(Quinze heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.
Élection du vice-président,
M. Camil Bouchard
Dans un premier temps, nous sommes réunis afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission, le poste de vice-président étant vacant suite à la démission de la commission de M. le député de Borduas. Nous allons maintenant procéder à l'élection de son successeur.
Je vous rappelle, en vertu de l'article 137 de nos règles: «Ne sont éligibles ? au poste de vice-président ? que les membres n'appartenant pas au même groupe parlementaire que le président», c'est-à-dire à ma gauche. De plus, selon l'article 135, «le président et le vice-président de chaque commission sont élus à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire».
Alors, je suis maintenant prêt à recevoir des propositions pour le poste de vice-président. J'imagine que le député de Joliette a une proposition.
M. Valois: Oui, M. le Président. C'est avec honneur et enthousiasme que, conformément à l'article 137 du règlement de l'Assemblée nationale, je propose que le député de Vachon, soit M. Camil Bouchard, soit élu vice-président de la Commission des affaires sociales pour la durée de son mandat.
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(15 h 40)
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Le Président (M. Copeman): Je présume qu'il n'y a pas d'autre proposition.
Alors, est-ce que, de la part du groupe parlementaire formant le gouvernement, cette proposition est adoptée?
Mme James: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Est-ce que, de la part... ce serait étonnant le contraire, mais est-ce que, de la part du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cette proposition est adoptée?
M. Valois: Adopté.
Le Président (M. Copeman): Adopté. Alors, je déclare donc élu vice-président de la Commission des affaires sociales M. le député de Vachon.
Des voix: Bravo!
Le Président (M. Copeman): Je vous félicite, M. le député.
M. Bouchard (Vachon): Vous pouvez vous lever, si vous voulez.
Le Président (M. Copeman): Bien, oui, à la limite, hein? Félicitations! Et, ayant accompli ce premier mandat, je suspends les travaux quelques instants avant d'entreprendre un autre mandat que lui a confié l'Assemblée. Alors, je suspends les travaux de la commission.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 42)
Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant, pour la deuxième fois, constaté le quorum pour un nouveau mandat, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que l'usage des téléphones cellulaires est strictement défendu dans la salle et je demanderais en conséquence à tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.
Consultation générale sur le projet de loi n° 57
Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.
J'ai cru comprendre, Mme la secrétaire, qu'il n'y a pas de remplacements?
La Secrétaire: Exact, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Aucun remplacement. Alors, l'ordre du jour: nous avons trois groupes invités cet après-midi. Nous allons commencer très bientôt avec la Ligue des droits et libertés. Ce sera succédé, par la suite, par la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. Et on terminera, cet après-midi, avec la Centrale des syndicats du Québec.
Auditions (suite)
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue et nous accueillons chaleureusement les représentants de la Ligue des droits et libertés devant la commission. Mme la présidente Filion, je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie d'un échange de plus ou moins 20 minutes de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent et à débuter immédiatement votre présentation.
Ligue des droits et libertés
Mme Filion (Nicole): Je suis accompagnée de Lise Ferland, qui est membre de la Ligue des droits et libertés, et également par Pierre Leduc, qui est membre de la Ligue des droits et libertés.
Une brève présentation de notre organisme. La Ligue des droits et libertés est l'une des plus anciennes organisations des droits des Amériques. Elle vise à faire connaître, défendre et promouvoir l'ensemble des droits de la personne: civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Elle est membre de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, la FIDH. Et je tiens à rappeler que la FIDH a un statut consultatif auprès des Nations Unies et qu'à ce titre elle intervient régulièrement auprès de différents organes internationaux chargés de l'application des instruments de défense des droits de la personne.
La Ligue des droits et libertés a, depuis sa fondation, contribué à la réalisation de nombreuses réformes juridiques et sociales au Québec. Elle a participé à l'adoption... bien, en quelque sorte, c'est qu'elle a travaillé beaucoup en faveur de l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, à la création de la Commission des droits de la personne, au régime de l'aide juridique et à la mise en place du système de protection de la jeunesse.
Notre cadre d'analyse et de revendication repose essentiellement sur la Déclaration universelle des droits de l'homme et des deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces instruments forment, sur le plan international tout autant que national, le cadre général de la protection des droits de la personne. La Déclaration universelle, en 1948, a élevé au rang de principes universels devant s'appliquer au-delà des frontières l'ensemble des droits qui y sont énoncés. Les pactes internationaux sont venus, eux, par la suite préciser la nature des obligations des États à l'égard de chacun de ces droits, dont le droit à l'alimentation, au travail, à un niveau de vie suffisant, à la santé, à l'éducation, le droit de former des syndicats, le droit à la sécurité sociale et celui de participer à la vie culturelle.
Il est utile et nécessaire de rappeler ici que le Canada a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu'on va appeler le PIDESC, et que le Québec a accepté cette ratification, il a accepté que cette ratification se fasse en son nom. Alors, de ce fait, le Québec s'est engagé en droit international à ce que ses lois, programmes et politiques respectent les dispositions du pacte.
En proposant le projet de loi n° 57, le gouvernement du Québec fait bien peu de cas de ses obligations à l'égard de l'ensemble des droits de la personne. La ligue estime que ce projet de loi constitue un déni de droits.
Dans son préambule, le PIDESC énonce que l'idéal de l'être humain, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions qui permettent à chacun de jouir de l'ensemble des droits sont créées.
La proposition de régime de sécurité du revenu qui est formulée par le projet de loi n° 57 ne répond pas à cette importante obligation internationale. Le projet annonce en effet des reculs substantiels et purement inacceptables dans la réalisation des droits économiques et sociaux et constitue à plusieurs égards une violation de droits. Parmi les droits qui sont plus particulièrement visés, mentionnons:
Le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence;
Il y a aussi le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, qui inclut également l'orientation et la formation techniques et professionnelles, l'élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant;
Le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables;
Le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.
Pour mieux comprendre la nature des engagements des États à l'égard des droits économiques, sociaux et culturels, il faut se référer à l'article 2 du PIDESC: «Chacun des États parties au présent pacte s'engage à agir [...] au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives.» C'est-à-dire que le Québec s'est donc engagé à améliorer de façon progressive le respect des droits, ce qui veut dire que tout recul est donc susceptible de constituer une violation de ses obligations en droit international.
Les obligations se trouvent définies dans les observations générales du comité du PIDESC, et ce comité a également précisé que les États ont des obligations qui les amènent à définir des mesures et des programmes qui vont produire des résultats sur les droits. L'État doit d'ailleurs démontrer qu'aucun effort n'a été épargné pour utiliser toutes les ressources à sa disposition pour remplir ses obligations. Le comité a également précisé que la principale obligation des États parties est de donner effet aux droits reconnus dans le pacte. Ainsi, les normes du pacte doivent être dûment reconnues dans le droit interne, toute personne lésée doit disposer de recours appropriés et les moyens nécessaires pour forcer l'État à rendre compte de ses actes doivent être mis en place.
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(15 h 50)
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Le Québec n'a aucune raison de ne pas aller dans le sens d'une protection accrue des droits économiques, sociaux et culturels, d'autant qu'il est, aujourd'hui, beaucoup plus riche qu'il ne l'était en 1975. Et c'est d'ailleurs ce que le comité du pacte avait reconnu, en décembre 1998, et je cite: «...depuis cinq ans, le Canada occupe la première place du classement en fonction de l'indicateur de développement [du PNUD]. Cela signifie que les Canadiens jouissent, en moyenne, d'un niveau particulièrement élevé et que le Canada [et le Québec] a les moyens d'assurer dans une large mesure l'application de tous les droits [qui sont] énoncés dans [ce] pacte.» Analysé du point de vue des droits de la personne, le projet de loi n° 57 propose un régime de sécurité du revenu totalement inacceptable.
Mme Ferland (Lise): Le régime, comme l'a dit Mme Filion, est inacceptable pour la ligue, mais ce n'est pas la première fois que la Ligue des droits et libertés a l'occasion de se prononcer sur des réformes au niveau de notre régime de sécurité du revenu ou d'aide sociale, la terminologie ayant changé à travers les années. Et la ligue s'est objectée régulièrement, considérant que le régime actuel de l'aide sociale porte atteinte aux droits de la personne et qu'il entraîne une exclusion civile, sociale et économique des personnes. Je réfère, là, plus particulièrement à la page 3 de notre mémoire sur les différents éléments que nous avons analysés et soulignés dans le projet de loi n° 57 qui, selon nous, entraînent encore plus de recul et nous amènent dans des situations d'exclusion.
La réforme qui est sur la table actuellement propose encore une fois d'accentuer la division entre les personnes en conditionnant le niveau d'aide selon leur aptitude au travail et leur participation à différentes sortes de mesures. Ce faisant, le régime se rapproche encore davantage de celui qui existait avant 1969, où l'aide était accordée en fonction du mérite qui découlait de l'état des personnes ou de leur bonne conduite. D'ailleurs, la terminologie des différents régimes, on remarque qu'on a un régime d'aide sociale dans la loi puis qu'on a un régime de solidarité sociale. Il y a une différence importante dans les mots qu'on emploie pour qualifier les différentes personnes.
Le régime proposé repose encore et toujours sur le paradigme voulant que les individus aient l'entière responsabilité, la responsabilité première de transformer leur situation. Au contraire, les obligations de l'État à l'égard des droits de la personne impliquent plutôt que celui-ci agisse de façon dynamique et concrète pour contrer les stratégies économiques, génératrices de violations des droits de la personne.
La réforme ne comporte aucune mesure rehaussant le niveau de l'aide accordée de façon à garantir à toute personne le droit à un niveau de vie suffisant. Bien au contraire, nous considérons que la réforme continue d'appauvrir les personnes. Il y a des indexations, mais il y a des indexations partielles à certains endroits. On maintient encore des réductions de prestations, que ce soit pour les contributions parentales, que ce soit pour des remboursements d'aide à trois niveaux différents de réduction. On reporte en 2006, et encore là de façon très partielle, la façon dont seront traitées les pensions alimentaires, certaines exclusions au niveau des bénéfices qui sont accordés pour les enfants. Donc, il y a des mesures de réduction des prestations qui sont loin d'accorder aux personnes un niveau de vie suffisant.
La réforme propose la levée de l'insaisissabilité des prestations en cas d'incapacité de payer le loyer. Cette mesure n'avait pas été mise en vigueur. Nous, on trouve inacceptable, complètement inacceptable que ça revienne encore une fois sur le tapis. Et, comme le mentionnait, en 1998, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, puis je pense qu'ils sont venus vous le redire eux-mêmes il n'y a pas longtemps, cette réforme ouvre une brèche dans le principe de l'incessibilité des prestations, principe qui est toujours apparu comme la contrepartie du caractère minimal des allocations qui sont versées. Il s'agit d'une mesure de détournement de l'aide de dernier recours et une forme de contrôle discriminatoire à l'égard des prestataires du régime de la sécurité du revenu. Enfin, cette mesure ne tient aucunement compte de la véritable problématique reliée à l'absence d'actions gouvernementales visant à assurer de façon effective le droit à un logement convenable et accessible.
La réforme accorde davantage de pouvoirs discrétionnaires au ministre. Elle accentue davantage l'arbitraire des agents. De plus, certains programmes comme Alternative jeunesse, par exemple, ne seront soumis à aucune procédure de recours pour les personnes qui y sont inscrites.
La réforme n'engage aucunement l'État à l'égard de ses obligations concernant le droit au travail et le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, tel qu'énoncé dans le PIDESC. Au contraire, elle propose une mesure, la prime à la participation, qui aura pour effet de maintenir et d'offrir une main-d'oeuvre bon marché pour certains secteurs économiques que le ministre aura le loisir de désigner.
On peut ajouter aussi que, parmi les éléments qui sont questionnants, il n'y a pas de mise en application de l'observatoire sur la pauvreté, qui serait un instrument qui pourrait
permettre de mesurer, au Québec, concrètement quelles sont les mesures de la pauvreté. Il n'y a pas de mise en application ou on ne sent pas qu'on a utilisé la clause d'impact qui se retrouve dans le projet de loi pour l'élimination de la pauvreté. Et ce qui est particulier aussi, qu'on tient à souligner, c'est que nous n'avons pas, puis plusieurs vous l'ont dit, nous n'avons pas le projet de règlement qui va accompagner le projet de loi n° 57 et, dans cette législation, une grande partie des éléments sont déterminés à l'intérieur du règlement ou prennent leur sens réel et concret à l'intérieur du règlement que nous n'avons pas.
Ce que nous avons par ailleurs comme projet de règlement ? et, même si ce n'est pas l'objet de la consultation d'aujourd'hui, je pense que ça vaut la peine de le souligner ? c'est... Il y a un projet de règlement que M. Béchard a déposé, le projet de règlement modifiant... sur la loi actuelle du soutien du revenu, qui a des effets majeurs actuellement sur plusieurs des éléments de notre régime, et on se rend compte qu'il y a des restrictions qui sont imposées par ce projet de règlement actuel. Et, lorsqu'on voit les intentions, on peut se questionner sur la nature des intentions et les effets qui sont concrètement réducteurs au niveau des droits. On pourra y revenir de façon plus précise, mais c'est quelque chose qui est important.
Nous, on considère qu'il s'agit d'un retour en arrière, un inquiétant retour en arrière. En fait, le projet de loi n° 57 constitue le dernier clou enfoncé, on peut dire, dans le cercueil de la grande réforme de 1969 qui reconnaissait l'aide sociale comme un droit. Cet élément-là, cette formulation, cette reconnaissance de l'aide sociale comme un droit est complètement disparue de notre discours et de notre droit et ça constitue... Ce qui constituait une nette avancée, maintenant on est dans une situation de recul comme...
Pour un gouvernement qui dit vouloir, aujourd'hui, moderniser le Québec, ce projet de réforme de la sécurité du revenu nous ramène en fait loin en arrière. En catégorisant les personnes vivant en situation de pauvreté selon leurs mérites respectifs, il en vient à moraliser un programme qui devrait au contraire reconnaître un droit humain fondamental et le rendre accessible à toutes et à tous sans condition. La réforme nous ramène en arrière, à une règle, la règle de saint Benoît, qui est mort il y a très longtemps mais qui distinguait, parmi les mendiants, ceux qui sont trop faibles pour travailler de ceux qui mendient parce qu'ils sont trop paresseux, et que l'on renvoie après deux jours s'ils ne veulent pas travailler.
M. Leduc (Pierre): Je vais continuer avec la conclusion. Mais, avant de parler de la conclusion, je trouve important de ressortir un élément, c'est: Quand le travail ne permet pas le droit à un revenu suffisant. Vous avez ça à la page 6 du mémoire. Lise en a parlé tantôt, 1969 représentait une année charnière pour la reconnaissance du droit à un revenu suffisant. Mais déjà, en 1973, il y a des amendements qui ont été apportés à la loi, qui ont abouti à la décision de plafonner les prestations de l'aide sociale à un niveau inférieur au salaire minimum afin de maintenir l'incitation au travail. Je voudrais juste rappeler qu'en 1973 le salaire minimum était au moins égal au seuil de pauvreté à l'époque, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
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(16 heures)
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Faut-il vous rappeler que vouloir intégrer sur le marché du travail les personnes recevant des prestations de sécurité du revenu n'a de sens que s'il existe des emplois convenables permettant de sortir réellement de la pauvreté. Le salaire minimum, présentement à 7,45 $ de l'heure, ne le permet d'aucune façon. D'autant plus, comme le fait remarquer le Conseil national du bien-être social, que seul un revenu de 10 $ de l'heure, ce que l'OCDE elle-même considère comme un bas salaire... L'OCDE, j'imagine, la plupart savent que c'est l'Organisation de coopération et de développement économique, et c'est loin d'être un «think tank» de gauche. Alors, même eux autres considèrent qu'en bas de 10 $ de l'heure on n'est pas... c'est un très bas salaire. Ça correspondrait au montant minimum dont les travailleurs auraient besoin, en 2000, pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles et pour se hisser au-dessus des seuils de pauvreté, quelle que soit la manière qu'on calcule le seuil de pauvreté, que ce soit avec les seuils de faibles revenus de Statistique Canada ou les nouveaux seuils, là, de panier de consommation.
Alors, l'objectif, d'après nous l'objectif du régime de sécurité du revenu ne doit pas être de réinsérer à n'importe quel prix les personnes sur le marché du travail. Au contraire, l'État doit aussi reconnaître le droit au travail de tous et toutes et le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent une rémunération permettant une existence décente, et là il y aura peut-être un sens. Mais, tant que cette condition-là n'est pas appliquée, c'est difficile de demander à des gens de réintégrer absolument le marché... à tout prix le marché du travail dans le contexte actuel.
En conclusion, la libération et la mondialisation croissante des marchés, vous le savez tous et toutes, génèrent des iniquités économiques et sociales ainsi que des violations des droits humains. Ce contexte exige des États comme celui du Québec qu'il exerce son pouvoir décisionnel, à la fois politique et juridique, en se donnant un corpus législatif et en mettant en place un ensemble de mesures qui reconnaissent et protègent efficacement les droits de la personne, mais l'ensemble des droits de la personne ? je ne ferai pas l'énumération qu'on a faite tantôt ? qui doivent définir l'action gouvernementale nécessaire à la réalisation de ces droits et qui réglementent l'action des acteurs économiques et sociaux intervenant sur son territoire, dans le respect de ces droits-là.
Et, comme le mentionnait bien la Commission des droits de la personne dans son bilan des 25 ans de la Charte des droits et libertés, l'accès à certains régimes de protection sociale, comme la sécurité du revenu, n'est plus considéré comme un droit mais comme un dernier recours. L'objectif de réduction des dépenses publiques conjugué à des conditions de travail de plus en plus précaires menace de nombreux acquis sociaux. Le discours des droits lui-même, mobilisateur et concret, tend à être remplacé par celui, sans doute plus lénifiant, des besoins ou de la compassion.
C'est pourquoi la Ligue des droits et libertés, premièrement, demande qu'on retire le projet de loi, qu'on refasse un peu ses devoirs à travers le cadre d'analyse qui vous est proposé et qu'en conséquence le gouvernement du Québec s'engage plus explicitement dans la reconnaissance de ses obligations à l'égard des droits économiques, sociaux et culturels, et demande des modifications législatives en faveur du renforcement de la charte québécoise et des mécanismes de recours rendant ces droits opposables.
Je voudrais en terminant, je pense qu'il me reste deux, trois...
Le Président (M. Copeman): 30 secondes.
M. Leduc (Pierre): 30 secondes?
Le Président (M. Copeman): Oui.
M. Leduc (Pierre): Alors, rapidement vous dire: On fait... Je voudrais paraphraser la conclusion de la Protectrice des citoyens, citoyennes, elle parlait: «En terminant, je [fais mienne] les paroles du ministre: "La compassion [en] les plus démunis fait partie de mes priorités majeures."» Ce qu'on vous demande, c'est d'ajouter à ces priorités-là, qui vous honorent, une autre priorité, celle du respect des droits humains fondamentaux en vue d'une justice sociale pleine et entière pour tous les Québécois et Québécoises. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Afin de débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, j'aimerais, pour commencer, remercier ma collègue, hier, qui a pris la relève étant donné mon absence. Alors, elle l'a fait de façon remarquable, alors je tiens à la remercier. Et excusez, l'ensemble des membres de la commission, mon absence d'hier après-midi, qui était contre ma volonté. J'aurais aimé beaucoup être avec vous ici, mais, que voulez-vous, il y a des circonstances comme ça, que je suis sûr que le député de Vachon saura bien exploiter, mais juste pour vous dire que je m'excuse pour hier après-midi.
Donc, je suis très heureux d'être avec vous cet après-midi, et je veux saluer M. Leduc, Mme Filion, Me Ferland, vous remercier pour votre présentation, pour votre mémoire, et vous dire un certain nombre de points qu'on a entendus depuis le début de la commission, entre autres avec la Commission des droits de la personne, aussi la Protectrice du citoyen, toute la question des chartes, les ententes internationales, et tout ça. Je comprends beaucoup votre argumentaire du fait que, oui, c'est un élément sur lequel le Québec ne doit pas aller à l'encontre, et je crois sincèrement qu'on ne vas pa à l'encontre, parce que la plupart des points sont présentés comme étant des cibles à atteindre.
Et tantôt je regardais dans certains cas, on parle, entre autres, là, d'obligations ou de droits économiques, de droits sociaux, de droits culturels, dans certains cas on va être d'accord que c'est très variable d'un pays, d'une société à l'autre, et il y a des endroits où la couverture des besoins essentiels, c'est d'avoir des vêtements, d'avoir l'eau potable, d'avoir... Alors, il y a toujours ces éléments-là qui sont là, et j'invite toujours les gens à être très, très prudents quand on prend ces comparaisons-là parce qu'en bout de ligne on n'a pas les mêmes comparaisons un peu partout et que c'est...
Souvent, quand on a à adhérer à ces dispositions-là, c'est toujours selon l'état de richesse ou selon la capacité de chacun des États ou de chacune des sociétés d'y adhérer. Et je vous dirais que, par exemple, quand on parle au niveau de certains pactes, on parle de chacun des États, que chacun des États doit ? qui font partie d'un pacte ? s'engager à agir «au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus» ? ça, c'est à la page 4 de votre mémoire ? donc je pense qu'on reconnaît qu'il y a là un... on ne demande pas à tous les États de faire la même chose. Moi, je considère que, dans le dernier plan de lutte à la pauvreté, avec 2,5 milliards, on en a fait un bout. Peut-être pas assez à votre goût, je le comprends, mais on a quand même fait un bout important.
Et il y a un des points sur lequel vous revenez, sur toute la question des droits au travail, des droits économiques, qui sont très larges et qui selon moi ne peuvent pas uniquement se résumer à la loi n° 57 ou encore aux questions de pauvreté, au plan de lutte à la pauvreté. Mais, quand vous parlez, entre autres, du salaire minimum et que dans le fond l'OCDE parle d'un salaire de 10 $, salaire minimum de 10 $, vous comprenez que ça a des impacts ici, ça aurait des impacts partout. Mais je veux vous entendre là-dessus. Parce qu'on a mis en place Prime au travail. Ce n'est pas une augmentation directe du salaire minimum, c'est quand même au niveau des droits des travailleurs. Puis, moi, j'ai voulu et j'ai insisté beaucoup pour qu'on ait aussi un certain nombre de mesures justement pour les travailleurs qui sont au salaire minimum ou un petit peu au-dessus, pour que ces gens-là y voient une différence.
Alors, est-ce que, dans Prime au travail, vous voyez là... Puis je vous comprends, ce n'est pas la fin, ce n'est pas l'idéal, mais est-ce que vous voyez au moins un pas dans cette volonté d'améliorer les conditions de vie des travailleurs à plus faibles revenus par Prime au travail, qui s'adresse à tout le monde, qui n'est pas... c'est une mesure universelle, ce n'est pas... Il n'y a pas de formulaire à remplir ou quoi que ce soit, si ce n'est qu'au niveau du revenu qui sera à étudier. Est-ce que ça, vous voyez ça comme au moins une avancée?
Mme Filion (Nicole): Peut-être. C'est une question à plusieurs questions.
M. Béchard: On me dit souvent ça depuis le début de la commission.
Mme Filion (Nicole): Mais effectivement les droits économiques, sociaux et culturels et l'ensemble des droits de la personne, c'est un tout indivisible et puis il y a une interdépendance entre les droits. Alors, effectivement, quand on parle des droits économiques, sociaux et culturels et qu'on vient vous répondre par rapport à votre proposition du projet de loi n° 57, nous, on veut avoir une approche globale, et c'est pour ça qu'on va vous parler effectivement du droit au travail. Mais on va aussi vous parler du droit au travail parce qu'il inclut le droit à la formation, le droit d'avoir accès à des programmes qui vont permettre d'avoir accès à un marché du travail. On ne peut pas dire que, dans le projet de loi n° 57, on retrouve un engagement formel de la part du ministre de s'engager à offrir ce type de programmes et politiques.
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(16 h 10)
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Par rapport à la relativité, la relativité d'application, si on peut dire, ça semble être comme ça que vous le proposiez. J'avais pris la peine de citer, à ma présentation, l'article 2 du PIDESC et je pense que cet article précise avec beaucoup de précision ce qu'est la nature des engagements des États, on parle bien de «à agir au maximum de ses ressources disponibles». Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire qu'un État ne peut pas d'une part simplement se satisfaire de dire: J'ai mis tant de millions dans un programme. L'État doit démontrer qu'il a utilisé toutes les ressources disponibles et qu'il a fait tout son nécessaire pour aller chercher les ressources disponibles.
Vous aviez, dans la loi... Si je ne me trompe pas, dans la loi n° 112, il me semble qu'il y a une clause d'impact. Cette clause d'impact aurait pu vous servir à élaborer une réponse à cette exigence du pacte, qui vous demande en fait de démontrer que vous avez utilisé le maximum de ressources disponibles. On précise aussi que vous devez vous assurer d'assurer progressivement le plein-emploi, c'est bien évident... le plein exercice des droits, pardon. Alors, c'est bien évident que, si le comité du pacte s'adresse à un pays qui est en développement, il n'aura pas les mêmes exigences à l'égard de la réalisation des droits, mais il devra, lui aussi, démontrer qu'au travers de ses ressources disponibles il fait tout ce qu'il est en mesure de faire pour réaliser les droits. Mais ici on est au Québec et au Canada, et le PNUD, cette année, aussi a reconnu que le Canada et le Québec étaient dans une situation de richesse par rapport à l'ensemble des pays industrialisés. Alors, je crois bien que, si le Québec se présente avec le projet de loi n° 57 devant le comité du PIDESC, il devra recevoir la même condamnation qu'il avait reçue en 1998. Bon.
M. Leduc (Pierre): Je voudrais juste... Est-ce que je pourrais compléter la réponse par rapport au travail?
Le Président (M. Copeman): Allez-y.
M. Leduc (Pierre): Moi, ça a toujours été quelque chose qui m'a fasciné, comment expliquer qu'en 1975-1976, l'année où on a signé finalement ? bien, le Canada a signé en notre nom, mais on était pleinement d'accord ? le PIDESC, donc en 1975-1976, on était un pays globalement beaucoup moins riche qu'aujourd'hui ? il s'agit juste de regarder le PNB, etc., là, même avec l'augmentation de la population ? et qu'à l'époque le salaire minimum arrivait à répondre à l'exigence d'un revenu suffisant. On se retrouve 30 ans plus tard, presque, avec un PNB qui a peut-être doublé de 2,5 ? je m'excuse, je ne suis pas économiste, là, mais on pourra vérifier, je ne dois pas être très, très loin ? et là le salaire minimum représente à peine 40 % ou 50 % d'un seuil de faibles revenus. Alors, on peut interpréter ça d'une manière très sympathique, la prime à l'emploi, mais je crois que c'est vraiment insuffisant. On est plus riches, et les plus démunis de la société, particulièrement par rapport au travail, sont plus pauvres qu'il y a 30 ans, et c'est ça que... Je veux dire, quelque part j'arrive difficilement à saisir qu'une société plus riche traite moins bien ses personnes les moins... pauvres.
En même temps, pour terminer, le PIDESC n'assume pas toute la responsabilité uniquement à l'État, mais à l'ensemble des acteurs sociaux, y compris les entreprises. Là où l'État a une responsabilité, c'est de voir à ce que les entreprises fassent leur part quelque part et travaillent vers une éradication quelque part de la pauvreté. Mais, dans le contexte actuel, travailler au salaire minimum, c'est être un «working poor», là, comme aux États-Unis, puis des fois on s'offusque de ça, mais il y en a beaucoup au Québec aussi. Alors, il y a quelque chose, il va falloir prendre nos responsabilités collectives puis faire en sorte que les gens qui travaillent et même ceux qui ne peuvent pas aller sur le marché du travail pour x raisons aient droit à leur plein droit fondamental, qui est d'avoir à tout le moins un revenu de vie suffisant, et ça comprend le droit à la santé, le droit au logement convenable, etc.
M. Béchard: Oui, mais j'aime beaucoup notre discussion là-dessus parce que là on entre dans un élément qui revient à dire: Oui, il y a la situation idéale, mais il faut aussi se comparer. Si on se compare justement par rapport aux États-Unis, si on se compare au reste du Canada, est-ce qu'on peut s'entendre sur le fait que, par exemple, Prime au travail, le fait qu'on ait une prévision dans l'augmentation du salaire minimum ? ce qui ne s'était jamais vu non plus ? c'est au moins une amélioration de la situation? Et je vous comprends de dire, de votre côté: Ce n'est pas parfait puis quand on parle d'un salaire minimum de 10 $, et tout ça, mais on a quand même... Parce que, quand vous parlez des «working poors», c'est exactement là-dessus qu'on a essayé aussi de mettre l'accent avec Prime au travail, pour que les gens qui font des efforts se voient récompensés puis que ce niveau-là, je dirais, de gens qui sont au salaire minimum, mais qu'on les encourage à continuer. Alors, j'imagine que... Puis je comprends, là, que ce n'est pas la fin, là, mais est-ce qu'on peut au moins s'entendre pour dire que c'est un pas dans la bonne direction?
Et quelle est votre perception face aux différentes mesures actives, que ce soient d'allocations d'aide à l'emploi, toutes les mesures d'Emploi-Québec par rapport à ces mesures-là? Parce que je voyais que vous en aviez une perception plus ou moins positive. J'aimerais y aller là-dessus, parce que, quand on dit qu'on doit faire un certain nombre d'efforts, des mesures appropriées pour assurer le plein exercice de ce droit-là, on en fait, et c'est pour ça que je veux voir votre perception par rapport à ces efforts-là qui sont faits.
Mme Ferland (Lise): On comprend que vous allez nous dire que le Québec fait les efforts qu'il faut, puis c'est ce qu'on entend aujourd'hui, mais, nous, on est en droit de s'attendre, si on utilise la logique des droits et de la reconnaissance des droits, qu'à l'intérieur du projet de loi n° 57... Puis vous avez utilisé les mots «efforts récompensés». Je pense que ça dénote... puis je n'interpréterai pas vos propos, vous avez dit «efforts récompensés», ça veut donc dire que l'économie de la loi nécessite que les gens fassent des efforts et que là ils seront récompensés.
Ce qu'on ne trouve pas dans le projet de loi n° 57... Puis, quand on est sur le terrain puis qu'on intervient avec les personnes, on se rend compte que... Par exemple, vous parlez de Prime au travail, ça va. Cependant, dans le règlement que vous venez de déposer, il y a... ? puis d'ailleurs, avec mes collègues de mon bureau, on vous a écrit là-dessus ? on vient d'abolir le montant relié au fait d'occuper un emploi. C'est un petit montant, mais c'est un incitatif pour des personnes qui sont dans des situations d'extrême pauvreté. Mais on donne d'une main, on enlève de l'autre main. Si on veut avoir une approche d'incitation, une approche incitative, pourquoi les personnes qui sont prestataires de la sécurité du revenu ne peuvent pas conserver les pensions alimentaires qu'ils reçoivent pour les enfants? Pourquoi ils ne peuvent pas travailler et gagner un petit peu plus? Pourquoi il n'y a pas des mesures incitatives?
Vous avez tenu le discours des mesures incitatives, car vous avez dit: On ne mettra plus de pénalité pour les gens qui refusent ou ne participent pas dans des mesures. C'est une logique d'intervention qui est intéressante, c'est-à-dire c'est une logique qui veut agir par la positive. Mais ce qu'on est surpris, c'est de voir qu'on l'a à un endroit, c'est comme si on donne d'une main puis on enlève, on ne l'applique pas dans le reste de la loi. Cette logique-là, si elle est valable, il me semble qu'on devrait la retrouver un peu partout et on devrait arrêter de stigmatiser les personnes assistées sociales.
On maintient des choses comme saisir les chèques s'ils ne paient pas leurs loyers. On pourrait avoir un long débat là-dessus, je pense qu'il y a d'autres intervenants qui vont venir vous en parler bien plus longuement que nous. Mais en même temps c'est toutes des mesures punitives, c'est des mesures... D'une certaine façon, c'est une logique qui fait en sorte qu'on dit: L'élément essentiel, c'est d'aller travailler, et, à partir de ce moment-là, on crée toutes sortes de difficultés ou d'embûches. Puis mon propos a peut-être l'air fort de dire que c'est comme ça, mais, dans la réalité, c'est la perception et c'est la réalité que vivent les gens, c'est des embûches, et on ne travaille pas dans une optique positive.
M. Leduc (Pierre): J'aimerais juste compléter en disant un point par rapport à nos obligations PIDESC, c'est effectivement quelque chose qui m'a trotté dans la tête, ce que vous disiez tantôt: l'obligation qu'on a en signant ce texte-là ne se fait pas en se comparant à d'autres. On ne peut pas... C'est difficile de comparer des pommes et des oranges, comparer des situations de développement en Afrique, en Amérique latine, chez nous. Même des fois se comparer avec l'Ontario, c'est difficile parce qu'il faut trouver les bons indicateurs, etc. Alors, les obligations qui sont liées par le PIDESC, c'est tous les efforts que nous-mêmes on fait, comme société, par rapport aux ressources qu'on a, pas par rapport aux ressources qu'un autre État a, par rapport à nos propres ressources.
Et ce que j'essayais de démontrer, fort maladroitement, tantôt, c'est comment je peux m'expliquer rationnellement qu'une société beaucoup plus riche qu'il y a 30 ans traite moins bien les personnes les plus démunies. Je ne dis pas que c'est le projet de loi n° 57 qui a tout fait baisser le niveau de vie ou le respect des droits de nombreux citoyens et citoyennes au Québec, mais ce que je comprends, c'est qu'on n'a pas respecté les obligations qu'on avait signées et que là, maintenant, on se retrouve à devoir faire un rattrapage et on a les ressources.
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(16 h 20)
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Mme Filion (Nicole): Je terminerai en ajoutant que, si on avait procédé à l'indexation des prestations de sécurité du revenu depuis 1989, les personnes qui ont maintenant 533 $ par mois pour vivre auraient maintenant 741 $ pour vivre. Alors, quand on dit qu'on fait des efforts et puis qu'on s'en va progressivement vers la réalisation des droits, n'eût été que de l'indexation, on aurait déjà marqué un certain effort, et le projet de loi ne prévoit pas une indexation pour tous les types de prestation.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de la solidarité sociale et de la famille.
M. Bouchard (Vachon): Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Filion, bonjour, Mme Ferland, bonjour, M. Leduc.
J'aimerais vous entendre sur la question... j'aimerais... Il y a un problème fondamental que vous posez aujourd'hui, là, puis j'ai commencé à faire des petits dessins, des modèles de sécurité du revenu en vous écoutant. J'ai comme l'impression qu'on fait face à... on est pris dans une espèce de dilemme maintenant parce que quelque part on oppose les droits à l'intégration au travail ou à l'effort. C'est comme si... Et là il y a un livre qui a été publié, qui s'appelle L'aide au conditionnel, que vous avez peut-être lu, par les profs de l'Université de Montréal et les chercheurs, où on oppose les droits et l'insertion au travail, la récompense de l'effort. Mais ce que vous nous dites dans le fond, c'est qu'on devrait considérer les droits en soi et avoir des programmes d'intégration, d'insertion et de récompense à l'effort d'autre part. Est-ce que je vous comprends bien?
Mme Filion (Nicole): Si vous lisez les instruments internationaux de défense des droits et même la charte québécoise, jamais vous n'aurez une contrepartie aux droits. Il n'y a pas de conditionnalité aux droits de la personne, il n'y en a pas. J'ai relu ce matin la Déclaration universelle des droits de l'homme, j'ai relu le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, j'ai relu la charte. On tente d'allier ou de relier dans un modèle contractuel les droits et les obligations des personnes. Les droits, c'est une créance en quelque sorte que l'individu a à l'égard de l'État. L'État doit s'acquitter des obligations, et il n'y a pas de condition à l'exercice des droits. Il peut y avoir des conditions d'admissibilité à certains programmes, mais d'admissibilité relative à, je ne sais pas, moi, avoir résidé au Québec pendant un certain temps, ou je ne sais pas. Bon. Je ne veux pas me lancer là-dedans, mais ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de conditionnalité à l'exercice des droits. Il n'y a pas de contrepartie. On n'est pas dans un modèle contractuel.
M. Bouchard (Vachon): Mais ce que vous êtes en train de nous dire, puis là je ne fais pas référence qu'à ce seul projet de loi mais je fais référence à l'évolution historique à laquelle vous faites référence dans votre mémoire, c'est que, pour résoudre cette tension-là entre le droit et les conditions imposées au droit dans le fond, c'est-à-dire entre le droit d'un côté et la récompense de l'effort ou la récompense à l'insertion de l'autre bord, on a laissé tomber les droits. Ce que vous nous dites, c'est que, ce projet de loi n° 57, il n'y a plus de référence aucune aux droits. Et on pourrait remonter dans le temps et voir comment s'étiole, hein, cette référence aux droits à travers les différentes lois qu'on a adoptées à l'Assemblée nationale, avec une espèce de sursaut de conscience nationale autour de la loi n° 112, qui, elle, replace les droits dans son préambule, dans le préambule même de la loi.
Mme Filion (Nicole): Mais pas dans le texte.
M. Bouchard (Vachon): Mais pas dans le texte. Alors, est-ce que vous pouvez... est-ce que vous pouvez... Mais on a tous voté cette loi-là à l'unanimité à l'Assemblée nationale, là, puis il y a eu, hein... Alors, est-ce que vous pouvez, à partir de ça, nous dire ce que serait un bon projet de loi?
Mme Filion (Nicole): Premièrement, ce serait un projet de loi qui reconnaît les obligations de l'État à l'égard des droits... Bon. On parle maintenant d'une loi de sécurité du revenu. Ça devrait énoncer en partant la reconnaissance du droit à un niveau de vie suffisant, suffisant pour permettre l'exercice de l'ensemble des droits. Mais on devrait aussi reconnaître que l'État a des obligations à l'égard de tous les droits de la personne.
On s'est posé la question: Est-ce qu'on ne devrait pas séparer un régime de la sécurité du revenu, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de conditionnalité à l'exercice de ce droit-là, et prévoir une loi ou une autre loi qui définirait les obligations de l'État à l'égard du droit au travail, le droit à la formation, le droit à des programmes d'intégration. Évidemment, il faudrait immédiatement proposer l'augmentation des prestations actuelles pour qu'elles soient conformes à un niveau de vie suffisant. Il faudrait, par exemple, prévoir l'exemption de la pension alimentaire.
En fait, on pourrait prendre a contrario ce que Mme Ferland vous a expliqué qu'étaient les réserves... pas les réserves, mais les violations que, nous, on voyait dans le projet de loi tel qu'il était formulé. Il ne devrait pas y avoir de conditionnalité à l'aide, donc pas de catégories de prestataires. On devrait prévoir des recours à toute décision qui serait rendue en vertu de ce programme-là. On devrait consacrer le caractère insaisissable de la prestation. Voilà!
M. Bouchard (Vachon): Et vous ne m'avez pas...
M. Leduc (Pierre): Ce ne serait peut-être pas mauvais qu'on relise le rapport Boucher. Et lui voyait très bien, par rapport à ce que vous disiez tantôt et que la Commission des droits de la personne... ? à la page 7, en haut, là, j'ai fait un extrait de la Commission des droits et libertés de la personne. C'est qu'on va vers un discours qui ressemble étrangement à celui du XIXe siècle, c'est-à-dire un discours stigmatisant, qui catégorise les personnes, qui propose des traitements moraux, soi-disant, à des pathologies sociales, et tranquillement on va vers ça.
Et c'est là que le concept de pitié, de compassion, qui peut avoir un sens individuel, mais, au niveau de l'État, peut amener des dérives considérables, parce que quelque part, là-dedans, il y a beaucoup d'arbitraire... Alors que le droit, c'est d'abord reconnaître une citoyenneté pleine et entière à tous et à toutes, quelle que soit leur situation, et qu'en conséquence ? et là je dis bien qu'il y a des pays plus riches que nous, il y a des pays plus pauvres que nous ? progressivement, à la mesure de nos ressources, on les mette en application. C'est une autre conception de l'humain qui, pour moi, est fondamentale. Mais, tant qu'on va rester au soi-disant traitement moral de la pauvreté, on risque de tomber dans l'arbitraire et les règles de bonne conduite que, moi, je n'ai pas connues personnellement ? je suis trop jeune, même si je me trouve vieux des fois ? mais ça prenait le rapport de bonne moralité du curé pour avoir droit à une prestation, par exemple pour les personnes... femmes veuves ou monoparentales. Alors, le discours du droit nous permet de sortir de ça et de considérer l'ensemble des citoyens sur une même base, c'est-à-dire la citoyenneté.
Et c'est ça qu'on propose quelque part. Et je vous ferai remarquer qu'on n'est pas les seuls. La Commission des droits de la personne évidemment est allée dans ce sens-là, le Protecteur du citoyen, vous avez peut-être entendu, j'ai lu leur mémoire récemment, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux, et il y en a d'autres. Et même le Barreau quelque part a mis en place un comité sur les droits de la personne. Donc, cette approche-là aussi, en tout cas, tu sais, je veux dire, ranime de plus en plus d'acteurs sociaux.
Et je voudrais juste vous dire qu'il y a quelques années la Ligue des droits avait fait paraître, avait publié une déclaration commune où nombre d'organismes de la société civile... Je pourrai vous en donner une copie peut-être, j'en ai juste une copie, je ne sais pas si on peut en faire des... sinon, j'en ferai parvenir, là, dans les jours qui viennent, une déclaration commune. Et vous verrez qu'il y avait quand même beaucoup d'acteurs sociaux qui ont signé ça. Alors, je vous en laisse une copie ici. Je suis vraiment désolé, là, c'est nos faibles moyens. À un moment donné, on avait de la difficulté à récupérer plus de copies.
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Charlebois): Oui, allez-y, M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Vous permettez?
La Présidente (Mme Charlebois): Bien oui, certainement.
M. Bouchard (Vachon): Merci. Je serais curieux de savoir: Est-ce qu'il y a quelque part, dans votre compréhension des choses ? je trouve ça très intéressant qu'on puisse échanger là-dessus en passant parce que je pense qu'on touche le fond de l'affaire, là ? est-ce qu'il y a un moment où un État peut dire: Désormais, je m'inscris davantage dans une approche de contrepartie, c'est-à-dire dans une approche de réciprocité entre le citoyen et l'État? Ou est-ce que vous maintenez une position à l'effet que les droits sont totalement inaliénables, quelle que soit la portion, autrement dit quelle que soit l'ampleur de l'effort que l'État a pu accomplir?
Est-ce que vous saisissez un petit peu le sens de ma question? Est-ce qu'il y a un seuil à partir du moment où on dit: L'État maintenant, on a le droit d'exiger quelque chose de la part du citoyen pour le reste de l'aide qu'on pourrait lui donner, autrement dit?
M. Leduc (Pierre): Il y a beaucoup de réflexions là-dessus. Écoutez, là, je ne suis pas avocat, je ne suis pas un grand spécialiste, là, tu sais, j'aimerais ça, là, de... mais ce que je peux vous dire: Il y a beaucoup de réflexions. D'ailleurs...
M. Bouchard (Vachon): Bienvenue dans le club, oui.
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(16 h 30)
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M. Leduc (Pierre): Je pense qu'on fait comme du «work in progress» ensemble, quelque part. Mais ces questions-là que vous posez, au fond ça a été dès la publication des premières chartes des droits, avec la Révolution française en 1789, 1793, etc. Ce qu'on revoit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, évidemment on sortait de la Deuxième Guerre mondiale, il faut se mettre dans le contexte, mais ils gardent de plus en plus leur sens, c'est une... je dirais que c'est un beau projet de société qu'on doit tendre vers, et en même temps l'implication que ça demandait, c'était la fraternité de l'ensemble des citoyens et citoyennes envers leurs voisins, leurs voisines, etc., pour faire en sorte que ce projet de société là puisse prendre corps. Et je vois là comme devoir quelque chose d'autrement exigeant.
Mme Filion (Nicole): Je pourrais ajouter qu'il existe actuellement un projet de charte municipale du citoyen dans la ville qui origine...
M. Leduc (Pierre): De Montréal?
Mme Filion (Nicole): ...non, de l'Espagne et, pour avoir pris connaissance de ce document-là... Parce qu'à Montréal aussi il y a un projet de charte des droits et obligations des citoyens, alors j'étais plutôt... je suis restée un peu songeuse devant un tel titre d'instrument qui devait consacrer les droits des citoyens, mais on imposait dès le départ, même dans le titre de l'instrument, la contrepartie des obligations. Alors, je suis allée voir le document qui circule au niveau de l'Europe, et on ne parle pas d'obligation. On va plutôt parler d'un devoir de solidarité. Et cette notion-là de devoir de solidarité s'inscrit davantage dans ce que Pierre a exposé, qui se trouve être en fait énoncé dans l'article 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, on parle de la fraternité à avoir ou à exercer à l'égard de chacun de nous.
M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, lorsque le ministre se présente au Conseil des ministres pour obtenir des budgets dont il a besoin pour répondre à la couverture, par exemple, de besoins essentiels, il se fait dire: Un instant, les capacités de l'État. Bon. On peut deviner qu'il se faire dire ça, là.
Et il y a un problème assez particulier qui s'est posé depuis 1973 dans nos sociétés, à partir du choc du pétrole et à partir aussi de l'automatisation des emplois. On avait réussi jusque-là, dans les 30 glorieuses, ou à peu près, à maintenir un niveau... un indice de santé sociale ? je ne sais pas si vous connaissez l'indice de santé sociale de l'université Fordham ? qui était parallèle à une augmentation du produit intérieur brut, donc de notre indice de richesse collective ou d'hyperactivité collective. Et, rendu en soixante-treize, l'indice de santé a commencé à chuter, alors que le PIB continuait à augmenter. Et ça, ça fait référence à notre incapacité comme société à rencontrer les besoins de base de nos concitoyens. Plus de suicides, plus de mauvais traitements envers les enfants, plus de pauvreté, plus de chômage, plus de décrochage, etc., l'indice est assez clair par rapport à ça. Et, au Québec, on a heureusement pris du retard sur cette dégradation de l'indice de santé sociale, mais on a pris cette courbe-là éventuellement vers les années quatre-vingt-deux. Alors, qu'est-ce qu'on fait devant ce changement structural, économique, énorme devant lequel on est placés, où l'État nous dit: Les devises ne rentrent plus, j'ai plus de monde qui a besoin de couverture pour ses besoins essentiels? Vous nous répondez: Bien, il fait son possible. Dans le fond, c'est ce que vous nous dites, c'est-à-dire que les droits passent avant toute chose, et on va chercher le maximum qu'on peut. C'est ce que vous nous dites. Mais comment on sait que l'État fait le maximum?
M. Leduc (Pierre): Bien, il y a quand même plusieurs indices qui nous démontrent des fois le manque de volonté, ou ce peut être des choix politiques aussi, quelque part. Grosso modo, moi, je dirais que, depuis les années soixante-treize, soixante-quinze, particulièrement depuis les débuts des années quatre-vingt, il y a eu des choix politiques qui ont été faits où tranquillement, sous prétexte de la mondialisation ? mais il faut se rappeler, dans l'histoire, que ce n'est pas la première à laquelle on assiste, là, mais je ne veux pas tomber dans un cours d'économie, d'histoire économique, etc. ? là, dans un contexte nouveau où on disait maintenant que le bien-être passait par la création de richesse d'abord et avant tout, il fallait donc aider les entreprises et, par voie de main magique quelque part, ce serait redistribué à tout le monde.
Il y en a qui en ont profité beaucoup, d'autres, la grande majorité, beaucoup moins. On a juste à voir les augmentations de revenus médians depuis une trentaine d'années, on voit très bien que la richesse s'est polarisée et les mécanismes qui permettaient, entre autres le salaire minimum, d'assurer une meilleure redistribution de la richesse, bien c'est à partir de ce moment donné là qu'on a commencé à ne plus indexer. À partir des années quatre-vingt, on n'indexait plus ou on n'augmentait plus le salaire minimum, la même chose pour les prestations d'aide sociale. Et là, tranquillement, on voit les effets que ça donne. Mais c'est essentiellement des choix politiques. C'est des choix conscients qu'on a faits, et là on voit les résultats quelque part.
Alors, ce qu'il faudrait faire, en tout cas à mon humble avis, puis fort probablement, bon, de la ligue, etc., c'est de rebâtir ces mécanismes-là, qui permettra une meilleure protection. On est rentré dans le dogme, aujourd'hui, que soi-disant on payait trop d'impôts. Alors, en suivant cette logique-là, bien, en coupant les impôts, on diminue la possibilité pour l'État de redistribuer. Alors, ces choix-là nous éloignent de nos obligations qui sont consacrées dans le PIDESC.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. Leduc, Mme Ferland, Mme Filion, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Ligue des droits et libertés, et j'invite les représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador à prendre place à la table. Je suspends les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, la commission reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. M. Carbonnell, «welcome once again». Non? M. Carbonnell...
M. Lacasse (Patrice K.): M. Carbonnell est absent...
Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, excusez-moi. Pardon. Alors, M. Lacasse, M. Picard, Mme Siouï.
M. Lacasse (Patrice K.): C'est Patrice Lacasse, Jules Picard et Niva Siouï.
Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, on vous souhaite la bienvenue à cette commission. Vous connaissez nos règles de fonctionnement, c'est 20 minutes de période maximale pour votre présentation, qui sera suivie d'un échange plus ou moins de 20 minutes.
M. Lacasse (Patrice K.): On va faire un effort pour le respect du 20 minutes.
Le Président (M. Copeman): Oui, bien, si vous ne faites pas assez d'efforts, je vais vous rappeler à l'ordre. Alors, fiez-vous sur moi. Allez-y. Allez-y, M. Lacasse.
Commission de la santé et des services sociaux
des premières nations du Québec et
du Labrador (CSSSPNQL)
M. Lacasse (Patrice K.): Félicitations, encore, M. Bouchard, pour votre nomination. Il y a quatre buts à la présentation aujourd'hui. C'est qu'il y a eu un dépôt de mémoire en mars 1997, qui a été fait par M. Jules Picard et M. Ghislain Picard aussi, le vice-chef, et ce qu'on voulait faire, c'est rencontrer le gouvernement, bien, profiter de l'occasion du projet de loi n° 57 et de ses travaux pour pouvoir faire un historique, expliquer qu'est-ce qui s'est passé depuis mars 1997, parce qu'il y a eu quand même, on pourrait dire, du mécontentement. Ensuite, le deuxième objectif, c'est de faire une présentation très brève de la solution qui a été développée depuis mars 1997. Comme troisième objectif, c'est de faire un commentaire sur la modification au règlement qui a été annoncée, je crois, le 21 ou le 22 septembre, car ça touche de beaucoup les communautés. En dernier lieu, j'aimerais discuter des dispositions particulières. C'est, comment dire, des peut-être... pas des irritants mais des problématiques que l'on vit dans les communautés et qui, jusqu'à un certain point... On va interpeller une demande... bien, c'est-à-dire on va vous interpeller pour savoir jusqu'à quel point on pourrait avoir de l'aide ou... Je vais dire ça d'une autre manière: C'est de savoir si on peut travailler ensemble pour pouvoir développer des solutions, tout simplement.
J'ai demandé à M. Jules Picard de faire une présentation de l'historique, de ce qui s'est passé depuis mars 1997 parce que ça a été la personne maîtresse, on pourrait dire, la carte maîtresse de ce qui s'est passé. Donc, je lui laisse la parole. Pas plus de 15 minutes.
Le Président (M. Copeman): Alors, M. Picard.
M. Picard (Jules): Merci, M. le Président, merci, M. le ministre ainsi que M. Bouchard ainsi que les députés de cette commission-ci. En 1997, on est venus en commission parlementaire, je pense que c'est dans cette salle-ci, et M. Copeman était présent, à l'époque il était, je pense, député de l'opposition, et à l'époque c'était M. Roger Bertrand qui présidait les travaux de la commission parlementaire. À l'automne 1996, le gouvernement annonçait la réforme sur la politique familiale ainsi que la réforme de la sécurité du revenu. Évidemment, nous, au niveau de la réforme de la sécurité du revenu, au niveau de la politique familiale, ça a été l'élément déclencheur face aux réformes qui ont été proposées par le gouvernement à l'époque.
Cette réaction-là s'est transformée, évidemment, par le développement d'un mémoire, qui a été présenté à cette commission-ci, et la présentation du mémoire a été faite par le chef régional, M. Ghislain Picard. La présentation du mémoire a été intitulée Problèmes d'harmonisation des nouvelles orientations amenées par le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu dans les communautés des premières nations. Évidemment, nous autres, on avait pour but de décrire la situation des populations du Québec en ce qui concerne la dépendance face à la sécurité du revenu, dans un premier temps, et également le mémoire qu'on a déposé ressortait les problèmes d'harmonisation de l'application de la réforme ainsi que les mesures présentes qui ne correspondaient pas à la problématique vécue dans les communautés autochtones du Québec. Les mesures préconisées n'apportaient pas de réelles solutions à la réhabilitation économique, à la baisse de la dépendance du Programme de la sécurité du revenu et évidemment aussi à une réinsertion à l'emploi durable.
Devant ces événements, l'Assemblée des premières nations a réagi en rejetant ces deux réformes-là et en donnant le mandat à la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec de développer des alternatives et évidemment d'informer les gouvernements, autant fédéral et provincial, sur les étapes de développement de ces mesures alternatives. Un plan d'action a été défini, plan d'action des premières nations, et une proposition de partenariat a été établie avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et l'Assemblée des premières nations du Québec. Évidemment, le but de cette proposition-là, c'était de développer et de donner les conditions au développement d'une politique-cadre sur la sécurité du revenu. Dans cette étape-là, les communautés ont été consultées, pas juste consultées sur le processus, mais ont aussi été interpellées pour participer au processus de développement de cette politique-cadre-là. Ça n'a évidemment pas juste alimenté l'Assemblée des premières nations sur des éléments de politique-cadre sur la sécurité du revenu, mais aussi on a été interpellés à la validation et à l'approbation politique de cette politique-cadre-là.
Donc, à l'automne 1999, l'Assemblée des chefs adopte la proposition de la politique-cadre sur la sécurité du revenu, et évidemment l'Assemblée des chefs demande les conditions de mise en oeuvre, au gouvernement fédéral, de la politique-cadre, car, vous savez, on est liés directement avec le gouvernement fédéral sur le financement des programmes sociaux et de santé. Donc, aussi, en attendant la réponse sur les conditions qu'on demandait au gouvernement fédéral, on a donc enclenché une étude de faisabilité de la politique-cadre, et évidemment l'élaboration des outils de mise en oeuvre tels que les règles d'interprétation, évidemment les procédures administratives. Comme je vous le disais précédemment, les communautés sont consultées tour à tour, et les représentants des différentes nations participent aussi à l'élaboration de cette politique-cadre-là. Une première version des règles d'interprétation voit le jour en 1999.
Évidemment, ça a nécessité une consultation au niveau politique, et on s'est dit: Vu que l'avancement des travaux sur le développement... on s'est dit... on a eu... On a proposé un partenariat avec le gouvernement fédéral pour le développement de la politique-cadre. Donc, on s'est dit: Il va falloir en venir à une entente de principe, une entente de principe pour s'entendre sur les conditions de mise en oeuvre de cette politique-cadre-là. Évidemment, il y a une tournée qui s'en est suivie, en l'année 2000, où on a consulté la majorité des communautés. Dans un premier temps, on leur posait cette question-ci: Est-ce qu'on est d'accord avec les éléments de la politique-cadre et évidemment est-ce que vous voulez adhérer à la mise en oeuvre de la politique-cadre? Donc, nous autres, on a clairement indiqué que ce ne sera pas une politique-cadre sur la sécurité du revenu qui va être imposée dans les communautés, ça va être selon la volonté des communautés d'adhérer à cette politique-cadre-là et de l'appliquer dans leurs communautés.
Donc, en 2001, l'Assemblée des chefs adopte encore une résolution qui donne l'autorité aux huit chefs d'entériner l'entente de principe que je vous parlais et de procéder à la mise en oeuvre de la politique-cadre, ce qui a été fait en juillet 2003. Évidemment, on a mis sur pied une instance administrative qui s'appelle un bureau de développement social, qui est issu de cette démarche-là, évidemment, issu de l'entente de principe. On a mis en oeuvre cette organisation-là, de bureau de développement social, en octobre 2003. Évidemment, ça fait partie des responsabilités des autorités de l'Assemblée des premières nations, qui donnait le mandat, évidemment, aussi à la Commission de la santé et des services sociaux.
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(16 h 50)
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Comme vous pouvez le constater, on est venus en 1997, mais évidemment les acteurs ont changé depuis, seul M. Copeman est resté, mais pour le bien, évidemment. Comme vous pouvez le constater, la politique-cadre a suivi une voie, là, de développement. Évidemment, aussi elle a dû faire face à des obstacles, surtout au niveau des autorités du gouvernement fédéral, aussi au niveau... comment je pourrais dire ça, des obstacles au niveau des autorités des premières nations. Car on sait que, quand on consulte nos premières nations, ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils vont consentir. Donc, il y avait des débats politiques qui devaient se faire à ce niveau-là. Par contre, nous croyons qu'il s'agit d'une politique qui a requis l'apport de toutes les premières nations et qui est donc représentative pour nous à tous les niveaux, malgré cette relative hétérogénéité des réalités et des besoins des premières nations.
Je vous remercie et je demanderais peut-être à Patrice de continuer la présentation sur le dossier de la politique-cadre.
M. Lacasse (Patrice K.): Merci. O.K. Ce que c'est, la politique-cadre, c'est un régime qui se veut d'être adapté au contexte de chacune des communautés ou des communautés, puis surtout ce qui était important, c'est que ce soit sous l'autorité de chacune des premières nations ou des conseils de bande. C'était l'idée principale.
Les approches qui sont adoptées, c'est des approches, on pourrait dire... Ce qu'on a mis en place, c'est des mesures qui sont actives, qui sont adaptées à la localité parce que les mesures locales ou les mesures actives sont développées par le conseil de bande lui-même. La politique-cadre prévoit quelques mesures, exemple il y a ce qu'on appelle les activités optionnelles, où est-ce que l'on prévoit des activités de type traditionnel, ça peut être la trappe, ça peut être aussi de la gestion ou l'occupation du territoire. C'est des modèles qui ont été mis en place et qui ne servent que de guides dans le fond, qui sont uniformes à tous les conseils de bande mais qui en même temps peuvent être adaptés grâce à ladite mesure locale.
En même temps, une autre partie de la politique-cadre, ce qu'elle promouvoit, c'est un peu l'espèce de gestion en dehors, là, de la gestion de silo, c'est-à-dire d'aller voir un peu les partenaires ou les acteurs qui sont en place au niveau local afin de s'assurer qu'on puisse mobiliser le plus de ressources possible, que ce soit évidemment humain ou financier. C'est parce qu'auparavant ce n'était pas vraiment le cas parce que la sécurité du revenu ou l'aide sociale était gérée... c'est-à-dire était financée par le ministère des Affaires indiennes, et la seule autorité que le ministère des Affaires indiennes a est de l'aide sociale, il n'a pas vraiment d'autorité en ce qui concerne les mesures d'employabilité.
Il y a une espèce de, comment dire... il y a une disposition qui existe qui permet de pouvoir développer des mesures d'employabilité, par contre les fonds ne sont pas vraiment... oui, c'est sûr, ce ne sera jamais illimité, c'est sûr, mais, je veux dire, c'est quand même des fonds ou des mesures limités, et les mesures qui étaient en place ne correspondaient pas nécessairement aux besoins de la réalité ou ne reflétaient pas la réalité qui existe dans les communautés. Donc, de là l'importance de pouvoir se doter d'un mécanisme qui nous permettait, à chacun des conseils, de voir la réalité, parce qu'exemple Pakuashipi va être différent, exemple, de Wendake. Donc, c'est le libre choix à chacun.
Ce qu'on a aussi, c'est des éléments qui sont un peu différents, c'est l'obligation du prestataire, où est-ce qu'on demande à toute personne d'établir un profil individuel. Donc, on prend en note sa situation concernant la santé, la scolarité, la formation, les aptitudes, ses intérêts puis ses aspirations professionnelles pour pouvoir ensuite développer un plan de cheminement individuel. Ça peut vous sembler, bon, ressembler peut-être à ce qui se fait au centre d'emploi, au CLE, en tout cas avec les diverses ressources qui existent, par contre ce n'est pas présent dans les communautés, comme je vous disais, une question d'autorité de la part du ministère et des fonds qui étaient disponibles.
En théorie... bien, c'est-à-dire que pour l'instant, exemple pour ce qui est du plan de développement individuel, c'est de la théorie, on est en train de rechercher des solutions pour pouvoir vraiment la mettre en application, parce que ce qui manque, exemple, c'est des ressources. Il faut s'assurer que les conseillers en assistance sociale puissent avoir les capacités ou en tout cas les connaissances pour bien diriger ou aiguiller quelqu'un comme il faut. Exemple, ce qu'on ne veut pas, c'est qu'elles puissent se substituer, exemple, à un conseiller en orientation ou une conseillère en orientation. Donc, il faut voir un peu où est-ce que va être la limite.
O.K. Flexibilité locale. Bon. Évidemment, j'en ai parlé un peu, ça se compare un peu à des mesures actives ou les mesures locales. Il y a des éléments qui sont tout de même uniformes, exemple les critères d'admissibilité qui sont uniformes à tous les conseils de bande et qui vont ressembler tout de même à la sécurité du revenu qui existe au niveau provincial. Exemple, on ne peut pas aller en deçà des montants qui sont donnés. Bon. Évidemment, pour des raisons de reconnaissance, bon, la personne a le droit, comment dire, à un minimum pour pouvoir survivre. Il y a aussi, exemple... Bon. Bien, il y a toutes sortes de choses: la vérification, le recouvrement des trop-payés. C'est des mesures qui sont en place et qui sont uniformes. Ce qui est de particularité locale, comme je vous dirais, il y a évidemment les mesures actives, il y a la structure de gestion, il y a les développements de programmes particuliers et les orientations locales, à savoir les priorités de chacun des conseils de bande, qui peuvent être différentes.
Je termine avec le Bureau de développement social. C'est une organisation qui, pour trois ans, est sous le chapeau de la Commission santé et services sociaux des premières nations du Québec-Labrador. Son but, c'est d'assurer l'implantation de la politique-cadre, donc d'assurer un soutien, un support aux communautés, d'assurer une formation continue aux unités de gestion et que ce soit au niveau de la gestion ou même des conseillers en assistance sociale, soutien d'information... c'est-à-dire qu'on va offrir le service d'un système d'information. Donc, j'en ai terminé pour ce qui est de la politique-cadre.
Je vais passer... vous allez voir, c'est à l'avant-dernière partie dans le mémoire, ça concerne la modification au règlement, celle qui a été annoncée le 21 ou le 22 septembre. C'est celle qui prévoit ? la partie 5, je pense ? c'est celle qui prévoit ? non, la partie 6 dans le mémoire ? c'est celle qui prévoit un partage de logement pour un adulte ou un jeune qui habite chez des parents qui ont des revenus de travail. Les communautés... Excusez-moi, il me reste combien de temps, c'est parce que j'ai...
Le Président (M. Copeman): Il reste à peu près 3 min 30 s, M. Lacasse.
M. Lacasse (Patrice K.): Parfait. D'accord. Je vais faire ça rapidement. Donc, ce que j'ai fait dans le mémoire, j'ai relevé la situation concernant le logement. Il y a des listes d'attente énormes. Vous pouvez attendre quasiment des décennies avant de pouvoir avoir accès au logement. La moyenne, ce que j'ai relevé, c'est des chiffres de 1994 ? donc la situation s'est aggravée ? où est-ce qu'on voyait que la moyenne des personnes habitant un logement était de 4,3 ? ça, c'est des moyennes au niveau national ? pour un logement, tandis que, du côté non autochtone, c'est 2,7. Le logement en tant que tel est de 5,5 pièces pour ce qui est présent dans les communautés autochtones, tandis que c'est de 6,1 ailleurs.
La population est très jeune, 60 % ont 30 ans et moins. Donc, si on impose un partage de logement... ou c'est-à-dire une réduction de 100 $, parce que, la plupart du temps, c'est 100 $, là, dans les communautés, bon, c'est rare qu'on voit des conjoints d'étudiants, ça peut avoir un impact assez important dans les communautés. Parce que les jeunes n'habitent pas nécessairement par choix dans la maison de leurs parents, c'est parce qu'il n'y a pas d'autre endroit, tout simplement. Donc, c'est comme je vous dis, c'est que c'est pour une raison, on pourrait dire, artificielle, on leur demande de quitter, peut-être même de se rendre illégal face aux unités de gestion.
Pour ce qui est des dispositions particulières, il y a eu une préoccupation de la part de... bien, en tout cas, de l'Assemblée des chefs, il y avait trois problématiques. Ça concernait, en premier, l'allocation pour les membres non résidents, et les pouvoirs d'enquête, et l'indexation en régions éloignées. Donc, je vais les voir très rapidement.
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(17 heures)
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Concernant l'allocation pour les membres qui sont non résidents... C'est-à-dire que, pour les chefs, il semblait très important de pouvoir donner un service égal pour tous les membres de leurs communautés, et c'est quelque chose qui n'est pas encore défini, où est-ce que... Là, ce que les chefs se disaient, c'est qu'au moins en périphérie de la communauté on aimerait ça pouvoir donner du service et quitte à effectuer une entente administrative avec les CLE ou avec le ministère. C'est la première.
En deuxième lieu, j'aimerais parler des pouvoirs d'enquête. On demande d'adopter une saine gestion en ce qui concerne les unités de gestion de la sécurité du revenu. Ce n'est pas juste dans le monde non autochtone, je veux dire, la gestion, c'est aussi chez les autochtones. Donc, il y a une volonté de vouloir peut-être reprendre les sous ou les ressources financières qui, on pourrait dire, sont gaspillés, qui sont donnés à certaines personnes qui les utilisent à mauvais escient ou parce qu'ils ne donnent pas des bonnes coordonnées ou des bonnes informations, pour pouvoir relocaliser ces ressources-là en des mesures qui sont dites plus actives, pour pouvoir miser nos efforts sur des personnes qui sont prêtes à aller en formation ou à augmenter leurs capacités pour pouvoir être à l'emploi.
Au niveau fédéral, il n'y a aucun mécanisme de délégation de pouvoirs, bien, pour donner des pouvoirs d'enquête. À ce que je peux voir, c'est que ça existe seulement au niveau provincial. Donc, jusqu'à un certain point, je me demande jusqu'à quel point on ne pourrait pas discuter ensemble... peut-être pas aujourd'hui évidemment, mais à savoir si on ne pourrait pas, grâce à une entente administrative, trouver une solution ensemble.
Dernier point...
Le Président (M. Copeman): ...M. Lacasse.
M. Lacasse (Patrice K.): 30 secondes?
Le Président (M. Copeman): Vraiment, là, on a dépassé un tout petit peu, mais allez-y.
M. Lacasse (Patrice K.): Merci beaucoup quand même pour votre... Donc, l'indexation, c'est le dernier point. Je vais le faire très rapidement, mais c'est un des plus importants, je pourrais dire. Il y a des personnes qui... Bien, c'est-à-dire que la clientèle reçoit un montant de... ce qu'on appelle les prestations de base. Elle habite, exemple, à Pakuashipi. Les produits qui vont jusque-là évidemment sont obligés ? comment dire? ? d'être transportés jusque-là. Ça coûte très cher. Ce n'est pas des moyens conventionnels, ce n'est pas des petits camions, on parle bien, en tout cas, d'avions et de toutes sortes de choses. Donc, avec des allocations qui sont, exemple, de 533 $, on a de la misère déjà à arriver à Montréal ou à Québec. On arrive à Pakuashipi, où est-ce que, exemple, le deux litres de lait n'est vraiment pas le même prix, c'est comme deux à trois fois plus, bon, on se demande comment est-ce que.... C'est qu'on ajoute une pression.
Donc, on se demandait: Bien, jusqu'à quel point vous aviez pensé à une indexation en région éloignée? La question se pose parce que, si le provincial pouvait légiférer là-dessus, le ministère des Affaires indiennes, à ce moment-là, n'aurait pas d'autre choix que de suivre le pas. Donc, ce serait nos clients qui pourraient bénéficier et en même temps ce serait la clientèle du Québec aussi qui sont en région éloignée. Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
M. Béchard: Oui. Merci beaucoup. Bonjour, Mme Siouï, M. Lacasse, M. Picard. Bienvenue et merci de votre présentation. Puis je pense que c'est un des points positifs de notre commission, c'est un débat qui est public et assez large pour nous permettre de parler beaucoup de problématiques qui sont directement ou indirectement liées au projet de loi n° 57. Et je suis très heureux de votre présence ici, parce que ça nous permet dans le fond d'aborder le projet de loi n° 57 mais aussi, indirectement, la question de la lutte à la pauvreté sous un autre angle.
Et j'aimerais d'entrée de jeu savoir de votre part, parce qu'on a... On tente, je pense, régulièrement, d'amener un certain nombre d'améliorations dans notre façon de gérer les programmes et nos relations avec les communautés autochtones. Mais je suis sûr qu'il y a encore, et vous l'avez mentionné, il y a encore quelques éléments à améliorer, et on est là pour ça, dans deux optiques: bien sûr, premièrement, améliorer la gestion quotidienne, je vous dirais, des programmes de sécurité du revenu et de la collaboration avec vous, mais aussi dans le cadre de la mise en place du plan de lutte à la pauvreté. Parce qu'un des éléments du plan de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale qu'on a déposé en avril dernier est justement d'adapter nos outils aux réalités des différents milieux, aux réalités des différentes communautés, et vous inclus.
Alors, dans cet esprit-là... Et c'est pour ça que j'aimerais beaucoup voir comment vous envisagez les rapports entre vos communautés et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale en ce qui a trait à l'aide financière qu'on accorde, l'aide financière pour les autochtones qui sont dans une réserve et ceux qui sont hors réserve. Comment vous envisagez les rapports, là, qu'on doit avoir avec le ministère et vous? Est-ce qu'il y a des choses à changer? Est-ce qu'il y a des choses à améliorer? Vous en avez parlé un petit peu, mais je veux que vous reveniez là-dessus, parce que je sais qu'il y a des discussions, je sais qu'on se parle régulièrement, je sais qu'au niveau administratif il y a beaucoup d'échanges. Mais je veux voir aussi au niveau politique, là, est-ce qu'il y a des choses... Vous avez la chance de le dire directement, alors est-ce qu'il y a des choses qu'on peut changer ou améliorer?
M. Lacasse (Patrice K.): Je vais commencer la réponse puis je vais demander à mon mentor de pouvoir continuer. C'est un peu... Bien, de toute façon notre Bureau de développement social est assez récent. J'ai commencé à avoir des contacts, il y a quelques mois, avec le coordonnateur aux Affaires autochtones. On a eu une rencontre qui est vraiment informelle et qui était préliminaire. Ça a été sujet davantage à une présentation de la réalité qui existait... bien, je ne dirais même pas de la réalité, je dirais plus les structures qui sont en place, les structures d'autorité qui... exemple, ce qu'il y a avec le ministère des Affaires indiennes et le financement.
Je crois que j'étais vraiment content d'avoir l'appel de M. Laforest qui est ici présent puis de pouvoir... bien, en tout cas, de premièrement savoir que j'ai un vis-à-vis de votre ministère, et je me disais que c'était, bon, un bon début pour l'instant. Encore là, il était sujet de certaines initiatives, mais, comme je vous disais, c'est qu'on va plutôt... bien, c'est-à-dire, on va renforcer peut-être les liens puis discuter de plus en plus. Je vais laisser Jules peut-être discuter de ce qui concerne l'aide.
Le Président (M. Copeman): M. Picard.
M. Picard (Jules): Merci, M. le Président. C'est sûr, dans la stratégie que vous proposez au niveau de la lutte à la pauvreté, évidemment il y aurait certains éléments qui pourraient certainement être abordés en termes de relations entre les premières nations évidemment, et le ministère de la Solidarité sociale et de l'Emploi, et évidemment la stratégie que vous avez déposée au printemps dernier.
Nous autres, quand on a commencé le processus d'élaboration de la politique-cadre, on avait proposé un partenariat avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour aller de l'avant avec ce processus-là. C'est sûr qu'au niveau de la pauvreté les communautés autochtones du Québec sont plus que touchées, je pense qu'on est très affectés en rapport avec ça. Évidemment, un des objectifs de la politique-cadre, c'est d'arriver à trouver des mesures pour la lutte à la pauvreté.
Je ne sais pas si au niveau... C'est des choses que je lance ici, à cette commission-ci, de voir peut-être un partenariat qui pourrait être fait avec les deux niveaux de gouvernement, évidemment avec l'autorité de l'Assemblée des chefs, et évidemment aborder comment on pourrait travailler ensemble sur une initiative, sur cette initiative-là que vous avez proposée, ce serait quoi, l'implication des premières nations, et évidemment aussi interpeller le gouvernement fédéral à l'intérieur de ce partenariat-là. Je crois que c'est un acteur très important en raison des obligations financières qu'ils ont en rapport avec le développement social.
C'est sûr qu'évidemment, quand on a été mis au courant de cette initiative, nous autres... Je pense qu'à la conclusion vous faites référence aux premières nations. Et, c'est ça, moi, je pense que ce serait très important de voir comment qu'on pourrait travailler ensemble en partenariat avec votre ministère, et le gouvernement fédéral, et avec les autorités des premières nations. Je pense que ça pourrait être un début dans lequel on pourrait amorcer des discussions.
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(17 h 10)
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En rapport avec l'aide financière qui pourrait être faite avec les autochtones puis évidemment les autochtones membres en réserve et en périphérie, c'est sûr qu'en 1999, quand l'Assemblée des chefs s'était vraiment préoccupée de ses membres qui vivaient en réserve, comment que la politique-cadre pourrait les desservir... C'est sûr, évidemment, avec les autorités, tant que du fédéral et vous autres, c'est sûr qu'essayer de toucher un membre sans avoir les autorités financières évidemment, les autorités en cette matière-là... de desservir ce bénéficiaire-là.
Ce qui avait été discuté à l'époque avec le fédéral, au ministère des Affaires indiennes, c'étaient juste des discussions qu'il y a eu, c'est peut-être d'établir des ententes administratives sur les questions liées aux réserves, des ententes administratives avec peut-être des bureaux administratifs tels que les CLE. Et, à ce moment-là, on pourrait peut-être faciliter, pour desservir les non-autochtones vivant en réserve, par une entente administrative. C'est sûr que ça pourrait régler énormément de choses.
Mais évidemment il faudrait examiner si cette volonté-là existe, d'aller de l'avant avec des ententes ? moi, j'appellerais ça peut-être des ententes de réciprocité. Moi, je pense que ce serait peut-être une occasion, là, de discuter ces éléments-là, peut-être dans des ententes avec peut-être les régions et les communautés. Mais, comme je l'ai dit, moi, il faudrait vérifier encore si cette volonté-là existe.
M. Béchard: Bien, je vais prendre la balle au bond parce que, oui, ça nous intéresse. C'est ça, la philosophie du plan de lutte à la pauvreté, et, si on peut interpeller au niveau fédéral et avec vous pour voir comment on peut travailler mieux ensemble, travailler davantage ensemble, je n'ai aucun problème avec ça. Le plan de lutte à la pauvreté, c'est un des objectifs qu'il vise, d'avoir des moyens plus particuliers selon les besoins.
Alors, oui, on va regarder, on va donner un mandat directement, ici, à M. Laforest, pour qu'il continue de regarder et travailler sur la situation. Parce qu'on a déjà commencé, au niveau des Betsiamites, à avoir certains échanges. Est-ce que vous en avez entendu parler? Est-ce que c'est une formule qui peut être intéressante ou encore... Parce que, s'il y a des choses qui ne fonctionnent pas, on peut les regarder aussi. C'est quoi, vos premières perceptions par rapport au travail qui se fait déjà avec la communauté de Betsiamites?
M. Picard (Jules): Ça me fait sourire un peu, parce que le chef de Betsiamites, c'est l'un des rédacteurs de la politique-cadre sur la sécurité du revenu. Puis je comprends un peu son empressement d'aller de l'avant avec de telles mesures avec le gouvernement du Québec.
C'est la première fois que j'en entends parler. C'est sûr que ça pourrait être très intéressant, là, de vérifier l'approche qui est préconisée par la communauté de Betsiamites ainsi que votre ministère. C'est sûr que, nous autres, on veut évidemment embarquer dans ce processus-là à la lutte contre la pauvreté. Mais ce serait intéressant d'examiner ça avec la communauté de Betsiamites, l'approche qui a été préconisée par eux autres.
M. Béchard: Mais, sur les différentes problématiques, là, parce qu'on a regardé bien sûr la politique-cadre, là, au niveau de la sécurité du revenu, mais toute la question des gens qui sont à proximité aux réserves, et tout ça, est-ce que vous pouvez nous tracer un peu le portrait des problématiques, à ce niveau-là, que ça peut représenter pour vous? Parce que vous demandez certains pouvoirs de plus, certaines capacités de plus. Qu'est-ce que ça représente comme problématique, là, sur laquelle on doit travailler davantage?
M. Picard (Jules): C'est sûr que, bon, on disait «la périphérie des communautés». Je vais vous donner l'exemple de Eagle Village au Témiscamingue. C'est une communauté de 300 personnes, mais, autour de cette communauté, la municipalité de Kipawa ainsi que les autres municipalités, il y a plusieurs membres de Kipawa qui vivent dans ces municipalités-là. La raison est bien simple: il n'y a pas de logement, les gens doivent aller à l'extérieur de cette communauté-là pour s'installer.
Évidemment, la préoccupation du chef, c'était de rapatrier ces gens-là, et évidemment la volonté aussi serait peut-être de les assister. Mais il y a une incapacité de le faire en raison des autorités financières qu'il y a. C'est évidemment les ententes de contribution qu'il y a avec le fédéral qui ne permettent pas d'assister ces membres.
C'est sûr, ce n'est pas d'aller chercher un pouvoir de plus mais d'aller chercher une capacité qui pourrait être conjointe avec votre ministère et peut-être la communauté ou peut-être avec l'Assemblée des premières nations pour évidemment traiter cette problématique-là. Les gens qui vivent en périphérie des communautés, ce n'est pas une question parce que ça leur tente d'aller vivre dans la communauté soit de Ruisseau-Vert, ou dans la communauté de De Grasse, à Sept-Îles, ou dans la municipalité de Roberval pour la communauté de Mashteuiatsh. Ce n'est pas, des fois, des décisions... parce qu'ils veulent aller vivre dans cette municipalité-là, c'est parce qu'il y a vraiment des questions, des problèmes sociaux tels que l'habitation, évidemment, les problèmes sociaux qui sévissent dans ces communautés-là.
Donc, à ce moment-là, peut-être de trouver à l'intérieur de cette stratégie-là ou peut-être à l'intérieur d'une entente ou d'une capacité administrative qu'on pourrait se donner, trouver des solutions dans lesquelles on pourrait, à ce moment-là, desservir les premières nations, de façon conjointe évidemment.
M. Béchard: Bien, merci, parce que c'est exactement ce qui est dit par le plan de lutte à la pauvreté. Je peux vous assurer qu'on va suivre ça et on va s'organiser pour améliorer la situation puis d'en arriver à un certain nombre d'ententes plus particulières, là, pour répondre aux besoins. Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, solidarité sociale et famille.
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Siouï, bonjour, M. Picard, bonjour, M. Lacasse. Je vais vous poser un certain nombre de questions assez candides, j'imagine, parce que je connais mal le contexte dans lequel s'applique votre programme-cadre.
J'aimerais, là... Comme première question, c'est: Quels sont les impacts prévus ou prévisibles du projet de loi n° 57 sur l'application de votre programme-cadre? Est-ce que ça vient changer quelque chose de fondamental ou non?
Deuxièmement, quelles pourraient être les dispositions du projet de loi n° 57 qui pourraient davantage bonifier ou améliorer, vous aider à améliorer, ou faciliteraient des aménagements meilleurs dans votre programme-cadre? Ça, c'est ma deuxième question.
J'en ai une autre aussi, puis là peut-être qu'on pourrait les aborder en même temps, parce que ça va dénoter l'ignorance que j'ai de l'étendue et de l'application du programme-cadre, c'est... Lorsque vous abordez le projet de règlement du 21 septembre, notamment la question du 100 $ de pénalité qui est imposé à quelqu'un qui viendrait résider dans sa famille, vous dites, là, que ça a un impact particulier dans votre communauté étant donné les grands problèmes de logement qui se présentent. Mais je me permets de vous demander comment ce règlement viendrait vous affecter directement, étant donné votre programme-cadre, étant donné que vous administrez un programme-cadre à partir de votre point de vue national et dans chacune des nations qui peuvent avoir des particularités.
M. Lacasse (Patrice K.): O.K.
M. Bouchard (Vachon): Est-ce que c'est assez clair comme questions ou...
M. Lacasse (Patrice K.): Oui.
M. Bouchard (Vachon): Oui?
M. Lacasse (Patrice K.): Oui, ce n'est pas vraiment candide.
M. Bouchard (Vachon): Ce n'est pas vraiment candide, dites-vous?
M. Lacasse (Patrice K.): Non. Je veux dire, ce n'est pas très naïf, là, c'est...
M. Béchard: ...ses questions à la journée longue.
M. Bouchard (Vachon): Mais, avec vous, il va y avoir des réponses.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lacasse (Patrice K.): Ha, ha, ha! Excusez, elle était bonne. L'impact est vu...
Le Président (M. Copeman): ...vraiment, c'est... Allez-y, M. Lacasse.
M. Lacasse (Patrice K.): Bien, vous avez vu, je suis un très grand ricaneur, j'aime ça, je me dis: En autant que le travail se fait, on peut rire.
Le Président (M. Copeman): Exact.
M. Lacasse (Patrice K.): L'impact prévu. Il y a plusieurs impacts, comme justement le 100 $ de pénalité. Écoutez, le projet de loi n° 57 ne touche pas que l'aide sociale, il touche l'employabilité, de la formation, il touche toutes sortes de... Ça a un aspect plus global. Et, nous, on se restreint à l'aide sociale, c'est-à-dire c'est l'impact qu'il peut y avoir.
Pour ce qui est de l'employabilité, la manière que ça fonctionne dans une communauté, c'est avec les surplus. Alors, à ce moment-là... En tout cas, c'est plus compliqué que ça, mais, pour la plupart des communautés, lorsqu'il y a des surplus, à ce moment-là, elles peuvent relocaliser leurs ressources pour pouvoir, à ce moment-là, développer des mesures.
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(17 h 20)
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J'en viens à votre troisième question avant de commencer à la deuxième question, puis de toute façon je vais laisser là-dessus la parole à Jules, il a sûrement des points qui m'échappent. Comment est-ce que l'espèce de disposition de pénalité de 100 $ en cas de partage de logement... bien, pas en partage de logement, mais si la personne habite chez ses parents qui ont des revenus de travail... On va prendre un exemple. Sur un budget, exemple, de 50 000 $, il va y avoir des surplus qui vont être générés, c'est-à-dire qu'il va y avoir des gens qui vont être touchés qui vont habiter chez leurs parents. À ce moment-là, il va y avoir des revenus. Sauf qu'au niveau du ministère, quand il va arriver au financement, est-ce qu'il va dire au Conseil de bande: Aïe! Regarde, tu as des surplus; bien là qu'est-ce que tu vas faire avec? Puis, au moment de financer, de négocier le financement plus tard, il va en tenir compte, qu'il y a des surplus, donc il va peut-être baisser. Mais ce n'est pas vraiment les sous qui sont, comment dire... En tout cas, je ne sais pas jusqu'à quel point on va pouvoir relocaliser ces ressources-là.
L'impact, ma préoccupation, j'ai comme un double chapeau, dans le sens que mon client, c'est les unités de gestion, mais il y a aussi la clientèle de ces unités de gestion là. Ces gens-là se voient pénalisés un 100 $ de plus. C'est quand même énorme. Ça représente beaucoup, là, pour une personne qui n'a pas vraiment beaucoup de choses et qui a de la misère à arriver.
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, si vous permettez, laissez-moi poser une question maintenant parce que je pense que je comprends mal comment s'applique votre programme-cadre. Donc, j'essaie d'avoir des informations sur l'étendue de l'impact de votre programme-cadre.
À partir du moment où, M. Picard, vous dites: Nous n'avons pas accepté les deux réformes en question, les conseils de bande ont décidé de se donner un programme-cadre, c'est le programme-cadre que nous appliquons, est-ce que je comprends que la réforme qui est proposée ici, enfin le nouveau projet de loi, est-ce que je comprends que vous pouvez, dans les ententes que vous avez avec les gouvernements respectifs... oui, est-ce que vous pouvez éventuellement vous soustraire à ce règlement? Est-ce que vous pouvez refuser ce règlement et par conséquent ne pas exposer les personnes dont vous parlez à une soustraction de 100 $ si elles habitaient dans leurs familles? Est-ce que ma question est maintenant plus claire? Oui?
M. Lacasse (Patrice K.): Oui, oui. Justement, à l'aide d'une mesure locale pour les conseils de bande qui le veulent, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont dire, bon: Considérant la situation qui est qu'on va faire fi de cette espèce de projet là, c'est-à-dire que... Il va falloir que je discute avec les gens qui sont membres, les responsables, les conseils de bande, à savoir: Comment vous voulez que j'ajuste la modification qu'il va y avoir? Est-ce qu'on en fait une mesure locale ou est-ce qu'on ne touche à rien?
Si on ne touche à rien, à ce moment-là, cette modification ne vient même pas rejoindre les conseils de bande. Elles n'auront aucun ordre disant qu'il faut pénaliser les gens de 100 $. Sauf que le ministère des Affaires indiennes, lui, va revenir après puis il va dire: Bien, écoute, n'applique pas la pénalité de 100 $, donc tu vas faire des surplus. Donc, c'est un peu la manière que... Je vais voir avec les membres à savoir si on fait une mesure locale ou si on ne la fait pas. Puis il va falloir faire une mesure locale si on veut appliquer la pénalité de 100 $, c'est de la manière que ça va fonctionner.
M. Bouchard (Vachon): Mais je comprends en même temps que les membres des premières nations qui vivraient en dehors des territoires des bandes, eux autres, sont directement affectés, et c'est à eux que vous pensez en même temps lorsque vous réfléchissez à cette disposition?
M. Picard (Jules): L'autre élément de réponse que je peux vous donner, c'est sûr qu'il y a ces... Dans les situations des membres vivant en dehors de la communauté, il y a aussi les 10 ou 12 communautés qui n'ont pas adhéré à la politique-cadre, qui sont membres de notre communauté, qui sont aux prises avec les conditions au niveau des ententes avec les Affaires indiennes. Et il se peut que les Affaires indiennes, tout dépendant des ententes qu'ils ont, exigent que la réforme s'applique intégralement.
Nous autres, ce n'est pas une question de se soustraire à cette règle-là. Nous allons être obligés de l'examiner avec les communautés qui ont adhéré à la politique-cadre et de trouver des mesures là-dessus. Parce que vous savez, comme M. Lacasse l'a soulevé dans sa présentation, on fait face à un gros problème sinon une crise de logement dans nos communautés. Et ça, je pense que d'un côté on n'aura pas le choix, à un moment donné, de trouver des mesures qui vont être les plus appropriées pour les communautés qui vont adhérer. Évidemment, comment qu'on peut aussi trouver des moyens pour les communautés qui n'ont pas adhéré, qui sont aux prises avec des ententes avec les Affaires indiennes?
Donc, la première condition que les Affaires indiennes vont exiger de ces communautés-là, c'est l'application intégrale de la réforme que vous proposez. Donc, c'est là-dessus aussi qu'on se pose des questions. Comment qu'on va intervenir aussi, en même temps, pour les communautés qui ont adhéré à la politique-cadre? Comment qu'on va intervenir et comment qu'on va essayer de trouver des façons pour être dans le respect des processus et des législations, évidemment sans affecter les communautés au niveau des capacités financières?
M. Bouchard (Vachon): Si vous permettez. Alors, ce que je comprends globalement, c'est que vous dites, par exemple: les dispositions... ou le projet de règlement du 21 septembre concernant le 100 $ pour les personnes qui vivraient dans leurs familles et qui recevraient de l'aide sociale, ce projet-là cause des problèmes d'aggravation de pauvreté pour un certain nombre de personnes qui ne sont pas dans l'entente-cadre. Il pose aussi des problèmes éventuellement pour un certain nombre de personnes qui sont dans l'entente-cadre et pour lesquelles les conseils de bande appliqueraient intégralement la règle. Mais il pose aussi un problème absolument important au niveau de gestion administrative pour toute la collectivité.
M. Picard (Jules): Comment je pourrais dire ça? Le point, c'est ça: les capacités financières. C'est sûr, le budget global du développement social, la sécurité du revenu au fédéral, pour la province de Québec, elle est de 75 millions. Là, là, on ne finance pas l'indexation au coût de la vie des régions éloignées, là, on reste dans le strict minimum.
Comme M. Patrice l'a soulevé tout à l'heure, une pinte de lait de 2 litres qui coûte 2,09 $ à Montréal ou ici, au dépanneur du coin, à Schefferville, la pinte de lait, une fois qu'elle va être débarquée, qu'on va la mettre sur les tablettes des magasins, ça coûte 8 $. Une poche de patates de 50 livres... et ainsi de suite. C'est sûr qu'à 530 $ par mois on va manger des galettes aux patates pour tout le restant du mois. Ça, je pense qu'il va falloir considérer ça, c'est tout l'aspect pauvreté.
C'est sûr qu'on ne veut pas devenir des millionnaires au niveau de la sécurité du revenu. Mais qu'on puisse avoir des autorités financières décentes. Ça, je pense, d'un côté, le ministère, il va appliquer ce que le gouvernement provincial va se doter comme loi sur la sécurité du revenu, puis ça a été de même pendant x années, depuis des années, là. Et ça, c'est ça qu'on dit, nous autres: On est aux prises avec des conditions administratives et des conditions reliées aux ententes financières avec le ministère des Affaires indiennes. Et c'est pour ça que, nous, on dit: Il ne faut pas plus que s'appauvrir, au niveau des communautés, surtout en région éloignée. Et ça, même encore avec la crise de logement, je pense qu'on peut en lister, des problématiques.
M. Bouchard (Vachon): Mais, de fait, suivant la conversation que vous venez d'avoir avec le ministre, qui se montrait ouvert à des solutions particulières et efficaces dans le cadre de la lutte à la pauvreté, notamment dans les premières nations, cette inquiétude et ce souhait que vous avez premièrement à l'égard du projet de règlement du 21 septembre, aussi par rapport à l'indexation, le ministre les entend, là, il vous a offert sa collaboration. Ça pourrait faire certainement le début d'un agenda de discussions intéressantes, parce que la commission, c'est aussi fait pour ça, là.
M. Picard (Jules): Merci beaucoup. Je voudrais rajouter un dernier élément surtout à l'indexation au coût de la vie. C'est sûr, au niveau des autorités du gouvernement fédéral, en matière de logement social, l'indexation au coût de la vie, selon les informations qu'on aurait eues, aurait été gelée, ça fait une quinzaine d'années, par le gouvernement fédéral. Et, suite au lobbying qui a été fait par nos instances politiques, à l'Assemblée des premières nations à Ottawa et celle du Québec, on a réussi à mettre, dans leur agenda à eux autres, au niveau du renouvellement ou révision de leur autorité financière, l'indexation au coût de la vie. Et ça ne fait pas longtemps, je pense que ça fait à peu près quelques mois, ça ne fait même pas un an qu'on a pris l'indexation au coût de la vie, qu'on puisse le mettre à l'intérieur de leur agenda pour le renouvellement de leur autorité financière en matière de développement social. Donc, à ce moment-là, je pense que, si on est capable de trouver des solutions à l'indexation au coût de la vie, je crois, la révision au niveau des autorités concernant l'indexation au coût de la vie pourrait accélérer au niveau du gouvernement fédéral.
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(17 h 30)
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M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je voudrais simplement faire une remarque en terminant. C'est que vous vous rendez compte, n'est-ce pas, que, dans le projet de loi n° 57, il n'y a pas de disposition d'indexation automatique au coût de la vie des prestations et que, dans les dernières dispositions budgétaires et dans le plan d'action, on prévoit davantage une demi-indexation, une indexation à la demie au coût de la vie pour les personnes aptes au travail. Alors, ce que je comprends, c'est que de telles dispositions affecteraient directement votre programme-cadre et vos ententes avec le gouvernement fédéral.
M. Picard (Jules): Il faudrait les préciser davantage au niveau de la sécurité du revenu. C'est sûr que... Ça représente combien, l'indexation au coût de la vie? Je pense que ça peut représenter...
M. Bouchard (Vachon): Sur l'ensemble du budget, sur l'ensemble du budget que gère le ministre, là, la demi-indexation, le fait de faire une demi-indexation pour les aptes au travail représente une économie pour le ministère de 24,3 millions par année.
M. Picard (Jules): Ça représente en termes de...
M. Bouchard (Vachon): Le ministre saurait vous dire ça.
M. Picard (Jules): Merci beaucoup, M. Bouchard... Ha, ha, ha! M. le ministre.
Le Président (M. Copeman): M. Lacasse, monsieur...
M. Bouchard (Vachon): ...normalement, il devrait le savoir.
M. Picard (Jules): O.K. Merci beaucoup.
Le Président (M. Copeman): M. Lacasse, M. Picard, Mme Siouï, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador.
J'invite les représentants de la Centrale des syndicats du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
(Reprise à 17 h 35)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! La commission reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Centrale des syndicats du Québec. M. le président Parent, bonjour.
M. Parent (Réjean): Bonjour.
Le Président (M. Copeman): Vous savez sans doute... vous connaissez sans doute nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximum de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie d'un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. J'ai la chance de connaître les règles, vous me les avez montrées l'an dernier, et, comme vous êtes un excellent prof, on a retenu la leçon.
Le Président (M. Copeman): J'ai toujours cru comprendre qu'il faut répéter. L'art de l'enseignement, c'est de répéter.
M. Parent (Réjean): Vous avez raison, c'est la mère de l'enseignement, la répétition. C'est pour ça qu'on revient, nous, aussi souvent.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Copeman): Touché! M. Parent. Allez-y.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
M. Parent (Réjean): Donc, M. le Président, à ma gauche, vous avez le deuxième vice-président de la centrale, Pierre Séguin, qui est responsable des dossiers sociopolitiques, et, à ma droite, Nicole de Sève, qui est conseillère aux dossiers sociopolitiques.
Donc, je remercie la commission de nous recevoir. C'est avec plaisir que M. Séguin présentera le mémoire.
Normalement, je ne devais pas y être, mais, compte tenu que le député de Vachon insistait pour avoir le premier ministre en l'absence du ministre, j'ai craint qu'ils envoient me chercher. Ça fait que j'ai dit: Je vais venir, ça va lui éviter de demander ça, c'est de vous mettre dans l'embarras.
Et vous dire que, par rapport à ce projet de loi là, c'est avec énormément de souci qu'on se présente, avec énormément de sensibilité. La centrale est reconnue pour, je dirais, ses projets d'inclusion sociale. Ça va être à cette enseigne-là qu'on va vous parler et conscients, je dirais, que... Je plains un peu le ministre dans le fond parce que c'est un ministre que je respecte beaucoup, que j'apprécie beaucoup, qui est capable d'écoute. Puis en même temps j'ai toujours le sentiment qu'il a les mauvais projets de loi dans les mains. Il est ministre de la Solidarité sociale, alors qu'on a un projet qui fait plus dans l'insécurité sociale.
Mais, ceci dit, je suis convaincu que, après de bons échanges, on sera en mesure de faire avancer le dossier, et nous allons répéter ce que nous avons à dire. M. Séguin.
M. Séguin (Pierre): Merci, M. Parent. M. le ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, l'approche de la Centrale des syndicats du Québec à l'égard de la sécurité du revenu fut toujours de privilégier une approche fondée sur l'inclusion, fondée également sur l'universalité des droits, tel que prescrit par la charte et les instruments internationaux. Le ministre explique, depuis le début de la commission parlementaire, qu'une nouvelle loi était nécessaire afin d'être en complémentarité avec le plan de lutte à la pauvreté et les mesures fiscales annoncées par le ministre des Finances, sauf que nous sommes en présence d'un projet de loi qui constitue un net recul sur les droits fondamentaux.
Certes, la CSQ peut saluer la disparition de la coupure de prestation de base aux personnes qui refusent de s'inscrire dans une mesure, l'élargissement de la définition de la famille afin d'y inclure les personnes de même sexe et le retour à l'indexation des prestations. Ce sont des petits pas bien sûr, mais ils ne peuvent justifier le projet de loi qui nous est présenté ici, aujourd'hui, qui en l'occurrence maintient un régime de catégorisation des individus basé sur l'aptitude ou non au travail ou à l'intégration en emploi et additionne les programmes et les mesures spécifiques selon la clientèle visée et s'appuie sur une réglementation particulière à chaque programme, fondée sur la discrétion du ministre, et il permet un retour au clientélisme, à l'arbitraire du ministre responsable de l'administration de la loi et aux approches fondées sur le mérite.
Il constitue une perte du fondement sur les droits. Ainsi, le projet de loi stipule à plusieurs reprises que le ministre peut offrir... Pardon, un exemple: le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille offre des services d'accueil, d'évaluation et de référence. Il peut également offrir des mesures, des programmes et services d'aide à l'emploi de même que d'aide et d'accompagnement social. Il administre en outre les programmes d'aide financière établis en vertu du titre II.
Il n'établit pas de prestation de base couvrant les besoins essentiels, limite l'indexation des prestations aux personnes considérées aptes au travail et accentue les mesures administratives qui risquent de diminuer d'une manière importante le chèque d'assistance-emploi.
Il ne permet pas aux personnes ayant des contraintes sévères de bénéficier d'une pleine indexation de leur prestation en lien avec la couverture de leur pouvoir d'achat, selon le taux établi par la Régie des rentes du Québec.
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(17 h 40)
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En conséquence, la CSQ vous demande, mesdames et messieurs: le retrait du projet de loi n° 57; en préalable à toute adoption d'une nouvelle loi sur la sécurité du revenu, de procéder aux évaluations d'impact de l'actuelle loi afin d'évaluer les risques liés à l'application de ladite loi ou à ses modifications qui auraient pour effet de mettre en danger l'intégrité et la sécurité économique des personnes visées par la loi. On vous demande également de vous engager à court terme dans un processus de révision de l'actuelle Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale qui respecte, à tout le moins, les engagements pris par l'Assemblée nationale lors de l'adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Pour la CSQ, il est essentiel de distinguer une loi de sécurité du revenu des politiques d'intégration sociale et professionnelle. Nous sommes ici en présence d'un projet de loi qui sème la confusion, ce s'explique par la philosophie qui guide le gouvernement, soit une loi qui rende le travail plus attrayant que la sécurité du revenu. Nous ne remettons pas en cause la légitimité du gouvernement d'agir de la sorte, mais ce n'est pas la mission de la Loi sur la sécurité du revenu d'agir dans ce sens-là. Celle-ci doit permettre aux personnes qui s'y retrouvent l'accès à la sécurité économique, c'est-à-dire à l'ensemble des garanties en termes de droits qui donnent un accès équitable aux moyens d'existence. En d'autres mots, toute personne doit avoir à sa disposition les moyens de s'offrir les conditions de sa sécurité physique, alimentaire, les soins de santé et l'éducation essentielle afin de tendre à la satisfaction de ses propres aspirations.
À cet égard, je voudrais vous rappeler que M. Charest, dans le document qu'il a rédigé, en introduction, nous disait, dans Briller parmi les meilleurs, que le seul Québec qu'il conçoit est un Québec capable de réaliser les 7 millions d'ambitions qu'il porte. En conséquence, ce gouvernement a l'obligation de construire des politiques publiques orientées sur la distribution de la richesse collective fondée sur le principe d'équité et d'égalité d'accès à l'ensemble des ressources disponibles dans une société au lieu de procéder à l'élaboration de politiques complémentaires du revenu.
La CSQ a été indignée de constater, le 21 novembre dernier... le ministre responsable de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, à la loi n° 112, a déposé un règlement visant à imposer une coupure de 100 $ aux jeunes vivant avec leurs parents, et le délai de carence aux personnes immigrantes indépendantes qui se retrouvent souvent sans revenu rapidement après leur arrivée au Québec. Cette situation nous a été tout à fait intolérable. Ce règlement doit être retiré.
En ce qui concerne le dossier qui est sur la table présentement, la CSQ demande au gouvernement: de formuler une loi sur la sécurité du revenu fondée sur le respect des droits fondamentaux; de restaurer le droit à la sécurité du revenu selon des critères universels; d'accorder en tout temps une prestation de base qui correspond aux besoins essentiels; d'indexer, dès le 1er janvier 2005, l'ensemble des prestations en fonction du coût de la vie; d'améliorer la protection et la consolidation des revenus; de restaurer le droit à la gratuité des médicaments; de retirer l'article qui autorise la saisie de la prestation pour défaut de paiement de loyer; de soumettre la réglementation accompagnant une future loi à une consultation publique.
Pour la Centrale des syndicats du Québec, la réussite scolaire et pauvreté font rarement bon ménage. La diplomation du plus grand nombre des enfants issus des familles vivant dans la pauvreté demeure un objectif difficile à atteindre. La qualification des jeunes éjectés par le système constitue un défi sans cesse grandissant. La requalification des travailleuses et des travailleurs est sans cesse remise en cause par des mesures de sous-financement des programmes de formation de la main-d'oeuvre. Et pourtant la Centrale des syndicats du Québec persiste et signe à demander que l'éducation, dans toute sa variété de formules, soit au premier plan des mesures visant à permettre aux personnes de sortir de la pauvreté. Car l'éducation doit être une priorité nationale et faire partie de la mission fondamentale de l'État.
La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale prévoit, à l'article 8, deuxième et troisième alinéas, de «favoriser la réussite scolaire de même que la réinsertion scolaire et sociale des jeunes, particulièrement ceux vivant en milieux défavorisés»; d'«améliorer la formation de base et l'accès à la formation continue afin de permettre aux adultes de compléter et de mettre à jour leurs compétences professionnelles, de faciliter la reconnaissance de leurs acquis et de favoriser l'accès aux technologies de l'information et de la communication».
Le projet de loi n° 57 prévoit, à l'article 15: «La prime à la participation peut notamment permettre à la personne de réaliser diverses activités dans le cadre d'une mesure ou d'un programme d'aide à l'emploi, afin notamment de compléter une formation ou d'acquérir une qualification professionnelle.» Parce que le projet de loi n° 57, tout comme le plan de lutte à la pauvreté, accorde une attention insuffisante à la formation et à la qualification des personnes, la CSQ croit pertinent de rappeler certains éléments essentiels à toute stratégie que doit développer le gouvernement.
Avant de parler des programmes de... pour les prestations de la sécurité du revenu, nous aimerions rappeler que le minimum que doit garantir un gouvernement est l'accès aux jeunes à une formation qui leur permettra d'obtenir, à tout le moins, leur diplôme d'études secondaires. Et cela sous-entend que ces formations sont accessibles quel que soit le temps que requiert la personne pour compléter ce niveau de scolarisation.
Nous pensons aussi que qualifier 100 % des jeunes n'est pas impossible si, et seulement si, des mesures énergiques sont prises. Il faut tout d'abord accroître le nombre de places en formation professionnelle et technique de façon à assurer une meilleure accessibilité à un vaste éventail de programmes, y compris en région. Il est aussi urgent d'accroître le financement des formations professionnelle et technique et d'accorder les ressources d'encadrement et de soutien nécessaires à la réussite des jeunes comme des adultes.
En ce qui concerne l'accès aux études postsecondaires, ce n'est pas le nouveau Programme d'aide financière aux études qui viendra augmenter la cadence de la diplomation.
Finalement, les programmes de formation disponibles pour les bénéficiaires de l'assurance-emploi et de l'assistance-emploi et financés par Emploi-Québec sont principalement des programmes courts axés sur des fonctions de travail spécifiques. Les attestations d'études professionnelles et les formations offertes par le secteur privé sont ainsi grandement favorisées. D'ailleurs, la CSQ constate qu'Emploi-Québec oriente peu de personnes vers les programmes menant au diplôme d'études secondaires dispensés par les centres d'éducation des adultes. Par surcroît, nous observons un faible développement des services de référence et d'orientation qui permettraient aux individus de faire les bons choix.
Au Québec, il y a plus, mesdames et messieurs, de 1 million d'adultes qui ne satisfont pas à la norme sociale de base. Sur ce nombre, plus de 600 000 ne possèdent pas les éléments du premier ensemble de compétences dites d'alphabétisation, soit la troisième secondaire. Non seulement le gouvernement a la mission sociale de remédier à cette situation, mais c'est l'ensemble de la société qui doit s'attaquer à ce problème. Ne serait-il pas primordial pour l'avenir économique et culturel de nos sociétés que nos organismes gouvernementaux se donnent les moyens d'identifier rapidement les adultes n'ayant pas de formation de base et d'orienter ceux-ci vers les programmes de formation adéquats? Ne serait-il pas primordial que le droit à l'éducation soit enfin reconnu comme un droit fondamental et que les ressources nécessaires à l'atteinte de ce droit soient garanties par le gouvernement?
En conséquence, la CSQ demande au ministre: de distinguer, dans la loi, l'aide financière visant à couvrir les besoins essentiels et celle de l'aide à l'emploi et à la participation; d'obliger le ministre à offrir à toutes les personnes prestataires, et dans un délai raisonnable, des programmes de formation ou d'insertion; d'améliorer les recours et les procédures d'appel pour tous les prestataires lésés dans leurs droits; d'injecter, dans le réseau de l'éducation, les sommes nécessaires en portant une attention particulière à la formation professionnelle et au développement de l'éducation des adultes, des services d'orientation scolaire et professionnelle ainsi qu'à ceux des activités de soutien et d'encadrement dans toute la durée de la formation.
On vous remercie beaucoup d'avoir été attentifs à cette présentation.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Séguin. Pour débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
M. Béchard: Oui, merci. M. Séguin, Mme de Sève, M. Parent, merci. Bienvenue et merci pour vos commentaires de départ.
Je vous dirais qu'il y a toutes sortes de façons de voir le projet de loi n° 57 et le plan de lutte à la pauvreté. Et, quand on parle d'une nouvelle loi ou quoi que ce soit, je pense que, peu importe, à peu près tout le monde s'entend pour dire qu'il y avait un besoin de réaménagement de la loi, qu'on arrive avec quelques amendements ou une réforme plus en profondeur.
Vous avez sans doute suivi, je vous dirais, aussi, depuis le début de la commission, un certain nombre de travaux sur, entre autres, les questions de barème plancher et de couverture des besoins essentiels. Et là-dessus je vois qu'effectivement vous parlez de la couverture des besoins essentiels, ça... Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, dans la loi n° 112, on ne parlait pas de couverture des besoins essentiels? Et je voulais voir avec vous: Est-ce que vous étiez d'accord avec la loi n° 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale? Et, à moins que je me trompe, on ne parlait pas non plus d'indexation dans cette loi-là. Juste pour vous mettre tout ça, là, dans les suites que l'on a de la loi n° 112 par rapport à ce qui est là et à, je dirais, une loi idéale, des moyens idéaux qu'on voudrait tous. Moi le premier, je voudrais avoir les moyens. C'est sûr qu'on souhaiterait de l'augmenter de beaucoup, la prestation, je souhaiterais qu'on fasse un certain nombre de choses supplémentaires, on le fait avec les outils qu'on a. Mais, juste pour placer les choses en perspective, est-ce qu'on peut tirer le même constat par rapport à la loi n° 112?
n(17 h 50)nM. Parent (Réjean): Une réponse simple: Non. Je pense que la loi elle-même donnait certaines orientations et donnait certaines indications. L'article 9 de la loi n° 112: «Les actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique doivent notamment viser...» Là, il y a une indication, puis il y avait des instruments qui venaient mettre, je dirais, le Québec au travail pour déclencher ce barème-là. Donc: «...rehausser le revenu accordé aux personnes et aux familles en situation de pauvreté, en tenant compte notamment de leur situation particulière et des ressources dont elles disposent pour couvrir leurs besoins essentiels.» Donc, ce besoin essentiel ou ces besoins essentiels, ils doivent être déterminés. Il y avait des instruments dans la loi pour y tendre. Et je pense qu'il y a un travail à faire de ce côté-là.
Puis là je reviens sur votre déclaration d'ouverture, quand vous dites: Il y a une loi, je dirais, à sa face même, étude d'impact, je pense que... je dirais peut-être qu'on est mal tourné comme esprit, mais on voit plutôt le projet de loi n° 57 comme un prétexte pour dire: Bon, on se sert, on s'accroche après la loi n° 112 pour dire: Il y a une nécessité de revoir. Une nécessité de revoir, loin d'avoir été démontrée, loin d'avoir indiqué quels sont les problèmes, quels sont les impacts négatifs de la loi actuelle et qui sert plutôt de porte d'entrée à une certaine forme d'arbitraire, qui ne distingue pas ce qui est de l'ordre de la sécurité du revenu et ce qui est de l'ordre de l'incitation ou de l'ordre de l'insertion.
Donc, si on entend que précédemment, quand on était dans un certain enthousiasme autour de la lutte contre la pauvreté... Et vous êtes en train de nous dire qu'on dormait au gaz. On ne dormait pas tout à fait au gaz, M. le ministre. Et, de ce côté-là, on dit: Le barème plancher, il n'est pas encore établi, et la loi ne l'amène pas non plus dans ce que vous mettez sur la table aujourd'hui. Donc, il n'y avait pas... Ce n'était pas le mutisme total. De là à dire qu'il était établi, non, mais il y avait les instruments pour y tendre.
M. Béchard: Oui, mais les instruments pour y tendre, je dirais, M. Parent, qu'on s'en sert et on va y tendre. Je regarde...
M. Parent (Réjean): M. le ministre, je vous entends mal.
M. Béchard: J'ai dit: Les instruments pour y tendre, là, je vous dirais, peut-être que vous sous-entendez l'observatoire pour lutter contre la pauvreté, et tout ça. L'observatoire présentement, avec l'Institut de la statistique du Québec, on est en train de faire un premier tour des données, des indicateurs qui devraient être mis en place. Le comité consultatif, je l'ai déjà dit, l'objectif, c'est de le mettre en place, c'est des consultations qui ont été faites et qui continueront d'être faites. Mais en même temps je vous dirais que, sur la question de la... Je vous trouve, quand vous arrivez avec les programmes particuliers, entre autres, là, le droit à l'arbitraire puis qu'il n'y a pas de... au niveau de la distinction, je dirais qu'à partir du moment où on a convenu qu'il y avait un barème plancher, qui n'est peut-être pas assez élevé, je l'avoue, peut-être, mais c'est mieux que 80 % du barème plancher actuel ou 75 % puis du régime de coupure... À partir du moment...
On a mis un peu comme une base, et là on se dit: Est-ce qu'on peut améliorer un certain nombre de choses? On arrive avec la prime à la participation ? je voudrais avoir quelques indications de votre part là-dessus ? avec certains programmes particuliers au niveau des jeunes, et là-dessus vous indiquez qu'ils sont sans droit de recours. Je veux vous le spécifier, ils ont exactement les mêmes recours que les autres programmes d'Emploi-Québec, les autres mesures d'Emploi-Québec, ni plus ni moins. Et je vous dirais que, moi, c'est une approche... Et peut-être qu'effectivement les gens peuvent avoir des doutes sur les intentions, essaient de se dire: Bien, qu'est-ce qu'on vise par là? Et ce qu'on vise par là, les programmes particuliers... Je regarde au niveau d'Alternative jeunesse, entre autres, on a le constat suivant, c'est que c'est de plus en plus dur d'aller chercher les jeunes, les ramener sur le marché du travail ou sur le marché de l'activité, on a besoin de plus en plus d'outils qui sont différents. Pour faire ça, il faut avoir une marge de manoeuvre pour les mettre en place. On regarde Solidarité jeunesse, Ma place au soleil ou encore conciliation travail-études...
Et c'est ça, l'objectif. Ce n'est pas... Si on avait encore le régime punitif, par exemple, on voulait se servir de ces programmes particuliers là pour, je dirais, tasser du monde, je dirais... L'objectif est de l'incitation, et c'est pour ça que, sur les programmes particuliers, je vous avouerais bien franchement que je vous trouve un peu dur. Je vous comprends d'avoir certains doutes, mais je vous trouve un peu dur quand même parce que, pour moi, c'est une philosophie qui me semble être la bonne, d'avoir le plus de programmes possible pour répondre le plus possible aux besoins différents et particuliers des gens. Et est-ce que vous êtes d'accord sur la philosophie? C'est sur les moyens que vous avez des doutes? Ou, sur la philosophie même, vous avez un certain nombre de problèmes?
M. Parent (Réjean): Moi, je vous dirais, je le place sur deux niveaux, et je pense qu'il faut le mettre clair en partant. On a une loi qui porte sur à la fois la sécurité du revenu et à la fois sur l'insertion ou l'incitation, pour ne pas dire des pressions, pour retourner sur le marché du travail. Moi, qu'on ait des mesures pour inciter, pour insérer, faire en sorte qu'un citoyen puisse s'assumer dignement, on n'a pas de problème avec ça. Mais ça ne fait pas pour autant que ça doit servir de paravent à, je dirais, ménager sur la sécurité du revenu. Donc cette distinction-là qu'on fait dans le... Le cadre arbitraire qu'on vous mentionne sur le barème plancher, sur qu'est-ce que ça prend, là, minimalement à une citoyenne, un citoyen pour au moins assurer sa sécurité économique, donc ça, on a à le dégager. On dit: La loi, là, ne répond pas à ces attentions-là.
Après, là, sous l'angle des mesures incitatives ou des mesures de participation, il y a tout un autre espace de débat. Je ne dis pas que toutes les mesures particulières, on veut les passer par-dessus bord, mais en même temps on pense qu'il y a là un virage accentué très utilitariste, très utilitariste, et qui manque peut-être de vision, et c'est pour ça que... Évidemment, mettons qu'on a une bonne expertise en éducation, on finit le chapitre en éducation, puis on pense que sortir de la pauvreté, là, ça implique de prendre en main la barre de l'éducation.
Et, quand on regarde le tableau du Québec, il y a encore énormément d'efforts à faire si on tient compte qu'on est dans une dynamique où le taux de diplomation est en chute libre, on est passé de 73 % à 65 %. Mais on avait un objectif pour 2010 de 85 %. On ne s'en rapproche pas, on s'en éloigne, hein, et votre gouvernement lui-même l'a dit. Puis, pour avoir eu la chance de siéger à un groupe consultatif, le message est à peu près le même: c'est l'économie du savoir, et notre façon, c'est d'être concurrentiel, le Québec, ça passe par l'éducation. Et donc, de ce côté-là, des programmes très pointus, ce qu'on appelle, nous autres, la particularisation des programmes, et très spécifiques, on pense qu'on n'aide pas la citoyenne ou le citoyen à s'en sortir.
Donc, favoriser une formation qui soit qualifiante, oui, à 100 %, on pense qu'on peut qualifier le Québec. De là à dire qu'on peut diplômer études secondaire V tout le Québec, mettons que, si on visait notre 85 %, ça... ne pas avoir de limitations. Et, de ce côté-là, faire en sorte aussi que les personnes, elles soient, tu sais, pas toujours à la remorque d'un programme, tu sais, dans le sens insertion, un programme spécifique. On est rentré là très utilitariste, sous-sous-spécialisé, salaire minimum. Vous savez, le salaire minimum, là, dans le contexte puis quand on le regarde avec la dynamique de l'aide sociale, quand on parle de sécurité économique... Moi, j'ai le malheur d'avoir une fille qui est handicapée. Elle ne travaille même pas au salaire minimum, un petit peu plus. J'ai réalisé qu'elle gagnait 16 000 $ par année. Je n'avais jamais réalisé ça. Je n'avais pas pensé à ça. Malheureusement... J'ai été chanceux dans la vie, je l'ai réussie un peu, mais, tu sais, c'est la condamnation à la pauvreté. Donc, c'est un minimum.
Moi, je pense que, quand on a une vision de 7 millions d'ambitions, pour reprendre mon collègue, bien, c'est dans la dynamique... à la fois, je veux dire, on assure la sécurité économique des gens puis en même temps on se donne un programme qui fera en sorte que... on puisse faire en sorte que les gens soient le plus adaptés possible, qu'ils soient en mesure de devenir des citoyens responsables, et on évite... On n'a pas parlé beaucoup, là, de votre mesure 100 $ en moins. Ça, j'appelle ça des questions de dignité. Je veux dire, ce n'est pas parce qu'un jeune vit chez ses parents qu'on doit l'amputer... Moi, j'ai un ami qui, il y a quelques années, son flo s'est suicidé parce qu'il venait de recevoir une lettre, parce que le flo, bien, vu qu'il vivait avec sa blonde, il était amputé de son chèque social. On parle de dignité humaine et on a une très grande sensibilité de ce côté-là à s'assurer qu'il y a une sécurité du revenu qui fait en sorte qu'au moins les besoins de base, les besoins de base, soient assumés. Ça, après ça, ça permet de remplir la tête quand l'estomac est rempli.
Je pense que c'est de ce côté-là. Je veux dire, ce n'est pas en terme de tout passer par-dessus bord la philosophie que vous avez de faire en sorte que des citoyens puissent se réaliser puis se développer, on le sait, on est dans un monde où une partie de l'identité passe par le travail, passe par le marché de l'emploi. Donc, on est acheteur de ce côté-là, mais on dit: Sur les moyens, il y a du travail à faire.
M. Béchard: Mais, M. Parent, sur les moyens ou sur les programmes, par exemple, quand on parle d'un programme comme conciliation travail-études, ce nouveau programme, en tout cas les premiers résultats qu'on en a, c'est que ça marche relativement bien parce que justement c'est à la fois la poursuite d'un des objectifs que vous dites, la diplomation, mais aussi par le travail, puis mixer les deux, et c'est ça que ça nous permet de faire, un certain nombre de programmes particuliers sur lesquels on veut travailler.
Et en même temps, quand vous parlez du salaire minimum, je vous l'avoue que c'est un des objectifs qu'on avait dans le dernier budget, puis, avec Prime au travail, c'est justement d'avoir un plan de lutte à la pauvreté qui n'est pas centré uniquement sur les gens qui sont sur la sécurité du revenu, mais aussi sur justement les gens qui sont au salaire minimum et un peu plus. Alors, on a essayé d'y aller avec Prime au travail.
n(18 heures)n Et je comprends encore une fois que ce n'est pas la fin de tout. Peut-être vous, peut-être d'autres allez dire que ce n'est pas assez, mais on ne peut pas, et c'est un point que je veux faire en lien avec ce que vous avez mentionné au début, avec les outils, pour voir où est-ce qu'on veut aller, quels sont les objectifs à atteindre, et tout ça... Il y a beaucoup de gens, et je comprends leur impatience, qui auraient aimé que le présent projet de loi ou, à la limite, le plan de lutte à la pauvreté, dès la première année, règle tout, mais, vous le savez comme moi, financièrement, si on veut tout régler ça, il faut faire un certain nombre de choix. Déjà qu'on se fait accuser que les baisses d'impôts de l'année passée n'étaient pas vraiment des baisses d'impôts mais des réductions de fardeau fiscal puis de l'argent qu'on a mis pour lutter à la pauvreté puis dans le soutien aux enfants, il y a tout un débat théorique là-dessus. Mais au moins il y a de l'argent qui est allé à ce niveau pour faire un certain nombre de choix. Mais je vous dirais qu'on essaie d'y aller progressivement. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui va m'en vouloir de dire que je suis conscient qu'on n'a pas tout réglé la première année, mais on tend vers une amélioration des gens qui vivent ces situations-là.
Mais je veux aller sur un autre point qui est dans votre mémoire. C'est au niveau des mesures d'aide à l'emploi. Vous indiquez qu'on ouvre la porte à une privatisation larvée de la sécurité du revenu. Je dirais... En tout cas, peut-être qu'il y a des intentions qui sont là qui pourraient être mises en place, mais je ne les vois pas de ce côté-là. Mais, moi, ce que je veux... Et je vais vous en donner des exemples, de ces ententes-là, en ce qui a trait à l'aide à l'emploi, par exemple avec la ville de Montréal. On a une entente avec la ville de Montréal, on a une entente avec des carrefours jeunesse-emploi. Il n'y a rien qui dit qu'il ne pourrait pas y avoir d'autres ententes pour travailler avec certains partenaires qui sont peut-être plus habilités dans certains types d'intervention qu'on pourrait l'être. Et c'est pour ça que là-dessus, moi, je vous trouve encore une fois un peu durs à ce niveau-là.
Et, parce que je dois manquer de temps bientôt, hein, je veux vous entendre sur prime à la participation et vous dire que l'objectif de prime à la participation, ce n'est pas un transfert de la responsabilité du gouvernement vers le privé ou vers le communautaire. On veut reconnaître les efforts que certaines personnes font, qui ne sont pas dans le cadre de nos programmes réguliers, normés, et tout ça, mais qui participent quand même à la société et qui parfois peuvent être très valorisants pour eux. Alors, là-dessus, je ne sais pas si vous aviez des suggestions à nous faire au niveau de prime à la participation. Je comprends qu'on peut nous prêter un certain nombre d'intentions, mais, entre autres, vous dire que, sur les programmes particuliers, sur Alternative jeunesse, les groupes d'hier, des jeunes, étaient d'accord avec ces approches-là, Solidarité jeunesse, conciliation travail-études.
Le Président (M. Copeman): Avant que vous répondiez, nous enfreignons actuellement l'ordre de la Chambre, alors je demande évidemment le consentement des membres afin de poursuivre après 18 heures pour terminer l'échange avec nos invités. Consentement est donné? Consentement. Merci.
M. Parent (Réjean): ...échappé belle, je crois bien. Merci beaucoup. Je vais te la donner... Je vais laisser Nicole répondre plus spécifiquement à la question du ministre, mais je veux le rassurer, là, quand il pose la question, tout de suite le rassurer, là, ce n'est pas tout fait mal puis ce n'est pas tout de travers, ce que vous avancez, M. le ministre. En partant, là, ce n'est pas tout noir. Et, je vais le répéter ? on est partis sur l'air de la répétition ? on a une préoccupation de très bien distinguer sécurité du revenu puis mesures d'insertion. Ça, ça nous apparaît fondamental. Et il ne faudrait surtout pas que les mesures d'insertion deviennent un paravent à l'insécurité du revenu. Notre mise au jeu est là. Après ça, on ne dit pas que tout ce qui est fait, tout ce qui est avancé, tout ce que vous pensez, ça n'a pas d'allure. Mais on amène évidemment... On a toujours tendance à vouloir perfectionner vos excellents travaux, et Nicole...
M. Béchard: C'est normal.
M. Parent (Réjean): Et Nicole va y aller.
M. Béchard: Je pense que je vais relever ça, M. Parent.
Le Président (M. Copeman): Mme de Sève.
Mme de Sève (Nicole): O.K. Moi, je veux revenir sur deux ou trois questions. Premièrement, la question de l'observatoire. Vous dites: Nous avons transféré la question à l'Institut de la statistique. Je vous rappellerai quand même, pour fins de mémoire, que, lorsque vous avez adopté, à l'Assemblée nationale, la question de l'observatoire, nous devions nous assurer qu'il y ait des membres qui sont des personnes oeuvrant auprès des personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale qui en fassent partie. Il devait aussi y avoir... Les membres du comité de direction de l'observatoire, ce devait aussi être des gens qui venaient du domaine de la recherche et de l'expertise en questions de pauvreté. Donc, ce n'est pas du tout la même chose, l'observatoire, l'Institut de la statistique. Pour la première.
Le droit de recours. La question, elle a été posée à peu près à toutes les personnes qui sont venues devant cette commission parlementaire, pour avoir à peu près lu tous les verbatims. J'aimerais vous rappeler quelque chose dans votre loi. À l'article 96 du recours, le deuxième alinéa: «Toutefois, une décision rendue en vertu du titre I, de l'article 40, des chapitres III et IV du titre II ou de l'article 93 n'est pas révisable.» L'article 40, c'est les cas d'exception pour une prestation à un adulte dans la grande question de dénuement. Le chapitre III, c'est Alternative jeunesse. Donc, il n'y a pas de recours, si ce n'est pas révisable. Le chapitre IV, c'est les programmes spécifiques. Donc, il n'y a pas de recours, si ce n'est pas révisable. L'article 93, c'est la suspension, donc dans la question du débiteur. Donc, je peux comprendre. Si vous dites: Les recours, ce sont ceux pour révision administrative par Emploi-Québec qui s'appliquent, bien dites-le dans la loi. Sinon, expliquez-nous pourquoi, au premier alinéa des recours, c'est écrit que les décisions que vous rendrez sur Alternative jeunesse et les programmes spécifiques ne sont pas révisables.
Pour les primes à la... pour la privatisation larvée, c'est une tendance que nous croyons dangereuse. Vous vous octroyez, dans la loi, vous ou vos successeurs... Donc, la loi va octroyer la possibilité au ministre de conclure des ententes ou même des projets pilotes avec une personne, une association, une société, un organisme philanthropique pour accompagner des gens dans leurs démarches d'intégration, de réintégration. Vous allez conclure une entente avec cette personne-là pour pouvoir... et avec la personne qui fait exécuter le travail. Mais, moi, je m'excuse, là, mais une personne, ce n'est pas une institution. J'appelle ça de la privatisation. Peut-être pas la privatisation dans le sens de la valeur marchande, mais on transfère et on dit à une personne... Donc, moi, autrement dit, je pourrais aider une personne en intégration en emploi, et l'argent que je vais... même pourrais lui verser pourrait être considéré comme une partie de la prime à la participation. Je rembourse ses frais de transports, etc.
Donc, ce qu'on dit, c'est de faire reporter, tel que libellé... Si ce n'est pas votre intention, il faut la changer. De toute façon... Peut-être pas la changer.. ou pas, parce que, nous, on préfère le rejet du projet de loi. Mais, si, dans l'articulation d'une prime à la participation... Parce que, M. Parent a été très clair, nous ne rejetons pas le principe d'améliorer et de permettre à des gens de pouvoir bénéficier d'expériences de participation en intégration à l'emploi. Mais, si vous le faites, à ce moment-là, ce n'est pas en privatisant dans la relation d'individu à individu. Il faut se donner des balises pour éviter justement cet arbitraire qui est fondé sur la relation d'individus ou d'organismes. Alors, tous les organismes de charité vont se mettre à pouvoir faire des primes de participation. Donc, il y a des glissements. C'est à ça que nous vous alertons et, tel que libellé, oui, c'est une privatisation.
Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon.
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, Mme de Sève, M. Parent, M. Séguin, bienvenue. J'aimerais, s'il vous plaît, vous entendre quelques instants sur la question de l'indexation. Dans votre mémoire, en page 26, vous dites qu'il faudrait «indexer, dès le 1er janvier 2005, l'ensemble des prestations en fonction de la hausse du coût de la vie». La question qui se pose, c'est que j'imagine que donc vous rejetez le concept de l'indexation à la moitié pour les personnes qui...
Le Président (M. Copeman): N'ont pas de craintes... contraintes... Ils ont peut-être des craintes, là, mais...
M. Bouchard (Vachon): ...n'ont pas de contraintes à l'emploi. Qui n'ont pas de contraintes à l'emploi. Et, deuxièmement, vous souhaitez quelque part voir inscrit dans la loi actuelle, parce que vous rejetez l'idée d'une nouvelle loi... Donc, vous préconisez un amendement à la loi actuelle qui prévoirait une indexation automatique. Est-ce que c'est ça, votre proposition?
M. Parent (Réjean): Oui, puis selon l'indice de la Régie des rentes, donc pas un indice patenté, pour prendre une explication polie. Et encore là, si vous demandez que ce serait encore suffisant, on va vous dire non, là. On ne peut peut-être pas rétablir les 10 dernières années, mais je pense qu'il faudrait y tendre, là. Ne serait-ce qu'on aurait appliqué une indexation sur ce modèle-là, on serait de l'ordre de 777, aujourd'hui, au lieu de 535.
M. Bouchard (Vachon): C'est-à-dire que le ministre va être en position maintenant de prévention, à l'égard d'autres ministres qui viendraient après lui et vis-à-vis de lui-même, de jouer avec les indexations, donc quelque part d'introduire dans notre cadre législatif une obligation à l'indexation automatique. Il en a la possibilité maintenant, c'est ce que vous dites.
n(18 h 10)n Ce que vous dites aussi, puis je trouve que c'est particulièrement intéressant parce que ça commence à émerger comme une dimension de fond dans les interventions, c'est qu'il n'y a pas de... Ce n'est pas une loi sur la sécurité du revenu. Il n'y a pas de dispositions en vertu de ce principe de la sécurité du revenu, puisqu'il n'y a pas une reconnaissance des droits à une vie décente et d'une couverture des besoins essentiels, pour revenir à 112. Et j'en fais la remarque parce que je pense qu'à force d'écouter les gens qui se présentent dans cette commission on vient qu'à s'apercevoir qu'il y a quelque part un vice extraordinairement important dans la façon de présenter le problème à travers la loi. Et la loi est une loi d'intégration au travail et d'accès à l'autonomie financière. Personne n'est contre ça, j'imagine, mais il manque quelque part, pour que ce soit une loi de sécurité du revenu, un objectif fondamental qui a trait à la sécurité du revenu. Je pense que c'est ce que vous nous dites. Et donc vous vous adressez au ministre en disant ça, en lui disant: Ce n'est pas nécessaire de présenter le projet de loi n° 57 tel qu'il est parce que finalement vous auriez pu faire quelques amendements à la loi actuelle. Mais il est nécessaire de retravailler l'ensemble de notre approche à la sécurité du revenu, en affirmant très clairement trois objectifs au moins, ou deux: un de la couverture des besoins essentiels et un autre sur l'intégration sociale et économique.
Bon. Ceci étant dit, vous pouvez aussi nous parler, à titre de participants et d'observateurs, plus globalement en termes de la lutte à la pauvreté. Et c'est ce que vous faites dans votre mémoire, puis vous nous dites: Écoutez, là, au lieu de perdre votre temps à réécrire un projet de loi qui ne change pas grand-chose de fondamental mais qui embête tout le monde, occupez-vous donc de l'éducation. Pouvez-vous nous dire en quoi le système d'éducation maintenant... Quels seraient les deux ou trois premiers gestes qu'il faudrait poser, comme parlementaires, et que le gouvernement devrait poser pour arriver à être plus efficace dans sa lutte à la pauvreté? D'abord, est-ce que je vous résume bien, là, concernant les enjeux fondamentaux? Puis deuxièmement, est-ce que...
M. Parent (Réjean): Bien, je vais vous donner une réponse simple, comme vous aimez. Oui. Ça fait que ça, c'est un premier temps sur le résumé. Maintenant, sur les mesures en éducation, là on est dans... Je vais vous en donner peut-être... celles que vous n'aimerez pas entendre, là, mais vous allez dire: Qu'est-ce qu'il vient faire à la Commission des affaires sociales, là? Je dirais, un des premiers éléments dans la dynamique qu'on vit actuellement, on est en train de développer une éducation qui va à l'encontre de la philosophie même du ministre, une éducation qui est duale, qui favorise, je dirais, une éducation d'élite, une privatisation. On finance...
Donc, la première mesure bien, bien, bien concrète: je cesserais le financement aux établissements privés puis je mettrais des moyens dans les écoles publiques. Et, de plus en plus, on est en train, je dirais, à force de les écrémer... Sans dire que ça devient le goulag, mettons que celles et ceux qui y travaillent vont avoir besoin pas mal de support puis de ressources extraordinaires pour passer à travers et justement rehausser le niveau de diplomation. Donc, ça, ce serait déjà une première orientation, de mettre un terme au financement des établissements privés, de pouvoir consacrer les sommes de l'État sur celles et ceux qui sont les moins bien nantis, qui sont dans les écoles publiques. Ça, c'est un fait. Ça fait que ce serait déjà une première mesure pour favoriser l'atteinte du taux de diplomation: 85 %, 2010.
Ensuite, je pense que, en termes d'agir immédiat, ne pas limiter, je dirais, la formation des adultes qui sont en réinsertion ou en réorientation, qui sont sur l'aide sociale strictement à une vision utilitaire. Donc, quand on parle d'investissement... O.K., il peut y avoir des formations qualifiantes, en termes de formation professionnelle, formation technique: pas nécessairement les limiter à des formations courtes pour en faire des sous-sous-spécialisés qui sont au salaire minimum avec la Prime au travail, mais qui pourront même aller chercher une formation générale, même penser accéder éventuellement au collège ou à l'université. Je pense que c'est la façon de sortir les gens de la pauvreté que de leur apporter la connaissance et le savoir.
Ça, c'est des mesures, là, concrètes, très à court terme. Si on parle par rapport à la diplomation, un D.E.S., le minimum, là, dans le cadre actuel, puis avec ce qu'on voit, là, il y a un virage majeur à faire et de mettre des ressources qui vont faire en sorte qu'on va pouvoir... D'abord, un, on va retrouver une certaine hétérogénéité dans nos écoles et faire en sorte que ces milieux-là seront des milieux additifs plutôt que soustractifs, comme on est en train de les créer, et il y aura les ressources pour aider les plus démunis. Ensuite, un programme formation professionnelle, formation sociale... formation technique, c'est-à-dire, qui fait en sorte qu'on puisse qualifier, puis permettre une certaine polyvalence de la main-d'oeuvre chez les adultes et éventuellement ne pas fermer les horizons à des adultes pour ce qui est de cégep et université. Donc, permettre là encore de s'extraire du cercle de la pauvreté, hein? C'est un cercle vicieux. Ignorant, ignorant, ignorant, bien tu le cultives, puis pas de savoir, donc limité dans les moyens, pas d'adaptation facile, puis tu reviens sur l'aide sociale à répétition.
Donc, de ce côté-là, je dirais, c'est concrètement, là, trois mesures qui coûtent de quoi, puis que ça prend du courage politique, mettons, pour mettre un terme au financement des établissements privés du jour au lendemain, mais dans le fond on ferait comme le reste du Canada, ce ne serait pas si pire. Des fois, le Conseil de la fédération, ça pourrait servir, là, tu sais. Au moins s'inspirer du modèle ailleurs, et ce serait déjà une première bonne mesure.
M. Bouchard (Vachon): Vous ne parlez pas de la petite enfance, dans les efforts qu'il faudrait consentir en éducation. Est-ce que c'est...
M. Parent (Réjean): Bien, on ne parle pas de... Bien, on l'a regardé sur le plan plus instruction. Vous avez raison, là, mais... Est-ce que la petite enfance... La centrale, je veux dire, de longue date et de longue lutte, a toujours d'abord favorisé le développement des places en garderie. Je vous dirais qu'on... Je ne voudrais pas répéter. La première commission à laquelle j'ai participé, on était sur les intervenantes en milieu familial, ça fait que ça me rappelle de tristes souvenirs. Mais notre préoccupation, elle commence à un jour. À zéro, bien là, quand ils ne sont pas au monde, on n'est pas rendus là. Mais, quand ils commencent à naître, on commence à en être préoccupés, qu'ils aient des places...
Et en même temps, je dirais, au niveau préscolaire, quatre ans, une préoccupation, c'est... On le sait, là, on ne se contera pas d'histoires, hein, la vie, sans dire qu'elle se joue toute avant six ans, plus on intervient rapidement, plus on a de chances de redresser la situation. Et là il y a à agir... Puis là aussi, là, on ne peut pas tout faire dans la même semaine, mais à la fois développer des programmes, je dirais, trois ans-cinq ans, deux ans-cinq ans, là. Le débat, en Italie, c'était de savoir si on envoie des enfants à l'école à partir de deux ans. Là, je trouve que ça commence à être en accéléré, mais il doit y avoir quelque part, à partir de trois ans, en milieu défavorisé, quatre ans... Puis même, je pense, pour éviter de se poser la question si c'est un milieu défavorisé ou pas puis répondre à un seuil, on devrait tendre vers le préscolaire quatre ans à temps plein sur l'ensemble du territoire, et en même temps des programmes pour accroître la compétence parentale. Ça a l'air bête à dire comme ça, là, mais il y a des parents qui sont démunis. Ça fait qu'il y a un parallèle à faire là aussi. Ça fait que c'est ça, là.
Mais on n'en parlait pas dans le mémoire. On n'allait pas jusque-là. On était sur la sécurité du revenu, on était préoccupés de la sécurité du revenu. On a donné quelques idées pour ce qui est de l'insertion, mais on pourrait revenir pour vous parler plus à fond de ces dossiers-là.
M. Bouchard (Vachon): Dans votre mémoire, vous vous montrez inquiets de la disparition d'une référence explicite de communication, à tout le moins, et de corrélation dans les actions du ministre avec Emploi-Québec et avec la Commission des partenaires du marché du travail. Est-ce que cette préoccupation-là vous occupe au point où vous avez une recommandation spécifique à faire à ce sujet-là?
M. Parent (Réjean): J'ai manqué l'intro.
M. Bouchard (Vachon): On vient de parler de formation. Emploi-Québec évidemment offre des formations à l'insertion à l'emploi. Le projet de loi fait disparaître la référence à Emploi-Québec directement et à la Commission des partenaires du marché du travail, référence de lien entre le ministre et ces deux institutions. La référence est disparue. Et il y a plusieurs personnes qui s'en montrent inquiètes. Je pense que vous avez fait état aussi de cette inquiétude. Quelle recommandation faites-vous à l'égard de cela au ministre?
M. Parent (Réjean): Bien, je dirais qu'encore là ça nous inquiète doublement, un, à sa base même, toute la question d'employabilité, sous l'égide ou la maîtrise d'oeuvre d'Emploi-Québec, sans un regard du ministre de la Solidarité sociale et, je dirais, sans même un regard du ministre de l'Éducation aussi, là, donc de laisser la formation un peu à l'avenant, avec des mesures qui risquent d'être de plus en plus pointues et très, très utilitaristes. Et, de ce côté-là, nous autres, on dit: C'est un minimum que le ministre de la Solidarité sociale veille au grain pour ce qui est de la solidarité sociale. Et les formations, là, un peu à l'avenant ? ce que Nicole appelait la... je ne dirai pas la privatisation, mais ? sur mesure puis particularisées à un point tel, à notre avis il y a là un danger de dérapage. Donc, on pense que le MEQ doit continuer d'être maître d'oeuvre de la formation, et Emploi-Québec doit être encadré sous l'angle de la solidarité sociale et sous l'angle, je veux dire, de la formation puis par le ministère de l'Éducation.
M. Bouchard (Vachon): M. le Président, j'ai le temps pour une dernière question?
Le Président (M. Copeman): Absolument, M. le député.
M. Bouchard (Vachon): Vous abordez dans votre...
Le Président (M. Copeman): ...temps pour la réponse, mais la question, oui.
M. Bouchard (Vachon): Mes questions sont généralement assez courtes.
n(18 h 20)n Mais vous abordez la question de l'évaluation des actifs, l'évaluation des actifs, et vous vous inquiétez du fait que... Bon. Enfin, il y a plusieurs personnes qui s'inquiètent aussi, qui viennent devant cette commission, du fait qu'en même temps que, dans le plan d'action, on dit: Il faudrait réviser notre politique vis-à-vis l'évaluation des actifs puis peut-être libéraliser cette chose-là un peu, le projet de règlement du 21 septembre va à contre-indication de cette intention-là du plan d'action, on le voit très bien. Il y a une restriction supplémentaire, là, au volet de l'évaluation des actifs. Quelle sorte de recommandation pouvez-vous exprimer vis-à-vis de cela au ministre?
Moi, je vous dis tout de suite mon inquiétude, là. J'ai comme l'impression qu'on est dans un système, au Québec, où on aborde la pauvreté d'un point de vue du dénuement puis on oublie la question du développement. Et le développement des actifs m'apparaît très important dans les dispositions du plan d'action. Enfin, du point de vue philosophique, j'avais comme interprété ça comme ça, là, mais là je m'en inquiète parce que le projet de loi est très, très, très vague vis-à-vis de ça.
M. Séguin (Pierre): En fait, monsieur, si vous me le permettez, dans notre mémoire, on fait allusion entre autres au logement, en ce qui concerne ce point-là de façon spécifique. Et, comme il est normal de le constater, pour l'ensemble des personnes qui pourraient éventuellement avoir acquis, au fil de leurs travaux et du labeur qui a été le leur, un certain pécule, et ne serait-ce que par rapport à une maison par exemple, là, nous trouvons tout à fait inapproprié que le gouvernement puisse procéder, dans ce contexte-là, à une demande aussi exigeante que celle-là, à savoir de se démunir d'un bien qui leur permette entre autres d'être en mesure de poursuivre, au sein de la société, une certaine forme d'activité.
La majeure partie des personnes, lorsqu'ils se retrouvent dans des situations comme celle où ils ont à être sur l'assistance du revenu, normalement ils n'ont pas nécessairement les moyens d'être en mesure de se retrouver. Et, comme on sait que les logements coûtent de plus en plus cher, lorsqu'ils ont cette possibilité-là, de conserver leur habitation, moi, je pense que tout doit être fait pour permettre à ces personnes-là, afin de s'assurer effectivement qu'ils ne se... qu'ils ne sont... excusez-moi, qu'ils ne demeureront pas dans la pauvreté encore plus longtemps qu'il ne le faut, en permettant qu'ils conservent cet acquis-là, ils pourront éventuellement se donner plus de chances de s'extirper de la pauvreté, et de réinsérer le marché du travail, et de demeurer fiers et capables d'assumer leurs responsabilités. Parce que, sans logis, à partir du moment où on se retrouve à la rue, loin s'en faut pour perdre un peu l'estime de soi, hein? Je pense que, dans ce contexte-là, le logement comme tel doit demeurer quelque chose qui est intouchable et permettre aux personnes de conserver leur logis, s'ils en ont un.
Le Président (M. Copeman): Ça va?
M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): M. le président Parent, M. Séguin, Mme de Sève, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et je rappelle à nos collègues qu'il est prévu qu'on siège demain après-midi. Mais entre-temps j'ajourne les travaux de la commission sine die, en vous soulignant qu'il faut écouter attentivement les ordres de la Chambre demain, pendant la période des affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 23)