(Onze heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la commission des affaires sociales.
Je vous rappelle le mandat de la commission: nous sommes réunis afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 30, Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et modifiant la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) va être remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) pour la durée du mandat.
Le Président (M. Copeman): Très bien. Alors, comme je le fais au début de chaque session, je vous rappelle qu'il serait opportun à ce moment-ci de fermer les téléphones cellulaires ou, à tout le moins, assurer qu'on n'entend pas les sonneries.
Je fais lecture brièvement de notre ordre du jour d'aujourd'hui. Nous allons débuter avec des remarques préliminaires. Par la suite, il y aura une présentation... une série de présentations de la part de nos invités, commençant avec l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux. Il y aura une suspension autour, maintenant, de peut-être midi quarante-cinq, quelque chose près de midi quarante-cinq, 13 heures. On reprend à 15 heures avec la Centrale des syndicats du Québec; suivie par la Confédération des syndicats nationaux; la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux. Également une suspension de 18 heures à 20 heures. Et nous allons terminer une journée bien remplie avec l'Association des établissements privés conventionnés ? santé et services sociaux; l'Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec; et la Centrale des syndicats démocratiques, plus tard dans la soirée.
Alors, je vous rappelle, chers collègues, que, du côté ministériel, nous avons droit à des remarques préliminaires d'une durée maximale de 15 minutes; du côté de l'opposition officielle, le même temps, c'est-à-dire 15 minutes, et, le cas échéant, cinq minutes pour les députés indépendants.
Remarques préliminaires
Sans plus tarder, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour vos remarques préliminaires.
M. Philippe Couillard
M. Couillard: Merci, M. le Président. C'est avec un grand plaisir que je lance au nom du gouvernement les consultations particulières sur le projet de loi n° 30, Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et modifiant la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
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(11 h 30)
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J'ai eu l'occasion de le dire en Chambre au moment du débat entourant la tenue de cette consultation particulière, le gouvernement tient à entendre les parties directement concernées par les modifications que nous proposons et à échanger avec elles. Pour nous, cette étape de la vie parlementaire revêt une grande importance, et nous croyons que tout projet est perfectible et s'enrichit de la part des personnes et groupes directement engagés dans l'action quotidienne.
Si le gouvernement entend résolument aller de l'avant et mettre en application les solutions qu'il considère les mieux adaptées aux besoins du réseau, il n'en est pas moins soucieux de le faire dans la plus grande harmonie et efficacité possible. En ce sens, nous sommes ouverts à la discussion et prêts à entendre toute proposition d'amélioration, le cas échéant, quant à l'opérationnalisation des mesures contenues au projet de loi.
Car ce projet de loi constitue un important jalon sur la voie de l'engagement de notre gouvernement de mettre davantage le réseau de la santé et des services sociaux au service des citoyens du Québec et de faire de la santé notre première priorité. Nous avons été élus par nos concitoyens et concitoyennes il y a quelques mois pour atteindre cet objectif ambitieux, et nous mettons en place, notamment avec le projet de loi, les balises qui nous permettront d'y arriver dans le respect de l'ensemble des intervenants du réseau.
Plus précisément, le projet de loi introduit un régime de représentation syndicale applicable aux associations de salariés et aux établissements du secteur des affaires sociales régis par la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Il énonce les règles générales applicables en matière d'accréditation d'une association de salariés dans un établissement du secteur; il établit les unités de négociation en fonction de catégories de personnel; il prévoit le mécanisme d'accréditation dans les cas d'intégration d'activités, de fusion d'établissements ou de cession partielle d'activités. De plus, il modifie la Loi sur le régime de négociation pour introduire, dans le secteur des affaires sociales, des négociations de matières devant être l'objet d'une négociation locale ou régionale. Il établit enfin un régime transitoire et accorde au ministre le pouvoir de déterminer à quel moment ce régime est applicable aux établissements.
Nous sommes convaincus, M. le Président, de la nécessité absolue de revoir la façon dont le travail a été organisé dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Une des lignes de conduite de notre gouvernement en matière de santé est à l'effet que le réseau doit être centré sur son unique raison d'être: les citoyens du Québec; il doit être au service des patients et non l'inverse. En effet, l'organisation actuelle fait en sorte que trop souvent ce sont les personnes malades et les personnes vulnérables qui ont à se dépêtrer dans l'offre de services, faute de souplesse et d'adéquation des services avec les besoins.
Pour réaligner le fonctionnement du réseau, un de nos concepts-clés est l'intégration. Car il ne saurait être question de continuer à gérer un réseau de l'ampleur de celui-ci de façon parfois désordonnée, à la pièce, sans unité de pensée et d'action. Il ne saurait être question non plus de céder à l'inertie ou à une politique du laisser-faire qui nous a déjà coûté trop cher. Il faudra tirer le meilleur parti de nos ressources les plus précieuses, les ressources humaines, en les gérant mieux et en leur donnant un droit de parole dans la recherche de solutions aux problèmes auxquels elles sont confrontées. C'est une question de se donner une essentielle fluidité dans le fonctionnement tout en respectant les droits de chacun et les valeurs fondatrices du réseau.
L'objectif du projet de loi est de se donner collectivement des conditions favorisant une meilleure prestation de services aux patients par une organisation de travail plus efficace. Il comporte donc deux axes principaux: la rationalisation des unités d'accréditation et la décentralisation de la négociation de certaines conditions au palier local ou régional. J'utilise à dessein le terme «rationaliser» selon sa définition donnée par Le Petit Robert, qui est d'«organiser de manière rationnelle». Et j'ajouterais, dans le cas précédent: méthodique et subordonnée à l'organisation des soins et des services, et non pas l'inverse.
Certains nous accusent de procéder trop rapidement. Je leur répondrais que dans ce dossier, au contraire, c'est le gouvernement précédent qui a trop attendu et tergiversé en se fiant sur un improbable consensus syndical qui n'est d'ailleurs jamais venu et ne viendrait probablement jamais, en tout réalisme.
De plus, avec ce projet de loi, nous avons choisi de faire écho aux diagnostics sombres et aux recommandations faites par les commissions Clair et Rochon et d'agir là où on aurait dû le faire. Nous avons aussi pris au mot nos partenaires du réseau que sont les gestionnaires des établissements et aussi les organisations syndicales, qui, pour la plupart, admettent depuis longtemps la nécessité de rationaliser le nombre d'unités et de décentraliser la négociation de certaines matières au palier local ou régional.
Car, soyons sérieux, comment peut-on s'attendre à une gestion efficace d'un réseau qui compte quelque 3 671 unités d'accréditation? Dans certains établissements ? on aura même d'autres exemples plus loin dans la consultation ? on compte jusqu'à 10 unités d'accréditation pour la même catégorie de personnel. Cela veut dire, par exemple, pour un gestionnaire, de devoir traiter avec 10 syndicats différents lorsqu'il est question de remplacement de préposés aux bénéficiaires. Dans d'autres établissements, on retrouve un total de 70 unités d'accréditation, donc autant de conventions collectives différentes à gérer, sans pour autant que les gestionnaires disposent du pouvoir de négocier les conditions de travail qui affectent directement leur fonctionnement local. Cette situation paradoxale ne peut plus durer.
Quant au régime de relations de travail, il faudra aussi remettre les pendules à l'heure de l'efficacité. Saviez-vous, M. le Président, que, pour les seuls groupes CSN et CSQ, 34 563 griefs sont en attente de traitement au greffe d'arbitrage, dont la moitié, soit 17 427, concernent l'organisation du travail? Ça n'a aucun sens et ne sert ni les salariés, ni les syndicats, ni les directions d'établissements et ni surtout la population en attente de soins et de services.
Nous sommes conscients que, ce faisant, nous devrons changer des attitudes et des façons de faire ancrées depuis des décennies. Nous avons l'intention de procéder dans le respect des personnes, mais avec détermination. Si besoin était d'en ajouter, un autre argument nous pousse impérativement à corriger la situation. Il s'agit bien sûr de la pénurie de main-d'oeuvre que connaît le réseau. Cette pénurie, qui est d'ailleurs largement attribuable à la gestion du précédent gouvernement, fait en sorte que nous n'avons d'autre choix que d'utiliser de la meilleure façon qui soit les maigres ressources actuellement disponibles.
Voilà pour les raisons qui nous ont poussés à agir.
Maintenant, nous procéderons par étapes, le premier pas consistant à mettre en place des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, comme le prévoit d'ailleurs le projet de loi n° 25, lui aussi actuellement à l'étude. Comme nous l'avons dit lors de sa présentation, il s'agit en fait de restructurer des établissements qui devront déployer une offre intégrée de services communautaires et sociaux, d'hébergement et de soins de longue durée, de soins de première ligne ainsi que de services hospitaliers courants.
Pour des raisons de logique évidente, cette étape de regroupement précéderait la rationalisation des unités d'accréditation. Autrement dit, avant de redécouper la carte syndicale, nous allons avoir redéfini, de concert avec les premiers concernés et après consultations régionales, les limites des nouveaux établissements intégrés. Il s'agit en quelque sorte d'une intégration en gigogne, l'une s'emboîtant dans la suivante, pour éviter que l'on assiste à deux grandes vagues successives de regroupements, ce qui aurait été contre-productif et générateur d'instabilité pour les salariés.
Le projet de loi prévoit la mise en place de cinq unités d'accréditation. Ainsi, une seule association pourrait être accréditée par catégorie de personnel, ce qui limiterait le nombre d'unités à cinq par établissement. Les critères ayant servi à définir ces cinq unités sont: la complémentarité, l'interdépendance des fonctions, le cheminement de carrière et le développement professionnel, la culture organisationnelle du travail et, bien sûr, la faisabilité. De plus, il faut indiquer que le choix de ces critères n'a pas pour seul objectif uniquement d'améliorer le fonctionnement des établissements et d'en faciliter l'organisation du travail par le renforcement des liens naturels existant au niveau des équipes, mais également, encore une fois, d'ajuster l'organisation du travail aux besoins de soins et de services de notre population.
Car, soyons clairs, malgré certains hauts cris entendus récemment, aucune travailleuse ni aucun travailleur du réseau de la santé et des services sociaux ne perdra son emploi ni son droit d'être membre et représenté par un syndicat. Peut-être changera-t-il ou elle d'organisation syndicale, mais, si tel est le cas, il aura ou elle aura au préalable exercé son droit de vote selon des règles établies de concert avec la Commission des relations de travail. C'est à la majorité des employés visés dans les nouvelles unités d'accréditation que les décisions se prendront et que leur représentativité se décidera.
Mentionnons également que dans plusieurs centaines de cas il n'y aura même pas de vote, puisqu'il n'y a qu'une seule organisation syndicale représentant l'ensemble des corps d'emploi. D'ailleurs, non seulement personne ne perdra son statut de syndiqué, mais, mieux encore, quelque 10 000 salariés qui ont actuellement le statut de syndicable non syndiqué seront inclus dans le contingent des syndiqués, c'est-à-dire qu'ils deviendront membres d'une ou l'autre des cinq unités d'accréditation prévues au projet de loi. Rarement voit-on un employeur prendre des dispositions pour augmenter la proportion de syndiqués parmi ses employés de son propre chef, sans y avoir été contraint. Cela devrait, je l'espère, rassurer au moins partiellement les porte-parole des centrales syndicales.
De plus, aucun droit ne sera ni perdu ni suspendu, puisque le projet de loi prévoit que dans l'intervalle, c'est-à-dire d'ici à la négociation des nouvelles conventions, les anciennes seront maintenues, donc les conditions de travail actuellement en vigueur continueront de s'appliquer, comme les grands régimes de rémunération, d'avantages sociaux, dont le RREGOP, les assurances salaire et médicaments, les droits parentaux, etc. Ainsi, je le répète, personne ne perd rien au change, mais le réseau y gagnera en flexibilité et en capacité d'adaptation.
Quand les gestionnaires ne peuvent même pas décider des modalités à appliquer lors d'affectations temporaires, de rappels au travail, de perfectionnement des employés ou même de simples questions d'affichage d'avis, comment peut-on leur demander d'améliorer la performance, la qualité et l'accessibilité des soins et services? De plus, comment, au niveau local, les salariés peuvent-ils avoir l'impression que leurs idées et suggestions d'améliorations concernant leur réalité quotidienne sont considérées dans le contexte où tout se décide à une table centrale?
Il est important de bien comprendre ici que les matières à être négociées et agréées localement sont bien définies. En fait, elles visent principalement et prioritairement l'organisation du travail. Notre pari de réussite se situe à ce niveau. Il est également prévu qu'en cas de différend lors de la première négociation régie par ces nouvelles règles un mécanisme d'arbitrage, dans la plus pure tradition des relations de travail au Québec, s'appliquera. Les autres grandes questions, comme les salaires, les clauses à incidence monétaire et de portée générale, demeureront bien sûr à des tables centrales.
Nous ne changeons pas le monde avec ce projet de loi, mais nous donnons aux intervenants locaux des outils pour apporter des changements tangibles à leur monde. Car nous sommes profondément convaincus que ce transfert vers le local sera le point de départ d'une réappropriation pleine et entière par les gestionnaires, les syndicats locaux et les salariés de leurs rôles et responsabilités, ce qui ne manquera pas, nous en avons la conviction, d'avoir des effets extrêmement positifs sur les relations de travail, la qualité de vie au travail et, encore une fois et surtout, les soins et services à la population.
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(11 h 40)
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Nous sommes convaincus, M. le Président, de l'importance de réhumaniser cette énorme machine tant au profit de ceux qui travaillent que des clientèles y recevant soins et services. Car, vous l'aurez compris, le bien-être des uns passe par celui des autres. Or, le meilleur moyen d'y remettre de l'humanité consiste à rapprocher les centres de décision des personnes qui doivent les appliquer et leur donner les pouvoirs réels de donner les résultats que nous leur demandons au nom de la population du Québec. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, pour une durée maximale de 15 minutes.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, nous débutons, aujourd'hui le 4 décembre, l'étude d'un projet de loi qui va bouleverser les relations de travail dans les établissements de la santé et des services sociaux, à la veille d'un ajournement de Noël, qui se produira d'ici les deux prochaines semaines. Et ce projet de loi n° 30 porte la même signature du ministre de la Santé et des Services sociaux que le projet de loi n° 25, c'est-à-dire une législation sans discussion préalable, une manière autoritaire et unilatérale de faire en imposant des solutions sans les avoir discutées, au point où on peut en arriver à l'objectif inverse de celui qui est recherché.
M. le Président, je voudrais rapidement faire un parallèle entre le projet de loi n° 25 et le projet de loi n° 30, s'il le faut le lire d'une manière croisée, mais aussi ajouter la lecture du projet de loi n° 31 qui modifie le Code du travail quant à l'article 45 qui porte sur la sous-traitance.
Alors, dans le projet de loi n° 25, qu'est-ce qu'on retrouve? Des objectifs louables ? l'intégration des soins ? mais des moyens qui ne sont pas les bons, c'est-à-dire l'intégration des structures. Qu'est-ce qu'on retrouve également? Une loi actuelle qui permettrait en l'utilisant d'arriver à ces fins d'intégration des soins, mais qui est mise de côté. Et qu'est-ce qu'on retrouve également? Mais l'absence totale d'efforts pour susciter l'adhésion.
Alors, dans le projet de loi n° 30, on retrouve la même chose: objectif louable: regroupement des unités d'accréditation syndicales; mais les moyens ne sont pas les bons, c'est-à-dire qu'ils peuvent même conduire, par effet pervers, à l'objectif contraire de celui qui est recherché, notamment par le fractionnement des unités générales.
Ce n'est quand même pas rien de parler d'un côté de la bouche, c'est-à-dire de parler de regroupement d'unités d'accréditation syndicale mais de déposer un projet de loi qui, à l'évidence même... D'ailleurs, plusieurs, pour ne pas dire la presque majorité, viendront en commission parlementaire nous démontrer que dans bon nombre d'établissements ça va augmenter et non pas diminuer le nombre d'unités d'accréditation syndicale.
Et puis, la même chose, M. le Président, un Code du travail, aux articles 39 et 46, qui dispose de la façon de procéder en matière de regroupement d'unités d'accréditation. Je rappelle qu'un syndicat qui souhaite la fusion d'unités d'accréditation peut intenter une requête devant la Commission des relations de travail en vertu de l'article 39 du Code du travail, et un employeur d'établissement peut également, en vertu de l'article 46 du Code, lors de fusions, par exemple, d'établissements, un employeur peut demander à la Commission des relations de travail qu'il y ait fusion d'unités de négociation.
Alors, durant la dernière année, mon efficace recherchiste, Mme Barber, ici présente, a vérifié sur le site de la Commission des relations de travail, depuis un an, toutes les décisions qui ont été publiées sur le site: aucune dans la dernière année! On ne retrouve aucune requête intentée par un employeur, que des requêtes, semaine après semaine, intentées ou demandées par des syndicats. Bon.
Alors, quel est le problème à résoudre et comment le résoudre? Je pense que la question est là. Quand on regarde les établissements attentivement, on se rend compte que, sur les 423 établissements dans le secteur de la santé et des services sociaux, il y en a 164, c'est-à-dire presque le tiers, qui comptent déjà cinq unités d'accréditation et moins. Par exemple, dans les CLSC, c'est au-delà de 60 établissements qui en ont trois et moins. Et des cas ont été portés à ma connaissance, parfois... Par exemple, l'Institut Raymond Dewar, un centre de réadaptation en déficience physique spécialisé, bien, il y a une accréditation unique, n'est-ce pas, et là ils vont devoir la porter à quatre, elle va être fractionnée. Au centre Domrémy, ici même, dans le Centre-du... c'est-à-dire en Mauricie, Centre-du-Québec ? alors, c'est un centre de réadaptation ? le nombre d'unités, qui est de deux, va passer à cinq. Je prends des exemples un peu partout, là. Le Centre jeunesse Gaspésie-Les îles, il y a deux unités qui vont être fractionnées et passer à quatre. Et ainsi de suite, M. le Président.
Quand je dis que l'objectif louable va donner l'effet contraire de celui qui est recherché parce que les moyens ne sont pas bons, c'est parce que l'intention, ce n'est pas de regrouper des unités d'accréditation syndicale, auquel cas, si c'était l'intention véritable, on ne fractionnerait pas les unités générales, on ne fractionnerait pas les syndicats généraux qui regroupent différentes catégories d'emplois, ce qu'on s'apprête à faire avec le projet de loi n° 30. Et pourquoi veut-on fractionner ces syndicats généraux qui regroupent diverses unités d'emplois? Pour faire de la sous-traitance.
C'est un projet de loi, M. le Président, qui, sous couvert de regroupement d'unités d'accréditation syndicale, pave la voie royale à la sous-traitance. Et je mets au défi le ministre de prendre l'engagement ici qu'il n'y aura pas, avec l'adoption d'un tel projet de loi tel que rédigé, qu'il n'y a pas derrière ça la volonté de favoriser la sous-traitance. Et vraiment, M. le Président, je voudrais... Il aura l'occasion... Seulement deux jours, n'est-ce pas, deux jours pour un projet de loi comme celui-là!
Alors, je rappellerai la lettre adressée par le premier ministre aux Québécoises et Québécois le 14 octobre dernier. Et, dans cette lettre, le premier ministre disait très clairement que son intention, c'était de faire de la sous-traitance dans le domaine de la santé et dans le secteur municipal, dans le secteur des villes. Alors, voilà, n'est-ce pas, M. le Président, voilà ce qui nous est proposé. Et à quels coûts?
D'abord, immédiatement, là, les catégories de personnel. On va donc jouer dans les catégories de personnel, puisque de manière autocratique, là, le ministre décide: Voilà les catégories de personnel dans lesquels vous devrez dorénavant être regroupés. Même dans le secteur scolaire, je rappelle au ministre que l'histoire des commissions scolaires était différente: le gouvernement a respecté intégralement les catégories d'emploi. Même dans le secteur municipal, nous avons négocié et il n'y a pas eu de levée de boucliers sur les catégories d'emploi. C'est la première fois, M. le Président, et je pense bien que tout ça va se terminer à Genève, au Bureau international du travail, où certainement vont être soulevées les questions de liberté d'association.
Alors, je prends à témoin, par exemple, le mémoire de l'Association des établissements privés conventionnés, n'est-ce pas, qui signale que, sur la base de leurs 69 installations, ils vont se retrouver... ils ont déjà 85 % de leurs établissements qui comptent quatre unités de négociation et moins, et que, avec le projet de loi, leur nombre d'accréditations va passer de 182 à 203, soit une... à 303, excusez-moi, 303, presque doublé, soit une augmentation de 121 unités de négociation. C'est ça, un projet de loi qui est censé regrouper des unités d'accréditation syndicale?
Les exemples vont affluer dans les mémoires qui vont nous être présentés. Mais je voudrais également parler des coûts, M. le Président. Puisque les coûts... Justement, je reprends le mémoire de l'Association des établissements privés conventionnés, puisqu'ils les ont évalués, eux, les coûts qui vont être engendrés par la négociation locale, également par l'embauche de personnel spécialisé en relations de travail afin de gérer le nouveau volume de relations de travail. Je voudrais rappeler que, s'il y avait 3 000 unités d'accréditation au Québec, il y avait 73 conventions; dorénavant, il y en aura, quoi? 1 691, unités d'accréditation, mais, avec la décentralisation locale par catégories d'emploi, il va y avoir maintenant autant de conventions. C'est-à-dire qu'on diminue prétendument le nombre d'accréditations, mais on va augmenter le nombre de conventions.
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(11 h 50)
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Moi, j'ai fait... évidemment, je n'ai pas les moyens techniques du ministre et son ministère, j'ai fait simplement une simulation; je vous la propose. À savoir que, si on respectait les syndicats généraux, ceux qui regroupent des unités d'accréditation, plutôt que des les fractionner, mais si, cependant, oui, on regroupait les syndicats qui se sont... les unités d'accréditation qui se sont fractionnées au cours des dernières décennies, qui sont essentiellement des accréditations de techniciens, de professionnels, alors, si on les regroupait par catégories d'emploi, en respectant le choix qu'ils ont déjà fait d'une catégorie, d'une famille d'emploi, alors, ce que ça donnerait, par exemple, au CHUM, n'est-ce pas, des 41 accréditations existantes, ça en donnerait 10; au CHUQ, à Québec, des 60 accréditations, ça en donnerait 11; au CHUM, à Montréal, des 78 accréditations, ça en donnerait 11.
Vous voyez, ce qu'on ferait à ce moment-là, c'est qu'on respecterait d'abord la liberté d'association dans une famille d'emploi qui est choisie, mais on leur dirait: Non, ce n'est pas vrai, pas quatre syndicats d'infirmières au CHUM, un seul; pas quatre unités d'accréditation de techniciens en radiologie, un seul; c'est-à-dire, par famille d'emploi, une seule unité d'accréditation. Et, M. le Président, on se trouve, je pense, là, à être en affaire pour obtenir l'objectif de diminuer le nombre d'unités d'accréditation syndicale, alors qu'on va prétendre qu'en les fractionnant, les syndicats généraux, le but recherché, c'est de les regrouper? Alors là il y a une imposture, M. le Président, et c'est ça que je dénonce ce matin. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent intervenir sur les remarques préliminaires? Non? Très bien.
Alors, nous accueillons les représentants de l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux. M. Cotton, vous connaissez, pour l'avoir vécu hier, nos règles de fonctionnement: une présentation d'une durée maximale de 15 minutes, suivie par un échange avec les parlementaires, de 15 minutes de chaque côté de la table. Je vous prie de présenter la personne qui vous accompagne et de débuter immédiatement votre présentation.
Auditions
Association des directeurs généraux des services
de santé et des services sociaux du Québec
M. Cotton (Jacques): Merci, M. le Président. M. Michel Denis, qui est le permanent de notre Association, le directeur général de l'Association des directeurs généraux.
M. le Président, l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux du Québec est un organisme constitué en vertu de la Loi des syndicats professionnels. Elle représente l'ensemble des directeurs généraux et hors cadres des établissements publics du réseau de la santé et des services sociaux.
L'Association, comme l'ensemble de ses partenaires patronaux, dénonce depuis des années le nombre souvent excessif d'unités de négociation. Aussi sommes-nous en parfait accord avec les dispositions du projet de loi qui permettent la négociation locale d'un certain nombre de dispositions et ramènent à cinq le nombre d'unités d'accréditation.
En fait, la situation actuelle est très difficile à vivre en pratique. Elle force les établissements à gérer une multitude de conventions collectives, à composer avec parfois des dizaines de syndicats. Nous avons des établissements qui en ont... des petits établissements qui en ont neuf, 10, 12, puis certains centres hospitaliers qui peuvent aller jusqu'à une soixantaine d'unités d'accréditation. La gestion de l'appareil de représentation devient un problème en soi dans une institution qui en a bien d'autres.
Cette situation était déjà difficile il y a quelques années mais s'est complexifiée au fil des ans par les fusions, intégrations et regroupements que notre réseau a connus. Elle sera intenable si, par intégration ou fusion, tel nouvel établissement fusionné conserve non seulement ses accréditations, mais aussi, comme la chose arrive actuellement, toutes les accréditations et toutes les conventions collectives des établissements fusionnés.
Cela nous apparaît à ce point sérieux que nous souhaitons, s'il doit y avoir de nouvelles fusions ou intégrations, que les nouvelles dispositions s'appliquent au moment même des fusions, de manière à ce que les établissements ne traînent pas durant des années les inconvénients ruinants, tant pour la direction que pour les employés, de l'incertitude quant à la nature du droit applicable, quant à la convention qui s'applique, quant à l'identité du syndicat et de ses représentants.
L'Association tient à préciser cependant que, d'une manière très générale, les directeurs généraux ont de très bonnes relations avec les dirigeants syndicaux et qu'ils respectent et protègent leur droit à se regrouper en syndicats, à faire valoir leurs droits, leurs préoccupations et leurs expertises, notamment par la voix de leur association syndicale.
À cet égard, l'Association est consciente du fait que ces changements insécurisent et insécuriseront sans doute les employés et les dirigeants syndicaux. Cependant, en y mettant le temps, en prévoyant certaines mesures transitoires, la situation qui en résultera sera certainement plus vivable tant pour nos organisations que pour les organismes syndicaux.
L'Association a voulu donner ici un appui de principe au gouvernement parce que le projet de loi répond à des demandes répétées de notre part et de la part de nos partenaires. Cela étant, le projet de loi comporte de très nombreuses dispositions très techniques que nous souhaitons laisser à la discussion des spécialistes en droit du travail. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Cotton, pour cette présentation très succincte. Alors, pour débuter l'échange avec les parlementaires, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation. Il va bien sûr falloir à plusieurs reprises au cours de cette consultation, M. le Président, corriger des inexactitudes, dissiper les écrans de fumée, et on y aura recours, autant que possible, de façon méthodique, à chaque fois que des choses inexactes seront dites.
D'abord, on essaie de faire croire que c'est la minorité des employés du réseau qui en fait va être affectée. C'est le contraire. Le projet de loi vise en fait 90,2 %, pour être très précis, des employés du réseau de la santé et des services sociaux. Alors, effectivement, il y a des établissements qui ont moins que cinq unités d'accréditation; ils regroupent 9,8 % des employés du réseau, M. le Président. Alors, gardons les choses en perspective.
On a parlé du parallèle avec le monde de l'éducation. Dans le monde de l'éducation, on a eu la sagesse, lors des regroupements, de penser à ça au même moment. Alors que ce qui s'est passé en santé, on vient de l'entendre, c'est qu'on a oublié ça, hein, puis on s'est retrouvé avec un monstre ingérable par la suite. Et j'ajouterais par la suite que la réduction du nombre d'accréditations en éducation avait été décidée unilatéralement par le gouvernement péquiste à l'époque, et ça avait été dans le projet de loi.
Quant à la sous-traitance, on aura l'occasion d'en rediscuter, il n'est absolument pas question d'ouvrir la porte plus à la sous-traitance qu'elle ne l'est actuellement. L'obstacle réel à la sous-traitance actuellement, il est dans les conventions collectives librement négociées et signées au niveau des établissements. Il n'y a absolument rien qui change, M. le Président. C'est, à la limite... il faut que je choisisse des termes qui ne sont pas antiparlementaires, et vous comprenez ma plus grande prudence, là, mais, je dirais, à la limite de l'exploitation populiste d'une mauvais croyance, là, ce qu'on a actuellement soulevé. Les obstacles à la sous-traitance demeureront exactement les mêmes après l'adoption du projet de loi n° 30 qu'ils le sont actuellement, l'obstacle principal étant bien sûr la convention collective librement négociée et signée.
Merci pour vos commentaires. Je comprends que c'est une loi qui est depuis longtemps attendue par le réseau et qui aurait dû être faite, en fait, il y a bien longtemps. Et on se retrouve, comme d'habitude et souvent au Québec, avec un état de crise ou de problèmes qu'on tolère pendant des années, et des années, et des années, jusqu'au moment où il devient franchement ingérable, et là il faut appliquer, bien sûr, une correction soudaine, qui aurait été beaucoup plus facile si elle avait été faite au moment où les regroupements ont été faits, progressivement dans l'histoire du réseau de la santé. C'est exactement la même chose avec le financement, en passant, c'est tout à fait parallèle, cette façon de gérer par crise, des dernières années, par opposition à une approche rationnelle et méthodique.
Vous qui vivez, là, au jour le jour la situation actuelle, donnez-nous donc des exemples de la vie d'un directeur général qui a à afficher des postes puis à négocier, dans le contexte actuel, avec les nombres d'unités de négociation que vous avez. Ça ressemble à quoi?
M. Cotton (Jacques): C'est sûr que ça devient très complexe et ça demande aussi, pour nous autres, de mettre des équipes en place pour gérer cet ensemble d'unités d'accréditation là, qui ont toutes, chacune, leurs particularités, leurs règles de fonctionnement, et, je vous dirais, d'autant plus dans des établissements qui ont été soit regroupés ou fusionnés mais qu'on n'a pas regroupé ou fusionné les unités d'accréditation. Donc, se retrouver avec deux syndicats d'infirmières dans le même établissement, quand on en arrive à afficher des postes puis à suivre les règles pour l'attribution de ces postes-là, on crée plus, souvent, d'insatisfaction chez le personnel en général, qui voit plein de barrières à cette façon de faire, que d'avoir unifié éventuellement le syndicat des infirmières; tout le monde a le même syndicat.
Et, actuellement, c'est lourd de gestion. Ça nous demande, nous, comme administration, d'ajouter des gens pour gérer toute cette complexité de relations de travail là, et ça ne crée pas nécessairement de satisfaction plus au niveau des employés ni des accréditations syndicales, parce que c'est difficile, pour deux syndicats d'infirmières dans le même établissement, même de cohabiter, là ? il faut être conscient de ça ? avec toute la bonne volonté du monde, et avec des conventions collectives, des fois, qui sont différentes.
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(12 heures)
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Donc, le fait de vouloir unifier ça, je pense que c'est juste un élément positif en termes de faciliter au quotidien, puis, je vous dirais, pas juste pour les gestionnaires puis les patrons, mais aussi pour la frustration que ça peut créer chez le personnel dans beaucoup de situations.
Et l'autre aspect, si vous permettez, M. le ministre, qui est important dans ce projet de loi là, pour nous, en plus de la diminution du nombre d'accréditations, c'est l'ouverture à une plus grande négociation locale. Ce volet-là, pour nous, il est important, parce que la négociation locale, c'est ce qui va faire qu'on va... Je l'ai dit dans mes propos tantôt, la plupart des directeurs généraux d'établissement ont de bonnes relations avec leurs exécutifs syndicaux, et une des façons de l'améliorer est de forcer certains établissements à développer cette culture d'excellentes relations de travail, mais c'est de responsabiliser, au niveau local, autant les administrations d'établissement que les organismes syndicaux à négocier ensemble plus d'éléments au niveau local. C'est une façon de responsabiliser les gens et de les amener à développer un climat convenable de relations de travail. Plus tout est décidé aux centrales, je pense que ce n'est rien pour améliorer le climat local puis de responsabiliser les gens à régler leurs problèmes au niveau local puis leurs particularités au niveau local.
M. Couillard: Parlons un peu sous-traitance, là. Ce mot, là, qui circule de façon très libre actuellement autour de ce projet de loi là, alors qu'il n'en est absolument pas question. Comme on le sait, la sous-traitance, elle s'est déjà pratiquée dans le réseau de la santé pour certaines activités. Elle se pratique encore. Puis, on a beaucoup de cas où on s'est rendu compte que c'était moins avantageux de faire la sous-traitance que de continuer d'utiliser nos employés du réseau public. C'est quoi actuellement qui régit le fait que vous décidiez ou pas d'aller en sous-traitance, là, finalement, dans la vraie vie, là?
M. Cotton (Jacques): Je vous dirais que, actuellement, pour plusieurs établissements qui ont été amenés à faire de la sous-traitance... l'a été beaucoup plus par des situations... si on prend l'exemple des buanderies, O.K., les buanderies qui étaient rendues désuètes dans plusieurs établissements et où on a fait le choix de ne pas investir en termes d'équipements, de rééquiper ces buanderies-là, et que les gens sont allés dans le privé, en appel d'offres, pour aller chercher ces services-là dans le privé.
Mais on ne sent pas actuellement un mouvement ? puis je ne l'ai pas senti non plus dans les dernières années ? un mouvement des administrations hospitalières vers la sous-traitance. Il n'y avait pas beaucoup d'incitatifs, pour nous, actuellement, à faire de la sous-traitance dans le réseau de la santé. On en a fait souvent par manque de possibilités d'obtenir ce service-là dans le réseau public ? quand je parlais de l'exemple des buanderies. Mais il y a des cas effectivement où on a des établissements qui travaillent plus en sous-traitance, d'autres, moins. Mais c'est beaucoup plus comme, je dirais, situationnel, pour des événements qui sont arrivés et ils n'ont pas pu obtenir le service. Parce que, vous avez raison, dans certains cas, il y a des établissements qui ont fait des analyses, des études et qui ont maintenu le service public parce qu'il n'y a pas vraiment eu d'incitatifs à ça. Que ce soit dans nos budgets ou que ce soit dans notre façon, là, d'être financés, actuellement, on n'a pas d'incitatifs à ça, là.
Le Président (M. Copeman): M. Denis, allez-y.
M. Denis (Michel R.): Je rajoute que dans beaucoup de nos congrès, colloques ou sessions on a parlé de la sous-traitance, de la privatisation, puis je dois vous dire à ce sujet-là que, outre les barrières qui sont fixées par les conventions collectives négociées entre les parties, les directeurs généraux, de manière très générale, ne sont pas très ouverts à la sous-traitance. Et je pense qu'il y a un attachement à notre système public et je pense, en tout cas, que le réflexe premier, c'est de plutôt être négatif par rapport à privatiser des choses. Et, quand ce le sera, c'est pour des choses qui vont être, autant que possible, relativement secondaires. Et, quand je dis «relativement secondaires», je ne vous parle même pas de la nourriture qui répond à des diètes, une chose comme celle-là où qu'on ne peut même pas sous-traiter. Alors, ça va être des choses très marginales. Mais, a priori, les directeurs généraux, dans leur ensemble, sont plutôt contre la sous-traitance, pensent qu'ils sont capables de bien faire les choses. Et, je pense, les plus dynamiques, ça se présente à eux comme un défi que d'être aussi rentables, sinon plus, que le secteur privé.
M. Couillard: Et parfois plus rentables. On a des exemples de ça. Moi, je suis également convaincu que ce phénomène-là de sous-traitance est un phénomène marginal qui est destiné à demeurer marginal, dont les gains financiers sont très discutables et, à mon avis, qui n'est pas, en aucune façon, un avenir pour notre système de santé.
Maintenant, là, revenons au point principal. Donc, on sait que la limitation du recours à la sous-traitance provient, un, du fait que économiquement souvent ça n'a pas beaucoup de bon sens; deux, qu'il n'y a aucune pression pour le faire, de toute façon; trois, que, de toute façon, il y a des conventions collectives librement négociées qui en prennent soin. Est-ce que le projet de loi n° 30 change quoi que ce soit à cette situation-là?
M. Cotton (Jacques): Dans notre analyse à nous du projet de loi n° 30, on a vraiment exclu l'aspect de la sous-traitance. On l'a vraiment vu comme étant une possibilité pour des établissements qui ont déjà fait des démarches de fusion, de regroupement de diminuer le nombre d'unités d'accréditation pour faciliter la vie au quotidien, dans beaucoup d'établissements qui gèrent, comme je vous le disais tantôt, deux puis trois puis quatre conventions collectives pour les mêmes titres d'emploi. C'est beaucoup plus dans ce sens-là, actuellement, que les directeurs généraux ont vu le projet de loi n° 30, beaucoup plus qu'avec un aspect, là, de sous-traitance.
M. Couillard: C'est exactement l'esprit dans lequel on l'a fait, également. Est-ce que vous auriez des remarques, et je pense qu'on aura des échanges avec plusieurs groupes là-dessus, sur la façon dont on a catégorisé les groupes d'emplois? Est-ce que ça vous apparaît correspondre à la réalité de l'organisation du travail? On a parlé des syndicats généraux il y a quelques minutes, là, comment est-ce que vous voyez ça, cette division actuelle, là?
M. Cotton (Jacques): Je dirais qu'au niveau des directeurs généraux on n'a pas émis d'opinion sur ce regroupement-là. Les gens en étaient plus, au quotidien, à nous interpeller dans les messages qu'on avait à vous donner sur le bien-fondé de diminuer le nombre d'accréditations. Les regroupements comme tels n'ont pas fait l'objet de préoccupations, actuellement, là, de la part des directeurs généraux. Peut-être que d'autres groupes vous donneront plus d'informations sur ça, plus pointues, mais, au niveau des directeurs généraux, on en était plus sur le fait que, dans plusieurs de nos établissements, nous gérons deux puis trois conventions collectives pour les mêmes titres d'emploi.
M. Couillard: Monsieur veut parler.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Denis, excusez-moi.
M. Denis (Michel R.): Merci. Je pense, M. le Président, que, comme l'a dit la députée de Maisonneuve tout à l'heure, c'est pour les petits, petits établissements qui ont deux, trois ou quatre syndicats que le fait d'en avoir un cinquième ... On nous rapportait, par exemple, dans les centres jeunesse, puis ça, ce n'est quand même pas des douzaines d'employeurs, mais c'est quand même des employeurs importants, que parfois il y avait une ou deux infirmières seulement, alors peut-être la possibilité pour cette personne-là de se ramasser dans un syndicat distinct dans son établissement, ça l'isole un peu des autres, c'était peut-être un peu délicat. Par ailleurs, d'autres disent qu'elle se retrouvera dans un consortium plus large, si vous voulez, de l'ensemble des syndicats qui représentent les infirmières. Alors là il y aura peut-être des arrimages à faire, mais ce n'est pas particulièrement ces catégories-là plutôt que sur les gens qui sont très, très minoritaires.
M. Couillard: La situation de ces établissements qui ont moins que cinq unités d'accréditation actuellement, qui représentent donc moins de 10 % des employés du réseau, là, comment est-ce que vous voyez ça? Est-ce que vous pensez qu'on devrait lui adresser une modalité particulière? On ne risque pas de causer un problème plus grand encore si on crée un régime particulier pour ces établissements-là?
M. Denis (Michel R.): Si on me permet de donner réponse à ça, je la donnerais, mais en deux temps. La première, c'est sûr que les directeurs généraux de ces petits établissements là nous ont fait des représentations à l'effet que, je le dis comme je l'entends, là, ça leur causerait plus de problèmes qu'autrement de supporter de deux syndicats à quatre ou cinq. Par ailleurs, moi, ce que je dirais, puis je serais porté à le mentionner si j'étais un peu un législateur, c'est qu'il devrait y avoir un pacte social aussi dans ça. On doit présenter une vision générale pour l'ensemble des établissements. Je ne dis pas qu'il faut éliminer les établissements qui sont à la marge, mais peut-être que ça devrait être regardé globalement, si, globalement, le gouvernement estime que cinq ou six catégories, c'est suffisant et que, à la marge, il y a quelques établissements, soit qu'on en fait une exception en disant: Bien, vous pourrez rester un peu comme vous êtes là, ou, autrement, de dire: Bien, écoutez, pour la vision d'ensemble, la vision générale qu'on a comme gouvernement, on a pensé qu'il fallait en avoir cinq.
Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, j'écoutais le ministre avec intérêt et j'ai apprécié ses propos sur la sous-traitance, mais je dois constater qu'il va à l'encontre des déclarations écrites, en fait, de la lettre ouverte, notamment, aux Québécois, signée par son premier ministre et qui... le 13 octobre, hein, dernier, qui est tout à fait récente et qui disait ceci: «Nous réviserons certaines lois pour actualiser le fonctionnement du Québec. C'est ainsi que nous permettrons le recours à la sous-traitance pour que nos hôpitaux ou nos villes, par exemple, aient la possibilité de livrer des services de qualité avec différents partenaires.» Alors, je crois comprendre que, dans les propos qu'il tient ce matin, le ministre de la Santé et des Services sociaux, lui, veut exclure donc le réseau de la santé de la sous-traitance en fait pour... Il a fait une déclaration, j'espère qu'il est conséquent avec ce qu'il vient de dire tantôt. Bon.
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(12 h 10)
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Il a aussi cité des chiffres: 10 %. 10 % de quoi? De 100 000? 200 000? 300 000? 10 % dans le réseau de la santé, ça correspond à combien d'établissements? C'est de la cachotterie. Si vous avez des études, si vous avez des analyses et que vous ne les mettez pas sur la table pendant qu'on discute de ce projet de loi, ça s'appelle de la cachotterie. Alors, je demande au ministre de déposer le document dans lequel il retrouve ce 10 %, pour qu'on sache exactement ce que ça représente.
Moi, ce qu'on m'indique, c'est que, sur les 423 établissements de santé et de services sociaux, il y en aurait 164 qui géraient des unités d'accréditation de cinq et moins. Alors, combien y en a-t-il qui en ont une seule, deux, trois, quatre? Vous voyez, on ne peut pas... M. le ministre, là, je regrette, mais on ne peut pas de cette façon-là imaginer qu'il puisse y avoir un dialogue quelconque, un débat qui soit mesuré, où on n'a même pas les informations. On nous les lance comme ça, n'est-ce pas, à la pièce, en nous disant: Prenez ça ex cathedra. Alors, vraiment, je le demande, M. le Président, est-ce que le ministre peut déposer le document qu'il vient de citer, en vertu de notre règlement?
Le Président (M. Copeman): Mme la députée, vous le savez fort bien, nous sommes en consultations particulières. Je pense qu'il faut privilégier, dans un premier temps, les échanges avec nos invités. Il est toujours difficile pour la présidence de gérer quand un député, de n'importe quel côté de la table, interpelle un vis-à-vis, parce que, en principe, ça indique que, si l'enveloppe du temps est épuisée, on ne peut pas répondre, ainsi de suite. Si le ministre est prêt à déposer quoi que ce soit, je vais le regarder, évidemment, je vais autoriser ou non le dépôt. Je signale au ministre, par contre, qu'il reste 2 min 20 s dans l'enveloppe du temps du parti ministériel, qu'il pourrait utiliser, qui pourrait être utilisé soit pour interpeller nos invités ou répondre. Mme la députée, mes interventions ne comptent pas sur votre temps. Je veux vous rassurer immédiatement; moi, je peux parler pendant une heure de temps, ça n'enlève pas votre temps, et, comme présidente d'une commission, je suis sûr que vous connaissez cette règle. Alors...
Mme Harel: Je connais aussi la règle, M. le Président, qui prévoit, dans notre règlement, que, lorsqu'on cite un document, on peut demander d'en faire le dépôt. Alors, je vous demande de demander au ministre d'en faire le dépôt.
Le Président (M. Copeman): Oui. Je ne suis pas sûr, dans un premier temps, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, que le ministre a cité un document. Parce que c'est la base même. C'est la base même de cette interprétation de la règle. J'ai une bonne hauteur puis je suis un peu capable de regarder qu'est-ce qui se passe des deux côtés, je n'ai pas vu vraiment le ministre citer une phrase d'un document, mais je lui invite, s'il veut déposer quoi que ce soit, il peut le faire soit maintenant ou...
Mme Harel: Je ne cherche pas à ce qu'il dépose quoi que ce soit. Simplement, il a cité des chiffres, alors il les a cités à partir d'un document, M. le Président ? je suis en face, là, de lui ? alors il le dépose ou pas, mais je vous demande de lui demander de le déposer.
Le Président (M. Copeman): Bien, je pense, la demande est faite, Mme la députée.
Mme Harel: Ah! d'accord.
Le Président (M. Copeman): Je comprends que tout le monde a entendu votre demande. Il revient au ministre soit de se conformer... Parce que c'est un document, il y a toujours la question de l'intérêt public: Est-ce que c'est dans l'intérêt public de déposer le document? Alors, on peut le faire maintenant. Je peux reconnaître le ministre ou, dans le temps qu'il lui reste à la fin de la période d'échange, il peut répondre.
Mme Harel: Est-ce qu'il le dépose?
M. Couillard: Est-ce que j'ai la parole?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Copeman): Alors, allez-y, M. le ministre.
Mme Harel: C'est oui ou non, là.
M. Couillard: Bien, Mme la députée est beaucoup plus expérimentée que moi, elle sait bien qu'on n'a pas à déposer des notes personnelles et documents de travail, là. Il s'agit juste de données qui sont là selon nos informations et qui sont des notes personnelles.
Mme Harel: Donc, on ne peut pas y prêter foi, n'est-ce pas? Parce que, si elles étaient d'ordre public, on les déposerait, ces statistiques-là. Je ne lui demande pas d'interprétation, je lui demande juste...
M. Couillard: Question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Oui.
M. Couillard: Est-ce que je crois comprendre que Mme la députée met ma parole en doute?
Le Président (M. Copeman): J'étais pour intervenir. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, vous connaissez nos règles très, très bien, vous êtes une parlementaire expérimentée, ancienne présidente de la Chambre, il ne faut pas... Il faut prendre la parole d'un député. Vous le savez.
Mme Harel: Mais je la prends, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Alors...
Mme Harel: Mais je la prends. Je constate simplement que ce ne sont pas des données d'ordre public, ce sont des données privées. Alors donc, on ne peut pas y prêter foi, parce qu'elles ne sont pas d'ordre public. Donc, ça va, là, je comprends parfaitement que ce sont des données privées. Voilà. Alors, on poursuit.
Le Président (M. Copeman): Vous allez... Vous comprenez ce que vous voulez comprendre. Je vous invite à reprendre le dialogue avec nos invités.
Mme Harel: Oui. Alors, M. Cotton et M. Denis, j'aimerais savoir pourquoi les directeurs généraux, les employeurs, au cours de l'année qui vient de s'écouler, compte tenu de la nouvelle loi de mise en place de la Commission des relations de travail, n'ont pas jugé bon de déposer aucune requête de regroupement d'unités d'accréditation syndicale.
M. Cotton (Jacques): Écoutez, ça fait déjà plusieurs années que ce problème-là a été signalé, que, suite aux fusions, regroupements, ou appelez-les comme vous voulez, de plusieurs établissements, on n'avait pas fait ce mouvement-là. Pourquoi, dans la dernière année, certains de ces employeurs-là qui en ont beaucoup à gérer, là, si on parle de ceux qui en ont 60, 40 et plus, n'ont pas fait cette démarche-là? Écoutez, nous, au niveau de l'Association, on ne peut pas vous répondre à cette question-là. Pourquoi ces gens-là, spécifiquement, qui ont souvent décrié le fait que d'avoir deux syndicats d'infirmières ou trois syndicats d'infirmières dans le même établissement était difficilement gérable et que tout le monde était capable de saisir ce qu'ils voulaient dire en termes de complexité de ce travail-là, n'ont pas fait une démarche spécifique pour ça? Je ne pourrais pas vous répondre effectivement à ça. On n'a pas cette information-là.
Mme Harel: La Commission de relations de travail a été adoptée très récemment dans une loi, je pense, à l'unanimité des membres de l'Assemblée. Elle est en place depuis un an, et manifestement la procédure qui est mise à la disposition des parties n'a pas été utilisée par les employeurs. Alors, ça me préoccupe. Pourquoi, lorsqu'il y avait un moyen à leur disposition, ils ne l'ont pas utilisé? J'aurai l'occasion de poser cette question-là aussi à d'autres.
Le fractionnement des unités générales. Moi, je vous comprends parfaitement et je souscris à cette idée simple, quand il y a deux syndicats, trois syndicats, quatre syndicats, cinq syndicats, ou autant que vous voulez, dans un même corps d'emploi, dans une même famille d'emplois, choisis par, par exemple, les inhalothérapeutes, choisis par ceux et celles qui exercent la profession, souvent en vertu d'ailleurs de la loi n° 90, adoptée, elle aussi, à l'unanimité de l'Assemblée nationale, lorsqu'il y a plusieurs unités d'accréditation au sein d'un même corps d'emploi qui existent présentement, je souscris parfaitement à cette idée, qui m'apparaît tout à fait raisonnable, qu'il y ait des requêtes pour les regrouper. Mais pourquoi fractionner les unités générales?
M. Cotton (Jacques): Bien, je l'ai mentionné tantôt, nous, la préoccupation pour les directeurs généraux, ce qui a été étudié dans le projet de loi n° 30, ce qui nous a été rapporté pour qu'on puisse vous le communiquer en était plus sur ce que vous venez de mentionner: quand il y a deux, trois, quatre syndicats d'infirmières dans un établissement, il faut qu'il y en ait juste un, puis tout ça.
Pour ce qui est du fractionnement, on n'a pas eu de commentaires sur ça de la part de nos directeurs généraux. Peut-être que vous en aurez au niveau des cadres intermédiaires, ou des cadres supérieurs, ou des gens en relations de travail, ou des associations d'employeurs, comme l'Association des hôpitaux, puis des établissements, mais, au niveau des directeurs généraux, personne ne s'est prononcé à leur association sur le fractionnement à cinq grandes entités.
Mme Harel: C'est quand même un aspect important, parce, voyez, de ce côté-ci, là, de la commission, on est d'accord avec la nécessité de faciliter et de favoriser les regroupements d'unités d'accréditation syndicale. Et le constat que l'on fait, ce fractionnement, au cours des décennies, s'est fait essentiellement d'employés qui ont quitté des syndicats généraux pour constituer leurs propres corps d'emploi. Et ça a été reconnu par la jurisprudence, le Tribunal du travail, mais on est dans une situation où manifestement cela ne convient plus. Mais c'est essentiellement pour des corps d'emploi librement choisis, dans le contexte d'une liberté d'association reconnue jusqu'à maintenant. Par exemple, prenons le cas des inhalothérapeutes ? elles viendront ici ? ou dans le cas des infirmières auxiliaires et d'autres, alors que là, avec l'objectif louable de regrouper ces unités fractionnées au fil des 40 dernières années ? c'est louable, ça, puis il faut travailler sur la façon de le faire ? on en profite en même temps pour fractionner des unités générales. Pourquoi? Si on veut regrouper, pourquoi est-ce qu'on introduit dans un projet de loi de fractionner?
M. Cotton (Jacques): Mais, vous le savez, dans notre système de santé, dans notre réseau de la santé et des services sociaux, on gère aussi une multitude de titres d'emploi, hein? C'est assez impressionnant de voir la panoplie de titres d'emploi que nous avons dans nos conventions collectives.
Mme Harel: Mais il y en aurait encore... Par exemple, je regarde juste la catégorie des infirmières auxiliaires ? qui viendront ? dans leur catégorie, il y en aura 131, titres d'emploi, qui vont... Il ne pourra pas y avoir une même liste d'ancienneté entre les infirmières auxiliaires et puis, je ne sais pas, les camionneurs. Puis, ils vont être regroupés, avec le projet de loi, dans la même catégorie.
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(12 h 20)
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Ici, dans un des mémoires qui nous a été présenté, on nous dit: «Le fractionnement ? des unités de négociation déjà existantes, là ? aura aussi des conséquences fâcheuses sur les salariés et rendra problématique la gestion des absences et remplacements. Rappelons que 57 % des employés du réseau travaillent à temps partiel ou sur appel, si bien que, pour compléter une semaine normale de travail, bon nombre d'entre elles et eux ont plus d'un titre d'emploi et sont conséquemment inscrits sur plusieurs listes de rappel de leur établissement. On voit immédiatement toutes les difficultés et les tensions que ceci va créer lorsque ces travailleurs et travailleuses verront leurs conditions de travail régies par des conventions collectives différentes: règles de disponibilité possiblement différentes, cumul de plusieurs anciennetés, plusieurs périodes d'essai.» Il y avait d'ailleurs, dans le journal Le Soleil, un article, si vous voulez, une lettre ouverte, un cri du coeur d'une employée qui faisait, comme ça, trois corps d'emplois. Est-ce que ça ne vous occasionnera pas, ça aussi, des problèmes comme gestionnaires?
M. Cotton (Jacques): Oui, ça, je pense que c'est des... Il y a des éléments actuellement qu'on n'a peut-être pas tout analysés, qu'on n'a pas tout vus, parce que, comme je vous le disais, ce qui a été... Notre grande préoccupation actuellement, au niveau des directeurs généraux, a été beaucoup plus d'aller chercher de l'oxygène et de la flexibilité au niveau du nombre d'accréditations dans un même corps d'emploi. Nous, on s'est concentrés beaucoup sur ça actuellement, dans l'analyse du projet de loi no 30, parce que ça faisait déjà plusieurs années que certains nous disaient, de gérer trois puis quatre syndicats d'infirmières ou de techniciens dans le même établissement, que c'était ingérable.
Mme Harel: Je comprends que vous vous prononcez sur le regroupement...
M. Cotton (Jacques): Oui.
Mme Harel: ...mais pas sur le fractionnement.
M. Cotton (Jacques): Non.
Mme Harel: C'est bien ça. Dans un des mémoires qu'on a reçus, de l'Association des établissements privés conventionnés... Est-ce que leurs directeurs généraux font aussi partie de votre Association?
M. Cotton (Jacques): Non.
Mme Harel: Ils ont leur propre association. Eux ont évalué les coûts, et la question que je pose au ministre: A-t-il évalué les coûts pour le réseau, disons, public? Moi, je peux simplement citer les coûts évalués par les établissements privés conventionnés: «Une prévision conservatrice ? disent-ils ? montre que le coût des libérations syndicales augmentera d'au moins 1 million de dollars», puisque les établissements vont devoir s'adapter à cinq catégories de personnel. Et une trentaine d'établissements devront même embaucher du personnel spécialisé en relations de travail pour négocier ces conventions locales, qu'ils évaluent, pour eux, à à peu près 1,5 million de dollars. Alors, si on considère, au niveau local, qu'il va y avoir cinq conventions dorénavant, avec cinq arbitres médiateurs éventuellement, à un coût, si vous voulez, au moins de 10 000 $, j'imagine, en moyenne, là, compte tenu des informations que j'ai pu avoir, c'est à peu près 50 000 $ par établissement pour aboutir avec une décision de médiateur-arbitre. Si on multiplie ça par le nombre d'établissements, on en est à 50 millions de dollars pour procéder à ces négociations ou arbitrages de conventions locales.
M. Denis (Michel R.): Je pense que l'Association des établissements privés conventionnés a dû faire son analyse, mais ils sont, en termes de gestion, relativement différents des établissements publics. Je pense qu'ils vont vous le dire eux-mêmes ce soir. Mais, moi, je suis tout à fait d'accord avec les chiffres que l'on peut présenter puis les analyses qu'on peut faire. Comme Association, on a souvent demandé des analyses fines avant de faire des grands chambardements. Mais, si on fait cette analyse-là, avec laquelle je suis tout à fait d'accord, il faudrait aussi analyser les coûts actuels. Parce que les directeurs généraux de grands établissements, un des reproches qu'on nous fait, c'est comme M. Cotton le disait tout à l'heure: ça prend une organisation patronale considérable pour gérer tout ce monde-là, au CHUM, au CHU McGill, dans les grands établissements, et ça, ça représente aussi beaucoup de griefs, ça représente beaucoup de libérations syndicales également, parce qu'il y a une pléthore de syndicats.
Alors, je pense que vous avez raison de demander, pour le futur, qu'est-ce que ça représente, qu'est-ce que ça va coûter. Mais, pour être parfaitement équitables, je pense qu'il faudrait aussi regarder combien de personnes ça prend pour gérer le système actuel, qu'est-ce que ça coûte en termes humains, en termes d'argent, en termes de griefs aussi, puis en termes de relations patronales, qui peuvent être à l'occasion difficiles. Alors, je pense que vous avez raison, pour le futur, il faudrait regarder aussi... Parce que c'est une des choses qu'on nous a dites, à nous: Faites diminuer ça, ça prend... c'est trop lourd, ça prend trop de monde, trop de temps, trop d'argent à gérer quand... pour afficher le moindre poste. Puis, souvent, les ministres s'en énervent aussi, de dire: Comment ça se fait que j'ai autorisé à engager tant de personnes puis que ça prend tant de temps pour les combler? Mais c'est parce que la procédure actuelle est lourde à cause de la multiplicité des conventions, de ce qu'il faut respecter en termes de listes d'ancienneté pour chacun.
Mme Harel: Vous parlez en termes de regroupement. Vous parlez en termes de regroupement, ce avec quoi on est d'accord, il faut... les techniciens, les professionnels en particulier. Mais, là, moi, je vous parle en termes de décentralisation des conventions locales. Habituellement, ça ne coûtait presque rien parce que ça n'avait presque pas lieu. Mais, dorénavant, dans chacune des cinq catégories, chaque établissement devra convenir d'une convention... d'une négociation locale, et, ultimement, ça va aller devant le médiateur-arbitre. Alors, il y a des coûts à ça aussi, là, qu'on n'a pas évalués. Alors, certains disent: Au moins 50 millions pour ces coûts de négociation des conventions locales.
M. Cotton (Jacques): Mais, dans l'exemple que vous avez mentionné des CHSLD privés conventionnés, effectivement, parce que ces établissements-là sont plus petits... pour eux, effectivement, qui ne sont pas membres de notre Association... On les connaît moins, mais, étant des établissements plus petits, c'est sûr que, pour eux autres, là, ils sont interpellés à peut-être être obligés, là, d'ajuster à la hausse certains coûts pour gérer ce nombre de conventions là. Mais on connaît moins les données de ce réseau-là.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le...
M. Denis (Michel R.): ...
Le Président (M. Copeman): Pardon, M. Denis, excusez-moi.
M. Denis (Michel R.): Excusez-moi, monsieur. Si on me permet de placer un mot encore une fois, c'est que, présumons que ça coûte 50 millions de dollars, je pense que l'investissement d'argent qui doit être fait est pour apporter plus de souplesse de gestion pour les établissements, également. Alors, je pense qu'il faut un peu voir ça. C'est certain que c'est une dépense de négocier des ententes locales, mais les administrations hospitalières notamment demandent depuis des années pour avoir plus de souplesse de gestion pour qu'ils puissent avoir une certaine prise sur des négociations locales. Et, là-dessus aussi, le mandat très général qu'on a, c'est de renvoyer la discussion locale aux établissements et que ce ne soit pas négocié tout à fait centralement. Parce qu'il y a une très grande frustration, et notamment à la dernière négociation, chez les directeurs généraux d'être si loin de la négociation, que des gens qui ne les représentent pas ou mal ou qui n'ont pas tout à fait compris la mécanique locale signent des conventions générales qui sont très difficiles d'application une fois qu'elles sont signées.
Alors, il y a un investissement d'argent, en temps également, ça, c'est certain, en insécurité, tout probablement, pour les employés, je l'admets, mais il reste qu'il y a un investissement aussi pour la souplesse et le bon fonctionnement dans le futur. Notre appui, nous, est donné pas au fait de mettre les syndicats en boîte, les éliminer, de diminuer leurs droits à être représentés par un bon syndicat, mais c'est pour qu'il y ait un peu plus de souplesse. Parce que tous les ministres l'ont dit dans les cinq dernières années: Il ne faut pas juste investir de l'argent, il faut rationaliser. Une des manières de rationaliser, c'est de donner un peu des outils de gestion. Je m'excuse.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Denis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Quelques brèves remarques, M. le Président. Par la suite, ma consoeur la députée de Pontiac voudrait interroger nos visiteurs. Je note avec intérêt qu'on vient de mentionner de l'autre côté que la négociation locale, en pratique, n'a presque pas lieu. On va entendre, je suppose, d'autres intervenants qui vont nous dire que dans les pratiques c'est déjà fait, ça se fait déjà. Pourquoi est-ce qu'il faut le dire maintenant que ça doit se faire? Bien, on vient d'entendre que ça n'a presque pas lieu dans la réalité.
Pour ce qui est des titres d'emploi, selon les informations dont je dispose, il y a 300... plus de 310 titres d'emploi dans le réseau. Alors là on est dans le loufoque, là, si on pense que ça prend un syndicat par titre d'emploi. On imagine le désastre que ça va créer. Et je suis certain qu'il n'est pas dans l'intention de l'opposition de poser des questions qui nous orienteraient vers un mécanisme qui donnerait un monopole à une centrale ou à l'autre, là. Je suis certain que ce n'est pas l'intention qui est poursuivie ici.
Je vais terminer rapidement sur la sous-traitance puis rappeler encore une fois ce que j'ai dit tantôt. La sous-traitance est déjà permise dans le réseau de la santé. Elle est déjà pratiquée. Elle est limitée dans les faits par le simple bon jugement économique et par les conventions collectives. Ça ne change strictement rien d'introduire le projet de loi n° 30. Sur ce, je suis heureux de céder la parole, si vous le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Copeman): Je permets à l'intérieur de l'enveloppe du temps, qui est maintenant autour d'une minute quelques, là. Alors, il faut être très, très, très succinct, incluant la réponse.
Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. M. Cotton, M. Denis, bonjour. Ça me fait plaisir de vous rencontrer de nouveau. Je pense que le projet de loi n° 30 représente, pour l'ensemble des organisations de santé et des services sociaux, le pas en avant que nous attendions tous depuis des années.
n(12 h 30)n Question très courte. Mme la députée d'Hochelaga tantôt nous disait: Qu'est-ce qui fait que les administrations n'ont pas fait de demandes, à partir de l'article 39, pour des fusions d'établissements? Est-ce que, M. Cotton, vous pouvez me dire s'il y avait un support ou une orientation qui émanait du ministère à l'effet que les administrations devraient commencer à présenter des demandes de fusion d'accréditations syndicales, tel que les syndicats l'ont fait, certains? Et est-ce qu'on sentait qu'il y avait un support vers des administrations qui auraient fait ce type de démarche là, de vouloir fusionner des syndicats, de demander au Commissaire la fusion de syndicats?
Le Président (M. Copeman): Il reste 30 secondes.
M. Cotton (Jacques): Je vais vous répondre en 20 secondes.
Le Président (M. Copeman): Tant mieux.
M. Cotton (Jacques): Je vais prendre mon expérience personnelle de directeur général d'établissement de santé. Je n'ai jamais senti, dans la dernière année, qu'on me poussait à mettre de l'avant ce genre de regroupement là. Il n'y a pas eu de directive dans ce sens-là.
Mme L'Écuyer: Merci.
M. Cotton (Jacques): Ça aurait été des initiatives.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Cotton, M. Denis, de votre participation au nom de l'Association des directeurs généraux des services de santé et des services sociaux.
Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures, ici, dans cette même salle.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission des affaires sociales reprend ses travaux. Quelques remarques d'ordre général. Dans un premier temps, nous sommes en train d'aménager une autre salle essentiellement pour le confort des gens qui sont debout; c'est RC.171, qui sera disponible dans quelques minutes. Si les gens aimeraient mieux s'installer, il va y avoir un moniteur et ils peuvent suivre les travaux de la commission. RC.171 est, en fin de compte, juste en face.
Deuxième élément, comme président, je me dois d'exiger qu'en tout temps la porte d'en arrière soit libérée. C'est une question de sécurité, il faut en tout temps que la porte arrière soit accessible et libérée pour qu'on puisse avoir une pleine et facile circulation dans la salle.
Et, troisièmement, je rappelle à nos amis des médias que évidemment ils sont les bienvenus ? et je pense principalement aux caméramans ? ils sont bienvenus dans la commission. On note, sous réserve, en tout temps, que leur présence n'interfère pas ni avec la présentation de nos invités ni avec le fonctionnement, le bien fonctionnement des audiences de cette commission.
Et, comme dernier rappel, je le fais presque à chaque fois, je vous rappelle, à toutes et à tous, de bien vouloir fermer vos téléphones cellulaires pour que les travaux de la commission ne soient pas interrompus par des sonneries.
Nos invités sont déjà à la table. M. Parent, c'est un plaisir de vous accueillir encore aujourd'hui, vous et votre délégation de la Centrale des syndicats du Québec. Vous connaissez maintenant, je dirais, de plus en plus nos règles de fonctionnement. Vous avez une présentation d'une durée maximale de 15 minutes. Par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires des deux côtés de la table, 15 minutes de chaque côté. Alors, je vous demande sans plus tarder de présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. J'ai senti dans votre «encore» un enthousiasme à nous accueillir que je reconnais chez vous. Donc, présentement, les gens, à ma droite, j'ai Louise Chabot, première vice-présidente de la Centrale, responsable politique des dossiers santé.
Mme Chabot (Louise): Bonjour.
M. Parent (Réjean): René Beauséjour, président de la Fédération des syndicats de professionnels de la Centrale.
M. Beauséjour (Réjean): Bonjour.
M. Parent (Réjean): J'ai Pierre Lefebvre, conseiller aux dossiers santé; Pierre Boily, président de la Fédération du personnel de la santé et des services sociaux; et Nicole Boudreau, présidente de l'UQII.
Le Président (M. Copeman): Allez-y.
M. Parent (Réjean): Comme vous le disiez, M. le Président, dans le «encore», je vais quand même d'entrée de jeu vous indiquer aujourd'hui qu'on va être différents de nos fois précédentes. Nous n'exigerons pas le retrait du projet de loi dans notre mémoire, donc c'est quand même une première.
Cependant vous rappeler à quel point la Centrale des syndicats du Québec est attachée à des valeurs de solidarité sociale, au développement des droits humains, et, dans ce sens-là, le projet de loi ne pourrait pas être accepté dans sa forme actuelle, et nous aurons un bon nombre de modifications à vous proposer. Mais il n'en demeure pas moins que, pour nous, dans sa version actuelle, c'est une grave atteinte aux libertés fondamentales et, à notre avis, tout à fait inutile pour régler les problèmes que pressent le gouvernement, et en y ajoutant également la question de la décentralisation de la négo, qui nous apparaît superflue dans le cadre actuel.
Dans un premier temps, là, peut-être revenir sur certains mythes qu'on se plaît à entretenir. Le nombre de conventions collectives. Le nombre de conventions collectives dans le réseau: 78, plus 64 originant des régies régionales. Si on prend strictement l'exemple de la Centrale des syndicats du Québec: 13 conventions collectives qui ont été négociées à une même table. Donc, quand on parle de la lourdeur des négociations, du nombre de ressources qui y sont attachées, on a là un exemple de fonctionnement, je dirais, cohérent, cohésif et rationnel d'une organisation: le fait qu'il y ait 13 conventions collectives négociées à une même table.
Donc, quand on parle de 64, on peut gonfler les chiffres, mais, quand on regarde la pratique et la réalité, et ça, on le constate chez nos partenaires syndicaux, donc l'espèce de propension à grossir le nombre de conventions avec un semblant de lourdeur qu'on veut y attacher est vite démontée. Et, dans ce sens-là, il faut voir aussi, dans le projet de loi du ministre, tout en modifiant les structures syndicales, on ne retrouve aucune modification à la structure patronale, donc il faut croire que le nombre de conventions indispose très peu et qu'on pourrait maintenir le même régime.
Quant à l'organisation du travail, quand on nous mentionne que dans le contexte actuel le nombre d'unités existantes génère une organisation rigide du travail, rappeler aux ministériels que dans le passé, à partir de 1992, la Centrale s'est manifestée ouverte, je dirais, à négocier l'organisation du travail; c'est inscrit dans des démarches, ça produit des ententes-cadres; l'a fait dans les années quatre-vingt-dix, l'a fait au début des années 2000 dans la planification de la main-d'oeuvre. Donc, on a toujours trouvé, du côté de la Centrale des syndicats du Québec, plutôt un partenaire en termes de discussion et de négociation de l'organisation du travail. Et je dirais que la rigidité était plus chez nos amis d'en face.
Et, dans ce sens-là, on est loin de penser que ce simple projet de loi là générera toute une nouvelle dynamique d'organisation qui sera plus souple. En tenant compte aussi qu'il y a une certaine spécialisation dans le réseau qui va continuer d'exister. Et ce n'est pas parce qu'on mettrait des diététistes, des inhalothérapeutes, des psychologues dans une même unité que du jour au lendemain, parce qu'on a besoin d'un psychologue, on va pouvoir transformer l'inhalo en psychologue puis le psychologue en diététiste. Donc, il y a une organisation du travail qui tient compte aussi des spécialisations qu'on retrouve dans le réseau.
L'autre... le rapprochement avec la population par le biais de la décentralisation de la négociation. En tout cas, je pense que le ministre y croit tellement peu que, déjà, son processus de négociation local, il l'a encore avec un quasi automatisme de décret, un médiateur-arbitre, et donc déjà, là, il y a un certain manque de foi du ministre. Et, encore là, je vous dirais, là, l'utilisation des vestiaires, à quelle place qu'on va mettre le tableau d'affichage dans une installation d'un établissement, des éléments qu'on veut décentraliser, si ça rapproche de la population, là, ça augure mal pour le reste. Je vous dirais que... Il faudrait forcer un peu, il faudrait forcer un peu.
Je dirais, ce qu'on décode plutôt dans le projet de loi, c'est plutôt une volonté, un, de cibler certains groupes d'emplois, les mettre dans le même panier et pouvoir les offrir aux enchères de la sous-traitance. Entre autres, la catégorie des emplois auxiliaires; je dirais que là, si ce n'est pas écrit dans le projet de loi, quand on fait des liens avec le projet de loi n° 31, les amendements à 45, il est facile... en tout cas, on peut être porté à penser qu'il y a comme des cibles qui déjà s'indiquent dans ce projet de loi là.
Autre volonté qu'on disait inavouable mais là qui le devient de plus en plus, le premier ministre l'ayant réaffirmée ce matin: de réduction des coûts. Là aussi, une pensée magique. Je ne sais pas, là, la réduction des coûts, quand on dit: En réduisant le nombre d'unités, il va avoir moins de délibérés, il va avoir moins de négociations, puis en même temps qu'on va générer une couple de milliers de négociations locales, on va régénérer des coûts en termes de négociation locale. On va avoir de toute façon... Parce qu'il y a de quoi, je dirais, un peu d'insidieux dans le fait de penser en termes de... Les délibérations syndicales qui découlent des conventions collectives, c'est quand même des personnes qui contribuent, je dirais, à la croissance du réseau, à son développement puis à son amélioration. Donc, dans ce sens-là, là, la recherche... On pense qu'il y a une volonté du gouvernement d'économiser, mais, à notre avis, ce projet de loi là ne le permettra pas.
L'autre volonté inavouable, inavouée, c'est l'affaiblissement des groupes syndicaux. Ça va un peu dans l'ensemble des projets de loi auxquels on a été confrontés depuis le début de la session, que ce soit le n° 7, que ce soit le n° 8, que ce soit le n° 31. Le n° 30 fait partie de la même famille: domestication, neutralisation, anéantissement des syndicats, donc fragiliser les organisations, nous mettre dans une foire à empoigne qui n'est pas nécessaire, à notre avis.
n(15 h 20)n Et l'autre motivation: retarder les négociations. Déjà, on était sous l'empire d'une prolongation de convention collective; on nous place une restructuration dans le réseau, qui aurait pu très bien attendre, très bien attendre. Et, non, je pense qu'il y a là un élément stratégique pour tenter d'affaiblir les organisations, retarder la négociation et éviter de faire face à ses obligations à l'égard des salariés du réseau.
Maintenant, le coeur du projet, le coeur du projet: la fusion forcée. La fusion forcée. En tout cas, c'est assez spécial que le gouvernement actuel, qui se fait le champion dans la défusion dans d'autres domaines, veuille se faire, en matière d'organisation syndicale, un champion de la fusion. Son discours sur la démocratie devrait se retrouver là aussi et il devrait laisser le soin aux salariés de choisir le type d'unité qu'ils espèrent avoir et quels groupes d'intérêts ils veulent se créer.
Donc, on nous propose une solution universelle à des situations qui ne le sont pas. On a les champions qui nous disent qu'il n'y a pas de solution, c'est fini, le mur-à-mur, et, première chose, pour ce qui est des syndicats, on voudrait les mettre mur à mur. Donc, on dit: De ce cadre-là, rappeler tout simplement qu'il y a très peu d'établissements, 5 %, qui ont plus de 20 unités, 5 %. Donc, là, c'est beau, parler du deux ou trois établissements qui ont 75, 80 unités; s'il y a des problèmes particuliers, apportons des solutions particulières plutôt que de faire de la généralisation.
Pour ce qui est de l'atteinte à la liberté d'association. Et c'est là que le projet, je dirais, blesse plus particulièrement: de vouloir organiser les salariés, alors que c'était un droit fondamental que de se regrouper autour d'une communauté d'intérêts avec les groupes ou le groupe qu'on pense qui sera le mieux placé pour prendre en charge nos intérêts, ça a donné toutes sortes d'organisations syndicales, c'est vrai. Il y a des gens qui vivent sur le cadre d'unités générales, d'autres sur des unités particulières. Mais ce sont des choix de salariés à partir de leur appréciation, et ça, le Code du travail le reconnaissait et la Commission des relations de travail pouvait statuer sur des dossiers qui étaient problématiques. Et aujourd'hui on voudrait imposer un regroupement.
Et faire l'analogie, là, ça n'a autant pas de bon sens que si les centrales syndicales déposaient un projet de loi pour forcer la fusion du Parti libéral, du Parti québécois, parce qu'on trouve que c'est très dérangeant, ça met deux parties chaque côté de la table...
Des voix: Ha, ha, ha!
Des voix: ...
Le Président (M. Copeman): M. Parent, je dois vous arrêter à ce moment-ci, non pas parce que je n'apprécie pas votre commentaire, au contraire, mais je dois faire part de nos us et coutumes et traditions ici, à l'Assemblée nationale: Tout signe d'approbation ou de réprobation des paroles soit prononcées par des invités ou par les parlementaires ne sera pas toléré. Nous avons des galeries ouvertes, il est bien que ce soit ainsi dans une démocratie. Mais avec ce droit viennent des responsabilités, et les gens qui assistent à nos délibérations doivent s'abstenir de faire signe de quoi que ce soit en termes d'approbation ou de réprobation des remarques faites par qui que ce soit. La parole est à vous, M. Parent.
M. Parent (Réjean): En plus, de vous indiquer que ce droit-là qu'on renierait le serait pour toujours, parce qu'on enlèverait cette disposition-là, ou cette possibilité pour la Commission des relations de travail, et cette possibilité-là pour les salariés de pouvoir construire leurs propres unités à partir de leur communauté d'intérêts.
Le leurre de la négociation locale, je vous l'ai mentionné tantôt, je pense qu'il y a là, là, une pensé magique de croire que ça va assouplir l'organisation du travail, alors que c'est un défi, je dirais, de population, c'est un défi de collectivité. Et ce qu'on anticipe va être beaucoup plus, je veux dire, des coûts supplémentaires, de la bureaucratie supplémentaire et donc des sommes qui ne seront pas consacrées aux besoins du réseau.
Je vous ferai grâce du casse-tête libéral ou des projets de loi jusqu'à présent, là. Comme vous avez mentionné d'entrée de jeu, comme on se voit encore, on l'avait déjà mentionné précédemment, ça fait que prière de vous référer au mémoire précédent. Et j'arriverais tout de suite aux recommandations qu'on fait.
Les propositions qu'on met de l'avant. Première proposition, c'est de respecter une approche fondée sur le volontariat plutôt que sur la coercition, en vue du regroupement d'unités de négociation. Donc, si effectivement le gouvernement a les volontés, je dirais, de régler certaines situations problématiques, je pense qu'il trouvera sur son chemin des gens qui sont en mesure de comprendre les problèmes et de souscrire à des solutions. Donc, dans un premier temps, faire appel au volontariat.
On souscrit et on reconnaît que, pour une même catégorie d'emploi, il faut retrouver une unité ou un seul syndicat. Ça, de ce côté-là, les chevauchements pour les mêmes catégories d'emploi, on dit: Là, il y a de quoi, là. Et je pense que ça devrait être la première préoccupation, tout en étant conscients qu'on avait déjà ? qu'on avait déjà ? les instruments pour pouvoir les solutionner.
Laisser s'exprimer la volonté des salariés quant à la définition de leur unité de négo. Je le mentionnais tantôt, ces volontés-là ne sont pas universelles. Il y a des gens qui ont choisi de se regrouper dans le cadre d'unités générales. Ils sont à l'aise avec ça et ils vont s'en faire les champions défendants. Il y a des gens qui ont choisi de se regrouper sur une base professionnelle, sur une base, je dirais, particulière d'unités, se reconnaissant dans ces unités-là. Qui a tort et qui a raison? Personne. Personne. Les gens ont fait des options, ont fait des choix à partir de leur appréciation, et, tant et aussi longtemps que ces choix-là, ces options-là ne remettent pas en cause le service, ne remettent pas en cause le régime, pourquoi diviser du monde qui avait choisi de vivre ensemble? Pourquoi forcer du monde à vivre ensemble qui avait choisi de ne pas vivre ensemble?
Et, dans ce sens-là, on dit: Laisser aux différents syndicats la possibilité de s'entendre avec l'aide de la Commission des relations de travail; respecter les unités de négociation générale là où elles existent; reconnaître la pertinence d'unités spécifiques, notamment, mais pas exclusivement, pour les infirmières, les professionnels, fondées sur l'histoire, les affinités naturelles et les caractéristiques communes. Je le rappelais tantôt, je veux dire, ce n'est pas parce qu'on mettrait des professionnels ensemble qu'ils sont nécessairement permutables, ce qui fait en sorte qu'on peut les transférer d'une fonction à l'autre parce qu'il y a une qualification puis il y a des capacités attachées à l'exercice de leur métier ou de leur profession.
Permettre l'exercice de la démocratie lors de tout vote d'allégeance syndicale en garantissant l'accès à l'adresse personnelle des salariés. Ça, c'est un aspect. Après avoir brimé les libertés fondamentales, en plus, je veux dire, le gouvernement nous indiquerait: Moi, je choisis; il n'y a pas d'adresse; on coupe les possibilités de communication pour les organisations, et le groupe majoritaire, nécessairement, partira avec, je dirais... en première ligne, disposant du plus grand nombre d'adresses, à savoir la sienne, et en coupant la possibilité pour les autres organisations de pouvoir s'adresser à ces groupes-là.
Et préserver l'actuel régime de négociation des conventions collectives à l'échelle nationale, avec la possibilité pour les parties locales de convenir d'arrangements.
Je pense qu'on a là, là, un projet... on aurait un projet qui tiendrait la route. Puis on a déjà vu, je veux dire, des fusions dans d'autres réseaux qui ont été faites en donnant la possibilité aux parties de pouvoir convenir, de pouvoir s'entendre, de résoudre des problèmes en respectant des libertés fondamentales. Et il me semble, là, on doit être rendu à l'ère, au moins, de respecter la volonté de salariés qui veulent se regrouper avec les catégories qui leur conviennent. Et ça, ça leur appartient, il me semble que c'est un droit. Et, tant et aussi longtemps que ça n'empêche pas le réseau de fonctionner, là... Et, à preuve, c'est que, le réseau, il fonctionne, à preuve, c'est que, si ça avait été si dysfonctionnel, il y aurait des administrateurs d'établissements qui auraient pu procéder, on aurait pu régler ces problèmes-là via le Code du travail.
Donc, si on a pu souffrir cette situation, c'est, juste qu'à un certain point, qu'elle n'était pas capitale. Il y a peut-être des problèmes dont on doit disposer. On vous a parlé de chevauchements; on a l'équipement pour, mais il peut y avoir un encadrement législatif qui permettrait de faciliter et/ou d'accélérer le règlement de ces situations-là. Mais, de grâce, ne touchez pas à des libertés fondamentales.
Et je conclurais en indiquant au ministre: On lui a apporté un cadeau... bien, dans le fond, on ne lui a pas apporté de cadeau, on lui retourne son cadeau. Parce que, jusqu'à présent, les ministériels nous parlent de cadeau, qu'ils ont pris le parti de la classe moyenne, qu'ils ont pris le parti des syndicats, qu'ils veulent notre bien. Et on dit: Le cadeau, excusez si on devance le Boxing Day, mais on vous le retourne aujourd'hui. On dit: Votre cadeau, si c'était pour nous autres, là, forcez-vous pas plus, on n'en veut pas. Merci beaucoup. Et, quand on se serrera la main, tantôt, je lui remettrai en main propre.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Parent. Alors, pour débuter l'échange avec les parlementaires, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
n(15 h 30)nM. Couillard: Merci, M. Parent. J'espère qu'à l'ouverture du cadeau je ne vais pas dire, comme quand j'étais petit: C'est pas ça que je voulais.
Je voudrais vous remercier d'abord pour votre communication. Je note avec, je dirais, intérêt le fait que vous serez probablement... j'espère que non, mais il est possible que vous soyez un des groupes, rares groupes, qui ne recommandent pas le retrait du projet de loi, du côté syndical. Et je vous félicite de, au moins, donner ce signe d'ouverture et au moins d'ouvrir une porte quelconque à la discussion. J'espère que ça se reproduira dans les communications qui vont suivre.
Il y a un élément avec lequel je vais devoir d'emblée indiquer un élément de désaccord avec ce que vous avez dit tantôt, c'est la question des libertés fondamentales. Notre conviction forte est qu'aucune liberté fondamentale n'est entravée par ce projet de loi là, parce que le droit d'association y est non seulement préservé, mais réaffirmé, qu'il est protégé par les chartes et le Code du travail et qu'il n'y a aucune limitation sur le droit d'association dans le projet de loi n° 30. Et je pense que ça, c'est tout à fait important de le rappeler, et nous allons le rappeler à plusieurs reprises. Comme vous le dites, la Commission des relations de travail rend ce type de décision quotidiennement, sur les accréditations. Est-ce que c'est légitime? Est-ce que c'est possible d'avoir une accréditation plutôt que l'autre? Mais en aucun cas nous ne voulons limiter ou ne pensons à limiter le droit d'association par ce projet de loi, et je pense que ça doit être répété plusieurs fois.
La question de la lourdeur dans le réseau, je pense que... et je pense que vous y faites allusion quand même, au fait que dans beaucoup d'établissements, qui représentent plus de 90 % des employés du réseau, on a un grand nombre d'accréditations syndicales souvent pour le même titre d'emploi. Bon. Il y a des exemples multiples, on ne commencera pas à les énumérer, parce qu'on serait dans une guerre de chiffres les uns les autres. Mais le principe que vous amenez, vous dites: Mais allons-y pour la possibilité d'avoir des syndicats pour chaque titre d'emploi, théoriquement; il y a plus de 300 titres d'emploi dans le réseau de la santé, à quel moment qu'on va s'arrêter? À combien de titres d'emploi qu'on va arrêter l'énumération puis le nombre de syndicats? Donc, si vous voulez peut-être prendre des notes, parce que ça va être plus facile peut-être pour vous de répondre par la suite.
La question de la négociation locale, pour nous, est excessivement importante pour amener de la souplesse au réseau. Effectivement, on va nous dire que c'est possible de négocier localement actuellement, mais on va voir que dans les faits, au cours des prochaines heures, dans les faits ça se fait extrêmement difficilement et au prix d'une grande lourdeur et d'un coût important. On parle des coûts. Vous avez parlé des coûts associés à la négociation locale, et ce sera certainement intéressant de voir quels sont les coûts associés au régime actuel de négociation locale, compte tenu du nombre de griefs que ça génère, du nombre d'arbitrages de griefs que ça génère, etc. Alors que, nous, ce qu'on suggère, c'est de mettre en place une dynamique où les parties vont vouloir s'entendre, compte tenu du mécanisme d'arbitrage qui est mis en place et qui est un arbitre indépendant des deux parties, où on vise essentiellement à résoudre des problèmes, là, plutôt que de générer des nouveaux conflits. Et ça, je pense que c'est important également de le rappeler.
Je vais devoir également brièvement rappeler ce que j'ai dit ce matin quant à la sous-traitance. Je n'accepte pas le lien qu'on fait entre ce projet de loi et la sous-traitance, pour la simple et bonne raison que la sous-traitance dans le réseau de la santé, elle existe déjà, vous le savez bien. Elle existe et est déjà pratiquée, et ce qui la limite, c'est simplement le gros bon sens, parce que souvent les gens dans les hôpitaux, dans les établissements du réseau, se rendent compte que ce n'est pas du tout avantageux de faire de la sous-traitance, que souvent la performance des employés du réseau public est très supérieure à ce qui se fait dans le privé et que les gains à en retirer sont parfois de niveau marginal et parfois nuls, un.
Deuxièmement, on est dans une pénurie de personnel qui va s'accentuer avec les années, où on a besoin d'environ 150 000 nouvelles jobs dans le réseau de la santé pour les prochaines années. Alors, ce n'est certainement pas une situation où il y a trop de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé. Troisièmement, les principales dispositions qui limitent le recours à la sous-traitance sont dans les conventions collectives, qui vont continuer d'être négociées de bonne foi par les parties puis signées, où il pourrait avoir les mêmes dispositions qui limitent le recours à la sous-traitance. De sorte que, lorsqu'on dit qu'on veut permettre la sous-traitance dans le réseau hospitalier, elle est déjà permise. Et, à mon avis, les gains financiers à en retirer sont de niveau très marginal.
Ce qui m'apparaît également important, c'est de comparer ce qu'on fait, ou ce qu'on désire faire, plutôt, avec les autres corps d'emplois dans le domaine public ou parapublic, où on a dans tous les cas, que ce soit la fonction publique, l'éducation, la Société des alcools, l'Hydro-Québec, le monde de l'enseignement, les municipalités, découpé le nombre de corps d'emplois dans un nombre qui dépasse... d'après mes informations, il n'y en a jamais plus que cinq, et ça suit toujours le nombre de corps d'emplois ou les associations de titres d'emploi qui sont des associations naturelles. Et je pense que, là, c'est un point sur lequel on pourrait échanger peut-être avec profit. Vous avez peut-être d'autres formules de répartition des titres d'emploi que celles qu'on a faites. Moi, je serais heureux de les entendre et de vous entendre nous expliquer le bien-fondé de ce que vous proposez à ce sujet-là.
Vous avez dit, brièvement, que les administrateurs ont la possibilité de demander des fusions via les dispositions actuelles. Le fait est qu'ils ne le demandent pas parce qu'il n'y a jamais eu de volonté politique claire jusqu'à maintenant que ça se fasse, alors que c'est une demande du réseau qui date de très longtemps. J'ai quelques petites questions à ajouter. Peut-être vous laisser répondre à mes commentaires d'abord, puis compléter avec une couple de petites questions après, M. Parent.
M. Parent (Réjean): Quand on parle en termes de libertés fondamentales... Évidemment, je vais sauter les projets de loi nos 7 et 8, là, c'est encore plus percutant, là. Vous me dites qu'avec le projet de loi n° 30 vous n'empêcherez pas le monde de se syndiquer, ça, on l'entend, Mais, quand je parle de libertés fondamentales, ça va jusqu'au point de: Avec qui on se regroupe? Comment on se constitue en unités?
Et vous référez à d'autres corps d'emplois, d'autres réseaux, comme l'éducation, municipalités. Je vous dirais que dans le moment, dans l'éducation, il n'y a rien qui empêcherait... Je veux dire, il n'y a aucune loi qui indisposerait le fait que... Si certaines unités voulaient se scinder sur la base d'intérêts communs, sous une perception ou sous une conviction que ces groupes-là seraient mieux représentés avec tel type de regroupement, ils pourraient le faire, la Commission des relations de travail devrait statuer. Et il n'y a pas de limites. Il n'y a pas un regroupement qui est forcé par une loi. Je pense que c'est l'historique en éducation, l'historique dans le municipal qui ont généré ces situations-là. Pour provenir d'un syndicat de l'éducation, j'ai vu jusqu'à six unités dans une catégorie d'emploi, et il existe dans certaines commission scolaires des catégories d'emploi différentes pour les enseignantes, les enseignants. Donc, ça été des choix qui se sont posés dans le respect de ces libertés fondamentales.
Quand vous dites: Aïe! si on va jusqu'aux unités, jusqu'aux catégories d'emploi, il y en a 300, en tout cas ? encore une chance ? il n'y a aucun établissement qui a 300 syndicats. Il n'y a aucun établissement qui a 300 unités non plus. Donc, dans ce sens-là, je pense que vous pouvez agiter l'épouvantail à moineaux, mais, à partir de l'historique actuel, parce que c'est à ça qu'il faut revenir, à l'historique actuel, la configuration des unités actuelles pose-t-elle des problèmes? Quels sont-ils? Et là je vais revenir ? et je parle à un docteur, donc il va comprendre ? quand on veut soigner un mal de lapin, on ne se sert pas d'un remède de cheval. On en reste, je dirais, à prendre... à soigner le cor au pied, pas à prendre une chimiothérapie. Donc, dans ce sens-là, là, je dirais qu'on... C'est cet aspect-là quand on dit «atteinte aux libertés fondamentales», même si on reconnaît que les gens vont pouvoir continuer de se syndiquer.
Sur la négociation locale, là aussi, là aussi, je veux dire ? ça doit être à cause de mon âge ? j'ai vécu quelques situations, j'ai vu des situations où les parties avaient obligation de s'entendre, sinon un arbitrage avec un atterrissage obligatoire. Je ne dirais pas un décret, mais une décision. Et, plus souvent qu'autrement, ces situations-là ont généré, je dirais, de l'insatisfaction, ont généré des solutions qui étaient loin de rapprocher, qui étaient loin de répondre aux besoins, et par la suite des années durant à s'entre-combattre pour tenter d'amener un nouveau régime. Ça fait que c'est dans ce sens-là. Puis, il n'y a pas de pensée magique dans votre négociation locale. Je suis loin d'être convaincu que, en forçant les parties à s'entendre, elles vont s'entendre. Et, quand ils auront décidé d'une organisation, bien, les jours d'après, puis les semaines d'après, puis les mois d'après, ça va être: comment est-ce qu'on passe à côté puis c'est comment est-ce qu'on la défait. Donc, beaucoup plus facile d'aller chercher, je dirais, l'adhésion à un projet commun que d'imposer un projet que tout le monde va vouloir défaire.
Puis, l'ouverture à la sous-traitance, je suis heureux de l'entendre si vous me dites, là, qu'il y en a assez dans les hôpitaux, puis qu'il y en a assez dans la santé, dans les services sociaux, puis qu'il y en a... Je n'en ajouterai pas, là, c'est formidable, formidable, puis j'espère que c'est enregistré à quelque part. Puis on va vous le rappeler quand on verra les appels d'offres ou les demandes de sous-traitance ou qu'on voudra céder certains corps d'emplois. Et, dans le cadre du découpage, là, des corps d'emplois, moi, je vous dis: À ce stade-ci, là, regardons ce qui existe, regardons ce qui pose problème, assoyons-nous autour d'une table puis réglons-les, les problèmes. Ça, je pense que vous allez trouver la Centrale pour solutionner ce qui pose problème. Mais on a de la difficulté actuellement. On a des projets de loi, on nous annonce qu'on veut régler des catastrophes, je ne les qualifierais pas de «nucléaires», mais des catastrophes, et là, quand on cherche le problème, on fouille, on gratte, il me semble qu'on n'amène pas le bon remède. Mais, si on identifie correctement les problèmes, le découpage de corps d'emplois, dire: Oups! il y a telle ou telle chose qui pose problème, ou telle... je pense qu'on serait en mode solution à ce niveau-là.
Parce que là, sur le projet de loi n° 30, là, là vous êtes dans notre cour, hein, vous êtes dans comment est-ce qu'on s'organise. Et il faut, en tout cas... Je dirais qu'on... Il y a une certaine ingérence à essayer d'organiser le vis-à-vis d'en face. Il me semble que ça laisse un certain soupçon ou un certain doute, chez les syndiqués comme dans la population, de dire: Bien, le gouvernement, il est rendu, tabarouette, qu'il veut même organiser ses adversaires, puis leur dire à quelle enseigne puis quel poste faire jouer, puis comment jouer. Parce que c'est ça qu'il y a en arrière du projet de loi. C'est de même qu'on le décode, M. le ministre. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il y a un intérêt, je veux dire, à se pencher sur les vrais problèmes et les régler, mais ne pas limiter les libertés fondamentales des salariés.
n(15 h 40)nM. Couillard: Bien, je vais réaffirmer qu'il n'y a pas de libertés fondamentales qui sont mises en jeu dans ce projet-là. Non seulement ça, l'article 3 reconnaît pleinement le droit d'association. Puis encore plus loin, et ça, je pense que vous allez convenir avec moi de ceci...
M. Parent (Réjean): M. le ministre... M. le ministre...
M. Couillard: Un instant. Je peux-tu terminer?
M. Parent (Réjean): Oh! excusez.
M. Couillard: Le projet de loi permet même la syndicalisation de gens syndicables actuellement non syndiqués. Je ne sais pas si vous avez remarqué ça, là, ça fait un sacré bout de temps que le gouvernement n'a pas pris des dispositions pour augmenter le nombre de syndiqués dans le réseau de la santé et de services sociaux. Si vous allez un peu plus loin, là, dans le projet de loi, vous allez vous apercevoir de ça, si ce n'est pas fait, là, que tout le groupe de ce qu'on appelle les syndicables non syndiqués, les assistants de recherche, par exemple, puis d'autres groupes semblables, la voie de la syndicalisation à ces gens-là se trouve maintenant facilitée, alors que, comme vous le savez, c'est un sujet important de contentieux dans les centres hospitaliers.
Il y a une question que j'aimerais vous poser. Vous avez parlé de l'absence de modification de la structure patronale. Qu'est-ce que vous voulez dire par là, réduire le nombre d'établissements? Expliquez-moi c'est quoi, la modification de la structure patronale que vous souhaiteriez. Parce que, s'il y a quelque chose du côté patronal qu'on peut faire pour améliorer la souplesse, certainement, c'est intéressant à considérer. Alors, je vais vous laisser répondre sur ce que vous souhaiteriez quand vous mentionnez que vous voulez modifier la structure patronale.
M. Parent (Réjean): D'abord, ce que j'avais indiqué, c'est par rapport aux sous-comités patronaux, il n'y a pas une redéfinition de vos sous-comités, et là je n'irai sûrement pas, sûrement pas vous dire comment organiser... Tu sais, je vous demande de ne pas nous organiser, nous autres, ça fait que je ne vous organiserai pas. Ça, c'est la première étape.
Et, quand on parle de liberté d'association, là, mais, tu sais, encore une fois, oui, c'est vrai qu'on peut continuer à être syndiqués, mais, «liberté d'association», là, ce n'est pas juste une étampe syndicale, c'est de pouvoir s'associer avec qui on veut comme on veut, en tenant compte des contraintes de l'organisation du travail. Et, là-dessus, si vous me faites la démonstration que la liberté d'association n'est pas obstruée, qu'on ne force pas certains salariés à se séparer les uns des autres, alors qu'ils l'étaient, ensemble... Si on n'oblige pas certains salariés à se regrouper ensemble alors qu'ils n'étaient pas ensemble, si, ça, ce n'est pas une certaine entrave à la liberté d'association, c'est peut-être que je manque de vocabulaire, puis vous allez m'en donner. Mais, jusqu'à preuve du contraire, là, on est dans liberté d'association, et vous êtes en train de me dire: Syndiquez-vous, ça, il n'y a pas de problème; le gouvernement, il est d'accord avec ça, vous pouvez vous syndiquer, mais vous allez vous syndiquer comme nous voulons que vous soyez syndiqués puis avec qui vous voulez... avec qui nous voulons que vous soyez. Ça, c'est de l'entrave à la liberté d'association.
Pour ce qui est de vos syndicables non syndiqués, mettons que vous embarquez dans une belle platebande CSQ. Je veux dire, on a 10 ans, effectivement, de contentieux sur la syndicalisation de ce monde-là, et là je vous dirais que le projet de loi va les syndiquer à une place qu'on ne les syndiquait pas, nous autres, là. On ne les voyait pas là, mais on voulait les syndiquer, mais on les voyait plus avec les universités qu'avec les centres hospitaliers. Donc, là aussi, on a un petit bout qui grafigne. Ça, on pourra toujours s'en reparler. Mais on n'a pas attendu le projet de loi pour syndiquer ce monde-là, pour vous rassurer immédiatement.
M. Couillard: Ce que je voulais juste indiquer, c'est que ces mêmes dispositions augmentaient le pouvoir de syndiquer peut-être plus facilement certaines personnes qui ne le sont pas actuellement. Et, encore une fois, également, le droit de choisir le syndicat de son choix est réaffirmé. Il y aura des élections. Les gens vont pouvoir s'organiser, vont pouvoir présenter les choix aux différents travailleurs, travailleuses.
Et je suppose que c'est un des éléments également qui vous amène à... La question des adresses, c'est dans cette perspective-là. Expliquez-moi, actuellement, la situation, parce que je veux comprendre le pourquoi de cette demande-là, actuellement, pour les adresses, là.
M. Parent (Réjean): Pour ce qui est des adresses, là, c'est, en étant logique avec ce qu'on vous dépose, quand on dit: Il y a des problèmes de chevauchement, puis on est prêts à considérer à aller régler, nécessairement ça va entraîner, je dirais, une certaine concurrence syndicale, c'est correct, puis on est capables d'y faire face, et là il faut équiper les parties de la même façon pour pouvoir rejoindre les salariés visés.
Pour ce qui est d'associer... ou quand vous mentionnez... Je reviens, je le dis, je dis: Qu'est-ce qui est si contraignant que de vouloir associer les différentes catégories de personnel? Dans le fond, notre préoccupation d'adresses, ce n'est pas tant qu'on reconnaît que vous devez les associer, c'est qu'on dit: Partout où il y a des chevauchements, ça nous prend les adresses. Mais pourquoi... Quand il n'y a pas de chevauchement puis qu'il y a des groupes qui se sont créés, pourquoi on limiterait cette possibilité pour les gens, tu sais, de vivre tels qu'ils se sont définis jusqu'à aujourd'hui, que ce soit en unité générale ou que...
Il me semble, à part de ça, que, des unités générales, ça doit être une... ça doit être... compte tenu de l'économie de votre projet, vous devriez maintenir ça, ne pas toucher à ça. Je veux dire, les gens, là, ça doit nager dans le bonheur, ça doit être simple: une seule unité, un seul interlocuteur. Puis, les autres endroits, quand les gens se sont réunis sur des communautés d'intérêts... Tu sais, dans votre cas, là, M. le ministre, il y a trois fédérations de médecins. Je me dis: Ils opèrent, trois fédérations de médecins. Pousser la logique à l'extrême, on va mettre tout le monde dans le même bassin ou on fait...
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Parent. Malheureusement, l'enveloppe du côté ministériel est épuisée. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, je voudrais vous souhaiter à nouveau la bienvenue, M. Parent, Mme Chabot, M. Lefebvre, Mme Boudreau, M. Boily et Beauséjour. Moi aussi, je me réjouis des propos du ministre sur la sous-traitance. Mais je suis obligée de constater qu'ils sont en contradiction avec la lettre ouverte aux Québécois que le premier ministre a fait publier dans tous les quotidiens le 13 octobre dernier, où on peut lire: «Tout en débattant de ces questions, nous réviserons certaines lois pour actualiser le fonctionnement du Québec. C'est ainsi que nous permettrons le recours à la sous-traitance pour que nos hôpitaux ou nos villes, par exemple, aient la possibilité de livrer des services de qualité avec différents partenaires.» Voilà. Alors donc, si ça se fait déjà, pourquoi publier une lettre pour dire qu'ils vont le faire encore plus maintenant? Et comment veulent-ils en faire plus?
Le problème dans le projet de loi qui est déposé, c'est que l'objectif m'apparaît louable, comme il apparaît louable à l'opposition officielle, mais le moyen qui est utilisé est même contraire à l'objectif recherché, puisqu'il permet même d'augmenter le nombre d'unités d'accréditation syndicale, par exemple dans les établissements. Et on m'indique ? le ministre ne m'a pas encore démentie ? que 30 % environ des établissements dans le réseau de la santé et des services sociaux, soit 164 sur 423, comptent déjà moins de quatre unités d'accréditation, parfois une, parfois deux, parfois trois, et ils vont les augmenter avec le projet de loi qui est supposé être adopté pour les diminuer. Alors, ce n'est pas la moindre des contradictions.
J'aimerais aussi rappeler aux membres de la commission et au ministre en particulier ? parce qu'il en parle souvent ? que cette absence de volonté politique, là, qu'il cite, là ? il n'y était pas, alors je l'excuse pour cela ? mais ça s'est finalement traduit par l'adoption d'une loi, celle créant la Commission des relations de travail, introduisant un nouvel article 46. Parce que je me dis parfois: Peut-être que ses conseillers ne lui ont pas dit qu'il y a tout, actuellement, dans la Commission des relations de travail pour que les employeurs... Depuis un an, septembre 2002, nous sommes en novembre 2003, ça fait un an et deux mois, mais il y a tout maintenant, avec un nouvel article 46 et la Commission des relations de travail, pour procéder finalement à ces regroupements lorsqu'il y a fusion d'établissements. On a visité le site de la Commission des relations de travail. Depuis un an, il y a eu beaucoup de requêtes du côté syndical, jamais aucune du côté des employeurs. Ils sont quand même là depuis huit mois, même 10 mois, en fait. Alors, la volonté politique est manifestement ailleurs, comme on peut le voir, mais la disposition 46, elle est là.
Revenons au coeur du problème. Quel est-il? J'aimerais ça, si c'est possible, que les membres de la commission, y compris le ministre, comprennent que le coeur du problème, c'est l'exercice de découpage syndical. Ce n'est pas au législateur à faire cet exercice de découpage syndical. Et c'est en cela que je lis votre mémoire, en comprenant que pour vous ça brime les libertés fondamentales, mais ça brime aussi le libellé même des conventions internationales à cet effet. Il peut y avoir... Pour l'opposition, et je pense que vous avez fait une ouverture tantôt, il peut y avoir certainement la nécessité de résoudre la problématique de la coexistence au sein d'un même établissement de plus d'une unité de négociation visant un même groupe de salariés, ce qui manque dans le projet de loi, dans le titre du projet de loi: pour un même groupe de salariés. Alors, le problème, c'est qu'ils viennent jouer en décidant dans quel groupe de salariés les gens seront.
Alors, quand ils étaient dans un syndicat avec une unité générale, là ils disent: Maintenant, vous allez être dans tel groupe, tel groupe, tel groupe. Ce qui augmente, n'est-ce pas, les unités. Et, lorsqu'ils étaient dans des unités qui avaient déjà été fractionnées, alors là ils les regroupent. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'il me semblait tantôt qu'il y avait une ouverture, que je juge très, très constructive de votre part, de revoir ces unités de négociation dans les cas où elles sont composées d'un même groupe de salariés.
n(15 h 50)nLe Président (M. Copeman): La parole est à vous, messieurs dames.
M. Parent (Réjean): Merci, M. le Président. D'abord, évidemment, j'ai pris connaissance de la lettre du premier ministre ? et je l'avais signalé d'ailleurs en commission parlementaire, sur le projet de loi n° 31, nos inquiétudes, et référant aux déclarations du premier ministre. Mais, aujourd'hui, le ministre de la Santé nous assurait qu'il n'y a pas de volonté d'une plus grande sous-traitance. Je me suis laissé aller à croire que effectivement ça devait être les dernières nouvelles et que le premier ministre avait donné un nouveau mandat; et, jusqu'à preuve du contraire, on va oser croire la déclaration du ministre.
Pour ce qui est des objectifs... Puis, effectivement, on le reconnaît, on le reconnaît, qu'il y a des éléments où on doit apporter des solutions, et dans ce sens-là on dit: Il y a 46. Mais on va même un cran plus loin dans nos recommandations. On pourrait avoir, je dirais, un encadrement législatif qui amène, je veux dire, certaines dispositions pour permettre, je dirais, certaines négociations locales sur la composition de ces unités-là, de façon à pouvoir disposer des... parce que, encore là, je l'ai dit tantôt, des solutions universelles à des situations qui ne le sont pas. Donc, il pourrait y avoir un accompagnement de la Commission des relations de travail. Et la solution de Montréal, la solution de Québec puis la solution de Gaspé, ce n'est pas nécessairement la même, mais il pouvait y avoir, correspondant aux problèmes qui sont vécus et selon les milieux, je veux dire, un apport de la Commission des relations de travail. Et c'est dans ce sens-là qu'on souscrit, je veux dire...
Sur le découpage syndical, ne touchez pas à quelque chose qui est sacré. Mais, si ça pose des problèmes, mettons les parties en mouvement plutôt que de leur imposer une solution. Donnons-leur au moins l'opportunité de se faire entendre, de plaider qu'est-ce qui serait préférable, quelle est la caractéristique, quelle serait l'unité appropriée. Parce que c'est ce à quoi on a été habitués au Québec. Et c'est dans ce sens-là qu'on ouvre la porte, je dirais, à des solutions, dans la mesure où il y a du volontariat et non de l'imposition puis un dessein ou des frontières qui seront définis à jamais. Il ne faut pas le perdre de vue: à jamais. Bien, à jamais, jusqu'au prochain projet de loi.
Mme Harel: Ou au prochain gouvernement.
M. Parent (Réjean): Je n'osais pas le dire, par respect pour l'auguste Chambre.
Mme Harel: Le gouvernement précédent vous avait consultés sur un mécanisme qui favorisait les regroupements. Parce que, on peut se le dire, autant... Vous l'avez vécu dans le domaine scolaire, mais, vous le dites avec raison, et, ça aussi, il faut le rappeler aux membres de la commission, autant dans le domaine municipal que scolaire, il y a eu un dispositif législatif, mais jamais le gouvernement a joué dans les catégories d'emploi, notamment dans le domaine scolaire, que vous connaissez bien. Et là ce qui... Ce processus, en fait, met à contribution la Commission des relations de travail, la nouvelle Commission des relations de travail. Peut-on envisager un processus qui n'impose pas un fractionnement mur à mur en cinq catégories d'emploi, respecte là où il y en a moins que cinq, notamment là où il y a des syndicats généraux?
Et puis, pour ce qui consiste à regrouper dans des établissements qui l'ont été... Parce que c'est quand même étonnant de constater à quel point, au cours de la dernière décennie, le nombre d'établissements a diminué dans le réseau de la santé et des services sociaux, passant de 940 à environ 460, presque de moitié moins en 13 ans. Donc, il y a eu beaucoup de regroupements d'établissements. Alors, peut-on penser une façon de travailler qui ne soit pas unilatérale, ni autoritaire, ni ex cathedra, et qui mette à contribution, dans une période, un horizon temporel d'environ un an, par exemple, une négociation avec le Bureau du Commissaire général du travail, et qui vise ensuite une décision du Commissaire général s'il y a coexistence d'unités de négociation qui visent un même groupe de salariés?
Le Président (M. Copeman): Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise): Je dirais que la proposition... Quand on disait, en entrée de jeu, que cette fois-ci on ne proposait pas le retrait, mais on lui demande des modifications substantielles, et, dans l'une des modifications, c'est de respecter le volontariat et, dans les établissements où les parties peuvent s'entendre, qu'ils aient l'aide de la Commission de relations du travail, qui a effectivement tous les pouvoirs pour amener les parties à s'entendre.
Mais ce qui est fondamental, puis je pense que c'est ça, le message qui a été passé, c'est que de nous proposer un projet de loi avec cinq catégories d'emploi, c'est venir totalement nier l'organisation syndicale au Québec dans le réseau de la santé et des services sociaux. C'est complètement nier 20, 30 ans d'histoire. Le seul autre endroit où j'ai vu ça... Au Québec, on a respecté les catégories d'emploi quand on a fusionné les commissions scolaires, donc on a fusionné les mêmes missions, je dirais, aussi, hein, catégories d'emploi... puis qui sont historiques dans leur cas, ce qui n'empêche pas d'avoir des unités mais qui sont: professionnels, enseignants et personnel de soutien. Puis M. Parent évoquait bien que, même au travers ces unités-là, il peut avoir... Mais là on nous en propose cinq, on nous organise. Le seul endroit où j'ai lu quelque chose de semblable, c'est le Bill 27, en Alberta, puis je l'ai dit mardi soir, «de semblable et de tout à fait comparable». Des importations de l'Alberta au Québec, quand on a des valeurs profondes de justice, d'équité, puis de solidarité et de bien commun, on n'en veut pas. Puis, ce projet de loi là, si on le met avec le projet de loi n° 25, je pense qu'il ne viendra en rien effectivement améliorer, au plan syndical, l'efficacité puis l'organisation du réseau.
Effectivement, tout à l'heure, le ministre Couillard disait: On ne veut pas faire de guerre de chiffres. On ne fait pas de guerre de chiffres, là, quand on parle des unités syndicales, on prend les propres chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux qui nous ont été fournis pour fins d'étude ? des briques, pour peut-être se retrouver... en jumelant des catégories d'emploi qu'on n'a jamais connues puis en tentant de se retrouver dans un carcan à cinq catégories d'emploi, qui effectivement augmente les catégories qui sont sur leur bord et qui en diminue d'autres. Vraiment, là... Et les chiffres que vous avez mentionnés tout à l'heure, c'est les chiffres du ministère. Les chiffres qu'on nous démontre, 78 et 80, c'est justement le résultat de fusions d'établissements. Le fait qu'on se retrouve maintenant, chez un même employeur, avec des chiffres comme ça, ça résulte des fusions qui ont eu cours lors de la dernière réforme de la santé et des services sociaux.
Ça fait que je pense que ce qu'on veut pouvoir conserver, c'est quand un commissaire du travail a reconnu que sur la base de la communauté d'intérêts il pouvait y avoir des unités distinctes de professionnels et qu'il y a d'autres groupes qui ont décidé, sur la base d'une communauté d'intérêts, d'être ensemble. Je pense que c'est ça qu'on vous dit qui doit être respecté. Et ça nous appartient, au niveau des organisations syndicales, de regarder dans chacun de nos établissements, s'il y a lieu, s'il y a lieu d'aménager. Et ça l'appartiendrait à la Commission des relations du travail, comme on vous le propose, d'aider les parties à s'entendre. Mais se faire imposer du mur-à-mur... Puis, en plus, si on jumelle ça à la décentralisation de la négociation, bien là je pense qu'on a là un portrait qui vient effectivement, par un projet de loi, changer le cours des choses. Et c'est là-dessus qu'on est profondément opposés.
Mme Harel: On m'indique qu'il y a seulement deux minutes. Parce qu'il y a aussi vraiment une réduction du temps de parole, hein? En général, c'est une heure, une commission parlementaire. C'est exceptionnel que la motion adoptée en Chambre ait imposé 45 minutes seulement. Mais il me reste quelques minutes, parlons-en donc, de négociation. Est-ce que ce qui est déposé là, ce n'est pas, d'une certaine manière, créer tous les éléments de zizanie pour que la grande négociation dans le secteur public-parapublic, qui est due, là, depuis quelques mois, soit retardée pour un bon moment?
M. Parent (Réjean): Je vous l'avais dit d'entrée de jeu, que c'est une des intentions qui ne figure pas dans le projet de loi mais qu'on peut appréhender. Puis, effectivement, si on voit, là, les travaux, l'intérêt et... C'est sûr que, comme organisation syndicale confrontée à une telle restructuration... puis, du côté patronal, la même chose pour les administrateurs. Donc, il y a comme des zones d'inconnu qui rendent plus laborieuse la négociation, puis effectivement ça l'a un effet retard. Est-ce que c'était volontaire? Certaines mauvaises langues vont dire oui. Le ministre nous parlait de bonnes intentions mardi soir. Continuant à croire à ses bonnes intentions, je présume qu'il ne l'avait pas vu. Donc, dans ce sens-là, il se pourrait peut-être que, en apportant des modifications conséquentes au présent projet, on serait en mesure de pouvoir entamer des négociations avec une certaine sérénité, donc de rattraper le temps perdu.
n(16 heures)n Et avant... j'aimerais quand même, là, du côté du découpage, pour compléter les réponses à votre question, Mme Harel, passer la parole à M. Lefebvre. Effectivement, il y a une référence, puis, dans le fond, on n'a pas inventé la roue, c'est ce que je veux faire ressortir, c'est qu'il en existe, des mécanismes. Puis, il y avait une référence au municipal de la part du ministre, tantôt, peut-être attirer son attention sur le municipal, ce qu'on en dit dans notre mémoire.
Le Président (M. Copeman): Brièvement, s'il vous plaît, M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Pierre): Oui, ça va être bref. Merci. Donc, oui, le modèle des municipalités, on y réfère d'ailleurs dans notre mémoire, aux pages 13 et 14 plus précisément: un mécanisme finalement fondé sur les relations de travail et non pas sur une approche autoritaire. Relations de travail; avec l'aide de la Commission des relations du travail, même en reconnaissant qu'au terme du processus, s'il n'y a toujours pas entente, la Commission des relations du travail puisse trancher, c'est sa fonction et c'est sa fonction spécialisée. Merci.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Merci, M. Parent, Mme Chabot, M. Lefebvre, Mme Boudreau, M. Boily et M. Beauséjour, de votre présentation. Et je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Copeman): Alors, la commission des affaires sociales reprend ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, nous sommes contents d'accueillir les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Mme Carbonneau, vous connaissez nos règles de fonctionnement. Vous avez une durée maximale... une présentation d'une durée maximale de 15 minutes, qui sera suivie par un échange d'un total de 30 minutes, 15 minutes de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, je vous inviterais à présenter les gens qui vous accompagnent et d'enchaîner immédiatement avec votre présentation.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci, M. le Président. Oui, je vous présente les personnes qui m'accompagnent. Alors, Gérard Notebaert, qui est du Service juridique de la CSN; Pierre Lamy, président de la Fédération de la santé et des services sociaux; Louis Roy, premier vice-président de la CSN; et Michel Tremblay, président de la Fédération des professionnèles.
Alors, M. le Président, si tant est que l'objectif poursuivi par les projets de loi n° 25 et 30 est de redonner un nouveau souffle au réseau de la santé et des services sociaux pour permettre une amélioration des services offerts à la population, il y a lieu de s'assurer, comme le faisait le ministre Couillard en commission parlementaire le 8 juillet dernier, qu'en aucun cas nous ne voulons ni créer de perturbation majeure ou d'impact sur les personnels et la population.
Voilà, à mon sens, qui commande de jeter un regard large sur la lourdeur du trafic qui s'annonce dans le réseau de la santé et des services sociaux: trop, trop vite, mal séquencé risque d'influer autant sur les résultats que la qualité elle-même des mesures qui sont proposées. Nous espérons du ministre et de la part du gouvernement une écoute ouverte et attentive. La qualité des services n'est pas désincarnée de celles et de ceux qui les dispensent.
Les années quatre-vingt-dix ont laissé des stigmates: de nombreuses réformes ramenant inlassablement au point de départ, des compressions budgétaires, des fermetures d'établissements, des départs massifs à la retraite. C'est sur ce fond de scène assez ravagé que se profilent maintenant quatre nouvelles opérations d'envergure qui risquent de s'entrechoquer: modifications des structures régionales et locales; réduction et recomposition des unités d'accréditation; modification du régime de négociation alors que la négociation est en cours; et, bien sûr, processus de renouvellement des conventions collectives.
Je rappelle que le projet de loi n° 25 propose en quelque sorte de mobiliser les énergies des nouvelles agences régionales et des établissements dans un vaste rebrassage des structures qui va s'étaler sur une période de deux ans. La fusion des unités d'accréditation est, elle aussi, une opération d'envergure qui se déroule en trois temps et dont l'échéancier découle de l'application du projet de loi n° 25: alors, un premier temps relativement rapide, on peut présumer: l'hiver 2004, pour les établissements non visés par le projet de loi n° 25; une deuxième vague de fusions au rythme de la création des réseaux locaux qui, eux, sont appelés à s'étaler jusqu'en janvier 2006; et une troisième vague qui va traverser l'ensemble de cette période au fur et à mesure que s'opéreront un certain nombre de transferts partiels d'un établissement à l'autre.
Bref, il s'agit d'un mal lancinant qui s'annonce prolongé et qui risque de conduire à la folie. Un changement majeur aussi au régime de négociation, sur lequel je souhaiterai revenir plus amplement pour démontrer le caractère inacceptable, injuste, contre-productif. Mais reconnaissons que, de toute évidence, ce changement intervient alors que la négociation est en cours. Bref, c'est exactement changer les règles du jeu alors que le jeu est largement amorcé.
Il y a aussi le renouvellement des conventions collectives. Je rappelle que c'était quand même une longue convention que nous avons signée en 1999, une convention d'une durée de plus de quatre ans, qui est échue depuis maintenant six mois et pour laquelle de bonne foi nous avons accepté une prolongation pour une période d'un an dans le but de régler le dossier de l'équité salariale, qui n'est toujours pas réglé.
Alors, quand on pense aux problèmes de précarité, de stress, de surcharge, d'épuisement, d'absentéisme, pour n'en nommer que quelques-uns, bien, je pense que tout ça commande, en tout respect, qu'on s'intéresse aux personnes et à leurs conditions de travail. Trop, trop vite, mal séquencé, peu respectueux des droits; je pense que vouloir enfoncer le processus de renouvellement des conventions collectives dans un bourbier, on ne ferait pas mieux que d'y aller de ces quatre opérations simultanément.
Alors, en conséquence, on va proposer que la mise en place du processus de fusion n'intervienne qu'après le règlement des conventions collectives.
Quant à la piste proposée pour recomposer les unités d'accréditation, elle suscite a priori deux remarques de notre part. Pourquoi privilégier un modèle unique, un modèle rigide pour déterminer le profil des nouvelles unités d'accréditation? Pourquoi, au nom d'une recomposition, décide-t-on de fractionner ce que le Tribunal du travail a toujours refusé de fractionner? Pourquoi créer des silos là où il n'y en a jamais eu? Pourquoi compliquer l'organisation du travail et faire voler en éclats des structures de solidarité et d'appartenance qui ont fait leurs preuves?
Je pense qu'il faudrait nous demander d'être bien naïfs pour ne pas établir de liens entre cette stratification inusitée et les velléités de privatisation, de recours à la sous-traitance véhiculées par l'actuel gouvernement. Le projet de loi n° 30 isole, si on veut, des groupes comme les services auxiliaires métiers, les services administratifs, les laboratoires, qui sont toutes les cibles privilégiées pour l'impartition.
Je voudrais attirer l'attention de la commission à la page 15 de notre mémoire, où vous allez retrouver une liste de titres d'emploi où historiquement les fractionnements ont été refusés par les instances du travail. Alors, disons que, manifestement, cette liste n'était pas sur la table de chevet de M. le ministre. De même, à la page 16, dans les deux premiers paragraphes de notre mémoire, vous retrouvez une liste de titres d'emploi qui tantôt ramène dans des strates distinctes des fonctions qui sont éminemment liées les unes aux autres, ou encore, plus loin dans ce texte, une liste de titres d'emploi qu'on retrouve dans une même strate, alors que la communauté d'intérêts, pas plus que rien dans la vie, ne semble rapprocher ces catégories de salariés. Or, je souhaiterais qu'un examen serré de ces listes puisse être fait par les parlementaires.
Je souligne, au chapitre des unités d'accréditation, deux paradoxes. Dans nombre d'établissements, on risque de voir augmenter le nombre d'unités d'accréditation, à l'intérieur d'un projet qui prétend vouloir les réduire, et ça, c'est l'effet de la stratification. D'autre part, autre paradoxe, on prétend fusionner des unités d'accréditation pour simplifier la gestion. C'est, en quelque sorte, faire fi d'un certain nombre de réalités.
Je rappelle que le réseau de la santé et des services sociaux: 57 % de précaires et l'approche par strate conduit à plusieurs listes de rappel, plusieurs règles de disponibilité, plusieurs cumuls d'ancienneté, plusieurs listes de vacances, plusieurs périodes d'essai et de probation, plusieurs contrats d'assurance pour les salariés. Alors, disons que c'est un bourbier au plan administratif et, d'autre part, c'est assez peu respectueux des droits des salariés, qui ne verront pas, là, par exemple, leur ancienneté se cumuler, parce qu'ils l'auront fait à l'intérieur d'un même établissement pour un même employeur, mais à travers des strates parfaitement arbitraires et distinctes.
n(16 h 20)n Alors, ça m'amène à attirer votre attention sur la recommandation de la page... attendez, je la cherche ? voilà ? de la page 17 de notre mémoire, qui prévoit... Et là je vais être claire ? peut-être que la recommandation a été faite à la hâte ? cette recommandation, elle prévoit qu'après la tenue des votes on propose de permettre une fusion sur une base volontaire des accréditations de plusieurs catégories de personnel. Alors, bref, on procède et, après quoi, on ouvre sur des fusions.
Mes derniers mots seront bien sûr sur le régime de négociation. Le contenu du projet de loi: 26 matières, la moitié de la convention collective normative, des matières à forte incidence qui se trouvent référées au niveau local, alors que le projet de loi déstabilise tous les équilibres nécessaires pour permettre une négociation.
Quand je parle de ces équilibres, je réfère notamment à trois critères: la capacité pour les employeurs de modifier les paramètres financiers de leurs établissements ? ça ne fait pas partie de la réalité du réseau; l'autonomie des parties dans la définition des contenus et des stratégies; et la capacité des parties, quand elles sont confrontées à une impasse, de recourir à la grève ou au lock-out. Or, aucune de ces conditions ne se retrouve dans la réalité du réseau, aucune ne réapparaît dans le projet de loi.
On est même confronté à un mécanisme transitoire où on demande à des nouveaux employeurs, à de nouveaux syndicats occupés à toutes sortes de choses de conclure en un an une convention collective au niveau local qui porte sur des objets majeurs, après quoi c'est un mécanisme d'arbitrage dont les balises sont odieuses. Ça doit répondre à l'impératif de ne jamais augmenter les coûts et de favoriser une amélioration du service.
Je dirais que, dans un contexte comme ça, il n'y a pas un employeur qui va négocier. Il va s'asseoir, il va attendre la décision du médiateur-arbitre, parce qu'il va toujours être capable d'invoquer des lourdeurs administratives, une impossibilité organisationnelle, un impact financier. Et, en prime, on ose retirer le droit de grève. Je vous souligne que c'est contraire à la convention 154 de l'Organisation internationale du travail qui prévoit que, quand on encadre une négociation, on doit le faire, au plan législatif, de façon à promouvoir la négociation. Et, tant qu'on réfère à l'arbitrage, eh bien, c'est par accord volontaire des parties qu'on peut recourir à une telle mesure.
Il n'y a dans ce projet de loi aucun mécanisme crédible de résolution des impasses. Je pense que ça conduit à une véritable négation du droit de négocier. Et je rappelle ? j'ai parlé des conventions internationales ? je rappelle que ni dans la loi n° 37 pour les autres groupes, ni pour quelque autre catégorie de salariés dans la société québécoise on retrouve un tel déni du droit de négocier. Ça n'existe pas nulle part. Faut-il être méprisant à ce point pour 8 % de la main-d'oeuvre des travailleurs et des travailleuses du réseau de la santé à qui le seul reproche qu'on peut faire, c'est d'être là au quotidien, se dévouer pour dispenser des soins à la population? Est-ce que ça doit les conduire à renoncer à leur droit le plus élémentaire, comme citoyennes et citoyens? Je pense qu'on va très loin, on dépasse largement les bornes avec ce volet-là du projet de loi.
Une dernière remarque à cet égard-là: je pense que le ministre annonce une marchandise qu'il n'est pas capable de livrer. On prétend simplifier, débureaucratiser, désalourdir; eh bien, hier, c'était près de 80 conventions collectives qu'on signait dans le réseau de la santé et des services sociaux; aujourd'hui, avec la négociation ramenée au niveau local: 1 961. Et on voudrait croire qu'on dirige les ressources, les énergies à la bonne place? Permettez-nous d'en douter.
Je dirais, en conclusion, qu'il faut vraiment abattre un mythe à l'effet que le caractère centralisé des négociations conduit à une rigidité. Ces conventions existent depuis 1960. Ça a permis de traverser toutes les tempêtes: fermetures d'établissements, départs à la retraite, ajustements à différentes réformes. Il y a des clauses qui permettent, dans le régime de négociation, de bâtir des arrangements locaux; il y a des clauses dans nos conventions collectives qui permettent de travailler à la réorganisation du travail. Et je dirais que, de ce côté-là, la volonté de trouver une organisation du travail qui soit adéquate, ce n'est pas une question de régime de négociation, c'est d'abord et avant tout la volonté des parties de chercher une implication réelle et des salariés et des syndicats.
Et je réitère à cet égard-là les recommandations de la CSN, que vous retrouvez à la page 27. Alors, vous aurez compris qu'on s'oppose fortement aux dispositions du projet de loi n° 30 qui prévoient de référer aux parties locales la responsabilité exclusive de négocier un ensemble de matières. Vous aurez compris que la CSN propose que soit maintenu le processus actuel de négociation des conventions collectives dans le réseau, et qu'il faut apporter un soutien aux parties en matière d'organisation du travail, plutôt que de tout référer à un affrontement, à une partie de bras de fer. Et je veux vous assurer que la CSN, ses fédérations, ses syndicats locaux, réitèrent leur engagement et leur disponibilité à travailler localement à l'organisation du travail. Dernière remarque, et là c'est vraiment la dernière: page 20 de notre mémoire, quelques recommandations d'ordre plus technique concernant les modalités de vote. Je sais que j'ai l'air de vous donner tout ça en rafale, mais comprenez que, sur un projet de loi qui a cette importance-là, qu'on en soit rendu à 15 minutes de droit de parole et d'échange avec le gouvernement, c'est gros aussi.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Carbonneau. Alors, pour débuter l'échange avec les parlementaires, M. le ministre de la Santé et des Services Sociaux.
M. Couillard: Merci, Mme Carbonneau et vos collègues, pour votre présentation. Brièvement, sur la question de l'échange, vous allez admettre qu'il y a eu des échanges également non seulement avec moi, mais avec le personnel du ministère, à plusieurs reprises.
Mme Carbonneau (Claudette): Et pour se dire qu'on se reverrait après le dépôt du projet de loi. Oui, c'est vrai.
M. Couillard: C'est ça. Et on est... Et ça a continué, les rencontres. Je pense que de raccourcir ça à 15 minutes, ça ne reflète pas tout à fait la réalité, en tout respect, Mme Carbonneau.
Vous avez commencé votre introduction en parlant des effets, vous avez parlé d'un système ravagé avec des réformes successives, compressions budgétaires, départs à la retraite. Je vous rassure tout de suite, on ne répétera pas ces erreurs-là. C'est clair que ce qu'on vit actuellement dans le réseau vient de là, puis on ne répétera pas ces erreurs catastrophiques.
Les unités d'accréditation. Effectivement, vous avez mentionné le cas des établissements ? je vais passer rapidement quelques points, puis je vais en venir à des questions spécifiques après ? des établissements qui ont moins, actuellement, que cinq unités d'accréditation. Il faut répéter que ça représente moins que 10 % des employés du réseau.
Et là j'aimerais peut-être... vous pourriez prendre une note puis me donner votre avis: Est-ce que créer deux régimes distincts pour ceux qui ont moins que cinq unités puis ceux qui ont cinq unités ou plus, est-ce que serait correct vis-à-vis ces travailleurs-là? Est-ce qu'on ne risque pas même de brimer leurs possibilités professionnelles en faisant ça? Et c'est une question qu'on s'est posée, parce qu'on a réfléchi à ce problème-là, effectivement, et c'est l'obstacle sur lequel on est tombé tout de suite. On s'est dit: Si on crée un régime distinct pour les moins que cinq, qu'est-ce qui va arriver si ces gens-là changent de carrière ou changent d'emploi? Est-ce qu'on ne leur nuit pas de façon fondamentale et importante en faisant ça?
Il y a plusieurs points très importants que vous avez mentionnés. Vous avez également mentionné brièvement la question de la sous-traitance. Je vais répéter ce qu'on dit, qui n'est pas en contradiction avec ce que M. Charest a dit et a écrit l'autre jour: La sous-traitance, elle est permise et elle s'est faite, dans le réseau de la santé, puis la plupart des gens ont constaté souvent que c'était loin d'être aussi avantageux économiquement qu'on avait estimé d'abord. De sorte qu'on a entendu les directeurs généraux ce matin nous estimer... nous donner leur avis que, probablement, le gain à obtenir de cette méthode-là est très marginal en termes même économiques.
Et, comme vous savez très bien, beaucoup mieux que moi étant donné votre expérience longue dans ce domaine-là, il existe dans les conventions collectives que vous avez négociées et signées des dispositions qui restreignent de façon très encadrante, je dirais, le recours à la sous-traitance. Alors, si vous le permettez, M. le Président, je pourrais déposer un extrait... un résumé de ces dispositions-là pour montrer que cette question de la sous-traitance est déjà très encadrée par les conventions collectives, qui vont continuer d'être négociées et d'être signées même advenant l'adoption du projet de loi n° 30.
La question de la négociation des matières... la négociation locale, pardon, de certaines matières, pour nous, il s'agissait de refléter la réalité évidente qui est que l'Hôpital de Gaspé n'est pas la même chose que l'Hôpital Notre-Dame ou l'Hôpital de Mont-Laurier. Il faut tenir compte des particularités locales.
n(16 h 30)n La question de la grève puis du lock-out. Bien sûr, le droit de grève continue à s'appliquer pour toutes les essentielles questions nationales, qui ont toujours été et fait l'objet du plus gros des conflits dans notre histoire de relations gouvernementales et syndicales, quels que soient les gouvernements, d'ailleurs, parce que ce qui demeure, par exemple, au niveau national: les salaires, régimes de retraire, assurances collectives, vacances, sécurité d'emploi, sous-traitance, droits parentaux, disparités régionales, tout ça va continuer à être négocié au niveau national, et certainement que la grève, advenant, je dirais, un désaccord, pourra continuer à s'exercer. Et ce qu'on a voulu faire avec le mécanisme de médiation-arbitrage au niveau local, c'est justement se confondre avec, je dirais, le mouvement moderne de relations de travail où, plutôt que viser à produire des conflits, on veut essentiellement de façon dynamique induire un climat et une ambiance qui va amener la négociation et résoudre les problèmes, compte tenu du fait que le médiateur-arbitre, comme vous le savez, sera indépendant des deux parties qui seront en place. Donc, à notre avis, il s'agit ici, au contraire, d'encourager et de créer un climat favorable à la négociation. Si on a le temps, je reviendrai plus tard, parce que, dans vos publications antérieures, de la CSN, vous avez parlé à l'occasion de cette question, puis on pourra en discuter plus tard.
Mais j'aimerais vous amener peut-être sur un autre plan, la question de la répartition des catégories d'emploi, parce que je pense que, ça, c'est un point sur lequel on pourrait peut-être échanger avec profit ensemble, c'est la question de voir si la répartition des groupes que nous proposons, qui nous apparaît basée sur des données de collaboration, de réalités dans les différents milieux de travail, si elle vous apparaît perfectible. On sera certainement intéressés à obtenir vos suggestions là-dedans.
Mais je voulais vous demander, suite à certaines déclarations ou certaines impressions que j'ai eues, si on peut dire effectivement que le sens général de votre mémoire favoriserait les unités de négociation dites générales, les grandes unités générales de négociation plutôt que le fractionnement de ces unités-là. Est-ce que c'est ce que vous nous recommandez?
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, essentiellement ? et je pense que ça permet aussi de vous fournir une réponse sur la toute première question, à savoir est-ce qu'on doit privilégier un régime distinct selon la taille des établissements ? la position de la CSN est la suivante, O.K., c'est de permettre, à tout le moins sur une base volontaire, de refusionner après coup les différents certificats d'accréditation. Je pense qu'il s'agit là d'une approche beaucoup plus souple en fonction de la taille, en fonction de la culture, en fonction de la réalité. Bref, laissez des choix aux gens. Je ne comprends pas pourquoi vous tenez à tout prix à une approche mur à mur, complètement rigide, complètement unique, qui traverse l'ensemble des réseaux. Or, en ce sens-là, je pense que ça peut répondre à votre dernière question et ça permettrait effectivement, dans les petits établissements, de permettre aux gens de faire ces choix.
En même temps, vous savez, quand vous évoquez la question du changement de carrière, c'est une chose, mais il faut que vous compreniez que, avec la stratification qui est mise de l'avant dans le projet de loi, 57 % des personnels à statut précaire, ce n'est pas approprié à leur réalité. Ces gens-là, ils vont s'inscrire sur toutes sortes de listes de rappel pour travailler, pour se composer une semaine. Ces gens-là, ce n'est pas vrai qu'ils vont rester prisonniers du même métier, et, de ce côté-là, c'est comme si... J'ai compris qu'il y avait une forte inspiration de l'Alberta. Alors, je dois en déduire qu'en Alberta il ne doit pas y avoir autant de précaires qu'ici, autrement il y a quelque chose de tout à fait mal foutu dans l'approche, là.
M. Couillard: Bien, l'Alberta, on y revient souvent, puis je trouve ça un peu drôle, là, parce que c'est loin d'être notre seule inspiration. Notre principale inspiration est l'histoire de notre propre réseau puis ce qui se fait ici, puis il y a beaucoup de choses qui se font en Alberta qu'on ne voudrait jamais voir s'installer au Québec, puis il y a des choses également qu'ils font bien, dont on veut s'inspirer, c'est bien naturel. Mais, dans le cas précis du projet de loi, en Alberta, sur les accréditations syndicales, qui était, je crois, la loi n° 27 ou je ne sais plus quel numéro, en Alberta, non seulement on a découpé les types d'emploi, mais on a imposé les accréditations et puis les allégeances syndicales sans qu'il y ait de vote. Alors, je vous rassure tout de suite: on ne va pas du tout dans cette direction-là, puis vous pourrez vérifier le contenu de ce projet de loi là.
Mais je vais revenir à ma question de tantôt. Vous choisiriez plutôt la voie de ne pas fractionner les grandes unités générales. Est-ce que c'est ce que vous dites?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, de façon générale, oui, on pense que ce n'est pas souhaitable de faire voler en éclats des types de regroupements qui ont déjà fait leurs preuves par le passé. On sait qu'il y a des modèles variables. Bon, alors on dit: Au minimum, repermettons de fusionner après la tenue des votes de façon à permettre la recomposition d'unités plus larges encore. D'ailleurs, je vous souligne au passage que cette position-là de la part de la CSN, elle mérite d'être bien comprise. Elle m'apparaissait échapper à M. Charest dans ses déclarations. Point.
M. Couillard: Mais vous parlez d'un regroupement volontaire qui suivrait.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui, tout à fait.
M. Couillard: Bon. Mais on dit souvent que le passé est garant de l'avenir. À votre souvenir ? puis je ne vous demande pas une recherche précise, je comprendrai que vous n'ayez pas les chiffres précis sous la main, là ? combien de fusions d'accréditations volontaires avez-vous réalisées, là, au cours des dernières années, deux, trois, quatre dernières années, dans le réseau de la santé?
Mme Carbonneau (Claudette): Non, mais... Écoutez, là, on va se comprendre. Je vais demander à Pierre de vous apporter la précision là-dessus. Mais ce que vous devez comprendre de notre recommandation: Allons-y à un moment x, dans notre esprit, après la tenue de la prochaine négociation, pour recomposer les unités de négociation. Alors, il y aura un pattern, si on veut, déterminé par une loi qui sera adoptée, et, si ça devait ressembler à des strates, ce qu'on dit, c'est permettre, après la tenue de ces votes-là, de pouvoir fusionner différentes strates de façon à s'orienter vers des unités encore plus larges que celles que vous proposez. C'est un contexte très différent. Quand vous me posez la question: Que s'est-il passé dans les dernières années? Il n'y avait pas de projet de loi, il n'y avait pas de processus de recomposition des unités de négociation. Mais je vais demander au président de la FSSS de répondre à votre question, tout en comprenant bien qu'il s'agit de deux contextes différents, deux réalités différentes.
Le Président (M. Copeman): M. Lamy.
M. Lamy (Pierre): Oui. Alors, il faut comprendre que le processus qui vise à fusionner les accréditations, ça ébranle fortement la culture syndicale, l'organisation syndicale, la manière de faire et l'organisation du travail. Je veux rappeler ? j'ai eu l'occasion déjà de le faire, M. le ministre, devant vous ? je veux rappeler que c'est un processus, à la Fédération, qui est en constante évolution depuis une dizaine d'années, et notre dernier congrès a statué sur la question en prenant position clairement sur l'idée de fusionner les accréditations syndicales. Cependant, ce que le projet de loi fait, il ne fait pas que fusionner: il démantèle la structure syndicale, il découpe, comme le disait la présidente de la CSN, il découpe les accréditations.
Alors, nos positions de principe sont claires: nous favorisons le syndicat industriel, mais nous avons aussi des unités professionnelles dans notre Fédération. Alors, l'idée, donc, de pouvoir refusionner, c'est évidemment une hypothèse dans la mesure où vous adoptez votre projet de loi, mais on souhaiterait, nous, qu'il n'y ait pas de fractionnement de nos unités d'accréditation.
Deuxièmement, je me permettrais d'intervenir sur la question du régime de négociation. Moi, je me demande, M. le ministre, si vous êtes conscient du chaos que vous allez créer en décentralisant la quasi totalité des sujets sectoriels de la convention collective. C'est 40 ans d'histoire syndicale que vous balayez du revers de la main, c'est 40 ans d'histoire en relations de travail dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ce n'est pas rien, ce n'est pas rien. Alors, c'est des sujets aussi importants que les mutations volontaires, toute la liste de rappel, bref, l'ensemble des conditions normatives de la convention collective.
Alors, comme le disait la présidente, on va faire face à 1 900 négociations locales, alors qu'on peut actuellement ? et je tiens à le préciser à la commission ? ces 26 sujets dont on parle, actuellement, les parties locales peuvent les aménager sur une base volontaire suite à la négociation collective. Il m'apparaît important de rappeler ça, et ça se fait dans bon nombre d'établissements. Ça se fait quand les parties locales décident que c'est utile de le faire, en fonction de leur réalité respective. Il me semble que c'est important de se rappeler ça. Alors, vous allez obliger les parties à faire ce qu'ils ne veulent pas faire, dans plusieurs cas. Moi, je pense que vous devriez réfléchir, M. le ministre. C'est extrêmement grave comme geste, et l'ensemble des syndicats ne souhaitent absolument pas cet élément du projet de loi.
M. Couillard: Bien évidemment, vous touchez là un point très important. Vous dites que les gens ne veulent pas faire la négociation locale, et un des points qui m'apparaît à l'origine de cette situation-là, c'est qu'il y a une sorte d'asymétrie, là, dans la façon dont les choses sont faites actuellement. C'est-à-dire qu'on sait que, s'il n'y a pas d'entente locale, il faut se replier sur la convention nationale. Alors, je ne vois pas là la dynamique qui encourage une entente locale. Au contraire, il y a plutôt une dynamique qui nous éloigne de l'entente locale, et, selon des données dont je disposais récemment, je pense qu'il y a autour de plusieurs milliers de griefs actuellement en cours d'arbitrage autour de la négociation locale. On ne peut pas dire que ça ait donné des résultats fameux, fameux, les dispositions actuelles, là. Et, lorsqu'il y en a eu, ça a été tellement fractionné et tellement difficile à évaluer... il y en a 17 000, là, d'après les informations qu'on me donne, 17 000 griefs en cours d'arbitrage également.
Moi, je pense que d'aller dans une direction de délai prescrit puis de médiation-arbitrage, comme d'ailleurs vous l'aviez vous-même souhaité... Je ne vous fais pas de... ce n'est pas moi qui ai écrit ça, là ? mais je ne veux pas dire que je dis que vous êtes pour la médiation-arbitrage, là, je ne veux pas vous prêter des propos qui ne sont pas les vôtres ? mais je lisais, dans un de vos documents qui s'appelle L'organisation du travail dans le réseau de la santé et des services sociaux, qui a été publié en 1993 ? si vous voulez, on peut vous le donner, je pourrais le déposer, là, à vous actuellement ? qu'on souhaitait, lors de propositions, la mise sur pied d'un véritable système de médiation. Et, nous, voilà ce qu'on offre. On offre, au niveau local, un véritable système de médiation qui encourage non pas la production de conflits au détriment de tout le monde, dont les travailleurs, dont la population qui est soignée dans les hôpitaux, mais justement la résolution du problème plutôt qu'un autre conflit qui s'ajoute, un autre grief, puis un autre grief, puis un autre grief.
n(16 h 40)nM. Lamy (Pierre): Vous savez, M. le ministre, ça n'a aucun rapport. Ça n'a aucun rapport. Et là vous me faites dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai pas dit que les parties locales ne voulaient pas négocier, j'ai dit qu'elles ne voulaient pas se voir imposer une négociation alors que les parties peuvent décider actuellement, et elles le font, les parties. Plusieurs établissements ont bon nombre d'ententes locales. C'est vérifiable, il y en a qui ont plusieurs ententes locales, et ça varie d'un établissement à l'autre. Nous, ce qu'on dit: Laissez la loi des parties agir. Laissez la loi des parties agir. Si vous forcez la négociation sur un aussi grand nombre de matières, vous allez créer un véritable chaos dans le réseau pour plusieurs années.
M. Couillard: Bien, justement, je me demande...
Mme Carbonneau (Claudette): Mais, vous permettez, un petit complément?
M. Couillard: Pardon. Oui.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Carbonneau, oui.
Mme Carbonneau (Claudette): Un petit complément. Quand M. le ministre fait référence à des documents où on parle de médiation, il faut quand même être conscient, là, qu'il y a une différence énorme entre la négociation d'une convention collective et l'arbitrage de griefs. Et, de ce côté-là, quand je parlais des déséquilibres et du traitement odieux que ce projet de loi tente de faire vivre aux travailleurs puis aux travailleuses du réseau de la santé, je souligne que, dans le Code du travail, pour les griefs, une modalité d'application de convention collective qui peut viser un seul individu, il y a un mécanisme de résolution des impasses, c'est l'arbitrage. Et, dans le cas d'une convention collective touchant au-delà de 200 000 personnes dans 1 961 lieux de travail, il n'y aurait aucun mécanisme crédible de résolution des impasses? C'est le monde à l'envers. Et on ne peut quand même pas prétendre qu'il y a là un exercice de modernisation. Il y a là un exercice de retour à une situation qui prévalait au XIXe siècle. Ce n'est pas compliqué, là, c'est de cet ordre-là.
M. Couillard: Bien là je vais être obligé d'inscrire mon désaccord. Ce qui existait il y a 30 ans, c'est, au contraire, la négociation locale de toutes sortes de choses, dont la rémunération, les primes, les congés de maladie. Heureusement qu'on n'en est plus là, là. S'il fallait que la rémunération des échelles de salaire soit différente d'un établissement à l'autre, là, on plongerait le réseau dans le chaos. Puis, heureusement, on s'est éloignés de cette question-là. Mais, quand on parle de désordre puis de difficulté de gestion, est-ce que vous avez une idée approximative du nombre d'ententes locales qui existent actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux?
Le Président (M. Copeman): M. Lamy.
M. Lamy (Pierre): Si on parle de l'ensemble du réseau, sûrement des milliers.
M. Couillard: Bien oui.
M. Lamy (Pierre): Des milliers. Alors, on fait la preuve qu'il y a des négociations locales, notamment sur les 26 sujets sur lesquels vous voulez forcer les parties à négocier. Je vous dis: Les parties négocient déjà ces sujets-là. Ils arrivent à des ententes. Parfois, ils n'arrivent pas à des ententes, évidemment, c'est la loi des parties. On dit: Ce régime-là convient, et il convient aux parties locales et, à ma connaissance, à l'ensemble du réseau. Pourquoi le changer? Pourquoi forcer les gens à négocier ce qu'ils ne veulent pas négocier?
M. Couillard: Bien...
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, M. le ministre, nous avons déjà dépassé l'enveloppe du temps. Il faudrait maintenant permettre à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve d'échanger avec nos invités.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous saluer, Mme Carbonneau, ainsi que M. Lamy, M. Roy, premier vice-président, ou enfin vice-président, MM. Tremblay et Notebaert.
Alors, voilà, le ministre regrette de ne pas avoir plus de temps pour échanger avec vous, mais c'est une motion adoptée par le gouvernement qui a restreint le temps d'échange.
Et j'étais surprise tantôt de l'entendre vous dire qu'il y avait eu des discussions privées et de confondre le débat public... Et c'est un peu la marque de commerce de l'actuel gouvernement: discussions privées sur les garderies, discussions privées sur le retrait de la participation démocratique dans les instances régionales, et ce qu'il souhaitait, c'était la discussion privée plutôt qu'un débat public élargi sur ces questions qui ont une importance fondamentale, un débat public qui incidemment débute aujourd'hui, à la veille de l'ajournement de Noël. Nous terminons nos travaux parlementaires dans deux semaines, et il y avait hier le party de Noël de l'Assemblée nationale, qui est toujours un peu, si vous voulez, l'exemple d'une session dont le compte à rebours est commencé. Et c'est maintenant, dans ce contexte-là de session intensive, que nous débutons cet examen qui est si important.
Alors, j'aimerais peut-être vous entendre à nouveau sur la sous-traitance. J'ai ici un compte rendu d'une entrevue que la firme Ernst & Young donnait au journal La Presse suite à une rencontre avec la présidente du Conseil du trésor et le ministre des Finances. Et cette rencontre portait sur le partenariat public-privé. Et, dans cette entrevue du 15 octobre dernier, on dit ceci: «L'idéal serait de commencer par des petits projets avec des succès. Les deux superhôpitaux prévus à Montréal font cependant partie des partenariats public-privé envisagés, soit pour leur construction, leur gestion à long terme de même que pour certains services comme l'informatique, les approvisionnements, la cafétéria, la buanderie et l'entretien.» Alors, je n'ai jamais vu de démenti, moi, à cette entrevue. Et ce que j'aimerais savoir de vous, c'est: Est-ce que le ministre, qui considère que la convention collective va ? la prochaine ? va venir régler ça, est-ce que ce n'est pas d'une certaine façon vous dire que, vous, comme dans le secteur privé, vous avez à vous dispenser de la protection d'une législation qui existait depuis 40 ans et que dorénavant, pour maintenir les acquis d'une telle disposition qui est retirée, vous devez l'établir par un rapport de force? Est-ce que c'est de ça dont il s'agit?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, c'est tout à fait ma compréhension, et je dirais que, de ce côté-là, autant dans le secteur public, autant dans le secteur privé, les conventions collectives que l'on signe, que l'on négocie ne peuvent pas remplacer la protection prévue à l'article 45 du Code.
À la commission parlementaire traitant de ce sujet, on y est allés d'un exemple très précis. Prenons par exemple une des balises contenues à la convention des affaires sociales, à savoir qu'il ne puisse pas y avoir de sous-traitance dans la mesure où celle-là entraînerait des mises à pied. O.K.? C'est généralement jugé comme un élément fort dans une clause négociée.
Avec les taux d'attrition qu'on est appelés à connaître dans les prochaines années, autant dans un hôtel qu'à l'entretien ménager dans un hôpital, on pourrait être tentés tout simplement de déplacer les salariés, de dégager un certain nombre d'échanges et de référer à un sous-traitant une partie des opérations sans provoquer la moindre mise à pied. Or, ce que ça signifie, ça, en clair: une injustice profonde, deux régimes visant des salariés qui exercent exactement les mêmes fonctions, quelque chose de complètement aberrant. Et, en clair, ça signifie que, dans le secteur public, si on devait se passer de l'article 45, nécessairement, il va y avoir de la surenchère autour de cette question-là à la prochaine négo pour en faire quelque chose qui protège vraiment les emplois des personnes concernées. C'est vrai dans le public, c'est vrai dans le privé. Et entendons-nous bien: la surenchère, elle ne viendra pas que de notre côté; avec l'appétit particulièrement féroce que l'on peut détecter autour de certaines déclarations, il y a fort à parier que la partie patronale sera très, très en demande elle-même autour des présentes clauses qu'on retrouve concernant la sous-traitance dans nos conventions collectives.
Alors, en clair, ça signifie préférer mille et un feux de paille qui vont s'étaler sur les 10 prochaines années plutôt qu'une loi ordonnée qui balise, au fond, les droits des travailleuses et des travailleurs quand la sous-traitance intervient.
Mme Harel: Le groupe qui vous a précédés nous a fait valoir ? il s'agissait de la Centrale des syndicats du Québec ? qu'un tel exercice de découpage syndical par législation ne s'était jamais produit, même dans un passé récent où on avait connu des secteurs de regroupement, par exemple au niveau scolaire, où on était passé de 1 300 à 78 commissions scolaires. Dans le secteur municipal également, où on a connu l'arrivée des nouvelles villes. Jamais, par législation, d'une manière aussi autoritaire, on n'avait procédé à un découpage syndical.
n(16 h 50)n Tantôt, vous parliez des diverses conventions collectives qui vont résulter du projet de loi n° 30, et l'impression que j'avais, c'est que c'est comme des vases communicants: il va y avoir moins d'unités d'accréditation, mais, avec les dispositions, il va y avoir plus de conventions. Il y en avait 80, nous avez-vous dit. Là, il y en aurait cinq par établissement. Donc, si je comprends bien, vous multipliez le nombre d'établissements par le nombre de conventions locales, et donc on en arrive à quelque chose autour de 1 691, j'imagine ? autant de conventions locales qu'il y a d'accréditations ? dans les études déposées par le ministère et dans ses communiqués de presse au moment où il a fait le dépôt du projet de loi. C'est comme ça qu'il faut comprendre la...
Mme Carbonneau (Claudette): C'est comme ça qu'il faut comprendre.
Mme Harel: ...la multiplication des conventions.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Moi, je n'ai pas fait de savants calculs. Je me suis fiée effectivement aux déclarations émanant du ministère. Ils disent: Ça va nous conduire à 1 961 nouvelles unités de négociation. Alors, la logique veut que chaque unité de négociation ait sa propre convention collective. Et, en même temps, c'est plus que bonnet blanc, blanc bonnet, hein, cette histoire-là, parce que, au fond, c'est infiniment plus compliqué de négocier des conventions collectives et d'avoir ensuite à les appliquer et à les gérer à 1 961 exemplaires que c'est compliqué...
Mme Harel: Le ministre nous dit 1 691.
Mme Carbonneau (Claudette): Bon. On ne s'ostinera pas sur le chiffre, mais la disproportion...
Mme Harel: Mettons qu'on ne se chicanera pas. On va passer de 80 à 1 691.
Mme Carbonneau (Claudette): ...la disproportion est telle qu'on s'obstine...
Le Président (M. Copeman): On ne peut pas suivre quand vous parlez tous en même temps. Alors, une à la fois. Ce sera mieux pour tout le monde.
Mme Carbonneau (Claudette): Si on vous dérange, il faudrait peut-être nous le dire.
Le Président (M. Copeman): Non, non, mais regardez, Mme Carbonneau, c'est parce que la présidence a de la difficulté à suivre quand il y a deux personnes qui parlent en même temps. C'est tout.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui, oui, là. Je comprends.
Le Président (M. Copeman): Allez-y.
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, je dis que ce n'est pas bonnet blanc et blanc bonnet, hein, cette réalité-là. Ce qui est lourd, ce qui est complexe, c'est de négocier des conventions collectives différentes et, ensuite, de les appliquer, de les gérer. Ça, ça n'a pas de commune mesure que d'avoir affaire avec différents représentants et représentantes syndicales. Et, de ce côté-là, je soutiens que, loin d'améliorer la situation en termes de lourdeur, on la complique, on l'aggrave.
Mme Harel: J'aimerais vous entendre sur la question des coûts.
Mme Carbonneau (Claudette): Sur les coûts? Bien, de ce côté-là, il faut être clairs.
Mme Harel: À combien évaluez-vous environ, là, ce niveau...
Mme Carbonneau (Claudette): Écoutez, il faut être très clairs, hein. Juste pour le processus de négociation ? puis là on ne sera pas gourmands, là, hein... Je suis... Parce qu'il risque d'y avoir là-dedans des unités de négociation qui regroupent des milliers et des milliers de personnes, alors je ne suis pas en train de vous dire qu'un comité de négo standard, dans un cas comme ça, ça se limite à trois personnes. Mais faisons strictement l'hypothèse que c'est trois personnes du côté syndical, trois personnes du côté patronal, que même le projet de loi entrevoit qu'il y en a pour un an, de négociations, multiplié par 1 600 et quelques. Alors, voilà. Et là on ne les a pas gérées. On ne les a pas gérées après. Alors, multipliez par quatre, par exemple, les listes de rappel sur lesquelles les personnes devront être inscrites. Multipliez par quatre le processus de cumul de l'ancienneté, d'octroi de vacances. Je ne me suis pas amusée à le chiffrer, là, mais c'est quelque chose d'assez incroyable.
Alors, juste sur les comités de négociation ? mes amis ici viennent de faire un calcul rapide ? sur la base de 1 691 unités, à six personnes, trois d'un côté, trois de l'autre, on parle de 10 146 personnes. Moi, pour avoir été longtemps rattachée au dossier de la négociation du secteur public, j'ose imaginer comment on aurait été reçus au Conseil du trésor avec une demande de libération d'au-delà de 10 000 personnes.
Mme Harel: Vous, Mme Carbonneau, vous reconnaissez cependant que la coexistence de plusieurs unités d'accréditation dans un même groupe de salariés peut causer des difficultés dans des établissements regroupés. Le réseau de la santé, durant les 13 dernières années, a connu des regroupements d'établissements qui ont presque diminué de moitié le nombre d'établissements. Et déjà il était question... il y avait une consultation sur la façon de pouvoir faciliter ces regroupements.
Je comprends que, l'an dernier, en septembre 2002, lorsque la nouvelle Commission des relations de travail est entrée en opération également il y a eu l'introduction du nouvel article 46, le nouvel article 46 qui permettait un genre de remède approprié pour régler des situations comme celle-là. Mais si, par exemple, le ministre avait voulu aller plus vite, n'est-ce pas ? parce que son objectif est louable, regrouper ? le problème, c'est que le moyen pour y arriver est contraire à son objectif. Il en ajoute même parfois, des unités d'accréditation, à vouloir faire mur à mur partout. Parlez-nous des unités d'accréditation des syndicats généraux. À ce moment-là, vont-ils être fractionnés pour pouvoir appliquer la loi? Donc, vous aviez des unités d'accréditation uniques, et là, dorénavant, il faudra que ces... qu'il y ait un fractionnement. C'est ça, dans le fond, la lettre du projet de loi.
Mme Carbonneau (Claudette): Mais ne perdons pas de vue les essentiels, hein. Je pense que notre position, c'est d'abord et avant tout de référer ce processus-là après la tenue de la prochaine négociation, de permettre un certain nombre de fusions. Je vous indique que la philosophie générale d'organisation syndicale à la CSN a toujours visé des unités larges, des bassins de solidarité larges, soit à travers des syndicats industriels. Et, même quand on organise sur une base professionnelle, on a le mérite de le faire sur une base interprofessionnelle.
Maintenant, si vous voulez, là, des exemples, je peux demander à Pierre Lamy, sur le type de fractionnement qu'on va faire dans les grands syndicats généraux. Oui, le constat que vous faites est réel.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Lamy.
M. Lamy (Pierre): Oui. Alors, peut-être rapidement citer quelques exemples. On pourrait vous en citer au moins une centaine, d'exemples d'établissements qui ne sont pas visés, selon les termes du projet de loi, dans un processus de fusion, là, fusion d'établissements, j'entends. Alors, le centre de réadaptation La Myriade, par exemple, qui est dans Lanaudière: 289 membres à la CSN, il y a 28 membres à la FTQ. Alors, on part de deux accréditations, on fait cinq accréditations. Le Centre jeunesse des Laurentides: une accréditation, 621 membres, on va faire cinq accréditations. Le centre Lucie-Bruneau, à Montréal: trois accréditations de la CSN, 450 membres, 30 membres à la FIIQ; on va créer trois unités d'accréditation additionnelles. Ainsi de suite. Il y a plein, plein, plein d'exemples, là, qu'on peut répertorier à partir des chiffes, d'ailleurs, du ministère de la Santé et des Services sociaux. Alors, ce n'est pas des chiffres qu'on a inventés. Ces accréditations-là font partie des documents du ministère de la Santé et des Services sociaux. Alors, ça m'apparaît éloquent que dans plus d'une centaine d'établissements on va augmenter le nombre d'unités d'accréditation en regard de leur composition actuelle.
Mme Harel: Et pourquoi vouloir faire mur à mur, selon vous?
Mme Carbonneau (Claudette): Pourquoi, pourquoi le mur-à-mur?
M. Notebaert (Gérard): Écoutez...
Le Président (M. Copeman): M. Notebaert...
M. Notebaert (Gérard): Merci. Il y a un principe fondamental et un paradoxe qui méritent d'être soulignés: depuis plus de 25 ans, le Tribunal du travail permet le fractionnement et le morcellement des unités de négociation dans le réseau de la santé sur la base du principe même que les négociations sont centralisées. Or, dans la présente situation, le ministre décentralise les négociations et fractionne les unités de base. Alors, c'est aussi dans un principe de négociation. Pourquoi un syndicat, comme à Maisonneuve-Rosemont, qui représente 99 % des personnes salariées devrait subito presto mener de front cinq négociations différentes en consultant cinq unités de négociation différentes sur les mêmes matières et dans le même échéancier? Alors, je crois que la préoccupation relative à la négociation est capitale.
Mme Harel: Vous voulez dire que ça affaiblit... que ça affaiblirait le syndicat?
M. Notebaert (Gérard): Et tout à fait. Ça diviserait les énergies et, comme le mentionnait madame la présidente Carbonneau tantôt, ça quintuplerait les quantités de libérations syndicales requises et donc les coûts engendrés par toute cette opération-là.
Mme Carbonneau (Claudette): Mais vous aurez compris que notre position, c'est précisément de questionner le pourquoi de ce mur-à-mur et de suggérer un amendement qui conduise à une approche qui soit beaucoup plus souple que celle qui est prévue au projet de loi.
Le Président (M. Copeman): J'ai ajouté une minute, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, pour compenser le dépassement. Alors, il vous reste quelques, quelques... Oui, allez-y, je l'ai fait sans la demande.
n(17 heures)nMme Harel: Alors, M. le Président, j'aurais souhaité que nous puissions entendre aussi, si vous voulez, le point de vue concernant la zizanie qui est introduite avec ce projet de loi à ce moment-ci dans les négociations. Je lisais dans Le Soleil d'aujourd'hui une déclaration de la présidente de la CSN qui voit une entourloupette du gouvernement pour reporter aux calendes grecques les négociations pour le renouvellement des conventions collectives et qui disait: «Il se donne aussi le moyen de ne pas se payer l'odieux d'imposer des décrets fixant unilatéralement les conditions de travail de ses employés.» J'aimerais l'entendre là-dessus.
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez...
Le Président (M. Copeman): Brièvement, s'il vous plaît, Mme Carbonneau.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Bien, écoutez, dans le Code du travail, partout à travers le monde, on ne rebrasse jamais la carte syndicale au même moment qu'on négocie, et, quand on initie une négociation, on connaît les employeurs. Tout ça est en ballottage, tout ça est en rebrassage. On sait qu'une négociation du secteur public, c'est déjà quelque chose de complexe; on ajoute des conditions complètement antinomiques à ça. Sur le plan de la cohésion syndicale, tu sais, déclencher des votes d'allégeance syndicale au moment où tu négocies, ça pose des problèmes.
D'autre part, en termes de démocratie dans la poursuite, la conduite du processus, à qui voulez-vous qu'on réfère pour valider des contrepropositions, etc.? Le gouvernement sait pertinemment qu'il a là une occasion en or pour se traîner les pieds à l'occasion de la prochaine ronde de négociations, et, de ce côté-là, tu sais, on aura beau déclarer le contraire, le jupon dépasse, c'est manifeste. Ça ne se fait pas, dans aucun milieu, de jouer sur l'ensemble de ces tableaux-là en même temps.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Carbonneau, M. Roy, M. Lamy, M. Tremblay, M. Notebaert, merci de votre participation.
Je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 7)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues!
Des voix: ...
Le Président (M. Copeman): À l'ordre! Alors, il nous fait plaisir d'accueillir M. Massé, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ainsi que les collègues qui vous accompagnent. Vous êtes un habitué, M. Massé, vous connaissez nos règles de fonctionnement. Pour les fins de cette commission, il y a un temps maximal de 15 minutes pour la présentation, par la suite un échange entre les deux côtés de la table de 15 minutes chaque côté. Alors, je vous demande de présenter les gens qui vous accompagnent et de commencer immédiatement par après votre présentation.
Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Massé (Henri): Et je suis avec, à ma droite, Daniel Boyer, du Syndicat québécois des employés de service; avec Raymond Forget, même syndicat et vice-président de la FTQ; à ma gauche, Marcel Girard, Syndicat canadien de la fonction publique; et Lucie Richard, Syndicat canadien de la fonction publique.
Écoutez, d'entrée de jeu ? habituellement, à la FTQ, on est assez directs, on est assez francs ? on pense que c'est un projet de loi qui est mal foutu, on pense que c'est un projet de loi qui n'a pas bien, bien de bon sens, en tout cas à notre sens à nous autres, là. Puis on voudrait vous parler de trois choses: le morcellement de nos unités d'accréditation, on veut vous parler aussi de la négociation locale puis on veut vous parler aussi de la mobilité du personnel, parce que ça a de l'air à être un projet pour faciliter la mobilité. Nous autres, on pense qu'il y a des effets pervers dans ce projet-là, qui vont même aller à l'encontre de ce que vous souhaitez.
Sur le morcellement des unités, on est un peu déçus puis un peu choqués, M. le ministre, du discours public, parce que ça été lancé dans un exercice mathématique ? je ne me souviens pas des chiffres, là ? mais où on prétend qu'on va passer à peu près de 3 000 unités à 1 300 ? ç'a-tu de l'air beau! ? puis on parle de 30 puis 40 syndicats par hôpital. Moi, partout où je passe au Québec, mes chums dans le secteur privé, ma parenté, mes amis, ils disent: Aïe! ça n'a pas de bon sens, c'est le temps que le gouvernement intervienne là-dedans. Puis, quand je prends le temps de leur expliquer comme il faut ce que vous êtes en train de faire ? puis ce n'est pas facile à expliquer sur la place publique ? c'est complètement viré à l'envers. Sauf que je n'ai pas le temps de passer les 6 millions de personnes au Québec un par un, parce que c'est long à expliquer.
n(17 h 10)n Et, nous, à la FTQ, on a des syndicats, on appelle ça des syndicats industriels. On représente 100 % du monde dans certaines institutions, 90 %, 85 %, 80 %, mais c'est rare qu'on va en bas de 80 % du monde dans un hôpital, dans un centre d'accueil, dans un CLSC. On représente le gros du monde puis dans la même unité. Et là ce que vous êtes en train de faire... Il y a les infirmières, souvent, qui sont à part, puis, après ça, on retrouve, dans le 15 % qui reste, là... C'est là que vous trouvez la trentaine de vos syndicats que vous passez votre temps à mettre sur la place publique, puis le chiffre qui frappe en plein front pour tout le monde, là. Puis, c'est tous des petits syndicats, des fois une ou deux personnes, puis c'est des syndicats sur la base de professions qui sont sorties de nos unités dans le temps ? qui sont sorties de nos unités dans le temps. Et là, avec ce 20 % là ou ce 15 % là, on fait tout un ravage sur la place publique, alors que le 80 %, le 85 % ou le 90 % du monde qui sont ensemble, vous n'êtes pas en train de les fusionner, vous êtes en train de les fractionner, vous êtes en train de les segmenter, vous êtes en train de les ghettoïser, chacun sur leur bord.
Et ça, nous autres, on veut vous dire aujourd'hui... Puis on est sérieux là-dessus, parce que je fais le tour du Québec, puis, quand le monde de la santé, chez nous, ont le feu au cul, c'est parce qu'ils sont en train de voir qu'il y a 40 ans d'histoire syndicale, 40 ans de relations de travail qui est en train de passer au feu. Ça, ce n'est pas des chiffres puis ce n'est pas de la mathématique, c'est des préposés aux bénéficiaires, c'est des préposés à l'entretien ménager, c'est du monde des cafétérias, c'est du monde des employés de bureau, c'est du monde des préposés aux bénéficiaires. Puis, tout ce monde-là qui travaillent ensemble, puis qui sont dans un même syndicat, puis ça fait 20, 25 ans qu'ils se battent ensemble, un exécutif qui est élu par l'ensemble du monde, puis là vous nous splitez ça: trois, quatre ou cinq syndicats!
Et ça, là, on n'est pas en train, encore une fois, de jouer avec des chiffres, c'est sociologique, on est en train de jouer avec du monde, on est en train de jouer avec des rapports collectifs. Puis ça, on a bien de la misère à le prendre; notre monde, il a de la misère à le prendre. Ça, ça fait mal.
Et, moi, je dis, là: On n'est pas dans un club de chasse et pêche. Un syndicat, ce n'est pas un club de chasse et pêche. Puis ça, la Cour suprême l'a reconnu. Un syndicat, c'est dessiné, puis c'est fait, puis ça part de la volonté des travailleurs puis des travailleuses à se donner un rapport de force, puis une configuration, puis comment on va travailler ensemble. C'est ça, un syndicat, puis c'est ça que les commissions de relations de travail auront reconnu dans le passé. Et là c'est ça qu'on est en train de défaire ? c'est ça qu'on est en train de défaire ? et ça, on trouve ça extrêmement, mais extrêmement malheureux.
Moi, je vais vous en poser, des questions, je ne veux pas juste m'en faire poser. L'Institut Pinel, là, le confrère qui est président là, là, Marcel Girard, on représente... Il y a 700 membres là-dedans? 700 travailleurs et travailleuses? 600? Il y en a 50 qui ne sont pas dans l'unité d'accréditation, c'est des professionnels. Vous allez nous prendre un syndicat, l'Institut Pinel ? puis on pourrait vous donner plusieurs autres exemples comme ça ? là on va le diviser en cinq. Je voudrais bien savoir qu'est-ce que ça va amener de plus, ça, dans tout le débat qu'on est en train de faire sur la santé au Québec.
Les hôpitaux de soins de longue durée, ce que j'appelle des fois les centres d'accueil, moi, là, là, souvent, on représente, encore là, 100 % du monde. On va tout déchirer ça puis on va nous faire cinq syndicats. Ça fait qu'encore une fois, là, on ne joue pas sur des chiffres, on joue sur du monde.
L'autre élément, c'est toute la question régionale. La vie syndicale, elle se vit habituellement aussi par institution. Là, à cause des regroupements, on dit: On va faire rien qu'un syndicat. Ah! ça éloigne la vie syndicale, souvent, du monde, parce qu'ils sont accoutumés dans leur hôpital, dans leur CLSC ou dans leur centre... leur hôpital de soins de longue durée. Nous, on n'est pas fermés, à la FTQ, que, si vraiment il y a des problèmes de personnel qui passe d'une institution à l'autre, puis il y a un va-et-vient, puis là ce n'est pas gérable... Ça, on l'a toujours dit. On a déjà accepté des votes, au niveau de la Commission des relations de travail, là-dessus, pour fusionner. On a déjà dit à multiples reprises au ministère de la Santé: Amenez-nous la liste, si vous avez des problèmes vraiment, puis on va la regarder. On n'a jamais vu l'ombre du début d'une liste. On est encore ouverts à ça. Quand il y a des problèmes réels, nous autres, on est capables de regarder pour les régler.
Et, là aussi, je dirais, vous êtes en train de défaire le modèle des relations de travail qu'il y a au Québec. Dans le secteur privé, les accréditations, c'est n'est pas par entreprise, c'est par usine, au même titre que, dans la santé, une institution, on pourrait la comparer à une usine dans le privé. Abitibi-Price, qui a des papetières, qui a des moulins à scie, qui a des moulins de panneaux gaufrés, qu'on appelle, c'est des accréditations à chacune des places. On fusionne juste quand il y a une interrelation du personnel, puis ils sont échangeables d'une place à l'autre, puis là ça crée des problèmes de relations de travail. La Commission des relations de travail intervient, puis elle nous fusionne ça, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. Puis souvent c'est nous autres, des fois, qui va demander la fusion parce que ce n'est plus tenable.
Mais, en dehors de ça, le modèle des relations de travail au Québec, c'est au niveau de l'usine. Si je comparais à une institution, c'est au niveau de l'hôpital, c'est au niveau du CLSC, c'est au niveau du centre d'accueil. C'est de même que ça marche. Ça fait que là vous êtes en train de bouleverser l'économie des relations de travail au Québec à partir d'un modèle théorique. S'il y en a, des problèmes, encore une fois, on est prêts à les regarder.
Et vous allez aussi, moi, je dirais, carrément, carrément à l'encontre de ce qui se passe, je dirais, dans la société en général. La société en général, on est parti plus des syndicats de métiers, morcelés, pour fusionner ça dans des grandes unités. On vient de le voir dans le chemin de fer, là ? c'est nous autres, la FTQ, qui est là-dedans, là ? à la grandeur du Canada, on a fusionné les unités. Même chose au niveau des communications ? on est là-dedans, la CSN y est aussi ? on a regroupé des unités, on n'a pas craquelé puis on n'a pas morcelé, on est allés vers des unités plus regroupées.
Et c'est pour ça qu'on vous dit, nous autres, là-dedans ? ce qu'on vous demande à l'heure actuelle dans votre projet de loi: Là, vous avez concocté un modèle, M. le ministre, à partir de votre ministère qui est l'employeur. Moi, je conçois mal que ce soit l'employeur, encore une fois, au Québec, qui va décider c'est quoi, le modèle exact de relations de travail, comment vont être configurés les syndicats. Il me semble qu'on a une Commission des relations de travail, puis c'est là que ça devrait aller. C'est la Commission des relations de travail qui devrait décider des difficultés.
Et ça, là, ce qu'on se fait dire par votre ministère... Moi, je ne l'ai jamais entendu de votre part, mais ce qu'on s'est fait dire souvent par vos fonctionnaires, vos sous-ministres: Bien, la Commission des relations de travail, c'est long, c'est lent. Bon. Nous, on serait ouverts, à la FTQ, de regarder si on n'est pas capables de mettre ça sur une procédure accélérée, en bon français, un «fast track», avec, bon, peut-être des mandats un peu plus précis, mais ça va être à la Commission des relations de travail de décider ça.
Les unités syndicales, en 1965, en 1970, il n'était pas morcelé autant qu'il est là, là, c'est les commissaires enquêteurs qui ont permis le morcellement, puis les hôpitaux, les directions d'hôpitaux souvent applaudissaient parce que ça affaiblissait le mouvement syndical. Une physiothérapeute, il y en avait deux, trois dans notre unité, ils décidaient de se créer un syndicat, ils sortaient. Le ministère du Travail a laissé aller ça. Il n'a jamais laissé aller ça dans le secteur privé, jamais. Ils n'ont pas permis ça dans le secteur privé, ils l'ont permis juste dans le secteur de la santé. C'est ça qui a créé la multitude des petites unités.
Et, moi, je pense que la Commission des relations de travail à ce moment-ci devrait revoir d'abord sa jurisprudence, puis la première chose à décider, c'est de dire qu'à l'avenir il n'y aura plus de morcellement des unités, comme elle dit puis elle applique dans le secteur privé. Si on ne règle pas cette question-là, puis on fusionne, puis la Commission relations de travail continue à défusionner puis à rendre des décisions à chaque fois que d'autres voudront ressortir de l'unité générale, vous n'avez rien réglé. Vous allez régler peut-être un petit bout, mais vous allez avoir un bordel après. Ça fait que, ça, la Commission des relations de travail devrait le faire.
La Commission des relations de travail devrait avoir le mandat aussi de regrouper, quand il y a des problèmes de... Je parle plutôt aux régionaux, quand on parle sur la fusion sur une base régionale, la Commission des relations de travail devrait entendre les parties. Si on parle qu'il doit y avoir certains regroupements dans la santé, suite à la série de petites unités, moi, je pense qu'elle devrait entendre les parties, faire exactement ce qui s'est fait à la commission de travail fédérale. Puis, après avoir entendu les parties, puis connaître vraiment la volonté des parties, puis voir comment on peut mettre de l'ordre là-dedans, bien, elle rendra des décisions. Ça fait que c'est ça qu'on veut vous soumettre comme piste de solution.
Sur la question de la négociation locale, je vais être très, très, très rapide. C'est sûr que ça va multiplier les conventions collectives, puis je ne suis pas convaincu que ça va régler grand-chose, mais, à la FTQ, nous, ce qui nous dérange le plus là-dedans... Vous parlez de négociation locale, mais ce n'est pas de la négociation locale. Ce n'est pas de la négociation locale, c'est un club de placotage, point à la ligne. Il n'y a aucune possibilité pour les syndicats de négocier sérieusement là, aucun rapport de force, rien. La seule affaire que vous mettez, c'est un médiateur-arbitre qui va venir rendre des décisions; mais il ne faut pas que ça coûte une maudite cenne au gouvernement puis il faut que ça améliore les services publics, en plus. Ça fait que ce ne sera pas une convention collective qui va sortir au bout de ça, ça va être une longue liste des droits de gérance, qui va s'allonger de plus en plus, là. Ça, ce n'est pas de la négociation, puis ça, ce n'est pas sérieux.
Nous, à la FTQ, on n'est pas fermés complètement à toute négociation locale, mais ça va prendre un véritable mécanisme de négociation puis qu'on ait le droit de négocier sérieusement. La liste est trop longue de ce que vous voulez décentraliser. Il y en aurait peut-être, des affaires à faire, on est prêts à regarder des solutions là-dedans, mais négociées véritablement.
n(17 h 20)n Ah! je me rappelle, moi, on a essayé en 1990, 1991, 1992. On avait mis des comités de productivité sur pied. À travers les gains de productivité, on pouvait améliorer nos conditions de travail, puis on avait joué la game là-dessus, la FTQ. Je pense qu'on était la seule organisation qui avait eu le courage de le faire. On l'a regretté amèrement après, parce que, quand on a dégagé des gains de productivité puis on a essayé d'améliorer nos conditions de travail, même quand les institutions locales étaient d'accord ? puis on pourrait vous donner une trentaine d'exemples ? c'est le Conseil du trésor qui nous bloquait, puis c'était le ministère de la Santé, parce que, woups! ça créerait des précédents, puis tout d'un coup que l'autre institution au côté... Ça fait que, tu sais, le pouvoir de négociation, là, il n'existe pas au niveau local. Puis, nous autres, à la FTQ, on est des pragmatiques, on négocie là où est le pouvoir ? là où est le pouvoir ? autrement, ça ne vaut pas la peine, puis ça, autant dans le public que dans le privé.
Ça fait que je laisserais mes amis terminer sur toute la question de la flexibilité puis peut-être aussi vous rajouter quelques exemples sur toute la question des unités d'accréditation, qui sont larges chez nous puis qui vont être fragmentées.
Le Président (M. Copeman): Il vous reste trois minutes, M. Massé. Alors, je ne sais pas c'est qui qui va prendre la parole.
M. Forget (Raymond): Alors...
Le Président (M. Copeman): M. Forget.
Une voix: ...
Le Président (M. Copeman): On vous entend, inquiétez-vous pas.
M. Forget (Raymond): Vous allez bien m'entendre, j'ai une bonne voix, qui porte. Alors, la mobilité. L'impact que ça aurait sur les travailleurs et travailleuses du réseau de la santé impliquerait une mobilité qui serait d'une conséquence ? je choisis mon mot, là ? dramatique pour certains travailleurs ou certaines travailleuses. Je vous inviterais à regarder à la page 6 de notre mémoire, on donne des exemples très concrets. Il faut repartir du projet de loi n° 25, qui nous amène à créer ce nouveau réseau intégré, avec ce projet de loi n° 30 qui va créer, du centre hospitalier, du centre d'hébergement au CLSC, des impacts très négatifs que vivront les travailleurs et travailleuses, particulièrement en ce qui a trait à la disponibilité.
Rappelons-nous qu'on nous prépare un projet de fusionner les unités d'accréditation. Ça impliquerait des changements de disponibilité d'un établissement à un autre pour les travailleurs et travailleuses. Dans une région urbaine comme Montréal, il y a peut-être moins de conséquences parce qu'il y a une proximité d'un établissement à un autre. Si vous regardez les exemples que nous vous citons dans notre mémoire, exemples en Maurice et en Centre-du-Québec, de la région de La Tuque à Victoriaville, on peut penser qu'il y a 200 km d'un établissement à un autre.
Imaginez-vous les gens, une famille qui décide de s'établir dans une localité parce qu'elle est à proximité de son emploi. Demain matin, on va lui demander de donner une disponibilité de l'établissement a à l'établissement b. De un, ça déracine les travailleurs et travailleuses de leur milieu de vie, de leur milieu de travail; il n'y a pas de sentiment d'appartenance qui va se développer dans l'approche du travail; on va leur demander, en plus, des déboursés supplémentaires pour répondre aux nouvelles exigences de mobilité. Alors, pour eux présentement, là, c'est l'insécurité. C'est la conséquence des actions de ces gens-là qui nous amène à dire: Qu'est-ce que je vais faire, dans le milieu de la santé, avec de nouvelles exigences de mobilité?
Alors, pour pallier à la pénurie, la pénurie de main-d'oeuvre, le gouvernement, dans ses solutions, va justement trouver une solution pour éloigner la main-d'oeuvre... de se rapprocher ou de s'intéresser au milieu de la santé. Alors, c'est une conséquence grave sur les travailleurs et travailleuses, c'est une grande inquiétude qui est portée par rapport à ces projets de loi là, et c'est une conséquence que le gouvernement devra assumer, comme employeur, dans les prochains mois, si ce projet de loi est adopté.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Forget. Malheureusement, ça met fin au temps alloué pour la présentation. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.
M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Massé et vos collègues, merci de votre présence. Je dois dire, M. Massé, que j'apprécie, moi, votre ton franc et direct. J'aime ça. Avec vous, on sait toujours clairement, et fortement en plus, ce que vous pensez, puis c'est la façon dont j'aime communiquer également.
Quelques remarques que j'ai à faire avant qu'on passe aux échanges, là. Pour la question des établissements de moins de cinq unités, évidemment, dans la FTQ, vous avez plusieurs de ces établissements également, et c'est une question sur laquelle on veut se pencher, puis je sais qu'on aura l'occasion d'en parler. Je repose la question que je posais à Mme Carbonneau un peu plus tôt ? je ne sais pas si vous étiez dans la salle... La crainte qu'on a à vouloir trop corriger ce problème-là ? qui représente, en passant, moins de 10 % des employés du réseau, il faut toujours le rappeler, là; 90 % et plus ont plus que le nombre d'unités d'accréditation proposé ? c'est de créer deux régimes distincts puis, en fait, de nuire aux droits acquis de ces gens-là qui pourraient passer d'un régime à l'autre en cours de carrière, par exemple, ou dans leur cheminement personnel.
Effectivement, vous avez souligné les difficultés du réseau de la santé associées à une certaine rigidité... Dont vous n'êtes pas les seuls responsables, en passant, le mouvement syndical. Il y a bien d'autres causes à ça que la syndicalisation ou l'action syndicale, dont le manque d'intégration des missions. Donc, des années de difficultés et de rigidité. Puis, en fait, un des verrous principaux du réseau, mais un des verrous, pas le seul verrou principal du réseau, c'est cette rigidité dans l'organisation du travail. Je pense qu'il y a beaucoup... Et ce n'est pas juste nous qui le disons, depuis Rochon, Clair, tout le monde a toujours, de façon répétitive, répété la même chose.
Et, finalement, on se trouve un peu dans la même situation qu'on se trouvait lorsqu'on discutait du projet de loi n° 25, où les gens nous disent: Bien, votre objectif est bon, mais il existe des mécanismes naturels pour que ça se corrige, faisons-leur confiance. Or, il s'avère qu'ils ne se sont pas corrigés avec les années, ces problèmes-là, qu'on reste au point avec finalement un lourd passif. Puis, le lourd passif, il n'est pas non plus de la faute des organisations syndicales. Quand on a regroupé les institutions hospitalières du réseau de la santé et des services sociaux, il aurait fallu, rétrospectivement, faire comme on l'a fait dans le réseau municipal, dans le réseau scolaire puis d'autres, puis s'occuper de ce problème-là en même temps, de sorte que maintenant on se retrouve avec un passif, là, puis, quelle que soit la façon dont on essayerait d'arranger les choses, les solutions que vous suggérez, par exemple, on restera toujours pris avec ce grand passif là en arrière de nous. Et, encore une fois, on se trouve devant un problème de rigidité puis de... quelque chose qui finit par nuire aux services à la population, et ça, j'en suis profondément convaincu.
Mais on ne refera pas l'histoire. L'erreur a été faite, ça aurait dû être fait lorsque les établissements ont été regroupés puis ça n'a pas été fait. On conserve ici ? je le répète, parce que je l'ai dit à vos prédécesseurs ? le droit d'association et la démocratie syndicale, en voulant finalement corriger cet historique malheureux de l'erreur qui a été faite lors des regroupements d'institutions, pour finalement ajuster la représentation ou le mode de représentation aux besoins des services. Et c'est finalement la même chose qu'on fait avec d'autres secteurs dans lesquels vous êtes très familiers et très présents, à la FTQ. Je prends, par exemple, le secteur municipal, il y a cinq grandes catégories d'emploi, où on a, en gros, adopté la même démarche; Hydro-Québec, il y a quatre catégories; la fonction publique, il y en a trois; l'éducation, il y en a quatre; la Société des alcools, il y en a trois. Alors, dans tous ces grands réseaux là, on a, je suppose, avec sagesse, surtout dans le réseau scolaire et municipal, lors des regroupements, prévu les problèmes puis on les a... on s'en est occupé au moment où il fallait s'en occuper.
Le problème qu'on a également, c'est le manque d'exemples. Si on nous présentait de nombreux exemples de regroupements volontaires d'accréditations dans le passé ou de résolution de problèmes dans le passé, ce serait encourageant d'aller dans une voie, là, je dirais, de spontanéité puis d'attente de résultats qui viendraient de façon autonome du réseau. Quand on regarde, par exemple, l'exemple du centre jeunesse de Montréal ? je ne dis pas que vous êtes en cause, là, je vous mentionne cet exemple-là sans savoir si c'est la CSN ou la FTQ ou un autre syndicat qui est là ? où, pour un problème de ce type-là, de regroupement d'accréditations, on en est à sept ans d'audiences, des frais de 300 000 $, 30 000 $ de libérations syndicales, des coûts de préparation, de temps des témoignages, 70 000 $; puis ce n'est toujours pas réglé. On a ce genre de problème là, puis, malheureusement, force est de constater qu'on n'a pas, je dirais, d'évidence pratique et concrète dans le réseau, là, d'un mouvement, là, de correction spontanée ou volontaire ou autonome des problèmes.
Vous avez également touché l'autre problème, qui est le nombre de conventions collectives. Je pense bien que le fait d'avoir voulu souligner qu'on augmentait le nombre de conventions collectives, ce n'est pas ce que vous vouliez dire, parce qu'il est évident qu'il n'y a qu'une seule convention collective par unité d'accréditation, qu'elle a un volet national, un volet sectoriel puis un volet local, mais c'est une convention collective. Alors, il n'existera pas des différentes conventions collectives. Il existe une partie de la convention qui se négocie au niveau local, et ça, c'est bien différent.
Pour ce qui est de la négociation locale ? vous y avez également fait allusion ? là on est en désaccord avec ce que vous exprimez. Nous, on croit, au contraire, que de mettre en place un mécanisme de médiation et arbitrage clair à la demande d'une des deux parties va amener un climat de négociation et de résolution de problèmes plutôt qu'un climat de génération de conflits. Et c'est en soi... En ça, on est très confiants dans la dynamique puis le talent des gens locaux de s'entendre sur la plupart des problèmes, dont la question de la mobilité. Votre collègue tantôt parlait de la question de 200 km. Bien, il faudrait quand même rester, je crois, là, dans un domaine de réalisme puis, encore une fois, de confiance aux acteurs locaux. La clause du 50 km, elle continue de s'appliquer pareil, là, elle est encore là. Puis, quand même, les gens localement ne sont pas assez fous pour faire des choses comme ça ? moi, je leur fais confiance. Puis, le médiateur-arbitre, si, par hasard, il y en a un qui faisait une telle déviation à la logique, il serait le premier ou elle serait la première à corriger ça, et ça, je pense que c'est important de le rappeler.
n(17 h 30)n On a également... Ce n'est pas vous qui l'avez mentionné, mais ? je ne sais pas si pour vous c'est un problème ? vos prédécesseurs de la CSN l'ont mentionné: on a émis un désaccord quant au fait qu'un des critères que le médiateur-arbitre devait utiliser dans la décision finale était la question des coûts et des services, et notamment des coûts. Je soumets à votre attention que ce n'est pas la première fois que ça se produit dans le cadre de la législation québécoise. Il y a deux exemples, d'ailleurs adoptés par le gouvernement précédent, où, dans un arbitrage, on a inclus, où on a appliqué la question de la limitation des coûts: d'abord la loi n° 414, en 1998, où on disait qu'il fallait en fait réduire les coûts de main-d'oeuvre de 6 %, et la loi n° 170, de , où on disait qu'il ne fallait pas augmenter les coûts. Donc, ce repère de coûts, là, de services, il n'est pas unique à ce qu'on propose actuellement, il fait en fait partie de l'histoire législative du Québec. Et il s'agit, encore une fois, d'adapter ce qui est fait localement aux besoins réels des gens.
Maintenant, ce que je voudrais peut-être discuter avec vous plus directement, c'est la question des classes d'emploi. Parce que je pense que, ça, c'est un point où on peut avoir, puis je l'ai dit aux autres centrales également, des conversations fructueuses, qui pourraient, je l'espère, amenuiser les irritants qu'il peut y avoir.
Voici. Vous connaissez les cinq classes d'emploi qu'on a suggérées; est-ce que vous avez réfléchi à des formules alternes, à des regroupements différents? Je comprends que, vous, vous ne voudriez pas qu'on fixe nous-mêmes les classes d'emploi, mais mettons-nous dans la situation où hypothétiquement le projet de loi serait adopté: quelle serait la façon la plus naturelle et la plus efficace, selon vous, de dessiner ces catégories d'emploi? On va commencer avec ça, parce qu'il y a peut-être d'autres sujets qu'on couvrira par la suite.
M. Massé (Henri): Là-dessus, M. le ministre, là, je vais peut-être me faire haïr un peu, mais, moi, je trouve que vous y allez beaucoup à coup de demi-vérités. Je ne sais pas si c'est sciemment ou si vous êtes mal informé par votre ministère, je ne le sais pas. J'ai dit tantôt qu'on a joué sur les chiffres, là, puis on passé le temps, dans l'opinion publique, à jouer sur les chiffres puis à faire accroire qu'il y a 30 syndicats qui les représentent, là, puis c'est le bordel total, là. Ça, c'est la première affaire qui nous tanne.
Vous venez de dire: Les autres secteurs, municipal puis commissions scolaires, ils ont dessiné des catégories de même puis ça a passé. C'est complètement faux, complètement faux. Dans les commissions scolaires, on a suivi la volonté historique des membres. Quand il y avait un seul syndicat d'employés de métiers puis de bureau ensemble puis deux commissions scolaires fusionnées ensemble, on les a fusionnés. Si, l'autre côté, c'étaient des commissions scolaires où c'étaient des employés de bureau puis des employés de métiers, puis c'était complètement différent, on les a fusionnés comme ils étaient auparavant. Puis, les enseignants ont toujours eu leur unité à part.
Dans les villes, c'était la même maudite affaire. Les unités qu'on a suivies, c'est les unités naturelles qu'il y avait. On a des villes qui ont fusionné où les employés cols bleus étaient avec les employés cols blancs puis les professionnels; bien, ils les ont fusionnés ensemble. Il y a des villes où les cols bleus étaient tout seuls; ils les ont fusionnés, les cols bleus tout seuls, puis ils ont fusionné les cols blancs tout seuls.
Ça fait que venez pas nous charrier des affaires de même, c'est complètement faux, complètement faux, on n'a pas redessiné la carte de la volonté syndicale dans ces secteurs-là, ce n'est pas vrai. Un exercice complètement contraire puis inverse de ce que vous êtes en train de faire. Ça fait qu'avant de vous répondre, là, sur quelle catégorie on pense, puis tout ça, il faut se mettre les affaires claires là-dessus.
Là vous m'arrivez: médiation-arbitrage... Vous m'arrivez avec médiation-arbitrage, vous dites: On a ce mécanisme-là ailleurs aussi. Il l'a eu dans le secteur municipal, c'est vrai, mais pour le moment de la fusion seulement. Pour le moment de la fusion seulement. Parce que les villes disaient: Bien, ça va augmenter les prix, puis tout ça, puis, bon, les politiciens ont voulu dire ? puis, dans le temps, c'était le gouvernement du PQ qui était là ? ont voulu dire: Les coûts n'augmenteront pas. Puis on ne l'aimait pas. Ils nous ont flanqué ça pareil, mais, au moins, c'était juste pour le moment de la fusion, ce n'est pas un régime qui est devenu permanent. Et là vous êtes en train de nous mettre ça de façon permanente, puis un régime vraiment où on n'aura pas le droit de négocier.
Sur les catégories, moi... ce qu'on vous dit: Nous autres, on ne marchera pas sur des catégories. Ce qu'on est prêts à discuter avec vous, ce qu'on est prêts à discuter avec vous: il y a des unités générales qui sont assez larges, est-ce qu'on peut les élargir encore un petit peu? Dans ceux, là, qui sont vraiment fragmentées au bout, là ? puis, là-dedans, il y en a qui sont sorties de nos unités avec le temps, probablement qu'ils ne veulent pas rerentrer ? il y a peut-être des façons de trouver des solutions. Mais, encore une fois, je pense qu'il faut que ça passe par la Commission des relations de travail, quitte à ce qu'il y ait...
Encore une fois, là, moi, je dis que la Commission des relations de travail pourrait se faire mettre quelques «guidelines». Vous avez dit tantôt: Ça ne s'est pas fait de façon... Vous avez, je pense, pris... l'exemple que je vous avais donné, là, qui était... ça fait cinq ans, là. Bon, ça, c'est un cas qui est très rare au Québec, puis ça, je vais vous l'admettre, qu'il est compliqué, celui-là. Puis vous allez en avoir d'autres de même, parce que là il y a tout, il y a la CSN, puis il y a la FTQ là-dedans, puis, bon, il y a de la rivalité. Ce n'est pas facile, là, dans le vrai monde, là, quand on arrive à ces fusions-là, là. Mais je pense c'est une Commission des relations de travail, quitte à...
On serait prêts à accepter, nous autres, peut-être des «guidelines», des «tracks», là, puis dire: Là, il faut que ça aille plus vite. Mais ça prend quelqu'un. Vous n'avez pas le droit de faire ça dans le fond de votre bureau avec vos fonctionnaires. C'est vous autres, les employeurs, là, vous n'avez pas le droit de faire ça. La volonté réelle, il va falloir aller la tester avec le monde, là, puis comment on peut organiser ça, là.
Ça fait que, encore une fois, nous autres, on n'est pas fermés. On ne dit pas que tout est parfait, qu'on est dans un monde parfait, on ne dit pas qu'il n'y a rien à faire. Mais, autant sur le nombre d'accréditations que sur le régional, on ne veut pas de mur-à-mur. On veut des affaires qui pourraient marcher assez vite puis des affaires où vous ne flanquerez pas... Vous êtes en train de compliquer la patente, au Québec, là, tu sais, là. Peut-être c'est le fun pour le gouvernement à court terme, mais ce ne le sera pas nécessairement longtemps.
À l'heure actuelle, là, on le regarde, là, il y a des difficultés entre la CSN puis la FTQ, avec tous ces projets de loi là qui sont faits, puis on ne sait pas comment ça va marcher. Puis, on ne se fait même pas consulter entre centrales syndicales, comment on pourrait travailler un peu pour tourner les coins ronds. On nous impose ça. Ça va être beau tantôt, là. Puis, je pense, ce n'est pas de même qu'on va créer un bon climat dans les hôpitaux, je pense, ce n'est pas de même qu'on va créer des meilleurs services pour l'avenir.
Ça fait que, encore une fois, nous... Je ne veux pas vous répondre à votre question, je dis: Travaillons sur une autre piste, en étant conscients qu'il y a des problèmes puis qu'il faut les régler assez rapidement. Mais, encore une fois, pas obligé de faire ça mur à mur puis dans les quatre coins du Québec en même temps. Je pense qu'il y a des affaires qui pourraient être progressives puis un pas devant l'autre, là.
M. Couillard: Je vais revenir sur la question des parallèles avec les secteurs municipalités, etc., là, qui a suscité une forte réaction chez vous. La grande différence, M. Massé, entre ces secteurs-là puis le secteur de la santé ? puis, encore une fois, ce n'est pas de la faute du mouvement syndical ? c'est qu'on est pris avec le passif. La municipalité, le monde scolaire, ils ont réglé le problème ou ils se sont arrangés volontairement, tant mieux; mais le problème était réglé au moment où les regroupements se sont faits.
Là, on a quasiment 10 ans de passif derrière nous puis l'accumulation de ces unités d'accréditation, qui vraiment rendent la situation très difficile à gérer partout. Et le nombre est plus grand qu'on pense. Il y a des petits endroits, là, où je suis allé moi-même, là, où il y a des 17 puis des 18 unités d'accréditation pour un petit centre de santé, là, qui n'a quasiment pas d'employés.
Alors, c'est là la différence fondamentale, c'est que: Quelles que soient les différences qu'on voudrait apporter ou les conditions d'amélioration qu'on voudrait suggérer, expliquez-nous comment qu'on va régler le passif. Puis, le passif, c'est la situation actuelle. Donnez-nous une idée comment est-ce qu'on réglerait ça, là, toutes ces situations qui, tout le monde le constate, ne sont pas vraiment, là, acceptables.
On dit... j'entends souffler de l'autre côté: la Commission des relations de travail. Est-ce que vous pensez que, le passé étant garant de l'avenir, on a une voie de solution possible de ce côté-là? M. le Président?
Le Président (M. Copeman): On attend la réponse, M. le ministre. Inquiétez-vous pas, ça va venir.
Mme Richard (Lucie): Deux éléments que j'aimerais rajouter, M. le Président, quant à peut-être une amorce de solution. Il semble qu'il pourrait peut-être être examiné la possibilité d'avoir une accréditation par site dans les établissements fusionnés ? une accréditation par site ? ce qui ne vient pas à l'encontre du découpage des unités. Mais il n'en demeure pas moins que, là où... des fusions ou du découpage dans les unités d'accréditation amèneraient du transfert de certains groupes de salariés. Si on y va sur la base d'une accréditation par site, on va même assouplir le processus parce qu'on va diminuer le nombre de votes appréhendés ou anticipés dans ce genre d'établissement là. Alors, ça peut être une piste intéressante. Moi, je pense qu'on peut l'examiner.
Et j'aimerais revenir sur un autre élément, qui est l'élément de la mobilité. Bien sûr, on peut brandir les exemples de 150 km ou 200 km de distance entre différents sites dans les nouveaux établissements qui seraient fusionnés, mais je pense que le problème de la mobilité, il faut le regarder sous différents angles. Et il y a un autre angle de la mobilité, et je pourrais vous citer d'autres exemples, hein, que je vous ai déjà cités... qui est celui du CHUQ, à Québec, parce que je pense que ça l'illustre bien, où on n'a pas le problème de kilométrage comme tel, mais, compte tenu de l'ampleur des établissements et du nombre de salariés qui y travaillent, la mobilité du personnel, quand vient le temps de gérer les listes de rappel, va accroître ce problème-là pour les différents établissements.
Un autre élément ou, en tout cas, conséquence négative à la mobilité du personnel interétablissements, ce sera la connaissance des salariés du milieu et leurs compétences inhérentes à ça. Lorsqu'on demandera à des salariés de la liste de rappel de se promener d'un site à l'autre dans de gros établissements et de s'adapter à une nouvelle réalité, à de nouveaux étages, une nouvelle division de ces établissements-là, il va y avoir un problème supplémentaire là-dessus. Alors, moi, je pense qu'il faut le considérer.
Sur le découpage, il y a un autre élément qui est intéressant. Henri l'a souligné tout à l'heure, mais je pense qu'au niveau des CHSLD il faut y apporter une attention particulière. Quand on parle des CHSLD, on parle de milieux de vie pour nos vieux pères puis nos vieilles mères, et puis ces gens-là, ils doivent être capables de se retrouver comme chez eux, là-dedans. Si, demain matin, les gens qui y oeuvrent sont divisés de par leur organisation du travail naturelle, de par leur organisation syndicale naturelle, on va venir là briser un climat qui est important. Et la majorité des organisations syndicales présentes en CHSLD sont des accréditations uniques aujourd'hui. Je pense qu'on doit avoir une attention particulière pour ça.
n(17 h 40)nLe Président (M. Copeman): Merci, madame...
M. Massé (Henri): Et, moi, je surveille ça de près, parce que je vais peut-être entrer là-dedans dans pas grand temps, moi. Ça fait que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Copeman): Merci. Ça met fin à l'échange...
Mme Richard (Lucie): ...
Le Président (M. Copeman): Ça met fin à l'échange, ici, à ma droite. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, souhaiter la bienvenue à M. Massé et aux personnes qui l'accompagnent, M. Forget, M. Boyer, Mme Richard et M. Girard.
Ce n'est pas le moindre paradoxe de ce projet de loi de prétendre regrouper pour diminuer les unités d'accréditation syndicales puis d'avoir comme effet pervers, dans plusieurs établissements, de les augmenter. Moi, les chiffres qu'on me donne, c'est 164 établissements où il y en avait cinq et moins et où finalement on va se retrouver à augmenter le nombre d'unités d'accréditation syndicale. Alors là il y a comme, disons... il y a comme un problème assez important, c'est de prétendre faire une chose puis de faire son contraire. Premier problème.
Deuxième problème, c'est d'avoir des chiffres qui sont toujours un peu... qui escamotent la réalité. Par exemple, ça fait plusieurs fois... j'ai demandé, ce matin, de les déposer, il n'a pas voulu, mais qu'il nous dit qu'il y a 10 % seulement de l'ensemble, là, des 250 000... C'est bien ça, là, que je dois comprendre? Le 10 %, c'est combien de gens?
M. Couillard: C'est 10... Est-ce que je peux parler, M. le Président?
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le ministre.
M. Couillard: Si mes souvenirs sont exacts, 10 %... en fait, moins de 10 %, neuf virgule quelque chose pour cent, 225 000 personnes, ou quelque chose comme ça... de 225 000 personnes.
Mme Harel: Donc, ça fait à peine 20 000 personnes qui seraient supposément dans des établissements où il y a plus de cinq unités?
M. Couillard: C'est le contraire. Moins de...
Mme Harel: Où il y a moins que cinq unités.
M. Couillard: Oui. Oui. Merci.
Mme Harel: Vous voyez? Donc, ce n'est pas grave, c'est, bon, 22 000 personnes. C'est impossible. C'est parce que les syndicats généraux... C'est ça qui serait intéressant: Combien y a-t-il au total d'employés du réseau de la santé et des services sociaux qui sont dans des syndicats généraux? Vous, vous les appelez syndicats industriels, mais, pour les fins du secteur public, moi, je les appelle «dans des unités générales». Combien est-ce qu'il y en a? C'est ça qui compte. Pourquoi est-ce qu'on va fractionner des syndicats généraux? Pourquoi est-ce que, à ceux qui sont déjà regroupés, on va faire l'injure de les séparer? C'est une question de bon sens. De bon sens. Ça, c'est la première.
L'autre question, je pense qu'elle va de soi aussi, c'est: S'il y a à regrouper, alors pourquoi ne regroupe-t-on pas justement sur... une unité d'accréditation sur la base... en visant un groupe de salariés dans un établissement? S'il y a quatre syndicats d'infirmières au CHUM, bien, je pense que ce serait raisonnable qu'il y en ait un. Et, s'il y a neuf syndicats de techniciennes en radiologie au CHUQ, ce serait peut-être préférable qu'il y en ait un. Mais, ça, à ce moment-là, on en discutera quand il viendra au... puis on le dira clairement. On cherche des solutions. Pourquoi créer les problèmes? Moi, c'est la question que je me pose depuis le début.
Lorsque, au niveau municipal... J'étais très contente de vous entendre, parce que le ministre, vous ne savez pas combien de fois, a plaidé que dans le milieu scolaire puis dans le milieu municipal ils avaient fait pareil. C'est le contraire qui a été fait.
Alors, certainement qu'il faut revoir ce projet de loi parce qu'il va tellement bouleverser le réseau de la santé et des services sociaux, on ne peut même pas imaginer, tout ça, jusqu'où ça peut nous amener. Et je ne peux pas comprendre que le ministre ne convienne pas lui-même de la nécessité de faire les choses autrement, avec la démonstration qui est faite aujourd'hui.
Alors, j'aimerais ça, vous entendre à nouveau sur cette question de regroupements possibles mais qui visent des groupes de salariés.
M. Massé (Henri): Je vais laisser Raymond répondre. Mais juste pour revenir au chiffre du 20 000. C'est un chiffre qui me surprend, quand vous dites: Il y en a 20 000 que c'est cinq unités et...
Une voix: Moins.
M. Massé (Henri): Moins de cinq unités? Bon. Il me surprend. Il me surprend, puis peut-être pas tellement. Regardez bien, je vais vous donner un exemple.
Moi, j'ai donné le service longtemps comme permanent syndical dans les centres d'accueil, puis je viens de la région de l'Abitibi. On avait organisé un centre d'accueil en 1969, tout le monde était dans l'unité. Et là, quand les commissaires ont laissé sortir le monde puis ça s'est... Bon, le centre d'accueil de Rouyn, je ne sais pas comment il s'appelle à cette heure, mais la physiothérapeute avait décidé... avait reçu une lettre, elle, pour se former un syndicat provincial, elle a sauté dedans; l'inhalothérapeute, il y en avait une, elle a sauté dedans; ensuite, il y avait une diététiste, elle a sauté dedans; puis un archiviste médical. Ça, c'étaient quatre personnes, puis là, l'autre unité, c'est tout nous autres qui l'avaient. Effectivement, il y avait peut-être cinq, six unités, mais, dans les quatre autres, ou cinq autres, ou six autres unités, c'est une personne ou deux personnes. Les seules grosses unités que vous allez retrouver dans ces milieux-là habituellement: les infirmières, qui sont souvent à part; là, elles sont plus représentatives. Mais, dans les autres, là, c'est une, une, une et demie, deux, une et quart.
Ça fait que ça paraît bien, vos chiffres, mais c'est ça, M. le ministre, il faut faire attention aux chiffres. Faites attention à votre ministère. Prenez le temps de regarder vos dossiers comme il faut. Ça fait assez longtemps qu'ils les tripotent pour avoir ça de même, moi, j'ai l'impression qu'ils vous présentent des affaires qui ne représentent pas vraiment la réalité, qui ne représentent pas vraiment la réalité.
Mme Harel: Et, si on voulait ne pas jouer à la cachette, du côté du ministère, on nous les donnerait, les chiffres, hein, on les donnerait pour que le débat public soit complet. On nous dirait combien il y a de syndicats généraux et combien ça représente, ça, en pourcentage. En pourcentage, là, ce serait une autre paire de manches, là. Moi, j'aimerais aussi vous entendre sur les tables de négociation, parce qu'on dit... Le ministre disait tantôt à certains de mes collègues: Il y a 3 000 tables de négociation. Je voudrais vous entendre là-dessus, et puis aussi sur le rôle du médiateur-arbitre. De ce côté-ci, on a l'impression que ça ne va pas être des conventions locales, mais des décrets locaux. Ça fait qu'on voudrait vous entendre là-dessus.
M. Forget (Raymond): Bon. Pour faire un complément à la question très mathématique sur le nombre d'établissements de santé, en tout cas, nous, on peut répondre pour les unités ou les établissements que nous représentons, à la FTQ, puis on a un calcul qui était assez facile: on fait compter le nombre de cotisations syndicales, par les affiliés, qui rentrent à la FTQ. C'est un calcul révélateur. Alors, la FTQ représente... On est présent dans plus de 328 établissements de santé au Québec et, de ces 328 établissements de santé au Québec, on est présents dans plus de 83 % ou 84 % de centres d'hébergement et de soins de longue durée de ces mêmes établissements.
Alors, notre calcul, en rapport des centres d'hébergement de soins de longue durée ? c'est le coeur même de notre mémoire, d'ailleurs ? qui se situent... plus de 80 % de ces établissements-là, on a un ou deux certificats d'unité d'accréditation, dans ce que nous représentons dans les membres. Et ça, ce n'est pas une fiction, là, ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est nos unités d'accréditation, nos certificats qu'on détient dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée.
Je ne vous dis pas, dans quelques-uns, qu'il n'y en a pas trois, là. On l'a dit tantôt en exemple, ça peut être un titre d'emploi de professionnel qu'on peut avoir à l'occasion, qu'on retrouve dans les centres d'hébergement de soins de longue durée. La plupart, je le répète, plus de 80 % de nos unités, c'est ton unité générale qui représente presque la totalité des titres d'emploi, et plus souvent qu'autrement c'est des infirmières qui ont leur unité plus spécifique, là, qui vont faire qu'il y a un deuxième certificat d'unité d'accréditation.
Mme Harel parlait sur la négociation de la convention collective, où on retrouverait... je ne me souviens pas du nombre, là, c'est un peu hallucinant d'entendre ces chiffres, là.
Mme Harel: Il y aurait actuellement 3 000 tables de négociation.
M. Forget (Raymond): Bon. Bien, je ne sais pas, je n'ai pas fait ce calcul savant de 3 000 tables de négociation présentement dans la fonction publique. À la FTQ, en tout cas, je ne sais pas, on représente plus de 55 000 travailleurs et travailleuses dans le secteur public; on n'a pas trois... En proportion de la représentativité des syndicats et des centrales syndicales, je n'ai pas calculé, là, au chiffre près, mais je pense qu'on a peut-être sept, huit tables d'unités de négociation. Alors, je pense qu'il y a de l'inflation verbale, là, qui vient ajouter, j'imagine, aux enjeux de ce mémoire-là ou de ces propositions-là pour alarmer la population en disant que c'est impossible de pouvoir gérer autant de négociations dans le secteur public. Je suis renversé d'entendre ce chiffre-là aujourd'hui, à cette...
n(17 h 50)nM. Massé (Henri): Et sur le... Vous aviez une question aussi sur la médiation. Bon, moi, je le répète, le médiateur-arbitre, où, on l'a vu, c'était temporaire pour le temps de la fusion: pas de régime permanent comme ça. Puis, je le répète, moi, là, un médiateur-arbitre qui ne pourra pas rendre une décision qui va coûter une cenne à l'État puis qui va devoir améliorer les services publics, si on trouve que, ça, c'est juste puis que c'est équitable, là... C'est un simulacre de négociation.
Nous, on le répète, là, puis on veut être bien clairs là-dessus, on est prêts à regarder pour décentraliser une partie des négociations, pas autant que le ministre le veut, là, mais on est prêts à le regarder, mais à une condition ? à une condition: c'est qu'on ait véritablement le pouvoir de négocier. Ce n'est pas vrai qu'on va juste aller placoter. Et on va négocier, nous autres, où le pouvoir est. Puis je vous le dis, là, vous passerez la loi que vous voudrez, on va aller négocier où est le pouvoir. On est pas des... Il faut aller frapper où est-ce que le monde prennent les décisions.
Et quand on dit que ces sujets-là... parce que je me suis fait dire ça à une couple de reprises: Bien, il n'y a pas d'argent là-dedans; bien, je regrette, là, quand on parle de l'ancienneté, quand on parle du rappel, quand on parle des horaires de travail, quand on parle des choix de vacances, puis tout ça, puis des périodes, il y a de l'argent là-dedans. Et il faut, à ce moment-là, si on veut véritablement négocier, que les institutions locales aient le pouvoir. Et, autrement, là, ce n'est pas de la négociation. Autrement, ce n'est pas de la négociation, qu'on n'essaie pas de se faire croire ça, ça n'en n'est pas.
Mme Harel: Le ministre invoque souvent, dans le cadre de la loi n° 25, qu'il n'y avait pas eu de volonté politique pour transformer, au cours des dernières années, le réseau de la santé par les regroupements, n'est-ce pas? Là, on constate, au contraire, que c'est un secteur, le réseau de la santé, qui a été finalement très, très concerné par ces regroupements. Dans les chiffres que j'ai, de 1990 à 2003, en 13 ans, le nombre d'établissements est passé de 1 900... c'est-à-dire de 900, plutôt... 920 à 468. Alors, ça, c'est quand même une transformation qui fut importante.
Pour en tenir compte, dans la loi qui a créé la Commission des relations de travail, il était prévu lors de sa mise en place, en septembre 2002, là ? ça fait un an et deux mois ? un nouvel article... en fait, là, modifier l'article 46 qui permettait en fait de régler la situation évoquée, même si ce n'est pas un «fast track». Est-ce qu'il y a là, du côté de la nouvelle Commission des relations de travail, du nouvel article 46, une piste à suivre qui puisse être utile dans cet objectif louable de regroupement des unités d'accréditation visant des groupes de salariés distincts?
M. Massé (Henri): Je pense que oui. On ne l'a pas vraiment essayé, cet article-là, là. Et effectivement c'est un assouplissement. Ça a été demandé, entre autres, par le ministère de la Santé; c'était un assouplissement pour être capable de procéder plus vite dans le cas de la santé. Puis je pense que ça vaut la peine d'essayer, parce qu'on serait peut-être surpris de voir ce qui va se passer.
Et puis, si on n'est pas sûr, bien, encore une fois, on le réitère, nous, là, on ne sera pas fermés à toute pièce législative qui pourrait faire en sorte que pour... temporairement, on... mais, encore une fois, en laissant une Commission des relations de travail jouer pleinement son rôle. S'il y a quelqu'un qui est compétent au Québec pour décider de ces questions-là, ce n'est pas l'employeur, ce n'est pas le ministère de la Santé, ce n'est pas nous autres. Moi, je pense que c'est à la Commission des relations de travail de voir d'abord la volonté des travailleurs, puis, ensuite, dans des nouvelles relations de travail puis dans un cadre de fusion, il faut que ça soit aussi un modus operandi qui est correct, et je pense qu'ils ont la compétence pour le faire.
Mme Harel: Vous réagiriez comment, par exemple, à un objectif qui serait, par exemple, de confier à la nouvelle Commission des relations de travail un processus rapide sur la base, là, de résoudre la problématique de la coexistence au sein d'un établissement de plus qu'une unité de négociation qui vise un même groupe de salariés?
M. Massé (Henri): Bonne ouverture.
Mme Harel: Bonne ouverture?
M. Massé (Henri): Bonne ouverture.
Mme Harel: Merci. Bon, il nous reste deux minutes. Moi, à ce moment-là, je vous demande: Est-ce que... L'objectif recherché en cours de négociation, de transformer les règles du jeu, là, donc à la fois l'employeur... Parce que le projet de loi prévoit un arrêté en conseil pour dire qui commence en premier, quels sont les chanceux, n'est-ce pas, qui vont être les premiers, en janvier 2004, hein... C'est l'arrêté en conseil prévu dans la loi, là, où d'autorité, unilatéralement, assez de manière autocratique, on va savoir quels sont les établissements qui sont à l'abri, dans le fond, du projet de loi n° 25, n'est-ce pas? C'est ce qui est prévu comme mécanisme. Alors, il commencerait maintenant. Donc, avec des votes d'allégeance, etc. Quel impact ça a, ça, sur les négociations?
M. Massé (Henri): Bien, avec le modèle qu'on a devant nous, là, c'est le bordel total, là: on ne sait pas qui on représente, comment ça va être, la configuration, à la fin; on prend des unités, on les sépare. C'est un autre monde complètement, là, c'est une autre réalité complète. On est en train de révolutionner, là, tout le secteur de la santé au niveau des relations de travail. Ça fait que c'est invivable.
M. Forget (Raymond): Partout, peut-être, en terminant...
Le Président (M. Copeman): En terminant.
M. Forget (Raymond): Sur la conséquence de la négociation, c'est que nous avons devant nous une prolongation des conventions collectives; c'est une prolongation déguisée, simplement.
M. Massé (Henri): Bien, moi, je n'osais pas en parler, parce qu'on les encourage à le faire, à ce moment-là.
M. Forget (Raymond): Ils ont l'air à être bien partis pour le faire.
Le Président (M. Copeman): Chers collègues, il y a une demande de dépôt de document de la part du ministre. Avant de voir si je peux le déposer, il faudrait qu'on lui consente quelques secondes de temps, parce qu'il n'en reste plus rien. Alors, s'il y a consentement... Il y a consentement? Alors, M. le ministre, allez-y.
M. Couillard: Merci, M. le Président et aux collègues de la commission. Je vais déposer, en fait, un document qui a été remis à la FTQ et aux autres partenaires, là, dans les rencontres qu'ils ont eues avec les officiels du ministère, qui porte sur la répartition des unités de négociation dans les établissements de la santé et services sociaux. Il n'y a pas de notes personnelles dedans, je crois que c'est un document qui peut être déposé.
Document déposé
Le Président (M. Copeman): Alors, le document est déposé. Nous n'avons pas à ce moment-ci copies en nombre suffisant, mais on va s'assurer d'ici peu d'en avoir pour les membres de la commission.
M. Massé, M. Forget, M. Boyer, Mme Richard, M. Girard, merci beaucoup de votre participation. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 18 h 1)
Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, nous reprenons nos travaux et nous sommes heureux d'accueillir les représentants de l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux. M. Cloutier, vous serez le porte-parole principal. Alors, vous avez une durée maximale... un temps maximum de 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, il y aura un échange de 15 minutes de chaque côté de la table. Je vous demande de présenter la personne qui vous accompagne et de commencer immédiatement votre intervention.
Association des gestionnaires des établissements
de santé et de services sociaux (AGESSS)
M. Cloutier (Réal): Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais présenter M. François Jean, qui est vice-président à l'association provinciale et surtout et avant tout chef de service des ressources humaines à l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.
Alors, merci à la commission des affaires sociales pour l'opportunité que vous nous donnez de pouvoir nous exprimer dans le cadre de cette importante consultation particulière sur le projet de loi n° 30. Vous savez, après avoir entendu les syndicats, on est un petit peu essoufflés parce qu'on a entendu des choses importantes. Notre intervention, avant tout, devrait vous permettre de mieux connaître les gestionnaires de la première ligne opérationnelle. Souvent, on confond les administrateurs des établissements de santé et les gestionnaires. On s'est fait appeler «gestionnaires» il y a quatre ou cinq ans parce qu'on était tannés de se faire appeler «intermédiaires». Vous savez, avec l'évolution du réseau, on a réalisé que le mot «gestionnaire» convenait mieux au travail que les gens qu'on représente font exactement. Alors, nous, on représente 5 200 gestionnaires dans toutes les catégories d'établissements du réseau de la santé et des services sociaux et on est présents dans 317 établissements. C'est une participation volontaire, ce qui veut dire que les gestionnaires qui sont membres d'une association qui est accréditée par la Loi des syndicats professionnels n'ont pas d'obligation à participer; c'est vraiment une adhésion volontaire.
Plusieurs de nos membres ont été consultés dans le cadre de la présente loi, et nos commentaires d'aujourd'hui se veulent une expression tangible de ce qui se passe sur le terrain, et nous souhaitons ainsi faire connaître le travail de nos membres. Notre cheminement depuis le début de la réforme Côté, presque déjà ou au-delà de environ deux ans, notre inquiétude par la nouvelle vague de fusions qui donnera suite au projet de la loi n° 25 nous permet de vous confirmer que nos membres, tout en demeurant réalistes, ont manifesté un optimisme prudent devant le dépôt du projet de loi n° 30. En effet, pour eux, ce projet de loi donne l'espoir d'améliorer leur qualité de vie au travail en leur donnant les moyens de régulariser des situations quotidiennes non seulement difficiles et difficilement gérables et coûteuses en énergie et en dollars, mais souvent contraignantes et préjudiciables à l'amélioration de la qualité des services aux bénéficiaires.
Les unités de négociation: un minimum et un maximum. On ne peut pas se prononcer sur le nombre d'unités de négociation, mais il est évident que les fusions et regroupements d'établissements ont généré une situation où l'organisation du travail en première ligne opérationnelle relève presque de l'exploit. Si vous regardez à la page 4 du mémoire, vous allez réaliser qu'on a donné quelques petits exemples concrets. Lorsque vous vous retrouvez avec plusieurs accréditations non harmonisées de syndicats différents pour un même type d'emploi dans un établissement, c'est assez compliqué.
L'exemple qui est le plus frappant, c'est que vous avez des préposés aux bénéficiaires qui appartiennent à cinq unités d'accréditation différentes dans un CHSLD qui a cinq résidences, et, malheureusement, lorsqu'il y a un manque de personnel dans une résidence qui est accréditée avec un syndicat, je ne peux pas faire appel à la liste de rappel, parce que la liste de rappel de cette résidence-là est vide, et je ne peux pas faire rentrer quelqu'un de l'autre syndicat. C'en est un, exemple concret, qui va venir améliorer sûrement la qualité des soins.
Il faut donc que le projet n° 30 contribue à régler une fois pour toutes toute cette problématique qui perdure inutilement. Les commentaires qu'on a entendus depuis le début de la journée d'aujourd'hui nous portent à croire qu'il y aura des discussions qui vont suivre. Mais, à l'opposé, ce qu'on veut dire aussi, c'est qu'on a consulté des gens en CLSC, en petits centres spécialisés, qui sont, eux aussi, inquiets, très inquiets parce qu'on n'avait pas compris que l'établissement aurait l'obligation d'avoir un maximum... ou un minimum de cinq accréditations. Nous, on pensait que cet établissement-là pourrait demeurer avec ses deux accréditations. Exemple, là: on donnait l'exemple de Pinel tantôt, c'est le même exemple qu'on a eu de nos gestionnaires à Pinel. On donne l'exemple surtout de plusieurs CLSC présentement qui sont toujours autonomes, sauf qu'on est conscients que la loi n° 25, avec les réseaux locaux, va sûrement amener un regroupement un petit peu plus haut que le fameux de deux à cinq, là.
Nous croyons quand même que dans les petits établissements une mesure à l'échelle locale ou régionale pourrait être prise pour pallier à cette crainte. Je m'explique: Au niveau du régional, le régional, nous, ce qu'on dit, c'est que les agences, pour ne pas dire les régies, pour nous, on a toujours dit, depuis fort longtemps, que les régies devraient jouer un rôle de leader régional, d'employeur régional. Pourquoi leader régional? C'est que je pense qu'il y a des régions... et, moi, je fais le tour du Québec depuis déjà 10 ans comme président, je trouve ça important qu'on ait en région des experts. L'exemple que je vous donne: on a une collègue qui travaille dans la région du Bas-Saint-Laurent, qui est notre présidente de la région, elle est, elle, présentement engagée par la régie du Bas-Saint-Laurent, elle est l'experte au niveau de la sécurité et santé au travail. Elle conseille tous les établissements de la région, et donc, dans le cas des accréditations ou de l'aide que pourraient avoir besoin ? ce que j'ai entendu ce matin de Mme Harel ? les centres d'accueil privés conventionnés effectivement qui n'ont pas beaucoup d'argent et pas de bonnes équipes en gestion des ressources humaines, ces gens-là pourraient peut-être être aidés avec ce qu'on appelle, dans notre langage de ressources humaines, un «task force» pour s'occuper des ressources humaines. Je pense que c'est un élément majeur. On souhaite aussi que les établissements qui n'auraient pas à grimper à cinq accréditations soient un peu considérés dans une modification possible, mais on ne peut pas vous le dire, on n'est pas assez connaisseurs en la matière.
Nous approuvons aussi le choix de regrouper des unités de négociation par catégories d'emploi. À titre d'exemple, le projet de centrale ou de fédération de la FIIQ avec ses futurs partenaires serait très positif, si nous considérons l'organisation du travail d'équipe qui pourrait être jumelée à un plan de carrière relié à la reconnaissance des acquis. Selon moi, ce serait extraordinaire. Ce qui leur a été proposé: je suis dans l'équipe des infirmières, je prends des cours, je me qualifie, comme il a été fait d'ailleurs depuis quelques années, et, malheureusement, ces gens-là qui étaient qualifiés comme infirmières, on leur a dit: Bien, c'est malheureux, même si ça fait 22 ans que tu travailles dans le réseau, on te félicite pour ton nouveau diplôme, ta nouvelle qualification, mais tu ne seras pas dans la FIIQ parce que, effectivement, tu n'es pas dans la bonne accréditation, même si tu es maintenant qualifiée pour travailler. Aberration un petit peu inquiétante quand on pense qu'on manque surtout d'infirmières.
Nous déplorons aussi les niveaux de juridiction. Je suis content que la salle soit vide en arrière de moi. Vous comprenez aussi que les gestionnaires sont au travail, surtout les gestionnaires qui travaillent en soirée et de nuit doivent être au poste parce qu'il y a très peu de gestionnaires durant ces heures-là. C'est sûrement pour ça qu'on est seuls ce soir ici. Mais je tiens à dire que, nous, les deux niveaux de juridiction, on y tient. On y tient, pourquoi? Parce que, quand on va en région ? et je tiens à le dire personnellement ? quand on va en région, en dehors des grands centres, oui, il y a des ententes locales sur le remplacement, sur la dotation des postes, sur l'horaire de travail, sur les vacances, sur la mobilité du personnel, sur le développement de la main-d'oeuvre, oui. Peut-être que la liste de 26 est trop longue, mais je pense que, oui, c'est faisable et que ça devrait se faire, d'ailleurs, pour favoriser... parce que, même nous, on a eu la chance d'avoir des cadres qui ont été réintégrés, avec une entente locale, par les syndicats. Dans quelques cas, malheureusement, les niveaux nationaux ont demandé de surseoir à l'entente et de revenir à la case de départ. C'est un peu malheureux. Vous savez, en fin de carrière, peut-être que, rendue à un certain âge, une personne aime mieux être près des bénéficiaires que d'être encore la gérante de trois étages avec 60 personnes. Peut-être qu'elle pourrait finir sa carrière comme étant une excellente marraine pour une future intervenante. Alors, ça aussi, je pense que ce serait intéressant d'avoir de l'ouverture à ce niveau-là.
n(18 h 10)n Le défi, par contre, des syndicats locaux, selon nous... et nos personnes qu'on a consultées ont mis beaucoup l'accent là-dessus, ils nous ont tous dit: Tout dépend de l'exécutif local des syndicats. Pourquoi? Parce que je pense que les exécutifs locaux de syndicats auront besoin de démontrer leur capacité de se moderniser, moderniser leurs conventions locales et adapter une nouvelle réalité au réseau pour donner des meilleurs services aux bénéficiaires. Ça, je pense que c'est très important. On le voit, on le sent, mais je tiens à dire que c'est plutôt en région, en périphérie, qu'on voit ça. Si on va sur la Côte-Nord en particulier, si on va en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, je pense qu'il se fait des choses extraordinaires. Pourquoi? Parce que les gens veulent demeurer dans leur région, et je pense que cette ouverture-là à la négociation locale va permettre, au contraire, non pas de perdre nos travailleurs, mais de les encourager à demeurer.
Quand une personne doit s'enregistrer dans trois syndicats différents puis qu'il n'y a jamais d'ouvrage, bien, elle va appliquer ailleurs. Puis, si elle a une accréditation qui lui permet d'aller accumuler de l'ancienneté de réseau, de l'ancienneté d'établissement, ça va être extraordinaire, parce que rapidement elle va croire qu'elle a une place dans l'établissement et non pas toujours sur appel. Et, malheureusement, des fois, on l'appelle, ça s'adonne que souvent c'est le seul soir qu'elle n'attendait pas d'appel.
Pour compléter nos préoccupations ? parce qu'on en a, aussi, des préoccupations, on a fait une liste à la page 9 ? on en a deux importantes, deux très importantes, une qui nous concerne en particulier. En 1996, lorsqu'on a décidé, avec notre ministère, de récupérer sept, huit décrets pour en faire un seul afin de simplifier toute la question des relations de travail pour les cadres, on a intégré dans nos décrets, en 1996, les cadres, un article important qui permet la négociation locale. Je vous dirais: c'est un article extraordinaire. Où maintenant j'ai des appréhensions versus les négociations locales, c'est que, malheureusement, depuis 1996, après sept ans, il y a seulement 52 établissements au Québec sur 468 qui ont convenu avec leurs cadres de conditions locales. Et ce n'est rien de compliqué, je peux vous le dire, au niveau des conditions locales. On parle, là-dedans, de vacances, de reprise de temps en cas de conflit.
Le plus bel exemple: Qu'est-ce que vont faire les gestionnaires de la ligne opérationnelle le 11 décembre? Qu'est-ce qu'on va faire? On va être là: on va laver les toilettes, on va aller changer les bénéficiaires, on va s'occuper de l'accueil puis on va être présents, et, même, le mot d'ordre a été donné à tout le monde. J'en parlais justement avec François ce midi, j'ai dit: Regarde, cette journée-là, là, ne pensez pas à autre chose qu'à être au travail, puis, sûrement, être au travail, on parle d'un horaire d'à peu près 16 heures. Et ça, c'est un petit peu embêtant, dans ce sens-là.
Alors, nous autres, ce qu'on dit, bien, le message que je veux vous passer, c'est: Prenez soin de vos gestionnaires. Vous savez, on est 7 000, on est 5 % dans l'enveloppe de tous les travailleurs du réseau de la santé, et ce n'est pas une statistique que j'ai inventée, c'est une statistique du ministère. On est là, nous autres, on est 5 % seulement, on est 5 %; on a été réduits de 40 % depuis 1995. Alors, on a fait plaisir au syndicat en réduisant le nombre de cadres; on a, par contre, augmenté le nombre de non-syndiqués syndicables, qui nous viennent en appui. Et j'ai entendu ce matin de M. le ministre ? et je suis resté estomaqué, je n'avais pas compris ça, donc il va falloir que j'apprenne à lire ? qu'on va syndiquer les non-syndiqués syndicables. Ça, c'est inquiétant, parce que nos appuis ? nos assistantes, nos conseillères ? présentement ne sont pas syndiqués. Oui, il y en a des syndiqués, mais il y en a beaucoup qui ne sont pas syndiqués. Ça nous inquiète. Ça nous inquiète. J'ai dit à la blague, lors de la conférence téléphonique pré-projet de loi, à votre sous-ministre en titre: Alors, profitons-en, on va faire un ménage, on va avoir deux choses dans le réseau de la santé: des syndiqués puis des cadres. Parce que les syndiqués réclament des primes, les syndiqués réclament des avantages, mais jamais celui d'avoir la responsabilité d'être le patron; et ça, ce n'est pas facile pour eux autres. Ce n'est pas facile, parce que... en plus de ça, s'ils sont syndiqués, je vais vous dire qu'on va avoir des fichus de problèmes, dans le domaine surtout des soins infirmiers.
Parce que je peux bien croire que, une chef d'unité de soins, elle gère 70 personnes, mais elle a au moins trois assistantes. Alors... mes trois assistantes syndiquées ? et, moi, je rends hommage à la loyauté des syndiqués envers leur syndicat et leur convention collective ? je vais vous dire, honnêtement parlant, on va avoir des problèmes de moral de troupes. C'est important; c'est notre deuxième préoccupation majeure. Je sais que ? pour avoir parlé avec les gens du ministère ? on n'a pas l'intention de syndiquer tout ce beau monde là, mais on est inquiets. On espère aussi être mis à contribution pour pouvoir émettre nos opinions plus pointues.
Ce qu'il est important aussi de vous dire comme conclusion, c'est qu'on partage les objectifs de la réduction du surnombre. Je suis content d'avoir entendu aujourd'hui une possibilité de regarder, spécifiquement avec les syndicats la façon de faire les choses. Je suis d'accord aussi avec la notion que le mur-à-mur ne nous aidera pas, c'est sûr, parce que c'est différent. Au Québec, on a 18 régions, avec 18 mentalités différentes, 18 régions différentes au niveau de la mentalité des travailleurs, je pense qu'il faut prendre ça en considération.
Ce que j'ai dit aussi, c'est que, pour mettre en application la loi n° 30, il faudra travailler en collaboration avec notre association pour pouvoir donner la bonne information, bien informer et bien former les gestionnaires de la ligne opérationnelle. Pourquoi? Quand un syndiqué est inquiet... et les syndiqués nous posent la question à tour de bras: C'est-u vrai qu'on va être en sous-traitance dans les jobs d'administration? On dit: Non. Non, je ne l'ai pas lu; non, je ne l'ai pas vu. Mais comprenez-vous que, quand le gestionnaire de première ligne rassure le syndicat, il ne va pas au local syndical à l'heure du dîner pour aller voir ce qui se passe. Il peut être rassuré et peut-être même avoir de la désinformation. Parce que ça arrive aussi. Et c'est là qu'on a un climat qui est inquiétant.
Alors, moi, je vous dirais... Et, là-dessus, malheureusement, les associations d'établissements ne sont pas là. Mais, ce qu'elles ne comprennent pas, les associations d'établissements, elles ne travaillent pas en collaboration avec nous autres.
Le Président (M. Copeman): En conclusion, M. Cloutier, s'il vous plaît.
M. Cloutier (Réal): En conclusion, c'est nous qui représentons les gestionnaires ? qui sont extraordinaires ? de ce réseau-là. On en est très fiers, et souhaitons que cette loi-là vienne les aider à encore mieux gérer le réseau et donner de meilleurs soins à la population.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre visite et votre communication. Effectivement, vous avez raison de noter la diminution du nombre de cadres, qu'on voit par le taux d'encadrement qui diminue au fil des années dans le réseau. C'est une fausse perception de dire qu'il y a trop de gestionnaires puis trop de cadres dans le réseau. Il y en a de moins en moins. Je dis souvent qu'on va les chercher, dans quelques années, compte tenu de la moyenne d'âge puis du phénomène d'attrition.
Vous avez également à juste titre rappelé la préoccupation que tous les Québécois ont pour la journée du 11 décembre, pour ce qui est des soins aux patients. Je fais confiance, moi, aux organisations syndicales pour que les soins aux patients soient maintenus. J'ai personnellement, dans ma vie ante politique, déploré pour ma propre Fédération l'aspect inacceptable de mêler les revendications syndicales aux soins aux personnes malades et dépendantes, et je ne me gênerai pas pour le faire pour tous les autres, si je l'ai fait pour les médecins.
Le mur-à-mur, vous avez raison, ce n'est pas une bonne chose, puis c'est pour ça que la négociation locale, à mon avis, permet mieux de s'adapter ? on pourra y revenir tantôt ? aux circonstances locales de chaque endroit.
Je vais passer quelque temps... ou peu de temps parce que je veux également qu'on échange, sur la question des petits établissements de moins de cinq unités. Même si ça représente ? on l'a vu tantôt ? moins de 10 % des employés du réseau, on est quand même préoccupés par cette situation-là puis on essaie de réfléchir à des solutions, puis je pense bien que, quand on réfléchit bien, on finit par trouver des solutions. Mais on a quand même certaines analyses qu'il faut garder en tête. D'abord, dans les établissements publics qui ont moins de cinq, effectivement, compte tenu de l'orientation de la loi n° 25, il est possible que certains de ces établissements se trouvent regroupés dans des réseaux, de sorte que le problème en pratique ne se pose plus pour certains d'entre eux; d'autres, par contre, qui vont continuer à se poser: s'ils sont exclus pour des raisons de complexité, on le sait, dans la loi n° 25, il y a des dispositions qui permettent de minimiser la taille des regroupements pour certaines questions. Il y a la question des privés conventionnés. Vous avez mentionné l'établissement privé conventionné, où essentiellement ? on les entendra plus tard ? ça me semble être un problème de type administratif, où les gens sont inquiets de la charge que ça va représenter pour eux en termes de coûts de libération syndicale puis en termes de capacité et d'expertise pour faire face à cette complexification ? excusez pour le mot, là ? des relations de travail. Nous, on est prêts à travailler avec eux sur cette question-là.
Vous avez également fait allusion à ce qui se passe actuellement, puis, vous avez raison, il y a de la désinformation actuellement. Moi, j'ai rencontré quelqu'un hier qui est allé dans une réunion syndicale récemment, où on parlait du projet de loi n° 30, où les gens ont dit textuellement: Il y a la moitié de vous autres qui allez perdre vos jobs; puis, l'autre moitié, vous allez baisser 50 % de salaire. C'est ça qui se dit actuellement, là, sur le terrain, et ça, c'est non seulement inexact, c'est de la désinformation.
n(18 h 20)n Alors, vous avez raison de le souligner, puis il faudrait peut-être qu'on le rappelle aux établissements également, de s'assurer que l'établissement véhicule l'information qui est correcte, parce que je l'ai dit à plusieurs reprises: Nulle part dans ce projet de loi il est quelque question que ce soit de la sous-traitance, qui, on le sait ? encore, je le répète pour la quatrième fois ? est limitée par le bon jugement économique des gens, est limitée par les dispositions des conventions collectives surtout, est déjà bien encadrée dans ces conventions collectives là. Mais je regrette, personnellement, cette tendance à la désinformation à laquelle on assiste actuellement.
Vous avez, dans votre mémoire, énuméré quelques exemples pratiques, je pense, au début, à la page 4. On a manqué de temps dans votre présentation initiale. J'aimerais ça, si vous pouviez revenir sur les exemples pratiques, pour que les gens comprennent bien l'impact que ça a, pas juste pour votre travail de gestionnaires, mais pour les soins directs à la population. De quelle manière ça a un impact sur la population, cette situation actuelle qui, je le rappelle, n'est pas la responsabilité seule du mouvement syndical, hein? C'est une responsabilité commune, c'est une erreur historique qui a été faite, qui aurait dû être corrigée puis qui ne l'a pas été.
M. Cloutier (Réal): Là, je comprends bien que les exemples qui ont été donnés là, c'est les gens qu'on a rencontrés ou des... parce qu'on a fait un appel à tous depuis une semaine ? remarquez que c'était très court, là ? pour leur demander quel impact aura la loi n° 30 sur votre travail de tous les jours. Les exemples sont là. Le plus bel exemple, c'est les gens de la Beauce, qui nous disent: On est obligés de déménager parce qu'on fait des réparations, et, le lendemain, il y a au-delà de 30 griefs parce qu'on a eu le malheur de demander à des gens de faire des choses qui n'étaient pas nécessairement encadrées et dessinées dans leur description de tâches. C'est un peu ridicule, là.
L'autre exemple, entre autres, qui est à la page 4, c'est celle où la chef des services alimentaires du CHUQ de Québec nous dit: Bien, moi, compte tenu que j'ai trois pavillons, trois sites, le CHUL, l'Hôtel-Dieu et Saint-François-d'Assise, même si dans une cafétéria je manque de monde, je ne suis pas capable d'envoyer du monde à mon autre site, parce que ce n'est pas le même syndicat. L'autre qui nous dit qu'il a fait un programme de formation, a une nouvelle liste de rappel; donc, la personne a eu cinq jours de formation pour les cinq résidences, qui utilisent la même méthode et le même programme de réadaptation, et, après ça, cette personne-là est en attente de travailler, et, quand ça prend trop de temps avant qu'on la rappelle, elle demande d'avoir un autre cours de deux jours de rattrapage pour se souvenir du cours qu'elle a eu pour travailler.
Alors, c'est pour ça qu'on dit, là... Alors, comprenez-vous que, les gestionnaires de première ligne, on pourrait vous en sortir durant une heure et une autre, là, mais on en a nommé quelques-unes, là. Mais c'est embêtant. Aussi, il faut considérer ? et je tiens à le dire, hein ? il y a encore beaucoup, beaucoup de monde en CLSC qui vont très, très bien. On n'est pas intervenus sur la loi n° 25, là, mais les gens en CLSC, vraiment, sont un petit peu inquiets ? parce qu'il y a des bons CLSC, qui fonctionnent très bien ? eux sont inquiets avec l'arrivée, là, du groupe des cinq, que j'appelle, là. Ça, c'est l'autre partie qui...
M. Couillard: Je voudrais toucher un peu la négociation locale, qui est un des éléments très importants de ce projet-là. On nous a présenté toujours, tantôt, des scénarios un peu apocalyptiques, là, où la négociation n'aurait pas lieu réellement, il n'y aurait pas de résolution des problèmes, ce serait un cafouillis invraisemblable. Vous qui êtes sur le terrain, là, comment vous voyez ça?
M. Cloutier (Réal): Je pense que François, là, peut vous donner concrètement comment ça se passe, c'est qu'il est chef aux ressources humaines. Alors, ça peut être intéressant.
M. Jean (François): Alors, je suis à l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke. On a déjà vécu une première intégration avec le Centre hospitalier de Sherbrooke et l'Hôpital d'Youville, qui sont devenus l'Institut universitaire de gériatrie en 1996. On est en train de vivre une deuxième intégration, on est dedans actuellement, avec le CHSLD Estriade, et je vous dirais que la réalité de la négociation locale, on la vit depuis plusieurs années, notamment dans le contexte des intégrations passées et celle qui est présente, que je viens de préciser. Et cette réalité-là, dans la mesure où on a une équipe de gestion de ressources humaines qui est en mesure de faire le travail, on peut la réaliser.
La difficulté, par ailleurs, qui existe, c'est la dimension rattachée, là, à l'ensemble des positions qui sont prises. Lorsque, par exemple, on s'est retrouvé, pour vous donner un exemple, avec deux syndicats d'employés généraux, le SCFP-FTQ et la FSSS-CSN, lors de l'intégration entre le Centre hospitalier de Sherbrooke et l'Hôpital d'Youville, on a dû être requérant devant le Commissaire général du travail et utiliser les articles 39 et 46 de façon à faire trancher le litige, mais ça nous a pris en moyenne trois ans pour arriver au résultat. Et ça, ça a été une réalité qu'on a vécue pour deux accréditations d'employés généraux.
Je peux vous parler de la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec. On avait... Parce que le Centre hospitalier de Sherbrooke changeait de mission, donc la convention collective qui les régissait était une convention collective courte durée, alors que la convention collective qu'on avait, toujours à l'intérieur de la Fédération des infirmiers et infirmières, était une convention collective longue durée, et on avait des modalités, pour la continuité des soins aux bénéficiaires, qui faisaient en sorte qu'on ne fractionnait pas les remplacements lorsqu'ils étaient octroyés, pour assurer la continuité des soins. Par ailleurs, la convention collective courte durée, elle, faisait en sorte qu'on devait fractionner les remplacements en question. Donc, on ne pouvait maintenir la continuité des soins en regard des dispositions de sept conventions particulières pour ce pavillon-là. Alors, on a dû à nouveau se présenter devant le Commissaire et à nouveau être requérant pour faire comprendre... et on a eu aussi le support du comité des bénéficiaires qui a fait état de la situation qu'eux vivaient. Ça avait des conséquences à plusieurs égards sur la prestation de soins et de services aux bénéficiaires. Ça, c'est un exemple patent d'une réalité que, nous, on vit. Et, comme gestionnaires de ressources humaines, on se doit de supporter les infirmières-chefs d'unités, les autres cadres dans l'établissement, de manière à pouvoir assurer l'amélioration et la continuité des soins.
Alors, ça, c'est un exemple en soi, mais ça a posé des difficultés. Et je dirais qu'une façon de régler la question qui a été évoquée par les centrales syndicales, sur toute la difficulté rattachée à la négociation locale dans le cadre qui est évoqué, ce serait, à mon avis, d'avoir ce qu'on a mentionné tout à l'heure, une certaine forme d'expertise qui est disponible pour pouvoir travailler soit régionalement ou localement avec cette expertise-là pour arriver à des ententes qui vont être le reflet des préoccupations et de la réalité des parties sur le terrain, dans les régions.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: M. Cloutier, M. Jean ou Gagnon?
M. Jean (François): C'est Jean.
Mme L'Écuyer: O.K. M. Jean. Ça me fait plaisir de pouvoir vous parler un peu. Je connais bien votre univers, je viens d'un centre de santé et j'étais... je pense que dans nos centres on ne peut pas se passer de cadres intermédiaires. Vous êtes les pivots, dans le fond, des services et vous êtes ceux aussi qui supportez l'ensemble des intervenants. Puis je suis bien consciente et des compressions qu'il y a eu au niveau de l'ensemble des cadres intermédiaires et aussi du travail que vous accomplissez.
À votre page 4, vous avez un exemple patent de ce que vivent les cadres intermédiaires: sept conventions collectives qu'à tous les matins vous êtes appelés à composer avec. J'aime aussi quand vous dites le huit pouces d'épaisseur, parce que je me souviens de les avoir... de voir ces conventions-là collectives se promener.
J'aimerais ça, M. Cloutier, que vous nous expliquiez l'impact de ces nombreuses conventions collectives que vous aviez à gérer sur le support aux intervenants et en même temps sur les services que vous aviez à rendre à ces intervenants-là qui donnent des services directs aux clients.
M. Cloutier (Réal): Ce qui est important... Surtout, avant ça, vous savez, les gestionnaires, parce qu'on était plus nombreux, avaient une équipe de travail avec une convention. Donc, avec cette convention-là, ils devenaient très habiles. Mais, maintenant, les gestionnaires, au lieu d'avoir une convention de huit pouces d'épais, en ont peut-être trois ou quatre. Et, aussitôt qu'ils sortent des exigences de la convention, c'est automatiquement un grief. Alors, même, à l'occasion, ces gens-là vont perdre du personnel qui vont courir rapidement au service des ressources humaines pour faire un grief, parce qu'il a fait une erreur: de ne pas demander à la bonne personne qui n'était pas nécessairement dans le bon syndicat. Alors, il faudrait presque leur mettre des couleurs différentes pour les distinguer. Alors, c'est un peu embêtant. Ça nuit vraiment à la question du climat de travail. Et, moi, je pense que le climat de travail est directement relié à la belle qualité, à la bonne qualité des services; il n'y a pas d'équivoque là-dessus.
M. Jean (François): Est-ce que je peux rajouter...
Le Président (M. Copeman): M. Jean, allez-y.
n(18 h 30)nM. Jean (François): Alors, on faisait référence aussi au nombre d'accréditations. Bien, chez nous, on avait plus de 20 accréditations, à l'intégration des deux établissements que je mentionnais tout à l'heure. Au fil des années, on a réussi à ramener ça à 13 accréditations. Là, on se retrouve à nouveau dans une nouvelle intégration qui est en cours, qui sera réalisée le 1er avril 2004, et à nouveau on va avoir la même dynamique avec deux syndicats d'employés généraux dans deux unités de négociation distinctes, rattachées à deux grandes centrales, et avec cinq pavillons à desservir. Alors, cette préoccupation-là, cette complexité-là va être encore au rendez-vous.
Et, comme le disait M. Cloutier aussi, tout à l'heure, on a parlé de l'attrition des effectifs d'encadrement. Alors, on a des chefs d'unités de soins qui sont... moi, j'appelle ça des gérants de PME, parce qu'ils ont des unités triples, à 90, 100 lits sur trois étages... Actuellement, ils sont encore sur les mêmes sites. On espère que ça va rester comme ça, mais on sait qu'au CHU il y avait des réalités qui étaient assez difficiles à gérer: quand tu es chef de service sur deux unités, sur deux sites, et il faut que tu gères tout ça. Alors, en quelque part, ce niveau de complexité là n'ajoute rien à la qualité des soins. Et, dans notre perspective et dans l'intérêt de pouvoir... Vous parliez de tout l'aspect de la rétention, du recrutement des cadres. Savez-vous que, au niveau de l'encadrement, il y a plus de cadres qui quittent le réseau que de cadres qui partent à la retraite? C'est assez étonnant. Et on est en attrition nette. Alors, qu'est-ce qu'on va faire si la première ligne opérationnelle n'est pas là pour encadrer, être là sur le terrain, répondre aux doléances puis assurer la prestation? Alors, ça, c'est une préoccupation qu'on a et qu'on devrait tous avoir pour la continuité des soins et des services sociaux au Québec au plan public.
Et je rajouterais un dernier élément d'information. On a parlé de la sous-traitance. Je peux vous informer que, en ce qui concerne l'intégration avec l'établissement qui s'appelle Les CHSLD Estriade, ils étaient en impartition pour la cuisine, les services alimentaires auprès des bénéficiaires. Alors, dans le contexte de la démarche qui était en cours, on a mis fin au contrat de sous-traitance pour la composante des repas qui sont donnés aux bénéficiaires. Alors, nous, actuellement, ce que, nous, on fait, on engage des gens comme aides en alimentation pour garnir la liste de rappel, qui était à zéro, compte tenu que c'était en impartition. Alors, on fait le contraire.
Le Président (M. Copeman): Il reste à peine quelques secondes, Mme la députée, je pense que, hein... Merci beaucoup.
Mme L'Écuyer: Ce que je peux faire, c'est vous remercier.
Le Président (M. Copeman): Très bien. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue, au nom de l'opposition officielle, à l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux, M. Cloutier et M. Jean. M. Jean, l'expérience que vous relatez, elle a eu lieu en quelle année, avec le Bureau du Commissaire général du travail?
M. Jean (François): Les deux... J'ai avec moi les deux décisions du Bureau du Commissaire général du travail. Dans le cas des infirmières, la décision est datée du 13 juillet 1999 et fait référence à une situation qui origine du 14 mars 1997.
Mme Harel: M. Jean, vous êtes gestionnaire dans les ressources humaines?
M. Jean (François): Oui.
Mme Harel: Bon. Vous avez certainement été informé de l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale qui crée une commission des relations de travail. Vous avez certainement été informé d'un nouvel article, 46, du Code du travail qui permet des remèdes plus appropriés aux situations que vous décrivez. Là, vous nous décrivez une situation avant l'adoption de la nouvelle loi et de la nouvelle clause qui facilite, finalement, le recours. Vous êtes au courant de tout ça ou pas?
M. Jean (François): Oui, tout à fait. D'ailleurs, c'est évoqué dans le texte de la décision qui est ici.
Mme Harel: Non. C'est-à-dire, vos décisions, elles datent de 1999; la loi a été adoptée en 2001.
M. Jean (François): Oui. J'ai une décision aussi de 2001, là.
Mme Harel: Oui, mais la loi est en vigueur depuis septembre 2002. Alors donc, vous nous citez des... Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça d'ailleurs que la loi est venue changer les choses. Parce que vous nous donnez des exemples qui révèlent justement la nécessité d'opérer différemment pour régler les situations que vous évoquez. Elles sont datées, ces décisions, de 1999, 2001. La loi est maintenant en opération depuis septembre 2002. Alors, ce qui m'intéresserait, moi, c'est de voir l'application de la nouvelle loi puis du nouvel article. Alors, on verra, parce qu'il n'y a pas encore un employeur qui a déposé une requête de regroupement. Alors, c'est sur le site de la Commission des relations de travail, là. On a vérifié pour l'année qui vient de s'écouler, il n'y avait que des requêtes de syndicats, mais pas de requête d'employeurs.
M. Cloutier (Réal): Mme Harel, pour compléter votre question, je vous dirais qu'il ne faut pas oublier les énergies qu'il faudrait qui soient consacrées à ça, les ressources autant humaines et financières. Et je vous dirais que je ne pense pas... et j'ai entendu ce matin l'Association des directeurs généraux dire que ce n'est pas dans les orientations. Si c'était dans les orientations, je suis convaincu que le coût serait faramineux, parce que, quand je vois des grandes feuilles 81/2 X 14 comme ça, ça, c'est des avocats qui font ça, et habituellement ce n'est pas à 4,75 $ de l'heure. Alors, j'aimerais ça, voir le coût, à la grandeur du réseau, que ça pourrait coûter.
Moi, je pense que là il faut donner un coup de barre et je pense que la loi n° 30, en tout cas, selon moi, va aider. Mais, oui, on pourrait prendre ça... D'ailleurs, depuis ce matin... On en a parlé après l'exposé, ce matin, des directeurs généraux, on a dit: Oui, mais on s'attaque à combien? Et combien ça coûte? Puis, qui va travailler là-dessus?
Mme Harel: Alors, les coûts, parlons-en. Nous aurons ce soir à entendre le mémoire de l'Association des établissements privés conventionnés et qui évalue, y disent-ils, une prévision conservatrice du fait d'avoir à s'adapter aux cinq catégories de personnel imposées par la loi n° 30 que vous appuyez. Alors, dorénavant, ils considèrent qu'ils vont devoir payer les coûts de libération syndicale, pour 1 million de dollars, plus embaucher du personnel spécialisé en relations de travail, pour un coût approximatif de 1 million et demi de dollars, et ils croient ? je termine ? qu'en cette période de rareté des ressources financières ces sommes seraient mieux investies dans les services directs aux personnes en perte d'autonomie. D'autant plus qu'ils évaluent l'augmentation de leur nombre d'accréditations de 182 à 303, c'est-à-dire une augmentation de 121 unités de négociation. C'est donc dire qu'il y a à la fois une chose et son contraire dans ce projet de loi.
Alors, le ministre nous dit: Il y a seulement 10 % des employés qui vivent dans des établissements de cinq accréditations et moins. Mais il y a 164, le tiers des établissements, qui comptent quatre accréditations et moins. Alors, vous voyez, il y a donc à la fois à tenir compte aussi de cette réalité-là.
M. Cloutier (Réal): Moi, je suis un peu surpris, Mme Harel, parce que je vous dirais que les privés conventionnés sont très bien équipés. Parce que, nous, on a des gestionnaires dans ces groupes-là, là, puis je vous dirais qu'ils ont les services de ressources humaines... Je vous donne l'exemple de celui que je connais le mieux, qui est La Vigie. Je pense qu'il y a 82 établissements, il y a même M. Clair qui travaille là puis un de nos meilleurs gestionnaires de Montérégie qui est rendu là. Moi, je dirais qu'ils sont équipés pour faire ça.
Où, par contre, je partage votre point de vue, c'est sur la question des petits établissements qui ont deux unités. Et, on l'a dit, dans les CLSC de nos propres membres, comme les services spécialisés en toxicomanie ? sûrement qu'on va les entendre demain matin ? eux, par contre, moi, je souhaite du moins... Et, moi, j'étais convaincu que c'était un minimum, un minimum de deux pour être accepté. Je n'avais pas compris qu'on les obligerait à avoir cinq accréditations. Si c'est ça, sûrement, à voir le sourire de M. le ministre, qu'il va peut-être y avoir une correction au niveau de la loi finale, espérons-le, parce que... Ou il faudrait quand même donner la bonne information, que, nous, on va faire dans les prochaines semaines, c'est que, si la loi n° 25 est adoptée, bien là on n'aura plus les petits établissements avec deux accréditations. Elle ne pourra plus demeurer petit établissement. C'est le malheur des CLSC actuellement, mais...
Mme Harel: Les privés conventionnés ne seront pas inclus?
M. Cloutier (Réal): Oui.
Mme Harel: Les privés conventionnés ne sont pas inclus dans le projet de loi n° 25.
M. Cloutier (Réal): Oui. Mais je comprends aussi leur mémoire, peut-être qu'ils veulent avoir une augmentation du coût pour l'hébergement des personnes qu'ils gardent.
Mme Harel: Regardez...
M. Cloutier (Réal): Je ne sais pas, là.
Mme Harel: Mais, moi, ce que j'ai compris, dans votre mémoire... C'est trop facile, ça. Ah bien! si c'est ça, ici, là, permettre à l'un de parler du mémoire de l'autre de cette façon-là... Moi, ce que je peux comprendre dans votre mémoire, si je le revois aux pages 8, c'est que vous voulez avoir des conditions pour le personnel d'encadrement. Je pourrais dire que vous venez négocier, vous aussi, là.
M. Cloutier (Réal): Oui, madame, mais...
Mme Harel: Alors je vous le lis, d'accord?
M. Cloutier (Réal): Oui.
Mme Harel: Vous dites que, «pour le personnel syndiqué, dans le cadre du projet de loi n° 30, l'arbitrage est prévu s'il n'y a pas d'entente[...]. Alors, qu'adviendra-t-il des conditions locales du personnel d'encadrement...»M. Cloutier (Réal): Oui, sauf que la solution qu'on a donnée tantôt, Mme Harel, moi, je la vois comme ça ? je n'en ai pas discuté avec M. Renaud, que je connais bien, Jacques Renaud, de l'Association ? c'est que, moi, je pense qu'on aura besoin... Et ça, je souhaite que les agences qui vont remplacer les régies aient une façon de travailler différente d'avant. Et, moi, je souhaite que, dans les régions, on assume son personnel autant syndiqué que de cadres. Présentement, on a un centre de référence provincial pour les cadres; ce n'est pas là qu'il faut qu'il soit. Il faut qu'il soit en région et qu'il y ait des équipes en région disponibles.
Et, au pire, peut-être que l'agence régionale deviendra l'employeur de ces gens-là; peut-être que l'agence régionale aura un expert en santé et sécurité; peut-être qu'elle aura un expert en conventions collectives. Et, si dans cette région-là il y a un privé conventionné, bien, je pense que l'agence régionale devrait leur donner un coup de main et ne pas facturer, parce que là on ne peut plus demander de coup de main à personne sans avoir des factures, alors il y a un problème, là. Mais ça peut être une solution.
Mme Harel: Mais, M. Cloutier, quand j'ai lu dans votre mémoire, à la page 8, là, que... Vous dites: Dans ces établissements fautifs, les conditions locales du personnel ne sont pas encore réglées après plus de sept ans. Alors, vous pensez que, si les conditions du personnel d'encadrement ne sont pas réglées, à quoi peuvent s'attendre les personnels syndiqués?
M. Cloutier (Réal): Parce que, Mme Harel, depuis 1970 qu'on est venus au monde comme association, il n'y a aucun gouvernement au Québec qui a osé nous donner le pouvoir de négocier. On est des gentlemen, on placote, comme disait M. Massé tantôt, on placote puis on placote.
n(18 h 40)n Moi, j'ai fait une visite au CHUM cette semaine, à Montréal, et je vous dirais: Je suis inquiet. Je suis inquiet du CHUM de Montréal, parce que j'ai rencontré 35 gestionnaires, et je m'inquiète. Je m'inquiète de l'attitude, de l'attitude, de l'attitude des administrateurs. Et ces administrateurs puis les opérationnels de la première ligne, ce n'est pas pareil. D'être fier de l'urgence puis d'être dans le bureau au dernier étage, ce n'est pas la même chose.
Mme Harel: Mais vous vous rendez compte que maintenant, avec le projet de loi n° 30, pour le personnel syndiqué, avec les balises, pas pour la première fois mais pour toujours, médiateur-arbitre imposé, avec pas le droit de grève et avec finalement des balises qu'on pourra toujours prétendre être des droits de gérance, ça va placoter pas mal aussi, là.
M. Cloutier (Réal): Oui, sauf que je pense qu'il y a un mur, un mur ou un précipice, après 12 mois. Ça ne fait pas l'affaire des syndicats, je les comprends, mais, moi, je pense que, quand j'ai un... ce que j'appelle, dans mon langage ? excusez l'expression ? un «deadline», ça veut dire une date finale qui ne changera pas.
Mme Harel: Aimeriez-vous avoir ce 12 mois là, vous?
M. Cloutier (Réal): Si M. le ministre me donne ça, je vais être très fier de lui.
Mme Harel: Parfait. Il est toujours possible de le demander par amendement. Si vous m'envoyez l'amendement, je vais le proposer.
M. Cloutier (Réal): O.K.
Le Président (M. Copeman): M. Cloutier, êtes-vous sûr que votre nom n'est pas Garon?
M. Cloutier (Réal): Monsieur, je suis un peu déçu. Je pense que je vais fermer les yeux durant ma présentation. On confond à l'occasion, oui. C'est pour ça que j'ai changé mon régime et j'ai coupé mon «pinch». Ça m'a aidé. Parce que, quand je rentrais ici, à l'Assemblée nationale, on me confondait.
Le Président (M. Copeman): Bon. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous prie d'accepter mes excuses pour cette interruption.
Mme Harel: Oh! pas du tout, pas du tout. À l'heure qu'il est, M. le Président, tout est permis ou presque. On ne va pas danser sur les tables.
Il a plusieurs lettres ouvertes dans les journaux d'employés qui craignent et qui exposent leur situation, qui se trouvaient sur des listes de rappel de plusieurs unités et qui là craignent beaucoup d'être... de ne plus pouvoir additionner... Il y a 57 %, quand même, qui n'ont pas leur permanence et qui ont peur de ne pas pouvoir additionner, avec l'application des dispositions dans le projet de loi. Alors, vous en pensez quoi, vous, comme gestionnaire?
M. Cloutier (Réal): François dirait plus ça que moi, là.
M. Jean (François): Moi, je vous dirais que la perspective, on l'a dit tantôt, on l'a évoquée pour les cadres, mais on l'évoque aussi pour les personnels syndiqués, au niveau de l'attrition de la main-d'oeuvre, le personnel vieillit et quitte à la retraite. Il y a des besoins... En ce qui nous concerne, pour vous donner un exemple, on recrute constamment pour répondre aux besoins. On a des départs très nombreux à la retraite, et, dans ce contexte-là, moi, je pense qu'on a aussi une préoccupation d'assurer une meilleure offre de travail à l'ensemble des employés de notre organisation. Puis je pense que c'est vrai pour l'ensemble du réseau.
Alors, la notion de la précarité d'emploi, il faut tendre à la réduire pour effectivement garder ces gens-là. Parce qu'il faut ne pas oublier que, comme employeur, on est en compétition et on le sera de plus en plus avec les autres secteurs, et on va se devoir ? et là je vais me permettre de le dire ? on va se devoir d'arrêter de parler d'organisation, de réorganisation en termes... On dit: Bien, les cadres, il va falloir assurer la relève, puis tout ça, mais il va falloir se donner des moyens concrets. Mais je ne veux pas entrer dans le débat, parce que ce n'est pas l'objet de l'échange ici, là.
Mme Harel: ...malgré que tantôt, quand vous parliez de la désertion des cadres, si vous voulez, ou des gestionnaires qui quittent pour d'autres secteurs, ça m'a rappelé finalement les statistiques très récentes, que vous avez certainement... dont vous pris connaissance, de l'Institut de la statistique du Québec et qui comparent 12 postes entre le privé et le public.
Je cherchais le poste de gestionnaire, je ne l'ai pas trouvé, mais, par exemple, professionnel des communications ou informaticien ou professionnel de gestion financière... Par exemple, prenons juste informaticien, c'est 8 % d'écart en moins dans le secteur de l'administration québécoise par rapport au privé. Donc, c'est sûr que ça n'aide pas, ça non plus. J'imagine que, même avec les avantages sociaux, les salaires sont maintenant inférieurs au privé.
M. Jean (François): On est conscients de cette réalité-là. Par contre, il y a aussi... Quand tu deviens cadre... Moi, j'ai été dans la construction pendant neuf ans avant de passer au secteur de la santé et services sociaux, donc j'ai connu le régime des relations de travail du secteur de la construction. Je vous dirais que je pensais que c'était complexe, la construction, mais j'ai trouvé que le réseau de la santé, c'est complexe, puis pas à peu près.
Et, deuxièmement, je me dis aussi que, quand tu t'en viens dans un secteur comme ça, peu importe ta qualification en termes de cadre, employé syndiqué, professionnel, d'abord et avant tout, ce que tu cherches à faire, c'est à servir l'organisation, servir la population. Parce que, moi, j'ai une préoccupation. Il me reste quand même un certain bout de temps avant de prendre ma retraite, là, mais je regarde ça puis je me dis: Ça m'inquiète, parce que c'est de plus en plus lourd pour les gens qui sont là, et, quand on regarde l'expertise qui est disponible, elle n'est pas si nombreuse que ça. Alors, il va falloir être assez créatif pour se donner les moyens de pouvoir effectivement livrer la marchandise. Mais je pense qu'on a une préoccupation qu'on devrait tous avoir, c'est le contexte de la mobilisation. Je sais que le ministère se penche là-dessus; nous, comme association, on l'a évoqué. Il faut vraiment se donner des moyens, des outils pour mobiliser les gens pour qu'on puisse maintenir la qualité des soins à la population.
Mme Harel: Il reste combien de minutes?
Le Président (M. Copeman): Une minute, madame.
Mme Harel: Une minute.
Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, la porte-parole en santé, disait souvent... a dit souvent, depuis ce matin, aux groupes que nous étudions le projet de loi avec des consultations particulières et non pas des consultations générales, d'une part. On l'étudie en deux jours, et c'est, d'ici deux semaines, Noël. Alors, est-ce que vous trouvez ça raisonnable, avec tout l'impact que cela aura, de le faire en si peu de temps?
M. Cloutier (Réal): C'est rapide. J'ai bien aimé l'expression, tantôt, de M. Massé. Je pense qu'il avait une belle image de ce qui se passe. Je vous dirais, c'est rapide, mais les gens sur le terrain, nous autres, sont convaincus que ça ne se fera pas à si court terme que ça. Même mon précipice, dans 12 mois, on n'est pas tout à fait convaincus de ça. Peut-être dans certaines régions, oui. Vous savez, la réforme de M. Rochon, pour l'avoir vécue, il y a des régions qui étaient comme prêtes à faire un virage, d'autres non. Dans ce cas-ci, je pense qu'il y a des régions en périphérie, je pense que ça va aller très vite, mais il y a des noyaux durs.
Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Cloutier, merci de votre présentation devant la commission des affaires sociales. M. Jean également, évidemment, merci.
Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 48)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Copeman): Alors, chers collègues, la commission des affaires sociales reprend ses travaux, et ça nous fait plaisir de recevoir les représentants de l'Association des établissements privés conventionnés en santé et services sociaux. M. Simonetta, êtes-vous le...
Association des établissements privés
conventionnés ? santé et services sociauxM. Simonetta (Vincent): Le porte-parole, c'est M. Jacques Renaud.
Le Président (M. Copeman): M. Renaud, très bien. Évidemment, en tant que président, des fois on me permet des petits mots. M. Simonetta est évidemment associé au groupe Vigi santé et a récemment ouvert, assez récemment, un établissement dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, un établissement, un centre hospitalier de soins de longue durée qui donne d'excellents services à des résidents et à la population locale et régionale sur l'île de Montréal.
Alors, bienvenue, messieurs. Alors, M. Renaud, les règles de fonctionnement sont assez claires. Vous avez un maximum... un temps maximal de 15 minutes de présentation, qui sera suivie par un échange de 15 minutes, de chaque côté de la table, avec les parlementaires. Sans plus tarder, je vous demanderais de présenter formellement les deux autres personnes qui vous accompagnent et de commencer votre intervention.
n(20 h 10)nM. Renaud (Jacques): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, il me fait plaisir de vous présenter, à ma droite, M. Simonetta, qui est vice-président de notre Association, et, à ma gauche, M. Daniel Doyon, qui est directeur des ressources humaines.
Alors, l'Association des établissements privés conventionnés ? santé et services sociaux se compose de 69 installations regroupées dans 51 établissements détenteurs de permis du ministère de la Santé et des Services sociaux, et ce, répartis dans 12 régions administratives du Québec. Les établissements privés conventionnés oeuvrent majoritairement dans le secteur des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Nos membres accueillent environ 6 500 personnes en perte d'autonomie, soit près de 20 % de la capacité d'hébergement et de soins de longue durée du réseau public québécois.
Nous hébergeons et soignons une clientèle en lourde perte d'autonomie. Les coûts d'hébergement pour nos clients sont régis par les mêmes règles que les autres CHSLD du réseau. Même si les coûts d'opération des EPC sont égaux ou inférieurs à ceux des centres publics de même mission, notre imputabilité financière et le fait que les déficits d'opération sont à la charge des entrepreneurs constituent des sources d'économie. Les taxes et les impôts que paient les EPC sont sources de revenus pour le gouvernement.
Notre entente avec le gouvernement prévoit que notre capacité d'hébergement prévue au permis doit être utilisée à 99 %, autrement il y a pénalité financière pour les entrepreneurs. De plus, depuis 1998, le renouvellement de nos contrats est assujetti à l'obtention d'un certificat d'agrément par un organisme reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les employés des établissements privés conventionnés sont régis par les mêmes conventions collectives que les employés du réseau de la santé. Nous sommes donc touchés par le contenu du projet de loi qui fait l'objet de la présente commission parlementaire et nous vous remercions de nous donner la chance de donner notre point de vue.
Nous adhérons aux deux principes majeurs qui sous-tendent ce projet de loi, soit de diminuer, d'une part, le nombre d'unités de négociation dans les établissements qui voient leur fonctionnement handicapé par la complexité de gestion d'un trop grand nombre d'accréditations et, d'autre part, qui permettra aux administrations locales et aux syndicats locaux de s'approprier l'organisation du travail en négociant au niveau local les matières reliées à celle-ci. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi permet une organisation du travail plus souple, qui tiendra compte, nous l'espérons, des caractéristiques particulières des établissements privés conventionnés.
Nous adhérons au principe de la négociation locale, mais, pour que celle-ci puisse s'appliquer avec toute la souplesse et l'ouverture requises pour produire de bons résultats, nous nous devons d'attirer votre attention sur la question du nombre d'unités de négociation par établissement prévu au projet de loi et l'effet imprévu sur la relation patronale-syndicale dans les établissements privés conventionnés.
Nous représentons 51 établissements au sens de la loi, pour un total de 69 installations. La majorité des EPC, soit 47 établissements, opèrent dans une seule installation. De ce nombre, deux installations sont non syndiquées; 37 établissements, toujours dans le principe d'une installation, ont quatre unités de négociation et moins; 10 autres établissements ont entre six et neuf unités de négociation dont la plupart représentent quelques travailleurs seulement. Des 47 établissements, 33 ont moins de 100 lits à leur permis, 10 en ont entre 100 et 200 et quatre en ont plus de 200.
Les autres établissements privés conventionnés sont regroupés en quatre établissements qui opèrent dans 22 installations. Trois de ceux-ci ont des installations qui ne sont pas situées dans la même région administrative. Ainsi, un établissement opère 12 installations dans huit régions administratives différentes, soit Chaudière-Appalaches, Outaouais, Montréal, Mauricie, Laval, Lanaudière, Montérégie et Québec. Ces regroupements d'établissements sont une réalité spécifique aux établissements privés conventionnés. Il n'y a pas d'établissement public vivant une réalité semblable.
Bien que ces établissements soient multirégionaux, les accréditations syndicales actuelles sont par installation et diffèrent d'une installation à l'autre en fonction des choix des travailleurs. Cependant, aucune de ces installations n'a plus de cinq unités de négociation, la grande majorité se situant entre une et trois unités. Sur la base des 69 installations que nous avons et de la répartition des 182 unités de négociation, nous retrouvons 85 % des installations ayant quatre unités de négociation ou moins. Vous pouvez voir par le tableau qui est inclus que 27 % ont une unité, 32 % en ont deux, 15 % en ont trois, 11 % en ont quatre, et ainsi de suite. On voit que les dernières se situent à des pourcentages minimes.
Au niveau des catégories de personnel proposées, on a fait une simulation du nombre d'unités de négociation que chacun d'eux aurait si le projet de loi s'appliquait aux EPC, par installation, dans sa forme actuelle. Alors, l'augmentation est importante, comme on peut le constater, c'est 121 unités supplémentaires, et ce, en considérant les quatre établissements multi-installations par installation. Si l'on applique le projet de loi en fonction des établissements au sens de la loi et non pas des installations, les résultats de la simulation sont différents. On voit que l'augmentation du nombre d'unités est moins grande. Bien que l'augmentation soit moins grande, cependant, cette hypothèse crée les mêmes effets non recherchés pour les établissements ayant peu d'unités de négociation. Pour les établissements multi-installations, cela produirait des problèmes majeurs de gestion au niveau de l'organisation du travail et des services à la clientèle.
Les EPC, bien qu'ils soient d'accord avec le principe de réduire le nombre d'unités de négociation pour faciliter l'organisation du travail lorsque requis, se retrouvent avec la situation contraire, à savoir devoir opérer avec plus d'unités de négociation. Nous sommes convaincus que cet effet sur nos établissements n'est pas voulu de la part du législateur et nous vous proposerons plus loin une solution qui n'entravera pas l'effet désiré auprès des établissements aux prises avec des multiaccréditations.
Il est important de souligner un autre effet secondaire qui va à l'encontre de l'esprit du projet de loi tel que nous le comprenons, il s'agit du principe de la négociation locale appliqué aux quatre établissements qui opèrent dans 22 installations, dans plusieurs régions. La notion d'installation a été introduite au début des fusions qui ont marqué le réseau de la santé et des services sociaux depuis une dizaine d'années. Pour les établissements publics, les fusions se sont faites sur la base de la proximité géographique: même quartier, même ville, même sous-région, et constituaient des mesures pour réaliser des économies et pour amorcer un fonctionnement intégré de services, ce que le projet de loi n° 25 propose de compléter. Chez les EPC, les établissements ayant plusieurs installations sont le résultat d'acquisitions faites par certains entrepreneurs et n'ont donc pas de finalité organisationnelle pour le réseau. D'ailleurs, le projet n° 25 ne les inclut pas dans la création des regroupements locaux, choisissant de les identifier comme des partenaires associés, selon les territoires spécifiques, aux réseaux locaux par entente de services.
Le projet de loi n° 30 prévoit que les négociations locales se feront par établissement. Pour trois des quatre établissements qui opèrent dans plusieurs installations et dans des régions différentes, cela signifie qu'ils devront tenir des négociations multirégionales, et sur une base quasi provinciale pour deux d'entre eux, soit dans six et huit régions respectivement. Cette situation n'est certainement pas souhaitée. Pour un autre établissement multi-installation, qui opère deux installations dans deux régions distinctes, le projet de loi dans sa forme actuelle pourrait avoir pour effet de syndiquer l'ensemble des employés d'une installation, ce qui, à notre connaissance, n'est nullement souhaité par ces mêmes employés. Le projet de loi, sur cette question, n'est pas adapté à la réalité de ces établissements.
Au niveau de la médiation arbitrale, pour la première négociation locale, nous proposons que le délai de 10 jours, à l'article 40, soit enlevé, ce qui donnerait plus de souplesse aux parties locales en permettant de respecter le rythme de la négociation locale. Dans le même sens, nous demandons que chacun des objets de négociation locale puisse entrer en vigueur sur entente des parties.
Si le projet de loi est souhaitable pour améliorer l'organisation du travail et créer la fluidité dans les relations patronales-syndicales dans les établissements publics, il produit des effets indésirables dans les privés conventionnés: augmentation importante des unités d'accréditation. Pour les établissements ayant plusieurs installations, le principe de la négociation locale devient une négociation multirégionale, voire presque provinciale. Cet état de fait produit des effets secondaires coûteux tant pour le gouvernement que pour les entrepreneurs, et en voici deux exemples.
Une prévision conservatrice montre que le coût des libérations syndicales augmentera d'au moins 1 million de dollars et peut-être plus dans les EPC si ceux-ci doivent s'adapter aux cinq catégories de personnel prévues au projet de loi. De plus, une trentaine d'établissements devront embaucher du personnel spécialisé en relations de travail, pour un coût approximatif de 1,5 million de dollars, afin de gérer le nouveau volume de relations de travail. Nous pensons qu'en cette période de rareté de ressources financières ces sommes seraient mieux investies dans les services directs aux personnes en perte d'autonomie.
n(20 h 20)n Avant de vous faire une proposition qui solutionnerait les problèmes des EPC tout en respectant les raisons d'être du projet de loi, nous avons regardé, sur une base plus large, si notre proposition heurtait l'orientation globale du gouvernement en regard des réseaux de services intégrés que l'on retrouve dans le projet n° 25, discuté devant vous ces derniers jours. Cette analyse nous permet d'arriver aux conclusions suivantes. Actuellement, aucun EPC ne vit avec des problèmes en raison des multiaccréditations. Deuxièmement, les transactions amenant un changement de propriété des EPC n'ont jamais eu pour effet de créer des problèmes de multiaccréditations depuis une trentaine d'années. Les fusions qui résulteront de la création des réseaux locaux de services intégrés ne nous impliquent pas au plan corporatif.
La proposition que nous déposons n'enlève aucun droit aux employés syndiqués de nos établissements. Notre proposition ne contient aucune entrave à l'application des projets de loi du gouvernement. Compte tenu qu'un des buts de la loi est de créer une fluidité dans les relations patronales-syndicales et que nous avons déjà cette fluidité; compte tenu que nous adhérons au principe de la négociation locale mais que nous avons un problème sérieux d'application pour quatre établissements multi-installations; compte tenu de l'approche pragmatique du gouvernement, qui ne veut pas que les solutions mur à mur soient des entraves; compte tenu que les EPC n'ont pas de problème de multiaccréditations, nous proposons que les établissements privés conventionnés soient exclus de la dimension du projet de loi qui traite des unités de négociation et conservent les unités de négociation dans leurs établissements sous leurs formes actuelles. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Renaud. Alors, pour débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, chers amis. Je commencerais en vous demandant une question, une donnée qui nous manque et que vous allez peut-être pouvoir nous aider à obtenir: le nombre d'employés. Vous avez 6 500 patients environ, ou résidents, chez vous, dans les privés conventionnés.
M. Renaud (Jacques): C'est exact.
M. Couillard: Est-ce que vous avez environ, ou précisément si possible, le nombre d'employés que vous avez dans vos...
M. Renaud (Jacques): Le nombre d'employés, M. Doyon va pouvoir vous le fournir dans la minute.
M. Couillard: Pendant que M. Doyon regarde ça, je voulais vous dire qu'on a effectivement remarqué cette conséquence fâcheuse que vous décrivez, là, qui s'inscrit dans tout problème des établissements qui ont moins que cinq unités d'accréditation, dont une partie va être résolue par la formation des réseaux locaux de services, mais une partie ne le sera pas, étant donné que certains établissements ne seront pas touchés par les réseaux, soit parce qu'ils sont dans des situations particulières, soit parce que ce sont des établissements spécialisés. Donc, on reste avec les privés conventionnés et certains établissements publics, donc un nombre assez restreint. Mais, comme dans votre cas il s'agit finalement de la totalité ou de la presque totalité de vos installations, on comprend que ce soit quelque chose qui vous inquiète beaucoup.
Comment est-ce que vous voyez... Vous avez parlé de la négociation locale, puis vous expliquiez le problème des établissements avec multiples installations. Comment est-ce que vous suggérez qu'on applique le principe de négociation locale, dans une circonstance comme ça?
M. Renaud (Jacques): M. Simonetta va répondre à cette question.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Simonetta.
M. Simonetta (Vincent): Merci. Si on prend l'exemple Vigi santé, on a actuellement 12 installations dans un seul établissement, donc on se retrouverait, en entente locale, à devoir négocier 60 ententes locales, contrairement à aujourd'hui, où on en a seulement 28. C'est une des conséquences. Les problématiques, c'est qu'il... Et, quand je fais les calculs de cette façon-là, c'est parce qu'on fait les ententes locales par installation et par famille d'accréditation, compte tenu que, l'établissement, on ne pourra pas faire venir les gens qui demeurent à Saint-Michel-de-Bellechasse, travaillaient dans l'Outaouais, dans la même liste de rappel en tant que telle. Donc, ici, il va falloir tenir compte de la couleur locale, des besoins locaux, qui sont différents d'une place à l'autre, du manque ou de la pénurie de personnel qu'on rencontre, qui est différent, même si c'est un peu plus généralisé. Et ça amènerait beaucoup plus d'ouvrage pour venir à arriver à des ententes de la sorte. Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. le ministre.
M. Couillard: Mais est-ce que vous voulez dire que le principe de négociation locale, pour vous, devrait se rapporter au niveau de l'établissement et non pas de chaque installation? Je voudrais juste comprendre votre position.
M. Simonetta (Vincent): Non, la négociation locale, on ne peut pas la faire en tant qu'établissement, parce que ça impliquerait cinq ententes locales pour les 12 installations, qui s'en vont d'un extrême à l'autre du Québec. O.K.? Et c'est ça qui est la difficulté. Donc, il faudrait absolument venir faire 12 ententes locales pour tous les articles qui vont être envoyés au niveau local. Et c'est là que ça représenterait un maximum de 60 ententes locales, parce qu'on ne pourra pas faire... Ce ne serait pas logique de vouloir... Les besoins ne sont pas les mêmes d'un établissement à l'autre.
M. Couillard: Et donc, votre solution proposée pour ce problème-ci, c'est quoi?
M. Simonetta (Vincent): On n'a pas de solution, à part l'exclusion des EPC, compte tenu qu'ils ne viennent pas entraver le but du projet de loi qui est de diminuer le nombre d'accréditations et de permettre la fusion des établissements en entités locales ou territoriales. C'est pour ça qu'on demanderait l'exclusion. Outre ça, il faudrait... La seule façon de s'en sortir, c'est de faire vraiment des ententes locales, et, à ce moment-là, ça représenterait 60, comme je vous disais, ententes locales.
M. Couillard: Et ceci nous amène sur la question des coûts additionnels, que vous estimez à 2,5 millions de dollars au total. Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail comme vous arrivez à ce chiffre-là?
M. Renaud (Jacques): D'une part, c'est que, le nombre d'unités de négociation augmentant, forcément il y a des coûts automatiques qui s'y attachent. Et, d'autre part, comme on l'a souligné dans le mémoire, il y a 33 de nos établissements qui ont moins de 100 lits. Alors, actuellement, pour une majorité de ces petits établissements là, les unités de négociation sont une ou deux unités, et c'est géré très souvent soit par le directeur général, par le directeur des services administratifs ou un mélange des deux. Évidemment, en devenant à cinq unités de négociation, bien, ça va prendre quelqu'un pour s'occuper de l'ensemble de ce travail-là. Alors, c'est pour ça qu'on en arrive à des chiffres de cet ordre-là.
M. Couillard: Donc, sur le 2,5, il y a un 1,5 million qui vient de la nécessité d'engager des gens spécialisés en ressources humaines.
Il y a, plus tôt, un des intervenants qui nous a visités qui a mentionné qu'à son avis vous aviez déjà les ressources, au niveau de l'entreprise particulièrement, pour faire ça. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Renaud (Jacques): Bien là je ne sais pas qui a pu vous dire ça, mais je pense qu'il y a des petits établissements qui n'ont définitivement pas les ressources actuellement pour les faire. Ils vont devoir faire la dépense pour se les donner. Mais ils ne les ont pas actuellement.
M. Simonetta (Vincent): Si vous permettez, M. le ministre, je vais prendre, encore à titre d'exemple, nos établissements. Actuellement, au niveau des ressources humaines, pour 1 327 lits et 2 000 employés, on se retrouve avec cinq conseillers en ressources humaines, dont un directeur. Et, pour régler les ententes locales à travers le reste de l'ouvrage, ça nous prend à peu près un an une fois la convention ou le décret... la convention signée. À ce moment-là, venir multiplier ce nombre de négociations, ça va augmenter, de façon mathématique, les coûts.
L'autre élément, c'est au niveau des libérations syndicales. En moyenne, les exécutifs syndicaux, ils ont entre trois et cinq personnes. Il y a un certain nombre de journées de libération syndicale qui sont prévues dans les conventions de façon statutaire. Plus, il y a, au niveau des négociations, d'autres journées qui ne font pas partie de ça. Et c'est la multiplication de ce nombre... Je sais que ça coûte actuellement, pour l'ensemble des établissements, pour le nouveau nombre d'accréditations... qui amène un calcul estimatif conservateur que vous retrouvez dans le mémoire.
M. Couillard: Et je comprends bien sûr que votre préférence, c'est d'être exclus des dispositions de la loi, là, vous l'avez bien exprimé dans votre mémoire...
M. Simonetta (Vincent): Pas au niveau des ententes locales. On croit que les besoins vont s'exprimer davantage au niveau local pour répondre aux besoins d'organisation de travail, plutôt que sur... Ce qu'on demanderait, c'est strictement au niveau des accréditations, de cinq accréditations, pas au niveau des négociations locales.
M. Couillard: O.K. Évidemment, ce ne sera peut-être pas possible ce soir, mais vous pourriez peut-être nous faire parvenir, peut-être, des détails de vos calculs, parce qu'il y a quelque chose qui nous frappe un peu: vous décrivez un coût... 7 000 employés, est-ce que c'est le nombre qu'on...
M. Doyon (Daniel): Oui. 7 000 employés, c'est un bon chiffre.
M. Couillard: Disons 7 000 employés. Donc, 1 million de dollars de libérations syndicales de plus pour 7 000 employés. À première vue, si on appliquait cette règle de trois pour 210 000 employés, ça représenterait 28 millions de plus que le coût actuel. On a de la difficulté à comprendre, il semble que le coût de libérations syndicales dans votre réseau soit beaucoup plus élevé que le coût de libérations syndicales dans le réseau public. Alors, est-ce que vous avez une explication à ça? Ou vous voulez peut-être qu'on rediscute les chiffres dans une autre séance?
M. Renaud (Jacques): Je pense, on peut dire que un des éléments qui doit jouer, certainement, c'est le fait qu'on a plusieurs petits établissements indépendants et que, de ce fait-là, si on le compare à des grands ensembles, bien, chacun doit s'équiper pour faire face à la situation chez lui. Alors, quand on parle... C'est pour ça que je mettais le doigt sur la question de 33 établissements plus petits que 100 lits.
M. Couillard: O.K. On aura l'occasion peut-être d'échanger là-dessus dans un autre décor. Et, évidemment, il y a un point, là, qui reste à éclaircir, parce qu'il y a également un grand nombre de petits établissements dans le réseau public, il faudrait vraiment avoir une concordance au niveau des chiffres qui sont donnés. Mais on va examiner votre mémoire puis votre recommandation pour voir comment on peut ajuster votre situation aux buts visés par la loi, tout en en conservant l'essence et le but principal. Alors, sur ce, M. le Président, à moins que certains de mes collègues veuillent intervenir...
Le Président (M. Copeman): On peut toujours revenir, de toute façon, M. le ministre. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
n(20 h 30)nMme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous saluer, M. Renaud, M. Simonetta et M. Doyon. Est-ce que l'Hôpital Notre-Dame-de-Lourdes est un des établissements membres de votre Association?
M. Renaud (Jacques): Est-ce que vous parlez de celui qui est à Montréal?
Mme Harel: Sur le boulevard Pie IX.
M. Renaud (Jacques): Non, il n'est pas membre de notre Association, madame.
Mme Harel: Ça, c'est un établissement privé conventionné?
M. Renaud (Jacques): Oui.
Mme Harel: Ah! Combien y a-t-il d'établissements qui sont privés conventionnés et qui ne sont pas membres de l'Association?
M. Renaud (Jacques): Je ne pourrais pas vous donner le nombre précis. On peut parler peut-être, je ne sais pas, n'importe quoi entre zéro et 15 peut-être, incluant certains centres, par exemple je pense au Centre Portage, qui est un centre privé conventionné, et quelques autres installations dans d'autres domaines, mais peut-être une quinzaine, madame.
Mme Harel: Notre-Dame-de-Lourdes, en fait, est la propriété des Soeurs grises, je crois. Et, dans vos membres, est-ce qu'il y a encore des centres qui sont la propriété de communautés religieuses?
M. Renaud (Jacques): Oui, madame.
Mme Harel: Quel est le pourcentage?
M. Renaud (Jacques): On en a un à Lévis et il y en a deux à Montréal.
Mme Harel: Donc, c'est l'exception, en fait.
M. Renaud (Jacques): Il y en a trois.
Mme Harel: Il y en a trois au total sur 69, je pense, hein, membres?
M. Renaud (Jacques): Excusez-moi, c'est quatre, mais trois congrégations.
Mme Harel: Trois congrégations?
M. Renaud (Jacques): Oui.
Mme Harel: Quatre établissements?
M. Renaud (Jacques): Oui.
Mme Harel: Alors, vous voudriez maintenir le statut d'établissement, si je comprends bien, plutôt que celui... Vous voulez... En fait, à la page 4 de votre mémoire, vous parlez d'installation, plutôt. C'est l'expression «installation» plutôt qu'«établissement», c'est bien ça? Un établissement, pour vous, comprend plusieurs installations?
M. Renaud (Jacques): C'est que... Oui. Ce qu'on a compris par l'analyse des termes, au niveau de la loi, c'est qu'un établissement peut contenir plusieurs installations, et, dans notre cas, il y en a quatre qui effectivement ont plusieurs installations.
Mme Harel: Comment vous trouvez-vous à gérer plusieurs conventions? Parce que, ici, le point de vue le plus souvent exprimé du côté ministériel, c'est que c'est un casse-tête sans fin, gérer plusieurs installations dans un même établissement. Vous semblez vous en accommoder, puisque vous aimeriez être retirés de la loi, sur l'application des unités.
M. Renaud (Jacques): Si vous permettez, il y aurait juste une variante peut-être que je voudrais introduire. C'est que je pense que gérer un établissement dans plusieurs installations, en soi, ça nécessite une bonne organisation, mais, si cet établissement et l'ensemble de ses installations ont un trop grand nombre d'unités d'accréditation, c'est là, je pense, que le casse-tête devient beaucoup plus difficile à gérer.
Or, comme dans nos établissements, si on prend les accréditations par installation, on a toujours un nombre relativement bas, qui ne dépasse pas cinq unités par installation, et les cultures organisationnelles des différentes installations, compte tenu que c'est multirégional, font que c'est à toutes fins pratiques un établissement en soi, si on sort de la terminologie comme telle... Autrement dit, il y a une direction générale large, mais chaque établissement a son ensemble.
Mme Harel: J'aimerais ça que vous nous réconciliiez le fait d'être exclu pour ce qui est des unités d'accréditation mais d'être inclus en ce qui concerne la décentralisation de la négociation locale. Ça veut donc dire que vous concevez qu'il y aurait une négociation locale par installation?
M. Renaud (Jacques): Oui, exactement, madame.
Mme Harel: D'accord. Bon, écoutez, j'imagine que, dans un regroupement, par exemple, de CLSC, CHSLD et CH, c'est un établissement, trois installations, et il peut y avoir des cultures, aussi, d'organisation. Il y a peut-être juste la distance qui peut être différente, malgré que parfois ça peut l'être relativement également. Donc, en fait, c'est le modèle... vous plaidez pour un modèle de reconnaissance des installations.
M. Renaud (Jacques): C'est exact, dans notre contexte particulier et corporatif aussi, ce qui fait que nous ne sommes pas inclus dans les regroupements visés.
Mme Harel: Il y en a plusieurs qui ne sont pas inclus. Si c'était sur cette base-là, le CHUM ne le serait pas, le CHUQ ne le serait pas. Le CHUM, ça... Les établissements, les cinq établissements de McGill ne le seraient pas. Donc, sur la base de ne pas être inclus dans l'application du projet de loi n° 25, il y en a beaucoup, là, qui ne le sont pas. Il y a même des exceptions qui vont peut-être s'ajouter et qui vont faire que la majorité ne le seront pas.
M. Simonetta (Vincent): Si vous permettez. Peut-être, on ne peut pas comparer la situation des établissements privés conventionnés à la situation du CHUM ou du CUSM ou de tous les autres où on parle de jusqu'à 80 accréditations dans un même établissement, souvent qui couvrent les mêmes titres d'emploi ou le même genre de professionnels. Ce que, nous, on vit, c'est des accréditations générales, actuellement par installation, qui peuvent regrouper l'ensemble des employés. Et souvent, quand on parle de deux, c'est parce que les infirmières sont à part de l'accréditation générale. C'est difficile pour nous de nous exprimer, ne connaissant pas ou ne travaillant pas avec des nombres aussi grands d'accréditation dans un même établissement. On peut parler de ce qu'on connaît.
Mme Harel: Donc, ce serait à la fois... Les règles prévalant seraient celles de l'exclusion du projet de loi n° 25 et aussi d'un nombre restreint d'accréditations. Il doit y avoir les centres de réadaptation, sans doute, les centres jeunesse. Il doit y avoir quand même pas mal d'établissements dans ce sous-ensemble?
M. Simonetta (Vincent): Je ne peux pas vous répondre pour les autres établissements. Nous, ce qu'on essaie de faire valoir, c'est les problématiques auxquelles, nous, on va faire face, et qui ne semblent pas être du tout cela que le législateur envisage ou envisageait en proposant le projet de loi. L'établissement multirégional ou interrégional comme, nous, on vit, il n'y a aucun établissement public qui fait face à ça. Donc, on est là pour exprimer nos contraintes et nos difficultés; on n'est pas là pour parler pour d'autres regroupements ou d'autres associations. On ne pourrait pas.
Mme Harel: D'accord. Évidemment, cependant, quand il faut gérer, on ne peut pas gérer que les exclusions, en fait, hein, il faut gérer avec un portrait d'ensemble.
Dans la négociation locale, vous voudriez négocier localement, mais avec des unités d'accréditation regroupées, comme vous les connaissez actuellement, c'est-à-dire, vous avez, en majorité, deux unités d'accréditation. Alors, vous considérez que ce serait suffisant, cette gestion, au niveau de deux unités d'accréditation?
M. Simonetta (Vincent): Oui. Toutefois, deux ou trois ou quatre ou cinq, ce serait suffisant, serait beaucoup plus facile à gérer, parce que ce serait installation par installation, au niveau des ententes locales ou de la gestion locale, les besoins n'étant pas les mêmes d'une région à l'autre.
Mme Harel: Vous nous dites: Ça pourrait être cinq, alors, au niveau local.
M. Simonetta (Vincent): Actuellement, il y a un petit nombre d'établissements qui en ont jusqu'à cinq, mais majoritairement les établissements qui en ont quatre ou cinq, c'est qu'il y a souvent une ergothérapeute ou une physiothérapeute qui peut être syndiquée toute seule dans une unité d'accréditation et pour lesquelles il y aurait moyen de les encourager à vouloir joindre un syndicat plus gros.
Mme Harel: Nous avons obtenu, les membres de la commission parlementaire, un cahier de répartition des unités de négociation dans les établissements de la santé et des services sociaux. C'est intéressant, on a fait le décompte de 138 établissements qui comptent moins de cinq accréditations. Mais le vrai portrait, en fait, pour être capable d'avoir tous les morceaux du puzzle, ce serait d'obtenir la répartition des personnels, c'est-à-dire d'obtenir la répartition des employés selon le nombre d'accréditations. Vous, vous dites vous en avez 7 000, et ce 7 000 employés, on ne le sait pas, là, dans le mémoire que vous présentez... Je ne vous en fais pas grief, mais le mémoire est en fonction non pas des personnels, mais des unités d'accréditation.
Alors, si on savait... Par exemple, il y a combien de personnels qui sont dans une seule unité d'accréditation? Est-ce que c'est 4 000, 5 000, 6 000? Vous avez donc... Tantôt, vous disiez: une grande unité d'accréditation, un genre de syndicat général, puis, ensuite, vous avez les infirmières, puis, ensuite de ça, à quelques pourcentages, vous en avez quelques autres. Alors, votre accréditation principale, là, elle fait travailler... combien il y a de personnes qui en sont membres?
n(20 h 40)nM. Renaud (Jacques): Je vous dirais, fonction de la taille de l'établissement, on va y retrouver peut-être, je ne sais pas, entre 80 % ou 85 % des personnes syndiquées. Évidemment, si on parle d'un établissement de 64 lits ou de 96 lits, je ne sais pas le nombre d'employés précis... peut-être que M. Doyon peut me...
M. Doyon (Daniel): Mais la proportion, quand on parle des deux principales unités ? infirmières et un autre groupe principal, là, qui est le profil qu'on retrouve dans la majeure partie des établissements ? on pourrait dire: de 80 % à 85 % des gens sont couverts par ces deux unités principales là, et plus, là. Pour 74 % de nos établissements, c'est trois unités et moins, et la troisième ou la quatrième, habituellement, couvre très peu d'employés par groupe, à ce moment-là.
Mme Harel: Ce qui serait intéressant pour avoir un vrai portrait complet, c'est d'avoir la répartition des employés dépendamment du nombre, disons... dépendamment du nombre qu'ils représentent par unité d'accréditation. Par exemple, combien y en a-t-il qui appartiennent à une seule unité? Est-ce que c'est 80 %, 85 %, 75 % qui appartiennent à une seule unité? Ça nous permettrait de voir où est le problème de la multiplication. Parce que les grandes centrales syndicales nous ont fait valoir que, à 80 %, leurs membres appartiennent à des unités générales. Ça signifie donc que la multiplication des accréditations se fait dans un tout petit groupe, si vous voulez, d'employés. La multiplication s'est faite, mais avec des petits nombres, en fait. Mais, de toute façon, je vois bien le portrait, là, que représente votre Association. Merci.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, bienvenue à la commission parlementaire. Je suis un peu surprise de l'analyse que vous faites, dans le sens que, bon, elle reflète tout ce que vous vivez chez vous, dans vos établissements, mais d'arriver à cette conclusion-là, ce que vous proposez, particulièrement à la conclusion, d'être exclus du projet de loi, dans la partie qui traite des unités de négociation... Bon. Évidemment, vous adhérez au principe de la négociation locale, c'est une chose, mais, l'autre partie, c'est que vous voulez être exclus. J'ai de la difficulté à comprendre l'analyse, dans le fond, du ministre, quand il a déposé ce projet de loi là.
Vous dites que vous êtes le 20 % de la capacité d'hébergement de l'ensemble du réseau public québécois. Comment se fait-il qu'un projet de loi est déposé comme ça, avec 20 % de capacité que vous représentez des gens en soins de longue durée, et que vous demandez d'être exclus d'une partie du projet de loi? Je veux dire, j'ai de la misère à comprendre comment ça se fait que le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministre, le gouvernement arrivent donc... ça veut dire que le projet de loi qui est là, il ne correspond pas à l'ensemble du réseau, dont vous particulièrement, puisque vous demandez d'être exclus? Alors, je trouve ça assez particulier, laissez-moi vous dire.
Je peux comprendre votre raisonnement, par contre, de vouloir être exclus, parce que effectivement il y a des problématiques que vous apportez qui touchent... Bon. Toute la fluidité de votre démonstration que vous nous dites aujourd'hui, ça explique qu'effectivement il y a des unités qui sont en bas de... on ne peut pas avoir... Vous n'avez pas cinq unités d'accréditation, donc c'est plus bas que cinq, vous en avez des quatre, des trois. Bon. Parce que ça semble bien aller, de ce que je peux voir de votre mémoire, alors... Mais, à travers tout ça, vous appuyez le projet de loi, alors j'ai de la misère à voir le raisonnement, là, d'appuyer la moitié du projet de loi parce qu'il y a un principe de négociation locale, mais, l'autre moitié, vous voulez... bien, je ne suis pas dedans, mais je l'appuie quand même, le projet de loi. Excusez-moi, là, mais je trouve la situation un peu bizarre.
M. Renaud (Jacques): Alors, la raison qui nous amenés à dire qu'on appuie le projet de loi sur ces deux dimensions, c'est que, en étant dans le réseau de la santé depuis longtemps, on voit bien que certains de nos partenaires ont des difficultés de gestion de l'organisation du travail parce qu'il y a de multiples unités. Lorsqu'on parlait, tout à l'heure de 60, 70 ou 80 ou même 30 unités, le constat qu'on fait, c'est que, si on avait dans un établissement une trentaine d'unités ou si la majorité de nos établissements vivaient avec une trentaine d'unités d'accréditation, je peux vous dire qu'on serait d'accord pour les réduire à cinq. Mais, comme notre situation est composée d'établissements de petite taille qui ont peu d'unités de négociation, bien, notre demande nous semble conséquente avec notre vécu, et, comme on est en partenariat avec l'ensemble des établissements et du réseau, on comprend très bien aussi que, pour d'autres parties du réseau, ça peut être une solution valable. C'est pourquoi on dit: On est d'accord.
Le Président (M. Copeman): C'est intéressant, mais, tristement, il ne reste plus de temps du côté de l'opposition officielle. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Oui, M. le Président, pour juste réconcilier les chiffres dans le document que nous avons eu la générosité débridée, même, je dirais, de déposer tantôt.
Mme Harel: Non. Là-dessus, non, je regrette, il n'y a pas de générosité.
M. Couillard: Non, non, mais c'est que...
Mme Harel: Vous avez déposé un document, puis on vous en remercie, mais là le terme n'était pas...
Le Président (M. Copeman): Je ne suis pas sûr que c'était une question de règlement, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Allez-y, M. le...
Mme Harel: Oui, c'en est une, parce que ce n'est pas par générosité que ça a été déposé.
Le Président (M. Copeman): Je comprends. C'est plutôt un commentaire qu'une question de règlement. Merci beaucoup. M. le ministre de la...
M. Couillard: Essayons de conserver un seuil minimum de sens de l'humour, les choses vont être agréables. Alors, pour faire la différence entre 136 et 111, c'est que les 25 qui font la différence entre les deux chiffres n'ont pas les titres d'emploi nécessaires, de toute façon, pour monter à cinq. Donc, ils n'auront pas à augmenter leur nombre d'accréditations. Je pourrais vous le réexpliquer. Les 111 sont ceux qui auraient à monter le nombre d'accréditations à cinq.
D'autre part, d'après les informations dont on dispose, sur les 51 établissements, il y en a six qui ont une unité d'accréditation, selon nos données, là, sauf erreur, là, six qui ont une unité d'accréditation. Ça aide à remettre la discussion dans le contexte.
Et puis vous parliez de l'Hôpital Notre-Dame-de-Lourdes. Est-ce que c'est Providence?Notre-Dame-de-Lourdes? Vous n'êtes pas... En tout cas, il y en a un qui s'appelle comme ça. Je ne donnerai pas les chiffres, à ce moment-là, parce que ce n'est peut-être pas le même dont Mme la députée parlait.
Mme Harel: Je ne crois pas.
M. Couillard: Non?
Mme Harel: C'est peut-être celui des Soeurs grises que je visite, mais tout le monde dit toujours Notre-Dame-de-Lourdes.
M. Couillard: O.K. Ma consoeur, je pense, M. le Président, voudrait demander la parole.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. À la page 8 de votre mémoire, à la fin, au point 2, vous dites: «Une trentaine d'établissements devront embaucher du personnel spécialisé en relation de travail, pour un coût approximatif de un million et demi.» Les établissements dont vous parlez représentent combien de personnes? Combien il y a de travailleurs à l'intérieur de ces établissements-là?
M. Renaud (Jacques): Si on pense à 33 établissements qui ont moins de 100, on n'a pas établi le nombre précis de travailleurs que ça peut représenter, mais je vous risquerais un chiffre: peut-être autour de 1 000 ou 1 500, au gros maximum.
Mme L'Écuyer: O.K.
M. Renaud (Jacques): Mais mon chiffre est très approximatif.
Mme L'Écuyer: Ça veut dire qu'il y aurait près de 1 000 travailleurs dans la trentaine de ces établissements-là. C'est ça que vous voulez dire?
M. Renaud (Jacques): On peut y aller aux alentours probablement... On ne l'a pas calculé de façon précise, mais... C'est-u 1 500, c'est-u 2 000? Je ne peux pas vous répondre précisément.
Mme L'Écuyer: O.K. Les relations de travail actuellement sont gérées de quelle façon pour ces 30 établissements là?
M. Renaud (Jacques): Elles sont gérées soit par la Direction générale ou soit par la Direction des services administratifs, et souvent ce sont des établissements à une, deux unités.
Mme L'Écuyer: O.K., qui peut représenter, par établissement, une cinquantaine d'employés, une soixantaine d'employés?
M. Renaud (Jacques): Ça peut être de 50 à 60, aller jusqu'à une centaine.
Mme L'Écuyer: Aller jusqu'à une centaine d'employés. D'accord. Merci.
M. Couillard: M. le Président.
Le Président (M. Copeman): M. le ministre.
M. Couillard: Juste préciser votre demande, qui est la conclusion de votre mémoire, d'être exclus. On sait qu'il y a certains établissements privés conventionnés qui ont plus de cinq unités d'accréditation. Est-ce que vous voudriez que ceux-là également soient exclus?
M. Renaud (Jacques): Là-dessus, ce que je peux vous dire, ce qu'on a constaté, c'est que ceux qui ont plus de cinq unités, pour la majorité, c'est-à-dire, ont des petits syndicats, qui peuvent contenir un, deux, trois employés, souvent des professionnels. Peut-être que M. Doyon peut élaborer un petit peu là-dessus.
M. Doyon (Daniel): Effectivement, le nombre d'employés par syndicat, pour les petits syndicats, est très petit. Alors, en réponse à votre question, c'est: Oui, on demanderait à ce que l'ensemble des établissements ou des installations soient exclus de la loi.
M. Couillard: O.K.
n(20 h 50)nLe Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci, M. Renaud, M. Simonetta et M. Doyon, de votre participation devant cette commission. Et je demanderais immédiatement aux représentants de l'Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec de prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, Mme Genest, vous êtes la porte-parole principale. Avant qu'un autre membre fasse l'observation, c'est la première délégation composée uniquement de femmes aujourd'hui. Nous avons eu quelques-unes composées uniquement d'hommes, alors vous êtes les premiers composés uniquement de femmes.
Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, à Mme Genest, la présidente de l'Association. Les règles de jeu sont assez claires: vous avez une durée maximale de 15 minutes à faire votre présentation, et il y aura par la suite un échange de 15 minutes avec les parlementaires, de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite débuter votre présentation.
Association professionnelle des technologistes
médicaux du Québec (APTMQ)
Mme Genest (Francine): Alors, merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, mesdames, M. le ministre. Je voudrais, oui, dans un premier temps vous présenter mes collègues, vous dire peut-être qu'on est à la base toutes des technologistes de laboratoire médical. Mme Boisclair, qui est maintenant vice-présidente de notre Association, était technologiste de laboratoire au CHUM, pavillon Notre-Dame; Mme Andrée Sylvain, qui est conseillère en relations de travail, était technologiste à l'hôpital, ici, à Lévis...
Mme Sylvain (Andrée): L'Hôtel-Dieu de Lévis.
Mme Genest (Francine): ...et moi-même, qui étais cytologiste à l'Hôpital Charles-Lemoyne.
Alors, ça nous fait plaisir d'être parmi vous ce soir. Et j'aimerais vous présenter peut-être notre Association, vous dire qu'elle existe depuis plus de 40 ans. Elle représente 85 % des technologistes de laboratoire médical et cytologistes de la province de Québec. Nous représentons aux alentours de 4 500 membres, sommes présents dans environ 120 établissements de santé, sommes également présents dans des CLSC, centres hospitaliers. Un peu CHSLD aussi, hein? Alors, nous assurons de façon totalement indépendante la négociation des conditions de travail. Nous avons une structure qui est locale, régionale ainsi que provinciale.
Peut-être vous dire un petit peu aussi le travail des technologistes et des cytotechnologistes, qui bien souvent dans un hôpital travaillent dans l'ombre, contrairement à d'autres corps d'emploi. Alors, brièvement, ce sont des personnes qui travaillent jour, soir, nuit, fin de semaine. C'est pour ça que... Au départ, vous nous aviez convoqués à 11 heures; on aurait été capables d'être très alertes à cette heure-là, on est habitués, dans les hôpitaux.
Nos technologistes effectuent les prélèvements sanguins, préparent les unités de sang, dépistent le cancer, détectent les virus, hépatites, VIH, détectent les bactéries, méningite, SARM, SRAS, bactérie dévoreuse de chair ? le nom technique est connu également ? font les autopsies, ne font pas qu'assister, hein, font les autopsies avec les médecins pathologistes, détectent les taux de cholestérol, de glycémie dans les cas de diabète, anémie, leucémie, etc. Alors, je pense que le ministre Couillard, qui est dans le domaine de la santé, pourra vous confirmer que, sans technologistes de laboratoire, difficile de poser un diagnostic.
Et un corps d'emploi, on est trois femmes ici ce soir, corps d'emploi à majorité, à prédominance féminine, environ 85 %.
En plus de la négociation, je pense qu'il importe de préciser que notre Association, notre syndicat indépendant s'est impliqué dans plusieurs dossiers, entre autres dans le processus de réorganisation des laboratoires qui avait à l'époque été initié par Marc-Yvan Côté, poursuivi par la suite par le ministre Rochon.
Nous avons produit des guides en prévention, en santé et sécurité dans les laboratoires, qui présentement sont utilisés partout, même au Canada, en termes de guides de référence. Nous siégeons sur des comités de la main-d'oeuvre, nous avons travaillé à instaurer des projets-pilotes pour replacer des technologistes médicales dans des CLSC, dans des... au niveau de programmes informatiques. Nous avons ardemment travaillé à la diminution des coûts dans nos services de laboratoire, et, une précision à cet effet-là ? je vois M. le ministre Couillard qui fait signe que oui ? s'il est un secteur du domaine de la santé qui est très contrôlé au niveau des coûts et qui a fait une démonstration nette d'une diminution de coûts au fil des années, c'est bien le secteur des laboratoires. Les technologistes ont contribué à cela.
Alors, pour nous, le projet de loi n° 30 maintenant est bien évidemment une fausse solution, parce qu'il faudrait bien voir ce qui fait en sorte une augmentation du nombre d'accréditations. Ça résulte de plusieurs facteurs, je vais en énumérer juste quelques-uns. Lorsqu'il y a eu des fermetures d'établissements, replacements du personnel, des fusions, quand on a fusionné plusieurs établissements, effectivement que ça a créé des duplicata au niveau de différentes accréditations, et à l'époque on se rappelle que les autorités ministérielles avaient souligné cette problématique. On avait déjà d'ailleurs été rencontrés, au niveau du ministère de la Santé. Dans tous les cas ou, je vous dirai, la très grande majorité des cas, l'APTMQ a répondu à l'appel. On a une vingtaine de cas où nous avons fusionné les accréditations sans qu'aucune loi ne nous y oblige et sans que l'employeur ne nous y oblige.
Et je voudrais faire remarquer également que les organisations syndicales... pardon, les organisations patronales, sans qu'il y ait de loi n° 30, ont des pouvoirs aussi pour forcer la fusion des accréditations au niveau du Code du travail, et ils ne l'ont pas fait ou très peu. Et j'ajouterais que, du côté ministériel, on n'a pas poussé plus loin le dossier. Quand on a voulu faire d'autres représentations, apparemment qu'on... ce n'était pas nécessaire de le faire.
n(21 heures)n Alors, la question qu'on se pose présentement: Pourquoi, par une loi, forcer les gens à se regrouper? Est-ce la solution du pire pour pouvoir légiférer? Alors, comme je le disais, il était facile de diminuer le nombre d'accréditations en procédant à de simples regroupements. Et même qu'on peut vous prouver ici, messieurs dames, qu'à partir de données que nous avons analysées sur l'ensemble du territoire il y a une possibilité actuellement d'une réduction de 20 % à 25 % des accréditations, et ça, sans heurter ? puis possiblement plus que ça ? sans heurter les organisations syndicales en place. Alors, nous ne croyons pas qu'il faille mettre les pans de mur par terre pour réaliser cette opération.
Des solutions, certes, il y en a. On va vous en proposer deux, que certainement d'autres organisations vous ont proposées ou vont vous proposer. La première, ce serait la fusion des unités de négociation détenues par un même syndicat, ce que je vous disais que nous avions fait; on pourrait continuer de le faire. Je donne un exemple, entre autres: le Centre universitaire McGill, où on représente les technologistes de laboratoire dans les cinq pavillons.
La deuxième solution, c'est qu'il y ait obligation que des titres d'emploi similaires ne soient représentés que par un syndicat. Là, je vais vous en donner un autre exemple: au CHUM, trois syndicats dans les trois pavillons pour les technologistes d'un laboratoire médical; alors, un à l'Hôpital Notre-Dame qui est chez nous, APTMQ; un autre à Saint-Luc qui est dans une unité de la CSN; et un autre à l'Hôtel-Dieu dans une autre unité de la CSN, pas dans la même unité. Ah! c'est sûr que, dans ces cas-là, ça prendrait des votes démocratiques. On l'a déjà fait dans le passé et nous n'aurions aucune réticence à le refaire à nouveau.
Dans le présent projet de loi, malheureusement, nous trouvons que le gouvernement préfère l'approche draconienne qui entraîne la disparition pure et simple ? qu'on se le dise ici, là ? la disparition pure et simple de la majeure partie des entités syndicales existantes indépendantes. Or, pour les technologistes de laboratoire médical, qui depuis 40 ans ont choisi d'être regroupés dans un syndicat de par leur profession, vous comprendrez que, pour elles, pour eux, c'est une attaque au droit fondamental de la liberté d'association. Du même souffle, une nouvelle réorganisation ? soit le projet de loi n° 25, même si on n'est pas ici ce soir pour en faire le débat ? ...vont être forcés d'être intégrés à l'intérieur de nouveaux regroupements d'établissements.
Il faudrait ici rappeler, puis je suis sûre que je ne suis pas la seule à le dire... Combien est-ce qu'il me reste de temps? Encore un bon 10, 15 minutes, je suis la dernière, hein?
Le Président (M. Copeman): Malheureusement...
Mme Genest (Francine): Il y a quelqu'un après moi?
Le Président (M. Copeman): Oui. Il vous reste quatre minutes et demie, Mme Genest.
Mme Genest (Francine): Mais je suis sûre que vous... quelques minutes, hein? Bon. Alors, ça fait 15 ans que le réseau subit des chambardements sans précédent. Alors, pourtant, dans le rapport de la commission Clair, hein, je vous rappellerai une phrase qui était là, que plusieurs décideurs semblent avoir oubliée aujourd'hui, on disait que la première richesse dans le réseau de la santé, c'étaient les travailleurs, les travailleuses, qui avaient pour mission de prévenir, guérir et soigner. Alors, on recommence avec des chambardements de structures, des chambardements qui vont être créés aussi par des diminutions d'accréditations.
Alors, tant qu'à nous, l'État agit sur le réseau de la santé tel un magicien, en tentant de trouver un remède miraculeux qui permettra comme par enchantement à un malade condamné de vivre une guérison instantanée. Oui, il y a place à l'amélioration, même si on est en désaccord avec la façon de le faire. Et, encore une fois, nous nous engageons à travailler à l'amélioration.
L'autre volet qu'on voulait vous soumettre ici ? et je vais devoir accélérer: la façon dont les catégories ont été ciblées dans le projet de loi, à partir de critères qu'on n'est pas capables de retrouver dans les catégories... Je vous donne des exemples, hein. Les critères qui étaient retenus, on parlait, entre autres, de ? aidez-moi un petit peu...
Une voix: Communauté d'intérêts.
Mme Genest (Francine): ...communauté d'intérêts...
Une voix: Interchangeabilité des fonctions.
Mme Genest (Francine): ...etc. On ne les retrouve pas dans les catégories, particulièrement à l'annexe IV, entre autres. Il y a 118 titres d'emploi classés, à l'annexe IV, et tentons de trouver des communautés d'intérêts entre divers titres d'emploi, je pense qu'il est difficile d'en trouver par rapport à plusieurs titres d'emploi.
Et, minimalement, ce qu'on veut dire à cette commission, c'est que, si on avait voulu minimalement respecter une certaine communauté d'intérêts, dans la nature également, dans la nature des fonctions même, on aurait fait une distinction entre des groupes techniciens et professionnels qui n'ont pas de liens comme tels au niveau des fonctions dans un centre hospitalier. Alors, on comprend que des techniciens, comme techniciens en radiologie, inhalo, techniciens en laboratoire, des personnes qui sont plus à la base du diagnostic, vont avoir une meilleure communauté d'intérêts qu'avec d'autres professionnels de la santé.
Et, à la toute fin, je terminerais en vous... On a mis quelques commentaires concernant les projets de loi nos 25 et 31; je vais vous laisser en prendre connaissance. Au niveau de l'article 25, ce qu'on est en train de faire avec... pour faire entrer la sous-traitance, tant qu'à nous autres, c'est une vente à l'encan, présentement, de l'ensemble de nos services publics, et ça nous préoccupe grandement.
Le constat final que nous ferions, c'est que le projet de loi n° 30, tout autant que les autres projets de loi, constitue un amalgame de solutions posées afin de régler unilatéralement, en dehors de la négociation, des questions jugées irritantes par les partenaires patronaux. Alors, imposer des solutions n'est pas la voie à suivre. Nous demandons qu'on procède par étapes, dans un premier temps. Qu'on oblige les fusions d'accréditations là où elles peuvent être faites, 50 % des accréditations seront diminuées. Si cette procédure n'atteint pas... ne permet pas d'atteindre les résultats escomptés, donnons-nous la chance, au moins, de la tenter et, par la suite, procédons diligemment, dans le respect des travailleurs et travailleuses qui oeuvrent dans le réseau. Je vous remercie.
Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Genest, merci d'avoir respecté l'enveloppe du temps. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Couillard: Merci, M. le Président. Mme Genest, merci de votre présentation. Je vais juste faire quelques petites remarques pour réagir à certains de vos propos puis, ensuite, j'irai avec des questions pour qu'on ait un échange sur les points qui vous préoccupent particulièrement.
Je dois d'abord réaffirmer un point de désaccord avec vous, comme avec d'autres organisations syndicales, sur le fait que ce projet de loi ne diminue en rien le droit d'association. Au contraire, le droit d'association est reconnu par les chartes, par le Code du travail et réaffirmé dans l'article 3 du projet de loi. Puis, il y a autant de gens syndiqués qu'avant; les gens conservent le droit d'être représentés par un syndicat, de négocier, de choisir leur syndicat par mode démocratique. De ce côté-là, il n'y a aucune atteinte à un droit fondamental.
Pour ce qui est du réseau de la santé, vous le connaissez bien, l'historique de notre réseau de la santé, on a un lourd passif, qui n'est pas la faute ? je le dis toujours puis j'aime ça le répéter parce que c'est important ? qui n'est pas la responsabilité du mouvement syndical. C'est que, lorsqu'on a fait ces regroupements d'institutions, au début des années quatre-vingt-dix puis, par la suite, au cours des années quatre-vingt-dix, on n'a pas pris la précaution de prévoir à ce moment-là cette situation, de sorte qu'on a accumulé un lourd passif en termes de lourdeur d'organisation du travail puis d'accréditation. Si on compare avec d'autres réseaux, comme les municipalités et le réseau scolaire, ça s'est fait de façon beaucoup mieux planifiée et plus harmonieuse. Puis, on n'en serait pas là si ça s'était fait à l'époque comme ça. Mais on ne peut pas récrire l'histoire, puis on est pris avec ce problème-là actuellement.
Le fait d'y aller avec une accréditation ou une syndicalisation par titre d'emploi, évidemment, le problème, c'est comme l'effet domino, c'est: si on commence par titre d'emploi, comme il y a plus de 300 titres d'emploi dans le réseau de la santé, bien, jusqu'où on va s'arrêter, dans le principe d'un syndicat par titre d'emploi? Alors, vous pourriez peut-être réagir à ça.
n(21 h 10)n Puis, je vais également vous faire la même remarque que j'ai faite à d'autres intervenants: en aucun cas ce projet de loi n'affecte ou ne change quoi que ce soit quant à la situation de la sous-traitance dans le réseau de la santé. La sous-traitance est déjà possible, elle est déjà pratiquée, comme vous le savez, dans le réseau de la santé. Elle est encadrée, d'une part, par le bon jugement des administrateurs, qui souvent jugent que ce n'est pas avantageux de faire de la sous-traitance. Parce que, vous le dites vous-même, en laboratoire, la performance, en termes de coût unitaire des techniciennes au Québec, est comparable à ce qui se fait certainement ailleurs en Amérique du Nord, puis au Canada particulièrement. Et, d'autre part, dans les conventions collectives, il y a des dispositions, puis on en parlé plus tôt aujourd'hui, qui de toute façon encadrent le recours à la sous-traitance et la limitent fortement. De sorte que ce n'est pas de mettre ce projet de loi là en place, s'il est adopté, qui change quoi que ce soit au problème de la sous-traitance.
Allons maintenant plus spécifiquement discuter de certaines de vos préoccupations. On sait que, dans le réseau public ou parapublic, par exemple à la Société des alcools ou à Hydro-Québec, dans les municipalités, les techniciens sont regroupés avec des professionnels également dans une même unité de négociation. On voit ça dans d'autres réseaux. Alors, en quoi ce modèle, d'après vous, ne peut-il être appliqué dans le réseau de la santé? En d'autres termes, pourquoi ça marche, associer techniciens et professionnels à l'Hydro, à la Société des alcools et ailleurs, et pas dans le réseau de la santé?
Je veux vous entendre là-dessus, parce que je réalise que c'est une grande préoccupation de votre part, puis on en avait discuté, d'ailleurs, de ça. Et, s'il y a moyen d'améliorer les choses, tant mieux, mais il ne faut pas le faire de façon illogique puis ne pas faire des choses qui auraient des conséquences négatives imprévues, également. Alors, qu'est-ce que vous en pensez, de ce parallèle que je fais?
Mme Genest (Francine): La question qu'on se pose, c'est que, dans le secteur de la santé, si on regarde les types de regroupements, de la façon qu'ils se sont regroupés... effectivement, ont toujours choisi la base techniciens ? en général, je dis bien, là ? et catégorie... Je crois que c'est de par la nature des fonctions. Si on regarde... Je vais juste vous donner un exemple. Les groupes techniciens, au niveau de l'organisation du travail, vont travailler jour, soir, nuit, fin de semaine, vont être de garde, sur appel, alors qu'on retrouve rarement ça chez le groupe professionnel. Alors, déjà là, il y a tout un contexte d'organisation du travail qui diffère.
Il y a aussi des liens hiérarchiques, hein. Souvent, la diététiste va être la chef, si vous voulez, des techniciennes en diététique. Alors, ça devient drôlement difficile d'aller négocier à ce niveau-là quand ta chef peut être dans la même unité que toi. Alors, c'est des exemples que je vous donne, mais il y a également la jurisprudence, Dr Couillard, qui au fil des années a donné des bons exemples. Mme Sylvain peut peut-être répondre.
Mme Sylvain (Andrée): Oui. Par rapport à votre question ? pourquoi ce serait bon à la Société des alcools d'être dans une même unité et pas dans le secteur de la santé? ? je vous ramènerais à la première intervention que vous aviez soulevée, en disant: On n'atteint pas le droit de syndiquer. Moi, je pense qu'il faut le regarder, justement, par rapport à l'historique qui s'est développé. Et particulièrement, l'APTMQ est un des plus anciens syndicats indépendants; dès les années soixante, on a été reconnus comme un groupe distinct.
D'accord, peut-être que le projet de loi n° 30 n'attaque pas le droit d'association comme tel, mais il remet drôlement en question le droit qui a été consenti au fil des ans par les tribunaux à des groupes de techniciens et de professionnels d'être reconnus comme des groupes distincts. Parce qu'il y a des spécificités dans nos fonctions, il y a des spécificités dans nos besoins professionnels, et tous ces travailleurs et travailleuses là ont senti le besoin de se regrouper sur la base de leur profession. Et ça, c'est tout l'historique des relations de travail dans le secteur de la santé, qui est complètement différent des autres secteurs du travail au Québec.
Donc, moi, je pense que ça peut être bon. N'importe quel autre secteur, ce n'est pas notre domaine; mais on va vous dire que, dans la santé, il y a des particularités. Et, ce qui a fait l'affaire et qui a très bien servi le réseau depuis plus de 30 ans, on se questionne: pourquoi ce serait remis en question? Parce que les techniciens, comme tel, se sont regroupés, et je pense que les relations de travail ont été saines et harmonieuses dans tous les milieux où on a été accrédités; donc, pourquoi ça changerait? Et pourquoi ça changerait par une loi?
M. Couillard: Évidemment, un des aspects des conséquences du projet de loi, c'est la question effectivement des syndicats de plus petite taille et indépendants. Je ne veux pas dire que vous êtes un petit syndicat en termes d'importance, mais en termes de nombre, comparé à des grands ensembles qu'on connaît au Québec. Et il n'y a pas de doute que là les grands blocs risquent d'avoir un effet, là, négatif sur les plus petites unités syndicales, dont votre organisation, dans l'hypothèse d'un maraudage ou de redistribution des allégeances.
Mais il y a au projet de loi une disposition qui permet, nous pensons, de prévenir cet effet-là, qui est, à l'article 21, la possibilité de faire des regroupements ou des alliances syndicales. Et d'ailleurs, récemment, on voyait dans les médias une proposition d'alliance qui impliquait, entre autres, la Fédération des infirmières et qui aurait comme effet, cette chose-là, de rétablir l'équilibre un peu entre les grandes centrales syndicales et les groupements de petits syndicats, plus indépendants ou moins, disons, en moyens que les grandes centrales. Est-ce que c'est quelque chose qui, d'après vous, pourrait amenuiser les conséquences potentiellement négatives pour votre organisation?
Mme Genest (Francine): Alors, dans un premier temps, il n'apparaît pas dans ce projet de loi, ce type de regroupement. Effectivement, nous l'avons annoncé dans les médias, et il y a des échanges très étroits qui se font avec les autres organisations syndicales indépendantes de la santé, mais c'est une autre question qui va se régler avec les organisations syndicales en question, et je ne pense pas que ce soit l'objet aujourd'hui de cette commission.
Ceci étant dit, je pense que vous-même, le gouvernement, hein, dans un article dans le journal, 18 novembre, si je ne m'abuse, hein, vous admettiez, vous autres mêmes, que ces unités, ces divisions-là que vous aviez faites, pouvaient donner 50 000 membres. Ça a été... bien, j'ai ça ici: le 18 novembre.
M. Couillard: Voulez vous que je vous réponde maintenant ou plus tard?
Mme Genest (Francine): Vous pouvez, mais je vais vouloir vous répondre après, par exemple.
M. Couillard: O.K. Oui, oui. Ce chiffre que vous mentionnez, c'était une citation de quelqu'un qui disait avoir les informations du ministère de la Santé, qui donnait ce chiffre-là; ça n'a rien à voir avec la réalité, je vous rassure tout de suite là-dessus.
Mme Genest (Francine): ...
M. Couillard: Bien, c'est très difficile, M. le Président. On ne commencera pas à échanger directement, là.
Le Président (M. Copeman): Non, non. Bien, regarde, là, je pense qu'on va continuer l'échange avec nos invités.
Mme Genest (Francine): Oui, Dr Couillard, c'est quoi, la réalité?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couillard: C'est très difficile pour nous, et évidemment c'est le côté syndical qui fait ses propres calculs. Si vous allez de part et d'autre, vous allez peut-être avoir des idées là-dessus. Mais ça nous semble très irréaliste, ce chiffre-là qui était mentionné. Ça ne s'applique, en tout cas, à aucune information que, moi, j'ai vue au ministère de la Santé et des Services sociaux. Je voulais juste vous dire ça.
Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Sylvain.
Mme Sylvain (Andrée): Oui. Je voudrais vous ramener sur autre chose. Avant de penser ou de nous inciter au regroupement avec d'autres associations de techniciens et de professionnels de la santé, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'il faut d'abord miser dans le respect des organisations syndicales en place et sur la base des titres d'emploi tels qu'on les connaît.
Vous nous avez invités tout à l'heure à vous éclairer un petit plus là-dessus. On vous indique dans notre mémoire que, nous-mêmes, comme organisation, déjà on a fusionné une vingtaine de nos établissements, et sur une base vraiment volontaire, et ça, lorsque justement les organisations patronales en place ont initié en mettant le travail en commun. Donc, nos techniciennes l'ont compris, quand, à un moment donné, l'employeur met le travail en commun, ce n'est pas long qu'en termes d'organisation de travail les salariées comprennent l'intérêt de se fusionner. Et, comme on vous le dit, on l'a fait dans une vingtaine de cas.
Au-delà de ça, si vous regardez la carte de la représentation syndicale dans l'ensemble des établissements, on forcerait le regroupement sur la base qu'on vous propose, là, qu'une même organisation fusionne l'ensemble des unités qu'elle détient ou qu'un même titre d'emploi soit regroupé sous un même chapeau syndical, et vous atteindriez presque les mêmes chiffres que vous visez avec votre grand remue-ménage.
Et on a des chiffres. Je voyais dans un article, vous citiez, à titre d'exemple, la prolifération des unités d'accréditation: le CHUQ, une soixantaine d'unités, et le CLSC Haute-Ville?Des Rivières, 44 unités d'accréditation. Bien, il y aurait un ménage de fait sur la base de notre proposition, que chaque syndicat fusionnerait ses unités, et, croyez-le ou non, il resterait 12 unités d'accréditation au CLSC Haute-Ville?Des Rivières, et les syndicats resteraient dans leur entité actuelle, chaque syndicat qui en détient trois, quatre et cinq unités d'accréditation regrouperait tout son monde.
Et quand on dit... On a avancé la faible hypothèse d'un 20 % à 25 % sur l'ensemble du réseau, parce que, nous, on a fait des évaluations, sur les 39 centres multivocationnels déjà existants, là, dans le répertoire, et ce simple ménage-là, dans... chacun ses balises dans le respect du libre choix de se syndiquer des travailleurs, et on arriverait presque à la même réduction d'unités, on ne jetterait rien à terre, on respecterait les gens et on ne forcerait pas tout ça par une règle de législation.
M. Couillard: M. le Président, je pense que ma consoeur voudrait intervenir.
Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac.
Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. À la page 9 de votre mémoire, vous écrivez et vous expliquez un peu de ce qui arriverait à partir de l'article 8, que vous seriez avec les animateurs ou animatrices de pastorale, les technologistes, et la question que vous posez, c'est: Comment retrouver les éléments constitutifs du caractère de la communauté d'intérêts?
n(21 h 20)n Si je reviens avec ce bout-là, à la page 8, où vous parlez... «La communauté d'intérêts [...] est une condition essentielle qui s'apprécie en tenant compte de la nature des fonctions exercées», ma question, c'est: Est-ce que les technologistes médicaux ont un ordre professionnel?
Mme Genest (Francine): Oui, nous avons un ordre professionnel, mais non pas à titre exclusif, un ordre professionnel qui est plutôt à titre réservé.
Mme L'Écuyer: À titre réservé. Une autre question. Vous avez aussi, en parlant de cet article-là tantôt... en disant: On a des besoins de formation, on a des besoins de professionnels. Ma question, c'est: Est-ce que votre ordre professionnel répond à vos besoins de formation, de rencontres, d'échanges, pour des points d'intérêt commun?
Mme Genest (Francine): Il est évident qu'on a des bons échanges avec l'Ordre. Ceci étant dit, il faut bien voir que le but premier d'un ordre, c'est la protection du public. Tout ce qui a trait à la promotion de la profession, les problématiques de main-d'oeuvre, former les technologistes, les recycler dans d'autres secteurs d'activité, plusieurs secteurs... faire reconnaître la profession en matière de santé et sécurité au travail, l'APTMQ est le maître d'oeuvre dans ces dossiers-là. Alors, je pense qu'il ne faut pas mêler les choses, non plus. L'Ordre est là pour la protection du public.
Mme L'Écuyer: Une dernière question. Notre dernière question. C'est que j'ai toujours pensé, venant du domaine de la santé, qu'un groupe d'intervenants... la communauté d'intérêts était d'abord le patient et le client. Et j'ai de la difficulté à saisir: le fait que vous seriez dans un groupe de gens avec des formations différentes, en quoi ça vous enlève cette communauté d'intérêts ou cette capacité-là? Je ne comprends pas, là.
Mme Genest (Francine): Bon. Il est évident, je ne l'ai pas mentionné, mais je crois que c'était assez évident, quand j'ai dit les tâches qu'effectuaient les technologistes de laboratoire et les cytologistes, que leur but premier c'est de travailler au diagnostic de la maladie, à la prévention et s'assurer que, de par nos diagnostics, le traitement approprié est octroyé au patient.
Au niveau de communauté d'intérêts, on parle davantage d'un type de service qu'on donne à la population, qui, vous allez convenir, diffère quand même, là, de l'animateur de pastorale. Remarquez que, par les temps qui courent, on doit y recourir assez souvent, parce qu'on a le moral à terre, des fois, mais il n'y a pas grande communauté d'intérêts dans les 117 titres d'emploi que vous nous... dans l'ensemble des 117 titres d'emploi qu'il y a à cette annexe.
Mme L'Écuyer: Mais en quoi le fait d'être avec ces gens-là, dans le même groupe, vous empêche de faire ce que vous venez de me dire, actuellement? En quoi d'être avec le même groupe de travailleurs que les... je ne sais pas, les agents sociosanitaires, en quoi ça vous empêche de faire ce que vous venez de me décrire là?
Mme Genest (Francine): Bon. Premièrement, on ne serait plus l'agent négociateur. Deuxièmement, quand c'est le temps de faire travailler à des programmes pour notre monde, pour les replacer dans des comités de main-d'oeuvre, vous vous imaginez dans quel melting pot qu'on va se retrouver? Je pense que je pourrais vous donner plusieurs exemples et que mes collègues pourraient vous en donner, là.
Mme Sylvain (Andrée): Bien, moi, je vous résumerais ça en vous disant que chaque spécialité, qu'elle soit technique ou professionnelle, chaque spécialité de la santé est rendue à ce point spécialité qu'il s'est développé tout un monde d'intérêts professionnels et de conditions de travail autour de ça. Mme Genest vous a mentionné tout à l'heure... Il faut voir qu'un syndicat est d'abord là avant tout pour voir aux conditions de travail d'une catégorie de salariés. Les conditions de travail se distinguent entre ces différentes catégories de travailleurs et travailleuses.
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, je dois vous arrêter là. On a un peu dépassé l'emploi du temps. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'apprécie ? je ne vous le dis pas souvent, mais je vous le dis, là ? énormément votre neutralité, n'est-ce pas?
Alors, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, vous souhaiter la bienvenue, Mme Genest, Mme Boisclair et Mme Sylvain. Alors, Mme Genest, vous êtes... vraiment, vous êtes formidable, je vous le dis, là, parce que, de toute évidence, vous dites des choses difficiles parfois à entendre, mais qui ne provoquent pas... qui n'ont pas d'effets conflictuels. Ça, c'est vraiment une qualité de communicatrice, là, je vous le dis bien simplement.
Écoutez, à la question qui vous était posée juste avant qu'on me donne la parole, je me suis dit: L'expression «communauté d'intérêts», ça n'est pas une expression... une formule de style, ça réfère à de la jurisprudence en termes de relations de travail. Donc, à ce moment-là, la communauté d'intérêts, on pourrait se dire, si on suit la logique de Mme la députée de Pontiac: Pourquoi pas une seule fédération pour les médecins spécialistes, pour les médecins omnipraticiens? Ma foi, ils ont une communauté d'intérêts, c'est-à-dire soigner le patient! Alors, pourquoi est-ce qu'ils sont dans des fédérations distinctes? C'est un peu la même question, en fait, hein, qu'on pourrait leur poser aussi, n'est-ce pas?
Moi, j'ai beaucoup apprécié, beaucoup, beaucoup apprécié votre mémoire. Vous le savez, là, ça fait déjà quelques organismes que nous entendons, quelques groupes, quelques centrales syndicales, le ministre répète toujours la même chose; mais il faut que je repasse après lui, qu'est-ce que vous voulez! Le municipal puis le scolaire, il ne peut pas s'en inspirer, parce que jamais ça n'a joué dans les catégories d'emploi. C'est la première fois, même dans des regroupements de grands ensembles... Les commissions scolaires, il y en avait 1 300, il y en a 78; les municipalités, on connaît 42 nouvelles villes. Jamais il y a eu du découpage, un exercice de découpage syndical. C'est ça qui est introduit pour la première fois, dans le projet de loi n° 30.
Quand je regarde l'annexe IV ? j'aimerais ça, là, que l'exercice se fasse, là ? l'annexe IV de la loi, n'est-ce pas, il y a 118 titres d'emploi, et, parmi ces titres d'emploi, il y a horticulture, n'est-ce pas, il y a animateur ou animatrice de pastorale, il y a matériathèque ? je ne sais pas trop qu'est-ce que ça veut dire; vous non plus? bon ? et puis il y a technologiste médical, bon, des beaux métiers, des très beaux métiers. Mais la question est: Pourquoi le gouvernement se donne-t-il le droit d'imposer la liberté de s'associer, en ne laissant pas choisir... Dans le cadre de la jurisprudence, ça ne peut pas être le «free-for-all» non plus, là. Mais, dans le cadre de la jurisprudence comme on la connaît et dans le cadre de l'ensemble des règles qu'on connaît, là où il atteint la liberté fondamentale d'association, c'est parce qu'il décide avec qui. Je ne le dis pas en termes de syndicat. Avec quels autres collègues on va être obligés de s'associer?
Ça, à ma connaissance, cet exercice de découpage, là, c'est la première fois que cela se fait de manière autoritaire, unilatérale, comme c'est le cas dans le projet de loi n° 30. Et c'est ça, la différence. J'aimerais ça, ne pas avoir à le dire, mais il y a beaucoup d'intervenants avant vous qui l'ont prouvé, puis pourtant je comprends que... qui l'ont même démontré. La CSQ est venue le dire: Le milieu scolaire, là, on n'a pas joué là-dedans. La FTQ est venue le dire: Dans le monde municipal, on n'a pas joué là-dedans. Il faudrait, à un moment donné, que ça soit entendu, mais aussi compris. Alors, c'est la première fois qu'on joue de cette façon là-dedans. Et on ne peut pas se justifier de le faire en disant qu'il y a beaucoup à faire. Il faut aussi que ce soit fait correctement. Parce que, moi, je suis convaincue que tout ça va nous mener à Genève, là, au Bureau international du travail, puis il va y avoir de la contestation, qu'est-ce que vous voulez.
n(21 h 30)n Alors, reprenons votre proposition, à la page 5. Vous dites: «La fusion des unités de négociation détenues par un même syndicat dans un même établissement ? d'une part ? et l'obligation que les titres d'emploi similaires ne soient représentés que par un syndicat [...] ? vous apparaîtrait ? suffisants pour réduire de façon significative...» Si c'est ça, l'objectif qu'ils recherchent, alors pourquoi est-ce qu'ils ne vous écoutent pas? Je ne peux pas croire qu'ils ne vous écouteront pas. Peut-être, comme ça, ils donnent l'impression qu'ils ne vous écouteront pas, mais ça a tellement de bon sens! Ça n'a pas de bon sens qu'ils passent à côté de ça. Alors, j'aimerais ça, vous entendre sur... Vous, combien en avez-vous, d'unités de négociation?
M. Genest (Francine): Nous avons environ, je crois, 120 unités de négociation. Et, effectivement, Mme Harel, vos commentaires sont tout à fait pertinents. Et à cela j'ajouterais... regardez: Je trouve que votre exemple est très bon. Les médecins, ça en est, une communauté d'intérêts, hein, les médecins spécialistes, omnipraticiens; on ne les force pas. On reconnaît une unité pour les infirmières, et c'est tout à fait acceptable. Est-ce que c'est uniquement parce qu'on est 4 000 dans la province? Quand on est 50 000, on peut avoir une unité d'un corps d'emploi, puis, quand on est 4 000, on ne peut plus? C'est parce que là, là, il y a quelque chose qui est difficile à comprendre dans ça, Dr Couillard, et je sais que vous ne pouvez pas dire autrement.
Le Président (M. Copeman): Mais là, pour l'instant, il ne peut rien dire parce qu'il n'a pas d'enveloppe de temps. On va laisser Mme Harel réagir.
Mme Sylvain (Andrée): Mais je poursuivrai dans votre envolée, Mme Harel. Effectivement, c'est ce qu'on dit: Pourquoi refaire tous les murs du bâtiment quand, à l'intérieur des cadres du bâtiment existant, il y a moyen, sur une formule progressive, d'inciter les associations à fusionner les diverses unités d'accréditation qu'elles détiennent? Et, là-dessus, je vous dirais que les syndicats indépendants ont fait du travail, mais qu'il y a d'autres organisations... mais il reste encore beaucoup de travail. Dans les établissements multivocationnels qui sont déjà constitués, les 39 au registre du ministère, bien, regardez-le comme nous: du côté des accréditations générales, il n'est pas rare que dans un regroupement on va retrouver 10 ou 12 accréditations différentes d'unités générales. Bon. Il n'y a pas que chez nous, chez les indépendants, où il y a du ménage à faire, et on l'a fait, on l'a commencé, et vous atteindriez en grande partie les mêmes objectifs en respectant le choix, je vous le répète.
Mme Harel: Et sans la levée de boucliers que ça va provoquer, parce que...
Mme Boisclair (Thérèse): Voilà. De plus, je pense, quand on nous dit qu'on serait trop petits, en tout cas ça fait quand même... et on a quand même commencé par la présentation, effectivement, de l'APTMQ, et ce n'est peut-être pas anodin que ça se fasse comme ça. Ça fait quand même... on a quand même 40 ans d'existence, d'histoire. Notre négociation, on l'a faite, et en autonomes. Donc, je pense qu'à ce niveau-là la démonstration qu'on est viables est le fait qu'on soit ici ce soir.
Mme Harel: Si on considère qu'il y a 240 000, environ, je pense, employés dans le réseau de la santé et des services sociaux ? 232 000, bon, 232 000 ? et qu'il y a presque certainement les trois quarts qui se retrouvent dans des syndicats généraux, n'est-ce pas... par exemple, la CSN, qui était là cet après-midi, ont dit: 80 % de nos membres sont dans des syndicats généraux. Donc, ça fait 80 000. La FTQ a dit: 80 %, 85 %, 90 % de nos membres sont dans des syndicats généraux. Sur 35 000, je pense, membres, c'est certainement 30 000. Donc, on est rendus à 110 000. La FIIQ, en soi, c'est un syndicat, pour un groupe visé de salariés, comme on dit en relations de travail, donc un autre 45 000. On est rendus à 160 000 environ. Et ce sont là des syndicats uniques mais qui peuvent détenir plusieurs accréditations, comme vous qui êtes un syndicat unique mais qui détenez plusieurs accréditations.
Alors, votre processus permettrait, en fait, véritablement au projet de loi de porter son titre, là... Le titre, ce n'est pas le regroupement, cependant, mais Loi concernant le regroupement sur les unités de négociation, dans le cas où elles sont composées d'un même groupe de salariés, par exemple. Et, avec ça, vous vous sentiriez à l'aise? Vous accepteriez... Parce que j'imagine que, sur le terrain, il faudrait que vous vendiez ça à vos membres, aussi?
Mme Sylvain (Andrée): Écoutez, on l'a fait dans 20 établissements, on sait de quoi on parle. Même si les gens sont chez un même syndicat, comme l'APTMQ, pour vous donner l'exemple du CHA, ce sont quand même deux grandes unités et une petite pour l'APTMQ, ce n'est pas évident pour les gens de sacrifier leur vie d'unité indépendante pour se fusionner dans une même et unique... On connaît tous le phénomène de l'ancienneté, là, juste pour les vacances, l'ordre pour accéder à des postes. En soi, ce n'est pas un exercice banal, même des salariés d'une même association, de se fusionner dans une même entité. Je pense qu'il y aurait de l'ouvrage pour toutes les organisations, dans un premier temps, dans ce sens-là. Mais, l'issue étant sa propre organisation, les travailleurs y verraient leur avantage.
Mme Genest (Francine): Nous l'avons fait, Mme Harel, et nous nous engageons à continuer à le faire, même dans des centres où l'APTMQ ne serait pas la seule présente. Je parlais du CHUM tout à l'heure; on irait à un vote démocratique des gens.
Mme Harel: Mme Genest, vous m'avez l'air d'être une personne directe. Moi, je vous demande: S'il advenait que, par sa majorité, le gouvernement impose le projet de loi tel qu'il est, il se produit quoi dans le réseau de la santé?
Mme Genest (Francine): Je vais vous faire part... je vais vous dire honnêtement, Mme Harel: Je suis grandement préoccupée présentement par le climat qui sévit dans les hôpitaux, particulièrement là où nous sommes.
Je pense que ce n'est un secret pour personne à l'effet que les ressources humaines sont épuisées présentement, démotivées. Puis, à l'heure actuelle, plutôt que de donner des soins et des services, on va les forcer à se regrouper au sein de d'autres groupes syndicaux pour lesquels ils ne se sentent pas beaucoup d'affinités. On va refaire un débat de structures dans le contexte actuel, alors que ça fait 15 ans que les gens sont dans ça.
Moi, là, ça m'attriste et ça m'inquiète. Et quand on voit nos membres... Je ne sais pas si vous avez eu la chance de les voir régulièrement puis d'aller vous promener dans les hôpitaux? Ça fait 10 ans qu'on dit puis 15 ans qu'on dit que le moral des troupes est à terre, puis là on va les amener dans des chicanes internes de maraudage? Ce n'est pas drôle, ça, non plus, qu'est-ce qui se passe sur le terrain dans ce temps-là, hein?
Vous le voyez, vous autres, en campagne électorale: ce n'est pas toujours facile, hein? Alors, on est dans le milieu hospitalier, on donne des soins, et on va revivre tout ça encore, des structures. Les gens sont démoralisés, Mme Harel, et ça me préoccupe.
Mme Harel: D'autant que vous êtes un groupe... Comment dit-on, en vertu de l'équité salariale? On dit un groupe majoritairement...
Mme Genest (Francine): Discriminé.
Mme Harel: Bon. Et, l'équité salariale, vous vous attendiez sans doute à ce que ce soit réglé en priorité?
Mme Genest (Francine): Voilà! Vous m'ouvrez la porte?
Mme Harel: Oui.
Mme Genest (Francine): 14 ans que ce dossier-là n'est pas réglé, 14 ans que le dossier des relativités, les rangements salariaux entre différents corps d'emploi ne sont pas réglés, hein? Malgré des études qui ont fait des démonstrations que le tout devrait être corrigé, l'équité qui est repoussée, la négociation qui est échue depuis juin 2002... Puis là je ne voudrais pas faire de menaces à personne, je ne veux pas qu'on prenne ça pour une menace, mais, les technologistes de laboratoires médicaux du Québec, présentement, qui ont refusé la prolongation des conventions collectives, ont des droits, présentement légaux qu'ils ont acquis, et ils en ont fait la démonstration récemment. Et je ne souhaite pas que ça se passe, présentement, et ce n'est pas une menace, mais il est définitif qu'une négo de deux ans qui n'est pas réglée, puis on chambarde tout le processus de négociation actuellement, on retourne aux négociations locales: Un instant! Moi, Dr Couillard, hein, je pense qu'il va falloir que quelqu'un écoute ce que les travailleurs ont à dire.
Mme Sylvain (Andrée): Plusieurs autres organisations viennent de débuter le processus, alors que, pour les membres de l'APTMQ, ça fait 18 mois que le processus de négociation est commencé, et on change les règles du jeu alors que les gens commençaient à souhaiter discuter d'un règlement.
n(21 h 40)n Et je surenchéris quand vous questionnez sur le moral des troupes. Nous le disons dans notre mémoire: Le gouvernement fait fausse route. Si la santé est sa priorité, s'il espère que les travailleuses et travailleurs aient le coeur à l'ouvrage, bien, en mettant dans leur camp la balle de rechoisir l'organisation qui va les représenter à travers tout ça, pas sûr que le coeur va être à l'ouvrage, comme le gouvernement le souhaiterait, pour donner les services à la population.
Mme Genest (Francine): Dr Couillard, je voudrais juste apporter une correction sur ce que vous avez dit tout à l'heure, au tout début, tout début, quand vous avez parlé de la sous-traitance et de la privatisation. Vous avez dit que le Québec se comparait aux autres provinces en termes de coûts pour les laboratoires. Vous m'avez dit ça. Un, le Québec ne se compare nullement aux autres provinces. Dans toutes les autres provinces canadiennes, on a accepté la sous-traitance dans les laboratoires, à l'exception des provinces maritimes. Qui a les meilleurs coûts au Canada pour les services de laboratoire? Le Québec. Alors, ça, je tenais à vous le préciser, parce qu'on ne se compare même pas; c'est eux autres qui aimeraient avoir nos coûts qu'on a présentement.
Le Président (M. Copeman): C'est formidable, on va se comprendre. Malheureusement, le temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Et j'invite les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques de prendre place à la table.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est un plaisir pour la commission des affaires sociales d'accueillir de nouveau M. Vaudreuil, président de la Centrale des syndicats démocratiques, ainsi que les collègues qui l'accompagnent. M. Vaudreuil, vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez un temps maximal à votre disposition de 15 minutes pour la présentation. Par la suite, un échange entre les parlementaires, de 15 minutes chaque côté de la table. Je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent et de procéder immédiatement à votre présentation.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais vous présenter, à ma gauche, Jean-François Bérubé, qui est président des secteurs réunis des affaires sociales à la CSD; à sa gauche, Pierre Godin, qui est un conseiller syndical au secteur des... Pierre Godin! Pierre Dussault, pardon, qui est un conseiller syndical au secteur de la santé à la CSD, et Normand Pépin, à ma droite, qui est responsable du service de recherche à la CSD.
Dans un premier temps, je voudrais vous remercier de l'invitation qui a été faite par la commission de nous offrir l'opportunité de vous faire la présentation de nos remarques, de nos commentaires. Alors, je n'ai pas l'intention de vous... de procéder à la lecture de notre mémoire. Je vais tout simplement y aller, pendant ces 15 minutes là, de quelques commentaires sur le projet de loi n° 30 qui nous concerne ici, à la commission.
Le Président (M. Copeman): Je dois avouer, M. Vaudreuil, dans un moment d'inattention, j'ai manqué quelque chose, là.
M. Vaudreuil (François): J'ai dit que je vous remerciais de l'invitation...
Le Président (M. Copeman): Oui, ça je l'ai compris.
M. Vaudreuil (François): Alors là j'y vais.
Le Président (M. Copeman): Très bien, allez-y.
M. Vaudreuil (François): C'est beau? C'est parce que j'attendais que...
Le Président (M. Copeman): Oh! Non, non, non. Excusez-moi, bien, un malentendu. Allez-y directement.
M. Vaudreuil (François): Non, non, j'attendais tout simplement que les gens puissent écouter, là. Alors donc, dans un premier temps, je voudrais vous indiquer que, à la CSD, on est très préoccupés, on est troublés par la présentation d'un tel projet de loi. Dans un premier temps, je voudrais vous indiquer qu'à la CSD on est d'accord avec l'idée d'améliorer le réseau de la santé et des services sociaux au Québec. Pour nous, c'est une préoccupation qui est très grande. Et, quand on se présente en commission parlementaire, souvent on travaille avant la commission puis on se dit quelles sont les propositions qu'on pourrait soumettre pour tenter de bonifier le projet de loi qui est sur la table et pour qu'on puisse travailler aussi à l'idéal d'améliorer notre réseau de santé et des services sociaux.
Bon. C'est dans cet esprit-là qu'on a travaillé, parce que, à la CSD, on est animés et on croit profondément que c'est par la négociation, par les échanges qu'on peut trouver des solutions aux problèmes, qu'on est capables de définir des alternatives et de développer des innovations. Alors, évidemment, on est de l'école de pensée qu'on croit que, pour qu'une entente ou un modèle soit durable, il doit être partagé par l'ensemble et il doit faciliter le respect mutuel des différents intervenants dans ce milieu. En somme, ce qu'on dit: Il est toujours mieux de convaincre quelqu'un que de vaincre, pour avoir une situation qui est durable ou pour en assurer la pérennité. Et donc, par principe, on est opposés à la manière forte de procéder à des fusions, parce que des décisions sont imposées et parce que, quand on impose des décisions, ça crée du ressentiment. Et ce ressentiment que ça crée, ça ne doit pas être interprété comme la peur du changement mais bien comme une réaction tout ce qu'il y a de plus humain face à une situation où les principaux intéressés ne peuvent décider de rien, où ils se sentent laissés pour compte, voire méprisés et bafoués.
Or, pour nos membres, qu'on a consultés sur ce projet de loi là, il n'y a aucune raison valable qui justifie la fusion forcée d'accréditations et la modification du régime de négociation qui est proposée dans le projet de loi, d'autant plus qu'on agit avec une très grande précipitation. Parce que, quand on regarde des modèles de changement, on est toujours animés par un principe directeur, c'est de dire: Quand on réorganise dans le réseau de la santé et des services sociaux, il faut être animés par la volonté de l'humanisation des soins. Mais, l'humanisation des soins, ça passe aussi par l'humanisation du climat de travail, par l'humanisation des relations de travail, donc de faire un milieu de travail où les gens vont être heureux de se rendre à chaque matin pour travailler.
Or, évidemment, ce n'est pas ce qui se passe actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il y a beaucoup d'inquiétude, il y a beaucoup d'insécurité, et je vous dirais qu'il y a beaucoup d'angoisse, notamment chez les gens qui oeuvrent principalement dans les services auxiliaires, parce qu'ils se sentent menacés, d'une part, par le projet de loi n° 31 et, d'autre part, par les réformes qui sont faites par le projet de loi n° 25 et n° 30, ce qui fait que ça crée un climat qui est exécrable.
Et donc, la question, c'est: Comment qu'on doit travailler, comment qu'on doit procéder pour faire des changements? Ça, c'est une question qui, à notre avis, est primordiale, parce qu'on se retrouve, avec le projet de loi n° 30, selon nous, à une réforme qui est purement technocratique, qui sert à assouvir la vision comptable du gouvernement et qui ne règle pas les problèmes que les gens, les travailleuses puis les travailleurs dans le réseau de la santé et des services sociaux, vivent quotidiennement. Au contraire, ce que ça va faire, M. le ministre, ça va créer des perturbations et ça n'humanisera certainement pas les relations, le climat de travail, ce qui est pourtant tant nécessaire.
Alors, jumelé, là, aux projets de loi n° 25 et n° 31, ça va créer des tensions, des conflits dans les milieux de travail, et puis ça n'entraînera sûrement pas l'objectif que vous vous fixez d'efficacité dans le réseau de la santé et des services sociaux.
n(21 h 50)n Si on regarde les grands sujets qui constituent le projet de loi n° 30, quand on parle du premier, de reconfigurer en cinq strates les accréditations actuelles, M. le ministre, je vais vous dire que je ne croyais pas vivre assez vieux pour voir un jour un gouvernement avoir l'audace, pour ne pas dire autre chose, de définir unilatéralement les accréditations. C'est une violation de notre Code du travail, c'est une violation des conventions internationales. Les travailleuses et les travailleurs sont assez intelligents pour définir eux-mêmes leur unité d'accréditation, et ça n'appartient surtout pas à l'employeur ? et ça, la jurisprudence est claire ? ça n'appartient pas à l'employeur ? les conventions internationales sont claires ? de définir l'unité d'accréditation. Il y a juste les syndicats dominés par les employeurs qui vont accepter que leur employeur définisse leur unité d'accréditation. Ça appartient aux travailleurs, ça, c'est très clair. Alors, sur le principe, évidemment, on ne peut pas accepter que l'État-employeur décide unilatéralement de la configuration des unités de négociation.
L'autre élément, quand on regarde au niveau des différents arguments, on pourra y revenir plus tard, parce que je ne voudrais pas... je veux dire, on a seulement 15 minutes dans cette... je reviendrai, au niveau des réponses, pour parler plus précisément de ces éléments-là. Mais, sur le principe, on n'est absolument pas là.
Quant à votre proposition de la définition du nouveau régime de négociation, on a essayé de comprendre autant comme autant pourquoi vous vouliez nous amener, comme ça, à partir des objectifs d'améliorer le réseau de la santé et des services sociaux... On s'est dit: Comment, pourquoi qu'ils veulent changer le régime de négociation, alors qu'on a déjà entrepris un processus de négociation? Et je vous rappellerai, M. le ministre, que, quand on a rencontré les quatre présidents et présidentes des centrales syndicales, le 1er mai dernier, on avait dit à M. Charest ? parce qu'on avait discuté de la question de reconfiguration des accréditations ? on avait dit à M. Charest: Écoutez, ce n'est pas le temps de faire ça, on est en négociation, ce n'est pas le temps de perturber les négociations, on commence le processus de négociation. Et on a dit: Il y a l'équité salariale qu'il faut régler, puis, après ça, on va s'asseoir puis on va le regarder puis on va trouver des solutions, mais à partir des principes, à partir des principes qui nous gouvernent puis qui font en sorte que les unités de négociation ont été définies comme elles l'ont été.
Alors donc, ça non plus, on ne peut pas accepter ça, ça va être un fouillis, ça va être incroyable. On va se retrouver dans une négociation locale avec des éléments de la convention collective, qui sont excessivement importants, sur lesquels le rapport de force qui doit être équilibré pour permettre que les relations de travail soient civilisées dans un milieu, ça n'existera plus. Il n'y a pas un employeur qui aura intérêt à négocier: il va s'asseoir sur son offre puis il va demander à l'arbitre de statuer, puis, à partir des critères que vous avez établis dans la loi, l'arbitre ne pourra pas faire autrement que de donner raison à l'employeur, et ça va faire en sorte que les conditions de travail, on ne sera pas capables de les améliorer. Parce qu'un régime de négociation, l'objectif d'un régime de négociation, c'est permettre l'amélioration des conditions de travail et des conditions de vie des femmes et des hommes qui oeuvrent dans ces établissements. Donc, sans rapport de force véritable, avec le peu de pouvoir qu'on va avoir, au mieux, on aura la stagnation des conditions de travail, c'est-à-dire qu'on ne sera pas capables de les améliorer. Ça, ça va être le mieux. Évidemment, dans un modèle comme ça, dans votre nouveau régime de négociation, ça risque de stigmatiser des conflits, de scléroser le milieu de travail et de faire en sorte de créer des nouvelles pressions qu'on ne sera pas capables de régler.
Concernant le processus d'accréditation, bien, écoutez, là, encore là, il y a des règles qui apparaissent pour lesquelles on est en désaccord profond. Il existe actuellement, en vertu du Code du travail... la Commission des relations de travail a des pouvoirs qui sont clairs et qui permettent de résoudre les problèmes qui sont là. Et je vous reviendrai sur le nombre d'accréditations, les cinq strates. À la CSD, dans certains établissements, il y a eu des fusions qui se sont faites: il y a eu des centres de santé; on a des endroits où, dans le réseau intégré, comme vous dites, d'un CLSC, d'un CH et d'un CHSLD, on a trois accréditations, les travailleuses puis les travailleurs ont décidé ça. Demain matin, il va y avoir l'imposition par l'employeur de redéfinir ça en cinq? Voyons donc, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas. Et, si les travailleurs ont décidé de ce modèle-là, c'est parce que c'est ce qui leur convenait le mieux. Alors donc, évidemment, pour toutes ces raisons, nous, ce qu'on vous dit, c'est: le risque, si jamais vous allez de l'avant avec ce projet de loi... parce que, nous, on vous demande tout simplement de le retirer; on va s'asseoir, on va discuter, on va travailler pour être capables de répondre aux problèmes du réseau de la santé et des services sociaux.
Mais, je dois dire, il faut faire ça avec le monde. Puis, quand je regarde le réseau de la santé et des services sociaux puis qu'on discute avec des travailleuses puis des travailleurs puis, après cinq minutes, la première affaire qu'ils nous parlent, c'est du nombre de mois puis du nombre d'années qu'il leur reste avant de s'en aller à la retraite, la motivation est à terre, M. le ministre. Ceux qui nous ont précédés vous l'ont témoigné: la motivation est à terre. Quand on regarde les résultats, par exemple, de la recherche du Pr Brun, de la chaire de l'Université Laval, où il y a 54 % des gens qui souffrent de détresse psychologique dans le milieu de la santé et des services sociaux, il y a des problèmes beaucoup plus urgents que de modifier les reconfigurations des accréditations. Il faut travailler à motiver le monde; il faut travailler à leur donner de la reconnaissance; il faut travailler à leur donner plus d'autonomie; il faut travailler à faire en sorte que ces gens-là puissent prendre plus de décisions sur les lieux de travail pour être capables de s'accomplir puis que le travail ne soit plus pénible. C'est ça, les priorités, M. le ministre. Parce qu'on ne pourra jamais humaniser les soins si on n'est pas capables d'humaniser les milieux de travail.
Et puis, quand on effectue des grands changements ? parce que, là encore, on se dit: Bon, bien, on n'a pas la science infuse de la vérité ? quand on entreprend un changement, regardons... Parce qu'on en fait beaucoup, de changements, à la centrale, on en fait beaucoup dans les milieux de travail, dans le privé, entre autres, ça vire, puis pas à peu près. C'est quoi, les règles d'or du changement? La littérature pour la réussite d'un changement, c'est quoi? Les règles d'or sont au nombre de cinq. Le premier d'un changement, c'est pourquoi, puis la légitimité. C'est-à-dire, la légitimité est l'ampleur du changement. Alors, il faut obtenir qu'il y a à peu près, dans les grands chantiers de réingénierie un peu partout ? ce n'est pas juste au Québec, ça... En Amérique, il y a une réingénierie sur 10 qui fonctionne, hein. Il y a une sur 10 qui fonctionne très bien puis qui atteint ses objectifs. Donc, sur la légitimité, ça, c'est le premier élément, il faut que ce soit partagé.
Le deuxième, c'est: d'où on part? Il faut faire un diagnostic de la situation, hein, et il faut être capable de faire une évaluation au niveau du climat de travail, par exemple, au niveau des relations de travail. Tous les éléments constitutifs d'une entreprise. D'où on part? Et, voyez-vous, cette démarche-là de changement, on ne la fait pas.
Et l'autre, le troisième, c'est: comment on y va sur l'approche de changement, l'implication, la transparence, la formation continue, les communications? Est-ce qu'il y a un comité de pilotage pour gérer ce changement-là? Or, on ne vit pas ça. Et tous les grands chantiers qui ont réussi au niveau du changement, ça prend entre 18 et 46 mois, quand toutes les conditions sont réunies, c'est-à-dire où les gens dans le milieu partagent la nécessité du changement. On ne retrouve pas ça dans votre proposition.
Le Président (M. Copeman): En conclusion, M. Vaudreuil, s'il vous plaît.
M. Vaudreuil (François): Oui. Les deux éléments, je termine là-dessus: l'autre, c'est sur le leadership du changement. Il faut absolument associer les leaders des organisations. Dans le réseau de la santé, ce que ça veut dire, c'est les directions syndicales, ça veut dire les ordres professionnels, ça veut dire tous les groupes, pour être capables... qu'on va réussir notre modèle.
Et le cinquième, enfin, c'est l'évaluation. Donc, pour résumer, le modèle qu'on a devant nous n'est pas nécessaire, il n'y a pas lieu de se précipiter. Et puis, troisième élément, tout ce que ça va faire, c'est que ça va alimenter des tensions, et on ne réglera rien des problèmes, des difficultés qu'on a actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux, malgré toute la bonne foi des travailleuses et des travailleurs qui le composent.
Le Président (M. Copeman): Merci, M. Vaudreuil. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.
n(22 heures)nM. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Vaudreuil, pour votre éloquente présentation.
La question: Pourquoi? Je pense qu'il est clair que, pour plusieurs raisons, notre système de santé et de services sociaux au Québec n'atteint pas le niveau de performance ? puis, quand je dis «performance», je ne parle pas d'économie, je parle de qualité puis de continuité de services aux gens, là ? que les gens sont en droit de s'attendre. Les raisons sont multiples, puis ce n'est pas juste l'organisation du travail: le sous-financement chronique, la pénurie de personnel, entre autres, produite littéralement par des décisions de mise à la retraite massive. On connaît les autres problèmes également.
Et un des verrous du système de santé, que beaucoup d'analystes ont constaté depuis des années et des années, c'est justement la rigidité dans l'organisation du travail, qui se traduit en termes concrets par les grands nombres d'accréditations syndicales, des situations d'une extrême complexité. On avait les gestionnaires du réseau ce matin, puis on en aura d'autres demain, qui sont venus nous expliquer, en pratique, là, qu'est-ce que ça apporte comme problèmes, ce nombre d'unités syndicales là. Puis vous parliez d'humanisation des soins, bien, je peux vous dire qu'on a entendu des témoignages qui montrent une relation directe entre la complexité, par exemple, d'afficher un poste, d'avoir un remplacement, d'avoir une continuité de poste, à cause des problèmes actuels de multiplicité des accréditations. Et ça, il est clair que ça a un effet direct sur la qualité et la continuité des soins puis des services aux gens.
Pour ce qui est de la légitimité, bien, je pense que, là, c'est un des éléments dont on a parlé depuis longtemps, nous, au Parti libéral, que vous allez retrouver en fait littéralement dans notre programme électoral, dans le livre Partenaires sur la santé, et je pense que ça a été clairement expliqué, ça, à l'électorat lorsqu'on s'est présentés devant eux. Et, si on a été élus, c'est, entre autres, à cause de la priorité qu'on a accordée au système de santé, qu'on a concrétisée cette année par le plus important investissement dans le secteur depuis des années et ce qu'on fait dans le projet de loi n° 25 et le projet de loi n° 30, qui visent essentiellement à quoi faire? Améliorer notre système de santé et le rendre plus souple, plus adapté aux besoins des gens, pour que ce ne soit plus eux qui aient toujours à s'adapter à notre système puis à la structure.
Vous avez encore mentionné la sous-traitance. Je sais que c'est répétitif pour nos collègues, parce que chaque fois je suis obligé de le mentionner parce que c'est important: la sous-traitance, vous le savez, là, elle existe déjà dans le système de santé, dans plusieurs endroits, puis elle est déjà très bien balisée, d'une part, par le jugement des administrateurs, qui sont venus d'ailleurs nous le dire ce matin même, qui ont constaté que dans beaucoup de secteurs ce n'est pas avantageux du tout de faire la sous-traitance.
C'est pour ça qu'il y en a même qui avaient des contrats de sous-traitance qui les ont annulés parce qu'ils ont trouvé que les travailleurs du secteur public avaient une meilleure performance puis, finalement, des meilleurs coûts que les contrats de sous-traitance qui leur étaient offerts. Puis, d'autre part, dans les conventions collectives, comme vous le savez, il existe de nombreuses dispositions qui encadrent et réduisent et balisent le recours à la sous-traitance. Puis, les conventions collectives, elles vont continuer à être négociées puis elles vont continuer à être signées, puis il y aura encore le même genre de clauses dedans.
Et c'est pour ça que je vous affirme ici que en aucun cas il s'agit ici d'une violation du Code de travail ou de conventions internationales. Il ne s'agit pas, en aucun cas, de limiter la syndicalisation des gens et surtout pas de choisir leur représentation syndicale. Les gens vont choisir leurs syndicats par les votes démocratiques. Ils vont tous pouvoir être syndiqués. Il n'y aura pas une personne de moins qui va être syndiquée après qu'avant. On augmente même le nombre de syndiqués dans le réseau de la santé avec ça, en permettant ou en donnant la voie pour la syndicalisation de ce qu'on appelle, en termes techniques, les syndicables non syndiqués, là ? je ne sais pas si ceux qui sont dans le réseau connaissent les gens dont je parle ? des milliers de personnes qui actuellement sont théoriquement syndicables mais qui ne sont pas syndiquées. Et il y a dans le projet de loi une façon d'augmenter donc la syndicalisation de ces gens-là. Vous conviendrez avec moi, c'est assez rare de voir un gouvernement prendre des dispositions pour augmenter le taux de syndicalisation dans un réseau.
La négociation locale, bien sûr, vous préoccupe. Nous, on y voit une réponse à ce que vous avez mentionné, d'une part, l'humanisation. Quand on n'est plus en contrôle de ce qui se passe dans son environnement, et puis ça, ça inclut surtout les travailleurs, les travailleuses de ces centres-là... Quand on a son mot à dire sur la façon dont le travail va être organisé et que ce n'est pas continuellement renvoyé à une table plus éloignée, on a beaucoup plus de sensation de prise de pouvoir, de prise de possession de son milieu de travail.
Dans votre exposé, vous avez également parlé du problème du rapport de force, et je pense que vous faisiez allusion aux dispositions dans le projet de loi où on inclut la notion des services, la notion des coûts, je pense, dans les critères qui doivent guider le médiateur-arbitre. Je sais que ma consoeur, elle n'aime pas ça quand je parle du niveau municipal. Je vais faire attention de ne pas faire des erreurs, parce qu'elle connaît le dossier beaucoup mieux que moi! Mais elle a dit tantôt que... On lui a dit tantôt qu'il y avait un projet de loi qui utilisait, pour le monde municipal, la limitation de coûts comme critère, pour la ville de Montréal entre autres, là, lors de la formation des nouveaux syndicats, puis elle a corrigé en disant ? puis je la remercie ? que c'était uniquement temporaire, pour le temps de la formation de la nouvelle ville. Sauf que, rétrospectivement, ce qu'on constate de cette expérience-là où il y avait théoriquement ce débalancement du rapport de force que vous décrivez, c'est que la grande majorité des ententes locales se sont négociées sans qu'on ait eu besoin d'avoir recours au médiateur-arbitre. Il n'y a que les cols bleus, je pense, qui ont dû avoir recours aux médiations-arbitrages. Tous les autres corps d'emplois, même dans cette situation que vous décrivez comme contraire au rapport de force normal, ont négocié librement puis ont signé des conventions collectives.
Vous avez touché également un point qui me préoccupe effectivement, dans le projet de loi, puis je voudrais trouver une solution à ça, honnêtement, là, c'est la question des petits établissements qui ont moins que cinq unités d'accréditation. Vous aviez parlé tantôt d'un exemple de trois unités d'accréditation. Ça se divise en plusieurs catégories, ces établissements-là. Il y a les petits établissements publics qui pourraient éventuellement être intégrés dans les réseaux locaux, donc possiblement que le problème devient temporaire. Il y en a d'autres qui ne le seront pas, où le problème va rester. Puis il y a les privés conventionnés, qu'on a entendus tantôt. Alors, on veut vraiment travailler à trouver une solution pour ça. Si vous en aviez à nous suggérer, j'apprécierais.
Parce que j'ai apprécié également l'esprit de votre présentation, qui est un esprit, je dirais, de critique de ton constructif, là, je tiens à le souligner. Si vous aviez un moyen pour nous suggérer... une façon de s'attarder à ce problème-là des petits établissements de moins de cinq unités. Le problème qu'on voit, nous, c'est effectivement le danger de créer deux régimes différents, distincts: un pour les petits établissements puis un pour les plus grands. Jusqu'à quel point on ne nuit pas aux gens, justement, en créant ça, aux travailleurs de ces petits établissements là, lorsqu'ils auront à cheminer dans le réseau dans le cadre d'un changement de carrière? Alors, si vous pouviez nous donner, je dirais, votre éclairage là-dessus, ça nous serait certainement très utile.
Et la motivation des employés, j'en suis très conscient, que les employés sont fatigués dans le réseau de la santé et des services sociaux. J'y ai vécu, dans le réseau, puis j'y ai travaillé pendant des années, puis j'ai vu des gens puis les miracles qu'ils réussissent à faire avec le peu de ressources qu'ils ont eues pendant longtemps. Je voyais, ce matin, à l'urgence de l'Hôpital Charles-Lemoyne, il n'y a plus un seul patient qui est là depuis plus de 48 heures. Je veux dire, c'est extraordinaire. Puis ça, on a beau dire, nous autres, effectivement, on a mis des politiques, on a mis de l'argent dans les soins à domicile puis on a amélioré la région, mais c'est fondamentalement les gens sur place qui ont réussi ça, puis dans des conditions très, très difficiles. Et ça, on leur en est immensément reconnaissants.
Et s'il y a quelque chose, d'après moi, puis probablement, peut-être, que vous allez trouver que je fais erreur, mais, s'il y a quelque chose, d'après moi, qui va accentuer la motivation du personnel de notre réseau, c'est d'avoir son mot à dire dans l'organisation du travail local, en se souvenant qu'il y a 80 %, 90 % des éléments, dû à la convention collective, qui restent au niveau central, de toute façon, puis c'est les principaux éléments qui font achoppement, en général, dans les négociations. Salaires, etc., là, tout ça reste au niveau national, et les gens vont avoir la possibilité réellement de s'impliquer. Puis ils le font, puis je pense qu'ils veulent le faire, de même que les administrateurs, pour créer un milieu de travail qui leur ressemble puis qui tient compte des différences interrégionales.
Alors, c'est essentiellement les remarques que je voulais vous faire. On n'a pas tellement touché, dans votre présentation, sur les strates. Je crois que vous y avez fait allusion à un moment donné. Si vous aviez des commentaires à soumettre là-dessus également, sur la façon dont on a réparti les différents corps d'emplois. Et, encore, si possible, revenir à cette question des petits établissements de moins de cinq unités, j'apprécierais vos commentaires dans ces deux questions-là.
M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Bon. J'aurais plusieurs commentaires, là. Je vais n'en réserver que cinq ou six. Le premier, là, pour nous, le grand nombre ou la multiplication d'accréditations dans les établissements, c'est une psychose qui a été créée, ou, si ça existe, ça existe dans quelques établissements, et, de vouloir imposer un modèle mur à mur pour l'ensemble du Québec, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas, M. le ministre. Ça va... Je vous l'ai dit, ce n'est pas de même, ce n'est pas de même qu'on peut travailler un changement puis ce n'est pas de même qu'on peut le réussir. Alors, pour nous, il n'y en a pas, de problème, dans les établissements.
Puis, quand je vous parlais de trois unités d'accréditation, c'est en région. C'est un centre qui a été fait où le CLSC a été intégré, le CH a été intégré, le CHSLD. Il y a 250 personnes. Je ne sais pas si vous considérez ça dans la catégorie des petites unités. Eux... Ce que je veux vous expliquer, c'est que, suite aux fusions des établissements, les travailleuses et les travailleurs, le choix qu'ils ont fait, le choix qu'ils ont fait dans cette région-là, c'est de se donner trois unités d'accréditation. On a un autre groupe, un autre CH avec des CHSLD ? c'est ça?
Une voix: Oui.
n(22 h 10)nM. Vaudreuil (François): Oui. Donc, on a plus de 1 000 membres. Savez-vous comment qu'on a d'unités d'accréditation? On en a trois, à part des petits groupes qui sont venus tantôt, là, qui représentent les technologistes, bon, les différentes catégories professionnelles. Mais ça, 90 % des gens sont dans trois unités. C'est un groupe de 1 000. Je ne sais pas si vous appelez ça une petite unité, là. Dans votre nouveau modèle, je ne sais pas qu'est-ce qui est une petite unité. Mais, pour moi, 250, ce n'est pas une petite unité, puis 1 000, ce n'est pas une petite unité. Puis, de toute façon, il n'y en aura pas beaucoup, de petites unités, là, s'il y en a, au Québec, sur le principe... si vous appliquez le principe du réseau intégrateur.
Mais l'idée derrière tout ça, M. le ministre, c'est que, dans les relations de travail, l'historique, les juges du Tribunal du travail se sont penchés sur cette question-là pour faire en sorte qu'il y ait un équilibre au niveau du rapport de force, pour qu'on civilise les relations de travail, pour qu'il y ait une paix, et les employeurs, les administrateurs du réseau étaient d'accord pour que les professionnels aient leurs propres unités. Et, quand ces décisions-là ont été rendues, dans les années soixante-dix puis au début des années quatre-vingt, quand ça s'est répandu, ces décisions-là, au niveau du Tribunal du travail, les juges ont pris en considération tout le volet de la paix sociale, et du rapport de force, et de la communauté d'intérêts. Puis les employeurs étaient d'accord. Ils ne s'objectaient pas. Ils ne s'objectaient pas.
Puis, quand on dit... Prenons un exemple: 90 % des 1 000 salariés sont dans trois unités, hein, alors, ça, ce n'est pas problématique. Et, même s'il y avait sept ou huit unités pour le petit groupe qui reste, pensez-vous qu'administrativement ils sortent la convention collective à tous les jours pour administrer ça? Souvent, c'est des groupes de deux, trois, quatre, cinq salariés, ça ne pose pas de problème, ils connaissent les conventions collectives, ça fait des décennies qu'ils travaillent avec ça.
Moi, je pense qu'on a voulu créer une psychose. Puis, dans la population, de façon générale, on a peut-être réussi. Sauf que, quand on regarde le système, la façon dont il fonctionne, il va très bien, M. le ministre. Il va très bien. Puis, je vous le dis, dans des fusions, souvent on se retrouve à moins de cinq. Puis là on va faire en sorte... on va obliger les gens qui ont fait un choix puis que ça a été accordé par la Commission des relations de travail, leur dire: Non, non, non, non, non, ça, ça ne fonctionne pas, ce n'est plus à vous, les salariés, de décider, ce n'est plus à vous, les infirmières auxiliaires, de décider d'être avec les gens de l'entretien ménager. Vous n'avez plus un mot à dire là-dessus, c'est nous, l'État-employeur, qui décidons de la configuration.
Et, quand je vous dis «ça ne fonctionne pas», ce droit-là, il appartient aux travailleuses puis aux travailleurs, puis ils sont suffisamment intelligents puis responsables pour définir leurs propres unités d'accréditation. Et ce que la Commission des relations de travail fait, la Commission des relations de travail, elle regarde ça puis elle se dit: Est-ce que le modèle est viable? Le modèle est viable, donc j'accrédite. Alors, ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas à l'employeur de décider ça. Ça, c'est un droit aux travailleuses et aux travailleurs. Puis, quand je vous dis que ça vient heurter l'esprit des conventions internationales, c'est dans ce cadre-là. C'est dans ce cadre-là. Puis, la Commission des relations de travail, elle fait son travail, elle fait très bien.
Puis, quand il y a des fusions d'accréditations, M. le ministre, avec les nouveaux pouvoirs qui ont été consentis au Commissaire à l'article 46, il trouve des solutions appropriées. Les trois groupes que je vous dis, dans le centre de santé qu'il y a 250 personnes, là, ça s'est fait avec la Commission des relations de travail. Ils ont cette expertise-là, M. le ministre. On n'a pas besoin de changer l'économie des relations de travail au Québec. Ça va créer des tensions incroyables à tous les niveaux. Ça va ajouter de l'insécurité, de l'insatisfaction. Ce n'est pas de même qu'il faut se prendre pour remettre le régime sur pied. On fait une erreur. Je n'ai trouvé personne, de toutes les personnes avec qui j'ai discuté pour essayer de trouver des choses intéressantes, pour arriver puis dire: Bon, bien, on pourrait peut-être... Personne. Personne, M. le ministre. Personne. Alors, ça, ça nous inquiète profondément.
Quand vous parlez du taux de syndicalisation, puis tout ça, l'autre élément qui choque beaucoup les gens, hein, c'est la liberté de choix. Pourtant, c'est une valeur libérale qui est importante, ça, la liberté de choix. Alors, cette liberté de choix que les gens ont faite d'une affiliation syndicale, bien, par la nouvelle reconfiguration, ça va être complètement défait. Non seulement ils ne pourront plus décider de leurs unités d'accréditation... les infirmières auxiliaires ne pourront plus décider d'être avec les préposés à l'entretien ménager, ça, ce n'est pas de leurs affaires, c'est l'État-employeur qui décide. Premier élément.
Deuxième élément, au niveau de leur liberté syndicale, hein, elle est drôlement restreinte, l'exercice de la liberté syndicale. Parce qu'on va se retrouver avec la loi du nombre, l'application de la loi du nombre, ça va favoriser des organisations, puis on va risquer de se retrouver dans des situations, pas de monopole, mais de quasi-monopole, avec les dangers que ça a, pas à court terme, pas demain matin, pas dans un an, pas dans deux ans, mais on sait très bien les risques de dérapage qui sont associés là-dessus à moyen et à long terme. Alors, dans ce cadre-là, vous affaiblissez la liberté de choix qui existe actuellement. Ça, c'est un autre élément qui nous inquiète beaucoup.
Quand vous parlez d'humanisation, regardez, on a ça en commun, puis je pense qu'on peut bâtir à partir de ça, sauf que l'outil que vous prenez, là, il n'est vraiment, mais vraiment, mais vraiment pas approprié, M. le ministre. Puis, quand je vous parle de rapport de force, dans le local, là, avec les pouvoirs qui sont donnés à l'arbitre-médiateur... Quand on dit à l'arbitre-médiateur: Tu vas évaluer le dossier sur la dernière offre qui est la meilleure, en fonction de l'efficacité des services puis de façon à ce que ça ne coûte pas plus cher, comment vous voulez améliorer les conditions de travail? M. le ministre, la négociation collective, c'est là pour améliorer les conditions de vie des gens. On va se retrouver dans une situation de stagnation.
Le Président (M. Copeman): M. Vaudreuil, il faut que je vous arrête, malheureusement, nous avons déjà dépassé l'enveloppe du temps. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Mais nous n'avons pas terminé, n'est-ce pas? Alors, M. Vaudreuil, les personnes qui vous accompagnent, M. Pépin, qui est directeur du Service de recherche, et M. Bérubé, et vous êtes?
Une voix: M. Dussault.
Mme Harel: M. Dussault. Alors, j'aime beaucoup votre argumentaire, M. Vaudreuil. Le ministre nous a parlé de sous-traitance, et j'aimerais ça qu'on revienne à votre mémoire, à la page 5 de votre mémoire. Moi, je lis le programme libéral qui a été rendu public durant la dernière campagne électorale, et ce que je lis me fait comprendre pourquoi les gens sont si inquiets. Ce que je lis, là, c'est... ce n'est pas ce que le ministre nous dit. Je le lis, page 52: «Un gouvernement du Parti libéral du Québec amorcera, dès la première année de son premier mandat, une réorganisation majeure du travail au sein du réseau de la santé et des services sociaux afin qu'il soit adapté à la réalité des années 2000.» Et ça dit, parmi les choses qu'ils vont faire: «Une réduction du nombre d'unités d'accréditation syndicale». Ça ne dit pas comment, par exemple, là. Réduction, il y a bien des moyens puis il y en a plusieurs qui nous ont été proposés ce soir. Et ça dit aussi, dans le chapitre de la santé: «Une facilitation du recours à la sous-traitance par un assouplissement de l'article 45 du Code du travail». Ça n'a rien à voir. Ça n'a rien à voir.
C'est dans le programme libéral de la campagne électorale. Ça concerne la santé, là, c'est le programme sur la santé et ça dit: «Une facilitation du recours à la sous-traitance par un assouplissement de l'article 45 du Code du travail». Alors, je veux bien, moi, que le cheval blanc de Napoléon soit noir pour le ministre, mais, pour moi, le cheval blanc de Napoléon, il est blanc. Alors, il y a donc une volonté plus grande de recourir à la sous-traitance. Et celui qui a peut-être été le plus franc dans tout ça, c'est le premier ministre. Il a envoyé une lettre ouverte aux Québécois, il l'a publiée dans tous les quotidiens, pour les informer que son intention était, dans la santé et les villes, de favoriser la sous-traitance.
Dans ce programme, il y a aussi, à la dernière page, le tableau de l'engagement... du total des réinvestissements en santé du prochain gouvernement libéral, n'est-ce pas? Alors, ça dit, pour 2004-2005: 2,2 milliards. Et là imaginez l'entourloupette, là on nous dit, le ministre, en Chambre, nous a dit aujourd'hui: 2004-2005, on a déjà commencé à le faire en 2003-2004, là, l'année budgétaire dans laquelle on est. Comme ça, ils vont essayer de déduire de leur engagement, l'an prochain, ce qu'ils ont déjà mis cette année. Aïe! ça, c'était... ça, là... Ça, c'est tout un tour de magie, ça. Et, en plus de ça, c'est que, cette année... Tantôt, j'ai noté les paroles du ministre: Important investissement cette année. Le ministre des Finances l'a repris: Entièrement avec l'argent du fédéral, 1,3 milliard, budget équivalant à celui que Mme la députée de...
Une voix: Taillon.
Mme Harel: ...de Taillon avait déposé, mais sans argent neuf du Québec, entièrement. 1,3 milliard, c'est l'argent arraché au fédéral pour les trois prochaines années, cette année et l'an prochain. Ils prennent la réserve de l'an prochain, ils l'additionnent avec le 800 millions de cette année, ils en détournent une partie pour d'autres fins que la santé, et là ils disent: Plus important investissement cette année, avec l'argent du fédéral, pour cette année et pour l'an prochain. Imaginez, comme engagement, il n'y a à peu près que leur engagement qui concerne la perte des droits des travailleurs qu'ils respectent, parce que, les autres engagements, ils sont déjà en train de les mettre de côté.
n(22 h 20)n Alors, je vous reparle donc de ce qu'on retrouve ici, à la page 5, vous dites: «Grâce au projet de loi n° 31 ? qui concerne le Code du travail ? les directions d'établissement n'auront qu'à ne pas transférer certains des éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée pour que le tour soit joué, c'est-à-dire pour que l'accréditation et les conditions de travail ne suivent pas.» À l'heure actuelle, l'inquiétude de vos membres, nous dites-vous, est très grande.
C'est donc dire que pour comprendre l'état d'esprit il faut faire une lecture croisée des différentes lois qui sont devant nous. Est-ce que je comprends que l'invitation qui vous est faite par le ministre, c'est, dans le cadre des conventions, utiliser un rapport de force pour signer une convention collective qui vous mette à l'abri de la législation qu'ils veulent imposer, c'est-à-dire le projet de loi n° 31?
M. Vaudreuil (François): Oui. Évidemment, on n'est pas... On est dans une situation excessivement difficile. D'une part, il y a... Ce qui m'inquiète profondément... ce qui m'inquiète profondément, c'est qu'on assiste à une gestion du réseau de la santé et des services sociaux qui est animée par une vision comptable. Je veux dire, on sent partout que la prédominance, c'est la vision comptable. Alors, on nous parle d'efficacité, on nous parle de clientélisme. Moi, il n'y a rien... Moi, je ne suis pas capable d'endurer d'entendre parler de clients dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Qu'on applique la logique marchande à des soins humains, moi, je ne suis pas capable. Je veux dire, c'est des bénéficiaires, c'est des gens qu'on aide, mais ce n'est pas, surtout pas des clients. Je veux dire, on est rendus que, les rapports humains, on les marchande. Alors, moi, je ne marche pas dans cette logique-là. Mais tout ça pour dire que c'est la gestion comptable, d'une part, qui anime, et, d'autre part, pour assouvir ces besoins de la vision comptable, je veux dire, on va... on est prêts à marchander, à marchander les emplois, à marchander la vie du monde et de se retrouver... Parce qu'on ne fera pas de la sous-traitance pour payer le même prix ou pour payer plus cher. On va faire de la sous-traitance pour payer les gens moins cher. Donc, on va se diriger directement avec l'appauvrissement.
Puis, tu sais, je peux vous donner un exemple. Parce que, dans les consultations que j'ai faites avant de venir ici, je discutais avec une présidente d'un syndicat d'un centre d'accueil où l'entretien ménager a été donné en sous-traitance à une entreprise privée. Ça coûtait moins cher, mais c'est sûr que les toilettes, au lieu d'être nettoyées deux fois par quart de travail, elles étaient nettoyées aux deux jours. Alors, je n'aurais pas voulu aller aux toilettes la deuxième journée, mais c'était ainsi. Alors, le syndicat a fait une proposition à l'employeur, et il a fait une proposition de travail en appliquant la convention collective, et il arrivait au même taux que le sous-traitant. L'employeur l'a refusée, pour une raison bien simple, il a dit: Je ne veux plus avoir à gérer ça, et je suis bien trop bien, je n'ai rien qu'un contrat à donner et puis c'est fini. Mais c'est sûr que des gens qui font l'entretien dans les hôpitaux, ça n'a pas de billet de hockey au Centre Bell puis, je veux dire, ça n'amène pas souper dans les grands restaurants. Ils n'ont pas ces moyens-là.
Mais tout ça pour vous dire que l'autre élément, c'est qu'au niveau des négociations on va avoir des problèmes majeurs aussi. Ça va être corsé, parce qu'il va falloir négocier l'application de l'article 45 avec l'interprétation que la Cour suprême en a donnée en 2001, dans Ivanhoé et dans Sept-Îles. Ça fait que c'est sûr que le climat qui se dégage actuellement, on ne sera pas capables... C'est de berner la population du Québec de leur dire qu'en agissant de la sorte on va réussir à améliorer le réseau de la santé et des services sociaux. Et je vous le dis, M. le ministre: Vous pouvez compter sur nous pour travailler là-dessus, sur un programme de changement, il ne faut pas que ce soit stationnaire. Mais, les moyens, on ne les partage vraiment pas, M. le ministre. On vous dit: Tout ce que ça va faire, c'est que ça va détériorer les conditions du réseau et ça va appauvrir le monde.
Mme Harel: Le groupe qui vous a précédés a fait une proposition ? je ne sais pas si vous étiez présents ? c'est une proposition au niveau des moyens, justement. C'est-à-dire que, comme vous venez de le faire, ils ont dit au ministre: Votre objectif est louable, mais les moyens que vous proposez ne sont pas les bons. Ils sont même contraires à l'objectif que vous recherchez. Ça va créer un climat, dans un branle-bas général, qui va desservir en fait même les soins aux patients.
Et j'aimerais savoir si ce qui est proposé vous semble être opérationnel et, disons, aller dans le sens des objectifs recherchés, de diminution des unités d'accréditation syndicale. Ça dit ceci: «La fusion des unités de négociation détenues par un même syndicat dans un même établissement...» Par exemple, il y a des syndicats qui détiennent 10, 12, 14 unités d'accréditation. Alors, est-ce que vous pensez que ce serait un pas dans la bonne direction?
M. Vaudreuil (François): On n'a pas à toucher à ça. On n'a pas à toucher à ça, c'est déjà prévu dans la réforme du Code du travail qui a été faite. La dernière réforme du Code du travail, on a donné à la Commission des relations de travail... Puis, ils ont l'expertise. Puis les juges... Puis, je veux dire, il y a une jurisprudence qui a été bâtie par de savants juges qui ont fait en sorte qu'au Québec on a développé un modèle de relations de travail où on a la paix industrielle, où on a établi un rapport de force qui est intéressant, malgré la mondialisation, malgré un ensemble d'éléments. On a la société probablement la plus juste, où l'écart de revenus entre les gens est la moins grande dans toute l'Amérique du Nord. Regardez, là, il faut toujours bien ne pas mettre la hache là-dedans puis le bulldozer puis faire sauter ça, là.
En tout cas, il y a des principes directeurs, nous, dans un processus de changement, qui nous animent: le premier, c'est l'humanisation, le deuxième, c'est de regarder comment qu'on peut redistribuer plus équitablement la richesse. Alors, il y a certains principes directeurs, mais on ne les retrouve pas du tout dans le projet du gouvernement. Tout ce qu'on retrouve, c'est pour servir la vision comptable, et ça, ça me blesse profondément. Ça nous chagrine, parce qu'on passe à côté du principal problème, où il faut travailler avec le monde pour le monde, parce qu'on n'aura jamais d'humanisation des soins si on n'a pas une humanisation des milieux de travail.
Mme Harel: En partie, parfois, je me dis que c'est peut-être influencé par le fait qu'un projet de loi comme celui-là, normalement, est préparé au ministère du Travail. Par exemple, souvent le ministre fait référence au mécanisme qui était prévu lors des fusions municipales, mais ça a été préparé au ministère du Travail, et c'est la ministre du Travail qui, lors de l'examen en commission parlementaire, échangeait avec les organismes, parce que le droit du travail, les relations de travail, avec la jurisprudence, il y a tout un contenu, là, derrière cela.
Et, par exemple, même dans le cas des fusions municipales, la loi permettait aux parties, sauf pour les policiers, pompiers, là ? c'était autre chose ? mais de s'entendre sur la description des unités de négociation, et, à défaut, c'était la Commission des relations de travail qui effectuait la description. Mais en tout temps elle demandait à une personne... elle pouvait tenter d'amener les parties à s'entendre et elle tranchait le litige, mais la loi permettait aux parties intéressées de se faire entendre avant que le litige... Là, le litige, il est dans la loi, c'est-à-dire que le 15 minutes que vous avez pour vous faire entendre, après, c'est fini. Et, quand, moi, j'ai su que c'était au ministère de la Santé qu'ils avaient préparé une loi à contenu de relations de travail, là j'ai pensé: il va y avoir un problème. Parce que, si chaque ministère sectoriel commence à préparer, pour sauver son réseau parapublic, des lois, vous avez idée que ça va faire éclater vraiment l'ensemble des relations de travail au Québec. Je pense que ce n'est pas indifférent, ce problème-là.
Mais, dans votre mémoire, ce que j'ai beaucoup apprécié, c'est des exemples. Vous avez donné des exemples très concrets de personnes qui participaient à plusieurs titres d'emploi pour pouvoir se faire une semaine au complet. On nous a dit, du côté des gestionnaires: Ce n'est pas un problème, ça, on manque de personnel, alors on prend tout le monde, puis il n'y a pas personne qui manque d'ouvrage. Ça n'a pas l'air d'être évident. J'aimerais ça que vous nous en parliez.
n(22 h 30)nM. Vaudreuil (François): Oui. Bon. Différents commentaires. Au niveau des villes, on ne reviendra pas sur le débat, mais vous savez très bien, Mme Harel, qu'on n'était pas d'accord, au niveau des modalités qui avaient été appliquées dans la loi des villes, parce que ça accordait... ça entachait, mettons, la liberté d'action syndicale. Mais on ne reviendra pas sur ce débat-là, mais, cette partie-là, on n'était pas d'accord.
Mme Harel: Mais convenons que c'est encore pire, là.
M. Vaudreuil (François): Pardon?
Mme Harel: Convenons que le projet de loi n° 30 va encore plus loin.
M. Vaudreuil (François): Mais ce qui m'inquiète profondément, et ça... Ce que je voudrais vous dire: Ça, je partage votre inquiétude à l'effet qu'on sent que le ministère du Travail n'a pas toute la place qui lui revient quand d'autres ministères adoptent des législations. Ça, oui, c'est un glissement qui est fort préoccupant.
Le dernier élément, bien, vous avez parlé de la précarité, et, de mémoire, je pense qu'il y a 57 % des gens... vous me corrigerez si ce n'est pas la statistique juste, là, il y a 57 % des gens dans le réseau de la santé et des services sociaux qui ont un emploi... qui ont un statut atypique, qui n'ont pas un emploi régulier, et ces gens-là, pour être capables de gagner leur vie, c'est-à-dire de rejoindre les deux bouts, souvent vont occuper deux ou trois postes pour être capables de se compléter une semaine de travail. Et c'est évident que, dans l'exemple que je donnais tantôt, où il y a 1 000 personnes puis il y a trois unités qui couvrent 90 % des gens, il y a plusieurs...
Mme Harel: 12, hein? Dans votre mémoire, c'est l'exemple d'une bénéficiaire qui travaille à la fois aux cuisines et en même temps comme préposée.
M. Vaudreuil (François): C'est ça. C'est ça. Donc, ces personnes-là, comme ils vont se retrouver... Si c'était adopté, s'ils se retrouvaient dans deux strates, bien là on a un problème majeur, parce que c'est deux unités d'accréditation, c'est deux compilations d'ancienneté qui sont différentes, et, au niveau de la gestion, ce ne serait pas gérable. Ce ne serait pas gérable et puis ça compliquerait l'existence plus que d'autre chose.
Écoutez, il n'y a rien dans ce projet de loi là, mais rien, rien, rien qu'on trouve positif. On dénature tout l'esprit, toute l'économie des relations de travail au Québec, et puis ça va créer juste des zones de perturbation puis de tension.
Le Président (M. Copeman): Malheureusement, ça met fin à l'échange. Merci, M. Vaudreuil. Moi, j'aimerais savoir pourquoi on ne connaît pas la couleur du cheval du duc de Wellington. Mais ça, c'est...
Mme Harel: Le cheval blanc de Napoléon.
Le Président (M. Copeman): Non, mais de Wellington, là. Moi, je parle de Wellington. On a assez parlé de Napoléon, là.
J'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, après la période des affaires courantes, c'est-à-dire autour de 11 heures.
(Fin de la séance à 22 h 32)