(Dix heures)
Le Président (M. Copeman): Alors, bon matin, tout le monde. Je vous rappelle que nous sommes réunis ce matin, selon un ordre de la Chambre, dans le cadre d'une interpellation de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve au ministre de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant: La politique du médicament et les relations entre médecins et pharmaciens.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue) va être remplacé par Mme Gaudet (Maskinongé); M. Bouchard (Vachon), par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); M. Valois (Joliette), par M. Jutras (Drummond). Voilà.
Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite dans la salle et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Je vous rappelle les règles pour la séance d'interpellation qui sont les suivantes: la séance dure deux heures de temps, maximum; le député qui a donné l'avis de l'interpellation, c'est-à-dire Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, intervient la première pendant 10 minutes; le ministre interpellé, c'est-à-dire le ministre de la Santé et des Services sociaux, intervient ensuite pendant 10 minutes; il y a ensuite alternance dans les interventions, soit un député du groupe de l'opposition, le ministre, un député du groupe formant le gouvernement, pendant des périodes de cinq minutes, et ça, en alternance jusqu'à 20 minutes avant la fin de l'interpellation. Peu importe si on a complété une alternance complète, 20 minutes avant ? on a commencé à l'heure ? c'est-à-dire à 11 h 40, j'accorderai un dernier temps de parole de 10 minutes en premier au ministre, suivi d'un temps de parole maximal de 10 minutes à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour son droit de réplique.
Alors, si tout le monde est prêt, je reconnais Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Exposé du sujet
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, c'est le monde à l'envers. Ce matin, les journaux nous apprennent que le ministre de la Santé et des Services sociaux a mandaté quatre experts pour enquêter sur la Corporation urgences-santé de Montréal qui ont fait certifier, pour un montant total de 36 000 $, 18 superambulanciers qui avaient suivi une formation de base en soins préhospitaliers avancés durant les trois dernières années. Je dis que c'est le monde à l'envers. Alors que le ministre fait enquêter sur ce que l'opinion publique considère comme étant nécessaire, ces soins préhospitaliers, il refuse systématiquement de mandater la Régie de l'assurance maladie du Québec de faire enquête sur les relations commerciales troubles entre certains médecins et des sociétés et des bannières pharmaceutiques.
M. le Président, ce matin, l'interpellation a été demandée par l'opposition suite aux déclarations ambiguës du ministre. Et je dois vous dire que ce sont ces déclarations qui ont déclenché la nécessité de cette interpellation, de même que les modifications qui sont publiées dans la Gazette officielle, modifications des projets de règlement modifiant soit le Code de déontologie des pharmaciens ou encore projet de règlement permettant l'incorporation, en compagnie, des médecins.
D'abord, M. le Président, le ministre fait fausse route autant dans son refus de reconnaître les paramédics qu'il fait fausse route et bande à part de la même façon, en regard de son aveuglement à traiter les relations commerciales entre professionnels de la santé sous l'angle des lois du marché, de la libre concurrence. C'est finalement l'orientation qu'il a choisie de prendre. Quelques extraits seulement et très rapidement des déclarations que le ministre a faites à ce sujet ici même, au salon bleu, en réponse aux questions que je lui posais. Encore le 9, cette semaine, le 9 novembre, il disait ceci: «Il faut différencier des négociations normales, dans le cadre d'une économie de marché libre, entre deux personnes qui veulent s'entendre sur un loyer.» Il confirmait le tout dès le 19 octobre dernier, lors de la période de questions, la première période de questions, et il établissait sa politique et ses orientations en disant ceci: «Il s'agit d'une offre de loyer qui varie d'un endroit à l'autre, et les médecins choisissent de s'installer à l'endroit qui est pour eux le plus avantageux.» Et il le répétait à nouveau le 3 novembre dernier: «Ce qui est en cause, ce sont des offres de loyer qui varient d'un endroit à l'autre et qui ont pour but de permettre aux médecins d'installer leurs pratiques dans un endroit ou dans un autre, dans une situation de choix que le médecin fait.» Donc, c'est ici, on le comprend, la libre concurrence, le libre marché, les lois de la concurrence commerciale entre professionnels de la santé. C'est le choix qu'a fait le ministre.
M. le Président, c'est un choix qui est unique en Amérique du Nord. Et, quand je dis qu'il fait bande à part, je veux vous soumettre que l'ensemble des réglementations, que ce soit aux États-Unis, que ce soit au Canada ou en Europe, sont exactement à l'effet contraire, c'est-à-dire celles d'exiger qu'entre professionnels de la santé il n'y ait aucun autre avantage ou gratification et que les loyers payés soient ceux du marché. Je voudrais inviter le ministre à prendre connaissance de la loi qu'on appelle, aux États-Unis, «anti-kick-back laws». Vous savez, Google, là, c'est à la portée de tous, y compris du cabinet du ministre, alors ils pourront y retrouver l'ensemble des dispositions dont je parle ce matin. Mais je sais qu'il doit, comme l'ensemble de ses collègues de la médecine, en fait s'intéresser beaucoup à ce que publie le journal de la médecine de la Nouvelle-Angleterre, the New England Journal of Medicine, alors il pourra y retrouver un article ? le 28 octobre, il y a quelques jours seulement ? sur ces questions de conflit d'intérêts. Et je rappelle donc qu'aux États-Unis the Office of the Inspector General of the Department of Health and Human Services considère qu'il est interdit, entre médecins et pharmaciens, d'établir des locaux commerciaux, sauf s'il s'agit du prix du marché.
Alors, «fair market value», c'est ce qui revient constamment. Il y a des milliers et des milliers de pages que l'on peut retrouver sur cette question. Elles sont très importantes parce qu'autant la proximité entre une clinique de médecins et une pharmacie peut être utile pour la population ? c'est une question certainement qui leur rend la vie plus facile ? mais autant les pouvoirs publics ont la responsabilité de s'assurer qu'il n'y a aucun lien de subordination qui a comme conséquence d'établir pour l'ensemble de la population, qui a comme conséquence d'établir apparence de conflit d'intérêts ou conflit d'intérêts.
Alors, ça a amené toutes les législations, je vous parle des États-Unis où finalement il y a cette imposition, si vous voulez, du «fair market value» dans la location des baux, mais j'aimerais également citer l'ensemble des provinces canadiennes. Alors, je veux rappeler au ministre qu'autant en Colombie-Britannique le Collège des médecins énonce, dans sa politique, des situations potentielles de conflit d'intérêts et notamment interdit les locations de baux s'il ne s'agit pas du prix du marché. Cela vaut pour la Nouvelle-Écosse, qui reprend les mêmes exemples. Cela vaut pour le Manitoba où le Collège des médecins donne des exemples pouvant prêter à des situations de conflit d'intérêts en regard des conditions de location des lieux de pratique où, là encore, on y oblige les baux de location au prix du marché, et non pas comme le ministre l'a endossé ici même, à l'Assemblée, non pas selon des baux de faveur où en fait il y a gratuité. C'est la même chose en Ontario où finalement on y décrit les situations de conflit d'intérêts pour la location des lieux et où encore on rappelle l'interdiction de signer des baux qui ne sont pas conformes aux loyers du marché.
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(10 h 10)
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Et j'aimerais également, M. le Président, vous rappeler que les pays européens ont les mêmes dispositions. Par exemple, en France, le code de déontologie des médecins est très explicite concernant les situations de conflit d'intérêts et font l'objet... en fait, ce code fait l'objet de plusieurs articles. On y interdit ce qu'on appelle le compérage, c'est-à-dire que: Comptez sur moi comme je compte sur vous. Ils appellent ça la coalition d'intérêts. Mais on y interdit toute ristourne en argent ou en nature, y compris évidemment, bien évidemment, des baux gratuits ou encore à rabais.
Alors, on voit, M. le Président... je voudrais inviter le ministre à se ressaisir sur cette question, d'autant plus que son affirmation qu'il fallait laisser le libre marché prévaloir dans les relations commerciales entre médecins et pharmaciens est extrêmement inquiétante. Pourquoi l'est-elle, M. le Président? Parce qu'il faut comprendre qu'autant aux États-Unis qu'au Canada, qu'en Europe ? et on retrouve toutes ces notions bien expliquées dans the New England Journal of Medicine? on rappelle la nécessité non pas d'attendre des plaintes des patients, mais la nécessité de mettre les professionnels de la santé à l'abri de toute pression indue. Voyez, M. le Président, quand le ministre nous a dit ici, en cette Assemblée: Démontrez-moi qu'il y a un problème, parce que de toute évidence, encore hier, le président de l'Association des propriétaires pharmaciens du Québec prétendait que c'était un fait courant, comme d'ailleurs l'a prétendu la collègue du ministre, l'actuelle ministre déléguée aux Transports, c'est pratique courante.
Alors, en fait, plutôt que de jouer à l'autruche en disant: On va convenir qu'il y a nécessité d'enquêter... Comme il l'a fait à l'égard des cadeaux des compagnies fabriquant des médicaments, ils n'ont pas attendu des plaintes. Il n'y avait aucune plainte qui avait été transmise, et pourtant la Régie de l'assurance maladie du Québec poursuit actuellement des compagnies de fabrication de médicaments.
Alors, M. le Président, j'aurai certainement l'occasion de démontrer à quel point il est nécessaire que le ministre se ressaisisse et fasse examiner par la Régie d'assurance maladie du Québec l'impact du profil pharmacologique, puisque nous avons le record du nombre d'ordonnances, de prescriptions de médicaments au Québec.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
Réponse du ministre
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. Je dois dire que je viens de comprendre. Et c'est un moment important pour moi. Je me suis demandé comment ça se fait que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, parlementaire expérimentée, respectée, membre du Conseil des ministres, ancienne présidente de l'Assemblée nationale, pose des questions aussi superficielles, aussi superficiellement informées sur, par exemple, l'inscription des médicaments, les technologies ou récemment la question de la transmission dans la communauté du Clostridium difficile, et encore plus avec les questions d'Urgences-santé sur lesquelles je vais devoir prendre quelques secondes pour revenir. Mais j'ai compris: la méthode de recherche, c'est Google. Alors, à ce moment-là, on peut comprendre très bien que, ce niveau de recherche donnant lieu aux questions, les questions ne peuvent pas être autrement que superficielles.
Alors, sur Urgences-santé, je vais faire quelques éclaircissements parce que c'est également une pratique fréquente de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve de faire des prémisses inexactes qu'on avalise par notre silence pour par la suite passer à un autre sujet. Alors, premièrement, c'est inexact de dire qu'Urgences-santé a fait certifier pour la pleine certification des ambulanciers. Le projet qui était subventionné et autorisé depuis le début, c'est celui que son collègue d'ailleurs le député de Rousseau, alors qu'il occupait mon poste, avait autorisé pour cinq protocoles particuliers. Ce qui est arrivé, c'est que, sans autorisation, apparemment sans autorisation même du conseil d'administration et du P.D.G. d'Urgences-santé, le projet a été modifié pour le fait de compléter cette certification et a été interrompu alors qu'on était à la veille de terminer le processus pour que les ambulanciers puissent faire des protocoles sur le terrain. Et, si c'est acceptable pour la députée d'Hochelaga-Maisonneuve que, dans le réseau de la santé, on prenne des décisions unilatérales, non autorisées, non encadrées et qu'on les présente comme un fait accompli ou une facture au gouvernement du Québec, pour moi ce ne l'est pas. Et il ne faut certainement pas avaliser ce genre de pratique.
Ce qu'il faut également faire ? et c'est la raison pour laquelle les intervenants en question ont été envoyés à Urgences-santé et également pour étudier l'ensemble de la question ? c'est, au lieu de statuer sur une impression, style: Comme ça se fait ailleurs, ça doit être bon, on va faire pareil, statuer sur la valeur réelle, scientifiquement démontrée de ce type de pratique. Je vois ? et c'est intéressant de le savoir ? que la députée est une lectrice du New England Journal of Medecine. Je vous le suggère. Et je vous signale qu'il y a de nombreuses références récentes sur le sujet dans cette même publication qui d'ailleurs mettent en doute certaines innocuités sur le plan même de la sécurité des patients ou sur le plan de l'efficacité en termes de survie. Et on a donc besoin d'un regard objectif renouvelé. Le rapport Dicaire avait déjà très bien édicté le fait, en 2000, 2001, qu'il y avait là-dedans une littérature contradictoire et controversée. Mais on a l'esprit ouvert, alors on demande au président de l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé d'aller nous éclairer là-dessus. Et, comme il y a une question de code déontologique encore une fois des médecins, on demande également que le Collège des médecins se joigne à ce travail. Mais on reviendra certainement là-dessus parce qu'ici il y a des principes fondamentaux qui sont en jeu d'abord dans le principe de la démonstration rigoureuse, rationnelle et scientifique du bien-fondé des modes d'intervention en santé, ensuite le principe de la saine administration publique dans un réseau qui est soumis à de fortes pressions. Et on ne peut pas et on ne laissera pas se développer de façon anarchique.
Passons maintenant à l'autre sujet qui a été abordé par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve sur la question des relations commerciales. Mon collègue le ministre de la Justice, responsable des ordres professionnels, a bien indiqué, l'autre jour, qu'il a demandé à l'Office des professions de jeter un regard complet sur la question qui inclut, d'une part, l'ensemble des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens et, d'autre part, un travail comparatif entre ce qui existe au Québec et dans les autres juridictions, exactement ce que vient de mentionner Mme la députée en citant, par exemple, les extraits de textes qui existent soit dans d'autres provinces canadiennes, ou aux États-Unis, ou même en Europe. Et ce travail devra être fait par l'organisme qui est responsable de faire des recommandations sur les codes de déontologie des professions, c'est-à-dire l'Office des professions.
Il y a l'incorporation également qui est un autre sujet sur lequel, je suppose, on va pouvoir revenir ultérieurement. Mais mentionnons brièvement cette question du libre marché parce que je remarque qu'on a fait allusion à plusieurs reprises et avec justesse du fait que, dans d'autres juridictions, on demande le «fair market value» ou le libre marché pour déterminer le coût des loyers. Mais qu'est-ce que c'est qu'autre, le «fair market value», qu'un processus de négociation selon les loi du marché? Alors là, il y a une contradiction flagrante. Ce que je dis, c'est que le gens négocient entre eux des loyers et des conditions de location de locaux, et ça, c'est la règle du marché. Et ça s'exprime en anglais sous le nom de «fair market value». Et c'est un évaluateur indépendant, dans ce cas-ci un ordre professionnel, qui doit faire la détermination de ce qui constitue ou non une valeur de marché réaliste ou réelle, ou «fair market value», en anglais. Et d'ailleurs la pratique, comme on nous le rappelait récemment, de négociation de loyer entre les médecins et les pharmaciens date de plusieurs années, en passant, au moment où la députée était au gouvernement. Et, que je ne sache, jamais cette question n'a été soulevée auparavant. On peut s'inquiéter un peu du fait qu'elle le soit maintenant. Probablement pour d'autres raisons.
Maintenant, on parle du lien de subordination entre les médecins et les pharmaciens. Et c'est important de le faire parce que ce qu'il faut absolument vérifier ? et là-dessus la députée et moi, nous sommes totalement sur la même longueur d'onde ? c'est qu'il n'y ait en aucun cas d'entente entre le médecin et le pharmacien qui touche, par exemple, la fréquentation de l'édifice, du commerce, ou un volume de prescriptions attendu, ou tout ce genre de situation qui mettrait en cause un conflit d'intérêts très net. Et c'est forcément, et de façon très explicite, ce qui est indiqué dans les codes de déontologie des médecins et des pharmaciens, d'ailleurs.
Quant aux poursuites de la RAMQ, elles seront bien sûr utilisées en vertu de la loi existante, de la loi sur le régime d'assurance maladie, la Loi de l'assurance maladie qui est différente d'un code de déontologie des professionnels où effectivement on peut soit initier de la part de l'ordre professionnel, une vérification, une enquête selon un besoin si on soupçonne qu'il y a une pratique systémique. Et c'est ce que l'Office des professions va vérifier. Il faut se souvenir que l'Office des professions a pour mandat de vérifier que les ordres professionnels s'acquittent de leur mandat selon les responsabilités qui leur sont données. Alors, on veut que l'Office des professions fasse ça et s'assure que les ordres professionnels concernés... Et, si les deux ordres des pharmaciens et des médecins font bien leur travail, c'est une question différente.
Mais, sur cette question encore une fois de relations entre les médecins et les pharmaciens, il ne faut pas tout mélanger. C'est souvent, malheureusement, quelque chose qu'on fait un peu allègrement. Il y a plusieurs aspects différents. Il y a d'une part les relations entre l'industrie pharmaceutique et les professionnels de la santé, un sujet très important, que nous avons d'ailleurs l'intention d'aborder dans la politique du médicament qui sera prochainement déposée, et qui est d'ailleurs un des sujets de l'interpellation de ce matin. Je suppose qu'on y viendra plus tard au cours de la matinée.
Il y a donc d'une part les relations entre l'industrie et les professionnels de la santé. Il y a les relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens qui font l'objet actuellement d'un regard de l'Office des professions et des ordres professionnels concernés et il y a le processus d'incorporation qui, faut-il le rappeler, fait suite à une loi déposée et adoptée par l'ancien gouvernement, qui offrait à divers professionnels, dont les médecins et les pharmaciens, la capacité ou la possibilité de se constituer en corporations.
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(10 h 20)
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Et c'est actuellement ce qui est également l'objet de réflexion, compte tenu de certaines remarques et de certains signaux d'alarme, je dirais, qui ont été allumés récemment, dont celui que la députée elle-même, dans la dernière session du Parlement, je crois, lorsqu'elle avait recommandé qu'on s'assure de façon explicite que les compagnies pharmaceutiques ? ou je ne me souviens plus, je pense ? les compagnies pharmaceutiques ne puissent faire partie de ces sociétés. Et ceci a été formellement inclus. Et on va également faire toutes les modifications nécessaires afin que ce règlement, lorsqu'il sera adopté, soit hors de tout reproche quant aux conflits d'intérêts ou au potentiel même de perception de conflit d'intérêts entre les divers professionnels.
Alors ça, c'était une introduction qui faisait suite aux commentaires de la députée. Je ne sais pas par la suite quel sujet elle va vouloir aborder: si on va rester sur ce sujet des relations entres les professionnels, mais je doute qu'on puisse apporter un éclairage très différent de celui qu'on a fait jusqu'à maintenant, ou si on va alors aller sur l'autre sujet, qui m'apparaît extrêmement intéressant et riche d'informations pour la population qui nous écoute, c'est-à-dire la politique du médicament, politique qui, rappelons-le, aurait dû être déposée en 1997, lors de l'adoption sur le régime général d'assurance médicaments.
Or, force nous a été de constater, à notre arrivée au gouvernement qu'il n'y avait, nulle part, même aucune ébauche de politique du médicament et qu'il fallait donc s'y attarder au plus vite en raison de l'importance des médicaments dans le système de santé du Québec, de leurs effets sur les citoyens et également des coûts importants que les médicaments représentent maintenant dans notre système de santé. Donc, nous sommes actuellement dans les phases finales de préparation de cette politique que nous espérons déposer à l'Assemblée nationale. Et par la suite soumettre à la consultation de la population une politique qui va s'articuler sur les quatre axes suivants: d'abord l'accessibilité, la fixation équitable des prix, l'utilisation optimale et le maintien au Québec d'une industrie pharmaceutique dynamique, autant d'ailleurs une industrie d'innovation qu'une industrie générique, dans cet esprit d'équilibre qui a fort bien caractérisé tous les gouvernements successifs du Québec qui ont eu à réfléchir à cette question certes très épineuse.
Et je crois qu'on aura l'intention, au cours des prochaines minutes, je l'espère, qu'on aura l'intention au cours des prochaines minutes, de parler plus spécifiquement de la politique du médicament parce que c'est un sujet de la plus grande importance pour l'avenir de notre système de santé et également l'état de santé de notre population. Il n'y a qu'à voir ce qui arrive actuellement avec les retraits de médicaments du marché suite à des effets secondaires récemment découverts pour voir que la plus grande prudence s'impose en particulier dans... et l'évaluation des produits pharmaceutiques. Mais, pour peut-être compléter sur la question initiale ou le deuxième sujet qu'a abordé la députée, c'est-à-dire les relations entre les médecins et les pharmaciens, je répète que le mécanisme est en cours, le mécanisme qui doit être appliqué, c'est-à-dire l'Office des professions, les codes de déontologie. Ces deux organisations... des ordres professionnels, ces deux organisations vont donner leur opinion et par la suite le gouvernement verra à prendre les dispositions nécessaires. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.
Argumentation
M. Pierre Marsan
M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Je me permettrais, à ce moment-ci, de faire peut-être un état de situation sur l'évolution des coûts dans le régime public d'assurance médicaments mais également dans le réseau des établissements de santé et des services sociaux au Québec.
Eh bien, d'abord le régime public. Je pense que tout le monde prend connaissance et est sûrement d'accord que le médicament prend une importance grandissante comme moyen de traiter et même de prévenir la maladie, il fait donc partie intégrante du système de santé. Et, depuis la création du régime public d'assurance médicaments en janvier 1997, on observe une forte croissance du coût total des médicaments. Ainsi, de 1997-1998 à 2003-2004, le coût total des médicaments consommés à l'intérieur du régime public a augmenté de 14,6 %. En effet, en 1997-1998, le coût total des médicaments achetés à l'intérieur du...
Mme Harel: ...question de règlement. Je crois comprendre qu'il y a un problème dans l'ordre d'intervention.
Le Président (M. Copeman): Je ne crois pas, Mme la députée.
Mme Harel: J'aimerais que vous vérifiiez.
Le Président (M. Copeman): Effectivement, vous avez entièrement raison. C'est complètement une erreur de ma part. C'est des paroles inappropriément au député de Robert-Baldwin. Ça aurait dû revenir à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Un moment d'inattention de ma part. On va remettre les pendules à l'heure. Je m'en excuse, M. le député de Robert-Baldwin, pour ce bris de nos fonctionnements. Et évidemment je donne la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Écoutez, M. le Président, on ne vous en tiendra pas rigueur parce qu'on est sûr de votre bonne foi. Alors, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux a raillé la recherche que nous avons menée de ce côté de l'Assemblée nationale et qui pourtant démontre qu'il fait bande à part en Amérique, au Canada et en Europe à continuer à plaider en faveur de relations commerciales selon les lois du marché et de la libre concurrence entre professionnels de la santé. Moi, je préfère, M. le Président, faire des recherches qu'avoir ces certitudes. Aucun doute ne l'habite, hein? De toute évidence, là, il n'a que des certitudes. Il est le seul en Amérique du Nord à refuser les soins préhospitaliers avancés. Que cela ne tienne, il a raison. Il est le seul également à n'envisager les relations des professionnels de la santé que sous la disposition des lois du marché et de la libre concurrence. Il a raison.
Alors, M. le Président, il nous disait tantôt qu'il s'en tenait en fait au mécanisme en cours. Il a fait référence à son collègue le ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles. Il nous a dit qu'il y avait donc deux organisations, le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens, qui vont donner leur opinion sur ces questions, et qu'éventuellement il verrait... En fait, il semble leur donner un chèque en blanc. Alors, M. le Président, je comprends que bien, bien des médecins sur le terrain présentement qui se conforment strictement à leur code de déontologie passent pour des candides et des naïfs et en quelque sorte se demandent s'ils ne sont pas entraînés dans cette dérive de relations entre professionnels sous l'égide des lois du marché et des lois de la concurrence.
Alors, d'abord, le ministre a tort, M. le Président. Il doit vraiment, il devra rapidement s'informer certainement des lois américaines, puisque, d'une façon très claire, ces lois interdisent des baux de faveur. Et ces baux de faveur, ce n'est pas selon la valeur marchande, M. le Président, c'est selon la valeur «fair», c'est la juste valeur du marché. Alors, je voudrais d'abord le mettre aussi en garde de se fier aux ordres professionnels seulement, lui qui a la responsabilité générale de la santé du public, d'autant plus que plusieurs médecins, qui se considèrent à raison comme étant fiduciaires envers leurs patients, n'apprécient pas d'aucune façon le laisser-aller et le laxisme qui actuellement sévit dans le domaine des relations entre certains médecins et des bannières pharmaceutiques.
Voyez, par exemple, je voudrais vous donner un exemple concret qui m'a été transmis par des personnes qui ont personnellement vérifié tous ces faits. L'actuelle présidente du groupe de travail en éthique clinique du Collège des médecins, le Dr Courchesne, est en exercice dans un bâtiment où elle pratique qui oblige en fait à passer au beau milieu d'une pharmacie pour pouvoir rejoindre la porte donnant accès à la clinique médicale située au deuxième étage. C'est tellement vrai que les personnes qui m'ont personnellement rapporté ces faits ont vérifié auprès des employés de la pharmacie qui, à deux reprises, ont certifié qu'il fallait passer par la pharmacie pour s'y rendre. En fait, M. le Président, j'ai ici des photos. C'est une cloison en forme de L rétractable qui permet théoriquement d'isoler la pharmacie de l'étroite, très étroite voie d'accès, mais elle n'est jamais utilisée, cette cloison. Et encore ce matin, au moment où on se parle, il y a des personnes qui sont en place, qui sont sur place pour confirmer que cette cloison ne sera pas fermée parce que j'aborde la question.
Alors, le ministre a dit tantôt que la fréquentation d'un édifice était interdite. Ça a été répété souvent. Je lui demande de faire enquête. S'il est en désaccord avec ce que je dis depuis un mois, qu'il demande à la Régie d'assurance maladie du Québec de faire enquête. Qu'il exerce ses responsabilités à l'égard de la santé du public. Qu'il fasse enquête.
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(10 h 30)
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Le Président (M. Copeman): ...Mme la députée. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour 5 minutes.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, merci. Quant à la certitude, je vais citer un de mes auteurs préférés, Nietzsche, dans L'éloge de l'incertitude, qui dit: «Rien ne m'effraie plus que la certitude.» Et il a bien raison. Et c'est la raison pour laquelle les décisions que nous prenons sont appliquées et prises en raison de recommandations d'experts et notamment dans le domaine des technologies, des médicaments et également des soins préhospitaliers.
Il est inexact par ailleurs, M. le Président, de dire que nous nous opposons à la pratique de soins préhospitaliers avancés. Nous voulons cependant la développer. Nous étions sur la bonne voie avec le protocole qui avait été mis sur pied par le député de Rousseau et le gouvernement précédent. Et je souhaite, le plus tôt possible, qu'on revienne dans la bonne direction, qu'on reprenne ce protocole et qu'on l'étende même. Et, pour nous éclairer là-dessus, je répète qu'on va avoir l'opinion de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé qui fera une revue complète de la littérature scientifique, revue, rappelons-le, qui a été faite par le rapport Dicaire à l'époque qui n'avait pas... de constater et de conclure de façon nette quant à l'avantage démontré et objectif de cette pratique-là ou de tous les éléments de cette pratique-là quant à la qualité des soins, quant aux indices de mortalité et de morbidité dans différentes situations.
Maintenant, je reviens encore une fois. Et c'est une question intéressante que soulève la députée quant à la question de la loi du marché. Qu'est-ce que le «fair market value»? C'est une question qui est compliquée. Vous comprendrez bien sûr que, si un législateur écrit ce terme-là dans un texte, c'est qu'il veut laisser là une latitude d'interprétation très vaste. Qu'est-ce que c'est le «fair market value»? Est-ce que c'est les résultats d'un négociation librement consentie entre deux partenaires, compte tenu des circonstances et de l'environnement du marché? Je crois que c'est ça. À moins qu'on me démontre le contraire, je pense que c'est là l'essentiel.
Et elle disait: Le Collège des médecins qui n'apprécie pas la façon dont nous répondons aux questions qu'elle pose depuis quelques semaines. Bien, je dirais qu'il y a énormément de professionnels de la santé, médecins et pharmaciens qui nous signalent qu'ils n'apprécient pas non plus cet élément d'exagération et de surenchère qui entoure ce dossier-là où on mêle allègrement la question des relations commerciales, des loyers et de l'incorporation des compagnies pharmaceutiques dans une joyeuse bouillabaisse qui, malheureusement, en a peut-être l'esthétique mais pas le goût, M. le Président.
Quant à la question de la fréquentation, ce qu'il faut s'assurer, c'est qu'il n'y a pas d'entente formelle qui garantit que le médecin va dire: Bien, tel patient, vous allez aller à la pharmacie puis vous allez remplir votre prescription là. Je m'excuse, M. le Président, mais là je me demande si on ne s'approche pas un peu du ridicule, là. Que quelqu'un ait à traverser une pharmacie pour aller à un bureau de médecin, là, j'ai de la difficulté à voir, là, ce qui est scandaleux là-dedans. Honnêtement, là, il va falloir qu'on me l'explique un peu mieux. Peut-être que je ne vois pas le problème, là, mais c'est quoi, le problème, exactement? Je ne comprends pas, là. Est-ce que, si on traverse une pharmacie pour aller à un bureau de médecin il y a un problème éthique là? Voyons donc! Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Ce qu'il faut s'assurer, c'est qu'il n'y a pas d'entente formelle qui lie le médecin et le patient en disant: Écoutez, vous allez faire remplir votre prescription à tel endroit, qu'il n'y a pas d'entente formelle non plus qui dit au médecin que... dans laquelle le médecin dit au pharmacien: Je te garantis que je vais faire remplir tant de dizaines ou tant de centaines de... pharmaciens par mois. Ça, c'est ce qui est important et c'est ce qu'il faut s'assurer qui n'existe pas du tout. Et c'est d'ailleurs la responsabilité des ordres professionnels. Non seulement des ordres professionnels, respectivement l'Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins, mais, par-dessus eux, comme organisme de supervision et de vérification, l'Office des professions qui doit s'assurer que les ordres professionnels remplissent leur mandat.
Et je rappelle le mandat qui est donné par mon collègue ministre de la Justice et responsable des professions à l'Office des professions, celui d'une part de vérifier que les relations commerciales actuelles... Et on va regarder tous les exemples qui pourront être soulignés. Et, lorsque la députée parle d'une enquête, bien toutes les situations, incluant la situation apparemment inquiétante du fait qu'on traverse une pharmacie pour se rendre à un bureau de médecin, ce genre de chose là va être évalué par l'Office des professions, et l'Ordre des pharmaciens, et le Collège des médecins. Ils verront à faire des recommandations là-dessus, et également la comparaison entre les diverses juridictions qui nous entourent et même celles qui sont plus lointaines.
Mais je reviens encore une fois sur la question du «fair market value», faute de mots français qui traduisent exactement ce que ça veut dire. La valeur de marché acceptable ou la valeur de marché correcte, pourrait-on dire ? c'est difficile de le traduire de façon directe ? mais qu'est-ce que ce terme, sinon que le résultat d'une négociation et de comparaisons dans les conditions du marché, quelque chose qui existe depuis des années, encore une fois? Et qu'on me cite une remarque du Parti québécois depuis 1970 sur cette question-là, alors qu'ils étaient au gouvernement, une action qui a visé à encadrer cette question-là alors qu'ils étaient en position de le faire. La raison, c'est que probablement qu'ils ont dû également être saisis de ces questions-là. Et ils ont dû également en venir aux mêmes conclusions que nous, c'est-à-dire qu'il s'agit formellement d'une question qui relève des ordres professionnels, des codes de déontologie respectifs et qui doit être appliquée avec la plus grande rigueur. Là-dessus, je pense que les deux côtés de la Chambre, on est d'accord là-dessus. Le public s'attend à la plus grande rigueur possible de la part des ordres professionnels, et on s'attend, nous, à ce que l'Office des professions également exerce son mandat de surveillance de leur action.
Le Président (M. Copeman): Merci. Je suis pas mal certain que la parole revient au député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux. Avec mes excuses, M. le député, pour l'interruption.
M. Pierre Marsan
M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Sans reprendre l'introduction que j'avais mentionnée, simplement rappeler que je voudrais faire une très courte présentation sur l'état de situation du régime public d'assurance médicaments de même que celui des établissements de santé du réseau.
Alors, j'avais mentionné qu'on avait noté une forte croissance du coût total des médicaments. De 1997-1998 jusqu'à 2003-2004, le coût total des médicaments consommés à l'intérieur du régime public augmentait en moyenne de 14,6 % par année. Et, depuis 1997-1998, le coût total des médicaments achetés à l'intérieur du régime public d'assurance médicaments était de 1 164 000 000 $. Mais, en 2002-2003, ce coût total est de 2 382 000 000 $. Au cours du dernier exercice financier complété, le coût total a atteint 2 635 000 000 $, l'augmentation donc a été de 10,6 %.
Comment peut-on expliquer des augmentations aussi importantes dans le régime d'assurance médicaments public? D'abord, la hausse du nombre d'ordonnances par participant. Bien, cette hausse du nombre d'ordonnances explique à 63 % la croissance globale. Une autre raison, c'est l'augmentation du nombre de participants qui compte pour 28 % de la croissance globale. Et enfin la majoration du coût par ordonnance: chacune des prescriptions représente une augmentation de 9 % de la croissance globale. Le coût total combiné, celui de l'État plus celui du citoyen, en 2003-2004, représente une somme de 820 $ par assuré du régime public. Le coût total combiné par assuré le plus élevé se situe au niveau des personnes âgées avec une moyenne de 1 668 $, comparativement à 934 $ pour les personnes de l'assistance-emploi et à 353 $ pour les adhérents. En plus de la contribution à l'achat, les adhérents adultes ainsi que les personnes âgées de 65 ans et plus qui ont un revenu suffisant doivent payer une prime annuelle. Pour l'exercice 2003-2004, le montant moyen de la prime correspond à 248 $ par adulte adhérent et à 291 $ par personne âgée de 65 ans et plus. On sait que la prime maximale se situe au niveau de 460 $. En général, si on tient compte du montant de la contribution à l'achat de même que celui de la prime, les personnes âgées de 65 ans ou plus contribuent à 40 % du financement de leurs dépenses en médicaments, et les prestataires de l'assistance-emploi contribuent à 3 %.
Rapidement. Dans les établissements de santé, il importe de s'y attarder aussi puisqu'il y a des frais quand même importants. Ainsi, de 2001-2002 à 2002-2003, le taux de croissance du coût des médicaments dans le réseau de la santé et des services sociaux se chiffrait à 12,1 %, alors que le coût des médicaments total atteint 384 millions. L'augmentation importante des coûts dans le réseau est un phénomène observé depuis quelques années. En fait, la croissance annuelle moyenne s'est établie à 11,4 % entre les années 1999-2000 et 2002-2003. Il est à noter que, malgré l'application, dans les établissements de santé, de mesures de contrôle de l'utilisation des médicaments par les médecins, les pharmaciens, le taux de croissance rejoint celui du régime public en 2002-2003.
En terminant, M. le Président. Pour les établissements, le ministre de la Santé a transmis, en juin 2003, aux régies régionales une lettre les informant d'un soutien financier de 50 millions qui équivalait à une indexation de 7,3 % du coût des médicaments, de 6 % du coût des fournitures médicales et chirurgicales, et ce, en sus de l'indexation générale accordée en 2003-2004 de 2,4 % pour les dépenses autres que les salaires. M. le Président, je voudrais rappeler que, sous le gouvernement précédent, jamais il n'y a eu d'indexation au niveau des médicaments, au niveau de ce qu'on appelle les coûts de système, et c'est cela qui a contribué à créer un déficit parmi les établissements de santé, déficit important. Et, paradoxalement, ce même gouvernement a créé une loi, une loi antidéficit, M. le Président. Alors, c'est un peu le monde à l'envers: on crée un déficit; après ça, on fait une loi pour empêcher d'avoir des déficits.
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(10 h 40)
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Je sais que le temps passe rapidement. Quant au régime public d'assurance médicaments, après avoir atteint un sommet de 24,4 % en 2000-2001, la croissance des coûts semble ralentir, au cours des deux dernières années, à environ 10 %. Elle demeure cependant préoccupante, sachant que les revenus de l'État croissent d'environ 3 % par année. C'est le poste budgétaire de la santé qui augmente le plus rapidement. Vous avez bien compris, M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Vous aussi, M. le député. M. le député de Drummond.
M. Normand Jutras
M. Jutras: Oui. Merci, M. le Président. Par l'interpellation de ce matin, nous demandons au ministre de la Santé, M. le Président, oui, une politique du médicament mais une enquête sur les relations entre médecins et pharmaciens. Et à mon avis cette enquête-là ne doit pas relever uniquement de l'Office des professions parce qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de respect de code de déontologie par des pharmaciens ou des médecins. C'est beaucoup plus large que ça. C'est une question de santé publique et c'est une question aussi qui concerne énormément la Régie d'assurance maladie du Québec dont le ministre est responsable.
Moi, M. le Président, pour justifier cette enquête-là, qui à mon avis s'impose et s'impose rapidement, je partirai tout simplement de la lettre de la députée de Laviolette qu'elle a envoyée à l'Ordre des pharmaciens puis qui a été déposée ici, en cette Chambre. À partir de cette seule lettre-là, à mon avis il y a déjà beaucoup d'arguments qui justifient, M. le Président, cette demande d'enquête. Et je suis convaincu que le ministre en a pris connaissance, de cette lettre-là. Et je lirai simplement ce qui est écrit. Je lis un paragraphe, le troisième paragraphe. Elle écrit, la députée de Laviolette, au président de l'Ordre des pharmaciens: «Pendant cette période, le bail nous liant aux médecins qui occupaient les bureaux de la clinique médicale attenante à la pharmacie a expiré, et nous n'avons pas requis de loyer temporairement à leur demande, sachant que le processus de vente qui venait de s'engager ne pouvait que connaître un dénouement rapide.» Alors donc, pas de loyer, et on veut un dénouement rapide d'une vente. Je reviendrai là-dessus. Je lis encore: «Cette décision a aussi été motivée par notre désir de nous assurer que les médecins continuent de pratiquer dans le village de Saint-Tite, puisque nous avions été avisés que des conditions semblables leur avaient été offertes dans une autre clinique, soit une coopérative de santé dans le village de Sainte-Thècle.» Alors donc, on parle ici de répartition de médecins. Il me semble que le ministre de la Santé devrait être sensible à ça. Un autre point: «À ma connaissance, il s'agit d'une pratique courante dans ce domaine.» Alors, il y a des arguments là-dessus, M. le Président, qui sont on ne peut plus probants. D'abord, on parle de loyers gratis offerts à des médecins par des pharmaciens. Et j'entends le ministre parler de règle de libre marché. Je lui rappellerai que nous sommes en matière d'ordres professionnels, entre autres, et, quand on parle d'ordres professionnels, on parle en premier de l'intérêt public, et non pas de règles du marché ou de «fair market value». Il faudrait qu'il se rappelle ça. C'est ça, le principe des ordres professionnels au Québec. Et je voudrais lui rappeler aussi l'article 3.05.01: «Le pharmacien doit subordonner son intérêt personnel à celui de son patient.» C'est le patient qui passe avant, c'est l'intérêt public qui passe avant, et non pas, M. le Président, le prix d'un loyer, parce qu'on parle d'ordres professionnels.
Alors, M. le Président, donc pas de loyer, on parle d'un dénouement rapide. Et on comprend qu'une pharmacie se vend pas mal mieux, n'est-ce pas, M. le Président, quand les locaux sont occupés par des pharmaciens plutôt que des locaux vides. Je pense qu'il y a un problème auquel le ministre devrait être sensible.
On parle de répartition des médecins. On sait à quel point le ministre de la Santé travaille sur la répartition des médecins à travers tout le territoire du Québec. Mais, si c'est contrecarré, M. le Président, par des règles comme celles-ci: si, par exemple, le ministre de la Santé, lui, offre des primes de l'ordre de 10 000 $, 15 000 $ ou 25 000 $ pour aller s'établir à telle place à des médecins puis par ailleurs qu'il y a des pharmaciens qui offrent eux autres: Tu as 25 000 $ qui t'est offert, bien, moi, je t'en offre 35 000 $, qu'est-ce que vous pensez que le médecin va faire, M. le Président? Alors, il faudrait que le ministre de la Santé soit sensible à des arguments comme ça.
Et la question de la pratique courante. Si c'est vrai, ce que dit la députée de Laviolette, que c'est une pratique courante, comment ça se fait que le ministre ne saute pas tout de suite sur cette question-là, d'autant plus qu'il nous a dit en Chambre: «Ce n'est pas une pratique courante»? Je ne sais pas qui a raison, je ne sais pas qui dit la vérité, mais, étant donné qu'elle était sur le terrain, peut-être qu'elle sait pas mal ce qui se passait.
Les règles du libre marché, j'en ai parlé, M. le Président. On parle de déontologie, on parle d'ordres professionnels, il ne faudrait pas que le ministre oublie ça. Puis le ministre nous dit aussi ? je l'ai entendu dire ça en cette Chambre: Il n'y a pas de plainte de patient. Comment voulez-vous qu'un patient se plaigne quand, par exemple, on lui prescrit des médicaments puis peut-être que ça n'aurait pas été nécessaire? Comment le patient peut-il savoir ça, lui, ou qu'on lui prescrit peut-être des médicaments à 75 $ alors qu'un autre médicament à 40 $ aurait pu faire l'affaire? Est-ce qu'il s'attend que quelqu'un va aller s'asseoir dans son bureau pour se plaindre de ça?
Le ministre invitait tantôt à la simplicité. Je l'inviterais lui aussi à plus de simplicité et ne pas oublier les arguments de gros bon sens qui ont toujours leur place, même à l'Assemblée nationale du Québec, puis peut-être qu'il comprendrait mieux certaines situations de terrain telles qu'elles sont exposées par la députée de Laviolette, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer le député de Drummond qui se joint à nos débats ce matin. C'est intéressant. Puis je pense que les points qu'il soulève sont certainement valides et font l'objet d'un débat important, effectivement.
Parlons d'abord de la répartition des médecins. Il y avait quand même des choses à ajuster dans le discours du député de Drummond. D'abord, je rappellerais très brièvement que la région dont il est question, la Mauricie, est une des régions les plus privées de médecins au Québec et que son gouvernement a mis à la retraite 85 médecins dans cette région, en passant.
Deuxièmement, que, dans la répartition et l'installation des médecins, ce qui prime, c'est le plan d'effectifs. Il ne faudrait pas quand même faire croire aux gens que les médecins vont se négocier des conditions à gauche, à droite dans la province. Ils suivent d'abord les plans d'effectifs, et c'est la première chose. Un médecin omnipraticien, pour s'installer à Saint-Tite, ou à Shawinigan, ou à Gaspé, ou à Montréal doit obtenir un certificat de conformité, un avis de conformité de son département régional de médecine générale et de son agence régionale et par la suite il voit à s'installer dans le secteur où il y a un besoin. Et ça, c'est très important, M. le Président, de continuer avec. Puis d'ailleurs je pense que le député de Drummond est d'accord avec cette idée de gérer très rigoureusement les plans d'effectifs et de s'assurer que les médecins du Québec offrent leurs services de façon équitable à l'ensemble de nos concitoyens.
Maintenant, on revient encore sur la question de la députée de Laviolette. Et je n'hésiterais pas à trouver que le mot d'acharnement est probablement bien choisi dans cette situation-là parce qu'essentiellement ce qu'on entend depuis deux ou trois semaines, ce sont les mêmes questions et les mêmes réponses. Alors, je me demande jusqu'à quel point on va pouvoir progresser dans ce dossier-là. D'autre part, il faut également laisser les ordres professionnels enquêter avec une paix relative, dans ce dossier-là, de façon à ce que toute leur objectivité puisse s'exercer.
Sur la question de la lettre de la députée de Laviolette, je me suis exprimé là-dessus. Puis je répète la même chose: la députée ? et c'est ce qu'a dit mon collègue le ministre de la Justice ? s'est exprimée, elle a donné sa version des faits et elle a soumis les faits à l'attention de son ordre professionnel. Donc, l'ordre professionnel verra à vérifier la question. Et, sur la plus large question des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens, je suis d'accord avec le député de Drummond, c'est une question qui éventuellement peut avoir certainement, directement ou indirectement, des effets sur la santé, sur les pratiques médicales. Mais ça déborde de la simple question qui est soulevée autour du cas de la députée Laviolette. C'est l'ensemble des relations entre l'industrie pharmaceutique et les professionnels de la santé. C'est le concept de l'utilisation optimale.
Ce qu'il mentionne, le médicament à 40 $ versus le médicament à 20 $, c'est fondamentalement le concept d'utilisation optimale des médicaments, qui est le meilleur médicament possible au bon moment, au bon patient, et, si possible, au meilleur coût possible pour le régime public.
Moi, là-dedans, j'ai encore une fois l'intention de suivre la recommandation que nous avons émise il y a quelques jours et que nous répétons sans arrêt parce que ce sont les mêmes questions qui reviennent sans arrêt. Donc, les mêmes réponses reviennent également sans arrêt. L'Ordre des pharmaciens, le Collège des médecins, l'Office des professions sont saisis de la question. L'Office des professions en particulier va se pencher sur toute la question des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens, va certainement dans son exercice ? et d'ailleurs nous lui demandons ? se livrer à un exercice comparatif entre ce qui existe au Québec et ce qui existe chez nos voisins. La question du «fair market value» va certainement faire l'objet de cette réflexion, et il pourra voir s'il y a lieu de la faire définir dans nos codes professionnels. Et il nous fera les recommandations ? d'abord l'Office des professions, les ordres professionnels concernés ? non seulement autour du cas spécifique de la députée de Laviolette qui fait l'objet des débats de l'Assemblée depuis quelques jours, mais sur la question plus large des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Maskinongé.
Mme Francine Gaudet
Mme Gaudet: Merci, M. le Président. Si vous permettez, M. le Président, nous allons revenir au sujet pour lequel on a été interpellés ce matin, soit la politique du médicament. Et, comme vous le savez, l'utilisation optimale, comme vient de le mentionner le député de Drummond, l'utilisation optimale des médicaments est l'un des quatre...
Le Président (M. Copeman): Sur une question de règlement, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. M. le Président, je voudrais que vous rappeliez à la députée que nous sommes réunis ce matin sur une interpellation qui porte à la fois sur la politique du médicament et la relation pharmaciens-médecins.
Le Président (M. Copeman): J'ai annoncé le sujet au début de la séance, Mme la députée. Je crois que tout le monde parle du sujet. Allez-y, Mme la députée.
n(10 h 50)nMme Gaudet: Alors, comme vous le savez, M. le Président, l'utilisation optimale des médicaments est l'un des quatre axes du projet de politique du médicament que le ministre de la Santé doit déposer d'ici la fin de l'automne. Même si ce thème est l'un des sujets principaux de la politique, le ministre n'a pas attendu sa publication pour s'intéresser à la question. En effet, à son initiative, un symposium sur l'utilisation optimale du médicament a été organisé en mai dernier, avec tous les intervenants concernés par cette problématique. Les participants étaient issus de tous les horizons. Les professionnels de la santé étaient représentés par des membres de la Fédération des infirmiers et des infirmières du Québec ainsi que toutes les associations de médecins, soit la Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes et la Fédération des médecins résidents. Les ordres professionnels ont eux aussi participé à l'événement. Il y avait des membres de l'Ordre des pharmaciens, l'Ordre des infirmières et du Collège des médecins. Les universités québécoises ont été largement représentées par des participants issus des facultés de médecine, de pharmacie et de sciences infirmières. Les gestionnaires du réseau, les organismes publics et les groupes concernés par la question de l'usage optimal ont envoyé leurs représentants. Étaient, entre autres, présents au symposium: des directeurs généraux et des directeurs des services professionnels d'établissement, des membres du Conseil des aînés, de l'Institut national de la santé publique du Québec, du Vérificateur général, de l'Office des personnes handicapées, de la Fondation des maladies du coeur, de la Société canadienne du cancer, du Regroupement des comités des usagers des centres hospitaliers et de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, ainsi que les syndicats CSN, FTQ et CSQ. Finalement, quelques députés du gouvernement et de l'opposition ainsi que des représentants de l'industrie ont aussi pris part à cet événement. C'est ainsi, M. le Président, que près de 300 personnes ont participé au symposium.
Le but du symposium était de réunir tous ces acteurs en lien avec l'usage optimal des médicaments pour que tous soient sensibilisés à l'ensemble de la problématique, qu'ils partagent et échangent des idées, et ce, afin de faciliter la recherche de solutions concrètes et favoriser leur mise en application dans les milieux respectifs de chacun.
Lors de ce symposium, plusieurs thèmes ont été abordés. Je vous rappelle certains de ces thèmes: les programmes de gestion thérapeutique, la responsabilité des usagers, les nouvelles technologies dans l'amélioration des soins, les stratégies pour améliorer l'utilisation optimale. La problématique a donc été analysée sous tous ses angles. Des conférenciers de haut niveau étaient également présents. Outre des conférenciers de très grande qualité en provenance du Québec, il est bon de souligner la présence, lors du symposium, de quatre conférenciers issus des grandes universités canadiennes ainsi que d'une professeure du School of Pharmacy de University of Queensland de Brisbane, en Australie. Cette dernière a fait une présentation remarquée sur le cas australien et sa fameuse politique du médicament.
Une campagne de sensibilisation sur l'usage optimal du médicament a été annoncée lors de cet événement. En plus de la campagne télévisée, une consultation sur le site Web a été menée à la suite du symposium, pour recueillir l'opinion de la population et des professionnels sur l'utilisation optimale du médicament. Toutes les pistes de réflexion soulevées lors du symposium alimentent actuellement les travaux d'écriture du projet de politique du médicament du ministère de la Santé et des Services sociaux. L'événement a été un succès, comme en témoignent la participation active des participants et le grand intérêt qui les a animés tout au long de l'événement. La compilation du questionnaire d'évaluation du symposium confirme cette perception. En effet, les participants ont jugé à 91 % que le symposium avait été satisfaisant ou excellent. 93 % des participants jugent avoir maintenant une meilleure compréhension des enjeux. De plus, les conférenciers ont été en général très appréciés. Le symposium a été sans doute le point de départ d'une conscientisation collective de la problématique. Les participants semblent avoir obtenu l'élan nécessaire pour s'impliquer davantage. Nous sommes confiants que nous pourrons bientôt mesurer au quotidien les effets positifs de l'implication de tous et chacun. La politique sera un autre outil qui nous permettra de continuer à consolider notre philosophie partagée sur l'utilisation optimale des médicaments. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. Alors, M. le député de Drummond.
M. Normand Jutras
M. Jutras: Oui. Alors, M. le Président, je voudrais revenir sur la question qu'a soulevée le ministre. Je n'aurais pas voulu aller sur ce terrain-là, mais c'est lui qui nous y entraîne. Je vais donc lui répondre. Quand il parle de l'acharnement de l'opposition dans le cas de l'affaire de la députée de Laviolette ? c'est lui qui a parlé de ça ? oui, il y a de l'acharnement, c'est vrai, mais il y a de l'acharnement pour quoi? De l'acharnement pour le respect de la loi et des règles, le respect de l'intégrité, respect de la transparence, oui. Et ça, M. le Président, je peux vous dire, moi, que j'ai beaucoup de difficultés avec les gens qui prennent de la liberté par rapport au respect de la loi et par rapport au respect des règlements. J'ai beaucoup de difficultés avec ça.
Et pourquoi c'est si important dans le cas présent? On parle justement de règles de code de déontologie, de règles que doivent respecter des professionnels par rapport à l'intérêt public. Et, je l'ai dit tantôt, c'est l'intérêt public qui doit primer. Mais c'est un peu la même chose. Ce n'est pas un peu, c'est exactement la même chose, M. le Président, pour un ministre. Un ministre doit respecter des règles dans l'intérêt public. C'est l'intérêt public qui doit le guider constamment. Et, quand on voit en l'occurrence, là, ce qui s'est passé, bien est-ce que je peux vous dire, moi, que j'ai de la difficulté à comprendre que la députée de Laviolette reste au Conseil des ministres?
Et je vais faire voir au ministre les difficultés auxquelles il va être confronté quand il va avoir à prendre la décision suite à l'interpellation de ce jour: Est-ce que j'ordonne effectivement une vaste enquête par rapport à ce qui est exposé ici, ce matin, les relations entre pharmaciens et médecins. Il y a une de ses collègues au Conseil des ministres qui est impliquée dans ce genre d'affaire là. Est-ce qu'il va avoir la liberté d'esprit et la sérénité pour prendre cette décision-là librement? Probablement que le ministre va dire: Oui, oui, je vous en assure. Mais je voudrais qu'on n'ait pas à se poser cette question-là. Et, si la députée de Laviolette n'était plus au Conseil des ministres, bon, on aurait plus de garanties, M. le Président, quant à la liberté d'esprit du ministre quand il aura à prendre cette décision-là et quant à la liberté d'esprit également des autres ministres quand ils auront à prendre cette décision-là.
Quand il va être question, M. le Président, de modifications aux règles du Code de déontologie des pharmaciens, encore là les gens vont être en droit de se poser des questions, même si on nous dit: Elle va se retirer des délibérations quand il sera question de ça. Moi, j'aimerais ça que les gens soient rassurés tout à fait. Et c'est pour ça que le fardeau est si exigeant pour les politiciens, mais il y a une question d'image. Puis, pour les ministres, c'est un peu comme la femme de César: non seulement il faut être au-dessus de tout soupçon, mais il faut paraître au-dessus de tout soupçon. Et, dans le cas présent, ce n'est pas ça qu'on retrouve, M. le Président.
Alors, c'est pour ça que, moi, j'ai de la difficulté à voir le ministre traiter ça avec autant de légèreté. Je le dis comme je le vois, là, ce qui se passe en cette Chambre. Alors donc, comment aura-t-il la liberté d'esprit par rapport à l'enquête qu'il devra décider si oui ou non il y en a une par rapport à la modification aux règles du code de déontologie. Puis je reviens à cette question que les citoyens doivent avoir confiance dans leurs politiciens, puis il faut qu'ils soient assurés que les décisions sont prises dans l'intérêt public et que l'intérêt public n'est aucunement menacé. Et, dans le cas présent, M. le Président, je le dis, on n'est pas assurés de ça. Les citoyens du Québec, dans le cas présent, ne sont pas assurés de ça. Et c'est pour ça qu'il m'apparaît que, durant le temps de cette enquête-là, M. le Président, elle ne devrait plus siéger au Conseil des ministres, surtout que ce n'est pas la première fois, M. le Président, qu'il y a un écart. On a eu l'affaire des dosettes l'année dernière.
Alors, ça en prend combien, d'écarts par rapport à l'intérêt public, pour qu'on réagisse de l'autre côté puis qu'on se dise: Oui, bien c'est vrai, là, il y a de sérieux problèmes puis il va falloir agir par rapport à ça. Mais, non, M. le Président, on laisse faire. Alors, moi, je dis au ministre qu'il y a là un sérieux problème puis qu'il y a là une question d'image. Il y a là une question de perception par le public, puis je dis que les gens ne sont pas rassurés par rapport à cette affaire-là. Et je trouve ça malheureux qu'on traite ça comme si de rien n'était. Puis je dis que c'est l'image de tous les politiciens qui en prend un coup dans une affaire comme celle-là. Et je ne peux, M. le Président, que trouver ça déplorable.
n(11 heures)n Le temps file tellement vite. Je veux revenir sur un argument qu'a soulevé le ministre quand il parlait de la répartition des médecins. Bon. Il y a des pénalités, oui, mais, si la pénalité est facilement compensée par d'autres sommes qui sont offertes par d'autres personnes, là il va dire: Oui, mais je pourrais empêcher. Mais je pense qu'il ne l'a pas fait encore et j'ai hâte de voir s'il va le faire. Il aurait la possibilité, mais le fera-t-il, M. le Président? C'est à voir. Par ailleurs... Bon, j'y reviendrai, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Excellent. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, merci. Des points importants qui ont été encore une fois soulevés. Je vais commencer par le dernier, sur les plans d'effectifs et les pénalités ou, je dirais, les conséquences plutôt du fait de ne pas respecter le plan d'effectifs, pénalités d'ailleurs qui n'ont jamais été appliquées par le gouvernement précédent et qui a distribué allègrement les dérogations qui expliquent qu'en pratique 80 % des spécialistes se sont installés dans les régions universitaires et périuniversitaires, ce qui explique pourquoi les gens de La Tuque viennent à mon bureau, avec un plan d'effectifs de neuf spécialistes, puis il n'y en a pas un d'arrivé encore. S'ils sont chanceux, il y a un psychiatre qui va arriver bientôt, puis encore ce n'est pas sûr. Alors, il faut avoir quand même une certaine constance.
Par contre, je partage les principes et la préoccupation du député de Drummond quant à la nécessité de conserver des critères d'éthique très élevés, de conserver également une bonne image de la fonction politique qui est un fonction que je trouve extrêmement honorable de tous les côtés de la Chambre. Et je crois que les citoyens doivent être rassurés de ce côté que ces standards doivent être préservés. Cependant, il y a, sur le cas de la députée de Laviolette, deux points sur lesquels je voudrais cependant attirer l'attention du député de Drummond. Et je comprends son argument. L'argument a été clairement présenté par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, par d'autres également à plusieurs reprises, et les réponses ont toujours été essentiellement les mêmes. D'abord, c'est qu'il y a quelque chose de littéralement inexact lorsqu'on dit qu'elle a bafoué, qu'elle a contrevenu au code de déontologie. La décision, à ce que je sache, n'a pas été rendue encore, et le député de Drummond, non plus que personne dans cette Assemblée, ne peut se substituer au jugement de l'ordre professionnel, une enquête qui d'ailleurs est en cours.
Deuxièmement, effectivement nous avons indiqué ? et le député de Drummond, qui a été membre du Conseil des ministres, sait très bien que: lorsque des discussions viennent autour de la table du Conseil des ministres, qui peuvent même très indirectement donner l'impression qu'il pourrait y avoir un conflit d'intérêts ou un potentiel même de conflit d'intérêts, il sait très bien que les ministres concernés se retirent toujours des délibérations et que c'est même consigné dans le procès verbal du Conseil des ministres lorsque ça se produit.
Je rappelle également que la députée de Laviolette n'est plus propriétaire de sa pharmacie depuis, maintenant, je crois, la fin de l'année 2003 et que donc on juge des événements qui se sont produits, selon ses dires également, selon la lettre qu'elle a envoyée, au cours des mois précédents, et une situation qui ne s'applique pas actuellement, de sorte que personnellement je considère que le fait d'avoir demandé l'enquête à l'ordre professionnel, le fait d'avoir demandé la vérification à l'Office des professions, le fait de s'assurer d'ici là que la député de Laviolette ne sera pas présente lors des délibérations qui toucheront de près ou de loin les questions dont il est fait mention, que ce soient les relations commerciales dans leur ensemble, que ce soient les codes de déontologie, que ce soit la nécessité ou non d'étendre l'enquête suite aux recommandations de l'Office des professions et des ordres professionnels concernés, à mon avis ceci répond aux critères et aux standards d'éthique que le député de Drummond, de façon très justifiée d'ailleurs, invoque et nous rappelle. Et je crois qu'il faut actuellement continuer sur cette orientation qui m'apparaît conforme à l'éthique et également conforme aux comportements que souhaitent les citoyens voir adoptés par leurs représentants à l'Assemblée nationale.
Et je rappelle, même si ça na pas de lien direct ? je vais lui concéder que ça na pas de lien direct avec ce qu'il présente comme question éthique ? que la population de la Mauricie, de plus en plus, s'indigne du traitement qui est réservé à la députée de Laviolette. On ne présumera pas du résultat de l'enquête de l'ordre professionnel, on verra lorsque cette décision sera rendue. Les décisions à prendre seront prises au niveau du gouvernement, mais je crois que, dans ce cas-là, encore une fois toutes les questions ont été posées. Je pense que la population, qui est juge ultime, a très bien compris les éléments des deux côtés. Je pense que, les arguments du député de Drummond, il les a fort bien résumés dans son intervention et sa recommandation également. Les réponses du gouvernement sont exactement les mêmes depuis le début de cette affaire, ont été également répétées à plusieurs reprises par plusieurs intervenants. Et je crois que, là, effectivement, comme le dit le député de Drummond, c'est la population qui est juge et je crois que la population aura éventuellement à porter un jugement là-dessus, certainement. Ça fait partie du bilan d'un gouvernement ou d'un député à l'Assemblée nationale lorsqu'il sollicite l'appui de ses concitoyens.
Donc, je crois qu'il est difficile d'aller plus loin dans ce dossier-là. Je comprends qu'on va vouloir continuer pour le reste de l'heure qu'il nous reste à passer ici sur le même sujet, mais je souhaiterais également qu'on parle de l'ensemble du problème de la politique du médicament dans une sorte de prélude à la vaste consultation publique qui aura lieu au début de 2005, parce que, là, il s'agit d'une question qui est excessivement importante pour notre système de santé puis qui rejoint d'ailleurs plusieurs des éléments qui ont été mentionnés au cours de la conversation jusqu'à maintenant, ce matin. Il me semblerait justifié et certainement judicieux que nos concitoyens nous entendent nous exprimer sur cette question. Parce que, sur la question de la députée de Laviolette, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de citoyens ou de citoyennes québécois et québécoises qui ne sont pas conscients de ce que réclame l'opposition et de la réponse que le gouvernement apporte jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député d'Arthabaska.
M. Claude Bachand
M. Bachand: Oui. Merci, M. le Président. Donc, je vais me joindre au souhait du ministre, et mes propos vont porter sur l'aspect de l'interpellation, à savoir plus précisément la politique du médicament. Donc, il y a une campagne d'information sur le bon usage du médicament qui est en cours présentement, une campagne d'information sur le bon usage d'une durée approximative de trois ans qui a été lancée par le ministre de la Santé et des Services sociaux en septembre dernier. Ça répond à un engagement qui avait été pris par le ministre à cet égard, le ministre de la Santé et des Services sociaux lors du Symposium sur l'utilisation optimale des médicaments qui s'était déroulé les 20 et 21 mai 2004.
Un objectif général est de favoriser l'adoption et le maintien d'attitudes favorables au bon usage du médicament. En cohérence avec la volonté ferme du ministre de favoriser un usage optimal du médicament au Québec, le thème central de la campagne est: s'il le faut... comme il le faut!, faisant évidemment référence à: lorsqu'on doit prendre des médicaments, il faut les prendre comme prescrits. Donc, la population cible... primaire de la présente campagne tout en portant une attention particulière aux adultes, principalement les femmes avec des jeunes. Donc, vous comprendrez qu'on doit préciser que les professionnels de la santé devraient aussi être mis à contribution et devraient être également ciblés lors de la deuxième et troisième année d'existence de la campagne.
Donc, cette campagne constitue une première au Québec parce qu'elle se veut un formidable initiative... une formidable initiative, devrais-je dire, de prévention qui devrait permettre de responsabiliser les citoyens au bon usage des médicaments.
À cet effet, rappelons que la prévention en matière de santé et des éléments importants qui se sont dégagés du Forum des générations, qu'on a vécu tout récemment au Québec. Donc, la campagne a été lancée par le ministre le 17 septembre 2004, par une conférence de presse à laquelle les médias et les intervenants du milieu de la santé ont été conviés. Une somme de 1,3 million, ce qui n'est pas rien, a été investie jusqu'à présent dans cette campagne. Un investissement annuel d'environ 1,5 million est prévu pour la deuxième et troisième année d'existence.
Les médicaments sont une option de traitement fort utile, mais ceux-ci peuvent aussi et peuvent également représenter un risque pour la santé. C'est pourquoi, s'ils ne sont pas employés convenablement, vous comprendrez qu'il y a des problèmes potentiels. Et, à la base, certaines conditions sont nécessaires pour permettre de réduire les risques et assurer la sécurité des patients. Ainsi, le premier message de la campagne consiste en la promotion du ménage des armoires à pharmacie, ce qui est quelque chose de très pratique, vous conviendrez avec moi, M. le Président, donc une pharmacie personnelle de façon sécuritaire et surtout respectueuse de l'environnement. Et ça, c'est une dimension fort importante. Il est ainsi souhaité que, lors du ménage de la pharmacie, tous les citoyens rapportent à la pharmacie de leur quartier les médicaments utilisés et périmés et profitent de l'occasion pour s'entretenir avec leur pharmacien de problèmes qu'ils rencontreront avec la conservation et l'usage des médicaments, quelque chose, M. le Président, de fort pratique et, je vous dirais, une campagne qui couvre plusieurs aspects. Et il faut bien dire que ça couvre aussi des aspects environnementaux fort importants.
Donc, de toute évidence, la collaboration et l'expertise des pharmaciens du Québec sont des éléments clés du succès de cette démarche. On doit d'ailleurs souligner l'accueil enthousiaste et la volonté manifeste de l'Ordre ? des associations ? des pharmaciens à contribuer à cet élément important de la campagne.
Donc, les moyens. Des messages télévisés sont actuellement diffusés spécifiquement sur ce thème. De plus, le ministre a participé, le 20 septembre 2004, à une émission, que je n'ai malheureusement pas vue, au grand public, sur les ondes de TVA, portant sur ce message afin de sensibiliser la population à une gestion sécuritaire de leurs médicaments à la maison. Par ailleurs, des capsules d'information portant sur des conseils pratiques liés à différents aspects d'un bon usage des médicaments sont présentées, matin et soir, sur les ondes de TVA. Une brochure d'information destinée aux patients a également été produite.
Une consultation des citoyens sur l'usage des médicaments a été menée par l'entremise d'optionsante.com, ainsi par voie téléphonique. Les faits saillants ? et ça, c'est intéressant ? seront disponibles sur le site Internet du ministère. Donc, au cours de la consultation qui s'est déroulée du 20 septembre au 11 octobre 2004, 1 642 personnes ont été interrogées. Et, rapidement, les résultats: 91 % des répondants s'adressaient à un pharmacien ou à un médecin; fait troublant: plus d'une personne sur quatre ne croit pas obligatoire de déclarer au médecin sa consommation actuelle de médicaments; trois personnes sur 10 donneraient probablement ? et ça, c'est tout à fait intéressant et même, je vous dirais, aberrant par le fait même ? un ou certains médicaments à un ami, même s'ils pouvaient reconnaître les symptômes d'un problème de santé ponctuel.
n(11 h 10)n Donc, très rapidement, je conclurai en vous disant que le ménage des armoires de pharmacie personnelles est un magnifique élément qui permet à chacun de prévoir de faire en sorte que la santé de chacun de nos citoyens soit préservée. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, est-ce que le gouvernement, le ministre de la Santé et des Services sociaux, ses collègues qui l'accompagnent ce matin peuvent se poser la question, à savoir: Pourquoi faut-il faire le ménage d'une pharmacie? Y aurait-il surconsommation? Est-ce qu'on se prescrit soi-même des médicaments d'ordonnance? Non? Est-ce qu'il est possible qu'il y ait surprescription? Sans doute que oui. Et pourquoi les Québécois paient-ils plus cher leurs primes à l'assurance maladie? Ou pourquoi, per capita, paie-t-on plus cher pour les médicaments?
Alors, M. le Président, le symposium dont plusieurs collègues ministériels ont fait état tantôt l'a dit bien simplement en juin dernier: le coût des médicaments augmente cinq fois plus vite à cause du nombre d'ordonnances de prescriptions qu'à cause du coût du médicament, et ça, ça a été démontré au symposium du mois de juin.
Donc, je relis les faits. Il y a un nombre d'ordonnances de prescriptions incroyablement plus élevé au Québec qu'ailleurs. C'est ce qui explique, en grande partie, l'augmentation si phénoménale du coût du médicament. Il y a une étude du professeur Steve Morgan qui a été publiée dans le journal de l'Association médicale canadienne ? et j'aurai l'occasion d'y revenir, M. le Président ? qui le démontre. Et je ne comprends pas encore une fois l'aveuglement du ministre à l'égard de cette enquête qu'on lui demande de faire faire par la Régie d'assurance maladie du Québec à l'égard du profil pharmacologique des médecins.
Je résume, M. le Président. Je ne croyais pas honnêtement que notre sens d'éthique s'était à ce point émoussé que j'entendrais un ministre dire: Il n'y a pas d'entente formelle, donc il n'y a pas de conflit d'intérêts. C'est ce qu'il a dit textuellement tantôt lorsque je l'interrogeais sur les baux gratuits, les baux de faveur, sur la possibilité également... pas la possibilité, sur le fait que, pour aller dans la clinique médicale de la présidente du Groupe de travail en éthique clinique du Collège des médecins, il faille concrètement passer par la pharmacie. Pas de problème à ça, a-t-il dit, alors que même le président du Collège des médecins déclarait le contraire en septembre 2004, alors que le Dr Gauthier, directeur des enquêtes du collège, disait au journaliste du journal Le Soleil en juillet 2004: «Des accès distincts [...] doivent être aménagés [...] pour éviter que le patient ressente une pression indue», alors que toutes les législations, auxquelles j'ai référé en début d'interpellation, ici même, au Canada, dans les provinces canadiennes puis aux États-Unis interdisent ce genre de pratique.
M. le Président, le ministre dit: Prouvez-moi qu'il y a des ententes formelles. Moi, je vous pose la question, M. le Président: Votre propriétaire vous offre la gratuité de votre local de comté dans votre circonscription de Notre-Dame-de-Grâce. Vous l'acceptez. En même temps, vous recevez l'allocation que vous verse l'Assemblée nationale. Et on dirait: Prouvez-moi qu'il y a une entente formelle en vertu de laquelle vous vous engagez à voter en faveur des lois que votre propriétaire souhaite faire adopter par l'Assemblée.
Vous voyez bien que ça n'a aucun sens, M. le Président, et c'est pour ça qu'il y a interdiction de conflit d'intérêts. Il y a interdiction comme une cause probable, c'est-à-dire qu'on se met tous à l'abri. On n'a pas le droit d'accepter des gratifications, des avantages, des ristournes, des loyers de faveur, des loyers à rabais, des cadeaux. Alors, ce qu'on nous dit, c'est: On peut les accepter dans les relations commerciales pharmacien-médecin. Cependant, il faut que vous prouviez que cela a une incidence sur les prescriptions de médicaments. C'est contraire à ce qui se fait dans toutes les autres législations au Canada puis aux États-Unis.
C'est quand même, M. le Président, c'est de l'aveuglement. Il y a, du côté du ministre, un aveuglement que je n'arrive pas à comprendre. Honnêtement, je n'arrive pas à comprendre. Il y avait, dans le journal La Presse du 29 septembre dernier, oui, donc un article d'un docteur, Élaine Martel, qui pratique et qui faisait l'apologie des baux de faveur. Elle pratique dans un local où ces baux de faveur sont en vigueur, avec le Dr Maillette qui est membre du Comité de discipline du Collège des médecins.
Alors, M. le Président, comment est-ce qu'un citoyen qui souhaite que le ministre prenne ses responsabilités, et qui lit ça dans le journal, et qui habite dans cette localité où pratiquent ces médecins, comment il peut ne pas s'interroger sur le sens des responsabilités du ministre?
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: M. le Président, on laissera à la population le soin de juger de nos sens des responsabilités respectifs. Je mentionnerais cependant quelques éléments récents: lorsqu'on déclare, à l'Assemblée nationale, que le Clostridium difficile se répand dans la communauté puis que, le lendemain, la scientifique concernée est obligée, alors qu'elle beaucoup d'autres choses à faire, de faire une rectification, lorsqu'on déclare, et qu'on se lève, et qu'on parle du projet de règlement de déontologie des pharmaciens, et qu'on le cite faussement et de façon incomplète, bien, là, on a des questions également à se poser sur ce qu'on vient de discuter en tant que principes.
Maintenant, je reviens parce qu'encore une fois on déforme ou on interprète différemment les paroles de ce qu'elles veulent vraiment dire. Ce que j'indique, c'est que la question de la négociation d'un loyer selon le «fair market value», selon les relations qui existent dans l'environnement, doit être différenciée d'une situation où il y a une entente formelle de dirigisme ou de volume de prescriptions. Puis ça, ce n'est pas nouveau.
Puis je vois que la députée lit les journaux. Puis il y a un article également récent ? le 11 novembre, hier ? de M. Cadieux, qui est directeur de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, qui rappelle le code de déontologie, je le cite: «Ce texte a été adopté en 1994. L'existence de loyers préférentiels consentis aux médecins par des pharmaciens propriétaires immobiliers est bien antérieure à cette date, et [...] connue bien avant cette date. En effet, il ne s'agit, il ne s'est jamais agi, d'une pratique occulte ou camouflée. L'Ordre des pharmaciens n'est jamais intervenu parce que le code de déontologie existe pour protéger le citoyen, et la pratique des loyers préférentiels n'entraîne pour celui-ci ni détérioration de la qualité des services de santé, ni risque pour sa santé, ni conséquence économique néfaste. Dans les faits, cet article du code vise à s'assurer que les pharmaciens ne puissent fournir gratuitement des moyens de communication aux médecins afin d'effectuer du dirigisme», etc. Et évidemment je laisserais M. Cadieux répondre à ces commentaires, mais le titre, c'est: Une chasse aux sorcières?
Et je m'excuse ici, M. le député, M. le Président, de le mentionner, mais l'opposition manque totalement de crédibilité. S'il s'agit d'un enjeu si fondamental et si important pour la santé publique, alors qu'elle était connue, cette pratique de négociation de loyer ? on l'indique, puis tout le monde le sait bien, avant 1994 et après 1994 ? s'il s'agit d'un élément si important, si majeur dans notre système de santé, comment la députée peut-elle expliquer qu'aucun de ses collègues, alors qu'il a occupé le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux, aucun de ses collègues qui a occupé le poste de responsable des codes de professions n'a jamais jugé bon de s'y intéresser? Alors, ça me fait soupçonner, M. le Président, que la motivation en dessous des représentations répétées de l'opposition n'a rien à voir avec l'intérêt public mais plutôt avec un intérêt partisan à discréditer un membre du gouvernement. Et je pense que c'est de cette façon que la population est en train d'interpréter ce qui arrive actuellement.
Maintenant, pour ce qui est du ménage de la pharmacie puis de l'utilisation optimale, qui est un sujet extrêmement intéressant et extrêmement important, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a tout à fait raison: il y a, au Québec, un volume d'ordonnances qui est plus élevé qu'ailleurs, mais de rétrécir ça à la question des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens, ça montre une méconnaissance assez importante du phénomène, là, parce qu'il y a beaucoup d'autres choses qui interviennent dans la décision ou l'habitude de prescription d'un médecin autres que le loyer de son local.
Il y a fondamentalement la façon dont il ou elle a été formé durant sa formation à la faculté de médecine, durant sa résidence, s'il s'agit d'un spécialiste ou d'un médecin de famille, et par la suite ? et là c'est important d'en discuter ? lors des activités d'éducation médicale continue. Et on sait qu'il y a beaucoup d'attention qui a été portée récemment autour de l'organisation d'activités d'éducation médicale continue subventionnées par l'industrie pharmaceutique avec d'autres pratiques de marketing qui nécessairement peuvent avoir un impact direct sur l'habitude de prescription des médecins. Et ce qu'on dit à la population, bien sûr c'est que ? elle a raison, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, là-dessus ? la responsabilité finale de l'acte de prescrire, c'est aux professionnels de la santé qu'elle revient, c'est aux médecins.
Maintenant, de la part des citoyens et de la population, on leur demande également de se responsabiliser dans le phénomène pour la partie qui est de leur ressort. Alors, quelles sont ces parties? Et j'ai eu l'occasion d'y faire allusion à quelques reprises, dans des interventions. D'abord, on ne doit pas attendre, on ne devrait pas désirer qu'à chaque fois qu'on consulte un médecin pour un problème de santé que la consultation se termine par une prescription de médicament. Et c'est malheureusement quelque chose qui existe encore. La grippe s'en vient au cours des prochaines semaines. M. le Président, si on a la grippe sans complication, des antibiotiques, ça ne marche pas, c'est inutile. Puis, à la rigueur, l'institution d'un traitement d'antibiotiques pour une personne âgée peut causer des complications plus graves que celles qu'on veut soi-disant éviter.
n(11 h 20)n Deuxièmement, lorsque le citoyen ou la personne est avec un médecin et se fait recommander l'utilisation d'un médicament, les mêmes questions devraient être posées au professionnel que celles qu'on pose lorsqu'on est en attente d'une chirurgie ou on se fait proposer un examen diagnostique. Quelle est la nécessité réelle du médicament? Quelles sont les alternatives? Quels sont les effets secondaires? Quelle serait la conséquence de ne pas prendre le médicament? Et ça, comme quelqu'un qui a eu à donner ces explications souvent dans sa vie, je peux vous dire que c'est des questions qui reviennent continuellement et de façon justifiée.
Alors, il faut que tout le monde prenne sa part ici, autant les professionnels, l'industrie pharmaceutique que les citoyens, et il faut éviter de rétrécir de façon simpliste cette question très importante, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député d'Arthabaska.
M. Claude Bachand
M. Bachand: Oui, Merci, M. le Président. Vous m'excuserez, j'étais concentré sur les propos du ministre.
Donc, vous savez que l'élaboration d'une politique du médicament est prévue dans la loi qui a institué le régime d'assurance maladie... l'assurance médicaments, pardon. Je vous rappelle que cette loi a été adoptée en 1996 et est entrée en vigueur en janvier 1997. La Loi sur l'assurance-médicaments décrit donc aux articles ? et ça, c'est fort important ? aux articles 51 et 52 ce que la politique du médicament devrait comporter. L'article 51 se lit comme suit, je vais le lire très brèvement... brièvement, pardon:
«Le ministre de la Santé et des Services sociaux élabore une politique en matière de médicament. Cette politique vise à favoriser l'intégration et l'utilisation des médicaments dans l'ensemble des actions qui sont destinées à améliorer la santé et le bien-être de la population, notamment au moyen d'un régime général d'assurance médicaments, et, compte tenu des ressources financières disponibles, à atteindre les principaux objectifs [que voici] ? donc quatre objectifs majeurs:
«1° l'accessibilité équitable et raisonnable aux médicaments requis par l'état des personnes; en
«2° l'utilisation [adéquate] des médicaments; en
«3° le renforcement des activités d'information et de formation auprès de la population et des professionnels de la santé; et en
«4° l'efficacité et l'efficience des stratégies et des actions mises en place dans le cadre de cette politique.» De plus, l'article 52, il est à préciser que: «Pour le conseiller relativement à cette politique, le ministre peut constituer un groupe de concertation et en désigner les membres.» Donc, il semble qu'il y ait eu des tentatives pour remplir cette obligation qui est demeurée inscrite dans la loi malgré les modifications qu'elle a subies au cours des ans. Et rappelons qu'en 1997 un communiqué du cabinet du ministre à l'époque, M. Jean Rochon, avait annoncé qu'un projet de politique devrait être rendu public. Un groupe de concertation avait même été mis sur pied, mais la politique ne vit jamais le jour, malheureusement. Et nous sommes conscients que l'élaboration de cette politique n'est pas une mince tâche.
Donc, il faut concilier, d'une part, la capacité de payer de l'État évidemment et du citoyen et les actions qu'il faut entreprendre pour être cohérents avec une utilisation optimale et, d'autre part, les intérêts de développement économique du Québec. Toutefois, nous y arriverons, car il existe une volonté politique ferme d'accomplir cette tâche, et ça, je vous dirais que c'est toujours la prémisse essentielle à une bonne volonté et à la mise en place... et des résultats attendus.
En fait, la politique actuellement en préparation ira au-delà de ce qui est inscrit aux articles 51 et 52. Et ça, c'est fort intéressant, puisque les objectifs définis dans la Loi sur l'assurance-médicaments seront contenus dans deux premiers axes. Et il s'agit donc ici des axes portant sur ? des axes fort importants ? l'accessibilité et l'utilisation optimale des médicaments. Et le temps m'en permettant, simplement vous informer que, dans Arthabaska, dans le comté d'Arthabaska, il y a actuellement, en ce qui a trait à l'accessibilité, un projet fort intéressant qui a mis sur place ? et qui existe toujours ? une pharmacie commune pour l'ensemble des CHSLD de tout le territoire, une organisation assez fantastique mise sur place par des pharmaciens.
Donc, la politique en cours d'élaboration sera plus large, puisqu'elle englobera aussi la question des prix des médicaments et le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec. Il est essentiel d'aborder la question des médicaments dans tout son ensemble. Nous pouvons d'ores et déjà observer une convergence vers la reconnaissance des problèmes et la recherche de solutions. Les divers acteurs du monde du médicament se sont joints de différentes manières aux actions en cours. Ces gestes concrets, qui s'intègrent dans la vision que nous avons d'une politique de médicaments, ont déjà été posés.
Donc, la tenue du Symposium sur l'utilisation optimale des médicaments, la campagne d'information sur les médicaments, la consultation sur le bon usage du médicament par l'entremise du site Internet ou par le moyen d'une ligne téléphonique sans frais sont des exemples tangibles de la volonté du gouvernement d'agir dans le domaine du médicament. Donc, ces actions vont se poursuivre bien sûr, car, après le dépôt du projet de la politique, une large consultation auprès de l'ensemble des intervenants concernés ? et ça, c'est fort important pour le ministre et pour tous ceux qui travaillent avec ? leur permettra de nous faire part de leurs réactions et des améliorations souhaitées à ce qui deviendra officiellement la première politique du médicament québécois, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. M. le député de Drummond.
M. Normand Jutras
M. Jutras: M. le Président, le ministre est encore revenu avec la question des règles de marché, de libre marché. Moi, je l'inviterais à relire le Code de déontologie de l'Ordre des pharmaciens, et il va s'apercevoir que ce qui transpire de ce code de déontologie, c'est qu'il n'y a pas lieu, il ne faut pas encourager la consommation de médicaments. Il ne faut pas encourager ça. Il faut prendre des médicaments quand c'est nécessaire et seulement dans ce temps-là. Et le ministre va voir que c'est ça qui ressort de ce code de déontologie.
Quand il nous parle des règles du libre marché, je lui rappelle que c'est l'intérêt public qui doit nous guider dans cette affaire-là. Et je lui pose la question: Un loyer qui est à 1 800 $ par mois et qui tombe à 0 $, est-ce qu'il considère que ce sont des règles de marché correctes? Je pense qu'il y a un problème là. Je pense qu'il y a un sérieux problème là. Puis, je voudrais relire, M. le Président, au ministre certains articles du Code de déontologie des pharmaciens, qui sont pourtant bien clairs. Il faudrait qu'il les relise. Un pharmacien peut... C'est-à-dire ? à 3.05.06: «Un pharmacien doit s'abstenir de recevoir, en plus de la rémunération à laquelle il a droit, tout avantage, ristourne ou commission relatif à l'exercice de sa profession.» 3.05.07 va aussi dans le même sens, c'est-à-dire que, là, il ne doit pas offrir ou distribuer des rabais, des cadeaux, des ristournes. Puis 3.05.08: «Un pharmacien ou une société de pharmaciens doit s'abstenir de fournir à une personne autorisée à prescrire ? donc à un médecin ? [...], des cadeaux, ristournes, bonis ou autres gratifications quelle qu'en soit la forme...» Il me semble, M. le Président, que c'est tellement clair, ça. J'invite le ministre à relire ça. Et, quand on voit ce qui se passe sur le marché... Parce que, là, il y en a qui disent: C'est pratique courante. Le ministre, il dit: Non, ce n'est pas pratique courante. Il a sa collègue ministre qui dit, elle, que c'est pratique courante. Moi, je pense qu'il faut que le ministre se penche là-dessus puis se penche rapidement. Je pense que le problème, M. le Président, prend de plus en plus de l'ampleur, puis on peut penser qu'il va prendre de plus en plus d'ampleur, parce que, si vous avez une clinique de médecins à un endroit qui ne paie pas de loyer puis, en face, une autre clinique de médecins en paie, un loyer, qu'est-ce que vous pensez qui va arriver, M. le Président? Alors, que le ministre traite ça comme il le fait, je vais vous dire, M. le Président, je suis passablement surpris d'une attitude comme celle-là parce qu'au même titre que les professionnels de la santé les pharmaciens doivent agir dans l'intérêt public. Il en va de même pour les ministres, les membres d'un Conseil des ministres. Mais en conclusion, M. le Président, parce que le temps file, pourquoi une politique du médicament? Pourquoi une enquête plus vaste que l'Office des professions dans le cas présent? Pourquoi se pencher sur ces relations-là? J'invite le ministre à lire le dernier numéro de Québec Science, objectif santé, il y a un article justement qui s'intitule Consomme-t-on trop de médicaments? Peut-être que le ministre va me dire que c'est trop simple, que c'est trop terre à terre, mais en tout cas, moi, je m'en alimente, M. le Président. Et, entre autres, on y retrouve des arguments qui sont frappants. On y dit que: «En 2003, les médecins ont rempli 83,8 millions d'ordonnances pour les 3,2 millions de personnes inscrites au régime public d'assurance médicaments. Une moyenne de 26 ordonnances par personne. C'est 9 % de plus qu'en 2002 et c'est aussi le record de tous les temps.» Il me semble que le ministre de la Santé, qui doit être préoccupé par les questions de santé publique, devrait se pencher sur des considérations comme celles-là.
Aussi, quand on parle de la consommation des médicaments, un argument qu'on y relève, c'est qu'on dit: «...la consommation de médicaments ne relève pas seulement de la responsabilité des thérapeutes ? on parle de la responsabilité des gens. "Pour beaucoup de gens, il est beaucoup plus facile d'avaler un comprimé que de suivre un régime qui permettrait pourtant de diminuer considérablement les risques".» Et on y parle aussi, M. le Président, bon, de l'augmentation des ordonnances, l'augmentation des coûts, etc. Et on y dit, entre autres: «La prescription de médicaments qui est faite à des patients et des médicaments qui ne leur conviennent pas», M. le Président.
n(11 h 30)n Alors, je l'invite à lire ça, mais peut-être dira-t-il que c'est trop simple et que c'est trop terre à terre. Mais je pense que le «gbs», qu'on appelle, le gros bon sens doit toujours avoir sa place aussi en cette enceinte. Et, malheureusement, je pense que certains parlementaires sont portés à s'en éloigner. Alors, M. le Président, moi, je pense qu'il faut que le ministre réagisse rapidement. Il y a un problème au niveau de la consommation des médicaments au Québec. Il y a un problème dans les relations entre pharmaciens et médecins. Et il ne faut pas que le ministre se mette la tête dans le sable comme il le fait.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Oui, M. le Président. Je félicite le député de Drummond pour ses lectures. Dans le même journal d'ailleurs, le Québec Science, il y a une entrevue avec le ministre de la Santé et des Services sociaux. Puis ma mère m'a dit que la photo était pas mal non plus. Alors, je l'encourage à citer abondamment cette entrevue parce qu'il y a d'autres principes qui y sont énoncés.
Encore une fois, on mélange encore toutes sortes de choses, là, puis effectivement c'est compliqué. D'ailleurs, l'intervention du député d'Arthabaska me fait réaliser quelque chose: je me demandais comment ça se fait qu'on n'a pas fait la politique du médicament depuis 1997? Je viens de comprendre: c'est parce que c'est compliqué. Effectivement, c'est compliqué. C'est une entreprise qui est difficile, qui nécessite de concilier beaucoup de groupes, beaucoup d'intérêts divergents, et ce n'est pas facile. Et on va voir certainement que nos débats autour de la politique du médicament vont être certainement intéressants parce qu'il y a énormément d'opinions divergentes quant aux diverses questions.
Encore une fois, la surprescription, au Québec, entre guillemets, ou la surconsommation relative des médicaments, elle est certainement une réalité. Nul ici ne nie le fait qu'au Québec on prescrit trop de médicaments et probablement, également, parfois de façon inappropriée. D'ailleurs, à cet effet, j'ouvre une parenthèse qui nous ramène à la question du Clostridium difficile dont l'utilisation des antibiotiques est un des facteurs déclenchants. Il y a des études qui montrent actuellement, au Québec et ailleurs, d'ailleurs pas juste au Québec mais ailleurs, qu'un un pourcentage élevé de prescriptions d'antibiotiques, autant dans le milieu communautaire que dans l'établissement, est inapproprié. Alors, c'est quelque chose sur laquelle il faut se pencher de façon très approfondie.
Puis encore une fois de restreindre la question de l'utilisation appropriée ou non des médicaments à la question des loyers, c'est, je m'excuse, un peu simpliste comme lien parce que ? le député lui-même l'a dit ? ça a augmenté de 9 % de plus qu'en 2002, alors qu'on le sait la question des négociations des loyers entre les médecins et les pharmaciens fait partie du paysage depuis beaucoup plus longtemps que ça. Et ce n'est donc pas le seul facteur ou un facteur qu'on peut prendre de façon isolée, pour l'appliquer.
Maintenant, le député de Drummond a cité le cas de la députée de Laviolette sur la question de la valeur du loyer. On remarquera que je n'ai pas commenté cet aspect précis. Pourquoi? Parce que c'est l'Ordre des pharmaciens qui va faire cette détermination-là. Et je concède que, sur le plan des apparences, il peut y avoir une différence entre une négociation puis une absence de loyer...
Une voix: ...
M. Couillard: Mais là c'est quoi?
M. Jutras: J'aimerais qu'on me cite correctement. J'aimerais qu'on me cite correctement. C'est à ce moment-ci que je dois le soulever: je n'ai jamais parlé, quand j'ai donné cet exemple-là, du cas de la députée de Laviolette. Je n'ai jamais mentionné son nom.
M. Couillard: M. le Président, toute la population sait bien de qui il parle quand il parle de ça, franchement. Mais en tout cas, donc cette question de déterminer le cas précis de la députée de Laviolette va être du ressort de l'Ordre des pharmaciens. Puis ce n'est pas le député de Drummond ni aucun député de cette Chambre qui va prendre cette décision-là, c'est l'Ordre des pharmaciens. Et je crois qu'il faut se fier à leur jugement et certainement également au jugement de l'Office des professions qui va chapeauter le processus, comme c'est son mandat de le faire, et vérifier, comme nous lui avons demandé, l'ensemble des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens et également la question de la comparaison dans ce qui existe dans d'autres juridictions par rapport au Québec.
Le député de Drummond a également cité deux articles du Code de déontologie des pharmaciens: un qui est la question des cadeaux reçus par les pharmaciens ? je rappellerais que la députée de Laviolette a déjà été sanctionnée pour cet élément-là, c'est le cas des dosettes auquel il faisait référence plus tôt; quant à l'article 3.07, c'est précisément celui qui est soumis à l'examen de l'ordre professionnel concerné qui est l'Ordre des pharmaciens. Et l'Ordre des pharmaciens donc verra à prendre sa décision. On sait que le syndic a mis en place le dossier, et l'enquête va suivre son cours.
Mais on revient à la question de l'utilisation optimale parce que ça, pour l'avenir de notre système de santé puis de la santé publique ? parce qu'on veut à juste titre faire revenir notre discussion sur des concepts de santé publique puis d'intérêt également de la population, la question de l'utilisation optimale des médicaments, c'est une question cruciale. Et c'est pour ça que c'est un des axes de la politique du médicament qui est un axe essentiel. Et le symposium de mai dernier nous a beaucoup éclairés sur cette question.
Je ne sais pas, on semble vouloir donner l'impression que le gouvernement nie la question de la surconsommation et de la surprescription; bien sûr que non. C'est pour ça qu'on fait une politique du médicament et c'est pour ça qu'on veut encourager l'utilisation optimale des médicaments. Mais encore une fois de rétrécir la question de la consommation appropriée des médicaments ou de leur utilisation optimale à la question soit de la députée de Laviolette ou la question plus large des relations de loyers entre les médecins et les pharmaciens, je m'excuse, c'est faire preuve d'un peu de simplisme. La question est beaucoup plus vaste que ça.
Les médecins apprennent à prescrire, et comment prescrire, et combien de temps prescrire sur les bancs de la faculté de médecine, et par la suite par l'exemple de leurs patrons et de leurs professeurs au cours de leur résidence, et par la suite au cours des activités d'éducation médicale continue, où les nouvelles découvertes leur sont présentées. Et c'est là que se situe un problème. Il y a un problème, là, dans la question de la relation entre l'industrie pharmaceutique et les professionnels de la santé. Il y a plusieurs organisations dont le Collège royal des médecins et chirurgiens, l'Association médicale du Canada et le Collège des médecins, d'ailleurs qui ont travaillé sur des codes d'éthique qui régissent l'entente entre l'industrie et les professionnels de la santé. Et c'est là un bon matériel d'inspiration pour nous pour élaborer sur l'utilisation optimale des médicaments, dans la politique que nous nous apprêtons, M. le Président, à déposer et à soumettre à l'attention approfondie de la Commission des affaires sociales dont vous assurez la présidence, et bien sûr, à travers elle, de la population dans son entier. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. M. le député de Robert-Baldwin et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Pierre Marsan
M. Marsan: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. J'espère que vous ne me couperez pas. Je vais faire rapidement un état de situation sur l'industrie pharmaceutique au Québec et son importance.
D'abord, peut-être spécifier les types d'entreprises que nous avons. Des entreprises innovatrices, nous en avons 29 qui comptent 7 900 employés. Nous avons des entreprises de fabrication sous contrat et de produits génériques; nous en avons 22 qui regroupent 2 900 employés. Nous avons également des entreprises de biotechnologies de la santé; nous avons 85, et celles-ci regroupent 2 700 employés. Et nous avons enfin des entreprises de recherche contractuelles; nous en avons une vingtaine qui regroupent 4 000 employés. Donc, au total, 156, près de 160 entreprises qui oeuvrent dans le domaine pharmaceutique et qui emploient 17 500 employés.
Entre 1995 et 2003, les variations annuelles moyennes des dépenses courantes en recherche et développement de l'industrie pharmaceutique se chiffraient à 7,8 % au Québec, et les dépenses courantes de recherche et de développement de l'Institut pharmaceutique effectuées au Québec représentaient 42,2 % des dépenses canadiennes. Alors, je pense que c'est important et important de le noter. Les dépenses courantes en recherche et développement au Canada et au Québec, en 1995, eh bien, on dépensait 264 millions au Québec; en 2003, on parle de 482. Au Canada, en 1995, 596 millions. Et maintenant, au Canada, en 2003, 1 142 000 000 $. Au Québec, les entreprises de médicaments brevetés effectuaient la plus grande part des dépenses courantes de recherche et développement, soit 62,7 %, et les sociétés indépendantes travaillant pour le compte des brevetés, quant à elles, réalisaient 19,5 %.
Un des aspects à ne pas négliger, lorsqu'on traite de l'apport de l'industrie pharmaceutique, est l'impact que ces entreprises peut avoir sur le développement futur du Québec. L'industrie du savoir à laquelle appartiennent toutes les entreprises reliées au médicament contribue directement à l'accroissement de la richesse et de la prospérité économique du Québec d'aujourd'hui, mais du Québec de demain également. Elle représente le principal créateur d'emplois, particulièrement des emplois de haute qualité, et elle attire et retient des chercheurs de grande qualité et contribue au financement de la recherche universitaire. Ce sont là quelques éléments.
Je voudrais, en terminant, M. le Président, simplement rappeler ? et je pense que c'est important de le signifier: le député de Drummond tantôt faisait appel au gros bons sens, il parlait du «gbs», mais, moi, je m'attendais, ce matin, à ce que le gouvernement précédent, les représentants du Parti québécois, je pensais qu'ils viendraient nous faire des excuses, des excuses d'abord pour tout le dossier des médicaments dans les hôpitaux, dans les établissements de santé auxquels ils n'ont jamais donné les indexations nécessaires et auxquelles les établissements de santé avaient droit. Je m'attendais à des excuses également pour les fameuses mises à la retraite. On sait que le député de Rousseau, lui, à titre personnel, a présenté ses excuses. Et je pensais, ce matin, qu'on en profiterait pour s'excuser d'avoir mis à la retraite autant de médecins, d'infirmières, de professionnels de la santé, dont des pharmaciens également.
n(11 h 40)n Et je terminerai, M. le Président, en félicitant le ministre de la Santé et des Services sociaux d'avoir pris le leadership pour établir une véritable politique du médicament. Ça faisait des années, et jamais on n'entendait parler de cette fameuse politique, qui devait toujours accoucher. Lorsqu'on en entendait parler, c'était pour nous dire que ça s'en venait. Pendant neuf ans, j'ai entendu ce discours, M. le Président, lorsque nous étions dans l'opposition. Eh bien, enfin, une fois pour toutes, le gouvernement actuel, un gouvernement courageux et un ministre de la Santé et des Services sociaux exceptionnel, va nous présenter cette politique du médicament. Alors, je vous remercie à mon tour, M. le Président, et je vous souhaite une bonne fin de séance.
Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, moi, je m'attendais, sur le sujet qui nous réunit ce matin, à ce que le député de Robert-Baldwin et sans doute les membres de sa formation politique s'excusent d'avoir voté contre la loi créant le régime d'assurance médicaments du Québec. Je crois, M. le Président, que ce serait peut-être le début, là, de ce qu'ils devraient modestement faire avant de demander des excuses à d'autres.
Alors, M. le Président, le ministre est à la recherche d'une utilisation optimale des médicaments et nous disait ce matin: Le meilleur médicament au meilleur coût possible. Alors, il devrait certainement s'intéresser de près à ce qu'on lisait dans le journal La Presse du vendredi 8 octobre. On lisait ceci d'un médecin, qui lui-même pratique dans une clinique médicale d'une grande chaîne, et qui disait, et je cite: «[Alors, cette grande chaîne] m'a donné un bon montant[...]. Il faut que tu prescrives en maudit[...]. Je vais te dire une affaire, il faut que tu prescrives pendant au moins cinq ans, sinon ils ne te donneront pas une cenne.» Il me semble qu'il y aurait là intérêt à ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux descende de son piédestal et se demande s'il n'y a pas nécessité de faire une enquête. Il en va de sa responsabilité.
M. le Président, le ministre a été d'une incohérence incroyable il y a à peine quelques minutes. Il a en même temps cité ceux qui commettent les infractions en citant l'Association des propriétaires pharmaciens dont une lettre était publiée dans le journal hier. Il les citait pour les absoudre, en prétendant et en s'associant aux prétentions de cette Association de propriétaires pharmaciens à l'effet que c'est de pratique courante et que l'Ordre des pharmaciens était au courant, alors que l'Ordre disait exactement le contraire il y a à peine quelques jours, dans les médias, en prétendant que c'était une pratique courante, alors que lui-même, le ministre, à l'Assemblée nationale, répondait, au début de la semaine, et je le cite: «Il n'y a pas d'évidence que la pratique du loyer gratuit est répandue.» Alors, ou c'est une chose ou son contraire. Ça ne peut pas être les deux choses en même temps. En fait, ce qu'il nous disait tantôt, c'est: Tout le monde le fait, fais-le donc. C'est ce qu'on peut conclure des propos qu'il tenait tantôt.
Les premiers signaux d'alarme ont été lancés par le journal La Presse, M. le Président, dans une série d'articles publiés en septembre et octobre cette année. Et je veux rendre hommage au journaliste d'enquête André Noël. Je pense qu'il a révélé à l'opinion publique québécoise l'état de la situation. Et je voudrais rappeler, M. le Président, que le ministre a promis, il y a six mois, de déposer une politique, cet automne, du médicament dans laquelle il y aura certainement un chapitre sur les services thérapeutiques. Alors, il a 10 minutes à sa disposition, là. Qu'il nous indique quelles sont les modifications qu'il compte faire suite à ces révélations qui ont saisi l'opinion publique d'un état de situation inacceptable. Le ministre sait très bien que ses plans de répartition des effectifs médicaux, qui prévoient une sanction d'une réduction de 30 % s'il advient qu'ils ne sont pas respectés, sont mis en échec par la surenchère des bannières. Les bannières des grandes sociétés pharmaceutiques évidemment sont embarquées dans cette dérive de surenchère.
Et, si tant est qu'il en est nécessaire, M. le Président, on pourrait lui citer. C'est inouï qu'il n'ait pas pris connaissance de ce que des centaines de milliers de personnes ont pu dire dans les journaux du Québec, dans tous les quotidiens du Québec.
Et d'ailleurs questionnez plusieurs syndics. Je pense, entre autres, au Dr Andrien Dandavino, syndic au Collège des médecins du Québec, qui disait qu'un médecin qui accepte un loyer à rabais de la part d'un pharmacien se place dans une situation de conflit d'intérêts toujours possible. Je veux citer le syndic Mario Deschênes, qui déclare qu'il faut s'assurer que le médecin paie un loyer juste et raisonnable; le syndic Joseph-André Luyet, qui reconnaît que les pharmaciens épongent leurs pertes grâce aux ordonnances, et ainsi de suite, M. le Président.
Et il va donc considérer qu'il peut s'en laver les mains puis que ce sont dans les ordres où on voit que ça peut être aussi pratique courante pour ceux et celles qui ont à appliquer soit le code discipline ou soit le code d'éthique.
Alors, je demande au ministre, ce matin, là, vraiment de descendre de son piédestal et d'accepter, M. le Président, qu'il a pu, jusqu'à maintenant, être aveuglé et qu'il doit se ressaisir pour faire faire cette enquête sur le profil pharmacologique. Au moment où il va déposer sa politique du médicament, il sait très bien que nous allons continuer et poursuivre notre série de questions parce qu'on ne peut pas accepter, M. le Président, qu'il joue à l'autruche comme ça.
Conclusions
Le Président (M. Copeman): Merci. Il nous reste deux dernières interventions de 10 minutes chaque en partant avec le ministre, suivi par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous allons dépasser légèrement midi. Je vous demande le consentement pour le faire, pour terminer l'interpellation ce matin. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. Écoutez, on parle de l'autruche qui se met la tête dans le sable puis de crédibilité. Il y a un de mes astucieux assistants qui a fait un petit calcul mathématique pour constater que le Parti québécois avait été au pouvoir 3 150 jours, alors que cette question de loyer, de négociation est bien connue depuis longtemps et que la seule action pratique qui émane de 3 150 jours de gouvernement sur la question, c'est le dépôt d'une loi qui permet aux pharmaciens et aux médecins de se regrouper en société, loi que maintenant ils voudraient voir non appliquée par le non-dépôt de règlement. En tout cas, c'est une question de cohérence également que je soumets.
Quant à la question des excuses, bien, effectivement, moi, c'est quelque chose qui me surprend toujours. L'ancien premier ministre, M. Bouchard ? on peut citer son nom maintenant qu'il n'est plus dans l'Assemblée ? reconnaît, en première page du Soleil, que ça a été une erreur très grave, les mises à la retraite dans le réseau de la santé, que ça a fait très mal à notre réseau de la santé. De la même façon, le député de Rousseau le dit de façon répétée, actuellement, et il n'y a rien de mal à ça. C'est même honorable de le faire. Et je pense que, si le Parti québécois faisait cet exercice de contrition et avouait à la population ses fautes, reconnaissait les conséquences des décisions malheureuses qui ont été prises. On remarquera: la députée d'Hochelaga-Maisonneuve ne parle jamais de ça, hein? Elle détourne toujours la question lorsqu'on parle des mises à la retraite, des effets catastrophiques. Bien, dans le fond, ce n'était pas grave, il fallait le faire pour le déficit, puis etc., alors qu'on sait quels impacts ça a eus sur les patients et la population du Québec.
Quant à l'adoption du régime général d'assurance médicaments, ce qui est bien connu maintenant, c'est que ? puis là je n'attribuerai pas de motif, M. le Président, parce que je ne peux faire ça dans le cadre d'un débat parlementaire ? mais ce qui est bien connu clairement, c'est que les coûts réels du régime, lors de son instauration, n'ont pas été communiqués. Et de toute évidence les primes, lorsqu'elles ont été calculées initialement, ne correspondaient pas aux coûts réels du régime. Est-ce que c'est sciemment ou non? Je ne me permettrais pas, M. le Président, de faire d'hypothèses sur la question, mais je crois que, là, il y a une question de gros bon sens également. Lorsqu'on introduit un mécanisme public, un régime public, on doit en divulguer le coût réel à la population et montrer quel est l'impact de ce coût réel sur les primes et les contributions qu'on demande. Et il y a de nombreux témoignages, M. le Président, qui nous indiquent qu'à l'époque ce ne fut pas le cas.
Est-ce que ce fut le gros bon sens de mettre à la retraite 85 médecins et plus de 1 000 infirmières dans la région de Mauricie?Centre-du-Québec? Je pense que la population, là-dessus, a déjà passé son jugement et certainement qu'on devrait le faire également. Et je crois que l'opposition ferait acte utile en, publiquement, reconnaissant qu'il s'agit d'une erreur grave. Je comprends que c'est difficile parce que c'est le chef de l'opposition actuel qui finalement a pris ces décisions, autant le gel des budgets de la santé que les mises à la retraite massives, et également, du côté de l'Éducation ? je me demande si ce n'était pas la députée de Taillon à l'époque, on vérifiera ? quant à la réduction rapide et très importante des admissions en médecine et sciences infirmières, des erreurs évidemment sur trois, quatre années consécutives dont clairement le Québec n'avait pas encore récupéré en avril 2003 et commence à peine à se relever.
Alors, je pense qu'il y a là une question de leçons pour un gouvernement qui veut éventuellement reprendre la responsabilité de diriger le Québec. On verra lorsque ça se produira, le plus tard possible, en ce qui me concerne. Mais, il faut que ces erreurs du passé servent d'éclairage pour ce qu'ils auront à proposer dans l'avenir à la population. Et là je ne mentionne même pas la question des municipalités parce que je sais qu'on n'aime pas que je parle de ça, puis je m'en tiens loin. Je ne veux pas irriter la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, M. le Président, ce matin. Mais je voudrais cependant rappeler que nous avons l'intention effectivement de déposer une politique du médicament d'ici la fin de l'automne, l'automne se terminant le 21 décembre, d'après le calendrier, et que les quatre axes de la politique seront: l'accessibilité, l'utilisation optimale, le prix des médicaments et le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique. Pourquoi? Parce que le maintien de l'accessibilité des médicaments pour l'ensemble de nos concitoyens doit être au coeur de cette démarche.
n(11 h 50)n Chaque Québécois doit avoir accès aux médicaments requis pour maintenir et améliorer sa santé, et également la part de son revenu qu'il y consacre ne doit pas être un frein. Ça, c'est très important. Un gouvernement responsable ne peut se concentrer uniquement sur le maintien de l'accès, il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les ressources considérables qu'il consacre aux médicaments sont bien utilisées parce que tous sont concernés par l'utilisation optimale. Et le sujet est beaucoup plus vaste que ce qu'on a entendu ce matin. Et je crois qu'avec le temps l'opposition va se rendre compte qu'effectivement le sujet est beaucoup plus vaste que l'explication qu'on en donne ce matin.
Il faut donc une stratégie d'ensemble qui sache rallier les professionnels, les patients et l'industrie. Et ça, c'est de première importance. Et, quant aux professionnels, la collaboration des pharmaciens est importante.
Alors, je me rends, cet après-midi, faire une allocution à l'Association des pharmaciens propriétaires. Je verrai exactement ce qu'a mentionné la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mais les propos qu'elle a eus à leur endroit ne sont pas tellement flatteurs. Et je pense qu'on associe puis on fait de la généralisation de façon à mon avis qui ne rend pas justice à la compétence puis à l'intégrité de ces professionnels qui rendent un grand service au Québec.
Donc, au sein de la politique, outre la responsabilisation des différents groupes de l'industrie pharmaceutique, la responsabilisation des citoyens occupe une place importante également parce qu'on doit considérer que ces gens sont considérés comme des partenaires avec des droits et des responsabilités. La campagne d'information du grand public sur le bon usage des médicaments lancée le mois dernier est un premier pas dans cette direction, est un exemple réussi du type de projet rassembleur que nous voulons mettre en oeuvre bien sûr qui sera au coeur de cette politique du médicament.
La préservation de l'accès aux médicaments, une utilisation judicieuse de ces derniers, la recherche d'un juste prix pour les médicaments peuvent et doivent être compatibles avec le maintien d'une industrie pharmaceutique dynamique, parce que, comme le disait de façon répétée M. Robert Bourassa il y a maintenant plusieurs années: Avant de partager la prospérité et la richesse collective, une société doit créer la richesse et la prospérité. Et il est clair qu'au XXIe siècle l'industrie du savoir, l'industrie de l'innovation est au coeur de la prospérité des sociétés modernes. Et on a, au Québec, la chance de disposer d'un haut niveau d'activité dans ce domaine-là. Il y avait, aux dernières nouvelles, environ 10 000 personnes qui occupent un emploi directement associé à l'industrie pharmaceutique au Québec, sans compter les personnes qui ont des emplois associés indirectement à la présence de cette industrie sur notre sol.
Donc, par ces activités de recherche et de développement ? on a entendu tantôt que l'industrie pharmaceutique d'innovation investit 42 % de ses activités de recherche au Québec ? l'industrie a donc un impact sur l'économie autant que sur la santé de la population. Mais elle doit également, cette industrie, occuper et exercer sa responsabilité sociale en participant pleinement à l'exercice d'utilisation optimale, en élaborant des partenariats avec le gouvernement, avec les citoyens de façon à ce que les médicaments soient utilisés à juste escient et toujours dans le respect de la gestion correcte des fonds publics et de la pérennité de l'accessibilité aux médicaments que tous nous voulons voir préservée. Par exemple, les activités de marketing, de publicité, de marketing direct auprès des professionnels devraient se faire en accord avec les principes d'utilisation optimale. Et c'est quelque chose que j'ai fréquemment exprimé auprès des représentants de l'industrie pharmaceutique. Nous étudions actuellement également la possibilité de conclure, avec les fabricants, des ententes de partage de risques. Ainsi, un fabricant pourrait être appelé à verser une compensation dans un fonds d'éducation médicale, par exemple dans une situation où les activités de promotion auraient entraîné une surconsommation au-delà d'une cible convenue et appuyée par les données probantes de la littérature.
Nous sommes conscients cependant que la politique n'est pas une panacée, qu'elle ne réglera pas, demain matin, l'ensemble des problèmes liés aux médicaments. Il faut rappeler qu'il s'agit de problèmes mondiaux. Toutes les sociétés occidentales actuellement et modernes ont ? également en Orient, bien sûr ? ont à faire face à ce problème, qui est un problème majeur. Il faut se rappeler que la question, le secteur des médicaments est la partie du réseau de la santé dont les coûts augmentent le plus rapidement et que les coûts totaux des médicaments approchent rapidement le coût, par exemple, de la rémunération des médecins au Québec. Et ça, c'est quelque chose d'excessivement important dont il faut prendre conscience, et se souvenir également que ça fait partie du système de santé. Cet exercice donc de préparation puis de discussion suite au dépôt de la politique du médicament permettra de rassembler notre société autour d'objectifs communs en ce qui concerne l'accessibilité aux médicaments et leur utilisation optimale, sans bien sûr faire abstraction des intérêts économiques de l'État, des impératifs économiques, ni des citoyens et bien sûr de la vitalité de l'entreprise au Québec.
Donc, je vous rappelle que ce projet de politique fera l'objet d'une consultation au cours de l'hiver 2005, dans la Commission des affaires sociales, que par la suite également seront posés des actes législatifs et/ou réglementaires qui en découleront, de façon à ce que rapidement elle puisse avoir des impacts concrets dans la vie de nos concitoyens et mener au maintien de l'industrie pharmaceutique dynamique dont nous profitons au Québec, mais également à une meilleure utilisation des médicaments et, en bout de ligne, à une meilleure santé, un meilleur état de santé pour nos concitoyens.
Je vais terminer en revenant sur cette question des relations commerciales. J'y attache, moi, également, M. le Président, une grande valeur. Je crois que personne ici ne peut se donner l'apanage exclusif de détenir un intérêt sur la question de l'éthique ou du bien-fondé des relations entre les groupes de professionnels. C'est quelque chose que, tous, autour de la Chambre, nous partageons. Notre position, au niveau du gouvernement, est qu'actuellement la démarche en cours qui est de confier aux ordres professionnels et à l'Office des professions, qui a le mandat de chapeauter le travail des ordres professionnels, le mandat bien sûr d'étudier des cas individuels qui sont soulevés, dont le cas de la députée de Laviolette, mais, dans un contexte beaucoup plus large, pour l'Office des professions, de vérifier l'ensemble des relations commerciales entre les médecins et les pharmaciens et également faire une analyse comparative de ce qui existe entre d'autres juridictions et le Québec. Et ça, je pense que c'est un exercice qui va être très utile, qui en fait chemine parallèlement au dépôt et à la discussion de la politique du médicament. Et on pourra s'adapter par voie législative ou réglementaire, suite à la discussion, d'une part, de la politique du médicament et, d'autre part, au dépôt des rapports des ordres professionnels et également de l'Office des professions. Là-dessus, je vous remercie, M. le Président, et je vous souhaite une bonne fin de semaine.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, quand le ministre utilise la diversion comme il l'a fait au début de son intervention, et des arguments dilatoires, c'est en général lorsque ça va mal ou qu'il est coincé.
Alors, il disait tantôt qu'il allait prendre la parole devant l'Association des pharmaciens propriétaires. Alors, je vais vous dire, M. le Président, et sans vouloir plaire aux pharmaciens propriétaires, moi, ce qui m'importe, c'est de défendre les intérêts de la population. Alors, je vais lui demander, puisqu'il se présentera à l'Association des pharmaciens propriétaires cet après-midi, compte tenu de la lettre qu'ils ont publiée dans le journal La Presse, sous la signature de leur président... non, plutôt de leur directeur général, M. Normand Cadieux, il pourra peut-être leur demander si le dirigisme auquel ils se défendent, le dirigisme de leurs relations des cliniques médicales vers les pharmacies. Comment doit-on appeler des baux, n'est-ce pas, qui sont ceux d'une grande bannière où on retrouve, à l'article 4.7b, le dispositif suivant dans un bail qui est proposé à une clinique médicale et à des médecins: «Exploiter, pendant toute la durée du bail, une clinique médicale sans rendez-vous qui doit être ouverte au public six jours par semaine.»Le Président (M. Copeman): Question de règlement, M. le ministre.
M. Couillard: Est-ce que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pourrait assurer l'Assemblée et la commission qu'il ne s'agit pas d'une cause présentement devant les tribunaux?
Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de déposer ce bail en Chambre. Le président n'a pas rien retrouvé à redire, alors je pense que le ministre, là, veut m'empêcher justement de dire qu'il n'a pas rien fait suite à ce bail.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée, je ne pense pas, à ce moment-ci, qu'il est opportun d'interpréter des paroles des uns et des autres. Le ministre a demandé une question: Est-ce que la cause est sub judice? Vous avez répondu que vous l'avez déjà fait référence ici, à l'Assemblée nationale, que le président de l'Assemblée n'est pas intervenu à ce moment-là. Moi, je ne vois pas la nécessité d'intervenir là-dessus.
M. Couillard: ...pas tout à fait exact. Mon collègue le ministre de la Justice s'est levé en Chambre et a souligné que, suite au dépôt de ce document, auquel nous ne nous sommes pas objectés d'ailleurs, la cause était présentement devant les tribunaux, précisément cette cause-ci, et qu'il faut avoir la plus grande prudence dans les propos qu'on a ici.
Mme Harel: ...
Le Président (M. Copeman): Non. Écoutez, Mme la députée. On va s'entendre, là. Je ne veux pas pénaliser qui que ce soit, mais je pense que c'est une question importante à régler.
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): Oui. Je vais faire ce que fait n'importe quel président de commission ou président de l'Assemblée à ce moment-ci, c'est d'inciter la députée à la prudence. Si la cause est sub judice et si ça peut porter préjudice parce que la notion est également plus loin, là, il ne faut pas que l'intervention de la députée porte préjudice à la cause. Mme la députée est avocate, c'est une ancienne ? membre du Barreau toujours ? une ancienne présidente de l'Assemblée. Je pense que toutes les mises en demeure ont été effectuées. Mme la députée, continuez.
Mme Harel: Alors, je poursuis, M. le Président, d'autant plus qu'il s'agit d'un document qui a été déposé, comme l'a signalé le ministre lui-même, et qui dit ceci: «Exploiter activement, pendant toute la durée du bail, une clinique médicale sans rendez-vous qui doit être ouverte au public six jours par semaine, pour un minimum de 60 heures.» Ça signifie, M. le Président, qu'un groupe de médecins de famille qui, comme vous le savez, exerce avec des rendez-vous dans une dynamique autre que celle, là, de recevoir des patients sans rendez-vous, souvent sans suivi aussi ? on sait bien que les cliniques sans rendez-vous sont souvent des cliniques sans suivi ? ne pourrait donc pas ? ne pourrait donc pas ? s'installer dans ces locaux.
n(12 heures)n Alors, je pense que le ministre aurait intérêt à poser la question au directeur général de l'Association des propriétaires pharmaciens, quand il parle de dirigisme, pour que le directeur général de l'Association des propriétaires pharmaciens enquête à savoir s'il s'agit de dirigisme.
M. le Président, il est évident que le ministre a choisi de s'en laver les mains. Et je veux incidemment, là, puisqu'il en a parlé à quelques reprises, vous rappeler que L'Actualité médicale, dans la publication du 3 novembre, fait état d'un plan pour contrer les infections nosocomiales, tel le Clostridium difficile. Le titre, c'est: Dormait au ministère depuis octobre 2003.
Alors, ceci dit, M. le Président, il y a un problème de fond auquel le ministre ne veut même pas accepter de s'y intéresser. Et ce problème de fond, M. le Président, c'est le suivant: Comment peut-on être les seuls en Amérique du Nord ? parce que je pense l'avoir démontré amplement: nous sommes les seuls qui n'avons aucune législation qui interdit ce type de pratique, baux de faveur ? ou du moins où on n'applique pas fermement cette interdiction. Alors, M. le Président, le ministre et son gouvernement avaient promis aux personnes assistées sociales et aux personnes pauvres ? je pense que vous avez été parmi d'ailleurs ceux, ça vous honore, qui avez voté en faveur de la loi qui s'engage à faire la lutte à la pauvreté ? avaient donc été parmi... Et le premier ministre actuel a pris l'engagement ferme par écrit d'accorder la pleine gratuité des médicaments aux personnes assistées sociales et à celles qui, âgées, reçoivent le supplément de revenu garanti.
Alors, M. le Président, la question, c'est de savoir évidemment quand. J'avais pensé que le ministre, puisque ça portait sur la politique du médicament ? je lui ai dit tantôt: Vous avez encore du temps pour nous expliquer laquelle elle sera ? j'avais pensé qu'il prendrait ce temps à sa disposition pour nous en parler. Il a choisi de ne pas le faire. Mais je voudrais signaler que l'étude qui a été publiée dans le journal de L'Association médicale canadienne du 3 février 2004 par le professeur Steve Morgan de l'Université de la Colombie-Britannique, cette étude démontre ? et je voudrais pouvoir la déposer, M. le Président, avec votre consentement, donc je voudrais pouvoir déposer cette étude avec votre consentement ? cette étude démontre que l'effet de prix le plus important, c'est celui qui dépend, au Québec, des honoraires pharmaceutiques plus élevés en raison d'une durée d'ordonnance plus courte.
Alors, ce que démontre cette étude d'envergure, c'est que, dans les situations de médication à long terme, dans ces situations où partout ailleurs qu'au Québec les ordonnances sont faites pour des prescriptions de quelque deux mois parfois, trois mois parfois dans les cas de médication à long terme, l'étude démontre que le Québec est la province où finalement les coûts d'honoraires sont les plus élevés. J'avais déjà signalé, M. le Président, que le nombre d'ordonnances est aussi le plus élevé et que le coût du médicament, l'augmentation du coût du médicament s'explique par un nombre plus élevé ? cinq fois plus élevé ? de nombre d'ordonnances que par le coût du médicament lui-même.
Mais, vous savez, le temps presse, parce que, dans cette étude, on démontre que la différence du coût per capita entre le Québec et toute autre province, c'est passé, en deux ans, de 100 $ per capita à 200 $ per capita, que ça ne peut pas s'expliquer parce que les Québécois consommeraient deux fois plus de médicaments en deux ans et que ça ne peut s'expliquer parce que les choix thérapeutiques aient changé à ce point en deux ans. Mais que la principale explication qui résulte de l'étude est l'effet du prix dû à la multiplication artificielle des ordonnances.
Alors, M. le Président, il est évident que, dans le cadre d'une politique du médicament, ce sera sur la table. Je veux donc que le ministre en soit maintenant saisi. Et, vous savez, M. le Président, cette interpellation, elle a pour but de protéger la population contre de potentiels conflits d'intérêts. C'est pour ça qu'il y a des codes de déontologie, pas pour prendre la main des gens dans le sac, mais pour justement protéger, interdire contre de potentiels conflits d'intérêts. Ce n'est pas au patient d'avoir la connaissance ni les capacités pour apprécier si son médecin lui a prescrit un médicament qui était nécessaire et qui était le meilleur pour sa santé, c'est une relation de confiance qui s'établit, M. le Président, entre le médecin et son patient. Et tout ce qui peut être évité pour mettre en doute cette confiance ? tout ? doit être éliminé. D'ailleurs, on le voit bien dans l'ensemble des législations qui interdisent et préviennent ce genre de situation qui fleurit au Québec et avec l'absolution, ce matin, du ministre de la Santé et des Services sociaux. Les tribunaux ont reconnu un rôle fiduciaire des médecins à l'égard des patients et ils ont aussi voulu qu'il n'y ait pas de relation de subordination entre les professionnels de la santé. D'ailleurs, le ministre lui-même, dans le dossier des médicaments génériques pour lequel le gouvernement, la Régie de l'assurance maladie a déposé une poursuite visant à récupérer des sommes versées en trop, aucune plainte n'avait été déposée par le public.
Alors, qu'on ne vienne pas, comme a signalé le ministre de la Justice, responsable des droits professionnels, plaider qu'il n'y avait pas de plainte déposée par le public cette fois, pour ne pas agir dans le dossier des relations médecins et bannières ou chaînes de pharmacie. Alors, M. le Président, je pense que cette situation fait déshonneur à une profession qui ne le mérite pas, à des médecins qui sont respectueux de leur code de déontologie. Et je pense que c'est urgent que le ministre prenne conscience de la nécessité de mettre fin à des situations qui favorisent des trafics d'influence dangereux pour le public et que l'ensemble de tous les organismes de réglementation en Amérique du Nord s'activent à interdire pour les prévenir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. J'autorise le dépôt de l'article intitulé Sources of Variation in Provincial Drug Spending. Je vous remercie beaucoup, chers collègues, de votre collaboration habituelle et j'ajourne les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 12 h 8)