que les gens qui interviennent dans le réseau, qu'ils soient médecins, qu'ils soient psychologues, qu'ils soient travailleurs sociaux, puissent trouver un espace pour faire valoir leur point de vue et surtout contribuer à l'avancement du réseau? Nous, c'est ça qu'on cherche dans la loi constitutive du réseau de la santé et des services sociaux.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la députée.

Mme Harel: Oui. Vous venez d'aborder, là, la question de l'informatisation des dossiers patients, notamment, là. Ce matin, nous recevions une réponse à la demande d'accès à l'information de l'avis fourni par la Commission d'accès à l'information au gouvernement, au Conseil exécutif, sur les dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi n° 83. Et, contrairement à ce que le ministre avait répondu le 10 décembre dernier, à une question du journaliste du Devoir, Robert Dutrisac, qui lui demandait s'il y avait eu un avis de la Commission d'accès à l'information, alors il répondait que, oui, «on a travaillé de façon étroite avec la [commission]» et qu'on avait «un avis officiel»... Et le journaliste demandait: «Est-ce qu'il est disponible?» Et le ministre répondait, et je le cite intégralement: «On pourra le rendre disponible certainement lors des commissions parlementaires ou avant.» Ça, c'était en date du 14 décembre.

Alors, il est évident que le ministre dit une chose et puis, en réalité, il se passe autre chose. Un peu comme pour la commission parlementaire sur le CHUM, hein, vous savez qu'il a annoncé que ce serait transparent, puis on n'arrive pas à avoir les analyses de risques sur les rapports des consultants. Les analyses de risques, c'est des analyses de faisabilité, les études qui ont été menées dans les différents ministères sur des rapports de consultants contradictoires. C'est un «show-off», ça. Ils vont venir nous expliquer chacun leur rapport contradictoire, puis on n'aura pas l'analyse des risques.

Alors, je ne sais pas, là, si vous avez un point de vue sur l'accès à l'information. Il est évident que ça se trouve, comme vous dites dans votre mémoire, un fourre-tout, le projet de loi n° 83. Ça devrait être un projet de loi distinct qu'on étudie dans le cadre de l'accès aux renseignements personnels et non pas dans le cadre des soins de santé.

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, notre avis sur cette question-là, il a déjà été publié en fait quand on a fait la discussion sur la carte à puce. Moi, je voudrais bien qu'on se comprenne. La question de l'utilisation de l'informatique dans les dossiers médicaux, il faudra qu'on y arrive. On y est déjà d'ailleurs dans certains établissements. La question n'est pas de lutter contre l'informatisation des dossiers médicaux. Par ailleurs, il y a toute une série de questions, on l'a vu au fédéral dernièrement, il y a des problèmes sur la question de cette gestion-là. Et il ne faut pas les occulter et il ne faut surtout pas se dire: Ça fait longtemps qu'on en parle, il faut qu'on opérationnalise le tout, sans qu'on se soit donné collectivement véritablement un cadre de référence.

Présentement, dans le projet de loi, nous, nous pensons qu'il manque beaucoup d'éléments. Nous ne pouvons pas souscrire à l'idée que ce soit par règlement qu'on détermine quel intervenant va pouvoir ou ne pas pouvoir utiliser telle ou telle partie de dossier. On pense que la population a le droit de faire cette discussion-là librement, à froid, dans un autre contexte que celui d'une réforme de la loi de la santé et des services sociaux. Donc, sur cette question-là, nous sommes très préoccupés.

En même temps, nous représentons des gens qui interviennent dans ce milieu-là, et on sait à quel point ça pourrait être utile, ce genre de dossier là. La question n'est absolument pas là. La question est de savoir comment maintenant on peut trouver une manière, et ce n'est pas facile, et je comprends que le ministre ne peut pas répondre à toutes les questions non plus dans un projet de loi de ce type-là, mais il faut qu'on trouve une manière de faire ça correctement, en respectant nos règles et surtout en respectant les usagers et les usagères.

Écoutez, dans les dossiers médicaux, là, il y a tout. On parle de dossier médical, là, mais on devrait parler de dossier médicosocial. Les dossiers, ils vont être intégrés sous peu, donc ces questions-là vont faire en sorte que des intervenants externes, surtout avec les réseaux, avec les partenaires de ces réseaux-là, pourraient éventuellement avoir accès soit malencontreusement... Oui, je sais qu'on essaie d'éviter ça, mais ce n'est pas clair dans le projet de loi comment on va faire ça. Et c'est ça, la discussion qu'on aimerait avoir, nous: Qui va faire quoi et comment ça va se faire?

Moi, je vois très bien, là, le médecin qui arrive devant un dossier médical, qu'il soit informatisé ou pas, et qui se pose la question: Qu'est-ce que l'organisme communautaire qui va à domicile a besoin de savoir? et finir par se dire: Bien, je le sais-tu, moi, qu'est-ce qu'ils ont vraiment besoin de savoir dans cette pile-là, je n'ai pas le temps de lire tout ça, je n'ai pas le temps de faire ce tri-là. Et là il est devant son ordinateur, comme moi, et, avec un seul coup de doigt, il peut transférer l'ensemble du dossier. Peut-être que je rêve et que je fais un cauchemar, mais en même temps il n'y a rien qui me garantit que ce ne sera pas ça, la façon de fonctionner dans ce qui est écrit là. Et on ne peut pas se permettre collectivement de laisser ça uniquement, ensuite, dans un processus réglementaire, faire en sorte qu'éventuellement on aurait perdu le contrôle, pour toutes sortes de raisons, pas volontairement mais involontairement, sur des dossiers aussi importants que les dossiers médicosociaux des patients.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée, il reste 30 secondes. Donc, une question qui se répond par oui ou par non, s'il vous plaît.

Mme Harel: D'accord. Le RUIS...

Une voix: C'est non.

Mme Harel: Parlez-nous de l'imputabilité des RUIS.

M. Roy (Louis): L'imputabilité en oui par non?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: L'imputabilité envers la population.

M. Roy (Louis): Oui, on est d'accord avec ça. On est d'accord avec l'imputabilité. Mais, écoutez...

Mme Harel: Vous trouvez qu'il n'y en a pas, alors.

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, on pense que ce n'est pas clair en tout cas, parce que ce sont des réseaux universitaires, donc de niveau troisième, quatrième niveau d'intervention, alors ce n'est pas évident, la façon dont ces réseaux-là vont insérer un processus de réaction avec la population. Et on serait intéressés à faire ces discussions-là, évidemment.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Lapierre, Mme Davidson, M. Tremblay, M. Roy, merci beaucoup de votre participation.

n (10 h 40) n

J'invite les prochains participants à prendre place à la table. Je ne suspends pas les travaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. Et nous accueillons la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Je demande donc à son président, M. Renald Dutil, à qui je souhaite la bienvenue, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons des échanges. Alors, allez-y, Dr Dutil.

Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec (FMOQ)

M. Dutil (Renald): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme Harel. Alors, tout d'abord, je vous présente mes accompagnants: à ma droite, Dr Louis Godin, qui est le premier vice-président de la fédération, Me Pierre Belzile, qui est avocat à notre contentieux, et, à ma gauche, le Dr Jean Rodrigue, qui est directeur général adjoint et directeur de la planification et de la régionalisation.

Alors, tout d'abord, je vais vous présenter certains commentaires généraux sur le projet de loi n° 83 et par la suite j'aborderai de façon un peu plus spécifique les grands chapitres du projet de loi en vous résumant brièvement certaines des recommandations de la fédération.

Premier grand commentaire, c'est qu'il nous apparaît que le projet de loi n° 83 va bien au-delà d'une simple harmonisation qui apporterait les ajustements nécessaires pour concilier les dispositions de la Loi sur les agences de développement avec les dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et les autres lois concernées. C'est un projet de loi qui boucle la boucle d'une refonte majeure de notre système de santé. C'est une réforme qui s'adresse d'abord aux structures pour réaliser des objectifs d'accessibilité et de soutien aux personnes qui nécessitent des services disponibles à divers niveaux de soins, des objectifs avec lesquels nous sommes entièrement d'accord.

La fédération estime aussi qu'il est nécessaire, à ce moment-ci, de procéder à une réorganisation de notre système de santé, mais ce brassage de structures auquel nous convie encore une fois le projet de loi n° 83, nous le faisons remarquer, n'ajoute pas de ressources, surtout des ressources humaines, ce qui nous apparaît toujours indispensable pour atteindre les objectifs fixés.

Premier grand commentaire sur l'économie générale de ce projet de loi, la sectorisation des soins. Le projet de loi n° 83 propose que l'instance de chaque réseau local de santé ait une responsabilité envers sa population et ait des budgets pour assurer les services requis par celle-ci. L'instance devra établir des corridors de services spécialisés, mettre sur pied des programmes cliniques pour des clientèles précises, en santé mentale par exemple. Une fois ce système en place, les patients d'une instance n'auront, il faut bien le dire, guère le choix que d'utiliser les ressources disponibles au sein de cette instance ou par l'intermédiaire des corridors de services établis.

Il est tout à fait vrai que le projet de loi n° 83 n'abolit pas l'article 6 de l'actuelle Loi sur les services de santé et les services sociaux, un article qui garantit aux personnes... à l'effet que «toute personne a le droit de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé et des services sociaux», et rien dans les articles du projet de loi n° 83 n'interdit non plus de consulter le médecin de son choix. On est bien conscients de cela. Cependant, les règles administratives et budgétaires, les règles de gestion qui vont découler de ce projet de loi s'il devient une loi, dans les faits, vont réduire, peut-être progressivement au début, mais inévitablement elles vont réduire le choix de la personne d'obtenir les services requis dans le milieu qu'il désire ou qu'elle désire. Le patient sera fortement incité à consulter dans son milieu, à recevoir les soins requis dans son milieu ou dans ceux avec lesquels l'instance locale a passé entente. Et quelle sera, en bout de ligne, la liberté de choix du patient quand on aura décidé pour lui l'instance auprès de laquelle il doit utiliser les services techniques et spécialisés, l'équipe du projet clinique responsable de son suivi et le corridor de services pour les services spécialisés que son état requiert? Est-ce que la population est bien informée de cette orientation? Nous croyons, nous, que le débat doit se faire sur cette question avant que tout ne soit mis en place.

Les modèles de sectorisation que nous avons connus à date, soit celui des secteurs psychiatriques et celui des territoires de CLSC, ont entraîné, en particulier dans les grands territoires urbains, de multiples effets pervers que nous ne souhaitons pas répéter, et je pense que c'est le voeu des uns et des autres. Il suffit de changer de rue, par exemple, pour devoir changer de psychiatre ou de CLSC. La sectorisation proposée par le projet de loi n° 83 nous apparaît être de la même nature. On substitue aux anciens territoires de CLSC celui des réseaux locaux de services.

Je ne suis pas étonné que notre fédération soit parmi les quelques-uns qui ont peut-être mentionné ce volet particulier du projet de loi n° 83. Les médecins en cabinet privé, dont les clientèles ne sont pas sectorisées, sont bien au fait de ces problèmes, beaucoup plus que les établissements qui, il faut bien le dire, y trouvent souvent leur compte dans de telles sectorisations. La FMOQ, qui représente aussi ces médecins de famille, se devait et se doit de vous faire part de ses préoccupations quant à cet aspect particulier du projet de loi n° 83. Nous avions d'ailleurs exprimé cette préoccupation lors de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 25.

Notre fédération est loin de condamner le principe même de la sectorisation. Elle nous apparaît même nécessaire, essentielle et souhaitable pour certains services si on sait y introduire les éléments de souplesse requis. Dans les milieux ruraux et intermédiaires... ou intermédiaires, elle s'impose d'emblée, mais c'est très, très différent dans les milieux urbains et particulièrement dans les grands milieux urbains. Est-ce là le mode d'organisation requis pour améliorer l'accessibilité aux soins, aider le patient à cheminer entre les divers niveaux de soins, un objectif qui a souvent été invoqué par le ministre dans cette réforme et que nous partageons, nous aussi? Nous posons la question, car il nous apparaît que la sectorisation des soins est loin de garantir une nette amélioration de l'accessibilité des soins, d'autant plus que le projet de loi actuel, je le répète, ce projet n'ajoute pas de ressources, il adopte même un ton autoritaire et dirigiste. Pour ce qui est des médecins omnipraticiens, je rappelle qu'il manque toujours 800 médecins omnipraticiens au Québec, et là je ne parle que de ces professionnels de la santé, il y a des pénuries également pour bien d'autres ressources.

Alors, nous souhaitons que le ministre clarifie ses intentions face à cette sectorisation et introduise dans son projet de loi des articles qui viennent renforcer l'article 6 de l'actuelle Loi sur les services de santé et les services sociaux de façon à privilégier, autant que faire se peut ? il faut être réaliste ? ce droit du patient de consulter le médecin ou l'établissement de son choix sans devoir subir des contraintes qui ne sont pas essentielles, des contraintes qui découlent de règles administratives et budgétaires mises en place par des instances locales.

Autres commentaires sur d'autres volets de ce projet de loi. La fédération souhaite rappeler certaines de ses préoccupations par rapport au respect des missions de chacun des établissements fusionnés au sein de l'instance, notamment la mission de première ligne des CLSC et l'autonomie des cabinets privés installés dans le territoire du réseau local et dispensant des services à une clientèle non sectorisée. La FMOQ constate avec satisfaction que le ministre a maintenu les missions des différents centres; CLSC, CHSGS, CHSLD. Quant aux cabinets privés, nous croyons, nous aussi, que ces cabinets doivent collaborer étroitement à l'organisation mise en place, notamment aux projets cliniques établis par l'instance locale de leur milieu, mais cette collaboration ne doit pas se faire par le biais de contraintes, ou de menaces, ou de sanctions. Il faut que ces projets cliniques deviennent également des projets collectifs pour les médecins omnipraticiens qui exercent dans le territoire de l'instance. Et à cet égard le département régional de médecine générale, qui existe déjà et qui est maintenu par le projet de loi, pourra jouer un rôle d'intégrateur et de facilitateur.

Je vais revenir sur le mandat du DRMG, du département régional. La FMOQ s'inquiète encore une fois du caractère autoritaire de nombreuses dispositions législatives qu'on retrouve dans ce projet: «L'établissement doit», «à défaut d'entente, le ministre ou l'agence impose», «le ministre peut décider, malgré les dispositions prévues». Par exemple, le législateur impose aux établissements de conclure des ententes sans se soucier s'ils disposent des ressources nécessaires. Ce projet accentue à outrance les contrôles. La fédération n'accepterait pas que l'intégration des services se fasse en contraignant, en assujettissant ou en sanctionnant les médecins. Cette menace, nous la trouvons trop présente dans le projet de loi, par le biais d'une obligation, par exemple, contractuelle avec l'instance ou encore par le biais d'une obligation de participer à un processus de centralisation des données cliniques.

n (10 h 50) n

Quelques commentaires sur certains chapitres de ce projet de loi. Au niveau de la gouverne. La fédération appuie la proposition à l'effet de n'avoir qu'un seul conseil des médecins, dentistes et pharmaciens au sein de l'instance, qui regroupe tous les médecins. Nous recommandons que le comité exécutif du CMDP prévoie la présence d'au moins un médecin provenant de chacun des centres qu'exploite un établissement ainsi que la mission de chacun de ces centres soit présente au sein du comité exécutif du CMDP.

La fédération rappelle que l'organisation des services de médecine générale sera très importante pour assurer des effectifs adéquats à la réalisation des missions des différents centres. Aussi, nous recommandons un seul département clinique de médecine générale regroupant tous les médecins omnipraticiens exerçant dans l'un et l'autre des centres. Mais nous demandons de prévoir, au sein de ce département clinique de médecine générale et sous l'autorité de son chef, un service médical pour les médecins qui exercent auprès d'un CHSLD ou des CHSLD et un autre pour les médecins qui exercent dans le ou les CLSC avec un médecin responsable.

La fédération recommande que le plan clinique d'une instance soit approuvé par l'agence et conforme au plan de celle-ci afin d'assurer une véritable coordination des services entre les réseaux. Nous nous demandons dans quelle mesure l'instance sera obligée de conclure des ententes avec les médecins du territoire. Il y a bien sûr les GMF, les groupes de médecine familiale, et, nous le souhaitons, bientôt des cliniques médicales affiliées ou des cliniques réseaux à Montréal, où des ententes formelles lieraient ces sites-là de dispensation de services, bon, à l'instance locale ou au centre de services de santé et de services sociaux. Mais, pour les autres médecins de cabinets privés, qui représentent quand même actuellement la majorité, nous rappelons que leur pratique est déjà très encadrée, encadrée par les activités médicales particulières, encadrée par l'appartenance au département régional de médecine générale, encadrée par les avis de conformité pour qu'ils adhèrent aux PREM, aux plans régionaux des effectifs médicaux de la région. Plus de 80 % des omnipraticiens qui exercent dans les cabinets médicaux, il faut le rappeler, ont déjà une appartenance à un établissement. Aussi, la fédération s'opposerait-elle à toute nouvelle forme de contrat obligatoire qui aurait pour effet de lier les médecins omnipraticiens en cabinet. Tel que nous l'avons dit, là, leur collaboration aux projets cliniques du réseau est importante, mais elle devra se faire sur la base de consensus et de projets élaborés conjointement par leur département régional et l'unité peut-être territoriale dont ce département va se doter et l'instance locale.

D'ailleurs, la fédération se réjouit que le projet de loi vienne reconnaître l'apport des cabinets médicaux dans les services de santé en assurant leur représentation au sein du conseil d'administration de chaque instance. Voilà une mesure qui est de nature à créer un climat de confiance et de collaboration entre l'instance et les cabinets privés de son territoire.

Pour ce qui est du DRMG, on se réjouit également qu'il soit maintenu comme structure régionale, mais nous proposons d'élargir ses responsabilités, qu'il ait également le mandat de donner des avis aux instances locales sur les conditions d'accès, pour les patients, des médecins omnipraticiens aux plateaux techniques, à l'information clinique, aux médecins spécialistes, qu'il ait également le mandat de donner des avis quant à l'instauration de corridors de services proposée par les réseaux universitaires intégrés de santé.

Si un comité sur les services pharmaceutiques est créé, comme le prévoit le projet de loi, le département devrait également donner son avis sur l'utilisation des médicaments. C'est un rôle qui ne peut être dévolu qu'au seul comité sur les services pharmaceutiques ne comptant que des pharmaciens.

L'accès à un médecin spécialiste. Il y a certains articles du projet de loi qui pourraient laisser croire que l'accès direct à la population à un médecin spécialiste serait dorénavant restreint. La fédération comprend que, dans une logique de hiérarchisation des soins, une personne devrait d'abord consulter en première ligne un médecin de famille, et nous encourageons cette façon de faire. Mais, ici également, il faut éviter d'être rigide. Dans le contexte actuel de pénurie de médecins omnipraticiens mais aussi de médecins spécialistes, la fédération invite à la prudence pour éviter que la population fasse les frais d'une hiérarchisation précipitée.

Enfin, on propose l'abolition de la commission médicale régionale et nous appuyons la création d'une table régionale des chefs de départements spécialisés.

Le rôle des agences dans ce réseau. Nous constatons dans le projet de loi que les lignes d'autorité entre les établissements, les RUIS et les agences sont floues. Nous insistons sur la nécessité de donner aux agences les pouvoirs nécessaires pour s'assurer que les plans d'organisation des services des établissements soient conformes à son plan stratégique. Les établissements d'un RUIS contribuent à l'offre de services et assurent à la clientèle de leur zone de proximité des services généraux et spécialisés. L'autorité de l'agence en cette matière doit être reconnue. Par ailleurs, on appuie la création des RUIS et on appuie particulièrement l'imputabilité qui leur est faite par rapport aux services dans les régions faisant partie de leur desserte.

Nous recommandons également de maintenir une agence même dans les territoires où il n'y aurait qu'un seul réseau. On pense particulièrement au territoire de Laval, où il n'y a qu'un seul réseau. L'agence aura à coordonner non pas uniquement les services dispensés par l'instance locale, mais également les services dispensés par d'autres ressources du territoire qui ne sont par partie de cet établissement, les services dispensés par les cabinets médicaux, par exemple, dans ce territoire.

Régime d'examen des plaintes. On partage les objectifs du ministre de faciliter le traitement des plaintes. Que le plaignant soit soutenu et accompagné dans une démarche qui est toujours pénible, nous en sommes. Mais on s'interroge beaucoup sur le mécanisme proposé par le projet de loi, qui nous apparaît trop lourd et trop complexe. En sus des intervenants déjà existants, on propose un comité de vigilance. Nous avons déjà le Comité de gestion des risques qui, par ses responsabilités, doit également assurer un soutien aux usagers. Alors, c'est une procédure lourde qu'on propose, et nous craignons que la plainte risque de s'enliser dans les dédales des différents comités et des différentes procédures qui vont en découler, dont des procédures judiciaires.

Alors, plus simplement, nous proposons de conserver les mécanismes en place, préciser la responsabilité de l'établissement d'accorder au commissaire aux plaintes les ressources requises pour assumer ses responsabilités de manière efficiente et de rendre responsable de façon plus explicite le conseil d'administration d'assurer le suivi des recommandations du commissaire aux plaintes ou du Protecteur des usagers. Bref, maintenir les mécanismes en place, mais préciser leurs mandats, les outiller davantage et responsabiliser davantage le conseil d'administration quant à ce volet important, là, du commissaire aux plaintes.

On fait également remarquer que la loi actuelle, par les articles 34... et 108, assujettit au régime d'examen des plaintes les personnes qui conviennent d'ententes avec un établissement pour la prestation ou l'échange de services professionnels ou pour la prestation de certains services de santé. Jusqu'à ce jour, de telles ententes étaient conclues entre établissements et les procédures relatives au régime d'examen des plaintes étaient peu ou pas appliquées car elles n'étaient pas requises.

Mais il en sera autrement dans un proche avenir. Les cliniques médicales et les médecins qui y exercent et qui s'engageraient auprès des CSS... On pense aux GMF, on pense, par exemple, aux CMA de Montréal. Alors, en vertu de ces articles de loi... des dispositions déjà existantes additionnées à celles qu'on propose, advenant une plainte d'un patient, le commissaire local aux plaintes aura la compétence légale pour intervenir dans la conduite de la clinique médicale et le médecin examinateur pourrait également intervenir auprès de cette clinique. Est-ce bien là l'intention du ministre? Il s'agirait d'un irritant supplémentaire pour les médecins qui pratiquent en cabinet médical. Ces médecins hésiteraient alors à convenir d'ententes avec le CSS, et avec raison.

Alors, nous proposons que soit exclue de l'assujettissement au régime d'examen des plaintes toute personne déjà assujettie à un ordre professionnel. On ne dit pas que, s'il y a une plainte, là, dans une clinique, elle ne doit pas être prise en compte, ce n'est pas cela du tout qu'on dit. Mais, si cette personne, comme un médecin, est assujettie au Collège des médecins, si les actes reprochés sont dispensés hors établissement, cela doit continuer à relever du Collège des médecins.

Circulation de l'information clinique. Puisque le temps s'écoule, je passe rapidement. On se réjouit qu'il y ait des dispositions du projet de loi qui témoignent de la volonté du ministre de mettre en place les outils nécessaires à la circulation de l'information clinique, mais on vous soumet brièvement les commentaires suivants.

n (11 heures) n

L'administration du consentement de même que sa révocation nous apparaissent trop complexes. La qualité des informations sera menacée en ce que, lors d'une révocation, même temporaire, le dossier devient inactif. Qu'est-ce qui se passe durant cette période? Alors, la fédération est d'avis que le dossier informatisé doit être alimenté de façon continue s'il veut être crédible, là, et qu'on puisse l'utiliser en toute sécurité, les données, au lieu... conservées pour un minimum de 10 ans avec obligation de conserver certaines informations qui sont énumérées dans le règlement du Collège des médecins. Nous considérons également très important que l'information clinique soit accessible aux professionnels de la santé autorisés. Et la fédération est d'accord avec les modifications qui prouveraient expressément que le consentement du patient n'est pas nécessaire pour la cueillette et la transmission des données médicales le concernant dans certaines situations bien balisées cependant.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Dutil, je vous demande de conclure, s'il vous plaît.

M. Dutil (Renald): Alors, je conclus en disant que c'est un projet de loi très important qui vient, bon, confirmer que nous avons une réforme peut-être la plus importante devant nous. La fédération va collaborer à la mise en place de cette réforme, mais il nous apparaît que le projet de loi mérite beaucoup d'amendements. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, la parole est au ministre de la Santé et ? n'oubliez pas ? des Services sociaux.

M. Couillard: Bon, c'est bien, M. le Président. Merci, Dr Dutil, Dr Rodrigue, Me Godin et Me Belzile, pour votre visite, aujourd'hui.

Je vais commencer par la question de ce que vous appelez la sectorisation pour vous dire que vous ne serez pas surpris d'apprendre que ce n'est pas de cette façon que, moi, je vois les choses. Effectivement, l'article 6 de la loi de santé et de services sociaux n'est en aucune façon modifiée. Il est très explicite, cet article, et je ne vois pas en quoi on pourrait le rendre encore plus explicite. La liberté totale de choix du médecin ou de l'institution y est.

Ce que je dis, moi, c'est que je compare la situation actuelle où la liberté de choix existe puis il n'y a personne qui est responsable de rien finalement en termes de garantie d'offre de services, où maintenant on conserve cette liberté et en plus on donne à la population une organisation publique près de chez elle qui a cette responsabilité-là. Donc, on ne limite en rien l'accessibilité ou le choix des professionnels, mais on ajoute une garantie de services près des gens. Et je comprends que votre lecture est différente, mais c'est celle que, nous, on fait.

Mais vos autres éléments de commentaires sur la collaboration entre les médecins omnipraticiens et les instances locales m'encouragent dans un sens parce que vous dites: Oui, les médecins veulent collaborer à la mise en place des projets cliniques, veulent être consultés, vous saluez le fait qu'ils sont présents au conseil d'administration, mais d'un autre côté vous faites également les remarques qui appellent à l'autonomie complète des médecins en cabinet.

Où se situe l'équilibre, là, où se situe l'équilibre entre les avantages du régime public puis les obligations, ou ententes, ou engagements que le médecin ou la profession médicale doit prendre envers ce régime public? J'utilisais, l'autre jour, le terme suivant: la «resolidarisation» nécessaire de la profession médicale avec son réseau public de santé et de services sociaux. Alors, comment est-ce qu'on fait cet équilibre? Je pense qu'on a fait des pas dans cette direction, sur le plan gouvernemental, avec les éléments que vous avez soulignés. Quels sont les pas que la profession médicale, elle, est prête à faire pour rétablir ce lien de solidarité entre les établissements publics et les médecins, notamment les médecins en cabinet?

M. Dutil (Renald): Dans votre première remarque sur la sectorisation, vous avez raison, M. le ministre, et on l'a souligné, l'article 6 n'est pas remis en question. Vous savez, ce n'est pas souvent à partir d'un article de loi que les choses se passent autrement, c'est à partir des modalités d'opérationalisation de ce qu'on met en place, c'est à partir de règles de gestion. Je vais vous donner un exemple bien concret que, comme médecins de famille, nous butons à cela depuis bien des années: la sectorisation de la psychiatrie.

J'ai un patient qui est traité par un psychiatre dans son secteur psychiatrique. Il déménage, et c'est très fréquent dans un grand milieu comme Montréal, il déménage, il se retrouve dans un autre secteur psychiatrique. Il est suivi parfois depuis des années par le même psychiatre et le même médecin de famille. Au niveau du médecin de famille, il n'y a pas de problème. Je veux le retourner voir son psychiatre, et on lui répond: Vous n'êtes plus dans notre secteur psychiatrique. A-t-il vraiment le choix de son médecin? Il l'a, oui, en vertu de l'article 6. Dans les faits, cette sectorisation vient limiter le choix du patient de consulter le psychiatre de son choix qui en plus était son psychiatre traitant.

Au niveau des territoires de CLSC, la même chose. On a vécu cela depuis des années, depuis la création finalement des CLSC, où des patients suivis par un médecin de CLSC, qui est leur médecin de famille, changent de secteur, de territoire. Ils doivent changer de médecin de famille. Bon. Voilà, là, ce que j'appelle, là, les effets pervers d'une sectorisation. On vous l'a dit, là, on n'est pas contre toute sectorisation, loin de là, mais, malgré l'article 6, voilà ce que vivent nos patients, nous, sur le terrain. C'est cela que nous craignons, là, lorsqu'on vous parle d'une gestion par secteur, par programme clinique à l'échelle des secteurs et des réseaux locaux de soins, et nous demandons que de la souplesse soit accordée.

J'aurai des patients qui ont l'habitude d'aller consulter à Maisonneuve-Rosemont. Je suis installé dans Ahuntsic. Le corridor de services pour la ressource spécialisée dont ils ont besoin est avec l'Hôpital du Sacré-Coeur. Ils auront de la difficulté, M. le ministre, après quelque temps où on aura mis ça en place, d'aller consulter leur pneumologue habituel à Maisonneuve-Rosemont. On va les inciter fortement à aller consulter dans le corridor défini par l'instance locale de leur territoire de résidence, qui est l'Hôpital du Sacré-Coeur, ajouté aux difficultés également qu'on travaille dans un territoire et on vit dans un autre. Et, souvent, les territoires, ce sont des régions. Les fins de semaine, on vit dans une autre région, et ainsi de suite. Alors, nous, on craint une sectorisation importante à partir des dispositions que vous proposez dans le projet de loi et qui aurait de tels effets pervers même si on conserve l'article 6, là, de l'actuelle Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il y avait un autre volet à votre question, et je vais y répondre brièvement.

M. Couillard: Brièvement, je vais juste faire un commentaire. C'est parce que... L'autre question était: Qu'est-ce que la profession médicale est prête à faire pour refaire le lien avec le réseau public de santé? Mais je vais faire un petit commentaire sur ce que vous venez de dire.

M. Dutil (Renald): Bien sûr.

M. Couillard: Le patient a toujours la liberté de le faire. La différence actuellement, c'est que tout le monde est responsable, mais personne n'est responsable, c'est-à-dire qu'effectivement il peut aller à Sacré-Coeur, il peut aller à Maisonneuve, il peut aller à Fleury, il peut même aller à Trois-Rivières s'il veut, mais il n'y a personne qui a la responsabilité puis une imputabilité de l'aider dans ses déplacements dans le système de santé. Alors, il pourra toujours aller à Maisonneuve, votre patient, mais au moins, près de chez lui, il y a quelqu'un qui va lui offrir l'accès plus rapide et faciliter, surtout dans un contexte de pénurie de médecins, une organisation qui a la responsabilité de le prendre en charge.

Et puis c'est ça, l'équilibre très difficile. C'est un équilibre difficile, Dr Dutil, mais c'est un équilibre essentiel entre ce que le réseau public de santé, qui appartient à tout le monde et qui est payé avec les impôts de tout le monde, doit organiser et offrir comme services et, d'un autre côté, ce que vous réclamez, qui est la totale indépendance et autonomie des professionnels. Il y a un équilibre quelque part à trouver, là. Donc, ça m'amène à cette question: Qu'est-ce que la profession médicale est prête à offrir et à consolider comme lien de solidarité avec le réseau public de santé?

M. Dutil (Renald): D'abord, vous êtes rassurant sur la sectorisation, M. le ministre, mais les gestionnaires de tous les jours, je veux dire, vont dire: Nous avons un budget pour notre population des corridors de services établis, et les réponses que les patients vont recevoir seront probablement d'une nature différente malgré toute la... Je ne doute pas du tout de votre bonne foi et des objectifs que vous poursuivez et que nous partageons.

Autre question. La profession médicale a déjà fait beaucoup. En ce qui concerne les médecins omnipraticiens, je vous rappellerai, M. le ministre, que nous avons accepté d'étendre les activités médicales particulières à l'ensemble des médecins omnipraticiens. Ça n'a pas été facile pour la profession médicale d'accepter, là, de telles obligations qui sont venues chambarder la pratique d'un grand nombre d'entre eux. Nous avons accepté de nous insérer à l'intérieur des plans régionaux d'effectifs médicaux, d'obtenir des certificats de conformité pour que ce soit, je veux dire, conforme aux besoins exprimés par les régions, par les territoires. Nous avons mis sur pied un département régional de médecine générale pour justement intégrer davantage les soins, mieux cerner les besoins de la population, mieux orienter les activités des médecins omnipraticiens vers les besoins les plus essentiels et prioritaires de leurs régions.

Alors, quand vous nous dites: Qu'est-ce que vous avez fait? nous avons fait beaucoup. Et nous vous disons, aujourd'hui, que, comme médecins de famille, médecins omnipraticiens, nous sommes tout à fait d'accord de collaborer avec les instances locales et notamment avec les projets cliniques, nous sommes tout à fait d'accord, mais ce n'est pas par le biais de la contrainte ou d'obligations contractuelles obligatoires que nous allons réussir cet objectif-là.

Quand je regarde, là, tous ces réseaux qui se sont mis en place spontanément, spontanément, alors que les lois... et qui fonctionnent, qui sont des succès, parce que c'est parti de la base, c'est parti d'un projet collectif, médecins, autres professionnels de la santé, et ça fonctionne, c'est de cette façon-là qu'il faut procéder et non pas y aller sous forme de menaces ou d'obligations contractuelles que vous devrez signer en sus de ce qui existe déjà.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le ministre.

M. Couillard: Bien, je dirais que c'est exactement ce qu'on fait. On demande au réseau local, à une instance locale de se faire un plan d'organisation clinique avec ses partenaires, qui vient de la base et qui vient près... d'un endroit où ils sont le plus près possible de la population. Et je suis certain que vos médecins membres du DRMG qui sont là vont collaborer ? et le font d'ailleurs actuellement ? à la mise sur pied de ces projets cliniques.

n (11 h 10) n

Un petit commentaire sur la question des plaintes. Vous vous inquiétez du fait que les cliniques liées par entente avec le système de santé soient assujetties au mécanisme de traitement des plaintes. Je veux juste clarifier quelque chose. Ce n'est pas l'acte professionnel du médecin qui est inclus là-dedans, c'est l'aspect administratif de l'entente.

Je vous donne un exemple très clair. Je souhaite, comme vous le savez, que bientôt on mette sur pied nos cliniques médicales associées à Montréal. Et disons que, dans cette entente, on a un engagement sur les plages horaires d'ouverture, que la clinique s'engage à ouvrir tous les jours de telle heure à telle heure, le samedi, de telle heure à telle heure, etc., et que par hasard un patient ou deux arrivent puis ils se cognent le nez sur la porte. Alors, il faut qu'il y ait un mécanisme pour que le citoyen auquel on a garanti ces heures d'accessibilité, par exemple, puisse faire remarquer que, dans telle situation, ce n'était pas présent. Il y a peut-être des bonnes explications ce jour-là, là, les personnes sont malades ou ce n'était pas possible d'avoir l'ouverture pour une excellente raison, mais il faut que le citoyen quelque part ait la possibilité de se faire entendre là-dessus.

Donc, il n'est pas question pour le commissaire local ou qui que ce soit d'aller vérifier la pratique professionnelle. Ça, c'est déjà réglé par les ordres professionnels, vous l'avez très bien expliqué. Mais l'aspect administratif des ententes, il faut que ce soit quand même surveillé puis monitoré. C'est notre devoir comme membres de gouvernement de le faire et, pour le réseau public également, c'est leur devoir de le faire.

M. Dutil (Renald): Oui, mais ce n'est pas tout à fait la lecture que font les avocats de notre contentieux de la portée des articles qui existent actuellement. Je comprends que ce n'est pas votre intention, M. le ministre, mais les articles semblent avoir une portée légale plus large que ça. Et je demanderais à Me Belzile de commenter, sur un plan purement légal, là, ce que nous pensons qu'il y a comme portée. De vérifier si les contrats qui sont intervenus ou l'entente intervenue, par exemple, entre une instance et puis une clinique médicale associée est, je veux dire, respectée, c'est une chose. Et est-ce que c'est le commissaire aux plaintes ou le directeur général de l'établissement qui devra le faire? On peut se poser la question. Mais, quand on lit les articles actuels ? parce qu'il y a déjà des articles actuels sur les ententes, là, qui interviennent entre établissements ? et ce qu'on introduit de nouveau, ça semble avoir une portée légale beaucoup plus large. Me Belzile.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Me Belzile.

M. Belzile (Pierre): Bien, essentiellement, ce qu'on peut ajouter à ça, c'est que la lecture que, nous, on en fait, c'est que ça peut dépasser le simple niveau du commissaire local aux plaintes, ça pourrait aussi aller jusqu'au médecin examinateur. Alors, dans cette dynamique-là, la lecture qu'on en fait, c'est que, pour donner un exemple, un patient pourrait très bien se plaindre d'avoir été médicalement mal servi par un médecin en cabinet privé, lequel service a été rendu suivant, là... à la suite d'une entente de services entre une instance locale et ce cabinet privé. Alors, évidemment, au niveau du mécanisme des plaintes, le citoyen pourrait donc se plaindre au niveau de l'instance locale, dans un premier temps, puisque c'est à partir de là où on l'a référé vers le cabinet privé.

Alors, c'est dans cette mesure-là où on dit: Bien, est-ce que ce n'est pas là donner ouverture au médecin examinateur, lui donner un accès au médecin de cabinet privé? Et c'est la question qu'on posait, et du moins c'est la lecture que, nous, on en fait. Et c'est ce qu'on ne veut pas non plus. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'une situation comme celle-là continue d'être régie par les dispositions, là, usuelles, c'est-à-dire: mécanisme via le Collège des médecins.

M. Couillard: On verra à clarifier cette question, là, s'il y a lieu. Mais j'insiste sur le fait que c'est l'aspect de l'administration d'une entente qui doit être regardé. Puis, quand il y a deux personnes qui font une entente, on ne peut pas demander à l'une d'entre elles d'être l'arbitre de la bonne exécution de l'entente, il faut que ce soit une personne extérieure qui le fasse.

M. Belzile (Pierre): Exact. Et, si on reprend l'exemple que je vous donnais, qu'est-ce qui arrive si, moi, je suis référé par l'instance locale vers un cabinet privé et que je veuille me plaindre d'un acte médical que j'estime, là, avoir été mal posé ou qui m'a occasionné un préjudice? Est-ce que c'est le médecin examinateur de l'instance qui éventuellement pourrait venir faire une enquête dans le cabinet?

M. Couillard: J'aimerais qu'on clarifie, pour les quelques minutes qu'il nous reste ? il nous reste trois, quatre minutes, je vais essayer d'être bref dans ma question ? la question de l'accès au médecin spécialiste. C'est déjà balisé, cet accès-là, vous le savez. Je l'ai vécu moi-même pendant 20 ans, là. On reçoit une consultation. Si on veut être payé pour notre acte médical, il faut qu'il y ait le numéro d'un médecin référent qui nous a fait une consultation, sauf dans certains cas, les cas d'urgence, etc., ou c'est possible d'avoir accès directement au médecin spécialiste. C'est toujours possible d'avoir accès, mais le médecin spécialiste peut faire sa facturation de façon correcte. Je ne sache pas ou ce n'est pas ma compréhension que, dans notre projet de loi, on rend ça plus rigide que ce l'est déjà actuellement. J'aimerais ça que vous m'expliquiez en quoi vous trouvez que c'est menacé, cet aspect-là, dans le projet de loi.

M. Dutil (Renald): En quoi on trouve que c'est menacé, c'est, à un moment donné, l'économie générale de certains articles qui peut conduire à cela. Et vous avez compris, je pense, notre position, là. On est tout à fait d'accord avec la hiérarchisation des soins et que, dans la mesure du possible, je veux dire, on soit d'abord évalué en première ligne avant d'être référé en deuxième ligne. C'est une bonne gestion des ressources humaines, je pense, que de faire cela de cette manière. Mais il ne faudrait pas être rigide là-dedans, là, il ne faudrait pas être rigide au point d'interdire l'accès direct à un médecin spécialiste. Je pense qu'on aurait des problèmes, des problèmes résultant des pénuries qu'on retrouve de part et d'autre dans le moment puis des habitudes, des traditions qui existent chez nous.

On doit tendre vers cela, et ça fait quelques années qu'on tend vers cela, M. le ministre. Déjà, dans la majorité des cas, je pense que nos médecins spécialistes travaillent à partir d'une consultation venant d'un médecin de famille. Mais il y a encore des spécialités ? la pédiatrie, pour ne nommer que celle-là ? où on a encore une bonne fraction de son activité en première ligne qui répond à un besoin de certaines personnes, familles qui veulent pour leur enfant qu'il soit suivi par un pédiatre. Alors, nous, on vous dit: D'accord pour la hiérarchisation des soins, mais n'y allons pas de façon trop précipitée dans un contexte où on a des pénuries de médecins de famille puis des pénuries de médecins spécialistes.

M. Rodrigue (Jean): Si je peux ajouter...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. Rodrigue, oui.

M. Rodrigue (Jean): Cette inquiétude-là nous venait aussi en bonne partie de l'article 99.7 que la loi amène, à l'alinéa 4°, où on dit: «Créer des conditions favorables à l'accès, à la continuité et à la mise en réseau des services médicaux généraux», et ensuite on dit, bon, «de concert», et puis on dit que, à ces services médicaux généraux là, on doit garantir l'accessibilité et on dit notamment, en c, «à des médecins spécialistes par les médecins de famille». Et donc, ça laissait... ça pouvait laisser croire... Et un peu comme on dit depuis... le Dr Dutil dit depuis tout à l'heure, ce projet de loi là est quand même un projet de loi ambitieux. Et donc, cet article-là pouvait laisser croire qu'il y aurait dorénavant une hiérarchie beaucoup plus forte et que, par exemple, l'instance avait une obligation de garantir l'accessibilité pour les services médicaux généraux, n'avait pas nécessairement cette même obligation-là envers les médecins spécialistes.

Alors, autant on peut dire qu'on peut... l'article 4° nous satisfait pleinement parce que ça garantit autant pour les médecins de cabinets privés que pour les médecins omnipraticiens de CLSC une accessibilité, on n'a pas l'impression que ça garantit la même accessibilité à un pédiatre, ou un gynécologue, ou un psychiatre par rapport à l'accès à des services médicaux généraux. Et donc, c'est un peu cette notion-là qui nous amenait à poser la question et particulièrement dans les régions urbaines, où il y a quand même une grande partie de la population qui est suivie, il faut bien le dire, en première ligne par des médecins, que ce soit le gynécologue, le pédiatre ou dans le cas de la psychiatrie. Et donc, on pense que ces gens-là doivent aussi avoir un accès. Mais l'article ne le prévoit pas expressément.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je permets une brève réplique de la part du ministre.

M. Couillard: Un bref commentaire qui est une question: Est-ce que ce n'est pas également un aspect de dysfonction de notre système de santé? Qui est le mieux placé pour voir un enfant en bonne santé régulièrement? Qui est mieux placé pour faire un examen gynécologique annuel? Est-ce que ce ne serait pas dans le plus beau des mondes être le médecin de première ligne? Mais je comprends qu'on est en pénurie puis qu'on a des réalités devant nous. Mais, si on regarde l'organisation souhaitable dans le système de santé, si on veut dégager des spécialistes dans les tâches pour lesquelles ils ont été véritablement formés et entraînés, il faut que la première ligne ? puis je pense que vous partagez cet objectif-là ? joue son rôle pleinement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Nous sommes en bris de contrat sur le temps, alors très bref.

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

M. Godin (Louis): Nous sommes tout à fait d'accord avec cette approche-là, M. le ministre, mais il faut comprendre que ça doit se faire de façon progressive. Et, entre le «doit passer» absolument par un médecin de famille ou «devrait passer», je pense qu'on a encore un bout de temps dans «on devrait passer».

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. La parole est à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, Dr Dutil, Dr Godin, Dr Rodrigue, Me Belzile, bienvenue au nom de l'opposition officielle. Ce n'est pas simple, en fait, hein, cette question d'équilibre, de juste équilibre à l'égard de l'accès, du choix, hein, n'est-ce pas, d'un médecin. Comme vous, Dr Dutil, je ne remets pas du tout en cause la bonne foi du ministre, mais le fait est que l'économie générale, là, des dispositions contenues dans le projet de loi nous amène vers ce qu'il appelle une approche populationnelle du territoire, territoriale. Alors, autant elle semble s'imposer de soi à l'extérieur des grands centres urbains malgré le fait que parfois, hors des grands centres urbains, il y a aussi des régions touristiques ? je pense aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, ou une partie de la Gaspésie, ou des Laurentides, ou l'Estrie, ou Lanaudière ? où il y a un boom de population à un moment donné...

n (11 h 20) n

Parce que même présentement souvent j'ai des concitoyens, qui ne sont pas nécessairement d'Hochelaga-Maisonneuve, là... Je pense encore dernièrement à des dames âgées qui n'avaient pas accès au médecin de leur choix parce qu'elles étaient dans une résidence privée et que l'établissement leur disait: Bien, allez... une résidence privée pour personnes autonomes, et il y avait un médecin visiteur, puis on leur disait: C'est ce médecin visiteur que vous devez aller voir. N'eût été de leur esprit combatif, à 80 ans et plus, elles n'auraient pas pu avoir le médecin qu'elles voulaient. Bon. Puis il en est ainsi ailleurs aussi.

Alors, comment justement on équilibre en fait à la fois cette approche populationnelle qui est souhaitable puis en même temps ce libre accès? Bien, ça va être beaucoup dans les règles budgétaires. Alors, déjà, dans les CLSC, c'est impossible, comme vous le savez, d'être vu par un médecin si on n'habite pas le territoire. Même les familles, parce que... Les familles ne peuvent pas se recomposer. Par exemple, moi, ma fille et ses enfants ne peuvent pas venir voir le médecin de famille que je vois même si on est dans le même environnement sociosanitaire, etc., parce qu'elle est à quelques rues. Alors, ce que vous dites est vrai puis ce que le ministre souhaite l'est, mais comment ça va être réconcilié, ça va être ça, la difficulté. C'est ça que je voudrais entendre.

M. Dutil (Renald): Vous posez très, très bien la question, Mme Harel, très bien la question. Et, nous, comme médecins de famille, on la vit, cette problématique-là, je dirais, presque à tous les jours dans notre pratique. Et on n'est pas étonnés d'être presque les seuls à la soulever, puisque, dans les établissements, on ne vit pas cette problématique-là, on y trouve son compte pour des raisons souvent budgétaires. Et, quand je regarde l'économie générale, l'approche populationnelle, un budget donné à une instance locale pour la population de son territoire, je me dis: On risque de tomber davantage dans les travers de la sectorisation ? qui doit exister. On n'a jamais prétendu qu'il ne doit pas y avoir une certaine forme de sectorisation. Mais comment concilier? Voilà la grande question.

Et, nous, on soulève la préoccupation et on se dit: Avant de tout mettre en place, il faut réfléchir davantage et se donner les marges de manoeuvre voulues pour respecter autant que faire se peut le libre choix, là, du patient à son médecin. Si je vais consulter dans une salle d'urgence, je vais voir le médecin qui est de garde, même si j'aimerais voir un autre médecin. Bon. Pour être pratique, là, il y a des dispositions qui font en sorte que ça peut être difficile. Mais, dans les CHSLD, je l'ai vécu aussi beaucoup, des personnes qui disaient: J'aimerais ça continuer à être suivi par mon médecin, qui serait d'accord pour venir me voir. Et là il y avait toutes sortes de règles administratives et légales qui empêchaient, à toutes fins utiles, ce médecin de venir ou, si on le lui permettait, c'était tellement restreint que, bon, on se démotivait de part et d'autre. Quand je vois ce qui nous est proposé, on risque, je veux dire, d'étendre, d'augmenter énormément tous ces travers qui sont liés à la sectorisation, et il nous faut tenter d'éviter cela le plus possible.

Je suis d'accord qu'une instance ait l'obligation d'établir des corridors de services pour que ses patients aient un petit peu moins de misère à cheminer entre les divers niveaux de soins. Mais je veux, moi, comme médecin de famille, si mon patient me dit: Moi, c'est le pneumologue de Maisonneuve-Rosemont que je veux voir parce qu'il m'a déjà vu, je connais cet hôpital-là, j'ai resté dans ce coin-là, je n'y reste plus, je ne veux pas aller à Sacré-Coeur qui est un hôpital que je ne connais pas, voir un médecin que je ne connais pas, je veux, comme médecin de famille, ne pas avoir à vaincre 50 difficultés avec les responsables, là, des rendez-vous de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et me faire répondre, moi ou la personne ? ou souvent c'est nos secrétaires qui vont aider actuellement la personne ? se faire répondre: Il n'est pas dans notre corridor de services, comme on se fait répondre en psychiatrie: Il n'est pas dans notre secteur de psychiatrie, bon, il a déménagé. Il reste un seul choix à la personne, c'est donner une fausse adresse, ce qui n'est pas un choix, à notre point de vue. Et c'est ce qu'on craint, nous, avec ce qui nous est proposé, c'est ce qu'on craint au niveau des règles de gestion et des modalités d'opérationnaliser ce modèle-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Oui. Je me demande comment il va être possible, lors de l'étude article par article du projet de loi, de faire en sorte qu'on tienne compte justement de cette réalité du libre choix. Peut-être, le Protecteur du citoyen... peut-être que, s'il y a un refus, il y aura le Protecteur du citoyen qui pourra intervenir à ce moment-là et finalement faire un équilibre pour le patient. Et c'est compliqué, oui, puis ce n'est pas à 84 ans ou en étant psychiatrisé nécessairement qu'on va commencer ce genre de démarche. Alors, il y a quelque chose là, et je vous remercie de nous alerter.

En lisant votre mémoire, je pensais à Jean Rochon. Je me disais qu'il devait être content de votre appui au département régional de médecine générale. Hein, c'est en 1998 que ça a été introduit, alors ça fait déjà sept ans. Puis le temps a fait son oeuvre, hein, parce que je vois que maintenant c'est une institution, le département régional de médecine générale, que vous appréciez et que vous souhaitez en fait voir jouer un rôle encore plus important. Moi, je prends bonne note en fait que, dans la pratique médicale en cabinet, qui est encadrée par les PREM les AMP, les DRMG, avec des ententes de GMF puis des ententes de CMA... Alors, ça commence à faire pas mal de choses autour de la pratique médicale en cabinet.

Mais j'aimerais vous entendre sur le rôle que vous aimeriez voir jouer au DRMG. Je comprends aussi, dans votre mémoire ? je vais au plus pressé, là, à cause du temps ? que vous voulez voir jouer un rôle plus important à l'agence. Vous dites: Le rôle de l'agence doit être maintenu... l'autorité. Vous dites: L'autorité doit être maintenue; l'agence doit approuver les plans cliniques et organisationnels des instances locales. Puis vous voulez aussi qu'elle approuve les plans d'organisation du RUIS du territoire. J'aimerais ça vous entendre à ce sujet. Je ne sais pas s'il va nous rester du temps. Parce que vous avez mis dans votre mémoire, à la page 9, que beaucoup de DRMG ont déjà mis en place des unités territoriales. J'aimerais ça si vous nous en décriviez une.

M. Dutil (Renald): Oui. Le DRMG, nous l'avions conçu, là ? et je le dis avec une certaine fierté ? en 1996-1997 et, oui, on rend grâce au ministre, à l'ex-ministre Rochon d'avoir acheté cette idée et de nous avoir aidés à le traduire, à un moment donné, et lui donner des assises légales requises. On avait prévu dès le départ que le DRMG ait des unités territoriales. Donc, on avait une certaine vision d'avenir, là, qui allait presque aussi loin que celle du ministre d'aujourd'hui. Alors, on avait prévu des unités territoriales parce que les régions sont vastes.

Et, nous, ce qui nous inquiète un petit peu, là: on voit une agence qui, sans être une coquille vide, certainement pas dans les grands milieux, mais, dans d'autres milieux, aura beaucoup moins de pouvoir. Bon. On se dit: Il va se passer quoi, là? Il y a de l'arbitrage à faire dans une région, surtout dans une région où on a plusieurs réseaux locaux, il y a de la complémentarité, il y a de l'intégration des services. Puis vous avez également les RUIS, là, qui, quand on regarde certains articles du projet, seraient presque au-dessus des agences. C'est l'agence qui devrait s'adapter au plan, là, au plan de services, aux projets cliniques, au plan d'organisation du RUIS et non l'inverse. Bon. Alors, c'est pour ça qu'on vous dit, à un moment donné: Attention, là, avant de dépouiller l'agence de toute autorité, là, dans son territoire. Il faut lui en donner.

Le DRMG, il est raccroché à l'agence. S'il est raccroché à quelqu'un qui n'a pas d'autorité, il va se passer quoi, Mme Harel? On se pose la question, là. Alors, là, on est moins cohérent un petit peu. On veut maintenir le DRMG, on parle même d'étendre ses responsabilités, nous, en tout cas, on est d'accord pour les étendre, mais il va relever d'une structure qui aura beaucoup moins d'autorité et de pouvoir et qu'on veut même voir disparaître, là, dans les régions où il n'y aurait qu'un seul réseau. On se pose des questions là-dessus.

Nous, le DRMG, c'est un outil très important pour faciliter justement l'intégration des médecins, des médecins de cabinets privés principalement, ils représentent tous les omnipraticiens, là, mais principalement les médecins de cabinets privés aux projets cliniques dans leurs territoires. Et je pense qu'il peut jouer un rôle, là, très important de facilitateur là-dedans, sans qu'on doive passer par des contraintes, des choses qui vont irriter les omnipraticiens. C'est notre département, puis, je veux dire, voilà, il y a des projets cliniques, comment est-ce qu'on s'organise pour que les cabinets puissent y participer? C'est peut-être ça, son rôle majeur, là, dans ce futur contexte. As-tu des choses?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Godin.

M. Godin (Louis): Du côté de la représentation sous-territoriale, même s'il n'y a pas de table très précise dans chacun des DRMG, tous les comités de direction se sont toujours assurés qu'il y ait une représentation de chacun des sous-territoires pour justement faire que les discussions et les arbitrages qu'il peut y avoir à l'intérieur d'une région, on puisse les faire au niveau du département régional. Et ça, nous, on pense que c'est très porteur et c'est essentiel de le faire, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des réseaux locaux qui vont cohabiter un à côté de l'autre, il ne faut pas se retrouver avec une disproportion, une différence dans la façon de donner des services qui est très importante, qu'on change d'un côté de rue ou à l'autre à côté ou qu'on passe d'un comté à un autre.

n (11 h 30) n

Donc, c'est très important de poursuivre cette démarche-là et qu'on ait, au niveau du département régional, cette capacité de donner des avis et de fournir des interventions au niveau des modèles d'organisation qu'on va avoir. Et on a déjà, au niveau des départements régionaux, ces représentations sous-territoriales là depuis le début de leur existence parce que chacun des départements régionaux a bien pris soin de s'assurer de cette sous-représentation-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Oui. Alors, vous parliez de DRMG, là, qui, nous disiez-vous à la page 9, avaient mis en place les unités territoriales. C'est donc finalement cette expérience qui actuellement vous permet de dire qu'ils devraient être représentés plus formellement dans le cadre du projet de loi, au sein des DRMG, c'est bien ça?

M. Dutil (Renald): Oui.

Mme Harel: Oui. Il y a eu, la semaine passée, les tables de chefs de département qui sont venus nous dire qu'il y avait de moins en moins de jeunes médecins qui voulaient pratiquer en cabinet privé. Moi, j'ai pensé que vous aviez peut-être des statistiques, parce qu'ils ne pouvaient pas appuyer leur affirmation sur, si vous voulez, des statistiques. Avez-vous quelques chiffres là-dessus?

M. Dutil (Renald): Oui, j'ai des chiffres tout frais de ce matin, Mme Harel.

Mme Harel: Oh oui? Ah, mon Dieu!

M. Dutil (Renald): J'avais prévu votre question. Depuis 1999, il y a eu un ajout de 530 médecins omnipraticiens ETP, équivalents temps plein, qu'on appelle. En cabinet privé, l'ajout a été de 130... de moins... On a perdu ? pardon, c'est bien différent ? on a perdu l'équivalent de 130 médecins équivalents temps plein en cabinets privés. Donc, c'est clair, puis on le voit dans toutes nos données, là, que nous avons, qu'il y a une certaine désertion de la pratique en cabinet privé. Ça ne veut pas dire que les médecins omnipraticiens travaillent moins. On est allés davantage exercer dans les établissements, particulièrement dans les hôpitaux, un peu dans les CLSC mais particulièrement dans les hôpitaux. Et l'entente sur les activités médicales particulières n'est pas étrangère à ce phénomène qu'on a observé au fil des années et particulièrement, là, ces deux, trois dernières années. C'est inquiétant. Parce qu'on parle partout de l'importance de la prise en charge et du suivi surtout des clientèles vulnérables. Bon. Elle se fait en ambulatoire, cette prise en charge, et ce suivi. Elle ne peut pas se faire à la salle d'urgence, pas au niveau des unités de malades admis. C'est en cabinets médicaux principalement puis aussi en CLSC, parce que nous avons aussi des médecins de famille en CLSC. Bon.

Alors, ça nous inquiète beaucoup de voir ce phénomène, là, qui vient traduire, là, une certaine désertion de ce modèle de pratique en médecine familiale: prise en charge et suivi. Et il va falloir qu'on regarde les conditions d'exercice et l'environnement professionnel des médecins qui exercent en ambulatoire et qui font de la prise en charge et du suivi pour inverser cette tendance. Je comprends qu'on avait des problèmes de pénurie, là, à l'hôpital. Mais, quand on n'a pas de médecin de famille pour de la prise en charge et du suivi et pas de rendez-vous avant trois, quatre mois, on va faire remplir sa prescription à la salle d'urgence, Mme Harel. Et ce n'est pas uniquement dans les territoires isolés qu'on voit de tels phénomènes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors...

Mme Harel: Oh, M. le Président...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez 40 secondes.

Mme Harel: Juste quelques secondes pour que vous me rappeliez, cette étude, c'est depuis 1999?

M. Dutil (Renald): Jean, vas-y donc.

M. Rodrigue (Jean): Les données qu'on a sont depuis plus longtemps qu'auparavant. Mais disons qu'avant 1999 il y a eu un programme d'incitation à la retraite et qui a fait qu'il y a un grand nombre de médecins qui ont quitté la pratique. Alors donc, depuis 1999, l'effet des départs à la retraite est terminé. Alors donc, si on regarde, depuis 1999, il y a eu effectivement l'équivalent de 500 médecins de plus au Québec, mais, dans le même temps, le secteur qui a été le plus défavorisé, c'est le secteur de la première ligne, particulièrement les cabinets privés, avec une perte de 130 médecins équivalents temps plein. Ça, ça veut dire, Mme Harel, si on dit qu'un équivalent temps plein s'occupe d'environ 1 500 patients, on est déjà à au-delà de 600 000 personnes qui ont perdu leur médecin de famille depuis 1999 et, si on sait aussi que la population augmente d'à peu près 1 % par année, ça vous donne l'étendue finalement des gens qui ne réussissent pas à se trouver un médecin de famille.

Et je le répète parce que c'est important, ce que le Dr Dutil a dit, les médecins ne travaillent pas moins, quoique certains voudraient le laisser croire, les médecins ne travaillent pas moins au Québec, ni les médecins omnipraticiens ni les médecins spécialistes. Mais ce qui est clair actuellement, c'est que les contraintes des AMP et des PREM dirigent les gens vers les établissements, particulièrement vers la salle d'urgence et vers les soins aux malades admis, pour ce qui est des omnipraticiens. Les soins sont importants dans ces milieux-là, mais c'est clair que c'est au détriment des soins de première ligne.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, désolé, le temps est écoulé. Merci beaucoup, M. Dutil, M. Godin, M. Belzile et M. Rodrigue. Je demande aux personnes du prochain groupe de prendre place immédiatement. Les travaux ne sont pas suspendus.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, nous allons poursuivre les travaux. La commission est heureuse d'accueillir l'Association des CLSC et CHSLD du Québec. M. Alex Potter, président, bienvenue. Je vous laisse le soin de présenter les personnes qui vous accompagnent. Comme vous le savez, vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous échangerons avec vous. Allez-y.

Association des CLSC
et des CHSLD du Québec (ACCQ)

M. Potter (Alex G.): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition officielle, Mmes, MM. les députés, au nom de l'Association des CLSC et CHSLD du Québec, je remercie les membres de la commission de me recevoir, aujourd'hui, en compagnie de Mme Marie-Claude Martel, directrice générale de l'association. M. François Rabeau, directeur général du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, et Mme Sonia Amziane, avocate-conseil à l'association.

Votre invitation nous permettra de vous présenter les réflexions de nos membres sur le projet de loi n° 83. Ces réflexions s'appuient sur un objectif qui nous est fondamental: assurer à la population des services de santé et sociaux de base, accessibles et de qualité partout sur le territoire québécois.

Avant d'aller plus loin, je tiens à rappeler que notre association et l'Association des hôpitaux du Québec ont entamé des démarches pour créer, à la fin du mois d'avril, une nouvelle association regroupant nos membres respectifs. L'Association des CLSC et CHSLD du Québec a exprimé à l'AHQ sa volonté de déposer un mémoire conjoint sur ce projet de loi. Cependant, n'ayant pu rédiger un mémoire conjoint compte tenu des délais prévus, nous vous présentons aujourd'hui la contribution de notre association à cette mise à jour fondamentale du cadre législatif en santé et services sociaux.

En guise d'introduction, l'association tient à souligner qu'elle appuie pleinement la réforme amorcée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Philippe Couillard. En déposant le projet de loi n° 83, le ministre réitère son appui aux services de proximité et réaffirme le rôle central des centres de santé et des services sociaux dans la réorganisation d'un réseau sociosanitaire québécois. Il confirme en outre les responsabilités exclusives des centres de santé et de services sociaux dans l'élaboration d'un projet clinique et organisationnel visant à améliorer l'accessibilité, la continuité et la qualité des services offerts à la population locale.

L'association accueille tout aussi favorablement la décentralisation des responsabilités vers le palier local de gestion, la définition des rôles et des pouvoirs des instances locales, les mesures favorisant la circulation de l'information, la participation des usagers ainsi que celles visant à l'amélioration de la qualité des services. De plus, l'association se réjouit de l'implantation d'un processus de certification qui pourra être appliqué aux résidences privées pour des personnes âgées.

n (11 h 40) n

Par ailleurs, afin de contribuer de manière constructive à la bonification du projet de loi, nous vous exposerons les principales recommandations de l'association.

D'abord, la circulation de l'information. Plusieurs articles du projet de loi prévoient un ensemble de situations où un établissement serait autorisé à communiquer sans le consentement de l'usager un renseignement contenu dans son dossier. Cette information pourrait être transmise à un établissement, à un professionnel de la santé, à un organisme communautaire, à une entreprise d'économie sociale ou à une ressource privée, si cette communication est nécessaire à l'exercice de son mandat ou à l'exécution de son contrat.

L'association comprend le bien-fondé de ces articles, à savoir une prise en charge adéquate de l'usager. Toutefois, l'usager a également un droit vital sur les renseignements personnels contenus dans son dossier, ainsi qu'un droit de regard sur la circulation de ces renseignements. Par conséquent, notre association est d'avis que le consentement de l'usager doit être maintenu lorsque des renseignements le concernant sont transmis à des organismes communautaires, à des entreprises d'économie sociale et à des ressources privées.

En ce qui concerne l'examen des plaintes et l'évaluation de la qualité des services, l'association souscrit aux objectifs visés par le projet de loi mais recommande certaines modifications. Le projet de loi prévoit qu'un commissaire local aux plaintes sera nommé par le conseil d'administration de l'établissement et relèvera de ce dernier. Cette disposition semble traduire une certaine méfiance à l'égard des directeurs généraux et de leur capacité d'assumer pleinement leurs obligations en matière d'examen des plaintes. Le directeur général d'un établissement est directement imputable envers le conseil d'administration.

L'association est donc d'avis que le commissaire doit être nommé par le conseil d'administration mais doit relever du directeur général, d'autant plus que le projet de loi prévoit maintenant un mécanisme de coordination entre le conseil d'administration et le commissaire local aux plaintes, de même que la création d'un comité de vigilance.

L'association s'interroge aussi sur la nouvelle appellation du commissaire local aux plaintes. Comme la procédure d'examen des plaintes est un mécanisme qui tend à améliorer la qualité des services fournis aux usagers, nous recommandons que l'appellation «commissaire local aux plaintes» soit remplacée par celle de «commissaire local aux plaintes et à la qualité des services». De ce fait, l'association adhère à l'exclusivité de fonction du commissaire local aux plaintes en autant que celle-ci s'étende également à la qualité des services. En outre, pour permettre au commissaire local de jouer un rôle proactif dans la qualité des services, l'association recommande que le pouvoir d'initiative actuel du commissaire soit maintenu dans le projet de loi.

En ce qui concerne le rôle du médecin examinateur, l'association recommande que le directeur des services professionnels ne puisse assumer cette fonction afin d'éviter toute apparence de conflit d'intérêts. Soulignons que le projet de loi prévoit désormais qu'un établissement pourra nommer un médecin examinateur qui exerce ou non sa profession dans l'établissement.

En matière de comité de révision, il est de la responsabilité du conseil d'administration d'un établissement et de son directeur général de s'assurer de la conformité de la procédure d'examen des plaintes et de son application. L'association demande donc que le projet de loi prévoie un comité de révision pour chaque établissement. L'usager pourrait ainsi formuler directement sa demande de révision auprès de l'établissement où il a déposé sa plainte.

L'association souscrit aussi à la création d'un comité de vigilance. Toutefois, par définition, un comité de vigilance a pour mandat d'observer des pratiques et de faire des recommandations. L'association insiste donc sur le fait que les fonctions de ce comité doivent être circonscrites uniquement au suivi des recommandations des commissaires locaux aux plaintes ou du Protecteur des usagers, et ce, en rapport avec des plaintes, le respect des droits des usagers et la qualité des services. Ainsi, toutes les autres fonctions de ce comité de vigilance touchant à la pertinence, à la sécurité et à l'efficacité des services doivent être retirées du projet de loi, d'autant plus qu'il existe déjà au sein des établissements des instances responsables de ces questions, par exemple les conseils professionnels et le comité de gestion de risque et de la qualité.

En ce qui concerne les comités des usagers, l'association croit fermement que les clientèles doivent être au coeur des préoccupations de chacun des établissements. L'association se réjouit donc de la création d'un comité des usagers au sein de chacun d'entre eux. Toutefois, compte tenu de la diversité des établissements et de leurs composants, ce qui est particulièrement vrai pour les CSSS, l'association recommande que le projet de loi leur accorde une plus grande latitude. Il faudrait ainsi leur permettre de mettre en place au moins un comité d'usagers ou, si la situation l'exige, autant de comités d'usagers que nécessaire. Dans l'éventualité où un établissement institue un seul comité, la composition de celui-ci doit assurer une représentation équitable de l'ensemble des usagers de l'établissement.

En ce qui traite au comité de résidents, prévu pour chaque installation hébergeant les usagers, l'association accueille favorablement leur création, puisqu'ils permettront à ces personnes de participer activement, dans leur milieu de vie, à l'amélioration de leur qualité de vie et de leur bien-être.

Concernant la représentation de la population au sein du conseil d'administration d'une instance locale, le projet de loi réduit à quatre le nombre de ces représentants. L'association est de l'avis que les citoyens doivent avoir une présence forte au sein des instances. Elle propose donc que le projet de loi maintienne leur nombre actuel de sièges, soit cinq, et qu'il prévoie une représentation tenant compte des aspects socioculturels, ethnoculturels, linguistiques, démographiques ou géographiques des communautés desservies.

Concernant les fondations et les personnes morales, l'association considère qu'elles jouent un rôle de premier plan dans l'amélioration de la qualité des services aux usagers. Par conséquent, elle recommande le maintien d'un siège réservé aux représentants des fondations et d'un siège réservé aux personnes morales.

n (11 h 50) n

Enfin, concernant les sages-femmes, le projet de loi doit prévoir qu'une personne soit désignée par les membres du conseil de sages-femmes, comme c'est le cas pour les autres conseils professionnels d'un établissement.

Par ailleurs, le projet de loi n° 83 propose que la composition du conseil d'administration d'un CHSLD soit identique à celle d'une instance locale. Plusieurs CHSLD dispensent des services à des clientèles particulières sur le plan socioculturel, ethnoculturel et linguistique, par exemple l'Hôpital chinois et le CHSLD Father Dowd, St. Magaret et St. Andrew. Pour tenir compte de cette réalité, l'association recommande que le projet prévoie un article spécifique pour la composition du conseil d'administration d'un CHSLD. Il pourra être envisagé de reprendre la même composition que celle du conseil d'administration d'une instance locale, à une exception près: le médecin en cabinet privé sera remplacé par un membre provenant des communautés desservies par l'établissement.

Les responsabilités d'une instance locale. Comme nous l'avons mentionné en introduction, l'association accueille très favorablement le projet de loi, puisqu'il favorise une décentralisation des responsabilités vers les instances locales. Celles-ci se voient confier, entre autres, la responsabilité d'élaborer de manière exclusive un projet clinique et organisationnel et de coordonner des services offerts par les intervenants du réseau local. Cependant, pour s'acquitter de ses responsabilités, l'instance locale a besoin de tous les leviers nécessaires et les ressources adéquates sur le plan humain, financier, technique et informationnel. En outre, certains pourraient penser que l'agence, de concert avec l'instance locale, est responsable de définir le projet clinique et organisationnel dans le cadre du plan stratégique pluriannuel qu'elle doit élaborer. L'association est d'avis qu'un plan stratégique doit se limiter exclusivement aux objectifs et l'association encourage le ministère à clarifier cette interprétation auprès des agences.

Les services de télésanté. Le projet de loi prévoit aussi qu'un établissement doit conclure une entente avec un tiers pour offrir des services de télésanté ou pour obtenir de tels services. L'association est d'avis qu'il faudrait laisser à la discrétion des établissements la possibilité d'offrir ou d'obtenir les services de télésanté, notamment dans le cas des CHSLD à mission unique.

Les réseaux universitaires intégrés de services. L'association appuie le rôle des RUIS dans l'organisation des services médicaux spécialisés en région ainsi que leur contribution à la prévention des ruptures de services dans les établissements. Cependant, compte tenu des responsabilités conférées aux instances locales, l'association demande l'ajout d'un représentant des CSSS à la table de coordination des RUIS.

En ce qui concerne les statuts et privilèges accordés aux médecins et dentistes, ils sont actuellement valables uniquement dans le CLSC, le CHSLD ou le CH identifié dans la demande du professionnel. Ce statut et ces privilèges peuvent être d'une durée de trois ans. Pour tenir compte de la nouvelle réalité des CSSS, l'association recommande une disposition transitoire dans le projet de loi. Cette disposition permettrait à ces professionnels dont la durée du statut et privilèges n'est pas expirée au moment de l'entrée en vigueur du projet de loi d'exercer leur profession dans les autres centres de l'instance locale.

Allocations budgétaires. Dans chaque région, l'agence a, entre autres mandats, celui d'allouer les budgets destinés aux établissements. En conformité avec le présent projet de loi, l'association souhaite que le ministre accorde une allocation des ressources financières qui soit à la hauteur des nouveaux mandats confiés aux établissements. D'autre part, nous souhaitons qu'il soit spécifié au paragraphe 4° de l'article 340 que les budgets alloués par les agences aux établissements soient établis en fonction des orientations ministérielles, de la population qu'ils desservent, des services qu'ils opèrent et des responsabilités qui leur sont dévolues par le présent projet de loi.

En conclusion ? vous avez sauvé trois pages ? ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci bien, M. Potter.

M. Potter (Alex G.): ...l'Association des CLSC et CHSLD du Québec réitère sa volonté de participer activement et de manière constructive à la réforme actuelle du réseau. Nous souhaitons donc contribuer, par notre intervention et notre expertise, à l'harmonisation de la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin d'assurer à l'ensemble de la population québécoise des services accessibles, continus et de qualité. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): C'est moi qui vous remercie, M. Potter, de votre collaboration. Je passe la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Potter, Mme Martel, M. Rabeau et Mme Namziane. Est-ce que je prononce bien votre nom?

Une voix: ...

M. Couillard: Amziane. Premier point sur lequel vous avez conclu et sur lequel vous vous êtes introduits, vous vous êtes basés pour l'introduction de votre présentation, c'est cette fameuse question du projet d'organisation. Avant vous, on a eu plusieurs questions quant à cette notion d'exclusivité du centre de santé et services sociaux pour la mise sur pied de ce plan d'organisation. Vous connaissez pourquoi nous avons choisi d'adopter cette attitude, c'est qu'on veut que le plan d'organisation origine de la base, plus près de la population, et que par la suite les centres spécialisés s'y adaptent, et non pas l'inverse, alors qu'historiquement dans le réseau de la santé, c'est les établissements près des citoyens qui ont eu à s'adapter aux offres qu'on leur faisait au niveau des établissements spécialisés et surspécialisés.

Cependant, certains nous ont dit s'inquiéter ? mais ce n'est pas le but qu'on poursuit ? de voir, de cette façon, diluer le rôle d'arbitre et de, je dirais... d'arbitre, finalement, de l'agence dans la cohérence de ces projets d'organisation. Je n'ai pas l'impression que c'est nécessaire d'après moi de le clarifier parce que le rôle des agences, finalement celui des anciennes régies, est de faire cet arbitrage-là. Mais, si on prend l'exemple, par exemple, du CSS du Suroît et de son voisin, supposons qu'ils font chacun un projet d'organisation qui entre en conflit sur un élément de cohérence majeur, est-ce que vous considérez qu'actuellement l'agence est déjà équipée pour faire cet arbitrage ou il faudrait être plus explicite dans le projet de loi?

M. Rabeau (François): Je vais vous répondre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Rabeau, oui.

M. Rabeau (François): Merci. Je vais vous répondre, M. le ministre. On a déjà commencé d'harmoniser nos plans d'intervention entre centres de santé et de services sociaux et nous faisons ça avec l'agence. On estime que l'agence a présentement toute l'autorité qu'il faut pour arbitrer les différends.

M. Couillard: Donc, vous ne suggérez pas d'ajouter d'autorité nouvelle ou de pouvoirs à l'agence. Parce qu'on a eu des représentations qui allaient dans ce sens-là, où on demandait d'être plus clair quant à l'autorité et le rôle de l'agence régionale dans l'élaboration des projets d'organisation clinique.

M. Rabeau (François): Si nous suivons l'économie du projet de loi, vous donnez une responsabilité locale à l'élaboration des projets de loi. Il faut d'abord que ce travail-là se fasse et qu'il y ait une intervention d'arbitrage, s'il y a conflit. Les instances locales peuvent aussi oeuvrer à faire en sorte qu'il n'y ait pas de conflit entre elles.

M. Couillard: C'est ce qu'on souhaite, certainement. Je vais brièvement commenter la question de la circulation de l'information dans le réseau avec les partenaires. C'est une question qui a été discutée plus tôt dans la commission parlementaire avec la Commission d'accès à l'information, avec le Barreau également, et je pense qu'on en est venus à une bonne compréhension de ce qui est demandé. La façon dont, moi, j'interprète les suggestions qui nous sont faites, c'est que, lorsque l'usager consent un plan de services individualisé, il y ait mention explicite également du consentement à la circulation de l'information pertinente à ce plan d'organisation. Est-ce que c'est quelque chose qui vous apparaîtrait correct comme façon d'améliorer le projet de loi?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Martel.

n (12 heures) n

Mme Martel (Marie-Claude): Tout à fait, M. le ministre. Ce qu'on précise, par contre, c'est que la circulation de l'information à l'intérieur du centre de santé ou de l'instance locale doit être balisée différemment, c'est-à-dire qu'entre professionnels il y a le code d'éthique, les codes de déontologie qui protègent l'usager, mais, pour les services à l'extérieur, c'est-à-dire qu'on parle d'économie sociale, de Popotes roulantes ou autres services, nous, on pense qu'il faut maintenir un consentement au niveau de l'usager. Pourquoi? Parce que le réseau de la santé et des services sociaux est basé sur la confiance que les citoyens font aux professionnels, et on pense fondamentalement que, dans une première étape de circulation d'information, il faut baliser davantage pour maintenir ce haut niveau de confiance qui est nécessaire pour pouvoir poursuivre. Et, dans ce contexte-là, on pense que, dans un premier temps, peut-être deux ans, peut-être trois ans ou cinq ans, il faut se donner la possibilité de demander un consentement pour tout le transfert d'information vers les non-professionnels pour garder ce haut standard de confiance, là, que les citoyens nous demandent.

M. Couillard: Je clarifie cependant que les partenaires en question ne peuvent pas aller chercher de l'information, elle ne leur est pas accessible. C'est l'information qui leur est transmise par l'établissement public que vous représentez aujourd'hui, là, qui est effectivement assujetti au code de déontologie et au principe de nécessité. Mais on est d'accord pour aller clarifier ça davantage, je pense qu'on a été assez clairs là-dessus, avec le Barreau et la Commission d'accès.

Question du commissaire local. Pour l'appellation, pas d'objection à ajouter le mot «qualité» parce que le but d'une plainte, c'est d'améliorer la qualité des services. Ce que les gens nous disaient, c'est que, comme c'était appelé seulement «commissaire à la qualité», ils ne savaient pas où aller lorsqu'ils voulaient présenter une plainte, et c'est le groupe de travail qui nous a recommandé ça.

Un point pour le rôle du DSP comme médecin examinateur. Moi, j'ai vécu des situations où, dans un hôpital, on n'est pas arrivés à trouver, après plusieurs mois de recherche et de publicité, et même de publicité parfois très dirigée vers certains individus qu'on pensait aptes à exercer cette fonction, qui est difficile, hein, il faut bien en être conscient... On s'est retrouvés devant plusieurs mois de vacance, là, où il n'y avait pas de médecin examinateur parce que personne ne voulait prendre ce poste-là. Est-ce que vous ne pensez pas que d'avoir le DSP, ça peut nous empêcher de faire face à ces vacances-là? Est-ce qu'on devrait, à ce moment-là, plus le baliser, le baliser dans une fonction de suppléance ou de transition entre la nomination d'un commissaire permanent?

Mme Martel (Marie-Claude): Alors, je commencerais sur le sujet du commissaire aux plaintes et à la qualité. Nous, on a étendu, là, dans la proposition, «à la qualité», mais il faut bien comprendre qu'on croit fondamentalement que le commissaire aux plaintes doit être nommé par le conseil d'administration et sous la direction, là, de la direction générale d'un établissement. S'il advenait que vous fassiez un choix de maintenir le rattachement administratif au conseil d'administration, on réduirait, on maintiendrait le «commissaire aux plaintes», étant donné que la partie «qualité» relève en grande partie, là, du directeur général. Donc, je pense qu'il faut bien cerner, là, les objectifs de ce côté-là. Pour ce qui est du directeur des services professionnels, M. Rabeau.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. Rabeau, s'il vous plaît.

M. Rabeau (François): M. le ministre, je crois que ce qui est préférable de façon optimale, c'est que le DSP ne soit pas le médecin examinateur. Mais je comprends qu'il peut y avoir des difficultés, avec la pénurie de la ressource médicale, il peut y avoir des pénuries, qu'il faut avoir des options de réserve, des options supplétives. Je peux comprendre ça. Chez nous, c'est un médecin externe qui fait l'examen des plaintes.

M. Couillard: Parce que vous savez comme moi que ce n'est pas un poste sur lequel les médecins se précipitent en général.

M. Rabeau (François): Je vous l'accorde.

M. Couillard: La question de la représentation de la population, pour moi, c'est très important parce que, l'économie étant le déplacement des responsabilités vers le centre de santé et de services sociaux, c'est là que la représentation de la population prend tout son sens et a le plus de chances d'être efficace, surtout si on maintient la question d'exclusivité pour le projet d'organisation à ce niveau-là. Alors, c'est pour ça que d'après moi il y a une cohérence très forte.

J'interprète les chiffres un peu différemment. Les chiffres, c'est toujours sujet à interprétation, vous allez me dire. Vous dites: Vous avez fait diminuer de cinq à quatre les représentants de la population. Mais, dans mon calcul à moi, on l'a fait passer de cinq à six parce qu'aux quatre membres élus on ajoute deux membres du comité des usagers, puis, moi, je ne fais pas beaucoup de distinction entre les membres du comité des usagers et la population. Les gens qui sont, par exemple, des usagers de CLSC, qui sont allés là pour obtenir des vaccinations, des choses comme ça, sont éligibles pour être sur le comité des usagers et ils font partie de la population générale du territoire. Donc, je n'ai pas, moi, l'impression qu'on a...

Certainement, on l'a en termes de nombre absolu parce qu'il y a moins d'établissements qu'auparavant, et, on le faisait remarquer du côté de l'opposition, et c'est vrai, il y a moins d'établissements, donc il y a moins de conseils d'administration. Donc, en nombre absolu, toutes ces représentations, incluant celles des professionnels, ont diminué. Mais, en termes relatifs, il ne me semble pas qu'on ait amenuisé la participation de la population, au contraire, puisqu'on y ajoute deux membres du comité des usagers. Et par ailleurs je termine en disant que, dans les règles de formation du conseil d'administration, il est nécessaire que ces conseils reflètent la réalité sociolinguistique et culturelle, etc., du territoire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, qui est fort dans la théorie des ensembles et des sous-ensembles, chez vous? M. Potter?

M. Potter (Alex G.): Ah, je n'ai pas compris.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous êtes fort dans la théorie des ensembles et des sous-ensembles? Allez-y.

M. Potter (Alex G.): Moi, c'est difficile pour moi d'accepter qu'un usager soit considéré comme membre d'une population, comme citoyen avec les... parce qu'il arrive avec une autre vision, un autre ensemble de problématiques qui pourraient arriver avec le conseil d'administration, une vision plus d'interne que d'externe, un droit de regard d'externe. Et le quatre ou cinq, qu'est-ce qu'on voulait assurer, c'était la diversité, de refléter autant que possible la diversité des populations desservies, avec les membres du conseil d'administration, avec les représentations sur le conseil d'administration.

M. Couillard: Vous avez dirigé des établissements, je pense, la plupart des gens qui sont devant nous aujourd'hui. Évidemment, on reçoit beaucoup de demandes pour s'ajouter au conseil d'administration. C'est toujours comme ça quand on fait un projet pour qualifier le... Bon.

M. Potter (Alex G.): ...demande aussi, hein?

M. Couillard: Alors, par exemple, les sages-femmes, on s'est montrés ouverts dans les cas où il existe un service de sages-femmes bien sûr qui sont représentées aux conseils d'administration. Mais c'est quoi, dans votre expérience, la faille optimale qu'il ne faut pas dépasser, pour un conseil d'administration, pour que ça fonctionne, là? Parce qu'à un moment donné, là, tout le monde... Moi, je vais vous donner un chiffre pour vous aider. Ce qu'on a, nous, en tête, c'est quelque part entre 17 et 21, là, quelque chose dans cet intervalle-là. Si on se ramasse avec des conseils d'administration de 26, 27 personnes, je n'ai pas l'impression que ça va être facile de prendre des décisions. Donc, où est-ce qu'on fait l'équilibre, là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Martel.

Mme Martel (Marie-Claude): Alors, bon, peut-être 17 ou 21... mais ça pourrait aller à 24. Je pense que le nombre est, à toutes fins pratiques, un peu facultatif. Nous, ce qui est important, c'est vraiment la participation citoyenne, c'est-à-dire que, dans une logique où on décentralise, qu'on demande à une instance locale de prendre en charge une population, il faut absolument qu'auprès des décideurs on puisse retrouver les représentants de cette population-là en plus grand nombre. Pourquoi? Parce que la deuxième étape, ça va être la reddition de comptes auprès de cette population-là, c'est-à-dire qu'un directeur général va être en reddition de comptes auprès de l'agence, auprès du ministère, mais qu'un conseil d'administration va être en reddition de comptes auprès de sa population, sur l'organisation des services territoriaux. Alors, il faut absolument, là, ne pas diminuer la participation citoyenne, tenter de l'augmenter en ne diminuant pas l'efficacité d'un conseil d'administration. Mais trop le diminuer mettrait à risque probablement, là, les conseils d'administration sur tout le volet de reddition de comptes qu'ils auront à faire auprès de leur population.

M. Couillard: Pour ce qui est des RUIS, vous vous ajoutez à la longue liste de gens qui nous demandent de les additionner autour de la table, ce qui nous rassure quant au bien-fondé et à la popularité de la mesure. Mais est-ce qu'il n'y a pas d'autres façons pour vous d'intervenir dans ces choses-là? Expliquez-nous pourquoi il est essentiel, sur votre point de vue, qu'il y ait un représentant des CSS qui soit là. Et comment est-ce qu'on choisirait ce représentant-là? Parce qu'il y a divers types de milieux: milieu urbain, milieu rural, milieu éloigné. Donc, comment est-ce que vous voyez ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Martel.

Mme Martel (Marie-Claude): Nous, on croit fondamentalement que, dans l'organisation que vous êtes en train de faire dans le réseau de la santé, vous êtes en train et nous sommes en train de réorganiser un réseau de services de proximité bien structuré et la réorganisation des services spécialisés à partir des réseaux universitaires, les RUIS. À ce compte-là, il faut vraiment avoir réciprocité, c'est-à-dire trouver une place des centres de santé et de services sociaux à l'intérieur de la table de coordination des RUIS pour que réellement s'organisent les services à partir de la base et non pas à partir des services spécialisés.

Au niveau du mode de nomination, je pense que différents modes de nomination peuvent être regardés. Nous, on pense que ça appartient aux centres de santé et de services sociaux. Certaines associations pensent que ça devrait être des associations. Moi, je pense que, tant que les choses ne sont pas claires et qu'on a un outil qui est l'établissement de centre de santé et de services sociaux, on devrait le désigner sous ce nom-là, et le centre de santé et de services sociaux pourra désigner la personne qui pourra les représenter, que ce soit un regroupement régional, que ce soit une association nationale, que ce soit un centre de santé. À ce moment-là, le mode de désignation appartiendra au centre de santé et de services sociaux.

n (12 h 10) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Bienvenue, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, Mme Martel, Mme Amziane, M. Potter et M. Rabeau. Je voulais vous faire un premier commentaire sur une de vos recommandations. Je l'ai fait au moment où l'Association des hôpitaux est venue. Vous recommandez que le commissaire aux plaintes relève du directeur général de l'établissement. Je m'inscris un petit peu en faux et par expérience ? j'ai été directeur général pendant de nombreuses années. Je pense, ici ce que le législateur souhaite, c'est vraiment d'avoir une véritable transparence. Et le fait de faire relever le commissaire aux plaintes par le conseil d'administration, je pense, ça ajoute à cette transparence. Ça n'enlève en rien des qualités des directeurs généraux des différents établissements. Mais je vous fais ce commentaire.

Une question, c'est votre recommandation n° 8, où vous nous dites: «Que le projet de loi apporte des amendements quant aux responsabilités légales des directeurs de services professionnels et des directeurs de services infirmiers en les limitant à la qualité des soins et services...» Ça, j'aimerais ça que vous nous parliez davantage, surtout quand vous nous dites que ces services-là maintenant vont être limités, ces directorats vont être limités à la qualité des soins. Qu'est-ce qui était auparavant? Qu'est-ce que ça veut dire exactement?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Rabeau, rapidement, s'il vous plaît.

M. Rabeau (François): Moi, j'aimerais intervenir sur la notion du commissaire relié au conseil d'administration. Je suis tout à fait d'accord sur le besoin de transparence, mais pour moi la transparence, ce n'est pas une question organisationnelle, c'est une question de savoir-être, c'est une question d'attitude, c'est une question de valeurs. Peu importe le mode organisationnel que vous avez, si les gens le pratiquent de façon obscure, vous allez avoir une organisation obscure. L'importance d'avoir un commissaire aux plaintes qui rend compte au conseil d'administration lui donne la liberté de parole et de s'exprimer, de donner son évaluation d'une situation directement au conseil. Par contre, qu'il soit géré par le directeur général, en termes d'un seul répondant du conseil d'administration par rapport à l'organisation, c'est d'éviter la bicéphalie d'intervention dans l'organisation. Quand il y a des... Parce qu'il peut y avoir, à l'intérieur d'un conseil d'administration, nous le savons, nous avons un nouveau conseil d'administration qui vient d'être nommé, de gens d'horizons différents, tout le monde renouvelé ensemble... il y a toutes sortes de tensions qui se promènent dans le conseil d'administration, que la présidence a à résoudre, que les membres ont à résoudre. Mais, s'il y a des interventions où le conseil d'administration peut parler à deux intervenants dans l'organisation en même temps, on risque d'avoir des situations problématiques.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. Potter, Mme Martel, M. Rabeau et M. Amziane... madame, excusez-moi, hein, c'est bien... Attendez. C'est M. Rabeau puis Mme Amziane. C'est ça? Alors, bienvenue de la part de l'opposition officielle.

Alors, dans ce projet de loi, il n'y a ni ressources budgétaires supplémentaires ni ressources humaines supplémentaires. On verra, lors des crédits, ce qu'il en adviendra, là, dans quelques semaines, en fait même quelques... à peine un mois ou deux, pas plus. Mais en fait on postule, en lisant le projet de loi, que chaque établissement du centre local va continuer d'offrir les mêmes services, avec des ajustements qui pourraient améliorer en tout cas la continuité, la fluidité, l'intégration. Mais qu'est-ce qui vous permet d'être assurés sur la protection des missions sociales, à part le fait, n'est-ce pas, que le projet de loi ne les a pas biffées dans ce qu'elles existaient déjà? Mais par ailleurs le projet de loi, à l'article 99, n'attribue pas au centre local, dans l'élaboration du plan clinique, n'attribue pas de responsabilités spécifiques, là, dans le maintien des missions sociales.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Martel, oui.

Mme Martel (Marie-Claude): Alors, la manière dont nous lisons la réforme actuellement et qu'elle s'applique, c'est vraiment de replacer la pyramide dans le bon sens, c'est-à-dire à partir des services de première ligne. Et on croit fondamentalement que le projet de loi n° 83 est en cohérence avec le projet de loi n° 25, et ça, là, pour nous c'est extrêmement clair. Il est clair aussi que, dans l'approche populationnelle ou dans la responsabilité populationnelle, une instance locale a des responsabilités tant au niveau des soins de santé que des soins sociaux, et donc c'est vraiment l'intervention de première ligne qui doit être la première intervention et la hiérarchisation.

Mme Harel: Est-ce que les soins de santé pourraient...

Mme Martel (Marie-Claude): Pardon?

Mme Harel: Est-ce que les soins de santé ou, si vous voulez, l'urgence, à cet égard, les soins curatifs, là, pourraient prendre le pas sur les services sociaux? Quelles sont vos... En fait, quelles sont, là, actuellement, ce qui vous semble être vos protections sur la mission sociale? Où se trouvent-elles?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Rabeau, je pense.

Mme Harel: Il n'y a pas de transfert de budget, ou des choses comme ça.

M. Rabeau (François): Je pense que, si vous me permettez, la meilleure protection, c'est l'intégration des services, d'utiliser toutes nos ressources de la façon la plus optimale possible. Et je pense que de transférer tous nos budgets à l'urgence, ce n'est pas l'utilisation optimale des ressources.

J'avais, la semaine passée, une réunion avec le Conseil des médecins et dentistes du grand CSS, et le président maintenant du CMDP, c'est un médecin qui fait du cabinet privé, qui fait de l'urgence, et on discutait des besoins en première ligne autant au niveau social qu'au niveau médical, puis, à un moment donné, il me dit: M. Rabeau, il dit, vous m'inquiétez un peu, il dit, vous parlez beaucoup de la première ligne, mais la deuxième ligne a tellement de besoins. J'ai dit: Docteur, vous êtes président du CMDP de la première et de la deuxième ligne. Woups! ce n'était plus le même discours. Parce que, quand on a une responsabilité d'offrir l'ensemble des services, on a la responsabilité d'organiser nos ressources pour qu'on donne le plus de services possible, les plus continus possible, au meilleur coût possible, et la première ligne en fait partie. Il n'y aura pas une urgence qui va fonctionner adéquatement si la première ligne n'est pas efficace.

Mme Harel: Mais on souscrit, là, moi, je souscris à ce que vous dites. Mais, à part ces déclarations, ces déclarations de bonnes intentions, où, si vous voulez, avez-vous des protections dans le projet de loi?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Potter.

M. Potter (Alex G.): Le projet de loi, ça ne parle pas des ressources comme telles. Mais je peux vous dire qu'au tout début de la réforme on avait des doutes si vraiment il allait y avoir une réforme vraiment axée sur la première ligne, puis ces doutes-là ont été dissipés assez clairement. Et, là, on pourrait avoir des doutes sur les ressources, mais on a au moins l'espoir, vous l'annoncez. Et aussi on aura des chances, dans les jours, là, pour faire nos revendications.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Martel.

Mme Martel (Marie-Claude): Il est clair que les garanties ne sont pas mur à mur, sauf que la direction et la cohérence de la direction nous donnent une certaine garantie sur ce qui s'en vient. Je vous dirais que globalement, au niveau budgétaire, les deux dernières années ont été marquées vers l'investissement au niveau de la première ligne, pas à la hauteur que nous souhaitions, pas à la hauteur que les citoyens le souhaitaient, mais dans une certaine cohérence de la réforme actuelle.

Alors, pour nous, il est clair que ce qui serait le plus néfaste, aujourd'hui, ce serait de manquer de cohérence et de faire en sorte d'inverser encore une fois la pyramide, c'est-à-dire d'avoir une orientation première ligne et du financement deuxième et troisième ligne, et ça, on va le voir dans les prochains crédits budgétaires. Jusqu'à maintenant, les deux dernières années ont été garantes d'une certaine orientation au niveau de l'investissement de première ligne.

Mme Harel: Mais en même temps ces deux dernières années ont aussi vu des déficits importants au niveau des établissements hospitaliers, lesquels, de ces établissements, certains sont maintenant fusionnés, si vous voulez, dans un même réseau, avec la première ligne, si vous voulez, au sens, là, des services sociaux, n'est-ce pas? Alors, comment tout ça... Quelles sont vos garanties à cet égard? Le ministre a parlé qu'il ne pouvait pas y avoir de transfert dans les règles budgétaires. Moi, j'applaudis. Mais en fait c'est lui qui le dit. Si son successeur disait autre chose... Les règles budgétaires, vous savez très bien, ça se modifie, puis le Trésor y met son grain de sel aussi. Alors, quelles sont, si vous voulez, les... Je reviens sur cette question, elle me semble importante. Vous avez l'air contents, alors je me dis: Peut-être que vous pouvez partager avec moi quelles sont les protections que vous retrouvez sur les missions sociales.

n (12 h 20) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, sur la mission sociale, M. Rabeau, oui.

M. Rabeau (François): Des protections mur à mur légales, il n'y en a pas. O.K. Les protections que nous avons sont celles de l'utilisation des données scientifiques que nous avons et l'utilisation des meilleures pratiques. Et, lorsqu'on se base sur les meilleures pratiques, qu'on fait du «benchmarking», on s'aperçoit qu'il faut investir en prévention, il faut investir en promotion pour avoir des résultats plus grands. Les données nous disent qu'on ne peut pas délaisser ce secteur-là. Alors, si on a un concept de la santé qui est uniquement l'intervention médicale en salle d'urgence, on a des problèmes majeurs à gérer ce système-là de santé. Si on a une vision de la santé que la santé puis le bien-être, c'est aussi les habitudes de vie, c'est aussi l'environnement, c'est aussi les comportements des gens, bien, à ce moment-là, il faut nécessairement investir dans ce que vous mentionnez, la mission sociale, ou de ce que vous mentionnez, la première ligne.

Mme Harel: Alors, c'est de faire partager votre vision des choses à des conseils d'administration qui peuvent être influencés par d'autres considérations budgétaires, en fait, hein?

M. Rabeau (François): C'est exact.

Mme Harel: C'est là tout le défi. Dans le dispositif général, le projet de loi prévoit que le cadre de référence, là, qu'était la Politique santé et bien-être disparaît, comme vous le savez, hein, pour être remplacé par des plans stratégiques triennaux, hein? Alors, on passe de la Politique santé et bien-être qui émettait ce qu'on devait faire pour glisser vers des plans qui disent ce qu'on peut faire. Est-ce qu'on est perdants dans cette opération-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Martel.

Mme Martel (Marie-Claude): C'est un volet qu'on n'a pas vraiment analysé dans le mémoire. Vous avez vu, on ne l'a pas souligné. C'est clair que cette préoccupation-là est majeure: si on veut avoir des orientations claires, que le cadre de la Politique de santé et bien-être donne de plus grandes garanties au niveau d'atteinte de résultat. Pour ce qui est des plans, on pourrait évaluer, mais c'est quelque chose qu'on n'a pas analysé de façon très précise dans le projet de loi.

Mme Harel: En fait, ce que le projet de loi prévoit, c'est que c'est le ministre maintenant, hein, qui a la responsabilité d'établir les standards de qualité, d'accessibilité, d'intégration. Et évidemment on est toujours tentés, quand on regarde un projet de loi, de regarder le parrain du projet de loi puis de faire l'adéquation. Mais il advient aussi que des projets de loi durent plus longtemps que l'auteur du projet de loi, ce qui signifie que le ministre peut-être aurait une durée de vie ? comme ministre, pas comme personne évidemment moins longue...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Alors, il faut toujours distinguer entre l'espérance de vie politique et l'espérance de vie. L'espérance de vie politique est en moyenne de six ans et demi dans le Parlement. Alors, bon, c'est que finalement...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il y en a qui font augmenter la moyenne considérablement.

Mme Harel: Oui, oui. Il faut dire que, quand on est député de ville Mont-Royal, en fait on a une longévité qui est celle que l'on désire.

M. Couillard: ...libéral.

Mme Harel: Oui, libéral, c'est sûr. Mais sérieusement est-ce que le fait de ne plus avoir ce cadre de référence qu'était la Politique santé et bien-être, bon, puis d'avoir maintenant des critères qui peuvent changer selon les ministres, hein ? il faut bien comprendre ça aussi, hein ? et puis de ne pas avoir dans la loi ce qu'on réclame, c'est-à-dire les principes de la loi fédérale... Je lisais encore la Gazette, ce matin, et M. Romanow qui interpelle M. Charest en disant: Là, il faut que vous agissiez quant à la double facturation, etc. Est-ce qu'on a assez de garanties actuellement?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Martel, oui.

Mme Martel (Marie-Claude): On pourrait en mettre davantage et maintenir la Politique santé et bien-être. C'est clair que cette politique garantit. À l'intérieur des plans d'action, on va regarder aussi si c'est ce que le ministre veut comme orientation. Mais, comme je vous dis encore, là, ce qui a été préoccupant pour nous dans le projet de loi ? et là je le redis parce qu'il faut éviter les compromis, là, dans les prochaines semaines: l'exclusivité du projet clinique au niveau de la première ligne. Et donc on a ciblé vraiment l'étude du projet de loi sur ces garanties-là que nous donnait la redéfinition du centre de santé et de services sociaux. Et je vous dirais que tout compromis qui pourrait être fait à ce niveau-là risquerait d'amputer l'organisation des services de première ligne et donnerait un message de non-cohérence. Et donc, pour nous, là, c'est fondamental, et on a donc laissé de côté certaines dispositions du projet de loi, qui est extrêmement volumineux, pour cibler ce qu'on avait à proposer au ministre.

Et je vous dirais que vous allez avoir probablement plusieurs personnes qui vont vous proposer d'avoir des projets cliniques partagés, des projets cliniques qui soient faits du haut vers le bas, des projets cliniques qui soient faits de toutes les façons. Mais, nous, on croit fondamentalement que, si on veut réussir à transformer le réseau actuel, il faut donner l'exclusivité du projet clinique et de faire en sorte qu'à partir du centre de santé et de services sociaux on puisse établir des corridors de services, des collaborations avec les partenaires externes et de faire en sorte qu'on puisse définir une nouvelle façon d'organiser un réseau qui répondra davantage à des besoins pour les personnes vieillissantes, des personnes âgées, des personnes en besoin... de maladies chroniques, parce que notre réseau est face à cette nouvelle réalité là. Et de faire des compromis actuellement créerait beaucoup plus de dommages qu'on pourrait penser.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une dernière question?

Mme Harel: Oui. Vous y étiez au moment où la FMOQ, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, était parmi nous. Ils ont fait état d'inquiétudes, là, qu'ils avaient à l'égard de ces plans cliniques dans une approche territoriale, surtout dans les grands centres urbains. Est-ce que vous considérez que les centres locaux, là, de santé et services sociaux devraient réserver leurs budgets aux populations qu'ils desservent? Parce qu'à la page 20, je pense, de votre mémoire, vous dites: «Que le projet de loi spécifie [...] que les budgets sont alloués aux établissements en fonction des orientations ministérielles, de la population qu'ils desservent, des services qu'ils offrent...» Comment le voyez-vous, cet aménagement, à l'égard du choix, du libre choix, là, du médecin traitant?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Rabeau.

M. Rabeau (François): Moi, j'aimerais intervenir sur la notion de population qu'ils desservent. Ce n'est pas nécessairement la population du territoire. On a sûrement... chaque centre de santé et de services sociaux a une responsabilité de services de première ligne sur la population de son territoire; ça, ça me semble assez clair. Mais, pour les services de deuxième ligne, le centre hospitalier dont j'ai la responsabilité dessert quatre territoires. Alors, l'organisation des services et l'allocation des services de deuxième ligne du centre hospitalier que je dessers doit tenir compte des besoins de la population de mon territoire et des territoires voisins. Je dois donc être en contact avec les territoires voisins pour organiser les services de deuxième ligne et les corridors de deuxième ligne. Mais pour moi ce n'est pas un problème lorsqu'on parle d'abord de notre territoire. Alors, l'allocation budgétaire se fait en fonction des besoins de la population, pour tout ce qui est services de première ligne et de l'offre de services, de la population qu'on dessert, et, dans ce sens-là, ce n'est pas restrictif au choix d'une personne d'aller à un établissement de santé ou à un autre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, c'est tout le temps dont nous disposons. Mme Amziane, Mme Martel, M. Potter, M. Rabeau, merci de votre collaboration, votre contribution.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Les membres de la commission peuvent laisser leurs dossiers dans la salle, ce sera fermé à clé.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

 

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, sur consentement, la commission reprend ses travaux. Nous avons un horaire passablement chargé. Nous recevons maintenant l'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec; nous recevrons ensuite la Coalition Solidarité Santé; ensuite, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec; et ensuite la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, FTQ. Alors, vous comprendrez que, dans ces conditions-là, je dois appliquer des règles assez strictes de tenue du temps.

Je vous souhaite malgré tout cela la plus chaleureuse des bienvenues. Vous avez, comme vous le savez, M. Michel L'Heureux ? vous êtes président de l'Alliance vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, y compris les gens qui vous accompagnent. Et ensuite nous aurons des périodes d'échange. Alors, bienvenue. On vous écoute.

Alliance des maisons
de soins palliatifs du Québec

M. L'Heureux (Michel): Merci beaucoup. D'abord, permettez-moi de vous remercier de nous avoir reçus à la Commission des affaires sociales. C'est un honneur pour nous de voir que, même si ce n'est pas l'objet premier de votre projet de loi, qui est plus en lien avec le rôle des agences de développement et des réseaux locaux, mais de savoir qu'il y a quelques articles qui touchent les maisons et sur lesquels nous souhaitions nous exprimer... de voir que vous n'avez pas seulement reçu le mémoire par écrit, mais vous avez aussi voulu nous entendre. On l'apprécie énormément.

Alors, je vais vous présenter les personnes avec moi. Tout d'abord, à ma gauche, Louis Roy, qui est le président du Réseau de soins palliatifs du Québec et qui est médecin en soins palliatifs à l'Hôtel-Dieu de Québec, dans le CHUQ; Mme Danielle Minguy, qui est directrice générale de La Vallée des Roseaux ? qui est une maison de soins palliatifs à Baie-Comeau ? et qui est également secrétaire de l'Alliance des maisons; Mme Christiane Hudon, qui est directrice générale de la Maison SOLI-CAN, à Alma; et, à ma droite, Mme Marie-Paule Kirouac, qui est directrice générale de la Maison Aube-Lumière, à Sherbrooke.

L'Alliance, c'est un regroupement des maisons qu'on a constitué il y a deux ans, mais c'est en fait, pas une association indépendante, c'est un comité à l'intérieur du Réseau de soins palliatifs du Québec. Le réseau représente l'ensemble des professionnels qui désirent être membres de ce réseau en tant qu'associations et qui oeuvrent en soins palliatifs. Puis l'Alliance des maisons ne fait pas bande à part, c'est un maillon important à l'intérieur du Réseau de soins palliatifs du Québec.

Les maisons, d'abord et avant tout, il faut dire qu'elles sont issues d'une volonté de citoyens et de professionnels qui se sont engagés dans le mouvement des soins palliatifs, là, pour un certain nombre, il y a plusieurs années. Ça a commencé, dans le cas de la Maison Michel-Sarrazin, en 1985; c'est la première au Canada. Et il y a plusieurs maisons qui ont suivi dans différentes régions et qui ont souvent été les instigateurs des soins palliatifs dans leurs régions. Il y a souvent eu des soins palliatifs en maison avant d'en avoir en établissement public, dans un bon nombre de régions au Québec. Et l'expertise, dans ces régions, s'est transmise aux établissements publics par le biais des maisons.

n (14 h 10) n

Ce sont des organismes sans but lucratif qui offrent des services gratuitement et qui se financent majoritairement par les dons de charité. On y retrouve une forte présence de bénévoles, ce qui accentue le caractère familial des maisons, même si, dans ces maisons-là, on donne des soins de santé professionnels comme si c'était un lit d'hôpital. Dans le fond, ce sont des soins en alternative à l'hôpital, dans un caractère familial, pour des gens qui ne peuvent plus mourir à domicile malgré les services qu'on pourrait leur offrir à domicile.

La plupart des maisons sont arrimées avec le réseau, avec les établissements parce qu'elles ont des ententes formelles ou informelles avec les établissements de leurs régions ou avec d'autres organismes communautaires. Actuellement, il y a 15 maisons pour 104 lits; ça représente 30 % de tous les lits qui sont recensés dans la Politique en soins palliatifs de fin de vie publiée par le ministère en 2004. Il y a au moins 12 projets sérieux pour environ 100 lits. Ça porterait le ratio des lits, s'il n'y avait pas de nouveaux lits dans le réseau ou baisse de lits dans le réseau public, au total, à 46 % des lits, si toutes les maisons... actuellement ou d'ici quelques années.

On en a dans presque toutes les régions du Québec, et je vais me permettre de vous énumérer ces maisons ou ces projets de maison. La Maison de soins palliatifs Desjardins du KRTB, un projet de six lits à Rivière-du-Loup; l'Association des soins palliatifs de l'Est du Québec, un projet de 10 lits à Rimouski. Ça, c'est pour la région du Bas-Saint-Laurent.

Au Saguenay?Lac-Saint-Jean, il y a quatre maisons: la Maison Notre-Dame du Saguenay, six lits à Chicoutimi; la Maison SOLI-CAN, quatre lits à Alma; la maison Le Havre du Lac-Saint-Jean, quatre lits à Roberval; la Maison Colombe Veilleux, trois lits à Dolbeau; et il y a un projet de maison à Jonquière, la Maison Le Chêne, qui se fusionnerait avec la première que j'ai nommée, la Maison Notre-Dame du Saguenay, pour passer de six à 12 lits.

À Québec, il y a la Maison Michel-Sarrazin, 15 lits plus 10 places en centre de jour, et en plus une mission d'enseignement et de recherche qui est encadrée par un contrat de services avec l'Université Laval. Mauricie?Bois-Francs, la Maison Albatros, six lits à Trois-Rivières. En Estrie, La Maison Aube-Lumière, 10 lits à Sherbrooke.

À Montréal, la Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'île, neuf lits à Kirkland, et un projet de 12 lits pour enfants et des soins à domicile avec l'organisme Le Phare, enfance, famille. En Outaouais, La Maison Mathieu-Froment-Savoie, avec six lits, qui est à Aylmer, à l'intérieur de la grande ville de Gatineau.

En Abitibi-Témiscamingue: la Maison du Bouleau Blanc, quatre lits à Amos; la Maison de soins palliatifs de Rouyn-Noranda, six lits à Rouyn-Noranda; puis la Maison de la Source Gabriel, récemment ouverte, avec quatre lits à Val-d'Or.

Sur la Côte-Nord, Vallée des Roseaux, sept lits à Baie-Comeau. En Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, la Maison Le Radeau, un projet de sept lits à Chandler. En Chaudière-Appalaches, la Maison Catherine-De Longpré, huit lits à Saint-Georges. La Maison de soins palliatifs de Laval, un projet de 10 lits sur l'île de Laval.

Dans les Laurentides, il y a trois projets: la Maison de soins palliatifs de la Rivière-du-Nord, avec Pallia-Vie, projet de neuf lits à Saint-Jérôme; la Maison de soins palliatifs Saint-Eustache SERCAN, quatre lits à Saint-Eustache; la Maison de soins palliatifs des Laurentides, neuf lits à Sainte-Agathe.

Et finalement, en Montérégie, la Maison Victor Gadbois, ouverte depuis longtemps, 12 lits à Beloeil, et quatre projets: la Fondation Source bleue, projet de 10 lits à Boucherville; la maison Adelphis-Lareau, projet de 16 lits à Chambly; la Maison Marcelle et Henri Laberge, projet de huit lits à Châteauguay; Au Diapason, projet de créer des lits en collaboration avec l'hôpital Brome-Missisquoi, à Cowansville.

Puis on pourrait rajouter... Ça, c'est la liste de ceux qui ont une corporation. Il y a cinq ou six projets de groupes ou d'individus, qui ne sont pas encore constitués en corporation, qui souhaiteraient également ouvrir une maison dans leurs régions, parfois dans des régions qu'on n'a pas énumérées maintenant.

La problématique, pour les maisons, c'est qu'une seule, la Maison Michel-Sarrazin, détient un permis d'établissement, et les 14 maisons en activité puis les projets qui sont sur la table n'ont pas d'autorisation légale actuellement à donner des services professionnels de santé, c'est-à-dire d'embaucher leurs propres infirmières, travailleurs sociaux et autres professions ou disciplines de la santé, parce qu'elles n'ont pas un statut d'établissement et qu'elles n'ont pas d'autres dispositions de la loi qui leur permet de le faire.

Le financement public qui est versé aux maisons par les agences ou les anciennes régies régionales est très inégal, d'une région à l'autre. Et les deux principales causes qu'on identifie à ce phénomène-là, c'est que le statut n'est pas clair et que c'est souvent un argument invoqué par différentes régies régionales, avant leur changement en agence, de ne verser que des subventions en tant qu'organismes communautaires, sans tenir compte que ces maisons-là ont une mission de soins et d'hébergement avec des lits. Puis également on n'a pas observé, d'une région à l'autre, une priorité égale au développement des soins palliatifs. Il y a des régions qui y croient moins que d'autres à en faire une priorité, le développement des soins palliatifs, que ce soit en maison ou dans d'autres modes d'organisation des services.

En 2003-2004, certaines maisons ont appris qu'au ministère de la Santé il y avait une avenue qui était envisagée pour solutionner le problème qu'était la ressource intermédiaire, qui est une des formules dans la loi. Sauf que ce n'était pas la formule appropriée parce qu'elle ne réglait pas le problème de la légitimité et la légalité de donner des soins de santé de façon autonome par des employés relevant de la maison. Et c'était une menace à la survie des maisons parce que ça aurait été difficile de penser que les maisons auraient pu survivre si leur personnel professionnel venait du public, et qu'elles auraient sollicité des dons de charité exclusivement pour financer, entre guillemets, le gîte et le couvert, et que c'était le réseau public qui se chargeait de donner les soins dans les maisons. On aurait eu de la difficulté, dans ce contexte, à ce que plusieurs maisons survivent. Et les bénévoles aussi auraient probablement déserté les maisons, dans un tel contexte.

L'alliance s'est alors constituée pour représenter l'ensemble des maisons et des projets dans le but d'obtenir une nouvelle avenue juridique différente et garante du respect de la réalité des maisons et de leur autonomie. On a eu des discussions avec les gens du ministère, qui ont démontré beaucoup d'ouverture à nos préoccupations, qui ont exprimé leurs attentes aussi en regard du fait que les maisons doivent s'arrimer au réseau public ? ce qu'elles faisaient déjà, mais d'aller plus loin encore ? et également la notion de reddition de comptes par rapport aux normes de qualité puis aux politiques ou obligations auxquelles sont assujettis d'autres organismes ou établissements dans le réseau.

Notre premier choix, on l'a manifesté à l'époque aux représentants du ministère, ça aurait été l'obtention d'un statut d'établissement privé comme celui de la Maison Michel-Sarrazin. C'était même, je crois, une recommandation d'un comité interne au ministère. Mais on comprend que le législateur a pu vouloir choisir une autre avenue puis on était prêts à la considérer dans la mesure où elle représentait un compromis acceptable par rapport à notre réalité. Ce qu'on comprend, dans le projet de loi n° 83, c'est que, ce compromis-là, il est intéressant, c'est l'avenue de l'agrément des maisons en vertu des articles 454 et suivants. Sauf que, dans la façon dont sont libellés deux de ces articles-là qui sont modifiés ou ajoutés ? là, on parle du 454 et du 108.3 ? on souhaite que la formulation soit révisée dans le but de mieux refléter les discussions qu'on a eues avec les représentants du ministère et de bien dire ce qu'on souhaite qui soit dit avec ces articles-là.

Je vais parler d'abord du premier article, l'article 454, son deuxième alinéa, qui dit, dans la formulation actuelle ? c'est à la page 4 de notre mémoire ? que «l'agence peut également accorder une allocation financière à un organisme communautaire afin de lui permettre d'obtenir auprès d'un établissement, par entente conclue en application des dispositions de l'article 108.3, tout ou partie des services de santé ou des services sociaux requis par la clientèle de l'organisme ou d'offrir certains de ces services».

Dans l'ordre choisi, de dire qu'on obtient les services par entente ou que d'en offrir certains, c'est comme assujettir les maisons aux mêmes problèmes qu'on vivait avec la ressource intermédiaire, c'est que: d'abord aller chercher les services dans l'établissement public puis, au cas où, si on est capable, en donner quelques-uns. C'est l'inverse qui était la discussion avec le ministère, avec les représentants du ministère, c'est l'inverse qui est la réalité des maisons. C'est d'abord que les maisons, dans la formulation qu'on propose... pour permettre aux maisons... que l'allocation financière donnée à l'organisme communautaire «afin de lui permettre d'offrir les services de santé et les services sociaux requis par sa clientèle ou d'obtenir certains de ces services auprès d'un établissement, par entente conclue...»

Pour nous, c'est important que le message soit clair qu'une fois qu'une agence donne un financement à une maison, ce n'est pas d'emblée pour exiger qu'elle engage le personnel de l'établissement par prêt de services, mais qu'elle puisse donner les principaux services de santé elle-même et que, dans certaines situations où c'est nécessaire, de faire appel en partenariat avec un établissement de santé pour soit une discipline qui est difficile à recruter dans une région donnée, soit pour des raisons autres. Je vais donner l'exemple de la Maison Michel-Sarrazin, où on a une entente avec un établissement universitaire pour nos services en pharmacie parce que ça fait notre affaire, sur le plan académique, d'avoir cette entente-là, mais on serait capables... et on a longtemps eu nos propres pharmaciens pour donner les services sur place.

Donc, il peut y avoir des éléments de conjoncture qui vont aller dans le sens d'une entente, mais fondamentalement ce qu'on souhaite et ce qui était le fruit des réflexions et des discussions avec le ministère: que les maisons puissent librement embaucher leur personnel et que ce soit légalement reconnu par la loi, dans la mesure où elles obtiennent l'agrément du ministre en vertu de 454 et suivants.

Puis, d'ailleurs, quand on regarde le premier alinéa, le premier alinéa dit que les ressources privées d'hébergement qui obtiennent une allocation financière pour héberger de la clientèle et donner des services de santé... on parle de différents services de santé, on ne parle pas d'entente obligatoire, c'est leur autonomie. Et on pense que, pour les maisons, elles ont fait la preuve depuis 20 ans, pour certaines d'entre elles, et moins d'années, pour d'autres, qu'elles sont capables de gérer ce personnel et de le donner elle-même.

n(14 h 20)n

Donc, ça, c'est le principal point sur cet article. Puis c'est vital pour nous de compter sur cette possibilité de l'autonomie et de l'embauche du personnel parce que le caractère humain et familial des maisons, avec la cohabitation avec les bénévoles, avec la philosophie et les valeurs qui animent les maisons de soins palliatifs, c'est difficile de penser que, si la majorité du personnel d'une maison était du personnel prêté arrivant du réseau, on pourrait préserver ça et qu'on obtiendrait la même satisfaction de la clientèle, des services qu'on lui donne. Alors que, quand on peut créer notre propre culture d'organisation, comme maison, avec une majorité de personnel qui est issue de la maison et avec une minorité de personnel qui peut être prêtée, si on en a besoin, de faire appel à ces ententes de services, à ce moment-là, on peut préserver et atteindre nos objectifs de contribuer aux soins palliatifs dans une région, avec ce caractère particulier qui fait le succès des maisons. Et pour nous c'est important.

Je mentionnerais que, pour nous, on fait une distinction entre les ententes de prêt de services et les ententes que les maisons vont devoir signer avec les réseaux locaux, qui... Ce sont des ententes qui sont plus en regard de la référence de la clientèle, des plans d'intervention, de la continuité des services. Et ça, on adhère totalement à cet objectif que, les maisons, quand elles n'ont pas déjà ces ententes avec un établissement, qu'elles le signent avec les nouveaux réseaux locaux ou qu'elles modifient les ententes existantes pour s'ajuster aux réalités des nouveaux réseaux locaux. On est tout à fait à l'aise avec ça, il n'y a pas de réserve de notre part, de ce côté-là. Notre inquiétude est de voir un article de loi donner préséance à des ententes de prêt de services, plutôt que de le voir comme accessoire lorsque c'est nécessaire.

Le deuxième article qu'on souhaite voir corriger, c'est le nouvel article 108.3 qui est introduit par le projet de loi n° 83, qui dit qu'«un établissement peut conclure avec un organisme communautaire qui a reçu une allocation financière en application du deuxième alinéa de l'article 454 une entente en vue d'assurer, contre rémunération, la prestation de tout ou partie des services de santé ou des services sociaux requis par la clientèle de l'organisme».

Notre point ici est le même que dans l'article 454, pour une partie de l'amendement proposé, c'est-à-dire qu'on veut voir disparaître le «tout ou partie», mais qu'on le remplace par «certains» ou par «différents», comme dans l'article 454, pour les résidences de personnes âgées qui peuvent recevoir un financement, et d'éliminer cette idée que tous les services pourraient être conclus en vertu d'une entente avec une maison, toujours dans l'esprit de garder l'autonomie de la maison et de lui permettre de créer... de préserver ses valeurs et son entité comme organisme autonome. C'est d'ailleurs, ailleurs dans la loi actuelle, quelque chose qui est préservé, qu'un organisme communautaire puisse garder son autonomie et son entité et préserver ses valeurs. L'autre point, dans cet article, c'est de retirer les mots «contre rémunération». Il n'y a aucun des autres articles de 108, que ce soit 108 principal, 108.1, 108.2, qui utilise ces mots «contre rémunération». On n'est pas fermé à l'idée qu'on doive rembourser, comme maison, les prêts de services qu'on peut recevoir d'un établissement public ou d'un réseau local, sauf que pourquoi l'obliger là et pas aux autres? Et, deuxièmement, le mettre là, ça pourrait risquer de faire... de rendre caduques des ententes existantes, où certains établissements ont trouvé intéressant de supporter la maison de leur région en leur fournissant soit à un prix moindre que le coût réel, ou à un coût marginal, ou parfois gratuitement certains services, que ce soient des services professionnels ou d'autres types de services. Et ça nous apparaît important de garder cette latitude que les mots «contre rémunération»...

C'est certain que, dans la plupart des ententes en vertu de 108, 108.1, 108.2, il y aura des échanges d'argent dans ces prêts de services; ça va être vrai dans 108.3 aussi, pour les maisons de soins palliatifs. Mais pourquoi le baliser comme une contrainte obligatoire, alors qu'il y a des réalités qui font qu'actuellement certaines ententes se font de gré à gré entre établissements et maisons? Puis, pour l'établissement, c'est souvent une façon d'aider la maison de son territoire à continuer de donner ce service et à survivre.

Il ne faudrait pas que le nouveau cadre financier qui va découler de ces articles, qui va permettre aux agences maintenant de mieux financer les maisons sur le plan du financement public, que ça découle à enlever d'une main ce qu'on va donner de l'autre, à cause de ces deux petits mots dans l'article. Alors, c'est notre préoccupation première, pouvoir retirer ces deux mots-là. Puis le reste de l'article, c'est une harmonisation avec les éléments qui précèdent nos arguments sur l'article 454.

C'est certain par ailleurs que tout ça vise... C'est une porte ouverte, cette loi-là, ça ne règle pas tous les problèmes des maisons. La question du financement, ce n'est pas l'objet, aujourd'hui, de la discussion. Il y a un cadre financier qui a été élaboré, au sein du ministère, comme guide aux agences de développement pour financer les maisons sur la portion publique du financement. Loin de nous l'idée de vouloir que les maisons soient 100 % financées par le public. Il y aura toujours une composante importante de dons de charité pour le financement des maisons, tout en maintenant la gratuité des services aux patients et à leurs proches. Mais notre préoccupation, c'est que, la loi, ce soit bien clairement dit qu'elle ouvre la porte à du financement selon un nouveau cadre financier, cadre financier qui pourra être rediscuté et bonifié, au fil des mois et années qui viennent, dans les discussions que l'alliance aura avec les représentants du ministère. Et c'est certain qu'on comprend que ce cadre financier-là va être comme un plafond et que ça va dépendre de chaque discussion entre chaque maison et son agence, ce niveau de financement et la vitesse avec laquelle ce sera atteint.

On espère juste que les dynamiques régionales et que les administrations régionales sauront mettre en priorité le développement des soins palliatifs et que les maisons auront... ne prendront pas... bien, qu'il y aura une certaine équité entre le financement donné entre chacune des régions. Mais comme ce n'est pas l'objet, aujourd'hui, de notre propos et de notre présence... C'est vraiment de mettre l'accent sur le libellé des articles pour qu'après ça les discussions puissent aller dans le bon sens entre chaque maison et son agence puis entre l'alliance et le ministère.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. L'Heureux. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci beaucoup, M. L'Heureux, Mme Kirouac, M. Roy, Mme Minguy, Mme Hudon, pour votre présence aujourd'hui. D'entrée de jeu, je voudrais souligner la qualité de votre collaboration. Puis l'idée d'avoir créé l'alliance est excellente parce que ça nous a donné un interlocuteur puis la capacité de communiquer très directement et très rapidement. Puis je pense qu'on a eu des témoignages de ça au cours des derniers mois.

Qu'est-ce qu'on a trouvé, lorsqu'on a fait un peu le bilan de ce domaine si important des soins palliatifs et qui va devenir de plus en plus important compte tenu du vieillissement de la population, compte tenu de l'augmentation, entre autres, des cas de néoplasie? C'est: un groupe de maisons qui s'étaient développées un peu selon l'initiative locale, ce qui est bien, mais sans beaucoup de lien ou de coordination avec les besoins tels qu'évalués par le réseau public de santé et de services sociaux; un statut légal qui non seulement était incertain, mais en fait inexistant, c'est-à-dire que vous avez très bien vous-même noté qu'il y avait même, théoriquement, des activités légales, si on veut être extrêmement formaliste, qui avaient lieu dans les maisons de soins palliatifs, alors il importait de préciser ce statut-là.

Vos arguments quant à la question de l'utilisation de l'outil des ressources intermédiaires nous ont convaincus assez rapidement, là. Je pense que vous les avez résumés dans vos propos et je pense que ça a été bien, très bien reçu.

Un financement également non codifié, alors qui laisse... qui laissait finalement les maisons à la merci soit des initiatives locales, soit de partenariats éventuels ou non avec le réseau de santé, soit, dans plusieurs cas ? puis je l'ai vu à mon arrivée ? des maisons qui littéralement vivent d'année en année avec des subventions discrétionnaires puis la marge ministérielle. Puis on ne peut pas entreprendre le développement d'un groupe d'institutions de cette façon.

Vous avez fait allusion au nombre de maisons qui existent et au nombre de projets. Il y a 12 projets qui, actuellement, comme vous l'avez dit, sont en développement, incluant 107 lits. J'avais fait parvenir des lettres au président de l'agence de développement sur la question de ces 12 nouveaux projets et vous l'avez bien... d'ailleurs, dans votre mémoire, vous en citez un extrait, là, où on insiste que ces projets soient encore... fassent l'objet d'un examen de l'agence concernée quant à la pertinence puis au lien avec les réseaux locaux. Je pense que là-dessus vous avez bien exprimé votre désir même d'entrer dans cette logique-là. Il faut saluer, parmi ces projets, la question du projet du Phare, qui va donner au Québec, on l'espère, le plus rapidement possible la première maison pour la clientèle pédiatrique.

Évidemment, votre point de discussion porte sur la nature du lien entre le réseau de la santé et les maisons de soins palliatifs, et spécifiquement quant à la question de ne pas limiter la portée des ententes qui pourraient être actuellement existantes et qu'on ne voudrait pas dénaturer ou diluer. Certainement, par contre, quant à l'autre question que vous posez quant au remboursement des services obtenus d'un établissement, étant donnée la survenue de ce cadre de financement qui va être plus codifié et plus stable, est-ce qui n'est pas normal ? et vous y avez répondu un peu ? de penser que les maisons pourraient entreprendre des discussions de ce type-là avec l'établissement concerné? Mais vous semblez trouver que l'article est trop restrictif. Donnez-moi une idée comment est-ce qu'on pourrait encore une fois l'améliorer, cette disposition-là.

M. L'Heureux (Michel): Là, on est dans le 108.3 ou dans le 454? Dans le 108.3...

M. Couillard: La question du remboursement des services, là.

n(14 h 30)n

M. L'Heureux (Michel): O.K. C'est que, dans les articles 108.1, 108.2 et 108... 108 existe depuis des années, là, 108.1 et 108.2 sont des ajouts. Il était question, dans les autres articles, d'ententes de services pour des enjeux de télémédecine ou de télésanté. On peut s'attendre que ces établissements-là vont recevoir des enveloppes aussi pour les encadrer ou bonifier ces réseaux de télésanté, puis on va s'attendre probablement qu'en échange ceux qui auront reçu de l'argent vont rembourser ceux qui vont donner le service. On s'attend que ce soit pareil dans 108.3. Alors, pourquoi, dans 108.3, mentionner les mots «contre rémunération» et pas dans 108.1, 108.2? C'est notre point. On s'attend que ça va faire partie de la logique. Mais pourquoi aller jusqu'à le mettre, au risque de rendre caduques des ententes qui dans certains cas se sont faites sans contribution financière?

Et, le cadre financier tel qu'il nous a été présenté, il n'y a pas de garantie que ça va résoudre 100 % des problèmes financiers de certaines maisons, et qu'elles vont encore avoir besoin peut-être de ce petit coup de pouce additionnel que des ententes existantes leur permettent de souffler, et que l'argent neuf ne vienne pas, du jour au lendemain, dire: Bien, ce que vous recevez maintenant, vous devez le rembourser, ou vous ne pouvez plus recevoir ça gratuitement parce qu'on vous a donné de l'argent de l'autre côté, alors que cet argent-là va peut-être permettre juste de mieux donner certains services directement aux patients. Je pense à des ententes qui concernent des services de buanderie offerts gratuitement ou des heures de certains professionnels à la marge, quelques heures-semaine données gratuitement par l'établissement à la maison.

Parce que, pour l'établissement, ces patients-là, il les considère comme faisant partie... ou le futur réseau local qui est déjà constitué maintenant pour faire partie de l'établissement hospitalier le font sans nécessairement exiger de compensation. Mais, par ailleurs, à côté de ça, si la maison reçoit une bonification de son financement, elle pourrait aussi améliorer certains autres services ? parce que tout n'est pas égal, d'une maison à l'autre, en fonction de sa taille, de sa région géographique, de la capacité de son marché de philanthropie ? d'aller chercher le maximum ou d'atteindre le niveau idéal et optimal de services qu'elle devrait donner à sa clientèle.

M. Couillard: Vous avez fait allusion aux différentes perceptions de priorisation entre les régions pour les soins palliatifs. Moi, il y a une question qui me vient à l'esprit, puis je voulais vous la poser parce que vous y avez fait allusion dans votre présentation. Vous avez dit: Sur l'île de Montréal, il y a la Résidence de l'Ouest-de-l'Île, vous avez mentionné une autre résidence également. Mais on est surpris que, dans un bassin de population aussi grand, il n'y ait pas eu plus de projets ou de maisons qui aient vu le jour. Comment vous expliquez cet état de fait?

M. L'Heureux (Michel): Puis, si vous observez d'autres régions, il y a des régions qui ont commencé par des unités hospitalières. C'est le cas de Montréal, avec Royal Victoria, avec Notre-Dame, après ça Maisonneuve, Verdun. Il y a beaucoup de lits de soins palliatifs en établissement: Notre-Dame-de-la-Merci, qui récemment a annoncé qu'il fermait. Je veux dire, il y a beaucoup de lits en établissement public, dans la région de Montréal. Et, si vous regardez la région de Drummondville et d'Arthabaska, dans les années quatre-vingt, il y avait des lits de soins palliatifs dans ces hôpitaux, et il n'y a pas de maison qui a émergé de ces régions-là. Dans d'autres régions, il n'y avait rien en hôpital ou en CHLSD, et il y a des maisons qui ont commencé à lancer le mouvement des soins palliatifs pour cette région-là puis les hôpitaux ou les établissements publics ont suivi. Et, moi, mon interprétation, c'est que le leadership, dans Montréal, est venu des hôpitaux, tandis que, dans d'autres régions, il est venu des maisons.

M. Couillard: Oui, je pense que votre réponse me satisfait pleinement, d'autant plus que ça me rappelle mes souvenirs d'étudiant et de résident, avec tout le mouvement d'Elisabeth Kubler-Ross qui avait commencé effectivement dans les hôpitaux à Montréal. Et je pense que ça peut très bien expliquer la dynamique que vous mentionnez actuellement.

On a eu récemment, là, il y a eu quelques cas malheureux, là, qui ont été médiatisés, de patients qui, malheureusement, là, terminent leurs... ont terminé leurs jours dans les corridors de salles d'urgence, ce que personne ne voudrait voir arriver et ce que certainement personne ne veut vivre. Comment est-ce que vous faites, dans votre esprit, l'articulation entre le soin à domicile, maintien à domicile puis la maison de soins palliatifs?

L'idée derrière la politique, à laquelle je crois que vous souscrivez dans les grandes lignes, c'est de donner le choix à la personne entre un maintien à domicile qui peut aller jusqu'au décès à domicile, ou la question de la maison de soins palliatifs, ou même un décès dans une unité d'un milieu hospitalier, pour que ces choix-là soient disponibles dans les régions. Mais comment, vous, vous faites la distinction entre ce qu'on doit faire en maintien à domicile puis ce qui doit être fait ou ce qui peut être offert dans les maisons de soins palliatifs?

M. L'Heureux (Michel): Je vais vous donner un petit bout de réponse puis je vais laisser le Dr Roy, comme président du réseau, compléter. Puis je vais parler plus de mon expérience par rapport à la Maison Michel-Sarrazin, où je pense que fondamentalement je crois qu'on adhère à l'idée qu'il y a le libre choix. Mais toute personne... Je crois que, pour que quelqu'un puisse avec succès mourir à domicile, ça prend un ensemble de ressources et de conditions de succès qui sont associées à la disponibilité médicale, à la disponibilité des services à domicile et à la présence d'un entourage. Une personne complètement isolée, sans proches, peut difficilement penser réalistement mourir à domicile.

Et ce que ce réseau-là a besoin, c'est d'expertise, ces services à domicile doivent avoir besoin d'expertise. Et, une maison comme la Maison Michel-Sarrazin et d'autres maisons dans d'autres régions, on est régulièrement sollicités par les gens en maintien à domicile pour donner des conseils ou aider à gérer une situation à domicile. Et, dans le cas de la Maison Sarrazin, en plus, on a un centre de jour qui reçoit des gens vivant à domicile, qui viennent une fois par semaine, et on peut, par ce biais d'un service comme celui-là, donner un soutien important.

Et je peux vous dire par expérience que je connais des situations où le centre de jour a pu faire la différence pour certains patients qui sont morts à domicile grâce à ce qu'ils ont obtenu comme services complémentaires au centre de jour. C'est une avenue nouvelle et qui est récente mais qui peut peut-être dans le futur devenir un complément et un lien entre les maisons et les services à domicile. Mais, comme approche plus générale, je laisserais Dr Roy peut-être compléter.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Roy.

M. Roy (Louis): Écoutez, si on veut faire le lien entre les gens qui demeurent à domicile, l'hôpital, les unités hospitalières, les maisons de soins palliatifs, il faut voir que c'est un continuum de soins, et c'est vraiment dans ce sens-là qu'il faut le voir constamment, et le réseau de soins palliatifs qui doit se bâtir doit se faire toujours comme ça.

J'ai une expérience de travail autant à domicile, qu'à la Maison Sarrazin, que dans les unités hospitalières, j'ai travaillé aussi en région, j'ai vu un peu partout comment ça peut se passer. Le patient qui est à domicile, la majorité de la charge de travail, de la charge de soins repose sur les épaules de ses aidants, des proches de la famille qui vont être là. Le réseau public va apporter une aide ? l'infirmière qui vient faire sa visite, l'auxiliaire qui vient donner des soins d'hygiène, donner de l'aide à la maison, donner un peu de répit ? mais la majeure partie repose sur les épaules de la famille. Et, si on intensifie ces services-là, ça nous permet de continuer à domicile. Et de fait, au Québec, on a déjà une certaine avancée, on a un réseau à domicile qui est établi, qui est organisé, qui a besoin d'être bonifié, mais il y a peu d'endroits, entre autres, au Canada, où on a réseau public à domicile bien structuré comme ça.

Quand on est à domicile, comme ça, ce qui arrive cependant, c'est qu'il y a des situations où ça devient trop difficile, ça devient trop complexe, il y a des déréglements ou il y a des situations de complications qui vont se passer, qui ne peuvent pas continuer à la maison. Et ce qui va être nécessaire, à ce moment-là, c'est soit de passer à l'hôpital pour ajuster le problème et retourner au domicile. Et ça, c'est une expérience qu'on voit depuis cinq ans.

Moi, mon expérience, après 10 ans à domicile, c'est d'être dans un hôpital universitaire, au centre-ville de Québec, à l'Hôtel-Dieu. Mon expérience de cinq ans à l'Hôtel-Dieu, c'est que 60 % des malades que je vois hospitalisés retournent à leur domicile. Ils vont éventuellement revenir mourir à l'hôpital, ou aller mourir à la Maison Sarrazin, ou, pour un petit nombre, pouvoir mourir à leur domicile. Mais ce qu'on voit, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui retournent à leur domicile à condition que la famille ait l'aide qu'il faut, reçoive le support nécessaire et que la famille ne soit pas épuisée.

Et c'est dans ce sens-là où le continuum est nécessaire pour avoir un accès à l'hôpital, avoir un accès aux maisons de soins palliatifs. Michel L'Heureux l'a mentionné tout à l'heure, les maisons de soins palliatifs ne sont pas un substitut au domicile de la personne, c'est vraiment une alternative à l'hospitalisation. Plutôt que d'aller à l'hôpital, les maisons de soins palliatifs vont répondre à ce besoin-là lorsque ce n'est plus possible d'être dans son domicile personnel.

Et c'est sûr que beaucoup d'études nous disent, les gens disent: Oui, si c'est possible, je veux mourir chez moi, je veux mourir dans mon domicile. Souvent, on parle de 80 %, 90 % des gens qui disent ça. Mais, ça, c'est le discours qu'on est capable de tenir quand on est en bonne santé, qu'on est capable de se lever, de se rendre jusqu'à la salle de bain tout seul et de revenir se coucher. Quand on n'est plus capable de se lever, quand le...

Souvent, l'aidant naturel, c'est une personne ? souvent, c'est une femme ? qui n'a pas beaucoup de support et qui se retrouve, en fin de course, épuisée. Quand on arrive les 10 derniers jours de vie, c'est une personne alitée qui a besoin de soins 24 heures par jour, qui peut être incontinente, qui peut être confuse, qui n'est plus capable de prendre ses médicaments, qui a besoin de recevoir ses médicaments sous forme injectable. Alors, vous voyez un peu. Il faut en plus non seulement être un aidant naturel, faire des soins d'hygiène, mais aussi apprendre à être une infirmière. On fait ça en une heure à peu près, on va vous montrer comment donner des injections. Donc, on en demande beaucoup aux familles. Il y en a beaucoup qui en font beaucoup, mais, quand on arrive dans les 10 derniers jours, ce n'est souvent plus possible. Et c'est la raison pour laquelle les unités hospitalières et les maisons de soins palliatifs sont nécessaires pour répondre aux besoins de la population.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Le député de Vimont aimerait poser une question.

M. Auclair: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonjour. Vous avez touché... Bon. Vous avez parlé, entre autres, de la possibilité d'une maison à Laval, que je souscris beaucoup, je ne peux pas aller contre cette politique-là. Et cette logique-là, à Laval, on sait qu'on en a besoin. On a le milieu qui s'investit, mais, en deçà de l'apport du milieu, ce qui est bien important ? et ça, c'étaient des discussions que j'ai eues avec les gens qui sont en train de former la maison ? c'est de s'assurer d'un continuum.

n(14 h 40)n

Parce que, oui, on fait référence aux besoins, que, bon, il faut faire des levées de fonds continuelles, il faut quand même... Bon, une maison de soins palliatifs, c'est une des réalités que vous vivez tous, c'est quand même... il y a une partie... Il y a un certain financement qui peut venir indirectement de l'État, ou dans certains cas il y a des dons que vous recevez, beaucoup au niveau des dons, bon, testamentaires et autres, souvent il y a des dons... un suivi qui se fait, et bien sûr les levées de fonds autres... organisations. En moyenne, même si ce n'est pas directement sur quoi vous avez traité, en moyenne, on parle de combien, le coût relatif pour une chambre, pour maintenir, là, pour s'assurer que de façon adéquate on est capable de rendre des services et de s'assurer une pérennité?

Parce que, l'objectif de ça, là, ce n'est pas, demain matin, avoir une maison de soins palliatifs puis, l'année suivante, revenir dans les journaux en criant: Au secours, on est en train de manquer de fonds, et tout ça, puis on va mourir ? et sans mauvais jeu de mots, bien sûr. L'objectif, c'est vraiment de s'assurer un continuum, d'avoir un service adéquat. Parce que c'est un besoin, on le sait, je pense que le milieu nous le fait sentir. Donc, combien peut coûter... et maintenir?

M. L'Heureux (Michel): Ça dépend de qu'est-ce qu'on met comme le standards à atteindre. Les données qui sont actuellement issues du ministère ? parce qu'il a analysé les données financières de la majorité des maisons en 2002-2003, je crois, ou... 2002-2003 ? on parlait d'une moyenne à 100 000 $ par lit, par année. Mais évidemment beaucoup des maisons qui ont servi à établir cette moyenne-là n'étaient pas en mesure, avec le financement qu'elles recevaient, de donner le salaire des gens du réseau de la santé à leur personnel. Donc, si on dit: Demain matin, vous recevez plus d'argent, mais c'est à condition que vous donniez le même salaire que dans le réseau à votre personnel puis en plus contribuer au RREGOP, etc., on risquerait de ne pas y arriver.

Le 100 000 $ par lit, il est basé sur la réalité des maisons, qui n'avaient pas nécessairement toutes les mêmes standards en termes, un, du niveau de salaire pour leurs professionnels puis, deux, en termes de ratio heures-soins, parce que soit la clientèle est plus lourde ou moins lourde d'une maison à l'autre, soit c'est aussi un peu la capacité financière qui a fait que l'organisation du travail a été faite de telle manière. Le ratio heures-soins peut être, dans une maison, uniquement des infirmières, dans un autre cas, une combinaison d'infirmières et d'infirmières auxiliaires, préposés. Dans certaines maisons, on peut faire appel plus à des bénévoles qu'à d'autres pour les soins d'hygiène, en les encadrant bien puis en rémunérant du personnel pour les superviser et les encadrer. Donc, il n'y a pas un modèle unique. Puis le modèle de la Maison Michel-Sarrazin, à 15 lits, puis celui de la Maison Colombe Veilleux, à trois lits, n'est sûrement pas pareil. C'est pour ça que c'est une moyenne, puis c'est dangereux d'aller de l'avant à dire: C'est d'emblée ça, la norme et le standard.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci, M. L'Heureux. Je cède maintenant la parole à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, M. L'Heureux, Dr Roy, Mme Minguy et Mme Hudon. Je pense que je n'ai pas... sur la liste qu'on nous a soumise, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Kirouac.

Mme Harel: Mme Kirouac, de l'Estrie, de Sherbrooke. Alors, bienvenue, au nom de l'opposition officielle. J'apprécie énormément que vous soyez venus en commission parlementaire.

Je crois qu'il y a une réflexion, là, qui se poursuit dans la société sur cette question des soins palliatifs en particulier. Je suis convaincue qu'il y a deux grands événements fondateurs de notre humanité: la naissance et la mort. Et la façon dont nos sociétés s'acquittent de ces deux grands événements indique, dans une société, à mon point de vue en tout cas, le degré d'humanité. Je suis particulièrement heureuse qu'on envisage... et j'y souscris depuis longtemps, là, en y ayant travaillé aussi pour que la naissance puisse se faire, au libre choix, à domicile, en maison de naissance ou à l'hôpital. Et je souhaite que ce soit la même chose aussi pour la mort, qu'on puisse choisir: à domicile, à la maison de soins palliatifs ou à l'hôpital.

C'est certain que je ne veux pas aborder avec vous, même si j'aimerais le faire, sur la politique de soins palliatifs. Parce qu'il me semble, là, que, pour avoir vécu des expériences récentes au cours des derniers mois, il me semble absolument essentiel que les centres hospitaliers de soins de longue durée se dotent d'une politique de soins palliatifs. La tentation est grande d'envoyer les personnes à l'hôpital, hein, pour toutes sortes de raisons. Et je pense que ce n'est pas qu'au CHSLD, public ou privé conventionné, mais avec la politique nouvelle, de favoriser le maintien dans des résidences de personnes âgées... les résidences privées pour personnes âgées. La perte d'autonomie, c'est progressif, tout ça, alors cette politique de soins palliatifs... En tout cas, si vous voulez en parler, moi, je suis preneur. Alors, c'est un peu à vous d'en décider.

Mais, si je reviens à votre mémoire, vous plaidez avec beaucoup de conviction ? je trouve ça à la page 6 de votre mémoire ? que les organismes communautaires... Vous vous considérez comme un organisme communautaire. Je comprends qu'à partir de cela vous dites: Qu'on ait un agrément ou pas, les mêmes considérations d'autonomie, de préservation d'une culture et d'une identité spécifiques doivent s'appliquer à des organismes communautaires, c'est la nature même d'un organisme communautaire. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus également.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. L'Heureux.

M. L'Heureux (Michel): Oui. Je vais faire une précision. Évidemment, je suis le président de l'alliance, je viens de la Maison Michel-Sarrazin. La Maison Michel-Sarrazin est la seule qui a un permis d'établissement privé conventionné spécifique. J'ai compris, dans les discussions qu'on a eues, que ce statut pour la Maison Sarrazin n'est pas remis en question. Je parle au nom des 14 autres maisons et des futurs projets en tant qu'organismes communautaires. Mais je vous dirais qu'au-delà, pour la Maison Michel-Sarrazin, de ce statut d'établissement, la culture et la philosophie de fonctionnement est celle d'un organisme communautaire. Ce sont des corporations incorporées en vertu de la partie III de la Loi des compagnies, avec des conseils d'administration, une assemblée de membres, et tout ça. Cette avenue de l'organisme communautaire, c'est celle que le législateur nous propose en disant: On va régler le problème du statut des maisons par les articles 454 et suivants.

Les maisons étaient déjà organismes communautaires auparavant. Quand on regarde les définitions dans la loi, il y a des articles qui définissent «organisme communautaire», et ça répond à ce que les maisons font. Mais elles faisaient plus que les organismes communautaires dans d'autres champs d'intervention. Il y a des organismes communautaires qui font des soins palliatifs à domicile avec des bénévoles et un peu de personnel, mais ils ne font pas la portion hébergement et soins professionnels, avec la médication, l'équipe médicale, infirmières et autres. Donc, les maisons allaient plus loin, et cette partie-là, ce plus n'était pas balisé par la loi. Donc, en partant, c'est le législateur qui nous qualifie d'organismes communautaires.

Mais ce qui caractérise la culture et la philosophie des maisons, c'est un partage d'un certain nombre de valeurs qui sont propres aux soins palliatifs mais qui sont propres également à des institutions qui fonctionnent avec une contribution élevée de bénévoles, qui fonctionnent avec souvent un milieu... Puis là, je n'y vais pas péjorativement quand je dis «un milieu non syndiqué», puis ce n'est pas une critique par rapport à ça, mais c'est simplement de dire: C'est la réalité souvent des maisons, où les relations entre l'employeur et son personnel sont très amicales, très proches, et, avec les bénévoles, ces entités forment de grandes familles, et ça fait partie de ce que les patients viennent y rechercher et leurs proches. Et on le constate lorsqu'on voit les familles ou les proches revenir, année après année, nous saluer, s'investir comme bénévoles, après avoir vécu le décès d'un proche dans la maison. C'est ça que les gens viennent rechercher. C'est ce caractère-là qu'il ne faut pas perdre.

Et ça, par expérience, moi, je le sais, à la Maison Sarrazin, on reçoit régulièrement de nombreux stagiaires en prêts de services infirmiers ou dans d'autres disciplines, dans des buts de formation, et, si le nombre est trop élevé, il y a un débalancement entre le personnel qui partage la culture et celui qui passe. Et il faut éviter ça autant que possible, en créant une distorsion de ce côté-là. C'est pour ça qu'on insiste que la loi dise que les maisons sont d'abord et avant tout maîtres d'oeuvre de leur personnel et de leurs soins professionnels et qu'elles peuvent aller chercher, par entente de services, certains des services.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Mme la députée.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 5... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous en prie.

Mme Harel: Merci. À la page 5 de votre mémoire, vous faites justement référence au premier alinéa de l'article 454, qui vise les résidences privées d'hébergement. Et vous mentionniez à raison que cet article permet.. ce premier alinéa permet de verser une allocation financière à ces résidences privées d'hébergement pour des personnes en perte d'autonomie, mais le même sort ne leur est pas imposé que celui des organismes communautaires. En d'autres termes, ces résidences privées d'hébergement, qui sont bénéficiaires d'allocations financières en vertu du premier alinéa de l'article 454, ne perdent pas leur caractère, si vous voulez, autonome et n'ont pas à devenir un peu sous-traitants. Est-ce que c'est comme ça que je dois le comprendre?n(14 h 50)n

M. L'Heureux (Michel): Exactement. L'article n'est pas formulé de manière telle qu'on les incite d'abord à aller chercher les services auprès d'un établissement public par entente, il est formulé de manière à dire: Elles peuvent aller chercher différents services avec ce financement, mais leur caractère privé demeure, elles offrent ces services. Et ça permet aux personnes de recevoir différents services de santé ou services sociaux. Mais, dans le cas de l'article, le deuxième alinéa, on rajoute qu'on peut aller chercher certains de ces services par entente, mais, dans le premier alinéa, c'est la résidence pour personnes âgées qui donne elle-même les services, il n'est même pas question de l'assujettir ou de dire qu'elle doive aller chercher ou qu'elle peut aller chercher. Nous, on souhaite qu'elle puisse le faire, ça se fait, dans la vie, actuellement, dans la réalité, et c'est ce sur quoi on insiste pour aller dans le sens de la proposition qu'on a faite. Oui?

Mme Harel: ...de sous-traitance parce que c'est un organisme communautaire. Ce n'est pas l'esprit de la sous-traitance, c'est l'esprit de partenariat qui doit prévaloir, hein? C'est ça que je comprends?

M. L'Heureux (Michel): C'est qu'il y a deux types d'entente. Dans l'article 454, l'entente qui est formulée là, c'est une entente dans le but de créer un prêt de services, donc une sous-traitance pour du personnel professionnel. Tandis qu'ailleurs dans la loi, dans les autres articles qu'on cite dans le mémoire et qui est dans la lettre du ministre aussi qu'on a citée, il devra y avoir des ententes en relation avec la référence des clientèles avec l'arrimage de la maison pour la continuité de services, s'assurer qu'on soutient le maintien à domicile, on soutient les services en soins palliatifs à l'hôpital et que, tout ça, ça se fait en continuité, que les maisons s'intègrent dans cette continuité de services.

Votre petit point sur la politique par rapport aux centres de longue durée, je peux vous dire que, la majorité des gens au réseau ? puis Dr Roy pourra compléter ? on adhère à l'idée qu'en fin de vie les centres de longue durée, privés ou publics, s'occupent, par des programmes appropriés, des soins de fin de vie et évitent de prendre la personne, pour ses 48 dernières heures, parce qu'ils ne sont pas à l'aise avec ce qui se vit... de l'envoyer dans une urgence. J'ai vécu ça avec ma grande-tante de 90 ans, en 2004. Ça m'apparaît aberrant, en 2004, qu'on fasse encore ça à des personnes, alors que c'était clair que ce qu'elle avait manifesté, son souhait, c'était de mourir là où elle était. Donc, on adhère à ça. Et, je peux vous dire, dans notre rôle de formation, à la Maison Sarrazin, on a introduit... on a ouvert l'accessibilité de nos stages à du personnel de résidence de personnes âgées, incluant certaines résidences privées qui ont intérêt de former leur personnel en conséquence.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Questions?

Mme Harel: Oui, oui. Alors, évidemment, je souscris à cela. J'espère que, lors de l'étude des crédits, nous reviendrons. Soyez assurés que votre mémoire va servir aussi à l'examen parlementaire des crédits du ministère de la Santé. Et je souscris, parce que j'ai vécu moi-même, dans les derniers mois, une situation exactement similaire où évidemment la personne refusait, mais, n'eut été de sa combativité, elle aurait été transférée dans une urgence. Mais je pense qu'il faut absolument amener nos institutions d'hébergement à prévoir une formation de personnel, à prévoir aussi peut-être même des chambres pour des soins palliatifs.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. Roy.

M. Roy (Louis): Je vais me permettre un commentaire complémentaire dans ce sens-là. Je pourrais vous dire qu'historiquement parlant les centres d'hébergement de soins prolongés ? ce n'est pas seulement au Québec, mais c'est une réalité ? sont les derniers à avoir commencé à s'intéresser aux soins palliatifs. On le voit, on a vu ça commencer à arriver fin des années quatre-vingt-dix, mais vraiment de façon très timide.

Actuellement, on le voit de façon beaucoup plus présente. Les gens prennent conscience que c'est des endroits... ? les gens qui sont hébergés ? c'est un milieu de vie, ils sont dans leur milieu de vie, et tout à coup on prend conscience qu'ils ne sont pas là seulement pour leur milieu de vie, mais qu'éventuellement ils vont arriver à la fin de leur vie et que le personnel doit avoir une formation spécifique. Et ça, c'est sûr qu'actuellement il y a un manque. Il faut que le personnel soit formé, autant les médecins, les infirmières. Mais, je dirais, à la décharge de l'ensemble des travailleurs du réseau de la santé et des professionnels, c'est que cet enseignement-là n'a jamais été fait. Les médecins qui sortent des universités, les infirmières qui sont formées dans les cégeps et les universités, la formation en soins palliatifs n'existait pas et est encore balbutiante. Donc, on va voir du changement.

Nous, au réseau, on a un congrès tous les ans. Ce qu'on voit, dans les dernières années, c'est qu'il y a des gens justement des centres de soins prolongés qui commencent à venir, sont envoyés par leur établissement pour venir chercher une formation pour commencer. Et ce que, nous, on a vu, au fil des 15 dernières années, c'est justement, c'est que ces gens-là viennent chercher une première formation et arrivent dans leur milieu et vont être des agents de changement.

Alors, c'est malheureux, l'expérience que vous avez vécue dernièrement. J'espère que, dans cinq ans, on pourrait dire que la situation a carrément changé et qu'entre autres les centres de soins prolongés vont être capables de répondre à cette demande-là de la clientèle.

Mme Harel: Dr Roy, je crois qu'il me reste à peine une minute, mais je voudrais vous entendre sur la fermeture des 12 lits en soins palliatifs à l'hôpital Notre-Dame-de-la-Merci. Ces 12 lits à Montréal, ça a l'air peu puis c'est énorme, parce que, hein, sur un nombre assez restreint de lits en soins palliatifs, là, c'est... Et tout ça, dit-on, à l'agence, pour pouvoir transférer les sommes dans le... si vous voulez, à domicile, hein? Je crois que c'est la raison qui a été invoquée.

Je voulais juste vous dire que, dans la partie de Montréal où j'habite, moi, dans mon quartier, c'est 40 % des ménages qui sont constitués d'une seule personne, et c'est souvent des troisièmes étages, difficiles d'accès l'hiver, etc. Alors, oui, pour le libre choix à domicile, mais ça dépend dans quel milieu. Dans les milieux fortement urbanisés, avec un logement qui n'est pas toujours adéquat et sans un entourage, disons, qui y réside, ça devient quasi absurde, ça. C'est peut-être approprié pour d'autres quartiers de la ville, là, mais pas pour certains milieux.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Roy.

M. Roy (Louis): Écoutez, je reviens à l'idée du continuum dont on parlait tout à l'heure. Les soins palliatifs, on ne peut pas seulement décider qu'on va développer un secteur puis ça va régler tous les problèmes ou une majorité des problèmes, il faut être capable d'avoir un continuum et d'avoir les options. Et la politique, entre autres, de soins palliatifs le dit clairement, il faut que la personne puisse choisir, avoir le libre choix en fonction de son désir, de la capacité de le faire et de ses croyances ou de ses valeurs. Et ça, c'est vraiment important.

Par rapport à Notre-Dame-de-la-Merci, nous, on a trouvé que c'était déplorable. Hier, il y a le directeur du Centre de santé et services sociaux du Nord de l'Île qui m'a appelé pour me donner plus d'information, et il dit: On veut réouvrir les lits, éventuellement on a des choses à régler à l'interne. J'ai dit d'accord, mais, moi, dans mon expérience de près de 20 années dans le réseau public, quand il y a quelque chose qui ferme, c'est très difficile de le réouvrir, et en plus quand on ferme quelque chose qu'on n'a déjà pas beaucoup. Si on ferme une station d'essence au centre-ville de Montréal, ce n'est pas trop le problème pour s'approvisionner, mais fermez-en une entre Sept-Îles et la ville suivante, sur la Côte-Nord, on peut avoir des problèmes de pannes d'essence.

Et, en soins palliatifs actuellement, tout ce qu'on ferme, c'est une attrition majeure parce que les ressources sont trop peu nombreuses alors en termes de lits, en termes de quantités de services à domicile qu'on peut offrir, en termes de nombre de maisons qui sont disponibles. Et c'est à ce niveau-là où il faut s'assurer d'avoir un développement qui se poursuit, de former les gens qu'il faut. Parce que, quand on développe, il faut aussi avoir des professionnels qui vont offrir les services, et ça, c'est absolument important, ça demeure pour nous, au réseau, un élément sur lequel on veut continuer à travailler, travailler en partenariat avec tout le monde, y compris avec le ministère parce qu'on s'inscrit dans ce réseau de la santé.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Roy, conservez bien cette analogie que vous avez faite devant la commission, elle est très éclairante, avec la station d'essence.

Alors, Mme Hudon, Mme Minguy, Mme Kirouac, M. Roy et M. L'Heureux, merci de votre participation. Je vous invite à céder votre place aux autres participants, aux prochains.

n(15 heures)n

Si vous voulez, s'il vous plaît, vous avancer à la table, les représentants de la Coalition Solidarité Santé.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons les représentants de Coalition Solidarité Santé. Bonjour, Mme Pelletier, bonjour, M. Saint-Georges, bienvenue à la commission. Comme vous le savez, vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, et nous aurons ensuite deux blocs d'échange avec vous. Alors, la parole est à vous.

Coalition Solidarité Santé (CSS)

Mme Pelletier (Gabrielle): Merci. Bonjour, M. le ministre, messieurs dames. Tout d'abord, laissez-moi vous présenter la Coalition Solidarité Santé. Alors, la coalition regroupe 52 organisations syndicales, communautaires, religieuses ainsi que des comités de citoyennes et citoyens. Depuis sa fondation, en 1991, les actions de la coalition ont toujours été motivées par la défense du droit à la santé pour l'ensemble de la population québécoise, et ce, sans égard au statut ou au revenu des citoyennes et citoyens.

Depuis sa création, la coalition défend le respect des grands principes qui ont conduit à la mise sur pied de ce système, soit le caractère public, la gratuité, l'accessibilité, l'universalité et l'intégralité. Ces assises sont celles que l'on retrouve dans la Loi canadienne de la santé et dans le Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels, signé par le Québec en 1976, dont l'article 12 porte sur le droit de la santé. La Coalition Solidarité Santé demeure encore aujourd'hui le principal lieu d'échange et d'information intersyndical et communautaire sur les enjeux entourant le système public de santé et de services sociaux.

Alors, pour notre peut-être mise en situation, il faut mentionner que le projet de loi n° 83 qui a été déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux est un projet majeur qui vise notamment à modifier 45 lois. Les liens du projet de loi avec la Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être, le projet de loi n° 86 modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, et le projet de politique de médicament soulèvent de nouveaux enjeux qui sont analysés avec la plus grande attention.

Le projet de loi qui a été déposé est exceptionnellement complexe. Mentionnons simplement que la Loi sur les services de santé et les services sociaux comprend 622 articles formant un recueil de 292 pages et que le projet de loi n° 83 comprend lui-même 282 articles formant un recueil de 105 pages. La Commission des affaires sociales sera suivie, avec le projet de loi n° 83, d'une pièce législative d'une très grande complexité et d'une très haute importance, puisque la Loi sur les services de santé et les services sociaux qu'elle vise à réviser en profondeur est au coeur d'une des plus grandes missions de l'État québécois.

Alors, vous comprendrez qu'avec le peu de temps que nous avons eu nous n'avons pas pu faire une analyse exhaustive du projet de loi. À l'instar de la plupart de nos groupes membres, nous n'avons pas de service de recherche et d'analyse et nous ne sommes pas en mesure de maîtriser tous les enjeux reliés à cette loi fondamentale, comme je viens de mentionner, qui comprend quand même beaucoup d'articles. Il est vrai qu'actuellement on ne peut plus retarder les travaux, bien qu'on avait demandé un report du dépôt des mémoires, et que beaucoup de groupes l'avaient fait, et que malheureusement ça nous a été refusé. Mais nous demandons aux parlementaires ici présents et à tous les parlementaires qu'ils n'agissent pas dans la précipitation et saisissent bien tous les impacts de la réforme proposée. L'adoption du projet de loi n° 83 ne doit pas se faire dans la précipitation. Je cède maintenant la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.

M. Saint-Georges (Claude): Bonjour, Mme la Présidente de la commission. On se présente ici un peu, je dirais, de guerre lasse, assez pessimistes. Peut-être, comme Mme Pelletier le rappelait, notre coalition a été fondée il y a près de 15 ans et elle est née en forte partie par l'adhésion que les groupes, les mouvements sociaux de l'époque, autour de la commission Rochon et aussi de l'adoption de la loi originale en 1991, la loi 120, avaient créée, je dirais, une très, très grande adhésion parmi la population autour de l'avenir du réseau. La commission Rochon à l'époque rappelait qu'on avait raison d'être fiers de notre système de santé et nous donnait des pistes d'action pour l'avenir, auxquelles on a fortement adhéré. Par la suite, la coalition a eu ses moments de critiques, d'approbation, a suivi les travaux, l'évolution des orientations gouvernementales, et, bon, je pense qu'on a fait notre travail de citoyens autour de ce qui est le coeur de notre mission, c'est-à-dire le support à... et notre forte croyance aux valeurs de notre système public de santé.

Je dirais qu'il y a un moment charnière qui s'est passé par la suite, c'est la publication du rapport Clair, en 2001. Je sais qu'il circule beaucoup que le rapport de la commission Clair a fait consensus, mais ce n'est pas notre lecture. Il y a eu énormément de critiques autour de ce rapport-là, qui a été fait dans une certaine précipitation. Son mandat était très court, mais aussi les valeurs qui sont ressorties de ce rapport-là, on les a déplorées pour une bonne partie, puisque, je dirais, un des grands axes du rapport, c'est qu'on n'a plus les moyens de notre système public ? je prends certains raccourcis, mais c'est un peu ça qu'on a lu ? qu'il fallait revoir la gouvernance et, entre autres, enlever des éléments de participation des citoyens, il fallait peut-être envisager même de réduire le panier de services. Et aussi il y avait quand même plusieurs passages du rapport qui se montraient très favorables à la sous-traitance ou ce qu'on appelait à l'époque, ce qu'on a appelé, dans le rapport, la subsidiarité. Et le rapport de la commission Clair a donné malheureusement lieu à ce qu'on pourrait appeler une sorte d'activisme législatif frénétique. Il y a eu la loi n° 28, qu'on a beaucoup déplorée, et il y a eu la séquence des lois de décembre 2003, les 7, 25, 30 et, aujourd'hui, la 83.

Enfin, nous, à la coalition, quand on a rappelé tout à l'heure notre attachement aux valeurs du système qu'on retrouve dans la Loi canadienne sur la santé et qu'on souhaiterait beaucoup voir enchâssées dans la loi québécoise, c'est parce qu'il y a au fond l'efficacité, l'efficience du système public, on y croit beaucoup. Et les problèmes du réseau de la santé, on les a illustrés par des problèmes de financement notamment. Et on voudrait rappeler, puis ça a été dit beaucoup, que le Québec est l'endroit au Canada et en Amérique où les dépenses de santé sont les plus faibles, globalement, là, privé et public. Mais aussi le Québec est la province au Canada où les dépenses de santé, dans les dépenses de l'État, sont les plus faibles. Dans les dépenses de programmes, à la santé, au Québec, est affecté 31,6 % des dépenses, alors que, par exemple, l'Ontario est à 44,6 %.

Donc, il y a eu beaucoup, dans ce qui s'est passé dans les dernières années, enfin depuis les crises des finances publiques... un regard important qui a été porté sur le système de santé, et le déficit zéro en a été beaucoup... Le système de santé était instrumental dans ce correctif-là. Mais on persiste, je dirais, dans les réformes en cours, à soutenir qu'on n'a pas les moyens de notre système public et c'est possiblement pour ça qu'on doit s'ouvrir le plus largement possible aux partenariats public-privé, ou encore à la sous-traitance, ou autrement. Donc, nous, ce n'est pas notre vision, mais on voit que, dans le mouvement des choses, on s'en va dans cette direction-là, que l'on n'apprécie pas. Par exemple, il y a 20 ans, le système de santé était à 80 % public; les dépenses de santé, aujourd'hui, c'est descendu à 72 %. Alors, il y a une érosion progressive, là, de la couverture publique.

Maintenant, peut-être pour rappeler pour... beaucoup de sujets qui nous préoccupent, mais on a, à la faveur de nos critiques sur le projet de loi n° 25, parlé, entre autres, beaucoup de l'avenir du réseau des CLSC auquel on est très, très attachés. Et ça, ça fait partie, je dirais, de notre déception générale depuis quelques années. C'est qu'on sent que les CLSC sont dans l'aile des condamnés à mort. On avait un réseau de 147 CLSC. Avec l'apparition des CSS, on se demande ce qu'il advient du mouvement québécois original autour des CLSC qui étaient, je dirais, l'application de l'approche des soins de santé primaires préconisée par l'Organisation mondiale de la santé et qui ont fait l'objet de tant de félicitations et d'approbation un peu partout dans le monde. Et là on sent que ce qui reste des CLSC, malgré que la loi les mentionne toujours, c'est comme si, avec le temps, cette institution-là n'aurait plus sa raison d'être et donc...

n(15 h 10)n

Et autre chose aussi que peut-être, dans les grands éléments de préoccupation, qu'on voudrait peut-être soulever, c'est la participation des citoyens à la gestion du réseau de la santé. De la loi de 1970 jusqu'à 2001, dans les CLSC notamment, les CHSLD, le noyau décisionnel au conseil d'administration était majoritairement formé de citoyens. Maintenant, on voit une réduction importante de la représentation citoyenne. Elle n'existera plus au niveau des agences. Et cette prise des citoyens sur la gestion du système de santé, nous autres, on y était attachés profondément, et ici on voit que cette éventualité, je dirais, la dilution de la participation citoyenne devient de plus en plus évidente à mesure que... à partir de la loi n° 28 notamment, et maintenant ça se confirme largement.

Pour revenir peut-être sur l'attachement au système public mais aussi, je dirais, le rappel de l'efficience du système public, j'ai mentionné tout à l'heure qu'on a déploré l'orientation du rapport de la commission Clair, mais on a regardé avec beaucoup plus d'attention les travaux qui ont été faits par le Forum national sur la santé, en 1997, à l'échelle canadienne, mais aussi le rapport Romanow. Et, dans ces rapports-là, on fait très bien les démonstrations, on a pris le temps d'étudier les fondements économiques de l'efficience des systèmes de santé. Et, quand le rapport Romanow vient dire que plus la participation du secteur public dans les soins de santé est importante, plus les dépenses totales peuvent être contrôlées, en revanche, plus le secteur privé joue un rôle important, plus il est difficile de contrôler les dépenses de santé, c'étaient sensiblement des propos semblables qu'on retrouvait dans le rapport de la commission Rochon.

Alors donc, où on en est... Je pense que l'observation qu'on peut en faire, depuis les législations ? puis je reviens toujours à celle de 2001 ? et dans la séquence des choses, on sent qu'on a abordé... on a trouvé le moyen, je dirais, de faire des établissements de santé de notre système des succès qu'on avait dans notre gestion d'établissements, le fait qu'on a quand même 250 000 personnes qui travaillent dans le réseau public, cadres et employés syndiqués, à qui on peut donner, au cours des années, de très grandes félicitations à l'égard de la gestion de notre système de santé, et c'est comme si maintenant on passait à un nouveau modèle, où l'appel à des organismes, à toutes sortes d'organismes qui peuvent donner des services à moindre coût alors que l'efficience est déjà très bien démontrée, nous inquiète. Et je pense que c'est la direction qu'on ne souhaite pas que le gouvernement prenne éventuellement, mais on sent que les jeux sont faits passablement dans cette direction-là. Alors, je vais laisser Mme Pelletier conclure.

Mme Pelletier (Gabrielle): En fait, vous avez pu voir, dans notre mémoire, on a soulevé quelques grands enjeux, des grandes préoccupations. Évidemment, on n'a pas fait une analyse exhaustive article par article, là, c'était trop... dans le peu de temps et les moyens que nous avions.

Mais, bon, Claude l'a souligné, évidemment toute la participation des citoyennes et des citoyens est capitale pour nous, et ça, le projet de loi n° 83 ne répond pas du tout à nos attentes. La question du respect de l'autonomie des groupes communautaires, il faut revenir là-dessus, c'est beaucoup remis en question, et ça, ça nous préoccupe grandement.

La circulation-confidentialité des dossiers patient, évidemment, ça, il faut en reparler, je pense qu'on n'a pas été les seuls à le dire. La coalition demande carrément qu'on sorte carrément cette partie-là du projet de loi n° 83 et qu'on en fasse un débat à l'extérieur, ça et aussi la question du fichier national, là, la question de concentrer toutes les données, on demande qu'un débat public soit fait là-dessus, et très largement, donc de ne pas laisser ça dans le projet de loi n° 83 comme il est actuellement. C'est certain qu'on n'a pas pu avoir tous les tenants et aboutissants, les détails de ça.

Bon. Évidemment, je reviens sur la question de la préservation du réseau des CLSC. Et on réitère évidemment notre demande de voir les cinq principes de la Loi canadienne de la santé enchâssés dans la loi québécoise, ce qu'on ne voit pas dans le projet actuellement. Et, peut-être pour terminer, la Coalition Solidarité Santé refuse carrément de prendre un virage vers la privatisation, qui semble paraître et s'enligner beaucoup plus avec évidemment ce projet de loi mais l'ensemble des politiques du gouvernement actuel. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Pelletier, merci, M. Saint-Georges. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, Mme Pelletier et M. Saint-Georges, pour votre présentation. Je dirais d'entrée de jeu ce que j'ai dit l'autre jour à un autre groupe, c'est que je pense que personne ne peut se réclamer l'exclusivité de tenir au réseau public de santé au Québec. Je pense que vous avez des élus de tous les côtés, ici, qui sont souvent entrés en politique pour cette raison. Et je pense qu'il faut s'entendre là-dessus. On peut différer ou diverger sur les moyens à prendre et les actions à poser, et avoir, il faut le dire, comme vous le faites, le courage de vous exprimer publiquement et de présenter vos opinions, puis le courage ici de se présenter devant les électeurs et de mettre en place un programme électoral, mais, quant à la motivation fondamentale de la protection puis la préservation du réseau public de santé au Québec, je pense que c'est un objectif qui est partagé par tous ceux qui sont présents ici.

Je suis rassuré un peu lorsque vous nous placez dans la continuité historique avec le gouvernement précédent. Je pense que les membres de l'opposition vont trouver ça rassurant de voir qu'on poursuit dans les orientations que vous-mêmes dites avoir été les leurs après le rapport Clair.

Une petite correction sur les dépenses de programmes. Vous avez raison quant aux chiffres pour les dépenses de programmes; cependant, dans les dépenses réelles du gouvernement, il faut inclure le service de dette et, si on inclut le service de dette, c'est 42 % des dépenses réelles du gouvernement qui sont actuellement affectées à Santé et Services sociaux. Il y a trois grands secteurs de dépenses au Québec: santé en premier, éducation en deuxième, puis le troisième, c'est le service de la dette pour environ 8 milliards par année, donc beaucoup de ministères ensemble dans le service de la dette.

La question des CLSC, bien, effectivement, vous avez raison de dire qu'on les mentionne dans le projet de loi. Ils ne disparaissent pas, à ce que je sache, il n'y a pas un CLSC qui est fermé ou qui est menacé de fermer. Et je crois que... il me semble que la position de l'Association des CLSC et des CHSLD, que vous avez dû entendre plus tôt aujourd'hui, devrait être de nature à vous rassurer. Je pense que, s'il y a des défenseurs du réseau de CLSC, on estime que c'est bien eux, et certainement vous pouvez l'être également, mais il me semble paradoxal de penser qu'une association d'établissements pourrait souscrire à un projet de loi qui, selon vous, vise leur disparition, alors que dans les faits ce n'est pas le cas.

La question de la représentation des citoyens, vous avez raison, c'est quelque chose qu'on trouve important, et, dans notre esprit, on veut la rapprocher de l'endroit où sont organisés les services, qui est près de l'organisation locale, du centre de santé et de services sociaux. On a échangé tantôt, justement, avec l'association qui nous recommandait de la bonifier. Nous, on la définit comme étant quatre membres de la population et deux membres du comité des usagers. On semblait nous indiquer, du côté de l'association, que de qualifier les usagers de représentants de la population pouvait prêter à discussion. On va examiner certainement cette question-là. Mais on croit véritablement, comme vous d'ailleurs, que la représentation des citoyens doit se faire au niveau où les services sont organisés. Comme on a glissé maintenant la priorité et la décentralisation vers le niveau local, où s'organisent les services, c'est là que le citoyen trouve toute son expression.

Une petite correction pour la question du fichier. Il n'y a pas de fichier national. C'est des bases de données régionales qui sont prévues dans le projet de loi et non pas un fichier national. C'est la grosse différence avec le projet précédent, qui s'articulait autour de la carte santé ou de la carte à puce, où il y avait véritablement un fichier national centralisé qui était prévu. Nous allons plutôt dans la direction de bases de données régionales, et ça a été salué par plusieurs personnes qui en ont discuté les principales caractéristiques ici.

Vous parlez des principes de la Loi canadienne sur la santé, principes auxquels on souscrit. Le premier principe, vous l'avez mentionné dans les termes mêmes de la façon dont c'est écrit, c'est la gestion publique. Gestion publique ne signifie pas uniformément prestation publique des services. Comment est-ce que, vous, vous faites la différence? Parce que le législateur fédéral a inscrit ça de cette façon pour une raison bien simple, c'est qu'il voulait faire une distinction nette entre la gestion publique et la prestation publique ou privée des services. Alors, comment est-ce que, vous, vous voyez cette distinction?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges.

M. Saint-Georges (Claude): Quelques commentaires suite à l'intervention. C'est que, bon, si je parle des dépenses, de la proportion des dépenses de programmes, c'est exclusivement pour les soins de santé. Alors, c'est l'Institut canadien de la santé. Et le 42 % est diminué à 34 % parce que... exclusivement les soins de santé. Mais, y compris pour le service de la dette, le Québec est quand même la province qui a la plus faible proportion des dépenses gouvernementales en santé de toutes les provinces canadiennes. Parce que les services sociaux ne sont pas comptabilisés interprovincial, alors c'est... enfin, la référence, c'est les soins de santé.

n(15 h 20)n

Sur l'avenir des CLSC et la position de l'Association des CLSC, en fait, nous, on déplore beaucoup le sabordement de l'Association des CLSC. Parce qu'il y a eu historiquement une association qui a été le grand promoteur institutionnel. En 30 ans, il s'est fait des choses extraordinaires dans cette association-là. Et je dirais que, depuis un certain temps, le goût n'y était plus. Alors, je pense qu'on est peut-être les derniers des Mohicans à défendre fortement le CLSC comme institution fondamentale du réseau et de première ligne, etc. Et, quand on regarde...

Puis j'ai pu lire le mémoire qu'ils ont présenté ce matin, et, entre autres, ils parlaient... ils ont abordé la question du plan d'organisation de services. Ils demandent finalement qu'on n'ait qu'un seul plan d'organisation pour le CSSS plutôt que trois ou quatre pour le CHSLD et CLSC. Pour nous, il me semble que c'est une indication de la dilution du CLSC dans le grand tout du CSS, où on sait que la domination hospitalière est inévitable puis est normale, je dirais. Alors, là, d'après moi, ça compromet... toute une autre façon de compromettre l'avenir.

Puis aussi, dans le mémoire de l'Association des CLSC, et ce n'est pas très clair, je vois que les citoyens au conseil d'administration seront élus ou désignés. Parce que, quand ils proposent que ce soit par les aspects socioculturel, ethnoculturel, linguistique, démographique qu'on en tienne compte, je pense que ça fait appel à une désignation plutôt qu'à un système électif. Alors, là, je pense qu'on a probablement certaines divergences avec l'ex-Association des CLSC, à ce moment-ci. Et je pense que j'ai échappé votre dernière question.

M. Couillard: Ma dernière question était: Votre interprétation du premier principe de la loi canadienne, qui est la gestion publique et non pas la prestation publique.

M. Saint-Georges (Claude): ...sémantique, ça peut être vrai. Mais, nous, on pense que l'efficience de la gestion publique, elle est démontrée au Québec par les administrateurs qu'on a, par l'engagement des personnels et que, quand on dit que la multiplication des intervenants, des acteurs dans un système de santé... Par exemple, la Régie de l'assurance maladie gère pour 5 milliards avec 100 millions, 2 %. Les assureurs privés, c'est au moins 20 % de frais. Alors, l'efficience et puis aussi le fait que, si on s'en va en subsidiarité, comment les gens vont faire leur profit? Quel va être l'avantage financier? C'est parce que nécessairement, et je ne suis sans doute pas le premier à le dire que ça va être l'appel à la recherche d'employés à moindre coût. Et, nous autres, on ne trouve pas ça normal que des gens qui se consacrent au soin des malades soient payés 8 $, 9 $ de l'heure et que... Et, si c'est ça, le choix qui est fait, la vision de Michel Clair, dans la subsidiarité, d'aller vers soit l'économie sociale, soit des prestateurs privés, ou etc., parce que ce sera à meilleur coût, ça va être... Comment on va respecter les donneurs de soins, à ce moment-là?

M. Couillard: Puis je pense qu'on partage... Par contre, vous avez raison sur votre remarque sur l'efficience. Puis l'exemple de la RAMQ, je le cite moi-même quand on parle d'assurance médicaments ou lorsqu'on me dit que c'est une grosse organisation qui est certainement moins efficace que les assureurs privés. Bien, moi-même, je cite l'exemple que vous avez mentionné comme exemple du contraire.

Mais ma question visait à voir, dans votre vision à vous du système de santé, où est-ce que vous mettez la différence ou la ligne. Je vous donne, par exemple, la situation d'une polyclinique privée, là, il en existe. Vous êtes probablement vous-même déjà consultés dans les polycliniques. C'est une petite entreprise privée, avec des médecins, des employés, qui reçoit des subsides de l'État pour donner des services médicaux. Comment est-ce que vous mettez ça dans votre schéma d'organisation du système de santé?

M. Saint-Georges (Claude): Bien, je dirais que c'est le vieux débat de 30 ans, c'est le positionnement de la profession médicale dans le réseau. Bon. Il y a toutes sortes d'écoles de pensée. Les travaux du Conseil médical du Québec ont déploré, enfin plusieurs ont soulevé les problèmes de la rémunération. Est-ce que ce sera la rémunération à l'acte... sorte d'atavisme n'est pas ce qu'il y a de plus efficace. Est-ce que c'est la capitation? Est-ce que c'est... Et, nous, on a toujours souhaité que les médecins soient le plus possible intégrés dans l'équipe multidisciplinaire du CLSC ? on parle des médecins d'omnipratique ? et là on sent que...

Puis où on va avec la pratique médicale, là, ça commence à être un peu compliqué pour nous. Est-ce que les GMF... Parce qu'on a entendu... on a vu d'autres... de certains documents gouvernementaux qui en faisaient la porte d'entrée du réseau des soins de première ligne, idée avec laquelle on n'est pas en désaccord. Est-ce qu'on va avoir encore des médecins au CLSC? Il semble que... Puis, bon, est-ce qu'il va y avoir des grandes polycliniques toujours? Bon. Puis, nous autres, on n'est pas en accord finalement avec l'entrepreneuriat médical, le fait que... Bon. Je pense qu'on est très d'accord pour bien rémunérer les médecins mais autant que possible d'intégrer la profession médicale dans une perspective de santé publique et dans un fonctionnement multidisciplinaire, et ça ne pouvait pas se passer ailleurs selon nous que, autant que possible, dans le CLSC. Et ce n'est pas la voie unique, là, mais on sent qu'on en sort de là et qu'on est à la recherche d'un nouveau modèle, et là on est un peu perplexes.

M. Couillard: Je ne sais pas si vous étiez présents lorsque les représentants des médecins omnipraticiens sont venus, ce matin. Puis je leur posais exactement cette question: Comment on va faire ce que j'appelle, moi, le lien de solidarité entre la profession médicale puis le réseau de santé? Et évidemment ce n'est pas un équilibre facile parce que... Également, eux se perçoivent comme des professionnels autonomes, avec la capacité d'avoir leurs polycliniques. Et, dans les faits, puis ce n'est pas d'hier ou même d'avant-hier, ça date de plusieurs années, pour 60 % à 80 % des Québécois, la porte d'entrée du système de santé, c'est la polyclinique médicale ou le cabinet privé. On aurait souhaité, lors de la naissance des CLSC, que ce soient eux qui le fassent; ça ne s'est pas fait, pour plusieurs raisons. Mais quelle est votre vision, vous, de l'avenir de ce réseau qui est là? Elles sont là, ces polycliniques privées, comment est-ce qu'on les associe au réseau public de santé?

M. Saint-Georges (Claude): Bien, nous, c'est la persistance du réseau des CLSC puis autant que possible des incitatifs à ramener des médecins dans le réseau des CLSC. Parce que, bon, avec un plateau technique, avec les professionnels sociaux, de la réadaptation, l'équipe de soins infirmiers, on a un environnement idéal pour pratiquer une médecine de groupe, et malheureusement, bon... Bien, on sait que, dès l'origine, les fédérations médicales se sont opposées au développement des CLSC, mais pourtant il y a un médecin sur quatre qui pratique plus ou moins dans un CLSC. Alors, là, la question demeure: Est-ce que ça, on va perdre ça parce qu'on va créer un autre modèle? On va essayer peut-être de drainer dans les nouvelles polycliniques, je ne sais pas, le modèle qui pourra prendre les ergos, physios, nutritionnistes, psychologues et les sortir des CLSC ? infirmières ? pour les intégrer dans la polyclinique. La question... En tout cas, on est un peu abasourdis par la direction que c'est en train de prendre.

L'autre chose, juste pour terminer, c'est que, bon, on sait qu'il n'y a pas un point de vue unique parmi la profession médicale, mais malheureusement il n'y a qu'une voie unique pour les médecins. Il y a un monopole de représentation, alors qu'aux États-Unis ils ont plusieurs organisations syndicales... Alors, c'est peut-être un problème qu'on a, c'est que la puissance du pouvoir médical a beaucoup fait réfléchir les législateurs, je le sais.

M. Couillard: Qu'est-ce que vous pensez de la formule des groupes de médecine de famille? Est-ce que, vous, vous l'appuyez, cette formule-là? Je n'ai pas trouvé que c'était...

M. Saint-Georges (Claude): Non. On était en désaccord avec l'idée parce qu'on aurait souhaité davantage le renforcement de la pratique médicale en CLSC. Et, comme, nous, c'était de recréer en parallèle au CLSC... Puis je pense que l'idée n'était pas mauvaise, mais un peu naïve, je dirais, dans le rapport de la commission Clair, où on pensait qu'avec les GMF tout le monde aurait son médecin de famille. Alors, on sait que ça ne se passera pas comme ça, ne serait-ce que par la démographie médicale, là. Enfin, là-dessus, on a eu beaucoup, beaucoup de réserves, mais on est... Bon. Et aussi, je dirais, la proposition de capitation qui accompagne la... on n'a pas exploré ça tant que ça, mais les modèles qu'on peut voir ailleurs, en Angleterre notamment, c'est qu'il y a un intéressement, je dirais, un peu style américain, les... ? le nom m'échappe ? ...

M. Couillard: Les HMO.

M. Saint-Georges (Claude): ...les HMO, voilà, voilà, alors où ce que la capitation peut générer peut difficilement entraîner un comportement où moins de soins seraient donnés pour qu'il y ait une répartition ultime... Enfin, c'est... Mais je ne sais pas si ça va se passer comme ça, mais c'était une de nos appréhensions.

M. Couillard: Mais, effectivement, dans le modèle initial des GMF, ce qui était prévu, c'est d'évoluer vers la capitation comme un des modes de rémunération des médecins. En pratique, ça ne s'est pas fait. Suite aux négociations avec la Fédération des médecins omnipraticiens, lorsque les GMF ont été mis sur pied, ce qui a été mis en place, c'est des primes à l'inscription ou des bonus à l'inscription des patients puis la fidélisation du patient avec son médecin. Mais je dirais qu'on est rendu actuellement à 99 GMF. C'est difficile d'aller plus loin parce que les médecins nous disent qu'il y a trop d'obligations dans les GMF. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous? Comment est-ce qu'on devrait aller plus loin? L'objectif, c'est de donner des soins de santé primaires aux gens, d'avoir un médecin de famille, même dans le contexte de pénurie qu'on connaît, puis on a l'impression qu'on plafonne un petit peu, là, dans cette formule-là.

n(15 h 30)n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ce sera la dernière question du côté gouvernemental.

M. Saint-Georges (Claude): Mais enfin on n'a pas, certainement pas des réponses à tout ça. Mais l'inquiétude qu'on peut avoir, par exemple sur l'avenir des soins médicaux, des services médicaux mais aussi pour d'autres niveaux de ressources ? bon, j'ai vu des chiffres récemment sur la pénurie appréhendée d'infirmières, on s'en va... je pense que... je voyais 14 000 dans 15 ans ou 5 000 dans cinq ans ? tout ça nous amène à dire: Plus on va valoriser le service public, plus on va se donner confiance autour du système de santé, plus on va pouvoir aussi attirer à la fois dans les professions, plus aussi on va devoir partager des responsabilités cliniques aussi. Alors, il y a toutes sortes de modèles qui sont sur la table, potentiellement très positifs, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse de vous accueillir au nom de l'opposition officielle, Mme Pelletier, M. Saint-Georges. Vous allez me permettre de poursuivre dans le sens, là, des inquiétudes que vous exprimez et qu'on retrouve dans le mémoire que vous présentez. En fait, ce que vous nous décrivez, c'est qu'il y a une sorte de renversement là où il y avait porte d'entrée aux CLSC pour le médical et le social, cette réconciliation du médical et du social ne s'est pas produite. Et là le danger ultime, à l'inverse, qui a l'air exagéré et lointain mais peut-être plus probable qu'on le croit, c'est que le social soit entraîné vers le médical dans les cliniques et polycliniques, à savoir: il y avait trop d'obligations dans les CLSC, là, maintenant il y a trop d'obligations dans les GMF.

Là, on est rendus avec les CMA, les cliniques médicales associées. J'ai fait venir, par la loi d'accès à l'information, le tableau des cliniques médicales associées à Montréal. Il n'y a pas de GMF, ou pratiquement. Je pense qu'à Montréal il y a sept GMF, mais pour une population de 2 millions, alors au maximum 2 000 patients ou en fait citoyens par médecin. On peut dire que c'est peut-être 1 % finalement de la population, autour de... même pas 20 000 personnes, là. Mais enfin.

Donc, trop d'obligations aux CLSC. Trop d'obligations aux GMF. Puis tout le temps on diminue nos attentes, là. Là, dans les CMA, j'ai eu le tableau desdites cliniques médicales associées pour lesquelles l'agence régionale de Montréal maintenant pourvoit pour 300 000, ou quelque chose comme ça, de ses propres budgets, et finalement le suivi réclamé dans les cliniques médicales associées, qui sont des cliniques ou polycliniques privées, c'est 20 %, 30 % de suivi. Alors, de 100 %, après on baisse, là, on est à 20 %, 30 %. Parce que c'est des cliniques sans rendez-vous qui sont sans suivi, puis on leur donne un montant si elles font du suivi.

Et puis là on s'est fait même demander par des représentants d'organismes qui vous ont précédés qu'il y ait des services infirmiers ou des services sociaux qui officient dans les cliniques et polycliniques privées. Alors, c'est ça qui crée l'inquiétude actuelle, là, c'est... en plus évidemment des reportages comme celui de la Gazette, cette semaine, dont vous avez peut-être pris connaissance, hein, qui font état de cliniques médicales qui chargent aux patients à la fois pour l'accès, disons, à une chirurgie du jour, là, et puis qui en même temps chargent ? c'est la double facturation ? à l'assurance maladie. Enfin, ils font commenter M. Romanow, aujourd'hui, des cas rapportés au cours de la dernière semaine dans la Gazette.

En fait, on assiste à un changement de paradigmes, comme on dit, parce que jusqu'à maintenant on vivait avec essentiellement la réforme de 1970, n'est-ce pas, elle avait été consacrée dans le rapport Romanow il y a deux ans, mais finalement ça a été mis de côté au fil des années, vous-même vous l'avez dit. Et il y a une pression, quand même. C'est de la bonne volonté, là, je n'impute pas de blâme à personne. Mais c'est sûr que les directions régionales de médecine générale, ensuite les PREM, ensuite les AMP, vous savez, finalement tout ça vient encadrer la pratique en clinique médicale privée et fait des pressions pour en sortir. C'est un effet pervers. C'est l'effet pervers en quelque part de l'encadrement. Et sans doute qu'il y aura une augmentation des désengagements.

Puis là il faut se poser la question: Est-ce qu'on laisse aller les choses avec le désengagement qui semble progressif mais qui s'additionne quasiment mois après mois, hein? Si ce n'est pas encore jour après jour, mais on est rendus mois après mois. Est-ce que ce sera semaine après semaine puis jour après jour que ça viendra? On en est là, là. On est un peu à la croisée des chemins. Et je me pose la question: Est-ce qu'on introduit des règles, par exemple, pour dire: Écoutez, si vous vous désengagez complètement de l'assurance maladie, vous ne faites pas les AMP, vous ne faites pas les PREM, vous n'êtes pas soumis aux DRMG, vous ne participez pas aux ententes des centres locaux, etc., bien ceux qui font ça, ils choisissent, mais on va vous demander de rembourser une partie de vos frais de scolarité en totalité ou en partie? Est-ce qu'on peut envisager ça ou vous envisagez autre chose?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, vous avez le choix des armes.

M. Saint-Georges (Claude): Oui. On n'a pas l'expertise du ministre ni de la critique de l'opposition officielle sur la question et les questions médicales, malheureusement, mais c'est assez notable qu'on voit qu'il peut y avoir un effet d'entraînement rapide sur le désengagement. Et comment arriver à un modus vivendi avec la profession médicale et aussi comment faire en sorte que l'attachement, le choix collectif qu'on a fait pour la prestation publique des soins de santé, et à la fois à l'échelle canadienne, à l'échelle québécoise, ça se reconfirme et qu'on retrouve, avec la profession médicale, un accord autour de ces principes-là? J'avoue que la seule chose qu'on peut dire, c'est qu'on est très inquiets de l'apparition de ces phénomènes-là et aussi de la confusion dans le modèle. Est-ce que ce sont les GMF? Est-ce qu'il y a toujours de la pratique médicale en CLSC? Bon. Est-ce que le permis de pratique est quelque chose qui est discutable avec les médecins encore une fois sur la répartition intrarégionale?

Parce que, par exemple, on sait que, une chose, nous autres, on est très soucieux de la question de l'accessibilité aux soins, mais, même dans une région donnée, les comportements, l'accès aux médecins dans une population défavorisée où... Il y a des statistiques qui remontent d'un certain temps, l'enquête Santé Québec: les gens plus fortunés ou les gens plus éduqués dans l'échelle sociale vont davantage consulter le médecin, et l'accès en milieu défavorisé, le comportement, le rapport aux besoins... obtenir des services médicaux devient plus problématique. Alors, il y a tout ça.

Comment répartir la ressource médicale en fonction des besoins réels de santé dans une perspective de santé publique? Ça s'accommode assez mal avec le libéralisme qui est pratiqué actuellement. Mais on ne va pas tout exiger des médecins. Mais est-ce qu'il y a un contrat social qui peut émerger? Là, par la force des choses, là, on est sans... On sent que les choses peuvent déraper rapidement, on est assez d'accord avec vous.

Mme Harel: Dans le mémoire que vous nous présentez, vous demandez d'enchâsser les principes de la loi fédérale dans la loi québécoise de santé et services sociaux. Et, dans le passé, les ministres successifs, je pense, répondaient: Écoutez, c'est déjà dans la loi. À ce stade-ci, où finalement on assiste assez impuissants à des principes fédéraux dans un partage de compétences où l'instance fédérale n'a pas le pouvoir d'appliquer sa loi, et d'autre part l'absence dans l'application... l'absence des principes dans la loi québécoise qui aurait le pouvoir de l'appliquer, est-ce qu'il n'est pas temps, là...

n(15 h 40)n

En fait, en quelque part, est-ce qu'il n'est pas temps de susciter un débat public? Parce que les inquiétudes que vous manifestez, je pense, en écoutant l'échange que vous avez eu avec le ministre... Lui aussi, en fait, il me semble, enfin, sans doute aussi avoir quelques inquiétudes, hein? J'en aurais à sa place. Je suis sûre qu'il en a et... Mais je suis certaine qu'il en a, ce n'est pas possible autrement, là. Comment on réagit, hein?

Et là le problème est qu'on ne met pas le vrai débat sur la place publique. Parce que tantôt il vous a parlé de gestion plutôt que de prestation, hein, gestion publique, plutôt il a parlé de prestation publique. Bon. Ça a l'air d'un débat d'initiés puis un débat d'experts. Ça veut dire que la gestion est publique, mais on se fait soigner, par exemple, dans une clinique privée. Bon. Mais la gratuité, elle, parlons-en de la gratuité. Parce que la gratuité, ça aussi, encore ce matin, Romanow en parle dans le journal la Gazette, parce qu'il dit: Si quelqu'un dit: Je vais payer ma résonance magnétique, mais après il se trouve à avoir préséance plus vite pour des soins. En fait, il appelle ça d'un beau mot anglais, «queue jumping»? «Queue jumping», c'est-à-dire qui passe devant, hein, c'est ça que ça veut dire, c'est de passer devant...

Une voix: Coupe la file.

Mme Harel: Ah, coupe le fil.

Une voix: Coupe la file.

Mme Harel: Ah, coupe la file. Non, mais sérieusement c'est ce débat qu'on ne fait pas, le vrai débat. Je ne sais pas quelle serait l'issue dans la société québécoise, mais au moins on se sortirait de cette impression d'hypocrisie dans laquelle on est. Je ne sais pas quelle impression vous avez là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges...

M. Saint-Georges (Claude): Oui. Je rappellerais que le Québec est arrivé tard, hein, historiquement, dans son adhésion au principe de gestion publique, à l'universalité, au caractère du système de santé, mais on s'est rattrapés drôlement par la suite, parce qu'on est devenus, je pense, un modèle à l'échelle canadienne. Je pense qu'au moment de la commission Rochon puis après la loi de 1991 on a été quand même un phare comme modèle, le réseau des CLSC. On revient toujours là-dessus, mais le fait qu'on avait intégré les services sociaux, qu'on pouvait... puis on avait une politique de santé et de bien-être, je pense que tout le monde est d'accord qu'on a fait des progrès importants et qu'on est devenus un modèle. Mais le fait de... l'idée d'enchâsser, ce n'est pas juste de... Je dirais qu'avec la loi qu'on a devant nous c'est la loi fondamentale du système de santé et que les principes soient affirmés très clairement au départ et que ce soit... on se l'approprie.

Parce qu'à la marge on entend des choses aussi, qu'on n'est pas tout à fait d'accord avec la loi canadienne. Par exemple, il y a un projet sur la réforme du régime d'assurance médicaments, puis on voit venir que peut-être que les gens qui reçoivent des soins en clinique externe des hôpitaux pourraient dorénavant payer leurs médecins. Alors, est-ce que la loi canadienne couvre toujours... Pardon ? les médecins ? pardon, les médicaments, excusez-moi. Est-ce que la loi canadienne, est-ce qu'elle n'englobe pas la gratuité globale de ce qui se passe à l'hôpital? Je ne sais pas si c'est... Mais, tu sais, on est comme dans les marges. Mais le fait d'enchâsser... Puis aussi, Romanow en parle, c'est que, la loi canadienne, il faut l'actualiser, quand on parle... Et, entre autres, c'est l'heure des soins à domicile, hein, élargir, parce que la loi canadienne, essentiellement c'est des services médicaux et des services hospitaliers.

Alors, je pense qu'on aurait l'occasion de faire un très, très bon débat de société au Québec puis aussi... Et, quand on aura à se présenter devant Ottawa, là, je ne veux pas me mettre à la place des gouvernements, mais de dire: On a un système exemplaire au niveau des principes de gratuité, de gestion publique. Et là on est en mesure de réclamer l'argent qui nous revient, bien sûr, là.

Mme Harel: J'ai encore un petit peu de temps?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il reste du temps pour une question .

Mme Harel: Une question. C'est à la page 11 de votre mémoire, vous parlez du rapprochement à faire entre la création de l'Agence des partenariats public-privé, donc entre les PPP, et l'ouverture au secteur municipal de financer les hôpitaux. Moi, j'ai découvert ça, c'est la loi n° 62, adoptée sous bâillon. Je suis sûre que beaucoup de nos collègues des deux côtés, ici, ignoraient comme moi, puisque cette loi n'a pas été étudiée convenablement article par article. La loi prévoit une disposition qui permet au secteur municipal de financer maintenant la santé. Je ne sais pas si vous pouvez nous en parler, là. Peut-être qu'il y en a qui l'apprennent. Vous l'apprenez?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Saint-Georges, est-ce que vous le saviez?

M. Saint-Georges (Claude): Non, je ne suis pas familier avec cet aspect du débat. Mais est-ce que... de cette question-là, d'autres coalitions avec quelques... avec une expertise partagée... Mais, bon, est-ce que le système de santé sort, va sortir en dehors du périmètre des PPP? Je ne sais pas, il peut y avoir des écoles de pensée au niveau du gouvernement. Mais, nous, on appréhende ça parce que, bon, quand on revient sur le fait que... L'exemplarité de la gestion publique qu'on a connue dans le système de santé au Québec fait en sorte que, non... On a la conviction que de délester des pans de services, de faire gérer des hôpitaux, peut-être d'envisager que les services auxiliaires, qui pour nous doivent être intégrés dans la chaîne clinique ? on parle des buanderies, des cuisines et de l'entretien... Je pense que, nous, on a cette appréhension-là. Mais enfin on va surveiller ça de très près parce qu'on ne serait pas en accord qu'il y ait ce glissement-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup, M. Saint-Georges, de votre contribution éclairante et merci beaucoup, Mme Pelletier, également.

J'invite les prochaines personnes à prendre place à la table, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Les travaux ne sont pas suspendus.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, la commission poursuit ses travaux. Nous sommes heureux d'accueillir la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Mme Sylvie Boulanger, qui en est la vice-présidente, me fait face. J'imagine que Mme Mercier est à ma droite et que Mme Laforest est à ma gauche. Alors, bienvenue à la commission. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons quelques échanges avec vous. Alors, voilà, la parole est à vous.

Fédération des infirmières
et infirmiers du Québec (FIIQ)

Mme Boulanger (Sylvie): Merci. Puisque les présentations sont faites, Lucie Mercier étant conseillère au secteur Santé, Thérèse Laforest est conseillère au secteur Tâche et organisation du travail, elles ont évidemment collaboré de très, très près à la réalisation de ce document-là.

L'étendue du projet de loi n° 83 est très vaste. D'entrée de jeu, je vous dirais que je suis à peu près certaine que je n'arriverai pas à couvrir, dans les 20 minutes qui me sont accordées, l'ensemble des points importants qu'on voudrait soulever, mais je compte sur votre intérêt pour nous poser des questions qui nous permettent d'aller jusqu'au bout.

Alors, on va aborder d'abord l'informatisation du réseau de santé et de services sociaux en parlant du consentement général préalable aux services de conservation. Ici, on constate qu'on a plus affaire à un processus d'«opting in» plutôt que l'«opting out», ce qui sourit, dans le fond ce qui était la directive quand il y a eu l'avant-projet de loi sur la carte santé. Tout le monde s'entendait qu'on devait plutôt favoriser cette portée-là.

La portée du consentement, par exemple, est beaucoup plus vaste, puisqu'il ne s'agit plus ici d'un résumé de renseignements de santé, mais d'un dossier de santé électronique. La solution qui est retenue dans le projet de loi n° 83 est totalement différente. On précise que le consentement est donné par écrit pour cinq ans et qu'il est révocable en tout temps. Un seul et même consentement est prévu pour l'adhésion aux services de conservation offerts par une agence régionale pour l'inscription de l'ensemble des renseignements de santé, pour l'accès, l'utilisation, la communication, la conservation et la destruction des renseignements conservés. Le consentement s'avère donc très large et très contraignant pour l'usagère et l'usager.

n(15 h 50)n

Pour être valide, un consentement doit répondre à certains critères juridiques, et il nous apparaît ici... D'abord, dans les deux premiers critères, là, on ne connaît pas encore les règlements qui vont entourer ce consentement-là. Et, quant au critère à l'effet qu'on donne son consentement à des fins spécifiques, ça a une très vaste portée, à savoir que le consentement est donné pour l'adhésion, l'accès, l'ensemble, et c'est vraiment très large, et ça peut comporter aussi des zones grises importantes.

Le consentement général exprès, par ailleurs, lui, vise des situations où on aurait à transmettre les données à l'extérieur ou à des filiales canadiennes de compagnies américaines. Donc, éventuellement, les renseignements pourraient passer de l'autre côté, et ça demande un consentement exprès pour cette situation-là.

Sur le dossier de santé électronique, le dossier de santé électronique est un dossier complet, on ne parle pas ici de résumé de renseignements de santé, et c'est alimenté par les professionnels de la santé. Toutefois, le projet de loi est muet à propos du caractère historique ou du début, du moment où on commence, de la date où on commence à monter le dossier, le dossier de santé. Alors, ça, ça aurait besoin selon nous d'être précisé. Il est muet également à propos du sort qui sera fait au dossier papier, qui actuellement nous sert à tous dans les milieux de santé.

Contrairement au résumé des renseignements de santé qui permettait le retrait et la destruction d'un renseignement, le projet de loi n° 83 n'offre pas cette possibilité. Quand on veut... On ne peut pas détruire un renseignement ou, si on désire qu'il y ait un renseignement qui soit détruit ou pas noté, alors il faut se retirer du... il faut retirer notre consentement. C'est tout ou c'est rien. Et également on voit aussi, à ce chapitre-là, qu'il y a des amendes importantes pour les intervenants en cas de non-inscription ou de... même pas d'omission, là, ce n'est même pas... Si on se soustrait à l'inscription d'un renseignement, il peut y avoir des infractions de 6 000 $ à 30 000 $. C'est quand même quelque chose d'important, puis ça ne laisse pas de la place à une omission de bonne foi, là. Évidemment, on essaie que ça n'arrive pas, mais, malheureusement, parfois, ça arrive.

On dit que le dossier de santé électronique est conservé régionalement, mais ça n'empêche pas la Régie de l'assurance maladie de détenir plusieurs banques de données centralisées: médicaments, fiches des indications thérapeutiques, fichier des consentements et des révocations de consentement, fichier de localisation et finalement le dossier de l'assuré au régime d'assurance maladie et à l'assurance hospitalisation. Donc, il nous apparaît que la décentralisation du dossier de santé est plus une illusion qu'autre chose.

La circulation de l'information nous apparaît aussi trop étendue. La confidentialité constitue un élément du droit à la vie privée. La Loi sur les services de santé et de services sociaux reconnaît le caractère confidentiel du dossier de l'usagère et de l'usager, mais, dans le projet de loi n° 83, il y a de nombreuses exceptions qui sont introduites afin qu'un renseignement contenu dans le dossier puisse être communiqué sans le consentement de l'usager ou de l'usagère. Même si à plusieurs égards, là, on peut reconnaître qu'il peut y avoir une bonne foi en dessous de certains transferts d'information ou de permettre l'accès au dossier, il demeure quand même qu'à notre avis ça aurait besoin d'être balisé davantage.

À l'article 27.1 du projet de loi, on dit: «Un établissement peut communiquer un renseignement contenu au dossier d'un usager à toute personne ou organisme, si la communication de ce renseignement est nécessaire à l'exercice d'un mandat ou à l'exécution d'un contrat de service confié par l'établissement à cette personne et à cet organisme.» En d: «Que ce renseignement ne soit pas conservé, traité ou utilisé à l'extérieur du Canada ou par des filiales canadiennes de compagnies américaines et qu'il ne soit pas accessible à l'extérieur du Canada ou à de telles filiales, à moins que la personne concernée n'y consente expressément ? donc le consentement exprès de tantôt.»

Mais ce nouvel article peut nous laisser croire deux choses. Ça permet de cerner l'orientation du gouvernement à l'égard du partenariat privé-public dans le secteur de la santé, qui semble aller bien au-delà des services auxiliaires. Ensuite, ça nous indique que les négociations sur la mise en oeuvre de l'ALENA, notamment sur la portion du chapitre 10, sur les marchés publics, applicable au secteur de la santé et des services sociaux en particulier, pourraient bien se conclure dans un proche avenir.

Toute cette modification peut donc s'interpréter d'une troisième manière aussi, plus pointue, plus inquiétante encore. Elle permettrait la conclusion de contrats de partenariat privé-public pour la gestion des dossiers de santé électronique sur place ou à distance. Et à notre avis, ici, il est impératif que le gouvernement libéral nous indique clairement ses intentions à cet égard-là. Ici, Lucie a apporté un document, une étude qui a été réalisée par le gouvernement de la Colombie-Britannique, justement concernant le traitement des dossiers de santé, et on va pouvoir déposer une copie de ce document-là à la commission. L'OCDE et la Communauté européenne aussi ont émis des normes internationales à ce sujet-là. Donc, ici, nous autres, on recommande la plus grande prudence, puis il faudrait... On a aussi des craintes à l'effet que le U.S. Patriot Act puisse venir aussi nous prendre des données et faire en sorte que finalement on n'ait plus accès à cette confidentialité.

Pour les intervenants qui auront accès au système d'information, les catégories d'intervenants, le projet de loi n° 83 semble mieux cerner les catégories d'intervenants. Il y a toutefois disparition notamment des catégories générales à déterminer par réglementation. Plusieurs catégories d'intervenants ou de gestionnaires dont le statut paraît pour le moins ambigu... La personne qui est au service d'une agence ou d'un établissement, la personne qui est au service de la Régie de l'assurance maladie du Québec, ici on se demande: Est-ce qu'il s'agit d'une personne physique ou est-ce que ça peut être une personne morale? Des précisions doivent être apportées aux dernières catégories d'intervenants et de gestionnaires prévues à l'article 520.16 afin de préciser qu'ils doivent provenir de l'administration publique.

Quant à l'habilitation, la loi n° 83 s'inscrit dans la foulée de l'infrastructure à clés publiques du gouvernement et de la loi sur les technologies de l'information. On reprend bon nombre d'éléments qui apparaissent déjà au projet de carte santé. Toutefois, le projet de loi n° 83 reste beaucoup plus vague, plus flou, il n'apporte qu'un minimum d'information. On parle d'un support matériel mais jamais d'une carte d'habilitation. On n'aborde pas non plus le processus de délivrance de la carte ni de son support matériel, non plus que de son éventuel remplacement. Il n'aborde pas la question de l'infrastructure à clés publiques du gouvernement, même s'il est évident que c'est bien de cela qu'il s'agit, et ce, en dépit d'un avis mitigé de la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès avait fourni un avis sur le sujet et identifiait des risques importants à l'utilisation des certificats d'identité.

Les renseignements et les mesures biométriques. À ce chapitre-là des renseignements à recueillir par les services de certification pour l'émission de certificats d'identification d'une personne, la FIIQ ne peut passer sous silence la possibilité d'introduire des mesures biométriques pour la délivrance du certificat. Aucun débat n'a été fait au Québec sur la collecte et l'utilisation des mesures biométriques pour l'identification des personnes. Il serait plus qu'indécent que ces mesures soient introduites par voie réglementaire. Donc, là-dessus, nous sommes formels, ce paragraphe doit être retiré du projet de loi n° 83.

Quant à la Régie de l'assurance maladie du Québec, elle aura un rôle central avec ce projet de loi et des pouvoirs pour le moins très vastes en regard de l'informatisation du réseau de santé et des services sociaux. Il est en effet prévu, outre ces multiples fonctions qu'exerce déjà la RAMQ, qu'elle assume de nouvelles fonctions et entrepose de nouveaux fichiers et de nouvelles banques de données relatives à ces fonctions. Les nouvelles fonctions de la régie s'adressent tant aux usagères et usagers des services qu'aux intervenants et intervenantes. Plusieurs banques de données seraient donc centralisées à la RAMQ, en dépit du fait que le gouvernement affirme qu'il y aura une décentralisation du dossier électronique vers les régions.

n(16 heures)n

Les services de répertoire seraient attribués à la RAMQ aussi, donc centralisés plutôt que décentralisés dans les établissements ou les agences régionales. Quant aux services de certification, eux, comme les services de répertoire sont offerts par la RAMQ, on se demande qui va offrir les services de certification. Dans le cas qui nous occupe, les deux fonctions seraient vraisemblablement exercées par des organismes différents. Toutefois, l'article 2.0.1 de la Loi de la Régie de l'assurance maladie, tel qu'introduit par le projet de loi n° 83, est trop alambiqué pour tirer une conclusion définitive sur l'entité à qui incomberait cette lourde responsabilité.

Le prestataire des services de certification pourrait recueillir les renseignements nécessaires à l'émission du certificat, notamment auprès de la RAMQ, à son fichier de professionnels de la santé. Le certificat peut être délivré par une personne ou un organisme désigné par le Conseil du trésor pour offrir des services de certification dans le secteur de la santé et des services sociaux. Les appréhensions soulevées en regard du flux transfrontière des données à caractère personnel et l'application du U.S. Patriot Act aux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux de même qu'à toute la population assurée en vertu des régimes publics de santé ne peuvent qu'être alimentées par de tels articles de loi. La FIIQ presse le gouvernement de corriger rapidement le tir et de s'assurer que les services de certification soient clairement attribués à un organisme public et qu'ils soient administrés publiquement.

Ces commentaires n'épuisent évidemment pas le sujet. Toutefois, il ressort de ce trop rapide survol une ligne directrice qui vise à faciliter l'accès et la circulation de l'information au sein du gouvernement lui-même vers d'autres gouvernements, vers d'autres organismes gouvernementaux étrangers et vers l'entreprise privée. Il apparaît à la FIIQ que les modifications envisagées affaiblissent la protection des renseignements personnels et, dans certains cas, des renseignements de santé.

On va passer maintenant sur la question du maintien du palier régional. Sur la question de la coordination, il y a un élément qui, je pense, ne fait pas partie de notre mémoire, mais sur lequel on voudrait intervenir, il s'agit des stages, la coordination, l'organisation et le suivi des stages en milieu hospitalier pour les professionnels qui ont à faire des stages dans le réseau de la santé. Il nous apparaît que l'agence régionale de la santé et services sociaux pourrait avoir ce mandat de coordination des stages qui sont nécessaires au bon apprentissage des professions des différents professionnels qui exercent dans la santé.

L'approvisionnement. Il nous apparaît ici qu'il y a une place de choix qui est réservée au secteur de la santé. Cette assertion-là se confirme d'ailleurs par le changement opéré à la fonction d'approvisionnement de l'agence régionale. En effet, obligation est faite à un établissement de participer non plus au groupe d'achats en commun, mais au nouveau groupe d'approvisionnements en commun. La notion d'approvisionnement est plus large et plus générale que celle qu'elle remplace.

L'abandon de la Politique de santé et de bien-être. Le projet de loi n° 83, tant en regard des pouvoirs du ministre de la Santé et des Services sociaux qu'en regard des fonctions des agences régionales, consacre l'abandon de la politique, des objectifs qu'elle sous-tend et des PROS qui la concrétisaient, et ce, au profit d'un plan stratégique pluriannuel. Il me reste cinq minutes? Mon Dieu! Je vais passer, dans ce cas-là, rapidement à la question des ressources. Vous nous poserez des questions sur la troisième partie.

Sur le plan du personnel, la partie 4 de notre mémoire, la planification de la main-d'oeuvre et du développement du personnel nous apparaît importante. Depuis plusieurs années, la FIIQ n'a cessé de clamer sur toutes les tribunes l'importance d'agir dans ce dossier de la planification de la main-d'oeuvre. Il y a eu la mise sur pied du Forum national sur la planification de la main-d'oeuvre, et les travaux ont permis de dresser un portrait de la situation puis d'établir les besoins quantitatifs et qualitatifs en matière de main-d'oeuvre infirmière pour l'ensemble du Québec et au cours des 15 prochaines années.

Il y a un rapport qui a été présenté qui proposait un plan d'action visant quatre objectifs: résorber la pénurie, améliorer l'adéquation entre les compétences des infirmières et les besoins des clientèles, rendre la profession plus concurrentielle pour attirer un plus grand bassin de main-d'oeuvre et finalement effectuer le suivi des activités prévues au plan d'action et la mise à jour annuelle des processus de planification de main-d'oeuvre infirmière. Dans ce rapport aussi, le forum affirmait que la situation ne pourrait s'améliorer qu'à condition de mettre en place un milieu de travail assurant une réelle qualité de vie et donnant aux infirmières l'opportunité de réaliser leurs aspirations tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Et les facteurs susceptibles d'améliorer la qualité de vie au travail, bien c'est une charge de travail appropriée, c'est un leadership professionnel et soutien clinique, c'est une formation continue adéquate, le cheminement de carrière, etc.

Quant au développement du personnel, ça demeure sans contredit un des aspects les plus déficients de la gestion des décideurs de la santé au cours des dernières années. Les plans de développement de ressources humaines sont inexistants ou parcellaires et conçus sans vision globale et sans approche intégrée. Puis Dieu sait que c'est important d'avoir cette vision globale là et une approche intégrée dans l'ensemble des interventions qu'on fait dans le réseau. Et il faut également que ce soit élaboré avec la participation des employés de la partie syndicale.

Il y a des mesures qui sont visées dans le plan d'action par l'article 231, entre autres la motivation. Évidemment, tout ce qu'on a vécu depuis plusieurs années, précarité, pénurie, surcharge de travail, épuisement, détresse psychologique, détérioration du climat de travail et démotivation, ça suffit pour nous dire qu'il y a crise au sein du réseau de la santé. Les infirmières ne sont pas non plus les seules professionnelles en soins à subir ces contraintes que leur impose dans le fond le fonctionnement erratique du réseau. Et, dans la conjoncture actuelle, les pressions qu'elles subissent sur leur pratique professionnelle contribuent largement à la démotivation ressentie par plusieurs professionnels en soins. Ça veut dire que la valorisation, tous les éléments de valorisation, tous les éléments de prise en compte aussi de l'opinion des infirmières et des professionnels de la santé doivent vraiment se concrétiser. Il faut que ça descende sur le plancher.

Et le maintien des compétences est aussi quelque chose sur lequel il nous faut investir, il nous faut investir comme société. Les dernières années, les 20 dernières années, ça a été plutôt ponctuel, sans suivi. Et ça nécessite, là aussi, d'avoir une approche globale, d'avoir une vision intégrée de l'ensemble du dossier, y incluant toute la question de la planification de la main-d'oeuvre également. La préparation de la relève aussi...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Boulanger, je vous invite à conclure dans la prochaine minute, s'il vous plaît.

Mme Boulanger (Sylvie): Alors, d'accord. La question de la préparation de la relève, c'est aussi important, on a tout un défi à rencontrer à ce niveau-là.

Sur la mobilité du personnel ? je vais conclure là-dessus ? la FIIQ va toujours s'opposer à ce que la mobilité soit interprétée comme voulant dire: déplacer une salarié n'importe où, n'importe quand, n'importe comment, en contravention avec les dispositions prévues à la convention collective. Pour la FIIQ, la stabilité des postes des équipes de soins doit demeurer la règle; la mobilité, l'exception. Et, ici, bien, on ne peut pas faire autrement que soulever le dernier conflit dont on a été témoins, le dernier conflit public, là, dont on a été témoins, le conflit de la SAQ, où, là, l'approche du gouvernement visait plus à garder le monde très stable pour avoir une meilleure qualité de services, pour avoir un sentiment d'appartenance, pour stabiliser les ressources, en fait. Et, dans notre réseau, va donc savoir pourquoi, là, on nous veut mobiles. Enfin, il y a beaucoup de discussions à y avoir, posez-moi des questions.

Document déposé

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, Mme Boulanger. Mme Mercier, vous devez être fière parce que votre document est jugé recevable et pertinent. Alors, magnifique. Je vais demander à la secrétaire de faire parvenir un avis aux membres de la commission. Lorsque le document sera prêt pour diffusion, celles et ceux qui sont intéressés à recevoir ce document n'ont qu'à faire signe à la secrétaire.

Alors, si vous voulez, on va maintenant aborder la période des échanges avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Boulanger, Mme Laforest, Mme Mercier, merci pour votre visite. Évidemment, l'avenir de la profession infirmière, c'est un sujet qui nous est commun, je crois, entre autres la diversification puis la progression du rôle de l'infirmière. On a plusieurs dossiers, comme vous le savez, en cheminement actuellement et on espère qu'ils vont ? notamment celui de l'infirmière de première ligne ? pouvoir déboucher.

L'infirmière, déjà dans son cadre de pratique actuel et encore plus lorsque ses nouveaux rôles vont être mieux définis, va être un des professionnels ou une des professionnelles qui va certainement bénéficier beaucoup de la plus grande circulation de l'information clinique. Je pense que, sur le plan du principe, comme les autres groupes qui sont venus ici, vous êtes certainement d'accord avec la plus grande circulation de l'information puis le fait que les gens aient accès à ces informations lorsqu'ils traitent des patients ou donnent des services à des personnes. Et, comme d'autres, vous avez des remarques à faire sur les modalités.

J'en profite pour vous indiquer que, dans vos remarques sur la question de l'informatisation, je comprends que, comme vous l'avez dit vous-même, il s'agit d'un projet de loi volumineux puis il est assez complexe, il y a plusieurs choses qui ne sont pas tout à fait exactes, mais je vous assure qu'on est disponibles, au ministère, pour vous rencontrer puis vous donner plus d'information sur les nombreux points que vous avez soulevés. Parce qu'il y a plusieurs points qui nécessitent des clarifications. J'en donne quelques-uns.

n(16 h 10)n

Par exemple, le dossier médical électronique qui est conservé, il n'y a aucun diagnostic, antécédent médical, chirurgical, antécédent transfusionnel, etc., don d'organes, ce genre de renseignements est exclu. La raison pour laquelle on dit que, comme vous avez dit vous-même, c'est un tout ou rien, c'est qu'à partir du moment où un professionnel ? ça inclut l'infirmière clinicienne également qui serait dans un GMF ou dans une clinique ? peut se poser des questions sur la validité de l'outil qui est devant lui: Est-ce que, par exemple, la liste de résultats de laboratoire ou la liste de résultats de radiologie qui est devant moi, ou la liste de médicaments qui est devant moi pourrait comporter une omission qui mettrait en grand péril mon jugement professionnel, mon diagnostic, mon évaluation puis mon traitement?, à ce moment-là, il y a un bris de confiance par rapport à l'outil. Il ne peut pas y avoir aucun doute dans l'esprit du professionnel qui l'utilise que l'outil qui est mis à sa disposition, avec le consentement de la personne, est un outil valable et utile. Sinon, ça va être juste dédoubler le dossier papier, avec ça, puis il n'a aucune utilité. Alors, c'est la raison pour laquelle on a choisi cette approche-là. Mais il est encore une fois tout à fait possible pour la personne de révoquer complètement ce consentement en tout temps, et je pense que c'est important de le rappeler.

La question du consentement de la circulation à l'intérieur du réseau de santé et services sociaux entre l'instance locale et les partenaires, c'est une question qui a été discutée à plusieurs reprises dans la commission, ici. Et finalement on en est venus à une compréhension qui est la suivante, c'est que, lorsque les dossiers et les renseignements sont transmis ? c'est important parce que le partenaire ne peut pas aller chercher l'information, ils sont transmis par le professionnel de l'instance au partenaire ? ils sont sur la base d'un plan de services individualisé et sur la base du jugement professionnel de la personne, par exemple une infirmière qui, en vertu de son code de déontologie, applique le principe de nécessité puis constate que, pour le travail du groupe communautaire, ou de l'entreprise d'économie sociale, ou de la popote roulante, par exemple, pour les soins à domicile, c'est important d'avoir tel ou tel renseignement, et c'est ce critère-là qui doit être retenu.

Ce qu'on est cependant prêts à apporter comme bonification, on l'a dit à plusieurs reprises déjà, c'est la question que, lorsque la personne consent à son plan de services individualisé, il y ait également au même moment une explication et un consentement explicite au fait qu'il y a des circulations d'informations qui accompagnent le plan d'organisation de services, et ça, je pense que ça devrait répondre à plusieurs interrogations.

Pour ce qui est de l'accès aux renseignements de santé à l'extérieur du Canada par des filières canadiennes de compagnies américaines, etc., puis le Patriot Act, au contraire, le projet de loi est fait pour empêcher ça et empêche notamment et expressément la transmission de renseignements à l'extérieur du Québec. Ça vise tout à fait, au contraire, à protéger les renseignements de santé des Québécoises et des Québécois qui restent à l'intérieur de notre frontière, qu'ils ne puissent pas en aucun cas être transmis à l'extérieur. Ceci pourra faire l'objet... On n'aura pas le temps de regarder ça en détail, mais c'est le genre de choses sur lesquelles on pourrait échanger.

Il y a la question également des... il y a plusieurs points, mais la question des renseignements biométriques, il n'est absolument pas question de mettre en place les renseignements biométriques avec ce projet de loi là. Vous savez que cette question-là est déjà couverte par des interventions précédentes du Conseil du trésor, en février 2002 et par la suite, qui ont très bien statué sur cette question. Et il n'est absolument pas question pour nous d'aller dans cette direction-là, et même le projet de loi est rédigé pour ne pas que ça se produise, et c'est important de le mentionner.

Le rôle de la Régie de l'assurance maladie du Québec effectivement est un rôle qui correspond à ses capacités actuelles. Ce qui est ajouté au rôle actuel de la Régie de l'assurance maladie... Vous savez déjà que la RAMQ a les données, vous l'avez dit vous-même, sur le profil de l'assuré, mais ces données ne font pas partie du dossier médical informatique. Les éléments qui y sont contenus sont très explicites; également le profil pharmacologique, pour les gens qui sont des assurés au régime public. Et ce qu'on veut ajouter à ça, c'est d'avoir le registre des consentements et les intervenants, de même que les profils, de sorte qu'il soit possible de s'assurer que les gens partout qui ont accès au dossier soient vérifiés, qu'ils soient des intervenants agréés avec un profil agréé. Et ça, c'est pour la sécurité des renseignements, et c'est très important.

La RAMQ va agir comme agent de localisation sans être soi-même le dépositaire des renseignements. Si vous êtes en vacances, par exemple, en Gaspésie, et que vous avez un problème de santé, et que vous êtes originaire de Montréal, bien la RAMQ va indiquer au médecin ou à l'infirmière qui s'occupe de vous en Gaspésie que les renseignements sont dans la base de données régionale de Montréal, et c'est comme ça que la transmission va se faire.

Également, la question du profil pharmacologique, on l'indiquait tantôt, étant donné qu'ils ont déjà les profils des assurés du réseau public, ce qu'il manque, c'est ceux du réseau privé, mais toutes les pharmacies du Québec ont déjà des liens informatiques avec la RAMQ.

Et évidemment, là, toutes ces questions sont d'une importance majeure, puis on y accorde également pour nous la plus grande importance, la question du consentement, de la protection des renseignements, des consentements. Et je pense qu'on va continuer nos travaux puis on va certainement bonifier le projet de loi suite aux remarques qu'on a eues.

Mais il y a quelque chose sur lequel tous s'entendent, c'est qu'il faut qu'on ait, au Québec ? et je pense que vous allez être d'accord avec ça ? il faut qu'on ait une informatisation du dossier médical, du dossier de santé. Pourquoi serions-nous les seuls dans le monde occidental à ne pas le faire? Il y a des pays qui ne sont pas socialement moins avancés que nous qui l'ont fait déjà, avec des législations comparables, que ce soit la France, l'Angleterre ou au moins une ou deux autres provinces canadiennes, et il faut s'en inspirer et rattraper le retard. Parce que le but de tout ça, c'est de faire un outil clinique, un outil qui améliore les services et qui réponde également aux besoins des gens qui donnent les services, et c'est comme ça que cette politique-là a été faite.

Mais, sur la question du consentement lors du plan d'organisation de services, qui est une exception ajoutée à ce qui existe déjà dans la Loi de santé et de services sociaux, comme vous le savez, il y a plusieurs situations où des renseignements peuvent être transmis sans le consentement. Elles sont déjà listées, on les a rassemblées, mais c'est déjà présent dans la loi. Ce qu'on a ajouté notamment, c'est cette question du plan de services individualisé, et c'est pour ça qu'on est prêts à faire cette nouvelle bonification suite aux remarques de la Commission d'accès et du Barreau. Donc, lorsque la personne consent à son plan de services, en même temps, le professionnel ? ça va être souvent une infirmière, d'ailleurs ? lui explique: Bien, voici ce qu'on veut faire comme plan de services pour vous, vous y consentez; en même temps, monsieur, madame, le plan de services comprend la transmission de tel, tel renseignement à notre partenaire, qui est le groupe Machin. Est-ce que cette modification, cette bonification-là vous semble correcte ou répondre à vos craintes?

Mme Boulanger (Sylvie): Oui...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Boulanger.

Mme Boulanger (Sylvie): Excusez, j'allais... En fait, sur la question de l'informatique puis la télésanté, on n'a pas eu le temps d'aborder cette partie-là de notre mémoire, mais il est certain, là, qu'on va avoir à travailler avec des nouvelles technologies, l'informatique. Pour nous, ce qui apparaît important, là, c'est que le caractère confidentiel des données santé soit préservé à tout prix puis qu'on ne risque pas ? je vous fais confiance, là, je ne sais pas si je dois, mais je vous fais confiance ? qu'on ne risque pas que ces données-là se retrouvent sur un marché, par exemple un marché des données des individus aux États-Unis, puis qu'ils fassent des croisements de... On n'est pas dans les affaires d'extraterrestres, là, mais ça se fait, des croisements de données puis des générations d'information de deuxième degré, mettons. Alors, sur cette question-là, c'est de ça dont on veut s'assurer.

Il apparaît très clair que, sur l'informatisation du dossier, dans la mesure où on est capable de sécuriser ces informations-là, oui, c'est vrai que c'est probablement un outil qui va être fort appréciable de l'ensemble des professionnels. On veut s'assurer aussi que les bonnes informations vont aux bons endroits, aux bons professionnels, qu'il n'y ait pas... Tu sais, on veut éviter les fuites, dans le fond.

Puis, à cet effet-là aussi, vous ouvriez tantôt la porte à nous rencontrer, mais on est aussi consultés sur le groupe CARISS, le comité aviseur sur les choses d'informatique, là, avec Mme Dagenais, informatique de santé et de services sociaux, puis on va aussi rencontrer l'équipe qui travaille autour du dossier de santé électronique. Donc, c'est sûr qu'on veut y amener notre contribution, là, pleine et entière à l'ensemble de ces données-là.

Juste une petite dernière affaire, par ailleurs. La RAMQ, bien qu'elle détienne actuellement toutes les choses d'assurés, des personnes, des individus, les informations de l'assuré, dans la mesure où elle va se retrouver avec plein de banques de données, plein de fichiers, on est toujours en mesure de concevoir un seul dossier, là, de faire en sorte qu'on localise puis qu'on puisse avoir un seul dossier pour une personne.

M. Couillard: Bien, en fait, la technologie... et la volonté législative est là pour empêcher ça, justement. C'est qu'il est clair que la RAMQ est limitée à son rôle actuel. Puis ce n'est pas la RAMQ qui est le gestionnaire des renseignements puis des dossiers, ça, c'est clair. Parce que je me souviens très bien ? à l'époque, j'étais citoyen ? quand il y a eu le débat sur la carte à puce, c'était ça, la grande crainte, hein, de la population, c'est qu'on ait une sorte de mégabanque de données centralisées ? qui était en fait la RAMQ ? qui aurait en même temps des renseignements d'assureur, et clairement, là, il y avait un conflit qui était perçu dans la population. Puis je pense que c'est une des raisons pour lesquelles le projet n'a pas abouti, à l'époque.

Il y a la question également du privé. Vous avez dit, dans la conservation des renseignements, que vous aviez une crainte là-dessus. Je vous réfère à un article que vous pourrez consulter plus tard, 520.3.1, où on dit qu'il est strictement interdit à une agence ou à un établissement que le ministre autorise à conserver des renseignements concernant une personne qui y a consenti de confier à un tiers, en tout ou en partie, la prestation des services de conservation des renseignements. Et en fait il y a d'autres dispositions également pour s'assurer que, jamais et pour aucune considération, les agences ne pourront confier cette conservation régionale à une entreprise privée. Donc, ça fait partie des choses qu'on pourra clarifier ensemble. Je suis heureux de savoir que vous faites partie de notre groupe, je ne le savais pas, là. Alors, je suis heureux de l'apprendre que vous faites partie de notre groupe sur l'informatisation. Puis on pourra clarifier ces choses-là en cours de route. Mais c'est clairement déjà indiqué dans le projet de loi.

n(16 h 20)n

Là-dessus, M. le Président, là, je serais prêt à céder la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, je ne vois pas d'autres collègues de votre côté. Oui, j'en vois du côté de l'opposition. Mais je regarde d'un seul côté à la fois. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Boulanger, Mme Mercier et Mme Laforest, bienvenue au nom de l'opposition officielle. D'abord, d'entrée de jeu, je dois vous dire que je partage votre point de vue que, compte tenu de l'étendue très vaste de ce projet de loi qui touche plusieurs sujets distincts, il est presque impossible de couvrir, comme on l'expérimente maintenant, en 20 minutes seulement. Ça aurait pu nécessiter plusieurs projets de loi distincts, dont un projet de loi sur l'informatisation et puis un autre qui aurait pu aborder toute la question de la protection des... le traitement des plaintes des usagers et la gouverne.

Moi, à chaque présentation de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, je suis surprise à quel point vous nous apportez des éléments nouveaux, des éléments qu'on ne retrouve pas dans d'autres mémoires. On entendra sans doute des dizaines, on me dit 90 mémoires en cette commission, autour de 90 mémoires, mais vous êtes vraiment le groupe qui a alerté la commission sur une question dont personne n'a parlé, qui est l'approvisionnement.

Et, en prenant connaissance de votre mémoire aux pages 20 et suivantes, je me suis rendu compte d'un élément majeur de ce projet de loi de 282 articles qui modifie 44 lois mais pour lequel je vais alerter mes collègues de l'opposition mais aussi ministériels, du gouvernement, c'est finalement l'article par lequel on modifie... C'est l'article 158 du projet de loi. On retrouve ça à la page 22 de votre mémoire. Et, à cet article, ce n'est pas peu, là, on remplace les mots «l'achat en commun de biens et de services par les établissements en tenant compte de leur impact sur l'économie régionale». Vous voyez l'importance que ça a pour un réseau qui fait 42 % de l'ensemble du budget de l'État. «...en tenant compte de [...] l'économie régionale», on enlève tout ça et on remplace en fait par «l'achat de biens et de services, incluant l'approvisionnement par les groupes d'approvisionnement en commun». Il me semble qu'il y a là quelque chose de majeur. Puis j'aimerais, là, que vous nous en parliez aujourd'hui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Boulanger ou Mme Mercier?

Mme Boulanger (Sylvie): Peut-être que Lucie peut...

Mme Mercier (Lucie): Je peux y aller.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y, Mme Mercier, oui.

Mme Mercier (Lucie): La question d'approvisionnement en fait s'est concrétisée dans le réseau de la santé, mais dans d'autres réseaux aussi, comme dans l'éducation et les municipalités, c'est ce qui rend concret dans le fond les accords de commerce sur les marchés publics, notamment. Alors, l'approvisionnement, ça passe par un processus d'appel d'offres, comme vous êtes sûrement... vous savez certainement. Alors, l'approvisionnement a toujours été pour les gouvernements une méthode pour relancer ou soutenir à tout le moins les économies régionales. On a souvent fait ce genre de dépenses-là.

Un des exemples qu'on avait mis en lumière il y a quelques années, c'était le fait que les établissements du Saguenay?Lac-Saint-Jean devaient s'approvisionner en lait via un processus d'appel d'offres. Ce qui s'est passé, c'est que les entreprises au Saguenay?Lac-Saint-Jean ont perdu, les entreprises laitières, ont perdu l'appel d'offres, de telle sorte que le lait est venu du Centre-du-Québec. Ça a entraîné la fermeture d'une laiterie importante dans la région et finalement il y a eu une perte importante d'emplois associée à ce nouveau mode d'approvisionnement.

Alors, le projet de loi, ce qu'il dit, c'est que dorénavant le soutien à l'économie régionale est abandonné et c'est la clause du traitement national des accords de commerce finalement qui va s'appliquer. Alors, ça veut dire qu'on ne peut discriminer aucune entreprise et on doit toutes les traiter de la même manière, les entreprises à tout le moins qui sont sur le territoire canadien. Alors, ça veut dire qu'éventuellement c'est un approvisionnement qui pourrait venir même de l'extérieur du Québec, ce n'est pas dit que ça demeurerait au Québec. Si c'est une entreprise, par exemple, de l'Ouest canadien, là, qui gagnait en appel d'offres, ça veut dire qu'éventuellement le lait de certains établissements pourrait venir de l'extérieur de la province.

Alors, évidemment ce n'est pas des modifications qui sont très flamboyantes dans un projet de loi, mais il reste que les conséquences peuvent être quand même assez importantes quand on sait qu'il y a 1,2 milliard de dollars en dépenses et 2 milliards, si on ajoute l'équipement spécialisé dans le réseau de la santé, qui sont faites à chaque année. Ça couvre 37 000 produits et 480 établissements, à l'époque, avant les fusions d'établissements. Alors, il reste que je pense que c'est un enjeu qui est quand même d'importance pour le Québec.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Je pense que vous avez tout à fait raison, là, c'est vraiment un élément majeur sur lequel, pour toutes sortes de raisons, notre attention n'a pas été amenée, hein, y compris dans tous les documents, il me semble, qui ont émané du cabinet du ministre, lors de la conférence de presse, ou qui ont émané du ministère, je ne pense pas que jamais on nous a fait état de ce changement qui est vraiment important. Je comprends que non seulement on ne tient plus compte de leur impact sur l'économie régionale, mais en plus on transforme l'achat en commun par l'approvisionnement par des groupes d'approvisionnement. Ça, j'aimerais ça aussi que vous nous l'expliquiez.

Mme Mercier (Lucie): Bien, c'est...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Mercier.

Mme Mercier (Lucie): Pardon.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous en prie.

Mme Mercier (Lucie): Finalement, le changement de terme est quand même significatif dans la mesure où les achats en commun, ça visait surtout les produits, essentiellement des produits, des biens matériels, là. On peut penser à tout ce qu'on a besoin dans un hôpital, en allant des compresses jusqu'aux microscopes, là, en passant par l'alimentation également. Mais, de parler d'approvisionnement, ça veut dire que le concept est beaucoup plus englobant, et on peut englober dans ça les services également, non seulement les achats de biens, mais aussi les achats de services. Ça veut dire que, par exemple, si on envisageait d'aller en appel d'offres pour gérer des banques de données ou des services, comme gérer, par exemple, le dossier de santé électronique, bien, tel que rédigé, je pense que ça pourrait être couvert par les approvisionnements, alors que jusqu'à maintenant c'était une gestion publique qui était la pratique.

Mme Harel: Je lis dans votre mémoire, à la page 20: «Le changement de terme, loin d'être anodin, traduit [...] une nouvelle dimension que le gouvernement veut donner à cette fonction [d'approvisionnement] et aux 11 corporations privées formées pour exercer ce mandat.» Faites-vous référence aux corporations de partenariat public-privé?

Mme Mercier (Lucie): C'est-à-dire qu'actuellement il existe 11 corporations, mais il y a des corporations... Comme la région... et les régions sont grandes, comme Montréal, par exemple, il y a une corporation pour cette région-là. Mais il y a des régions un petit peu plus petites, là. Je n'ai pas la liste avec moi, mais, dans un document qu'on avait publié l'année dernière sur les marchés publics dans la santé, il y a une des annexes où on trouve la liste de ces corporations-là. Alors, c'est essentiellement des corporations qui avaient été mises sur pied au début des années quatre-vingt-dix pour, à ce moment-là, les achats en commun. C'était à l'époque de M. Marc-Yvan Côté, là, que ça avait été mis sur pied. C'est essentiellement des compagnies privées.

Mais, avec le changement de terme, et tout, puis dans la nouvelle conjoncture où le projet de loi n° 61 a été adopté l'automne dernier et où on sait également que Mme Jérôme-Forget avait annoncé que, pour les municipalités, l'éducation et la santé, elle songeait à fusionner toutes ces méthodes d'approvisionnement là parce qu'elle disait qu'il y avait trop de règles différentes et que c'était difficile, alors il n'est pas exclu, dans un avenir plus ou moins rapproché, que, par exemple, ces corporations-là soient fusionnées avec les corporations existantes dans le secteur municipal et dans le secteur de l'éducation. Je sais que ça existe dans ces autres secteurs là, mais je les connais beaucoup moins.

n(16 h 30)n

Mme Harel: Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Mercier, pour ces explications. Elles ne tomberont pas dans l'oreille de sourds, n'est-ce pas? J'aimerais, Mme Boulanger, revenir sur les questions d'abandon. Ce terme-là revient souvent dans le mémoire. J'en ai noté quelques expressions, là: abandon de la Politique de santé et du bien-être de Marc-Yvan Côté, 1992; abandon du forum des populations, duquel émanaient les recommandations pour occuper les sièges au conseil d'administration. J'aimerais ça vous entendre sur l'impact que ça peut avoir, l'abandon du cadre de référence à la Politique santé et bien-être.

Mme Boulanger (Sylvie): Écoutez, sur la question de la Politique de santé et de bien-être, ça nous apparaît extrêmement important. On a réagi vivement quand on s'est rendu compte qu'effectivement ça sautait. Et je pense que c'est un guide, ça, la Politique de santé et de bien-être. Ça a été un guide en tout cas, à tout le moins, depuis 1992. Ce sont des objectifs que nous nous sommes donnés, hein, comme société, des objectifs à atteindre dans l'amélioration de la santé de la population.

Est-ce que c'est parce que le plan stratégique pluriannuel est tellement flou que ça nous laisse bien insécures? Je ne le sais pas. Mais honnêtement, là, «plan stratégique pluriannuel», là, entre vous et moi, ça ne dit rien, hein? La Politique santé et bien-être, avec ses 19 objectifs, ses sous-objectifs, ses moyens d'action, on savait où on allait. Alors, ou bien on a quelque chose qu'on va voir arriver sous peu, on l'espère, qui va traduire ça de façon plus positive que ce qu'on reçoit maintenant, mais, pour nous, là, c'est important qu'on ait des objectifs de santé à atteindre pour la population du Québec.

Sur les reculs démocratiques, écoutez, il y a le forum des populations. On a vu, au cours des différents amendements à la loi santé et services sociaux, des reculs démocratiques qui se sont installés tranquillement pas vite mais ils s'installaient quand même. Puis, à ça, vous pourrez me répondre: Oui, mais il n'y avait presque pas de monde qui y participait, ou les assemblées régionales, la population aussi qui avait... ? ça a été retiré, ça, il y a déjà quelque temps, l'an dernier ? et il n'y avait presque pas de monde qui y participait, mais ce n'est pas parce qu'il n'y a presque pas de monde qui y participe qu'on doit absolument les enlever. La démocratie a un coût. Le fait de pouvoir faire participer puis ouvrir les portes, dans le fond, là, de la santé, du réseau de la santé à la population permet aussi aux gens d'être plus sensibilisés, puis de mieux se prendre en charge, puis de mieux prendre en charge collectivement aussi la santé.

Il y a un autre recul également sur la question de la qualité des soins. Il y a ? c'est dans quelle partie? ? sur la question de la qualité des soins ? c'est un petit peu plus loin ? où on voit disparaître ça... ? oui, La qualité des services, à la page 43 ? où on voit disparaître les mots «qualité des soins». On parle de... Attendez que je m'y remette bien comme il faut, là.

Mme Harel: Satisfaction des besoins et respect de la loi.

Mme Boulanger (Sylvie): On parle satisfaction, on parle accès, mais on ne parle plus de qualité des soins, hein? On en parle à un autre niveau, mais on ne parle plus ici de qualité des soins, dans les objectifs en tout cas, à tout le moins, de ce qu'avait le Commissaire. Le Commissaire à la santé, il avait également à superviser ici: Le commissaire à la qualité des services assure «toute autre fonction prévue [dans le] plan d'organisation de l'établissement pourvu qu'elle soit reliée au respect des droits des usagers, à l'amélioration de la qualité des services ou à la satisfaction de la clientèle». Le projet de loi n° 83, lui: «...il assume toute autre fonction prévue au plan d'organisation de l'établissement pourvu qu'elle soit reliée au respect des droits des usagers et à la satisfaction de la clientèle.»

La satisfaction de la clientèle et la qualité des soins, c'est deux notions complètement différentes. Je peux me retrouver satisfaite parce que j'ai été prise en charge rapidement quand je suis arrivée au CLSC, quand je suis arrivée à l'urgence ou que... je ne sais pas, moi, n'importe quoi. Je peux être satisfaite parce que j'ai... bon, puis que j'ai eu des bons soins à l'hôpital, puis tout ça. Mais est-ce que pour autant la qualité du service, quand on ne connaît pas ça, là, comme M. et Mme Tout-le-monde, là, est-ce qu'on est capable d'évaluer vraiment que la qualité du service était adéquate? Ce n'est pas comme ça, ce n'est pas de cette façon-là qu'on mesure la qualité des soins. Donc, il nous apparaît important que ça demeure toujours une préoccupation et que ces mots-là, d'amélioration de la qualité des services, toutes les références qu'on fait à ça demeurent dans la loi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je suis désolé, c'est tout le temps dont on...

Mme Harel: Mme Boulanger...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Boulanger, merci.

Mme Harel: Même pas 30 secondes? Non?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non. Mme Mercier, merci, et, Mme Laforest, merci de votre participation. La commission suspend ses travaux pour quelques minutes. Ça veut dire cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

 

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): À l'ordre! Si vous permettez, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. M. René Roy, secrétaire général, je vous laisse le soin de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous aurez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire. Ensuite, suivront deux blocs d'échange avec les députés, avec les membres de la commission. Alors, bienvenue. Nous vous écoutons.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Alors, merci, M. le Président. Oui, je suis accompagné de deux spécialistes du système de la santé, Astrid Gagnon, qui est du Syndicat québécois des employées et employés de service, et M. Alain Tessier, qui est du syndicat québécois de la fonction publique. Alors, on va vous présenter en large un peu un résumé de notre mémoire et puis ensuite, bien, on répondra aux questions.

D'entrée de jeu, nous déplorons le peu de temps entre le dépôt d'un projet de loi d'une telle importance, avec des impacts considérables sur beaucoup d'aspects de l'organisation dans la santé, et son étude en commission parlementaire. Avec le peu de temps que nous avions, nous nous sommes concentrés sur l'orientation générale donnée à la réorganisation des soins de santé et sur quatre thèmes spécifiques: premièrement, la circulation de l'information clinique; deuxièmement, le fonctionnement démocratique; troisièmement, l'ouverture au secteur privé; et l'implication du personnel.

Je ne lirai pas notre mémoire, même s'il est relativement court, mais je me contenterai de certains commentaires pour laisser la chance à mes collègues de s'exprimer et répondre à vos questions. Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous voudrions réaffirmer la nécessité d'un système de santé et de services sociaux public, universel, accessible et gratuit. Plus, nous croyons que ces principes de la Loi canadienne de la santé devraient être enchâssés dans une loi-cadre québécoise.

Nous nous permettrons de vous rappeler, M. le Président, que la FTQ s'est fortement opposée au projet de loi n° 25 créant les agences. Vous comprendrez que, pour les mêmes raisons, nous croyons que le projet de loi n° 83 qui en découle nous place lui aussi dans une nouvelle réforme structurelle du système de santé qui n'offre pas plus de services, ne raccourcit pas les délais d'attente et n'offre pas plus de ressources pour le maintien à domicile.

Ceci dit, la FTQ s'est préoccupée de tout temps de la question de la protection des renseignements personnels, que ce soit en santé et sécurité ou en matière de dossiers cliniques. Nous en avions déjà traité au moment où il était question de projets de carte à puce dans la santé. Nous pratiquons d'ailleurs ce que nous prêchons en faisant du principe de la confidentialité l'une des règles d'or de notre vaste réseau de délégués sociaux. Si nous applaudissons la volonté du législateur de concentrer à un même endroit les renseignements cliniques aujourd'hui éparpillés dans une foule de dossiers d'établissements et de cabinets, nous exprimons par ailleurs la plus vive inquiétude sur l'ouverture à une circulation de renseignements de santé d'une personne sans son consentement. Certes, l'article 19 prévoit et reconnaît la notion de consentement, mais l'économie du projet de loi vient découdre cette notion à plusieurs endroits. Alors, permettez-moi d'en signaler deux.

n(16 h 50)n

Nous comprenons mal que le ministre puisse se passer du consentement de l'usager pour avoir l'accès à son dossier, même si c'est pour identifier les besoins et la consommation de services d'un établissement. À plus forte raison, nous croyons qu'il faut limiter à sa plus simple expression le pouvoir discrétionnaire des directions d'établissements ou des intervenants dans l'instauration de règles particulières ou l'identification de situations exceptionnelles en matière de transmission d'éléments du dossier d'un usager sans son consentement.

Est-ce à dire que, dans une même situation, selon qu'un usager fréquente tel ou tel établissement, son consentement pourra ou non être requis? Nous croyons que les dispositions à l'article 19 ouvrent la porte à une telle aberration, et là je ne parle pas des dispositions du Code civil sur le droit à la vie privée, des dispositions de la Loi sur l'accès quant à la confidentialité des renseignements nominatifs, des droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits ou encore de la jurisprudence sur cette question. Nous estimons que, si le législateur a prévu la notion de consentement dans bon nombre de lois, il ne devrait pas exister un régime d'exception sur la transmission des données cliniques.

Cette question de confidentialité des données nous inquiète encore plus lorsqu'on voit aujourd'hui la facilité de transmission par voie électronique ou encore le développement de services de télésanté. Notre inquiétude monte encore d'un cran lorsqu'on voit, au chapitre 520.3.1, troisième alinéa, qu'«une agence peut offrir elle-même ces services ? entre parenthèses, de gestion et de transmission de renseignements ? ou confier la totalité ou une partie de cette responsabilité, par contrat de service, à un des établissements situés sur son territoire ou à toute autre personne».

Sur la composition des conseils d'administration, si nous nous réjouissons de la réintroduction de la désignation d'une personne provenant du personnel non clinique de l'établissement, nous déplorons la diminution du nombre de personnes élues par la population ? les articles 29 à 133. Nous aimerions bien par ailleurs qu'on nous explique la pertinence d'inclure obligatoirement dans la composition du conseil d'administration un médecin qui pratique en cabinet privé.

Au sujet des plaintes et de la qualité des services, nous estimons que le législateur a établi un juste équilibre dans le partage des responsabilités entre le Commissaire aux plaintes et les comités de vigilance. Par contre, l'article 182.01 stipule que, dans le cas d'un établissement privé non constitué en personne morale, c'est le titulaire du permis qui désigne le comité de vigilance. Nous ne pouvons souscrire à ce qu'un titulaire de permis qui ne représente que ses propres intérêts soit à la fois celui qui nomme le comité chargé de voir à la qualité des services qu'il dispense. Nous voyons là donc une possibilité de dérapage important, tant sur le plan de la transparence que des conflits d'intérêts potentiels.

Nous ne pouvons passer sous silence l'abolition des forums de la population dans chacune des régions du Québec. Le gouvernement se prive ainsi du pouls de la population sur les enjeux de santé et de bien-être. Il risque ainsi d'en être réduit à éteindre des feux, faute d'avoir su garder le contact avec la réalité vécue sur le terrain.

Le traitement réservé aux personnes âgées nous préoccupe au plus haut point. C'est pourquoi, devant l'expansion importante des résidences privées, nous craignons de voir poindre des normes et des critères différenciés selon que les services seront offerts par un établissement public ou privé conventionné, d'une part, et un établissement privé ne constituant pas une personne morale, d'autre part. En effet, le paragraphe 10 de l'article 431, portant sur les responsabilités ministérielles, prévoit que le ministre, et je cite, «diffuse auprès des agences et des établissements les orientations relatives aux standards d'accès, d'intégration, de qualité, d'efficacité et d'efficience». Que diffusera-t-il auprès des résidences privées? Nous exprimons les mêmes craintes quant à l'ouverture de la sous-traitance dans le maintien à domicile contenue dans la formulation actuelle de l'article 454 du projet de loi. Les personnes âgées auront-elles droit à deux standards de soins à domicile?

Enfin, nous déplorons l'absence ou les lacunes en matière de mécanismes concrets de vérification de la qualité du milieu de vie, des soins et des services prodigués dans les résidences pour personnes âgées. Nous avons vu récemment des cas de résidences dûment accréditées sur le plan de la bureaucratie mais où les conditions de vie des usagers étaient carrément à questionner. Les pouvoirs d'inspection sont bien là, de même que les règles d'accréditation des établissements, mais les mécanismes pour la mise en oeuvre de ces pouvoirs ou la vérification de la conformité aux règles font défaut. On l'a vu ailleurs, en environnement ou en santé et sécurité, on a beau avoir les meilleures lois sur papier, si on ne met pas les ressources pour les appliquer, elles deviennent des voeux pieux qui soulagent les consciences. Nos aînés méritent mieux que cela.

Alors, en conclusion, je voudrais terminer sur une note positive en saluant l'obligation faite à tout établissement public ou privé conventionné de préparer, avec la participation de ses employés et, le cas échéant, des syndicats dont ils sont membres, un plan d'action triennal plutôt qu'annuel, comme c'est le cas aujourd'hui, pour la planification de la main-d'oeuvre et le développement du personnel. Nous saluons également le volet Préparation de la relève accolé à ce plan de développement. Ce plan d'action devra être communiqué à tout le personnel et transmis à l'agence.

Nous portons toutefois à votre attention que les mots «le cas échéant» ont porté par le passé à une certaine confusion, certains employeurs interprétant qu'ils avaient le choix ou non d'associer le syndicat. Notre lecture nous dit que le plan triennal doit être préparé avec la participation des employés et, lorsqu'ils existent, des syndicats dont ils sont membres. Une correction pourrait être facilement apportée à l'article 231. Par ailleurs, nous aimerions savoir de la part du ministre s'il y a déjà eu une évaluation de ces plans par le passé et, si oui, quels en sont les résultats. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, nous ne sommes pas habitués à une telle concision, mais c'était très clair. Alors, si on...

M. Roy (René): Vous n'êtes pas habitués.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, mais franchement vous avez battu un record. Je passe la parole...

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Gagnon, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Gagnon (Astrid): Ah non, ne vous réjouissez pas trop vite. Peut-être quelques petites précisions concernant la question du consentement des gens quand on fait circuler l'information dans le réseau. On a bien compris que la pierre angulaire de votre réforme, c'est de faire circuler de l'information. Pas d'information, pas de réseau, on s'entend là-dessus. Sauf que ça ne peut pas se faire au détriment du respect de la confidentialité des dossiers. C'est impossible. Puis, nous, à la FTQ, ce qu'on pense, c'est que, pour qu'un réseau fonctionne, que l'information circule, il faut que la population ait confiance dans le système de santé. Et, si elle n'a pas confiance, là, et si la population... Parce qu'il n'y a pas beaucoup de bruit autour de ce projet de loi là, mais j'espère que la population va prendre conscience du fait que, s'il passe comme il est là, le principe du respect de la confidentialité qui est établi à l'article 19 est décousu dans tout ce qui suit après. Ça n'a pas de bon sens, c'est inadmissible.

Et ça m'amène à un autre point de précision. Moi, je me souviens qu'à un moment donné il y avait des assemblées de régies régionales, des assemblées de la population, puis on nous avait vendu ça comme la grande démocratisation du système de santé, et là ça a été aboli. Là, on se retrouve avec un forum de citoyens qui est aboli, puis, parallèlement à ça, on va se permettre de fouiller dans l'information des citoyens. Bien, en tout cas, M. le ministre, on vous dit ce qu'on pense, on sait que vous en prenez bonne note, mais c'est un peu... Finalement, moi, je trouve que le fait d'abolir les forums... Puis je sais ce qu'on va se faire dire: Ce n'était pas efficace, les gens ne participaient pas. On l'a déjà dit, pour qu'un système démocratique fonctionne, il faut que les gens aient les moyens de s'articuler autour des questions, il faut qu'on leur donne de la formation, etc. Et, moi, je trouve que ça ressemble beaucoup plus, là... on est en train de développer un système de santé du ministre de la Santé, et non un système de santé des Québécois.

L'autre aspect sur lequel je voudrais apporter un complément d'information, c'est concernant le comité de vigilance. Le comité de vigilance dans les établissements privés, tant qu'à nous, ça n'a aucun sens que les établissements privés ne soient pas soumis à... qu'on leur donne la possibilité de se nommer leur comité de vigilance. C'est leur intérêt, puis ils vont s'autovigiler.

n(17 heures)n

Et je pourrais vous donner un exemple, là, dont j'ai entendu parler pas plus tard que ce matin, d'une résidence privée où l'employeur exige des préposés aux bénéficiaires qu'ils fassent des injections de morphine parce qu'il ne veut pas engager des infirmières. Ces gens-là, là, qui travaillent dans les résidences privées, qui n'ont pas beaucoup de formation et qui gagnent des salaires de crève-faim ? quand ils font le total de ce qu'il leur reste, ça ressemble à un salaire de bien-être social ? ils ont vraiment la vocation de la qualité des services, pour en avoir entendu souvent parler et nous témoigner de l'importance de leur travail. Et, nous, on pense que le ministre de la Santé doit absolument soutenir leurs efforts de donner des services de qualité et les soutenir dans des causes comme celle-là, où ils sont en train, là, de... Ils ne savent plus quoi faire, eux autres, là. S'ils disent non, ils vont perdre leur emploi.

C'est un cas. Puis on pourrait vous en nommer d'autres, des cas. Les gens dans les résidences privées, ils font tout pour donner des services de qualité, malgré les salaires qu'ils ont, qui sont vraiment ridicules, malgré le fait qu'ils n'ont aucunes conditions de travail, qu'ils n'ont pas de sécurité d'emploi, qu'ils n'ont pas de régime d'assurance, qu'ils sont vraiment ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, du «cheap labor». On ne peut pas laisser à l'initiative de l'entreprise en question de s'autodiscipliner sur la qualité des services, c'est impensable.

Dans la loi, il y a un aspect, là, sur lequel, moi, je voudrais quand même poser une question. Vous parlez de comité des usagers, puis, quand vous dites ? parce qu'on tient compte de la nouvelle reconfiguration: Quand il y a plusieurs comités des usagers, on pourrait faire un comité central d'usagers, alors, moi, je vous pose la question: Pour le regroupement du Littoral, comment vous allez organiser ça? Moi, pour le moment, c'est les précisions que je souhaitais apporter de plus, là, à ce que René a dit.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, nous avons eu une phase de concision, une phase de précision, est-ce qu'on passe à une phase de conclusion?

M. Tessier (Alain): Pourquoi pas?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez quelques minutes.

M. Tessier (Alain): Moi, au préalable, j'aimerais aussi apporter quelques précisions à la présentation, notamment à l'égard des règles démocratiques dans le réseau. On se questionne beaucoup au niveau des règles de nomination sur les conseils d'administration. Le questionnement qu'on a, c'est: Pourquoi, à partir du moment où un des sièges devient vacant, les modes de remplacement ne sont pas assujettis à l'article 397 de la loi, entre autres, là? On constate que cette obligation-là, quand le ministre doit nommer un remplaçant, n'apparaît plus à partir du moment où le siège est devenu vacant. On pense qu'on pourrait tout à fait, là, procéder à de nouvelles nominations selon le mode convenu, tout en respectant les critères quant à la représentativité de chacun des groupes au sein des conseils d'administration.

L'autre élément qu'on souhaite souligner, c'est la présence des pharmaciens propriétaires dans ce qu'on appelle les comités régionaux sur les services pharmaceutiques, où on nous indique qu'au sein de ces comités-là il y aura donc des pharmaciens propriétaires. On trouve le libellé de la loi un petit peu obscur quant à leur poids relatif à l'intérieur de ce comité-là. Donc, outre le fait qu'on se questionne sur la pertinence de leur présence, compte tenu de ce qu'on a vu récemment, là, au niveau de la pression indue de certains pharmaciens à l'égard de praticiens dans la santé, donc on se questionne à l'égard de leur pertinence, et on se questionne par ailleurs sur le poids relatif qu'ils vont occuper au sein de ces comités-là, puisqu'on parle au pluriel.

L'autre élément qui nous préoccupe beaucoup, c'est le pouvoir de dépenser des établissements, bon, qui était assujetti initialement à certaines règles. On ne pouvait pas, dans les établissements, dépenser dans certains cas sans obtenir au préalable un certain nombre d'autorisations. Or, à l'article 263.1 de la loi, on identifie un certain nombre de situations relatives à la vétusté, à la sécurité des personnes et au maintien des... ? je n'ai plus le libellé exact ? au maintien des infrastructures, si je comprends bien. Bref, on permet aux établissements d'outrepasser les règles généralement en vigueur dans ces situations-là, et ça, ça nous inquiète un peu. On pense qu'il doit y avoir minimalement un certain contrôle de la part soit de l'agence, soit du ministère, ou des deux, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je comprends que vous en avez terminé avec votre présentation. Merci. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Roy, M. Tessier et Mme Gagnon, pour votre visite aujourd'hui. Je prends au vol la dernière chose, c'est parce qu'on veut justement protéger la sécurité des gens. Lorsqu'il y a des travaux urgents à faire pour des travaux de sécurité d'incendie, par exemple, il faut que ça puisse être fait rapidement, sans délai indu, mais les gens sont imputables de leurs décisions à leur conseil d'administration, en bout de ligne, puis ils sont obligés de toutes les justifier. Et je pense qu'il faut faire en sorte que ces travaux-là soient faits rapidement. Moi, j'ai été témoin de plusieurs situations où il y avait des corrections évidentes et urgentes à faire qui n'étaient pas faites ou qui étaient retardées parce qu'on allait de démarche bureaucratique en démarche bureaucratique, et, dans ces situations-là, je pense qu'il faut permettre une voie de... en anglais, on dit «fast track», là, mais en français on peut dire une voie plus rapide qui permet de corriger ces situations.

Pour ce qui est de la circulation de l'information ? je vais prendre plusieurs thèmes que vous avez touchés successivement ? on est tout à fait disposés à améliorer le projet de loi dans le cadre du consentement explicite dans la transmission des informations à l'intérieur du réseau local, je pense qu'on l'a indiqué à plusieurs reprises. Et, comme beaucoup d'autres intervenants, vous avez dit que la circulation de l'information est une clé du succès justement de l'intégration. Si on intègre les fonctions puis on amène les gens et on les oblige même à travailler ensemble au service de la personne, il faut que l'information puisse circuler, sinon on n'aura pas de bénéfice de ça ou très peu, on n'aura pas tout le bénéfice escompté, disons. Puis je pense que, sur l'objectif, encore une fois, tout le monde s'entend.

Un petit mot sur le conseil d'administration, la question de la représentation, là, des citoyens. On en a parlé tantôt avec d'autres intervenants, dont l'Association des CLSC et CHSLD. Nous, on calcule qu'il y avait donc cinq représentants de la population sur le conseil d'administration initial. Il y a quatre maintenant plus deux du comité des usagers. On assume que les gens du comité des usagers sont également partie de la population qui est desservie par le centre, mais on pourrait avoir des idées différentes. Je serais intéressé de vous entendre là-dessus. Comment est-ce que vous faites la différence entre les gens de la population en général et ces deux personnes du comité des usagers, qui sont également partie de la population? Il ne s'agit pas d'avoir été hospitalisé, pour être membre d'un comité des usagers. On peut avoir eu des services de vaccination dans un CLSC pour tout simplement être un usager du système de santé.

La présence d'un médecin du cabinet privé du territoire, vous êtes les premiers qui la remettent en question. Au contraire, on a eu plusieurs remarques positives sur cette question-là, justement dans le but de refaire le lien de solidarité entre les médecins en cabinet puis le réseau public de santé, où, au cours des dernières années, on a vu un éloignement progressif de ces deux univers-là, où les uns ne se sentent pas d'obligations et ne veulent pas trop avoir d'obligations par rapport aux autres. Alors, d'avoir la présence de ce médecin en cabinet au conseil d'administration, ça me semble être une bonification importante en termes de la planification des services, de l'accès aux services de première ligne, par exemple, surtout dans un contexte de pénurie, et ça a été, je crois, là, apprécié par plusieurs intervenants.

La question également du comité régional des services pharmaceutiques, bien c'est justement pour faire le lien avec les pharmaciens de communauté, les pharmaciens qui ont leur officine ou leur pharmacie communautaire, pour qu'on puisse planifier ce qui se produit. Est-ce que, dans un territoire, on s'assure qu'il y a au moins une pharmacie d'ouverte à tous les jours, à telle heure? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui est responsable de ça? Ça me semble être une demande minimale de la population d'avoir une organisation de services plus solide de ce côté-là. Et les pharmaciens eux-mêmes, autant les pharmaciens d'établissements, en passant, pas uniquement les pharmaciens propriétaires, mais autant les pharmaciens d'établissements souhaitent qu'il y ait beaucoup plus de liens entre les deux endroits, les pharmaciens qui exercent en établissements de santé et ceux qui sont à l'extérieur parce qu'ils traitent les mêmes personnes et c'est important que la transmission des informations se fasse.

J'ai vu dans votre mémoire que, le comité de vigilance, vous suggériez un autre nom, qu'on change de nom. Vous pourriez peut-être me dire, est-ce que c'est... Peut-être que je mélange avec le mémoire précédent. Je m'excuse.

Une voix: Ce n'est pas son nom...

M. Couillard: Ce n'est pas le nom qui vous inquiète, mais vous êtes d'accord sur le principe du comité de vigilance, puis vous aimeriez qu'il y en ait dans des résidences privées. Cependant, les résidences privées n'ont pas de conseil d'administration constitué. Alors, c'est à eux de le faire, c'est à eux de se former un comité des résidents ou des usagers.

Je termine sur la question du Forum de la population. Comme l'assemblée générale qui était avant ? ça a été, en 2001, corrigé pour le Forum de la population ? dans les deux cas, ça n'a jamais vraiment démarré ni fonctionné. Il y a des raisons multiples à ça. Ce qu'on dit cependant, dans le projet de loi, et je pense que vous devez le reconnaître, c'est que les agences régionales ont l'obligation de consulter et d'informer leur population sur les politiques et qu'ils ont...

Une voix: ...

n(17 h 10)n

M. Couillard: Bien, ce qui se dit clairement... Ce qui peut s'énoncer clairement, on n'a pas besoin de deux paragraphes. Ils ont l'obligation de consulter et d'informer leur population, à eux de choisir la façon de le faire. Ils peuvent revenir aux assemblées, s'ils le veulent, ils peuvent conserver le Forum de la population, s'ils le veulent, ils peuvent également utiliser d'autres méthodes. Je trouve qu'on manque un peu de confiance dans les gens, là. Les gens sont là pour bien travailler, donner des bons services puis ils veulent certainement en informer leurs concitoyens puis les consulter également.

Le comité des usagers. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'il y en ait au moins un, certainement un central pour chaque instance locale et qu'en plus dans tous les milieux de vie on en ait un sur place, qu'on peut appeler un comité de résidents ou une partie des comités des usagers. Alors, par exemple, un milieu d'hébergement doit obligatoirement avoir un comité de résidents en plus du comité des usagers central.

Alors, c'est un peu les remarques que j'avais sur votre présentation. Effectivement, un projet de loi sur l'organisation du système de santé en soi n'ajoute pas de ressources ni de personnel. On connaît les origines puis les causes de la pénurie de personnels qu'on vit actuellement. Et les ressources, ça se donne par les budgets annuels, puis les personnels, par l'octroi de crédits aux facultés puis aux écoles pour former les gens, ce qu'on fait également. Et ce qu'on veut, c'est également rétablir cette situation. On sait la situation de pénurie profonde dans laquelle on est actuellement, qui lentement s'améliore, mais on a encore plusieurs années devant nous de difficultés, de ce côté-là, ce qui amène encore plus de nécessité à ce mouvement d'intégration puis de collaboration des gens.

Alors, je pense avoir fait quelques remarques sur votre présentation. On pourrait peut-être progresser là-dessus, puis je pense qu'il y a un de mes collègues également qui veut échanger avec vous.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Auparavant, est-ce que vous avez une réplique à ce que vient de...

M. Tessier (Alain): Oui, j'aurais souhaité réagir aux propos du ministre à l'égard du comité de vigilance.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y, M. Tessier.

Mme Tessier: Merci. On comprend bien sûr que les établissements privés n'ont pas nécessairement de conseil d'administration. Ce qu'on suggère, dans le fond, c'est que, dans ces cas-là, les personnes appelées à remplir le mandat dévolu au comité de vigilance soient autonomes par rapport à l'établissement. On voit mal comment un titulaire de permis pourrait faire l'exercice avec la même objectivité, la même rigueur que quelqu'un, par exemple, qui serait désigné par l'agence pour remplir ce mandat-là. Dans le fond, c'est ce qu'on dit.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Gagnon, vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Gagnon (Astrid): Oui. Sur la question du comité de vigilance, on pense que c'est inadmissible qu'on donne des permis à des propriétaires de résidences privées sans y mettre en même temps un contrôle continu sur la qualité, au même titre que les établissements publics doivent veiller à avoir une qualité de services. Soit dit en passant, on ne comprend pas pourquoi, dans les rapports des conseils d'administration des établissements, on a évacué la notion de qualité de services. Je le dis en passant. Mais, concernant les résidences privées, il y aurait sûrement des familles qui seraient intéressées à aller faire partie d'un comité de vigilance des résidences privées pour lesquelles elles paient directement. Alors, s'il y a des établissements qu'on ne peut pas laisser à eux-mêmes, c'est bien ceux-là.

Vous posez la question: Y a-tu une différence pour vous de mettre des gens de la population puis des usagers? Bien, il y en a une petite différence, quand même. Un usager, pour moi... Puis il y a beaucoup d'établissements dans le réseau qui sont des centres hospitaliers de soins de longue durée où il y a des usagers très, très, très âgés qui siègent sur les comités puis qui ont peur de déplaire aux directeurs des établissements puis... en tout cas, tu sais. Puis les gens de la population, eux, quand ils arrivent sur ces comités-là, bien ils ont une espèce de distance puis, dans ma compréhension des choses, doivent avoir une vision plus globale parce qu'ils ne sont pas directement concernés. Alors, c'était ma réponse à la question: Quelle est la différence?

J'aimerais aussi peut-être apporter une autre précision concernant les plans de développement, de planification du personnel. On a demandé que ce soit clarifié parce qu'on l'a vu sur le terrain, des petites batailles vraiment inutiles avec des employeurs qui disent: Bien, «le cas échéant», pour moi, ça veut dire: Si je veux. Nous, on dit: Non, «le cas échéant», ça veut dire: S'il y a un syndicat, il faut faire avec le syndicat. Alors, on demande tout simplement d'extraire ça du projet de loi, ce «le cas échéant». Quand il y a un syndicat, il y a un syndicat. Comme vous dites: Il y a des choses qui peuvent se dire en peu de mots puis il y a des mots des fois qui sont inutiles et qui sont des enfarges.

Par contre, dans le plan de développement du personnel, on vous pose la question: Avez-vous évalué ces plans-là, depuis le temps que c'est dans la loi, parce que, nous, sur le terrain, les plans de développement du personnel, on trouve que... Personnellement, je trouve que c'est une excellente idée, disons-le, qu'il y ait des plans, des comités pour planifier la main-d'oeuvre et c'est une excellente idée d'avoir ajouté à ça le fait de la relève de la main-d'oeuvre, excellente idée, sauf qu'en termes de résultat on est un peu inquiets parce que ce qu'on a vu jusqu'à maintenant, ces plans-là, là, on a aucune garantie qu'ils fonctionnent puis qu'ils ont des obligations de résultat. S'ils se font, ça va être rassurant pour tout le monde qu'on s'en va vers quelque chose, qu'on est capables de planifier puis qu'on ne va pas se retrouver tout d'un coup avec une pénurie d'infirmières, une pénurie d'infirmières auxiliaires puis peut-être de préposés, éventuellement. Alors, on aimerait qu'il y ait des obligations de résultat.

Par rapport au commentaire que vous avez fait que vous demandez aux agences de consulter la population, je ne peux pas être en désaccord avec vous qu'on peut dire en peu de mots des choses. Quand elles sont claires, elles sont claires. Mais il y a beaucoup de mots, dans cette loi-là, pour nous amener dans une réforme de structures puis il n'y en a pas beaucoup pour nous dire quelle garantie on va avoir de succès de ça puis quelle garantie on va avoir que vraiment la consultation va porter. Si ça n'a pas marché avec les assemblées régionales, si ça n'a pas marché avec les forums de citoyens, on pense que ça aurait valu la peine de s'articuler un petit peu plus sur les bases qui vont faire en sorte que la population va être consultée puis que ce qu'elle va dire puis ce qu'elle pense va être respecté. Ce n'est pas une question de manque de confiance dans les gens qui donnent les services. Au contraire. Tant qu'à ça, on pourrait se passer de tout ça, là, tu sais.

M. Roy (René): Une autre question aussi, la question du médecin, là, vous avez posé cette question-là. On n'est pas nécessairement contre, M. le ministre, même qu'on pourrait trouver que c'est une bonne idée, mais vous avez mis «obligatoirement». S'il y a d'autres spécialistes de la santé, ça peut faire pareil, là, ça peut faire pareil. Pourquoi vous voulez absolument avoir un médecin du cabinet privé?

M. Couillard: Je vais répondre brièvement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, M. le député. Oui, allez-y.

M. Couillard: Parce que, monsieur, c'est une réforme qui est axée sur la bonification de la première ligne des services de proximité et que l'articulation avec les cabinets privés des médecins, qui sont la porte d'entrée du système dans 70 % des cas au Québec, est essentielle. Si on ne la fait pas, cette articulation-là, si on ne se donne pas les outils pour la faire, elle n'aura pas lieu et on va être en grande difficulté. Et c'est ça qu'on veut faire au niveau des instances locales et des réseaux, c'est développer les services de proximité, et particulièrement la première ligne. Je pense qu'il y a mon collègue qui voudrait...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Le député de Vimont m'a fait part de sa motivation à vous poser une question.

M. Auclair: Merci beaucoup. Mme Gagnon, M. Roy, M. Tessier, bonjour. Rapidement, parce que... Il y a un premier point, M. Roy. Quand vous dites que le système est gratuit, dans votre propos d'introduction, on se comprend bien qu'il n'est pas gratuit. Vous voulez que ce soit accessiblement gratuit, mais, en bout de ligne, il y a quelqu'un qui paie. Donc, tout ça, là, il n'y a rien de gratuit dans cette réalité-là. Donc, pour moi, c'est important d'arriver à clarifier ça.

Quand on parle de... Vous avez fait beaucoup un débat ou amené des points au niveau des résidences privées. Je pense que c'est important, ce que vous soulevez, au niveau des résidences privées, comme commentaires. Il faut s'assurer que... Moi, je regarde, mes parents un jour peut-être peuvent se retrouver... ou vos parents, ou peu importe, les gens de la population vont se retrouver...

Une voix: ...

M. Auclair: Et voilà! Donc, on peut se retrouver dans des résidences privées ou publiques, peu importe, là. L'important... Parce que, moi, je ne me limiterai pas juste aux résidences privées, mais, dans l'ensemble du constat, on a eu des problèmes autant d'un côté que dans l'autre. L'objectif, ici, c'est de s'assurer que les personnes qui vont avoir ces services-là vont avoir un certain service, entre guillemets, de protection pour éviter des dépassements ou des abus de part et d'autre, peu importe, là. On parle de l'employeur, on a parlé des employés. Moi, je ne juge pas plus un employeur privé que le public, les syndicats. C'est l'employé qui pose le geste, hein, c'est une personne quelque part qui va poser un geste. L'intérêt qui le motive, c'est une autre histoire.

n(17 h 20)n

Moi, ce qui m'importe, c'est qu'on présente, dans le document de la loi, les certifications des résidences privées, certification quand même qui va permettre que, s'il y a des références par le système, ces personnes-là... ces résidences-là doivent avoir une certification, une reconnaissance. Donc, de plus en plus, si le... Moi, je crois à un système, que, veux veux pas, les gens... vous allez aller vérifier quel est l'état de la situation de votre parent. Peut-être que vos enfants vont voir à ce que vous ayez... à ce que votre état soit bien, de bonne qualité. Donc, il y a quand même un réseau aussi de s'assurer qu'il y a un élément de discussion et de présentation de ces problèmes-là. Il ne faut pas juste se limiter à dire que, bon, c'est privé, ça ne marchera pas. Il y a d'autre chose aussi, là. C'est le réseau au complet qui a un problème là-dessus. Je ne suis pas en désaccord avec vos points de vue, mais il faut trouver un moyen de s'assurer que ce soit facile aussi d'application et qu'on soit capable d'assurer toujours une personne, et, cette personne qui va bénéficier du service, c'est lui qu'on vise là-dedans, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Roy.

M. Roy (René): Bon. En tout cas, je trouve un peu facile votre phrase sur le mot «gratuit», là. Je pense qu'il faut prendre le mot «gratuit» dans le sens d'accessible à tous. C'est dans ce sens-là qu'on parlait du mot «gratuit». Alors, je ne veux pas m'étendre. Je suis surpris un peu de votre question sur le mot «gratuit».

Mais je pourrais m'étendre un peu en vous disant que, oui, on est bien au courant que ce n'est pas gratuit, le gouvernement, puis surtout qu'on sait que les impôts puis les taxes, ils viennent de la classe privée puis ils ne viennent plus des employeurs. On l'a dit souvent ici, en commission parlementaire. Alors, si le système... il n'est sûrement pas, dans ce sens-là, gratuit, mais il est accessible à tous, et on n'a pas besoin de payer aux services... Alors, pour l'autre question, lequel qui veut...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Tessier.

M. Tessier (Alain): Sur la question de la certification, je vous dirai qu'on accueille favorablement les dispositions qui viennent encadrer un petit peu le processus de la certification. Mais, ceci étant dit, là où à notre avis il y aurait un effort à faire, c'est sur le processus de contrôle suite à cette certification-là. Pour utiliser une analogie, mon permis de conduire, je l'ai eu, mais il y a quand même des règles une fois que je l'ai, mon permis de conduire, et, si je ne respecte pas ces règles-là, bien il y a des conséquences.

Nous, on pense qu'il faudrait aller un peu plus loin, quant au processus de vérification ou d'enquête, concrètement, sur le terrain, dans le quotidien, là, pas juste quand quelqu'un tire sur la sonnette d'alarme, comme on l'a vu récemment. Ce qu'on a vu récemment, c'est déplorable. On est convaincus que ? sans vouloir être alarmistes ? c'est peut-être juste la pointe de l'iceberg, là. Il y a sans aucun doute d'autres établissements qui quant à nous mériteraient l'attention des décideurs du réseau, là. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il y aurait lieu sûrement d'améliorer cet aspect-là, là, du projet de loi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Mme Gagnon, très brièvement parce que franchement, là, on déborde le temps. Allez-y brièvement.

Mme Gagnon (Astrid): On a déjà eu un service de contrôle de la qualité au Québec; il a disparu, à un moment donné, du décor. C'est important que, dans le privé, surtout dans le privé, où les gens... Bon, des clientèles, là, en résidence, les gens vieillissent, puis deviennent des clientèles captives, puis ils n'osent pas trop être désagréables avec le propriétaire, puis la famille non plus. Si vous n'avez pas encore eu un parent dans ces résidences-là, le jour où ça vous arrivera, vous allez comprendre.

Et, juste sur la petite phrase de la gratuité, moi, je suis tellement contente d'entendre ça. C'est vrai qu'il n'est pas gratuit, le système de santé, on le paie. Et, si la population comprenait qu'elle paie pour son système de santé, puis que, quand on le privatise, le système de santé, que c'est encore elle qui paie, puis que c'est toujours elle qui paie, puis qu'elle devrait choisir qu'est-ce qu'elle veut payer au bout de ligne... Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Roy, M. Tessier, Mme Legault, bienvenue de la part de l'opposition officielle. Alors, on est à la fin d'une journée de consultation, et je note que nous avons reçu une majorité, si vous voulez, de mémoires provenant du milieu syndical. C'est la première fois depuis le début des travaux que ce n'est pas télédiffusé. Auparavant, la semaine dernière, nous étions dans une commission où tous les travaux étaient télédiffusés. En fait, je ne l'ai même pas noté moi-même au début, ce matin, mais ce sont des concitoyens qui, voulant continuer à suivre les travaux de la commission parlementaire, s'inquiétaient du fait qu'ils ne puissent pas assister à vos présentations. Alors, je suis obligée de noter que c'est au moment où essentiellement ce sont des présentations syndicales, CSN, FTQ, FIIQ, qui sont faites devant la commission, c'est au même moment où nos travaux ne sont pas télédiffusés. Première remarque.

Concernant un aspect que vous jugez positif, je crois que j'y souscris aussi, c'est ce plan d'action triennal pour la planification de la main-d'oeuvre et le développement du personnel. Et je me disais que c'était pas mal mieux que d'être obligé d'embaucher des firmes de consultants lorsque ce n'est pas fait d'une manière, si vous voulez, régulière. Ça me faisait penser au rapport SECOR qui prônait un moratoire sur l'inscription des étudiants et étudiantes en sciences infirmières, considérant qu'il y avait un surplus. Vous savez ça, hein? Alors, j'ai toujours le rapport, moi, je le garde précieusement.

Alors, sur la question des immobilisations, là, vous avez attiré notre attention sur le libellé. Le ministre s'est expliqué en disant: Il faut, lorsqu'il y a des situations d'urgence, qu'on puisse procéder. Tout ça a l'air raisonnable, là, évidemment. La difficulté est cependant que, pour la première fois depuis très longtemps, il n'y a plus de plan triennal d'immobilisations dans le secteur de la santé et des services sociaux. Vous savez que, depuis le 31 mars 2004 ? ça va faire un an bientôt ? il n'y a plus eu aucune annonce d'un plan triennal d'immobilisations dans le secteur de la santé. Le ministre, il n'a dégagé, l'été dernier, rien, quasi, 35 millions, quand on sait que, toutes les années précédentes depuis une décennie, c'était 189 millions juste pour entretenir le réseau. Je ne vous parle pas des constructions nouvelles. Mais il a dégagé 35 millions. Vous vous rendez compte, ça fait 20 % de ce qui se faisait auparavant, et ça, c'était pour donner suite aux urgences qui avaient été démontrées dans les rapports des groupes, là, qui se présentaient à l'improviste dans les établissements.

Alors, pas de plan triennal d'immobilisations ni en éducation, m'a-t-on dit, mais ni en santé et services sociaux. Je ne sais pas si c'est parce que les PPP vont finir par profiter de la manne du gouvernement, mais entre-temps c'est... mettons que c'est dangereux, dangereux de laisser l'état de nos équipements, de nos installations sans qu'il y ait une volonté de les entretenir régulièrement.

Vous avez attiré notre attention sur un aspect dont personne n'avait encore parlé ? c'est à la page 12 de votre mémoire ? sur l'expression qu'on retrouve en matière de vérification dans les résidences de personnes âgées, d'«un milieu de vie acceptable». Et, vous, M. Roy, vous avez dit: «Acceptable», ça peut vouloir dire «médiocre». J'ai regardé dans le dictionnaire, il y a pas mal de définitions, mais ça peut vouloir dire «passable». Alors, il y aurait intérêt, je pense, à prendre en note, là, que le mot «acceptable» est trop à rabais pour ce qu'on souhaite pour les personnes âgées du Québec. Merci en tout cas d'avoir signalé cet aspect-là.

J'aimerais vous entendre sur votre affirmation à la page 5 du mémoire. Vous dites... vous mettez en question en fait les effets bénéfiques des réformes de structures engagées suite à l'adoption de la loi n° 25. Je dois vous dire qu'ici, de l'autre côté, d'où je suis, règne cette certitude que la voie est la bonne, c'est-à-dire que la loi n° 25 va produire tous ses effets. Ça fait déjà maintenant un an et quelques mois qu'elle a été adoptée sous bâillon, et puis 83, qui est en discussion présentement, vient renforcer les bons effets. Vous, vous nous dites: Au moment de l'adoption de la 25, nous ne croyions pas que le nouveau mode d'organisation permettait «d'offrir plus de services, ni de raccourcir les délais d'attente dans les urgences, ni d'accroître les ressources de maintien à domicile, [ni d'accroître] le nombre de lits pour les personnes âgées incapables de rester chez elles, ni d'augmenter les ressources pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, ni d'améliorer l'accès aux services sociaux, pas plus qu'il ne permettait de régler le problème de pénurie de main-d'oeuvre», etc. Alors, je comprends que vous n'avez pas changé d'opinion depuis la discussion en commission sur la réforme de structures.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Tessier, est-ce que vous êtes prêt à répondre à cette question? Mme Gagnon? Oui, très certainement.

n(17 h 30)n

Mme Gagnon (Astrid): Juste avant de répondre à votre question, je voudrais juste faire remarquer que là où on parle de milieu de vie acceptable, plus loin dans le texte de loi, on parle de services sécuritaires de qualité. À mon avis, si on enlevait «milieu de vie acceptable», qu'on mettait carrément «services sécuritaires de qualité», on serait dans le mille. Si on peut arriver à ça, là, ça va être bon.

Non, on n'a pas changé d'idée concernant nos gros doutes sur les conséquences de la loi n° 25 en ce qui regarde l'amélioration de la qualité des services. Et je pense que tout le monde sait actuellement à quoi sont occupés actuellement les établissements de santé. Ils sont occupés encore dans une réforme de structures. Et malheureusement les gouvernements passent puis on passe d'une affaire à l'autre, il n'y a pas de continuité dans le travail. Et là on est dans une réforme de structures, on sait très bien que cette réforme-là a donné place à l'application de la loi n° 30 au sein de nos organisations syndicales. Alors, en même temps qu'on se préoccupe des conditions de travail de nos membres, il faut se préoccuper des chambardements dans les structures puis les établissements aussi. Alors, on ne peut pas... Si jamais il y avait des effets bénéfiques à cette transformation, je dirais, extrême, on n'a pas commencé à les voir. Et la pilule est d'autant plus difficile à avaler qu'il n'y aura rien non plus pour la population là-dedans.

M. Roy (René): Mais c'est important pour nous de le rappeler. Vous l'avez rappelé, on le rappelle, je pense que le ministre a vu notre mémoire là-dessus, ce point-là est vraiment le point majeur de notre mémoire. Et on a beau faire des réformes de réorganisation des structures, il reste que les problèmes en santé sont encore là. Alors, c'est ça qu'on tenait à souligner. On l'a souligné en 2003, puis on tenait à le souligner en commençant notre mémoire là-dessus.

Mme Harel: Est-ce que la fameuse décentralisation, avec les... bon nombre d'éléments de négociations locales, là, est-ce que c'est en voie de commencer? Où est-ce que c'en est?

Des voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Un instant, s'il vous plaît. Un à la fois. M. Roy, peut-être.

M. Roy (René): Je peux les laisser parler, ils sont là-dedans à la journée longue. Alors, allez-y.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): C'est tout simplement pour le bien-être de nos transcripteurs ou transcriptrices.

M. Roy (René): Alors, c'est moi qui est chef de délégation, je vais demander à quelqu'un de répondre. À M. Tessier.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien, merci.

M. Tessier (Alain): À l'heure actuelle, on est encore à tenter d'interpréter les dispositions de la loi n° 30 quant au partage, là, des matières négociables sectorielles par rapport à locales. Et je pense qu'on peut d'ores et déjà présumer que ce sont les tribunaux qui devront en disposer, pour répondre bien brièvement, là, à la question. Alors, évidemment, il y a des énergies qui devront être investies de part et d'autre sur cette question-là.

M. Roy (René): Bien, il y en a beaucoup déjà. Il y en a qui sont investies actuellement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous êtes toujours là?

Mme Harel: Avez-vous eu l'occasion d'en parler avec M. le ministre?

M. Tessier (Alain): De cette question-là? Bien, on a parlé à ses représentants, là, entre autres M. Charland et M. Larouche, qui sont au fait de la situation.

Mme Harel: Alors, je comprends que la table centrale n'est pas encore réunie.

M. Tessier (Alain): Non.

Mme Harel: Et tout ça est rétroactif à juin 2003?

M. Tessier (Alain): Exact.

Mme Harel: Y a-t-il d'autres questions?

M. Tessier (Alain): Alors, moi, j'en ai une pour mon bénéfice personnel, bien candide.

Mme Harel: Oui, oui.

M. Tessier (Alain): Pourquoi ce n'est pas télédiffusé?

Mme Harel: Pourquoi...

M. Tessier (Alain): Ce n'est pas télédiffusé?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Parce qu'il n'y a pas de caméra, monsieur, dans la salle.

M. Tessier (Alain): Il n'y en avait pas de disponible?

Mme Harel: Puis on n'est pas dans la salle de commission...

M. Tessier (Alain): Ah, O.K.

Mme Harel: Oui, oui. On n'est pas dans la salle de commission où il y a télédiffusion.

M. Tessier (Alain): D'accord. O.K.

Mme Harel: On était là la semaine passée, à toutes les séances de notre commission, puis aujourd'hui on nous a déplacés ici.

M. Tessier (Alain): Je comprends que l'autre salle n'était pas disponible.

Mme Harel: Puis je ne vois pas de lien... Pourquoi c'est au moment où c'est la journée des centrales?

Des voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): S'il vous plaît! On ne permettra pas les discussions autour de la table à micro fermé. Oui, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Astrid): Alors, moi, j'aimerais revenir à une des questions qu'on a posées au départ sur la question du principe du consentement. Alors, M. le ministre, vous nous avez dit que... Bon, ce que je comprends dans votre remarque, c'est qu'il y a eu beaucoup de commentaires sur cette question-là, depuis que vous avez commencé à consulter, et vous avez dit que vous prévoyiez faire des changements dans ce projet de loi là. On peut-u avoir une idée de la nature des changements puis de l'étendue avec laquelle le respect, là, de la confidentialité va être assuré?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bien. Alors, je comprends que...

Mme Harel: Consentement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. M. le ministre.

M. Couillard: Bon. D'abord, le respect de la confidentialité est déjà assuré, mais on va le bonifier, selon les remarques de plusieurs personnes, avec la question du consentement lors des plans de services individualisés. Parce que c'est cette question finalement qui fait difficulté, c'est la transmission de l'information non pas dans l'établissement, mais entre l'établissement et ses partenaires. Je vous indique en passant qu'il n'y a aucune information qui est accessible aux partenaires; c'est l'information que l'établissement ou le professionnel ? l'infirmière, le médecin ou le travailleur social envoie aux partenaires. C'est important comme distinction.

Et ce qu'on va probablement ajouter, suite aux représentations de la Commission d'accès à l'information et du Barreau, c'est que, plutôt que de dire, comme c'était notre position jusqu'à maintenant, que le consentement à un plan de services individualisé incluait implicitement le consentement à la transmission de l'information pertinente, on va rendre ce consentement explicite lors du consentement au plan de l'organisation de services, qu'en même que ce plan soit expliqué à la personne on lui dise: Bien, voici, ce plan comporte également la transmission de telle ou telle information à telle personne ou tel partenaire, dans le but de rendre ces services-là plus faciles, par exemple, si c'est des soins à domicile, bien, le nom, l'adresse, la présence ou non de limitations physiques, ce genre de renseignements-là. Et la détermination du type de renseignements bien sûr va être communiquée à la personne, mais elle est sous la responsabilité du professionnel qui la fait, selon son code de déontologie et selon le critère de nécessité, comme c'est le cas actuellement.

Alors, c'est probablement le resserrement qu'on va apporter. Et, lorsque ça a été soumis à plusieurs intervenants, dont la Commission d'accès, le Barreau et d'autres personnes, ça a semblé assez encourageant de leur part, comme perspective, et on verra comment on peut le rendre plus incarné ou le plus réel possible dans les modifications qu'on va apporter au projet de loi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, une dernière question de la part de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire, surtout aux pages 11 et suivantes, là, qui portent sur la diminution de la participation citoyenne, ça m'a rappelé que la réforme du ministre Marc-Yvan Côté, en 1990, s'intitulait Une réforme axée sur le citoyen et qu'on pourrait maintenant parler d'une réforme qui exclut le citoyen. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, ceci met fin à nos travaux. Je remercie les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. M. Roy, merci, M. Tessier, merci, Mme Gagnon, merci beaucoup. Alors, bon retour à la maison.

Nous ajournons les travaux de la commission à mardi, le 22 février, dans la salle Louis-Joseph-Papineau, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 38)

 


Document(s) associé(s) à la séance